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II

• CONSTRUCTION. Le complément intro- position là où nous employons dans et


duit par à peut être un nom précédé ou sur : Mais que diable allait-il faire à cette

a
a [a ou ] n. m. 1. Première lettre de l’alpha-
non de l’article : Conforme à la loi. Tasse
à thé ; un pronom : Pensez à nous ; un
infinitif : J’aime à me promener. Dans
l’ancienne langue, on plaçait volontiers,
en ce cas, le nom complément entre à et
galère ? (Molière) Jésus-Christ est mort
à la croix (Bossuet). C’est pourquoi vous
n’avez qu’un parti qui soit sûr ! | C’est de
vous renfermer aux trous de quelque mur
(La Fontaine). 3. Indique le lieu d’où
bet français et de la plupart des alphabets l’infinitif ; nous avons gardé l’expression : l’on extrait, d’où provient quelque chose
dérivés de l’alphabet phénicien. Depuis A Geler à pierre fendre. (au pr. et au fig.) : Puiser l’eau à la fon-
jusqu’à Z, du commencement à la fin. Ne taine. Retenir l’impôt à la source. 4. In-
À sert à introduire le complément
savoir ni A ni B, ne pas savoir lire, et, par dique un endroit précis, la situation
d’un verbe : Obéir à la loi. Donner aux
extens., ignorer les éléments d’une science, pauvres ; d’un nom : Fidélité au devoir ; dans l’espace : Être né à Paris. À table,
d’un art. Prouver par A + B, prouver avec il me servait le premier (Lamartine). Il
d’un adjectif : Utile à son pays.
une rigueur mathématique. 2. La pre- a passé deux mois à l’hôpital (Daudet).
• FORMES CONTRACTES. À se combine
mière des voyelles et la plus ouverte. (La Bovary partit un mercredi, qui était
avec l’article défini dans les formes au (à Mme
voyelle a présente en français trois varié-
+ le, devant une consonne ou un h aspiré) un jour de marché à Yonville (Flaubert).
tés : l’a antérieur ou palatal [a], tel que dans À mes pieds c’est la nuit, le silence (Here-
et aux (à + les, masculin et féminin) : Au
patte ; l’a postérieur [], tel que dans pâte ;
grenier, aux champs, au héros, aux idées, dia). La cloche qui à cent mètres d’ici tinte
enfin un a nasal [], tel que dans rang.)
mais à l’homme, à l’illustre héros. La (Valéry). Son bras levé et plié au coude
a- (devant consonne), an- (devant voyelle contraction n’a pas lieu avec le pronom (Samain). Avoir mal à la tête. Avoir froid
ou h muet), élément d’origine grecque, personnel : À le voir, à les entendre. aux mains. 5. En corrélation avec de,
entrant comme préfixe dans la compo- sert à déterminer l’espace compris entre
sition de certains mots, où il exprime « À » introduit les compléments deux points considérés : Que dans sa
l’idée d’absence, de privation (a dit « pri- circonstanciels d’un verbe. chair saignant de l’épaule à l’orteil | À
vatif ») : Amoral, Apesanteur, Apolitique ; chaque carrefour le fouet qui siffle morde !
ANalgésique, ANhydre. • I. NOTIONS D’ESPACEET DE TEMPS. 1. In- (Leconte de Lisle). 6. Indique un mo-
dique la direction d’un mouvement : Les ment précis, la situation dans le temps : Je
à [a] prép. (lat. ad).
rois vaillants et bataillards, la tête et les ne rentrais qu’à la nuit close (Lamartine).
• HISTORIQUE. Après de, auquel elle mains hardiment levées au ciel (Hugo). À onze heures il déjeunait (Flaubert). Ils
s’oppose souvent, la préposition à est la Cet emploi était plus étendu dans la [ses cheveux] sentaient aussi bon que les
plus fréquente et celle qui exprime les langue classique, où à était utilisé là où fleurs du jardin à cettè heure-ci (Bau-
relations les plus diverses et les plus géné- nous employons vers (sens de ad latin), delaire). À ce moment, à un moment
rales. Etymologiquement, elle continue emploi repris parfois par archaïsme, donné dans le temps, alors (s’oppose à en
le latin ad, qui marquait l’aboutissement surtout en poésie : Prenant à l’empire un ce moment, maintenant). À s’emploie
d’un mouvement vrai ou figuré, et qui chemin éclatant (Corneille). Le regard de régulièrement à la suite du verbe être
en outre, en latin vulgaire, avait assumé mon âme à la terre tournée (Hugo). Et le pour indiquer une date : Nous sommes
les rôles du datif (complément d’attribu- rouge soleil, au fond des nuits tragiques, | déjà à vendredi. J’ai une diable d’envie
tion) ; elle a hérité également de quelques Seul flambe et darde aux flots son oeil en- d’être à demain (Barbey d’Aurevilly).
emplois du latin ab (point de départ, sanglanté (Leconte de Lisle). 2. Indique Il lui tardait presque d’être à dimanche
agent de l’action), de l’ancien français od, le lieu d’aboutissement, le terme d’un (Mauriac). Cependant, le bon usage auto-
o (accompagnement, instrument), et, par mouvement (parfois en opposition avec rise l’ellipse de la préposition et l’on peut
l’intermédiaire des formes contractes, de, qui indique l’origine) : Aller à Mar- dire : Nous sommes vendredi. 7. En cor-
d’une partie des fonctions de en. D’où son seille. Se rendre de Paris à Lyon. La foule rélation avec de, s’emploie pour détermi-
aptitude à exprimer le lieu d’une action
nuptiale au festin s’est ruée (Heredia). ner un laps de temps compris entre deux
ou la position d’un objet dans l’espace et
Trois marches de porphyre noir descen- moments considérés : Du matin au soir, il
dans le temps, l’aboutissement, la desti- daient à un bassin où jaillissait une gerbe tirait les oiseaux (Maupassant). D’ici à,
nation, le résultat, mais aussi la cause, le
fine (Samain). Le fleuve [...] les pousse au à partir de maintenant jusqu’à, ou, dans
moyen ou l’instrument, l’accompagne-
golfe mexicain (Chateaubriand). Avec l’espace, à partir d’ici jusqu’à : D’ici à peu
ment, la manière ; d’où son rôle dans la
un nom désignant une profession, entre (Flaubert). D’ici à cinq minutes (Farrère).
construction du complément d’objet ou
dans des expressions familières ou popu- D’ici à Angkor (Benoit). Cependant, cette
d’objet secondaire d’un grand nombre de
laires comme aller au médecin, au den- expression se trouve employée sans à,
verbes. L’usage moderne a pourtant privé
tiste, etc. (le tour correct étant chez le mais le tour est d’un langage plus fami-
à de quelques emplois anciens ou clas-
médecin, chez le dentiste) : Maman allait
siques, qui peuvent subsister soit comme lier : D’ici demain. (D’ici là, d’ici peu,
le moins possible « au boucher » (Mau- d’ici quelques minutes, d’ici quelque
tours littéraires, soit dans des locutions
riac). J’ai dû m’interrompre pour mener temps, etc., sont toujours employés sans
figées, et qui seront signalés dans les sub-
Gustave au docteur (Gide). Mais on a dit à.) 8. S’emploie exclamativement dans
divisions de cet article.
aller au ministre, à l’évêque, dans le sens
certaines phrases elliptiques pour expri-
En outre, au XVIIe s., à servait à intro- de « s’adresser au ministre, à l’évêque » : mer un souhait, une intention se rappor-
duire quantité de compléments circons- Le curé a été au roi, lui représenter qu’il
tanciels pour lesquels nous employons tant à un moment ultérieur : À ce soir ! À
n’y a tantôt plus dans sa paroisse que des
aujourd’hui « avec » (accompagnement) : demain ! À vendredi ! Au revoir ! L’oncle se
auberges et des coquetiers (Racine). On va
Un arbre que le vent emporte à ses racines leva radieux en proclamant : « À ce soir les
au Sauveur de même qu’on se rend chez
(Viau) ; « selon » : Cette pratique est juste : affaires sérieuses » (Maupassant).
un médecin (Huysmans). Fig. Envoyer
elle est autorisée aux Pères de l’Eglise au diable, aller au diable, et exclama- • II. RELATIONS DIVERSESAYANT QUELQUE
(Pascal) ; « envers » : Il n’est responsable tiv., avec ellipse du verbe, Au diable !, v. RAPPORT AVEC LA DIRECTION, LE MOUVE-
de ces inconstances qu’à ce cercle d’amis
DIABLE. Class. Au XVIIe s., l’emploi de MENT OU LA SITUATION DANS L’ESPACEOU
(La Bruyère) ; « pour » : À quelle utilité ? à pour marquer le lieu est plus étendu DANS LE TEMPS. 1. Opposition : Résister
(La Fontaine).
qu’aujourd’hui, et on trouve cette pré- à l’envahisseur. Quand on avait franchi

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

le seuil, on se heurtait à l’auge de pierre coups d’aile (Leconte de Lisle). Rire à qui pour marquer la compétition entre
(Flaubert). Se heurter à l’incompréhen- grands éclats (Nerval). Une fine poudre de les membres d’un groupe ou d’un en-
sion de ses interlocuteurs. 2. Union : charbon qui poudrait à noir le sol (Zola). semble dans la manière de se comporter,
S’allier à plusieurs pays. Oh ! la nuance Des robes parfumées qui traînent à plis d’agir : Hurler à qui mieux mieux. C’était
seule fiance | Le rêve au rêve et la flûte au somptueux (Baudelaire). Quand il était à qui serait le plus malin. 11. À employé
cor (Verlaine). 3. Cause : À ces mots j’ai à jeun, il lisait les lettres (Balzac). Agir à devant un infinitif peut exprimer une
voulu sauter sur mon épée (Nerval). À sa son gré. Vivre à sa fantaisie. Spécialem. circonstance avec la même valeur qu’un
vue, la foule recule d’épouvante (France). Sert à introduire le complément du nom adverbe, une locution adverbiale ou une
À leurs cris, un seigneur, de ceux de qui marque la caractérisation : Les bandes proposition circonstancielle : À vrai dire.
l’avant-garde, | S’arrête (Heredia). Spé- de Goths aux lourdes tresses rousses (Le- À tout prendre. À tout considérer, un
cialem. Introduit un infinitif causal, tour conte de Lisle). Un jeune gaillard, au métaphysicien ne diffère pas du reste des
fréquent au XVIIe s., mais qui disparaît regard sombre et fier (Mérimée). De là hommes (France). À compter de ce jour
peu à peu devant le gérondif avec en : À naissent ces sympathies | Aux impérieuses (France). À l’en croire.
raconter ses maux, souvent on les soulage douceurs (Gautier). La petite rosace à
(Corneille). Ils [mes sonnets] perdraient jour percée au-dessus du portail (Hugo). « À » marque l’appartenance.
de leur charme à être expliqués (Ner- Une tabatière à musique. Des sardines à
val). Cette âme qui s’émeut en moi à vous l’huile. Une chanson à la mode. 8. Prix, 1. Dans certaines expressions figées, à
contempler (Samain). Pourtant, à courir évaluation, approximation : Nos monu- marque la possession, l’appartenance,
ainsi la forêt tout le jour en compagnie du ments sont tarifés à tant le mètre (Balzac). par survivance d’un emploi fréquent
garde, il s’était fait des ennemis (Daudet). Les deux fins compères évaluaient la col- dans l’ancienne langue et qui remonte au
4. Tendance, résultat : La représen- lection de tableaux à six cent mille francs bas latin : Une bête à bon Dieu. Le denier à
tation tire à sa fin. La situation tourne (Balzac). Un livre à trois francs. (V. aussi Dieu. La barque à Caron. Vx. La vache
au tragique. Conséquence résultant Rem. 6.) Spécialem. En opposition avec à Colas, le protestantisme. Vx. La vigne
de l’intensité de la notion exprimée par de, à s’emploie entre deux nombres pour à mon oncle, une mauvaise excuse. 2. À
le verbe ou par l’adjectif, ou de l’apti- exprimer une évaluation approximative : peut avoir pour régime un pronom, et
tude à telle ou telle action que marque le Il y a de quatre à cinq cents femmes dans particulièrement pour préciser un pos-
nom suivi de la préposition à : La biche la manufacture (Mérimée) ; parfois sans sessif qui précède : Un ami à moi. C’est
brame au clair de lune | Et pleure à se de : Gagner mille à quinze cents francs. une conception à lui. C’est mon avis, à
fondre les yeux (Rollinat). Des camaïeux (V. aussi Rem. 8.) 9. Agent du verbe moi. 3. Après être, appartenir, indique
bleu tendre à soulever le coeur (Banville). passif dans les expressions figées mangé le possesseur, la personne ou la chose
Dans une langue à être compris de tous aux vers, aux mites, etc. (en dehors de concernée : Ce champ est à mon voisin. La
(Sainte-Beuve). Le mâtin était de taille | ces expressions, l’emploi de à pour intro- maison est à moi, c’est à vous d’en sortir
À se défendre hardiment (La Fontaine). duire le complément d’agent est rare et (Molière). Ce pauvre coeur dont la moitié
Terme qui peut être atteint (= jusqu’à) : littéraire ; il était plus étendu au XVIIe s.) : est à moi (Maupassant). Etait-ce la peine
Riant aux larmes quand la bête tombait Je l’ai jeté dans la basse-cour, pour qu’il à Bonaparte d’avoir commis une action de
d’aplomb (Maupassant). Des roses ! Des soit mangé aux volailles (Toulet). Séduite si longue mémoire ? (Chateaubriand). À
roses encore ! | Je les adore à la souffrance à mes serments (Sainte-Beuve). Bercée moi n’appartenait pas l’honneur d’avoir
(Samain). Aimer à la folie. Être bouleversé au soupir des houles pensives (Leconte découvert un si beau lieu (Mérimée).
à ne savoir que faire. C’est à mourir de rire. de Lisle). À cette construction peut se 4. En dehors de ces cas, l’emploi de à
5. Destination, but (introduit un infi- rattacher le complément avec à dans les pour marquer l’appartenance est de la
nitif ou un nom complément d’un nom expressions faire faire, laisser faire, voir langue familière ou populaire : Un fils à
ou d’un verbe) : Une machine à coudre. faire, entendre dire, etc., quelque chose à papa. Je serais plus heureux si j’étais le
Sa grosse coquille à ramener les brebis quelqu’un, qui indique l’auteur de l’action fils à Grelin (Vallès). Pour ce qui est des
(Daudet). Voilà de belles dispositions à que l’on fait (laisse, voit faire) ou la per- crapauds à Joseph, je t’avouerai que ça me
exercer la pharmacie (Flaubert). Donne- sonne que l’on entend dire (emploi éten- fait plaisir (Duhamel).
lui tout de même à boire, dit mon père du au XVIIe s., plus restreint de nos jours) :
(Hugo). Une tasse à thé. Un étui à cigares. Comme de toute ma vie j’ai entendu juger « À » introduit le complément d’objet
Du papier à lettres. Class. Etait d’un aux plus habiles (Boileau). J’aurais fait d’un verbe.
emploi plus large en ce sens : Les forces changer d’avis à Lucile (Marivaux). Mais
me manquent à raconter vos louanges j’étais encore sous l’impression des coups 1. Introduit le complément d’objet de
(Bossuet). Indique ce qu’il convient de que j’avais vu recevoir à M. de Charlus certains verbes transitifs indirects ou
faire : Une maison à vendre. Cette maison (Proust). Elle laisse tout faire à sa mère. de certaines locutions verbales : Nuire à
est à vendre. Ce travail est à refaire. Voilà 10. Suivie d’un nom de nombre, la pré- son prochain. Survivre à ses enfants. Sans
deux enfants de plus à nourrir (Sand). position à sert à marquer la participation prendre garde à l’ouragan qui fouettait
6. Moyen : Peindre à l’huile. La figure à une même tâche ou la communauté de mes vitres fermées (Gautier). Crainque-
au pastel d’une dame en costume Louis situation : Se mettre à trois pour soulever bille suivait son idée et obéissait à une
XV (Flaubert). Coupe au rasoir. Taper une un fardeau. Imagine de très pauvres gens force intérieure (France). Certains
lettre à la machine. Il alla chez elle à pied qui vivent à six dans un logement de deux verbes transitifs qui construisent direc-
(Stendhal). Attaquer à la baïonnette. Par- pièces (Duhamel). Avec une valeur dis- tement leur objet admettent aussi la
courir un trajet à cheval, à âne, à dos de tributive, à peut indiquer un mode de ré- construction indirecte avec à, à laquelle
chameau. Se déplacer à bicyclette, à vélo, partition, de succession, le rapport d’un correspond souvent un sens plus abstrait
à motocyclette, à skis (v. Rem. 4). Parfois espace au temps : Ils étaient alignés deux et qui, dans certains cas, est réservée aux
un ouvrier à bicyclette la dépassait (Mau- à deux. Il perdit une à une les plaques d’or emplois figurés : Il atteint au succès (en
riac). Indique le mode de fonctionne- de son collier (Flaubert). Ce caquetage face de il atteint le plafond). Il vise aux
ment : Arme à feu. Moteur à explosion. coupé à temps égaux (Nerval). À chaque honneurs (en face de il vise la cible). Non !
Avion à réaction. 7. Manière, allure, minute d’autres arrivaient (Flaubert). la lyre aux tombeaux n’a jamais insulté
comportement : Parler à haute voix. Pa- Une voiture qui roule à cent kilomètres à (Lamartine). Et nous courons par les prés
reil au grand vautour qui rôde à grands l’heure. Spécialem. S’emploie devant [...] | Et chassons aux papillons (Verlaine).

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

Croire à, croire à l’existence, à l’effica- fortuite : Il vint à passer. 4. Introduit dit plutôt aujourd’hui la clef est sur la
cité, à la véracité, de quelque chose ou de le complément d’objet secondaire, ou porte que la clef est à la porte, construc-
quelqu’un : Je ne croyais plus aux voleurs, complément d’attribution : Il enseigne tion encore usuelle au XIXe s. : La clef est
à force d’en entendre parler et de n’en ren- la grammaire aux enfants. Qui donne à la porte, votre belle-mère y est ! (Bal-
contrer jamais (Mérimée). Mon père, qui au pauvre prête à Dieu. Je viens au pur zac). On dit indifféremment à terre ou
ne croyait pas aux médecins, croyait aux silence offrir mes larmes vaines (Valéry). par terre pour marquer la situation ou le
charlatans (Chateaubriand). On ne croit Je demande à Dieu que tout succède à vos mouvement : L’enfant d’Emma dormait
plus à ce qu’il dit. Sylvannie croyait à un désirs (France). J’écrivis à mon père pour à terre (Flaubert). Dépité de n’avoir pu
vaste trafic d’enfants volés (Daudet). [Un lui demander... (Lamartine). jeter à terre son ennemi (Alain-Fournier).
certain nombre de verbes comme croire 2. Au matin, au soir sont des construc-
se construisent à la fois avec à et avec « À » introduit le complément d’un tions de la langue classique et littéraire ;
d’autres prépositions, tels : se méprendre adjectif. aujourd’hui, on construit en général
à, sur, rêver à, de, sur, etc. ; se reporter directement le complément : Encore à ce
à ces différents verbes.] Spécialem. S’emploie à la suite d’un adjectif, devant matin, cette bouillante rage [...] | L’a fait
S’emploie à la suite d’un nom pour intro- un verbe, un nom, un pronom : C’est très jeter dans l’eau (Racan). Comme la lampe
duire l’objet de l’action exprimée par ce bon à déguster (Maupassant). Chose hor- au soir (Sainte-Beuve). Soir et matin,
nom : Manquement à l’honneur. Résis- rible à penser (Daudet). Elle [la terre] est employés après un jour de la semaine
tance à l’ennemi. 2. Le complément chère à tous ceux qui sèment en marchant précédé ou non d’un article ou d’un
peut être constitué par une subordonnée (Hugo). Des préoccupations inconnues à déterminatif, ou après demain, après-
introduite par à ce que : Aide-nous à ce ses pareils (Sand). Cette ville toute visible demain, le lendemain, le surlendemain,
que rien autour d’eux ne les tire hors de et pareille à elle-même (Valéry). Tous peuvent être précédés de au, mais sont
l’antre (Giraudoux). Elle ne faisait pas les éléments avec quoi se fabrique ordi- généralement aujourd’hui construits di-
toujours attention à ce qu’il n’y eût per- nairement la joie humaine se trouvaient rectement : Terlonia est parti hier au soir
sonne dans la chambre voisine (Proust). réunis à un degré bien rare à rencontrer (Chateaubriand). Je suis allé, à dix heures,
[Cette construction prend parfois la place (Gautier). hier soir, là-bas (Duhamel). Mais, après
de que, considéré comme plus correct Je la veille, l’avant-veille, un quantième
Emplois divers.
consens volontiers à ce qu’il vienne avec quelconque et le mot jour accompagné
nous (Mérimée).] Par analogie avec d’un déterminatif, au est obligatoirement
1. À s’emploie devant l’attribut de l’objet
la construction de l’infinitif précédé de conservé : La veille au soir (Flaubert).
dans certaines locutions figées : Prendre
à, complément de certains verbes (v. ci- Le 10 au matin. Ce jour-là, au matin.
à partie. Prendre le ciel à témoin de son
après n° 3), on emploie parfois à ce que Le quatrième jour au matin (Saint-Exu-
innocence. Emploi beaucoup plus éten-
pour que : Je demande à ce qu’on m’oublie péry). 3. « À » explétif dans diverses
du au XVIIe s. : Toutes estimeront à faveur
(Flaubert). 3. Introduit souvent un expressions marquant le temps. La langue
singulière le droit d’entrer dans son pa-
infinitif objet : Ma bonne mine n’a servi actuelle construit directement le complé-
lais (Corneille). 2. À s’emploie devant
qu’à me perdre plus sûrement (Nerval). ment de temps, alors que la langue clas-
un nom ou un pronom dans certaines
Si le peuple pingouin manquait à tenir ses sique employait à ; certaines expressions
phrases elliptiques qui expriment un
engagements (France). Certains verbes appel, un souhait, un avertissement, etc. : sont restées dans la langue littéraire (à
admettent à la fois la construction directe chaque fois, à la première fois, à d’autres
Le Muezzin criant, en syllabes sonores :
de leur infinitif objet et la construction jours, etc.) ou dans la langue dialectale
« À la prière ! À la prière ! » (Leconte de
avec à, qui donne un tour plus littéraire : Lisle). D’un bond elle fut debout, criant : ou populaire (à d’autres fois, à quand, à
Aimer à travailler (en face de aimer tra- « Au secours ! » (Maupassant). Au bagne ! ce soir, etc.) : L’infortuné, repoussé par la
vailler). J’aimais trop à jouer à la paume À casser des pierres ! (Pagnol). À vous les tempête à chaque fois qu’il voulait dou-
(Mérimée). Class. À s’emploie devant fruits dorés qui font ployer les branches bler un cap dangereux, s’était écrié : [...]
des infinitifs compléments d’objet qui (Leconte de Lisle). À moi, comte, deux « Je passerai cette infranchissable bar-
aujourd’hui se construisent avec de : J’ai rière » (Baudelaire). Ce banc qui avait
mots (Corneille). S’emploie devant un
toujours oublié à vous dire (Pascal). À nom, dans certaines phrases elliptiques, vu, à quelque soir, plus d’une belle fille
suivi d’un infinitif objet forme des locu- pour indiquer la consécration, exprimer (Barbey d’Aurevilly). Hippolyte n’osant à
tions diverses. Avec être, rester et d’autres la dédicace, l’envoi : Aux grands hommes, tous les jours se servir d’une si belle jambe
verbes d’état, il marque l’action qu’on la patrie reconnaissante. Au lecteur. À (Flaubert). À d’autres jours [...] je m’inter-
est en train de faire : J’étais sur le balcon Monsieur le Recteur de l’académie de... rompais [...] pour lui dire (Sainte-Beuve).
à travailler au frais (Molière). Lorsque 3. À forme avec des noms (accompa- À chaque fois qu’on y revient (Gide). Race
nous sommes à photographier (Flaubert). gnés ou non de l’article), des adjectifs, des infidèle, me connaissez-vous à cette fois
Avec voici, voilà ou, familièrement, adverbes, d’autres prépositions, ou même (Bossuet). Tout le corps d’armée qu’on
employé seul, à exprime l’action ou l’état des propositions, diverses locutions commence à embarquer à c’ soir (Bar-
en cours : Nous voilà toutes à galoper dans adverbiales, prépositives ou verbales : busse). À quand ce mariage ? (Maupas-
Castelet (Daudet). Avoir à, marque la Jusqu’à. À cause de. À l’exemple de. À sant). 4. À skis ou en skis, l’usage hésite
nécessité : J’ai à travailler. J’ai à faire, je perte de vue. Au contraire. Au milieu de. entre les deux expressions, les skis étant
ne peux pas sortir. J’avais à solliciter des À plaisir. À jamais. À la fois. À la merci considérés soit comme un mode de loco-
juges pour un procès (Mérimée). Qu’ai-je de. Au fait. Au mieux. À vie. À force de. motion (cf. à cheval, à bicyclette), soit
à dire, sinon rien ? Car ma tâche est faite Au minimum. À l’aise. À tout. À peine. comme des sortes de chaussures (cf. en
(Leconte de Lisle) ; la possibilité : Avoir à Au fur et à mesure. Tirer à blanc. Agir à sabots, en pantoufles). 5. Littré recom-
manger. En être à, arriver à, en arriver contrecoeur. Manger à bouche que veux- mande de dire, selon l’usage classique,
à, en venir à, ont une valeur terminative tu. Rire à gorge déployée. être court de, pour « ne pas avoir assez
ou résultative : On arrive à s’incarner de », mais ce tour a vieilli et l’usage mo-
dans le héros de son imagination (Ner- Remarques. derne lui préfère être à court de. 6. À
val). J’en suis arrivé à me demander... Je peut s’employer à la suite d’un nom pour
n’en suis pas encore à mendier mon pain 1. On dit indifféremment la clef est à la introduire un complément de prix, mais
(Musset). Venir à, marque une action serrure ou sur la serrure ; toutefois, on parfois avec une nuance péjorative, et

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

dans le cas d’un article de série, en géné- abaissable [absabl] adj. (de abaisser ; vation ; 3 et 4 élévation, relèvement. II,
ral à bon marché : Une cravate à deux 1866, Larousse). Qu’on peut abaisser, dimi- 2 et 3 amélioration, hausse.
francs. Une robe à vingt francs ; mais on nuer : Un tarif abaissable.
abaisser [abse] v. tr. (de baisser ; 1165,
dira : Une cravate de trente francs en pure
abaissant, e [abs, -t] adj. (part. prés. Marie de France). 1. Faire descendre à un
soie naturelle. 7. Certains verbes et cer-
de abaisser ; Larousse). Qui fait perdre de niveau plus bas : Une barrière abaissée
taines locutions verbales se construisent
la dignité, de la valeur morale : Celles [les ferme le chemin (Chateaubriand). Il abaissa
obligatoirement avec à ce que (s’accou-
femmes] qui ne sont abaissantes et fatales la barre de la porte, entrouvrit le battant
tumer, s’appliquer, condescendre, contri- que pour des hommes d’une rare et droite (Gautier). Abaisser la cataracte, le cris-
buer, se décider, s’habituer, veiller, etc., nature (Villiers de L’Isle-Adam). Une tallin, pratiquer l’opération de la cataracte,
avoir intérêt, être attentif, etc.), tandis que conduite abaissante. qui consistait à abaisser le cristallin opaque
pour aimer, s’attendre, consentir, deman- avec une aiguille. (On disait aussi ABATTRE,
•SYN. : avilissant, dégradant, humiliant.
der la construction avec que est plus élé- AIGUILLER LA CATARACTE.) Abaisser un
— CONTR. : exaltant.
gante. De même, de manière que, de façon chiffre, le reporter au bas d’une colonne,
que appartiennent à une langue plus soi- abaisse [abs] n. f. (déverbal de abais-
au cours d’une opération arithmétique.
gnée que de manière à ce que, de façon à ser ; 1490, Taillevent). Pâte amincie avec
Abaisser une perpendiculaire à (sur)
ce que. 8. Pour marquer l’approxima- un rouleau à pâtisserie.
une droite, la tracer d’un point extérieur
tion, à ne s’emploie, dans la langue soi- abaisse-langue [abslg] n. m. invar. à cette droite. 2. Par extens. Mouvoir vers
gnée, que lorsqu’il s’agit de nombres non (de abaisse, forme verbale de abaisser, et de le sol : Une lueur d’effroi pointa dans les
consécutifs ou de nombres consécutifs se langue ; 1853, Lachâtre). Spatule servant à prunelles de la jeune fille. Mais elle abaissa
rapportant à des choses qu’on peut divi- maintenir la langue à plat pour un examen vivement les paupières, et, presque aussitôt,
ser par fractions : Des groupes de quatre médical. elle sourit à son tour bravement (Martin
à dix hommes (Maurois). Un filet d’eau du Gard). 3. Diminuer la hauteur de :
de sept à huit pouces de profondeur (Cha- abaissement [absm] n. m. (de abais-
Il fallut abaisser d’un étage les murs de
ser ; 1160, Benoît de Sainte-Maure).
teaubriand). Elle semblait avoir dix-neuf l’immeuble. Abaisser la pâte, l’amincir
à vingt ans (Maupassant). Dans les autres I. 1. Action de faire descendre : L’abais- à l’aide du rouleau à pâtisserie. 4. Fig.
cas, on doit mettre ou : Elle a élevé sept sement du contrepoids ouvre la barrière. Diminuer l’importance, la valeur d’une
ou huit petits frères (France). 9. « À » ou 2. Action de diminuer la hauteur : chose : Nous secouâmes bien fort le thermo-
« en ». Pour indiquer le lieu (direction ou L’abaissement d’un mur. 3. Fig. Action mètre pour effacer le signe fatidique, comme
situation), on emploie à devant les noms de diminuer la valeur, l’intensité de si nous avions pu abaisser la fièvre en même
de villes ou de villages : Aller à Paris, à quelque chose : L’abaissement de la mon- temps que la température marquée (Proust).
Avignon. Quand ils comprennent un naie, de l’acuité visuelle. 4. Diminu- 5. Enlever de la puissance, de l’autorité,
article, on emploie la forme contracte : tion de la qualité, de la valeur, de l’auto- de la qualité morale à quelqu’un : La révo-
Au Havre, aux Baux. Les noms de pays rité de quelqu’un : Pendant que la fortune lution qui s’opère, en abaissant l’aristocratie
se construisent ordinairement avec au publique [...] prenait des accroissements et en élevant les classes moyennes, rendra
s’ils sont masculins et commencent par inouïs [sous Napoléon III], l’abaissement moins sensibles ou fera disparaître des
une consonne : Aller au Luxembourg, au de toute aristocratie se produisait en habitudes de ménage et d’un langage infé-
Canada, au Venezuela. Devant les noms d’effrayantes proportions (Renan). Vous rieur (Chateaubriand) ; et absol. : La dou-
d’îles, l’usage impose une répartition avez lutté contre la misère, contre l’abais- leur abaisse, humilie, porte à blasphémer
qui attribue à aux petites îles : À Malte, sement moral, par amour du prochain (Renan). 6. Ramener à l’humilité : D’une
à Oléron (mais en Corse, en Crète), ainsi (Martin du Gard). manière vague et générale, on peut dire avec
qu’à des îles lointaines : À Cuba, à Ma- II. 1. Class. Action de s’humilier, acte le Psalmiste que, tôt ou tard, ceux qui ont
dagascar, à Haïti, à la Réunion, à Terre- de soumission : Je dis donc qu’il y a deux été abaissés seront élevés, que ceux qui ont
Neuve. (Pour les noms de continents, de choses qui composent la pénitence : la été abaissés seront humiliés (Baudelaire). Je
pays et de provinces féminins, ou mas- mortification du corps et l’abaissement voudrais que, dans mon récit, cette humilité
culins commençant par une voyelle, les de l’esprit (Bossuet). 2. État de ce qui resplendisse, comme elle resplendira devant
noms de départements, etc., v. DANS et a été amené à un degré plus bas (au pr. Dieu le jour où seront abaissés les puissants,
EN.) Jusqu’au XVIIIe s., et même au cours et au fig.) : Nous vivons dans un drôle de où seront magnifiés les humbles (Gide).
du XIXe s., on employait à la, à l’ devant temps. Il me semble que l’abaissement • SYN. : 1 baisser, descendre ; 5 affaiblir,
un nom féminin singulier de pays loin- des intelligences est bien sensible (Méri- diminuer, rabaisser ; 6 humilier, mortifier,
tain (là où nous employons en) : Comme mée). L’abaissement de la température rabaisser. — CONTR. : 1 élever, relever ; 3
ils se conduisirent à Rome et à la Chine sera durable. 3. Vx. Situation sociale exhausser, surélever ; 5 hausser, relever ; 6
(Saint-Simon). Tous ceux [les établisse- inférieure : Pour éviter à son fils le désa- exalter, glorifier, magnifier.
ments] que les Français ont à l’Amérique grément de voir sa mère dans un pareil s’abaisser v. pr. 1. Descendre à un niveau
(Labat). Un autre religieux secourait abaissement de condition, elle avait pris inférieur : A intervalles réguliers, sa blanche
d’autres voyageurs à la Chine, au Canada le nom de madame Charlotte (Balzac). poitrine se soulevait, s’abaissait (Samain).
(Chateaubriand). Comment de cet abaissement inouï s’élan- On vivait en paix depuis si longtemps que
cera-t-il aux plus hautes destinées ? (Ner- la herse [du château] ne s’abaissait plus
abaca [abaka] n. m. (du tagal [langue
val). 4. Humiliation ressentie du fait (Flaubert). 2. Pouvoir être descendu,
des Philippines], par l’esp. abacá ; 1664,
de cette situation : C’est immoral, mais je baissé : Un rideau de fer qui s’abaisse faci-
Thévenot). Bananier des Philippines, four-
n’y peux rien ; je savoure une voluptueuse lement. 3. Se diriger vers le bas, vers la
nissant le chanvre de Manille.
revanche de déboires mal définis et de mes terre : Je contemplai longtemps sur la côte
abadir ou abbadir [abadir] n. m. (origine longs abaissements hypocritement endu- les derniers balancements des arbres de la
inconnue ; 1690, Furetière). Nom donné à rés (Arnoux). patrie, et les faîtes du monastère qui s’abais-
une pierre sacrée chez les Phéniciens et • SYN. : I, 3 affaiblissement, baisse, dimi- saient à l’horizon (Chateaubriand). Un pâle
considérée comme venant du ciel : Regardez nution ; 4 décadence, déchéance, déclin, soleil s’abaissait derrière de grands moulins
l’abbadir et voyez le bolide. | L’un tombe, et dégradation. II, 2 baisse, chute, diminu- (Vigny). Enfin, du ciel, sur eux son regard
l’autre meurt ; le ciel n’est pas solide (Hugo). tion. — CONTR.: I, 2 exhaussement, surélé- s’abaissa (Lamartine). 4. Fig. Diminuer

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

de force, d’intensité : Une voix qui s’abaisse de gaîté, d’abandon, d’innocence s’était- 3. Class. et littér. Etat d’une personne
sur certains mots. 5. Descendre jusqu’à elle changée en une expression de ruse et délaissée : L’abandonnement où sont tous
des paroles, des actes vils, humiliants : Il de dissimulation (Proust). Parler avec ceux qui manquent d’argent (La Mothe
ne convient pas de s’abaisser pour plaire abandon, se laisser aller aux confidences. Le Vayer). Mais certains autour de moi
(Sartre). Il s’est abaissé à des marchandages 7. Spécialem. En parlant d’une femme, s’affectèrent de le voir peindre comme un
pour obtenir son élection. le fait de se livrer aux désirs amoureux abandonnement général, une solitude à
• SYN. : 1, 2 et 3 descendre ; 5 s’avilir. — d’un partenaire : Cette période d’entraî- laquelle il avait volontairement et pas-
CONTR. : 1, 2 et 3 se hausser, monter ; 5 nement qui succède chez presque toutes les sionnément travaillé (Gide). 4. Class.
s’élever, s’ennoblir. femmes à l’abandon volontaire et désinté- Dérèglement des moeurs : Quand il s’agit
ressé de leur corps (Maupassant). de retourner à votre Dieu et de réparer une
abaisseur [absoer] adj. et n. m. (de abais-
II. 1. État de ce qui est laissé sans soin : La vie entière de corruption et d’abandonne-
ser ; 1564, J. Thierry, écrit abbaisseur). Se
pièce du bas avait le même air de misère et ment (Massillon). 5. Class. Mouvement
dit d’un muscle qui sert à abaisser une des
d’abandon : un mauvais lit, quelques gue- impétueux, irréfléchi : Vous vous faites
parties du corps sur lesquelles il est fixé :
Le sourcilier, le triangulaire des lèvres sont nilles, un morceau de pain sur une marche une fausse gloire de courir sans nécessité
des muscles abaisseurs. d’escalier, et puis dans un coin trois ou avec abandonnement à toute sorte de péril
quatre sacs crevés (Daudet). 2. Situa- (Louis XIX).
n. m. Appareil servant à réduire la ten-
sion du courant électrique. tion d’une personne délaissée : Charles X • SYN.: 1 abandon, cession ; 3 délaissement,
restait enfermé dans les masses noires que isolement ; 4 licence ; 5 emportement. —
abajoue [abau] n. f. (de bajoue, par je quittais, rien ne peut peindre la tristesse CONTR.: 4 ascétisme, austérité, ordre, rigu-
agglutination de l’a de l’article ; 1766, de son abandon (Chateaubriand). eur ; 5 flegme, mesure, pondération, réserve.
Buffon). Poche à l’intérieur des joues de • SYN.: I, 1 cession ; 3 délaissement, déser- abandonner [abdne] v. tr. (de l’anc.
certains animaux (spécialement du singe),
tion ; 5 confiance. II, 2 isolement, soli-
et où ils mettent des aliments en réserve. franç. a bandon, au pouvoir de, de ban-
tude. — CONTR.: I, 5 et 6 froideur, méfiance, don, pouvoir, autorité ; 1080, Chanson de
abalourdir [abalurdir] v. tr. (de balourd ; ; raideur, réserve. II, 1 entretien, soin ; 2
Roland, au sens de « laisser au pouvoir, à la
fin du XVIe s.). Vx et fam. Rendre gauche. garde, protection, surveillance.
merci »). 1. Laisser volontairement à l’auto-
s’abalourdir v. pr. Vx. Perdre de sa A l’abandon loc. adv. et adj. Sans soin, rité, à l’usage, à la discrétion d’un autre :
vigueur : Mais je suis lasse, je m’abalour- en désordre, sans protection : Laisser son Elle abandonne la gestion de sa terre à un
dis (Huysmans). jardin à l’abandon, c’eût été le perdre un peu intendant (Balzac). Pourtant un gardien
déjà, commencer à s’en détacher (Daudet). habitait là, le vieux Mouque, auquel la
abandon [abd] n. m. (de l’anc. franç.
Laisser des enfants à l’abandon. Compagnie abandonnait [...] deux pièces
[mettre, laisser] a bandon, au pouvoir de, de
bandon, autorité, du francique ban ; 1165, abandonnataire [abdnatr] n. (Zola). Assez comblée de voir à côté d’elle
Marie de France). (de abandonner ; 1846, Bescherelle). son ami, de lui abandonner au plus sa main
Bénéficiaire d’un abandon de biens. pour un instant (Sainte-Beuve). 2. Ne
I. 1. Action de laisser une chose à la dis-
pas retenir, laisser aller : Abandonner les
position de quelqu’un : Il eût fait, sans hé- abandonnateur, trice [abdnatoer,
rênes d’un attelage. Il abandonnait ses
siter, l’abandon des quelques billets qui lui -tris] n. (de abandonner ; milieu du XIXe s.).
pensées à leur mouvement naturel (Gide).
restaient en poche, bien qu’il n’eût aucun Personne qui fait un abandon de biens.
3. Renoncer à poursuivre ce qui était en
moyen de se procurer d’autres subsides
abandonné, e [abdne] adj. et n. (part. cours ou en projet : Abandonner ses tra-
(Martin du Gard). 2. Action de laisser
passé de abandonner). 1. Se dit d’une per- vaux. Abandonner la lutte. Quant à ceux
une chose en un endroit, sans se soucier
sonne délaissée, sans protection, ou d’une qui se livrent ou se sont livrés avec succès
des conséquences : L’abandon de maté-
chose laissée sans soin, sans entretien : Une à la poésie, je leur conseille de ne jamais
riaux sur la voie publique est interdit.
petite abandonnée, enfant trouvée que le l’abandonner (Baudelaire). Ce n’était pas
3. Spécialem. Action de délaisser une
couvent élevait par charité (Hugo). Cette une raison pour abandonner le voyage
personne, une chose, une fonction dont
pauvre abandonnée fut bien heureuse de la Bretagne (Flaubert). 4. Absol. Se
on avait la responsabilité : L’abandon de
quand elle apprit qu’elle aurait désormais déclarer vaincu en renoncant à lutter : Le
famille est un délit. L’abandon de poste
un compagnon pour les noires heures de la boxeur abandonna au quatrième round.
devant l’ennemi est un crime. Politique
nuit (Baudelaire). Jeme souviens que, tout De nombreux coureurs ont abandonné.
d’abandon, renonciation systématique
petit, on me menait jouer quelquefois dans 5. S’éloigner d’un lieu, laisser sans soin
d’un gouvernement, d’un ministre, etc.,
un grand parc abandonné (Daudet). Dans une chose, quitter une fonction : Son père
à des droits qui devraient être mainte-
les herbes, une barque abandonnée pour- avait abandonné Colleville pour la ferme
nus. 4. Par extens. Le fait de renoncer
rissait (Samain). 2. Vx. Qui se laisse aller des Ecots (Flaubert). Abandonner son
à continuer une compétition sportive :
sans frein à la débauche : Un ivrogne [...] poste, le laisser vacant alors qu’on devrait
Il fut déclaré battu par abandon au cin-
qui s’en va au cabaret lutiner des guilledines en assumer la charge. 6. S’éloigner de
quième round. 5. Fig. Action de renon-
assez abandonnées pour préférer la société quelqu’un, le laisser sans secours : Ils
cer à la disposition de soi-même, de se
d’un coutelier ambulant (France). l’avaient abandonnée sur ce matelas, dans
confier à un autre : L’abandon à Dieu. Elle
levait les yeux vers cet homme avec une abandonnement [abdnm] n. m. (de la forêt froide et déserte (Maupassant).
sorte de tranquillité et d’abandon inexpri- abandonner ; 1265, J. de Meung). 1. Class. Une misérable qui abandonne son enfant
mable (Hugo). 6. Négligence gracieuse Action d’abandonner quelque chose, d’y pour courir après un amant (Rolland).
dans le maintien, les manières : Elle avait renoncer : L’abandonnement du bien de Souviens-toi, à ces moments-là, qu’il n’y
posé sa main sur sa poitrine en un aban- M. de Bellièvre fait un tel scandale et un a pas de solitude pour un bon chrétien,
don du bras si naïvement puéril que j’étais tel désordre dans Paris [...] que tout tremble et que Dieu n’abandonne pas ceux qui
obligé, en la regardant, d’étouffer le sou- (Sévigné). 2. Class. et littér. Action de mettent leur confiance en lui (Martin du
rire que par leur sérieux, leur innocence et s’abandonner, de se laisser aller : Elle se Gard). Spécialem. Quitter définitive-
leur grâce nous donnent les petits enfants sentait prise d’un renoncement de pensée, ment une personne qu’on a aimée : Cette
(Proust). Dormeuse, amas doré d’ombres d’une quiétude de ses membres, d’un aban- misérable reine qu’un homme aimé avait
et d’abandon (Valéry). Aussi l’expression donnement d’elle-même (Maupassant). abandonnée (Maupassant). Abandonner

5
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

ses amis. 7. Fig. Faire défaut : Toute ma abasourdissant, e [abazurdis, -t] [La fouine] était parvenue [...] à couler dans
force m’abandonna (Baudelaire). adj. (part. prés. de abasourdir ; J.-B. la grange [...] et de là, tombant par les abat-
• SYN. : 1 céder, laisser, livrer ; 3 dételer Richard). Qui abasourdit : Une nouvelle foin dans le râtelier des vaches... (Pergaud).
(fam.), renoncer à ; 5 déserter, laisser, abasourdissante.
abatis n. m. V. ABATTIS.
quitter ; 6 délaisser, lâcher (fam.), négliger,
abasourdissement [abazurdism] n.
quitter. — CONTR. : 1 conserver, garder ; 3 abat-jour [abaur] n. m. invar. (de
m. (de abasourdir ; 1845, J.-B. Richard de
continuer, persévérer dans ; 6 avoir soin abat, forme verbale de abattre, et de
Radonvilliers). Etat d’une personne aba-
de, s’occuper de. jour ; 1676, Félibien, au sens architectu-
sourdie (au pr. et au fig.) : Le tangage et
s’abandonner v. pr. 1. Se laisser aller ral ; 1749, Buffon, au sens de « qui abat la
l’abasourdissement des premiers jours de
physiquement : Elle s’abandonnait à la lumière »). 1. Vx. Auvent placé devant une
mer (Daudet). [Il avouait] profiter de l’aba-
cadence du mouvement qui la berçait sur fenêtre et ne laissant pénétrer la lumière
sourdissement douloureux où ces gens se
sa selle (Flaubert). Il avait passé un bras que par une ouverture supérieure : Ces
trouvaient pour leur vendre à haut prix ses
autour de sa taille et tout à coup, sentant abat-jour énormes, placés sur l’appui des
dentifrices (Huysmans).
qu’elle s’abandonnait, il l’étreignit contre deux fenêtres et s’éloignant du mur tout en
lui longuement, éperdument (Daudet). abat [aba] n. m. (déverbal de abattre ; s’élevant, ne devaient laisser aux détenus
2. Cesser de résister, de lutter ; perdre XVe s.). 1. Vx. Action d’abattre : Abats de que la vue du ciel (Stendhal). 2. Lame
courage : Un enfant à bout de résistance et maisons. 2. Pluie d’abat, averse violente inclinée, dirigeant la lumière dans une
qui déjà s’abandonne (Mauriac). 3. En et abondante : Une de ces pluies d’abat, sans persienne : Les abat-jour horizontaux [de
parlant d’une femme, céder au désir d’un trêve, sans merci, aveuglante, inondant tout la persienne] y manquaient çà et là (Hugo).
(Loti). 3. Réflecteur, le plus souvent conique,
homme : Défaillante, tout en pleurs, avec
un long frémissement et secachant la figure, abats n. m. pl. Parties accessoires de cer- en papier, en métal, en étoffe, etc., adapté
elle s’abandonna (Flaubert). 4. Ne pas tains amimaux de boucherie (foie, rognons, à une lampe pour en rabattre la luière : Et
résister à un sentiment, se laisser aller à pieds, etc.) : Les abats sont généralement l’abat-jour du quinquet, accroché dans la
vendus chez le tripier. muraille au-dessus de la tête d’Emma, éclai-
un état affectif : Il gémissait de la sorte
et s’abandonnait à la tristesse (France). rait tous ces tableaux (Flaubert). 4. Vx.
abatage n. m. V. ABATTAGE. Visière destinée à protéger les yeux de la
Il sentit que la colère le gagnait, et il s’y
abatant n. m. V. ABATTANT. lumière : La vieille demoiselle Michonneau
abandonna parce qu’elle le délivrait de son
malaise (Martin du Gard). Elle pourrait gardait sur ses yeux fatigués un crasseux
abâtardir [abtardir] v. tr. (de bâtar ; abat-jour en taffetas vert, cerclé par du fil
s’abandonner à cette langueur vivante, s’y
XIIe s.). 1. Faire perdre à un être vivant les d’archal (Balzac). Faire un abat-jour de sa
baigner comme au sein d’une grande fatigue
qualités de sa race : Tous nos soins à bien main, mettre la main en abat-jour, la placer
heureuse (Sartre). 5. Absol. Se confier
traiter et nourrir ces animaux n’aboutissent au-dessus des yeux pour mieux distinguer
sans réticence, s’épancher : Dans l’inti-
qu’à les abâtardir (Rousseau). 2. Faire au loin : Les femmes, debout, les mains en
mité de l’atelier, il s’abandonnait volontiers
perdre les qualités originelles, la vigueur : abat-jour au-dessus des yeux, détaillaient
jusqu’à livrer son opinion sur les peintres
La servitude, la misère abâtardissent les tout haut les deux Parisiennes (Daudet).
ses contemporains (Baudelaire). L’autre [...]
hommes.
s’abandonnait, disait les secrets intimes de abat-son ou abat-sons [abas] n. m.
• SYN.: 2 avilir, dégrader, diminuer, rabais-
la famille (Daudet). invar. (de abat, forme verbale de abattre,
ser. — CONTR.: 2 exalter, régénérer, relever,
et de son ; 1863, Littré). Chacune des lames
abaque [abak] n. m. (lat. abacus, du gr. viriliser.
plates et inclinées vers le sol, disposées
abax,, tablette, table à calcul ; début du s’abâtardir v. pr. Perdre ses quali-
dans les baies des clochers pour diriger
XIIe s., Roman de Thèbes). tés naturelles : La démagogie s’introduit
les ondes sonores.
I. 1. Tablette des Anciens, couverte de quand, faute de commune mesure, le prin-
cipe d’égalité s’abâtardit en principe d’iden- abattable [abatabl] adj. (de abattre ; 1853,
sable fin, pour jouer ou pour compter.
tité (Saint-Exupéry). Lachâtre). Qui peut être abattu.
2. Table à calcul, boulier, souvent attri-
but de l’Arithmétique dans la représen- •SYN. : s’avilir, dégénérer, se dégrader. — abattage [abata] n. m. (de abattre ;
tation des sept Arts libéraux. 3. Dia- CONTR. : s’affermir, se viriliser. 1265, Du Cange). 1. Action d’abattre, de
gramme de calcul utilisé pour trouver les faire tomber : En même temps, la cognée
abâtardissement [abtardism] n. m.
éléments d’un dessin. résonnait dans les bois, où l’on faisait force
(de abâtardir ; 1495, J. de Vignay). Action
d’abâtardir ou de s’abâtardir (au pr. et abattages pour la réparation de la grande
II. Partie supérieure d’un chapiteau, en
forme de tablette. au fig.) : On frémit en pensant aux suites maison et du blockhaus (Daudet). Il voyait
du premier coup d’oeil, parmi ceux-là [les
d’unions pareilles, au triple point de vue
abasourdir [abazurdir] v. tr. (de basour- arbres] trop pressés qui cherchaient la
de la criminalité, de l’abâtardissement de
dir [1628, J. Stoer], tuer, altér. argotique de faveur du soleil, quels abattages il conve-
la race et des mauvais ménages (Balzac).
basir, tuer [argot des Coquillards, 1455] ; nait de pratiquer (Pourrat). 2. Travail du
L’abâtardissement de l’art par la frivolité
sens moderne, 1721, Danet, Dict. général). mineur arrachant le charbon à la veine :
et la mode (Goncourt).
1. Etourdir par un grand bruit : Christophe, Dans les chantiers d’abattage [de la mine],
• SYN. : altération, dégénérescence. —
abasourdi par sa volubilité et par son bruit, on entendait les détonations de la poudre
n’entendait qu’à demi (Rolland). Dès le CONTR. : amélioration.
et le courant d’air apportait l’odeur de la
seuil, nous fûmes parfaitement abasourdis abatée n. f. V. ABATTÉE. fumée (Malot). 3. Action d’abattre un
par un terrible vacarme de battoirs, de cris, animal de boucherie : L’abattage au merlin,
abat-faim [abaf] n. m. invar. (de abat,
de rires et de vapeur sifflante (Duhamel). au pistolet automatique. 4. Par extens.
forme verbale de abattre, et de faim ; 1732,
2. Fig. et fam. Jeter dans la consternation, Au baccara, action d’étaler ses cartes
Th. Corneille, Dict. général). Vx. Plat de
la stupéfaction ; déconcerter totalement : maîtresses : Neuf ! C’est mon premier abat-
Cette réponse abasourdit le pauvre homme résistance servi au début d’un repas.
tage de la saison (Capus). 5. Fig. et fam.
(Soulié). Fleurissoire ne pensait plus à rien ; abat-foin [abafw] n. m. invar. (de abat, Réprimande sévère et violente : J’ai encore
il sesentait complètement abasourdi (Gide). forme verbale de abattre, et de foin ; 1808, reçu un abattage du cardinal (Bataille).
• SYN.: 1 abrutir, assourdir ; 2 ébahir, hébé- Boiste). Trappe permettant de faire des- Fam. Critique très dure : Cet article [...]
ter, sidérer (fam.), stupéfier. cendre le foin du fenil dans la mangeoire : paraît le jour même de la mise en vente du

6
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

volume ; comme déjà précédemment son abattis [abati] n. m. (de abattre ; XIIe s.). jouer, soit qu’on ait évidemment gagné,
abattage des « Caves » (Gide). 6. Fig. et 1. Class. Action d’abattre des arbres, des soit qu’on ait évidemment perdu ; et, au
fam. Avoir de l’abattage, avoir beaucoup maisons, du gibier, etc. : Le Scythe prend fig., montrer brutalement son plan et ses
d’entrain, de brio : Une cantatrice qui a de la serpe à son tour [...], prescrit à ses amis moyens d’action. Abattre la cataracte,
l’abattage ; faire beaucoup de besogne rapi- un universel abattis (La Fontaine). Il y a eu syn. de ABAISSER la cataracte : L’aveugle-né
dement : Cet ouvrier a beaucoup d’abattage. un grand abattis de maisons par le trem- à qui M. de Réaumur vient de faire abattre
Vente à l’abattage, vente où l’on doit pro- blement de terre (Furetière). 2. Amas de la cataracte (Diderot). [On disait aussi
céder rapidement et par grandes quantités. choses abattues : Au-dessous de la Mort, AIGUILLER LA CATARACTE.] 5. La pluie
• REM. L’Académie a adopté la graphie c’est un abattis de cadavres, un charnier de abat la poussière, elle la fait retomber. Par
abattage, au lieu de abatage, en 1932. rois, de bourgeois (Goncourt). 3. Coupe anal. Petite pluie abat grand vent, la pluie
faite dans un bois, une forêt : Elle en revint calme la tempête (proverbe). 6. Abattre
abattant [abat] n. m. (part. prés. de ranimée, rien que pour avoir respiré la un animal, une personne, les faire tomber à
abattre ; 1680, Richelet). 1. Partie d’un senteur des chênes dans de grands abattis terre en les tuant : Javais déjà tué quatre ou
meuble que l’on peut soulever ou abaisser : chauffés par un soleil clair (Fromentin). cinq oiseaux quand j’en abattis un qui dis-
Secrétaire à abattant. 2. Volet mobile qui 4. Amas de branches, de troncs entassés parut dans un fossé (Maupassant). Comme
sert à donner du jour dans les boutiques. pour interdire un passage : Les premiers l’image de l’abattoir est bête ; on n’abat pas
• REM. L’Académie a adopté la graphie coups d’arquebuse qui seraient tirés de les hommes, — il faut se donner la peine
abattant, au lieu de abatant, en 1932. l’abattis qui interceptait la route (Stendhal). de les tuer (Malraux). 7. Fig. Abattre
n. m. pl. 1. Parties secondaires d’ani- quelqu’un, supprimer sa résistance phy-
abattée ou abatée [abate] n. f. (de
maux abattus, de volailles surtout (pattes, sique ou morale : La maladie l’a abattu.
abattre ; 1687, Desroches). 1. Mouvement
tête, cou, ailerons, coeur, foie, gésier) : Un M. Eyssette devint terrible [...]. La mau-
d’un navire qui change de route. 2. Par
rôtisseur qui débite par jour cinq cents pou- vaise fortune, au lieu de l’abattre, l’exaspéra
extens. Amplitude de ce mouvement.
lets en doit conserver les abattis (Nerval). (Daudet). 8. Détruire la prospérité, le
abattement [abatm] n. m. (de abattre ; 2. Pop. Bras et jambes : Tout ce sirop de prestige d’un pays, l’autorité d’une per-
XIIIe s.). grenouilles que l’orage avait craché sur sonne, d’une idée : Il ignorait, ou feignait
ses abattis (Zola). Pop. Numéroter ses d’ignorer, le désir qu’avait le vieux chan-
I. 1. Etat d’une personne abattue, qui
abattis, se préparer à une dure épreuve celier [Bismarck] d’abattre définitivement
n’offre plus de résistance physique :
physique, où l’on risque de pâtir. la France par une nouvelle défaite militaire
L’abattement dû à la chaleur. 2. Fig.
• REM. L’Académie a adopté la graphie (Martin du Gard). Il ne la faisait paraître
Etat d’une personne découragée, qui n’a dans sa sublimité [la philosophie des
plus de ressort : Quant à Gringoire, le abattis, au lieu de abatis, en 1932.
stoïciens] que pour l’abattre de plus haut
premier moment d’abattement passé, il abattoir [abatwar] n. m. (de abattre ; devant la philosophie chrétienne (France).
avait repris contenance (Hugo). Un abat- 1806, Wailly). 1. Etablissement, compor- Fig. et par extens. Ruiner la réputation, la
tement, fait d’ennui sans cause et de force tant diverses installations, où l’on tue les gloire de quelqu’un : Jem’amuserais plus de
en excès, entravait en lui toute velliéité animaux destinés à la consommation : l’entendre [Claudel] exécuter Bernardin, si
d’action, obscurcissait toute pensée (Mar- D’un abattoir voisin venaient des hurle- du même coup il n’abattait Rousseau (Gide).
tin du Gard). ments lamentables, des coups sourds, un 9. Abattre du travail, de la besogne, exé-
goût fade de sang et de graisse (Daudet). cuter rapidement beaucoup de travail :
II. Somme forfaitaire déduite d’un dé-
2. Par anal. Mener des hommes à l’abat- D’autres jours, il se mettait à la terre avec
compte. Abattement à la base, fraction
toir, les conduire à un combat dont ils ont rage et abattait à lui seul le travail de dix
de la matière imposable exemptée d’im-
peu de chance de revenir. journaliers (Daudet). Maman, qui a tant
pôt. Abattement de zone, diminution
qui affecte le salaire minimum garanti abattre [abatr] v. tr. (du bas lat. *abbat- cousu dans sa vie, abattait la besogne d’une
ou le salaire de base des prestations fami- tuere, comp. de ad et de battuere [V. bonne ouvrière en chambre (Duhamel).
BATTRE] ; VIIIe s., Gloses de Reichenau ; au Fam. En abattre, faire beaucoup de tra-
liales, applicable dans une région.
sens de « tuer » [argot], 1821, Ansiaume). vail : Le bûcheur qui entraînait les autres,
• SYN.: I. 1. et 2 accablement, anéantisse-
[Conj. 48.] 1. Renverser, faire tomber ce qui qui les poussait à en abattre (Bourget).
ment, découragement, dépression, prostra-
10. Par extens. Abattre une distance, la
tion. — CONTR. : I, 1 et 2 ardeur, entrain, est debout : Il [...] fagotait, écorçait les arbres
ou les abattait (Balzac). Le vent qui abat les parcourir (nuance d’effort) : Nous abat-
euphorie, exaltation, fougue.
édifices (Maupassant). Rien n’empêchait, tions nos quarante kilomètres comme un
abatteur [abatoer] n. m. (de abattre ; en abattant trois murs, d’avoir, au second jeune homme (Péguy).
XIVe s.). 1. Celui qui abat (des arbres, du étage, une galerie de tableaux (Flaubert). • SYN.: 1 culbuter, démolir, jeter bas, renver-
charbon, etc.) : Il passait des nuits agitées, 2. Abattre les angles d’une pièce de bois, ser ; 4 abaisser, baisser ; 7 accabler, affaiblir,
de ces nuits d’abatteurs d’arbres, en les- d’une pierre, les supprimer au moyen d’un décourager, déprimer ; 8 anéantir, écraser,
quelles recommence l’ouvrage du jour dans outil. 3. Faire tomber à terre une chose rabaisser. — CONTR. : 1 relever, remettre
le cauchemar (Goncourt). Le démolisseur de en la détachant de ce qui la soutient : debout ; 4. lever, remonter ; 6 encourager,
Saint-Germain-l’Auxerrois, l’abatteur des Nous marchions gaiement, sifflant, abat- réconforter ; 8 relever.
croix en 1830 (Chateaubriand). 2. Fig. tant des cormes à coups de pierre (Sand). v. intr. 1. Changer de direction, en
Abatteur de besogne, celui qui abat du Spécialem. et absol. Arracher de la veine parlant d’un navire : Abattre sur tribord.
travail, qui travaille vite : Au bout d’un ou du filon le charbon, le minerai : Vaut 2. Spécialem. En parlant d’un voilier,
an, Numa chercha autre chose ; d’ailleurs mieux abattre, si nous voulons avoir notre s’écarter de la direction d’où souffle le vent.
il fallait à Sagnier des piocheurs, des abat- compte de berlines (Zola). 4. Faire des- s’abattre v. pr. 1. Tomber de sa hauteur
teurs de besogne et celui-ci n’était pas son cendre en abaissant brusquement : Il abat- tout d’un coup, s’effondrer : Après avoir
homme (Daudet). 3. Fig. et vx. Abatteur tit le vasistas pour voir la route (Flaubert). sauté l’obstacle, le cheval s’est abattu.
de quilles, celui qui se vante impudemment Un colonel déclara l’avoir entrevu un 2. Se précipiter sur, survenir brusque-
de prouesses qu’il n’a pas accomplies : instant [le drapeau blanc], le temps de la ment pour envahir : Le sale oreiller où
Putois fut célébré comme un grand abat- hisser et de l’abattre (Zola). Abattre sa s’abattaient les mouches (Flaubert). Comme
teur de quilles et l’amoureux des onze mille carte, ses cartes, son jeu, montrer sa ou un vol criard d’oiseaux en émoi | Tous mes
vierges (France). ses cartes pour indiquer qu’on ne veut pas souvenirs s’abattent sur moi (Verlaine).

7
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Depuis l’avant-veille, une peur maladive, tient dans cette position jusqu’à ce que d’un abcès [aps] n. m. (lat. méd. abscessus,
nourrie par la lecture des journaux et les signe l’abbé le relève (Huysmans). au sens du gr. apostêma, désagrégation ;
conversations, s’était abattue sur le pauvre abbatiale n. f. 1. Ensemble des bâtiments 1539, J. Canappe). 1. Accumulation de
diable (Martin du Gard). 3. Tomber bru- d’une abbaye. 2. Eglise qui fut d’abord pus dans une partie de l’organisme :
talement, en parlant de la pluie, de la grêle, celle d’une abbaye. Dupuytren, allant ouvrir un abcès à travers
etc. ; cesser brusquement de souffler, en • REM. On trouve aussi abbatial, n. m. : une couche épaisse d’encéphale (Flaubert).
parlant du vent : De fortes averses se sont J’entrai d’abord dans l’église : un pan de Percer, vider un abcès. Abcès de fixation,
abattues sur toute la région. 4. Class. Se mur attenant au cloître était tombé ; l’an- abcès aseptique provoqué par une injection
laisser aller au découragement : Mais je tique abbatial n’était éclairé que d’une d’essence de térébenthine et déterminant
ne pleurerai point et ne m’abattrai point lampe (Chateaubriand). une dérivation dans les grandes infections
(Chapelain). générales. 2. Fig. Crever l’abcès, devant
abbatiat [abasja] n. m. (de abbé ; 1876,
• SYN.: 1 s’affaisser, s’affaler. une situation confuse, faire brutalement
Littré). Dignité, fonctions d’abbé ; durée
• REM. Depuis 1932, l’Académie écrit éclater la vérité.
de ces fonctions.
avec deux t tous les dérivés de abattre. • SYN.: 1 anthrax, clou (fam.), furoncle.
abbaye [abi] n. f. (du lat. ecclés. abba-
abattu, e [abaty] adj. (part. passé de abdicataire [abdikatr] adj. et n. (de
tia [V. ABBÉ] ; XIe s., abadie ; XIIe s., abaïe,
abattre). 1. Sans raideur : Des épaules abeïe). 1. Monastère gouverné par un abbé, abdiquer ; 1848, Chateaubriand). Qui a
abattues et joliment tombantes (Goncourt). une abbesse : Je vois encore le mélange abdiqué : Je crus devoir rendre visite aux
Dans ces traits rigides ou abattus majestueux des eaux des bois de cette personnes notables ; j’allai, sans façon, offrir
(Baudelaire). 2. A bride abattue, en lais- antique abbaye où je pensai dérober ma l’hommage de mon respect au roi abdica-
sant sa monture la bride sur le cou, donc vie aux caprices du sort ; j’erre encore au taire de Sardaigne (Chateaubriand).
libre de courir sans être modérée ; et au déclin du jour dans ces cloîtres retentissants abdication [abdikasj] n. f. (lat. abdica-
fig., à vive allure : Il a descendu l’escalier et soliaires (Chateaubriand). Un homme tio ; début du XVe s., au sens général, « fait
à bride abattue. 3. Fig. Sans force, sans peut être pourssé par mille sentiments au de renoncer à quelque chose » ; fin du XVe s.,
énergie, comme jeté à terre : Cette femme fond d’une abbaye, il s’y jette comme dans « fait de renoncer à une dignité »). 1. Action
abattue, mourante, recouvra la force d’une un précipice (Balzac). 2. Par extens. de renoncer au pouvoir, notamment au
lionne aux abois (Balzac). Les bâtiments de l’abbaye eux-mêmes. pouvoir suprême : J’ai signé, contre mon
abattu n. m. l’abattu, se dit de la posi- 3. Bénéfices, revenus dont jouissait sentiment, mon abdication pour obéir [dit
tion du chien de fusil lorsque celui-ci est l’abbé. 4. Arg. et vx. Abbaye de Monte-
le duc d’Angoulême] (Chateaubriand).
désarmé. à-Regret, la potence, l’échafaud.
2. Par extens. Renonciation à un avan-
• SYN.: 1 et 2 couvent, monastère. tage, à quelque chose : Cette abdication
abattue [abaty] n. f. (de abattre ; 1444, La
Grange, au masc. et écrit abatut ; au fém., abbé [abe] n. m. (lat. ecclés. abbas, à volontaire de son libre arbitre (Hugo).
l’accus. abbatem, par l’intermédiaire Balzac pensait sans doute qu’il n’est pas
1752, Trévoux). Vx. Retombée d’une voûte
du gr. ecclés. abba, empr. de l’araméen pour l’homme de plus grande honte ni de
(terme d’architecture).
abba, père ; XIe s., abed ; XIIe s., abé). plus vive souffrance que l’abdication de sa
abatture [abatyr] n. f. (de abattre ; XIVe s., 1. Supérieur d’un monastère d’hommes volonté (Baudelaire). Il y a dans le renonce-
Coutumes normandes). Action de faire érigé en abbaye. Abbé crossé et mitré, ment à la joie [...] comme une sorte d’abdi-
tomber les fruits des arbres. abbé possédant l’autorité et les insignes cation (Gide).
abattures n. f. pl. (1611, Cotgrave). d’un évêque. 2. Autref. L’aïque, qui, sans • SYN.: 2. démission.
Foulées laissées par les animaux sauvages. gouverner effectivement une abbaye, en
abdiquer [abdike] v. tr. (lat. abdicare,
percevait les revenus. 3. Se dit de toute
abat-vent [abav] n. m. invar. (de abat, renoncer à ; début du XVe s.). 1. Renoncer
personne qui porte l’habit ecclésiastique.
forme verbale de abattre, et de vent ; 1344, au pouvoir, et notamment au pouvoir
Monsieur l’abbé, et, fam., l’abbé, titre
Delisle, Dict, général). 1. Construction suprême : Abdiquer la couronne. 2. Fig.
donné à un porêtre séculier. Abbé de
légère pour protéger du vent : Encore Renoncer à quelque chose que l’on possé-
cour, sous l’Ancien Régime, personne de
que quelques gentilshommes de mes amis dait, à l’exercice d’une faculté : Pour peu
qualité portant l’habit ecclésiastique sans
s’employassent [...] à m’entraîner jusqu’à qu’on ait de goût au rang où je me vois, | On
être astreinte aux fonctions sacerdotales,
l’abat-vent où nous devions passer la nuit abdique aisément ce qu’on a de bourgeois
et, par extens, ecclésiastique mondain : Ce
(Toulet). 2. Par extens. Appareil placé sur curé [...] avait un neveu à bénéfices, abbé de (Boursault). Aussitôt chacun fut joyeux,
la partie extérieure d’une cheminée, pour cour, qui pouvait être utile (Musset). chacun abdiqua sa mauvaise humeur
que le vent ne gêne pas le tirage. (Baudelaire). Journalistes, professeurs,
abbesse [abs] n. f. (lat. ecclés. abba-
abat-voix [abavwa] n. m. invar. (de écrivains, savants, intellectuels, tous, à
tissa, fém. de abbas ; XIe s., abadesse ;
abat, forme verbale de abattre, et de voix ; qui mieux mieux, abdiquaient leur indé-
XIIe s., abaesse, abeesse). Supérieure d’un
1808, Boiste). Dais placé au-dessus d’une pendance critique pour prêcher la nouvelle
monastère de femmes érigé en abbaye :
chaire d’église, pour diriger la voix vers croisade, exalter la haine de l’ennemi héré-
Cette fameuse abbesse du couvent de la
les auditeurs. ditaire (Martin du Gard).
Visitation à Castro (Stendhal).
• SYN.: 1 se démettre de, démissionner de,
abbadir n. m. V. ABADIR. abc ou abécé [abese] n. m. (mot formé quitter, résigner ; 2 abandonner.
des premières lettres de l’alphabet ; 1119,
abbatial, e, aux [abasjal, -o] adj. (bas lat. v. intr. 1. Renoncer au pouvoir : « Savez-
abbatialis [V. ABBÉ] ; début du XVe s.). 1. Qui Ph. de Thaon). 1. Livre où l’on apprend les voux ce qu’on me propose ? Une abdication
premiers éléments de la lecture. 2. Fig.
appartient à l’abbaye : La petite ville aristo- en faveur du roi de Rome. — Il faut abdi-
cratique doubla la cité abbatiale (Pourrat). Premiers éléments, base d’une connais- quer » (Dumas père). 2. Fig. Renoncer
sance, d’une science. Fam. C’est l’« abc »
Eglise abbatiale, église construite pour à agir, dans tous les domaines : Il avait
du métier, c’est une chose élémentaire.
une abbaye. 2. Relatif à l’abbesse : La renoncé, il avait abdiqué. Sa destinée était
chaire abbatiale, où siège [...] | Hieronymus, abcéder [apsede] v. intr. (lat. abscedere ; faite (Baudelaire). Une dame de cinquante-
le vieil et révérend abbé (Leconte de Lisle). 1537, J. Canappe). [Conj. 5.] Tourner en deux ans qui n’avait pas encore abdiqué
Il s’agenouille devant la table abbatiale et se abcès. (About). 3. Fig. Renoncer à tenir son

8
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

rang : Ce train d’une noble famille qui ne sont le symbole de l’industrie et de la civili- déchirent le milieu de la civilisation actuelle
voulait pas abdiquer (Zola). sation qu’elles annoncent (Chateaubriand). (Valéry).
Ce bruit des petites filles plus doux qu’un • SYN. : 2 abrutir, hébéter. — CONTR. : 2
abdomen [abdmn] n. m. (mot lat. ;
bruit d’abeilles (Hugo). 2. Symbole du cultiver, éveiller, façonner.
1537, J. Canappe). 1. Partie centrale du
premier Empire. s’abêtir v. pr. Perdre progressivement
corps humain, entre le thorax et le bas-
sin. 2. Partie postérieure du corps des abeiller, ère [abje, -r] adj. (de abeille ; toute intelligence, tout bon sens : Les
insectes. XIXe s.). Relatif aux abeilles. peuples autant que les individus s’abêtissent
• SYN.: 1 ventre. dans la paresse (Gide).
aber [abr] n. m. (mot celt. signif.
abdominal, e, aux [abdminal, -o] adj. « embouchure, estuaire » ; 1839, Boiste). abêtissant, e [abtis, -t] adj. (part.
(de abdomen ; 1611, J. Duval). Qui appar- prés. de abêtir ; 1846, Bescherelle). Qui rend
En Bretagne, basse vallée d’un cours d’eau
tient à l’abdomen : Cavité abdominale. peu à peu stupide : Par moments, la vie de
envahie par la mer.
mes idées me paraît s’en aller de moi [...],
abducteur [abdyktoer] adj. et n. m. (lat. aberrance [abrs] n. f. (de aberrant ; se fondre dans je ne sais quelle abêtissante
abductor, qui écarte ; v. 1565, A. Paré). 1. Se milieu du XXe s.). En statistique, singula- contemplation (Goncourt). Sous cette forme
dit d’un muscle qui produit un mouve- rité présentée par une grandeur s’écartant dévorante, éperdue, abêtissante, l’amour lui
ment d’abduction. 2. Se dit d’un tube notablement de la valeur moyenne. inspirait toujours de la stupeur, de l’effroi
qui recueille les gaz dans une réaction et même une sorte de répugnance (Martin
chimique. 3. Se dit du ligament élas- aberrant, e [abr, -t] adj. (part. prés.
du Gard).
tique qui écarte les valves des mollusques de aberrer ; 1842, Acad.). 1. Qui s’écarte
du type normal : Ferdinand représentait
• SYN.: abrutissant.
bivalves.
assez bien le type aberrant que l’on ren- abêtissement [abtism] n. m. (de abê-
• CONTR. : adducteur.
contre presque toujours dans une famille tir ; 1552, B. Aneau, puis 1845, J.-B. Richard
abduction [abdyksj] n. f. (lat. abduc- (Duhamel). 2. Qui s’écarte de la logique, de Radonvilliers). Action d’abêtir, de s’abê-
tio, action d’emmener ; 1541, J. Canappe). de la vérité, du bon sens : Certaines pages, tir ; état d’une personne abêtie : Presque
Mouvement écartant un membre ou un les moins aberrantes, racontaient avec tout le temps que je passais près d’elle, j’étais
segment de membre du plan médian du détails notre croisière (L. Daudet). Les à peu près idiot et plongé dans un abêtisse-
corps. fantasmagories du sommeil et les autres ment délicieux (France).
• CONTR. : adduction. productions aberrantes de notre esprit • SYN.: abrutissement.
n. m. V. ABC. (Valéry). Une conduite aberrante.
abécé ab hoc et ab hac [abketabak] loc. adv.
• SYN. : 2 absurde, insensé, saugrenu. —
abécédaire [abesedr] n. m. (du bas lat. (mots lat. signif. « de celui-ci et de celle-ci »).
CONTR. : 2 cohérent, judicieux, logique,
abecedarius ; 1529, G. Tory). Livre où l’on Vx et fam. De côté et d’autre, au hasard.
raisonnable, sensé.
apprenait l’alphabet : Il aidait beaucoup abhorrer [abre] v. tr. (lat. abhorrere,
plus les enfants à faire [...] des cocottes avec aberration [abrasj] n. f. (lat. aber-
avoir en horreur ; 1495, J. de Vignay,
leurs abécédaires, qu’il ne leur apprenait ratio, action de s’éloigner ; 1624, Ph.
rare jusqu’au XVIe s. ; var. aborir, XVe s.).
à lire (Balzac). Le vieux Hauser avait mis Daquin ; 1733, Voltaire, sens optique [par
Repousser une chose avec horreur ; avoir
ses lunettes et, tenant son abécédaire à l’intermédiaire de l’angl.] ; 1775, Grimm,
une profonde aversion pour une personne :
deux mains, il épelait les lettres avec eux « égarement d’esprit »). 1. Déviation des
Il abhorre les traditions, la petite ville, la
(Daudet). rayons lumineux : Nous mettons tous les
vanité locale, la médiocrité infligée (Valéry).
adj. Vx. Qui concerne l’alphabet. ans plus d’industrie et d’invention dans
Sa soeur abhorrait tous les hommes, le
Hymnes abécédaires, hymnes dont les nos tabatières et dans nos autres colifichets
frère avait toutes les femmes en défiance
versets sont dans l’ordre alphabétique de que les Anglais n’en ont mis à se rendre (Daudet).
leur première lettre : Sedulius, l’auteur maîtres des mers, à faire monter l’eau par • SYN. : abominer, détester, exécrer, haïr,
d’hymnes abécédaires dont l’Eglise s’est le moyen du feu et à calculer l’aberration de
honnir. — CONTR. : adorer, affectionner,
approprié certaines parties (Huysmans). la lumière (Voltaire). 2. Fig. Egarement de
chérir.
l’esprit, erreur de jugement : Comment cette
abecquer [abeke] v. tr. (de bec ; XIIe s. ;
pensée si nette et si puissante a-t-elle pu abies [abjs] n. m. (lat. abies, sapin ; 1866,
var. abecher, encore dans Furetière). Larousse). Nom scientifique du sapin : Les
arriver à ce degré d’aberration ? (Gautier).
1. Donner la becquée à un oiseau. 2. Par
Il ne comprenait pas par quelle aberration abiès droits et graves, pareils à d’anciennes
extens. Présenter la nourriture à la bouche
il avait pu prendre ce sauvetage à sa charge pierres sacrées (Zola).
de quelqu’un : Il réclama son potage et se
(Martin du Gard). abiétacées [abjetase] n. f. pl. (du lat.
laissa abecquer sans souffler mot (Martin
du Gard). •SYN.: 2 errement, fourvoiement, illusion. abies, abietis, sapin ; milieu du XXe s.).
— CONTR.: 2 bon sens, logique, rectitude. Plantes formant une section de la famille
abée [abe] n. f. (de l’anc. franç. abeee, des conifères (abies, araucaria, cèdre, épi-
baee, ouverture [de beer, baer, être ouvert] ; aberrer [abre] v. intr. (lat. aberrare,
céa, etc.).
1119, Ph. de Thaon, par agglutination de l’a s’écarter ; 1532, Michel d’Amboise). Se
tromper, être dans l’erreur. (Rare.)
• REM. On a dit naguère ABIÉTINÉES.
de l’article). Ouverture par où passe l’eau
actionnant la roue d’un moulin. abêtir [abtir] v. tr. (de bête ; milieu du abîme [abim] n. m. (lat. pop. *abismus,
s.). 1. Class. Faire agir sans que la rai- altér. du lat. ecclés. abyssus, gr. abussos,
abeille [abj] n. f. (provenç. abelha, XIVe

son intervienne : Prenez de l’eau bénite ; sans fond ; XIIe s.).


du lat. apicula, dimin. de apis ; XIIIe s.,
Etablissement de Saint Louis, écrit abueille ; cela vous fera croire et vous abêtira (Pascal). I. 1. Gouffre dont on ne peut mesurer la
abeille, 1500, O. de Saint-Gelays, qui a rem- 2. Rendre bête, stupide : Cette prude- profondeur : Peut-être y a-t-il, non loin de
placé les anc. formes ef, é, issues de apis). rie qui nous abêtit depuis si longtemps leur résurgence, un abîme, où des rivières
1. Insecte vivant en essaim et produisant [...] remonte justement aux âges impies souterraines alimentent [...] des profon-
le miel : On a remarqué que les colons (Huysmans). Nous sommes suggestion- deurs liquides [...] qui dorment à notre
sont souvent précédés dans les bois par des nés, harcelés, abêtis, en proie à toutes les insu noires et lourdes de menace (Bosco).
abeilles : avant-garde des laboureurs, elles contradictions, à toutes les dissonances qui 2. Par extens. Se dit des choses incom-

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

mensurables (profondeurs de la mer, extens. : C’était une femme de petite taille, position ? (Musset). 4. Se dit d’un com-
immensité des cieux, etc.) : La houle, les malheureusement abîmée par l’embon- portement correspondant à une grande
courants et les raz de marée | T’ont-ils rou- point (Hermant). Si nous croyons que la bassesse de sentiments : Cet altier stoïcisme
lée au creux de leurs abîmes verts ? (Here- machine abîme l’homme, c’est que, peut- de la veille m’avait rudement précipité à un
dia). L’astre [...] sortit enfin d’un abîme être, nous manquons un peu de recul pour mépris abject de moi (Sainte-Beuve).
de lumière (Chateaubriand). 3. Spécia- juger les effets de transformations aussi •SYN. : 3 et 4 bas, ignoble, infâme, vil. —
lem. Les Enfers, ou l’enfer : Terre, élève rapides que celles que nous avons subies CONTR. : 3 et 4 digne, élevé, noble.
ta voix ; cieux, répondez ; abîmes, | Noir (Saint-Exupéry). 4. Fig. et fam. Abîmer
abjectement [abktm] adv. (de
séjour où la mort entasse ses victimes, | Ne quelqu’un, dire du mal de lui, le critiquer
abject ; 1470, Livre de la discipline d’amour
formez qu’un soupir (Lamartine). Nous sévèrement : Abîme tes parents puisque
divine). De façon abjecte.
combattons en nous les esprits de l’abîme ça te soulage, ma fille (Goncourt). Je suis
(Leconte de Lisle). 4. En héraldique, accoutumé à être élucidé, disséqué, appau- abjection [abksj] n. f. (lat. abjectio,
point central de l’écu : La bandoulière de vri, enrichi, exalté et abîmé, jusqu’à ne plus au sens ecclés. de « rejet », de abjicere, reje-
cuir aux armes de Montcornet, avec celles savoir moi-même quel je suis, ou de qui l’on ter ; 1372, J. Corbichon). 1. Class. Extrême
de Troisvilles en abîme (Balzac). parle (Valéry). bassesse de condition : S’il était permis à
II. 1. Ce qui sépare de façon irrésistible : • SYN. : 1 anéantir, engloutir, ensevelir ; 3 ce malheureux que vous outragez de vous
Ce n’est pas un fossé qui se creuse entre détériorer, endommager, gâter, ruiner ; 4 répondre, si l’abjection de son état n’avait
nous, Laurent, c’est un abîme (Duha- critiquer, débiner (pop.), éreinter (pop.), pas mis le frein de la honte et du respect
mel). Cosette mesurait avec cette sagacité esquinter (fam.), médire de. — CONTR. : 3 sur sa langue... (Massillon). 2. Vx.
naïve et triste de l’enfance l’abîme qui la arranger, rajuster, réparer ; 4 flatter, louer. Extrême humilité : Notre-Dame des
séparait de cette poupée (Hugo). 2. Ce v. intr. 1. Class. Tomber dans un gouffre : Soupirs [...] ne rêve jamais de révolte. Elle
que l’esprit ne peut comprendre de fa- Jurant à faire abîmer la ville de Valence est humble jusqu’à l’abjection (Baudelaire).
çon claire ; énigme, mystère : Un pou- (Scarron). 2. Class. et fig. Perdre sa for- 3. Bassesse de sentiments : Un traître
voir magique m’entraîne | Vers l’abîme tune, sombrer : C’est un méchant homme, dont l’abjection soulève le dégoût.
de ce regard (Gautier). Vous êtes tous les il abîmera avec tout son bien (Acad., 1694). • SYN. : 3 avilissement, ignominie, indi-
deux ténébreux et discrets : | Homme, 3. Pop. et Vx. Altérer la vérité par des gnité, infamie, vilenie. — CONTR.: 3 dignité,
nul n’a sondé le fond de tes abîmes, | O exagérations : On pourrait croire que noblesse.
mer, nul ne connaît tes richesses intimes, j’abîme. Eh bien, c’est tout ce qu’il y a de
abjuration [abyrasj] n. f. (lat. ecclés.
| Tant vous êtes jaloux de garder vos se- vrai (Dorgelès).
abjuratio, reniement ; 1492, Dict. géné-
crets (Baudelaire). 3. Un abîme de, ce s’abîmer v. pr. 1. Littér. Plonger dans ral). 1. Fait de renier solennellement une
qui est le degré extrême de : Quand ma ou comme dans un abîme : Un avion qui croyance religieuse : L’abjuration de George
belle-mère avait précipité une créature s’abîme dans la mer. Tout s’est tu. Le soleil Mergy l’avait presque entièrement séparé
dans un abîme d’affliction, il lui plai- s’abîme et disparaît (Heredia). J’essayais de sa famille (Mérimée). 2. Par extens.
sait de l’en retirer aussitôt par une grâce alors de la consoler et l’instant d’après, Renonciation totale à une opinion : Il n’y
toute gratuite (Mauriac). Il y a en lui un je m’abîmais dans des désespoirs inexpli- a pas de marges : et c’est pourquoi le désac-
cables (Chateaubriand). 2. Fig. et lit- cord, même partiel, d’un artiste avec le sys-
aubnî mheo
md’mégeo
ïasum
es.avoUirni mabmîmene
sdee.sci4en.Ccee, tér. S’écrouler et disparaître, en parlant tème le conduit à une abjuration (Malraux).
qui cause la ruine, la destruction : Le d’une puissance : L’Empire s’est abîmé [...] ; • SYN. : 1 apostasie, abandon, reniement,
malheur est un marchepied pour le génie l’immense ruine s’est écroulée dans ma vie
renonciation. — CONTR. : 1 fidélité.
[...], pour les faibles un abîme (Balzac). Il (Chateaubriand). 3. S’enfoncer profon-
regrette de ne pouvoir vous tirer de l’abîme dément dans un sentiment, une attitude : abjuratoire [abyratwar] adj. (de abju-
où vous êtes plongé (Sand). Nous roulons Rovère s’abîmait dans sespensées (Samain). rer ; 1846, Bescherelle). Relatif à l’abjura-
à l’abîme, comme un train dont les freins 4. Fam. Subir des dommages, des dégâts ; tion : Acte, formule abjuratoire.
étaient mal bloqués, et qui dévale la pente, se détériorer : Nous avons au grenier des abjurer [abyre] v. tr. (lat. ecclés. abju-
emporté par son propre poids à une vitesse tas de meubles qui s’abîment (Mauriac). rare, nier par serment ; 1495, J. de Vignay).
qui s’accélère de minute en minute (Mar-
ab intestat [abtsta] loc. adj. (d’après 1. Renoncer solennellement à une croyance
tin du Gard). Quand on se voit au bord de
le lat. jurid. ab intestato, de ab, de la part religieuse (souvent employé absolument) :
l’abîme et qu’il semble que Dieu vous ait
de, et intestatus, qui n’a pas testé ; XVe s.). Pressée par lui, Gertrude avait abjuré. Il
abandonné, on n’hésite plus à attendre de
Se dit de celui qui est mort sans avoir testé, m’annonça du même coup sa propre conver-
lui un miracle (Proust).
ainsi que de son héritage. sion et celle de Gertrude (Gide). 2. Par
• SYN. : I, 1 aven, gouffre, précipice ; 2 extens. Renoncer à une chose à laquelle
abysse. II, 1 barrière, fossé, gouffre, ab irato [abirato] loc. adv. (du lat. ab
on était très attaché : Malgré les instances
séparation ; 3 comble ; 4 gouffre, précipice. irato homine, venant d’un homme irrité ;
de Bouvard, et abjurant toute pudeur, il
1863, Littré). Sous l’empire de la colère :
abîmer [abime] v. tr. (de abîme ; XIVe s. ; prit le parti « d’aller lui-même au crottin »
Agir « ab irato ».
au sens d’« endommager », 1567, Amyot). (Flaubert).
1. Class. Précipiter dans un abîme : Dieu abject, e [abkt] adj. (lat. abjectus, laissé • SYN. : 1 apostasier, renier ; 2 abandon-
résolut enfin [...] | D’abîmer sous les eaux de côté, de abjicere, rejeter ; 1470, Livre de la ner, laisser. — CONTR. : 1 rester fidèle à ; 2
tous ces audacieux (Boileau). 2. Class. discipline d’amour divine). 1. Class. D’une conserver, garder, persévérer dans.
et fig. Abîmer quelqu’un, lui faire perdre condition sociale humble : Tout ce qu’il y a
ablactation [ablaktasj] n. f. (de ab priv.
sa fortune, le ruiner : Les gros intérêts ont de grand et tout ce qu’il y a d’abject (Pascal).
et de lactation ; 1771, Trévoux). Cessation
abîmé ce marchand (Furetière). 3. Abîmer 2. Vx. Humble, sans élévation : Dans ces
de l’allaitement. (Ce mot s’applique à la
quelque chose, quelqu’un, le mettre en mau- quartiers presque populaires, quelle exis-
mère, et celui de sevrage à l’enfant.)
vais état : C’est donc pour cela [...] qu’il met tence modeste, abjecte, mais douce, mais
son gilet neuf, au risque de l’abîmer à la nourrie de calme... (Proust). 3. Se dit ablatif [ablatif] n. m. (lat. ablativus
pluie (Flaubert). Ne craignez rien, murmu- d’une personne méprisable par son carac- [casus], cas marquant l’origine ; XIVe s., J.
rait-il. Vos mains sont les trésors du monde, tère, ses actions : N’est-ce point une femme Le Fèvre). Dans certaines langues, cas de
je ne les abîmerai pas (Duhamel) ; et par abjecte que celle qui obéit à une pareille pro- la déclinaison marquant l’origine, l’ins-

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

trument : En latin, le complément d’agent plus à son travail jusqu’au lendemain matin la longueur d’un temps aboli, sinon par
se met à l’ablatif. (Gide). la quantité d’images laissées par lui en
notre esprit (Maurois). Minute qui aboli-
ablation [ablasj] n. f. (bas lat. abla- abnégation [abnegasj] n. f. (lat.
rait le temps et les réalités (Rodenbach).
tio, enlèvement ; XIIIe s., au sens du lat.). ecclés. abnegatio, renoncement, en lat.
Un coup de dés jamais n’abolira le hasard
1. Opération chirurgicale consistant à class. « refus » ; 1377, Oresme). Action de
renoncer volontairement à ses propres (Mallarmé). On brûle tout un bosquet
enlever un organe, une partie du corps :
sentiments, à ses intérêts, au nom d’un pour abolir quelque nid de bêtes que l’on
L’opération de cet hiver, l’ablation du rein
idéal : L’abnégation du guerrier est une croix ne sait seulement atteindre (Valéry). Les
droit, n’a servi qu’à une chose : à ce qu’on
plus lourde que celle du martyr (Vigny). temps abolis, le passé complètement oublié.
ne puisse plus s’illusionner sur la nature de
En France, l’émulation devient vite une 4. Supprimer une mesure juridique :
la tumeur (Martin du Gard). 2. Fig. Fait
de supprimer. sorte de furie qui pousse chaque citoyen à Une société boutiquière et bourgeoise, qui
l’abnégation héroïque (Gide). a reculé devant la peine de mort, n’osant
• SYN.: 1 amputation, excision, exérèse ; 2
• SYN.: renoncement, sacrifice. — CONTR. : ni l’abolir avec grandeur, ni la maintenir
suppression. — CONTR.: 1 greffe.
égoïsme. avec autorité (Hugo). Class. Abolir un
able [abl] n. m. (du lat. albulus, blan- crime, l’amnistier.
châtre). Nom donné à plusieurs poissons aboi [abwa] n. m. (déverbal de aboyer ;
• SYN.: 1 anéantir, détruire, supprimer ; 2
d’eau douce. XIIe s., Fierabras, écrit abai).) Vx. Cri du
effacer, éteindre ; 4 abroger, annuler, casser,
chien : Les chiens des chasseurs [...] poussent
ablégat [ablega] n. m. (lat. ablegatus, infirmer, invalider, révoquer. — CONTR.: 4
des abois, tandis que leurs maîtres, gardant
envoyé, part. passé de ablegare, envoyer ; établir, instituer, promulguer.
un silence profond, frappent les flots en
1752, Trévoux). Envoyé du Saint-Siège, cadence avec leurs pagaies (Chateaubriand). abolissement [ablism] n. m. (de abo-
chargé d’une mission : Le comte Adriani lir ; 1405, Godefroy). Vx. Action d’abolir ;
abois n. m. pl. 1. Moment de la chasse
[...] traversant Paris avec son ablégat pour résultat de cette action : Ce qui contribua
à courre où la bête, entourée des chiens,
porter à je ne sais qui la barrette et la calotte le plus à l’abolissement du duel, ce fut la
est à bout d’expédients : Pressé comme
cardinalices (Daudet). un sanglier aux abois (Maurois). Fig. nouvelle manière de faire combattre les
ablepsie [ablpsi] n. f. (de a priv. et du gr. Etre aux abois, ne savoir comment sortir armées (Voltaire).
blepsis, vue ; 1866, Larousse). Cécité (au pr. d’une situation désespérée. 2. Class. et
abolisseur [ablisoer] n. m. (de abolir ;
et au fig.) : Quel évêque atteint d’ablepsie, fig. Dernière extrémité, agonie : Unissons
1856, Baudelaire). Personne qui abolit :
quels églisiers, agités par des forces mau- ma vengeance à votre politique | Pour sauver
Observons que les abolisseurs de la peine de
vaises, ont commandé et accepté de telles des abois toute la République (Corneille).
mort doivent être plus ou moins intéressés
choses ? (Huysmans). Ah ! Jem’en souviendrai jusqu’aux derniers
à l’abolir (Baudelaire).
abois (Corneille).
ableret [ablr] n. m. (de able ; début du
abolition [ablisj] n. f. (lat. abolitio,
XIVe s.). Filet carré attaché au bout d’une aboiement [abwam] n. m. (de aboyer ;
suppression ; 1413, Ordonnance royale).)
perche, avec lequel on pêche de petits pois- XIIIe s., écrit abaement). 1. Cri du chien et
1. Class. Pardon qui amnistie une faute :
sons. (On dit aussi CARRELET.) de quelques animaux : Tout à coup, dans
Le retour du comte de Miossens à la cour
le noir, dans le silence, éclatait la musique
ablette [ablt] n. f. (dimin. de able ; sauvage des nuits d’Afrique, clameurs éper- et son abolition pour s’être battu en duel
1317, Godefroy). Petit poisson blanc : Des dues des cigognes, aboiements des chacals et (La Rochefoucauld). 2. Suppression
myriades d’ablettes argentées s’ébattaient des hyènes (Daudet). 2. Fig. Cri importun d’une mesure juridique : Ce monde, que
au soleil dans les petits lacs creusés sur le et fatigant : Les aboiements des crieurs de l’abolition de la marque, l’adoucissement
sable (Sand). journaux, dominant le sourd bruissement des pénalités et la stupide indulgence du
de la foule, achevaient d’ébranler les nerfs jury rendent si menaçant (Balzac). 3. Par
abluer [able] v. tr. (lat. abluere, laver ;
(Martin du Gard). Au loin, Siry entendait extens. Disparition totale d’une chose,
XIVe s., Dict. général). 1. Vx. Laver.
l’aboiement incompréhensible d’un haut- d’une idée, d’un sentiment : La popula-
2. Spécialem. Laver un manuscrit, un
parleur espagnol où parlait le père Barca tion de ce misérable village nous offre le
livre, etc., avec une préparation, pour ôter
les taches et raviver l’écriture. (Malraux). Attaques continuelles : Les curieux exemple d’une abolition des réflexes
aboiements de la critique. moraux qui la laisse sans défense contre
ablution [ablysj] n. f. (lat. ecclés. ablutio, toutes sortes de poisons (Bernanos).
• REM. L’orthographe aboîment a disparu
purification par lavage, de abluere, laver ; • SYN.: 2 abrogation, annulation, révoca-
du dictionnaire de l’Académie en 1932.
XIIIe s.). 1. Action religieuse de laver pour
tion ; 3 anéantissement, extinction, sup-
purifier : Après la communion, le prêtre abolir [ablir] v. tr. (lat. abolere, détruire ;
pression. — CONTR. : 2 et 3 conservation,
catholique procède à l’ablution de ses doigts. le changement de conjugaison est dû à l’in-
maintien.
2. Par extens. et fam. Action de se laver : fluence de abolitio ; 1417, Douet d’Arcq).
Puis il se tint la tête sous un robinet d’eau 1. Class. et littér. Détruire complètement abolitionnisme [ablisjnism] n. m.
froide et s’offrit une longue ablution pour une chose, un être : Pyramides, tombeaux (de l’anglo-amér. abolitionism, même
mettre en fuite jusqu’aux dernières vapeurs [...] Par l’injure des ans vous êtes abolis sens ; 1856, Revue des Deux Mondes).)
de colère (Martin du Gard). Faire ses (Scarron). Jupiter résolut d’abolir cette 1. Doctrine qui tendait à la suppression de
ablutions, faire sa toilette. engeance (La Fontaine). L’âge ne change l’esclavage. 2. Par extens. Toute doctrine
que la voix et n’abolit que les cheveux et les tendant à la suppression d’une institution.
ablutionner [ablysjne] v. tr. (de ablu- dents (Baudelaire). La cavité inférieure et
tion ; 1866, Larousse). Fam. Laver : [Le petit les souterrains qui en avaient probablement abolitionniste [ablisjnist] adj. (de
cheval] remue la queue, content d’être lavé, dépendu étaient tout à fait abolis (Sainte- l’anglo-amér. abolitionist, même sens ;
et baissant sa longue lippe sur le lad qui Beuve). C’était, d’un être aboli à la terre, le 1835, Beaumont). Relatif à l’abolition-
l’ablutionne (Montherlant). seul vestige qui restât (Bosco). 2. Fig. Faire nisme : Un système abolitionniste.
s’ablutionner v. pr. Faire sa toilette : Il disparaître : Ils laissent ma mémoire abolie n. 1. Partisan de la suppression de l’escla-
écrit sans s’arrêter chaque jour de six heures et mon tombeau sans honneurs (France). vage : Il a du respect pour moi comme il en
du matin à neuf heures, puis passe dans le 3. Anéantir définitivement (notamment aurait pour un nègre, et cela ne tient pas à
cabinet de toilette, s’ablutionne et ne pense chez les symbolistes) : Comment mesurer son coeur, mais à ses opinions d’abolition-

11
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

niste (Balzac). 2. Par extens. Personne qui abominer [abmine] v. tr. (lat. abomi- fort encombrée d’étalages et d’éventaires,
soutient une doctrine d’abolition. nari, repousser comme un mauvais présage, abondante en soleil et en criailleries (Ro-
de omen, ominis, présage ; 1120, Psautier mains). 2. Absol. Richement pourvu
abominable [abminabl] adj. (lat. ecclés.
d’Oxford). 1. Rejeter avec horreur, avec en biens, en qualités : La vie paysanne, si
abominabilis, à repousser comme un mau-
haine : Tout ce que la Révolution exècre abondante et si facile (Hugo). Elodie, qu’il
vais présage ; 1120, Psautier d’Oxford).)
et abomine (Proudhon). Ce n’est point sentait de nature abondante, riche et don-
1. Class. Qui doit faire horreur par son
l’ignorance, ni l’humilité, ni le renonce- nante (France). 3. Riche en idées, en
caractère impie : Qui ? Ce chef d’une race
ment — c’est le mensonge que j’abomine expressions : Des natures plus heureuses,
abominable, impie (Racine). 2. Se dit
(Gide). 2. Fam. Détester : Les collégiens plus aimables, plus faciles, plus naïves,
d’une chose ou d’une personne qui ins- plus abondantes, plus communicatives
abominent les haricots qu’ils regretteront
pire le dégoût, l’horreur, l’aversion : Une plus tard (Murger). que la mienne (Chateaubriand). Style
jeune princesse, accusée d’un crime abomi- abondant, dont les phrases sont amples,
•SYN.: 1 abhorrer, détester, exécrer, haïr. —
nable, du meurtre de son frère, ne possède nourries d’un vaste vocabulaire, de nom-
CONTR. : 1 aimer, chérir, rechercher.
aucun moyen de prouver son innocence breuses images.
(Baudelaire). Les journaux sont pleins de abondamment [abdam] adv. (de
• SYN.: I, 1 copieux, plantureux ; 2 ample,
récits abominables (Gide). L’abominable abondant ; 1531, Le Pelegrin). D’une
étoffé, fort, large, plantureux. II, 1 et 2
homme des neiges. La vie abominable manière abondante ; en grande quantité :
fécond, fertile, riche ; 3 exubérant, prolixe.
que je menais dans les spectacles et dans Un buffet abondamment garni.
— CONTR. : I, 1 insuffisant, maigre, parci-
les compagnies (France). 3. Par exagér. • SYN. : amplement, considérablement, monieux, rare ; 2 étroit, maigre, mince. II,
Extrêmement mauvais, matériellement ou copieusement, largement. — CONTR. : 1 dénué de, dépourvu de, pauvre ; 2 aride,
moralement : Ses chevaux l’emportaient chichement, parcimonieusement, peu. misérable, pauvre ; 3 sec, stérile.
[Mme de Vivant] à travers la campagne, par D’abondant loc. adv. Class. En outre : Et,
abondance [abds] n. f. (lat. abun-
un abominable temps de neige, enveloppée d’abondant, la vache à notre femme | Nous a
dantia, affluence ; 1119, Ph. de Thaon).
dans ses châles et les pieds sous sa litière de 1. Quantité supérieure au nécessaire : promis qu’elle ferait un veau (La Fontaine).
journaux (Tharaud). Je suis plongé dans L’abondance de ses vêtements, son grand
une histoire de Pierre le Grand [...]. C’était abonder [abde] v. intr. (lat. abun-
collier de pierreries bleues, ses agrafes d’or
un abominable homme, entouré d’abomi- dare, affluer, déborder, de unda, flot ;
et seslourds pendants d’oreilles ne rendaient
1120, Psautier d’Oxford). 1. Couler à
nables canailles (Mérimée). que plus hideuse sa difformité (Flaubert).
flots, affluer : Comme les vins nouveaux
• SYN.: 1 exécrable ; 2 et 3 affreux, atroce, 2. Spécialem. Ressources considérables :
abondent du pressoir (Gide). Poét.
détesable, haïssable, horrible, odieux. — Vivre dans l’abondance. Corne d’abon-
Retomber en formant des ondes, comme
CONTR. : 2 attachant, attirant, attrayant, dance, corne d’où s’échappent des fruits,
un liquide qui coule : De l’épaule de marbre
charmant, séduisant ; 3 agréable, excellent, des fleurs, symbole de la richesse de la au sein nu, ferme et blanc, | Tiède et souple
parfait. nature. 3. Boisson composée de vin
abondait sa chevelure brune (Leconte de
largement mêlé d’eau, servie dans les com-
abominablement [abminablm] Lisle). 2. Par extens. Exister en grande
munautés : C’est comme [...] pour l’abon-
adv. (de abominable ; XIVe s., Chronique quantité : L’histoire ancienne est obscure
dance, tu sais, l’eau rougie [...], je la leur
des quatre Valois, écrit abhominablement).) par le défaut de documents. Ils abondent
laisse, tu comprends ? (Martin du Gard).
D’une façon abominable : Seconduire abo- dans le moderne (Flaubert). 3. Abonder
4. Richesse d’idées, facilité d’élocution :
minablement. Une femme abominablement en, posséder en grande quantité, être rem-
Abondance de mots. Parler d’abondance,
laide. pli de : La côte abondait en poisson. Un
parler sans se servir de notes, sans pré-
voyage qui abonde en événements imprévus.
abomination [abminasj] n. f. (lat. paration : Elle parle longtemps et d’abon-
Les déclarations du témoin abondent en
ecclés. abominatio, horreur que l’on dance, de cette voix persuadante, qui fait contradictions. 4. Vx. Abonder dans, se
éprouve devant ce qui est impie ; 1120, haleter J.-B. Crouzat d’admiration, et berce donner avec excès à : Au lieu de se modé-
Psautier d’Oxford). 1. Irrésistible dégoût la pauvre Eline, l’emporte dans un rêve rer [...], Jacques II abonda dans les mesures
physique ou moral. Avoir quelque chose mystique (Daudet). Parler d’abondance
propres à le perdre (Chateaubriand).
ou quelqu’un en abomination, ne pas de coeur, en laissant s’exprimer librement 5. Fig. Abonder dans le sens de quelqu’un,
pouvoir le supporter. Etre en abomina- son coeur.
approuver pleinement ses paroles : Bien des
tion, être un objet d’horreur : Ces petits • SYN.: 1 affluence, foison, pléthore, profu- gens qui abondent dans mon sens (Musset).
chiens [...] que l’on engraissait [...], mets sion, surabondance ; 2 opulence, richesse. • SYN. : 1 affluer ; 2 foisonner, fourmiller,
carthaginois en abomination aux autres — CONTR. : 1 disette, pénurie, rareté ; 2 pulluler ; 3 foisonner de, en. — CONTR. : 2
peuples (Flaubert). 2. Par extens. Chose dénuement, gêne, misère, pauvreté. et 3 manquer.
abominable : Le christianisme eut d’abord En abondance loc. adv. En grande quan-
à déblayer les absurdités et les abomina- tité : On y voyait en abondance des jouets abonnataire [abnatr] adj. (de abon-
ner ; 1853, Lachâtre). Qui se rapporte à une
tions dont l’idolâtrie et l’esclavage avaient d’enfants (France).
concession par abonnement.
encombré le genre humain (Chateaubriand).
abondant, e [abd, -t] adj. (lat. abun- n. et adj. Se dit de la personne qui a une
Un honnête homme ne doit pas prêter la
dans, même sens ; 1190, saint Bernard). telle concession.
main à ces abominations (France). 3. Par
exagér. Chose très laide : Sur les murs, I. 1. Qui est en quantité largement suffi-
abonné, e [abne] n. et adj. (part. passé
nulle abomination artistique (Baudelaire). sante : Une récolte abondante. Les paroles de abonner ; Acad., 1798). Qui a pris un
4. L’abomination de la désolation, le abondantes coulaient des lèvres de Jeanne
abonnement (à un théâtre, à un pério-
comble des maux (d’après Matthieu, XXIV, (Maupassant). 2. Par extens. Qui est dique, etc.) : Deux ou trois habitués qui
15). 5. Class. Culte des idoles, qui doit largement développé : Lorsque, s’étant demeuraient dans le quartier, abonnés tous
inspirer l’horreur : L’abomination était levée, la baronne reçut de M. Joseph La- pour le dîner seulement (Balzac). Mais un
répandue sur toute la terre (Pascal). crisse son manteau sur ses abondantes Monsieur bien mis, un abonné du lieu | Qui
épaules (France). hante la coulisse (Banville).
• SYN. : 1 aversion, exécration, horreur,
répulsion ; 2 et 3 horreur. — CONTR. : 1 II. 1. Qui a en grande quantité : Je me suis adj. Fam. Se dit d’une personne coutu-
attirance, attraction, attrait. insinué à travers la place de la Préfecture, mière de quelque chose : Un élève abonné

12
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

à la place de dernier. Elle est abonnée aux sine (Flaubert). 2. Maniements arrière donné d’un navire à un autre : Monter à
migraines. Un chauffeur de taxi abonné du boeuf, permettant de juger de la qualité l’abordage. L’abordage ! L’abordage ! | On
aux contraventions. de sa viande : Il ne toucha pas les boeufs, se suspend au cordage, | On s’élance des
ne mania ni la côte ni le pavé, ni même les haubans (Hugo). 3. Par extens. Choc
abonnement [abnm] n. m. (de abon-
abords ; son regard s’arrêta seulement sur accidentel de deux navires, collision.
ner ; 1275, Godefroy). Convention entre
les bêtes un instant (Pérochon). 4. Fig. et fam. Prise de contact d’une
un fournisseur (commerçant ou service
• SYN.: 1 alentours, environs, voisinage. personne avec une autre, faisant penser à
public) et un client, pour la fourniture
D’abord loc. adv. 1. Class. Aussitôt : une attaque : Je n’ai peut-être pas dit tout
régulière d’un produit ou l’usage habituel
Dieu n’a qu’à vouloir et les choses sont ce que je devais lui dire. [...] je suis timide
d’un service : Dumouchel prit, en leur nom,
un abonnement à un cabinet de lecture d’abord faites (Fénelon). 2. Vx et littér. à l’abordage (Sand).
(Flaubert). Précédemment, autrefois : Elle sacri- abordée (d’) [dabrde] loc. adv. (part.
fiait le bonheur de me voir aussi souvent passé de aborder ; 1454, Dict. général).)
abonner [abne] v. tr. (de bonne, var. de que d’abord à ce qu’elle croyait le che-
l’anc. franç. bodne [XIIe s.], d’un gaulois Class. et littér. Tout d’abord : Il me dit
min de mon avancement (Sainte-Beuve). d’abordée qu’elle était au secret (Saint-
*bodina, lat. médiév. bodina [XIe s.], borne 3. Auparavant, préalablement : Tout n’est
frontière [V. ABORNER] ; 1306, Godefroy ; Simon). Il me semble que la situation se
pas rose à la Reine des roses. Les alouettes
proprem. « borner », puis « soumettre à présente assez bien pour vous, dit-il d’abor-
n’y tombent pas toutes rôties, y faut d’abord
une redevance régulière », d’où les sens dée (Montherlant).
courir après (Balzac). 4. A première vue,
modernes ; s’abonner, 1750, abbé Prévost, aborder [abrde] v. intr. (du francique
au début : Ses naïves précautions [...] gref-
Manuel lexique). 1. Vx. Fixer une redevance fèrent d’une sorte de ridicule cette liaison *bord, d’un navire ; fin du XIIIe s., Guiart,
limitée à une somme déterminée pour le Royaux Lignages). 1. Atteindre le rivage,
qui avait offusqué d’abord (Rodenbach).
rachat d’une obligation : Abonner un village 5. En premier lieu (en tête d’une énumé- toucher terre : Nous abordâmes à une des
à une certaine somme d’argent (Richelet). ration, souvent par opposition à puisou à petites anses de l’île (Lamartine). 2. Par
2. Prendre un abonnement pour une ensuite) : Ils voyaient d’abord toute la cam- extens. Arriver à un point, en un lieu déter-
personne : Abonner quelqu’un à un journal. pagne, puis les toits de la ville (Flaubert). miné : Dès que j’eus abordé sous les porches
s’abonner v. pr. Souscrire un abonne- Par extens. et fam. Introduit une riposte sombres (Proust).
ment pour soi-même : Nombre d’amis me véhémente, un argument sans réplique : • SYN.: 1 accoster. — CONTR.: 1 appareiller,
firent savoir qu’ils s’abonnaient à « l’Etin- D’abord, tu sais, si tu pars, moi je lui écris lever l’ancre, partir ; 2 s’écarter, s’éloigner.
celle » pour suivre pas à pas ma croisade (Daudet). v. tr. 1. Toucher le bord, le rivage de :
(Duhamel).
Dans l’abord loc. adv. Class. En premier Des gros temps qui le tenaient parfois
abonnir [abnir] v. tr. (de bon ; XIIe s., lieu : Dans l’abord, il [le moucheron] se met cinq ou six jours errant entre les deux
Reclus de Moiliens). Vx. Rendre meilleur au large | Puis prend son temps, fond sur le pays voisins sans pouvoir aborder l’un
(rare) : Abonnir un vin. cou | Du lion (La Fontaine). ou l’autre (Maupassant). 2. Par extens.
• SYN. : améliorer, bonifier. — CONTR. : Au premier abord, de prime abord loc. Atteindre un lieu : Un grand homme noir
gâter. adv. A première vue, avant toute recherche : aborda la rôtisserie (France). Aborder un
v. intr. et s’abonnir v. pr. Vx. Devenir Un jeune homme de vingt-cinq ou vingt-six virage (avec un véhicule), s’engager dans
meilleur : Les ouvrages ne s’abonnissent ans, quoique au premier abord on lui en la courbe qui le constitue. 3. Aborder
que par la correction (Chapelain). eût attribué peut-être advantage (Gautier). un navire, s’en approcher au point de le
Dès l’abord loc. adv. Dès le premier ins- heurter, soit pour l’attaquer, soit acciden-
abonnissement [abnism] n. m. (de
tant : Jene suis pas fâchée [...] que vous vous tellement. 4. Par extens. Attaquer un
abonnir ; milieu du XVIIe s.). Vx. Action
rendiez compte, dès l’abord, du type d’en- adversaire : Aborder l’ennemi à la baïon-
d’abonnir, de s’abonnir ; état de ce qui s’est
fant auquel vous aurez affaire (Mauriac). nette. 5. Aborder quelqu’un, s’approcher
abonni.
En abord loc. adv. Sur le côté, en parlant de lui pour parler : Vingt fois j’ai tenté de
abord [abr] n. m. (déverbal de aborder ; d’un bateau : La plage [du cuirassé] était l’aborder, vingt fois j’ai senti mes genoux
1468, Chastellain ; au plur., v. 1530, C. [...] légèrement inclinée en abord, à la façon fléchir en approchant d’elle (Musset).
Bucher). 1. Vx. Action d’arriver au bord, d’un glacis de forteresse (Farrère). 6. Commencer à faire face à quelque
au rivage : Une antique corniche de pierre D’abord que loc. conj. Class. Aussitôt chose, à entreprendre : Aborder la vie
[...] facilitait l’abord des bateaux amarrés au que : J’ai vu un jeune homme avec elle, qui avec réalisme. Aborder une profession
mur (Hugo). 2. Par extens. et vx. Action s’est sauvé d’abord qu’il m’a vue (Molière). avec enthousiasme. 7. Fig. Aborder une
d’arriver en un lieu : Mila ne seput défendre question, un problème, etc., commencer à
d’une secrète terreur à l’abord de ce lieu abordable [abrdabl] adj. (de aborder ;
en parler, en entreprendre l’étude : Tout le
1542, Du Pinet). 1. Se dit d’une côte, d’un
redoutable (Chateaubriand). 3. Class. drame est traité d’une main sûre, avec une
Attaque : De ces vieux ennemis va soutenir rivage facile à aborder : Une plage abor-
manière directe ; chaque situation, abor-
l’abord (Corneille). 4. Action d’arriver dable permet le débarquement. 2. Fig. dée franchement (Baudelaire). Jene pensais
auprès d’une personne : L’abbé Mionnet Se dit d’une personne ou d’une chose qui
jamais à ces sortes de problèmes, et lorsque
le salua en mettant dans son abord de la est d’un abord aimable ou aisé : Je pense
je les abordai enfin, ce fut du point de vue
déférence (Romains). 5. Manière d’ac- qu’une grande partie du prestige de Marx
de la politique (Mauriac).
cueillir quelqu’un : Une petite chiffonnette vient de ceci qu’il est difficilement abor-
• SYN.: 1, 3 et 5 accoster ; 2 atteindre, tou-
d’un abord peu farouche (Richepin). Tous dable, de sorte que le marxisme comporte
cher. — CONTR. : 1 et 2 s’écarter de, s’éloi-
pêcheurs ou laboureurs, les gens d’ici ont une initiation (Gide). 3. Par extens. et
gner de, quitter ; 3 éviter.
l’abord rude, peu encourageant (Daudet). fam. D’un prix accessible.
• SYN.: 1, 2 et 3 accessible. — CONTR. : 1 et abordeur [abrdoer] adj. et n. m. (de
• SYN.: 1 accostage ; 2 approche ; 4 accès,
2 inabordable, inaccessible ; 3 cher. aborder ; fin du XVIIIe s.). Navire qui en a
accueil ; 5 accueil, extérieur, réception.
abordé un autre.
abords n. m. pl. 1. Lieux qui entourent abordage [abrda] n. m. (de aborder ;
une localité, un bâtiment, etc. : Les abords 1553, Belon). 1. Action d’arriver au bord, au aborigène [abrin] adj. (lat. aborigines,
d’un château quasi royal (Balzac). On les rivage : Le talus extérieur offrait à l’abor- premiers habitants d’un pays, de origo, ori-
rencontrait toujours aux abords de la cui- dage un plan incliné (Hugo). 2. Assaut ginis, origine, d’après indigène ; 1488, Mer

13
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

des histoires). Qui est originaire du pays où • SYN.: 2 s’accointer (fam.), s’acoquiner. Paris se vide assez rapidement. Il y fait hor-
il vit : Animal, plante aborigène. riblement chaud et lourd, 30 degrés [...],
abouler [abule] v. tr. (de boule, proprem.
aborigènes n. m. pl. Populations consi- un orage en perspective, mais qui n’abou-
« amener la boule » ; 1790, aux sens d’
dérées comme habitant le pays depuis tit jamais (Mérimée). 3. Spécialem. En
« apporter » et d’ « arriver » ; 1837, Vidocq,
les origines, par opposition à celles qui parlant d’un abcès, venir à suppuration.
au sens de « payer »). Pop. Apporter, don-
viennent s’y établir : Je promis aux nou- 4. Fig. Atteindre le résultat prévu : Le
ner, remettre : Bref : aboule le pognon, on
veaux venus [...] les mêmes droits que les risque de faire un peu trop de chemin n’est
causera ensuite (Farrère).
aborigènes et que les citoyens précédemment pas grave, si j’aboutis (Romains).
v. intr. ou s’abouler v. pr. Pop. et vieilli.
établis dans la ville (Gide). • SYN. : 4 réussir. — CONTR. : 3 avorter ;4
Venir : Aboule ici, ajouta-t-il, en m’empoi-
• SYN.: autochtone, indigène. échouer.
gnant par le col de ma capote (Bourget).
abornement [abrnm] n. m. (de Céline arrivait le dimanche matin, aboutissant, e [abutis, -t] adj. (part.
aborner ; 1611, Cotgrave). Mise en place disait : « Je m’aboule pour une balade » prés. de aboutir ; 1571, Thevet). Class. Qui
des bornes délimitant un terrain. (Huysmans). se termine à tel endroit : Par une porte
aboutissante aux champs (La Fontaine).
[abrne] v. tr. (de l’anc. franç. aboulie [abuli] n. f. (gr. aboulia, irré-
aborner
flexion, imprudence ; de a priv. et de boulê, aboutissant n. m. Résultat d’une action,
bodne, altér. du gaulois *bodina, lat. médiév.
décision réfléchie ; sens spécial d’après d’une évolution (rare) : Tout ce que nous
bodina [XIe s.], borne frontière [V. ABON-
boulesthai, vouloir ; 1883, Th. Ribot). faisons, tout ce que nous sommes, est l’abou-
NER] ; XVIe s.). Délimiter un terrain par des
Impuissance pathologique à prendre une tissant d’un travail séculaire (Renan).
bornes.
décision. aboutissants n. m. pl. 1. Les terres
abortif, ive [abrtif, -iv] adj. (lat. abor- limitrophes d’une propriété dans le sens
aboulique [abulik] adj. et n. (de aboulie ;
tivus, « avorté » et « qui fait avorter » ; de la longueur (alors que les tenants sont
1907, Larousse). 1. Se dit du malade souf-
XIVe s., au sens de « avorté » [encore au limitrophes dans le sens de la largeur) :
frant d’impuissance à se décider. 2. Par
XVIIe s.] ; au sens de « qui fait avorter », Les tenants et les aboutissants d’un champ.
extens. Qui hésite longuement avant de
1752, Trévoux). 1. Qui fait avorter : Les 2. Fig. Ce à quoi quelque chose abou-
prendre parti.
manoeuvres abortives sont punies par la tit : Une bribe de phrase dont il n’était pas
loi française. L’irrésistible verdure dont la adj. Qui a rapport à l’aboulie : Névrose toujours facile d’imaginer les origines, les
puissance abortive du froid contrariait, aboulique. tenants et les aboutissants (Duhamel).
mais ne parvenait pas à refréner la pro- about [abu] n. m. (déverbal de abouter ; Les tenants et les aboutissants d’une
gressive poussée (Proust). 2. Qui cesse, 1213, Fet des Romains). Extrémité d’une affaire, tout ce dont elle dépend et toutes
meurt, disparaît avant d’avoir atteint son pièce de bois, de métal, préparée pour un les conséquences qu’elle peut comporter.
plein développement : Maladie abortive. assemblage.
aboutissement [abutism] n. m.
Fleur abortive.
aboutage [abuta] n. m. (de abouter ; (de aboutir ; fin du XVe s.). 1. Ce qui est
abot [abo] n. m. (forme dialect. de about, milieu du XIXe s.). Action de nouer les extré- au bout, à l’extrémité de : Il connaissait
de abouter, comp. de bouter, mettre ; 1819, mités de deux cordages. le monde et son aboutissement. Il savait
Boiste). Entrave que l’on met au paturon qu’au bout du monde il y a la prison de
aboutement [abutm] n. m. (de abouter ;
des chevaux pour les retenir. la Santé (Ch.-L. Philippe). 2. Fig. Ce
1276, Godefroy). Action d’abouter ; état de
qui est la conséquence ultime de quelque
abouchement [abum] n. m. (de choses aboutées.
chose : Il admettait comme un dogme que
aboucher ; XIVe s.). 1. Action d’aboucher
abouter [abute] v. tr. (de bout ; 1247, la science médicale était l’aboutissement de
des tuyaux, des tubes, et, spécialem.,
Godefroy). Joindre par le bout, bout à bout : tout l’effort intellectuel et constituait le plus
des vaisseaux, des conduits organiques.
Ces troncs qui arquaient leurs rameaux clair profit de vingt siècles de tâtonnements
2. Fig. Action de mettre en rapport des
dénudés les rejoignaient [les voûtes], les (Martin du Gard).
personnes : Tentatives d’abouchement qui aboutaient (Huysmans). Abouter deux • SYN. : 2 fin, issue, résultat, terme. —
n’ont pas réussi (Goncourt). tuyaux. CONTR. : 1 et 2 commencement, début,
• SYN.: 1 anastomose.
aboutir [abutir] v. tr. ind. [à, dans] (de départ ; 2 ébauche, prémices.
aboucher [abue] v. tr. (de bouche ; bout ; début du XIVe s.). 1. Avoir comme ab ovo [abovo] loc. adv. (loc. lat. signif.
XIVe s., au sens de « faire tomber en avant, terme ; toucher par un bout à : Une ruelle « dès l’oeuf », et empruntée à Horace [Art
sur la bouche » ; sens actuel, XVIe s.). aboutissant à la rivière (Flaubert). 2. Fig. poétique, 147], qui loue Homère d’avoir su
1. Appliquer l’ouverture d’un conduit Avoir comme résultat, comme fin : Cela tirer l’Iliade du seul siège de Troie, sans
contre celle d’un autre : Aboucher deux aboutissait toujours à un combat (Nerval). remonter à Hélène, née, selon la légende,
tuyaux. 2. Par extens. Mettre en com- Tout l’effort immense des civilisations abou- de l’oeuf de Léda ; v. 1600, E. Pasquier,
munication : Le carrefour qui abouche la tit à l’embellissement de la vie (France). puis 1798, Acad.). Vx. Depuis le commen-
rue des Halles, la rue du Pont-Neuf et la Tout compte fait, cet ultime contact entre les cement : Cette reprise « ab ovo » du long
rue Berger (Aragon). 3. Fig. Mettre en partis socialistes de France et d’Allemagne destin de notre terre rend illusoire tout pro-
rapport deux personnes : Prenez tout de n’avait abouti à rien (Martin du Gard). grès (Gide). Un récit qui reprend les faits
suite rendez-vous avec lui : je m’en vais vous 3. Fig. Atteindre un but : Avec lui vous « ab ovo ».
aboucher sur-le-champ (Mérimée). pourriez peut-être aboutir à quelque chose
(Baudelaire). Si encore tu devais aboutir à aboyant, e [abwaj, -t] adj. (part. prés.
s’aboucher v. pr. 1. Se joindre par une
quelque résultat (Gide). de aboyer ; XVIe s.). Class. et littér. Qui
extrémité à : Un autre homme à genoux
aboie : Toute la famille aboyante de Scylla
déliait des outres auxquelles l’une des bêtes, • SYN. : 1 finir à, mener à, tomber dans,
sautait à mes genoux pour me caresser
pareille à une cornue, semblait vouloir toucher à ; 2 s’achever par, conduire à. —
CONTR.: 1 commencer à, partir de, provenir (Chateaubriand).
s’aboucher (Jammes). 2. Fig. Se mettre en
rapport pour négocier (souvent légèrement de, venir de. aboyer [abwaje] v. intr. (de l’onomatop.
péjor.) : Comme Deslauriers s’abouchait v. intr. 1. Avoir une issue : [Au Caire] il bai ; XIIe s., écrit abaier [jusqu’au XVIIe s.]).
avec M. Roque, il lui conta sa position vis- y a dix impasses pour une rue qui aboutit [Conj. 2.] 1. Crier, en parlant du chien et
à-vis de Louise (Flaubert). (Nerval). 2. Se développer jusqu’au bout : de quelques animaux de la même espèce :

14
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

J’aime ces chariots lourds et noirs, qui la nuit les journaux (France). Vx. Crieur qui abréaction [abreaksj] n. f. (de ab,
[...] | Font aboyer les chiens dans l’ombre appelait les voitures à la sortie des théâtres. hors de, et de réaction ; milieu du XXe s.).
(Hugo). Et l’épagneul, excité, s’enhardissait, Vx. Celui qui, dans un théâtre, sur des Réapparition consciente de sentiments
aboyait plus fort (Maupassant). 2. Par tréteaux, faisait le boniment pour annon- jusque-là refoulés.
anal. Faire entendre un son rauque, en par- cer le spectacle : Le théâtre de Lazary est,
abrégé [abree] n. m. (part. passé de
lant d’une personne : Il parlait l’anglais en avec le théâtre des Ombres chinoises de M.
abréger ; début du XIVe s., écrit abrégié).
aboyant un peu (Romains). Séraphin, le dernier théâtre de Paris qui ait
1. Représentation en petit d’une chose :
v. tr. ind. ou intr. 1. Aboyer à la mort, gardé un aboyeur (Banville). Arg. Crieur
Cette vision sombre, abrégé noir du monde
en parlant du chien, hurler comme pour à la Bourse des valeurs : Les aboyeurs de
(Hugo). 2. Réduction aux idées essen-
signaler la mort ou l’agonie. Aboyer à la Bourse donnaient à pleine voix (Hamp). tielles d’un discours, d’un ouvrage, d’une
lune, en parlant du chien, aboyer contre la théorie : Le prêtre fit d’abord un abrégé de
abracadabra [abrakadabra] n. m. (du gr.
clarté lunaire : Le chien qui aboie à la lune l’Histoire sainte (Flaubert). 3. Le livre
abraxas ou abrasax, terme mystique sans
prend celle-ci pour le soleil et se lamente même contenant un tel résumé : Un abrégé
signification rationnelle ; 1560, Paré). Mot
(Gide) ; et, au fig., en parlant d’une per- d’histoire de la littérature. Patience partit,
talisman contre les maladies, les dangers,
sonne, crier inutilement, sans agir. 2. Fig. emportant pour tout bagage la veste qu’il
et qui s’inscrivait souvent en triangle :
Aboyer à, après, contre quelqu’un, le pour- avait sur le dos, et un abrégé de la doctrine
L’ennemi pénètre dans la place malgré les
suivre d’invectives, de réclamations : Ces d’Epictète (Sand).
phylactères, les tétragrammes et les abraca-
badauds qui croiront faire acte d’indépen-
dabras (Gautier). De vos mains grossières, | • SYN. : 1 aperçu, esquisse, raccourci ; 2
dance en aboyant à l’unisson (Baudelaire). résumé ; 3 compendium, condensé, précis,
Parmi des poussières, | Ecrivez, sorcières : |
Aucune loi sur la presse n’empêchera le résumé. — CONTR.: 1 amplification, élargis-
Abracadabra (Hugo).
polémiste-né d’aboyer aux chausses des sement ; 2 délayage, développement.
puissants qu’il hait (Mauriac). 3. Fig. et abracadabrant, e [abrakadabr, -t]
En abrégé loc. adv. 1. D’une manière plus
class. Aspirer ardemment à : Celui qui dans adj. (de abracadabra ; 1834, Gautier). Aussi
brève ; en réduisant à l’essentiel : En abrégé,
les biens a mis toute sa joie | Et dont l’esprit éloigné de la raison, du bon sens, qu’une
voici ce qui s’est passé. 2. Par extens. En
avare après l’argent aboie (Viau). formule magique : Nous allons examiner,
utilisant des abréviations : L’habitude
v. tr. 1. Class. et littér. Poursuivre j’en demande bien pardon à l’ombre du
moderne d’écrire en abrégé nuit souvent à
quelqu’un de ses aboiements : Ce chien père Groslier, les vers abracadabrants du
la clarté d’un texte.
aboie tous les passants, aboie tous les poème de la Magdeleine (Gautier). Leurs
pauvres (Acad., 1694). [Il] s’avance dans services secrets [...] pratiquent les méthodes abrègement [abrm] n. m. (de abré-
la cour, aboyé par son chien qui ne le recon- du roman-feuilleton le plus abracadabrant ger ; XIIIe s., Beaumanoir, dans la loc. abrè-
naît pas (Gide). 2. Fig. et vx. Poursuivre (Romains). Les journaux ont publié tant de gement de fief, action de le démembrer, de
choses abracadabrantes qu’il faut se méfier l’aliéner en partie). 1. Action de rendre
quelqu’un de ses invectives : Les grands
hommes sont toujours plus ou moins aboyés (Duhamel). plus court : L’abrègement des vacances
• SYN.: ahurissant, biscornu (fam.), bizarre, scolaires. 2. Par extens. Réduction de la
(Hugo). 3. Exprimer quelque chose par
durée d’un phonème : L’abrègement d’une
ses aboiements : Les chiens aboient leur étrange, farfelu (fam.), incohérent, stupé-
allégresse de partir pour la chasse (Barrès). fiant. — CONTR. : judicieux, raisonnable, voyelle longue.
4. Parler, dire d’une voix furieuse et rationnel, sensé. • CONTR. : 1 et 2 allongement.
saccadée : Partez de la maison, aboya-t-il. abréger [abree] v. tr. (bas lat. abbre-
abrasax n. m. V. ABRAXAS.
Nous ne voulons plus de vous (Dorgelès). viare, de brevis, bref ; var. abrevier, en
Après cinq minutes de silence, l’Autrichien abraser [abraze] v. tr. (du lat. abrasus, anc. franç. et jusqu’au XVIe s., francisation
aboie deux ou trois mots (Chateaubriand). part. passé de abradere, enlever en grattant ; du mot latin ; XIIe s., Godefroy). [Conj. 1
1928, Larousse). 1. User par le frottement et 5.] 1. Diminuer l’étendue, la longueur
aboyeur, euse [abwajoer, -øz] adj. et n.
(langue technique). 2. Par extens. Enlever de, en particulier d’un texte : J’ai bar-
(de aboyer ; abayeur, 1387, G. Phébus, au
le superflu pour obtenir une surface nette : bouillé cette description, trop longue au
sens pr., et 1495, J. de Vignay, au sens fig. ;
Les tas de pierres et de sable parfaitement moins d’un tiers ; si j’ai le temps, je l’abré-
1783, Mercier, au sens de « journaliste mer-
abrasés en troncs de pyramides (Péguy). gerai (Chateaubriand) ; et absol. : Il faut
cenaire »). 1. Qui aboie : Chiens aboyeurs
repus d’hydromel et de miel (Leconte de abrasif, ive [abrazif, -iv] adj. (de abra- que j’abrège, reprit le narrateur (France).
Lisle). 2. Fig., fam. et péjor. Qui pro- ser ; 1907, Larousse). Se dit d’une matière 2. Réduire la durée de : Elle savait qu’elle
clame, publie, fait connaître à grand dure utilisée dans l’industrie pour user, abrégeait ses jours, mais voulait faire plaisir
bruit : Veuillot, l’aboyeur des idées de M. de polir, etc. (langue technique) : Une poudre à sa fille à qui elle rapportait de gros cachets
Maistre (Goncourt). 3. Fig., fam. et péjor. abrasive. (Proust). 3. Fig. Faire paraître moins
Celui qui poursuit quelqu’un de ses cris, de long : Si j’avais vingt ans, je chercherais
abrasif n. m. Corps abrasif : Les abrasifs
ses invectives : En voilà des aboyeurs, qui quelques aventures comme moyen d’abréger
sont naturels ou artificiels.
ne pouvaient pas laisser les gens tranquilles les heures (Chateaubriand). 4. Abréger
abrasion [abrazj] n. f. (d’après le lat. une syllabe, en métrique, la rendre brève.
(Richepin). Spécialem. S’est dit des per-
*abrasio, de abrasum, supin de abradere, 5. Abréger un mot, lui faire subir une
sonnes qui manifestaient leurs sentiments
enlever en raclant ; 1611, André du Chesne). abréviation.
par des cris, dans les assemblées et les tri-
bunaux, pendant la Révolution : Dans les Action d’user par frottement (langue • SYN.: 1 diminuer, raccourcir ; 2 écourter,
technique). réduire. — CONTR. : 1 allonger, amplifier,
tribunes publiques [...], les aboyeuses [...]
font de gros ha ! ha ! quand elles n’entendent développer ; 2 allonger, prolonger.
abraxas [abrakss] ou abrasax [abra-
pas bien : « la mort ! » (Goncourt). saks] n. m. (pour l’étym., V. ABRACADA- abreuvage [abrøva] (de abreuver ; 1262,
aboyeur n. m. Désigne certaines per- BRA). 1. Terme mystique utilisé par la secte écrit abeuvrage, Godefroy) ou abreuve-
sonnes que leur métier oblige à crier : gnostique de Basilide. 2. Par extens. ment [abrøvm] (de abreuver ; XIIIe s.,
L’huissier (qu’on appelait dans ce temps- Gemme portant ce nom gravé, ainsi que écrit abevrement) n. m. 1. Action de faire
là l’aboyeur) de Guermantes (Proust). d’autres formules magiques : Elles [ces reli- boire. 2. Action de boire (au pr. et au
Spécialem. Vendeur de journaux dans gions] jetèrent des millions d’amulettes et fig.) : Un abreuvement trop large à la poésie
la rue : Il entendit au loin des aboyeurs crier d’abraxas (Renan). (Goncourt). Tu n’imagines pas, Nathanaël,

15
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

ce que peut devenir enfin cet abreuvement Les phrases abréviatives qui sont l’essence abricot, sans aucune fraîcheur, annonçait
de lumière (Gide). concentrée des milliers de remarques qu’il un long usage (Balzac).
aura faites (Taine). Signe abréviatif.
abreuver [abrøve] v. tr. (lat. pop. *abbi- abricoté, e [abrikte] adj. (de abricot ;
berare, du lat. class. bibere, boire ; var.
• CONTR. : augmentatif. 1845, Bescherelle). 1. Qui tient de l’abri-
abevrer, XIIe s. ; abrever, XIIIe s. ; abruver, abréviation [abrevjasj] n. f. (bas lat. cot : Pêche abricotée. 2. Recouvert d’une
du XIIIe au XVIe s. ; à partir de cette date la abbreviatio, même sens ; fin du XIVe s.). couche de marmelade d’abricots : Gâteau
forme abreuver s’est généralisée). 1. Faire 1. Suppression d’une partie d’un mot, abricoté.
boire des bestiaux, les mener à l’abreuvoir : d’une expression : L’abréviation du mot abricoté n. m. (1690, Furetière). Tranche
Abreuver un cheval. Par extens. Se dit « autobus » donne BUS. ID. est l’abrévia- d’abricot confite.
parfois des hommes : L’éponge imbibée tion de « idem ». 2. Spécialem. Groupe de
de fiel dont on l’abreuva [le Christ] sur abricotier [abriktje] n. m. (de abricot ;
lettres auquel sont réduits un mot composé,
la croix (Hugo). 2. Arroser largement, début du XVIe s.). Arbre fruitier du genre
une expression abrégés : U.S.A. est l’abré-
imbiber profondément : Pour que l’eau de prunier, originaire d’Arménie.
viation de « United States of America ».
la pluie les abreuvât [les ceps] plus long- abrier [abrije] v. tr. (bas lat. apricare,
• SYN.: 2 sigle.
temps (Lamartine). La terre est abreuvée se chauffer au soleil ; fin du XIIe s.). Class.
d’eau. 3. Fig. Répandre largement dans abréviativement [abrevjativm] adv.
Mettre à l’abri : Enfin le bon Dieu nous
une société, dans un milieu : Bertrand fit (de abréviatif ; milieu du XIXe s.). En abré- abrie (Saint-Amant).
observer, assez timidement, qu’étant donné geant : On sent, on devine que M. Corot
l’état d’esprit des classes populaires, les dessine abréviativement et largement, ce abriter [abrite] v. tr. (de abri ; 1489, R.
doctrines dont on les abreuvait [...], il ne qui est la seule méthode pour amasser avec Gaguin). 1. Protéger contre les intempé-
semblait pas très commode d’engager le célérité une grande quantité de matériaux ries, le danger : Ses toits fumaient ; son port
pays dans une guerre (Romains). 4. Fig. précieux (Baudelaire). abritait un amas | De navires mêlant confu-
et péjor. Accabler quelqu’un d’injures, sément leurs mâts (Hugo). 2. Recevoir
abri [abri] n. m. (de l’anc. franç. abrier, sous son toit, admettre chez soi : Le temps
d’humiliations, de coups : M. Eyssette [...]
abriter, du bas lat. apricare, se chauffer au où cette maison [...] abritait une famille
avait fini par le prendre en grippe et l’abreu-
soleil, lat. class. apricari ; fin du XIIe s.). (Colette). Il abritait chez lui des orgies,
vait de taloches (Daudet). Des femmes reje-
1. Lieu où l’on est à couvert de la pluie, du en petit comité, où les deux sexes avaient
tées de leur milieu, abreuvées d’opprobres,
danger, etc. : Nous cherchions un abri sous des représentants (Romains). 3. Fig.
uniquement « parce qu’on parlait d’elles »
les mousses des cèdres (Chateaubriand). Cacher aux regards, dissimuler ses vrais
(Mauriac).
2. Petite construction où l’on est à cou- sentiments pour éviter un danger, pour
• SYN.: 1 désaltérer ; 2 et 3 imprégner, inon- vert des intempéries : Construire un abri
der, pénétrer, saturer. — CONTR.: 1 altérer, donner le change : L’air bête sous lequel les
pour les usagers des transports publics. domestiques savent abriter leur refus à des
assoiffer.
3. Spécialem. Lieu d’origine naturelle supérieurs (Balzac).
s’abreuver v. pr. Boire à satiété (au pr. ou refuge aménagé pour protéger des
et au fig.) : Le chasseur qui découvre une
• SYN.: 1 donner asile, préserver, protéger ;
coups de l’ennemi, notamment des bom-
source [...], il s’en abreuve (Giraudoux). Les 2 héberger, loger ; 3 couvrir, dissimuler. —
bardements aériens : Abri souterrain. Abri
tout petits enfants, écrasés sous les dalles CONTR. : 1 exposer ; 3 afficher, découvrir,
antiatomique. 4. Fig. Ce qui préserve des
| Ont vécu ; de leur sang le fer s’abreuve étaler, exhiber, montrer.
dangers, de l’adversité : Un abri contre le
encor (Hugo). s’abriter v. pr. 1. Se mettre à l’abri : Il
malheur.
pleuvait et le marquis s’abritait sous son
abreuvoir [abrøvwar] n. m. (de abreuver ; • SYN. : 1 asile, refuge, retraite ; 4 protec-
parapluie (Bourget). 2. S’abriter derrière
fin du XIIIe s.). 1. Endroit peu profond, dis- tion, refuge.
quelqu’un, derrière un règlement, etc., se
posé pour y abreuver le bétail : Il remonta A l’abri loc. adv. A couvert des intem- couvrir de leur autorité.
le courant, son cheval ayant de l’eau jusqu’à péries, du danger, etc. : Se mettre à l’abri
la tête, et enfin trouva une sorte d’abreuvoir sous un arbre. L’homme du front affecte de abrivent [abriv] n. m. (de abri et de
(Stendhal). Auge remplissant le même mépriser les gens à l’abri, mais il les envie vent ; 1827, Acad.). Ce qui est destiné à
rôle. Par extens. Tout lieu où les animaux au moins autant (Romains) ; et au fig. : protéger du vent.
vont boire : Alors que le soleil décline, on Mais à l’abri sous les usages, elle mettait peu abrogatif, ive [abrgatif, -iv] ou abro-
pouvait voir | Les fauves par troupeaux des- de conscience dans ses procédés (Balzac). gatoire [abrgatwar] adj. (de abroger ;
cendre à l’abreuvoir (Heredia). 2. Fam. et Fam. Mettre son argent à l’abri, le placer 1866, Larousse). Qui abroge ou vise à abro-
vx. Abreuvoir à mouches, large et profonde en lieu sûr. Pop. Mettre quelqu’un à l’abri, ger : Clause abrogatoire.
cicatrice : Eh bien, moi, dit Carmen, je te le mettre en prison.
ferai des abreuvoirs à mouches sur la joue abrogation [abrgasj] n. f. (lat. abroga-
A l’abri de loc. prép. 1. Protégé par : La
(Mérimée). tio, même sens ; milieu du XIVe s.). Abolition
maison tout entière est à l’abri d’un pin
d’une disposition légale ou administrative.
abréviateur, trice [abrevjatoer, -tris] (Heredia). 2. Protégé contre : L’astre roi
se couchait. Calme, à l’abri du vent | La mer
• CONTR. : promulgation.
n. (bas lat. abbreviator ; fin du XIVe s.).
Personne qui abrège un texte : Ce roi [...] réfléchissait ce globe d’or vivant (Hugo) ; et abrogeable [abrabl] adj. (de abroger ;
ne laisse pas de payer tribut à l’idée phi- au fig. : Personne n’est à l’abri d’une ban- milieu du XIXe s.). Qui peut être abrogé.
losophique, en se faisant l’abréviateur et queroute (Musset).
abroger [abre] v. tr. (lat. abrogare,
l’éditeur de Bayle (Sainte-Beuve).
abricot [abriko] n. m. (catalan abercoc, supprimer ; fin du XIVe s., sous la forme
abréviateur n. m. Clerc pontifical qui albercoc [cf. aussi esp. albaricoque, portug. abroguer [jusqu’au XVIe s.]). [Conj. 1.]
était chargé de résumer les requêtes et de albricoque], de l’ar. al-barqq, issu du bas 1. Déclarer nulle une disposition légale
préparer les minutes des actes : Les abré- gr. praikokkion, calqué sur le lat. praeco- ou réglementaire : Abroger une loi, un
viateurs, les maîtres de cérémonies, les quum, précoce ; 1512, Thénaud, écrit auber- décret, un arrêté. 2. Fig. Enlever toute
camériers assistants... (Goncourt). cot ; forme actuelle depuis 1525 environ). valeur à une tradition, à une autorité :
abréviatif, ive [abrevjatif, -iv] adj. (de Fruit de l’abricotier. Aujourd’hui [...], l’Art poétique de Boileau
abréviation ; XVe s.). Qui sert à abréger, adj. invar. De la couleur jaune-orangé de est véritablement abrogé et n’a plus d’usage
ou à signaler, à noter une abréviation : l’abricot : Sa culotte en casimir de couleur (Sainte-Beuve).

16
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN.: 1 abolir, annuler, casser, infirmer, demi abruti par l’asphyxie et par le jeûne •SYN.: 1 abêtissement ; 2 hébétude, torpeur.
révoquer ; 2 périmer, rendre caduc. — (Saint-Exupéry). — CONTR. : 1 élévation, éveil, exaltation.
CONTR.: 1 confirmer, instituer, promulguer, • SYN.: 2 ahuri, hébété. — CONTR.: 2 éveillé, abrutisseur [abrytisoer] adj. et n. m. (de
ratifier. vif. abrutir ; XVIIIe s., Voltaire). Qui conduit
abrouti, e [abruti] adj. (part. passé de adj. et n. Fam. Qui agit comme s’il était à l’abrutissement (rare) : Je voudrais bien
l’anc. franç. abroutir [XIVe s.], brouter les dépourvu de toute intelligence (apostrophe que les Turcs fussent chassés du pays des
jeunes pousses [v. BROUTER] ; XVIe s.). Se dit injurieuse, sans excessive grossièreté) : Périclès et des Platon : il est vrai qu’ils ne
des jeunes pousses d’un taillis qui ont été Abruti ! c’est malin ce que tu as inventé là ! sont pas persécuteurs, mais ils sont abru-
broutées par le bétail et sont mal venues. de faire endosser ton chèque par un mala- tisseurs : Dieu nous défasse des uns et des
droit qui n’a même pas de passeport et que autres (Voltaire). J’avais tourné le dos au
abroutissement [abrutism] n. m. (de
je vais devoir tenir à l’oeil (Gide). bavard abrutisseur (Hamp).
abroutir [v. ABROUTI] ; début du XVIIe s.).
• SYN.: idiot, imbécile, stupide.
Action de brouter les taillis : Les arbres abscisse [apsis] n. f. (du lat. des mathé-
souvent gâtés par l’abroutissement du bétail abrutir [abrytir] v. tr. (de brute, lat. bru- maticiens abscissa [linea], ligne inter-
ne s’élèvent pas (Buffon). tus, dépourvu de raison ; 1541, Calvin). rompue, de abscindere, couper ; 1694, Th.
1. Class. et littér. Rendre semblable à une Corneille). L’une des deux coordonnées qui
abrupt, e [abrypt] adj. (lat. abruptus,
brute, incapable de rien comprendre et de déterminent la position d’un point dans un
coupé brusquement, à pic, heurté [en par-
rien sentir : Les débauches qui corrompent plan, l’autre étant l’ordonnée.
lant du style] ; 1512, J. Lemaire de Belges).
le corps et abrutissent l’esprit (Fénelon). Des abscons, e [apsks, -s] adj. (lat. abscon-
1. Qui tombe à pic ; dont la pente est très
vainqueurs abrutis de crime, ivres d’encens sus, part. passé de abscondere, cacher ; 1509,
raide : Taïohaé occupe le centre d’une
(Hugo). 2. Enlever à quelqu’un toute J. Lemaire de Belges ; repris au XIXe s. avec
baie profonde, encaissée dans de hautes
intelligence, toute réaction personnelle : valeur ironique). Se dit de ce qui est presque
et abruptes montagnes aux formes capri-
Quand le monde extérieur vous alanguit, impossible à comprendre (souvent péjor.) :
cieusement tourmentées (Loti). 2. Fig. Se
vous abrutit (Flaubert). Je vous répète que Autant que le laissait comprendre le langage
dit d’une personne taillée grossièrement,
nous nous sommes laissé abrutir par la phi- abscons et tout hérissé d’ellipses du jeune
sans finesse : Ce garçon rouge aux traits
losophie de l’histoire (Romains). 3. Fam. écrivain [...], son livre racontait la passion
abrupts (Proust). 3. Fig. Se dit d’une
Accabler quelqu’un au point de lui enlever douloureuse [...] d’un trop bon fils crucifié
personne dont les manières sont rudes :
le pouvoir de réfléchir : Abrutir un élève par sa famille (Daudet).
Ces hommes [des carriers] abrupts, mais
de travail. • SYN. : abstrus, ésotérique, hermétique,
intelligents (Nerval). 4. Se dit d’un style
heurté, sans apprêt.
• SYN. : 2 abasourdir, abêtir, hébéter ; 3 impénétrable, incompréhensible, inintel-
écraser, étourdir, surcharger. — CONTR. : ligible, obscur. — CONTR. : clair, limpide,
• SYN.: 1 escarpé, raide ; 2 grossier, rude ;
2 élever, exalter. lumineux.
3 bourru, brusque, dur, fruste, revêche,
rustique, sauvage ; 4 cahotique, inégal, s’abrutir v. pr. Devenir stupide ; avilir,
absence [apss] n. f. (lat. absentia, même
rocailleux. — CONTR. : 1 doux ; 2 fin ; 3 dégrader son intelligence : Jem’abrutis un
sens ; XIIIe s.). 1. Fait de n’être pas présent
affable, aimable, civil, poli, sociable ; 4 aisé, peu plus dans l’inaction et dans l’ivrogne-
en un lieu : Hélène remarqua l’absence
coulant, harmonieux. rie que je n’aurais fait dans le brigandage de ce jeune homme singulier (Stendhal).
(Sand). 2. Class. et littér. Eloignement qui sépare
abrupt n.m. (1925, J.-R. Bloch). Pente
très raide. abrutissant, e [abrytis, -t] adj. (part. de quelqu’un : [J’attendais] Que cette même
prés. de abrutir ; XVIIe s.). 1. Class. Qui bouche, après mille serments, | M’ordonnât
abruptement [abryptm] adv. (du lat.
ravale l’homme au rang d’une bête : Les elle-même une absence éternelle (Racine).
abruptus ; XIVe s.). 1. De manière escarpée :
plaisirs abrutissants de la table (Massillon). Oh ! l’absence ! le moins clément de tous
La colline sur laquelle la ville était bâtie
2. Qui dégrade l’intelligence : Le mal- les maux (Verlaine). Ils souffrent les
s’élève abruptement (Mérimée). 2. Fig. De
heur des apprentis est [...] de faire du travail maux de l’absence (France). 3. Période
manière brusque, sans préparation : Vous pendant laquelle quelqu’un n’est pas pré-
abrutissant (Hamp). Avant tout, elle [la
êtes trop aimable, madame la Comtesse, sent : Son absence fut longue, Cet éveil des
révolution] doit modifier les conditions de
excusez-moi de vous quitter abruptement Parisiens qui rentrent et pour qui la ville,
l’homme par rapport au travail ; elle doit
(Gide). C’était quelqu’un avec qui il fallait après chaque absence, semble rajeunie
humaniser le travail lui-même, empê-
parler des choses abruptement et sans pré- (Maupassant). 4. Par extens. Inexistence,
cher qu’il soit une abrutissante servitude
paration (Sartre). manque d’une chose (souvent d’une chose
(Martin du Gard).
• SYN. : 2 à l’improviste, brusquement, ex abstraite) : D’ailleurs il y a toujours dans le
abrupto, inopinément, subitement, tout à abrutissement [abrytism] n. m. (de deuil du pauvre [...] une absence d’harmo-
coup. abrutir, 1586, J. Lambert). 1. Action de nie qui le rend plus navrant (Baudelaire).
supprimer la réflexion intelligente : Ma Donc, tout de suite, entre moi et le public,
abrupto (ex) [ksabrypto] loc. adv. (loc.
résistance personnelle aux actions de dis- ce caractère : l’absence de mensonge ; d’un
lat. ; fin du XVIIe s.). Sans aucune prépara-
sipation, d’abrutissement, d’amollissement mot plus large, l’honnêteté (Montherlant).
tion, brutalement, en parlant du début d’un
[...] exercées sur le moderne par la vie qu’il Fam. Briller par son absence, se dit d’une
discours, d’une apostrophe : Un exorde
lui faut mener (Valéry). Il s’agissait de chose dont le manque fâcheux est vivement
entamé « ex abrupto ».
mettre en lumière la menace à la fois la ressenti : N’eût été son pourpoint oublié
abruti, e [abryti] adj. (part. passé de plus immédiate et la plus sournoise, celle sur l’herbe, témoin irrécusable qui brillait
abrutir).) 1. Fam. Qui fait penser à une de l’abrutissement par les psychotechniques, par son absence, il eût démenti l’exacti-
bête : D’un air à moitié abruti, à moitié et de préciser ce qui, à nos yeux, doit être tude de sa mémoire (Nerval). 5. Fig.
rêveur (Baudelaire). 2. Qui a subi une maintenu (Malraux). 2. État d’une per- Perte momentanée de la conscience, oubli,
commotion et semble privé de l’usage de sonne abrutie : Va, pauvre rêveur, cherche moment d’inattention : Il y a des absences
ses facultés : La foule entourait en silence une solution | Claire et satisfaisante à ton de mémoire, des mensonges qui font peur :
et, me semblait-il, avec une soudaine sombre problème [...] | Et tu n’arriveras, vous ouvrez les oreilles, vous vous frottez les
timidité, celui-là qui revenait presque de comme a fait Ophélie, | Qu’à l’abrutisse- yeux, ne sachant qui vous trompe de la veille
l’au-delà, revêtu encore de ses gravats, à ment ou bien à la folie (Gautier). ou du sommeil (Chateaubriand). L’abbé de

17
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Sponde avait souvent des distractions que lières, pendant une période et pour une absinther (s’) [sapste] v. pr. (de
les gens de sa société prenaient pour des catégorie professionnelle données. absinthe ; 1866, Larousse). Vx et fam. Boire
absences (Balzac). 6. Manque d’expres- • REM. On trouve la forme absentisme en de l’absinthe avec excès.
sion, de tout signe extérieur d’intelligence : 1829 dans la Revue des Deux Mondes. Ce absinthique [apstik] adj. (de absinthe ;
Dans la cour endimanchée, les types [des terme désignait un mode d’exploitation milieu du XIXe s.). Vx. Qui a rapport à
prisonniers] ont leurs têtes des jours de agricole dans lequel un intermédiaire l’absinthe liqueur) : Empoisonnement
sortie ; sur tous ces visages lavés, rasés, il y (intendant, fermier général) s’interposait absinthique.
a la même absence (Sartre). entre le propriétaire non résidant et le
• SYN. : 4 carence, défaut, manque ; 5 cultivateur. absinthisme [apstism] n. m. (de
défaillance, distraction, inattention. — absinthe ; 1877, Littré). Intoxication par
absentéiste [apsteist] adj. et n. (de l’absinthe.
CONTR. : 1, 2 et 3 présence ; 4 abondance,
absentéisme ; 1853, Lachâtre). Qui pratique
foisonnement, profusion ; 5 attention. absolu, e [apsly] adj. (lat. absolutus,
l’absentéisme.
absent, e [aps, -t] adj. (du lat. absens, achevé, part. passé de absolvere, délier ;
absenter (s’) [sapste] v. pr. (lat. absen- 1080, Chanson de Roland, écrit asolu).
qui n’est pas là ; XIIe s., écrit ausent ; 1305).
tare, rendre absent ; début du XIVe s. ; sou-
1. Qui n’est pas présent en un lieu : Deux I. 1. Se dit d’un pouvoir politique
vent employé transitiv., au sens de « tenir
inconnus, à défaut du seigneur absent, sans contrôle et sans limitation : Sous
éloigné », jusqu’au XVIe s.). S’éloigner d’un
réclamaient tout de suite la seigneuresse Louis XIII, le pouvoir absolu fut établi
lieu pour un certain temps : Pécuchet, qui
(Flaubert). 2. Class. Eloigné, séparé de (Flaubert). Se dit de la personne dont
s’était absenté une minute, lui glissa dans
quelqu’un : Absent de vous, je vous vois, l’autorité est sans contrôle : Monarque
la main un napoléon (Flaubert).
vous entends (Fontenelle). 3. Par extens. absolu. Ces gouverneurs, magistrats abso-
Qui ne participe pas à quelque chose :
• SYN.: partir, se retirer. — CONTR.: demeu-
lus (Stendhal). Vx. Soumis à un régime
Toutes ces choses faites pour l’homme et rer, rester.
de pouvoir absolu : Imite les ministres de
d’où l’homme est absent (Gautier). 4. Fig. absidal, e, aux [apsidal, -o] ou absi- la police dans les pays absolus, qui inven-
Se dit d’une personne dont l’esprit est dial, e, aux [apsidjal, -o] adj. (de abside ; tent des conspirations pour se donner le
ailleurs, ou de ce qui, dans son attitude, milieu du XIXe s. pour la première forme, et mérite de les avoir découvertes (Balzac).
marque la distraction : Il jeta sur les deux début du XXe s. pour la seconde). Relatif à 2. Par extens. Qui ne supporte aucune
hommes un regard absent, répondit machi- l’abside. Chapelle absidale ou absidiale, limitation, aucune contradiction : Carac-
nalement à leur salut, traversa la pièce d’un chapelle située dans l’axe de l’abside : On tère absolu. Parler d’un ton absolu. Se
pas lourd, et disparut (Martin du Gard). voit poindre les chapelles absidales dans dit de la personne ayant un caractère ab-
Je marchais au milieu des vignes, avec cet les grands édifices appartenant au style de solu : Lui, toujours grave, toujours absolu,
air absent et séparé du monde de ceux qui l’Ile-de-France, à Chartres et à Bourges ne voulant composer avec aucune dialec-
remâchent un souci (Mauriac). 5. Se dit (Viollet-le-Duc). tique (Sand). 3. Qui est sans restriction,
d’une chose qui manque, qui fait défaut : sans réserve : Ces ordres absolus donnés
Tel livre d’où toute émotion personnelle te abside [apsid] n. f. (bas lat. absida, lat. aux armées par le souverain pouvoir (Vi-
semblait absente (Gide). class. absis, absidis, du gr. hapsis, arc,
gny). S’il arrivait un malheur, je vous prie,
voûte ; XVIe s.). 1. Extrémité, généralement Mademoiselle, discrétion absolue jusqu’à
• SYN.: 4 absorbé, distrait. — CONTR. : 1 et
arrondie, d’une église, derrière le choeur. demain soir (Aragon). 4. Qui est pur,
3 présent ; 4. attentif.
2. Par anal. Pièce de toile qui prolonge sans mélange : Alcool absolu. La gram-
• REM. L’adj. absent ne se place jamais
et agrandit une tente. maire sera bientôt une chose aussi oubliée
avant le nom.
absidial, e, aux adj. V. ABSIDAL. que la raison, et, au train dont nous mar-
n. Personne qui n’est pas présente là où
chons vers les ténèbres, il y a lieu d’espérer
elle devrait être normalement : Etablir la absidiole [apsidjl] n. f. (dimin. de qu’en l’an 1900 nous serons plongés dans
liste des absents. Les absents ont toujours abside ; 1866, Larousse). 1. Chacune des le noir absolu (Baudelaire). 5. Par ex-
tort de revenir (Renard). Les absents ont petites chapelles construites sur le pour- tens. Qui a sa valeur en soi, indépendam-
toujours tort, on accable ceux qui ne sont tour d’une abside. 2. Petite châsse. ment des autres choses : Les événements
pas là pour défendre leur position. Bon
absinthe [apst] n. f. (lat. absinthium, du ne sont jamais absolus (Balzac). Pour ceux
absent, jeune homme qui, sans excuse
gr. apsinthion, même sens ; 1546, Rabelais ; qui meurent à cause de l’argent, il fallait
valable, ne s’est pas présenté au conseil de
var. absince, encore au XVIIe s.). 1. Plante que le billet fût complètement détruit,
révision et qui est incorporé d’office.
amère et odorante : Connais-tu [...] un enfin un geste absolu (Duhamel). Majo-
absentéisme [apsteism] n. m. (angl. rité absolue, majorité au moins égale à la
village blanc dans un pays pâle [l’Au-
absenteeism, de to absent, s’absenter ; 1828, nis], où l’absinthe amère croît jusqu’aux moitié des suffrages exprimés, plus un.
J.-B. Say). 1. Vx. Habitude des grands pro- bords des champs d’avoine ? (Fromentin). Valeur absolue, valeur d’une quantité,
priétaires anglais et irlandais de ne pas 2. Liqueur apéritive fortement alcoolisée, abstraction faite de son signe algébrique.
résider sur leurs terres et d’aller dépenser où a macéré cette plante : Elle lui faisait Zéro absolu, température la plus basse
ailleurs leurs revenus. 2. Par extens. et son absinthe avec soin, une absinthe claire, qui puisse être atteinte par la matière (—
Vx. Habitude de s’absenter de chez soi, de se à peine teintée d’opale verte, car l’enthou- 273, 16 °C). Température absolue, tem-
désintéresser des questions électorales : Tu pérature comptée à partir du zéro absolu.
siaste poète n’avait pas besoin d’excitants
ne te représentes pas, mon pauvre ami, qu’en 6. Spécialem. Se dit généralement, en
(Daudet).
allant te loger de l’autre côté de l’eau, tu as linguistique, de toute forme, signification
perdu, électoralement parlant, un terrain absinthé, e [apste] adj. (de absinthe ; ou emploi qui se suffisent à eux-mêmes.
immense. Tu n’es plus l’homme du quar- milieu du XIXe s.). Mélangé d’absinthe : Construction absolue, proposition dont
tier, on peut te tuer avec un mot, ce que les Liqueur absinthée. aucun terme ne se rattache grammatica-
Anglais appellent l’« absentéisme » (Balzac). adj. et n. Vx et fam. S’est dit d’une per- lement au reste de la phrase : L’ablatif ab-
3. Manque d’assiduité au travail, dans sonne intoxiquée par l’absinthe : Nous solu, le génitif absolu, le participe absolu
ses occupations : L’absentéisme scolaire. autres domestiques, c’est rare si nous ne sont des constructions absolues. Au sens
4. Taux d’absentéisme, pourcentage des servons pas chez des cocaïnomanes [...], absolu, se dit d’un verbe transitif employé
absences par rapport aux présences régu- des absinthés (L. Daudet). sans complément d’objet direct.

18
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

II. Vx. Jeudi absolu, jeudi saint : La absoluteur, trice [apslytoer, -tris] adj. •SYN. : absent, distrait, méditatif,
cloche de bois qu’on ne sonnait que depuis (de absoudre ; 1788, Mercier). Qui absout : préoccupé.
l’après-dîner du jeudi absolu jusqu’au ma- Sentence absolutrice.
absorber [apsrbe] v. tr. (lat. absorbere,
tin de la veille de Pâques. (Hugo).
absolution [apslysj] n. f. (lat. absolutio, engloutir ; XIIIe s. ; sens fig., XIVe s.). 1. (avec
• SYN.: I, 1 arbitraire, autocratique, despo- même sens ; XIIe s.). 1. Action d’absoudre un sujet désignant une chose) Faire ou lais-
tique, dictatorial, omnipotent, totalitaire ; juridiquement un accusé. 2. Dans la ser pénétrer dans sa substance, par impré-
2 autoritaire, entier, impérieux, intransi- religion catholique, rémission des péchés gnation : Le sable absorbe l’eau. 2. (avec
geant ; 3 formel. — CONTR. : 1 libéral ; 2 au tribunal de la pénitence : Ce soir, mon un sujet désignant un être animé) Prendre
conciliant, tolérant. ami, confessez-vous, pour que je puisse vous comme nourriture, comme boisson,
absolu n. m. 1. Caractère de ce qui est donner l’absolution (Martin du Gard). comme remède (évoque simplement l’in-
sans nuances ni modifications possibles : 3. Par extens. Pardon qui efface : Bien gestion d’un aliment, sans considération
[Degas] cachait sous l’absolu des opinions vrai ! J’aurais l’absolution de mon passé et de modalité) : Un malade qui n’a rien pu
et la rigueur des jugements je ne sais quel la promesse de vous succéder ? (Balzac). absorber depuis deux jours. 3. Par extens.
doute de soi-même (Valéry). 2. Par Faire disparaître en neutralisant : Le noir
absolutiser [apslytize] v. tr. (de absolu ; absorbe la lumière. Un volant gigantesque,
extens. Ce qui atteint au plus haut degré
fin du XIXe s.). Eriger en absolu (rare) : Il capable d’absorber toutes les secousses
d’achèvement : Une nuit de calme sur la
faut que chacun absolutise sa théorie du (Romains). 4. Fig. Faire disparaître par
mer équatoriale. Un « absolu » de silence,
bonheur (Renan). assimilation, par incorporation : Cet élé-
au milieu duquel les plus légers frôlements
absolutisme [apslytism] n. m. (de ment insocial créé par la Révolution absor-
de voiles deviennent perceptibles (Loti).
absolu, d’après le lat. absolutus ; 1796, bera quelque jour la bourgeoisie (Balzac).
3. Conception philosophique d’un tout
Brunot). 1. Régime politique dans lequel Une entreprise qui en absorbe une autre.
qui n’est soumis à aucune condition, par
le souverain ou le responsable de l’exécutif 5. Faire disparaître en utilisant, en inves-
opposition au relatif : Un absolu connu n’est
dispose d’un pouvoir absolu : J’étais obligé tissant : Il avait gagné beaucoup d’argent,
plus un absolu parce qu’il devient relatif à
d’avertir le gouvernement des dangers de mais ses constructions et ses fabriques en
la connaissance qu’on en prend (Sartre).
l’absolutisme, après l’avoir prémuni contre avaient beaucoup absorbé (Balzac). 6. Fig.
Je tenais pour « contingence » (c’est le mot
l’entraînement populaire (Chateaubriand). Occuper fortement la pensée, l’attention
dont on se servait) tout ce qui n’était pas
2. Par extens. Caractère absolu, intransi- de quelqu’un : Cette mélancolique rêverie
« absolu » (Gide). 4. Substance unique
geant : L’absolutisme de certaines décisions. l’absorbait de plus en plus (Hugo).
d’où dériveraient tous les corps, cherchée
• SYN. : 1 boire, s’imbiber de, s’imprégner
par les alchimistes : « La Recherche de absolutiste [apslytist] adj. (de absolu ; de, se pénétrer de, pomper ; 2. avaler, boire,
l’absolu », de Balzac. 1823, Boiste). Qui a rapport à l’absolu- consommer, ingérer, ingurgiter, prendre ; 3
tisme : Les théories absolutisttes du Syllabus supprimer ; 4 intégrer ; 5 dévorer, dissiper,
absolument [apslym] adv. (de absolu ;
(Fabre). engloutir ; 6 accaparer (fam.). — CONTR.: 1
début du XIIIe s.). 1. En maître absolu : Louis
XIV régna absolument pendant plus d’un adj. et n. Partisan de l’absolutisme. dégorger, rejeter ; 2 rendre, restituer, vomir ;
demi-siècle. 2. De façon complète, entiè- 3 amplifier, exalter, intensifier.
absolutoire [apslytwar] adj. (lat. abso-
rement (sert à renforcer l’intensité expri- lutorius, relatif à l’acquittement ; 1321, s’absorber v. pr. 1. Disparaître par
mée par l’adjectif, l’adverbe, le verbe) : Godefroy). Qui absout : Il savait se faire absorption : Comme l’eau d’un fleuve
Le gros des affaires se règle entre experts, pardonner tout ce que cette parole avait qui s’absorberait dans son lit (Flaubert).
c’est-à-dire entre égaux. Egaux absolument, d’abominable par ce qu’elle avait d’abso- 2. Fig. Se plonger dans ses réflexions
cela ne se peut (Alain). Armand avait pris lutoire et de consolant (Louÿs). au point d’oublier tout le reste : Elle ne
à sa toilette un soin absolument nouveau répliqua rien, s’absorba dans une songerie
absorbable [apsrbabl] adj. (de absorber ; (Rodenbach). Elle s’absorbait si fort dans
(Aragon). 3. D’une manière qui n’admet
1839, Boiste). Qui peut être absorbé. son rêve que, le whist terminé, les habitués
aucune restriction ni réserve : Il fallait
absorbant, e [apsrb, -t] adj. (part. étaient partis sans qu’elle l’eût presque
absolument qu’avant un quart d’heure
prés. de absorber ; 1751, Encyclopédie). remarqué (Daudet).
Cosette fût devant un feu et dans un lit
(Hugo). Puisque vous y tenez absolu- 1. Capable d’absorber, de s’imprégner 1. absorbeur, euse [apsrboer, -øz]
ment, je me rends à votre désir (Daudet). de : La puissance absorbante de l’éponge adj. et n. (de absorber ; fin du XIXe s.). Qui
4. Employer un mot absolument, en et du sable (Balzac). Poils absorbants, accapare l’attention, la pensée (rare) : La
termes de grammaire, l’employer sans poils groupés à la partie subterminale des musique, cette grande absorbeuse qui vous
épithète ni complément. 5. Absolument racines. 2. Fig. Se dit de ce qui acca- tient immoblie, sans voix et sans pensée
parlant, en parlant de la chose en soi, sans pare toutes les facultés mentales, tous (Daudet).
application de circonstance. les moyens d’une personne : Tout ce qui
2. absorbeur [apsrboer] n. m. (de absor-
n’est pas sa passion, absorbante et unique
• REM. La place d’absolument dans un ber ; milieu du XXe s.). 1. Élément d’une
(Daudet). Un travail absorbant.
tour négatif est très importante : Voilà installation frigorifique dans lequel le
deux enfants de plus à nourrir dont nous
• SYN.: 2 captivant, passionnant, prenant. fluide frigorigène est absorbé par une
n’avions pas absolument besoin (Sand) absorbant n. m. Corps capable d’absor- substance et non pas aspiré par un com-
n’a pas le même sens que ... dont nous ber (au sens 1) : Le talc est un absorbant. presseur. 2. Appareil de raffinage utilisé
n’avions absolument pas besoin ; dans pour l’absorption des gaz dans l’industrie
absorbé, e [apsrbe] adj. (part. passé de
la seconde phrase, il y a renforcement du pétrole.
absorber).) Fig. Se dit d’une personne tota-
de la négation : Nous n’en avions aucun lement occupée par une pensée : Il joignit [apsrpsj] n. f. (lat. ecclés.
absorption
besoin ; la première phrase signifie seu- ses mains sur sa figure comme un homme absorptio ; fin du XVIe s.). 1. Fait d’absorber,
lement : Nous n’en avions pas un besoin absorbé dans une méditation douloureuse d’avaler : On se nourrira alors d’extraits de
inconditionnel. (Proust). Je regardais l’abbé partir pour la métaux. [...] Ne doutez point que le goût
• SYN.: 1 despotiquement ; 2 complètement, messe, d’un pas rapide, si absorbé qu’il pas- n’en soit exquis et l’absorption salutaire
parfaitement, pleinement, totalement ; 3 sait parfois à quelques mètres de moi sans (France). 2. Fig. Action de faire dispa-
formellement, véritablement, vraiment. me voir (Mauriac). raître par assimilation, par incorporation :

19
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

[Léon] se révoltait contre l’absorption, sont particulièrement nombreuses aux élec- plaît dans l’abstraction, par opposition à
chaque jour plus grande, de sa personnalité tions cantonales. la réalité concrète (parfois péjor.) : Il joint
(Flaubert). Spécialem. Fusion d’entre- • SYN. : 1 inaction. — CONTR. : 1 action, aux fortes intuitions d’un abstracteur la
prises ou de sociétés au bénéfice de l’une intervention, participation. vision concrète d’un esprit positif (Barrès).
d’entre elles. 3. Fig. Fait d’être perdu dans Il portait à l’extrême le mépris des gens du
abstentionnisme [apstsjnism] n. m.
ses réflexions : Son absorption était telle monde, la haine des riches, des commer-
(de abstention ; 1870, Molinari). Fait de ne
qu’il resta plusieurs minutes sans s’aper- çants, des militaires, des politiques et des
pas voter, ou refus volontaire de participer
cevoir de la présence de son fils (Bourget). abstracteurs (Valéry). Péjor. Abstracteur
à un vote : L’abstentionnisme est d’autant
de quintessence, celui qui analyse, subti-
absoudre [apsudr] v. tr. (lat. absolvere, plus répandu que le sens du devoir civique
lise à l’excès : Le théâtre vit de la passion
délier ; Xe s., Vie de saint Léger ; en anc. est moins développé. qu’y porte la foule. Les applaudissements
franç. et jusqu’au XVIe s., var. assoldre, populaires nous effrayeraient, nous autres
abstentionniste [apstsjnist] n. et adj.
assoudre). [Conj. 53 ; v. aussi Rem. ci-après.] abstracteurs de quintessence (Barrès).
(de abstention ; 1843, Lachâtre). Se dit d’une
1. Absoudre quelqu’un, le délier d’une
personne qui ne prend pas part à un vote,
condamnation, l’exempter d’une peine : abstractif, -ive [apstractif, -iv] adj. (de
volontairement ou non. abstraction ; v. 1510, J. Lemaire de Belges).
Pour ma part, j’absous volontiers les fri-
pons, les coquins et les misérables (France) ; abstergent, e [apstr, -t] adj. (lat. Qui sert à former, à exprimer des abstrac-
spécialem., lui remettre ses péchés : Il est abstergens, part. prés. de abstergere, net- tions : Un procédé, un terme abstractif.
mort — Dieu l’absolve et l’ait en son giron toyer ; v. 1560, A. Paré). Vx. Qui est propre abstraction [apstraksj] n. f. (bas lat.
(Heredia). 2. Absoudre une faute, en à absterger. abstractio, même sens ; 1361, Oresme).
accorder le pardon à son auteur : La voix absterger [apstre] v. tr. (lat. abstergere, 1. Action d’isoler par l’analyse les éléments
publique s’élève d’âge en âge pour absoudre nettoyer ; XIVe s., Godefroy). Vx. Nettoyer d’une représentation ou d’une notion :
et pour honorer la désobéissance du vicomte une plaie. L’abstraction est la forme la plus pure de
d’Orte (Vigny). la pensée. 2. Elément ainsi isolé par la
abstersif, ive [apstrsif, -iv] adj. (du
pensée : L’insurrection a toujours pour
• CONTR. : 1 et 2 condamner.
lat. abstersus, part. passé de abstergere, point de départ une abstraction (Hugo).
• REM. On trouve chez Montaigne le
nettoyer ; XIVe s., Godefroy). Vx. Syn. de Chez W. James [...], tendance à prendre les
passé simple j’absolus ; chez Apollinaire,
ABSTERGENT. abstractions pour l’équivalent des réalités
j’absolvis. Il faut remarquer l’anomalie
du participe passé absous/absoute, avec abstersion [apstrsj] n. f. (lat. abster- concrètes dont elles retiennent un certain
sio, de abstergere, nettoyer ; XIVe s., Dict. aspect seulement (Lalande). 3. Par extens.
changement de terminaison ; le participe
général).) Vx. Action d’absterger. Vue de l’esprit, être imaginaire sans rap-
passé a eu jadis la forme absolu.
port avec la réalité : Il est bien évident que
absoute [apsut] n. f. (part. passé fém. abstinence [apstins] n. f. (lat. abs-
l’auteur a voulu, dans « les Misérables »,
de absoudre ; 1392, E. Deschamps). tinentia, action de s’abstenir ; XIIe s., créer des abstractions vivantes, des figures
1. Absolution publique donnée autrefois le Dict. général ; var. astenance, astinence ;
idéales (Baudelaire). Evidemment, c’était la
jeudi saint, avant la messe. 2. Dernières jusqu’au XVIIe s., conserve aussi le sens première fois, ce soir, que la guerre, cessant
prières du prêtre catholique après l’office d’« abstention »). 1. Action de se priver de pour elle d’être une abstraction, s’imposait
des morts : Donner l’absoute. viande, conformément aux prescriptions à son imagination avec un tel relief, dans
de l’Eglise : Afin de pouvoir souffrir avec sa réalité sanglante (Martin du Gard).
abstème [apstm] adj. et n. (du lat. allégresse l’abstinence et le jeûne tout le reste 4. Action de négliger les contingences
abstemius, qui s’abstient de boire du vin de l’année (France). 2. Par extens. Action pour se concentrer sur l’essentiel : Les
pur ; 1596). Qui ne boit pas de vin (rare) : de se priver volontairement de nourriture : mouvements que Dieu me fait la grâce de
Volontaire Tantale, abstème comédien Mes abstinences répétées allaient jusqu’à mettre en moi, je ne puis les percevoir que
(Gautier). donner de l’inquiétude à mes maîtres dans une abstraction complète, comme ceux
(Chateaubriand). Une frugalité toute voi- qui écoutent la musique les yeux fermés
abstenir (s’) [sapstnir] v. pr. [de] (lat.
abstinere, se tenir à l’écart ; XIe s., Vie de sine de l’abstinence complète (Duhamel). (Montherlant). 5. Faire abstraction de,
3. Action de s’interdire certains plaisirs. ne pas tenir compte de : Le roi reste en exil
saint Alexis ; var. s’astenir). [Conj. 16.]
1. Se retenir, se priver d’user de quelque • SYN. : 2 diète, jeûne. — CONTR. : 2 bom- [...], vous devriez en être enchantés, abstrac-
chose : Le cardiaque s’abstiendra de bance (fam.), excès, ripaille (fam.). tion faite de vos sentiments patriotiques
café. 2. Eviter de faire quelque chose : (France). Pour se montrer impartial, il faut
abstinent, e [apstin, -t] adj. et n. (lat.
S’abstenir de mouvements trop altiers faire abstraction de ses préférences person-
abstinens, part. prés. de abstinere ; 1160,
(Sainte-Beuve). Il eût été préférable [...] que nelles. Par abstraction, d’une manière
Benoît de Sainte-Maure). Qui se prive
cette dame se fût abstenue de vous faire un abstraite.
volontairement de certains aliments, et,
présent (France). 3. Absol. Rester dans plus généralement, qui s’interdit certains
•SYN.: 2 concept, idée, notion ; 3 entité. —
l’expectative ; renoncer à agir : Dans le plaisirs. CONTR. : réalité.
doute, abstiens-toi. Spécialem. Refuser • SYN. : chaste, continent, frugal, sobre, abstractivement [apstraktivm] adv.
de prendre part à une discussion, à un vote. tempérant. — CONTR. : débauché, noceur, (de abstractif ; 1504, J. Lemaire de Belges).
• SYN. : 1 éviter, s’interdire, se passer de, viveur. 1. Vx. D’une manière abstraite : Il [Louis
se refuser ; 2 éviter, se garder de, se retenir Lambert] avait, en quelque sorte, abstrac-
abstracteur [apstraktoer] n. et adj. m.
de. — CONTR. : 1 prendre, user de ; 2 agir, tivement joui de la renommée (Balzac).
(lat. médiév. abstractor, même sens ; 1532,
intervenir, participer à, prendre part à. 2. Abstraction faite de ; en ne tenant pas
Rabelais, qui ajoute le mot à son propre
[apstsj] n. f. (lat. absten- compte de : Cette épreuve faite a donné à
abstention pseudonyme M. Alcofribas, abstracteur de
mes sentiments la forme invariable qu’ils
tio, action de retenir ; XIIe s., astension, au quintessence). 1. Qui analyse longuement
ont toujours observée, abstractivement de
sens d’« abstinence » ; sens jurid., milieu du et raisonne sur chaque élément ainsi isolé :
toute réflexion (J.-B. Rousseau).
XVIe s. ; sens polit., XIXe s.). 1. Fait de ne pas Le pédagogue abstracteur considérait les
agir. 2. Spécialem. Refus de participer à voluptés de la pure peinture comme choses abstraire [apstrr] v. tr. (lat. abstrahere,
une délibération, à un vote : Les abstentions frivoles (Baudelaire). 2. Qui se com- arracher ; le sens « isoler par la pensée » est

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

repris au lat. class. abstrahere, détourner, tout ce qu’il faut pour choquer l’amateur montrant que la proposition contradictoire
détacher ; 1361, Oresme). 1. Isoler mentale- (Romains). Peintre abstrait, celui qui est manifestement fausse.
ment les éléments d’un objet pour les consi- pratique cette forme d’art.
absurdement [apsyrdm] adv. (de
dérer à part : D’autres peuvent abstraire • SYN.: 4 idéal ; 5 abscons, abstrus, hermé- absurde ; 1549, R. Estienne). De façon
des mêmes perceptions un rapport différent tique, subtil ; 6 non figuratif. — CONTR.: 3
absurde : Il suffit, de la sorte, qu’absurde-
(Sully Prudhomme). 2. Vx. Abstraire son concret ; 4 concret, matériel, positif, réel ; ment un incident [...] s’interpose entre les
esprit de, détourner son attention de tous 5 naturel, simple ; 6 figuratif.
deux destinées dont les lignes convergeaient
les autres objets pour la porter sur un seul : abstrait n. m. 1. Ce qui est abstrait : l’une vers l’autre pour qu’elles soient déviées
On n’aura jamais une idée de la violence que Considérer l’abstrait et le concret. (Proust).
je me suis faite ; j’ai été forcé d’abstraire mon 2. Artiste qui pratique l’art abstrait.
esprit, dix, douze et quinze heures par jour, absurdité [apsyrdite] n. f. (bas lat.
abstraitement [apstrtm] adv. (de abs- absurditas ; XIVe S.). 1. Caractère de ce
de ce qui se passait autour de moi, pour me
livrer puérilement à la composition d’un trait ; fin du XVIe s.). De façon abstraite : qui est contraire au bon sens : Ressentir
ouvrage dont personne ne parcourra une Tous ces grands hommes parlent abstraite- cruellement la tragique absurdité de vivre
ligne (Chateaubriand). ment ; ils raisonnent ; ils approfondissent ; (France). La vie n’est pas absurde, seuls des
ils dessinent d’une seule phrase tout le corps intellectuels ou des philosophes qui ratio-
s’abstraire v. pr. Ecarter de son esprit
d’une pensée achevée (Valéry). cinent, la vie une fois gagnée, inventent
tout ce qui ne concerne pas une pensée
déterminée, et, par extens., s’isoler par abstrus, e [apstry, -yz] adj. (lat. abstru- cette absurdité de la vie, pour se donner
la pensée du milieu où l’on est : J’aurais sus, part. passé de abstrudere, cacher pro- les gants de recréer une liberté absurde
cru que tu saurais t’abstraire de toi-même fondément ; 1495, J. de Vignay). Difficile encore (Guéhenno). 2. Chose contraire
(Flaubert). Les espaces intérieurs où l’artiste à comprendre, obscur (souvent péjor.) : au bon sens : Le christianisme eut d’abord
s’est abstrait pour créer (Proust). Le plus abstrus sonnet de Mallarmé n’est à déblayer les absurdités et les abomina-
pas plus difficile à comprendre que, pour tions dont l’idolâtrie et l’esclavage avaient
abstrait, e [apstr, -t] adj. (lat. abs- encombré le genre humain (Chateaubriand).
le spectateur non prévenu [...], l’enche-
tractus, isolé par la pensée, part. passé de
vêtrement de cet amphigouri sublime [le • SYN. : 1 incohérence, inconséquence ; 2
abstrahere ; fin du XIVe s.). 1. Class. et littér. extravagance, folie, ineptie, sottise, stupi-
monologue d’Emilie dans Cinna] (Gide).
Séparé, distingué d’autres éléments : [Les
Des jeunes gens qui sous leurs esthétiques dité. — CONTR.: 1 bon sens, logique, raison,
grands hommes] ne sont pas suspendus en sagesse.
abstruses dissimulaient des prudences de
l’air, tout abstraits de notre société (Pascal).
notaires (Lemaitre). Son vers, coupé par
Des mots absolument abstraits de tout sen- ab urbe condita [abyrbekdita], mots
d’invraisemblables césures, devenait sou-
sualisme (France). 2. Class. Se dit d’une lat. signif. « depuis la fondation de la ville »,
vent singulièrement abstrus (Huysmans).
personne qui s’absorbe dans ses pensées et et dont les Romains se servaient pour leurs
• SYN.: abscons, abstrait, cabalistique, éso- datations partant de la fondation de la Ville
ne fait pas attention à ce qui se passe autour
térique, impénétrable, incompréhensible, par excellence, Rome (753 av. J.-C.).
d’elle : Phédon [...] est abstrait, rêveur (La
inintelligible. — CONTR. : clair, limpide,
Bruyère). 3. Qui procède par abstraction, abus [aby] n. m. (lat. abusus, de abuti,
lumineux.
ou qui est le résultat de l’abstraction : Tous faire mauvais usage de ; 1361, Oresme).
les mots de la pensée la plus abstraite sont absurde [apsyrd] adj. (lat. absurdus, dis-
des mots tirés de l’usage le plus simple, le sonant ; XIIe-XIIIe s., écrit absorde ; XIVe s.). I. 1. Usage mauvais ou excessif d’une
1. Contraire au sens commun, à la raison : chose, d’une faculté, etc. : Aussi bien
plus vulgaire, que nous avons débauchés
pour philosopher avec eux (Valéry). Nom L’idée que le prolétariat actuel pourrait faire est-ce faire un abus vraiment inique de
obstacle aux forces de guerre lui semblait l’intelligence que de l’employer à recher-
abstrait, nom qui désigne une qualité, une
action, une manière d’être, par opposition absurde (Martin du Gard). Je ne tiens pas cher la vérité ! (France). La cause de cette
la société pour mauvaise, pour susceptible monotonie [de l’ode française] était dans
au nom concret, qui désigne un être ou un
objet : « Bonté », « fabrication », « repos » d’être améliorée, je la tiens pour absurde l’abus des apostrophes, des exclamations,
(Camus). 2. Par extens. Ridicule, parce des prosopopées (Hugo). C’est donc l’ins-
sont des noms abstraits. Sciences abs-
traites, sciences qui opèrent sur des qua- que très éloigné de nos habitudes d’esprit, tinct de l’abus du pouvoir qui fait songer
de nos coutumes : Nous avons vu bien des si passionnément au pouvoir (Valéry).
lités pures, non sur des réalités. 4. Privé
de réalité concrète ou de référence à des choses déclarées jadis absurdes, qui sont Abus de pouvoir, d’autorité, acte d’une
éléments matériels : La pendule, le sablier, devenues plus tard des modèles adoptés par personne qui outrepasse le pouvoir, l’au-
la foule (Baudelaire). La naturelle insolence torité dont elle dispose de par sa fonction.
la clepsydre donnent des heures abstraites,
de Philippe s’exalte au souvenir du demi- Abus de confiance, délit qui consiste à
sans forme, sans visage (Maeterlinck). On
dieu bedonnant, son absurde chapeau sur détourner des objets ou des valeurs qui
peut vouloir une société juste ; cela conduit
les genoux (Bernanos). 3. Se dit d’un per- ont été confiés, et, plus généralement, fait
à chercher ses semblables et à s’étonner si
sonnage dont le comportement, le langage de tromper la confiance d’autrui. Appel
on ne les trouve pas tels qu’on veut qu’ils
est déraisonnable, extravagant : Jevis entrer comme d’abus, sous l’Ancien Régime, re-
soient [...]. Une telle société est abstraite, et
un absurde monsieur [...], coiffé d’un ridi- cours devant un pouvoir contre les abus
à chaque instant rompue (Alain). 5. Par
cule chapeau melon (Gide). d’un autre pouvoir. 2. Par extens. Cou-
extens. Difficile à comprendre, parce que
tume vicieuse qui s’est établie dans une
trop éloigné du concret : Point de termes • SYN.: 1 aberrant, déraisonnable, illogique,
incohérent ; 3 extravagant, fou, insensé, société : Tout le monde sait à quels abus
scientifiques ou trop abstraits ; ils ne tolèrent
ont donné lieu les fermes royales (Mus-
que les mots de leur conversation ordinaire ridicule, saugrenu, stupide. — CONTR. : 1
conséquent, juste, logique, raisonnable, set). On se monte le coup, on se hâte de
(Taine). Que dire qui ne soit pour moi-même
rationnel, sensé ; 3 judicieux, sage, sensé. détruire, de remplacer ; et on s’aperçoit
difficile à expliquer sans longueur et sans
à l’usage que le nouveau régime crée de
minutie, et pour le public chose abstraite n. m. 1. Ce qui est contraire au bon sens :
nouveaux abus (Martin du Gard). Très
et pénible à lire ? (Valéry). 6. Peinture, Ce qui touche violemment est toujours cru,
fam. Il y a de l’abus, c’est excessif, vous
sculpture abstraite, art abstrait, art qui ne et l’absurde est bien loin d’y faire obstacle,
exagérez.
cherche pas à représenter les apparences puisque l’absurde lui-même épouvante
de la réalité sensible : Un tableau, au sur- (Alain). 2. Raisonnement, preuve par II. Class. Fait d’être abusé, de se trom-
plus rébarbatif, abstrait, grisâtre, ayant l’absurde, qui prouve une proposition en per : Elle croit que l’amour s’envole | Dès

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

qu’il aperçoit un argus. | Quel abus ! 1. Class. Dans la langue des mystiques, de « circonscription universitaire », décret
(Marivaux). dont la profondeur est insondable : L’amour du 17 mars 1808).
• SYN. : I, 1 exagération, excès, outrance ; abyssal, c’est-à-dire, selon leur langage,
I.1.Jardin d’Akadêmos, à Athènes, où
2 excès, injustice. — CONTR. : I, 1 mesure, l’amour intime, infini, profond (Bossuet).
enseignait Platon (en ce sens, s’écrit avec
modération. 2. Par extens. Qui donne le vertige par
une majuscule) : Abeilles de l’Académie,
ses dimensions : Il faudra bien qu’elle [cette
abuser [abyze] v. tr. ind. [de] (de abus ; venez vous poser en harmonieux essaims
vérité] soit aussi abyssale, aussi étrangère à sur la bouche, sacrée aux Muses, de Jaco-
début du XIVe S.). 1. User mal ou avec excès
nos sens (Maeterlinck). 3. Qui se rapporte bus Tournebroche (France). 2. Par ex-
de quelque chose : Le ciel me garde d’abuser
aux grandes profondeurs marines : Une tens. Ecole philosophique platonicienne.
de mon âge (Nerval). Quand elle sefut assu-
fosse abyssale. 3. La doctrine de cette école.
rée que je n’abusais pas du plaisir, elle ferma
les yeux sur mes sorties du soir (Mauriac). abysse [abis] n. m. (gr. abussos, de a priv. II. 1. Class. Ecole où la noblesse apprenait
2. Profiter sans discrétion des qualités et de bussos, fond ; 1890, Larousse). Grande l’équitation, l’escrime, l’art des fortifica-
ou des défauts de quelqu’un : Je craignais profondeur océanique. tions, etc. : En 1691 j’étais en philosophie
d’abuser de votre bonté (France). Abuser et commençais à monter à cheval à l’aca-
• SYN.: abîme, gouffre.
de la crédulité d’un enfant ; et absol. : Il est démie des sieurs de Mesmont et Rochefort
douteux que Son Altesse ait jamais donné acabit [akabi] n. m. (peut-être de l’anc.
(Saint-Simon). 2. Vx. Ecole de haut
une si longue audience à un simple mor- provenç., d’après le v. cabir, autre forme de
enseignement : Pendant les vacances de
tel et je craignais d’abuser (Baudelaire). caber, employer, du lat. capere, prendre ;
l’académie ecclésiastique, il ira, s’il veut,
3. Abuser d’une femme, lui faire violence. XVe s., au sens de « accident » ; var. acabie,
voir Paris et Londres (Stendhal). 3. Auj.
• SYN.: 1 mésuser de. fém., jusqu’au XVIIe s., au sens de « achat,
Ecole où l’on s’exerce à la pratique d’un
débit »). 1. Class. et littér. Manière d’être,
v. tr. Class. et littér. Induire en erreur. art : Académie de danse. Spécialem.
tromper : Nous étions bien abusés. Je qualité bonne ou mauvaise d’une chose : Ecole où l’on enseigne le dessin, la pein-
ne suis détrompé que d’hier (Pascal). Des poires d’un bon acabit (Acad., 1694). ture : Son fiancé lui avait aussi interdit les
Insensé, diront-ils, que trop d’orgueil abuse Ajoutez que la ville la plus proche, Sablé, académies de dessin (Radiguet). 4. Cir-
(Lamartine). La personne, du reste, qui était est un bourg de dernier acabit (Huysmans). conscription de l’Université de France :
le plus complètement dupe de l’illusion qui En parlant des personnes, sorte, espèce : Le recteur est représenté dans chaque
m’abusait ainsi que mes parents, c’était Quel acabit de mari lui baillez-vous ? département par son délégué, l’inspec-
madame Swann (Proust). Ces faux biens (Dancourt). 2. Auj. Seulement dans des teur d’académie. 5. Officier d’académie,
nous abusent ; on ne recherche plus Dieu, locutions familières et péjoratives, comme jusqu’en 1956, premier grade de l’ordre
parce qu’on ne voit pas qu’on est pauvre de cet acabit, du même acabit, de cette des Palmes académiques.
(Gide). espèce, du même genre : Vous rencontriez
III. 1. Société scientifique, littéraire ou
• SYN.: attraper (fam.), berner, blouser (très dans la rue [...] et dans d’autres endroits [...]
artistique : Pleins de goût et de feu, ces
fam.), donner le change à, duper, mystifier, des prêtres d’un drôle d’acabit (Romains).
jeunes doctrinaires formaient un société
posséder (fam.), surprendre. — CONTR. : acacia [akasja] n. m. (lat. acacia, du gr. d’une espèce rare, une académie à la fois
éclairer, guider, instruire, renseigner. akakia, même sens ; XIVe S., acacie, fém. ; savante, policée et enthousiaste (Barrès).
s’abuser v. pr. Faire erreur ; se faire illu- acace, achace, XVe S. ; acassia, 1503, G. de Les académies, qui sont de très honorables
sion : Vous vous abusez en comptant sur sa Chauliac ; acacia, masc., 1680, Richelet). et glorieuses compagnies, représentent
bienveillance. Ma tante Félicité s’abusait sur 1. Arbre de la zone équatoriale, fournis- un des plus brillants appâts du démon
l’efficacité de sa présence (Gide). sant la gomme arabique, le cachou, etc. administratif (Duhamel). 2. Absol.
• SYN.: se leurrer, se méprendre. 2. Par extens. Nom souvent donné à tort L’Académie française, société de quarante
au robinier, arbre dont les fleurs en grappes membres choisis par cooptation, fondée
abusif, ive [abyzif, -iv] adj. (bas lat. abu-
exhalent un lourd parfum. en 1635 par Richelieu pour observer et
sivus, même sens ; 1361, Oresme). 1. Qui
surveiller le langage et son bon usage. (En
constitue un abus : Quant au pâturage académicien [akademisj] n. m.
ce sens, prend une majuscule.) Membre
[droit de pâture] abusif, il gâche environ (dér. savant du lat. academicus ; 1555,
le sixième du produit de nos prés (Balzac). de l’Académie, un des Quarante. Ou-
Ramus, au sens 1 ; sens moderne, XVIIe s.). vrage couronné par l’Académie, ouvrage
2. Qui est contraire à la règle, à la loi, à 1. Vx. Philosophe de l’école de Platon. qui a été honoré d’une distinction par
la norme : Emploi abusif d’un mot. 3. Vx. 2. Membre d’une société scientifique,
Qui trompe : Il avait ouï dire qu’il n’y a l’Académie française.
littéraire ou artistique appelée académie.
rien de plus abusif et de plus méchant que IV. 1. Figure peinte ou dessinée d’après
3. Absol. En France, membre de l’Institut,
ce feu-là [un feu follet] (Sand). 4. Fam. un modèle nu : Célèbre parmi les meil-
et spécialement de l’Académie française :
Se dit d’une personne qui abuse de ses pré- leurs morceaux d’académie que Rubens
Nommé de la veille membre de l’Institut,
rogatives : Une mère, une veuve abusive. ait peints (Fromentin). 2. Fam. Le
il allait inaugurer devant les cinq acadé-
• SYN.: 1 excessif, immodéré, injuste, usur- corps humain dans sa nudité : Pausole
mies réunies en assemblée solennelle son
patoire ; 2 impropre. — CONTR.: 1 équitable, avait interdit non seulement aux acadé-
habit d’académicien, un magnifique habit
juste ; 2 convenable, normal, propre. mies défectueuses, mais encore aux vi-
à palmes vertes, tout luisant du drap neuf et
sages grotesques, de paraître à découvert
abusivement [abyzivm] adv. (de abu- de la broderie soyeuse couleur d’espérance
(Louÿs).
sif ; 1495, J. de Vignay). De manière abu- (Daudet).
sive : Un mot employé abusivement. • SYN.: 3 immortel (fam.). V. 1. Class. Maison de jeu, tripot : Il vit
faire de sa maison une académie de jeux
abuter [abyte] v. intr. (de à et de but ; XIIIe académicienne [akademisjn] n. f.
défendus (Regnard). 2. Auj. Acadé-
S.). Vx. Lancer une boule, un palet, etc., vers Femme faisant partie d’une académie.
mie de billard, groupement de joueurs
un but, pour savoir qui jouera le premier. (L’Académie de peinture, fondée en 1648,
émérites de billard : Le restaurant où ils
admettait quinze académiciennes.)
abyssal, e, aux [abisal, -o] adj. (dér. avaient échoué, immense hall plein de
savant du lat. abyssus, du gr. abussos, académie [akademi] n. f. (empr. par L. monde, de lumières et de bruit, était à la
abîme ; en théologie, 1597, Ph. Bosquier ; de Baïf à l’ital. accademia, lat. Academia, fois une taverne, un dancing, une acadé-
géographie et océanographie, XXe S.). gr. Akadêmia ; 1508, au sens I, 1 ; au sens mie de billard (Martin du Gard).

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

académique [akademik] adj. (lat. aca- soit une Confédération de La Haye, vouée les fous], avec influence du lat. acer, aigre ;
demicus ; 1361, Oresme). à l’académisme diplomatique, c’est-à-dire XVe S., « fou » ; XVIe S., « qui a mauvais
à l’impuissance et aux faux-semblants caractère »). Se dit d’une personne, et spé-
I. De l’Académie, école platonicienne : La
(Romains). cialement d’une femme, d’humeur difficile
philosophie académique.
et querelleuse : Il rentre chaque soir chez
académiste [akademist] n. m. (de acadé-
II. 1. Qui a rapport à une académie, cir- sa vieille femme, devenue acariâtre avec
mie ; 1613, Epître du chien LycoPhagos, au
conscription universitaire. Conseil l’âge (France).
sens 1 ; au sens 2, 1634, Chapelain). 1. Class.
académique, organisme placé près du • SYN. : acrimonieux, atrabilaire, bilieux,
Elève d’une académie d’équitation, etc.
recteur de chaque académie et remplis- grincheux, hargneux, incommode, renfro-
2. Class. Membre d’une académie,
sant des fonctions de conseil et de tribu- gné. — CONTR. : accommodant, affable,
académicien : Vous vous honorez du titre
nal. 2. Palmes académiques, décoration aimable, amène, doux, sociable.
d’académiste (Chapelain). Les Académistes
décernée par le ministre de l’Education
(titre d’une comédie de Saint-Évremond). acariâtreté [akarjtrte] n. f. (de aca-
nationale.
riâtre ; 1611, Cotgrave). Caractère d’une
III. 1. Qui appartient à une académie, acagnarder (s’) [sakaarde] v. pr.
personne acariâtre (rare) : Cette mégère
société savante : Simplement une distri- (comp. de cagnard, fainéant comme un
joignait une acariâtreté peu commune à
chien couché ; 1540, Calvin). Vx et littér.
bution de prix académiques, cérémonie l’avarice la plus sordide (Allais).
S’installer paresseusement dans un coin :
sans grand éclat et qui n’attire d’ordinaire
Dans l’étroite salle du bas, nous nous aca- acarien [akarj] ou acaride [akarid] n.
que les familles des lauréats (Daudet).
gnardions des heures entières (Bourget). m. (lat. acarus, du gr. akari, ciron, mite ;
2. Absol. Qui a rapport à l’Académie
Il prit l’habitude de s’acagnarder devant 1842, Acad.). Genre d’araignées extrême-
française. Fauteuil académique, siège
l’écluse entre deux vergnes (Pérochon). ment petites, souvent parasites de l’homme
occupé par un des Quarante. 3. Se dit
d’un mode d’expression traditionnel et ou des animaux : L’acarien du chameau
acajou [akau] n. m. (du portug. acaju,
compassé : Je sais ce que je dis et je ne ressemble à celui de l’homme (Hugo).
peut-être confusion du tupi [langue indi-
dépasse pas les bornes du langage aca- gène du Brésil] acajou, fruit de l’anacarde, acariose [akarjoz] n. f. (de acarien ; début
démique (Duhamel). Un discours aca- et de agapù, l’arbre ; milieu du XVIe S.). du XXe S.). Maladie de l’homme et des ani-
démique, un style académique. 4. Par 1. Arbre de l’Amérique tropicale, au bois maux causée par un acarien.
extens. Conforme aux usages reçus, sans dur et rouge employé en ébénisterie : Dans
acarus n. m. V. ACARE.
originalité : Le bonheur académique res- l’acajou fourchu lové comme un reptile
semble donc à un feu invisible que trahit (Leconte de Lisle). 2. Bois de cet arbre : acatalectique [akatalktik] adj. (gr. aka-
seul son reflet sur des figures bien-aimées Les meubles d’acajou sont restés aux mêmes talêktos, dont le dernier pied n’est pas tron-
(Mauriac). 5. Fam. Qui relève, en art, places (Mauriac). qué ; 1644, Lancelot). Se dit, en métrique
des traditions artistiques de l’acadé- n. m. et adj. invar. Couleur du bois d’aca- ancienne, d’un vers dont tous les pieds sont
misme : Un sujet académique. jou, rouge foncé. complets.
• SYN.: III, 3 apprêté, conventionnel, étu-
acalèphes [akalf] n. m. pl. (gr. akalê- acatalepsie [akatalpsi] n. f. (gr. aka-
dié, guindé. — CONTR.: III, 3 aisé, naturel,
phê, ortie de mer ; 1839, Boiste). Classe de talêpsia, absence de compréhension ; 1751,
simple.
coelentérés, appelés aussi scyphozoaires, Encyclopédie). Chez les sceptiques grecs,
académiquement [akademikm] comprenant des méduses de grande taille. impossibilité de connaître avec certitude.
adv. (de académique ; 1570, Cité de Dieu,
acanthe [akt] n. f. (lat. acanthus, du acaule [akol] adj. (de a priv., et du lat.
trad. G. Hervet, au sens anc. « à la manière
gr. akanthos, de akantha, épine ; milieu caulis, tige ; 1808, Boiste). Se dit, en bota-
des discussions philosophiques »). D’une
du XVe S.). 1. Plante à longues feuilles nique, d’une plante dont la tige n’est pas
manière académique, conventionnelle : Il
décoratives. 2. Motif de décoration du apparente : Plus haut, de gros chardons
ne s’agissait plus de discuter poliment, déli-
chapiteau corinthien, représentant des acaules, fixés au ras du sol comme des
catement, académiquement des questions
feuilles d’acanthe : Une espèce de petit broches (Gide).
de morale, de politique, de sentiment ou
diable blond accroché aux acanthes d’un accablant, e [akabl, -t] adj. (part.
d’étiquette... (Claudel).
chapiteau (Hugo). prés. de accabler ; XVIIe S., La Bruyère). Se
académisable [akademizabl] adj. (de
acanthoptérygiens [aktopterij] dit de ce qui abat, écrase à la façon d’une
académie ; début du XXe S.). Fam. Se dit
n. m. pl. (du gr. akantha, épine, et pterux, charge très lourde : Un fardeau accablant.
d’un homme susceptible d’être élu à l’Aca-
nageoire ; 1808, Boiste). Ordre de poissons Une chaleur accablante. Une preuve acca-
démie française.
téléostéens (comme le thon, la perche, blante. Les vastes silences de la campagne,
académiser [akademize] v. tr. (de acadé- etc.), dont les nageoires sont soutenues les étés criblés d’une lumière accablante,
mie ; 1770, Diderot). Donner aux figures la par des rayons épineux. (On a dit aussi les après-midi brumeuses, le remplissaient
pose académique (terme des beaux-arts) : ACANTHOPTÉRES.) d’une dangereuse volupté (Baudelaire). La
Qu’est-ce qui remplira votre attente ? est-ce matinée était tiède et accablante (Rolland).
a cappella [akapla] loc. adj. et adv. (mots
l’athlète que sa sensibilité décompose et que • SYN. : écrasant, lourd, oppressant. —
ital. signif. « à chapelle » ; 1863, Littré). Se dit
la douleur subjugue, ou l’athlète académisé CONTR. : léger.
du style des oeuvres musicales religieuses
qui pratique les leçons sévères de la gymnas-
polyphoniques sans accompagnement accablement [akablm] n. m. (de acca-
tique jusqu’au dernier soupir ? (Diderot).
instrumental : Une messe « a cappella ». bler ; milieu du XVIe S.). 1. Class. Action
académisme [akademism] n. m. (de aca- Chanter « a cappella ». de terrasser quelqu’un, physiquement ou
démie ; 1845, J.-B. Richard). 1. Attachement moralement ; état qui résulte d’un excès
acare [akar] ou acarus [akarys] n. m.
à des traditions esthétiques, antiques ou de charge physique ou morale : Pour der-
(lat. acarus, du gr. akari, ciron ; 1752,
classiques, au détriment de l’observation nier accablement, son adversaire lui donna
Trévoux [acare]). Animal microscopique,
de la vie : Zola ne semble soupçonner d’autre un coup de pied (Scarron). Quel poids,
parasite qui détermine la gale.
ennemi du naturalisme que l’académisme quel accablement que celui que donne un
(Gide). 2. Par extens. Sclérose provenant acariâtre [akarjtr] adj. (du lat. Acharius royaume ! (La Bruyère). 2. Littér. Etat
d’un respect excessif des traditions : J’ai ou du franç. Acaire [nom d’un évêque de d’une personne très abattue, physiquement
peur qu’elle [la Société des Nations] ne Noyon qui, au VIIe S., passait pour guérir ou moralement : Le pauvre prêtre, dans son

23
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

accablement, n’a pas dit un mot (Balzac). moment de silence sous le tunnel dont les Georges). Accastiller un vaisseau, le garnir
Son visage où tout respirait l’accablement environs sont accalmis (Daudet). de son accastillage.
et la lassitude de la vie (Hugo).
accaparant, e [akapar, -t] adj. (part. accéder [aksede] v. tr. ind. [à] (lat.
• SYN. : 2 abattement, anéantissement, prés. de accaparer ; XXe s.). Se dit d’une accedere ; XIIIe S., au sens 1 ; au sens de
découragement, dépression, prostration. personne qui exige pour elle seule la com- « acquiescer », 1731, Voltaire). [Conj. 5.]
— CONTR.: 2 allant, enthousiasme, entrain, pagnie, l’attention de quelqu’un : Jene sup- 1. Avoir accès en un lieu, avoir la possibi-
euphorie, exaltation. porterai pas un mari égoïste, accaparant lité d’y pénétrer : J’y accédais [à la maison]
accabler [akable] v. tr. (comp. d’une (Bernstein). par un chemin qui coupait un pré (Colette).
forme normande cable, de l’anc. franç. 2. Fig. Parvenir avec difficulté à une
accaparement [akaparm] n. m. (de situation sociale, à une dignité, à un but
chaable, du lat. pop. *catabola, machine à accaparer ; 1751, Encyclopédie). 1. Action
lancer des pierres ; XIVe-XVe S., « abattre », d’ordre spirituel : Accéder à une fonction, à
d’accaparer une marchandise pour en faire un poste élevé. Accéder à la sainteté. Le droit
d’où « écraser » [encore au XVIIe S.]). monter le prix : Son mari [...] avait fait une à la culture, c’est purement et simplement
1. Class. Tenir écrasé, faire succomber sous
fortune considérable dans des affaires d’ac- la volonté d’y accéder (Malraux). 3. Vx.
le poids de : Neuf hommes [...] ont été acca- caparement (Hermant). 2. Fig. Action Entrer dans des conventions déjà établies
blés de la terre qui s’est éboulée (Racine). d’une personne qui utilise pour elle seule par d’autres : Le roi de Pologne et le csar
2. Vx et littér. Réduire à l’impuissance, ce qui appartient à tous : Cet accaparement accédèrent eux-mêmes à ce traité (Voltaire).
vaincre, terrasser : J’accablerai mon per- d’un nom [...] pour couvrir une politique 4. Par extens. Donner son consentement
sécuteur (Chateaubriand). Le tigre attend d’intérêt (Martin du Gard). à : Accéder à un désir, à une proposition.
sa proie et d’un seul bond l’accable (Hugo).
• SYN.: 1 monopolisation. • SYN.: 1 arriver, atteindre, entrer, parve-
3. Imposer à quelqu’un une chose
[akapare] v. tr. (ital. anc. nir, pénétrer ; 2 atteindre ; 3 adhérer ; 4
pénible, difficile à supporter : Accabler accaparer
acquiescer à, condescendre à, consentir à,
quelqu’un de travail. Accabler le peuple accaparrare, donner des arrhes [auj. inca-
seprêter à, souscrire à. — CONTR.: 1 sortir ;
d’impôts. Etre accablé de fatigue. Amélie, parrare], de caparra, arrhes ; milieu du
4 s’opposer à, refuser, rejeter, repousser.
accablée de douleur, était retirée au fond XVIe s.). 1. Amasser une denrée pour en
d’une tour, d’où elle entendit retentir, sous provoquer la rareté et la vendre au plus accelerando [akselerdo] adv. (mot
les voûtes du château gothique, le chant des haut prix. 2. Par extens. S’emparer de ital. ; 1907, Larousse). Terme de musique
prêtres du convoi et les sons de la cloche quelque chose pour s’en réserver l’usage : indiquant qu’il faut presser le mouvement.
funèbre (Chateaubriand). Le poids de mes Accaparer les suffrages, le pouvoir. Les accélérando n. m. (s’écrit avec deux
péchés m’accable (Mauriac). 4. Accabler peintres avaient accaparé toute la faveur accents aigus). Partie d’une oeuvre musi-
quelqu’un de reproches, d’injures, le blâ- du public (Maupassant). Accaparer la cale exécutée dans ce tempo.
mer sans ménagement, le couvrir d’injures. conversation, ne pas laisser la parole aux • Pl. des ACCÉLÉRANDOS.
Accabler quelqu’un de conseils, de bien- autres. 3. Accaparer quelqu’un, le rete-
nir sans cesse auprès de soi, l’empêcher accélérateur, trice [akseleratoer, -tris]
faits, etc., les lui prodiguer : On les accablait
adj. (de accélérer ; 1611, Cotgrave [muscle
de serments, d’étreintes (Flaubert). de communiquer avec les autres (avec un
accélérateur] ; force accélératrice, 1752,
• SYN.: 2 abattre, anéantir, écraser, enfon- sujet désignant une personne) : Plus d’une
Trévoux ; sens techn., 1888, Larousse ; phys.
cer ; 3 écraser, grever, opprimer, surcharger ; [...] cherchait à l’accaparer pour son salon
nucl., 1953, Larousse). Qui accélère : Force
4 abreuver, combler, fatiguer. — CONTR. : (Rolland) ; l’occuper entièrement (avec un
accélératrice.
2 délivrer, soutenir ; 3 alléger, décharger, sujet désignant une activité, un sentiment,
etc.) : A cette époque, ton amour pour tes accélérateur n. m.
soulager.
enfants t’accaparait tout entière (Mauriac). I. Agent d’accélération : Ces terribles
accagner [akae] v. tr. (comp. de • SYN. : 1 monopoliser, truster ; 2 s’appro- accélérateurs de la disparition des êtres
cagne, chienne [lat. pop. *cania]). Dialect. (Michelet).
prier, rafler (fam.) ; 3 absorber. — CONTR. :
Accagner quelqu’un, le poursuivre en
1 distribuer, répandre ; 2 partager.
l’injuriant (à la manière d’un chien qui II. 1. Produit qui accélère une opéra-
aboie) : Cet homme nous accagnait de sot- accapareur, euse [akaparoer, -øz] tion : Un accélérateur photographique.
tises (Sand). n. et adj. (de accaparer ; fin du XVIIe S.). 2.Organe commandant l’admission
1. Personne qui accapare quelque chose, du mélange gazeux dans un moteur à
accalmie [akalmi] n. f. (comp. de calme, explosion et qui permet de faire varier
et spécialement des denrées alimentaires
sur le modèle d’embellie ; 1783, Encycl. la vitesse. 3. Pédale qui, dans une voi-
en période de pénurie (s’est dit surtout
méthodique). 1. Calme momentané au ture automobile, commande cet organe :
pendant la Révolution) : La disette dont
milieu du déchaînement des éléments : Au frémissement du moteur, au brusque
nous souffrons est due aux accapareurs [...]
Quand les jours de gros temps se suivaient saut de la voiture, on devine que César
qui affament le peuple (France). 2. Fig.
sans accalmie... (Gerbault). 2. Fig. Repos, vient, malgré lui, de contracter ses orteils
Personne qui attire tout à elle.
apaisement momentané après une période sur l’accélérateur (Duhamel). Le pied
d’activité intense, de paroxysme : Le maga- accastillage [akastija] n. m. (de accastil- s’ankylose à maintenir la même pesée sur
sin est pris d’assaut dès l’ouverture des ler ; 1678, Guillet de SaintGeorges). 1. Nom l’accélérateur (Romains). Fig. et fam.
portes, mais l’heure du déjeuner amène une donné autrefois aux châteaux d’avant et Appuyer sur l’accélérateur, se dépêcher.
accalmie. Un moment d’accalmie dans ses d’arrière qui s’élevaient aux deux extré- 4. Accélérateur de particules, en phy-
souffrances. mités d’un navire : Il comparait les accas- sique, appareil communiquant à des par-
• SYN.: 1 bonace, éclaircie, embellie, rémis- tillages. Il regrettait les tours sur le pont et ticules élémentaires (électrons, protons,
sion ; 2 calme, paix, répit, tranquillité. — les hunes en entonnoir (Hugo). 2. Partie etc.) des vitesses très élevées.
CONTR. : 1 aggravation, recrudescence ; 2 émergée d’un navire quand il est chargé.
accélération [akselerasj] n. f. (lat. acce-
activité, agitation, crise, pointe. (Vx.) 3. Ensemble des constructions
leratio ; 1349, Godefroy). 1. Tout accroisse-
installées sur le pont (pavois, capots de
•REM. On a pensé que ce nom pouvait ment de vitesse d’un mobile à un moment
descente, timonerie, etc.).
être le participe passé, au féminin, d’un donné ou pendant un temps donné : Le
ancien verbe *accalmir. Des écrivains accastiller [akastije] v. tr. (esp. acastillar, calcul de l’accélération d’un corps en chute
ont tenté d’employer ce participe : Un de castillo, château ; 1678, Guillet de Saint- libre. Des nuages brusquement fouettés par

24
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

l’accélération de la bise (Arnoux). 2. Par nul accent nulle part (Rolland). 3. Fa- L’accent circonflexe sert surtout à noter
extens. Rapidité accrue d’exécution : çon de prononcer une langue, inflexions un timbre particulier des voyelles :
L’accélération des travaux. de la voix propres aux hommes d’un pays, — sur e, il note le timbre ouvert : forêt ;
• CONTR. : 1 et 2 ralentissement. d’une province : Il avait [...] un accent
— sur a, il note le timbre fermé, qui dis-
vaguement italien (Daudet). Absol. et
accéléré, e [akselere] adj. (part. passé tingue par exemple le nom mât de l’adjec-
ironiq. L’accent du Midi, et plus particu-
de accélérer). Plus rapide que d’habitude : tif ma ;
lièrement de Marseille : Il m’a raconté une
Pas accéléré. Mouvement accéléré. — sur o, il note le timbre fermé, qui dis-
histoire avec l’accent [avelas]. 4. Insis-
• CONTR. : ralenti. tance avec laquelle est indiqué le trait tingue par exemple rôle de parole.
accéléré n. m. (début du XXe s.). Au dans un dessin, posée une touche en Il sert aussi, comme l’accent grave, à dis-
cinéma, artifice permettant de rendre les peinture. 5. Mettre l’accent sur quelque tinguer des homonymes : sûr (adj. = cer-
mouvements beaucoup plus rapides que chose, y insister : Son éducation catho- tain) / sur (prép., ou adj. = acide) ; mûr
dans la réalité. lique avait peu mis l’accent sur la charité (adj.) / mur (nom) ; jeûne (nom et verbe)
[akselere] v. tr. (lat. accele- (Montherlant). 6. Intonation de la voix / jeune (adj).
accélérer
rare, de celer, rapide ; XVe s.). [Conj. 5.] exprimant un sentiment, une pensée : Un
Mais beaucoup de ses emplois remontent
1. Accroître la vitesse d’un corps en mou- profond accent d’ironie (Balzac). Depuis
à une troisième fonction (la première en
vement : La pesanteur accélère la vitesse de longtemps le temple de l’Oratoire, habitué
date), dont nous parlerons dans l’étude
aux phrases arrondies, patinées, du cliché
la chute des corps. 2. Par extens. Accroître historique, et qui fut de rappeler une
le rythme du fonctionnement d’un organe : ecclésiastique, n’a entendu pareils accents
lettre amuïe dont on économisait l’écri-
La course accélère la respiration, les batte- hardis et simples... (Daudet). 7. Marque
ture : dîner (autref. disner), crûment (au-
ments du coeur. 3. Par anal. Rendre plus caractéristique : Je ne découvre pas dans
tref. cruement), piqûre (autref. piqueure).
rapide une action commencée : Il n’eut plus l’oeuvre de Lesage cet accent qui fait les
Il est ainsi l’ « accent du souvenir »
qu’une pensée : consacrer sa fortune à accé- maîtres (Huysmans). [V. INTONATION.]
(Brunot).
lérer son ascension professionnelle (Martin II. Signe graphique placé au-dessus Voici quelques-uns de ses emplois à
du Gard). Accélérer le rythme de production d’une voyelle pour en préciser la valeur : remarquer :
d’une usine. Une série de massages pour Le français a trois accents graphiques :
accélérer le rétablissement du malade. 1° Il distingue les formes du pronom pos-
l’accent aigu, l’accent grave, l’accent
sessif le nôtre, le vôtre des formes atones
• SYN. : 1, 2 et 3 activer, hâter, précipiter, circonflexe.
de l’adjectif notre, votre ;
presser. — CONTR. : 1, 2 et 3 freiner, modé- •SYN.: I, 1 accentuation ; 6 ton ; 7 empreinte,
rer, ralentir. manière, note. 2° Il remplace l’e sourd, obligatoirement
v. intr. 1. Aller plus vite : Le train accé- dans les adverbes assidûment, (in)congrû-
accents n. m. pl. Sons plus ou moins
lère. Spécialem. Augmenter la vitesse ment, continûment, crûment, (in)dûment,
modulés, bruit propre à quelque chose :
d’un véhicule, d’un moteur : Tu appuieras goulûment, et facultativement dans de
Les accents du cor. Défiler aux accents d’une
sur le démarreur et tout de suite après tu nombreux mots en -iement (remercî-
marche militaire.
accéléreras (Romains). Il accéléra bruta- ment), -oiement (atermoîment), -ouement
lement, et la voiture fit un bond en avant. (dénoûment), -uement (nûment, dénû-
2. Fam. Agir plus vite, se presser : Allons ! GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE ment), et dans gaiement, gaieté (gaîment,
Accélérez ! gaîté) — toutefois, la dernière édition du
LES ACCENTS dictionnaire de l’Académie a généralisé
s’accélérer v. pr. Prendre une allure, un
dans ces mots l’e sourd ;
rythme plus rapide. ÉTAT ACTUEL
3° Il subsiste dans la conjugaison :
accent [aks] n. m. (lat. accentus, intona-
L’accent aigu note le timbre fermé de la — aux 1re et 2e personnes du pluriel du
tion, trad. du gr. prosôidia ; 1265, Br. Latini).
voyelle e ; on distingue ainsi aime / aimé, passé simple : aimâmes, aimâtes ; vîmes,
I. 1. Elévation de la voix portant sur une aimes / aimés. Toutefois, ce timbre n’est vîtes ; vînmes, vîntes ; bûmes, bûtes ;
des syllabes d’un mot ou d’un groupe de pas noté dans clef, ni devant d, r et z fi-
— à la 3e personne du singulier de l’im-
mots. Accent de hauteur, prononcia- nals : pied, il sied ; soulier, aimer ; assez,
parfait du subjonctif : aimât, vît, vînt,
tion plus aiguë de certaines syllabes. (Il aimez.
bût ;
est d’ordre musical et dépend de la rapi-
On le trouve exceptionnellement sur — au masculin singulier de certains
dité des vibrations.) Accent d’inten-
un e prononcé en général ouvert, dans participes passés : dû, redû, mû, crû (de
sité, force plus grande avec laquelle on
certains mots comme allégement, allé-
prononce certaines syllabes. (Il dépend croître) ;
grement, empiétement, événement, régle-
de l’amplitude des vibrations.) Accent — dans les verbes en -aître et -oître, sur i
mentaire, ainsi qu’à la forme inversée
tonique, accent d’intensité et de hauteur, devant t : il connaît (mais nous connais-
des premières personnes comme aimé-je,
qui porte, en français, sur la dernière sons, il connut) ;
puissé-je, et au futur (ou au conditionnel)
voyelle prononcée d’un mot ou d’un — dans les formes de croître homonymes
des verbes conjugués comme céder : je
groupe de mots. (Ex. :Sa TOIle était FAIte.
céderai, tu céderas, etc. des formes de croire : ils crûrent / ils
Sa toiLETte est FAIte.) Accent d’insis- crurent ;
tance, ou accent emphatique, accent L’accent grave note l’e ouvert en syllabe
finale devant s (dès, très, près, après, accès, — dans (dé)plaît, clôt, gît.
d’une intensité et d’une hauteur particu-
lières, portant sur le début d’un mot que progrès...), et en fin de syllabe initiale ou
HISTORIQUE
l’on veut mettre en relief. (Ex. : Il pro- intérieure (mènerai, règlement, tempère).
nonce « bbête », avec dégoût [Malraux]. Ailleurs, il ne sert qu’à distinguer des Charles Beaulieux a consacré aux accents
C’est inVRAIsemblable !) 2. Intensité homonymes : où (adv.) / ou (conj.) ; à et aux autres signes auxiliaires le second
particulière avec laquelle un chanteur ou (prép.) / a (v. avoir) ; çà (adv.) / ça (pron.) ; tome de son Histoire de l’orthographe
un musicien exécute certaines notes de la là (adv.) / la (art. et pron.). Là garde son française (1927) ; aucune correction
phrase musicale : Elle avait un jeu méca- accent dans les composés au-delà, holà, importante n’a été apportée à ses conclu-
nique [...] ; toutes les notes étaient égales ; voilà, celui-là, mais non dans cela. sions. L’invention des accents aigu, grave

25
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

et circonflexe semble remonter aux édi- distinguaient roses et bontez, (tu) dones et la réforme échoua dans l’ensemble : la rai-
teurs alexandrins d’Homère et d’autres (vous) donez ; pris pour une pure marque son principale en est peut-être la lenteur
classiques grecs, mais l’usage qu’ils fai- de prononciation, ce z fut substitué à s que mirent les imprimeurs à fabriquer les
saient de ces signes, approprié à l’écriture final dans des mots en -es qui ne l’avaient lettres accentuées. L’étude des impres-
du grec, n’avait rien à voir avec celui de pas étymologiquement : chez (de casa), sions du XVIe et du XVIIe s. montre que les
nos accents modernes. Du côté romain, nez (de nasum), rez (de rasum). typographes usaient des é par priorité aux
Quintilien usait, au 1er s. apr. J.-C., d’un On sait que l’s s’amuït devant une fins de mots, et s’en passaient quand leur
apex, sorte d’accent aigu, pour noter la consonne sonore dans la seconde moitié stock s’épuisait. Il faut tenir compte aussi
longueur de certaines voyelles dans les du XIe s. (isle, asne) et devant une sourde du fait que beaucoup de mots, à l’époque
cas où elle différenciait des homographes à la fin du XIIe (coste, feste) ; la voyelle qui où s’établit la pratique de l’accentuation,
(pálus, pieu / palús, marais) ; mais, au le précédait en fut allongée. Mais cet s avaient en première syllabe un e central
IVe s., les grammairiens latins adoptèrent amuï, comme le z, fut conservé par l’or- ancien, comme celui de venir : on pro-
les signes des Grecs ; reprise et commen- thographe, où il nota la voyelle longue ; il nonçait desir [dzir], querir [krir], peril
tée dans un traité De accentibus, publié fut aussi étendu à des mots qui n’y avaient [pril] (mots de formation populaire), de-
sous le nom de Priscien, la liste s’en originellement aucun droit : esglise, esgal, cret [dkr], delicat [dlika] (emprunts) ;
transmit pieusement, mais comme une pasle (lat. pallidus), throsne (emprunt au dans la seconde moitié du XVIe s., la ré-
richesse en grande partie sans emploi. lat. thronus). forme érasmienne de la prononciation
C’est principalement à l’époque de la ré-
C’est l’imprimerie qui introduisit les ac- du latin entraîna pour un grand nombre
forme carolingienne qu’apparurent dans
cents ; pour le typographe, un caractère de ces mots une réfection de l’initiale en
les manuscrits latins quelques accents,
accentué est plus vite employé que deux. e fermé, et l’on prononça désir [dezir],
d’ailleurs concurrencés par les multiples
L’exemple était donné dans l’impression quérir [kerir], péril [peril], décret [dekr],
signes d’abréviation. Un accent aigu plus
des textes latins par les Alde, impri- délicat [delika], d’après les équivalents
ou moins long distinguait a et e préposi-
meurs italiens qui développérent l’usage, ou étymons latins desiderium, quaerere,
tions, o exclamatif, i voisin d’un i ou d’un
amorcé par les copistes (v. supra), des periculum, decretum, delicatum ; mais la
u ; l’y était parfois surmonté d’un ou de
signes diacritiques : accents aigu, grave, nouvelle prononciation fut très irréguliè-
deux points.
circonflexe ; signes de voyelle longue et rement adoptée : desir [dzir] était encore
Quand les clercs durent écrire avec l’al- brève ; signes d’union, de séparation ; normal à Paris en 1900.
phabet latin les premiers textes français, apostrophe.
des difficultés les attendaient : notam- Le médecin Jacques Sylvius, en 1531
Robert Estienne les imita en 1520. Mais,
ment, le français avait au moins trois e (In linguam Gallicam Isagge), adopta
en 1530, il usa le premier de l’accent
(ouvert, fermé, central) et deux o (ouvert, l’accent grave pour marquer (inutile-
aigu pour noter dans des mots français
fermé) ; il distinguait les consonnes dj et ment) l’e féminin : gracè, bonè ; Robert
le timbre fermé d’e final : trompé, cor-
v des voyelles i et u. On ne trouve pour- Estienne, son imprimeur, l’imita par la
rigé, sonné, volupté. Il allait même, har-
tant — très irrégulièrement —, jusqu’à suite jusqu’en 1550, sans être suivi. En
diesse pour lui sans lendemain, jusqu’à
la Renaissance, guère d’autre accent que 1533, Montflory le mit sur à préposition,
remplacer les pluriels verbaux en -ez par
celui qui marquait l’i, et le point sur y. comme les manuscrits latins y plaçaient
-és : vous devés. En 1540, Étienne Dolet
La cause en est peut-être la difficulté ou l’accent aigu. L’usage, limité encore à
(De la punctuation de la langue fran-
la perte de temps que représentait, pour cette préposition en 1540 (Dolet), fut
coyse. Plus des accents d’ycelle) prescrivit
les scribes payés à la tâche, l’interruption l’usage moderne d’écrire -és les pluriels étendu en 1548 par Sebillet aux adverbes
dans l’écriture, nécessaire pour lever la des noms comme uoluptés, mais -ez les (par ex. : là, bièn), ainsi distingués de
main ; plus rentable était le recours aux deuxièmes personnes des verbes : uous leurs homographes. En 1542, Meigret
lettres auxiliaires, lesquelles allongeaient aymez. Pourtant, bien des grammairiens proposa de noter l’e ouvert, mais il des-
du moins la ligne. jusqu’à Maupas (1607) continuèrent à tinait à ce rôle un « e crochu » (), que
La place dans le mot renseignait quelque donner -ez pour la terminaison normale Peletier du Mans adopta seul après lui.
peu sur la prononciation de l’e : il était du pluriel des noms et des adjectifs en -é. Ronsard, qui se fit le champion de sa
« masculin » (c’est-à-dire ouvert ou fer- L’usage moderne ne fut consacré que par réforme, ne nota pas l’e ouvert, et n’usa
mé) en syllabe fermée initiale ou inté- la quatrième édition du dictionnaire de de l’accent grave que sur à, où et là. C’est
rieure (merci, areste,) en syllabe ouverte l’Académie (1762). bien plus tard que l’accent grave fut affec-
pénultième tonique (pere, prononcé En 1533 paraissait, annexé au Miroir de té à la marque de l’e ouvert, et l’honneur
[per]) et en finale tonique (bonte, pro- l’ame pecheresse de la reine Marguerite en revient à Corneille, qui en 1660 s’en
noncé [bnte]) ; le plus souvent « fémi- de Navarre, un petit traité d’un nommé expliqua dans l’avis au lecteur de l’édi-
nin » (central, plus tard sourd) en syllabe Montflory : Briefue Doctrine pour deue- tion de son théâtre, où il mettait sa ré-
ouverte atone (venir, ornement,) particu- ment escripre selon la propriete du lan- forme en pratique : après, accès, suprème,
lièrement en finale atone de mot (faire). gage francoys. L’auteur y introduisait l’ac- extrème. L’Académie ne tint pas compte
Un e final était donc ambigu : tonique cent aigu dans les fins de mots féminines de son innovation, et l’è n’apparut dans
et masculin (bonte) ou atone et féminin comme renommée, menée (plur. -ées). son dictionnaire qu’en 1740. Même après
(faire). Il fut suivi par Dolet, dont l’ouvrage (v. cette date, des flottements s’observent
L’ambiguïté était levée dans certains plu- supra) n’est souvent que la copie de son dans l’usage, dus en partie à l’incertitude
riels. Les mots latins terminés en -atos traité. de la prononciation. Voltaire, Rousseau
(amatos), -ates (bonitates), -atis (donatis) Thomas Sebillet, dans son Art poétique écrivent pére, frére, entiére, alors que
avaient évolué normalement en [ets], écrit français (1548), fut le premier à placer à l’Académie en 1740 mettait déjà l’accent
-ez (amez, bontez, donez). Cette finale, l’intérieur du mot l’accent aigu marquant grave sur ces e accentués devant une fi-
prononcée [es] dès le XIIe s., conserva la l’e masculin : aisément, précédent, ésti- nale muette : en fait, le timbre était inter-
graphie -ez, qui notait commodément le mée, voiéle, laquéle. Ronsard l’imita, se médiaire, et le grammairien Dumarsais
son e fermé, par opposition aux mots où recommandant toutefois de Meigret, qui proposait de créer pour l’écrire un accent
la finale -es, issue de terminaisons latines avait prescrit en 1542, mais confusément, « perpendiculaire », ce qui fut essayé sans
en -as, comportait un e central : ainsi se des innovations analogues. Il se lassa, et succès.

26
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

L’accent circonflexe, dans les textes la- tuer une syllabe ou un mot en les pronon- III. Placer un accent graphique sur une
tins imprimés, marquait l’ô exclamatif et çant, une note en l’exécutant, une touche voyelle : Accentuer un « e ».
les formes courtes des génitifs : deûm (= de peinture en la posant, etc. ; résultat de • SYN.: I, 3 marteler, rythmer, scander. II,
deorum), diuûm (= diuorum). Sylvius l’af- cette action : La peinture claire, cristallisée, 1 et 2 intensifier, renforcer, souligner. —
fecta à la notation des diphtongues ou des pétillante, pleine de retroussis de pinceau, CONTR. : II, 1 et 2 atténuer.
anciennes diphtongues : Phaeton, saul d’accentuations (Goncourt). 2. Absol. s’accentuer v. pr. Devenir plus net, plus
(auj. saoul, soûl) ; l’accent coiffait les deux Trait caractéristique d’un visage : Petite fort, plus intense : La tempête s’accentue.
voyelles à la fois. Montflory le définit tête régulière, sans accentuation (Frapié).
« signe de conjonction », qui « r’assemble, 3. Action d’affecter certaines lettres acceptable [aksptabl] adj. (de accep-
r’unit et conioinct les parties diuisées », d’accents grammaticaux : Eviter les fautes ter ; milieu du XIIe s.). 1. Qui peut être
écrivant lai^rra, pai^ra, vrai^ment pour d’accentuation. Accentuation défectueuse. accepté : Des offres, des conditions accep-
tables. Spécialem. et ironiq. Qui peut être
laissera, paiera, vraiement, et pensé^es • SYN. : 1 insistance, renforcement. —
pour pensées, « proferé par traict de temps facilement accepté, agréable : En somme,
CONTR. : 1 atténuation.
assez longuet, quasi comme si l’on disoit c’est une vie très acceptable qu’on mène sur
accentué, e [akste] adj. (part. passé ces grands transatlantiques (Maupassant).
penséz ». Leur exemple ne fut guère suivi
de accentuer). 2. Qui atteint un niveau suffisant : Une
que pour ô jusqu’en 1549, date à laquelle
Sebillet, dans sa traduction d’Iphigénie, note acceptable. Un travail acceptable.
I. 1. Se dit d’un phonème qui porte un ac-
utilisa l’accent circonflexe en syllabe cent dans la prononciation : Une syllabe,
• SYN. : 1 convenable, recevable, satisfai-
tonique pour noter les voyelles longues, une voyelle accentuée. 2. Vx. Nette- sant, valable (fam.) ; 2 honnête, passable,
particulièrement les voyelles allongées potable (fam.). — CONTR. : 1 inacceptable ;
ment articulé : L’enfant recula [...] en pro-
par l’amuïssement d’un s, qu’il suppri- nonçant quelques mots accentués, mais 2 insuffisant.
mait en doublant parfois le t suivant : presque à voix basse (Chateaubriand). acceptant, e [akspt, -t] n. et adj.
honêtte, répondîttes, plaît, connoît, tôt. 3. Note accentuée, note de musique (part. prés. de accepter ; 1464, Coutumes
Ronsard, à l’exemple de Meigret, rempla- dont le son est émis avec plus de force. d’Anjou). Personne qui accepte un legs,
ça es- devant une consonne par é- quand une donation, une convention (langue
II. 1. Se dit d’un visage dont les traits
il avait le timbre fermé (étoit, écrire, mais juridique).
sont fortement marqués, ou des traits
estre), et, à l’exemple de Sebillet, marqua
eux-mêmes : Son visage accentué s’arrê- acceptation [aksptasj] n. f. (lat.
de l’accent circonflexe toute autre voyelle
tait dans un profil ferme (Barbey d’Aure- acceptatio, même sens ; XIIIe s.). 1. Action
prononcée longue, soit par amuïssement
villy). 2. Péjor. Trop marqué : Son nez d’accepter quelque chose : L’acceptation
de l’s (blâmant, durât, nôtre, plaît, goût),
arqué tombait sur une mâchoire accen- d’un risque. Donner son acceptation à une
soit pour quelque autre raison (pâle, âme-
tuée (Maupassant). proposition, à une invitation. Une simple
lette, âge, voûte). Cet usage ne se répan-
acceptation à dîner (Maupassant). L’esprit
dit guère en France, où l’s amuï continua III. Qui porte un accent graphique : Un
quiet se repose dans l’acceptation d’une
d’être écrit au XVIIe s., mais l’imprimeur « a », un « e » accentué.
religion, d’un dogme (Gide). Spécialem.
tourangeau Christophe Plantin, installé •SYN. : I, 1 tonique ; 2 martelé, scandé.
Action d’accepter un legs, une donation,
à Anvers, s’en fit le champion en 1560, II, 1 et 2 accusé, marqué, prononcé. —
une succession. En termes de banque,
si systématiquement qu’il écrivait il êt la CONTR. : I, 1 atone.
engagement de payer une traite au moment
forme verbale où l’orthographe moderne
accentuel, elle [akstl] adj. (de de son échéance. 2. Absol. Action d’ac-
elle-même maintient l’s amuï. Les Elzé-
accent ; milieu du XXe s.). Relatif à l’accent, cepter sans révolte ce qui se présente de
vir maintinrent sa tradition, et leurs
en linguistique : Le système accentuel d’une fâcheux : Et par quel mystérieux chemine-
éditions, très appréciées en France, habi-
langue. ment finit-on par dépasser ce paroxysme de
tuèrent le public à ces graphies nouvelles,
détresse et de révolte, pour parvenir à cette
où l’accent ne marquait souvent plus accentuer [akste] v. tr. (lat. médiév.
espèce d’acceptation ? (Martin du Gard).
que le souvenir d’une lettre disparue : accentuare, de accentus, accent ; 1511, J.
Cette vertu d’acceptation et de patience dont
être, nôtre, âge, dû, vû, etc. Corneille s’y Lemaire de Belges).
nous sommes incapables (Mauriac).
conforma (1660) ; Somaize (Grand Dic-
I. 1. Prononcer une syllabe ou un mot en • SYN.: 1 consentement ; 2 abnégation, rési-
tionnaire des Pretieuses) prôna cette sim-
les marquant d’un accent. 2. En mu- gnation, soumission. — CONTR.: 1 refus ; 2
plification « afin que les femmes peussent
sique, renforcer le son de la voix ou d’un protestation, rébellion, révolte.
écrire aussi asseurement et aussi corecte-
instrument sur une note. 3. Renforcer
ment que les hommes » ; Richelet adopta accepter [akspte] v. tr. (lat. acceptare,
le ton de la voix, en parlant ou en décla-
la réforme dans son Dictionnaire françois fréquentatif de accipere, recevoir ; XIVe s.).
mant, pour souligner le sens (vieilli) :
publié à Genève (1680). Malheureuse- 1. Consentir à recevoir ou agréer ce qui
L’art de bien parler [...] consiste à accen-
ment, l’Académie, jalouse de conserver l’s est offert, proposé : Accepter une place.
tuer plus ou moins la parle selon le genre
des étymons latins dont la connaissance Accepter à déjeuner, à dîner. Ils insistèrent
d’éloquence, à l’accentuer toujours avec
était la fierté des savants, ne remplaça vivement pour me faire accepter leur offre
justesse et sobriété (Marmontel).
par l’accent circonflexe, dans la première (Lamartine). Spécialem. S’engager
édition de son dictionnaire (1694), que II. 1. Donner un caractère plus mar- à payer une traite au moment de son
certaines voyelles amuïes : âge, blessûre, qué ou plus significatif à un aspect des échéance. Avec un sens affaibli, entre
j’ai pû, ingenûment (mais veu, creu), et choses, à une attitude déterminée : J’ac- dans des formules de politesse : Veuillez
conserva l’s, dont la suppression ne fut centuais tout ce qui, en moi, leur faisait accepter mes hommages. 2. Laisser
admise qu’en 1740, à l’unique exception horreur (Mauriac). Cette ride expressive s’accomplir quelque chose qu’on pourrait
du verbe il est. qui accentue la figure humaine (Hugo). empêcher : Avez-vous ou non le droit d’ac-
Sous ce diadème, ses traits réguliers, épais, cepter qu’un homme tel que M. Puybaraud
accentuable [akstabl] adj. (de accen-
prenaient un caractère souverain qu’ac- [...] vous sacrifie les fruits de son apostolat ?
tuer ; 1845, J.-B. Richard). Qui peut être
centuait encore le dessin d’une bouche (Mauriac). 3. Accepter quelque chose,
accentué : Une syllabe accentuable.
à l’antique, ourlée, sinueuse, volontaire accepter de faire quelque chose,consentir à
accentuation [akstasj] n. f. (de (Martin du Gard). 2. En peinture, mar- ou à faire ce qui est proposé : Il apportait ses
accentuer ; 1521, P. Fabri). 1. Action d’accen- quer une touche avec insistance. nippes à raccommoder et elle acceptait cette

27
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

besogne (Flaubert). Il a accepté de présider général, XIIIe s. ; sens médical, 1372, J. Bersuire). 1. Se dit d’un lieu dont on peut
la séance ; et absol. : Je proposai à Garcia Corbichon). approcher, où l’on peut parvenir : Un vil-
de jouer aux cartes. Il accepta (Mérimée). lage peu accessible. Col accessible aux voi-
I.1.Possibilité de s’approcher d’un en-
Spécialem. Consentir à accomplir ou à tures. Par anal. Accessible aux regards,
droit, d’y pénétrer : Lieu d’accès facile.
subir quelque chose de pénible, de dan- qui est dans le champ de la vision, à décou-
Accès interdit. (avec un sujet désignant
gereux : Accepter le combat. Accepter la vert. 2. Se dit d’une personne que l’on
une chose)Donner accès, permettre
mort pour sauver les siens. Accepter le peut aborder : Un homme peu accessible,
d’atteindre un lieu, un milieu, d’y péné-
défi, s’engager à accomplir ce dont on vous distant. Fig. Se dit d’une personne sen-
trer : Porte donnant accès dans (ou à) une
disait incapable. 4. Consentir à supporter sible à quelque chose, qui se laisse faci-
chambre. Les familles où sa profession lui
avec résignation : Un homme se façonne lement gagner par certains sentiments :
donnait accès (Balzac) ; et, au fig., per-
à son art, il accepte la vulgarité de la vie Etre accessible à la flatterie. Coeur acces-
mettre d’atteindre telle situation sociale :
(Balzac). 5. Se déclarer satisfait de, tenir sible à la tristesse. [Emma] jetait parfois
Le titre de licencié ès lettres lui donnera
pour valable : Accepter des excuses. Je ne aux pauvres toutes les pièces blanches de
accès dans le haut enseignement (France).
peux pas accepter votre interprétation de ce sa bourse, quoiqu’elle ne fût guère tendre
Un concours qui donne accès à la carrière
texte. 6. Accepter quelqu’un,l’admettre [...] ni facilement accessible à l’émotion
diplomatique. (avec un sujet désignant
au sein d’un groupe, d’une famille, à tel d’autrui (Flaubert). 3. Fig. Se dit des
une personne)Avoir accès à, avoir la pos-
ou tel titre : Accepter un nouvel ingénieur choses que l’on peut obtenir, se procurer :
sibilité d’obtenir : Louis VIII est le pre-
comme collaborateur. Accepter pour gendre La Révolution rendit les charges accessibles
mier Capétien qui ait eu véritablement
un garçon sérieux. Absol. Agréer comme à tous les citoyens. 4. Que l’on peut facile-
accès au trône en vertu du principe héré-
époux : Elle l’avait accepté, le sachant riche ment atteindre, pratiquer, comprendre : La
ditaire (Bainville). 2. Voie qui conduit
(Maupassant). Spécialem. Etre accepté, vertu doit paraître accessible. Une science,
à un lieu, ouverture qui permet d’y péné-
être considéré comme l’un des leurs par un sujet, un enseignement accessible. Art,
trer : En cette partie de la côte, les accès
les membres d’un groupe : Il a été aussitôt musique accessible. Voilà une notion peu
à la mer sont peu nombreux. Les accès
accepté par tous les parents et amis de sa accessible à l’intelligence, à la raison.
d’une salle de spectacle. 3. Facilité plus
femme. 7. Chose, situation, etc., acceptée,
ou moins grande d’approcher quelqu’un, • SYN. : 1 abordable ; 2 affable, amène,
considérée comme échappant désormais
de lui parler : Le roi [...] devenait d’accès engageant, traitable ; ouvert, réceptif ; 4
à toute discussion : Leur liaison ne tarda
difficile, même pour ses intimes amis compréhensible, facile, intelligible, simple.
pas à être une chose convenue, acceptée
(Tharaud). 4. Fig. Possibilité de saisir le — CONTR. : 1 inaccessible ; 2 distant, hau-
(Flaubert).
sens profond, de comprendre : Toutes les tain, inabordable ; fermé, indifférent, insen-
• SYN.: 1 agréer, recevoir ; 2 permettre, souf- grandes oeuvres d’art sont d’assez difficile sible, sourd ; 4 ardu, difficile, impénétrable,
frir, subir, supporter, tolérer ; 3 acquiescer à, accès (Gide). incompréhensible, inintelligible.
condescendre à, daigner, se prêter à, vouloir
bien ; 4 endurer, se résigner à, supporter ; II. 1. Attaque brusque et souvent violente accession [akssj] n. f. (lat. accessio,
5 admettre, souscrire à ; 6 accueillir, adop- d’un mal : Un accès de toux. Un accès de action d’approcher ; XIIe s., au sens de
ter, agréer, recevoir ; 7 admettre, recevoir. folie. Quand le vieux papa Eyssette (que « accès de maladie » ; accession au trône
— CONTR. : 1 décliner, dédaigner, refuser, Dieu me le conserve !) sent venir son accès [1797], accession à un traité [XVIIIe s.] ont
rejeter, repousser ; 2 empêcher, interdire, de goutte, il s’étend péniblement sur sa été repris à l’angl.).
refuser ; 3 refuser, repousser ; 5 décliner, chaise longue (Daudet). 2. Fig. Mouve-
I.1.Class. Action de s’ajouter : [Le
récuser, refuser ; 6 bannir, écarter, exclure, ment intérieur violent et passager : Des
mercure] ne reprend de la fluidité que
rejeter, repousser, répudier. accès de joie, de tristesse, de fureur. Il lui
par l’accession de la chaleur (Buffon).
prenait des accès de pensées noires que
acception [akspsj] n. f. (au sens de 2. Spécialem. Droit d’un propriétaire
j’avais peine à dissiper : à dix-sept ans, elle
acception de personne, du lat. ecclés. déplorait la perte de ses jeunes années ; sur ce que produit sa propriété et sur ce
acceptio personae, trad. du gr. prosôpolêp- elle se voulait ensevelir dans un cloître qui s’y ajoute. La chose même qui a été
sia, d’après une expression hébraïque (Chateaubriand). 3. Par accès, irrégu- ajoutée en vertu de ce droit. 3. Class.
signif. « accueillir favorablement, faire lièrement, par à-coups. Action d’aller dans un endroit : Le juge
acception d’une personne » ; XIIIe s., Sept a ordonné une accession de lieu pour
Sages de Rome ; au sens 2, du lat. acceptio, III. Ancien mode d’élection du pape, dresser procès-verbal de l’état des choses
de accipere, recevoir ; XVIIe s.). 1. Action supprimé par Pie X, et selon lequel, en (Dictionnaire de Trévoux). 4. Action
d’admettre par choix, par faveur ou par cas de ballottage, les cardinaux pou-
d’adhérer à une convention : Le Congrès
préférence : Rendre la justice sans acception vaient reporter leurs voix sur un candidat n’autorisa pas l’accession des Etats-Unis
de personne. Ma mère était trop fille de mon ayant recueilli un nombre important de
au traité de Versailles. 5. Action d’ad-
grand-père pour ne pas faire socialement suffrages. (Ils disaient : Accedo, « Je me
hérer à une doctrine (vieilli) : Ne sachant
acception des castes (Proust). 2. Sens rallie ».)
ni théologie ni exégèse, ils font de l’acces-
dans lequel un mot est employé : Mot qui • SYN. : I, 1 approche, entrée ; 2 chemin ; sion au christianisme une simple adhésion
change d’acception. Les Madrilènes sont 3 abord, accueil ; 4 compréhension. II, à une coterie (Renan).
charmantes dans toute l’acception du mot 1 attaque, crise, poussée (en parlant de la
fièvre), quinte (en parlant de la toux) ; 2 II. Action de parvenir à une position, à
(Gautier).
crise. — CONTR.: I, 1 débouché, issue, sortie. une fonction jugée supérieure, d’acquérir
• SYN.: 2 signification.
un avantage : Les Alliés favorisèrent l’ac-
• REM. Ce mot a d’abord signifié « action accessibilité [akssibilite] n. f. (de cession de Louis XVIII au trône de France.
d’accepter » et peut se trouver encore accessible ; XVIIe s.). 1. Qualité de ce qui
L’accession au pouvoir de la classe bour-
avec ce sens au XVIIe s. Mais, depuis long- est accessible : L’accessibilité d’un sommet
geoise (Balzac). Ce phénomène naissant
temps, l’action d’accepter est l’accepta- montagneux. 2. Faculté, possibilité d’ar-
peut, d’ailleurs, être rapproché de celui
tion, et c’est une faute de reprendre accep- river à quelque chose, d’obtenir quelque
qui est observable dans le sein de chaque
tion avec ce sens. chose : Libre accessibilité de tous à tous les
nation et qui consiste dans la diffusion de
emplois.
accès [aks] n. m. (du lat. accessus, subst. la culture, et dans l’accession à la culture
dér. de accedere, arriver ; signif. à la fois accessible [akssibl] adj. (bas lat. acces- de catégories de plus en plus grandes d’in-
« arrivée » et « atteinte d’un mal » ; sens sibilis, de accedere, approcher ; 1355, dividus (Valéry).

28
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN.: I, 2 incorporation ; 4 adhésion. II Troyes ; sens péjor., fin du XVe s., Olivier de accessoire : Quant à la conscience dont je
admission, arrivée, avènement. La Marche). jouis, c’est un accident, docteur, un phéno-
mène d’un instant, comme la bulle formée
accessit [akssit] n. m. (mot lat. signif. I.1.Class. et littér. Evénement fortuit,
à la surface de l’eau (France).
« il s’est approché », 3e pers. sing. du par- fait dû au hasard : Heureux accident, favo-
fait de accedere [cf. la formule accessit rable accident (Acad., 1694). Il tirait bon • SYN. : I, 1 affaire, aventure, événement,
parti des accidents de la fortune, quand fait, incident ; 2 conséquence, effet, inci-
proxime, il s’est approché de très près] ;
1680, Richelet). 1. Distinction purement ces accidents, qu’il n’avait jamais prévus, dence, résultat ; 3 catastrophe, drame,
étaient arrivés, mais uniquement pour sa incident, malheur, mésaventure, revers,
honorifique, accordée dans les écoles, les
personne (Chateaubriand). Les aventures, tragédie. III, 1 attribut ; 2 phénomène.
concours à ceux qui suivent de près dans
le classement les lauréats des prix : J’eus le ces accidents des longs voyages (Lamar- accidenté, e [aksidte] adj. (de accident ;
premier prix de belles-lettres avec acclama- tine). Littér. Par accident, par hasard : début du XVIIe s., repris au XIXe s. [1827,
tion, j’eus un accessit ou un second prix aux J’avais trouvé par accident une bouteille Gattel]). 1. Qui présente des accidents, des
mathématiques (Stendhal). 2. Class. Syn. (Musset). L’esprit tend à ne se répéter
inégalités de surface : Un terrain accidenté.
de ACCÈS III : [Il] avait plus de voix qu’il jamais ; il répugne à la redite, quoiqu’il
Bosquets accidentés où poussaient l’aca-
n’en fallait pour être pape, mais l’accessit lui arrive de se redire par accident (Va-
cia et l’érable (Colette). Souvent l’eau nue
léry). 2. Littér. Portée d’un événement
gâta tout (Sévigné). et accidentée fait une foule de miroirs et
fortuit : On peut avoir remarqué sur soi-
• Pl. des ACCESSITS. de transparences (Valéry). 2. Fig. Plein
même l’accident d’une belle situation (Va-
d’événements imprévus et parfois fâcheux :
accessoire [aksswar] adj. (lat. médiév. léry). 3. Evénement fortuit et fâcheux,
Un drame fortement accidenté (Balzac).
accessorius, de accedere, ajouter ; 1296, causant des dommages corporels ou
J’étais fait pour des temps plus accidentés
Dict. général). 1. Se dit de ce qui suit ou matériels : Quelquefois il espérait qu’elle
(Farrère). Descartes est l’un de ceux dont le
accompagne la chose principale : Une mourrait sans souffrances dans un acci-
destin posthume est des plus accidentés. Il
clause, une idée accessoire. Trois temples dent, elle qui était dehors, dans les rues,
est le très grand homme des temps modernes
flanqués de chapelles accessoires (Claudel). sur les routes du matin au soir (Proust).
qui n’a point de tombeau (Valéry).
2. Par extens. Que l’on peut négliger : Ne Un accident de la route. Il a été blessé dans
un accident de chemin de fer. Accident
• SYN. : 1 inégal, mouvementé, varié ;
nous attardons pas à des détails accessoires.
du travail, dommage corporel, blessure 2 agité, mouvementé, orageux, troublé.
• SYN. : 1 annexe, auxiliaire, complémen-
ou trouble fonctionnel, subi par une per- — CONTR. : 1 égal, plan, uni, uniforme ;
taire, secondaire, subsidiaire, supplémen-
sonne dans ou à l’occasion de l’exercice 2 calme, égal, paisible, tranquille.
taire ; 2 négligeable. — CONTR. : 1 et 2
de sa profession. 4. Phénomène qui se adj. et n. (1909, Larousse). Fam. Se dit
capital, essentiel, fondamental, principal.
produit dans le cours d’une maladie : Les d’une personne ou d’une chose qui a subi
n. m. 1. Ce qui n’est pas l’essentiel ; ce
accidents tertiaires de la syphilis. Par un accident : Et puis quoi, il n’est pas mort,
qui ne vient qu’en second lieu : L’harmonie
extens. Affection particulière, puis mala- l’accidenté (Donnay). Un accidenté du tra-
des paroles n’est que l’accessoire (Buffon).
die en général : C’est de famille, ces acci- vail, de la route. Une voiture accidentée.
2. Class. Situation fâcheuse, dangereuse :
dents à la peau, chez les Authemen (Dau-
Mais à peine tous deux dans sa chambre accidentel, elle [aksidtl] adj. (bas lat.
det). Il était particulièrement robuste :
étions-nous, | Qu’elle a sur les degrés accidentalis ; XIIIe s. ; au sens II, 2, XXe s.).
jamais le moindre accident n’était venu
entendu son jaloux ; | Et tout ce qu’elle a troubler sa santé. I. En philosophie, se dit de ce qui est dans
pu dans un tel accessoire, | C’est de me ren- un sujet par accident et peut être modifié
fermer dans une grande armoire (Molière). II. 1. Détail inattendu qui rompt l’uni-
sans que la nature du sujet change : La
formité d’un ensemble : Le moindre acci-
accessoires n. m. pl. 1. Vx. Parties blancheur est accidentelle au marbre.
dent du terrain leur donnait des souvenirs
secondaires dans une oeuvre d’art :
inépuisables (Vigny). De nouveau ce fut II. 1. Se dit de ce qui se situe en dehors du
Dans un portrait, l’exécution habile et
la vaste campagne gelée, sans accident, cours normal des choses, de ce qui se pro-
fidèle des accessoires ajoute à la ressem-
ni distraction aucune ; parfois seulement duit fortuitement : Ces études, qui d’abord
blance de la figure principale (Mérimée).
une pie s’envolait... (Alain-Fournier). étaient toute ma vie, ne me paraissaient
2. Instruments, appareils, pièces, etc.,
2. Manière imprévue ou irrégulière de plus avoir qu’un rapport accidentel et
qui s’ajoutent généralement à un objet
s’exprimer : Paresse, désespoir, accidents conventionnel avec moi (Gide). Une ren-
principal et sont plus ou moins nécessaires
du langage [...], tout ce que perd, rejette, contre accidentelle ; et substantiv. : Epris
à son fonctionnement : Les accessoires ignore, élimine, oublie l’homme le plus du même goût de l’éternel, nous ne pour-
automobiles. Aspirateur et ses accessoires. « pratique », le poète le cueille et par son rions nous résigner à l’aveu d’une distrac-
3. Accessoires de théâtre, de cinéma, art lui donne quelque valeur (Valéry). tion consentie vers le fortuit et l’accidentel
objets entrant dans la composition de la 3. Signe abaissant ou élevant le ton et (Renan). 2. Qui survient du fait d’un
mise en scène, des costumes. Vx. Jouer les placé dans la phrase musicale sans être accident : Une mort accidentelle.
accessoires, jouer les petits rôles, en parlant indiqué à la clef : Il y a trop d’accidents
d’un artiste. dans cette sonate, je ne pourrai jamais la III.Signe en musique, signe
accidentel,

jouer. baissant ou élevant le ton et qui se trouve


accessoirement [aksswarm] adv. (de
noté dans le cours du morceau et non à
accessoire ; 1326, Godefroy). D’une manière III. 1. Dans la philosophie scolastique, la clef.
accessoire, secondaire : Des comparses trop ce qui est relatif et contingent : qualité, • SYN. : I contingent, extrinsèque. II, 1
accessoirement mêlés au drame de ma vie propriété d’une chose, par opposition à sa
accessoire, contingent, fortuit, inopiné,
(Mauriac). substance, à son essence : Il lui répugne
momentané, occasionnel, passager. —
de penser à un échange intime, perpétuel,
accessoiriste [aksswarist] n. (de acces- CONTR. : I essentiel, inhérent, intrinsèque.
égalitaire, entre ce qu’on veut et ce qu’on
soire ; 1908, Larousse). Personne qui est II, 1 fatal, inéluctable, inévitable, néces-
peut, entre ce qu’il juge accident et ce qu’il
chargée de s’occuper des accessoires au saire, normal.
juge substance, entre la « forme » et le
théâtre, au cinéma, à la télévision.
« fond », entre la conscience et l’automa- accidentellement [aksidtlm] adv.
accident [aksid] n. m. (du lat. accidens, tisme (Valéry). 2. Par extens. Manifes- (de accidentel ; XVe s. ; au sens 2, XXe s.).
-entis, de accidere, survenir ; 1175, Chr. de tation toute passagère et contingente ; fait 1. D’une manière accidentelle, fortuite.

29
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2. Par suite d’un événement fâcheux, • SYN.: 1 applaudir, faire ovation, ovation- à cause de ses accointances avec quelques
d’un accident : Il est mort accidentellement. ner ; 3 approuver. — CONTR. : 1 conspuer, voleurs (Balzac). Spécialem. Relations
• REM. Fortuitement insiste sur le rôle du huer, siffler ; 3 blâmer, condamner, criti- intimes : Les accointances des sexes hors
hasard. Accidentellement insiste sur le ca- quer, désavouer, flétrir, fronder. mariage (Rodenbach). 2. Vx. Rapports
ractère imprévu de ce qui rompt le cours d’affinité : Il y aura toujours [...] des accoin-
acclimatable [aklimatabl] adj. (de accli-
des événements. tances indestructibles entre la noblesse et le
mater ; 1845, Bescherelle). Qui peut être
clergé (Barbey d’Aurevilly). 3. Auj. Avoir
[aksidte] v. tr. (de accident ; acclimaté ; qui s’acclimate facilement : Le
accidenter des accointances avec une personne, dans
1837, Journ. de la langue française ; au sens Breton jeune est difficilement transplan-
un milieu, les fréquenter (souvent péjor.).
II, XXe s.). table [...] ; les Savoisiens se montraient
moins acclimatables encore (Renan). • SYN. : 1 et 3 commerce, fréquentation,
I.1.Rendre une chose accidentée dans liaison, lien, rapports, relations. — CONTR.:
sa surface, son dessin : Les pignons déchi- acclimatation [aklimatasj] n. f. (de 1 et 3 détachement, éloignement, sépara-
acclimater ; 1832, Raymond). 1. Adaptation tion ; 2 discordance, divergence.
quetés par un rayon de lune accidentaient
progressive des animaux et des végétaux à
capricieusement cette pittoresque étendue
un milieu nouveau, sous la surveillance et accointer (s’) [sakwte] v. pr. [avec] (lat.
de toits (Daudet). 2. Fig. Remplir d’évé-
avec les soins de l’homme : Jardin d’accli- pop. *accognitare, de accognitus, part. passé
nements imprévus et parfois fâcheux : de accognoscere, reconnaître ; XIIe s., Vie de
matation. 2. Fig. Action de s’habituer à
Mille bonnes fortunes qui avaient acci- saint Gilles). 1. Class. et littér. Faire connais-
une situation nouvelle ; résultat de cette
denté sa vie folle et dissipée (Nerval). sance, entrer en relation avec quelqu’un :
action : J’étudie à la fois trois ou quatre
II. Fam. Causer, par accident, un dom- morceaux d’Albéniz [...] ; les difficultés y Mme de Farcy s’était accointée, je ne sais
mage corporel à une personne, un dom- sont de nature si particulière qu’il y faut comment, avec Delisles de Sales, lequel
mage matériel à une chose : En roulant d’abord une sorte d’acclimatation générale avait été mis jadis à Vincennes pour des
trop à droite, il a accidenté un cycliste. avant de se prendre à chacune d’elles en niaiseries philosophiques (Chateaubriand).
• SYN.: I, 2 agiter, troubler. — CONTR.: I, 1 détail (Gide). Spécialem. Avoir des relations intimes :
SYN.: 2 accoutumance, adaptation, habi- Il s’est accointé avec cette femme. 2. Fam.
aplanir, égaliser, niveler. •

tude. — CONTR. : 2 inaccoutumance. S’aboucher avec quelqu’un (souvent péjor.) :


accise [aksiz] n. f. (néerl. accijns, lat. Il s’est accointé avec un escroc.
médiév. accisia, de accidere, couper ; acclimatement [aklimatm] n. m. (de • SYN. : 1 fréquenter, se lier, voir ; 2 s’aco-
1748, Montesquieu ; déjà au XVIe s., dans le acclimater ; 1801, Mercier). Adaptation d’un quiner. — CONTR.: 2 sedétacher, s’éloigner,
Coutumier de Bruxelles). Nom ancien d’un être vivant, animal ou végétal, d’un orga-
se séparer.
impôt indirect sur les objets de consom- nisme à un milieu différent de son milieu
mation, encore en vigueur dans certains d’origine. accoiser [akwaze] v. tr. (lat. pop. *adquie-
• SYN. : accoutumance. — CONTR. : tiare, rendre calme, de quietus, calme ;
pays, notamment en GrandeBretagne
inaccoutumance. 1080, Chanson de Roland, écrit acoisier).)
(excise tax).
Class. Calmer, adoucir (surtout dans la
acclamateur, trice [aklamatoer, -tris] acclimater [aklimate] v. tr. (de climat ; langue médicale) : Adoucissons, lénifions et
n. et adj. (de acclamer ; XVIe s.). Personne 1776, créé par Raynal, d’après Féraud). accoisons l’aigreur de ses esprits (Molière).
qui acclame (rare) : L’humanité nouvelle, 1. Adapter un être vivant, animal ou végé-
tal, à un milieu différent de son milieu accolade [aklad] n. f. (de accoler, réfec-
acclamatrice des ballets russes, se pressa à
d’origine. 2. Fig. Habituer quelqu’un à tion, d’après les mots en -ade, de l’anc.
l’Opéra (Proust).
un genre de vie nouveau : J’irai vous voir franç. accolée ; 1532, Rabelais, au sens I ;
acclamation [aklamasj] n. f. (lat. au sens II, 1, 1740, Acad. ; au sens II, 2, 1863,
dans votre installation nouvelle, et j’espère
acclamatio ; 1504, J. Lemaire de Belges). Littré ; au sens II, 3, 1659, Loret).
trouver la bonne-maman bien habituée et
1. Cri de joie, d’approbation, d’admiration, bien acclimatée (Martin du Gard). 3. Fig. I. 1. Class. et littér. Action d’embrasser en
d’enthousiasme, poussé par une foule : On Habituer à un certain milieu social, appri- jetant les bras autour du cou : Il avait été
entra dans la ville au milieu d’une foule voiser : Il jugeait essentiel de ne rien drama- la dupe des accolades [...] du duc (Saint-
serrée qui [...] saluait la princesse de ses tiser, d’acclimater peu à peu cette sauvagerie Simon). Dans une accolade bien tendre |
acclamations (Mérimée). Les soldats, quand à force de cordialité et d’aisance (Martin du Nous mêlerons nos cheveux blancs (Bé-
il entra, le saluèrent d’une grande accla- Gard). 4. Fig. Faire admettre peu à peu, ranger). Le chapeau gris du bonhomme
mation (Flaubert). 2. Par acclamation introduire dans l’usage : Les professionnels tomba dans cette brusque accolade et alla
(s’écrit sans s), à l’unanimité et sans que du sport ont acclimaté, chez nous, un jargon rouler au fond du ravin (Sand). Fig. et
l’on ait recours au scrutin : Il fut élu par ébouriffant, presque intraduisible, farci de ironiq. Donner l’accolade à une bouteille,
acclamation. mots étrangers (Duhamel). en boire le contenu : Les comédiens [...]
• SYN.: 1 applaudissement, hourra, ovation, • SYN. : 2 et 3 accoutumer, familiariser ; 4 assouvirent [...] leur soif par de longues
vivat. — CONTR. : 1 huée, sifflet, tollé. importer. — CONTR.: 2 dépayser, dérouter ; accolades à l’outre désenflée (Gautier).
4 exporter. 2. Au Moyen Age, action qui consistait
acclamer [aklame] v. tr. (lat. acclamare,
de clamare, appeler ; XVIe s.). 1. En par- s’acclimater v. pr. S’habituer à un nou- à embrasser celui que l’on armait che-
lant d’une foule, d’une assemblée, saluer veau pays, à un genre de vie différent. valier, après lui avoir donné un coup du
quelqu’un par des cris enthousiastes : Bien plat de l’épée sur la nuque. (De nos jours,
accointance [akwts] n. f. (de accoin-
que royalistes déclarés pour la plupart, tous le militaire à qui est remise la Légion
ter ; 1170, Chr. de Troyes). 1. Class. et
d’honneur reçoit l’accolade d’un officier
ils acclamaient l’empereur (Tharaud). littér. Fréquentation familière ; rapports
2. Nommer par acclamation : On supérieur, qui le frappe du plat de son
fréquents, relations entre deux ou plusieurs
épée sur les épaules.)
acclama Charlemagne empereur d’Occi- personnes (souvent au plur.) : Il s’était
dent. 3. Par extens. Accueillir quelque autrefois trouvé fort bien de l’accointance II.1.Signe typographique, en forme
chose avec faveur, lui donner ouvertement de Francion qui vivait splendidement à la de parenthèse brisée en son milieu, qui
son approbation : Plusieurs hommes qui française (Ch. Sorel). Les Mauprat eurent embrasse des mots, des formules, des
avaient servi l’Empire n’hésitèrent pas à bientôt dans toutes les familles des accoin- chiffres et, en musique, des portées, afin
acclamer la Restauration. tances (Sand). Une fille publique surveillée de les grouper. 2. En termes d’archi-

30
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

tecture, courbe de même forme qui accommodable [akmdabl] adj. (de d’accommodement (Mérimée). 4. Par
couronne les linteaux des portes et des accommoder ; 1568, Louis Leroy). Vx. Qui extens. Expédient imaginé pour apaiser
fenêtres. 3. Vx. Accolade de lapereaux, peut être accommodé, arrangé : Presque des scrupules de conscience (souvent au
de volailles, etc., ensemble de deux pièces toutes les querelles sont accommodables. plur.) : Les ruses et accommodements de
servies sur un même plat. conscience dont MM. Arnauld et Marion
accommodage [akmda] n. m. (de
• SYN.: I, 1 embrassade, embrassement. ne se firent pas faute dans toute cette affaire
accommoder ; 1680, Richelet). Vx. Action
(Sainte-Beuve).
accolader [aklade] v. tr. (de accolade ; d’apprêter, d’accommoder quelque chose,
en particulier des mets : Mon père [...] étant
• SYN.: 3 accord, arrangement, compromis,
milieu du XIXe s.). 1. Réunir par une acco-
accoutumé à l’accommodage de ma bonne conciliation, transaction.
lade (terme d’imprimerie). 2. Vx. et fam.
Donner l’accolade à quelqu’un : Ce dévoue- mère, qui était excellent et ménager (Restif accommoder [akmde] v. tr. (lat.
de La Bretonne). accommodare, adapter, approprier ; 1336,
ment sans bornes, s’étendant à tous ceux et
celles qu’elle [la portière] accolada à leur accommodant, e [akmd, -t] adj. Fr. de La Chaise de Dombief).
venue (Monnier). (part. prés. de accommoder ; XVIe s.). 1. Se I. 1. Class. et littér. Fournir à quelqu’un
dit d’une personne qui fait volontiers des de la commodité, un avantage ; convenir,
accolage [akla] n. m. (de accoler ; 1732,
concessions aux autres, qui s’arrange des plaire : Tout ce qui vous accommode vous
Brunot). Action de fixer des sarments ou
difficultés créées par les choses, qui est appartient déjà (Massillon). Le procédé
des rameaux à des tuteurs ou à des onglets.
d’un caractère facile, conciliant : Je suis l’accommodait aussi en lui épargnant la
accolement [aklm] n. m. (de accoler ; accommodant et prêt à me prêter à toutes les vedette (Hermant). Class. Accommoder
1213, Fet des Romains). Rapprochement de hypothèses (Mérimée). 2. Se dit d’un acte quelqu’un de quelque chose, lui fournir
deux choses accolées. qui marque une intention de conciliation, par complaisance quelque chose qui lui
le désir d’être complaisant : « Et si j’avais convient, dont il a besoin : Si vous avez
accoler [akle] v. tr. (de col, cou ; v. 1050,
besoin d’argent ? — Oh ! dit Joseph avec un quelque manuscrit persan, vous me ferez
Vie de saint Alexis, écrit acoler, au sens I,
geste accommodant, je te prêterais quelque plaisir de m’en accommoder (Montes-
1 ; au sens II, 2, milieu du XVe s. ; au sens
chose » (Duhamel). quieu). 2. Class. Apporter de l’aisance,
II, 4, 1803, Boiste).
• SYN. : 1 arrangeant, commode, complai- enrichir : Une libéralité qui accommode
I. 1. Class. et littér. Embrasser quelqu’un sant, conciliant, coulant, facile. — CONTR.: un homme ne l’oblige pas comme une qui
en jetant les bras autour de son cou : 1 acariâtre, difficile, incommode, intrai- lui sauve la vie (Malherbe). 3. Class.
Hors se tournant vers moi | M’accole à table, intransigeant, pointilleux, querelleur, Installer quelqu’un commodément : Je
tour de bras (M. Régnier). Il faut [...] que tranchant, vétilleux. l’accommode dans sa chaise (Molière).
je t’accole et baise ton vieux masque [...]
accommodateur, trice [akmdatoer, II. 1. Class. et littér. Disposer, arranger
pour la joie que j’ai de te revoir (Gautier).
-tris] adj. (de accommoder ; XXe s.). En quelque chose pour en rendre l’utilisa-
Spécialem. Donner le baiser de paix,
physiologie, se dit de ce qui se rap- tion plus facile, plus agréable : Nestor
principalement au cours d’une cérémo-
porte à l’accommodation : Les muscles commande à ses enfants d’accommoder
nie religieuse : L’abbé imposait la coule au
accommodateurs. un chariot pour Telemachus (Racine).
novice qui allait ensuite accoler ses frères
accommodation [akmdasj] n. f. Accommoder le feu (Littré). Joseph s’était
(Huysmans). 2. Fam. et Vx. Accoler la
(lat. accommodatio ; XIVe s.). 1. Action mis en devoir d’accommoder sa flûte
bouteille, boire : Magaud [...] accola sa
d’accommoder, d’adapter quelque chose (Sand). Vx. Accommoder ses affaires,
fiasque et but longuement (Aicard).
à un usage, à une fin : Une difficile accom- les amener à un état plus prospère, s’enri-
II. 1. Placer deux choses l’une à côté de modation de sa conduite et de ses principes. chir. 2. Spécialem. et class. Donner une
l’autre, de manière qu’elles soient conti- 2. Action d’apprêter un mets, un plat. ordonnance à ses pensées en écrivant, en
guës et unies : Accoler des bateaux bord 3. Accommodation de l’oeil, mise au point composant : L’idée | Que j’ai sur le papier
à bord. 2. Lier les sarments de la vigne du système optique de l’oeil qui permet de en prose accommodée (Molière). 3. Vx.
à des supports. 3. Mettre une chose à voir distinctement des objets situés à des Ajuster, arranger la coiffure, la toilette
côté d’une autre, la placer dans le voisi- distances variées. 4. Action par laquelle de quelqu’un : Rosette s’abandonna aux
nage immédiat : Les Turcs avaient autre- un être vivant, un organe, une fonction mains de ses femmes qui l’accommodèrent
fois accolé le minaret d’une mosquée au organique s’adaptent à un nouveau milieu. (Gautier). 4. Apprêter un mets : Elle
portique du Parthénon (Chateaubriand). 5. En linguistique, action par laquelle vous accommodera un simple plat de ha-
4. Réunir par une accolade : Accoler les deux phonèmes voisins s’empruntent une ricots à vous mettre en doute si les anges
articles d’un compte. 5. Fig. Faire figu- partie de leurs caractères. (C’est ainsi que ne sont pas descendus pour y ajouter les
rer une chose avec une autre : A l’opinion devant les consonnes sourdes [s] et [t], [b] herbes du ciel (Balzac). 5. Class. et lit-
d’un poète accolons celle d’un prosateur prend un son sourd voisin de [p] : absoudre tér. Servir quelqu’un, le traiter de telle ou
(Fourier). Vx. Faire paraître ensemble [apsudr], obtenir [ptnir].) telle manière : [Ma femme] a bien de la
des personnes, les mettre en présence : peine à en trouver une [nourrice] qui l’ac-
accommodement [akmdm] n. m.
Accoler des témoins. 6. Vx. En parlant commode (Racine). Cette servante est une
(de accommoder ; fin du XVIe s.). 1. Class.
d’une chose, être placée à côté d’une brave femme [...] qui m’accommode du
Arrangement, transformation en vue de
autre : Rentré au village, j’ai passé près de mieux qu’elle peut (Romains). 6. Class.
donner plus de confort : Je louerai votre
l’église ; deux sanctuaires extérieurs ac- et fam. Maltraiter quelqu’un ou le couvrir
maison si vous voulez y faire quelques
colent le mur ; l’un présente saint Pierre ès de ridicule (par antiphrase) : On ne sau-
accommodements (Acad., 1694). 2. Class.
Liens avec un tronc pour les prisonniers... rait aller nulle part où l’on ne vous entende
et fig. Situation de fortune permettant
(Chateaubriand). accommoder de toutes pièces (Molière). Il
de vivre à son aise : Votre fils rencontre
• SYN. : I, 1 enlacer, étreindre. II, 1 et 3 fait le mauvais, je l’accommoderai bien
en un métier si doux | Plus d’accom-
accoupler, joindre, juxtaposer, lier, relier, (Acad., 1694).
modement qu’il n’eût trouvé chez vous
unir ; 5 adjoindre, ajouter ; 6 jouxter. (Corneille). 3. Action par laquelle on III. 1. Class. et littér. Adapter une chose
s’accoler v. pr. 1. Class. S’embrasser. arrange à l’amiable une querelle, un dif- à une autre, les mettre en accord : Il faut
2. Se joindre à autre chose, de manière férend : Le maréchal de Biron s’approcha que l’air soit accommodé aux paroles
à former un tout. de La Rochelle, porteur de propositions (Molière). Proust sut accommoder les

31
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

puissances d’une vie intérieure singuliè- sonnes qui accompagnent ; escorte : La allait pour le mieux | Lorsque d’un jeune
rement riche et curieusement travaillée, dernière de ces conférences [entre le maré- cerf s’accompagne le nôtre (Molière).
à l’expression d’une petite société qui veut chal de Boufflers et le prince d’Orange] 2. Avoir comme corollaire ou comme
être, et qui doit être, superficielle (Valéry). fut plus nombreuse en accompagnement conséquence : L’excès de sévérité s’accom-
2. Absol. En parlant de l’oeil, réaliser (Saint-Simon). 3. Action d’accompa- pagne presque toujours du désir de révolte
l’accommodation : Un regard pâle, azu- gner la mélodie principale en chantant chez des hommes trop humiliés. 3. Jouer
rin, dont les pupilles étaient accommo- ou en jouant d’un instrument : On y la partie d’accompagnement tout en chan-
dées à l’infini (Duhamel). 3. Class. et chantait avec accompagnement d’orgues tant soi-même : Et s’étant fait donner la
fig. Mettre fin à un désaccord ; réconci- (Chateaubriand). Partie secondaire, mandoline, il chanta en s’accompagnant
lier des adversaires : Déjà le roi les veut exécutée par une voix ou par un ou plu- (Mérimée).
accommoder (Corneille). Tout est accom- sieurs instruments, pour soutenir la partie • SYN.: 2 amener, entraîner.
modé (Molière). principale : Vous allez chanter et je jouerai
• SYN.: I, 1 agréer, satisfaire. II, 1 agen- l’accompagnement. 4. Fig. Chose qui en accompagneresse [akpars] n. f. (de
cer, ajuster, aménager, installer ; 3 apprêter, accompagne nécessairement une autre, accompagner ; milieu du XIXe s.). Femme
parer ; 4 cuisiner. qui en est la conséquence : Le succès n’est qui accompagne une reine, une princesse
s’accommoder v. pr. 1. Class. et littér. pas toujours l’accompagnement du mérite. (peu usité) : Des accompagneresses d’hon-
S’accommoder à quelque chose, harmoni- 5. Complément d’accompagnement, nom neur pour Madame la dauphine Marguerite
ser au mieux son comportement avec un ou pronom qui indique la personne ou la (Hugo).
état de fait, une règle librement acceptée chose en compagnie de laquelle un acte
accompli, e [akpli] adj. (part. passé de
ou non : Le présent a sa force et sa jeu- s’accomplit. (Il est en général introduit
accomplir). 1. Qui est achevé, révolu : Dix
nesse toujours ; et l’on s’y accommode par la prép. avec : Ils sont sortis avec leurs
ans accomplis. Fait accompli, ce qui a
d’un mouvement sûr (Alain). 2. Class. enfants).
été exécuté et sur le principe de quoi on
S’accommoder avec quelqu’un, accepter • SYN.: 1 compagnie, entourage, société.
ne doit pas revenir : S’incliner devant le
des arrangements, imposés ou non, avec
accompagner [akpae] v. tr. (de l’anc. fait accompli. 2. Par anal. Se dit d’une
lui : Le maréchal s’est accommodé avec ses
franç. compain, compagnon ; XIIe s. ; au sens personne qui est arrivée à maturité : Dès la
créanciers (Sévigné). 3. S’accommoder de
musical, XVe s.). sixième année, j’ai été parfois [...] malheu-
quelque chose, de quelqu’un, accepter ce qui
I. 1. Se joindre à quelqu’un pour faire reux comme peut l’être un homme accom-
se présente, agréable ou non, et en tirer le
route avec lui : Sais-tu ce que tu pour- pli (Duhamel). 3. Qui atteint, dans son
meilleur parti possible : Ces messieurs res-
rais permettre si tu m’aimais bien ? Tu genre, au degré le plus élevé : Un banquier
teront ici, et s’accommoderont des fauteuils
me laisserais t’accompagner jusqu’au accompli, quoique honnête (Mérimée). Un
et des bancs (Gautier). Je suis sûr que nous
pourrons nous accommoder l’un de l’autre Havre (Dumas fils). Spécialem. Aller scélérat accompli.
(Sartre). 4. En parlant des choses, aller avec quelqu’un pour lui faire escorte : Le • SYN. : 1 consommé, fini, réalisé, révolu,
de pair : Ses recherches de métallurgiste [...] calife [...] vint lui rendre visite, accompa- terminé ; 2 fait ; 3 achevé, complet,
s’accommodaient en lui avec une ardente gné d’une escorte nombreuse (Flaubert). consommé, fieffé, fini, parfait.
passion pour la peinture (Valéry). 2. Fig. Se produire en même temps,
accomplir [akplir] v. tr. (comp. de l’anc.
• SYN. : 1 s’adapter à, se conformer à, se en parlant de manifestations qui se
v. complir, remplir, du lat. pop. *complire,
plier à ; 3 s’arranger de, se contenter de, se déroulent sur le passage de quelqu’un :
lat. class. complere, avec changement de
satisfaire de. — CONTR. : 3 refuser. Il [...] s’échappe aussitôt au grand galop,
conjugaison ; fin du Xe s.).
accompagné des huées de la multitude
accompagnateur, trice [akpaatoer, (Mérimée). 3. Par extens. Vivre auprès I. 1. Exécuter ce qui est prescrit, désiré,
-tris] adj. et n. (de accompagner ; v. de quelqu’un et partager son sort : Celle ce qui est annoncé, promis : Ce que le fa-
1670, Mme de Sévigné, au sens musical). qui m’accompagna dans la vie (Gide). natisme autrefois promettait à ses élus, la
1. Personne qui accompagne de la voix ou 4. Fig. Mes voeux vous accompagnent, science maintenant l’accomplit pour tous
avec un instrument la partie principale je forme des voeux pour que vous réussis- les hommes (Flaubert). Avez-vous songé
d’un morceau de musique : Un des accom- siez dans votre entreprise. que voici des siècles, des milliers de siècles,
pagnateurs lançait, d’une voix gutturale,
II. 1. En parlant d’une chose, se joindre, que notre pauvre humanité accomplit sa
un couplet (Theuriet). 2. Personne qui
s’associer à une autre : Un certain senti- destinée sur la terre ? (Martin du Gard).
accompagne une autre personne ou un
ment de supériorité accompagnait cette 2. Exécuter ce que l’on doit faire par
groupe de personnes : Un gros homme sans
hâtive utilisation de l’enseignement métier, par ordre ou par obligation mo-
âge [...], suiveur et confident de grandes et
scientifique (Aragon). 2. Spécialem. rale : J’accomplis un devoir que je qualifie-
petites vedettes, un de ces accompagnateurs
S’adjoindre à quelque chose comme com- rais de pénible (France). 3. Spécialem.
de gens connus, de ces donneurs de bras de
profession qui vous demandent très sérieu- plément ou pour le mettre en valeur : Ce Faire quelque chose en suivant certaines
corps de logis principal est accompagné prescriptions : Accomplir un ordre. Pour
sement « si vous avez un côté de préférence »
(Daudet). de tourelles à clochetons (Balzac). Un un poète [...], faire des vers c’est accomplir
col de fourrure qui accompagne bien un les rites sacrés (France). 4. Exécuter
accompagnement [akpam] n. m. manteau. une action quelconque, faire : Incapables
(de accompagner ; XIIIe s., au sens de « asso- d’accomplir les choses les plus simples
ciation » ; au sens 1, 1549, R. Estienne ; au III. Soutenir la mélodie principale ou
(Baudelaire). Péjor. Commettre un acte
sens 2, 1538, R. Estienne ; au sens 3, 1690, le chant au moyen d’un accompagne-
ment : J’ai perdu ma musique à Aix ! Et répréhensible : Accomplir un crime.
Furetière). 1. Action d’accompagner
quelqu’un : Je dînai chez lui sans accom- puis la petite qui m’accompagne a changé II. 1. Littér. Conduire quelque chose à
pagnement de gentlemen anglais ou autres d’adresse (Colette). son point d’achèvement : La pression d’un
(Nerval). Spécialem. Mission d’accompa- • SYN.: I, 1 escorter, flanquer, suivre. II, 1 acte esquissé par le corps et accompli par
gnement, mission confiée à des avions de s’ajouter à, aller de pair avec ; 2 compléter, l’esprit l’envahit (Valéry). Spécialem.
chasse qui accompagnent une formation faire valoir. Achever une période donnée : Sibylle ac-
de reconnaissance, de bombardement, s’accompagner v. pr. 1. Class. Prendre complissait sa quinzième année (Feuillet).
de transport. 2. Class. Groupe de per- avec soi, s’adjoindre quelqu’un : Tout 2. Class. Rendre parfait en son genre :

32
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

Cet ouvrage sacré qui doit accomplir le de sons, de chants, de vers : Des prêtres, antécédent (V. PRONOM et REPRÉSEN-
volume de ses épîtres (Chapelain). de temps à autre, pinçaient sur leurs lyres TATION), celle du verbe à la personne et
• SYN.: I 1 réaliser, remplir, satisfaire à ; 2 des accords presque étouffés (Flaubert). En au nombre du sujet (V. VERBE), celle du
et 3 s’acquitter de, remplir ; 4 commettre, vain les accords de sa voix | Ont charmé participe passé au genre et au nombre du
exécuter, faire, perpétrer. II, 1 achever, les monstres (Banville). Oh ! l’entends-tu sujet ou du complément d’objet (V. PAR-
consommer, finir, mener à terme, terminer. [le rossignol] faire écumer ses cascades TICIPE) ; on rangera aussi sous le chef de
s’accomplir v. pr. 1. Trouver sa réali- d’accords (Lamartine). Comme autrefois l’accord les faits de concordance (v. ce
sation : La prophétie s’est accomplie. J’ai David par ses accords touchants | Calmait mot) entre le temps d’un verbe subordon-
vu s’accomplir les promesses de mes dons d’un roi jaloux la sauvage tristesse (Racine). né et celui du verbe dont il dépend.
magnifiques (Aymé). 2. Trouver son plein 8. Action d’accorder un instrument ; Sans énoncer ici les règles des différentes
épanouissement, son point de perfection : résultat de cette action. Manière d’être sortes d’accord, nous devons poser — si-
Hugo ne s’est lassé de s’accomplir et de se accordé : Un accord de violon sol-ré-la-mi. non résoudre — les problèmes généraux
fortifier dans son art (Valéry). • SYN. : 1 affinité, entente, harmonie, que soulève la notion elle-même.
intelligence ; 2 acquiescement, adhésion,
accomplissement [akplism] n. m. On peut traiter par prétérition la repré-
autorisation, consentement, permission ;
(de accomplir ; XIIIe s., Merlin, Godefroy). sentation pronominale, où la valeur fonc-
3 accommodement, arrangement, contrat,
1. Action d’accomplir ; résultat de cette tionnelle de l’accord ne fait pas question.
entente, marché, pacte, traité ; 4 alliance,
action : L’accomplissement de tout devoir Les marques morphologiques du pronom
concordance, correspondance ; 8 accordage.
apporte à l’âme une source inépuisable servent au repérage de l’antécédent : Jean
— CONTR. : 1 brouille, contestation, diffé-
de consolations (France). 2. Par extens. a rencontré Cécile ; elle a été très aimable
rend, discorde, dissension, dissentiment,
Degré suprême d’épanouissement, de per- (elle, c’est Cécile ; il représenterait Jean).
mésentente, mésintelligence, querelle, rup- En fait, il n’y a pas ici de contrainte gram-
fection, qui ne saurait être dépassé : Notre
ture ; 4 contraste, discordance, incompatibi-
joie peut disparaître, elle a reçu tout son maticale ; le pronom exprime le sexe et
lité, opposition ; 7 discordance, dissonance.
destin, elle est en soi-même un accomplis- le nombre de l’être auquel on pense en
sement (Duhamel). D’accord loc. adv. 1. Class. Je ne m’y prononçant la seconde proposition. Sexe
oppose pas : « Il me plaît d’être battue. — et nombre de l’objet pensé peuvent avoir
•SYN.: 1 exécution, réalisation ; 2 achève-
D’accord » (Molière). 2. Auj. et fam. C’est été fictivement posés par un nom antécé-
ment. — CONTR. : 1. refus ; 2 commence-
entendu : « Tu viens demain ? — D’accord. » dent : Le prince s’est marié sans l’assen-
ment, ébauche, échec, esquisse.
accords n. m. pl. Class. et littér. Les timent de sa famille, elle s’y est opposée
accord [akr] n. m. (déverbal de accorder ; conventions préliminaires d’un mariage : O en vain ; mais beaucoup de pronoms
XIIe s.). 1. Entente entre personnes, prove- belles fleurs sans fruits ! Accords sans hymé- désignent un objet sans intermédiaire
nant de leur communauté de pensées, de née ! (Rotrou). Aujourd’hui les accords, d’antécédent (toi, quelqu’un, tout) : l’ap-
sentiments : L’accord des âmes, distantes et demain les fiançailles (Dumas). popriation à l’objet ne relève même plus,
jointes pourtant (Rodenbach). Demeurer dans ce cas, de l’accord.
• SYN.: accordailles.
d’accord, être d’accord avec quelqu’un, par-
tager le même point de vue, être du même Au contraire, l’accord de l’épithète avec
le nom — ou du verbe avec le sujet (tu
avis. Mettre d’accord, amener deux ou GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
danses, nous dansons) — ne semble pas,
plusieurs personnes à un accord, à une
L’ACCORD à première vue, pouvoir faire l’objet d’un
entente. Se mettre d’accord, arriver à
une entente, mettre fin à un différend choix. Certains linguistes lui refusent
On observe l’accord de l’adjectif épithète toute valeur significative et le regardent
ou conclure une négociation. Tomber
si l’on compare deux groupes comme : comme une « servitude grammaticale »,
d’accord, en venir à la même opinion, après
un petit danseur / une petite danseuse. sorte de « variante combinatoire » mor-
discussion. 2. Affirmation, déclaration
Le choix du nom danseur ou danseuse phologique, d’ailleurs en voie d’extinc-
d’une identité de vue avec quelqu’un, assen-
est déterminé par les circonstances : tion. Une comparaison avec la langue
timent : Obtenir l’accord de sesparents pour
on emploie l’un ou l’autre selon qu’on anglaise peut accréditer cette idée ; tout
s’engager dans l’armée. D’accord avec,
désigne un garçon ou une fille ; l’emploi adjectif y est invariable en genre et en
avec l’assentiment de : D’accord avec mon
de petit ou petite n’est pas libre : on ne nombre : a little boy, a little girl, little boys
père, je suis allée trouver cet homme. D’un
peut dire ni *un petite danseur, ni *une (ou girls) ; quant au verbe, il n’y connaît
commun accord, avec l’assentiment de tous,
petit danseuse ; l’adjectif doit se confor- de variation en personne et en nombre
à l’unanimité. 3. Règlement, convention
mer au genre du nom. Une variation M/F qu’à la troisième personne du singulier
entre plusieurs parties : Il renonça à tout
du nom impose à l’adjectif une variation de l’indicatif présent : I go / he goes, mais
accord, rompit avec ses cousins et malgré
parallèle m/f. I went / he went. Du fait que cette langue
son âge avancé se maria afin d’avoir des
héritiers (Sand). 4. Vx. Rapport de conve- Il ne suffit pas, pour qu’on puisse parler a éliminé l’accord de l’adjectif et du verbe
nance, harmonie entre plusieurs choses : d’« accord », que la variation d’un élément avec le nom ou le pronom, on est tenté
Les doux accords | Des grâces de l’esprit linguistique soit entièrement condition- d’inférer que le français maintient par
avec celles du corps (Corneille). L’accord née, comme c’est ici le cas, par la variation inertie une pratique sans valeur fonc-
des couleurs dans un tableau. En accord, d’un autre. Ainsi, l’emploi de la conjonc- tionnelle, et l’on explique par là l’efface-
avec une relation harmonieuse ou logique : tion sans que au lieu de alors que entraîne ment progressif, dans la langue parlée,
Des actes qui ne sont pas en accord avec l’emploi du subjonctif au lieu de l’indica- des marques de nombre et de personne :
les promesses faites. 5. En grammaire, tif, mais il n’y a pas d’ « accord » du avec singulier et pluriel ne sont plus guère dis-
rapport établi entre plusieurs mots, dont la conjonction. Il faut que les variations tingués, et l’on prononce identiquement
l’un agit sur la forme des autres : Accord en concomitantes soient de la même caté- [m] la forme verbale de j’aime, tu aimes,
genre et en nombre. 6. Ensemble de sons goire morphologique. On tiendra donc l’enfant aime, les enfants aiment.
musicaux ayant entre eux des rapports de pour faits d’accord l’appropriation de Ces conclusions s’appliquent mutatis
fréquence : Il y a des accords de trois, quatre l’adjectif au genre et au nombre du nom mutandis aux faits d’accord temporel ; le
et cinq notes, parmi lesquels on distingue support (V. ÉPITHÉTE et ATTRIBUT), celle français dit : Il sait que la Terre tourne et :
les accords consonants et les accords disso- du pronom au genre, au nombre et à la Il savait que la Terre tournait, alors que
nants. 7. Par extens. Ensemble mélodieux personne du mot ou du groupe de mots l’allemand, dans le second cas, marque

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

par l’emploi du présent la durée perma- petite ne permet pas d’y voir autre chose en est enfin où la concordance, en l’ab-
nente (absolue) du fait énoncé dans la que l’épithète de danseuse. Si l’épithète, sence d’une conjonction de subordina-
subordonnée : Galilei wusste, dass die en français — comme c’est presque le cas tion, devient marque de dépendance : Le
Erde um die Sonne kreist. On estime en anglais —, ne connaissait pas d’autre Renard s’excusa : il était enrhumé (style
généralement qu’au subjonctif la dispari- place qu’avant le nom, l’accord serait « indirect libre »).
tion de l’imparfait et du plus-que-parfait donc superflu ; mais, dans certains cas Dans le domaine du verbe non plus que
tient, entre autres causes, au caractère où l’épithète suit un groupe nominal tel de l’adjectif, une réponse unique ne peut
automatique que présentait leur emploi que les importations de vin, un doute peut être donnée au problème des fonctions
en proposition subordonnée : Je désire porter sur le nom recteur, doute levé par de l’accord. L’unité des faits d’accord a
qu’il parte / Je désirais qu’il partît ; la l’accord de l’adjectif (les importations de son véritable fondement dans le plan des
langue parlée dit : Je désirais qu’il parte, vin français ou françaises). Surtout, le signifiés, où ils impliquent un rapproche-
et le sens est aussi clair qu’il l’est à l’infi- français écrit pratique abondamment le ment de substance au niveau du message :
nitif, où le double jeu de temps n’a jamais détachement (v. ce mot) de l’épithète, et le pronom désigne (sans dépendance syn-
existé : Je désire partir / Je désirais partir. l’accord subsiste alors comme seul repère taxique) le même objet que le nom ; l’ad-
On peut défendre de deux manières du mot recteur : jectif et le verbe expriment des propriétés
la thèse d’une valeur fonctionnelle de de l’objet que le nom désigne ; les temps
L’inattingible plafond,
l’accord. « concordent » en s’articulant entre eux
Toute, et seul, tu le désignes ;
•Soit le groupe la grande montagne sur la ligne du temps universel.
Pourtant, Danseuse, ces lignes,
blanche (exemple de A. Martinet, Élé- accordable [akrdabl] adj. (de accorder ;
Quels noirs destins les défont !
ments de linguistique générale, 1960). Un XIIe s.). Qui peut s’accorder, qui peut être
(Vincent Muselli).
signifié unique « féminin » y est exprimé accordé : Un piano qui n’est plus accordable.
par quatre signifiants : la (et non le), Le choix s’offre donc entre trois thèses :
grande (et non grand), montagne (fémi- accord de routine, ou marque morpho- accordage [akrda] n. m. (de accor-
nin par essence), blanche (et non blanc) ; logique, ou marque syntaxique, Selon les der ; début du XIXe s.). Action d’accorder
il s’agit en fait d’un seul « signifiant dis- cas, l’une ou l’autre est pertinente. Ainsi, un instrument à cordes : L’accordage d’un
continu », émergeant à différents points l’accord du verbe dans tu es paraît bien piano. Marteau d’accordage, clef dont se
du groupe et exprimant par redondance n’être qu’une survivance : le pronom tu servent les accordeurs : je retournai à mon
le genre du nom chef de groupe. La re- marque suffisamment la personne, et le poste, et m’armant du marteau d’accordage,
dondance est un phénomène commun verbe n’en peut être assez éloigné pour je résolus de l’en assommer s’il essayait de
dans l’expression linguistique, où elle qu’un repère morphologique devienne m’outrager (Sand).
combat l’effet des ambiguïtés acciden- utile. Dans les cas d’homonymie (le voile [akrdaj] n. f. pl. (de
accordailles
telles. Certains noms peuvent être des / la voile) ou de double sexe (un élève /
accorder, d’après le sens de « fiancer » ;
deux genres, avec une différence de sens une élève), l’accord assume une fonction XVe s. ; 1539, R. Estienne). 1. Vx ou fam.
(voile) qui peut se réduire à la distinc- sémantique certaine ; et pour les mots
Conventions préliminaires en vue d’un
tion des sexes (élève, secrétaire). Dans d’un seul genre, comme chaise ou fau-
mariage. 2. Dialect. Diançailles : Elle
le groupe une voile, l’article est la seule teuil, l’indice qu’est l’article accordé (un/ avait fait faire une galette et des crêpes chez
marque de féminin ; au pluriel, dans une ; le/la) est un auxiliaire précieux de
elle pour les accordailles (Sand).
un groupe comme les immenses voiles l’apprentissage des genres dans la langue
blanches, seul l’adjectif blanches marque maternelle. La connaissance des genres accordance [akrds] n. f. (de accorder ;
le genre féminin (immenses et les sont des (arbitraires pour les noms de choses) est XIIe s.). Littér. Rapport de convenance entre
deux genres). A cette conception, on peut nécessaire pour que l’accord remplisse deux choses : Son visage, triste et amaigri,
objecter que les noms à double genre sont ses fonctions syntaxiques, diverses et était en parfaite accordance avec le grand
une minorité négligeable, et que l’anglais d’importance inégale selon les mots deuil dont elle était revêtue (Baudelaire).
se passe très bien de telles redondances : considérés, et que l’on examinera dans • SYN. : accord, concordance, conformité,
le genre des noms n’y est même pas dis- les articles particuliers mentionnés plus correspondance, harmonie.
tingué par l’article, et tous les noms de haut.
accordant, e [akrd, -t] adj. (part.
choses y sont du neutre. L’indication du Comment ces observations s’appliquent- prés. de accorder ; XIIIe s., Beaumanoir).
genre, au moins pour les noms de choses, elles aux faits de « concordance » ? 1. Class. Qui se trouve en accord : Il est
n’est pas une fin en soi ; celle du nombre Nous verrons qu’il en est des « temps » impossible qu’ils soient accordants avec
peut être une fin, mais précisément les subordonnés comme des pronoms : leur toutes les diverses opinions des hommes
marques de nombre, pour l’adjectif fran- valeur absolue se confond souvent avec (Descartes). 2. Vx. En musique, syn. de
çais, sont plus rares que celles de genre la valeur relative (grammaticalement CONSONANT.
(blanches est prononcé comme blanche) conditionnée) qu’on veut leur attribuer :
— et elles manquent totalement pour accordé, e [akrde] n. (Part. passé de
Le chanteur fit savoir qu’il était souffrant
l’adjectif anglais. accorder ; 1539, R. Estienne). Class. et
(l’imparfait exprime là aussi bien un
dialect. Personne que lie un contrat de
• On peut justifier l’accord non plus par passé vu du présent qu’un présent vu du
mariage, et, par extens., fiancé, fiancée :
le cas où les marques font défaut dans passé). Parfois, le temps de concordance
Je vous dis que vous ne caressiez point
le terme recteur, mais par le cas normal exprime une nuance étrangère au temps
nos accordées (Molière). Le domestique
où, présentes des deux côtés, elles mani- « absolu » : Les Anciens ne savaient pas
amène l’accordée au fils de son maître
festent un lien de dépendance : ainsi, que la Terre tourne, ils croyaient que le
(Chateaubriand).
dans la petite danseuse, l’e final de petite char du Soleil en faisait quotidiennement
ne marquerait pas le genre de danseuse, le tour (tourne exprime la vérité univer- accordéon [akrde] n. m. (de l’allem.
mais la « fonction épithète ». C’est l’un selle, faisait la croyance propre aux An- Akkordion, nom donné à l’instrument
ou l’autre : les deux s’excluent ; s’il y a ciens). Il est des cas où le temps du verbe par son inventeur Damian [1829], d’après
« redondance », ce n’est plus dans l’in- subordonné renseigne sur celui du verbe orchestrion [XVIIIe s.] ; refait en franç.
dication du genre, c’est dans celle de la principal, ambigu : Le roi dit que l’ambas- d’après orphéon ; 1833, Chateaubriand,
fonction, puisque la place de l’adjectif sadeur entrât (dit est au passé simple). Il Mémoires d’outre-tombe). 1. Instrument

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

de musique populaire portatif, dont les en mariage. Accorder une demande, du bouc, etc., quand ce sabot ou cette corne
anches de métal sont mises en vibration par une requête, y faire droit. sont d’un autre émail que le corps.
un soufflet : Le maître de poste de Schlau • SYN. : I, 1. raccommoder, rapprocher, accort, e [akr, -rt] adj. (ital. accorto,
venait d’inventer l’accordéon : il m’en vendit rassembler, réconcilier, réunir ; 4 adapter, avisé ; 1444, Dict. général ; sens moderne,
un ; toute la nuit, je fis jouer le soufflet dont ajuster, apparier, approprier, assortir, har- XVIIe s.). 1. Class. Adroit, avisé, habile : Que
le son emportait pour moi le souvenir du moniser. II, 1 avouer, concéder, conve- mon frère, ébloui par cette accorte feinte,
monde (Chateaubriand). 2. Fig. En accor- nir que, reconnaître ; 2 allouer, attribuer, | De nos prétentions n’ait ni soupçon ni
déon, plissé comme un accordéon, et, par concéder, décerner, octroyer. — CONTR. : I, crainte (Corneille). 2. Class. Qui sait
extens., qui est marqué de plis grossiers : 1 brouiller, désunir, diviser ; 4 opposer ; 5 s’accommoder à l’humeur des autres, com-
Un pantalon en accordéon. désaccorder. II, 1 dénier, refuser, rejeter, plaisant : Cet homme est fort accort (Acad.,
[akrdenist] n. et adj. repousser ; 2 refuser. 1694). 3. Littér. Se dit d’une personne
accordéoniste
(de accordéon ; 1866, Larousse). Personne s’accorder v. pr. 1. Etre ou se mettre d’ac- qui a quelque chose d’agréable, de vif, de
qui joue de l’accordéon. cord : Ils sesont accordés pour le tromper. Je plaisant dans l’esprit et dans l’allure : Jevis
ne découvre qu’un sujet sur lequel il aurait de jeunes Grecques, vives, jolies, accortes
accorder [akrde] v. tr. (lat. pop. *accor-
pu s’accorder avec le proconsul d’Achaïe (Chateaubriand). C’était une assez forte
dare, qui aurait remplacé le lat. class.
(France). 2. Etre en accord : Le style d’un femme, aux traits marqués ; entêtée comme
concordare, s’accorder, de cor, cordis, coeur,
monument ne s’accorde pas toujours avec la lui, mais accorte après tout, et la plupart
avec influence de chorda, corde d’instru-
date qu’on lui suppose (Flaubert). Vos carac- du temps souriante (Gide).
ment de musique ; XIIe s., Aiol, sens musi-
tères ne s’accordent pas (Musset). 3. En • SYN.: 3 agréable, aimable, avenant, enga-
cal ; sens grammatical, XVe s.).
grammaire, être en concordance : Le verbe geant, enjoué, gentil, gracieux. — CONTR.: 3
I. 1. Class. et littér. Ramener la paix, la s’accorde avec son sujet. 4. S’octroyer à déplaisant, désagréable, disgracieux, laid,
bonne entente entre des personnes qui soi-même : S’accorder une journée de repos. lourd, rébarbatif.
sont en désaccord : Deux hommes que • SYN.: 1 s’accommoder, s’arranger, selier, se • REM. Aujourd’hui, cet adjectif ne s’em-
je ne pouvais accorder (Fénelon). Que raccommoder, se rapprocher, se réconcilier, ploie qu’au féminin.
l’amour vous accorde (La Fontaine). En s’unir ; 2 s’adapter, s’assortir, s’harmoniser ;
les réfutant tous, il les a tous accordés accortement [akrtm] adv. (de
4 se donner, s’offrir, (fam.). — CONTR.: 1 se
(Balzac). 2. Class. Mettre fin à un dé- brouiller, se disputer, se fâcher, se querel- accort ; milieu du XVIe s.). Class. Avec
saccord : Comme le sujet de leur querelle habileté : Vous me jouez, mon frère, assez
ler ; 2 contraster, détonner, jurer, s’opposer,
fut public, elle fut accordée au sortir du trancher ; 4 se refuser, s’interdire. accortement (Corneille).
palais par M. le duc d’Orléans (La Roche- accortise [akrtiz] n. f. (de accort ; 1539,
foucauld). 3. Vx. Etablir les conven- accordeur [akrdoer] n. m. (de accor-
der ; 1325, au sens de « qui met d’accord », H. Estienne). Class. et littér. Complaisance,
tions préliminaires d’un mariage, et, par amabilité : Sa souplesse et son accor-
extens., fiancer : Elle était accordée depuis Godefroy ; au sens d’ « accordeur de pia-
tise l’avaient attaché et lié extrêmement
quelques jours à un petit vieillard ratatiné nos », milieu du XVIIIe s.). 1. Vx. Celui
avec M. de Luxembourg (Saint-Simon).
(Voltaire). 4. Etablir entre des choses qui essaie de régler les différends : Ce fut
L’accortise italienne calma la vivacité
une harmonie, un rapport de conve- un jeu pour lui, habitué à tenir dans les
française (Voltaire). Courtoisement, il
nance : Ils partirent en accordant leurs mariages le rôle d’accordeur, de prouver
consulte l’accusé [...]. Gandhi n’est pas en
pas (Vercel). C’était leur intérêt [...] de que tout s’arrangeait (Tharaud). 2. Celui
reste d’accortise (Rolland).
choisir les tons qui fussent accordés (Mau- qui accorde les instruments de musique :
L’accordeur était venu le matin même et,
• SYN.: affabilité, amabilité, aménité, com-
riac). 5. Spécialem. Régler la justesse
pourtant, Cécile, une clef aux doigts, inter- plaisance, gentillesse, prévenance.
d’un instrument : Accorder un piano,
un violon. 6. Mettre des instruments rogeait les clavecins (Duhamel). accostable [akstabl] adj. (de accos-
au même diapason. Fig. Accorder ses accordoir [akrdwar] n. m. (de accorder ; ter ; anc. franç., au sens de « accessible » ;
violons, ses flûtes, supprimer les contra- 1690, Furetière). Outil qui sert à accorder XVIe s., Thevet ; 1563, R. Belleau, au sens
dictions, se mettre d’accord pour réaliser les instruments de musique (piano, orgue, de « accueillant, favorable »). 1. Class. Que
quelque chose. 7. En grammaire, faire etc.). l’on peut aborder, fréquenter : J’en allai
l’accord entre deux ou plusieurs mots : visiter quelques-uns [des bourgeois] qui
1. accore [akr] adj. (du néerl. schor, me semblèrent les plus accostables, et avec
On accorde l’adjectif épithète avec le nom
auquel il se rapporte. escarpé, et schore, écueil escarpé ; adj., qui j’avais été le plus familier (Ch. Sorel).
1606, Nicot, et n. m., 1607, Hulsius, sous Quelque nymphe peu accostable (Regnard).
II. 1. Admettre une chose, la reconnaître la forme escore ; accore, 1773, Bourdé). Côte 2. Se dit d’un lieu où l’on peut aborder
pour vraie : Je vous accorde que vous avez accore, côte escarpée et abrupte plongeant facilement : Rivages accostables.
raison. J’accordais qu’il différait notable- verticalement dans la mer. • SYN.: 2 abordable, accessible. — CONTR.:
ment de l’un et de l’autre (Sainte-Beuve).
n. m. Escarpement d’un récif. 1 et 2 inabordable, inaccessible.
Vous m’accorderez bien que, s’il y a dans
le monde un ordre, cet ordre est divin 2. accore [akr] n. m. (du moyen néerl. accostage [aksta] n. m. (de accoster ;
(France). Par extens. Consentir à re- score, étai ; 1382, Comptes du clos des Galées milieu du XIXe s.). Action d’accoster.
connaître à quelqu’un ou à quelque chose de Rouen, écrit escore ; accore, 1736, Aubin).
accostant, e [akst, -t] adj. (part.
une qualité : Je ne sais si ce monde est le Pièce de bois servant à étayer un navire en
prés. de accoster ; XVIIIe s., Dict. général).)
pire des mondes possibles, c’est le flat- construction.
Class. Qui accoste facilement les gens, qui
ter, je crois, que de lui accorder quelque
accorer [akre] v. tr. (de accore 2 ; 1382, lie aisément conversation : Termes était poli
excellence, fût-ce celle du mal (France).
Comptes du clos des Galées de Rouen).) et accostant, mais à peine lui répondait-on
2. Donner son accord, son consente-
Accorer un navire, le soutenir par des en fuyant (Saint-Simon).
ment à ; consentir à octroyer, à donner :
accores.
Seigneur mon Dieu ! accordez-moi la accoster [akste] v. tr. et intr. (de l’anc.
grâce de produire quelques beaux vers accorné, e [akrne] adj. (de à et de corne ; franç. coste, côte ; a repris -st- sous l’in-
(Baudelaire). Accorder la main de sa XIVe s., Dict. général). Se dit, en héraldique, fluence de l’anc. provenç. acostar, s’appro-
fille à quelqu’un, consentir à la lui donner du sabot du cheval, de la corne du taureau, cher ; XIIe s., « être près de », et s’accoster de,

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

« s’approcher de, se lier avec » ; sens mari- de prophylaxie psychologique qui permet accoudement [akudm] n. m. (de accou-
time, début du XVe s.). 1. En parlant d’un de supprimer la crainte des accouchées der ; 1611, Cotgrave). Le fait de s’appuyer
navire, s’approcher aussi près que possible et, dans une certaine mesure, les dou- sur le couder : Les accoudements pensifs
de : Un petit bâtiment, accostant presque leurs. 3. Fig. et fam. Action de produire des femmes aux balustrades (Goncourt).
la falaise, grâce à l’eau profonde (Hugo). péniblement une oeuvre, de prendre avec
accouder (s’) [sakude] v. pr. (de coude ;
La chaloupe accoste au débarcadère de la peine une décision, etc. : Le travail de
XIIe s.). S’appuyer du coude, sur le coude :
gare, d’où le chemin de fer, naguère, partait l’accouchement de l’aveu est très pénible
S’accouder à une rampe, sur une table,
pour Canton (Malraux). Accoster le quai. (Stendhal). L’accouchement de cet ouvrage
contre une cheminée. Dans les beaux soirs
2. Fig. S’approcher de quelqu’un pour a été laborieux. d’été [...], il ouvrait la fenêtre et s’accoudait
lui parler : Une femme l’accosta, lui glissa • SYN.: 1 couches, délivrance, enfantement, (Flaubert).
quelques mots d’une voix câline (Martin
gésine (vx), parturition.
du Gard). accoudoir [akudwar] n. m. (de accouder ;
• SYN. : 1 aborder ; 2 aborder, accrocher accoucher [akue] v. intr. et tr. ind. XIVe s., Godefroy, écrit acouldouer ; accou-
(fam.). — CONTR. : 1 appareiller, s’éloigner, [de] (de coucher ; fin du XIIe s., proprem. doire, 1552, R. Estienne). Appui, partie d’un
lever l’ancre, partir, quitter ; 2 s’écarter de, « se coucher » ; le sens spécialisé « mettre meuble sur lesquels on peut s’accouder :
s’éloigner de, éviter, fuir. au monde » apparaît dès 1170, Chr. de L’accoudoir d’une fenêtre, d’un prie-Dieu.
s’accosterv. pr. Class. S’accoster de Troyes). 1. Mettre un enfant au monde : La bergère aux accoudoirs usés par les bras
quelqu’un, le prendre pour compagnon Elle est accouchée d’hier. Elle a accouché de Renaud (Colette).
(surtout en mauv. part) : Jem’accostai d’un hier. Accoucher à terme, avant terme. Ma • SYN.: accotoir, bras.
homme à lourde mine (Voltaire). mère accoucha à Saint-Malo d’un premier
garçon qui mourut au berceau, et qui fut accouer [akwe] v. tr. (de l’anc. v. couer, du
accot [ako] n. m. (déverbal de accoter). lat. coda, cauda, queue ; XIVe s.). Attacher
nommé Geoffroy, comme presque tous
Adossement de paille, de feuilles mortes ou des animaux à la queue l’un de l’autre :
les aînés de ma famille (Chateaubriand).
de fumier froid, pour protéger des semis, Accouer des chevaux.
2. Fig. Produire avec effort, avec diffi-
de jeunes plants contre le gel.
culté une oeuvre de l’esprit : Accoucher d’un accouple [akupl] n. f. (déverbal de
accotement [aktm] n. m. (de acco- long ouvrage. Monsieur avait accouché de accoupler ; 1552, R. Estienne). En termes
ter ; 1611, Cotgrave). 1. Partie d’une route projets toute la nuit (Retz). Enfin, j’accouche de chasse, lien avec lequel on attache les
comprise entre la chaussée et le fossé : dans ma nuit de cinq malheureux couplets chiens ensemble.
Stationner sur un accotement. 2. Partie (Vallès). 3. La montagne qui accouche
accouplement [akuplm] n. m. (de
du ballast située de chaque côté d’une voie d’une souris, se dit quand des moyens
accoupler ; XIIIe s.). 1. Assemblage d’ani-
ferrée. importants ne donnent qu’un résultat
maux par couple ; association de deux
accoter [akte] v. tr. (bas lat. accubitare, dérisoire (par allusion à une fable de La
appareils pour les rendre solidaires :
de cubitus, coude, contaminé par accoster ; Fontaine). 4. Pop. S’expliquer, dire ce
Accouplement de chiens à un traîneau.
s.). 1. Appuyer d’un côté : Force lui fut qu’on ne voulait pas ou n’osait pas dire :
XIIe Accouplement de moteurs électriques.
d’avaler sa bouchée et d’accoter proprement Parle donc, accouche ! Fig. Rapprochement de deux idées, de
sa bouteille dans l’angle du fiacre afin que • SYN.: 1 donner le jour à, enfanter, mettre deux choses, etc. : Accouplement de mots,
le vin ne s’en échappât point (Dumas). Il au monde ; 2 enfanter ; 4 avouer. d’idées. 2. Conjonction du mâle et de
s’engouffrait dans une cabane à outils acco- • REM. Les temps composés de accou- la femelle, en parlant des animaux : Le
tée au mur (Montherlant). 2. Vx. Soutenir cher se conjuguent avec l’auxiliaire être mulet vient de l’accouplement d’un âne
avec une cale, avec un étai : Accoter une ou avec l’auxiliaire avoir selon qu’on ex- et d’une jument. 3. Class. En parlant de
muraille. prime l’état ou l’action : Elle est accouchée l’homme, union du mariage : Tu menais
• SYN.: 1 adosser, appuyer ; 2 étayer. depuis un mois. Elle a accouché il y a un le blond hyménée | Qui devait solennelle-
s’accoter v. pr. S’appuyer sur le côté : Il mois. ment | De ce fatal accouplement | Célébrer
vient de décrocher l’appareil téléphonique v. tr. 1. Accoucher une femme, l’aider à l’heureuse journée (Malherbe). 4. Auj.
et [...] s’accote, la tête collée contre le mur mettre un enfant au monder : Le médecin Se dit péjor. en parlant de l’homme : Des
(Duhamel). l’a accouchée. 2. Fig. Aider un artiste, un colosses debout regardant autour d’eux |
auteur à créer, à produire les oeuvres qu’il Ramper des monstres nés d’accouplements
accotoir [aktwar] n. m. (de accoter ;
conçoit confusément : Combien d’intelli- hideux (Hugo).
1560, B. Palissy, écrit accotouer). 1. Ce qui
• SYN. : 1 appareillement, appariement ;
sert à s’accoter, à s’appuyer : Les accotoirs gences il [V. Hugo] a accouchées, combien
d’un fauteuil, d’un confessionnal. 2. Ce d’hommes qui ont rayonné par lui seraient 2 et 4 coït, copulation.
qui sert à accoter, à étayer : L’accotoir d’un restés obscurs ; il est impossible de ne pas accoupler [akuple] v. tr. (de couple ;
navire en construction. le considérer comme un de ces esprits rares XIIe s.). 1. Réunir par couple des animaux,
• SYN. : 1 accoudoir, ados, appui, bras et providentiels qui opèrent, dans l’ordre ou rendre deux choses solidaires : Accoupler
(de fauteuil), dossier ; 2 accore, cale, étai, littéraire, le salut de tous (Baudelaire). des boeufs à la charrue. Accoupler des roues.
étançon. • SYN.: 1 délivrer. Fig. Mettre côte à côte : Accoupler des
mots. 2. Unir le mâle et la femelle pour
accouchée [aku] n. f. (part. passé de accoucheur, euse [akuoer, -øz] n. (de
la reproduction.
accoucher ; 1321, dans Richard, Comtesse accoucher ; 1677, D. Fournier). 1. Personne
Mahaut, écrit acouchiée). Femme qui vient qui pratique des accouchements ; et adjec-
• SYN. : 1 et 2 appareiller, apparier. —
d’accoucher. CONTR. : 1 et 2 désaccoupler.
tiv. : Un médecin accoucheur. 2. Fig.
Personne qui amène les autres à découvrir s’accoupler v. pr. 1. S’unir pour la géné-
accouchement [akum] n. m. (de
la vérité qui est en leur esprit à l’état latent : ration, en parlant des animaux. 2. Péjor.
accoucher ; XIIe s.). 1. Tout le travail de
Platon, disciple de Socrate, accoucheur Se dit aussi de l’homme et de la femme.
la mise au monde d’un enfant, depuis
les premières douleurs jusqu’à la déli- industrieux des intelligences (Cousin). accourcir [akursir] v. tr. (de court ; 1162,
vrance. 2. Action d’aider une femme Comme Socrate, le protestantisme a été Chr. de Troyes, écrit acourcir). 1. Class.
à accoucher : Faire un accouchement. un accoucheur d’esprits (Chateaubriand). Rendre plus court ; diminuer l’étendue
Accouchement sans douleur, méthode • SYN. (fém.) : 1 sage-femme. ou la durée d’une chose : Accourcir une

36
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

robe, un bâton. Il y en a [des contes] que quelqu’un de toutes pièces, le maltraiter accrédité, e [akredite] adj. (part. passé
j’ai accourcis (La Fontaine). Les Parques en actes ou en paroles. de accréditer). Qui jouit d’une grande
ont accourci le fil de ses jours (Fénelon). • SYN. : 2 affubler (fam.), attifer (fam.), réputation : L’auteur de l’ouvrage le plus
2. Class. Faire paraître plus court : Le caparaçonner, équiper, fagoter (fam.), ficeler accrédité sur Sainte-Hélène expose la théo-
chemin étant long, et partant ennuyeux, | (pop.), harnacher (fam.). rie qu’inventait Napoléon au profit des
Pour l’accourcir, ils disputèrent [= discu- meurtriers (Chateaubriand).
accoutumance [akutyms] n. f. (de
tèrent] (La Fontaine).
accoutumer ; XIIe s., écrit acostumance). accréditer [akredite] v. tr. (de crédit ;
• REM. A la place de accourcir, on emploie
1. Littér. Le fait de se familiariser avec 1553, Papiers de Granvelle). 1. Class. et
aujourd’hui raccourcir, dont le sens itéra-
quelque chose ; habitude ainsi prise : C’est littér. Accréditer quelqu’un, le mettre en
tif (« accourcir de nouveau ») s’est peu à crédit, le rendre digne de confiance, lui
une marque de l’accoutumance au péché,
peu effacé.
que de pécher sans remords (Bossuet). Je donner l’autorité nécessaire pour agir :
accourcissement [akursism] n. m. cherchais [...] à ressaisir certaines de mes La réputation de sa bonne foi et de son
(de accourcir ; début du XVIe s.). Class. plus vieilles accoutumances de ma vie industrie [= activité] l’ont fort accrédité
Diminution de longueur, de durée : de marin (Romains). 2. Spécialem. En (Acad., 1694). Le mauvais grec que par-
L’accourcissement du chemin, des jours. médecine, processus suivant lequel l’orga- lait Paul, sa phrase incorrecte et hale-
nisme devient de moins en moins sensible tante n’étaient pas faits pour l’accréditer à
accourir [akurir] v. intr. (lat. accurrere,
à un médicament ou à un poison. Athènes (Renan). Spécialem. Accréditer
courir vers, accourir ; v. 1050 ; acorre,
un ministre, un ambassadeur auprès d’un
accourre, XIVe-XVIe s.). [Conj. 21 ; v. Rem.] • SYN.: 1 acclimatement, accommodation,
gouvernement étranger, le faire recon-
Venir en hâte : Averti par un coup de télé- adaptation, coutume, habitude, manie, pli,
routine, us (vx), usage ; 2 immunité, mith- naître officiellement par ce gouvernement.
phone du retour précipité de son ami, il était
2. Accréditer quelqu’un auprès d’une
accouru, quittant tout pour s’installer au ridatisation, tolérance. — CONTR.: 1 désac-
banque, lui faire ouvrir un crédit à cette
chevet de l’enfant (Martin du Gard). coutumance, dépaysement ; 2 anaphylaxie,
banque. 3. Accréditer quelque chose, le
• SYN.: arriver, surgir, survenir. — CONTR.: intolérance, sensibilisation.
rendre croyable, vraisemblable, lui donner
flâner, lambiner, tarder, traîner. accoutumé, e [akutyme] adj. (part. cours : Accréditer un bruit, une nouvelle, un
• REM. Aux temps composés, accourir se passé de accoutumer). Se dit d’une chose mensonge. Des traîtres [...] accréditaient à la
conjugue avec l’auxiliaire avoir ou plus dont on a l’habitude : Charles X me reçut cour de Sigismond les bruits les plus fâcheux
souvent avec être : Ses amis ont accouru avec sa bonté accoutumée et cette élégante sur le compte du nouveau tsar (Mérimée) ;
pour le féliciter de son succès (Acad., facilité de manières que les années rendent lui donner du poids, de l’autorité, de la
1932). Toute la population était accourue plus sensible en lui (Chateaubriand). Jesui- valeur : Accréditer une expression nouvelle.
pour nous voir (Chateaubriand). vais dans les cieux ma route accoutumée • SYN. : 1 imposer ; 3 autoriser, diffuser,
(Vigny). A l’heure accoutumée. introduire, propager. — CONTR. : 3 contre-
accourse [akurs] n. f. (altér. de coursie [fin
du XVe s.], de l’ital. dialect. corsia, proprem. • SYN.: coutumier, familier, habituel, ordi- dire, démentir, désavouer.
« passage où l’on peut courir », fém. pris naire. — CONTR.: inaccoutumé, inhabituel,
accréditeur [akreditoer] n. m. (de
substantiv. de l’adj. corsio, ital. littér. corsivo, étrange, insolite.
accréditer ; 1845, Bescherelle). En termes
courant ; XVIe s., R. Belleau, écrit accoursie ; A l’accoutumée loc. adv. A l’ordinaire,
de banque, celui qui donne sa garantie en
1751, Encyclopédie). En architecture, galerie d’habitude : Il poussait des soupirs, comme
faveur d’un tiers.
extérieure reliant deux appartements. à l’accoutumée (Duhamel).
accréditif, ive [akreditif, -iv] adj. (de
accoutrement [akutrm] n. m. (de accoutumer [akutyme] v. tr. (de cou-
accréditer ; début du XXe s.). Qui accrédite
accoutrer ; 1498, Commynes). 1. Class. tume ; 1190, le Livre des Rois, écrit acustu-
auprès d’une banque : Lettre accréditive.
Ensemble de l’habillement : Les accoutre- mer). 1. Amener quelqu’un à prendre une
accréditif n. m. 1. Crédit ouvert au client
ments de veuve (Saint-Simon). De riches habitude : Accoutumer un enfant au travail,
d’une banque auprès d’une autre banque.
accoutrements (Ch. Sorel). 2. Auj. à se lever tôt. L’homme civil, à l’instant de sa
2. Lettre ouvrant ce crédit.
Habillement bizarre, étrange : Un accou- naissance, est étroitement garrotté dans un
trement de clow. Chacun [de ces peintres] maillot ; il semble que ses parents veuillent accrêté, e [akrte] adj. (de crête).) Dialect.
dans l’accoutrement qui le faisait passer déjà l’accoutumer à l’esclavage éternel qui Fier comme le coq dont la crête se dresse :
pour fou dans sa ville natale (Giraudoux). lui est préparé (Laclos). 2. Être accoutumé Cette fille était si accrêtée qu’elle n’eût point
Et leur accoutrement tranchait sur celui à, avoir pris l’habitude de : Être accoutumé voulu traiter le roi de cousin (Sand).
des autres jeunes filles de Balbec, parmi les- à travailler. Le vin, auquel il n’était pas
accroc [akro] n. m. (déverbal de accro-
quelles quelques-unes, il est vrai, selivraient accoutumé, avait chauffé cet émerveille-
cher ; début du XVIe s.). 1. Déchirure faite
au sport, mais sans adopter pour cela une ment jusqu’à l’ivresse (Romains).
par ce qui accroche : Sa broche ovale lui
tenue spéciale (Proust). • SYN.: 1 adapter, façonner, faire, familia- servait souvent à agrafer l’un sur l’autre les
• SYN. : 2 affublement (fam.), défroque, riser, habituer, plier, rompre. — CONTR.: 1 bords d’un accroc dans sa robe de taffetas
équipage, harnachement (fam.). désaccoutumer, déshabituer, libérer. noir (Colette). 2. Fig. et fam. Atteinte
accoutrer [akutre] v. tr. (lat. pop. *acco[n] v. tr. ind. (aux temps composés) [de]. portée à quelque chose d’intact : Cette
s[u]turare, coudre ensemble, de co[n]s[u] Class. et littér. Avoir accoutumé de, avoir condamnation est un accroc à sa réputa-
tura, couture ; XIIIe s., écrit acostrer, acou- pris l’habitude de : Vous avez redonné le tion. Spécialem. Infraction, acte illé-
trer ; devenu péjor. à la fin du XVIIe s.). pain à une ville qui a accoutumé de le four- gal : Un accroc au règlement. 3. Fam. Se
1. Class. Vêtir, habiller : Les plus belles nir à toutes les autres (Boileau). Ce n’était dit d’un incident qui a des conséquences
gens et les mieux accoutrés (Dict. géné- pas le sifflement voilé qu’ici j’avais accou- fâcheuses : Amélie ne marque pas trop de
ral). 2. Péjor. Habiller d’une manière tumé d’entendre (Gide). nervosité et le repas s’achève sans accroc
bizarre, étrange : Des jeunes gens sveltes et s’accoutumer v. pr. [à]. Prendre l’habi- (Gide). Spécialem. Difficulté qui entraîne
des femmes accoutrées des costumes excen- tude de : Nous nous sommes accoutumés un retard : Il est survenu un accroc qui
triques autorisés par la saison assistent à au froid, à la fatigue. Tu t’es accoutumé à retarde leur accommodement (Acad., 1932).
quelque solennité du turf qui file dans le ton voisin. Il s’est accoutumé à travailler • SYN.: 1 déchirure, trou ; 2 souillure, tache ;
lointain (Baudelaire). 3. Fig. Accoutrer pendant de longues heures. entorse (fam.), transgression, violation ;

37
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

3 accident, anicroche (fam.), complication, combat contre une troupe ennemie que qui n’est pas : Comme ça, tu voudrais
contretemps, difficulté, embarras, incident, l’on rencontre inopinément. 5. Fig. et me faire accroire que l’Angleterre est une
obstacle, os (pop.). fam. Retenir au passage : Tâchez de l’évi- île ? (Courteline). Il te laisse accroire qu’il
ter : s’il vous accroche dans un couloir, a réussi un exploit. En faire accroire à
accrochage [akra] n. m. (de accro-
vous devrez subir son bavardage pendant quelqu’un, abuser de sa crédulité, lui conter
cher ; 1583, Gauchet). 1. Action d’ac-
une bonne heure. Spécialem. Attirer le des sornettes, le tromper : L’accent [...]
crocher : L’accrochage d’un tableau.
regard, l’attention : Il fixe passionnément du paysan madré à qui on n’en fait point
2. Action de se heurter légèrement, en
le visage impassible sans pouvoir, un seul accroire (Romains). Vx ou littér. S’en
parlant de deux véhicules : Dans cette
instant, accrocher son regard (Martin du faire, s’en laisser accroire, présumer trop
rue étroite et encombrée, les accrochages
Gard). Il est bien peu de pièces où l’on ne de soi-même, tirer vanité d’un mérite qu’on
sont fréquents. 3. Combat de rencontre
soit accroché à chaque strophe par des n’a pas : Et comme je ne redoute rien tant
entre patrouilles ou troupes en contact : Cet
incorrections (Gide). Certaines couleurs que de m’en laisser accroire, et que je tiens
accrochage a fait quelques blessés. 4. Fig.
accrochent le regard par leur vivacité. l’infatuation pour fatale au développement
et fam. Vive discussion, provoquée par une
6. Fig. et fam. Attirer à soi par adresse de l’esprit, je ramène sans cesseen deçà mon
divergence de vues, d’opinions : Mettons
ou par ruse : Accrocher un mari. A force estimation de moi-même (Gide).
que je sois impatient, coléreux, impossible,
de sollicitations, il a accroché une bonne
mais c’est un fait qu’il y a des dizaines accroissement [akrwasm] n. m. (de
place (Acad.). Cet excellent homme croyait
d’hommes et de femmes avec lesquels je accroître ; milieu du XIIe s.). 1. Vx. Action de
[...] qu’il est toujours permis de trahir ses
n’ai jamais d’accrochage (Montherlant). croître, de se développer : L’accroissement
devoirs de citoyen pour accrocher quelque
• SYN. : 2 accident, choc, collision, heurt ; des animaux et des végétaux. 2. Par anal.
argent au gouvernement (Stendhal).
3 coup de main, échauffourée, embuscade, Augmentation progressive, en quantité, en
• SYN.: 2 agripper, retenir ; 3 cogner ; 5 abor-
engagement, rencontre ; 4 altercation, dis- valeur, en intensité, etc. : L’accroissement
der, accoster ; 6 attraper, capter, décrocher
pute, querelle. — CONTR. : 1 décrochage, d’un Etat. Un accroissement de biens. Il
(fam.), extorquer, soutirer. — CONTR. : 1
décrochement ; 4 accord, entente, paix. y eut comme un accroissement de silence
décrocher ; 4 éviter, fuir ; 6 chasser, éloi-
(Loti). Il vous apparaissait que dans la
accroche [akr] n. f. (de accrocher ; gner, perdre, rebuter, repousser.
guerre, comme en toute chose, l’accroisse-
XVIe s.). Class. Difficulté qui retarde l’exé- s’accrocher v. pr. 1. Etre retenu par un
ment prodigieux de la puissance du maté-
cution d’un projet : Les oppositions à ce objet crochu, pointu ou saillant : Les fan-
riel tend à réduire de plus en plus la part
décret sont des accroches qui retarderont tassins, engoncés dans leurs équipements,
physique de l’action de l’homme (Valéry).
longtemps notre paiement (Furetière). paralysés par leurs fusils et leurs sacs qui
Accroissement de la production, de la
s’accrochent au feuillage, piétinent sur place
accroche-coeur [akrkoer] n. m. (de population.
sans pouvoir avancer ni se tourner (Martin
accroche, forme verbale de accrocher, et • SYN. : 1 croissance, développement ;
du Gard). 2. Se retenir, se suspendre à
de coeur ; 1837, Gautier). Petite boucle 2 agrandissement, amplification, élargis-
quelque chose : Ayant glissé le long de la
de cheveux en forme de crochet, collée à sement, extension, grossissement, mul-
pente, il s’accrocha aux arbustes pour ne
plat sur la tempe : Ravivant les langueurs tiplication, progression, recrudescence,
pas tomber dans le ravin. 3. Fig. Faire
nacrées | De tes yeux battus et vainqueurs | redoublement. — CONTR. : 1 atrophie ;
tous ses efforts pour conserver ce à quoi
En mèches de parfum lustrées | Se courbent 2 amoindrissement, décroissance, diminu-
l’on tient : Elle s’accrochait à cette affection
deux accroche-coeurs (Gautier). tion, perte, réduction.
qu’elle sentait lui échapper (Rolland). Pierre
• Pl. des ACCROCHE-COEURS. avait horreur de lui-même. Et pourtant il accroître [akrwatr] v. tr. (lat. accrescere,
• SYN.: guiche. s’accrochait désespérément à la vie (Sartre). de crescere, croître ; XIIe s.). [Conj. 60.]
[akrpla] n. m. (de Absol. Faire preuve de ténacité dans la 1. Rendre progressivement plus grand, plus
accroche-plat
poursuite d’un but : Cet élève peut réussir important, plus intense (au pr. et au fig.) :
accroche, forme verbale de accrocher, et de
s’il s’accroche. 4. Fig. et fam. S’accrocher Il a accru son bien, ses revenus. Accroître
plat ; 1877, Littré). Support, fait de lames
à quelqu’un, s’attacher à lui par intérêt : Il le trouble, le désordre. Chaque mot de la
métalliques, destiné à fixer au mur un plat,
s’est accroché à ce grand seigneur (Acad.) ; discussion ne fit qu’accroître les distances
une faïence d’ornement.
importuner vivement : Il s’est accroché à (Rolland). 2. Class. Accroître quelqu’un,
• Pl. des ACCROCHE-PLAT ou des ACCRO-
moi, je ne réussissais pas à m’en défaire. lui donner plus de pouvoir, d’honneur :
CHE-PLATS.
5. Fam. S’accrocher avec quelqu’un, se Je mourrai satisfaite après cet orgueilleux
accrocher [akre] v. tr. (de croc ; XIIe s.). disputer avec lui. 6. Fig. et pop. Se l’accro- | Sous qui César m’abaisse à force de l’ac-
1. Attacher, suspendre à un objet crochu, ou cher, se passer de quelque chose qui était croître (Rotrou).
pointu, ou simplement saillant : Les voya- attendu, désiré, en faire son deuil. • SYN. : 1. aggraver, agrandir, ajouter à,
geurs, fort patriotes, parlant d’accrocher les amplifier, augmenter, développer, enrichir,
accrocheur, euse [akroer, -øz] adj. (de
aristocrates à la lanterne, augmentaient sa étendre, grossir, multiplier. — CONTR. : 1
accrocher ; 1636, Monet). Fam. Qui retient
frayeur (Chateaubriand). Il accrochait aux amoindrir, diminuer, écourter, réduire,
l’attention : Un titre accrocheur.
parois de son cabinet [...] les vieilles vues de restreindre.
adj. et n. Qui fait preuve de ténacité, de
Naples et du Vésuve (France). Accrocher un
combativité dans ce qu’il entreprend : Un v. intr. Class. Aller en augmentant,
tableau au mur. Accrocher son manteau.
joueur de football très accrocheur. Un repré- s’accroître : Son bien, son revenu accroît
2. Arrêter, retenir, en parlant d’un objet
sentant de commerce accrocheur. tous les jours (Acad., 1694). Les revenus du
crochu, pointu ou simplement saillant : Les
• SYN. : acharné, opiniâtre, tenace. — roi, c’est-à-dire de l’État, sont accrus depuis
branches basses des arbres accrochaient les
CONTR. : indifférent, indolent, mou, (Voltaire).
promeneurs. Vx. Accrocher un navire, lui
nonchalant. s’accroître v. pr. Devenir plus étendu,
jeter des grappins pour pouvoir l’aborder.
plus important : Le mal s’accroît.
3. Heurter légèrement en passant : Nos accroire [akrwar] v. tr. (lat. accredere,
chevaux, à la file, accrochent les étalages croire ; 1175, Chr. de Troyes, Cligès ; faire accroupir (s’) [sakrupir] v. pr. (de l’anc.
(Loti). Spécialem. Heurter légèrement accroire s’est fondu avec faire à croire, franç. croupir, de croupe ; fin du XIIIe s.).
un véhicule, en parlant d’un autre véhicule XVIIe s.). [Usité seulement à l’infinitif, S’asseoir sur les talons ou, en parlant des
ou de son conducteur : Un camion vient avec les verbes faire et laisser.] Faire, animaux, sur la croupe : Il observait de loin
d’accrocher une voiture. 4. Engager le laisser accroire, faire, laisser croire ce le petit Roland accroupi [...] au bord du fossé

38
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

(Mauriac). Une jolie petite chèvre accroupie sourire inaccoutumé (Mauriac). 2. Par des ACCUS pour désigner une batterie d’ac-
sur un coin de tapis (Hugo). extens. Recevoir quelqu’un dans sa maison, cumulateurs électriques.)
pour un temps plus ou moins long : Nous
accroupissement [akrupism] n. m. accumulation [akymylasj] n. f. (de
vous accueillerons bien volontiers pour la
(de accroupir ; 1555, Belon). 1. Action de accumuler ; 1336, Godefroy). 1. Action
durée des vacances. 3. Spécialem. Agréer
s’accroupir. 2. Position d’une personne d’accumuler ; résultat de cette action,
quelqu’un auprès de soi, ou dans un lieu, amas, amoncellement (au pr. et au fig.) :
accroupie, d’un animal accroupi.
un milieu déterminé : On m’accueillit dans Ils lui montraient l’énorme accumulation
accru [akry] n. m. (part. passé de les salons (France). Dialect. Engager des glaces (Daudet). Cette tristesse qui
accroître ; 1829, Boiste). Rejeton produit un domestique : Birotteau l’accueillit et provenait de tout, de l’accumulation de
par les racines d’un arbre. lui donna mille francs d’appointements tout (Aragon). 2. En rhétorique, figure
accrue [akry] n. f. (part. passé de accroître ; (Balzac). 4. Fig. Ménager un accueil de style qui consiste à multiplier, dans
1246, Godefroy). 1. Augmentation de la bon ou mauvais à quelque chose, et, sans une même phrase, des termes qui s’addi-
superficie d’un terrain par le retrait des compl. de manière, accepter, approuver : tionnent, pour produire un effet calculé.
eaux. 2. Augmentation de l’étendue La motion du chaussetier fut accueillie avec (Ex. : Jetant shakos, manteaux, fusils,
d’une forêt par l’extension des racines de enthousiasme (Hugo). Accueillir favorable- jetant les aigles, | Sous les sabres prus-
ses arbres sur le terrain voisin. ment une demande. Jene veux pas accueillir siens, ces vétérans, ô deuil ! | Tremblaient,
ces accusations (France). hurlaient, pleuraient, couraient [Hugo].)
accu [aky] n. m. et accus n. m. pl. (v.
• SYN.: 2. héberger, recevoir, traiter ; 3 et 4 3. Chauffage par accumulation, mode de
1930). Abrév. fam. de ACCUMULATEUR(S).
accepter, admettre, agréer, recevoir. chauffage à l’électricité, réalisé à l’aide d’un
Fig. et fam. Recharger les accus, recons-
appareil qui met en réserve de la chaleur
tituer ses forces après un effort ou une accul [aky] n. m. (déverbal de acculer ;
qu’il restitue ensuite.
maladie. milieu du XVIe s.). 1. Class. Lieu sans issue,
• SYN.: 1 empilement, entassement, mon-
impasse : On les poussa [les ennemis] dans
accueil [akoej] n. m. (déverbal de ceau, quantité, rassemblement, réunion.
un accul (Acad., 1694). 2. Class. et fig.
accueillir ; XIIe s., Parthénope de Blois). — CONTR.: 1. désagrégation, dilapidation,
Situation sans issue : De quel accul de for-
1. Action de recevoir quelqu’un : Mieux dispersion, dissipation, éparpillement.
tune il l’avait tiré (Saint-Simon).
vaut, par égard pour Amélie, ne pas séparer
accumuler [akymyle] v.tr. (lat. accu-
notre accueil (Gide). 2. Manière, bonne acculement [akylm] n. m. (de accu- mulare ; début du XIVe s.). 1. Mettre des
ou mauvaise, de recevoir quelqu’un : Ce fut ler ; 1687, Desroches, Dict. des termes de choses les unes sur les autres, en grande
sans doute cette popularité [...] qui le pré- marine). 1. Class. Action d’acculer ; situa- quantité : La mer accumule les sables sur
serva, à son entrée, de tout mauvais accueil tion de celui qui est acculé : Je le laissai cette plage (Volney). 2. Absol. Faire des
de la part de la cohue (Hugo). Il recevait dire [le duc d’Orléans] et comme prendre réserves d’argent, amasser des richesses :
le meilleur accueil de Paillot (France). haleine de l’acculement où j’avais réduit Un homme accumulait (La Fontaine).
Nous espérons que vous ferez bon accueil son incomparable fausseté (Saint-Simon). D’autres, accumulant pour enfouir encor
à notre représentant. Vx. Faire accueil, 2. Dans un navire, courbure d’une | Recueillent dans la fange une poussière
bien recevoir : Le vieux hêtre, | De ses bras varangue. d’or (Lamartine). 3. Fig. Réunir en grand
familiers semble lui faire accueil (Heredia). nombre, en grande quantité : Je l’ai vu
3. Centre d’accueil, lieu où l’on reçoit des acculer [akyle] v. tr. (de cul ; XIIIe s.,
contre vous accumuler les crimes (Voltaire).
voyageurs, des isolés, des réfugiés, des Roman de Renart). 1. Pousser quelqu’un
Accumuler faute sur faute (Littré). Il venait
indigents. ou quelque chose contre un obstacle qui
sans le savoir de transporter sur Agathe les
l’empêche de reculer, ou dans un lieu sans
• SYN. : 1 et 2 abord, accès, réception, masses confuses de rêve qu’il accumulait
issue : Le chariot fut acculé contre le mur.
traitement. sur Dargelos (Cocteau). Cet impondérable
Il l’accula au fond du couloir. 2. Acculer
trésor que la lente vertu de mes pères [...]
accueillant, e [akoej, -t] adj. (part. quelqu’un à, le mettredans l’impossibilité
avait accumulé (Duhamel). Accumuler des
prés. de accueillir ; XIIIe s.). 1. Se dit d’une de se soustraire à une situation fâcheuse :
preuves contre un accusé.
personne qui fait toujours bon accueil : Il contredit Pichon à tout propos [...]. Il
La grand-mère [...] était restée toute sem- • SYN.: 1, 2 et 3 amasser, amonceler, empi-
l’accule à des déclarations embarras-
blable [...], accueillante, avec sa voix affai- ler, entasser. — CONTR. : 1 et 2 dépenser,
santes (Romains). Quand il se trouve par
blie, et curieuse de nouvelles (Chardonne). dilapider, disperser, disséminer, dissiper,
trop acculé aux désordres qu’il a créés, il
La France, accueillante et libérale, n’a pas éparpiller, gaspiller, prosiguer, répandre,
emprunte aux idées socialistes quelques
toujours été bien payée de son hospitalité semer.
réformes devenues indispensables (Martin
(Duhamel). 2. Par extens. Qui annonce s’accumuler v. pr. S’amonceler, s’épais-
du Gard).
un bon accueil : Une fillette [...] blonde et sir : Au bas des montagnes la nuit s’accu-
• SYN. : 2 astreindre, contraindre, forcer, mulait, mais sur les sommets subsistaient
fraîche, avec de larges yeux accueillants
obliger, pousser, réduire. des champs de lumière (Mauriac).
(Martin du Gard). 3. Se dit d’un lieu
où l’on est bien accueilli, dont l’aspect est acculturation [akyltyrasj] n. f. (mot accusable [akyzabl] adj. (de accuser ;
agréable : Une maison accueillante. amér. ; du lat. ad, vers, et cultura, culture ; 1545, J. Bouchet). Qui peut être accusé,
• SYN.: 1 affable, aimable, amène, avenant, 1938, Herskovits). Phénomène par lequel qui mérite d’être accusé.
cordial, engageant, hospitalier ; 2 aimable, un groupe d’individus entre en contact
avec une culture différente de la sienne et accusateur, trice [akyzatoer, -tris] adj.
bienveillant ; 3 hospitalier. — CONTR. : 1
et n. (lat. accusator ; milieu du XIVe s.).
froid, glacial, hautain, revêche ; 2 rébar- l’assimile, en tout ou en partie.
1. Qui accuse quelqu’un : Un regard, un
batif ; 3 inhospitalier.
accumulateur [akymylatoer] n. m. geste accusateur. Son silence même était
accueillir [akoejir] v. tr. (lat. pop. *accolli- (de accumuler ; 1564, J. Thierry ; au sens accusateur (Gide). 2. Accusateur public,
gere, de colligere, cueillir ; 1080, Chanson de techn., 1863, Littré). Appareil qui met en pendant la Révolution française, magis-
Roland). [Conj. 12.] 1. Recevoir quelqu’un réserve de l’énergie et la restitue en fonc- trat chargé du ministère public près d’un
qui se présente, qui arrive ; lui faire bon ou tion des besoins : Accumulateur électrique. tribunal criminel : Gaubertin [...], dont le
mauvais accueil : Il m’accueillit sur le seuil Acculumateur thermique. (Par abréviation père était accusateur public au département
de sa porte. Octavie fut accueillie par un et familièrement, on dit un ACCU[v.ce mot], (Balzac).

39
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN.: 1 calomniateur, délateur, dénoncia- 2. accusé, e [akyze] adj. (même étym. s’accuser v. pr. [de].
teur, détracteur, diffamateur, réprobateur. qu’à l’art. précédent). Qui est fortement
I. 1. Reconnaître que l’on est coupable de
— CONTR. : 1 défenseur. marqué, ou caractéristique : Des traits
quelque chose : Je m’accusai d’ingratitude
accusés. Plusieurs étaient remarquablement
accusatif [akyzatif] n. m. (lat. accusati- (Chateaubriand). 2. Spécialem. Dans le
jolies tout en ayant le type franchement langage religieux, se confesser.
vus ; XIIe s., Vie d’Edouard le Confesseur).
accusé de leur race (Verne). Pour lui plaire,
Cas de la déclinaison grecque, latine, etc., II. 1. Devenir sensible, apparaître : Un
elle avait un profil trop accusé, la peau trop
qui sert à marquer le complément d’objet surprenant changement moral s’accusait
fragile, les pommettes trop saillantes, les
de la plupart des verbes, et le complément en elle (Samain). 2. Apparaître avec
traits trop tirés (Proust).
introduit par de nombreuses prépositions. plus de netteté, être mis en relief : Em-
• SYN.: accentué, fort, prononcé, souligné.
accusation [akyzasj] n. f. (lat. accusa- prunte à Syracuse | Son bronze où ferme-
tio ; 1265, J. de Meung). accuser [akyze] v. tr. (lat. accusare ; Xe s., ment | S’accuse | Le trait fin et charmant
Passion). (Gautier). L’arc de mon brusque corps
I. 1. Action d’accuser quelqu’un d’un acte s’accuse (Valéry).
blâmable : Etre l’objet d’accusations injus- I. 1. Imputer à quelqu’un une action blâ-
• SYN.: I, 1 et 2 avouer, confesser. II, 1 se
tifiées. 2. Spécialem. Action d’accuser, mable, une faute plus ou moins grave :
révéler ; 2 s’accentuer. — CONTR. : II 1 et 2
devant la justice, une personne d’un délit Le concierge [...] accusa de mauvais plai-
disparaître, s’effacer, s’estomper.
ou d’un crime : Le ministère public est en sants d’avoir déposé trois rats morts au
principe seul compétent pour intenter une milieu du couloir (Camus). 2. Spécia- acedia [asedja] n. f. (mot lat. ; IVe s.,
accusation. Acte d’accusation, exposé lem. Déférer quelqu’un en justice pour Cassien). Dégoût, indifférence, découra-
des faits délictueux imputés à l’accusé par un délit ou un crime : Il reprocha grave- gement qui s’emparent parfois de l’âme du
le ministère public : L’acte d’accusation ment au greffier de l’accuser injustement moine à la recherche de Dieu : La maladie
mettait à sa charge des faits nombreux (Sand). 3. Par anal. Imputer un défaut des cloîtres, qui énerve, l’acedia (Hermant).
et graves (France). Chefs d’accusation, à une chose : Rodolphe [...] en plaçait une On dirait que nous avons l’un et l’autre
les différents points reprochés à l’accusé. autre [une lettre], qu’elle accusait toujours l’acedia des personnes qui viennent d’entrer
Chambre d’accusation, section de la d’être trop courte (Flaubert). 4. Rendre au couvent (Montherlant).
cour d’appel chargée de contrôler l’ins- quelque chose responsable d’événements acéphale [asefal] adj. (lat. acephalus, gr.
truction de toutes les affaires criminelles. fâcheux, s’en prendre à : Ces gens qui akephalos, de a priv. et de kephalê, tête ;
3. Le ministère public : L’avocat de la accusent tout ce qui se passe devant eux 1375, R. de Presles, Cité de Dieu). 1. Qui
défense va essayer de ruiner la thèse de de tout ce qui est tombé sur eux (Hugo). est dépourvu de tête : Le chef de Danton
l’accusation. 4. Dans le langage reli- 5. Accuser ses péchés, les avouer dans la demeura aux mains de l’exécuteur, tan-
gieux, action de reconnaître et d’avouer confession (langue religieuse). dis que l’ombre acéphale alla se mêler
ses péchés, confession : Nous entendons aux ombres décapitées de ses victimes :
II. 1. Laisser deviner, faire paraître
tous les jours des pécheurs qui mêlent à c’était encore de l’égalité (Chateaubriand).
quelque chose de caché ou de secret :
l’accusation de leurs fautes les maximes 2. Vers acéphale, vers hexamètre dont
Les collines, fendues çà et là, accusent le
du siècle et le langage des passions la première syllabe est brève quand elle
tassement du terrain sur d’anciennes car-
(Massillon). devrait être longue.
rières (Nerval). Son front calme accusait
n. m. 1. Monstre dépourvu de tête : Saint
II. Action de mettre en relief, de faire le pouvoir d’imposer silence aux passions
Augustin assure qu’il a vu des acéphales
ressortir un détail plastique : Peau mate et de les refouler au fond de son coeur
(Voltaire). 2. Fig. Personne qui manque
et plus tirée que ridée, belle accusation de (Balzac). Accuser la fatigue, accuser son
de caractère, d’individualité : Ces espèces
l’ossature (Gide). âge, laisser deviner aisément sa fatigue,
d’acéphales politiques ou littéraires
• SYN.: I, 1 attaque, blâme, critique, grief, son âge, par son aspect extérieur. Fam.
(Balzac).
imputation, reproche, réquisitoire ; 2 impli- Accuser le coup, laisser voir que l’on a été
acéphales n. m. pl. Nom donné par
cation, inculpation, plainte, poursuite. — sérieusement touché. Accuser son jeu,
Cuvier à la quatrième classe des mol-
CONTR.: I, 1 apologie, défense, justification, aux cartes, révéler le contenu de son jeu.
lusques. (On dit auj. LAMELLIBRANCHES,
louange ; 2 défense, plaidoirie, plaidoyer. Accuser réception, signaler à l’expédi-
BIVALVES, etc.)
teur que son envoi a été reçu. 2. Rendre
accusatoire [akyzatwar] adj. (lat.
une caractéristique plus sensible, la acerbe [asrb] adj. (lat. acerbus, aigre,
accusatorius ; 1425, A. Chartier). Qui se
mettre davantage en évidence, la faire hostile, pénible ; fin du XIIe s. ; XVIe s., au
rapporte à l’accusation en justice, qui la
ressortir : M. Lottier, au lieu de chercher le sens de « triste », « pénible »). 1. Littér. Âpre
motive.
gris et la brume des climats chauds, aime au goût : De chaleur, grenades éclatées, lais-
1. accusé, e [akyze] n. (part. passé à en accuser la crudité et le papillotage ar- sez-nous choir vos grains acerbes (Gide).
de accuser ; XIIIe s., Charte communale dent (Baudelaire). Je vous ferai ici un petit 2. Fig. Qui se caractérise par l’âpreté,
d’Amiens). 1. Personne à qui l’on impute conte pour bien accuser la pensée que je l’agressivité : Il accumulait les tableaux
une infraction pénale, et, spécialem., pré- vous propose (Valéry). Spécialem. Faire de sa façon, malgré les critiques acerbes de
venu renvoyé par la chambre d’accusation ressortir un détail plastique, une forme : l’entourage (Duhamel).
devant la cour d’assises : La certitude d’une Ses joues creuses accusaient fortement la • SYN. : 1 acide, aigre, vert ; 2 acéré, âcre,
condamnation à mort rendait cet accusé saillie des pommettes (Gautier). agressif, âpre, blessant, caustique, incisif,
l’objet de la terreur et de l’admiration • SYN.: I, 1 attaquer, blâmer, charger, cri- mordant, piquant, sarcastique. — CONTR.:
des prisonniers (Balzac). 2. Par extens. tiquer, dénoncer, faire grief à, incriminer, 1 doux, suave, sucré ; 2 agréable, aimable,
Personne à qui l’on reproche une action que amène, bienveillant, doux.
reprocher à ; 2 attaquer, citer, inculper,
l’on juge répréhensible : L’accusée baissait la poursuivre ; 5 confesser. II, 1 indiquer, [asrbite] n. f. (lat. acerbitas ;
acerbité
tête et dérobait ses larmes (Mauriac). marquer, révéler, singaler, témoigner, 1495, J. de Vignay). 1. Vx. Qualité de ce qui
• SYN.: 1 inculpé, prévenu. trahir ; 2 accentuer, marquer, souligner. est acerbe, âpre au goût : L’acerbité d’un
accusé n. m. Accusé de réception, avis — CONTR. : I, 1 et 2 décharger, défendre, fruit. 2. Fig. et littér. Caractère de ce qui
informant l’expéditeur que l’objet envoyé disculper, innocenter, justifier, laver. II, est agressif, mordant : L’âcreté des reparties
a été reçu par le destinataire. 1 et 2 atténuer, estomper. que ce journaliste semait dans sa conversa-

40
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

tion, l’acerbité de sa phrase, toujours poin- acétification [asetifikasj] n. f. (du lat. tionnaire de l’Académie, non plus que les
tue et travaillée comme un stylet (Balzac). acetum, vinaigre, et facere, faire ; 1866, sens correspondants de achalandage et
• SYN.: 2 âcreté, agressivité, aigreur, amer- Larousse). Transformation en vinaigre, de achalander.
tume. — CONTR. : 2 amabilité, aménité, en acide acétique.
achalander [aalde] v. tr. (de chaland ;
bienveillance, douceur. acétique [asetik] adj. (du lat. acetum, fin du XIVe s.). 1. Vx. Pourvoir de clients :
acéré, e [asere] adj. (dér. anc. d’acier ; vinaigre ; 1787, Guyton de Morveau). Trop paresseux pour décrire l’extraordi-
XIIe s., Roncevaux, au sens de « garni Acide acétique, acide auquel le vinaigre naire aspect de la promenade publique,
d’acier » ; au sens fig., 1562, Rabelais, l’Isle doit sa saveur et la plupart de ses propriétés. des quais ; à chaque extrémité, un cinéma
sonante, écrit asséré). 1. Dont la pointe, Fermentation acétique, fermentation qui public, en plein air, chargé d’achalander les
le tranchant ont été aiguisés : La herse, donne naissance au vinaigre. Odeur acé- cafés (Gide). Il sedonne quelques mois pour
tique, odeur qui rappelle celle du vinaigre. équiper à neuf son magasin, l’acalander tant
l’aiguillon et la faux acérée (Heredia).
2. Par anal. Se dit d’un son très aigu : soit peu et le vendre (Romains). 2. Fam.
acétone [asetn] n. f. (du lat. acetum,
Une rumeur aigre, aiguë, acérée, sifflante Fournir de marchandises, approvisionner.
vinaigre ; 1866, Larousse). Liquide incolore,
(V. ACHALANDÉ, E, Rem.)
(Hugo). 3. Fig. Qui est capable de blesser, volatil, qui se forme lorsqu’on décompose
mordant : Sous sa grâce de femme et son un acétate en le chauffant, utilisé surtout achard [aar] ou achar [aar] n. m. (ori-
air d’ange, elle [Mme de Caylus] a l’esprit comme solvant dans l’industrie. gine obscure ; nom pr. ou empr. au malais ;
acéré, vif et mordant (Sainte-Beuve). C’est 1866, Larousse). Condiment composé
acétonémie [asetnemi] n. f. (de acétone,
un adversaire très dangereux car [...] il a de fruits et de légumes confits dans du
et du gr. haima, sang ; fin du XIXe s.). Etat
l’esprit acéré (France). vinaigre.
pathologique déterminé par la présence
• SYN.: 1 affilé, aigu ; 3 acerbe, agressif, bles- d’acétone dans le sang. acharné, e [aarne] adj. et n. (part. passé
sant, caustique, incisif, mordant, piquant. de acharner). 1. Class. Qui s’attache avec
— CONTR.: 1 émoussé ; 3 bienveillant, doux, acétonémique [asetnemik] adj. (de
fureur à sa proie, à sa victime : Ce n’était
suave. acétonémie ; fin du XIXe s.). Relatif à l’acé-
plus, dans cet amas confus d’hommes
tonémie : Des vomissements acétonémiques.
acérer [asere] v. tr. (de acéré, garni acharnés les uns sur les autres, que mas-
acétonurie [asetnyri] n. f. (de acétone, sacre, vengeance (Fénelon). 2. Qui agit
d’acier ; 1348, Actes normands de la
et du gr. oûron, urine ; fin du XIXe s.). avec une ardeur opiniâtre : Un sportif
Chambre des comptes). [Conj. 5.] 1. Rendre
Présence d’acétone dans l’urine. acharné. Les joueurs de bouillotte étaient
aigu, affilé. 2. Fig. Donner du mordant
à une idée, à une expression, à une parole, acétylène [asetiln] n. m. (de acét- et du acharnés à leurs tables (Hugo).
etc. (rare) : C’est ta pensée qui acère ma gr. hulê, bois ; 1836, Davy). Hydrocarbure • SYN.: 2 accrocheur (fam.), ardent, endia-
raillerie (Banville). gazeux, obtenu en mettant le carbure de blé, enragé, entêté, furieux, obstiné, opi-
calcium en contact avec l’eau, et qui brûle niâtre, tenace. — CONTR. : 2 inconstant,
• SYN.: 1 et 2 affûter, aiguiser. — CONTR. :
1 et 2 émousser. avec une flamme éclairante : Une lampe inégal, léger, négligent.
à acétylène. adj. 1. Se dit d’une action menée avec une
acertener [asrtne] ou acertai- ardeur furieuse : Un combat acharné. Jene
ner [asrtne] v. tr. (de certain ; XIIIe s., achalandage [aalda] n. m. (de acha-
vois rien [dans mes souvenirs d’enfance]
Chronique de Saint-Denis).) Class. et dia- lander ; 1820, Laveaux). 1. Vx. Ensemble des
que cette fureur acharnée, cette lutte pour la
lect. Rendre certain, assurer : Il suffit que clients d’un commerçant : La quantité de
première place (Mauriac). 2. Par extens.
sur les lieux on vous l’ait sérieusement marchandises en réserve et l’achalandage
Qui se manifeste avec constance, opiniâ-
sont les éléments essentiels de l’estima-
acertené (Chapelain). L’affaire réussit à treté : Grâce à mon labeur acharné, j’ai
tion d’un fonds de commerce. 2. Fam.
son souhait et il en était si acertainé qu’il vu s’accomplir les promesses de mes dons
Ensemble des marchandises qu’un com-
partit le lendemain (Sand). magnifiques (Aymé).
merçant offre à sa clientèle : Les bou-
acescence [asss] n. f. (de acescent ; tiques sans autre achalandage que du livre acharnement [aarnm] n. m. (de
1735, Quesnay). Disposition d’une subs- (Morand). [V. ACHALANDÉ, E, Rem.] acharner ; 1611, Cotgrave). 1. Action de
tance à s’aigrir, à devenir acide. • SYN. : 1 clientèle ; 2 approvisionnement, l’animal qui s’attache avidement à la chair
stock. d’une proie : L’acharnement des rapaces
acescent, e [ass, -t] adj. (lat. acescens,
sur des cadavres. 2. Ardeur furieuse à
part. prés. de acescere, devenir acide ; 1735, achalandé, e [aalde] adj. (part. passé
combattre, à lutter : De là l’acharnement
Quesnay). Qui devient acide ou aigre : Vin de achalander). 1. Class. et littér. Qui a
de ce chef de la police contre Jacques Collin
acescent. beaucoup de clients, d’habitués : Cette
(Balzac). 3. Opiniâtreté dans l’action, en
hostellerie [...] était des plus hantées et des
acét(o)- [aset(o)], premier élément de particulier dans le travail : Il faut travailler
mieux achalandées de la ville (Chapelain).
nombreux mots savants, tiré du lat. ace- avec acharnement, d’un coup, et sans que
[La bibliothèque de la Faculté de médecine]
tum, vinaigre. rien vous distraie ; c’est le vrai moyen de
est agréable et pourvue de livres utiles, mais
l’unité de l’oeuvre (Gide).
acétabule [asetabyl] n. f. (lat. aceta- par trop achalandée (Duhamel). 2. Par
bulum, vase à vinaigre, puis, par image,
• SYN.: 2 furie, rage ; 3 ardeur, entêtement,
extens. Où il y a beaucoup de monde : Il n’y
obstination, opiniâtreté, ténacité.
« cavité où s’emboîte un os » ; XVIe s., Dict. a pas de route bien achalandée de passants
général). Cavité articulaire de l’os iliaque, de ce côté-là (Sand). 3. Fam. Se dit d’un acharner [aarne] v. tr. (de l’anc. franç.
recevant la tête du fémur. (On dit aussi magasin fourni en marchandises, appro- charn, chair ; 1160, Benoît de Sainte-Maure,
CAVITÉ COTYLOÏDE.) visionné : Car, même si je l’avais acheté [le Chronique des ducs de Normandie, au sens
livre] à Combray, en l’apercevant devant pr., terme de chasse ; au sens fig., XIVe s.).
acétate [asetat] n. m. (du lat. acetum,
l’épicerie Borange, trop distante de la 1. Vx. Donner aux chiens, aux oiseaux de
vinaigre ; 1787, Guyton de Morveau). Sel
maison pour que Françoise pût s’y fournir chasse, le goût de la chair (terme de fau-
ou ester de l’acide acétique.
comme chez Camus, mais mieux achalan- connerie). 2. Class. Exciter d’une ardeur
acéteux, euse [asetø, -øz] adj. (du lat. dée comme papeterie et librairie... (Proust). sanguinaire : Ce n’est point, Madame, et ce
acetum, vinaigre ; XIVe s., Dict. général). • REM. Le sens 3, d’emploi courant au- ne peut point être votre dessein d’acharner
Qui a le goût du vinaigre. jourd’hui, n’est pas enregistré par le Dic- les fidèles contre les fidèles (Guez de Balzac).

41
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Le premier sang versé rend sa fureur plus git son horizon de pensée et s’achemina à correspondante, caractérisée par des outils
forte. | Il l’amorce, il l’acharne (Corneille). concevoir des formes moins fixes de sentir grossiers en silex.
s’acharner v. pr. 1. Mettre une grande (Samain).
achevé, e [ave] adj. (part. passé de ache-
fureur dans une lutte sanguinaire ; s’atta- • SYN.: 1 et 2 aller, se diriger.
ver ; 1538, R. Estienne, au sens de « parfait »).
cher à sa proie : L’essaim s’acharne et suit, tel 1. Class. Qui a atteint le degré ultime de la
achetable [atabl] adj. (de acheter ;
qu’une meute ailée (Hugo). 2. Poursuivre réalisation : Le créancier et la corvée | Lui
XIXe s.). Qui peut être acheté : Le ministre
avec ardeur l’anéantissement, l’affaiblisse- font d’un malheureux la peinture achevée
et son conseiller examinent la nomenclature
ment de quelqu’un ou de quelque chose : (La Fontaine). Voilà le principe le plus
des gens achetables (Barrès).
Les sorbonniers et les moines s’acharnèrent achevé de votre morale (Pascal). 2. Littér.
avec une rage inouïe [...] contre les démons acheter [ate] v. tr. (lat. pop. *accaptare,
Qui atteint la perfection en son genre (en
ingénieux et les hommes doctes (France). de captare, chercher à prendre ; Xe s., Jonas,
bonne ou plus souvent en mauv. part) :
3. S’appliquer avec passion et ténacité à écrit acheder ; achater, XIIe s.). [Conj. 4 b.]
Bossuet ne fut-il pas un orateur achevé ?
une action : Les uns s’acharnent au travail, 1. Se procurer à prix d’argent un droit,
Etre d’un ridicule achevé.
d’autres s’acharnent à jouir. un bien, un objet : Ma mère avait acheté
• SYN. : 2 accompli, complet, consommé,
• SYN. : 3. s’entêter, s’obstiner, s’opiniâtrer. un hôtel sur les Boulevards (Mauriac).
Acheter cher, bon marché, acheter à un fini, parfait. — CONTR. : 2 imparfait, ina-
— CONTR.: 3. abandonner, délaisser, laisser, chevé, incomplet.
négliger, quitter, renoncer à. prix élevé, à bas prix. Acheter comptant,
payer immédiatement ce qu’on achète. achèvement [avm] n. m. (de ache-
achat [aa] n. m. (déverbal de l’anc. franç. Acheter à crédit ou à tempérament, payer ver ; XIIIe s., Dict. général). 1. Action de
achater, acheter ; 1178, Prarond, Hist. d’Ab- par mensualités ou à une date différée ce mettre fin à quelque chose, de réaliser
beville, écrit acat ; achat, XIIe s., Gautier que l’on a acquis. Acheter un homme, complètement une entreprise ; état de
d’Arras). 1. Action d’acheter : Prix d’achat. autref., se procurer à prix d’argent un ce qui est entièrement réalisé : Il se fit
C’était justement l’achat d’un trousseau remplaçant pour le service militaire : Ses parmi les convives ce petit frémissement
qui retardait un peu son arrivée (Mauriac). parents firent, en 1811, un sacrifice pour le qui annonce qu’on va se lever[...], le dernier
2. Objet acheté : Je suis heureux de vous sauver de la conscription en achetant un mot des conversations et l’achèvement des
montrer mes derniers achats. homme (Balzac). Acheter chat en poche, rires (Daudet). L’achèvement d’une mai-
• SYN. : 1 et 2 acquisition, emplette. — acheter un objet sans bien le connaître. son. 2. Class. et littér. Etat de perfection
CONTR. : 1 cession, vente. 2. Par anal. Obtenir, en échange d’argent, auquel une personne ou une chose peut
d’une faveur, la complaisance, la compli- parvenir : Il y a toujours de l’imperfection
ache [a] n. f. (lat. apia, pl. de apium ;
cité de quelqu’un, en dépit des exigences aux oeuvres de la nature et elle n’apporte
XIIe s.). 1. Plante à feuilles très découpées
de la morale ou du devoir : L’eau-de-vie jamais tant de soin à l’achèvement de ce
et à fleurs disposées en ombelles : Puis,
lui donna une idée : il faut que j’achète la qu’elle fait qu’elle ne laisse quelque côté
assise à sa table, laver l’ache amère qu’elle
bienveillance de mes camarades les hus- plus faible (Guez de Balzac). Pour son
était allée ramasser dans les chemins (A.
sards de l’escorte (Stendhal). D’ici peu de achèvement et sa perfection, il [Bossuet]
de Châteaubriant). Le mortier des marquis
temps [...], les électeurs s’achèteront comme dut beaucoup à ce jeune roi [Louis XIV]
près des tortils ducaux | Rayonne, et sur
en Angleterre (Mérimée). 3. Fig. Obtenir (Sainte-Beuve). 3. Spécialem. Ce qui
l’écu, le casque et la rondache, | La perle
quelque chose au prix d’un effort, d’un complète le dénouement d’un ouvrage
triple alterne avec les feuilles d’ache (Hugo).
sacrifice : Ma consolation, c’était qu’un jour littéraire : Le suicide de Mme Bovary consti-
2. Dans les parlers méridionaux, nom
le bonheur de mon enfant serait acheté de
donné au céleri. tue le dénouement du célèbre roman de
ma fatigue et de mes privations (Daudet). Flaubert ; la mort de Charles Bovary en
acheminement [aminm] n. m. (de 4. Pop. Tourner quelqu’un en ridicule :
est l’achèvement.
acheminer ; 1555, Pasquier). 1. Action Eh bien, dites donc ! Voilà qu’il m’achète à
• SYN. : 1 dénouement, extinction, fin,
d’acheminer : L’acheminement du courrier. présent ! Ça, c’est le comble ! (T. Bernard).
finition, parachèvement, terme, terminai-
2. Action d’avancer progressivement vers • SYN. : 1 acquérir, s’offrir (fam.), se payer
son ; 2 accomplissement, épanouissement,
un lieu, un but, un état : Me trouvant au (fam.) ; 2 arroser (fam.), corrompre, grais-
réalisation ; 3 couronnement. — CONTR. :
Havre, par un acheminement naturel, je ser la patte à (fam.), soudoyer, stipendier,
1 commencement, début, départ, genèse,
gagnai Fougueusemare (Gide). Le consulat suborner ; 3 payer ; 4 se gausser de, se
naissance ; abandon, cessation, interrup-
à vie fut pour Bonaparte un acheminement moquer de, se payer la tête de (très fam.),
tion ; 2 ébauche, esquisse.
vers l’empire. Cette manière de vivre est un railler. — CONTR. : 1 céder, vendre.
merveilleux acheminement à la passion • REM. Acheter suivi de la prép. de (pour achever [ave] v. tr. (lat. pop. *accapare,
(Pascal). indiquer la provenance de l’achat) est « arriver à chef [lat. caput] », au sens anc.
• SYN. : 1 expédition, routage ; 2 marche, vieilli. On dit aujourd’hui acheter à de « bout », « fin » [cf. anc. provenç. et esp.
préparation, progression. quelqu’un, qui signifie aussi « acheter acabar, même sens] ; 1080, Chanson de
pour donner à quelqu’un ». Lorsque le Roland). [Conj. 5.] 1. Achever une chose,
acheminer [amine] v. tr. (de chemin ; achever de (et l’infinitif), finir une chose
sens semble équivoque, on préférera
1080, Chanson de Roland). 1. Faire par- commencée, mener jusqu’à son terme
alors acheter pour quelqu’un : J’ai acheté
venir à un lieu déterminé : On se charge une action qui est en cours de dévelop-
un livre à mon oncle (= venant de mon
d’acheminer vos bagages à l’aéroport. pement : Le déjeuner qu’il venait d’ache-
oncle) et J’ai acheté un livre pour (ou à)
2. Fig. Conduire insensiblement, pro- ver avivait curieusement la couperose de
mon oncle.
gressivement à un but, à un résultat : ses joues (Mauriac). Il achève de se ruiner
L’époque [...] doit acheminer au temps où les acheteur, euse [atoer, -øz] n. (de ache-
(Acad.). Achever une journée, sa vie,
armées et la guerre ne seront plus (Vigny). ter ; XIIe s.). Personne qui achète : Le reste
etc., parvenir à leur terme : Le monarque
• SYN.: 1 diriger, envoyer ; 2 amener. [du terrain] trouverait acheteur ensuite [...]
achevait ses derniers jours dans un dernier
ou se louerait en attendant (Romains).
s’acheminer v. pr. 1. Se mettre en route, exil (Chateaubriand). 2. Class. et littér.
ou être en route, en direction d’un lieu : Je acheuléen, enne [aøle, -n] adj. et n. Amener une chose jusqu’à sa réalisation
m’achemine vers la ville | Où rêve celui qui m. (de Saint-Acheul, localité de la Somme ; complète, parachever : Le dessein en est
m’attend (Apollinaire). 2. Fig. Progresser, 1877, Littré). Se dit d’une des premières pris ; je le veux achever (Racine). Jetremble
tendre graduellement vers un but : Il élar- périodes du paléolithique et de l’industrie qu’Athalie [...] | N’achève enfin sur vous ses

42
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

vengeances funestes (Racine). Mettre un 1180, Chr. de Troyes). 1. Vx. Heurter du II. En chimie, nom donné aux composés
comble à : Pour achever le chagrin de cette pied contre un obstacle, trébucher. 2. Fig. qui agissent sur les bases et les métaux
déesse (La Fontaine). 3. Achever une et littér. Etre arrêté par un obstacle, une dif- en formant des sels, et qui font virer au
personne, un animal, lui porter le der- ficulté : Je supposais qu’ils avaient achoppé rouge la teinture de tournesol : L’acide
nier coup, le coup de grâce : Imbécile ! [...] à l’espèce de cloison étanche qui sépare tou- chlorhydrique réagit sur le zinc pour don-
Qu’avons-nous affaire d’une charogne ? jours les êtres des races diverses (Hermant). ner du chlorure de zinc avec dégagement
Achève-le (Mérimée). 4. Fig. et fam. Je pourrais citer maintes phrases d’une d’hydrogène.
Achever quelqu’un, le rendre tout à fait syntaxe indéfendable [...] ; je m’y achoppe
acidification [asidifikasj] n. f. (de
incapable d’agir, l’abattre au point de lui autant à la quatrième lecture qu’à la pre-
acidifier ; 1786, Encycl. méthodique).
ôter tout ressort : Le pauvre chéri a hor- mière (Gide).
reur de la mort, une consultation l’achèvera Transformation en acide.
(Mauriac). Ce qui l’achève, c’est la conduite achromatique [akrmatik] adj. (de
acidifier [asidifje] v. tr. (de acide et du
ignoble de son fils. Achever quelque chose, a priv. et du gr. khrôma, couleur ; 1764,
lat. facere, faire ; 1786, Encycl. méthodique).
en provoquer la perte, la ruine (plus rare) : Lalande, Traité d’astronomie). Se dit d’un
Transformer en acide : Acidifier du vin ;
Grâce à cette catastrophe, grâce surtout aux système optique qui fait voir les images des
et absol. : La propriété d’acidifier paraît
diverses restaurations successives qui ont objets sans franges irisées : Des lunettes
appartenir, dans plusieurs circonstances,
achevé ce qu’elle avait épargné, il reste bien achromatiques. Un objectif photographique
au soufre et au tellure (Chevreul).
peu de chose de cette première demeure des achromatique.
s’acidifier v. pr. Devenir acide.
rois de France (Hugo). [akrmatism] n. m. (de
achromatisme
• SYN. : 1 finir, terminer ; 2 accomplir, acidimètre [asidimtr] n. m. (de acide
achromatique ; 1829, Boiste). Propriété des
consommer, parfaire ; 3 abattre, tuer ; 4 et de mètre ; début du XXe s.). Instrument
verres et des lentilles achromatiques.
anéantir, assommer (fam.). — CONTR. : servant à évaluer le degré de concentration
1 attaquer, commencer, entamer, entre- achromatopsie [akrmatpsi] n. f. (de a d’un acide.
prendre, mettre en train, semettre à ; aban- priv., du gr. khrôma, couleur, et opsis, vue ;
acidimétrie [asidimetri] n. f. (de acide
donner, cesser, interrompre ; 2 ébaucher, milieu du XIXe s.). Trouble de la vue qui
et de métrie ; 1878, Larousse). Mesure de la
esquisser ; 3 épargner. empêche de distinguer les couleurs.
concentration d’une solution acide.
v. intr. Class. Prendre fin : Si le quatrième acide [asid] adj. (lat. acidus ; 1545, G.
[acte] peut commencer chez cette princesse acidité [asidite] n. f. (lat. aciditas ; 1545,
Guéroult, Hist. des plantes).
[Rodogune], Il n’y peut achever (Corneille). G. Guéroult). 1. Saveur acide : L’acidité des
I. 1. Qui a une saveur piquante : Le goût câpres réveille l’appétit. 2. Par anal. qua-
s’achever v. pr. Prendre fin, arriver à son
acide d’un fruit qui n’est pas encore mûr. lité d’une chose qui produit une impression
terme : Les vacances s’achèvent. Une sym-
Sucrer une boisson trop acide. 2. Par analogue à celle d’une substance acide :
phonie qui s’achève par un allégro.
anal. Qui produit sur l’organe de l’ouïe L’acidité d’une voix, d’une couleur. 3. Fig.
achillée [akile] n. f. (lat. achillea, du une impression désagréable : Une mu- Fraîcheur excitante, analogue à celle d’un
gr. akhilleios, plante d’Achille, à qui le sique des plus acides (Hugo). Sa voix fruit vert : Elle avait perdu cette acidité
centaure Chiron avait appris les proprié- grêle [...], acide comme un filet de vinaigre virginale qui, associée à ses coquetteries,
tés des simples ; 1572, J. des Moulins). (Escholier). 3. Se dit d’une couleur qui exerçait un si grand prestige sur ses cama-
Plante à feuilles découpées, à fleurs blan- donne une sensation vive : Un jaune, un rades (Tharaud). 4. Fig. Impression désa-
châtres, roses ou jaunes, qui pousse dans vert acide. 4. Se dit du vent, de l’at- gréable que laissent les paroles caustiques
les champs, les terrains incultes, et dont mosphère qui produit sur le corps une et mordantes de quelqu’un : Elle a accentué
l’espèce la plus connue est l’achillée mil-
sensation rappelant celle d’une piqûre : sa phrase avec tant d’acidité que je frémis
lefeuille, dite encore herbe au charpentier
Une bise acide et pressée jetait sur le soleil comme si elle m’eût effleurée du bout des
ou saigne-nez.
une fumée de nuages rapides (Colette). ongles (Colette). 5. Caractère acide d’un
achoppement [apm] n. m. (de Cette fraîcheur acide du soir tombant qui corps, par opposition à l’alcalinité.
achopper ; XIVe s., Saint-Graal). 1. Class. lui faisait passer des frissons (Chérau).
acidose [asidoz] n. f. (de acide ; début
et littér. Ce qui fait achopper, ce qui 5. Fig. Se dit de paroles ou d’un ton qui
du XXe s.). Etat pathologique du sang pré-
arrête la marche : Regarde d’où provient | trahissent la mauvaise humeur, le désir
sentant une réaction acide : L’acidose est
L’achoppement qui le retient (La Fontaine). de blesser : Ils échangeaient toujours des
caractéristique du diabète.
Fig. Difficulté, embarras : [M. de Barcos] propos acides (Aymé).
n’écrivit presque rien qui ne soulevât des acidule [asidyl] adj. (lat. acidulus, de aci-
II. En chimie, se dit d’un corps qui pos-
difficultés sans nombre et qui ne fît achop- dus ; 1747, Dict. général).) Vx. Légèrement
sède les propriétés des acides : Une solu-
pement (Sainte-Beuve). Supprimer en soi acide : Des eaux acidules.
tion acide.
l’idée de mérite : il y a là un grand achop- • REM. Aujourd’hui, cet adjectif est rem-
pement pour l’esprit (Gide). 2. Pierre • SYN.: I, 1 acidulé, aigre, aigrelet, sur, vert ;
placé par ACIDULÉ, E.
d’achoppement,occasion de faillir à son 2 aigre ; 4 glacial, mordant, piquant ; 5
devoir (class.) : Il devient une pierre acerbe, âcre, acrimonieux, blessant, caus- acidulé, e [asidyle] adj. (part. passé de
d’achoppement à ses frères (Massillon). tique, incisif, mordant, piquant. — CONTR.: aciduler ; 1863, Littré). Légèrement acide
Obstacle, difficulté : Le « z » toscan est I, 1 doux, sucré ; 2 suave ; 4 doux, tiède ; (au pr. et au fig.) : Des bonbons acidulés.
une pierre d’achoppement terrible pour une 5 agréable, aimable, doucereux, mielleux, L’odeur acidulée d’une compote de pêches,
bouche castillane (Mérimée). Chez certains paterne. II alcalin. qui mijotait à feu doux sur le gaz, flottait
(il faut d’ailleurs reconnaître que c’était l’ex- n. m. dans l’air chaud (Martin du Gard). Un
ception), si le salon de Guermantes avait été accordéon avec son petit concert asthma-
I. Tourner à l’acide, prendre un goût
la pierre d’achoppement de leur carrière, tique et acidulé (Rodenbach).
acide : Le vin n’est plus bon quand il
c’était contre leur gré (Proust). • SYN.: aigrelet, suret.
tourne à l’acide ; et, au fig., appliqué aux
• SYN.: 1 écueil, entrave, obstacle, traverse.
paroles ou à la manière de les dire, deve- aciduler [asidyle] v. tr. (dér. de acidule,
achopper [ape] v. intr. ou s’achop- nir blessant et mordant : Le ton de ses d’après le lat. acidulus ; 1721, Trévoux).
per [sape] v. pr. (de chopper, buter ; v. lettres tourne à l’acide. Rendre légèrement acide.

43
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

acier [asje] n. m. (lat. pop. *aciarium, ses joues et laissaient voir les éraflures san- sans tous ces respects et ces soumissions où
de acies, pointe, tranchant d’une épée, glantes de l’acné (Daudet). les hommes les acoquinent (Molière).
d’un instrument ; XIIe s., Voyage de s’acoquiner v. pr. 1. Fam. S’attacher
acolytat [aklita] n. m. (de acolyte ; 1721,
Charlemagne). 1. Alliage de fer et d’une à quelque chose par l’habitude : Florent
Trévoux). Dans la religion catholique, le
petite quantité de carbone (moins de 1,8 revint, s’acoquina à ce cabinet vitré (Zola).
plus élevé des quatre ordres mineurs.
p. 100), susceptible d’acquérir, par traite- 2. Par extens. S’installer dans un état par
ment mécanique et thermique, des pro- acolyte [aklit] n. m. (lat. médiév. acoly- la force de l’habitude : C’est pour pouvoir
priétés très variées : Cette sorte d’aimant tus, lat. ecclés. acoluthus, du gr. akolouthos, me dire que je ne me suis pas acoquiné
qu’il y a pour nous dans l’acier d’une épée serviteur ; XIIe s., Perceval). 1. Dans la reli- dans la misère (Vallès). 3. Péjor. Entrer
(Vigny). Acier doux, acier dont la teneur gion catholique, clerc qui a reçu l’acolytat : en relations suivies avec des personnes peu
en carbone est très faible. Acier inoxy- [Lancelot] s’arrêta au degré de sous-diacre ;
recommandables, ou jugées telles : J’ai tou-
dable, acier contenant du chrome, et qui Nicole également ne fut que clerc tonsuré jours eu une peur bleue de m’acoquiner à
résiste à la corrosion. 2. Class. et poét. et Mésenguy resta simple acolyte (Sainte-
un modèle (Theuriet). Il risque sa vie en
toute arme en acier, comme l’épée, le Beuve). Par extens. Nom donné à l’un
ce moment et vous vous acoquinez avec le
glaive, le poignard : J’ai senti tout à coup des servants de la messe. 2. Fam. et péjor.
premier venu (Troyat). Absol. Avoir une
un homicide acier | Que le traître en mon Personne qui en accompagne une autre
liaison intime : Vaincu par l’accoutumance,
sein a plongé tout entier (Racine). 3. Fig. pour l’aider, souvent à des besognes peu
enchaîné par la chair [...], acoquiné, aveuli
Désigne ce qui est dur comme l’acier, ce recommandables : Les deux acolytes de
(Richepin).
qui a beaucoup de force de résistance : Son Javert marchaient dans leurs rangs (Hugo).
• SYN. : 1 et 2 s’ancrer, se river ; 3 s’abou-
poignet était de l’acier inflexible (Balzac). • SYN. : 2 aide, auxiliaire, compagnon,
cher, se coller (pop.), fréquenter, se lier. —
Des muscles d’acier. Un coeur d’acier, se compère, complice.
CONTR. : 3 se détacher, se libérer, romprè.
dit d’un homme dur, inébranlable. Un
acompte [akt] n. m. (de à et de compte ;
regard d’acier, qui dénote du courage, de à-côté [akote] n. m. (de la loc. adv. à côté,
milieu du XVIIIe s.). 1. Paiement partiel à
la fermeté. à peu de distance ; 1927, Larousse). 1. Ce
valoir sur le montant d’une somme due :
qui est accessoire, secondaire : Ce que
aciérage [asjera] n. m. (de aciérer ; 1753, Recevoir un acompte avant la fin du mois.
vous dites n’est qu’un à-côté de la question.
Diderot). Opération consistant à donner à Acompte provisionnel, acompte payé au
2. Fam. Ce que l’on reçoit, en nature ou
un métal une dureté identique à celle de fisc, généralement égal au tiers des impôts
en espèces, en dehors du salaire régulier :
l’acier. acquittés l’année précédente. 2. Fig.
Il n’est pas à plaindre, il se fait des à-côtés
Petite satisfaction que l’on s’accorde avant
aciération [asjerasj] n. f. (de aciérer ; qui le mettent à son aise.
le moment normalement prévu : Prendre
1793, Encycl. méthodique). Action d’acié- • Pl. des À-CÔTÉS.
un acompte de sommeil.
rer ; résultat de cette action.
• SYN.: 1 arrhes, avance, provision. • SYN. : 1 détail ; 2 appoint, avantage,
aciérer [asjere] v. tr. (de acier ; 1470, • REM. L’origine de ce mot est la loc. adv. complément, extra (fam.), supplément. —
Dépenses pour le clocher de Saint-Nicolas à CONTR. : 1 essentiel, principal.
à compte : Prenez cette somme à compte,
Fribourg, écrit assirier ; 1489, acirier ; 1596, c’est-à-dire « prenez cette somme à valoir à-coup [aku] n. m. (de à et de coup ; 1835,
acérer ; 1813). [Conj. 5.] Convertir du fer sur le montant total de la dette ». On a Acad.). 1. Arrêt brusque, immédiatement
en acier : Le carbone acière le fer. d’ailleurs longtemps écrit un à-compte, suivi d’une reprise, qui produit des sac-
aciérie [asjeri] n. f. (de acier ; 1751, des à-compte. cades dans un mouvement : Le moteur
Encyclopédie). Usine spécialisée dans la acon ou accon [ak] n. m. (orgine obs- tirait toujours mal, avec des à-coups et des
fabrication de l’acier. cure ; 1650, Dict. général). 1. Chaland à claquements (Saint-Exupéry). 2. Fig.
fond plat, utilisé pour le chargement des et fam. Incident fâcheux, qui interrompt
acineux, euse [asinø, -øz] adj. (du lat.
navires de commerce. 2. Petit bateau brusquement le cours normal des choses :
acinus, grain de raisin ; 1866, Larousse).
plat, en usage dans les parcs à moules. J’ai eu un à-coup le mois dernier : j’ai dû
Glande acineuse, glande arrondie en forme
me faire opérer.
de grain de raisin. aconit [aknit] n. m. (lat. aconitum, du gr.
• SYN. : 1 saccade, secousse, soubresaut ;
acinus [asinys] n. m. (mot lat. signif. akoniton ; 1160, Eneas). Plante vénéneuse
2 accident, accroc (fam.), anicroche (fam.),
« petite baie », « grain de raisin » ; 1866, des régions montagneuses, à feuilles vert
complication, ennui, pépin (pop.).
Larousse). Petite cavité en cul-de-sac, qui sombre et à fleurs bleues, souvent cultivée
dans les jardins. Par à-coups loc. adv. D’une façon inter-
s’ouvre dans un canal excréteur (terme
mittente, par intervalles : Les deux bonnes,
d’anatomie). aconitine [aknitin] n. f. (de aconit ; inquiètes, se tenaient l’une près de l’autre,
• Pl. des ACINI. milieu du XIXe s.). Poison violent, extrait formant un groupe obscur qu’éclairaient
de l’aconit : J’avais déjà chargé ma seringue par à-coups les flammes du feu (Martin
acmé [akme] n. m. (gr. akmê, pointe,
d’aconitine, parce que je préférais en finir du Gard). Travailler par à-coups.
d’où « le plus haut point de force » ; 1751,
tout de suite (L. Daudet).
Encyclopédie). 1. Le point le plus élevé de • REM. A l’ancien pluriel des À-COUP,
perfection dans le développement d’une acoquinement [akkinm] n. m. (de l’usage moderne préfère ordinairement
doctrine, d’un art, d’une civilisation, etc. acoquiner ; 1858, L. Veuillot). Fam. Etat des À-COUPS, orthographe adoptée par
2. En médecine, le plus haut degré d’in- d’une personne qui s’acoquine ; en par- l’Académie à partir de son édition de
tensité d’une maladie. ticulier, liaison de caractère douteux : 1877.
• SYN.: 1 apogée, couronnement, sommet. Comment avait-il pu se priver si longtemps
acoustique [akustik] adj. (empr. par
de ce bonheur dans la crainte d’un acoqui-
acné [akne] n. f. (empr., par l’intermé- Sauveur, mathématicien et physicien
nement ? (Daudet).
diaire de l’angl. médical, au gr. aknê, [1653-1716], au gr. akoustikos, qui concerne
• SYN.: collage (pop.), concubinage.
faute de copiste [Aetius, VIe s.] pour akmê, l’ouïe, de akouein, entendre ; 1700). Qui a
pointe ; début du XIXe s.). Affection de la acoquiner [akkine] v. tr. (de coquin ; rapport à la perception des sons : Le nerf
peau caractérisée par une éruption de 1530, Palsgrave). Class. et fam. Attacher acoustique. Cornet acoustique, appareil
boutons, principalement sur la face : Des quelqu’un à quelque chose par l’habitude : longtemps employé par les sourds pour
larmes coulaient sur l’onguent délayé de Nous les verrions [les femmes] nous courir améliorer leur audition. Tuyau acous-

44
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

tique, long conduit destiné à porter le son francs et les premiers honneurs de l’Etat C’est un fait la chose a eu lieu,
acquis,
d’un local à un autre. (Chateaubriand). 2. Vx. La chose ache- c’est certain. Il est acquis que, après
n.f. 1. Partie de la physique consacrée à tée : L’acheteur répond, sur son acquêt, pen- enquête ou démonstration, il est certain
l’étude du son. 2. Qualité d’un lieu, et dant vingt ans de la situation commerciale que. 4. Acquis à, se dit de quelqu’un, de
surtout d’une salle de théâtre, de concert, et financière du vendeur (Hugo). 3. Vx. quelque chose sur qui ou sur quoi l’on peut
etc., du point de vue de la perception des Profit, gain : Le commissaire souffrait que compter : Cet homme vous est acquis. Mon
sons : La salle une fois pleine réagissait tou- l’on fît ce ménage [...] parce qu’il avait dévouement vous est acquis ; se dit d’une
jours de la même façon, peut-être à cause avec nous un acquêt qui n’était pas si petit personne qui est entièrement gagnée à :
d’obscures raisons d’acoustique (Duhamel). (Ch. Sorel). Etre acquis à une idée.
L’acoustique de cette salle est mauvaise. acquêts n. m. pl. Biens acquis pendant • SYN.: 2 établi ; 4 dévoué à.
le mariage et qui tombent dans la com-
acquéreur [akeroer] n. m. (de acquérir ; acquis n. m. (1595, Charron, Dict. géné-
munauté (langue juridique) : Être marié
1385, Coutumes d’Anjou et du Maine). ral). Ce que l’on a acquis en fait de connais-
sous le régime de la communauté réduite
Personne qui acquiert quelque chose, en sances, d’expérience : Tout l’acquis d’hier
aux acquêts.
particulier un bien immobilier : Il était ne me paraît plus d’aucune aide pour ce que
retiré du négoce et nouvellement acquéreur acquiescement [akjsm] n. m. (de je voudrais écrire à présent (Gide). Avoir
d’un domaine aux alentours (Flaubert). acquiescer ; 1527, Dict. général). Action de l’acquis, savoir beaucoup de choses, être
•SYN.: acheteur, cessionnaire, preneur. — d’acquiescer à une proposition, à une idée : fort expérimenté.
CONTR.: donateur, vendeur. Au signe d’acquiescement que fit le baron • SYN.: bagage (fam.), capital, savoir.
• REM. Acquéreur n’a pas de féminin : Elle (Gautier). Ses yeux parlaient pour elle :
leur muet acquiescement était si éloquent acquisitif, ive [akizitif, -iv] adj. (lat.
s’est rendue acquéreur de... Les formes ac-
(Rolland). acquisitivus ; XVe s., Dict. général). Se dit
quéreuse (Sand), acquéresse (Barrès) sont
• SYN.: acceptation, accord, adhésion, agré- de ce qui est relatif à une acquisition, ou de
inusitées.
ment, approbation, assentiment, consente- ce qui équivaut à une acquisition (langue
acquérir [akerir] v. tr. (lat. pop. *acquae- juridique) : Une prescription acquisitive.
ment. — CONTR.: opposition, protestation,
rere, lat. class. acquirere, anc. franç. refus, résistance.
acquisition [akizisj] n. f. (lat. acquisitio ;
acquerre [XIIe s.], qui a changé de conju-
gaison, comme quérir, au XIVe s.). [Conj. acquiescence [akjss] n. f. (de acquies- 1283, Beaumanoir, Dict. général). 1. Action
13.] 1. Devenir possesseur de quelque cer ; XVe s., Dict. général).) Class. Action d’acquérir : Bavardant pendant deux heures
chose, soit à prix d’argent, soit d’une autre d’acquiescer : Nous prenons d’ordinaire pour l’acquisition d’une « barquette » de
manière (donation, succession, etc.) : Les l’acquiescence donnée à la détermination deux sous (Daudet). 2. La chose que l’on a
« Annales » de Tacite [...], que Léon X avait pour un jugement libre et un acte volontaire acquise : Voici, ajouta-t-il en ouvrant deux
acquises pour la somme de cinq cents ducats (Boulainvilliers). ou trois autres armoires, les acquisitions
d’or (Chateaubriand). La France acquiert du duc Jean (France). 3. Fig. Ce que l’on
acquiescent, e [akjs, -t] adj. (de
l’Artois et le Roussillon au XVIIe siècle. Il acquiert par l’étude ou par l’expérience :
acquiescence ; fin du XIXe s.). Qui manifeste
y a peu de temps, il acquérait un héritage l’acquiescement (rare) : Un mince sourire, La délicatesse n’est pas une acquisition de
important. 2. Fig. Arriver à obtenir, le orgueilleux et acquiescent (Barrès). l’âme (Pascal).
plus souvent par un effort personnel : • SYN.: 1 et 2 achat, emplette. — CONTR. :
• SYN.: approbateur, approbatif. — CONTR.:
L’immense expérience des affaires qu’il 1 aliénation, cession, vente.
désapprobateur.
avait acquise en voyageant (Balzac). J’ai
acquiescer [akjse] v. tr. ind. [à] (lat. acquit [aki] n. m. (déverbal de acquitter ;
acquis le droit de vivre comme bon me
semble (Dumas fils). 3. Arriver à trou- acquiescere, se reposer, et, au fig., avoir XIIe s., au sens de « paiement d’une dette »).
ver par la recherche : Jeviens d’acquérir la confiance en ; 1495, J. de Vignay). [Conj. 1.] 1. Class. Action de s’acquitter d’une dette :
preuve que vous m’avez menti. 4. (avec un Donner son assentiment à quelque chose : Après avoir signé [...] l’acquit de toutes vos
sujet désignant une chose) Prendre, avec le J’acquiesce aux conditions énoncées dans dettes (La Bruyère). 2. Reconnaissance
temps, une valeur supérieure : Le vent avait votre dernière lettre (Verlaine). J’acquiesce écrite d’un paiement : J’ai votre acquit en
acquis une telle force qu’il soulevait la mer toujours aux critiques sans haine (Gide). poche. Pour acquit, formule écrite au dos
(Lamartine). Depuis la construction de la • SYN. : accéder à, accepter, adhérer à, d’un chèque, au bas d’un billet, etc., pour
route, ces terrains ont acquis une grande agréer, approuver, déférer à, souscrire à. certifier qu’il a été payé. 3. Class. Action
valeur. 5. (avec un sujet désignant une — CONTR. : s’opposer à, protester contre, de s’acquitter d’une obligation d’ordre
chose) Procurer la possession, la jouissance refuser, résister à. moral : Vous devez toujours appréhender
de : Sa vivacité lui acquerra l’estime de son v. intr. Approuver, tomber d’accord : la négligence en l’acquit de vos devoirs
chef. 6. Class. Acquérir une personne, Acquiescer d’un signe de tête. (Bossuet). 4. Par acquit de conscience,
gagner son affection, et, en parlant d’une pour décharger la conscience d’un scru-
acquis, e [aki, -iz] adj. (part. passé de
femme, son amour, sa main : Et c’est pour pule qu’elle se fait ou pourrait se faire : Il
acquérir). 1. Qui est obtenu par le travail,
l’acquérir [Emilie] qu’il nous fait conspirer était venu la voir par acquit de conscience
la recherche, l’habitude, et n’est pas natu-
(Corneille). (Musset). Mme de Guermantes fit entendre
rel, inné : Ils ne voulaient pas d’un bien si
• SYN. : 1 acheter, obtenir, se procurer, une espèce de bruit rauque qui signifiait
misérablement acquis (Dumas). Une qua-
recueillir ; 2 conquérir, emporter, gagner, qu’elle ricanait par acquit de conscience
lité, une habileté acquise. Vitesse acquise,
remporter ; 3 découvrir, obtenir, trouver ; (Proust). Class. et littér. Par manière
vitesse dont un corps qui a été lancé par
4 gagner ; 5 attirer, concilier. — CONTR. : d’acquit, sans conviction, parce qu’on ne
une impulsion extérieure bénéficie encore
1 céder, perdre, transmettre, vendre ; peut faire autrement : [Abélard] ne faisait
après la cessation de celle-ci. 2. Se dit de
5 aliéner. plus que par manière d’acquit ses fonctions
ce qui a été obtenu une fois pour toutes
acquêt [ak] n. m. (lat. pop. *acquaesitum, et ne peut être perdu : C’est une situation publiques, et n’inventait plus que des vers
part. passé de *acquaerere [v. ACQUÉRIR] ; bien acquise. 3. Fig. Qui a été indiscuta- d’amour (Bayle). Fortunio ne lui adressait
XIIe s., Drame d’Adam, écrit aquest). 1. Vx. blement prouvé et démontré : Des théories la parole que de loin en loin et par manière
Action d’acheter : Il n’y a pas de sautereau [...] qui permettent [...] de revenir sur bien d’acquit (Gautier).
dont l’acquêt ne coûte des centaines de mille des faits qu’on croyait acquis (Romains). • SYN.: 2 décharge, quittance, quitus, reçu.

45
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

acquit-à-caution [akiakosj] n. m. gret, c’est de ne pouvoir m’acquitter envers • SYN. : 2 aigreur, âpreté, causticité, fiel,
(de acquit et de caution ; 1723, Savary des vous (Mérimée). hargne. — CONTR. : 2 affabilité, amé-
Bruslons). Pièce de régie permettant de nité, bienveillance, courtoisie, douceur,
acre [akr] n. f. (angl. acre, proprem.
faire circuler librement des marchandises gentillesse.
« champ labouré en un jour », mesure
soumises à l’impôt indirect et de ne payer agraire ; 1059, Cartulaire de l’abbaye de [akrimnjøzm]
acrimonieusement
celui-ci qu’au lieu de destination. la Sainte-Trinité de Rouen). Ancienne adv. (de acrimonieux ; XIXe s.). Avec acri-
• Pl. des ACQUITS-À-CAUTION. mesure agraire, qui valait environ 52 ares monie : Critiquer acrimonieusement.
en France.
acquittement [akitm] n. m. (de acquit- acrimonieux, euse [akrimnjø, -øz]
ter ; XIIIe s., au sens de « délivrance » ; au âcre [kr] adj. (lat. acer, âpre, piquant ; adj. (de acrimonie ; 1605, Le Loyer, Histoires
sens I, 1, début du XIVe s. ; au sens II, 1835, XIVe s., doublet de aigre). 1. Se dit d’une de spectres). Qui manifeste de l’acrimonie :
Acad.). chose dont la saveur ou l’odeur est irritante, J’ai le regret d’avoir échangé avec lui des
prend à la gorge : Certains fruits encore paroles acrimonieuses (Hamp).
I. 1. Action de payer ce qu’on doit :
verts sont âcres. Une âcre vapeur de corne • SYN. : acariâtre, acerbe, agressif, aigre,
Acquittement d’un droit. Giscon, leur
brûlée se répandait dans l’air (Samain). âpre, blessant, caustique, mordant, piquant.
général, avait eu cependant la prudence
Elle fumait souvent de ces cigarettes de — CONTR. : affable, aimable, amène, bien-
de les renvoyer les uns après les autres
thé, qu’elle se procurait à New York, et qui veillant, doux, gentil.
pour faciliter l’acquittement de leur solde
répandaient un relent d’herbes brûlées, âcre
(Flaubert). 2. Action de donner un ac- acro- [akr], élément tiré du gr. akros,
et entêtant (Martin du Gard). Les parfums
quit sur une facture. qui montent de la mer ont une saveur moins élevé, extrême, et entrant dans la compo-
II. Action de déclarer non coupable un âcre que celle qu’exhale le coeur d’un homme sition de quelques mots.

accusé : L’avocat va tenter d’obtenir l’ac- de soixante ans (Montherlant). 2. Fig. Se acroamatique [akramatik] adj. (gr.
quittement de son client. dit de ce qui irrite par sa violence, ou de akroamatikos, de akroama, ce qu’on
• SYN. : I, 1 libération, paiement, règle- ce qui produit un sentiment d’amertume : entend ; XVIe s.). Se dit, dans la philosophie
ment. II absolution, non-lieu. — CONTR.: Adorables frissons de l’amoureuse fièvre grecque, et en particulier dans le système
II condamnation. [...], | Baisers âcres et doux [...], | Quand d’Aristote, des parties les plus secrètes et
vous connaîtrons-nous ? (Gautier). Devant les plus difficiles, qui se transmettaient
acquitter [akite] v. tr. (de l’adj. quitte, le mausolée d’Adrien, qu’on appelle château oralement.
du lat. médiév. et jurid. quitus, altér. du lat. Saint-Ange, Fleurissoire éprouva une âcre • SYN.: ésotérique.
class. quietus, tranquille ; 1080, Chanson déconvenue (Gide).
de Roland). • SYN. : 1 amer, âpre, irritant, piquant ; acrobate [akrbat] n. (gr. akrobatos, de
2 acerbe, amer, âpre, blessant, mordant, akrobatein, marcher sur la pointe des pieds ;
I. 1. Class. Rendre quitte, libérer une
piquant. — CONTR. : 1 et 2 doux, exquis, milieu du XVIIIe s., au sens de « danseur de
personne d’une dette, d’une obliga-
suave. corde chez les Anciens » ; acrebade, XIVe s.,
tion : Je vous prie de m’acquitter de cette
le Ménagier de Paris). 1. Personne qui exé-
dette (Bossuet). Par anal. Acquitter sa âcrement [krm] adv. (de âcre ; cute, dans un cirque, un music-hall, etc.,
conscience, la décharger de tout scrupule XIXe s.). Littér. De façon piquante, mor-
des exercices de force, d’agilité, d’adresse.
en accomplissant ce à quoi on se sent dante : Reprocher âcrement son avarice à 2. Personne qui fait preuve d’une agilité
obligé. 2. Acquitter un accusé, le décla- quelqu’un.
extraordinaire. 3. Fig. et péjor. Personne
rer non coupable : Un jury français, en • SYN.: amèrement, âprement. qui cherche à éblouir, à surprendre par ses
m’acquittant, a laissé subsister ma procla- habiletés, mais que l’on ne saurait prendre
âcreté [krte] n. f. (de âcre ; 1560,
mation (Chateaubriand). au sérieux : La plupart des critiques actuels
B. Palissy). Qualité de ce qui est âcre (au
II. 1. Se rendre quitte de ce qu’on a à pr. et au fig.) : Une odeur de plus, qui s’y sont des acrobates qui font des tours pour
payer : Acquitter une note d’hôtel, des sentait peu malgré son âcreté nauséabonde gagner leur vie (Balzac).
droits de douane, de succession. M. Fel- (Balzac). On eût dit qu’on brûlait là tous • SYN. : 1 bateleur, funambule, saltim-
laire aperçut, épars sur les meubles, des les baumes de la forêt et des champs, telle- banque.
mémoires non acquittés de bottiers et de ment la fumée montant du toit était épaisse
acrobatie [akrbasi] n. f. (de acrobate ;
restaurateurs (France). 2. Constater le et vous saisissait à la gorge par son âcreté
1879, Loti). 1. Exercice d’acrobate. 2. Par
paiement à faire d’une créance en y appo- (Daudet). L’ironie, chez Le Sage, n’a aucune
anal. Exercice difficile ou périlleux, exécuté
sant sa signature : Acquitter une lettre de âcreté comme chez Voltaire (Sainte-Beuve).
par des champions sportifs : Les acroba-
change, une facture. • SYN.: amertume, âpreté. ties d’un patineur, d’un aviateur. 3. Tout
• SYN.: I, 2 absoudre, blanchir, disculper, acridien, enne [akridj, -n] adj. (du lat. exercice qui, sortant de l’ordinaire, exige
innocenter. II, 1 payer, selibérer de, régler. acris, acridis, gr. akris, akridos, sauterelle ; de l’adresse : Les acrobaties d’un peintre en
— CONTR. : I, 2 condamner. 1834, Landais). Qui concerne le criquet. bâtiment. 4. Fig. Virtuosité périlleuse :
s’acquitter v. pr. [de]. 1. Se rendre quitte acridiens n. m. pl. Famille d’insectes Les acrobaties rythmiques de V. Hugo dans.
d’une obligation, d’une dette : Jem’acquitte comprenant les criquets et les formes « les Orientales ». Se livrer à des acrobaties
de mes dettes envers toi. 2. Remplir une voisines. pour obtenir un avantage.
fonction dont on est chargé : Jeréponds de • SYN.: 4 adresse, habileté, tour.
acrimonie [akrimni] n. f. (lat. acri-
m’acquitter de ces divers emplois (Nerval).
monia, dér. de acer, acris, âcre ; 1539, J. acrobatique [akrbatik] adj. (de acro-
• SYN. : 1 se dégager de, se libérer de ; 2 Canappe ; jusqu’au XVIIIe s., sens médical ; bate ; 1842, Acad.). 1. Relatif aux acro-
accomplir, remplir, satisfaire à, tenir. baties : Une griserie de jeux de mots,
sens fig., 1801, Mercier). 1. Class. Acreté :
— CONTR. : 2 faillir à, manquer à. le sirop de limon adoucit l’acrimonie du d’enfantillages, de pantomimes, d’exercices
• REM. Au sens 1, on disait à l’époque sang (Voltaire). 2. Mauvaise humeur, acrobatiques (Goncourt). 2. Fig. D’une
classique s’acquitter vers quelqu’un : A qui se manifeste par des propos mordants, virtuosité périlleuse : Mon père a, toute sa
m’acquitter vers toi d’une telle promesse acerbes : Il excellait dans l’art d’exposer ses vie, montré un goût acrobatique de l’illéga-
(Molière). L’usage actuel est de dire s’ac- raisons avec force et modestie, sans acrimo- lité, des illusions frauduleuses, des lubies,
quitter envers quelqu’un : Je n’ai qu’un re- nie ni violence (Tharaud). des toquades (Duhamel).

46
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

acrocéphale [akrsefal] adj. et n. (du surmontés d’un acrotère à pointes de métal faits imputés à l’accusé. Demander acte,
préf. acro- et du gr. kephalê, tête ; 1877, capables d’arrêter quiconque eût essayé de réclamer la constatation légale d’un fait,
Littré). Se dit d’un homme dont le crâne les franchir (Gautier). 2. Socle disposé au et, par extens., faire constater un fait pour
est d’une hauteur anormale. sommet ou aux extrémités d’un fronton, s’en prévaloir par la suite. Donner acte,
et servant de support à une statue ou à un constater légalement un fait, et par extens.,
acrocéphalie [akrsefali] n. f.
autre ornement ; cet ornement lui-même. se déclarer informé d’un fait, le reconnaître
(de acrocéphale ; 1888, Larousse).
ouvertement. Prendre acte, faire consta-
Malformation pathologique du crâne, due 1. acte [akt] n. m. (lat. actum, fait, action ;
ter légalement un fait pour s’en prévaloir
à une ossification prématurée de certaines 1504, J. Lemaire de Belges). 1. Manifestation
ultérieurement, et, par extens., noter un
sutures, ayant pour résultat d’accroître la de la volonté humaine : Passer des paroles
fait : J’ai pris acte de votre réclamation.
hauteur de la tête et de lui imprimer une aux actes. Tous ses actes s’inspiraient
Dont acte, bonne note est prise. 2. Acte
forme en pain de sucre. d’un esprit de sagesse et de bienveillance
du Parlement, loi adoptée par le Parlement
(France). Par acte, il faut entendre toute
acroléine [akrlein] n. f. (du lat. acer, britannique. 3. Class. Soutenance de
activité synthétique de la personne, c’est-à-
acris, âcre, et de oléine ; 1866, Larousse). thèse en Sorbonne : C’est aujourd’hui l’acte
dire toute disposition de moyens en vue de
Liquide volatile, suffocant, provenant de du pauvre abbé. Quelle folie ! On s’en va
fins (Sartre). Un homme est la somme de ses
la décomposition de la glycérine. (C’est disputer contre lui, le tourmenter, le poin-
actes, de ce qu’il a fait, de ce qu’il peut faire
ce corps qui constitue la vapeur âcre et tiller : il faut qu’il réponde à tout (Sévigné).
(Malraux). Tout acte doit trouver sa raison
irritante que la chaleur développe sur les Salle des actes, salle d’une faculté où ont
d’être et sa fin en lui-même, et ne pas être
graisses et les huiles.) lieu les soutenances de thèses.
intéressé (Gide). Acte de bonne volonté,
acromégalie [akrmegali] n. f. (du actes n. m. pl. 1. Recueil des mémoires
ce que l’on accomplit à seule fin de mar-
présentés à certaines sociétés ou assem-
préf. acro- et du gr. megas, grand ; 1898, quer son bon vouloir. Acte chirurgical,
blées savantes : Les actes de la Société de
Larousse). Affection caractérisée par un intervention chirurgicale : Il y a une cen-
développement exagéré des extrémités des Leipzig. Les actes d’un congrès. 2. Actes
taine d’années, l’acte chirurgical était encore
des Apôtres, livre du Nouveau Testament
membres et de la tête. un épouvantail (Valéry). Acte médical,
relatant ce que les Apôtres ont fait après
toute intervention médicale ou chirurgi-
acromion [akrmj] n. m. (du préf. acro- l’Ascension de Jésus-Christ.
cale. Faire acte de, faire preuve de, agir
et du gr. ômos, épaule ; 1532, Rabelais).
en tant que : Faire acte de tuteur. Faire acte 3. acte [akt] n. m. (lat. actus, action scé-
Apophyse qui, chez l’homme, termine
de citoyen. Faire acte d’autorité, mani- nique, d’où « division d’une pièce » ; XVIe s.).
l’omoplate et s’articule avec l’extrémité
fester son autorité pour se faire obéir ou 1. Partie d’une pièce de théâtre, composée
externe de la clavicule.
craindre. Faire acte de présence, ne faire de scènes et séparée de la suivante par un
acropole [akrpl] n. f. (gr. akropolis, de que paraître en un lieu, pour y manifester temps d’arrêt appelé entracte ou par un
akros, haut, et polis, ville ; XVIe s., sous la sa présence, par devoir ou par politesse. baisser de rideau : La tragédie classique
forme acropolis, qui subsista longtemps ; 2. Tout fait accompli, remarquable en comprend cinq actes. 2. Pièce en un acte :
forme actuelle, 1866, Larousse). 1. Partie la bonne ou en mauvaise part : Acte glorieux, Un tout petit acte en musique joué dans un
plus haute d’une cité grecque, servant de criminel. Un acte de courage est un acte de tout petit théâtre excentrique (Maupassant).
citadelle. Absol. La citadelle d’Athènes et foi au premier chef (Renan). Par extens. Deux actes, trois actes, etc., pièce en deux
la colline où s’élèvent différents édifices, en Manière d’agir, comportement : En retrou- actes, en trois actes, etc. : On annonce une
particulier le Parthénon (avec une majus- vant [...] les mêmes actes, la même religion, reprise de trois actes célèbres de Giraudoux :
cule, en ce sens) : Prière que je fis sur l’Acro- je me sentais presque sous le toit paternel « Amphitryon 38 ». 3. Fig. Période de la
pole (Renan). 2. Par extens. Se dit de la dans cette maison inconnue (Lamartine). vie délimitée par une division arbitraire
citadelle d’une cité antique quelconque, et 3. Spécialem. Élan de l’âme vers Dieu des événements qui s’y sont produits :
d’un lieu élevé qui peut servir de refuge : Il dans la manifestation d’un sentiment Le voyage en Palestine représente un acte
n’est pas d’acropole que le flot de barbarie religieux : Acte de foi, d’amour. La for- important de la vie de Chateaubriand.
ne puisse atteindre (Gide). mule qui l’exprime : Réciter un acte d’espé-
acteur, trice [aktoer, -tris] n. (lat.
acrostiche [akrsti] n. m. (gr. akros- rance. Acte de contrition. Vx. Acte de foi, actor, qui agit, orateur, acteur ; XIIIe s.,
tikhos, de akros, extrême, extrémité, et amende honorable que devaient prononcer
Roman de la Rose, au sens de « auteur »,
stikhos, vers ; 1585, Dict. général). Pièce de les condamnés de l’Inquisition avant d’être par confusion avec le lat. auctor ; du XIIIe
vers composée de telle sorte que la suite des brûlés vifs, et, par extens., le supplice lui- au XVIe s., « auteur d’un livre » ; du XVe
initiales de chaque vers, lues dans le sens même : [Elle] pourra bien être brûlée au au XVIIe s., « auteur » en général ; XVIIe s.,
vertical, forme le nom d’une personne ou premier acte de foi (Lesage). [V. AUTODAFÉ.] sens moderne). 1. Personne qui joue un
d’une chose à laquelle se rapporte le poème. 4. En acte, se dit, en philosophie, de ce rôle dans une pièce de théâtre, un film :
Voici un exemple d’acrostiche : qui est en train de s’accomplir, par oppo- Eh bien ! Paillot, avez-vous été content du
Né dans une île, une île a vu finir sa vie. sition à en puissance, à l’état virtuel. spectacle d’hier ? Que pense Mme Paillot
Au siège de Toulon éclata son génie. de la pièce et des acteurs ? (France).
2. acte [akt] n. m. (du plur. lat. acta,
Proclamé général, consul, puis empereur,
choses faites ; 1338, Cartulaire de l’église 2. Personne qui exerce le métier de comé-
Oh ! qu’il fut grand partout, même dans le
malheur. Saint-Pierre de Lille ; au sens 2, début du dien : La douce figure rasée ne semblait ni
Les traîtres, les saisons et le destin contraire, XVIIe s.). 1. Ecrit constatant un fait, une d’un prêtre, ni d’un acteur (Maupassant).
Ensemble conjurés avec l’Europe entière, convention, une obligation : Jepréparai un 3. Fig. Personne qui participe activement
Ont pu le renverser... Mais la fatalité à une action, à une entreprise : Le roi arran-
acte par lequel le comte reconnut avoir reçu
N’a pu ravir son nom à l’immortalité.
de l’usurier une somme de quatre-vingt- gea tant bien que mal cette affaire, d’autant
adj. : Vous ne m’avez pas même fait un plus déplorable que les acteurs n’inspiraient
cinq mille francs (Balzac). Signer un acte
sonnet acrostiche (Gautier). pas grand intérêt (Chateaubriand).
de vente. Acte notarié, pièce rédigée par
acrotère [akrtr] n. m. (lat. acrote- un notaire (par opposition à acte sous seing • SYN.: 1 interprète ; 2 artiste, comédien ;
rium, du gr. akrôtêrion ; 1547, J. Martin). privé). Acte de l’état civil, acte dressé par 3 protagoniste. — CONTR. : 3 spectateur,
1. Sommet d’un bâtiment, d’un édifice ; un officier de l’état civil et constatant la témoin.
prolongement du mur de façade au-des- naissance, le mariage, le décès. Acte • REM. Au féminin, on trouve quelque-
sus d’un toit en terrasse : Ces murs étaient d’accusation, écrit où sont consignés les fois la forme acteuse, au lieu de actrice,

47
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

pour désigner familièrement une artiste mobilier non compris, soixante-dix mille du levier sur une masse. Moyens d’ac-
de seconde zone : M. Chameron, homme francs (Montherlant). 2. Fig. Avoir à son tion, procédés, instruments choisis pour
à petite fleur bleue, a pris pour compagne actif, pouvoir se prévaloir de : Oh ! ne par- produire un certain effet. 3. Manifes-
une petite acteuse (Faguet). lons pas de ses bonnes oeuvres. Il n’y en a tation de la volonté humaine considérée
qu’une à son actif (Aymé). dans ses effets : Il y a des natures purement
actif, ive [aktif, -iv] adj. (lat. philos. et
contemplatives et tout à fait impropres à
scolast. activus ; 1160, Benoît de Sainte- actinie [aktini] n. f. (du gr. aktis, aktinos,
l’action (Baudelaire). Mettre en action,
Maure, par oppos. à contemplatif ou à passif rayon ; 1792, Encycl. méthodique). Animal
mettre en mouvement, en pratique ; réa-
[jusqu’au XVIe s.] ; sens grammatical, XVe s.). communément appelé anémone de mer,
liser ce qui n’existait qu’en théorie ou en
1. Se dit d’une personne qui manifeste de pourvu de nombreux tentacules et pré-
projet. 4. Par extens. Ce que l’on fait :
l’activité, de l’énergie, qui aime agir, entre- sentant des colorations variées, qui se fixe
Ils jugeaient les actions humaines non
prendre : Ce sont deux gaillards actifs, et aux rochers littoraux : Fleurs des grottes des
sur leurs conséquences naturelles, mais
qui ne sauraient rester en place (Musset). mers, actinies (Gide).
d’après des principes abstraits (France).
Par extens. Se dit de l’activité intellec-
actinique [aktinik] adj. (du gr. aktis, Action d’éclat, acte qui révèle de l’au-
tuelle : Un génie inquiet, une active pensée
aktinos, rayon ; 1866, Larousse). Se dit dace, du courage ; exploit. Action de
(Lamartine). 2. Qui agit avec célérité
des radiations qui exercent une action grâces, témoignage de reconnaissance :
et efficacité : La « Reine des Roses », dont
chimique sur diverses substances. Jamais ma prière n’a été autre chose qu’un
quelques chalands étaient les plus actifs [...]
acte d’adoration, qu’une action de grâces,
émissaires des Bourbons (Balzac). 3. Qui actinomètre [aktinmtr] n. m. (du gr.
qu’un abandon (Gide). Les églises étaient
travaille, qui est en activité. Population aktis, aktinos, rayon, et metron, mesure ;
emplies de craintes plutôt que d’actions
active, partie de la population capable 1866, Larousse). Appareil destiné à mesurer
de grâces (Camus). 5. Spécialem. Mou-
d’avoir une activité laborieuse. Vie l’intensité des radiations, et plus particu-
vement collectif, organisé en vue d’un
active, période de temps pendant laquelle lièrement des radiations solaires.
effet particulier : Action revendicative,
un individu peut exercer une activité pro- actinométrie [aktinmetri] n. f. (de acti- syndicaliste. Appeler les militants à l’ac-
ductive. Armée active, ou l’active n. f., nomètre ; 1877, Littré). Mesure de l’intensité tion. Participation à ce mouvement : Il
ensemble des forces armées présentes sous des radiations. sentait peser sur sa conscience trente-cinq
les drapeaux en temps de paix : Notre régi- ans d’action anticléricale et progressiste
ment est un régiment de réserve que des ren- actinométrique [aktinmetrik] adj. (de
(Aymé). 6. (le plus souvent au plur.)
forts successifs ont renouvelé en partie avec actinométrie ; 1877, Littré). Qui concerne
En équitation, ensemble des mouve-
l’actinométrie : Mesures actinométriques.
de l’active (Barbusse). Officier d’active, ments par lesquels le cavalier transmet
officier de carrière. Citoyen actif, dans actinomycose [aktinmikoz] n. f. (du ses volontés au cheval : [Il] lui [au cheval]
le régime censitaire, citoyen qui avait le gr. aktis, aktinos, rayon, et mukês, champi- faisait exécuter des changements de pied
droit de vote. 4. Qui pousse à agir : Jeme gnon ; 1890, Larousse). Maladie infectieuse par des actions imperceptibles des jambes
sens joyeusement reprise de la fièvre active, commune à l’homme et aux animaux, et de la main (Hermant). 7. Littér. Avoir
du besoin de travailler (Colette). 5. Qui causée par la présence de champignons de l’action, en équitation, en parlant d’un
implique une forte activité : Les recherches microscopiques (actinomycètes) dans dif- cheval, avoir de l’ardeur et des allures
les plus actives de la police (Balzac). La férentes parties de l’organisme. brillantes.
guerre étant beaucoup plus meurtrière et
actinothérapie [aktinterapi] n. f. (du II. Exercice d’un droit en justice : Inten-
plus active qu’on ne s’y attendait (Sand).
gr. aktis, aktinos, rayon, et therapeia, trai- ter une action en diffamation.
Prendre une part active à, participer
tement ; XXe s.). Traitement par les rayons,
d’une manière efficace à. Vie active, dans III. 1. Ensemble des événements d’un
et spécialement par les rayons ultraviolets.
le langage religieux, celle qui se manifeste récit, d’un drame, considérés dans leur
par une action extérieure (par opposition à 1. action [aksj] n. f. (lat. actio ; XIIe s., progression : L’action, en se déroulant,
vie contemplative), et, par extens., celle qui Psautier de Cambridge, dans la loc. action imprime dans les coeurs une terrible im-
consiste à agir (par opposition à vie intel- de grâces [écrit acciun de grace] ; sens géné- pression de fatalité (France). 2. Mou-
lectuelle ou à vie sédentaire) : J’avais porté ral, 1250, G. de Coincy ; sens juridique, vement de l’intrigue : Cette délicieuse
dans une vie toute active une nature toute 1283, Beaumanoir). inquiétude d’épiderme qui vous saisit
contemplative (Vigny). Méthode active, quand l’action se corse et qu’on se carre
I.1.Faculté d’agir : La souveraineté du
enseignement actif, méthode d’enseigne- dans son fauteuil (Daudet).
peuple n’est pas si elle ne peut agir [...]. Or,
ment où l’élève doit participer de façon
entraver le suffrage universel, c’est lui ôter IV.1.Class. Attitude extérieure, conte-
agissante à son instruction. 6. Forme ou l’action (Hugo). Homme d’action, celui nance visble : Il a votre air, votre âge, | Vos
voix active, ou actif n. m., en grammaire,
qui est poussé par sa nature à avoir une yeux, votre action, votre maigre embon-
forme verbale exprimant que le sujet fait grande activité, qui est tourné plus vers point (Corneille). 2. Class. Animation,
l’action représentée par le verbe. 7. Se
les réalisations matérielles que vers la véhémence que l’on met à faire ou à dire
dit d’une chose, d’une substance qui a de méditation ou la réflexion. Verbe d’ac- quelque chose : Elle se mit à marcher dans
l’efficacité, qui opère avec force : Un remède tion, verbe qui exprime une action (par sa chambre avec beaucoup d’action et des
actif. Un poison actif. opposition à verbe d’état) : « Courir » gestes fréquents (Laclos). Au théâtre,
• SYN.: 1 diligent, entreprenant ; 2 agissant, est un verbe d’action. 2. Manifestation art que possède l’acteur d’animer un
efficace, énergique, expéditif, prompt, vif, d’une force agissante, due à un agent ma- rôle par son comportement et son into-
zélé ; 3 laborieux ; 7 agissant, efficace. — tériel, à une idée, et considérée dans ses nation : Cette pièce a besoin de grands
CONTR.: 1 apathique, inactif, indolent, lent, effets : Son teint, qui avait pu être beau, comédiens qui remplissent par l’action ce
mou, nonchalant, passif, végétatif ; 2 ineffi- était devenu, par l’action du soleil, plus qui lui manque (Saint-Évremond). Spé-
cace, inerte ; 6 passif ; 7 inactif, inefficace. foncé que ses cheveux (Mérimée). Virgi- cialem. Art de rendre le discours plus
actif n. m. (1762). 1. Ce qu’on possède, nie, dès les premiers jours, se sentit moins vivant, plus persuasif par les gestes et
par opposition à ce qu’on doit, ou passif : Le faible, résultat du changement d’air et de par l’intonation : L’action des avocats. Je
passif de la succession, poursuit le notaire, l’action des bains (Flaubert). L’action du reconnais même ce sourire fin, cette action
excédait l’actif (France). Quand Maman est temps. Spécialem. En mécanique, effort négligée, cette parole douce, simple et insi-
morte, l’actif, évalué par Lebeau, a donné, qu’exerce un corps sur un autre : L’action nuante (Fénelon). 3. Class. Discours

48
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

public, plaidoirie, sermon : Il a fait des et fam. Faire agir quelqu’un, avoir sur lui activiste [aktivist] n. (de activisme ;
traits d’éloquence et des coups de maître une action stimulante : Ce qui caractérise début du XXe s.). 1. Membre actif d’un
si à propos [...] que tout le monde [...] s’en et actionne les héros populaires, c’est, bien mouvement, d’un parti. 2. Membre
est écrié ; et chacun était charmé d’une plus que leur volonté propre, l’image que d’un parti, d’un groupement politique
action si parfaite et si achevée (Sévigné). se fait d’eux le peuple (Barrès). travaillant à réaliser un programme par
4. Class. et littér. Engagement militaire • CONTR. : 3. arrêter, immobiliser, neutra- l’action violente.
entre deux corps de troupes ; combat : • SYN.: 1 militant.
liser, paralyser.
Mon fils me mande que le prince d’Orange adj. Se dit de ces mouvements, de leur
fait mine de vouloir assiéger Le Quesnoy, activation [aktivasj] n.f. (de activer ;
doctrine, etc. : Des milieux activistes.
et que si cela est, ils sont à la veille d’une 1910, Larousse). 1. Augmentation des
action (Sévigné). A la pointe du jour, cinq propriétés chimiques, physiques ou bio- activité [aktivite] n. f. (lat. médiév. activi-
ou six cents patriotes engagèrent l’action logiques d’un corps. 2. Activation d’une tas ; 1425, O. de la Haye). 1. Faculté d’agir :
dans le village, sur le grand chemin, au- tendance, en psychologie, fait qu’une ten- Un homme doué d’une grande activité,
dessus de la ville ; puis, tournant à gauche, dance, auparavant ignorée du sujet, devient débordant d’activité. Ma mère, toujours vive
ils vinrent à travers les vignes prendre consciente à la suite d’une maturation ou [...], employa son activité d’une manière un
notre batterie en flanc (Chateaubriand). d’un choc émotif produit par un événement peu incohérente (Colette). Sphère d’acti-
• SYN.: I, 1 activité ; 2 cause, effet, oeuvre, extérieur. vité, domaine où s’exercent l’intelligence
opération ; 4 acte, agissement, entreprise, et l’énergie d’une personne : La sphère
active n.f. V. ACTIF, IVE adj. d’activité d’un Napoléon Ier. 2. Exercice
fait, oeuvre. II instance, poursuite, procé-
dure. IV, 4 attaque, bataille, choc, com- activement [aktivm] adv. (de actif ; de cette faculté : Cette oisiveté dangereuse
bat, engagement. — CONTR. : I, 3 apathie, XIVe s.). D’une manière active : S’occuper de la maison paternelle et des villes de pro-
inaction, inertie. activement d’une affaire. vince, où les premières passions de l’âme se
corrompent faute d’activité (Lamartine).
2. action [aksj] n. f. (origine obscure, •SYN. : diligemment, efficacement,
L’activité de l’esprit. 3. Ensemble des
peut-être la même que action 1, avec énergiquement. — CONTR. : mollement,
occupations régulières d’une personne
influence de actif, n. m. ; 1669, Colbert). nonchalamment.
(souvent au plur.) : Elle était habituée
1. Part d’associé dans certaines sociétés,
activer [aktive] v. tr. (de actif ; XVe s., depuis longtemps à n’avoir des activités de
donnant droit à une fraction des bénéfices :
rare avant le XIXe s.). 1. Rendre plus actif, son mari que la notion la plus sommaire
Elle inventait [...] toutes sortes de machi-
plus vif : On entend [...] d’étranges excla- (Romains). 4. Ce que fait une personne
nations pour faire abaisser les actions de
mations de la dame secouant et activant dans l’exercice de sa profession : On ne
la Compagnie des Indes (France). Pour
son monde (Daudet). Activer le feu. Il sait s’il pourra reprendre son activité à la
certaines valeurs anciennes au contraire,
n’avait pas besoin, certes, d’activer le feu date prévue par le médecin. 5. Par extens.
mon père, ne se rappelant plus exacte-
de son imagination, toujours incandes- Ensemble des travaux, des opérations
ment les noms, faciles à confondre avec
cente (Baudelaire). 2. Par extens. Rendre d’une entreprise : L’activité d’une société de
ceux d’actions similaires, ouvrit un tiroir
plus rapide l’exécution de quelque chose : construction, d’une usine. Une industrie en
et montra les titres eux-mêmes à l’ambas-
Activer des préparatifs. Fam. Activer le pleine activité. Ensemble d’occupations
sadeur (Proust). 2. Titre qui représente
mouvement, accomplir plus rapidement organisées : Voici le programme des activi-
cette part : Classer ses actions. 3. Fig. et
ce que l’on est en train de faire. Absol. tés du club pour l’été. 6. Manifestation
fam. Ses actions ont baissé, son crédit, sa
et fam. Agir plus vite, se presser : Activez ! intense de la vie dans un lieu : L’activité
faveur a diminué : Voici la comtesse Nina
Activez ! joyeuse de la place Clichy, à midi, ne me
qui galope avec le prince André. Il paraît
d’étourne pas d’un souvenir agaçant
que les actions de ce pauvre Peppe ont baissé • SYN.: 1 stimuler ; 2 accélérer, hâter, pres-
(Colette). 7. Ardeur que l’on déploie en
(Bourget). ser, stimuler. — CONTR. : 2 calmer, ralentir,
agissant : Malgré l’activité des bourreaux,
actionnaire [aksjnr] n. (de action 2 ; retarder.
les préparatifs du supplice ne purent être
fin du XVIIe s.). Personne qui détient une s’activer v. pr. (XIXe s.). Agir avec dili- achevés (Chateaubriand). 8. En activité,
ou plusieurs actions dans une société com- gence, avec ardeur : Le plus drôle, c’est se dit d’une entreprise qui est en fonction-
merciale ou financière. qu’elle continuait à s’activer dans sa colère, nement : Usine en activité ; des volcans qui
préparait le feu, le café de ses hommes, se peuvent entrer en éruption (par opposition
actionnariat [aksjnarja] n. m. (de
levait, se baissait, ayant en main le soufflet, à volcan éteint) ; d’un fonctionnaire ou d’un
actionnaire ; début du XXe s.). Actionnariat
la cafetière ou des sarments tout enflammés militaire exerçant actuellement sa fonction
ouvrier, système dans lequel les ouvriers
qu’elle brandissait comme une torche de (par opposition à en retraite).
sont collectivement propriétaires d’une
Furie (Daudet). Tout un peuple industrieux • SYN. : 2 action ; 3 affaires ; 4 travail ; 6
partie des actions de l’entreprise.
s’active dans les demi-ténèbres (Claudel). agitation, animation, mouvement, vie ; 7
actionnement [aksjnm] n. m. (de • SYN. : s’actionner (fam.), s’affairer, se diligence, entrain, vivacité, zèle. — CONTR.:
actionner ; 1933, Larousse). Mise en
presser. — CONTR.: lambiner (fam.), muser, 1 et 2 apathie, inaction, inactivité, iner-
action d’une machine ; mise en marche
traîner. tie ; 6 calme, paix, tranquillité ; 7 apathie,
d’un moteur.
• REM. Ce verbe a été longtemps criti- inaction, indolence, lenteur, mollesse,
actionner [aksjne] v. tr. (de action 1 ; qué par les puristes et l’est encore par nonchalance.
1312, Dict. général, au sens jurid. ; sens quelques-uns dans sa forme pronominale. 1. actuaire [aktr] n. m. (lat. actua-
techn., 1580, Palissy). 1. Intenter une
activisme [aktivism] n. m. (de actif ; rius ; 1749, J. de Carlencas). Scribe qui
poursuite en justice contre quelqu’un : On
début du XXe s.). 1. Propagande active ou rédigeait les procès-verbaux dans l’Anti-
actionne les débiteurs qui ne paient pas ; et
action au service d’une politique, d’un quité romaine.
absol. : « Le coupable est sous les verrous,
dit M. Audemart. — La justice actiornera », parti, d’une cause, d’un mouvement. 2. actuaire [aktr] n. (de l’angl. actuary,
répondit le docteur (Duhamel). 2. Faire 2. Doctrine philosophique prenant d’après le lat. actuarius ; 1872, Journal des
fonctionner, mettre en mouvement (une l’action comme critère de valeur des spé- actuaires français). Personne spécialisée
machine, un mécanisme) : Des chutes culations. 3. Attitude morale insistant dans l’application du calcul des probabi-
d’eau actionnaient les moulins. 3. Fig. sur la nécessité de l’action. lités et de la statistique aux questions de

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

prévoyance sociale, d’assurances et de offire dans le code un grand nombre française (Genève, 1932, 2e éd. modifiée,
finances. de valeurs (Littré en distingue 23) ; son 1944), Guillaume éprouva et épura la
contenu lexicologique se précise dès qu’il sienne dans son enseignement à l’Ecole
actualisation [aktalizasj] n. f. (de
est employé dans une phrase : L’agent m’a des hautes études. Tous deux, indépen-
actualiser ; 1836, Landais). 1. En philoso-
demandé mes papiers, ou Le tapissier m’a damment et paraissant s’ignorer l’un
phie, action de faire passer de la puissance à
posé un papier, ou Le journaliste a fait un l’autre, appliquèrent au verbe la théorie
l’acte. 2. Action de rendre actuel ; résultat
papier sur ce mariage. Cette particulari- conçue à partir du nom et en vinrent à
de cette action. 3. En linguistique, opé-
sation du sens, dans le passage du dic- distinguer systématiquement une actua-
ration par laquelle un mot, signe général
tionnaire à l’énoncé, relève alors aussi de lisation dans l’espace et une actualisa-
de la langue, est chargé d’exprimer dans
l’actualisation. tion dans le temps. La dualité « nom » /
la phrase une représentation particulière.
Mais une définition différente, aussi « verbe » est probablement responsable
éloignée de la plus étroite que de la plus de cette dichotomie du réel, où, cepen-
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE large de ces acceptions, est apparue avec dant, les points de repère ordinairement
le premier emploi, semble-t-il, du terme considérés sont au nombre de trois :
L’ACTUALISATION l’individu parlant, les lieux qu’il montre,
d’actualisation, en 1922, sous la plume
Le terme d’actualisation a eu la faveur de de Charles Bally critiquant dans le Bul- l’instant où il parle (moi-ici-maintenant).
nombreux linguistes, qui l’ont entendu letin de la Société de linguistique de Paris
LE NOM
de façons diverses. l’ouvrage nouvellement paru de Ferdi-
Certains, l’appuyant sur le sens de l’ad- nand Brunot, la Pensée et la langue. Bally En conservant la définition de Bally :
jectif actuel en français, désignent par là reprochait à Brunot d’avoir méconnu « Actualiser un concept, c’est l’identifier
toute opération linguistique ayant pour cette fonction linguistique, dont il des- à une représentation réelle du sujet par-
effet de situer par rapport au moment sinait lui-même une définition sans en lant » (op. cit., § 110), ou « l’actualisation
présent les concepts et rapports exprimés revendiquer expressément la paternité, a pour fonction de faire passer la langue
dans la phrase. Par exemple. G. Galichet mais sans citer aucune source. Or une dans la parole » (§ 119), voyons comment
(Essai de grammaire psychologique, 1947) théorie semblable se lisait dès 1919 dans elle s’applique dans le domaine nominal.
donne la fonction épithète pour « inac- le Problème de l’article et sa solution (V. NOM.)
tualisée » parce que la qualification, dans dans la langue française, de Gustave
Les noms propres, comme Annibal, Pa-
un groupe comme le cheval noir, « ne Guillaume. Quelques pages brillantes, ris, sont lexicalement actuels, évoquant
s’intègre pas dans l’actuel du temps » ; des exemples choisis dans le système du
dans la langue la réalité même (éventuel-
mais la fonction attribut est « actualisée » français moderne chez Bally ; toute une lement fictive : Don Quichotte, Lilliput)
(Le ciel était gris hier) parce que le verbe étude historique et statistique dans la
qu’ils évoquent dans la parole. Des pro-
copule y marque « la coexistence d’un perspective romane chez Guillaume. Ces
noms comme moi ou ceci sont des « noms
être et d’une caractérisation qu’on lui deux linguistes, également acquis aux propres de la parole », puisqu’ils ne
attribue à un moment donné ». Le verbe principes du structuralisme saussurien,
peuvent être employés sans prendre ipso
est alors « l’actualisant par excellence ». ne voulurent connaître des faits d’actua- facto, et sans auxiliaire morphologique,
lisation que dans la mesure où la langue un sens actuel. Le sens d’un nom com-
Cette conception très étroite s’écarte de
les marquait. Dans l’optique de leur mun comme chien est fait de constantes
la conception première, qui s’est fondée
temps, la « substance » était le domaine virtuelles ; l’indication d’un caractère n’y
sur le sens de l’adjectif anglais actual,
de l’inorganisé : que le contexte pût ame-
« réel ». Depuis F. de Saussure, la plupart change rien (chien noir, chien de chasse),
ner à choisir entre les vingt-trois sens ni la variation en genre (chien/chienne)
des linguistes admettent la distinction de
généraux du nom papier, cela relevait ou en nombre (chien/chiens). Il s’actualise
la langue et de la parole, traduite aussi par
de la substance, non de la grammaire (le par référence à une personne (mon chien,
l’opposition des termes non ambigus de
journaliste ne pose pas de papier peint, les chiens du voisin), à un point montré
code et de message (v., par ex., A. Martinet,
etc.) ; mais qu’un mot comme l’article (ce chien), à une représentation préalable-
Éléments de linguistique générale, 1960).
marquât le passage d’une « représenta- ment définie (le chien, ces chiens dont on
Le code est la somme des signes conven-
tion permanente » à une « représentation a parlé), Le signe minimal de cette actua-
tionnels conservés dans la mémoire par
momentanée », du « général » au « parti- lisation est l’article (v. ce mot). Dans les
les individus parlant une même langue,
culier » (Guillaume) ou du « virtuel » à l’ langues, comme le latin, qui ne possèdent
signes organisés de manière à rendre leur
« actuel » (Bally), voilà qui justifiait de fa- pas l’article, l’actualisation est le plus
conservation et leur emploi le plus éco-
çon éclatante la distinction saussurienne souvent implicite ; telle phrase, comme
nomiques possible ; toute communica-
de la langue et de la parole. Les termes Puella rosam carpsit, peut être interpré-
tion de pensée à l’aide de ce code prend la
heureux qu’apportait Ch. Bally, et l’appli- tée de plusieurs façons selon le contexte :
forme d’un message (oral ou écrit). A qui
cation qu’il fit de la notion nouvelle à la « La (ou une) jeune fille a cueilli la (ou
prend conscience de cette dualité se pose
critique du grand ouvrage théo rique de une) rose. » En français même, la part
immédiatement une question : comment
les signes, en nombre limité, de ce code Brunot lui valurent peut-être de formuler de l’implicite reste grande dans l’inter-
plus nettement que n’avait fait Guillaume prétation d’un article (la rose), mais sa
général (enregistré dans la grammaire
la distinction des faits de caractérisation présence implique un sens actuel, alors
et le dictionnaire) peuvent-ils en venir à
exprimer les pensées indéfiniment parti- et des faits d’actualisation : ainsi, l’adjec- que son absence limite le sens du nom
culières que suscitent les situations per- tif bleu, accolé au nom papier, donne cer- (sauf dans quelques cas particuliers) à
pétuellement renouvelées de la vie réelle ? tainement à ce nom, qu’il caractérise, un une constante virtuelle (une robe rose,
Ce phénomène est l’actualisation, enten- sens plus « particulier », mais n’en fait pas un chien de berger). En étudiant chaque
due comme le passage d’une valeur géné- pour autant un nom de sens « actuel », ce fonction du nom, on se demandera si elle
rale de langue (ensemble de virtualités) à que fait l’adjectif démonstratif (ce papier) implique ou non son actualisation, et
tel ou tel sens réel totalement particulier. ou même l’article indéfini (un papier). pourquoi (V. APOSTROPHE, APPOSITION,
Des linguistes modernes appliquent cette Ch. Bally reprit l’exposé de sa thèse et ATTRIBUT, etc.). La « représentation »
notion à tous les faits de langage, y com- l’enrichit de nombreuses applications du nom par un pronom met aussi en jeu
pris le vocabulaire. Ainsi, le mot papier dans Linguistique générale et linguistique la notion d’actualité. On peut dire : Elle

50
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

remonta sur son cheval, qui termina la suffit pas pour situer un procès dans le actuariat [aktarja] n. m. (de actuaire ;
course, mais non : *Elle remonta à cheval, temps réel. fin du XIXe s.). 1. Fonctions d’actuaire.
qui termina la course. Les grammaires Pour Guillaume comme pour Bally, les 2. Ensemble des actuaires.
énoncent ordinairement cette règle en formes appelées « temps composés » actuel, elle [aktl] adj. (bas lat. actua-
disant que le nom, pour être repris par n’entrent dans le système verbal que lis, agissant ; XIIIe s., et jusqu’au XVIIIe s.,
qui, doit être « déterminé » ; or, il suffit comme marques de l’ « aspect accom- terme philos. ; sens moderne, 1750, abbé
de l’article un, qui donne un sens indéter- pli ». Ainsi, un « passé composé » comme Prévost). 1. Dans la philosophie scolas-
miné, pour permettre la représentation : je suis parti est « en langue » un « présent tique, qui passe de la puissance à l’acte.
Elle remonta sur un cheval, qui... Bally accompli » ; il exprime l’état résultant 2. Class. Qui se traduit en acte, qui a lieu
critique F. Brunot pour avoir confondu du procès passé à l’époque où l’on parle ; effectivement, réel : Une violence actuelle et
sens actuel et sens déterminé, et il a rai- mais, accompagné dans le message d’une positive (Retz). Un paiement actuel (Acad.,
son — mais c’est lui reprocher de n’avoir date passée, il peut exprimer l’action elle- 1694). Une actuelle et entière séparation
pas trouvé avant lui la théorie de l’actua- même, pendant son accomplissement : (Fléchier). 3. Péché actuel, péché commis
lisation. Après Bally, mais sans référence Hier, quand je suis parti... ; il prend, par par un acte volontaire (par opposition à
à sa doctrine, Damourette et Pichon « effet de discours », la valeur d’un temps péché habituel et à péché originel). Grâce
exposèrent des vues semblables dans passé. actuelle, secours occasionnel que Dieu
leur théorie de l’ « assiette » du nom. (V. donne à l’âme en vue d’un acte à accomplir
Il resterait à parler de la flexion person-
ARTICLE.) nelle du verbe. Dans une langue comme (par opposition à grâce habituelle ou sanc-
le latin, elle est un facteur d’actualisation tifiante). 4. Qui appartient au moment
LE VERBE
indiscutable, une référence obligatoire à présent, à l’époque contemporaine : Un des
Bally ne semble pas avoir pu mettre au la personne (capio = je prends ; capis = hommes les plus influents de la politique
point l’application de sa théorie dans le tu prends). En français, où le verbe (sauf actuelle (Balzac). Je ne le compare pas aux
domaine du verbe (v. ce mot). Certes, à l’impératif) est toujours précédé d’un ministres actuels (France). 5. Qui occupe
il estime justement qu’ « un concept de nom ou d’un pronom sujet, la flexion per- une grande place dans les préoccupations
procès (par ex. : neiger), identifié avec sonnelle du verbe peut passer pour une des hommes de l’époque : Le problème de
un phénomène conçu comme réel par le servitude grammaticale, une variante la peine de mort est très actuel. Des hommes
sujet parlant, se trouve inséré, et de ce non significative (souvent purement qui tiennent à ce qu’ils disent, et pour qui
fait localisé, dans une portion du temps graphique), tout au plus signe d’accord, l’expression de la pensée représente un effort
comme le genre et le nombre de l’adjectif. toujours actuel.
réel : il neige, il neigeait, il neigera » (op.
cit., § 113) ; c’est donc le temps morpholo- Mais, du moins, à l’impératif, la varia- • SYN.: 4 contemporain, moderne, présent.
gique qui actualise le verbe, à l’exclusion tion entre/entrons/entrez, référant seule — CONTR. : 1 potentiel, virtuel ; 4 ancien,
de l’aspect, qui « quantifie » le verbe ou aux personnes réelles de la situation, antique, passé, vieux ; futur.
en marque un « caractère » (§ 115). Mais actualise le verbe sur un plan autre que
actuellement [aktlm] adv. (de
Bally donne pour temporellement mar- temporel.
actuel ; XIVe s., au sens anc. de « par l’ac-
quée toute forme verbale, de sorte que le actualiser [aktalize] v. tr. (de actuel ; tion » ; sens moderne, 1372, J. Corbichon).
verbe serait toujours actualisé, et qu’il n’y 1836, Landais). 1. En philosophie, faire pas- 1. Class. Réellement : Je lui ai payé
aurait que des « verbes propres » (§ 116). ser de la puissance à l’acte. 2. Rendre pré- actuellement cette somme (Acad., 1694).
Gustave Guillaume a présenté, dans sent, actuel : La charge de pensées latentes 2. Dans les circonstances présentes, pour
Temps et verbe (1929), une théorie beau- que cette illumination actualisait soudain le moment : Il n’est pas possible actuelle-
coup plus approfondie, qui lie la notion (Romains). ment de réparer cette maison.
de « mode » à la notion de « temps ». actualité [aktalite] n.f. (de actuel ;
• SYN. : 2 à présent, aujourd’hui, de nos
Selon lui, le concept de procès ne s’ac- XIVe s., au sens scolast. de l’adj. ; sens jours, maintenant, présentement. —
tualise pleinement qu’à l’indicatif : d’où CONTR. : 2 anciennement, autrefois, hier ;
moderne, 1823, Boiste). 1. Qualité de ce qui
la richesse temporelle de ce « mode du appartient ou convient au moment présent : à l’avenir.
verbe fini » — auquel appartiennent les Il est en effet un problème auquel les événe- acuité [akite] n.f. (anc. franç. agueté [de
formes appelées « conditionnel ». Seul ments en cours, politiques et économiques, agu, aigu, lat. acutus], refait d’après le lat.
ce mode, avec ses cinq temps simples — ont rendu une actualité brûlante (Aymé). acutus au XIVe s.). 1. Qualité de ce qui a un
dont les temps composés ne représen- Fam. D’actualité, conforme à ce qui est timbre aigu : L’acuité d’un son. 2. Par
tent que l’ « aspect accompli » —, « réa- habituel ou en vogue au moment présent : anal. Puissance de pénétration, pouvoir
lise » (Guillaume n’a jamais employé le Cette question est vraiment d’actualité. de discrimination des organes des sens :
terme d’actualisation) l’image-temps, 2. Ensemble des événements, des faits Mais l’acuité du regard, la dureté de la
qu’il divise en trois époques : passé, pré- du temps présent : Trop d’événements s’op- voix, cette dureté, cette réflexion tendues
sent, futur. L’infinitif ne connaît qu’un posent à l’application de l’esprit. L’actualité que l’on devinait en lui, ne disposaient
temps (par ex. : neiger), avec son aspect dévore (Martin du Gard). 3. Vx. Article guère à sourire, et forçaient l’attention de
(avoir neigé) : l’actualisation y est nulle, de journal ayant trait aux événements ceux-là mêmes que rebutaient ses manières
ainsi qu’au participe. L’impératif, selon en cours : Ayant acquis par ses échos une tranchantes (Martin du Gard). Tout ceci
Guillaume, n’existe pas « en langue » : souplesse de plume et un tact qui lui man- demande [...] une acuité sensorielle, une pré-
on désigne par ce nom certains emplois quaient [...], il ne courait plus aucun risque cision de gestes si peu communes... (Valéry).
injonctifs de l’indicatif ou du subjonctif de voir refuser sesactualités (Maupassant). 3. Degré éminent de compréhension, de
présent dans la parole. Quant au subjonc- actualités n. f. pl. 1. Informations perspicacité des facultés intellectuelles :
tif, la doctrine de Guillaume reste assez concernant le moment présent : La page Cette acuité de la pensée, cet enthousiasme
obscure ; qu’on le croie, comme il fait, sur des actualités sportives. 2. Spécialem. Au des sens et de l’esprit ont dû, en tout temps,
la voie de l’actualisation (il exprimerait cinéma, courte bande projetée en début de apparaître à l’homme comme le premier des
l’image-temps « en devenir ») ou qu’on séance et illustrant les événements mar- biens (Baudelaire). Une intelligence d’une
se contente d’y voir un infinitif à flexion quants survenus dans le monde pendant grande acuité. 4. Caractère intense d’un
personnelle, on doit reconnaître qu’il ne la semaine écoulée. sentiment, d’une sensation : La pensée qu’il

51
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

ne porterait plus longtemps ses peines en n. m. Morceau exécuté dans ce mouve- roman célèbre porté à l’écran par un habile
atténua sensiblement l’acuité (Samain). ment : Un adagio de Bach. adaptateur.
L’acuité d’une douleur. • Pl. des ADAGIOS.
adaptation [adaptasj] n.f. (de adapter ;
• SYN.: 2 finesse ; ; 3 clairvoyance, finesse,
adamantin, e [adamt, -in] adj. (lat. 1539, Gracien du Pont). 1. Action d’adap-
pénétration, perspicacité, sagacité ; 4 inten-
adamantinus, du gr. adamantinos, dur ter, de s’adapter ; résultat de cette action :
sité. — CONTR. : 2, 3 et 4 faiblesse.
comme l’acier ; le sens franç. « de la nature La plus petite modification du régime
acul [aky] n.m. (de à et de cul ; 1834, du diamant » vient du second sens du lat. nécessite de lui [...] un effort d’adaptation
Landais). Fond des parcs à huîtres, du adamas, diamant, d’où l’adj. dérive [V. (Gide). 2. En biologie, modification du
côté de la mer. AIMANT ET DIAMANT] ; 1509, J. Lemaire comportement d’un organisme en fonc-

[akyleifrm] adj. (du lat. de Belges ; usuel au XVIe s., semble aban- tion des conditions externes et internes
aculéiforme
donné au XVIIe s. ; repris à la fin du XVIIIe s.). de l’existence : L’adaptation des plantes à
aculeus, aiguillon ; 1863, Littré). Se dit, en
botanique et en zoologie, d’un organe qui 1. Littér. Qui rappelle le diamant, l’acier par la sécheresse. 3. Spécialem. Travail par
ressemble à une aiguille ou à un aiguillon son éclat, son brillant : Voici les clartés ada- lequel on transforme une oeuvre pour
d’insecte. mantines des ongles des pieds et des mains changer sa destination ; l’oeuvre nouvelle
(Villiers de L’Isle-Adam). 2. Par anal. ainsi réalisée : L’adaptation de « l’Assom-
acuminé, e [akymine] adj. (du lat. acu- Se dit d’un style concis et brillant : Valéry moir » pour l’écran, de « Madame Bovary »
men, acuminis, pointe ; 1808, Boiste). Se [...], jamais si heureux que quand il a réduit pour la scène, d’une oeuvre musicale.
dit d’une feuille, d’un fruit qui se termine
dans une formule musicale, adamantine, Transposition d’une oeuvre pour l’adap-
par une pointe fine. un concept, une hypothèse ou un rapport ter à un public différent : L’adaptation
acuponcteur ou acupuncteur (Henriot). 3. Qui rappelle le diamant, des pièces de Shakespeare, de « Tristan et
[akypktoer] n.m. (de acupuncture ; 1829, l’acier par sa dureté : Unis par le plus fort Iseut ».
Boiste). Spécialiste de l’acuponcture. et le plus cher des liens, | Et d’ailleurs possé- • SYN. : 2 acclimatation, acclimatement,
dant l’armure adamantine, | Nous sourirons accoutumance, appropriation ; 3 transposi-
acuponcture ou acupuncture
à tous et n’aurons peur de rien (Verlaine). tion. — CONTR.: 2 immutabilité, opposition.
[akypktyr] n. f. (formé avec le lat. acus,
aiguille, et punctura, piqûre ; 1790, Encycl. adamien adj. et n. m. V. ADAMITE. adapter [adapte] v.tr. (lat. adaptare, de
méthodique [acupuncture] ; 1835, Acad. aptus, apte ; XIVe s. ; au sens littér., 1888,
adamique [adamik] adj. (de Adam ;
[acuponcture]). Traitement médical d’ori- Larousse). 1. Réaliser l’ajustement d’une
XVIIe s.). 1. D’Adam ; relatif à Adam : Il
gine chinoise, qui consiste à piquer des chose à une autre en vue d’une certaine
n’est pas supposable que, dans cette civili-
aiguilles en certains points du corps. fin : Que vient-on sevanter de cette jointure
sation avancée, un homme se contente du
acutangle [akytgl] adj. (du lat. acutus, vêtement adamique (Gautier). 2. Relatif merveilleuse par laquelle nous adaptons
pointu, et de angle ; 1721, Trévoux). Se dit à l’état d’Adam avant le péché, qui rappelle aux fleuves la meule qui broie notre farine ?
d’un triangle dont les trois angles sont son innocente simplicité : Expression d’un (Claudel). Adapter un robinet à un tuyau.
aigus. ravissement presque adamique à propos 2. Fig. Modifier sa pensée, son comporte-
d’un bonheur modeste (Verlaine). ment, pour réaliser l’accord avec une situa-
acutesse [akyts] n.f. (de acutus, aigu ;
tion nouvelle : Nous saurons adapter nos
début du XIXe s.). Syn. très rare de ACUITÉ : adamisme [adamism] n. m. (de Adam ;
méthodes à la dure loi de la vie moderne
Avec toute l’acutesse de la perception que 1866, Larousse). Doctrine de ceux qui, au
(Aragon). Persévérer dans notre tradition,
la passion donne aux sens (Gautier). Son IIe s. apr. J.-C., ont prétendu retrouver l’état
c’est-à-dire dans la vie pour laquelle nous
regard perdit sa gaieté, et prit l’acutesse d’innocence dans lequel vivait Adam aus-
sommes appropriés, adaptés (Barrès).
que le soupçon donne aux yeux de tout le sitôt après la Création.
3. Spécialem. Dans le domaine littéraire,
monde (Balzac).
adamite [adamit] ou adamien [adamj] faire passer, plus ou moins librement, une
A.D., abrév. de Anno Domini (en l’année adj. et n. m. (de Adam ; adamite, 1690, oeuvre littéraire d’un genre dans un autre,
du Seigneur), utilisée dans les inscriptions Furetière ; adamien, 1866, Larousse). Qui ou encore d’une langue dans une autre :
latines et, dans les pays anglo-saxons, pratique l’adamisme. « La Rabouilleuse », roman de Balzac, a
comme équivalent, pour les datations, de été adaptée au théâtre. Plaute a adapté des
adamite adj. D’Adam : Vivants, l’homme
après Jésus-Christ. comédies grecques.
pour l’homme est l’être essentiel. | L’homme
adage [ada] n. m. (lat. adagium, a la terre ; eh bien, qu’il laisse là le ciel, | La • SYN.: 1 ajuster, joindre, unir ; 2 aménager,
maxime ; 1529, Loys Laserre). Réflexion terre doit suffire à la race adamite (Hugo). approprier, arranger, conformer, mettre en
ancienne et fort répandue, de portée pra- accord ; 3 transposer. — CONTR.: 1 détacher,
adaptabilité [adaptabilite] n. f. (de
tique, empruntée au droit coutumier ou disjoindre, diviser, séparer.
adaptable ; milieu du XXe s.). Capacité
écrit, et qui se présente sous une forme plus s’adapter v. pr. [à]. 1. (avec un sujet dési-
que présente un organisme de s’adapter
ou moins sentencieuse (ex. : « Nul n’est gnant une chose) Réaliser son union avec
à de nouveaux milieux, à de nouvelles
censé ignorer la loi ») : Les préparatifs de une autre chose : Une plume [...] s’adaptait
situations.
guerre, que le plus faux des adages préco- au chapeau (Gautier). 2. Approprier son
nise pour faire triompher la volonté de paix, adaptable [adaptabl] adj. (de adapter ; fin comportement au milieu, aux circons-
créent, au contraire, d’abord la croyance du XVIIIe s.). Qui peut être adapté. tances : Savoir s’adapter à la société dans
chez chacun des deux adversaires que l’autre laquelle on vit. 3. Fig. Être en rapport de
adaptateur, trice [adaptatoer, -tris]
veut la rupture (Proust). convenance avec : Le roman et la nouvelle
n. (de adapter ; fin du XIXe s.). Personne
• SYN.: apophtegme, dicton, maxime, pré- ont un privilège de souplesse merveilleux. Ils
qui réalise l’adaptation, pour la scène ou
cepte, proverbe, sentence. s’adaptent à toutes les natures, enveloppent
pour l’écran, d’une oeuvre qui ne leur était
adagio [adadjo ou adajo] adv. (mot ital., pas destinée : Les gens de théâtre pillaient tous les sujets (Baudelaire).
de ad agio, à l’aise ; début du XVIIIe s.). En bien un peu les livres des Goncourt, ce qui • SYN. : 2 s’acclimater à, s’accoutumer à,
musique, terme indiquant qu’un morceau pour un romancier est bon signe. Mais ces s’habituer à ; 3 aller avec, s’appliquer à,
doit être exécuté plus lentement que l’an- adaptations ingénieuses ne rendaient profit convenir, se prêter. — CONTR.: 3 contraster,
dante, mais moins lentement que le largo. et gloire qu’à l’adaptateur (Daudet). Un détonner, jurer, s’opposer, trancher.

52
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

addenda [adda] n. m. invar. (mot lat. additionner [adisjne] v. tr. (de addition ; adent [ad] n. m. (déverbal de aden-
signif. « choses à ajouter », de addere, ajou- av. 1549, Marguerite de Navarre ; terme ter ; 1573, J. du Puys). Entaille ou partie
ter ; début du XVIIIe s). Ensemble d’articles d’arithm., 1680, Richelet). 1. Ajouter les uns saillante faite sur des pièces de bois pour
que l’on ajoute à la fin d’un ouvrage, par- aux autres plusieurs nombres ou quantités les assembler.
fois même dans un volume spécial, pour de même nature : Ils ne pouvaient addition-
adenter [adte] v. tr. (de dent ; XIVe s.,
le compléter. ner deux nombres sans dispute (France).
Godefroy). Assembler des pièces de bois
• SYN.: additions, appendice, complément, Quelques inscriptions sur le grand-livre qui,
avec des adents.
supplément. vaguement additionnées, pouvaient faire
• REM. Le mot addenda est un neutre la- à cet excellent Goriot un revenu d’environ adepte [adpt] n. (lat. des alchimistes
tin au pluriel. La forme addendum (sing. huit à dix mille francs (Balzac). 2. Par adeptus, proprem. « qui a atteint » ; 1630,
extens. Modifier une substance en y ajou- Lettre du P. Mersenne ; sens moderne,
lat.) s’emploie parfois s’il y a une seule
tant un élément d’une autre nature : Du s.). 1. Class. Alchimiste initié au
note à ajouter. XVIIIe

vin additionné d’eau. grand oeuvre : On ne douta point que


additif, ive [aditif, -iv] adj. (du lat. addi- • SYN.: 1 sommer, totaliser ; 2 allonger, bap- l’auteur de la lettre ne fût un adepte ou
tus, ajouté ; 1843, Landais). Se dit de ce qui tiser (fam.), étendre. — CONTR. : 1 déduire, à peu près ; il fut reçu avec honneur dans
peut s’ajouter : Quantité additive. défalquer, retrancher, soustraire. le laboratoire (Fontenelle). 2. Personne
additif n. m. (XXe s.). 1. Paragraphe ou s’additionner v. pr. S’ajouter les uns aux initiée à une religion, à une science, à une
ensemble de paragraphes, de longueur autres : Des malheurs qui s’additionnent. doctrine : Cet art du XIIIe siècle a trouvé dès
variable, que l’on ajoute à un texte offi- Les foulées rapides s’additionnaient son apparition des adeptes passionnés qui
ciel : Le gouvernement va soumettre au (Arnoux). lui vouèrent un culte exclusif (Mérimée).
Parlement un additif à la loi qu’il a votée
additionneuse [adisjnøz] n. f. (de Spécialem. Personne qui fait partie d’une
récemment. 2. Produit chimique ajouté
additionner ; 1866, Larousse). Machine de secte : Un adepte des quakers, de la franc-
à un carburant pour en améliorer les
calcul mécanique, effectuant l’addition de maçonnerie. 3. Par extens. Personne qui
caractéristiques.
chiffres enregistrés grâce à un jeu de bou- éprouve de l’attirance, de la sympathie
addition [adisj] n. f. (lat. additio, de tons, de touches ou de curseurs. pour une idée, au point de l’adopter : Après
addere, ajouter ; 1265, J. de Meung, sens avoir goûté en compagnie de Marthe aux
général ; sens arithm., s.). 1. Action adducteur [adyktoer] adj. et n. m. (lat.
XVe charmes de la liberté, je voulus y goûter seul,
adductor, de adducere, conduire vers ; 1690,
d’ajouter : Il était fait [mon bien] non par puis faire des adeptes (Radiguet).
l’addition de beaucoup de choses parti- Furetière). 1. Se dit de tout muscle qui pro-
• SYN.: 2 adhérent, affilié, fidèle, membre,
duit un mouvement d’adduction : L’action
culières, mais par mon unique adoration sectateur, tenant ; 3 disciple, partisan, pro-
réflexe du cerveau transmettant sa volonté
(Gide). 2. Chose ajoutée : Quelquefois, sélyte, recrue. — CONTR.: 2 et 3 adversaire,
quand la lettre était finie, il la relisait : il y aux muscles adducteurs et préhenseurs se
transforme en une négation du mouvement antagoniste, détracteur, ennemi, opposant.
faisait des additions marginales (Renan).
qui leur est commandé (Goncourt). 2. Se adéquat, e [adekwa, -at] adj. (lat. adae-
3. La première des quatre opérations fon-
dit du conduit qui amène l’eau d’une source quatus, part. passé de adaequare, rendre
damentales de l’arithmétique, qui réunit
à un réservoir, d’un lieu à un autre : Un égal ; 1736, Ch. Wolff, Logique, trad. J. des
en une seule plusieurs grandeurs de même
canal adducteur. Un adducteur d’eau. Champs ; une fois au XIVe s., B. de Gordon).
nature. 4. Note, présentée sous forme
d’addition, indiquant les sommes à payer
• CONTR. : 1 abducteur. 1. Se dit d’une idée, d’un terme qui cor-
au café, au restaurant, etc. : Régler, payer [adyksj] n. f. (lat. adductio, de respond exactement à son objet parce que
adduction
l’addition. Au moment où je demandais adducere, conduire vers ; 1541, J. Canappe ; l’embrassant parfaitement : Nous n’avons
l’addition, il disait au garçon qui nous avait sens 2, 1877, Littré). 1. Mouvement de cer- aucune notion adéquate de la Divinité
servis, avec un geste répété et apaisant du tains muscles qui rapprochent un membre (Voltaire). 2. Qui est parfaitement en
revers de la main, comme s’il voulait calmer de l’axe du corps. 2. Action de dériver accord avec l’objet envisagé : Une attitude
un cheval prêt à prendre le mors aux dents : et de conduire les eaux d’un lieu vers un adéquate aux circonstances. Une profes-
« N’allez pas trop fort (pour l’addition), allez autre : Entreprendre des travaux d’adduc- sion adéquate aux aptitudes. Une réponse
doucement, très doucement » (Proust). tion d’eau. adéquate à la question posée.
• SYN. : 1 adjonction ; 2 addenda, ajout, • CONTR. : 1 abduction. • SYN. : 2 approprié, assorti, convenable,
ajouté, annexe, appendice, complément, idoine (vx), propre. — CONTR.: 2 impropre,
adénite [adenit] n. f. (du gr. adên, glande ;
supplément ; 4 note. — CONTR.: 1 déduction, inadéquat, opposé.
1842, Acad.). Inflammation des ganglions
défalcation, retranchement, soustraction,
lymphatiques. adéquatement [adekwatm] adv. (de
suppression ; 2 soustraction, suppression ;
adéquat ; XXe s.). De façon adéquate : La
3 soustraction. adénoïde [adenid] adj. (gr. adenoeidês,
substance spinoziste, que chacun de ces
glanduleux ; 1541, Loys Vassée). Qui se rap-
additionnable [adisjnabl] adj. (de attributs reflète adéquatement (Sartre).
porte au tissu glandulaire. Végétations
additionner ; 1866, Larousse). Se dit de
adénoïdes, hypertrophie du tissu lym- adéquation [adekwasj] n. f. (de adé-
ce qui peut être additionné : Une somme
phoïde du rhino-pharynx, qui obstrue quat ; 1866, Larousse). Conformité de l’idée
additionnable.
les fosses nasales, principalement chez les à l’objet, au but visé : Ceux qui rêvaient
additionnel, elle [adisjnl] adj. (de enfants. d’une adéquation parfaite de la forme à la
addition ; 1750, Buffon). Qui s’ajoute ou pensée (Brunot). [La franchise] nous pro-
adénome [adenom] n. m. (du gr. adên,
doit être ajouté à quelque chose : Vous en pose une adéquation absolue de l’être avec
glande, et du suff. -ome ; 1866, Larousse).
ferez ce qu’il vous plaira, un article addi- lui-même comme prototype d’être (Sartre).
Tumeur bénigne qui se développe dans
tionnel pour ce petit livre où vous avez
une glande. •SYN.: accord, concordance, convenance.
entassé de si curieuses vérités (About).
— CONTR. : discordance, opposition.
Centimes additionnels, sorte de surtaxe adénopathie [adenpati] n. f. (du gr.
perçue par les collectivités locales (dépar- adên, glande, et de -pathie ; 1866, Larousse). aderne [adrn] n. f. (du breton darn,
tement, commune), qui vient s’ajouter à Nom générique des maladies des ganglions division, section ; milieu du XIXe s.).
certaines contributions directes. lymphatiques. Compartiment d’un marais salant.

53
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

adextré, e [adkstre] adj. (part. passé en tous leurs points aux draps qui enve- • SYN. : adéquat, approprié, convenable,
d’un anc. v. adestrer [1080, Chanson de loppaient le matelas, comme si ma fatigue, idoine (vx), pertinent. — CONTR.: impropre,
Roland], plus tard adextrer, conduire en comme un sculpteur, avait voulu prendre un inadéquat.
donnant la main droite). En héraldique, se moulage total d’un corps humain (Proust). • REM. Cette locution appartient au lan-
dit d’une pièce principale qui a une pièce 2. Fig. Être en parfait accord avec, parta- gage juridique : Administrateur, tuteur
secondaire à sa droite. ger : Nos pensées [...] ne plongeaient aucune « ad hoc ». On ne l’emploie que dans la
adhérence [aders] n. f. (bas lat. adhae- racine dans cette foi à laquelle nous adhé- langue littéraire ou parlée, et sur un ton
rentia ; XIVe s., Brun de Long-Borc ; a aussi rions des lèvres (Mauriac). 3. Fig. Donner plaisant : Le blason, c’est l’histoire écrite
son accord à : Cette proposition était si en hiéroglyphes « ad hoc » (Sand).
le sens d’ « adhésion » du XVe au XVIIe s.).
1. État d’une chose qui tient à une autre sage que Schmücke y adhéra sur-le-champ
ad hominem [adminm] loc. adj. (mots
par un contact étroit : Il ne reste plus que (Balzac). 4. S’affilier, être inscrit à un lat. signif. « à l’homme » ; 1623, P. Garasse).
le mur qui se soutient par la prodigieuse parti, à une association. Argument « ad hominem », argument par
adhérence du ciment romain (Mérimée). • SYN. : 1 coller à, tenir à ; 2 participer à, lequel on confond un adversaire en lui
L’adhérence des pneus au sol. Spécialem. se rallier à, souscrire à, suivre ; 3 accepter, opposant ses propres paroles ou ses propres
Soudure, normale ou pathologique, de deux approuver, serallier à, seranger à, souscrire actes.
organes contigus du corps : L’opération a à ; 4 s’inscrire à. — CONTR. : 1 se décoller
ad honores [adnrs] loc. adv. et adj.
été très longue. Il y avait des adhérences de, se détacher de ; 2 rejeter, repousser ; 3
(mots lat. signif. « pour les honneurs »;
(T. Bernard). 2. Fig. Adaptation parfaite décliner, refuser ; 4 démissionner, quitter,
1576, Dict. général). S’emploie en par-
et intime d’une chose à une autre d’ordre se séparer de.
lant d’un titre, d’un poste purement
différent : L’art, tout court, exige cette adhé-
adhésif, ive [adezif, -iv] adj. (de adhé- honorifique.
rence étroite de l’expression à la pensée et
au sentiment (Montherlant). 3. Class. sion ; 1503, G. de Chauliac). Se dit d’un
adiabatique [adjabatik] adj. (gr. adiaba-
Attachement étroit à une idée, à une doc- corps qui peut adhérer fortement à un
tos, impénétrable ; 1877, Littré). Se dit de
trine, à une réalité d’ordre spirituel : La autre : Du papier adhésif. Un pansement la transformation d’un corps qui s’effectue
foi est une adhérence de coeur à la vérité adhésif. sans échange de chaleur avec l’extérieur
• SYN.: collant.
éternelle (Bossuet). L’adhérence à l’hérésie (langue scientifique).
(Acad., 1694). adhésif n. m. Bande de papier, de toile
adiabatisme [adjabatism] n. m. (de adia-
• SYN. : 2 accord, adéquation, conformité, ou de toute autre matière souple, dont une
batique ; 1877, Littré). État d’un système de
convenance, union. — CONTR. : 1 sépara- des faces est enduite d’un produit adhérant
corps qui ne fournit ni ne reçoit aucune
tion ; 2 désaccord, dissociation, divorce, sans mouillage à une surface plane.
quantité de chaleur (langue scientifique).
opposition.
adhésion [adezj] n. f. (lat. adhaesio ; [adjt] n. m. (lat. adiantum, du
adiante
adhérent, e [ader, -t] adj. (lat. adhae- 1372, Oresme). 1. Vx Action d’adhérer (au gr. adianton, proprem. « qui ne se mouille
rens, part. prés. de adhaerere, être attaché ; sens 1) : La force d’adhésion du fer attiré par pas », de diainein, mouiller, parce que la
début du XIVe s.). 1. Se dit d’une chose un puissant aimant. 2. Fig. Mouvement feuille de cette fougère ne garde pas l’hu-
qui est fortement attachée à une autre : de l’esprit par lequel on souscrit étroite- midité ; 1546, Rabelais, écrit adiantum ;
Une branche qui est adhérente au tronc. ment à une idée, à une proposition, à une adiante, 1549, Maignan). Sorte de fougère,
2. Qui s’attache étroitement (au pr. et doctrine ; approbation, accord : Cette foi souvent cultivée comme plante d’apparte-
au fig.) : La poix est une matière adhérente. vague qui secontente de quelques pratiques ment pour l’élégance de son feuillage, qui
Son regard étroit et velouté sefixait, se col- extérieures et dont l’adhésion indifférente la fait appeler cheveu de Vénus.
lait sur la passante, si adhérent, si corrosif, est plus coupable peut-être que l’impiété
qu’il semblait qu’en se retirant il aurait dû adieu [adjø] interj. (de dieu ; XIIe s., Mort de
et l’hérésie (Nerval). Quels moyens un
arracher la peau (Proust). Garin). 1. Terme de politesse pour prendre
pauvre professeur d’éloquence au grand
• SYN.: 2 collant, gluant, tenace, visqueux. congé de quelqu’un, en principe avant une
séminaire aura-t-il de vaincre les résistances
séparation assez longue : Adieu, revenez
n. et adj. 1. Class. Celui, celle qui est du [...], d’emporter l’adhésion, pour ainsi dire,
bien vite. J’ai trop de peine loin de vous
parti de quelqu’un : Les miracles, dernière de vive force ? (France). 3. Inscription à
(Maupassant). Par anal. Se dit quand
ressource des adhérents d’un chef malheu- un parti, à une association quelconque.
on quitte un lieu ou qu’on se sépare d’une
reux (Voltaire). 2. Auj. Personne inscrite 4. En droit international, déclaration par
chose : Partons ! Adieu Corinthe (Hugo).
comme membre à un parti, à une associa- laquelle un État accepte pour lui-même les
Fig. et fam. S’emploie pour indiquer la
tion quelconque : Il y avait des syndicats de obligations dérivées d’un traité conclu par disparition, la perte de quelque chose, pour
trente mille membres [...], plusieurs comp- d’autres États. exprimer qu’on renonce à poursuivre une
taient deux ou trois membres seulement.
• SYN. : 1 adhérence ; 2 accord, acquiesce- action : Le lait tombe : adieu veau, vache,
Mais les listes des adhérents n’étaient point
ment, agrément, assentiment, consente- cochon, couvée (La Fontaine). Pourquoi
publiées (France). Carte d’adhérent, carte
ment. — CONTR.: 1 séparation ; 2 opposition, dis-tu : Adieu l’amour ! (Musset). Adieu
que détient toute personne inscrite à un
refus, rejet, résistance ; 3 démission, retrait. paniers, vendanges sont faites, l’affaire est
parti politique, à une association.
manquée, n’en parlons plus. 2. Dire adieu
• SYN.: 2 adepte, affilié, membre, militant. ad hoc [adk] loc. adv. (mots lat. signif.
à quelqu’un prendre congé de quelqu’un en
— CONTR.: adversaire, antagoniste, détrac- « pour cela » ; XVIIIe s.). D’une manière qui
lui disant adieu : Jeveux aller avec toi, tout
teur, ennemi, opposant. convient : Répondre « ad hoc ».
de suite, à l’endroit où nous nous sommes
[adere] v. tr. ind. [à] (lat. adhae-
• SYN. : à propos, convenablement, correc- dit adieu l’an dernier (Maupassant). Fig.
adhérer
rere ; XIVe s., Chroniques de SaintDenis).) tement, opportunément, pertinemment. — Dire adieu à quelque chose, y renoncer : Il
[Conj. 5.] 1. Être fortement attaché à : Mon CONTR. : improprement. part et dit adieu à la terre, adieu au sourire
siège adhère au sol, de telle sorte qu’aucune loc. adj. Qui convient, qui est approprié à des femmes, adieu à leur amour, adieu aux
force ne nous soulèverait (Maupassant). Mes tel objet : Sur de petits tableaux « ad hoc », amitiés choisies et aux tendres habitudes
membres si las cherchaient un soutien ; de Armand-Dubois, chaque jour, à midi, de la vie (Vigny). Fam. Sans adieu, se
sorte que successivement mes cuisses, mes ajoutait de nouveaux chiffres triomphaux dit à une personne qu’on a l’intention de
hanches, mes épaules tâchaient d’adhérer (Gide). Une réponse « ad hoc ». revoir bientôt : Garde tout, si tu n’as pas de

54
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

monnaie ! s’écria-t-il, et sans adieu, mon avoir à dire, manquer] ; XIIe s., le Livre des plicable à des langues comme l’anglais
oncle (Nerval). 3. Dialect. Dans le Midi Rois).) Vx. Égarer (langue administrative (où l’adjectif ne varie pas en genre) —
français et en Suisse romande, se dit pour ou judiciaire) : Elle adira en la ville son sien n’est valable en français même que pour
saluer quelqu’un que l’on rencontre : Hé ! fils nommé Olivier (Huysmans). une majorité de mots : il est des noms
adieu, Monsieur Roumestan [...], comment variant en genre (chien/chienne), et des
adition [adisj] n. f. (lat. aditio [cf. la loc.
ça va ? (Daudet). 4. Class. et fam. Adieu adjectifs invariables, soit que leur forme
aditio haereditatis] ; XVIe s., Pasquier). Vx.
vous dis, je vous dis adieu ; et, au fig., ne se prête mal à l’opposition suffixale qui,
Adition d’hérédité, acceptation d’un héri-
comptez plus sur rien : Mais si dorénavant d’ordinaire, marque le féminin (comme
tage (langue juridique).
votre imprudence éclate, | Adieu vous dis, les superbe), soit en raison de leur origine
mes soins, pour l’espoir qui vous flatte adjacent, e [adas, -t] adj. (lat. adja- elliptique (comme les adjectifs de cou-
(Molière). cens, part. prés. de adjacere, être situé leur : marron, lilas), soit parce qu’ils sont
•SYN.: 1 et 2 au revoir ; 3 bonjour, bonsoir. auprès ; 1314, la Chirurgie d’Henri de nés par emprunt, par apocope ou par
— CONTR. : 1 et 2 bonjour. Mondeville). 1. Qui se trouve situé dans onomatopée (select, chic, paf) ; quelques-
n. m. (1588, Montaigne). 1. Action de le voisinage immédiat : Des borgnes et des uns sont toujours au masculin (fat, aqui-
lépreux avec leurs plaies, qui sortant des lin), quelques-uns toujours au féminin
prendre congé de quelqu’un pour une
maisons, qui des petites rues adjacentes (canine, enceinte), souvent à cause des
séparation longue ou définitive (souvent
(Hugo). 2. Angles adjacents, angles ayant noms auxquels ils sont liés dans l’usage.
au plur.) : Elle lui fit des signes d’adieu, cette
le même sommet, un côté commun, et (V. GENRE.)
fois moins timides (Stendhal). Jack crut
situés de part et d’autre de ce côté.
que l’on prenait ce prétexte de promenade Pour les langues où la définition tirée
pour couper court aux adieux pénibles de • SYN. : 1 attenant, contigu, limitrophe, du genre n’est pas pertinente, K. Togeby
la séparation (Daudet). Faire ses adieux proche, voisin. — CONTR.: 1 distant, écarté,
invoque le critère des variations en degré
à quelqu’un, prendre congé de lui. 2. Fig. éloigné, lointain, reculé. (angl. good-better-best). Ce critère est
Fait de se séparer de quelque chose, d’y adjectif [adktif] n. m. (bas lat. adjec- caduc pour le français, où les formes de
renoncer : Et ton âme, y plongeant, loin tivum [nomen], nom qui s’ajoute, trad. du comparatif et les superlatifs qui en sont
du jour et de Dieu, | A dit à l’espérance un gr. epithêton, proprem. « ajouté à » ; 1372, composés se réduisent à très peu de chose
éternel adieu (Lamartine). J. Corbichon). Mot que l’on joint au nom (meilleur, pire, pis) [V. COMPARATIF].
pour exprimer une manière d’être, une Pourrait-on retenir du moins, comme
à Dieu va ! [adjøva] ou à Dieu vat !
[adjøvat] loc. interj. (1690, Furetière). qualité de l’être ou de l’objet désigné par discriminant de l’adjectif et du nom, l’ex-
le nom (adjectif qualificatif, ou simple- pression d’un degré plus ou moins fort
1. Ancien commandement maritime pour
mettre la barre dessous dans un virement ment adjectif), ou pour introduire ce nom par un adverbe antéposé (très grand, plus
dans le discours (adjectif déterminatif) : grand, moins grand ?) On dit une forte
de bord vent devant, manoeuvre dange-
reuse. 2. Invocation à la Providence L’adjectif, c’est la graisse du style (Hugo). crainte, une somme inférieure, et non
divine, au sens de « À la grâce de Dieu ! ». Souvent je réfléchis un quart d’heure pour pas *une très crainte, *une moins somme.
placer un adjectif avant ou après son subs- Mais, d’une part, il arrive qu’un nom,
adipeux, euse [adipø, -øz] adj. (dér. tantif (Stendhal). Certains écrivains ont, dans un contexte plus ou moins stylisti-
savant du lat. adeps, adipis, graisse ; 1503, de l’adjectif, une frayeur superstitieuse : ils quement marqué, prenne la construction
G. de Chauliac). 1. Qui a les caractères de appauvrissent leur palette sans fortifier leur en même temps que la valeur de l’adjectif
la graisse ; qui en admet dans sa compo- pensée (Duhamel). [V. art. spécial.] (Oui, vous êtes sergent, monsieur, et très
sition : Tissu adipeux. 2. Par extens. et sergent [Racine, les Plaideurs]) ; d’autre
adjectif, ive adj. Qui a les caractères de
péjor. Se dit d’une personne grasse à l’excès, part, tout adjectif ne connaît pas les
l’adjectif : La forme adjective d’un mot. Une
ou d’une partie de son corps : L’épaisse et variations en degré : le sens de certains
locution adjective.
courte moustache, aux bouts très relevés, adjectifs dits « qualificatifs », comme mé-
donnait du relief à son visage adipeux et tallique, bissextile, s’y prête mal ou ne s’y
plat (Martin du Gard). GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE prête pas, et des séries complètes en sont
• SYN. : 2 corpulent, empâté, gras, gros, exclues par nature, comme les adjectifs
L’ADJECTIF
obèse, replet. — CONTR. : 2 cachectique, démonstratifs (ce, cette), possessifs (mon,
décharné, étique, maigre, sec, squelettique. ton), numéraux (deux, deuxiéme), indéfi-
PROPRIÉTÉS FORMELLES DE L’ADJECTIF
adipose [adipoz] n. f. (de adipeux ; 1907, nis (quelque, même, tout). La possibilité
Larousse). État morbide déterminé par la L’adjectif constitue une classe morpholo- de recevoir un adverbe comme très n’est
surcharge graisseuse du tissu cellulaire. gique du français dans la mesure où l’on à retenir que pour distinguer l’adjectif
peut définir, d’une part, les traits formels qualificatif à base verbale (très négligent)
adiposité [adipozite] n. f. (de adipeux ; qui le distinguent en tant que « signi- du participe présent (négligeant son de-
milieu du XIXe s.). 1. En médecine, sur- fiant », d’autre part, les traits sémantiques voir.) [V. PARTICIPE.]
charge graisseuse locale. 2. Par extens. qui composent son signifié de classe. (V. Les défaillances du critère de genre sont
État du corps caractérisé par l’excès de
SIGNE.) résolues par le recours aux critères « dis-
graisse : Tantôt nous voyons se dessiner,
Son caractère formel le plus voyant est tributionnels » — ceux qu’on tire des
sur le fond d’une atmosphère où l’alcool et
ainsi noté par le linguiste danois Knud fonctions assumées dans la phrase par
le tabac ont mêlé leurs vapeurs, la maigreur
Togeby : « Nous proposons de définir les l’adjectif. L’analyse structurale par la
enflammée de la phtisie ou les rondeurs de
substantifs par leur flexion fixe ou défec- méthode de « commutation » révèle un
l’adiposité, cette hideuse santé de la fainéan-
tive en ce qui concerne le genre, les adjec- trait constant, apparemment spécifique.
tise (Baudelaire).
tifs par leur flexion libre ou variable. Un Soit la phrase : Paganini est venu sans son
• SYN. : 2 adipose, corpulence, embon-
substantif est invariablement du mascu- violon ; on peut remplacer sans son violon
point, obésité, rondeur, rotondité (fam.).
lin ou du féminin, un adjectif est tantôt par sans violon, mais non par sans son :
— CONTR. : 2 cachexie, maigreur, minceur.
au masculin, tantôt au féminin » (Struc- le mot son est donc dépendant par rap-
adirer [adire] v. tr. (issu, par l’intermé- ture immanente de la langue française, port à violon, et l’inverse n’est pas vrai.
diaire du part. passé adiré, formé le premier, 1951 ; rééd., Larousse, 1965, p. 156). Ce En soumettant à la même épreuve : Char-
de l’expression anc. être à dire, manquer [cf. critère — que K. Togeby reconnaît imap- lemagne s’est assis avec ses douze pairs, on

55
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

voit que le mot douze dépend de pairs, qui Aucun critère net de cette distinction pas pouvoir passer après le nom, sauf l’ad-
ne dépend pas de lui (on peut dire avec ses n’a été proposé : aussi bien les logiciens jectif quelconque (des livres quelconques),
pairs, mais non avec ses douze). La même ne sont-ils pas d’accord sur la limite entre qui d’ailleurs peut être qualificatif dans
expérience sera faite avec merveilleux « propriété » et « relation ». Il est difficile cette position. Un adjectif comme deux,
dans : Le prince avait un merveilleux che- aux linguistes intéressés par les signi- dans deux maisons, actualise et quanti-
val ; le mot merveilleux dépend de cheval, fiés psychologiques de ne pas distinguer fie, sans déterminer ; un adjectif comme
qui ne dépend pas de lui. Ainsi les mots deux sortes de syntagmes, que l’école même, dans la même maison, détermine
son, douze, merveilleux sont fonctionnel- de Genève (Albert Séchehaye, Ch. Bally, sans actualiser ni quantifier ; ses déter-
lement caractérisés par une dépendance Henri Frei) oppose par les termes d’inhé- mine et actualise ; quelques quantifie et
unilatérale relativement au nom, laquelle rence etde relation : « L’inhérence est un actualise... Ces diverses fonctions seront
définit la classe « adjectif » ; une partie rapport de transitivité intrinsèque, par indiquées aux articles concernant cha-
des mots de cette classe est cependant af- exemple entre une substance et sa qualité cune de ces catégories. (V. POSSESSIF,DÉ-
fectée du nom plus particulier d’articles, (une rose jolie), un procès et sa manière MONSTRATIF, INDÉFINI, INTERROGATIF,
pour des raisons qu’on trouvera exposées (il chante joliment), une substance et une RELATIF, NUMÉRAL.)
à ce mot. substance dans l’état (Pierre est avocat) ou
On a vu plus haut que des échanges fonc-
Appliquons le critère fonctionnel à des dans le temps (Pierre devient un homme).
tionnels se produisent entre la classe du
adjectifs invariables en genre, soit su- La relation est un rapport de transitivité
nom et celle de l’adjectif. Rien d’éton-
perbe et kaki. Dans la phrase : Le prince extrinsèque entre deux substances, qui
nant, puisque nom et adjectif ont pour
avait un superbe cheval, le mot superbe sont conçues par conséquent comme
fonction commune d’indiquer des carac-
peut être supprimé, et non cheval ; dans : extérieures l’une à l’autre : Pierre frappe
tères — à quoi le nom ajoute la fonction
Il portait une vareuse kaki, c’est kaki, et Paul ; la maison du jardinier, etc. » (hen-
de désigner l’objet en soi, mais seulement
non vareuse, qu’on peut ôter. On a bien ri Frei, la Grammaire des fautes, 1929).
lorsqu’il est actualisé. Un nom sans ac-
là deux adjectifs. Pourtant, cette défini- Damourette et Pichon ont repris cette
tualisateur fonctionnera donc comme
tion a aussi ses faiblesses : appliqué à une opposition des deux types de syntagmes
épithète (une femme enfant) et admet-
phrase comme : J’ai été soignée par une en distinguant les « liages syndestiques »,
tra un adverbe de quantité (Elle est très
femme médecin, ce critère ferait croire ou « syndèses », et les « liages dichodes-
enfant). Un adjectif précédé d’un actua-
que médecin est un adjectif, puisqu’on tiques », ou « dichodèses » (Des mots à la
lisateur prendra la « valence » nominale :
peut supprimer médecin, et non femme ; pensée, § 104). Il y a inhérence (syndèse)
un noble. Mais il s’en faut de beaucoup
appliqué à : Un domestique noir nous ser- dans les syntagmes étoile claire, bouche-
que cette procédure soit facultative :
vait, il ne révèle pas la nature adjective de rie propre, études courtes ; il y a relation
l’homme de la rue qui parle des Noirs et
noir, puisque domestique peut aussi bien (dichodèse) dans étoile du pôle, boucherie
qui connaît les merveilleuses du Direc-
être supprimé (Un noir nous servait). de cheval, études sur Corneille. Que par
toire n’a pas le droit de former lui-même
C’est que la langue autorise des échanges économie, dans ces groupes fréquem-
un nom sur l’adjectif kaki ou l’adjectif su-
fonctionnels d’une classe à l’autre, sur ment employés, on en vienne à remplacer
perbe. Seul est libre l’emploi de l’adjectif
lesquels nous reviendrons plus loin. les compléments prépositionnels par les
comme « représentant », qui l’apparente
adjectifs polaire, chevaline, cornéliennes,
au pronom plus qu’au nom : Regardez ces
SENS DE L’ADJECTIF et l’on a créé des « adjectifs de relation »,
deux uniformes ; préférez-vous le kaki (=
dont la particularité de sens reste liée à
Cette classe « adjectif » une fois délimitée l’uniforme kaki) ou le bleu (= l’uniforme
ces emplois et n’apparaît pas dans tels
formelliment, on doit en définir le signi- bleu) ? Pour certains mots, l’emploi
autres groupes comme une température
fié. Le mieux est de partir du signifié du comme nom ou comme adjectif paraît
polaire (= très froide), un profil chevalin
nom (v. ce mot), auquel l’adjectif se rap- également normal : il devient alors dif-
(= allongé), une situation cornélienne (=
porte par vocation. Tout nom désigne un ficile, voire impossible, de les ranger soit
où la passion lutte avec le sens du devoir).
objet ou un ensemble d’objets. Les fonc- dans l’une, soit dans l’autre classe ; citons,
Dans les exemples donnés plus haut, les
tions de l’adjectif peuvent être la caracté- parmi ces mots hybrides, aveugle, sourd,
objets désignés par les noms pôle, cheval,
risation, l’actualisation, la détermination, muet, ami, ennemi, et tous les noms de
Corneille intervenaient substantiellement
la quantification de l’objet désigné. peuples : français, anglais, etc. Dans des
dans la caractérisation ; dans les derniers,
syntagmes comme un anglais ami, un
L’adjectif qui caractérise peut être leur substance n’est que facultativement
ami anglais, c’est le second mot que l’on
construit comme « épithète » : une mai- en jeu : une température polaire peut être
sent « épithète ».
son haute, blanche, solide, ou comme éprouvée à Marseille, le profil chevalin
« attribut » : Cette maison est haute, peut être celui d’une actrice, et l’on ren- Les adjectifs non qualificatifs, qui n’in-
blanche, solide. La caractérisation est contre chez Labiche des situations cor- diquent pas de caractères, peuvent de-
le fait des adjectifs « qualificatifs ». Un néliennes. Les adjectifs de relation sont venir pronoms s’ils ne sont pas accom-
point commun les distingue formelle- utiles à la formation des nomenclatures pagnés d’un nom. Un certain nombre,
ment des autres catégories : dans la fonc- scientifiques, dont ils allègent l’expres- comme autre, même, doivent pour cela
tion épithète, tous peuvent être placés sion ; leur prolifération dans l’usage cou- recevoir un actualisateur (un autre
après le nom : une maison bretonne ; une rant est inévitable, malgré l’hostilité des est venu ; le même est venu) ; d’autres,
maison blanche ; une maison grande et « puristes », défenseurs du bon langage, comme tous, certains, n’en ont pas besoin
belle ; une maison superbe (même si cer- qui leur reprochent avec raison de favori- (tous ont compris ; certains ont compris).
tains, accidentellement ou normalement, ser des malentendus ; appeler « ministre Les échanges fonctionnels ne se font pas
peuvent figuer avant). [V. ÉPITHÈTE.] économique » le ministre de l’Économie, uniquement avec la classe du nom. Les
La plupart des théoriciens distinguent, c’est lui prêter une qualité qu’il ne reven- éléments sémantiques composant le si-
parmi les adjectifs « qualificatifs », ceux dique pas forcément. gnifié lexical des adjectifs peuvent servir
qui expriment vraiment une qualité (une Les fonctions d’actualisation (v. ce mot), à caractériser le « procès » exprimé par
étoile claire ; une boucherie propre ; des de détermination (v. ce mot) et de quan- un verbe en même temps qu’un des objets
études courtes) et ceux qui expriment tification sont exercées, à des degrés qui y sont liés. Dans une phrase comme :
une relation (l’étoile plaire ; une bouche- divers, par les adjectifs non qualificatifs, Les enfants écoutaient attentifs, l’adjec-
rie chevaline ; les études cornéliennes). dont la particularité commune est de ne tif, épithète du sujet, produit par sa place

56
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

postverbale l’effet d’un adverbe (attenti- dont le féminin est marqué par un e : sonfort, Vauvert (où val est féminin
vement). Dans : Les hommes buvaient sec, bone (de bona). On eut d’abord : comme dans Laval)
l’adjectif caractérise l’objet inexprimé du — l’absence d’accord dans la locution elle
verbe transitif employé « absolument » : se fait fort de (+ infinitif)
il est neutre, donc invariable ; formelle-
— la forme des adverbes en -ment dérivés
ment adverbialisé, il est devenu un ad-
d’adjectifs en -ant, -ent, comme savam-
verbe ; pour la même raison, on appellera
ment, prudemment (au lieu de *savante-
« adverbe » l’adjectif bas dans : Elle parle Au masculin, l’s apparaît dans les formes ment, *prudentement, comme lentement,
bas. Cette double fonction est cependant qui le comportaient en latin : nomin. de lenta mente), et la forme de l’adverbe
exceptionnelle : normalement, la langue sing. bonus, accus. plur. bonos ; les autres gentiment (d’abord gentilment) ; de
affecte le suffixe -ment à la transforma- se terminaient par une voyelle, amuïe au même, l’ancien français disait gramment,
tion d’un adjectif en adverbe. VIIIe s. comme l’u de bonus et le second o forment.
de bonos : accus. sing. bonu(m), nomin.
SOURCES DES ADJECTIFS FRANÇAIS La règle d’invariabilité du participe
plur. boni. Au féminin, le singulier bone
présent, édictée au XVIIe s., fut précédée
remonte au nominatif bona et à l’accusa-
Héritage. Une grande partie des adjec- d’une demi-invariabilité concernant
tif bona(m) : l’a est la seule voyelle finale
tifs français sont hérités du latin, princi- exclusivement le genre, laquelle tenait à
qui ait été conservée, sous forme d’e ;
palement les adjectifs non qualificatifs, la nature « uniforme » de sa déclinaison
dont le fonds se renouvelle peu (mon de le pluriel remonte à bonas, forme clas- (V. PARTICIPE). En revanche, les gram-
meum, notre de noster, tel de talem, autre sique d’accusatif et forme provinciale de mairiens exigèrent la variabilité en genre
d’alterum, etc.). nominatif généralisée en latin vulgaire. et en nombre de l’ « adjectif verbal », qui
Le neutre bon remonte au neutre latin remontait aux mêmes formes latines.
Bien entendu, des formes ou des emplois
bonum et s’emploie seulement comme at-
populaires sont le plus souvent à l’ori- C’est que l’analogie avait constam-
tribut d’un pronom neutre, d’un infinitif
gine du français : votre est issu de voster. ment restreint le nombre des adjectifs
ou d’une proposition ; il se distingue du
réfection vulgaire du classique vester sur uniformes. Déjà, en gallo-roman, des
masculin par l’absence d’s final : Ço est
le modèle de noster. Cicéron distinguait adjectifs latins de la troisième déclinai-
bon (mais : Li pere est bons).
par ttus et omnis la totalité s’appliquant son étaient passés au type bonus : l’Ap-
• ADJECTIFS UNIFORMES. Ce sont les ad- pendix Probi (liste de fautes à éviter)
soit à l’unité, soit au nombre : le français
jectifs du type granz (lat. grandis), qui ne conseille de dire « tristis, non tristus »,
n’a connu, dans les deux cas, que tout,
prennent pas e au féminin : grant. ce qui n’empêche qu’on relève, dans des
tiré de tttus, forme altérée étendue aux
textes et inscriptions, des formes comme
deux sens.
sublimus pour sublimis, dolentus pour
Nombre des formes de pronoms-adjec- dolens. Un féminin grande (de *grandam)
tifs héritées impliquent, d’accord avec les se lit dans la Vie de saint Alexis (1040) et
autres langues romanes, des étymons for- dans la Chanson de Roland (1080). Sur
més par composition dès le latin, comme cette forme, de plus en plus fréquente,
il est arrivé pour tous les mots gramma- sera refait un masculin grand, dont le d
ticaux (V. ADVERBE, PRÉPOSITION). Les final s’étendra même à l’ancien féminin
démonstratifs cist et cil, indifféremment Le masculin singulier s’explique par dans les emplois où il survit. En 1314, la
adjectifs ou pronoms, remontent à ecce grandis (nominatif) et grandem (accu- Chirurgie d’Henri de Mondeville pré-
iste (= voici celui-ci), ecce ille (= voici satif). Au pluriel, où le nominatif latin sente les deux formes de féminin, selon
celui-là). Même suppose un *metipsimus, était semblable à l’accusatif (grandes), que l’adjectif fait locution avec le nom
où l’identité de l’individu, affirmée par une opposition est créée en français, qui suit (grant plaie) ou prend, après le
ipse et soulignée par met, se trouve portée par analogie avec le type bons. Le fémi- nom, sa pleine autonomie (une contusion
au degré suprême par le suffixe superlatif nin, en latin, était identique au masculin grande). Au XVIe s., les formes comme
-mus. Aucun a pour ancêtre *alicunus, (grandis, etc.) : la différence en ancien grand n’étaient plus qu’archaïsmes des
composé redondant d’aliquis et d’unus. français, qu’accuse le tableau, est encore vers ou de la langue parlée, et Montflory,
Nul, hérité ou imité du latin nullus, appa- analogique du type bons, où le féminin en 1533, inaugura l’usage de les marquer
raît dans les plus anciens textes sous des ne distingue pas les cas ; la forme granz d’une apostrophe, comme formes élidées
formes neuls (Serments de Strasbourg) se rencontrait d’ailleurs au lieu de grant (V. ÉLISION). Cette illusion, partagée par
et niule (Cantilène de sainte Eulalie), qui au cas sujet, mais la disparition des cas les grammairiens pendant trois siècles,
supposent nec ullus. Le groupe gréco-la- sujets rétablira de toute façon l’identité explique qu’on ait écrit les mots comme
tin cata unum (= par un) a donné l’adjec- des deux genres. grand’mère, grand’chose avec une apos-
tif ancien chaun, cheün (Serments : in trophe jusqu’en 1935, date à laquelle le
Ainsi se déclinaient, en principe, tous
dictionnaire de l’Académie substitua à ce
cadhuna cosa) ; croisé en roman ou en les descendants des adjectifs latins de
signe le trait d’union.
français avec un descendant (disparu) la troisième déclinaison, par exemple
de quisque (= chaque), ce mot est devenu gentil (gentilem), fort (fortem), vert (viri- Composition. Quelques-une des adjec-
chacun. dem), vaillant (*valyentem), leial (lega- tifs non qualificatifs ont été composés
lem), mortel (mortalem), tel (talem), quel en français même. Les pronoms-adjec-
La déclinaison des adjectifs qualificatifs
(qualem). tifs démonstratifs ont été renforcés, sans
en ancien français reflète encore étroi-
doute à l’imitation d’ici (hic ecce hic),
tement le système latin ; on y distingue Par là s’expliquent :
d’un préfixe i-, que l’ancienne langue pré-
deux classes, compte non tenu des com- — la forme indifférenciée de l’adjectif sente irrégulièrement et qui ne survivait
paratifs, que nous étudierons ailleurs (V.
conservée dans les groupes lexicalisés au XVIIe s. que dans les formules du droit :
DEGRÉ) : les adjectifs « biformes » et les comme grand-mère, grand-rue, grand- en vertu d’icelui, dans l’intérêt d’icelle ;
adjectifs « uniformes ». tante, grand-messe, lettres royaux, fonts nouveau renforcement, par l’autre bout,
• ADJECTIFS BIFORMES. On appelle ainsi baptismaux, et dans les noms propres au XIIIe s., avec les adverbes -ci et -là :
les adjectifs du type bons (lat. bonus), comme Gran(d)ville, Rochefort, Mai- cet homme-ci, ce garçon-là. Quelque,

57
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

soudé au XIIIe s., est fait du groupe quel gnon), mercantile (ital. mercantile, qui de couleur : des cheveux acajou, des gants
que concessif, autrefois dissociable : Quel se livre au commerce), nègre (esp. negro, beurre frais, un cheval pie.
semblant qu’el en feïst (la Châtelaine de noir). Beaucoup d’adjectifs remontent à des
Vergi). Enfin, les groupes je ne sais quel, L’anglomanie a introduit depuis le XIXe s. participes. F. Brunot a remarqué combien
n’importe quel peuvent être tenus pour une quantité d’adjectifs d’outre-Manche ce glissement était facilité, pour le parti-
adjectifs (indéfinis) du jour où ils ont pu et d’outre-Atlantique, généralement cipe passé, par la forme périphrastique
précéder un nom sans être suivis d’un
maintenus ou refoulés dans la langue du passif français : il est aimé. L’emploi de
verbe à un mode personnel ou à l’infini- familière, voire argotique, ou dans les l’adverbe très atteste la nature adjective
tif : Chacun sentait je ne sais quel plaisir
langues spéciales du sport, du cinéma, de (comparer : Il est très aimé / On l’aime
en pleurant (Fénelon). la mode et de la publicité : snob, smart, beaucoup), ainsi que la coordination
Des adjectifs qualificatifs ont été for- fashionable, shocking, groggy, newlook, possible entre un participe et un adjectif :
més par juxtaposition de deux adjectifs relax, vamp, sexy, up to date, K.-O. un livre ancien et encore très lu ; le pré-
(ou participes) coordonnés : aigre-doux, (knock-out). fixe négatif in- des adjectifs (inactif) est
clair-obscur, sourd-muet, gris-brun, fran- étendu à certains participes : inaccompli,
Mais la grande majorité des emprunts
co-anglais. Le premier adjectif peut être inconnu, inespéré, inexploré, inexprimé,
ont été faits aux langues anciennes, et
subordonné au second avec une nuance insatisfait, invaincu (il n’existe pas de
pour commencer au latin. Voici quelques
adverbiale : clairsemé, clairvoyant, court- verbe *inaccomplir, *inconnaître, etc.).
exemples du XIIIe s. : agreste, avaricieux,
vêtu, haut placé, tout-puissant, courbatu
bigame, congru, excessif, figuratif, idoine, Sur le modèle des participes ont été créés
(pour court-battu, « battu à bras raccour-
intellectif, oblique, politique. F. Brunot des mots à base nominale en -é et en -u
cis »), nouveau-né(es), premier-né(es),
donne, dans son Histoire de la langue qui ressortissent à la suffixation (v. plus
nouveau(x) marié(s). A plus forte raison,
française, une liste de 247 adjectifs em- loin).
un adverbe peut tenir cette place : bien-
pruntés du latin aux XIVe et XVe s. Si l’on Le participe présent n’admet pas, en
séant, avant-coureur. L’adjectif avant-
écarte tous les termes techniques tirés de principe, la construction attributive (*Il
dernier n’est pas du même type : avant
la Chirurgie de Mondeville (comme lati- est marchant) ; aussi la présence du verbe
y est préposition (= avant le dernier) ;
tudinel, mitigatif, reugmatique, suprace- être devant une forme en -ant est-elle une
les groupes prépositionnels ou conjonc-
lestial), il reste une bonne part de mots preuve d’adjectivation : Il est charmant ;
tionnels à valeur adjective ne sont pas
latins entrés dans le vocabulaire le plus certaines marques orthographiques dis-
rares : sans-coeur, sans-gêne, à la page,
courant : absent, adjacent, aride, barbare, tinguent aussi les « adjectifs verbaux »
comme il faut ; un de ces groupes a donné
brutal, caduc, circonspect, collectif, com- comme négligent, fatigant des participes
débonnaire, dont l’origine est claire dans
plexe, crédule, décent, détestable, diffé-
la graphie ancienne de bon aire, c’est-à- correspondants. (V. PARTICIPE.)
rent, équivalent, incurable, inestimable,
dire « de bon nid », « de bonne famille » Dérivation. Une quinzaine de suffixes
etc.
(Chanson de Roland). latins d’adjectifs, accentués, sont restés
L’usage se maintint au XVIe s., mais on est suffixes en ancien français :
Emprunts. Mentionnons par prétéri-
frappé, en lisant les longues listes d’em-
tion les emprunts du gallo-roman, c’est- -able (lat. -abile) : pechable (capable de
prunts au latin que donne Brunot pour
à-dire faits par le latin même aux lan- pécher), creable (qu’on peut croire), es-
ce siècle, par le nombre décroissant des
gues contemporaines sur le territoire de maiable (effrayé) ;
mots passés dans l’usage commun, tels
la Gaule. Les dialectes germaniques ont -ain (-anu) : premerain, prochain ;
que classique (Sebilet), concret (Paré),
fourni le plus gros contingent, avec des -ant (-ante) : participe présent et adjectif
docile (R. Estienne), docte (Du Bellay),
adjectifs comme blanc, bleu, brun, frais,
epistolaire (Dolet), explicite (Du Perron), (v. ci-dessus) ;
franc, laid, riche. Les adjectifs franciques
exsangue (Canappe), fanatique (Mon- -asse ou -ace (-acea) : bonasse, hom-
comme frankisk, thiudisk ont donné le
taigne), fatidique (O. de Saint-Gelais), masse, riace ;
suffixe -escu, -esca, dont les traces se
febrile (Paré), fidele (R. Estienne), etc. En -astre (-asteru) : marastre ;
retrouvent en ancien français et surtout
regard montent les mots techniques — -é (-atu) : participe passé et adjectif :
en italien. L’onomastique s’est enrichie
pour ne rien dire des pédantismes sans miellé ;
d’une quantité de noms franciques,
lendemain de latiniseurs comme Lemaire
parmi lesquels les noms de personnes eis, -ois, -ais (-ense) : Franceis, corteis,
de Belges (melliflue, concupiscible...), jus-
en -hart (Eginhart, Bernhart, Reginhart, Suédois, Français ;
tement réprouvés par la Pléiade.
ancêtre de Renard) et en -wald (Grim- -el, -eau(-ellu) : jumel, roussel, puis ju-
wald, Herwald) sont à l’origine de suffixes Le grec est à son tour largement mis à meau, rousseau ;
latins d’adjectifs qui ne sont attestés que contribution, et c’est à cette source qu’on
-erez, -eret, -erece (-ariciu) : paroisserez
par leurs descendants français -art (-ard) puisera par la suite, principalement après
(attaché à la paroisse), pasquerez (qui
et -aud (-aut), et italiens (v. plus loin). le XVIIIe s., une masse de mots savants
se mange à Pâques), dameret, guilleret,
qui franchiront les frontières des Etats
Après la naissance du français, peu d’ad- (corde) guinderece (auj. guinderesse, ser-
jectifs furent empruntés aux langues voi- plus facilement que celles du langage
vant à hisser les mâts) ;
scientifique : chlorhydrique, dispepsique,
sines (on importe des objets plutôt que -et (ittu) : longuet, maigret ;
des qualités, et la flexion des adjectifs hémostatique, lacrymogène, mythomane,
télégraphique, thérapeutique, etc. -ien (-yanu) : parochien, paiien ;
peut aussi constituer un obstacle à l’adap-
-ier (-ariu) : coustumier, domagier ; rem-
tation). Citons quelques exemples : accort Changements d’emploi. Nous avons
place -er (-are) dans régulier, singulier ;
(ital. accorto, avisé), bigot (peut-être tiré expliqué plus haut l’échange entre les
classes du nom et de l’adjectif. Cette pos- -if (-ivu) : plentif (abondant), poestif
anciennement d’un juron germanique
analogue à l’angl. by God !, par Dieu !), sibilité existait en ancien français : une (puissant) ; remplacé par -i :naï, tardi,
maistre pierre (Raoul de Cambrai), mon joli ;
calme (d’abord nom, de l’ital. calma,
tranquillité des flots), espiègle (du nom palais ancestre (Aiol), comme de nos -in (-inu) : acerin (d’acier), asnin (d’âne),
néerlandais de Till Eulenspiegel, héros jours : Mais ce mot sorcier, ce mot fée, ce blondin, enfantin ;
facétieux d’un roman allemand), falot mot magique, où le trouver ? (Th. de Ban- -iz, eiz (-iciu, -aticiu) : jointiz, traitiz
(d’abord nom, de l’angl. fellow, compa- ville). Elle a produit nombre d’adjectifs (bien fait) ; remplacé par -if : massif ;

58
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

-os, -ous, -eux (-osu) : angoissos, covoitos, Par combinaison de ces différents suf- adjectiver [adktive] v. tr. (de adjec-
vergogneux, crasseux ; fixes, ou par coupe arbitraire de mots tif ; 1843, Landais). Employer en fonction
-ot (-ottu) : vieillot, manchot, petiot ; français, sont nés des suffixes que Ny- d’adjectif : Un participe présent adjectivé.
-u (-utu) : participe passé et adjectif : rop appelle « de formation française », Le substantif « monstre » est adjectivé dans
corsu, fueillu. comme : l’expression « un dîner monstre ».
-elet (el et et) : petitellet, rondelet ; adjoindre [adwdr] v. tr. (réfection
Ajoutons à cette liste les suffixes tirés
du francique à l’époque romane (v. plus -ial (tiré de mots comme filial) : seigneu- de ajoindre [XIIe s.], écrit adjoindre au
haut EMPRUNTS). Le suffixe -art appa- rial, racial ; XVIe s., d’après le lat. adjungere). [Conj.
raît anciennement dans bastart (bâtard), -iel (tiré de mots comme officiel) : prési- 55.] 1. Associer une personne à une autre
coart (couard), gaillart, richart ; le fémi- dentiel, circonstanciel. comme auxiliaire : Des lettres patentes
nin -arde est analogique de celui d’un -igaud, -igot (tiré de saligaud, remon- confèrent la régence à l’impératrice ; je lui
adjectif comme tart, « lent, tardif » (tar- tant au francique salik, et -ot, modifié ai adjoint le prince Joseph comme lieutenant
du), dont le féminin tarde (tarda) gardait d’après salaud) : Parigot, mendigot (peut- général de l’Empire (Dumas). 2. Associer,
normalement sa dentale sonore ; sous la être adaptation de l’esp. mendico, lat. joindre une chose à une autre : On a adjoint
forme refaite -ard / -arde, ce suffixe, ex- mendicus) ; un dispositif de sécurité à cet appareil, dont
pressif et souvent péjoratif dès l’origine, la manoeuvre peut être dangereuse. Les seuls
-ineux (tiré de mots comme bitumi-
devait jouer en français un très grand rôle portraits féminins que Stuck ait alors peints
neux) : arg. pharamineux ;
jusqu’à nos jours (chéquard, revanchard, sans adjoindre de serpents [...] étaient jus-
-iot (tiré de petiot) : maigriot ;
tement ceux de la petite Eva (Giraudoux).
dreyfusard). Le suffixe -aud apparaît
-lâtre (tiré de idolâtre) : hugolâtre ;
dans cortaud (courtaud), lordaut (lour- • SYN.: 2 ajouter, annexer, combiner, unir.
-teux (tiré de mots comme boiteux, hon- — CONTR. : 1 enlever, ôter, retirer ; 2 déta-
daud), ribaut ; sa fortune comme suffixe
teux) : caillouteux ; cher, disjoindre, dissocier, séparer.
expressif et péforatif (pataud, salaud)
sera moins marquée et moins durable. -ueux (tiré de mots comme défectueux, s’adjoindre v. pr. Prendre avec soi à titre
Quant au suffixe germano-roman -escu, fastueux) : luxueux, talentueux. d’auxiliaire : S’adjoindre un collaborateur.
-esca, il est attesté anciennement par des M. Jean Dubois a étudié la Dérivation • SYN.: s’attacher, prendre.
noms de peuples : franceis / francesche ; suffixale en français moderne et contem-
adjoint, e [adw, -t] adj. et n. (part.
angleis / anglesche, dont le féminin de- porain (Larousse, 1962). Dans le domaine
passé de adjoindre). Se dit d’une personne
vint rapidement -eise, par confusion du des adjectifs, le plus grand dévelop-
associée à une autre pour la seconder : A
masculin avec le suffixe (primitivement pement observé entre 1906 et 1961 est
Wagram, en 1809, je n’étais pas militaire,
« uniforme ») -eis (lat. -ense) ; -escu, éli- celui du suffixe -ique, lié à la vitalité du mais, au contraire, adjoint aux commis-
miné, réapparaîtra au XVIe s. dans des suffixe nominal corrélatif -ie (chimie /
saires des Guerres (Stendhal). Il fut nommé
emprunts à l’italien (v. plus loin). chimique). Vient ensuite -el, -al (intem-
sous-directeur adjoint au musée du Louvre
Les mêmes suffixes, et d’autres suffixes porel, résiduel, carentiel, directionnel ; (France).
latins, apparurent bientôt dans des mots minimal, substantival, racial), dont la
• REM. Adjoint ne se lie pas par un trait
empruntés sous une forme savante, plus première forme tend à l’emporter, sans
d’union au nom qui le précède.
proche de l’originale, et qui souvent qu’on puisse définir une nuance séman-
adjoint n. m. Adjoint au maire, ou sim-
essaima : tique stable entre les deux. Le suffixe -if,
plem. adjoint, membre du conseil muni-
qui tient la troisième place (duratif, com-
-aire (-arius), qui remplaça -ier : ad- cipal qui supplée le maire : Je ne veux pas
pétitif, contraceptif), a perdu beaucoup
versaire (au lieu d’aversier), similaire, être maire, ni seulement adjoint (Aymé).
plus qu’il n’a gagné. Le suffixe -aire, qui
dentaire ; • SYN.: assesseur, assistant, associé, auxi-
vient après (allocataire, déficitaire, tota-
-al (-alis), qui concurrença -el : enfer- liaire, collaborateur, second.
litaire), « perd sa place éminente dans le
nal, personnal, royal (à côté de personel,
vocabulaire politique et social au pro- adjonction [adksj] n. f. (lat. adjunc-
royel) ;
fit de -el ». Suffixe de nom et d’adjectif, tio ; XIVe s., Du Cange ; var. ajonction,
-an (-anus), qui remplaça -ain : persan, -iste prend une extension débordante : jusqu’au XVIe s., d’après ajoindre). 1. Action
vétéran ; cantonné au XIXe s. dans le vocabulaire d’adjoindre une personne ou une chose à
-atique (-aticus) : aromatique, politique, social et philosophique, où il une autre ou à d’autres : Si les Courvoisier
emblématique ; se maintient (centriste, cégétiste, pragma- donnaient un dîner de famille ou un dîner
-atoire (-atorius) : ambulatoire, tiste), il envahit le lexique artistique (vers- pour un prince, l’adjonction d’un homme
diffamatoire ; libriste), sportif (scootériste), technique d’esprit, d’un ami de leur fils, leur semblait
-éen (-eus et -anus) : Chaldéen, lycéen ; (accessoiriste). une anomalie capable de produire le plus
-ible (-ibilis) : crédible, accessible, (in) cor- mauvais effet (Proust). Henri de Brécé [...]
adjectival, e, aux [adktival, -o] adj.
rigible, faisible, pénible (à côté de faisable, transformait un second pâté d’encre en
(de adjectif ; début du XXe s.). Relatif à l’ad-
penable) ; coléoptère par l’adjonction d’une tête, de
jectif ; qui est de la nature de l’adjectif : Une
deux antennes et de six pattes (France).
-ique (-icus, gr. -ikos) : asiatique, féerique, locution adjectivale (ou adjective).
2. Chose ajoutée : Les anciennes construc-
vocalique ;
adjectivation [adktivasj] n. f. (de tions sont devenues méconnaissables sous
-iste (-ista, gr. -istês) : choriste, artiste, les remaniements, adjonctions, embellisse-
adjectif, XXe s.). Processus grammatical
humoriste.
consistant à donner à un substantif la ments (Romains).
L’italien apporta : valeur et la fonction d’un adjectif : Il y a • SYN.: 1 addition, annexion, association,
— le suffixe -asque des noms de lieux : adjectivation de « plafond » dans « un prix réunion ; 2 addition. — CONTR. : 1 et 2
bergamasque, monégasque ; plafond ». retranchement, soustraction, suppression.

— le suffixe -esque, d’origine germanique adjectivement [adktivm] adv. (de adjudant [adyd] n. m. (de l’esp. ayu-
(v. plus haut) : arabesque, burlesque, gro- adjectif ; XVe s., Dict. général). En fonc- dante, officier subordonné, dér. de ayudar,
tesque, dantesque, simiesque, romanesque tion d’adjectif : Un participe employé aider ; fin du XVIIe s. ; 1701, Furetière, écrit
(mais picaresque vient de l’espagnol). adjectivement. ayudant [devenu adjudant d’après le lat.

59
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

adjuvare, aider] ; sens moderne, fin du adjuration [adyrasj] n. f. (lat. ecclés. Citer un auteur « ad litteram », le citer
XVIIIe s.). 1. Vx. Officier de haut grade, adjuratio ; 1488, Mer des histoires). textuellement.
adjoint à un autre officier de haut grade : 1. Formule d’exorcisme, dans l’Église
ad majorem Dei gloriam [admarm-
M. de Camas, adjudant général du roi catholique. 2. Prière instante : Elle [...]
deiglrjam] loc. lat. signif. « pour la plus
de Prusse, est homme plus instruit qu’un partit en emportant ses cris d’amour refré-
grande gloire de Dieu », et servant de
adjudant ne l’est d’ordinaire (Voltaire). nés, ses adjurations jugulées (Colette).
devise à la Compagnie de Jésus. (Abrév.
2. Dans l’armée française, sous-officier • SYN.: 1 conjuration, obsécration ; 2 conju- A.M.D.G.)
qui assiste un officier dans son commande- ration, imploration, supplication.
ment. Adjudant-chef, le plus haut grade admettre [admtr] v. tr. (lat. admittere ;
adjurer [adyre] v. tr. (lat. ecclés. adju-
de la hiérarchie des sous-officiers, immé- XIIIe s., Godefroy ; en anc. franç., amettre,
rare, sommer au nom de Dieu ; XIIIe s., aju- d’origine pop., « mettre à charge, accuser » ;
diatement supérieur à celui d’adjudant.
rer ; puis adjurer, refait sur le lat. au XIVe s.).
repris au XVe s., avec le sens de « donner
adjudicataire [adydikatr] n. (de adju- 1. Prononcer la formule d’exorcisme, dans accès », « approuver »). [Conj. 49.]
dication ; début du XVe s.). Bénéficiaire l’Église catholique. 2. Prier instamment
d’une adjudication. quelqu’un, au nom de Dieu, au nom d’une I.1.Laisser entrer quelqu’un comme
personne ou d’une chose sacrée ou simple- ayant la qualité requise ; l’accueillir
adjudicateur, trice [adydikatoer, -tris]
ment très chère, de dire ou de faire quelque comme membre, ami, etc. : Au mieux
n. (de adjudication ; 1823, Boiste). Personne
chose : Fais ce que tu pourras de ton côté, je avec la maison Nucingen où Roguin l’avait
qui met en adjudication un bien ou un
t’en adjure (Duhamel). 3. Vx. Prendre à fait admettre (Balzac). Les vieillards, les
marché.
témoin : Elles lançaient leurs bras comme enfants m’admettent avec eux (Hugo). On
adjudicatif, ive [adydikatif, -iv] adj. pour adjurer le soleil (Montherlant). sait que M. Weiss n’a pas été élu. L’Aca-
(de adjudication ; début du XVIe s.). Qui se démie a manqué l’occasion [...] d’admettre
• SYN. : 1 conjurer, exorciser ; 2 conjurer,
rapporte à une adjudication : Un jugement implorer, supplier ; 3 invoquer. un véritable écrivain (France). Spé-
adjudicatif. cialem. Déclarer un élève apte à entrer
adjuvant, e [adyv, -t] adj. (lat. adju- dans un établissement scolaire (souvent
adjudication [adydikasj] n. f. (lat. vans, part. prés. de adjuvare, aider ; 1560, au passif) : Être admis à l’École normale
jurid. adjudicatio ; XIVe s., E. Deschamps, Paré). Se dit d’un médicament, d’un traite- supérieure. 2. Par extens. Permettre à
au sens de « jugement » ; var. ajudica- ment qui a pour objet de renforcer l’action quelqu’un d’obtenir quelque chose : Le
tion, d’après ajuger, jusqu’au milieu du d’un autre : Substance adjuvante. Prussien fit répondre qu’il admettrait ces
XVIIIe s.). 1. Vente de biens ou marché
n. m. (1834, Landais). 1. Produit que deux hommes à lui parler quand il aurait
de fournitures, de travaux, faits au plus
l’on ajoute à un autre pour en renforcer déjeuné (Maupassant). Medjnoun fut, le
offrant : Adjudication volontaire, judi- les caractéristiques ou l’effet : Les adju- jour même, admis à la retraite (Banville).
ciaire, administrative. La commune met
vants du béton. 2. Chose ou personne Être admis à faire valoir ses droits à la
en adjudication la fourniture de matériel
qui aide, qui stimule : N’est-il pas superflu retraite. 3. Laisser la possibilité d’exis-
scolaire. 2. Attribution à l’adjudicataire d’ajouter que le thé, le café et les liqueurs ter à : Les froissements viennent presque
de la chose mise en adjudication.
sont des adjuvants puissants qui accélèrent toujours de ce qu’on n’admet pas, de ce
adjuger [adye] v. tr. (lat. adjudicare ; plus ou moins l’éclosion de cette ivresse mys- que l’on ne tolère point chez les autres
écrit d’abord ajugier [XIIe s.], puis ajuger, térieuse ? (Baudelaire). Un grand génie [...], une nature très différente de la nôtre
enfin adjuger [XIIIe s.] ; jusqu’au XVIe s., un savant trouveraient un adjuvant dans (Maupassant). Le ton n’admettait guère
a surtout le sens de « juger, condam- ma solitude (Mallarmé). C’est que l’homme de réplique (Aragon). Ce texte admet plu-
ner » ; sens moderne, XVe s., repris au lat.). est le plus grand adjuvant de l’homme (L. sieurs interprétations. 4. (avec un sujet
[Conj. 1.] 1. Attribuer par jugement, à Daudet). désignant une chose) Laisser le passage à,
l’une des parties, la propriété contestée • SYN.: 2 auxiliaire, stimulant. permettre l’entrée de : Le reste de la ville
d’une chose. 2. Déclarer que quelqu’un est sillonné en tous sens d’inextricables
adjuvat [adyva] n. m. (mot lat. signif. « il
devient propriétaire d’une chose, meuble ruelles de trois à quatre pieds de large qui
aide », 3e pers. du sing. de adjuvare ; 1877,
ou immeuble, mise en vente par adjudica- ne peuvent admettre de voitures (Gautier).
Littré). Qualité, fonction d’aide d’anato-
tion : [Sylla] fit vendre à l’encan les biens II.1.Reconnaître pour vrai, en s’incli-
mie, membre du personnel enseignant qui
des proscrits pour les adjuger à ses créa- nant devant l’évidence, le bon sens ou les
assiste le prosecteur dans l’exécution des
tures (Mérimée). Adjugé !, l’objet est arguments de la raison : La tradition veut
travaux pratiques des facultés de médecine.
adjugé, formule utilisée dans les ventes que ce soit le portrait de Raphaël peint par
aux enchères et par laquelle le titre de ad libitum [adlibitm] loc. adv. (du lat.
lui-même [...], mais il est difficile d’ad-
propriété est déclaré acquis à la personne ad, à, et libitum, part. substantivé, de libet,
mettre cette aimable légende (Gautier).
qui a mis la dernière surenchère : Une fois, il plaît ; 1835, Acad.). A volonté, au choix.
Il est bien intéressant d’admettre qu’il y a
deux fois, trois fois, adjugé ! 3. Attribuer une modification réciproque possible entre
ad limina apostolorum [adlimina-
à l’adjudicataire le marché de fournitures un régime d’action qui est purement mus-
apstlrm] loc. adj. et , par abrév., ad limina
ou de travaux mis en adjudication : La (mots lat. signif. « au seuil des apôtres »). culaire et une production variée d’images,
société de travaux publics [...] sut se faire Visite « ad limina », voyage à Rome que de jugements et de raisonnements (Valé-
adjuger la construction du chemin de fer ry). Il admit qu’il était urgent de mettre
doivent faire périodiquement tous les
du CentreAnnam (Malraux). 4. Décerner évêques catholiques pour rendre compte un peu d’ordre dans ses idées (Camus).
une récompense : Mlle Michelot hoche la de leur administration. 2. Reconnaître pour valable, souvent
tête et m’adjuge [...] un 20 qui fait loucher par esprit de conciliation : Nous sommes
l’auditoire (Colette). ad litem [adlitm] loc. adj. (mots lat.
convenus d’admettre sa qualité d’envoyé
• SYN. : 4 accorder, attribuer, conférer, signif. « pour un procès » ; 1866, Larousse).
diplomatique (Balzac). 3. Admettre
donner, gratifier de. — CONTR. : 4 dénier, Se dit d’une procuration, d’une provision,
que, faire la supposition que : Admettons
refuser. d’un mandat, etc., relatifs à un procès
[...] que je ne sois pas digne, en bonne mo-
donné.
s’adjuger v. pr. S’emparer plus ou moins rale, du nom et de la position que j’ambi-
indûment de quelque chose : Le glouton ad litteram [adliteram] loc. adv. (mots tionne (Dumas fils). Fam. Admettons !,
commença par s’adjuger la plus grosse part. lat. signif. « à la lettre » ; milieu du XVIe s.). acceptons comme vrai ce qui vient d’être

60
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

proposé : Vous prétendez que votre projet mairie, la paroisse et l’administration des • SYN. : I, 1 appliquer, apporter, donner,
est le meilleur : admettons ! Parlez-moi pompes funèbres (Balzac). 3. Spécia- fournir, produire ; 4 appliquer, donner,
donc de sa réalisation. lem. Les services publics d’un pays pris ficher (pop.), flanquer (pop.). II conduire,
• SYN. : I, 1 accepter, agréer, introduire, dans leur ensemble (souvent avec une diriger, gérer, mener, régir.
recevoir ; 3 accepter, comporter, permettre, majuscule) : Enfin les magistrats pensent
admirable [admirabl] adj. (lat. admira-
souffrir, supporter, tolérer. II, 1 accepter, à se distinguer pour avancer, comme on
bilis ; 1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit
croire à, souscrire à ; 3 supposer. — CONTR.: avance dans l’armée ou dans l’adminis-
amirable ; admirable, XIIIe s. ; a le sens de
I, 1 Chasser, éconduire, exclure, rejeter, ren- tration (Balzac). Depuis quatre mois, le
« étonnant » jusqu’au début du XVIIIe s.).
voyer ; ajourner, éliminer, recaler (fam.), pauvre aga était perdu dans le brouillard
1. Class. Qui excite l’étonnement : Ce
refuser ; 3 refuser, rejeter, repousser. parisien, passant sa vie à courir les minis-
renversement admirable des conditions
II, 1 et 2 contester, discuter, refuser, rejeter, tères, pris dans le formidable engrenage
humaines est déjà commencé (Bossuet).
repousser. de l’administration française, renvoyé
S’emploie encore ironiq. en ce sens : Voilà
• REM. Au sens II, 1. admettre que se de bureau en bureau (Daudet). 4. En-
qui est admirable, Madame ; Frère Ange est
construit avec l’indicatif ; au sens II, 3, il semble des fonctionnaires d’un service
capucin et il sait lire ! (France). 2. Digne
est suivi du subjonctif. public : L’administration des Postes et
d’admiration : Dans les panneaux qui sépa-
Télécommunications.
adminicule [adminikyl] n. m. (lat. admi- rent chaque femme, d’admirables peintures,
• SYN. : II, 1 conduite, gérance, gestion ; 3 dues à quelques artistes inconnus, représen-
niculum, petit appui ; 1555, E. Pasquier). fonction publique.
1. Vx. Moyen auxiliaire : Nous sommes tent les gloires de la table (Balzac). 3. Par
obligés d’avoir recours à des secours étran- administrativement [administrativm] extens. Excellent : Quelle journée admi-
gers, à des règles, à des principes, à des adv. (de administratif ; 1802, Mercier, rable ! J’ai passé toute la matinée étendu
instruments ; tous ces adminicules sont Néologie). Du point de vue de l’admi- sur l’herbe (Maupassant).
des ouvrages de l’esprit humain (Buffon). nistration. • SYN.: 2. et 3 beau, incomparable, magni-
2. En droit, élément de preuve. fique, merveilleux, parfait, splendide,
administré, e [administre] n. (part.
sublime. — CONTR. : 2 et 3 affreux, détes-
administrateur, trice [administratoer, passé de administrer ; 1796, le Néologisme
table, effroyable, épouvantable, horrible,
-tris] n. (lat. administrator ; XIIe s., Saint- françois). Particulier considéré par rapport
ignoble, infect.
Evroult). Personne qui gère les biens, les à l’administration publique : La presse du
affaires d’un particulier, d’une société, soir [...] demanda quelles mesures d’urgence admirablement [admirablm] adv.
de l’État : J’ai passé ce matin aux bureaux elle [la municipalité] avait envisagées pour (de admirable ; 1468, Chastellain). D’une
de la Compagnie et j’ai causé avec un des garantir ses administrés de cette invasion manière admirable, merveilleuse, parfaite :
administrateurs (Maupassant). Absol. (Camus). Un roman admirablement écrit. Une femme
Bon administrateur : Avoir les qualités qui chante admirablement.
administrer [administre] v. tr. (lat.
d’un administrateur. Administrateur administrare, servir, de minister ; XIIe s., admirant, e [admir, -t] adj. (part. prés.
civil, fonctionnaire qui occupe un emploi aministrer ; puis administrer, XIIIe s. ; au de admirer ; XVIIe s.). Class. et littér. Qui est
supérieur dans un ministère. sens de « gérer », XVIIIe s.). en admiration : La souplesse, la bassesse,
administratif, ive [administratif, -iv] I. 1. Fournir à quelqu’un une chose dont l’air admirant, dépendant, rampant étaient
adj. (de administrer ; début du XVIIIe s.). il a besoin : Administrer un remède, une les voies uniques de lui plaire [à Louis XIV]
Qui appartient, qui a rapport à l’Adminis- (Saint-Simon). La vraie femme d’artiste,
preuve. Les leçons de Firmin avaient déjà
tration : Une décision administrative. Le détruit en elle le chant et la déclamation silencieuse, admirante (Daudet).
grand hôtel de la préfecture [...] lui donne du Conservatoire : le contrepoison avait admirateur, trice [admiratoer, -tris] n.
une tournure toute française et administra- été administré à temps (Dumas). 2. Ad- (lat. admirator ; 1542, É. Dolet). Personne
tive (Flaubert). Personne ne savait mieux ministrer un sacrement, le conférer : On qui admire un être ou une chose : Le châ-
que lui tourner une lettre administrative, envoya chercher le curé, pour administrer teau [...] fut conservé aux admirateurs de
dans ce style arrondi, incolore, qui a horreur les sacrements (Chateaubriand). Admi- votre art national (France).
du mot propre, ne doit viser qu’à une chose : nistrer le baptême, l’extrême-onction. • SYN.: amateur, connaisseur, dilettante. —
parler sans rien dire (Daudet). 3. Ellipt. Administrer un malade, un CONTR.: contempteur, critique, détracteur,
mourant, lui donner les derniers sacre- profane, railleur.
administration [administrasj] n. f.
ments : Mme d’Hautefeuille était pieuse,
(lat. administratio ; XIIe s. ; sens moderne, admiratif, ive [admiratif, -iv] adj. (bas
mais elle possédait des biens nationaux.
1783, Mercier). lat. admirativus ; XIVe s., Oresme, Dict.
Elle mourut administrée par un prêtre
I. Action de fournir à quelqu’un quelque janséniste (France). Le moindre prêtre de général). 1. Qui est proté à admirer : Parme
chose qui lui est utile : L’administra- campagne qui administre ses paroissiens n’est guère sur la ligne des touristes. Le
tion d’une preuve, d’un remède, des et qui a entendu la respiration d’un mou- troupeau admiratif suit l’itinéraire obligé,
sacrements. rant pense comme moi (Camus). 4. Fam. Florence, Rome, Naples (Gautier). 2. Qui
Administrer une correction, une punition, marque l’admiration : Le regard admiratif
II. 1. Action ou manière de gérer des
l’infliger : Il se sentait partagé entre le be- de Bénédict (Gautier).
biens, des affaires publiques ou privées :
soin de se laisser mener par le nez et celui •CONTR. : 1 et 2 dédaigneux, méprisant,
L’administration d’un pays, d’une fortune.
d’administrer une solide correction à sa moqueur, railleur.
Il aimait à redire les hauts faits de son ad-
ministration, les services rendus à la colo- déesse (Sand). La raclée que je lui ai fina-
admiration [admirasj] n. f. (lat. admi-
lement administrée (Mauriac).
nie (Daudet). Conseil d’administration, ratio ; XIIe s., écrit amiration ; admiration,
groupe des personnes responsables de la II. Gérer les affaires publiques ou pri- XIVe s.). 1. Class. Étonnement, surprise :
gestion d’une société par actions : L’oncle vées : On l’accusait d’avoir mal adminis- Des inconvénients qui nous apportent de
était célibataire, riche, accablé de conseils tré les affaires. Il administre lui-même son l’admiration (Malherbe). Chez Descartes,
d’administration (Cocteau). 2. Service bien (Acad.) ; et absol. : Sous le Consu- l’admiration est la passion fondamentale du
qui s’occupe d’administrer un secteur lat, le bonhomme Grandet devint maire, philosophe, consistant d’abord en une sur-
déterminé : Le jeune secrétaire était char- administra sagement, vendangea mieux prise qui provoque les recherches (Blondel).
gé de s’entendre immédiatement avec la encore (Balzac). 2. Sentiment d’enthousiasme provoqué

61
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

par le beau, le merveilleux, le bien : Le jeune table, inadmissible, irrecevable ; 2 impos- premiers mois, il admonestait, chapitrait,
garçon [...] regarda le grand Meaulnes avec sible, insupportable, intolérable. sermonnait ses compatriotes (Sartre).
un peu de saisissement et une immense adj. et n. Se dit d’un candidat qui a réussi • SYN. : 2 avertir, chapitrer, gourmander,
admiration (Alain-Fournier). Avoir de à la première série d’épreuves d’un exa- gronder, houspiller, moraliser, morigéner,
l’admiration pour un artiste. Être en admi- men, d’un concours, et est admis à subir réprimander, semoncer, sermonner, tancer.
ration devant un paysage. 3. Littér. Objet la seconde. — CONTR. : 2 complimenter, congratuler,
d’admiration : Ce jeune homme ressentait • CONTR. : ajourné, refusé, recalé (fam.). féliciter.
un peu plus que du mépris pour un père
admission [admisj] n. f. (lat. admissio, admoniteur, trice [admnitoer, -tris]
qui avait été l’admiration de son enfance
de admissus, part. passé de admittere ; pre- n. (lat. admonitor ; XVIIe s., J. Gaultier).
(Aragon).
mière moitié du XVIe s.). 1. Action d’ad- Vx. Personne qui fait des admonitions :
• SYN. : 2 éblouissement, emballement Bertrand [Du Guesclin] fait à la fois le
mettre quelqu’un ou quelque chose : Faire
(fam.), émerveillement, engouement, exal- rôle de protecteur d’Henri et d’admoni-
une demande d’admission dans un club.
tation, extase, ravissement, transport ; 3 teur de Don Pèdre (Voltaire) ; et au fig. :
L’admission [par l’Académie] du manifeste
émerveillement, ravissement. — CONTR. : Pour les hommes supérieurs, la religion est
rédigé par M. Auger n’a pas occupé moins
2 critique, dédain, dégoût, dénigrement,
de quatre séances consécutives (Stendhal). un admoniteur sévère qui leur apprend à
exécration, horreur, mépris, moquerie,
2. Le fait d’être admis dans un groupe- s’humilier (Chateaubriand). Spécialem.
raillerie. Dans certaines congrégations religieuses,
ment, à un emploi, et, spécialem., d’être
admirativement [admirativm] adv. (de reçu définitivement à un examen, à un personne chargée de faire des admonitions
admiratif ; 1866, Larousse). Avec admira- concours : Mon neveu [...] a dû renoncer aux autres.
tion : Regarder quelqu’un admirativement. à la carrière diplomatique, après avoir [admnisj] n. f. (lat. ecclés.
admonition
passé brillamment l’examen d’admission et jurid. admonitio ; XIIe s., Dialogue de
admirer [admire] v. tr. (lat. admirari ;
(France). 3. Spécialem. et absol. L’un des saint Grégoire, écrit amonicion).) Littér.
1360, Froissart, écrit amirer ; admirer,
temps du cycle du moteur à explosion, Simple avertissement fait à quelqu’un sur
XVIe s. ; proprem. « s’étonner », jusqu’au
correspondant à l’entrée des gaz carburés sa conduite : Homais avait été mandé à
début du XVIIIe s.). 1. Class. Voir avec éton-
nement, parfois avec stupeur : J’admire dans le cylindre : L’essence envahissant les Rouen, près monsieur le Procureur du roi
soupapes d’admission empêchait toute car- [...]. Peu à peu, le souvenir de cette admoni-
cette antipathie | Qui vous l’a fait haïr avant
buration (Bernstein). tion s’affaiblit (Flaubert). Jen’étais que trop
que de le voir (Corneille). Pourquoi admi-
rez-vous que nous nous soyons trompés, • SYN. : 1 et 2 adoption, agrément, entrée, enclin à regimber contre les admonitions
nous qui sommes des hommes ? (Pascal). initiation, introduction, réception. — maternelles (Gide).
2. Éprouver un sentiment d’admiration CONTR.: 1 et 2 ajournement, éjection (fam.), • SYN. : admonestation, gronderie, leçon,
pour une personne ou pour une chose : Il se élimination, exclusion, expulsion, refus, observation, remontrance, représenta-
sentait [...] plein de la fierté primitive d’être rejet, renvoi. tion, réprimande. — CONTR.: compliment,
admiré parce qu’on est fort (Montherlant). congratulation, félicitation.
admittatur [admitatyr] n. m. (mot lat.
Ces professeurs athéniens dont les Romains signif. « qu’il soit admis » ; 1690, Furetière). adnominal, e, aux [adnminal, -o] adj.
admiraient l’esprit (France). 3. Ironiq. 1. Autref. Certificat délivré à celui qui (du lat. ad, auprès de, et nomen, nominis,
Trouver étrange, blâmable : J’admire aspirait à un grade dans une faculté. nom ; début du XXe s.). Se dit, en linguis-
comme on peut mentir en mettant la raison 2. Certificat par lequel un prêtre est tique, d’un cas ou d’un complément du
de son côté (Sartre). autorisé par son évêque à célébrer la messe nom exprimant l’appartenance : En latin,
• SYN.: 2 aimer, applaudir, célébrer, s’embal- hors de son diocèse. le génitif adnominal peut être remplacé par
ler de (fam.), s’émerveiller de, s’engouer de, • SYN.: 2 celebret. un adjectif ; on peut dire « virtus Caesarea »
s’enthousiasmer pour, s’extasier sur, goûter, au lieu de « virtus Caesaris » (Vendryès).
se passionner de ; 3 s’émerveiller. — CONTR.: admonestation [admnstasj] n.f. (de
admonester ; 1856, Madame Bovary ; un adolescence [adlss] n. f. (lat. adoles-
2 abhorrer, abominer, critiquer, dédaigner,
exemple unique au XIIIe s. [Livre de jostice], centia ; XIIIe s., Miroir de saint Éloi). 1. Âge
dénigrer, déprécier, détester, exécrer, mépri-
sous la forme amonestation). Remontrance de la vie qui suit l’enfance, compris entre la
ser, moquer, railler.
sévère et souvent solennelle : Ses admo- puberté et l’âge adulte : Ses formes sveltes
admissibilité [admisibilite] n. f. (de nestations, ses menaces, ses réprimandes se transformaient à vue d’oeil en contours
admissible ; 1789, Courrier d’Europe [mai et achèvent d’indisposer contre lui les élèves plus suaves et plus arrondis par l’adoles-
juin]). 1. Qualité de ce qui est admissible : (Gide). cence (Lamartine). Aussi, bien plus tard,
L’admissibilité d’une proposition. 2. Le à l’âge où l’adolescence méprise les livres
• SYN.: admonition, avertissement, gronde-
fait d’être admissible à un examen, à un rie, leçon, mercuriale, objurgation, remon- de la Bibliothèque rose, je pris goût à leur
concours. trance, représentation, réprimande, savon charme enfantin (Radiguet). 2. Fig. Se
• SYN. : 1 recevabilité. — CONTR. : 1 (fam.), semonce, sermon (fam.). — CONTR.: dit en parlant des choses : L’adolescence
inadmissibilité. compliment, congratulation, félicitation. du monde.

admissible [admisibl] adj. (lat. médiév. admonester [admnste] v. tr. (origine adolescent, e [adls, -t] adj. (lat.
admissibilis, de admissus, part. passé de obscure ; peut-être d’un lat. pop. *admones- adolescens, part. prés. de adolescere, gran-
admittere ; 1453, Coutumes de Touraine). tare, mot argotique, certtainement voca- dir ; 1495, J. de Vignay). 1. Qui est à l’âge de
1. Qui peut être considéré comme valable, bulaire d’étudiants ; XIIe s. ; n’est devenu l’adolescence : Le bruit du grand monde, où,
possible : Une excuse admissible. 2. Qui usuel qu’au XVIe s., d’après le lat. admonere, pour me distraire de ce penchant, on m’avait
peut être considéré comme supportable, avertir). 1. Vx. En parlant d’un juge, faire jeté tout adolescent (Vigny). 2. Qui se
acceptable : Est-il admissible que nos une réprimande à un délinquant, avec rapporte à l’âge de l’adolescence : Il s’ef-
enfants soient exposés à de semblables promesse de punition en cas de récidive. força de rappeler ses souvenirs adolescents
contagions ? (Martin du Gard). 2. Par extens. Adresser une remontrance (France).
• SYN. : 1 acceptable, convenable, correct, sévère : Les autorités du collège avaient dû • SYN.: 1 nubile, pubère.
plausible, possible, recevable, satisfaisant ; d’abord admonester, puis congédier ce col- n. Garçon, fille parvenus à l’âge de l’ado-
2 possible, tolérable. — CONTR. : 1 inaccep- laborateur compromettant (Duhamel). Les lescence : C’était l’heure où l’essaim des

62
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

rêves malfaisants | Tord sur leurs oreillers (Nerval). 3. Péjor. Se laisser aller à un employer, préférer, prendre, sélectionner,
les bruns adolescents (Baudelaire). penchant ; se complaire à un vice : Quand utiliser ; 6 entériner, ratifier, voter. —
• SYN.: éphèbe, jeune, jouvenceau. les femmes ne prêtent plus à la médisance, CONTR.: 1 abandonner ; 3 chasser, refouler,
elles s’y adonnent (Augier). Pour noyer son rejeter, renvoyer, repousser ; 4 et 6 com-
adomestiquer [admstike] v. tr. (de
chagrin, il s’adonna à l’eau-de-vie (Barbey battre, refuser, rejeter, repousser.
domestique ; 1542, Du Pinet, à propos d’une
d’Aurevilly). 4. Class. Fréquenter assidû-
plante ; fin du XVIe s., E. Pasquier, en parlant adoptif, ive [adptif, -iv] adj. (lat. jurid.
ment quelqu’un, un lieu : Il s’était adonné
de personnes). Class. Attacher quelqu’un adoptivus ; XIIe s., Naissance du Chevalier
à une petite Mme de Bois-Dauphin (Retz).
à sa maison : Villars l’avait adomestiqué, au Cygne). 1. Se dit de la personne qui
• SYN. : 1 s’appliquer à, s’attacher à, se
protégé et lui avait souvent donné de l’argent adopte : Le père adoptif. 2. Se dit de la
consacrer à, se donner à, s’employer à,
(Saint-Simon). personne adoptée : Le fils adoptif, la fille
suivre ; 2 s’emballer pour (fam.), s’engouer
adoptive. 3. Fig. Dont on a fait choix : La
adonc, adoncques ou adonques de, se passionner pour ; 3 s’abandonner
Veuve reste parmi nous, | Et de sa patrie
[adk] adv. (de donc ; XIIe s., Livre des Rois, à, céder à, se livrer à, se vautrer dans.
adoptive | Le ciel lui semble enfin plus doux
écrit aidunc).) Class. (déjà vx au XVIIe s.). — CONTR.: abandonner, délaisser, sedétour-
(Hugo). 4. Relatif à l’adoption : Vous êtes
Dans cet instant, alors : Adonc, me dit la ner de, s’écarter de, éviter, laisser, quitter,
son fils à titre adoptif.
bachelette (La Fontaine). Adonc, la chanson repousser.
finie, comme il est dit dans les chroniques adoption [adpsj] n. f. (lat. jurid.
adoptable [adptabl] adj. (de adopter ;
des cours d’amour, elle cassait en dessus adoptio ; XIIIe s. ; sens fig., fin du XVIIIe s.).
1866, Larousse). Qui peut être adopté.
de sa tête un brin de grenadier (Daudet). 1. Action de prendre pour fils ou pour fille
adoptant, e [adpt, -t] n. (part. prés. quelqu’un qui ne l’est pas naturellement :
adonien [adnj] ou adonique [adnik]
de adopter ; 1728, Richelet). Personne qui C’était cette Colette, son enfant d’adop-
adj. et n. m. (lat. adonius ; XVIe-XVIIe s.,
adopte. tion, la fille d’un frère pauvre tendrement
d’Aubigné, dans l’expression vers ado-
• CONTR. : adopté. aimé (Daudet). 2. Action d’accepter
nique). Se dit d’un vers ancien, composé
quelqu’un dans son entourage, de le consi-
d’un chorïambe et d’une syllabe de lon- adopté, e [adpte] n. (part. passé de
dérer comme l’un des siens : J’avais repris
gueur indifférente. adopter ; 1863, Littré). Personne qui a
peu à peu mavie d’études et mes habitudes
bénéficié de l’adoption.
adonis [adnis] n. m. (mot lat., du gr. solitaires, distraites seulement par la douce
Adônis, adolescent si beau qu’Aphrodite
• CONTR. : adoptant.
amitié de Graziella et par mon adoption
l’aima et quitta l’Olympe pour le suivre ; adopter [adpte] v. tr. (lat. adoptare, choi- dans sa famille (Lamartine). 3. Action
1715, Lesage, comme nom commun). sir, adopter, de optare, même sens ; XIVe s., d’introduire quelque chose dans l’usage,
1. Jeune homme d’une grande beauté. Ph. de Vitry ; sens fig., XVIIe s.). 1. Prendre d’avoir recours à : En 1854, l’adoption du
Ironiq. Jeune homme qui soigne trop sa légalement pour fils ou pour fille celui, fer étiré et fondu comme élément prin-
beauté, sa parure. 2. Nom donné à un celle qui ne l’est pas naturellement : Il avait cipal d’une église stupéfia (Huysmans).
papillon diurne d’un bleu éclatant. adopté Gérard, fils de sa soeur, qui, veuve, 4. Action de s’arrêter à quelque chose
n. f. (1615, Daléchamp). Plante à fleurs de était morte de cette naissance (Cocteau). après avoir fait un choix ; action de faire
couleurs vives, sans parfum, ressemblant 2. Par anal. Traiter quelqu’un comme sien, de se rallier à : Il n’est pas jusqu’à
aux anémones. son propre enfant : Votre fils spirituel, celui l’adoption du pas de l’oie, par exemple, qui
que vous aviez adopté, s’est rangé du côté n’évoque certaines formes du mimétisme
adoniser (s’) [sadnize] v. pr. (de Adonis ;
de ceux qui veulent vous assassiner à tout freudien (Bernanos). 5. Approbation offi-
1560, Ronsard). Vx et littér. Se parer avec
prix (Balzac). 3. Admettre totalement cielle donnée à un texte : L’adoption d’un
une recherche extrême, de manière à
quelqu’un dans son milieu, dans le cercle projet de loi par la commission compétente.
paraître plus beau, plus jeune (surtout en
de ses relations, le considérer comme l’un • SYN.: 2 admission ; 3 et 4 choix, emploi,
parlant d’un homme) : Il rentra chez lui s’y
des siens : Cet enfant des Muses [...] adopté usage, utilisation ; 5 ratification, sanction,
adoniser. Le soir, à sept heures, il vint [...] à
des bardes de la Germanie (Chateaubriand). vote. — CONTR. : 1 abandon ; 2 éviction,
la porte de Mme de la Baudraye (Balzac) ; et
4. Fig. Faire sienne la manière de voir exclusion, renvoi ; 3 et 4 abandon ; 5 rejet.
au fig. : Quiconque écrit des maximes aime
d’un autre, suivre sa manière d’agir : Si la
changer son caractère ; les jeunes gens se [adrabl] adj. (lat. ecclés. ado-
plupart d’entre eux [les bohémiens] parlent adorable
griment, les vieux s’adonisent (Baudelaire). rabilis ; XIVe s., Ovide moralisé).) 1. En par-
de l’Égypte comme de leur patrie primi-
adonner [adne] v. intr. (probablem. lat. tive, c’est qu’ils ont adopté une fable très lant de la divinité, digne d’être adoré : Cet
pop. *addonare ; XIIe s. ; le plus souvent avec anciennement répandue sur leur compte adorable maître nous a dit que son joug est
le sens de « donner », « livrer », jusqu’au (Mérimée). Le nouveau directeur n’a pas doux et son fardeau léger (Bourdaloue).
XVIe s.). Devenir favorable, en parlant du adopté les méthodes de son prédécesseur. 2. Se dit d’une personne qui provoque
vent qui était contraire : Il ne s’agit plus de 5. Par extens. Choisir quelque chose ; l’amour ou l’admiration par ses qualités
savoir si les voiles portent, si le vent adonne user habituellement ou occasionnellement physiques ou morales, par ses charmes :
ou refuse (Bonnard). de : Elle était descendue dans un petit hôtel Et toutes deux, adorables coquettes | Dont
s’adonner v. pr. [à] (XIIe s., Gautier adopté par tous les commerçants du pays les caprices sont bel et bien des raquettes
d’Arras, Eracle). 1. Class. et littér. Se livrer (Daudet). Thierry [...] entreprenait l’abbé | Joueront avec mon coeur, je le crains, au
entièrement et avec ardeur à une tâche, en Kampitsch sur un point de théologie. La volant (Verlaine). La confusion prêta à ce
y mettant toute son application : Il s’adon- langue adoptée pour ce tournoi fut l’espa- visage une grâce exquise, ce charme ado-
nera aux exercices de la religion sans en gnol, dont le prêtre possédait quelque tein- rable de l’humilité (Mauriac). Vous êtes plus
négliger aucun (Bourdaloue). Il s’adon- ture (Duhamel). 6. En parlant d’une jolie encore que d’habitude. Je vous assure.
nait à la culture de ses terres (Stendhal). assemblée délibérante, approuver, sanc- Vous êtes adorable (France). 3. Par exa-
Il résolut d’être purement et simplement tionner par un vote : Le Parlement a adopté gér. Se dit de ce qui plaît beaucoup, de ce
un parfumeur royaliste [...] et s’adonna le projet à une forte majorité. Adopté !, qui est agréable : Le brave homme s’en allait
corps et âme à sa partie (Balzac). 2. Par formule par laquelle le président proclame ainsi dans un paysage adorable (Daudet).
extens. Prendre parti avec ardeur pour des qu’un projet, une proposition sont reçus. • SYN.: 2 admirable, incomparable, merveil-
idées, des principes : Sa femme, un peu • SYN. : 4 accepter, admettre, approuver, leux, parfait ; 3 attrayant, avenant, char-
adonnée aux idées matérialistes du temps choisir, élire, embrasser, opter pour ; 5 mant, délicieux, exquis, plaisant, ravissant.

63
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

— CONTR.: 2 et 3 affreux, détestable, effroy- Sentiment d’ardent amour pour quelqu’un : lâtrer, vénérer. — CONTR. : 1 blasphémer,
able, épouvantable, exécrable, haïssable, Jeme sens au coeur pour elle d’ardentes ado- maudire ; 3, 4 et 5 abhorrer, détester, exé-
ignoble, infect, odieux, répugnant. rations (Balzac). Les enfants l’adoraient et crer, haïr, mépriser.
par leur adoration livraient Octavie aux
adorablement [adrablm] adv. (de adorner [adrne] v. tr. (réfection, d’après
mêmes persécutions des autres maîtresses
adorable ; début du XIXe s.). D’une manière le lat. adornare, de l’anc. franç. aorner,
jalouses (Mauriac).
adorable (sert souvent à renforcer l’adjectif orner ; XIVe s., encore au XVIe s., disparu au
ou le verbe) : Elle est adorablement belle
• SYN. : 1 et 2 culte, dévotion, piété, véné-
XVIIe s., repris par archaïsme au XIXe s.). Vx.
(Balzac). Cette femme, morceau vraiment ration ; 3 admiration, dévotion, idolâtrie,
Embellir par des ornements : Deux pennes
miraculeux, | Divinement robuste, adora- passion, vénération. — CONTR.: 1 et 2 blas-
de coq [...] adornaient grotesquement son
blement mince, | Est faite pour trôner sur phème, malédiction ; 3 animosité, antipa-
feutre gris (Gautier). Ce sont évidemment
des lits somptueux (Baudelaire). Sourire thie, aversion, dédain, exécration, haine,
des élèves sans génie des maîtres souverains
adorablement. Une petite pièce adorable- hostilité, inimitié, mépris, répulsion.
de Chartres qui adornèrent ces portiques
ment décorée. adorations n. f. pl. Littér. Démonstrations
(Huysmans).
• SYN. : agréablement, délicieusement, d’admiration, de respect, d’amour : Vous
exquisement, joliment. — CONTR. : affreu- serez fourni de flatteries et même d’adora- ados [ado] n. m. (déverbal de adosser ;
sement, effroyablement, épouvantablement. tions (Baudelaire). Elle le comparait avec 1160, Benoît de Sainte-Maure, écrit adoub,
d’autres [...] qui l’avaient poursuivie de leurs au sens de « soutien » ; sens moderne,
adorant, e [adr, -t] adj. (part. prés. adorations pour son argent (Loti). XVIIe s., La Quintinie). 1. Talus en terre,
de adorer ; fin du XIXe s.). 1. Enclin, adonné
adorer [adre] v. tr. (lat. adorare, pro- servant à protéger des intempéries les
à l’adoration (rare) : Elle reprit sa place à
prem. « prier », de orare, même sens ; cultures d’un jardin : Les ados qui sont
gauche de Mme Ancelin, aussi exaltée, aussi
a éliminé la forme pop. aorer ; XIIe s., les talus de terre qu’on ménage dans les
adorante que tout à l’heure, en perpétuel
SaintEvroult). 1. Rendre un culte à Dieu, potagers ou le long des espaliers (Buffon).
état de grâce (Daudet). 2. Qui exprime
adresser des hommages à un être divin ou à 2. Par anal. Talus qui s’élève le long d’un
l’adoration (rare) : Elle répète la plus étran-
un symbole qui le représente : Oui, je viens fossé : Le braconnier s’assit sur l’ados du
gement adorante, la plus follement éperdue
dans son temple adorer l’Éternel (Racine). fossé (Genevoix).
des prières (Huysmans).
Et ceux qui sur l’autel où nous vous ado-
adossement [adosm] n. m. (de adosser ;
adorateur, trice [adratoer., -tris] n. rons | Ont déchiré la nappe et bu dans vos
et adj. (lat. ecclés. adorator ; 1420, Alain début du XVe s.). État de ce qui est adossé :
calices (Leconte de Lisle) ; et absol. : Comme
Chartier, écrit adourateur ; 1488, Mer L’adossement d’une maison à un rocher.
moi ils ont adoré, ils ont prié (Banville).
des histoires). 1. Personne qui rend un Un croyant entre dans le sanctuaire, adore, adosser [adose] v. tr. (de dos ; 1155,
culte à une divinité : Les adorateurs du implore (Maupassant). 2. Poét. Accepter Wace, au sens de « renverser sur le dos »).
Christ ; et adjectiv. : Une congrégation de avec vénération et reconnaissance ce qui 1. Appuyer le dos contre quelque chose
religieuses contemplatives et adoratrices. vient de Dieu (ou d’un être divinisé) : Ton (usité surtout au part. passé) : Adossé à la
2. Personne qui éprouve une grande titre devant Dieu, c’est d’être son ouvrage, porte et la tête penchée, il semblait profon-
affection, une grande admiration pour | De sentir, d’adorer ton divin esclavage dément absorbé par ce qui venait d’être dit
quelqu’un. (Lamartine). Le lâche peut ramper sous le (Alain-Fournier). 2. Par anal. Appuyer
• SYN. : 1 fidèle ; 2 admirateur, adulateur, pied qui le dompte, | Glorifier l’opprobre, une chose contre une autre : Vis-à-vis la
courtisan, fervent, fidèle, thuriféraire. adorer le tourment (Leconte de Lisle). grande porte, une estrade de brocart d’or,
adorateur n. m. Homme qui fait la 3. Par anal. Être profondément atta- adossée au mur [...], avait été élevée (Hugo).
cour à une femme : Au sortir de mes bois ché à une entité, à une idée, à un idéal : • SYN.: 1 accoter ; 2 accoter, soutenir.
et de l’obscurité de ma vie, j’étais encore Ce Romain adorait la France révolution-
s’adosser v. pr. 1. Appuyer son dos :
tout sauvage, j’osais à peine lever les yeux naire et philosophique (Lamartine). Pour
S’adosser au mur, contre le mur. 2. (avec
sur une femme entourée d’adorateurs la première fois, il entrevoyait le sens de
un sujet désignant une chose) Être placé,
(Chateaubriand). Quelques-unes pensaient la liberté belliqueuse qu’ils adoraient
appuyé contre quelque chose : Un tout petit
que la maladie n’était qu’un prétexte pour (Rolland). J’avais renoncé à adorer ce qu’il
bâtiment [...] s’adossait contre une jolie mai-
cacher sa jalousie, parce que la duchesse avait adoré toute sa vie, et à quoi il l’avait
voulait être seule à régner sur une cour son (Maupassant).
toute offerte, et je ne me trouvais pas le coeur
d’adorateurs (Proust). de le lui faire entendre (Valéry). 4. Par adoubement [adubm] n. m. (de
• SYN.: admirateur, adulateur, amoureux, exagér. Éprouver une vive affection pour adouber ; XIIe s.). 1. Action d’adouber.
galant. quelqu’un : La mère d’Hélène, qui l’adorait 2. Ensemble des défenses de corps que
et ne savait rien lui refuser, sortit trois fois portait l’homme de guerre au Moyen Âge :
adoratif, ive [adratif, -iv] adj. (de ado-
avec elle (Stendhal). Spécialem. Se dit L’adoubement comprenait une tunique de
rer ; 1866, Larousse). Littér. Porté à adorer :
des sentiments amoureux : Âgé de vingt tissu ou de cuir renforcée par des clous, des
Mon âme toujours plus adorative devenait
et un ans seulement, marié à une belle petites plaques ou des anneaux de métal.
de jour en jour plus silencieuse (Gide).
femme adorée (Balzac). Elle avait envie de
• SYN.: admiratif, fervent. l’embrasser, de lui donner sa bouche, de se adouber [adube] v. tr. (comp. d’un verbe
adoration [adrasj] n. f. (lat. adoratio ; donner toute, pour qu’il continuât à l’adorer simple *douber, non attesté, du francique
1495, J. de Vignay). 1. Action d’adorer, de ainsi (Maupassant). 5. Fam. Avoir un *dubban, frapper, parce qu’on frappait le
rendre un culte à une divinité : L’adoration goût très vif pour quelque chose, l’aimer chevalier du plat de l’épée en l’armant ;
de Dieu. 2. Manifestation extérieure de excessivement : Bourgeoise déclassée, elle 1080, Chanson de Roland ; usuel encore au
ce culte : Elle demeurait dans une adora- adorait la vie de ménage, un petit inté- XVIe s., rare au XVIIe s. ; auj., en parlant des
tion, jouissant de la fraîcheur des murs rieur paisible (Flaubert). Comme il ado- institutions médiévales, et emplois techn.).
et de la tranquillité de l’église (Flaubert). rait l’incomparable oiseau [la bécasse], on 1. Au Moyen Âge, armer quelqu’un cheva-
Adoration perpétuelle, dévotion qui en mangeait tous les soirs un par convive lier. Par extens. Équiper un chevalier.
consiste à rendre un hommage ininter- (Maupassant). 2. Au jeu d’échecs, de dames, etc., dépla-
rompu au saint sacrement solennelle- • SYN.: 3 idolâtrer, révérer, vénérer ; 4 et 5 cer une pièce, un pion avec possibilité de
ment exposé sur l’autel. 3. Par extens. admirer, affectionner, aimer, chérir, ido- les remettre à leur place initiale.

64
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

adoucir [adusir] v. tr. (de doux ; 1160, adoucisseur [adusisoer] n. m. (de adou- corps : En un instant, il sait se servir d’un
Benoît de Sainte-Maure). 1. Rendre plus cir ; fin du XVIIIe s.). Appareil permettant outil qu’il n’a jamais manié : il est d’une
doux aux sens : Tout citadin aurait frémi d’adoucir une eau. adresse incroyable. Tour d’adresse,
de lui voir aux pieds des sabots cassés, sans exhibition qui consiste à mettre en valeur
ad patres [adpatrs] loc. adv. (expression
même un peu de paille pour adoucir les cre- l’adresse corporelle. 2. Fig. Qualité
lat. signif. « vers les ancêtres » ; XVIe s.). Fam.
vasses (Balzac). J’adoucissais alors la voix et intellectuelle consistant en une utilisa-
Aller « ad patres », mourir. Envoyer « ad
l’encourageais à recommencer (Lamartine). tion habile des ressources de l’esprit, du
patres », faire mourir.
Spécialem. Faire disparaître les aspéri- talent : Elle lui répondait [...] avec l’adresse
tés d’une surface par le polissage (langue adragant, e [adrag, -t] adj. (altér. de profonde dont certaines femmes sont douées
technique). Adoucir l’eau, la débarrasser tragacanthe [XVIe s.], lat. tragacantha, du gr. (Maupassant). 3. Class. Procédé manifes-
des sels calcaires qu’elle peut renfermer. tragakantha, comp. de tragos, bouc, et de tant de l’intelligence, de la finesse d’esprit ;
2. Fig. Rendre moins pénible à suppor- akantha, épine ; 1560, Paré). Gomme adra- moyen ingénieux : Enfin j’ai vu le monde
ter : Il régnait dans les armées une sorte gante, gomme végétale, utilisée notam- et j’en sais les finesses ; | Il faudra que mon
de liberté d’esprit qui adoucissait l’humi- ment en pharmacie, en pâtisserie et dans homme ait de grandes adresses, | Si message
liation de l’obéissance passive (Vigny). Il l’industrie. ou poulet de sa part peut entrer (Molière).
irritait mes chagrins en voulant les adoucir ad rem [adrm] loc. adv. et adj. (loc. lat. Spécialem. Action astucieuse et fourbe :
(France). 3. Fig. Rendre moins dur, moins signif. « à la chose » ; 1771, Trévoux). D’une Sa mort est une adresse, au besoin inven-
rude ; mettre plus de douceur dans : Depuis manière catégorique, précise, pertinente : tée, | Pour fuir l’autorité qui l’a persécutée
qu’elle avait cesséde parler, elle seféminisait Ce raisonnement parut si fort, si lumineux, (Molière).
— Kyo ne la quittait pas des yeux — à la si « ad rem » [...], que veux-tu ? J’entraînai • SYN.: 1 agilité, aisance, dextérité, habileté,
fois parce que l’abandon de la volonté adou- l’assemblée (Courier). maestria, maîtrise, virtuosité ; 2 art, diplo-
cissait ses traits, que la fatigue les déten- matie, doigté, finesse, habileté, industrie,
adrénaline [adrenalin] n. f. (créé en 1901
dait, et qu’elle était sans béret (Malraux). ingéniosité, ruse, savoir-faire, subtilité, tact,
par le Dr Takamine [qui découvrit la subs-
Je croyais avoir adouci mon regard, mais talent, virtuosité. — CONTR. : 1 gaucherie,
tance en Amérique], avec le lat. ad, auprès
mon regard est plus dur que je ne le suis inhabileté, maladresse ; 2 balourdise, gau-
de, et ren, rein). Hormone sécrétée par les
moi-même (Mauriac). cherie, lourdeur.
glandes surrénales et utilisée en thérapeu-
• SYN. : 1 atténuer, lénifier, modérer, tique, notamment pour accélérer le rythme adresser [adrse] v. tr. (de dresser ; XIIe s.,
réduire, tempérer ; 2 affaiblir, alléger, cardiaque. le Livre des Rois, écrit adrecier, au sens de
amortir, apaiser, calmer, émousser, léni-
« dresser », usuel jusqu’au XVIe s. ; signif.
fier, panser, soulager ; 3 estomper, modérer, 1. adresse [adrs] n. f. (déverbal de
adresser ; 1190, Sermons de saint Bernard, aussi « [se] diriger », jusqu’au XVIIe s.).
tempérer. — CONTR.: 1 accentuer, aggraver,
et jusqu’au XVIIe s., au sens de « direc- 1. Class. Diriger vers un but : Je saurai lui
exagérer ; 2 aggraver, aigrir, exalter, exciter,
tion » ; au sens 4, 1656, G. Dugard, repris faire un rempart de cette même vie qu’il a
irriter ; 3 durcir.
à l’angl.). 1. Class. Direction vers un lieu : sauvée ; et pour adresser vos coups, il faudra
s’adoucir v. pr. Devenir plus doux : Voix que vous me perciez (Molière). Adresser
J’ai pris cette adresse et choisi mon chemin
qui s’adoucit. La température s’adoucit. Il ses pas, se diriger, marcher vers : Mais votre
par là (Th. de Viau). Fig. A l’adresse de
était d’abord furieux, mais il s’est adouci frère Attale adresse ici ses pas (Corneille).
quelqu’un, à son intention : Tous les men-
en me voyant. 2. Faire parvenir directement quelque
songes qu’un monde indulgent multiplie
adoucissage [adusisa] n. m. (de adou- à mon adresse (Zola). Fam. Se tromper chose à quelqu’un ; envoyer directement
cir ; 1723, Savary). Action de polir certains d’adresse, faire fausse route, faire erreur : une personne à une autre : Un coffre rempli
métaux. Tu te trompes d’adresse dans ton com- de poulets flairant le musc et le benjoin,
pliment (Musset). Mannequin ? Tu t’es à lui adressé par une foule de personnes
adoucissant, e [adusis, -t] adj. et n. m.
trompée d’adresse, tu aurais dû t’engager de qualité (Gautier). Je te demande de
(part. prés. de adoucir ; XVIe s., Dict. géné-
comme épouvantail (Cocteau). 2. Class. me servir, moi et ceux que je t’adresserai
ral). Se dit de certains médicaments qui
Indication, renseignement que l’on four- (Balzac). 3. Absol. Écrire, indiquer des
calment l’irritation de la peau, la douleur.
nit : Donnez quelque signal pour plus adresses sur des lettres : Machine à adres-
• SYN.: lénifiant. — CONTR. : irritant. ser. 4. Proférer à l’adresse de quelqu’un
certaine adresse (Corneille). Bureau
adoucissement [adusism] n. m. (de d’adresses, établissement où l’on donnait quelque chose qui le concerne : Jules racon-
adoucir ; 1402, Gerson, écrit adoulcisse- des renseignements : Il allait aux confé- tait [...] la réprimande humiliante qui lui
ment). 1. Action d’adoucir, de rendre plus rences du Bureau d’adresses (Furetière). avait été adressée (Stendhal). Adresser
doux aux organes des sens ; résultat de 3. Ensemble des indications précises la parole à quelqu’un, lui parler directe-
cette action : Il y a comme un adoucisse- situant le domicile d’une personne : Je ment : J’imaginais des défis stendhaliens et
ment de tout, de la lumière, des formes et donnai au chauffeur l’adresse d’un bar de me donnais jusqu’au soir pour lui adresser
des couleurs (Loti). Adoucissement de la rue Daunou (Radiguet). Par extens. la parole ou lui glisser une lettre (Mauriac).
la température, réchauffement. 2. Fig. Mention écrite de ces indications, notam- 5. Par extens. Faire quelque chose à
Action de rendre moins dur, moins rude, ment sur une lettre : Un bureau occupait l’intention d’une autre personne : Et mes
plus supportable ; résultat de cette action : le centre de la chambre [...], mais aucun tristes regards, ignorants de mes charmes,
Il sefélicitait de l’adoucissement des moeurs papier ne traînait, aucune adresse, aucun | A d’autres que moi-même adresseraient
qui s’était manifesté, dans l’ordre judiciaire, indice (Martin du Gard). 4. Expression leurs larmes (Valéry).
par la suppression de la torture (France). des sentiments, des voeux d’une assemblée • SYN. : 2 dépêcher, envoyer, expédier ; 4
L’adoucissement d’une peine. à l’intention du chef de l’État : Cromwell articuler, énoncer, prononcer ; 5 dédier,
n’emporta que deux grandes malles rem- destiner, vouer. — CONTR.: 2, 4 et 5 recevoir.
• SYN. : 1 affaiblissement, atténuation,
plies des adresses qu’on lui avait présentées
diminution ; 2 allégement, apaisement, v. intr. Class. Atteindre son but :
pendant son petit règne (Chateaubriand).
consolation, humanisation, soulagement. Bien adresser n’est pas petite affaire (La
— CONTR. : 1 aggravation, augmentation ; 2. adresse [adrs] n. f. (de l’anc. franç. Fontaine). En beaucoup de choses, ils
2 durcissement, exacerbation, excitation, adrece, bonne direction ; XVIe s.). 1. Habileté [les animaux] agissent plus sûrement et
irritation. dans les mouvements et les exercices du adressent plus juste que nous (Bossuet).

65
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

s’adresser v. pr. [à]. 1. Class. Se diri- liquide dans un solide ou dans un autre désir adultère. 2. Fig. et littér. le peuple
ger vers un but : Où s’adressent tes pas ? liquide. adultère, le peuple juif en révolte contre
(Molière). 2. Avoir recours à quelqu’un Dieu. 3. Fig. et littér. Qui scelle l’union de
adulateur, trice [adylatoer, -tris] adj.
pour solliciter de lui quelque chose : C’est choses foncièrement étrangères : Qu’est-ce
et n. (lat. adulator ; 1361, Oresme). Littér.
à lui qu’elle s’adressait pour réclamer son donc que mourir ? Briser ce noeud infâme, |
Qui flatte d’une manière excessive, souvent
dû (Aragon). 3. Par anal. Chercher à Cet adultère hymen de la terre avec l’âme
bassement ou dans une intention intéres-
toucher quelqu’un en faisant appel à telle (Lamartine).
sée : Et fiez-vous à la mémoire adulatrice
ou telle partie de lui-même : Je m’adresse •SYN.: 1 infidèle ; 2 impie, parjure ; 3 impur.
| Qui va teinter d’amour les plus mornes
à votre bon sens et aussi à votre conscience. — CONTR. : 1 et 2 fidèle.
jadis (Verlaine). On le rencontrait dans les
4. Être dirigé vers, avoir pour objet : n. Class. Personne qui viole la foi conju-
restaurants de nuit, dans les brasseries où
L’exaltation d’Emma [...] lui semblait, l’on soupe, entouré de sa cour d’adulateurs gale : Faut-il que sur le front d’un profane
au fond du coeur, charmante, puisqu’elle adultère | Brille de la vertu le sacré caractère
et d’exploiteurs qu’il entretenait d’Elle, rien
s’adressait à sa personne (Flaubert). Par que d’Elle (Daudet). (Racine).
extens. Être destiné à quelqu’un ou à
• SYN. : caudataire, courtisan, encenseur, 2. adultère [adyltr] n. m. (lat. adulte-
quelque chose : C’est à vous, s’il vous plaît,
flagorneur, flatteur, laudateur, louangeur, rium ; 1190, Sermons de saint Bernard).
que ce discours s’adresse (Molière). Telle est
thuriféraire. — CONTR. : censeur, critique, Violation de la foi conjugale : Une année
efficace pour les dermatoses, telle autre [...]
juge. passa sans qu’Adélaïde se fût accusée d’un
ne s’adresse qu’aux muqueuses (Romains).
adulation [adylasj] n. f. (lat. adulatio ; nouveau péché d’adultère (Aymé).
5. Adresser la parole à quelqu’un : Ton
père nous la montrerait, reprit-il en s’adres- XIIe s., Dialogue de saint Grégoire).) Littér. •SYN. : infidélité, trahison, tromperie. —
sant à sa femme (Balzac). Flatterie excessive et servile : Elle voulait CONTR. : fidélité.
• SYN.: 2 se tourner vers ; 3 faire appel à ; 4 un grand amour, elle se mit à le combler
adultérer [adyltere] v. intr. (lat. adulte-
concerner, intéresser, regarder ; 5 apostro- d’adulations et de caresses (Flaubert).
rare, proprem. « rendre autre, falsifier »,
pher, interpeller, parler à. • SYN. : encens, flagornerie, flatterie. — d’où « corrompre une femme mariée » [de
CONTR. : blâme, censure, critique, désap- alterare] ; XIVe s., Gilles li Muisis, Dict. géné-
adret [adr] n. m. (mot des patois du
probation, reproche. ral). [Conj. 5.] Class. (déjà vx au XVIIe s.).
Dauphiné et de la Provence, adreit, droit
aduler [adyle] v. tr. (lat. adulari ; 1395, Violer la foi conjugale : Celui qui convoite
[vers le soleil], correspond au franç. endroit
Chr. de Pisan ; usité surtout à partir du la femme d’autrui a déjà adultéré dans son
et s’oppose à envers ; début du XXe s.).
XVIIIe s.). 1. Flatter servilement et avec coeur (Furetière).
Versant d’une vallée exposé au soleil.
excès. 2. Par extens. Entourer d’une v. tr. 1. Vx. Introduire dans une subs-
• CONTR. : ubac.
tendresse admirative, excessive et com- tance des éléments qui en faussent la
adroit, e [adrwa, -at] adj. (comp. de droit ; plaisante : Une de ces élues que Paris nature, les propriétés : L’encens mâle, le
1175, Chr. de Troyes). 1. Qui fait preuve acclame, adule, adore, tant que dure son meilleur s’il n’est pas adultéré (Huysmans).
d’adresse dans les exercices du corps, d’ha- entraînement (Maupassant). Elle avait été 2. Fig. Introduire dans quelque chose
bileté manuelle : J’étais habile aux échecs, jusqu’ici, dans la maison de la colline, une des éléments qui en diminuent l’authen-
adroit au billard, à la chasse, au manie- visiteuse indolente, une étrangère adulée... ticité, la pureté : Toutes les races du Vieux
ment des armes ; je dessinais passablement ; (Duhamel). Monde sont venues sans pudeur m’envahir
j’aurais bien chanté, si l’on eût pris soin • SYN. : 1 caresser, courtiser, encenser, fla- [la France], m’infiltrer, m’adultérer dans
de ma voix (Chateaubriand). Moins adroit gorner, flatter, louanger ; 2 cajoler, câli- mes dernières fibres (Romains). La vie de
mais plus fort qu’elle, je réussissais mieux ner, chérir, choyer, encenser, idolâtrer. province adultérait de plus en plus la petite
(Lamartine). 2. Fig. Qui fait preuve de — CONTR. : 1 blâmer, censurer, critiquer, monnaie de son esprit (Balzac). Il en résulte
finesse, d’esprit : Elle était adroite et rusée, honnir, reprendre. que plus rien dans cette culture adultérée ne
ayant la main souple et le flair de chas- peut aider ni convenir à la vie d’un esprit
adulte [adylt] adj. (lat. adultus, part.
seur qu’il fallait (Maupassant). Quand une qui se développe (Valéry).
passé de adolescere, grandir ; fin du XIVe s.).
pauvre fille qui a commis une faute avec un • SYN.: 1 altérer, falsifier, frelater, gâter ; 2
1. Se dit d’un humain qui a terminé son
homme d’une position supérieure à la sienne altérer, avilir, corrompre, dénaturer, faus-
adolescence. 2. Se dit d’un animal ou
est épousée par cet homme, on ne dit pas : ser. — CONTR. : 1 affiner, dépurer, épurer,
d’une plante parvenus au terme de leur
« Elle a été confiante », on dit : « Elle a été purifier, raffiner ; 2 améliorer, épurer, pur-
croissance.
adroite » (Dumas fils). 3. Se dit d’une ger, purifier.
n. (1570, Cité de Dieu, n. m.). 1. Personne
action qui marque de l’intelligence, de
dans la force de l’âge. 2. Par extens. adultérin, e [adylter, -in] adj. et n. (lat.
l’habileté : Une réponse adroite.
Toute personne, quel que soit son âge, qui adulterinus ; 1495, J. de Vignay). Né d’un
• SYN.: 1 agile, habile, souple ; 2 et 3 astu-
a dépassé l’adolescence : Les adultes ont adultère : Il a eu pour maîtresse, pendant
cieux, fin, ingénieux, malin, rusé, subtil.
bien du mal à comprendre les enfants. une dizaine d’années, une mademoiselle
— CONTR.: 1 et 2 balourd, gauche, inhabile,
de Bellefeuille qui lui a donné des enfants
lourd, lourdaud, maladroit, malhabile. adultération [adylterasj] n. f. (lat. adul-
adultérins (Balzac). Jevous écrirai, pour me
teratio, altération ; 1551, les Vies des saints
adroitement [adrwatm] adv. (de reposer, de belles histoires adultérines, de
Pères). Action de falsifier ; résultat de cette
adroit ; XIIe s., Chanson du roi Richard). beaux drames d’alcôve (Gautier).
action : L’adultération des médicaments,
Avec adresse, avec habileté : Manoeuvrer, • CONTR. : légitime.
des monnaies.
répondre adroitement.
• SYN.: falsification. ad unum [adynm] loc. adv. (mots lat.
adscrit, e [adskri, -it] adj. (lat. adscriptus ; signif. « jusqu’à un seul » ; 1866, Larousse).
1. adultère [adyltr] adj. (lat. adulter,
XVe-XVIe s., Forestier, écrit ascript ; XVIe s., Jusqu’au dernier.
au sens pr. « qui altère » ; 1190, Sermons
Rabelais). Écrit à côté : Iôta adscrit (par
de saint Bernard ; le sens l a été repris au aduste [adyst] adj. (lat. adustus, part.
opposition à iôta souscrit).
lat. chrét. au XVIIe s.). 1. Qui viole la foi passé de adurere, brûler ; XIVe s., Somme
adsorption [atsrpsj] n. f. (création conjugale : La légion lyrique de ces femmes Me Gautier, Dict. général).) Class. Brûlé, en
savante d’après absorption ; début du XXe s.). adultères se mit à chanter dans sa mémoire parlant du sang, des humeurs du corps : Les
Pénétration superficielle d’un gaz ou d’un (Flaubert) ; et par extens. : Un amour, un hommes alimentés de carnage et abreuvés

66
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

de liqueurs fortes ont tous un sang aigri et adjectifs avenant, eet avenu, esont des GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
aduste qui les rend fous en cent manières survivances.
L’ADVERBE
différentes (Voltaire).
adventice [advtis] adj. (lat. adventicius,
adustion [adystj] n. f. (lat. adustio ; au sens de « qui s’ajoute », « supplémen- PROPRIÉTÉS FORMELLES DE L’ADVERBE
XIVe s., Somme Me Gautier, Dict. général).)
taire », dér. de advenire ; fin du XVIIIe s.).
Vx. Action de cautériser à l’aide du feu : On appelle adverbe, en grammaire fran-
1. Qui survient accidentellement : Par
L’adustion des morsures venimeuses. Les çaise, une classe de mots qui présentent
quelle circonstance, tout adventice et mira- en général trois caractères : ils sont inva-
Japonais emploient fréquement l’adustion
pour guérir un grand nombre de maladies culeuse, il me fut donné de m’en rendre riables, subordonnés et intransitifs.
(Bernardin de Saint-Pierre). maître (Villiers de L’Isle-Adam). 2. Qui
Invariables. Presque tous les adverbes le
n’est pas initialement dans une chose, qui sont, par exemple ainsi, bien, assez, peu,
ad usum Delphini [adyzmdlfini]
est surajouté, accessoire : Dans l’ordre du tant, hier, demain, ici, loin, vite, tous les
loc. adj. (mots lat. signif. « à l’usage du
langage, les figures, qui jouent communé- adverbes en -ment.
Dauphin »). 1. S’est dit des éditions des
ment un rôle accessoire, semblent n’inter-
classiques latins réalisées pour le Dauphin, C’est la grande différence formelle entre
fils de Louis XIV, et expurgées des passages venir que pour illustrer ou renforcer une l’adverbe et l’adjectif, deux catégories
trop crus. 2. Par extens. Se dit de tout ce intention, et paraissent donc adventices, dont on montrera plus loin les étroits
qui est expurgé ou édulcoré. pareilles à des ornements dont la subs- rapports de sens. Un adjectif comme bas,
tance du discours peut se passer (Valéry). basse devient invariable en s’adverbia-
ad valorem [advalrm] loc. adj. (mots
3. Idées adventices, celles qui viennent lisant : Elle parle bas ; l’adjectif quelque
lat. signif. « selon la valeur » ; 1866,
des sens, des objets extérieurs, par oppo- (Il a quelques amis) le devient quand il
Larousse). Droit « ad valorem », droit perçu
sition aux idées innées (langue philoso- prend le sens adverbial de « environ » :
sur une marchandise importée et qui est
phique). 4. Plantes adventices, plantes Elle a quelque trente ans. Conscients
proportionnel à sa valeur.
de ce caractère, les grammairiens, au
qui croissent sur un terrain cultivé sans y
advenir [advnir] v. intr. (réfection de XVIIe s., ont voulu rendre invariable
avoir été semées.
l’anc. franç. avenir, arriver, convenir, l’adjectif tout quand ils lui trouvaient
atteindre, d’après le lat. advenire ; début • SYN. : 1 accidentel, contingent, fortuit, le sens de « tout à fait » : Nous sommes
du XIIIe s., sous la forme advenir). [Conj. occasionnel ; 2 secondaire, supplémen- tout étonnés ; ils n’y sont parvenus qu’à
16. — Ne s’empolie qu’à la 3e personne.] taire. — CONTR.: 2 essentiel, fondamental, moitié, et tout représente aujourd’hui un
Arriver par hasard, sans qu’on s’y attende : principal ; 4 cultivé. cas unique d’adverbe variant seulement
Mon voyage dépeint vous sera d’un plai- au féminin (devant une consonne) : Elle
adventif, ive [advtif, -iv] adj. (lat.
sir extrême, je dirai : « J’étais là ; telle est toute triste ; elles sont toutes tristes (v.
chose m’advint » (La Fontaine). Le peu adventicius, au sens de « qui vient du
TOUT). En réalité, la valeur adjective n’est
qui m’est advenu ne servira que de cadre dehors » ; XIIe s., sous la forme aventis et
pas entièrement effacée dans ces emplois,
à ces tableaux de la vie militaire (Vigny) ; aventif, « étranger » ; forme actuelle, début et l’accord s’y justifie, comme dans les
et impers. : Il advint qu’elle tomba malade du XVIe s., dans la langue de la jurispru- groupes : des portes larges ouvertes, des
et durant plusieurs mois ne put bouger de dence [biens adventifs]). 1. Biens adventifs, fleurs fraîches écloses (v. plus loin).
son lit (Barrès). en droit ancien, biens acquis par la femme L’invariabilité est une propriété com-
• SYN. : arriver, avoir lieu, se passer, depuis son mariage. 2. En botanique, se mune à l’adverbe et à d’autres parties
survenir. dit d’un organe qui se développe là où nor- du discours, comme la préposition, la
v. impers. Se produire à la suite d’autres malement on n’en trouve aucun de même conjonction, l’interjection, à d’autres
événements ; résulter de : L’abbé Méric nature : Certaines racines qui se forment mots de nature discutée auxquels les
[...] eut la généreuse pensée de deman- grammairiens donnent souvent le nom
sur les tiges sont dites « adventives ». 3. Se
der à Iraçabal si l’on savait ce qu’il était d’« adverbes » pour la seule raison qu’ils
dit, en vulcanologie, des cratères, des cônes
advenu des marins naufragés (Duhamel). ne varient pas (oui, non, voici, voilà).
annexes, formés sur les pentes d’un volcan,
Ils avaient fait de beaux rêves ensemble[...].
Qu’en était-il advenu ? (Rolland). Fais ce par de nouvelles éruptions. Subordonnés. A la différence des in-
terjections et des mots qui peuvent être
que dois, advienne que pourra (loc. prov.), adventiste [advtist] adj. et n. (de l’angl.
la base d’une phrase (oui, voici, etc.), les
remplis ton devoir, sans te préoccuper des adventist ; fin du XIXe s.). 1. Se dit d’une adverbes présupposent toujours un terme
suites.
secte religieuse américaine qui attend un dont ils sont complément : un verbe (Il
• REM. 1. Il advient queest suivi de l’indi-
second avènement du Messie. 2. Se dit s’est défendu vaillamment), un adjectif
catif pour marquer la réalité d’un fait :
aussi de ses membres. (Il est peu aimable. Votre bien dévoué),
Il advint qu’elle tomba malade.On peut
un adverbe (très vaillamment), une pré-
employer le subjonctif pour exprimer adverbal, e, aux [advrbal, -o] adj. (de
position (Il dort tout contre le mur), une
qu’un fait est simplement possible : Il ad- à et de verbe ; début du XIXe s.). Se dit, en
conjonction (Il sortait juste quand nous
vient ainsi que nos désirs s’en aillent vers linguistique, d’un terme en rapport avec
entrions) ; le sens de certains adverbes
l’Afrique (Bosco). un verbe. (Ainsi la préposition à, dansIl se se rapporte à toute la phrase (Heureu-
2. On ne trouve guère le participe présent plaît à le taquiner.) sement, j’avais ma carte sur moi). Il est
que dans les actes publics : Le cas adve- exceptionnel qu’un adverbe dépende
adverbe [advrb] n. m. (lat. adverbium,
nant qu’il se marie dans l’année (Acad.). directement d’un nom, comme dans les
comp. de ad, auprès, et de verbum, verbe ;
3. L’ancien français a connu la forme ave- groupes : des gens bien, les roues arrière ;
XIIIe s., écrit averbe ; forme actuelle, XVe s.,
nir dès le XIe s. Usuelle jusqu’au XVIe s., plus souvent, il s’y rattache par une pré-
Godefroy). Mot invariable qui modifie le position : les pattes de devant ; les gens
cette forme se trouve encore au XVIIe s. :
Même dispute avint entre deux voyageurs sens d’un verbe, d’un adjectif, d’un autre d’ici ; la mode de demain. Au verbe,
(La Fontaine). Quoi qu’il en avienne, | adverbe, d’un nom. (Ex. :Manger lente- également, il peut se rattacher par une
Si ce peuple une fois | Enfonce le palais, ment. Très agréable. Plus souvent. Trop de préposition : Venez jusqu’ici ! Je vous en-
| C’est fait de votre vie (Corneille). Les travail.) gage dès aujourd’hui. Je suis à vous pour

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

toujours. Mais il n’est adverbe que par la quelques points, les deux catégories mor- Conservez précieusement cette lettre,
faculté de se rapporter directement. phologiques diffèrent fonctionnellement. l’idée de « prix » s’applique à la chose
1° Une différence est marquée, dans la désignée par le complément d’objet lettre
Intransitifs. Les prépositions sont
complémentation du nom par l’adjectif, autant qu’à l’action de « conserver ».
comme l’adverbe invariables et subor-
données (ex. : dans, pour), mais elles sont entre la fonction prédicative (attribut : Ce Ce n’est pas à dire que ce phénomène de
transitives, c’est-à-dire qu’elles régissent don est généreux) et la fonction de simple diffusion ne s’observe à l’occasion du côté
un complément, le mot ou le groupe de complément (épithète : un don géné- de l’adjectif, puisqu’on dit : Les enfants
mots qu’elles introduisent : Je suis dans reux) ; rien de tel du côté de l’adverbe : dormaient tranquilles, en suggérant la
la maison. Je viens pour vous voir. L’ad- que sa valeur dans le message soit pré- tranquillité du sommeil ; mais la fonction
verbe, au contraire, ne régit rien, n’in- dicative (« Quand viendra Pierre ? — Il quasi adverbiale de l’épithète est alors
troduit rien : Je suis dedans. Pourquoi viendra demain. ») ou non (Pierre vien- marquée par sa place postverbale, place
dra demain t’emprunter un livre), aucune habituelle de l’adverbe ; l’adverbialisation
viens-tu ? Il y a des mots hybrides : ad-
verbes quand ils sont intransitifs (Parle ; différence n’est marquée par la langue. va jusqu’à l’invariabilité dans des phrases
2° On a vu que, si l’adjectif se rapporte comme : La pluie tombe dru.
je parlerai après), et prépositions quand
ils sont transitifs (Je parlerai après toi) ; en principe au nom, l’adverbe, lui, peut L’adverbe peut avoir pour support non
quelques grammairiens les tiennent pour se rapporter non pas exclusivement au pas le verbe ou le sujet, mais toute la
des prépositions admettant un emploi verbe, comme sa dénomination le sug- phrase : J’avais heureusement ma carte
absolu. Certains adverbes, comme près gère, mais à tout ce qui n’est pas nom sur moi (= J’avais ma carte sur moi : c’était
(Il habite près), se combinent avec une ou pronom. Cette différence de support heureux) ; tous les adverbes d’affirmation
préposition pour constituer une locution entraîne des différences dans la fonction. (assurément), de doute (peut-être) sont
prépositive : près de (Il habite près de • L’adjectif, « incident au nom », rappelle ainsi des « adverbes de phrase », dont la
l’église). par des marques le genre et le nombre du fonction n’a pas d’équivalent du côté de
nom (des femmes généreuses). C’est parce l’adjectif.
Quelques adverbes, comme beaucoup,
ont développé en association avec de un que l’adverbe, au contraire, se rapporte à La locution adverbiale négative ne... pas
des termes non nominaux qu’il est inva- concerne souvent un terme de la phrase
emploi transitif où l’on peut les tenir
riable en genre et en nombre ; dans le qui n’est pas le verbe qu’elle entoure :
pour des satellites du nom : Beaucoup
groupe : des femmes peu généreuses, l’ad- L’inspecteur n’avait pas vérifié toutes les
d’enfants sont généreux ; l’accord du
verbe peu modifie la constante notion- pages du registre (il en avait vérifié un cer-
verbe avec le pluriel enfants prouve que le
nelle contenue dans généreuses, l’idée de tain nombre, mais non la totalité).
nom est le sujet : le groupe beaucoup de
« générosité », indépendante du sexe et du Une valeur diffuse de l’épithète s’observe
l’actualise et le quantifie à la façon d’un
nombre des êtres auxquels elle s’étend en dans des groupes comme des portes
article (des) ou d’un adjectif numéral
l’occurrence. larges ouvertes, des fleurs fraîches écloses :
(quatre).
L’adverbe n’a pas non plus à refléter la les portes sont « larges » en même temps
L’intransitivité distingue aussi l’adverbe
personne, le genre et le nombre d’un que « largement ouvertes », les fleurs
de la conjonction, qui régit une propo- verbe auquel il se rapporte (Elle s’est bien « fraîches » en même temps que « fraî-
sition subordonnée. Le mot quand est soignée), ces traits n’étant, dans le verbe, chement écloses » ; mais la place insolite
donc adverbe dans : Quand viendras-tu ? que marques d’accord avec le sujet. Une d’un adjectif devant un participe (ou un
et conjonction dans : Je viendrai quand variation — imaginable — de l’adverbe adjectif) trahit une adverbialisation que
tu voudras. Mais la combinaison d’un en temps et en mode, justifiée dans le seul l’invariabilité achève souvent de marquer
adverbe avec que n’est pas rare : Sers-toi cas où il se rapporte à un verbe, serait (v. ci-après CHANGEMENT D’EMPLOI).
autant que tu veux. Heureusement que inutilement coûteuse. On observe pour- • De même qu’on distingue de l’adjec-
j’ai ma carte ! En ce cas, la transitivité tant une sorte de variation en personne tif caractérisant, dit « qualificatif », des
relève de la conjonction que, et l’adverbe et en nombre dans certaines locutions, adjectifs qui actualisent, quantifient ou
garde sa fonction propre, à moins que comme à mon (ton, son, etc.) insu, que déterminent le sens du nom (possessifs,
l’ensemble ne constitue une locution l’on peut qualifier d’adverbiales parce que démonstratifs, indéfinis, interrogatifs,
conjonctive où l’adverbe est effacé (ex. : le nom qui y figure ne se rencontre pas relatifs, numéraux), de même on doit
alors que, encore que). autrement qu’en position subordonnée : distinguer de l’adverbe caractérisant, dit
cette variation traduit le rapport avec de « manière » (Il parle bien), d’autres
SENS DE L’ADVERBE un être participant à l’action, non avec catégories, que l’on appelle adverbes de
l’action même. « quantité » ou d’« intensité » (très géné-
Pour définir le sens de l’adverbe, on est
tenté d’assimiler sa fonction à celle de
• L’indication donnée par l’adjectif a reux), de « temps » (Il viendra demain),
l’adjectif. Il apporte en effet, comme généralement la permanence de l’objet de « lieu » (il habite ici), d’« affirmation »
l’adjectif, un complément d’information, que désigne le nom support, et en épouse ou de « doute » (Il viendra sûrement, ou
qui peut être une caractérisation (donner étroitement les limites structurelles : une peut-être), et de « négation » (Il ne vien-
robe rouge (la qualité « rouge » s’applique dra pas) ; chefs de classement séman-
généreusement), une quantification (dor-
de façon stable à la surface qu’occupe tiques qui n’excluent pas la considération
mir beaucoup ; plus grand), une détermi-
la chose « robe »). Au contraire, le sens de facteurs fonctionnels communs à
nation locale ou autre (Il habite ici).
de l’adverbe est souvent momentané et l’adverbe et à l’adjectif : deixis (ici), repré-
Cette assimilation conduit souvent, sur- diffus, s’appliquant seulement dans les sentation (alors), interrogation (quand ?).
tout dans la pratique de l’enseignement, limites temporelles de l’action (Il s’en alla Or, une différence fonctionnelle consi-
à des formules telles que : « L’adverbe est précipitamment) et pouvant concerner, dérable peut résulter de la différence de
au verbe ce que l’adjectif est au nom », ou en même temps que l’action, tel ou tel de support. Incident au nom, l’adjectif est de
« L’adverbe est l’épithète du verbe ». Le pa- ses participants. Ainsi, dans la phrase : ce fait déchargé de la fonction que le nom
rallélisme qu’on établit ainsi, et qu’on il- Les enfants dormaient tranquillement, assume par essence : la désignation des
lustre de rapprochements comme donner l’idée de « tranquillité » s’applique au- objets ; il ne la remplit que si, en l’absence
généreusement et don généreux, est vrai tant aux êtres désignés par le sujet qu’à d’un nom, il devient nom lui-même (les
dans la majorité des cas. Pourtant, sur l’action de « dormir ». Dans la phrase : riches) ou pronom (certains, les autres).

68
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

Rien n’empêche, au contraire, que l’ad- soure, sour, « dessus » (super, supra). La son exemple. Le doublet voire/voir, qui
verbe, incident à des termes non nomi- forme française oblige parfois à restituer remonte au latin, a pu servir de modèle
naux, en vienne à remplir — en concur- une forme latine vulgaire non attestée : à toute la série. Mais peu à peu la langue
rence avec les noms et les pronoms — la l’anc. franç. ainz, « avant », d’où « mais », a éliminé une des deux formes de chaque
fonction de référence à la substance réelle suppose *antius (pour antea) ; puis, doublet, et, de nos jours, encore est le seul
particulière qui est le propre de ceux-ci : « après », suppose *postius (pour postea). qui admette, et seulement en poésie, une
il suffit que son emploi permette une éco- Quelques adverbes continuent des noms seconde graphie sans -e ;
nomie d’expression. Ainsi, on remplacera à l’ablatif, comme l’anc.franç. tempre(s), • UN s FINAL QUE L’ÉTYMOLOGIE NE
avantageusement dans ce lieu-ci par ici, « à temps » (tempore), ou des adjectifs JUSTIFIE PAS TOUJOURS. À l’exemple de
dans ce lieu-là par là, au jour où nous à l’accusatif neutre, comme voire, voir, certains adverbes terminés par un -s
sommes par aujourd’hui, dans le jour qui « vraiment » (vera, verum). D’autres primitif, comme ains (de ainz [v. ci-des-
vient par demain, à ce moment-là par continuent des groupes figés de composi- sus]), certes (de certas), mais, moins, plus,
alors. La concurrence atteint même les tion classique, à valeur circonstancielle : puis, sus, un -s a été ajouté dans avecques,
cas où un objet particulier, nettement anc. franç. oan, « cette année » (hoc doncques, encores, gueres, mesmes,
structuré, est à désigner, si cette structure anno) ; anc. franç. ore(s), or, « alors » (*ha oncques, ores, presques, sempres, volon-
est donnée par un nom antécédent : Ap- hora) ; anc. franç. mar(e), « par malheur » tiers. Après un e sourd, cet s facilitait la
proche la table et monte dessus. Cours à (mala hora) ; anc. franç. anuit, « cette tâche des poètes, qui pouvaient compter
cet arbre et cache-toi derrière. La langue nuit » (ad noctem) ; antan, « l’an dernier » encore pour deux ou trois syllabes (encor,
met à profit cette équivalence pour mar- (ante annum) ; franç.moderne encore encore, encores) quel que soit le mot sui-
quer la distinction des choses (représen- (hinc *ha hora ou hinc ad horam), tandis vant du vers. Les -s de pure commodité
tées par l’adverbe) avec les personnes (tam diu), incontinent, « sur-le-champ » n’ont guère survécu au Moyen Âge. La
(représentées par les formes toniques du (lat. jurid. in continenti [tempore]). Fontaine écrit encore avec, avecque ou
pronom personnel) ; comparer : Prends avecques, mais Corneille, son aîné, ne se
Les petits mots grammaticaux que sont
ton ballon et joue avec / Quand ma soeur permettait déjà que la première forme.
les mots invariables, adverbes et prépo-
est là, je joue avec elle ; J’attends un
sitions, sont très sujets à l’usure phoné- Composition. Beaucoup d’adverbes
chèque, je compte dessus / J’attends mon
tique ou sémantique. La langue populaire simples remontent à des groupes formés
ami, je compte sur lui. Cette vocation
prévient leur perte en les accumulant, de en français même, par agglutination :
de l’adverbe pour la représentation des
sorte qu’une bonne partie des adverbes jamais, bientôt, dedans, depuis, dessous,
choses s’explique par son invariabilité :
romans sont constitués de particules jux- dessus, partout, surtout, deçà, delà, da-
alors que les personnes sont par essence
taposées : de subito, relevé chez Térence, vantage, derechef, autrefois, parfois, quel-
sexuées et nombrables, les choses sont
a donné l’anc. franç. desoute, « soudaine- quefois, longtemps, toujours, beaucoup,
asexuées et peuvent avoir une structure
ment » ; ab ante a donné avant ; ad satis, debout, enfin, environ, pourtant, cepen-
continue échappant au dénombrement
assez ; ad retro, arrière ; de retro, derrière ; dant. Les groupes étaient quelquefois
(de l’eau, du temps).
de intus, l’anc. franç. denz, franç. mo- assez complexes : dorénavant (d’ores en
Pour quatre mots : où, dont, en, y, appa- derne dans ; de foris, dehors ; de sursum, avant), désormais (dès ore mais = à partir
remment invariables, subordonnés et dessus ; de mane, demain ; de unde, dont ; de maintenant en continuant), naguère
intransitifs, donc adverbes, la fonction hic ecce hic, ici ; ecce hac intus, l’anc. (n’a guère = il y a peu de temps), pieça
de représentation est si développée que franç. caienz, franç.moderne céans ; in (pièce a = il y a un grand laps de temps),
les grammairiens les ont souvent rangés simul, ensemble ; oui (anc. franç. oïl) jadis (ja a dis = il y a déjà des jours) ;
parmi les pronoms. Il suffit pour cela de remonte à hoc ille [facit], comme nenni surtout (1539), calqué sur l’italien sopra
récuser l’invariabilité, en donnant où, (nennil) à non ille [facit]. tutto, a remplacé l’ancien adverbe ensor-
dont pour des formes fléchies du pronom quetot, composé de en sor que tot (= par-
À observer l’ensemble des formes adver-
relatif, et en, y pour des formes fléchies dessus tout).
biales citées jusqu’ici, aucune unité mor-
du pronom personnel. (V. RELATIF et
phologique ne se dégage : on est frappé Souvent, l’écriture n’a pas soudé les
PERSONNEL.)
par le diversité, sensible dès le latin, ac- composants, ou elle les a seulement liés
SOURCES DES ADVERBES FRANÇAIS
crue par l’effacement des désinences en (sans règle unique) par un trait d’union :
-e, en -o et en -um. Nous parlerons plus là-dedans, là-dessus, ci-dessous, ci-de-
Héritage. Un petit nombre d’adverbes loin de deux suffixes (-ons, -ment) dont vant, d’ailleurs, dès lors, en arrière, en
simples du latin survivent en français l’usage s’est développé en français. Indé- dehors, par ici, après-demain, avant-hier,
moderne : bien (lat. bene), en (inde), hier pendamment des faits de dérivation, on d’ordinaire, à l’instant, au reste, du reste,
(heri), là (illac), loin (longe), mais (ma- peut mentionner deux marques qui ont d’emblée, nulle part, en face, face à face,
gis), mal (male), mieux (melius), moins tendu à affecter spécifiquement un cer- vis-à-vis, côte à côte, tout à fait, peu à peu,
(minus), non, ne (non), où (ubi), peu tain nombre d’adverbes radicaux : peut-être.
(paucum), pis (pejus), plus (plus), quand • L’ALTERNANCE DE FORMES AVEC OU Ces groupes sont appelés « locutions
(quando), si (sic), sus (sursum), tant (tan- SANS e FINAL : arrière / arrier, avecque/ adverbiales », mais — en l’absence de
tum), tard (tarde), très (trans), volontiers avec, comme/com, derrière/derrier, trait d’union — le problème se pose sou-
(voluntarie), y (ibi). doncque/ donc, encore/encor, illecque/ vent de distinguer ces « locutions » des
Certains, disparus de nos jours, sur- illec, lore/lor, mare/mar, oncque/ onc, simples groupes de mots à valeur de com-
vivaient au Moyen Âge : jus, « en bas » ore/or, soure/sour, voire/voir. Dans la pléments, comme à la fin, sur les lieux,
(de deorsum) ; hui, « aujourd’hui » (ho- plupart de ces doublets, la forme sans joue contre joue. Les critères peuvent
die) ; enz, « dedans » )intus) ; ja, « déjà » -e s’explique par une élision devant une être morphologiques : absence d’article
(jam) ;main, « le matin » (mane) ; mout, voyelle, étendue très vite aux cas où ces dans à droite, à peine, à genoux, d’abord,
« beaucoup » (multum) ; nonques, « ja- mots étaient suivis de consonne ; au d’avance. Parfois, un des composants est
mais » (nunquam) ; onques, « un jour » contraire, la forme donc est ancienne (lat. un mot ancien, disparu à l’état isolé : bon
(unquam) ; proef, « presque » (prope) ; dunc et dumque) et a modelé sa finale gré mal (= mauvais) gré ; d’ emblée. Plus
riere, « en arrière » (retro) ; sez, « assez » (doncque) sur oncque (lat. unquam) ; avec souvent, le sens est à considérer : sans
(satis) ; sempre(s), « toujours » (semper) ; (lat. ab hoc) et illec (illo loco) ont suivi doute est une locution parce qu’il en est

69
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

paradoxalement venu à exprimer l’idée haut les testes) ; avec un certain nombre manière : pura mente et integra, d’une
de « doute » ; de bonne heure, parce que de verbes, certains adjectifs s’emploient façon pure et intègre (Cicéron) ; simu-
l’adjectif bon y prend le sens de « mati- ainsi à la forme neutre, comme épithètes lata mente, mensongèrement (Virgile) ;
nal », qu’il n’a pas dans une bonne heure ; d’un régime interne ou inexprimé (anc. fera mente, sauvagement (Commodien).
à la légère, parce qu’il suppose l’ellipse franç. : boivre, mangier petit ; franç. mo- Ce suffixe a doté d’adverbes toutes les
d’un nom comme manière ; à droite (ou derne : boire sec, frais, manger froid, voir langues romanes, sauf le roumain. En
à gauche), parce qu’il suppose l’ellipse de clair, hacher menu, tuer raide, payer cher, ancien français, des groupes de coordi-
main ; face à face et côte à côte, parce que sentir bon, parler français). L’imitation nation comme dure et asprement (Ma-
les noms face et côte y sont employés à de l’anglais a donné à cette construction caire) attestent encore, très rarement, une
l’exclusion de visage et d’épaule. un développement moderne dans les for- certaine indépendance de l’adjectif, mais
mules publicitaires : Habillez-vous pra- -ment n’apparaît jamais seul.
Emprunts. On emprunte des substan-
tifs (avec les choses qu’ils désignent) tique. Votez utile. Roulez économique ;
L’adverbe est formé originellement sur
les noms eux-mêmes ont droit, dans ce
beaucoup plus que des mots grammati- le féminin de l’adjectif. Parmi les adjec-
style, à une construction adverbiale :
caux, ce que sont souvent les adverbes. tifs « biformes », (c’est-à-dire variant
Achetez qualité. Pensez conserves. Volez
Les adverbes empruntés aux langues voi- en genre [v. ADJECTIF]), les uns termi-
sines sont donc rares et ne sortent guère T.W.A. La langue du sport aime la force
naient leur masculin par une consonne
de ces raccourcis : Il pédale terrible. Il
de la langue familière, voire argotique ; (bon), les autres par une voyelle (vrai).
gagnera facile.
on peut citer les mots arabes bessif (par Les premiers ont gardé l’-e du féminin
la force), bézèf (beaucoup), chouya (peu), Nous avons vu aussi qu’un adjectif com- devant le suffixe -ment : bonnement. Les
fissa (vite) ; l’italien piano (doucement) plément d’un autre adjectif (ou d’un autres ont perdu l’-e dans la prononcia-
et franco (pour porto franco, en port participe) pouvait caractériser en même tion et parfois dans l’écriture : les formes
franc) ; les skieurs disent descendre schuss temps le nom auquel celui-ci se rapporte. d’ancien français joliement, vraiement,
(comme un trait), mot tiré de l’allemand, On l’accorde dans bien des cas : une mai- forcéement ont été prononcées sans e
comme l’adverbe impératif raoust !, son toute fraîche bâtie ; les enfants pre- sourd vers le XVe s., et l’orthographe
« sortez ! » (de heraus, dehors). miers-nés (Littré) ; autrefois plus encore moderne joliment, vraiment, forcément
qu’aujourd’hui : La maison ont faite si s’est substituée à l’ancienne peu à peu
Mais la majorité des emprunts ont été
bele, c’onques ne moustiers ne chapele ne et irrégulièrement. Pour gaiement seul,
faits à diverses époques au latin, soit par
fu plus bele encourtinee (G. de Coincy) ; l’ancienne graphie est encore usitée et a
la langue savante, soit par la langue lit-
Fascheuse suffisance, qu’une suffisance éliminé gaîment dans l’édition 1935 du
téraire : ab intestat (sans testament), ab
pure livresque (Montaigne, I, 25). Mais dictionnaire de l’Académie (v. ACCENT) ;
ovo (dès l’origine), ad hoc (conformé-
l’invariabilité se rencontre, et depuis les adverbes en -uement ont perdu l’e
ment à l’objet), ad libitum (à volonté), a
longtemps : Je suis vesve, seulete et noir muet (éperdument), sauf huit, qui le rap-
fortiori (à plus forte raison), a posteriori
vestue (Christine de Pisan) ; Légère et pellent par l’accent : assidûment, (in)
(après expérience), a priori (avant l’expé-
court-vêtue (La Fontaine) ; Nous sommes congrûment, continûment, crûment,
rience), de visu (au témoignage des yeux),
seuls, fin seuls (J. Richepin) ; une boîte (in) dûment, goulûment. Des analogies
ex abrupto (sans préambule), ibidem (au
de croquet frais repeinte (A. Thérive) ; ont joué : gentil (anciennement masculin
même endroit), in extenso (du début à
une fillette nouveau-née (P. Arène). Pra- et féminin) a été assimilé au type joli, et
la fin), in extremis (à l’extrémité), inter
tiquement, l’usage hésite dans tous les l’on a écrit gentiment. Quelques adverbes
nos (entre nous), intra muros (dans les
cas où les grammairiens préconisent ont été faits (ou refaits) sur un participe
murs), ipso facto (par le fait même), manu
l’invariabilité.
militari (par la force armée), passim (çà en -é(e), alors qu’il existait un adjectif en
et là), sic (ainsi, textuelle ment), sine die Dérivation. Le français a exploité — très -e de même radical : ainsi aisément, fait
(sans fixer de jour), urbi et orbi (en tous inégalement — deux suffixes d’adverbes sur aisé (XIIIe s.) et non sur aise (XIIe s.) ;
lieux). Certains de ces mots ou locutions de manière : -on(s) et -ment. aveuglément, sur aveuglé et non sur
ont pénétré la langue familière : gratis, Le suffixe -on(s) a vécu dans l’ancienne aveugle ; conformément, sur conformé et
grosso modo, vice versa ; l’homme de la langue : Quant est petiz vait à chatons non sur conforme ; précisément, sur pré-
rue connaît — dans de courtes limites (Roman de Thèbes), c’est-à-dire « comme cisé et non sur précise ; sur ces modèles
— la liste des adverbes ordinaux : primo, un chat, à quatre pattes ». Ajouté à un ont été créés (ou refaits) des adverbes en
secundo, tertio, quinto, sexto... radical de nom ou de verbe, il désignait -ément correspondant à des adjectifs en
le plus souvent une manière de se tenir, -e muet : commodément, expresément,
Changement d’emploi. Un adjectif
de se déplacer : à bouchon (bouche contre opportunément, communément, immen-
peut devenir adverbe et invariable par
terre), a genouillons, a ventrillons, a che- sément, profondément, confusément,
plusieurs voies, ouvertes dès l’ancien
vauchons (encore chez Montaigne), à intensément, profusément, énormément,
français. Dans le tour : Ils dormaient tran-
quilles, la place de l’épithète fait retomber reculons (XIIIe s.), à tâton(s) [XIIe s. ; à la obscurément, uniformément.
une partie de son sens sur le verbe ; la manière de celui ou de ceux qui tâtent]. Il Le vieil adverbe impuniment a été aussi
Pléiade prôna cette construction connue ne se retrouve qu’en italien (sous la forme refait en impunément. Ainsi l’adverbe
du latin et plus élégante que l’adverbe plur. -oni et quelquefois sing. -one) et ne tendait-il à se créer un suffixe différent
(Ils combattent obstinés. Elle vole légère). semble pas à distinguer du suffixe nomi- des suffixes de nom en -ement (aveugle-
On aurait un véritable adverbe si l’adjec- nal de pigeon, arçon, enfançon, gueule- ment) et -iment (fourniment). Les adjec-
tif n’était pas accordé avec le sujet ; c’est ton, grognon, sauvageon, suffixe à valeur tifs « uniformes » (non différenciés au
peut-être le cas pour clair dans : Biaus fu souvent expressive — diminutive dans le féminin en ancien français), comme
li jors et li solaus luist clair (les Aliscans, français ânon, augmentative dans l’ita- fort, grand, ont donné d’abord au Moyen
v. 413) ; on explique ainsi l’adverbe dru lien pallone (ballon). Âge des adverbes comme forment, d’où
dans : La pluie tombe dru, et le passage de Le suffixe -ment n’est autre que l’abou- forment (XIe s.) ; grantment, d’où gram-
l’adjectif vite dans la classe des adverbes. tissement en français de l’ablatif féminin ment (XIIe s.). Le développement (très
Ailleurs, c’est au complément d’objet mente (de mens, l’esprit), employé dès ancien) d’un féminin analogique en -e
que l’adjectif pourrait être rapporté s’il le latin en combinaison avec un adjec- a entraîné la réfection des adverbes en
n’était invariable (anc. franç. : drecent tif, dans des groupes compléments de fortement (XIIIe s.), grandement (XIVe s.) ;

70
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

gramment se rencontre encore au XVe s., (Balzac). Mieux vaut un adversaire intel- aux chants aimés va célébrer les dieux
ainsi que briefment, loyaument, vestiges ligent qu’un ami niais (Gide). (Leconte de Lisle).
condamnés. Après la Renaissance ne • SYN.: 1 antagoniste, ennemi ; 2 et 3 compé- aegipan (ou aegypan, aigipan, égipan,
subsistent, à part gentiment (pour gen- titeur, concurrent, contradicteur, opposant, égypan) [ip] n. m. (gr. Aigipan, de aix,
tilment, v. ci-dessus), que les adverbes rival. — CONTR. : 1 allié, défenseur, parti- aigos, chèvre, et Pan, dieu des Bergers ;
dérivés d’adjectifs en -ant et -ent, comme san ; 2 et 3 auxiliaire, complice, partenaire, milieu du XIXe s.). 1. Monstre mytholo-
méchamment (de méchant, ancien par- partisan. gique, appelé aussi capricorne,représenté
ticipe de meschoir), excellemment (lat. • REM. On peut dire un adversaire en par- avec des cornes et des pieds de chèvre :
excellens) ; dans ce seul cas, l’ancienne
lant d’une femme. Et l’Aigipan moqueur [...] craindra de te
forme a prévalu sur les réfections comme
déplaire (Leconte de Lisle). Des aegipans
méchantement (XVIe s.), excellentement adversatif, ive [advrsatif, -iv] adj. (lat.
aux yeux de dieux, aux pieds de bête, |
(XIVe-XVIe s.), sauf pour présentement et adversativus ; 1550, Meigret). Se dit d’un
Joutant avec le vieux Silène, s’essoufflant
véhémentement. L’analogie a même doté mot grammatical qui marque l’opposition :
| A se vider quelque outre énorme dans le
d’adverbes en -emment des adjectifs « Mais » est une conjonction adversative.
flanc (Hugo). Les princes, les bergers et
biformes comme opulent, succulent, tur-
adverse [advrs] adj. (lat. adversus ; 1080, les aegypans étaient maintenant évanouis
bulent, violent (fém. opulente, etc., du lat. (Duhamel). 2. Fig. Personnage d’un
Chanson de Roland, sous la forme avers ;
opulentum, opulentam), sauf lent (lente- aspect grotesque ou bizarre : Des bou-
advers, XVe s., refait d’après la forme du mot
ment, fait sur lente).
lat.). Qui se trouve en opposition avec ; qui chers, manches de chemise retroussées,
Des adverbes en -ment ont été formés à est opposé à : Toute opinion est une tra- cheminaient aux portières ; d’autres égi-
toute époque à partir d’autres classes de duction très simple de l’opinion adverse pans noirs étaient groupés sur l’impériale
mots : adjectifs pronominaux (aucune- (Valéry). La France est divisée en deux (Chateaubriand).
ment, autrement, mêmement, nullement, blocs adverses, et ceux qui, comme moi, se
aérage [aera] n. m. (de aérer ; 1758,
quellement), adverbes (arrièrement, com- trouvent entre les deux, n’ont plus qu’à choir de Tilly, dans l’expression fosse d’airage).
ment, ensemblement, quasiment, sou- dans le vide (Duhamel). Littér. Fortune Circulation souterraine de l’air dans les
ventement), interjections (bougrement, adverse, malchance. Partie adverse, galeries et les puits de mines : À mesure
diablement, fichtrement). Des noms dans un procès, la partie contre laquelle qu’on s’enfonçait dans les autres voies, qui
même ont donné dans l’ancienne langue on plaide. recevaient seulement leur part disputée
comblement, gloutement, sacrilegement, • SYN.: contraire, opposé. — CONTR. : allié, d’aérage, le vent tombait, la chaleur crois-
vassalment ; des écrivains modernes
ami, associé. sait (Zola).
ont fabriqué chattement (A. Theuriet),
chiennement (L. Bloy), dimanchement adversité [advrsite] n. f. (lat. ecclés. aérateur, trice [aeratoer, -tris] adj. (de
(Fr. Jammes), hommement (Balzac) ; la adversitas ; 1145, Evrart de Kirkham ; écrit aérer ; 1866, Larousse). Qui sert à aérer :
langue commune ne connaît guère que aussi aversité du XIIe s. au XVIe s.). 1. Sort Un conduit aérateur.
nuitamment, dont Verlaine a tiré un joli contraire : Ceux qui m’ont cru faire céder aérateur n. m. (XXe s.). Appareil servant
effet dans ce passage que relève Kr. Nyrop en m’opprimant se sont trompés ; l’adversité à l’aération d’un local, d’une pièce.
(Grammaire historique de la langue fran- est pour moi ce qu’était la terre pour Antée :
aération [aerasj] n. f. (de aérer ; début
çaise, III, § 612) : La Scarpe se parait de je reprends des forces dans le sein de ma
du XIXe s.). 1. Action d’aérer : Un conduit
toute une végétation sous l’eau qui deve- mère (Chateaubriand). Il s’était roidi contre
d’aération. 2. Ouverture, dispositif
nait fantastique, orientalement, mille-et- l’adversité (Hugo). 2. État d’une personne
permettant d’aérer : Une pièce qui a une
une-nuitamment belle, quand le soleil y qui éprouve des revers : Ils ont voulu faire
aération insuffisante.
pénétrait (Confessions). voir qu’il est possible d’être homme, même
• SYN.: ventilation.
dans l’adversité (Sartre).
adverbial, e, aux [advrbjal, -o] adj.
• SYN.: 1 épreuve (littér.), fatalité, infortune, aéré, e [aere] adj. (part. passé de aérer ;
(lat. adverbialis ; 1550, Meigret). Qui tient
malheur ; 2 détresse, disgrâce, malchance, XVIe s., Rabelais). Se dit d’un lieu où l’air cir-
de l’adverbe : Une locution adverbiale.
malheur, misère. — CONTR. : 1 bonheur, cule : Une mansarde, qui, à défaut d’autres
adverbialement [advrbjalm] adv. (de chance, félicité, fortune, prospérité. avantages, était très aérée (Rolland). Fig.
adverbial ; XVe s., Godefroy, écrit adver- Se dit de ce qui n’est pas compact, de ce qui
bialement). À la façon d’un adverbe ; en ad vitam aeternam [advitametrnam]
présente un aspect clair, net : Une présen-
tant qu’adverbe : Un adjectif employé loc. adv. (mots lat. signif. « pour la vie éter- tation aérée facilite la lecture d’un ouvrage.
adverbialement. nelle »). A jamais, pour toujours. (S’emploie
fréquemment avec une nuance faussement aérer [aere] v. tr. (du lat. aer, air, empr.
adversaire [advrsr] n. (lat. adversa- au gr. aêr ; 1398, Dict. général ; var.
emphatique, ironique ou amusée.)
rius ; 1155, Wace, écrit aversaire ; a rem- airier, airer en anc. franç.). [Conj. 5.]
placé la forme pop. de l’anc. franç. aversier, adynamie [adinami] n. f. (gr. aduna- 1. Renouveler l’air dans un lieu : Elle se
surtout « diable »). 1. Personne qui lutte mia ; 1787, Encycl. méthodique). Absence levait avant les domestiques pour aérer la
contre une autre dans un combat : Heureux totale de forces physiques accompagnant maison (Mauriac). 2. Exposer à l’air : Il
le héros qui [...] a renversé sans le blesser certaines maladies graves : Une adynamie les bassinait [les melons sous cloches], les
son adversaire (Chateaubriand). 2. Par aggravée par le repos (Huysmans). aérait (Flaubert). 3. Par extens. Rendre
anal. Personne qui lutte contre une autre moins compact, moins dense, moins serré :
adynamique [adinamik] adj. (de ady-
dans une compétition, un match. 3. Fig. Et les bois eux-mêmes au loin, aména-
namie ; 1863, Littré). 1. Se dit d’un état
Personne qui est du parti opposé dans un gés, aérés de larges clairières, semblaient
pathologique caractérisé par l’absence de
procès, une lutte d’intérêts, un débat, une déborder de plus de sève (Zola). Secouant
force. 2. Se dit d’une personne faible,
discussion : Mais il ne réfuta pas victo- la tête d’un geste de petite fille, pour aérer,
abattue, sans force.
rieusement les raisons de son adversaire alléger ses cheveux bretons, inaccessibles
(France). Jacques Collin [...] s’assit avec aède [ad] n. m. (gr. aoidos, chanteur, à la raie (Montherlant). 4. Fig. Rendre
toute l’aisance d’un homme qui se sait à la poète ; 1853, Leconte de Lisle). Poète grec moins dense, couper par des intervalles :
hauteur de son adversaire dans une confé- qui, à l’époque primitive, composait et Profitant d’un silence dont le directeur
rence où il traite de puissance à puissance chantait des hymnes, des épopées : L’aède aérait son exposé (Aymé). Aérer une copie.

71
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

5. Introduire de la variété, de l’imprévu, aérium [aerjm] n. m. (du lat. aerius, rela- cars et d’hélicoptères assurant la liaison
parfois de la gaieté : Les galéjades du tribun tif à l’air ; milieu du XXe s.). Établissement avec l’aéroport.
avaient le mérite d’aérer, de temps à autre, de repos au grand air.
aérogastrie [aergastri] n. f. (du préf.
l’atmosphère de ces discussions en vase clos
1. aér(o)- [aero ou aer], élément tiré du aéro- et du gr. gastêr, gastros, estomac ;
(Martin du Gard). 1959, Larousse). Présence dans l’estomac
gr. aêr, aeros, air, ou du lat. aer, aeris, air, et
• SYN.: 1 ventiler. entrant comme préfixe dans de nombreux d’une certaine quantité d’air, pouvant
s’aérer v. pr. 1. Respirer à loisir le bon composés. déterminer des troubles digestifs.
air : Le voisinage du Luxembourg, où
2. aéro [aero] n. m. Abrév. fam. et vieillie aéroglisseur [aeroglisoer] n. m. (du
les enfants pourraient s’aérer (Daudet). préf. aéro- et de glisser ; milieu du XXe s.).
de AÉROPLANE, employée surtout pendant
2. Fig. S’aérer l’esprit, ou simplem. s’aérer, Véhicule terrestre ou marin se déplaçant
la Première Guerre mondiale.
chasser ses soucis, ses préoccupations. sur un coussin d’air.
aérobie [aerbi] adj. et n. m. (du préf.
aérien, enne [aerj, -n] adj. (du lat. aer, aérogramme [aergram] n. m. (du préf.
aéro- et du gr. bios, vie ; 1875, mot créé
air ; XIIe s., le Livre des Rois ; var. aerin, en aéro- et du gr. gramma, écriture, lettre ;
par Pasteur). Se dit des micro-organismes
anc. franç., encore au XVIe s.). 1951, Larousse). Lettre expédiée par avion.
qui se développent en présence d’air ou
I. 1. Vx. Formé d’air : Pas un rayon du d’oxygène libre : La plupart des moisissures aérographe [aergraf] n. m. (du préf.
jour ; nul souffle aérien (Hugo). 2. Poét. sont aérobies. aéro- et du gr. graphein, écrire ; 1928,
Qui a la légèreté de l’air : Souvent elle en- • CONTR. : anaérobie. Larousse). Appareil servant à pulvériser
trait en levant le filet bleu ou brun qui fait adj. En aéronautique, se dit d’un pro- de l’encre, de la couleur liquide.
aux boutiques, d’un treillis de soie, une pulseur ne pouvant fonctionner que dans aérolithe ou aérolite [aerlit] n. m. (du
porte aérienne (Goncourt). 3. Fig. Qui l’atmosphère, à laquelle il emprunte l’oxy- préf. aéro- et du gr. lithos, pierre ; 1863,
n’a plus rien de terrestre, de matériel : La gène indispensable à la combustion de son Littré). Masse minérale tombant de l’espace
harpe éolienne | Mêlant au bruit des eaux carburant. céleste sur la Terre : En quel lieu, dans quel
sa plainte aérienne | Résonne d’elle-même site | Viens-je de choir, Monsieur, comme
aérobus [aerbys] n. m. (du préf. aéro- et
au souffle des zéphyrs (Lamartine). Cer- un aérolithe (Rostand).
de bus ; début du XXe s.). Avion de grandes
taines des choses un peu aériennes que j’ai • SYN.: météorite.
dimensions, aménagé pour le transport de
écrites, qui ont l’air heureuses, dictées par
nombreux passagers. aérologie [aerli] n. f. (du préf. aéro- et
le ciel, me sont ainsi venues pendant que je
du gr. logos, science ; 1696, Cally). Science
tenais à peine en place (Romains). aéro-club [aerkloeb] n. m. (du préf. aéro-
qui a pour objet l’étude des hautes couches
et de l’angl. club ; 1906, Larousse). Centre
II. 1. Qui vit, se trouve dans l’air : Ani- de l’atmosphère.
de formation et d’entrainement pour les
mal aérien. Tige aérienne. Autour du
pilotes de l’aviation civile. aéromancie [aermsi] n. f. (lat. aero-
vaste horizon surgissaient dans le ciel les
• Pl. des AÉRO-CLUBS. mantia, du gr. aeromanteia ; 1335, G. de
dômes des mosquées et les minarets aigus,
Digulleville, écrit aerimancie ; XVIe s.,
longues tiges surmontées d’aériennes cou- aérodrome [aerdrom] n. m. (du préf. Rabelais). Art de prédire l’avenir par l’ob-
ronnes de lumières (Loti). Ma chambre aéro- et du gr. dromos, course ; 1906, servation de phénomènes aériens.
était située à une hauteur aérienne (Bau- Larousse). Terrain spécialement aménagé
delaire). Poét. Le peuple aérien, les pour le décollage et l’atterrissage des avi- aéromaritime [aeromaritim] adj. (du
oiseaux. 2. Qui a lieu dans l’air : Mes ons : Les aérodromes installés sur les pla- préf. aéro- et de maritime ; milieu du XXe s.).
yeux ne peuvent suivre la course aérienne teaux du voisinage lancent tout le jour dans Qui concerne à la fois les transports aériens
[des oiseaux, des nuages] sans une sorte le ciel des essaims de machines grondantes et les transports maritimes.
d’attendrissement (Chateaubriand). Na- (Duhamel). aéromètre [aermtr] n. m. (de aéromé-
vigation aérienne. 3. Par extens. Qui se trie ; 1771, Trévoux). Instrument servant
aérodynamique [aerdinamik] adj. (du
rapporte à l’aviation et aux avions : Base à déterminer la densité de l’air, des gaz.
préf. aéro- et du gr. dunamis, puissance ;
aérienne. Catastrophe aérienne. Forces
1891, l’Aéronaute). 1. Qui se rapporte à aérométrie [aermetri] n. f. (du préf.
aériennes, ensemble des formations de
l’influence de l’air sur un corps en mou- aéro- et du gr. metron, mesure ; 1712,
combat des aviations militaires. Ligne
vement : Laboratoire aérodynamique. Journ. de Trévoux). Science qui a pour objet
aérienne, itinéraire parcouru par un
2. Fam. Se dit d’une carrosserie profi- l’étude des propriétés physiques de l’air.
service régulier d’avions. Pont aérien,
lée pour réduire le plus possible la résis-
liaison presque ininterrompue par avi- aéromodélisme [aeromdelism] n.
tance de l’air, et, par extens., du véhicule
ons avec un lieu inaccessible par d’autres m. (du préf. aéro- et de modèle ; milieu du
lui-même : Une voiture aérodynamique. XXe s.). Art de construire et de faire voler
moyens.
n. f. (1842, Acad.). Science qui a pour des modèles réduits d’avions.
• SYN.: I, 2 diaphane, éthéré, léger, subtil, objet l’étude des mouvements de l’air et
vaporeux ; 3 céleste, éthéré, immatériel, aéronaute [aernot] n. m. (du préf.
des phénomènes physiques liés au dépla-
irréel, léger. — CONTR. : I, 2 et 3 grossier, aéro- et du gr. nautês, matelot ; 1784, J.-L.
cement des corps.
lourd ; II, 1 aquatique, souterrain, terrestre. Carra). Vx. Personne qui monte à bord
aérodyne [aerdin] n. m. (du préf. aéro- d’un aérostat.
aérien n. m. Appareil collecteur (antenne
et du gr. dunamis, force ; 1928, Larousse).
ou cadre) d’ondes radio-électriques. aéronautique [aernotik] adj. (de aéro-
Nom générique donné à tout appareil
naute ; 1784, J.-L. Carra). Qui a rapport
aérifère [aerifr] adj. (du lat. aer, air, et volant plus lourd que l’air.
à la navigation aérienne : Constructions
ferre, porter ; début du XIXe s.). Se dit d’un
aérogare [aergar] n. f. (du préf. aéro- aéronautiques.
conduit organique qui amène l’air.
et de gare ; 1928, Larousse). 1. Dans un n. f. (1835, Raymond). 1. Science de la
aériforme [aerifrm] adj. (du lat. aer, aéroport, ensemble des bâtiments réser- navigation aérienne. 2. Technique de
air, et forma, forme ; 1780, Guyton de vés aux voyageurs et aux marchandises. la construction des avions et des engins
Morveau). Qui a les propriétés physiques 2. À l’intérieur d’une grande ville, lieu aériens ; secteur industriel qui s’occupe de
de l’air : Un fluide aériforme. de départ et d’arrivée des services d’auto- cette construction : Un ingénieur de l’aéro-

72
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

nautique. 3. Aéronautique navale, forces aérosondage [aersda] n. m. (du N’est-ce pas ? ajouta-t-elle avec un demi-
aériennes de la marine militaire. (On dit préf. aéro- et de sondage ; 1960, Larousse). sourire affable (Martin du Gard).
plus souvent AÉRONAVALE n. f.) Sondage par ballon des hautes régions de • SYN.: 1 et 2 accueillant, aimable, amène,
l’atmosphère. avenant, empressé, gracieux, liant, obli-
aéronaval, e, als [aernaval] adj. (du
geant, poli, serviable. — CONTR. : 1 et 2
préf. aéro- et de naval ; 1861, Landur, Presse aérospatial, e, aux [aerspasjal, -o]
adj. (du préf. aéro- et de spatial ; 1961, abrupt, altier, arrogant, bourru, brusque,
scientifique des Deux Mondes, au sens 1 ;
brutal, désagréable, dur, fier, hautain,
au sens 2, 1928, Larousse). 1. Vx. Destiné les Ailes). Relatif à la navigation dans les
impoli, intraitable, revêche.
à la navigation aérienne : Une machine espaces cosmiques.
aéronavale. 2. Qui se rapporte à la fois [aersta] n. m. (du préf. aéro- affablement [afablm] adv. (de affable ;
aérostat
à la marine et à l’aviation : Une bataille 1532, Pierre Desrey). D’une manière
et du gr. statos, soutenu ; 1783, Meusnier,
aéronavale. affable : Le beau-frère, affablement, vient
Mémoire). Appareil rempli d’un gaz plus
aéronavale n. f. L’aéronautique navale. à nous et nous demande si nous voulons [...]
léger que l’air et qui peut ainsi s’élever dans
voir la chambre de Charles-Louis (Gide).
l’atmosphère.
aéronef [aernf] n. m. (du préf. aéro-
et de l’anc. franç. nef, navire ; 1844, le affabulateur, trice [afabylatoer, -tris]
aérostation [aerstasj] n. f. (de aéros-
Magasin pittoresque). Nom générique tat ; 1784, Journ. de Paris). Art de construire n. (de affabulation ; fin du XIXe s.). 1. Littér.
de tous les appareils d’aviation (langue Personne qui sait construire habilement
et de diriger des aérostats.
administrative). une intrigue pour une oeuvre d’imagina-
aérostatique [aerstatik] adj. (de aéros- tion : Avec de tels dons d’observateur, d’affa-
• REM. Ce nom a longtemps été du fémi-
tat ; 1783, A. Deparcieux). Qui a rapport à bulateur et de reconstructeur du réel (Gide).
nin, à cause du second terme nef. l’aérostation : Machine aérostatique. 2. Péjor. Personne qui invente ce dont elle
aérophagie [aerfai] n. f. (du préf. aéro- n. f. (1784, Journ. de Paris). Théorie de parle, sans souci de la vérité : Qui pouvait
et du gr. phagein, manger ; 1906, Larousse). l’équilibre des gaz à l’état de repos. prévoir qu’un grand tribun [...] deviendrait
Absorption excessive d’air, entraînant la un épais affabulateur ? (Péguy). [On dit auj.
aérostier [aerstje] n. m. (de aéros-
présence d’un surcroît d’air dans l’esto- FABULATEUR.]
tat ; d’abord aérostatier, puis aérostier,
mac ou dans l’intestin, source de troubles • SYN.: 2 mythomane.
1794, décret de la Convention). 1. Vx.
fonctionnels variés. Observateur militaire à bord d’un aéros- affabulation [afabylasj] n. f. (bas lat.
aérophobie [aerfbi] n. f. (du préf. aéro- tat. 2. Celui qui manoeuvre un aérostat. affabulatio, moralité d’une fable ; fin du
et de phobie ; 1863, Littré). Crainte mala- [aertrstr] adj. (du préf. XVIIIe s., Laharpe). 1. Vx. Moralité d’une
aéroterrestre
dive de l’air, des courants d’air, du vent. aéro- et de terrestre ; milieu du XXe s.). Qui fable, d’un récit : Plusieurs de ses affabu-
concerne à la fois les forces armées de terre lations sont défectueuses, et Phèdre et La
aéroplane [aerplan] n. m. (du préf. aéro-
Fontaine en ont corrigé plusieurs (Laharpe).
et de [forme] plane ; 1855, date du brevet et de l’air.
2. Par extens. Organisation de l’intrigue
de J. Pline ; vulgarisé v. 1903 jusque vers Aérotrain (marque déposée) n. m. (du d’une oeuvre d’imagination : Dostoïevsky
1930). Ancien nom de l’avion : Dans le ciel préf. aéro- et de train ; 1966). Véhicule sus- nous permet [...] d’assister au travail
léger, six aéroplanes, volant bas, en triangle, tenté par coussin d’air, glissant à grande d’affabulation [...] de son esprit (Gide).
se dirigeaient vers le nord-est (Martin du vitesse sur une voie spéciale. L’intrigue ainsi organisée : Qu’il me par-
Gard). • SYN.: aéroglisseur. donne d’avoir, dans l’affabulation de mon
aéroport [aerpr] n. m. (du préf. aéro- livre, mêlé à sa noble existence si droite et
aétite [aetit] n. f. (lat. aetites, du gr. aeti-
et de port ; 1922, Larousse). Ensemble des si ouverte, un drame sinistre tiré d’ailleurs
tês, pierre d’aigle ; XIIe s., Dict. général, écrit
installations aménagées au sol, le plus sou- (Daudet).
echites ; XVIe s., Du Pinet). Variété d’oxyde
vent à proximité d’une grande ville, pour de fer naturel, communément appelée affabuler [afabyle] v. tr. (de affabulation ;
le trafic des lignes aériennes de transport : pierre d’aigle, parce que, prétendait-on, début du XXe s.). Affabuler une intrigue,
La voiture de l’aéroport stoppe net à l’entrée les aigles la portaient dans leur nid pour la construire pour une oeuvre d’imagina-
du hangar (Saint-Exupéry). faciliter la ponte. tion : Tant de mots sont-ils nécessaires ?
aéroporté, e [aeroprte] adj. (du et la contention de l’esprit, l’effort d’affa-
affabilité [afabilite] n. f. (lat. affabilitas ;
préf. aéro- et de porté ; 1928, Larousse). buler une intrigue, pour tendre devant le
XIIIe s., Godefroy). Qualité d’une personne
Transporté par la voie des airs. lecteur cette broderie bariolée qui, pour
affable : Un grand air d’aristocratie et beau-
un temps, devant lui s’interpose et voile la
coup d’affabilité servaient d’enveloppe au
aéropostal, e, aux [aeropstal, -o] réalité (Gide).
adj. (du préf. aéro- et de postal ; 1928, libertin (Balzac). Je fus quelque peu gêné
tout d’abord par l’extrême affabilité de cet affadi, e [afadi] adj. (part. passé de affa-
Larousse). Relatif à la poste aérienne : Le
homme énorme, qui me prit aussitôt par dir). Qui a perdu sa saveur, son piquant (au
trafic aéropostal.
le bras pour m’entrainer dans les allées du pr. et au fig.) : Julius ne donnait de ses traits
aéroscaphe [aerskaf] n. m. (du préf. parc (Gide). [de son père] qu’une réplique affadie (Gide).
aéro- et du gr. skaphê, barque ; 1859, Hugo). • SYN. : amabilité, aménité, civilité, cour-
affadir [afadir] v. tr. (de fade ; XIIIe s., Hist.
Vx. Aéronef : L’aéroscaphe suit son chemin ; toisie, empressement, gentillesse, politesse,
il n’a peur | Ni des pièges du soir, ni de l’âcre de Guillaume le Maréchal, Dict. général).
urbanité. — CONTR.: arrogance, brusquerie,
vapeur, | Ni du ciel morne où rien ne bouge 1. Class. Affadir le coeur, causer du dégoût,
brutalité, dédain, fierté, froideur, hauteur,
donner la nausée par sa fadeur : Il y a de
(Hugo). morgue, réserve.
bonnes viandes qui affadissent le coeur (La
aérosol [aersl] n. m. (du préf. aéro- et de affable [afabl] adj. (lat. affabilis, proprem. Rochefoucauld). 2. Class. et fig. Causer de
sol, solution ; 1950, Larousse). Dispersion, « d’un abord facile », de affari, parler à ; la répugnance, de l’aversion : Ces gens [...]
en particules très fines, d’un liquide ou 1367, J. Le Bel). 1. Se dit d’une personne l’affadissaient, | L’endormaient en contant
d’une solution dans un gaz (air ou oxy- courtoise et bienveillante dans son accueil : leur flamme (La Fontaine). 3. Rendre
gène) : Les aérosols constituent un mode Affable et grand seigneur, il semblait ne fade : Affadir une sauce. 4. Fig. Ôter
d’administration de certains médicaments rien voir (Maupassant). 2. Se dit d’un toute vigueur, toute énergie, tout piquant :
(pénicilline, atropine, etc.). comportement courtois et bienveillant : L’art de la composition est l’art d’affadir

73
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

(Léautaud). 5. Spécialem. Ôter de la viva- 5 altérer, amoindrir, amollir, diminuer. — sérieuse. C’était un garçon honnête et rieur,
cité, de l’éclat à des couleurs : Des terrains CONTR. : 1 fortifier, réconforter, relever ; 2 connaissant son affaire, mais sans ambi-
plantés d’oliviers dont la couleur grise est accentuer, amplifier, augmenter, grossir, tion (Aymé). Avoir affaire à quelqu’un,
encore affadie par la poussière (Gautier). intensifier, multiplier, rehausser ; 4 et 5 se trouver en rapport avec lui pour quelque
• SYN.: 4 affaiblir, édulcorer ; 5 ternir. affermir, consolider, fortifier, raffermir, raison : Il a eu affaire à moi pour une ques-
s’affadir v. pr. Devenir insipide ; perdre renforcer. tion de passeport (Romains). Vous aurez
son caractère, son accent : L’enfance est v. intr. Class. Devenir faible : Je sens affaire à moi, prenez garde (se dit généra-
le sel de la terre. Qu’elle s’affadisse et le affaiblir ma force et mes esprits (Racine). lement par menace). Avoir affaire à forte
monde ne sera bientôt plus que pourriture s’affaiblir v. pr. 1. Devenir faible, perdre partie, se trouver aux prises avec quelqu’un
(Bernanos). sa vitalité : Virginie s’affaiblissait. Des d’habile, de redoutable, avec quelque
oppressions, de la toux, une fièvre conti- chose de difficile. Avoir affaire avec
affadissant, e [afadis, -t] adj. quelqu’un, être en rapport avec lui, traiter
nuelle (Flaubert). 2. Diminuer d’inten-
(part. prés. de affadir ; 1611, Cotgrave). avec lui d’intérêrts concernant ses activi-
sité : Le crépitement de la pluie sur les toits
1. Qui produit une sensation de fadeur : tés professionnelles : Quoique Olivier eût
s’affaiblit (Malraux). 3. Fig. Perdre de
L’affadissante odeur des cierges et de l’huile souvent affaire avec lui, ils se voyaient très
sa vigueur, de son efficacité, de sa préci-
des veilleuses (Goncourt). 2. Fig. Qui ôte peu (Rolland). J’ai affaire avec ces pauvres
sion : Jelui avais parlé d’un air gai, pour ne
toute vigueur, toute fraîcheur : On dit que hommes de la terre (Duhamel). Class.
pas m’affaiblir (Vigny). Ce souvenir sacré
pour être heureux après des siècles d’hypo- Avoir affaire, bien affaire de quelqu’un, de
s’affaiblissait (Hugo).
crisie et de sensations affadissantes, il fallait
• SYN.: 1 baisser, décliner, dépérir, faiblir ; 2 quelque chose, en avoir besoin : Quelqu’un
aimer la patrie d’un amour réel et chercher
et 3 décliner, décroître, diminuer, faiblir. — eût-il jamais cru | Qu’un lion d’un rat eût
les actions héroïques (Stendhal).
CONTR.: 1 se fortifier, se relever, seremettre, affaire ? (La Fontaine). 2. (avec un com-
• SYN. : 1 écoeurant ; 2 amollissant, débi- plément du nom ou un possessif) Ce qui
reprendre, se rétablir ; 2 s’amplifier, aug-
litant. — CONTR. : 2 excitant, stimulant. concerne une personne en particulier, un
menter, grossir ; 3 s’intensifier, se renforcer.
affadissement [afadism] n. m. (de intérêt déterminé : Une affaire d’honneur,
affaiblissant, e [afblis, -t] adj. (part.
d’argent. Se mêler des affaires d’autrui. Et
affadir ; 1578, La Boderie, Dict. général).
prés. de affaiblir ; 1690, Furetière, écrit cependant c’est l’affaire du poète de nous
1. Le fait de devenir fade ; état de ce qui
affoiblissant). Qui diminue la vigueur
a perdu sa saveur : L’affadissement d’un donner la sensation de l’union intime entre
corporelle : D’affaiblissants chagrins
ragoût. 2. Fig. Le fait de perdre son sel, la parole et l’esprit (Valéry). Leur grande
(Baudelaire). Des mines plombées par le
de devenir fastidieux, écoeurant : Avant affaire ici était de vivre agréablement, de
manque d’air et le régime affaiblissant de
qu’Alain ait commencé à vivre, ce que les se promener, de bien manger, de causer, de
l’hôpital (Courteline).
autres hommes appelaient vie subissait à recevoir d’agréables amis à qui ils faisaient
• SYN.: débilitant, déprimant, épuisant. faire d’amusantes parties de billard, de bons
ses yeux un affadissement étrange, une
immense dépréciation (Mauriac). affaiblissement [afblism] n. m. (de repas, de joyeux goûters (Proust). Vx. Une
affaiblir ; 1290, Drouart). 1. Diminution affaire d’amour, une aventure galante : Une
affaibli, e [afbli] adj. (part. passé de affaire d’amour ne tient au coeur que faible-
des forces, de l’énergie d’une personne :
affaiblir). Se dit d’une personne dont les
L’affaiblissement de la santé, de la vue. Le ment (Lesage). Affaire d’État, affaire de la
forces ont diminué, d’une chose dont l’in-
patient arrive, après ses emportements, plus haute importance. Ce n’est pas mon
tensité est devenue plus faible (au pr. et au
à des affaiblissements (Balzac). 2. Fig. affaire, cela ne me regarde pas. C’est mon
fig.) : Ses jambes affaiblies le soutenaient à
Diminution de force, d’intensité d’une affaire, ce sont mes affaires, c’est son affaire,
peine (Musset). Leur chant d’airain que la
idée, d’un sentiment : Jene suis pas éloigné, etc., cela ne regarde personne d’autre que
brise m’apporte, tantôt plus fort et tantôt
en présence de tous ces faits, de conclure moi, que lui, etc. : Oh ! je ne me mêle pas
plus affaibli (Maupassant) ; et substantiv. :
que la sensibilité chez les modernes est en à tout ça ; si ça amuse le pauvre Swann de
C’était si étrange d’obliger un médecin à
voie d’affaiblissement (Valéry). Claude y faire des bêtises et de ruiner son existence,
faire six kilomètres en carriole, le soir, pour
pensait, dès que l’affaiblissement provisoire c’est son affaire (Proust). Être l’affaire de
ausculter un affaibli ! (Mauriac).
de l’obsession le rendait au désoeuvrement quelqu’un (vx), faire l’affaire de quelqu’un,
affaiblir [afblir] v. tr. (de faible ; XIIe s., (Malraux). 3. Spécialem. Affaiblissement lui convenir : Mais le moindre grain de
Psautier de Cambridge). 1. Rendre plus de sens, changement du sens d’un mot dont mil | Serait bien mieux mon affaire (La
faible, diminuer la force organique la signification nouvelle est atténuée par Fontaine). Être à son affaire, être occupé
d’une personne : Sa maladie l’a affaibli. rapport à la première. à quelque chose qui convient parfaitement,
2. Rendre plus faible aux sens, diminuer • SYN.: 1 asthénie, baisse, déclin, faiblesse, qui plaît particulièrement. J’en fais mon
l’intensité, l’acuité de quelque chose : Des fatigue ; 2 appauvrissement, atténuation, affaire, je m’en charge. Fam. Mêlez-vous
détonations lointaines, sourdes comme si décadence, déclin, dégradation, efface- de vos affaires, cela ne vous regarde pas.
le ciel bas les eût affaiblies, battaient l’air ment ; 3 atténuation. — CONTR.: 1 guérison, 3. (avec un complément du nom) Ce qui
vers le centre de la ville (Malraux). Affaiblir rétablissement ; 2 affermissement, conso- dépend de quelque chose : C’est une affaire
une couleur. 3. Ôter de l’épaisseur à une lidation, raffermissement, renforcement. de goût, de temps. Comment expliquer cette
chose, en diminuer le poids, etc. : Affaiblir faveur ? Affaire de mode, disait-on (Gide).
une monnaie. 4. Fig. Ôter de la rigueur, affainéantir (s’) [safnetir] v. pr. (de
C’est l’affaire de quelques jours, d’un
fainéant ; 1584, Jean Duret, écrit affai-
de la force à : Loin de vouloir affaiblir cette mois, etc., il suffira d’y employer, de laisser
discipline, je pense qu’elle a besoin d’être xneantir).) Class. Devenir mou et pares-
passer quelques jours, un mois, etc. 4. La
corroborée sur beaucoup de points (Vigny). seux : Les grandes possessions des biens de
chose dont il s’agit : L’affaire ne pressait
fortune sont cause que l’on s’affainéantit
5. Fig. Ôter de la précision, de l’efficacité, pas beaucoup (Sand). C’est une autre
(Ch. Sorel).
de la vivacité à : Affaiblir la volonté. Le sou- affaire, c’est très différent. Le temps ne
venir des choses terrestres n’arrivait à mon affaire [afr] n. f. (de à et de faire ; XIIe s., fait rien à l’affaire, le temps importe peu.
coeur qu’affaibli et diminué (Baudelaire). Marbode, Dict. général ; d’abord masc. Class. Point d’affaire ou point d’affaires,
• SYN. : 1 abattre, amoindrir, débiliter, jusqu’au XVIe s., des deux genres du XVIe peine perdue : J’ai beau lui faire signe et
épuiser, miner ; 2 adoucir, amortir, atté- au XVIIe s., fém. depuis). 1. Ce que l’on montrer que c’est ruse : | Point d’affaire, il
nuer, effacer, émousser, éteindre, modérer, a à faire, ce que l’on doit faire ; occupa- poursuit sa pointe jusqu’au bout (Molière) ;
tempérer ; 4 briser, ébranler, miner, saper ; tion, obligation : Une affaire importante, il n’en est pas question : De l’amitié tant

74
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

qu’il vous plaira, mais de l’argent, point y compter. 12. Arg. Coup à faire, vol : Qui dénote l’affairement : Désiré Mirguet
d’affaires (Molière). Class. Pour cette C’est mon camarade d’affaire. tournait vers le facteur sa figure affairée
affaire, pour cette raison : Les Latins les • SYN.: 1 activité, devoir, obligation, travail ; (Theuriet). 4. Affairé de quelqu’un, qui
[ces mois] nommaient douteux pour cette 2 but, histoire, préoccupation, rôle, souci ; 3 s’occupe activement de lui (rare) : Tous ceux
affaire (La Fontaine). 5. Chose qu’on ne problème, question ; 5 chose, machin (fam.), qui consentent à croire [...] à quelque dieu
veut pas ou qu’on ne peut pas préciser : truc (fam.) ; 6 complication, difficulté, affairé de chacun de nous (Gide).
C’est une affaire dont on se sert dans les embarras, ennui, histoire (fam.), souci ; 8 • SYN. : 2 actif, agité, occupé, pris. —
imprimeries (Romains). 6. Ce qui suscite attaque, bataille, combat ; 9 démêlé, litige, CONTR. : 2 désoeuvré, inoccupé, oisif.
des soucis, présente des difficultés ; objet procès, querelle, scandale.
affairement [afrm] n. m. (de affairé ;
de préoccupation : Ce fut toute une affaire affaires n. f. pl. (début du XIXe s.). milieu du XIXe s. ; une première fois au
pour l’installer (Zola). Spécialem. Ce qui 1. Ensemble des activités relatives à la XIIIe s.). État d’une personne qui est, ou
présente un danger : Être hors d’affaire. gestion des intérêts publics ou privés : qui paraît, surchargée de travail, d’occu-
Ce n’est pas une petite affaire, c’est toute Les affaires de la commune l’intéressent pations : Je ne puis appeler travail, cet
une affaire, c’est une chose difficile. Se et font son occupation presque unique affairement (Gide). Un affairement continu
mettre une affaire sur les bras, s’attirer (Gide). Les affaires étrangères. Expédier l’essoufflait ; ses gestes étaient sans douceur
des ennuis. Se tirer d’affaire, sortir avec les affaires courantes. Régler ses affaires. (Gide).
succès d’une difficulté, d’une situation 2. Spécialem. Activités commerciales,
scabreuse ou périlleuse : Parbleu, j’avais • SYN.: activité, agitation, fièvre. — CONTR.:
industrielles, financières : En ce temps-là,
certaines habiletés dans mon sac, moyen- désoeuvrement, oisiveté.
qui n’est pas fort lointain, on ne disait pas
nant quoi l’on se tire toujours d’affaire ; affairements n. m. pl. Choses auxquelles
encore « les affaires » avec l’accent spécial
mais plus j’en aurais eu besoin, plus il me on s’affaire (rare) : Tout cela relayé par vingt
qu’on y met aujourd’hui. On disait de
répugnait d’y recourir (Gide). La belle menus affairements (Romains).
façon plus modeste et plus précise « le com-
affaire !, quelle importance !, peu importe : merce » (Duhamel). On lit aisément dans affairer (s’) [safre] v. pr. (de affaire ;
Jérôme vient me voir quelquefois ! Après ? Beyle qu’il eût aimé de traiter de grandes 1876, Daudet). S’occuper activement de
On ne s’en cache pas ! Entre cousins ! La affaires en se jouant (Valéry). Avoir le génie quelque chose ; s’empresser auprès de
belle affaire ! (Martin du Gard). Ironiq. des affaires. Être dans les affaires. Être dur quelqu’un avec zèle ou avec affectation :
Se faire une affaire de quelque chose, s’en en affaires. Homme d’affaires, celui dont Elle avait retrouvé son entrain courageux
exagérer l’importance. Pop. Avoir son des premiers jours, rangeait, nettoyait la
le métier est de traiter des affaires finan-
affaire, avoir eu le châtiment qu’on méritait,
cières, commerciales, etc. : C’était un de chambre et tout en marchant, en s’affai-
avoir son compte. Pop. Faire son affaire rant, bourdonnait avec des intonations de
ces hommes d’affaires, comme il y en a dans
à quelqu’un, le châtier rudement, le tuer : reproche, des mouvements de tête (Daudet).
toutes les grandes villes, plongés dans des
Et quand un Prussien isolé, estafette ou Certains s’affairaient encore à la toilette de
chicanes compliquées, rusant avec la loi,
maraudeur, traînait du côté des carrières, leurs boutiques (Aragon). S’affairer auprès
et ayant remisé pour un certain temps leur
on lui faisait son affaire sans bruit et vive- d’un malade. Se laisser affairer par une
conscience (Baudelaire). Péjor. Faiseur
ment (Daudet). 7. Class. et littér. Affaire
d’affaires, homme sans scrupule. Chiffre chose, se laisser absorber par cette chose
d’honneur, ou simplem. affaire, querelle (rare) : Elle se laisse affairer uniquement
d’affaires, total des ventes d’une entreprise
engageant l’honneur, duel : Nous vidons par des soucis mesquins (Gide).
commerciale effectuées pendant la durée
sur le pré l’affaire sans témoins (Corneille).
d’un exercice. Faire des affaires, réali- • SYN.: s’agiter, se démener (fam.).
Il eut une affaire d’honneur qu’il s’attira
ser des profits. Fam. Les affaires sont • REM. Considéré par certains comme un
par son humeur (Lesage). J’ai appris qu’il
les affaires, on ne fait pas intervenir les barbarisme, ce verbe est employé par de
avait eu quelques affaires en Italie et qu’il
sentiments en affaires. 3. Objets person- bons auteurs contemporains, et très usité
s’était battu plusieurs fois (Rousseau). Il
nels, vêtements : Ranger ses affaires. Toutes de nos jours.
eut un jour, à la suite de je ne sais plus
ses petites affaires occupaient un placard
quel article, une affaire avec le directeur affairisme [afrism] n. m. (de affaire ;
(Flaubert). Je m’impatientais qu’on ne fût
du journal « le Gaulois » (Daudet). 8. Vx. début du XXe s.). Péjor. Passion des affaires
pas encore venu me donner mes affaires
Rencontre de combattants, engagement d’argent, de la spéculation : Un vent d’af-
pour que je puisse m’habiller (Proust).
militaire : De Marengo à la Moscova, j’ai fairisme se mêle au « souffle républicain »
vu de bien belles affaires (Vigny). Une affairé, e [afre] adj. (de affaire ; 1584, (Suarès).
affaire assez chaude avait eu lieu entre Guevarre, au sens de « qui a besoin d’ar-
affairiste [afrist] n. m. (de affaire ; début
les Français et les Autrichiens du côté de gent » ; au XVIe s., on trouve aussi affai-
du XXe s.). Péjor. Homme d’affaires sans
Mons (Chateaubriand). 9. Ce qui fournit reux et, fin XVIe s., afferré, au sens actuel
de « très occupé »). 1. Class. et littér. Qui a scrupule ; spéculateur à l’affût de tracta-
matière à discussion, ce qui met aux prises
tions avantageuses, mais malhonnêtes :
des personnes, des États ; en particulier, besoin de quelque chose : Je suis l’homme
Comparés à lui [Wilson], nos démagogues
litige, procès : Une affaire civile, criminelle. du monde le moins affairé d’argent (Guez
français (ou anglais) font figure de petits
Juger, plaider une affaire. L’Affaire Dreyfus. de Balzac). Il dépeignit les uns affairés de
affairistes (Martin du Gard).
10. Entreprise commerciale ou indus- politique [...], les autres affairés de finances
trielle : Gérer une affaire. Il a une grosse (Hermant). Absol. Qui a besoin d’ar- affaissement [afsm] n. m. (de affais-
affaire de textiles. 11. Marché, transac- gent : Quelque riche que soit un homme, ser ; 1538, R. Estienne). 1. Mouvement de ce
tion commerciale, spéculation : Après trois il ne trouve rien à emprunter, quand on qui s’effondre : Sous l’effet des pluies, l’af-
heures de discussion, l’affaire fut conclue. le sait affairé (Furetière). 2. Qui a, ou faissement de la route s’est accentué. État
Jesuis bien étonné que vous ayez traité une paraît avoir, beaucoup d’occupations, de de ce qui est effondré, enfoncé : Un affais-
affaire pareille sans vous entourer de plus travail : Qui ne sait pas peupler sa solitude, sement du sol. 2. Par anal. État de ce qui
d’informations (Romains). Fam. Faire ne sait plus être seul dans une foule affai- ploie sous son propre poids, ne peut plus se
affaire, conclure un marché, se mettre d’ac- rée (Baudelaire). Les serviteurs affairés se soutenir : On le voit [son malaise] sur son
cord. C’est une bonne affaire, c’est une croisaient, portant des plats et des aiguières visage, dans l’affaissement, l’abandon de ses
affaire, c’est un marché avantageux, une (Samain). Au café, c’était un va-et-vient membres (Diderot). 3. Fig. Diminution
occasion intéressante. C’est une affaire incessant de gens affairés, inquiets, parlant considérable et soudaine des forces phy-
faite ou entendue, c’est promis, vous pouvez haut (Martin du Gard). 3. Par extens. siques, intellectuelles ou morales : Il était

75
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

depuis trois ou quatre ans dans un état s’affaler, sens fig., fin du XIXe s.). 1. Tirer disposer en vue d’un usage déterminé : Ce
d’affaissement [...], véritable oblitération en bas un cordage de navire ; abaisser une conscrit n’est pas affectable à l’infanterie.
des facultés (Sainte-Beuve). Il avait le calme poulie en la faisant glisser ; faire descendre 2. Spécialem. En droit, qui peut être
d’un coeur brisé, mais non l’affaissement un chalut ; etc. 2. Pousser vers la côte, en hypothéqué : Terres affectables.
d’une âme épuisée (Sand). parlant du vent.
1. affectation [afktasj] n. f. (lat. affec-
• SYN.: 1 éboulement, écroulement, effon- s’affaler v. pr. 1. Se laisser glisser le long
tatio, de affectare, feindre avec ostentation ;
drement, glissement, tassemet ; 3 abatte- d’un cordage. 2. Fig. et fam. Se laisser
1541, Calvin). 1. Action de feindre, par
ment, affaiblissement, asthénie, dépression, tomber lourdement : Sans aller plus loin,
ostentation, un sentiment, une manière
épuisement, langueur, prostration. — comme un pantin dont on a lâché les ficelles,
d’être ou d’agir : Cette tête de fantoche [...]
CONTR. : 1 soulèvement ; 3 dynamisme, il s’affala sur le bout de la chaise-longue,
surmontait un corps perdu dans une sou-
énergie, entrain, force, fougue, robustesse, houssée de toile blanche, qui était devant
quenille noire, qui saluait en arc de cercle
vigueur. lui (Martin du Gard). Il était assis ou plutôt
avec une affectation de politesse exagérée
affalé dans un fauteuil, les bras pendants,
affaisser [afse] v. tr. (de à et de faix, (Gautier). 2. Par extens. Recherche osten-
les jambes mortes (Duhamel).
proprem. « faire plier sous le faix » ; 1529, tatoire, manque de sincérité, de naturel :
• SYN.: 2 s’affaisser, s’effondrer. — CONTR. :
G. Tory). 1. Faire fléchir sous le poids : L’affectation est ridicule en France, plus
2 se redresser, se relever.
Affaissant sous son poids un énorme oreil- que partout ailleurs (Vigny). S’il n’y avait
ler, | Un beau corps était là doux à voir affamé, e [afame] adj. et n. (part. passé aucune affectation, aucune volonté de fabri-
sommeiller, | Et son sommeil orné d’un sou- de affamer ; XIIe s.). 1. Qui a faim, qui est quer un langage à soi, alors cette façon de
rire superbe (Baudelaire). Plancher affaissé torturé par la faim : L’épervier affamé prononcer était un vrai musée d’histoire
sous une charge trop lourde. 2. Par extens. piaule (Gautier). Ventre affamé n’a point de France par la conversation (Proust).
Faire baisser, faire effondrer : Un trem- d’oreilles (La Fontaine). Comme un aveugle 3. Class. Empressement, désir : Leur
blement de terre a affaissé le sol au pied guéri regarde, comme un affamé mange goût, si on les en croit, est encore au-delà
de la colline. 3. Fig. Diminuer, abattre (Malraux). 2. Fig. Se dit d’une per- de toute l’affectation qu’on aurait à les satis-
les forces physiques, morales ou intellec- sonne qui désire avidement ou ardemment faire (La Bruyère). Elle me reçut avec joie,
tuelles : La maladie n’a affaissé ni son corps quelque chose : Affamé d’honneurs, de et m’entretint deux heures avec affectation
ni son esprit. richesses. Le besoin brûlant et affamé d’une et empressement (Sévigné).
• SYN. : 3 abattre, affaiblir, amoindrir, prière (Barbey d’Aurevilly). Des affamés
• SYN. : 1 comédie, étalage (fam.), osten-
débiliter, déprimer. — CONTR. : 3 affermir, de villégiature à bon marché (Goncourt).
tation, simulation ; 2 afféterie, embarras,
consolider, fortifier, raffermir. • SYN. : 1 boulimique ; 2 altéré, assoiffé,
façons, grimaces, manières, mines, pose,
s’affaisser v. pr. 1. Se tasser, se déprimer avide, insatiable. — CONTR. : 1 rassasié,
prétention, simagrées. — CONTR.: 2 aisance,
sous l’effet d’un phénomène quelconque : repu ; 2 désintéressé, détaché, satisfait.
naturel, simplicité, sincérité, spontanéité.
Le sol s’affaisse. 2. Ployer sous son propre affamement [afammou afamm]
poids, se laisser tomber : Quand il fut rentré 2. affectation [afktasj] n. f. (de affec-
n. m. (de affamer ; 1876, Daudet). 1. État
dans son appartement, Jean s’affaissa sur ter 3 ; 1413, Ordonnance royale, au sens
d’une personne qui a faim : On sentait
un divan (Maupassant). Les lourds brocarts, d’ « attribution de bénéfice »). 1. Action
encore tout l’affamement du siège (Daudet).
les souples draperies s’affaissaient en cercle de disposer d’une chose pour un usage
2. Fig. État d’une personne qui désire
à ses pieds (Samain). 3. Fig. Devenir plus déterminé ; destination : L’affectation d’un
avidement quelque chose : Cet affamement
faible, succomber : Mon âme, offusquée, immeuble à un service public, de crédits à
de lectures romanesques qui tient le peuple
obstruée par mes organes, s’affaisse de jour la construction d’autoroutes. 2. Action
de Paris (Daudet).
en jour (Rousseau). Rome s’affaissa sous le de désigner quelqu’un à une fonction, à
poids de sa propre grandeur (Littré). affamer [afame] v. tr. (lat. pop. *affamare, un poste ; le poste lui-même : Il a reçu son
de ad, à, et de fames, faim ; XIIe s.). 1. Faire affectation comme directeur d’une banque
• SYN. : 1 s’effondrer ; 2 s’affaler, s’effon-
souffrir de la faim par privation de nour- en province. 3. Spécialem. Appartenance
drer ; 3 baisser, décliner. — CONTR. : 2 et
riture : Affamer un peuple, une ville. Vous ou rattachement à une formation militaire :
3 se redresser.
êtes les sauveurs de Carthage ! Mais vous En devançant l’appel, il restait libre de choi-
affaitage [afta] ou affaitement l’affameriez en y restant (Flaubert). 2. Par
sir son affectation (Gide). Affectation
[aftm] n. m. (de affaiter ; afetage, 1337, exagér. Donner beaucoup d’appétit : Cette spéciale, emploi de mobilisation donné à
Delboulle, au sens 2 ; affaitement, XIIe s., au promenade nous a affamés. un réserviste en dehors des forces armées.
sens de « façon » ; affaitage, au sens 1, 1690, • CONTR. : 1 alimenter, assouvir, nourrir, • SYN.: 1 attribution, imputation ; 2 nomi-
Furetière). 1. Vx. Dressage d’un faucon rassasier, restaurer, repaître, sustenter.
nation. — CONTR. : 1 désaffectation.
ou d’un oiseau de proie pour la chasse.
affameur, euse [afamoer, -øz] n. et
2. Façonnage des cuirs à la tannerie. 1. affecté, e [afkte] adj. (part. passé de
adj. (de affamer ; 1791, l’Ami du peuple).)
affecter 1). 1. Class. Qui n’existe qu’en appa-
affaiter [afte] v. tr. (anc. franç. afaitier, Péjor. Qui donne faim ; qui réduit à la faim,
rence, simulé : La fausse délicatesse de goût
disposer, du lat. pop. *affactare, comp. de ad au dénuement : Elle ameute le peuple en
et de factare, fréquent. de facere, mettre en et de complexion n’est telle, au contraire,
criant que François est un affameur, et
état ; 1080, Chanson de Roland). 1. Dresser que parce qu’elle est feinte et affectée (La
qu’il cache la moitié de sa fournée (Dumas
à la chasse le faucon, et plus généralement Bruyère). 2. Qui manque de naturel,
père). La machine évince l’homme : elle
les oiseaux de proie : L’art de dresser les recherché : Un style affecté. Une prononcia-
est l’implacable, l’affameuse concurrente
chiens et d’affaiter les faucons (Flaubert). tion affectée. Il en est des phrases affectées
(Pesquidoux).
2. Façonner les cuirs à la tannerie. et qui veulent être neuves comme des robes
affect [afkt] n. m. (repris de l’allem. qui sortent de chez les grands couturiers
affalement [afalm] n. m. (de s’affaler ; Affekt, du lat. affectus, disposition, état ; (France). Sa tenue n’avait rien d’affecté
XIXe s.). Action de s’affaler ; état d’une per- milieu du XXe s.). Premier ébranlement de (Romains).
sonne qui se laisse aller : L’affalement du la sensation. • SYN. : 2 alambiqué, apprêté, arrangé,
routier éreinté (Goncourt).
affectable [afktabl] adj. (de affecter ; artificiel, compassé, composé, étudié, forcé,
affaler [afale] v. tr. (du néerl. afhalen, 1866, Larousse). 1. Qui peut être affecté à guindé, maniéré, précieux, prétentieux,
tirer en bas [un cordage] ; 1610, F. Rémond ; telle ou telle destination, ou dont on peut recherché, sophistiqué. — CONTR. : 2 aisé,

76
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

franc, naturel, simple, sincère, véridique, ou la valeur : Affecter une lettre, un chiffre quelqu’un : Ce sont peut-être les dernières
véritable. d’un exposant ; et au fig. : Des images que marques d’affection que vous donnerez au
l’on affecte du signe Avenir (Valéry). malheureux Jules (Stendhal). 4. Class.
2. affecté, e [afkte] adj. (part. passé de
• SYN. : 1 atteindre, frapper, toucher ; 2 Attachement, prédilection constante pour
affecter 2). 1. Vx. Touché par la maladie :
affliger, bouleverser, frapper, impression- quelque chose : Il se porte à cette étude par
Elle a souvent la poitrine affectée jusqu’à
ner, troubler. affection (Acad., 1694).
s’évanouir plusieurs fois par jour (Vigny).
2. Touché dans sa sensibilité : Elle a été s’affecter v. pr. [de]. S’affliger de quelque • SYN.: 3 amitié, amour, attachement, dévo-
chose : Il s’affectait de certaines injustices tion, inclination, penchant, sentiment, ten-
très touchée, très affectée (Maupassant).
(Rolland). dresse. — CONTR. : 3 antipathie, aversion,
• SYN.: affigé, ému, frappé, impressionné,
désaffection, détachement, éloignement,
sensible à. — CONTR. : indifférent. 3. affecter [afkte] v. tr. (réfection de exécration, froideur, haine, indifférence,
3. affecté [afkte] n. m. (part. passé subs- l’anc. franç. afaitier, façonner, préparer inimitié.
tantivé de affecter 3). Celui qui a reçu une [lat. pop. *affactare], d’après le lat. class.
affectare ; 1551, Lettre d’A. de Bourbon). 2. affection [afksj] n. f. (même étym.
affectation à un poste. Affecté spécial,
1. Destiner une chose à un usage particu- qu’à l’art. précédent ; 1539, J. Canappe).
réserviste qui est désigné pour occuper
lier : Il économisait si bien sur ces dépenses- Modification pathologique de l’organisme,
un emploi de mobilisation en dehors des
là qu’il finit par les affecter à l’achat de titres maladie : Elle eut, à la suite de son effroi,
forces armées.
de rente (Aymé). 2. Désigner quelqu’un une affection nerveuse (Flaubert).
1. affecter [afkte] v. tr. (lat. affectare, pour occuper une fonction, pour être atta- affectionné, e [afksjne] adj. (part.
feindre avec ostentation ; XIVe s.). 1. Montrer ché à une formation, militaire : Près du bar, passé de affectionner). 1. Class. Qui a de
avec ostentation une manière d’être, d’agir Scali, Marcelino et Jaime Alvear sepassaient l’affection pour quelqu’un ou pour quelque
ou de penser qui n’est pas naturelle, en des jumelles. Jaime Alvear, qui avait fait ses chose, dévoué : Ils oubliaient leur défaite et
vue de produire un effet particulier : études en France, avait été affecté comme devenaient des sujets affectionnés (Bossuet).
Comme les jeunes gens de l’époque à qui interprète combattant à l’aviation interna- Jesuis français très affectionné à ma patrie
la mode ordonnait d’affecter des manières tionale (Malraux). Affecter une recrue au (Vauban). 2. Class. Entre fréquemment
brutales (Balzac). 2. Affecter une atti-
service des transmissions. dans les formules de politesse à la fin des
tude, affecter de (et l’infinitif), feindre
• SYN. : 1 assigner, attribuer, consacrer, lettres : Votre très humble et très affectionné
des sentiments que l’on n’éprouve pas,
imputer, réserver ; 2 choisir, désigner, nom- serviteur. Votre affectionné à vous servir.
chercher à : Quoique très ému lui-même,
mer. — CONTR.: 2 déplacer, muter, renvoyer.
il affecta jusqu’au dernier moment la plus affectionnément [afksjnem] adv.
grande gaieté (Daudet). J’affectais, en la affectif, ive [afktif, -iv] adj. (bas lat. (de affectionné ; 1541, Rabelais). Class. Avec
voyant, un air sombre et chagrin (France). affectivus ; 1450, Gréban). 1. Class. Disposé affection, avec ardeur : La dévotion n’est
Il affectait un air indifférent, craignant que à l’affection, sensible : Comment se peut-il autre chose qu’une agilité et vivacité spiri-
l’enfant ne prît plaisir à l’amuser par son faire que je sente ces choses, moi qui suis tuelle, par le moyen de laquelle la charité
bagou (Martin du Gard). Il affectait de le plus affectif du monde ? (François de fait les actions en nous, ou nous par elle,
garder une attitude insouciante (Barrès). Sales). 2. Class. Qui marque l’affection promptement et affectionnément (François
3. (avec un sujet désignant une chose) ou l’attachement que l’on éprouve pour de Sales).
Avoir, prendre généralement une certaine quelqu’un : Les paroles les plus répétées et
affectionner [afksjne] v. tr. (de
forme : La custode affecte la forme d’un les plus affectives qu’on puisse imaginer
affection ; XIVe s., Chronique de Flandre).
cylindre (France). 4. Class. Rechercher (Sévigné). 3. Qui relève de la sensibilité
1. Class. Inspirer de l’affection, de l’atta-
une chose vivement, avec empressement : ou s’y rapporte : Ce monde de la pensée
chement à quelqu’un : Vous souhaiteriez
Il y a autant de faiblesse à fuir la mode qu’à [...] est aussi varié, aussi émouvant, aussi
de gagner les coeurs et de vous affection-
l’affecter (La Bruyère). Il affecte un repos surprenant par les coups de théâtre et l’in-
ner la maison (Bourdaloue). Comment les
dont il ne peut jouir (Racine). tervention du hasard, aussi admirable par
affectionner [les valets] si on ne fait pas
• SYN.: 1 afficher, se donner, faire montre soi-même, que le monde de la vie affective
leur fortune (Maintenon). 2. Éprouver
de, faire parade de, se piquer de ; 2 montrer, dominé par les seuls instincts (Valéry). J’ai
de l’affection pour quelqu’un, de l’attache-
simuler ; 3 offrir, présenter, revêtir. toujours pensé que sa piété affective l’expo-
ment pour quelque chose : La maîtresse
serait aux démarches les plus inconsidérées
2. affecter [afkte] v. tr. (lat. affectare, affectionnait sa femme de chambre (Balzac).
(Mauriac). Valeur affective des mots, la
avec influence de affectus, sentiment ; Delacroix affectionne Dante et Shakespeare,
valeur qu’on peut y attacher en dehors de deux autres grands peintres de la douleur
XVes.). 1. Exercer une influence, une action
leur signification propre. humaine ; il les connaît à fond, et il sait les
sur quelqu’un ou sur quelque chose : La
paralysie a affecté le côté gauche. Toutes 1. affection [afksj] n. f. (lat. affectio, traduire librement (Baudelaire). Un clos de
ces différences n’affectent que la surface des disposition physique ou morale ; 1190, vigne qu’il affectionnait (Chateaubriand).
édifices (Hugo). Il conçoit l’histoire comme Sermons de saint Bernard ; au sens 3, 1609, 3. Avoir habituellement un penchant,
une série d’accidents qui affectent l’homme François de Sales). 1. Class. Modification une prédilection pour quelque chose : Il
éternel en surface (Sartre). Spécialem. agréable ou pénible de l’état d’âme : Cette [M. Manier] affectionnait la philosophie
Exercer une action fâcheuse sur l’orga- suite de pensées qui existe au-dedans de écossaise et me fit lire Thomas Reid (Renan).
nisme : Médicament violent qui affecte le nous-mêmes, quoique fort différente des Il affectionnait les cols droits, ouverts et
coeur. Être affecté d’une infirmité, d’un objets qui les causent, ne laisse pas que cassés, nouait largement sous son menton
défaut physique ou moral, en être atteint : d’être l’affection la plus réelle de notre indi- une cravate de satin noir (Duhamel).
Talleyrand était affecté d’une claudication. vidu (Buffon). Class. D’affection, par un • SYN. : 2 aimer, chérir, tenir à ; 3 adorer,
Être affecté d’un orgueil excessif, d’une mouvement sincère du coeur ; d’instinct : aimer, apprécier, goûter, s’intéresser à, raf-
extrême timidité. 2. Spécialem. Exercer Il est impossible de se la représenter par- foler de. — CONTR.: 2 et 3 abhorrer, détester,
une influence sur la sensibilité ; toucher, lant d’affection de quelque chose (Sévigné). exécrer, haïr.
émouvoir : Cette rupture [...], ce naufrage 2. Class. Ardeur, zèle : Mon affection et s’affectionner v. pr. Class. S’attacher à
n’affectaient ni Paul ni Élisabeth (Cocteau). mon autorité paraissaient à l’envi dans toute quelqu’un ou à quelque chose : Nous nous
3. Accompagner d’un signe un symbole, l’étendue de ma charge (La Rochefoucauld). affectionnons de plus en plus aux personnes
un chiffre, etc., pour en modifier le sens 3. Attachement que l’on éprouve pour à qui nous faisons du bien (La Bruyère). On

77
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

n’a de plaisir que quand on s’affectionne à 2. afférent, e [afer, -t] adj. (repris au s’affermir v. pr. Devenir plus ferme,
une lecture, et que l’on en fait son affaire lat. afferens, part. prés. de afferre, apporter ; plus solide ou plus fort (au pr. et au fig.) :
(Sévigné). milieu du XIXe s.). Vaisseaux afférents, vais- Par suite des gelées, le sol s’est affermi. Son
seaux qui portent les liquides absorbés aux autorité s’affermit de jour en jour. Ma santé,
affectivité [afktivite] n. f. (de affectif ;
ganglions situés sur leur parcours. longtemps médiocre, semblait s’affermir
1866, Larousse). 1. Ensemble des phé-
• CONTR. : efférent. (Duhamel).
nomènes affectifs. 2. Fonction qui les
détermine : Chez l’enfant, c’est l’affectivité afférer [afere] v. tr. ind. [à] (de l’anc. affermissement [afrmism] n. m. (de
qui s’éveille la première. 3. Par extens. v. aférir, toucher à, concerner [comp. de affermir ; 1552, Ch. Estienne). Action de
Dispositions d’ordre affectif que présente ad et de ferire, frapper] ; XIe s., Lois de rendre plus ferme, plus solide ou plus fort ;
le caractère d’un individu. Guillaume le Conquérant ; refait au XVIIe s. résultat de cette action (au pr. et au fig.) :
• SYN.: 1, 2 et 3. sensibilité. sur le lat. class. afferre, apporter). [Conj. Nous voyons combien il est de notre intérêt
5.] Incomber, revenir à quelqu’un dans un que cette Église subsiste, et combien il nous
affectueusement [afktøzm] adv. importe de travailler tous et de concourir
partage (langue juridique) : La part qui
(de affectueux ; fin du XIIIe s.). De façon à son affermissement (Bourdaloue). Une
affère à chaque héritier.
affectueuse, tendrement : Jean, surpris et terreur domptée étant un affermissement,
content après tout de la revoir, lui demanda affermable [afrmabl] adj. (de affermer ; il se sentit plus fort (Hugo).
affectueusement ce qu’il devenait (France). 1600, O. de Serres). Qui peut être affermé. • SYN.: consolidation, renforcement, stabi-
• SYN. : gentiment. — CONTR. : durement, affermage [afrma] n. m. (de affermer ; lisation. — CONTR.: affaiblissement, amol-
froidement, sèchement, sévèrement. 1489, Ordonnance royale). 1. Action de lissement, chute, délabrement, ébranlement,
affectueux, euse [afktø, -øz] adj. donner ou de prendre à ferme ou à bail. ruine.
(bas lat. affectuosus, de affectus, senti- 2. Par extens. Bail à ferme : Le rapport
affété, e [afete] adj. (part. passé de l’anc.
ment ; milieu du XIVe s.). 1. Se dit d’une de sa ferme, s’il varie, ne fait pas varier le
v. affaitier, affaiter, façonner, du lat. pop.
personne qui montre de l’affection ou de prix d’affermage (Gide).
*affactare, fréquent. de facere, faire ; début
l’attachement pour une autre : C’était une • SYN.: 1 afferme (vx), amodiation. du XVIe s., Huguet). Class. et littér. Qui a une
mère affectueuse et douce (Aymé). 2. Qui [afrm] n. f. (déverbal de affer- grâce maniérée : Je laisse aux doucereux
afferme
manifeste de l’affection : Christophe regar- mer ; 1313, Ordonnance royale).) Vx. Syn. de ce langage affété | Où s’endort un esprit de
dait avec une curiosité affectueuse cette AFFERMAGE (au sens 1) : On ne peut moins mollesse hébété (Boileau). Je ne vois que
figure impressionnable (Rolland). donner que deux moulins à chaque lieue mines affétées et fardées et qu’effronterie de
• SYN. : 1 et 2 aimant, câlin, tendre. — carrée, chacun desquels pourra vendre d’af- courtisane sous des grimaces d’innocente
CONTR. : 1 et 2 dur, froid, haineux, impi- ferme [...] trois cent trente livres (Vauban). (Gautier).
toyable, indifférent, malveillant, sévère. • SYN.: amodiation. • SYN. : affecté, apprêté, étudié, maniéré,
mignard, minaudier, précieux, recherché.
affectuosité [afktozite] n. f. (de affec- affermer [afrme] v. tr. (de à et de ferme ;
tueux ; XIVe s., Dict. général). Caractère 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens 1). afféterie [afetri] n. f. (de affété ; début du
affectueux : Les menues grâces de l’affec- 1. Donner à ferme ou à bail : Je possède XVIe s.). Manières affectées, recherchées ou
tuosité féminine, les amitiés d’enfance encore une vigne qui est affermée trente écus prétentieuses, dans l’attitude et le langage :
conservent, chez la femme, une franchise par an (Stendhal). 2. Prendre à ferme ou Raffinement, excès d’esprit, afféterie, gon-
d’allure qui les distingue, les fait reconnaître à bail : Sous l’Ancien Régime, on appelait gorisme, c’est tout cela qu’on a jeté à la tête
entre toutes (Daudet). fermiers généraux des financiers qui affer- de Shakespeare (Hugo). Elle passe sous les
• SYN.: sensibilité. — CONTR. : dureté, froi- maient les impôts. ramures assombries | Avec mille façons et
deur, inhumanité, insensibilité, sécheresse. mille afféteries | Qu’on garde d’ordinaire
• SYN.: 1 amodier.
aux perruches chéries (Verlaine). Bergotte
affenage [afna ou afna] n. m. (de affe- affermir [afrmir] v. tr. (de à et de ferme, est ce que j’appelle un joureur de flûte ; il
ner ; 1845, Bescherelle). 1. Action d’affe- adj., du lat. firmus ; 1372, J. Cor-bichon, faut reconnaître, du reste, qu’il en joue
ner. 2. Dialect. Magasin de marchand écrit afermir). 1. Rendre plus solide, plus agréablement, avec bien du maniérisme,
de fourrage. stable : Affermir un pont, un mur. Il affer- de l’afféterie (Proust).
[afne] v. tr. (de à et de l’anc. mit sa casquette, remonta son cartable • SYN. : affectation, embarras (plur.), gri-
affener
franç. fener [du lat. fenum, foin] ; 1546, d’un coup de rein et leva l’index vers le maces, mièvrerie, mignardise, minau-
Rabelais). [Conj. 5.] Vx ou dialect. Pourvoir ciel (Duhamel). 2. Rendre plus ferme, derie, mines, pose, préciosité, recherche,
plus compact : L’exercice physique affermit simagrées, singeries. — CONTR. : aisance,
de fourrage des bestiaux : Le lendemain,
les muscles. Affermir sa voix, la rendre naturel, simplicité.
quand il alla voir ses boeufs au petit jour,
plus nette, plus assurée : Il le considéra une
tout en les affenant et les câlinant, il pensait affichage [afia] n. m. (de afficher ; 1792,
seconde, puis, sans s’étonner, s’approcha
en lui-même à cette causerie (Sand). Assemblée législative, 20 sept.). Action
et dit, affermissant sa voix : « Monsieur,
• SYN.: affourager. d’afficher ; résultat de cette action : La
je ne vous connais pas » (Alain-Fournier).
1. afférent, e [afer, -t] adj. (de l’anc. 3. Fig. Rendre plus stable et durable, loi garantit la liberté de l’affichage. Pour
franç. aférant, part. prés. de aférir, conve- assurer : Affermir la santé, la volonté de complément, l’affiche : affichage illimité,
nir [spécialem. usuel à l’impers. (il) afiert, quelqu’un. Elle ne croyait pas avoir à affer- colossal (Hugo).
jusqu’au XVIe s.], issu du lat. pop. *afferire ; mir une position qu’elle jugeait inébranlable affiche [afi] n. f. (déverbal de afficher,
devenu afférent d’après le lat. class. afferens ; (Proust). Nous affermissons nos projets de fixer ; milieu du XIIe s., au sens d’ « agrafe » ;
XVIIe s.). 1. Qui revient à chacun (langue juri- départ (Gide). au sens d’ « avis imprimé », début du
dique) : Part, portion afférente. 2. Fig. Qui • SYN. : 1 asseoir, assurer, consolider ; 2 XVe s.). 1. Annonce officielle ou publici-
se rapporte, qui est approprié à quelqu’un développer, fortifier, raffermir ; 3 confirmer, taire, placardée dans un lieu public : Le
ou à quelque chose : Depuis ce temps-là, je consolider, fortifier, raffermir, renforcer. programme des cours, qu’il lut sur l’affiche,
n’ai cessé d’y songer et de faire des lectures — CONTR.: 1 délabrer, ébranler, miner, rui- lui fit un effet d’étourdissement (Flaubert).
afférentes (Flaubert). Renseignements affé- ner, saper ; 2 affaiblir, amollir ; 3 affaiblir, L’affiche de remerciement pour les électeurs
rents à une affaire (Acad.). ébranler, ruiner. était préparée d’avance (Aragon). Colleur

78
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

d’affiches. Affiche électorale, celle qui en se montrant avec elle en public : Robert, Michelet). A la file, sans s’arrêter, sans
expose le programme d’un candidat. en vrai neveu de M. de Charlus, s’affichait discontinuer : Madame disparaissait de
Affiche de mobilisation, celle qui appelle avec des femmes qu’il compromettait, que la circulation pendant des deux et trois mois
les réservistes sous les drapeaux. Tenir le monde croyait et qu’en somme Gilberte d’affilée (Courteline).
l’affiche, en parlant d’un spectacle, avoir croyait ses maîtresses (Proust).
affiler [afile] v. tr. (lat. pop. *affilare,
de nombreuses représentations. Tête
affichette [afit] n. f. (de affiche ; aiguiser, de filum, fil, tranchant ; XIIe s.,
d’affiche, se dit d’un acteur qui figure sur
1867, Veuillot). Petite affiche : La dernière Roman de Renart).
l’affiche en tête de liste. (Syn. VEDETTE.)
production de Polydore, une affichette de
Homme-affiche, syn. de HOMME-SAND- I. 1. Donner du fil à un instrument tran-
rien, qui n’a dû lui coûter aucune peine
WICH. Fam. Personne plate comme une chant, l’aiguiser : Si la faux ne mord point,
(Veuillot).
affiche, personne très maigre. 2. Vx. c’est que tu ne l’as point assez battue ni
Affichage : Les tribunaux pourront ordon- afficheur [afioer] n. m. (de afficher ; affilée (Alain). Depuis que ce couteau de
ner l’impression ou l’affiche de leurs juge- 1680, Richelet). Homme qui pose des nacre [...] a été affilé par don Marcasse
ments (Code civil). 3. Fig. et vx. Action de affiches : Nos afficheurs sont guettés et [...], je ne l’ai quitté ni jour ni nuit (Sand).
manifester publiquement une opinion ou jetés en prison (Hugo). 2. Fig. Rendre plus vif, plus pénétrant :
un sentiment : C’était entre les deux jeunes affichiste [afiist] n. (de affiche ; 1789, Les uns affilent leurs langues de serpent
gens, le premier jour où ils se revoyaient, Beaumarchais, au sens de « publiciste » ; (Fléchier).
l’affiche d’une passion que leurs deux per- sens actuel, fin du XIXe s.). Dessinateur, des- II. Étirer en forme de fil : Affiler un lingot
sonnes avouaient, déclaraient hautement sinatrice publicitaires spécialisés dans la d’or, d’argent.
(Goncourt). 4. Arg. Se dit d’un homme création d’affiches. • SYN.: I, 1 et 2 affûter. II allonger, amin-
qui laisse deviner qu’il est porté au liber-
affidavit [afidavit] n. m. invar. (terme cir. — CONTR. : I, 1 et 2 émousser.
tinage : Quant au tzar des Bulgares, c’est
une pure coquine, une vraie affiche, mais jurid. empr. à l’angl., du lat. médiév. affi- affileur [afiloer] n. m. (de affiler ; 1611,
très intelligent, un homme remarquable davit, parf. de affidare, attester ; 1773, Cotgrave). Celui qui affile ou aiguise des
(Proust). Lauragais). Déclaration faite sous ser- outils, des couteaux.
ment, devant une autorité, par les porteurs
• SYN.: 1 placard ; 3 affectation, démons-
étrangers de certaines valeurs d’État, pour affiliation [afiljasj] n. f. (lat. jurid.
tration, manifestation, ostentation.
obtenir l’exonération d’impôts touchant affiliatio, adoption, de filius, fils ; 1560,
afficher [afie] v. tr. (de à et de ficher, lat. ces valeurs, déjà taxées dans leur pays Pasquier). 1. Action d’adhérer à un grou-
pop. *figicare, devenu très tôt *ficcare, de d’origine. pement, à un parti, à une association ; le fait
figere, attacher, fixer ; 1080, Chanson de d’en être membre : Une âme intransigeante
affidé, e [afide] adj. et n. (du lat. médiév.
Roland, écrit afichier, au sens de « fixer, comme M. Lantaigne ne vous pardonne ni
et jurid. affidare, promettre, donner en gage
attacher »). 1. Apposer dans un lieu votre affiliation à la franc-maçonnerie ni
[verbe correspondant affier, du XIIe s. au
public, sur un mur, sur un panneau, etc., vos origines israélites (France). 2. Vx.
XVIe s.] ; XVIe s., au sens de « digne de foi » ;
une annonce officielle ou publicitaire : Société ainsi recrutée : Nous verrons sans
au sens 2, 1748, Montesquieu). 1. Class. et
Afficher un placard, une ordonnance. doute un développement des affiliations et
littér. En qui l’on a confiance : S’il plaisait
Le tribunal ordonne que le jugement des tiers ordres (Huysmans).
à Sa Majesté d’envoyer nombre de gens de
soit affiché. Absol. Poser une affiche : • SYN. : 1 adhésion, admission, entrée,
bien affidés dans les provinces, pour en faire
Défense d’afficher. 2. Annoncer par voie incorporation, intégration.
une visite exacte jusqu’aux coins les plus
d’affiche : Un cinéma affichait « l’Afrique
reculés (Vauban). Après la mort de Jean, affilié, e [afilje] adj. et n. (part. passé
inconnue » (Martin du Gard). Afficher
Jésus, comme confrère affidé, fut un des de affilier). Qui fait partie d’un groupe-
« complet ». 3. Fig. Montrer publiquement
premiers averti (Renan). 2. Péjor. A qui ment : Joseph Lacrisse, secrétaire du Comité
et avec ostentation : Elle se mit à afficher
l’on se fie pour une action répréhensible ; départemental de la Jeunesse royaliste, com-
son mépris pour ce qu’elle avait tant désiré,
membre d’une association secrète : Il avait pulsait silencieusement la liste des affiliés
à déclarer que tous les gens du faubourg
des affidés, des complices (Hugo). (France). Ils formaient, à Genève, un vaste
Saint-Germain étaient idiots, infréquen-
tables (Proust). Il était résolu à demeurer
• SYN.: 2 acolyte, compère, complice. groupement de jeunes révolutionnaires sans
sur la réserve, et, dans ce milieu, à ne pas ressources, plus ou moins affiliés aux orga-
affilage [afila] n.m. (de affiler ; 1863,
afficher inutilement ses opinions (Martin nisations existantes (Martin du Gard).
Littré). Action d’affiler le tranchant d’un
du Gard). A table, elle afficha son intimité outil, d’un couteau. • SYN.: adhérent, membre, militant, recrue.
avec Fontane par des apartés et des sourires
affilé, e [afile] adj. (part. passé de affi- affilier [afilje] v. tr. (bas lat. affiliare, de
(Maurois). 4. Fig. Afficher quelqu’un, le
ler). 1. Aiguisé, tranchant : Il n’y avait filius, fils ; XIVe s., H. Bonnet, Dict. géné-
compromettre publiquement (vieilli) : Tout
personne pour avoir des couteaux affilés ral).) Affilier une association, un groupe,
ce qui pouvait afficher, déconsidérer et dés-
et aiguisés comme les miens (Sue). Avoir etc., les faire entrer dans un groupement
honorer Ursule (Balzac).
la langue bien affilée, avoir la repartie vive plus grand (s’emploie surtout au part.
• SYN.: 1 placarder ; 3 étaler, exhiber, faire passé affilié) : Évariste suivit les leçons de
et prompte, ou être bavard et médisant.
montre de, publier. — CONTR. : 3 cacher, Maximilien, dont la pensée dominait aux
2. Fig. Vif et pénétrant : Mme Ludmilla
dissimuler, voiler. Jacobins et de là, par mille sociétés affiliées,
Pitoëff dote Natacha [...] d’une jeunesse
s’afficher v. pr. 1. Se montrer avec osten- trop aérienne, d’une intelligence trop affi- s’étendait sur toute la France (France).
tation dans un lieu public : [M. Robert] avec lée (Colette). s’affilier v. pr. S’inscrire à un groupe-
lequel il n’a pas l’intention de s’afficher en ment, à un parti, etc. : Il s’est affilié à un
• SYN.: 2 aigu, incisif, perçant. — CONTR. :
public (Aragon). Se sachant surveillé par syndicat.
1 et 2 émoussé.
la police, il ne voulait pas s’afficher sur les
• REM. Affilé se dit de ce qui est aiguisé, • SYN.: adhérer, s’enrôler, entrer.
Boulevards. 2. Péjor. Rendre public le
tranchant ; effilé, de ce qui est long,
désordre de sa vie : Les Tuileries se scan- affiloir [afilwar] n. m. (de affiler ; 1829,
mince, étroit.
dalisaient de la conduite du chambellan, Boiste) ou affiloire [afilwar] n. f. (XVIe s.,
depuis qu’il s’affichait (Zola). Spécialem. affilée (d’) [dafile] loc. adv. (d’un anc. Chassignet). Pierre ou instrument qui sert
s’afficher avec une femme, la compromettre v. affiler, aligner, tiré de file ; v. 1850, à donner du fil à un outil, à un couteau.

79
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

affinage [afina] n. m. (de affiner, rendre affinerie [afinri] n. f. (de affiner ; 1552, blanc, de rouge et de filets bleus, de parures
fin ; 1390, Ordonnance royale). 1. Action Dict. général). 1. Usine où l’on affine les et d’affiquets (Saint-Simon).
de rendre une matière plus fine ou plus métaux : Un continuel va-et-vient de four-
affirmateur [afirmatoer] n. m. (de affir-
pure : L’affinage du ciment, du chanvre, gons traversait la cour immense, faisant
mer ; milieu du XIXe s.). Celui qui affirme
du lin, du verre, des métaux. Affinage de le service entre la maison de Paris et les
avec force : Le pauvre Socrate n’avait qu’un
la fonte, opération par laquelle on trans- affineries de Petit Port (Daudet). 2. Petite
Démon prohibiteur ; le mien est un grand
forme la fonte en fer. 2. Dernière façon forge où l’on tire le fer et le fil d’archal.
affirmateur (Baudelaire).
par laquelle on donne le fini à un travail :
affineur, euse [afinoer, -øz] adj. et n. (de
L’affinage des draps. 3. Par anal. Affinage affirmatif, ive [afirmatif, -iv] adj. (bas
affiner ; XVIe s.). Class. et dialect. Trompeur,
d’un fromage, dernière phase de la matu- lat. affirmativus ; XIIIe s., Dict. général).
trompeuse : Jecrus aussi pouvoir la regarder
ration d’un fromage. 1. Qui affirme ou marque l’affirmation : Je
comme une affineuse sans pareille (Sand).
les trouvai [les philosophes] tous fiers, affir-
affinement [afinm] n. m. (de affiner, n. (XIVe s.). Ouvrier, ouvrière qui affine
matifs, dogmatiques (Rousseau). Charles
rendre fin ; 1547, Budé). 1. Action de les métaux, le chanvre, etc.
répondit par un signe de tête affirmatif
rendre une forme plus fine, plus pure ou
affinité [afinite] n. f. (lat. affinitas, voi- (Flaubert). 2. Spécialem. Proposition,
plus déliée : L’affinement d’un contour
sinage, parenté ; 1160, Benoît de Sainte- conjugaison affirmative, en grammaire,
laborieusement cherché par le sculpteur
Maure, au sens de « voisinage » ; au sens proposition, conjugaison exprimée sans
(Gautier). 2. Fig. Action de rendre plus
1, 1283, Beaumanoir ; au sens moderne, négation ni interrogation, de manière affir-
subtil, plus délicat ; état qui résulte de cette
XIVe s.). 1. Vx. Parenté par alliance : mative. Mode affirmatif, ancien nom de
action : Affinement de l’esprit, du goût. La
L’Église a fini par déclarer empêchements l’indicatif.
critique [...] suppose un affinement intellec-
dirimants de mariage tous les degrés d’affi- • CONTR.: 1 dubitatif, interrogatif, négatif.
tuel que de longs siècles d’art ont pu seuls
nité (Chateaubriand). Affinité spirituelle, affirmative n. f. Énoncé par lequel
produire (France). 3. Absol. Civilisation,
dans la religion catholique, alliance éta- on affirme : Répondre par l’affirmative.
moeurs policées, raffinées : En ce pays où
blie par le baptême entre le parrain ou la Dans l’affirmative, dans le cas où la chose
l’affinement s’étend jusqu’au bas peuple,
marraine et leur filleul. 2. Fig. Rapport, serait vraie ou la réponse positive : J’espère
on s’imagine ce qu’il peut devenir chez une
conformité de nature ou de caractère que vous viendrez : dans l’affirmative, inu-
noble dame, de vieille famille souveraine
existant entre diverses choses : Les objets tile de me répondre.
(Loti). Le jeune comte de Cambremer émer-
les plus disparates me présentent des affi-
veillait tout le monde par sa distinction, [afirmasj] n. f. (lat. affir-
nités et des harmonies étranges (Hugo). affirmation
son affinement, sa sobre élégance (Proust). matio ; XIIe s., écrit afermation ; affirma-
3. Harmonie de goûts, de sentiments, de
affiner [afine] v. tr. (de à et de fin, adj. ; caractères, de pensées qui rapproche deux tion, XIVe s., Dict. général). 1. Action de
XIIIe s., au sens II ; au sens I, XVIe s.). êtres, deux collectivités : On se trompe en déclarer fermement qu’une chose est vraie :
croyant que les meilleures unions reposent Je ne mets pas en doute votre affirmation.
I. Class. et dialect. Tromper en usant de
sur des affinités (Rolland). Il est certain que Affirmation catégorique, péremptoire.
finesse ou de ruse : Vous voulez m’affi-
quand il a parlé des « affinités » qui unissent 2. Spécialem. Déclaration solennelle par
ner ; mais c’est peine perdue (Corneille). Il
son pays à la France, l’expression, pour peu laquelle on proclame la vérité d’un fait ou
commençait à croire qu’elle voulait l’affi-
qu’elle puisse être dans le vocabulaire des d’un acte (langue juridique) : Affirmation
ner (Sand).
chancelleries, était singulièrement heureuse de compte, de créance. 3. Par opposition
II. 1. Rendre une matière plus fine, plus (Proust). Affinités électives. 4. Tendance à négation ou à interrogation, toute pro-
déliée ou plus pure : Affiner le ciment, les qui pousse deux choses, deux corps à se position par laquelle on affirme : Ce ne
métaux. Affiner le chanvre, en séparer rapprocher ou à se combiner (terme de fut pas une affirmation qu’il se fit, ce fut
les fibres à l’aide d’un peigne à dents fines. chimie) : Le carbone a de l’affinité pour une question qu’il s’adressa (Hugo). De
2. Donner le fini, une dernière façon à l’oxygène. sa bouche, l’affirmation des faits les plus
un produit ou à un objet fabriqué : Affiner • SYN. : 2 analogie, corrélation, corres- invraisemblables sera tenue par moi pour
le drap. Affiner les épingles, les clous, en pondance, ressemblance ; 3 attirance, la vérité (Balzac). Verbes d’affirmation,
aiguiser la pointe. Par anal. Affiner un attraction, attrait, inclination, sympathie. en grammaire, verbes qui expriment une
fromage, le laisser mûrir en le plaçant — CONTR. : 2 antagonisme ; 3 antipathie. déclaration (dire), une opinion (croire), une
dans les conditions voulues. 3. Par connaissance (savoir). 4. Fait de deve-
extens. Rendre une forme plus fine, plus affinoir [afinwar] n. m. (de affiner, rendre
nir plus ferme, de prendre des traits plus
déliée : Le dessinateur affine un trait, le fin ; XVIe s., R. Belleau). Machine à affiner accusés : L’affirmation d’un caractère, d’une
sculpteur un contour. Ce vaste chapeau le chanvre, le lin. personnalité.
affinait son visage (Hermant). 4. Fig. affiquet [afik] n. m. (dimin. de affique, • SYN.: 1 allégation, assertion, assurance,
Rendre plus fin, plus subtil ou plus déli- forme normanno-picarde de affiche, attestation, déclaration. — CONTR. : 1
cat : Affiner les sens, le goût, l’esprit. Il y a usuel au Moyen Age au sens d’ « agrafe » ; contestation, démenti, doute, interrogation,
dans l’air un peu de musique [...], une de- XIIIe s., Godefroy). 1. Autref. Ornement négation, rétractation.
mi-ivresse qui affine les sensations (Dau- qui s’agrafait ou se fixait sur le vêtement,
affirmativement [afirmativm] adv.
det). Enfant, certains ciels ont affiné mon le chapeau, dans la coiffure. 2. Autref.
(de affirmatif ; XIVe s., Godefroy). 1. Vx.
optique (Rimbaud). Porte-aiguilles à tricoter fixé à la ceinture.
D’une manière affirmative, péremptoire :
• SYN. : II, 1 épurer, purifier, raffiner ; 4 3. Auj. Protège-pointe pour aiguille à
Comme Hegel, j’avais le tort d’attribuer trop
civiliser, cultiver, éduquer, élever, épurer, tricoter : Dans la bergère de la morte [...],
affirmativement à l’humanité un rôle cen-
polir, raffiner. — CONTR.: II, 3 et 4 alourdir, elle retrouva les petits chapeaux d’ivoire,
tral dans l’univers (Renan). 2. Répondre
épaissir. les affiquets qui préservaient les aiguilles
affirmativement, répondre en disant oui.
s’affiner v. pr. Devenir plus fin, plus à tricoter (La Varende).
• CONTR. : 2 négativement.
délicat, en parlant d’une personne, de son affiquets n. m. pl. Class. Menus objets
aspect physique, de ses manières, de son de parure d’une femme : Les affiquets, affirmer [afirme] v. tr. (lat. affirmare,
goût, etc. : Ses traits se sont affinés. Il s’est les habits à changer, | Joyaux, bijoux, ne affermir, affirmer ; 1276, Registre criminel
affiné au contact de compagnons élégants manquaient à la dame (La Fontaine). Mme de Saint-Germain-des-Prés ; écrit afermer
et distingués. de Montauban était une bossue, pleine de jusqu’au XVIe s.). 1. Exprimer fermement

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

sa conviction ; certifier qu’une chose est L’affleurement d’un écueil. Cette contrée affligé, e [aflie] adj. et n. (part. passé
vraie : Il affirmait qu’à son gré, rien que basse a des aspects de désert, elle aussi, de affliger). Se dit d’une personne parti-
par le régime, il pouvait rendre les gens gais des traînées grises, miroitantes, comme culièrement éprouvée par une douleur
ou tristes [...] selon la nature de l’alimen- des champs de boue ou des affleurements physique ou morale : Sa mort m’a changée
tation qu’il leur imposait (Maupassant). de sel (Loti). Au loin, la campagne ondule, | D’implacable ennemie en amante affligée
2. Manifester avec force, avec netteté : champs de blé jaune ou labours coupés (Corneille). Cependant, dans cette jouis-
Olivier avait voulu surtout affirmer son par des affleurements rocheux (Morand). sance universelle, j’ai aperçu un être affligé
indépendance (Rolland). Affirmer sa per- Spécialem. Partie d’une couche géolo- (Baudelaire). Lorsqu’après une journée de
sonnalité, son originalité. 3. Rendre plus gique présente à la surface du sol. 3. Par lutte, visites aux pauvres, aux malades, aux
ferme, plus assuré, plus certain : Chaque anal. Action d’apparaître à la surface, de affligés, je rentre harassé (Gide).
enjambée affirmait mon exil (Arnoux). devenir visible : L’affleurement de grosses • SYN.: abattu, chagriné, consterné, déses-
• SYN. : 1 alléguer, assurer, attester, avan- veines qui saillent sous la peau. péré, désolé, navré, tourmenté. — CONTR. :
cer, certifier, garantir, prétendre, proclamer, allègre, gai, joyeux, réjoui.
affleurer [afloere] v. tr. (de à et de fleur ;
soutenir ; 2 démontrer, exprimer, exté- adj. Qui exprime l’affliction : Un air
rioriser, montrer, prouver ; 3 confirmer, proprem. « mettre à fleur de » ; 1397, affligé.
consolider, fortifier, renforcer. — CONTR. : Delboulle). 1. Mettre de niveau deux
choses contiguës : Affleurer les planches affligeant, e [afli, -t] adj. (part.
1 contester, contredire, démentir, douter,
d’une porte. Spécialem. Affleurer la pâte prés. de affliger ; 1578, A. d’Aubigné).
nier ; 2 cacher, dissimuler, taire.
à papier, amener à fleur de cuve la partie 1. Qui afflige : Il roula les pensées les plus
s’affirmer v. pr. 1. Se manifester au
non délayée de la pâte. 2. Arriver à fleur affligeantes (Samain). 2. Par extens. Qui
grand jour, se déclarer nettement : Il est inspire la pitié, pénible : Sottise affligeante.
nécessaire qu’une majorité s’affirme à l’As- d’une surface, au niveau d’un point, tou-
Des arguments d’une banalité affligeante.
semblée. Quoi ! C’était son fils [...], ce fort cher très légèrement quelque chose : La
rivière affleure ses bords. Sa manche droite
• SYN.: 1 et 2 attristant, consternant, déso-
garçon barbu, dont la volonté s’affirmait
affleure la petite main exsangue ouverte lant, navrant, pénible. — CONTR.: divertis-
(Maupassant). Il est exact que, d’instinct,
sant, gai, heureux, réjouissant.
cet enfant dit : non. Mais ce n’est pas mau- comme une fleur (Bernanos).
vaise volonté : c’est un besoin de s’opposer. Je v. intr. 1. Être à fleur, apparaître à la affliger [aflie] v. tr. (lat. affligere, frap-
veux dire : un besoin de s’affirmer (Martin surface de quelque chose : Des champs per violemment, accabler ; 1120, Psautier
du Gard). 2. Se présenter, se produire rares où parfois le roc affleurait (Samain). de Cambridge). 1. Class. Causer la ruine
comme ayant tel ou tel caractère : Il s’af- 2. Fig. Devenir visible, sensible, appa- d’une personne, d’un pays, etc., lui causer
firme comme poète. S’affirmer plus adroit raître : Sourds instincts de possession, qui, un grand dommage : La guerre est le plus
qu’énergique. par moments, affleurent à la surface égale grand des maux dont les dieux affligent
et monotone des pensées de salon, s’effa- les hommes (Fénelon). 2. Class. Infliger
affixal, e, aux [afiksal, -o] adj. (de affixe ; à son corps des mortifications : De quelles
cent invisibles, mais frémissent au fond
1877, Littré). Qui se rapporte aux affixes : austérités affligez-vous votre corps ?
(Rolland).
Élément affixal. Syllabes affixales. (Bourdaloue). 3. Affecter quelqu’un
• SYN.: 1 et 2 émerger, poindre, sortir.
affixation [afiksasj] n.f. (de affixe ; d’une souffrance, d’une gêne, d’une dis-
milieu du XXe s.). Procédé qui consiste à afflictif, ive [afliktif, -iv] adj. (dér. savant grâce physique : Ce rire usité chez les
ajouter un affixe au radical des mots pour du lat. afflictus, affligé, part. passé de affli- hommes qu’afflige une gibbosité (Banville).
en modifier le sens. gere ; 1667, Code pénal). Peine afflictive, Il est affligé d’une surdité presque totale.
peine qui atteint le corps lui-même, par 4. Causer à quelqu’un une profonde dou-
1. affixe [afiks] n. m. (lat. affixus, fixé à ; leur morale, un grand chagrin : Affliger la
opposition à peine infamante, qui atteint
1584, Thevet). En linguistique, particule femme qu’on aime, c’est un crime (Balzac).
moralement le condamné, qui le désho-
qui se fixe au radical d’un mot, au début Au retour de mon émigration, je revis l’amie
nore : Les travaux forcés sont une peine
(préfixe), à la fin (suffixe) ou à l’intérieur de mon enfance : je dirai comment elle
afflictive et infamante. La dégradation
(infixe), pour en modifier le sens, la fonc- disparut, quand il plut à Dieu de m’affli-
civique est une peine infamante, mais non
tion ou le rôle. ger (Chateaubriand). 5. Être affligé de
afflictive (Acad.).
2. affixe [afiks] n. f. (lat. affixus, fixé à ; quelque chose, de quelqu’un, devoir en
affliction [afliksj] n. f. (lat. afflictio, supporter les désagréments, le caractère
1885, Grande Encyclopédie). En mathé-
même sens ; v. 1050, Vie de saint Alexis). incommode : Le pauvre garçon est affligé
matiques, quantité complexe consi-
Peine profonde, causée par un grand mal- d’un nom ridicule. Il est affligé d’une femme
dérée comme liée à sa représentation
géométrique. heur : De jour en jour, l’affliction du pauvre acariâtre.
enfant augmentait (Sand). Il réfléchissait • SYN. : 3 atteindre, frapper ; 4 accabler,
affixé, e [afikse] adj. (de affixe ; milieu avec une affliction sincère au dévergondage attrister, chagriner, consterner, contrister,
du XXe s.). Qui sert d’affixe : Dans « indivi- de la jeunesse, au relâchement des moeurs... désespérer, désoler, navrer, peiner, torturer,
sible », IN- et -IBLE sont des éléments affixés. (Martin du Gard). tourmenter. — CONTR.: 3 doter, douer, favo-
affleurage [afloera] n. m. (de affleurer ; • SYN.: abattement, accablement, chagrin, riser, gratifier ; 4 contenter, ravir, réjouir,
1762, Acad.). Action de ramener à fleur désespoir, désolation, détresse, tourment. soulager.
de cuve la partie non délayée de la pâte — CONTR. : allégresse, contentement, joie, s’affliger v. pr. [de]. Éprouver de la
à papier. ravissement, satisfaction. peine, du chagrin : Il s’affligeait des crimes
afflictions n. f. pl. Littér. Malheurs qui et ne savait pas les punir (Stendhal). Il en
affleurement [afloerm] n. m. (de affleu-
causent une douleur morale profonde : La cherchait le moyen [de servir la Vierge]
rer ; 1593, de Lurbe). 1. Action de mettre
Providence envoie les afflictions particu- sans pourvoir le trouver et il s’en affligeait
deux surfaces de niveau ; résultat de cette
lières à qui elle veut, toujours brèves, parce chaque jour davantage (France).
action : L’affleurement des planches d’un
que la vie est courte ; et ces afflictions ne • REM. On dit être affligé ou s’affliger de
parquet. Le point d’affleurement de l’aréo-
sont point comptées dans les destinées géné- ou que (de ce que est correct, mais lourd).
mètre. 2. Fait d’émerger à la surface du
sol ou des eaux ; ce qui émerge, ce qui rales des peuples (Chateaubriand). afflouage [aflua] n. m. (de afflouer ;
apparaît à fleur de terre, à fleur d’eau : • SYN.: épreuves, tribulations, vicissitudes. 1863, Littré). Action d’afflouer.

81
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

afflouer [aflue] v. tr. (de flouée, de Saint-Simon reprend ses premiers jets de éperdument amoureux : Vous ne sauriez
l’anc. nordique flôd, marée ; 1863, Littré). portraits. Quand il raconte des conver- croire comme elle est affolée de ce Léandre
Remettre à flot un navire échoué ou laissé sations, il lui arrive de reproduire le ton, (Molière). Ces robes folles sont l’emblème
à sec. l’empressement, l’afflux de paroles, les | De ton esprit bariolé ; | Folle dont je suis
redondances, les ellipses... (Saint-Beuve). affolé, | Je te hais autant que je t’aime !
affluence [aflys] n. f. (lat. affluentia,
Cette décomposition des grandes cités qui (Baudelaire). 2. Troubler profondément
afflux, abondance ; 1495, J. de Vignay).
ont gouverné le monde, cet afflux de toutes l’esprit, épouvanter, rendre comme fou :
1. Class. et littér. Action d’affluer ; arri-
les passions, de tous les désirs, de tous les Son impuissance l’affola et il chercha un
vée abondante d’un liquide en un point :
assouvissements (Zola). 3. Arrivée sou- argument massif (Aymé). Dans les folles
L’affluence des eaux qui venaient de la
daine en un lieu d’un grand nombre de clameurs des damnés affolés (Péguy).
fonte des neiges fit déborder la rivière
personnes : Aux périodes de vacances, 3. Troubler jusqu’au désarroi les sens et
(Acad., 1694). Mon sang, ayant un che-
on observe dans les gares un afflux de le coeur de quelqu’un : Elle s’amusait comme
min moins long à parcourir, se précipite
voyageurs. toujours à l’affoler (Maupassant).
dans mon coeur avec une affluence si
• SYN. : 1 arrivée ; 2 déferlement, flot ; 3 • SYN. : 2 atterrer, bouleverser, effrayer,
rapide que ce vieil organe de mes plaisirs
affluence, arrivée, concours, convergence, égarer, terrifier ; 3 bouleverser, émouvoir,
et de mes douleurs palpite comme prêt à se
déferlement, flot. — CONTR. : 1 reflux. enfiévrer. — CONTR.: 2 apaiser, calmer, ras-
briser (Chateaubriand). 2. Fig. et littér.
Abondance de biens matériels ou moraux séréner, rassurer, tranquilliser.
affolant, e [afl, -t] adj. (part. prés. de
qu’on reçoit : L’affluence de toutes sortes de affoler ; fin du XVIIe s.). Qui rend comme s’affoler v. pr. 1. Class. et littér. S’éprendre
biens et de délices (Rollin). 3. Arrivée ou fou ; qui trouble l’esprit, la sensibilité : Une de quelqu’un au point d’en perdre la raison :
présence de nombreuses personnes en un place si affolante pour un si jeune homme Il s’affolera de Mlle Jeannette au point de
lieu : Cette affluence de spectateurs n’était (Saint-Simon). Chaque mot [...] entrait en faire toutes les sottises (Gautier). 2. Class.
pas uniquement attirée par la beauté du Suzanne comme une accusation précise, et littér. S’attacher avec passion à quelqu’un
cent de bourrées qui brûlait (Hugo). affolante (Aragon). ou à quelque chose : Elle s’affola de sa
Absol. Grande foule se rendant ou pas- nièce et désira ne plus la quitter (Balzac).
• SYN. : alarmant, bouleversant, inquié-
sant en un même lieu : Le soleil dardait à S’affoler de dévotion (Voltaire). 3. Perdre
tant, troublant. — CONTR. : rassurant,
plomb ses rayons poudreux sur le pont, et son sang-froid sous le coup d’une émotion
tranquillisant.
l’affluence y était grande (Nerval). violente : Ma mère s’affolait à l’idée d’une
affolé, e [afle] adj. (part. passé de affo- contagion possible (Mauriac). Mon oncle
• SYN. : 1 afflux, flot ; 2 profusion, sura-
ler). 1. Qui agit comme un fou, par suite s’affolait, on l’entendait courir dans les cou-
bondance ; 3 flot, foule, multitude, presse.
d’une violente émotion, d’une violente loirs, cherchant des serviettes, de l’eau de
— CONTR. : 1 reflux ; 2 absence, carence,
passion ; qui manifeste un grand trouble : Cologne, de l’éther (Gide). 4. Par extens.
défaut, indigence, insuffisance, manque,
Et soudain, je m’éveille affolé, couvert de En parlant d’un instrument de mesure,
pénurie.
sueur (Maupassant). Avoir un air affolé. d’un moteur, etc., se dérégler, tourner à une
affluent, e [afly, -t] adj. (lat. affluens, Son coeur affolé battait violemment contre allure désordonnée : La boussole s’affola.
qui coule abondamment ; av. 1524, J. ses côtes (Bernanos). 2. Se dit de l’aiguille
affouage [afwa] n. m. (de l’anc. v.
Lemaire de Belges, au sens de « abon- aimantée qui subit des oscillations sou-
dant en quelque chose » ; au sens 1, 1539, daines et irrégulières sous l’effet de varia- affouer, chauffer, lat. pop. *affocare, de
J. Canappe). 1. Se dit, en pathologie, des tions brusques du champ magnétique, focus, feu ; milieu du XIIIe s., Dict. général).
1. Droit d’affouage, ou simplem. affouage,
humeurs qui affluent vers quelque partie et, par extens., d’un appareil quelconque
du corps. 2. Se dit d’un cours d’eau qui se brusquement déréglé : La boussole affolée droit donné aux habitants d’une commune
par des roches magnétiques (Vercel). Petits de prendre du bois dans les forêts de cette
jette dans un autre : Une rivière affluente.
marchands semblables à des balances avec commune. 2. Par extens. Répartition
affluent n. m. (1690, Furetière). Cours
leurs deux plateaux au vent et leurs fléaux entre les habitiants du produit des bois
d’eau qui se jette dans un autre : La Marne
affolés (Malraux). communaux.
est un affluent de la Seine.
• SYN.: 1 bouleversé, effaré, égaré, hagard, 1. affouager [afwae] v. tr. (de affouage ;
affluer [aflye] v. intr. (lat. affluere, cou-
terrifié, terrorisé, troublé. — CONTR. : 1 1866, Larousse). [Conj. 5.] 1. Dresser la liste
ler vers ; XIVe s.). 1. Couler abondamment
calme, rassuré, serein, tranquille. des habitants d’une commune qui ont droit
vers un point déterminé, en parlant d’une
n. Homme ou femme qui agit d’une à l’affouage. 2. Déterminer les coupes
rivière, d’un liquide, etc. : L’Yonne afflue
façon insensée ou désordonnée : Tous ces d’une forêt qui seront partagées en vertu
dans la Seine. Le sang fiévreux afflue et pal-
affolés qui cherchent leur bonheur dans le du droit d’affouage.
pite à tes tempes (Ch. Guérin). 2. Arriver
mouvement (Baudelaire).
en grand nombre, en abondance au même 2. affouager, ère [afwae, -r] adj. (de
endroit : Il pénétra à son tour dans le ves- affolement [aflm] n. m. (de affoler ; affouage ; 1866, Larousse). 1. Qui concerne
tibule où la foule affluait (Rodenbach). XIIIe s.). 1. Action de troubler profondément l’affouage : Coupe, portion affouagère.
Les trésors du monde y affluent, comme quelqu’un au point de lui faire perdre la 2. Qui jouit du droit d’affouage :
dans la maison d’un homme laborieux raison : Claire [...] avait le don de bonté et Commune affouagère.
(Baudelaire). d’apaisement, tandis que l’autre [...] avait le n. (1845, Bescherelle). Personne qui jouit
• SYN. : 2 confluer, converger, déferler. — don d’affolement et de destruction (Daudet). du droit d’affouage. (En ce sens, on dit aussi
CONTR. : 1 refluer ; 2 s’éloigner, partir, se 2. Trouble profond : Ce n’était plus une AFFOUAGISTE.)
retirer. douleur morale et torturante, mais l’affo-
affouillement [afujm] n. m. (de affouil-
lement d’une bête sans abri (Maupassant).
afflux [afly] n. m. (lat. affluxum, supin ler ; 1835, Raymond). 1. Dégradation pro-
• SYN.: 2 agitation, bouleversement, désar-
de affluere, couler abondamment ; 1611, duite par les eaux dont le courant creuse
roi, effroi, égarement, panique, peur, ter-
Cotgrave). 1. Mouvement des liquides le sol latéralement. 2. Action d’un agent
reur, trouble. — CONTR. : 2 apaisement,
qui affluent brusquement vers un point naturel ou artificiel qui creuse le sol ou
calme, paix, quiétude, sérénité.
du corps : L’afflux du sang au cerveau pénètre un corps solide : L’Atlantique ronge
peut provoquer une hémorragie cérébrale. affoler [afle] v. tr. (comp. anc. de à et nos côtes. La pression du courant du pôle
2. Abondance soudaine de paroles, de fol, forme anc. de fou ; XIIe s.). 1. Class. déforme notre falaise ouest [...] ; qu’on juge
d’idées, de sentiments : Dans sesMémoires, et littér. Être affolé de quelqu’un, en être de la force du flux polaire et de la violence

82
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

de cet affouillement par le creux qu’il a fait le plus affranchi des esprits il [Lucrèce] politique : L’affranchissement de la France
entre Cher-bourg et Brest (Hugo). Il y a dans pénètre dans les profondeurs et les origines et de l’Italie (Lamartine). 3. Fig. Action
le sol, ici, plusieurs couches de morts et en du monde (Sainte-Beuve). L’apparition de de libérer quelqu’un d’une contrainte
beaucoup d’endroits l’affouillement des l’amour absolu dans la vie d’une femme physique ou morale : La seule chose qui
obus a sorti les plus anciennes (Barbusse). depuis longtemps affranchie (Prévost). Ce importe, c’est-à-dire l’affranchissement
sens moral que j’ai expulsé de ma vie, et et les progrès de l’esprit humain (Renan).
affouiller [afuje] v. tr. (de à et de fouiller ;
dont je me sentais, il n’y a pas une heure, 4. Spécialem. Acquittement des droits ou
1835, Raymond). En parlant des eaux cou-
radicalement affranchi, voilà que je viens de taxes qui frappent certains objets et biens
rantes, creuser le sol ou les fondations d’un
le retrouver en moi, brusquement ! (Martin immeubles. Affranchissement d’une
édifice : Il se plaint qu’il y a une gouttière
du Gard). 3. Arg. Homme qui vit en lettre, acquittement préalable des frais
de la maison voisine qui verse l’eau de la
marge des lois, qui appartient au monde d’expédition, par l’apposition de timbres.
pluie chez lui et qui affouille les fondations
des proxénètes, des malfaiteurs. 5. Par extens. Affranchissement d’un
de sa maison (Hugo).
• SYN.: 2 émancipé, indépendant, libre. arbre, greffe qui donne naissance à de
• SYN.: dégrader, fouiller, fouir, miner, ravi-
nouvelles racines.
ner, ronger, saper. affranchir [afrir] v. tr. (de à et de franc ;
• SYN.: 1 émancipation, libération ; 2 et 3
s’affouiller v. pr. Se creuser, s’excaver XIIIe s., Dict. général). 1. Libérer de l’escla-
délivrance libération. — CONTR.: 2 et 3 assu-
par suite de l’érosion des eaux : Une rivière vage : Les Noirs des colonies ont été affran-
jettissement, contrainte, esclavage, joug,
dont les berges s’affouillent. chis. 2. Par anal. Libérer un peuple d’une
servitude, soumission, tyrannie.
tutelle politique ; rendre indépendant : Il
affouragement ou affourragement
affranchit des peuples ; il délivra des reines affranchisseur [afrisoer] n. m. (de
[afuram] n. m. (de affourager ; 1627,
enfermées (Flaubert). 3. Fig. Libérer affranchir ; XVIe s., Amyot). 1. Celui qui
Crespin). 1. Distribution de fourrage aux
d’une contrainte physique ou morale : affranchit (rare). 2. Spécialem. et vx.
bestiaux. 2. Syn. de FOURRAGE.
Il était affranchi de toute foi religieuse Celui qui châtre les animaux.
affourager ou affourrager [afurae] v. (Rolland). Absol. Rendre entièrement • SYN. : 1 émancipateur, libérateur ; 2
tr. (de à et de fourrage ; XIVe s., Dict. géné- libre : Dissipe ces terreurs : la mort vient châtreur.
ral). [Conj. 5.] Donner du fourrage sec aux t’affranchir ! (Lamartine). 4. Affranchir
bestiaux. affres [afr] n. f. pl. (probablem. de l’anc.
une lettre, un colis postal, payer d’avance
provenç. afre, tiré d’un gotique *aifrs, hor-
affourche [afur] n. f. (déverbal de les frais de port au moyen de timbres-
poste, pour libérer le destinataire de cette rible ; fin du XVe s., Cent Nouvelles ; jusqu’au
affourcher ; XVIIe s., Dict. général). Action XVIIIe s., conserve le sens de « effroi »).
de mettre un navire au mouillage sur deux obligation. Affranchir une propriété, un
domaine, lever les hypothèques ou acquit- 1. Class. et littér. Tourment, vive inquié-
ancres dont les câbles sont disposés en tude accompagnés d’un sentiment d’hor-
fourche : Ancre, câble d’affourche. ter les taxes qui la grèvent. Affranchir
une carte à jouer, la rendre maîtresse en reur : A la sécurité [...] succédèrent toutes
affourcher [afure] v. tr. (de à et de forçant l’adversaire à jouer ses cartes les les affres de voir prendre le royaume à revers
fourche ; 1670, Colbert). 1. Affourcher un (Saint-Simon). Devrons-nous connaître ici
plus fortes. Affranchir un arbre, faire
navire, le mettre au mouillage en jetant une greffe qui donne naissance à de nou- les affres d’un siège et le bombardement par
deux ancres dont les câbles se croisent en l’artillerie ? (Gide). Ainsi le sort, qui refusait
velles racines. Affranchir un animal, le
fourche. 2. Vx. Être affourché, en parlant châtrer. 5. Pop. Affranchir quelqu’un, à Étdouard les affres d’une épreuve person-
d’une personne, être placé à califourchon : le renseigner sur les usages propres à un nelle, lui donnait du moins part à celles
Un jour, un villageois sur un âne affourché | milieu particulier, l’intier à un secret : Je de son ami (Duhamel). Des mères et des
Trouve par un ruisseau son passage bouché regrette que tu ne sois plus au régiment [...] enfants se trouveraient bientôt exposés aux
(J.-B. Rousseau). tu m’aurais affranchi (Dorgelès). Les poulets affres de la faim (Maurois). 2. Spécialem.
v. intr. ou s’affourcher v. pr. Mouiller sur Les affres de la mort, l’angoisse qui accom-
l’ont affranchi : il est à la page (Bourdet) ;
deux ancres dont les câbles sont disposés spécialem., l’initier aux lois secrètes et aux pagne l’agonie.
en fourche : N’ayant que deux ancres d’af- pratiques du milieu des malfaiteurs. • SYN.: 2 effroi, horreur, tourment, transes.
fourche, l’une à tribord, l’autre à bâbord, le • SYN.: 1 et 2 délivrer, émanciper, libérer ; affrètement [afrtm] n. m. (de affréter ;
navire ne pouvait affourcher en patte d’oie, 5 informer, initier, renseigner. — CONTR. : 1366, Delboulle). 1. Action d’affréter un
ce qui le désarmait un peu devant certains 2 et 3 asservir, assujettir, astreindre, navire. 2. Contrat de transport par mer.
vents (Hugo). contraindre, courber, enchaîner, plier, sou- • SYN.: 1 nolisement.
affourragement n. m., affourrager mettre, tyranniser.
v. tr. V. AFFOURAGEMENT,AFFOURAGER. s’affranchir v. pr. Se rendre libre, se affréter [afrete] v. tr. (de à et de fret ; 1322,
libérer d’une tutelle : Leur enfance a reçu au sens de « fréter », Godefroy). [Conj. 5.]
affraîchie [afri] n. f. (de à et de fraî- Prendre un navire et, par extension, un
ce haut enseignement | Qu’un peuple s’af-
chir ; 1863, Littré). En termes de marine, avion, un camion, etc., en location pour
franchit, c’est-à-dire se crée, | Par la révolte
augmentation de la force du vent. transporter des marchandises : On rafla,
sainte et l’émeute sacrée (Hugo).
• CONTR. : accalmie on commanda, on affréta, on fit travailler
affranchissable [afrisabl] adj. les chantiers (Dorgelès).
affranchi, e [afri] adj. et n. (part.
(de affranchir ; 1866, Larousse). Se dit •
passé de affranchir ; 1640, Corneille ; sens SYN.: noliser. — CONTR. : fréter.
d’un envoi postal qui peut ou doit être
argotique, 1821, Ansiaume). 1. Se dit de affréteur [afretoer] n. m. (de affréter ;
affranchi : Les imprimés, comme les lettres,
l’esclave que son maître libérait de la ser- 1678, Guillet). Celui qui prend un navire,
sont affranchissables.
vitude : Méla se fit ouvrir les veines après un avion, etc., en location pour transporter
avoir légué aux affranchis de César une affranchissement [afrism] n. m. des marchandises : Vous êtes aussi impor-
grande somme d’argent (France). 2. Fig. (de affranchir ; 1322, Godefroy). 1. Action
tateur, fréteur ou affréteur suivant le cas
et fam. Qui manifeste dans sa conduite d’accorder la liberté à un esclave : Après
(Méré).
ou ses opinions une indépendance abso- son affranchissement, elle n’avait pas
• CONTR. : fréteur.
lue à l’égard des conventions sociales ou voulu abandonner ses maîtres (Flaubert).
morales, des croyances ou des sentiments 2. Par anal. Action de rendre un peuple affreusement [afrøzm] adv. (de
communément admis : Le plus ferme et indépendant en le libérant d’une tutelle affreux ; 1539, R. Estienne). 1. De façon

83
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

affreuse, épouvantable : Un blessé affriandent le plus les provinciaux (Balzac). • SYN. : 1 avanie, camouflet, humiliation,
affreusement défiguré. 2. Par exagér. Nous avions été affriandés, en passant, par injure, insulte, mortification, offense,
Extrêmement : En vérité, ce qui a paru de une pompeuse affiche annonçant une repré- outrage, soufflet. — CONTR.: 1 compliment,
plus indispensable dans la dernière guerre, sentation extraordinaire (Gautier). congratulations, éloge, encens, hommage,
ce fut, en dépit du bon sens, l’intervention honneur, louange.
affriolant, e [afrijl, -t] adj. (part. prés.
affreusement efficace d’un matériel de
de affrioler ; 1808, d’Hautel). 1. Alléchant, affronté, e [afrte] adj. (part. passé de
plus en plus compliqué (Valéry). Le travail
qui excite l’appétit : Le risotto qui dégageait affronter). Se dit d’animaux héraldiques ou
intellectuel est affreusement soumis aux
une affriolante odeur (Theuriet). 2. Fig. de motifs de décoration opposés face à face.
influences extérieures : une querelle, une
Qui excite le désir : Cette femme est un • CONTR. : adossé.
contrariété, un mal de tête,... et tout est
remis en question (Duhamel). démon, tous ceux qui la voient l’adorent ; affrontement [afrtm] n. m. (de
elle est [...] si affriolante (Balzac). 3. Fig. affronter ; 1547, Budé). Action d’affronter,
affreux, euse [afrø, -øz] adj. (de affre, Qui attire par quelque chose de promet- de s’affronter : L’affrontement d’un danger.
effroi ; v. 1500, Delboulle). 1. Dont la vue teur : Ce sont les offres les plus affriolantes Un congrès marqué par l’affrontement de
ou l’aspect inspire une répulsion physique : pour une blessée (Bourget). deux thèses opposées.
La vieille figure que j’embrassais avec tant • SYN.: 1. affriandant, appétissant, ragoû-
de bonheur n’est plus qu’une pourriture affronter [afrte] v. tr. (de à et de front,
tant ; 2 affolant, attirant, désirable, émous-
affreuse (Maupassant). 2. Par exagér. proprem. « placer front à front » ; 1160,
tillant, excitant, séduisant ; 3 alléchant,
D’une extrême laideur : Voir sous les che- Wace, Rou ; signifiait aussi « frapper [sur
attirant, engageant, tentant. — CONTR. :
veux frisés et roux cette affreuse figure le front] », « faire rougir de honte », d’où
1 dégoûtant, écoeurant, repoussant,
blême (Mauriac). 3. Fig. Qui inspire du « tromper » [1521, Nostradamus]). 1. Mettre
répugnant.
dégoût, de la répulsion, par son caractère de front, de niveau : Affronter deux pièces
immoral : Autour de ces riches terres rouges affrioler [afrijle] v. tr. (de l’adj. friolet, de bois. Spécialem. Rapprocher les lèvres
s’éveillaient d’affreux appétits (Dorgelès). gourmand [XIVe s.], dér. de frire ; 1530, d’une plaie pour en faciliter la cicatrisa-
4. Fig. Qui cause un profond accable- Palsgrave). 1. Vx. Attirer par des friandises : tion. 2. Vx ou dialect. Aborder de front
ment : Néanmoins, il parla à Bloch, avec Pralines et autres sucreries destinées à quelqu’un : Ils affrontaient le premier venu
beaucoup d’affabilité, des années affreuses, affrioler (Gautier). 2. Fig. Exciter le désir : (Sand). 3. Fig. Aborder de front et hardi-
peut-être mortelles, que traversait la France Un charme qui affriole les hommes. 3. Fig. ment un adversaire, un danger : Affronter
(Proust). 5. Fam. et par exagér. Qui est Attirer par quelque chose d’agréable, qui la mort. Ma prompte obéissance va d’un roi
très désagréable, ennuyeux, choquant : Le plaît ou met en joie : Ils avaient été affriolés redoutable affronter la présence (Racine).
temps est affreux ; l’air glacé ; depuis deux par la perspective d’avoir des articles dans 4. Être affronté à quelque chose, Être aux
jours, il neige (Gide). Un chemin, un solé- les journaux (Balzac). prises avec quelque chose : Être affronté
cisme affreux. à de graves problèmes. 5. Par extens. et
affriqué, e [afrike] adj. et n. f. (part. passé vx. Faire un affront à quelqu’un, l’outra-
• SYN.: 1 dégoûtant, horrible, infect, répu-
de affriquer, empr. au lat. affricare, frotter ger ou le provoquer : Si ce méchant duc
gnant ; 2 difforme, hideux, laid, mons-
contre ; fin du XIXe s.). Se dit d’un type de veut m’affronter, j’ai le couteau de Chiquita
trueux, repoussant, vilain ; 3 dégoûtant,
consonnes caractérisées par le fait qu’elles (Gautier). 6. Class. Tromper effronté-
ignoble, répugnant, vil, vilain ; 4 atroce,
sont occlusives au début de leur émission et ment, abuser quelqu’un par de fausses
effroyable, épouvantable, terrible ; 5 détes-
constrictives à la fin : Consonne affriquée. apparences : Jepense qu’il est encore détenu
table, effroyable, épouvantable. — CONTR.:
Une affriquée. Dans le mot « jazz » [daz], pour avoir affronté plusieurs marchands
1 agréable, attirant, attrayant, avenant,
la première consonne est une affriquée. (On et autres personnes (Ch. Sorel). Courons
charmant, plaisant, riant ; 2 beau, mer-
dit aussi FRICATIF, IVE, et, substantiv., une donc le chercher, ce pendard qui m’affronte
veilleux, splendide, superbe ; 3 admirable,
beau, sublime ; 4 réconfortant, stimulant ; FRICATIVE.) (Molière).
5 admirable, épatant (fam.), extraordinaire, affriter [afrite] v. tr. (de à et de frit, part. • SYN.: 1 aligner, niveler ; 3 attaquer, bra-
formidable, splendide. passé de frire ; 1752, Trévoux). Affriter une ver, défier, s’exposer à, faire face à, risquer.
poêle, la rendre propre à faire de la friture. — CONTR. : 1 décaler ; 3 se dérober, éluder,
affriandant, e [afrijd, -t] adj. (part.
esquiver, éviter, fuir, se soustraire à.
prés. de affriander ; 1854, Goncourt, Hist. affront [afr] n. m. (déverbal de affronter ;
s’affronter v. pr. 1. S’opposer front à
de la société française sous le Directoire). fin du XVIe s., Dict. général). 1. Offense ou front, lutter de près : Une mêlée confuse
1. Vx. Qui rend friand, qui est alléchant : injure faite à une personne en sa présence où deux partis s’affrontent (Duhamel).
Les étalages affriandants sont plus nom- et publiquement : Dès que j’ai su l’affront, 2. Fig. S’opposer, rivaliser dans une
breux que jamais (Goncourt). 2. Fig. Qui j’ai prévu la vengeance (Corneille). Ne compétition ou un débat : Deux thèses
excite le désir : Les charmes affriandants pouvoir digérer un affront, en garder ran- s’affrontent. 3. S’affronter à quelque
d’une femme. cune. Laver, punir, réparer un affront, en chose, aborder hardiment une entreprise
• SYN.: 1 affriolant, appétissant, ragoûtant ; tirer vengeance. Subir, essuyer un affront, difficile ou périlleuse : Je m’affrontais à
2 attirant, désirable, émoustillant, excitant, être insulté en public. 2. Faire affront à une présence étrangère (Bosco).
plaisant, séduisant. — CONTR.: 1 dégoûtant, quelqu’un, lui faire honte ou le déshonorer ; • SYN.: 1 s’attaquer, se heurter, se mesurer
écoeurant, repoussant, répugnant. le trahir, lui faire défaut (vx) : Sa mémoire à. — CONTR.: 1 s’esquiver, s’éviter, seretirer ;
affriander [afrijde] v. tr. (de à et de lui a fait affront. Faire affront à quelqu’un 2 s’accorder, coïncider, concorder.
friand ; XIVe s.). 1. Class. Mettre en appé- de quelque chose, lui faire honte en lui
reprochant publiquement sa conduite. affronterie [afrtri] n. f. (de affronter ;
tit, attirer en flattant le goût : Vous l’avez
3. Class. Honte, déshonneur, résul- 1521, Nostradamus). Class. Action de trom-
affriandé par la bonne chère que vous lui
per impudemment : C’est un homme qui ne
avez faite (Acad., 1694). 2. Class. et lit- tant d’un outrage public : Sauvons de cet
vit que d’affronteries (Acad., 1694).
tér. Exciter le désir, la curiosité, l’envie ou affront mon nom et sa mémoire (Racine).
l’intérêt : Le gain l’a affriandé (Acad., 1694). 4. Class. Avoir l’affront de quelque chose, affronteur, euse [afrtoer, -øz] n.
Je gage que voilà une éveillée qui vient pour échouer dans une entreprise : S’il voulait (de affronter ; début du XVIe s.). 1. Class.
m’affriander d’elle (Marivaux). Il pourrait m’aider à terminer cette affaire, je crois que Personne qui trompe impudemment : Ah !
[...] procurer à Naïs les amusements qui je n’en aurais pas l’affront (Sévigné). je le connais bien [...], c’est un affronteur. Il

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

me vendait de méchantes étoffes fort cher voulu [...] être caché dans les bambous à affûtiau. C’est une hache ancien modèle
(Ch. Sorel). 2. Personne qui aborde har- l’affût des léopards (Flaubert). Fig. Être à (Barbusse).
diment et de front quelqu’un ou quelque l’affût de quelque chose, ou simplem. être à • SYN.: 1 et 2 affiquets, babioles, colifichets,
chose (rare) : Il [Piron] est l’un des maîtres l’affût, guetter, épier le moment favorable, fanfreluches.
et des affronteurs de la rime (Sainte-Beuve). observer pour découvrir : Nos ancêtres ont • REM. On trouve parfois (Goncourt)
Mais il fallait une folle, une affronteuse toujours été à l’affût des sources (Romains).
l’orthographe affûtiot(s).
comme cette Félicia pour s’afficher ainsi, 2. Matériel d’armement servant à sup-
se perdre de réputation à jamais (Daudet). porter une bouche à feu, à la déplacer, à afghan, e [afg, -an] adj.et n. (de
limiter son recul et à permettre son poin- Afghanistan ; milieu du XIXe s.). Qui se
affublement [afyblm] n. m. (de affu-
tage : Jedormis sur l’affût des canons meur- rapporte à l’Afghanistan ; habitant ou
bler ; XIIIe s., Godefroy). 1. Fam. Façon de
triers (Hugo). 3. Par extens. Support d’un originaire de ce pays.
se vêtir singulière ou ridicule : Que signifie
appareil d’optique : L’affût d’une lunette,
cet affublement ? C’est une vraie mascarade aficionado [afisjnado] n. m. (mot esp. ;
d’un télescope.
(Littré). 2. Fig. Moyen ridicule ou sin- 1840, Gautier). Amateur de courses de
gulier employé pour déguiser la réalité : affûtage [afyta] n. m. (de affûter ; 1680, taureaux : Les vieilles Anglaises aussi se
Sous l’affublement de ces grands actes, de Richelet ; au sens 3, XVIIIe s.). 1. Action persuadent que l’aficionado ne fréquente la
ces panaches, de ces parades de théâtre [...], d’affûter, d’aiguiser un outil ou une arme : plaza que dans l’espérance d’y voir éventrer
on retrouvait toujours l’incurable futilité L’affûtage d’une lame, d’un instrument des chevaux (Bernanos).
d’un Sardou (Rolland). tranchant. 2. Action de disposer et de
afin de [afd] loc. prép., afin que
• SYN.: 1 accoutrement. mettre en état les outils nécessaires à un
[afk] loc. conj. (de à et de fin, du lat. finis ;
ouvrier. Par extens. Assortiment d’outils
affubler [afyble] v. tr. (lat. pop. *affibu- écrit aussi à fin jusqu’au XVIIe s. ; début du
préparés et mis en état pour le travail d’un
lare, proprem. « agrafer », de fibula, agrafe ; XIVe s.). Suivies d’un verbe à l’infinitif (afin
ouvrier : Le serrurier se munit de son affû-
1080, Chanson de Roland ; au Moyen Age et de) ou au subjonctif (afin que),marquent
tage. 3. Façon que le chapelier donne à
jusqu’au XVIe s., « revêtir » ; péjor. depuis le une intention ou un but précis : Il couchait
un vieux chapeau.
XVIIe s.). 1. Class. Couvrir de tel ou tel vête- à la maison afin de terminer plus vite le rac-
• SYN. : 1 affilage, aiguisage, émoulage,
ment : Toutes deux bien seules et bien affu- commodage du meuble (Flaubert). Donnez,
repassage.
blées (Saint-Simon). 2. Péjor. Vêtir d’une afin qu’on dise : « Il a pitié de nous » (Hugo).
façon singulière ou ridicule : Tandis que affûter [afyte] v. tr. (de à et fût [d’un • REM. Afin de, afin quesont surtout usi-
les peintres actuels, choisissant des sujets arbre], qui avait divers sens techniques ;
tés dans la langue littéraire et dans la
d’une nature générale applicable à toutes XIIe s., au sens de « mettre en état » ; sens
langue soignée.
les époques, s’obstinent à les affubler des I, 1, XIVe s. ; sens I, 2, XVe s. ; sens II, 1680,
costumes du Moyen Age, de la Renaissance Richelet). a fortiori [afrsjri] loc. adv. (du lat.
ou de l’Orient (Baudelaire). Les tuniques scolast. a fortiori [ratione],proprem. « en
I. 1. Chasser à l’affût : Il m’arrive souvent
jaunes et blanches dont les avait affublés partant de ce qui est plus fort » ; fin du
d’affûter les ramiers (Bernanos). 2. Vx.
Gringoire (Hugo). Vuillaume parut enfin, XVIIe s.). A plus forte raison : Si l’on sedoit à
Disposer un canon sur l’affût.
affublé d’une robe de chambre à ramages sesamis, « a fortiori » on sedoit à sa famille.
(Duhamel). 3. Fig. et fam. Affubler II. 1. Rendre tranchant, pointu : Affûter
africain, e [afrik, -in] adj. et n. (de
quelqu’un d’un nom, lui donner un nom une lame, la pointe d’un crayon. 2. Fig.
Afrique ; XVIe s.). Qui se rapporte à l’Afrique
ridicule, fantaisiste : Il ne fallait pas faire et littér. Donner plus de finesse ou de
et à ses habitants ; habitant ou originaire de
de moi un faux gentilhomme affublé d’un mordant à quelque chose : Narcisse Bou-
nom d’emprunt (Dumas fils). cher qui venait d’entrer affûta son sourire ce continent : Les pays africains, les fleuves
de paysan madré (Farrère). africains.
• SYN.: 2 accoutrer, attifer, déguiser, fago-
ter (fam.), ficeler (pop.), harnacher (fam.), • SYN. : II, 1 affiler, aiguiser, appointer, africanisation [afrikanizasj] n. f. (de
travestir. émoudre, repasser, tailler. africaniser ; milieu du XXe s.). Action d’afri-
s’affubler v. pr. 1. Class. Porter tel ou 1. affûteur [afytoer] n. m. (de affût ; 1700, caniser ; résultat de cette action.
tel vêtement : Les moines et les hermites Liger). Celui qui pratique la chasse à l’affût. africaniser [afrikanize] v. tr. (de afri-
s’affublent d’un froc [...] dans les cérémo-
2. affûteur [afytoer] n. m. (de affûter ; cain ; milieu du XXe s.). 1. Donner à des
nies des obsèques des princes (Furetière).
1866, Larousse). Ouvrier qui aiguise les institutions un caractère spécifiquement
2. Fam. Se vêtir d’une façon singulière
outils. africain. 2. Dans les pays d’Afrique deve-
ou ridicule : Elle s’affublait d’oripeaux.
nus indépendants, substituer des Africains
• SYN. : affileur, aiguiseur, émouleur,
rémouleur, repasseur. aux fonctionnaires européens.
s’e3n.pFiagr.e
Sr’arifdfuicbuleler
md’eunnt
.tit rSe’,a
dff’uunb
lneromde,
quelqu’un, s’encombrer de lui publique- africanisme [afrikanism] n. m. (de afri-
affûteuse [afytøz] n. f. (de affûter ; 1928,
ment : Edmond, pour une fois, se serait bien cain ; 1836, Landais). 1. Idiotisme propre
Larousse). Machine servant à affûter cer-
affublé de son jeune frère pour aller à la à l’Afrique romaine et transporté dans le
tains outils.
fête (Aragon). latin : M. Ebert affirme que les mots étran-
affûtiaux [afytjo] n. m. pl. (forme dialect. gers employés si souvent par Tertullien, et
affusion [afyzj] n. f. (lat. affusio,
pour *affuteau, de affûter ; 1696, Dict. de qu’on croyait être des africanismes [...],
de affundere, répandre sur ; 1546, Ch.
Bayle). 1. Vx et fam. Menus objets servant à ont été simplement empruntés par lui à la
Estienne). Thérapeutique qui consiste à
la toilette ou à la parure d’une femme, non
faire couler en nappe de l’eau froide ou langue populaire (Boissier). 2. Ensemble
compris les bijoux : Une brave femme pas
de l’eau chaude sur une partie du corps. des sciences humaines (Ethnographie,
riche n’a pas le droit de se mettre sur elle des
archéologie, etc.) appliquées à l’étude de
affût [afy] n. m. (déverbal de affûter ; 1437, affûtiaux de cette valeur (Daudet). 2. Pop.
l’Afrique.
Gay, Glossaire archéologique, au sens 2 ; au Petits objets de peu d’importance : C’est pas
sens 1, 1671, Pomey ; loc. fig. être à l’affût, à la campagne comme à la ville, il n’y a pas africaniste [afrikanist] n. (de africain ;
1690, Furetière). 1. Endroit où l’on se poste comme chez vous un tas d’affûtiaux pour début du XXe s.). Personne qui se consacre
pour guetter le gibier et, par anal., pour son aisance (Huysmans). 3. (au sing.) Pop. à l’étude des langues et des civilisations
épier et surprendre l’ennemi : Il aurait Objet, outil : Ça m’a plu tout de suite, c’t’ africaines.

85
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

africanité [afrikanite] n. f. (de africain ; agacement [agasm] n. m. (de agacer ; agacin n. m. V. AGASSIN.
milieu du XXe s.). Caractère spécifique de 1539, R. Estienne). 1. Légère irritation ner-
agalactie [agalakti] ou agalaxie [aga-
la culture africaine. veuse, qui affecte désagréablement cer-
laksi] n. f. (de a priv. et du gr. gala, galaktos,
tains sens ou l’ensemble de l’organisme :
afrikaander [afrikdr] n. (de afrikaans lait ; début du XIXe s.). Absence de lait dans
Germaine Bader dort d’un sommeil suf-
[v. ce mot] ; 1906, Larousse). Individu de les mamelles de la femme au moment de
fisamment régulier et profond. Elle n’est
race blanche hollandaise né en Afrique du la lactation.
pas très sensible au léger agacement de la
Sud ou qui y réside depuis longtemps. (On lumière (Romains). 2. Fig. Légère irrita- agami [agami] n. m. (mot de la langue des
dit auj. AFRIKANER.) tion morale, qui provoque de l’impatience : Caraïbes de la Guyane ; 1664, Biet). Oiseau
afrikaans [afriks] n. m. (mot néerl.). Il avait vingt fois déplacé sa valise du filet à hautes pattes, de la taille d’un faisan, ori-
Langue néerlandaise parlée en Afrique à la banquette et de la banquette au filet, ginaire de l’Amérique du Sud, appelé aussi
du Sud. pour l’agacement de ses voisins, qu’avec sa oiseau-trompette à cause de son cri : Dans
maladresse ordinaire il heurtait chaque fois la Nouvelle-Hollande, des troupeaux de
afrikaner [afrikanr] n. Orthographe (Rolland). 3. Excitation des sens (vieilli) : dindons et d’oies menés et gardés par un
moderne qui a remplacé l’ancienne forme Son flirt avec Minne lui procurait un aga- chien de berger qui est un oiseau et qu’on
AFRIKAANDER. cement délicieux (Colette). appelle l’« agami » (Hugo).
• SYN. : 2 crispation, énervement, exaspé-
afrite [afrit] n. f. (de l’ar. ‘ifriya ou firït ; agape [agap] n. f. (lat. ecclés. agape, du gr.
XIXe s.). Sorte de mauvais génie dont il est ration, impatience, irritation. — CONTR.: 2 agapê, amour, puis [surtout au plur.] repas
question dans les récits orientaux : Elle apaisement, calme, paix, repos, tranquillité. fraternel ; 1574, Tigeou). 1. Vx. Repas pris
tenait de l’afrite et du génie des contes agacer [agase] v. tr. (altér. de l’anc. franç. en commun par les premiers chrétiens :
arabes (Balzac). aacier, agacer les dents [en parlant d’une La communion était générale comme les
substance acide], par croisement avec aga- repas nommés « agapes » (Fénelon). L’agape
afro-asiatique [afrazjatik] adj. et n. (de
cer, crier comme une pie [sens attesté du XIVe suit la communion sainte (Chateaubriand).
l’élément afro-, du lat. Afer, Afri, Africain,
au XVIe s.], d’où les sens fig. modernes issus 2. Fam. Repas entre amis (le plus sou-
et de asiatique ; milieu du XXe s.). Qui
de ce croisement ; aacier, d’origine incer- vent au plur.) : De beaux faisans tués par
appartient à la fois à l’Afrique et à l’Asie. les traîtres faucons, | Des viandes froides,
taine, vient peut-être du lat. pop. *adaciare,
1. aga [aga] interj. (impér. de l’anc. v. de acies, au sens de « tranchant des dents » ; force aiguières et flacons, | Chargent la table
agarder, regarder [usité jusqu’au XVIe s., 1530, Palsgrave). [Conj. 1.] 1. Provoquer une où s’offre une opulente agape (Hugo). Vous
pop. et rural dès le XVIIe s.], comp. de à légère irritation nerveuse, affectant prin- souvenez-vous de ces modestes agapes lit-
et de garder ; XIIIe s., Adam de la Halle, cipalement les organes de l’ouïe, du goût téraires ? (Bourget). Ce ne sera pas un fes-
écrit agar ; aga, 1464, la Farce de Maître et du toucher : Les fruits verts agacent les tin, disait-il. Une simple agape fraternelle
Pathelin). Class. Marque l’admiration ou dents. Par extens. Provoquer une excita- (Duhamel).
la surprise : Aga, votre laquais, Monsieur tion désagréable et générale : A moi aussi, • SYN.: 2 banquet, gueuleton (fam.), festin.
Vivien ? Je suis votre cousin, ne vous en cet abominable été agace les nerfs (Flaubert).
agapètes [agapt] n. f. pl. (lat. ecclés.
déplaise (Dancourt). 2. Irriter par un harcèlement continu :
agapetae, du gr. agapêtos, digne d’être
Or ce joujou, que le petit souillon agaçait,
2. aga n. m. V. AGHA. aimé ; 1694, Th. Corneille). Vierges qui,
agitait et secouait dans une boîte grillée,
dans l’Église primitive, s’occupaient des
agaçant, e [agas, -t] adj. (part. prés. c’était un rat vivant (Baudelaire). 3. Fig.
soins de la vie matérielle de laïques ayant
de agacer ; 1530, Palsgrave ; appliqué aux Provoquer chez quelqu’un un énervement :
fait voeu de chasteté.
personnes, 1785, Beaumarchais). 1. Qui Celui qui aime agace toujours celui qui
n’aime pas (Radiguet). Encore que les « mots agar-agar [agaragar] n. m. (mot malais ;
cause de l’irritation, de l’impatience :
d’enfants », d’ordinaire, m’agacent un peu, 1866, Larousse). Substance mucilagineuse
Depuis que je suis à Paris, je promène toute
je note ici ceux qui m’ont paru les meilleurs tirée de diverses algues marines : Autrefois,
la journée deux agents. C’est agaçant à la
(Gide). 4. Exciter par de légères provoca- dit-il, quand je souffrais de paresse intesti-
longue (France). Jet’en prie, Pierre, ne fais
tions ou des coquetteries : Nous allons tous nale, je débouchais un flacon de notre gra-
pas craquer tes doigts comme ça, c’est aga-
deux, pareils au groupe ancien | D’une jeune nulé d’agar-agar et j’en avalais une cuillerée
çant (Mauriac). 2. Qui provoque le désir
bacchante agaçant un satyre (Banville). (Duhamel).
par ses coquetteries (vieilli) : Elle sentait
• SYN.: 1 énerver, exaspérer, irriter ; 2 asti- agaric [agarik] n. m. (lat. agaricum, du
la pipe et l’eau-de-vie comme la gloire au
coter (fam.), embêter, exaspérer, exciter, gr. agarikon, sorte de champignon ; 1256,
bivouac ; elle me jetait une oeillade agaçante
harceler, provoquer, tracasser ; 3 énerver, Aldebrant de Sienne). Nom collectif donné
et maligne (Chateaubriand). Elle reparut
exaspérer, horripiler (fam.), impatienter, à des champignons à chapeau et à lamelles.
dans sa vraie nature d’amour, gentille,
irriter ; 4 aguicher (fam.), lutiner, taqui-
coquette, agaçante, gaie (Balzac). agasse n. f. V. AGACE.
ner. — CONTR. : 1 adoucir, calmer ; 2 et 3
• SYN. : 1 crispant, énervant, exaspérant, apaiser, calmer. agassin ou agacin [agas] n. m. (de
horripilant, insupportable, irritant. —
[agasri] n. f. (de agacer ; XVIIe s., agacer ; agassin, v. 1600, O. de Serres ;
CONTR.: 1 apaisant, calmant, doux, reposant. agacerie
agacin, 1771, Trévoux). 1. Dialect. Cor
Mme de Sévigné). 1. Légère provocation,
agace ou agasse [agas] n. f. (du germ. agréable et piquante, faite pour plaire : au pied, oeil-de-perdrix : [Un] paysan du
agaza, sous la forme dialect. agache, XIIIe s. ; Elle m’écrit mille douceurs et mille aga- Languedoc qui souffrait horriblement d’un
de l’anc. provenç. agassa, sous les formes ceries pour lui (Sévigné). Mme du Châtelet agacin (en français, cor ; mais le mot de la
agace, agasse, XIIIe s.). Class. et dialect. Pie : ne sait comment répondre à ces agaceries langue d’oc n’est-il pas plus joli ?) [Balzac].
Le hasard les assemble [aigle et pie] en un séduisantes (Voltaire). Elle le poursuivait 2. Bourgeon de vigne placé au bas du cep
coin détourné ; | L’agace eut peur ; mais vainement de sesagaceries (Aymé). 2. Vx. et ne donnant jamais de grappes.
l’aigle ayant fort bien dîné, | La rassure (La Qualité de ce qui attire par son aspect pro- agate [agat] n. f. (lat. achates, du gr.
Fontaine). Madame Lepic, plus bavarde vocant : [Les jeunes filles] étaient décolle- Akhatês, n. anc. d’un cours d’eau de Sicile
pourtant, entre ses repas, qu’une agace, tées tout net, ce qui [...] a beaucoup de grâce près duquel cette pierre aurait été trouvée ;
commande à table par gestes et signes de et d’agacerie (Hugo). écrit d’abord acate, XIIe s., Marbode, puis
tête (Renard). • SYN.: 1 avance, coquetterie, minauderir. agathe, XIIIe s., et encore au XVIe s.). 1. Roche

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

siliceuse très dure, divisée en zones gris, dans le plein de l’âge et de la force raison, celui où la raison s’éveille (vers
concentriques de colorations diverses. (France). Avancer en âge, vieillir. Au sept ans). Âge scolaire, âge auquel les
2. Par extens. Tout objet en agate, et en déclin, au penchant de l’âge, à la fin de enfants sont légalement soumis aux obli-
particulier pierre précieuse : Une étroite la vie. Être dans, à la fleur de l’âge, en gations scolaires. L’âge ingrat, l’âge
agate dans le chaton d’une bague (Banville). pleine jeunesse. 2. Class. Durée totale bête (fam.), la période de formation qui
Bille en agate (ou en verre strié comme de la vie, existence écoulée ou à venir : termine l’enfance. Le bel âge, l’enfance
l’agate), dont les enfants se servent pour Louis et Thérèse passeront leur âge en ces ou, ironiq., la vieillesse. L’âge d’homme,
jouer : Rien, une règle, des plumes rouil- lieux (Racine). 3. Class. et littér. Âge l’âge adulte, l’âge viril, celui où le corps a
lées, un bout de ficelle [...], une agate perdue d’homme,durée moyenne de la vie d’un atteint son plein développement. L’âge
(Vallès). Jeregardais avec admiration, lumi- homme : Ce vieillard qui amène trois âges mûr, le milieu de la vie. L’âge critique,
neuses et captives dans une sébile isolée, les d’homme (Fénelon). Pareilles à Nestor, chez la femme, l’âge de la ménopause.
billes d’agate qui me semblaient précieuses ces grègues séculaires avaient vécu trois Retour d’âge, phénomènes physiolo-
parce qu’elles étaient souriantes et blondes âges d’homme (Gautier). Absol. Géné- giques qui, chez la femme, accompagnent
comme des jeunes filles et parce qu’elles coû- ration : Ce vieillard, dans le choeur, a déjà la ménopause. 4. Fig. Époque de la vie
taient cinquante centimes pièce (Proust). vu quatre âges (Boileau). marquée par certaines manières d’être,
3. Fig. et littér. D’agate, se dit de ce qui II. 1. Temps écoulé depuis la naissance : de penser ou d’agir : Nous n’avons plus
a les striures ou les reflets changeants de Quand j’avais votre âge ou presque (Ro- l’âge des folies, n’est-ce pas M. Bouvard ?
l’agate : Le python musculeux aux écailles mains). Un homme grand, dégingandé, (Flaubert). C’est (ce n’est pas) de son
d’agate (Leconte de Lisle). Elle cachait, la effroyablement maigre, et sans âge déter- âge, cela (ne) convient (pas) à son âge.
scélérate | Sous ses mitaines de fil noir | Ses miné (Martin du Gard). A l’âge de, 5. Âge requis pour faire quelque chose :
meurtriers ongles d’agate (Verlaine). âgé(e) de : Lorsqu’à l’âge de quatorze ans Être en âge de se marier, être d’âge à se
[agatizasj] n. f. (de agatiser ; César sut lire, écrire et compter, il quitta marier. Être hors d’âge, ne plus avoir
agatisation
1827, Acad., Suppl.). Action de donner à une le pays (Balzac). L’empereur Charles VI un âge qui permette de : Comme si j’étais
pierre l’aspect de l’agate ; résultat de cette mourut [...] à l’âge de cinquante-cinq ans hors d’âge pour nourrir mes enfants
action : L’agatisation qu’a prise la pierre (Voltaire). À l’âge de trente-deux ans, (Sand). Âge légal, celui qui est fixé par
cuite par le pétrole (Goncourt). Épicure enseigne la philosophie (Fénelon). la loi pour l’exercice de certains droits
Par extens. Âge mental, degré de déve- civils ou politiques. Âge de la retraite,
agatiser [agatize] v. tr. (de agate ; 1827, loppement intellectuel d’un individu. celui où il convient de renoncer aux acti-
Acad., Suppl.). Rendre semblable à l’agate : Grand âge, âge avancé, ou simplem., vités professionnelles ; dans les fonctions
Ces jets d’argent retombent dans des vases l’âge, la vieillesse : Si toutefois son grand publiques, âge où la cessation du travail
d’albâtre agatisé (Goncourt). Cette clarté âge et ses infirmités le lui permettaient est accordée ou imposée par l’État. Li-
miroitante où [...] l’opulence des parois et la (Stendhal). Il n’a rien d’un âge avancé que mite d’âge, âge en deçà ou au-delà duquel
somptuosité des tentures semblaient s’éva- l’expérience et la sagesse (Rousseau). Une les règlements ne permettent pas cer-
porer et sevolatiliser dans un air agatisé par seule passion dominait mon père, celle de taines choses : Fonctionnaire atteint par
tous les reflets des porphyres et des jaspes son nom. Son état habituel était une tris- la limite d’âge. Dispense d’âge, autori-
(Goncourt). tesse profonde que l’âge augmenta et un sation de faire quelque chose en dehors
s’agatiser v. pr. Devenir semblable à silence dont il ne sortait que par des em- de l’âge fixé par la loi.
l’agate (en parlant notamment d’une pein- portements (Chateaubriand). Déjà l’âge
III. 1. Période d’un certain nombre d’an-
ture à l’huile qui a pris avec le temps un a rompu nos genoux (Heredia). Un
nées comprises entre deux événements
aspect poli et brillant) : Ce jeune et sérieux homme d’âge, proche de la vieillesse : Le
importants ou entre deux étapes capi-
visage [...], olivâtre de peau, doré de légers plus grand plaisir que les personnes qui
tons d’ambre comme une peinture qui s’aga- tales d’une évolution : Les saints des pre-
sont d’âge me puissent faire, c’est de ne me
tise (Gautier). parler jamais (Gautier). De moyen âge miers âges chrétiens (France). Le Moyen
Âge, période comprise entre la chute
(class.), entre deux âges, d’un âge moyen,
agave [agav] et agavé [agave] n. m. de l’Empire romain (395) et la prise de
intermédiaire entre la maturité et la vieil-
(formé par les naturalistes avec le gr. Constantinople (1453). 2. Par extens.
lesse : Un homme de moyen âge | Et tirant
agauê, fém. de l’adj. agauos, admirable ; Période marquée par un état moral, par
sur le grison (La Fontaine). Fam. D’un
1778, Encycl. méthodique). Plante déco- une découverte technique ou par le de-
certain âge, qui n’est plus jeune. Être
rative originaire de l’Amérique centrale, gré d’évolution : On avait eu l’âge de la
dans, sur l’âge, être près de la vieillesse :
fournissant des fibres textiles : Dans les haine, allait commencer l’âge de l’amour
Quand un homme déjà sur l’âge a un
interstices des roches, sous un ciel ardent, (Flaubert). L’âge de la pierre, l’âge du
enfant, il l’aime mieux que s’il était jeune
des agaves tendaient leurs tiges immobiles bronze, l’âge du fer, époque où les outils
(Barbey d’Aurevilly). Bien porter son
et bleuâtres (Barrès). de l’homme furent en pierre, en bronze,
âge, paraître réellement l’âge que l’on a.
age [a] n. m. (forme dialect. de haie, du Il ne paraît pas son âge, on ne lui donne- en fer. L’âge atomique, l’époque mar-
francique *hagja ; 1801, Brunot). Longue rait pas son âge, il paraît plus jeune qu’il quée par la découverte de l’énergie nu-
pièce de bois ou de fer qui forme l’axe de n’est en réalité. Doyen d’âge, le membre cléaire. Les quatre âges, les quatre pé-
la charrue. le plus âgé d’une assemblée. Président riodes (âge d’or, d’argent, d’airain, de fer)
d’âge, celui qui préside une assemblée en lesquelles les Anciens divisaient l’his-
âge [] n. m. (lat. pop. *aetaticum, lat.
parce qu’il est le plus âgé. 2. Temps toire du monde. Fig. L’âge d’or, époque
Class. aetas, aetatis, âge ; 1080, Chanson
écoulé depuis qu’une chose, un être idéale, de bonheur parfait, et, par extens.,
de Roland, écrit edage, eage ; aage, XIIe s. ;
existe : L’âge d’un arbre. Notre goût qui époque du plus grand éclat de quelque
les graphies éé, aé, issues de aetatem, accus.
peut à peine distinguer l’âge d’un vin ! chose : Le XIIIe siècle est l’âge d’or de l’or-
de aetas, ont été éliminées de bonne heure
(Maupassant). 3. Chacune des diffé- fèvrerie religieuse (France). 3. (au plur.)
par âge, à cause de leur forme réduite ; on
rentes périodes que l’on peut déterminer Succession des siècles : Ne pourrons-nous
écrivait encore aage aux XVIe et XVIIe s.).
dans la vie humaine : Presque tous les âges jamais, sur l’océan des âges, | Jeter l’ancre
I. 1. Durée représentée par la succession ont leur emploi (Alain). Ô compagnon de un seul jour ? (Lamartine). 4. Il y a
des années qui composent la vie d’un mon jeune âge ! (Duhamel). Un enfant bel âge que, il y a longtemps que : Ceux
homme : Il paraissait, sous ses cheveux en bas âge, encore tout jeune. L’âge de qui l’occupaient [l’automobile], il y a bel

87
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

âge qu’on les enleva dans une clinique ser, d’ordonner harmonieusement les par- donner une harmonie de fatuité à toutes
(Duhamel). ties d’une oeuvre artistique ou littéraire : ces niaiseries (Balzac).
• SYN. : I, 1 existence, vie ; 3 génération. L’agencement des couleurs d’un tableau. Il
agenceur, euse [asoer, -øz] n. (de
III, 1 et 2 époque, ère, période, temps. arrive que mes brouillons soient surchargés,
agencer ; XVIe s., Rabelais, écrit agenseur).
• REM. Le mot se trouve encore au fémi- mais cela vient du foisonnement des pen-
Celui, celle qui agence.
nin au début du XVIIe s. Le féminin est de sées et de la difficulté de leur ordonnance
nos jours populaire ou dialectal : Est-ce et de leur agencement (Gide). 3. Vx et agenda [ada] n. m. (plur. neutre du lat.
que nous ne sommes pas de la même âge ? fam. Ensemble du mobilier et des acces- agendus, proprem. « ce qui doit être fait »,
(Sand). soires professionnels d’un artisan ou d’un extrait de la loc. ecclés. agenda diei, offices
commerçant : Le petit mercier était parti du jour ; fin du XIVe s., écrit agende ; sous
âgé, e [e] adj. (de âge ; 1283, Beau-
en emportant son agencement de casiers et la forme agenda, XVIe s. ; sens moderne,
manoir, au sens de « majeur », d’après le
de comptoirs (Zola). XVIIIe s.). Carnet, cahier, livre où l’on ins-
sens médiév. de âge, majorité ; au sens
• SYN. : 1 ajustement, aménagement, crit jour par jour ce qu’on doit faire ou ce
moderne, XIVe s., Oresme). 1. Qui a tel ou
arrangement, combinaison, composition, qu’on a fait : J’oubliais la principale affaire ;
tel âge, est né depuis tel nombre d’années :
disposition, distribution, ordonnance ; 2 je ne l’ai pas mise sur mon agenda (Lesage).
Paul et Virginie, l’un âgé de sept ans, l’autre
arrangement, composition, disposition, Mon agenda est plein de choses importantes
de quatre à peine (Flaubert). Un confrère de
enchaînement, liaison, ordonnance, orga- [...] qui ne peuvent être différées (Alain).
Rieux, beaucoup plus âgé que lui (Camus).
nisation. — CONTR.: 1 et 2 bouleversement,
2. Absol. D’un grand âge, vieux : Enfin agende [ad] n. f. (lat. agenda [v. ce mot] ;
dérangement, désordre, désorganisation,
un pas se fit entendre, pas lourd et pesant, 1382, Dict. général). 1. Vx. Administration
perturbation.
celui d’une personne âgée (Gautier). municipale : En ce temps, l’ancienne agende
agencer [ase] v. tr. (de à et de gent, adj., fut changée (Bossuet). 2. Nom donné,
agence [as] n. f. (de agent, par l’ital.
agenzia ; 1653, Colbert). 1. Vx. Emploi, du lat. genitus, né, puis « bien né », « noble », dans les Églises luthériennes, aux rituels et
« gracieux, joli » : d’où le sens « embellir,
charge d’agent : Il a obtenu l’agence de cette recueils liturgiques. 3. Office des morts,
parer » du v. agencier [XIIe-XVIe s.], qui avait
compagnie (Littré). Spécialem. Agence chez les chartreux.
du clergé, ancienne fonction d’agent du concurremment, en anc. franç., le sens
moderne de « ajuster, ordonner » ; XIIIe s., agénésie [aenezi] n. f. (de a priv. et du
clergé : L’abbé d’Aquin aurait plu au roi
Roman de Renart). [Conj. 1.] 1. Disposer gr. genesis, génération ; milieu du XIXe s.).
dans l’exercice de son agence du clergé
les éléments d’un ensemble en vue de la 1. Infécondité des produits des croisements
(Saint-Simon). 2. Bureau ou organisme
commodité ou de l’agrément : Agencer un entre eux ou avec des représentants de l’une
où l’on s’occupe de différentes affaires :
Une agence de renseignements, de publi- magasin, un musée, un théâtre. Ils recher- ou l’autre race concourante. 2. Absence
cité. Agence matrimoniale, établissement chèrent tous deux le moyen d’ouvrir la congénitale d’un organe.
servant d’intermédiaire à des personnes scène et d’agencer des coulisses (France). • SYN.: 1 stérilité. — CONTR. : 1 fécondité.
qui cherchent un parti en vue du mariage. Une statue ! Monsieur le Baron, ce n’est pas
agenouillement [anujm] n. m. (de
Agence de voyages, établissement com- si difficile à faire que d’agencer une pendule
(Balzac). Les deux girandoles de cuivre doré agenouiller ; 1495, J. de Vignay). 1. Action
mercial qui prépare et organise des voyages
[...] étaient à deux fins : en enlevant les deux de se mettre à genoux, de se prosterner : Et
touristiques individuels ou collectifs.
roses qui leur servaient de bobèches et dont c’étaient des répétitions ininterrompues, des
Agence de presse, d’information, ou sim-
la maîtresse branche s’adaptait au piédestal salutations médiocres ou profondes, des age-
plem. agence, entreprise qui centralise les
de marbre bleuâtre agencé de vieux cuivre, nouillements (Huysmans). 2. Fig. Action
nouvelles, les informations, en vue de les
ce piédestal formait un chandelier (Balzac). de se soumettre, par servilité, à quelqu’un
transmettre à ses abonnés ou à la presse :
2. Spécialem. Ordonner les différentes ou à quelque chose, de s’humilier devant
L’agence France-Presse. Agence théâtrale,
établissement commercial qui vend des parties d’une oeuvre artistique ou litté- quelqu’un ou devant quelque chose : Un
billets de théâtre. 3. Succursale d’un raire : De beaux vers venaient d’eux-mêmes jugement dégagé de l’agenouillement devant
établissement financier ou de certaines agencer leurs syllabes et leurs rythmes chan- la politique (Goncourt).
entreprises industrielles ou commerciales : tants (Rolland). 3. Combiner de façon • REM. La forme agenouillage se trouve
Cette banque, cette compagnie d’assurances astucieuse et souvent à des fins malhon- chez Rimbaud : Tous les agenouillages
a des agences dans toutes les grandes villes. nêtes (généralement péjor.) : Une escroque- anciens.
Bureaux de cette succursale : Ce chèque rie bien agencée.
agenouiller [anuje] v. tr. (de à et de
peut être encaissé dans n’importe quelle • SYN. : 1 ajuster, aménager, arranger,
genouil, anc. forme de genou ; milieu du
agence. Quand Noémie Coblentz commen- combiner, disposer, ordonner, organiser ;
çait à se faner dans l’agence d’affaires tenue XIe s.). Faire mettre à genoux : Le maître
2 arranger, composer, disposer, enchaîner,
par son père Isaac (France). saisit l’enfant par le collet et l’agenouilla
ordonner ; 3 arranger, manigancer (fam.).
brutalement sur les dalles (P. Larousse).
[asm] n. m. (de agen- — CONTR. : 1 et 2 bouleverser, déranger,
agencement
désorganiser, perturber. s’agenouiller v. pr. 1. Se mettre à genoux :
cer ; XIIe s.). 1. Action d’organiser les divers
M’agenouillant au bord de la source, j’y
éléments d’un ensemble, de les adapter, s’agencer v. pr. 1. S’organiser harmo-
nieusement (au pr. et au fig.) : Une langue se plongeai ma tête et mes mains (Mérimée).
de les combiner en vue de la commo-
compose de mots qui s’agencent en phrases Spécialem. Se mettre à genoux en signe
dité ou de l’agrément ; résultat de cette
(Dauzat). 2. S’effectuer, se réaliser par d’adoration, de respect, ou pour prier : Elles
action : L’agencement d’une boutique,
des calculs ou des combinaisons difficiles allaient vers l’autel, s’agenouillaient sur la
d’un appartement, L’agencement des
rouages d’une montre. Des ouvriers cal- (souvent péjor.) : Voici comment ma candi- première marche (Flaubert). 2. Fig. et
leux [...] mûrissaient, taciturnes, des pro- dature s’est agencée (Mérimée). 3. Class. péjor. S’humilier devant quelqu’un, ou se
jets d’agencement mécanique (Arnoux). et littér. Se vêtir d’une façon recherchée : soumettre servilement à quelque chose :
L’ancien rez-de-chaussée [...] avait été Dorinde, désireuse d’être remarquée, ne L’homme libre refuse de s’agenouiller devant
aménagé en laboratoires munis de tous faillit de s’agencer de tous les meilleurs arti- la force.
les agencements modernes (Martin du fices (D’Urfé). Un Parisien [...] pouvait seul • SYN. : 1 et 2 se prosterner. — CONTR. : 2
Gard). 2. Spécialem. Action de dispo- et s’agencer ainsi sans paraître ridicule et s’insurger, se rebeller, résister, tenir tête.

88
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

agenouilloir [anujwar] n. m. (de age- par des agents provocateurs à la solde de Le « complément d’agent » est défini
nouiller ; milieu du XVIe s.). Escabeau sur Berchtold, pour faire naître l’occasion atten- grammaticalement par la possibilité de
lequel on s’agenouille. due ! (Martin du Gard). Agent secret, ou devenir sujet si la phrase est transformée
• SYN.: prie-Dieu. agent, espion (souvent péjor.) : Ils m’ont activement. Ainsi, âne est complément
dénoncé comme un agent de l’Allemagne d’agent dans : Le chardon est mangé par
1. agent [a] n. m. (lat. scolast. agens,
(Jaurès). Agent double, agent secret qui l’âne, parce qu’on peut dire : « L’âne
part. prés. de agere, agir ; 1337, Registre
sert deux adversaires à la fois et trahit mange le chardon », mais non village
criminel de Saint-Martin-des-Champs).
l’un au profit de l’autre. 2. Employé, dans : Je suis passé par le village, où la
1. Absol. Celui qui fait l’action, par oppo-
employée d’une administration publique transformation est impossible.
sition à celui qui la subit : Bien que l’agent et
le patient soient fort différents (Descartes). et de certaines administrations privées ; Cette définition conduit à reconnaître le
Complément d’agent, avec un verbe pas- titulaire de certaines charges. Agent complément d’agent dans des construc-
sif ou de sens équivalent, complément qui d’assurances, représentant non patenté tions plus ou moins nombreuses selon la
désigne l’être ou l’objet par lequel l’action d’une compagnie d’assurances dans une définition plus ou moins large que l’on
est accomplie. (Ex. :La Gaule fut conquise localité. Agent de change, officier public adopte de la forme passive. Si, avec Jean
PAR CÉSAR. Il est respecté DE TOUS. Une ayant le monopole de la négociation de Dubois (Grammaire structurale du fran-
vaste salle soutenue PAR DES COLONNES. Il certains titres en Bourse. Agent comp- çais : le verbe, Larousse, 1967), on tient
s’est fait renverser PAR UNE VOITURE.) [V. table, comptable chargé de gérer les fonds pour passive toute phrase transformable
art. spécial.] 2. Ce qui détermine quelque d’une administration publique. Agent activement, on relèvera des compléments
chose : Le docteur Poulain [...] était assez de liaison, dans l’armée, officier ou gradé d’agent dans les phrases suivantes :
savant pour reconnaître l’action d’un agent chargé de maintenir le contact entre les
Les papiers sont jaunis par le soleil
destructeur (Balzac). [Les] divers agents de unités combattantes : Ceux-ci générale-
(Le soleil jaunit les papiers) ;
notre destinée (Valéry). Agents physiques ment lui offraient une petite place d’agent
(pesanteur, électricité, etc.), chimiques, de liaison (Dorgelès). Agent de police, ou Les papiers jaunissent au soleil
mécaniques, énergétiques. Agents natu- simplem. agent, fonctionnaire subalterne, (Le soleil jaunit les papiers) ;
rels, les forces, les éléments qui se trouvent généralement en uniforme, chargé de la
Les fruits se gâtent à l’humidité
dans la nature (l’eau, l’air, le feu). Agents police de la voie publique : Des pelotons
(L’humidité gâte les fruits) ;
atmosphériques, les phénomènes atmos- d’agents formaient de noirs essaims autour
phériques (précipitations, vents, etc.) qui des autobus (Martin du Gard). Agent de Pierre tomba sous le choc
participent à l’érosion. Agent anesthé- transmission, militaire chargé de porter (Le choc fit tomber Pierre).
sique, en médecine, substance qui provoque les messages. Pour les grammairiens traditionalistes
l’anesthésie. Agent de production, tout ce • REM. Agent est du masculin même qui limitent la forme passive à la pé-
qui concourt à la production économique
quand il désigne une personne ou une riphrase formée de l’auxiliaire être et du
d’un pays. 3. Personne qui cause ou
chose de genre féminin : Vous aurez dans participe passé d’un verbe transitif (ex. :
provoque quelque chose (souvent péjor.) :
cette femme un très bon agent (Acad.). est mangé, sont jaunis), le complément
Un agent de corruption (Beaumarchais).
Toutefois, l’Académie admet le féminin d’agent connaît essentiellement deux
Angisèle était d’ailleurs l’agent le plus puis-
agente quand le mot est pris en mau- constructions : avec par ou avec de.
sant de cette évolution (Samain).
vaise part : Je découvris que, dans cette La construction avec de est limitée à cer-
• SYN.: 1 âme, cause, ferment, instrument,
intrigue, elle était la principale agente tains cas :
moteur ; 2 cause, ferment, origine, prin-
(Acad.) ; l’ancienne langue connaissait
cipe. — CONTR.: 1 patient ; 2 conséquence, • a) Verbes de sentiment comme aimer,
aussi ce féminin (Amyot, Paré, Régnier, haïr, estimer, respecter, etc. : M. Char-
effet, résultat.
Montfleury), et on le trouve chez Lesage, ron était respecté de tous ses élèves (A.
2. agent [a] n. m. (ital. agente, du lat. Balzac, Hugo, Littré. France) ;
agens ; 1578, H. Estienne). 1. Personne
qui agit au nom d’un individu ou d’une b) Verbes d’opération intellectuelle
collectivité : Une pareille infamie ne pou- GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE comme croire, connaître, ignorer, ou-
vait venir que d’un émissaire de l’ancienne blier : Je n’ai pas l’honneur d’être connu
L’AGENT
société, d’un agent du docteur Bonnefille de vous (A. France) ;
(Maupassant). Une barque parut [...]. Au sens général, agent désigne la relation
Un agent du marquis sauta sur la digue c) Verbes comme accompagner, précéder,
de l’être à l’action qu’il produit, et s’op-
(Stendhal). Vx. Agent du clergé, ecclé- suivre : Grandet rentra [...], il était suivi
pose par là à patient, qui désigne l’être
du voyageur (Balzac).
siastique qui était chargé autrefois de gérer subissant l’action :
les intérêts du clergé. Agent d’affaires, Pour ces verbes, l’emploi de de au lieu de
celui qui s’occupe des intérêts de quelqu’un. L’âne mange un chardon par répond probablement à une nuance
Agent consulaire, fonctionnaire chargé dans la participation de l’agent à l’action :
(l’âne est l’agent, le chardon est le patient).
de défendre les intérêts de ses nationaux respecter quelqu’un n’est pas exercer sur
en pays étranger. Agent diplomatique, ou La relation d’agent est exprimée en lui une action qui l’affecte, qui en fasse
simplem. agent, fonctionnaire représen- français : un véritable « patient », non plus que le
tant le gouvernement de son pays dans un — par la fonction « sujet » : L’âne mange. croire ou le précéder ; il en est autrement
pays étranger : La France n’avait point alors Mais tout sujet n’exprime pas l’agent : La quand un âne mange un chardon, quand
d’agent à Modon (Chateaubriand). Agent Terre est ronde. Le chardon est mangé ; nous cueillons une rose, quand nous ren-
électoral, celui qui agit en faveur d’un can- versons un vase, quand nous dessinons ou
— par la fonction « complément d’agent »
didat. Agent provocateur, agent secret fabriquons un objet : or, tous ces verbes
dans une phrase passive : Le chardon est
chargé de provoquer des mouvements sédi- demandent par et non de pour leur com-
mangé par l’âne ;
tieux pour justifier des représailles : Arrêté plément d’agent ; on dit d’un homme : Il
à la fin de l’Empire, sur une dénonciation — par la dérivation (principalement par était accompagné de sa femme, mais d’un
d’agent provocateur (Vallès). Ils disent que le suffixe -eur) : mangeur, locuteur, bâtis- enfant : Il était porté par sa mère ; une
l’attentat de Serajevo aurait été organisé seur, répétiteur, planificateur... force est exercée dans le second cas ;

89
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

•Verbes comme saisir, prendre, gagner, soit passif, on aurait alors en apparence agglomérat [aglmera] n. m. (de agglo-
envahir, remplir, quand ils expriment des compléments d’agent. Si l’on estime mérer ; 1836, Landais). 1. Masse d’éléments
l’emprise d’une émotion : Il fut saisi que le complément avec à remplit la minéraux agglomérés : Un agglomérat vol-
d’une pitié infinie (R. Rolland). même fonction, on y verra aussi une canique. 2. Fig. Assemblage hétéroclite
Avec ces verbes, l’opposition de / par expression de l’agent. En réalité, l’un de personnes ou d’objets divers : Une sorte
marque la différence entre un agent in- comme l’autre représentent des écarts de d’agglomérat qui porterait le nom fourié-
terne et un agent externe : être pris d’un la langue en vue d’éviter la construction riste de Phalange (Bourget). Cet agglomérat
sentiment / être pris par les ennemis. directe. On dit avec un verbe intransitif : d’étoffes, de fleurs et de lumières (Mauriac).
Comparer : Il a agi de lui-même / Il a agi Je ferai travailler le cordonnier. J’entends • SYN. : 1 agglomération, agrégat, agréga-
par la contrainte. venir mon père. Si l’infinitif est un verbe tion, conglomérat ; 2 agrégat.
transitif suivi d’un objet, les construc-
•Certains compléments introduits par agglomération [aglmerasj] n. f. (de
tions qui en résultent (*Je ferai recoudre
de peuvent devenir par transformation agglomérer ; 1771, Trévoux). 1. Action
cette bride le cordonnier. *J’entends dire
soit sujet, soit complément de moyen ou d’agglomérer, d’amasser ou d’assembler ;
cela mon père) présentent deux complé-
de manière : Le sol est couvert de graviers état qui résulte de cette action : Un de ces
ments directs consécutifs, rencontre que
(cf. : Des graviers couvrent le sol, ou On atomes volatils qui flottent dans l’air et
le français évite autant que possible. On
a couvert le sol de graviers). Le repas est dont l’agglomération devient orage, tem-
composé de mets savoureux. Il fut tué y remédie par la construction indirecte
pête, événement (Baudelaire). Quatre ou
d’une balle de pistolet. Le tableau est d’un des deux compléments, avec par
cinq hommes de club [...] et leur noire ou
peint d’une main experte. D’autres ex- ou avec à, sans qu’on puisse parler pour
grise agglomération obéissante, exécutant
priment la cause : on dit mangé des mites, cela d’un complément d’agent ou d’attri-
les mouvements presque mécaniques d’un
piqué des vers, rongé de rouille, comme bution : la fonction est celle qu’aurait le
cadre inerte autour d’Odette (Proust).
bleu de peur, mort de fatigue, perclus de nom direct (complément d’objet second
2. Ensemble d’habitations formant une
rhumatismes. ou sujet de la « proposition infinitive ») ;
unité et considéré indépendamment des
la dénomination la plus souple qu’on ait
Dans tous les cas où de précède un com- limites administratives : Aerschot, une de
proposée pour cette fonction est « objet-
plément transformable en sujet, par peut ces modestes agglomérations inconnues
agent » (N. Steinberg, Grammaire fran-
le remplacer : M. Charron était respecté (Maeterlinck). Spécialem. Ensemble
çaise, Leningrad, 1959).
par tous ses élèves. Il fut saisi par une formé par une ville et sa banlieue :
pitié infinie. Le sol est couvert par des • L’agglomération parisienne.
graviers. Il est vraisemblable que des Toutes les constructions de l’agent sont • SYN.: 1 agglomérat, agglutination, agré-
nuances sont cependant liées au choix anciennes en français : Dulce France ne gation, amas, assemblage, entassement,
d’une préposition ou de l’autre, variables seit par nus hunie (la Chanson de Roland, tas ; 2 bourg, bourgade, cité, ensemble,
en fonction du texte. Comment expliquer v. 1927) ; C’est une chose mout contraire, hameau, localité, village, ville. — CONTR. :
le passage de de à par dans cette phrase | Aimer ce dont om n’est amez (Roman de 1 désagrégation, dispersion, dissémination,
où deux agents sont coordonnés : Le père Troie). De était plus largement employé dissociation, dissolution, éparpillement,
Henri est respecté de tous, même par les au XVIIe s. que de nos jours : Ces hommes séparation.
bandits (Laffitte) ? Respecté de tous a le saints qui ont été autrefois blessés des aggloméré [aglmere] n. m. (part. passé
sens d’un superlatif ; par les bandits dé- femmes (La Bruyère, I, 182) ; Il se confir- substantivé de agglomérer ; 1866, Larousse).
signe un agent particulier. La substitution ma davantage dans l’opinion qu’il avait, 1. Briquette combustible, faite avec du
de par à de est la meilleure garantie de la qu’il était appelé de Zélide (Voiture, II, poussier de houille agglutiné et comprimé.
fonction « complément d’agent » avec
116). Quant à la construction avec à ou 2. Matériau de construction artificiel,
les verbes passifs proprement dits (être
avec le datif, elle remonte au très ancien obtenu par agglomération : Le parpaing
+ participe passé). La grammaire tradi-
usage qui permettait de dire : Je li voi plo- est un aggloméré.
tionnelle limite d’ailleurs à cette forme de
rer pour Je la vois pleurer ; Je li lairai vivre
passif l’emploi d’un complément d’agent agglomérer [aglmere] v. tr. (lat. adglo-
pour Jele laisserai vivre, l’infinitif ayant à
introduit par par ; elle interdit son emploi merare ou agglomerare, amasser, de glomus,
cette époque pleine valeur de nom (plorer
avec un verbe pronominal (*Cette poé- glomeris, pelote ; 1795, Snetlage). [Conj. 5.]
= des pleurs ; vivre = la vie).
sie s’apprend par tous les enfants) et ne 1. Réunir des particules de matière en une
reconnaît que des complément de cause agérate [aerat] ou ageratum seule masse compacte : Les vents agglo-
dans : Les fruits se gâtent par l’humidité [aeratm] n. m. (du gr. agêraton, marjo- mèrent les sables. 2. Rassembler en un
ou Pierre tomba par le choc. laine ou origan ; milieu du XVIe s.). Plante lieu : Le village du Simplon se compose de
Peut-on parler d’un complément d’agent buissonnante d’origine américaine, culti- quelques maisons agglomérées au bord de
introduit par à ? La locution mangé aux vée dans les jardins pour ses fleurs bleues. la route (Gautier).
mites (aux vers, aux rats) et la construc- aggiornamento [adjrnamnto] n. s’agglomérer v. pr. 1. Absol. Se réunir en
tion dativale du participe de connaître : m. (mot ital. signif. « mise à jour » ; v. une masse compacte : Des rêves qui font
Chaque alouette qui va et vient m’est 1960). Terme qui fut appliqué par le pape s’agglomérer les objets en groupes déme-
connue (Verlaine), sont des syntagmes Jean XXIII au renouvellement de l’Église surés (Hugo). Au Palais-Royal s’agglomé-
figés n’intéressant que le lexique. Un romaine dans le cadre du second concile raient des agitateurs (Chateaubriand).
problème plus épineux est soulevé par du Vatican. 2. S’agglomérer à, s’unir étroitement à
les compléments indirects que l’on ren- quelqu’un ou à quelque chose : Cela te gêne
contre avec les verbes faire, laisser, voir, agglomérant [aglmer] n. m. de t’agglomérer complètement au ménage
entendre, suivis d’un infinitif régissant (part. prés. de agglomérer ; milieu du Terray (Bernstein).
un objet direct : Je ferai recoudre cette XXe s.). Substance servant à agglomérer.
Spécialem. Bitume ou asphalte servant agglutinable [aglytinabl] adj. (de agglu-
bride au cordonnier. Je lui ai entendu
à l’enrobage et au liage des éléments d’un tiner ; 1560, A. Paré). Qui peut s’agglutiner
dire cela. On pourrait employer par dans
agrégat, ainsi qu’à l’agglomération des bri- ou qu’on peut agglutiner.
ces phrases : Je ferai recoudre cette bride
par le cordonnier. J’ai entendu dire cela quettes et des boulets. agglutinant, e [aglytin, -t] adj. (part.
par lui (ou par elle) ; sans que le verbe • SYN.: agglutinant, liant. prés. de agglutiner ; 1560, Paré). 1. Qui

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

est de nature à fixer ensemble plusieurs Substance contenue dans les hematies et promptitude tous les mouvements du
choses en les collant les unes aux autres : d’un individu et capable de provoquer corps : La bohémienne dansait [...], agile,
Une substance agglutinante. 2. Se dit, leur agglutination, en cas de transfusion légère, joyeuse (Hugo). Il s’empresse [...],
en microbiologie, des substances qui sanguine, en présence de l’agglutinine se fait agile et silencieux autour du lit
produisent l’agglutination des bactéries. correspondante. (Colette). 2. Littér. Se dit de choses qui
3. Spécialem. Langue agglutinante, se meuvent avec rapidité, vivacité : De mon
aggravant, e [agrav, -t] adj. (part.
langue qui exprime les rapports gram- esquif agile | Une bombe, en tombant, brise
prés. de aggraver ; 1560, Paré). Qui rend
maticaux par l’agglutination d’affixes aux le pont fragile (Hugo). Un pâle rayon de
plus grave : Ne dis plus rien, les paroles
racines : Les langues finno-ougriennes sont soleil d’hiver glissait jusqu’au lit ; et tout
sont aggravantes (Rosny). Circonstances
des langues agglutinantes. un vol d’atomes, des poussières agiles sem-
aggravantes, circonstances qui augmentent
agglutinant n. m. Substance aggluti- blaient y vivre (Zola). 3. Fig. Vif, prompt
la gravité d’une faute, notamment d’un délit.
nante. à concevoir ou à réaliser une idée : Son
• SYN.: agglomérant, liant. aggravation [agravasj] n. f. (de aggra- esprit agile suivait diverses pistes (Martin
ver ; 1375, R. de Presles). Action de rendre du Gard).
agglutinatif, ive [aglytinatif, -iv] adj. plus grave ce qui est déjà pénible ; état de • SYN.: 1 et 3 alerte, leste, preste, prompt,
(de agglutiner ; 1560, Paré). Vx. S’est dit, en ce qui est devenu plus grave : L’aggravation rapide, souple, vif. — CONTR. : 1 empêtré,
médecine, de ce qui adhère fortement à la empoté (fam.), engourdi, gauche, lent, mou,
d’une peine. J’éprouvais le besoin doulou-
peau : Un emplâtre agglutinatif. reux de rentrer qui vous oppresse quand on pataud, pesant.
• SYN.: adhésif. a laissé au logis un malade aimé, et que le
agilement [ailm] adv. (de agile ; XVe s.,
agglutination [aglytinasj] n. f. (bas pressentiment vous saisit d’une aggravation
G. Tardif). Avec agilité : Sous ces capes, ils
lat. agglutinatio, de agglutinare, col- de son mal (Maupassant).
se mouvaient agilement (Hugo).
ler ; 1537, J. Canappe, au sens médical). • SYN.: accentuation, accroissement, ampli-
fication, exacerbation, exaspération, inten- agilité [ailite] n. f. (lat. agilitas, -atis,
1. Action d’agglutiner ou de s’agglutiner.
sification, progrès, progression, rechute, facilité à se mouvoir [au pr. et au fig.] ;
2. Phénomène biologique caractérisé par
recrudescence, redoublement, renforcement. XIVe s., Oresme). 1. Aptitude à se mouvoir
l’immobilisation, puis l’agglomération de
— CONTR. : adoucissement, allégement, avec aisance et promptitude : Fabrice était
certains microbes mis en contact avec le
amélioration, amoindrissement, atténua- un grand homme maigre, d’une agilité et
sérum d’un animal immunisé contre ce
tion, décroissance, diminution, guérison, d’une force incroyables (Stendhal). 2. Fig.
microbe. 3. Formation d’un mot par
rémission, soulagement. Aptitude à concevoir et à comprendre
la soudure de deux ou de plusieurs mots,
rapidement : Une agilité de l’esprit égale
distincts à l’origine. (Ex. :aujourd’hui, issu
aggraver [agrave] v. tr. (lat. aggravare ; v. à l’aptitude du corps (Balzac). Par-delà les
de au jour d’hui).
1050, Vie de saint Alexis, au sens de « alour- confins des sphères étoilées, | Mon esprit, tu
• SYN. : 1 agglomérat, agglomération, dir » ; sens fig. au XVIIe s.). 1. Class. (déjà vx te meus avec agilité (Baudelaire).
agrégation. — CONTR. : 1 désagrégation, au XVIIe s.). Rendre plus pesant, plus lourd :
dispersion, dissémination, dissociation,
• SYN.: 1 aisance, légèreté, mobilité, pres-
Un corps qui nous aggrave et nous baisse tesse, promptitude, rapidité, souplesse, vélo-
dissolution, éparpillement, séparation. vers la terre (Pascal). Pourquoi vous faites- cité, vivacité ; 2 aisance, légèreté, rapidité,
• REM. On trouve aussi, au sens général, vous de nouveaux liens ? Pourquoi aggra- souplesse, vivacité. — CONTR.: 1 gaucherie,
AGGLUTINEMENT : L’agglutinement sur vez-vous votre fardeau ? (Bossuet). 2. Fig. indolence, lenteur, lourdeur, maladresse,
le visage d’un acteur d’un autre visage de Rendre plus grave, plus pénible à supporter ; mollesse ; 2 lenteur, lourdeur.
fard ou de carton (Proust). accroître la charge de : Le vide mortel de ces
heures sans projets aggravait à tel point sa agio [ajo] n. m. (de l’ital. aggio, même mot
agglutiner [aglytine] v. tr. (lat. aggluti-
détresse... (Martin du Gard). Nous aggravons que agio, aise, ancienn. asio, probablem.
nare, formé de ad et de gluten, -inis, colle ;
empr. de l’anc. provenç. aize ou de l’anc.
XIVe s., Miracles de Notre-Dame). 1. Joindre la maladie par les passions (Alain).
franç. aise ; 1679, Savary). 1. Vx. Différence
plusieurs choses en les collant ensemble : • SYN. : 2 accentuer, alourdir, amplifier,
entre la valeur nominale et la valeur réelle
Les murs faits de lattes agglutinées par de augmenter, envenimer, étendre, exacerber,
des monnaies échangées ou des effets négo-
la boue séchée (Barbusse). Spécialem. exaspérer, exciter, intensifier, redoubler,
ciés. 2. Par extens. Ensemble des frais
Agglutiner les lèvres d’une plaie, les faire renforcer. — CONTR.: adoucir, alléger, amé-
retenus par les banquiers pour l’exécution
adhérer l’une à l’autre. 2. Unir deux ou liorer, apaiser, atténuer, calmer, diminuer,
des opérations bancaires.
plusieurs choses de manière qu’elles n’en guérir, soulager.
• REM. On employait aussi autrefois l’or-
fassent qu’une : Le bijoutier Albert Lévy s’aggraver v. pr. Devenir plus grave :
thographe agiot.
avait jugé désirable de réunir et d’agglu- Mon état s’est encore aggravé (Maupassant).
tiner les deux noms, comme il réunissait Mais, dans les jours qui suivirent, la situa- agiotage [ajta] n. m. (de agioter ;
les deux maisons (Gide). 3. Spécialem. tion s’aggrava (Camus). début du XVIIIe s.). Spéculation délictueuse
En linguistique, joindre par agglutination. sur le change ou sur les valeurs et effets de
agha ou aga [aga] n. m. (du turc aga, chef ;
• SYN.: 1 et 2 agglomérer, amalgamer, coller, commerce.
1535, Lettre à Du Bellay). Nom de digni-
lier, mêler, réunir, unir, souder. — CONTR.: 1 • SYN.: spéculation.
taires orientaux musulmans, souvent mili-
et 2 disperser, disséminer, dissocier, séparer.
taires : J’avais cinquante aghas contemplant agioter [ajte] v. intr. (de agio ; début
s’agglutiner v. pr. Se réunir en une masse du XVIIIe s.). Vx. Se livrer à l’agiotage : Le
mon visage (Hugo). L’aga des Ataf et moi,
compacte : Les badauds s’étaient agglutinés capital agiote, détruit, devient de plus en
étendus sur des divans, dans l’ombre de la
autour d’un camelot.
tente blanche que le soleil extérieur faisait plus international (Barrès).
agglutinine [aglytinin] n. f. (dér. savant blonde, découpant en transparence sur la • SYN.: spéculer.
de agglutiner ; fin du XIXe s.). Substance toile le croissant symbolique et l’empreinte
agioteur, euse [ajtoer, -øz] adj. et n.
qui, présente dans le sérum d’un individu, de la main sanglante, ornements obligés de
(de agioter ; 1710, Saint-Simon). Vx. Qui
réagit sur les corps qui en ont provoqué toutes les demeures arabes (Daudet).
selivre à l’agiotage : Les usuriers qui avaient
l’apparition en les agglutinant.
agile [ail] adj. (lat. agilis, souple, agile, gagné gros à trafiquer les papiers du roi, on
agglutinogène [aglytinn] n. m. (de de agere, au sens de « mener » ; XIVe s., appelait ces gens-là des agioteurs (Saint-
agglutiner, et du suff. -gène ; fin du XIXe s.). Oresme). 1. Apte à exécuter avec aisance Simon). Le règne de LouisPhilippe, vers sa

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

fin, fournissait déjà de nombreux échan- v. tr. Mettre en mouvement (rare) : Toute • SYN. : 1 émeutier, excitateur, factieux,
tillons de lourde jeunesse épicurienne et de âme chrétienne est mue et agie (Bossuet). meneur, perturbateur, séditieux, terroriste,
jeunesse agioteuse (Baudelaire). Ce vieux La liberté qui consiste à n’être point agi trublion (fam.). — CONTR. : 1 conciliateur,
véreux fripé d’agioteur (Péguy). par les autres, mais aussi à ne pas les agir pacificateur.
• SYN.: spéculateur. (Maurras).
agitation [aitasj] n. f. (lat. agitatio ;
s’agir v. pr. impers. (l’expression il s’agit 1355, Bersuire). 1. État de ce qui est animé
agir [air] v. intr. (lat. agere, faire pous-
de est un calque du lat. agitur de ; XVIIe s.). de mouvements continuels et irréguliers :
ser ; milieu du XVe s., au sens jurid. ; sens
S’agir de (suivi d’un nom ou d’un infinitif),
moderne, XVIIe s.). 1. Être en action, se L’agitation de l’eau, de l’air. 2. État d’une
être question de : Il s’agit de forces que j’ai personne qui remue sans cesse, qui ne tient
manifester en faisant quelque chose : Il y
à utiliser (Claudel). Tant qu’il ne s’était agi pas en place : Il gesticulait, parlait tout
a des natures purement contemplatives et que de science (Romains). Comme le nou- seul, menaçait l’horizon de son poing, en
tout à fait impropres à l’action, qui cepen- veau capitaine était fort timide lorsqu’il proie à une agitation, à une colère dont sa
dant, sous une impulsion mystérieuse et s’agissait de faire certaines questions, ce torpeur habituelle l’aurait fait croire inca-
inconnue, agissent quelquefois avec une ne fut qu’au milieu de la journée qu’il put pable (Daudet). Spécialem. État patho-
rapidité dont elles se seraient crues elles- prendre sur lui de dire à Scotti [...] : « Mais logique caractérisé par des mouvements
mêmes incapables (Baudelaire). Ce n’est où sont donc les Campireali ? » (Stendhal). continuels plus ou moins incohérents.
pas être pour un homme que de ne pas
S’agissant de loc. prép. Étant donné qu’il 3. Mouvement engendré par les allées et
agir (Claudel). 2. Spécialem. Prendre les s’agit de : Le choix de ces aliments [le pain venues d’un grand nombre de personnes :
mesures exigées par les circonstances : La et le vin] s’imposait, s’agissant d’un sacrifice L’agitation de la rue. 4. État d’affaire-
presse du soir s’empara de l’affaire [...] et non sanglant (Valéry). ment excessif ; activité désordonnée : On
demanda si la municipalité, oui ou non,
agissant, e [ais, -t] adj. (part. prés. de entendait dans les profondeurs sonores de
se proposait d’agir (Camus). 3. Intenter
agir ; fin du XVIe s.). 1. Se dit d’une personne l’immense bâtiment une grande agitation
une action en justice : Agir civilement.
dont l’activité se manifeste effectivement : confuse et continue (Maupassant). Je vais
4. Remplace un verbe indiquant une
Le Bloc national dont mon père avait été l’un parler d’un lieu qui [...] échappe à nos
action volontaire : Apprenez donc [...] que
des adversaires les plus agissants (Romains). modernes agitations [...], c’est la grotte de
cette coutume vient des Romains, qui divi-
Des minorités agissantes. 2. Se dit d’une Sare (Loti). 5. Fig. Inquiétude de l’esprit
nisaient le commencement de l’année. En partagé entre plusieurs idées, plusieurs
chose qui opère avec efficacité : Le commu-
sorte qu’agir comme eux est sefaire idolâtre sentiments, ou en proie à une émotion
nisme, cette logique vivante et agissante de
(France). 5. Se manifester par des actes violente : Mon lâche coeur n’ose préférer la
la démocratie (Balzac). Un remède agissant.
de telle ou telle façon : Ayant toujours agi paix d’une âme indifférente à l’agitation
• SYN. : 1 actif, allant, ardent, énergique,
selon ma conscience (Mauriac). Manière, [...] d’une passion orageuse (Delacroix).
entreprenant, influent, zélé ; 2 actif, effi-
façon d’agir, comportement : Jen’approuve 6. Mouvement politique ou social, de
cace, efficient, énergique, fort, puissant.
pas votre manière d’agir dans cette affaire. caractère revendicatif ou insurrectionnel :
— CONTR. : 1 apathique, hésitant, inactif,
Agir avec quelqu’un de telle façon, se Ces actes légaux augmentèrent l’agitation
indolent, inerte, mou, passif ; 2 faible, inac-
comporter à son égard de telle manière : (Chateaubriand). La tourbe syndicaliste
tif, inefficace, vain.
Vous avez mal agi avec moi. En agir avec n’agit point contre nous seulement par
quelqu’un, en agir, se comporter (v. Rem.) : agissements [aism] n. m. pl. (de l’agitation de la rue, le sabotage (Aragon).
En agir autrement eût été réveiller mille agir ; 1794, Billaud). Façons d’agir, sou- L’agitation populaire, ouvrière.
soupçons (Stendhal). 6. Agir sur une per- vent blâmables, pour arriver à un but : Tout • SYN. : 1 mouvement, tourbillonnement,
sonne, sur une chose, exercer une action, le monde me porte à craindre à présent,
turbulence ; 2 excitation, exubérance,
une influence sur elle : Cette pâte et cette continua Fleurissoire, que la personne par
fébrilité, fièvre, nervosité, pétulance,
eau possèdent d’étonnantes propriétés pour qui je suis au courant de l’affaire n’ait été surexcitation, turbulence ; 3 et 4 activité,
agir sur la peau (Balzac). Merveilleuse puis- victime elle-même des agissements de ce
affairement, animation, bruit, frénésie,
sance d’un livre qui agit sur le coeur d’une bandit (Gide). Des agissements frauduleux.
grouillement, mouvement, remous, remue-
enfant illettrée avec toute la force d’une réa- • SYN.: combines (fam.), intrigues, machi- ménage, tourbillon, tumulte ; 5 affolement,
lité (Lamartine). 7. Absol. Se manifester nations, manège, manigances (fam.), affres, anxiété, bouleversement, confu-
d’une façon efficace : Le remède agit. Le manoeuvres, menées, pratiques. sion, désarroi, effervescence, égarement,
charme des enfants agissait (Cocteau). agitant, e [ait, -t] adj. (part. prés. de fièvre, frénésie, inquiétude, tourment ; 6
• SYN.: 1 entreprendre, exécuter, s’occuper, agiter ; 1851, Barbey d’Aurevilly). 1. Qui effervescence, émeute, fièvre, insurrec-
opérer, travailler ; 4 et 5 se comporter, se provoque une agitation pathologique : La tion, mouvement, remous, révolution,
conduire, faire, procéder ; 6 impressionner, paralysie agitante ou maladie de Parkinson. sédition, soulèvement, trouble. — CONTR. :
influencer, opérer, persuader, serépercuter. 2. Qui provoque le trouble ou l’inquié- 1 calme, immobilité, repos ; 2 indolence,
tude : Entre toutes ces tendresses intervenait langueur, mollesse, torpeur ; 3 et 4 calme,
• REM. L’expression en agir est condam-
l’influence agitante et corruptrice de Sapho paix, silence, tranquillité ; 5 apaisement,
née depuis le XVIIe s. (Racine, le P. Bou-
(Daudet). ataraxie, calme, paix, quiétude, sérénité ;
hours). Littré conseillait l’emploi de en
6 calme, ordre, paix, tranquillité.
user, puisqu’on peut dire user de (et non agitateur [aitatoer] n. m. (lat. agitator,
agitations n. f. pl. Épreuves qui troublent
agir de), ou la suppression de en, souvent cocher ; 1520, G. Michel ; le sens politique, la quiétude de l’existence, tourments qui
possible ; on rencontre malgré tout cette emprunté à l’angl. agitator, est attesté
agitent l’âme : Il eut du moins, dans les
locution à toutes les époques : Vous croyez depuis le milieu du XVIIe s.). 1. Celui qui agitations d’une vie troublée, l’avantage de
en votre humeur caustique, | En agir avec fomente des troubles politiques, sociaux :
ne pas tomber dans le jansénisme (France).
moi comme avec l’as de pique (Regnard). Qu’est-ce que c’était que Mussolini, il y a
Regarde comme j’en agis avec toi (Mari-
• SYN.: vicissitudes.
dix ans ? Un petit instituteur de campagne,
vaux). L’éditeur de Chateaubriand, qui en un petit agitateur socialiste (Romains). agité, e [aite] adj. et n. (part. passé de
avait agi trop lestement avec lui (Sainte- Tchen le reconnut au moment où il sautait agiter). 1. Se dit de quelqu’un qui remue
Beuve). J’ai toujours cru que les gens de en selle : Ma, l’un des principaux agitateurs sans cesse : Cet enfant est bien agité.
notre état devaient en agir honnêtement (Malraux). 2. Petite baguette de verre Spécialem. Malade mental qui manifeste
avec Dieu (Bernanos). servant, en chimie, à remuer des liquides. une activité fébrile, violente et désordon-

92
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

née : S’exerçant à rire comme un maniaque, s’agiter v. pr. 1. Exécuter des mouve- ce vieux tronc moussu la brebis pleine. |
comme un de ces infortunés qui, dans les ments rapides et désordonnés : Le malade Sais-tu qu’avant un mois, avec son agnelet,
maisons de santé, sont appelés des agités s’agita et se dressa dans le lit (Camus). | Elle lui donnera [au berger] des fromages,
(Baudelaire). 2. Se dit d’une personne 2. Être troublé moralement ou excité : du lait ? (Heredia). 2. Vx. Ancienne mon-
qui montre un affairement excessif, qui se Depuis qu’ils avaient vu, à deux reprises, naie qui valait la moitié d’un agnel : Il vou-
livre à une activité désordonnée : Quelques des gendarmes et des dragons, les habi- lait bien donner douze agnelets à la Sainte
bureaucrates à képi, les uns paresseux et tants s’agitaient, affolés de panique (Zola). Vierge (France).
courbés, les autres agités ou turbulents 3. Être mis en discussion dans un groupe
agnelin [al] n. m. (de agnel ; 1268,
(France). 3. Fig. Se dit d’une personne de personnes : Une importante question
É. Boileau). Peau d’agneau mégissée, à
en proie à un trouble intérieur, à l’inquié- s’agite en ce moment.
laquelle on a laissé sa laine.
tude : Immobile devant sa fenêtre, Hélène
agnat [agna] n. m. (lat. agnatus ; 1697, agneline adj. et n. f. Laine agneline, ou
était profondément agitée (Stendhal).
traité de Ryswick). Nom donné aux per- agneline n. f., laine d’un agneau tondu pour
•SYN. : 1. excité, instable, nerveux, sonnes qui descendaient d’une même la première fois.
remuant, surexcité, trépidant, turbulent ; souche masculine (terme de droit romain
2 actif, affairé, allant, entreprenant, fréné- agnelle [al] n. f. (lat. pop. *agnella,
et ancien).
tique, pétulant, tourbillonnant, turbulent ; 3 fém. de agnellus, dimin, de agnus, agneau ;
• CONTR. : cognat.
affolé, angoissé, anxieux, bouleversé, égaré, XIIe s.). Jeune brebis : Et voici la saison |
tourmenté. — CONTR. : 1 calme, immobile, agnation [agnasj] n. f. (lat. agnatio ; D’immoler à Faunus en ses retraites
posé, sage, tranquille ; 2 inactif, indolent, 1539, R. Estienne). Parenté unissant ceux sombres | Un bouc noir ou l’agnelle à la
languissant, nonchalant, paresseux ; 3 qui descendaient par les mâles d’une blanche toison (Heredia).
apaisé, calme, rasséréné, rassuré, serein, souche masculine commune (terme de
agnès [as] n. f. (du n. du personnage de
tranquille. droit romain).
l’École des femmes, de Molière). Jeune fille
adj. 1. Se dit de ce qui est remué vivement • CONTR. : cognation. innocente, ingénue : Depuis quand êtes-
et continuellement en tous sens : Une mer vous si agnès que vous ne sachiez pas vous
agnatique [agnatik] adj. (de agnat ;
agitée. 2. Troublé par des mouvements débarrasser d’un fat importun ? (Sand).
XVIIIe s., Vertot). Relatif aux agnats.
continuels : Un sommeil agité. Une vie
agitée. agneau [ao] n. m. (lat. agnellus, dimin. agnosie [agnzi] n. f. (gr. agnôsia, igno-
de agnus, agneau ; anc. franç. aignel, agnel, rance ; milieu du XIXe s. ; au sens médical,
• SYN.: 1 houleux, mouvementé ; 2 fiévreux,
XIIe s. ; aigneau, agneau, XVe s.). 1. Petit de début du XXe s.). Altération pathologique
inquiet, orageux, tourmenté, trépidant,
la brebis. Agneau pascal, agneau qu’im- de la perception, qui consiste dans l’impos-
tumultueux. — CONTR. : 1 calme, dor-
molaient chaque année les Israélites pour sibilité d’identifier les sensations reçues.
mant, immobile ; 2 calme, paisible, serein,
tranquille. commémorer la sortie d’Égypte. 2. La agnosticisme [agnstisism] n. m. (de
chair de l’animal : Manger de l’agneau.
agnostique ; 1884, Claretie). Doctrine phi-
agiter [aite] v. tr. (lat. agitare, fréquenta- 3. La fourrure de l’animal : Un manteau losophique qui déclare l’absolu, tout ce qui
tif de agere, au sens de « mener, pousser » ; en agneau de Toscane. 4. Fig. Personne est au-delà du domaine de l’expérience,
XIIIe s.). 1. Remuer vivement en tous sens : d’humeur douce et patiente : Et lions au inaccessible à l’esprit humain : Mon sur-
Les toits étaient pleins de spectateurs qui combat, ils meurent en agneaux (Corneille).
plus de science sur la vie [...] aboutissait
agitaient des chapeaux et des mouchoirs Personne innocente, de moeurs pures : provisoirement à l’agnosticisme (Proust).
(France). 2. Fig. Brandir sans cesse Voilà, sur ma vie, un petit mensonge assez
comme une menace : Personne ne peut gros pour un agneau sans tache (Musset). agnostique [agnstik] adj. (de l’angl.
plus désormais, contre ces réformes, agiter 5. L’Agneau de Dieu, l’Agneau mystique, agnostic, tiré par Huxley du gr. agnôstos,
le péril socialiste (Jaurès). 3. Troubler l’Agneau sans tache, ou l’Agneau, symboles ignorant ; 1884, Claretie). Relatif à l’agnos-
moralement en provoquant une inquié- sous lesquels on représente en Jésus-Christ ticisme : Une thèse agnostique.
tude, une émotion profonde : Je fus agité la victime innocente : Les blasphémateurs n. et adj. Partisan de l’agnosticisme :
tout entier par la curiosité douloureuse de qui, de siècle en siècle. s’acharnent sur la L’Église préfère l’agnostique à l’athée, dit
savoir ce qu’elle aurait pu faire (Proust). petite hostie muette, sur l’agneau qui ne se l’abbé (Maurois).
4. Mettre en action les forces ou l’activité défend pas (Mauriac).
de quelqu’un, l’exciter à la sédition ou à agnus [agnys] ou agnus-Dei [agnysdei]
agnel [al] ou aignel [l] n. m. n. m. invar. (début de la formule liturgique
la révolte : Ce besoin d’invectives qui agi-
(anc. forme de agneau ; 1310, Ordonnance lat. Agnus Dei, qui tollis peccata mundi... ;
tait les prophètes contre les femmes et les
royale).) Vx. Pièce d’or ancienne dont l’ef- 1360, Gay, Glossaire archéol.). 1. Cire
pays stériles (Giraudoux). Agiter le peuple.
figie était un agneau : Ayant refermé son bénite par le pape, et qui porte l’image
5. Discuter à plusieurs une question, la
coffre [...] : « Oh ! petits agnels ! » soupirait d’un agneau. 2. Petite image de piété,
mettre en débat ou à l’étude : Le 12 mars
le bon vieillard (France). ornée de broderies. 3. Prière, chant de
1816, on agita la question des pensions ecclé-
la messe, commençant par ces mots : Les
siastiques (Chateaubriand). agnelage [ala] n. m. (de agneler ;
chantres et la foule entonnèrent l’ « Agnus
• SYN. : 1 balancer, brandir, remuer, milieu du XIXe s.). 1. Action d’agneler : On
Dei » (Flaubert). [En ce sens, s’écrit avec
secouer ; 3 affoler, angoisser, bouleverser, a parlé du lait et des éclisses, de la tonte et
deux majuscules et sans trait d’union.]
ébranler, émouvoir, enfiévrer, exciter, frap- des agnelages (Bosco). 2. Moment où la
per, inquiéter, préoccuper, remuer, retourner brebis met bas. agnus-castus [agnyskastys] n. m. invar.
(fam.), révolutionner (fam.), secouer (fam.), (mot du lat. des naturalistes, formé du lat.
agneler [ale] v. intr. (de agnel, anc.
tourmenter, tracasser, transporter, travai- agnus, gr. agnos, n. d’un arbrisseau, et
forme de agneau ; XIIe s., Marie de France).
ler, troubler ; 4 ameuter, déchaîner, exciter, de castus, chaste, tiré du gr. hagnos, par
[Conj. 3.] Mettre bas, en parlant d’une bre-
remuer, soulever, travailler (fam.) ; 5 abor- suite d’une confusion avec le nom de la
bis : Poivre fait chaque année agneler les
der, débattre, examiner, traiter. — CONTR.: plante ; fin du XVe s.). Arbrisseau médi-
brebis (Escholier).
1 arrêter, bloquer, immobiliser, paralyser, terranéen, cultivé comme plante d’orne-
retenir, stopper ; 3 apaiser, calmer, rassé- agnelet [al] n. m. (dimin. de agnel, ment : Les feuilles de l’agnus-castus ont
réner, rassurer, tranquilliser ; 4 apaiser, anc. forme de agneau ; XIIe s., Marie de longtemps passé pour avoir des propriétés
calmer, pacifier. France). 1. Vx. Petit agneau : Attache à anaphrodisiaques.

93
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

agonie [agni] n. f. (lat. ecclés. agonia, agonothète [agntt] n. m. (gr. agô- chet, de l’anc. haut allem. krapfô, même
angoisse, du gr. agônia, lutte et, par extens., nothetês, organisateur ou président des jeux sens ; 1546, Palmerin d’Olive). 1. Agrafer
agitation, angoisse ; 1361, Oresme, au sens publics ; 1863, Littré). Président des jeux un vêtement, une tenture, etc., en accro-
de « angoisse » ; sens moderne, 1580, sacrés, dans la Grèce antique. cher les bords au moyen d’agrafes : Pendant
Montaigne). 1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). qu’Amélie [...] agrafait la robe par-derrière
agora [agra] n. f. (mot gr. désignant
Angoisse, tourment : L’excès de son repen- et aidait la duchesse, la soubrette alla
la place publique). Chez les Grecs de
tir l’a jeté dans une agonie de tristesse prendre des bas en fil d’Écosse (Balzac).
l’Antiquité, place publique d’une ville,
(Massillon). 2. Période précédant immé- Fam. Agrafer quelqu’un, accrocher les
où se tenaient les assemblées politiques :
diatement la mort : L’agonie commençait, agrafes de son vêtement : Dépêche-toi !
Nous passâmes dans le bazar indiqué [...]
muette, tétanique, aux dents serrées, avec Tu m’agraferas (Deval). 2. Fig. et fam.
comme devant être l’agora des anciens
une dilatation extraordinaire des pupilles, Agrafer quelqu’un, l’aborder à l’improviste
(Chateaubriand).
qui subitement éclaira le médecin sur la et le retenir pour lui parler ; et, pop., s’em-
cause de cet étrange décès (Daudet). Son agoraphobie [agrafbi] n. f. (du gr. parer vivement de lui, l’arrêter : Si l’autre
agonie se prolongea pendant de longs mois agora, place publique, et phobos, crainte ; ne m’avait pas agrafé tout de suite, probable
(Samain). Les affres de l’agonie. 3. Fig. 1873, Annales médico-psychologiques ; mot que je t’aurais crevé le bide (Genevoix).
Chute, disparition, malgré une résistance, créé en allemand, en 1871, par Westphal). • SYN.: 1 accrocher, attacher, épingler, fixer ;
une lutte : L’agonie d’un empire. L’agonie Appréhension de se trouver en un lieu 2 accoster, épingler (pop.). — CONTR. : 1
du jour sous l’oppression victorieuse de la public et, par extens., en un lieu de vastes dégrafer ; 2 éviter, fuir.
nuit (Baudelaire). dimensions : Franchir sans agoraphobie
agrafeuse [agraføz] n. f. (de agrafer ;
agonir [agnir] v. tr. (altér., d’après ago- l’espace creusé d’abîmes qui va de l’anti-
1922, Larousse). Machine à poser des
nie, de l’anc. V. ahon[n]ir, faire honte ; chambre au petit salon (Proust).
agrafes.
1756, Vadé). [Se conj. comme finir.] Fam. agourmandir [agurmdir] ou agour-
Accabler (toujours suivi d’un complément agrainage [agrna] n. m. (de agrainer ;
mander [agurmde] v. tr. (de à et de gour-
circonstanciel : injures, sottises, etc.) : 1922, Larousse). Action d’agrainer.
mand ; fin du XIXe s.). Vx et dialect. Rendre
Comme elle vient de perdre M. Cibot, elle gourmand : Puisque l’argent filait quand agrainer [agrne] v. tr. (de à et de graine ;
m’a presque agonie de sottises (Balzac). même, autant valait-il faire gagner au bou- XIVe s., Froissart). Fournir de graines les
• REM. La conjugaison de ce verbe a été cher qu’au marchand de vin. Et Gervaise, animaux : Agrainer un cheval, une basse-
parfois contaminée par celle de agoniser : agourmandie, s’abandonnait à cette excuse cour. Spécialem. A la chasse, répandre
La mère Tuvache les agonisait d’ignomi- (Zola). De sentir toutes ces bonnes choses du grain pour attirer le gibier.
nies (Maupassant). dont je suis privé depuis si longtemps, cela
agraire [agrr] adj. (lat. agrarius, de
agonisant, e [agniz, -t] adj. et n. m’agourmandait (Daudet).
ager, champ ; 1355, Bersuire). 1. Qui a
(part. prés. de agoniser ; 1587, Taillepied, • SYN.: affriander, affrioler. rapport aux terres : Mesure agraire. L’are
Antiq. de Pontoise). 1. Qui est à l’agonie : [aguti] n. m. (du guarani acouti ; est l’unité de mesure pour les surfaces
agouti
Et les agonisants dans le fond des hospices agraires. 2. Qui concerne la propriété
1575, Thevet, écrit agoutin ; acouti, 1694,
| Poussaient leur dernier râle en hoquets Th. Corneille ; agouti, XVIIIe s.). Mammifère du sol : Réforme agraire. Loi agraire, dans
inégaux (Baudelaire). On avait jeté [...] par- l’Antiquité romaine, loi répartissant entre
de l’ordre des rongeurs, originaire de
dessus les murs ce qui restait de cadavres et les citoyens pauvres les terres du domaine
l’Amérique du Sud : Entre les enclos des
d’agonisants (Flaubert). Cet amour que la public (ou ager publicus) ; par extens., loi
onagres, des kanguroos, des agoutis, il pas-
bête agonisante donne à la vie (Bernanos). ayant pour objet le partage des terres.
sait et repassait (Daudet).
2. Fig. Qui est à son déclin, à bout de
forces : Ce chaos de voluptés agonisantes agrafage [agrafa] n. m. (de agrafer ; agrammatisme [agramatism] n. m. (de
(Baudelaire). Il recommença d’appeler [...] 1866, Larousse). 1. Action d’agrafer. a priv. et du gr. gramma, lettre ; début du
d’une voix si dolente, si agonisante que je 2. Technique d’assemblage des tôles, XXe s.). 1. Défaut de construction gramma-
me décidai à avancer (Prévost). sans soudure. ticale des mots et des phrases. 2. Défaut
de prononciation résultant de l’omission
• SYN.: 1 moribond, mourant ; 2 expirant, agrafe [agraf] n. f. (déverbal de agra- de lettres dans un mot.
mourant. fer ; 1421, Gay, Glossaire archéologique).
1. Crochet de métal servant à réunir les agrandir [agrdir] v. tr. (de à et de grand,
agoniser [agnize] v. intr. (lat. ecclés. ago-
bords opposés d’un vêtement. Broche lat. grandis ; 1265, J. de Meung). 1. Rendre
nizari, -are, combattre, souffrir, tiré du gr.
servant au même usage ou à la parure : plus grand : Agrandir une maison. Tout
agônizesthai, combattre ; 1361, Oresme,
Une jupe de brocart avec un pardessus à coup Angisèle grelotta [...], et tournant
au sens de « combattre » ; au sens 1, fin
relevé par des agrafes de perles (France). vers Rovère des yeux qu’agrandissait une
du XVIe s.). 1. Être à l’agonie : A ses côtés,
2. Par extens. Attache métallique ser- subite terreur : « Écoute, dit-elle, écoute,
un pauvre soldat d’une autre compagnie
vant à unir certaines choses : Agrafe de ne reconnais-tu pas cette voix ? » (Samain).
geint, le ventre ouvert, agonisant (Gide). Dès
courroie, de bureau. Attacher deux feuillets 2. Faire paraître plus grand : Sous le jour
que le Christ entre en agonie, il est promis
discret des étoiles, leur ombre agrandie
aux hommes qu’ils n’agoniseront plus seuls au moyen d’une agrafe. 3. Petite lame
(Mauriac). 2. Fig. Être sur son déclin, être de métal, munie de pointes à ses extrémi- s’étirait par terre en tous sens (Daudet).
près de disparaître : Pendant deux ans, la tés et servant à l’affrontement des plaies. 3. Rendre plus important, développer :
fabrique agonisa (Daudet). 4. Crampon de métal utilisé en maçon- Agrandir un commerce, une affaire. Mais
à mesure qu’elle agrandissait son projet, la
• SYN.: 1 s’éteindre, expirer, mourir, passer, nerie. 5. Ornement en forme de console
ou de mascaron, sculpté sur le parement terreur reprenait Maxime (Zola). 4. Fig.
rendre l’âme.
extérieur de la clef d’une arcade de porte Rendre plus grand moralement, élever : Il
agonistique [agnistik] adj. (gr. agônis- y a des passions qui resserrent l’âme, il y
ou de fenêtre comme pour agrafer les
tikos, qui concerne la lutte ; 1734, Trévoux). en a qui l’agrandissent (Pascal). 5. Class.
moulures.
Chez les Anciens, se disait de ce qui Rendre plus riche, plus puissant, élever
concerne les luttes d’athlètes.
• SYN.: 1 attache, broche, fibule.
dans la hiérarchie sociale : Le roi, occupé
n. f. Partie de la gymnastique qui était agrafer [agrafe] v. tr. (de l’anc. v. grafer, de l’établissement de ses bâtards, qu’il
relative à la lutte et aux combats d’athlètes. fixer avec un crampon, dér. de grafe, cro- agrandissait de jour en jour, avait marié

94
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

deux de ses filles à deux princes du sang une musique agréable. Peut-être fut-il choisi d’ici à trois ans, le titre d’académicien
(Saint-Simon). comme un homme agréable à ces profes- (Goncourt).
• SYN.: 1 et 2 accroître, amplifier, augmen- seurs athéniens, dont les Romains admi-
1. agréer [agree] v. tr. ind. [à] (de à et de
ter, développer, dilater, élargir, étendre ; 4 raient l’esprit (France). Cette ambiance
gré ; début du XIIe s.). Class. et littér. Agréer à
exalter, grandir, transporter. — CONTR.: 1 et de papotages qu’un quart d’heure plus tôt
quelqu’un, être à son gré, à sa convenance :
2 diminuer, rapetisser, réduire, resserrer ; 3 il détestait, Alban la trouvait agréable à
Elle a eu le bonheur d’agréer aux augustes
diminuer, réduire, restreindre ; 4 amoindrir, présent qu’il n’y figurait plus sans quelque
personnes (Molière). Rien ne m’agréait dans
ravaler, resserrer. honneur (Montherlant). Une vieille femme
la vie positive, hormis peut-être le ministère
s’agrandir v. pr. 1. Devenir plus grand comme moi n’est pas une compagnie
des Affaires étrangères (Chateaubriand).
(au pr. et au fig.) : L’agglomération pari- bien agréable pour un garçon de ton âge
(Mauriac). Un caractère agréable, un Oui, puisque ce passé vous flatte et vous
sienne s’agrandit sans cesse. Ensuite, le
caractère facile et accommodant. Être agrée (Verlaine).
temps s’est remis à couler et le vide s’est
agrandi (Sartre). 2. Accroître ses biens : agréable à quelqu’un, chercher à lui plaire : • SYN.: accommoder, convenir à, plaire à,
Grâce à lui Castelet prospéra, s’agrandit de Il ne m’a confié son secret que parce qu’il seoir à. — CONTR.: déplaire.
toutes les terres jusqu’au Rhône (Daudet). désire vous être agréable (Musset). Il v. tr. 1. Trouver à son gré, accueillir favo-
m’est agréable de (et l’infinitif), j’ai plai- rablement : L’Enfant-roi qui avait agréé la
agrandissement [agrdism] n. m.
sir à : Il m’eût été pourtant bien agréable myrrhe, l’or et l’encens des rois de la terre
(de agrandir ; 1502, Delboulle). 1. Action de vous peindre [...] ce paysage courroucé (France). Or il est certain que le comte de
d’accroître quelque chose en étendue ; état
et immobile (Duhamel). 2. Class. Avoir Paris a toujours agréé avec beaucoup de
de ce qui est agrandi : L’agrandissement
agréable, avoir pour agréable de, que, avoir bienveillance le dévouement de Swann, qui
du lycée permettra d’accueillir cinq cents
du plaisir à, aimer, trouver bon de, que : est d’ailleurs un garçon d’esprit s’il en fut
élèves de plus. L’agrandissement prodigieux
Lui demandant s’il aurait agréable de voir (Proust). Agréer une demande, des remer-
de la République romaine (Montesquieu).
la maîtresse du palais enchanté (Scarron). ciements, des excuses. Veuillez agréer mes
2. Spécialem. Opération consistant à tirer
Et je vous supplierai d’avoir pour agréable salutations, ma considération distinguée,
d’une photographie une épreuve agran- | Que je me fasse un peu grâce sur votre
die. Épreuve ainsi obtenue. 3. Vx. etc., formules de politesse à la fin d’une
arrêt (Molière). lettre : Agréez, cher Monsieur, les sentiments
Augmentation en dignité, en richesse, en
• SYN. : 1 aimable, attirant, attrayant, de sincère estime et de vive sympathie avec
puissance : [Albuquerque] n’avait rien à
avenant, charmant, délectable, engageant, lesquels je suis tout votre Carlo Aspertini
gagner à la guerre que l’agrandissement de
gentil, gracieux, joli, plaisant, séduisant. (France). Agréer quelqu’un, l’admettre,
l’infant d’Aragon (Mérimée).
— CONTR. : 1 déplaisant, désagréable, accueillir favorablement sa demande :
• SYN. : 1 accroissement, augmentation,
détestable, disgracieux, écoeurant, fâcheux, Pour gendre, aussitôt, le père l’agréa (La
développement, élargissement, extension ;
infect, mauvais, odieux, pénible, rebutant, Fontaine). Fais-toi donc agréer dans une
3 élévation, ennoblissement, enrichisse-
repoussant.
ment, promotion. — CONTR.: 1 diminution, consultation de chirurgie (Duhamel).
n. Vx. Homme ou femme qui cherche 2. Class. Agréer que, trouver bon, per-
limitation, rapetissement, réduction ; 3
à plaire par des manières affectées : Un mettre que : Mesdames, agréez que je vous
amoindrissement, déchéance, dégradation,
brillant souper où étaient tous les agréables présente ce gentilhomme-ci (Molière).
discrédit, disgrâce.
de la Cour (Goncourt). Faire l’agréable,
• SYN. : 1 accepter, accueillir, admettre,
agrandisseur [agrdisoer] n. m. (de chercher à plaire par sa coquetterie ou par
applaudir à, apprécier, goûter, recevoir. —
agrandir ; 1907, Larousse). Appareil uti- son esprit : Vous avez entendu des femmes
lisé en photographie pour exécuter les CONTR.: 1 décliner, récuser, refuser, rejeter,
faire les agréables sur l’histoire des évangiles
agrandissements. repousser.
(Voltaire).
n. m. Ce qui plaît : Joindre l’utile à 2. agréer [agree] v. tr. (de l’anc. franç.
agraphie [agrafi] n. f. (de a priv. et du gr.
graphia, de graphein, écrire ; 1877, Littré). l’agréable. agreier [XIIe s., Vie de saint Gilles], formé
Incapacité d’écrire, indépendante de tout sur le radical de l’anc. scandin. greida, équi-
agréablement [agreablm] adv. (de
trouble moteur : Même un paralysé, atteint per, arranger ; 1688, Miege). Vx. Garnir un
agréable ; XIVe s.). De façon agréable : Dis
d’agraphie après une attaque et réduit à navire de ses agrès.
des choses simples et de bon sens, et dis-les
regarder les caractères comme un dessin, agréablement (Sartre). Être agréablement
•REM. Depuis le début du XIXe s., on dit
sans savoir les lire, aurait compris que Mme surpris. GRÉER [un navire].
de Cambremer appartenait à une vieille • CONTR. : désagréablement. agrégat [agrega] n. m. (lat. aggregatum,
famille (Proust). Agraphie musicale,
part. passé neutre de aggregare, rassembler ;
agraphie qui porte sur les signes musicaux. agréé, e [agree] adj. (part. passé de
1556, R. Leblanc, écrit aggregat). 1. Matière,
agréer). 1. Jugé digne d’être admis, reconnu
agrarien, enne [agrarj, -n] adj. (de corps, ensemble dont les parties sont unies
comme valable : Une candidature, une thèse
agraire ; 1790, Babeuf, écrit agrairien ; agra- intimement et solidement entre elles : Les
agréée. 2. Spécialem. Reconnu par l’État
rien, 1796, Brunot). 1. Vx. Qui concerne savants nous disent que les minéraux [...],
ou par une administration publique : Un
les lois agraires. 2. Parti agrarien, parti que les cristallisations [...], les agrégats de
comptable agréé. Une clinique agréée par
politique favorable aux lois agraires, et, toutes sortes, sont les fruits d’un travail lent
la Sécurité sociale.
par extens., parti qui défend les intérêts et graduel de la nature (Chateaubriand).
agréé n. m. (1829, Boiste). 1. Homme de
des agriculteurs. 2. Fig. Réunion de choses ou d’êtres
loi agréé par un tribunal de commerce pour
agrariens n. m. pl. Autref., partisans du divers : Elles firent quelques pas encore,
représenter les parties : Les marchands de
partage des terres entre ceux qui cultivent puis s’arrêtèrent un moment au milieu du
drap retirés et les agréés en villégiature
le sol, et, à partir du XXe s., membres du chemin sans s’occuper d’arrêter la circula-
(Hugo). 2. Vx. Agréé d’une académie,
parti agrarien. tion des passants, en un agrégat de forme
personne admise à participer aux tra-
agréable [agreabl] adj. (de agréer ; v. 1160, vaux de certaines académies (beaux-arts, irrégulière, compact, insolite et piaillant,
Benoît de Sainte-Maure, écrit agraable). musique) sans y avoir été reçue à la suite comme un conciliabule d’oiseaux qui s’as-
1. Qui procure un plaisir physique, intel- d’un examen : Les agréés étaient menacés semblent au moment de s’envoler... (Proust).
lectuel ou moral : Une boisson, une couleur, d’être expulsés s’ils n’avaient pas mérité, • SYN.: 1 agglomérat, conglomérat.

95
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

agrégatif, ive [agregatif, -iv] adj. (de jour agrégé (Proust). C’était le culte d’une Agrémenter son discours de force gestes
agréger ; comme adj., 1320, B. de Gordon, classe, auquel j’étais fier de me sentir agrégé (Acad.).
au sens médical ; comme nom, par l’in- (Mauriac). Comment agréger à notre public • SYN.: adorner, décorer, égayer, émailler,
termédiaire de agrégation, XXe s.). 1. Vx. [...] quelques-uns de ces lecteurs ? (Sartre). embellir, enjoliver, enrichir, garnir, historier,
Formé d’un agrégat : Un être non agrégatif • SYN.: 1 agglomérer, agglutiner, assembler ; ornementer, orner, parer, rehausser, relever.
et qui soit rigoureusement un (Rousseau). 2 accueillir, adjoindre, admettre, affilier, — CONTR. : déparer, enlaidir, gâter, ternir.
2. Qui rapproche, qui réunit : Une subs- associer, attacher, incorporer, intégrer, rece-
agrès [agr] n. m. pl. (déverbal de l’anc.
tance agrégative. voir, réunir, unir. — CONTR. : 1 désagréger,
v. agreier, agréer, tiré de l’anc. scandin.
n. Fam. Personne qui prépare le concours dissocier, séparer ; 2 chasser, désunir, déta-
greida, équiper, arranger ; XIIe s., agrei,
de l’agrégation : On n’aborde pas Chimène cher, disjoindre, dissocier, écarter, rejeter,
agroi, armement, équipement en général ;
dans les mêmes termes qu’une « agrégative » séparer.
XVe s., aggrais, terme de marine ; fin du
de philosophie (Vailland). s’agréger v. pr. S’unir à un groupe, à une XIXe s., agrès, appareils de gymnastique).
société. 1. Ensemble des poulies, manoeuvres,
agrégation [agregasj] n. f. (bas lat.
aggregatio, de aggregare, rassembler ; agrément [agrem] n. m. (de agréer ; voiles et vergues d’un navire : Ancres,
1375, R. de Presles, au sens 1 ; au sens 1465, Chastellain, écrit agréement). agrès, voilures, grands mâts rompus traî-
universitaire, 1808, création du concours 1. Action d’agréer, d’approuver quelqu’un nant leurs cordages épars (Hugo). Par
d’agrégation). 1. Action d’assembler, de ou quelque chose, et, spécialem., consente- anal. Matériel de manoeuvre d’un ballon.
réunir des éléments distincts, pour for- ment accordé par un supérieur à un infé- 2. Appareils utilisés pour certains exer-
mer un tout compact ; résultat de cette rieur : Je ne voudrais pas demander cette cices de gymnastique.
action : Le granite est issu de l’agrégation faveur au maréchal sans que nous soyons • SYN.: 1 gréement.
de cristaux de quartz, de feldspath et de d’accord et que j’aie eu votre agrément
agresser [agrese] v. tr. (lat. pop. *aggres-
particules de mica. Il y a deux manières (Balzac). 2. Qualité d’une chose, d’un
sare, fréquentatif de aggredi, attaquer ;
de devenir célèbre : par agrégation de être qui les rend agréables, par laquelle ils
usuel du XIVe au XVIe s. ; repris en 1892,
succès annuels, et par coup de tonnerre plaisent : Les moeurs prenaient un agrément
Guérin, Dict. des dictionnaires). Attaquer
(Baudelaire). 2. Assemblage, réunion inconnu jusqu’alors (France). Un poème
quelqu’un d’une façon brutale et non
d’êtres ou de choses, plus ou moins homo- dont le motif, la musique, les agréments
motivée : Cette pluie tellement dense [...]
gène : Les agrégations de barques dont les et le tout procéderont de l’incident maté-
vous agressait comme par un bâillon tiède
rames s’enchevêtraient (Gautier). 3. Class. riel (Valéry). Charlie avait d’autant moins
(Céline).
Admission dans un corps constitué, dans écouté ces éloges que les agréments qu’ils
une communauté : J’ai de la peine à croire
• SYN. : assaillir, attaquer. — CONTR. :
célébraient chez sa fiancée lui avaient tou-
que vos bulles puissent être retardées par défendre, protéger, soutenir.
jours échappé (Proust). D’agrément, se dit
le défaut d’agrégation (Bossuet). Lettres de ce qui est destiné à plaire, par opposition
• REM. Bien que peu usité de nos jours et
d’agrégation, lettres accréditant auprès à ce qui est fait dans un dessein utilitaire : condamné par certains grammairiens,
d’une compagnie. 4. Concours pour le Jardin d’agrément. Voyage d’agrément. cet ancien verbe, correctement formé,
recrutement des professeurs de lycée et de Livre d’agrément. Arts d’agrément, arts mérite de survivre.
certaines facultés (droit, médecine, phar- que l’on cultive surtout pour son plaisir, agresseur [agrsoer] n. m. et adj. (bas
macie) : Il s’est fait « coller » à l’agrégation comme le dessin, la musique, la danse, etc. lat. aggressor ; début du XVe s.). Celui qui
(Romains). • SYN. : 1 acceptation, accord, acquiesce- attaque sans avoir été provoqué : L’agresseur
agrégé, e [agree] adj. (part. passé ment, adhésion, approbation, assentiment, a presque toujours le bénéfice de la surprise
de agréger ; 1808, au sens universitaire). autorisation, consentement, permission ; 2 (Aymé). La plupart des Allemands, beau-
Composé de plusieurs éléments formant attirance, attrait, charme, gentillesse, grâce, coup de Belges, de Français, pensaient ainsi,
un tout homogène : Une espèce de trèfle séduction. — CONTR. : 1 blâme, condam- et se bornaient à chercher une définition
[...] porte, en plus, des semences agré- nation, désapprobation, désaveu, refus, claire, incontestable, de l’État agresseur
gées en forme de fraises (Bernardin de réprobation. (Martin du Gard).
Saint-Pierre). agréments n. m. pl. 1. Class. et littér. • SYN. : assaillant, attaquant. — CONTR. :
adj. et n. Qui a été admis par concours Ce qui agrémente ou rend plus agréable ; défenseur, protecteur.
à enseigner dans les lycées ou dans cer- ornements d’un vêtement, d’un meuble : • REM. Ce mot n’a pas de féminin.
taines facultés : Un professeur agrégé. Un Si vous pouvez, ma chère bonne, avec les
agréments de Pauline, emprunter de quoi agressif, ive [agrsif, -iv] adj. (de agres-
agrégé, une agrégée. Or, Ferrol [...], agrégé
dégager cette pauvre fille (Sévigné). Les sion, d’après le lat. aggressus, part. passé
d’histoire à vingt-sept ans [...], malgré sa
de aggredi, attaquer ; av. 1793, Barnave).
chute politique possédait à Shanghaï une buveurs [...] avaient l’air sans souci, bons
1. Se dit d’une personne qui est naturel-
puissance et un prestige au moins égaux à vivants, avec des rubans à leur fouet et
des agréments plein leur blouse (Vallès). lement portée à attaquer : Un interlocu-
ceux du consul général de France (Malraux).
teur agressif. Élisabeth, d’abord farouche,
2. Class. Manières agréables, politesses :
agréger [agree] v. tr. (lat. aggregare, ras- agressive, s’était en fin de compte laissé
[Mlle de Chartres] fut reçue des reines avec
sembler, de grex, gregis, troupeau ; 1495, vaincre (Cocteau). 2. Qui a un caractère
tous les agréments qu’on peut imaginer
J. de Vignay). [Conj. 1 et 5.] 1. Réunir en d’agression ou de provocation : Il restait
(La Fayette). 3. Class. Divertissement
un tout des éléments initialement dis- entre ces deux anciens amis un ton agres-
de danse et de musique qui accompagne
tincts : Elle [la nature] agrège dans le sein sif, une sourde antipathie qui ne les avait
une pièce de théâtre : « Le Bourgeois gentil-
de la terre les grains de sable en cristaux homme » avec tous sesagréments (annonce, jamais séparés, mais éclatait dans leurs
(Bernardin de Saint-Pierre). 2. Unir un regards, leurs moindres paroles... (Daudet).
dans le Mercure de France, févr. 1728).
individu à un groupe, l’admettre dans une Meaulnes marchait vers lui d’un air agressif
• SYN.: 1 enjolivements, fanfreluches.
société, un corps constitué : Vous savez (Alain-Fournier). Par extens. Qui éveille,
que votre petit groupe de jeunes filles de agrémenter [agremte] v. tr. (de agré- provoque le désir : Une coquetterie agres-
Balbec a toujours été la cellule sociale qui ment ; 1801, Mercier). Relever par des sive (Maupassant). 3. Qui choque par
a exercé sur moi le plus grand prestige, ornements : Un corsage de taffetas gris, une certaine outrance : Grands chapeaux
auquel j’ai été le plus heureux d’être un agrémenté de velours noir (Gautier). agressifs (Colette). La coque, au-dessous de

96
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

la ligne de flottaison, était peinte en vert, d’oeuvre que font les sillons et les prairies de • SYN.: s’accrocher, s’agriffer, secramponner,
d’un vert agressif de jeune pousse (Martin Guernesey (Hugo). L’enseignement agricole. se raccrocher.
du Gard). 4. Littér. Qui provoque une • SYN.: 1 et 2 paysan, rural. agro- [agr], élément tiré du gr. agros,
sensation désagréable : De toutes les portes n. m. Vx. Agriculteur : Choiseul est agri- champ, et entrant comme préfixe dans la
cochères s’exhalait une agressive odeur cole et Voltaire est fermier (Voltaire). formation de mots composés.
de térébenthine et de vernis (Duhamel).
5. Spécialem. Se dit d’un symptôme agriculteur [agrikyltoer] adj. et n. m. (lat. agrologie [agrli] n. f. (du préf. agro-
pathologique ou d’une maladie qui se agricultor, de ager, champ, et cultor, qui et du gr. logos, science ; milieu du XIXe s.).
manifeste d’une façon brutale et violente. cultive ; 1495, J. de Vignay). Qui cultive Étude des terres dans leurs rapports avec
la terre : Les Anglais, jusqu’au XVIIe siècle, l’agriculture.
• SYN.: 1 batailleur, belliqueux, combatif,
furent des peuples chasseurs et pasteurs plu-
provocant, provocateur, querelleur, vio- agrologique [agrlik] adj. (de agrolo-
tôt qu’agriculteurs (Voltaire). Quelle belle
lent ; 3 provocant, violent. — CONTR. : 1 et gie ; milieu du XIXe s.). Relatif à l’agrologie.
vie, comme celle de l’agriculteur et du moine
2 accommodant, bienveillant, calme, doux,
[...], qui est tout entière attachée à l’exploi- agromane [agrman] n. et adj. (du
modéré, paisible, pondéré ; 3 discret, effacé,
tation des saisons ! (Claudel). préf. agro- et du gr. mania, folie ; milieu
sobre.
du XIXe s.). Personne qui a la passion de
agriculture [agrikyltyr] n. f. (lat. agricul-
agression [agrsj] n. f. (lat. aggressio, l’agriculture : La truffe, cette végétation
tura, de ager, champ, et cultura, culture ; sourde et mystérieuse de Cybèle, cette
attaque ; 1468, Chastellain). Attaque non
milieu du XIVe s.). Ensemble des travaux du maladie savoureuse qu’elle a cachée dans
provoquée et subite : Le rapt de la Silésie
sol nécessaires à la culture des végétaux et ses entrailles plus longtemps que le métal
eut les mêmes conséquences que l’agression
à l’élevage des animaux destinés à la nour- le plus précieux, cette exquise matière qui
contre la Belgique (Bainville).
riture de l’homme : L’agriculture, qui est le défie la science de l’agromane (Baudelaire).
• SYN.: attaque, attentat.
fondement de la vie humaine, est la source
agressivement [agrsivm] adv. (de de tous les vrais biens (Fénelon). Ministère agronome [agrnm] n. m. (gr. agro-
agressif ; 1866, Larousse). De manière de l’Agriculture. Écoles nationales, régio- nomos, de agros, champ, et nomos, loi,
agressive : Tout mon passé, ce matin nales d’agriculture. par l’intermédiaire du lat. médiév. ; 1361,
Oresme). Spécialiste versé dans l’étude des
encore tolérable, s’était durci agressivement
agriffer (s’) [sagrife] v. pr. (de à et de grif- terres cultivables, en vue de perfection-
(Arnoux).
fer ; XVe s., Dict. général). 1. S’accrocher avec ner les méthodes de culture : Le comte ne
agressivité [agrsivite] n. f. (de agressif ; les griffes (vieilli) : Un chat qu’on effarouche paraissait-il pas homme de sens, bon admi-
1875, le Temps, Littré). 1. Caractère agressif saute, s’agriffe à la tapisserie (Furetière). nistrateur, excellent agronome ? (Balzac).
ou dispositions agressives : L’occupant est 2. S’accrocher comme avec des griffes, se Ingénieur agronome, ingénieur diplômé
en butte à l’agressivité de la population. retenir avec les mains : Constantin s’agrif- de l’Institut national agronomique.
2. Spécialem. Forme de déséquilibre psy- fait aux vantaux (Adam).
agronomie [agrnmi] n. f. (de agro-
chologique se traduisant par une hostilité • SYN. : 1 et 2 s’accrocher, s’agripper, se
nome ; 1361, Oresme). Ensemble des
permanente du sujet à l’égard de son entou- cramponner.
sciences et des principes qui régissent la
rage : L’agressivité est souvent le résultat
agrion [agrij] n. m. (empr. savant du gr. pratique de l’agriculture : Encore deux ans
d’un complexe.
agrios, neutre agrion, sauvage ; début du d’une agronomie pareille, leur fortune y
• SYN. : 1 combativité, hargne, hostilité, passait (Flaubert).
XIXe s.). Petite libellule bleue ou bronzée,
inimitié, malveillance. — CONTR. : 1 bien-
communément appelée demoiselle. agronomique [agrnmik] adj. (de agro-
veillance, cordialité, courtoisie, mesure,
modération, pondération. agriote [agrijt] n. m. (du gr. agrios, sau- nomie ; XVIIIe s., Dict. général). Qui se rap-
vage ; milieu du XIXe s.). Genre de coléop- porte à l’agronomie : Science agronomique.
agreste [agrst] adj. (lat. agrestis, de Institut national agronomique, établis-
tères, dont la larve est nuisible aux cultures
ager, champ ; XIIIe s., Dict. général). 1. Qui sement qui forme les cadres supérieurs de
de céréales.
appartient, qui a rapport aux champs, à la l’agriculture.
campagne : Un monde infini d’insectes, de agripaume [agripom] n. f. (bas lat. agri-
palma ; 1539, R. Estienne, écrit agripaulme). agrostide [agrstid] ou agrostis
papillons, d’oiseaux agrestes (Fromentin).
Plante labiée à fleurs pourpres ou blanches, [agrstis] n. f. (du gr. agrôstis, chiendent ;
Cette agreste odeur d’herbes écrasées
dite aussi patte-de-sorcier. début du XIXe s.). Plante herbacée vivace,
(Colette). 2. Qui pousse en pleine
de la famille des graminacées : L’herbe à
nature, n’est pas cultivé : Plantes agrestes.
agripper [agripe] v. tr. (de à et de grip- Guernesey, c’est l’herbe de partout, un peu
3. Class. Non policé, sauvage : Tous les
per, saisir, accrocher ; XVe s., Dict. général). plus riche pourtant [...] : vous y trouvez [...]
étrangers ne sont pas barbares, et tous nos
Saisir vivement, avidement et retenir fer- l’agrostide, qui donne une teinture verte
compatriotes ne sont pas civilisés, de même mement : Leurs mains agripperont vivement (Hugo).
que toute campagne n’est pas agreste et toute le cadeau, et ils s’enfuiront comme font les
ville n’est pas polie (La Bruyère). 1. agrouper [agrupe] v. tr. (de à et de
chats qui vont manger loin de vous le mor-
• SYN. : 1 bucolique, champêtre, pasto- groupe ; 1676, Félibien). Class. Disposer
ceau que vous leur avez donné (Baudelaire).
ral, rural, rustique. — CONTR. : 1 citadin, en groupe les éléments d’une oeuvre d’art
Pour agripper le sommet du mur, il n’eut
urbain. (peinture, sculpture, architecture) : Les
recours à l’aide de personne (Gide).
contrastes savants des membres agroupés
agricole [agrikl] adj. (lat. agricola, • SYN. : accrocher, attraper, happer. — [...], tous formés l’un pour l’autre avec exac-
laboureur, de ager, champ, et colere, culti- CONTR. : lâcher.
titude (Molière).
ver ; 1361, Oresme, au sens de « agricul- s’agripper v. pr. S’accrocher fermement,
2. agrouper (s’) v. pr. (autre forme de
teur » [jusqu’au XVIIIe s.] ; adj., au sens de vivement à quelque chose (au pr. et au fig.) :
s’accroupir ; XIIe s.). Vx. Se ramasser, en
« qui s’adonne à l’agriculture », milieu du Il s’agrippe d’une main au bord de la car-
parlant d’un cheval : Le cheval s’agroupe
XVIIIe s.). 1. Qui s’adonne à l’agriculture : lingue (Martin du Gard). À l’une d’elles [des
pour sauter un obstacle.
Une nation agricole. 2. Qui concerne faces d’une maison] s’agrippait un myrte
l’agriculture : Les comices agricoles de double étoilé de ses fleurs comme un firma- agroville [agrvil] n. f. (du gr. agros,
France et d’Angleterre couronnent les chefs- ment (Colette). champ, et de ville ; 1951, Larousse). En

97
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

U.R.S.S., groupe d’habitations et d’exploi- • SYN. : agaçant, provocant, séduisant. physique pénible : Le bon maître huchier,
tations rurales. — CONTR. : froid, indifférent, rebutant, pour finir un dressoir, | Courbé sur l’établi
repoussant. depuis l’aurore ahane (Heredia). Des collies
agrumes [agrym] n. m. pl. (de l’ital.
reviennent de la cave, ahanant, l’épaule
agrume, désignation collective des oranges, aguicher [agie] v. tr. (de à et de l’anc.
écrasée par un large bambou où sont sus-
mandarines et citrons, dér. de l’adj. agro, franç. guiche, courroie [XIe s.] ; 1842, E. Sue).
Fam. Chercher à séduire quelqu’un par des pendues de nouvelles caisses de cartouches
acide ; 1739, De Brosses, écrit agrumi ;
artifices, de la coquetterie, des agaceries : (Malraux). 2. Littér. Accomplir un grand
1922, Larousse). Nom collectif désignant
Cette petite Lydie aguiche mes acteurs dans effort intellectuel : Mais cet autre poète est
les citrons, les oranges, les mandarines, les
sa loge (France). bien plein de ferveur [...] | Ahane dans son lit
pamplemousses.
•SYN. : agacer, émoustiller, provoquer. — et marmotte tout seul (Th. de Viau).
agrume n. m. Prune employée pour faire
les pruneaux d’Agen. CONTR. : rabrouer, rebuter, repousser. ahanier [aanje] n. m. (de ahaner, au sens
s’aguicher v. pr. Vx et fam. Se quereller, anc. de « labourer, travailler la terre » ;
agrypnie [agripni] n. f. (gr. agrupnia, de
se taquiner : Le comte et le chevalier étaient milieu du XIIIe s.). Dialect. Laboureur :
agrein, rechercher, et hupnos, sommeil ; déjà en train de s’aguicher à propos du jeune Monseigneur, vous êtes béni du bon Dieu
1866, Larousse). Insomnie (rare) : Plus vicomte Adolphe (Richepin). pour avoir été doux et humain aux pauvres
tard, quand nous aurons jugulé les crises
ahaniers (Sand).
et l’agrypnie, je veux bien que vous preniez aguicherie [agiri] n. f. (de aguicher ;
quelques potages, puis des purées, mais tou- début du XXe s.). Fam. Action d’aguicher, de aheurté, e [aoerte] adj. et n. (part.
jours au lait, au lait (Proust). provoquer quelqu’un par des coquetteries, passé de s’aheurter). 1. Class. Entêté : Les
des agaceries : Il aurait suffi de quelques expériences les plus vulgaires suffisent
aguerrir [agerir] v. tr. (de à et de aguicheries et de quelques oeillades pour pour convaincre les aheurtés (Cyrano).
guerre ; 1535, de Selve ; sens fig., XVIIe s.). produire cet effet (H. de Régnier). 2. Littér. Se dit de personnes qui se
1. Habituer aux fatigues, aux périls de dressent l’une contre l’autre, dont les goûts,
aguicheur, euse [agioer, -øz] adj. et n.
la guerre : Aguerrir une armée par de
(de aguicher ; adj., 1900, Willy). Fam. Qui les caractères sont opposés : Ces deux êtres
fréquentes expéditions (Littré). 2. Fig.
aguiche : Luce [...] me tire par la manche sont restés toute leur vie déplorablement
Habituer aux choses pénibles : Qu’était aheurtés l’un à l’autre (Gide).
avec son sourire le plus aguicheur (Colette).
devenue cette nature de bronze dont les
nerfs aguerris par trois évasions avaient ah ! ou ha ! [a] interj. (onomatop. : de aheurtement [aoertm] n. m. (de
atteint à la solidité métallique des nerfs du a ! ; v. 1050, Vie de saint Alexis). 1. Sert aheurter, ahurter ; XIIe s., Psautier de
sauvage (Balzac). à exprimer divers sentiments, comme la Cambridge, écrit ahurtement).) Class.
joie : Ah ! quel plaisir ! ; la douleur : Ah ! Action de s’aheurter à une résolution, de
• SYN. : 1 entraîner, exercer ; 2 cuirasser,
endurcir, fortifier, tremper. — CONTR. : 1 que vous me faites mal ! ; l’admiration : Ah ! s’obstiner : Je doute fort qu’une simplicité
aveulir ; 2 amollir, efféminer. que c’est beau ; la pitié : Ah ! que je vous accompagnée d’un tel aheurtement et de
plains ! ; l’impatience : Ah ! que vous êtes tant d’opiniâtreté doive être traitée de bonne
s’aguerrir v. pr. Devenir plus résistant,
lent ! 2. S’emploie souvent pour donner foi (Bourdaloue).
plus robuste, plus audacieux ; s’accoutu-
plus d’énergie à la phrase : Ah ! ne croyez
mer à quelque chose de dangereux ou de aheurter (s’) [saoerte] v. pr. et être
pas cela ; pour introduire une nouvelle idée,
pénible. aheurté [traoerte] v. passif [à] (de à et
un nouvel épisode dans le déroulement
de heurter ; XIIe s., Aliscans, écrit ahur-
aguerrissement [agerism] n. m. (de d’un discours : Ah ! j’allais oublier de vous
ter). Class. et littér. 1. S’arrêter, être arrêté
aguerrir ; milieu du XVIe s.). Action d’aguer- dire... 3. Répété, marque la surprise ou
devant un obstacle (au pr. et au fig.) : Il y
rir ou de s’aguerrir ; résultat de cette action. l’ironie : Ah ! ah ! Vous m’en direz tant ! ; le
a des obscurités [dans le christianisme] et
rire : [Covielle :] Ah ! ah ! ah ! — [Cléonte :]
aguet [ag] n. m. (déverbal de agai- sans cela, on ne serait pas aheurté à Jésus-
De quoi ris-tu ? (Molière).
tier, comp. de à et de gaitier, forme anc. Christ (Pascal). 2. Class. Persévérer dans
n. m. invar. : Pousser des oh ! et des ah !
de guetter ; 1155, Wace, écrit agait et au une opinion, une résolution, s’obstiner à
sens de « embuscade » [jusqu’au XVIIe s.]).
• REM. La forme ha !note généralement
quelque chose : Ne vous aheurtez point à
1. Class. Embuscade tendue à quelqu’un : une exclamation plus brève et s’emploie
soutenir cet homme de Marseille dont on
plutôt pour marquer la surprise : Ha !
Quand l’aguet d’un pirate arrêta leur voyage a dit du mal (Sévigné). Votre belle-mère
vous voilà ! (Acad.). Ha ! ha ! Monsieur
(Malherbe). 2. Class. et fig. Artifice subtil avait envie que je vous fisse religieuse [...]
est persan (Montesquieu). Elle s’emploie
imaginé pour nuire à quelqu’un ou pour le et de tout temps elle a été aheurtée à cela
aussi, plutôt que ah !,pour marquer le rire
réduire à sa merci : Exposé aux aguets des (Molière).
ou l’ironie : Ha, ha, ha ! Que me contez-
rusés séducteurs (Molière).
vous là ? ahi ! [ai] interj. (onomatop. ; 1080, Chanson
Aux aguets loc. adj. ou adv. Sur ses de Roland). Class. Exclamation marquant
gardes, aux écoutes, pour observer, sur- ahan [a] n. m. (déverbal de ahaner ; Xe s.,
la surprise ou la douleur et employée sur-
prendre : La panthère aux aguets rampe Vie de saint Léger, écrit aan ; ahan, v. 1050,
tout dans la comédie : « Ah ! ah ! Coquins,
en arquant le dos (Leconte de Lisle). Nous Vie de saint Alexis).) Vx et littér. Effort phy-
sique pénible : Il était si fatigué que, chaque que faites-vous ici ? Il y a trois heures que
restâmes tous debout, aux aguets, l’oreille nous vous cherchons. — Ahi ! Ahi ! Ahi !
tendue (Alain-Fournier). fois qu’il montait sur un trottoir, il avait une
sorte d’ahan (Montherlant). L’erreur [...], vous ne m’aviez pas dit que les coups en
agueusie [agøzi] n. f. (de a priv. et du gr. c’est de travailler là-dessus à contresens et seraient aussi. » (Molière).
geusis, goût ; 1928, Larousse). Diminution à grand ahan comme un butor (Romains). • REM. Aujourd’hui, cette interjection est
marquée du sens gustatif. (On écrivait remplacée par aïe !, qui a les mêmes sens.
ahaner [aane] v. intr. (origine incer-
naguère AGUEUSTIE [1878, Larousse].)
taine ; peut-être d’un bas lat. *afannare, ahuri, e [ayri] adj. et n. (part. passé de
aguichant, e [agi, -t] adj. (part. prés. probablem. formé sur le substantif afan- ahurir).) Fam. Troublé au point de perdre
de aguicher ; av. 1860, Gal de Rumigny). nae, bagatelles, situation embrouillée, ou la tête et de paraître stupide, ridicule :
Fam. Qui cherche à séduire, qui provoque sur l’onomatop. han, qui marque l’effort ; Alban ahuri erra toute la journée par la
par des artifices ou des coquetteries : Une XIIe s., Chr. de Troyes). 1. Class. (déjà vx ville (Montherlant). Un homme pressé le
femme aguichante. au XVIIe s.) et littér. Accomplir un effort bouscula en le traitant d’ahuri (Aymé).

98
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

adj. Qui marque l’étonnement, le trouble, livrer la ville avec l’aide des bonapar- officier chargé de seconder le major : A
la consternation : Il prenait petit à petit un tistes (France). Des douleurs au cou [...] la tombée de la nuit du 30 juillet, à peu
air absent et ahuri (Duhamel). l’avaient forcé [...] à demander l’aide du près à la même heure où la commission des
• SYN. : abasourdi, ébahi, effaré, interdit, Père Paneloux (Camus). Appeler à l’aide, députés partait pour Neuilly, un aide-major
médusé, stupéfait. — CONTR. : impassible, appeler au secours : Va ! dis au meurtrier fit annoncer aux troupes que les ordon-
imperturbable, serein. qu’il appelle ses Dieux à l’aide (Leconte nances étaient rapportées (Chateaubriand) ;
de Lisle). Ellipt. A l’aide !, au secours ! ancienne appellation des médecins sous-
ahurir [ayrir] v. tr. (de à et de hure, pro-
Prêter, offrir son aide à quelqu’un, lui lieutenants et lieutenants.
prem. « tête hérissée » ; 1270, Godefroy).
porter secours, le seconder en une circons- • SYN.: 1 et 2 adjoint, assistant, auxiliaire,
Vx et littér. 1. Plonger dans une sorte de
tance où il ne peut réussir par ses propres second.
torpeur : Le destin nous ahurit par une pro-
moyens : L’imposant serviteur [...] m’offre • REM. Les mots composés par juxtaposi-
lixité de souffrances insupportables (Hugo).
son aide, pour quitter mon manteau fourré tion prennent un trait d’union : un aide-
2. Fam. Étourdir par un grand bruit : Un
(Colette). Vx. Dieu vous soit en aide !, loc. maçon (mais un aide de camp). Ceux qui
marchand des quatre-saisons qui ahurissait
dont on se servait au XVIIe et au XVIIIe s., sont formés du nom aide,au sens de « per-
le quartier en hurlant : « Les pommes de
quand quelqu’un éternuait, pour conjurer sonne qui aide », prennent la marque du
terre ! » (Courteline). 3. Fam. Étonner
le mauvais sort : Toute ma conversation se pluriel aux deux éléments ou seulement
profondément quelqu’un au point de lui
passe à dire : « Grand merci » à ceux qui me au premier, selon le sens : des aides-méca-
faire perdre la tête : Vous l’ahurissez par
disent : « Dieu vous soit en aide » (Guez de niciens, des aides de camp.
vos questions saugrenues.
Balzac). 2. Spécialem. Action de secou-
• SYN.: 2 abasourdir, abrutir ; 3 déconte- aideau [do] n. m. (de aider ; 1743,
rir une personne dans la gêne, le besoin :
nancer, effarer, interloquer, méduser, stu- Trévoux). Pièce de bois qu’on passe dans
Venir en aide à ceux dont les ressources sont
péfier. — CONTR. : 3 rasséréner, rassurer, les ridelles d’une charrette pour soutenir
insuffisantes.
remettre. la charge.
• SYN.: 1 appui, assistance, collaboration,
ahurissant, e [ayris, -t] adj. (part. concours, coopération, main-forte, secours, aide-mémoire [dmemwar] n. m. invar.
prés. de ahurir ; 1866, Larousse). 1. Fam. soutien ; 2 aumône, charité, secours, sub- (de aider et de mémoire ; milieu du XIXe s.).
Qui ahurit, stupéfie, étourdit : Elles firent side. — CONTR. : 1 abandon, entrave, gêne, Ouvrage présentant un résumé de faits,
leur entrée [...], quatre petites créatures, opposition, tort ; 2 dommage, préjudice. ou les données et les formules principales
dans des toilettes ahurissantes (Loti). Une A l’aide de loc. prép. 1. Class. Avec le d’une science, pour faciliter un effort
nouvelle ahurissante. 2. Qui trouble concours de quelqu’un : Que tu sais bien, de mémoire, généralement en vue d’un
l’esprit, déconcerte ; incompréhensible : Racine, à l’aide d’un acteur, | Emouvoir, examen.
Ces nombres, ces tableaux, ces graphiques étonner, ravir un spectateur (Boileau).
ahurissants dont les régimes politiques de aider [de] v. tr. (lat. adjutare, aider ;
2. Au moyen de, grâce à quelque chose :
1080, Chanson de Roland, écrit aidier).
ce temps, en particulier, font usage dans le A l’aide de ces procédés expéditifs et péremp-
dessein d’intimider les nigauds (Duhamel). 1. Apporter son concours à quelqu’un,
toires, il [Goya] couvrait en un ou deux
joindre ses efforts à ceux d’un autre en
• SYN.: 1 ébouriffant, effarant, étourdissant, jours une trentaine de pieds de muraille
vue d’atteindre un but : Nous l’aidâmes à
stupéfiant ; 2 déconcertant, déroutant. (Gautier).
mettre sa barque à flot, et nous partîmes
ahurissement [ayrism] n. m. (de ahu- aides n. f. pl. 1. Sous l’Ancien Régime, (Lamartine). Dieu aidant, avec l’aide de
rir ; 1866, Larousse). État d’une personne subsides accordés au roi à titre de secours Dieu. 2. Absol. Servir : J’aidai à bord pour
ahurie : Il avait un beau sourire de cuistre temporaires, qui devinrent plus tard des payer ma place (Vallès). 3. Spécialem.
devant l’ahurissement de Félicité (Flaubert). impôts réguliers (boissons, tabac, etc.) : Apporter son aide matérielle, pécuniaire
• SYN. : abasourdissement, ébahissement, Il me fit entendre qu’il cachait son vin à à une personne ou à une collectivité : Une
effarement, saisissement, stupéfaction. — cause des aides (Rousseau). Les contri- oeuvre de charité qui aide et assiste les indi-
CONTR.: calme, impassibilité, indifférence, butions indirectes ont remplacé les aides gents. 4. (avec un sujet désignant une
sérénité. (Littré). Cour des aides, cour souveraine chose) Contribuer à produire tel effet,
qui jugeait en dernier ressort des affaires favoriser : La fatigue aidant, on perd sur
1. aï [ai] n. m. (mot d’une langue indi- contentieuses relatives à ces impôts. soi-même tout contrôle (Gide). Les chaleurs
gène du Brésil ; 1558, Thevet, écrit haiit). 2. Moyens dont se sert le cavalier pour aideraient l’épidémie (Camus). 5. (avec
Mammifère de l’Amérique du Sud, encore diriger son cheval : mains, jambes, cra- un sujet désignant une chose) Apporter
appelé bradype ou paresseux. vache, etc. une contribution pécuniaire à quelqu’un :
2. aï [ai] n. m. (de l’interj.aïe !, exprimant Enfin, ça l’aide peut-être à acheter quelques
2. aide [d] n. (même étym. qu’à l’art. pré-
la douleur ; 1863, Littré). Affection des ten- céd.). 1. Personne qui en assiste une autre livres (Mauriac).
dons, qui arrache un cri au malade quand dans un travail, une fonction : Une physio- • SYN.: 1 assister, épauler, seconder, soute-
on touche le point sensible. nomie truculente et formidable comme les nir ; 3 secourir, subventionner. — CONTR. :
3. aï [ai] n. m. (du nom d’une ville fran- peintres aiment à en donner aux bourreaux 1 abandonner, desservir, gêner, s’opposer à.
çaise de la Marne [orth. actuelle : Ay] ; 1736, et à leurs aides (Gautier). L’aide portait les v. tr. ind. [à]. 1. Contribuer efficacement
Voltaire). Vin d’un cru de Champagne : [Le truffes avec un panier de raisins (Musset). à quelque chose, favoriser une action,
peuple] Pour qui nos fontaines | Versent, Aide de camp, officier attaché au ser- un effet, une entreprise : On cherchait
toujours pleines, le beaune et l’aï (Béranger). vice personnel d’un chef militaire. Aide quelqu’un pour aider à dénouer la crise. Par
familiale, femme s’occupant des enfants votre concours vous avez aidé à la solution
aiche, èche ou esche n. f. V. ÈCHE.
et des soins du ménage en cas d’empêche- du problème. Cette révélation a beaucoup
1. aide [d] n. f. (déverbal de aider ; 842, ment de la mère. 2. Spécialem. Suivi d’un aidé à la découverte de la vérité. 2. Class.
Serments de Strasbourg, sous la forme nom complémentaire qui lui est joint par et littér. Venir en aide à (avec un complé-
aiudha ; aïe, XIe-XIIIe s. ; aide, XIIIe s.). un trait d’union, aidedésigne la personne ment désignant un être animé) : Aucun
1. Action d’aider quelqu’un, de lui prê- chargée de seconder un supérieur dans tel n’aide aux chevaux à se tirer d’affaire (La
ter assistance pour faire quelque chose : métier, telle profession : Aide-comptable, Fontaine). Il est de ceux | Que jadis le César
On venait d’arrêter un général allemand aide-maçon, aide-cuisinier, etc. Aide- souabe à barbe rousse | Emmena pour aider
qui s’était introduit [...] dans Paris pour major, dans l’armée de l’Ancien Régime, aux chrétiens angoisseux (Leconte de Lisle).

99
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

s’aider v. pr. S’aider de quelque chose, vues pénétrantes et perspicaces. 2. Par la porte de l’étable, la senteur aigre de la
s’en servir en vue de faciliter une action, anal. Aigle de mer, ou simplem. aigle, nom chèvre passait (Zola). 3. Par anal. Se dit
une entreprise : S’aider d’un dictionnaire d’une raie à larges nageoires pectorales. d’une couleur désagréable à l’oeil par son
pour traduire un texte. 3. Fig. Esprit supérieur : J’ai parlé comme ton criard : Une chemise de soie rouge aigre,
• REM. Aider quelqu’un, aider à quelqu’un. un moineau qui ne doit pas juger les aigles violacée (Gide). Se dit d’un son perçant et
Ces deux constructions étaient égale- de son pays (Voltaire). L’Aigle de Meaux, aigu, désagréable à l’oreille : L’on était sans
ment correctes à l’époque classique, où surnom de Bossuet, évêque de Meaux. cesse étourdi par la voix aigre des femmes
l’on employait plus volontiers la seconde ; Fam. Ce n’est pas un aigle, il est médio- (Flaubert). Un secrétaire [...] lisait d’une
elle est devenue maintenant un provin- crement intelligent. 4. Emblème ou déco- voix aigre le procès-verbal (France). Se
cialisme ou une tournure vieillie : Le ration de certains ordres de chevalerie ; dit d’un vent, d’un air vif et mordant : Il
marquis lui avait aidé à remonter (La monnaie représentant un aigle : L’Aigle noir faisait un petit froid aigre du mois de mars
Varende). de Prusse. L’Aigle blanc de Pologne. Aigle (Daudet). 4. Fig. Se dit de propos désa-
d’or, ancienne monnaie américaine, por- gréables et cinglants, ou de celui qui les
aïe ! [aj] interj. (onomatop. ; 1473, tant un aigle au revers. 5. Pupitre d’église tient : La séance fut assez vive. Le prince
Documents hist.). Cri de douleur ; excla- surmonté d’un aigle. 6. Grand aigle, petit de Castelcicala fut extrêmement aigre
mation exprimant la surprise, le désagré- aigle, formats de papier ou de carton aux (Chateaubriand). Je reçus en rentrant au
ment, etc. : Aïe ! aïe ! Tenez, voilà que ça dimensions de 0,74 m x 1,05 m et 0,60 m logis les plus aigres remontrances de Thérèse
commence ! (Daudet). x 0,94 m. (France). Il rougit fortement de l’observa-
aïeul, e, plur. aïeuls, es [ajoel] n. (lat. n. f. 1. Femelle de l’oiseau de proie : tion de Mme Verdurin, observation qui lui
pop. *aviolus, dimin. du lat. class. avus, L’aigle est furieuse quand on lui ravit ses fut faite d’un ton aigre (Proust). 5. Class.
avia ; XIIe s., écrit aiuel ; à partir du XVIe s., aiglons (Acad.). 2. Enseigne militaire ou Violent, emporté et cinglant : Tout ce que
aïeul est remplacé par grand-père). 1. Vx nationale représentant un aigle : Les aigles la passion peut inspirer de plus violent et
et littér. Le grand-père, la grand-mère : romaines. L’aigle napoléonienne. L’aigle de plus aigre (Racine).
Tous ses fils regardaient trembler l’aïeul germanique. 3. Figure héraldique qui • SYN.: 1 acide, âcre, sur.
farouche (Hugo). L’aïeul ouvrit le livre représente un aigle.
adv. D’une façon perçante : Le grand
saint et lut avec solennité un chapitre des • REM. Aigle est du masculin quand il bruit [du vent] augmentait. Il y avait des
évangiles, puis un psaume (Gide). Toute la désigne l’oiseau mâle, au sens figuré, moments où ça sifflait aigre et strident
fortune de mon aïeule ne dépassait pas cinq et dans les expressions Aigle blanc de (Loti).
mille livres de rente, dont l’aîné de ses fils Pologne, Aigle noir de Prusse. Il est du
n. m. Saveur ou odeur piquante, acide :
emportait les deux tiers (Chateaubriand). féminin quand il désigne l’oiseau femelle,
Ce vin sent l’aigre. Tourner à l’aigre,
Aïeul maternel, le père de la mère. Les une enseigne militaire ou une figure
devenir aigre et, au fig., prendre un tour
aïeuls, le grand-père et la grand-mère, ou héraldique. Dans la langue classique, le
vif et mordant : Un débat s’engageait là-
le grand-père paternel et le grand-père mot était indifféremment masculin ou
dessus, qui tournait tout de suite à l’aigre
maternel. 2. Par anal. Celui qui précède féminin : Qu’avez-vous à crier comme une
(Duhamel).
et annonce une lignée de continuateurs : aigle (Mme de La Fayette).
• SYN.: 1 âcre, vert ; 3 criard ; aigu, perçant ;
Si Villon est un premier aïeul connu des aiglefin n. m. V. ÉGLEFIN. cuisant, froid, glacial, mordant, piquant,
Marot, La Fontaine, Voltaire, Béranger, etc.
aiglette [glt] n. f. (de aiglet, anc. dimin. violent ; 4 acerbe, acrimonieux, agressif,
[...], il est le dernier lui-même, à d’autres
de aigle ; XIVe s.). Figure héraldique : petite amer, âpre, cinglant. — CONTR. : 1 doux,
égards, d’une race très ancienne en France
aigle, représentée sans bec ni pieds. (On dit sucré : 3 agréable, doux, suave ; 4 affable,
(Sainte-Beuve).
aussi AIGLON et ALÉRION.) aimable, amène, bienveillant.
aïeux n. m. pl. Ceux dont on descend, les
ancêtres : Ces profondes et délicates racines aiglon, onne [gl, -n] n. (dimin. de aigre-doux, -douce [grdu, -dus] adj.
qui attachent un homme à la terre où sont aigle ; 1546, J. de Caigny). Petit de l’aigle : (de aigre et de doux ; XVIe s., Lazare de Baïf).
nés et morts ses aïeux (Maupassant). Mais pour l’aiglon, fils des orages, | Ce n’est 1. Mêlé d’aigre et de doux : Une saveur, une
• REM. Au XVIIe s., jusque vers 1660, qu’à travers les nuages | Qu’il prend son vol odeur aigre-douce. 2. Fig. Dont la dou-
on ne faisait pas de distinction de sens vers le soleil ! (Hugo). L’Aiglon, surnom ceur est feinte et laisse percer l’aigreur : Des
entre aïeuls et aïeux. Le pluriel était écrit du duc de Reichstadt, fils de Napoléon Ier paroles aigres-douces. Vidame fit un sou-
aïeuls, prononcé [ajø]. De nos jours, (titre d’un drame d’E. Rostand). rire aigre-doux et commença de se lamenter
le plur. aïeux s’est spécialisé au sens d’ (Duhamel).
adj. Class. et littér. Qui appartient ou se
« ancêtres », et celui d’aïeuls au sens de rapporte à l’aigle : Il ne resta personne | De • REM. Les deux composants prennent
« grands-parents ». la gent marcassine et de la gent aiglonne la marque du pluriel : Une parole aigre-
(La Fontaine). douce ; des paroles aigres-douces. Un vin
aigage n. m. V. AIGUAGE.
aiglon n. m. Vx. Figure héraldique, aigre-doux ; des vins aigres-doux.
aigipan n. m. V. AEGIPAN. encore appelée AIGLETTE et ALÉRION. 1. aigrefin [grf] n. m. (origine incer-
aigle [gl] n. m. (anc. provenç. aigla, du lat. aiglure [glyr] n. f. (origine incertaine ; taine ; 1670, comédies de Poisson, de
aquila, aigle ; XIIe s., Roncevaux, écrit aigle 1611, Cotgrave, écrit haglure). Ancien terme Montfleury, écrit aigre-fin ; aigrefin, 1698,
et ègle). 1. Grand oiseau de proie diurne, de fauconnerie, désignant une tache rousse Dancourt). Homme qui vit de procédés
qui vit dans les hautes montagnes : Le sur le plumage de l’oiseau. indélicats : [Le casino] m’a paru médiocre,
ruisseau n’apprend pas à couler dans sa mal fréquenté, triste à mourir, envahi par
aignel n. m. V. AGNEL. une plèbe de grippe-sous et d’aigrefins
pente, | L’aigle à fendre les airs d’une aile
indépendante (Lamartine). Nid d’aigle, aigre [gr] adj. (lat. pop. acrus, lat. class. (Duhamel).
habitation difficilement accessible ; refuge acer, acris, proprem. « pointu », puis « acide, • SYN.: escroc, fripon.
en haute montagne. Pierre d’aigle, aétite, aigre » ; 1120, Job). 1. Qui a une saveur
2. aigrefin n. m. V. ÉGLEFIN.
que l’on croyait autrefois se trouver dans les acide, piquante, désagréable au goût :
nids d’aigle. Un regard, des yeux d’aigle, Des cervoises, des laits aigres et de l’eau aigrelet, ette [grl, -t] adj. (dimin. de
un regard vif et perçant. Fig. Avoir un claire (Valéry). Des fruits aigres. 2. Qui aigre ; 1554, Tahureau). 1. D’un goût légè-
coup d’oeil d’aigle, un regard d’aigle, des a l’odeur piquante d’une chose acide : Sous rement aigre : Voici tous les fruits du verger

100
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

[...], la prune profonde, le grappillon aigre- grette de diamants, de perles, etc., bijou aigrir [grir] v. tr. (de aigre ; fin du
let de la groseille (Claudel). 2. Par anal. formé de plusieurs pierres précieuses XIIe s., Alexandre). 1. Rendre aigre : L’air
Odeur aigrelette, odeur légèrement acide et disposées en forme d’aigrette. Aigrette aigrit le vin. 2. Fig. Altérer l’humeur de
désagréable. Voix aigrelette, voix sèche de verre, faisceau de fils de verre très quelqu’un, le rendre irritable et méchant :
et fluette, avec des intonations aiguës : fins. Aigrette d’eau, petit jet d’eau en Tout ce qui lui rappelait la fête du jour l’ai-
D’un logement voisin, montait une voix forme d’aigrette. Aigrette de flammes, grissait et faisait saigner sa plaie (Hugo).
de femme, aigrelette et vibrante (Martin d’étincelles, de fusées, gerbe lumineuse 3. Class. Rendre plus violent ou plus
du Gard). 3. Fig. et fam. Qui laisse percer en forme d’aigrette : Si quelque lourd na- pénible : Pourquoi venir encore aigrir mon
l’amertume ou la mauvaise humeur : Un vire éclatait à nos yeux | Couronné tout à désespoir ? (Racine).
ton aigrelet. Des propos aigrelets. Ils ont des coup d’une aigrette de feux (Hugo). Dans • SYN.: 2 assombrir, indisposer, irriter, ulcé-
paroles aigrelettes à la façon des gens qui se le clair-obscur de l’atelier, la poussière rer. — CONTR.: 2 adoucir, calmer, rasséréner.
prétendent méconnus (Balzac). blonde s’envolait de son outil comme une v. intr. et s’aigrir v. pr. 1. Devenir aigre
• SYN.: 1 et 3 acidulé, aigre-doux. aigrette d’étincelles sous les fers d’un che- (au pr. et au fig.) : Le lait aigrit (ou s’aigrit)
• REM. Employé comme épithète, cet ad- val au galop (Flaubert). 2. Spécialem. vite avec la chaleur. Toute la tendresse qui le
jectif se place toujours après le nom. Un des effets lumineux de la décharge jetait vers elle s’aigrit soudain et fit naître en
électrique dans l’air et dans les gaz : Vous lui cette sorte de bizarre animosité passion-
aigrement [grm] adv. (de aigre ;
avez [...] des feux Saint-Elme, des bou- née (Maupassant). 2. (avec un nom de
XIIe s.). 1. Avec aigreur : Répliquer aigre-
quets d’aigrettes électriques sur la tête, chose pour sujet) Vx. Devenir plus violent
ment à quelqu’un. 2. Avec un son aigre :
dans les cheveux (Vercel). ou plus pénible : C’est l’heure où les dou-
Des trompettes sonnaient aigrement
leurs des malades s’aigrissent (Baudelaire).
(Carco). aigretté, e [grte] adj. (de aigrette ;
3. Class. S’emporter contre quelqu’un ou
1694, Tournefort, Éléments de botanique).
aigremoine [grmwan] n. f. (altér., contre quelque chose, se fâcher : Il s’aigrit
Qui porte une aigrette : Une graine, une
d’après aigre, de agrimoine, du lat. agrimo- et s’irrite contre la vertu (Fénélon). Et
semence aigrettée. Volatiles huppés, aigret-
nia, déformation de argimonia, argemonia, d’une raillerie a-t-on le droit de s’aigrir ?
tés, palmés, croasseurs, musiciens (Taine).
du gr. argemônê, sorte de pavot ; XIIIe s., (Molière).
Médicinaire liégeois, écrit agrimoine ; aigreur [groer] n. f. (de aigre ; milieu du • SYN. : 1 s’altérer, surir, tourner ; 2 s’avi-
aigremoine, début du XIVe s.). Petite plante XIVe s.). 1. État de ce qui est aigre (au pr. et ver, s’exacerber, s’exaspérer. — CONTR. : 2
à fleurs jaunes, de la famille des rosacées, au fig.) : Ce vin est trop vert : il a de l’aigreur. s’apaiser, se calmer.
que l’on rencontre à l’orée des bois. On sentait passer l’aigreur de la saison plu-
aigrissement [grism] n. m. (de aigrir ;
vieuse (Fabre). 2. En termes de gravure,
aigret, ette [gr, -t] adj. (dimin. de XVIe s., Pasquier, Recherches de France).
aigre ; XIIIe s. ; en outre n. m. jusqu’au XVIe s., défaut d’harmonie dans le degré du fini.
Action d’aigrir ; état de ce qui devient
au sens de « verjus »). Vx. Légèrement aigre : 3. Fig. Irritation, mauvaise humeur pas-
aigre (au pr. et au fig.) : L’aigrissement du
Un fruit aigret. Une odeur aigrette. sagère, provoquée par le dépit ou le ressen-
cidre. Nos honorables indignations devant
timent : Jen’en ai conservé nulle animosité,
• SYN.: aigrelet. l’attaque anglaise de Mers el-Kébir et l’ai-
nulle aigreur (Gide). 4. Class. Violence
grissement subit de nos rapports (Gide).
aigrette [grt] n. f. (provenç. aigreta, physique : Adoucir l’aigreur de ses coups (La
dérivé, par changement de suffixe, de Fontaine). 5. Class. Douleur intense ; tout aigu, ë [egy] adj. (lat. acutus, aigu, la pre-
aigron, héron ; XIVe s., sous la forme égreste, sentiment violent : colère, animosité, hos- mière syllabe étant due au croisement avec
oiseau ; au sens de « plumet », 1553, Belon). tilité : Pour adoucir l’aigreur des peines que aigre [agu et aigu ont souvent le sens de
j’endure (Maynard). L’empérieuse aigreur « aigre » du XIIIe au XVIe s.] ; 1080, Chanson
I. 1. Genre d’oiseaux, voisin du héron, de
de l’âcre jalousie (Corneille). [Elle] aura de Roland, écrit agud ; agu, XIIe-XVIe s. ;
couleur blanche, et dont la tête est ornée,
par ses aigreurs | Par son courroux, fait aigu, XIIIe s.).
chez le mâle, d’un faisceau de plumes
droites et effilées à leur extrémité : De répandre vos pleurs (Voltaire). I. 1. Vx et littér. Se dit d’une chose dont
grandes troupes d’aigrettes blanches • SYN.: 1 acidité ; 3 âcreté, acrimonie, amer- la pointe ou le tranchant très effilés sont
posaient sur la plaine des fraîcheurs de tume, animosité, humeur. — CONTR.: 3 affa- propres à percer ou à couper : La meute
neige (Neveux). 2. Par extens. Faisceau bilité, aménité, bienveillance. aux crocs aigus (Leconte de Lisle). Cette
de plumes qui orne la tête de certains oi- aigreurs n. f. pl. 1. Aigreurs d’estomac, grande bouche toujours un peu ouverte
seaux : Tous les hiboux ont deux aigrettes ou simplem. aigreurs, sensation de brû- sur des dents aiguës (Mauriac). Il coupait
de plumes, droites, de chaque côté de la lure localisée dans la région épigastrique, doucement [...], tranchant les derniers ten-
tête (Buffon). Elle faisait envoler sur sa et parfois accompagnée de régurgitations dons avec cette lame aiguë (Maupassant).
route de beaux oiseaux à aigrettes, à cause acides : Avoir des aigreurs. 2. En termes 2. Par anal. Se dit d’un angle plus petit
du panache de leur tête (Chateaubriand). de gravure, tailles où l’eau-forte a trop que l’angle droit. (V. ANGLE.) 3. Fig.
3. Faisceau de plumes ou de crins dont mordu. D’une finesse subtile, pénétrante : Un
on orne une coiffure, un dais, et parfois esprit aigu. Tu me diras qu’ils ne sont pas
la tête des chevaux : Ton front porte une aigri, e [gri] adj. et n. Se dit d’une per- tous d’un discernement aigu (Romains).
aigrette et ceint le turban vert (Hugo). La sonne que les épreuves, les déceptions ont Avoir un sens aigu de la réalité.
duchesse n’avait dans les cheveux qu’une rendue amère et irritable à l’excès : Mais les
autres s’amusaient en hommes du monde, II. 1. Se dit de ce qui produit sur les
simple aigrette qui, dominant son nez
continuaient à penser en hommes du monde sens une impression vive et pénétrante.
busqué et ses yeux à fleur de tête, avait
sur la politique, sur tout. Lui, sa famille le 2. Clair et perçant, en parlant des sons :
l’air de l’aigrette d’un oiseau (Proust). Les
trouvait « aigri » (Proust). Un raté et un Ils portaient d’énormes lyres et chantaient
cavaliers du premier Empire portaient des
aigri [...], qui reste marqué par sa vie de pion tous d’une voix aiguë un hymne à la Di-
shakos ornés de cocardes, de plaques ou
vinité de Carthage (Flaubert). Accent
d’aigrettes. 4. Touffe de soies fines qui et de brute sous-officier (Aymé).
aigu, en grammaire, accent incliné de
couronne certaines graines ou certains • SYN.: acrimonieux, amer, irrité.
droite à gauche, et notant en français un
fruits.
aigrin [gr] n. m. (de aigre ; 1863, Littré). changement de timbre (é fermé), en grec
II.1.Objet ou phénomène lumineux Jeune pommier ou jeune poirier dont les une élévation de ton. 3. Vif et perçant,
ayant un aspect voisin de l’aigrette. Ai- fruits sont aigres. en parlant du regard : Le vieux Fare-

101
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

nata degli Uberti enfonçait son regard se cristallisqit sur les fers de vos tridents propos à l’autre. Class. Sur la pointe
aigu dans la ville hérissée de créneaux (Montherlant). d’une aiguille, sur des points de détail :
(France). 4. Brusque et violente, en Elle me fait ordinairement des querelles
aiguayer [gaje] v. tr. (du provenç. aiga,
parlant d’une douleur : L’ortie aux mor- sur la pointe d’une aiguille (Ch. Sorel).
eau, passé en franç. sous la forme aigue
sures aiguës (Gautier). Par extens. Se Discuter sur des pointes d’aiguille, éle-
[fin du Moyen Âge] ; 1600, O. de Serres,
dit d’une maladie à évolution brusque ver une contestation sur un sujet sans
écrit esgayer). Vx et dialect. Laver, baigner
et rapide : La myocardite peut être aiguë importance. Passer par le trou d’une
dans l’eau : Aiguayer un cheval. Aiguayer
ou chronique. 5. Par anal. Qui s’élève aiguille, faire une chose impossible : Il est
du linge.
d’un coup à son paroxysme : Un conflit plus facile à un chameau de passer par le
• REM. Littré recommandait de pronon-
aigu. L’émotion trop aiguë n’est plus per- trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer
cer [egaje] plutôt que [gje], pour éviter
ceptible à l’intelligence (Hugo). Ces crises dans le royaume des cieux (Évangile).
une confusion avec le verbe égayer.
de désespoir aigu devaient alterner avec Fam. On le (la) ferait passer par le trou
des moments de prostration, sans quoi je aigue-marine [gmarin] n. f. (provenç. d’une aiguille, se dit d’une personne très
n’aurais pas pu les supporter (Martin du *aiga marina, proprem. « eau de mer » ; timide ou d’un poltron. 2. Par extens.
Gard). 1578, Vigenère). Variété d’émeraude d’un Mince tige de métal, de matière dure ou

bleu très pâle tirant légèrement sur le vert. de matière plastique, terminée par une
SYN.: I, 1. acéré, affilé, effilé, pointu, tran-
• Pl. des AIGUES-MARINES. pointe et qui sert à divers usages. Ai-
chant ; 3 incisif, perçant, vif. II, 1 aigre,
guille à tricoter, ou ellipt. aiguille, tige de
criard, strident, suraigu ; 2 pénétrant ; 3 cui- aiguerie n. f. V. AIGUAGE.
métal ou de matière plastique (autref. en
sant, vif. — CONTR.: I, 1 ébréché, émoussé,
aiguière [gjr] n. f. (provenç. aiguiera, buis, en os), mince et longue, qui sert à
épointé ; 3 lourd, lourdaud, obtus. II, 1
du lat. pop. *aquaria ; XIVe s.). Vase à bec exécuter les ouvrages de tricot à la main :
grave, sourd ; 2 éteint, mort, terne ; 3 chro-
et à anse, où l’on met de l’eau pour divers Ma mère [...] poussait à petits coups secs
nique, latent, sourd.
usages : Ensuite, un Nègre versait sur vos l’aiguille à tricoter (France). Aiguille à
• REM. 1. Au féminin, le tréma se place suture, aiguille utilisée en chirurgie pour
doigts l’eau aromatisée d’une aiguière
sur l’e final. (Gide). recoudre les lèvres d’une plaie par des
2. Employé comme épithète, aigu se place points de suture. Aiguille à injection,
aiguiérée [gjere] n. f. (de aiguière ;
toujours après le nom. à ponction, aiguille hypodermique, petite
XVIIe s., Voiture). Vx. Contenu d’une
aigu n. m. La partie la plus élevée de tige métallique creuse, pointue, et qui,
aiguière.
l’échelle musicale : Il [le rossignol] saute fixée à une seringue, est utilisée en méde-
• REM. On trouve encore, au XVIIe s., la
du grave à l’aigu (Chateaubriand). cine pour les injections et les ponctions.
graphie aiguerée, auj. inusitée.
Aiguille à larder, aiguille qui, en cui-
aiguade [gad] n. f. (provenç. aigada, de sine, sert à larder ou à piquer la viande.
aiguillade [gijad] n. f. (provenç. agul-
aiga, eau ; 1552, Rabelais). 1. Vx. Provision hada ; 1400, Du Cange, écrit aguillada). Vx. Aiguille de phonographe, petite tige
d’eau douce faite par les navires au cours Gaule armée d’une pointe, servant à pointue de métal fin, fixée à l’extrémité
d’un voyage : Leur voyage fut prompt, et aiguillonner les boeufs. du bras de l’appareil, et qui servait autre-
sans souffrir d’arrêts | Ou pour cause d’ai- fois à explorer les sillons tracés sur la cire
• SYN.: aiguillon.
guade ou pour raison d’escale, | Pizarre du disque, de façon à produire le son.
saluait avec un mâle orgueil | Comme d’an- aiguillage [gija] n. m. (de aiguiller ;
1877, Littré). 1. Ensemble de rails mobiles, II. Tige métallique terminée par une
ciens amis, chaque anse et chaque écueil
destiné à faire passer les wagons et les voi- pointe, et utilisée dans divers appareils
(Heredia). Faire aiguade, descendre
tures d’une voie de chemin de fer sur une mécaniques ou électromagnétiques.
à la côte pour y renouveler la provision
autre. 2. Manoeuvre de cet appareil. Aiguilles d’une montre, d’une pendule,
d’eau douce. 2. Vx. Lieu où se fait cette
3. Fam. Orientation d’une personne, d’une horloge, tige de métal qui indique
provision.
d’une entreprise dans une direction : On les heures (grande aiguille), les minutes
aiguadier [gadje] n. m. (de aiguade ; ne vous a pas adressé au bureau compétent ; (petite aiguille), les secondes (aiguille
1866, Larousse). Vx. Employé chargé de vous êtes victime d’une erreur d’aiguillage. trotteuse). Aiguille d’une balance, tige
surveiller la distribution de l’eau destinée perpendiculaire au fléau, destinée à indi-
aiguillat [gija] n. m. (provenç. agul- quer l’équilibre des deux plateaux. Ai-
à l’irrigation : L’un est un chaudronnier de
hat ; aguillat, 1558, Rondelet, Dict. général).
la ville, l’autre, un aiguadier, un paysan guille aimantée, petite lamelle d’acier en
Nom usuel des petits requins épineux du forme de losange, tournant librement sur
(Duhamel).
genre squalus.
un pivot fixé au centre du cadran d’une
aiguage ou aigage [ga] n. m. (de aigue,
aiguille [gij] n. f. (bas lat. acucula, boussole, et dont une des extrémités se
eau ; 1863, Littré). Droit de conduire de
aiguille de sapin, du lat. class. acus ; XIIe s., dirige vers le nord. Fusil à aiguille, fusil
l’eau sur son terrain à travers le terrain dans lequel la déflagration était produite
écrit aguille, forme employée jusqu’au
d’autrui au moyen d’un tuyau. (On dit aussi par une aiguille qui frappait une car-
XVIe s. ; la graphie aiguille est refaite
AIGUERIE.) touche de poudre fulminante : Tartarin
d’après aigu ; aiguille d’une voie ferrée,
aiguail [gaj] n. m. (mot poitevin, du 1834, Wexler). de Tarascon [...] était en train de démon-
verbe dialectal aigailler, « faire de la rosée », trer à quelques amateurs le maniement
I. 1. Petite tige d’acier trempé et poli, dont
extens. de « [se] répandre, [s’] éparpil- du fusil à aiguille (Daudet). Aiguille de
l’une des extrémités est pointue, l’autre
ler », empr. sous la forme s’égailler ; 1540, paratonnerre, tige de métal à l’extrémité
mousse et percée d’un trou, ou chas, et
Rabelais). Dialect. Rosée du matin sur les supérieure effilée, et par laquelle s’écoule
qui sert à coudre, à broder, etc. : Ses petites
herbes et les feuilles : Le soleil n’a pas bu l’électricité de la foudre. Aiguille d’une
mains brunes faisaient courir l’aiguille à
voie ferrée, portion de rail mobile autour
l’aiguail de la prairie (Racan). Les fleu- travers le linon (France). Tirer l’aiguille,
d’un point fixe, et qui sert à diriger un
rettes des prés, encore baignées d’aiguail coudre longuement et avec application :
train sur une autre voie.
(Pourrat). Ma mère, au mépris de tous ses Toute la journée, elle tirait l’aiguille.
serments et de l’aiguail glacé, sciait des Chercher une aiguille dans une botte de III.1.Extrémité de certains édifices,
bûches dans la cour (Colette). Vos che- foin, chercher une chose presque impos- pyramides, clochers, obélisques, ou de
vaux piaffaient sur le pavé pâle, l’aiguail sible à trouver. De fil en aiguille, d’un certains objets terminés en pointe : Là,

102
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

de blancs minarets dont l’aiguille s’élance [...] si une demi-douzaine d’aiguillettes ne aiguillonner [gijne] v. tr. (de
(Hugo). 2. Masse montagneuse se ter- suffit pas pour attacher un haut-de-chausses aiguillon ; 1160, Benoît de Sainte-Maure).
minant en pointe : Les Aiguilles-Rouges, (Molière). Pop. Lâcher, dénouer l’aiguil- 1. Piquer avec un aiguillon ou, par
près de Chamonix. Pilier laissé par lette, dénouer ses chausses pour satisfaire extens., avec la pointe d’un objet acéré :
une falaise en recul : L’aiguille d’Étre- un besoin naturel. Nouer l’aiguillette, Aiguillonner des boeufs. Les mulets que
tat. Par extens. Partie pointue de cer- faire un maléfice auquel on attribuait le l’on aiguillonnait avec la pointe des glaives
taines roches : Les aiguilles des cristaux. pouvoir d’empêcher la consommation du pliaient l’échine sous le fardeau des tentes
3. Nom usuel des feuilles linéaires mariage. Courir l’aiguillette, en par- (Flaubert). 2. Fig. Exciter ou aviver un
aiguës, rigides des conifères : Aiguille lant d’une femme, courir les aventures désir, une passion, une faculté, émoussés
de pin, de sapin. La côte rude de Caste- galantes : Une jeune fillette | Experte ou lents à s’éveiller : Aiguillonner le cou-
let [...], toute glissante d’aiguilles sèches dès longtemps à courir l’aiguillette (M. rage de quelqu’un (Littré). Aiguillonner
(Daudet). 4. Nom de diverses sortes de Régnier). 2. Par extens. et vx. Cordon, une mémoire paresseuse. 3. Aiguillonner
poissons au corps mince et allongé : Des quelqu’un, piquer, exciter de façon répé-
ferret, ruban qui servait d’ornement, par-
« aiguilles », qui sont de petits poissons tée sa sensibilité ou sa volonté : Une telle
ticulièrement pour certains vêtements et
fins des mers chaudes (Loti). pensée, qui plus tard pourra m’aiguillon-
pour les uniformes militaires : Il portait
ner, aujourd’hui m’effarouche (Duhamel).
aiguillée [gije] n. f. (de aiguille ; 1265, une vareuse de garde national, couverte
Vx. Aiguillonner quelqu’un à, l’inciter
J. de Meung). 1. Longueur de fil que l’on d’aiguillettes étincelantes (France). Une
à quelque chose : Toute l’activité récente
passe dans une aiguille, pour coudre : Je robe de velours vert à manches crevées, rele-
qui s’était développée en moi [...] m’ai-
savais bien qu’elle [ma mère] allait prendre vées d’aiguillettes (Gautier). 3. Par anal.
guillonnait d’autant à cette émancipation
une aiguillée de fil et coudre à grands points Petit cordage dont on se sert pour joindre
(Sainte-Beuve).
(Duhamel). 2. Temps nécessaire à l’achè- ou lier certains agrès. 4. Mince tranche
• SYN.: 2 aiguiser, allumer, attiser, enflam-
vement d’une aiguillée : Entre deux aiguil- de viande, particulièrement de volaille,
mer, piquer ; 3 éperonner, fouetter, stimu-
lées, la mère regardait son enfant, toujours coupée en long : Lever les aiguillettes d’un
ler. — CONTR.: 2 apaiser, calmer, modérer,
plus pâle (Daudet). canard. Vital grignota une aiguillette de
tempérer ; 3 entraver, freiner, gêner.
[gije] v. tr. (de aiguille ; XIIIe s., râble (Theuriet). 5. Nom donné à une
aiguiller
partie du romsteck. aiguillonnier [gijnje] n. m. (de
au sens de « coudre, piquer » ; au sens de
aiguillon ; 1877, Littré). Nom vulgaire d’un
« diriger », milieu du XIXe s.). aiguilleur [gijoer] n. m. (de aiguil-
coléoptère longicorne, qui ronge le chaume
I. 1. Aiguiller la soie, la nettoyer avec des ler ; milieu du XIXe s.). Employé qui du blé à la base de l’épi.
aiguilles, quand elle est sur le dévidoir. manoeuvre les aiguilles d’une voie ferrée :
A droite, à gauche, on découvrait les ate- aiguillot [gijo] n. m. (de aiguille ; XVIe s.,
2. Aiguiller la cataracte, syn. de ABAIS-
liers, les butoirs, les cabines des aiguilleurs Rabelais, écrit aigueuillot). Mamelon des
SERla cataracte.
gonds du gouvernail d’un navire.
(Duhamel).
II. 1. Aiguiller un train, un tramway, le
aiguisable [gizabl ou gizabl] adj. (de
faire passer d’une voie sur une autre par aiguillier [gije] n. m. (de aiguille ; 1240,
aiguiser ; 1866, Larousse). Qui peut être
la manoeuvre d’une aiguille : Aiguiller G. de Lorris). 1. Étui à aiguilles. 2. Vx.
aiguisé : Cette lame est usée : elle n’est plus
un train sur une voie de garage. 2. Fig. Personne qui fabrique des aiguilles.
aiguisable.
et fam. Aiguiller quelqu’un, le diriger
aiguillon [gij] n. m. (lat. pop.
vers une activité, des études détermi- aiguisage [giza ou giza] ou aigui-
aculeonem, accus. de aculeo, dér. du lat.
nées : C’était elle [ma mère] qui m’avait sement [gizmou gizm] n. m. (de
class. aculeus, de acus, aiguille ; 1120, Job,
laissé passer l’âge des bourses scolaires aiguiser ; aguisement, XIIe s., Garnier de
écrit aguillon ; aiguillon, XIIIe s., refait
sans m’aiguiller dans la bonne direction Pont-Sainte-Maxence ; aiguisage, début du
(Duhamel). Par extens. et fam. Aiguil- d’après aigu ; au sens 4, 1601, Charron).
XIXe s.). Action d’aiguiser un instrument
ler une discussion, une enquête, une re- 1. Pointe de fer fixée au bout d’un long
tranchant, un outil : L’aiguisage d’une paire
cherche, etc., les orienter dans le sens que bâton, et qui sert à piquer les boeufs : Puis,
de ciseaux.
l’on désire, parfois en les détournant, par sans hâte, touchant ses boeufs de l’aiguillon,
• SYN.: affilage, affûtage.
calcul ou par intérêt, de leur sens initial : | Il repart, jusqu’au soir, pour un autre
• REM. 1. Aiguisement est vieilli. On dit
Mais le duc [...] aiguillait la conversation sillon (Samain). 2. Dard des abeilles, des
plutôt aujourd’hui aiguisage.
sur les grands débats (Montherlant). Ce guêpes. 3. Par anal. Piquant épidermique
qui adhère à l’écorce du rosier et de cer- 2. Pour la prononciation, v. AIGUISER,
témoin a aiguillé l’enquête sur une fausse
taines plantes. 4. Fig. Excitant ou stimu- Rem.
piste.
• SYN.: II, 2 diriger, guider, orienter. lant moral, dont l’action est constante ou aiguiser [gize ou gize] v. tr. (lat. pop.
répétée : Il est dans les extrêmes plaisirs un *acutiare, bas lat. acutare, dér. du lat. class.
aiguilleter [gijte] v. tr. (de aiguillette ;
aiguillon qui nous éveille (Chateaubriand). acutus, aigu ; aguiser, XIIe-XVIe s. ; aiguiser,
1549, R. Estienne, écrit aguilleter). [Conj.
Spécialem. L’aiguillon de la chair, dans 1265, J. de Meung). 1. Rendre pointu ou
4.] 1. Class. Attacher un haut-de-chausses
l’Écriture, les tentations sensuelles. tranchant un couteau, un outil, etc. : Sol
au pourpoint avec des aiguillettes. 2. Par
• SYN.: 1 aiguillade ; 3 épine. sacré des hiéroglyphes [...] | Où les sphinx
extens. et vx. Orner d’aiguillettes un vête-
• REM. La prononciation [gij], parfois s’aiguisent les griffes | Sur les angles des
ment, un uniforme. 3. Par anal. Joindre,
usitée au XVIIIe s., est incorrecte. piédestaux (Gautier). Comme il venait
lier deux cordages par un amarrage, ou
d’aiguiser sa faux, Honoré entendit le
fixer un filin sur un espar. aiguillonnement [gijnm] n. m. roulement d’une voiture (Aymé). 2. Fig.
aiguillette [gijt] n. f. (dimin. de (de aiguillonner ; 1560, Paré). 1. Action de Rendre plus vif, plus intense : La marche
aiguille ; XIIIe s., au sens 1 ; au sens 4, 1548, piquer avec un aiguillon. 2. Fig. et littér. aiguise l’appétit. Richesses, en comblant le
Noël du Fail, Contes d’Eutrapel). 1. Class. Action d’exciter, de pousser à agir dans coeur, qui ne font qu’aiguiser l’enthousiasme
Cordon, ferré aux extrémités, qui servait un certain sens ; résultat de cette action : (Claudel). 3. Fig. Rendre plus pénétrant,
primitivement à attacher les chausses au Espérant qu’un beau jour les piqûres et plus mordant : Un tour d’esprit aiguisé par
pourpoint et fut ensuite utilisé comme l’aiguilonnement le feraient sortir de ce le ferraillement des conversations de salon
simple ornement : Je voudrais bien savoir calme (Goncourt). (Goncourt). Aiguiser son style, le travail-

103
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

ler, le polir pour lui donner de la force, du té, avec enthousiasme : L’amour lui donne une vive piqûre : il y porta la main (Gide).
mordant. des ailes. Rogner les ailes à quelqu’un, De temps en temps, il posait le bout de
• SYN.: 1 affiler, affûter, émorfiler, émoudre, lui enlever une partie de ses moyens d’ac- l’index sur la crête de son nez aux larges
polir, repasser ; 2 aiguillonner, attiser, avi- tion. Voler de ses propres ailes, agir sans ailes palpitantes et il s’exerçait à loucher
ver, enflammer, stimuler. — CONTR. : 1 l’aide d’autrui, se soustraire à la direction (Duhamel).
ébrécher, émousser, épointer ; 2 atténuer, d’un autre. 2. Partie charnue d’une vo-
ailé, e [le] adj. (de aile ; XVe s. [XIIe s.,
calmer, éteindre, freiner, modérer. laille cuite, comprenant tout le membre
écrit alez]). 1. Qui est pourvu d’ailes :
• REM. La prononciation [gize], déjà si- qui porte l’aile : Manger une aile de pou-
Les insectes ailés. Le char de feu attelé de
gnalée au XVIIIe s., se répand, notamment let. 3. Attribut de certains êtres allégo-
deux chimères ailées (Hugo). 2. Fig. Qui
dans la région parisienne. riques ou surnaturels : Les ailes du Temps,
s’élève avec légèreté, ou qui évoque l’idée
de la Victoire, de la Renommée. Les ailes
aiguiseur, euse [gizoer ou gizoer, -øz]
des anges. Jane sentit que l’ange de la mort
de légèreté, de facilité : La chaleur légère,
n. (de aiguiser ; XIVe s., Godefroy). Personne repliait ses ailes (Maurois). Fig. Attri- ailée, d’un feu de bois (Renard). Le rêve ailé
dont le métier est d’aiguiser des outils, des et magnifique qui plane toujours sur nos
but de ce qui va très rapidement, de ce qui
couteaux, etc. espérances (Maupassant).
s’élève : Les ailes de la pensée. Les ailes de
• SYN.: affileur, affûteur, émouleur, polis- la prière. L’esprit allégé fuit sur l’aile des • SYN.: 2 aérien, éthéré, immatériel.
seur, rémouleur, repasseur. mots (H. de Régnier). 4. Symbole de aile-de-pigeon [ldpi] n. f. (de aile
aiguisoir [gizwar ou gizwar] n. m. (de sentiments élevés : Ma fantaisie allait son et de pigeon ; 1798, Acad.). Saut pendant
aiguiser ; 1468, Chastellain). Outil servant train, prêtant des ailes à l’esprit de mon lequel les jambes imitent le battement des
à aiguiser. ami (Baudelaire).
ailes d’un oiseau.
ail [aj] n. m. (lat. allium ; XIIe s.). Plante II. Tout ce qui, par sa destination ou par • Pl. des AILES-DE-PIGEON.

potagère dont le bulbe, à saveur forte et sa disposition, évoque l’idée ou la forme


ailer [le] v. tr. (de aile ; fin du XIXe s.,
piquante, est utilisé en cuisine comme d’une aile. 1. Ailes d’un moulin, châssis
Rimbaud). Littér. Rendre léger, emplir
condiment : Une tête d’ail se compose de allongés, garnis de toile, et qui, mus par
d’enthousiasme (rare) : D’ineffables vents
plusieurs gousses. Le bulbe de cette le vent, font tourner l’axe entraînant les
m’ont ailé par instants (Rimbaud). Le voeu
plante : Une salade assaisonnée à l’ail. meules. 2. Chacun des deux plans de
sustentation d’un avion, ou l’ensemble que j’avais fait [...] ailait mon coeur où foi-
• REM. Le pluriel aulx [o] est devenu dé- sonnait la joie (Gide).
suet. On évite d’employer le mot au plu- de ces plans : L’avion se pose enfin sans
refermer ses ailes (Apollinaire). Spé- • SYN.: exalter, ravir, transporter.
riel, ou bien, à la façon des botanistes, on
utilise le pluriel régulier ails. cialem. Aile volante, avion sans queue, aileron [lr] n. m. (de aile ; XIIe s., écrit
comportant ou non un fuselage central. aleron). 1. Extrémité de l’aile des oiseaux :
ailante [lt] n. m. (empr. présumé au 3. Garde-boue ou partie de la carros-
L’Autriche à l’aigle étrange aux ailerons
chinois ; 1786, Desfontaines, écrit ailhante). serie d’une automobile qui recouvre par- dressés (Hugo). Par anal. et pop. Bras.
Arbre des régions tropicales, planté sur nos tiellement chaque roue : [Des] cyclistes
2. Nageoire de certains poissons : On eût
voies publiques et que l’on appelle impro- aux lèvres terreuses, entrevus dans la
prement vernis du Japon. dit l’aileron d’un squale énorme (Bosco).
poussière, s’agrippent aux ailes des auto-
3. Volet articulé placé à l’arrière des ailes
aile [l] n. f. (lat. ala ; XIIe s., écrit ele ; aile, mobiles, dérapent, s’écrasent (Colette).
d’un avion, et dont la manoeuvre perment
XVe s.). III. 1. Chacune des deux parties laté- l’inclinaison ou le redressement latéral de
I. 1. Membre ou appendice des animaux rales d’une chose, d’un ensemble, par l’appareil. 4. Panneau amovible qu’on
qui volent, placé de chaque côté du corps, opposition à sa partie centrale : Les ailes peut fixer de chaque côté du gouvernail
et qu’ils déploient et agitent pour se mou- d’un manteau flottant, d’une cape. M. d’un chaland pour en augmenter la surface.
voir dans l’air : Les ailes de l’oiseau, de Lantaigne avait noué sur ses épaules son ailerons n. m. pl. 1. Class. Petits bords
la chauve-souris, du papillon. Ouvrir ses manteau de cérémonie, dont l’aile plissée d’étoffe qu’on mettait en haut des manches
ailes. [L’hirondelle :] des ailes en faux, flottait sur son dos robuste (France). Il d’un vêtement : Il porte un pourpoint à aile-
point de cou ; de pied peu ou point : tout avait un feutre mou à la calotte ronde et rons (La Bruyère). 2. Plans horizontaux
est aile (Michelet). Fam. Avoir du aux ailes larges (Camus). 2. Dans un extérieurs à la coque d’un sous-marin,
plomb dans l’aile, et, ellipt., en avoir dans édifice, chacune des parties symétriques faisant office de gouvernail de profondeur.
l’aile, être atteint dans sa santé, dans s’étendant de part et d’autre du bâtiment
son pouvoir, dans son moral, dans sa central : Le trio disparaissait dans l’esca- ailette [lt] n. f. (dimin. de aile ; 1175,
situation financière. Battre de l’aile, ne lier de l’aile gauche (Mauriac). 3. Dans Chr. de Troyes, écrit elette). 1. Sorte d’aile
battre que d’une aile, voler avec difficulté les sports, chacune des extrémités de la métallique, fixée à l’arrière de certains pro-
et, au fig., péricliter, être en difficulté, en ligne d’attaque d’une équipe. 4. Cha- jectiles pour équilibrer leur mouvement :
parlant d’une entreprise : À partir de ce cune des parties latérales d’une armée Bombe à ailettes. 2. Lame saillante d’un
moment, la fabrique ne battit plus que disposée en bataille : À Guise, Lanrezac radiateur, qui sert à favoriser son refroidis-
d’une aile ; petit à petit, les ateliers se vi- (jadis votre collègue à l’École de guerre) a sement ou à augmenter son rayonnement.
dèrent : chaque semaine un métier à bas, beau porter un coup sensible au poursui- 3. Aube du rotor d’une turbine.
chaque mois une table d’impression de vant, la grande aile ennemie ne s’en ferme
ailier [lje] n. m. (de aile ; début du
moins (Daudet). Être, rester sous l’aile pas moins sur notre gauche, frôle Paris
XXe s.). 1. Dans certains sports d’équipe
de quelqu’un, prendre quelqu’un sous (Valéry). Aile marchante, la partie de
(basket-ball, football, etc.), joueur placé à
son aile, être, rester sous la protection de cette armée la plus éloignée du pivot et
l’extrémité de la ligne d’attaque. 2. Dans
quelqu’un, le prendre sous sa protection. qui décrit un grand arc de cercle, et, au
l’aviation militaire, équipier extérieur
À tire-d’aile, v. TIRE-D’AILE. Avoir des fig., la partie active et audacieuse d’un
d’une patrouille de chasse.
ailes, aller très vite. Se brûler les ailes, groupe humain : Les militants qui consti-
perdre de son crédit ou de sa puissance en tuent l’aile marchante d’un syndicat. aillade [ajad] n. f. (du provenç. alhada,
se compromettant. Donner des ailes à 5. Ailes du nez, les deux faces latérales dér. de alh, ail ; v. 1540, Rabelais). 1. Sauce
quelqu’un, accélérer sa course : La peur lui de la base du nez : Il s’endormait déjà à l’ail. 2. Tranche de pain grillée, frottée
donnait des ailes ; le faire agir avec facili- quand, soudain, à l’aile gauche du nez, d’ail et arrosée d’huile d’olive.

104
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

ailler [aje] v. tr. (de ail ; début du XXe s.). trop aimable (Mauriac). Alban désirait aimer [me] v. tr. (lat. amare ; Xe s., écrit
Garnir ou frotter d’ail : Ailler un gigot. être invité à l’élevage du duc. C’eût été une amer, puis refait sur les formes accen-
politique élémentaire que d’être aimable tuées ; aimer l’emporte au XVIe s.). 1. Être
ailleurs [ajoer] adv. (probablem. de ail-
(Montherlant). Qui manifeste cette attaché par des liens sentimentaux à un
leur, avec s adv. ; proviendrait du lat. pop.
intention : Dire un mot aimable. 4. Entre être, concret ou abstrait, qui tient une
alior, alioris, comparatif de alius, par ellipse
dans des formules de politesse : Vous êtes très grande place dans votre vie : Aimer
d’une loc. *in aliore loco, faite sur in supe-
bien aimable, Monsieur, de vous être rendu ses enfants, ses parents, ses semblables.
riore [interiore, exteriore] loco, et signif.
à mon invitation (Dumas fils). Vous êtes Aimer Dieu, sa patrie. Je suis le captif des
« dans un autre lieu » ; v. 1050, Vie de saint
trop aimable. Voulez-vous être assez mille êtres que j’aime (Sully Prudhomme).
Alexis, sous la forme ailurs). 1. Dans un
autre endroit (avec ou sans mouvement) : aimable pour... 2. Spécialem. Éprouver de l’amour, de la
• SYN. : 2 attirant, attrayant, charmant, passion pour une personne de l’autre sexe :
Ne souhaite pas, Nathanaël, trouver Dieu
ailleurs que partout (Gide). Fig. Être ail- engagenant, plaisant, séduisant ; 3 affable, Comment avais-je pu croire qu’une jeune
leurs, ne pas prêter attention à ce qu’un amène, avenant, courtois, gentil, obligeant, fille m’aimerait ? (Mauriac) ; et absol. :
autre vous dit ou à ce qu’on fait soi-même, prévenant. — CONTR. : 2 abominable, Je ne sais plus rien et j’aime uniquement
être distrait. 2. Class. Peut désigner des affreux, détestable, horrible, rebutant, (Apollinaire). 3. Par extens. Avoir un
personnes et signifier « chez un autre, d’un repoussant ; 3 antipathique, déplaisant, goût plus ou moins prononcé pour telle
autre » : Nous dépendons des supérieurs ; désagréable, désobligeant, froid, hautain, catégorie de personnes ou de choses, pour
ils dépendent d’ailleurs (Pascal). Quoi ! impoli, rébarbatif, revêche, rogue. telle personne ou telle chose en particulier :
s’il aimait ailleurs, serais-je dispensée... ? Aimer les femmes. Aimer Baudelaire. Elle
aimablement [mablm] adv. (de aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés
(Corneille).
aimable ; XIVe s.). 1. Avec amabilité : verts (Hugo). Tous ceux qui ont aimé le pou-
D’ailleurs loc. adv. 1. D’un autre endroit, Répondre aimablement à quelqu’un. voir vont sur ce chemin (Alain). Il aimait
et, au fig., d’une autre cause : Votre erreur
2. De façon agréable, attrayante : Un son rire clair comme le bruit des fontaines
vient d’ailleurs. 2. Sert à ajouter une nou-
repas sera offert aux villageois, sous une (Samain). 4. En parlant des animaux,
velle considération à une autre ou à d’autres
tente aimablement bigarrée (Romains). éprouver de l’attachement pour, se plaire de
déjà exprimées : Je sais que tu as horreur
1. aimant [m] n. m. (lat. adamas, -antis, préférence dans tel lieu : Le chien aime son
de ces choses et, d’ailleurs, c’étaient de si
pauvres aventures (Mauriac). 3. Sert à fer très dur, acier, diamant, du gr. adamas, maître. La chèvre aime les terrains escarpés.
souligner une remarque concessive : Cet même sens ; XIIe s., écrit aiemant ; aïmant, 5. En parlant des plantes, croître de pré-
attachement, réel d’ailleurs, ne répond pas aimant, XVIe s. ; signif. « aimant » et « dia- férence dans : La betterave aime les terres
à son amour. mant » au Moyen Age, et en outre, au XVIe s., profondes. 6. Aimer ou (littér.) aimer à
« acier, métal très dur »). 1. Oxyde naturel (suivis de l’infinitif), éprouver du plaisir
Par ailleurs loc. adv. 1. Par une autre
de fer, qui attire le fer et quelques autres à : Il aimait entendre au loin les détona-
voie : [La poésie] y gagnera en pureté et en
métaux. 2. Barreau, aiguille d’acier ayant tions (Maupassant). J’aimerais partir pour
intensité ce qu’elle a perdu par ailleurs en
artificiellement acquis la même propriété : tous les pays (R. Bazin). Les gens du monde
étendue et en abondance (Maeterlinck).
Pourquoi le coeur aimant | Se précipite à aiment volontiers à parler argot, et les gens
2. D’un autre point de vue, en outre :
toi comme un fer à l’aimant (Lamartine). à qui on peut reprocher certaines choses, à
Vous savez bien, par ailleurs, que, dans
Électro-aimant, v. ce mot à son ordre montrer qu’ils ne craignent pas de parler
l’état où vous êtes, vous ne ferez pas cin-
quante mètres à pied (Benoit). Par ailleurs, alphab. 3. Fig. et littér. Ce qui attire d’une d’elles (Proust). Les gens du peuple, dans
les malheureux lui étaient indifférents façon irrésistible : [Le pilote] monta [...] le Midi, dansent bien et aiment à danser
(Montherlant). (Aragon). J’aime à croire que, je veux
grâce aux repères qu’offraient les étoiles.
espérer que. (avec un sujet inanimé
• REM. Le deuxième sens de par Leur aimant pâle l’attirait (Saint-Exupéry).
et un infinitif passif) Fam. Demander à,
ailleurs,admis par l’Académie, est criti-
2. aimant, e [m, -t] adj. (part. prés. exiger de : Le café aime à être bu chaud.
qué par certains grammairiens.
de aimer ; 1795, Snetlage). Littér. Porté 7. Vx ou littér. Aimer de (suivi de l’infi-
ailloli [ajli] n. m. (du provenç. moderne naturellement à aimer : A-t-il connu les nitif), avoir du plaisir à : Encore qu’il soit
aioli, comp. de ai, ail, et oli, huile ; 1744, tortures d’un coeur inassouvi, les doulou- trop silencieux, j’aime de voyager avec
Gillart, écrit aillolli). Coulis d’ail finement reuses pâmoisons d’une âme aimante et Fabrice (Gide). Elle aime de se promener
pilé avec de l’huile d’olive. méconnue ? (Baudelaire). D’âme aimante, sous la nef de feuillage, entre les arbres
• REM. On trouve aussi la forme aioli : craintive, délicate, elle fut rudoyée sans répit majestueux (Duhamel). 8. Aimer que,
Nous avons mangé l’ « aioli » autour de (Maupassant). trouver agréable (avec le subjonctif) ou
nos anguilles (Daudet). • SYN. : affectueux, sensible, tendre. — désirer (surtout avec le conditionnel) : Il
CONTR. : insensible, sec. aime qu’on le salue quand on passe auprès
aimable [mabl] adj. (lat. amabilis ; XIIe s.,
de lui. 9. Aimer autant, aimer mieux,
écrit amable [encore au XVIe s.] ; aimable, aimantation [mtasj] n. f. (de aiman-
préférer : J’aime autant qu’on ne sache pas
XIVe s., d’après aimer). 1. Class. Qui mérite ter ; 1750, Buffon). Action d’aimanter p ;
d’être aimé : J’ai cru honteux d’aimer quand que je suis venue (Dumas fils). Il dit qu’il
résultat de cette action.
aimerait mieux crever que de préparer
on n’est plus aimable (Corneille). 2. Qui
aimanter [mte] v. tr. (de aimant ; Saint-Cyr (Mauriac).
plaît, attire : Et ces maudits réformateurs
ne veulent rien souffrir de plaisant ni d’ai- aguilles aymentres, 1386, Dehaisnes, Dict. • SYN. : 1 adorer, affectionner, chérir ; 2
mable (France). Jamais péché ne seprésenta général). 1. Communiquer à un corps la brûler pour, être épris de. — CONTR. : 1
sous un jour plus aimable (Aymé). Se propriété de l’aimant : Aimanter un bar- abhorrer, abominer, détester, exécrer, haïr.
dit parfois ironiq. : Ces aimables oiseaux reau de fer. 2. Fig. Donner une attirance • REM. Lorsque aimer mieux est suivi de
[les hiboux] (Gautier). Fam. C’est une irrésistible à : Ces yeux pleins de lumière | deux infinitifs unis par que, le deuxième
aimable plaisanterie, ce n’est pas sérieux. Qu’un Ange très-savant a sans doute aiman- peut être ou non précédé de la prép. de :
3. Qui cherche à faire plaisir par des tés (Baudelaire). Mme de Guermantes la Nous aimons mieux tout risquer que de
manières polies, des compliments, des regarda qui parlait devant tout un groupe nous contraindre (Bossuet). La plupart
attentions : Je surpris ma mère en conver- aimanté par sa grâce (Proust). des lecteurs aiment mieux s’amuser que
sation avec Mme Fondaudège, obséquieuse, • CONTR. : 1 désaimanter. s’instruire (Rousseau).

105
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

s’aimer v. pr. 1. Class. Se plaire à quelque cées (traduction de Amen). Pour ainsi pire, | Tout dise : Ils ont aimé (Lamartine).
chose, en quelque lieu : « Tu te plais loin de dire, formule destinée à atténuer la har- L’air de la mer, des montagnes. Vivre au
moi. — Je m’aime où tu n’es pas. » (Molière). diesse d’un mot, d’une expression, d’une bon air. Un air pur, un air vicié. Le plein
2. Fam. Se trouver bien, se plaire : Je comparaison : Tout prêtre, dans l’Église air, le grand air, se dit de tout endroit situé
m’aime avec ce chapeau. 3. Éprouver une pin-gouine, est, pour ainsi dire, trans- à l’extérieur des maisons, et en particu-
affection réciproque : Deux jeunes gens qui formé en un cierge allumé au regard du lier hors des villes : Vivre en plein air. Le
s’aiment et n’osent se l’avouer. ciel (France). Puisqu’il en est ainsi, cela médecin ordonna un arrêt total de l’effort
étant. 2. Ainsi donc, ainsi, marquent intellectuel et le grand air, l’insouciance, la
1. aine [n] n. f. (lat. pop. *inguinem,
une conclusion : Ainsi donc, répliqua détente physique pendant un ou deux mois
accus., au lieu du lat. class. inguen ; XIIe s.).
l’abbé, le faut-il former aux bonnes lettres, (Montherlant). Prendre l’air, sortir de sa
Partie du corps située entre le haut de la
qui sont l’honneur de l’homme (France). maison, de sa ville, etc., pour respirer l’air
cuisse et le bas-ventre : Des douleurs vives
À présent, les villes conquises n’ont rien à du dehors : Elle ne sortait jamais et prenait
au cou, aux aisselles et aux aines l’avaient
craindre que de payer des contributions. l’air dans le jardinet (Balzac). Donner de
forcé à revenir (Camus). Pli de flexion
Ainsi la guerre s’est civilisée, mais non les l’air, aérer. Changer d’air, passer d’un lieu
de la cuisse sur l’abdomen.
armées (Vigny). 3. Class. Introduisait de séjour dans un autre. Être libre comme
2. aine [n] n. f. (origine incertaine ; 1751, un souhait : Ainsi puissiez-vous profiter l’air, n’avoir aucune obligation à remplir
Encyclopédie). Baguette sur laquelle on de ses vertus (Bossuet). 4. Class. Par envers qui que ce soit. Être dans l’air, en
enfile les harengs à fumer. ainsi, en conséquence : On arrive à la parlant des choses (maladie, idée, nouvelle,
vertu par la vertu même ; et par ainsi la etc.), être sur le point de se répandre, de se
aîné, e [ne] adj. et n. (de l’anc. adv. ainz,
philosophie et la vertu sont attachées l’une communiquer : Une maladie qui est dans
avant [d’un lat. pop. *antius, comparatif de
à l’autre (Malherbe). l’air. Ces documents formaient dès mainte-
ante, avant], et de né ; XIIe s., écrit ainsné).
nant un ensemble assez riche pour lui per-
1. Qui est né le premier (parmi deux ou II.Sens comparatif. 1.De la même fa-
mettre d’en tirer un petit livre et il avait
plusieurs enfants, frères et soeurs) : On çon (pour annoncer la deuxième partie
hâte de le faire, pour prendre date, car ce
rognait sur les toilettes de la soeur aînée pour d’une comparaison, en corrélation avec
sujet était « dans l’air », et Antoine risquait
faire des tuniques au petit Lucien (France). comme) : Comme les éruptions du soleil
d’être devancé par quelque autre spécialiste
2. Par extens. Qui est plus âgé, qui appar- se répercutent sur la terre en crises d’eau
d’enfants (Martin du Gard). Il y a quelque
tient à une génération antérieure : Mon et en raz de marée [...] ainsi l’eau conti-
chose dans l’air, on sent qu’un événement
ami est mon aîné de dix ans. Une situation nue l’esprit et le supporte, et l’alimente
se prépare. Fig. Vivre de l’air du temps,
déchirante pour les aînés peut devenir, pour (Claudel). 2. Répété, équivaut à ainsi
ne pas avoir de source de revenus. Vx et
une nouvelle génération, à peu près natu- que : Ainsi dit, ainsi fait (La Fontaine).
fam. Prendre un air de feu, s’approcher du
relle (Romains). Ainsi que loc. conj. 1. Class. Comme feu un instant pour s’y chauffer : Elle vient
adj. Branche aînée, lignée, famille qui (marquant une assimilation) : Regardant chaque soir au sortir de la prière prendre
descend de l’aîné : Quant à la branche sa gloire ainsi que mon ouvrage (Corneille). un air de feu dans la cuisine (Escholier).
aînée, elle avait si mal tourné [...] qu’on 2. De la même façon que (marquant une 3. Par extens. Climat, région, pays. L’air
l’avait surnommée Mauprat Coupe-Jarret comparaison) : Je l’attendais ainsi qu’un natal, le pays où l’on est né : C’est l’air natal
(Sand). rayon qu’on espère (Hugo). 3. De la qui séchera tes larmes (Béranger). 4. L’air
• CONTR. : cadet, puîné. manière que : Cela s’est passé ainsi que je en tant qu’il est agité ; vent : Il n’y a pas un
l’ai dit. 4. Dans les énumérations, « et » souffle d’air. La grêle cinglait ses mains,
aînesse [ns] n. f. (de aîné ; XIIIe s.). Vx.
(conj. de coordination) : Mon père, ma la pluie coulait dans son dos, la violence
Qualité de celui des enfants qui est l’aîné : mère, ainsi que mon frère. de l’air l’étouffait, il s’arrêta (Flaubert).
Est-ce un crime pour moi que l’aînesse d’un
• REM. Lorsque deux sujets sont unis Courant d’air, air en mouvement qui
frère ? (Corneille). Ne s’emploie plus
par ainsi que, le verbe peut se mettre circule entre deux ouvertures opposées :
guère que dans l’expression droit d’aînesse,
au singulier, pour attirer l’attention sur Le valet de chambre, quoiqu’il craignît les
droit qui résulte de la priorité d’âge ; spé-
le premier (on exprime alors une véri- courants d’air, avait ouvert la fenêtre du
cialem., droit qu’avait l’aîné de prendre,
table comparaison), ou au pluriel, pour bout (Proust). J’arrive à ce vieux pigeon-
dans la succession des parents, plus que
mettre les deux termes sur le même plan nier, plein de hiboux et de courants d’air
les autres enfants.
(on exprime alors une simple addition) : (Alain-Fournier). Pop. Se déguiser en
ains [s] conj. (lat. pop. *antius, comparatif Le français, ainsi que l’italien, dérive du courant d’air, s’enfuir rapidement. Coup
de ante, avant, d’où « mais » ; XIIe s.). Class. latin (Littré). Votre père en mourant, ainsi d’air, fluxion causée par un courant d’air.
(déjà vx au XVIIe s.). Mais (s’oppose toujours que votre mère, | Vous laissèrent de bien Class. Donner air, donner libre cours : Je
à une négation qui précède) : Digne non une somme légère (Regnard). donne air à la violence (Tristan L’Hermite).
de pitié, ains de compassion (M. Régnier). 5. L’air en tant qu’il se trouve au-des-
aïoli n. m. V. AILLOLI.
sus de nous (en ce sens, s’emploie aussi au
ainsi [si] adv. (croisement de deux adv.
1. air [r] n. m. (lat. aer, du gr. aêr ; plur. avec une nuance littér.) : Des arbres
de même sens, ensi, comp. de en et de si
1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens de toutes les formes [...] montent dans les
[parlers de l’Est], et eissi [parlers occi-
de « fluide »). 1. Fluide gazeux qui forme airs (Chateaubriand). L’oiseau s’élève,
dentaux et normands], probablem. empr.
l’atmosphère : L’air est composé de plusieurs plane dans les airs. Fendre l’air, voler
à l’anc. provenç. aissi, lat. pop. *accu[m]
gaz. La pesanteur de l’air. L’air se raréfie au rapidement. Pop. Jouer la fille de l’air,
sic ; 1080, Chanson de Roland, écrit einsi ;
fur et à mesure que l’on s’élève. Un des disparaître rapidement. Prendre l’air,
ainsi, XIVe s.).
quatre éléments, dans l’ancienne physique, s’envoler, en parlant d’un avion : L’appareil
I.Sens démonstratif. 1.De cette façon, avec le feu, la terre et l’eau. Air comprimé, a pris l’air à quinze heures. Armée de l’air,
de la façon qui vient d’être dite : C’est air dont on a diminué le volume par com- nom donné à l’ensemble des forces armées
presque toujours ainsi [...] que l’on juge pression pour en augmenter la pression. aériennes. Hôtesse de l’air, jeune femme
ceux avec qui on a grandi (Alain). Ainsi 2. Ce gaz en tant que nous sommes bai- qui veille à la sécurité et au confort des
soit-il, mots terminant ordinairement gnés par lui, que nous le respirons : Que les passagers d’un avion : Pendant que sous
les prières de l’Église catholique, pour parfums légers de ton air embaumé | Que nos ailes se déroulait un paysage de mon-
exprimer le souhait qu’elles soient exau- tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on res- tagnes arides, l’hôtesse de l’air déposa sur

106
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

nos genoux un petit coussin (Troyat). Mal rences. N’avoir pas l’air d’y toucher, de « mine », « physionomie » : Elle avait
de l’air, malaise, indisposition qui apparaît dissimuler ses sentiments exacts sous l’air très fâché (Hugo). La reine d’Espagne
chez certaines personnes lors du vol en une apparence anodine. Fam. Avoir un a l’air bon et bienveillant (Stendhal). Et,
avion. 6. Ambiance, atmosphère, milieu, air de deux airs, en parlant de quelqu’un en voulant arrêter mes larmes, elle avait
influence de ce milieu : Louis XV respira dont on déchiffre mal les sentiments, l’air aussi inquiet que si c’eût été des
dans le berceau l’air infecté de la Régence paraitre afficher un certain méconten- flots de sang (Proust). Maman souriait,
(Chateaubriand). Prendre l’air de, s’in- tement : Cette bête vous avait des airs de mais elle avait l’air soucieux et fatigué
former de l’ambiance qui règne quelque deux airs (Escholier). Avoir mauvais (Duhamel).
part : Prendre l’air du bureau. (On dit aussi air, avoir un aspect peu engageant, être
3. air [r] n. m. (de l’ital. aria, de même
PRENDRELA TEMPÉRATURE.) Vx. Le mau- mal élevé. Avoir l’air mauvais, paraître
origine que air 1 ; 1608, Régnier). Mélodie
vais air, la contagion. méchant. 2. Marque la ressemblance.
vocale ou instrumentale (désigne le plus
• SYN.: 1 éther ; 4 bise, brise, souffle. Avoir un faux air de, une certaine res-
souvent une pièce qui peut être chantée) :
En l’air loc. adv. et adj. 1. Dans la direc- semblance avec : Il a un faux air d’un
Ils mêlent encore leurs vieilles chansons
tion opposée à la terre, vers le haut : [Le trompette de chez nous (Nerval). Avoir
aux airs nouveaux (Chateaubriand). La
soleil] dore vaguement de sales brumes un air de, présenter tous les signes exté-
cadence m’enchaîne à l’air mélodieux
blanches, suspendues en l’air au-dessus du rieurs de : Quant à ces petits diamants,
(Sully Prudhomme). Un air d’accordéon.
chantier (Sartre). Il jetait en l’air et rattra- ils vous ont un air de vérité (France). Un air d’opéra. Le grand air de « la Tosca ».
pait avec ses pieds six boules en cuivre qui Avoir un air de famille, avoir une cer-
Air à boire, petite composition vocale
brillaient au soleil (France). Tirer en l’air, taine ressemblance. Class. Avoir de l’air d’inspiration bachique. Air de bravoure,
décharger une arme à feu en dirigeant le de, ressembler à : Elle a de l’air du coad-
celui qui permet le mieux à un chanteur de
canon vers le haut, de manière à n’atteindre juteur (Sévigné). 3. Marque l’élégance
donner sa mesure et qu’il interprète le plus
personne. Fam. Avoir toujours un pied ou l’affectation. Avoir grand air, avoir
volontiers. Fig. et fam. C’est l’air qui fait
en l’air, être agité, être toujours prêt à par- beaucoup de distinction et d’élégance
la chanson, c’est le ton qui donne leur vrai
tir. 2. Se dit d’une chose qui n’a pas de raffinée dans les manières : En robe du
sens aux paroles. Fig. et fam. En avoir
fondement, à laquelle on ne peut se fier : soir, les épaules nues et fermes, un crois-
l’air et la chanson, être réellement ce qu’on
Des projets, des promesses, des soupçons sant de diamants dans les cheveux, elle paraît. Pop. En jouer un air, s’enfuir,
en l’air. Bâtir en l’air, forger des projets avait grand air (Maurois). Se donner s’évader : Ils vous obligeaient à prendre
chimériques. Fam. Parler, agir en l’air, des airs, prendre de grands airs, prendre les tranchées plus souvent qu’à notre tour
sans tenir compte des faits, à la légère. une attitude de supériorité, de hauteur, parce que le commandement savait qu’ils
Une personne qui a la tête en l’air, et, qui ne convient pas nécessairement. « en joueraient un air » au moindre coup
ellipt., une tête en l’air, une personne étour- de chien (Dorgelès).
II. 1. Class. Le bel air, les manières de la
die, frivole. 3. Être en l’air, être en pleine
société aristocratique (souvent ironiq. airain [r] n. m. (lat. pop. *aramen, issu,
effervescence (vieilli) : Le coron était en
ou péjor. déjà au XVIIe s.) : Vous devriez par assimilation vocalique, du bas lat. aera-
l’air, allumé par la fête, dans le coup de feu
un peu vous faire apprendre le bel air des men, lat. class. aes, aeris, bronze ; écrit
du dîner (Zola) ; être en plein désordre :
choses (Molière). Class. et littér. Les arain du XIIe au XVIe s., puis airain d’après
Tout est en l’air dans cet appartement ; et,
gens du bel air, les personnes de la bonne
fam., être anéanti, renversé : Le ministère le lat.). 1. Vx. Alliage de différents métaux,
société : C’était un de ces jeunes bourgeois dont le cuivre forme la base. (N’est plus
est en l’air. Mettre en l’air, apporter le
qui, malgré leur naissance et leur éduca- guère usité que dans la langue poétique,
désordre, ou, fam., détruire complètement.
tion, veulent poser pour des gens du bel air comme syn. de BRONZE.) 2. Class. et poét.
2. air [r] n. m. (de air 1, au sens fig. (Furetière). Il avait été admiré au Cours- Tout objet en airain (canon, cloche, etc.) :
de « atmosphère, ambiance », peut-être la-Reine, parmi les raffinés et les gens du Et, par cent bouches horribles, | L’airain
influencé par aire, au sens de « caractère », bel air (Gautier). 2. Class. Feinte, ma- sur ces monts terribles | Vomit le fer et la
qui disparaît ; 1580, Montaigne). nière affectée : Tout cela était un air pour mort (Boileau). Chaque frémissement de
me faire savoir qu’elle a un équipage (Sé- l’airain portait à mon âme naïve l’inno-
I.1.Manière d’être, apparence d’une
vigné). 3. Class. Manière, façon : Par- cence des moeurs champêtres, le calme de
personne, qui donne une idée, réelle ou
lez, Dom Juan, et voyons de quel air vous la solitude, le charme de la religion, et la
fausse, de sa nature, de ses sentiments :
saurez vous justifier (Molière). 4. Class. délectable mélancolie des souvenirs de
L’air de sa physionomie est plutôt gai
Comportement, manière d’agir, façon ma première enfance (Chateaubriand).
(Stendhal). Elle m’écoutait de l’air d’une
de se conduire : Et je me vis contrainte à J’entends l’airain frémir au sommet de ses
personne qui s’amuse beaucoup (Maupas-
demeurer d’accord | Que l’air dont vous tours (Lamartine). L’airain qui gronde aux
sant). Des gens impossibles, malgré leurs
viviez vous faisait un peu tort (Molière). Dardanelles (Hugo) ; et au fig. : Les injures
airs dignes (Martin du Gard). Avoir l’air,
L’air précieux n’a pas seulement infecté s’inscrivent sur l’airain et les bienfaits sur le
paraître : Les citernes remplies avaient
Paris, il s’est aussi répandu dans les pro- sable (proverbe). 3. Fig. Âge d’airain, le
l’air de boucliers d’argent (Flaubert). Cet
vinces (Molière). troisième âge, dans la division de l’histoire
enfant a l’air de bien vous aimer, Madame
(Daudet). Il avait l’air un peu piqué (Ro- • SYN. : I, 1 allure, apparence, aspect, du monde par les Anciens.
mains). Sans en avoir l’air, en feignant dehors, extérieur, façon, manière, mine. D’airain loc. adj. (usitée comme sym-
de faire autre chose, en faisant croire le • REM. L’adjectif qui suit la loc. avoir l’air bole de la dureté). 1. Dur, solide, écla-
contraire. Fam. Avoir l’air comme il s’accorde avec le sujet s’il s’agit de choses : tant et sonore comme l’airain : Si ma
faut, avoir une apparence convenable et Ces prétentions ont l’air excessives. tête, fournaise où mon esprit s’allume |
même distinguée : Il a l’air très comme Lorsqu’il s’agit de personnes, l’accord se Jette le vers d’airain qui bouillonne et qui
il faut (Dumas fils). Avoir l’air en des- fait avec le sujet si la locution a le sens de fume | Dans le rythme profond (Hugo).
sous, paraître dissimulé. N’avoir l’air « sembler », « paraître » (on peut alors gé- 2. Difficile, infranchissable : Un mur
de rien, paraître ne pas penser à une néralement intercaler le verbe être entre d’airain. 3. Impitoyable : Un coeur d’ai-
chose, alors même qu’on y pense. Cela la locution et l’adjectif) : Ils m’avaient l’air rain. 4. Dur, impassible, inébranlable :
n’a l’air de rien, mais..., cette chose est en terriblement hardis (France). Elle n’avait Un front d’airain. 5. Se dit d’un ciel sans
réalité beaucoup plus importante ou plus pas l’air trop fâchée (Maurois) ; l’accord se nuages, quand la chaleur est accablante :
difficile que ne le laissent croire les appa- fait avec air si l’on veut insister sur le sens Cette forêt crépitante de cigales sous un ciel

107
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

d’airain que parfois ternissait l’immense ais [] n. m. (lat. pop. axis. planche, altér. à vous. En parler à son aise, donner des
voile de soufre des incendies (Mauriac). du lat. class. assis ; XIIe s.). Class. ou poét. conseils difficiles à suivre ; ne pas se rendre
Longue pièce de bois ; planche, poutre : compte ou se désintéresser des peines et
aire [r] n. f. (lat. area, emplacement ; 1080,
Tous les ais de ce vaisseau se dissipent [= des soucis d’autrui. Péjor. En prendre à
Chanson de Roland). 1. Surface découverte,
se disjoignent] (Racine). Sur les ais d’un son aise, ne pas se gêner pour les autres,
dure et plane, sur laquelle on battait le blé :
théâtre en public exhaussé | [Eschyle] Fit ne pas se donner de peine pour quelque
L’écho sourd des fléaux qui s’abattent sur
paraître l’acteur d’un brodequin chaussé chose. 2. Class. Sentiment d’agrèment,
l’aire (Ch. Guérin). Booz s’était couché de (Boileau). Ils gisent tout entiers entre quatre de contentement, de plaisir : Votre coeur,
fatigue accablé ; | Il avait tout le jour tra-
ais de rouvre (Heredia). Le grenier aux ais avec véhémence, | M’étale de ses feux toute
vaillé dans son aire ; | Puis avait fait son vermoulus (Sully Prudhomme). la violence, | Et les soins importuns qui
lit à sa place ordinaire ; | Booz dormait
[zs] n. f. (lat. adjacentia, l’avaient enchaîné, | L’aise de me revoir, les
auprès des boisseaux pleins de blé (Hugo). aisance
environs [plur. neutre de adjacens, pris tourments de l’absence (Molière). Auj.
2. Surface de rocher où les oiseaux de
comme un fém. sing. en lat. pop.] ; XIIIe s., Emploi limité aux expressions où aise est
proie font leur nid, et, par extens., ce nid
au sens de « dépendance de la maison » ; introduit par la prép. de : La chatte siamoise
lui-même : Comme un faucon qui n’a plus morte d’aise sur le mur tiède (Colette).
au plur., « commodités », 1611, Cotgrave).
d’aire (Hugo). 3. Par extens. Toute sur- Combler d’aise quelqu’un, le satisfaire
1. Manière d’être libre, facilité avec laquelle
face dure et plane : Sur l’aire foulée, devant pleinement, le rendre très heureux. Ne
on pense, agit, parle : Mme de Fontanin
l’autel, blanchissaient les os des victimes pas se sentir d’aise, être rempli de joie :
allait et venait avec cette aisance de mou-
(France). Aire d’atterrissage, partie d’un La foule ne se sent pas d’aise (Banville).
vements qui lui conservait l’allure d’une
aérodrome destinée à l’atterrissage et au 3. Spécialem. Être à l’aise, à son aise, jouir
jeune femme (Martin du Gard). Il me par-
décollage des avions. Aire d’un bassin, d’une situation de fortune qui met à l’abri
lait avec aissance, avec gaîté (Maupassant).
la partie, faite de divers matériaux, qui en du besion (vieilli) : Mes parents étaient
La foule admire [le jongleur], car vraiment
forme la fondation. Aire d’une maison, des industriels d’Amiens et fabriquaient
son aisance est parfaite (Gide). [L’athlète]
l’espace compris entre ses murs. Aire du velours. Ils étaient à leur aise (Maurois).
presque surnaturel d’aisance quand d’abord
d’un pont, la partie sur laquelle on circule.
il frôle l’herbe en courant (Montherlant). • SYN. : 1 aisance, détente, liberté. —
4. En géométrie, mesure de la surface 2. Situation de fortune qui procure le CONTR. : 1 contrainte, embarras, gêne,
d’une figure plane : Déterminer l’aire bien-être : Son ménage éprouve les petits malaise.
d’un triangle. 5. Par extens. Chacune bonheurs de l’aisance (Balzac). Son cabi- aises n. f. pl. Commodités de la vie,
des divisions du cadran de la boussole net vendu [celui du notaire] lui procura confort, bien-être : Ce sont des messieurs
qui indiquent la direction du vent par l’aisance (Sainte-Beuve). qui aiment leurs aises (Romains). Prendre
rapport aux points cardinaux : Au lieu de • SYN. : 1 agilité, décontraction, facilité, ses aises, s’installer confortablement dans
resserrer sa famille et ses gens autour de liberté, naturel, souplesse, spontanéité ; 2. un endroit, de façon peu discrète.
lui, il les avait dispersés à toutes les aires de aise, prospérité. — CONTR. : 1 affectation,
vent de l’édifice (Chateaubriand). 6. Fig. 2. aise [z] adj. (même étym. qu’à l’art.
apprêt, contrainte, difficulté, gaucherie,
Domaine : Jamais, et nulle part, dans une précédent ; probablem. par l’intermédiaire
gêne, lourdeur, maladresse ; 2 besoin,
aire aussi restreinte et dans un intervalle de l’anc. loc. adv. à aise, à son aise ; dès
d’énuement, embarras, gêne, misère,
de temps si bref, une telle fermentation des pauvreté. le XIIe s.). Qui éprouve un vif sentiment
esprits, une telle production de richesses, de contentement ou de joie : Je suis aise
aisances n. f. pl. Lieux, cabinets d’ai-
n’ont pu être observées (Valéry). Une aire d’être à l’écart (Chateaubriand). Que je
sances, endroit où l’on satisfait ses besoins
suis aise de revoir Madame ! (Martin du
d’activité qui est vaste. naturels.
Gard). Dans la langue moderne, est le
airée [re] n. f. (de aire ; XVe s.). Vx. 1. aise [z] n. f. (lat. pop. adjacens, part. plus souvent renforcé par l’adv. bien, plus
Quantité de gerbes qu’on met en une fois prés., pris substantivement, de adjacere, rarement par fort, tout : Le curé fut d’abord
sur l’aire : La herse, l’aiguillon et la faux être situé auprès ; XIe s., Gloses de Raschi, au bien aise (Aymé).
acérée | Qui fauchait en un jour les épis sens de « espace vide au côté de quelqu’un » ; •SYN. : content, enchanté, heureux, ravi.
d’une airée (Heredia). « commodité », « absence de gêne », XIIe s.). — CONTR. : chagrin, désolé, ennuyé, fâché,
1. Au physique comme au moral, absence mécontent.
airelle [rl] n. f. (de airelo, mot de la
totale de gêne, de contrainte : Timide et
région orientale du Massif central, dér. du aisé, e [ze] adj. (part. passé de l’anc.
contraint devant mon père, je ne trouvais
provenç. moderne aire, de l’adj. fém. atra, v. aisier ; a absorbé aaisié, part. passé de
l’aise et le contentement qu’auprès de ma
sombre, noire, pris substantivement ; 1592, aaisier, mettre à l’aise ; XIIIe s.). 1. Class. et
soeur Amélie (Chateaubriand). À l’aise, à
Hulsius). 1. Arbrisseau des montagnes littér. Où l’on est à l’aise ; qui est spacieux et
mon (ton, son, etc.) aise, sans subir aucune
(appelé myrtille dans les régions du Nord), gêne : L’écurie où vingt chevaux eussent pu bien arrangé : Un vêtement aisé. Cette voi-
produisant des baies noires, rafraîchis- tenir à l’aise (Gautier). Il lui tardait d’abor- ture est bien aisée (Acad., 1694). Il remar-
santes : Ici gît, Étranger, la verte sauterelle der quelque ruelle obscure et déserte pour y quait la tenue aisée et le costume élégant de
| Que durant deux saisons nourrit le jeune méditer à son aise (Hugo). Mais toi, Félix, tu son camarade (France). 2. Class. Qui fait
Hellé | Et dont l’aile vibrant sous le pied sembles à ton aise comme un poisson dans preuve de souplesse et de vivacité d’esprit :
dentelé | Bruissait dans le pin, le cytise ou l’eau (Duhamel). Mal à l’aise, mal à son Je m’en accommode parce que j’ai l’esprit
l’airelle (Heredia). 2. Par extens. Fruit aise, avec un sentiment de gêne (physique aisé (Sévigné). 3. Qui se fait facilement,
de cet arbrisseau (dit aussi myrtille) : De ou morale) : Il commença d’être inquiet et sans peine : Ce n’était pas chose aisée de
la confiture d’airelles. mal à son aise (Sand). Mettre quelqu’un pénétrer ce jour-là dans cette grande salle
à l’aise, à son aise, le d’ébarrasser de tout (Hugo). 4. Qui semble être naturel, ne
airer [re] v. intr. (contraction de l’anc.
sentiment de gêne, dissiper sa timidité. demander aucun effort : Il la soutenait
franç. aairier ; XIIIe s.). Faire son nid, en
Se mettre à l’aise, à son aise, se débar- délicatement avec cette grâce aisée qui ne
parlant de certains oiseaux de proie.
rasser de vêtements superflus ou gênants : le quittait pas (France). 5. Qui dispose
airure [ryr] n. f. (de aire ; 1863, Littré). Elles se mettent à l’aise, les jeunes surtout, de moyens de vivre plus que suffisants : Il
Extrémité d’une veine métallifère ou d’une quand il fait chaud (Mérimée). Ironiq. semblait assez aisé pour vivre de ses revenus
veine de houille. À votre aise !, comme il vous plaira, libre (Camus).

108
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN.: 3 commode, facile, simple ; 4 dégagé, ajoupa [aupa] n. m. (mot de la ajourner [aurne] v. tr. (de jour, sous la
inné, naturel, spontané ; 5 fortuné, opulent, Guadeloupe, déformation du tupi teju- forme anc. jorn ; 1080, Chanson de Roland,
prospère, riche. — CONTR. : 3 compliqué, paba ; 1615, Yves d’Évreux, écrit ajoupane). écrit ajurner, et au sens primitif de « faire
difficile, embarrassant, malaisé, pénible ; 4 Petite hutte construite avec des pieux et du jour » ; au sens 1, dès le XIIIe s., Dict. géné-
affecté, contraint, gauche, gêné, maladroit ; feuillage : La pureté de l’air et la douceur ral ; au sens 3, 1775, Journ. de Bruxelles).
5 besogneux, gêné, nécessiteux, pauvre. du climat nous permettaient de dormir sous 1. En termes de procédure, assigner en jus-
un ajoupa au milieu des bois (Bernardin tice à un jour déterminé. 2. Ajourner un
aisément [zem] adv. (de aisé ; XIIIe s.,
de Saint-Pierre). D’autres, l’oeil tour à tour candidat, un conscrit, les renvoyer à une
Dict. général). 1. Avec facilité, sans peine :
terne et furieux, chantaient un air mono- session, à un conseil de révision ultérieurs.
On ne pouvait pas aisément décider de son
tone, accroupis sur le seuil de leurs ajoupas, 3. Remettre à plus tard : Ajourner toute
caractère sur ses discours (France). Cette
espèces de huttes couvertes de feuilles de lutte sérieuse a toujours été le principe des
personne est aisément reconnaissable.
bananier (Hugo). gouvernements faibles (Mérimée). Ajourner
2. Dans l’aisance, largement : Un revenu
un voyage.
qui permet de vivre aisément. [aur] n. m. (déverbal de ajourer ;
ajour • SYN.: 2 coller (fam.), recaler (fam.), refu-
• SYN. : 1 commodément, facilement ; 2 à 1866, Larousse). En architecture et en
ser ; 3 différer, renvoyer, reporter, retarder.
l’aise, confortablement. — CONTR. : 1 dif- broderie, partie évidée, qui laisse passer — CONTR. : 2 admettre, recevoir.
ficilement, malaisément, péniblement ; 2 le jour : Je voyais au loin la balustrade de
chichement, misérablement, pauvrement. ciment blanc qui court le long de la Jetée- ajout [au] n. m. (déverbal de ajouter ;
Promenade ; la mer brillait à travers les 1895, Gide). Partie ajoutée : Elles [les cri-
aisseau [so] n. m. (de ais ; XIVe s.).
ajours (Sartre). Ce lit de femme au linge tiques] m’amèneront à quelques retouches et
Planche mince, qui sert à couvrir les
traversé d’ajours (Morand). surtout à quelques ajouts qui me paraissent,
constructions légères.
en effet, indispensables (Gide).
• SYN.: jour.
aisselle [sl] n. f. (lat. pop. *axella, lat. • SYN.: addendum, addition, complément,
class. axilla ; 1175, Chr. de Troyes). 1. Cavité ajouré, e [aure] adj. (de à et de jour ; correction. — CONTR. : retranchement,
qui se trouve au-dessous de l’épaule, à la au sens 1, 1644, Dict. général ; au sens 2, suppression.
jonction du bras avec celle-ci : La sueur 1863, Littré). 1. Pièce ajourée, en termes de • REM. On dit aussi AJOUTAGE en mé-
collait sa chemise sur son dos, dessinant blason, pièce dont l’ouverture laisse voir canique (1771, Trévoux), et AJOUTÉ
de larges poches molles autour des aisselles l’émail du champ. 2. Qui est percé de dans l’imprimerie, l’édition (1845,
(Aymé). 2. Par anal. En botanique, point jours, d’ouvertures : Là ont jadis étincelé Bescherelle).
situé au sommet de l’angle que fait la feuille [...] des plafonds de cèdre ajouré (Tharaud).
avec la partie supérieure de la tige où elle ajouté [aute] n. m. (part. passé de ajou-
La bonne avait mis le café à réchauffer sur
s’insère. ter ; 1842, Balzac). 1. Le fait d’ajouter : La
la plaquette ajourée (Aragon). La flèche
transformation d’un volant, l’ajouté d’une
aissette [st] n. f. (de l’anc. franç. aisse, ajourée de la cathédrale de Rouen. Un nap-
ruche (Goncourt). 2. Spécialem. Texte
du lat. ascia, hachette ; 1389, Godefroy). peron ajouré.
ajouté à un manuscrit, à des épreuves
Petite hache recourbée dont les tonneliers ajourer [aure] v. tr. (pour l’étym., v. d’imprimerie : Il y a des ajoutés à toutes
se servent pour tailler les douves. AJOURÉ adj.). Ménager dans un ouvrage les pages.
aisy ou aizy [zi] n. m. (même mot que d’architecture, une pièce de lingerie, etc., • SYN.: 1 addition ; 2 addendum, addition,
l’anc. franç. aisil, vinaigre, dér. du lat. ace- des parties évidées de caractère ornemen- ajout, complément, correction. — CONTR. :
tum, même sens ; 1866, Larousse). Dialect. tal : Ajourer un napperon. 1 retranchement, suppression.
Bouillon de culture de ferments lactiques :
ajourné, e [aurne] adj. et n. (part. passé ajouter [aute] v. tr. (de à et de jouter,
L’aisy est le principal élément d’un bon
de ajourner). 1. Se dit d’un candidat à un lat. pop. *juxtare, être attenant, de la prép.
gruyère.
examen renvoyé à une session ultérieure juxta, près de ; 1080, Chanson de Roland,
aître [tr] n. m. (empr. anc. du lat. atrium pour insuffisance : Les ajournés de juin écrit ajoster, et au sens de « réunir » ; sens
par la langue ecclés. ; 1080, Chanson pourront se représenter à la session de sep- moderne, XIIe s.). 1. Mettre en supplément ;
de Roland). 1. Vx. Parvis d’une église. tembre. 2. Se dit d’un conscrit renvoyé au joindre à ce qui existait déjà : La confi-
2. Cour, encols de couvent, cloître. prochain conseil de révision, pour faiblesse dence, hélas ! n’ajoute le plus souvent qu’un
3. Cimetière entourant une église. de constitution : Ce n’est pas un réformé, mensonge à d’autres mensonges (Bernanos).
• REM. Sur la confusion entre aîtres et ce n’est qu’un ajourné. Ajouter un couvert pour un invité qui
êtres, v. ÊTRES. •SYN.: 1 collé (fam.), recalé (fam.), refusé. arrive inopinément. Ajouter les injures
— CONTR.: 1 admis, admissible, reçu. aux reproches. 2. Spécialem. Dire encore
aizy n. m. V. AISY. quelque chose après ce qu’on a déjà dit ou
ajournement [aurnm] n. m. (de après ce qui vient d’être dit : Il me suffit
ajiste [aist] n. (des initiales A. J., dési-
ajourner ; fin du XIIIe s., au sens 1 ; au sens 2, d’ajouter que j’avais hérité de quelques
gnant les Auberges de la jeunesse ; 1953,
Larousse). Membre des Auberges de la milieu du XVIIIe s.). 1. En droit, assignation millions (Giraudoux). Il ajouta que cette
jeunesse. par huissier à comparaître à une certaine apparition des rats était une curieuse chose
date devant un tribunal. 2. Remise à une (Camus). 3. Ajouter foi à quelque chose,
ajointer [awte] v. tr. (de à et de joint ; date ultérieure : L’ajournement à quinzaine y croire : On pense qu’il ajoutera foi à la
1842, Mozin). Joindre bout à bout : Ajointer d’une réunion. Spécialem. Action de ren- déclaration de Fabrice (Stendhal).
deux pièces de bois, deux tuyaux. voyer un candidat à un examen ultérieur, • SYN.: 1 adjoindre, joindre, unir. — CONTR.:
• SYN.: abouter, rabouter. un conscrit déficient au conseil de révi- 1 disjoindre, ôter, retirer, retrancher.
ajonc [a] n. m. (mot d’un patois de sion de l’année suivante. 3. Remise à plus v. tr. ind. [à]. Ajouter à une chose,la
l’Ouest ; XIIIe s., écrit ajou, Godefroy). tard, retard : Reine [...] avait grandi pour rendre plus grande, plus intense : Ceux qui
Arbuste à feuilles épineuses et à fleurs une vie de luxe dont le continuel ajourne- voulaient faire taire les autres, criant plus
jaunes, croissant sur les landes : L’ajonc ment exaspérait ses appétits de jolie fille fort, ajoutaient au tapage (Flaubert). De
fleurit et la bruyère est déjà rose (Heredia). (Zola). grands rideaux [...] ajoutaient à la mélan-
Sept planches de vieille vigne entre quatre • SYN.: 2 remise, renvoi ; 3 atermoiement, colie du lieu (Gautier). Mais ces prières
haies d’ajoncs (R. Bazin). procrastination, temporisation. mêmes de sortir ajoutaient au calme qui me

109
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

permettait de rester à la maison (Proust). Cléopâtre est belle, et l’ajustement vert et 8. Class. Mettre d’accord des per-
Spécialem. Grossir, exagérer les paroles rose de la négresse tranche heureusement sonnes ou des choses : Il est difficile de les
d’autrui, enchérir : Ajouter à la lettre, au avec la couleur de sa peau (Baudelaire). ajuster ensemble (Acad., 1694). Conciliez
conte. Qu’elle était belle en ses ajustements de un auteur original, ajustez ses principes
• SYN.: accentuer, accroître, aggraver, aug- soie et de pourpre levantine (Nerval). Une (La Bruyère). Fam. Ajustez vos flûtes,
menter, grossir, intensifier, redoubler. — stricte, froide et propre pauvreté setrahissait mettez-vous d’accord. 9. Class. et littér.
CONTR.: alléger, amoindrir, apaiser, calmer, dans les moindres détails de l’ajustement du Arranger de la belle manière, c’est-à-dire
diminuer. bonhomme (Gautier). maltraiter en actes ou en paroles (le plus
s’ajouter v. pr. [à]. 1. Se joindre à ce qui • SYN.: 2 adaptation, agencement ; 6 atours, souvent ironiq.) : Jamais on ne m’a tant
existait déjà : Les jours s’ajoutent aux jours mise, parure, toilette. marché sur les pieds. Voyez comme mes ca-
sans rime ni raison (Sartre). Ma pensée [...], nons et mes rubans sont ajustés (Molière).
ajuster [ayste] v. tr. (de à et de juste ;
s’évaporant à mesure, s’ajoute aux émana- Vous l’avez voulu, George Dandin [...],
1268, E. Boileau, écrit adjouster ; ajuster,
tions des cerveaux fraternels (Romains). et vous voilà ajusté comme il faut ! (Mo-
XIVe s.).
2. Constituer une aggravation, un lière). On entendait leur rire aigu et frais
accroissement : Une contrariété réelle I. 1. Rendre juste, conforme à la norme : de pensionnaires ou de coquettes ajuster
venait s’ajouter à sa peine secrète (Sand). Ajuster une balance. Ajuster des leur prochain avec des malices de bonnes
• SYN.: 1 accompagner, s’adjoindre à, com- monnaies, leur donner le poids légal. langues et de fines mouches (Proust).
pléter, se joindre à, s’unir à ; 2 accroître, 2. Class. Régler avec précision, exacti- • SYN. : II, 1 accorder, adapter ; 3 régler ;
aggraver, augmenter, grossir, intensifier. tude : Ajustez cette montre (Acad., 1694). 4 accommoder. — CONTR. : II, 3 déranger,
— CONTR. : 1 se déduire de, se défalquer 3. Rendre juste, précise la direction désajuster.
de, se soustraire de ; 2 alléger, amoindrir, d’un tir : Ajuster son fusil, son coup.
s’ajuster v. pr. 1. (avec un sujet dési-
apaiser, calmer, diminuer. Viser la cible, chose ou personne :
gnant des choses) S’adapter parfaitement :
Ajustant le plus gros, il lui tira un coup
ajust n. m. V. AJUT. A l’usine, une pièce qu’un ouvrier a faite
de fusil dans la tête (Mérimée) ; et absol. :
au sous-sol s’ajuste à une pièce faite par
ajustage [aysta] n. m. (de ajuster ; Une compagnie magnifique me part à dix
un ouvrier du dernier étage (Cocteau).
1350, Dict. général ). Série d’opérations pas, j’ajuste : pif ! paf ! J’en vois tomber une
2. (avec un sujet désignant des per-
par lesquelles l’ouvrier ajusteur retouche pluie (Maupassant). Fig. et péjor. Ajus-
sonnes) Class. Se mettre en accord avec
des pièces mécaniques afin que ces pièces ter son coup, bien calculer, bien combiner
une situation : Suivons, suivons l’exemple,
s’assemblent de façon parfaite. son coup.
ajustons-nous au temps (Molière). 3. Vx.
ajusté, e [ayste] adj. (de ajuster). II.1.Mettre une chose dans une juste Arranger soigneusement sa toilette : Il se
Vêtement ajusté, vêtement serré à la proportion avec une autre : Ajuster un lava à grande eau fraîche, s’ajusta mieux,
taille : Ludwigson portait un complet de pantalon à la longueur des jambes ; et avec une certaine coquetterie (Loti).
Côte d’Azur, très ajusté, en tussor crème... au fig. : Ajuster un air à des paroles. • SYN.: 1 s’appliquer, s’emboîter ; 3 s’arran-
(Martin du Gard). 2. Adapter parfaitement une chose à ger, se parer.
• SYN. : collant, juste. — CONTR. : ample, une autre : L’une ajustant le voile au front
ajusteur [aystoer] n. m. (de ajuster ;
lâche, large. de la fiancée (Lamartine) ; et au fig. :
XVIe s., au sens de « celui qui ajuste les
L’expression [...] admirablement ajustée
ajustement [aystm] n. m. (de ajus- monnaies », Dict. général ; sens moderne,
à la pensée (Faguet). 3. (employé sans
ter ; 1331, Dict. général). 1. Action de rendre 1835, Raymond). Ouvrier qui retouche et
complément indirect) Mettre à la dimen-
juste, conforme à la loi : L’ajustement d’un polit les pièces mécaniques destinées à être
sion voulue : Ajuster des rênes. Il ajusta
poids, d’une monnaie, d’une balance. assemblées par le monteur.
la mentonnière du feutre andalou (Mon-
2. Action de mettre une chose dans un
therlant). 4. Fig. Doter de l’aspect, des ajustoir [aystwar] n. m. (de ajuster ;
rapport convenable avec une autre, de
caractères voulus : Il ajusterait vos rôles, 1676, Félibien). Balance de précision qui
l’adapter à cette chose ; résultat de cette
ferait les coupures (Gautier). servait à peser les monnaies.
action : L’ajustement d’un costume à la
taille de quelqu’un ; et au fig. : : Le choix, III. 1. Façonner des pièces de manière à • SYN.: trébuchet.
l’ajustement et la mise en rapport des termes permettre un assemblage parfait : Ajuster ajut ou ajust [ay] n. m. (déverbal de ajus-
(Duhamel). Ce n’est pas avec des absences un tenon. 2. Vx. Arranger avec coquet- ter ; fin du XVIIIe s., écrit ajust). Noeud par-
et des rêves que l’on impose à la parole de si terie, avec recherche : Ajuster sa coiffure, ticulier servant aux marins pour joindre
précieux et de si rares ajustements (Valéry). ses rubans. Les fonctionnaires se grou- deux cordages.
d pèrent, assurant les épées, ajustant les
• SYN.: noeud de vache.
adLa’pajtuatsitoemn
eanutcdoesû
ttadreifsl,a veise llaesusr.
s.ala i3r.eCs, faux cols (Daudet). 3. Class. Disposer
Action d’arranger un ensemble de choses d’une façon harmonieuse les différentes ajutage [ayta] n. m. (de ajuster ; 1676,
de façon à y introduire une certaine har- parties d’une habitation : Il se divertit Félibien). Petit tube adapté à l’extrémité
monie : Je comprends le plaisir que vous fort à faire ajuster cette maison (Sévigné). d’un tuyau, d’une canalisation, pour en
donnent la beauté et l’ajustement du châ- 4. Class. Arranger, mettre au point : régulariser ou en modifier le débit : Un
teau de Grignan (Sévigné). 4. Fig. et class. Vous verrez quelque chose de galant dans ajutage en pomme d’arrosoir. (On a dit aussi
Action de mettre d’accord des personnes, le petit ballet que nous avons ajusté pour AJUTOIR.)
conciliation : Il faut travailler à l’ajuste- vous (Molière). 5. Class. Ajuster son air,
akène, achène ou achaine [akn] n.
ment de ces deux personnes (Acad., 1694). son maintien, son visage, les étudier pour
m. (de a priv. et du gr. khainein, s’ouvrir ;
5. Spécialem. et vx. Soin que l’on apporte la circonstance. 6. Class. Ajuster des
1843, Landais). Fruit sec, indéhiscent, à une
à sa toilette ; recherche d’élégance qu’on cartes, les préparer pour tricher au jeu :
seule graine (gland, noisette).
met dans son habillement : L’ajustement de Avoir gagné cinq cent mille écus avec des
la coiffure. La braverie et l’ajustement est la cartes ajustées (Sévigné). 7. Class. Ter- akinésie [akinezi] n. f. (de a priv. et du
chose qui réjouit le plus les filles (Molière). miner une affaire, régler un différend : gr. kinesis, mouvement ; début du XXe s.).
6. Par extens. et vx. Le costume lui- Vous êtes homme d’accommodement à Impossibilité pathologique d’exécuter
même, mais toujours avec une certaine l’amiable : n’y a-t-il pas moyen d’ajuster certains mouvements : Un bras frappé
idée d’élégance, de recherche : La tête de cela avec quelques pistoles ? (Molière). d’akinésie.

110
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

akkadien, enne [akadj, -n] adj. et n. alambiqué, e [albike] adj. (part. passé alanguissement [algism] n. m. (de
(de Akkad ; 1877, Littré, écrit accadien). de alambiquer). 1. Se dit de quelqu’un qui alanguir ; milieu du XVIe s. ; rare avant la
Relatif au pays d’Akkad, région septentrio- cherche la subtilité : C’est [Bergotte] un fin du XVIIIe s.). État d’une personne qui
nale de la Mésopotamie ancienne ; habitant esprit des plus confus, alambiqué, ce que tombe ou qui est tombée en langueur : Son
de cette région. nos pères appelaient un diseur de phébus air un peu trop réfléchi eût inquiété s’il
akkadien n. m. Langue sémitique (Proust). 2. Se dit de ce qui est trop raf- n’avait pas été joint à une certaine paresse
ancienne parlée en Assyrie. finé, trop subtil : Finis aussi ces jolis jeux d’attitudes, un alanguissement de tout ce
d’esprit et de langage, ces causeries un peu petit être (Daudet).
alabastrite [alabastrit] n. f. (du gr. ala- maniérées, un peu alambiquées, mais si • SYN. : amollissement, engourdissement,
bastron, albâtre ; fin du XVIIIe s.). Variété françaises, comme Musset en a tant écrit
indolence, langueur, mollesse. — CONTR. :
de gypse très blanche, employée pour la (Daudet).
alacrité, allant, entrain, pétulance, vivacité.
fabrication de vases, de statuettes. • SYN. : 1 compliqué ; 2 quintessencié,
sophistiqué. — CONTR. : 1 et 2 naturel, alarmant, e [alarm, -t] adj. (part. prés.
alacrité [alakrite] n. f. (lat. alacritas ;
simple, spontané. de alarmer ; 1766, Raulin). Qui provoque
1495, J. de Vignay). 1. Vivacité gaie, entraî-
un état d’inquiétude : Il m’a trouvé le pouls
nante : Nello les faisait et les refaisait [ces alambiquer [albike] v. tr. (de alam-
rapide [...], mais sans aucun symptôme
tours] avec une pétulance, une alacrité, un bic ; 1552, Ronsard). 1. Class. et littér.
alarmant (Maupassant). La situation, sans
entrain (Goncourt). 2. Exaltation mêlée à Alambiquer un texte, un auteur, le rendre
avoir, bien entendu, un caractère alarmant,
un sentiment de plénitude et parfois d’en- trop subtil, l’interpréter d’une façon qui
pourrait être envisagée comme sérieuse...
thousiasme : Lorsqu’en 1793 je partais de s’écarte du bon sens : A force d’écrire sur
(Proust).
Marseille, c’était de plein gré, avec cette Rousseau, on finit, ce me semble, par l’alam-
alacrité [...] qu’inspire la jeunesse (Sainte- biquer terriblement et le mettre à la torture • SYN.: angoissant, inquiétant. — CONTR. :
Beuve). Stendhal [...] parle du sentiment (Sainte-Beuve) ; et absol. : Je te jure que je rassurant.

d’ « alacrité » qui après de longues années ne cherche pas à alambiquer (Romains). [alarm] n. f. (de l’ital. all’arme !,
alarme
saisissait encore ceux qui avaient pris part 2. Class. Alambiquer son esprit, sa aux armes ! ; début du XIVe s., Guiart).
à cette espèce de chevauchée [du général pensée, et, pronominalem., s’alambi-
1. Appel aux armes motivé par l’approche
quer le cerveau, l’esprit, l’intelligence,ou,
Bonaparte en Italie] (Bainville). de l’ennemi : Tu n’aimais que le bruit du
absol., s’alambiquer, se fatiguer l’esprit
à
• SYN. : 1 allant, allégresse, enjouement, fer, le cri d’alarme (Lamartine). Le clai-
la recherche de pensées trop subtiles : Il
entrain ; 2 ivresse, transport. — CONTR. : ron sonne l’alarme. La sentinelle donne
faut donc alambiquer son esprit dans ces
1 indolence, langueur, mollesse, noncha- l’alarme. 2. Avertissement qui prévient
questions (Bossuet). Sans nous alambiquer,
lance ; 2 abattement, dépression, mélan- de la présence d’un danger quelconque :
servons-nous-en (Molière).
colie, prostration, tristesse. J’écoute, je distingue les coups du canon
alambiqueur [albikoer] n. m. (de alam- d’alarme (Chateaubriand). Tirer la son-
alaire [alr] adj. (du lat. ala, aile ; début du
biquer ; fin du XVIe s.). Class. Celui qui sub- nette d’alarme. Le dispositif d’alarme a bien
XIXe s.). Relatif aux ailes des oiseaux, des tilise, raffine : Alambiqueurs d’arguments fonctionné. Le chien, en aboyant, donne
avions : Membrane alaire. Surface alaire. (Frédéric II, à Voltaire). l’alarme. La garnison est en état d’alarme.
alaise ou alèse [alz] n. f. (var. de laize alan [al] n. m. (lat. pop. *alanus, d’origine Une fausse alarme, une alarme non jus-
[lat. pop. latia, de latus, large], par agglu- obscure ; XIVe s.). Vx. Grand dogue pour tifiée. Signal d’alarme, dans les voitures
tination de l’article ; 1419, Godefroy, écrit chasser le sanglier, le loup : Les alans et de chemin de fer, dispositif mis à la por-
aleize). 1. Pièce de toile, de caoutchouc ou les mâtins, que l’habitude du carnage avait tée des voyageurs pour provoquer l’arrêt
de matière plastique que l’on place entre rendus féroces (Béraud). immédiat d’un train en marche. 3. Vx.
le drap et le matelas afin de protéger ce Émotion, frayeur due à l’imminence d’un
alandier [aldje] n. m. (de landier ; milieu
dernier. 2. Planche ajoutée à une autre danger : Que viens-tu faire ? demande la
du XIXe s.). Foyer placé à la base d’un four :
pour l’élargir. vieille avec un peu d’alarme (Fromentin).
Il continua de lui-même la démonstration,
L’alarme règne dans le camp, dans la ville,
alambic [albik] n. m. (empr. probable, s’étendit sur les différentes sortes de com-
dans les coeurs. Une chaude alarme.
par l’intermédiaire de l’esp. alambique, à bustibles, l’enfournement, les pyroscopes,
l’ar. al anbïq, lui-même issu du gr. ambix, les alandiers (Flaubert). • SYN. : 1 et 2 alerte ; 3 angoisse, anxiété,
vase à distiller ; 1265, J. de Meung). effroi, frayeur, inquiétude, peur, souci.
alanguir [algir] v. tr. (de languir ; 1539,
1. Appareil qui sert à la distillation : La — CONTR. : 3 paix, quiétude, sang-froid,
Cl. Gruget). Faire entrer plus ou moins
cuisine se fera dans des cornues et dans sérénité.
progressivement dans un état de langueur,
des alambics (France). 2. Class. Passer, alarmes n. f. pl. Vx. Inquiétudes pro-
priver de toute énergie : Et voici qu’à l’appel
mettre à l’alambic, examiner soigneuse- des cors s’entrelacent soudain des formes voquées par l’appréhension d’un danger,
ment ; interpréter subtilement : Voilà, sans toutes blanches [...], d’un geste alangui, réel ou imaginaire : Ils sont passés, les jours
mettre saint Clément à l’alambic, ce qu’il plein d’un désespoir profond (Verlaine). d’alarmes (Verlaine). Elle se taisait, attris-
a voulu dire (Bossuet). Tiré à l’alambic, Leur chant m’alanguissait comme celui tée pour lui, inquiète pour un autre, pleine
trop subtil : Les raisonnements en étaient d’une poésie allemande (Gide). d’angoisse et d’alarmes (France).
tellement tirés à l’alambic qu’ils l’impatien- • SYN. : amollir. — CONTR. : ranimer, • SYN.: affres, transes.
tèrent (Saint-Simon). revigorer.
alarmer [alarme] v. tr. (de alarme ;
alambiquage [albika] n. m. (de alam- s’alanguir v. pr. Devenir langoureux : 1578, A. d’Aubigné, au sens 1 ; au sens 2,
biquer ; milieu du XIXe s.). Littér. Action Lorsque de volupté s’alanguissent tes yeux XVIIe s.). 1. Vx. Mettre en alarme : Les bruits
d’alambiquer ; raffinement excessif de la | Tes yeux noirs flamboyants de panthère qui couraient alarmèrent la ville (Littré).
pensée, du style : Que d’alambiquages, que amoureuse (Baudelaire). 2. Causer de l’inquiétude, de la frayeur à
de petites intentions les modernes auraient alanguissant, e [algis, -t] adj. (part. quelqu’un : Ce chat [...] eût alarmé un moins
prodigués sur cesujet (Delacroix). Beaucoup prés. de alanguir ; XVIe s., Montaigne). Qui brave que le baron (Gautier). 3. Class.
de fadaises, de puérilités et d’alambiquages alanguit : Une alanguissante tristesse l’acca- Mettre en éveil, en émoi : Le dépit alarma
(Gautier). bla (Huysmans). mes désirs (Molière).

111
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN. : 1 alerter ; 2 inquiéter, préoccuper, compagnons de voyage | Le navire glissant albugeneux]). En médecine, se dit de ce qui
tourmenter, tracasser. — CONTR. : 2 rassé- sur les gouffres amers (Baudelaire). est blanchâtre.
réner, rassurer, tranquilliser.
albédo [albedo] n. m. (bas lat. albedo, albugo n. m. V. ALBUGINE.
s’alarmer v. pr. 1. Devenir soudain
blancheur ; 1906, Larousse). Fraction de
inquiet : Les parents s’alarmèrent en album [albm] n. m. (lat. album [neutre de
la lumière reçue que diffuse un corps non
voyant monter la fièvre de l’enfant. albus, blanc], liste, tablette, passé en franç.
lumineux : L’albédo de la Lune.
2. S’effaroucher : Sa pudeur s’alarma par l’intermédiaire de l’allem. Album ;
d’abord (Montesquieu). Albène [albn] n. m. (nom déposé ; v. 1700, Saint-Évremond). Cahier relié ou
1930). Tissu mat, assez lourd, à base de cartonné, destiné à recevoir des notes,
alarmiste [alarmist] adj. et n. (de alar- des dessins, des photographies, etc. : Un
rayonne : Un corsage en Albène.
mer ; 1792, créé par Barère). Qui répand album d’autographes, de timbres, de cartes
des bruits propres à inquiéter l’opinion : alberge [albr] n. f. (de l’esp. albérchiga,
postales. Les uns, assis sur des poufs, feuille-
On réclamait déjà pour les espions et les mot mozarabe formé de l’art. arabe al et
taient des albums ouverts sur leurs genoux
alarmistes les ténèbres éternelles (France). du lat. persica, pêche ; 1546, Rabelais ; var.
(Alain-Fournier).
adj. Qui est de nature à répandre l’in- auberge, XVIe s.). Fruit qui tient de la pêche
• Pl. des ALBUMS.
quiétude dans l’opinion : Les nouvelles alar- et de l’abricot, à chair blanche, aigrelette
mistes que répandait le « NagasakiPress » et qui adhère au noyau : Jamais le maître albumen [albymn] n. m. (mot lat. ; début
(Farrère). n’avait reproché à la servante ni l’alberge du XIXe s.). 1. Blanc de l’oeuf. 2. Tissu
ou la pêche de vigne... (Balzac). riche en réserves nutritives, qui entoure
• SYN. : démoralisant, inquiétant, pessi-
miste. — CONTR. : rassurant. la plantule chez certaines graines.
albergier [albrje] n. m. (de alberge ;
1546, Rabelais). Arbre qui donne l’alberge. albumine [albymin] n. f. (bas lat. albu-
alaterne [alatrn] n. m. (lat. alater-
nus ; 1551, Cottereau). Espèce de nerprun men, -inis, blanc d’oeuf ; 1792, Encycl.
albigeois, e [albiwa, -az] n. et adj. (de
d’Europe, toujours vert, à fruits purgatifs : méthodique). Substance organique qui se
Albiga, nom lat. d’Albi ; XIIIe s.). De la ville
C’était le maquis, l’impénétrable maquis coagule sous l’action de la chaleur, et que
d’Albi ou de sa région.
l’on trouve dans le blanc d’oeuf, le sérum
formé [...] d’arbousiers, de lentisques, d’ala- albigeois n. m. pl. Nom donné à une
ternes (Maupassant). du sang, le lait, etc. Fam. Avoir de l’albu-
secte religieuse qui se développa dans le mine, être atteint d’albuminurie.
albanais, e [alban, -iz] adj. et n. (de sud-ouest de la France au XIIe siècle : Les
Albanie ; milieu du XVIe s.). Relatif à l’Al- croisades contre les albigeois eurent lieu au albuminé, e [albymine] adj. (de albu-
banie ; habitant ou originaire de ce pays. début du XIIIe siècle. men ; début du XIXe s.). Se dit d’une graine
• SYN.: cathares. pourvue d’albumen.
albanais n. m. Langue indo-européenne
parlée en Albanie. albumineux, euse [albyminø, -øz] adj.
albinisme [albinism] n. m. (de albinos ;
(de ablumine ; 1666, Journ. des savants).
albâtre [albtr] n. m. (lat. alabastrum, début du XIXe s.). Anomalie congénitale,
1. Qui contient de l’albumine. 2. Qui
du gr. alabastron ; XIIe s., sous la forme qui se traduit par la décoloration de la peau
appartient à un malade atteint d’albumi-
albastre ; var. alabastre, -austre, alebastre, et du système pileux, et par la teinte rouge
nurie : Son teint albumineux était plus blan-
encore au XVIe s.). 1. Variété de carbonate de la pupille.
châtre que de coutume (Martin du Gard).
ou de sulfate de calcium, remarquable par
albinos [albinos] n. et adj. (hisp.-portug.
sa couleur blanche et sa transparence, et albuminoïde [albyminid] adj. (de
albinos, pl. de albino, blanchâtre, dans
se travaillant avec facilité : Quatre vases albumine et du gr. eidos, forme, aspect ;
l’expression negros albinos, nègres blancs ;
d’albâtre oriental du galbe le plus élégant milieu du XIXe s.). Qui ressemble à l’albu-
1665, J. de Crécy, Guidon de la navigation).
et le plus pur (Gautier). [Une ville] dont les mine ou qui en a les caractères : Matières
Affecté d’albinisme : Mais tout à coup il a
maisons blanchies semblaient s’illuminer au albuminoïdes.
levé la tête, une tête aux cheveux touffus,
soir intimement comme des lampes d’albâtre n. m. Substance azotée, animale ou végé-
hérissés, des yeux d’albinos, des moustaches
(Gide). 2. Objet d’albâtre (vase, vasque, tale. (On dit ordinairement auj. PROTÉINE.)
rousses où les dents riaient férocement
etc.) : Alors je rêverai des horizons bleuâtres,
(Daudet). albuminurie [albyminyri] n. f. (formé,
| Des jardins, des jets d’eau pleurant dans
par le médecin Martin Solon, du lat.
les albâtres (Baudelaire). 3. Fig. et littér. Alboche [alb] n. (d’abord Allemoche
albumen et du gr. ourein, uriner ; 1838).
D’albâtre,se dit de la blancheur délicate [Allemand et suff. péjor.], puis Alboche, par
Présence d’albumine dans l’urine : Rohner
de la peau : Ses cheveux noirs tombent en influence de caboche et de tête de boche,
pense que la morphine pourrait donner
boucles sur son cou d’albâtre ; sa bouche tête de bois, expression d’origine méridio-
de l’albuminurie (Duhamel). Une crise
et ses yeux sourient de concert ; son teint nale ; 1860, G. Esnault). Arg., vx et péjor.
d’albuminurie.
est animé par le mouvement de son coeur Allemand : On m’a dit que des patrouilles
(Chateaubriand). Déesse aux yeux d’azur, d’Alboches ont été vues autour de Nancy albuminurique [albyminyrik] adj. et n.
aux épaules d’albâtre (Musset). On dit (Martin du Gard). (de albuminurie ; 1888, Larousse). Qui est
aussi, littér. : L’albâtre de son teint, de ses atteint d’albuminurie : Moi, Madame, je ne
albugine [albyin] n. f. ou albugo
épaules, etc. me crois pas comme vous albuminurique, je
[albygo] n. m. (lat. albugo, albuginis ; albu-
n’ai pas la peur nerveuse de la nourriture,
albatros [albatros ou albatrs] n. m. (du gine, XIVe s., B. de Gordon ; albugo, 1609,
du grand air (Proust).
portug. et de l’esp. alcatraz, d’origine incer- Pigray). 1. Tache blanche qui apparaît dans
taine, désignant d’abord le pélican ; 1588, le tissu de la cornée. 2. Tache blanche des alburno [albyrno] n. m. (probablem.
Voyage de Cortez, écrit alcatrace ; forme ongles. (Terme de médecine.) de al, art. arabe, et de burnous ; 1826,
moderne par l’intermédiaire de l’angl., Chateaubriand). Manteau à capuche, fait
albuginé, e [albyine] adj. (de albu-
1666, Thévenot). Oiseau de mer de l’hémis- d’une espèce de drap grossier et velu :
gine ; XIVe s., b. de Gordon). En médecine,
phère austral, palmipède, d’une grande Des lances ornées de pennons blancs et
se dit de ce qui est de couleur blanche :
envergure d’ailes, à bec fort et crochu, très bleus, des alburnos, des casaques de satin
Membrane albuginée.
vorace : Souvent, pour s’amuser, les hommes tailladé étaient rangés auprès des boucliers,
d’équipage | Prennent des albatros, vastes albugineux, euse [albyinø, -øz] adj. (de et brillaient au milieu des cimeterres et des
oiseaux des mers | Qui suivent, indolents albugine ; XVIe s. [au XIVe s., sous la forme poignards (Chateaubriand).

112
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

alcade [alkad] n. m. (esp. alcalde, tiré alcazar [alkazar] n. m. (mot esp., empr. alcool [alkl] n. m. (lat. des alchimistes
de l’ar. al-qd, le juge ; 1581, Dict. géné- à l’ar. al-qusr, le palais ; début du XIXe s.). alkol, alkohol, de l’ar. al-kuhl, antimoine
ral ; sous la forme arcade, XIVe s.). En 1. Palais fortifié qu’habitaient les rois pulvérisé, d’où toute substance pulvérisée
Espagne, autrefois, sorte de juge de paix ; maures d’Espagne : Tolède a l’alca- et raffinée, d’où liquide distillé ; début
aujourd’hui, maire : Un cacique, un cor- zar maure, Séville a la Giralda (Hugo). du XVIe s., Paracelse). 1. Liquide inflam-
regidor, des regidons et des alcades for- 2. Nom donné à certains cafés-concerts mable, obtenu par distillation du vin ou
maient le corps militaire civil et politique et employé parfois comme nom commun d’autres liqueurs fermentées, et appelé aussi
(Chateaubriand). désignant ce genre d’établissements alcool éthylique et esprit-de-vin. Alcool
(vieilli) : Avec ses zouaves en goguette, ses absolu, alcool pur, sans aucune trace d’eau.
alcaïque [alkaik] adj. (lat. alcaicus, de
alcazars bourrés d’officiers (Daudet). 2. Spécialem. Ce même liquide utilisé,
Alcée [gr. Alkaios], nom d’un poète lyrique
après dénaturation, dans l’industrie, en
grec ; XVIe s.). Se dit d’une sorte de vers grec alcée [alse] n. f. (lat. alcea, du gr. alkea,
pharmacie ou pour certains usages domes-
ou latin, et d’une sorte de strophe. mauve ; v. 1700, Liger). Plante bisannuelle
tiques : Laver une plaie à l’alcool à 90°. De
ornementale, de la famille des malva-
alcalescence [alkalss] n. f. (de alcale- l’alcool à brûler. Un réchaud, une lampe
cées : Les-vignes sauvages [...] s’élancent
scent ; 1771, Trévoux). État des substances à alcool. 3. Nom générique de corps
dans lesquelles il s’est formé spontanément de l’érable au tulipier, du tuli pier à l’alcée
neutres dont les propriétés sont analogues
de l’ammoniaque. (Chateaubriand).
à celles de l’alcool de vin. 4. Par extens.
alchémille [alkemij] n. f. (lat. médiév. Toute espèce de spiritueux : Boire un verre
alcalescent, e [alkals, -t] adj. (de
alchemilla, de alchimie ; 1611, Cotgrave ; d’alcool. Chez le peuple [du Midi], l’ivresse
alcali ; 1735, Quesnay). Qui a ou qui prend
var. alquémille, 1572, Peletier du Mans). d’alcool est presque inconnue (Daudet). Il
les propriétés alcalines : Les corps orga-
Plante herbacée vivace, connue encore s’était bien promis de ne plus boire d’al-
niques contenant de l’azote peuvent devenir
sous les noms de manteau de Notre-Dame, cool, à cause de ce foie qui l’inquiétait
alcalescents.
perce-pierre, etc. (Duhamel). 5. Fig. Ce qui grise, excite :
alcali [alkali] n. m. (de l’ar. al-qalyi, n. Les musiques contrariées [...], le mouve-
d’une plante d’où l’on extrait la soude ; 1509, alchimie [alimi] n. f. (lat. médiév. alche-
ment et la cohue, c’était, dans la nuit ser-
écrit al-kalli). Substance dont les proprié- mia, tiré de l’ar. al-kmiy’, la chimie, pro-
rée comme le coeur d’une fleur, un alcool
tés chimiques sont analogues à celles de la bablem. du gr. de basse époque khêmia,
terriblement fort pour Armand et pour les
soude et de la potasse. Alcali volatil, ou magie noire, formé avec l’égyptien kêm,
autres (Aragon).
simplem. alcali, ammoniaque. noir ; 1240, G. de Lorris, écrit alkimie ;
alchimie, 1636, Monet). 1. Nom donné à alcoolat [alkla] n. m. (de alcool ; 1826,
alcalifiant, e [alkalifj, -t] adj. (de alcali la chimie du Moyen Âge, qui s’efforçait de Debraine-Helfenberger). Liquide que l’on
et du suff. -fiant ; 1829, Boiste). En chimie, découvrir la pierre philosophale, laquelle obtient en distillant de l’alcool sur une
se dit de ce qui peut donner à une substance était supposée propre à transmuer n’im- substance aromatique : L’eau de Cologne
les propriétés de l’alcali. porte quel métal en or et à guérir toutes est un alcoolat.
alcalimètre [alkalimtr] n. m. (de alcali les maladies. 2. Recherches savantes, alcoolature [alklatyr] n. f. (de alcoolat ;
et du gr. metron, mesure ; 1829, Boiste). combinaisons compliquées et un peu milieu du XIXe s.). Produit obtenu par macé-
Appareil à l’aide duquel on détermine la mystérieuses, dans un art quelconque, ration d’une plante dans l’alcool.
concentration des alcalis. pour obtenir du nouveau, de l’exquis : Une
alchimie meilleure et plus certaine que la alcoolé [alkle] n. m. (de alcool ; milieu du
alcalin, e [alkal, -in] adj. (de alcali ; 1691, XIXe s.). Mélange d’une substance médica-
poursuite de la pierre philosophale (Hugo).
Chastelain). 1. Relatif aux alcalis ; qui a menteuse à l’alcool : L’eau-de-vie camphrée
3. Fig. Subtilité excessive apportée dans
les propriétés des alcalis : Saveur alcaline. est un alcoolé.
l’étude des sentiments, analyse quintes-
2. Métaux alcalins, métaux très oxy-
senciée : Je crains tant que, parmi notre alcoolémie [alklemi] n. f. (de alcool,
dables, comme le sodium, le potassium,
alchimie exquise, | Le vrai du sentiment ne et de -émie, du gr. haima, sang ; milieu du
qui, par leur combinaison avec l’oxygène,
se volatilise (Rostand). XXe s.). Présence d’alcool dans le sang.
donnent des alcalis.
• SYN.: 2 et 3 raffinement.
alcalin n. m. Médicament qui renferme alcoolification [alklifikasj] n. f. (de
un alcali. alchimique [alimik] adj. (de alchimie ; alcool ; milieu du XIXe s.). Fermentation
1547, A. Du Moulin, écrit alkimique). Qui alcoolique.
alcaliniser [alkalinize] ou alcaliser
a rapport à l’alchimie : Les traités alchi-
[alkalize] v. tr. (de alcali ; alcaliser, 1610, alcoolique [alklik] adj. (de alcool ; fin
miques de Zozime le Panopolitain (France).
J. Duval ; alcaliniser, 1845, Bescherelle). du XVIIIe s.). 1. Qui a rapport à l’alcool : Le
Donner à un corps les propriétés des alcalis. alchimiste [alimist] n. m. (de alchimie ; degré alcoolique d’une boisson. 2. Qui est
1532, Rabelais, écrit alchymiste ; archemiste à base d’alcool : Une liqueur alcoolique.
alcalinité [alkalinite] n. f. (de alcalin ;
au XVe s.). 1. Celui qui s’occupait d’alchi- adj. et n. Se dit d’une personne qui fait
1803, Boiste). État alcalin.
mie : Cette table mystérieuse des alchi- abus des breuvages alcooliques : Des juges
alcaloïde [alkalid] n. m. (de alcali et du mistes, des astrologues, des hermétiques intègres eussent [...] plaidé l’hérédité d’une
gr. eidos, forme ; 1827, Henry, Journal de (Hugo). 2. Littér. Celui qui, par des tante folle, d’un père alcoolique (Cocteau).
pharmacie). Substance organique, d’ori- recherches patientes, par des combinai- Un, une alcoolique.
gine végétale, rappelant les alcalis par ses sons savantes et subtiles, s’efforce de créer
alcoolisable [alklizabl] adj. (de alcooli-
propriétés : La morphine est un alcaloïde. du nouveau dans son art : Qu’ils reculent
ser ; 1866, Larousse). Qui peut être converti
sans cesse les limites de leur bonheur, ces
alcarazas [alkarazas] n. m. (esp. alcar- en alcool : Le sucre est alcoolisable.
alchimistes de l’horticulture (Baudelaire).
raza, empr. à l’ar. al-karaz, même sens ;
1798, Brunot). Cruche de terre poreuse, alcoolisation [alklizasj] n. f. (de
alcide [alsid] n. m. (gr. Alkeidês, des-
alcooliser ; au sens médic. et chim., 1706,
dans laquelle l’eau se maintient fraîche cendant d’Alcée, aïeul d’Hercule ; 1863,
grâce à l’évaporation : Je me souviens Le Pelletier ; sens moderne, 1803, Boiste).
Littré). Vx. Lutteur de foire : Des alcides,
d’avoir aperçu, au chevet de mon lit, sur Addition d’alcool dans les liquides.
des écuyers, des théâtres de marionnettes et
un escabeau, un alcarazas (Gide). jusqu’à un éléphant savant se partageaient alcoolisé, e [alklize] adj. (part. passé de
• SYN.: gargoulette. l’admiration de la foule (Nerval). alcooliser ; 1620, J. Béguin, écrit alcolizé).

113
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Se dit de ce qui est mêlé d’alcool : Un sang chement des coelentérés, formant des colo- n. m. Ce qui est aléatoire : Dans toute
alcoolisé coulait dans ses membres (Ch.-L. nies massives de petits polypes. aventure de ce genre, on selance dans l’aléa-
Philippe). Boisson alcoolisée. toire (Gide).
alcyonien, enne [alsjnj, -n] adj. (de
alcooliser [alklize] v. tr. (de alcool ; 1620, alcyon ; 1566, Du Pinet, écrit halcyonien). aléatoirement [aleatwarm] adv.
J. Béguin). Ajouter de l’alcool à un autre 1. Qui a rapport à l’alcyon. Jours alcyo- (de aléatoire ; 1866, Larousse). De façon
liquide ou à une préparation : Vous n’avez niens, les sept jours qui précèdent et les sept aléatoire.
pas assez alcoolisé ce grog. Alcooliser légè- jours qui suivent le solstice d’hiver, pen- alémanique [alemanik] adj. (bas lat.
rement une salade de fruits. dant lesquels on dit que la mer est calme et alemanicus, de Alemani, Alamans, tribu
s’alcooliser v. pr. Fam. Absorber une que l’alcyon fait son nid. 2. Littér. Se dit germanique ; milieu du XIXe s.). Se dit de
forte quantité d’alcool, occasionnelle- d’un calme parfait : Toutes les inquiétudes la Suisse de langue allemande et de ses
ment ou habituellement : J’ai besoin de étaient aplanies par un calme alcyonien habitants.
m’alcooliser afin de me remonter quelque (Baudelaire). n. m. et adj. Groupe de dialectes du haut
peu (Benoit).
aldéhyde [aldeid] n. m. [ancienn. f.] allemand parlés particulièrement en Suisse
alcoolisme [alklism] n. m. (de alcool ; dite allemande.
(abrév. de al[cool] dehyd[rogenatum] ;
1861, Année scient. et industr.). Abus
milieu du XIXe s.). Corps formé par dés- alêne [aln] n. f. (germ. *alisna, par l’in-
des boissons alcooliques, entraînant, à
hydrogénation ou oxydation ménagée d’un termédiaire du lat. ; XIIe s., écrit alesne).
la longue, de graves désordres physio-
alcool. Poinçon à l’aide duquel on perce le cuir.
logiques. L’ensemble de ces troubles
physiologiques. alderman [ldrman] n. m. (mot alénier [alenje] n. m. (de alêne ; XVIe s.,
angl. signif. « vieil homme » ; 1615, écrit allesnier). Fabricant ou marchand
alcoomètre [alkmtr] n. m. (contrac-
Montchrestien). Magistrat municipal, en d’alênes.
tion de alcoolomètre, auj. inusité, comp.
Angleterre et aux États-Unis : La motion
de alcool et du gr. metron, mesure ; 1809, alénois [alenwa] adj. m. (altér. de orlenois,
Archives des découvertes). Aréomètre ser- qu’un honorable membre, l’alderman che-
d’Orléans ; 1546, Rabelais). Cresson alénois,
vant à mesurer, dans les vins et les liqueurs, valier Pack, a faite à la Chambre (Hugo).
v. CRESSON.
la proportion d’alcool, ou degré alcoolique. • Pl. des ALDERMEN [ldrmn].
alentir [altir] v. tr. (de lent ; XIIe s.).
Alcoran n. m. V. CORAN. aldin, e [ald, -in] adj. (de Alde, n. pr. : 1. Class. et littér. Ralentir : Le père et la
début du XVIIIe s.). Qui a rapport aux Alde, fille [...] montèrent la côte à pas alen-
alcotest ou alcootest [alktst] n. m.
célèbre famille d’imprimeurs vénitiens : tis (Maupassant). 2. Class. Calmer :
(de alcool et de test ; milieu du XXe s.). Petit
Les éditions aldines. Caractères aldins, Un exemple si lâche alentit leur ardeur
appareil permettant d’évaluer instantané-
caractères d’imprimerie qu’Alde Manuce (Mairet).
ment l’imprégnation éthylique d’un sujet.
(1449-1515) fit exécuter : Le plus remar- v. intr. et s’alentir v. pr. 1. Class. et littér.
alcôve [alkov] n. f. (esp. alcoba, de l’ar. al- quable des caractères aldins est l’italique. Devenir plus lent, moins vif : Au fur et à
qubba, la petite chambre ; 1646, Boisrobert). mesure que M. de Charlus s’était alourdi et
1. Enfoncement ménagé dans le mur d’une ale [l] n. f. (moyen néerl. ale, sorte de bière
alenti, Legrandin était devenu plus élancé
chambre pour recevoir un ou plusieurs lits : douceâtre ; 1280, Hist. de SaintOmer). Bière
et rapide, effet contraire d’une même cause
Emma monta dans les chambres. La pre- anglaise légère : Rien de ces discussions
(Proust). Ce combat contre l’hébétude et les
mière n’était pas meublée, mais la seconde, bruyantes, à l’ale et à l’absinthe, qui sont
heures visqueuses, Kassner le vivait selon
qui était la chambre conjugale, avait un lit d’usage dans nos estaminets de barrières
un rythme qui s’alentissait (Malraux).
d’acajou dans une alcôve à draperie rouge (Loti).
2. Class. et littér. Devenir moins ardent,
(Flaubert). L’alcôve était peu profonde
aléa [alea] n. m. (lat. alea, coup de dé, se calmer : Et laissant alentir les flammes
et les rideaux en demeuraient ouverts
chance ; 1866, Larousse). 1. Hasard, favo- légitimes (Quinault). Mon émoi s’alentit
(Duhamel). 2. Fig. Intimité conjugale
rable ou non ; incertitude quant au résul- (Gide).
ou galante : Ces bras faits pour l’alcôve.
tat : Dans toute affaire, il y a une part d’aléa. [altism] n. m.
3. Class. Partie de la chambre utilisée, au alentissement
2. Spécialem. et péjor. Incident défavo- (de alentir ; 1547, Dict. général).) Vx.
XVIIe s., par les précieuses comme salon de
réception : Les habitués des alcôves. Tenir rable, inconvénient : Ils recevraient alors, Ralentissement.
alcôve, recevoir. outre leurs dix mille francs, une indemnité
spéciale de cinq cents francs en compensa- alentour [altur] adv. (de à l’entour ;
• REM. Au XVIIe s., alcôve pouvait être 1424, A. Chartier). Dans l’espace qui est
tion des aléas qu’entraînerait un nouveau
masculin : Il y avait un alcôve à l’opposite autour : Quand elle s’en revenait de chez lui,
des fenêtres (La Fontaine). placement (Duhamel). Elle [...] m’expliquait
elle jetait tout alentour des regards inquiets
diverses professions, leurs avantages, leurs
alcoviste [alkovist] n. m. (de alcôve ; (Flaubert). D’alentour, qui se trouve dans
aléas (Lacretelle).
1660, Somaize). Class. Celui qui fréquen- les environs : Les forces secrètes de l’âge le
• SYN. : 1 aventure, chance, hasard, rapprochèrent des nymphes qui peuplaient
tait les alcôves des précieuses.
imprévu ; 2 ennui.
les bois d’alentour (Samain).
alcyon [alsj] n. m. (lat. alcyon, du gr.
aléatoire [aleatwar] adj. (lat. aleatorius, alentour de loc. prép. Vx. Autour de :
alkuôn ; 1547, G. Haudent ; une première
relatif au jeu ; fin du XVIe s.). 1. Qui dépend Alentour de la salle [...], l’interminable ran-
fois v. 1265, B. Latini). 1. Oiseau légendaire,
d’un événement incertain : Des profits gée des statues de tous les rois de France
qui passait, chez les Anciens, pour ne faire
aléatoires. Spécialem. Contrat aléa- (Hugo). Alentour de la ville, de grands
son nid que sur une mer calme, et qui,
toire, contrat dont l’effet est subordonné champs de céréales (Gide).
pour cette raison, était considéré comme
un oiseau d’heureux présage : Les vastes à un événement incertain. 2. Soumis au alentours [altur] n. m. pl. (de alentour,
flots berçaient le nid de l’alcyon (Hugo). hasard, qui peut réussir ou échouer : Une adv. ; 1766, Voltaire). Lieux qui sont autour
2. Littér. Oiseau de mer, en général : Ce démarche aléatoire. d’un endroit considéré comme centre : Les
haut promontoire qui s’avance au milieu des • SYN. : 1 et 2 hasardeux, hypothétique, dames des alentours conviées avec leurs
flots et qui n’est visité que par les alcyons incertain, problématique. — CONTR. : 1 et maris (Flaubert). Les fermes désertes aux
(France). 3. Animal marin de l’embran- 2 assuré, certain, sûr. alentours de la route (Alain-Fournier).

114
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

Les alentours de ce château sont particu- cabri voyageur en quelques bonds alertes alète [alt] n. m. (gr. alêtês, errant ; 1690,
lièrement surveillés (Gide) ; et au fig. : Les | Vient boire (Leconte de Lisle). Un petit Furetière). Oiseau de proie de l’Inde, propre
alentours d’une question. vieux [...], alerte et gai comme une abeille à la chasse aux perdrix : Il passe sa journée
• SYN. : abords, à-côtés (fig.), environs, (Daudet). 3. Fig. Se dit de ce qui montre à l’affût, l’arbalète | Tendue à la cigogne, au
voisinage. de la légèreté, de la vivacité d’esprit, et de gerfaut, à l’alète, | Suit l’isard, ou, pensif,
• REM. On trouve quelques exemples l’esprit lui-même : La grande avenue où s’accoude aux parapets | Des gouffres sur
d’emploi au singulier dans la langue lit- commençaient à sautiller sous les feuillages les lacs et les halliers épais (Hugo).
téraire : C’est elle [sainte Geneviève] qui les refrains alertes des concerts en plein vent
aleurone [alørn] n. f. (du gr. aleuron,
ramassant Paris et tout son alentour (Pé- (Maupassant). Vous arriverez [...] l’esprit si
farine ; 1865, Année scient. et industr.).
guy). Un air sec [...] qui nettoyait la route vivace, si alerte (Prévost).
Matière azotée de réserve, qui se trouve
en empoussiérant l’alentour (Gide). • SYN. : 2 agile, fougueux, fringant, leste,
dans les graines.
sémillant, vif ; 3 délié, éveillé, pénétrant, vif.
alépine [alepin] n. f. (de Alep, n. d’une
— CONTR. : 2 ankylosé, engourdi, indolent, alevin [alv] n. m. (lat. pop. *allevamen,
ville de Syrie ; v. 1700, Liger, au sens géné-
mou, pesant ; 3 balourd, endormi, interte, de allevare, lever, soulager, qui, en lat. pop.,
ral de « qui vient d’Alep »). Étoffe dont la
lent, lourd. a pris le sens de « élever » [des enfants, des
chaîne est de soie et la trame de laine : Elle
adv. Class. En éveil : Son rat qui setenait animaux] ; XIIe s. ; écrit d’abord alevain,
portait sur une robe en alépine un fichu
alerte (ou à l’erte) et sur ses gardes (La puis alevin). Très jeune poisson servant à
brodé (Balzac).
Fontaine). repeupler les étangs ou les rivières.
alérion [alerj] n. m. (probablem. du fran-
alertement [alrtm] adv. (de alerte ; alevinage [alvina] n. m. (de aleviner ;
cique *adalaro, correspondant à l’allem.
fin du XIXe s., Daudet). 1. Avec aisance et 1690, Furetière). Action de repeupler les
Adler, aigle ; XIIe s., au sens d’ « oiseau de
souplesse : Alertement, mais de ce pas un eaux avec des alevins.
proie », surtout « aigle » jusqu’au XVIe s. ;
peu lent des femmes habituées à se l’ais-
souvent écrit allérion au XVIIe s. ; auj., terme aleviner [alvine] v. tr. (de alevin ; 1308,
ser admirer, elle se mit en route (Daudet).
d’héraldique).) 1. Oiseau de proie, sorte Dict. général). Peupler d’alevins un étang,
2. Fig. Avec vivacité, légèreté : Les éton-
de grand aigle : Dans les temples profonds un cours d’eau, etc.
nantes fantaisies de Chéret, ces fantaisies
de Crète et de Tyrrhène, | Les dieux olym- v. intr. En parlant d’un poisson femelle,
en couleurs si alertement dessinées et si
piens à la face sereine | Écoutaient l’affreux déposer son frai.
vivement peintes (Huysmans).
vol des quatre alérions (Hugo). 2. Petite
aigle aux ailes éployées, sans bec ni pattes, alerter [alrte] v. tr. (de alerte 2 ; 1918, alevinier [alvinje] n. m. ou alevinière
figurant sur certains blasons : L’alérion des Larousse). 1. Prévenir quelqu’un d’un [alvinjr] n. f. (de alevin ; 1700, Liger).
Lorraine-Habsbourg (Barrès). danger menaçant, l’inviter à se tenir prêt Étang où l’on met les alevins.
à agir : Tchen savait que la police spéciale 1. alexandrin, e [alksdr, -in] adj. (lat.
1. alerte ! [alrt] interj. (de l’ital. all’erta
était alertée depuis trois jours (Malraux). La
[fém., pris substantiv., de erto, escarpé], alexandrinus, d’Alexandrie, v. d’Égypte ;
classe ouvrière de Sérianne restera alertée et
« sur la hauteur ! », cri d’appel des gardes ; 1080, Chanson de Roland). 1. D’Alexandrie
veillera à ce que la municipalité fasse entiè-
1540, Rabelais, écrit à l’herte ; var. a l’erte, d’Égypte : Bibliothèque alexandrine.
rement son devoir (Aragon). 2. Mettre
encore chez La Fontaine). Cri signifiant 2. Se dit de la poésie et de l’art grecs
en éveil : Un voisin alerté par le bruit fit
originellement « Debout ! » et lancé pour qui se développèrent dans l’Égypte ptolé-
irruption (Aymé).
avertir d’un danger : Alerte ! L’ennemi maïque, notamment à Alexandrie. Par
arrive.
• SYN.: 1 avertir, aviser, informer, prévenir. anal. Se dit de ce qui imite cet art : Les
alésage [aleza] n. m. (de aléser ; 1827, poèmes alexandrins de Catulle.
2. alerte [alrt] n. f. (même étym. qu’à
Acad.). 1. Opération qui consiste à façon-
l’art. précédent ; XVIIIe s., Buffon). 1. Appel, 2. alexandrin [alksdr] adj. et n. m. (du
signal qui prévient de la menace d’un ner avec précision la surface intérieure
poème Romans d’Alexandre, ouvrage du
d’une pièce creuse. 2. Diamètre intérieur
danger : Dès le premier son des alertes XIIe s., remanié au XIIIe s., où était employé
nocturnes, j’ouvrais les fenêtres (Colette). d’un cylindre de moteur.
ce vers ; début du XVe s., rime alexandrine
Le clairon, le tocsin, les sirènes donnent alèse n. f. V. ALAISE. et lignes alexandrines ; fin du XVe s., vers
l’alerte. Être en état d’alerte. 2. L’état de alexandrins). Se dit du vers français de
alésé, e [aleze] ou alaisé, e [alze] adj.
danger lui-même annoncé par ce signal : douze syllabes : J’ai disloqué ce grand
(part. passé de aléser ; 1671, Pomey). En
Tout habilié, comme un soldat au can- niais d’alexandrin (Hugo). « Le Cid », de
héraldique, se dit des pièces dont les extré-
tonnement d’alerte, il s’étendit sur son lit Corneille, est composé en vers alexandrins.
mités ne touchent pas les bords de l’écu :
(Alain-Fournier). Les soirs d’alerte, de cris
Croix alésée. alexandrinisme [alksdrinism] n. m.
et de fureur, emplis du grognement des ours
rués sur le troupeau (Pesquidoux). L’alerte (de alexandrin 1 ; 1842, Acad., sens philos. ;
aléser [aleze] v. tr. (de l’anc. franç. alaisier,
a duré deux heures. 3. Fig. Fait insolite, élargir, lat. pop. *allatiare, de latus, large ; 1898, Larousse, sens étendu). 1. Ensemble
symptôme inquiétant, qui, soudainement, fin du XVIIe s.). [Conj. 5.] Polir et mettre au des manifestations de la civilisation
avertit de l’existence d’un péril : Considérez diamètre exact la cavité d’une pièce forée grecque d’Alexandrie (IIIe s. av. J.-C. - IIIe s.
cette syncope comme une alerte et allez sans ou évidée : Aléser le tube d’un canon, les apr. J.-C.). 2. Philosophie néo-platoni-
retard consulter un cardiologue. cylindres d’un moteur. cienne, qui fut illustrée en particulier
• SYN. : 1 alarme ; 3 avertissement, mise • SYN.: calibrer. par Polotin et par Porphyre. 3. Forme
en garde. d’art, de poésie caractérisée par l’abus
aléseuse [alezøz] n. f. (de aléser ; fin du de l’érudition, le style orné, la subtilité,
3. alerte [alrt] adj. (de alerte 1 ; XVIe s., XIXe s.). Machine-outil servant à aléser. parfois l’obscurité : Les raffinements de
Arion, d’abord adv.). 1. Class. Qui est en l’alexandrinisme.
alésoir [alezwar] n. m. (de aléser ; 1671,
éveil et prêt à agir : Nous attendons le roi
Seignelay). Outil qui sert à aléser. alexie [alksi] n. f. (de a priv. et du gr.
et les beautés sont alertes pour voir de quel
côté il tournera (Sévigné). 2. Se dit d’un alester [alste] ou alestir [alstir] v. tr. lexis, lecture ; début du XXe s.). Incapacité
être qui a de l’aisance et de la rapidité dans (de à et de leste ; 1609, Prévost). Alester un congénitale ou pathologique de lire.
ses mouvements, ou de son allure : Un navire, le rendre plus léger (terme de marine). • SYN.: cécité verbale.

115
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

alexipharmaque [alksifarmak] n. m. algèbre [albr] n. f. (lat. médiév. algebra, présumer de la cause : Souffrir d’une algie
(gr. alexipharmakon, de alexein, repousser, empr. à l’ar. al-djabr, la réduction, la répa- dans la jambe.
et pharmakon, poison ; 1538, J. Canappe). ration, c’est-à-dire « réduction de l’arith-
2. -algie [ali], élément tiré du gr. algos,
Nom donné jadis aux remèdes propres à métique à une forme plus parfaite » ; fin du
douleur, et entrant comme suffixe dans un
prévenir ou à guérir les effets des poisons. XIVe s.). 1. Science du calcul des grandeurs
grand nombre de mots médicaux : cépha-
représentées par des lettres affectées du
alezan, e [alz, -an] adj. (esp. alazán, lalgie, gastralgie, etc.
signe + ou du signe — : Un traité d’algèbre.
probablem. de l’ar. al-hisn, cheval dont
Algèbre de la logique, ou logistique, repré- algine [alin] n. f. (de algue ; 1888,
la robe est rougeâtre ; 1534, Rabelais). Se dit
sentation des propositions et des jugements Larousse). Substance visqueuse, formée par
d’un cheval de couleur fauve : Une jument
logiques au moyen de divers symboles et le mucilage de certaines algues au contact
alezane.
d’une mise en équation utilisant les procé- de l’eau, et qui a diverses utilisations dans
alezan n. m. Cheval de couleur fauve : Le l’industrie.
dés de l’algèbre. 2. Par extens. Livre qui
petit alezan arabe que je montais était peut-
traite d’algèbre : J’ai oublié d’apporter en algique [alik] adj. (de algie ; 1928,
être un peu trop fougueux à mon gré (Gide).
classe mon algèbre. 3. Tout ce qui pré- Larousse). Relatif à la douleur : Fièvre
alfa [alfa] n. m. (ar. half ; 1848, Daumas ; sente les formes de généralisation de l’al- algique.
une première fois au XVIIe s., sous la forme gèbre : Les femmes [...] expliquent, par une
algèbre qu’elles ont inventée, le merveilleux algologie [algli] n. f. (de algue et du
aufe). 1. Plante herbacée d’Afrique du
lui-même (Dumas père). 4. Chose diffi- gr. logos, science ; 1863, Littré). Science qui
Nord et d’Espagne, employée à la fabrica-
cile à comprendre, à déchiffrer : Pour moi, a pour objet l’étude des algues.
tion de cordes, de nattes, d’espadrilles, de
tissus grossiers, de papier d’imprimerie. votre raisonnement n’est que de l’algèbre. algonquin [algk] n. m. (du n. d’une
2. Papier préparé avec une pâte à base • SYN.: 4 chinois, hébreu. tribu indienne de l’Amérique du Nord ;
d’alfa : Il a été tiré cinq cents exemplaires XVIIIe s., Beaumarchais). S’est dit pour
algébrique [alebrik] adj. (de algèbre ;
sur alfa. désigner un individu absolument primitif
1743, Trévoux [XVIe s., écrit algébraïque]).
et illettré : Tous ces mots [...] sont pour moi
alfange [alf] n. f. (esp. alfanje, de l’ar. Qui appartient à l’algèbre : Formule algé-
un vocabulaire vide de sens ; c’est comme si
al-chandjar, le sabre, le poignard ; 1636, brique. Calculs algébriques.
tu parlais à un Algonquin (Flaubert).
Corneille). Vx. Cimeterre mauresque :
algébriquement [alebrikm] adv.
Contre nous de pied ferme ils tirent leurs algorithme [algritm] n. m. (du bas
(de algébrique ; 1782, Gohin). Suivant les
alfanges, | De notre sang au leur font d’hor- lat. algorismus, empr. à l’ar. al-Khrezmi,
règles de l’algèbre : Résoudre un problème
ribles mélanges (Corneille). Les démons surnom de Muhammad ibn Ms, mathé-
algébriquement.
hérissés d’alfanges, les anges ignivomes maticien arabe du IXe s., modifié sous l’in-
(Fargue). algébriste [alebrist] n. (de algèbre ; fluence du gr. arithmos, nombre ; XIIIe s.,
fin du XVIe s., Scaliger). Personne qui écrit algorisme [encore en 1690, Furetière] ;
alfatier, ère [alfatje, -r] adj. (de alfa ;
connaît, pratique, enseigne l’algèbre : algorithme, 1554, J. Peletier). En mathéma-
début du XXe s.). Qui se rapporte à l’alfa :
Mathématiciens ou néo-criticistes, ils se tiques, système de symboles et de procédés
La culture alfatière.
tenaient aussi loin que possible de la trou- de calcul qui fournit la solution de certains
alfatier n. m. Personne qui s’occupe de problèmes.
blante réalité et ne s’en occupaient pas plus
la récolte, du commerce ou du traitement
que l’algébriste de l’existence des quantités
de l’alfa. alguazil [algwazil] n. m. (esp. alguacil,
qu’il mesure (Gide).
de l’ar. al-wzir, le conseiller ; 1581, C.
Alfénide [alfenid] n. m. (nom déposé ; du Guichard). 1. Autrefois, nom des agents
algérien, enne [alerj, -n] adj. et n.
nom de l’inventeur Halfen ; 1850). Métal de police en Espagne : Quatre ou cinq
(de Algérie ; XVIIe s.). Relatif à l’Algérie ;
blanc, alliage de cuivre, de nickel, de zinc alguazils, armés de piques rouillées, s’empa-
habitant ou originaire de l’Algérie.
et d’argent : Des couverts en Alfénide. rèrent de nous (Chateaubriand). 2. Littér.
algérien n. m. Dialecte arabe maghré-
alganon [algan] n. m. (bas lat. organum, bin d’Algérie, divisé en plusieurs parlers et péjor. Policier : Narguer les alguazils.
instrument ; 1721, Trévoux). Chaîne qu’on différents. • SYN.: 2 sbire.
mettait au forçat quand il circulait hors algérienne n. f. 1. Étoffe de laine rayée, algue [alg] n. f. (lat. alga ; 1551, Cottereau).
du bagne. de couleurs vives : Les trois rideaux Végétal qui vit dans l’eau de mer, dans l’eau
algarade [algarad] n. f. (esp. algarada, d’algérienne étaient soigneusement tirés douce, ou au moins dans l’air humide :
cris poussés par les combattants, de l’ar. (Flaubert). 2. Écharpe faite de cette Lorsque le vent souffle, les algues courent
al-ghra, attaque à main armée ; début du étoffe. en bruissant le long de la plage, et aussi
s. ; sens fig., 1555, E. Pasquier). 1. Class. loin que la mer se retire sur les rochers, ces
XVIe
algérois, e [alerwa, -az] adj. et n. (de
et littér. Attaque brusque et violente : Les longues chevelures mouillées se plaquent et
Alger ; fin du XIXe s.). Relatif à Alger ; habi-
laquais en niaisant venaient aussi me faire s’étalent (Daudet). Leurs cheveux blonds
tant ou originaire d’Alger.
algarade [= donner des coups] (Ch. Sorel). flottaient emmêlés d’algues vertes (Samain).
algide [alid] adj. (lat. algidus, glacé ;
C’était la bohémienne qu’il avait essayé alias [aljas] adv. (mot lat. signif. « dans
d’enlever : [...] algarade pour laquelle on le début du XIXe s.). Se dit d’un état dans lequel
d’autres circonstances, ailleurs », empr. par
châtiait en cet instant (Hugo). 2. Propos le malade éprouve une forte sensation de
la langue jurid. ; XVe s., Martial d’Auvergne).
froid : La période algide du choléra.
agressifs lancés soudain contre quelqu’un, Autrement dit, par un autre nom : Henri
querelle brusque qu’on lui cherche : Il algidité [alidite] n. f. (de algide ; milieu Beyle, alias Stendhal.
s’avouait que son algarade dépassait les du XIXe s.). État dans lequel le malade
bornes (Cocteau). alibi [alibi] n. m. (mot lat. signif. « ail-
éprouve une sensation de froid intense :
leurs », et auquel le lat. jurid. du Moyen
• SYN.: 2 avanie, incartade, scène, sortie. L’algidité se caractérise en particulier par
Âge a donné son sens actuel ; 1394, Douet
le refroidissement des extrémités.
algazelle [algazl] n. f. (ar. al-ghazl, d’Arcq ; au XVIe s., a souvent le sens de
la gazelle ; 1782, Encycl. méthodique). 1. algie [ali]n. f. (du gr. algos, douleur ; « ruse »). 1. Moyen de défense consis-
Antilope du Sahara à cornes longues et milieu du XXe s.). Terme médical désignant tant, pour une personne, à prouver qu’au
fines, un peu recourbées vers l’arrière. toute espèce de douleur physique, sans moment du délit ou du crime dont on l’ac-

116
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

cuse elle se trouvait à un autre endroit que aliénateur, trice [aljenatoer, -tris] mon propre destin (Romains). 4. Rendre
celui où ila été commis : Jene pourrais pas n. (de aliéner ; 1596, J. de Basmaison). hostile : Elle nous aliénerait à tout jamais
m’empêcher de bafouiller, de prendre mes Personne qui aliène un bien, un droit ceux de leurs éminents confrères qui n’ont
précautions, d’insinuer que j’étais absent de (terme juridique). pas encore répondu à votre invitation
Paris le jour du rapt, bref de me trouver un (Maupassant).
aliénation [aljenasj] n. f. (lat. jurid. alie-
alibi (Duhamel). 2. Moyen d’échapper à • SYN.: 1 céder, donner, transmettre, vendre.
natio ; XIIIe s., sens jurid. ; 1361, Oresme,
autre chose, remède contre : Elle le juge un — CONTR. : 1 acheter, acquérir, annexer,
aliénation d’esprit, trad. de alienatio men-
compagnon possible — faute de mieux —, s’approprier, conserver, garder.
tis, encore usité au XIXe s. ; aliénation men-
un alibi à l’ennui qui la dévore (Bernanos). s’aliéner v. pr. Éloigner de soi : Je me
tale, 1811, Hanin).
3. Ce qui peut servir d’excuse, prétexte :
suis aliéné nombre de ceux dont j’aurais
Souffrez que les jeunes filles honnêtes ne I. 1. Action de faire passer un bien ou un
dû flatter la paresse (Gide).
fournissent pas des alibis aux dévergondées droit à la propriété d’un autre (terme ju-
(Romains). ridique) : Si l’aliénation de ces ornements aliénisme [aljenism] n. m. (de aliéné ;
• Pl. des ALIBIS. hors d’usage a été faite régulièrement, je 1883, M. du Camp). Partie de la médecine
ne vois pas que [...] J. M. Guitrel ait forfait qui a pour objet l’aliénation mentale. (V.
alibile [alibil] adj. (lat. alibilis, de alere, ALIÉNISTE, Rem.)
en s’entremettant dans cette opération lé-
nourrir ; 1863, Littré). Vx. En médecine,
gitime (France). Aliénation à titre gra- aliéniste [aljenist] n. et adj. (de aliéné ;
s’est dit d’une substance assimilable par
tuit, donation ou legs. Aliénation à titre 1846, Balzac). Vx. Médecin spécialiste qui
l’organisme, propre à la nutrition.
onéreux, vente, échange. 2. État qui ré- traite les maladies mentales : Selon quelques
aliboron [alibr] n. m. (de l’anc. franç. sulte de l’abandon ou de la privation d’un grands médecins aliénistes, le suicide, chez
aliboron, ellébore, du lat. helleborum ; ou droit naturel : Accepter l’aliénation de sa certaines organisations, est la terminai-
du nom hypothétique du philosophe arabe liberté. 3. Fig. Action de susciter l’hos- son d’une aliénation mentale (Balzac). Il
Al-Biruni, connu sous le nom de maistre tilité, l’aversion d’une personne ou d’un se demandait si Mlle Deniseau n’était pas
Aliboron au Moyen Âge ; au XVe s., surnom groupe ; cet état d’hostilité lui-même : une hystérique assez intéressante pour la
des apothicaires et des médecins ; au XVIe s., Cette aliénation des coeurs, il l’a bien cher- confier aux médecins aliénistes (France).
péjor., « homme qui se prétend très habile » ; chée. 4. Class. et absol. Aversion, froi- • REM. Aliéniste, aliénisme, devenus
sens moderne d’après La Fontaine, qui a deur : L’aliénation produite par la querelle
désuets, sont auj. remplacés par PSY-
plaisamment appelé l’âne Maître Aliboron ; du rang de Mademoiselle (Saint-Simon).
CHIATRE et par PSYCHIATRIE.
1440, Procès de Gilles de Rais, dans l’expres- Des commandements [...] qui auraient
sion maistre Aliborum).) Littér. Âne : Il y mis l’aliénation à la place de la confiance alifère [alifr] adj. (du lat. ala, aile, et ferre,
a des gens qui rougissent d’avoir aimé une (Mirabeau). porter ; milieu du XIXe s.). Se dit des insectes
femme, le jour qu’ils s’aperçoivent qu’elle pourvus d’ailes.
II. 1. Aliénation mentale, ou aliéna-
est bête. Ceux-là sont des aliborons vani-
tion, perte de la raison, consécutive à aliforme [alifrm] adj. (du lat. ala, aile,
teux, faits pour brouter les chardons les
des troubles psychiques qui rendent une et de forme ; milieu du XIXe s.). Qui a la
plus impurs de la création, ou les faveurs
personne inapte à la vie sociale. 2. En forme d’une aile : La membrane aliforme
d’un bas-bleu (Baudelaire). Le mois de sep-
termes de philosophie et de sociologie, des polatouches.
tembre est couronné d’abeilles qui dorent la
état d’oppression et de frustration qui ap-
grappe gluante de la treille, puis s’envolent alignement [alim] n. m. (de aligner ;
paraît quand les conditions de la vie so-
et piquent les pauvres aliborons (Jammes). début du XVe s.). 1. Action de ranger sur une
ciale échappent au contrôle de l’individu.
• SYN.: baudet, bourricot. même ligne bien droite ; fait d’être aligné :
• SYN.: I, 1 cession ; 2 perte. II, 1 démence, Les reliures de tons différents [...] mettaient
aliboufier [alibufje] n. m. (provenç. ali- folie. — CONTR.: I, 1 acquisition, annexion, de la couleur et de la gaieté dans cet aligne-
boufié ; 1783, Encycl. méthodique). Nom appropriation, conservation. II, 1 équi- ment monotone de volumes (Maupassant).
vulgaire du styrax, qui fournissait jadis libre, intelligence, raison. Les collines de la Champagne [...] ont des
un baume.
aliéné, e [aljene] n. et adj. (du lat. aliena- airs de paysages disciplinés où l’aligne-
alicante [alikt] n. m. (de Alicante, tus, part. passé de alienare, égarer l’esprit ; ment est de rigueur (Bedel). Les hommes,
port de la côte orientale d’Espagne ; 1866, XIVe s.). Personne qui a perdu la raison et désarmés, se tenaient à l’alignement dans
Larousse). Vin liquoreux que produit la dont l’état justifie l’internement : Je pour- l’immense plaine de neige (Malraux). À
province d’Alicante, en Espagne : Deux rais ordonner d’office le placement de cette droite, alignement !, ordre adressé aux
laquais firent le tour de la table, versant fille dans une maison d’aliénés (France). soldats pour les faire aligner. 2. Fig.
de l’alicante et du tokai (Zola). Les malheureux du 3e bataillon avaient le Action de mettre, de maintenir en rap-
sentiment de jouer par force à un jeu d’alié- port étroit, en conformité, une chose avec
alidade [alidad] n. f. (lat. médiév. alidada,
nés (Romains). une autre : L’alignement d’une monnaie sur
de l’ar. al-idda, même sens ; 1544, Apian,
• SYN. : dément, fou. — CONTR. : sain d’es- une autre. L’alignement de la politique d’un
Cosmographie). Règle graduée, portant
prit, sensé. État sur celle d’un autre. 3. Spécialem.
un instrument de visée et permettant de
Détermination par l’autorité administra-
mesurer les angles verticaux. aliéner [aljene] v. tr. (lat. jurid. alienare, tive des limites d’une voie publique ; ligne
aliénabilité [aljenabilite] n. f. (de alié- de alienus, étranger ; XIIIe s., Livre de jostice, qui fixe cette délimitation : La façade de
nable ; milieu du XIXe s.). Qualité de ce qui au sens jurid. ; « rendre hostile », XIVe s.). briques était juste à l’alignement de la rue
peut être vendu ou donné (terme juridique). [Conj. 5.] 1. Transmettre à un autre la (Flaubert).
propriété d’un bien : Aliéner un domaine.
aliénable [aljenabl] adj. (de aliéner ; • SYN.: 2 ajustement.
2. Fig. Laisser échapper, perdre la jouis-
début du XVIe s.). En droit, se dit de ce qui alignements n. m. pl. Rangées de men-
sance d’un droit naturel : Aliéner sa liberté.
peut être aliéné. hirs implantés en lignes parallèles. (Les
Une famille spirituelle [...] où je pouvais
plus célèbres sont les alignements de
aliénataire [aljenatr] n. (de aliéner ; prendre place sans rien aliéner de mon
Carnac, en Bretagne.)
XVIe s.). Personne à qui est transféré un indépendance d’esprit (Martin du Gard).
droit de propriété par aliénation (terme 3. Par anal. Rendre comme étranger à aligner [alie] v. tr. (de ligne ; 1155, Wace).
juridique). quelque chose : J’étais comme aliéné de 1. Ranger, présenter sur une ligne droite :

117
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Aligner des élèves, des soldats, des livres. lopper quelque chose (au pr. et au fig.) : êtres vivants des aliments nécessaires à
Quand elle eut disposé les choses à son gré, L’incendie a trouvé un excellent aliment leur subsistance : Alimenter un enfant.
aligné les serviettes [...], elle se recula pour dans cette fibre de bois. C’est un aliment de Cet homme gagne à peine de quoi ali-
contempler son oeuvre (Maupassant). Les choix pour l’intellect que la lecture de nos menter sa famille. 2. Par anal. Fournir
livres alignent leurs dos vêtus de cuirs divers grands écrivains classiques. Notre époque à une chose ce qui est indispensable à
(H. de Régnier). 2. Fig. Aligner des noms, nous offre de puissants aliments de ferveur son entretien ou à son fonctionnement :
des chiffres, des arguments, les indiquer les (Gide). Fig. et spécialem. L’aliment de Polia [...] alimenta la flamme de branches
uns après les autres, les produire pour éta- l’âme, l’eucharistie, sacrement par lequel de myrte séché (Nerval). Il nous faudrait
blir, prouver quelque chose : Jene me pique la foi est fortifiée. [...] assez d’eau pour alimenter deux cents
pas d’aligner des phrases sur n’importe quoi • SYN.: 1 mets, nourriture, pâture, pitance, baignoires en même temps (Maupassant).
(Bernanos). Ou bien je lui tiens tête et je subsistance ; 2 nourriture, pâture. Une caisse, le Fonds national, alimentée par
rage, ou bien je reste coi devant les argu- les contributions de tous les Juifs du monde
alimentaire [alimtr] adj. (lat. alimen-
ments qu’il aligne en bon ordre (Martin du rachète morceau par morceau le sol sacré
tarius ; XVIe s., Dict. général). 1. Qui est
Gard). Aligner ses phrases, parler, écrire des ancêtres (Tharaud). 3. Fig. Fournir
propre à servir d’aliment : Des produits, des
avec une correction méticuleuse. 3. Fam. la matière propre à continuer ou à déve-
conserves alimentaires. 2. Qui a rapport
Aligner une somme d’argent, la payer sur- lopper quelque chose : Il [l’abbé Galiani]
aux aliments : Nous nous étions imposé une
le-champ : Il m’a aligné quarante mille alimentait presque à lui seul la conversation
étroite parcimonie alimentaire (Romains).
francs (Dumas fils). Pop. Les aligner (les (Sainte-Beuve). L’air sobre de cette aigre
La situation alimentaire est satisfaisante.
billets de banque), payer. 4. Spécialem. campagne alimente fort activement mon
Pourvoir aux besoins alimentaires du
Aligner une rue, déterminer, de chaque atroce scepticisme (Rimbaud).
pays. Les industries alimentaires. Bol
côté de cette voie, une ligne que ne doivent • SYN. : 1 entretenir, nourrir, sustenter ;2
alimentaire, v. BOL. Régime alimentaire,
pas dépasser les maisons qui la bordent. approvisionner, pourvoir, ravitailler. —
prescription concernant les aliments qui
5. Fig. Aligner une chose sur une autre, CONTR. : 1 affamer.
peuvent être absorbés selon l’état de santé.
la mettre en rapport étroit, en conformité
3. Qui provient des aliments : Elle n’en alinéa [alinea] n. m. (du lat. médiév. a
avec elle : Aligner les salaires du secteur
reçut pas moins quelques débris alimen- linea, « en s’écartant de la ligne », for-
public sur ceux du secteur privé. Cet État
taires sur son corsage (Troyat). 4. Pension mule employée en dictant pour indiquer
a choisi d’aligner sa politique sur celle des
alimentaire, pension allouée à une per- qu’il faut aller à la ligne ; XVIIe s., Guez de
nations occidentales.
sonne, par jugement ou par accord amiable, Balzac). 1. Dans un texte, retrait d’une
• SYN.: 5 ajuster. pour lui permettre de vivre. Provision ligne par rapport aux autres lignes et qui
s’aligner v. pr. 1. Se mettre sur une même alimentaire, somme accordée à l’une des marque une séparation avec ce qui précède.
ligne : Ils s’alignent, réglant le pas de leurs parties d’un procès, pour lui permettre de 2. Passage compris entre deux retraits
chevaux | D’après le train suivi par leurs vivre en attendant le jugement définitif. de ce genre : Ce paragraphe se compose de
deux chefs rivaux (Heredia). 2. Être sur quatre alinéas.
une même ligne : Contre le lambris, peint alimentateur, trice [alimtatoer, -tris]
adj. (de alimenter ; 1866, Larousse). Qui • Pl. des ALINÉAS.
en blanc, s’alignaient huit chaises d’acajou
nourrit un organisme (vx), ou qui appro- alios [aljos] n. m. (mot gascon ; milieu
(Flaubert). 3. Fig. S’aligner sur quelqu’un,
se conformer étroitement à sa manière visionne une machine : Une substance ali- du XIXe s.). Grès imperméable, rougeâtre
mentatrice. Le mécanisme alimentateur ou noirâtre : L’eau vive que l’alios colore
d’agir, l’imiter fidèlement. 4. Vx et fam.
d’une mitrailleuse. d’ocre (Mauriac).
Se battre en duel : M. de Bargeton ne s’in-
quiétait pas d’avoir à s’aligner le lendemain alimentation [alimtasj] n. f. (de aliquante [alikt] adj. f. (lat. aliquanta,
devant un homme, à regarder froidement la alimenter ; début du XVe s.). 1. Action fém. de aliquantus, d’une certaine quan-
bouche d’un pistolet dirigé sur lui (Balzac). d’alimenter les êtres vivants : Durant l’Oc- tité ; 1653, Oudin, écrit aliquanta). Se dit
5. Pop. Pouvoir toujours s’aligner, être cupation, l’alimentation de la population a d’une quantité qui n’est pas contenue un
incapable de soutenir la comparaison avec posé de graves problèmes. Un produit des- nombre exact de fois dans une autre : Trois
un autre. tiné à l’alimentation du bétail. Manière est une partie aliquante de treize.
• SYN.: 1 et 2 se ranger. de s’alimenter : Une alimentation saine,
• CONTR. : aliquote.
diététique. 2. Ensemble des denrées, des
alignoir [aliwar] n. m. (de aligner ; 1410,
produits qui servent à nourrir les êtres aliquote [alikt] adj. f. (lat. aliquot, un
Godefroy). Outil en forme de coin, utilisé
vivants : Il pouvait rendre les gens gais ou certain nombre de ; 1484, Chuquet). Se dit
dans les ardoisières.
tristes [...] selon la nature de l’alimenta- d’une quantité contenue un nombre exact
aligoté [aligte] adj. et n. m. (de l’anc. tion qu’il leur imposait (Maupassant). Vous de fois dans une autre : Deux est une partie
franç. [h] aligoter, déchirer, du francique trouverez cela au rayon de l’alimentation. aliquote de huit.
*hariôn, même sens ; 1866, Larousse, écrit 3. Commerce des denrées alimentaires : • CONTR. : aliquante.
alligotet). Se dit d’un cépage blanc de Il s’est enrichi dans l’alimentation. 4. Par
alise ou alize [aliz] n. f. (probablem.
Bourgogne. anal. Action d’approvisionner une collec-
du gaulois *alisia, qui a dû aussi désigner
tivité en un produit déterminé, de fournir
aliment [alim] n. m. (lat. alimentum, de l’aune ; 1118, J. Fantosme, au masc., écrit
à une installation, à un appareil ce qui lui
alere, nourrir ; 1120, Psautier d’Oxford). alis ; var. alie, fréquente au Moyen Âge et
permet de fonctionner : Alimentation d’une
1. Ce qui sert à nourrir les êtres vivants : dialect.). Fruit rouge de l’alisier, aigrelet et
ville en eau potable. Alimentation d’un
Lorsqu’ils s’étaient couchés, n’ayant pour d’un goût agréable.
circuit en courant électrique, d’un four en
aliment | Que la racine amère et le rouge
charbon, d’une chaudière en eau. alisier ou alizier [alizje] n. m. (de alise ;
piment, | Sur le groupe endormi de ces cher-
• SYN. : 1 approvisionnement, ravitail- XIIIe s., Huon de Méry). Arbre à feuilles
cheurs d’empires | Flottait, crêpe vivant, le
lement ; 2 aliments, mets, nourriture ; 4 lobées et à fleurs blanches, dont le bois est
vol mou des vampires (Heredia). L’hygiène
approvisionnement, fourniture, ravitail- utilisé en ébénisterie.
des aliments. Aliment complet, celui qui
lement. — CONTR. : 1 diète, jeûne.
contient tous les principes nécessaires à la alitement [alitm] n. m. (de aliter ; 1549,
nutrition de l’organisme. 2. Par extens. alimenter [alimte] v. tr. (de aliment ; R. Estienne). 1. Mise au lit d’un malade.
Ce qui sert à entretenir, à fortifier, à déve- XIVe s., Dict. général). 1. Pourvoir les 2. Séjour forcé au lit : Dans cette chambre

118
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

de mort, rien de ces apprêts qui révèlent le jusqu’au XVIe s.). Nourrir de son lait, en Birotteau chacun plus de trois cents grosses
long alitement, les horreurs de la maladie parlant de la femme et de la femelle des de pâte et d’eau (Balzac).
(Daudet). mammifères : Mariana se réveilla pour • SYN. : 1 amorcer, appâter ; 2 affrioler,
allaiter son nouveau-né (Duhamel). Une aguicher, appâter, engager, gagner, séduire,
aliter [alite] v. tr. (de lit ; fin du XIIe s.).
chienne en train d’allaiter ses petits. tenter. — CONTR.: 1 dégoûter, écoeurer, répu-
Obliger un malade à garder le lit : Une forte
grippe l’a alité pour plusieurs jours. Depuis allant, e [al, -t] adj. (part. prés. de gner ; 2 éloigner, rebuter, repousser.
treize semaines, il était alité chez ses hôtes aller ; XIIe s.). Se dit d’une personne qui se allée [ale] n. f. (du part. passé de aller ;
(Mérimée). déplace avec aisance, qui aime l’activité, le 1160, Benoît de Sainte-Maure, au sens 1 ; au
s’aliter v. pr. Se mettre au lit par suite de mouvement : Nous possédons la crème des sens 2, début du XIIIe s.). 1. Action d’aller ;
maladie ou de fatigue : Pour ne pas s’aliter, aumôniers, un prêtre jeune, allant, d’une usité seulement dans l’expression allées
car la mélancolie déserte de sa chambre lui adresse incomparable (Martin du Gard). Va et venues, déplacements de personnes qui
pesait, il s’installait au Rialto (Daudet). dans le Bocage, Adélaïde : tu es plus allante vont et viennent : Il y avait encore des allées
que moi ! (R. Bazin). et venues d’hommes en sueur (Aragon) ; et,
aliturgique [alityrik] adj. (de a priv.
• SYN. : actif, alerte, leste, vif. — CONTR. : au fig., ensemble de démarches effectuées
et de liturgique ; 1752, Trévoux). Dans la
inactif, indolent, inerte, lent, mou, pour faire aboutir une affaire. 2. Voie
religion catholique, se dit des jours où l’on
nonchalant. plus ou moins large, bordée généralement
ne célèbre pas la liturgie, notamment celle
allant n. m. (au sens 2. XIIe s., Livre des par des plates-bandes, des pelouses ou des
de la messe : Le samedi saint est un jour
Rois ; au sens 1, début du XXe s.). 1. Fam. arbres : Les allées d’un jardin, d’un parc. La
aliturgique.
Vivacité d’allure, ardeur à entreprendre : magnifique allée de chênes verts qui cou-
alizari [alizari] n. m. (de l’ar. al-’usra, Un industriel plein d’allant et d’audace ronne le bord du cratère (Stendhal). Deux
le jus ; 1827, Acad.). Racine sèche de la (Bordeaux). 2. Vx. Les allants et les longues allées en croix s’éloignaient vers
garance. venants, ceux qui vont et viennent : Ce des prairies illuminées d’arbres en fleurs
passage, toujours plein d’allants et venants, (Duhamel). Allée cavalière, allée d’un
alizarine [alizarin] n. f. (de alizari ; 1842,
de charrettes, de haquets, est d’un aspect parc, d’une forêt, réservée aux cavaliers.
Acad.). Matière colorante rouge, extraite
repoussant (Balzac). 3. Par anal. Passage libre entre les ran-
de l’alizari.
• SYN. : 1 activité, alacrité, dynamisme, gées de chaises ou de bancs, dans une
alize n. f. V. ALISE. entrain, fougue, vitalité. — CONTR. : 1 église, dans une salle de spectacle : L’allée
apathie, indolence, mollesse, nonchalance. centrale, les allées latérales. Spécialem.
alizé [alize] adj. et n. m. (de l’esp. [vientos]
alisios, vents alizés, d’origine incertaine, Allée couverte, alignement de dolmens
alléchant, e [ale, -t] adj. (part. prés.
peut-être empr. à l’anc. franç. alis, uni, du formant une galerie.
de allécher ; 1495, J. de Vignay). 1. Se dit
même radical que lisse ; 1643, Jannequin d’un mets, d’une boisson qui promet un allégateur [alegatoer] n. m. (de alléguer ;
[alisée] ; 1678, Guillet [alizés]). Se dit des plaisir des sens et inspire un fort désir de le XVIe s., Dict. général).) Class. Personne
vents réguliers qui soufflent toute l’année manger ou de la boire : La vitrine alléchante qui allègue, qui cite : Moi qui suis le plus
vers l’ouest entre les tropiques : Et les vents d’un confiseur. Le fumet alléchant d’un rôti. superstitieux de tous les auteurs et de tous
alizés inclinaient leurs antennes | Aux bords Une liqueur alléchante. 2. Fig. Se dit de ce les allégateurs (Guez de Balzac).
mystérieux du monde occidental (Heredia). qui exerce un attrait sur l’esprit ou éveille
Un merveilleux soir où l’alizé austral souf- allégation [alegasj] n. f. (lat. jurid.
des espérances : Beaucoup de figures d’une
flait avec sa plus exquise douceur (Loti). allegatio ; XIIIe s., Dict. général). Action de
alléchante modernité (Banville). Le titre
mettre en avant un fait, vrai ou faux, de
alizier n. m. V. ALISIER. seul de ce roman est alléchant. Une offre,
citer un texte ou une autorité, pour en tirer
une promesse alléchante.
alkékenge [alkek] n. m. (ar. alkkandj, une justification de sa conduite ou de ses
• SYN. : 1 appétissant, attirant, friand ; 2 paroles ; la chose qui est ainsi invoquée : Il
du persan kkunadj ; XVe s., Nicot, écrit
affriolant, attirant, attrayant, engageant, fut obligé de se rabattre sur cette allégation
alkacange, alcacange ; alkékenge, 1694,
séduisant, tentant. — CONTR. : 1 dégoû-
Ménage). Plante vivace à souche rampante, que la femme de son frère avait eu le droit
tant, écoeurant, répugnant ; 2 rebutant, d’emporter ce qui était à elle (Sand). Une
appelée également coqueret, amour en cage, repoussant.
physalis, et dont les baies arrondies, rouge- allégation mensongère.
orangé, sont diurétiques. allèchement [alm] n. m. (de allécher ; • SYN.: affirmation, assertion, déclaration,
XIIIe s.). Action d’allécher (au pr. et au fig.) : thèse.
alkermès [alkrms] n. m. (de l’ar. al-qir- Adeline oublia les abominables injures de
miz, par l’intermédiaire de l’esp. alkermes ; allège [al] n. f. (déverbal de alléger ;
ce grand seigneur à bon marché, devant cet
1797, Gattel). Liqueur agréable et excitante, 1162, Du Cange, attesté à cette date par
allèchement du succès si machiavélique-
ainsi nommée d’après le kermès, cochenille le lat. alegium). 1. Embarcation employée
ment présenté par Crevel (Balzac).
employée pour la colorer en rouge. pour le chargement ou le déchargement
• SYN. : amorce, appât, attraction, attrait,
des navires. 2. Partie d’un mur de façade
all(o)- [all(o)], élément tiré du gr. allos, séduction, tentation. — CONTR.: antipathie,
située sous la baie d’une fenêtre.
autre, et entrant dans la composition de aversion, dégoût, répulsion.
quelques mots scientifiques. 1. allégeance [ales] n. f. (de alléger ;
allécher [alee] v. tr. (lat. pop. *allecticare,
XIIe s.). Class. Soulagement, adoucissement :
allaise [alz] n. f. (de laize, largeur, lat. dér. du lat. class. allectare, fréquent. de alli-
Enfin mon père est mort ; j’en demande ven-
pop. *latia ; 1803, Boiste). Dépôt de sable cere, attirer ; XIIe s.). [Conj. 5.] 1. Attirer très
geance | Plus pour votre intérêt que pour
temporaire, qui se forme dans le lit d’une fortement par l’espérance d’un plaisir du
mon allégeance (Corneille).
rivière. goût : Un tambour parcourait la ville, suivi
de soldats qui portaient embrochés à leurs 2. allégeance [ales] n. f. (terme jurid.
allaitement [altm] n. m. (de allaiter ;
épées du pain blanc et des perdrix rôties empr. à l’angl. allegiance, altér. de l’anc.
1375, R. de Presles). Action d’allaiter : La
afin d’allécher les pauvres garçons (France). franç. lijance, liejance, état d’un homme
prédominance chez la femme des fonctions
2. Fig. Attirer en éveillant l’espérance de ou d’une terre lige, confondu avec allé-
de grossesse et d’allaitement (Alain).
quelque chose d’agréable, de profitable : Les geance, soulagement ; 1668, Chamberlayne).
allaiter [alte] v. tr. (bas lat. allactare ; cinq cents parfumeurs de France, alléchés Obligation d’obéissance et de fidélité à un
XIIe s., écrit alaitier ; a signifié aussi « téter » par le gain, achetèrent annuellement chez souverain ou à une nation : Un serment

119
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

d’allégeance. Ce pays se trouvait dans l’allé- tourment, d’un remords : Ce sentiment allé- explique un auteur, un texte dans un sens
geance de la couronne d’Angle-terre. geait ma conscience (Vigny). allégorique.
• SYN. : dépendance, vassalité. — CONTR. : • SYN. : 2 amoindrir, diminuer, réduire ; allègre [algr] adj. (du lat. alacer, vif,
suzeraineté. 3 apaiser, atténuer, calmer, diminuer, prompt, qui aurait donné le lat. pop. *ali-
réduire ; 4 décharger, délester ; 6 déchar- cer, alecris, d’où *alecrus ; au Moyen Âge,
allégement [alm] n. m. (de alléger ;
ger, soulager. — CONTR. : 2 et 3 accroître, haliègre ; allègre et allaigre, XVe-XVIe s. ; on
XIIe s.). 1. Action d’alléger ; résultat de cette
aggraver, alourdir, augmenter ; 4 alourdir, attribue la forme avec un h à un croisement
action : L’allégement d’une cargaison. Je
appesantir, charger, lester ; 6 écraser, grever. de *alecrus avec le germanique heil, sain). A
n’éprouvais rien que du soulagement, un
allégement physique : je respirais mieux allégir [aleir] v. tr. (forme dialect. de la fois léger et joyeux : Elle allait d’un pas
(Mauriac). 2. Fig. Diminution d’une alléger ; XIIIe s.). Allégir une pièce de bois, allègre dans le soleil clair (Rodenbach). J’ai
charge trop lourde, en particulier d’une en diminuer le volume en réduisant toutes donc répondu, tout d’un trait, tout uniment,
charge pécuniaire : L’allégement des les dimensions. d’un coeur allègre (Duhamel).
tâches scolaires, des impôts. L’allégement • SYN.: amenuiser, élégir.
• SYN. : alerte, enjoué, guilleret, joyeux,
d’une responsabilité. 3. Class. et littér. leste, preste, vif. — CONTR. : abattu,
Adoucissement apporté à une souffrance allégorie [alegri] n. f. (lat. allegoria, du engourdi, indolent, languissant, mou.
morale : Si quelqu’autre malheur n’avait gr. allêgoria, dér. de allêgorein, de allos,
autre, et agoreuein, parler, d’où « parler en allégrement [algrm] adv. (de
ravi mon père, | Mon âme aurait trouvé allègre ; XIIIe s., Dict. général). Vivement,
dans le bien de te voir | L’unique allégement employant des termes autres que les termes
avec entrain : Malgré l’heure et le froid,
qu’elle eût pu recevoir (Corneille). L’idée propres » ; 1119, Ph. de Thaon). 1. En lit-
tout ce brave peuple marchait allégrement
que toute cette douleur [de l’humanité] ne térature, expression d’une idée par une
(Daudet).
recevrait pas, un jour, plus tard, allégement métaphore animée et continuée en un
large développement ; métaphore, oeuvre
• REM. L’accent aigu qui figure dans l’or-
et pardon, c’est une idée qui m’épouvante
littéraire qui utilise ce mode d’expression : thographe de l’Académie ne correspond
(Duhamel).
Palais neufs, échafaudages, blocs, | Vieux pas à la prononciation habituelle.
• SYN. : 2 décharge, dégrèvement, dimi-
faubourgs, tout pour moi devient allégorie allégresse [alegrs] n. f. (de allègre ;
nution, réduction ; 3 adoucissement,
(Baudelaire). Dans la longue allégorie du XIIIe s., Itinéraire à Jérusalem, écrit ale-
apaisement, atténuation, consolation,
soulagement. — CONTR.: 1 alourdissement, « Roman de la Rose », la Rose représente, grece). 1. Joie très vive, qui se manifeste
en fait, le bonheur de l’amour partagé. souvent par des démonstrations collec-
appesantissement, surcharge ; 2 accrois-
sement, aggravation, augmentation ; 3 2. Dans les arts plastiques, représenta- tives : Il approche : un long cri d’allégresse
aggravation, intensification. tion d’une idée abstraite, d’une qualité ou s’élance (Leconte de Lisle). 2. Vive joie
d’un défaut moral par un personnage ou personnelle, éprouvée intérieurement : Je
• REM. L’accent aigu qui figure dans l’or-
une scène concrète : Un squelette tenant l’ai souvent ressentie, sur le pont d’un bateau
thographe de ce mot selon l’Académie ne
une faux est l’allégorie de la Mort. ou sur le quai d’une gare, cette allégresse
correspond pas à la prononciation habi-
• REM. Dans l’allégorie, on personnifie qui me laisse un instant étourdi de plaisir
tuelle, qui comporte un è ouvert [].
une abstraction que l’on anime ; dans le (Dorgelès). 3. Par extens. S’applique par-
alléger [alee] v. tr. (bas lat. alleviare, le symbole, on substitue à cette abstraction fois aux choses : Sur le fond tumultueux des
levis, léger ; fin du XIIe s., Lois de Guillaume un objet concret, un personnage, un ani- flots, des rythmes précipités s’élancent avec
le Conquérant). [Conj. 5.] 1. Rendre moins mal (la neige est le symbole de la pureté). une ardente allégresse (Rolland).
lourde une charge matérielle : Il donna ce • SYN. : 1 et 2 enthousiasme, exultation,
coup d’épaule que donne le fantassin à son allégorique [alegrik] adj. (lat. allego-
jubilation, liesse.
sac pour le hausser et l’alléger un moment ricus, du gr. allêgorikos ; seconde moitié
du XVe s.). Qui a rapport, qui appartient à allegretto [alegrto] adv. (mot ital.,
de son poids (Vigny). 2. Fig. Diminuer
une charge pécuniaire quelconque ; rendre l’allégorie : Le genre allégorique. Ses poses dimin. de allegro ; 1751, Encyclopédie).
étaient celles des femmes allégoriques qui Terme de musique qui indique un mou-
moins pénible un travail, un effort : Je
représentent la Science (Cocteau). vement moins rapide qu’allegro.
voyageais [...] avec un négociant français
qui avait cherché un compagnon de route • SYN.: métaphorique, symbolique, typique allégretto n. m. (s’écrit avec un accent
pour alléger les frais du voyage (Lamartine). (relig.). aigu sur le premier e). Morceau exécuté
Alléger la fiscalité, le programme d’un exa- dans ce tempo : L’allégretto d’une sonate
allégoriquement [alegrikm] adv. (de de Mozart.
men. 3. Adoucir un tourment physique
allégorique ; 1488, Mer des histoires). D’une
ou moral : Rien ne venait alléger mes doutes • Pl. des ALLÉGRETTOS.
manière allégorique.
(Maupassant). Alors, Jenny, desserrant son
allegro [alegro] adv. (mot ital. signif.
étreinte, s’enfuit, sans un mot, chancelant allégoriser [alegrize] v. tr. (de allégo-
« vif, enjoué » ; début du XVIIIe s.). Terme
sous cette détresse qui lui était échue et dont rie ; XIVe s., Chr. de Pisan, sous la forme
de musique indiquant qu’un morceau doit
personne au monde ne pouvait plus alléger allégorisée ; allégoriser, 1578, H. Estienne,
être exécuté avec vivacité.
le poids (Martin du Gard). 4. Débarrasser Dict. général). 1. Expliquer par des allé-
allégro n. m. (s’écrit avec un accent aigu).
quelque chose, quelqu’un, d’une partie de gories : Les Pères de l’Église ont allégorisé
Morceau exécuté dans ce tempo : L’allégro
la charge qu’il supporte : Nous étions des- presque tout l’Ancien Testament (Acad.).
de la cinquième symphonie de Beethoven.
cendus tous deux pour alléger la voiture 2. Représenter allégoriquement : Le pre-
• Pl. des ALLÉGROS.
(Mauriac). Un corps parfaitement sec et mier nocturne allégorisait le temps écoulé
sain, allégé de tout embonpoint (About). avant la loi donnée à Moïse (Huysmans). alléguer [alege] v. tr. (lat. allegare, citer
Ironiq. Alléger quelqu’un de sa bourse, en exemple, et, jurid., « produire pour
allégoriseur [alegrizoer] n. m. (de allé-
de son portefeuille, lui voler son argent. sa défense » ; 1283, Beaumanoir ; sens
goriser ; 1563, Th. de Bèze). Vx et péjor.
5. Alléger un cheval, le rendre plus léger moderne, 1609, François de Sales). [Conj.
Personne qui s’attache à tout expliquer
sur le devant ou sur le derrière, en portant 5.] 1. Citer un texte, une autorité, un fait,
par des allégories.
le poids du corps en arrière ou en avant. pour s’en prévaloir : Alléguer les conciles
(On a dit aussi, en ce sens, ALLÉGÉRIR, allégoriste [alegrist] n. (de allégo- et les canons (Sainte-Beuve). Alléguer un
ALLÉGIR.) 6. Fig. Soulager quelqu’un d’un rie ; 1578, H. Estienne). Personne qui exemple illustre, un précédent fameux, les

120
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

plus graves témoignages. 2. Par extens. de aller dans les autres langues romanes. églises rurales, Monseigneur, pour aller
Mettre en avant, pour servir d’excuse ou de Ce verbe est entré en concurrence, dans la à la préfecture (France). Spécialem. A
justification à sa conduite ou à ses paroles : langue familière, avec ire, qui survit dans le Dieu vat !, dans le langage des marins, il
Ils ne voulaient rien entendre, alléguant futur et le conditionnel français, et vadere, (le bateau) va à Dieu, il se recommande
qu’il me serait loisible de m’expliquer en qui survit dans le présent de l’indicatif et de à Dieu ; par extens., se dit de toute chose
prison (France). Alléguer un prétexte, un l’impératif ; VIIIe s., Gloses de Reichenau, que l’on recommande à la Providence.
motif, une nécessité. Il a allégué sa mauvaise sous la forme alare ; aler, XIe s.). [Conj. 6.] 7. Aller et venir, au sens strict, s’éloi-
santé pour refuser le poste qu’on lui offrait. gner et revenir au point de départ, soit
• SYN.: 1 invoquer, mentionner, produire, « Aller » exprimant le mouvement, avec un sujet désignant une personne : Le
se référer à ; 2 avancer, invoquer, objecter, l’action de se déplacer. vieux Barthélemy allait et venait toujours
opposer, prétexter, se prévaloir de. avec sa brouette (Ramuz) ; soit avec un
• I. SENSPROPRES: « MARCHER, SE DÉPLA- sujet désignant une chose : On voit aller
allèle [all] n. m. (de allélomorphe ; 1960, CER EN S’ÉLOIGNANT D’UN LIEU ». 1. Em- et venir les bielles luisantes et silencieuses
Larousse). Syn. de GÉNE ALLÉLOMORPHE. ployé absolument : Un par un, ils [les (Tharaud). Par extens. Aller, venir (avec
allélomorphe [alelmrf] adj. (du gr. mineurs] allaient, ils allaient toujours, un sujet désignant une personne ou une
allêlon, les uns les autres, et morphê, forme ; sans une parole, avec les petites flammes chose), faire des mouvements en des
1953, Larousse). En biologie, se dit de ce qui des lampes (Zola). 2. Avec l’expression sens divers : Ils [Roland et Olivier] vont,
se présente sous plusieurs formes. Gènes du moyen de locomotion, introduite viennent, jamais fuyant, jamais lassés
allélomorphes, se dit de deux gènes de soit par la prép. à,si le sujet est placé sur (Hugo). Elle [la frégate] allait, elle venait,
même fonction et d’effets dissemblables, l’instrument servant au déplacement : elle virait, elle se penchait (Vigny).
occupant la même place sur deux chro- Aller à bicyclette, à cheval, à pied ; soit
par la prép. en,si le sujet est à l’intérieur • II. SENS FIGURÉS AVEC UN SUJET DÉSI-
mosomes homologues.
du véhicule : Aller en voiture, en train, en GNANT UNE PERSONNE. 1. Absol. Mener sa
alléluia [aleluja] interj. (lat. ecclés. [h] bateau. 3. Avec un complément de lieu, vie ; suivre son destin, la fatalité : Je suis
alleluia, de l’hébreu hallelouyah, louez précédé soit de la prép. à,si le lieu de des- une force qui va [...] | Je suis celui que rien
l’Éternel ; 1119, Ph. de Thaon). Exclamation tination est considéré globalement ou si n’arrête, celui qui va (Hugo). Avoir un
d’allégresse, dans certains chants religieux le sujet reste aux abords : Aller à la gare, tempérament, un style mouvementés : Il
des jours de grande fête, notamment à à la montagne, à la mer ; soit des prép. [Hugo] a du mouvement par ses strophes ;
Pâques : À l’oeuvre ! Dieu le veut ! À l’oeuvre ! enou dans,si le sujet pénètre dans le lieu, il va, il va ; il a écrit une pièce où il dit
Alléluia (Leconte de Lisle). la région : Aller en montagne, en mer, seulement : « J’irai, j’irai et puis j’irai »,
n. m. (au sens 3, 1549, R. Estienne). dans l’eau. 4. Avec un complément sans qu’on sache où (Alain). Class. Ré-
1. Chant d’allégresse : Entonner des allé- désignant une personne (destination du sister, vivre jusqu’à un certain moment :
luias. Spécialem. Petit morceau litur- mouvement). Aller à quelqu’un, se diri- Ce vieillard va toujours, je suis assurée
gique placé dans la messe après le graduel. ger vers quelqu’un : M. Puybaraud tra- qu’il n’ira pas loin (Sévigné). Il y a là, n°
2. Par extens. Dans un sens profane, cri versa la cour et j’allai à lui (Mauriac) ; ou 46 [chambre d’hôpital], un grand garçon
de joie : C’est là qu’avril oppose au diable bien s’adresser à quelqu’un pour lui pré- qui n’a plus que deux heures à aller (Dide-
[...] cet alléluia formidable, l’éclat de rire du senter une demande, le consulter : Aller rot). 2. Agir, se comporter d’une ma-
printemps (Hugo). 3. Plante de la famille à l’évêque, au ministre ; et pop. : Aller au nière particulière (dans des expressions).
des oxalidées, qui fleurit vers Pâques, d’où boucher, au médecin. S’il est écrit que je Aller seul, mener sa vie en restant isolé :
son nom : Cette oseille faite comme un trèfle vivrai par le médecin, j’irai au médecin Ne prenant jamais mon parti d’aller seul
qu’on nomme alléluia (Pourrat). (Alain). Entre l’Institut Pasteur et le re- et beaucoup plus soucieux d’entraîner au-
bouteux, on va au rebouteux ; encore heu- trui que de m’aventurer moi-même (Gide).
allemand, e [alm, -d] adj. et n. (du
reux si on ne va pas au prêtre (Monther- Aller droit, aller le droit chemin, mener
germ. Alamann-, latinisé en Alamannus,
lant). [V. Rem. 3.] Aller chez quelqu’un, une vie honnête. Aller son chemin, son
Alaman ; 1080, Chanson de Roland, écrit
se rendre chez lui en tant que client ou petit bonhomme de chemin, ne pas se lais-
aleman ; alemand, XIIIe s., par substitution
pour une visite : Aller chez le médecin, ser déranger ni arrêter par les difficultés.
de suffixe). Relatif à l’Allemagne ; habitant
chez le dentiste, chez un ami. Ma mère, Aller loin, faire une belle carrière : Cet
ou originaire de l’Allemagne. Querelle
fort occupée et qui n’aimait pas à voisiner, homme ira loin ; ou réaliser de grands
d’Allemand, v. QUERELLE.
n’allait guère chez elle (France). 5. Avec desseins : Celui-là peut aller loin dont le
allemand n. m. Langue indo-européenne
un complément de but exprimé soit par coeur est libre (Gide). Aller trop loin,
du groupe germanique, parlée principa-
un nom précédé d’une préposition : Aller aller fort (fam.), exagérer, dépasser les
lement en Allemagne. Haut allemand,
en promenade, à la chasse, à la recherche bornes : Il attige, le frère, il va fort (Ro-
groupe de parlers de l’Allemagne moyenne
de quelque chose ; soit par un infinitif sans mains). Aller par ordre, agir, procéder
et méridionale, qui est la souche principale
préposition : Aller chasser. Il y aura des avec ordre : Attendez ! Allons par ordre.
de l’allemand commun. Bas allemand,
jours où vous devrez prendre besace et bâ- J’arrête le moteur. Bien. Il s’arrête (Duha-
dialectes de l’Allemagne septentrionale.
ton pour aller chercher votre vie le long des mel). Aller vite, aller vite en besogne,
Fam. et vieilli. C’est de l’allemand, du
routes (Duhamel). Aller aux provisions, agir vite, ou ne pas se laisser arrêter par
haut allemand, on n’y comprend rien.
aux champignons, etc., aller acheter des les scrupules. 3. Aller à (et un nom),
allemande n. f. 1. Air lent à quatre
provisions, chercher des champignons. porter son attention sur, s’occuper de :
temps. 2. Danse exécutée sur cet air.
Aller aux urnes, se rendre au bureau Aller au texte, rejeter la glose et le com-
1. aller [ale] v. intr. (du lat. ambulare, se de vote ; voter. Aller en justice, com- mentaire, voilà par où la Renaissance fut
promener, marcher, qui, selon certains, paraître ou assigner quelqu’un devant les excellente et efficace (Lanson). Aller au
serait devenu commandement militaire : tribunaux. 6. Avec un nom de chose fait, tenir compte de l’essentiel. Aller
allate !, marchez !, altér. de ambulate. Selon pour sujet, allersignifie « être emporté » au plus pressé, s’occuper d’abord du
d’autres [Corominas, Dict. critique étymo- (avec ou sans indication de direction pré- plus urgent. Aller au fond des choses,
logique esp.], la prononciation négligée de cise) : Le bateau va à la dérive. Le fleuve ne pas se contenter d’un examen super-
ambulare aurait donné amlare, forme qui va à la mer. Ce train va à Paris. Calices, ficiel, approfondir. Aller à Canossa,
expliquerait également les correspondants ciboires sont arrachés aux sacristies de vos s’avouer vaincu, s’humilier. 4. Class.

121
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

et littér. Aller à (et l’infinitif), tendre à : à, finir en : On redoutait les accidents : cadre va bien avec ce tableau. [Hernani
Un homme [Mallarmé] qui n’allait à rien ces épouvantes allaient jusqu’aux larmes à Doña Sol :] Eh ! qui jamais croira que
de moins qu’à diviniser la chose écrite (Veuillot). 4. Aller à (exprimant la ma tête proscrite | Aille avec ton front
(Valéry). 5. Fam. Aller avec quelqu’un, destination), être destiné à : Ce n’était pur ? (Hugo). Ces deux garnements vont
le fréquenter, avoir avec lui des relations pas aux arbres qu’allait sa haine (Mau- bien ensemble. L’estime morale et l’amour
d’amitié ou des relations sentimentales. riac) ; échoir à : Le succès, fait par des ba- sexuel, deux choses qui peuvent aller en-
6. Aller jusqu’à (et l’infinitif), at- dauds, ne va qu’à des faiseurs (Maurois). semble, mais peuvent aussi ne pas s’accor-
teindre une limite extrême : Il aura plus Aller à l’âme, aller au coeur, jusqu’au der (Renan). Aller ensemble, en parlant
tard le don et presque le génie de ne pas coeur, émouvoir profondément : Comme d’objets qui normalement forment un
faire de frais pour les gens qui l’ennuient, elle allait à l’âme, cette invocation du tout, ne pas devoir être séparés : Ces deux
allant jusqu’à affecter devant eux la stu- pauvre matelot à la mère de Dieu (Cha- souliers vont ensemble. 5. Aller à, aller
pidité (Montherlant) ; avoir l’audace de : teaubriand). Ah ! Je t’ai bien compris, sau- bien à, en parlant de vêtements, conve-
Il alla jusqu’à proposer : « Voulez-vous vage voyageur | Et ton dernier regard m’est nir, être bien à la taille de : Ce costume,
que je voie vos fermiers ? — Ah ! mais non, allé jusqu’au coeur (Vigny). 5. Aller à ou ces souliers me vont ; en parlant d’orne-
par exemple ! Occupez-vous de ce qui vous jusqu’à (exprimant l’estimation globale ments, de bijoux, produire un bel effet,
regarde » (Boylesve). Aller jusqu’au d’un total), s’élever à : Les estimations de être seyant : Le noir va bien aux blondes.
bout, persévérer dans un dessein, dans l’ingénieur vont à trois millions de francs. Une fois, elle me fit essayer un rabat et des
une entreprise, sans se laisser intimider 6. Class. Aller à bien, réussir : La chose manchettes de dentelle et, trouvant qu’ils
par personne. 7. Fam. Aller sur, avoir allait à bien par son soin diligent (La Fon- m’allaient à ravir, elle me pressa de les
presque atteint (tel âge) : Un vieux [...] taine). Class. Aller à, viser à, consister garder (France) ; en parlant d’une chose
qui allait sur ses soixante-dix ans (Zola). en : Cette sage et modeste retenue qui va appliquée avec goût sur une autre, être
8. Aller au-devant de, prévenir, devan- à cacher ses propres dons et à manifester bien ajusté : Cette broche va bien à votre
cer : Aller au-devant des désirs, des objec- ceux des autres (Massillon). 7. Aller robe. 6. (avec un sujet désignant une
tions de quelqu’un. 9. Aller de pair avec contre, être contraire à quelque chose : personne ou une chose) Convenir, plaire :
quelqu’un, être au même niveau que lui : Il [Stendhal] ne veut pas entraîner ; cela Cette cité de méditation, de continuité,
Il se donnait l’illusion d’aller de pair avec irait contre son art (Alain). 8. Aller loin, de souvenir éternel m’allait avant tout
de très hauts esprits. 10. Fam. Y aller, se avoir des conséquences ou des prolonge- (Sainte-Beuve). Ce porte-béret me va et je
ments : Cela ira loin. Cette affirmation le suis d’un oeil ami dans la foule (Vallès).
décider à parler ou à agir franchement :
Paperiot comprit qu’il n’y avait pas à fi- va loin. 9. Ne pas aller sans, avoir pour 7. Fig. Aller au feu, à la lessive, etc., en
accompagnement normal, être insépa- parlant d’un ustensile, d’un vêtement,
nasser et qu’il valait mieux y aller (Fabre).
Fam. Y aller (et un adverbe ou un com- rable de : La vie ne va pas sans sacrifices. etc., pouvoir supporter le feu, la lessive,
10. Va comme je te pousse, se dit à pro- etc. : Une terrine qui va au feu. Une blouse
plément de manière), parler ou agir d’une
certaine façon : Allons-y doucement, ron- pos d’une chose qu’on laisse aller au ha- qui va à la lessive.
sard. Rien ne va plus, formule des crou-
dement, gaiement, avec prudence. Ne
piers pour prévenir les joueurs qu’aucune Emplois particuliers du verbe « aller ».
pas y aller de main morte, parler ou agir
mise n’est plus acceptée.
avec rudesse. Fam. Ne pas y aller avec
le dos de la cuiller, dépasser la mesure. •I.« ALLER », À L’IMPÉRATIF, EMPLOYÉ
« Aller » exprimant le fonctionnement, COMME INTERJECTION OU POUR EXPRIMER
Fam. Ne pas y aller par quatre chemins,
sans idée de déplacement. (SOUVENT AVEC UNE NUANCE FAMILIÉRE)
parler ou agir avec une franchise brutale.
Fam. Y aller de (et un nom de chose), DES MOUVEMENTS D’HUMEUR. 1.Pour
• I. SENS PROPRE. 1. En parlant du fonc-
engager, présenter, produire telle chose appuyer un mot, une affirmation, avec
tionnement d’un organisme : Ce pouls l’intention de persuader : Chichiteuse,
comme contribution : Il y est allé de sa va trop vite. Privé de nourriture, tu
pièce de cent sous, de sa chanson, de sa va ! (Margueritte). Nous ne serons pas les
t’imagines bien qu’au troisième jour de
derniers, allez, il y a les Sassenage, vous
larme. Y aller d’une certaine somme, marche [...] mon coeur, ça n’allait plus très
en termes de jeux, hasarder telle mise. savez qu’ils n’arrivent jamais avant neuf
fort (Saint-Exupéry). 2. En parlant de
heures moins vingt (Proust). 2. Pour
11. Vx et fam. Faire aller quelqu’un, lui mécanismes, de machines, ou de ce qui
faire croire des choses fausses : Il te fait exprimer l’affection, la consolation ou le
évoque un mécanisme : Ma montre ne
désir de réconciliation : Ne t’inquiète pas,
aller, ma chère (Zola). [On dit auj. FAIRE va pas. Deux bassins-rocaille dont les jets
va, tout s’arrangera. Va, je ne te hais point
MARCHER.] 12. Laisser aller (et un d’eau allaient toute la nuit (Goncourt).
(Corneille). Allez ! Sale bête, je ne suis pas
complément), ne pas apporter d’obstacles Ainsi va le monde.
méchante (Cocteau). 3. Pour souligner
à la réalisation de quelque chose. Lais-
• II. SENS FIGURÉS (expression d’une si- la vivacité d’un mouvement : J’avais mon
ser tout aller, s’abandonner au décourage-
tuation, d’un état). 1. En parlant de l’état couteau à la main [...] et allez donc ! [...]
ment. Se laisser aller à, ne pas se retenir
de santé : Comment allez-vous ? (ou fam. : J’entaille le sergent (Sue). 4. Pour ex-
de : Se laisser aller à la colère.
Comment ça va ?). Aller bien, aller primer l’encouragement, l’exhortation :
• III. SENS FIGURÉS AVEC UN SUJET DÉSI- mal, être en bonne, en mauvaise santé. Allons ! Décidez-vous ! (Gautier). Allons,
GNANT UNE CHOSE. 1. Avoir une certaine 2. Par anal. En parlant de choses, d’af- doña Inès, dites-moi que vous m’accom-
destination : Cette route va en Espagne ; faires financières ou politiques, avoir un pagnerez en Navarre (Montherlant).
ou une certaine configuration : Ce terrain cours satisfaisant ou non : « Comment 5. Pour inviter à obéir (d’une façon plus
va en pente ; ou une certaine étendue : vont les affaires ? — Elles vont bien (ou ou moins impérative) : Allons, venez, ne
Le jardin va jusqu’à la route. 2. Être ellipt. : Elles vont) ». Les choses vont mal restez pas ici ! (Genevoix). Allez ! Allez !
exécuté ou se dérouler de telle manière, (ou fam. : Ça va mal). Ça va très mal, on Au bloc ! Et pas de rouspétance (Courte-
tendre vers ou aboutir à tel résultat : craint une guerre. 3. Ironiq. et fam. line). 6. Pour exprimer la désapproba-
Les travaux vont vite, lentement. Aller Cela (ou ça) va !, c’est bien ainsi, cela suf- tion, l’agacement : Allons ! (ou Allez !) ça
en fumée, finir dans le néant, s’éva- fit : « Ô Oreste, où que tu sois, entends- recommence ! 7. Pour marquer l’impa-
nouir. Aller à vau-l’eau, tendre vers la moi ! Je ne t’ai point poussé ! — Cela va, tience : Va te (ou Allez vous) promener ; la
ruine : Cette entreprise commerciale va Électre » (Giraudoux). 4. Aller avec ou colère ou la malédiction : Allons, reprit le
à vau-l’eau. 3. Aller jusqu’à, aboutir aller ensemble, être en accord avec : Ce marchand avec colère [...] que cela finisse

122
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

(Hugo). Allez au diable, vous et votre âne, de telle autre chose), les deux personnes la liberté, Rome s’en va renaître (Corneille).
je ne partirai pas aujourd’hui (Musset). (ou les deux choses) sont dans la même 6. Class. et impers. Il s’en va temps, il est
Allez au diable, à tous les diables ! ; la situation ou agissent d’une manière sem- temps : Il s’en va temps que je reprenne un
menace : Allez ! nous nous retrouverons ! blable. Il en va de même pour lui, il est peu de force et d’haleine (La Fontaine).
8. N’allez pas, ne va pas (suivis d’un dans la même situation. 3. Fam. Va 7. (suivi d’un participe présent) Class.
infinitif), s’emploient pour appuyer une pour, passe encore pour, admettons : Te et littér. Marque la progression de l’action :
défense : N’allez pas croire que les choses voilà en train de jouer ! Va pour un enfant, Cette musique mystérieuse qui s’en va décli-
en sont là. Tais-toi et ne va pas rien dire mais toi, non ! 4. Il (ou cela, ça) va de nant (Barrès).
(Claudel). 9. Allons donc, allez donc, soi, il va sans dire, il est évident, naturel : • REM. 1. Aux temps composés, la seule
s’emploient pour marquer l’incrédulité, Il va sans dire que c’est surtout à Cuver- forme correcte est je m’en suis allé, nous
pour dire qu’on n’est pas dupe : Allons ville et près d’Emmanuèle que je sens tout
nous en sommes allés. Les autres formes
(ou Allez) donc ! Vous dites là une sottise ; cela (Gide).
(je me suis en allé, nous nous sommes en
avec un infinitif, pour présenter, par iro-
allés), fréquentes dans la langue parlée,
nie, une impossibilité, une absurdité : Al- Remarques.
ne sont pas admises par le bon usage,
lez donc faire du sport dans un accoutre-
1. On écrit l’impératif singulier avec un malgré l’exemple de nombreux auteurs :
ment pareil (Gide). Fam. Et allez donc !,
sdevant y : Vas-y tout de suite,sauf lorsque S’ils avaient eu des navires, ils se seraient
souligne ce qu’il y a d’exagéré dans les
cette expression est suivie d’un infinitif en allés (Flaubert). Quand le docteur se
propos ou la conduite de quelqu’un : Et
(yétant alors considéré comme complé- fut en allé, on poussa les gros verrous de
allez donc ! Ne vous gênez pas !
ment de l’infinitif) : Va y travailler. On la porte (Daudet) ; et malgré l’emploi
•II.« ALLER » EMPLOYE COMME AUXI- dit pourtant familièrement : Vas-y voir comme adjectif de en allé : C’était un mi-
LIAIRE D’ASPECT SUIVI D’UN INFINITIF (v. [vazivwar]. 2. On n’exprime générale- rage en allé qui palpitait au gré d’un chant
rem. 4). 1. Avec la valeur d’un futur im- ment pas l’ y devant les formes du futur (Gide). Que ton vers soit la chose envolée
médiat : Eh bien ! Vous allez comprendre irai,etc., et du conditionnel irais,etc. : | Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
(Maupassant). 2. Avec le sens de « être « Ira-t-il à Rome ? — Il ira. » [Doña Sol (Verlaine).
près de, sur le point de », « destiné à » : Ils à Hernani :] Allez où vous voudrez, j’irai 2. L’impératif s’écrit va-t’en, allons-nous-
allaient s’en retourner quand leur guide (Hugo). 3. Le bon usage n’admet pas : en, allez-vous-en.
les mena dans un bois de hêtres (Flaubert). Aller au médecin, au dentiste, au boucher,
3. Le pronom réfléchi du verbe s’en aller
Je crois qu’il allait te parler des édifices les à l’épicier, en bicyclette, mais exige : chez
plus précieux (Valéry). J’eus l’étrange illu- est souvent omis après le verbe faire : Les
le médecin, chez le dentiste, à la bouche-
sion, quelques instants, que cette conver- pleurs que le bon Horace a fait en aller
rie, à l’épicerie, à bicyclette. 4. Il ne faut
sation aisée allait durer longtemps, long- dans un souvenir (Flaubert).
pas confondre les deux constructions
temps (Gide). 3. Avec la valeur d’une possibles du verbe aller avec un infinitif : 4. Pour les constructions de s’en aller avec
éventualité : Que n’ira-t-il pas supposer ? l’une avec un infinitif de but, où allerest un infinitif, il faut faire la même distinc-
(Romains). Pourvu qu’en ce moment | Il un verbe, au sens plein du mot, expri- tion qu’à propos de aller avec un infinitif
n’aille pas me prendre un éblouissement mant un déplacement : J’allais chasser (v. ALLER V. intr., Rem. 4).
(Hugo). 4. Avec la valeur d’un impéra- chez des amis, en un château de Picar-
2. aller [ale] n. m. (substantif tiré du
tif : Vas-tu me fermer cette porte ? die (Maupassant) ; l’autre où allerest un
verbe précédent ; XIIe s.). 1. Action d’aller ;
auxiliaire d’aspect, l’action principale
• III. « ALLER » EMPLOYE AVEC LE PAR- distance parcourue en allant d’un lieu à
étant exprimée par l’infinitif : Les roses
TICIPE PRÉSENT (OU LE GÉRONDIF) POUR un autre : L’aller et le venir de la vague
vont éclore (Musset). Notons d’ailleurs
EXPRIMER LA CONTINUITÉ OU LA PRO- (Chateaubriand). Cette nappe d’eau s’écou-
que l’auxiliaire aller,selon l’usage actuel,
GRESSIONDE L’ACTION.1. Vx ou poét. Avec lait, passait sur les reflets des lumières et
ne s’emploie qu’à l’indicatif présent ou
le participe présent de n’importe quel continuait sa route, avec cet aller endor-
imparfait, sauf s’il exprime l’éventualité.
verbe : Trois monts bâtis par l’homme mant de l’eau (Ch.-L. Philippe). Prendre un
s’en aller loc. verbale pr. 1. Quitter un
au loin perçaient les cieux [...] | Et de leur billet pour l’aller. 2. Ellipt. Billet qui per-
endroit pour se rendre dans un autre : Elle
faîte aigu jusqu’aux sables dorés | Allaient met de faire le voyage d’aller : Prendre un
s’élargissant leurs monstrueux degrés [Léopoldine] entrait [...] puis soudain s’en
aller pour Paris. Aller et retour, ou aller-
(Hugo). Tous les jours, l’exposition du allait comme un oiseau qui passe (Hugo).
retour, billet qui permet de faire l’aller et le
Avec un infinitif de but : Elle [la pelote]
boulevard des Italiens reçoit des visiteurs, retour d’un même voyage. Fam. Donner
repartira [...] et s’en ira refrapper le mur
artistes, littérateurs, gens du monde, dont un aller-retour, appliquer un soufflet sur
(Loti). 2. Fig. Cesser d’exister, mourir
le nombre va s’accroissant (Baudelaire). chaque joue. 3. Pis-aller n. m., v. à son
(avec un sujet désignant une personne) :
2. Avec le participe présent d’un verbe ordre alphab.
Le malade s’en va. Je m’en irai bientôt [...]
exprimant une idée de mouvement (em-
sans que rien manque au monde immense allergène [alrn] n. m. (de aller [gie] et
ploi moderne) : Il [Diderot] montre la
et radieux (Hugo) ; ou disparaître (avec un du suffixe -gène ; 1953, Larousse). Substance
coexistence [...] de deux forces qui, bien-
sujet désignant une chose) : Avec Louis- susceptible de provoquer une allergie dans
tôt, iront divergeant (Hazard). Le mal va
Philippe s’est en allé (v. Rem. 1 ci-après) un organisme : Pour certaines personnes,
croissant. 3. Avec le gérondif au lieu du
participe présent (emploi actuel) : Aller quelque chose qui ne reviendra pas. Il faut les coquillages sont des allergènes.
maintenant d’autres musettes (Flaubert).
en progressant, en augmentant. allergie [alri] n. f. (de allergique ; 1920,
3. (avec un sujet désignant une chose)
• IV. TOURNURES IMPERSONNELLES.1. Il y Fam. Disparaître, s’effacer : Une tache qui Larousse). Réaction particulière de l’or-
va de, il s’agit de ; ce qui est en jeu, c’est : ne s’en va pas ; et au fig. : L’amour s’en va ganisme provoquée par l’introduction de
Quand il y va de la vie ou de la mort des comme cette eau courante | L’amour s’en certains virus ou de certaines substances
peuples, le moins qu’on puisse dire, c’est va comme la vie est longue (Apollinaire). auxquels il a été sensibilisé par une atteinte
que la consultation des peuples eux- 4. Fam. Être en mauvais état : Le fond [de antérieure : L’allergie à certains médica-
mêmes est légitime (Martin du Gard). la valise] qui s’en va (Crémieux). 5. Class. ments est fréquente.
2. Il en va de telle personne (ou de telle S’en aller (avec valeur d’auxiliaire suivi • SYN. : anaphylaxie, sensibilisation. —
chose) comme de telle autre personne (ou d’un infinitif), être sur le point de : Avec CONTR. : anergie.

123
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

allergique [alrik] adj. (de l’allem. aller- (Chateaubriand). Des États souverains lorsqu’elle trouva des alliés dans la per-
gisch, du gr. allos, autre, et ergon, action ; disposant des droits régaliens et capables sonne des princes protestants (Bainville).
1920, Larousse). 1. Relatif à l’allergie : surtout de contracter des alliances à leur Spécialem. Les Alliés (avec une majus-
Manifestations allergiques. 2. Fam. Se gré (Bainville). À l’anarchie de surenchère cule), l’ensemble des puissances qui se
dit de quelqu’un qui supporte mal quelque [...], il fallait enfin substituer des alliances battirent aux côtés de la France au cours
chose, qui y est réfractaire : Être allergique entre les puissances productives (Aragon). de chacune des deux guerres mondiales.
à la grande musique. 2. Ancienne Alliance, pacte conclu 2. Toute personne qui apporte une aide,
adj. et n. Qui a une allergie à telle subs- entre Dieu et le peuple hébreu, choisi par un secours : Je commençai à lui parler de
tance : Être allergique à un médicament. lui ; le judaïsme. Arche d’alliance, coffre son aventure pour tâcher de m’en faire une
où les Hébreux renfermaient les tables de alliée (Maupassant). 3. Qui est uni par
alleu [alø] n. m. (francique *al-ôd, pro- la Loi ; symble du pacte conclu avec Dieu. un lien de parenté indirecte résultant du
priété complète de *al, tout, et *ôd, bien ; Nouvelle Alliance, celle qui lie Dieu mariage : C’était [...] la petite-fille de l’un
XIIe s., alue, parfois aluef, comme fief). et l’ensemble des chrétiens ; le chris- des descendants d’une famille alliée aux
En droit féodal, propriété héréditaire et tianisme. 3. Union réalisée entre un anciens rois de France (Nerval).
exempte de toute redevance. [Ne s’emploie homme et une femme par le mariage : Elle • SYN.: 1 ami, associé, partenaire ; 2. ami,
plus que dans la loc. franc-alleu (v. ce mot).] avait honte d’une alliance aussi médiocre
auxiliaire. — CONTR. : 1 et 2 adversaire,
• Pl. des ALLEUX. (Mauriac). Rapport créé entre les fa-
ennemi.
milles à la suite du mariage : Il n’était ne-
alleutier [aløtje] n. m. (de alleu ; 1898,
veu de Javotte que par alliance (Nerval). 1. allier [alje] v. tr. (lat. alligare, « lier »,
Larousse). Propriétaire d’un alleu, par
Cousins par alliance. 4. Union affec- au physique et au moral ; 1080, Chanson
opposition au détenteur d’un bénéfice ou
tueuse, entente entre amis, entre frère et de Roland ; dès la fin du XIIe s., au sens de
d’un fief.
soeur, etc. : Je connais l’alliance profonde « combiner des métaux » et de « se lier par
alliacé, e [aljase] adj. (du lat. allium, ail ; qui se noue entre quelques hommes, pour traité »). 1. Mêler, combiner des métaux
1811, Wailly). Qui tient de l’ail : Une odeur une tâche commune au sein d’un beau pour former un alliage : Allier le cuivre
alliacée. métier (A. Rousseaux). Il parlait, impa- à (ou avec) l’étain pour faire du bronze.
tient de [...] sceller leur alliance fraternelle 2. Fig. Réunir, associer des éléments
alliage [alja] n. m. (de allier, au sens de
[Laurent Pasquier et sa soeur] (Duhamel). (choses abstraites), dissemblables ou non :
« combiner des métaux » ; 1515, Lortie, Dict.
5. Fig. Mélange de choses différentes : Songez à ce que l’homme allie d’inexpli-
général). 1. Action de combiner un métal
Les Templiers furent, entre les croisés, cable (Sainte-Beuve). Allier à l’intelligence
avec un ou plusieurs autres : L’alliage du fer
ceux qui essayèrent de réaliser l’alliance la la conscience professionnelle. Allier les plai-
avec une faible quantité de carbone donne
plus large entre les idées orientales et celles sirs avec les devoirs.
l’acier. fig. et vx. Action de combiner, de
du christianisme romain (Nerval). Une • SYN. : 2 combiner, conjuguer, joindre,
concilier des choses de genres différents :
alliance intime du son et du sens, qui est la marier, mêler, unir. — CONTR.: 2 disjoindre,
Si le séjour de Paris [...] vous paraît d’un
caractéristique essentielle de l’expression dissocier, séparer.
trop difficile alliage avec elle [la vertu]
en poésie, ne peut s’obtenir qu’aux dépens
(Rousseau). 2. Produit métallique qui s’allier v. pr. 1. En parlant de sou-
de quelque chose, — qui n’est autre que la
résulte de la combinaison de deux ou de verains, d’États, de puissances de tout
pensée (Valéry). 6. Spécialem. Alliance
plusieurs métaux : Le bronze est un alliage ordre, s’unir en vue d’un but commun :
de mots, en stylistique, rapprochement
de cuivre et d’étain. Fig. Ensemble com- En 1756, Frédéric II s’allia avec l’Angleterre
original de deux mots qui semblent peu
posé d’éléments divers : L’âme humaine est contre la France. 2. Contracter un lien
compatibles. (Ex. : Le glauque murmure
un alliage de vertus et de vices. 3. Métal de parenté par le fait du mariage : S’allier
[de la mer] [H. de Régnier]. Elle se hâte
ordinaire que l’on combine avec un métal à une grande famille. 3. Fig. S’associer,
avec lenteur [La Fontaine].)
précieux : De l’or sans alliage. Archimède s’accorder naturellement avec : Ce je ne
trouva la manière de supputer combien II. Anneau de mariage : Une alliance en sais quoi de rose qui s’allie aux accents de
on avait mêlé d’alliage à de l’or (Voltaire). or, gravée. Je l’épouserai [...] et je lui jure- la trompette (Claudel). 4. Fig. S’ajouter
Fig. Apport impur : Vraie noblesse de rai fidélité et nous nous mettrons l’alliance par surcroît à : Des récits où la platitude
province, ignorée depuis deux cents ans à au doigt (Claudel). s’alliait à l’absurdité (France).
la Cour, mais pure de tout alliage (Balzac). • SYN. : I, 1 accord, association, coalition, • SYN.: 1 s’associer, se coaliser, s’entendre,
• SYN.: 1 et 2 amalgame, combinaison. confédération, entente, ligue, pacte ; 3 se liguer ; 2 et 3 s’apparenter, se marier ; 4
mariage, union ; 4 communion, concorde, s’associer, se joindre, s’unir. — CONTR.: 1 se
alliaire [aljr] n. f. (de allium, ail ; 1564, harmonie, union ; 5 amalgame, associa- brouiller, rompre.
J. Thierry, écrit alliare). Plante poussant tion, rapprochement, union. — CONTR. : I,
dans les lieux ombragés, à fleurs blanches 1 désaccord, rupture ; 3 divorce, sépara- 2. allier ou hallier [alje] n. m. (lat. pop.
et exhalant une odeur d’ail. tion ; 4 désaccord, désunion, mésentente, alarium, de ala, aile ; 1416, Dict. général).
mésintelligence. Filet à prendre les oiseaux, surtout les
alliance [aljs] n. f. (de allier, au sens de
cailles et les perdrix.
« unir par un traité » ; 1120, Psautier de alliciant, e [alisj, -t] adj. (du lat. alli-
Cambridge, au sens 2 ; « accord », 1660, cere, attirer ; milieu du XIXe s.). Littér. Qui alligator [aligatr] n. m. (mot angl., altér.,
Oudin ; « anneau de mariage », 1611, attire et séduit : Son ondoyante taille pro- d’après le lat. alligare, de l’esp. el lagarto, le
Cotgrave ; alliance de mots, 1770, Voltaire). filait d’alliciantes ombres sur les draperies lézard ; 1663, Herbert). Crocodile d’Amé-
qu’elle éclairait en passant (Barbey d’Aure- rique, qui peut atteindre cinq mètres de
I. 1. Union contractée par engagement
villy). Une suite d’images qu’un alliciant long : Ces lézards monstrueux qu’on nomme
mutuel entre souverains, entre États,
programme intitule : « le Coucher de la alligators (Heredia).
entre organismes plus ou moins puis-
mariée » (Gide).
sants, dans une intention offensive ou allitération [aliterasj] n. f. (mot savant
défensive : J’ai fait voir assez que l’al- allié, e [alje] adj. et n. (part. passé de formé avec le lat. ad et littera, lettre ; 1751,
liance de la France avec l’Angleterre et allier ; v. 1356, J. Le Bel, Chronique). Encyclopédie). Répétition des mêmes
l’Autriche contre la Russie est une alliance 1. Qui est uni par un traité d’alliance : lettres, surtout des consonnes, ou des
de dupe, où nous ne trouverions que la Les puissances alliées. [La France] était mêmes syllabes, dans des mots qui se
perte de notre sang et de notre trésor au plus âpre de sa lutte contre l’Empereur suivent, pour produire un effet d’harmonie

124
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

imitative ou suggestive. (Ex. : Les souffles allonge [al] n. f. (déverbal de allonger ; allonger [ale] v. tr. (de long ; XIIe s.).
de la nuit flottaient sur Galgala [Hugo].) XIIIe s.). 1. Class. Allongement, accroisse- [Conj. 1.]
ment de durée : Je ferai cette vie pendant
allô ! [alo] interj. (anglo-amér. hallo, I.1.Rendre plus long par traction, par
sept ou huit jours [...] de sorte que c’est une
hello ; 1879-1880, bulletin de l’association addition : La machine saisit le morceau de
petite allonge à mon voyage (Sévigné). fer ardent, le tire, l’allonge, le tire encore
des abonnés). Appel préparatoire à une
2. Ce qui sert à allonger : Une table à (Maupassant). Elle [la nouvelle année]
conversation téléphonique : Allô ! Qui est
allonges. L’allonge d’une courroie. 3. En allonge, d’un bourgeon cornu et verni,
à l’appareil ?
termes de boxe, longueur des bras supé- chaque branche de nos poiriers (Colette).
allocataire [alkatr] n. (de allocation ; rieure à la moyenne : Un boxeur qui a de Allonger une robe. 2. Faire paraître
1917, Larousse). Personne qui perçoit une l’allonge est souvent avantagé. 4. Crochet plus long : Son doux visage était allongé
allocation. métallique pour suspendre des quartiers par les deux pattes arrêtées à la hauteur
allocation [alkasj] n. f. (formé sur de viande. des pommettes (Mauriac). Fig. Allon-
allouer, d’après location ; fin du XVe s.). • REM. Allonge, au sens 2, est de plus en ger la mine, le visage, le nez de quelqu’un,
1. Action d’allouer de l’argent ou des biens ; plus remplacé par RALLONGE. lui causer une déception, un désappoin-
somme ou chose allouée : Les allocations tement. 3. Allonger le pas, faire de
allongé, e [ale] adj. (part. passé de
de devises aux voyageurs, parcimonieuse- plus grandes enjambées ; accélérer sa
allonger). 1. Se dit d’une chose devenue plus
ment mesurées, ne permettent plus qu’à des marche : Il s’élance du sommet de la col-
longue qu’elle n’était, ou qui est plus longue
privilégiés de passer l’hiver sur le continent line et allonge ses pas dans la plaine (Cha-
que ne sont généralement les choses analo- teaubriand). 4. Allonger une sauce, une
(Maurois). 2. Vx. Fixation du montant
gues : Ses traits amaigris, sa face allongée boisson, y ajouter de l’eau, un liquide :
d’un crédit ; ouverture d’un crédit : On ne
(Daudet). Cette écriture ferme et allongée Sans la précaution du couvercle, il eût plu
causait que du refus d’allocation fait par la
(Martin du Gard). Des constructions basses dans la marmite et l’orage eût allongé le
Chambre au Président (Flaubert). 3. Aide
et allongées qui s’ouvrent sur des cours inté- bouillon (Gautier). Fig. et fam. Allon-
en argent ou en nature fournie à des per-
rieures (Romains). 2. Fig. Se dit d’un ger la sauce, développer un discours,
sonnes par l’État ou par une collectivité,
visage qui exprime le mécontentement, la un argument, sans rien ajouter au fond.
dans des cas prévus par la loi : L’allocation
déception : Une mine allongée. 3. Se dit 5. Allonger son corps, ses membres, les
de chômage. Les allocations familiales.
Toucher une allocation de charbon. d’une personne, d’un animal étendu de déployer, les étendre : Les muscles suivent
tout son long : Un enfant, allongé comme naturellement la pensée comme des chiens
• SYN.: 1 assignation, attribution ; 3 indem-
un matou sur une grosse branche (Colette). dociles. Je pense à allonger le bras et je
nité, prestation, subside.
• CONTR.: 1 court, ramassé, trapu ; 2 hilare, l’allonge aussitôt (Alain). Ils évitaient la
allocentrisme [alstrism] n. m. (du réjoui ; 3 pelotonné, recroquevillé. porte rougie du foyer où se grillaient leurs
gr. allos, autre, et kentron, centre ; 1953, jambes chaque fois qu’ils les allongeaient
n. 1. Malade dont l’état exige la position
Larousse). Attitude psychologique consis- (Zola). Allonger le bras, la main, les
couchée. Spécialem. (au plur.). Les para-
tant à considérer les autres, et non pas soi- tendre dans une certaine direction pour
lysés : L’aide aux allongés. 2. Arg. et Vx.
même, comme centre de tout intérêt. prendre, pour montrer quelque chose :
Les allongés, les morts. Le boulevard des
• CONTR. : égocentrisme. Fanny [...] allongeait machinalement la
allongés, le cimetière.
main vers le paquet de maryland (Dau-
allocentriste [alstrist] n. et adj. (de
allongeable [alabl] adj. (de allonger ; det). 6. Allonger un coup, le porter en
allocentrisme ; 1953, Larousse). Qui pra-
début du XVe s.). Qui peut être allongé ou se détendant vivement : Je me retranche
tique l’allocentrisme.
qui peut s’allonger : Le faux nénuphar derrière son lit ; il m’allonge à travers le
adj. Qui concerne l’allocentrisme. n’ayant pas de pédoncule allongeable lit des coups de férule (Chateaubriand). Il
allocution [alkysj] n. f. (lat. allocutio, (Maeterlinck). lui a allongé un coup de poing en pleine
de alloqui, haranguer ; une première fois figure. 7. Pop. Allonger une somme, la
allongement [alm] n. m. (de allon-
au XIIe s. ; aux XVIIe-XVIIIe s., seulement verser : Elle n’avait pas allongé un sou
ger ; début du XIIIe s.).
en parlant des Romains ; début du XIXe s., au marchand de meubles (Zola). J’aurais
sens moderne). Petit discours prononcé en I.1.Action d’augmenter la longueur encore préféré lui allonger la forte somme
public : Les deux chaises [...] où le cercueil de quelque chose ; résultat de cette ac- tout de suite, et ne plus en entendre par-
s’allongeait, ce matin, pendant l’allocution tion : L’allongement par dilatation d’une ler (Romains). 8. Littér. Se dit de ce
du pasteur (Daudet). barre métallique chauffée. 2.Action qui présente quelque chose sur toute
de tendre en avant : Des allongements sa longueur : On voit de grands pans de
allodial, e, aux [aldjal, -o] adj. (lat. muraille inégaux qui allongent les uns
de mains gantées de blanc (Goncourt).
médiév. allodialis ; milieu du XVe s.). Se par-dessus les autres leurs sommets ébré-
3. Action de s’allonger, de s’étendre,
disait d’un bien tenu en franc-alleu. chés (Flaubert). Un toit de tuiles allonge sa
de se déployer : D’un lent allongement, le
allodialité [aldjalite] n. f. (de allodial ; monstre qui hale se tend et travaille dans crête (Genevoix).
1596, J. de Basmaison). Qualité d’un bien toutes les attitudes de l’effort (Claudel). II. Accroître en durée : Les récits de fa-
allodial. 4. Littér. État de ce qui est disposé en mille [...] allongent notre vie en arrière
longueur : Ces allongements de rochers (Vigny). Allonger un entretien.
allogène [aln] adj. et n. (du gr. allos,
dans la mer (Hugo). • SYN.: I, 1 agrandir, étirer ; 6 assener, flan-
autre, et genos, race ; 1888, Larousse).
Se dit des éléments qui sont d’une arri- II. Action d’augmenter en durée ; résul- quer (fam.). II prolonger. — CONTR.: I, 1
vée récente dans un pays et ne prennent tat de cette action : L’allongement des diminuer, raccourcir ; 5 contracter, recro-
qu’une part secondaire à la constitution vacances. queviller. II abréger, écourter.
de sa population. v. intr.
• SYN. : I, 1 élongation, étirage ; 3 étire-
adj. Se dit de ce qui appartient à une ment ; 4 chapelet, enfilade, file, ligne. II I. 1. Class. Apporter des longueurs, traî-
race non indigène : Des dialectes allogènes prolongation. — CONTR. : I, 1 contraction, ner une affaire en longueur : Une lettre de
(Morand). raccourcissement. II abrégement, dimi- M. de Cambrai qui ne sert qu’à allonger
• CONTR.: aborigène, autochtone, indigène. nution, limitation, réduction. (Bossuet). 2. Fam. Syn. de ALLONGER

125
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

LE PAS : Et le torse en avant, les coudes allouable [alwabl] adj. (de allouer ; 1305, allumelle [alyml] n. f. (de allumer ; 1863,
au corps, ils allongeaient, il fallait voir texte anglo-norm. dans Godefroy, écrit alo- Littré). Nom donné au fourneau de charbon
(Courteline). wable). Qui peut être alloué. de bois, quand il commence à s’allumer.

II. Les jours, les nuits allongent, leur du- allouer [alwe] v. tr. (bas lat. allocare, pla- allumement [alymm] n. m. (de allu-
rée s’accroît : C’est la saison où les jours cer, qui a dû signifier aussi « louer » [ces mer ; XIIe s.). Littér. Action d’allumer, de
allongent (Romains). deux sens ont disparu après le XVIe s.] ; s’allumer : L’allumement de leurs yeux
• SYN.: II augmenter, croître, rallonger. — v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit aloer). brillants dans l’ombre (Goncourt).
CONTR. : II diminuer. 1. Accorder comme avantage en nature allumer [alyme] v. tr. (du lat. pop. *allu-
s’allonger v. pr. et surtout en argent : On lui alloua une minare, dér. du lat. class. luminare, éclairer
I. 1. Devenir plus long dans l’espace : Les pension de cinquante francs (Balzac). [de lumen, lumière], sens attesté en anc.
reflets des étoiles tremblent dans l’eau, 2. Laisser, accorder un temps déterminé franç., et encore dans l’Est ; 1080, Chanson
se déforment et s’allongent (Genevoix). à un ouvrier pour exécuter un travail (sur- de Roland).
2. S’étendre, se déployer sur toute sa tout au passif) : Le temps alloué pour un
I. 1. Enflammer ou embraser une matière
longueur : Ils s’allongeaient sur les cous- ajustage, une réparation.
combustible : Allumer du papier, du bois,
sins (Flaubert). Le cortège, d’abord uni • SYN. : 1 accorder, attribuer, donner, etc. Ta tâche est d’allumer la pipe de ton
comme une seule écharpe de couleur [...], octroyer. — CONTR. : 1 refuser, retirer. maître (Baudelaire). Allumer un bri-
s’allongea bientôt et se coupa en groupes quet, lui faire produire de la flamme.
alluchon [aly] n. m. (peut-être de *ala-
différents (Flaubert). Fam. Se dit d’une Par extens. Allumer le feu, l’incendie, le
pio, accus. alapionem, d’un lat. pop. *alapa,
personne qui tombe par terre de tout son produire : Il revint à la maison, alluma du
long. aile, postulé par diverses langues romanes ;
feu non sans peine (Duhamel). 2. Fig.
1425, Du Cange, écrit alleuchon). Dent de
II. S’accroître en durée : Merveille de ces Allumer la guerre, la discorde, les pas-
bois ou de fonte qu’on adapte à certaines
jours qui s’allongent (Gide). sions, etc., en provoquer l’apparition, les
roues.
susciter : Allume le désir dans le regard
allonyme [alnim] adj. (du gr. allos, autre,
allumage [alyma] n. m. (de allumer ; des rustres (Baudelaire). 3. Fig. Allumer
et onoma, nom ; 1863, Littré). Vx. Publié les sens de quelqu’un, et, fam. ou pop.,
1845, Bescherelle). 1. Action d’allumer :
sous le nom d’un autre. allumer quelqu’un, exciter ses désirs sen-
L’allumage éblouissant de tous les lustres
n. Vx. Personne publiant sous un autre à la fois le tira de son intertie (Martin du suels, sa passion : Et il resta incertain si
nom que le sien. Gard). L’allumage d’un bec de gaz. 2. Fig. elle n’avait pas caché quelqu’un dont elle
allopathe [alpat] adj. et n. (de allopa- et fam. Excitation, due le plus souvent à allait faire souffrir la jalousie ou allumer
thie ; milieu du XIXe s.). Se dit du médecin l’ivresse : Ça sentait dans l’air la noce, les sens (Proust). Et je me rappelle qu’alors
qui traite par l’allopathie. une sacrée noce, mais gentille encore, un ma mère me dit : « Il ne faut pas allumer
commencement d’allumage, rien de plus les jeunes filles, quand on n’a pas sur elles
adj. Relatif à l’allopathie : Remède,
des vues sérieuses. » (Montherlant). Cette
méthode allopathe (ou allopathique). (Zola). 3. Action d’enflammer le mélange
femme vulgaire [...] et bizarrement allu-
gazeux dans un moteur à explosion : N’ai-je
allopathie [alpati] n. f. (du gr. mée par ce soldat au képi en bataille (Ara-
pas vu les deux chauffeurs renoncer tout à
allos, autre, et pathos, maladie ; 1800, gon). 4. Class. Être allumé, être rouge
coup à découvrir une panne d’allumage... ?
Hahnemann). Par opposition à homéopa- de visage, être congestionné : Pourquoi
(Dorgelès). Dispositif assurant cette
thie (v. ce mot), médecine classique, qui êtes-vous allumée ? Pourquoi votre sang
inflammation : Faire vérifier l’allumage
se propose de guérir les maladies avec est-il en colère ? (Sévigné). 5. Vx et pop.
de sa voiture. Avance, retard à l’allumage,
des remèdes provoquant des symptômes Allume !, cri destiné à exciter, à encoura-
contraires à ceux de ces maladies. inflammation du mélange gazeux avant ou ger, d’abord employé pour les matelots.
après le moment où le piston est au bout de
allopathique [alpatik] adj. (de allopa- sa course de compression ; dispositif qui II. 1. Rendre lumineux en enflammant :
thie ; milieu du XIXe s.). 1. Qui concerne l’al- permet de modifier le moment de cette J’allumais ma bougie et je me mettais au
lopathie : Un traité allopathique. 2. Qui travail (Daudet). Par une porte ouverte,
inflammation.
est conforme à l’allopathie : Un traitement on apercevait des cierges allumés : une
allopathique. allumé, e [alyme] adj. (part. passé de allu- chapelle (Troyat). 2. Faire fonction-
mer ; 1690, Furetière). Se dit, en héraldique, ner une source de lumière sans flamme :
allotir [altir] v. tr. (de lot ; 1611, Cotgrave).
d’un animal dont les yeux sont d’un autre Allumer un phare. Le vent [...] passa sur
Partager un patrimoine en lots destinés aux
émail que celui du corps, ou des flambeaux les ampoules misérables allumées au fond
héritiers : Faut tout de même chasser avec
dont la flamme est d’un émail particulier. des impasses et des ruelles (Malraux). Il
eux, répondit Tonsard, puisqu’ils veulent
y avait tant de lumières allumées dans ce
allotir les grandes terres (Balzac). allume-cigare [alymsigar] n. m. invar.
chaos vivant de maisons (Hugo). 3. Ré-
(de allume, forme verbale de allumer, et de
allotissement [altism] n. m. (de allo- pandre de la lumière dans : Allumer le
cigare ; milieu du XXe s.). Dans une automo-
tir ; 1866, Larousse). Action d’allotir ; résul- salon. [Au petit jour,] de grands vitrages
bile, dispositif servant à allumer les cigares,
tat de cette action : Un groupe de bavards allumés s’élèvent çà et là et, près d’eux, le
discutaient déjà l’allotissement (Pérochon). les cigarettes. ciel paraît d’une pâleur glacée (Romains).
allume-feu [alymfø] n. m. invar. (de Absol. Donner de la lumière, éclairer :
allotropie [altrpi] n. f. (du gr. allos,
allume, forme verbale de allumer, et de feu ; Qu’on allume dans le boudoir et dans ma
autre, et tropos, manière d’être ; milieu du
1866, Larousse). Morceau de bois préparé chambre à coucher (Dumas fils). 4. Lit-
XIXe s. ; mot créé en suédois par Berzelius, v.
pour allumer le feu. tér. Faire apparaître en pleine lumière :
1830). Propriété de certains corps, comme
Même alors que l’aurore allume | Les cot-
le carbone ou le phosphore, de se présenter
allume-gaz [alymgz] n. m. invar. (de tages jaunes et noirs (Verlaine). Rendre
sous plusieurs formes dont les propriétés
allume, forme verbale de allumer, et de lumineux en provoquant des reflets ;
physiques sont différentes.
gaz ; milieu du XXe s.). Petit appareil per- faire briller : Parfois luisaient des blocs
allotropique [altrpik] adj. (de allotro- mettant d’allumer le gaz d’une cuisinière, de houille [...] brusquement allumés d’un
pie ; milieu du XIXe s.). Relatif à l’allotropie. d’un fourneau, etc. reflet de cristal (Zola). Dans l’ombre des

126
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

arbres [...], les casques allumaient de brefs allumeur n. m. Dispositif destiné à allusif, ive [alyzif, -iv] adj. (de allusion ;
éclairs (Martin du Gard). provoquer un allumage ou la déflagra- 1770, Collé). Qui contient une allusion ; qui
• SYN.: I, 1 brûler, embraser, enflammer ; tion d’une charge explosive. Spécialem. procède par allusions : C’est la première fois
2 attiser, déchaîner, enflammer, soulever ; Dispositif qui produit l’allumage dans un qu’un de mes collaborateurs se permet de
3 agacer, aguicher, exciter. II, 3 éclai- moteur à explosion. porter devant l’opinion publique, même de
rer, embraser, illuminer. — CONTR. : I, 1 allumeuse n. f. Fig. et pop. Femme qui manière allusive, un de ces différends qui
éteindre, étouffer ; 2 apaiser, calmer. II, cherche à aguicher les hommes : Est-elle, peuvent toujours survenir entre un directeur
1 et 2 éteindre. ce que je crois, une mélancolique et terrible et sessubordonnés (Duhamel). Sesmoindres
allumeuse ? (Huysmans). mots prenaient un sens allusif (Bosco).
s’allumer v. pr.
I. 1. Prendre feu : Du bois sec qui s’allume allumoir [alymwar] n. m. (de allumer ; allusion [alyzj] n. f. (bas lat. allusio, de
facilement. 2. Fig. Recevoir une exci- une première fois au XIVe s., J. des Preis, alludere, badiner, faire allusion ; 1574, M.
tation ; s’éveiller, apparaître : Sentir ses au sens de « éclair » ; 1877, Littré). Appareil Foucque, au sens de « badinage » ; sens
désirs s’allumer. 3. Class. Allumer pour servant à allumer : Naguère, il y avait dans moderne, 1690, Furetière). Mot, phrase
s’allumer, se produire à la suite d’une les bureaux de tabac un allumoir fonction- qui éveille l’idée d’une personne, d’une
excitation : Muse, prête à ma bouche une nant au gaz. chose, sans les nommer expressément :
voix plus sauvage | Pour chanter [...] la Faire allusion à un événement. Cette allu-
allure [alyr] n. f. (de aller ; 1138, Vie de sion à l’infirmité de Gertrude est de nature
rage | Que le Chantre sentit allumer dans
saint Gilles, écrit aleüre). à particulièrement me blesser (Gide). Une
son sang (Boileau).
I. 1. Façon plus ou moins rapide dont se confidence [...], une simple allusion ouvrait
II. 1. Devenir lumineux : La lampe s’al- des perspectives insoupçonnées (Martin du
déplace un être animé : L’allure fière et ra-
lume (on emploie parfois aussi fam. l’in- Gard).
pide, les ailes et les antennes vibrantes, il
transitif en ce sens : Cette lampe n’allume [le calicurgue] va, revient (Fabre). Il des- • SYN.: sous-entendu.
plus). Mais le soir est venu. C’est l’heure
cend les trottoirs sans changer son allure
bizarre et douteuse où les rideaux du ciel allusionnel, elle [alyzjnl] adj. (de allu-
(Camus). Une allure vive, jeune, dégagée,
se ferment, où les cités s’allument (Bau- sion ; milieu du XIXe s.). Qui contient une
fière, lente, pesante. Spécialem. Les allusion (rare) : La « Satire Ménippée » céda
delaire). 2. Fig. et littér. Apparaître trois allures du cheval, ses trois façons
avec l’éclat d’une flamme : Des étin- le terrain à Molière, et la grande épopée
de progresser (le pas, le trot, le galop). de Robert Macaire, racontée par Daumier
celles d’or s’allument au moindre sourire 2. Vitesse d’un véhicule : Rouler à trop d’une manière flambante, succéda aux
dans les failles de la denture (Duhamel). grande allure, ralentir l’allure. Prête-moi colères révolutionnaires et aux dessins
Une flamme d’attention s’allume dans ton grand bruit, ta grande allure si douce allusionnels (Baudelaire).
les yeux noirs jusqu’alors distraits (Mau- [...], | Ô train de luxe ! (Larbaud). La soli-
riac). 3. Fig. Devenir lumineux par des • SYN.: allégorique, allusif, symbolique.
tude de la mer, la vive allure du bateau [...]
reflets ou des effets de lumière : Ses joues l’entraînaient toujours au rêve (Tharaud). alluvial, e, aux [alyvjal, -o] adj. (de allu-
si mates d’ordinaire s’allumaient d’une Fam. À toute allure, très rapidement. vion ; début du XIXe s.). Produit, constitué
rougeur vive (Daudet). Les boules étamées 3. Direction de la route que suit un par des alluvions : Une plaine alluviale.
s’allument aux rayons rouges du couchant bateau par rapport au vent. 4. Manière alluvion [alyvj] n. f. (lat. alluvio, de
(Arène). plus ou moins rapide dont fonctionne alluere, baigner ; 1527, Seyssel, au sens de
allumette [alymt] n. f. (de allumer ; une machine, un moteur. Spécialem. « débordement » ; sens moderne, 1690,
XIIIe s., dans un sens très général ; au sens En métallurgie, régime de fonctionne- Furetière). En termes de droit, accrois-
2, XVIIIe s.). 1. Petit bâtonnet combustible, ment d’un foyer, d’un fourneau. sement de terrain dû aux dépôts terreux
imprégné à l’une de ses extrémités d’une II. 1. Façon dont procède la pensée, qu’abandonne un cours d’eau : L’alluvion
composition inflammable par frottement. l’esprit : Il [Pascal] a passé de cercle en profite aux propriétaires riverains.
Allumette de sûreté, allumette nécessi- cercle pour tendre toujours plus haut vers alluvions n. f. pl. Dépôt laissé par des
tant pour s’enflammer un frottoir spécial. la vérité. Et de quelle allure ! (Barrès). eaux qui se retirent : Terrains d’alluvions.
Allumette-bougie, allumette faite d’une 2. Manière dont une personne agit, se
alluvionnaire [alyvjnr] adj. (de allu-
mèche de coton enduite d’une matière spé- comporte (souvent au plur.) : Une iro-
vion ; 1844, J. Itier). Vx. Relatif aux allu-
ciale, et qui brûle plus lentement. 2. Par nie perçait dans leurs allures sournoises
vions : Par leur origine alluvionnaire, nos
anal. Gâteau feuilleté long et mince. (Flaubert). La liberté de son allure indi-
terrains sont de même nature géologique
quait que, dans n’importe quelle circons-
allumettier, ère [alymtje, -r] n. (de que ceux du Médoc (Benoit).
tance, il eût été au-dessus de sa fortune
allumette ; 1532, Rabelais). Personne qui
(Montherlant). 3. Aspect extérieur alluvionnement [alyvjnm] n. m. (de
fabrique des allumettes.
d’une personne ou d’une chose : Elle était alluvion ; 1877, Littré). Apport d’alluvions :
adj. Qui concerne la fabrication des L’alluvionnement qui a produit le delta du
blonde, grande, d’allure hardie (Maupas-
allumettes. Rhône.
sant). Un domaine d’allure ancienne et
allumeur, euse [alymoer, -øz] n. (de seigneuriale étalait en longueur ses toits alluvionner [alyvjne] v. intr. (de
allumer ; 1540, G. Michel ; sens fig., 1552, à balustres (Daudet). Avoir grande, alluvion ; 1955, Larousse). Déposer des
Ch. Estienne). 1. Personne chargée d’allu- fière allure, avoir de l’allure, avoir de la alluvions.
mer les appareils destinés à l’éclairage : La prestance, des manières distinguées, qui
gaule à l’épaule, un allumeur de réverbères en imposent, qui portent à l’admiration. almageste [almaest] n. m. (mot ar.,
4. Manière dont les choses tournent, formé de l’art. al et du gr. megistê, signif. « la
cheminait d’un pas pressé sur le bord du
évoluent : Cette affaire prend une mau- très grande [oeuvre] » ; 1265, J. de Meung).
trottoir, laissant derrière lui une traînée
Sorte de recueil d’observations astrono-
d’étoiles vacillantes (Duhamel). Il existait vaise allure.
miques faites par les Anciens.
jadis, dans les théâtres, un allumeur de • SYN.: I, 1 démarche, train ; 2 train, vitesse.
chandelles. 2. Fig. Personne chargée de II, 2 air, attitude, comportement, façon, alma mater [almamatr], expression
faire monter les enchères, d’exciter les gens manière ; 3 apparence, aspect, maintien, lat. signif. « mère nourricière », que les
à jouer, etc. port, tournure ; 4 tour, tournure. poètes latins appliquaient à la patrie, et par

127
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

laquelle on désigne quelquefois aujourd’hui un suc amer : Dormez tranquilles au fond pondit Grandet, ça ne mange ni frippe, ni
l’Université. de vos retraites, dans les aloès et les cactus pain [...]. — Monsieur, donnez-moi donc
sauvages (Daudet). 2. Suc de cette plante, alors de la farine et du beurre » (Balzac).
almanach [almana] n. m. (lat. médiév.
utilisé en pharmacie : Selon Birotteau, Même alors (suivi du conditionnel),
almanachus, d’origine obscure ; peut-être
l’aloès et l’opium ne se trouvaient que rue même s’il en était ainsi : Je ne peux pour-
du syriaque l-manhaï, en l’année prochaine,
des Lombards (Balzac). 3. Bois d’aloès, tant pas faire manger aux passants tout le
par l’intermédiaire de l’ar. al-mankh,
bois odoriférant, en provenance d’Asie pain de mon père ; et même alors, est-ce
attesté en Espagne ; 1328, Douet d’Arcq,
(sans rapport avec la plante de ce nom). que ça paraîtrait dans la masse des affa-
écrit anemallat). 1. Calendrier comportant
més ? (Péguy). 2. Ou alors, sinon : Au
des indications astronomiques, météoro- aloétique [aletik] adj. (lat. aloeticus ;
fond, il n’y a que le bourgogne, ou alors
logiques, ainsi que des renseignements 1751, Encyclopédie). Qui contient du suc
d’ordre varié : Ce monarque vanté dans tous le café très bien soigné (Miomandre).
d’aloès : Pilules aloétiques.
Moi je vous dis que ça ne se fera pas. Ou
les almanachs de l’année passée (Musset).
alogique [alik] adj. (de a priv. et de alors il faudra qu’ils vous enlèvent de nuit
M. Horace Vernet est doué de deux qua-
logique ; 1611, Cotgrave). Qui n’obéit pas (Romains).
lités éminentes, l’une en moins, l’autre en
aux règles de la logique.
plus : nulle passion et une mémoire d’al- III. SOULIGNE UN MOUVEMENT D'HUMEUR
manach ! (Baudelaire). 2. Nom donné aloi [alwa] n. m. (déverbal de aloier, forme AVEC LA VALEUR D'UNE INTERJECTION.
à des recueils de nature variée : Tous les anc. de allier ; 1268, É. Boileau ; proprem. 1. Marque une certaine curiosité, avec la
noms propres [...] étaient pris dans les alma- « alliage », sens vieilli depuis le XVIIe s.). valeur de « eh bien ! » : Alors, c’est pour
nachs, les annuaires, les journaux de ce pays 1. Proportion de métal précieux qui, selon mon silence que vous me faites visite ?
(Giraudoux). Almanach de Gotha, ou, les règlements, doit entrer dans un alliage : (Rolland). « Alors tu appâtes ? — Appâ-
par abrév., le Gotha, recueil des généalo- Une monnaie de bon aloi, d’aloi douteux. ter ? moi ! » (Arène). Dans la langue
gies de toutes les maisons souveraines de 2. Fig. Qualité : Ce n’est point du côté fam., s’emploie pour amorcer simplement
l’Europe. 3. Class. Prédiction : Un fai- de la science, mais du côté de l’art que un dialogue : Alors, ça va ? 2. Pop. Sert
seur d’almanachs. Je n’ai pas grand’ foi à l’ordre de Saint-Benoît doit s’orienter, s’il à appuyer une affirmation, pour renché-
ses almanachs (Rousseau). veut conserver l’aloi de son ancien renom rir, pour souligner la surprise : Oh ! oui,
(Huysmans). De bon, de mauvais aloi, de alors ! Chic, alors ! Ça, alors ! C’est trop
almandine [almdin] n. f. ou almandin
bonne ou de mauvaise nature ou qualité : fort ! Pop. Et alors !, bien sûr ! je pense
[almd] n. m. (de Alabanda, ville d’Asie
Une noblesse de très bon aloi. De l’esprit de bien ! (exprime une affirmation ren-
Mineure ; almandine, 1690, Furetière ;
mauvais aloi ; se dit de ce qui constitue un forcée, après une question qui a vexé) :
almandin, 1898, Larousse). Aluminosilicate
indice favorable ou fâcheux, inquiétant : « Vous vous sentez capable de soulever ce
de fer, de couleur grenat, appelé aussi
Son épaisse barbe brune ruisselante d’une poids ? — Et alors ! » 3. Pop. Alors quoi,
escarboucle.
humidité de mauvais aloi (Courteline). marque l’indignation : Alors quoi ? disait
1. alme [alm] adj. (lat. almus, nourricier ; Vx. Un homme de bas aloi, un homme Clou, ça ne vous intéresse pas ? (Ramuz).
XVIe s.). Nourricier, bienfaisant (archaïsme méprisable, de basse condition.
Pop. Non, mais alors !, il ne faut pas
littéraire) : Plus fier que tous les Artabans • SYN.: 1 titre. exagérer, cela suffit ! 4. Pop. Exprime
dont la Gascogne | Fut, et sera toujours,
alopécie [alpesi] n. f. (lat. alopecia, du l’impatience : Alors, ça va encore durer
l’alme Mère Gigogne (Rostand). La nature
gr. alôpekia, dér. de alôpêx, renard, à cause longtemps ? 5. Dans la langue parlée,
frémit d’aise, et voici que sonne | Le frais
de la chute annuelle des poils de cet ani- sert à tout moment à relier librement les
appel pour l’alme célébration | De l’almis-
mal ; 1377, Lanfranc, écrit alopicie ; 1538, éléments de l’énoncé, seul ou précédé
sime jour de résurrection (Verlaine).
J. Canappe). Chute partielle ou totale, tem- de et : Je lui demande si elle viendra avec
2. alme [alm] n. f. (de l’allem. Alm ; 1866, poraire ou non, des cheveux et parfois des nous à la fête. Alors elle, elle me dit que
Larousse). Pâturage alpestre de haute poils. cela l’ennuie.
altitude. • REM. En corrélation avec quand,
alors [alr] adv. (de lors ; milieu du XIIIe s. ;
• SYN.: alpe. lorsque, précédemment exprimés, l’adv.
rare jusqu’au XVe s.).
alors introduit souvent la proposition
almée [alme] n. f. (probablem. de l’ar.
I. PRÉCISE L'ÉPOQUE, LE MOMENT. 1. À ce principale, si la ou les subordonnées tem-
alma, part. fém. du v. alima, savoir, pro-
moment-là dans le passé : Alors comme porelles sont d’une certaine longueur :
prem. « savante » ; 1785, Savary, écrit almé).
aujourd’hui, j’écoutais le vent dans les Lorsque [...] nous apercevions les horizons
En Orient, danseuse et chanteuse, dont
pins (Mauriac). D’alors, de ce temps- noirs et plats de la Germanie [...], quand
les danses sont mêlées de chants souvent
là dont on parle : Les Romains d’alors nous venions à nous rappeler les paysages
improvisés : Les « oualems » ou almées
mêlaient les idées d’Épicure à celles de éclatants de la Grèce [...] alors il nous pre-
accompagnaient la danse de leurs chants
Zénon (France). Jusqu’alors, jusqu’à ce nait un désir si violent... (Chateaubriand).
en frappant avec les doigts sur des tambours
moment-là : L’expression de son visage, Alors que loc. conj. 1. Vx ou littér.
de terre cuite (Nerval).
jusqu’alors sombre et dure, s’empreignit de Exprime le temps seulement (« dans le
almicantarat [almiktara] n. m. (de l’ar. stupéfaction (Hugo). 2. À ce moment-là moment où ») : Le sabre du géant Sinnagog
al-muqantart, l’astrolabe ; 1546, Rabelais, dans l’avenir : « Je finirai ce travail après est à Vienne [...], | Mon père le lui prit alors
écrit almicantarath). Cercle de la sphère mon retour. — Croyez-vous qu’alors vous qu’il le défit (Hugo). Alors qu’on le préparait
céleste dont tous les points sont à la même aurez plus de temps ? » à sa première communion, Mme de Coantré
hauteur au-dessus de l’horizon. (On dit
II. EXPRIME UN RAPPORT LOGIQUE DE avait donné à son petit-fils l’édition pour la
aussi CERCLEou PARALLÈLE DE HAUTEUR.)
CONSÉQUENCE.1. S’il en est ainsi, dans ces jeunesse de « Quo vadis » (Montherlant).
aloès [als] n. m. (du lat. aloes, pro- conditions, dans ce cas : [La] sympathie 2. Exprime l’opposition seule (« tandis
prem. génit. du gr. aloê, qui apparaît se produit en particulier quand la nature que, bien que ») : C’est juger des autres selon
comme nominatif au VIe s., à côté d’aloe ; nous présente des êtres aux proportions l’âge d’or, alors que l’on vit déjà soi-même
1175, Chr. de Troyes, écrit aloé ; la forme normales [...] : notre faculté de percevoir selon l’âge de fer (Alain). Il ne m’a jamais
aloès ne devient vraiment usuelle qu’au se trouvant alors bercée par cette espèce prié de le tutoyer, alors qu’il me tutoyait
XVIe s.). 1. Plante grasse, cultivée surtout d’harmonie, rien n’arrête plus le libre (Duhamel). Alors même que, même sens :
en Afrique, dont les feuilles contiennent essor de la sensibilité (Bergson). « Non, ré- Les absurdités évidentes dont foisonnent nos

128
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

rêves et que vous admettez sur-le-champ [...] • SYN. : 1 appesantir, charger ; 2 accabler, alpargate [alpargat] n. f. (de l’esp.
alors même que votre intelligence déploie surcharger ; 3 engourdir ; 4 appesantir ; 5 alpargata, espadrille ; début du XIXe s.).
une puissance inaccoutumée (Gide) ; avec le encombrer, surcharger. — CONTR.: 1 alléger, Chaussure légère de toile, à semelle de
conditionnel, marque l’opposition par rap- délester ; 2 décharger, soulager. corde tressée, qu’utilisent les montagnards
port à une hypothèse : Alors même que vous s’alourdir v. pr. Devenir lourd, pesant pyrénéens : Des semelles de corde rattachées
seriez un saint, on vous trouverait encore (au pr. et au fig.) : Ma bottine s’alourdit par des lacets bleus à un bas de laine dont
des défauts. d’une motte de terre boueuse (Renard). C’est le pied était coupé [...] rappelaient les alpar-
le soir qui soulage | Les esprits que dévore gates espagnoles (Gautier). Les sept autres
alose [aloz] n. f. (du lat. impérial alausa
une douleur sauvage, | Le savant obstiné infants, avec leurs intendants, | Marchent,
[Ausone], empr. au gaulois ; XIIe s.). Poisson
dont le front s’alourdit, | Et l’ouvrier courbé et derrière eux viennent, grinçant des dents,
voisin du hareng, mais plus long, qui naît
| Les cent coupe-jarrets à faces renégates,
et grandit en eau douce, descend à la mer qui regagne son lit (Baudelaire).
| Coiffés de monteras et chaussés d’alpar-
et remonte au printemps dans les rivières
alourdissement [alurdism] n. m. (de gates (Hugo).
pour y frayer.
alourdir ; début du XVe s., Godefroy ; anté-
alpax [alpaks] n. m. (de Al, symb. de l’alu-
alouate [alwat] n. m. (d’un mot indigène rieurement, eslourdissement et alourde-
minium, et du lat. pax, paix, en raison de
de la Guyane ; milieu du XVIIIe s.). Singe de ment). État de celui ou de ce qui est alourdi
la date [1920] de son invention). Alliage
l’Amérique du Sud, dit aussi singe hurleur : (au pr. et au fig.) : La fatigue lui donnait
d’aluminium et de silicium.
L’alouate a une queue prenante (Hugo). l’impression d’un alourdissement de son
fardeau. Peu à peu, il glissait à un alour- alpe [alp] n. f. (de Alpes, n. géographique
alouette [alwt] n. f. (dimin. de l’anc.
dissement absolu de l’esprit (Huysmans). pris comme n. commun ; 1819, Boiste).
franç. aloe [encore au XVe s.], du lat. alauda,
1. Vx. Montagne élevée : On a souvent
d’origine gauloise ; XIIe s., écrit aloete). aloyage [alwaja] n. m. (de aloyer ; 1723, représenté la vie [...] comme une montagne
Oiseau passereau commun, qui fait son Savary). 1. Action d’aloyer. 2. Sorte d’al- que l’on gravit d’un côté et que l’on dévale
nid à terre, dans les champs : Ces plaines liage à l’usage des potiers d’étain. de l’autre, il serait aussi vrai de la comparer
immenses de blé où se promène de grand
aloyau [alwajo] n. m. (probablem. emploi à une alpe au sommet chauve couronné de
matin le maître et où l’alouette cache son
fig. de aloel, alouette, dér. de aloe : aurait glace (Chateaubriand). 2. Pâturage de
nid (Sainte-Beuve). Une alouette monte de
désigné d’abord des morceaux préparés au haute montagne, surtout dans les Alpes :
la plaine, fine, les ailes tendues, s’élève par
lard comme les alouettes ; 1398, Ménagier L’alpe était transformée en un immense
vibrations sonores, traçant ce premier sillon
de Paris). Nom donné, en boucherie, à une tapis mouvant et chatoyant (Frison-Roche).
invisible où se rejoignent dans les beaux
partie du boeuf coupée le long des reins. • SYN.: 2 alme, alpage.
jours d’été le grand calme du ciel et tous
les bruits actifs de la terre (Daudet). Se [alwaje] v. tr. (forme anc. de allier ; alpenstock [alpnstk] n. m. (mot allem.
aloyer
lever au chant de l’alouette, se lever dès XVIIIe s.). [Conj. 2.] 1. Vx. Donner à l’or ou à signif. « bâton [Stock] pour les Alpes » ;
l’aube. Fam. Attendre que les alouettes 1866, Francis Wey). Long bâton ferré,
l’argent l’aloi, c’est-à-dire le titre voulu par
tombent toutes rôties, attendre, sans se autrefois utilisé pour les excursions en
la loi. 2. Mettre un alliage dans l’étain
donner de mal, que les choses se fassent montagne : Et sans plus s’occuper des deux
(terme de potier).
d’elles-mêmes. Fig. Miroir aux alouettes, parentes qui, munies de leurs alpenstocks,
piège, attrape-nigaud. Spécialem. Noeud alpaga [alpaga] n. m. (de l’esp. d’Amé- allaient faire l’ascension dans la nuit, il se
d’alouette, sorte de noeud utilisé dans la rique alpaca, lui-même issu du quechua précipita aux nouvelles (Proust).
marine. [langue indigène du Pérou] allpaca ; 1579,
alpestre [alpstr] adj. (de l’ital. alpestre ;
Benzoni, écrit alpace ; alpaga, début du
alourdir [alurdir] v. tr. (de lourd ; une pre- 1555, Vasquin Philieul, trad. de Pétrarque).
XIXe s.). 1. Ruminant ressemblant au lama
mière fois au XIIIe s. ; rare jusqu’au XVIIe s.). 1. Relatif aux Alpes : Géographie alpestre.
et pourvu d’une longue fourrure laineuse :
1. Rendre lourd ou plus lourd (au pr. et au 2. Propre aux Alpes : L’Avonne a l’appa-
L’alpaga à lourde toison noire (Morand).
fig.) : La porte [...] était en vieux bois alourdi rence d’un torrent alpestre (Balzac).
par des quinconces de ferraille (Balzac). Il y 2. Étoffe composée autrefois de la laine
de cet animal, aujourd’hui souvent faite alpha [alfa] n. m. (mot gr. ; XIIe s.).
avait dans leurs blouses un goût de foin et
avec d’autres laines : M. Courtois portait 1. Première lettre de l’alphabet grec. Fig.
d’écurie qui alourdissait l’air de la classe,
une jaquette soit de drap, soit d’alpaga gris, L’alpha et l’oméga, le commencement et
quand ils se pressaient autour du poêle
selon la saison (Duhamel). Il avait quitté sa la fin : Être beau, tel était le premier et le
rouge (Alain-Fournier). 2. Courber,
veste d’alpaga noir (Alain-Fournier). dernier mot, l’alpha et l’oméga d’un caté-
faire ployer sous son poids : Vendanger ses
chisme que nous ne connaissons plus guère
ormeaux qu’alourdit le cep mûr (Heredia) ; • REM. On trouve aussi la forme alpa-
(Fromentin). 2. Rayons alpha, rayon-
et par anal. : Le sommeil alourdit les pau- ca : Des alpacas s’approchaient du seuil
nement émis par des corps radio-actifs et
pières. 3. Causer une sensation de lour- [...],s’étonnaient, s’en allaient (Troyat).
formé de noyaux d’hélium.
deur, d’accablement : Se sentir alourdi par
alpage [alpa] n. m. (de alpe, même sens ;
la chaleur. 4. Rendre moins vif, moins alphabet [alfab] n. m. (bas lat. alpha-
mot de la Suisse romande, où il a d’abord
alerte, diminuer les capacités physiques ou betum, comp. de alpha et de bêta, les deux
désigné le droit payé pour l’estivage du
intellectuelles : Mon coeur blessé alourdis- premières lettres de l’alphabet grec ; XVe s.,
bétail ; milieu du XVIIe s.). 1. Prairie natu-
sait ma course (Montherlant). Le docteur, G. Tardif). 1. Liste de toutes les lettres d’une
relle, à l’herbe courte, qui se trouve dans
bien alourdi par la cinquantaine (Aragon). langue : L’alphabet français a deux lettres de
5. Fig. Encombrer par des choses super- les hautes montagnes, au-dessus de la plus que l’alphabet grec. Série des noms
flues ou disgracieuses : J’ai de moins en limite de la forêt : Quittant les gazons ras que portent ces lettres : Épeler l’alphabet.
moins l’intention d’alourdir mon livre avec des alpages, ils pénètrent sous les mélèzes Fig. et vx. N’en être qu’à l’alphabet, n’en
le fatras de l’actualité (Martin du Gard). (Frison-Roche). Là se rencontrent quelques être qu’aux rudiments d’un art ou d’une
Ces colonnes massives alourdissent la « jas » abandonnés pendant l’été, quand les science. 2. Par extens. Nom donné à
façade. Alourdir le style, la phrase, leur troupeaux vivent encore dans les alpages tout ensemble de signes conventionnels :
ôter de l’aisance, les rendre plus embar- (Bosco). 2. Saison passée par les trou- L’alphabet Morse. 3. Livre où les enfants
rassés : L’abus des conjonctions alourdit peaux dans ces prairies. apprennent les lettres et les éléments de
la phrase. • SYN.: 1 alme, alpe. la lecture.

129
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE et graphème, dans Studia neophilologica, notent indistinctivement deux (ou trois)
1964) ; les « graphes » sont les variantes phonèmes voisins. C’est le cas de la lettre
L’ALPHABET
du graphème, dont l’unité est faite par le A ; il est d’usage de distinguer un pho-
phonème unique exprimé. Par exemple, nème « a antérieur » [a], prononcé dans
ÉTAT ACTUEL
le phonème [] a un graphème dont on patte, et un phonème « a postérieur »
L’alphabet du français moderne compte a compté quelque 24 graphes (certains [], prononcé dans pâte ; la différence
26 lettres : en trouvent le double) : monographes [a] / [] distingue des mots comme tache
comme è dans mère, ë dans Noël, ê dans (souillure) et tâche (devoir), le nom rat
a b cd e f g h i j k l m n o p q r st u v w fête, e (+ consonne finale) dans fer, e (+ et l’adjectif ras ; or, la lettre A — avec ou
x y z. deux consonnes) dans benne ; digraphes sans l’appoint du signe diacritique qu’est
comme ei dans peine, ai dans laine, ef l’accent circonflexe — note ces deux pho-
(Prononcer : a, bé, cé, dé, e, effe, gé, hache,
dans chef-d’oeuvre, ep dans sept, ès dans nèmes. En fait, il s’agit d’une opposition
i, ji, ka, elle, emme, enne, o, pé, qû, erre,
congrès, et dans béret ; trigraphes comme phonologique débile et de faible rende-
esse, té, u, vé, double-vé, ixe, i grec, zède.
aie dans monnaie, aid dans laid, ait dans ment (peu de paires de mots sont diffé-
Depuis le Grand Larousse encyclopé-
lait, ais dans relais, etc. renciées de cette façon). « Il y a des Pari-
dique, tous les noms de lettres sont mas-
Inversement, la lettre A (ce que le lin- siens qui distinguent entre patte et pâte
culins : un A, un M, un S.)
guiste suédois appelle le « typème » A, et d’autres qui n’en font rien. Parmi ceux
Il est banal d’observer que ces 26 lettres qui distinguent entre deux phonèmes [a]
dont les « types » sont les différentes
ne sont pas l’expression graphique de 26 et [], il n’y a pas accord dans l’emploi qui
formes qu’en revêt le tracé) sert à noter
sons différents dont se composerait le est fait de chacun d’eux : les uns pronon-
le graphème [] dans pas, le graphème [a]
système phonologique du français. En cent âge dans âge tendre avec le a de pâte,
dans ta, et, en combinaison, le graphème
réalité, la théorie de la graphie gagne en les autres avec celui de patte ; pour beau-
[] dans taie, [] dans rang, [] dans pain,
clarté si l’on distingue deux niveaux de coup, sable rime avec câble, mais non
etc.
l’analyse graphique, comme on le fait avec table ; pour d’autres, c’est table qui
dans l’analyse de la chaîne parlée : celui Nous n’avons pas ici à nous étendre sur
rime avec câble, et c’est sable qui reste à
des éléments distinctifs et celui des élé- les inconséquences et les difficultés d’
part. On aperçoit que ce qui justifie l’ap-
ments significatifs. « orthographe » (v. ce mot) qu’entraînent
parentement des deux phonèmes [a] et
ces variations sans valeur phonétique. La
Les lettres sont distinctives : on leur de- [], ce n’est pas l’orthographe, mais le fait
multiplicité, l’immotivation des graphes
mande d’être toujours identifiables sous que ceux-là mêmes, parmi les Français,
font du mot français un véritable idéo-
leurs formes infiniment variées. Que la qui les distinguent doivent souvent faire
gramme, dont la reconnaissance est
lettre A.ait un tracé fermé (comme en abstraction de cette différence pour com-
globale (d’où la préférence accordée sou-
écriture « italique » : a) ou ouvert (comme prendre autrui » (A. Martinet, la Linguis-
vent en France à la méthode dite « glo-
en écriture « romaine » : a), qu’elle soit tique synchronique, 1965). Tout se passe
bale » d’apprentissage de la lecture et de
imitée de l’alpha grec () ou qu’elle revête comme si le français moderne ne conser-
l’écriture) ; elles le chargent de valeurs
la forme de deux traits anguleux, sorte de vait des phonèmes [a] et [] que les traits
affectives et esthétiques qui contribuent
guillements, comme dans l’écriture dite communs qui les opposent ensemble aux
à l’échec invariable des tentatives de ré-
a de Luxeuil (VIIe s.), qu’elle soit majus- autres voyelles, c’est-à-dire la qualité de
forme périodiquement renouvelées. Mais
cule (v. ce mot) ou minuscule, séparée ou voyelle orale à grande aperture, oubliant
seule est en cause ici l’adéquation de
liée dans le contexte, elle doit être recon- les traits « antériorité » ou « postériorité »
l’alphabet au système de la langue qu’il
naissable, différente des autres lettres. qui les opposent entre eux. La phonologie
transcrit.
Comme dans le système des phonèmes, appelle « archiphonème A » l’ensemble
la modification d’un élément doit entraî- De ce point de vue, l’idéal semblerait être des traits distinctifs communs à [a] et à
ner, sous peine de confusion, des modi- qu’il n’y eût pas de lettres homophones et [] : cet « archiphonème », qui n’est peut-
fications en chaîne : telle personne qui qu’à chaque phonème correspondît une être prononcé par aucun Parisien, est
écrit les a comme des u doit modifier ses lettre. le seul phonème A que prononcent les
u pour rester lisible. Les graphologues On ne peut dire que l’alphabet français Méridionaux, habitude héritée du subs-
n’estiment guère une écriture — fût-elle moderne contienne deux lettres toujours trat provençal et qui, par les contacts et
flatteuse à l’oeil — qui confond les u avec homophones. Si an et en représentent le les échanges de populations si dévelop-
les n, les a avec les u ou avec les e : c’est même phonème dans vanter et venter, a pés depuis un siècle, a pu semer dans la
l’équivalent, dans le domaine graphique, joue dans pas un rôle que e ne peut jouer, France du Nord le germe d’hésitation et
d’une diction que l’affectation, la paresse et e dans je un rôle refusé à a. Le digraphe de doute dont meurt l’ancienne oppo-
ou quelque infirmité rendent inintelli- ph est homophone de f, mais p et h isolés sition. Il est en définitive assez heureux
gible. Certains alphabets sont inférieurs ont des emplois indépendants, et ph subs- qu’une seule lettre A (a, a, etc.) figure à
à notre alphabet, appelé « latin », par les titué à f assume une fonction accessoire, l’alphabet, véritable « archigraphème »
confusions de lettres qu’ils favorisent : b significative sur le plan lexical : il marque notant l’archiphonème A. Le jour est pré-
et k, g et n dans l’alphabet hébreu ; f et s un radical grec contenant originellement visible où disparaîtra l’accent circonflexe,
minuscules, n et r majuscules dans l’al- la lettre (phi). La lettre y, à l’expression marque très irrégulièrement distribuée
phabet gothique du phonème [i] dans un mot comme du timbre postérieur.
La fonction de la lettre étant distinc- cygne, homophone de signe, ajoute aussi Une semblable économie de lettres s’ob-
tive — comme celle du « phonème » la fonction lexicale de référence au grec. serve pour l’écriture des phonèmes « o
dans la chaîne orale —, elle n’a pas pour Quant au principe d’affecter une lettre à ouvert » [] et « o fermé » [o], voyelles
signifié immédiat le phonème (v. PHO- chaque phonème, nous allons voir qu’il postérieures d’aperture moyenne
NOLOGIE) que l’écriture doit exprimer. est vulnérable du point de vue même de confondues dans le Midi français, où la
La lettre constitue, seule ou combinée la phonologie. Certes, les phonèmes [i] paume est prononcé avec le même o []
avec d’autres lettres, le signifiant d’une et [y], voyelles antérieures très fermées, que la pomme. Les Français du Nord font
unité que l’on peut appeler « graphème » respectivement non arrondie et arrondie, entendre la différence, mais parfois mal à
(terme emprunté à un article de Göran sont convenablement distingués par les propos et de façons contradictoires : cote
Hammarström, Type et typème, graphe letres i (lit) et u (lu). Mais certaines lettres d’alerte ou cote 315 sont souvent articulés

130
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

avec l’o fermé de Côte-d’Ivoire. Là encore, Nous avons un cas semblable, en fran- HISTORIQUE

l’existence d’une lettre o, archigraphème çais, dans le groupe constitué par une
Alphabet vient du latin alphabetum,
de l’archiphonème O, est opportune, lettre voyelle suivie d’une consonne na-
formé avec les mots alpha et bêta, qui
L’accent circonflexe y joue le même rôle sale : a (ou e, ou i, ou o, ou u) + n (ou m). Si
désignaient les deux premières lettres
distinctif que sur A, et avec aussi peu de ce groupe est final de mot ou suivi d’une
en grec, issus eux-mêmes des noms sé-
régularité, car l’o de zone est prononcé consonne prononcée, il exprime un pho-
mitiques des deux premières lettres de
comme celui de pôle ; il y est promis au nème unique de voyelle nasale, comme
l’alphabet phénicien : alef (tête de boeuf),
même sort, mais à plus longue échéance, dans flan, flam-be, vin, tin-te, plomb,
bet (maison ou tente). C’est en effet aux
car le « rendement » de l’opposition [] / on-cle, parfum, hum-ble ; mais, s’il est
Phéniciens qu’on attribue l’invention de
[o] est plus fort. suivi d’une voyelle, la consonne nasale
l’alphabet en tant que système d’écriture
La situation serait identique pour la lettre (écrite simple ou double) se prononce,
purement phonétique, même s’ils ont em-
E si elle notait seulement les phonèmes et la voyelle précédente reste orale : flâ-
prunté les formes de certaines lettres au
« e ouvert » [] et « e fermé » [e]. « Tout le ne, fi-ne, po-mme, u-ne. Ainsi, la même
fonds commun des écritures du monde
monde a entendu les variantes du é dans séquence de lettres peut noter, selon
oriental ou égéen (la tête de boeuf est au
un mot comme ticket, prononcé tantôt l’entourage, soit un phonème de voyelle
nombre des pictogrammes du plus an-
avec un e fermé, tantôt avec un e ouvert. nasale, soit deux phonèmes différents de
cien sumérien et du crétois). La nouveau-
De toute façon, la compréhension n’en ce phonème unique : in note [] dans vin
té du système phénicien était d’éliminer
est jamais affectée. Mais si on peut dire et [in] dans fine ; en (n) note [] dans vent
les idéogrammes que d’autres écritures
[tik] ou [tike], on ne peut plus dire [tiki], et [n] dans benne. Au facteur de posi-
(suméro-akkadienne, égyptienne, hittite,
[tika], [tiko], etc. » (R. et M. Léon, Intro- tion s’ajoute un facteur morphologique
crétoise) mêlaient aux rébus syllabiques.
duction à la phonétique corrective, 1964). pour déterminer la prononciation : l’n est
La nouveauté du système grec fut de fran-
Là encore, il s’agit d’une opposition à purement graphique dans les désinences
chir le mur de la syllabe en introduisant
faible rendement, peu connue des Fran- verbales en -ent, ce qu’il faut savoir pour
les voyelles dans l’alphabet. En Italie, les
çais méridionaux et sujet de doute pour lire correctement : Les poules du couvent
Étrusques adaptèrent l’alphabet grec à
beaucoup de Français du Nord, lorsqu’ils couvent. Ces doubles valeurs apportent
leur langue non indo-européenne ; les
s’interrogent, par exemple, sur la pronon- dans l’apprentissage de la lecture en fran-
Latins l’empruntèrent à leur tour, proba-
ciation des petits mots atones comme les, çais une certaine difficulté, mais les fac-
blement par l’intermédiaire étrusque, et
des, mes, tes, ses, ces. La lettre E paraît teurs en jeu restent simples, et la difficulté plus tard l’enrichirent par un recours plus
donc être l’archigraphème adéquat à la est compensée par la plus grande clarté
direct au grec. Ainsi se trouva constitué,
notation de l’archiphonème E. Le cas se morphologique que donne cette graphie vers le Ier s., l’alphabet de 23 lettres qui
complique du fait que la lettre E est usi- en maintenant l’opposition fin/fine dans devait servir à la première notation du
tée aussi pour l’e dit « muet », que son la règle générale de formation du féminin français :
caractère arrondi éloigne de la série des e par addition d’un e. Un étranger appre-
ouvert et fermé pour le placer entre l’[oe] nant le français écrit ou quelque lecteur a b c d e f g h i k l m n o p q r s t u x y z.
de peur et l’[ø] de peu — avec lequel il se d’un siècle futur pourront ignorer que le L’écriture du latin était fixée pour tou-
confond dans bien des régions de France. français du XXe s. possédait des voyelles jours, quelques modifications que dût en
Un alphabet adéquat devrait comporter nasales : ils en seront moins gênés pour subir par la suite la prononciation : un m
pour cette série une lettre à triple va- traduire les textes que s’ils disposaient de final, que les Latins mêmes ne pronon-
leur, différente de l’e et de l’o qui notent documents sonores. çaient plus (ex. : regem), continua d’être
tous les autres phonèmes vocaliques de On doit conclure de tels faits que l’écri- écrit. Il y eut du nouveau quand l’alpha-
moyenne aperture. S’il n’en est rien, c’est ture n’a peut-être pas pour fonction pri- bet fut appliqué à une langue nouvelle, le
que le latin, qui nous a légué son alpha- mordiale de noter les sons de la parole. Il français, à partir du IXe s. La lingua ro-
bet, ne connaissait d’autres voyelles que convient de juger un alphabet sur la ma- mana dut alors s’arracher au latin, et l’on
A, E, I, O, U. Le digraphe eu s’explique nière dont il permet de figurer la langue, put lire dans les Serments de Strasbourg
par des raisons historiques (diphtongues système mental dont la chaîne orale n’est (842) un mot comme nostro, où l’-m du
anciennes), qui n’ont pu jouer dans le cas qu’une manifestation très imparfaite, latin nostrum était enfin supprimé. Cela
de l’e sourd, dit « muet », []. brouillée par des accidents d’origine phy- n’alla pas sans des flottements. Comme
Nous venons de voir que l’alphabet réalise siologique. Les écritures idéographiques l’usage s’était depuis longtemps établi de
une économie en figurant par une seule anciennes ou modernes (sumérienne, prononcer [o] au lieu de [u] l’ des mots
lettre (que nuancent éventuellement des égyptienne, hittite, crétoise, chinoise) latins, les lettres u et o figuraient tour à
signes diacritiques) des phonèmes légère- échappent aux fluctuations géogra- tour, dans ce même texte, le son [o] : pro,
ment différents, dont l’opposition est peu phiques et diachroniques de la pronon- om, amur (= amor), dunat (= done) ;
exploitée pour la distinction des mots (di- ciation en ignorant plus ou moins le relais mais l’u y notait, à l’exclusion de toute
vers timbres de a, de e et de o). Une autre de la chaîne phonique dans l’expression autre lettre, le son [y], inconnu du latin,
économie, plus considérable, est réalisée de la pensée linguistiquement organi- qu’avait pris au VIIIe s. l’ latin accentué :
lorsqu’un même graphe est employé pour sée. L’écriture alphabétique, en compo- cadhuna (de cata unam), nul (de nullum).
noter des sons très différents, n’apparais- sant avec la prononciation, a permis une L’e central (qui donnera plus tard l’« e
sant jamais dans le même entourage. C’est réduction considérable du nombre des muet »), étant un phonème inconnu des
le cas, en allemand, pour le graphe ch, qui signes, mais s’est assujettie à une « subs- Latins, y était noté par o dans nostro pour
note indifféremment le « ich-laut » de ich tance » phonique dont la langue même rappeler nostrum, par a dans dunat pour
(je), weich (mou), dorsopalatale voisine est largement indépendante. Cet assu- rappeler donat, et par e dans fradre pour
du yod français de pied, et le « ach-laut » jettissement, nous l’avons vu, peut rester rappeler fratrem. Le c, prononcé [ts] de-
de Bach, de lachen (rire), de doch (cepen- souple ; une étude historique va mon- vant e et i, était écrit c dans cist (lat. ecce
dant), spirante dorsovélaire : aucune trer comment l’alphabet latin, au prix istum, franç. moderne cet), mais z dans
confusion n’en résulte, du fait que l’ach- de quelques additions, s’est adapté aux fazet (lat. faciat, franç. moderne fasse).
laut se prononce après a, o, u, au, et l’ich- transformations phonétiques du latin en Un effort plus grand d’appropriation
laut partout ailleurs. Gaule jusqu’à l’époque moderne. s’observe dans la Cantilène de sainte Eu-

131
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

lalie (v. 881) ; l’e domine dans la notation On se trouve donc, devant ces textes, notation des occlusives aspirées sourdes
d’e central : kose, figure, voldrent ; des dans les meilleures conditions pour ap- du grec, inconnues du latin (ph dans phi-
diphtongues inconnues du latin appa- précier les problèmes véritables que po- losophia, th dans theatrum, ch dans cho-
raissent : ciel, chief, buona, bellezour ; le sait l’adéquation au français de l’alphabet rus), sans inconvénient puisqu’il ne figu-
c suivi d’e ou i, prononcé [ts], est écrit c latin, que ces scribes n’imaginaient pas rait pas ailleurs après une consonne. Il
dans cels, pulcella, mais cz dans czo (lat. de modifier. Nous allons les passer en re- eut en français un emploi analogue pour
ecce hoc), tc dans manatce (lat. mina- vue, sans suivre ici en détail les solutions noter la fricative sourde de chat, mais
cia) ; prononcé [dz] entre voyelles, il est qui y furent apportées pendant toute reprit isolément sa valeur plus ancienne
écrit z dans domnizelle (lat. dominicella). l’histoire du français : ces questions, qui de « souffle-phonème » dans les mots em-
L’alphabet ne tarda pas à s’accroître d’une concernent l’orthographe autant que l’al- pruntés au germanique, comme heaume
lettre, d’origine germanique, le W, qu’on phabet, seront développées à propos de (allem. Helm, casque) ; parallèlement, il
lit dans wigre, « dard », dès la Chanson certaines des lettres qu’elles concernent, eut, comme en latin, une existence pure-
de Roland, et dans beaucoup de mots à leur ordre alphabétique — comme il se ment graphique dans les mots comme
des dialectes picard, normand, wallon doit. homme, où il rappelle un h latin, histoire,
et lorrain, doublant des mots français où • Le latin classique ne connaissait qu’un où il rappelle, après le latin, une aspira-
le même son initial avait été exprimé, à timbre de A, de E,de O. La diversité des tion grecque, huile, où il marque seule-
l’époque romane, par le groupe gu, pro- timbres de ces voyelles en français posa ment la nature vocalique de l’u. (Voir H.)
noncé [gw], ensuite [g] : wage (franç. au Moyen Âge les mêmes problèmes que • En latin, la lettre K, remplacée dans ses
gage), waires (franç. guère), walfre (franç. de nos jours (v. plus haut), mais la nota-
emplois par c, n’était employée que dans
gaufre), etc. De copieux emprunts, faits tion précise s’en imposait d’autant moins des abréviations et dans quelques mots
par le français même à l’anglais à partir que les dialectes en concurrence étaient comme kalendae (ou calendae). L’ancien
du XVIIe s., ne parviendront pas à intégrer plus nombreux et variés ; la solution des
français l’employa assez souvent au lieu
vraiment au système du français cette accents (v. ce mot) ne fut trouvée qu’au
de qu, dans des mots comme ki (= qui),
lettre, dont le signifié phonétique, lié à XVIe s.
où l’élément labial avait disparu ; mais la
des mots étrangers, n’est pas reconnu • Le latin ignorait les voyelles nasalisées. tradition fut plus forte, et la fortune du
dans des mots comme ouest [wst], loi Pour des raisons systématiques, que nous k très modeste, pratiquement limitée à
[lw]. avons expliquées plus haut, l’alphabet des mots d’emprunt comme képi (allem.
Il faut mentionner avec éloge les écri- put se passer de noter la nasalisation, à Käppi), kermesse (flam. kerkmisse).
condition que l’on conservât la lettre n ou
vains des chansons de geste, copistes •Les lettres L et N continuèrent en
m rappelant la consonne nasale amuïe :
des écoles de jongleurs sensibles à toutes français à noter les consonnes [l] et [n]
flan, flam-be. (V. NASALISATION.)
les qualités du timbre. Les manuscrits qu’elles notaient en latin : lit (lat. lec-
d’oeuvres poétiques de la seconde moi- • Les lettres I et U marquaient en latin tum), nuit (lat. noctem). Mais dès le latin
tié du XIIe s. et du début du XIIIe offrent deux voyelles : [i], conservé en français vulgaire étaient apparues des variantes
une orthographe dont l’adéquation à la dans vie, et [u], que nous prononçons « mouillées » de [l] et de [n] devant yod,
langue n’a jamais été égalée. Ceux des dans boule. Elles y marquaient aussi dans les mots comme *palya (lat. class.
poèmes de Chrétien de Troyes, oeuvre l’emploi consonantique de ces phonèmes, palea, franç. moderne paille), filia (franç.
principalement du scribe Guiot, « nous comme dans Iouis (génitif du nom de Ju- moderne fille), *vinya (lat. class. vinea,
représentent dans l’écriture ce que les piter), où i note yod, et u la consonne que
franç. moderne vigne. En français, où ces
poèmes de Chrétien sont dans l’histoire le germanique notera plus tard w (deux
phonèmes nouveaux entraient dans des
de la littérature et de la langue ; ils ont fois v ; v. plus haut) ; mais ces consonnes
oppositions avec [l] (vaillant/valant ; fille
quelque chose d’élégant et de simple, se transformèrent à l’époque romane
/ file) et [n] (peignant/peinant), on recou-
et devinrent en français [d], puis [],
de concis et en même temps de clair, de rut pour les noter à des graphies com-
fini et cependant de naturel » (G. Paris). comme dans joug, et [v], comme dans
plexes. Pour l mouillé, des mots comme
vin. Il faudra attendre la Renaissance
Plus attaché au principe phonétique qu’à fille (de filia) sont à l’origine de la graphie
pour que deux variantes de i et de u, le
la tradition latine, Guiot n’hésitait pas à ill, claire dans paille, mais ambiguë dans
J et le V, soient affectées à la notation de
remplacer la diphtongue ai, rappelant un les mots comme fille, confondus graphi-
ces consonnes, portant à 26 le nombre
a latin, par des graphes plus conformes quement avec les mots comme ville ; I’l
des lettres de l’alphabet. (Voir I et U.)
à sa prononciation : ei (ex. : leissent, lat. mouillé ayant fait place à yod dans le
• Les lettres latines B, D, F, M, P, R
laxant, franç. moderne laissent), e (ex. : français commun dès le XVIIe s., la sé-
fet, lat. facit, franç. moderne fait) ; il ont toujours convenablement noté les quence ill est aujourd’hui un des graphes
remplaçait en par an pour noter unifor- consonnes [b], [d], [f], [m], [p], [r]. du son yod. Pour n mouillé, des mots
mément la voyelle [], même issue de en • Les lettres C et G notaient en latin les comme agneau (de agnellus) ont donné la
ou in latins, comme dans antandre (lat. consonnes [k] et [g] en toute position. graphie gn, qui, étendue à vigne, a donné
intendere, franç. moderne entendre). La Elles remplissent bien ce rôle dans des le modèle ign (corrompu en ing, ingn) :
plupart des consonnes amuïes, que les mots comme car, cor, cure, gare, goût, d’où des doublets comme montagne et
plus anciens textes marquaient encore aigu. Mais l’évolution phonétique a mo- montaigne, prononcés également [],
par respect du latin (Serments : adiudha, difié ces consonnes devant [a], [e] et [i], puis [a], dont le premier était clair et le
à côté d’aiudha ; Sainte Eulalie : corps), conduisant aux phonèmes [], comme second ambigu, du fait que les graphes ai
étaient supprimées, à l’exception de l’s dans chat, [s], comme dans cent, et [], et ei étaient souvent équivalents et que
devant une consonne, conservé pour comme dans jambe et gent ; le premier et le phonème [] existait devant [] dans
noter le timbre de la voyelle modifié par le dernier de ces phonèmes n’existaient les mots comme daigne ou deigne (lat.
sa disparition. Les lettres doubles latines, pas en latin. (Voir C et G.) dignat), et même dialectalement dans
conservées dans les Serments (commun) • L’H avait cessé dès le latin d’être pro- les mots comme montagne ; la graphie
et dans Sainte Eulalie (elle, celle), étaient noncé, si ce n’est par des lettrés dans gn l’a emporté, et note seule aujourd’hui
simplifiées (comun, ele, cele) conformé- les mots empruntés au grec. Il avait été le phonème [], d’ailleurs en voie d’être
ment à la prononciation. employé comme lettre auxiliaire à la remplacé par [nj] : la majorité des Fran-

132
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

çais prononcent (accom)pagner comme • Le latin avait noté le phonème double J’ai compris la méthode de l’autodidacte : il
panier. [ks] par X, lettre qui avait cette valeur s’instruit dans l’ordre alphabétique (Sartre).
• La lettre Q est le koppa phénicien, qui, en grec occidental (au lieu de en grec Une table alphabétique des matières. Un
faute de correspondant phonique dans oriental). En bas latin, cet x, réduit à [s] classement alphabétique. 2. Écriture
dans la prononciation, était souvent rem- alphabétique, celle qui note les phonèmes
leur langue, avait été conservé par les
placé par s : ausilium (= auxilium). La ré- isolés par des signes graphiques, comme
Grecs comme chiffre ; les Latins l’avaient
forme de Charlemagne ne le rétablit guère le français.
repris avec la valeur du [kw] initial de
qu’en écriture ; les plus anciens textes
qui(s), en le doublant d’un u qui notait alphabétiquement [alfabetikm] adv.
français l’emploient en alternance avec
l’élément labial par redondance. En fran- (de alphabétique ; 1655, Lancelot). Selon
ss : Alexandre ou Alessandre, Alexis ou
çais, cet élément labial cessa d’être pro- l’ordre alphabétique : Des mots classés
Alessis. (Certains noms de villes comme
noncé, et la graphie fuit simplifiée en c alphabétiquement.
Bruxelles, Auxerre, qu’il faut pronon-
dans des mots comme car, com, comme,
cer avec [s], maintiennent une graphie alphabétisation [alfabetizasj] n.
mais se conserva par tradition dans qui,
ancienne avec x.) Dans la seconde moitié f. (de alphabétiser ; 1959, Larousse).
que, quand, quel, etc., malgré l’essai du k
du XIIe s., certains scribes employèrent x Enseignement de la lecture et de l’écriture
mentionné plus haut.
à la place de us (Diex = Dieus, chevax = à des personnes constituant des couches
• La lettre S notait en latin, comme en chevaus, etc.), pour des raisons qu’André sociales ou des populations demeurées
grec, la sifflante sourde [S] : rosa (pronon- Beaulieux paraît avoir élucidées (voir analphabètes.
cé rossa). En position intervocalique, où X). Comme la valeur d’un simple s [s] se
alphabétiser [alfabetize] v. tr. (de
toutes les sourdes latines ont été sonori- conservait ailleurs, d’autres scribes ont
alphabet ; 1959, Larousse). Alphabétiser
sées, l’ [s] latin est devenu [z] : rose, chose contaminé les deux graphies, écrivant
des couches sociales, des peuplades, etc.,
(lat. causa). La tradition y a maintenu la -ux à la place de -x ou -us. La fortune de
apprendre à lire et à écrire aux personnes
graphie s, ce qui n’aurait pas d’inconvé- cette aberration appartient à l’histoire de
qui les composent.
nient si s était toujours prononcé [z] entre la morphologie. (V. PLURIEL.)
voyelles et [s] ailleurs. Or, des mots com- • L’Y avait été emprunté par les Latins alphabétisme [alfabetism] n. m. (de
posés ont été formés, à date plus récente, lettrés au grec, où il notait le phonème [y] alphabet ; 1877, Littré). Système d’écriture
où un s, initial du second élément, a gardé (cf. français tu), étranger au latin. Quand, qui repose sur un alphabet, par opposi-
entre voyelles sa prononciation : antisep- en grec même, la prononciation de l’« up- tion aux systèmes idéographiques ou
tique, contresens, entresol, parasol, pré- silon » passa de [y] à [i], les Latins tinrent syllabiques.
séance, etc. Parfois, l’s y a été doublé pour l’y pour un i dans les mots empruntés alphonse [alfs] n. m. (n. pr. pris dans un
parer l’ambiguïté (dessous, dessus, ressen- et lui donnèrent le nom d’« i grec », que sens particulier ; fin du XIXe s.). Arg. et vx.
tir, ressource, etc.), à l’imitation des mots le français conserve. C’est donc avec Homme vivant aux dépens d’une femme
où -ss- intervocalique marquait étymolo- le son [i] que cette lettre passa en fran- galante : Allons, il est temps de partir, aussi
giquement le son [s] : graisse (lat. *cras- çais, et l’usage de l’y se développa au bien les alphonses rappliquent de toutes
sia), poisson (lat. *piscionem), angoisse s. quand on y vit le moyen d’éviter
XIIIe
parts (Huysmans).
(lat. angustia). Quant à l’s devant une les confusions qu’entraînait fatalement,
consonne, il s’amuït du XIe au XIIe s., mais dans l’écriture gothique, le voisinage alphonsines [alfsin] adj. f. pl. (de
fut conservé longtemps comme lettre au- d’un i avec m, n, u (= u ou v). Mais, sur- Alphonse X le Sage). Tables Alphonsines,
xiliaire, pour marquer l’allongement ou tout, l’y acquit la fonction de distinguer tables astronomiques, dressées au XIIIe s.
l’altération de la voyelle qui le précédait. le yod du [], confondu graphiquement par ordre d’Alphonse X, roi de Castille.
(V. ACCENT.) avec [i] : yeux (plur. de oeil), écrit avec y, alpicole [alpikl] adj. (de Alpes et du lat.
• Le T français note [t] comme en latin : ne pouvait plus être confondu avec jeux, colere, habiter ; 1863, Littré). Qui croît dans
tard (lat. tarde), toi (lat. te). Mais, dans écrit ieux. Malheureusement, l’y conser- les Alpes : Une plante alpicole.
des mots comme inertie, nation, [t] s’est va simultanément ses autres fonctions, et
fut concurrencé dans la notation du yod alpiculteur [alpikyltoer] n. m. (de alpi-
« assibilé », c’est-à-dire a pris un son sif- culture ; 1928, Larousse). Personne qui
par d’autres procédés : i dans chantions,
flant, s’est changé en [s] ; ce sont des mots pratique l’alpiculture.
ï dans aïeux, ill (ancien l mouillé) dans
demi-savants, qui, à l’époque romane, se
fille. (Voir Y.) alpiculture [alpikyltyr] n. f. (de Alpes et
sont prononcés normalement *inertsya,
*natsyone, mais auxquels la réforme ca- •Le Z, comme l’y, avait été emprunté de culture ; 1928, Larousse). Nom donné à
rolingienne de la prononciation latine a par les lettrés latins en même temps que la culture de haute altitude (surtout dans
restitué un i voyelle, d’où *inertsia, *nat- les mots grecs où il notait un phonème la Suisse romande).
sione, et en français [inrsi], [nasi]. Une [dz], puis [z], inconnu du latin ; ces deux
alpin, e [alp, -in] adj. (lat. alpinus, de
ambiguïté résulte de cette valeur sifflante valeurs, conservées dans les langues
Alpes ; XVIe s. ; rare av. 1796, H. de Saussure).
du t devant i, parce qu’elle ne se retrouve romanes, expliquent son emploi, dans
1. Qui est originaire des Alpes, qui vit
pas dans certains mots d’origine diffé- la Cantilène de sainte Eulalie, à l’inter-
dans les Alpes : Les montagnards alpins.
rente : comparer des portions, en franç. vocalique (domnizelle) et en fin de mot,
Plantes alpines, celles qui appartiennent
moderne [-sj], et nous portions [-tj]. où il note le diphonème assourdi [ts] :
à la région supérieure des Alpes, c’est-à-
Comme dans le cas du mot couvent (v. paramenz. Régulièrement employé en
dire située au-dessus de 1 800 m. 2. Qui
plus haut), le facteur grammatical inter- fin de mot pour noter [ts], réduit à [s]
appartient aux Alpes : Les départements
dès le XIIe s. et bientôt amuï, sauf à la
vient dans l’interprétation phonique de alpins. Les routes alpines. Système alpin,
pause, z fut longtemps maintenu, même
telles graphies. La nature des mots selon ensemble montagneux formé par les grands
leur place et leur entourage dans la phrase après l’invention de l’accent aigu, comme
soulèvements qui ont accompagné l’ère
marque du timbre fermé de l’e des plu-
guide alors le lecteur d’un texte fran- tertiaire. 3. Qui s’intéresse aux Alpes,
riels comme bontez. (V. ACCENT.)
çais, comme elle guidait les Phéniciens, et, par extens., à la montagne, en tant que
comme elle guide encore les Arabes dans alphabétique [alfabetik] adj. (de alpha- centre d’excursions et lieu où se pratique
la restitution des voyelles, que leur écri- bet ; XVe s., G. Tardif). 1. Qui est propre à l’alpinisme : Club alpin. 4. Spécialem.
ture ne marque pas. l’alphabet ; qui suit l’ordre de l’alphabet : Chasseur alpin et, substantiv., un alpin,

133
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

soldat spécialisé dans les opérations en de choses : L’opinion à la mode que main- Espagne, à une personne chargée de rem-
montagne. tenant « les temps avaient changé » [...], le placer la personne souveraine. 2. Fam.
constat précis d’une altération dans l’ordre Personne à qui une autre personne accorde
alpinisme [alpinism] n. m. (de alpin ;
des choses (Gracq). 3. Modification vou- toute sa confiance et qui, le cas échéant,
1888, Larousse). Sport qui consiste à faire
lue, provoquée d’une chose, falsification : peut remplir le même rôle qu’elle-même :
des ascensions en montagne : Je n’aime
L’altération des monnaies. L’altération de Le directeur est absent, mais son alter ego
point l’alpinisme, mais [...] tout sentier qui
liquides ou de marchandises. L’altération peut vous recevoir. La mauvaise impression
grimpe m’aspire, et je monte comme l’eau
d’un texte. 4. Modification du visage ou que les révélations de son alter ego avaient
descend (Gide).
de la voix sous l’influence d’un sentiment, dû produire (Proust).
alpiniste [alpinist] n. (de alpin ; 1888, d’une émotion : À mesure qu’il approcha • SYN.: 2 bras droit.
Larousse). Personne qui pratique l’alpi- de moi, je fus frappé de l’altération de son
altérer [altere] v. tr. (bas lat. alterare,
nisme : Sous les yeux de l’alpiniste [...], des visage : ses joues étaient dévalées et livides,
changer, empirer, de alter, autre ; 1361,
crevasses se fendaient (Daudet). ses yeux âpres, son teint pâli et brouillé,
Oresme ; le sens « exciter la soif » dérive
son air sombre et terrible (Chateaubriand).
alpiste [alpist] n. m. (esp. alpista, blé du sens anc. « exciter, irriter », XVIe s.).
Jacqueline regarda son neveu et fut frappée
des Canaries, d’origine incertaine ; 1617, [Conj. 5.]
de l’altération de ce visage (Balzac). Il se
Hierosme Victor). Graminée dont les
tut, saisi par l’extraordinaire altération I. 1. Vx. Apporter un changement quel-
graines servent à nourrir les oiseaux.
des traits de Mme A. (Bernanos). 5. En conque, en bien ou en mal : L’observation
alquifoux [alkifu] n. m. (corruption de musique, signe placé à gauche d’une note de ce qui a succédé au romantisme, qui est
l’ar. al-kuhl, devenu alcofol, alkifol, d’où pour en modifier la hauteur sans en chan- venu l’altérer, lui apporter des corrections
alquifoux ; 1723, Savary des Bruslons). ger le nom : Le dièse est une altération. et des contradictions, et enfin se substituer
Sulfure de plomb, ou galène, utilisé pour • SYN.: 1 dégradation, dénaturation, dété- à lui (Valéry). Spécialem. Altérer une
le vernissage des poteries. rioration ; 2 délabrement ; 3 adultération ; note, en musique, modifier une note en
4 bouleversement, décomposition, trouble. l’élevant ou en l’abaissant d’un demi-ton.
alsacien, enne [alzasj, -n] adj. et n.
— CONTR. : 1 amélioration, conservation, 2. Produire la détérioration de : La cha-
(de Alsace ; XVIIIe s.). Relatif à l’Alsace ;
restauration ; 2 amélioration ; 4 impassi- leur altère le vin ; et au fig. : : Vous êtes
habitant ou originaire de cette région.
bilité, indifférence. continuellement fourrée dans votre cui-
alsacien n. m. Ensemble des parlers ger- sine, ce qui doit finir par altérer votre tem-
maniques de l’Alsace.
• REM. Le sens premier de « changement
pérament (Flaubert). Une amitié que rien
d’état » en général est encore vivant dans
alsine [alsin] n. f. (lat. alsine, du gr. alsos, n’a jamais altérée. 3. Modifier plus ou
les sciences physiques : L’altération d’un
bois ; 1548, Guéroult). Ancien nom de la moins volontairement, falsifier : Altérer
corps chimique.
plante appelée aussi morgeline ou mouron la vérité. Altérer une monnaie. 4. Se dit
altercation [altrkasj] n. f. (lat. alter- d’une émotion qui modifie le comporte-
des petits oiseaux.
catio, querelle ; 1289, Du Cange ; d’abord ment, l’expression de quelqu’un : La peur
altérabilité [alterabilite] n. f. (de alté- jurid., au sens de « désaccord, débat » ; altérait le timbre de sa voix. Un visage
rable ; milieu du XIXe s.). Caractère de ce emploi moderne, XVIe s.). Échange brusque, altéré par l’angoisse. 5. Class. Provo-
qui peut être altéré, dénaturé : La grande généralement bref et sans conséquence, de quer la colère de quelqu’un, l’irriter : Quel
altérabilité de ce produit empêche de le propos violents : Derrière le rideau [...], un sujet inconnu vous trouble et vous altère ?
conserver longtemps. bruit de dispute monta [...], puis tout se tut, (Boileau).
• CONTR. : inaltérabilité. soudainement. L’altercation se poursuivit à
II. Exciter la soif : Cette promenade m’a
voix basse (Alain-Fournier).
altérable [alterabl] adj. (de altérer ; 1361, altéré ; et au fig. : : Cette soif des saintes
Oresme). Qui peut être altéré, modifié (au
• SYN.: attrapage (fam.), discussion, dispute, lettres qui m’avait altéré dès l’enfance,
pr. et au fig.) ; qui peut s’altérer : Une den- prise de bec (fam.). me porta sur la dispersion des cloîtres
rée altérable. Nous voyons à peu près de • REM. On trouve encore au XVIIe s. la (Sainte-Beuve).
quel idéal il faut nous rapprocher, mais que vieille forme altercas (1523) ou altercat, • SYN. : I, 1 changer, modifier ; 2 abîmer
cet idéal est encore altérable et trompeur ! n. m. : Cet altercas | Mit en combustion la (fam.), affecter, avarier, détériorer, endom-
(Maeterlinck). salle et la cuisine (La Fontaine). mager, gâter ; 3 adultérer, défigurer, dégui-
• SYN. : corruptible, fragile, périssable. — altéré, e [altere] adj. (part. passé de ser, dénaturer, falsifier, fausser, maquiller,
CONTR. : inaltérable, incorruptible. altérer). truquer ; 4 bouleverser, décomposer, défaire,
défigurer. II assoiffer. — CONTR.: I, 1 et 2
altérant, e [alter, -t] adj. (part. prés. I. Changé de bien en mal, et en particu- conserver, restaurer. II désaltérer.
de altérer ; XVIe s., Thevet). Qui provoque lier défait par l’émotion : L’écriture de
s’altérer v. pr. Subir une détérioration, se
la soif : Une nourriture altérante. Mme la duchesse de Cumberland était si
dénaturer : L’outillage et le matériel s’alté-
altérée que j’eus quelque peine à la recon-
altérateur, trice [alteratoer, -tris] n. raient (Zola). La langue originale, partout,
naître (Chateaubriand). Il reprit d’une
(de altérer ; XVIIIe s., Buffon). Personne [...] s’est notablement altérée (Mérimée).
voix altérée : « Eh bien, voilà. C’est fini ; la
qui altère, qui falsifie.
fête est finie » (Alain-Fournier). altérité [alterite] n. f. (lat. alteritas ;
altération [alterasj] n. f. (lat. médiév. XIIIe s., au sens de « changement » ; XVIIe s.,
II. 1. Assoiffé : La bande altérée hur-
alteratio ; XIIIe s., « changement » en général, au sens philos.). Caractère de ce qui est
lait : « De l’eau ! De l’eau ! » (Duhamel).
jusqu’au XVIe s., puis « changement de bien autre (langue philosophique) : La séité
2. Fig. et littér. Qui se montre avide
en mal »). 1. Changement de bien en mal de ou le soi, la quiddité ou le ce, l’identité, la
de : Tigre altéré de sang qui me défends
la nature d’une chose concrète : Altération diversité ou l’altérité (Diderot). Et il allait
les larmes (Corneille). Être altéré de
des couleurs. 2. Fig. Dégradation de la haletant, dément de compassion, ne pen-
vengeance.
santé, d’un sentiment, des relations entre sant qu’à cette femme, ne sentant que par
les personnes, etc. : L’altération du goût. alter ego [altrego] n. m. (expression lat. elle, se substituant à elle, dans un vrai état
L’amour véritable n’est sujet à aucune alté- employée par Cicéron et signif. « un second d’altruisme, d’altération du moi, d’altérité
ration appréciable dans la durée (Breton). moi-même » [alter, autre, et ego, moi] ; 1845, du moi (Benda).
Dégradation d’une situation, d’un état Bescherelle). 1. Titre donné autrefois, en • CONTR. : identité.

134
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

alternance [altrns] n. f. (de alterner ; alternatives de fureur et d’abattement à tour de rôle, deux ou plusieurs cultures
1845, Bescherelle). 1. Action d’alterner ; état un reste misérable de vie (France). Tout différentes : Alterner le blé et le fourrage.
qui en résulte : L’alternance des cultures. enfermait les esprits directeurs des armées
altesse [alts] n. f. (ital. altezza ou esp.
L’alternance des saisons. Nous nous trou- opposées dans les mêmes alternatives
alteza, dér. de alto, haut ; début du XVIe s.,
vons alors partagés entre des sentiments d’impulsions et d’objections, d’essais et de
au sens de « élévation » ; 1560, Ronsard).
naissants dont l’alternance et le contraste renoncements (Valéry). 2. Option qui
sont bien remarquables (Valéry). Jouer en 1. Titre d’honneur donné aux princes et
s’offre entre deux choses opposées : Vaincre
alternance deux pièces, se dit d’un théâtre aux princesses du sang : Altesse ! il eût fallu,
ou mourir, comme dit la Politique, telle était
qui a l’une et l’autre à son programme et les l’alternative que m’imposait la destinée ! pour compléter le tour, | Dénicher la colombe
joue successivement pendant des périodes (Baudelaire). en tuant le vautour (Hugo). Ce titre d’Al-
variables. 2. Spécialem. Demi-période tesse [...] ne produisit pas la moindre impres-
• SYN.: 1 alternance ; 2 dilemme.
d’un courant alternatif. 3. En linguis- sion sur l’officier de chasseurs (Daudet).
• REM. Ce mot est parfois employé pour
tique, variation subie par un phonème, Altesse royale ou impériale, titre donné à
désigner non pas l’ensemble des deux
ou un groupe de phonèmes, au cours de tous les princes issus en ligne directe d’un
partis entre lesquels on doit choisir, mais
l’évolution d’une langue, au point de vue roi ou d’un empereur. Altesse sérénis-
l’un ou l’autre de ces partis : Choisir entre
morphologique. sime, titre d’honneur réservé aux princes
deux alternatives. C’est un emploi qu’on
• SYN.: 1 périodicité, rythme, succession. du sang dans les branches collatérales.
évite dans la langue surveillée.
• REM. On a dit aussi alternation : Ses vers Vx et fam. Traiter quelqu’un d’altesse,
2. alternative [altrnativ] n. f. (esp. donner de l’altesse à quelqu’un, le flatter
se façonnent et s’harmonisent sur la suc-
alternativa ; 1922, Larousse). Investiture par des titres d’honneur, vrais ou imagi-
cession et sur l’alternation des ondes par
solennelle conférée à un torero pour l’éle- naires. 2. Personne qui porte ce titre : Je
le rythme (Lamartine).
ver au rang de matador. vais au palais d’une altesse, | Et j’achète un
alternant, e [altrn, -t] adj. (part.
alternativement [altrnativm] adv. habit de cour (Béranger). Et tout ça pour
prés. de alterner ; 1519, G. Michel).
(de alternatif ; 1355, Bersuire). Tour à tour, des altesses | Qui, vous à peine enterrés, |
1. Qui alterne : Cultures alternantes.
l’un après l’autre : Les autres [pies] conti- Se feront des politesses | Pendant que vous
2. Spécialem. Pouls alternant, pouls
nuaient de piailler éperdument en levant pourrirez (Hugo).
dont les battements sont tantôt normaux,
alternativement les pattes (Pergaud). • REM. Son Altesse, Son Altesse royale,
tantôt faibles.
alterne [altrn] adj. (lat. alternus, alter- Son Altesse sérénissime ont pour abrévia-
alternat [altrna] n. m. (de alterner ;
natif ; 1509, O. de Saint-Gelays). 1. Angles tions S.A., S.A.R., S.A.S.
1797, Gattel). Ordre dans lequel des choses
différentes se succèdent périodiquement : alternes internes, en géomérie, angles althaea [altea] ou althée [alte] n. f. (lat.
L’alternat des cultures. situés entre deux droites et de part et althaea ; XVIe s., sous les formes althaea et
d’autre d’une sécante à ces deux droites. althée). Nom scientifique des plantes du
• SYN.: assolement, rotation.
Angles alternes externes, angles situés en genre guimauve.
alternateur [altrnatoer] n. m. (de dehors de deux droites et de part et d’autre
alternatif ; 1922, Larousse). Générateur d’une sécante à ces deux droites : Quand altier, ère [altje, -r] adj. (ital. altiero,
de courant électrique alternatif, entraîné deux droites parallèles sont coupées par une de alto, fier, orgueilleux ; 1578, A. d’Aubi-
mécaniquement. sécante, les angles alternes internes sont gné). 1. Class. Haut, élevé : Jevois les altières
égaux entre eux, les angles alternes externes futaies (Racine). Le dôme altier du Temple
alternatif, ive [altrnatif, -iv] adj. (de
le sont aussi. 2. Feuilles, fleurs alternes, (Guérin). 2. Qui a, qui manifeste un
alterner ; fin du XIIIe s., R. de Presles). 1. Se
en botanique, feuilles, fleurs disposées de noble orgueil : Une race altière. L’honnête
dit de choses, généralement opposées,
chaque côté de la tige, mais non en face les homme [...] | Relève plus altiers son front et
qui se répètent ou se succèdent régulière-
ment : Sous nos pieds, un pavé alternatif de unes des autres. son langage, | Brillant d’un généreux orgueil
marbre blanc et noir (Hugo). Offensives et (Chénier). La blessure est l’altière faveur |
alterné, e [altrne] adj. (part. passé de
défensives se succèdent pour chaque camp, Que fait la guerre au brave illustre, au pieux
alterner). Se dit de choses qui se succèdent,
comme selon un roulement régulier ; c’est sauveur (Hugo). 3. Qui est le signe d’un
se répondent en s’opposant : Des damiers
un échange alternatif des rôles (Valéry). orgueil exagéré : Point d’altière dentelle ou
dont les cases alternées seraient les unes
2. Qui laisse le choix entre deux pos- vides et les autres pleines (Huysmans). de riche guipure, | Mais un simple mouchoir
sibilités dont l’une exclut l’autre : Une Brigitte écoutait derrière la porte deux voix noué pudiquement (Hugo). Mais Pharaon,
conjonction alternative. Une obligation alternées, celle de la jeune fille [...] et l’autre, avec son courage altier que rien ne pouvait
alternative. 3. Courant alternatif, cou- virile (Mauriac). abattre (Gautier).
rant électrique qui change périodiquement • SYN. : 2 et 3 arrogant, dédaigneux, fier,
de sens. Mouvement alternatif, mouve- alterner [altrne] v. intr. (lat. alternare ;
hautain, impérieux, orgueilleux. — CONTR.:
ment qui a lieu tantôt dans un sens, tantôt XIIIe s., Dict. général). En parlant de deux
2 et 3 humble, modeste, simple.
dans le sens contraire. ou de plusieurs choses, se succéder avec
plus ou moins de régularité et en formant altièrement [altjrm] adv. (de altier ;
• SYN.: 1 périodique, rythmique, successif.
opposition ou contraste : Le désavantage 1620, Chronique bordelaise). D’une manière
— CONTR. : 1 concomitant, continu, simul-
de ces récréations alternant avec le travail altière (rare) : Répondre altièrement.
tané, synchrone.
était de transformer pour moi toute l’année
alternation n. f. V. ALTERNANCE. altimètre [altimtr] n. m. (du lat. altus,
en fausses vacances (Radiguet). On entend
haut, et du gr. metron, mesure ; 1562,
1. alternative [altrnativ] n. f. (de alter- nettement s’élever une voix d’homme et une
M. Scève). Appareil servant à mesurer
voix de femme qui se lancent des défis, se
natif ; début du XVe s. en droit ecclés. ; sens l’altitude.
moderne, XVIIe s.). 1. Succession de deux répondent, alternent (Cendrars).
choses opposées qui reviennent tour à tour : • SYN.: se relayer, se remplacer. altimétrie [altimetri] n. f. (de altimètre ;
Cette alternative de doute et de foi a fait v. tr. Faire se succéder à tour de rôle ou 1690, Furetière). 1. Mesure des altitudes.
longtemps de ma vie un mélange de déses- de façon variée : Alterner l’effort et le repos. 2. En cartographie, ensemble des signes
poir et d’ineffables délices (Chateaubriand). Alterner les distractions. Spécialem. En conventionnels (hachures, courbes de
La France, blessée à mort, traîne dans des agriculture, faire venir l’une après l’autre, niveau, etc.) qui figurent le relief.

135
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

altise [altiz] n. f. (lat. zool. haltica, du gr. franç-ital.). Basane colorée, employée en aluner [alyne] v. tr. (de alun ; 1534,
haltikos, sauteur ; début du XIXe s.). Insecte reliure. Rabelais). Imprégner d’alun.
coléoptère sauteur, nuisible aux cultures
aludel [alydl] n. m. (mot esp., de l’ar. aluneux, euse [alynø, -øz] adj. (de alun ;
potagères et à la vigne.
al-utl ; 1557, Dict. général). Assemblage de XVe s., Godefroy). Qui contient de l’alun.
altiste [altist] n. (de alto ; 1960, Larousse). pièces de poterie s’emboîtant pour former
alunière [alynjr] n. f. (de alun ; 1702,
Personne qui joue de l’alto. un tuyau, et qu’on employait autrefois pour
Mémoires de l’Acad. des sciences, écrit
la sublimation de certains corps : Cet appa-
altitude [altityd] n. f. (lat. altitudo, hau- alumière ; 1794, Actes du gouvernement
reil sublimatoire a nom aludel (France).
teur, de altus, haut ; 1485, Mystère du Viel révolutionnaire). Mine, fabrique d’alun.
Testament). 1. Élévation verticale d’un aluette [alt] n. f. (ancienn. luette,
point au-dessus du niveau moyen de la de luet, petit oeil, du lat. oculus ; 1928, alunifère [alynifr] adj. (de alun et du
mer : Ce village est situé à neuf cents mètres Larousse). Jeu de cartes pratiqué surtout lat. ferre, porter ; 1863, Littré). Se dit d’un
d’altitude. 2. Élévation au-dessus du sol : par les marins, qui se joue avec 48 cartes terrain, d’une roche qui contient de l’alun :
Déjà le pilote [...] se débattait mal, perdait portant des emblèmes particuliers. Schiste alunifère.
son altitude, s’enlisait peu à peu dans cette alunir [alynir] v. intr. (de à et de Lune ;
alumelle [alyml] n. f. (de lamelle, avec
ombre (Saint-Exupéry). début du XXe s.). Prendre contact avec la
agglutination de l’a de l’art. ; 1175, Chr. de
alto [alto] n. m. (mot ital. signif. « haut », Troyes, écrit alemelle ; alumelle, XIVe s.). Lune : La fusée a aluni.
repris pour désigner la partie haute du Vx. Lame de couteau, d’épée. • REM. L’Académie s’est prononcée contre
chant et la voix qui chante cette partie ; le l’emploi de ce mot et de son dérivé
aluminage n. m. V. ALUNAGE.
nom de l’instrument est l’ellipse de violon ALUNISSAGE.
alto, adaptation de l’ital. viola alta ; fin aluminaire [alyminr] adj. (de alumine ;
alunissage [alynisa] n. m. (de alunir ;
du XVIIIe s.). 1. Vx. Syn. de CONTRALTO. 1863, Littré). Qui contient de l’alun.
1930, Esnault-Pelterie, l’Astronautique).
2. Instrument à cordes intermédiaire
aluminate [alyminat] n. m. (de alumine ; Action d’alunir. (V. ALUNIR, Rem.)
entre le violon et le violoncelle : Un concert
milieu du XIXe s.). Sel de l’hydroxyde
d’altos et de flûtes (Gide). alunite [alynit] n. f. (de alun ; 1824,
d’aluminium.
• Pl. des ALTOS. Beudant). Minerai qui contient de l’alu-
alumine [alymin] n. f. (dér. savant du mine et du sulfate d’aluminium et de
altocumulus [altokymylys] n. m. (du lat. lat. alumen, -inis, alun ; 1782, Guyton de
altus, haut, et de cumulus ; fin du XIXe s.). potassium.
Morveau). Oxyde d’aluminium, qui, diver-
Nuage formé de gros flocons, caractéris- sement coloré, constitue un certain nombre alvéodental, e, aux ou alvéo-den-
tique du ciel pommelé et ne dépassant pas de pierres précieuses (rubis, saphir, etc.). tal, e, aux [alveodtal, -o] adj. et n. f. (de
une altitude de 4 000 m. alvéole et de dental ; milieu du XXe s.). Se dit
alumineux, euse [alyminø, -øz] adj. (lat.
altostratus [altostratys] n. m. (du lat. d’un phonème appartenant à la classe des
aluminosus, de alumen, -inis, alun ; 1490,
altus, haut, et de stratus ; fin du XIXe s.). dentales, émis avec la pointe de la langue
G. de Chauliac, au sens de « qui contient
Nuage gris foncé, qui recouvre le ciel appliquée contre les alvéoles supérieurs :
de l’alun » ; au sens moderne, milieu du
comme un voile à une altitude de 3 000 En français, T et D sont des alvéodentales.
XIXe s.). Qui contient de l’alumine : Terre
à 4 000 m. [alvelr] adj. (de alvéole ;
alumineuse. alvéolaire
altruisme [altrism] n. m. (du lat. alter, 1751, Encyclopédie). 1. Qui appartient aux
aluminium [alyminjm] n. m. (formé
autre ; mot créé en 1830 par A. Comte, alvéoles dentaires ou pulmonaires : Nerfs
par l’Anglais Davy, v. 1812, d’après le lat.
d’après autrui). Sentiment qui nous pousse alvéolaires. 2. Se dit d’un phonème arti-
alumen, -inis, alun). Métal blanc-gris,
à subordonner notre propre intérêt à celui culé au niveau des alvéoles dentaires.
ductile et malléable, s’altérant peu à l’air :
d’autrui : Cette charité froide qu’on nomme
L’aluminium est d’un usage très étendu, alvéole [alvel] n. m. (lat. alveolus, dimin.
l’altruisme (France). Chez l’homme, voyez-
en raison de sa légèreté, notamment dans de alveus, cavité de ruche ; 1519, G. Michel ;
vous, le bon et le mauvais s’équilibrent, égo-
l’automobile et l’aéronautique. terme médic., 1541, J. Canappe). 1. Chacune
ïsme d’une part, altruisme de l’autre [...].
aluminothermie [alyminotrmi] n. des cavités des rayons des ruches d’abeilles.
Chez les sujets d’élite, plus d’altruisme que
f. (de aluminium et de thermie ; 1907, 2. Cavité, case : Il semblait que les verrous
d’égoïsme (Céline).
Larousse). Production de hautes tem- rentrassent d’eux-mêmes dans leurs alvéoles
• SYN.: bonté, charité, générosité, humanité,
pératures par réaction d’aluminium en (Hugo). Des bruits confus s’échappaient de
philanthropie. — CONTR. : égoïsme.
poudre sur divers oxydes métalliques : tous les alvéoles de cette termitière humaine
altruiste [altrist] adj. (de altruisme ; L’aluminothermie est utilisée dans les (Duhamel). 3. Chacune des cavités de
1863, Littré). 1. Relatif à l’altruisme : Des bombes incendiaires. l’os maxillaire dans lesquelles sont enchâs-
théories altruistes. 2. Qui manifeste de sées les dents : Les dents tremblèrent dans
l’altruisme : Des sentiments altruistes. alumnat [almna] n. m. (du lat. alumnus,
leurs alvéoles (Balzac). 4. Alvéoles pul-
disciple ; 1907, Larousse). Noviciat, dans
adj. et n. Qui fait preuve d’altruisme : La monaires, culs-de-sac terminaux des sub-
certaines congrégations.
fourmi est incontestablement l’un des êtres divisions bronchiques, au niveau desquels
les plus nobles [...], les plus altruistes que alun [aloe] n. m. (lat. alumen, -inis ; XIIe s.). s’effectuent les échanges respiratoires.
porte notre terre (Maeterlinck). Sulfate double de potassium et d’alumi- • REM. On a depuis longtemps tendance à
• SYN. : bon, charitable, généreux. — nium hydraté, doué de propriétés astrin- employer ce mot au féminin : Les mouches
CONTR. : égocentrique, égoïste, égotiste. gentes : L’alun sert à fixer les teintures sur construisent tel nombre d’alvéoles plus
les étoffes. grandes que les premières (Buffon). Toutes
alucite [alysit] n. f. (bas lat. alucita, mou-
cheron ; 1789, Encycl. méthodique). Papillon alunage [alyna] n. m. (de aluner ; 1827, les alvéoles (Cocteau).
à ailes gris-jaune, voisin des teignes, et dont Acad.). Action d’aluner les étoffes que l’on
alvéolé, e [alvele] adj. (de alvéole ; 1863,
la chenille est nuisible aux céréales. veut teindre. (On dit aussi ALUMINAGE.)
Littré). Composé d’alvéoles : Ce pigeon-
alude [alyd] n. f. (du provenç. aluda, lat. alunation [alynasj] n. f. (de alun ; 1863, nier alvéolé comme un dedans de ruche
aluta, cuir tendre ; av. 1723, Veneroni, Dict. Littré). Formation d’alun. (Huysmans).

136
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

alvéolite [alvelit] n. f. (de alvéole ; milieu amadouer [amadwe] v. tr. (de amadou ; (Baudelaire). 3. Spécialem. Réunion dans
du XXe s.). Inflammation des alvéoles (den- 1538, Rabelais, au sens de « frotter avec de un même corps de troupes d’origines diffé-
taires ou pulmonaires). l’amadou » ; par métaphore, « gagner par rentes : Il y eut, au début de la Révolution,
des façons insinuantes », 1559, Calvin ; amalgame des volontaires et des troupes
alvin, e [alv, -in] adj. (lat. alvinus, de
« caresser », 1608, M. Régnier). Fam. Gagner royales. 4. En linguistique, terme dési-
alvus, ventre, intestin ; 1835, Acad.). Qui
par des flatteries, des cajoleries, quelqu’un gnant un signifiant unique qui cumule
a rapport au ventre ou au bas-ventre. (Ne
qui était réticent ou hostile : Enfin, partout indistinctement plusieurs signifiés. (V.
s’emploie guère que dans les expressions
elle savait amadouer les domestiques en art. spécial.)
flux alvin, la diarrhée, et déjection alvine,
leur payant de petits pourboires de temps • SYN.: 2 alliage, alliance, assemblage, com-
évacuation alvine, les matières fécales.)
en temps (Balzac). binaison, rapprochement, réunion.
alysse [alis] n. f., alysson [alis] ou alys- • SYN.: apprivoiser, se concilier, embobiner
sum [alism] n. m. (lat. alysson, gr. alus- (fam.), enjôler, gagner, séduire. — CONTR. :
son, de a priv. et de lussa, rage, les Anciens s’aliéner, perdre. GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
croyant que cette plante guérissait de la
amadouvier [amaduvje] n. m. (de ama- L’AMALGAME
rage ; alysson, 1542, Du Pinet ; alyssum,
dou ; 1775, Bomare). Champignon vivant
1546, Rabelais ; alysse, 1583, J. Baudon). Le linguiste qui procède à l’analyse des
sur les troncs des arbres feuillus, non
Plante à fleurs jaunes ou bleues, parfois unités significatives minimales rencontre
comestible, duquel on tire l’amadou.
cultivée comme ornementale. souvent un signifiant indécomposable
amaigrir [amegrir] v. tr. (de maigre ; exprimant à la fois plusieurs signifiés
alyte [alit] ou alytes [alits] n. m. (du gr.
XIIe s.). 1. Rendre maigre : Là, consul jeune distincts. Ainsi, il est impossible de dis-
alutos, qu’on ne peut dénouer ; milieu du
et fier amaigri par des veilles | Que des rêves socier deux segments signifiants dans le
XIXe s.). Genre de batraciens dont le type est
d’empire emplissaient de merveilles (Hugo). mot français au, prononcé [o], mais on y
le crapaud accoucheur, ainsi appelé parce
Les fatigues et les privations l’ont amai- reconnaît, par la méthode de commuta-
qu’il enroule autour de ses pattes posté-
gri. 2. Amaigrir un terrain, lui enlever tion, plusieurs signifiés : « article mascu-
rieures les chapelets d’oeufs pondus par la
ses éléments nourriciers. 3. Spécialem. lin » (comparer : Je vais au bois / Je vais à
femelle, et les surveille jusqu’à l’éclosion.
Diminuer l’épaisseur d’une pierre, d’une la forêt), « préposition à » (comparer : Je
amabile [amabile] adv. (mot ital. signif. pièce de charpente, pour l’ajuster à la place vais au bois / Je vais dans le bois). Dans le
« aimablement » ; 1863, Littré). Terme de qu’elle doit occuper. mot latin rosas, la désinence -as marque
musique indiquant que l’exécution doit • SYN.: 1 dessécher ; 2 appauvrir, épuiser ; à la fois le signifié « accusatif » (compa-
être aimable et gracieuse. 3 dégraisser. — CONTR. : 1 engraisser, faire rer : rosas / rosarum / rosis ) et le signi-
amabilité [amabilite] n. f. (lat. amabili- grossir. fié « pluriel » (comparer : rosas / rosam),
tas, de amabilis, aimable ; 1676, Bossuet). v. intr. Class. Devenir progressivement sans qu’il soit possible d’associer l’un des
1. Vx. Qualité de celui qui mérite d’être maigre : Ils avaient remontré que j’amaigri- deux soit à l’a, soit à l’s. Le mot français
aimé. 2. Politesse prévenante par rais tellement qu’on ne trouverait plus sur au, la désinence latine -as sont des amal-
laquelle on cherche à faire plaisir : Le len- moi que les os à ronger (Cyrano). games de signifiants.
demain, Moreira le reçut avec amabilité
amaigrissant, e [amegris, -t] adj. et La notion d’amalgame est liée à la notion
(Montherlant). n. m. (part. prés. de amaigrir ; milieu du de « distribution complémentaire » (v.
• SYN.: 2 affabilité, aménité, civilité, cour- XVIe s.). Qui fait maigrir : Et Jeannine, qui COMPLÉMENTARITÉ) : au et à la sont en
toisie, gentillesse, obligeance, prévenance. porte la nuit une ceinture amaigrissante distribution complémentaire, au appa-
— CONTR.: 2 grossièreté, impolitesse, mufle- (Colette). raît devant un nom masculin dans les
rie (fam.). mêmes conditions que à la devant un
amaigrissement [amegrism] n. m.
amabilités n. f. pl. Marques de préve- nom féminin ; si les deux signifiés expri-
(de amaigrir ; début du XIVe s.). Action de
nance : Il m’a fait mille amabilités. més dans au avaient toujours un signi-
maigrir ; résultat de cette action : Un amai-
• SYN.: gentillesses, politesses. fiant commun, il ne serait pas légitime de
grissement trop rapide pour être logique, le
les distinguer.
amadis [amadis] n. m. (du nom du héros pouls trop lent, trop faible (Sand). Un pareil
d’un roman de chevalerie ; 1863, Littré). état d’amaigrissement fait peine à voir. amalgamer [amalgame] v. tr. (de amal-
1. Amoureux chevaleresque. 2. Vx. • SYN. : émaciation, maigreur. — CONTR. : game ; XIVe s. ; sens fig., fin du XVIIe s., Saint-
Manche serrée et boutonnée au poignet engraissement. Simon). Combiner par un amalgame (au
(d’après le costume d’Amadis dans un pr. et au fig.) : À ce que l’affection d’Odette
amalgamation [amalgamasj] n. f. (de
opéra de Quinault). pouvait avoir d’un peu court et décevant,
amalgamer ; 1578, Chauvelot). 1. Action
la petite phrase [d’une sonate] venait ajou-
amadou [amadu] n. m. (du provenç. d’amalgamer ; résultat de cette action.
ter, amalgamer son essence mystérieuse
amadou, proprem. « amoureux », dit de 2. Spécialem. En chimie, procédé par
(Proust).
l’amadouvier à cause de sa facilité à s’en- lequel on extrait, à l’aide du mercure, l’or
flammer ; 1628, Jargon de l’argot réformé, et l’argent de leur minerai, ou gangue.
• SYN.: allier, associer, combiner, confondre,
sous la forme amadoue, onguent jaune ; fondre, mélanger, mêler. — CONTR. : dis-
amalgame [amalgam] n. m. (lat. des joindre, dissocier, séparer.
sens actuel, 1723, Savary). 1. Substance
alchimistes amalgama, ayant probablem.
spongieuse provenant de l’amadouvier s’amalgamer v. pr. Fig. S’unir, se fondre
pour origine un mot arabe, altér. du gr.
du chêne, et préparée pour prendre feu en un tout : Le pilier, l’arcade, la pyramide
malagma, action de pétrir ; XVe s., Dict.
aisément. 2. Fam. S’emploie dans des se combinaient, s’amalgamaient (Hugo).
général ; sens fig., 1744, Voltaire). 1. Alliage
comparaisons exprimant la facilité avec Mes notions s’amalgament les unes avec
du mercure avec un autre métal : Un
laquelle quelqu’un s’enflamme : Votre fille les autres (Barrès).
amalgame d’étain sert à étamer les glaces.
est donc pire que l’amadou (Balzac).
2. Fig. Mélange de personnes ou de aman [am] n. m. (ar. de l’Afrique du Nord
amadouement [amadum] n. m. (de choses ayant des natures, des caractères amn, sécurité, protection ; 1838, Acad. ;
amadouer ; XVIe s., Charron). 1. Action différents : Une indestructible auréole [...] déjà en 1731, Voltaire, Charles XII, écrit
d’amadouer. 2. Cajolerie que l’on fait où se mêlaient, dans un étrange amalgame, amman). 1. En pays musulman, octroi de
pour amadouer. les rayons de l’Art et la gloire du Martyre la vie sauve à un ennemi vaincu. 2. Fig.

137
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Demander l’aman, demander pardon en de mon départ (Fénelon). 2. Celui qui a amarrage [amara] n. m. (de amarrer ;
faisant sa soumission : Vaugoubert n’a pas des relations intimes avec une femme, en fin du XVIe s.). 1. Action d’amarrer un
eu à faire face seulement aux intrigues de dehors du mariage (en ce sens, ne s’em- navire, ou toute autre chose qu’on veut
couloirs, mais aux injures de folliculaires à ploie qu’au masculin, le terme féminin maintenir solidement en place : Le chef
gages qui plus tard, lâches comme l’est tout étant maîtresse) : Les beaux yeux de ma de pièce avait négligé de serrer l’écrou de
journaliste stipendié, ont été des premiers cassette ! Il parle d’elle comme un amant la chaîne d’amarrage (Hugo). 2. Ponton
à demander l’aman (Proust). d’une maîtresse (Molière). Elle prit son mari auquel un navire est amarré : Le bateau a
comme on prend un amant, | Et lui baisa quitté l’amarrage.
amandaie [amd] n. f. (de aman-
dier ; v. 1600, O. de Serres). Lieu planté sa veste avec emportement (Hugo). Elle amarre [amar] n. f. (déverbal de amarrer ;
d’amandiers. [Mme Bovary] se répétait : J’ai un amant ! XIIIe s., Rôles d’Oléron). 1. Câble, cordage
un amant ! (Flaubert). Il avait l’âme en fête qui sert à maintenir en place un navire : J’ai
amande [amd] n. f. (lat. pop. aman-
d’un amant qui fait à sa première maîtresse cru que le bateau se couchait, et l’amarre |
dula, altér. du lat. class. amygdala, du
les honneurs d’un logis préparé pour elle A cassé (Hugo). On se courbait pour passer
gr. amugdalê ; XIIe s., écrit alemande ;
seule (Martin du Gard). Pop. Amant de sous les câbles tendus des amarres (Gide).
amande, XIIIe s.). 1. Graine comestible de
coeur, celui qui, entre les différents amants 2. Cordage qui sert à fixer un objet sur
l’amandier, de profil très ovale, riche en
d’une femme de conduite légère, est aimé le navire lui-même : Un canon qui casse
substances grasses : De l’huile d’amandes
pour lui-même : Le fils de Zeus [...] logeait son amarre devient brusquement on ne sait
douces. Des dents plus blanches que des
pendant des semaines et des mois chez une quelle bête surnaturelle (Hugo).
amandes sans leur peau (Mérimée). Des
fille dont il était devenu l’amant de coeur amarrer [amare] v. tr. (néerl. aanmar[r]
chanvres roses au parfum d’amande amère
(Colette). En amande, se dit d’un objet (France). 3. Fig. et poét. Qui aime pas- en, même sens ; XIIIe s., Rôles d’Oléron).
ayant une forme ovale : Des socles taillés en sionnément telle ou telle chose : N’est-ce 1. Fixer une amarre, une manoeuvre, en
amande, en pointe de diamant (Huysmans). pas là notre rêve ; n’est-ce pas là celui de la tournant sur un taquet. 2. Maintenir
Spécialem. Yeux en amande, fendus en tous les amants du beau ? (Balzac). Je hais un navire en place au moyen d’ancres, de
amande, yeux dont les paupières ouvertes [...] | Les amants de la nuit, des lacs, des câbles, de cordages : Le village s’avance,
ont la forme d’un ovale étiré : Les yeux des cascatelles (Musset). se dresse au bord du quai, la jetée conti-
laveuses, qu’ils soient ronds ou en amande • SYN.: 2 ami, bon ami (pop.), galant. nuant la rue jusqu’au bout d’un petit port
(Giraudoux). 2. Toute graine contenue amants n. m. pl. Celui et celle qui s’ai- où sont amarrées quelques barques de pêche
dans un noyau : Les enfants frottaient des (Daudet). La galerie dérivait en tous sens,
ment : On voit trop, dans la plupart des
noyaux d’abricots jusqu’à ce qu’ils fussent comme un navire amarré sur une seule
amants, leurs esprits s’ignorer aussi natu-
usés, pour les percer, en enlever l’amande ancre (Cocteau). 3. Maintenir en place
rellement que leurs corps se connaissent
(Mauriac). un objet, généralement assez lour et volu-
(Valéry).
mineux, au moyen de cordages, de chaînes :
amandé, e [amde] adj. (de amande ; amarante [amart] n. f. (lat. amaran- Amarrer solidement une malle sur le toit
XVIe s., Louis Guyon, Miroir de beauté). tus, du gr. amarantos ; 1544, l’Arcadie de d’une voiture. La caronade, mal amarrée,
Qui contient un suc extrait de l’amande : avait reculé et brisé sa chaîne (Hugo).
Sannazar). 1. Plante d’automne à fleurs
Une potion amandée.
pourpres et veloutées, appelée aussi queue- • SYN.: 3 accorer, arrimer. — CONTR.: 1 et
amandé n. m. Émulsion d’amande. de-renard, type de la famille des amaran- 2 désamarrer.
amandier [amdje] n. m. (de amande ; tacées. 2. Class. et littér. Symbole de
amaryllidacées [amarilidase] n. f. pl.
s., écrit alemandier ; 1372, J. Corbichon). l’immortalité : Ta louange dans mes vers |
XIIe
(de amaryllis ; milieu du XIXe s.). Famille de
Arbre originaire d’Asie, cultivé pour ses D’amarante couronnée (Malherbe). plantes à fleurs, de l’ordre des liliales, com-
graines savoureuses et parfumées, et qui, n. m. Couleur rouge pourpre : L’amarante prenant entre autres la jonquille et l’agave.
dans nos pays, est le premier à fleurir : de son foulard exagérait encore sa pâleur
amaryllis [amarilis] n. f. (du lat.
Mars qui rit malgré les averses | [...] s’en (Gide).
va, furtif perruquier [...] | Poudrer à frimas Amaryllis, -idis [mot gr.], nom d’une ber-
adj. invar. Qui est de cette couleur : Ah ! gère dans les Bucoliques de Virgile ; début
l’amandier (Gautier). voyons l’épigramme [de Trissotin] : « Sur un du XIXe s.). Plante bulbeuse à grandes fleurs
amanite [amanit] n. f. (gr. amanitês ; carrosse de couleur amarante » [...]. Ne dis de couleur éclatante et d’odeur suave, dite
début du XIXe s.). Champignon caracté- plus qu’il est amarante, | Dis plutôt qu’il est lis de Saint-Jacques, et type de la famille
risé par la présence de lames rayonnantes de ma rente (Molière). Rien que des duègnes des amaryllidacées : Les amaryllis, le nénu-
sous le chapeau, d’un anneau à la partie à lunettes et à robe amarante (Dumas fils). far, le lys d’eau, les joncs, les phlox décorent
supérieure du pied et d’une volve à la base les rives de leurs magnifiques tapisseries
amareyeur [amarjoer] n. m. (de marée ;
du pied. (Balzac).
1838, Acad., écrit amareilleur). Ouvrier qui
amant, e [am, -t] n. (part. prés. de amer, s’occupe de l’entretien des parcs à huîtres. amas [am] n. m. (déverbal de amasser ;
anc. forme de aimer, substantivé au XIIe s. ; 1360, Froissart). 1. Class. Action de réunir
amaril, e [amaril] adj. (esp. amarillo,
sens moderne, XVIIe s., La Rochefoucauld). en une masse : Biens dont l’amas ne lui a
jaune ; fin du XIXe s.). Se dit de la fièvre
1. Class. Celui, celle qui aime d’amour une coûté aucunes peines (Bossuet). 2. Class.
jaune et de ce qui s’y rapporte : Virus
personne d’un autre sexe et en est aimé et fig. Ce qui a été accumulé (sans nuance
(sans aucun caractère d’illégitimité) : Don amaril.
défavorable) : Ne lui laissez plus voir ce long
Rodrigue, amant de Chimène (Corneille). amarinage [amarina] n. m. (de amari- amas de gloire (Corneille). Se disait aussi
Junie, amante de Britannicus (Racine). ner ; 1782, Gohin). Action de faire occuper des personnes : Voyant un grand amas de
Comme le dernier rayon du jour abat les par un équipage un navire pris à l’ennemi. peuple (Acad., 1694). 3. Masse d’objets,
vents et répand le calme dans le ciel, ainsi de choses accumulés de façon confuse et
la parole tranquille du vieillard apaisa amariner [amarine] v. tr. (de marin ; désordonnée, souvent par apports succes-
les passions dans le sein de mon amante 1246, Godefroy). 1. Habituer quelqu’un au sifs : Elle tira le tiroir du bureau : un amas
(Chateaubriand). Personne qui aime métier de marin. 2. Faire occuper par un de lettres, quelques photographies (Martin
sans être payée de retour (rare) : Les équipage un vaisseau capturé. du Gard). Jereconnus avec horreur l’affreux
amants de ma mère Pénélope furent surpris s’amariner v. pr. S’habituer à la mer. amas des viscères et des entrailles de tout

138
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

le troupeau de Neptune que les pêcheurs 1841, Les Français peints par eux-mêmes). cur ; XVIe s., écrit amaphrose, d’après la
avaient rejeté à la mer (Valéry). La partie 1. Class. Qui aime ; qui est ami de, par- prononciation du gr. moderne ; XVIIe s.).
de sa philosophie en dégage de l’amas des tisan de : Les justes dieux, amateurs des Diminution ou perte totale de la vue, qui
faits historiques une constitution positive hommes (Fénelon). Les dieux, amateurs de peut n’être que passagère, due à des causes
de la sociologie (France). Quelquefois la paix (Fénelon). Les dieux, amateurs de nerveuses, sans lésion de l’oeil : Une vieille
sans nuance défavorable : [À la Cité de la paix (Fénelon et Racine). 2. Qui a un Auvergnate aux façons de grande dame,
Carcassonne] l’amas des pierres et la goût prononcé pour telle sorte d’êtres ou dont je soignais la petite fille, atteinte d’une
complication des inventions militaires sont de choses, qui en juge avec discernement : amaurose presque incurable (Daudet).
étonnants (Taine). 4. Spécialem. Amas L’amateur de la vie fait du monde sa famille,
amaurotique [amortik] adj. (de amau-
stellaire ou globulaire, groupement très comme l’amateur du beau sexe compose sa
rose ; 1863, Littré). Qui a rapport à l’amau-
serré d’étoiles appartenant à un même famille de toutes les beautés trouvées, trou-
rose : Une cécité de caractère amaurotique.
ensemble. vables et introuvables ; comme l’amateur
adj. et n. qui est affecté d’amaurose.
• SYN. : 3 accumulation, amoncellement, de tableaux vit dans une société enchantée
entassement, monceau, montagne, pile, de rêves peints sur toile (Baudelaire). M. amazone [amazon] n. f. (lat. Amazon,
quantité, tas. de Terremondre, grand amateur de vieux du gr. Amazôn [a priv. et mazos, mamelle],
livres, l’avait vivement engagé à le faire faire nom d’une tribu de femmes guerrières qui,
amasser [amase] v. tr. (de masse ; début
(France). Dans un bois, l’amateur d’oiseaux selon la légende, se coupaient un sein pour
du XIIe s.). 1. Réunir en une masse par
distingue aussitôt ces gazouillis particuliers manier l’arc ; XIIIe s., n. pr. ; « femme qui
additions successives : N’as-tu pas honte
à chaque oiseau, que le vulgaire confond monte à cheval », 1564, Texte franç.-gasc. ;
[...] de faire une honteuse dissipation du
(Proust). Il est amateur de café. 3. Fam. « femme guerrière », 1608, Marguerite de
bien que tes parents t’ont amassé avec tant
Qui est susceptible d’acheter telle ou telle Valois ; sens 4, 1824, l’Hermite rôdeur).
de sueurs ? (Molière). Je parle de ceux qui,
chose : Tout peut se vendre : il suffit de 1. Femme d’un caractère mâle et guerrier :
lentement, passionnément, ont amassé
trouver l’amateur. 4. Qui pratique une Voltaire a honoré Jeanne d’Arc du titre de
des objets d’art bien appropriés à leur
science, un art, sans en faire profession : Il a brave amazone. 2. Péjor. Femme qui a des
nature personnelle (Baudelaire). Le père
travaillé le violon, mais en simple amateur. allures, des goûts virils. 3. Cavalière : Ou
Guinardon [...] déménagea à la cloche de
Il a un joli talent d’amateur. Un historien, bien, pétulante amazone, sur votre cheval
bois les tableaux, meubles et criosités amas-
même s’il est un amateur, a toujours des turc [...] traversant au galop les sombres
sés dans son grenier (France). 2. Absol.
documents (Camus). [On manque d’] effi- allées de la forêt (Gautier). Monter en
Mettre de l’argent de côté, thésauriser : Un
cacité si, avant d’être savant, on n’est soi- amazone, monter un cheval en ayant les
petit fonctionnaire de Nuremberg qui avait
même amateur (Lanson). 5. Spécialem. deux jambes du même côté de la selle.
la passion d’amasser et qui plaçait bien son
argent (Bainville). 3. Fig. Recueillir en Personne qui pratique un sport sans en 4. Robe ou jupe longue et ample que
retirer de bénéfices matériels. Clerc les femmes portent parfois pour monter à
grande quantité (des connaissances, des
amateur, clerc travaillant dans une étude cheval : Son amazone qui tombe droit avec
documents, des preuves, etc.) : Amasser
de notaire ou d’avoué pour apprendre le des plis de sculpture (Banville).
contre vous des volumes d’injures (Boileau).
métier et sans être rétribué : Mon père,
Ô livres, confidents de la pensée humaine, ambacte [bakt] n. m. (du gaulois
qui avait travaillé dans sa jeunesse comme
| Gardiens silencieux de trésors amassés *ambactos, client, serviteur, transcrit
(H. de Régnier). 4. Class. et dialectal. clerc amateur chez un avoué de Bordeaux
(Mauriac). 6. Péjor. Qui manque d’assi- ambactus par Ennius et César ; 1878,
Prendre par terre, ramasser : Nous la met- Larousse). 1. Guerrier gaulois qui s’atta-
tons [l’idole] à droite. J’amassais un tuileau duité, d’application dans son travail : Cet
élève vient en classe en amateur. Qui chait à son chef jusqu’à la mort. 2. Dans
pour la caler quand, patatras ! la voilà qui la juridiction féodale, client, officier.
tombe à la renverse (Mérimée). pratique un métier ou s’adonne à une
activité sans les prendre tout à fait au ambages [ba] n. f. pl. (lat. ambages,
• SYN.: 1 accumuler, amonceler, assembler,
sérieux : [Les gendarmes non armés] sont détours, sinuosités ; 1355, Bersuire). Vx.
empiler, entasser, rassembler ; 2 économiser,
excellents contre les [...] amateurs brigands Paroles oiseuses dont une personne enve-
entasser, épargner ; 3 accumuler, rassem-
qui détroussent les voyageurs (Mérimée). loppe ce qu’elle a à dire, au lieu de l’expri-
bler, réunir. — CONTR. : 1 disperser, dissé-
miner, éparpiller ; 2 dépenser, dilapider, •SYN. : 2 amoureux, collectionneur, mer immédiatement et franchement : Je
dissiper, gaspiller, manger (fam.), prodiguer. connaisseur, curieux ; 4 et 6 dilettante. — les juge [les poètes] avec bien des ambages
CONTR. : 4 professionnel. et des circonlocutions sans doute (Sainte-
s’amasser v. pr. Former progressivement
un amas, être accumulé : Une foule devant • REM. Ce mot n’a pas de correspondant Beuve). Reste usuel dans la loc. sans
la maison du mort lentement s’amassait féminin, bien que Rousseau ait employé ambages, sans utiliser aucun détour : Il
(Aragon). Dans ses yeux creusés de fièvre, amatrice. On dit : Une musicienne ama- aborda tout aussitôt la question et me
une haine s’amassait (Samain). teur. Cette femme est un amateur averti. déclara sans ambages le but de sa visite
(Gide).
amassette [amast] n. f. (de amasser ; amateurisme [amatoerism] n. m. (de
•SYN.: ambiguïté, circonlocutions, détours.
1600, Godefroy). Petit couteau à lame amateur, pris notamment par opposition
— CONTR. : franchise, netteté.
flexible, que les peintres utilisent pour à professionnel, dans la langue des sports ;
mélanger les couleurs broyées. 1892, le Figaro). 1. État de celui qui pratique ambassade [basad] n. f. (ital. ambas-
une science, un art, un sport sans être pro- ciata, repris au provenç. ambaissada, dér.
amasseur, euse [amasoer, -øz] n. (de fessionnel. 2. Péjor. Défaut de celui qui du lat. médiév. ambactia, d’origine germ.
amasser ; v. 1220, G. de Coincy, écrit amas-
manque de zèle. [gotique andbahti, service], lui-même
sierres ; amasseur, v. 1330, B. de Sebourg).
• SYN.: 2 dilettantisme. provenant du celtique [gaulois *ambac-
Personne qui amasse : [Tallemant] n’est à
tos, client, serviteur] ; 1387, J. d’Arras).
écouter que comme un amasseur de bruits amatir [amatir] v. tr. (de à et de matir, dér.
1. Class. Envoi en mission, auprès d’un
(Sainte-Beuve). de mat, adj. ; XIIe s., au sens de « abattre » ;
gouvernement étranger, d’un chef mili-
au sens actuel, 1690, Furetière). Rendre
amateur [amatoer] adj. et n. m. (lat. ama- taire ou d’une personne d’importance, en
mats les métaux précieux.
tor, celui qui aime ; 1495, J. de Vignay ; au vue d’un but défini : Envoyer quelqu’un en
sens de « celui qui aime les arts sans les amaurose [amoroz] n. f. (gr. amaurô- ambassade. Rendre compte de son ambas-
pratiquer », fin du XVIIe s. ; sens sportif, sis, obscurcissement, de amauros, obs- sade. Pour achever mon ambassade, il [le

139
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

fils du Grand Turc] vient vous demander lité de son propre pays : Une actrice qui a main gauche : Terrible ambidextre, il fait
votre fille en mariage (Molière). Ironiq. été l’ambassadrice à New York de la haute usage à la fois de ses deux armes (Rosny).
Faire une belle ambassade, ne pas réussir, couture parisienne.
ambigu, uë [bigy] adj. (lat. ambiguus,
aboutir à un échec : Ô juste ciel ! j’ai fait
ambe [b] n. m. (ital. ambo, du lat. ambo, de ambigere, être indécis, incertain ; 1495,
une belle ambassade (Molière). 2. Les
deux ; 1762, Arrêt du Conseil sur la loterie). J. de Vignay). 1. Se dit d’un mot, d’une
personnes elles-mêmes qui sont envoyées
Combinaison de deux numéros pris ou phrase, d’une attitude qui, pouvant être
en mission : Ce n’était pas non plus la
sortis ensemble à la loterie. Au jeu de diversement interprétés, laissent en sus-
survenue, si fréquente au XVe siècle, de
loto, combinaison de deux numéros sortis pens l’esprit de l’auditeur ou du lecteur : Les
quelque ambassade chamarrée et empa-
sur la même ligne horizontale. oracles des Anciens étaient souvent ambi-
nachée (Hugo). 3. Représentation diplo-
gus. Quant aux yeux de la chatte [...], ils
matique permanente d’un État auprès ambesas [bzas] n. m. (de l’anc. franç. disaient, dans un langage que le perroquet
d’un État étranger : Louis XVIII confia ambes, deux, et de as ; 1190, Garnier de entendait fort bien et qui n’avait rien d’am-
à Chateaubriand l’ambassade de Berlin. Pont-Sainte-Maxence). Coup de dés ame- bigu... (Gautier). 2. Péjor. Se dit d’un mot,
4. Le personnel, les services auxquels est nant deux as. d’une phrase, d’une attitude qui laisse pla-
confié ce rôle : L’ambassade vous délivrera
ambi- [bi], élément tiré du lat. ambo, les ner une suspicion volontaire : Andermatt
la pièce dont vous avez besoin. 5. Le local
deux, des deux côtés, de part et d’autre, avait peur que le mariage de Gontran ne
qui abrite l’ambassadeur et ses services : Un
et qui entre comme préfixe dans des se fît pas, car le père Oriol avait parlé de
grand dîner a été offert à l’ambassade. Un
composés. lui en termes ambigus, le matin même
monsieur vêtu comme pour un thé d’ambas-
(Maupassant). 3. Class. et littér. Se dit
sade (Romains). 6. Entre particuliers, ambiance [bjs] n. f. (de ambiant ; 1889, de ce qui, participant de plusieurs natures,
action d’aller auprès de quelqu’un pour lui F. Fénéon). 1. Ensemble des éléments maté- peut être considéré selon des points de vue
demander quelque chose : Chaque ami de la riels et moraux qui, dans un lieu donné ou différents : Cet animal amphibie de la fable
maîtresse de maison venant en ambassade dans l’entourage d’une personne, agissent setenant dans un état ambigu entre les pois-
afin d’obtenir une invitation pour un de ses d’une certaine façon sur la sensibilité : Une sons et les oiseaux (Pascal) ; et au fig. : Peut-
amis (Proust). ambiance sympathique, hostile. Il ne pou- être ce nom même de La Fontaine a-t-il, dès
• SYN. : 2 et 6 délégation, députation, vait s’abstraire des réalités, de l’ambiance notre enfance, attaché pour toujours à la
mission. (Barrès). Elle commençait à ne plus pou- figure imaginaire d’un poète je ne sais quel
ambassadeur [basadoer] n. m. (ital. voir se défendre contre la contagion de cette sens ambigu de fraîcheur et de profondeur,
ambasciatore ; XIIIe s., écrit embassator ; ambiance envenimée (Martin du Gard). et quel charme emprunté des eaux (Valéry).
ambassadeur, milieu du XIVe s.). 1. Celui 2. Fam. Atmosphère de gaieté et d’en- • SYN.: 1 ambivalent, amphibologique, énig-
qui, chargé d’une mission déterminée, est train : Cette réunion manque d’ambiance. matique ; 2 douteux, équivoque. — CONTR.:
envoyé auprès d’un gouvernement étran- 3. Spécialem. Dans une oeuvre d’art, en 1 clair, formel, net ; 2 catégorique, explicite,
ger, d’un chef militaire : César décida particulier dans une peinture, ensemble franc.
d’envoyer des ambassadeurs à Arioviste. des éléments disposés autour du sujet prin- ambigu n. m. 1. Class. Mélange, assem-
Ambassadeur itinérant, personnalité cipal : C’est une telle lumière qui ordonne blage : C’est un ambigu de précieuse et de
chargée par un chef de gouvernement la composition chez Rembrandt ; [...] qu’elle coquette (Molière). 2. Class. et littér.
d’aller exposer ses vues, sur une ques- ait son centre soit au milieu de la toile, soit Repas froid où l’on servait à la fois tous
tion particulière, à des gouvernements à ses confins, toute l’ambiance se teinte et les mets et le dessert : Ils nous conduisirent
étrangers. 2. Celui qui est chargé d’une se modifie d’après elle (Verhaeren). dans une salle où un ambigu était préparé
mission, d’une démarche auprès d’un • SYN. : 1 atmosphère, climat, compagnie, sur une table [...]. Mon bon maître [...]
particulier : Ma profession de notaire et entourage, milieu. avait déjà piqué une grive à sa fourchette
ma qualité d’ambassadeur m’interdisent (France). 3. Vx. Ambigu comique, ou sim-
toute susceptibilité exagérée (Dumas fils). ambiant, e [bj, -t] adj. (lat. ambiens, plem. ambigu, pièce de théâtre où étaient
3. Personnalité diplomatique chargée de part. prés. de ambire, entourer ; 1538, J. mêlés plusieurs genres.
représenter de façon permanente le gou- Canappe). 1. Qui circule autour, qui enve-
loppe de tous côtés : Mais enfin, direz-vous, ambiguïté [bigite] n. f. (lat. ambigui-
vernement de son pays dans la capitale
si lyrique que soit le poète, peut-il donc tas ; XIIIe s., Godefroy ; rare av. le XVIIe s.).
d’un pays étranger : L’ambassadeur d’Ita-
ne jamais descendre des régions éthé- 1. Caractère de ce qui est ambigu : Il ne
lie à Paris. Laissez passer Sa Seigneurie le
réennes, ne jamais sentir le courant de la faut pas la moindre ambiguïté dans notre
vicomte de Chateaubriand, pair de France,
vie ambiante (Baudelaire). L’air ambiant. affaire (Balzac). 2. Ce qui est ambigu : Je
ambassadeur du roi près de Sa Majesté
La température ambiante. 2. Fig. Se dit copie pour Champion un chapitre de « Si le
britannique (Chateaubriand). 4. Celui
grain ne meurt » [...], consterné d’y décou-
qui est chargé de représenter à l’étranger des influences intellectuelles ou morales
vrir quantité d’incorrections, d’ambiguïtés,
telle réalisation, telle qualité de son propre du milieu dans lequel on vit : C’est vers
de balourdises (Gide).
pays : Un ambassadeur de la chanson, de eux [les livres] qu’on s’en vient encore aux
heures lentes | Lorsque, pris du dégoût des
• SYN. : 1 et 2 amphibologie, double sens,
l’esprit français.
hommes coudoyés | Et de l’écoeurement des énigme, équivoque, obscurité. — CONTR. :
• SYN. : 1 et 2 émissaire, envoyé, légat ; 3
1 clarté, franchise, netteté.
représentant. choses ambiantes, | On appelle l’essor des
rêves éployés (H. de Régnier). M. de Charlus ambigument [bigym] adv. (de
ambassadrice [basadris] n. f. (fém. de était en quelque sorte leur poète, celui qui ambigu ; 1538, R. Estienne). De façon ambi-
ambassadeur ; début du XVIIe s.). 1. Femme
avait su dégager de la mondanité ambiante guë (rare) : Parler, répondre ambigument.
que l’on charge d’une mission auprès de
une sorte de poésie où il entrait de l’histoire, • SYN. : par énigmes. — CONTR. : catégo-
quelqu’un. 2. Femme d’un ambassa-
de la beauté, du pittoresque, du comique, riquement, clairement, franchement,
deur : On reconnaissait aux avant-scènes
de la frivole élégance (Proust). nettement.
l’ambassadrice d’Autriche et la duchesse de
Gladwin (France). 3. Femme qui a la qua- ambidextre [bidkstr] adj. et n. (bas lat. ambitieusement [bisjøzm] adv. (de
lité d’ambassadeur. 4. Femme chargée ambidexter, de ambo, tous les deux, et de ambitieux ; 1355, Bersuire). Avec ambition :
ou susceptible de faire connaître dans un dexter, droit ; 1547, Budé). Qui se sert avec Revendiquer ambitieusement le mérite
pays étranger telle réalisation, telle qua- autant d’habileté de la main droite et de la d’une découverte.

140
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

ambitieux, euse [bisjø, -øz] adj. et n. • SYN. : 1 aspirer à, briguer, convoiter, allant du jaune doré au jaune rougeâtre :
(lat. ambitiosus ; XIIIe s., Miroir des dames ; prétendre à, viser à ; 2 brûler de, désirer, Septembre, avec ta chevelure qui rougeoie
surtout au sens de « intrigant » jusqu’au souhaiter. — CONTR. : 1 et 2 dédaigner, se | D’or, de cuivre, de sang et d’ambre (H. de
XVIIe s.). 1. Qui brûle du désir de s’éle- désintéresser de, faire fi de, mépriser. Régnier). Car sur sa nuque d’ambre fauve
ver, d’acquérir soit simplement une belle | Se tord un énorme chignon (Gautier).
ambivalence [bivals] n. f. (du préf.
situation matérielle, soit le pouvoir et les 2. Ambre gris, substance parfumée
ambi- et du lat. valere, valoir ; début du
honneurs : Le jeune ménage, ambitieux, fournie par le cachalot : Des cassolettes où
XXe s.). Caractère de ce qui a deux valeurs
travaillé d’un désir de fortune prompte, l’ambre qui fume encore | Unit son tiède
différentes, deux significations opposées.
était parti pour Chartres (Zola) ; et subs- arôme aux frais parfums des roses (Leconte
tantiv. : La race des ambitieux politiques ambivalent, e [bival, -t] adj. (de de Lisle). Il y en avait qui partaient vers
les plus nobles et les plus ardents (Sainte- ambivalence ; début du XXe s.). Qui pré- le Sud chercher l’ambre et le musc (Gide).
Beuve). 2. Ambitieux de, qui a l’ardent sente de l’ambivalence, qui a deux valeurs Fig. Être fin comme l’ambre, avoir l’esprit
désir de : Ambitieux de gloire. Il semblait différentes. pénétrant, subtil.
à la fois plus sûr de plaire et moins ambi- amble [bl] n. m. (déverbal de ambler ; ambré, e [bre] adj. (part. passé de
tieux d’y réussir (Gide). 3. Qui dénote de s.). Allure d’un quadrupède qui se
XIIe
ambrer ; 1660, Brunot). 1. Qui a la cou-
l’ambition : Cet homme [Wagner] au nez déplace en levant en même temps les deux leur de l’ambre jaune : Son teint ambré, ses
ambitieux, à la bouche de commandement jambes du même côté : Le petit cheval trot- yeux en amande, la cambrure de sa taille, et
(Arnoux). 4. Se dit de ce qui cherche à tait l’amble (Flaubert). Lorsqu’il passait sur jusqu’à la recherche un peu exotique de sa
produire de l’effet, de ce qui est plein de le pont d’Avignon, au milieu des tambours et mise donnaient à sa nonchalance quelque
prétention : J’ai vu les enfants, dans les des farandoles, sa mule, mise en train par la chose d’oriental (Martin du Gard). Une
familles riches de Paris, employer toujours musique, prenait un petit amble sautillant fille au visage ambré (Duhamel). 2. Qui
la tournure la plus ambitieuse pour arriver (Daudet). est parfumé à l’ambre gris : De l’eau de
au style noble (Stendhal). 5. Qui prétend Cologne ambrée.
ambler [ble] v. intr. (sans doute empr.
réaliser quelque chose de manifestement
à l’anc. provenç. amblar, du lat. ambulare, ambréine [brein] n. f. (de ambre ; 1863,
impossible, ou, en tout cas, d’extrêmement
se promener ; XIIe s., Geste des Loherains). Littré). Substance chimique que l’on extrait
difficile : C’est être bien ambitieux que de
Vx. Aller l’amble. de l’ambre gris, utilisée en parfumerie.
vouloir apprendre le latin en trois mois. Un
projet ambitieux. Une tentative ambitieuse. ambleur, euse [bloer, -øz] adj. (de ambrer [bre] v. tr. (de ambre ; 1651, de
• SYN.: 1 arriviste ; 5 audacieux, présomp- ambler ; XIIe s., Geste des Loherains). Qui La Varenne). 1. Colorer de la teinte dorée
tueux, téméraire. — CONTR. : 1 humble, va l’amble : Cheval ambleur. de l’ambre jaune. 2. Parfumer avec de
indifférent, modeste, simple ; 5 modeste, ambly- [bli], élément issu du gr. amblus, l’ambre gris. 3. Par extens. Parfumer :
timoré. obtus, émoussé, et qui entre comme pré- Verser l’eau fumante sur les feuilles qui
fixe dans certains mots du vocabulaire devaient l’ambrer doucement de leurs par-
ambition [bisj] n. f. (lat. ambitio [qui
scientifique. fums (Barbey d’Aurevilly).
avait déjà, entre autres sens, celui du franç.],
de ambire, entourer, d’où « rechercher, bri- amblyope [blijp] adj. et n. (de amblyo- ambrette [brt] n. f. (de ambre ; XIIIe s.).
guer » ; XIIIe s., Godefroy ; surtout au sens de pie ; 1863, Littré). 1. Se dit d’une personne Graine exhalant une odeur d’ambre et
« intrigue » jusqu’au XVIIe s.). 1. Désir ardent dont l’acuité visuelle est très diminuée : Un produite par une plante originaire de la
de s’élever, d’atteindre à la supériorité dans enfant amblyope. 2. Se dit des animaux Martinique.
un domaine quelconque : C’était un garçon qui ont les yeux très petits. 1. ambroisie [brwazi] n. f. (lat. ambro-
honnête [...], connaissant son affaire, mais
amblyopie [blijpi] n. f. (gr. ambluôpia, sia, mot gr., désignant la nourriture des
sans ambition (Aymé). Ce chalet d’Arca-
faiblesse de la vue ; 1611, Cotgrave, écrit dieux ; XVe s., écrit ambroise, ambrosie ;
chon où la ruine de ma santé consommait
ambliopie). Affaiblissement de la vue, com- ambroisie, fin du XVe s., O. de SaintGelays).
le naufrage de mes ambitions universitaires
mencement d’amaurose, dû généralement à 1. Substance délicieuse dont, suivant les
(Mauriac). 2. Désir profond : En tout
des intoxications (alcoolisme, diabète, etc.). anciens Grecs, se nourrissaient les dieux de
j’obéis à la Nature [...] ; ma seule ambition
l’Olympe et qui procurait l’immortalité :
est de lui être servilement fidèle (Rodin). amboine [bwan] n. m. (de Amboine,
À la table où jamais on ne se rassasie, | Ils
Un fabricant qui met toute son ambition île de l’archipel des Moluques ; 1928,
buvaient le nectar et mangeaient l’ambroisie
à satisfaire sa clientèle. 3. Péjor. Désir Larousse). Bois provenant d’un arbre des
(Hugo). L’air est frais, ineffablement vif et
insatiable, appétit de pouvoir, de gloire (le Moluques : Le bois de mon lit, de l’amboine
pur : on croit respirer à même l’azur du
plus souvent au plur.) : Les rois n’ont à se (Giraudoux).
ciel, et boire l’ambroisie comme un dieu
défendre que contre les ambitions (Balzac). [b] n. m. (gr. ambôn, rebord ; (Gide). 2. Mets délicieux. 3. Fig. et
ambon
4. Péjor. Prétention chimérique : Je n’ai 1751, Encyclopédie). Tribune de bois, de littér. Charme exquis : Les Grecs [...] | De
pas l’ambition de résoudre cette énigme. pierre, de marbre, etc., placée à l’entrée du miel et d’ambroisie ont doré cette histoire
• SYN. : 2 aspiration, but, souhait, visée, choeur des basiliques chrétiennes, et d’où (Musset).
voeu ; 3 convoitise ; 4 prétention. — CONTR.: on lisait l’épître et l’Évangile.
2. ambroisie [brwazi] ou ambrosia
1 humilité, modestie ; 3 indifférence.
ambre [br] n. m. (empr., probablem. [brzja] n. f. (même étym. qu’à l’art. pré-
ambitionner [bisjne] v. tr. (de ambi- par l’intermédiaire du lat. médiév. ambar, céd. ; XIVe s., écrit ambroise). Plante aroma-
tion ; 1578, A. d’Aubigné). 1. Rechercher à l’ar. anbar, ambre gris ; 1268, É. Boileau). tique de la famille des composées.
par ambition quelque chose de difficile à 1. Ambre jaune, ou succin, résine fossile
ambrosiaque [brzjak] adj. (de ambro-
atteindre : Gagner de l’argent tout de suite, provenant de conifères de l’époque oligo-
sie, forme anc. de ambroisie ; 1863, Littré).
voilà ce qu’il ambitionnait (Daudet). Il peut cène, et qui a la propriété de s’électriser
Littér. Qui a un parfum d’ambroisie, ou
légitimement ambitionner la direction de facilement par simple frottement : Baïa
aussi délicieux que celui de l’ambroisie :
l’entreprise. 2. Désirer vivement : Nous [...], lâchant son tuyau d’ambre, se renversa
Cette atmosphère ambrosiaque (Goncourt).
ambitionnions beaucoup aller du côté de en arrière (Daudet). Sur un lit incrusté de
l’île de l’Isère ; d’abord, la montagne vue de bois de rose et d’ambre (Musset). Un col- 1. ambrosien, enne [brzj, -n] adj.
là a un aspect délicieux (Stendhal). lier d’ambre. D’ambre, d’une couleur (de ambrosie, forme anc. de ambroisie ;

141
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1503, J. Lemaire de Belges). 1. Qui a un ambulant, ou ambulant n. m., employé des d’âme (Gautier). 3. Cette même entité
parfum d’ambroisie : Zeus à la chevelure Postes qui, dans les wagons-poste, trie les considérée par opposition au corps maté-
ambrosienne (Gautier). 2. Fig. Délicieux correspondances. 3. Vente ambulante, riel et périssable : Agenouille-toi, créature
comme l’ambroisie : Réjouis-toi, mon âme, vente de denrées de consommation immé- insensée : | Ton âme est immortelle, et la
dans ces vers ambrosiens (Claudel). diate (boissons, fruits, sandwiches, etc.), mort va venir (Musset). Cet homme, qui a
• REM. On trouve aussi la forme am- faite par un employé qui se déplace dans disséqué dix cadavres pour suivre le trajet
broisien, enne : Ta chevelure ambroi- toutes les voitures d’un train. 4. Se dit, de quelques veines, songe : l’organisation
sienne | Ruisselait en brillants flots noirs en médecine, de maladies ou de douleurs de notre corps est une telle merveille que
(Banville). qui se manifestent successivement dans l’âme, quoique chose divine, ne se sépare
différentes parties du corps : Un rhuma- qu’avec les plus grandes peines de ce corps
2. ambrosien, enne [brzj, -n] adj.
tisme ambulant. qu’elle habitait (Valéry). Se donner
(lat. ecclés. ambrosianus, de Ambrosius,
• SYN.: 1 errant, itinérant, mobile, nomade, corps et âme, se consacrer totalement à
[saint] Ambroise ; milieu du XVIIIe s.). 1. Qui
vagabond, voyageur. — CONTR.: 1 casanier, quelqu’un ou à quelque chose. Avoir
concerne le rite attribué à saint Ambroise : l’âme chevillée au corps, avoir une grande
fixe, immobile, sédentaire.
Messe ambrosienne. 2. Bibliothèque
résistance vitale. Être comme un corps
Ambrosienne, bibliothèque fondée en ambulatoire [bylatwar] adj. (lat. ambu-
sans âme, être complètement désemparé,
1609 à Milan, dont saint Ambroise avait latorius, mobile ; 1497, Ordonnance royale).
privé de tout ressort. Rendre l’âme,
été archevêque. 1. Vx. En droit, se disait d’une juridiction
mourir : Il hurla ces syllabes, comme si,
sans siège fixe : Le parlement fut d’abord
ambulacraire [bylakrr] adj. (de ambu- dans cet effort suprême, il rendait son âme
ambulatoire. 2. Qui va sans cesse d’un
lacre ; 1866, Larousse). Qui a rapport aux (Baudelaire). Class. Arracher l’âme à
endroit à un autre, qui se caractérise par
ambulacres : Zone ambulacraire. quelqu’un, le tuer : Qu’à ce monstre, à
un mouvement incessant : Le sermon com-
l’instant, l’âme soit arrachée (Racine).
ambulacre [bylakr] n. m. (lat. ambu- mençait [...]. C’était un talent de l’Ordre ;
Avoir l’âme sur les lèvres, être près
lacrum, de ambulare, marcher, se pro- un acteur dont l’éloquence gesticulante et
de mourir. 4. Par anal. Personne qui
mener ; début du XIXe s.). Petit tube dont ambulatoire arpentait l’estrade (Goncourt).
anime, qui dirige une entreprise : Être
l’extrémité forme ventouse, et qui sert à la 3. Spécialem. Maladie ambulatoire,
l’âme de la conjuration, de la résistance.
locomotion chez les échinodermes. maladie qui ne nécessite pas l’hospita-
Approche, heureux appui du trône de ton
lisation, l’immobilité. Soins ambula-
ambulance [byls] n. f. (de ambulant ; maître, | Âme de mes conseils (Racine).
toires, soins qu’on peut recevoir tout en
1752, Trévoux, au sens de « fonction de rece- Napoléon, l’âme des coups de foudre, des
continuant de circuler, de vaquer à ses
veur ambulant » ; sens de « hôpital ambu- concentrations d’hommes et de feux pré-
occupations. Sonde ambulatoire, sonde
lant », 1795, Snetlage). 1. Voiture qui sert parées dans le secret, exécutées furieuse-
qu’on peut conserver en continuant sa vie
à transporter les malades ou les blessés à ment, agissant par la surprise plus encore
normale. 4. Class. et littér. Qui change
l’hôpital : Je téléphone à l’hôpital et nous que par la puissance (Valéry). Ce qui
souvent : La volonté de l’homme est bien
le transporterons en ambulance (Camus). donne de la vie en même temps que du
ambulatoire (Regnard). Chez un peuple charme à quelque chose : Les abeilles
2. Vx. Service médical et chirurgical qui
aussi ambulatoire dans ses volontés que
suit les troupes afin de donner les premiers sont l’âme de l’été (Maeterlinck). La mère
l’était le français (Balzac).
soins aux blessés : Il s’agit de me transporter est l’âme du foyer. Se dit de choses ou
à l’ambulance (Stendhal). 3. Vx. Dans
• SYN.: 2 ambulant. d’idées qui sont comme le principe mo-
le service des Contributions indirectes et âme [m] n. f. (lat. anima, souffle, vie ; teur d’un ensemble : L’argent est l’âme
l’administration des Domaines, emploi Xe s., Vie de saint Léger, Cantilène de sainte des affaires. Mais c’est l’indiscipline qui
obligeant le fonctionnaire à se transporter Eulalie, sous la forme anima ; aneme, v. est l’âme des combats du peuple (Vallès).
en des points divers : Obtenir une ambu- 1050, Vie de saint Alexis ; ame, XIIIe s.). 5. L’être vivant, considéré dans son es-
lance dans les Domaines. sence : Je suis une force qui va ! [...] | Une
L’âme, principe de vie considéré âme de malheur faite avec des ténèbres !
ambulancier, ère [bylsje, -r] n. (de
généralement comme immatériel et (Hugo). Dans l’âme, dans tout son être,
ambulance ; fin du XIXe s.). Personne atta-
immortel. entièrement : Être mathématicien dans
chée au service d’une ambulance.
l’âme. Jusqu’au fond de l’âme, au plus
ambulant, e [byl, -t] adj. et n. m. • I. DU POINT DE VUE MÉTAPHYSIQUE profond de son être : Être ému jusqu’au
(lat. ambulans, part. prés. de ambulare, se (SANS RÉFÉRENCE À UNE CONCEPTION RE- fond de l’âme. De toute son âme, de
promener ; 1558, Rabelais ; postier ambu- LIGIEUSE). 1. Entité qui anime tout être, toutes ses forces. 6. Être humain, per-
lant, av. 1892, Guérin). 1. Qui va d’un toute existence : « Rien ne peut vivre sonne vivante (dans le sens le plus général
lieu à un autre : On ne parlait guère dans sans âme », a dit Pline l’Ancien. L’âme du mot) : La rue était morte, sans une âme
cette demeure ambulante (Maupassant). du monde, principe universel des stoï- (Aymé). Une ville de vingt mille âmes.
Plongé, fondu dans cette multitude ambu- ciens. Âme de l’univers, Dieu, Père, Créa- Il n’y a pas âme qui vive, il n’y a per-
lante, fraternelle, il se sentait débarrassé teur ! (Lamartine). Spécialem. Se dit sonne : Du temps que je gardais les bêtes
de lui-même (Martin du Gard). Fig. Un à propos de créations littéraires : L’âme sur le Luberon, je restais des semaines
cadavre ambulant, une personne d’une dont il [Goncourt] animait ses person- entières sans voir âme qui vive (Daudet).
extrême faiblesse. 2. Se dit en particu- nages n’était plus cette âme insufflée par Avoir charge d’âme(s), avoir la respon-
lier d’une personne qui se déplace pour les Flaubert à ses créatures (Huysmans) ; sabilité matérielle ou morale d’une ou de
besoins de sa profession : Un marchand, ou de créations artistiques : Le sculpteur plusieurs personnes, être obligé de s’en
un contrôleur ambulant. Ils menaient à eux donne une âme au marbre. Essence occuper. Âme soeur, personne qui a les
deux la grande vie vagabonde des bohé- philosophique d’un être : Notre Socrate mêmes goûts, le même idéal qu’une autre.
miens, des musiciens ambulants, des gens n’a de cesse qu’il n’ait saisi l’âme de l’âme Une bonne âme, une personne simple
sans famille et sans patrie (Baudelaire) ; (Valéry). 2. Entité qui anime spéciale- d’esprit, ou bien une personne compatis-
et substantiv. : Sylvanire avait tout raflé, ment l’homme, par opposition aux autres sante : Si quelque bonne âme consentait
défroques, paperasses, ce dont les ambu- êtres : Nous sommes assez seuls, ici, mon à me renseigner (Romains). 7. N’être
lants de l’administration se débarrassent pauvre maître et moi, pour n’être pas in- qu’une âme, ne faire qu’une âme, se dit
à chaque campement (Daudet). Postier sensibles aux caresses d’une bête dénuée de personnes entre lesquelles règne une

142
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

union intime : On est un peuple, on est songes recueille distraitement (Romains). terrains, des édifices (Barrès). Spécia-
un monde, on est une âme : | Chacun se 2. Plus précisément, siège de l’intelli- lem. Chanter avec âme, chanter avec une
donne à tous et nul ne songe à soi (Hugo). gence, de l’entendement, esprit : La véri- compréhension qui dénote une sensibi-
table condition d’un véritable poète est ce lité particulièrement délicate. 3. Sen-
• II. DU POINT DE VUE MYSTIQUE ET RELI-
qu’il y a de plus distinct de l’état de rêve : sibilité attribuée aux choses, comme par
GIEUX. 1. Principe spirituel qui assure la
je n’y vois que recherches volontaires, projection de la nôtre, pour nous per-
vie surnaturelle de la nature humaine : La
assouplissement des pensées, consente- mettre d’établir des liens affectifs avec
mystique appelle la mécanique : ajoutons
ment de l’âme à des gênes exquises et le elles : Objets inanimés, avez-vous donc
que le corps agrandi [du monde scienti-
triomphe perpétuel du sacrifice (Valéry). une âme | Qui s’attache à notre âme et la
fique] attend un supplément d’âme et
force d’aimer ? (Lamartine). Le rhododen-
que la mécanique exigerait une mystique • II. DU POINT DE VUE MORAL. 1. En-
dron surtout était triste : le père Maboeuf
(Bergson). 2. Partie immatérielle de semble des qualités et des défauts qui
était de ceux pour qui les plantes ont des
l’être humain qui, selon une conception constituent la nature humaine : J’ai
âmes (Hugo). Dans le langage des ar-
religieuse de l’homme, continue de vivre l’habit d’un laquais et vous en avez l’âme
tistes, qualité d’une matière, d’un instru-
éternellement après la mort du corps, (Hugo). Noir de peau et plus noir d’âme
ment qui permet le mieux de traduire et
vouée au bonheur ou à la damnation se- (Mérimée). D’où vient si subitement une
d’exprimer la sensibilité artistique : Il y a
lon les actes de la vie terrestre : Les âmes si folle énergie à ces âmes paresseuses et
dans cette craie de la montagne une âme
des trépassés. Les âmes du purgatoire. voluptueuses (Baudelaire). Une grande
et une vie ; [...] elle comprend presque ce
Dieu ait son âme ! J’ai cru tout à coup à âme, une belle âme, une âme noble, une
que l’on veut, elle écoute avec intelligence
la transmigration des âmes (Nerval). Pou- personne de haute valeur morale : Les
et obéit (Van Gogh). Certains compo-
vez-vous dire une messe pour une âme qui grandes âmes ne sont pas soupçonnées,
siteurs ont pieusement communié avec
va peut-être paraître devant son Créa- elles se cachent (Stendhal). Pour lui, Na-
l’âme du piano [...] ; vous lui arrachez
teur ? (Mérimée). Ceux qui tuent perdent poléon (par exemple) est un héros ; il est
de longues résonances personnelles, vous
leur âme parce qu’ils tuent, et ceux qui un modèle d’énergie, d’imagination, de
découvrez en lui des correspondances
sont tués perdent leur âme [...] car ils volonté, une grande âme pourvue d’un in-
secrètes qui vous charment (Vuillermoz,
désespèrent de la bonté de Dieu (Péguy). tellect prodigieusement net, un amant de
sur Ravel). 4. Ce qui caractérise la vie
Sur mon âme !, formule de serment : la grandeur idéale, qui aime la puissance
« je jure sur mon salut éternel » : Halte- ou le comportement d’une personne ou
et la gloire (Valéry). 2. Siège des dispo-
d’une collectivité : L’âme d’un peuple. Elle
là ! Sur mon âme ! | Mon cousin, en ceci sitions morales les plus intimes : Quels
voilà mon sentiment (Hugo). Donner, prétend précisément nous faire sentir une
sont les étrangers qui auraient pu pénétrer
vendre son âme au diable, faire avec le des particularités de l’âme russe (Gide).
le mystère de son âme ? (Loti). C’est de
diable un pacte qui consiste à lui pro- Peindre l’âme subtile d’une société affinée
l’âme nue sous nos yeux : la vierge [Jeanne
mettre son âme pour l’au-delà en échange jusqu’à la décadence (Rolland). Cette cité
d’Arc] a révélé son secret (Barrès). Lire
d’avantages dès la vie terrestre ; et, au fig., sans pittoresque, sans végétation et sans
dans l’âme de quelqu’un. Épancher, livrer
faire un pacte avec les forces du mal : Il âme finit par sembler reposante (Camus).
son âme. En mon âme et conscience, en
n’imitait pas les baladins, larrons et mé- C’est la ville aisée, aux rues sans âme, sans
toute sincérité, très honnêtement.
créants, qui ont vendu leur âme au diable commerce (Aragon). Ce qui, pour notre
(France). Goethe s’inspira de la légende
• III. DU POINT DE VUE AFFECTIF. 1. Siège sensibilité, caractérise dans son essence
de Faust, qui donna son âme au diable. des sentiments et de la vie affective : Avoir une bête ou une chose : L’âme du loup
Être l’âme damnée de quelqu’un, être l’âme déchirée, la mort dans l’âme. Ai- pleure dans cette voix [du cor] (Verlaine).
prêt à le suivre partout et à le servir en mer, haïr de toute son âme. Les angoisses. Une fumée translucide, légère, porte à vos
tout. Être comme une âme en peine, être les troubles, les ardeurs guerrières, les narines l’âme consumée de la forêt (Co-
seul et malheureux, comme une âme qui, emportements enivrés de l’âme libre (Rol- lette). 5. Bonté, humanité : Ce tyran n’a
dans l’au-delà, n’a pas encore trouvé son land). Fendre l’âme, toucher le coeur pas d’âme. Avoir de l’âme, être sensible
lieu d’asile : Entre leurs deux demeures, au plus vif : Le patient qui avait jeté des aux autres. 6. Terme d’affection, em-
ils erraient comme deux âmes en peine cris à fendre l’âme (Gobineau). Un état ployé dans des apostrophes (vieilli) : Bon-
(Cocteau). d’âme, un sentiment éprouvé dans telle soir, mon âme, je baise un million de fois
situation donnée : Un état d’âme [...] qui vos blanches mains (Henri IV). Âme de
• SYN. : I, 1 souffle vital ; 2 et 3 esprit ; 4
agent, animateur, moteur ; 6 être, habitant, précède le développement des passions, mon âme ! Fils de l’âme ! ô mon sang, mon
homme, individu, personne. II, 2 double, lorsque nos facultés [...] ne se sont exer- Rodrigue ! (Heredia). 7. Raison de vivre
esprit, mânes, ombres. cées que sur elles-mêmes, sans but et sans (affective ou sentimentale) : C’est lui [un
objet (Chateaubriand). Sa façon d’ouvrir fiancé] qui est mon âme ! (Montherlant).
L’âme, principe de la vie intérieure, la porte nous renseigne sur son état d’âme • SYN.: I, 1 coeur, conscience, esprit, moi,
c’est-à-dire mentale et affective. de l’heure. Le vague à l’âme, la senti- pensée ; 2 esprit. II, 1 caractère, nature,
mentalité, plus ou moins maladive, d’un personnalité ; 2. conscience, esprit. III,
• I. DU POINT DE VUE PSYCHOLOGIQUEOU coeur vide et rêveur : Le vague à l’âme fut 1 et 2 coeur.
INTELLECTUEL. 1. Ce qui constitue notre la caractéristique des premières généra-
moi, siège à la fois des pensées et des sen- tions de romantiques. Un peu de vague Emplois particuliers.
timents : Quelque chose qui est meilleur à l’âme est encore ce qu’il y a de meilleur
que moi et qui est moi, qui est peut-être dans les moments critiques ; [...] la rai- 1. L’âme d’une devise, les paroles qui
mon âme (Duhamel). Jamais on n’épui- son et la logique, c’est bon pour les temps donnent le sens à la figure illustrant la
sera les sentiments et les pensées qui se ordinaires (Giono). 2. Sensibilité par devise (vieilli). 2. Dans la langue tech-
pressent, ces foules profondes de l’âme qui laquelle nous entrons en contact avec les nique, partie centrale ou vitale d’un objet
veulent monter à la lumière et s’exprimèr personnes et les choses : D’innombrables fabriqué ou d’une machine. Âme d’un
dans des paroles (Tharaud). Spécialem. liens frêles et douloureux | Dans l’univers violon, d’un violoncelle, petite pièce de
Conscience psychologique : Le choc des entier vont de mon âme aux choses (Sully bois qui, placée dans l’intérieur, com-
poubelles, le tintamarre d’une voiture de Prudhomme). Il faudrait l’âme passion- munique les vibrations à toutes les par-
laitier donnent seuls à leur sommeil une née d’un Delacroix pour saisir et fixer ties de l’instrument. Âme d’un canon,
indication d’heure que l’âme empêtrée de en une seconde la mutabilité du ciel, des l’intérieur du tube. Âme d’un escalier

143
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

à vis, l’axe des marches. Âme d’un cor- améliorer [ameljre] v. tr. (réfection, de rendre plus confortable : Aménager
dage, le fil intérieur autour duquel on d’après le lat. melior, meilleur, de l’anc. une salle de bains, une cuisine. 4. Fig.
tresse les torons. Âme d’un conducteur franç. ameillorer [XIIe s.], dér. de meillor, Modifier, corriger une mesure prise en
électrique, le fil métallique intérieur, qui forme anc. de meilleur ; milieu du XVe s.). vue d’en obtenir un meilleur résultat :
conduit le courant et est entouré d’un Rendre meilleur : Améliorer le rendement. Il faut aménager la législation ancienne.
enrobage isolant. Il prépare un examen en vue d’améliorer 5. Aménager une forêt, en régler les
sa situation. Spécialem. Améliorer une coupes.
amé, e [ame] adj. (part. passé de l’anc. v.
terre, la rendre plus fertile. Améliorer • SYN. : 1 et 2 agencer, arranger, disposer,
amer, aimer). Vx. Aimé : Nos amés et féaux
un immeuble, un domaine, augmenter sa distribuer, installer, organiser. — CONTR.: 1
sujets (Littré).
valeur par des embellissements ou par des bouleverser, déranger, désorganiser, dévas-
amébée [amebe] adj. (gr. amoibaios, réparations. ter, saccager.
alterné ; 1752, Trévoux). Se dit d’un chant • SYN. : amender, bonifier, embellir, per-
ou d’un dialogue où deux interlocuteurs se aménageur, euse [amenaoer, -øz] adj.
fectionner, régénérer, rénover. — CONTR. :
répondent par des couplets ordinairement et n. (de aménager ; XXe s.). Qui sait aména-
aggraver, altérer, dégrader, détériorer,
de même longueur. ger (rare) : L’habitude ! aménageuse habile
endommager, gâter.
mais bien lente, et qui commence par laisser
amélanche [amel] n. f. (du lat. pop. s’améliorer v. pr. Devenir meilleur : Au
souffrir notre esprit pendant des semaines
*[a]malinca, qui paraît être un croisement bout de quelques jours, son état s’améliora
dans une installation provisoire (Proust).
entre le gaulois aballos, pomme, et le lat. (Samain).
malum, pomme ; 1734, Trévoux). Fruit de aménagiste [amenaist] n. m. (de amé-
amen [amn] n. m. invar. (empr., par l’in-
l’amélanchier. nager ; 1877, Littré). Celui qui sait aménager
termédiaire du lat. ecclés. amen [gr. amên],
les forêts.
amélanchier [amelje] n. m. (de amé- à l’hébreu amen, indiquant l’adhésion,
lanche ; 1733, Lémery). Arbuste des mon- l’affirmation, avec parfois une nuance de amendable [amdabl] adj. (de amender ;
tagnes, à petites feuilles ovales presque souhait ; 1138, Vie de saint Gilles). 1. Ainsi 1369, Godefroy).
rondes, finement dentelées, de la famille soit-il, formule qui termine souvent les
I.1.Crime amendable,en droit féodal,
des rosacées : La pente des monticules prières. 2. Fam. Dire, répondre amen,
crime dont on pouvait éviter le châti-
de Saint-Pierre est plaquée de baumiers, donner son approbation : Et vous serez
ment en payant une certaine somme.
d’amélanchiers, de palomiers, de mélèzes, liée, garrottée par les lois, obligée de dire
2. Class. Qui mérite une condamna-
de sapins noirs, dont les bourgeons servent amen à ces arrangements-là (Balzac). Le
tion à l’amende : Cette faute est amen-
à brasser une bière antiscorbutique père Fanfan répondra amen à tout ce qu’elle
dable (Furetière).
(Chateaubriand). dira (Theuriet). Vx et fam. De pater à
amen, du commencement à la fin. II. Qui peut être amélioré : Une terre
améliorable [ameljrabl] adj. (de amendable. Un projet de loi amendable.
améliorer ; milieu du XIXe s.). Qui peut amenage [amna] n. m. (de amener ;
XIIIe s., au sens de « action d’amener » ; amende [amd] n. f. (déverbal de amen-
être amélioré. (Assez rare ; on dit plutôt
sens actuel, 1928, Larousse). Dans une der ; XIIe s., écrit emmende ; au sens 3, fin
PERFECTIBLE.)
machine-outil, opération, souvent automa- du XIVe s.). 1. Peine consistant dans le ver-
améliorant, e [ameljr, -t] adj. (part. tique, qui met à portée de l’outil la matière sement d’une somme, variable suivant les
prés. de améliorer ; milieu du XIXe s.). Se dit à travailler. cas, et par laquelle la justice sanctionne
des plantes qui redonnent de la fertilité une contravention : L’amende et la pri-
à une terre appauvrie : Les légumineuses aménagement [amenam] n. m. (de
son ne sont pas des bagatelles (Courier).
fourragères, qui enrichissent le sol en azote, aménager ; 1495, J. de Vignay). 1. Action
2. Punition consistant en un petit sacri-
sont des plantes améliorantes. d’aménager ; résultat de cette action : On
fice pécuniaire, ou autre, pour sanctionner
s’occupe de l’aménagement des nouveaux
améliorateur, trice [ameljratoer, -tris] une infraction légère : Celle-là n’en faisait
locaux. Ne faisant point de grands aména-
ou amélioratif, ive [ameljratif, -iv] adj. qu’à sa tête et se fichait des amendes ; quand
gements, il n’avait guère l’occasion d’appeler
(de améliorer ; 1866, Larousse). Propre à elle voulait manquer son entrée sur scène,
des ouvriers (France). 2. L’aménagement
améliorer : Une influence amélioratrice. elle la manquait (Zola). Vous avez oublié
du territoire, la répartition plus judicieuse
la commission : vous serez mis à l’amende.
amélioration [ameljrasj] n. f. (de des hommes et des activités économiques
3. Amende honorable, peine infamante
améliorer ; début du XVe s. ; rare jusqu’à la sur l’ensemble du pays, en fonction des
qui consistait, autrefois, en l’aveu public
fin du XVIIe s.). 1. Action de rendre meil- ressources naturelles. 3. Spécialem.
d’une faute, d’un crime : Où est [...] le gui-
leur, matériellement, moralement, intel- En administration forestière, ensemble
chet où furent lacérées les bulles de l’anti-
lectuellement ; résultat de cette action : des directives qui président à la coupe
pape Benedict, et d’où repartirent ceux qui
L’amélioration du clergé séculier au moyen des arbres. 4. Aménagements fiscaux,
les avaient apportées [...], faisant amende
d’instituts de prêtres mêlés au monde mesures administratives qui visent à une
honorable pour tout Paris ? (Hugo). Les
(Renan). 2. Passage à un état meilleur : répartition plus judicieuse des charges
sénateurs courbèrent la tête, heureux que
On note aujourd’hui une amélioration du fiscales.
César n’exigeât point d’eux qu’ils vinssent
temps. • SYN. : 1 agencement, amélioration,
faire amende honorable devant l’image res-
• SYN. : 1 amendement, bonification, arrangement, installation, organisation ;
taurée du sanguinaire Marius (Mérimée).
embellissement, perfectionnement, pro- 4 allégement. — CONTR.: 1 bouleversement,
Par extens. Faire amende honorable,
grès. — CONTR. : 1 aggravation, altération, dérangement, désorganisation.
reconnaître ses torts, demander pardon.
dégénérescence, dégradation, détérioration. aménager [amenae] v. tr. (de ménager ;
amendement [amdm] n. m. (de amen-
améliorations n. f. pl. Travaux, répara- XIIIe s., au sens de « administrer »). [Conj. 1.]
der ; XIIe s., au sens I [jusqu’au XVIIe s.] ; au
tions propres à embellir une construction, 1. Préparer, disposer méthodiquement une
sens II, empr. à l’angl., 1778, Courrier de
un domaine, ou à en accroître la valeur, chose pour un usage précis : À l’intérieur,
l’Europe).
l’agrément : Ils parlèrent [...] d’amélio- des gradins étaient aménagés comme dans
rations à introduire dans leur ménage un cirque (Alain-Fournier). 2. Installer, I. 1. Class. Amélioration de la santé ou du
(Flaubert). Améliorations voluptuaires, mettre en place : Des alpinistes qui amé- comportement moral : La fièvre la quitta
v. VOLUPTUAIRE. nagent un camp. 3. Transformer en vue tout à fait et, le soir de son amendement...

144
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

(Motteville). 2. Fait pour quelqu’un de qui plaît par sa douceur : Vers cette époque, 10. Amener une chose à un certain état,
se corriger : Je crois à son amendement. Amédée prit son premier rhume ; rhume qui provoquer son évolution jusqu’à cet état :
3. Action d’améliorer le sol : L’amende- malgré l’amène climat de Pau ne céda point Amener ainsi la Franconie à la hauteur
ment d’une terre ingrate. La substance de tout l’hiver (Gide). de ses devancières (Giraudoux). De l’eau
elle-même qu’on incorpore au sol pour • SYN. : 1 affable, aimable, avenant, cour- amenée à ébullition. 11. (avec un sujet
le rendre plus fertile : Les engrais et les tois, engageant, gentil, sympathique ; 2 désignant un être animé ou une chose)
amendements. agréable, doux. — CONTR. : 1 acariâtre, Amener une personne, un animal à faire
acerbe, aigre, amer, déplaisant, dur, maus- quelque chose, les y pousser, faire en sorte
II. Modification qu’une assemblée légis-
sade, revêche. qu’ils le fassent : Cette bâtarde [...] sans moi,
lative apporte à un projet de loi : Après le
rejet de plusieurs amendements, le projet amenée [amne] n. f. (de amener ; XIIIe s.). bien sûr, l’aurait amené à quelque sottise
a été voté. Action d’amener, en particulier de l’eau : (Flaubert). Il avait souffert davantage de
• SYN. : I, 2 amélioration, progrès, redres- Un canal d’amenée. sa timidité qui l’amenait quelquefois à tra-
sement, relèvement ; 3 amélioration, fer- hir sa pensée (Rolland). Par son rôle, il fut
amener [amne] v. tr. (de mener ; 1080,
tilisation. — CONTR. : I, 2 avilissement, amené à recueillir les confidences de tous
Chanson de Roland). [Conj. 5.] 1. Faire
déchéance ; 3 appauvrissement, épuisement. les personnages de cette chronique (Camus).
venir (ordinairement avec soi) un être
12. (avec un sujet désignant une chose)
amender [amde] v. tr. (lat. emendare, animé vers quelqu’un ou dans un lieu :
Elle fit l’éloge de ce pensionnaire qu’elle Avoir pour conséquence, comporter tel
corriger un coupable, et aussi améliorer une
nous amenait (Alain-Fournier). On effet : Un médicament qui amène un sou-
terre, de menda, faute, avec changement
m’amena mon cheval, elle monta en croupe lagement rapide. Un malheur en amène
ancien de préf. ; XIIe s. ; au sens II, empr. à
l’angl., 1784, Courrier de l’Europe). (Mérimée). Mandat d’amener, ordre de un autre. A l’anarchie de surenchère qui
faire comparaître quelqu’un devant le juge. amenait catastrophe sur catastrophe dans
I.1.Class. En général, rendre meilleur, l’industrie, il fallait enfin substituer des
2. (avec un sujet désignant une chose)
corriger ce qui est mauvais. Plus par-
Amener quelqu’un, provoquer sa venue : alliances entre les puissances productives
ticulièrement, améliorer une situation :
Quand je vous aurai dit ce qui m’amène (Aragon).
Ce meurtre [du coq] n’amenda nullement
(Musset). Jene voyais pas l’instrument dont • SYN.: 1 conduire ; 2 faire venir, pousser ; 3
leur marché [leur sort] (La Fontaine).
il tirait la mélopée singulière qui m’avait acheminer, conduire, transporter ; 4 rame-
On dit qu’un homme n’amende pas son
amené jusque-là (Bosco). Quel bon ner ; 6 apporter ; 7 déclencher, occasionner,
marché quand il sursoit seulement la
vent vous amène ?, quelle est l’heureuse susciter ; 12 causer, déterminer, engendrer,
condamnation (Furetière). 2. Class.
circonstance qui motive votre venue ? entraîner, procurer, produire. — CONTR.: 1
et absol. Tirer profit : Il n’a pas amendé
3. Transporter des êtres animés ou emmener ; 2 écarter, éloigner ; 3 ramener,
d’un sou de la succession de son père
des choses vers un lieu : Le taxi nous a
(Acad., 1694). 3. Rendre moins mau- remmener.
amenés à destination. Le bateau amène
vaise une personne, la corriger de ses s’amener v. pr. Pop. Venir, arriver :
les passagers au port. Une canalisation
défauts : Disons-nous, à chaque coup qui Amédée l’allait quérir, quand, de lui-même,
qui amène l’eau au bassin. Du charbon
retentit : Celui-ci est pour nous avertir de l’autre s’amena, frappant à la vitre du salon
amené par péniche, par train. 4. Tirer à
nous amender (France). Puissé-je, dans d’abord, selon son habitude (Gide).
soi : Pourquoi te joues-tu de lui [le poisson]
trois ans, à l’époque du jubilé, lorsque je • REM. Dans la langue soignée, on pré-
et si tu ne l’amènes au bord ne lui rends-
viendrai vous rejoindre, puissé-je vous tu la liberté ? (Claudel). Des pêcheurs qui fère apporter ou porter à amener quand
trouver amendé ! (Gide). 4. Améliorer amènent leur filet. Spécialem. Amener le complément d’objet désigne ce que
une terre par l’apport d’engrais ou d’un les voiles, amener le pavillon, en termes quelqu’un tient ou porte sur lui : Tu
autre élément. de marine, les faire glisser jusqu’en bas du apporteras ton appareil photographique,
II. Modifier un texte soumis à l’approba- mât. Fig. Amener son pavillon, se recon- plutôt que tu amèneras, qui est plus
tion d’une assemblée : Amender un projet naître vaincu, se rendre. 5. Amener une familier.
de loi. carte, amener tant de points au jeu de dés,
jouer cette carte, faire sortir ce nombre de aménité [amenite] n. f. (lat. amoenitas,
• SYN.: I, 3 améliorer, corriger, redresser ; 4
points. 6. Introduire dans l’usage, faire agrément, charme ; XIVe s., rare jusqu’au
améliorer, bonifier, fertiliser. II rectifier.
adopter : Des vedettes qui amènent de nou- XVIIe s. ; le sens ironiq. date du XIXe s.).
— CONTR.: I, 3 avilir, corrompre, dégrader,
velles modes vestimentaires. 7. Provoquer 1. Class. et littér. Agrément, charme des
gâter, pervertir ; 4 appauvrir, épuiser.
volontairement : Un espion [...] qui guettait, choses : Plus que l’aménité des beaux jar-
s’amender v. pr. Devenir meilleur : Il
avec la persistance d’une haine mêlée de dins, l’attrait des hauteurs est puissant
serait trop facile de s’amender si le crime
passion et d’avarice, l’occasion d’amener (Bosco). 2. Douceur accompagnée de
et le vice lâchaient leur proie aussitôt que
un éclar (Balzac). 8. Amener une com- politesse et de grâce : D’autre part, il est rare
nous en éprouvons le désir (Sand).
paraison, un dénouement, une citation, qu’un Français, voyageant en Allemagne,
amène [amn] adj. (lat. amoenus, etc., dans le domaine littéraire, savoir ne soit surpris et séduit par l’aménité des
agréable ; XIIIe s., Légendes en prose). les présenter, en ménager la transition : gens à son égard, à quelque classe sociale
1. Littér. Se dit d’une personne qui charme Une image habilement amenée. Class. qu’ils appartiennent (Gide). Elle reçut son
par sa douceur et sa politesse : Le frère du Amener un texte, un auteur, en faire une hôte avec cette aménité des femmes dont
proconsul, toujours amène et bienveillant citation, s’y référer : Lorsqu’il parle de la vie intérieure surtout prévaut (Aragon).
envers les hommes de la plus humble condi- Josué et qu’il amène là l’Écriture sainte Traiter quelqu’un sans aménité.
tion, se serait excusé (France). Se dit aussi (Racine). 9. Amener une conversation,
• SYN. : 2 affabilité, amabilité, courtoisie,
du comportement, des paroles (parfois un entretien sur un point, faire en sorte
gentillesse. — CONTR.: 2 acrimonie, aigreur,
par ironie, au sens de « désagréable ») : qu’on vienne à en parler : Madame Cibot
brutalité, dureté, rudesse, sécheresse.
Le judéo-arabe est un dialecte raboteux. amena la conversation sur les locataires
L’entretien le plus amène a tout de suite l’air (Balzac). Il se hâta d’amener l’entretien sur aménités n. f. pl. Ironiq. Phrases, paroles
d’une chamaille (Duhamel). La discussion la guerre : l’état d’esprit du jeune méde- blessantes : Sur cet échange d’aménités, les
s’était animée, et ils échangeaient des propos cin, d’après ce quil lui avait entendu dire adversaires se tinrent cois (H. Bazin).
amènes. 2. Se dit d’un lieu, d’un climat l’autre jour, l’inquiétait (Martin du Gard). • SYN.: amabilités, gentillesses.

145
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

aménorrhée [amenre] n. f. (du gr. a et des platanes (Malraux). 3. Fig. Se dit tenant au dernier enchérisseur. Course
priv., mên, mois, et rhein, couler ; fin du d’une chose très désagréable à supporter, à l’américaine, ou américaine n. f., course
XVIIIe s.). Absence de menstruations. de ce qui est une cause de regret et d’amer- cycliste sur piste, disputée entre équipes de
tume (parfois placé avant le nom) : Au bout plusieurs coureurs qui se relaient. 2. Se
amentales [amtal] n. f. pl. (du lat.
de la vie est un âge amer : rien ne plaît, parce dit d’une préparation culinaire à base de
amentum, chaton ; XXe s.). Nom donné à
qu’on n’est digne de rien ; bon à personne, tomate fondue, oignon, échalote hachés,
l’ensemble des végétaux dont les fleurs sont
fardeau à tous, près de son dernier gîte, on ail, cerfeuil, persil, estragon, vin blanc et
groupées en chatons : Le noisetier fait partie
n’a qu’un pas à faire pour y atteindre : à quoi cognac : Du homard à l’américaine. 3. Se
des amentales.
servirait de rêver sur une plage déserte ? dit d’un vol doublé d’une mystification :
• REM. On a dit aussi AMENTACÉES. (Chateaubriand). Aussi le docteur [...] conti- Le vol à l’américaine consiste à proposer
amentifère [amtifr] adj. (du lat. amen- nuait-il à faire son métier de Sisyphe, sans l’échange d’un objet contre un autre parais-
tum, chaton, et ferre, porter ; 1863, Littré). les désespoirs qui rendirent ses premiers sant plus avantageux, alors qu’il n’a aucune
En botanique, se dit d’une plante qui porte jours amers (Balzac). Alors commence notre
valeur.
des chatons. deuil véritable, qui n’est point déchirant,
américain n. m. Langue anglaise telle
mais un peu amer (Saint-Exupéry). Une
n. f. pl. Syn. de AMENTALES. qu’elle est parlée aux États-Unis.
perte amère. Une amère déception. 4. Fig.
amentiforme [amtifrm] adj. (du lat. Qui exprime non seulement de la tristesse, américaine n. f. Espèce de phaéton ou
amentum, chaton, et de forme ; 1863, Littré). mais encore souvent du mécontentement, de char à bancs à quatre roues.
Qui a la forme d’un chaton. de la réprobation, de l’âpreté : Jesentis dans [amerikanizasj] n. f.
américanisation
son accent amer [...] combien de préventions (de américaniser ; début du XXe s.). Action
amenuisement [amnizm] n. m.
haineuses avaient données à l’armée le luxe
(de amenuiser ; XIIIe s., Guiot de Provins). d’américaniser ; le fait de s’américaniser :
et les grades de ces corps d’officiers (Vigny).
Action d’amenuiser ; le fait de s’amenuiser : L’Exposition universelle [...], l’américani-
Mais, sitôt seul, il se renversa en arrière,
L’inflation entraîne un amenuisement du sation de la France (Goncourt). Le citoyen
et il eut un sourire si parfaitement amer
pouvoir d’achat. américain est soumis, de sa naissance à sa
qu’il s’approcha de la glace, afin d’en jouir
• SYN. : affaiblissement, amincissement, mort, à une force d’organisation et d’amé-
objectivement (Martin du Gard). Dieu ne
diminution. — CONTR.: augmentation, élar- ricanisation intense (Sartre).
se plaît pas aux paroles amères (Claudel).
gissement, épaississement, grossissement.
5. Par extens. Qui a le reproche facile, américaniser [amerikanize] v. tr. (de
amenuiser [amnize] v. tr. (de menui- qui est rancunier : L’Histoire [...] rend les américain ; v. 1851, Baudelaire, Fusées).
ser ; 1120, Psautier d’Oxford). 1. Rendre nations amères, superbes, insupportables Donner à quelqu’un ou à quelque chose le
plus mince, plus menu : Amenuiser une et vaines (Valéry). caractère américain, spécialement celui
planche, une cheville de bois. 2. Class. Se • SYN. : 1. âcre ; 3 cruel, douloureux, des États-Unis d’Amérique : La mécanique
disait aussi des personnes : Qu’elle ait sèche pénible ; 4 âcre, acrimonieux, aigre, âpre, nous aura tellement américanisés, le pro-
la chair, le corps amenuisé (M. Régnier). blessant, offensant, sarcastique. — CONTR.: grès aura si bien atrophié en nous toute la
3. Littér. Faire paraître plus mince, plus 1 doux, suave, sucré ; 3 agréable, charmant, partie spirituelle, que rien parmi les rêveries
léger : L’écriture mystérieuse que tracent nos doux, heureux ; 4 accueillant, affable, sanguinaires, sacrilèges ou antinaturelles
arbres légers et leurs feuillages amenuisés aimable, amène, enjoué. des utopistes ne pourra être comparé à ses
dans notre atmosphère bleuâtre (Barrès). amer n. m. 1. Fiel de quelques animaux : résultats positifs (Baudelaire). De mornes
J’apercevais, très loin, la silhouette ame- Un amer de boeuf. 2. Nom de substances avenues qui avaient américanisé l’aspect du
nuisée de ma femme (Troyat). 4. Fig. végétales qu’on emploie comme toniques et quartier et détruit pour jamais son allure
Diminuer la force, la valeur, l’importance comme dépuratifs : Par l’usage des amers, intime (Huysmans).
de : Elles penchent la tête pour suivre un il est parvenu à ramener l’estomac à l’état s’américaniser v. pr. Prendre l’aspect, le
« la » filé, amenuisé jusqu’à l’épuisement normal (Baudelaire). 3. Apéritif de goût
caractère américain.
du son (Colette). amer.
américanisme [amerikanism] n. m. (de
• SYN.: 1 allégir, amincir ; 4 adoucir, affai- amèrement [amrm] adv. (de amer ;
blir, atténuer. — CONTR. : 1 augmenter, américain ; 1866, Larousse). 1. Mode de vie,
XIIe s. ; écrit amarament au Xe s.). Avec un
épaissir, grossir, renforcer. ensemble des habitudes des Américains.
sentiment d’amertume, en éprouvant de la
Manière d’être qui imite celle des
s’amenuiser v. pr. Devenir plus mince, douleur : Regretter amèrement ses erreurs.
Américains, spécialement des habitants
moins important : Les revenus immobiliers Pleurer amèrement la mort d’un ami.
des États-Unis : Le monde marche sur une
s’évanouissant, la valeur des immeubles
américain, e [amerik, -in] adj. et n. (de sorte d’américanisme, qui blesse nos idées
s’amenuisera (Romains).
Amérique ; milieu du XVIe s.). 1. Relatif à raffinées (Renan). 2. Idiotisme propre à
amer, ère [amr] adj. (lat. amarus ; l’Amérique ; habitant ou originaire de la langue américaine. 3. Ensemble des
XIIe s.). 1. D’une saveur âpre et rebutante : l’Amérique. 2. Spécialem. Relatif aux sciences qui ont pour objet l’Amérique.
Le fiel a un goût amer. La résine amère de États-Unis d’Amérique. 3. Fam. Avoir
l’aloès. Je boirai la potion amère, la tisane l’oeil américain, avoir un coup d’oeil très amérindien, enne [amerdj, -n] adj.
aussi (Colette). Poét. S’applique à l’eau sûr : J’ai vu ça, moi, du premier coup en et n. (de Amérique et de Indien ; milieu du
de mer : L’onde amère. Le navire glissant entrant. J’ai l’oeil américain (Flaubert). Mais XXe s.). Se dit des Indiens d’Amérique : Le
sur les gouffres amers (Baudelaire). Fig. Mme de Crécy, voilà une petite femme qui tupi est une langue amérindienne.
Trouver la pilule amère, être obligé de subir a l’air intelligente, ah ! saperlipopette, on amerrir [amerir] v. intr. (de mer ; v.
une épreuve désagréable. 2. Se dit de ce voit tout de suite qu’elle a l’oeil américain 1910). Se poser sur la mer et, par exten-
qui produit sur l’odorat une sensation ana- celle-là ! (Proust).
sion, sur une surface d’eau, en parlant d’un
logue : Ces fèves répandaient une odeur A l’américaine loc. adv. et adj. 1. Comme hydravion.
amère et fétide (Arène). L’odeur amère d’un on a l’habitude de faire aux États-Unis • REM. Les deux r sont dus à l’influence
jardin de novembre (Colette). Le parfum d’Amérique : Une production à l’améri-
d’atterrir.
double et tièdement amer des pins et de la caine. Enchères à l’américaine, enchères
mer (Gregh). Un faible parfum venait des où chaque enchérisseur paie la différence amerrissage [amerisa] n. m. (de amer-
roseraies, enfoui sous l’odeur amère des buis avec l’enchère précédente, l’objet appar- rir ; v. 1910). Action d’amerrir.

146
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

amertume [amrtym] n. f. (lat. amari- amétrope [ametrp] adj. et n. (de a priv., femme [...] ameuta contre elle toute la moi-
tudinem, accus. de amaritudo, avec subs- et du gr. metron, mesure, et ôps, vue ; 1877, nerie (France).
titution de suffixe [cf. coutume et tous les Littré). Se dit d’une personne atteinte • SYN.: 2 rassembler ; 3 déchaîner, exciter,
mots terminés en -tudinem], l’e étant dû d’amétropie. soulever. — CONTR. : 3 apaiser, cal-mer,
à amer ; XIIe s.). 1. Saveur amère : [Les pacifier.
amétropie [ametrpi] n. f. (de amétrope ;
olives] seraient d’une âcreté insuppor-
1877, Littré). Anomalie de la vision due à un ami, e [ami] n. (lat. amicus, -a ; Xe s., Vie
table sans préparation, sans lessive qui
défaut des milieux réfringents de l’oeil : La de saint Léger, écrit amic).) 1. Personne
dissipe l’amertume (Ch. Silvestre). Une
myopie est une forme d’amétropie. à laquelle on se sent uni par un lien, en
amertume fraîche d’eau marine (Colette).
principe réciproque, d’affection : J’ai donc
2. Odeur amère : Ô odeurs concentrées ameublement [amoeblm] n. m.
un ami qui me défend, un ami dont mon
[...], cacaos délicieux finement torréfiés (de ameubler [auj. hors d’usage], dér.
bonheur est le plus cher désir et qui est prêt
dont l’amertume s’exhale (Valéry). Xavier de meuble ; fin du XVIe s.). 1. Action de
à tous les sacrifices pour me rendre heureux
reconnaissait l’amertume des vieux buis meubler : Consulter un décorateur pour
(Veuillot). J’avais besoin de la voix d’un
(Mauriac). 3. Fig. Sentiment de tristesse, l’ameublement d’une maison de campagne.
ami partageant mon émotion (Stendhal).
de profond regret qu’éveille une perte, une 2. Ensemble des meubles qui garnissent,
On ne lui connaissait ni parents ni amis
séparation, une déception, etc. : Tout nour- ornent un intérieur : Une table en bois noir
(France). Depuis la mort de son père, il
rissait l’amertume de mes dégoûts : Lucile [...], un fauteuil de tapisserie [...] complé-
avait été amené à faire cette constatation
était malneureuse ; ma mère ne me consolait taient l’ameublement de cette chambre
qu’il n’avait pas d’amis personnels. À part
pas ; mon père me faisait éprouver les affres (Gautier). Il inspectait, dans le demi-jour,
Daniel, peut-être, il n’avait jamais eu que
de la vie (Chateaubriand). Voulait-elle [...] la détresse de ce vieil ameublement, rideaux
des camarades (Martin du Gard). 2. Se
sentir plus profondément l’amertume des passés, tapis râpés, non renouvelés depuis
dit en parlant d’animaux ou de choses qui
choses qu’elle allait abandonner (Flaubert). trente ans, depuis leur mariage (Daudet).
nous sont familiers : Le chien est l’ami de
Je languis et me meurs [...] et vais le coeur 3. Arrangement, décor intérieur (prin-
l’homme. As-tu lu un seul des livres qui sont
plein d’amertume (Verlaine). Dingley cipalement draperies et tapisseries) : Des
nos amis fidèles ? (Rolland). 3. Personne
s’attardait à regarder cette disparition des Esseintes avait aussi créé des ameublements
avec qui on a des liens de camarade-
choses avec l’amertume de l’homme qui n’a fastueusement étranges, divisant son salon
rie : Ami de régiment. Amie de pension.
déjà plus sa jeunesse (Tharaud). Littér. en une série de niches diversement tapissées
4. Membre d’un même parti politique,
Calice, coupe d’amertume, suite de cha- (Huysmans). Tissus d’ameublement. du même milieu, de la même société : Le
grins : Il n’eut pas la force de se plaindre, la • SYN. : 1 installation ; 2 mobilier ; 3 ministre consulta ses amis politiques avant
coupe d’amertume étant remplie (Flaubert). décoration. de démissionner. 5. Ami, petit ami, bon
4. Fig. Sentiment de mécontentement,
ameublir [amoeblir] v. tr. (de meuble, ami, amant amie, petite amie, bonne
d’aigreur, de réprobation qu’éveille une
amie, maîtresse : Tristan mettait en ses
déception, une injustice, et qui peut se adj. ; XVIe s., sens jurid. ; sens agricole,
1578, Liebault). mélodies toute sa tendresse : la reine [Yseut]
traduire dans les propos, dans les écrits :
a compris le message de son ami (Bédier).
Je dois demander pardon à mes amis de I.En droit, faire entrer des immeubles [Dans certains milieux ou certaines pro-
l’amertume de quelques-unes de mes pen- dans l’actif commun de futurs époux. vinces, ces mêmes termes désignent le
sées (Chateaubriand). L’amertume de son
II. Ameublir la terre, la rendre plus jeune homme qui courtise, la jeune fille
coeur lui montait aux lèvres en paroles de
meuble, plus légère : Le sol fut ameubli qui est courtisée.] 6. Être un ami de, avoir
mépris et de dégoût (Maupassant).
profondément (Bosco). un goût très vif pour, avoir la passion de :
• SYN.: 3 chagrin, désespérance, mélancolie,
Un ami de la vérité. Une grande amie de
peine, tristesse ; 4 acrimonie, aigreur, fiel. — ameublissement [amoeblism] n. m. (de la nature. 7. En apostrophe, sert à expri-
CONTR.: 1 et 2 douceur, suavité ; 3 agrément, ameublir ; 1603, Peleus, au sens I ; au sens mer diverses nuances : a) un ton affectueux
contentement, douceur, joie, satisfaction ; II, 1827, Acad. [av. 1573, M. de L’Hospital, (en particulier quand on s’adresse à des
4 affabilité, amabilité, aménité. écrit ameublement]). enfants) : Les deux enfants s’approchèrent
amertumes n. f. pl. Littér. Événements et un domestique [...] vint leur ouvrir la
I. Action d’ameublir une propriété.
qui provoquent des sentiments de regret porte : « Je vous avais pris pour des filous,
ou d’aigreur : Si c’est que vous voulez res- II. Action d’ameublir le sol.
je vous en demande bien pardon, mes petits
sasser et ruminer [...] | Toutes les fièvres et amis », leur dit-il en riant (Sand) ; b) un
ameulonner [amølne] v. tr. (de à et de
toutes les amertumes du jour, | Et si c’est ton condescendant ou hautain : Mon petit
meulon ; 1339, Delboulle). Ameulonner du
que vous voulez remâcher la nuit tous vos ami, vous êtes trop curieux. « C’est bon,
foin, de la paille, les mettre en meules.
aigres péchés du jour (Péguy). dit Mucius [le propriétaire de la crèche, à
ameutement [amøtm] n. m. (de ameu-
améthyste [ametist] n. f. (lat. amethys- Bethléem, s’adressant à Joseph] ; mais vous
ter ; 1636, Monet). 1. Action de réunir les deviez du moins demander la permission.
tus, du gr. amethustos, de a priv., et
chiens en meute. 2. Fig. Action d’ameuter
methuein, s’enivrer, parce que cette pierre — Hélas ! comment aurais-je fait ? — Cela,
des personnes.
passait pour préserver de l’ivresse ; 1080, mon ami, c’était votre affaire » (Lemaitre).
Chanson de Roland, écrit ametiste ; aux ameuter [amøte] v. tr. (de meute ; v. 1375, 8. Fam. Avec la valeur d’une interjection,
XVIe et XVIIe s., amat[h]iste, d’après l’ital. Modus). 1. Assembler des chiens courants exprime la protestation : Hé ! l’ami, ne vous
ou l’esp. amatista). 1. Pierre précieuse pour la chasse. Réunir les jeunes chiens gênez pas ! ; ou sert à souligner l’impor-
de couleur violette : Elle portait au cou, avec les vieux, pour les dresser. 2. Fig. tance de ce qu’on dit : Ah ! mes amis, quel
dans l’échancrure de son corsage clair, Faire sortir des personnes de chez elles, spectacle !
une ancienne petite croix d’améthyste que les attrouper par du bruit, du scandale : • SYN.: 3 camarade, compagnon, compagne,
je lui avais donnée en souvenir de ma mère Ne criez pas ainsi ; vous allez ameuter tout copain (fam.), copine (fam.) ; 4 allié, parti-
(Gide). Les évêques portent un anneau orné le quartier ! 3. Attrouper des personnes san. — CONTR. : 4 adversaire, antagoniste,
d’une améthyste. 2. Fig. et littér. Couleur avec une intention séditieuse, par hosti- ennemi, rival.
violette : Tes beaux yeux de sombre amé- lité contre quelqu’un ou contre quelque • REM. M’amie (comme ma mie) est une
thyste (Leconte de Lisle). Flots teintés chose : Contre un succès qui nous gêne, forme archaïque pour mon amie : Eh
d’améthyste (Richepin). on ameute la foule (Hugo). Cette aimable bien, m’amie, ma payse [...], que Notre-

147
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Dame de la Montagne vous soit en aide ! amibien, enne [amibj, -n] adj. (de amidonner [amidne] v. tr. (de amidon ;
(Mérimée). amibe ; milieu du XIXe s.). Qui a rapport fin du XVIe s.). Imprégner le linge avec de
adj. 1. Lié d’amitié avec : Pour voyager aux amibes : Dysenterie amibienne. l’amidon délayé dans l’eau, en vue de l’em-
avec quelque sûreté, il fallait être ami des peser : Un col amidonné.
amiboïde [amibid] adj. (de amibe et du
brigands (Stendhal). 2. Qui marque de gr. eidos, forme ; fin du XIXe s.). Qui rap-
• SYN.: empeser.
l’affection pour quelqu’un ou de l’inté- pelle les amibes ou leur comportement : amidonnerie [amidnri] n. f. (de ami-
rêt pour quelque chose : Il y feuilletait Mouvements amiboïdes. don ; 1789, Parmentier). Usine où l’on
d’une main amie les ouvrages anciens
fabrique l’amidon.
(France). 3. Qui est animé de bons sen- amical, e, aux [amikal, -o] adj. (bas
timents pour quelqu’un : Des panthères lat. amicalis ; XIIe s., écrit amial ; 1735, amidonneux, euse [amidnø, -øz] adj.
qui devinent l’homme ami de la fourrure Marivaux). 1. Se dit de ce qui est inspiré (de amidon ; début du XXe s.). Qui rappelle
vivante et donnent leur flanc et leur mufle par l’amitié, qui marque de l’amitié : Il la l’amidon : D’une blancheur laiteuse, ou
à vos mains et à vos lèvres (Giraudoux). salua d’un ton amical comme s’il la connais- amidonneuse (Romains).
4. Se dit de lieux accueillants, de choses sait de longtemps (Maupassant). 2. Se dit
amidonnier, ère [amidnje, -r] adj. (de
avenantes : Le crépuscule ami s’endort dans d’une personne qui a une attitude inspi-
amidon ; 1680, Richelet). Qui a rapport à
la vallée, | Sur l’herbe d’émeraude (Vigny). rée par l’amitié : Il essayait parfois de lui
l’amidon : Le commerce amidonnier.
5. Être ami de, porter de l’intérêt à telle prendre une main, qu’elle lui abandonnait
sans y songer, amicale et le sang calme n. Personne qui vend de l’amidon ;
catégorie de personnes, avoir du goût pour
(Maupassant). 3. Se dit des choses qui ouvrier qui travaille à la fabrication de
tel genre de choses : Je suis très ami des
évoquent l’amitié : Les cloches [...]. Voici l’amidon.
poètes et de la poésie.
l’aube ! Elles se répondent, dolentes, un peu amidonnier n. m. Espèce de blé cultivée
• SYN.: 2 affectueux, amical, bienveillant ; 3
tristes, amicales, tranquilles [...]. Des siècles dans les régions montagneuses de l’Europe
favorable. — CONTR.: 2 hostile, malveillant ;
de souvenirs vibrent dans cette musique : centrale.
3 hostile.
tant de deuils, tant de fêtes ! (Rolland). amignonner [amine] v. tr. (de mignon ;
amiable [amjabl] adj. (bas lat. amicabilis, • SYN.: 1 et 2 ami, cordial. — CONTR. : 1 et Oudin, 1640, sous la forme s’amignoner).)
de amicus ; 1190, saint Bernard ; au sens 2 hostile, inamical, malveillant. Dialect. Caresser, flatter : Ces républicains
de « aimable » jusqu’au XVIe s., très rare-
amicale [amikal] n. f. (ellipse de associa- qui l’amignonnaient depuis qu’il n’était pas
ment après ; sens jurid., XVe s.). 1. Class. ou
tion amicale ; 1906, Larousse). Association fou de messe (Pérochon).
poét. Aimable, plein d’amitié : Il n’est guère
qui a pour but de maintenir des relations • REM. On trouve aussi les formes ami-
amiable. Paroles amiables (Acad., 1694). Le
d’amitié entre des personnes en dehors gnoter ou amignotter (de l’anc. franç.
diable | Se glissa sans rien dire et d’un air
des raisons qui les ont initialement réu- mignot, mignon ; v. 1220, G. de Coincy)
amiable | Derrière le bon Dieu (Hugo). Et
nies (profession, sport, armée, école, etc.) : et amignarder (de mignard ; av. 1550, Le
l’homme [Adam au Paradis] | Respecté de
L’Amicale des anciens du régiment. Maçon).
la bête [...] | Ainsi qu’un amiable et naturel
berger (Péguy). 2. Qui agit par la voie amicalement [amikalm] adv. (de ami- amincir [amsir] v. tr. (de mince ; XIIIe s.,
de la conciliation : Médiateur amiable. cal ; 1735, Marivaux). D’une manière ami- rare jusqu’au XVIIIe s.). 1. Diminuer l’épais-
3. Qui résulte de la conciliation : Un cale : Il offrit un cigare à M. Panneton, puis seur de : La machine saisit le morceau de
arrangement amiable. Quant à ces deux il lui demanda amicalement s’il ne venait fer ardent, le tire [...], le rejette, le reprend,
aventuriers [...], ils ne se sont couchés ici pas de Paris (France). l’amincit (Maupassant). Il marchait d’un
que pour procéder demain à un partage pas allongé, grelottant sous le coton aminci
amict [ami] n. m. (lat. ecclés. amictus, de sa veste et de son pantalon de velours
amiable, parce qu’ils [...] se sont estimés
signif. « manteau », « voile » en lat. class. ; (Zola). 2. Faire paraître plus mince : Sa
d’égale force (Nodier).
XIIe s., G. de Saint-Pair, écrit emit). Linge robe noire [...] l’amincissait, la rendait plus
A l’amiable loc. adv. En se mettant
blanc qui couvre les épaules du prêtre grande (Flaubert). De beaux visages, mais
d’accord de gré à gré, sans intervention
catholique, sous l’aube, quand il célèbre amincis du dedans par la beauté spirituelle
de la justice : J’ai tout tenté pour en sortir
la messe. (Romains).
à l’amiable.
amide [amid] n. m., ancienn. f. (du radi- • SYN. : 1 allégir, amenuiser, rapetisser ;
amiablement [amjablm] adv. (de
cal de ammoniac ; milieu du XIXe s.). Nom 2 amenuiser. — CONTR. : 1 et 2 épaissir,
amiable ; XIIe s.). De façon amiable, par grossir.
d’une classe de composés organiques
voie de conciliation : Cette affaire a été
obtenus par déshydratation des sels s’amincir v. pr. Devenir plus mince : Une
réglée amiablement.
ammoniacaux. tige qui s’amincit à son extrémité.
amiante [amjt] n. m. (du gr. amiantos
amidon [amid] n. m. (lat. médiév. amincissement [amsism] n. m. (de
[lithos], [pierre] incorruptible, du v. miai-
amidum, altér. du lat. class. amylum, gr. amincir ; XVIIIe s., Buffon). Action d’amin-
nein, corrompre ; XVIe s.). Matière minérale
amulon, qui n’est pas moulu, de mulê, cir ; résultat de cette action : M. Maio a eu
filamenteuse, qui résiste à l’action du feu :
meule ; 1302, Richard, Comtesse Mahaut).) l’idée de regarder à la loupe des parchemins
Un pare-étincelles en amiante. Substance organique de réserve, qui s’ac- que les moines du Moyen Âge avaient grat-
amibe [amib] n. f. (gr. amoibê, permu- cumule dans certaines parties des végé- tés [...]. Quelquefois, à l’aide de l’amincisse-
tation ; milieu du XIXe s.). Animal unicel- taux (tige, racine, graine) : Le grain de blé ment du parchemin, on peut lire le passage
lulaire qu’on trouve dans les eaux et les contient de l’amidon. Empois d’amidon, (Stendhal).
endroits humides, et qui se déplace par le ou amidon, solution colloïdale d’amidon • SYN. : amenuisement, minceur, ténuité.
moyen de pseudopodes : Certaines espèces dans l’eau, utilisée pour l’empesage du — CONTR.: élargissement, épaississement,
d’amibes vivent en parasites de l’homme. linge. grossissement.

amibiase [amibjaz] n. f. (de amibe ; 1922, amidonnage [amidna] n. m. (de ami- amine [amin] n. f. (du radical de ammo-
Larousse). Affection causée par la présence donner ; 1877, Littré). Action d’amidonner : niac ; 1877, Littré). Composé obtenu par
d’amibes dans l’organisme, et caractérisée L’amidonnage d’un plastron de chemise. substitution d’un ou de plusieurs radicaux
surtout par de la dysenterie. • SYN.: empesage. alcooliques à l’hydrogène de l’ammoniac.

148
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

aminé, e [amine] adj. (de amine ; XXe s.). d’un compagnon que les épreuves vécues bonté, sympathie. — CONTR.: 1, 3 et 4 ani-
Acide aminé, substance organique ayant ensemble ont lié à nous pour toujours mosité, antipathie, haine, hostilité, inimitié.
une fonction acide et une fonction amine : (Saint-Exupéry). Nouer, rompre une ami- amitiés n. f. pl. 1. Témoignages d’affec-
Les acides aminés sont les constituants fon- tié. Se prendre d’amitié pour quelqu’un, tion ; paroles affectueuses ou simplement
damentaux des protéines. commencer à éprouver de la sympathie, obligeantes : Il m’a comblé d’amitiés. Dire
de l’affection pour lui : Ils s’étaient pris mille amitiés à quelqu’un. Transmettre ses
1. amiral [amiral] n. m. (de l’ar. amr,
d’amitié l’un pour l’autre (Maupassant). amitiés à quelqu’un. Offrez mes tendres
chef, avec un suff. obscur ; 1080, Chanson
2. Amitié particulière, liaison de carac- amitiés à mon frère (Chateaubriand).
de Roland, écrit amiralt, au sens de « émir,
chef des Sarrasins » ; a pris le sens de « chef tère passionnel entre deux élèves d’un 2. Affinités qui lient un groupement
d’une flotte » av. 1212, Villehardouin ; la même établissement, et du même sexe. d’amis, et, par extens., le groupement
forme admiral est attestée en 1306, dans 3. Relations amicales entre personnes d’amis lui-même : Il y a longtemps, long-
un texte franç. d’Angleterre). 1. Dignité ou entre nations : Vivre en amitié. Conclure temps que les amitiés du « Désert » [groupe
équivalente à celle de maréchal de France. un traité d’amitié. 4. Affection d’un être d’intellectuels vivant en communauté] se
(On disait, dans ce sens, amiral de France.) pour un autre sans qu’il y ait nécessaire- sont dénouées dans l’amertume (Duhamel).
2. Officier général de la marine militaire. ment réciprocité : J’étais traité par lui avec
une amitié si paternelle (Vigny). Il avait une amitose [amitoz] n. f. (de a priv., et du
Contre-amiral, vice-amiral, vice-amiral
grande amitié pour les bêtes (Aymé). Bien, gr. mitos, filament ; fin du XIXe s.). Division
d’escadre, amiral, en France, échelons suc-
mal placer son amitié. Prendre quelqu’un directe des cellules par scissiparité, par
cessifs du grade d’amiral. L’amiral de la
en amitié, et, class., prendre amitié pour étranglement ou par bourgeonnement,
flotte, le commandant en chef de toutes
quelqu’un, éprouver une sympathie nais- sans qu’il apparaisse de structure fila-
les forces navales. 3. Le quatrième des
sante pour un inférieur : Tous ces messieurs menteuse (terme de biologie).
grands dignitaires de l’ordre de Malte.
les savants sont très gentils avec moi : celui amman [am] n. m. (allem. Amtmann,
2. amiral, e, aux [amiral, -o] adj. (de
des appareils m’a pris en amitié (Pagnol). bailli, fonctionnaire, de Amt, fonction, et
amiral, n. m. ; XVIIe s.). Se dit de tout
Le capitaine de ce vaisseau, touché de ma Mann, homme ; XVe s., écrit amant ; aman,
bâtiment qui porte l’amiral : Le vaisseau
fortune, prit amitié pour moi (Molière). 1576, J. Bodin). Chef de village, dans cer-
amiral. L’incendie, attaquant la frégate
5. Bienveillance : La mère Maurice, se taines parties de la Suisse et dans les pays
amirale, | Déroule autour des mâts son
trouvant seule dans le verger avec Germain, flamands de Belgique.
ardente spirale (Hugo). De loin en loin sur-
lui dit d’un air d’amitié : « Mon pauvre
nage un chapelet de meules [...], | Comme ammi [ami] n. m. (mot gr. ; 1545,
gendre » (Sand). Recevoir quelqu’un avec
un rang de châteaux sur la barque amirale Guéroult). Ombellifère assez commune
amitié. 6. Se dit de l’affection de certains
(Péguy). Ellipt. L’amiral, n. m., le vaisseau dans le midi et l’ouest de la France, qui
animaux pour l’homme : Gaspard, un petit
qui porte l’amiral. croît dans les endroits sablonneux et dans
chien courtaud [...] qui était tout en deux
amiralat [amirala] n. m. (de amiral ; 1845, les cultures de trèfle et de luzerne.
grands yeux pleins de vie et de bonne amitié
Bescherelle). Dignité d’amiral. (Loti). 7. Class. Affection pour une per- ammoniac, aque [amnjak] adj. (lat.
amirale [amiral] n. f. (de amiral, n. m. ; sonne à qui on est lié par les liens du sang : ammoniacum, du gr. ammôniakon, de
XVIe s.). 1. La galère portant l’amiral. Mais, charmante Marianne, commençons ammôn, désignant un sel ou une gomme
2. Femme d’un amiral. par gagner votre mère : [...] servez-vous recueillis près du temple de Jupiter Ammon,
de tout le pouvoir que vous donne sur elle en Libye ; 1575, Thevet, écrit ammoniacque ;
amirauté [amirote] n. f. (de amiraut, cette amitié qu’elle a pour vous (Molière). Je armoniac, du XIVe au XVIe s.). Gaz ammo-
forme anc. de amiral ; XIVe s.). 1. Vx. voue à votre fils une amitié de père (Racine). niac, v. AMMONIAC n. m. Gomme ammo-
Office d’amiral : A ce gouvernement 8. Class. Amour témoigné à quelqu’un, niaque, gomme-résine produite par une
l’amirauté de la province était unie (Saint- attachement tendre (peut s’employer par plante d’Afrique.
Simon). 2. Ancien tribunal maritime.
retenue, par réserve) : C’est une obligation ammoniac n. m. (1782, Guyton de
3. Administration supérieure de la
de la nature que les hommes fassent les Morveau). Gaz à odeur très piquante,
marine de guerre : L’Amirauté britan-
avances pour gagner l’amitié des dames
nique. 4. Locaux occupés par cette formé d’azote et d’hydrogène combi-
(Pascal). [Rodrigue à Chimène :] Au nom
administration. nés : L’ammoniac est utilisé comme agent
d’un père mort ou de notre amitié, | Punis-
réfrigérant.
amissibilité [amisibilite] n. f. (de amis- moi par vengeance ou du moins par pitié
ammoniaque n. f. (milieu du XIXe s.).
sible ; XVIIe s., Bossuet). En droit, qualité (Corneille). [Andromaque à Pyrrhus :] Vos
1. Solution d’ammoniac dans l’eau.
de ce qui est amissible : L’amissibilité d’un serments m’ont tantôt juré tant d’amitié
2. S’emploie parfois pour gaz ammo-
privilège. (Racine). 9. Class. Inclination, goût pour
niac, ou ammoniac n. m. : L’odeur des
une chose : Cette pièce est une de celles
amissible [amisibl] adj. (de amission ; écuries : sueur de chevaux [...], fumiers
pour qui j’ai le plus d’amitié (Corneille).
1704, Trévoux). En théologie et en droit, recuits, rafales de l’ammoniaque exaltée
10. Class. La chose elle-même pour
se dit de ce qui peut être perdu : La grâce par les grands envols de mouches bleues
laquelle on éprouve cette inclination ;
divine est amissible. (Duhamel).
objet de prédilection : La musique est son
amission [amisj] n. f. (lat. amissio, de amitié (Acad., 1694). Être l’amitié et pour
• SYN.: 1 alcali volatil.
amittere, perdre ; XIIIe s.). En théologie et ainsi dire l’idole de tout le monde (Fléchier). ammoniacal, e, aux [amnjakal, -o]
en droit, perte : L’amission d’un titre. 11. Class. Don par lequel on exprime son adj. (de ammoniac ; 1748, d’Hérouville).
amitié [amitje] n. f. (du lat. pop. amici- affection : La vieille Juisy [...] fit une amitié 1. Qui a rapport à l’ammoniac : Odeur
tatem, accus. de amicitas, qui a remplacé de 40 000 livres au cardinal d’Estrées (Saint- ammoniacale. 2. Qui contient de l’am-
le lat. class. amicitia ; 1080, Chanson de Simon). 12. Faire à quelqu’un l’amitié de moniac : Sels ammoniacaux.
Roland, écrit amistié).) 1. Affection réci- (dire, faire, etc.), dire, faire quelque chose
pour lui être agréable : Vous nous ferez bien ammoniacé, e [amnjase] adj. (de
proque de deux êtres, étrangère aux liens
ammoniac ; 1863, Littré). Qui contient de
du sang et à l’attrait sexuel : L’amitié est l’amitié de venir dîner ?
l’ammoniaque.
ingénieuse et se rit des obstacles (France). • SYN.: 1 camaraderie, familiarité, intimité ;
On n’achète pas l’amitié d’un Mermoz, 4 attachement, sentiment, tendresse ; 5 ammoniaque n. f. V. AMMONIAC.

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

ammonite [amnit] n. f. (dér. savant amnistia tous les condamnés pour cause (fam.), refaire (fam.), remettre, rétablir,
du lat. Ammon, gr. Ammôn, à cause de la politique. Amnistier les faits de collabo- revigorer ; 3 agrandir, grossir.
ressemblance de la volute de l’ammonite ration avec l’ennemi. 2. Fig. et littér. s’amoindrir v. pr. Devenir moindre,
avec les cornes de bélier de Jupiter Ammon ; Accorder un pardon total à : Est-ce qu’on perdre de son importance : Au milieu de
1752, Trévoux). Coquille fossile de forme ne s’amnistie pas des fautes qu’on a faites ? cela, remarquez une contradiction phéno-
enroulée, caractéristique de l’ère secon- (Barbey d’Aurevilly). ménale : l’état matériel s’améliore, le pro-
daire : Des cailloux empreints d’ammonites grès intellectuel s’accroît, et les nations, au
amochage [ama] n. m. (de amocher ;
fossiles (Colette). lieu de profiter, s’amoindrissent : d’où vient
fin du XIXe s.). Pop. Action d’amocher ;
ammonium [amnjm] n. m. (du radical résultat de cette action : Ma voiture a subi cette contradiction ? (Chateaubriand). La
de ammoniac ; milieu du XIXe s.). Radical un sérieux amochage. religion et la justice se sont amoindries au
qui entre dans la composition des sels dix-neuvième siècle (Balzac).
amocher [ame] v. tr. (de moche,
ammoniacaux. amoindrissement [amwdrism] n. m.
écheveau de fil vendu en gros paquets,
ammoniurie [amnjyri] n. f. (de avec le sens intermédiaire de « arran- (de amoindrir ; XIIe s., sous la forme aman-
ammoni[aque] et du gr. ouron, urine ; 1888, ger grossièrement » ; 1867, Delvau). Pop. rissement, Godefroy ; XIVe s.). 1. Action
Larousse). Élimination d’ammoniaque par Détériorer quelque chose ; blesser, défigu- d’amoindrir (peu usité) : Travailler à
les urines. rer quelqu’un : L’émail de la baignoire est l’amoindrissement de la misère. 2. État
amoché par endroits (Romains). Ça semble de ce qui est amoindri : L’amoindrissement
ammophile [amfil] adj. (du gr. ammos,
dur de revenir au rif [au feu] quand on s’est de ses ressources l’oblige à travailler de nou-
sable, et philos, ami ; 1834, Landais). Qui vit
déjà fait amocher une fois (Dorgelès). veau. 3. Absol. Diminution des forces
dans le sable : Plante ammophile.
physiques, morales, intellectuelles d’une
n. f. Sorte de guêpe à abdomen noir et
• SYN.: abîmer (fam.), endommager, esquin-
personne : Cette espèce d’amoindrissement
rouge, creusant des terriers dans les talus ter (pop.).
dans lequel nous plonge la vieillesse.
sablonneux. amodiataire [amdjatr] n. (de amo- • SYN. : 1 et 2 abaissement, diminution,
amnésie [amnezi] n. f. (gr. amnêsia, oubli, dier ; 1866, Larousse). Personne qui prend réduction, restriction ; 3 affaiblissement,
de a priv. et d’un élément se rattachant au à ferme un domaine, une exploitation diminution. — CONTR. : 1 et 2 accroisse-
v. memnêsthai, se souvenir ; 1803, Boiste). quelconque. ment, amplification, augmentation, exten-
Diminution ou perte totale de la mémoire, amodiateur, trice [amdjatoer, -tris] sion ; 3 rétablissement.
due à des causes pathologiques. n. (de amodier ; 1381, Godefroy). Bailleur amok [amk] n. m. (mot malais ; 1832,
amnésique [amnezik] adj. et n. (de de terres cultivables. Balzac, écrit amoc).) 1. Folie meurtrière,
amnésie ; 1898, Larousse). Qui est atteint amodiation [amdjasj] n. f. (de amo- chez les Malais : Des Malgaches, des
d’amnésie. dier ; 1419, Godefroy). Action d’amodier : Fuégiens célèbrent les solennités les plus
Des conditions d’amodiation avantageuses. étranges [...], tournent sur eux-mêmes au
amnios [amnjs] n. m. (du gr. amnion ;
1541, Loys Vassée). Membrane qui enve- son du tam-tam jusqu’à l’évanouissement,
amodier [amdje] v. tr. (lat. médiév.
se livrent à la frénésie de l’amok, brûlent
loppe le foetus. admodiare, de modius, boisseau ; 1283,
leurs morts (Sartre). 2. Individu qui est
amniotique [amnjtik] adj. (de amnios ; Beaumanoir). Donner à ferme un domaine,
atteint de cette folie.
milieu du XIXe s.). Qui appartient à l’am- une exploitation, moyennant une rede-
nios : Liquide amniotique. vance périodique en argent ou en nature : amollir [amlir] v. tr. (de mol, anc. forme
Ne vaudrait-il pas mieux amodier la ferme ? de mou ; XIIe s.). 1. Rendre mou ou moins
amnistiable [amnistjabl] adj. (de dur : Sur les chemins amollis roulaient
(Theuriet). Amodier une mine d’argent à
amnistier ; 1866, Larousse). Qui peut être sans bruit les voitures (Maupassant). Ses
une société.
amnistié. joues, comme amollies de larmes (Daudet).
• SYN.: affermer, louer.
amnistiant, e [amnistj, -t] adj. (part. 2. Fig. Rendre plus doux, plus sensible,
amoindri, e [amwdri] adj. (part. passé plus humain (vieilli) : Les chansonniers
prés. de amnistier ; 1866, Larousse). Qui a
de amoindrir).) Qui a perdu une partie de disent que le plaisir rend l’âme bonne et
l’effet de l’amnistie : Grâce amnistiante.
ses forces physiques, morales, intellec-
amollit le coeur (Baudelaire). Spécialem.
amnistie [amnisti] n. f. (gr. amnêstia, tuelles : Un rejeton de cette race amoindrie
et class. Apprivoiser : Les tigres amol-
pardon, de a priv. et du v. memnêsthai, (Gautier). C’était le baron, mais amoindri, lis dépouillaient leur audace (Boileau).
se souvenir, avec i dû à la prononciation diminué, affadi, le sanglier devenu petit,
3. Fig. Rendre moins ferme, moins éner-
du gr. byzantin et médiév. ; 1546, Du Fail, pâle et mou (France).
gique : Les plaisirs amollissent la volonté.
écrit amnestie ; amnistie, 1584, Benedicti). • SYN. : affaibli, diminué, usé. — CONTR. :
1. Vx. Pardon général. 2. Acte du pou-
• SYN.: 1 attendrir, ramollir ; 2 adoucir, api-
ragaillardi (fam.), revigoré.
toyer, attendrir ; 3 affaiblir, avachir (fam.),
voir législatif qui efface un fait punissable,
amoindrir [amwdrir] v. tr. (de moindre ; efféminer, émousser, ramollir. — CONTR.: 1
souvent collectif, et, en conséquence, arrête
les poursuites ou supprime les condamna- XIIe s., sous la forme amanrir, Godefroy ; durcir, raffermir ; 2 cuirasser, durcir, endur-
XIVe s.). 1. Rendre moindre, diminuer cir ; 3 affermir, aiguiser, fortifier, renforcer,
tions : Rien ne m’empêchera de penser que
l’amnistie est l’expédient des gouvernements l’importance de (au pr. et au fig.) : Ces tremper.
faibles (H. Bazin). quelques défauts n’amoindrissent pas s’amollir v. pr. 1. Devenir mou : Si je
l’intérêt de l’ouvrage. 2. Fig. Enlever à la questionne, elle me répond que ses os
amnistié, e [amnistje] adj. et n. (part. une personne une partie de ses forces phy- s’amollissent, que sa chair se fond en eau
passé de amnistier).) Qui a fait l’objet d’une siques ou morales : Sa maladie l’a beaucoup (Balzac). Une cuillerée de thé où j’avais
amnistie : Les amnistiés purent rentrer dans amoindri. 3. Faire paraître plus petit : La laissé s’amollir un morceau de madeleine
leur patrie.
distance amoindrit les objets. (Proust). 2. Devenir plus doux, moins
amnistier [amnistje] v. tr. (de amnistie ; • SYN. : 1 atténuer, entamer, réduire, res- rude : En le regardant, son coeur s’amollit
1795, Messager du soir).) 1. Amnistier une treindre ; 2 affaiblir, diminuer ; 3 rapetisser. (Flaubert). 3. Devenir plus faible, perdre
personne, une faute, les faire bénéficier — CONTR. : 1 accroître, amplifier, augmen- de sa vigueur : S’amollir dans les plaisirs
d’une amnistie : En 1859, Napoléon III ter, intensifier ; 2 fortifier, ragaillardir et l’oisiveté.

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN. : 2 s’adoucir, s’attendrir, fondre ; 3 un chevalet déjà à moitié enseveli sous amorce [amrs] n. f. (fém. substantivé
chanceler, faiblir, fléchir, mollir. — CONTR.: un amoncellement de livres (France). Un du part. passé de l’anc. franç. amordre,
1 durcir ; 2 se cuirasser, s’endurcir ; 3 se amoncellement de preuves. mordre, faire mordre, amorcer, lat. pop.
raffermir, se tremper. • SYN. : 1 accumulation, entassement ; *admordre ; XIIIe s., B. de Condé, écrit
2 masse, monceau, montagne, pile, tas. amorse, au sens I, 1 ; au sens de « amorce
amollissant, e [amlis, -t] adj. (part.
— CONTR. : 1 dispersion, dissémination, d’arme à feu », XVIe s.).
prés. de amollir ; 1425, O. de La Haye).
1. Qui amollit matériellement : L’effet amol- éparpillement. I.1.Appât pour attirer le poisson : La
lissant de la chaleur. 2. Fig. Qui diminue amont [am] n. m. (de mont ; 1080, forêt maternelle est tout son horizon | Car
la force physique : Cette terre amollissante Chanson de Roland). 1. Par rapport à un l’homme libre y trouve au gré de la saison
et tiède (Maupassant). La température était point considéré d’un cours d’eau, partie | Les faines, le bois, l’ombre et les bêtes
douce, amollissante (Béraud). 3. Fig. Qui de ce cours d’eau qui est du côté de la qu’il force | Avec l’arc ou l’épieu, le filet
diminue l’énergie, la fermeté : Le luxe est source : Aux plus lointaines berges | Du ou l’amorce (Heredia). 2. Class. et littér.
amollissant. fleuve, ensanglanté d’amont jusqu’en aval Attrait, séduction : Craignez d’un vain
• SYN. : 2 affaiblissant, débilitant. — (Heredia). Dans le courant léger qui frise plaisir les trompeuses amorces (Boileau).
CONTR.: 1 durcissant ; 2 excitant, stimulant, vers l’amont, de petits chevesnes frétillent Il est sans force contre les amorces de la
tonique, vivifiant. (Genevoix). 2. Vent d’amont, sur cer- volupté (Balzac).
taines côtes, vent qui vient de la terre. II. 1. Premier élément d’une oeuvre, dé-
amollissement [amlism] n. m. (de
amollir ; 1539, R. Estienne). 1. Action
• CONTR. : 1 aval. but de sa réalisation : Cette tranchée est
d’amollir, de s’amollir. 2. État de ce En amont de loc. prép. Plus près de l’amorce d’une nouvelle route. L’amorce
qui est amolli (au pr. et au fig.) : Éviter la la source par rapport à : Sur la Seine, d’une oeuvre artistique ou littéraire.
dépression ou l’amollissement des hommes Montereau est en amont de Paris. 2. Tronçon, segment visible d’un tout
(Romains). qui n’apparaît pas : Prenez ce sentier
amontillado [amntijado] n. m. (mot
dont vous voyez l’amorce au coin du bois.
• SYN. : 2 affaiblissement, avilissement, esp. ; XIXe s.). Cru de la région de Xérès,
relâchement. — CONTR. : 1 durcissement, Amorce d’une bande magnétique, par-
en Espagne : Sur le guéridon, couvert d’un
raffermissement ; 2 affermissement, endur- tie initiale dépourvue de couche magné-
napperon à broderies, attendait un petit
cissement, raidissement, renforcement. tique. 3. Fig. Ce qui constitue le point
goûter de sandwiches et d’amontillado
de départ d’un développement : Il faut
amome [amm] n. m. (lat. amomum, (Daudet).
choisir un point qui serve d’amorce à la
du gr. amômon, n. d’une plante de l’Inde ; amoral, e, aux [amral, -o] adj. (de a discussion.
XIIIe s.). 1. Genre de plantes odoriférantes, priv. et de moral ; 1885, Guyau). 1. Se dit
dont les principales espèces sont la carda- III. Petite masse d’explosif dont la déto-
de ce qui se situe hors du domaine de
mome, le gingembre, la maniguette, etc. (V. nation enflamme la charge d’une car-
la morale : Les sciences physiques sont
ces mots.) 2. Parfum extrait de la plante touche ou d’une mine : José se coucha
amorales. Certaines habitudes amorales
de ce nom, très employé dans l’Antiquité. devant la porte, non sans avoir renouvelé
de l’histoire (Maeterlinck). 2. Se dit de
l’amorce de son espingole (Mérimée).
amonceler [amsle] v. tr. (de mon- quelqu’un qui n’a aucune notion de la
• SYN.: II, 1 embryon, esquisse, origine, pré-
ceau ; XIIe s.). [Conj. 3 a.] 1. Mettre en morale, ou qui en ignore les principes ou
mices ; 3 attaque, départ, préliminaires.
tas : Mendiburu avait amoncelé ses boîtes les traite par l’indifférence : Elle aurait pu,
— CONTR. : II, 1 achèvement, conclusion,
à l’entrée du chemin creux (Duhamel). mieux dirigée par une mère moins sotte et
couronnement, fin, réalisation.
2. Réunir en grand nombre, assembler moins amorale, donner le bonheur à un
sans ordre : Amonceler des documents. Le brave homme (L. Daudet). amorcer [amrse] v. tr. (de amorce ;
souvenir [...] amoncela sur son coeur mille XIVe s., Watriquet de Couvin). [Conj. 1.]
amoralisme [amralism] n. m. (de
et mille regrets (Restif de La Bretonne). 1. Garnir d’une amorce, d’un appât :
amoral ; 1907, Larousse). 1. Doctrine phi-
Toutes ces constructions de boue, amonce- Mes matelots travaillaient à amorcer les
losophique selon laquelle il n’existe pas de
lées plutôt que bâties sur leurs trois collines innombrables hameçons (Maupassant).
morale, sinon à titre de croyance, sans fon-
(Fromentin). 2. Attirer par un appât : Amorcer les
dement objectif et universel. 2. Attitude
• SYN.: 1 et 2 accumuler, amasser, empiler, poissons ; et absol. : Un pêcheur qui amorce
d’une personne amorale.
entasser. — CONTR. : 1 et 2 disperser, dissé- au pain de chènevis. 3. Fig. Attirer en sus-
miner, éparpiller. amoraliste [amralist] n. (de amora- citant l’intérêt, en séduisant : Une nouvelle
lisme ; début du XXe s.). Personne qui ne sentimentale, destinée à amorcer l’abonné
s’amonceler v. pr. 1. Former un ou
soumet ses actes à aucune appréciation à l’époque du renouvellement (Daudet).
plusieurs amas : Sur le sable mouvant qui
morale : Les dilettantes dépravés, les fétides 4. Accomplir un premier travail qui est
s’amoncelle en dune (Leconte de Lisle).
amoralistes ont accompli leur tâche de ter- le début, la préparation d’une opération,
2. Se réunir en grand nombre : Cette
mites (Rolland). d’un ouvrage plus importants : Amorcer
petite foule qui s’amoncelait, bruyante
un trou. Amorcer une pompe, commen-
et inerte, autour de l’incendie (Sand). amoralité [amralite] n. f. (de amoral ;
cer à pomper pour créer une dépression et
La frayeur, la haine, la rancune, tout 1885, Guyau). 1. Caractère de ce qui ignore
faire monter la première eau. Amorcer
cela s’amoncelait dans le coeur du pays tout point de vue moral : L’amoralité de la
une route, en construire le premier tron-
(Duhamel). science. 2. Absence de moralité : Il était
çon, qu’on n’aura plus qu’à continuer.
d’une largeur de vues quant à l’amour ou
amoncellement [amslm] n. m. (de 5. Commencer à exécuter : Un coureur
plutôt d’une amoralité qui ne choquait pas
amonceler ; XIIe s.). 1. Action d’amonceler, qui amorce un virage. Si j’amorce une vrille,
moins le jeune Français (Hermant).
le fait de s’amonceler : Il a consacré des ils le verront bien (Saint-Exupéry). 6. Fig.
années à cet amoncellement de matériaux. amorçage [amrsa] n. m. (de amor- Donner le départ, donner naissance à :
2. Ensemble de ce qui s’amoncelle ou de cer ; 1838, Boiste). 1. Action d’amor- Devant le mutisme de Jacques, Antoine se
ce qui est amoncelé (au pr. et au fig.) : La cer (au pr. et au fig.) : L’amorçage d’une découragea : impossible d’amorcer aucune
diligence de Bezons fut emportée d’assaut. pompe. L’amorçage des négociations. conversation (Martin du Gard). Même cet
Un amoncellement de pêcheurs se tassa 2. Spécialem. Dispositif qui provoque amour pour une phrase musicale semble
sur le toit (Maupassant). Il montra [...] l’éclatement d’un obus. un instant devoir amorcer chez Swann la

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

possibilité d’une sorte de rajeunissement I.1.Diminuer la violence de : Amortir II.1.Remboursement progressif d’une
(Proust). 7. Amorcer une mine, y placer un choc, un coup, un bruit. Il ne pouvait dette : Le Crédit viticole [...] garantissait
l’amorce qui servira à enflammer la car- se faire grand mal : un tapis d’aiguilles le prêt par une hypothèque, et touchait
touche d’explosif. de pin amortissait les chutes (Martin du des emprunteurs les intérêts augmentés
• SYN. : 2 appâter ; 3 aguicher, allécher, Gard). Spécialem. Dans certains sports d’un acompte d’amortissement (Zola).
appâter, gagner, séduire, tenter ; 4 ébaucher, (tennis, football), diminuer ou même Caisse d’amortissement, caisse dont
esquisser ; 6 attaquer, déclencher, entamer, supprimer le rebond d’une balle, d’un les fonds sont destinés à l’extinction gra-
mettre en train. — CONTR.: 3 dégoûter, écar- ballon. Diminuer l’amplitude d’un duelle de la dette publique. 2. Action
ter, écoeurer, éloigner, rebuter, repousser ; mouvement périodique : Ondes amorties. de reconstituer le capital dépensé pour
4 achever, finir, poursuivre, terminer ; 6 Amortir un navire, diminuer sa vitesse. l’acquisition d’un bien, par des prélève-
cesser, clore, conclure, couronner, parache- 2. Fig. Diminuer la vivacité, l’éclat ments sur les bénéfices tirés de ces biens
ver, poursuivre. de : La douceur des teintes amorties (H. acquis. Par extens. Les prélèvements
s’amorcer v. pr. Commencer à se mani- de Régnier). 3. Fig. et vx. Supprimer ainsi faits.
fester : La décrue du fleuve s’amorce enfin. graduellement l’ardeur, la violence de : • SYN.: I, 1 adoucissement, affaiblissement,
Un des avantages de l’action est que, dès que Amortir les ardeurs, les passions de la apaisement, assourdissement, atténuation,
s’amorce un débat de conscience, elle agite jeunesse. Les stratagèmes de toilette des- attiédissement. — CONTR. : I, 1 amplifica-
la sonnette de clôture (Romains). tinés à réveiller chez les hommes les désirs tion, augmentation, intensification.
amortis (Balzac). C’est encore le plus effi- amortisseur [amrtisoer] n. m. (de amor-
amorçoir [amrswar] n. m. (de amorcer ;
cace moyen qui nous reste de désopiler la tir ; 1906, Larousse). Dispositif destiné à
1680, Richelet). 1. Ustensile à l’aide duquel
misanthropie et d’amortir l’imagination amortir l’intensité d’un son, la violence
on dépose l’amorce au fond de l’eau, à la
(Musset). d’un choc, la trépidation d’une machine.
pêche. 2. Sorte de tarière pour commen-
cer un trou dans le bois. II. 1. Éteindre progressivement une dette amouillante [amujt] adj. et n. f. (part.
[amrdse] v. tr. (de mor- par le versement d’annuités prédétermi- prés. de amouiller ; 1866, Larousse). Se dit
amordancer
dant ; 1877, Littré). [Conj. 1.] Amordancer nées : Cet emprunt sera amorti en vingt d’une vache qui doit prochainement vêler.
une étoffe, la traiter par un mordant. (On ans, moitié par remboursements annuels,
amouiller [amuje] v. intr. (origine obs-
dit aussi MORDANCER.) moitié par rachats en Bourse. 2. Re-
cure ; 1866, Larousse). En parlant d’une
constituer progressivement le capital
amoroso [amrozo] adv. (mot ital. signif. vache, être près de vêler.
employé à une acquisition, grâce aux res-
« amoureux » ; 1819, Boiste). Terme de sources, aux bénéfices tirés de ces biens amour [amur] n. m. (lat. amor, amoris ;
musique indiquant qu’un morceau doit être acquis : Cet agriculteur n’a pas encore 842, Serments de Strasbourg, écrit amur ; le
exécuté d’une manière tendre : « Qu’allez- amorti les frais d’achat de son tracteur. ou, qui n’est pas phonétique [au lieu de eu],
vous nous jouer ?— [...] amoroso ! La dame paraît dû à une influence littér. du provenç. ;
• SYN. : I, 1 adoucir, affaiblir, assourdir,
est une oreille fine ! » (Musset). pour le genre, v. Rem. 1).
atténuer, étouffer ; 2 assourdir, estom-
amorphe [amrf] adj. (gr. amorphos, per, éteindre ; 3 adoucir, apaiser, calmer, I. Mouvement du coeur très puissant,
sans forme, de a priv. et de morphê, forme ; émousser, freiner, tempérer. — CONTR. : I, qui nous entraîne vers des êtres auxquels
1784, Mongez ; au sens 3, 1896, Ribot). 1. Se 1 amplifier, augmenter, intensifier ; 2 avi- nous nous sentons attachés par quelque
dit des substances qui n’ont pas de forme ver ; 3 attiser, déchaîner, enflammer, exciter, lien (lien du sang, lien sentimental, lien
cristallisée propre : Phosphore amorphe. provoquer, stimuler. moral) et qui nous incite à leur faire ou
2. Fig. Qui n’a pas de forme déterminée, s’amortir v. pr. Perdre de sa force, de à leur vouloir du bien. 1. Envers des êtres
d’organisation, de structure : Dans cette son intensité, de son éclat : Un bruit qui vivants : L’amour maternel, filial. L’amour
masse encore amorphe qui est notre géné- s’amortit avec la distance. Sous un ciel des bêtes. Alors un flot de tendresse s’em-
ration, il y a des chefs en puissance (Barrès). poudroyant où s’amortissait la couleur des para de lui, un grand élan d’amour, de
3. Fig. Se dit d’une personne qui manque choses (Toulet). pitié ; il eût voulu serrer ce malheureux
de vigueur, d’ardeur, d’idéal : De père en dans ses bras (Martin du Gard). L’amour
fils, on les voit [ces bien-pensants] se débi- amortissable [amrtisabl] adj. (de que j’éprouvais se confondait avec celui
liter, devenir de plus en plus amorphes, amortir ; 1465, Godefroy [rente amortis- que j’inspirais (Mauriac). Pour l’amour
inexistants, incapables de participer à sable] ; très rare av. le XIXe s.). Qui peut être de quelqu’un, par égard, par considéra-
quelque effort neuf (Martin du Gard). amorti par des remboursements successifs : tion pour lui. Class. Pour l’amour de
• SYN.: 2 confus, inconsistant ; 3 apathique, Obligations amortissables en quinze ans. quelque chose, à cause, en considération
atone, avachi (fam.), indolent, mou, veule. amortissement [amrtism] n. m. de cela : Un homme m’ayant fait un plai-
— CONTR.: 2 structuré ; 3 énergique, résolu, (de amortir ; 1263, Cartulaire de N.-D. de sir, et depuis une injure [...], je dois être
vif. Voisins). quitte du bienfait pour l’amour de l’injure
(Malherbe). Spécialem. L’amour de soi,
amorphisme [amrfism] n. m. (de I. 1. Action d’amortir, le fait de s’amortir ; l’instinct de conservation et, en mau-
amorphe ; 1898, Larousse). 1. État amorphe état de ce qui est amorti (au pr. et au fig.) : vaise part, l’égoïsme : Le voici arraché
(rare) : C’est le retour à l’amorphisme et L’amortissement d’un bruit. Une immense jusqu’aux racines | Ce tenace amour de
à la confusion primitive (Bertrand). résignation [...] répandait sur toutes les vous-même ! (Claudel). 2. Envers des
2. Spécialem. État des organismes qui, tristesses de ce monde l’amortissement et abstractions personnifiées : L’amour de
par dégénérescence, ont perdu leur forme
l’oubli (Renan). 2. Spécialem. Dimi- la patrie. L’amour de la république dont
spécifique. (On dit aussi AMORPHIE, n. f.) nution d’amplitude d’un mouvement il attendait tout (France). 3. Envers le
amortir [amrtir] v. tr. (lat. pop. *admo- ondulatoire : L’amortissement des ondes. prochain, au sens évangélique ou pau-
rtire, de mortuus, mort ; XIIe s., Livre des 3. En architecture, couronnement, qui linien du mot ; la charité : L’ange de la
Rois ; au Moyen Âge, « tuer », « mourir », va en diminuant, de toute sculpture d’un justice et l’ange de l’amour combattront
« rendre comme mort », ce dernier sens bâtiment, et spécialement du comble de avec ceux qui se seront armés pour réta-
encore au XVIe s., d’où « mortifier en fai- ce bâtiment : On en voit [des créneaux] blir parmi les hommes le règne de la jus-
sant macérer », XVIe s. ; sens II à partir du dont l’amortissement est en ogive, ou tice et le règne de l’amour (Lamennais).
XVIIe s.). décrit une courbe quelconque (Mérimée). 4. Envers Dieu : Je suis sûr [dit Dieu]

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

que Saint Louis ne me ment jamais, | garnison, l’amour du militaire (Balzac). Il ou une qualité morale : L’amour de la
Que son amour, que sa sainteté ne me est malheureusement bien vrai que, sans gloire. Mon admiration pour lui fut le
ment jamais (Péguy). Ce coeur (Dieu) qui le loisir et l’argent, l’amour ne peut être premier symptôme de mon inutile amour
nous initie à l’ordre de l’amour et de la qu’une orgie de roturier ou l’accomplisse- des armes (Vigny). L’amour du passé est
charité, il est antérieur à notre existence ment d’un devoir conjugal (Baudelaire). inné chez l’homme (France). Sa race, son
individuelle (Barrès). Amour mystique, Fam. Faire l’amour, accomplir l’acte amour pour sa province [...] lui donnaient
amour qui tourne vers Dieu toute la pas- sexuel : Elle a vingt-six ans [...]. Elle n’est une ressemblance singulière avec l’autre
sion de l’amour terrestre. Pour l’amour plus ignorante, et n’est pas encore blasée. gentilhomme (Montherlant). Avec
de Dieu, au nom de l’amour qu’on doit C’est un âge charmant pour faire l’amour amour, avec beaucoup de soin : Il figno-
avoir pour Dieu : Ne donnerez-vous point comme il faut, sans puérilité et sans liber- lait sa page d’écriture avec amour (Du-
des étrennes aux petits frères qui sont tinage (Gautier). Si l’on veut naître, mou- mas) ; avec une tendresse attentive : Tous
pauvres, pour l’amour de Dieu ? (France) ; rir, faire l’amour, il s’y mêle une quan- les noms propres [du pays natal] que l’on
au fig., gratuitement ; par extens., sans tité de choses abstraites et impénétrables
prononçait chez moi avec amour et respect
aucun intérêt ou à contrecoeur ; et ironiq., (Valéry). Il allait faire l’amour avec toutes
[...], jamais noms n’avaient contenu pour
en lésinant. Pour l’amour de Dieu !, (Aragon). La saison des amours, celle
moi plus de nostalgie (Giraudoux). Pour
interj. accompagnant une demande, une durant laquelle les animaux s’accouplent.
l’amour de quelque chose, par considé-
prière, au sens de « par pitié ! je vous en Être en amour, en parlant des bêtes,
ration pour elle : Quoi ? Monsieur sait
supplie ! » : Un verre d’eau, pour l’amour chercher à s’accoupler ; en parlant de
du grec ? Ah ! permettez, de grâce | Que
de Dieu (Musset) ; ou exprimant l’impa- la terre arable, être dans un état de fer-
pour l’amour du grec, Monsieur, on vous
tience, la colère : Mais, pour l’amour de mentation propre à la végétation. 5. La
embrasse (Molière). 3. La chose aimée
Dieu ! est-ce que vous ne pouvez pas réflé- personne aimée ou digne d’être aimée :
ou digne d’être aimée : Les livres sont des
chir ? (Sartre). 5. Affection très vive que [Les orphelins] tous pieds nus, excepté
amours (Acad.). Fam. Un amour, un
Dieu porte aux hommes. le dernier, | Qui traînait, pauvre amour,
amour de, une chose très jolie, très bien
sous son pied qui chancelle, | De vieux
II. Attirance très forte qu’un être exerce arrangée : Un petit toquet de panne grise,
souliers (Hugo). Spécialem. Le fiancé,
sur un être de l’autre sexe et relations qui un amour (Martin du Gard). C’est un
la fiancée : Ma fiancée aux yeux clairs et
en résultent. 1. Attirance généralement amour de bijou. 4. Spécialem. Pomme
doux | M’attend [...]. | Ne m’attardez pas
physique et morale à la fois : J’ai peur de d’amour, dans les parlers du midi de la
loin de mon amour (Leconte de Lisle).
cette tendresse même qui se glissera à la
Un amour, un amour de, s’appliquent France, tomate.
place de notre amour (Anouilh). L’amour
à des personnes qui plaisent particuliè- • SYN.: I, 1 affection, amitié, attachement,
dans ce qu’il a d’exclusif, d’égaré, d’opi-
rement pour quelque raison : « Vous être sentiment, tendresse ; 3 altruisme, frater-
niâtre (Duhamel). Ce Giletti était bien
un amour de Juif », dit la Cibot (Balzac). nité, philanthropie ; 4 adoration, dévotion.
l’être le plus laid et le moins fait pour
Mon amour ! et m’amour ! (vx), termes II, 1 inclination, passion, sentiment ; 2
l’amour (Stendhal). Amour libre, celui
de tendresse employés en apostrophe : amourette, aventure, flirt, intrigue, pas-
qui refuse toute consécration sociale ou
Don Paez, mon amour, reste encore un sade. III, 1 et 2 attachement, culte, pas-
religieuse. Amour socratique, celui qui
moment ! (Musset). Quelques pas seu- sion, penchant. — CONTR.: I et II animosité,
lie deux êtres du sexe masculin. Filer
lement ensemble, mon amour, mais il y antipathie. III aversion, désaffection,
le parfait amour, entretenir un amour
tient toute une vie... (Claudel). Pop. et horreur, indifférence, prévention.
réciproque et sans nuages. Chagrin
vx. L’amour !, même sens : Dis, l’amour, D’amour loc. adj. Digne d’amour, chargé
d’amour, peine éprouvée à la suite d’une
qui t’a fait l’oeil si noir (Musset). 6. Pein-
déception sentimentale : Je ne sais plus d’amour : Elle donne ce petit nom d’amour
ture, sculpture représentant l’amour sous
quel chagrin d’amour l’avait poussé à se ti- [Poil de Carotte] à son dernier-né, parce
les traits du petit dieu Cupidon (sou-
rer soigneusement une balle dans le coeur qu’il a les cheveux roux et la peau tachée
vent avec une majuscule en ce sens) :
(Saint-Exupéry). C’est un vrai remède (Renard).
Si elle eût vécu aux jours de Raphaël, il
à l’amour, c’est une femme très laide. • REM. 1. Le genre d’amour a été très
l’aurait représentée sous la forme d’un de
Class. Faire l’amour à une femme, lui controversé. Il était féminin dans l’an-
ces Amours qui s’appuient sur le dos des
faire la cour : Et vous ferez l’amour en pré- cienne langue, mais on a voulu conci-
lions à la Farnésine et la même langueur
sence du père (Racine). Comment, Mes- lier ce genre avec l’étymologie : amor est
eût emporté le peintre et le modèle (Cha-
dames, nous endurerons que nos laquais masculin en latin. D’où les règles sui-
teaubriand). On voyait [sur une pièce
[...] viennent vous faire l’amour à nos vantes dans la langue actuelle :
montée] un petit Amour se balançant sur
dépens et vous donnent le bal ? (Molière).
une escarpolette de chocolat (Flaubert). a) Lorsqu’il signifie « passion d’un sexe
Pop. Y a plus d’amour !, on ne peut plus
7. Divinité païenne de l’Antiquité ; per- pour l’autre » (sens II), amour est mas-
rien tirer de vous ! 2. Liaison amoureuse
sonnification allégorique de l’attirance culin au singulier et féminin au pluriel :
(en général fém. plur. en ce sens) : Jules
d’un être pour un être de l’autre sexe Il avait [...] promené par toute l’Italie ses
Branciforte n’avait eu que des amours fa-
(toujours avec une majuscule) : Jupiter se amours tumultueuses (Samain). Toute-
ciles (Stendhal). Voilà tout ce qui reste des
rendit à ces raisons et accorda à l’Amour fois, les poètes le font souvent féminin
deux premières amours de ma vie (Dumas
ce qu’il demandait (La Fontaine). Il m’a au singulier : Ne te souvient-il plus de
fils). 3. Attirance et liaison unique-
suffi | De ce petit roseau cueilli | À la fon- l’amour ancienne ? (Heredia). Daphnis
ment morales entre deux personnes de
taine où vint l’Amour | Mirer, un jour | Sa meurt assez vite de sa grande amour refu-
sexe différent : Un amour pur. Amour
face grave (H. de Régnier). sée, léguant tous ses biens à l’insensible,
platonique, amour dégagé de tout désir
charnel. Amour de tête, tendresse plu- III. Attirance que l’homme éprouve pour dont on ne dit point si elle accepte l’héri-
tôt intellectuelle que sentimentale : Ton les choses. 1. Goût prononcé qu’inspirent tage pour ne rien dire d’inutile (Valéry) ;
amour était surtout un amour de tête, un certaines choses concrètes : Il était lié de même que la langue populaire dans
bel entêtement intellectuel de tendresse et d’amour à toutes les terres et à tous les l’expression la grande amour : Il paraît
de fidélité (Gide). 4. Attirance et liaison arbres de la terre (Saint-Exupéry). On qu’il aime toujours sa grue. C’est la grande
uniquement charnelles entre deux êtres voit que, comme nous, vous avez amour amour (Proust). D’autre part, le masculin
de sexe différent : Amour charnel. Amour de naviguer (Hugo). 2. Attirance exer- se rencontre au pluriel : Souris à tes pre-
physique. Il ne connaît que l’amour de cée par une idée, un idéal, une valeur miers amours (Musset) ;

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

b) Lorsqu’il désigne les représentations amoureusement [amurøzm] adv. (de nés : La comédie italienne comportait les
de Cupidon ou une figure allégorique, amoureux ; XIIIe s., Adenet). 1. Class. Avec emplois de premier et second amoureux.
Amour est toujours masculin. une grande affection : Les gardes du corps 4. Fig. Amoureux d’une chose, qui a un

2. La détermination du mot amour par me portaient amoureusement sur leurs bras goût prononcé pour cette chose, qui en est
un nom complément ou par un adjectif (Retz). Elle faisait fondre chacun en larmes, passionné : Les Libanais sont des amoureux
épithète connaît certains flottements : en se jetant amoureusement sur le corps du parler français (Barrès). Le peuple le plus
de cette mourante qu’elle appelait sa chère amoureux de l’égalité (Giraudoux). Des
a) Le nom complément qui détermine
mère (Molière). 2. Avec amour : L’air le yeux fins, blessés, amoureux des lumières
amour désigne habituellement l’objet
berce [le martinet] amoureusement, le porte douces et des reflets étouffés (Colette).
aimé : L’amour de l’argent, l’amour de
et le délasse (Michelet). Léon la regardait • SYN. : 2 adorateur, amant, soupirant ; 4
l’humanité. Mais il peut aussi désigner
si amoureusement durant les soirs d’été admirateur, amateur, ami, fanatique, fer-
le sujet qui aime : L’amour des peuples est
(Flaubert). vent, fou, passionné.
pour les princes un rempart inexpugnable
(Chateaubriand). L’amour du Père ne
• SYN.: 2 passionnément. — CONTR.: 2 bru- [amurprpr] n. m. (de
amour-propre
talement, froidement, sèchement.
demande point de retour (Claudel). Des amour et de propre ; 1613, Delboulle).
expressions comme l’amour d’un amant, amoureux, euse [amurø, -øz] adj. (bas 1. Class et littér. Amour qu’on se porte à
l’amour des parents peuvent être ambi- lat. amorosus ; 1220, G. de Coincy). 1. Qui soi-même, sans tenir compte des intérêts
guës, et, si le contexte n’est pas assez clair, dénote de l’amour : Regard amoureux. Que d’autrui : La nature de l’amour-propre
on préférera préciser l’objet aimé par un ton désir soit de l’amour, et que ta posses- et de ce moi humain est de n’aimer que
deuxième complément : L’amour d’un sion soit amoureuse (Gide). 2. Qui est soi et de ne considérer que soi (Pascal).
amant pour sa maîtresse, l’amour des pa- provoqué par l’amour : Il [le rossignol] L’amour-propre est l’amour de soi-même
rents pour leurs enfants (Littré). reprend de toute sa force, gonflé, la gorge (La Rochefoucauld). Le voici donc enfin
b) L’adjectif épithète ou l’adjectif posses- renversée, avec un air d’amoureux déses- abattu, l’édifice de votre amour-propre [...],
sif qui détermine amour désigne norma- poir (Colette). 3. Qui porte à l’amour, ce tenace amour de vous-même ! (Claudel).
lement le sujet qui aime : L’amour mater- surtout physique : Une complexion amou- 2. Sentiment légitime que nous avons de
nel, l’amour filial. Je suis touché de son reuse. 4. Qui inspire de l’amour ; qui fait notre propre valeur et qui, avec une grande
amour. Mais, dans la langue classique, penser à l’amour : Un philtre amoureux. sensibilité à la critique ou au ridicule, ins-
l’adjectif possessif pouvait désigner Une bouche, des lèvres amoureuses. Assister pire le désir de toujours faire mieux que
l’objet aimé ; Rodrigue dit à Chimène : à l’éveil de l’aube [...] est un spectacle qui les autres : Une blessure, un froissement
Écouter ton amour (celui que j’ai pour égale les plus amoureuses contemplations : d’amour-propre. Il n’y a pas de première,
toi), obéir à sa voix | C’était m’en rendre caresse de l’âme et des sens, élans vers la monsieur l’Inspecteur, ni de seconde, ni de
indigne (Corneille). beauté fugitive et inexprimable (Bertrand). troisième : Vous ne pensez pas que j’irais
leur infliger des froissements d’amour-
• SYN. : 3 ardent, chaud, lascif, passionné,
amouracher (s’) [samurae] v. pr. [de] propre (Giraudoux). Jeme serais bien gardé,
sensuel, voluptueux. — CONTR. : 1, 2 et 4
(ital. amoracciare, de amoraccio, amour par amour-propre, d’avouer tout haut mes
détaché, haineux, indifférent ; 3 frigide,
ridicule, dér. péjor. de amore ; 1530, rêves intérieurs (Vigny). Mais les extrava-
froid, indifférent.
Palsgrave, écrit amourescher). S’éprendre gances et les écarts de Jacques l’atteignaient
d’un amour soudain, et souvent peu justi- adj. et n. 1. Class. Qui aime sans être
toujours au point le plus sensible : dans son
fié, pour une personne ou pour une chose : payé de retour : Don Rodrigue, amant
amour-propre (Martin du Gard). 3. Péjor.
Il n’avait pas envisagé le petit ridicule [...] de de Chimène [...] | Don Sanche, amoureux
Opinion trop avantageuse qu’on a de soi-
s’amouracher d’une danseuse (Rodenbach). de Chimène (Corneille). 2. Qui aime
même, et qui pousse au mépris d’autrui.
S’amouracher de tout ce qui vient de l’étran- d’amour une personne de l’autre sexe : Ce
• Pl. des AMOURS-PROPRES.
ger (Balzac). brave garçon qui était amoureux fou d’elle
(Dumas fils). Madame, sous vos pieds, dans
• SYN.: 2 dignité, fierté ; 3 fatuité, infatua-
• SYN. : se coiffer de (fam.), s’enticher de, tion, présomption, prétention. — CONTR. :
l’ombre, un homme est là | Qui vous aime
s’éprendre de, se toquer de (fam.). 2 et 3 humilité, modestie.
[...] | ver de terre amoureux d’une étoile
1. amourette [amurt] n. f. (dimin. de (Hugo). Autrefois on rêvait de posséder le amovibilité [amvibilite] n. f. (de amo-
amour ; XIIe s., Dict. général). Amour super- coeur de la femme dont on était amoureux ; vible ; 1748, Montesquieu). Caractère d’un
ficiel et passager : Jusqu’à douze ans, je ne plus tard sentir qu’on possède le coeur d’une fonctionnaire ou d’une fonction amovible :
me vois aucune amourette, sauf pour une femme peut suffire à vous en rendre amou- L’amovibilité des magistrats du parquet.
petite fille (Radiguet). reux (Proust). Spécialem. Amoureux
amovible [amvibl] adj. (du lat. amo-
• SYN.: aventure, badinage, béguin (fam.), transi, homme qui s’obstine, avec une
vere, éloigner ; 1681, Patru). 1. Se dit d’un
flirt, intrigue, passade. certaine timidité et sans grand espoir, à
avantage, d’un emploi qui peut être retiré à
obtenir l’amour d’une femme. Amoureux
2. amourette [amurt] n. f. (déforma- quelqu’un : Une pension amovible. Depuis
des onze mille vierges, d’une chienne (d’une
tion, sous l’influence de amer et de amour, que Jérusalem dépendait des procurateurs,
chèvre) coiffée, celui qui s’éprend de toutes
du lat. amalusta, camomille ; 1531, Fleurs et la charge de grand prêtre était devenue une
les femmes qu’il rencontre. 3. Celui qui
secrets de médecine).) 1. Nom de quelques fonction amovible (Renan). 2. Se dit
courtise une jeune fille ; la jeune fille cour-
plantes des champs (muguet, brize) : du titulaire d’une fonction qui peut être
tisée : Oh ! mon Dieu, je suis un monstre :
L’herbe à Guernesey, c’est l’herbe de par- déplacé ou destitué : Un fonctionnaire
les autres amoureux croient à l’éternité, à
tout [...] Vous y trouvez [...] l’amourette amovible. 3. Se dit d’une partie d’un
la chaumière et à l’eau fraîche (Anouilh).
qui tremble (Hugo). 2. Bois très résis- ensemble (objet, vêtement, etc.) qui peut
Par extens. Amant, maîtresse : Voie
tant, susceptible d’un beau poli, utilisé en être séparée, enlevée : Un imperméable à
lactée ô soeur lumineuse | Des blancs ruis-
tabletterie. doublure amovible.
seaux de Chanaan | Et des corps blancs des
• SYN.: 3 mobile. — CONTR.: 2 inamovible.
amourettes [amurt] n. f. pl. (anc. pro- amoureuses (Apollinaire). Jeviendrai vous
venç. amoretas, testicules du coq, de amor, voir | Demain, midi sonnant ; adieu, mon ampélidacées [pelidase] n. f. pl. (du gr.
amour ; 1771, Trévoux). Moelle épinière du amoureuse ! (Musset). Un des emplois ampelos, vigne ; fin du XIXe s.). Famille de
boeuf, du mouton, du veau, morceau très traditionnels de la comédie, correspon- plantes à fleurs, comprenant notamment
recherché par les gourmets. dant à des personnages jeunes et passion- la vigne.

154
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

ampélographie [pelgrafi] n. f. (du gr. fonctions différentes : Le bailli du palais rempli volontairement de galimatias.
ampelos, vigne, et graphein, écrire ; milieu était une espèce de magistrat amphibie [...], 2. Par extens. Écrit ou discours rendu
du XIXe s.). Description et étude de la vigne. tenant à la fois du juge et du soldat (Hugo). obscur par le désordre de l’expression ou le
Il portait, sur un ancien pantalon d’uni- manque de suite dans les idées : Ces paroles
ampélologie [pelli] n. f. (du gr.
forme rouge à bandes noires, une jaquette du bonhomme, malgré l’amphigouri [...],
ampelos, vigne, et logos, science ; 1866,
aux basques fripées ; et ce costume amphi- n’étaient pas dénuées de sens (Gautier).
Larousse). Traité, étude sur la vigne.
bie symbolisait assez bien ses fonctions à Pour moi, je ne laissais pas d’être sen-
ampélopsis [pelpsis] n. m. (du gr. moitié civiles, à moitié militaires (Martin sible au charme ambigu de cette préciosité
ampelos, vigne, et opsis, vue ; milieu du du Gard). morale, dont les scrupules, les tâtonne-
XIXe s.). Arbrisseau grimpant, s’attachant • SYN.: 4 ambivalent, double. ments et l’amphigouri m’exaspèrent tant
aux murs par des vrilles, analogue à la aujourd’hui (Gide).
vigne vierge : Le tapotement contre la tuile amphibiens [fibj] n. m. pl. (début du • SYN.: 2 pathos, phébus.
d’une feuille rouge d’ampélopsis (Genevoix). XIXe s.). Syn. de BATRACIENS.
amphigourique [figurik] adj. (de
ampère [pr] n. m. (de Ampère, savant amphibole [fibl] n. f. (gr. amphibolos,
amphigouri ; 1748, Moncrif). Qui présente
français [1775-1836] ; 1881, Congrès des équivoque [parce que la composition de ce
les caractères de l’amphigouri : En prose,
électriciens). Unité d’intensité des courants minéral était indéterminée] ; 1787, Haüy).
la langue verbeuse, les métaphores redon-
électriques (symb. : A). Minéral noir, brun ou vert, des roches dantes, les digressions amphigouriques
éruptives et métamorphiques.
[proer] n. m. (de du Pois Chiche [Cicéron] ne le ravissaient
ampère-heure
amphibologie [fibli] n. f. (bas lat. pas davantage (Huysmans). Il s’exprimait
ampère et de heure ; 1888, Larousse).
Quantité d’électricité débitée en une heure amphibologia, altér., d’après des mots en avec une emphase qui tenait lieu d’esprit,
-logia, du lat class. amphibolia, issu du gr. et trouvait le moyen de servir à chacun un
par un courant dont l’intensité est de un
amphibolos, équivoque, de amphiballein, compliment amphigourique (Gide).
ampère (symb. : Ah).
envelopper ; 1521, P. Fabri, écrit amphibolo- • SYN.: confus, embrouillé, entortillé (fam.),
• Pl. des AMPÈRES-HEURES.
gia ; 1546, Rabelais). Double sens présenté équivoque, fumeux, nébuleux, obscur. —
ampèremètre [prmtr] n. m. (de par une phrase en raison de sa construc- CONTR. : clair.
ampère et du gr. metron, mesure ; 1883, tion ou du choix malheureux de certains
amphineures [finoer] n. m. pl. (du préf.
Année scientifique et industrielle).) mots : La phrase : « Le maître punit l’élève
amphi- et du gr. neura, corde, nerf ; 1898,
Instrument qui sert à mesurer l’intensité parce qu’il a mauvais caractère » recèle une Larousse). Classe de mollusques marins
des courants électriques. amphibologie. Il [le correcteur d’imprime-
primitifs, ayant la bouche et l’anus aux
amphétamine [fetamin] n. f. (pour rie] dénonce l’équivoque et l’amphibologie deux extrémités symétriques de leur corps.
amphéthylamine, de amphi-, préf. de (A. Rousseaux).
amphioxus [fjksys] n. m. (du préf.
chimie organique, de éthyle et de amine ; • SYN.: ambiguïté, double sens, équivoque,
amphi- et du gr. oxus, aigu ; milieu du
1960, Larousse). Substance stimulant l’acti- obscurité.
XIXe s.). Petit animal marin d’une organi-
vité cérébrale, diminuant le sommeil et
amphibologique [fiblik] adj. (de sation très simple, qui pourrait être consi-
la faim.
amphibologie ; XVIe s. ; peut-être déjà formé déré comme le plus primitif des poissons.
1. amphi [fi] n. m. 1. Abrév. fam. de au XIVe s. par Oresme, d’après le substantif
amphipode [fipd] adj. (du préf.
AMPHITHÉÂTRE au sens 3. 2. Arg. scol. lat.). Qui offre un double sens : Une expres-
amphi- et du gr. poûs, podos, pied ; milieu
Cours, exposé : Pendant le déjeuner, son sion amphibologique.
du XIXe s.). Se dit d’animaux pourvus de
mari lui fit un « amphi » sur la puissance
amphibologiquement [fiblikm] deux sortes de pattes, et qui peuvent sauter
des banques et sur sa propre indépendance
adv. (de amphibologique ; 1551, Des et nager à volonté.
(Maurois).
Autels). De façon ambiguë : S’exprimer amphipodes n. m. pl. Ordre de crustacés
2. amphi- [fi], élément tiré du gr. amphi, amphibologiquement. de petite taille, à corps comprimé latérale-
tous les deux, et qui entre comme préfixe ment, comprenant des formes d’eau douce
amphictyon [fiktj] n. m. (gr. amphik-
dans la formation de divers mots, pour (gammare) et des formes marines (talitre).
tuôn ; milieu du XVIe s.). Député qui délibé-
exprimer l’idée d’une double possibilité
rait sur les affaires générales de la Grèce, amphiptère [fiptr] ou amphi-stère
ou la notion de « autour », « de deux côtés ».
dans les amphictyonies. n. m. (du préf. amphi- et du gr. pteron, aile ;
amphiarthrose [fiartroz] n. f. (du préf. 1690, Furetière). En héraldique, serpent ou
amphictyonie [fiktjni] n. f. (gr.
amphi- et du gr. arthrôsis, articulation ; fin dragon muni de deux ailes.
amphiktuonia ; milieu du XVIIIe s.).
du XVIIe s.). Nom donné à certaines articu-
1. Assemblée où les délégués des États amphisbène [fisbn] n. m. (du préf.
lations ne permettant que des mouvements
grecs de l’Antiquité délibéraient sur les amphi- et du gr. bainein, marcher ; XIIe s.,
limités aux pièces du squelette qu’elles réu-
intérêts communs et jugeaient les diffé- écrit ampisbene ; amphibene, 1213, Fet des
nissent (vertèbres).
rends qui les séparaient. 2. Par extens. Romains ; 1372, J. Corbichon). 1. Serpent
amphibie [fibi] adj. et n. m. (du préf. Assemblée groupant des délégués de toutes fabuleux, qui avait une tête à chaque extré-
amphi- et du gr. bios, vie ; XVIe s.). 1. Se les nations (rare) : L’établissement de puis- mité du corps : Des amphisbènes marchant
dit des animaux qui peuvent vivre sur santes amphictyonies qui, dominant sur en avant et en arrière (Gautier). 2. Par
la terre et dans l’eau : Les crabes sont des les États, les contiendraient dans le droit anal. Reptile de l’Amérique tropicale dont
animaux amphibies. La grenouille, le cro- (France). la tête et la queue ont le même aspect, et
codile sont des amphibies. 2. Par anal. qui peut se déplacer indifféremment dans
amphictyonique [fiktjnik] adj.
Qui peut circuler sur la terre et sur l’eau : les deux sens.
(gr. amphiktuonikos ; 1568, Le Roy).
Un camion amphibie. Avion amphibie,
Qui a rapport aux amphictyons ou aux amphistère n. m. V. AMPHIPTÈRE.
avion qui peut se poser sur la terre et sur
amphictyonies : Une réunion, un débat
l’eau. 3. Par extens. Qui a lieu, se déroule amphithéâtre [fitetr] n. m. (lat.
amphictyonique.
sur la terre et sur l’eau : L’armée a procédé à amphitheatrum, du gr. amphitheatron,
des opérations amphibies. 4. Fig. et littér. amphigouri [figuri] n. m. (origine obs- théâtre qui va tout autour ; 1213, Fet des
Qui peut revêtir deux aspects, remplir deux cure ; 1738, Panard). 1. Écrit burlesque, Romains ; au sens 3, milieu du XVIIIe s.).

155
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1. Chez les Romains, cirque de forme delà de l’immense horizon (Valéry). Cette • SYN. : 1 étendue, largeur ; 2 abondance,
ronde ou ovale, garni de gradins sur le ample masure dont, par la force de l’amour étendue, masse ; 3 développement, portée,
pourtour, et qui servait pour les combats et de l’intelligence, on finirait par faire un retentissement ; 4 sonorité, volume. —
de bêtes ou de gladiateurs : Les jeux de temple (Duhamel) ; et au fig. : J’entre donc CONTR. : 1 étroitesse, exiguïté, petitesse ; 3
l’amphithéâtre. 2. Dans un théâtre de en matière, et sans discours plus ample | insignifiance, médiocrité.
conception traditionnelle, ensemble des Écoutez une histoire (Musset). Je pense ampli [pli] n. m. Abrév. fam. de
gradins qui s’étagent en demi-cercle, face à que ces gens-ci donnent à un philosophe AMPLIFICATEUR.
la scène, au-dessus du parterre : Des nappes [...] ample matière à réflexion (France).
de têtes droites et attentives montaient de Jusqu’à plus ample informé, jusqu’à ce ampliateur [plijatoer] n. m. (de amplia-
l’orchestre à l’amphithéâtre (Zola). Par que des informations plus complètes aient tion ; 1866, Larousse). En droit, personne
extens. Les spectateurs qui occupent ces été recueillies. Pour plus ample informé, qui fait une ampliation.
places : Tout l’amphithéâtre éclata en afin d’obtenir des informations plus com- ampliatif, ive [plijatif, -iv] adj. (terme
applaudissements. 3. Par anal. Salle de plètes : Pour plus ample informé, je tenais à admin. créé d’après le lat. ampliare, aug-
cours où les étudiants sont assis sur des connaître votre sentiment personnel sur le menter ; XVe s.). 1. En droit, se dit d’un
gradins, souvent étagés en demi-cercle,
coupable (Duhamel). 3. Fig. Qui donne document qui en complète un autre : Le
face à la chaire du professeur. (Abrév. fam.
une impression d’étendue, de force, de mémoire ampliatif développe la requête.
AMPHI.) Spécialem. Amphithéâtre ana-
profondeur : Une respiration ample. Ce 2. Acte ampliatif, syn. de AMPLIATION.
tomique, salle de dissection. 4. Ce qui,
qui règne sous l’immobilité des cimes, c’est 3. Vx. Qui renforce le sens : Un adverbe
dans la nature, est disposé en demi-cercle
un repos ample et puissant qui dispense le ampliatif.
et plus ou moins étagé : Depuis l’étang, le
silence et la paix (Pesquidoux). Elle avait
terrain, s’élevant par degrés, formait un ampliation [plijasj] n. f. (bas lat.
une voix agréable et singulièrement ample
amphithéâtre d’arbres (Chateaubriand). ampliatio, agrandissement, de ampliare,
pour son petit corps (Gide).
En amphithéâtre, selon des formes agrandir ; 1339, Cartulaire de Guise, au
comparables à celles d’un amphithéâtre :
• SYN. : 1 grand, vaste ; 2 copieux, spa-
sens de « agrandissement », rare depuis
Descendant tout en amphithéâtre et noyée cieux, vaste, volumineux ; 3 plein, riche.
le XVIIe s. ; le sens de « duplicata » [1690,
dans le brouillard, elle [la ville de Rouen] — CONTR. : 1 ajusté, étriqué, étroit, serré ;
Furetière] est une spécialisation de l’anc.
s’élargissait au-delà des ponts, confusément 2 étriqué, étroit, exigu, maigre, mince,
sens jurid. « action de compléter »). Double
(Flaubert). modeste, rare, restreint ; 3 court, fluet,
authentique d’un acte officiel : J’en ai
maigre, mince.
• SYN. : 1 cirque ; 2 paradis, poulailler ; 4 l’ampliation toute fraîche dans ma poche
hémicycle. amplectif, ive [plktif, -iv] adj. (du lat. (Benoit). Pour ampliation, formule qui
amplecti, embrasser ; milieu du XIXe s.). se met ordinairement au bas des actes
amphitryon [fitrij] n. m. (issu, au
En botanique, se dit des organes qui en ampliatifs.
sens moderne, des vers de l’Amphitryon
enveloppent d’autres d’une façon complète, • SYN.: copie, duplicata, expédition, grosse.
de Molière [1668] : Le véritable Amphitryon
| Est l’Amphitryon où l’on dîne ; 1752, comme les feuilles dans la préfoliation.
amplifiant, e [plifj, -t] adj. (part.
Trévoux). Hôte qui offre à dîner : Les hôtes amplement [plm] adv. (de ample ; prés. de amplifier ; 1866, Larousse). 1. Qui
grossiers de l’homme riche de Viroflay XIIe s.). 1. Avec ampleur, en développant : amplifie : Dans cette oreille amplifiante,
ne citaient [...] que les traits de sottise Amplement, naïvement, il raconte tout ce des voix inconnues lui faisaient des offres
provinciale échappés à leur amphitryon qui le concerne (Barrès). 2. De façon plus (Hugo). 2. Spécialem. Induction ampli-
(Stendhal). En effet, je me souviens qu’elle que suffisante, largement : Je puis ample- fiante, en logique, induction qui ne se
m’a été présentée avant le dîner comme la contente pas de conclure de plusieurs cas
ment me permettre cette dépense (Gide).
fille de notre amphitryon (Proust). à la somme de ces cas, mais à un nombre
• SYN. : 1 abondamment, longuement ; 2
amphore [fr] n. f. (lat. amphora, du gr. bien, grandement. — CONTR. : 1 briève- illimité de cas du même genre.
amphoreus ; début du XVIe s.). Vase antique ment ; 2 modestement, petitement. amplificateur, trice [plifikatoer, -tris]
à deux anses, qui servait à la conservation adj. et n. (lat. amplificator ; 1532, Mer des
ampleur [ploer] n. f. (de ample ; 1718,
et au transport des liquides et des grains : chroniques). Qui a pour effet de donner
Acad.). 1. Qualité de ce qui est à la fois
Une amphore avec anses d’albâtre (Hugo). plus de développement ou plus de force
long (ou haut) et large : L’ampleur d’une
• SYN.: jarre. à quelque chose, voire de l’exagérer : S’il
cape, d’un salon. L’ampleur d’un geste.
amphotère [ftr] adj. (gr. amphoteros, prononce mon nom en société, ce n’est pas
L’ampleur lente de ses mouvements (Loti).
sans gloses amplificatrices (Duhamel). Le
l’un et l’autre ; 1866, Larousse). En chimie, 2. Qualité de ce qui est abondant, occupe
se dit d’un oxyde qui peut jouer, selon le regret aussi est un amplificateur du désir
du volume : Devant l’ampleur de seslectures
cas, le rôle de base ou celui d’anhydride (Proust).
[...], je n’avais qu’à baisser pavillon (Martin
d’acide. du Gard). L’ampleur d’une documentation. amplificateur n. m. Appareil qui aug-
3. Fig. Grandeur, importance : Ce phéno- mente la puissance d’une oscillation élec-
ample [pl] adj. (lat. amplus, grand,
mène dont on ne pouvait encore ni préciser trique. Spécialem. En radiotechnique,
large ; 1160, Benoît de Sainte-Maure). 1. À
l’ampleur, ni déceler l’origine, avait quelque appareil destiné à augmenter l’effet utile
la fois long et large, dans des proportions
chose de menaçant (Camus). La Russie, des courants de basse ou de haute fré-
qui dépassent l’ordinaire : Une antique
l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis sont quence. (Abrév. fam. AMPLI.)
vareuse d’un bleu sombre, un peu trop
ample, peut-être, l’enveloppait chaudement comme de vastes laboratoires où se pour- amplification [plifikasj] n. f. (lat.
(Duhamel). Une ample soierie ancienne suivent des recherches d’une ampleur incon- amplificatio ; XIVe s., Miracle de Notre-
drape le piano à queue (Romains). 2. Par nue jusqu’ici (Valéry). 4. Fig. Étendue, Dame). 1. Action d’augmenter, de
extens. Qui est abondant ; qui a du volume, force, résonance d’un son : Si j’aime cette grossir, par des procédés techniques :
de vastes dimensions : C’est Dumas fils | belle voix [...], ce n’est ni pour son ampleur, L’amplification d’un son. L’amplification
Dont l’ample toison frise (Banville). Les ni pour sa tristesse (Sartre). 5. Par anal. du volume apparent des objets que permet le
Bacchantes, d’un pampre à l’ample fron- Souffle, abondance dans le style, accompa- microscope. 2. Fig. Action de rendre plus
daison, | Enguirlandent le joug des taureaux gnés en général d’élévation dans la pensée : important, voire d’exagérer : Jesouhaitais,
qu’on dételle (Heredia). L’ample monde, au- L’ampleur d’une période de Bossuet. comme tant d’hommes comblés, que l’éter-

156
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

nité tout entière ne fût qu’une amplification inouïe (Péguy). La liberté [...] n’a toute son familier, naturel, négligé, simple, sobre,
de l’instant où je me plaisais (Duhamel). amplitude que dans le domaine de la pen- spontané.
L’amplification d’un mouvement reven- sée (Renan). 3. Amplitude d’un arc, en
ampullaire [pylr] adj. (du lat. ampulla,
dicatif. L’amplification d’une rumeur. mathématiques, distance qui sépare ses
fiole [v. AMPOULE] ; 1866, Larousse). Qui a
3. Spécialem. En rhétorique, action de points extrêmes. 4. Valeur de l’écart
la forme d’une ampoule, d’une petite bou-
développer une idée, un sujet par des pro- maximal d’un phénomène physique dans
teille : Les glandes ampullaires.
cédés oratoires ; résultat de cette action : Il un intervalle donné : Amplitude d’une
est probable que Bonaparte, après coup, et courbe, d’une oscillation. Amplitude de n. f. Mollusque gastropode vivant dans
les eaux douces des pays chauds.
quand il a eu le style romain, a arrangé la la variation annuelle de la température.
proclamation célèbre : « Soldats, vous êtes Amplitude des vagues, des marées. 5. Par amputation [pytasj] n. f. (lat. ampu-
nus [...]. » C’est l’amplification d’un texte anal. Écart entre le point de départ et le tatio ; 1503, Guy de Chauliac ; sens fig.,
plus modeste, le seul authentique que l’on point d’arrêt d’un mouvement du corps ou XVIe s.). 1. Opération chirurgicale par
possède (Bainville). Cette amplification, que d’un organe : L’amplitude du mouvement laquelle on enlève, à l’aide d’instruments
l’on confond si souvent avec le bien écrire, latéral des bras. À voir le visage de Swann tranchants, un membre, un organe, etc. : Il
je la supporte de moins en moins (Gide). pendant qu’il écoutait la prose [musicale], y a une centaine d’années, l’acte chirurgical
4. Péjor. Développement verbeux. on aurait dit qu’il était en train d’absorber était encore un épouvantail quand il devait
• SYN. : 1 et 2 développement, extension, un anesthésique qui donnait plus d’ampli- s’attaquer aux viscères et ne pas se borner
grossissement, intensification ; 3 déve- tude à sa respiration (Proust). aux amputations de membres (Valéry).
loppement, paraphrase. — CONTR. : 1 et 2 • SYN. : 2 ampleur, grandeur, portée. — 2. Fig. Action d’enlever à quelqu’un ou à
amoindrissement, diminution, rapetisse- CONTR. : 2 insignifiance. quelque chose une partie assez importante
ment, réduction. de ce qui lui appartient : La République en
ampoule [pul] n. f. (lat. ampulla, petit
[plifje] v. tr. (lat. amplificare ; flacon à ventre renflé, dimin. de amp(h) France n’est qu’un manque de prince et un
amplifier
1485, Mystère du Viel Testament ; jusqu’au ora, fiole ; XIIe s., Garnier de Pont-Sainte- défaut d’autorité ; ce peuple était trop vieux
XVIIe s., surtout au sens de « agrandir » ; Maxence ; au sens de « vésicule », XIIIe s. ; lors de l’amputation pour ne pas craindre
l’emploi fig. apparaît au XVIe s. [Amyot]). sens pharmac. et industr., XIXe s.). 1. Vx. qu’il n’en meure (France). L’amputation
1. Accroître l’étendue, le volume, la force Fiole à ventre renflé. Spécialem. La d’un texte.
ou l’intensité d’une chose : Ce gentil- sainte ampoule, vase qui contenait le • SYN.: 1 ablation ; 2 mutilation.
homme [...] vivait sur le bien de sa femme, saint chrême, huile servant à sacrer les amputé, e [pyte] n. (part. passé de
qu’il exploitait à merveille en allant vendre rois de France : Charles VII fut oint par amputer ; 1863, Littré). Personne qui a subi
son blé au marché, brûlant lui-même son l’archevêque de l’huile de la sainte ampoule une amputation : Charles la considérait [...]
vin et en se moquant des railleries pourvu qu’on apporta de Saint-Remy (Michelet). tout en écoutant, immobile, les derniers cris
[...] que de temps en temps il pût amplifier 2. Tube de verre renflé et fermé à la
de l’amputé (Flaubert). Je souffrais d’un
son domaine (Balzac). Si la ceinture a été lampe, dans lequel sont conservés certains amour qui n’existait plus. Ainsi les amputés,
exhaussée et la jupe amplifiée, croyez qu’à médicaments liquides : L’armoire à glace
par certains changements de temps, ont mal
une distance énorme son oeil d’aigle l’a déjà où se trouvaient [...] la seringue Pravaz,
dans la jambe qu’ils ont perdue (Proust).
deviné (Baudelaire). L’architecture chinoise l’ampoule de nitrite d’amyle, tout ce qui
[...] amplifie et multiplie les toits (Claudel). était nécessaire en cas de crise (Mauriac). amputer [pyte] v. tr. (lat. amputare, tail-
Amplifier le son de sa voix avec un porte- Par extens. Le contenu même de l’am- ler, couper ; 1480, Meschinot ; au sens de
voix. Le vent amplifie l’incendie. 2. Fig. poule : On lui a injecté plusieurs ampoules « tailler un arbre », 1519, G. Michel ; le sens
Rendre plus important, plus sensible : Il y de sérum. 3. Par anal. Enveloppe de verre chirurgical se développe à partir de 1560,
a donc un instinct qui distingue et amplifie qui renferme le filament d’une lampe élec- chez Paré). 1. Enlever à une personne, au
la différence de la probabilité avec la cer- trique à incandescence : C’est merveille de moyen d’instruments tranchants, tout ou
titude (Valéry). Au lieu de combattre ses le voir [...] chauffer la toile à l’ampoule de partie d’un membre, d’un organe : Amputer
tics, il les amplifiait (Giraudoux). 3. Fig. la lampe (Colette). L’ampoule nue, pendue un bras, la moitié de l’estomac. Le confrère
Donner aux choses, aux événements plus au plafond comme une araignée au bout de ne se gêna pas pour rire dédaigneusement
d’importance qu’ils n’en ont réellement : son fil, l’aveugle, l’hypnotise, l’isole (Martin lorsqu’il découvrit cette jambe gangrenée
L’amour communique à cette pauvre femme, du Gard). 4. Petite tuméfaction consti- jusqu’au genou. Puis, ayant déclaré net
si dénuée d’imagination, un étonnant pou- tuée par une accumulation de sérosité sous qu’il la fallait amputer, il s’en alla chez le
voir de déformer, d’amplifier (Mauriac). l’épiderme, et due à des frottements trop pharmacien (Flaubert). 2. Par extens.
4. Développer une idée, un sujet, par- prolongés : On finit par avoir la goutte Amputer quelqu’un, lui faire subir une
fois d’une façon trop longue et monotone : aux reins, l’entorse aux pieds, aux mains amputation : Amputer un blessé de la
Les phrases ampoulées dont il [Napoléon] l’ampoule (Hugo). jambe. 3. Fig. Enlever à une personne
amplifiait ses ordres du jour (Courier). • SYN.: 4 cloque, phlyctène. quelque chose de vital, d’essentiel : Ceux
• SYN. : 1 agrandir, augmenter, élargir, [les exilés] qui, arrachés, amputés de leurs
ampoulé, e [pule] adj. (de ampoule,
grossir, intensifier ; 2 accroître, dévelop- racines, coupés de leurs sources, ont senti je
par l’intermédiaire de l’anc. v. ampouler,
per, étendre ; 3 broder sur, enfler, exagérer, ne sais quel manque (Chadourne). 4. Fig.
gonfler ; appliqué au style, doit ce sens
grossir. — CONTR.: 1 amoindrir, diminuer, Retrancher une partie d’un tout : En 1871,
aux emplois du lat. ampulla, boursou-
étouffer, rapetisser, rétrécir ; 2 réduire, la France fut amputée d’une partie de son
flure du style, et ampullari, s’exprimer
restreindre. territoire. Cet article de journal a été
avec emphase ; XVIe s.). Se dit du discours,
s’amplifier v. pr. Prendre de l’ampleur, amputé de moitié par la censure.
du style où l’on emploie de grands mots
de l’amplitude. • SYN. : 1 couper, enlever, retrancher ; 4
pour exprimer souvent de petites choses,
diminuer.
amplitude [plityd] n. f. (lat. amplitudo ; sur un ton emphatique : Le prédicateur a
1495, J. de Vignay). 1. Class. Vaste dimen- des accents si ridiculement ampoulés qu’il amuïr (s’) [samir] v. pr. (repris par les
sion, étendue considérable : L’amplitude et ne saurait émouvoir (Mauriac). romanistes à l’anc. franç. amuir, du lat.
l’immensité de la nature (Pascal). 2. Fig. • SYN. : boursouflé, déclamatoire, empha- pop. *admutire, rendre muet, lat. class.
Importance, développement considé- tique, enflé, grandiloquent, pompeux, mutescere, rad. mutus, muet ; fin du XIXe s.).
rable : Des événements d’une amplitude redondant, ronflant. — CONTR. : clair, Ne plus être prononcé, en parlant d’un pho-

157
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

nème : Dans le mot « prompt », les deux une séduction pour les yeux et pour l’es- peu sérieuse : La seconde [la coquette] a
consonnes finales se sont amuïes. prit (France). 3. Qui égaie, fait rire : Un plusieurs amusements tout à la fois (La
comique fort amusant. Un dessin amusant. Bruyère).
amuïssement [amism] n. m. (de
amuïr, et repris à l’anc. franç. ; fin du
• SYN. : 1 distrayant, divertissant ; 2 • SYN.: 4 distraction, divertissement, récréa-
agréable, aimable, attrayant, plaisant, tion ; 5 agrément, délices, joie. — CONTR. :
XIXe s.). Action de s’amuïr ; résultat de
cette action : L’amuïssement du « s » final riant ; 3 cocasse, comique, drôle, gai, rigolo 4 ennui.
en français. (pop.), spirituel. — CONTR. : 1 assommant • REM. Le mot amusement n’impli-
(fam.), embêtant (fam.), empoisonnant (très quant pas autrefois l’idée d’agrément,
amulette [amylt] n. f. (lat. amuletum ; fam.), ennuyeux, fastidieux, rasant (pop.) ; 2 l’expression un agréable amusement,
1558, Pontus de Tyard). Objet qu’on porte désagréable, rebutant ; 3 assommant (fam.), assez fréquente au XVIIe s., n’était pas
sur soi et auquel la superstition attribue casse-pieds (fam.), funèbre, lugubre, raseur un pléonasme : La poésie est un agréable
une vertu préservatrice : Un collier d’amu- (pop.), sinistre. amusement (Furetière, 1690). Ce n’est
lettes. Elle tira d’entre les nattes tordues amusant n. m. Chose, trait qui plaît ou plus pour Diphile un agréable amusement,
autour de sa tête une de ces amulettes que fait rire : Et l’amusant était qu’il [ce faible] c’est une affaire laborieuse (La Bruyère). Il
portent toutes les femmes des pays orien- posât pour la force (Rolland). en était de même pour les verbes amuser
taux (Nerval). On leur donnait des amu- et s’amuser.
lettes contre les maladies (Flaubert). La amusé, e [amyze] adj. (part. passé de
tribu affirmait sa propriété de l’idole [...] amuser). 1. Se dit d’une personne qui amuser [amyze] v. tr. (de muser ; 1175,
et toute la foi et le culte consistaient dans montre de l’intérêt pour quelque chose, Chr. de Troyes). 1. Class. Faire passer
l’excitation de l’amulette (Claudel). Il porte éprouve un certain agrément : Notre ima- le temps ; occuper quelqu’un, de façon
en breloque une amulette arabe dont il ne se gination [...] découvre un peintre animalier récréative ou non : Les jeunes gens, à
séparerait pour rien au monde (Duhamel). chez cet observateur [La Fontaine] amusé cause des passions qui les amusent, s’ac-
• SYN.: gri-gri, porte-bonheur, talisman. mais superficiel (A. Bailly). Lui l’écoutait, commodent mieux de la solitude que les
amusé d’abord, puis impatient (Daudet). vieillards (La Bruyère). [V. AMUSEMENT,
• REM. Ce mot, conformément à l’étymo-
2. Se dit de ce qui reflète une certaine Rem.] 2. Class. Faire perdre son temps à
logie, est parfois employé au masculin :
gaieté, manifeste de l’intérêt : Il suivait quelqu’un, le retarder : Amusez-le du moins
Votre amulette oriental (Balzac). Littré le
la scène d’un oeil amusé. Le mari reprend à débattre avec vous : | Faites-lui perdre
donnait encore masculin, malgré l’Aca-
son air amusé (Sartre). Bien qu’elle eût les temps (Corneille). Il abandonna quelques
démie, qui le fait féminin depuis 1835.
manières graves [...], on devinait à l’arrière- bagages qui amusèrent les ennemis (Du
amunitionnement [amynisjnm] plan une sorte d’impatience amusée qui Buisson). 3. Class. Repaître de vaines
n. m. (de amunitionner ; 1866, Larousse). donnait beaucoup de vie à ce qu’elle disait espérances, tromper : Je vais de mon côté
Action d’amunitionner ; résultat de cette (Maurois). | De ce peuple mutin amuser la fierté, | À
action. votre stratagème en ajouter quelque autre
amuse-gueule [amyzgoel] n. m. (de
(Corneille). Les promesses trompeuses
amunitionner [amynisjne] v. tr. (de amuser et de gueule ; milieu du XIXe s.).
dont le faux prophète Hananias amusait
munition ; 1828, Mozin). Pourvoir des Fam. Menu hors-d’oeuvre excitant l’appétit
le peuple (Bossuet). Une autre Ithaque se
munitions nécessaires : Amunitionner (amandes salées, olives, etc.), que l’on sert
présentait toujours au pilote pour l’amu-
une forteresse. avec l’apéritif.
ser tandis qu’il s’éloignait de la véritable
amure [amyr] n. f. (provenç. amura, cor- • Pl. des AMUSE-GUEULE ou des AMUSE-
(Fénelon). [V. Rem.] 4. Capter l’atten-
dage, déverbal de amurar, fixer au mur ; GUEULES.
tion de quelqu’un pour le détourner d’autre
1552, Rabelais). Cordage qui retient le coin amusement [amyzm] n. m. (de amu- chose, l’empêcher d’agir par des moyens
inférieur d’une voile du côté d’où vient le ser ; XVe s., Martial d’Auvergne). 1. Class. dilatoires, des ruses : C’était le commissaire
vent : Le vent, de la sorte, était fixé sur Moyen de passer le temps, de l’occuper : de l’arrondissement qui arrivait [...]. Quatre
l’avant par l’amure, et la grande voile ne fai- C’est un de mes tristes amusements de gendarmes l’accompagnaient. Depuis cinq
sait plus l’effet d’une voile de poupe (Hugo). penser à la différence de l’année passée et minutes, la veuve les amusait à la porte
Avoir les amures à tribord, à bâbord, en de celle-ci (Sévigné). [V. Rem.] 2. Class. en répondant qu’elle était chez elle, qu’on
parlant d’un bateau, avoir sa voilure dispo- Diversion trompeuse et dilatoire : La haine avait bien le droit de réunir des amis (Zola).
sée pour recevoir le vent par la droite, par entre les grands se calme rarement, | La Amuser la douleur, la calmer : Quelques
la gauche. Être tribord, bâbord amures, paix souvent n’y sert que d’un amusement jours après, j’ai composé ceci, moins pour
recevoir le vent par la droite, par la gauche. (Corneille). 3. Class. Retard, perte de faire approuver mes idées que pour amuser
amurer [amyre] v. tr. (de amure ; 1540, temps : Le moindre amusement vous peut ma douleur (Baudelaire). 5. Charmer,
Rabelais). Raidir l’amure d’une voile, bien être fatal [...]. | Ne perdons point de temps satisfaire les sens ou l’esprit de quelqu’un :
la fixer : Pas de meilleur marin que lui ; (Molière). 4. Action de distraire ou de se Ces tas de moellons que vomissent les cha-
[...] personne comme lui pour amurer une distraire agréablement et, souvent, gaie- riots des entrepreneurs et qui amusent du
voile (Hugo). ment : Il y a si peu d’amusements qui ne moins l’oeil sagace par l’ordre accidentel
soient pas coupables (Baudelaire). Il fait cela qu’ils empruntent de leur chute (Valéry).
amusable [amyzabl] adj. (de amuser ; 6. Distraire agréablement : Les dra-
pour l’amusement des lecteurs. Jene sais si
XVIIe s.). Qui peut être amusé : Dans ces peaux m’amusaient comme un enfant
ce jouet est très ancien, mais le genre d’amu-
temps primordiaux, nous étions bien faci- (Maupassant). 7. Égayer par quelque
sement qu’il renferme est certainement de
lement amusables (Goncourt). chose de drôle : Il amusa d’abord par sa
tous les temps (Bergson). 5. Plaisir qu’on
amusant, e [amyz, -t] adj. (part. prés. prend à ce qui divertit : Avec amusement les passion (Montherlant). Fam. Amuser la
de amuser ; 1694, Acad.). 1. Qui chasse amis eussent vu le jeune homme jouer au galerie, divertir, faire rire les assistants.
l’ennui, occupe agréablement : Il était on pari mutuel (Montherlant). Le sport n’est • SYN.: 5 enchanter, ravir ; 6 délasser, diver-
ne peut plus amusant de jouer aux billes plus, pour beaucoup, un harmonieux amu- tir, égayer, récréer, réjouir ; 7 faire rire. —
(Gide). Ce n’est même plus amusant de sement (Duhamel). 6. Fig. Être l’amuse- CONTR. : 5 et 6 assommer (fam.), embêter
jouer avec toi (Aymé). 2. Qui plaît aux ment de quelqu’un ou d’une société, être (fam.), ennuyer, importuner, raser (pop.).
sens ou à l’esprit : Chaque vitrine est, dans l’objet de petites moqueries de sa part. • REM. Dans la langue moderne, le sens
sa grâce bizarre et son pêle-mêle amusant, 7. Spécialem. et class. Liaison d’amour de « tromper » (3) n’est resté vivant que

158
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

dans l’expression familière amuser le Personne qui n’est pas prise au sérieux : Cet an [] n. m. (lat. annus ; XIe s.).
tapis, qui signifie, au jeu de cartes, « faire écrivain, avec tout son succès, n’est qu’un
I. Temps que met la Terre pour faire sa
perdre de vue la partie en bavardant », amuseur (Acad.).
révolution autour du Soleil, et qui est
et, par extens., « donner le change » : Les
amusoire [amyzwar] n. f. (de amuser ; employé comme mesure de la durée,
recherches servent à dresser le faisceau
1588, Montaigne). Class. Passe-temps, dis- quel que soit le point de départ. 1. Cet
de preuves et les hésitations apparentes à
traction : La mer étant calme sur l’heure, espace de temps considéré comme une
amuser le tapis (Romains).
| Faute d’amusoire meilleure... (Scarron). période datée plus ou moins globale-
s’amuser v. pr. 1. Class. Passer son temps, ment : L’an prochain, l’an dernier, l’an
s’occuper à quelque chose : Las que nous amygdale [amidal ou amigdal] n. f. (lat.
passé. L’an dernier, je les ai vues [les
étions [...], lui pour avoir fait tout le tour de amygdala, du gr. amugdalê, amande ; 1503, violettes] moins obscures, d’un mauve
Richelieu en grosses bottes, moi pour m’être G. de Chauliac). Chacun des deux corps azuré (Colette). Gerbe de blé ! [...] si tu
amusé à vous écrire au lieu de dormir (La glanduleux placés de part et d’autre du pouvais dire combien il a fallu de gouttes
Fontaine). 2. Perdre son temps : Pour être fond de la gorge : Il y songeait avec la même de notre sueur pour t’arroser, pour te lier,
là-bas à minuit, il ne s’agit pas de s’amuser inquiétude complexe qu’il avait regardé, l’an passé (Sand). Par an, dans l’espace
(Aymé). 3. S’occuper à des bagatelles, enfant, ses amygdales que le chirurgien d’un an : Je demande à ne pas entendre
simplement pour faire passer le temps : venait de couper (Malraux). la « Cinquième Symphonie », plus d’une
Dans ce jeu où les Japonais s’amusent à
amygdalectomie [amidalktmi ou fois ou deux par an (Duhamel). Ser-
tremper dans un bol de porcelaine rem-
amigdalktmi] n. f. (de amygdale et du vice du bout de l’an, ou simplem. bout de
pli d’eau de petits morceaux de papier
gr. ektomê, ablation ; milieu du XXe s.). l’an, service religieux célébré un an après
(Proust). La jeune fille marchait devant
le décès d’une personne. Bon an, mal
en s’amusant avec le chien (Maupassant). Ablation chirurgicale des amygdales.
an, en moyenne, une bonne année com-
4. Trouver du plaisir à quelque chose : Je amygdalin, e [amidalou amigdal, -in] pensant une mauvaise : C’est un gaillard
m’amusais là-bas à voir de ma fenêtre les adj. (lat. amygdalinus, du gr. amugdalê, qui depuis 1910 doit vendre, bon an mal
passants trotter dans la neige toute fraîche amande ; 1863, Littré). Qui est fait avec an, de vingt à trente mille francs de pein-
(Valéry). J’aurais trouvé curieux, singulier,
des amandes ou avec les produits qui en ture (Romains). 2. Cet espace de temps
qu’il s’amusât à compromettre les pauvres
sont extraits : Savon amygdalin. considéré comme une durée relativement
(Baudelaire). 5. Absol. et péjor. S’adonner
précise (v. Rem.) : Il la supplia de lui rester
aux plaisirs : Un noceur qui passe sa vie à amygdalite [amidalit ou amigda-
fidèle pendant un an (Musset). La fourmi
s’amuser. 6. S’amuser de quelqu’un ou lit] n. f. (de amygdale ; 1775, Bomare).
[...] se ramasse des vivres pour un an
de quelque chose, s’en moquer, en rire : Inflammation des amygdales.
(Gautier). 3. S’emploie surtout pour la
Les sots s’amusent des gens d’esprit aussi
amygdaloïde [amidalid ou amigdalid] mesure de l’âge : Avoir douze ans et demi.
bien que ceux-ci peuvent s’amuser des
adj. (du gr. amugdalê, amande, et eidos, Être âgé de cinquante ans. Le pays dont
sots (Duclos). On s’amusait de sa naïveté.
forme ; 1798, Acad.). Se dit des roches avaient déjà entendu parler mes six ans,
7. Fam. S’amuser à, s’aviser de, avoir
basiques creusées de cavités dans lesquelles la patrie du Petit Poucet (Gregh).
l’idée plus ou moins saugrenue et inop-
se sont formés des noyaux de minéraux en
portune de (surtout pour exprimer une II. 1. Espace de temps légal commençant
forme d’amande.
défense) : Ne t’amuse pas à toucher ce fil, le 1er janvier et se terminant le 31 dé-
tu le paierais cher ! amylacé, e [amilase] adj. (du lat. amylum cembre, et considéré en général comme
• SYN.: 2 lambiner, musarder, muser ; 4 se [gr. amulon], amidon ; fin du XVIIIe s.). Qui faisant partie de l’ère chrétienne, dont
plaire à ; 5 bambocher (fam.) ; 6 se gausser est de la nature de l’amidon. le point de départ est la naissance de Jé-
de, railler, rire de. — CONTR. : 2 s’activer, susChrist : L’an 44 avant J.-C. L’an 1967.
amylase [amilaz] n. f. (du lat. amylum
faire vite ; 4 s’ennuyer. Vx. L’an de grâce (c’est-à-dire l’an... de
[gr. amulon], amidon ; fin du XIXe s.).
la grâce de Dieu), l’an de l’Incarnation,
amusette [amyzt] n. f. (de amuser ; Diastase, contenue notamment dans la telle année de l’ère chrétienne, formules
1653, G. Patin). 1. Petit amusement sans sécrétion salivaire, qui transforme l’ami- employées sous l’Ancien Régime par les
importance : Chaque siècle a ses amusettes don en maltose. chroniqueurs ou pour la datation des
(Béranger). De même, si par une amusette
amyle [amil] n. m. (lat. amylum [gr. écrits d’un caractère solennel : L’an de
typographique [...] je coupe le mot ailleurs
amulon], amidon ; 1863, Littré). Radical grâce 1654, lundi 23 novembre, jour de
qu’à l’articulation des syllabes, il en résulte
de chimie organique entrant dans la com- saint Clément, pape et martyr (Pascal,
une espèce d’hémorragie du sens inclus
position de nombreux corps Mémorial). [Dans la langue actuelle,
(Claudel). 2. Par extens. Petit objet qui
ces formules sont encore reprises par
sert à amuser : Des vendeurs d’amusettes amylique [amilik] adj. (du lat. amylum archaïsme dans des récits historiques,
portèrent çà et là leurs moulins de papier [gr. amulon], amidon ; 1863, Littré). En ou employées plaisamment : C’était une
(Chateaubriand). 3. Petite oeuvre sans chimie, se dit de composés dans lesquels croyance universelle au Moyen Âge que
grande valeur ni prétention : Ne voyez là entre le radical amyle. Alcool amylique, le monde devait finir avec l’an 1000 de
qu’une amusette ! alcool qui se produit dans la fermentation l’Incarnation (Michelet).] Le jour de
• SYN.: 1 distraction, fantaisie ; 3 babiole, de la fécule de pomme de terre et d’autres l l
bagatelle, bricole (fam.). matières amylacées. jla’annv,
ileer
,plree
mprieemr
dieer’jaonu,r
edenol’uavnenl
éaen.,
le A1uer
amuseur, euse [amyzoer, -øz] n. (de gui l’an neuf, v. GUI. Fam. S’en sou-
amylobacter [amilbaktr] n. m. (du lat.
amuser ; 1545, J. Bouchet). 1. Personne cier comme de l’an quarante (qui serait
amylum [gr. amulon], amidon, et du radical
qui, soit occasionnellement, soit par voca- une déformation de l’Alcoran), ne faire
de bactérie ; 1888, Larousse). Microbe ana-
tion ou par profession, amuse les autres : aucun cas de quelque chose, n’y attacher
érobie très répandu, en particulier dans le
Le jeune Rastignac était, évidemment, aucune importance. 2. Chiffre d’une
tube digestif des mammifères.
l’« amuseur » de cette loge, il donnait le année appartenant à une ère autre que
branle à ce rire parisien (Balzac). Je viens amyotrophie [amjtrfi] n. f. (de a priv., l’ère chrétienne. L’an 50 de l’hégire,
de voir l’image du vieil homme de lettres et du gr. muôn, muscle, et trophê, nourri- cinquante ans après la fuite de Mahomet,
qui a survécu à la génération dont il fut le ture ; 1877, Littré). Atrophie des muscles, qui sert de point de départ à la chrono-
brillant amuseur (Baudelaire). 2. Péjor. spécialement des muscles striés. logie musulmane. L’an II, l’an III (de

159
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

la République), se disait de l’année légale raires ana(s) de ses confrères (Huysmans). même y a donné des articles de vulgarisa-
sous la Révolution et l’Empire, comptée à 2. Par extens. Tout recueil de bons mots, tion sur la phagocytose. Tu vois que tu es,
partir de l’établissement de la République de récits plaisants : Les traits d’esprit qui anachroniquement, en bonne compagnie
(22 sept. 1792) : Ô soldats de l’an deux ! seront quelque jour l’« ana » de notre siècle (Duhamel). J’essayais de lui reprocher ce
[...] | Contre les rois tirant ensemble leurs (Balzac). que son attitude avait d’ana-chroniquement
épées (Hugo). La Constitution de l’an aristocratique (Breton).
anabaptisme [anabatism] n. m. (gr.
XII. Vx. L’an du monde, tant d’années
ecclés. anabaptismos, second baptême ; anachronisme [anakrnism] n. m. (du
depuis l’époque supposée de la création
1564, J. Crespin). Doctrine d’une secte gr. ana, en arrière, et khronos, temps ;
du monde : Jérusalem fut fondée l’an du
politique et religieuse du XVIe s., qui, pré- XVIe s., Scaliger, en lat. ; 1625, Naudé).
monde 2023 par le grand prêtre Melchisé-
tendant que le baptême des enfants était 1. Erreur qui consiste à placer un fait
dech (Chateaubriand).
inefficace, réclamait un second baptême avant sa date, puis, par extens., à une
ans n. m. pl. (sans adj. numéral cardinal). reçu à l’âge adulte. date autre que celle à laquelle il s’est pro-
1. Class. et littér. Le temps écoulé depuis duit : Les dates, mon cher, je m’en moque.
la naissance : Un vieux prêtre parut parmi anabaptiste [anabatist] adj. (de anabap-
Dans mille ans, les petits anachronismes
ces fiers soldats, | Comme un saint chargé tisme ; 1525, Cl. Marot). Qui s’inspire de
n’auront plus de signification (Duhamel).
d’ans, qui parle du martyr | Aux nobles l’anabaptisme : La doctrine anabaptiste.
2. Erreur qui consiste à placer dans une
anges du combat (Hugo). 2. Spécialem. n. et adj. Qui professe l’anabaptisme.
certaine époque des usages, des moeurs,
L’accumulation des années, la vieillesse : des façons de penser ou de parler qui
anabolisme [anablism] n. m. (du gr.
Plus que les ans, la houle et ses âcres conviennent à une époque plus ancienne
ana, en haut, et bolos, jet ; 1907, Larousse).
embruns [...] | Ont fait sa barbe blanche et En physiologie, ensemble des phénomènes ou plus moderne : On connaît l’heureux
blancs ses cheveux bruns (Heredia). anachronisme de « l’Énéide » ; tel est le pri-
d’assimilation.
• REM. An et année n’ont généralement vilège du génie, que les malheurs de Didon
pas les mêmes emplois. 1. En principe, anacarde [anakard] n. m. (gr. anakar-
sont devenus une partie de la gloire de
dans année, comme dans un certain dion ; XIVe s.). Fruit de l’anacardier, à graine
Carthage (Chateaubriand). 3. Retard par
nombre d’autres noms terminés par le oléagineuse comestible, appelé aussi noix
rapport aux usages, aux façons de penser
suffixe -ée (journée, matinée), on consi- d’acajou ou de cajou.
d’une époque donnée : [« La Porte étroite »]
dère l’espace de temps dans sa durée, anacardier [anakardje] n. m. (de ana- reste en anachronisme avec ce que nous
dans son développement, avec tous les carde ; 1792, Encycl. méthodique). Arbre pensons, sentons et voulons aujourd’hui
événements qui le remplissent : Une an- de l’Amérique tropicale, dont on cultive, (Gide). 4. Moeurs, usages, conceptions
née d’abondance, de disette. Le nom an pour ses fruits, une espèce appelée acajou qui appartiennent à une époque révolue :
désigne plus souvent une date ; l’espace à pommes. Le port du moncole est un anachronisme.
de temps qu’il représente y est considéré 5. Personne qui a des moeurs, des façons
anachorète [anakrt] n. m. (lat. ecclés.
globalement et d’un point de vue quanti- de penser, de s’habiller conformes aux
anachoreta, du gr. ecclés. anakhôrêtês,
tatif : Dans un an. Il y a trois ans. Sous le usages du temps passé : Nous sommes des
de anakhôrein, s’éloigner, se retirer ;
poids des ans. C’est ce qui explique pour- survivants, des anachronismes, encombrés
XIIe-XVIe s., écrit anacorite, -itte, d’après
quoi : a) avec un adjectif qualificatif épi- de vieux concepts (Martin du Gard).
cénobite, ermite ; 1598, Fr. Feuardent).
thète, on emploie plutôt année, puisque
1. Religieux qui s’est retiré dans la solitude anacoluthe [anaklyt] n. f. (bas lat.
le plus souvent cet adjectif qualifie le
pour se livrer à la mortification ou à la grammatical anacoluthon, du gr. anako-
contenu de l’année ou la façon dont elle
vie contemplative : Christophe se compara louthon, sans liaison, de an priv. et ako-
se déroule : L’année scolaire. Une année
aux saints anachorètes qu’un corbeau vient louthos, qui suit [rac. keleuthos, chemin] ;
pluvieuse ; b) avec un adjectif numéral
nourrir sur leur rocher (Rolland). 2. Par 1751, Encyclopédie). Tournure de phrase
cardinal, on emploie le plus souvent an,
anal. Personne qui mène une vie très reti- qui consiste à interrompre brusquement
même quand on semble exprimer une
rée, généralement pour se livrer à des médi- une construction pour lui en substituer
certaine durée : S’engager pour trois ans.
tations ou à des travaux. une autre. (V. art. spécial.)
2. Mais, dans le cas des adjectifs épithètes • SYN. : 1 et 2 ermite, solitaire. — CONTR. :
qui expriment une date (prochain, der-
1 cénobite.
nier, passé), on emploie indifféremment GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
an et année ; on peut dire : Nous nous anachorétique [anakretik] adj. (de
retrouverons l’an prochain ou l’année pro- anachorète ; 1858, Peschier). Qui a rapport L’ANACOLUTHE
chaine. Nous nous sommes vus l’an der- à l’anachorétisme : La vie anachorétique
L’anacoluthe est un fait de syntaxe, et non
nier ou l’année dernière, sans différence [...] faisait de toutes parts invasion en Judée
de rhétorique : on désigne par là un écart
de sens perceptible. Par ailleurs, l’emploi (Renan).
de construction, qui peut éventuellement
de an et de année est figé dans certaines • SYN.: érémitique. — CONTR.: cénobitique. être exploité à des fins stylistiques. Il y
expressions : ainsi, la même idée est a anacoluthe quand une construction
anachorétisme [anakretism] n. m. (de
exprimée par bon an, mal an et par une commencée est oubliée et fait place à
anachorète ; 1866, Larousse). Mode de vie
année dans l’autre. une autre.
des anachorètes.
ana [ana] n. m. invar. (terminaison lat.
anachronique [anakrnik] adj. (de ana- FAUTE OU LAPSUS
moderne [d’après l’adj. lat. au pl. neutre],
chronisme ; 1866, Larousse). 1. Qui est enta-
ajoutée au nom d’un auteur pour dési- Voici une lettre adressée par une mère au
ché d’anachronisme. 2. Par extens. Qui
gner un recueil d’anecdotes le concernant maître de son fils :
est en retard sur son époque : Avec son képi
[cf. le Bolaeana, le Voltairiana, à propos
fané, sa culotte rouge, il [le colonel] parais- Veuillez, je vous prie d’excuser
de Boileau, de Voltaire] ; av. 1720, Huet).
sait déjà un peu anachronique (Romains). la négligence de Claude, d’avoir
1. Recueil d’anecdotes concernant un
• SYN.: 2 antique, démodé, désuet, périmé. garder le cahier de récitation de son
auteur, un homme célèbre, de pensées,
de bons mots qui lui sont attribués : Ses anachroniquement [anakrnikm] camarade.
personnages [de Michelet] vivaient, sor- adv. (de anachronique ; 1852, Th. Gautier). L’infinitif excuser est construit avec prie,
taient de ces limbes où les inhument les ciné- De façon anachronique : Metchnikoff lui- dont aucune virgule ne le sépare ; le verbe

160
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

initial, veuillez, est oublié, ainsi que la na- éléments selon un système d’analyse de La dislocation ne marque pas un défaut
ture incise de la proposition je vous prie. type logique. de culture : elle reflète l’ordre des idées
La suite de la lettre (avoir garder) prouve dans la pensée naissante. Racine sait y re-
qu’il s’agit d’une femme sans instruction, ANACOLUTHE DE L’ACCORD courir pour imiter la vivacité de l’expres-
mais il arrive que de telles fautes — te- sion spontanée :
L’anacoluthe peut être une incohérence
nues alors pour des « lapsus » ou pour
d’accord : C’est moi qui a gagné. Ce sont Ce Dieu, depuis longtemps votre
des coquilles — échappent aux orateurs
à ces questions qu’il nous faut répondre. unique refuge,
ou aux journalistes, voire les plus lettrés,
dans la précipitation d’un discours ou Mais on admet certaines syllepses (ac- Que deviendra l’effet de ses
d’un article écrit « sur le marbre ». Té- cords selon le sens) : prédictions ?
moin cette phrase parue dans un quoti-
La noblesse de Rennes et de Vitré SYSTÈMES CORRÉLATIFS
dien sous la signature d’un académicien :
l’ont élu malgré lui (Sévigné).
La langue organisée connaît des systèmes
Ce qu’il y a de sûr, c’est que le Quand le peuple hébreu entra dans la
corrélatifs à distance, dont l’inobserva-
spectacle d’une France livrée aux Terre promise, tout y célébrait leurs
tion relève encore de l’anacoluthe. Rem-
manoeuvres politiques, aux complots, ancêtres (Bossuet). placer par ou le second terme des sys-
aux tentatives de putsch, au désordre,
tèmes soit ... soit, tantôt ... tantôt, c’est une
verrait s’éloigner d’elle ses derniers COMPLÉMENTS MAL ATTACHÉS
négligence banale et sans conséquence, à
amis et serait condamnée à l’isole-
La langue admet que certains complé- condition qu’il ne survienne pas un troi-
ment dans lequel sont confinés les
ments soient séparés par une pause (que sième terme. Mais supprimer le second
incurables.
marque une virgule) et éventuellement adverbe des systèmes comme plus ... plus,
On peut distinguer plusieurs types de moins ... moins, ne peut provenir que
éloignés, dans la chaîne orale, du terme
relâchement de la construction qui ont d’un oubli, ou du désordre d’une pensée
auquel ils se rapportent (leur « sup-
été considérés comme du ressort de déréglée par l’émotion, comme dans ces
port »). Encore faut-il qu’il n’en résulte
l’anacoluthe. vers de Racine :
aucune ambiguïté, et ce n’est pas le cas
ANACOLUTHE DU ZEUGME dans la phrase suivante : Ô ciel ! plus j’examine, et plus je le
Souffrant du foie, je vous conseille regarde,
Un type fréquent d’anacoluthe se pré-
C’est lui. D’horreur encor tous mes
sente dans la construction appelée d’éviter l’alcool.
sens sont troublés.
zeugme. Le zeugme consiste à lier sous Il arrive que le support du complément
un même « joug » (en grec zeugma), c’est- manque tout à fait : anaconda [anakda] n. m. (origine incer-
à-dire à coordonner, plusieurs termes de taine ; milieu du XIXe s.). Grand serpent
fonction identique : Sitôt sortis de Sousse, le vent com- de l’Amérique du Sud, se nourrissant
mença à souffler (Gide), d’oiseaux et de mammifères.
Je renonce à la Grèce, à Sparte, à mon
• SYN.: eunecte.
empire... ou soit à tirer d’un adjectif possessif :

Ce zeugme de Racine est correct, parce anacoste [anakst] n. m. ou f. (de


Rentré chez lui, sa femme était
que le terme recteur commun aux com- Aarschot, ville du Brabant ; 1723, Savary).
malade.
pléments coordonnés pourrait être répété Étoffe dont la chaîne et la trame sont en
Les exemples de ces libertés abondent au laine et à double croisure.
sans modification devant chacun d’eux.
Mais le zeugme est vicieux dans une XVIIe s. :
anacréontique [anakretik] adj. (lat.
phrase comme : Captive, toujours triste, importune à anacreonticus ; 1580, Montaigne). Se
moi-même, dit d’oeuvres écrites dans le goût ou à la
*J’entre et je sors de mon bureau,
Pouvez-vous souhaiter qu’Andro- manière des odes légères et gracieuses
parce qu’on ne peut dire : *J’entre de mon maque vous aime ? attribuées au poète grec Anacréon.
bureau.
(Racine). anacréontisme [anakretism] n. m.
Dans la phrase suivante d’Aragon, la dis- (de Anacréon ; J.-B. Rousseau, Lettre à
symétrie des compléments d’objet vise un Et, pleurés du vieillard, il grava sur
L. Racine, 1er mars 1740). Imitation de la
effet cocasse en soulignant une attitude leur marbre
poésie d’Anacréon : L’anacréontisme de
d’irrespect à l’égard du personnage : Ce que je viens de raconter Ronsard.
(La Fontaine).
Il voulait être juge de paix et la légion anacrouse [anakruz] ou anacruse
d’honneur. DISLOCATION [anakryz] n. f. (du gr. ana, en remontant,
L’usage du zeugme était plus libre et krousis, action de frapper ; fin du XIXe s.).
Ch. Bally, dans son Traité de stylistique 1. Dans la métrique ancienne, terme qui
jusqu’au XVIIe s. :
française (1909), a mis en lumière les faits désigne le demi-pied se trouvant avant la
Le bon abbé a pensé mourir en allant de « dislocation » qui caractérisent la syllabe par laquelle commence le premier
et revenant de la Trousse (Sévigné). langue familière : pied complet. 2. En musique, notes
Avant donc qu’il ait été mort, res- initiales d’un rythme, qui précèdent la
suscité et converti les nations, tout Du temps, moi ? Est-ce que j’en ai,
première barre de mesure et mènent au
n’était pas accompli (Pascal). seulement, pour y penser, à cette
premier temps fort.
affaire ?
Vaugelas insista beaucoup, parfois avec
Dans cette phrase, les deux premiers anadyomène [anadjmn] adj. (gr. ana-
une minutie allant jusqu’au scrupule, sur
mots, du temps et moi, n’ont aucune duomênê, sortant de l’eau ; 1866, Larousse).
la « netteté de construction », qu’il dis-
Épithète donnée à Vénus, née de l’écume
tinguait de la « clarté », et peu à peu la marque fonctionnelle ; ils ne sont inté-
de la mer.
phrase a tendu à se conformer à des mo- grés qu’après coup à une proposition
dèles dans lesquels on pourrait définir la organisée, sous la forme du pronom sujet anaérobie [anaerbi] adj. et n. m. (de an
fonction grammaticale précise de tous les je et de l’adverbe complément indirect en. priv., et du gr. aêr, aeros, air, et bios, vie ;

161
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1877, Littré). 1. Se dit de certains micro- anal, e, aux [anal, -o] adj. (de anus ; 1842, brèches qu’y ouvrent les altérations d’ori-
organismes qui vivent en l’absence d’air. Acad.). Relatif à l’anus : Une fissure anale. gine externe, principalement phonétique.
2. Se dit d’un moteur ou d’un engin Le paradigme d’indicatif présent latin
analectes [analkt] ou analecta
fonctionnant sans faire appel à l’air : Les distinguait clairement un radical in-
[analkta] n. m. pl. (lat. analecta, du gr.
propulseurs anaérobies nécessitent à la fois variable d’une terminaison variable ;
analekta, choses choisies ; 1721, Trévoux).
des réservoirs de carburant et de comburant. exemple :
Morceaux choisis d’un ou de plusieurs
• CONTR. : 1 aérobie.
auteurs.
plór-o, plor-ámus,
anaérobiose [anaerbjoz] n. f. (de ana- • SYN.: anthologie, chrestomathie, florilège. plór-as, plor-átis,
érobie ; fin du XIXe s.). Vie des organismes plór-at, plór-ant.
analepsie [analpsi] n. f. (gr. analêp-
anaérobies.
sis, action de reprendre des forces ; fin du En ancien français, l’évolution phoné-
anafin [anaf] n. m. (ar. an-nafir ; 1863, XVIe s.). Retour des forces après une mala- tique avait altéré le radical de manière
Littré). Sorte de flûte usitée chez les die ; convalescence. différente selon qu’il portait ou non
Arabes : Mais hélas ! au lieu du son des ana- • SYN.: rétablissement. — CONTR.: rechute. l’accent :
fins, du bruit des trompettes et des chants
d’amour, un silence profond régnait autour analeptique [analptik] adj. et n. m. pleur, plour-ons,
d’Aben-Hamet (Chateaubriand). (lat. analepticus, du gr. analêptikos, de pleur-es, plour-ez,
analambanein, reprendre, recouvrer ; pleur-e(t), pleur-ent.
anaglyphe [anaglif] ou anaglypte [ana- 1555, B. Aneau). Qui redonne des forces,
glipt] n. m. (gr. anagluphos, de ana, de bas L’instinct analogique a rétabli par la suite
stimule : Un remède analeptique. Un excel-
en haut, et gluphein, sculpter ; 1495, J. de l’unité radicale compromise, en étendant
lent analeptique.
Vignay, écrit anaglife). 1. Ouvrage sculpté à tout le paradigme le radical pleur- ; bien
• SYN.: fortifiant, reconstituant, remontant entendu, les formes pleur-ons, pleur-ez
en bas relief. 2. Photographie ou pro-
(fam.), stimulant, tonique. ont été tenues pour des « fautes », du type
jection stéréoscopique en deux couleurs
complémentaires et donnant l’impression analgésie [analezi] n. f. (gr. analgêsia, de appelé « barbarisme », avant de devenir
du relief. an priv. et algos, douleur ; 1836, Landais). les seules formes régulières.
Suppression spontanée ou thérapeutique On pourrait voir dans cette réfection
anagnoste [anagnst] n. (gr. anag-
de la sensibilité à la douleur. analogique la simple application d’une
nôtês, lecteur ; XVIe s., Rabelais). Chez les
• SYN.: anesthésie. — CONTR.: hyperalgésie, loi : à signifié unique, signifiant unique.
Romains, esclave chargé de faire la lecture
hyperesthésie. Une variation de radical aurait paru su-
pendant le repas.
perflue là où les désinences personnelles
anagogie [anagi] n. f. (gr. anagôgê, analgésique [analezik] adj. et n. m.
sont précisément le plus claires (-ons,
élévation ; 1495, J. de Vignay, écrit (de analgésie ; 1878, Larousse). Qui pro-
-ez) : l’uniformisation du radical répond
anagoge ; 1560, Viret). 1. Élévation de duit l’analgésie : Le laudanum est un
au besoin d’économiser les marques.
l’âme dans la contemplation mystique. analgésique.
Et il est vrai que cette loi commande de
2. Interprétation des textes sacrés par • SYN. : antalgique, calmant, sédatif, haut les transformations qui ont tendu à
laquelle on s’élève du sens littéral au sens tranquillisant. uniformiser les verbes à radical variable,
mystique. (On dit aussi ANAGOGISME.) [anali] n. f. (lat. analogia, primitivement les plus nombreux et les
analogie
• SYN.: 1 extase. mot gr. signif. « correspondance » ; début plus employés. Mais, dans la pratique,
du XVe s.). Rapport qui existe entre deux l’effet de l’analogie ne se réalise que par
anagogique [anagik] adj. (lat. anago-
ou plusieurs choses présentant certains la voie de l’imitation de phrase à phrase,
gicus, du gr. anagôgikos, de ana, en remon-
caractères communs : L’amitié repose sou- et ladite simplification ne se serait peut-
tant, et agôgos, qui conduit ; fin du XVe s.).
vent sur une analogie de goûts et d’idées. Ce être jamais produite si certains verbes,
En rapport avec l’anagogie ; conforme à
n’est que par une extension de sens qu’on la comportant dès l’origine, n’avaient
l’anagogie : Une interprétation anagogique.
donne le même nom aux êtres et aux faits servi de modèles, par exemple le verbe
• SYN. : spirituel, symbolique. — CONTR. :
qui ont entre eux plus ou moins d’analogie chanter :
littéral.
(Renan). Par analogie, en se fondant sur
chant, chant-ons,
anagrammatique [anagramatik] adj. les rapports, les ressemblances que l’on
(de anagramme ; 1863, Littré). Qui a le chant-es, chant-ez,
constate entre plusieurs choses : La partie
caractère de l’anagramme : La transfor- chant-e, chant-ent.
basse d’une montagne s’appelle le pied de
mation anagrammatique d’un mot. la montagne par analogie avec le pied de La substitution de la forme pleurez à
l’homme (Acad., 1878). plourez n’a vraisemblablement abouti
anagrammatiser [anagramatize] v. tr.
qu’en passant par des formules propor-
(de anagramme ; 1550, Ronsard). Mettre en • SYN.: affinité, conformité, ressemblance,
tionnelles comme : x / pleures = chantez
anagramme : Anagrammatiser le nom de similitude. — CONTR.: contraste, différence,
/ chantes.
Molière en ÉLOMIRE. dissemblance, divergence, opposition.
L’altération analogique est rarement la
anagrammatiste [anagramatist] n.
résolution d’une seule formule propor-
(de anagramme ; 1584, Simon Goulart). GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE tionnelle. Dans le cas de pleurer (ancien-
Personne qui fait des anagrammes.
nement plourer), d’autres rapproche-
L’ANALOGIE
anagramme [anagram] n. f. (gr. de ments ont pesé, avec d’autres personnes
basse époque anagramma, renversement L’analogie intéresse la linguistique de l’indicatif, de l’impératif et du sub-
de lettres ; 1571, R. Belleau ; on disait aussi, comme facteur de conservation ou de jonctif. Une analogie inverse aurait pu
au XVIe s., anagrammatisme, n. m., du gr. changement tendant à maintenir ou à généraliser le radical plour-, qui était
anagrammatismos, même sens). Nouveau parfaire le parallélisme du système des celui de l’imparfait, du passé simple, des
mot que l’on forme en changeant de place signifiants et du système des signifiés. participes et de l’infinitif, donc du futur
les lettres d’un mot, sans en ajouter ni en Elle est à l’origine de tous les paradigmes et du conditionnel. Pourquoi les formes
retrancher aucune : DRANEM est l’ana- dont l’ensemble constitue la morpholo- minoritaires l’ont-elles emporté ? Le
gramme de MÉNARD ; GARE, celle de RAGE. gie, et elle colmate perpétuellement les contraire s’est passé pour le verbe trou-

162
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

ver, où tu trouves a éliminé tu treuves ; Henri Frei (dans la Grammaire des fautes, sens des mots voisins ; ainsi, quand naïf
enfin, beaucoup de verbes, résistant à Genève, 1929) rejette le terme de « conta- (lat. nativus), qui signifiait encore « natu-
toute analogie, ont conservé l’alternance mination » comme donnant à croire qu’il rel » au XVIe s., a pris le sens de « niais »,
radicale : tu meurs / vous mourez, tu vaux s’agit de formes foncièrement patholo- les dérivés naïveté et naïvement ont reçu
/ vous valez, etc. Ces différents comporte- giques. Il impute à l’« instinct analo- la même nuance péjorative. Il s’en faut
ments sont conditionnés par des facteurs gique » toutes les confusions fondées sur beaucoup que cette tendance aboutisse
nombreux — phonétiques, grammati- une ressemblance, comme la déforma- toujours.
caux, sémantiques —, sur lesquels nous tion de infectieuse en infectueuse d’après
ne pouvons faire que quelques remarques analogique [analik] adj. (bas lat. analo-
défectueuse, de taie d’oreiller en tête
générales. gicus, du gr. analogikos ; 1547, Budé). Fondé
d’oreiller (n’y pose-t-on pas la tête avec
sur l’analogie : Raisonnement analogique.
• Toutes choses égales d’ailleurs, le les oreilles ?), « accidents » du français
nombre des proportions en jeu doit populaire, ou « français avancé », qui sa- analogiquement [analikm] adv. (de
compter. Un grand quotidien titrait, à tisfont, si l’on veut, au principe : à signi- analogique ; 1557, Dict. général). Par ana-
une époque de grèves : Les cokeries ne fiés proches, signifiants rapprochés. Il y logie : Raisonner analogiquement.
s’éteigneront pas. Cette création procède rattache encore les altérations du signifié
analogisme [analism] n. m. (de ana-
d’une formule comme : x / s’éteignaient = entraînées par une ressemblance dans les
logie ; milieu du XVIIIe s.). Raisonnement
se baigneront / se baignaient. signifiants : à signifiants proches, signi-
par analogie.
fiés rapprochés ; ainsi, fruste, exprimant
Si la forme régulière s’éteindront n’a
proprement l’aspect d’une médaille effa- analogiste [analist] n. (de analogie ;
jamais été remplacée dans la langue par
cée par le temps, a pris, par « analogie » début du XIXe s.). Personne qui raisonne
cette forme fautive, c’est qu’une formule
beaucoup plus généralement appliquée avec rustre, le sens de « mal dégrossi » ; par analogie, qui établit des analogies
rapporte le futur à l’infinitif : s’éteindront errement, « manière d’agir habituelle », entre certaines choses : J’ignore si quelque
/ s’éteindre = attendront / attendre = a pris le sens d’erreur ; certains noms analogiste a établi solidement une gamme
connaîtront / connaître, etc. masculins ont été pris pour des féminins complète des couleurs et des sentiments...
en raison de leur finale en -e : tubercule, (Baudelaire).
•La fréquence du mot modèle joue un
âge (C’est la belle âge), obus (prononcé
grand rôle. Ainsi, le verbe envoyer, qui analogue [analg] adj. (gr. analogos, pro-
*obusse), etc. Autant d’innovations de
avait primitivement un futur envoierai, portionnel, qui est en rapport avec ; 1503,
portée minime à mettre au compte d’un
semblable à ceux de noyer, broyer, ployer, G. de Chauliac). Qui présente des rapports
instinct analogique non essentiellement
a subi l’attraction du verbe voir ; la for- partiels de similitude : Trois cigognes d’or
autre que celui auquel on doit la norma-
mule : x / j’envoyais = je verrai / je voyais sur champ d’azur, ou quelque chose d’ana-
lisation des grands systèmes de para-
a donné le futur j’enverrai, aujourd’hui logue, car l’ombre de la voûte ne permet-
digmes : la disparition du neutre en fran-
régulier ; outre l’identité de la consonne tait pas de les bien distinguer (Gautier). Je
çais n’a-t-elle pas passé par les voies d’une
initiale, le verbe voir s’est imposé par sa remplace certains mots par d’autres mots
confusion entre des pluriels comme gau-
très grande fréquence (43e terme dans la
dia et des féminins comme gloria ? de consonance voisine et de sens analogue
liste de fréquence du français moderne).
(Duhamel).
En somme, on classe légitimement sous
•Le facteur essentiel est sans doute la • SYN.: comparable, équivalent, parallèle,
le chef de l’analogie tous les faits réduc-
fréquence du mot lui-même soumis à la proche, ressemblant, semblable, similaire,
tibles à une formule proportionnelle,
pression analogique. Si dans beaucoup voisin. — CONTR.: contraire, différent, dis-
quelle que soit l’extension des différents
de langues la conjugaison du verbe signi- semblable, divergent, opposé.
termes de la formule (élément souvent
fiant être peut rester de toutes la moins
difficile à évaluer). La nature des termes n. 1. Ce qui se rapproche de, ressemble
régulière, c’est que ce verbe y est, comme
de la proportion n’est pas non plus à à : Une conversation dont l’éloquence capri-
en français, le mot le plus fréquemment
considérer, le terme altéré (x) pouvant cieuse, ardente, subtile, mais toujours rai-
employé. Non seulement il résiste à toutes
être du domaine des signifiants (plourons sonnable, n’a pas d’analogue, même chez
les normalisations analogiques, mais il a
devient pleurons) ou de celui des signifiés les plus renommés causeurs (Baudelaire).
imposé à d’importantes séries de verbes
(fruste prend le sens de rustre). Ils se fabriquèrent une résidence qui n’avait
certaines de ses particularités : la dési-
nence -ons de la première personne du On groupe sous le nom d’analogie syno- pas d’analogue dans tout le département
pluriel remonte à une désinence latine nymique des faits réductibles à une for- (Flaubert). 2. Personne qui présente un
-umus, tirée de sumus ; les passés simples mule dont tous les termes appartiennent certain nombre de traits communs avec
en -us (eus, valus, mourus, etc.) s’ex- au plan sémantique. Du jour où le mot une autre : Nous avons de nos jours [...]
pliquent par le modèle fus (de f, dissyl- noir a pris en argot le sens de « ivre », tous un analogue du Grand Arnauld écrivain
labique et proclitique). les mots dont le signifié contient l’idée de dans la personne de M. de La Mennais
couleur sombre ont été orientés du côté (Sainte-Beuve).
On limite ordinairement le domaine de
l’analogie aux changements qui mettent de l’ « ivresse » : « se mâchurer, être cho- analphabète [analfabt] adj. et n. (ital.
en jeu de larges systèmes de paradigmes, colat, réglisse, coaltar, chicorée, se poisser analfabeto, illettré, du gr. analphabêtos,
au moins dans un des termes (a quo ou [...], aller à la corvée de cirage, s’engager qui ne sait ni A ni B ; 1580, Joubert). Qui ne
ad quem) de la proportion analogique. dans les troupes noires, avoir le nez sale, sait ni lire ni écrire : Il n’est pas analpha-
On affecte de préférence le nom de conta- avoir le nez de chien [...], avoir la gueule bète, il n’est plus maintenant qu’ignorant
mination à des influences d’élément d’ébène, être teinté, segriser » (G. Esnault, (Bernanos).
à élément. On parlera donc plutôt de dans Où en sont les études de français,
• SYN.: illettré.
contamination dans des cas d’imitation Paris, 1935). L’argot est le terrain d’élec-
syntaxique comme celui de se rappeler, tion, mais non le domaine exclusif, de analphabétisme [analfabetism] n. m.
construit avec de sur le modèle de se sou- ce type d’altération, cas particulier d’un (ital. analfabetismo, absence d’instruction ;
venir, ou celui du groupe pour que ... ne phénomène plus vaste, l’analogie séman- début du XXe s.). Absence, dans un groupe
... pas, inversé en pour ne pas que sur le tique. Il y a analogie sémantique chaque humain ou chez des individus, de l’ins-
modèle de pour ne pas (+ infinitif), dans fois que le changement du sens d’un mot truction la plus élémentaire : Combattre
une langue à la fois incorrecte et affectée. entraîne un changement parallèle du l’analphabétisme.

163
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

analysable [analizab] adj. (de analy- étude minutieuse et approfondie : Analyser tirés des souvenirs que le médecin recueille
ser ; milieu du XIXe s.). Qu’il est possible des documents. 4. Raconter brièvement, en interrogeant le malade, et concernant
d’analyser : Cette folle de Renée [...] était la en dégageant l’essentiel : Analyser un cha- toutes les circonstances qui ont précédé
moins analysable des femmes (Zola). Que pitre de roman. 5. Analyser les mots d’une l’état actuel : L’esprit du médecin, éveillé par
s’est-il passé ? Des choses mal analysables proposition, les propositions d’une phrase, un mot, par un trait de l’anamnèse, risque
(Duhamel). en faire l’analyse grammaticale, logique. de setrouver orienté, parfois même fixé dès
[analiz] n. f. (gr. philos. analusis,
• SYN.: 3 disséquer, éplucher (fam.), inven- avant l’examen somatique (Duhamel).
analyse
de analuein, décomposer ; 1578, A. d’Aubi- torier. — CONTR. : 1 combiner, composer,
anamorphose [anamrfoz] n. f. (du gr.
recomposer, reconstituer, synthétiser.
gné). 1. Action de décomposer une subs- ana, de nouveau, et morphê, forme ; 1751,
tance en ses éléments constituants : Analyse s’analyser v. pr. Examiner attentivement
Encyclopédie). 1. Phénomène qui se produit
chimique. Analyse du sang. Spécialem. les divers éléments de son moi : Il l’inter-
quand la grandeur apparente de l’image
Ensemble des opérations physiques ou rogea sur elle, la forçant à des précisions,
d’un objet n’est pas la même horizonta-
chimiques destinées à déterminer la com- l’aidant à s’analyser (Martin du Gard).
lement et verticalement. 2. Par extens.
position d’un corps, à des fins médicales, analyseur [analizoer] n. m. (de analyser ; Image déformée d’un objet.
scientifiques ou commerciales : Analyse fin du XVIIIe s.). 1. Personne qui pratique
d’urine. Analyse bactériologique. Il avait ananas [anana ou ananas] n. m. (du
l’analyse psychologique (souvent péjor.) :
fait procéder à une analyse de l’eau, dans guarani nana, par l’intermédiaire de
Nous autres, analyseurs, rien de ce qui se
un laboratoire spécialement outillé. Il avait l’esp. ananas, anana ; 1544, écrit ainanas,
passe en nous ne nous échappe (Barrès).
soumis les résultats de l’analyse à des per- ainana ; nana, 1554 ; ananas, 1578, J. de
2. Appareil permettant de faire une ana-
sonnes compétentes (Romains). 2. Fig. Léry). 1. Plante originaire de l’Amérique
lyse : Analyseur de son.
Étude minutieuse faite en vue de dégager tropicale, cultivée pour son fruit. 2. Le
les éléments propres à expliquer, à éclai- analyste [analist] n. (de analyse ; XVIIe s., fruit de cette plante, à la pulpe sucrée et
rer un ensemble : Analyse psychologique. Malebranche). Personne qui s’adonne à parfumée : J’ai connu de ces palais blasés
Analyse d’un penchant, d’une passion, d’un l’analyse mathématique, chimique, psy- qui revenaient au piment après avoir mangé
caractère. Toutes les analyses du roman, chologique, etc. : Un certain procédé appelé des ananas (Barbey d’Aurevilly).
toutes les intuitions de l’histoire sont dans réalisme — injure dégoûtante jetée à la face
de tous les analystes (Baudelaire). anapeste [anapst] n. m. (lat. anapaestus,
l’oeuvre [de Dumas père] (Hugo). Combien
du gr. anapaistos, frappé à rebours ; XVIe s.,
cette analyse de ma tristesse est dangereuse analytique [analitik] adj. (bas lat. ana- Ronsard). Pied de vers grec ou latin qui
(Gide). L’analyse doit toujours précéder la lyticus, du gr. analutikos, de analuein, se compose de deux brèves suivies d’une
synthèse ; mais de l’analyse à l’oeuvre d’art décomposer ; XVIe s., La Boderie). 1. Qui longue.
il y a toute la différence qui est entre une procède par voie d’analyse : Notre concep-
planche d’anatomie et une statue (Gide). tion analytique qui discerne et compose ce anapestique [anapstik] adj. (lat. ana-
En dernière analyse, après que tout a été que nous appelons le temps, l’espace, la paesticus, du gr. anapaistikos ; 1558, G.
bien examiné, en définitive. 3. Analyse matière, semble être incapable de repré- Morel, Dict. général). Se dit d’un vers grec
grammaticale, étude de la nature et de la senter exactement les phénomènes de cet ou latin composé d’anapestes, ou de tout
fonction des mots dans une proposition. ordre (Valéry). Une méthode, une démons- rythme semblable.
Analyse logique, étude de la nature et tration analytique. Langues analytiques, anaphore [anafr] n. f. (lat. gramm. ana-
de la fonction des propositions dans une celles qui expriment les diverses idées et phora, empr. au gr. ; 1557, A. Fouquelin).
phrase. 4. Action de résumer une oeuvre les divers rapports grammaticaux par des Figure de style qui consiste à répéter un
en la décomposant en ses éléments essen- mots distincts : Le français est une langue
même mot, une même expression au début
tiels ; résultat de cette opération : Faire analytique. Géométrie analytique, partie de phrases successives. (Ex. : Ceux qui
l’analyse d’une pièce de théâtre, d’un roman. des sciences mathématiques qui applique
sont amoureux, leurs amours chanteront,
5. En termes de logique (par opposition à la géométrie les procédés de l’algèbre.
| Ceux qui aiment l’honneur chanteront de
à synthèse), méthode de raisonnement qui 2. Qui est le résultat d’une analyse ou qui
va du tout à ses éléments, du complexe au la gloire, | Ceux qui sont près du roi publie-
comporte une analyse : Table analytique
ront sa victoire, | Ceux qui sont courtisans
simple, des faits aux causes. 6. Partie d’un manuel. Catalogue analytique d’une
des sciences mathématiques qui étudie leurs parents vanteront [Du Bellay].)
bibliothèque. Compte rendu analytique. Les
les fonctions, les limites, les dérivées et feuillets étaient épars sur le lit [...]. Antoine anaphrodisiaque [anafrdizjak] adj. et
les primitives. 7. En télévision, décom- les rassembla et les relut. Les deux premiers n. m. (de an priv. et de aphrodisiaque ; 1863,
position d’une image à transmettre en étaient consacrés au récit analytique du rêve Littré). Qui diminue, éteint le désir sexuel :
éléments séparés, habituellement dispo- (Martin du Gard). Un philtre anaphrodisiaque. Le camphre
sés sous forme de bandes horizontales. passe pour un anaphrodisiaque.
• CONTR. : 1 et 2 synthétique.
8. Analyse du travail, étude des opé-
n. f. 1. Chez Aristote, partie de la adj. et n. Se dit d’une personne atteinte
rations élémentaires et des mouvements
logique qui traite de la démonstration. d’anaphrodisie.
relatifs à l’exécution d’un travail donné, en
2. Analytique transcendantale, nom
vue de supprimer les efforts improductifs. anaphrodisie [anafrdizi] n. f. (gr.
donné par Kant à la partie de la Critique de
• CONTR. : 1 combinaison, synthèse. anaphrodisia, de an priv. et de aphrodi-
la raison pure qui a pour objet la recherche
sia, plaisirs de l’amour ; début du XIXe s.).
analyser [analize] v. tr. (de analyse ; des formes de l’entendement (catégories).
Diminution, disparition du désir sexuel.
1698, Tournefort). 1. Décomposer un tout
analytiquement [analitikm] adv.
en ses éléments constituants : Analyser le anaphylactique [anafilaktik] adj. (de
(de analytique ; 1668, Journ. des savants).
sang, l’urine, l’air, un produit alimentaire. anaphylaxie ; 1907, Larousse). Qui a rap-
D’une manière analytique : Il sent ou plu-
2. Fig. Chercher à découvrir les différents port à l’anaphylaxie : Richard souffrait de
tôt il juge successivement, analytiquement
éléments qui composent un tout et sont de suffocation [...] qu’il expliquait volontiers,
(Baudelaire).
nature à l’expliquer, à l’éclairer : Analyser pour ses amis et ses élèves, en les impu-
• CONTR. : synthétiquement.
la situation. Obsédé par cette vision, je tant à ce qu’il appelait des phénomènes de
cherchai à analyser ma soudaine douleur anamnèse [anamnz] n. f. (gr. anamnêsis, l’ordre anaphylactique (Duhamel). État,
(Baudelaire). 3. Par extens. Faire une souvenir ; début du XXe s.). Renseignements choc anaphylactique.

164
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

anaphylaxie [anafilaksi] n. f. (du gr. ana, anarchisant, e [anariz, -t] adj. (part. • REM. En parlant d’un appareil photo-
idée de contraire, et phulaxis, protection ; prés. de anarchiser ; 1866, Larousse). Qui graphique, on dit aussi ANASTIGMAT, adj.
1902, mot créé par Ch. Richet). Intolérance tend à l’anarchie politique, sociale : Une et n. m.
soudaine ou progressive à l’égard d’une agitation anarchisante.
anastomose [anastmoz] n. f. (gr. anas-
substance que l’organisme avait d’abord adj. et n. Qui a des sympathies pour tomôsis, ouverture, de ana, sur, et stoma,
bien tolérée : La vie est ainsi toute faite de l’anarchie : Il résolut de pousser jusque bouche ; 1560, Paré). 1. Communication
contrastes déconcertants. L’accoutumance chez Vidal, un libraire du Faubourg-Saint- qui s’établit entre deux vaisseaux orga-
et l’immunité, ce serait vraiment trop beau, Antoine, dont l’arrière-boutique servait de niques. 2. Adossement de deux rameaux
ce serait aussi trop simple. Alors, nous avons lieu de réunion à ce groupe d’intellectuels nerveux, de deux fibres musculaires.
l’anaphylaxie, comprends-tu ? (Duhamel).
anarchisants qui éditaient « l’Élan rouge »
• SYN.: allergie, sensibilisation. — CONTR.: (Martin du Gard). anastomoser [anastmoze] v. tr. (de
immunisation, immunité. anastomose ; 1717, Journ. des savants).
anarchiser [anarize] v. tr. (de anarchie ; Joindre par anastomose.
anaplasie [anaplazi] n. f. (du gr. ana, en fin du XVIIIe s.). 1. Vx. Pousser à l’anarchie :
sens contraire, et plassein, former ; 1866, s’anastomoser v. pr. S’aboucher par
Les Girondins poussaient à l’émeute, les
Larousse). Développement anormal d’une anastomose.
Jacobins anarchisaient l’armée (Lamartine).
cellule ou d’un tissu. anastrophe [anastrf] n. f. (gr. anas-
2. Par extens. Désorganiser : Une loi qu’il
anaplastie [anaplasti] n. f. (du gr. ana- est impossible de faire exécuter, même en trophê, retournement, bouleversement ;
plassein, remodeler ; milieu du XIXe s.). anarchisant toutes les parties de l’Empire 1718, Gédoyn). Renversement de l’ordre
Opération chirurgicale qui a pour but (Mirabeau). habituel des mots. (Ex. :en latin, vobiscum
de refaire un organe mutilé grâce à un pour cum vobis.)
anarchisme [anarism] n. m. (de anar-
emprunt de chair opéré sur l’individu • SYN.: inversion.
chiste ; milieu du XIXe s.). 1. Doctrine poli-
lui-même : Une anaplastie du nez.
tique qui préconise la suppression de tout anathématisation [anatematizasj]
• SYN.: AUTOPLASTIE. n. f. (de anathématiser ; 1866, Larousse).
gouvernement : La pensée individuelle,
anarchie [anari] n. f. (gr. anarkhia, placée sans intermédiaire en face de l’Évan- 1. Action d’anathématiser. 2. Formule
absence de commandement, de an priv. et gile tout seul, en peut assez naturellement servant à anathématiser.
arkhê, commandement, par l’intermédiaire tirer l’anarchisme social (Maurras). 2. Par
anathématiser [anatematize] v. tr. (lat.
des trad. lat. d’Aristote ; 1361, Oresme). extens. D’une manière générale, attitude de ecclés. anathematizare, du gr. anathema-
1. Système politique et social suivant lequel quiconque est partisan du rejet des tutelles, tizein ; XIVe s., Dict. général). 1. En par-
l’individu doit être affranchi de toute tutelle des contraintes dans quelque domaine que lant de l’Église, frapper d’anathème :
gouvernementale : Il est plus facile d’éri- ce soit. Anathématiser un hérétique. 2. Par
ger une république sans anarchie, qu’une
anarchiste [anarist] adj. (de anarchie ; extens. Vouer à l’exécration, blâmer hau-
monarchie sans despotisme (Napoléon Ier).
1797, Laharpe, Dict. général). Qui se tement : Soriaud anathématisait en termes
L’anarchie apparaît comme une chimère aux
réclame de l’anarchisme : Une conception grandiloquents la ville aux instincts impurs
esprits de bon sens. 2. Par extens. État de
moins anarchiste de la société (Martin du (P. Margueritte).
trouble effectif dû à l’absence momenta-
Gard). • SYN. : 2 f létrir, réprouver. — CONTR. : 2
née d’autorité politique, de lois, de disci-
pline : À la faveur de l’anarchie militaire, les n. Personne qui professe les théories applaudir à, approuver, célébrer, exalter,
Germains envahirent l’Empire romain au anarchistes ou y conforme ses actes : Les glorifier, louer, vanter.
IIIe siècle. 3. Par anal. Dans toute espèce vrais anarchistes sont ceux qui sont impa- anathématisme [anatematism] n. m.
de domaine, absence de règles, de principes tients d’avoir toujours obéi et qui sont inca- (gr. anathematismos ; XVe s., Dict. général).
directeurs, aboutissant au désordre, aux pables de commander (Lamartine). Bulle, canon qui frappe d’anathème une
excès, à l’arbitraire : Il me faut, comme à hérésie : Tout ce que les premiers conciles
anarcho [anarko] n. m. (abrév. de anar-
l’univers, un Dieu qui me sauve du chaos et oecuméniques ont inséré dans leurs symboles
chiste ; 1894, Esnault). Arg. Anarchiste : Tu
de l’anarchie de mes idées (Rivarol). Ceux ou dans leurs ana-thématismes (Bossuet).
n’es pas un véritable anarcho. Tu aimes ta
qui veulent faire de l’anarchie en littérature,
turne (Bourget). anathème [anatm] n. m. (lat. ecclés.
sous prétexte de nouveau, tombent dans le
contresens (Lautréamont). [anarko- anathema, du gr. ecclés. anathema,
anarcho-syndicalisme
offrande votive, puis, péjor., malédiction,
• SYN. : 2 et 3 chaos, confusion, désordre, sdikalism] n. m. (de anarchisme et de syn-
objet maudit ; 1190, Garnier de Pont-Sainte-
pagaille (fam.). — CONTR. : 2 et 3 ordre, dicalisme ; fin du XIXe s.). Anarchisme qui
organisation. Maxence). 1. Sentence par laquelle l’Église
attribue aux syndicats le premier rôle dans
la lutte revendicative. catholique rejette quelqu’un hors de son
anarchique [anarik] adj. (de anarchie ; sein : Prononcer, lever un anathème. Par
1594, Satire Ménippée). 1. Qui tient de anarcho-syndicaliste [anarkosdi- anal. En parlant de l’Église, action de reje-
l’anarchie : Une situation anarchique. Elle kalist] adj. (de anarcho-syndicalisme ; fin du ter une opinion, une déclaration comme
[...] prétendait même à des initiatives har- XIXe s.). Relatif à l’anarcho-syndicalisme. contraire au dogme : Frapper d’anathème
dies qu’Honoré jugeait presque anarchiques n. Partisan de l’anarcho-syndicalisme. une proposition. 2. Fig. Malédiction
(Aymé). 2. Qui est en proie à l’anarchie ; lancée contre quelqu’un : Anathème |
qui n’obéit à aucune direction : Ses mou- anasarque [anazark] n. f. (du gr. ana,
Au chrétien qui souilla l’eau sainte du
vements dispersent la foule anarchique sur, à travers, et sarx, sarkos, chair ; 1372,
baptême (Hugo). 3. Par extens. Blâme
(Alain). J. Corbichon, écrit anasarca ; 1636, E. de
sévère et solennel : À la fin de ces longs
Clave). OEdème généralisé à tout le corps.
anarchiquement [anarikm] adv. (de anathèmes, Madeleine souriait assez triste-
anarchique ; milieu du XIXe s.). De façon anastigmatique [anastigmatik] adj. (de ment (Fromentin). Une conduite qui mérite
anarchique : Il travaillait comme il eût joué, an priv. et de astigmatisme ; fin du XIXe s.). l’anathème. 4. La personne frappée de la
anarchiquement, individuellement, sans Se dit d’un système optique dont les cour- sentence ecclésiastique : Et l’Ange [...] | De
tenir aucun compte des besoins des pays bures sont parfaitement sphériques. (V. ses poings de géant torture un anathème, |
ou de l’époque (Morand). ASTIGMATISME.) Mais le damné répond (Baudelaire).

165
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN.: 1 excommunication ; 3 condamna- anatomiquement [anatmikm] adv. cend : Mon grand-père ne parlait que de sa
tion, réprobation ; 4 excommunié, réprouvé. (de anatomique ; 1651, La Mothe Le Vayer). généalogie et des prouesses de ses ancêtres
adj. 1. Qui rejette hors de l’Église : Bulle Du point de vue anatomique. (Sand). Spécialem. Illustres aïeux : Un
anathème. 2. Qui a subi un anathème, grand seigneur est un homme qui voit le
anatomiser [anatmize] v. tr. (de ana-
une malédiction : L’orgueilleuse mélancolie roi [...], qui a des ancêtres (Montesquieu).
tomie ; 1503, G. de Chauliac ; au sens fig.,
[...] | Meurtrit votre front anathème | Au 2. Par extens. En dehors de la famille,
1665, A. Graindorge). 1. Class. Faire l’ana-
choc rude des éléments (Verlaine). tous ceux qui ont vécu autrefois et dont
tomie de, disséquer : Anatomiser un corps
nous continuons la race : Nos ancêtres les
(Acad., 1694). 2. Class. et littér. Analyser
anatidés [anatide] n. m. pl. (lat. anas, Gaulois. 3. Pop. Les parents : Bonjour, la
subtilement : Jamais le coeur humain n’a été
anatis, canard ; 1842, Acad.). Famille d’oi- Burgonmuche, je viens voir mes ancêtres
mieux anatomisé que par ces Messieurs-là
seaux palmipèdes dont le canard est le type. (Hugo).
[de Port-Royal] (Sévigné). Je craignais de
anatife [anatif] n. m. (abrév. de anatifère, déflorer les moments heureux que j’ai ren-
• SYN.: 1 aïeux, pères.
du lat. anatifera, de anas, anatis, canard, contrés, en les décrivant, en les anatomisant • REM. Le féminin de ce mot est rare :
et ferre, porter [d’après une légende écos- (Stendhal). J’observe, j’anatomise, je fais La glorieuse ancêtre de Votre Majesté
saise qui faisait naître les canards dans ces de la psychologie, je promène mon scalpel (Littré).
crustacés] ; début du XIXe s.). Crustacé à à droite et à gauche (Gautier).
anche [] n. f. (du francique *ankja [cf.
coquille calcaire, qui vit fixé aux épaves • SYN.: 2 disséquer, éplucher (fam.), fouiller, anc. haut allem. ancha], jambe et tuyau,
marines par un fort pédoncule. inventorier. par l’intermédiaire d’un parler du Centre
anatocisme [anatsism] n. m. (lat. ana- anatomiste [anatmist] n. (de anatomie ; ou de l’Ouest, où anche signifiait « robinet,
tocismus, intérêt composé, du gr. anatokis- 1503, G. de Chauliac). 1. Personne qui s’oc- conduit » ; XVIe s., au sens de « tuyau » ou
mos, de ana, de nouveau, et tokos, intérêt ; cupe d’anatomie. 2. Fig. et vx. Celui qui « embouchure de hautbois ou de corne-
début du XVIIe s.). Capitalisation des inté- analyse minutieusement : Un anatomiste muse »). Languette dont les vibrations pro-
rêts d’une somme prêtée. pénétrant du coeur humain. duisent les sons dans certains instruments
à vent, comme le hautbois, le basson, la
• SYN.: 2 analyseur, analyste.
anatomie [anatmi] n. f. (lat. anatomia, clarinette.
mot gr., du v. anatemnein, disséquer ; anatoxine [anatksin] n. f. (du gr. ana,
contraire de, et de toxine ; 1923, Larousse). anchois [wa] n. m. (probablem. de l’esp.
milieu du XIVe s.). 1. Vx. Dissection du
Toxine microbienne atténuée, et capable anchoa [par l’intermédiaire du provenç.],
corps d’un être organisé en vue d’acqué-
de conférer une immunisation : Le docteur du gr. aphuê, même sens, par une forme
rir une connaissance d’ensemble de sa
Ramon a préparé une anatoxine tétanique. du lat. pop. *apiu(v)a, appuyée par la glose
structure : Faire l’anatomie d’un cadavre,
apya ; 1546, R. Estienne). Petit poisson de
d’un animal, d’une plante. 2. Par extens. ancelle [sl] n. f. (lat. ancilla, servante ; mer, que l’on conserve dans la saumure ou
Étude des différentes parties du corps s.). Nom donné à la Sainte Vierge,
XVIe
dans l’huile, et que l’on mange surtout en
des êtres organisés et des rapports des qui elle-même se dit « la servante » quand hors-d’oeuvre.
organes qui les constituent, par le moyen l’ange lui annonça qu’elle serait mère du
de la dissection ou par d’autres méthodes ; Sauveur (« Ecce ancilla Domini »). [Des anchoité, e [wate] adj. (de anchois ;
science fondée sur cette étude : Un cours religieuses ont repris ce nom.] 1810, Almanach des gourmands). Se dit
d’anatomie. L’amphithéâtre d’anatomie. principalement de sardines préparées à la
ancestral, e, aux [sstral, -o] adj. (de manière des anchois.
Anatomie comparée, étude qui établit
ancestre, anc. forme de ancêtre ; milieu du
des rapports de structure entre les êtres ancien, enne [sj, -n] adj. (repris au
XIXe s.). 1. Qui appartient aux ancêtres :
organisés. Anatomie pathologique, étude lat. des clercs anteanus, formé sur ante,
Les vertus ancestrales. 2. Par extens. Qui
de la structure des organes ou des tissus avant ; v. 1050, Vie de saint Alexis [an-ci-
remonte très loin dans le temps : Le Doubs
malades et de son évolution du fait de vagabondait entre des rives creusées par les en, trisyllabique]). 1. Qui existe depuis
la maladie. 3. La structure elle-même eaux ancestrales (Rosny aîné). longtemps, qui remonte loin dans le
des êtres organisés : L’anatomie d’un temps : L’homme des anciens jours se hâta
• SYN.: 2 ancien, antique, millénaire, sécu-
oursin est fort complexe. 4. Corps ou d’allumer du feu avec des lianes sèches ;
laire. — CONTR. : 2 actuel, moderne, nou-
partie d’un corps disséqués et conservés il brisa du maïs entre deux pierres et, en
veau, récent.
en vue d’études, ou leur reproduction ayant fait un gâteau, il le mit cuire sous la
exacte. Cabinet d’anatomie, lieu où ancêtre [str] n. (anc. cas sujet du lat. cendre (Chateaubriand). C’est le fonds le
sont conservées des pièces d’anatomie antecessor, prédécesseur ; le cas régime plus ancien de la bibliothèque (France). Je
naturelles ou artificielles. 5. Traité ancessor, lat. antecessorem, a vécu jusqu’au trouve donc un homme très ancien en tout
d’anatomie : L’ « Anatomie comparée » de XVe s. ; v. 1050, Vie de saint Alexis, écrit poète véritable : il boit encore aux sources
anceisur ; ancestre, XIIe s.). 1. Chez les du langage ; il invente des « vers », à peu
Cuvier. 6. Anatomie artistique, étude
Anciens, celui de qui l’on descend par les près comme les primitifs les mieux doués
de la structure des êtres organisés appli-
mâles : [C’était] un usage constant chez devaient créer des « mots », ou des ancêtres
quée aux beaux-arts. 7. Fam. Le corps
les véritables « gentes » de reconnaître un de mots (Valéry). Spécialem. Se dit, par
humain vivant, considéré dans le modelé
ancêtre commun et de lui rendre un culte opposition à nouveau ou à moderne,
de ses formes ou dans sa nudité : Avoir une
(Fustel de Coulanges). 2. Précurseur pour distinguer deux choses analogues,
belle anatomie. 8. Class. Analyse subtile,
éloigné qui annonce une époque, un art mais d’époques différentes : L’Ancien
examen minutieux : A faire l’anatomie de
nouveaux : Shakespeare est l’ancêtre dra- et le Nouveau Testament. L’Ancien et le
ces sortes de discours [...], on y trouverait
matique de la société moderne (Dumas). Nouveau Monde ; pour distinguer deux
beaucoup de véritable tendresse (Sévigné). 3. Ironiq. et fam. Homme âgé, vieillard : personnages de même nom dont l’un est
L’objet perpétuel de l’optique de M. Newton
Taisez-vous, vénérable ancêtre ! antérieur à l’autre : Pline l’Ancien et Pline
est l’anatomie de la lumière (Fontenelle).
• SYN. : 1 aïeul, ascendant ; 2 père. — le Jeune. 2. Relatif à une époque reculée
anatomique [anatmik] adj. (lat. ana- CONTR. : 2 disciple, héritier, successeur. ou complètement révolue : Les civilisations
tomicus, du gr. anatomikos ; 1546, Ch. ancêtres n. m. pl. 1. Dans une famille, les anciennes. L’Ancien Régime. Jeme souviens
Estienne). Qui a rapport à l’anatomie : Des ascendants antérieurs aux grands-parents, | Des jours anciens | Et je pleure (Verlaine).
études, des recherches anatomiques. et, plus généralement, ceux de qui l’on des- Spécialem. Qui appartient à l’art, au style

166
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

d’une époque révolue : Elle recherchait au style d’une époque révolue : Préférer à l’ancrage. Ce point de la côte offre un
aussi les bijoux anciens (France). 3. Qui l’ancien au moderne. ancrage commode. 3. Dispositif destiné
a existé à une époque, une période anté- ancienne n. f. Fam. Ancienne fille à assurer la fixité d’un ouvrage soumis à
rieure, mais n’existe plus : Rien ne lui restait galante ; ancienne maîtresse : Il n’en reve- un effort de traction. Spécialem. Attache
de ses anciennes richesses (Samain). 4. Se nait pas. Une ancienne, cette bonne mère d’un poteau, d’une poutre, d’un câble à un
dit d’une personne qui a exercé autrefois un aux yeux clairs, au petit rire d’enfant ! point fixe.
métier, une activité, mais ne l’exerce plus : (Daudet). ancre [kr] n. f. (lat. ancora, du gr.
Une ancienne danseuse. Un ancien com- ankura ; 1155, Wace). 1. Lourd instrument
anciennement [sjnm] adv. (de
battant ; qui est entrée en fonction depuis de fer ou d’acier à deux ou plusieurs becs,
ancien ; 1155, Wace, écrit ancienement).
plus longtemps qu’une autre : Il est plus que l’on fait descendre au fond de l’eau au
À une époque reculée ou révolue ; autre-
ancien que vous dans la profession ; qui a moyen d’un câble ou d’une chaîne, et qui
fois : Ainsi donc, cette cité populeuse [...]
possédé antérieurement une qualité qu’elle sert à maintenir un navire en un endroit :
qui, très anciennement réunie au domaine
n’a plus : Un ancien ami. Une ancienne Jeter, mouiller l’ancre. Mettre un navire à
royal, devint capitale d’une vaste province...
élève. Mon ancien patron. 5. Se dit d’une (France). l’ancre. Le navire avait quatre ancres, la
chose qui a servi autrefois à tel usage : Sa grosse ancre, la seconde ancre, qui est l’ancre
• SYN. : jadis. — CONTR. : actuellement,
boutique était une ancienne auberge, avec travailleuse, « working anchor », et deux
aujourd’hui, dernièrement, nouvellement,
de grandes portes à deux battants qu’on ancres d’affourche (Hugo). Chasser sur
récemment.
laissait ouvertes (Alain-Fournier). son ancre, en parlant d’un navire, entraî-
• SYN. : 1 séculaire, vieux ; 2 antique, ancienneté [sjnte] n. f. (de ancien ; ner son ancre qui ne mord pas sur le fond.
d’autrefois, passé ; 3 passé ; 4 ex (suivi du XIIe s.). 1. Qualité de ce qui est ancien : Lever l’ancre, quitter le mouillage, et,
titre désignant l’activité). — CONTR. : 1, 2 Les murs sont énormes, les meubles, les par extens., partir : Steamer balançant ta
et 3 actuel, contemporain, jeune, moderne, ustensiles et la structure et la couleur de mâture, | Lève l’ancre pour une exotique
nouveau, présent. toute chose signifient l’ancienneté, la force, nature (Mallarmé). Fig. Ancre de salut,
l’abondance (Romains). 2. Temps passé suprême espérance, dernière ressource.
A l’ancienne loc. adv. À la façon d’autre-
dans un métier, une fonction : Il a plus Jeter l’ancre en un lieu, s’y fixer à
fois : Ton père ne veut rien savoir. Il veut
d’ancienneté que vous dans la profession. demeure, s’y arrêter : Ne pourrons-nous
qu’on travaille à l’ancienne (Peyré).
Spécialem. Temps passé dans un certain jamais, sur l’océan des âges, | Jeter l’ancre
n. 1. Aîné, personne qui appartient grade, à un certain échelon, et au bout un seul jour ? (Lamartine). 2. Par anal.
à une génération antérieure : Suivons duquel on accède de droit au degré supé- Barre de fer de formes diverses, destinée à
l’exemple de nos anciens. Mon cher maître, rieur : Très peu de promotions au choix : fixer, soutenir ou maintenir un ouvrage de
dit Solonet à Mathias, l’acte restera dans l’avancement se fait surtout à l’ancienneté. maçonnerie, un mur. 3. Pièce, en forme
votre étude, je sais tout ce que je dois à d’ancre, qui régularise un mouvement
• SYN.: 1 antiquité. — CONTR. : 1 actualité,
mon ancien (Balzac). Les anciens d’un d’horlogerie.
nouveauté.
village, d’une tribu, les plus âgés et aussi
De toute ancienneté loc. adv. Depuis les ancrer [kre] v. intr. (de ancre ; XIIe s. ;
les plus sages : Le conseil des anciens. Dans
temps les plus reculés. au sens fig., 1470, le Livre de la discipline
la hutte d’une vieille femme, l’ancienne de
ancillaire [silr] adj. (dér. savant du lat. d’amour divine). Vx. Jeter l’ancre : Nous
sa tribu, il y avait un bohémien (Mérimée).
ancilla, servante ; 1842, Mozin). 1. Qui a ancrâmes dans une mauvaise rade, sur une
2. Personne qui en a précédé une autre
rapport au métier de servante : Les origines base de roches, par quarante-cinq brasses
dans une activité : Fils, contemple en moi
bretonnes et ancillaires de la célèbre com- d’eau (Chateaubriand).
ton ancien ! (Hugo). 3. Recrue ayant
tesse (H. de Régnier). On vit se succéder • SYN. : mouiller. — CONTR. : appareiller,
achevé la première partie de son temps de
chez elle les plus déconcertants spécimens lever l’ancre.
service, par opposition aux jeunes recrues,
ou bleus. 4. Personne qui a appartenu ancillaires (Gide). 2. Se dit particuliè- v. tr. 1. Consolider par un ancrage :
antérieurement à un établissement ; élève rement de relations, de liaisons avec des Ancrer une muraille. 2. Fig. Installer,
servantes : Ménage reproche à La Fontaine fixer solidement (s’emploie surtout au
d’une promotion antérieure, dans une
ses amours ancillaires (Sainte-Beuve). Ces part. passé) : Et, chaque fois qu’il prenait
grande école : Les portraits des anciens
pittoresques études de géographie linguis- conscience de ce doute fondamental, si
célèbres sont au mur (Hermant). 5. Fam.
tique et de camaraderie ancillaire se pour- profondément ancré en lui, c’était avec un
et vx. Terme d’amitié envers un vieillard,
suivirent chaque semaine dans la cuisine, sentiment poignant de remords, de honte,
un vieux militaire : Voyons, mon ancien,
sans que j’y prisse aucun plaisir (Proust). de désespoir (Martin du Gard). Cet employé
dit le jeune homme avec la curiosité d’un
est bien ancré dans sa place.
novice (Balzac). ancolie [kli] n. f. (lat. médiév. aquilea,
• SYN.: 2 enraciner, implanter, river.
• SYN. : 1 aïeul, ancêtre, ascendant, père ; lat. des botanistes aquileia, aquilegia, du
s’ancrer v. pr. 1. Vx. En parlant d’un
2 précurseur, prédécesseur. — CONTR. : 1 lat. class. aquilegus, « qui recueille l’eau »
[à cause des petites cavités de la fleur] ; la navire, jeter l’ancre pour se fixer : Le bateau
descendant, fils ; 2 successeur ; 3 conscrit ;
est parti ; il va s’ancrer à la hauteur du
4 bizuth (arg. scol.). voyelle nasale initiale est sans doute due à
consulat de France (Malraux). 2. (avec
ancien n. m. 1. Personnage, et en particu- l’influence de mélancolie ; 1325, Richard).
un sujet désignant une chose) Fig. Se main-
lier écrivain, de l’Antiquité grécoromaine Plante cultivée pour ses fleurs de cou-
tenir fermement dans quelque état : Laisser
(souvent avec une majuscule et générale- leurs variées (famille des renonculacées) :
une idée s’ancrer en soi.
ment au plur. en ce sens) : L’autorité des L’anémone et l’ancolie | Ont poussé dans
le jardin | Où dort la mélancolie | Entre andabate [dabat] n. m. (lat. andabata ;
Anciens. Les Modernes sont inférieurs aux
Anciens dans l’épopée et dans la tragédie l’amour et le dédain (Apollinaire). 1542, E. Dolet). Gladiateur dont le visage
(France). La querelle des Anciens et des était couvert d’une visière qui l’aveuglait
ancrage [kra] n. m. (de ancrer ; 1468,
totalement : Il me semblait que nous allions
Modernes, querelle littéraire qui a opposé Chastellain). 1. Action de jeter l’ancre. (On
tous combattre à la façon des anciens anda-
les partisans des écrivains de l’Antiquité dit mieux MOUILLAGE.) Droit d’ancrage,
bates (Retz).
à ceux des écrivains contemporains, à droit que l’on paie pour jeter l’ancre dans
la fin du XVIIe s. et au début du XVIIIe s. certains ports. 2. Par extens. Endroit andain [d] n. m. (probablem. du lat.
2. Meubles, bibelots, bijoux appartenant convenable pour y jeter l’ancre : Navire pop. *ambitanus [dér. de ambitus, pourtour,

167
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

bord, et espace de deux pieds et demi de 2. Pop. Maladroit, imbécile : Alors, s’écria de plus ardent et de plus glacé, androgyne
largeur autour d’un bâtiment], adj. formé l’ange, qu’est-ce que tu fiches ici, espèce bizarre, pétri des sangs divers de ma mère
pour qualifier passus, pas, d’où *ambitanus d’andouille ? (France). Fâcheux que ce soit et de mon père (Chateaubriand).
[passus], enjambée de deux pieds et demi, cette andouille de Julius qui lui ait conseillé •SYN.: 1 hermaphrodite ; 2 hermaphrodite,
puis enjambée du faucheur et, par extens., cela d’abord ! (Gide). monoïque. — CONTR. : 2 dioïque.
foin coupé ; XIIIe s., Renaud de Montauban).
andouiller [duje] n. m. (lat. pop. androgynéité [drineite] n. f. (de
Rangée d’herbe ou de céréales fauchées
*anteoculare, adj. neutre pris substantiv. androgyne ; milieu du XIXe s.). Caractère
et demeurées sur le sol : On retournait les
[de ante, devant, et oculus, oeil], proprem. d’un être androgyne : L’homme qui, dès
andains sans les éparpiller (Flaubert).
« ce qui pousse devant les yeux » ; XIVe s., le commencement, a été longtemps baigné
andalou, ouse [dalu, -uz] adj. et n. (esp. écrit antoillier ; andouiller, sous l’influence dans la molle atmosphère de la femme [...],
andaluz ; début du XVIIIe s.). 1. Qui appar- d’andouille, fin du XIVe s.). Branche adven- y a contracté une délicatesse d’épiderme
tient à l’Andalousie ; habitant ou originaire tive qui pousse au bois du cerf, du daim et une distinction d’accent, une espèce
de l’Andalousie : Compère, me dit-elle, à et du chevreuil, et qui permet d’établir d’androgynéité (Baudelaire).
la façon andalouse, veux-tu me donner ta l’âge de ces animaux : Le cerf [...] portait
androgynie [drini] n. f. (de andro-
chaîne ? (Mérimée). Le jour, sa peau devait seize andouillers avec une barbe blanche
gyne ; 1866, Larousse). Caractère d’un être
avoir ce beau reflet doré des Andalouses (Flaubert).
androgyne.
(Hugo). 2. Cheval andalou, ou, substan-
andouillette [dujt] n. f. (dimin.
tiv., un andalou, un genet d’Espagne : Cet androïde [drid] n. m. (du préf. andro- et
de andouille ; milieu du XVe s.). Petite
andalou, de race arabe et mal dompté, | Qui du gr. eidos, aspect ; XVIIe s., Dict. général).
andouille : Il regarde sans les voir quatre
mâche en secabrant son mors ensanglanté Automate à forme humaine.
andouillettes brillantes de gelée (Sartre).
(Heredia).
androphobe [drfb] adj. et n. (du
andalou n. m. Variante régionale du andr(o)-, élément tiré du gr. anêr, andros,
préf. andro- et du gr. phobos, crainte,
castillan. homme, mâle, et entrant comme préfixe
aversion ; milieu du XIXe s.). Qui a la haine
dans des termes savants.
andante [dt] adv. (ital. andante, part. des hommes : Ou Timon l’androphobe, ou
prés. de andare, aller ; 1750, Prévost). Terme andrinople [drinpl] n. f. (du n. d’une Constantin l’athée (Hugo).
de musique indiquant un mouvement ville de Turquie ; 1825, Journ. des dames).
androphobie [drfbi] n. f. (de andro-
modéré. 1. Vx. Couleur rouge, dite aussi rouge
phobe ; milieu du XXe s.). Peur ou haine
n. m. Mouvement exécuté dans ce d’Andrinople, rouge andrinople ou rouge
des hommes.
tempo : Un andante suave agonise en sour- turc. 2. Étoffe de coton bon marché, et
dine (Samain). Je suis comme une harpe le plus souvent rouge : Quant aux tapisse- âne [n] n. m. (lat. asinus, âne ; XIIe s.,
accordée, qui chanterait au gré du poète ries, elles étaient de Boucher, achetées au Livre des Rois, écrit asne). 1. Mammifère
un scherzo joyeux ou un andante mélan- XIXe siècle par un Guermantes amateur, et de l’ordre des ongulés, plus petit que le che-
colique (Gide). étaient placées, à côté de tableaux de chasse val, pourvu de longues oreilles, à l’échine
médiocres qu’il avait peints lui-même, dans saillante et au cri discordant, employé
• Pl. des ANDANTES.
un fort vilain salon drapé d’andrinople et comme monture et comme bête de trait
andantino [dtino] adv. (mot ital., de peluche (Proust). ou de somme : Monter, aller à âne. C’était
dimin. de andante ; 1751, Encyclopédie). un très bon âne, doux et patient, comme ils
androcée [drse] n. m. (du préf. andr-
Terme de musique indiquant un mouve- sont presque tous (Aymé). Âne sauvage, v.
et du gr. oikia, maison ; milieu du XIXe s.).
ment un peu plus vif que l’andante. ONAGRE. À dos d’âne, en montant ou en
Ensemble des étamines, organes mâles
n. m. Mouvement exécuté dans ce tempo. chargeant un âne : Le plus riche trafic de la
d’une fleur.
• Pl. des ANDANTINOS. terre, celui de l’Inde et de la Perse, s’opère
androcéphale [drsefal] adj. (du préf. à dos de mulets, d’ânes (Chateaubriand).
andésite [dezit] n. f. (de Andes, n. andro- et du gr. kephalê, tête ; début du En dos d’âne, qui se présente sous la
géogr. ; 1866, Larousse). Roche éruptive s.). Se dit des êtres composites à tête
XXe forme de deux plans d’inclinaison opposée,
de couleur gris foncé, souvent vacuolaire, d’homme : Quelque taureau androcéphale réunis par une saillie médiane : Un pont en
comme la pierre de Volvic, et qui provient de Khorsabad (Proust). dos d’âne. Cela ne se trouve pas dans le
d’une coulée de la chaîne des Puys.
pas d’un âne (ou d’un cheval), cela est très
androgène [drn] adj. (du préf.
andin, e [d, -in] adj. (de Andes, n. difficile à trouver, à obtenir : C’est quelque
andro- et de -gène ; milieu du XXe s.). Se
géogr. ; 1866, Larousse). Qui appartient chose, me dis-je, que d’être un merle blanc :
dit d’une substance qui provoque le déve-
aux Andes ; originaire des Andes : La cela ne se trouve point dans le pas d’un âne
loppement sexuel des mâles : Une hormone
civilisation andine. (Musset). Fam. Faire l’âne pour avoir
androgène.
du son, feindre la bêtise, l’ignorance pour
andorran, e [dr, -an] adj. et n. (de n. m. Substance hormonale mâle, pro-
donner le change et apprendre ce que l’on
Andorre ; 1866, Larousse). Qui appartient à duite par le cortex surrénal.
veut savoir. Vx. Brider un âne par la
l’Andorre ; habitant ou originaire de l’An-
androgyne [drin] adj. et n. m. (du queue, faire les choses maladroitement
dorre : Une vallée andorrane. Les moeurs des
préf. andro- et du gr. gunê, femme ; XIVe s.). ou à rebours. Être méchant comme un
Andorrans sont simples et sévères (Hugo).
1. Se dit d’un individu qui tient des deux âne rouge, être très méchant. Fam. Être
andouille [duj] n. f. (lat. pop. inductile, sexes : Comme la Pallas armée, sortie du sérieux comme un âne qu’on étrille, affecter
adj. neutre pris substantiv. [de inducere, cerveau de Zeus, ce bizarre androgyne un maintien sérieux et digne, sans raison.
introduire], proprem. « ce qu’on introduit a gardé toutes les séductions d’une âme Fam. Il y a plus d’un âne à la foire qui
dans le boyau » ; XIIe s.). 1. Charcuterie virile dans un charmant corps féminin s’appelle Martin, beaucoup de personnes
préparée à l’aide de boyaux de porc rem- (Baudelaire). 2. Se dit d’une plante qui peuvent porter le même nom. Fam. Pour
plis de tripes et d’intestins de l’animal : porte à la fois des fleurs mâles et des fleurs un point, Martin perdit son âne, il faut bien
Partout, aux murs, aux plafonds [...], les femelles, comme le noyer. 3. Fig. Double, peu de chose pour perdre ou échouer. Le
andouilles ficelées, des grappes de maïs quant à la nature, au caractère : Aventureux coup de pied de l’âne, le dernier coup, celui
(Daudet). Fam. Un grand dépendeur et ordonné [...], il n’y a jamais eu d’être à la que porte le lâche quand l’adversaire n’est
d’andouilles, une personne très grande. fois plus chimérique et plus positif que moi, plus à craindre (par allusion à la fable de La

168
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

Fontaine « le Lion devenu vieux »). L’âne anéantissement [anetism] n. m. provoque de l’anémie, qui affaiblit : Climat
de Buridan, image que l’on applique à celui (de anéantir ; 1309, Godefroy). 1. Action anémiant.
qui, placé devant une alternative, ne peut se d’anéantir, de s’anéantir : La fin de la terre • SYN. : débilitant. — CONTR. : fortifiant,
décider, ne sait à quel parti se résoudre (par et du monde ne sera, ne peut être l’anéantis- tonique.
allusion au dilemme imaginé par Buridan). sement (Maeterlinck). Une sieste qui est une
espèce de mort savoureuse où le dormeur, anémie [anemi] n. f. (lat. moderne anae-
2. Fig. Personne ignorante et sotte, ou
entêtée. : Il est incapable, il est nul, c’est à demi éveillé, goûte les voluptés de son mia, de an priv. et du gr. haima, sang ; 1722,
anéantissement (Baudelaire). 2. Class. Journ. des savants [févr.]). 1. Diminution du
un âne... (Cocteau). Un âne bâté. Bonnet
d’âne, oreilles d’âne, bonnet garni d’appen- et littér. Abaissement total devant Dieu : Un nombre ou de la qualité des globules rouges
dices en forme d’oreilles d’âne, dont on autre [frère chartreux] se prosterne la face du sang. 2. Fig. Abaissement en quantité
coiffait autrefois, pour les punir, les élèves contre le plancher dans un anéantissement ou en qualité, affaiblissement : L’anémie
ignorants. Pont aux ânes, obstacle qui, d’humilité et de ferveur (Gautier). 3. Fig. de la production. L’incroyable anémie des
dans une étude quelconque, n’arrête que État de grande faiblesse ou d’abattement, âmes modernes dans les classes dites éle-
les plus ignorants. 3. Par anal. Nom de de désespoir : Je demeurai plusieurs jours vées (Bloy).
divers animaux ou plantes : Tête d’âne plongé dans un anéantissement où la veille anémié, e [anemje] adj. (part. passé de
(chabot). Pas-d’âne (tussilage). Âne marin différait peu du sommeil (Sand). anémier). 1. Atteint d’anémie, affaibli : Un
(poulpe). • SYN.: 1 annihilation, destruction, dispari- organisme anémié. 2. Par extens. Pâle :
• SYN. : 1 baudet, bourricot (fam.) ; 2 ali- tion, écroulement, effondrement, engloutis- Un teint anémié.
boron, balourd, bourrique (pop.), buse, sement, extermination, extinction, ruine ;
3 accablement, affaissement, épuisement, anémier [anemje] v. tr. (de anémie ; 1877,
cruche, idiot, imbécile.
langueur, prostration. — CONTR.: 1 conser- Littré). 1. Rendre anémique : Le paludisme
anéantir [anetir] v. tr. (de néant ; 1120, anémie beaucoup. 2. Fig. Affaiblir :
vation, maintien ; 3 enthousiasme, vigueur.
Psautier d’Oxford, écrit aniantir ; anéantir, L’insuffisance des exportations anémie
s.). 1. Vx. Faire rentrer dans le néant : anecdote [ankdt] n. f. (gr. anekdota,
XIIIe
l’économie.
Tu n’anéantis pas, tu délivres ; ta main, | choses inédites, employé par Procope
Céleste messager [la Mort], porte un flam- [VIIe s.] comme titre d’ouvrage ; av. 1654, anémique [anemik] adj. (de anémie ;
beau divin (Lamartine). 2. Réduire à Guez de Balzac). 1. Littér. Fait réel dont milieu du XIXe s.). 1. Qui tient à l’anémie :
rien, détruire complètement : Avant de on se souvient pour son pittoresque, son Un état anémique. 2. Fig. Qui manque
les anéantir [des lettres], elle ne put s’em- piquant : Je trouve dans mon enfance mili- de force, de souffle, de nerf : Le lustre [...]
pêcher de les relire (Stendhal). Ton fils, ta taire une anecdote qui m’est présente à la inondait d’une clarté impitoyable la plante
fille [...] auraient bientôt fait d’anéantir ma mémoire (Vigny). 2. Bref récit d’un petit verte anémique et enrubannée, qui trônait
fortune (Mauriac). Spécialem. Anéantir fait curieux ou pittoresque : C’étaient des au centre de la table, dans un cache-pot de
une armée, l’écraser et réduire à néant souvenirs décousus, de brèves anecdotes faïence bleue (Martin du Gard). Un style
sa puissance militaire. 3. Fig. Plonger (Rolland). 3. Fig. Le détail, par oppo- anémique.
dans un état d’extrême fatigue, de grande sition à l’essentiel, en matière artistique, • SYN. : 2 débile, déficient, étiolé, faible,
faiblesse : Ce travail épuisant l’a anéanti. littéraire : Se perdre dans l’anecdote. pauvre. — CONTR. : 2 dru, fort, plein,
Catherine, maintenant, était secouée de anecdotier, ère [ankdtje, -r] n. et vigoureux.
crises de larmes, longues, interminables, adj. (de anecdote ; 1736, Voltaire). Personne n. et adj. Qui est atteint d’anémie : Une
après lesquelles un accablement l’anéantis- qui se plaît à raconter des anecdotes : Cladel personne anémique. Un, une anémique.
sait (Zola). 4. Fig. Plonger dans un état est causeur et anecdotier (Goncourt). Il n’est • SYN. : affaibli, asthénique, chlorotique,
de profond abattement, de désespoir : Je pas sans exemple qu’un illustre défunt soit lymphatique.
restai anéanti une bonne heure devant ce livré à une nuée de dangereux amis et de
cadavre (Mérimée). anémo- [anemo], élément tiré du gr. ane-
démons anecdotiers qui nous instruisent de
mos, vent, et entrant comme préfixe dans
• SYN.: 1 annihiler ; 2 abolir, écraser, exter- ce qu’il a fait de périssable (Valéry).
quelques mots savants.
miner, liquider (fam.), ruiner, supprimer ;
anecdotique [ankdtik] adj. (de anec-
3 briser, épuiser, exténuer ; 4 abattre, anémomètre [anemmtr] n. m. (du
dote ; 1781, Linguet). 1. Qui a le caractère de
accabler. — CONTR. : 2 conserver, garder, préf. anémo- et de -mètre ; av. 1720, Huet).
l’anecdote : Un récit anecdotique. 2. Qui
maintenir ; 3 réconforter, restaurer, réta- Instrument qui sert à mesurer la vitesse
renferme surtout des anecdotes : L’histoire
blir, revigorer ; 4 encourager, enflammer, du vent.
anecdotique. 3. Qui a trouvé son point
exalter, stimuler.
de départ, son sujet, dans une anecdote : anémométrie [anemmetri] n. f. (de
s’anéantir v. pr. 1. Être réduit à rien,
Une pièce anecdotique. 4. Vx. S’est dit anémomètre ; 1752, Trévoux). Ensemble
disparaître : Brusquement, on sent que
d’une personne qui se plaît à rapporter des des techniques utilisées pour la mesure
le temps s’écoule [...], que chaque instant anecdotes : Monsieur Beugnot, esprit éru- de la vitesse du vent.
s’anéantit (Sartre). 2. Class. et littér. En dit, anecdotique et répandu... (Lamartine).
termes de dévotion, s’humilier devant anémone [anemn] n. f. (lat. anemone,
Dieu : Il ne sait presque que s’anéantir en anecdotiser [ankdtize] v. intr. (de du gr. anemônê, de anemos, vent, parce que
la présence de Dieu (Massillon). S’anéantir anecdote ; 1866, Larousse). Conter à tout cette fleur s’ouvre au vent ; XIVe s., Recettes
dans l’amour de Dieu (Flaubert). 3. Par propos, ou recueillir, des anecdotes. médic., écrit anemoine). 1. Plante sauvage
extens. Prendre une attitude exagérément ânée [ne] n. f. (de âne ; 1268, É. Boileau, ou cultivée pour ses fleurs de couleurs
humble, se confondre en marques de poli- écrit asnée). Charge d’un âne. variées. 2. Anémone de mer, v. ACTINIE.
tesse, de respect : La mère s’anéantissait en
anel [anl] n. m. (forme anc. de anneau ; anémophile [anemfil] adj. (du préf.
excuses et en révérences (Chateaubriand).
v. 1050, Vie de saint Alexis). Anneau de fer anémo- et de -phile ; 1898, Larousse). Se
4. Fig. Abandonner toute vie personnelle
servant à maintenir rapprochées les deux dit des plantes chez lesquelles la dissémi-
et se donner entièrement au service de
branches d’une tenaille de forgeron quand nation du pollen se fait par l’intermédiaire
quelqu’un : Anne n’attendait que d’avoir des
enfants pour s’anéantir en eux (Mauriac). elle a saisi un objet. du vent.
• SYN. : 1 s’abîmer, s’ écrouler, s’effondrer, anémiant, e [anemj, -t] adj. (part. anémophilie [anemfili] n. f. (de ané-
sombrer. prés. de anémier ; milieu du XXe s.). Qui mophile ; 1928, Larousse). Mode de pol-

169
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

linisation des plantes qui s’opère par Anesthésie générale, locale. Opérer sous 1. ange [] n. m. (lat. ecclés. angelus, du
l’intermédiaire du vent. anesthésie. gr. ecclés. aggelos, messager de Dieu, trad.
• SYN.: analgésie, insensibilisation, narcose. de l’hébreu mal’ak ; v. 1050, Vie de saint
anencéphale [ansefal] adj. et n. (de
Alexis, écrit angele). 1. En théologie, être
an priv. et de encéphale ; début du XIXe s.). anesthésier [anstezje] v. tr. (de anes-
purement spirituel, créé par Dieu pour ser-
Se dit d’un être qui vient au monde sans thésie ; milieu du XIXe s.). 1. Suspendre,
vir d’intermédiaire entre lui-même et les
encéphale. (On dit aussi ANENCÉPHALIEN.) à l’aide d’un anesthésique, la sensibilité
hommes. Le pain des anges, l’eucharistie.
à la douleur ; endormir localement ou
anencéphalie [ansefali] n. f. Les anges de lumière, ceux qui sont restés
totalement : Anesthésier au chloroforme.
(de anencéphale ; début du XIXe s.). fidèles à Dieu, par opposition aux anges
Anesthésier une gencive. 2. Fig. Mettre
Monstruosité caractérisée par l’absence rebelles ou anges des ténèbres, les anges
dans un état de torpeur ; faire perdre la
d’encéphale. déchus, relégués en enfer. L’ange exter-
sensibilité : L’amour anesthésiait en moi
minateur, l’ange qui frappa de mort tous
anergie [anri] n. f. (de an priv. et du gr. tout ce qui n’était pas Marthe (Radiguet).
les premiers-nés d’Égypte avant le départ
ergon, action ; 1928, Larousse). Absence • SYN.: 1 et 2 insensibiliser.
des Israélites pour la terre promise. Ange
de réaction d’un organisme à l’application
anesthésiologie [anstezjli] n. f. gardien, selon la religion catholique, celui
externe ou interne d’une substance don-
(de anesthésie et de -logie ; 1950, Larousse). qui est attaché à la personne de chaque
née, à laquelle il réagissait précédemment :
Science de l’anesthésie proprement dite et chrétien : Le pape [...] dit, avec un soupir
L’anergie est le contraire de l’allergie.
des activités complémentaires. paisible, comme s’il eût confié sa pensée à
ânerie [nri] n. f. (de âne ; XIVe s.). un ange gardien invisible : « Commediante »
anesthésique [anstezik] adj. et n. m. (de
1. Ignorance et bêtise : L’ânerie de cet (Vigny) ; par extens., personne qui veille
anesthésie ; milieu du XIXe s.). Se dit d’une
élève est prodigieuse. 2. Faute commise avec sollicitude sur une autre ; ironiq. et
substance qui produit l’anesthésie : Cécile
par bêtise, en agissant, en parlant, en écri- fam., personne chargée de garder ou de
regarda vers la table sur laquelle reposait
vant : De pareilles âneries font grand tort surveiller quelqu’un : Sous l’escorte de mon
le petit corps. Quelques gouttes d’anesthé-
(Courier). Toutes les âneries que l’on trouve ange gardien feldgrau, je remis au capitaine
sique avaient suffi : l’enfant dormait déjà
le moyen de sortir au sujet de la sincérité, Elbing la liste demandée (Benoit). Bon
(Duhamel). L’éther est un anesthésique.
lorsqu’il s’agit de la déconsidérer (Gide). ange, ange gardien ; et au fig., protecteur :
• SYN. : 1 et 2 idiotie, imbécillité, ineptie, anesthésiste [anstezist] n. (de anesthé- C’est vous qui étiez mon bon ange, qui
sottise, stupidité. — CONTR.: 1 culture, éru- sie ; milieu du XXe s.). Médecin ou auxiliaire veilliez sur moi ? (Rolland). Mauvais
dition, intelligence, savoir. médical qui pratique l’anesthésie : Tout ange, personne qui en pousse une autre
mon personnel est composé d’indigènes [...], à mal faire. Être aux anges, être dans
anéroïde [anerid] adj. (pour anaéroïde,
jusqu’à l’anesthésiste (Duhamel). le ravissement, dans l’extase. Rire aux
de an priv. et du gr. aêr, aeros, air ; 1844,
anges, se dit en parlant des bébés qui, par-
Vidi). Baromètre anéroïde, baromètre aneth [ant] n. m. (lat. anethum, du gr.
anêthon ; XIIIe s.). Fenouil. fois, pendant leur sommeil, semblent rire.
constitué d’une boîte métallique dans
Un ange passe, se dit quand une conver-
laquelle on a fait le vide. anévrismal, e, aux [anevrismal, -o] sation est brusquement interrompue par
ânesse [ns] n. f. (de âne ; XIIe s.). adj. (de anévrisme ; début du XVIe s.). Qui un silence gêné : La conversation tout de
1. Femelle de l’âne : Le grincement de la a rapport à l’anévrisme : Une tumeur même languissait [...] Les anges passaient
noria que faisait tourner l’ânesse (Mauriac). anévrismale. et repassaient, tirant de l’aile entre nos
2. Fig. Femme sotte : Elisabeth [...] anévrisme [anevrism] n. m. (gr. aneu- monosyllabes (H. Bazin). 2. Fig. Terme
devenait une fanfaronne, une grotesque, rusma, dilatation de l’artère ; 1538, J. employé pour traduire toute espèce de
une ânesse incapable de se rendre utile Canappe, écrit aneuvrysme). Poche qui se perfection physique, et surtout morale :
(Cocteau). produit sur le trajet d’une artère, du fait de Jamais il n’y a rien eu de si pur, de si ange,
la distension des parois : Il est mort d’une de si agneau et de si colombe que cette chère
anesthésiable [anstezjabl] adj. (de
rupture d’anévrisme. nonnain (Musset). Comme un ange, à
anesthésier ; début du XXe s.). Qui peut être
la perfection : Chanter, dessiner, broder
anesthésié, endormi. anfractueux, euse [fraktø, -øz] adj.
comme un ange. Patience d’ange, patience
anesthésiant, e [anstezj, -t] adj. (bas lat. anfractuosus, tortueux [attesté seu-
exemplaire, qu’on ne peut jamais lasser.
(part. prés. de anesthésier ; 1866, Larousse). lement au sens fig.], de anfractus, sinuosité ;
Petit ange, enfant. Fam. Faiseuse
1. Qui a pour effet d’anesthésier : Une subs- 1503, G. de Chauliac, écrit enfractueux).
d’anges, avorteuse. 3. Terme de tendresse
tance anesthésiante. 2. Fig. Qui a pour Qui a un dessin tourmenté, sinueux (peu
appliqué surtout à une femme ou à un petit
effet d’endormir, d’engourdir : L’influence usité) : Un rivage anfractueux.
enfant : Cher ange. Mon ange.
anesthésiante de l’habitude ayant cessé, je • SYN.: découpé, entaillé. • REM. Ange est du masculin même
me mets à penser, à sentir, choses si tristes anfractuosité [fraktozite] n. f. (de quand il est appliqué à un personnage
(Proust). anfractueux ; 1503, G. de Chauliac). Cavité féminin : Vous, vous savez quelle femme
anesthésiant n. m. Produit qui anes- profonde et sinueuse : J’admirais lentement au-dessus de toutes les femmes, quel être
thésie : La coca est un anesthésiant de la ressortir de mille trous, de mille anfractuo- adorable, quel ange est Odette (Proust).
muqueuse buccale. sités du roc, tout ce que mon approche avait Le féminin s’est employé, mais n’est guère
•SYN. : analgésique, anesthésique, fait fuir (Gide). à conseiller : C’est une femme aussi, c’est
antalgique. • SYN.: creux, crevasse, crique, échancrure, une ange charmante (Vigny). Mais dé-
excavation, renfoncement, trou. chue à présent, te voilà, ma pauvre ange,
anesthésie [anstezi] n. f. (du gr. anais-
| Sultane du trottoir, ramassant dans la
thêsia, insensibilité [peut-être par l’inter- angarie [gari] n. f. (gr. aggareia, servi-
fange | L’argent qui doit soûler ton rude
médiaire de l’angl. anaesthesia, attesté en tude ; XVIe s.). En droit international, réqui-
compagnon (Baudelaire).
1721], de an priv. et de aisthêsis, sensation ; sition par un État, sur son territoire, en cas
employé surtout à partir du milieu du de guerre ou de danger public, des navires, 2. ange [] n. m. (fausse trad. du néerl.
XVIIIe s.). Privation plus ou moins durable automobiles, camions, etc., appartenant zeeëgel, hérisson de mer, pris pour zeeën-
de la faculté de sentir, produite par une à des étrangers, moyennant le versement gel, ange de mer ; 1552, Rabelais). Poisson
maladie ou par un agent anesthésique : d’une indemnité. de mer à large tête et à grandes nageoires

170
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

pectorales (qu’on a pu rapprocher des ailes tion qui se traduit par des douleurs dans anglaises n. f. pl. (1829, Journ. des
d’un ange), dont la peau est employée en la région cardiaque et par une sensation dames). Boucles de cheveux longues et rou-
maroquinerie (galuchat). d’angoisse et d’étouffement. lées en spirales : Une grande femme, aux
blondes anglaises lui battant les joues et lui
angélique [elik] adj. (lat. ecclés. angineux, euse [inø, -øz] adj. (de
tombant sur la poitrine, à la toilette excen-
angelicus, du gr. ecclés. aggelikos ; XIIIe s.). angine ; 1615, L. Guyon). Relatif à l’angine :
trique, déboucha de la galerie (Goncourt).
1. Relatif aux anges ; propre aux anges : Une inflammation de caractère angineux.
Les choeurs angéliques. La pureté angélique. 1. anglaiser [glze] v. tr. (de anglais ;
angiographie [jgrafi] n. f. (du gr.
Salutation angélique, paroles que l’ange 1803, Boiste). Anglaiser un cheval, lui cou-
aggeion, vaisseau, et graphein, décrire ;
Gabriel adressa à Marie lorsqu’il vint lui per les muscles abaisseurs de la queue, pour
1743, Trévoux). 1. Description des vais-
annoncer qu’elle serait la mère du Sauveur ; qu’elle se tienne toujours dans une position
seaux de l’homme et des animaux.
la prière elle-même faite de ces paroles. horizontale.
2. Radiographie des vaisseaux, après
2. Par extens. Digne d’un ange : Il y avait
injection d’une substance opaque aux 2. anglaiser [glze] v. intr. (de anglais ;
quelque chose d’angélique dans l’attache-
rayons X. 1857, Ch. de Boigne). Imiter les manières
ment du pauvre Cecco (Musset). Mercier me
anglaises : Elle lui raconta, en anglaisant
disait avec une patience angélique qui voi- angiologie [jli] n. f. (du gr. aggeion, un peu, la comique prétention de jeunesse
lait un peu d’irritation : « N’est-ce pas, j’ai vaisseau, et logos, science ; 1576, Paré, au qu’affectait le vieil inspecteur des théâtres
besoin d’être fixé officiellement » (Sartre). sens de « incision » ; au sens de « étude des (de Boigne).
• SYN.: 2 céleste, séraphique. vaisseaux », 1692, C. de La Duquerie). Partie s’anglaiser v. pr. Prendre un caractère
n. f. (à cause des vertus de cette plante de l’anatomie qui traite des organes de la
anglais (rare) : Ces îles, qui aujourd’hui
contre les poisons ; 1600, O. de Serres). circulation. (On dit aussi ANGÉIOLOGIE.) s’anglaisent rapidement, sont restées long-
Plante aromatique, cultivée pour ses temps autochtones (Hugo). [On dit auj.
angiome [jom] n. m. (du gr. aggeion,
pétioles que l’on confit : Des palais de S’ANGLICISER.]
vaisseau ; 1888, Larousse). Tumeur des vais-
caramel à colonnes d’angélique (Gautier).
seaux, en général bénigne, appelée aussi angle [gl] n. m. (lat. angulus ; XIIe s., Livre
angéliquement [elikm] adv. (de noevus vasculaire. des Rois).) 1. Partie d’un plan limitée par
angélique ; XVe s., Chastellain). D’une deux demi-droites de même origine, ou
angiospermes [jsprm] n. f. pl.
manière angélique : Vous êtes angélique- partie de l’espace limitée par deux demi-
(du gr. aggeion, vaisseau, vase, et sperma,
ment bonne (Balzac). Il se résignait avec une plans ayant une droite commune. Angle
graine ; 1762, Acad.). Sous-embranchement
mélancolie satisfaite à aimer angéliquement droit, angle dont les côtés (ou les faces) sont
du règne végétal, comprenant les plantes
(Hugo). perpendiculaires l’un à l’autre : Des rues
dont les graines sont enfermées dans des
angéliser [elize] v. tr. (bas lat. angeli- cavités closes, à l’intérieur d’un fruit. tracées à angle droit. Angle aigu, angle
zare ; XVe s., Chastellain). Rendre angélique plus petit que l’angle droit. Angle obtus,
(rare) : L’expression d’émotion recueillie anglais, e [gl, -iz] adj. et n. (de Angles, angle plus grand que l’angle droit. Angle
angélisant, pour ainsi dire, les yeux de ceux n. d’un peuple germanique venu s’instal- plat, angle égal à la somme de deux angles
qui assistent à un miracle (Goncourt). ler au VIe s. en Angleterre ; XIIe s., écrit droits. Angle extérieur, intérieur à un
angleis ; l’expression filer à l’anglaise date cercle, celui dont le sommet se trouve à
angelot [lo] n. m. (dimin. de l’anc. du XIXe s.). Qui est originaire de la Grande- l’extérieur, à l’intérieur d’un cercle, et dont
franç. angele, ange ; 1265, Jean de Meung). Bretagne ou qui y habite : Il nous raconta les côtés coupent ce cercle. Angle inscrit
1. Petit ange. 2. Ancienne monnaie de longtemps les résultats prodigieux obtenus à un cercle, celui dont le sommet se trouve
France représentant saint Michel terras- par les savants anglais... (Maupassant). Un sur la circonférence de ce cercle. Angle de
sant le dragon : Une masse considérable
Anglais, une Anglaise. hausse, angle dont il faut hausser le canon
de pièces d’or, onces, quadruples, sequins,
adj. 1. Qui est propre à l’Angleterre ou d’une arme au-dessus de la ligne de site
ducats, cruzades, angelots et autres mon-
à l’ensemble du Royaume-Uni, à ses habi- pour atteindre l’objectif. Angle mort,
naies (Gautier).
tants : La législation anglaise. Les moeurs zone de terrain qui ne peut être atteinte par
angélus [elys] n. m. (lat. angelus, anglaises. 2. Qui vient d’Angleterre ; qui le tir ou qui ne peut être vue d’un endroit
premier mot d’une prière catholique qui a été fabriqué en Angleterre : Elle avait donné. Angle saillant, angle dont l’ou-
date du XIVe s. ; 1690, Furetière). 1. Prière arrangé avec un patron de navire l’em- verture est tournée vers l’intérieur ; angle
catholique en latin, qui se fait trois fois par barquement de marchandises anglaises... que forment les deux faces d’un bastion.
jour, le matin, à midi et le soir : L’heure (Mérimée). Angle rentrant, angle dont l’ouverture
de l’angélus est passée (Mauriac). 2. Par est tournée vers l’extérieur ; angle que for-
A l’anglaise loc. adv. et adj. 1. En termes
extens. Sonnerie de cloches annonçant ment le flanc et la courtine d’un bastion.
de cuisine, se dit de mets cuits à l’eau et
cette prière : Aux lourdes vibrations des 2. Point d’intersection de deux lignes
servis accompagnés de beurre fondu :
angélus de Saint-Paul, de Saint-Gervais [...] ou de deux surfaces : C’est là-bas, juste à
Pommes à l’anglaise. 2. Fam. Filer, par-
se mêle, montant des cours, le tintement l’angle de cette rue calme, que ma vie va
tir à l’anglaise, s’en aller subrepticement,
grêle des cloches de fabriques (Daudet). commencer (Sartre). Les ondes de cette foule
s’esquiver : Je vous suis, me dit-il, mais nous
[...] se heurtaient aux angles des maisons
angevin, e [v, -in] adj. et n. (1080, ne pouvons pas partir à l’anglaise. Allons
(Hugo). Faire angle avec, faire l’angle de,
Chanson de Roland). Relatif à Angers ou dire au revoir à Mme Verdurin (Proust).
se trouver au point d’intersection de deux
à l’Anjou ; habitant de cette ville ou de cette anglais n. m. Langue indo-européenne rues : Le jardin faisait l’angle avec le boule-
province : De celle qu’il nommait sa dou- parlée en Grande-Bretagne, aux États-Unis vard (Mauriac). 3. Fig. Ce qu’il y a d’âpre,
ceur angevine [...] | Sur la corde vibrante, et dans une partie du Commonwealth. de désagréable dans quelqu’un ou dans
erre l’âme divine (Heredia).
anglaise n. f. (au sens 1, XVIIIe s. ; au sens quelque chose : Son caractère, ombrageux
angine [in] n. f. (lat. angina, de angere, 2, 1788, Journ. de Paris). 1. Danse rapide, à l’excès, prenait de jour en jour des angles
serrer à la gorge ; 1538, J. Canappe). 1. Nom exécutée sur un mouvement à deux-quatre. plus vifs (Fromentin). Arrondir, adoucir
donné aux affections inflammatoires très 2. Écriture cursive, penchée à droite : Au les angles, faire oeuvre de conciliateur entre
variées du pharynx. Angine couenneuse, bas étaient écrits, en anglaise appliquée, les deux ou plusieurs personnes de caractère
diphtérie. 2. Angine de poitrine, affec- nom, prénom, âge [...] de l’entrant (Aragon). difficile ; aplanir les difficultés. 4. Fig.

171
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Sous un certain angle, sous cet angle, sous anglo- [glo ou gl], élément tiré du radi- anglo-saxon n. m. Langue parlée par les
l’angle de, d’un
certain point de vue, de cal de anglais, et entrant comme préfixe Angles, les Saxons et les Jutes, qui enva-
ce point de vue, au point de vue de : Sous dans des composés. hirent la Grande-Bretagne aux Ve et VIe s.
cet angle, sans doute, la vie n’est pas très
anglo-arabe [glarab] adj. et n. m. (du angoissant, e [gwas, -t] adj. (part.
passionnante (Camus).
préf. anglo- et de arabe ; début du XIXe s.). prés. de angoisser ; XIVe s.). Qui cause de
• SYN.: 2 coin, coude, encoignure.
Se dit d’un cheval qui provient d’un croi- l’angoisse : En cette heure angoissante de
anglet [gl] n. m. (de angle ; XIIIe s.). En sement entre pur-sang anglais et arabe, et la vie continentale, toute l’Europe ouvrière
architecture, petite cavité à angle droit qui qui est utilisé comme cheval de selle. était là, représentée sur cette petite estrade
sépare les bossages, ou pierres de refend. où se concentraient dix milliers de regards
anglomane [glman] adj. et n. (de
chargés de la même opiniâtre et solennelle
angleterre [gltr] n. f. (de Angle-terre, anglomanie ; 1765, Saurin). Qui admire à
espérance (Martin du Gard).
1773, Almanach parisien). Dentelle au point l’excès ou s’efforce d’imiter tout ce qui est
d’Angleterre : C’est de l’angle-terre, ces den- anglais.
• SYN. : alarmant, inquiétant. — CONTR. :
telles me viennent de ma mère (Balzac). apaisant, rassurant.
anglomanie [glmani] n. f. (du préf.
angleux, euse [glø, -øz] adj. (de angle ; anglo- et de manie, du gr. mania, folie ; angoisse [gwas] n. f. (lat. angustia,
1314, Chirurgie d’Henri de Mondeville). 1754, Grimm). Admiration outrée des resserrement, de angustus, étroit, d’où
Se dit de certains fruits dont l’amande est Anglais, qui conduit à adopter leurs goûts, « défilé, passage étroit » [sens conservé en
enfermée dans de petits angles et diffi- leurs usages, leurs termes : Ce qu’on appelle, franç. jusqu’au XVIe s.], et, au fig., « gêne » ;
cile à détacher : La plupart des noix sont en Angleterre, un lavabo et, en France, par XIIe s.). 1. Malaise physique consistant en
angleuses. une anglomanie mal informée, des water- une oppression pénible, accompagnée de
closets (Proust). palpitations et d’une sensation de resser-
anglican, e [glik, -an] adj. (angl. angli-
rement à l’épigastre : Une angoisse qu’il
can, du lat. médiév. anglicanus, fait sur gal- anglo-normand, e [glnrm, -d] connaissait bien lui étreignait la gorge
licanus ; 1554, Papiers de Granvelle). Qui a adj. et n. (du préf. anglo- et de normand ;
(Martin du Gard). Il eut d’abord une
rapport à l’anglicanisme : Le clergé anglican 1866, Larousse). Qui réunit des éléments
angoisse, un spasme qui lui fit porter la
était savant, hospitalier et généreux ; il avait anglais et normands : L’influence anglo-
main à son col (Montherlant). Poire
reçu le clergé français avec une charité toute normande dans l’Angleterre médiévale.
d’angoisse, instrument de tourture en
chrétienne (Chateaubriand). Cheval anglo-normand, et anglonor-
fer, en forme de poire et muni d’un res-
n. Personne qui professe l’anglicanisme. mand n. m., cheval issu du croisement des
sort, qu’on introduisait dans la bouche
races anglaise et normande.
anglicanisme [glikanism] n. m. (de du patient et qui servait de bâillon ; fig. et
anglican ; 1801, Saladin). Forme de pro- anglo-normand n. m. Dialecte roman vx, souffrance morale cruelle : Des poires
testantisme, religion officielle de l’Angle- parlé des deux côtés de la Manche après la d’angoisse que vos cruautés me font avaler
terre depuis le règne d’Élisabeth Ire (1562) : conquête de l’Angleterre par les Normands. tous les jours (Molière). 2. Fig. Inquiétude
C’est bien l’anglicanisme, impérieux et rêche anglophile [glfil] adj. et n. (du préf. sans objet précis, accompagnée de sensa-
(Verlaine). anglo- et de -phile, du gr. philos, ami ; 1823, tions d’étouffement, de resserrement :
Boiste). Qui est favorable aux Anglais ; qui L’angoisse de l’amour te serre le gosier |
angliche [gli] n. et adj. (de anglais, et
aime les Anglais, ce qui est anglais : Des Comme si tu ne devais plus jamais être aimé
suff. -ish de l’adj. en anglais ; milieu du
XIXe s.). Arg. Anglais : Ça n’a pas de coeur, sentiments, des propos anglophiles. (Apollinaire). L’angoisse lui tordait l’esto-
ce merlan-là. [...] C’est un Angliche (Hugo). mac (Malraux). 3. Dans la philosophie
anglophilie [glfili] n. f. (de anglo-
existentialiste, inquiétude métaphysique
angliciser [glisize] v. tr. (du lat. médiév. phile ; 1866, Larousse). Sympathie pour
que l’homme ressent dans la méditation
anglicus, anglais ; 1858, Peschier). Donner les Anglais, pour ce qui est anglais.
sur son existence.
un caractère anglais à : Angliciser sa toi-
anglophobe [glfb] adj. et n. (de anglo- • SYN.: 2 affres, anxiété, épouvante, inquié-
lette, son langage.
phobie ; 1842, Mozin). Qui n’aime pas les tude, transes. — CONTR.: 2 paix, quiétude,
s’angliciser v. pr. Prendre le ton, les Anglais, ce qui est anglais. sérénité.
manières, les moeurs des Anglais.
anglophobie [glfbi] n. f. (du préf. angoissé, e [gwase] adj. et n. (part.
anglicisme [glisism] n. m. (dér. savant anglo- et de phobie, du gr. phobos, effroi ; passé de angoisser). Se dit d’une personne
du lat. médiév. anglicus, anglais ; 1687, 1823, Boiste). Antipathie, aversion à l’égard qui éprouve de l’angoisse.
Miege). 1. Façon de s’exprimer propre à des Anglais, de ce qui est anglais : Cette adj. Qui dénote de l’angoisse : Elle pro-
la langue anglaise. 2. Locution propre heure passagère où les luttes civiques menait à travers les salons parisiens son
à la langue anglaise et traduite littérale- avaient à peu près éteint les haines natio- ennui angoissé, que nul ne devinait sous
ment dans une autre langue. (Ex. :lune de nales, à part un vieux tison d’anglophobie l’ironie de son sourire (Rolland). Les courlis
miel, traduction de l’anglais honey moon.)
(Rolland). poussaient leur cri angoissé (Tharaud). Je
3. Acception proprement anglaise d’un
mot existant dans les deux langues. anglophone [glfn] adj. (du préf. me reproche toutes les pensées qui ne sont
(Ex. :réaliser dans le sens de « se rendre anglo- et de -phone, du gr. phônê, voix ; pas en fonction de cette attente angoissée
compte », issu de l’anglais to realize.) milieu du XXe s.). Se dit d’une région où (Gide).
4. Mot emprunté tel quel à l’anglais et l’on parle anglais : L’Afrique anglophone. angoisser [gwase] v. tr. (lat. angustiare,
finissant par acquérir droit de cité dans une Se dit d’une personne qui parle anglais. troubler ; 1080, Chanson de Roland). Mettre
autre langue : « Dancing », « music-hall », dans l’état d’angoisse ; causer de l’angoisse :
anglo-saxon, onne [glsaks, -n] adj.
« week-end » sont des anglicismes. Une émotion l’angoissait lorsqu’il serevoyait
et n. (du préf. anglo- et de saxon ; milieu du
angliciste [glisist] n. (de anglicisme ; XVIIIe s.). Se dit des peuples de civilisation à vingt ans, la taille mince, d’une vigueur
fin du XIXe s.). Personne spécialisée britannique, ou de ce qui les concerne : bien portante de jeune chêne (Zola).
dans l’étude de la langue et de la litté- Un idéalisme de magazine anglo-saxon • SYN. : alarmer, épouvanter, inquiéter,
rature anglaises : Un de nos plus savants (Maurois). Le caractère des Anglo-Saxons oppresser. — CONTR. : apaiser, calmer, ras-
anglicistes. diffère de celui des Latins. séréner, rassurer, tranquilliser.

172
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

angoisseux, euse [gwasø, -øz] adj. semblance avec l’anguille : Anguille de mer angusture [gystyr] n. f. (de Angostura,
(de angoisse ; v. 1050, Vie de saint Alexis). (congre). Anguille de sable (équille). n. anc. de Ciudad Bolívar, ville du
1. Class. et littér. Qui éprouve de l’angoisse Venezuela ; début du XIXe s.). Écorce de
anguillère [gijr] n. f. (de anguille ;
(rare) : Il est de ceux | Que jadis le César certains arbres, utilisée comme amer,
XVIe s.). Vivier à anguilles : Quand sep-
souabe à barbe rousse | Emmena pour aider fébrifuge et tonique.
tembre rougit jusqu’aux roseaux des
aux chrétiens angoisseux (Leconte de Lisle).
anguillères dans l’eau du marais vendéen anhélant, e [anel, -t] adj. (part. prés. de
2. Littér. Qui cause de l’angoisse : Jen’au-
(Giraudoux). anhéler ; 1866, Larousse). Qui respire péni-
rais pas fini de sitôt, si je voulais énumérer
blement (rare) : Elle le déposait sur l’herbe,
tous les beaux et bons côtés de ce qu’on anguillidés [gilide] n. m. pl. (de anguille ;
fin du XIXe s.). Famille de poissons com- essoufflée, anhélante (Goncourt). Il met
appelle vice et laideur morale ; mais il se
ensuite un temps très long à se remettre,
présente souvent, pour les gens de coeur et prenant l’anguille, le congre.
secoué par la toux, anhélant, avec le regard
d’intelligence, un cas difficile et angoisseux
anguillule [gilyl] n. f. (de anguille ; 1863, angoissé de quelqu’un qui se noie (Gide).
comme une tragédie... (Baudelaire).
Littré). Ver microscopique, à corps cylin-
anhélation [anelasj] n. f. (lat. anhela-
angon [g] n. m. (bas lat. angon, trans- drique filiforme, dont quelques espèces
vivent en parasites de certaines plantes tio ; XVIe s.). Respiration oppressée, difficile
cription d’un mot francique ; XVe s.).
(blé, betterave). (rare) : Les lèvres se rétrécissent et vont ren-
1. Javelot muni de deux crocs, qu’utilisaient
trant dans la bouche, avec ce mouvement
les Francs. 2. Crochet pour la pêche des
angulaire [gylr] adj. (lat. angularis ; d’anhélation qui caractérise l’ambition
crustacés. fin du XIVe s.). 1. Qui forme un angle : d’un homme en proie à de grands projets,
angora [gra] adj. et n. (de Angora, ville Celles [les tombes] qui sont en coin ou sur oppressé par de vastes pensées ou rassem-
de Turquie [auj. Ankara] ; 1761, Diderot un ordre angulaire sont les tombeaux des blant sa respiration pour prendre son élan
[parfois angola]). Se dit de chats, de lapins, cavaliers (Flaubert). Distance angulaire (Baudelaire).
de chèvres à poils longs et soyeux : Des de deux points, mesure de l’angle formé • SYN.: dyspnée, halètement.
chattes angoras. Laine angora, ou angora par les rayons visuels qui joignent l’oeil de
n. m., textile fabriqué avec les poils de ces l’observateur aux deux points. 2. Qui se anhéler [anele] v. intr. (lat. anhelare ;
animaux. trouve placé à un angle. Dents angulaires, XVe s., O. de Saint-Gelays, au sens 1 ; au
les canines, placées à l’angle des lèvres. sens 2, v. 1530, Marot). [Conj. 5.] 1. Respirer
angrois [grwa] n. m. (forme dialectale de
Artère, veine, nerf angulaires, artère, d’une manière oppressée, avec effort (rare).
engrais, épaississement ; 1863, Littré). Petit 2. En verrerie, souffler pour entretenir
veine, nerf qui passent à l’angle de l’oeil.
coin de fer qui sert à affermir le manche
Pierre angulaire,pierre fondamentale le feu des fourneaux.
d’un marteau ou de tel autre outil.
qui se trouve à l’angle d’une construction ; • SYN.: 1 haleter.
angström [gstrøm] n. m. (de Angström, au fig., dans l’Écriture, image appliquée
anhydre [anidr] adj. (de an priv. et du gr.
n. d’un physicien suédois [1814 - 1874] ; usité à Jésus-Christ, qui a fondé l’Église et la
hudôr, eau ; 1838, Balzac). Qui ne contient
v. 1920). Unité de longueur employée en soutient : À qui se fier, sinon au pape ? et
pas d’eau : Sel anhydre.
microphysique et valant un dix-millième dès que cette pierre angulaire cédait, sur
de micron (symb. : Å). laquelle posait l’Église, rien ne méritait • CONTR. : hydraté.
plus d’être vrai (Gide) ; par extens., la anhydride [anidrid] n. m. (de anhydre ;
anguiforme [gifrm] adj. (du lat. anguis,
chose ou la personne sur laquelle repose 1866, Larousse). Corps qui peut donner
serpent, et forma, forme ; 1863, Littré). Qui
tout un ensemble : Ce postulat est la pierre naissance à un acide en se combinant avec
a la forme d’un serpent.
angulaire du système. l’eau : Anhydride sulfureux.
anguillade [gijad] n. f. (de anguille ;
anguleux, euse [gylø, -øz] adj. (lat. anhydrite [anidrit] n. f. (de anhydre ;
XVIe s., Rabelais). Class. Coups donnés avec
angulosus, de angulus, angle ; 1539, J. milieu du XIXe s.). Sulfate naturel anhydre
un fouet de peau d’anguille, ou avec une
Canappe). 1. Dont la surface est hérissée de calcium.
serviette tortillée en forme d’anguille, ou
d’angles aigus, d’aspérités : Ah ! pauvre
avec un fouet quelconque : Pendant qu’on anicroche [anikr] n. f. (peut-être de
enfant, pieds nus sur les rocs anguleux
donne au maître l’anguillade (La Fontaine). croche, dér. de croc, et de l’anc. franç. ane,
(Hugo). 2. Dont le contour, le dessin
anguille [gij] n. f. (lat. anguilla, dimin. présente des angles, des arêtes vives : Je canard : proprem. « recourbé en bec de
de anguis, serpent ; XIIe s., écrit anguile ; le regardais, en marchant, sa face anguleuse, cane » ; 1546, Rabelais, écrit hanicroche
l mouillé, apparu au XVIe s., n’a triomphé au nez droit (Alain-Fournier). Laurent et désignant une arme ; sens actuel, 1584,
qu’au XVIIe s.). 1. Poisson d’eau douce dont reconnut tout de suite cette grande écriture Thevet). Fam. Petite difficulté qui arrête
la reproduction a lieu en mer, recherché anguleuse et raide qui dépeignait si mal, à l’exécution de quelque chose : L’opération
pour sa chair délicate, et que son corps ses yeux, le caractère paternel (Duhamel). s’est déroulée sans anicroche. Je traverse
allongé, ses nageoires réduites, sa peau glis- 3. Fig. Se dit d’une personne difficile à une période physique assez heureuse (sauf
sante font ressembler à un serpent (famille vivre, d’humeur incommode : Cet esprit de menues anicroches) [Romains].
des anguillidés, ordre des téléostéens) : rétif et anguleux (Sartre). • SYN.: accroc (fam.), ennui, histoire, inci-
Remuant, glissant, vif, souple comme une • SYN. : 3 acariâtre, revêche. — CONTR. : 3 dent, obstacle, pépin (pop.).
anguille. Une matelote d’anguille. Il y a affable, agréable, aimable, doux, facile,
ânier, ère [nje, -r] n. (lat. asinarius ;
anguille sous roche, quelque chose se pré- rond.
XIIe s.). Personne qui conduit des ânes : Au
pare, bien qu’on cherche à le cacher : Il est
angusticlave [gystiklav] n. m. (lat. fond il estimait qu’un âne | Pour Dieu qui
hors de conteste, répondit M. de Norpois,
angusticlavus, de angustus, étroit, et de nous voit tous est qu’un ânier (Musset).
que la déposition du colonel devenait néces-
clavus, bande ; XVIIe s.). 1. Bande étroite
saire pour peu que le gouvernement pensât aniline [anilin] n. f. (du portug. anil, n.
de pourpre ornant la tunique des chevaliers
qu’il pouvait bien y avoir là anguille sous de la plante qui produit l’indigo, issu de
romains. 2. Par extens. Cette tunique
roche (Proust). Vx. Écorcher l’anguille l’ar. an-nl, lui-même venu du persan
elle-même.
par la queue, entreprendre une chose par le nil, indigo ; milieu du XIXe s.). Substance
côté le plus difficile ; ou commencer par la angustifolié, e [gystiflje] adj. (du lat. chimique découverte dans la distillation de
fin, faire les choses à rebours. 2. Par anal. angustus, étroit, et folium, feuille ; 1863, l’indigo, extraite aujourd’hui de la houille
Nom de divers animaux ayant quelque res- Littré). Qui a des feuilles très étroites. et qui est la base de nombreux colorants :

173
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Bleu d’aniline. De quelle aniline éclatante • SYN. : 3 bestial, charnel, instinctif, phy- au côté spirituel : Sa mort survint, presque
enduire mes vêtements pour atteindre ce sique ; 4 inné, instinctif, spontané. — inaperçue des matelots ses frères, qui, en
cerveau ? (Giraudoux). CONTR. : 3 humain, intellectuel, spirituel, ces excès de fatigue et de danger, en étaient
volontaire ; 4 conscient, réfléchi. momentanément tombés à une sorte d’ani-
animadversion [animadvrsj] n. f. (lat.
malité farouche (Loti).
animadversio, observation, de animad- animalcule [animalkyl] n. m. (dimin. de
animal, sur le modèle de corpuscule ; 1564,
• SYN.: 2 bestialité.
vertere, tourner son esprit vers ; XIIe s., au
sens de « attention » ; rare av. le XVIe s. ; a Marcouville). Très petit animal : Les dames animateur, trice [animatoer, -tris] n. (de
signifié « remarque » aux XVIe et XVIIe s. et s’inquiétaient des différentielles naissantes, animer ; 1801, Mercier). 1. Littér. Être qui
« censure judiciaire » au XVIe s. ; au sens 2, des animalcules presque essentiels à l’amour donne la vie, anime : Dans son délire, l’ani-
depuis le XVIIIe s.). 1. Class. Blâme (terme qui frétillent sous l’oeil dans le microscope mateur des rochers [Orphée] rassemblait
de Palais) : Ce procureur a fait une fripon- (Valéry). en grande hâte des strophes... (Supervielle).
nerie qui mérite animadversion (Acad., animalement [animalm] adv. (de ani- 2. Personne qui met de l’entrain dans
1694). 2. Littér. Antipathie violente : mal, adj. ; milieu du XIXe s.). De manière une réunion, ou qui est l’élément dyna-
Mon grand-père ne perdait pas surtout cette animale : L’enfance n’apparaissait à son mique d’une entreprise collective : Il a été
occasion de faire partager aux paysans son esprit que les mains barbouillées de confi- l’animateur du congrès. Être l’animateur
animadversion contre son cousin Hubert tures (ce qui salit la toile et le papier), ou d’une réforme. 3. Spécialem. Artiste qui
de Mauprat (Sand). Le Vieux, je te l’ai dit battant le tambour (ce qui trouble la médi- présente un spectacle de music-hall, de
souvent, déteste les politiques et ne se prive tation), ou incendiaire et animalement dan- radio, de télévision, etc., et lui imprime
pas de répandre en paroles son dédain et gereuse comme le singe (Baudelaire). Ces son rythme : L’animateur des jeux télévisés.
son animadversion (Duhamel). beaux yeux noirs, perdus en des contempla- animation [animasj] n. f. (lat. anima-
• SYN. : 2 aversion, hostilité. — CONTR. : 2 tions infinies, ne roulaient pas une pensée tio, de anima, souffle vital ; 1375, R. de
goût, inclination, prédilection, sympathie. dans leurs ondes de velours. Ils brillaient Presles). 1. Class. État de ce qui est animé,
animalement du calme de la digestion, vivant : Dieu de son souffle puissant a
1. animal [animal] n. m. (lat. animal, être d’un heureux reflet du jour, rien de plus donné l’animation à la matière (Fénelon).
vivant ; fin du XIIe s., Godefroy, rare av. le (Daudet). En langage simple, l’homme n’est 2. Apparition de la vie chez l’animal :
XVIe s. ; comme terme d’injure, XVIIe s.). pas reconnu et ne se reconnaît pas comme L’animation du foetus ne se produit qu’après
1. Par opposition à végétal, tout être orga- homme tant qu’il se borne à subsister ani- quarante jours. 3. Manifestation d’une
nisé doué de mouvement et de sensibilité, y malement (Camus). vie active, entrain : Pour la gaieté, la vie,
compris l’homme : Dans ma verte jeunesse,
animalerie [animalri] n. f. (de animal ; l’animation, le train des fêtes, jamais une
je croyais que l’animal humain était surtout
milieu du XXe s.). Lieu où se trouvent, dans ville pareille (Daudet). Enfin, Tarrou
enclin à la conjonction des sexes (France). paraissait avoir été définitivement séduit
un laboratoire, les animaux destinés aux
L’homme est un animal courageux (Alain). par le caractère commercial de la ville,
expériences.
2. Par opposition à homme, être animé dont l’apparence, l’animation et même
privé de raison : Les animaux sauvages, animalier [animalje] adj. et n. m. (de ani-
les plaisirs semblaient commandés par les
domestiques. Pour l’animal, pas un acte mal, n. m. ; XVIIIe s., J.-J. Rousseau). Qui
nécessités du négoce (Camus). Le marché
inutile (Valéry). 3. Péjor. Personne gros- s’attache à reproduire l’image des animaux,
manquait d’animation, vu le marasme du
sière, stupide ou brutale : Quel animal ! dans les arts plastiques : Frémiet fut un de
bâtiment (Romains). 4. Vivacité, ardeur,
Fam. S’emploie comme injure, parfois nos meilleurs sculpteus animaliers.
se traduisant par des manifestations exté-
amicale : Cet animal-là a failli me faire animalisation [animalizasj] n. f. (de rieures : Deux hommes qui sont restés [...]
rater mon train. animaliser ; milieu du XVIIIe s.). Action à regarder partir la voiture se concertent
• SYN.: 2 bête ; 3 abruti, ballot (pop.). d’animaliser, ou le fait de s’animaliser : maintenant avec une animation croissante
Il appartenait à cette catégorie de maté- (Alain-Fournier). 5. Technique consis-
2. animal, e, aux [animal, -o] adj. (lat.
rialistes abjects qui, à force de nier l’âme tant à donner l’impression du mouve-
animalis, vital, vivant, de anima, souffle
et Dieu, en sont arrivés à l’animalisation ment par une succession de dessins ou de
vital ; 1265, Br. Latini). 1. Qui appartient
complète (L. Daudet). photographies.
aux êtres vivants dits animaux, par oppo-
• SYN.: 3 activité, mouvement, vie ; 4 cha-
sition aux végétaux et aux minéraux : De animaliser [animalize] v. tr. (de animal,
leur, entrain, exaltation, fougue. — CONTR.:
plus, nous ne pouvons étudier les choses de n. m. ; 1742, Barbier). Rabaisser à l’état
3 calme, engourdissement, marasme, tor-
la vie animale que par les mêmes méthodes, d’animal : Le vice animalise l’homme
peur ; 4 flegme, froideur, impassibilité,
les mêmes moyens physiques ou intellectuels (Acad.). Toutes les pauvretés de l’esprit, tous
langueur.
que ceux qui nous servent à comprendre ou les ridicules, toutes les manies de l’intelli-
inventer des machines (Valéry). Le règne gence, tous les vices du coeur se lisent et se animé, e [anime] adj. (part. passé de
animal. La chaleur animale. 2. Qui font voir clairement sur ces visages anima- animer). 1. Doué de vie et de mouve-
appartient à l’animal, par opposition à lisés (Baudelaire). ment : Les êtres animés. Nous ne sommes
l’homme : Les grandes vertus humaines, • SYN.: abêtir, abrutir. — CONTR. : civiliser, pas autre chose, mon fils, qu’une poterie
celles qui s’opposent aux vertus animales élever, relever. animée (France). 2. Se dit d’un lieu où
et grégaires (Duhamel). 3. Qui relève de règne l’activité, le mouvement : Cette ville
animalité [animalite] n. f. (bas lat. ani-
la partie animale des êtres humains, du jaune et grise, modérément animée à cette
malitas ; fin du XIIe s., Godefroy ; reformé,
corps, par opposition à l’esprit : L’instinct heure (Camus). 3. Se dit de ce qui est
par dérivation de animal, en 1755, par J.-J.
maternel est divinement animal. La mère plein d’ardeur, de vivacité : Un entretien
Rousseau). 1. Ensemble des caractères, des
n’est plus femme, elle est femelle (Hugo). Un animé. 4. Dessin animé, procédé cinéma-
instincts propres à l’animal, par opposition
tintement [...] atteignit au profond de son tographique qui, par la succession rapide
aux facultés humaines : L’amour physique
de dessins projetés sur un écran, donne
engourdissement Marguerite, qui, pous- et naturel convient à toutes les créatures
l’impression du mouvement.
sant un gémissement animal, se tourna du de Dieu [...] ; il entretient cette simplicité
côté du mur (Gide). 4. Qui procède d’un divine, cette sainte animalité sans laquelle animelles [animl] n. f. pl. (ital. animella ;
pur instinct : Cette confiance animale que il n’est point de salut (France). 2. Péjor. milieu du XVIe s., Godefroy). 1. Glandes
l’enfant avait en lui (Malraux). Le côté animal de l’homme, par opposition salivaires situées au-dessous de l’oreille, le

174
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

long de la mâchoire inférieure. 2. Mets adj. et n. Qui est adepte de l’animisme. une articulation : Une inflammation peut
composé avec des testicules d’animal, spé- ankyloser le genou (Littré). Meynestrel,
animosité [animozite] n. f. (lat. animo-
cialement de bélier. les mains au dos, la mine soucieuse, allait
sitas, courage, puis violence, de animosus,
et venait à travers l’étroite pièce, afin de
animer [anime] v. tr. (lat. animare, hardi, courageux, dér. de animus, courage ;
rétablir la circulation dans sa jambe anky-
de anima, souffle vital ; 1361, Oresme). 1361, Oresme ; sens moderne à partir du
losée (Martin du Gard). 2. Fig. Réduire,
1. Donner la vie à : Aphrodite anima la XVIe s.). 1. Malveillance, désir persis-
paralyser progressivement l’activité de :
statue de Galatée. [Dieu] commande au tant de faire du mal à quelqu’un : Cette
Le désoeuvrement, la paresse ankylosent
soleil d’animer la nature (Racine). 2. Fig. sorte de bizarre animosité passionnée que
l’esprit.
Douer des apparences de la vie : Cette vie devient l’amour quand la jalousie le fouette
des nuages animait l’obscurité (Malraux). (Maupassant). Il avait de l’affection pour
• SYN. : 2 rouiller (fam.). — CONTR. : 2
3. Douer de mouvement : Pan [...] | Rit son fils aîné ; il en était fier ; et il l’aimait dérouiller (fam.), éveiller, réveiller, stimuler.
de voir son haleine animer les roseaux particulièrement ce soir, parce que son ani- s’ankyloser v. pr. 1. Devenir progres-
(Heredia). 4. Littér. Rendre sonore : Et mosité paternelle vis-à-vis du cadet s’était sivement paralysé : Le pied s’ankylose
que mon souffle anime une flûte gracile accrue (Martin du Gard). 2. Violence à maintenir la même pesée sur l’accélé-
| Dont le joueur léger me serait indulgent marquée de haine sournoise, dans les actes, rateur (Romains). 2. Fig. S’engourdir
(Valéry). 5. Pousser quelqu’un à agir, lui dans les propos : L’animosité de ses adver- dans l’inaction, perdre son dynamisme :
donner de l’ardeur, du courage : Cette vertu saires et la rancune des partis qu’il croyait Marins mal recrutés qui, depuis des années,
tranquille qui animait les formations sani- avoir désarmés l’attristaient dans son âme s’étaient ankylosés dans le trantran des
taires (Camus). Class. Animer à, pousser, (France). ports (Madelin).
encourager, exciter à : Elle anime les autres • SYN.: 1 antipathie, haine, hostilité, ressen- ankylostome [kilstom] n. m. (du gr.
à travailler (Fénelon). 6. Animer un récit, timent ; 2 acharnement, âpreté, véhémence, agkulos, courbé, et stoma, bouche ; 1888,
etc., lui conférer de la vie, de la chaleur, de virulence. — CONTR. : 1 amitié, amour, Larousse). Ver parasite qui vit dans l’intes-
la vivacité : Des souvenirs presque person- inclination, sympathie ; 2 bienveillance, tin grêle de l’homme : Que si vous avalez un
nels animaient les plates descriptions de cordialité. simple ankylostome | Vous pouvez devenir
l’auteur (Flaubert).
anion [anj] n. m. (du gr. ana, en haut, une ombre de fantôme (Ponchon).
• SYN.: 5 aiguillonner, encourager, enflam-
mer, éveiller, exciter, guider, inspirer, stimu- et ion ; milieu du XIXe s.). Ion chargé ankylostomiase [kilstomjaz] n. f. (de
ler, vivifier. — CONTR.: 5 abattre, accabler, négativement. ankylostome ; 1888, Larousse). Sorte d’ané-
décourager, déprimer, engourdir, paralyser, • CONTR. : cation. mie produite par l’ankylostome.
retenir. anis [ani ou anis] n. m. (lat. anisum, du annal, e [anal] adj. (lat. annalis, annuel, de
s’animer v. pr. 1. Prendre vie : La statue gr. anison ; v. 1240, G. de Lorris). 1. Nom annus, an ; XVe s., Dict. général). En droit,
de la déesse lui parut s’animer et se mou- commun à plusieurs plantes aromatiques se dit de ce qui dure un an : Une location
voir (Acad.). 2. Fig. Prendre l’apparence ou médicinales. Anis étoilé, fruit de annale.
de la vie : [Chez Bossuet] Tout s’anime, la badiane. 2. Dragée, poudre qu’on • REM. Le pluriel masculin est inusité.
tout s’enflamme. Les idées deviennent des fabrique avec des graines d’anis : Les pains
êtres vivants... (Faguet). 3. S’ébranler, saupoudrés d’anis alternaient avec les gros annales [anal] n. f. pl. (pl. lat. annales,
se mettre en mouvement : Et d’abord fromages (Flaubert). chroniques par année ; milieu du XVe s.,
on ne voyait que leur miroir infini [des Delboulle). 1. Recueil de faits rapportés
eaux], mais soudain, sous la propagation aniser [anize] v. tr. (de anis ; 1611, selon le seul ordre chronologique : Les
de l’immense sillage | Elles s’animent... Cotgrave). Aromatiser avec de l’anis (s’em- « Annales » de Tacite. Les Grandes
(Claudel). 4. Class. S’exciter, devenir ploie surtout au part. passé) : La liqueur Annales, les annales des pontifes romains.
ardent : L’opiniâtreté du général s’anime anisée et laiteuse qu’Alice était en train de 2. Par anal. Recueil périodique de faits
par la difficulté de l’entreprise (La Bruyère). verser (Daudet). concernant une science, une activité :
5. Prendre de l’éclat, de la vivacité : Tout anisette [anizt] n. f. (de anis ; 1771, Annales philosophiques, politiques, lit-
à coup sestraits s’animèrent ; ce fut un éclai- Trévoux). Liqueur composée avec des téraires. 3. Histoire en général : On ne
rement subit (Gide). graines d’anis : Cette rue d’Alger, vers peut tirer des annales d’un peuple aucun
• SYN.: 3 s’agiter ; 5 s’allumer, s’aviver, bril- midi, s’emplissait d’une odeur d’anisette pronostic pour son avenir (France).
ler, s’illuminer. — CONTR. : 4 s’éteindre, se et d’absinthe (Gide). • SYN.: 1 chroniques.
figer.
ankylose [kiloz] n. f. (gr. médic. agkulô- annaliste [analist] n. m. (de annales ;
animique [animik] adj. (du lat. anima, sis, courbure, de agkulos, courbe ; v. 1576, 1560, Pasquier). Auteur d’annales, histo-
âme ; 1833, Balzac). Relatif à l’âme : Vous Paré, écrit ancyle ou ancylosis ; forme rien : Un écrivain touche à bien des plaies en
pour qui la nature est cruelle et le temps moderne, début du XVIIIe s.). 1. Abolition sefaisant l’annaliste de son temps ! (Balzac).
précieux, que l’amour vous soit un cordial complète ou partielle des mouvements • SYN.: chroniqueur, mémorialiste.
animique et brûlant (Baudelaire). d’une articulation : Mademoiselle Deniseau
annalité [analite] n. f. (de annal ; 1866,
animisme [animism] n. m. (dér. savant avait indiqué au cantonnier Jobelin une
Larousse). Caractère de ce qui dure un an
du lat. anima, âme ; 1781, Thouvenel). pommade qui l’avait soulagé d’une ankylose
(langue juridique) : L’annalité de certains
1. Doctrine philosophique qui voit dans du genou (France). 2. Fig. Ralentissement
droits.
l’âme le principe des phénomènes phy- ou arrêt de l’activité : Souffrir d’une véri-
siologiques et psychologiques à la fois. table ankylose cérébrale. Une certaine anky- annamite [anamit] adj. et n. (de Annam ;
2. Doctrine d’après laquelle tout objet lose gagne le marché boursier. 1866, Larousse). Relatif à l’Annam ou à ses
de la nature recèle un esprit invisible qui • SYN. : 2 inactivité, marasme, paralysie, habitants ; habitant ou originaire de l’An-
le gouverne. stagnation. — CONTR. : 1 souplesse ; 2 acti- nam : Une rizière annamite. La population
vité, prospérité. annamite. Un, une Annamite.
animiste [animist] adj. (de animisme ;
n. m. Langue parlée en Annam.
1820, Laveaux). Qui a rapport à l’ani- ankyloser [kiloze] v. tr. (de ankylose ;
misme : Les croyances animistes des uns, les 1749, abbé Nollet, sous la forme ankylosé ; annamitique [anamitik] adj. (de Annam ;
préceptes bouddhistes des autres (Dorgelès). s’ankyloser, 1835, Raymond). 1. Paralyser 1866, Larousse). Qui se trouve géographi-

175
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

quement en Annam : Ces hauts plateaux même point de la sphère céleste. Année annexe [anks] adj. et n. f. (lat. annexus,
qui prolongent la Chaîne annamitique tropique ou solaire, intervalle séparant part. passé de annectere, joindre ; 1265, J. de
(Dorgelès). deux équinoxes de printemps consécutifs. Meung ; depuis le XVIe s., spécialisé dans des
Année de lumière, unité de longueur cor- emplois techn.). Se dit de ce qui est relié, de
annate [anat] n. f. (bas lat. annata,
respondant à la distance parcourue en un ce qui se rattache à une chose principale en
redevance d’une année ; milieu du XVe s.).
an par la lumière dans le vide. 2. Période tant qu’élément accessoire : Un document,
Redevance que payaient au Saint-Siège
de douze mois considérée sous le rapport un article annexe. L’Asie Mineure, délivrée
ceux qui étaient pourvus d’un bénéfice
des événements qui s’y déroulent, sans des satrapes persans, devint une annexe de
ecclésiastique.
pour cela commencer nécessairement au la Grèce (Renan).
anneau [ano] n. m. (bas lat. an[n]ellus, 1er janvier : Mon père aurait voulu que je • CONTR. : principal.
lat. class. anulus ; v. 1050, Vie de saint fusse pensionnaire toute l’année (Mauriac).
n. f. (fin du XVe s.). 1. Bâtiment secon-
Alexis, écrit anel). 1. Cercle de métal ou D’année en année, progressivement et
daire dépendant d’un bâtiment principal :
de toute autre matière résistante, qui sert sans interruption. 3. Période dont la
Il paraissait ne faire aucune différence entre
à attacher, à retenir, à suspendre quelque longueur peut être inférieure aux douze
ma maison et une écurie qui eût été l’an-
chose : On voyait une barque de pêcheur mois de l’année et que l’on considère par
nexe d’un restaurant (Bloy). 2. Dans le
attachée aux anneaux d’un môle en ruine rapport à certaines activités qui la rem-
domaine administratif, commercial, etc.,
(Chateaubriand). Des anneaux de rideaux. plissent. Année scolaire, universitaire,
établissement dépendant d’un établisse-
2. Spécialem. Petit cercle de métal pré- période qui s’étend depuis la rentrée des
ment proche ou lointain : Son affaire se
cieux, servant d’ornement, de bijou, que classes ou des facultés jusqu’aux vacances
développe : il a créé des annexes en province.
l’on porte au doigt : Elle demandait à d’été : Mon père [...] avait décidé de me
• SYN.: 1 dépendance ; 2 succursale.
présent une bague, un véritable anneau laisser finir mon année scolaire et de me
de mariage (Flaubert). Anneau nuptial, reprendre (Radiguet). Année théâtrale, annexes n. f. pl. 1. Pièces jointes à
alliance. Anneau pastoral ou épiscopal, période qui s’étend depuis la réouverture l’appui d’un rapport, d’un ouvrage, etc.
anneau porté au doigt par l’évêque, et qui des théâtres jusqu’à la clôture annuelle. 2. Annexes de l’utérus, les ovaires et les
symbolise son union avec l’Église. 3. Par Année scientifique, littéraire, etc., activité trompes.
anal. Ce qui a une forme plus ou moins qui s’est manifestée durant l’année, dans annexer [ankse] v. tr. (de annexe ; fin
circulaire : Les longs anneaux roulés de ces domaines, et, par extens., revue qui du XIIIe s. ; depuis le XVIe s., spécialisé dans
ses cheveux d’or effleuraient mes joues rend compte de cette activité. 4. Chacune des emplois techn.). 1. Joindre, attacher à
(Nerval). Le corps mystérieux du monstre, des périodes de douze mois écoulées depuis une chose principale, à un groupe, une
dont la queue | De dragon vil pareille à la la naissance de quelqu’un ou la création autre chose, un autre élément : Annexer
mer verte et bleue | Déroulait ses anneaux de quelque chose : Entrer dans sa dixième une pièce à un dossier. Ci-annexé, v. CI-.
(Banville). Anneau de Saturne, cercle année. Peux-tu, dès tes jeunes années | Sans 2. Spécialem. Annexer un territoire,
lumineux entourant cette planète. 4. En briser d’autres destinées | Rompre la chaîne l’ajouter à ses possessions : Hitler avait
géométrie, surface comprise entre deux de tes jours (Hugo). annexé l’Autriche en 1938. 3. Fam.
cercles concentriques. Anneau sphérique, • REM. V. AN. Annexer quelqu’un, l’accaparer, le circon-
volume engendré par la rotation d’un seg-
annelé, e [anle] adj. (part. passé de venir : Elle savait mon père et ma mère hos-
ment de cercle autour d’un diamètre de tiles à son salon et n’était pas mécontente de
anneler ; XVIe s.). Se dit de ce qui présente
ce cercle, ce diamètre ne traversant pas le triompher d’eux en m’annexant (Maurois).
une succession d’anneaux ou de boucles :
segment.
Une colonne annelée. Michelle, en peignoir • SYN. : 1 rattacher, réunir ; 2 incorporer,
anneaux n. m. pl. Appareil de gymnas-
blanc sur lequel retombe, annelée, la foison- rattacher. — CONTR. : 2 céder, détacher,
tique composé de deux anneaux suspen- séparer.
nante toison noire (Margueritte).
dus chacun à une corde et permettant un
annelés n. m. pl. Ancien nom de l’em- annexion [anksj] n. f. (de annexer ; av.
certain nombre d’exercices : S’exercer, être
branchement des ANNÉLIDES. 1723, Vereroni, Dict. ital.-franç.). Action
très fort aux anneaux.
anneler [anle] v. tr. (de anneau ; 1584, d’annexer des terres, une province, un
année [ane] n. f. (peut-être du lat. pop.
Guevarre). [Conj. 3 a.] 1. Disposer pays ; ce qui est annexé : L’annexion de
*annata, de annus, an ; fin du XIIe s., écrit
en anneaux, en boucles (rare) : Les l’Ukraine comme province de l’empire
anée). 1. Période correspondant au temps
Sémites assyriens annelaient leur barbe. [russe] (Mérimée).
que met la Terre à faire sa révolution autour
2. Anneler un porc, lui passer un anneau • SYN. : incorporation, rattachement,
du Soleil, et, dans l’usage courant, période
dans le groin pour l’empêcher de fouir le réunion. — CONTR. : cession, sécession,
de douze mois commençant le 1er janvier
sol. séparation.
et finissant le 31 décembre : Est-ce parce
que les astrologues ont fixé au 1er janvier annelet [anl] n. m. (dimin. de anneau ; annexionnisme [anksjnism] n. m.
le commencement de l’année que vous vous 1160, Benoît de Sainte-Maure). 1. Petit (de annexion ; 1866, Larousse). Politique
croyez obligé de faire des présents ce jour- anneau. 2. Spécialem. Petit filet circu- visant à l’annexion d’un ou de plusieurs
là ? (France). L’année se compose de 365 laire ornant un chapiteau. pays à un autre.
jours un quart. Bonne année, formule
annélides [anelid] n. f. pl. (dér. savant annexionniste [anksjnist] adj. et n.
de souhaits par laquelle on s’aborde les
de anneau ; 1816, mot créé par Lamarck). (de annexion ; 1771, Trévoux). Qui a pour
premiers jours de l’année. Année bis-
Embranchement d’animaux comprenant but l’annexion d’un pays à un autre :
sextile, année de 366 jours, qui revient
des vers formés d’une suite de segments, Politique annexionniste.
tous les quatre ans. Année civile ou
appelés aussi vers annelés, ou annelés n.
commune, année dont la durée est fixée à annihilateur, trice [aniilatoer, -tris]
m. pl.
365 jours, indépendamment des fractions adj. (de annihiler ; milieu du XIXe s.). Qui
astronomiques. Année lunaire, année annelure [anlyr] n. f. (de anneler ; 1674, a pour effet d’annihiler : Jusqu’ici je l’avais
composée tantôt de douze, tantôt de treize La Fontaine). Class. Disposition de la che- considérée [l’habitude] surtout comme un
révolutions de la Lune autour de la Terre. velure en anneaux, en boucles : Plus Satan pouvoir annihilateur qui supprime l’origi-
Année sidérale, intervalle de temps sépa- y touchait, | Moins l’annelure selâchait (La nalité et jusqu’à la conscience des percep-
rant deux passages successifs du Soleil au Fontaine). tions... (Proust).

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

annihilation [aniilasj] n. f. (lat. médiév. la presse : Comme il ne fit pas d’annonce, façon agréable ou désagréable : La saison
annichilatio, de nichil, transcription tout le monde crut que c’était du Debussy s’annonce bien.
médiév. du lat. class. nihil, rien, orthogra- (Proust). Faire insérer une annonce dans un
annonceur [ansoer] n. m. (de annoncer ;
phié et prononcé ensuite d’après la forme journal. Les petites annonces. Annonces
XIIe s. ; repris dans la langue commerciale
anc. nihil ; 1361, Oresme). Action d’anni- judiciaires, celles dont la loi exige l’inser-
au XXe s.). 1. Vx. Acteur qui, autrefois, à
hiler ; résultat de cette action : Quand on tion dans certains journaux. 4. Chose
est en province et qu’on y voit l’annihilation la fin de la représentation, annonçait le
qui en fait prévoir une autre : Le retour
des esprits... (Sand). prochain spectacle. 2. Personne qui
des hirondelles est l’annonce du printemps.
annonce quelque chose : Il s’exprime bien,
• SYN.: anéantissement, extinction, ruine. Il était retenu davantage au foyer par les
le Marseillais. Il devrait s’établir « annon-
annonces de la maladie qui devait l’empor-
annihiler [aniile] v. tr. (lat. médiév. anni- ceur de morts et accidents graves » (Colette).
ter (Rolland).
chilare [v. l’art. précéd.] ; début du XIVe s., 3. Personne ou firme qui fait paraître
écrit anichiler ; forme moderne, s., • SYN.: 1 affirmation, déclaration, procla-
XVe
une annonce dans un journal, ou qui fait
Tardif). 1. En droit, réduire à rien l’effet mation ; 3 communication, communiqué,
annoncer un produit sous une forme publi-
d’une chose : Annihiler une donation. déclaration, notification, proclamation ;4
citaire et, souvent, assume les frais d’un
2. Par extens. Anéantir, détruire com- indice, prélude, présage, promesse, signe
programme de radio ou de télévision.
plètement : Annihiler des espérances, des précurseur.
• SYN.: 2 messager.
résultats. 3. Annihiler quelqu’un, détruire
annoncer [anse] v. tr. (lat. annunti-
sa volonté, sa personnalité : L’émotion annonciade [ansjad] n. f. (ital. annun-
are, de nuntius, message et messager ;
l’annihile (Montherlant). ziata ; XVIe s.). Nom de plusieurs ordres
1080, Chanson de Roland). 1. Porter à
• SYN.: 2 abolir, briser, ruiner ; 3 accabler, la connaissance de quelqu’un une chose religieux et d’un ordre de chevalerie créés
anéantir, paralyser. qu’il est censé ignorer : J’acceptai un débat en l’honneur de l’Annonciation.
s’annihiler v. pr. Se réduire à néant, qui allait me permettre de voir où en était annonciateur, trice [ansjatoer, -tris]
s’abolir : Cette petite pièce où rien ne m’ap- Kleist avec l’Allemagne ou si je devais me adj. et n. (lat. annuntiator ; XVIe s. ; refait au
partient et où j’habite d’autant mieux que résoudre à lui annoncer, un beau jour, la XIXe s. d’après annoncer, avec sens techn.).
mon passé plus complètement s’annihile vérité (Giraudoux). Il se mit au lit en annon- 1. Qui annonce, qui est un présage de (au
(Gide). çant que le village n’aurait point de pain pr. et au fig.) : Les signes annonciateurs de
anniversaire [anivrsr] adj. (lat. anni- le lendemain (Duhamel). 2. Spécialem. la tempête. Ce n’était pas l’annonciateur
versarius, annuel, de annus, année, et de Faire connaître dans une intention de pro- de la victoire (Benoit). J’en éprouvai un
versus, part. passé de vertere, tourner ; 1160, sélytisme, proclamer : Annoncer l’Évangile. profond soulagement, annonciateur de la
Benoît de Sainte-Maure). Qui rappelle le Ainsi, sur les malheurs de la France éplorée paix prochaine (Duhamel). 2. Tableau
souvenir d’un événement arrivé le même | Gémissait la Muse sacrée [...] | Sublime, annonciateur, ou annonciateur n. m.,
jour une ou plusieurs années auparavant : elle annonçait les douleurs du martyre | tableau indiquant par un voyant, sur un
Zelten remettait toujours les grandes entre- Et l’humble bonheur du désert (Hugo). circuit de téléphone ou de sonneries, d’où
prises au 2 juin, jour anniversaire de sa 3. Donner publiquement avis de quelque
vient l’appel.
naissance (Giraudoux). chose, oralement ou par écrit : Les crieurs
• SYN.: 1 avant-coureur, précurseur.
n. m. 1. Commémoration d’un évé- des journaux du soir annonçaient que
nement, ordinairement célébrée au jour l’invasion des rats était stoppée (Camus). annonciation [ansjasj] n. f. (lat. ecclés.
anniversaire de la date où il a eu lieu, et, 4. Faire connaître l’arrivée de quelqu’un : annuntiatio, de annuntiare ; XIIe s., Psautier
par extens., cérémonie qui l’accompagne : Les domestiques annonçaient bien haut : de Cambridge). 1. Class. Action d’annon-
L’anniversaire de la prise de la Bastille. Les « Monsieur le Comte » celui qu’entre eux ils cer : Dans l’annonciation que Charles [le
enfants tiennent aux galas des anniversaires appelaient plus familièrement « son vieux » Chauve] fit au peuple de la partie de ce
(Balzac). Tous les peuples ont fixé des anni- (Daudet). Se faire annoncer, faire dire traité qui le concernait (Montesquieu).
versaires à la célébration de leurs triomphes, son nom par un domestique, un employé, 2. Spécialem. Venue de l’ange Gabriel
de leurs désordres ou de leurs malheurs, car avant d’être introduit auprès de quelqu’un. auprès de la Vierge Marie pour lui annon-
tous ont également voulu garder la mémoire 5. (avec un sujet désignant une chose) cer qu’elle serait mère de JésusChrist ;
des uns et des autres... (Chateaubriand). Être le signe de l’arrivée ou de la présence représentation de cette scène (en ces deux
2. Spécialem. Service religieux que l’on de quelqu’un, de quelque chose : Ce fut la sens, s’écrit avec une majuscule) : Des
célèbre chaque année pour une personne carriole qui se montra, annoncée par son Annonciations du quinzième siècle sur fond
décédée. bruit sur le gravier (Romains). Être un d’or (Hugo). 3. Jour où l’Église célèbre le
annonaire [annr] adj. (de annone ; signe précurseur de ; laisser prévoir que mystère de l’Incarnation (25 mars).
1752, Trévoux). Provinces annonaires, pro- quelque chose va avoir lieu : J’entends le
annoncier, ère [ansje, -r] n. (de
vinces (Afrique, Égypte) qui, dans l’Anti- second coup de cloche qui m’annonce un de
annoncer ; 1866, Larousse). 1. Personne
quité, étaient tenues de fournir à Rome une ces plantureux déjeuners (Balzac). 6. Être
qui est chargée des annonces dans un
certaine quantité de blé (annone). un indice de, laisser espérer : Une physiono-
journal. 2. Ouvrier compositeur qui les
mie qui annonce la bonté. Ma cousine avait
annonce [ans] n. f. (déverbal de annon- prépare. 3. Spécialem. Dans le théâtre
une fille, Adèle, qui annonçait beaucoup
cer ; XVIe s.). 1. Action d’annoncer quelque moderne, personnage qui présente une
d’esprit ; il me semble qu’elle n’a pas tenu
chose : Et il la congédiait avec la perpétuelle pièce : L’annoncier du « Soulier de satin »
parole (Stendhal).
annonce qu’il se ferait sauter le caisson de P. Claudel.
(France). L’annonce de la mort n’a rien d’ef-
• SYN. : 1 apprendre, avertir de, aviser de,
frayant pour eux (Mérimée). 2. Action communiquer, révéler ; 2 prêcher ; 3 publier, annone [ann] n. f. (lat. annona, de annus,
d’annoncer l’arrivée, la présence d’une signaler ; 5 indiquer, marquer, précéder, année ; XIIe s.). 1. Dans la Rome antique,
personne : L’annonce, précédée d’un coup signaler ; 6 dénoter, laisser deviner, pré- approvisionnement en blé dans les greniers
de hallebarde, des princes et des princesses sager, promettre. — CONTR. : 1 et 3 cacher, publics. 2. Impôt direct en nature perçu
de Trébigne, de Sorie (Daudet). 3. Avis, dissimuler, taire. dans les provinces. 3. Administration
information qu’on donne au public, par s’annoncer v. pr. (avec un sujet désignant des greniers publics et des distributions
voie orale ou écrite, et en particulier dans une chose). Apparaître, se présenter d’une gratuites ou à bas prix.

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

annotateur, trice [antatoer, -tris] n. annulabilité [anylabilite] n. f. (de annu- s’annuler v. pr. Donner un résultat nul :
(de annoter ; 1552, Ch. Estienne, alors rare ; lable ; 1829, Boiste). Caractère de ce qui Deux forces contraires et égales s’annulent.
refait à la fin du XVIIIe s.). Personne qui fait peut être annulé : L’annulabilité d’une élec-
anobli, e [anbli] adj. et n. (part. passé de
des annotations. tion est prévue dans certains cas.
anoblir). Qui a reçu des lettres de noblesse :
• SYN.: scoliaste. annulable [anylabl] adj. (de annuler ; [Les Rochefide] sont des gens anoblis d’hier
annotation [antasj] n. f. (lat. annota- 1823, Boiste). Se dit de ce qui peut être (Balzac). De récents anoblis.
tio ; 1375, R. de Presles ; au XVIe s., signif. annulé.
anoblir [anblir] v. tr. (de noble ; 1326,
surtout « remarque » ou, au sens jurid., • SYN. : rescindable, résiliable, réso-
Godefroy). 1. Agréger de quelque façon,
« inventaire de biens saisis »). 1. Action luble. — CONTR. : définitif, inattaquable,
par quelque moyen, à la classe des nobles :
d’annoter : Se consacrer à l’annotation d’un indestructible.
Don Esteban dit qu’un noble peut bien
texte. 2. Par extens. La note elle-même : Il 1. annulaire [anylr] adj. (lat. an[n] épouser une roturière, parce qu’il l’anoblit
vit que les marges étaient couvertes d’anno- ularius, de an[n]ulus, anneau ; 1546, Ch. (Mérimée). Le ventre anoblit, se disait
tations (France). Estienne). Qui a la forme, l’aspect d’un dans les pays où la noblesse pouvait se
• SYN.: 2 apostille, glose, note, scolie. anneau : Les coraux forment des atolls transmettre par les femmes. 2. Fig. et vx.
annulaires. Éclipse annulaire, éclipse où Rendre noble moralement : L’amour n’ano-
annoter [ante] v. tr. (lat. annotare, noter ;
le Soleil apparaît sous l’aspect d’un anneau blit-il pas tous les sentiments ? (Rousseau).
début du XVe s., au sens de « inventorier »;
entourant le disque de la Lune. • REM. Anoblir et ennoblir étaient cou-
au XVIe s., signif. surtout « remarquer » ;
sens moderne, fin du XVIIIe s.). Ajouter à un 2. annulaire [anylr] n. m. (par ellipse ramment confondus dans la prononcia-
texte des remarques écrites : A cette place de doigt annulaire ; 1539, Cl. Gruget). Le tion et dans l’usage au XVIIe et au XVIIIe s.
même où, plume en main, j’annotais mes quatrième doigt à partir du pouce, celui
anoblissement [anblism] n. m. (de
livres de classe (Duhamel). Un Sophocle auquel on met ordinairement l’anneau :
anoblir ; 1345, Godefroy). Action d’anoblir ;
annoté de la main de Racine. L’étudiant passe une bague à l’annulaire
résultat de cette action.
• SYN.: apostiller, marginer. de la jeune morte (Apollinaire).
anode [and] n. f. (comp. savant du gr.
annuaire [anr] n. m. (dér. savant du lat. annulatif, ive [anylatif, -iv] adj. (de
ana, en montant, et hodos, chemin ; 1838).
annuus, annuel ; fin du XVIIIe s.). Ouvrage annuler ; XVIe s.). Qui a pour effet d’an-
Électrode d’arrivée du courant dans un
publié une fois par an, contenant le résumé nuler (langue juridique) : Une sentence
voltamètre ou un tube à gaz raréfié.
des faits de l’année ou des renseignements annulative.
(L’anode est l’électrode chargée positive-
de tous ordres variables d’une année à annulation [anylasj] n. f. (lat. médiév. ment ; la cathode est l’électrode chargée
l’autre : L’annuaire du Bureau des longi- annulatio ; 1320, Godefroy, rare au Moyen négativement.)
tudes. L’annuaire de l’Éducation nationale. Âge ; le mot usuel est annulement jusqu’à
Annuaire du téléphone, recueil donnant, anodin, e [and, -in] adj. (lat. médic.
la fin du XVIIIe s.). 1. Action d’annuler,
chaque année, les noms, adresses et numé- anodynon, remède calmant, du gr. médic.
de décider qu’une chose ne doit plus être
ros d’appel des abonnés au téléphone. anôdunon, neutre, pris substantiv., de l’adj.
prise en considération : L’annulation d’une
anôdunos, qui calme la douleur, de an priv.
annualité [analite] n. f. (de annuel ; 1789, invitation, d’une commande. 2. Décision
et odunê, douleur ; 1503, G. de Chauliac ; au
Mirabeau). Qualité de ce qui est annuel : Le juridique ou administrative annulant un
sens fig., XVIIe s., Descartes). 1. Class. Qui
principe de l’annualité de l’impôt. acte : Peu de temps après [...], Germaine [...]
calme la douleur : Je lui viens appliquer
demanda l’annulation d’un mariage qui
annuel, elle [anl] adj. (bas lat. annua- un cataplasme anodin et résolutif sur une
n’avait point de réalité (France).
lis ; XIIe s., Voyage de Charlemagne, écrit tumeur livide (Scarron). 2. Se dit de ce
• SYN.: 1 abolition, abrogation, cassation,
anvel ; anuel, XIIIe s., refait d’après le lat.). qui est trop faible pour produire un effet,
dissolution, infirmation, invalidation,
1. Qui dure un an : La plupart des magistra- de ce qui est inefficace : Dans l’état où sont
rescision, résiliation, résolution, retrait,
tures, à Rome, étaient annuelles. 2. Class. les choses, il ne faut pas des remèdes anodins
révocation, suppression. — CONTR. : 1
S’est dit de magistrats dont les fonctions (Sévigné). Ce n’est pas cette glace au café si
confirmation, consécration, conservation,
duraient un an : A Rome, les préteurs anodine qui a pu pourtant me tenir si éveil-
consolidation, maintien, ratification,
étaient annuels (Montesquieu). 3. Plantes validation. lée... (Proust). Mesures anodines. 3. Se dit
annuelles, plantes qui fleurissent l’année d’une chose sans gravité, inoffensive, sans
annulement [anylm] n. m. (de annuler ; grande importance : Jesavais que le raccord
même où elles sont nées, et qui meurent
1838, Acad.). En termes de marine, signal profond entre Forestier et moi ne pouvait
aussitôt après leur fructification. 4. Se dit
qui annule le signal précédent. guère être obtenu que par cette correspon-
de ce qui revient chaque année : Ce n’était
pas sans doute la faute de la Convention, annuler [anyle] v. tr. (lat. médiév. [rare à dance en apparence anodine (Giraudoux).
qui [...] fondait des prix pour encourager basse époque] annullare, de nullus, nul ; fin 4. Se dit d’une personne insignifiante,
des artistes, organisait des Salons annuels du XIIIe s.). 1. Déclarer ou rendre nul, sans dont la personnalité est peu marquée : Un
(France). effet : L’élection de M. Bernard Jansoulet personnage anodin.
est annulée (Daudet). Annuler un ordre de • SYN.: 2 bénin, inopérant, léger ; 3 banal,
annuellement [anlm] adv. (de
Bourse. 2. Fig. Faire disparaître, suppri- insignifiant, quelconque ; 4 effacé, falot,
annuel ; XIIIe s., écrit anuelment). Par an ;
mer : J’ai l’honneur d’être votre femme et terne. — CONTR. : 2 efficace, fort, puissant,
chaque année.
c’est là, à vos yeux du moins, un inconvé- violent ; 3 dangereux, grave, important,
annuité [anite] n. f. (dér. savant du lat. nient fort capable d’annuler toutes mes sérieux ; 4 brillant.
annuus, annuel ; 1395, La Curne). 1. Somme belles qualités (Feuillet).
anodique [andik] adj. (de anode ; 1960,
payée annuellement pour se libérer d’une • SYN. : 1 abolir, abroger, casser, décom-
Larousse). Qui a rapport à l’anode.
dette quelconque : Les prêts consentis par le mander, infirmer, invalider, rapporter,
Crédit foncier se remboursent par annuités, rescinder, résilier, résoudre, révoquer ; 2 anodonte [andt] n. m. (de an priv. et
capital et intérêts réunis. 2. Équivalence anéantir, annihiler, détruire. — CONTR. : 1 du gr. odous, odontos, dent ; 1803, Boiste).
d’une année de service pour le décompte et 2 confirmer, consacrer, consolider, main- Mollusque bivalve, commun dans les eaux
des pensions. tenir, ratifier, valider. douces.

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

anomal, e, aux [anmal, -o] adj. (lat. ânonner [anne] v. intr. et tr. (de ânon ; 2. Tourner au nord, en parlant du vent :
médiév. des grammairiens anomalus, du 1606, Dict. général). Parler, lire, réciter len- La bise anordit.
gr. anômalos, irrégulier, de an priv. et tement, avec peine et sur un ton monotone :
anorexie [anrksi] n. f. (gr. anorexia, de
omalos, pareil ; XIIe s., Garnier de Pont- Un écolier qui ânonne sa leçon.
an priv. et orexis, appétit ; 1584, du Bartas).
Sainte-Maxence). Qui n’obéit pas à la règle
anonymat [annima] n. m. (de anonyme ; Perte de l’appétit.
habituelle : Des conjugaisons que les lin-
1864, Journ. des débats). État d’une per-
guistes appellent anomales — ne lisez pas anormal, e, aux [anrmal, -o] adj. (du
sonne ou d’une chose qui reste anonyme :
« anormales » (Dauzat). Maladie ano- lat. scolast. anormalis, altér. de anoma-
Garder, conserver l’anonymat. Ouvrage lus, d’après normalis ; début du XIIIe s.).
male, à évolution irrégulière.
publié sous l’anonymat. 1. Contraire aux règles naturelles qui, selon
• REM. Anomal est d’un usage moins cou-
anonyme [annim] adj. (bas lat. anony- la raison, le droit ou la morale, doivent régir
rant que anormal. Il ne sort pas du do-
mus, du gr. anônumos, de an priv. et onoma, les choses : Il est anormal que les chefs
maine des sciences ou de la grammaire.
nom ; 1557, Recueil des païs). 1. Qui ne reçoivent des ordres de leurs subordonnés.
anomala [anmala] n. m. (bas lat. anoma- porte pas de nom, ou dont on ne connaît 2. Spécialem. Contraire aux règles éta-
lus ; milieu du XIXe s.). Coléoptère nuisible pas le nom : Une tombe anonyme. L’auteur blies : Développement anormal d’un organe.
à la vigne. Formation anormale d’un mot. 3. Dans le
anonyme d’ « Aucassin et Nicolette ».
Spécialem. D’un auteur resté inconnu langage courant, se dit de ce qui s’écarte de
anomalie [anmali] n. f. (lat. médiév. des
ou qui n’a pas signé : Un ouvrage anonyme. l’ordre habituel des choses : L’agent Mignon,
grammairiens anomalia, du gr. anômalia,
Joseph avait, au cours de son existence hou- n’ayant rien observé d’anormal, cessa sa
inégalité, irrégularité ; XVIe s.). 1. Caractère
leuse, reçu beaucoup de lettres anonymes surveillance (France).
de ce qui ne se conforme pas à la règle, de ce
(Duhamel). 2. Composé de gens qu’on ne • SYN.: 1 déraisonnable, illogique, injuste,
qui s’écarte de la généralité, de l’habitude :
connaît pas : Une foule anonyme. On pour- irrationnel, paradoxal ; 2 anomal, irrégu-
Anomalie de l’orthographe, d’un comporte-
rait mettre alors des visages connus sur cet lier ; 3 bizarre, étrange, exceptionnel, inha-
ment. Je me suis toujours assez bien défendu
entassement anonyme (Camus). Société bituel, insolite. — CONTR.: 1 équitable, juste,
de certaines manies de ma profession [de
légitime, logique, normal, raisonnable ;3
médecin], comme celle de voir partout de anonyme, association commerciale qui
accoutumé, familier, habituel, normal.
l’anomalie, du détraquement (Romains). groupe des capitaux dont les propriétaires
restent inconnus du public. 3. Par extens. adj. et n. Se dit d’une personne dont le
2. Spécialem. En biologie, déviation inso-
Qui ne se distingue en rien du commun, développement physiologique, mental,
lite du type normal : Anomalie congénitale.
banal : Il ressemblait toujours à un éter- intellectuel a été perturbé : Un enfant
Le daltonisme est une anomalie. 3. Chose
nel voyageur et passait presque inaperçu anormal. Elle n’était nullement ce qu’elle
ou personne qui s’écarte de la règle, de la
[...] tant ses cheveux gris et ses vêtements redoutait qu’on la crût et surtout ce qu’elle
généralité, de l’habitude : Je suis vraiment
anonymes s’adaptaient à tous les décors redoutait d’être, une détraquée, une anor-
touchée du bon accueil que j’ai reçu dans
(Saint-Exupéry). male (Tharaud).
votre milieu de chanoine [chez Flaubert],
anormal n. m. Ce qui est contraire à la
où un animal errant de mon espèce est une • SYN.: 1 inconnu ; 3 insignifiant, ordinaire,
règle : Qu’ils [les mobilisés] partissent tous
anomalie qu’on pouvait trouver gênante quelconque. — CONTR. : 1 connu, signé.
ensemble donnait à l’anormal un semblant
(Sand). 4. Par extens. Dans le langage n. Personne dont on ne connaît pas le
de régularité (Rolland).
courant, attitude ou comportement qui nom, qui ne veut pas se faire connaître :
s’écarte de la normale ; singularité. Vous voulez dire le rôle de Jupiter ? reprit anormalement [anrmalm] adv. (de
• SYN. : 1 irrégularité, particularité ; 2 l’anonyme (Hugo). anormal ; 1877, Littré). De façon anormale :
monstruosité ; 3 et 4 bizarrerie, étrangeté, n. m. 1. Vx. Garder l’anonyme, ne pas Tout le visage était non pas gracieux, non
singularité. — CONTR. : 1 et 2 normalité, vouloir faire connaître son nom : Le pas même étrange, mais dur et anorma-
régularité. lement sérieux, anormalement fermé
poète avait gardé l’anonyme (Baudelaire).
• REM. Bien que anomal et anormal 2. Ouvrage anonyme : Les anonymes (Duhamel).
n’aient ni la même étymologie ni le même d’une bibliothèque. • CONTR. : normalement.
emploi, anormal n’ayant pas de substan- anosmie [ansmi] n. f. (de an priv. et du
anonymement [annimm] adv. (de
tif correspondant, on se sert de anoma- gr. osmê, odeur ; 1863, Littré). Diminution
anonyme ; fin du XVIIIe s.). En gardant
lie :L’anomalie de cette situation. Déceler ou perte de l’odorat : L’anosmie est quelque-
l’anonymat : Répondre anonymement. Lui-
une anomalie dans un texte. fois due à l’abus du tabac.
même [...] le ravitaillait parfois en catimini,
anomie [anmi] n. f. (de a priv. et du gr. anonymement (Arnoux). anoure [anur] adj. (de an priv. et du gr.
nomos, loi ; fin du XIXe s.). Absence de loi oura, queue ; milieu du XIXe s.). Se dit des
anophèle [anfl] n. m. (gr. anôphelês,
ou d’organisation. animaux dépourvus de queue.
nuisible ; milieu du XIXe s.). Genre de
ânon [n] n. m. (de âne ; XIIe s.). Petit de moustique qui, par sa piqûre, transmet le anoures n. m. pl. Ordre de batraciens
l’âne ou jeune âne : Un petit ânon qui tétait microbe du paludisme. dépourvus de queue à l’état adulte, com-
sa mère se frottait contre elle (Flaubert). prenant les grenouilles, les crapauds, les
anorak [anrak] n. m. (mot esquimau, rainettes.
ânonnant, e [ann, -t] adj. (de ânon- de anoré, vent ; milieu du XXe s.). Veste de
ner ; 1866, Larousse). Qui ânonne : À côté, sport imperméable, à capuchon, portée par anoxémie [anksemi] n. f. (de an priv.,
dans l’école [...], on entendait les voix ânon- les skieurs, les campeurs, etc. : Là-haut, de ox[ygène], et du gr. haima, sang ; 1866,
nantes des enfants (Zola). tout à fait au bord de cette falaise, le vieux Larousse). Défaut d’oxygénation du sang.
Neda est planté, les jambes écartées [...],l e anoxie [anksi] n. f. (de an priv. et de
ânonnement [annm] n. m. (de ânon-
capuchon de son anorak de peau relevé sur ox[ygène] ; 1960, Larousse). Privation plus
ner ; XVIIe s., Mme de Sévigné). Action
sa tête (P.-É. Victor). ou moins complète d’oxygène, provoquant
d’ânonner : Il faut voir la manière inin-
l’asphyxie.
telligente, enfantine, avec laquelle ils com- anordir [anrdir] v. intr. (de nord ; fin du
mencent à le dire, ce rôle ! et l’ânonnement XVIIIe s.). 1. Se diriger vers le nord : Le vent anse [s] n. f. (lat. ansa ; XIIIe s. ; au
et la recherche niaise de l’intonation et du nous força d’anordir et nous accostâmes sens marit. et géogr., 1484, Garcie, Grand
geste (Goncourt). le banc de Terre-Neuve (Chateaubriand). Routier, écrit ance). 1. Partie recourbée, en

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

arc ou en anneau, de certains récipients la colonelle, qui tue régulièrement deux temps où me paraissait indigne de réelle
ou ustensiles, et qui permet de les saisir : hommes toutes les semaines (Dancourt). attention tout ce que je savais transitoire
Passer son bras dans l’anse d’un panier. Les [Supprimé en 1762, l’anspessade est devenu (Gide).
deux anses d’une amphore. Fam. Faire le soldat de 1re classe.]
antanaclase [tanaklaz] n. f. (du préf.
le panier à deux anses, se tenir les mains • REM. On écrit aussi ancepessade. anti- et du gr. anaklasis, réfraction, réper-
sur les hanches, et, aussi, avoir une femme
antagonique [tagnik] adj. (de anta- cussion ; 1751, Encyclopédie). Répétition
à chaque bras. Fam. Faire danser (ou
gonisme ; av. 1866, Proudhon). Qui est en d’un mot pris en des sens différents (terme
sauter ) l’anse du panier, en parlant d’un
opposition : Des forces antagoniques. Il faut de l’ancienne rhétorique).
domestique, majorer à son profit le prix des
constater que le sabotage est venu d’en haut antarctique [tarktik] adj. (lat. antarcti-
denrées achetées chez les commerçants.
[...] | Et qu’il est payé par un sabotage anta- cus, du gr. antarktikos, de anti, à l’opposé,
2. Par anal. Nom de diverses choses
gonique (Péguy). et arktos, [Grande et Petite] Ourse ; 1338,
affectant une forme recourbée : Anse de
l’intestin. Anse artérielle. Arc en anse antagonisme [tagnism] n. m. (gr. Romant de la fleur de lis, écrit antartique).
de panier, ou, simplem., anse de panier, antagônisma ; fin du XVIe s., terme d’anat. ; 1. Se dit du pôle Sud et des régions polaires
courbe d’une voûte surbaissée. 3. Petite sens polit., 1826, A. Comte). 1. État d’oppo- australes : Le pôle antarctique. Les régions
baie peu profonde. sition, de lutte entre des personnes, des antarctiques. 2. Qui appartient à ces
nations, des doctrines : Jamais on ne vit, régions : Faune, climat antarctique. Il
ansé, e [se] adj. (de anse ; 1606, Nicot).
en Russie, cet antagonisme de l’Église et y a devant toi, dans la nuit antarctique,
Se dit d’un objet dont l’une des extrémités
du trône, qui désola si souvent l’Europe ces défenses monstrueuses à escalader
est terminée par un petit anneau qui per-
occidentale (Michelet). Des antagonismes (Claudel).
met de le saisir : Un bougeoir ansé. Croix
criminels qui, depuis deux ans, en Europe • SYN.: austral. — CONTR.: arctique, boréal.
ansée, croix suspendue à une anse dont
centrale et dans les Balkans, rendent la
l’extrémité supérieure se termine par un 1. ante [t] n. f. (lat. anta, pilastre ; 1683,
guerre imminente pour ceux qui savent
petit anneau. Danet). 1. Chacun des pilastres carrés pla-
voir ! (Martin du Gard). Je crois très juste
cés de chaque côté des jambages des portes
ansériformes [serifrm] n. m. pl. l’antagonisme où vous placiez la vie et l’art
et sur les parties latérales. 2. Pilier carré,
(du lat. anser, oie, et forma, forme ; 1907, (Gide). L’antagonisme du capital et du
saillant sur la surface d’un mur.
Larousse). Ordre d’oiseaux palmipèdes et prolétariat est la dernière phase de la lutte
à bec garni de lamelles cornées, compre- entre le singulier et l’universel (Camus). 2. ante [t] n. f. (du lat. hasta, lance,
nant les oies, les canards, les cygnes, les 2. Spécialem. Opposition fonctionnelle peut-être influencé par le francique hand,
flamants. entre deux systèmes, deux organes ou deux main ; XIe s., écrit hanste). Anc. franç. Bois
substances biochimiques : Antagonisme d’une arme, hampe (encore chez Vaugelas).
ansérin, e [ser, -in] adj. (lat. anseri-
entre un muscle fléchisseur et un muscle Auj. Manche du pinceau à laver des
nus, de anser, oie ; 1540, Rabelais). 1. Qui
extenseur. peintres.
a rapport à l’oie. 2. Peau ansérine, peau
dont l’aspect est analogue à la peau de l’oie
• SYN.: 1 combat, concurrence, conflit, riva- anté-, élément tiré du lat. ante, avant,
qu’on vient de plumer. (On dit plus souvent lité. — CONTR.: 1 accord, alliance, concorde, et qui entre comme préfixe dans la com-
CHAIR DE POULE.) entente, harmonie, union. position de certains mots, où il marque
ansérine n. f. Nom donné communé- antagoniste [tagnist] adj. (gr. antagô- l’antériorité (sauf dans Antéchrist, où il a
ment à deux plantes dont les feuilles rap- nistês ; 1560, Paré, terme d’anat. ; sens le sens d’opposition de anti, contre).
pellent la patte de l’oie : le chénopode et la moderne, XVIIe s., Malherbe). 1. Qui agit antebois n. m. V. ANTIBOIS.
potentille. dans un sens opposé : Deux muscles anta-
gonistes. 2. Se dit de choses qui sont en antécédence [teseds] n. f. (de antécé-
ansière [sjr] n. f. (de anse, au sens de dent ; XVIe s., Godefroy). 1. État de ce qui est
opposition, en conflit : Je laisse sans vio-
« baie » ; 1787, Encycl. méthodique). Filet antécédent (rare). 2. Vx. Marche, appa-
lence les propositions les plus antagonistes
de pêche spécial, que l’on tend dans les remment rétrograde, des planètes de l’est
de ma nature peu à peu s’accorder (Gide).
petites baies. à l’ouest. 3. Phénomène par lequel une
• SYN.: 2 contraire, hostile, opposé.
anspect [spk] n. m. (du néerl. hands- rivière puissante maintient le tracé géné-
n. Personne qui est en lutte avec une
pecke, épieu à main ; 1687, Des-roches, Dict. ral de son cours malgré les déformations
autre, qui s’oppose à quelque chose : Ce
des termes de marine). 1. Levier qui servait tectoniques.
luxe [...] était entretenu par Mme Vermichel,
autrefois à manoeuvrer les pièces d’artillerie une terrible antagoniste de la philosophie antécédent, e [tesed, -t] adj.
de marine : Et bientôt il ne resta plus autour rabelaisienne (Balzac). (lat. scolast. antecedens, part. prés. de
de la machine que trois cents compagnons antecedere, précéder ; 1361, Oresme ; le
• SYN. : adversaire, ennemi, rival. —
choisis dans toutes les halles parmi les plus n. m. pl., au sens de « actions antérieures
CONTR. : allié, ami, associé.
robustes, et qui, tous, armés de barres d’ans- [d’une personne] », date du XIXe s.). 1. Se
pect ou s’attelant à des chaînes vigoureuses, antalgique [talik] adj. (du préf. anti- et dit de ce qui vient avant dans l’ordre du
n’attendaient qu’un signal pour mettre le du gr. algos, douleur ; début du XIXe s.). Se temps : Chacun [...] répudie l’expérience
monstre en mouvement (Daudet). 2. Par dit d’un médicament propre à combattre
de tous les âges antécédents (Hermant).
extens. Grand levier servant à remuer de la douleur. 2. Spécialem. Se dit d’un cours d’eau ou
lourdes charges, plus particulièrement à • SYN.: analgésique, calmant, sédatif. d’une section de cours d’eau dont le tracé
mettre en mouvement des wagons. s’est établi avant une déformation tecto-
antan (d’) [dt] loc. adj. (du lat. pop.
anspessade [spsad] n. m. (altér. de *anteannum, l’année précédente ; XIIe s.). nique : Le Verdon est antécédent en aval
lancespessade [fréquent au XVIe s.], empr. 1. Class. et littér. De l’an passé : Mais où sont de Rougon.
à l’ital. lancia spezzata, lance rompue, les neiges d’antan ? (Villon). Avec trois brins • SYN.: 1 antérieur, passé, précédent, pré-
nom donné à des gardes d’élite ; XVIIe s.). de sauge, une figue d’antan (M. Régnier). existant. — CONTR. : 1 actuel, consécutif,
1. Gentilhomme servant dans l’infanterie 2. Par extens. et littér. D’autrefois : Il me futur, postérieur, subséquent, ultérieur.
française aux XVIe et XVIIe s. 2. Premier semble que tu as passé à Auteuil un vrai antécédent n. m. 1. Fait antérieur sur
grade de la hiérarchie militaire : Officier dimanche d’antan ! (Flaubert). Oui, je paie lequel on appuie un raisonnement, une
aux gardes de son métier, anspessade de aujourd’hui mes dénis d’antan, de ce long conclusion : Invoquer un antécédent.

180
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

2. En logique, première partie d’un syl- tal placé à la bordure d’un toit ou au milieu devait-on pas essayer quelque jour de lier
logisme réduit à deux propositions, par d’une frise : Des antéfixes d’argile. notre passé antérieur et ce passé qui vint
opposition à conséquent, qui désigne la après lui, en empruntant de l’un et de l’autre
antenais, e [tn, -iz] adj. et n. (dér.
seconde proposition. (Ex. :Tous les mam- ceux de leurs enseignements qui sont com-
anc. du lat. annotinus, âgé d’un an ; 1320,
mifères sont vivipares, donc la baleine est patibles ? (Valéry). Passé antérieur, en
J. Richard, Thierry d’Hireçon). Se dit des
vivipare. La mineure : or la baleine est un grammaire, temps du verbe qui marque
poulains, des agneaux nés dans l’année
mammifère, est sous-entendue.) 3. En l’antériorité d’une action passée par rap-
précédente.
mathématiques, premier terme d’un rap- port à une autre action passée. (Ex. :Quand
port. 4. En grammaire, nom ou pronom antennaire [tenr] adj. (de antenne ; IL EUT FINI, il se reposa.) Futur antérieur,
qui précède le pronom relatif et que ce 1863, Littré). Qui a rapport aux antennes temps du verbe qui marque l’antériorité
dernier représente dans la subordonnée des insectes. d’une action future par rapport à une autre
relative. (Dans Dieu qui voit tout..., Dieu action future. (Ex. :Quand tu AURAS FINI,
antenne [tn] n. f. (lat. antenna, vergue ;
est l’antécédent du pronom relatif de la XIIIe s., Villehardouin, écrit antaine ; appli- tu te reposeras.) 2. Qui est placé devant,
proposition subordonnée QUI voit tout.) en avant dans l’espace : La partie antérieure
qué aux insectes par l’helléniste Gaza
5. En médecine, état, phénomène ayant d’un édifice. Ses deux pattes antérieures
au XVe s. ; sens passé en franç. en 1712,
affecté antérieurement la santé d’un indi- disparaissant à demi sous l’abondance de sa
Maraldi, Mémoires de l’Acad. des sciences).
vidu et qui explique un état présent : Vous crinière étaient largement écartées comme
1. Longue vergue qui soutient une voile
avez la chance de n’avoir aucun antécédent les deux ailes d’un oiseau (Flaubert).
latine ou triangulaire : Où sont tes mille
pathologique du côté respiratoire (Martin antennes | Et tes hunes hautaines ? (Hugo).
• SYN. : 1 ancien, antécédent, précédent,
du Gard). 2. Organe en forme de corne, articulé préexistant. — CONTR. : actuel, futur, pos-
antécédents n. m. pl. 1. Actes de la vie et mobile, situé sur la tête des insectes et térieur, ultérieur.
passée d’une personne qui permettent de des crustacés, siège du toucher et, parfois, antérieur n. m. Membre du devant d’un
juger de ses capacités, de sa valeur morale : de l’odorat : Les antennes du scolopendre. animal (par opposition à postérieur) :
L’accusé a été acquitté en raison de ses bons Leurs antennes [des abeilles] qu’on sup- Cheval qui boite de l’antérieur gauche.
antécédents. 2. Par extens. Faits qui sont pose le siège d’un sens inconnu qui palpe et
antérieurement [terjoerm] adv. (de
à l’origine d’une situation, ou étapes anté- mesure les ténèbres (Maeterlinck). 3. Fig. antérieur ; 1611, Cotgrave). A une époque
rieures à un état actuel et qui l’éclairent : Moyen d’information plus ou moins mys-
antérieure.
Une affaire, dont j’avais connu les antécé- térieux et secret : Folcoche ne s’y est pas
dents et que j’étais mieux placé qu’un autre trompée ; elle est à cent lieues de soupçonner antériorité [terjrite] n. f. (de anté-
la vérité, mais ses antennes l’ont renseignée rieur ; 1532, Rabelais). État de ce qui est
pour traiter (Martin du Gard).
(H. Bazin). Avoir des antennes, avoir antérieur dans le temps ; priorité de date :
antéchrist [tekrist] n. m. (lat. médiév. de l’intuition, deviner, saisir ce qui n’est Des auteurs contestent l’antériorité du
antechristus, altér., d’après l’adv. ante, pas révélé. 4. Conducteur métallique roman sur le gothique (Flaubert).
devant, du lat. ecclés. antichristus, du permettant d’émettre et de recevoir les • CONTR. : actualité, postériorité.
gr. antikhristos ; XIIe s., écrit Antecrist). ondes électromagnétiques : Les antennes
1. Faux Messie, qui, d’après l’Apocalypse, antérograde [tergrad] adj. (de
de la radio. Une antenne de télévision.
doit venir quelque temps avant la fin du antér[ieur] et du lat. gradus, marche ; fin
5. Antenne chirurgicale, petite unité
monde pour essayer d’établir une religion du XIXe s.). Amnésie antérograde, forme
avancée du service de santé militaire char-
d’amnésie dans laquelle la perte du sou-
opposée à celle de Jésus-Christ (en ce sens, gée du triage et de l’évacuation des blessés.
venir porte sur les événements qui suivent
s’écrit avec une majuscule) : Les formules 6. Ligne de chemin de fer ou raccorde-
injurieuses que le prophète de l’Antéchrist l’accident causal. (Le sujet oublie les événe-
ment constitués par une artère principale
ments dès qu’ils se sont produits.)
a prodiguées (Hermant). 2. Celui qui ne sur laquelle sont embranchées des voies en
reconnaît pas Jésus en tant que Fils de Dieu cul-de-sac. 7. Branche d’autoroute qui se anth(o)-, élément tiré du gr. anthos, fleur,
et Sauveur. sépare du tronc commun. et entrant comme préfixe dans la compo-
sition de certains mots.
antédiluvien, enne [tedilyvj, -n] antennifère [tnifr] adj. (de antenne
adj. (de l’angl. antediluvian, créé en 1646 et du lat. ferre, porter ; 1863, Littré). Se dit anthélix [teliks] n. m. (du préf. anté-
par Thomas Brown, du lat. ante, avant, d’un animal qui porte des antennes. et du gr. helix, spirale ; 1721, Trévoux).
et diluvium, déluge ; 1750, abbé Prévost). Circonvolution du pavillon de l’oreille,
antépénultième [tepenyltjm] adj.
1. Qui a existé avant le Déluge : Enfoui située au-devant et en dedans de l’hélix.
et n. (lat. antepaenultimus ; 1500, Médicis,
comme un de ces animaux antédiluviens
Chronique). Se dit de la syllabe d’un mot anthémis [temis] n. f. (lat. anthemis,
dans les plâtres de Montmartre (Balzac).
qui précède l’avant-dernière, ou pénul- du gr. anthos, fleur ; 1615, Daléchamp).
2. Fig. D’une époque très ancienne :
tième : Dans le mot latin « dominus », Nom de plusieurs espèces de camomille :
L’horrible idolâtrie antédiluvienne (Hugo).
l’accent tonique porte sur l’antépénultième. Les anthémis tendent d’énormes bouquets
3. Fam. Ridicule par son aspect ancien
ronds (Maeterlinck).
et désuet : Il y avait dans ce mariage à la antéposer [tepoze] v. tr. (du préf. anté-
cruche cassée quelque chose de naïf et d’an- et de poser ; début du XXe s.). En grammaire, anthère [tr] n. f. (du gr. anthêros, -a,
tédiluvien qui me plaisait (Hugo). Il était placer devant : L’épithète monosyllabique fleuri, de anthos, fleur ; 1611, Cotgrave).
impossible d’être plus fossile et antédiluvien est souvent antéposée : « Le GRAND air, un Partie globuleuse qui surmonte l’étamine
qu’il [Daniel Jovard, avant sa conversion BON chien ». des phanérogames et dans laquelle se for-
aux idées romantiques] ne l’était (Gautier). ment les grains de pollen.
antéposition [tepozisj] n. f. (de anté-
• SYN.: 2 antique, millénaire, séculaire ; 3 poser ; 1866, Larousse). Fait d’antéposer. anthéridie [teridi] n. f. (de anthère ;
anachronique, antique, démodé, suranné. milieu du XIXe s.). Organe mâle existant
antérieur, e [terjoer] adj. (lat. anterior ;
— CONTR. : 3 à la mode, à la page (fam.), chez de nombreux végétaux et contenant
1488, Mer des histories). 1. Qui est placé
d’avant-garde, dernier cri, moderne. les anthérozoïdes.
avant dans le temps : Une certaine éruption
antéfixe [tefiks] n. f. (lat. antefixa, pl. volcanique antérieure de bien des siècles anthérozoïde [terzid] n. m. (du gr.
neutre ; milieu du XIXe s.). Motif ornemen- à la fondation de Rome... (Stendhal). Ne anthêros, fleuri, zôon, être vivant, et suff.

181
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

-oïde ; 1866, Larousse). Gamète mâle chez anthrène [trn] n. m. (gr. anthrênê, anthropomorphique [trpmrfik]
les végétaux. sorte de guêpe ; 1789, Encycl. méthodique). adj. (de anthropomorphe ; 1866, Larousse).
Insecte dont la larve vit sur des substances Qui a rapport à l’anthropomorphisme.
anthologie [tli] n. f. (gr. anthologia,
animales sèches (poils, plumes) et nuit aux
de anthos, fleur, et legein, cueillir ; 1574, anthropomorphiser [trpmrfize]
fourrures, aux collections zoologiques.
P. Breslay). 1. Recueil de poésies légères v. tr. (de anthropomorphe ; 1866, Larousse).
grecques anciennes, notamment d’épi- anthropo- [trpo], élément tiré du gr. Concevoir ou représenter sous une forme
grammes : Les anthologies alexandrines. anthrôpos, homme, et qui entre comme humaine : Pourquoi vouloir anthropomor-
L’ « Anthologie palatine ». 2. Recueil de préfixe dans la composition d’un grand phiser la Nature et faire le Cosmos entier à
morceaux choisis de poètes, de prosateurs nombre de mots. l’image de notre intelligence ? (Gide).
ou de musiciens : Anthologie des poètes
anthropocentrique [trpostrik] anthropomorphisme [trpmrfism]
français du XIXe siècle.
adj. (du préf. anthropo- et de centre ; 1877, n. m. (du préf. anthropo- et du gr. morphê,
• SYN.: analectes, chrestomathie, florilège,
Littré). Qui a rapport à l’anthropocen- forme ; 1770, P. H. d’Holbach). Tendance
morceaux choisis.
trisme : Une conception anthropocentrique à attribuer aux forces de la nature ou
anthonome [tnm] n. m. (gr. antho- de l’univers. aux dieux un aspect et des sentiments
nomos, qui se nourrit de fleurs ; milieu du d’homme : L’anthropomorphisme n’est
anthropocentrisme [trpostrism] n.
XIXe s.). Petit charançon, nuisible aux arbres nullement une erreur de sauvage (Alain).
m. (de anthropocentrique ; 1907, Larousse).
fruitiers.
Système philosophique qui fait de l’homme anthropomorphiste [trpmrfist]
anthozoaires [tzr] n. m. pl. (du préf. le centre de l’univers. adj. et n. (de anthropomorphisme ; 1866,
antho- et du gr. zôon, animal ; milieu du Larousse). Partisan de l’anthropo-
anthropoïde [trpid] adj. et n. m. (du
XIXe s.). Classe des coelentérés compre- morphisme ; qui pratique l’anthropo-
préf. anthropo- et du gr. eidos, forme ; 1866,
nant des polypes isolés, comme l’actinie, morphisme : Les anciens Grecs étaient
Larousse). Se dit des singes qui ressemblent
ou vivant en colonies, comme les madré- anthropomorphistes.
le plus à l’homme par leurs caractères
pores, le corail.
anatomiques (forme du visage, absence
anthroponymie [trpnimi] n. f.
anthracène [trasn] n. m. (du gr. de queue) et psychiques : Avec son visage
(du portug. anthroponimia [terme créé
anthrax, -akos, charbon ; 1866, Larousse). d’anthropoïde maigre, Zamian avait des
par Leite de Vasconcellos en 1887], du gr.
Carbure d’hydrogène extrait des goudrons mains longues, douillettes... (Duhamel).
anthrôpos, homme, et onoma, nom ; XXe s.).
de houille. Le gorille est un singe anthropoïde.
Partie de l’onomastique qui traite des noms
anthracite [trasit] n. m. (du gr. anthrax, anthropologie [trpli] n. f. (du préf. de personnes.
-akos, charbon ; 1752, Trévoux). Variété anthropo- et du gr. logos, science ; 1516, J.
anthropophage [trpfa] adj. et n.
de houille très riche en carbone, brûlant à Bouchet, au sens de « étude philosophique
(gr. anthrôpophagos, de anthrôpos, homme,
peu près sans fumée, avec une flamme très de l’homme » ; 1819, Boiste, « étude du corps
et phagein, manger ; 1375, R. de Presles).
courte et dégageant beaucoup de chaleur. humain » ; 1835, Balzac, « ethnographie »).
Qui mange de la chair humaine : Une tribu
adj. invar. D’un gris foncé, presque noir : Étude de l’homme envisagé dans la série
anthropophage. Un anthropophage.
Un manteau anthracite. animale.
• SYN.: cannibale.
anthraciteux, euse [trasitø, -øz] anthropologique [trplik] adj.
(de anthropologie ; fin du XVIIe s.). Qui a anthropophagie [trpfai] n. f. (de
adj. (de anthracite ; 1866, Larousse). Qui
rapport à l’anthropologie : Les sciences anthropophage ; 1608, François de Sales).
ressemble à l’anthracite. Charbon
anthraciteux, ou simplem. anthraciteux anthropologiques. Habitude de manger de la chair humaine.
n. m., charbon un peu moins dense que • SYN.: cannibalisme.
anthropologiste [trplist] ou
l’anthracite et dégageant un peu de fumée. [trppitk] n. m.
anthropologue [trplg] n. (de anthropopithèque
anthracnose [traknoz] n. f. (du gr. anthropologie ; milieu du XIXe s.). Personne (du préf. anthropo- et du gr. pithêkos, singe ;
anthrax, -akos, charbon, et nosos, maladie ; qui se consacre à l’anthropologie. 1888, Larousse). 1. Nom donné parfois à
milieu du XIXe s.). Maladie cryptogamique des animaux fossiles intermédiaires entre
anthropométrie [trpmetri] n. f. (du
de la vigne, du haricot, etc., caractérisée le singe et l’homme : Il en sait tout juste
préf. anthropo- et du gr. metron, mesure ;
par l’apparition de taches brunes sur les autant que l’homme-singe, l’anthropopi-
1813, Gattel). 1. Technique de mesure
organes attaqués (feuilles, fruits). thèque primitif (Bourges). 2. Par anal.
des différentes parties du corps humain.
Homme qui ressemble à cet animal : Cette
anthracose [trakoz] n. f. (du gr. 2. Anthropométrie judiciaire, méthode
figure de grand anthropopithèque velu ne
anthrax, -akos, charbon ; 1866, Larousse). d’identification des criminels, reposant sur
révèle rien de l’être intérieur qui est net,
Maladie spéciale aux ouvriers travaillant la description du corps humain (mesures,
strict, d’une simplicité parfaite (Duhamel).
dans les poussières de charbon et causée photographies, empreintes digitales).
par l’inhalation de ces poussières dans les • SYN.: 2 anthropoïde.
anthropométrique [trpmetrik] adj.
bronches et les poumons. anthropozoïque [trpzik] adj. (du
(de anthropométrie ; milieu du XIXe s.). Qui
anthraquinone [trakinn] n. f. (de a rapport à l’anthropométrie : Le Service préf. anthropo- et du gr. zôon, être vivant ;
anthra[cène] et de quinone ; 1878, Larousse). des fiches anthropométriques à la Préfecture milieu du XXe s.). Se dit parfois de l’ère
Produit d’oxydation de l’anthracène, de police. quaternaire, caractérisée par l’apparition
employé dans l’industrie des colorants. de l’homme.
anthropomorphe [trpmrf] adj. (du
anthrax [traks] n. m. (lat. médic. préf. anthropo- et du gr. morphê, forme ; anthume [tym] adj. (formation plaisante
anthrax, tumeur noirâtre, du gr. anthrax, 1811, Hanin). 1. Qui a la forme, l’apparence due à A. Allais, comme antonyme de pos-
charbon ; XIVe s., écrit andrac, antrac ; humaine : L’abus des plaisirs en faisait un thume, par remplacement du préf. lat. post-,
1503, Guy de Chauliac). Accumulation de colimaçon, un mollusque anthropomorphe après, par ante-, avant ; v. 1895). Antérieur
furoncles, formant une tumeur du tissu (Balzac). 2. Spécialem. Se dit d’un vase, à la mort : Les honneurs anthumes ou pos-
cutané et qui s’étend au tissu conjonctif d’une urne funéraire présentant la forme thumes ont servi de tout temps à récompen-
sous-cutané. d’une tête ou d’un corps d’homme. ser ceux des membres de la communauté

182
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

qui se sont montrés les plus loups envers Acad.). Baguette ou bande de bois fixée sur anticipation [tisipasj] n. f. (lat.
l’ennemi (Maurras). le plancher d’une pièce pour empêcher le anticipatio ; 1437, Coutumes d’Anjou et
contact des meubles avec les murs. du Maine). 1. Action de faire une chose
anthyllis [tilis] ou anthyllide [tilid]
avant le temps où elle devrait normalement
n. f. (gr. anthullis, -idos ; 1556, Richard Le antibrouillard [tibrujar] adj. (du préf.
être faite : Une anticipation de paiement.
Blanc). Genre de plantes appartenant à anti- et de brouillard ; milieu du XXe s.). Se
Spécialem. Action d’annoncer ce qui,
la famille des papilionacées et dont une dit d’un système d’éclairage destiné à per-
dans un récit, dans une lecture, ne doit
espèce, appelée trèfle jaune, est cultivée cer le brouillard : Des phares antibrouillard.
être révélé que plus tard : Toute anticipa-
comme fourrage.
anticancéreux, euse [tikserø, -øz] tion risquerait de diminuer l’intérêt que
anti- [ti], préfixe d’origine savante, adj. (du préf. anti- et de cancéreux ; milieu vous prenez à cette histoire. 2. Figure de
tiré du gr. anti, contre, et qui entre dans du XIXe s.). Destiné à lutter contre le can- rhétorique par laquelle on réfute d’avance
la composition de nombreux mots pour cer : Une thérapeutique anticancéreuse. les objections qui pourraient être faites.
exprimer l’idée d’opposition, d’hostilité, 3. En musique, accord où l’on fait
antichambre [tibr] n. f. (adaptation
de protection contre. entendre une ou plusieurs notes de l’accord
de l’ital. anticamera, chambre de devant,
• REM. 1. Les mots composés avec le pré- qui doit suivre, ou notes qu’on fait entendre
anti- représentant ante- lat. ; 1529, Lasseré).
fixe anti- s’écrivent généralement sans un peu avant le temps marqué. 4. Action
Pièce d’attente, située à l’entrée d’un appar-
trait d’union. Font exception : les compo- de prévoir ce qui, selon nous, se passera
tement, d’un bureau. Faire antichambre,
sés dont le deuxième élément commence dans un avenir plus ou moins éloigné :
attendre pour être reçu, généralement par
par un i : anti-infectieux ; quelques noms Gardons-nous de toute anticipation en ce
un personnage important que l’on vient
géographiques : Anti-Liban ; les mots for- domaine ! 5. Spécialem. Récit plus ou
solliciter : J’entrais, je faisais antichambre,
gés pour la circonstance, afin de mieux moins fantastique de choses situées dans
j’étais amené en présence d’un officier
faire ressortir la valeur de anti- : anticon- l’avenir : Les romans de Jules Verne sont de
supérieur (Duhamel). Courir les anti-
cierge ; les mots formés de trois éléments : géniales anticipations. Un roman, un film
chambres, solliciter de tous côtés. Vx.
anti-sous-marin. d’anticipation. La littérature d’anticipation.
Un pilier d’antichambre, un perpétuel sol-
2. Normalement, les adjectifs composés 6. En droit, empiétement, usurpation sur
liciteur. Propos, plaisanterie, etc., d’anti-
où le nom a toujours un sens singulier les droits de ses voisins.
chambre, de valets ou dignes de valets.
doivent rester invariables : antibrouillard • SYN.: 4 conjecture, extrapolation, prévi-
• SYN.: hall, salle d’attente, vestibule.
(= contre le brouillard). Cependant, la sion, prophétie ; 5 science-fiction.
tendance est pour la variabilité : Des pein- antichar [tiar] adj. (du préf. anti- et Par anticipation loc. adv. Avant le
tures antirouilles, des antibuées, etc. de char ; 1928, Larousse). Qui s’oppose à temps, par avance : Il avait [...] montré par
l’action des engins blindés : Canon, mine, anticipation une gravité vraiment épisco-
antiacide [tiasid] n. m. et adj. (du préf.
fossé, obstacle antichar. pale (France).
anti- et de acide ; 1750, Dict. des aliments).
Syn. de ALCALIN. antichrèse [tikrz] n. f. (gr. antikhrê- anticipé, e [tisipe] adj. (part. passé de
sis, usage d’une chose pour une autre, de anticiper). Se dit d’une chose qui se produit
antiaérien, enne [tiaerj, -n] adj. (du
anti, contre, et khrêsis, usage ; 1603, Peleus). plus tôt qu’elle ne devrait normalement se
préf. anti- et de aérien ; v. 1918). Qui combat
Contrat qui stipule l’abandon à un créan- produire : Une retraite anticipée. Cette cer-
l’action des avions ou des engins aériens :
cier, par le débiteur, des revenus d’un bien titude anticipée de ce qu’il regardait comme
Citation à l’ordre de l’armée : Herbillon
immobilier jusqu’à extinction de la dette : une belle action déplut au jeune homme
Jean-Pierre, aspirant observateur à l’esca-
drille 39, le 15 mars, sous un feu violent Remettre à un créancier un immeuble en (Flaubert).
des batteries antiaériennes, mène à bonne antichrèse. •SYN.: avancé, hâtif, précoce, prématuré.
fin un réglage difficile (Kessel). Autour des antichrétien, enne [tikretj, -n] — CONTR. : tardif.
lumières mal éteintes de Palma, le tir anti- adj. (du préf. anti- et de chrétien ; 1555, anticiper [tisipe] v. tr. (lat. anticipare,
aérien éclate de tous côtés contre l’avion Désiré). Opposé à la religion chrétienne : prendre d’avance, prévenir, de ante, avant,
invisible... (Malraux). Cependant, poursuit cet auteur, le papisme et capere, prendre ; 1355, Bersuire). 1. Class.
antialcoolique [tialklik] adj. (du préf. est l’empire antichrétien (Bossuet). Devancer, prévenir l’action de quelqu’un :
anti- et de alcoolique ; début du XXe s.). antichristianisme [tikristjanism] n. Ils n’ont fait en cela qu’anticiper le soin que
Qui combat les abus de l’alcool : La ligue m. (de antichrétien, d’après christianisme ; M. de Luxembourg aurait pris avec plaisir
antialcoolique. 1598, Feu-Ardent). Hostilité au christia- (Racine). 2. Class. et littér. S’imaginer à
nisme : L’antichristianisme a, dans ce pays, l’avance : Nous anticipons l’avenir comme
antiatomique [tiatmik] adj. (du préf.
une couleur si détestable [...] qu’en vérité il trop lent à venir, comme pour hâter son
anti- et de atomique ; 1960, Larousse). Qui
y aurait de quoi m’éloigner, ne fût-ce que cours (Pascal). M. de Charlus s’apercevait
s’oppose aux effets du rayonnement ou des
par modestie naturelle (Renan). qu’on ne tenait plus compte de sesexclusives
projectiles atomiques : Une combinaison
qu’une fois sur deux, et, anticipant l’avenir,
antiatomique. Un exercice antiatomique. anticipant, e [tisip, -t] adj. (de antici- craignant qu’un jour ce fût de lui qu’on ne
Un abri antiatomique. per ; 1611, Cotgrave). Se dit de phénomènes se privât, il avait commencé à faire la part
antibiotique [tibjtik] n. m. et adj. périodiques se reproduisant à des inter- du feu (Proust). 3. Exécuter une chose
(du préf. anti- et du gr. bios, vie ; 1949, valles de plus en plus rapprochés (langue avant la date prévue : Anticiper un rem-
Larousse). Terme désignant des subs- médicale) : Une fièvre est anticipante quand boursement. Anticiper des travaux.
tances d’origines diverses qui arrêtent l’accès, au lieu de revenir à la même heure, •SYN. : 3 avancer, devancer, prévenir. —
le développement et la multiplication de revient plus tôt (Littré). CONTR. : 3 différer, repousser, retarder.
certains microbes : La streptomycine est
anticipateur, trice [tisipatoer, -tris] v. tr. ind. [sur]. 1. Compter sur ce qui
un remarquable antibiotique. Les sécrétions
adj. (de anticiper ; début du XXe s.). Qui n’existe pas encore et agir comme si on
antibiotiques.
anticipe : Ce qu’elle voyait par les regards pouvait en disposer : J’ai anticipé sur son
antibois [tibwa] ou antebois [tbwa] anticipateurs du désir, le jour où elle avait acceptation. Anticiper sur ses revenus,
n. m. (origine obscure ; au XVIe s., on trouve voulu si précipitamment revenir de Balbec les dépenser ou en dépenser une partie
les formes artebois, atibois ; antibois, 1842, (Proust). avant de les avoir touchés. 2. Anticiper

183
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

sur l’avenir, et, absol., anticiper, prévoir ce anticonceptionnel, elle [tikspsj- de déraper ; 1898, Larousse). Qui aug-
qui va arriver et, généralement, adapter nl] adj. (du préf. anti- et de conception- mente l’adhérence des véhicules au sol :
sa ligne de conduite à cette prévision : Les nel ; 1928, Larousse). Destiné à empêcher Un revêtement antidérapant. Des pneus
hommes politiques doivent quelquefois la conception, la procréation : Un produit, antidérapants.
savoir anticiper. Anticiper sur les faits, un article anticonceptionnel. antidérapant n. m. Dispositif augmen-
sur les événements, sur la suite, et, absol., tant l’adhérence des pneus au sol : bande
anticonformisme [tikfrmism] n. m.
anticiper, dans un récit ou dans une lec- striée, enveloppe ferrée ou cloutée, chaînes,
(du préf. anti- et de conformisme ; milieu
ture, révéler ce qui ne doit être connu que etc.
du XXe s.). Attitude d’hostilité à l’égard du
plus tard : Je pourrais vous dire comment
respect des usages établis, des traditions. antidétonant, e [tidetn, -t] adj.
l’histoire se terminera, mais n’anticipons
• CONTR. : traditionalisme. (du préf. anti- et de détonant, part. prés.
pas. 3. En droit, empiéter sur, usurper :
de détoner ; milieu du XXe s.). Qui présente
Anticiper sur une terre, sur une charge. anticonformiste [tikfrmist] adj. et
la propriété de résister à la détonation ou
n. (du préf. anti- et de conformiste ; milieu
anticivique [tisivik] adj. (du préf. d’empêcher le cliquetis du moteur.
du XXe s.). Qui combat le conformisme, le
anti- et de civique ; milieu du XVIIIe s.). antidétonant n. m. Additif qui augmente
respect des usages établis.
Contraire au civisme : As-tu signé quelque l’indice d’octane d’une essence et retarde
pétition ou fait quelques écrits anticiviques ? anticonstitutionnel, elle [tikstity- l’apparition du phénomène de détonation.
(Goncourt). sjnl] adj. (du préf. anti- et de consti-
tutionnel ; 1774, Journ. de Bruxelles). antidiphtérique [tidifterik] adj. (du
anticlérical, e, aux [tiklerikal, -o] adj. préf. anti- et de diphtérique ; fin du XIXe s.).
Contraire à la Constitution : Des mesures
et n. (du préf. anti- et de clérical ; 1866, Qui prévient ou combat la diphtérie : La
anticonstitutionnelles.
Larousse). Hostile au clergé ou à son vaccination antidiphtérique. Le sérum
influence dans les affaires publiques : anticonstitutionnellement [ti- antidiphtérique.
Beaucoup de mes électeurs se disent anti- kstitysjnlm] adv. (de anticonstitu-
cléricaux (France). Politique anticléricale. tionnel ; 1803, Boiste). D’une manière antidopage [tidpa] ou antidoping
[tidping] adj. (du préf. anti- et de dopage
anticonstitutionnelle.
anticléricalisme [tiklerikalism] n. m. ou doping ; vers 1960). Se dit de tout ce
(de anticlérical ; 1906, Larousse). Hostilité anticorps [tikr] n. m. (du préf. anti- qui s’oppose à l’usage de stimulants dans
à l’égard du clergé, ou opposition à toute et de corps ; 1906, Larousse). Protide du les sports.
ingérence de sa part dans les affaires groupe des globulines, qui apparaît dans
publiques. antidote [tidt] n. m. (lat. médiév. anti-
l’organisme quand s’y trouve introduite
dotum, du gr. médic. antidoton, neutre, pris
une substance étrangère, dite antigène :
anticlinal, e, aux [tiklinal, -o] adj. (du substantiv. [d’après pharmakon, remède],
L’agglutinine est un anticorps.
préf. anti- et du gr. klinein, pencher ; milieu de l’adj. antidotos, donné contre ; XIIe s.,
du XIXe s.). En géologie, se dit de la partie anticyclone [tisiklon] n. m. (du préf. Eneas, écrit antidot). 1. Contrepoison spé-
convexe d’un pli simple. anti- et de cyclone ; 1888, Larousse). Centre cial à un toxique donné : La strychnine est
anticlinal n. m. En géologie, pli convexe. de hautes pressions atmosphériques. l’antidote des barbituriques absorbés à trop
• CONTR. : synclinal. anticyclonique [tisiklnik] ou anti- haute dose. 2. Fig. Remède contre un
cyclonal, e, aux [tisiklnal, -o] adj. (de mal moral : Faux enthousiasmes ! Poisons
anticoagulant, e [tikagyl, -t] adj.
anticyclone ; 1928, Larousse). Qui a rapport subtils ! Quel antidote pourra-t-on jamais
et n. m. (du préf. anti- et de coagulant, part.
à un anticyclone : La situation anticyclo- trouver contre vous ? (Vigny).
prés. de coaguler ; 1960, Larousse). Se dit
d’un corps qui empêche la coagulation du nique ou anticyclonale. • SYN. : 2 dérivatif, exutoire, panacée,
préservatif.
sang : L’héparine est un anticoagulant. antidate [tidat] n. f. (du préf. lat. anti-,
• CONTR. : coagulant. autre forme de ante-, et de date ; 1413, antidreyfusard, e [tidrfyzar, -ard]
Godefroy). Date antérieure à la date véri- adj. et n. (du préf. anti- et de dreyfusard,
anticolonial, e, aux [tiklnjal, -o]
table : Cette lettre porte une antidate. partisan de Dreyfus ; 1894 - 1906). Hostile
adj. (du préf. anti- et de colonial ; début du
à Dreyfus lors de la fameuse affaire :
XXe s.). Opposé à la colonisation : Il s’était • CONTR. : postdate.
Mme Forgeaud qui était, elle, royaliste et
jeté dans la politique anticoloniale avec une [tidate] v. tr. (de antidate ;
antidater antidreyfusarde fanatique fut associée à la
passion que ses propres partisans jugeaient 1462, Fierville). Mettre sur une lettre, sur disgrâce de son mari (Maurois).
intempérante (Duhamel). un document, sur un écrit quelconque une
antiémétique [tiemetik] n. m. et adj.
anticolonialisme [tiklnjalism] n. m. date antérieure à la date réelle : On signait
(du préf. anti- et de émétique [du lat. eme-
(du préf. anti- et de colonialisme ; début du le traité, on le contresignait, on l’antidatait
(Flaubert). ticus, du gr. emetikos, de emein, vomir] ;
XXe s.). Opposition au colonialisme.
1866, Larousse). Médicament destiné à
• CONTR. : postdater.
anticolonialiste [tiklnjalist] adj. et combattre le vomissement : L’acide car-
n. (du préf. anti- et de colonialiste ; début antidémocrate [tidemkrat] adj. et bonique est l’antiémétique le plus employé.
du XXe s.). Qui est opposé au colonialisme : n. (du préf. anti- et de démocrate ; 1858,
antiengin [ti] adj. (du préf. anti-
Un courant, une campagne anticolonialiste. Peschier). Se dit de quelqu’un qui est
et de engin ; milieu du XXe s.). Syn. de
Un farouche anticolonialiste. opposé aux principes de la démocratie :
ANTIMISSILE.
Un politicien antidémocrate.
a nticommunisme [tikmynism]
antienne [tjn] n. f. (lat. ecclés. ante-
n. m. (du préf. anti- et de communisme ; antidémocratique [tidemkratik]
fana, altér., d’après le lat. ante, du lat. ecclés.
XXe s.). Attitude d’hostilité à l’égard du adj. (de antidémocrate ; 1794, Journ. de la
antiphona, fém., « chant alternatif de deux
communisme. Montagne). 1. Propre aux antidémocrates :
choeurs », du gr. antiphôna, pl. neutre de
Goûts antidémocratiques. 2. Contraire
anticommuniste [tikmynist] adj. et l’adj. antiphônos, qui répond à ; XIIIe s., écrit
à la démocratie : Une politique, une loi
n. (du préf. anti- et de communiste ; 1842, antievene ; l’anc. franç. a en outre une forme
antidémocratique.
Cabet). Qui est hostile aux idées commu- antoine, qui correspond à antiphona ; sens
nistes et aux communistes : Une propa- antidérapant, e [tiderap, -t] adj. fig., XVIIIe s.). 1. Verset qu’on chante, en
gande anticommuniste. (du préf. anti- et de dérapant, part. prés. tout ou en partie, avant un psaume, et qu’on

184
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

répète en entier après : On nous apprenait à antigène [tin] n. m. (du préf. anti- et franc-maçon ; fin du XIXe s.). Opposé à la
chanter les antiennes (Daudet). Cette inter- de gène, du gr. gennân, engendrer ; début franc-maçonnerie : Et la campagne anti-
rogation de victime qu’on chante le vendredi du XXe s.). Substance agressive pour l’orga- maçonnique ? s’écria Jacques de Cadde, qui
saint, dans les églises démodées, à l’antienne nisme, pouvant provoquer la formation était pieux (France).
de l’adoration de la Croix (Bloy). 2. Par d’anticorps : Les toxines sont des antigènes.
antimagnétique [timaetik] adj. (du
anal. Répétition continuelle et lassante
antigivrant, e [tiivr, -t] adj. et n. préf. anti- et de magnétique ; 1784, Journ. de
de la même chose : Le docteur Langlade m. (du préf. anti- et de givrant, de givre ; Paris). Se dit de ce qui est conçu de façon à
répétait chaque jour la même antienne 1960, Larousse). Qui est propre à empêcher ne pas subir les effets du magnétisme : Une
(Escholier). la formation de givre sur les avions, sur les montre antimagnétique.
• SYN. : 2 leitmotiv, refrain, rengaine, pare-brise des voitures.
ritournelle. antimarxisme [timarksism] n. m. (du
antigouvernemental, e, aux [ti- préf. anti- et de marxisme ; début du XXe s.).
• REM. Ce mot fait partie des exceptions
guvrnmtal, -o] adj. (du préf. anti- et de Attitude d’opposition au marxisme.
dans lesquelles le t, bien que suivi de i et
gouvernemental ; 1832, Balzac). Opposé au
d’une autre voyelle, se prononce [t] et non antimarxiste [timarksist] adj. et n.
gouvernement en fonction, à sa politique.
[s]. (du préf. anti- et de marxiste ; début du
antihalo [tialo] adj. et n. m. (du préf. XXe s.). Opposé au marxisme : Un mouve-
antiesclavagiste [tisklavaist] adj. et anti- et de halo ; début du XXe s.). Se dit ment antimarxiste.
n. (du préf. anti- et de esclavagiste ; 1866, d’une préparation dont on enduit le dos
Larousse). Opposé à l’esclavage : Abraham des négatifs photographiques pour éviter antimatière [timatjr] n. f. (du préf.
Lincoln était, aux élections de 1860, le can- anti- et de matière ; 1958, Larousse).
des voiles partiels.
didat des antiesclavagistes. Ensemble hypothétique dont les éléments
antihistaminique [tiistaminik] n. m. constitutifs seraient des antiparticules.
antiévangélique [tievelik] adj. (du (du préf. anti- et de histaminique, de his-
préf. anti- et de évangélique ; 1863, Littré). tamine ; 1960, Larousse). Substance qui antiméridien [timeridj] n. m. (du
Qui va contre les préceptes de l’Évangile : s’oppose à l’action nocive de l’histamine, préf. anti- et de méridien ; 1922, Larousse).
Sans chercher à calculer la dépense où mon libérée par toute altération cellulaire : Les Demi-cercle passant par la ligne des pôles
élan risquait de m’entraîner, ce qui m’a tou- antihistaminiques sont employés dans les et opposé à 180° du demi-cercle passant
jours paru antiévangélique (Gide). maladies allergiques. par un point donné, et qui est le méridien
de ce lieu.
antifading [tifading] n. m. et adj. (du antihygiénique [tiijenik] adj. (du préf.
préf. anti- et de fading ; 1960, Larousse). anti- et de hygiénique ; 1866, Larousse). antimigraineux, euse [timigrnø,
Dispositif éliminant l’effet du fading. Contraire à l’hygiène : Il est antihygiénique -øz] adj. (du préf. anti- et de migraineux,
de dormir toutes fenêtres fermées. de migraine ; 1906, Larousse). Qui combat
antifascisme [tifaism] n. m. (du préf. la migraine : Des cachets antimigraineux.
anti- et de fascisme ; v. 1935). Opposition à antilibéralisme [tiliberalism] n. m.
la doctrine, au régime fasciste, et plus géné- (du préf. anti- et de libéralisme ; 1842, J.-B. antimilitarisme [timilitarism] n. m.
ralement à l’autoritarisme en politique. Richard de Radonvilliers). Attitude d’oppo- (du préf. anti- et de militarisme ; fin du
sition à ce qui est libéral : L’absolutisme, XIXe s.). Hostilité de principe à l’égard
antifasciste [tifaist] adj. et n. (du préf. de l’esprit et des institutions militaires :
l’espionnage, l’hypocrisie religieuse, enfin
anti- et de fasciste ; v. 1935). Opposé au fas- l’antilibéralisme sous toutes ses formes L’antimilitarisme en France n’était peut-
cisme, et plus généralement à tout régime (Flaubert). être qu’étourdi par l’émotion (Romains).
politique autoritaire.
antillais, e [tij, -iz] adj. et n. (de antimilitariste [timilitarist] adj. et
antiferment [tifrm] n. m. (du préf. Antilles ; 1898, Larousse). Propre aux n. (du préf. anti- et de militariste ; fin du
anti- et de ferment ; 1922, Larousse). Nom Antilles ; habitant ou originaire des XIXe s.). Qui fait preuve d’antimilitarisme :
donné à tout corps capable d’empêcher une An-tilles : Une recette antillaise. (On a dit On avait réussi à déchiffrer les fragments
fermentation. aussi ANTILLIEN, ENNE.) d’un tract violemment antimilitariste
(Martin du Gard).
antiffe [tif] n. m. (anc. franç. antif, du lat. antilogie [tili] n. f. (gr. antilogia, de
antiquus, vieux ; 1725, Granval). Arg. Battre anti, contre, et de logos, discours ; 1623, antiministériel, elle [tiministerjl]
l’antiffe, courir les routes : Le réfractaire [...] Garasse, Dict. général). Contradiction entre adj. (du préf. anti- et de ministériel ;
est bien forcé, transi de froid et las de battre deux idées, entre les passages d’un livre, 1740, d’Argenson). Opposé au ministère
l’antiffe (c’est le terme), d’entrer aussi chez ou entre les opinions d’un auteur dans des en fonction et à sa politique (vieilli) : Ce
le rogomiste (Gautier). ouvrages différents (terme de logique). député a prononcé un violent discours
• SYN.: antinomie. antiministériel.
antifrançais, e [tifrs, -iz] adj. (du
préf. anti- et de français ; 1839, Balzac). antilogique [tilik] adj. (du préf. anti- antimissile [timisil] adj. (du préf. anti-
Qui est hostile à la France et aux Français : et de logique ; 1866, Larousse). Contraire et de missile ; milieu du XXe s.). Se dit des
Ces paroles expriment des sentiments à la logique. armes, des dispositifs et, plus générale-
antifrançais. • SYN. : illogique, irrationnel. — CONTR. : ment, de toutes les mesures destinées à
cohérent, logique, rationnel. s’opposer à l’action des engins spéciaux
antifriction [tifriksj] n. m. et adj. (du
adverses.
préf. anti- et de friction ; 1866, Larousse). antilope [tilp] n. f. (angl. antelope • SYN.: antiengin.
Alliage à base d’antimoine, dont on garnit [attesté en ce sens en 1607], empr. au lat.
les coussinets des paliers de machine pour médiév. ant[h]alopus, animal fabuleux, du antimite ou antimites [timit] adj. et
réduire le frottement. gr. médiév. anthalôps ; 1751, Klein). Nom n. m. (du préf. anti- et de mite ; milieu du
donné à plusieurs ruminants sauvages XXe s.). Qui éloigne ou supprime les mites :
antigel [til] n. m. (du préf. anti- et de
d’Afrique et d’Asie, d’assez grande taille, Un produit antimite.
gel ; 1928, Larousse). Corps dont l’adjonc-
à pattes fines, à cornes creuses.
tion à un liquide abaisse notablement le antimoine [timwan] n. m. (lat. médiév.
point de congélation : Les antigels sont à antimaçonnique [timasnik] adj. antimonium, d’origine incertaine : proba-
base de glycérine. (du préf. anti- et de maçonnique, dér. de blem. adaptation de l’ar. ‘thmid, issu peut-

185
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

être du gr. stimmi, même sens ; XIIIe s.). antinomique [tinmik] adj. (de anti- antipathie [tipati] n. f. (lat. antipathia,
Corps simple d’un blanc bleuâtre, cassant, nomie ; 1866, Larousse). Qui forme anti- du gr. antipatheia, de anti, contre, et pathos,
non ductile, non malléable, qui entre dans nomie : Le caractère antinomique de deux passion ; 1542, Du Pinet). 1. Aversion,
certains alliages antifriction, dans la com- lois, de deux propositions. généralement instinctive et irraisonnée,
position de certains médicaments, et qui, • SYN. : contradictoire, contraire, incom- que l’on éprouve à l’égard de quelqu’un
réduit en poudre, s’emploie comme fard : Le patible, opposé. — CONTR. : cohérent, ou de quelque chose : Son regard, qui tra-
régule d’antimoine. Un émétique contenant concordant. hissait son antipathie, se croisa [...] avec
de l’antimoine. Elle avait de l’antimoine au celui de l’abbé Vicard (Martin du Gard).
antipape [tipap] n. m. (bas lat. antipapa, 2. Aversion naturelle ou acquise entre
bord des yeux (Flaubert).
du gr. anti et du lat. papa, pape ; 1393, Dict. animaux : L’antipathie proverbiale entre
• REM. Au XVIe s., les médecins ont été
général). Pape schismatique, élu irréguliè- le chien et le chat. 3. Vx. Incompatibilité
partagés en une célèbre querelle sur l’em-
rement et non reconnu par l’Église. entre des choses ; impossibilité absolue de
ploi de l’antimoine comme remède. Le
parlement de Paris l’interdit en 1566, et antipapisme [tipapism] n. m. (de anti- s’accorder, de coexister : Il y a antipathie
ne l’autorisa de nouveau qu’en 1666, après pape ; v. 1760, le P. André). 1. Vx. État de entre ces deux couleurs, entre l’eau et le feu.
que l’antimoine eut guéri Louis XIV. celui qui était antipape. 2. Opposition à Antipathie de caractères.
l’Église catholique romaine et à l’autorité • SYN.: 1 éloignement, haine, hostilité, ini-
antimonial, e, aux [timnjal, -o] adj.
du pape : Cet antipapisme ne lui conciliait mitié, répugnance, répulsion ; 3 désaccord,
et n. m. (de antimoine ; 1612, Delboulle). Se
point les protestants (Hugo). opposition. — CONTR.: 1 affection, affinité,
dit d’un médicament qui contient de l’anti-
amitié, amour, attirance, goût, inclina-
moine ou qui en est dérivé : Préparation antipapiste [tipapist] adj. et n. (du tion, penchant, prédilection, sympathie ; 3
antimoniale. préf. anti- et de papiste ; 1863, Littré). accord, concordance, harmonie.
Qui est opposé à l’Église catholique et à
antinational, e, aux [tinasjnal, -o]
antipathique [tipatik] adj. (de antipa-
l’autorité du pape : Les huguenots étaient
adj. (du préf. anti- et de national ; 1743, thie ; 1586, Suau). 1. Se dit d’une personne
antipapistes.
Trévoux). Opposé aux intérêts ou au carac- qui inspire de l’antipathie, d’une chose
tère de la nation : Combattre les activités antiparallèle [tiparall] adj. (du préf. désagréable ou qui déplaît : Nicole, vous
antinationales. anti- et de parallèle ; fin du XVIIIe s.). Droites vous montrez souverainement antipathique
antiparallèles, droites qui, sans être paral- (Camus). La paresse est antipathique.
antinaturalisme [tinatyralism] n. m.
lèles, forment avec une troisième des angles 2. Qui ne s’entend pas avec un autre,
(du préf. anti- et de naturalisme ; milieu du
XIXe s.). Attitude d’opposition au natura- égaux. qui s’oppose instinctivement à lui : Jamais
lisme dans l’art (rare) : Une telle exagéra- antiparasite [tiparazit] adj. et n. m. (du peut-être le hasard n’a rassemblé deux être
tion d’antinaturalisme (Flaubert). plus foncièrement antipathiques que mon
préf. anti- et de parasite ; 1928, Larousse).
père et moi (Stendhal). 3. Class. et littér.
antinaturel, elle [tinatyrl] adj. (du Se dit d’un dispositif qui s’oppose à la
Antipathique à quelqu’un, à quelque chose,
production ou à l’action des perturba-
préf. anti- et de naturel ; v. 1851, Baudelaire). qui manifeste une opposition irréductible à
Qui s’oppose à ce que veut la nature ; qui est tions affectant la réception des émissions
l’égard de cette personne ou de cette chose :
contraire à l’ordre naturel des choses : On radiophoniques : Les moteurs de voiture
La position défensive est antipathique au
ne peut nier le caractère antinaturel de ses doivent être pourvus d’un antiparasite.
caractère français (Chateaubriand). Il la
sentiments à notre égard (Mauriac). antiparasiter [tiparazite] v. tr. (de [Mme de Maintenon] trouvait plus froide
antineutron [tinøtr] n. m. (du préf. antiparasite ; 1963, Larousse). Munir d’un pour Fénelon [...], antipathique au quié-
anti- et de neutron ; 1958, Larousse). dispositif antiparasite. tisme (Michelet). J’étais presque décidé à
Particule ayant un moment magnétique refuser un pensionnaire dont les moeurs
antiparlementaire [tiparlmtr] adj.
opposé à celui du neutron. me semblaient antipathiques à celles de
(du préf. anti- et de parlementaire ; 1866,
ma maison (Balzac).
antinévralgique [tinevralik] adj. et n. Larousse). 1. Qui est contraire aux usages
parlementaires : Refuser arbitrairement la
• SYN. : 1 déplaisant, désagréable, détes-
m. (du préf. anti- et de névralgique ; 1866,
table ; 2 incompatible, inconciliable, opposé.
Larousse). Qui calme les névralgies : Le parole à un membre de l’Assemblée est anti-
— CONTR. : 1 agréable, aimable, plaisant,
menthol est antinévralgique. parlementaire. 2. Qui marque de l’oppo-
sympathique.
sition au régime parlementaire : Avoir des
antinomie [tinmi] n. f. (gr. antino- opinions antiparlementaires. [tipatrijt] n. (du préf.
antipatriote
mia, contradiction dans les lois [de anti, anti- et de patriote ; 1789, Brunot). Vx.
n. et adj. Adversaire du régime parlemen-
contre, et nomos, loi] ; 1546, Rabelais). Personne qui a des sentiments ou une
taire : Une antiparlementaire convaincue.
1. Contradiction entre deux lois, entre conduite contraires au patriotisme.
deux dispositions d’une même loi qui antiparlementarisme [tiparlm-
viennent à se contrecarrer dans leurs tarism] n. m. (du préf. anti- et de parlemen- antipatriotique [tipatrijtik] adj. (du
effets : Cette antinomie embarrasse les tarisme ; milieu du XXe s.). Attitude ou mou- préf. anti- et de patriotique ; 1768, Voltaire).
jurisconsultes. 2. En philosophie, vement hostile au régime parlementaire. Se dit des actes, des paroles, etc., contraires
contradiction apparente ou réelle entre au patriotisme : Cette joie lui parut antipa-
antiparti [tiparti] adj. et n. (du préf. triotique, il la refréna (Zola).
deux propositions ; opposition de deux
anti- et de parti ; 1957, journaux). Se dit,
idées, de deux concepts : Nous touchons antipatriotisme [tipatrijtism] n. m.
dans les pays à direction communiste, de
ici aux antinomies de Kant, à ces gouffres (du préf. anti- et de patriotisme ; 1842, J.-B.
ceux qui sont opposés au programme du
de l’esprit humain où l’on est ballotté d’une Richard de Radonvilliers). Attitude d’une
parti : Un groupe antiparti. Des antipartis.
contradiction à l’autre (Renan). De même personne ou caractère d’une chose oppo-
• REM. V. ANTI-, Rem. 2.
devons-nous protéger en nous toutes les sée au patriotisme : L’occasion était belle
antinomies naturelles et comprendre que antiparticule [tipartikyl] n. f. (du préf. d’accuser, plus violemment que jamais, la
c’est grâce à leur irréductible opposition que anti- et de particule ; 1960, Larousse). En faiblesse spécifique du gouvernement répu-
nous vivons (Gide). physique nucléaire, particule élémentaire blicain en matière de politique extérieure,
• SYN. : antilogie. — CONTR. : accord, de propriétés opposées à celles qui carac- et de flétrir l’antipatriotisme des partis de
harmonie. térisent les atomes des éléments chimiques. gauche (Martin du Gard).

186
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

antipéristaltique [tiperistaltik] adj. Ces peuples sont nos antipodes. 2. Par antiputride [tipytrid] adj. (du préf.
(du préf. anti- et de péristaltique ; 1680, extens. Région du globe qui est diamétra- anti- et de putride ; 1763, Adanson). Qui
Journ. des savants [mars]). Se dit des lement opposée à celle que nous occupons : combat la putréfaction : L’action antipu-
contractions de l’oesophage, de l’intestin La Nouvelle-Zélande représente à peu près tride du formol.
lorsqu’elles se font de bas en haut, c’est-à- l’antipode de la France. 3. Région très • SYN.: antiseptique.
dire en sens inverse du sens normal : Les lointaine : Il est en train de voyager aux
antipyrétique [tipiretik] adj. et n. m.
mouvements antipéristaltiques peuvent antipodes. 4. Class. et littér. Personne ou
(du préf. anti- et du gr. puretos, fièvre ; fin
provoquer le vomissement. chose diamétralement opposée à une autre
du XVIIIe s.). Se dit des médicaments qui
• CONTR. : péristaltique. personne, à une autre chose, par le carac-
abaissent la température d’un malade :
tère, la nature : Le voilà [Néron] ce mystère
antipéristase [tiperistaz] n. f. (gr. L’aspirine est un antipyrétique. Action
d’iniquité, cet antipode de Jésus (Renan).
antiperistasis, de anti, contre, et perista- antipyrétique de la quinine.
Mais celui qu’il choisissait plus volontiers
sis, circonstance ; XVe s., Godefroy). Dans • SYN.: fébrifuge.
pour s’expatrier dans d’immenses causeries
l’ancienne physique, action de deux qua-
était l’homme qui lui ressemblait le moins antipyrine [tipirin] n. f. (du préf. anti- et
lités contraires dont l’une renforce l’autre :
par le talent comme par les idées, son véri- du gr. pur, feu [de la tête] ; créé en allemand
De la glace et du chocolat [...], je veux vous
table antipode (Baudelaire). Une manière par Knorr en 1884). Médicament à noyau
demander si vos entrailles n’en sont point
de parler qui était l’antipode de ses écrits benzénique, employé comme fébrifuge et
offensées, et si elles ne vous font point de
bonnes coliques pour vous apprendre à leur (Stendhal). 5. Être à l’antipode ou aux analgésique.
donner de telles antipéristases : voilà un antipodes de, être très éloigné, tout à fait [tikj] n. f. (de l’ital. antica-
antiquaille
grand mot (Sévigné). différent de : Les choses les plus tragiques ne glia, antiquités, vieux monuments ; début
sont pas les choses les plus sérieuses. Même, du XVIe s. ; sens péjor. depuis le XVIIe s.).
antipersonnel [tiprsnl] adj. invar.
elles sont à l’antipode de celles-ci (Valéry). Fam. et péjor. Meuble, objet ancien de peu
(du préf. anti- et de personnel ; 1960,
• SYN.: 4 antithèse, contraire, inverse. de valeur ou que l’on n’apprécie pas : Nous
Larousse). Se dit des engins de combat ou
des armes destinés spécialement à la mise [tipdism] n. m. (du gr. sommes des survivants, des anachronismes,
antipodisme
hors de combat du personnel : Des mines encombrés de vieux concepts, pareils à des
antipous, -podos, qui a les pieds opposés
antipersonnel. gardiens de musée dans leurs antiquailles
aux nôtres ; 1960, Larousse). Spécialité de
(Martin du Gard).
jonglage ou d’équilibre dans laquelle l’exé-
antiphilosophique [tifilzfik] adj. • SYN.: vieillerie.
cutant, couché sur le dos, travaille avec
(du préf. anti- et de philosophique ; 1770,
Année littér.). Contraire à la philosophie : les jambes. antiquaire [tikr] n. (du lat. anti-
La recherche de la cause est antiphiloso- quarius, qui aime l’Antiquité ; au XIIIe s.,
antipodiste [tipdist] n. et adj. (de anti-
phique, antiscientifique (Flaubert). « scribe », sens également empr. au lat. ;
podisme ; 1960, Larousse). Acrobate qui,
« archéologue », XVIIe s. ; puis « marchand
antiphlogistique [tiflistik] adj. et couché sur le dos, exécute avec ses pieds
d’antiquités », XIXe s.). 1. Class. et littér.
n. m. (du préf. anti- et du gr. phlogistos, des tours d’adresse.
Personne qui s’adonne à l’étude de l’ar-
inflammable ; 1803, Boiste). Se dit d’un antipoétique [tipetik] adj. (du chéologie, de l’histoire ancienne : C’est un
remède, d’un traitement qui combat les préf. anti- et de poétique ; 1766, Gohin). homme noble, et [...] en réputation de grand
inflammations. Contraire à la poésie, à l’état d’esprit qui antiquaire (Corneille). Sans doute, des lit-
antiphonaire [tifnr] n. m. (lat. lui convient : La littérature funeste du siècle térateurs très ingénieux, des antiquaires
médiév. antiphonarius, de antiphona, chant passé a, pour ainsi parler, exhalé cette opi- très érudits, des versificateurs qui, il faut
alternatif de deux choeurs ; XIIe s., écrit ante- nion antipoétique (Hugo). Il serait facile de l’avouer, élevèrent la prosodie presque à la
finier ; antiphonar, début du XIVe s.). Livre dresser une table des « critères » de l’esprit hauteur d’une création, furent mêlés à ce
d’église contenant les diverses parties de antipoétique (Valéry). mouvement (Baudelaire). 2. Commerçant
l’office notées en plain-chant : Deux jeunes spécialisé dans la vente des meubles et des
antipolitique [tiplitik] adj. (du préf.
gars bas-bretons, sous la conduite d’un objets anciens : Il aimait la musique, les
anti- et de politique ; XVIIe s.). Contraire à
digne ecclésiastique, essaient de déchiffrer belles reliures, les longues flâneries chez les
l’esprit politique : On connaît pourtant sa
les notes carrées d’un grand antiphonaire petits antiquaires... (Anouilh).
postérité [de Nietzsche] et quelle politique
placé sur une table (Gautier). antique [tik] adj. (lat. antiquus ; XIIe s. ;
devait s’autoriser de celui qui se disait le
antiphrase [tifrz] n. f. (gr. antiphra- dernier Allemand antipolitique (Camus). a éliminé l’anc. franç. anti[f], -ive, forme
sis, de anti, contre, et phrasis, parole ; pop., dér. de anticus, autre forme de
antipoliomyélitique [tipljomjelitik]
XIVe s., Godefroy, écrit antifrasie). Figure antiquus). 1. Class. et littér. Qui a existé
adj. (du préf. anti- et de poliomyélite ; milieu il y a très longtemps, ou qui n’existe plus,
qui consiste à donner, soit par crainte,
du XXe s.). Utilisé contre la poliomyélite : qui appartient au passé : De l’antique Jacob
soit par ironie, à une personne ou à une
Vaccin antipoliomyélitique. jeune postérité (Racine). L’outrage l’accom-
chose le contraire du nom qui lui convient,
ou à employer une phrase dans un sens antiprotectionniste [tiprtksjnist] pagne et le mépris l’escorte. | De tout l’or-
contraire à sa signification normale : C’est adj. (du préf. anti- et de protectionniste ; gueil antique il ne lui reste rien (Heredia).
par antiphrase que les Grecs appelaient les 1866, Larousse). Opposé au protection- 2. Qui appartient à une époque très
Furies « Euménides » (les Bienveillantes). nisme, c’est-à-dire favorable au libéralisme ancienne, et spécialement à la période
en matière d’échanges : Une politique, des historique appelée « Antiquité » : Elle me
antipodal, e, aux [tipdal, -o] adj. (de
mesures antiprotectionnistes. conduisit [...] pour contempler les restes de
antipode ; 1752, Trévoux). Situé aux anti-
la ville antique (Lamartine). 3. Qui date
podes : Points antipodaux. • SYN.: libéral.
de longtemps, existe depuis longtemps : On
antipode [tipd] n. m. (lat. antipodes, antiproton [tiprt] n. m. (du préf. anti- respire les émanations d’une tannerie qui
mot gr., de anti, contre, et pous, podos, et de proton ; 1958, Larousse). Particule élé- conserve encore l’antique renommée du pays
pied ; 1372, J. Corbichon). 1. Class. Être qui mentaire de masse égale à celle du proton, pour la préparation des cuirs (Mérimée).
occupe sur le globe terrestre un point dia- mais de charge électrique négative, égale à 4. Qui est digne de la beauté plastique
métralement opposé par rapport à nous : celle de l’électron. ou des vertus physiques et morales des

187
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Anciens : On eût dit qu’en ces Français du Personne très âgée : J’ai fait connaissance ai dit combien la duchesse de Guermantes
XXe siècle survécussent des âmes antiques ici avec une respectable antiquité ; c’est la avait vu avec déplaisir des personnes de son
(Rolland). 5. Fam. Se dit d’une chose marquise de Cunningham, ex-maîtresse de monde qui, subordonnant tout à l’Affaire,
passée de mode, qui date d’une époque Georges IV [...]. Elle a quatre-vingt-quatre excluaient des femmes élégantes et en rece-
révolue : M. Chasle, ganté de noir, tenait ans (Mérimée). vaient qui ne l’étaient pas, pour cause de
à la main un chapeau de forme antique ; • SYN. : 1 ancienneté. — CONTR. : 1 révisionnisme ou d’antirévisionnisme...
il tendait le cou et remuait de droite et de nouveauté. (Proust).
gauche sa petite tête d’oiseau (Martin du antiquités n. f. pl. 1. OEuvres d’art de antirévisionniste [tirevizjnist] adj.
Gard). 6. Ironiq. En parlant de personnes,
l’Antiquité, monuments, objets, etc. : Les et n. (du préf. anti- et de révisionniste ;
vieux : Une antique catin (Baudelaire).
fragments d’antiquités trouvés dans mes v. 1920, Proust). Opposé à la révision du
• SYN. : 3 ancien, millénaire, séculaire ; fouilles (Chateaubriand). 2. Par extens. procès Dreyfus : Mais les gens du monde
5 anachronique, antédiluvien, démodé, Objets anciens : Elle venait, son cabas sous étaient pour la plupart tellement antirévi-
désuet, suranné. — CONTR. : 2 et 3 actuel, le bras, rôder autour du magasin d’antiqui- sionnistes, qu’un salon dreyfusien semblait
jeune, moderne, nouveau, récent ; 5 à la
tés (France). quelque chose d’aussi impossible qu’à une
mode, à la page, dernier cri, moderne,
antirabique [tirabik] adj. (du préf. anti- autre époque un salon communard (Proust).
récent.
A l’antique loc. adj. et adv. À la manière, et de rabique, dér. savant du lat. rabies, antirévolutionnaire [tirevlysjnr]
à la mode du temps passé : Nous sortîmes rage ; 1866, Larousse). Se dit d’un remède, adj. et n. (du préf. anti- et de révolution-
de Saint-Malo au lever du soleil, ma d’un traitement qui combat la rage : La naire ; 1790, Brunot). Qui s’oppose à la
mère, mes quatre soeurs et moi, dans une vaccination antirabique. révolution : Hommes bien intentionnés,
énorme berline à l’antique, panneaux sur- antirachitique [tiraitik] adj. (du préf. hommes prudents, qui parlons devant une
dorés, marchepieds en dehors, glands de anti- et de rachitique ; fin du XVIIIe s.). Se dit assemblée prudente, devant la Chambre
pourpre aux quatre coins de l’impériale d’un remède, d’une thérapeutique propre la plus antirévolutionnaire qui ait jamais
(Chateaubriand). Vivre à l’antique. à combattre le rachitisme : Un traitement été (Lamartine).
n. m. Ensemble des objets d’art que nous antirachitique.
antiroman [tirm] n. m. (du préf. anti-
ont laissés les Anciens : Imiter l’antique.
antiraciste [tirasist] adj. (du préf. anti- et de roman ; v. 1949). Forme nouvelle de la
Travailler d’après l’antique.
et de raciste ; v. 1950). Qui est opposé au littérature romanesque, qui se fonde sur le
n. f. Class. et littér. Objet d’art ancien : rejet de la conception traditionnelle pour
racisme : Une propagande antiraciste.
Ces édifices surdorés, embellis avec profu- évoquer un monde absurde, rebelle à la
sion par Giorgion, Titien, Paul Véronèse, antiradar [tiradar] adj. (du préf. anti-
pénétration et à l’interprétation humaine.
Tintoret, Jean Bellini, Paris Bordone, les et de radar ; 1953, Larousse). Se dit des
deux Palma, sont remplis de bronzes, de moyens propres à s’opposer à l’emploi antirouille [tiruj] n. m. et adj. (du
marbres, de granits, de porphyres, d’an- militaire du radar. préf. anti- et de rouille ; début du XXe s.).
tiques précieuses, de manuscrits rares... Substance propre à préserver de la rouille
antirationnel, elle [tirasjnl] adj. (du
(Chateaubriand). Le cabinet des Antiques. ou à la faire disparaître : De la peinture
préf. anti- et de rationnel ; 1866, Larousse).
antirouille.
antiquement [tikm] adv. (de antique ; Contraire aux principes de la raison : Un
• REM. V. ANTI-, Rem. 2.
XIVe s.). À la manière antique. traitement antirationnel (Sand).
• SYN. : antilogique, illogique. — CONTR. : antisciens [tisj] n. m. pl. (lat. antis-
antiquité [tikite] n. f. (lat. antiquitas ;
1080, Chanson de Roland). 1. Caractère de logique, raisonnable, rationnel. cii, du gr. anti, contre, et skia, ombre ;
ce qui existe depuis un temps très ancien : 1690, Furetière). S ;est dit des peuples qui,
antiréglementaire [tireglmtr]
La vicomtesse de Grandlieu était, par sa habitant sur le même méridien de part et
adj. (du préf. anti- et de réglementaire ;
fortune et par l’antiquité de son nom, une d’autre de l’équateur, ont, à midi, leurs
1866, Larousse). Contraire au règlement :
des femmes les plus remarquables du fau- ombres diamétralement opposées.
Il est antiréglementaire qu’un fonctionnaire
bourg Saint-Germain (Balzac). 2. Temps adresse une réclamation au ministre sans antiscientifique [tisjtifik] adj.
très ancien : Cette statue remonte à la plus passer par la voie hiérarchique. (du préf. anti- et de scientifique ; 1877,
haute antiquité. De toute antiquité, aussi Darmesteter). Qui est opposé à la science,
loin qu’on remonte dans le temps, de tout antireligieux, euse [tirlijø, -øz]
à l’esprit scientifique : Dans une époque où
temps : De toute antiquité, les hommes ont adj. (du préf. anti- et de religieux ; fin du
la science allait prendre des développements
senti le besoin de s’associer. 3. Spécialem. XVIIIe s.). 1. Contraire aux principes de
extraordinaires, le romantisme manifestait
Période qui va des origines des temps his- la religion : Mener un genre de vie par-
un état d’esprit antiscientifique (Valéry).
toriques à la chute de l’Empire romain (en faitement antireligieux. 2. Hostile à la
ce sens et au suivant, prend une majus- religion, aux idées religieuses : Ma haine antiscorbutique [tiskrbytik] adj.
cule) : Nos barques de pêcheurs, dont la antireligieuse était sincère (Mauriac). et n. m. (du préf. anti- et de scorbutique ;
plupart portent toujours à la proue des • SYN.: 2 anticlérical. — CONTR. : 1 pieux. 1671, Venet). Se dit d’un remède propre à
emblèmes que portaient les barques phé- prévenir ou à combattre le scorbut : Un
antirépublicain, e [tirepyblik, -in]
niciennes, ne sont pas différentes de celles sirop antiscorbutique. Les antiscorbutiques.
adj. et n. (du préf. anti- et de républicain ;
qu’utilisaient les navigateurs de l’Antiquité
1798, Schwan, Dict. fr.-allem.). Opposé à antiségrégationniste [tisegrega-
et du Moyen Âge (Valéry). L’Antiquité
la république, à ce qui est républicain : sjnist] adj. et n. (du préf. anti- et de ségré-
gréco-latine, égyptienne, phénicienne,
Avoir des convictions antirépublicaines. Il gation ; milieu du XXe s.). Qui est opposé à
perse. 4. Absol. La civilisation grecque
est antirépublicain, dit le président, de por- la ségrégation raciale.
et romaine : Les classiques ne juraient que
ter des armes dans une réunion d’hommes
par l’Antiquité. Montcornet a les dehors antisémite [tisemit] adj. et n. (du préf.
libres (France).
d’un héros de l’Antiquité (Balzac). Par anti- et de sémite ; XIXe s.). Hostile aux juifs :
extens. Les hommes qui ont vécu dans ces antirévisionnisme [tirevizjnism] n. Il était nationaliste et antisémite au Conseil
siècles, les Anciens : L’Antiquité avait une m. (du préf. anti- et de révisionnisme ; v. général (France). Les plus acharnés des anti-
conception très inhumaine des droits du 1920, Proust). Doctrine, attitude d’une per- sémites ont souvent du sang juif dans les
vainqueur à la guerre. 5. Fam. et ironiq. sonne antirévisionniste : Jene sais si je vous veines (Duhamel).

188
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

antisémitisme [tisemitism] n. m. (de antispiritualiste [tispiritalist] adj. et antithétique se faisait remarquer dans les
antisémite ; 1894, B. Lazare). Attitude de n. (du préf. anti- et de spiritualiste ; 1866, maîtres et dans les montures (Gautier).
ceux qui sont hostiles aux juifs et récla- Larousse). Adversaire du spiritualisme : 2. Qui contient des antithèses : Un style
ment contre eux des mesures d’exception : Le matérialisme est antispiritualiste par antithétique. 3. Se dit de propositions,
Pourquoi cette explosion d’antisémitisme définition. de termes contradictoires, c’est-à-dire dont
en France ? (Lacretelle). l’un est la négation de l’autre : Principes
antisportif, ive [tisprtif, -iv] adj. et n.
antithétiques.
antisepsie [tispsi] n. f. (du préf. anti- et (du préf. anti- et de sportif ; fin du XIXe s.).
Contraire au sport ; hostile à l’influence
• SYN.: 3 antinomique.
du gr. sêpsis, putréfaction ; 1898, Larousse).
Ensemble des méthodes employées pour du sport. antitoxine [titksin] n. f. (du préf. anti-
détruire les germes infectieux : Dès l’em- antistrophe [tistrf] n. f. (gr. antistro- et de toxine ; 1892, Rénon). Substance que
ploi de l’antisepsie, la mortalité tomba de les globules blancs sécrètent dans le sang
phê ; XVIe s.). Dans la métrique grecque,
60 p. 100 à 15 p. 100 dans les opérations deuxième élément, répondant à la strophe, et la lymphe, et qui neutralise les toxines
chirurgicales. du groupe appelé triade, groupe qui ser- microbiennes : Un sérum est destiné à
• SYN.: asepsie, désinfection. vait de base à la composition des grandes apporter à un individu réceptif les anti-
oeuvres lyriques comme l’hymne et l’ode toxines d’un animal immunisé.
antiseptique [tisptik] adj. et n. m. (du
préf. anti- et du gr. sêptikos, de sêpein, pour- triomphale : La triade pindarique com- antitoxique [titksik] adj. (du préf.
prend la strophe, l’antistrophe et l’épode. anti- et de toxique ; milieu du XIXe s.). Qui
rir ; 1763, Adanson). Se dit de ce qui a pour
effet de détruire les germes infectieux : Elle antisyphilitique [tisifilitik] adj. (du combat les toxines, les poisons : Doser le
emmenait Gise dans la salle de bains pour préf. anti- et de syphilitique ; 1774, L. A. de pouvoir antitoxique d’un sérum.
lui infliger un lavage antiseptique de la Cézan). Destiné à lutter contre la syphilis : antituberculeux, euse [titybrkylø,
gorge et du nez (Martin du Gard). L’alcool Un traitement antisyphilitique. -øz] adj. (du préf. anti- et de tuberculeux ;
a des propriétés antiseptiques. L’eau oxy- fin du XIXe s.). Qui est destiné à combattre
antitank [titk] adj. (du préf. anti- et
génée est un antiseptique. la tuberculose : Un dispensaire antituber-
de tank ; début du XXe s.). Qui est propre à
•SYN.: antiputride, désinfectant, stérilisant. culeux. La campagne antituberculeuse.
combattre l’action des tanks : Pour la pre-
— CONTR. : septique. mière fois, ils venaient de rencontrer les Ellipt. Timbre antituberculeux, timbre
antiseptiser [tisptize] v. tr. (de anti- mitrailleuses antitanks (Malraux). dont la vente fournit des moyens financiers
septique ; 1906, Larousse). Vx. Détruire par pour lutter contre la tuberculose.
antitétanique [titetanik] adj. (du préf.
un moyen antiseptique les germes infec- anti- et de tétanique ; 1819, Boiste). Destiné antityphique [titifik] adj. (du préf. anti-
tieux : Le produit a été soigneusement anti- à prévenir ou à guérir le tétanos : La vacci- et de typhique ; milieu du XXe s.). Qui pré-
septisé (Proust). nation, le sérum antitétanique. Une piqûre vient ou guérit le typhus exanthématique :
• SYN.: désinfecter, stériliser. antitétanique. Le vaccin antityphique.

antisocial, e, aux [tissjal, -o] adj. (du antithermique [titrmik] adj. et n. antityphoïdique [titifidik] adj. (du
préf. anti- et de social ; 1784, Brissot). 1. Qui m. (du préf. anti- et de thermique ; 1888, préf. anti- et de typhoïdique ; début du
s’oppose à l’organisation de la société, à Larousse). Se dit des médicaments qui XXe s.). Qui prévient ou guérit la typhoïde :
l’ordre social : J’ai entendu maintes fois abaissent la température des malades. Le professeur Vincent a préparé un sérum
déplorer par les fascistes espagnols le pré- • SYN.: antipyrétique, fébrifuge. antityphoïdique.
jugé antisocial des petits garçons français
antithèse [titz] n. f. (gr. antithesis, antivénéneux, euse [tivenenø, -øz]
qui prennent plaisir à voir Guignol rosser
de anti, contre, et thesis, thèse, position ; adj. (du préf. anti- et de vénéneux ; 1866,
le gendarme (Bernanos). 2. Hostile aux
1550, P. Doré). 1. Figure de rhétorique qui Larousse). Propre à combattre certains
lois, aux mesures qui peuvent améliorer
oppose fortement deux idées, deux termes poisons.
la condition des citoyens les moins favo-
l’un à l’autre, afin de mettre la pensée plus antivénérien, enne [tivenerj, -n]
risés : Tout chez elle se révoltait [...] contre
en relief par le contraste : « Monte aussi adj. (du préf. anti- et de vénérien ; milieu
la vie dure, maussade, besogneuse d’une
vite au ciel que l’éclair en descend » est une du XVIIIe s.). Propre à traiter, à guérir les
République antisociale (Goncourt).
belle antithèse d’A. de Vigny. L’antithèse maladies vénériennes.
antisocialiste [tissjalist] adj. et n. est une opposition de deux vérités qui se
(du préf. anti- et de socialiste ; début du donnent du jour l’une à l’autre (La Bruyère). antivenimeux, euse [tivnimø, -øz]
XIXe s.). Adversaire du socialisme : Les doc- Il possède à fond et emploie froidement tous adj. (du préf. anti- et de venimeux ; 1928,
trines antisocialistes dont on sesert comme les tons de la rime, toutes les ressources de Larousse). Propre à combattre les venins :
d’une escabelle pour dominer ses supérieurs l’antithèse, toutes les tricheries de l’appo- Sérum antivenimeux.
(Balzac). sition (Baudelaire). L’antithèse, chez Hugo, antivirus [tivirys] n. m. (du préf. anti- et
bien avant d’être un procédé de style, est un de virus ; 1949, Larousse). Substance appa-
anti-sous-marin, e [tisumar, -in]
procédé de composition (Faguet). 2. En raissant dans les cultures de microbes, et
adj. (du préf. anti- et de sous-marin ; 1928,
philosophie, idée, proposition qui s’oppose qui s’oppose à leur développement.
Larousse). Qui s’oppose à l’action des
à une idée, une proposition précédemment
engins sous-marins : La lutte anti-sous- antivol [tivl] adj. (du préf. anti- et de
énoncée, appelée thèse : L’antithèse est le
marine. Un destroyer anti-sous-marin. vol ; 1949, Larousse). Destiné à protéger
second terme d’une antinomie. 3. Chose
antispasmodique [tispasmdik] adj. ou personne qui s’oppose radicalement à contre le vol : Un système antivol.
et n. m. (du préf. anti- et de spasmodique ; une autre : Prêtre et patriote s’opposeront n. m. dispositif dont on munit un objet,
1741, Col de Villars). Se dit d’un remède qui comme deux antithèses irréconciliables et spécialement un véhicule, pour en empê-
combat les spasmes : Un antispasmodique. (Renan). cher le vol.
• SYN.: 3 contraire, inverse. • REM. V. ANTI-, Rem. 2.
antispir itua lisme [tispiritalism]
n. m. (du préf. anti- et de spiritualisme ; antithétique [titetik] adj. (de antithèse ; antonomase [tnmz] n. f. (lat. anto-
1866, Larousse). Doctrine opposée au av. 1680, Colletet). 1. Qui présente le carac- nomasia, mot gr., de anti, à la place de, et
spiritualisme. tère d’une antithèse : La même différence onoma, nom ; XIVe s., Grande Chronique,

189
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

écrit antonomasie). Figure de style qui dans un état d’anxiété fébrile, que n’avaient Fontaine). Class. et littér. Faire son août,
consiste dans la substitution d’un nom cesséd’accroître, au cours de la matinée, les ramasser de gros profits.
commun à un nom propre, ou inversement, conversations, le pessimisme, le désarroi
aoûtage [uta] n. m. (de aoûter ; 1232,
pour désigner un individu. (Ex. :le Malin de tous (Martin du Gard). Depuis lors, il
Du Cange). Vx et dialect. Travail, temps
pour Satan ; un Harpagon pour un avare.) se demandait avec anxiété en quoi il avait
de la moisson.
antonyme [tnim] n. m. (du préf. anti- failli à sa tâche (H. Bazin).
• SYN.: angoisse. aoûtat [auta] n. m. (de août ; fin du
et du gr. onoma, nom, fait d’après syno-
XIXe s.). Larve du trombidion, dont la piqûre
nyme ; 1866, Larousse). Mot dont le sens anxieusement [ksjøzm] adv. (de entraîne de vives démangeaisons : Jem’en
est opposé à celui d’un autre : « Lâche » est anxieux ; milieu du XIXe s.). Avec anxiété :
l’antonyme de « courageux ». doutais, nous avons pris des aoûtats, des
Le retour, elle l’attendait anxieusement, en
bêtes de haricots, des cirons, si vous aimez
• SYN.: contraire. — CONTR. : synonyme. faisant des neuvaines (Martin du Gard).
mieux (Duhamel). [On dit aussi ROUGET.]
antonymie [tnimi] n. f. (de antonyme ; anxieux, euse [ksjø, -øz] adj. (lat.
milieu du XIXe s.). Caractère des mots aoûté, e [ute ou aute] adj. (part. passé de
anxiosus ; 1375, R. de Presles). 1. Qui
antonymes. aoûter). 1. Mûri par le soleil, la chaleur :
éprouve une vive et douloureuse inquié-
Fruits aoûtés. 2. Se dit d’un bourgeon,
antre [tr] n. m. (lat. antrum, du gr. tude : Alors Césaire [...], très anxieux,
d’un sarment ligneux arrivé à son complet
antron ; XVe s.). 1. Littér. Excavation natu- tourna vers eux un tel regard de suppli-
développement, ou d’une branche qui peut
relle, profonde et obscure, pouvant servir cation désespérée, que Jean se résigna
supporter les gelées.
d’abri à des animaux ou à des hommes : (Daudet). 2. Qui marque de l’anxiété :
L’antre de la magicienne était situé au coeur Son regard anxieux interrogeait (Martin aoûtement [utmou autm] n. m. (de
de la montagne (Samain). Spécialem. du Gard). 3. Anxieux de (avec un nom aoûter ; milieu du XIXe s.). 1. Maturation
Repaire de fauve : L’antre du lion. 2. Fig. ou l’infinitif), qui a un ardent désir de, des fruits sous l’effet du soleil d’août ou
Se dit d’un lieu obscur, mystérieux, ou dan- qui est impatient de : Et je suis anxieux, à de la chaleur. 2. Lignification des jeunes
gereux du fait de ceux qui le fréquentent chaque chose résolue, de savoir si c’est bien rameaux avant l’hiver.
ou l’habitent : Poursuivre des conspirateurs celle qu’il faut faire (Gide). Anxieuse d’azur,
aoûter [ute ou aute] v. tr. (de août ; XIIe s.).
jusque dans leur antre. L’antre du lion, de gloire consumée, | Poitrine, gouffre
Vx. Rendre mûr.
lieu redoutable, où l’on ne s’aventure qu’en d’ombre aux narines de chair, | Aspire cet
v. intr. et tr. Vx. Faire les travaux agricoles
risquant sa vie (par allusion à la fable de encens d’âmes et de fumée | Qui monte
de l’été, et plus spécialement la moisson.
La Fontaine le Lion malade et le Renard). d’une ville analogue à la mer (Valéry).
3. Par anal. Nom donné à certaines cavi- v. intr. et s’aoûterv. pr. Bourgeons,
Tous anxieux de voir paraître [...] | Le Chef
tés de l’organisme : Antre mastoïdien. Antre rameaux qui s’aoûtent, qui se fortifient,
borgne [Hannibal] monté sur l’éléphant
pylorique. gétule (Heredia). 4. Au sens médical, se qui s’endurcissent en août.

antrustion [trystj] n. m. (bas lat. dit d’un état psychique qui s’accompagne aoûteron [utr] n. m. (de aoûter ; 1547,
antrustio, formé sur l’anc. haut allem. d’anxiété : Agitation anxieuse. Haudent). Dans le Nord et dans le Centre,
trôst, trust, fidélité ; 1748, Montesquieu). • SYN. : 1 et 2 angoissé, inquiet, soucieux, ouvrier embauché pour les travaux des
Personnage qui, chez les Francs et les tourmenté, tracassé (fam.) ; 3 avide de, dési- champs en été.
Germains, était lié au roi par serment et reux de. — CONTR.: 1 et 2 calme, indifférent, • REM. On a dit aussi AOÛTEUR, EUSE
attaché à son service, et qui l’accompagnait placide, serein, tranquille. (1478, Du Cange).
à la guerre. adj. et n. Atteint d’angoisse : Traitement
aoûtien, enne [autj, -n] n. (de août ;
à l’usage des anxieux.
anuiter (s’) [sanite] v. pr. (de nuit ; v. XXe s.). Personne qui passe le mois d’août
1050, Vie de saint Alexis, anuiter, v. intr., aoriste [arist] n. m. (bas lat. aoristus, dans une localité comme estivant.
« faire nuit » ; v. pr., postérieur au XVIe s.). Vx. du gr. aoristos, de a priv. et oristos, borné ;
Se laisser surprendre par la nuit : Dominé apache [apa] n. m. (de Apaches, n. d’une
1548, Sebillet). Temps de la conjugaison
par le sentiment de la « vastité sombre des tribu indienne d’Amérique, répandu en
grecque qui sert à indiquer une action
églises chrétiennes » (Montaigne), j’errais à France grâce aux romans de Gabriel Ferry
passée, sans détermination de résultat ou
pas lents et je m’anuitai (Chateaubriand). et de Gustave Aimard ; sens moderne dû
de durée.
au journaliste Victor Moris, 1902). Rôdeur,
anurie [anyri] n. f. (de an priv. et du gr. aorte [art] n. f. (gr. aortê, même sens ; malfaiteur de grande ville, voleur et, à l’oc-
ouron, urine ; 1863, Littré). Absence d’urine 1546, Ch. Estienne). Grosse artère qui naît à casion, assassin (vieilli) : Vous avez toujours
dans la vessie, due à l’arrêt de la sécrétion la base du ventricule gauche du coeur, et sur l’air de me prendre pour un apache et un
rénale ou à une obstruction des voies laquelle s’embranchent les artères chargées maquereau (Romains).
excrétrices.
de porter dans toutes les parties du corps le adj. Qui a le caractère d’un rôdeur, d’un
anus [anys] n. m. (lat. anus, anneau ; sang oxygéné : Il avait longtemps souffert mauvais garçon : Une allure apache. Le fils
1314, la Chirurgie d’Henri de Mondeville). d’un rétrécissement de l’aorte (Camus). de Mme Furchel, tête de collégien apache (P.
Orifice du rectum, qui donne passage aux Margueritte).
aortique [artik] adj. (de aorte ; XVIIIe s.,
matières fécales. Anus artificiel ou contre
Vicq-d’Azir). Qui a rapport à l’aorte : Une apagogie [apagi] n. f. (gr. apagôgê,
nature, abouchement chirurgical de l’intes-
insuffisance aortique. action d’emmener, de faire dévier du droit
tin à la peau.
• SYN.: fondement. aortite [artit] n. f. (de aorte ; milieu du chemin ; 1863, Littré). En logique, raison-
XIXe s.). Inflammation de l’aorte. nement par lequel on démontre la vérité
anxiété [ksjete] n. f. (lat. anxietas ; d’une proposition en prouvant l’absurdité
XIIe s., Herman de Valenciennes ; sens août [u] n. m. (lat. pop. agustus, du lat.
de la proposition contraire.
médic., 1564, J. Thierry). État de trouble class. Augustus [mensis], mois en l’honneur
et d’excitation psychique, dû surtout à d’Auguste ; XIIe s., écrit aost). 1. Le huitième apagogique [apagik] adj. (de apagogie ;
l’incertitude : Tout le monde se taisait, dans mois de l’année. Le 15-Août, la fête de 1960, Larousse). Raisonnement apagogique,
l’anxiété de l’attente (Maupassant). Dès son l’Assomption. 2. Class. Moisson : Remuez raisonnement par l’absurde.
réveil, la lecture des journaux l’avait mis votre champ dès qu’on aura fait l’août (La • SYN.: apagogie.

190
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

apaisant, e [apz, -t] adj. (part. prés. 2. Cesser de se manifester avec violence : table, elle afficha son intimité avec Fontane
de apaiser ; début du XIVe s.). Qui apaise : De L’orage s’apaise. Les cris de protestation par des apartés et des sourires (Maurois).
son vivant, Mme Haudoin mère exerça une s’apaisèrent. En aparté loc. adv. À part soi, en évi-
influence apaisante dans la maison (Aymé). tant d’être entendu des autres : Faire une
apâlir [aplir] v. tr. (de à et de pâlir ; v.
• SYN. : adoucissant, calmant, lénifiant, réflexion en aparté.
1175, Chrétien de Troyes). Littér. Rendre
lénitif, reposant. — CONTR. : agaçant,
pâle : De ses cheveux retroussés, il descen- apartheid [apartd] n. m. (mot afri-
énervant, exaspérant, excitant, irritant,
dait une couleur brune qui, s’apâlissant kaans ; début du XXe s.). Ségrégation sys-
provocant.
graduellement, peu à peu se perdait dans tématique des gens de couleur : La politique
apaisé, e [apze] adj. (part. passé de apai- l’ombre (Flaubert). d’apartheid de l’Afrique du Sud.
ser). Se dit d’un être ou d’une chose qui a
apanage [apana] n. m. (de l’anc. franç. apathie [apati] n. f. (lat. impérial apa-
trouvé ou retrouvé la paix, le calme : Un
apaner, pourvoir un fils cadet, une fille thia, du gr. apatheia, insensibilité [de a priv.
coeur apaisé. La tempête apaisée.
d’une dotation [XIVe s.], littéral. « donner et pathos, passion] ; 1375, R. de Presles ;
apaisement [apzm] n. m. (de apai- du pain [lat. panis] à », et, par extens., jusqu’au XVIIIe s., surtout terme de philos.).
ser ; XIIe s.). Action d’apaiser, de s’apaiser ; « doter » ; 1297, Godefroy, écrit apenaige ; 1. Dans la philosophie antique, état d’une
état de ce qui est apaisé (au pr. et au fig.) : au sens 1, XVe s. ; au sens 3, Rabelais, et âme qui ne se laisse jamais émouvoir ni
L’apaisement de la tempête. Un grand apai- depuis la fin du XVIIe s.). 1. Portion du troubler, et qui est inaccessible à la dou-
sement se fait dans ces pauvres esprits fati- domaine royal que les souverains don- leur : L’apathie du sage stoïcien. 2. Par
gués du labeur de la journée (Baudelaire). naient à leurs fils cadets ou à leurs frères, extens. État d’une personne qui, par indif-
Les paroles du maire passent sur la foule et qui devait revenir à la Couronne après férence ou par une indolence naturelle, est
comme une brise d’apaisement (Aragon). l’extinction des descendants mâles de ces incapable de sentir et d’agir : Le voyage en
• SYN. : calme, paix, quiétude, sérénité, derniers : Napoléon disposait à son gré Allemagne, l’été dernier, secouait un peu
soulagement, tranquillité. — CONTR. : des couronnes et des apanages (Guizot). mon apathie, mais, aussitôt ici, elle me
agacement, déchaînement, exaspération, reprit de plus belle (Gide).
2. Par extens. Territoire d’un pays devenu
fermentation, fomentation, irritation, pro- la propriété d’un autre pays : Le Péloponèse • SYN.: 1 ataraxie, impassibilité, impertur-
vocation, surexcitation. était devenu l’apanage de l’Empire d’Orient babilité ; 2 inertie, insensibilité, langueur,
apaisements n. m. pl. Paroles ras- (Chateaubriand). 3. Fig. Ce qui appar- lymphatisme, mollesse, nonchalance, tor-
surantes, promesses qui dissipent des tient en propre à quelqu’un ou à quelque peur. — CONTR.: 2 allant, dynamisme, éner-
inquiétudes : Le ministre a donné des gie, entrain, exaltation, excitation, frénésie,
chose : Chacun des anciens maîtres a son
apaisements aux syndicats au sujet de leurs hypersensibilité, vivacité.
royaume, son apanage — qu’il est sou-
revendications. vent contraint de partager avec des rivaux apathique [apatik] adj. et n. (de apathie ;
[apze] v. tr. (de à et de paix, lat. illustres. Raphaël a la forme, Rubens et 1643, Du Bosc). Se dit de quelqu’un qui fait
apaiser
pax, pacis ; XIIe s.). 1. Ramener au calme Véronèse la couleur, Rubens et MichelAnge preuve d’apathie, qui est spécialement
un être en proie au trouble, à l’agitation, l’imagination du dessin (Baudelaire). La insensible, inactif : Un garçon apathique.
à l’irritation : Il avait [...] plusieurs fois raison est l’apanage de l’homme (Acad.). Ce En caractérologie, les apathiques consti-
apaisé ses créanciers (Sand). Apaiser un cynisme égoïste qui est le plus bel apanage tuent un groupe particulier.
animal furieux. 2. Faire cesser tout ce de votre sexe (Courteline). Ne pas avoir •SYN. : indifférent, indolent, inerte,
qui implique un trouble moral quelconque : l’apanage de quelque chose, ne pas en avoir lymphatique, mou, nonchalant, passif.
Il [...] apaisait les querelles de ses voisins l’exclusivité. — CONTR. : actif, ardent, dynamique, éner-
(Flaubert). Le temps apaisait le souci de • SYN.: 2 bien, possession ; 3 lot, patrimoine, gique, enthousiaste, vif, violent.
mon coeur (Maupassant). Mais une sépa- prérogative, privilège, propre. adj. Qui dénote l’apathie : C’était un gros
ration prolongée, en même temps qu’elle homme d’une figure calme et apathique
apanager [apanae] v. tr. (de apanage ;
apaise les rancunes, réveille quelquefois (Chateaubriand). Il y a peu de combats qui
1407, Godefroy). [Conj. 1.] Vx. Pourvoir
l’amitié (Proust). 3. Par anal. Faire ces- honorent plus la vie que l’éternelle bataille
d’un apanage : Un prince apanagé.
ser, en le satisfaisant, un besoin quelconque livrée en France pour ou contre la raison. Et
qui troublait le bien-être du corps : Apaiser apanagiste [apanaist] adj. et n. (de à ceux qui en avaient goûté l’âpre saveur,
sa faim, son désir, sa passion. Sa soif apai- apanage ; XVIIe s.). Qui possède un apa- la tolérance apathique des Anglo-Saxons
sée, il apprécia plus librement la qualité du nage (rare) : Cet apanagiste des plus riches paraissait fade (Rolland).
breuvage (Aymé). 4. Littér. Faire cesser domaines princiers (Hugo). apathiquement [apatikm] adv. (de
une agitation violente, en particulier des apathique ; 1866, Larousse). D’une manière
a parte [aparte] loc. adv. (loc. ital. signif.
éléments : Apaiser la tempête, l’orage. apathique (rare).
« à part », employée au théâtre ; 1640, La
• SYN. : 1 adoucir, amadouer, calmer,
Ménardière). Vx. Sert à indiquer que telle apatride [apatrid] adj. et n. (de a priv.
radoucir, rasséréner ; 3 assouvir, contenter,
parole prononcée par un acteur sur la et du gr. patris, patridos, patrie ; v. 1920).
étancher, éteindre, rassasier ; 4 calmer. —
scène est censée n’être entendue que par Personne qui, ayant perdu sa nationalité et
CONTR.: 1 agacer, énerver, exaspérer, exci-
les spectateurs : Cette phrase doit être dite n’en ayant pas acquis une autre, se trouve
ter, irriter, provoquer, surexciter ; 3 attiser,
« a parte ». (On dit auj., avec le même sens, sans nationalité légale : Un camp de réfugiés
aviver, déchaîner, entretenir, envenimer,
EN APARTÉ.) apatrides.
éveiller, exacerber, raviver, réveiller ; 4
déchaîner, provoquer. aparté [aparte] n. m. (de la loc. a parte ; • SYN.: heimatlos, sans-patrie.
s’apaiser v. pr. 1. Revenir au calme : Cette 1863, Littré). 1. Paroles prononcées « a apax n. m. V. HAPAX.
vieille femme capricieuse et butée sur d’hor- parte » par un acteur : Il [Beyle] brûle
d’être soi-même en scène, d’y rentrer à tout apepsie [appsi] n. f. (gr. apepsia, indi-
ribles souvenirs d’enfance s’apaise et sourit
gestion ; 1550, H. Fierabras). Trouble de la
quand elle le voit (Sartre). Douceur d’avoir coup ; il prodigue la fausse confidence, les
digestion, dû à l’insuffisance de pepsine
trouvé une âme où se blottir au milieu de la apartés, le monologue (Valéry). 2. Par
dans le suc gastrique.
tourmente, un abri tendre et sûr où l’on res- extens. Conversation discrète entre deux ou
pire enfin [...], attendant que s’apaisent les plusieurs personnes formant groupe, et qui aperception [aprspsj] n. f. (mot créé
battements d’un coeur haletant (Rolland). désirent n’être pas entendues des autres : À en 1714 par Leibniz, d’après apercevoir, sur

191
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

le modèle de perception). 1. En philosophie, spontané, mais perspicace, fruit de l’intui- en toutes occasions où la matière n’est pas
action de saisir nettement par la conscience tion plutôt que de l’étude et de la réflexion : en jeu (Valéry). 2. Vx. Calembour qui se
une idée, une vérité. 2. Acte d’un esprit Tu as été souvent frappé de leurs aperçus contente d’une similitude imparfaite de
qui aperçoit, qui entrevoit une notion soudains qui, même dans les choses d’art, sons : « Morny [pour honni] soit qui mal
(rare) : Un esprit obtus ne reçoit que des ressemblaient à des révélations (Sand). y pense » est un à-peu-près qui figure dans
aperceptions confuses ; mais, à cause de cela • SYN.: 2 coup d’oeil, échantillon, esquisse, le refrain d’une chanson du second Empire.
même, il ne se rend pas nettement compte exemple, idée, notion.
apeuré, e [apoere] adj. (part. passé de
qu’il est obtus (Gide).
apériteur [aperitoer] n. m. (du lat. ape- apeurer ; fin du XIXe s.). 1. Se dit d’une
• SYN.: 1 appréhension. personne, d’un animal en proie à la
rire, ouvrir ; 1877, Littré). En matière
apercevable [aprsvabl] adj. (de d’assurance multiple, celui des assureurs peur : Le campagnard, interdit, regardait
apercevoir ; 1361, Oresme). Que l’on peut qui, en cas de contestation, aurait qualité le maire, apeuré déjà par ce soupçon qui
apercevoir. pour introduire l’instance, pour ouvrir la pesait sur lui, sans qu’il comprît pourquoi
• SYN. : discernable, perceptible, visible. procédure et, d’une manière générale, pour (Maupassant). 2. Marqué, inspiré par la
— CONTR. : imperceptible, indiscernable, représenter le groupe des assureurs. peur : Elle se dégagea d’un geste si apeuré
invisible. qu’un volant de sa robe se déchira (Martin
apéritif, ive [aperitif, -iv] adj. (du lat.
du Gard).
apercevoir [aprsvwar] v. tr. (de per- médiév. aperitivus, de aperire, ouvrir ;
1398, Somme Gautier, au sens médic. de
• SYN. : affolé, atterré, effrayé, épou-
cevoir ; 1080, Chanson de Roland). [Conj.
vanté, terrifié. — CONTR. : rassuré, serein,
29.] 1. Distinguer avec plus ou moins de « qui ouvre les voies d’élimination » ; sens
moderne, 1750, Dict. des aliments). 1. En tranquille.
netteté, après un certain effort, un objet qui
n’apparaît pas clairement d’emblée : Quand médecine ancienne, se dit des substances apeurement [apoerm] n. m. (de apeu-
je montais au sommet du Jura, j’apercevais (diurétiques, purgatives, sudoripares, etc.) rer ; fin du XIXe s.). Le fait de prendre peur :
le lac de Bienne aux brises et aux flots de qui qui ouvrent les voies aux liquides libérés Quelles amours n’ont pas connu ces inex-
J.-J.Rousseau doit une de ses plus heureuses par diverses fonctions physiologiques : Une plicables apeurements ? (Prévost).
inspirations (Chateaubriand). Toute mon médecine apéritive. 2. Auj. Qui excite • SYN.: affolement.
attention était requise par certain objet que l’appétit : L’enveloppe titillante, apéritive,
du divin gâteau (Baudelaire). Une boisson apeurer [apoere] v. tr. (de à et de peur ;
j’apercevais au fond de la salle (Duhamel).
apéritive. milieu du XIXe s.). Remplir de peur : Cette
2. Voir, remarquer tout à coup : Presque
apéritif n. m. (1888, Larousse). Boisson nuit obscure qui vous apeure (Huysmans).
en même temps, il aperçut le petit sur une
civière (Martin du Gard). 3. Rencontrer alcoolique que l’on prend avant les repas, • SYN.: affoler, effrayer, épouvanter, terri-
par hasard, voir : On ne vous aperçoit plus et qui passe pour ouvrir l’appétit : Il y en a fier. — CONTR.: apaiser, calmer, rasséréner,
jamais, dit-il (Maupassant). 4. En termes quatre qui font la manille en buvant l’apé- rassurer.
de philosophie, saisir immédiatement et ritif (Sartre). apex [apks] n. m. invar. (mot lat.
nettement par la conscience ; percevoir dis- signif. « pointe, sommet » ; 1863, Littré).
apéro [apero] n. m. (abrév. de apéritif ;
tinctement. 5. Fig. Saisir tout à coup par début du XXe s.). Pop. Apéritif : À l’apéro, 1. Baguette garnie de laine, qui surmontait
la pensée, se rendre compte de : J’aperçois le bonnet des saliens et des flamines, chez
Monsieur Coquelet ! (Carco).
enfin la vérité. les Romains. 2. Cimier du casque, auquel
aperture [aprtyr] n. f. (lat. apertura,
• SYN. : 1 discerner, entrevoir ; 2 aviser, s’attache la crinière. 3. Point de l’espace
découvrir ; 4 appréhender ; 5 comprendre, ouverture ; 1556, Le Blanc, au sens général
vers lequel semble se diriger le système
déceler, découvrir, pénétrer, remarquer. de « ouverture » ; début du XXe s., au sens
solaire. 4. Pointe, sommet d’un organe,
linguistique). Degré d’ouverture du lieu
s’apercevoir v. pr. S’apercevoir de quelque du bec d’un oiseau, etc.
d’articulation d’un phonème : « A » est la
chose, s’apercevoir que (et l’indicatif),
voyelle qui a la plus grande aperture. aphasie [afazi] n. f. (gr. aphasia, mutisme
remarquer, soit soudainement, soit à la
[de a priv. et phasis, parole] ; 1826,
suite d’un travail de l’esprit, un fait maté- apesanteur [apztoer] n. f. (de a priv. et
Bouillaud). Perte totale ou partielle de la
riel ou moral qui, jusqu’à ce moment, avait de pesanteur ; 1961). Absence ou annulation
compréhension et de l’usage des signes
échappé à l’attention : Tu ne commenças à de la force de la pesanteur.
oraux ou écrits grâce auxquels nous échan-
t’apercevoir que j’existais que lorsqu’à mon
apétale [apetal] adj. (de a priv. et du geons nos idées avec nos semblables, sans
tour je rôdais autour des petits (Mauriac).
franç. pétale ; 1771, Trévoux). Qui n’a pas qu’il y ait une lésion des organes d’émis-
• SYN. : constater, découvrir, noter, saisir, de pétales : La fleur du saule est apétale. sion et de réception qui concourent à cette
surprendre, voir. fonction.
apétales n. f. pl. Groupe de plantes dont
aperçu [aprsy] n. m. (part. passé subs- les fleurs sont dépourvues de corolle : Le [afazik] adj. et n. (de aphasie ;
aphasique
tantivé de apercevoir ; 1760, V. Mira-beau). noisetier fait partie des apétales.
1877, Littré). Atteint d’aphasie : Patient et
1. Vx. Action d’apercevoir, de se rendre délicat artiste, très préoccupé de la phrase
apetisser [aptise] v. tr. (du lat. pop.
compte : À l’aperçu du plus faible écueil et du mot, par une cruelle ironie du sort
*appittittiare [de ad et de *pittittum, petit],
contre lequel j’allais me heurter (Balzac). Baudelaire est mort aphasique (Daudet). Ce
devenu apetissier, puis apetisser ; XIIe s.).
Pavillon d’aperçu, en termes de marine,
Class. Rendre plus petit : Cadeaux, festins, nom de Swann d’ailleurs, que je connaissais
pavillon qui indique qu’on a vu et compris depuis si longtemps, était maintenant pour
bienfaits | Apetissaient les fonds de l’Ambas-
un signal. 2. Vue générale, rapide, d’un moi, ainsi qu’il arrive à certains aphasiques
sade (La Fontaine).
ensemble de choses, d’une question : En à l’égard des mots les plus usuels, un nom
s’apetisser v. pr. Class. Devenir plus
lisant ces quelques pages, j’ai un aperçu des
petit : Les bottes [...] avaient le don de nouveau (Proust).
qualités du style de l’auteur. Exposé som-
s’agrandir et de s’apetisser selon la jambe adj. Qui concerne l’aphasie : Troubles
maire sur une question, présenté oralement
de celui qui les chaussait (Perrault). aphasiques.
ou par écrit : Jepréfère joindre à ces considé-
rations générales un aperçu sur les momies à-peu-près [apøpr] n. m. invar. (de la aphélie [afeli] n. m. (du gr. apo, loin de, et
(Zola). Spécialem. Estimation sommaire, loc. adv. à peu près ; 1688, Bossuet). 1. Ce qui hêlios, soleil ; 1690, Furetière). Point de l’or-
à titre d’indication : Demander l’aperçu est imparfait, incomplet, superficiel : L’à- bite d’une planète ou d’une comète le plus
d’un compte. 3. Par extens. Jugement peu-près contente aisément notre époque, éloigné du Soleil. (S’oppose à PÉRIHÉLIE.)

192
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

aphérèse [aferz] n. f. (lat. aphaeresis, du raît sur la muqueuse de la bouche ou du apion [apj] n. m. (du gr. apios, poire ;
gr. aphairesis, de aphairein, enlever ; 1521, pharynx. milieu du XIXe s.). Insecte dont la larve
P. Fabri, écrit apheresis ; aphérèse, 1605, Le attaque certaines légumineuses (luzerne,
aphteux, euse [aftø, -øz] adj. (de
Loyer). Retranchement d’une syllabe ou vesce, etc.).
aphte ; dans fièvre aphteuse, 1776, Lepecq).
d’une lettre au début d’un mot.
1. Caractérisé par la présence d’aphtes : apios [apjs] n. m. (mot gr. signif.
• REM.C’est par aphérèse que le démons-
Angine aphteuse. 2. Fièvre aphteuse, « poire » ; début du XIXe s.). Plante her-
tratif latin (il)lum a donné l’article fran-
maladie épidémique due à un virus, et attei- bacée, originaire des États-Unis, dont les
çais lo, que le groupe démonstratif *(ec)
gnant les ruminants et le porc : Pourquoi fleurs répandent une odeur agréable : Elle
cilli a donné le pronom français cil, et le
les orages survolent-ils nos vignes, les fièvres choisit un érable à fleurs rouges, festonné
groupe *(es)sere ayo le futur serai. La pro-
aphteuses nos étables ? (Giraudoux). de guirlandes d’apios, et qui exhalait des
nonciation familière pratique l’aphérèse :
aphylle [afil] adj. (de a priv. et du gr. phul- parfums les plus suaves (Chateaubriand).
Jour ! (= Bonjour !). Z’allez bien ? (= Vous
allez bien ?). S’pas (= N’est-ce pas). lon, feuille ; 1835, Acad.). Se dit de plantes apiquage [apika] n. m. (de apiquer ;
dont la tige est dépourvue de feuilles : La 1803, Boiste). Action d’apiquer une vergue ;
aphidiens [afidj] n. m. pl. (de aphis, mot
véronique est une plante aphylle. résultat de cette action.
d’apparence lat. créé par Linné ; début du
XIXe s.). Grand groupe d’insectes, com- api [api] n. m. (francisation du nom de apiquer [apike] v. tr. (de la loc. adv. à pic ;
prenant les différents genres de pucerons, Claudius Appius, qui aurait apporté cette 1736, Aubin). En termes de marine, hisser
notamment le phylloxéra. pomme du Péloponnèse à Rome ; XVIe s., l’extrémité d’un gui, d’une vergue pour
écrit Apie ; Api, 1653, Oudin). Pomme d’api, leur donner une position aussi verticale
aphone [afn] adj. (gr. aphônos ; 1836,
variété de pomme à chair croquante et que possible.
Acad.). 1. Se dit de quelqu’un qui n’a pas ou
sucrée, de couleur blanchâtre d’un côté,
qui n’a plus de voix : Le matin, avant son [apitwam] n. m. (de api-
rouge de l’autre. apitoiement
inhalation, il était si aphone qu’il renonçait
toyer ; 1842, J.-B. Richard de Radonvilliers).
d’avance à tout effort pour émettre un son à-pic n. m. V. PIC. Action de s’apitoyer : Elle a des apitoie-
(Martin du Gard). 2. Par anal. Se dit d’un
apical, e, aux [apikal, -o] adj. (du lat. ments, des larmes presque pour les douleurs
vieil instrument de musique dont les sons
apex, apicis, sommet ; 1863, Littré). 1. Se imaginaires du théâtre (Goncourt). Une
ne s’entendent plus : Un clavecin presque
dit de la partie qui forme le sommet d’un courtoisie [...] où perçait, sensible à peine,
aphone.
organe : Les calices apicaux d’un polypier. une pointe d’apitoiement (Courteline).
aphonie [afni] n. f. (gr. aphônia, de a 2. Se dit d’un phonème prononcé avec la • SYN. : attendrissement, commisération,
priv. et phônê, voix ; 1617, Habicot). Perte pointe de la langue, rapprochée du palais compassion, pitié. — CONTR. : dureté, froi-
momentanée ou définitive de la voix. en un point situé à mi-distance des inci- deur, impassibilité, indifférence, insensibi-
• SYN.: extinction de voix. sives et du sommet de la voûte palatale : Le lité, sécheresse.
« r » anglais est un « r » apical.
aphorisme [afrism] n. m. (bas lat. apho- apitoyant, e [apitwaj, -t] adj. (part.
rismus, du gr. aphorismos, définition, appli- apicole [apikl] adj. (formé avec le lat. prés. de apitoyer ; 1866, Larousse). Qui
qué d’abord aux Aphorimes d’Hippocrate ; apis, abeille, sur le modèle de agricole ; provoque la pitié : Cette petite figure de
1314, écrit afforime ; amphorisme, 1361, 1845, Bescherelle). Qui concerne l’élevage singe, apitoyante et sympathique (Daudet).
Oresme ; orthogr. moderne, 1490, Guy de des abeilles : J’arrive à François Huber,
Chauliac). 1. Phrase d’allure sentencieuse, le maître et le classique de la science api- apitoyé, e [apitwaje] adj. (part. passé de
qui résume en quelques mots une vérité cole d’aujourd’hui. Il voue sa vie entière à apitoyer). Qui exprime la pitié : Ceci était
fondamentale. (Ex. : Rien n’est beau que le l’étude de l’abeille (Maeterlinck). dit sur un ton apitoyé qui respirait l’hypo-
vrai [Boileau]. La mort est oeuvre de vie, la crisie (Gide).
apiculteur, trice [apikyltoer, -tris] n.
vie est oeuvre de mort [Pasteur]. En fait de apitoyer [apitwaje] v. tr. (de pitié ; fin du
(formé avec le lat. apis, abeille, sur le modèle
meubles, possession vaut titre [aphorisme
de agriculteur ; 1845, Bescherelle). Personne XIIIe s., écrit apitoier). [Conj. 2.] Susciter
de droit].) 2. Par extens. Énoncé succinct
qui fait l’élevage des abeilles. la pitié de : Le profil altier d’Audiberte [...]
d’une vérité banale de la vie courante.
acheva de l’apitoyer sur ces victimes de
(Ex. :Pas de nouvelles, bonnes nouvelles.) apiculture [apikyltyr] n. f. (formé avec
Roumestan (Daudet).
• SYN. : 1 apophtegme, formule, maxime, le lat. apis, abeille, sur le modèle de agri-
• SYN. : attendrir, bouleverser, émouvoir,
précepte, sentence ; 2 adage, dicton, culture ; 1845, Bescherelle). Art d’élever
remuer, toucher.
maxime, proverbe. les abeilles, pour la production du miel, de
la cire, etc. : Il [...] dessina des planches si s’apitoyer v. pr. [sur]. Ressentir un sen-
aphoristique [afristik] adj. (de apho- timent de pitié à l’égard de quelqu’un ou
parfaites qu’elles servent encore aujourd’hui
risme ; 1549, Tagault). Qui a rapport à de quelque chose : Je m’apitoyais sur ma
à illustrer plus d’un traité d’apiculture
l’aphorisme ; qui a les caractères de l’apho- jeunesse (Mauriac).
(Maeterlinck).
risme : Une concision aphoristique.
apidés [apide] n. m. pl. (du lat. apis, aplanat [aplana] n. m. et adj. (de a priv. et
aphrodisiaque [afrdizjak] adj. et n. m.
abeille ; 1845, Bescherelle). Famille d’in- du gr. planê, aberration ; 1898, Larousse).
(gr. aphrodisiakos, de Aphroditê, déesse
sectes comprenant l’abeille domestique et En photographie, objectif aplanétique.
grecque de l’Amour ; 1763, Adanson, écrit
les abeilles sauvages. [aplanetik] adj. (de a priv.
afrodisiake). Se dit de ce qui est propre à aplanétique
exciter le désir sexuel : Un breuvage aphro- apiéceur, euse [apjesoer, -øz] n. (de et du gr. planê, aberration ; 1877, Littré).
disiaque. Le monde boirait à pleine coupe apiécer, signif. « rapiécer » ; 1836, Acad.). Se dit d’un miroir, d’une lentille, etc., ne
un aphrodisiaque puissant qui le ferait Ouvrier, ouvrière chargés du montage des présentant pas d’aberration géométrique
mourir de plaisir (Renan). vêtements. pour un point objet situé à faible distance
• CONTR. : anaphrodisiaque. de l’instrument.
apiol [apjl] n. m. (du lat. apium, persil ;
aphte [aft] n. m. (lat. médic. aphtae, du gr. 1866, Larousse). Principe actif des graines aplanétisme [aplanetism] n. m. (de
aphtai, de aptein, brûler ; 1545, Guéroult). du persil, utilisé comme fébrifuge et aplanétique ; 1888, Larousse). Qualité d’un
Petite ulcération blanchâtre, qui appa- emménagogue. système optique aplanétique.

193
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

aplanir [aplanir] v. tr. (réfection, par impuissance : Elle va partir furieuse, mais La tour menace de perdre son aplomb.
changement de conjugaison, de l’anc. v. aplatie, je vous en réponds, et privée de tout Spécialem. En parlant de l’homme et
aplanoyer, aplanier, comp. de plain, anc. son venin (Sand). des animaux, équilibre du corps reposant
adj. usuel jusqu’au XVIe s., remplacé par • SYN. : 2 accabler, anéantir, briser, sur les membres. 3. Fig. Stabilité résul-
plan, du lat. planus ; XIe s. ; sens fig., XIIe s. ; confondre, écraser, humilier, rabaisser. — tant de l’équilibre entre les diverses ten-
usité du XIVe au XVIe s. au sens de « cares- CONTR. : 1 gonfler, redresser, soulever ; 2 dances, les forces opposées qui sollicitent
ser, flatter »). 1. Rendre plan, uni ce qui aider, épargner, exalter, ménager, soulager. une personne, une collectivité : La société
est inégal, raboteux : Aplanir une route, s’aplatir v. pr. (au sens 3, 1864, Goncourt, n’avait pas retrouvé son aplomb (Romains).
une piste d’atterrissage. 2. Fig. Rendre Renée Mauperin). 1. Devenir, se faire plat : 4. Fig. Assurance parfaite qui naît, chez
facile ce qui apparaît comme hérissé de Elle dénoua son dernier jupon qui [...] une personne, de la confiance qu’elle a en
difficultés : Le temps d’un éclair, tout lui s’aplatit en rond par terre (Maupassant). elle-même, en ses moyens : Les patriotes
parut aplani (Martin du Gard). 3. Par 2. Spécialem. S’écraser au sol en tom- n’avaient point encore acquis cet aplomb
extens. Aplanir les difficultés, un différend, bant de haut : Elle se jeta du toit [...] pour que donne la longue habitude des combats
etc., les rendre facilement surmontables, venir s’aplatir sur les marches de pierre et de la victoire... (Chateaubriand). Ils lan-
les faire disparaître. (Radiguet). 3. Fam. Tomber à plat de tout çaient, avec l’aplomb des comédiens sûrs
• SYN. : 1 égaliser, niveler ; 2 arranger, son long : Mais elle ne pouvait pas suivre, de leurs effets, de bons mots (Baudelaire).
faciliter ; 3 lever, ménager, supprimer. — alourdie de ses gros vêtements, de sabots 5. Péjor. Assurance effrontée, audace
CONTR. : 2 compliquer ; 3 augmenter, ren- qui déformaient ses petits pieds, et, dans un qui ne recule devant rien : Comment ! on
forcer, soulever. dernier élan désespéré, elle tomba, s’apla- t’offre une place de chroniqueur dans un
s’aplanir v. pr. 1. Devenir moins inégal, tit rudement (Daudet). 4. Fig. et péjor. bon journal de Paris, et tu as l’aplomb de
moins raboteux : Un chemin qui s’aplanit. Prendre une attitude de bassesse, de ser- refuser... (Daudet).
2. Difficultés, obstacles qui s’aplanissent, vilité : Il y a des hommes qui sont tellement • SYN.: 4 audace, hardiesse, sang-froid ; 5
qui deviennent plus aisés à surmonter. au-dessus des autres qu’on voudrait s’aplatir culot (pop.), effronterie, impudence, toupet
devant eux, trouver des formules d’adora- (fam.). — CONTR. : 1 inclinaison, obliquité ;
aplanissement [aplanism] n. m. (de
tion nouvelles pour les forcer à s’occuper de 2 déséquilibre, instabilité ; 4 et 5 embarras,
aplanir ; 1361, Oresme, au sens de « flatte- gêne, retenue, timidité.
vous (Daudet). S’aplatir devant les puissants
rie » ; 1539, R. Estienne). Action d’aplanir ;
et les riches. D’aplomb loc. adv. 1. Suivant une ligne
résultat de cette action.
• SYN.: 1 seplaquer ; 4 s’abaisser, s’humilier, verticale : Le Nil dont l’eau morte s’étame
aplasie [aplazi] n. f. (de a priv. et du se prosterner, ramper. — CONTR. : 4 s’enor- | D’une pellicule de plomb | Luit, ridé par
gr. plassein, façonner ; 1948, Larousse). gueillir, se faire mousser (fam.), se faire l’hippopotame | Sous un jour mat tombant
Absence de développement d’un tissu, valoir, se glorifier, se vanter. d’aplomb (Gautier). 2. En position de sta-
d’un organe. bilité, d’équilibre satisfaisant : Ce meuble
aplatissement [aplatism] n. m. (de
n’est pas d’aplomb. 3. Fig. et fam. En
aplasique [aplazik] adj. (de aplasie ; 1960, aplatir ; 1600, O. de Serres). 1. Action
bon état de santé physique ou morale : Ce
Larousse). Qui est relatif à l’aplasie. d’aplatir : L’aplatissement d’une pointe de
mois de solitude me remit d’aplomb (Gide) ;
aplastique [aplastik] adj. (de a priv. et de clou au moyen du marteau. 2. État de
et, par anal., en parlant d’affaires, d’une
plastique ; 1888, Larousse). Anémie aplas- ce qui est aplati : L’aplatissement du globe
situation financière : Ce ministre a remis
tique, anémie sans signe de régénération terrestre aux pôles. 3. Action de s’aplatir,
d’aplomb les finances du pays.
des globules rouges. de s’abaisser ; résultat de cette action : En ce
aplombs n. m. pl. (1835, Acad.).
temps d’aplatissement (Goncourt).
à-plat [apla] n. m. (loc. adv. prise subs- Disposition et direction des jambes d’un
• SYN. : 1 compression, écrasement ; 2
tantiv. ; 1866, Larousse). 1. Chute d’une animal par rapport au sol : Les aplombs
dépression, écrasement ; 3 abaissement,
personne en avant, de tout son long : Une d’un cheval.
bassesse, humiliation, platitude. — CONTR.:
chute, un à-plat formidable (Daudet). aplustre [aplystr] n. m. (lat. aplustrum ;
2 gonflement, soulèvement ; 3 arrogance,
2. Dans la langue de la papeterie, pro- 1866, Larousse). Dans l’Antiquité romaine,
hauteur, jactance, morgue.
priété d’une feuille de papier de se pré- ornement de la poupe des vaisseaux, qui
senter d’une manière uniforme et plane, aplatisseur [aplatisoer] n. m. (de apla-
consistait en une pièce de charpente
sans aucun défaut superficiel. 3. Teinte tir ; XVIIIe s.). Appareil servant à écraser les
recourbée vers l’avant et taillée en forme
plate unie, dans le langage des peintres, des grains destinés à l’alimentation du bétail.
de queue de poisson.
graveurs, des imprimeurs : Renoir est un aplatissoir [aplatiswar] n. m. ou apla-
coloriste plasticien qui oscille entre l’idéal à apnée [apne] n. f. (gr. apnoia, de a priv.
tissoire [aplatiswar] n. f. (de aplatir ; -oire,
tendance sculpturale de Vermeer et l’à-plat et pnein, respirer ; XVIe s., Vigenère, écrit
1765, Encyclopédie ; -oir, 1826, Mozin).
absolu des primitifs (Lothe). [Dans ce sens, apné). Suspension, volontaire ou non, de
Gros marteau ou laminoir pour aplatir
on écrit aussi APLAT.] la respiration.
les métaux.
• Pl. des À-PLATS. apocalypse [apkalips] n. f. (lat. ecclés.
aplet [apl] n. m. (forme dialect. de aploit,
apocalypsis, du gr. ecclés. apokalupsis,
aplati, e [aplati] adj. (part. passé de du lat. pop. *applicitum, pour applicatum,
révélation divine ; XIIe s.). 1. Livre qui
aplatir). Court et plat : Il s’étira, secoua ce qui est appliqué à ; fin du XIVe s.). 1. Filet
a pour objet la révélation des destinées
ses oreilles [...] et tourna désespérément vers pour la pêche du hareng. 2. Corde garnie
de l’homme : Les apocalypses juives.
sa maîtresse sa petite truffe aplatie (Martin de lignes ayant chacune un ou plusieurs
Spécialem. Livre du Nouveau Testament
du Gard). hameçons.
où sont consignées les révélations faites
• SYN.: camard, camus, écrasé.
aplomb [apl] n. m. (de à plomb [XIIe s.], à saint Jean dans l’île de Pathmos (avec
aplatir [aplatir] v. tr. (de à et de plat ; à la perpendiculaire [cf., encore au XVIIe s., une majuscule) : J’ai mis entre ses mains
milieu du XIVe s.). 1. Rendre plat, écraser : une ligne élevée à plomb] ; 1547, J. Martin). vigilantes les quatre Évangiles, les Psaumes,
Le forgeron aplatit le fer à coups de mar- 1. Verticalité parfaite donnée par la direc- l’Apocalypse (Gide). La bête de l’Apoca-
teau. Elle imagina une face sournoise, apla- tion du fil à plomb : Vérifier l’aplomb d’une lypse, monstre symbolique qui joue un rôle
tie contre la vitre (Mauriac). 2. Fig. et fam. muraille. 2. Équilibre, stabilité d’un important dans l’Apocalypse de saint Jean.
Vaincre, réduire au silence, à une complète corps érigé dans la position verticale : Vx. Le cheval de l’Apocalypse, un cheval

194
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

extrêmement maigre. Style d’Apocalypse, • SYN. : 2 et 3 controuvé, faux, inauthen- d’Apollon : La crinière apollinienne rejetée
style très obscur. 2. Fig. S’emploie à pro- tique, prétendu, supposé. — CONTR. : 1 en arrière (Bertrand).
pos de ce qui est fantastique, effrayant, authentique, canonique ; 2 et 3 reconnu.
apollon [apl] n. m. (du n. du dieu
évoque des idées de fin du monde : Mais,
apode [apd] adj. (gr. apous, apodos, sans Apollon, lat. Apollo, gr. Apollôn ; début du
inversement, le goût de l’apocalypse et de la
pied ; XVIe s.). Se dit d’un animal qui n’a pas XIXe s.). 1. Jeune homme très beau (avec
vie frénétique se retrouvera chez nos révo-
de pieds, de pattes, de nageoires. souvent une nuance d’ironie). 2. Belle
lutionnaires (Camus).
apodes n. m. pl. 1. Ordre de batraciens espèce de papillon diurne.
apocalyptique [apkaliptik] adj. (gr. sans membres : La cécilie fait partie des
apologétique [apletik] adj. (lat.
apokaluptikos, qui révèle ; 1552, Rabelais). apodes. 2. Sous-ordre de poissons sans
ecclés. apologeticus, du gr. apologêtikos,
1. Qui a rapport, qui appartient aux apo- nageoires ventrales : Les anguilles sont des
propre à la défense ; XVe s.). Qui contient
calypses en général, ou à l’Apocalypse apodes.
une apologie ; qui a le caractère, la forme de
de saint Jean : Visions apocalyptiques.
apodictique [apdiktik] adj. (lat. apo- l’apologie : Ouvrage, discours apologétique.
L’essénisme, qui semble avoir été en rapport
dicticus, du gr. apodeiktikos, de apo- n. f. Partie de la théologie qui a pour
direct avec l’école apocalyptique (Renan).
deiknumi, je démontre ; 1598, Marnix but de défendre la religion contre ses
2. Dont le sens est très obscur (comme
de Sainte-Aldegonde). Se dit, en logique, adversaires : L’apologétique chrétienne
les symboles dont use l’Apocalypse) : Un
d’une proposition démontrée et incontes- s’est conservé une école de solide doctrine
style apocalyptique. 3. Qui est à la fois
table. Jugement apodictique, selon Kant, (Renan).
grandiose et terrifiant, comme le serait
jugement dans lequel l’affirmation ou la n. m. Titre d’un livre de Tertullien
la fin du monde : On s’accorde à penser
négation est considérée comme nécessaire. qui constitue une apologie de la religion
qu’une guerre atomique serait quelque chose
(Ex. : Tout cercle a un centre.) chrétienne.
d’apocalyptique.
apodose [apdoz] n. f. (gr. apodosis, res- apologie [apli] n. f. (lat. ecclés. apolo-
apocope [apkp] n. f. (lat. apocopa,
titution ; 1863, Littré). Second membre et gia, mot gr. signif. « défense », dér. de apo-
du gr. apokopê, de apokoptein, retran-
partie concluante d’une phrase, par rapport logos, proprem. « récit, narration » ; 1495,
cher ; 1521, P. Fabri, Art de rhétorique).
au premier membre, dit protase. (Ex. :Si J.de Vignay). 1. Défense, justification orale
Retranchement d’une voyelle ou d’une
j’insiste [protase], il se fâchera [apodose].) ou écrite d’une personne ou d’une chose
portion finale d’un mot.
apogamie [apogami] n. f. (du gr. apo, en butte à des attaques : Faire l’apologie de
•REM. C’est par apocope que quomodo
loin de, et gamos, mariage ; 1888, Larousse). sa propre conduite. Il sortit brusquement
(lat. class.) est devenu en latin vulgaire
Phénomène par lequel un embryon se déve- de son mutisme pour se lancer dans une
quomo (anc. franç. com), et qu’un certain
loppe à partir d’une cellule végétative, apologie féroce des profiteurs (Martin du
nombre d’adverbes ont perdu en ancien
généralement diploïde. Gard). Sentant bien que la vérité n’était pas
français leur e finalencor, arrier (V. AD-
de leur côté, ils allèrent jusqu’à faire une
VERBE). La prononciation populaire pra- apogée [ape] n. m. (du gr. apogeios,
apologie du mensonge (Gide). Apologie
tique l’apocope : artiss’ (= artiste), quat’ éloigné de la Terre ; XVIe s., terme d’astro-
du crime, en droit pénal, écrit ou paroles
enfants (= quatre enfants). L’élision (v. ce nomie ; sens fig., XVIIe s., Guez de Balzac).
tendant à justifier des actes expressément
mot) est une apocope. 1. Point de l’orbite d’un astre ou d’un satel-
réprimés par la loi pénale ; incitation à les
apocopé, e [apkpe] adj. (part. passé de lite artificiel où il se trouve le plus éloigné
commettre. 2. Par extens. Écrit ou dis-
de la Terre. 2. Fig. Le plus haut degré
apocoper ; 1578, H. Estienne). Se dit d’un cours visant à louer une personne ou une
d’élévation auquel puisse atteindre une
mot qui a subi une apocope : « Or » est une chose : Peut-être n’a-t-elle rien moins voulu
chose susceptible de croître et de décroître :
forme apocopée de l’ancien français « ore ». faire que l’apologie du travail ? (Breton).
Après Tilsitt, il [Napoléon Ier] était à l’apo-
apocrisiaire [apkrizjr] n. m. (bas lat.
• SYN. : 1 plaidoyer ; 2 dithyrambe, élogc,
gée de sa grandeur : le continent, broyé, ne
apocrisiarius, du gr. apokrisis, réponse ; glorification, panégyrique. — CONTR.: 1 et
remuait pas (Sainte-Beuve). Au moment
1569, J. Eckius). 1. Dans l’Empire byzan- 2 blâme, condamnation, critique, dénigre-
qu’il arrive à l’âge d’homme, le roman-
tin, dignitaire chargé de transmettre ment, diatribes, philippique, satire.
tisme est à son apogée ; une éblouissante
les réponses, les édits de l’empereur. génération est en possession de l’empire des apologique [aplik] adj. (de apolo-
2. Mandataire des papes, des patriarches. Lettres : Lamartine, Hugo, Musset, Vigny gie ; 1543, Delboulle ; inconnu aux XVIIe et
3. Trésorier, dans les anciens monastères. sont les maîtres de l’instant (Valéry). XVIIIe s., a tendu à supplanter apologétique
4. Grand aumônier, sous Charlemagne. • SYN. : 2 comble, faîte, point culminant, [XVe]). Qui contient une apologie.
apocryphe [apkrif] adj. et n. m. (lat. sommet, summum, zénith. — CONTR. : 1 • SYN.: dithyrambique, élogieux. — CONTR.:
ecclés. apocryphus, du gr. ecclés. apokru- périgée. critique.
phos, de apokruptein, cacher ; 1220, G. apolitique [aplitik] adj. (formé de a priv. apologiste [aplist] n. (de apologie ;
de Coincy, écrit apocrife). 1. Se dit d’un et de politique ; fin du XIXe s.). Qui se tient 1623, P. Garasse). Personne qui fait l’apolo-
écrit qui n’est pas reconnu par l’Église en dehors de la politique : Mon père était, gie de quelqu’un ou de quelque chose : Une
et qu’elle n’admet pas dans le canon des par nature, un « animal antipolitique », et multitude d’opinions misérables et funestes
Écritures parce que l’authenticité n’en est même « apolitique », ainsi que disaient, au par lesquelles les apologistes de ce temps ont
pas établie : Les évangiles apocryphes. Le siècle dernier, les individualistes précurseurs laissé voir leur faiblesse téméraire (France).
« Protévangile de Jacques » est un apo- de Nietzsche (Duhamel). • SYN.: avocat, défenseur. — CONTR. : cen-
cryphe. 2. Par extens. Se dit d’un livre
apolitisme [aplitism] n. m. (de apoli- seur, contempteur, critique.
qui n’est pas authentique ou qui est dou-
tique ; fin du XIXe s.). Caractère de ce qui n. m. Spécialem. Nom donné aux doc-
teux, suspect : Ce qui nous a été conservé
reste en dehors de la politique ; attitude teurs de l’Église qui, au IIe s., présentèrent
du « Livre d’Énoch », qui est visiblement
de celui qui ne s’occupe pas de politique. des défenses de la foi chrétienne : Saint
apocryphe (France). 3. Se dit d’une chose
Justin, l’apologiste.
dont la véritable origine n’est nullement apollinien, enne [aplinj, -n] ou
établie, qui est suspecte, fausse : Les objets apollonien, enne [aplnj, -n] adj. apologue [aplg] n. m. (lat. apologus,
qui le composeront [le musée] seront pour (de Apollon ; 1866, Larousse). Qui appar- du gr. apologos, récit, narration ; XVe s., G.
la plupart apocryphes (Huysmans). tient à Apollon, ou qui évoque la beauté Tardif). Court récit, en prose ou en vers,

195
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

dont le but est de rappeler, d’enseigner une latins cap-io, fac-io, qui devient i dans apoplectiser [applktize] v. tr. (de
vérité morale : L’apologue, c’est-à-dire un con-cip-io, con-fic-io. apoplexie ; fin du XIXe s.). Congestionner
exemple fabuleux et qui s’insinue avec fortement (rare) : Et le Nabab élargissait sa
En principe, le terme d’alternance est
d’autant plus de facilité et d’effet qu’il est cravate autour de son cou gonflé, apoplec-
préféré à celui d’apophonie lorsqu’il s’agit
plus commun et plus familier (La Fontaine). tisé par l’émotion, la chaleur de la pièce...
des modifications de la racine à valeur
• SYN.: fable. (Daudet).
lexicale, comme c’était le cas pour les
apoltronnir [apltrnir], apoltronner racines indo-européennes à trois degrés : apoplexie [applksi] n. f. (lat. médic.
sed (lat. sedeo, je suis assis) / sod (lat. sol- apoplexia, du gr. apoplêxia, de apoplêt-
[apltrne] ou appoltronner v. tr. (de
ium, de sod-ium, trône) / sd (lat. ni-d-us, tein, renverser ; XIIIe s., Guillaume de
poltron ; XVIe s., Montaigne). Class. et littér.
de ni-sd-us, nid). Tyr). 1. Abolition subite des fonctions du
Rendre poltron, paresseux : L’important,
cerveau, due à un accident circulatoire :
c’était de ne point se laisser appoltronner Henri Morier, dans son Dictionnaire de
Il tomba, frappé d’un coup d’apoplexie
par aucune, ainsi qu’Hercule entre les bras poétique et de rhétorique (P. U. F., 1961),
(France). 2. Hémorragie d’un organe :
d’Omphale (Gide). étend la notion et le terme d’apophonie à
Apoplexie pulmonaire, splénique.
la stylistique et à la versification. L’apo-
apomorphine [apmrfin] n. f. (du
phonie souligne une antithèse dans ces aporétique [apretik] adj. et n. (gr.
gr. apo, venant de, et de morphine ;
vers d’H. de Régnier (Tel qu’en songe) : aporêtikos, de aporein, être embarrassé ;
1888, Larousse). Corps blanc, de saveur
1866, Larousse). Qui doute, sceptique.
amère, dérivé de la morphine, utilisé en Elle était tellement à moi, Philosophes aporétiques, nom pris par
thérapeutique. Elle était tellement en moi... les disciples de Pyrrhon.
aponévrose [apnevroz] n. f. (gr. apo- Elle indique une variation de l’état d’âme aporie [apri] n. f. (gr. aporia, embarras,
neurôsis ; 1541, J. Canappe). Membrane dans ces vers de Verlaine : difficulté ; début du XIXe s.). En logique,
résistante, d’un blanc nacré, formée de contradiction insoluble qui apparaît dans
fibres conjonctives, qui enveloppe les Il pleure dans mon coeur
un raisonnement.
muscles et permet leur fixation aux os : Comme il pleut sur la ville.
Les muscles bien pris dans leurs aponévroses H. Morier appelle « rime apophonique » apostasie [apstazi] n. f. (lat. ecclés. apos-
(Fargue). le jeu que d’autres nomment « contre-as- tasia, mot gr. signif. « abandon » ; v. 1250).
1. Action d’abandonner publiquement la
sonance », les consonnes y étant homo-
aponévrotique [apnevrtik] adj. (de religion que l’on pratiquait jusqu’alors,
phones, les voyelles hétérophones :
aponévrose ; 1752, Trévoux). Qui a rapport pour en embrasser une autre : Tomber dans
aux aponévroses. Prenons chacun panetière et bissac, l’apostasie. Spécialem. En parlant d’un
Flûte, flageot, cornemuse et rebec... ecclésiastique, d’un religieux, rupture des
apophonie [apfni] n. f. (mot créé
(Marot). voeux : Dans son ignorance, il croyait, par
par Michel Bréal, du gr. apo, indiquant le
ce présent, induire le porteur de soutane en
changement, et phônê, voix, pour traduire apophtegme [apftgm] n. m. (gr.
péché, le faire tomber dans la désobéissance,
l’allem. Ablaut ; 1877, Littré). Modification apophthegma, de apophtheggesthai, énon-
peut-être dans l’apostasie (France). 2. Par
d’un phonème radical liée à une différence cer une sentence ; 1529, G. Tory). 1. Parole, extens. Action d’abandonner une doctrine,
morphologique. (V. art. spécial.) sentence mémorable d’un Ancien ou un parti : Ce politicien n’en est pas à une
d’un personnage illustre, exprimée d’une apostasie près.
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE manière frappante, concise et claire : Âme • SYN. : 1 abjuration, reniement ; 2 aban-
bourrée d’apophtegmes et de beaux vers don, désertion. — CONTR. : 1 conversion.
L’APOPHONIE (Duhamel). 2. Par extens. Parole sen-
tencieuse et un peu pédante : Parler par apostasier [apstazje] v. intr. (de apos-
L’apophonie marque en anglais la dif- tasie ; XVe s.). 1. Renoncer librement à la
apophtegmes.
férence entre un présent comme I write religion que l’on pratiquait jusqu’alors,
• SYN. : 1 et 2 adage, aphorisme, devise,
(j’écris) et un prétérit comme I wrote pour en embrasser une autre. Spécialem.
maxime, pensée, précepte, sentence.
(j’écrivis), en allemand la différence En parlant d’un ecclésiastique, d’un reli-
entre l’indicatif présent wir fahren (nous apophysaire [apfizr] adj. (de apo- gieux, rompre ses voeux. 2. Par extens.
allons), le prétérit wir fuhren (nous al- physe ; 1877, Littré). Qui concerne les Abandonner une doctrine, un parti.
lâmes) et le subjonctif présent wir füh- apophyses. • SYN.: 1 et 2 abjurer, renier. — CONTR. : 1
ren (que nous allions). Elle accompagne se convertir.
apophyse [apfiz] n. f. (lat. apophysis, du
seulement une différence morpholo-
gr. apophusis, rejeton ; 1541, J. Canappe). apostat, e [apsta, -at] adj. et n. (lat.
gique marquée par ailleurs dans l’alle-
Excroissance naturelle, partie saillante ecclés. apostata, du gr. apostatês ; 1265,
mand die Hand (la main) / die Hände
d’un os : L’apophyse coracoïde de l’omoplate. écrit aposta, Delboulle). 1. Qui se sépare
(les mains) ; on peut alors la considérer volontairement de la religion qu’il pra-
comme une servitude grammaticale sans apoplectique [applktik] adj. (lat. tiquait jusqu’alors, pour en embrasser
fonction significative. C’est aussi le cas, médic. apoplecticus, du gr. apoplêktikos ; une autre : L’empereur Julien l’Apostat.
en français, dans l’opposition des mas- 1256, Aldebrant de Sienne). Qui a rapport Mathan, prêtre apostat, sacrificateur de
culins comme sot (o fermé [o]), boucher à l’apoplexie : Des plaques apoplectiques Baal (Racine). Spécialem. Se dit d’un
(e fermé [e]), plein (e nasalisé []) et des marbraient la trogne du pédant (Gautier). religieux qui a rompu ses voeux : Un moine
féminins correspondants : sotte (o ouvert adj. et n. Qui est prédisposé à l’apo- apostat. 2. Par extens. Qui abandonne
[]), bouchère (e ouvert []), pleine (e oral plexie : Énorme, apoplectique, tout le sang une doctrine, un parti.
ouvert []), dans les oppositions verbales afflué aux joues tombantes, lie-devin, en adj. Qui témoigne d’un abandon de la foi
comme je lève / nous levons, je meurs / contraste avec une peau d’ancienne blonde primitive et, par extens., d’une doctrine,
nous mourons. [...], le sourire agréable, ainsi vous apparaît d’un idéal : Ces plaisanteries apostates,
Il y a encore apophonie lorsqu’un pho- d’abord Mme Portal (Daudet). Quant à lui, renégates (Barbey d’Aurevilly).
nème est modifié selon la place du radi- il devint bleuâtre comme les apoplectiques • SYN. : 1 défroqué, renégat ; 2 déserteur,
cal dans le mot : ainsi l’a bref des verbes quand ils pâlissent (Duhamel). renégat.

196
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

apostème n. m. ou f. V. APOSTUME. dans toutes les discussions (Daudet). Son fam. Coup : À ces cris redoublés et dont je
apostolat [celui de M. Oegger, relatif à la riais fort, | J’accours et je vous vois étendu
aposter [apste] v. tr. (de à et de poste ;
justification de Judas] s’enfonça dans la sur la place | Avec une apostrophe au milieu
fin du XIIe s.). Aposter quelqu’un, le poster
misère et dans la folie (France). 4. Fig. de la face (Regnard).
en quelque endroit, avec mission d’accom-
Activité désintéressée, supposant beau-
plir quelque chose, généralement dans une 2. apostrophe [apstrf] n. f. (lat. des
coup d’altruisme et même d’abnégation :
mauvaise intention (vieilli) : Des gens apos- grammairiens apostrophus, du gr. apos-
Certains médecins font de leur profession un
tés tombèrent sur lui, le transpercèrent de trophos ; 1529, G. Tory). Signe graphique
véritable apostolat. Il haïssait la contempla-
coups (Tharaud). Rachel avait aposté dans (‘) qui marque l’élision d’une voyelle :
tion, et n’eût rêvé que d’un apostolat dont le
la salle un certain nombre d’amis et d’amies L’apostrophe remplace l’ « e » devant un
rejetait précisément son absence de charité
dont le rôle était de décontenancer par leurs nom commençant par une voyelle ou un
(Malraux).
sarcasmes la débutante, qu’on savait timide, « h » muet.
• SYN.: 3 et 4 prosélytisme.
de lui faire perdre la tête... (Proust).
• SYN.: disposer, placer. apostolicité [apstlisite] n. f. (de apos-
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
tolique ; 1863, Littré). Caractère de ce qui
a posteriori [apsterjri] loc. adv. (loc.
est conforme à la doctrine des Apôtres. L’APOSTROPHE
du lat. scolast. adoptée par le français et
signif. « en partant de ce qui vient après » ; apostolique [apstlik] adj. (lat. ecclés. L’apostrophe est l’acte de parole par lequel
1626, Descartes). En partant des données apostolicus, du gr. apostolikos, de aposto- on désigne un être comme destinataire
de l’expérience (langue philosophique) : Il los, envoyé de Dieu ; XIIIe s., A. du Mont- d’un message linguistique : Oudet, re-
est prudent de ne formuler des jugements Cassin ; sens fig., XVIIIe s.). 1. Qui est pêche un clairon ! ... Mallet, procure-toi
qu’ « a posteriori ». contemporain des Apôtres : La période une hache ! ... Tambours, battez le rap-
loc. adj. invar. Qui est fondé sur les apostolique. 2. Qui appartient en propre pel ! (J. Vallès). Dans ce texte, les noms
données de l’expérience : Méthode « a aux Apôtres ; qui est digne d’un apôtre : propres Oudet, Mallet, le nom commun
posteriori ». Ce saint pontife [Grégoire XIII] réunissait tambours ont successivement la fonction
toutes les vertus apostoliques (Stendhal). « mot en apostrophe ».
• CONTR. : a priori.
3. Qui continue l’esprit, la mission des
apostille [apstij] n. f. (déverbal de apos- Le terme vient, par le latin, du gr.
Apôtres, qui nous vient d’eux : Au milieu
tiller ; fin du XVe s., au sens de « annota- , « action de détourner », que
de ces controverses, où trouver la vérité ?
tion » [jusqu’au XVIIIe s.] ; sens moderne, le rhéteur grec Hermogène employait
Chez qui était la tradition apostolique ?
déjà au IIe s. pour désigner une figure ora-
1802, Acad.). 1. Class. Note, addition pla- (Bertrand). La religion catholique, apos-
cée dans la marge d’un écrit : Ce que j’ai toire. C’est ce sens que lui donne encore
tolique et romaine. Le Siège aposto-
Furetière : « Figure de Rhétorique, par
lu dans l’apostille de votre lettre ne m’a lique, l’évêché de Rome, parce qu’il fut
laquelle l’Orateur extraordinairement
pas extrêmement plu (Guez de Balzac). occupé pour la première fois par l’apôtre
ému, et se tournant de tous côtez, ou se
2. En droit, addition faite à la marge Pierre. Pères apostoliques, nom donné à
prenant à toutes choses, adresse la pa-
d’un acte. 3. Note ajoutée à une lettre, quelques écrivains chrétiens de la fin du
role à ses auditeurs, ou aux Dieux, ou à
à une requête, pour les recommander à Ier s. et du début du IIe s. 4. Par extens.
d’illustres morts, ou même à des choses
l’attention du destinataire : Jefournis aussi Qui émane du Saint-Siège, du pape : Bref
inanimées, comme à des tombeaux, à des
les meilleures références, les apostilles les apostolique. Lettres apostoliques. Nonce
rochers, etc. »
plus flatteuses de ces messieurs de la Faculté apostolique, ambassadeur du souverain
(Daudet). Une lettre qu’il adressait au pontife auprès d’une puissance étrangère. Il n’était pas encore question, en 1690, de
Centre de la recherche pour demander une définir et de nommer toutes les « fonc-
apostoliquement [apstlikm] adv. tions syntaxiques » que les grammairiens
subvention, lettre pour laquelle il sollicitait
(de apostolique ; XVIe s.). D’une manière mettent aujourd’hui tant de soin à dis-
une apostille (Duhamel).
apostolique. tinguer ; le mot vocatif, qui désignait un
apostiller [apstije] v. tr. (de à et de
1. apostrophe [apstrf] n. f. (lat. « cas » de la déclinaison grecque et latine
l’anc. franç. postille, annotation, du lat. (domine, maître), suffisait aux besoins
apostropha, du gr. apostrophê, action de
médiév. postilla, formé de post illa, « après
se détourner [de apostrephein, détour- de pédagogues qui n’enseignaient pas
ces choses » ; 1450, Gréban, au sens de le français pour lui-même. Arnauld et
ner], d’où procédé par lequel l’orateur se
« amplifier » [une loi] ; sens moderne, 1762,
détourne de son développement pour inter- Lancelot s’expriment ainsi dans la Gram-
Voltaire). 1. Vx. Annoter un écrit, un texte : maire de Port-Royal : « Le vocatif est ex-
peller une personne ; 1514, G. Michel ; au
Vous verrez des officiers qui passent leur vie primé en français par la suppression de
sens 3, 1704, Regnard). 1. Figure de style
à apostiller en marge des lettres à répondre l’article : Le Seigneur est mon espérance ;
par laquelle on suspend un récit, un dis-
(Courier). 2. Mettre une apostille à une Seigneur, vous êtes mon espérance. »
cours, pour s’adresser directement à une
lettre, à un mémoire, à une pétition, pour
personne, à un animal ou à une chose per- En réalité, le vocatif, qui en latin classique
les recommander à l’attention du destina-
sonnifiés : L’apostrophe, c’est la mitraille de ne se distinguait du nominatif qu’à la se-
taire : Apostiller une requête.
l’éloquence (Courier). Mais son oeuvre [de conde déclinaison (nomin. -us/ vocat.-e),
apostolat [apstla] n. m. (lat. ecclés. Hugo] parfois sacrifiait au vulgaire, se per- avait été confondu avec ce cas dès le latin
apostolatus, dér. de apostolus, du gr. dait dans l’éloquence prophétique et dans vulgaire, et prenait en ancien français la
ecclés. apostolos, envoyé de Dieu ; XVe s., des apostrophes infinies (Valéry). Mot mis forme du cas sujet (en -s), sauf dans les
Du Cange ; au sens 4, XIXe s.). 1. Mission en apostrophe, se dit de la fonction gram- noms propres, où l’-s manque souvent
des Apôtres : L’apostolat de saint Pierre, de maticale d’un mot qui désigne la personne sans règle claire : Amis Tristran, quand
saint Paul. 2. Propagation de la religion ou la chose personnifiée que l’on interpelle. mort vus vei, | par raisun vivre puis ne
chrétienne : Son existence [celle de l’évêque 2. Interpellation brusque et dépour- dei (Thomas, Roman de Tristan, v. 3083-
missionnaire Mgr Tamisier] passée dans les vue d’aménité, adressée à quelqu’un : Le 3084). Après la disparition totale de la
plus rudes travaux de l’apostolat (Fabre). pauvre garçon avait été si profondément déclinaison, aucune marque morpholo-
3. Action de propager, de défendre une humilié par l’apostrophe du riche seigneur gique ne permit de distinguer en français
religion, une doctrine, une grande idée : de Campireali que, de jour, il ne paraissait un cas « vocatif » : le mot en apostrophe
Ce rêve de l’apostolat de la femme revenait jamais dans Albano (Stendhal). 3. Vx et se trouva confondu par la forme avec

197
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

d’autres mots en construction absolue, Arnauld et Lancelot. La langue familière, Aldebrant de Sienne ; XIIIe s. [apostème]).
dont le distingue surtout l’entourage sé- de leur temps même, employait l’article : Class. Tumeur purulente : J’ai, dit la bête
mantique. On connaît aujourd’hui trois chevaline, | Une apostume sous le pied (La
Passez votre chemin, la fille, et m’en
sortes d’apostrophe : Fontaine).
croyez
1° La rhétorique conserve la notion d’une (La Fontaine), apothème [aptm] n. m. (du gr.
apostrophe dont le vocatif ancien n’était apotithêmi, j’abaisse ; fin du XVIIIe s.).
tout comme aujourd’hui : Allons, la 1. Perpendiculaire abaissée du centre
qu’un cas particulier et que marquait
mère, allons voir s’il y a encore de la soupe d’un polygone régulier sur un de ses
souvent, en grec et en latin, une interjec-
(Maupassant) ; Tu parles trop, la vieille côtés. 2. Perpendiculaire abaissée du
tion (, ), maintenue sous la forme ô par (Zola). L’absence d’article est limitée à sommet d’une pyramide régulière sur un
le français. Un nom, un pronom ou un quelques emplois habituels : Apporte-moi des côtés du polygone de base. (Terme de
groupe nominal chargé d’un fort contenu ça, fiston. Caporal, comptez vos hommes, mathématiques.)
affectif est jeté comme une phrase-cri, ou à l’emploi prédicatif, dont nous par-
ou inséré dans une phrase en position lons ci-après (3°). apothéose [apteoz] n. f. (lat. apotheo-
sis, mot gr. formé sur theos, dieu ; XVIe s. ;
totalement indépendante, entre deux La seule particularité grammaticale qui
sens fig., XVIIe s., Mme de Sévigné ; argot de
pauses (procédé dont abusent les poètes justifie, en fin de compte, la notion fonc-
théâtre, 1845, Th. Gautier). 1. Admission
modernes) : tionnelle d’un « mot en apostrophe »
d’un héros parmi les dieux de l’Olympe :
identifié avec le signifié du « vocatif » an-
Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse enne- L’apothéose d’Hercule. Action d’éle-
cien, c’est l’accord du verbe pratiqué dans
mie ! (le Cid, I, IV). ver quelqu’un au rang des dieux, de lui
les propositions relatives complément
rendre les honneurs divins : L’apothéose
Ô fraîcheur des bois le long de la d’un mot en apostrophe :
des empereurs romains. 2. Fig. Honneurs
route, Ô feuille qui me viens effleurer le extraordinaires rendus à une personne,
Ô châle de mélancolie, toute âme est visage morte ou vivante : Les obsèques de Victor
un peu aux écoutes. Avec ce doux frémissement Hugo furent une véritable apothéose.
(J. Laforgue, Solo de lune). (J. Moréas). Démonstration enthousiaste d’estime,
de vénération à la louange d’une qualité,
L’article manque parce que le nom a la L’s final du verbe viens nous oblige à
d’une vertu : L’apothéose du courage, de
valeur d’un « prédicat » (V. ATTRIBUT) considérer l’antécédent feuille comme un
la volonté. 3. Dernière partie, et la plus
caractérisant un « thème » inexprimé, nom — pour ainsi dire — à la deuxième
brillante, d’une manifestation ou d’une
qui est pour don Diègue sa déchéance personne.
série de manifestations artistiques, spor-
physique et sa honte ; pour Laforgue, le 3° L’analyse grammaticale ne distingue tives, etc. : Ce concert a été l’apothéose du
paysage et l’état d’âme qui s’y enveloppe. pas, des faits précédemment examinés, festival.
certains noms ou adjectifs substantivés • SYN.: 1 déification ; 2 consécration, glo-
2° Dans la langue la plus spontanée,
employés avec une nuance affectueuse, rification, triomphe ; 3 bouquet.
le cri peut avoir fonction « vocative »,
flatteuse (mon chéri, grand maître), ou
c’est-à-dire fonction d’appel (lat. vocare, péjorative, insultante (ivrogne, imbé- apothéoser [apteoze] v. tr. (de apo-
appeler) : cile), à l’égard de la personne interpellée. théose ; 1866, Larousse). 1. Louer, exalter
Quoique ces mots aient une valeur très d’une manière excessive (rare) : Apothéoser
Paul ! Monsieur ! Vous, là ! un artiste. 2. Donner de l’éclat, de la
particulière de prédicat appliqué impli-
Si l’appel est aussitôt suivi d’une commu- citement à la personne de l’interlocuteur gloire à : Tu prends [Soleil] un arbre obscur
(d’où l’absence d’article), ils se rangent, et tu l’apothéoses (Rostand).
nication, le nom ou le pronom devient
terme de phrase, mais non de proposi- par leur comportement grammatical, apothicaire [aptikr] n. m. (lat. médiév.
tion, parce qu’il est incident au propos de sous le chef de l’apostrophe : Traître qui apothecarius, boutiquier, dér. de apotheca,
la phrase et non à un mot particulier de as vendu ton Dieu ! du gr. apothêkê, magasin ; 1268, É. Boileau,
l’enchaînement propositionnel (il est tou- [apstrfe] v. tr. (de écrit apotécaire ; var. -tic-, -thec-).) Class.
apostropher
et littér. Personne qui préparait et vendait
jours isolé par des pauses) : apostrophe 1 ; 1672, Molière ; au sens de
« donner un soufflet », milieu du XVIIIe s.). les remèdes : Est-il possible que vous serez
Ohé, jeune fille au piano ! toujours embéguiné de vos apothicaires et
1. Interpeller brusquement et vive-
Je sais que vous n’avez point d’âme ! ment une personne, un groupe de per- de vos médecins (Molière). Ce pouvait être
(J. Laforgue). la vieille qui avait pu se trouver malade
sonnes : L’orateur apostrophe l’assistance.
et aller chez l’apothicaire (Hugo). Fam.
Ainsi naît le « mot en apostrophe », dont 2. S’adresser brutalement et impoliment
Un compte d’apothicaire, un compte très
l’interjection ô reste dans la langue lit- à quelqu’un : Les gens de la banlieue de
compliqué et très obscur, ou un compte
téraire une marque traditionnelle, mais Paris vous apostropheraient drôlement
fortement majoré.
un bourgeois qui ferait envoler leur gibier
désuète. Les manuscrits latins du Moyen
(Balzac). Rappelle-toi, quand il a été gardé apothicairerie [aptikrri] n. f. (de
Âge écrivaient souvent un o, avec ou sans
à la Préfecture, pour avoir apostrophé les apothicaire ; XVIe s.). 1. Autref. Officine de
accent (aigu), au-dessus des mots au vo-
agents de police (Duhamel). 3. Vx et fam. pharmacie. 2. Profession d’apothicaire :
catif, quand il n’était pas exprimé devant.
Frapper, souffleter : Un magister, s’empres- Le pharmacien, avec cette fougueuse ima-
L’absence d’article est normale quand sant d’étouffer quelque rumeur parmi la gination locale dont l’apothicairerie ne le
l’apostrophe est un nom propre (Paul), populace | D’un coup dans l’oeil se fit apos- gardait pas, crut à quelque aventure effroy-
un titre (seigneur, maître, monsieur), un tropher (J.-B. Rousseau). able et s’épouvanta (Daudet).
nom implicitement actualisé (maman, apostume [apstym] ou apostème apôtre [apotr] n. m. (empr. anc. au lat.
père) ; maintenue par analogie dans les [apstm] n. m. ou f. (lat. médic. apos- ecclés. apostolus, du gr. ecclés. apostolos,
autres cas par la langue littéraire, elle tema, du gr. apostêma, avec substitution de envoyé de Dieu, de apostellein, envoyer ;
n’est cependant pas une marque obliga- finale, d’après les termes médicaux rheuma 1080, Chanson de Roland, écrit apostles ;
toire de l’apostrophe, comme le croyaient [v. RHUME] et *fleuma [v. FLEGME] ; 1256, apostre, fin du XIIe s. ; au sens 3, 1690, La

198
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

Bruyère ; bon apôtre, La Fontaine et Racine). 1. Éclat particulier que l’on donne inten- décroché le récepteur (Martin du Gard).
1. Chacun des douze disciples choisis par tionnellement à sa mise, à une cérémonie, à Avion : Appareil de bombardement,
Jésus-Christ et auxquels il avait, suivant un discours, à un genre littéraire : D’abord de transport. L’appareil a décollé à treize
la tradition, donné mandat de prêcher superbe et triomphante | Elle vint en grand heures. 2. Class. Instruments et objets
l’Évangile : Ses apôtres ne le [le Christ] apparat, | Traînant avec des airs d’infante nécessaires pour effectuer une opération,
défendaient point autant que ses enne- | Un flot de velours nacarat (Gautier). un pansement, et, par extens., panse-
mis le haïssaient (Péguy). 2. Celui qui, Venaient d’abord, par petits groupes, les ment : Hélas ! donne à ma plaie un pre-
à toute époque et en tout lieu, se donne chasseurs en costume d’apparat (Duhamel). mier appareil (Mairet). 3. En anatomie,
pour mission de propager la religion chré- Un festin d’apparat. L’éloquence d’appa- ensemble d’organes qui concourent à
tienne : Saint Paul, l’apôtre des Gentils. rat. 2. Class. Recueil alphabétique de une même fonction : L’appareil respi-
Saint François Xavier, l’apôtre des Indes. termes et d’expressions rencontrés chez un ratoire. L’appareil digestif. 4. Dans la
3. Celui qui s’efforce de propager une auteur, et destiné à faciliter l’étude de son construction, en architecture, forme,
doctrine religieuse quelconque : Parmi tous oeuvre : L’apparat de Cicéron. 3. Apparat agencement et disposition des pierres
ces apôtres qui prêchaient leur évangile, (ou appareil) critique, en philologie, notes dans un travail de maçonnerie : Et l’on
ces dévots qui battaient le tambour devant que l’auteur d’une édition critique joint à percevait, çà et là, jusque sur la façade,
leur dieu... (Bertrand). 4. Fig. Celui qui se cette édition et qui indiquent les leçons l’appareil de cette primitive construction
met au service d’un beau sentiment, d’une des différents manuscrits, les variantes, (Hermant). 5. Appareil critique, syn. de
grande idée, et s’efforce de communiquer les conjectures, tout ce qui sert à l’établis- APPARAT critique. 6. Fig. Ensemble des
sa foi aux autres : Il [saint Augustin] ne sement du texte. organismes, directeurs, administratifs,
respirait que charité. Après saint Jean, il fut • SYN.: 1 appareil (littér.), cérémonie, faste, etc., d’un parti politique, d’un syndicat,
l’apôtre de l’amour (Bertrand). Un apôtre magnificence, pompe, splendeur. — CONTR.: d’un gouvernement : Tu sais aussi bien
du pacifisme. Ironiq. et péjor. Bon apôtre, 1 austérité, simplicité. que moi que le nombre n’est rien, dans
personne qui joue la comédie de la bonté, une démocratie, contre l’appareil diri-
de la vertu. apparaux [aparo] n. m. pl. (anc. pl. de geant (Malraux). 7. Fig. L’appareil des
appareil, resté comme terme de marine ;
lois, l’ensemble des dispositions qu’elles
apparaître [apartr] v. intr. (du lat. XVIe s.). 1. Matériel destiné à effectuer les contiennent.
pop. *apparescere, inchoatif du lat. class. manoeuvres, les opérations de manuten-
apparere ; 1080, Chanson de Roland, écrit
• SYN. : I, 2 apparat, cadre, cérémonial,
tion et autres qui se font sur les navires :
solennité. II, 3 système.
aparoistre). [Conj. 58.] 1. Se montrer plus Apparaux des ancres. 2. Ensemble des
ou moins soudainement aux regards, deve- appareils de gymnastique. appareillade [aparjad] n. f. (de appa-
nir visible : À peine l’un d’eux [des pom- reiller 2 ; 1863, Littré). Action d’appareil-
piers] apparut-il sur le toit que la foule [...] appareil [aparj] n. m. (du lat. pop.
ler par couples les perdrix en vue de la
se mit à vociférer (Radiguet). Des taches *appariculum, élargissement du lat. class.
reproduction. (On dit aussi APPARIADE,
apparaissaient au ventre et aux jambes apparatus, de apparare, préparer ; XIIe s.,
APPARIAGE et PARIADE.)
(Camus). Spécialem. Se montrer sous Chanson d’Antioche ; au sens II, 1 [appareil
• SYN.: accouplement.
une forme matérielle visible : Ces enfants photographique], fin du XIXe s.).
avaient dû être simples, bons et pieux appareillage [aparja] n. m. (de appa-
I. 1. Class. Préparatifs en vue d’une céré-
comme elle, pour que la Sainte Vierge leur reiller 1 ; XIVe s., au sens de « préparatifs » ;
monie : D’un appareil d’hymen couvrant
fût apparue (Zola). 2. Fig. Se faire jour, terme de marine, fin du XVIIIe s.).
ce sacrifice (Racine). Par extens. En-
devenir évident : Malgré la contrainte, sa semble de choses disposées en vue d’une I. Manoeuvres exécutées à l’occasion du
personnalité apparaît. 3. Fig. Se montrer entreprise importante : Un appareil de départ d’un navire ; le départ lui-même :
plus ou moins soudainement à l’esprit : siège, de guerre. 2. Class. et littér. Tout L’heure de l’appareillage.
Toutes les conséquences désespérantes de ce qui concourt à donner à une personne,
II.1.Ensemble d’appareils et d’acces-
sa décision lui apparurent en même temps à un lieu, à une action, une apparence de
soires utilisés dans un domaine déter-
(Maupassant). Il apparaît que, il est à peu pompe, de magnificence : Ce triple rang
miné : L’appareillage électrique. Ce qu’il
près établi, certain que ; il est évident que : de vieillards, de matrones, de guerriers,
fallait de machines-outils, d’appareillages
La famille Douviers, dont il apparaissait ces prêtres, ces nuages d’encens, ce sacri-
divers (Romains). Nous sommes sûrs que
qu’il ne connaissait pas grand-chose (Gide). fice, tout sert à donner à ce conseil un ap-
4. (avec un attribut) Se présenter sous tel les phénomènes de la vie doivent être
pareil imposant (Chateaubriand). Enfin,
observés au grand jour froid de la rai-
ou tel aspect : Et la Vierge lui apparaissait Ganga, parmi les hauts palmiers trem-
son, observés et non rêvés, avec toutes les
cruelle, mal renseignée, aussi dure et indif- blants | Et les rouges palmes, marche à
ressources d’un appareillage impeccable
férente que l’impassible nature... (Zola). Les pas fiers et lents, | En appareil royal (Ver-
(Duhamel). 2. Syn. de PROTHÈSE.
prêtres, dans la rue, quand j’étais enfant, laine). Elle était entourée de sa toilette
m’apparaissaient comme des personnages
• CONTR. : I accostage, mouillage.
comme de l’appareil délicat et spiritualisé
déguisés (Mauriac). d’une civilisation (Proust). Dans le plus appareillement [aparjm] n. m. (de
• SYN. : 1 paraître, poindre, surgir, surve- simple appareil, nu. appareiller 2 ; 1819, Wailly). 1. Action de
nir ; 3 se faire jour, jaillir, s’offrir, poindre, réunir deux ou plusieurs choses pareilles :
II.1.Assemblage de pièces, d’organes
se présenter, se révéler, surgir ; 4 s’avérer, L’appareillement de deux chandeliers.
disposés pour fonctionner ensemble et
avoir l’air, se montrer, paraître, sembler. 2. Choix de deux ou plusieurs animaux
produire un certain résultat (générale-
— CONTR. : 1, 2 et 3 disparaître, se dissiper, domestiques pour l’exécution d’un travail
ment suivi d’un adjectif ou d’un com-
s’éclipser, s’effacer, s’estomper, s’évanouir ; commun. 3. Accouplement de deux ani-
plément qui indique l’objet ou l’usage) :
se cacher, se dérober, se dissimuler. maux pour la reproduction. (On dit aussi
Un appareil photographique, télépho-
• REM. Apparaître peut s’employer avec APPARIEMENT.)
nique. Un appareil à sous. Appareils
les deux auxiliaires : Le spectre qui lui
ménagers. Je ne suis plus rien à tes yeux 1. appareiller [aparje] v. tr. (lat. pop.
avait apparu ou qui lui était apparu. Être
qu’un appareil distributeur de billets de *appariculare, de apparare, préparer ; 1080,
est toutefois plus usuel.
mille francs (Mauriac). Absol. Com- Chanson de Roland, au sens de « préparer »,
apparat [apara] n. m. (lat. apparatus, pré- biné du téléphone : Il était arrivé devant « disposer » en général [jusqu’au XVIIe s.],
paratifs, de apparare, préparer ; XIIIe s.). l’appareil et, sans bien réfléchir, il avait d’où « mettre des navires en état », attesté

199
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

dès le XIIIe s.). 1. Appareiller un filet, le dis- commerces d’amour ? [...] — Nommez la En apparence loc. adv. À en juger d’après
poser pour la pêche. 2. Appareiller des vôtre une appareilleuse, mon père, le terme ce que l’on voit ou d’après un examen
pierres, les tailler en vue de leur assem- est familier, mais il a de la grâce (France). superficiel : Christophe repartit, blessé en
blage dans un ouvrage de maçonnerie. • REM. On a dit aussi APPARIEUSE. apparence, en réalité furieux contre lui-
3. Appareiller un navire, le munir de tout même (Rolland).
apparemment [aparam] adv. (de appa-
ce qui est nécessaire pour la navigation. •SYN.: apparemment, extérieurement. —
rent ; XIIIe s., Ph. de Novare). 1. Si l’on s’en
4. Placer un appareil de prothèse sur : CONTR. : effectivement, en réalité, intime-
tient à l’apparence : La France, même si
Appareiller un moignon. ment, réellement.
elle gardait apparemment la neutralité [...],
v. intr. (terme de marine, 1544, J.
serait cependant responsable du conflit apparent, e [apar, -t] adj. (part. prés.
Cartier). Faire les manoeuvres nécessaires
entre l’Angleterre et l’Allemagne (Jaurès). de l’anc. v. aparoir, avec influence du lat.
pour quitter le mouillage, en parlant de
Les gens de votre sorte aiment le peuple, apparens, part. prés. de apparere ; 1155,
navires, de marins : Ô Mort, vieux capi-
apparemment, mais à condition de n’être Wace, écrit aparant). 1. Qui se montre
taine, il est temps ! levons l’ancre ! | Ce
dérangés ni dans leur bien-être physique et clairement aux yeux ou à l’esprit : Une
pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
moral, ni dans leurs sacro-saintes habitudes grosse poutre divisait le plafond en deux
(Baudelaire). Il vit de loin que les trois étages
(Duhamel). 2. Selon toutes les appa- compartiments rayés de soliveaux apparents
des ponts étaient criblés de figures serrées les
rences : Apparemment, il semblait assez (Gautier). Je viens d’apprendre brusque-
unes contre les autres ; le navire appareillait
aisé pour vivre de ses revenus (Camus). ment, sans raison apparente, que je me suis
(Martin du Gard).
• SYN. : 1 extérieurement, superficielle- menti pendant dix ans (Sartre). 2. Class.
• SYN. : lever l’ancre. — CONTR. : accoster,
ment ; 2 probablement, sans doute, vrai- De haut rang, considérable : Les plus appa-
jeter l’ancre, mouiller.
semblablement. — CONTR.: 1 intimement ; rents des Phéaques (Racine). 3. Dont
2. appareiller [aparje] v. tr. (de pareil ; 2 effectivement, réellement. l’aspect visible, sensible ne correspond
1175, Chr. de Troyes). 1. Rendre pareil à ; pas à la réalité : Le regard [...] marquait
apparence [apars] n. f. (de l’anc. franç.
mettre une chose ou un être en harmonie assez que l’on se fût mépris en se fiant trop
aparoir, avec influence du lat. impérial
avec d’autres : Les lois ne sont plus que des apparentia ; 1283, Beaumanoir, écrit apa- longtemps à son apparente inertie (Martin
instruments toujours perfectibles. Elles ne du Gard). 4. Class. et péjor. Qui présente
rance). 1. Aspect général d’un être ou d’une
gouvernent plus le monde ; elles sont appa- intentionnellement une fausse apparence
chose : Tout à coup, un homme d’appa-
reillées à l’infirmité de nos esprits (Valéry). rence chétive bondit aux pieds d’Hannon de vérité, de justice : Jamais prévention n’a
2. Faire en sorte que soient pareils ou, (Flaubert). Spécialem. Bel aspect : On été fondée sur des raisons plus apparentes
du moins, en harmonie les éléments des- arrive à Butschirad par une triple allée de que celles du roi contre tout ce qui s’appelle
tinés à former un couple ou un ensemble : le jansénisme (Racine).
pommiers. La villa n’a aucune apparence ;
Appareiller deux vases. Appareiller les elle ressemble, avec ses communs, à une belle • SYN.: 1 manifeste, ostensible, perceptible,
faïences d’une vitrine. 3. Choisir, en fonc- sensible, visible ; 3 artificieux, extérieur,
métairie, et domine au milieu d’une plaine
tion de leurs qualités, des animaux destinés nue un hameau mélangé d’arbres verts et faux, feint, illusoire, spécieux, superficiel.
à travailler ensemble : Sa meute était la plus d’une tour (Chateaubriand). 2. Aspect — CONTR. : 1 caché, impénétrable, intime,
nombreuse et la mieux appareillée (Nerval). visible ou immédiatement sensible des invisible, latent, secret ; 3 effectif, réel, véri-
4. Accoupler des animaux en vue de la choses ou des êtres, en accord ou non avec table, vrai.
reproduction. la réalité : Mais, au cours de ma vie, j’ai été
apparentage [aparta] n. m. (de appa-
• SYN. : 1 et 2 assortir ; 3 apparier. — si souvent trompé par les apparences que je
renter ; milieu du XIXe s.). Le fait d’être
CONTR. : 1 et 2 désassortir. ne peux plus m’y fier (Proust). Jedois recon-
apparenté à quelqu’un (rare) : Noble train,
s’appareiller v. pr. 1. En parlant de naître que les apparences lui donnent raison
grand apparentage (Sainte-Beuve).
choses ou d’êtres, se ressembler, être en (Mauriac). J’avais laissé le dernier [malade]
harmonie : Une petite table devant la avec toutes les apparences de la convales- apparenté, e [aparte] adj. (de apparen-
cheminée était recouverte d’un tapis qui cence (Camus). 3. Une apparence de ter ; XVe s.). Vx. Qui a des liens de parenté
s’appareillait aux fauteuils (Guillaumin). liberté, de vérité, etc., une liberté tout illu- de telle ou telle sorte : M. de G***, capitaine
Le romantisme déjà avait fortement remué soire, une vérité incomplète, etc. 4. Désir en France et apparenté dans le conseil (J.-J.
le monde intellectuel ; mais les insurgés de paraître, de briller aux yeux des autres : Rousseau). De grande famille, richement
romantiques s’appareillaient aux mouve- Ne vivre que pour l’apparence. Tout sacrifier apparenté, mais ruiné par le jeu et les spé-
ments de violence politique du dix-neu- à l’apparence. Garder, ménager, sauver culations, l’amitié du duc de Mora lui avait
vième siècle (Valéry). 2. En parlant des les apparences, éviter soigneusement de valu une recette générale de première classe
animaux, s’accoupler. laisser paraître ce qui pourrait nuire à sa (Daudet). Fig. Qui présente des traits
• SYN. : 1 s’accorder, s’harmoniser. — réputation ou aux convenances, par désir communs avec : Un ton littéraire, bien
CONTR. : 1 contraster, détonner, jurer, de garder la considération générale : Ce plus apparenté au roman qu’au mémoire
trancher. que je puis te promettre, c’est d’être dis- (Romains).
cret, invisible [...], de m’arranger toujours
appareilleur [aparjoer] n. m. (de appa- apparentement [apartm] n. m.
pour sauver les apparences (Duhamel).
reiller 1 ; XIIe s., Girart de Roussillon). (de apparenter ; 1912, Larousse). Faculté
5. Class. et littér. Qualité de ce qui est
Ouvrier chargé d’appareiller les pierres offerte, dans certains systèmes électoraux,
vraisemblable, possible, plausible : C’en est
destinées à la construction : M’enquérir à des listes de candidats d’une même cir-
assez pour avoir très distinctement vu que
des granits, des ciments les meilleurs. Et conscription de s’apparenter, c’est-à-dire de
les vanteries de ses Mémoires [de Villars]
des secrets qui font les bons appareilleurs mettre en commun les suffrages obtenus
sur ces campagnes-là n’ont pas seulement
(Sully Prudhomme). afin de modifier en leur faveur la réparti-
la moindre apparence, et que tout ce qu’il
tion des sièges : Le jeu des apparentements.
appareilleuse [aparjøz] n. f. (de appa- y dit de lui est un roman (Saint-Simon).
reiller 2 ; 1611, Cotgrave). Class. et littér. • SYN.: 1 air, extérieur, mine ; 2 air, dehors, apparenter [aparte] v. tr. (de parent ;
Entremetteuse : Je me sers de ce terme extérieur, façade ; 3 faux-semblant, simu- 1165, Éracle). 1. Apparenter quelqu’un à
d’entremetteuse. — Vous voulez, répon- lacre ; 4 montre, ostentation, tape-à-l’oeil une personne, à une famille, établir des
dit mon bon maître, désigner ainsi une (fam.). — CONTR.: 2 essence, fond, matière, liens de parenté entre lui et cette personne,
femme obligeante qui s’entremet dans des réalité, substance, vérité. cette famille : Ce mariage l’apparente à

200
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

une des plus illustres familles de France. côtés de ; 1332, Dict. général). 1. Employé usité auj. que dans le langage juridique, à
2. Apparenter une chose, une personne à modeste, chargé de divers services dans l’infinitif et sous la forme impers. il appert,
une autre, les rendre semblables, leur don- une mairie : À l’extrémité d’un banc repo- il est évident, il résulte : Étant ledit moulin
ner des caractères communs : Le souci de sait, la bricole pendante, le tambour de l’ap- abandonné depuis plus de vingt années et
la perfection du style apparente les parnas- pariteur (P. Neveux). Dans une faculté, hors d’état de moudre, comme il appert
siens à nos grands classiques. employé chargé de rendre différents ser- des vignes sauvages, mousses, romarins,
• SYN.: 1 allier ; 2 allier, rapprocher, ratta- vices aux professeurs, et, particulièrement, et autres verdures parasites qui lui grimpent
cher, relier. — CONTR. : 2 détacher, diviser, employé faisant office d’huissier : Brichot jusqu’au bout des ailes... (Daudet).
séparer. avait beau être chez lui à la Sorbonne, au
appartement [apartm] n. m. (ital.
s’apparenter v. pr. [à] (1660, Oudin). moment où l’appariteur chargé de chaînes le
appartamento, de appartare, séparer ;
1. S’allier ou être allié par mariage à une précédait et où s’avançait le maître admiré
1559, J. du Bellay). 1. Vx. Pièce, chambre :
famille, à une classe sociale. 2. Pratiquer de la jeunesse, il ne pouvait retenir une
À droite était la salle, c’est-à-dire l’ap-
l’apparentement dans une élection. 3. Fig. certaine timidité (Proust). Appariteur
partement où l’on mangeait (Flaubert).
Présenter des affinités, bien s’accorder du palais, employé attaché aux tribu-
2. Partie d’un immeuble comportant
avec : Certains esprits auxquels je me naux. 2. Préparateur de laboratoire : M.
plusieurs pièces qui communiquent l’une
rattache et m’apparente (Gide). Toute la Haviland s’occupait de chimie et Groult lui
avec l’autre et forment un ensemble des-
boiserie elle-même offrait des contours servait d’appariteur (France).
tiné à l’habitation : L’appartement était
adoucis par l’âge et une couleur brune, apparition [aparisj] n. f. (lat. ecclés. au cinquième étage et pourvu d’un balcon
très onctueuse, qui s’apparentait en un apparitio, trad. du gr. epiphaneia, pro- d’où l’on apercevait Paris (Duhamel).
peu plus clair à celle des solives du plafond prem. « apparition » ; 1190, Sermons de Un appartement de quatre pièces. Louer,
(Romains). saint Bernard, au sens de « épiphanie » ; acheter, chercher un appartement. (au
• SYN.: 3 approcher de, s’assortir à, parti- sens modernes développés d’après appa- plur.) Locaux d’une certaine importance
ciper de, rappeler, se rattacher à, tenir de, raître, XVIe s.). 1. Action d’un être ou d’une occupés par une personne de haut rang
tirer sur. — CONTR.: 3 contraster, détonner, chose qui se montre tout à coup aux yeux : ou exerçant des fonctions élevées : J’entrai
jurer, trancher. La vieille Annou, notre cuisinière, m’a sou- avec lui dans les appartements de Charles
appariade n. f., appariage n. m. V. vent conté depuis comme quoi mon père, X (Chateaubriand). 3. Class. Réception
APPAREILLADE. en voyage à ce moment, reçut en même dans l’appartement du roi, avec divertis-
temps la nouvelle de mon apparition dans sement de musique et de danse : Le soir,
appariement [aparim] n. m. (de appa- le monde et celle de la disparition d’un de il y avait appartement ; ce qu’on appelait
rier ; fin du XVIe s.). Action d’apparier (au ses clients de Marseille, qui lui emportait appartement était le concours de toute la
pr. et au fig.) : L’appariement de deux candé- plus de quarante mille francs (Daudet). Il cour, depuis sept heures du soir, jusqu’à dix
labres. Ce qui fait un chef-d’oeuvre, c’est une [...] ajouta que cette apparition des rats (Saint-Simon).
appropriation ou un appariement heureux était une curieuse chose (Camus). Par • SYN.: 2 logement.
entre le sujet et l’auteur (Gide). extens. Action de se manifester, de devenir
• SYN. : appareillement, assortiment, appartenance [apartns] n. f. (de
visible : L’apparition d’une maladie, d’une
harmonie. éruption. 2. Action de paraître en public : appartenir ; XIIe s., Livre des Rois). 1. Le
Chacune de ses apparitions [de l’infirmier] fait d’être la propriété de quelqu’un : En
apparier [aparje] v. tr. (comp. du lat. par, France même, à côté de bâtiments dont il
paris, égal, et réfection d’un comp. anté- soulevait chez les malades un renouveau de
avait été difficile de dissimuler le caractère
rieur apairier, même sens, faite sur le lat. fureur (Courteline). Spécialem. Action
et l’appartenance, ils [les Jésuites] passaient
médiév. appariare, latinisation de apairier ; de paraître dans un lieu pendant un temps
pour posséder [...] des pâtés entiers de mai-
début du XIIIe s.). 1. Assortir par paires, très court ; brève visite : Ne faire qu’une
apparition. 3. Fig. Action de se montrer sons de rapport (Romains). 2. La chose
par couples, des choses ou des animaux : elle-même qui est la propriété d’une per-
Apparier des gants, des boeufs. Spécialem. au jour, de prendre naissance, de paraître
sur le marché : L’apparition d’un nouveau sonne : Un joli château de la Renaissance,
Accoupler des oiseaux pour la reproduc- ancienne appartenance de Diane de Poitiers
tion : Apparier des pigeons, des serins. produit, d’un roman. Vous trouverez mon
volume [...] à la Librairie nouvelle ; vous (Sand). 3. Fig. État de celui qui appartient
2. Fig. Mettre en accord avec (surtout à une collectivité, à un groupement (classe
au part. passé) : Il s’étonna de la trouver l’auriez reçu à son apparition si j’avais eu
votre adresse (lettre de Champfleury à sociale, parti politique, etc.) : Son apparte-
semblable à ces êtres, si apparitée à ce milieu nance au parti socialiste n’est pas un secret.
(Margueritte). Baudelaire). 4. Spécialem. Manifestation,
sous une forme matérielle visible, d’un • SYN.: 3 adhésion, affiliation, inscription.
• SYN. : 1 appareiller, assortir, coupler ; 2
être surnaturel : Jamais d’elle-même elle appartenances n. f. pl. 1. En termes de
accorder, adapter, assortir. — CONTR. : 1
[Bernadette Soubirous] ne causait des dix- droit, remises, hangars, cours, etc., qui
dépareiller, déparier, désapparier.
huit apparitions qui avaient décidé de sa dépendent d’une maison principale, d’un
s’apparier v. pr. 1. Se réunir par couples
vie (Zola). L’être lui-même qui apparaît, château : Entre autres appartenances, on y
pour la reproduction, en parlant des ani-
naturel ou surnaturel : Le souvenir char- trouvait une grande salle (Toulet). 2. Par
maux, et surtout des oiseaux : Les perdrix
mant de cette jeune fille, | Blanche appari- extens. Terres qui font partie du domaine
ne s’apparient qu’au printemps. 2. Fig.
tion qui chante et qui scintille (Verlaine). d’un État, d’une ville : Soissons, avec ses
Se trouver en accord, en harmonie : Nos
« Qu’es-tu ? » dit Indra, d’ambre et d’étoiles appartenances, le Vermandois, la Picardie.
penchants naturels s’appariaient à merveille
vêtu. | Et l’apparition dit : « Toi-même, • SYN.: 1 dépendances.
(Milosz).
qu’es-tu ? » (Hugo).
• SYN. : 2 s’accorder, s’harmoniser. — appartenir [apartnir] v. tr. ind. [à] (bas
• SYN.: 1 arrivée, manifestation, naissance,
CONTR. : 2 contraster, détonner, jurer, lat. appertinere, être attenant, comp. de
venue ; 2 arrivée, entrée ; 3 création, publi-
trancher. pertinere [de tenere, tenir] ; fin du XIe s.).
cation ; 4 vision. — CONTR. : 1 disparition,
1. Être pour quelqu’un une propriété
apparieuse n. f. V. APPAREILLEUSE. éclipse, sortie ; 3 disparition.
dont il a le droit de disposer : Je continue
appariteur [aparitoer] n. m. (lat. appari- apparoir [aparwar] v. intr. (lat. class. à dire « chez nous » bien que la maison ne
tor, serviteur public attaché à la personne apparere, apparaître ; XIe s. ; usuel encore nous appartienne plus (Alain-Fournier).
d’un magistrat, de apparere, se montrer aux au XVIe s., déjà vieux au XVIIe). N’est plus 2. En parlant des personnes, être sous

201
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

l’autorité absolue, la dépendance étroite • SYN.: 1 amorce, leurre ; 2 attrait, convoi- s’appauvrir v. pr. 1. Devenir pauvre.
de quelqu’un : Chez les Anciens, l’esclave tise, séduction, tentation. — CONTR.: 2 aver- 2. Fig. Perdre de sa fertilité, de sa vigueur,
appartenait à son maître. Autref. En par- sion, dégoût, horreur, répulsion. de sa fécondité : Cette terre s’est appauvrie.
lant d’une personne, être au service d’une appas [ap] n. m. pl. 1. Class. et littér. Ce Son inspiration s’appauvrit.
autre : Je n’ai pas l’honneur d’appartenir qui, dans une chose, attire, séduit : Tous les appauvrissement [apovrism] n. m.
à Sa Majesté (Musset). 3. En parlant biens de ce monde ont pour moi peu d’appas (de appauvrir ; début du XIVe s.). 1. Action
d’une femme, se donner charnellement à (Molière). 2. Littér. Les charmes exté- d’appauvrir, fait de s’appauvrir (au pr. et
un homme : L’homme qui l’aimait, à qui rieurs d’une femme, qui excitent le désir : au fig.) : L’appauvrissement de ce sol est dû
elle devait appartenir (Radiguet). 4. (avec
Lorsqu’on vient à voir vos célestes appas à l’érosion. Ce souvenir nous fait mesurer
un sujet désignant une chose) Fig. Être à la
(Molière). À ce moment, apercevant que le l’appauvrissement progressif de nos sociétés
disposition de, être offert à l’activité de :
mouchoir brodé qu’il avait dans sa poche malades (Duhamel). 2. État de celui ou
L’avenir appartient aux audacieux. Nous
laissait dépasser des lisérés de couleur, il le de ce qui est appauvri (au pr. et au fig.) :
découvrîmes une fois de plus que le monde
rentra vivement avec la mine effarouchée Un appauvrissement voisin de la misère.
nous appartenait (Duhamel). 5. Fig. Être
d’une femme pudibonde, mais non point
lié à un ensemble de choses ou de per- appeau [apo] n. m. (issu de apeaus, cas
innocente, dissimulant des appas que, par
sonnes, à un groupement ; faire partie de : sujet du sing. et cas régime du pl. de appel ;
un excès de scrupule, elle juge indécents
Les tisserands à la main appartenaient à XIIe s., au sens général d’ « appel », encore au
(Proust). Spécialem. et fam. Poitrine de
un temps où syndicats et grèves n’existaient XVIe s.). 1. Instrument qui permet d’imiter
la femme : Plus d’un fat meurt aussi d’envie,
guère (Maurois). Fonctionnaire qui appar- le cri des oiseaux et qu’on emploie pour les
tient à l’Éducation nationale. 6. Être | Envieux non pas de ta vie, | Mais de tes
attirer. 2. Par extens. Oiseau dressé dont
le propre, le privilège de quelqu’un : Le appas entr’ouverts (Baudelaire). Des appas
on se sert pour attirer les autres oiseaux.
droit de grâce appartient au président de débordants. 3. Fig. Ce qui sert à attirer en trompant
la République. 7. Être du domaine de • REM. Au XVIIe s., la forme appas est une plus ou moins : L’école y perdit ses deux
quelque chose, ressortir à cette chose : simple variante de appât ; elle est alors meilleurs élèves, car le père du prix d’excel-
Dépouiller le roman de tous les éléments employée au sens propre (sens de appât lence retira son fils. Des élèves comme nous
qui n’appartiennent pas spécifiquement au 1) comme au sens figuré, au singulier servaient d’appeaux pour en attirer d’autres
roman (Gide). comme au pluriel : Je la vois, mais mon (Radiguet).
• SYN. : 7 concerner, se rapporter à, rele- coeur d’un saint zèle enflammé | N’en • SYN.: 1 pipeau ; 2 appelant, chanterelle ;
ver de. goûte plus l’appas dont il était charmé 3 amorce, appât, leurre.
v. impers. Il appartient à quelqu’un de (Corneille). La distinction n’est établie
appel [apl] n. m. (déverbal de appeler ; fin
faire quelque chose, c’est dans ses attribu- entre les deux formes qu’à partir de l’édi-
du XIIe s., Lois de Guillaume le Conquérant).
tions, cela lui revient : Il appartenait [...] tion de 1718 du Dictionnaire de l’Acadé-
à un aussi riche propriétaire que lui de mie. On trouve aussi, au XVIIe s., la var. I. 1. Action d’appeler de la voix, ou par
donner des conseils aux anciens d’Albano appast. tout autre moyen, pour faire venir à soi :
(Stendhal). De temps à autre, sur le grand calme de
appâter [apte] v. tr. (de appât ; 1540,
• SYN.: convenir à, dépendre de, relever de. l’après-midi gelé, montait l’appel loin-
Cl. Marot). 1. Mettre la pâtée dans le
tain d’une bergère ou d’un gamin hélant
s’appartenir v. pr. Ne dépendre que de bec des petits oiseaux pour les nourrir.
soi-même, être parfaitement libre (surtout son compagnon d’un bosquet de sapins à
Engraisser la volaille : Appâter les oies. l’autre (Alain-Fournier). Spécialem. Se
à la forme négative) : Cette humble condi- 2. Attirer un animal par un appât, pour
tion où de l’aube au couchant | Je m’appar- dit du mâle qui exprime son désir de la
le prendre au piège : Appâter les oiseaux. présence d’une femelle : L’appel lointain
tiens tout entier (Samain). Un médecin ne
J’appâtais les bêtes aquatiques avec une des étalons (Heredia). En vénerie, son
s’appartient plus : il se doit à ses malades.
poignée de blé bouilli (Duhamel). 3. Par de trompe pour animer ou pour appeler
appas n. m. pl. V. APPÂT. extens. Garnir d’un appât : Théodomir, le les chiens. Appel téléphonique, son-
neveu de notre vieux garde Bocage, m’avait nerie du téléphone qui annonce qu’un
appassionato [apasjnato] adv. (mot
appris dès mon plus jeune âge à monter correspondant est en ligne et veut par-
ital. ; 1898, Larousse). Terme de musique
une ligne et à appâter l’hameçon comme il ler. 2. Action d’appeler par un signal
indiquant qu’un morceau doit être exécuté
faut (Gide). 4. Fig. Attirer quelqu’un (ou convenu une personne, un animal, pour
« avec passion ».
quelque chose) par l’appât d’un gain, d’un les inviter à faire quelque chose : L’appel
n. m. Morceau joué selon cette
avantage important : Ces dix mille francs- de la sirène invite les passagers à monter
indication.
là vous en appâteront d’autres (Romains). à bord. Nous étions en haut de la mos-
• Pl. des APPASSIONATOS.
• SYN.: 1 gaver, gorger ; 2 amorcer ; 3 amor- quée quand le muezzin est monté chanter
appât [ap] n. m. (croisement de l’anc. cer, escher ; 4 allécher, amorcer, séduire, l’appel à la prière (Gide). Elle se levait à
franç. past, nourriture [du lat. pastus, tenter. — CONTR. : 4 dégoûter, écarter, éloi- l’appel de la cloche pour le repas (Mau-
pâture, nourriture], avec apaistre, repaître ; gner, repousser. riac). Spécialem. Sonnerie ou batterie
début du XVIe s., écrit appast). 1. Nourriture pour assembler les soldats : Battre, sonner
dont on se sert pour attirer et prendre au appauvrir [apovrir] v. tr. (de pauvre ;
l’appel. Appel de langue, en équitation,
piège les animaux : Un morceau de lard 1119, Ph. de Thaon). 1. Rendre pauvre :
claquement de la langue contre le palais
dérobé, sans doute, à l’appât d’une souri- Les successives dévaluations de la monnaie pour exciter un cheval. 3. Action de se
cière (Gautier). 2. Fig. Tout ce qui attire, avaient appauvri les épargnants. La guerre signaler à l’attention de quelqu’un : Faire
en excitant le désir, la passion, la cupidité, a appauvri le pays. 2. Fig. Rendre moins un appel du pied, du regard. Spécialem.
ou ce qui pousse quelqu’un à faire quelque fertile, moins vigoureux, moins fécond : Action de jouer une certaine carte pour
chose : L’appât du gain. Je n’ai pas été cher- Appauvrir une terre, une race, une langue. inviter son partenaire à jouer une carte
cher par dépit cette malheureuse enfant Appauvrir le sang, diminuer le nombre de la même couleur. Appel du pied,
au fond de sa chaumière, pour en faire un de ses globules rouges. battement du pied employé en escrime
appât (Musset). • SYN. : 2 abâtardir, affaiblir, épuiser. — pour indiquer qu’on va attaquer et invi-
• REM. En ces deux sens, le pluriel est CONTR. : 1 enrichir ; 2 enrichir, féconder, ter l’adversaire à se défendre, et, au fig.,
APPÂTS. fortifier. façon détournée de faire comprendre

202
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

à quelqu’un ce qu’on désire, ce qu’on appelant n. m. 1. Class. Celui qui pro- sur quelqu’un les bénédictions du ciel,
attend de lui. 4. Action de nommer voque quelqu’un en duel : Un duel dont la colère de Dieu, la mort,etc., souhai-
successivement et à haute voix tous les il était l’appelant (Scudéry). 2. Oiseau ter qu’elles se manifestent à son égard.
membres d’un groupe, d’une assemblée, captif que l’on poste pour attirer ses congé- 9. Fig. En parlant de choses personni-
pour s’assurer par leur réponse de leur nères en liberté. fiées, inviter à venir, à se rendre quelque
présence effective : Faire l’appel. L’appel • SYN.: 2 appeau, chanterelle. part pour une obligation, pousser à faire :
des prisonniers. Appel nominal. Absol. La République nous appelle (Chénier). La
Rassemblement de militaires et appel de appelé [aple] n. m. (part. passé de appe-
voie où le sort a voulu t’appeler (Vigny).
leurs noms pour constater leur présence : ler). Jeune homme incorporé dans l’armée
Une affaire m’appelle en ville. 10. (avec
Il faut que j’aille au quartier pour l’appel à l’âge prévu pour le service militaire, par
un sujet désignant une chose) Rendre
(Mérimée). Appel des causes, énuméra- opposition aux engagés et rengagés : Les
quelqu’un propre, apte à : Son mérite
tion des causes qui peuvent être plaidées appelés du contingent.
l’appelle à commander. Être appelé à,
dans une audience. 5. Action d’appeler appeler [aple] v. tr. (lat. appellare, abor- être désigné par le sort ou par ses qualités
les recrues sous les drapeaux : Appel du der, de pellere, pousser ; 1080, Chanson de pour remplir telle fonction, tel rôle : La
contingent. Devancer l’appel, s’engager Roland, écrit apeler). [Conj. 3 a.] France, il est vrai, par sa situation cen-
dans l’armée avant la date fixée pour la trale dans le monde civilisé, semble être
convocation par les autorités militaires : I. 1. Inviter à venir à soi une personne
appelée à recueillir toutes les notions et
Donc ils avaient décidé qu’il demanderait ou un animal en prononçant son nom à
toutes les poésies environnantes, et à les
à « devancer l’appel », qu’il irait s’enga- haute voix : Tandis que je m’envolais dans
rendre aux autres peuples merveilleuse-
ger dans l’infanterie de marine (Loti). la cour, je l’entendis appeler Mouleyre
ment ouvrées et façonnées (Baudelaire).
6. Appel de fonds, nouveau versement (Mauriac). 2. Inviter à venir ou attirer
Vous, du moins, êtes appelée à remplir
de fonds demandé à des actionnaires, des l’attention par une parole, par un cri, par
les devoirs du mariage et de la maternité
souscripteurs, etc. ; demande d’argent. un moyen quelconque : Appeler son chien
(Mauriac). Cette coutume est appelée à
7. Action de s’adresser à quelqu’un en sifflant, un domestique en sonnant.
disparaître. 11. Rendre opportun, sou-
pour l’inciter à faire quelque chose ; Se dit aussi en parlant des animaux :
haitable, indispensable : Ce sujet appelle
proclamation : Un appel à la concorde, à La poule appelle ses poussins. Absol.
toute votre attention. Cette conduite
la révolte. Un appel à l’aide, au secours. En termes de chasse, aboyer, donner de
appelle une sanction. 12. Entraîner
Lancer un appel. Faire appel à, deman- la voix, en parlant du chien. Appeler
comme conséquence logique : La violence
der de façon instante l’appui, l’aide, le quelqu’un à l’aide, à son aide, au secours,
appelle la violence.
concours de : Certainement, elle faisait à son secours, s’adresser à quelqu’un pour
appel à tout son courage (Gide). Je fais à lui demander son aide et, par extens., II. Désigner une personne, un animal ou
sa raison un appel direct, solennel (Duha- avoir recours à quelqu’un pour arriver une chose par son nom, ou par un nom,
mel). Faire appel à ses souvenirs, les à ses fins. Absol. Appeler à l’aide, au un qualificatif qu’on lui donne : Elle lui
rassembler et les interroger. 8. Class. secours, ou simplem. appeler, crier pour demandait [...] de l’appeler encore par
Défi lancé à quelqu’un pour l’obliger à se réclamer du secours : Cet homme qu’il son nom (Flaubert). Les statuettes que M.
battre en duel : J’ai poussé Clarimond à devait frapper sans qu’il se défendît, car, Worms-Clavecin appelait des bondieu-
lui faire un appel (Corneille). 9. (avec s’il se défendait, il appellerait (Malraux). series (France). Fig. Appeler les choses
un complément de nom désignant une 3. Fig. Invoquer ardemment comme par leur nom, dire nettement, crûment la
chose) Fig. Attirance plus ou moins forte un secours, un réconfort : Elle se jeta par vérité.
exercée par quelque chose sur quelqu’un : terre, poussa des cris, appela le bon Dieu • SYN. : I, 1 héler, interpeller ; 3 adjurer,
L’appel du large. L’appel du plaisir, d’une (Flaubert). Puisque après m’avoir fui long- implorer, supplier ; 5 convoquer, mander ; 6
vocation. 10. Phase du saut qui succède temps l’espoir veut bien | Revoler devers nommer ; 8 attirer ; 9 engager, inviter, récla-
à la course d’élan et par laquelle com- moi qui l’appelle et l’implore, | C’en est mer, solliciter ; 10 destiner, vouer ; 11 exiger,
mence le saut proprement dit, le sauteur fait à présent des funestes pensées (Ver- motiver, nécessiter, réclamer ; 12 amener,
frappant le sol du pied pour bondir avec laine). 4. Prononcer à haute voix les apporter, déterminer, entraîner. II nom-
plus de force. 11. Appel d’air, aspiration noms des personnes d’un groupe, d’une mer, qualifier. — CONTR.: I, 1, 2 et 5 chasser,
d’air qui facilite la combustion dans un liste, afin de s’assurer de la présence des éconduire, expulser, repousser ; 6 congédier,
foyer. intéressés : Appeler les candidats à un licencier, remercier, renvoyer.
concours. Appeler une cause, annoncer v. tr. ind. [de, à]. 1. Appeler d’un juge-
II. Voie de recours qui a pour objet de
à l’audience le nom des parties de la cause ment, recourir à une juridiction supérieure
faire réformer par une juridiction supé-
qui va être plaidée. 5. Inviter à venir, pour faire réformer l’arrêt d’un tribunal
rieure un jugement rendu en premier res-
faire venir, convoquer : Appeler le méde- inférieur : Bandini avait appelé à Rome
sort : Faire appel d’un jugement. Le délai
cin. Il appelait la police (Cocteau). Ap- de la sentence qui le condamnait à mort
pour interjeter appel sera de deux mois
peler en justice, convoquer devant le juge. (Stendhal). 2. Fig. En appeler d’une
(Code de procédure civile, art. 443). La
Appeler sous les drapeaux, ou simplem. décision, contester, mettre en cause le
cour d’appel. Fig. Sans appel, irrévo-
appeler, convoquer les soldats du contin- bien-fondé, la validité de cette décision.
cable, ou de façon irrévocable : Ce juge-
gent pour qu’ils effectuent leur service 3. En appeler à ou auprès de, solliciter le
ment est sans appel (Alain). Le public a
militaire. Appeler aux armes, inciter jugement ou l’arbitrage de, s’en remettre
condamné cette pièce sans appel.
à l’insurrection, à la révolte : J’ai appelé à : J’en appelle à votre conscience, à votre
• SYN. : I, 2 et 3 invite, signal, signe ; 5
aux armes sur ce boulevard même (Val- bonté. Jeme contenterai d’en appeler auprès
incorporation ; 6 demande ; 7 excitation,
lès). 6. Appeler quelqu’un à un poste, à des véritables artistes (Baudelaire).
exhortation, invitation, invite ; 9 attrait,
une fonction, le désigner pour occuper ce
fascination, sollicitation. s’appeler v. pr. Avoir pour nom ou pour
poste, remplir cette fonction. 7. Class.
titre : Comment s’appelaient tes soeurs ?
appelant, e [apl, -t] n. et adj. (part. Provoquer à un duel, à un combat sin-
(Samain).
prés. de appeler ; 1390, E. Deschamps). gulier : Je sais de bonne part qu’on t’a
Personne qui appelle d’un jugement :
• SYN.: se nommer.
fait appeler (Molière). 8. Fig. Appe-
L’appelant. La partie appelante. ler l’attention de quelqu’un sur quelque appellatif, ive [aplatif, -iv] adj. et n. m.
• CONTR. : intimé. chose, l’inciter à y réfléchir. Appeler (de appeler ; début du XIVe s.). S’est dit pour

203
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

désigner le nom commun, par opposition prem. « dépendance » ; XIIe s.). 1. Petit toit à objet propre à satisfaire un besoin phy-
au nom propre. une seule pente, dont le bord supérieur est sique, et notamment vers la nourriture :
appuyé à un mur et le bord inférieur sou- Les espèces animales sont, comme l’homme,
appellation [aplasj] n. f. (lat. appella-
tenu par des poteaux. 2. Petit bâtiment soumises à des appétences (Proudhon). Il
tio ; XIIe s., Garnier de Pont-SainteMaxence).
adossé à un grand : Le rez-de-chaussée, avait l’air d’une bête en cage, jetant dans
1. Façon d’appeler, de qualifier : Je ne pus
espèce d’appentis délabré, servait de remise tous les sens des regards qui exprimaient
m’empêcher de rire en entendant l’appel-
à des maraîchers (Hugo). la peur, l’appétence et la stupidité (Proust).
lation [celle de « gâteau »] dont il voulait
2. Désir ardent, aspiration à : Harcelé
bien honorer mon pain presque blanc appesantir [apztir] v. tr. (de pesant ;
par des appétences déréglées de cloître,
(Baudelaire). 2. Dénomination garantis- 1119, Ph. de Thaon). 1. Rendre plus
il était parti pour l’abbaye de Solesmes
sant l’origine d’un produit, et spécialement lourd : L’eau appesantissait ses vêtements.
(Huysmans).
des vins : Deux hommes [...] en train de 2. Rendre moins leste, moins capable de
boire leur deuxième bouteille d’ « appella- mouvement, d’action : Le nouveau venu
• SYN.: 1 appétit, appétition (littér.) ; 2 appé-
tion contrôlée » (Vailland). fit son apparition dans la salle, précédé tit, besoin, convoitise, envie. — CONTR. : 1
du vieux chien [...] qui essayait une gam- inappétence.
• SYN.: 1 dénomination, désignation, mot,
nom, qualification, vocable. bade et retombait lourdement, appesanti appétent, e [apet, -t] adj. (de appé-
par l’âge (Gautier). 3. Fig. Rendre plus ter ; 1877, Littré). Littér. Qui exprime ou
appendice [apdis] n. m. (lat. appendix,
accablant, plus dur à supporter : Ce tyran ressent un vif désir de satisfaire un besoin
-icis, ce qui est suspendu, de appendere,
appesantit chaque jour davantage son joug. physique, en particulier le besoin de nour-
suspendre ; 1281, Chartres françaises du
Appesantir son bras, sa main, en parlant riture : Elle mit dans la bouche des femmes
XIIIe s., au sens de « dépendance » ; sens
de Dieu ou d’une autorité supérieure, frap- couchées, ouverte et appétente comme
anat., 1541, J. Canappe). 1. Partie qui
per d’un lourd châtiment : Prévoir que vous une bouche de petit enfant, un quartier
tient à une chose plus importante et qui
aussi, sur ma tête qui ploie, | Vous appesan- transparent de jour entre ses doigts blancs
en forme comme un prolongement : Cet
tiriez votre bras triomphant (Hugo). (Goncourt).
écrin était en forme de boule, surmonté d’un
• SYN. : 1 alourdir ; 2 accabler, alourdir,
appendice en façon de dé à coudre (France). appéter [apete] v. tr. (lat. appetere,
engourdir ; 3 alourdir. — CONTR. : 1, 2 et
Spécialem. Appendice caecal, iléo-caecal, désirer ; 1361, Oresme). 1. Class. Désirer
3 alléger.
ou vermiculaire, diverticule creux, en doigt ardemment ce qui peut satisfaire un besoin
de gant, abouché au caecum. 2. Par anal. s’appesantir v. pr. 1. Se faire plus lourd :
physique : L’Homme naturel ne végète
Ensemble de notes, pièces, documents, Il commence à s’appesantir avec l’âge.
point : il vit, il appète et satisfait son appé-
placé en complément à la fin d’un livre : 2. Fig. S’appesantir sur quelque chose,
tit (Laclos). 2. Auj. Ne se dit plus qu’en
C’est un appendice, une annexe qui ne peut s’y attarder, insister dessus : Il ne faut
termes de physiologie : L’estomac appète
trouver place dans le corps du livre (Gide). pas s’appesantir sur eux [les mots], sous
les aliments (Acad.).
peine de voir le discours le plus clair se
• SYN. : 2 addenda, complément,
décomposer en énigmes, en allusions plus appétibilité [apetibilite] n. f. (du lat.
supplément.
ou moins savantes (Valéry). Résumer une appetere, désirer ; XVIIe s.). Class. Faculté
appendicectomie [apdisktmi] n. f. question sans s’appesantir sur les détails. d’appéter (langue philos.) : Si l’essence du
(de appendice, et du gr. ektomê, ablation ; 3. Toucher, frapper durement, accabler : bien est mise dans l’appétibilité ou dans la
1922, Larousse). Ablation chirurgicale de De l’an 38 à l’an 44, aucune persécution convenance ? (Molière).
l’appendice caecal. ne paraît s’être appesantie sur l’Église
appétissant, e [apetis, -t] adj. (de
appendicite [apdisit] n. f. (de appen- (Renan). Une fatalité s’appesantissait sur
appétit ; 1398, Ménagier de Paris). 1. Qui
dice ; créé en 1886 par R. H. Fitzen, aux eux (Martin du Gard).
excite l’appétit : Ces beaux raisins mus-
États-Unis). Inflammation de l’appendice • SYN.: 3 appuyer sur.
cats gonflés de sucre [...] sont diablement
caecal : Opérer quelqu’un de l’appendicite. appesantissement [apztism] n. m. appétissants aussi (Daudet). 2. Fig. Qui
appendre [apdr] v. tr. (lat. appen- (de appesantir ; 1570, G. Hervet). 1. Action provoque le désir : Une femme encore très
dere, suspendre ; XIe s.). 1. Class. et littér. d’appesantir ou de s’appesantir (au pr. et appétissante.
Suspendre : La route fut triste : le grand au fig.) : Ce régulier coup de balai qui allait • SYN.: 1 alléchant ; 2 affriolant, attirant,
chemin était neigeux et le givre appendu et venait et qui raclait avec tant d’appe- engageant, provocant, séduisant. — CONTR.:
aux branches de pin (Chateaubriand). Les santissement le pavé de la grande cour de 1 dégoûtant, nauséabond, rebutant ; 2 rebu-
peintures les plus bizarres étaient appen- l’hôtel (Barbey d’Aurevilly). 2. État d’une tant, repoussant.
dues aux murs dans des cadres curieuse- chose ou d’une personne qui est appesantie
appétit [apeti] n. m. (lat. appetitus,
ment sculptés (Gautier). Le long des cloisons (au pr. et au fig.) : Consuelo vint bientôt
désir, de appetere, convoiter ; v. 1180,
dorées, je fais appendre deux cents boucliers l’y joindre [Joseph] et faire la même ablu-
Saint-Evroult ; jusqu’au XVIIe s. signif.
d’or pur (Nerval). Il rapportait du haut de tion pour dissiper l’appesantissement du
surtout « désir » en général). 1. Tendance
l’arbre, dont on avait fauché la cime, une sommeil (Sand). 3. Spécialem. État d’une
qui pousse à désirer vivement ce qui peut
petite gourde de terre : elle était appendue personne que l’âge, la maladie ont rendue
satisfaire un besoin physique (surtout au
là-haut, près de la récente blessure, pour moins active, moins alerte de corps et
plur.) : L’animal ne s’occupe que de l’objet
recueillir la sève du palmier dont on fait un d’esprit : Qu’il [Jaurès] fût devenu, avec
le plus prochain de ses sens et de ses appé-
vin doux (Gide). 2. Spécialem. Pendre des l’appesantissement de l’âge, un politicien
tits (Renan). Péjor. Tendance à désirer
objets, ex-voto ou autres, que l’on dédie, comme un autre, Péguy, à la rigueur, le lui
vivement une chose pour la satisfaction
consacre, offre : Aux navires captifs tou- aurait pardonné (Tharaud).
des sens, le plaisir charnel ou la satisfac-
jours ils appendront | Leurs drapeaux de • SYN. : 1 alourdissement ; 2 et 3 alour-
tion d’un désir vil, grossier : Ainsi, pris du
victoire (Hugo). 3. Fig. Consacrer, offrir dissement, engourdissement, lourdeur. —
dégoût de l’homme à l’âme dure | Vautré
en hommage : Souffrez donc, Mademoiselle, CONTR. : 1 allégement ; 2 légèreté.
dans le bonheur, où ses seuls appétits |
que j’appende aujourd’hui à l’autel de vos
appétence [apets] n. f. (lat. appetentia, Mangent (Mallarmé). 2. Spécialem. Désir
charmes l’offrande de ce coeur (Molière).
de appetere, désirer, de petere, demander ; de manger : J’ai donné à tous le spectacle
appentis [apti] n. m. (de appendre, avec 1554, Pasquier). 1. Littér. Désir instinctif d’un excellent appétit (Mauriac). Bon
le suff. -is [cf. abattis] et le t de pente : pro- qui porte l’homme ou l’animal vers tout appétit !, formule de souhait adressée

204
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

à quelqu’un qui mange ou qui va man- 1 conspuer, huer, siffler ; 2 blâmer, condam- applicage [aplika] n. m. (de appliquer ;
ger. Appétit de loup, appétit dévorant. ner, flétrir, réprouver. milieu du XIXe s.). Action d’appliquer
Appétit d’oiseau, très petit appétit. v. tr. ind. [à]. 1. Vx. Applaudir à quelque chose sur un objet pour le décorer
Appétit de femme grosse, goût pour les quelqu’un, lui manifester ouvertement ou le renforcer (langue technique).
nourritures bizarres, appétit désordonné. son approbation : On ne le vit pas bri- applicateur [aplikatoer] n. m. (de appli-
Fig. L’appétit vient en mangeant, plus guer des auditeurs pour lui applaudir quer ; 1834, Sainte-Beuve). Celui qui met en
on acquiert d’avantages, de biens, plus (Fléchier). Une cane sauvage, accompa- pratique une loi, une théorie, une décou-
on en veut. Demeurer, rester sur son gnée de ses petits canetons, vint à l’église verte, etc. : James Watt, l’immortel per-
appétit, ne pas le satisfaire entièrement, de Saint-Nicolas. Elle y entra et voltigea fectionneur et l’applicateur de la machine
et, au fig., ne pas obtenir ce qu’on désirait. devant l’image du bienheureux libérateur, à vapeur (Sainte-Beuve). Les instruments
3. (avec un complément) Vif désir que pour lui applaudir par le battement de ses nouveaux créés par la science et ses appli-
l’on a de satisfaire sa curiosité ou le goût ailes (Chateaubriand). 2. Fig. et littér. cateurs (Maurras).
que l’on éprouve pour quelque chose : Il Applaudir à quelque chose, s’en réjouir :
adj. et n. m. Se dit d’un instrument ser-
baptise Roger de la Bruyère, Roger van der L’homme applaudit au coup que le prince
vant à appliquer un produit : Un bouchon
Wayden, dans un appétit d’annexion sou- a blâmé (Heredia). Jene puis applaudir aux
applicateur.
terraine (Giraudoux). Elle se sentait une plaisanteries de Fabre contre le darwinisme
(Gide). application [aplikasj] n. f. (de appliquer,
âme vivace et fraîche, un coeur toujours
jeune [...], un appétit de bonheur insatiable s’applaudir v. pr. S’applaudir de quelque d’après le lat. applicatio, action d’appliquer
(Maupassant). L’appétit de possession des chose, en être content, s’en féliciter : Jem’ap- son esprit à ; 1361, Oresme).
exploiteurs n’aura jamais de limites (Martin plaudis de votre décision. Ils [les prison- I. 1. Action d’appliquer une chose sur
du Gard). niers de Sainte-Pélagie] s’applaudissaient une autre, de façon qu’elle y adhère en
• SYN.: 1 appétence, appétition, instinct ; 3 d’y jouir de toutes les libertés (Nerval). la recouvrant ou y laisse une empreinte :
aspiration, faim, passion, soif. — CONTR. : • SYN. : se flatter de, se réjouir de. L’application d’une couche de peinture
2 anorexie, inappétence, satiété ; 3 dégoût, — CONTR. : s’affliger de, s’attrister de, se sur un mur. L’application d’un cachet sur
horreur, répugnance, répulsion. désoler de. la cire. Dentelle d’application, dentelle
appétits n. m. pl. Nom commun de la dont les ornements sont appliqués sur un
applaudissement [aplodism] n. m. (de
fond de tulle. 2. Vx. Application d’une
civette ou ciboulette : Nous avons l’honneur applaudir ; v. 1500, Le Baud). 1. Battement
gifle, ou simplem. application, action de
d’habiter le même hôtel que cette jeune et de mains par lequel on marque à quelqu’un
souffleter quelqu’un : Chien d’homme !
illustre personne affublée d’une tendre mère ou à quelque chose son approbation, son
Oh ! que je suis tenté d’étrange sorte | De
de Bordeaux qui, à table d’hôte, réclame admiration (généralement au plur.) :
faire sur ce mufle une application (Mo-
des « appétits » dans la salade (Daudet). Les applaudissements frénétiques des
lière). 3. Action de placer un remède,
spectateurs (Proust). 2. Fig. et littér.
appétitif, ive [apetitif, -iv] adj. (lat. appe- un appareil, etc., sur une partie du corps,
Approbation sans réserve, vive admira-
titivus ; XIIIe s.). Class. Puissance, faculté à des fins thérapeutiques : Application
tion témoignée à quelqu’un : Elle vit autour
appétitive, tendance qui pousse à satisfaire d’un cataplasme, de sangsues, d’un ban-
d’elle les méchants triompher aux applau-
les besoins instinctifs. dage. 4. Action de diriger en un point
dissements des ignorants et des lâches
une source d’énergie, une force.
appétition [apetisj] n. f. (lat. appetitio ; (France).
1550, H. Fierabras). Class. et littér. Désir • SYN. : 1 acclamation, bravo, ovation ; 2 II. 1. Fig. Emploi d’une chose en vue
instinctif qui pousse l’être vers ce qui peut éloge, félicitation, louange, satisfaction, d’une fin, dans les cas où son usage est
satisfaire un besoin matériel ou une aspira- particulièrement indiqué : Une oeuvre
suffrage. — CONTR. : 1 huée, sifflet, tollé ;
tion spirituelle ou morale : L’appétition de 2 blâme, condamnation, désapprobation, d’art ne s’obtient pas par la simple ap-
la force, c’est le besoin de développement que réprobation. plication de bonnes règles (Gide). Une
la nécessité inflige à tous les êtres (Sand). eau du type de la vôtre peut trouver du
applaudisseur, euse [aplodisoer, -øz] côté balnéaire des applications valables
Au commencement de cette étude, j’ai noté
adj. et n. (de applaudir ; 1539, R. Estienne). (Romains). Applications d’un procédé,
la puissance avec laquelle Wagner, dans
Qui applaudit facilement, et souvent d’une découverte scientifique, les utilisa-
l’ouverture de « Lohengrin », avait exprimé
sans motif (rare) : L’hostilité nouvelle du tions qui en découlent dans les domaines
les ardeurs de la mysticité, les appétitions
parterre [la Comédie-Française] hier si techniques et industriels. École d’appli-
de l’esprit vers le Dieu incommunicable
applaudisseur, les attaques journalières cation, école militaire où l’on apprend
(Baudelaire).
de la Chronique de Paris [...] échauffaient à utiliser dans une arme donnée les
applaudir [aplodir] v. tr. et intr. (lat. Naudet (Goncourt). connaissances théoriques acquises ail-
applaudere, battre des mains ; 1375, R. de leurs. 2. Mise en pratique, entrée en
applicable [aplikabl] adj. (de appliquer ;
Presles). 1. Battre des mains pour mani- vigueur : Telles sont les lois de 1908, dont
1285, Godefroy, écrit appliquable). 1. Se dit
fester son enthousiasme, ou marquer son nous n’avons pu que retarder l’applica-
de ce qui peut être appliqué, posé, collé
approbation à quelqu’un ou à quelque sur autre chose : L’or est applicable sur tion (Aragon). 3. Action de destiner, de
chose : Applaudir un acteur, une pièce. réserver quelque chose à un usage déter-
certains métaux. 2. En mathématiques,
Croyant que c’était elle qu’on applaudis- se dit de deux surfaces superposables. miné : Application d’une somme à tel ou
sait, la folle saluait (Radiguet). La foule tel achat. Faire l’application d’un mot,
3. Fig. Qui peut être mis en pratique :
hurla de joie en applaudissant (Flaubert). Une loi est applicable dès sa publication au d’une expression, d’une maxime, etc., à
Applaudir des deux mains, applaudir quelqu’un ou à quelque chose, les citer à
« Journal officiel ». Une découverte superbe,
énergiquement, et, au fig., approuver plei- leur propos, en raison de la convenance
applicable seulement dans les terrains bas
nement. 2. Fig. Approuver ou louer sans que ces mots ont avec la personne ou la
(Daudet). 4. Qui peut ou doit être appli-
réserve : Applaudir un choix, une décision. chose en question.
qué à quelqu’un : Il n’est méthode ni théorie
Moi, j’applaudis les bals et les églogues qui soit applicable indifféremment à cha- III. 1. Class. Dévouement à l’égard de
(Hugo). cun (Gide). 5. Qu’on a le droit d’utiliser quelqu’un : S’il servait avec application,
• SYN.: 1 acclamer ; 2 exalter, se féliciter de, pour quelque chose : Un crédit applicable on aurait soin de lui (Sévigné). 2. Class.
porter aux nues, se réjouir de. — CONTR. : à l’amortissement d’une dette. Intérêt qu’on porte à une chose : Les inté-

205
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

rêts particuliers de chacun [...] empêchent le donner : Oh ! ma foi, ma patience était à laquelle on s’appuie avant d’attaquer la note
la grande application pour les malheurs bout ; je levai la main et, vlan ! je lui appli- principale. Note d’ornement étrangère à
d’autrui (Sévigné). 3. Soin attentif quai le plus beau soufflet que j’aie donné l’accord avec lequel elle est entendue.
qu’on met à accomplir une tâche ; action de ma vie (Daudet).
appoint [apw] n. m. (déverbal de appoin-
d’attacher ses efforts à quelque chose :
II. 1. Utiliser à une fin donnée ; mettre en ter 1 ; 1398, E. Deschamps). 1. Somme qui
L’élève travaille avec application. La force
oeuvre : Appliquer un traitement à un ma- permet de solder un compte : Payer un
dont j’ai rêvé, dont je dispose aujourd’hui
lade. Il appliqua le procédé de la pâte pour achat par un chèque et un appoint d’argent.
ne s’obtient que par une application
les mains à une eau pour le teint (Balzac). Faire l’appoint, compléter une somme
paysanne, par une énergie persévérante
Un mysticisme guerrier qui appliquait avec de la menue monnaie, et, par extens.,
(Malraux). 4. Péjor. Effort pénible qui a
à l’action violente Kant et Nietzsche à la payer un achat en remettant la somme
été nécessaire pour obtenir un résultat :
fois (Rolland). N’applique point à la vérité exacte : Dans les transports publics, l’usager
Une phrase délicate et cohérente, encore
l’oeil seul, mais tout cela sans réserve qui est prié de faire l’appoint. 2. Fig. Appui,
qu’elle sente parfois un peu l’application
est en toi-même (Claudel). Appliquer les concours complémentaire : Des forces
(Arland).
mathématiques aux sciences physiques. d’appoint. Cette minime part de chance,
• SYN.: I, 3 pose. II, 1 mise en pratique, 2. Mettre en pratique, en vigueur : Ap- indispensable appoint de toute entreprise
usage, utilisation ; 2 exécution, réalisation ; pliquer des règles, des connaissances, une humaine (Bernanos).
3 affectation, attribution, imputation. loi. Ni Ambroise Paré appliquant pour la • SYN. : 1 monnaie, solde ; 2 aide, appui,
III, 3 assiduité, attention, concentra- première fois depuis Celse, après quinze complément, contribution, secours.
tion, contention, effort, vigilance, zèle. siècles d’intervalle, la ligature immédiate
— CONTR. : III, 3 dissipation, distraction, d’une artère, ni Dupuytren [...] n’avaient appointage [apwta] n. m. (de appoin-
étourderie, inapplication, inattention, incu- certes le coeur si palpitant [...] que M. ter 2 ; 1866, Larousse). Action de tailler
rie, négligence, paresse, relâchement. Bovary quand il approcha d’Hyppolite quelque chose en pointe.

applique [aplik] n. f. (déverbal de appli- (Flaubert). 3. Destiner exclusivement, 1. appointé, e [apwte] adj. (part. passé
quer ; XVe s., Mystère de la Passion). 1. Pièce réserver quelque chose à un usage déter- de appointer 1). Se dit d’une personne
qu’on applique sur un objet pour l’orner miné : Appliquer une somme à un achat. qui reçoit des appointements réguliers
ou le consolider. 2. Candélabre à une 4. Class. Appliquer quelqu’un à quelque en échange d’un travail déterminé : Ils
ou plusieurs branches qui se fixe au mur. chose, le tourner vers telle occupation, tel avaient espéré que M. Puybaraud pourrait
Par extens. Tout appareil d’éclairage fixé emploi, l’occuper : Un bon roi applique ses être appointé par le secrétariat des OEuvres
au mur : Il alluma l’applique du lavabo sujets à l’agriculture (Fénelon). (Mauriac).
pour éclairer le fond de sa gorge (Martin • SYN. : I, 1 apposer, étendre, imprimer,
n. Salarié ; stipendié (rare) : J’ai arrêté par
du Gard). mettre, passer ; 2 appuyer, placer ; 3
la basque l’un de ces appointés du régime
administrer, assener, ficher (pop.), flan-
appliqué, e [aplike] adj. (part. passé de nouveau (Vallès).
quer (pop.). II, 1 adapter, administrer,
appliquer). 1. Arts appliqués, les arts appli- 2. appointé, e [apwte] adj. (part. passé
employer ; 2 mettre à exécution, réaliser ;
qués à la décoration, à la parure, appelés de appointer 2). Se dit des pièces de bla-
3 affecter, consacrer, imputer. — CONTR.: 1
encore arts décoratifs, par opposition et 2 écarter, effacer, enlever, ôter. son qui se touchent ou convergent vers
aux beaux-arts. Mathématiques appli- un point.
v. intr. (avec un sujet désignant une
quées, mathématiques considérées dans
chose). Épouser la forme d’un objet en y appointement [apwtm] n. m. (de
leur application aux arts et à l’industrie.
adhérant : Le col applique sur la chemise. appointer 1 ; début du XIVe s. ; au sens de
Sciences appliquées, les sciences et tech-
s’appliquer v. pr. 1. En parlant des « rétribution », 1626, Sorel, au sing., et 1664,
niques qui utilisent, pour se développer,
choses, se poser sur ou contre : Ces deux Sévigné, au plur.). 1. Class. Action de fixer
les progrès des sciences pures. 2. Se dit
surfaces s’appliquent bien l’une sur l’autre. le règlement d’une affaire au moment où
d’un enfant, plus rarement d’un adulte,
2. Convenir, s’adapter à un cas particu- les pièces nécessaires auront été produites.
qui apporte beaucoup de soin à ce qu’il
lier : Cette remarque d’ordre général ne 2. Vx. Action d’obtenir pour quelqu’un
fait : Un élève appliqué. Oh ! pour lui je suis
s’applique pas à vous. 3. Fig. Apporter un emploi rétribué. 3. Vx. Action de
tranquille, il est si appliqué, si raisonnable
beaucoup de soin, d’attention à quelque pourvoir à une dépense.
(Troyat). 3. Qui est le fait d’une personne
chose, s’efforcer de bien faire ce qu’on appointements n. m. pl. Salaire déter-
qui s’applique, qui applique son attention :
fait : Ceux qui s’appliquent trop aux petites
La physionomie sérieuse de J. Grévy, son miné accordé en échange d’un travail
choses deviennent ordinairement incapables
regard appliqué et soupçonneux (Aymé). régulier (se dit plus spécialem. de la rému-
des grandes (La Rochefoucauld). Jem’appli-
• SYN. : 2 sérieux, studieux, travailleur ; nération d’un employé) : Il écrivit à Fanny
quais à faire de mon mieux les recherches [...] qu’il serait réduit aux appointements
3 attentif, vigilant. — CONTR. : 2 dissipé,
qu’il m’indiquait (France). Il s’efforçait
distrait, indolent, insouciant, irrégulier, ministériels et que, dans ces conditions, la
de sourire [...], s’appliquait à garder l’atti-
négligent, paresseux ; 3 distrait, inconstant, vie à deux devenait impossible (Daudet).
tude d’un ami qui prend congé (Martin du
instable, léger. • SYN.: émoluments, gain, paie, rémunéra-
Gard). Absol. Fournir un travail sérieux
tion, rétribution, salaire, traitement.
appliquer v. tr. (lat. applicare, appliquer et soutenu : Cet élève s’applique. 4. Class.
[un objet contre un autre], et, au fig., « appli- S’adonner à une pratique : Tous les citoyens 1. appointer [apwte] v. tr. (de point :
quer son esprit à » ; XIIIe s., sous la forme s’appliquent au commerce (Fénelon). proprem. « mettre au point », d’où « régler
apliquier). • SYN.: 2 concerner, correspondre, intéres- une affaire » [même évolution sémantique
ser, se rapporter à, viser ; 3 s’attacher, se que régler] ; 1268, É. Boileau ; au sens
I. 1. Poser une chose sur une autre, de
donner, s’employer, s’escrimer (fam.), s’éver- moderne, XVIe s.).
façon qu’elle y adhère ou y laisse une em-
tuer, s’ingénier. — CONTR. : 3 se désintéres-
preinte : Appliquer une couche de vernis. I. 1. Class. Régler un appointement en
ser, se dissiper (absol.), négliger, paresser,
Appliquer une marque sur le dos du bétail. justice. Mettre fin à un procès ; arran-
se relâcher.
2. Poser sur ou contre : Appliquer un ger un différend : On appointe la cause.
pansement sur une blessure. Les ouvriers appoggiature [apdjatyr] n. f. (ital. Un juge appointe un procès quand il veut
appliquent des échelles aux pilastres appoggiatura, de appoggiare, appuyer ; favoriser une des parties (Furetière).
(Hugo). 3. Fam. Appliquer un soufflet, début du XIXe s.). Note d’ornement sur 2. Vx. Appointer du cuir, lui faire su-

206
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

bir la préparation nécessaire avant de le aux repas une sérénité souriante (Daudet). (« placé à côté »). Tous les deux désignent
mettre au suif. Il apporta d’abord à ces jeux une fougue la fonction d’un mot rattaché directe-
passionnée (Samain). 3. Tenir, mettre à la ment, en asyndète (= sans mot de liaison),
II.1.Vx. Pourvoir quelqu’un d’un em-
disposition de quelqu’un : Apporter une dot, à un nom dont il complète le sens. Mais le
ploi. 2. Donner une rétribution fixe
un capital, plusieurs millions. Présenter, premier était primitivement réservé aux
en échange d’un travail déterminé : Être
fournir : Apporter des preuves à l’appui de mots de valeur substantive, le second aux
appointé au mois.
ses allégations. Apporter des explications mots de valeur adjective. La nomencla-
• SYN.: II,2 payer, rémunérer, rétribuer.
sur son comportement. 4. (avec un sujet ture élaborée par une commission réunie
2. appointer [apwte] ou appointir désignant une personne) Fig. Susciter par en 1906, et imposée par un arrêté minis-
[apwtir] v. tr. (de pointe ; appointer, fin du son action telle ou telle chose ; être cause tériel en 1910, énonçait quatre « emplois »
XIIe s. ; appointir, XVIe s.). Rendre pointu : de : Il apporte par sa présence un soula- du nom : sujet, apposition, attribut,
Appointer un crayon. gement à la détresse morale de son ami. complément, et deux emplois de l’adjec-
s’appointer v. pr. Se terminer en Apporter des difficultés. 5. (avec un sujet tif : épithète, attribut.
pointe (rare) : La boiserie plaquée sur la désignant une chose) Fig. Avoir des consé- Ce partage reflétait l’usage traditionnel,
muraille [...] s’appointait en forme de cône quences bonnes ou mauvaises ; produire où le besoin d’un terme s’était fait sentir
(Huysmans). tel effet : Apporter des bouleversements, pour distinguer du complément de nom
des obstacles, de la joie. La première chose prépositionnel, qu’on a dans le professeur
appointeur, euse [apwtoer, -øz] n.
que la peste apporta à nos concitoyens fut de Morin (alors appelé « complément
(de appointer 1 ; XIVe s., Froissart). Class.
l’exil (Camus). déterminatif »), le complément direct de
Personne qui met fin à des litiges en récon-
ciliant les adversaires ou en rendant un
• SYN.: 1 et 2 amener, porter, transporter ; le professeur Morin ; à une différence de
arrêt : Un appointeur de procès. Dandin, 3 donner, fournir ; alléguer, procurer ; 4 et 5 signifiants répondait une différence aussi
amener, déclencher, déterminer, engendrer, nette de signifiés : dans le premier cas, le
l’appointeur.
entraîner, occasionner, procurer, produire, professeur et Morin sont deux êtres dis-
appontage [apta] n. m. (de apponter ; provoquer. — CONTR.: 1 et 2 emporter, rem- tincts ; dans le second, ils ne font plus
1948, Larousse). Prise de contact d’un avion porter ; 3 enlever, reprendre, retirer. qu’une personne. La même construction
avec la piste d’un porte-avions.
apporteur [aprtoer] n. m. (de apporter ; et le même rapport s’observent dans des
appontement [aptm] n. m. (de pont ; début du XIVe s., repris au XIXe s.). Personne groupes (ou « syntagmes ») comme le
1789, C. Port). Plate-forme sur pilotis, le qui fait un apport à une société. poète Hugo, le mont Olympe, la note do,
long de laquelle les bateaux viennent le nombre quatre ; dans tous, le second
apposer [apze] v. tr. (de poser ; début nom a la fonction « apposition » par rap-
s’amarrer pour le chargement ou le
déchargement. du XIIe s.). 1. Appliquer une chose sur une port au premier.
autre : Apposer un timbre sur une lettre,
apponter [apte] v. intr. (de pont ; 1948, La nomenclature de 1910 prescrivait donc
une affiche sur un mur. 2. Apposer les
Larousse). En parlant d’un avion, se poser utilement le terme apposition, mais elle
scellés, appliquer le sceau de la justice sur
sur la piste d’un porte-avions. manquait d’un terme propre au complé-
la porte d’un local, sur un meuble, etc.,
ment de sens « disjoint », dont l’apposi-
apport [apr] n. m. (déverbal de appor- de façon qu’on ne puisse soustraire aucun
tion se distingue, car le terme de com-
ter ; fin du XIIe s., ; au sens fin., XVIIIe s.). des objets qu’ils renferment : Nous venons,
plément a un sens large incluant les deux
1. Action d’apporter : Cette plaine a été Monsieur, dit le juge de paix avec douceur
catégories.
formée par l’apport d’alluvions. Apport à Schmucke, apposer les scellés ici (Balzac).
Apposer une clause, une condition à un La définition de l’apposition devait sou-
de capitaux dans une entreprise. 2. Vx.
Lieu où l’on apporte les denrées, marché. acte, l’y insérer. Apposer sa signature à lever d’éternels débats, que nous allons
3. Biens, capitaux que l’on apporte : un document, etc., le signer, pour témoi- évoquer en examinant les différentes
Prélever, reprendre son apport. Apports gner qu’on en a pris connaissance, qu’on formes que revêt cette fonction.
en communauté, biens qu’un époux apporte l’approuve.
ASYNDÈTE SANS PAUSE
dans la communauté conjugale. Apport • SYN.: 1 et 2 mettre, poser.
en société, ce qu’un associé apporte à une Un certain formalisme, visant principa-
apposition [apzisj] n. f. (lat. appositio,
société. 4. Ce que l’on ajoute : Métal lement à simplifier l’analyse au niveau
action de poser, de placer, dér. de apponere,
d’apport. 5. Fig. Ce qui est apporté, part, scolaire, a quelquefois accrédité une défi-
poser, pour servir de nom abstrait à appo-
contribution : C’est toujours l’apport invo- nition de l’apposition par son signifiant
ser ; 1213, Cartulaire de N.-D. de la Roche).
lontaire de l’écrivain qui a le plus d’impor- seul, c’est-à-dire par la construction en
1. Action d’apposer : L’apposition d’un
tance (Sartre). asyndète de deux noms. Peu importe-
sceau sur un papier officiel. L’apposition
•SYN.: 5 appoint, concours, participation. rait le sens : l’affaire Dreyfus contien-
des scellés. 2. En grammaire, mot (ou
— CONTR. : 1 reprise, restitution, retrait. drait la même apposition que le capitaine
groupe de mots) placé près d’un nom ou
Dreyfus, et il y aurait aussi apposition
apporter [aprte] v. tr. (lat. apportare ; d’un pronom et servant à le qualifier ou
dans un mobilier Empire, le problème
Xe s., Vie de saint Léger). 1. Porter un à le déterminer. (Ex. :Cicéron, orateur
logement, quoiqu’il n’y ait aucune « iden-
objet en un lieu où l’on doit le remettre romain.) 3. Accroissement par apposi-
tité » entre Dreyfus et l’affaire, l’Empire
à quelqu’un : De la part d’un fournisseur, tion, en biologie, développement d’un tissu
et le mobilier, le logement et le problème.
j’apportais à Amalia un sachet de cette par dépôt de couches nouvelles à la surface
poudre d’or (Giraudoux). Spécialem. des anciennes. En fait, le structuralisme moderne fait
Venir en un lieu pour annoncer, trans- état des différences senties dans le fonc-
mettre quelque chose à quelqu’un : Ils tionnement des constructions : on ne
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE change pas le sens du syntagme l’affaire
s’enhardirent et déclarèrent qu’ils appor-
taient à Julien des nouvelles de ses parents Dreyfus en y insérant un de (l’affaire
L’APPOSITION
(Flaubert). 2. Porter avec soi en un lieu : de Dreyfus), tandis que le capitaine de
Le médecin apporte ses instruments. Fig. Le terme apposition, emprunté au latin Dreyfus désignerait non plus Dreyfus lui-
Manifester, dans une circonstance donnée, (« action de poser à côté »), a un sens voi- même, mais un homme qui aurait été son
telle qualité, tel défaut : Le maître apportait sin de celui d’épithète, emprunté au grec capitaine. Dans un cas, l’asyndète n’est

207
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

que l’économie d’une préposition ; dans plus abstrait : une femme bête, une robe Il est risqué d’admettre la pause, élément
l’autre, elle est un signe s’opposant à la orange, un écrivain cochon. de prosodie, comme critère d’une fonc-
préposition, et ce cas correspond à celui tion grammaticale, dont le sens, d’ail-
où il y a identité de deux êtres. ASYNDÈTE AVEC PAUSE leurs, n’a pu être défini. Si l’on supprime
Limiter l’apposition à ce dernier cas faci- les virgules autour de splendide, dans
Un poète, Hugo, a ressuscité l’épopée. l’exemple ci-dessus, le sens n’est guère
lite l’enseignement des langues anciennes
ou étrangères (latin, allemand) où le nom Devant moi, sur un arbre, étrange changé ; à lire les vers non ponctués d’un
en apposition est mis au même cas que oiseau, se perche poète comme Apollinaire, qui se ferait
celui auquel il se rapporte (Ciceronem La pleine lune avec ses ailes de fort de distinguer à coup sûr les adjec-
consulem), mais la structure d’une langue brouillard tifs « épithètes » et les adjectifs « apposi-
ne peut être invoquée pour définir celle (Charles Derennes). tions » ? Enfin, si l’on nomme « apposi-
d’une autre. C’est en français même que tion » l’adjectif détaché du nom par une
Les noms Hugo et oiseau sont apposi- pause, on devra logiquement étendre le
l’on trouve des confirmations valables,
tions, respectivement de poète et de lune, terme aux adverbes détachés du verbe, à
si l’on recourt aux méthodes de la gram-
à la fois par la forme (asyndète) et par le tous les compléments détachés du terme
maire « générative » — dont l’initiateur
sens (identité). Il ne fait pas de doute que auquel ils se rapportent.
est l’Américain Noam Chomsky. Les
le nom entre virgules est bien l’apposition
fonctions s’y définissent par les règles Pour éviter ces difficultés, les grammai-
(et non l’inverse) ; il arrivait en ancien
de transformation qu’elles appliquent à riens qui souhaitent conserver la première
français que l’apposition fût mise au cas
partir de quelques schèmes de phrase élé- définition de l’apposition se contentent de
sujet, alors que le nom complété était au
mentaires : J’ai vu un chien noir procède parler d’ « épithètes détachées », comme
cas régime, voulu par sa fonction dans
de J’ai vu un chien et ce chien était noir. d’ « appositions détachées », dans les cas
la phrase : Qui vauroit bons vers oïr | Del
De même, J’ai vu le professeur Morin pro- de valeurs très diverses où une virgule est
deport du viel antif | De deus biax enfans
cède de J’ai vu un professeur et ce profes- employée. (V. DÉTACHEMENT.)
petis, | Nicholete et Aucassins... (début
seur était Morin : l’apposition est au nom
d’Aucassin et Nicolette). L’apposition détachée se présente sous
attribut ce qu’est l’épithète à l’adjectif at-
des formes variées, aux nombreuses
tribut. Selon cette règle, l’affaire Dreyfus L’article manque souvent devant le nom
exploitations stylistiques. Elle peut être
ne contient pas d’apposition, puisqu’on commun apposition, même lorsqu’il a le
explicative : Philippe le Beau, père de
ne peut dire : *Cette affaire était Dreyfus. sens le plus déterminé qui soit : Ou temps
Charles Quint, ou appréciative : Roden-
du roy Jehan de France, filz aisné du roy
Autre problème : certains grammairiens, bach, poète des demi-teintes. Beaucoup
Phelippes de Vallois, estoit en sa court le
postulant que le nom apposition doit de grammairiens soulignent sa valeur
seigneur de Pouilly. Dans cette phrase de
avoir une extension plus grande que le « prédicative » : elle n’est pas nécessaire ;
Jehan de Saintré, Damourette et Pichon
nom support, veulent que, dans le capi- elle est de toute façon extra-grammati-
(Des mots à la pensée, § 477) ne veulent
taine Dreyfus, l’apposition soit le nom ca- cale, et ce qu’on peut en dire aura mieux
voir en filz qu’une épithète ; toutefois,
pitaine, se rapportant à Dreyfus. D’autres sa place dans le cadre général du détache-
récusent ce postulat et/ou l’application comme le nom filz apporte les infor-
ment (v. ce mot).
qui en est faite : l’extension du nom capi- mations d’un nom et non d’un adjectif,
comme, d’autre part, l’article pourrait L’apposition peut être un pronom indi-
taine, actualisé par l’article le, est iden-
fort bien être mis devant filz, mais n’ajou- quant ou soulignant l’identité : L’aîné,
tique à celle du nom propre Dreyfus, l’un
terait aucun élément de sens, puisque celui-ci, a douze ans. Mon père, lui,
et l’autre désignant un seul être. Le nom
le nom support est déjà actualisé (par voyageait beaucoup ; un infinitif, se rap-
support est celui qui reçoit dans la phrase
essence), il paraît plus indiqué de parler portant à un nom ou à un pronom : Il n’a
toutes les articulations fonctionnelles
d’ « apposition », avec économie d’article. qu’une idée, s’évader. Il ne désire que cela,
(au capitaine, du capitaine) ; l’accord du
s’évader ; une proposition subordonnée :
verbe et de l’attribut, en cas de divergence Plus lourde de conséquences est la posi-
Il n’a qu’une crainte, que je m’évade.
en genre des deux noms, est un témoi- tion prise, après 1910, par un certain
gnage suffisant : La vedette Charlie Cha- nombre de grammairiens qui ont fait de Un nom peut être apposition d’une
plin est attendue à Paris. la virgule le signe de l’apposition, éten- proposition ou d’une phrase : Tout à
dant le ressort de cette fonction à tous coup,chose tragique, à la gauche des An-
Que devient le rapport logique si l’apposi-
les compléments du nom détachés par glais, à notre droite, la tête de colonne des
tion est un nom commun : un enfant roi,
une pause, par exemple à l’épithète dans cuirassiers se cabra (Hugo). Le cerf, hors
une femme médecin ? Le second nom ne
la phrase : Un parc, splendide, entoure le de danger, | Broute sa bienfaitrice :ingra-
prend pas l’article ; il ne détermine plus le
château. titude extrême (La Fontaine) ; dans cet
nom support, il le caractérise : en raison
Cette vue nouvelle s’est trouvée consacrée exemple, les deux points, marque d’ap-
de quoi, certains grammairiens, comme
pel, remplacent la virgule, substitution
Damourette et Pichon, ne veulent y voir dans la nomenclature de 1949, qui accor-
da à l’adjectif trois fonctions : épithète, fréquente en fin de phrase. Parfois, un
qu’une « épithète ».« Apposition » reste
pourtant justifié dans la mesure où cette apposition, attribut, tout en mainte- point, au contraire, marque une forte
nant l’apposition parmi les fonctions pause, suivie d’un retour de la pensée :
caractérisation diffère de celle que peut
donner un adjectif, et où la réversibilité du nom. La majorité des manuels se sont Je remets sans cesse au lendemain l’exé-
des termes reste possible : un roi enfant, conformés au règlement officiel en appe- cution du petit programme que je me suis
un médecin femme (elle ne l’est pas pour lant apposition à la fois un nom lié à un tracé. Défaut de méthode, évidemment
un chien noir). Cette apposition est fami- autre nom (le poète Hugo) et un adjectif (Bernanos).
lière à certains poètes : Victor Hugo parle détaché du nom par une pause (un parc, L’apposition énumérative comporte plu-
de pâtre promontoire, de rocher hydre splendide). Un même mot était en somme sieurs membres coordonnés désignant
et de torrent reptile. Elle se lexicalise de imposé pour désigner deux fonctions qui les éléments d’un ensemble, qu’un nom
deux façons : ou bien l’ensemble consti- n’avaient en commun ni le signifiant ni le ou un pronom placé soit avant, soit après,
tue un nom composé (oiseau-mouche, signifié ; la pause, qui, dans la définition résume dans la phrase : La végétation
homme-grenouille), ou bien le second de l’apposition, n’était rien pour le nom, était rare : chardons bleus, lichens et
nom s’adjective en prenant un sens devenait tout pour l’adjectif. oeillets de sable (A. Lanoux). Femmes,

208
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

moine, vieillards, tout était descendu (La qui ne sont marqués ni par l’asyndète ni à des formules flatteuses ou injurieuses
Fontaine). par la pause. D’autres admettent que la du type : un amour de petite chèvre (Dau-
On doit rattacher à l’apposition une fonction « apposition » peut être recon- det) ; Ah ! le pendard de Turc ! (Molière) ;
construction propre à la langue fami- nue dans tels groupes sans qu’elle y soit Quel drôle de notaire ! (Labiche). Dans
lière, que l’on observe dans les exemples marquée ; c’est ordinairement l’attitude ces syntagmes, la qualification est expri-
suivants : Ton cousin, je le connais. Je de professeurs qui visent la traduction en mée par le premier nom, qui, pour cette
le connais, ton cousin. Partir, je n’en ai des langues où l’équivalent des apposi- raison, est souvent un adjectif substan-
pas envie. M’évader, je n’y songe pas. Je tions indirectes du français est construit tivé (cet impertinent de Buckingham),
te l’avais dit, que je partirais. Dans ces en asyndète (lat. urbs Roma, flumen Rho- voire une interjection fortement prédi-
phrases, des noms, des verbes à l’infinitif, danus ; allem. die Stadt Paris, der Monat cative (Quelle nom de Dieu de feignante !
une proposition sont énoncés, par antici- Mai). L’argument qu’on tire pour l’ana- [Zola]). La construction latine monstrum
pation ou par reprise, en apposition à un lyse du français de la structure d’autres hominis préfigurait ce tour, dont la tradi-
pronom ou à un adverbe (le, en, y), qui as- langues n’est pas valable, mais les procé- tion est ancienne en français (li fel d’ane-
sume pour eux la fonction dans la phrase. dés auxquels on recourt pour distinguer mi, ma chetive d’ame).
Ainsi s’opère une sorte de débrayage l’apposition en asyndète peuvent fournir
également ici une justification qui suit les appréciable [apresjabl] adj. (de appré-
entre les fonctions, qui suivent le cours
voies de la linguistique : la ville de Paris cier ; 1486, Godefroy). 1. Qui peut être
régulier de la proposition, et les notions,
procède de cette ville est Paris ; les ponts apprécié, évalué : En un kilomètre cube
qui surviennent dans l’ordre spontané de
de Paris suppose seulement ces ponts sont d’eau de mer, il y a une petite masse d’ar-
la pensée.
à Paris. gent appréciable (Renan). 2. Digne d’être
Dans bien des cas aussi, l’apposition n’est estimé ; assez considérable : Des avantages
qu’un commode relais syntaxique : Il est Il est des cas où les deux constructions
appréciables. L’administration [...] lui offrait
le seul arbitre de son comportement,ce qui sont échangeables, l’une témoignant du
aussi d’appréciables débouchés (Aymé).
sens de l’autre : le terme « apposition »
l’oblige à semontrer particulièrement scru- • SYN.: 1 dosable, évaluable ; 2 considérable,
puleux (M. Garçon) ; ou une relance de ou le terme d’ « apposition » ; la comédie
« l’Avare » ou la comédie de « l’Avare ». important, notable, substantiel. — CONTR.:
la caractérisation : Et je m’enfermai chez 1 imperceptible, inappréciable ; 2 dérisoire,
En fait, l’asyndète est toujours compré-
moi pour écrire un poème sur le Masque infime, mesquin, mineur, modique.
de fer, poème que j’appelai : « la Prison » hensible, même dans les cas où elle n’est
pas usuelle : la ville Paris, le fleuve Rhône appréciateur, trice [apresjatoer, -tris]
(Vigny). L’absence d’article avant poème
sont insolites, non absurdes ; l’asyn- n. et adj. (de apprécier ; début du XVIe s.).
dénonce ici l’apposition, mais on est bien
dète est la marque de base à laquelle on Personne qui apprécie quelque chose, qui
près des cas où la construction glisse
recourt dès qu’une ambiguïté est à lever. en estime la valeur, la qualité : Jevous indi-
dans la coordination pure et simple, dont
le Dictionnaire de Trévoux (XVIIIe s.) pre- Hormis les cas où la traduction impose querai un appréciateur qui saura la valeur
nait déjà soin de la distinguer. On verra une distinction des sens, il n’est pas des tableaux, à deux sous près (Balzac). Je
des cas de coordination dans les phrases utile d’approfondir le rapport séman- vous crois bon appréciateur de tous les
où un nom semble donné pour remplacer, tique marqué par la préposition de unis- vins en général et du madère en particu-
en le complétant ou en le corrigeant, un sant un complément au nom. Comme le lier (France).
nom précédent : La société de Salavin,de remarque M. Dessaintes (l’Apposition : • SYN.: arbitre, connaisseur, expert, juge.
ce fantôme familier, m’était en même une fonction ou un mode de construc-
tion asyndétique ?, dans Mélanges M. appréciatif, ive [apresjatif, -iv] adj.
temps douce et pénible (Duhamel) ; le
Grevisse, 1966), il est difficile de fixer les (de apprécier ; 1615, R. Gaultier). 1. Qui
nom fantôme se rapporte à société, plutôt
limites du rapport d’ « identité » dans exprime une appréciation : L’état apprécia-
qu’à Salavin, comme ce serait le cas si la
des groupes comme « la ville d’Anvers, tif d’un immeuble. 2. Propre à apprécier :
préposition n’était pas répétée. De telles
la province d’Anvers, le port d’Anvers, Les facultés appréciatives du palais. 3. Vx.
retouches ne sont pas particulières au
nom : Figurez-vous que j’ai connu, que je le canton d’Anvers, l’arrondissement En théologie, qui attache aux choses l’im-
d’Anvers, etc. ». La difficulté est encore portance qu’elles méritent : Cette haine
continue à connaître un vieil acteur qui a
dû appartenir à la troupe dont il s’agit (P. plus grande quand le complément est un du péché que les théologiens [...] nomment
Benoit) ; la langue use souvent, en pareil verbe à l’infinitif (n’exprimant pas un « appréciative », parce qu’elle maintient tous
cas, d’un jeu de conjonctions simples ou objet d’identité concrètement délimitée) : les droits de Dieu (Bourdaloue). L’amour
le fait de donner, le geste de donner, la appréciatif de Dieu, amour de préférence
locutionnelles, comme ou, à savoir, par
exemple, c’est-à-dire, dont, disons, autre- façon de donner, l’habitude de donner. En qui met Dieu au-dessus de tout.
ment dit, ou plutôt, entendez..., situant le réalité, il importe peu, pour la correction • SYN.: 1 estimatif.
syntagme aux confins de l’apposition et de notre langage, de distinguer ce que la
appréciation [apresjasj] n. f. (de appré-
de la coordination. langue a confondu dans une expression
cier ; 1398, Godefroy). 1. Action de déter-
unique. Le grammairien se souviendra
miner l’importance, la valeur de quelque
APPOSITION INDIRECTE opportunément que le terme « complé-
chose : Le retard est dû à une erreur d’appré-
ment » inclut l’apposition, et se conten-
La construction le poète Hugo, le mont ciation du temps de travail. L’appréciation
tera ordinairement du terme le plus large.
Olympe, la note « do » ne s’applique pas des difficultés soumises aux sentences
à n’importe quelle notion : on ne dit pas Parmi les constructions indirectes que le consulaires (Balzac). 2. Jugement résul-
normalement *la ville Paris, *le fleuve sens permet de rattacher à l’apposition, tant d’un examen critique, estimation de
Rhône, *le mois mai ; on construit ces deux ont reçu une assez large extension à
la valeur d’une personne, notamment au
groupes avec de : la ville de Paris, le des fins stylistiques : point de vue moral : Des appréciations
fleuve du Rhône, le mois de mai, comme 1° Souvent, l’apposition apporte, en vers périodiques sur l’exactitude et le travail de
des compléments de nom ordinaires : les ou en prose littéraire, la clef d’une méta- l’employé (Aymé). Ce n’est pas des hommes
ponts de Paris, les tourbillons du Rhône, phore : les filets de ses cils, le grelot de son que j’attends l’appréciation de ma conduite,
les fêtes de mai. rire, la brioche de son chignon ; c’est de ma conscience (Sue).
Certains grammairiens refusent le nom 2° Un mouvement semblable de pensée, • SYN. : 1 estimation, évaluation ; 2 avis,
d’ « appositions » à des compléments jusque dans la langue familière, a conduit observation, opinion, position, vue.

209
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

apprécier [apresje] v. tr. (lat. impérial appréhension [apresj] n. f. (lat. appre- cation, l’instruire : Je suis, pour le ciel,
appretiare, de pretium, prix ; 1391, Coutume hension, action de saisir ; 1265, Br. Latini ; appris à tout souffrir (Molière).
d’Anjou et du Maine).) 1. Déterminer la au sens II, XVIe s.). • SYN.: I, 1 étudier, s’initier à, s’instruire ;
valeur d’une chose en la traduisant en travailler (fam.) ; 2 s’accoutumer, s’exercer,
I. 1. Class. Faculté de comprendre.
chiffres : Apprécier un ensemble immobi- s’habituer ; 3 découvrir, savoir. II, 1, 2 et 3
2. Acte par lequel l’esprit saisit l’objet de
lier. Spécialem. et class. Mettre à prix la connaissance (langue philosophique). enseigner, exercer à, expliquer, initier, ins-
pour vendre aux enchères : L’on dirait truire, montrer ; 4 avertir, aviser, commu-
que ce soit un taux sur les sacrements, qui II. Crainte indéfinie d’un danger futur : niquer, faire savoir, indiquer, instruire de,
semblent par là être appréciés (La Bruyère). En écrivant à son amie qu’elle ne désirait révéler. — CONTR. : I, 1 et 2 désapprendre,
2. Déterminer, évaluer une mesure quel- pas la voir, dans l’appréhension du mal oublier, ignorer. II, 4 cacher, dissimuler,
conque : Un laps de temps fort court en l’ap- qu’elle lui pourrait apporter, Mme de Staël passer sous silence, taire.
préciant à la mesure de nos chronomètres ne disait pas tout (Chateaubriand). J’ai • REM. Au XVIIe s., on trouve encore ap-
sans cesse cette sensation affreuse d’un
(Balzac). 3. Déterminer la valeur intellec- prendre de, suivi de l’infinitif, quoique
danger menaçant, cette appréhension
tuelle ou morale d’une personne ou de son cette construction soit déjà considérée
comportement : Les élèves qui appréciaient d’un malheur qui vient ou de la mort qui
comme vieillie : Une maxime qui nous
approche (Maupassant).
diversement l’attitude de Martin (Aymé). apprendra d’estimer la vie (Bossuet).
4. Juger bon, agréable ; accorder de la
• SYN. : I, 2 compréhension. II alarme,
angoisse, anxiété, inquiétude, peur, pres- apprenti, e [aprti] n. (lat. pop. *appren-
valeur à quelqu’un, faire cas de quelque
sentiment. — CONTR.: II attente, confiance, dititum, de apprendere, apprendre ; la forme
chose : Apprécier un bon vin. C’est là [...]
espoir, sérénité, tranquillité. apprenti, apparue en 1539 chez R. Estienne,
qu’il m’a été donné de vous connaître et de
n’a triomphé qu’au XVIIIe s. ; var. apprentis
vous apprécier (Musset). apprendre [aprdr] v. tr. (lat. pop.
[XIIe-XVIe s.] ; apprentif [XIIIe-XVIIe s.] ; le
• SYN. : 1 estimer, évaluer, expertiser ; 2 *apprendere, du lat. class. apprehendere, fém. a été en -isse jusqu’à la fin du XVIIe s. ; la
calculer, estimer, jauger, juger, mesurer ; 3 saisir, comprendre ; v. 1050, Vie de saint
forme en -ie n’est que du XVIIIe s.). 1. Celui,
considérer, estimer, évaluer, jauger, juger ; Alexis). [Conj. 50.]
celle qui apprend un métier : L’apprenti
4 aimer, goûter, savourer. — CONTR. : 4 I. 1. Acquérir la connaissance de quelque matelot étudiait le matelotage, les épissures
dédaigner, déprécier, méconnaître, mépri- et les noeuds (Vercel). Un apprenti que
chose, ou un ensemble de connaissances,
ser, mésestimer. par un effort intellectuel ou physique : j’aurais formé pourrait en remontrer à bien
appréhender [aprede] v. tr. (lat. appre- Apprendre l’anglais, la comptabilité. des patrons (Romains). 2. Celui qui ne
hendere, saisir et, au fig., comprendre ; Apprendre à lire. Apprendre un métier. possède pas encore à fond son métier, qui
XIIIe s. ; au sens II, XVIe s.). Absol. S’instruire : Il veut apprendre ; n’en connaît que les rudiments : C’est un
et, fam., assimiler facilement des connais- travail d’apprenti. Fig. Apprenti sorcier,
I. 1. Appréhender quelqu’un, procéder à
sances : C’est un enfant qui apprend bien. personne qui déchaîne inconsidérément
son arrestation : Mais au milieu de mon 2. Acquérir par l’habitude, par l’expé- des événements qu’elle est incapable de
inspiration, vers trois heures, voilà que rience une connaissance quelconque : contrôler. 3. Fig. Personne qui a encore
les huissiers entrent dans ma cellule et J’apprendrai à connaître ses goûts (Mau- beaucoup de choses à apprendre : L’homme
m’appréhendent au corps sur les rives du riac). Apprendre ce qu’il en coûte, faire est un apprenti, la douleur est son maître
Permesse ; ils me conduisent chez le juge à ses dépens une expérience désagréable. (Musset).
d’instruction qui instrumentait dans 3. Être informé de quelque chose qu’on •SYN. : 1 élève. — CONTR. : 1 instructeur,
un greffe obscur, en face de ma geôle de ignorait : Apprendre une nouvelle. Il maître, moniteur, patron.
l’autre côté de la cour (Chateaubriand). ne l’apprit qu’un jour où il trouva sur la
Les cagoux vinrent se ranger autour de lui tombe des fleurs toutes fraîches (Rolland). apprentissage [aprtisa] n. m.
en un fer à cheval dont Gringoire, toujours (de apprenti ; 1395, Delboulle). 1. État
II. 1. Faire acquérir à quelqu’un une d’apprenti ; temps pendant lequel on
rudement appréhendé au corps, occupait
connaissance, ou un ensemble de est apprenti : J’essaye de m’émouvoir
le centre (Hugo). 2. Class. et littér. Sai-
connaissances, demandant un effort in- au souvenir de l’enfance mendiante, de
sir par la pensée : Chacun sait cette vérité,
tellectuel : Apprendre le grec, les mathé- l’apprentissage ou de l’arrivée en sabots
mais chacun n’est pas attentif à l’appré-
matiques à un enfant. 2. Faire acqué- (Rimbaud). 2. Action d’apprendre un
hender (F. de Sales).
rir à quelqu’un la pratique, l’usage de métier manuel : Nous convînmes de lui don-
II. Craindre d’avance un événement quelque chose : Apprendre à quelqu’un ner chacun deux « carlins » par jour pour
désagréable ou un danger : J’appréhende le vol à voile, le maniement d’une arme, lui payer notre apprentissage et notre nour-
le moment où mon tour viendra (Vallès). la charité envers ses semblables, la poli- riture (Lamartine). Action d’apprendre
J’appréhendais qu’il ne fût déjà parti. tesse. 3. Faire acquérir à quelqu’un une un métier intellectuel, un art : Molière avait
• SYN.: I, 1 arrêter, se saisir de ; 2 concevoir, connaissance par l’expérience : La vie fait l’apprentissage de son métier de comé-
entendre, comprendre, pénétrer. II, avoir nous apprend souvent que le courage est dien et d’auteur comique dans ses tournées
peur, redouter. — CONTR.: I,1 relâcher. II une vertu de tous les jours. Apprendre à en province. 3. Formation professionnelle
attendre, espérer. vivre à quelqu’un, lui enseigner comment donnée aux jeunes apprentis : Une école
il faut se comporter en société. Fam.
• REM. Pour l’emploi de ne après appré- d’apprentissage. 4. Fig. La première expé-
Cela lui apprendre à vivre, et, ellipt., cela
hender, v. CRAINDRE. rience que l’on a de quelque chose : Il faisait
lui apprendra, cela lui servira de leçon, de
l’apprentissage de la douleur (Aragon).
appréhensif, ive [apresif, -iv] adj. (bas châtiment : Ça lui apprendrait à se livrer
lat. apprehensivus ; 1372, J. Corbichon, au
• SYN. : 4 épreuve, essai, expérience, ini-
à une pareille femme ! (Daudet). 4. In-
tiation. — CONTR. : 1 et 2 maîtrise, quali-
sens de « qui perçoit » ou « qui conçoit » ; former quelqu’un de quelque chose : Sa
fication ; 4 accoutumance, habitude, pli,
milieu du XVIe s., « craintif »). Class. Qui femme de ménage venait de lui apprendre
pratique, routine.
a tendance à appréhender, à craindre : qu’on avait collecté plusieurs centaines de
Piccolomini est si puissamment retranché, rats morts (Camus) 5. Class. (avec un apprêt [apr] n. m. (déverbal de apprêter ;
et si appréhensif en sa faiblesse qu’il ne per- complément désignant une personne) XVe s.). 1. Action de préparer ; état de ce
met à personne de voir son retranchement Apprendre à quelqu’un, lui enseigner qui est préparé (vieilli) : Les magasins ne
(Richelieu). certaines connaissances, faire son édu- désemplissent pas. Il semble que tous ces

210
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

gens circulent pour des apprêts de fêtes per- • SYN.: 1 faire ; 2 accommoder, cuisiner ; 3 familier avec quelque chose, s’y accoutu-
pétuelles (Daudet). Posées sur l’autel même parer, préparer, vêtir. — CONTR.: 1 défaire, mer : S’apprivoiser avec le danger (Littré).
[...], elles [les aubépines] faisaient courir au déranger. • SYN.: 1 sedomestiquer ; 2 se familiariser ;
milieu des flambeaux et des vases sacrés s’apprêter v. pr. [à, pour]. 1. Prendre des 3 se faire à, se familiariser avec, s’habituer
leurs branches attachées horizontalement dispositions pour : Au moment où nous à. — CONTR. : 2 s’effaroucher.
les unes aux autres en un apprêt de fête nous apprêtions à la fuite, les journaux nous
apprivoiseur, euse [aprivwazoer, -øz]
(Proust). Spécialem. Manière de préparer, apprirent que c’était inutile (Radiguet).
adj. et n. (de apprivoiser ; 1565, Calepin).
d’accommoder un mets. 2. Traitement Nous entendîmes là-haut [...] le voyageur
Qui se charge d’apprivoiser.
par lequel on donne à certains tissus de la s’apprêter pour descendre (Alain-Fournier).
consistance ou du lustre ; état d’un tissu, 2. Faire des préparatifs de toilette : Une approbateur, trice [aprbatoer, -tris]
d’un article qui a subi récemment ce trai- femme n’en finit plus quand elle s’apprête n. (lat. approbator ; 1534, G. Michel).
tement : Son voile était neuf, cela se voyait (Musset). 3. (avec un sujet désignant une 1. Personne qui marque son approba-
à son apprêt (Vercel). La matière utilisée chose) Être en préparation : Est-elle gaie ou tion : Le roué a toujours des approbateurs.
dans cette opération : Étoffe sans apprêt. triste de ce mariage qui s’apprête ? 2. Autref. Censeur qui avait accordé son
3. Préparation, enduit appliqués sur • SYN.: 1 se disposer, se préparer ; 2 s’habil- approbation.
une surface avant de la peindre. 4. Fig. ler, se parer, se préparer ; 3 se préparer. — • CONTR. : 1 et 2 censeur, contradicteur,
Manière d’agir ou de parler très affectée : CONTR. : 2 se déshabiller, se dévêtir. détracteur.
Des propos pleins d’apprêt. C’est un garçon adj. Qui témoigne d’une approbation :
apprêteur, euse [aprtoer, -øz] n. (de
franc et sans apprêt. Plus d’un invité alors tint à souligner cette
apprêter ; 1552, Ch. Estienne). Ouvrier,
• SYN. : 1 appareil (littér.), arrangement, exclamation d’un regard approbateur
ouvrière qui exécute les apprêts.
préparatif, préparation ; 4 affectation, affé- et d’une inclinaison de tête... (Proust).
apprêteuse n. f. Modiste qui dispose des
terie, maniérisme, préciosité, recherche. Nonchalamment assis à son bureau,
ornements sur les chapeaux.
— CONTR. : 4 naturel, négligé, simplicité, celui-ci donnait de temps à autre de petits
spontanéité. appris, e [apri, -iz] adj. (part. passé de signes approbateurs avec sesmains levées de
apprêts n. m. pl. Dispositions prises pour apprendre). Class. et littér. Bien, mal appris, chaque côté de son rabat (Martin du Gard).
préparer quelque chose (fête, cérémonie, se dit d’une personne qui a ou n’a pas reçu • SYN.: approbatif. — CONTR.: réprobateur.
voyage, etc.) : Les apprêts d’une kermesse. une bonne éducation, qui sait ou ne sait pas
approbatif, ive [aprbatif, -iv] adj. (bas
• SYN.: préparatifs, préparation. les usages du monde : Soliman s’étudia, en
lat. approbativus ; milieu du XVIe s.). Se dit
seigneur bien appris, à faire parler la reine
apprêtage [aprta] n. m. (de apprêter ; de ce qui exprime l’approbation : Un geste
autant qu’il put (Nerval). Il sepeut que je ne
milieu du XVIIIe s.). Action ou manière approbatif. Une espèce de murmure appro-
sois qu’un perroquet mal appris (Musset).
d’apprêter (sens technique). batif courut parmi les barbes (Aragon).
• REM. Mal appris s’écrit aujourd’hui en
• SYN.: approbateur. — CONTR.: réprobateur.
apprêté, e [aprte] adj. (part. passé un seul mot. (V. MALAPPRIS.)
de apprêter). 1. Qui a subi un traitement approbation [aprbasj] n. f. (lat. appro-
apprivoisable [aprivwazabl] adj. (de
d’apprêt : Une étoffe apprêtée. Se dit en batio ; 1375, Raoul de Presles). 1. Action
apprivoiser ; milieu du XIXe s.). Qui peut
particulier d’un papier de surface lisse d’approuver quelque chose, d’y consen-
être apprivoisé.
et uniforme. 2. Se dit d’une attitude, tir : Un mineur ne peut contracter mariage
• SYN.: domesticable. — CONTR. : inappri- sans l’approbation de ses parents. Mais son
d’un comportement où l’on sent trop
voisable, intraitable. demi-sourire marquait aussi qu’il réser-
la recherche, l’absence de naturel : Elle
nous souhaita le bonsoir d’un air apprêté apprivoisement [aprivwazm] n. m. vait son approbation (Martin du Gard).
(Colette). Un style apprêté. (de apprivoiser ; XVIe s., Amyot). Action Spécialem. Sous l’Ancien Régime, auto-
• SYN.: 2 affecté, mièvre, précieux, recher- d’apprivoiser ; résultat de cette action. risation officielle de publier un livre.
ché. — CONTR. : 2 aisé, naturel, négligé, Autorisation de confesser et de prêcher
apprivoiser [aprivwaze] v. tr. (lat. pop. donnée à un ecclésiastique par un évêque.
simple, spontané. *apprivatiare, issu de *apprivatare, supposé
2. Jugement favorable, témoignage d’es-
apprêter [aprte] v. tr. (lat. pop. *appres- par l’anc. provenç. aprivadar, de privatus,
time accordé à quelqu’un : Jeme soucie peu
tare, mettre sous la main, du lat. pop. *pres- privé, domestique : d’où « rendre privé, de l’approbation ou de la désapprobation
tus, adj. issu de praesto, à la portée de ; 980, accoutumer à la vie domestique » ; XIIe s.). des hommes (Gide).
Passion, écrit aprester). 1. Préparer, mettre 1. Rendre moins farouche, habituer à la
• SYN. : 1 acquiescement, adhésion,
en vue d’un usage prochain : Apprêter ses vie domestique un animal sauvage : Il
agrément, assentiment, autorisation,
bagages, sesarmes. Ma chambre seule conti- savait [...] apprivoiser les bêtes farouches
consentement, permission. — CONTR. : 1
nuait d’être apprêtée (Gide). Apprêter les (Flaubert). 2. Fig. Rendre quelqu’un
condamnation, désapprobation, désaveu,
cartes, les préparer pour faire des tours plus docile, plus familier : Apprivoiser
objection, opposition, protestation, refus,
ou pour tromper au jeu. 2. Préparer un des enfants. Il y a un certain charme à se
rejet ; 2 blâme, censure, critique, dénigre-
mets selon une recette : Apprêter du gibier. trouver auprès d’un être dangereux, sur- ment, opposition, réprobation.
La chair du castor ne vaut rien, de quelque tout lorsqu’on le sent doux et apprivoisé
manière qu’on l’apprête (Chateaubriand). (Mérimée). approbativement [aprbativm] adv.
3. Faire la toilette de quelqu’un, l’habil- • SYN. : 1 affaiter, domestiquer, dresser ; (de approbatif ; début du XIXe s.). D’une
2 adoucir, amadouer, civiliser, conquérir, manière qui exprime l’approbation : De
ler : Apprêter un enfant. Si l’on n’apprête
humaniser. — CONTR.: 1 assauvagir ; 2 effa- temps en temps, il souriait et remuait
pas un mort pendant qu’il est encore tiède,
roucher, effrayer. approbativement la tête en faisant : « Oua...
il faut plus tard lui casser les membres
Oua... » (Daudet).
(Balzac). 4. Apprêter un cuir, une étoffe, s’apprivoiser v. pr. 1. Devenir familier,
leur donner un certain apprêt. 5. Class. domestique, en parlant des animaux sau- approchable [aprabl] adj. (de appro-
Apprêter à rire, donner une occasion de vages : Le guépard s’apprivoise facilement. cher ; XVe s., Godefroy). Se dit d’une per-
rire : N’apprêtons point à rire aux hommes, 2. Fig. Devenir moins farouche, plus sonne que l’on peut approcher facilement :
| En nous disant nos vérités (Molière). [On sociable, en parlant d’une personne : Cet Un haut personnage n’est pas facilement
dit auj. PRÊTER À RIRE.] enfant s’est apprivoisé. 3. Devenir plus approchable.

211
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN. : abordable, accessible. — CONTR. : nécessaire qui existe entre les caractères éloigner ; 2 et 3 éloigner ; 4 différencier,
inabordable, inaccessible, inapprochable. d’imprimerie. 8. Fig. Façon d’aborder dissocier, distinguer ; 7 éviter, fuir.
• REM. Ne s’emploie guère que dans des une question, recherche qui laisse seule- v. tr. ind. [de]. 1. Vx. S’avancer dans la
phrases négatives. ment entrevoir une solution : Cet article direction de quelqu’un, venir auprès de
est une approche intéressante d’un problème lui : A mesure qu’il approcha de moi, je
approchant, e [apr, -t] adj. (part.
politique complexe. fus frappé de l’altération de son visage
prés. de approcher ; 1555, É. Pasquier).
• SYN. : 1 abord, arrivée, venue ; 2 abord, (Chateaubriand). 2. Venir près de
1. Class. Qui est proche dans le temps : La
accès ; 3 accouplement ; 5 arrivée, immi- quelque chose : Les montagnes, qui sem-
nuit, de plus, était fort approchante (La
nence, venue. — CONTR. : 1 éloignement, blaient boucher l’horizon, à mesure que
Fontaine). Approchant de, qui a une
recul. l’on approchait d’elles se déplaçaient
certaine ressemblance, un certain rap-
approches n. f. pl. 1. Class. Mouvements, (Flaubert). Approcher des sacrements,
port avec : Les Juifs apprirent la langue
procédés pour approcher au maximum se confesser et communier. Fig. et fam.
chaldaïque, assez approchante de la leur
d’un objectif militaire, et en particulier Ne pas pouvoir approcher de quelque chose,
(Bossuet). 2. Qui ne fait qu’approcher de
travaux pour y accéder à couvert. Action ne pas pouvoir l’acquérir, son prix étant
la vérité ; approximatif : En astronomie, les
d’attaquer, combat : A voir de tels amis, trop élevé : Le poisson est tellement cher
calculs ne peuvent donner que des résultats
des personnes si proches | Venir pour leur qu’on ne peut en approcher (Flaubert).
approchants. 3. Quelque chose d’appro-
patrie aux mortelles approches (Corneille). 3. Fig. Être proche dans le temps, près
chant, rien d’approchant, quelque chose
2. Région qui est contiguë à une autre ; d’atteindre un moment, une époque, un
de semblable, rien d’analogue, de compa-
abords d’une agglomération : Sur une âge : M. et Mme Grangier devaient être du
rable : Tu disais : « Nous arrivons à l’âge où
belle commode se trouvait un pot à l’eau même âge, approchant de la cinquantaine
nous devons choisir les problèmes qui nous
à couvercle, comme il ne s’en voit qu’aux (Radiguet). 4. Fig. Être comparable à
intéressent et prendre nos décisions. » Tu
approches de la Bretagne (Balzac). quelque chose, s’en rapprocher : Il n’y a
disais cela ou quelque chose d’approchant
• SYN.: 2 accès, alentours, environs, parages, rien dans les ouvrages imprimés de Mme de
(Duhamel).
voisinage. — CONTR. : 2 écart. Staël qui approche de ce naturel, de cette
• SYN. : 2 proche, voisin ; 3 équivalent,
éloquence (Chateaubriand). Ce mérite
ressemblant, similaire, voisin. — CONTR. : approché, e [apre] adj. (part. passé de n’approche pas du vôtre (France).
2 exact, précis ; 3 contraire, différent, dis- approcher). Qui ne fait qu’approcher de la • SYN.: 1 aller vers, se porter vers, venir à ;
semblable, inverse, opposé. vérité, approximatif : Une valeur approchée
3 friser ; 4 égaler, ressembler à, rivaliser
approchant adv. Class. À peu près : est une valeur non exacte [...], valeur qui est
avec. — CONTR.: 1 s’éloigner de, éviter, fuir ;
C’est approchant ce qu’elle mérite une étape dans une suite et qui déjà donne 2 s’éloigner de ; 3 s’écarter de, s’éloigner
(Bussy-Rabutin). des arrhes de vérité (Le Roy). de ; 4 différer.
prép. Class. Aux environs de : Il paraît • SYN.: approchant, approximatif, proche, v. intr. 1. Avancer, venir tout près :
donc indubitable qu’il faut en placer le com- voisin. — CONTR. : exact, précis.
Voyageur, approche et respire enfin cette
mencement vers la fin de la 76e olympiade et
approcher [apre] v. tr. (du bas lat. odeur qui guérit de tout mouvement
approchant l’année 280 de Rome (Bossuet).
appropiare, de prope, près de ; 1080, (Claudel). 2. Être imminent, en parlant
Approchant l’août (Courier).
Chanson de Roland). 1. Approcher d’un événement, d’un phénomène : Le soir
n. m. Class. Mot de sens voisin d’un quelque chose, mettre près ou plus près de approchait, épais, odorant (Aragon).
autre.
quelqu’un ou de quelque chose : Toute la s’approcher v. pr. [de]. 1. S’avancer pour
approche [apr] n. f. (déverbal de matinée, il fit des charretées pendant que venir auprès de quelqu’un ou de quelque
approcher ; XVe s.). 1. Action d’appro- Frédéric et le petit valet approchaient le foin chose : Je m’approchai du balcon et je me
cher de quelque chose, de s’avancer vers [de la charrette] (Pérochon). 2. Fig. et saisis d’un petit pot de fleurs (Baudelaire).
quelqu’un ; mouvement par lequel on littér. Rendre plus proche : Elle est belle, Le chien [...] s’approche et pose curieuse-
s’approche de quelqu’un ou de quelque cette religion ! Elle approche le coeur de ment son nez humide sur le flacon débou-
chose : Les habitants s’enfuirent à notre la justice (Chateaubriand). 3. Vx. Faire ché (Baudelaire). Devenir proche dans le
approche (Chateaubriand). Fig. Travaux paraître quelque chose plus proche : Cette temps, être imminent : La nuit s’approche.
d’approche, ensemble de démarches, lunette approche les objets (Littré). 4. Fig. 2. Avoir de la ressemblance avec :
de procédés mis en oeuvre pour arri- Faire effort pour rendre une chose égale ou L’intrigue d’un roman doit s’approcher de
ver à une fin. (On dit aussi simplem. semblable à une autre : Je lui dis, essayant la réalité.
APPROCHES.) 2. Manière dont une per- d’approcher mes idées des siennes : « Je • SYN.: 1 aller vers, se diriger vers, venir à ;
sonne accueille ceux qui l’abordent : Il est travaillais aussi de mon côté » (Vigny). 2 se rapprocher de. — CONTR.: 1 s’éloigner,
d’une approche difficile. 3. En parlant des 5. Class. Admettre (ou faire admettre) reculer, se séparer de ; 2 s’écarter, s’éloigner.
animaux, union du mâle avec la femelle. quelqu’un dans son intimité, sa familiarité :
approfondi, e [aprfdi] adj. (part. passé
4. Ensemble des manoeuvres effectuées Ceux que la faveur ou les affaires appro-
de approfondir). Qui n’est pas superficiel,
par un avion avant de se poser sur la piste chaient de sa personne ne s’y pouvaient
mais va au fond des choses : [Ces principes]
d’atterrissage. 5. Fig. Proximité d’un évé- maintenir (La Fayette). 6. Class. Venir
résultent d’une science approfondie de la
nement dans le temps ou dans l’espace : À près de quelque chose : Cependant gardez-
blanche magie (Nerval).
l’approche de la nuit, le village sortit peu à vous d’approcher ce rivage (La Fontaine).
7. Venir près de quelqu’un, s’avancer vers
• SYN.: détaillé, fouillé, minutieux, poussé,
peu toutes sescréatures (Duhamel). Le sou-
lui : Il est contagieux, ne l’approchez pas. savant. — CONTR. : élémentaire, rudimen-
venir qu’appelait en lui l’approche de chaque
Avoir accès habituellement auprès de taire, sommaire, succinct, superficiel.
combat prenait, une fois de plus, posses-
sion de son esprit (Malraux). 6. Action quelqu’un, le fréquenter : Ils approchaient approfondir [aprfdir] v. tr. (de pro-
de rapprocher une chose d’une autre : Il trop la noblesse de cour pour se commettre fond ; fin du XIIIe s.). 1. Rendre plus pro-
se mit à rabattre la peau et à faire les trois avec les niaiseries de la province (Balzac). fond : Approfondir un fossé, un puits.
sutures d’approche (Zola). Lunette d’ap- 8. Spécialem. En parlant du mâle d’une 2. Fig. Rendre plus intense ; faire paraître
proche, lunette qui grossit l’image et fait espèce animale, s’accoupler avec la femelle. plus profond, plus épais : Cette vie des
paraître les objets plus proches. 7. Dans • SYN. : 1 avancer, rapprocher ; 3 et 4 rap- nuages animait l’obscurité [...] comme si
une composition typographique, distance procher ; 7 côtoyer. — CONTR. : 1 écarter, d’immenses ombres fussent venues parfois

212
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

approfondir la nuit (Malraux). 3. Pénétrer approprier [aprprije] v. tr. (lat. impérial faveur : L’audace de contredire se mesure [...]
le plus avant possible dans la connaissance appropriare, du lat. class. proprius, propre ; au besoin que l’on a d’être approuvé (Alain).
de quelque chose : Approfondir une ques- début du XIIIe s.). • SYN.: 1 accepter, acquiescer à, admettre,
tion, un problème. [Leur] unique soin était agréer, autoriser, confirmer, entériner, rati-
I. Class. et littér. Mettre en état de pro-
d’approfondir | Le douloureux secret qui fier ; 4 et 5 applaudir à, louer. — CONTR. :
preté : Mettez ordre à tout, dépêchez-vous
me faisait languir (Baudelaire). Absol. 1 s’opposer à, protester (absol.), refuser,
de les laver [vos vêtements], de les appro-
Ne pas se contenter d’un examen superfi- repousser ; 4 et 5 blâmer, censurer, condam-
prier (Fénelon). Il n’y a que Mme Vigneau
ciel, pousser plus loin les investigations : ner, critiquer, décrier, désapprouver, désa-
pour savoir approprier ainsi un ménage
Se contenter des explications données sans vouer, rejeter, réprouver.
(Balzac).
approfondir davantage.
II. 1. Vx. Attribuer en propre à approvisionnement [aprvizjnm]
• SYN. : 1 affouiller, creuser ; 2 accroître,
quelqu’un : On lui a approprié ce do- n. m. (de approvisionner ; 1636, Monet).
assombrir, augmenter, épaissir, intensifier,
maine. 2. Rendre propre à un usage, Action d’approvisionner, de pourvoir de
obscurcir ; 3 creuser, étudier, explorer, fouil-
à une destination : Quant aux galeries provisions une armée, une ville, un pays,
ler, scruter, sonder. — CONTR. : 2 alléger,
éclaircir, éclairer ; 3 effleurer, glisser sur. [...], il est impossible de les reconnaître etc. : Tous les problèmes de concentration,
depuis des siècles, grâce aux clôtures, aux d’utilisation de voies ferrées, d’approvision-
s’approfondir v. pr. Devenir plus pro-
maçonneries et aux faux plafonds qui ont nement sont aujourd’hui résolus (Martin
fond (au pr. et au fig.) : A peine notre pen-
approprié ce château aux convenances du Gard). Approvisionnement en eau d’une
sée tend à s’approfondir — c’est-à-dire à
militaires (Nerval). ville.
s’approcher de son objet —, à peine vivons-
nous cette pensée, nous la sentons seséparer • SYN. : I nettoyer. II, 2 accommoder, •SYN. : alimentation, fourniture,
de tout langage conventionnel (Valéry). Le accorder, adapter, conformer. — CONTR. : ravitaillement.
fossé s’approfondit sous l’action des eaux. II, 1 désapproprier. approvisionnements n. m. pl. Ensemble
s’approprier v. pr. des vivres ou des fournitures rassemblés
approfondissement [aprfdism]
en vue d’approvisionner : Il faut renou-
n. m. (de approfondir ; 1578, A. d’Aubi- I. 1. Se rendre possesseur d’une chose, le
veler les approvisionnements. Morin alla
gné). 1. Action de rendre plus profond : plus souvent indûment : S’approprier un
passer quinze jours à Paris, [...] sous pré-
L’approfondissement d’un canal. 2. Fig. bien, un patrimoine. 2. Fig. S’attribuer
texte de renouveler ses approvisionnements
Action de pénétrer plus avant dans la la paternité, la création de quelque chose :
(Maupassant).
connaissance d’une chose. 3. Le fait de S’approprier une idée, une invention.
devenir plus profond : Il y a soixante et
• SYN.: provision, réserve, stock.
II. Vx. Se mettre d’accord avec ; se confor-
onze ans que les tribulations m’entourent de mer à : Cet auteur songe peu à s’approprier approvisionner [aprvizjne] v. tr. (de
leur fracas, sans que j’en aie éprouvé autre à ses lecteurs (Littré). provision ; v. 1500, J. d’Authon). 1. Munir
chose qu’un approfondissement du mystère des vivres ou des fournitures nécessaires :
• SYN.: I, 1 s’adjuger, s’arroger, s’attribuer,
divin que je n’aurais pas éprouvé sans elles Des fruitiers approvisionnés, suivant la sai-
s’emparer, s’octroyer, prendre, ravir, sesaisir
(Montherlant). son, d’oranges ou de pastèques, de bananes
de, usurper ; 2 s’emparer de, piller, plagier,
• SYN.: 1 affouillement, creusement ; 2 ana- usurper, voler. II s’accorder avec, s’adap- ou d’artichauts (Fromentin). Les barques
lyse, étude, examen, recherche. ter à, s’harmoniser avec. qui approvisionnent la ville arrivaient à la
appropriation [aprprijasj] n. f. (lat. voile ou à la rame, suivant leur direction
approuvable [apruvabl] adj. (de
médiév. appropriatio, du lat. class. proprius, (Gautier). 2. Fig. Fournir en abondance :
approuver ; v. 1550, Amyot). Qui peut être
propre ; XIVe s.). Approvisionner quelqu’un en arguments.
approuvé.
3. Spécialem. Introduire dans le magasin
I. 1. Action de rendre propre à : Chaque d’une arme à feu à répétition les cartouches
approuvé, e [apruve] adj. (part. passé
action parfaite s’accompagne de volupté de approuver). Qui a reçu l’approbation. nécessaires à son fonctionnement : Le ser-
[...]. La joie que l’on y trouve est signe de vant approvisionne la mitrailleuse.
(Terme employé dans les formules qui
l’appropriation du travail (Gide). 2. État
figurent au bas des actesLu et approuvé. • SYN.: 1 et 2 alimenter, fournir, pourvoir
de ce qui est propre à, adapté à : Avec notre
Approuvé l’ajouté ci-dessus.) en, ravitailler.
raison raisonnante, nous ne pouvons pas
• REM. Demeure invariable quand il est s’approvisionner v. pr. Se munir des
nous empêcher de voir l’appropriation des
employé sans auxiliaire et placé devant vivres ou des fournitures nécessaires :
organes à l’effet (Duhamel).
le nom : Approuvé les deux paragraphes. S’approvisionner en fruits.
II. Action de se rendre propriétaire, pos-
approuver [apruve] v. tr. (lat. appro- • SYN.: se fournir, se ravitailler.
sesseur ; résultat de cette action : L’appro-
bare, approuver ; XIIe s. ; signif. aussi, approvisionneur, euse [aprvizjnoer,
priation des moyens de production.
jusqu’au XVIe s., « prouver » et « éprouver »). -øz] adj. et n. (de approvisionner ; 1774,
• SYN. : I,1 et 2 adaptation, concordance,
1. Donner son accord à quelque chose Brunot). Qui se charge de munir de vivres
convenance. II acquisition. — CONTR. :
que l’on agrée : Approuver un mariage. Ils et de fournitures : Beaumarchais, relevé
I inadaptation. II abandon, aliéna-
daignent approuver ses pensées (Stendhal). de son jugement avec pompe [...], devenait
tion, désappropriation, dessaisissement,
Absol. Être d’accord : Lui approuvait ; l’approvisionneur et le munitionnaire géné-
renonciation.
c’était vrai qu’avec elle tout paraissait ral des États-Unis insurgés (Sainte-Beuve).
approprié, e [aprprije] adj. (part. passé toujours facile (Camus). 2. Spécialem.
de approprier). Approprié à, qui convient Autoriser par une décision administra- approximatif, ive [aprksimatif, -iv]
à un usage, à une destination, qui est en tive : Ouvrage approuvé par l’autorité. adj. (de approximation ; 1795, Snetlage).
accord avec : Employer des moyens appro- 3. En droit, reconnaître l’exactitude 1. Qui repose sur une évaluation rapide et
priés à la situation. Ces fantômes peints de faits ou la validité d’un engagement : ne fait qu’approcher de la vérité : Établir un
étaient des hôtes bien appropriés à la soli- Approuver le procès-verbal d’une dépo- devis approximatif des dépenses. 2. Qui
tude désolée du logis (Gautier). sition. 4. Considérer comme juste, n’est pas d’une exactitude rigoureuse : Une
• SYN.: en accord, accordé, adapté, adéquat, louable : Il approuvait la condamnation du traduction approximative.
assorti, conforme, convenable, propre. — roi (Flaubert). 5. Approuver quelqu’un, • SYN.: 1 approchant, approché ; 2 impré-
CONTR.: impropre, inadéquat. partager ses opinions et se déclarer en sa cis, vague. — CONTR.: 1 exact, juste, précis,

213
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

rigoureux ; 2 exact, littéral, précis, rigou- • Pl. des APPUIS-TÊTE ou des APPUIE-TÊTE.
reux, scrupuleux, strict. eh,asuotne
ràalsas urreboordrdin.airÀe
dhuauctoeuudr
ed.’apMpuuir, •REM. Au sens 1, on dit aussi APPUI-
d’appui, mur qui sert de soutien au sol et NUQUE n. m. (des APPUIS-NUQUE) ou
approximation [aprksimasj] n. f.
aussi de garde-fou, construit sur le bord APPUIE-NUQUE n. m. invar.
(dér. savant du lat. impérial approximare,
d’une terrasse, d’un quai, d’un port, etc.
s’approcher de, de proximus, très proche ; appuyé, e [apije] adj. (part. passé de
Point d’appui, endroit où quelqu’un,
1314, la Chirurgie d’H. de Mondeville). appuyer). 1. Se dit, par opposition à léger,
quelque chose prend appui. 2. Fig. Aide
1. Évaluation par laquelle on ne fait de ce qui est particulièrement insistant,
accordée à quelqu’un : Être l’appui du
qu’approcher du chiffre exact : Jusqu’à marqué, souligné : De nouveau soufflait
faible. Mme de Fontanin, ne sachant à qui
l’arrestation de Jean, que nous plaçons le grand vent du premier soir. On l’enten-
demander appui, songea à venir trouver
par approximation dans l’été de l’an 29 dait gronder comme un torrent ou passer
M. Thibault (Martin du Gard). Avoir
(Renan). 2. Tout ce qui n’est pas d’une avec le sifflement appuyé d’une chute d’eau
des appuis, pouvoir espérer des soutiens.
exactitude rigoureuse : Ce ne sont là que (Alain-Fournier). 2. Consonne appuyée,
Spécialem. Appui aérien, aide que
des approximations. J’ai eu quelques bonnes consonne précédée d’une autre dans la
l’aviation fournit aux forces terrestres.
camaraderies, quelques approximations même syllabe.
d’amitié (Romains).
• SYN. : II, 1 soutien, support, tuteur ;
•SYN.: 1 accentue, accusé, fort, prononcé.
2 assistance, concours, patronage, pis-
approximativement [aprksimativm] — CONTR. : 1 délicat, faible, fragile, léger.
ton (fam.), protection, recommandation,
adv. (de approximatif ; 1834, Landais). secours, soutien. — CONTR.: II, 2 abandon, appuyer [apije] v. tr. (lat. pop. *appo-
D’une manière approximative ; selon une délaissement. diare, du lat. class. podium [terme d’archit.],
estimation approximative : La réunion À l’appui loc. adv., et à l’appui de loc. soubassement, support, du gr. podion,
durera approximativement deux heures. prép. Pour appuyer, soutenir ou renforcer : attesté seulement au sens de « petit pied » ;
• SYN. : à peu près, environ. — CONTR. : Ses conseils [...] nous furent prodigués avec 1080, Chanson de Roland, écrit apuier).
exactement, précisément. taloches à l’appui (H. Bazin). Un gazetier [Conj. 2.] 1. Soutenir par le moyen d’un
philosophe me dit que la solitude est mau- appui : Appuyer un mur avec des étais.
approximer [aprksime] v. tr. (bas
vaise pour l’homme, et à l’appui de sa thèse Spécialem. Appuyer les vergues, les
lat. approximare, approcher ; XIIe s., écrit
il cite, comme tous les incrédules, des paroles soutenir contre la force du vent. 2. Faire
aproismier). Avoir de l’analogie avec
des Pères de l’Église (Baudelaire). Pour avoir reposer une chose sur une autre qui lui
quelque chose ; s’en rapprocher (rare) : En
plus de faits à l’appui de leurs arguments, ils sert d’appui : Appuyer une échelle contre
somme, sa pensée [de Delacroix], en ces
se procurèrent d’autres ouvrages (Flaubert). un mur. Un étroit lit de fer était appuyé
sortes de choses, approximait beaucoup,
au mur (Rolland). 3. Placer, disposer
surtout par ses côtés de froide et désolante appui-bras ou appuie-bras [apibra]
une chose contre une autre qui lui sert de
résignation, la pensée d’un historien dont n. m. (de appui [ou appuie] et de bras ; 1928,
protection : Appuyer une aile de l’armée
je fais pour ma part un cas tout particulier Larousse). Dans une voiture automobile,
contre un coteau. L’Istrie présentait le long
(Baudelaire). un compartiment de chemin de fer, etc.,
de la mer une terre basse, appuyée dans
• SYN. : s’apparenter à, ressembler. — support, souvent mobile, permettant aux
l’intérieur sur une chaîne de montagnes
CONTR. : différer, se distinguer de, s’oppo- voyageurs de s’accouder.
(Chateaubriand). 4. Par anal. Fournir
ser à. • Pl. des APPUIS-BRAS ou des APPUIE-BRAS.
un appui militaire à : L’aviation appuie
appui [api] n. m. (déverbal de appuyer ; appui-coude ou appuie-coude la progression des chars. Appuyer les
XIIe s.). [apikud] n. m. (de appui [ou appuie] chiens, dans la chasse à courre, les exciter
et de coude ; milieu du XXe s.). Syn. de en sonnant du cor, en donnant de la voix.
I.1.Action d’appuyer, de soutenir :
APPUI-BRAS. 5. Fig. Établir une chose en prenant appui
Comme le corps dans la marche, qui
• Pl. des APPUIS-COUDE ou des APPUIE- sur une autre à titre de justification : Il
trouve successivement appui sur l’une et
COUDE. arrivait qu’Annette prétendît appuyer cer-
l’autre de ses jambes (Claudel). Spécia-
tains droits de la femme sur l’exemple du
lem. Temps pendant lequel un membre appui-livre ou appuie-livre [apilivr] mari (Rolland). 6. Fig. Aider quelqu’un
du cheval appuie sur le sol et soutient n. m. (de appui [ou appuie] et de livre ; à atteindre un but, par son influence, ses
le corps. 2. Action ou possibilité de milieu du XXe s.). Support permettant encouragements, son approbation, et, par
s’appuyer. Droit d’appui, faculté d’ap- de maintenir un livre dans une position extens., soutenir par les mêmes moyens
puyer une poutre ou toute autre partie convenable pour la lecture. une demande, un projet, etc. : Le maire m’a
d’une construction sur la construction • Pl. des APPUIS-LIVRE ou des APPUIE- violemment appuyé (Balzac). Appuyer une
d’un propriétaire voisin. Appui de la
LIVRE. candidature, un projet de loi. 7. Poser,
voix sur une syllabe, action de pronon-
appliquer une chose sur une autre en exer-
cer une syllabe avec une intensité plus appui-main ou appuie-main [apim]
çant une pression plus ou moins forte : Son
forte. Voyelle d’appui, voyelle qui tend n. m. (de appui [ou appuie] et de main ;
coeur battait si fort qu’elle y avait appuyé sa
à apparaître dans la prononciation de 1680, Richelet). Baguette dont le peintre
main (Martin du Gard). 8. Fig. Appuyer
certains groupes consonantiques, ainsi se sert pour appuyer la main qui tient le
son regard sur quelqu’un, le faire peser sur
[] dans la prononciation populaire de pinceau.
lui avec insistance : Le regard surtout qu’il
arc-bouter[arkbute] Appui vocal, ou • Pl. des APPUIS-MAIN ou des APPUIE-
appuya sur le sien le fit pâlir (Bernanos).
simplem. appui, procédé habituel à tous MAIN.
• SYN.: 1 épauler, étançonner, étayer, main-
les chanteurs ou diseurs, qui consiste à
appui-tête ou appuie-tête [apitt] tenir, renforcer ; 2 accoter, adosser, appli-
caler le souffle à certains moments judi-
n. m. (de appui [ou appuie] et de tête ; 1866, quer, poser ; 3 accoter, adosser ; 4 protéger,
cieusement choisis, pour donner à la voix
Larousse). 1. Dispositif adapté à un fau- soutenir ; 5 asseoir, fonder, soutenir ; 6 assis-
sa statique et sa sûreté.
teuil, à un siège, et destiné à soutenir la ter, encourager, épauler (fam.), patronner,
II. 1. Tout ce qui soutient quelque chose, tête. 2. Garniture de protection en tissu, pistonner (fam.), pousser, protéger, recom-
tout objet sur lequel on peut s’appuyer : que l’on fixe au dossier d’un fauteuil, d’un mander ; 8 fixer. — CONTR.: 6 abandonner,
Mettre un appui à un arbre. Appui d’un divan : Jefaisais quelques pas du prie-Dieu délaisser, lâcher (pop.), laisser tomber (très
balcon, d’une fenêtre, partie sur laquelle aux fauteuils en velours frappé, toujours fam.), négliger ; 7 enlever, ôter, relever, reti-
on peut s’accouder. Appui d’une ter- revêtus d’un appui-tête au crochet (Proust). rer, soulever.

214
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

v. intr. [sur]. 1. Prendre appui sur : Le sa rudesse : Sa voix grave, insensiblement, se suivre pour le rattraper
ou le ramener.
pied appuie sur le sol. Mademoiselle pre- faisait âpre et violente. Celle de la comtesse Courir après quelque chose, chercher
nait dans ses deux mains son joli visage, tremblait légèrement (Gide). 5. Fig. Se dit à l’obtenir, à le conquérir : Courir après
les deux coudes presque appuyés sur mes d’une action, de paroles qui manifestent la la gloire, le bonheur. Courir après son
genoux (Chateaubriand). 2. Exercer une violence, la dureté, la brutalité : D’âpres argent, s’efforcer de se le faire restituer.
pression sur : Appuyer sur l’accélérateur. Ses reproches. La lutte a été âpre. 6. Se dit
III. Marque la subordination dans un
doigts tremblaient et n’avaient pas la force d’une personne qui se porte avec violence
ordre, l’infériorité de rang : Après l’or
d’appuyer sur les touches, puis, peu à peu, et acharnement à la poursuite de quelque
et le platine, l’argent est le plus cher des
il s’entendit (Rolland). 3. Fig. Appuyer chose, et en particulier d’un gain : C’est un
métaux.
sur une note, un mot, émettre une note, jeune homme dur comme une barre de fer,
prononcer un mot avec une intensité parti- âpre à l’ouvrage, un cheval d’une activité IV. 1. Marque une relation (hostilité, ten-
culière. 4. Fig. Accorder une importance féroce (Balzac). dance, attachement, etc.) avec quelqu’un
particulière à : Le conférencier appuie sur • SYN.: 1 accidenté, raboteux, rugueux ; 2 ou avec quelque chose : Les chiens aboient
une idée, sur un argument. 5. Se porter aigre, cuisant, mordant, pénétrant, perçant, après les passants. Attendre après
dans une direction : Appuyer sur la droite, piquant, rigoureux, rude ; 4 aigre, rude ; 5 quelqu’un ou après quelque chose, l’at-
sur la gauche (ou à droite, à gauche). brutal, cruel, dur, farouche, rude, sauvage, tendre avec plus ou moins d’impatience :
• SYN.: 1 porter, reposer ; 2 peser sur, pres- sévère, terrible, violent ; 6 ardent, avide, Il y a longtemps qu’on attend après vous
ser ; 3 et 4 accentuer, insister, souligner ; cupide, frénétique, violent. — CONTR. : 1 (Acad.). C’est une somme après laquelle il
5 aller vers, se diriger vers. — CONTR. : 2 égal, lisse, plan, plat, poli, uni ; 2 clément, attend pour partir. Attendre après l’auto-
lâcher, relâcher ; 4 effleurer, glisser sur, doux, tiède ; 3 doux, suave, sucré ; 4 douce- bus. Soupirer, languir après quelque
passer. reux, doux, mielleux, suave ; 6 désintéressé, chose, regretter de ne pas pouvoir l’at-
s’appuyer v. pr. 1. Prendre appui, faire généreux, indolent, insouciant, modéré, teindre : Une misérable femme de drame,
porter son poids : C’était la robuste Cécile mou, négligent. quelque part dans le monde, soupire après
qui avait le plus besoin de s’appuyer sur la des abandons improbables (Rimbaud).
âprement [prm] adv. (de âpre ; 1138,
fragile Mme Arnaud (Rolland). Elle était Fam. Crier après quelqu’un ou après
Saint Gilles). Avec âpreté : Défendre âpre-
obligée de s’appuyer à son bras (Samain). quelque chose, crier pour manifester son
ment ses droits. Discuter âprement. Jaurès mécontentement à son égard : Un gar-
Il fut pris d’un tel battement de coeur qu’il
avait soutenu avec énergie cette proposition,
s’appuya contre un arbre pour ne pas tomber dien criait après eux (Gide). Salomé eut
et la discussion se poursuivait âprement, beau crier après lui : impossible d’avaler
(Flaubert). 2. Fig. Trouver un appui, un
depuis le matin (Martin du Gard).
soutien matériel, moral ou intellectuel : un morceau (Rolland). Fam. Deman-
Elle ne demandait qu’à s’appuyer sur après [apr] prép. (du bas lat. ad pressum, der, chercher après quelqu’un ou après
quelque chose de plus solide que l’amour comp. de ad et de pressum [du part. passé quelque chose, s’informer du lieu où se
(Flaubert). S’appuyer sur un fait pour sou- pressus, serré], adj. neutre pris adverbia- trouve cette personne ou cette chose,
tenir une idée. Les obligations du moment, lem. ; 1080, Chanson de Roland). pour la faire venir ou pour la trouver :
quand elles s’appuient d’arguments très forts D’ici là, certainement personne ne de-
I. 1. Marque la postériorité dans le
(Romains). 3. Pop. Faire par obligation manderait après lui (Tr. Bernard). Être
temps : Après votre départ, l’aubergiste
une chose désagréable : S’appuyer une cor- après quelqu’un, le suivre sans cesse ou
inquiet a soupçonné une partie de la triste
vée. S’appuyer un pareil métier deux fois s’occuper de lui constamment, le har-
vérité (Nerval). Après deux semaines de
par jour (Barbusse). celer : Être toujours après son personnel.
beau temps, un odieux froid de fin d’hiver
• SYN.: 2 s’autoriser de, compter sur, se fon- Être après quelque chose, s’en occuper
glaçait (Maupassant). 2. S’emploie avec
der sur, sereposer sur, tabler sur ; 3 s’envoyer activement, ou être justement en train
un infinitif passé ayant même agent que
(pop.), se farcir (pop.), se taper (pop.). d’y travailler : Copeau s’étonnait que
le verbe complété : Après avoir dîné, ils
j’en sois encore après le Journal de Stend-
apraxie [apraksi] n. f. (de a priv. et partirent. Suivi du présent de l’infi-
hal (Gide). 2. Class. Être après à faire
du gr. praxis, action ; 1906, Larousse). nitif, ne s’emploie que dans l’expression
quelque chose, être en train de le faire :
Perturbation de l’activité gestuelle, telle après boire. (Dans les loc. après déjeuner,
Jesuis après à m’équiper (Molière). Jesuis
que les mouvements qui la composent ne après dîner, après manger, après souper,
après à conclure avec Madame Guyon
sont plus adaptés au but proposé, malgré on peut considérer les mots déjeuner, dî-
(Bossuet).
l’intégrité des fonctions motrices, sensiti- ner, manger, souper, comme de véritables
• REM. 1. Courir après quelqu’un ou après
vosensorielles, et de l’intelligence. substantifs : Toute la population, après
quelque chose est correct, mais on dira
manger, était dehors, désoeuvrée, inquiète
âpre [pr] adj. (lat. asper ; XIIe s., écrit plutôt : Il a couru après moi que Il m’a
[Martin du Gard].) 3. Après cela, après
aspre). 1. Class. et littér. Se dit d’une sur- couru après.
ce, après quoi, ensuite : Faites votre tra-
face hérissée d’aspérités, et notamment 2. L’emploi de après à la place de à, sur
vail, après cela vous pourrez vous repo-
d’un sol inégal, escarpé : D’âpres rochers ou contre est souvent de la langue fami-
ser ; par extens., à cause de cela : Après
(La Fontaine). Les sentiers sont âpres lière : Accrocher un vêtement après le (=
cela (ou après quoi), il ne lui restait qu’à
(Rimbaud). Je me trouvais dans un lieu au) portemanteau. Monter après (= à, sur)
s’excuser ; cela ayant été posé ou admis :
désert, une âpre montée semée de roches,
Je vous avertis ; après cela, agissez comme un arbre. Il est furieux après (= contre) lui.
au milieu des forêts (Nerval). 2. Se
vous l’entendez. adv.
dit d’un froid, d’un vent, etc., que leur
rigueur rend pénibles à supporter : Une II. 1. Marque la postériorité dans l’es- I. 1. Marque la postériorité dans le
âpre nuit d’hiver sans étoile et sans lune pace : Après le pont, la route bifurque. temps : « par la suite, postérieurement »:
| Tombait à larges pans dans le brouillard 2. Marque le mouvement d’une per- Après, je châtierai les railleurs, s’il en reste
diffus (Hugo). 3. Se dit de ce qui, par son sonne qui marche derrière une autre (Hugo). Un mois après, un mois plus
âcreté, produit une sensation désagréable ou qui s’attache à elle : Traîner une cour tard : Un mois après, à la gare, il l’instal-
sur les muqueuses de la bouche et de la d’admirateurs après soi. Des femmes à la lait dans le wagon-lit (Camus). Le mois
langue : Poires âpres au goût. Un mélange fontaine parlaient, avec des grappes de d’après, le jour d’après, le mois, le jour qui
de vin âpre et d’infusion de feuilles (Aymé). mioches après elles (Aragon). 3. Spé- suit celui où l’on est. 2. S’emploie inter-
4. Se dit d’un son désagréable à l’ouïe par cialem. Courir après quelqu’un, le pour- rogativement pour demander la suite de

215
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

quelque chose : Et après ? Que vous a-t-il prise entre midi et le soir : Le long après- compte des réalités concrètes : Il ne faut
dit ? Peut marquer l’indifférence iro- midi de juin (Maurois). Une île enchantée, pas légiférer « a priori ».
nique : Jérôme vient me voir quelquefois ! éclairée des heures d’une éternelle après- loc. adj. invar. Fondé non sur l’expé-
Après ? On ne s’en cache pas ! Entre cou- midi (Baudelaire). Je dors toutes les après- rience, mais sur les principes de la raison :
sins ! La belle affaire (Martin du Gard). midi, pour au moins rêver un peu (Gide). Raisonnement « a priori ».
Des après-midi [...] cruelles (Aymé). n. m. invar. Argument, principe posé
II. Marque la postériorité dans l’espace,
l’ordre, le rang : Les plus jeunes, les plus après-rasage [aprraza] n. m. (de après « a priori ».
ardents marchent en tête, les autres • CONTR. : a posteriori.
et de rasage ; milieu du XXe s.). Produit de
viennent après. toilette rafraîchissant utilisé pour calmer [aprijrism] n. m. (de a
apriorisme
• SYN.: I, 1 ensuite, plus tard, puis, ultérieu- le feu du rasoir. priori ; 1877, Littré). 1. Méthode de rai-
rement. II derrière, ensuite. — CONTR.: I, sonnement « a priori ». 2. Attitude
après-ski [aprski] n. m. (de après et de
1 d’abord, auparavant, avant, au préalable, intellectuelle fondée sur le raisonnement
ski ; milieu du XXe s.). Chaussure souple,
préalablement. II en avant, devant. « a priori ».
fourrée, que l’on met aux sports d’hiver
Après coup loc. adv. Après le moment pour se délasser. aprioriste [aprijrist] adj. et n. (de aprio-
opportun ; quand il est trop tard : Arriver • REM. Le pluriel logique serait après-ski ; risme ; 1878, Larousse). Qui raisonne « a
après coup. Nos actes les plus sincères sont
mais après-skis semble plus couramment priori » ; qui se fonde sur des idées « a
aussi les moins calculés ; l’explication qu’on
employé. priori » : Une attitude aprioriste.
en cherche après coup reste vaine (Gide).
Après tout loc. adv. Quoi qu’il en soit : après-souper [aprsupe] n. m. (de après à-propos [aprpo] n. m. (de propos, dér.
Il faut qu’ils sentent après tout que je n’en et de souper ; XVe s., écrit après-soupé, n. m., de proposer ; 1700, Mme de Maintenon).
mourrai pas (Romains). ou après-soupée, n. f. [jusqu’à l’éd. de 1878 1. Caractère de ce qui est fait ou dit en
du Dict. de l’Acad.]). Vx. Temps qui s’écoule temps et lieu convenables : Elle s’amusa
D’après loc. prép. 1. En se conformant
entre le repas du soir et le moment où l’on [...]en défendant les femmes modernes avec
à, en suivant : L’homme s’y dirige d’après
se couche : L’après-soupée se passa au jeu, beaucoup d’esprit, de finesse et d’à-propos
ses propres idées (Alain). 2. En prenant
en conversation (Sévigné). (Maupassant). Il se contenta de répondre,
pour modèle : Peindre une poule d’eau sur
• Pl. des APRÈS-SOUPERS. sans beaucoup d’à-propos, mais toujours
un étang d’après une carte postale (Aragon).
à l’adresse de Jerphanion, qu’il souhaitait
Peindre d’après nature. 3. Selon l’avis de âpreté [prte] n. f. (de âpre, d’après le lat.
la fin des luttes religieuses (Romains).
la personne à laquelle on se réfère : D’après asperitas ; 1190, Sermons de saint Bernard.)
2. Occasion favorable : Un des hussards
Platon, les Idées existent en soi. 1. Vx. Qualité de ce qui présente sur sa
démontés, voyant les deux défenseurs du
Après que loc. conj. (suivie de l’indica- surface des aspérités ; en particulier, état
pont par terre, saisit l’à-propos, saute sur
tif). À la suite du moment où : Après qu’ils d’un terrain inégal, raboteux : L’âpreté d’un le cheval de Fabrice (Stendhal). 3. Pièce
eurent dîné, ils partirent. sentier. 2. Par anal. Qualité de ce qui est de théâtre ou poème de circonstance : Des
• REM. Le subjonctif tend à se répandre physiquement pénible à supporter, du fait à-propos en vers.
dans les propositions introduites par de son caractère rude, violent : L’âpreté du • SYN.: 1 opportunité, pertinence, présence
après que : Un siècle et demi après que vent, du climat. 3. Qualité de ce qui agit
d’esprit.
cette parole ait été prononcée, nous savons avec rudesse sur le goût, l’odorat, l’ouïe : Ce
que le bonheur en Europe est une illusion vin m’a amusé par une alliance [...] d’âpreté apside n. f. V. ABSIDE.
perdue (Mauriac). Cette construction et de fruité ; d’une âpreté qui tend au goût
apte [apt] adj. (lat. aptus, fait pour ; XIIIe s.,
n’est pas admise dans la langue soignée. caillouteux et même calcaire (Romains). écrit apt, Godefroy ; considéré comme
L’âpreté d’une voix. 4. Fig. Caractère
après-demain [aprdm] adv. (de après vieux au XVIIe s. ; terme de droit au XVIIIe s. ;
des actes ou des paroles qui manifestent sens plus étendu au XIXe s., sous l’influence
et de demain ; 1690, Furetière). Le second
de la rudesse, de la brutalité : L’âpreté de aptitude). 1. Se dit d’une personne qui
jour après celui où l’on se trouve : C’est
des combats, des reproches. Déconcerté a naturellement des dispositions pour :
aujourd’hui dimanche : je reviendrai vous
par l’âpreté de ma question, Hamond ne Apte à remplir une place, à tenir un emploi.
voir après-demain mardi.
sait que dire (Colette). 5. Caractère de 2. En termes de droit, qui a qualité pour :
n. m. invar. : De tristes après-demain. celui qui se porte avec violence et achar- Apte à tester, à posséder, à hériter.
après-dîner [aprdine] n. m. (de après nement à la poursuite de quelque chose, • SYN. : 1 bon à, capable de, propre à ; 2
et de dîner ; v. 1362, Froissart, écrit après- et en particulier d’un avantage matériel,
capable. — CONTR. : 1 impropre, inapte,
disner). Vx ou dialect. Partie de la journée d’un gain : Gardez-vous de vouloir même le incapable.
qui suit le dîner ; autrefois l’après-midi, bonheur public avec trop de force et d’âpreté
(France). L’âpreté d’un usurier. aptère [aptr] adj. (gr. apteros, sans ailes,
lorsqu’on dînait à midi.
de a priv. et pteron, aile ; 1754, La Chesnaye
• Pl. des APRÈS-DÎNERS. • SYN. : 2 rigueur, rudesse ; 4 cruauté,
des Bois). 1. Qui n’a pas d’ailes : Des insectes
• REM. On a écrit aussi, jusqu’au XIXe s., dureté, sauvagerie, sévérité, violence ; 5
aptères. 2. Spécialem. Se dit des statues de
après-dîné n. m. et après-dînée n. f. ardeur, avidité, cupidité, frénésie, fureur,
certaines divinités représentées sans ailes :
rage, rapacité, voracité. — CONTR. : 2 clé-
[forme supprimée dans le Dict. de l’Acad. Le temple de la Victoire aptère. 3. Se
mence, douceur, tiédeur ; 3 douceur ; 4 civi-
en 1878] : Le carillon des vêpres m’a fendu dit des temples antiques dépourvus de
lité, douceur, modération, urbanité.
le crâne pour toute l’après-dînée (Musset). colonnes sur les faces latérales.
a priori [aprijri] loc. adv. (loc. du lat.
après-guerre [aprgr] n. m. ou f. (de aptéryx [apteriks] n. m. (de a priv. et du
scolast. signif. « en partant de ce qui est
après et de guerre ; 1922, Larousse). Période gr. pterux, aile ; milieu du XIXe s.). Nom
avant » ; 1626, Mersenne). 1. En se fon-
de temps qui suit une guerre : En ce temps scientifique du kiwi.
dant sur des données admises avant toute
chahuté d’après-guerre (Romains).
expérience : On ne peut construire les aptitude [aptityd] n. f. (bas lat. aptitudo ;
• Pl. des APRÈS-GUERRES.
sciences « a priori ». 2. Avant d’acquérir 1361, Oresme ; terme jurid. jusqu’au XVIe s.,
après-midi [aprmidi] n. m. (selon la connaissance nécessaire, au premier puis sens élargi). 1. Disposition, natu-
l’Acad.) ou f. invar. (de après et de midi ; abord : « A priori », il ne m’inspire aucune relle ou acquise, d’une personne à faire
début du XVIe s.). Partie de la journée com- confiance. 3. Péjor. En ne tenant aucun quelque chose : L’aptitude à un emploi.

216
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

La singulière aptitude qu’avait cet étrange aquarelle [akwarl] n. f. (ital. acquarello, ce canal franchissant une rivière, un ravin
garçon à répandre des averses de larmes de acqua, eau ; 1791, Encycl. méthodique).) sur des piles : L’aqueduc du pont du Gard.
(Daudet). Une éducation particulière, Peinture légère dont les couleurs sont 2. Par anal. Nom donné, en anatomie,
exclusivement esthétique, avait d’ailleurs délayées à l’eau, et qui est exécutée le plus à certains canaux qui existent dans les os
développé jusqu’à l’acuité son aptitude souvent sur papier ; oeuvre exécutée selon ou les parties molles : Aqueduc de Fallope.
originelle à s’émouvoir de la beauté des ce procédé.
aqueux, euse [akø, -øz] adj. (lat. aquo-
choses (Samain). Certificat d’aptitude aquarelliste [akwarlist] n. (de aqua- sus, de aqua, eau ; 1503, G. de Chauliac ;
professionnelle, examen sanctionnant les relle ; 1836, Landais). Personne qui peint locution « humeur aqueuse », 1546, Ch.
études faites par les jeunes en vue d’exercer à l’aquarelle. Estienne). 1. Qui contient de l’eau : Des
une profession. 2. En termes de droit, légumes trop aqueux. 2. Qui est de la
qualité d’une personne que la loi reconnaît aquarium [akwarjm] n. m. (mot lat.
nature de l’eau : La partie aqueuse du sang.
habilitée à jouer un rôle ou à exécuter un signif. « réservoir », de aqua, eau ; 1860,
Humeur aqueuse, liquide contenu dans la
Année scientifique et industr.). 1. Réservoir
acte : Aptitude à recevoir un legs. chambre antérieure de l’oeil. 3. Spécialem.
de verre dans lequel on fait vivre des
• SYN.: 1 capacité, faculté, penchant, pré- Se dit, en chimie, d’une solution dont le sol-
plantes et des animaux aquatiques, surtout
disposition, propension. — CONTR.: 1 inap- vant est l’eau. 4. Fig. Qui semble contenir
des poissons : Car il y avait, dans le cabi-
titude, incapacité. de l’eau : Un ciel gris et aqueux semble la
net de Didier, un aquarium éclairé par une
• REM. Se construit avec à ou pour : Avoir peste aux Vénitiens (Chateaubriand).
lampe électrique et dans lequel folâtraient
des aptitudes aux mathématiques, pour toutes sortes de petits poissons (Duhamel). à quia [akija] loc. adv. (de à et du lat.
les mathématiques. Il montra l’aquarium où les cyprins noirs, quia, parce que ; fin du XVe s.). Vx. Être à
apurement [apyrm] n. m. (de apurer ; mous et dentelés comme des oriflammes, quia, ne savoir que répondre, être à court
XIVe s.). Opérations par lesquelles on vérifie montaient et descendaient au hasard d’arguments. Mettre, réduire quelqu’un
un compte ou on en règle le solde. (Malraux). 2. Local où sont rassemblés à quia, le mettre dans l’impossibilité de
de nombreux aquariums : L’aquarium du répondre.
apurer [apyre] v. tr. (de pur ; 1180, Roman Musée océanographique.
d’Alexandre, au sens de « purifier » ; au aquicole [akikl] adj. (du lat. aqua, eau,
• Pl. des AQUARIUMS.
sens actuel, 1611, Cotgrave). S’assurer de la et colere, cultiver, habiter ; 1877, Littré).
régularité d’une comptabilité en vérifiant aquatile [akwatil] adj. (du lat. aqua, eau ; 1. Vx. Qui vit dans l’eau. 2. Relatif à la
1678, Journ. des savants).) Vx. S’est dit d’une culture des plantes aquatiques.
les pièces justificatives.
plante qui vit dans l’eau. • SYN.: 1 aquatique.
apyre [apir] adj. (gr. apuros, de a priv. et • SYN.: aquatique.
pur, feu ; 1762, Acad.). Se dit d’une chose aquiculteur [akikyltoer] n. m. (de aqui-
qui n’est pas altérée par le feu et qui est aquatinte [akwatt] n. f. (ital. acqua culture ; 1866, Larousse). Personne qui
difficilement fusible : Le cristal est apyre. tinta, eau teinte ; 1819, Boiste, écrit aqua s’occupe d’aquiculture.
tinta ; 1824, Delacroix). Procédé de gravure
• SYN.: incombustible, infusible. — CONTR.: aquiculture [akikyltyr] n. f. (du lat.
à l’eau-forte qui imite le lavis : D’ailleurs,
combustible, fusible. aqua, eau, et de culture ; 1866, Larousse).
relativement aux procédés de Goya — aqua-
1. Art de multiplier et d’élever les animaux
apyrétique [apiretik] adj. (de apyrexie ; tinte et eau-forte mêlées, avec retouche à la
et les plantes aquatiques. 2. Culture des
début du XIXe s.). 1. Qui fait tomber la pointe sèche —, l’article en question contient
plantes terrestres dans un sol stérile arrosé
fièvre. 2. Qui n’a pas de fièvre. tout ce qu’il faut (Baudelaire).
avec une eau contenant tous les éléments
• SYN.: 1 antipyrétique. • REM. On trouve aussi la forme aqua- que ces plantes puisent ordinairement
tinta (Gautier). dans le sol.
apyrexie [apirksi] n. f. (gr. apurexia,
absence de fièvre ; XVIe s., Paré). 1. Absence aquatintiste [akwattist] n. (de aqua- aquifère [akifr] adj. (du lat. aqua, eau,
de fièvre. 2. Intervalle pendant lequel la tinte ; 1866, Larousse). Graveur qui utilise et ferre, porter ; milieu du XIXe s.). Se dit
fièvre cesse. le procédé de l’aquatinte. d’un terrain qui contient de l’eau : Des
aquafortiste [akwafrtist] n. et adj. (ital. aquatique [akwatik] adj. (lat. aquati- couches géologiques aquifères.
acquafortista, de acquaforte, eau-forte ; cus, de aqua, eau ; XIIIe s.). 1. Littér. Se dit aquifoliacées [akiflijase] n. f. pl. (du
1853, Goncourt). Graveur à l’eau-forte : d’un lieu plein d’eau, où l’eau affleure :
lat. aquifolium, houx ; 1863, Littré). Famille
Par l’âpreté, la finesse et la certitude de Les averses d’une journée avaient suffi à de plantes à fleurs ayant pour type le houx.
son dessin, M. Méryon rappelle ce qu’il y a changer en paysage aquatique ce domaine • SYN.: ILICINÉES.
de meilleur dans les anciens aquafortistes hier encore sec (Giraudoux). 2. Qui croît,
(Baudelaire). qui vit dans l’eau ou sur les bords de l’eau : aquilin, e [akil, -in] adj. (lat. aquilinus,
Avez-vous regardé quelquefois ces fleurs de aquila, aigle ; 1468, Chastellain). Se dit
aquamanile [akwamanil] n. m. (bas d’eau dont les longues tiges partent du fond du nez quand il est recourbé comme un bec
lat. aquaemanile, de aqua, eau, et manus, des rivières, montent en s’allongeant, en se d’aigle : Un grand nez aquilin lui descen-
main ; fin du XIXe s.). 1. Au Moyen Age, recourbant à travers tous les obstacles de la dait sur la bouche (Lesage). Son nez fin et
bassin dans lequel on se lavait les mains. végétation aquatique, pour éclater enfin à d’une courbe légèrement aquiline indiquait
2. Dans une sacristie, aiguière aux la surface en corolles magnifiques arrondies la royauté de sa race (Nerval).
ablutions. comme des coupes (Daudet). Une plante, un • SYN.: bourbonien.
animal aquatique.
aquaplane [akwaplan] n. m. (du lat. aqua, aquilon [akil] n. m. (lat. aquilo, vent du
eau, et de plan, 1928, Larousse). 1. Planche
• SYN. : 1 marécageux. — CONTR. : 2
nord ; 1120, Ps. de Cambridge). 1. Chez les
terrestre.
remorquée sur l’eau par un canot auto- Romains, le vent du Nord, que les Grecs
mobile, et sur laquelle une personne peut aqueduc [akdyk] n. m. (lat. aquaeduc- nommaient Borée. (En ce cas prend une
se tenir debout en s’aidant d’une corde. tus, conduit d’eau ; 1518, Faicts des Sainctz majuscule.) 2. Par extens. et poét. Tout
2. Sport qui consiste à se déplacer debout Pères, écrit acqueducte ; var. aqueduct, XVIe- vent froid et violent : D’un souffle l’aqui-
sur cette planche, et qui se pratiquait avant XVIIe s.). 1. Canal qui conduit l’eau d’un lon écarte les nuages | Et chasse au loin
le ski nautique. lieu dans un autre. Spécialem. Partie de la foudre et les orages (Racine). La nuit,

217
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

lorsque l’aquilon ébranlait ma chaumière, n. f. 1. En peinture ou en sculpture, appelée cacahuète, se mange grillée ou peut
que les pluies tombaient en torrent sur mon ornement caractérisé par un entrelace- être pressée pour fournir de l’huile.
toit, qu’à travers ma fenêtre je voyais la lune ment de feuillages, de lettres et de figures
arachnéen, enne [arakne, -n] adj.
sillonner les nuages amoncelés, comme un de fantaisie, à la manière arabe : Rien
(dér. savant du gr. arakhnê, araignée ; 1857,
pâle vaisseau qui laboure les vagues, il me n’égalait l’élégance de cet asile : la voûte
Baudelaire). 1. Propre à l’araignée. 2. Fig.
semblait que la vie redoublait au fond de entière, peinte d’azur et d’or, et composée
Qui a la finesse ou la légèreté d’une toile
mon coeur, que j’aurais eu la puissance de d’arabesques découpées à jour, laissait
d’araignée : Le petit carré de filet que se
créer des mondes. (Chateaubriand). 3. Fig. passer la lumière comme à travers un
propose d’agrémenter son travail est tendu
et poét. Le nord : De colline en colline, en tissu de fleurs (Chateaubriand). 2. Par
sur un cadre de métal ; c’est un arachnéen
vain porte ma vue | Du sud à l’aquilon, de extens. Tout entrelacement de lignes
réseau à travers lequel court l’aiguille
l’aurore au couchant, | Je parcours tous les souples et sinueuses à la manière des
(Gide).
points de l’immense étendue (Lamartine). motifs de l’art arabe : Le plafond offrait
• SYN.: 2 aérien, délié, délicat, éthéré, fin,
[akitanj] adj. et n. m. (de partout des arabesques dessinées avec la
aquitanien léger, ténu. — CONTR.: 2 épais, gros, grossier.
Aquitaine ; 1898, Larousse). Se dit de l’étage fumée de la chandelle (Balzac). 3. Par
supérieur du système oligocène. anal. Traitement habituel de la ligne chez arachnides [araknid] n. m. pl. (dér. savant
les peintres : L’arabesque de Rubens, de du gr. arakhnê, araignée ; 1806, Lunier,
aquosité [akozite] n. f. (bas lat. aquo- Matisse. 4. Spécialem. Pose de la danse Dict. des sciences). Classe d’animaux ter-
sitas ; fin du XVe s.). Caractère de ce qui académique. 5. En musique, variations restres, comprenant les araignées, les scor-
est aqueux. de la phrase musicale : Il se prit à chanter pions, les acariens, etc.
• CONTR. : siccité. [...] en s’accompagnant au piano, avec des
arachnoïde [araknid] n. f. (du gr.
fantaisies, des accords, des guirlandes et des
ara [ara] n. m. (du tupi [langue du Brésil] arakhnê, araignée et eidos, forme ; 1538,
arabesques (Duhamel). 6. Fig. Caractère
arara ; 1558, Thevet, écrit arat). Grand per- G. de Chauliac, écrit arachnoïdes ; 1541,
roquet de l’Amérique tropicale, au plumage de ce qui se déroule, évolue librement selon
J. Canappe). Nom donné, à cause de sa
de couleurs vives, au bec fort et crochu, à les caprices de l’imagination : Des sentiers
ténuité, à l’une des trois membranes qui
longue queue. vagabonds faits pour les pensées flâneuses et
enveloppent l’appareil cérébro-spinal :
les causeries à arabesques (Flaubert).
araba [araba] n. m. (mot ar. ; 1836, Acad. L’arachnoïde est située entre la pie-mère
[arbé, 1813, Breton, la Russie]). Voiture arabique [arabik] adj. (lat. arabicus, du et la dure-mère.
légère à deux roues, d’origine turque, pour gr. arabikos ; 1213, Fet des Romains). Qui
arack [arak] n. m. (ar. ‘araq, liqueur de
le transport des personnes et des vivres : appartient, qui est propre à l’Arabie : La
palmier ; 1519, écrit arach, Delboulle).
Trois arabas sont là, carrioles fort pouil- péninsule arabique. Le désert arabique.
Nom de diverses eaux-de-vie en usage
leuses (Farrère). Les potiers attachaient Gomme arabique, v. GOMME.
en Afrique, en Asie, en Amérique et en
sur leurs arabas des chapelets de cruches arabisant, e [arabiz, -t] n. (part. prés. Océanie.
(Duhamel). de arabiser ; 1842, Acad. [1637, Davity, au • REM. On écrit aussi ARAC, ARAK et, par
arabe [arab] adj. et n. (lat. arabus, autre sens de « arabe »]). Personne qui étudie la abrév., RACK, RAKI.
forme de arabs, du gr. araps ; 1564, J. langue et la civilisation arabes : Est-ce que
aragne [ara] n. f. (lat. aranea, pro-
Thierry). 1. Relatif à l’Arabie ; habitant ou les arabisants regardent le Coran comme
prem. « toile d’araignée » ; XIIe s.-XVIIIe s.).
originaire de l’Arabie : Le peuple arabe. infaillible ? (Renan).
1. Forme archaïque de araignée : L’aragne
L’art arabe. La langue arabe. Les moeurs arabisation [arabizasj] n. f. (de arabi- cependant se campe en un lambris [...] |
arabes. Un, une Arabe. 2. Par extens. ser ; 1960, Larousse). Le fait de donner un Travaille à demeurer ; voilà sa toile our-
Se dit de tout musulman de race sémi- caractère arabe à : L’arabisation de l’ensei- die, | Voilà des moucherons de pris (La
tique et des populations indigènes de gnement en Algérie. Fontaine). C’est le poisson qui tout à l’heure
l’Afrique du Nord converties à l’islam.
arabiser [arabize] v. intr. (de arabe ; 1827, | Poursuivant l’aragne courant | Sur sa bleue
3. Qui se fait dans les pays arabes, qui a
et vaste demeure (Hugo). L’Universelle
trait à ces pays : Broderie, dentelle arabe. Acad.). Étudier la langue, la culture arabes.
Aragne, surnom donné à Louis XI par ses
Les moeurs arabes. L’art arabe. La langue v. tr. Donner un caractère arabe à : Les
adversaires. 2. Crochet de fer à plusieurs
arabe. Chiffres arabes, les dix signes de la Maures ont arabisé l’Espagne.
branches pour retirer les seaux d’un puits.
numération écrite introduits en Europe par
arabisme [arabism] n. m. (de arabe ; 1863, • REM. On écrivait aussi ARAIGNE et
les Arabes. 4. Class. et fam. Dur et âpre
Littré). Tournure propre à la langue arabe. AREIGNE.
au gain : Endurcis-toi le coeur, sois arabe,
corsaire (Boileau). arable [arabl] adj. (lat. arabilis, de arare, aragonaise [aragnz] n. f. (de Aragon ;
n. m. 1. La langue arabe, appartenant labourer ; 1155, Wace). Se dit d’une terre XXe s.). Danse populaire de l’Aragon, appe-
au groupe sémitique. 2. Par allusion à que l’on peut labourer : Leur exploita- lée aussi jota.
la difficulté de l’arabe, chose incompré- tion comprenait onze hectares en cours
et prairies et vingt-trois de terres arables araigne n. f. V. ARAGNE.
hensible, obscure : Sa passion pour moi
était quelque chose comme du chinois ou (Flaubert). araignée [are] n. f. (anc. franç. araigne,
de l’arabe (Musset). • SYN.: cultivable, labourable. aragne, du lat. aranea, proprem. « toile
d’araignée », à l’origine araneus, désignant
arabesque [arabsk] adj. (ital. arabesco, arabophone [arabfn] adj. et n. (de
l’animal, et aranea, la toile ; même substi-
arabe, puis ornement de style arabe ; 1546, arabe et de -phone, du gr. phônê, voix, son ;
tution de sens en franç., araigne et aragne
Rabelais [aussi au sens de « arabe » aux XVIe milieu du XXe s.). Qui s’exprime en arabe :
désignant la bête jusqu’au XVIIIe s. ; 1120,
et XVIIe s.]). Vx. Qui caractérise les Arabes : Les populations de l’Algérie sont en grande
Psautier d’Oxford, écrit iraignee, au sens
La poésie moderne tient à la fois de la pein- partie arabophones.
de « toile d’araignée » ; le sens actuel date
ture, de la musique, de la statuaire, de l’art
arac n. m. V. ARACK. de 1539, R. Estienne).
arabesque, de la philosophie railleuse, de
l’esprit analytique (Baudelaire). Vx. La arachide [araid] n. f. (lat. arachidna, du I. 1. Class. Toile d’araignée : Prenez des
langue arabesque, ou l’arabesque n. m., gr. arakhidna, gesse ; 1803, Boiste). Plante araignées, de l’araignée pour mettre sur
l’arabe. africaine de grande culture, dont la graine, votre coupure (Acad., 1694). 2. Par

218
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

anal. Tout réseau constitué par des petits arasement [arazm] n. m. (de araser ; pouvoir être acceptée, à moins d’avantages
cordages, et notamment filet de pêche 1367, Comptes de Macé Darne). 1. Action compensatifs, dont je te laisse le plein arbi-
à mailles carrées. 3. Premier fil que d’araser, d’user jusqu’à disparition com- trage (Renan). 3. Spécialem. Action de
forme le ver à soie. 4. Mammite gan- plète des saillies ; état de ce qui est arasé. contrôler la régularité d’une compétition
greneuse des brebis. 2. Partie arasée d’un objet. sportive en tant qu’arbitre : L’arbitrage
• SYN.: nivellement. d’un match de football. 4. Opération
II. 1. Animal articulé à quatre paires
boursière, bancaire ou commerciale par
de pattes et à abdomen mou segmenté, araser [araze] v. tr. (de à et de l’anc. adj.
laquelle on essaie de tirer profit des diffé-
appartenant à la classe des arachnides. res, du lat. rasus, part. passé de radere,
rences de cours existant au même moment
Toile d’araignée, réseau de fils que l’arai- raser ; XIIe s., Aliscans). 1. User un relief, sur différentes places : Vers la gauche [de
gnée tisse pour capturer des insectes ; par une surface jusqu’à disparition des saillies :
la Bourse], le groupe des banquiers occu-
anal., tout réseau de fils enchevêtrés : La L’eau de ruissellement a arasé les massifs pés à des arbitrages, à des opérations sur
toile d’araignée des fils électriques autour anciens. Dans un fusil, le passage des projec- le change et sur les chèques anglais, restait
d’une centrale ; au fig., ensemble d’arti- tiles arase les rayures du canon. 2. Mettre
plus calme (Zola).
fices, d’embûches subtilement agencés au même niveau que le reste : Araser la
• SYN. : 1 conciliation, entremise, média-
et dont il est difficile de se dépêtrer : La dernière assise d’un mur.
tion ; 2 appréciation, estimation, évalua-
politique est une fine toile d’araignée dans • SYN.: 2 niveler. tion, jugement.
laquelle se débattent bien des pauvres
aratoire [aratwar] adj. (bas lat. aratorius, [arbitraist] n. m. et adj. (de
mouches mutilées (Musset). Fam. Avoir arbitragiste
de arare, labourer ; début du XVIe s.). Se dit
une araignée dans le plafond, avoir un arbitrage, au sens 4 ; 1877, Littré). Celui qui
de ce qui se rapporte au labourage : Des fait des arbitrages en Bourse.
comportement bizarre, avoir l’esprit un instruments aratoires.
peu dérangé. 2. Par anal. Sorte de pois- arbitraire [arbitrr] adj. (lat. arbitrarius,
sons du genre vive. Araignée de mer, araucaria [arokarja] n. m. (lat. des bota- « qui relève d’un arbitre » ; dans la langue
sorte de crabe. 3. Morceau de bouche- nistes, de Arauco, région du Chili d’où vient jurid., 1397, Froissart ; le sens moderne
rie utilisé en bifteck. 4. Crochet de fer à cet arbre ; 1806, de Wailly, sous la forme date du XVIe s., d’après le lat. arbitrarius et
plusieurs branches. araucaire). Genre de conifères verts de le franç. arbitre). 1. Class. Qui dépend du
l’Amérique du Sud et de l’Océanie. jugement personnel, et particulièrement
araire [arr] n. m., ou quelquefois f.
arbalète [arbalt] n. f. (lat. impérial de la volonté des juges : Vos voix seules,
(anc. franç. et anc. provenç. arere, araire,
arcuballista, de arcus, arc, et ballista, toujours libres et arbitraires, donnent
lat. aratrum, charrue ; XIIe s., Voyage de
machine de jet ; 1080, Chanson de Roland, une place dans l’Académie (La Bruyère).
Charlemagne ; repris au provenç., 1819, L’Église n’a point décidé là-dessus, cela est
écrit arbaleste). 1. Arme de guerre médié-
Boiste). Instrument de labour sans avant-
vale, constituée par un arc d’acier qui se arbitraire (Acad., 1694). 2. Se dit de ce
train : Il acheta la grande araire de Mathieu qui ne dépend que de la volonté, du libre
bandait au moyen d’un ressort : Un car-
Dombasle (Flaubert). choix de quelqu’un, et non de l’observa-
reau d’arbalète. 2. Par extens. Sport du
• SYN.: charrue. tir à l’arbalète. 3. Par anal. Instrument tion d’une loi, d’une règle. Quantité
composé d’une poignée d’acier, employé arbitraire, en mathématiques, quantité à
arak n. m. V. ARACK.
par certains ouvriers en métaux pour laquelle on est libre d’attribuer une valeur
araméen, enne [arame, -n] adj. (de rendre moins fatigant le travail à la lime. quelconque. 3. Par extens. Qui ne tient
Aram, un des sept fils de Sem, ou de Aram 4. En arbalète, se dit d’un cheval attelé pas compte de la réalité des choses, mais
n. géogr. [v. ci-dessous] ; milieu du XVIIIe s.). en avant de deux autres, ainsi que de ce procède d’un choix, d’un jugement subjec-
Propre aux Araméens. mode d’attelage : Trois rosses blanches [...], tif et quelquefois du bon plaisir, du caprice :
n. Habitant de l’Aram (nom donné, dans attelées en arbalète, devaient traîner cette Mlle Swann [...], à laquelle je rêvais souvent
la Bible, à la Syrie et à la Mésopotamie). carriole (Maupassant). en lui prêtant chaque fois un même visage
araméen n. m. Langue sémitique proche arbitraire et charmant (Proust). Le senti-
• REM. Anciennement et jusqu’au XVIe s.,
ment, la pensée, l’acte d’autrui presque tou-
parente du phénicien et de l’hébreu. on trouve la variante orthographique
arbalestre. jours nous apparaissent arbitraires (Valéry).
aramon [aram] n. m. (de Aramon, Interprétation arbitraire. 4. Péjor. Se dit
ville du Gard ; 1877, Littré). 1. Cépage arbalétrier [arbaletrije] n. m. (de arba- d’un pouvoir qui dépend du bon plaisir
très répandu dans le midi de la France : lestre, var. anc. de arbalète ; XIIe s., Mort de quelqu’un et s’exerce au détriment des
L’aramon donne des vins très agréables en d’Aymeri de Narbonne, écrit arbales- lois, de la justice ; se dit aussi des décisions
coteau. 2. Vin produit par l’aramon, trier ; var. arbalestier, du XIIe au XVIe s.). qui en émanent : Autorité arbitraire. Une
et, par extens., vin de qualité ordinaire : 1. Soldat dont l’arme était l’arbalète. Auj. mesure, une décision arbitraire.
Théorème [...]buvait un verre d’aramon Personne qui pratique le sport de l’arbalète. • SYN.: 2 discrétionnaire ; 3 artificiel, fan-
sur un zinc de la rue Caulaincourt (Aymé). 2. Par anal. Pièce de bois inclinée, qui taisiste, gratuit, immotivé, injustifié ; 4 des-
fait partie de la charpente d’un toit : Les potique, injuste, tyrannique. — CONTR. : 2
arantèle ou arantelle [artl] n. f. arbalétriers supportent les pannes sur les- déterminé, légal ; 3 exact, fondé, objectif,
(comp. de aragne et de toile, réduit à aran- quelles s’appliquent les chevrons. 3. Nom réel, vrai.
toile, puis arantèle [forme de l’Ouest] ; 1585, du martinet noir.
n. m. 1. Caractère de ce qui est soumis
Du Fouilloux, écrit arantelle). 1. Dialect.
arbitrage [arbitra] n. m. (de arbi- à la fantaisie personnelle aux dépens de la
Toile d’araignée. 2. En termes de vénerie,
trer ; 1283, Beaumanoir ; au sens 4, 1771, réalité : D’autre part, qu’il le veuille ou non,
filandres en forme de toile d’araignée qui
Trévoux). 1. Action de régler un litige en l’artiste ne peut absolument pas se déta-
se forment au pied du cerf.
tant qu’arbitre : En cas de contestation, cher du sentiment de l’arbitraire (Valéry).
arapède [arapd] n. m. (origine incon- on avait recours à son arbitrage (Aymé). 2. Autorité qui s’exerce suivant le bon
nue ; 1866, Larousse). Dialect. En Provence, Par extens. Sentence rendue par un plaisir de quelqu’un, aux dépens de la léga-
nom donné à la patelle, mollusque marin arbitre : L’arbitrage de l’inspecteur du tra- lité et de la justice : L’oppression est une
comestible : Le soleil n’est pas plus beau vail. L’arbitrage de la Cour internationale manifestation de l’arbitraire.
pour M. Caboufigue, le riche, que pour le de justice. 2. Possibilité de juger, de • SYN.: 2 autoritarisme, despotisme, tyran-
dernier des pêcheurs d’arapèdes (Aicard). décider : [Cette place] ne me semble guère nie. — CONTR. : 2 justice, légalité.

219
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

arbitrairement [arbitrrm] adv. (de trage : Arbitrer des personnes, des nations. arboriculteur [arbrikyltoer] n. m. (de
arbitraire ; fin du XIVe s.). De façon arbi- 3. Spécialem. Contrôler en tant qu’arbitre arboriculture ; milieu du XIXe s.). Personne
traire : Juger, décider arbitrairement. le déroulement d’une épreuve sportive : qui pratique la culture des arbres.
Arbitrer une partie de water-polo. 4. En
arbitral, e, aux [arbitral, -o] adj. (lat. arboriculture [arbrikyltyr] n. f. (du
arbitralis ; 1270, Dict. général). 1. Rendu parlant d’un parti, d’un groupe politique, lat. arbor, arbre, et cultura, culture ; 1842,
par un arbitre : Une sentence arbitrale. décider par son intervention, par son vote Acad.). Culture des arbres.
2. Qui doit jouer un rôle d’arbitre : Le de l’évolution d’une situation politique, du
arborisation [arbrizasj] n. f. (dér.
Congrès arbitral de La Haye, institué en résultat d’un scrutin : La majorité gouver-
savant du lat. arbor, arbre ; 1806, Lunier).
pleine barbarie, ne contribua guère au nementale étant très faible, c’est ce groupe
1. Dessin naturel représentant des ramifi-
maintien de la paix (France). Une auto- qui arbitrera le vote sur la motion de cen-
cations de végétaux, qui figure sur certains
rité arbitrale capable d’interdire à jamais sure. 5. Faire un arbitrage en Bourse : Il
minéraux : La gelée transparente et sombre
l’emploi de la force (Martin du Gard). avait eu l’idée d’arbitrer certains des titres
de l’air semblait si consistante qu’un grand
3. Qui cherche le règlement des conflits que le ménage possédait contre des valeurs
rosier appliqué au mur obscurci qu’il veinait
par l’arbitrage (rare) : C’est notre politique à plus gros rendement (Romains). de rose avait l’air de l’arborisation qu’on
pacifique, prolétarienne, arbitrale qui sauve • SYN.: 2 accommoder, accorder, arranger, voit au fond d’une pierre d’onyx (Proust).
[...] le monde de la contagion de la guerre concilier. 2. Par anal. Ramifications qui se forment
universelle (Jaurès).
à la surface de certains cristaux lors de leur
arborer [arbre] v. tr. (anc. ital. arbo-
arbitralement [arbitralm] adv. (de solidification et sur les vitres lorsqu’il
rare, terme de marine signif. « dresser un
arbitral ; 1690, Furetière). Par l’intermé- gèle : Les arborisations dont la gelée
mât » ; XIVe s., au sens de l’ital. ; sens 1,
diaire d’un arbitre. étame les vitres (Gautier). 3. Spécialem.
fin du XVe s., Godefroy). 1. Dresser droit
Arborisation protoplasmique, prolonge-
1. arbitre [arbitr] n. m. (lat. arbiter ; comme un arbre (vieilli) ; élever au bout
ment protoplasmique d’un neurone, qui
XIIIe s.). 1. Personne chargée par les parties d’une hampe : Arborer un drapeau. Arborer rappelle les ramifications de végétaux.
intéressées ou par un tribunal de régler un les couleurs françaises. Fig. Arborer (ou
différend, un litige. Arbitre rapporteur, lever) le drapeau, l’étendard de quelque arborisé, e [arbrize] adj. (du lat. arbor ;
dans les tribunaux de commerce, auxiliaire milieu du XVIIIe s.). Qui présente des arbo-
chose, se montrer ouvertement et acti-
d’un juge. 2. Par extens. Celui qui est risations : Une agate arborisée (Goncourt).
vement partisan de cette chose : Arborer
choisi pour trancher un débat, apaiser un l’étendard de la révolte. Il avait harangué arboriser [arbrize] v. intr. (dér. savant
différend, une querelle : Il fut souvent pris le peuple au Capitole, arboré le drapeau du lat. arbor, arbre ; employé parfois à tort
pour arbitre en des contestations (Balzac). de l’indépendance (Lamartine). 2. Par pour herboriser [Rabelais, 1534], et parfois
Quand une discussion s’élève, on le prend [au XVIe s.] pour arborer ; au sens moderne,
extens. Porter sur soi de façon à attirer
volontiers pour arbitre, et son jugement fait 1806, Lunier). Cultiver des arbres.
l’attention de tous : Il portait merveilleu-
loi presque toujours (Daudet). 3. Celui
sement l’habit noir, sur lequel, pour faire arboriste [arbrist] n. m. (de herboliste,
qui, du fait de son autorité morale ou de
honneur à Jenkins, il avait mis quelques- devenu, par attraction de arbre, arboliste,
sa puissance, est amené à concilier des
unes de ses plaques, qu’il n’arborait jamais puis arboriste, par assimilation de l’l à l’r
intérêts opposés, à décider souveraine-
qu’aux jours officiels (Daudet). Arborer un précédent, et dès lors conçu à tort comme
ment, à imposer sa volonté : Mais je croi-
insigne. Il arbore à son shako un léger plu- dér. du lat. arbor, arbre ; 1572, Ronsard).
rais trahir la majesté des rois, | Si je faisais
met de plumes de coq (Courteline). 3. Fig. Forme ancienne de HERBORISTE : Tu veux
le peuple arbitre de mes droits (Racine).
Faire paraître à la vue de tous, montrer faire ici l’arboriste | Et ne fus jamais que
4. Spécialem. Personne chargée de veil-
ostensiblement : Les éditions spéciales arbo- boucher (La Fontaine).
ler à la régularité d’épreuves sportives ou
de manoeuvres militaires. raient des manchettes menaçantes (Martin arbouse [arbuz] n. f. (provenç. moderne
• SYN.: 2 conciliateur, médiateur ; 3 maître. du Gard). N’est-ce pas, mon père ? dit-elle arbousso, fruit de l’arbous, du lat. arbuteus,
en arborant le plus précieux de ses sourires dér. de arbutus, arbousier ; 1557, Dodoens).
2. arbitre [arbitr] n. m. (lat. arbitrium, (H. Bazin). Baie de l’arbousier.
jugement ; XIIIe s. ; libre arbitre, 1541,
• SYN. : 2 et 3 afficher, déployer, étaler,
Calvin). Usité seulement dans l’expression arbousier [arbuzje] n. m. (de arbouse ;
exhiber.
libre arbitre, possibilité qu’on a de prendre 1539, R. Estienne, écrit arbosier). Arbrisseau
un parti plutôt qu’un autre : Nous admi- arborescence [arbrss] n. f. (de arbo- du Midi, dont les feuilles rappellent celles
rons le libre arbitre et nous le tuons (Vigny). rescent ; début du XIXe s.). 1. État d’un végé- du laurier et dont les baies, les arbouses,
Spécialem. En philosophie, faculté de tal arborescent. 2. Forme arborescente ressemblent à des fraises, mais ont une
se déterminer par la seule volonté et sans (au pr. et au fig.) : Les arborescences azurées saveur aigrelette : Un buisson d’arbousiers.
subir de sollicitation extérieure d’aucune des veines (Hugo). arbre [arbr] n. m. (lat. arbor, fém. devenu
sorte. masc. à l’époque préromane ; 1080, Chanson
arborescent, e [arbrs, -t] adj. (lat.
• REM. Anciennement, on disait aussi de Roland ; les sens métaphoriques « mât »,
arborescens, part. prés. de arborescere,
franc arbitre et, par opposition, serf « axe de pressoir » existent déjà en lat.).
devenir arbre ; 1553, P. Belon). Se dit d’un
arbitre.
végétal qui rappelle l’arbre par sa forme, I.Grande plante fortement ligneuse,
arbitrer [arbitre] v. tr. (lat. arbitrari ; ses caractères : Celui-là, je l’ai trouvé dans dont la tige, ou tronc, fixée au sol par des
1274, Dict. général). 1. Trancher, décider une vieille cour de SaintBriac toute bordée racines, est nue à la base et n’est char-
en qualité d’arbitre : Arbitrer un litige. On de géraniums arborescents (Vercel). Des gée de feuilles et de branches qu’à par-
accordait à Crusceo le bénéfice d’une indul- fougères arborescentes. tir d’une certaine hauteur : Des arbres
gence particulière, parce qu’il habitait la rue fruitiers. Arbre d’ornement. Arbre nain.
depuis très longtemps et qu’il arbitrait les arboricole [arbrikl] adj. (du lat. Arbre forestier. Arbres de la Liberté,
conflits entre ses compatriotes et les autres arbor, arbre, et de colere, habiter, cultiver ; arbres plantés au moment de la Révolu-
hommes de la rue (Aymé). 2. Par extens. 1863, Littré). 1. Qui vit sur les arbres : Un tion de 1789, et aussi en 1830 et en 1848,
Mettre d’accord deux parties, régler le dif- singe, un serpent arboricole. 2. Relatif à pour symboliser la liberté conquise.
férend qui les oppose en rendant un arbi- l’arboriculture. Arbre de mai, arbre que l’on plantait

220
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

le 1er mai en l’honneur de quelqu’un, de- arc [ark] n. m. (lat. arcus ; 1080, Chanson partie de la monture d’une lunette qui
vant sa demeure. Arbre de Noël, sapin de Roland). embrasse le nez.
ou cime de sapin qu’on garnit de jouets I. 1. Ancienne arme de jet, formée d’une En arcade loc. adv. En forme d’arcade :
le jour de Noël. Arbre de la science du tige de bois ou de métal flexible dont les Padoie devait avoir près de cinquante ans ; il
bien et du mal, selon la Bible, arbre dont extrémités sont reliées par une corde, était grand, maigre, osseux, lent, velu, avec
le fruit, interdit à l’homme, conférait la que l’on tend fortement et sur laquelle des sourcils en arcade qui faisaient sur ses
science du bien et du mal. Arbre de prend appui la flèche lancée à la détente : yeux deux voûtes de poils (Maupassant).
vie, dans l’Écriture, l’arbre du paradis Tendre, bander son arc. Tirer de l’arc, à arcades n. f. pl. Galerie couverte soute-
terrestre, dont le fruit aurait dû préser- l’arc. L’amour [...] souriait en bandant al- nue par des arcades : Il tourna carrément
ver l’homme de la mort si celui-ci avait légrement son arc (Verlaine). Fig. Avoir à droite, enfila jusqu’au bout les arcades
su conserver son innocence. Fig. Faire plus d’une corde à son arc, ou plusieurs Bab-Azoum (Daudet).
l’arbre fourchu, se tenir verticalement les cordes à son arc, tenir en réserve plusieurs
arcadien, enne [arkadj, -n] adj. (de
pieds en haut, en prenant appui sur la tête solutions pour se tirer d’affaire ; avoir
Arcadie ; 1743, Trévoux). 1. D’Arcadie,
et sur les mains. Entre l’arbre et l’écorce plusieurs moyens pour atteindre son but ;
contrée de l’ancienne Grèce, dont les écri-
exercer en même temps plusieurs mé-
il ne faut pas mettre le doigt, il ne faut pas vains avaient fait un séjour pastoral idyl-
tiers. 2. Par anal. Tout ce qui rappelle
se mêler des différends entre personnes lique. 2. Par anal. et littér. Champêtre,
la courbure d’un arc que l’on bande : Sous
naturellement ou habituellement unies. idyllique, pittoresque : De là on domine la
l’arc victorieux que tend un sourcil noir
II. 1. Désigne, par analogie, divers objets vallée vraiment arcadienne de Chambéry
(Heredia). L’arc de ses gros sourcils s’ac-
et de son lac (Lamartine).
dont la forme ou l’aspect rappelle soit le centuait, à chacune de ses phrases, d’éton-
fût, soit le branchage d’un arbre dépour- nement et de stupéfaction (Daudet). L’arc arcane [arkan] n. m. (lat. arcanum, neutre
vu de feuilles. 2. L’arbre de la Croix, de mon brusque corps s’accuse et se pro- substantivé de l’adj. arcanus, secret ; fin du
la croix sur laquelle Jésus fut supplicié. nonce (Valéry). En arc, qui affecte la XVe s.). 1. Opération mystérieuse dont le
3. Mât des anciens navires méditerra- forme d’un arc, en forme d’arc. secret ne doit être connu que de quelques
néens. 4. Se dit d’organes mécaniques II. 1. En géométrie, toute portion limitée initiés : Les prétendus enseignements
allongés comme le tronc d’un arbre, d’une ligne courbe quelconque : Arc d’el- de l’histoire littéraire ne touchent donc
notamment d’axes divers servant à trans- lipse, arc de cercle. Des gradins d’amphi- presque pas à l’arcane de la génération des
mettre un mouvement : L’arbre du pres- théâtre disposés en arc de cercle. 2. Par- poèmes (Valéry). 2. Par extens. Toute
soir leur parut gigantesque (Flaubert). tie courbe d’un ouvrage d’architecture. chose secrète (le plus souvent au plur.) :
Arbre à cames. Arbre moteur. Arbre de Arc en décharge ou de décharge, arc ar- C’est la règle de saint Benoît. Arcane où
chitectural placé au-dessus d’un linteau nul oeil profane ne doit pénétrer (Hugo).
couche. 5. Arbre de vie, dessin formé
et destiné à le soulager. Arc de triomphe C’est là que Mosaïde [...] pénètre, avec une
par la partie centrale blanche du cervelet,
ou arc triomphal, porte monumentale majestueuse opiniâtreté, les arcanes de la
qui se découpe en forme d’arborisations
en forme d’arc, destinée à commémorer nature (France).
sur la partie corticale grise. 6. Arbre
une victoire, un événement important, à • SYN.: 2 mystère, secret.
généalogique, tableau donnant, sous
honorer un vainqueur : Les obélisques et adj. Vx ou littér. (surtout du XVe au
forme de dessin ramifié, la filiation des
les arcs de triomphe caractérisent le genre XVIIe s., encore en 1664 chez Molière).
membres d’une famille : Le regard de Mlle
majestueux (Flaubert). 3. En anatomie, Mystérieux et secret : Cet être n’est plus
de Bauret errait encore vers l’arbre généa-
partie d’un organe qui rappelle plus ou pour vous cet objet clos, ce vase fermé,
logique, peint sur parchemin, et suspendu
moins la forme d’un arc : Arc du côlon. sacré, arcane, dans lequel s’élabore en
au mur (Montherlant). Arcs aortiques. Arc sénile, zone circu- secret le mystère de la conservation de la
arbrisseau [arbriso] n. m. (lat. pop. laire blanche, entourant parfois la cornée vie (Valéry).
*arboriscellus, altér., d’après arbor, de chez les vieillards. 4. Arc réflexe, tra- • SYN.: secret.
arbriscellus, lat. class. arbuscula, qui a jet parcouru par l’influx nerveux pro-
voquant un réflexe. 5. Arc électrique, arcanne [arkan] n. f. (de l’ar. alhanna, par
changé de genre comme arbor ; VIIIe s.,
décharge électrique extrêmement lumi- l’intermédiaire du lat. médiév. alchanna,
Gloses de Reichenau, sous la forme arbris-
neuse, qui se produit entre deux conduc- plante tinctoriale ; XIIIe s., écrit alchanne ;
cellus ; arbrissel, XIIe s.). Végétal ligneux de
teurs et s’accompagne d’un très fort déga- 1611, Cotgrave). Sorte de craie rouge qu’uti-
faible hauteur et dont la tige est ramifiée
gement de chaleur : La soudure à l’arc. lisent les charpentiers.
dès la base : L’aubépine, le lilas sont des
• REM. La prononciation du c est due à arcanson [arks] n. m. (altér. de
arbrisseaux.
l’influence de l’écriture ; la prononciation
• SYN.: arbuste. Arcachon, ville où se fabriquait le produit ;
[ar] était encore usuelle au XVIe s. fin du XVIe s.). Résine jaunâtre obtenue par
arbuste [arbyst] n. m. (lat. arbustum ; arcade [arkad] n. f. (ital. arcata, de arco, la distillation de la térébenthine, et appelée
1495, J. de Vignay). Petit arbrisseau dont arc ; XVIe s., R. Belleau). 1. Arc architectural plus souvent colophane.
la hauteur ne dépasse pas un mètre : Le reposant sur des colonnes et ménageant
arcasse [arkas] n. f. (provenç. arcasso, du
vent du large y tord quelque arbuste marin un passage. Arcade aveugle, arcade dont
lat. arca, coffre ; 1491, Barbier). Charpente
(Heredia). l’ouverture est bouchée et ne ménage pas
horizontale de la poupe d’un navire, très
• SYN.: arbrisseau. de passage. Arcade feinte, arcade qui
ornée sur les anciens vaisseaux de guerre.
n’est que dessinée sur un mur et sert à
arbustif, ive [arbystif, -iv] adj. (de établir la symétrie avec une arcade réelle. arcature [arkatyr] n. f. (de arc ; milieu du
arbuste ; XVIe s.). 1. Propre à l’arbuste ; Par extens. Arcade de verdure, de fleurs, XIXe s.). Suite de petites arcades, quelque-
qui concerne les arbustes : Les cultures de feuillage, masse de verdure, de fleurs, fois factices, sous les appuis des fenêtres
arbustives de la région méditerranéenne. de feuillage disposée en arcade. 2. Par ou des corniches : Tous les chapiteaux des
2. Composé d’arbustes : Des plantations anal. Terme désignant des organes ou des colonnes de l’arcature intérieure de cette
arbustives. 3. Qui atteint la taille d’un objets qui affectent la forme d’une arcade : église sont couverts d’hommes, d’animaux
arbuste : Espèce arbustive. L’arcade sourcilière. Arcade d’une lunette, et de feuillages (Littré).

221
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

• REM. Le mot est le plus souvent employé Chr. de Troyes, écrit arcel). 1. Partie cintrée recherche l’archaïsme : Un poète archaï-
au pluriel : Le débarcadère est très beau. d’une voûte, d’une porte, d’une fenêtre, sant. Les archaïsants se raréfient (Daudet).
Ses arcatures [...] lui donnent l’apparence comprenant au plus un quart de cercle : adj. Qui présente des traits d’archaïsme
d’une basilique de l’industrie (Gautier). Parmi la vigne il reste encore un pan de mur, plus ou moins nombreux : Style archaïsant.
| Un arceau ruiné que le pampre festonne Poésie archaïsante.
arc-boutant [arkbut] n. m. (de arc et
(Heredia). 2. Tout ce qui a la forme, la
de boutant, part. prés. de bouter, pousser ; archaïser [arkaize] v. intr. (de archaïque ;
courbure d’un arceau : Les arceaux du jeu
1387, Godefroy). 1. Construction en forme début du XXe s.). Employer volontiers des
de croquet. Sous les palétuviers visqueux
de demi-arc, qu’on élève à l’extérieur d’un tournures archaïques.
aux longs arceaux [...] | Tourbillonne l’es-
édifice pour soutenir un mur en s’opposant
saim des moustiques voraces (Leconte de archaïsme [arkaism] n. m. (gr. arkhais-
à la poussée des voûtes : L’arc-boutant de
Lisle). Spécialem. Partie extérieure des mos, de arkhaios, ancien ; 1659, Chapelain).
granit chancelle sous la masse (Lamartine).
anneaux du corps des animaux articulés. 1. Caractère d’une forme, d’un mot, d’une
2. Par extens. Pièce de maçonnerie ou
3. S’est dit pour arcade : Quand ton tournure, d’un style qui appartient à une
de menuiserie qui sert à soutenir quelque
peuple fidèle autour des noirs arceaux [de époque antérieure à celle à laquelle on
chose : L’arc-boutant d’une porte cochère.
l’église].. (Musset). 4. Nom de certains l’emploie : De nombreux lecteurs reprochent
3. Lutte à l’arc-boutant, sorte de lutte
motifs ornementaux en forme de trèfle. à cet écrivain l’archaïsme de son style.
dans laquelle les deux adversaires sont
2. Forme, mot, tournure présentant ce
appuyés épaule contre épaule et essaient arc-en-ciel [arksjl] n. m. (de arc, en et
caractère : Van Norden parlait plus volon-
de se faire reculer l’un l’autre. 4. Fig. Tout ciel ; 1265, Jean de Meung). 1. Phénomène
tiers français qu’anglais : un français len-
ce qui sert de soutien. météorologique lumineux, en forme
tement choisi, trop articulé et, comme sa
• Pl. des ARCS-BOUTANTS. d’arc, qu’on voit dans le ciel à la fin d’une
maison, meublé d’archaïsmes (Morand). [V.
• SYN. : 2 appui, contrefort, étai, étançon, averse et qui offre toutes les couleurs du
art. spécial.] 3. Dans le domaine artis-
soutien. spectre : Les sept couleurs de l’arc-en-ciel
tique, caractère de ce qui est très ancien :
sont le violet, l’indigo, le bleu, le vert, le
On est saisi de l’archaïsme presque sau-
arc-bouté, e [arkbute] adj. (part. passé jaune, l’orangé, le rouge. 2. Par extens.
vage de ce sanctuaire, plus encore que de
de arc-bouter). Vx. S’est dit d’une chose Ensemble très varié de couleurs : L’arc-
appuyée obliquement contre une autre, qui sa richesse (Loti).
en-ciel de la palette du peintre. 3. Fig.
la soutient à la manière d’un arc-boutant : • CONTR.: 1 et 2 néologisme ; 3 modernisme.
Symbole de l’espoir qui vient après une
Les bateaux tirés à terre, faute de port, sont longue période de malheurs (par allusion
arc-boutés sur de grosses pierres (Hugo). au récit biblique où l’arc-en-ciel annonce GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
• SYN.: accoté, adossé. à la postérité de Noé que la Terre n’a plus
à craindre de nouveaux déluges) : L’arc-en- L’ARCHAÏSME
arc-boutement [arkbutm] n. m. (de arc-
ciel de la liberté (Delavigne).
bouter ; 1906, Larousse). 1. Action de s’arc- On parle peu des archaïsmes de la pro-
bouter : Ce sont des poussées droites, des • REM. Le pluriel est ARCS-EN-CIEL, qui se nonciation. Ils ne sont pas sentis comme
flexions et des arcs-boutements, des torsions prononce comme le singulier [arksjl]. tels, soit que, l’évolution phonétique
de reins et d’épaules (Claudel). 2. Arrêt du adj. Qui offre un ensemble très varié de étant rarement considérable dans le
mouvement d’un engrenage par suite d’un couleurs : Une robe arc-en-ciel. temps d’une vie humaine, les modifica-
défaut de construction des dents. tions de phonèmes, sans valeur distinc-
arc-en-terre [arktr] n. m. (de arc, en
• Pl. des ARCS-BOUTEMENTS. tive ni expressive, passent inaperçues,
et terre ; 1863, Littré). Phénomène météoro-
soit qu’on les prenne pour des régiona-
arc-bouter [arkbute] v. tr. (de arc- logique analogue à l’arc-en-ciel et produit
lismes — les dialectes et les patois ayant
boutant ; 1604, Certon). 1. Fortifier au par la rosée, mais qui se projette sur le sol :
été généralement moins touchés que le
moyen d’un arc-boutant : Un pilier qui Nous sommes l’arc-enterre | Signe plus pur
français commun par les facteurs d’al-
arc-boute deux pleins cintres. 2. Appuyer que l’arc-en-ciel (Apollinaire).
tération. Telle fut vraisemblablement,
avec force en se raidissant : Arc-bouter ses • Pl. des ARCS-EN-TERRE.
en 1814, l’impression des Français qui
pieds contre un mur. entendirent Louis XVIII, après vingt-
arch-. V. ARCHI-.
• SYN.: 1 épauler, étayer, soutenir. quatre ans d’absence, prononcer : Le roi,
archaïque [arkaik] adj. (de archaïsme ;
s’arc-bouter v. pr. (1783, Mercier). 1. En c’est moi [l rw, se mw] : entre-temps,
1776, Encyclopédie). 1. Se dit d’un mot,
parlant des personnes, exercer un effort dans un Paris plus fluctuant que jamais,
d’un tour qui appartient à une époque
latéral de résistance ou de pression, en pre- la prononciation [rw, mw] avait pris
antérieure à celle où il est employé : Forme
nant appui sur les pieds et en se raidissant : le pouvoir. Les écrivains, attentifs aux
archaïque d’un verbe. Ne croyez pas que
Antoine et Jacques, à bout de souffle, trem- intonations — qu’ils définissent par les
l’inversion soit un tour archaïque et com-
pés de sueur, s’arc-boutaient pour empêcher sentiments reflétés —, se hasardent peu
plètement abandonné de tous (Duhamel).
cette énorme masse vivante, soulevée par à mentionner de menues variantes pho-
2. Qui n’est plus en usage ; qui est désuet :
ses soubresauts, d’être jetée hors du mate- nétiques, dont la notation défie l’ortho-
Il avait de ses devoirs de frère aîné une
las (Martin du Gard). 2. Se raidir pour graphe tout archaïsante du français ou
idée très haute [...], un peu archaïque, et
un effort : Le bouvier toucha ses bêtes qui requiert un vocabulaire savant.
qui eût semblé ridicule à beaucoup de gens
baissèrent la tête, s’arc-boutèrent sur leurs Plus facile et mieux comprise est l’évoca-
(Rolland). 3. Art, style archaïque, phase
jambes torses et se précipitèrent en avant tion de l’ancienne langue par l’archaïsme
primitive d’un art à ses débuts.
(Gautier). graphique : lys, roy, doulce France, Jehan,
• SYN. : 1 ancien, vieux ; 2 anachronique,
[arkdublo] n. m. (de arc Magdeleine. Certes, la langue des vers
arc-doubleau antique, arriéré, démodé, dépassé, périmé,
et de doubleau ; 1399, Godefroy). Sorte maintient une prononciation archaïque,
suranné, vieillot. — CONTR. : 1 actuel,
d’arcade qui forme saillie sous la courbure caractérisée surtout par la conservation
contemporain, moderne, nouveau, récent,
de l’e muet et la fréquence des diérèses
d’une voûte, qu’elle soutient et renforce. usuel ; 2 moderne, à la page, rénové.
(passi-on), mais ces traits sont sentis
• Pl. des ARCS-DOUBLEAUX.
archaïsant, e [arkaiz, -t] adj. et n. m. comme artificiels plutôt que comme ar-
arceau [arso] n. m. (dér. de arc ou issu (part. prés. de archaïser ; 1928, Larousse). chaïques, et plaisent, lubrifiants du vers,
d’un lat. pop. *arcellus, de arcus, arc ; 1175, Qui imite un style ou un genre ancien ; qui par la lenteur fluide et majestueuse qu’ils

222
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

imposent au débit — non par l’évocation ESSAIS DE RAJEUNISSEMENT fut toléré, et vraisemblablement goûté,
d’un ancien phonétisme ignoré. Quant dans des genres mineurs comme l’épo-
Grammairiens et poètes de la Renais-
aux écarts orthographiques que les pée burlesque :
sance (Geoffroy Tory, René Massé, Henri
poètes s’octroient pour la commodité du
Estienne, Du Bellay, Ronsard) vantèrent Sur quoi les deux osts se mêlèrent
mètre (encor, avecque, jusques, nud, etc.),
l’emprunt au fonds des vieux poèmes et Et les champions séparèrent
le lecteur qui n’en connaît pas l’histoire
romans français comme une des sources (Scarron, le Virgile travesti) ;
n’y voit que des « licences ».
d’enrichissement propres à « illustrer
L’archaïsme a son plein effet dans le do- la fable :
la langue française » : sauver les mots
maine lexicologique et grammatical. vieillissants, ressusciter les disparus, Il avait dans la terre une somme
Le vocabulaire peut être archaïque rendre les uns et les autres à l’usage com- enfouie,
soit par l’emploi d’un mot disparu de mun, tel était leur dessein, plutôt que Son coeur avec, n’ayant d’autre déduit
la langue commune, tel que choir pour d’en tirer des effets d’archaïsme. Ils ont Que d’y ruminer jour et nuit
« tomber », moult pour « beaucoup », oc- échoué presque totalement, sauf pour Et rendre sa chevance à lui-même
cire pour « tuer », ouïr pour « entendre », une dizaine de mots comme affoler, émoi, sacrée
soit par l’emploi d’un mot moderne dans guigner, hocher, rancoeur ; la tentative (La Fontaine, Fables, IV, XX) ;
un sens disparu, comme de chef pour était contre nature.
l’épigramme :
« tête », vilain pour « paysan ». Au XVIIe s., en revanche, toutes les rhé-
Morphologie ou syntaxe, la grammaire toriques condamnent les mots qui « sen- Grosse chevance oncques ne m’a
est archaïque par la forme et non par le tent le vieux et le rance ». Malgré Mlle de tenté,
Gournay, et à l’exemple de Malherbe, on Mais peu de biens ont de quoi me
sens :
chassa le « gothique », le « vieux gaulois ». suffire.
Ah ! Ah ! les colliers tinteront, cher- Vaugelas avouait « une certaine tendresse Amour me tint longtemps sous son
ront les masques pour tous ces beaux mots » qu’il voyait empire
(Apollinaire). « mourir, opprimez par la tyrannie de (J.-B. Rousseau).
l’Usage », mais il se résignait par égard L’exemple de J.-B. Rousseau ne fut guère
Il orra le chant du pâtre toute sa vie
pour ce tyran même dont il s’était fait suivi en son siècle, et Voltaire (son en-
(Id.).
le ministre. Plusieurs autres formulèrent nemi) écrivait de bonne foi au prince
Es-tu donc pas jaloux ? de semblables regrets, principalement royal de Prusse : « Je voudrais que tous
(Verlaine). La Bruyère (De quelques usages) : « Ains nos petits rimailleurs pussent lire ce que
a péri, la voyelle qui le commence, et si Votre Altesse Royale m’a écrit sur le style
Je suis né romantique et j’eusse été propre pour l’élision, n’a pu le sauver [...]. marotique et sur le ridicule d’exprimer
fatal Certes est beau dans sa vieillesse, et a en- en vieux mots des choses qui ne méritent
En un frac très étroit aux boutons de core de la force sur son déclin : la poésie d’être exprimées en aucune langue »
métal le réclame, et notre langue doit beaucoup (1738).
(Id.). aux écrivains qui le disent en prose » ; il
Au XIXe s., la publication de nouveaux
plaidait pour des mots (maint, moult, cil,
Étroit espace lumineux d’une vie sur textes, le progrès des connaissances
chaleureux, valeureux, haineux, peineux,
qui va tomber la pluie noire de l’exil philologiques, et les affinités mêmes du
fructueux, piteux, jovial, féal, courtois,
(Barrès). romantisme remirent en honneur l’an-
gisant, halené, vantard, mensonger, cou-
cienne langue, dont Balzac fit, en 1832,
Une amie me vient voir tumier, heur, pensers, prouesses, loz, nef,
un pastiche soutenu dans les Contes dro-
(Colette). ost, verdoyer, fétoyer, larmoyer, se dou-
latiques colligez ez abbayes de Touraine
loir, s’esjouir, ouvrer, souloir...) et pour
Puisque la chance m’avait à mépris, [...] pour l’esbattement des Pantagruélistes
des constructions (si que ; je sais que c’est
je résolus de ne la plus poursuivre et non aultres :
qu’un mal) ; mais il s’abstint lui-même
(Duhamel). avec soin de les employer : ayant écrit par Cecy est ung livre de haulte digestion,
L’archaïsme est de tous les temps : vieux inadvertance le mot certes, il le corrigea plein de déduicts de grand goust, es-
comme la poésie, dont il est inséparable, plus tard en surtout. Trop sévère ou trop picez pour ces goutteux trez-illustres
illustré par Homère, Virgile, prôné pessimiste, il donnait pour vieillis beau- et beuveurs trez-prétieux auxquels
par Horace dans son Art poétique. Nos coup de mots qui survivent en français s’adressoyt nostre digne compatriote,
chansons de geste offrent maint vocable moderne. éternel honneur de Touraine, Fran-
et mainte construction que l’usage Après le XVIIe s., les théoriciens du voca- çoys Rabelais.
contemporain avait déjà abandonnés ; bulaire furent moins préoccupés du sort Quelques érudits comme Ch. Nodier et le
mais ces écarts sont peu sensibles : les des vieux mots que soucieux d’en ac- « Bibliophile Jacob » (Paul Lacroix) pra-
textes en français courant manquent cueillir ou d’en créer de nouveaux. tiquèrent, avec moins de verve, le même
beaucoup pour ces époques, et sont jeu.
eux-mêmes d’une langue très ancienne STYLE MAROTIQUE

pour nous. Il est encore difficile au lec- ÉLÉGANCE DE LETTRÉ


La vieille langue, à partir du XVIIe s.,
teur d’aujourd’hui d’apprécier les effets
fut sentimentalement associée à une C’est surtout comme signe de culture que
d’archaïsme que Villon, dans sa « Bal-
tradition à la fois galante (dans la ligne se manifeste l’archaïsme : les « lettrés »
lade en vieil langage françois » (Grand
des romans courtois et des poésies de parlent comme les livres dont ils sont
Testament, v. 385-412), tirait de graphies Ronsard) et plaisante (dans la veine des nourris. Brunetière, qui en avait lu plus
surannées et de cas sujets plus ou moins
fabliaux populaires et des contes de Ra- que quiconque, disait — paraît-il — à sa
dûment parsemés. belais) : telle est la double valeur du style femme, comme elle secouait un peu trop
À partir du XVIe s., la pratique de l’ar- archaïsant dont les critiques attribuèrent une domestique : Si vous les gourmandez
chaïsme nous est mieux connue, et l’on — sans malveillance — le parrainage à toutes ainsi, vous n’en garderez seulement
peut distinguer trois manières d’en user. Clément Marot. Le style « marotique » point une ! Nous avons cité plus haut des

223
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

archaïsmes grammaticaux empruntés •SYN. : 2 angélique, céleste, divin, pur. — l’oosphère, ou gamète femelle, et qui se
à divers écrivains modernes ; très peu CONTR. : 2 diabolique, satanique. rencontre chez certaines algues, chez les
s’en gardent, même parmi ceux qui s’ap- mousses, les fougères, et chez certaines
1. arche [ar] n. f. (lat. pop. *arca, plur.
pliquent par ailleurs à accumuler mots gymnospermes.
neutre, devenu fém., du lat. class. arcus, arc ;
et constructions populaires, comme
XIIe s., Roncevaux, au sens de « arcade » ; archelet [arl] n. m. (dimin. de archet ;
Aragon dans cette phrase des Beaux
au sens architectural de « arc », du XIIIe au 1579, H. Estienne). Petit archet d’horloger,
Quartiers :
XVIe s.). Voûte en arc que supportent les de bijoutier, etc.
Dans dix maisons peut-être, où les piles ou les culées d’un pont, d’un aque-
duc, d’un viaduc : Le pont tend son arche archéo- [arke], élément tiré du gr.
jeunes filles sont artistes, se copie
métallique (Alain). Ségovie a l’autel dont on arkhaio-, de l’adj. arkhaios, ancien, et qui
la grande nappe de Cluny, avec ses
baise les marches, | Et l’aqueduc aux trois entre dans la composition de certains mots
quarante-huit carrés de filets, tous
rangs d’arches (Hugo). Arche marinière, savants.
différents, et que ça a pris plus d’un
an à la Mode illustrée de reproduire, arche de grande dimension qu’empruntent archéologie [arkeli] n. f. (gr. arkhaio-
même qu’un numéro de juin s’étant habituellement les bateaux. logia, de arkhaios, ancien, et de logos,
égaré, il a fallu le faire revenir par • SYN.: arcade, voûte. science ; 1599, La Popelinière). Étude des
la poste, et toute la ville attendait, civilisations anciennes grâce aux monu-
2. arche [ar] n. f. (lat. arca, coffre ; fin
entendons-nous, la ville des gens ments figurés et aux objets qu’il en reste.
du XIIe s., le Livre des Rois).
bien.
I. 1. Grand vaisseau couvert que, selon archéologique [arkelik] adj. (de
L’inversion du sujet dans la proposi-
la Bible, Noé construisit sur l’ordre de archéologie ; 1595, Barbier). Qui concerne
tion principale et l’emploi d’une subor-
Dieu pour préserver du Déluge sa famille l’étude des civilisations anciennes : Une
donnée participe accusent une culture
et les espèces animales : L’arche de Noé. mission, des recherches archéologiques.
classique qui rehausse les popularismes
La colombe de l’arche. Pendant quarante
dominants ; le même auteur ne dédaigne archéologue [arkelg] n. (de arch ;
jours et quarante nuits sombres, | La mer,
pas certaines constructions propres au 1813, Boiste). Savant spécialisé dans les
laissant à nu d’effroyables décombres,
XVIIe s. : Sur son visage passaient des va- recherches archéologiques et l’étude des
| Recula, posant l’arche aux monts près
gues de sentiment qu’on craignait qui ne monuments anciens.
d’Henocha (Hugo). Fam. C’est l’arche
fussent point des caprices (ibid.). Il en est
de Noé, se dit, plaisamment, d’un en- archer [are] n. m. (lat. arc[u]arius, de
de l’archaïsme comme de tous les pro-
droit où l’on trouve des gens de toute arcus, arc ; XIIe s., Roncevaux, écrit archier).
cédés de style : l’abus conduit au manié-
sorte ou des animaux de toute espèce 1. Soldat dont l’arme était l’arc : Les archers
risme, mais un usage modéré témoigne
qu’on ne s’attendrait pas à y voir réunis. du roi. Archer à pied, à cheval. Poét. Le
le bon goût et la dignité de l’écrivain, qui
2. Dans un sens mystique, l’ensemble dieu Amour, qu’on représente symboli-
ne craint pas, tout en puisant au maga-
des fidèles, l’Église catholique : Être hors quement avec un arc et des flèches : Ce
sin pittoresque de la langue populaire, de
de l’arche. 3. L’arche d’alliance, l’arche petit archer qui dompte tous les dieux
rappeler aux lecteurs cultivés les mérites
sainte, l’arche du Seigneur, chez les Juifs, (Corneille). 2. Agent subalterne de jus-
de la langue qu’ils ont apprise en classe.
petit sanctuaire dans lequel étaient ren- tice et de police, sous l’Ancien Régime :
archal [aral] n. m. (lat. aurichalcum, fermées les tables de la Loi données par Allons, vite, des commissaires, des archers,
altér., d’après aurum, or, de orichalcum, Dieu à Moïse ; et, au fig., symbole de la des prévôts, des juges (Molière).
du gr. oreikhalkos, laiton ; fin du XIIe s., le protection divine ; lieu saint ; chose sa-
Livre des Rois ; fil d’archal est attesté au crée. Sceller l’arche d’alliance, se décla- archère n. f. V. ARCHIÈRE.
XIVe s.). Vx. Fil d’archal, fil de laiton passé rer en parfait accord, en communion [arro] n. m. (de archer ;
archerot
à la filière : La brave fille suffisait à tout, avec : Il y a quinze ans déjà qu’entre Cécile XVIe s.). Vx. Petit archer (surtout en parlant
allait au lavoir, taillait, raccommodait dans et cette foule fut scellée l’arche d’alliance du dieu de l’Amour) : De cent traits qu’un
les débris d’autrefois, nettoyait les gants de (Duhamel). archerot vainqueur | Sans y penser, me tira
Monsieur, rafistolait son lorgnon avec du
II. 1. Coffre sculpté, à couvercle bombé, dans le coeur (Ronsard).
fil d’archal, car l’ancien fonctionnaire ne
en usage du XIVe au XVIIe s. : Arche de ma-
négligeait pas la tenue (Daudet). archet [ar] n. m. (dimin. de arc ; XIIe s.).
riage. Dialect. Espèce de grand coffre :
1. Baguette, jadis recourbée en forme
archange [ark] n. m. (lat. ecclés. Carnat monta sur l’arche au pain (Sand).
d’arc, sur laquelle sont tendus des crins,
archangelus, du gr. ecclés. arkhaggelos, 2. Dans un navire, boîte qui protège la
qu’on passe sur les cordes d’instruments
qui est supérieur à l’ange, de arkh [du préf. pompe. 3. Nom donné, dans les verre-
de musique tels que le violon, le violon-
gr. arkhi, marquant le premier rang, de ries, à des fours accessoires.
celle, pour produire le son : L’un, en traî-
arkhein, commander] et de aggelos ; 1140,
1. archée [are] n. f. (lat. pop. *arcata, de nant son archet sur son violon, semblait
Wace, écrit archangle ; 1190, Sermons de
arcus, arc ; XIIIe s.). Portée d’un arc. raconter un chagrin (Baudelaire). 2. Vx.
saint Bernard, écrit archangele ; XIIIe s.).
1. Dans la hiérarchie céleste, être placé au- 2. archée [are] n. m. ou (Acad.) f. (du lat. Petit arc d’architecture. 3. Petite scie de
dessus de l’ange. D’archange, se dit de ce des alchimistes archeus, forgé, du gr. arkhê, mosaïste ou de lapidaire. 4. Dispositif de
qui est beau, doux, mélodieux, qui semble principe, de arkhein, commander ; 1578, prise de courant de certaines locomotives
ne pas appartenir au monde terrestre : Vigenère). 1. Feu du centre de la Terre, dont électriques, comportant une pièce en forme
Une voix d’archange (Verlaine). 2. Fig. les alchimistes faisaient l’agent universel. d’arc glissant sur le fil de contact.
Personne d’une grande beauté ou d’une 2. Principe immatériel qui serait à l’ori- archétype [arketip] n. m. (du gr. arkhe-
grande pureté. gine de tous les phénomènes vitaux, selon tupon, modèle primitif, par l’intermédiaire
Van Helmont : Messieurs, le principe vital, du lat. archetypum ; XIIIe s., Br. Latini, écrit
archangélique [arkelik] adj. (lat.
l’ « archée » de Van Helmont, est atteint en
ecclés. archangelicus ; début du XVIe s.). arquétipe). 1. Modèle original ou idéal
lui (Balzac).
1. Qui est propre à l’archange, qui le d’après lequel sont réalisés un ouvrage,
caractérise. 2. Fig. Digne d’un archange ; archégone [arkegn] n. m. (du gr. arkhê, une chose : Selon Platon, les idées sont les
qui atteint la perfection : Une patience commencement, et du suff. -gone ; milieu archétypes des choses. Spécialem. Plâtre
archangélique. du XIXe s.). Organe femelle contenant moulé sur un bas-relief. 2. En biologie,

224
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

type organique primitif qui est l’ancêtre archicube [arikyb] n. m. (du préf. archi- archimandrite [arimdrit] n. m. (gr.
commun de plusieurs espèces. et de cube ; 1883, Esnault). Arg. scol. Ancien ecclés. arkhimandritês [de arkhos, chef, et
• SYN.: 1 canon, exemplaire (vx), idéal, ori- élève de l’École normale supérieure. mandra, enclos, puis cloître], par l’intermé-
ginal, principe, type. — CONTR. : 1 copie, diaire du lat. ecclés. archimandrita ; 1560,
archidiaconat [aridjakna] n. m. (bas
imitation. Pasquier). Dans l’Église orthodoxe, titre
lat. archidiaconatus ; 1558, Sperit Rotier).
porté par les supérieurs de quelques cou-
adj. Se dit de l’original ou du modèle Dignité, fonction d’archidiacre.
vents particulièrement importants.
idéal qui a donné naissance à autre chose :
archidiaconé [aridjakne] n. m. (bas
Quelle est la pièce archétype du théâtre archimillionnaire [arimiljnr] adj.
lat. archidiaconatus ; XIIe s., Garnier de
humain ? (Maeterlinck). Manuscrit et n. (du préf. archi- et de millionnaire ;
Pont-Sainte-Maxence, écrit arcediakené).
archétype, manuscrit autographe. milieu du XIXe s.). Fam. Plusieurs fois mil-
Partie d’un diocèse soumise à la juridiction
lionnaire ; fort riche.
archevêché [arve] n. m. (de d’un archidiacre.
archevêque, d’après le lat. ecclés. archie- 1. archine [arin] n. f. (de arche 1 ; 1863,
archidiacre [aridjakr] n. m. (lat.
piscopatus ; 1138, Gaimar). 1. Province Littré). 1. Petite arche. 2. Arc formé par la
ecclés. archidiaconus ; XIIe s., Garnier de
ecclésiastique placée sous l’autorité d’un charpente qui soutient le ciel d’une carrière
Pont-Sainte-Maxence, écrit arcediakene ;
archevêque : L’archevêché de Cambrai. souterraine.
forme actuelle, 1532, Rabelais). 1. Dans
2. Personnel administratif qui dirige l’ancienne Église, chef des diacres d’une 2. archine [arin] n. f. (transcription du
cette province ecclésiastique : Protégée église. 2. Par la suite, ecclésiastique à russe archine ; 1699, A. Brand, Relation de
par l’archevêché [...], elle mangeait au réfec- qui l’évêque a délégué une partie de ses voyage, écrit arschin). En Russie, ancienne
toire à la table des bonnes soeurs (Flaubert). pouvoirs pour l’administration temporelle mesure de longueur valant 0,711 m.
3. Vx. État d’archevêque : Conférer l’ar- et spirituelle.
archipel [aripl] n. m. (réduction de
chevêché à quelqu’un. 4. Siège de l’ar-
archidiocésain, e [aridjsez, -in] adj. archipelago ou -lague, tous deux très usuels
chevêque ; résidence de l’archevêque : A
(du préf. archi- et de diocésain ; 1863, Littré). au XVIe s., empr. de l’ital. arcipelago, mer
l’extrémité de ce faubourg, vous apercevez
Qui fait partie d’un archevêché. principale, attesté en 1268, probablem.
l’archevêché (Chateaubriand).
transformation du gr. Aigaion pelagos,
• REM. Anciennement et jusqu’au XVIIe s., archiduc [aridyk] n. m. (du préf. archi- et
mer Égée ; XIVe s., Chronique de Morée,
ce mot était masculin ou féminin. de duc ; 1486, Delboulle). 1. Dans la hié-
écrit Archepelague ; forme actuelle, 1512,
rarchie féodale, personne qui est immédia-
• SYN.: 3 archiépiscopat. J. Lemaire de Belges). 1. Ensemble d’îles
tement au-dessus d’un duc. 2. Spécialem.
disposées en groupe sur une surface mari-
archevêque [arvk] n. m. (adapta- Titre que prenaient les princes de la maison
time : L’archipel des Açores. Dans l’archipel
tion du lat. ecclés. archiepiscopus ; 1080, d’Autriche.
de la Manche, la côte est presque partout
Chanson de Roland). Évêque placé à la tête
archiduché [aridye] n. m. (de archi- sauvage. Ces îles sont de riants intérieurs,
d’une province ecclésiastique comprenant
duc, d’après duché ; 1512, J. Lemaire de d’un bord âpre et bourru (Hugo). 2. Se
plusieurs diocèses.
Belges). Nom donné parfois au domaine dit de toute agglomération de choses, le
archi- [].] 1. Premier élément de mots d’un archiduc. plus souvent semblables, qui rappellent
composés d’origine savante, tiré du gr. un archipel : J’ai vu des archipels sidéraux
archiduchesse [aridys] n. f. (de archi-
arkheim, commander, et qui marque la (Rimbaud). 3. Ce qui reste d’un ensemble
duc, d’après duchesse ; 1504, J. Le-maire de
prééminence, la supériorité. 2. La langue plus important, débris : On voyait par place
Belges). 1. Épouse d’un archiduc. 2. Titre
familière l’emploie beaucoup pour donner percer, dans cette mer de maisons, quelques
donné aux filles et aux soeurs des empe-
à toutes sortes de mots (adjectifs notam- groupes de tours en ruine des anciennes
reurs d’Autriche : Napoléon Ier épousa
ment) une valeur superlative : C’est faux, enceintes, comme des archipels du vieux
l’archiduchesse Marie-Louise.
archi-faux ! Archi-commun (Flaubert). Paris submergé sous le nouveau (Hugo).
Archi-compétent (Vallès). Archi-connu archiépiscopal, e, aux [arkiepiskpal,
archiphonème [arifnm] n. m. (du
(Daudet, Huysmans, Martin du Gard). -o] adj. (lat. ecclés. archiepiscopalis ; fin du
préf. archi- et de phonème ; milieu du XXe s.).
Archi-vieux (Huysmans). XIVe s.). Propre à l’archevêque : La dignité
Ensemble des traits distinctifs communs
archiépiscopale. Le majestueux néant des
• REM. Lorsque le deuxième élément du à plusieurs phonèmes que d’autres traits
électeurs archiépiscopaux de Mayence
composé commence par une voyelle, différencient, au moins dans certaines
(Hugo).
archi- s’élide souvent en arch- : archange, positions. (V. art. spécial.)
archevêque. archiépiscopat [arkiepiskpa] n. m. (lat.
ecclés. archiepiscopatus ; 1490, Coquillart).
archiatre [arkjtr] n. m. (gr. arkhiatros ; GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
1. Dignité d’archevêque. 2. Période pen-
1611, Cotgrave). Dans la Rome antique, pre- dant laquelle un archevêque occupe son
mier médecin de l’empereur. Archiatre L’ARCHIPHONÈME
siège.
pontifical, médecin du pape. Un exemple d’archiphonème est offert
archière [arjr] ou archère [arr]
archichancelier [arislje] n. m. par les consonnes finales du russe ou de
n. f. (de arc ; 1213, Fets des Romains).
(du préf. archi- et de chancelier ; 1507, J. l’allemand. Ainsi, l’inventaire des pho-
1. Ouverture pratiquée dans des fortifi-
Lemaire de Belges). 1. Grand chancelier, nèmes de l’allemand comporte, devant
cations pour permettre aux défenseurs
titre de hauts dignitaires du Saint Empire, une voyelle, un [t], défini par la totalité
de tirer à l’arc : On appelle « archières »
au Moyen Âge, et de la cour de Rome. de ses traits « pertinents » (= distinctifs),
d’étroites ouvertures en forme de meur-
à savoir : 1° apicodental ; 2° non nasal ;
2. Dignitaire de la cour de Napoléon Ier trières (Mérimée). 2. Courroie à laquelle
3° sourd. Il comporte aussi un [d], défi-
en France. était suspendu le carquois des archers.
ni par les traits : 1° apicodental ; 2° non
archiconfrérie [arikfreri] n. f. (du archimagie [arimai] n. f. (du préf. nasal ; 3° sonore. Les deux phonèmes [t]
préf. archi- et de confrérie ; 1752, Trévoux). archi- et de magie ; 1863, Littré). Nom et [d] s’opposent dans des couples comme
Association de personnes pieuses et chari- donné par les praticiens du Moyen Âge à Tann, « forêt de sapins » / dann, « alors ».
tables, qui regroupe d’autres associations la branche de l’alchimie ayant pour objet Mais, à la finale absolue, il n’existe que [t],
du même genre. la fusion et la transmutation des métaux. écrit t dans Rat, « moyen », et d dans Rad,

225
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

« roue » : les traits « sourdité » et « sonori- architecte [aritkt] n. m. (lat. architec- 4. L’édifice lui-même ou l’une de ses
té » ne sont pas pertinents dans ces mots, tus, du gr. arkhitektôn, comp. de tektôn, parties : Voici surgir, touchés par un
ils n’y marquent pas une « opposition ouvrier travaillant le bois ; 1361, Oresme, rayon lointain, | Des portiques de marbre
distinctive ». On dira que l’opposition est sous la forme architecton ; forme actuelle, et des architectures (Samain). 5. Ce qui
« neutralisée » : il n’existe, à cette place 1510, J. Lemaire de Belges). 1. Personne constitue l’ossature, les éléments essentiels
du mot allemand, qu’un archiphonème, qui, par profession, trace les plans d’un d’un édifice, et, au fig., d’une oeuvre d’art,
défini « apicodental » et « non nasal ». Il édifice et en contrôle la construction : d’un ouvrage de l’esprit : Trois cercles de
en est de même en russe. Hardouin-Mansart, premier architecte de colonnes formaient l’élégante architecture
Louis XIV, construisit le palais de Versailles. de cette rotonde (Chateaubriand). De cette
Le système français distingue deux
Auj. Professionnel diplômé d’une grande musique de Vinteuil, des phrases inaper-
phonèmes vocaliques oraux de grande
école d’architectes, accepté par le conseil çues, chez Mme Verdurin [...], devenaient
aperture : a antérieur [a], dans patte, et
supérieur de l’Ordre des architectes : d’éblouissantes architectures (Proust). Il
a postérieur [], dans pâte. Le français
L’architecte d’une maison est responsable [M. Cohen] a aussi bien retracé l’architec-
méridional tend à confondre ces deux a,
pendant dix ans pour les malfaçons qui ture de ce poème que relevé le détail, —
ignorant la différence entre patte et pâte ;
pourraient être constatées. 2. Fig. Celui signalé, par exemple, ces retours de termes
on dit que les deux a du français com-
qui a conçu le plan d’ensemble de quelque qui révèlent les tendances, les fréquences
mun y sont neutralisés sous la forme de
chose : Bossuet a appelé Luther « l’architecte caractéristiques d’un esprit (Valéry).
l’archiphonème [A], défini par son oralité
de la Réforme ». Le Grand, le Suprême, 6. Fig. Ensemble cohérent d’éléments
(= non-nasalité) et sa grande aperture, et
le Divin Architecte, l’Architecte du monde, liés selon une certaine ordonnance : Ferral
noté en phonologie par A majuscule. Le
Dieu. dressait une architecture de faits (Malraux).
système phonologique français connaît,
• SYN. : 2 ordonnance ; 3 charpente, ossa-
pour les voyelles antérieures, quatre de- architectonique [aritktnik] adj. (lat.
ture, squelette.
grés d’aperture à la finale : [i], [e], [], [a] architectonicus, du gr. arkhitektonikos ; v.
(ex. : riz, ré, raie, rat) ; si une consonne 1370, Oresme). 1. Qui est conforme aux architecturer [aritktyre] v. tr. (de
au moins suit la voyelle, il n’existe plus méthodes et aux techniques de l’archi- architecture ; 1819, Boiste). 1. Construire
que trois degrés d’aperture, comme tecture : Conception architectonique. en observant une ordonnance déterminée :
dans tire, terre, tare : le phonème [e] 2. Esprit architectonique, en philosophie, Chaque jour, une pierre tombe de l’antique
n’apparaît jamais ; en position libre non faculté de rendre cohérent un système, un masse, savamment architecturée, qui fut
finale, c’est le contraire qui se produit : ensemble d’idées. 3. En géologie, syn. de Albe (Renan). 2. Fig. Disposer avec rigu-
[] tend à disparaître, remplacé par [e] TECTONIQUE. eur, ordonner les diverses parties d’un
dans les mots comme maison, pêcheur, • SYN.: 1 architectural. ouvrage de l’esprit ou d’une oeuvre d’art :
descendre, embellir. On peut donc parler n. f. 1. Art de construire : Les principes Ce roman est mieux architecturé que ses
d’un archiphonème [E] dont les variantes de l’architectonique. 2. Art de coor- oeuvres précédentes. La manière dont il
sont complémentaires (différentes selon donner les diverses parties d’un système architecture ses sites et poudre de bleu ses
la position), sauf à la finale, où elles s’op- philosophique. ciels (Huysmans).
posent distinctivement ; encore faut-il • SYN.: 1 architecture. architrave [aritrav] n. f. (ital. architrave,
reconnaître que cette opposition est très poutre maîtresse, comp. de archi- et de
variable selon les régions et selon les per- architectural, e, aux [aritktyral, -o]
trave, poutre ; 1528, Comptes des bâtiments
adj. (de architecture ; 1819, Boiste). Qui a
sonnes.(V. ALPHABET.) du roi, sous la forme arquitrave). 1. Partie
rapport à l’architecture : Tous ces appar-
La conception d’un archiphonème n’a pas de l’entablement qui repose directement
tements pareils dans la pauvreté architec-
besoin d’être légitimée par son existence sur les chapiteaux des colonnes ou sur
turale (Aragon).
réelle dans la langue. En pure théorie, d’autres points d’appui (terme d’archi-
selon les définitions fondamentales du architecture [aritktyr] n. f. (lat. archi- tecture) : La date d’érection de ce sanc-
Cercle linguistique de Prague, l’archi- tectura ; 1504, J. Lemaire de Belges). 1. Art tuaire, 1830, était écrite sur l’architrave
phonème [A], en français, par exemple, de construire selon une ordonnance et des (Chateaubriand). 2. Sur un navire, pièce
n’a même pas le caractère d’oralité (non- règles déterminées : Étudier l’architecture. de bois de soutien.
nasalité) ; il ne conserve que le trait qui Seule entre tous les arts, et dans un instant
architravé, e [aritrave] adj. (de archi-
indivisible de vision, l’architecture charge
le distingue des autres voyelles, dont les trave ; 1739, De Brosses). Qui est relié
notre âme du sentiment total des facultés
archiphonèmes sont [E], [OE], [O], [I], [Û], directement à l’architrave, sans frise (se
humaines (Valéry). 2. Façon dont un édi-
[U]. dit surtout d’une corniche).
fice est construit ; proportion, disposition
archipompe [aripp] n. f. (de arche, des diverses parties d’une construction : architravée n. f. Corniche architravée.
coffre, et pompe ; 1690, Furetière). Dans Un monument d’une architecture majes- architrésorier [aritrezorje] n. m. (du
un voilier, cage rectangulaire protégeant tueuse. Cette chapelle, neuve encore, bâtie à préf. archi- et de trésorier ; 1863, Littré).
les pompes. peine depuis six ans, était toute dans ce goût 1. Grand trésorier du Saint Empire. 2. Un
charmant d’architecture délicate (Hugo). des grands dignitaires de l’Empire français
archipresbytéral, e, aux [ariprsbi-
Spécialem. Mode de construction, style créés par Napoléon Ier.
teral, -o] adj. (bas lat. archipresbyteralis ;
d’un édifice, caractère de ses ornements :
1762, Acad., écrit archipresbitéral). Qui est architriclin [aritrikl] n. m. (lat. archi-
Sur le sommet de la butte [...] s’élevait
propre à l’archiprêtre. triclinus, majordome, du gr. arkhitriklinos ;
une maison d’architecture mauresque
XIIe s., écrit arcedeclin ; archetriclin, 1461,
archiprêtre [ariprtr] n. m. (lat. ecclés. (Maupassant). 3. Disposition des lignes,
Villon). Celui qui, chez les Romains, prési-
archipresbyter ; XIIIe s., écrit arceprêtre, structure d’une chose ou d’un être vivant :
archeprêtre). 1. Autref. Premier prêtre du dait à l’ordonnance d’un festin : Je m’érige
L’architecture du visage. Ces formes, ces
aux repas en maître architriclin (Regnard).
diocèse après l’évêque, chargé de surveiller lignes elles-mêmes, disposées selon une
le clergé. 2. Auj. Titre donné à certains certaine ordonnance : J’entrevois un port archiver [arive] v. tr. (de archives ; 1877,
curés auxquels l’évêque a conféré une pré- fourmillant [...]de navires de toutes formes Littré). Recueillir, classer dans les archives :
éminence honorifique sur les autres curés découpant leurs architectures fines et com- Il faut décider de la date de destruction d’un
de leur district. pliquées sur un ciel immense (Baudelaire). document avant de l’archiver.

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

archives [ariv] n. f. pl. (du bas lat. l’arrière — qui forment le corps de la selle. 1. Class. et littér. Qui est en flammes, qui
archivum, du gr. arkheion [ou arkheia, pl. Être ferme sur (ou dans) ses arçons, se brûle : Dans des ruisseaux de sang Troie
neutre], lieu où l’on conserve les archives, tenir bien en selle, et, au fig., ne pas se lais- ardente plongée (Racine). Dans le fumoir,
et les archives elles-mêmes ; 1416, Registres ser démonter facilement. Perdre, vider les Mathias, pour écouter mieux Léonard,
consulaires de Lyon). 1. Ensemble de arçons, tomber de cheval, et, par extens., avait posé son cigare ardent sur une table
documents concernant l’histoire d’un perdre la partie. 2. Se dit parfois pour en bois de rose (Gide). Auj. En ce sens,
État, d’une ville, d’une famille, d’une col- les fontes de la selle. Pistolets d’arçon, n’est plus usité que dans les expressions :
lectivité ou d’un individu : Cabinet des pistolets destinés à être mis dans les fontes charbons ardents, feu, brasier ardent, etc.,
archives. Dépôt des archives. Les archives de la selle. 3. Sarment de vigne que l’on ou dans des loc. figurées. Buisson ardent,
d’une entreprise. Ironiq. Mettre quelque courbe en arc de cercle pour le rendre plus buisson qui brûlait, mais ne se consumait
chose aux archives, le classer, le mettre de productif. 4. Sorte d’archet qu’utilisent pas (forme prise par Dieu, selon la Bible,
côté, ne plus vouloir s’en occuper. 2. Lieu les marbriers. pour se manifester à Moïse). Chambre
où l’on conserve les archives : Aller aux arçonnage [arsna] n. m. (de arçonner ; ardente, sous l’Ancien Régime, chambre de
archives. 3. Administration qui s’occupe 1863, Littré). Syn. de ARCURE. justice criminelle qui pouvait appliquer la
des archives : Travailler aux archives. Un peine du feu. Chapelle ardente, chambre
employé des archives. Archives dépar- arçonner [arsne] v. tr. (de arçon ; 1863,
mortuaire garnie de torches qui brûlent ou
tementales. 4. Fig. Ensemble de faits, Littré). Pratiquer sur la vigne l’arçonnage,
de luminaires allumés. Fig. Être sur des
d’écrits, de témoignages, qui prouvent ou arcure.
charbons ardents, être plein d’impatience
l’existence de quelque chose de mémorable arc-rampant [arkrp] n. m. (de arc ou d’inquiétude. 2. Miroir ardent, verre
et en perpétuent le souvenir : Les chants et de rampant ; 1866, Larousse). Courbe ardent, disposés de manière à faire conver-
de Pindare forment, avec les ouvrages métallique qui soutient une rampe. ger en un même point les rayons solaires
d’Homère, les brillantes archives de la • Pl. des ARCS-RAMPANTS. et à enflammer un objet. 3. Qui est très
Grèce (Chateaubriand). Les écritures asia- chaud, qui brûle : Au-delà des terrains que
tiques sont les archives du monde englouti arctique [arktik] adj. (lat. arcticus, du
l’ardent soleil ride | Et que couvre un gazon
(Balzac). gr. arktikos, dér. de arktos, « [Grande et
brûlé, lépreux et court, | On voit les toits
Petite] Ourse » ; 1338, Roumant de la fleur
• REM. On trouve le masculin au XVIe s. confus des maisons du faubourg | Où les
de lis). 1. Situé au nord, du côté qui regarde
(archifs, m. pl., et archive, m. sing., femmes le soir médisent sur leurs portes
vers la Grande Ourse : Hémisphère arctique
Amyot) et dans Th. Corneille. Le mot n’a (Hugo). Au pied des falaises ardentes qui
(par opposition à hémisphère antarctique,
pas de singulier. réverbéraient le soleil, la végétation était
qui regarde vers la Croix du Sud). 2. Qui
• SYN. : 3 mémorial, monument (littér.), si luxuriante que l’on avait peine à passer
appartient aux régions polaires septentrio-
recueil, témoin. (Gide). 4. Qui produit une sensation de
nales : Pôle arctique. Terres arctiques.
forte chaleur, de brûlure : Soif ardente.
archiviste [arivist] n. (de archives ; 1701, • SYN. : boréal, septentrional. — CONTR. :
Fièvre ardente. 5. Se dit d’une couleur
Furetière). 1. Employé préposé à la conser- austral, sud.
vive qui rappelle l’éclat du feu : Tous ses
vation des archives. 2. Érudit qui étudie n. m. Les régions qui entourent le pôle
anneaux vermeils rampaient en se tordant
des archives. Archiviste-paléographe, Nord.
| Sur la grève isolée | Et le sang empourprait
titre réservé aux élèves diplômés de l’École
arcure [arkyr] n. f. (de arquer ; 1512, J. d’un rouge plus ardent | Sa crête dentelée
des chartes.
Lemaire de Belges). 1. Courbure en arc. (Hugo). Jesuis blonde comme ma mère [...],
archivolte [arivlt] n. f. (ital. archivolto, 2. Spécialem. Opération qui consiste à blond ardent, quoi ! [...] Rousse, là, si tu
voûte maîtresse ; 1694, Th. Corneille). courber en arc les branches d’un arbre frui- veux (Martin du Gard). 6. Fig. Plein de
Ensemble de moulures qui ornent les vous- tier, des sarments de vigne, pour favoriser feu, de vivacité, de fougue : J’observai sou-
soirs d’une arcade : Un cloître à archivoltes la formation des fleurs et des fruits : Seule vent un enfant dont la physionomie ardente
de plain-pied avec le jardin (Hugo). la taille, ou l’arcure, en refoulant la sève, la et espiègle, plus que toutes les autres me
force d’animer les germes voisins du tronc, séduisit tout d’abord (Baudelaire). Ses yeux
archontat [arkta] n. m. (de archonte ;
qui fussent demeurés dormants (Gide). [On luisaient d’une curiosité ardente (Aymé).
1701, Furetière). 1. Dignité d’archonte.
écrit aussi arqure.] 7. Se dit d’une personne qui se porte avec
2. Temps pendant lequel un archonte
restait en fonctions. ardélion [ardelj] n. m. (lat. ardelio, ardeur vers ce qu’elle entreprend, qui est
même sens ; 1583, J. Baudon, Dict. géné- pleine de zèle pour : Ardent au travail.
archonte [arkt] n. m. (du gr. arkhôn, Spécialem. Qui est porté à l’amour : Un
ral). Personne empressée, qui se mêle des
-ontos, qui commande, par l’intermédiaire tempérament ardent. Un étalon ardent,
affaires d’autrui et importune par ses
du lat. archon, -ontis ; XIIIe s., Hist. occid. un étalon apte à la génération. 8. Se dit
continuelles propositions (rare) : Grands
des Croisades, sous la forme arconde). des personnes passionnées : Vous avez bien
prometteurs de soins et de services, |
1. Nom donné à neuf magistrats annuels entendu parler de ces jeunes filles, ardentes
Ardélions sous le masque d’amis (J.-B.
qui gouvernaient la république d’Athènes : et folles, qui viennent trouver un homme
Rousseau). Ô lecteurs du siècle ! ardélions
Parmi ces neuf archontes, celui qu’on appe- qu’elles admirent et lui disent : « Je veux
inoccupés qui vivez en courant et prenez à
lait roi était surtout le chef de la religion ;
peine le temps de mourir... (Gautier). un enfant, un enfant de vous » (Maurois).
mais chacun de ses collègues avait aussi
• SYN.: importun, mouche du coche. • SYN.: 1 embrasé, flamboyant, incandes-
quelque fonction sacerdotale à remplir
cent ; 3 brûlant, torride ; 5 éclatant, flam-
(Fustel de Coulanges). Archonte épo- ardemment [ardam] adv. (de ardent ;
boyant ; 6 actif, bouillant, dynamique,
nyme, celui qui donnait son nom à l’année. XIIe s., Sermons de saint Bernard, écrit
emballé, exalté, fougueux, impétueux,
2. Dans l’Église orthodoxe, nom donné ardanment). Avec ardeur (au fig. seule-
pétulant, véhément ; 7 acharné, empressé,
à certains ecclésiastiques. ment) : Béni soit l’ouragan qui me vaut ce
fervent, passionné, véhément, zélé. —
tête-à-tête si ardemment désiré (Morand).
arçon [ars] n. m. (lat. pop. *arcio, dimin. CONTR.: 3 frais, froid, glacé, glacial, tiède ; 5
• SYN. : passionnément, vivement. —
de arcus, arc [en anc. franç., « petit arc » éteint, fané, pâle, passé, terne ; 6 et 7 calme,
CONTR.: faiblement, froidement, mollement.
et « archet »] ; 1080, Chanson de Roland). endormi, engourdi, éteint, indolent, inerte,
1. Chacune des deux pièces cintrées — le ardent, e [ard, -t] adj. (lat. ardens, languissant, lymphatique, mou, noncha-
pommeau à l’avant et le troussequin à part. prés. de ardere, brûler ; XIIe s.). lant ; 8 froid, indifférent, insensible.

227
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

ardents n. m. pl. (dans la loc. mal des « petit lien » ; forme actuelle, XVe s.). carrière d’ardoise. 4. Arg. du sport. Dans
ardents [ardanz, XIIIe s.], ardent conti- 1. Pointe métallique qui, dans une boucle une course cycliste, personne qui, à l’aide
nue l’anc. franç. ardant, part. prés. du v. de ceinture, de ceinturon, etc., sert à arrêter d’une ardoise, renseigne les suiveurs.
ardoir, ardre, représentation pop. du lat. la courroie. Fig. et vx. Il ne manque pas ardoisière n. f. (1564). Carrière d’ardoise.
ardere). 1. Class. Émanations gazeuses qui un ardillon à l’équipage, il ne manque rien
de ce qu’il faut. 2. Spécialem. Nom donné ardre [ardr] v. tr. (lat. ardere, avec chan-
se dégagent du sol et s’enflamment spon-
par les typographes à la pointe qui fixe la gement de conjugaison ; XVe s.). [Conj., v.
tanément lorsqu’il fait chaud, principale-
feuille à imprimer. Rem. 2.] Vx et poét. Consumer par le feu,
ment auprès des eaux stagnantes. (On dit
brûler par une violente chaleur : La Terre
auj. FEUX FOLLETS.) 2. Mal des ardents,
ardito [ardito] adv. (mot ital. ; 1863, sent la flamme immense ardre ses flancs
ou feu Saint-Antoine, noms donnés à une
Littré). Terme de musique indiquant qu’un (Heredia).
affection épidémique qui a sévi pendant le
passage doit être exécuté avec ardeur.
Moyen Âge, espèce de charbon pestilentiel. v. intr. 1. Littér. Être en feu et, par extens.,
ardoir v. tr. V. ARDRE. être assoiffé : Au club, il trouva la lettre de
arder v. tr. et intr. V. ARDRE. Séphora, qui, rien que par l’odeur musquée
ardoise [ardwaz] n. f. (origine obscure ;
ardeur [ardoer] n. f. (lat. ardor, accus. du papier, lui communiqua la fièvre dont
on restitue une forme *ardesia, qui semble
ardorem ; 1130, Job). 1. Littér. Très grande elle ardait (Daudet). Le ciel arda, nu, d’un
rappeler le celtique ard, haut ; mot propre
chaleur : L’ardeur du soleil. La chaleur bleu cru (Huysmans). Haro. La gorge m’ard
à la France septentrionale ; 1175, Chr. de
humide de ce printemps faisait souhaiter (La Fontaine). 2. Littér. Être passionné,
Troyes). 1. Schiste argileux, tendre, bleu-
les ardeurs de l’été (Camus). 2. Sensation enflammé : J’ardais si fort qu’il me sem-
gris, imperméable, qui se divise en feuilles
de chaleur plus ou moins vive, de brûlure : blait pouvoir communiquer à tout autrui
minces et sert à divers usages : Une carrière
L’ardeur de la fièvre, de la soif. 3. Fig. ma ferveur (Gide).
d’ardoise. Les Andes étageaient leurs gradins
Faculté d’agir avec énergie, prompti- de basalte, | De porphyre, de grès, d’ardoise
• REM. 1. Ce verbe était déjà sorti de
tude et chaleur : L’ardeur de la jeunesse. et de granit (Heredia). 2. Plaque de cette l’usage courant au XVIIe s. Il n’est employé
Ardeur des sens, inclination naturelle et matière dont on couvre les maisons : Un que dans une intention d’archaïsme.
très vive qui porte vers les plaisirs charnels. château du temps de Henri IV avec ses toits 2. La conjugaison est défective : J’ars,
4. Vivacité, zèle impétueux qui porte à pointus couverts d’ardoises (Nerval). Par nous ardons ; j’ardais ; que j’arde, que
faire quelque chose : Une ardeur de travail extens. Ardoise métallique, plaque de métal nous ardions. Part. passé : ars, arse. À
l’ayant soudain ressaisi, il se rassit devant grisâtre, qu’on utilise comme l’ardoise pour l’infinitif, on trouve aussi ardoir ; en
sa table (Maupassant). S’adonner avec couvrir les maisons. 3. Plaque d’ardoise outre, l’Académie admet la forme arder à
ardeur à l’étude. Qualité d’un animal ou d’une autre matière sur laquelle on peut côté de ardre.
plein de vivacité, de fougue : Monté sur écrire ou dessiner : Cette ardoise est en car-
un cheval bouillant d’ardeur [...], Fabio ardu, e [ardy] adj. (lat. arduus, escarpé ;
ton. 4. Pop. Compte de marchandises,
s’écriait : « Quels sont ces misérables de consommations prises à crédit (dont XIVe s., au sens de « malaisé », sens principal
masques ! » (Stendhal). 5. Mouvement depuis le XVIIe s. ; au XVIe s., fréquent au sens
le montant, primitivement, était inscrit
de l’âme violent et impétueux, provoqué sur une ardoise) : Il avait toujours des de « élevé »). 1. Où il est difficile d’accé-
par un sentiment, une passion : L’ardeur de ardoises arriérées chez les marchands de der ; difficile à gravir (rare) : Sentier ardu.
l’ambition, de la haine. Cette fois encore, les vin (Goncourt). D’un côté c’était la mer [...], de l’autre la
ardeurs impérieuses de cette âme héroïque côte droite, ardue (Flaubert). 2. Difficile
• SYN.: 4 note.
[Beethoven] le brûlèrent [Christophe] à faire : Un travail ardu. La conquête du
adj. invar. Qui a la couleur gris bleuté
(Rolland). 6. Class. Amour violent et temps est pour les petits hommes une
de l’ardoise : Une robe ardoise. Un bleu
passionné : Ce n’est plus une ardeur dans épreuve ardue (Duhamel). Difficile à
ardoise.
mes veines cachée : | C’est Vénus tout entière comprendre, à résoudre : Question ardue.
à sa proie attachée (Racine). 7. Violence, ardoisé, e [ardwaze] adj. (de ardoise ; Problème ardu.
acharnement avec lesquels une chose est 1587, J. du Chesne, Grand Miroir). Qui a • SYN. : 1 abrupt, escarpé, malaisé, raide,
faite : L’ardeur de la lutte, du combat. la couleur de l’ardoise : Le matin blanchit rude ; 2 dur, malaisé, pénible, rude. —
• SYN. : 3 fougue, impétuosité, pétulance, l’angle ardoisé du toit (Hugo). Un vent très CONTR.: 2 abordable, accessible, aisé, clair,
vitalité ; 4 acharnement, chaleur, courage, fort chasse les nuages bas ; ciel ardoisé ; pas facile, simple.
dynamisme, élan, empressement, énergie, un rayon, pas un sourire du ciel à la terre
(Gide). are [ar] n. m. (mot créé d’après le lat. area,
entrain, exaltation, impétuosité, zèle ; 5
surface ; 1795, décret du 18 germinal an III).
acharnement, élan, enthousiasme, exalta- ardoiser [ardwaze] v. tr. (de ardoise ; Unité de mesure pour les surfaces agraires :
tion, ferveur, fougue, fureur, impétuosité, s., La Porte). 1. Couvrir avec des
XVIe Un are vaut cent mètres carrés.
vigueur, violence ; 7 fureur, furie, impé- ardoises. 2. Peindre à la couleur de
tuosité, véhémence. — CONTR. : 1 fraî- areau [aro] n. m. (même radical que lat.
l’ardoise.
cheur, froid, tiédeur ; 3 engourdissement, aratrum, charrue ; forme du Centre et de
s’ardoiser v. pr. Prendre la couleur de
indolence, inertie, mollesse, nonchalance ; l’Ouest, usuelle au XVIe s. [O. de Serres]).
l’ardoise : Déjà le ciel de Paris s’ardoisait
5 ataraxie, calme, froideur, indifférence, Dialect. Sorte de charrue sans avant-train :
des premiers brouillards (Daudet).
insensibilité, tiédeur ; 7 douceur, mesure, La vérité est que nous nous sommes liés
modération, retenue. ardoisier, ère [ardwazje, -r] adj. (de nous-mêmes à notre propre areau (Sand).
ardoise ; 1571-1580, La Porte, au sens 1).
ardez [arde] v. tr. (abrév. de gardez, regar- arec [ark] ou aréquier [arekje] n. m.
1. Qui est de la nature de l’ardoise : Sol,
dez ; début du XVIIe s., M. Régnier). Class. (portug. areca, d’une langue de l’Inde ; 1521,
terrain ardoisier. 2. Qui fournit de
ou pop. Regardez : Ardez le beau museau écrit areca ; arec, XVIIIe s.). Sorte de palmier
l’ardoise : Gisement ardoisier. 3. Qui
(Molière). Ardez le bel Olibrius, qui mène à tige élancée : Cette partie de la ville est
concerne l’ardoise : L’industrie ardoisière.
aux champs l’âne d’autrui et la fille à tout tout à fait silencieuse ; à peine entend-on
ardoisier n. m. (1506, Comptes du châ-
le monde (France). par instants, derrière les aréquiers dont
teau de Gaillon, au sens 1). 1. Couvreur
les palmes emplissent deux fenêtres, des
ardillon [ardij] n. m. (dimin. de l’anc. en ardoise. 2. Ouvrier qui travaille à
trompes d’autos éloignées (Malraux).
franç. hart, corde, sous la forme primitive l’extraction de l’ardoise : La maladie des
hard ; XIIIe s., écrit hardillon, proprem. ardoisiers. 3. Personne qui exploite une areigne n. f. V. ARAGNE.

228
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

aréique [areik] adj. (de a priv. et du gr. aréolé, e [arele] adj. (de aréole ; 1863, deux versants de montagne : Au-delà de
rhein, couler ; 1953, Larousse). Se dit d’une Littré). Qui présente des aréoles. ces cascades, les flancs de la colline, cou-
région privée d’un écoulement régulier des pés raide comme une roche du Rhin vêtue
aréomètre [aremtr] n. m. (comp.
eaux. de mousses et de bruyères, mais troués
savant du gr. araios, peu dense, et metron,
comme elle par des arêtes schisteuses (Bal-
arénacé, e [arenase] adj. (lat. arenaceus, mesure ; 1675, Journ. des savants).
zac). L’arête franchie, ils s’engagèrent sur
de arena, sable ; milieu du XIXe s.). Qui est Instrument avec lequel on mesure la den-
un névé de pente assez douce, mais d’une
de la nature du sable ; qui contient du sable : sité des fluides.
longueur interminable (Daudet).
Un sol arénacé.
aréométrie [aremetri] n. f. (de aréo-
• SYN.: sablonneux. arêtier [artje] n. m. (de arête ; XIVe s.,
mètre ; milieu du XIXe s.). Technique de la
Godefroy, écrit arestier). 1. Dans une
arène [arn] n. f. (lat. arena, sable ; 1155, détermination de la densité d’un fluide par
construction, ligne saillante formée par
Wace, écrit araine, au sens de « sable » ; l’usage des aréomètres.
l’intersection latérale de deux pans de cou-
repris au XVIe s. comme terme littér., et au aréopage [arepa] n. m. (lat. areopagus, verture. 2. Pièce de charpente formant
XVIIe s. comme terme archéol.). 1. Class. et du gr. Areios pagos, colline d’Arès ; 1495, J. l’encoignure d’un comble. 3. Lame de
littér. Sable menu et mouvant : J’aime mieux de Vignay, écrit ariopage ; forme actuelle, plomb recouvrant les angles d’une toiture,
un ruisseau qui, sur la molle arène, | Dans 1538, J. de Véga). 1. Tribunal suprême qui d’une flèche.
un pré plein de fleurs lentement se promène siégeait sur la colline d’Arès à Athènes. (En
(Boileau). Nous cheminâmes pendant une arêtière [artjr] n. f. (de arêtier ; 1691,
ce sens, prend une majuscule.) 2. Tout
heure et demie avec une peine excessive dans Ozanam, écrit arestière). 1. Tuile ou revê-
tribunal : Une cité, un État parfaitement
une arène blanche et fine (Chateaubriand). tement recouvrant les arêtes, les saillants
sage vivrait, jugerait sans lois, les normes
2. Littér. Surface recouverte de sable ; d’un toit. 2. Dans un pavage, figure
étant dans l’esprit de son aréopage (Gide).
plage de sable : La plupart [des crocodiles] triangulaire formée par la rencontre, sous
3. Par anal. et ironiq. Groupe de per-
à l’approche du navire selaissent choir dans un angle aigu, de deux caniveaux.
sonnages importants qui ont à décider de
l’eau lourdement, s’ils sont sur une arène quelque chose : Gallimard m’offrit de lire argémone [aremn] n. f. (lat. argemo-
en pente (Gide). 3. Dans un cirque ou mon roman et de le soumettre à l’aréopage nia, gr. argemonê ; XVIe s., Du Pinet). Plante
un amphithéâtre romain, partie sablée où de la N.R.F. (Martin du Gard). à feuilles profondément découpées et mar-
avaient lieu les combats : Combattre dans brées de blanc, de 60 à 80 cm de hauteur,
l’arène. Vers la palme et le but il va fuir aréopagite [arepait] n. m. (gr. areio-
originaire du Mexique.
dans l’arène, (Heredia). Fig. Descendre pagites, par l’intermédiaire du lat. areopa-
dans l’arène, prendre part activement à une gites ; 1512, J. Lemaire de Belges). Membre argent [ar] n. m. (lat. argentum, métal,
lutte politique ou littéraire, relever un défi. de l’Aréopage. monnaie, richesse ; Xe s., Cantilène de sainte
Eulalie).
• SYN.: 3 lice. aréostyle [arestil] n. m. (lat. araeostylos,
arènes n. f. pl. 1. Cirque, amphithéâtre du gr. araiostulos, de araios, non serré, et I. 1. Métal précieux blanc et brillant,
construit par les Romains : Les arènes de stulos, colonne ; 1547, J.Martin). Ensemble très ductile et malléable : Du minerai
Nîmes. 2. Édifice de construction ana- de colonnes séparées par des intervalles d’argent. 2. Le même métal mêlé à du
logue où ont lieu les courses de taureaux : très grands : La colonnade du Louvre est cuivre, et utilisé en bijouterie, en orfè-
Les arènes de Dax. Une course de taureaux un exemple d’aréostyle. vrerie : Une chaîne d’argent. Une pièce
était annoncée aux arènes de Bayonne de monnaie en argent. En entrant, on est
aréotectonique [aretktnik] n. f.
(Montherlant). surpris de l’ordre qui règne sur une table
(comp. savant du gr. Arês, n. du dieu de la
éblouissante d’argent, de cristaux (Bal-
aréneux, euse [arenø, -øz] adj. (lat. Guerre, et de tectonique, du gr. tektonikê,
zac). Galonné d’argent, qui a des galons
arenosus ; XIIIe s., écrit arenouse ; repris art de la construction ; 1694, Th. Corneille).
en passementerie de fils argentés : Un
au XVIIIe s., Chénier). Vx et littér. Qui est Partie de l’art militaire concernant la for-
portier galonné d’argent entra, chargé de
constitué par du sable : Tour à tour l’âme tification, l’attaque et la défense des villes
valises (Daudet).
s’éprend de cette contrée molle et mouillée (rare).
qui n’abrite rien que de tendre, de flexible et II. 1. Toute monnaie à base de ce métal :
aréquier n. m. V. AREC.
de voluptueux et le produit en abondance ; Vouloir être payé en or et non en argent.
puis s’exalte à l’éclat d’une dune aréneuse arête [art] n. f. (du lat. dialect. *aresta, 2. Toute monnaie de métal, tout pa-
où tout luit (Gide). lat. class. arista, barbe d’épi, puis arête de pier-monnaie accepté dans les échanges
poisson [Ausone, IVe s.] ; XIIe s., écrit areste). commerciaux : « Prends, dit-il.Ce sont des
• SYN.: sablonneux.
dattes, du pain, du sucre [...]. Voilà mille
arénicole [arenikl] adj. (du lat. arena, I.1.Barbe de l’épi de certaines grami-
francs aussi. » L’Arabe prit le paquet et
nées. 2. L’une des tiges osseuses et poin-
sable, et du suff. -cole, de colere, habiter ; l’argent (Camus). Argent frais, argent
début du XIXe s.). Qui vit dans les sols tues formant le squelette des poissons :
qui vient de rentrer ; ou souscription à un
sablonneux. S’étrangler avec une arête. Ensemble
emprunt faite en numéraire. En avoir
des arêtes d’un poisson, son squelette
n. f. Ver que les pêcheurs utilisent pour son argent, obtenir un objet corres-
entier : L’arête d’une sole. Grande arête,
comme appât. pondant à la dépense faite, et, par extens.,
colonne vertébrale du poisson. Pavage
être satisfait, être payé de sa peine. Fam.
aréolaire [arelr] adj. (de aréole ; 1838, en arête de poisson, disposition de pavage
Manger de l’argent, perdre de l’argent
Balzac). Qui est relatif à une aréole. dans laquelle les pavés, posés en diago-
dans une affaire. Jeter l’argent par les fe-
nale, se rencontrent à angle droit.
aréole [arel] n. f. (lat. areola, dimin. de nêtres, dépenser avec prodigalité. Payer
area, aire ; 1611, A. du Chesne). 1. Dans un II. 1. Ligne d’intersection de deux plans, argent comptant, payer immédiatement
tissu cellulaire, cavité entre les faisceaux de deux surfaces : Les arêtes d’un prisme. et en numéraire. Fig. Prendre pour
de fibres. 2. Cercle pigmenté entourant Les faces d’un diamant sont délimitées par argent comptant, accepter sans difficulté
le mamelon du sein. 3. Zone circulaire des arêtes. L’arête d’un toit. Tailler à arête et sans esprit critique. 3. Ensemble du
rougeâtre qui entoure un point d’inflam- vive. 2. Toute saillie anguleuse natu- numéraire, des valeurs, des biens : Avoir
mation. 4. Cercle irisé entourant parfois relle : L’arête du nez. Spécialem. Crête de l’argent. Là aussi, l’argent était une
le disque de la Lune. d’un massif rocheux, intersection de aristocratie (Nerval). Fam. Faire de

229
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

l’argent, s’enrichir. Faire argent de tout, comparable à celui de l’argent : La voix 2. argentin, e [art, -in] adj. et n. (de
savoir tirer profit de tout, employer tous argentée d’une jeune fille. Argentine ; 1866, Larousse). Qui a rapport
les moyens, honnêtes ou non, pour se • SYN.: 3 argentin, cristallin. à la république Argentine ; habitant ou
procurer de l’argent, et, par extens., être originaire de ce pays.
2. argenté, e [arte] adj. (de argent ;
âpre au gain ; au fig., mettre les moindres
milieu du XIXe s.). Fam. Se dit de quelqu’un argentine [artin] n. f. (du lat. argen-
occasions à profit : La vanité fait argent
qui a de l’argent à sa disposition, qui a des tum, argent ; fin du XVIe s.). 1. Un des noms
de tout (Chateaubriand). Homme
ressources (s’emploie surtout dans des de l’ansérine ou potentille. 2. Poisson de
d’argent, celui qui vit du commerce ou
phrases négatives ou restrictives) : Il avait mer de la famille des salmonidés, qu’on
du maniement de l’argent : Un petit gros
craint un moment de ne pas rentrer dans pêche en Méditerranée.
monsieur, court et rond, parut. [...] M.
ses fonds, les passagers des premières à bord
Walter, député financier, homme d’argent argenton n. m. V. ARGENTAN.
du « Bonardelle » n’étant en général guère
et d’affaires... (Maupassant). Les puis-
plus argentés que ceux du pont (Daudet). argenture [artyr] n. f. (de argen-
sances d’argent, les milieux qui exer-
• SYN.: nanti, pourvu, riche. ter ; XIVe s., au sens de « argent massif »,
cent une très grande influence dans le
Godefroy ; au sens actuel, 1642, Oudin, écrit
domaine politique grâce à leurs moyens argenter [arte] v. tr. (de argent ; 1220, argenteure). 1. Résultat de l’opération d’ar-
financiers. (On dit aussi simplem., dans G. de Coincy). 1. Recouvrir d’une mince gentage. 2. Couche d’argent qui donne
le même sens, l’argent.) L’argent n’a couche d’argent : Argenter des couverts. à un objet l’apparence du métal précieux.
pas d’odeur, se dit quand quelqu’un fait Recouvrir d’un alliage rappelant l’ar- 3. Syn. de ARGENTAGE.
usage sans honte ni remords d’argent mal gent : Argenter un miroir. 2. Donner la
acquis. Point d’argent, point de Suisse, couleur de l’argent, un reflet d’argent : Une argien, enne [arj, -n] adj. et n. (de
sans argent on n’obtient rien (par allusion petite bave de convoitise argentait son men- Argos ; 1743, Trévoux). Relatif à Argos
aux soldats suisses qui, sous François Ier, ton (Gautier). ou à l’Argolide ; habitant d’Argos ou de
abandonnèrent le service du roi faute s’argenter v. pr. Prendre la couleur de l’Argolide.
d’être payés). l’argent : Ses tempes [...] s’argentaient déjà argilacé, e [arilase] adj. (de argile ; 1866,
D’argent loc. adj. 1. Se dit de tout ce qui, (Martin du Gard). Larousse). Qui est de la nature, ou qui a
par sa couleur, par sa luminosité, rappelle l’aspect de l’argile.
argenterie [artri] n. f. (de argent ;
l’argent poli : Elle [la mer] prenait des éclats • SYN.: argileux.
1286, Archives). 1. Ensemble de pièces de
d’argent et de fer (Camus). Parfois de grands
vaisselle, de couverts, etc., en argent ou argile [aril] n. f. (lat. argilla, du gr. argil(l)
poissons, à fleur d’eau voyageant, | Font
en métal argenté : La vieille argenterie de os ; XIIe s., le Livre des Rois, écrit argille ;
reluire au soleil leurs nageoires d’argent
famille. 2. Vx. Fonds que le roi utilisait
(Hugo). 2. Se dit de ce qui rend un son var. ardille, arsille). 1. Terre glaise grasse
pour certaines dépenses extraordinaires. et facile à pétrir, utilisée en poterie et en
pur et clair comme l’argent : On enten-
dait le son claire d’argent du marteau argenteur [artoer] n. m. (de argenter ; briqueterie : L’argile est aussi appelée « terre
(Montherlant). XIIIe s., É. Boileau). Ouvrier qui argente à potier ». Un vase d’argile. Un peu plus
le métal. loin, la palmeraie, divisée en carrés inégaux
• SYN.: 2 argentin, cristallin.
par des murs d’argile, bruissait (Camus).
argentage [arta] n. m. (de argenter ; argentier [artje] n. m. (lat. argenta-
2. Fig. Par allusion à la terre avec laquelle,
1866, Larousse). Action de couvrir d’un rius, banquier, ouvrier travaillant l’argent ;
selon la Bible, Dieu a façonné le premier
dépôt d’argent des objets d’une autre 1272, Delboulle, au sens de « banquier » ;
homme, la matière dont l’homme est fait,
matière. « trésorier royal », 1417, Fauquemberghe ;
son corps, et, au fig., sa nature profonde :
« intendant, trésorier », XVIe s.). 1. Class.
• SYN.: argentation, argenture. Mon Dieu, qui [...] au jour de la création
Officier chargé de certaines fonctions de
saisissez dans votre main toute-puissante |
argentan [art] ou argenton [art] contrôle et de dépense dans la maison du
L’argile humaine (Claudel). Nous sommes
n. m. (de argent ; 1866, Larousse). Alliage roi ou de la reine : L’argentier de la reine.
tous pétris de la même argile, nous nous
de cuivre, de zinc et de nickel qui imite Spécialem. L’argentier du roi, le surinten-
ressemblons tous et avons la même origine.
l’argent. dant des Finances. 2. Ironiq. Personne
3. Fig. Par allusion à la plasticité de l’ar-
• SYN.: argent blanc, maillechort. qui prête de l’argent : Mais je vois venir
gile, matière facile à modeler, chose facile à
Boucherot [un usurier], mon fidèle argen-
argentation [artasj] n. f. (de argen- modifier : L’esprit de l’enfant est une argile
tier ! (T. Bernard). Fam. Le grand argen-
ter ; 1877, Littré). 1. Fait de prendre une que l’éducateur et l’expérience pétrissent
tier, le ministre des Finances. 3. Meuble
coloration argentée. 2. Traitement d’un peu à peu. 4. Fig. Par allusion à la fragi-
dans lequel on renferme l’argenterie.
tissu organique consistant à l’imprégner lité des poteries d’argile, matière fragile,
• SYN.: 2 banquier.
d’un sel d’argent pour en colorer en noir périssable : Mais le vers est de bronze et la
certains éléments. argentifère [artifr] adj. (de argent prose est d’argile (Lamartine). Colosse,
et du suff. -fère, du lat. ferre, porter ; 1596, statue aux pieds d’argile, objet, personne
1. argenté, e [arte] adj. (part. passé de
Delboulle). Se dit d’un minéral, d’un ter- ou État dont la puissance, très grande en
argenter). 1. Qui est recouvert d’une mince
rain qui contient de l’argent : Un minerai, apparence, a des bases peu sûres.
couche d’argent : L’argenterie n’est souvent
une veine argentifère. • SYN.: 2 limon.
que du métal argenté. Par extens. Qui est
recouvert d’une couche métallique rappe- 1. argentin, e [art, -in] adj. (de argent ; argileux, euse [arilø, -øz] adj. (de argile,
lant l’argent : Du papier argenté. Une glace début du XIIe s., Psautier de Cambridge). continue peut-être le lat. argillosus ; XIIe s.).
argentée. 2. Qui rappelle l’argent par sa 1. Poét. dont la couleur rappelle celle de Qui contient de l’argile ; qui est constitué
couleur, son éclat : Gris argenté. L’araignée l’argent : Les vergers sont fleuris et le givre par de l’argile : Un sol argileux.
entre deux chênes verts | Jette un fil argenté argentin | N’irise plus les prés au soleil du
argilière [ariljr] n. f. (de argile ; XIIIe s.,
qui flotte dans les airs (Hugo). Spécialem. matin (Heredia). 2. Dont le son est clair
Roman de Renart, écrit arzilière). Lieu où
Se dit des cheveux, de la barbe quand ils comme celui de l’argent : Une voix argen-
tine. Le jet d’eau fait toujours son murmure l’on extrait de l’argile.
sont mêlés de poils blancs : Ses cheveux
presque tout argentés qu’encadre un bonnet argentin (Verlaine). argon [arg] n. m. (mot tiré du gr. argos,
de guipure (Gide). 3. Qui a un son clair • SYN.: 1 argenté ; 2 cristallin. inactif, par Raleigh et Ramsay ; 1874). Un

230
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

des gaz rares entrant dans la composition conception répandue qui fait de l’argot tenues de temps immémorial puissent
de l’air, incolore et inodore, n’ayant aucune une sorte de codage secret des illettrés. perpétuer une langue propre, qui devient
activité chimique : Certaines ampoules élec- Si des malfaiteurs, en 1567, disaient lime hermétique aux non-initiés dès que ses
triques sont remplies d’argon. pour « chemise », ce n’était pas, comme idiotismes — qui n’affectent ordinaire-
le croyaient leurs juges, « afin qu’on ne ment que le vocabulaire — se rencontrent
argonaute [argnot] n. m. (gr. argo-
les entende », mais parce que le mot lime dans la phrase avec une certaine densité.
nautes, marin du navire Argo, par l’in-
existait à côté de chemise depuis le bas la- L’emploi cryptologique n’est le plus sou-
termédiaire du lat. Argonauta ; 1512, J.
tin (limas, vêtement de femme), conservé vent qu’une conséquence fortuite, voire
Le-maire de Belges). 1. Nom donné aux
dans le bas peuple, où se recrute presque inconsciente, de l’hermétisme.
Grecs qui, sur le navire Argo, suivirent
nécessairement la pègre. G. Esnault ne Il ne faut d’ailleurs pas nier par principe
Jason jusqu’en Colchide afin de conquérir
prend pas au sérieux la tradition selon
la Toison d’or. 2. Petit yacht d’instruc- toute volonté de dissimulation dans la
laquelle les voleurs se seraient organisés création argotique, mais l’argotier peut
tion et de course, pour les écoles de voile.
à Paris en un État à part, le « Royaume de
3. Sorte de mollusque céphalopode. viser à étonner ses pareils aussi bien qu’à
l’Argot », ayant sa langue, son chef — le
tromper l’ennemi commun : le départ est
1. argot [argo] n. m. (pour l’étym., v. art. Grand Coesre —, ses impôts, son bailli
bien subtil entre la devinette facétieuse
spécial). 1. Ancienn. Ensemble des gueux, dans chaque province, ses états généraux,
et le substitut secret ; si le mot poulet,
des mendiants. 2. Langue spéciale utili- antisociété policée née dans l’imagina-
désignant un policier, a été remplacé par
sée dans cette société. 3. Termes particu- tion fertile de Chereau, marchand dra-
perdreau, puis par dreaupèr, ce peut être
liers à une profession, à un groupe social, pier de Tours, auteur du Jargon de l’Argot
autant pour le piquant de l’expression
en marge de la langue commune : Ce mot réformé (1628), dont la réimpression ne
détournée que pour une plus grande dis-
[« bourgeois »], qui sent l’argot d’atelier cessa qu’en 1849. Parler aujourd’hui de
crétion des alertes. Ces devinettes ne sont
d’une lieue, devrait être supprimé du dic- l’ « argot du milieu » est supposer à tort
pas toujours aussi énigmatiques qu’on
tionnaire de la critique (Baudelaire). Le qu’il existe un « milieu » unique et dis-
veut le dire : en appelant le sang du rouge
père Izoard [...] voulait bien que sa fille fût cipliné. Si beaucoup de témoignages par
ou du raisiné, on n’embarrasse même pas
instruite, mais ne tenait pas à en faire une lesquels nous connaissons les argots d’au-
un enfant ; il est moins facile de com-
lycéenne à uniforme, bourrée de mots scien- trefois les donnent pour langues secrètes
prendre que le nom des Boers, prononcé
tifiques, pas plus qu’une jeune mondaine à de « Coquillards », « chauffeurs de pieds »
[bur] par les uns et [br] par les autres,
l’affût des courses et des premières, parlant et bagnards, cela prouve surtout que les
a servi de chaînon pour désigner par
tous les argots, imitant les chanteuses de témoins, policiers ou juges, étaient d’un
boërs ou bauers les agents en civil, plus
beuglants à la mode (Daudet). L’argot des niveau social supérieur à celui des gueux.
connus sous le nom de bourr’ (apocope
étudiants. L’argot scolaire. L’argot des tran- Si le théâtre du Moyen Âge met quelque-
de bourricots) ; mais, si les usagers de
chées. L’argot de la guerre 39-45. fois des mots d’argot dans la bouche de
l’argot avaient vraiment voulu disposer
• SYN.: 3 jargon, parler. soudards et de truands, c’est en revanche
d’un mot inintelligible aux non-initiés,
la preuve que le public populaire devait
le lien qu’on retrouve dans cet exemple
les comprendre.
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE serait encore trop clair. Un tel code laisse
Plus précisément, G. Esnault combat vraiment aux profanes trop de chances
L’ARGOT l’idée d’un argot artificiel, fabriqué de de percer son secret.
toutes pièces à la suite d’une décision
Attesté d’abord au sens de « corporation En supposant même que le monde des
concertée. On peut imaginer le processus
de voleurs » (1628), le mot argot a dési- hors-la-loi ait connu jusqu’au XVIIIe s.
de création d’après ce qu’on voit se pro-
gné depuis soit un vocabulaire secret, ré- une organisation stable et fermée, com-
duire chaque fois qu’un groupe social est
servé à un groupe d’initiés — coupeurs parable à celle des mystiques romani-
constitué pour un temps assez long, par
de bourses (Richelet, 1680), travailleurs, chels, auquel cas on pourrait tenir pour
exemple dans une école, une caserne, un
étudiants —, soit un ensemble de termes normal qu’une langue commune y soit
camp de prisonniers. R. Töpffer raconte,
insolites tenus pour vulgaires, et jugés ex- née, il est fort possible que cette langue,
dans les Nouveaux Voyages en zigzag,
pressifs par cela même et/ou par les qua- moins qu’un moyen de dissimulation, ait
comment certains mots ont pris « des ac-
lités stylistiques qui ont fait leur fortune été pour les truands un signe de recon-
ceptions exclusivement propres » à la so-
dans le peuple ou la pègre. On s’accorde à naissance et une manifestation de l’ « es-
ciété de vingt et un jeunes gens pension-
y voir un substantif verbal d’argoter. Est- prit de corps ». Une telle conception de
naires qu’il emmenait en vacances d’été :
ce le verbe argoter (aujourd’hui ergoter), l’argot s’accommode mieux des qualités
le substantif Abrantès fut adjectivé par
attesté en 1600 au sens de « se quereller », expressives qu’on ne peut lui dénier, et
eux au sens de qui a lu les Mémoires de la
et ancien dans le sens de « chicaner », fait qu’un codage artificiel ne réclamerait en
duchesse d’Abrantès, c’est-à-dire « qui est
sur argo (forme altérée du lat. ergo, donc) farci de citations indigestes, de trivialités aucune mesure.
dans les écoles du Moyen Âge ? Origine courantes, de bêtises usuelles ». En pré- Admettra-t-on, du moins, une inten-
bien savante pour le mot qui désigne la sence d’un individu de cette espèce pré- tion cryptologique pour expliquer les
langue la plus vulgaire. On l’a ratta- tentieuse, les jeunes gens ne se faisaient formations du largonji et du javanais ?
ché également à l’anc. franç. harigoter, pas faute de murmurer : « Abrantès ! » Le bagnard-policier Vidocq (signataire
« déchiqueter », auquel remonte aussi On voit, par cet exemple, à la fois com- des Mémoires, 1828-1829, et des Voleurs,
le haricot, « ragoût de mouton coupé en ment un mot rare ou seulement nouveau dictionnaire d’argot, 1836) a donné la
morceaux ». G. Esnault préfère y voir un prend une extension imprévisible dans formule du largonji, procédé de codage
dérivé dépréciatif de arguer, « tirer l’or et un groupe fermé, où il évoque, résume consistant à remplacer l’initiale d’un mot
l’argent à la filière », celle-ci étant appelée une situation vécue, et comment, n’ayant (ex. : jargon) par l (largon-) et à la reje-
argue (ital. argana, lat. organum, instru- rien d’artificiel ou d’intentionnellement ter à la fin du mot (largonji) ; ainsi prince
ment) : mendiants et voleurs « tirent » secret dans sa conception, il en vient à devient linspré ; La Force (la prison), La
l’argent de cent manières. être employé à des fins cryptologiques. Lorcefée ; deux [francs], leudé ; quarante
Dans l’Introduction du Dictionnaire Si plusieurs mots ont pu naître ainsi « en [sous], larantequé ; sac (mille francs),
historique des argots français (Larousse, quelques jours seulement », on comprend lacsé ; fou, louf ; beau, lobé ; en douce, en
1965), G. Esnault s’élève contre la que des communautés formées et main- loucedé, etc. Dans le largonjem, usité au

231
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

bagne de Brest en 1821, le même procédé potaches. On empruntera maint exemple et en calão [arg. portug.]) ; type, homme
se complique du suffixe invariable -em : à l’étude de P. Guiraud, l’Argot (1956). (gr. tupos, empreinte, modèle).
bon se dit lonbem ; boucher, loucherbem ;
I. INSOLITE DE L’EMPRUNT II. INSOLITE DE LA FORME
ce dernier mot est le nom le plus connu de
ce procédé, usité par les bouchers de La • SOURCES ÉTRANGÈRES : because, parce • CODES À CLEF : citons ici le largonji, le
Villette. Le caractère automatique, donc que (angl.) ; flic, sergent de ville (allem. javanais, etc., définis plus haut et qui ne
inexpressif, de telles déformations plaide Fliege, mouche) ; flouss, argent (arabe) ; remontent pas au-delà du XIXe s.
beaucoup en faveur de l’ésotérisme — crouilla, arabe (« ami » en arabe) ; bou- • APOCOPE ET APHÉRÈSE : came (came-
encore que le secret soit plus à attendre gnoul, tête à corvée (« noir » en ouolof) ; lote), bid (bidon), lap (la peau, rien),
de la rapidité d’élocution en code que du camoufle, chandelle (ital. camuffe, n. mac (maquereau), rata (ratatouille),
procédé même, de clef si simple. Mais, pl., désignant les écrans qui masquent binette (bobinette ou trombinette), cipal
tout bien pesé, le caractère de signe de les chandelles de la rampe) ; barbaque, (municipal) ; gnard, enfant (mignard ou
classe, de jeu verbal, en explique seul carne (esp. barbacoa, d’origine haïtienne, momignard) ; pitaine (capitaine), troquet
l’emploi par un corps de métier comme désignant une viande peu goûtée des (mastroquet) ; apocope et aphérèse conju-
les bouchers. Alfredo Niceforo, dans le soldats français au Mexique) — argots guées : bin’s (cabinets).
Génie de l’argot (1912), retrouve les règles étrangers : mec, chef, homme (arg. ital.
• RÉDUCTION ET CRÉATION DE COMBI-
de notre largonji dans des argots profes- mecco, meco, chef, paysan) ; ruffe, riff(l)
NÉS CONSONANTIQUES : lingue (lingre,
sionnels annamites : celui des bouchers e, feu, bagarre, arme à feu (arg. ital. ruf,
couteau, de Langres), ménesse (ménestre,
d’Hanoi, où l’initiale est ch au lieu de l, mêmes sens ; cf. angl. rifle, fusil).
femme, fille, épouse, du lat. ministra, ser-
et le suffixe -im au lieu de -em ; celui, plus • SOURCES PROVINCIALES : arpion,
vante), pante (pantre, paysan, nigaud),
complexe, des sampaniers d’Haiphong ; main, doigt, orteil, pied (arpioun, griffe gaffrer (gaffer, guetter, aviser), lixdré
celui des danseuses, des marchands de [provenç.] ; baratin, bagou (barat, mar- (lixdé, dix), antifle, église (anc. franç.
grains. G. Esnault relève dès 1670, chez ché frauduleux [provenç.]) ; faraud,
antive, fém. d’antif, ancien).
des écoliers de Metz, la suffixation un- homme bien vêtu, fier, fanfaron (faraut,
héraut [anc. gasc.]) ; guss, individu (gus,
• MÉTATHÈSE : dreaupèr (perdreau), en-
drègue foudrèque pour un fou, « imita-
traver (enterver).
tion de bégaiement antérieure aux cado- gueux [gasc.]) ; pantre, paysan, bour-
gan, javanais et largonji ». Le cadogan, geois, nigaud (pantre, paysan [Bresse, • REDOUBLEMENT : coco (cocaïne), gaga
attesté en 1896, procède par infixation Forez]) ; daron, maître, maître du logis, (gâteux), jojo (joli) ; rififi, bagarre (rif).
de -dg- après chaque voyelle, elle-même père (daron, adj., de dare, ventre, et daru, • SUBSTITUTION DE VOYELLE OU DE
redoublée : cadgadodgogandgan ; le ja- ventru [Maine, Anjou, Nantes]) ; goualer, CONSONNE : bistringue (d’où bistro) pour
vanais, attesté dès 1857, insère -av- après chanter, crier (couâler, émettre des cris bastringue ; atiger, frapper, bousculer,
aigus [Berry]). exagérer (aquiger, faire mal) ; clamecer
chaque consonne : javaunavet pour jau-
net. Certes, ces procédés fleurissent dans • SOURCES TECHNIQUES : arnaquer, ha- (crampecer, mourir, dér. de crampe).
les pensions, les bagnes et les bataillons biller, truquer, escroquer (malfaiteurs ; • AGGLUTINATION ET DÉGLUTINATION :
de redressement, mais ils sont provoca- forme picarde de harnacher) ; goupiller, larton, pain (arton) ; ance, eau (lance,
tion autant que dissimulation ; marques manigancer, travailler (croisement de même sens).
de fierté comme un tatouage ; fanfaron- goupille avec goupiner, travailler, de gous-
• SUFFIXATION AFFRANCHIE. Certains
nades comme l’anglais qu’échangent pin, factoton) ; bonnir ou bonir, causer,
suffixes ont par eux-mêmes un sens di-
deux écoliers français devant des cama- dire (saltimbanques ; de l’arg. ital. imbu-
minutif (feuilleton), péjoratif (bavard,
rades non encore initiés à cette langue. nire, amuser pour voler) ; masser, travail-
fadasse) ; l’argot les étend très librement
ler (masse, marteau de fer ou de bois) ;
En fait, si la thèse d’un argot ésotérique à des radicaux tirés de mots courants ou
gâcher, travailler (maçons) ; trimer, che-
est combattue avec tant de conviction argotiques : paveton, cureton, douillard
miner, travailler (dialect. trèmer, imiter
par G. Esnault, c’est qu’il vise à détruire (chevelu), tricard (interdit de séjour,
la trème ou trame du tisserand) ; piocher,
un certain mythe du criminel, incarné tiré de trique), bleuvasse (nouveau sol-
travailler (terrassiers) ; passer l’arme à
par Lacenaire ou Vautrin au XIXe s., une dat). Encore plus librement, il associe
gauche, mourir (soldats) ; loc. adv. à la
« démonologie » de l’Argot, « langage de des suffixes fantaisistes (expressifs par
godille, de travers (marins).
la corruption » (Hugo), inventé par les leur étrangeté même) à des mots plus ou
• ANCIEN FRANÇAIS : enterver, com- moins abusivement tronqués : adjudant
criminels « ou à eux révélé » (Esnault). Il
prendre (mot d’anc. franç.[vieilli au devient adjupète ; auvergnat, auverpin ;
n’y a pas un Argot « à majuscule cham-
XVe s.], du lat. interrogare, interroger) ; Bastille, Bastaga ; crasseux, craspec ; dé-
pion », mais des argots, « populaires »
solir, vendre (sollir, payer [1261], var. de gueulasse, dégueulbif ; directeur, dirlo ;
ou « voyous » selon la tendance honnête
soudre, lat. solvere) ; esquinter (var. de économies, éconocroques ; gamelle, gal-
ou non des argotiers. Qu’on s’attache à
l’anc. franç. esquiner, mettre en lanières) ; touse ; jaloux, jalmince ; lime (chemise),
en découvrir les sources « patoises, tech-
guinche, danse (anc. franç. ganches, limasse, limouse, limousse, liquette ; of-
niques ou archaïques », et l’on en goûtera
mouvements des bras et des hanches ficier, officemar ; pardessus, pardingue ;
mieux la saveur, que G. Esnault n’a garde
[XIIe s.]). valise, valoche, valouse, valtouse, val-
de sous-estimer : « Je ne connais rien qui
• LANGUES ANCIENNES : laïus, discours, treuse, etc. Le code sévère du largonji to-
soit sémaniquement plus heureux en au-
verbiage (en souvenir du discours de lère même de tels écarts : leaubé (ou lobé)
cun climat de la langue française. »
Laïus, père d’OEdipe, premier sujet de et leaubem (beau) permettent leaubiche.
PROCÉDÉS DE L’ARGOT dissertation littéraire proposé à Poly- G. Esnault fait observer que, dans cette
technique [1804]) ; pinxit, peintre entiché exubérance de drôleries, des séries se dé-
C’est sur la conception exposée ci-dessus de son talent (accompagnant sa signature couvrent à l’examen : dirlo appelle Amer-
que l’on fondera ici un inventaire des pro- de la mention pinxit, « a peint » [arg. d’ar- lo, Alfortlo ; kilbus (kilo, litre) marche
cédés de l’argot : l’unité en sera le carac- tistes, 1866, et d’étudiants, 1902]) ; arton, avec pibus (picrate, pinard, pivois, vin) ;
tère non point secret, mais insolite, joint pain (gr. artos, pain ; se retrouve en pro- « tarte, laid, accepte -ouse, -ousot, autant
au caractère populaire — pour éliminer venç., en basque ; artone en fourbesque que -ignole, mais non tel autre suffixe, qui
l’argot des Précieuses comme celui des [arg. ital.] ; dérivés en germania [arg. esp.] ferait barbarisme ».

232
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

Dans le domaine du verbe essaiment les Le système mes bottes, tes bottes, etc., est a la même connotation que gris ou que
suffixes -ailler (lancequailler, uriner, plus clair. Toutes ces séries pronominales le mot slang inky, encreux), a reçu pour
pour lancequiner), -ancher (calancher, ont l’avantage de supprimer la variation équivalents canaque, chocolat, gou-
mourir, de caler, faiblir), -tiquer (balan- verbale en personne : on ne sort pas de dronné ; se noircir a entraîné se mâchu-
cetiquer, jeter avec mépris, de balancer), la troisième. rer, se barbouiller, avoir le nez sale, être
-ouser (marquouser, marquer les cartes, dans le cirage, etc. Bécher, dénigrer (var.
III. INSOLITE SÉMANTIQUE
de marquer). de becqueter [Poitou : bécher, frapper du
• CALEMBOURS. Plaçons en tête, parce bec ; Normandie : béquer, rabrouer]),
Un purisme tel que celui dont fait preuve
qu’il est propre à l’argot — nourri de a peut-être entraîné, par le chaînon de
G. Esnault repose, bien entendu, moins
devinettes —, le procédé du calembour, l’homophone bêcher : piétiner les plates-
sur des règles de droit lexical que sur le
où une homophonie égare l’auditeur bandes, jardiner (railler). Manger le mor-
sentiment personnel d’un effet, d’une va-
non initié : cloporte (concierge, qui clôt ceau (v. plus haut) a entraîné se mettre à
leur de style, laquelle résulte de plusieurs
les portes), faire du rebecca (se rebéquer, table, casser le morceau, casser, morfil-
facteurs, entre autres :
regimber), la maison Poulman (la po- ler (manger, donc « dénoncer ») ; le déla-
— le caractère insolite de certains lice, ou poule, avec évocation du panier teur est une casserole.
groupes phonématiques dans le système à salade), les pingouins (les pieds, pour
commun de la dérivation en français : un pingots, pinceaux), s’astiquer (avoir un DOCUMENTS ET MONUMENTS DE L’ARGOT
suffixe -bif ne s’y rencontre pas (dans ros- duel à l’astic, épée), passer aux assiettes
bif, c’est un élément radical), non plus que
Les lexiques. L’existence d’un jargon des
(assises), être de la pédale (péd-éraste),
truands (gergons vulgare trutanorum) est
-aga ni -ingue ; les molletons (les mollets), un greffier attestée dès le XIIIe s. ; mais le premier
— l’évocation de suffixes ou de mots (un chat, pour griffard), ma marquise glossaire connu concerne le jargon des
stylistiquement marqués : -bif et -ingue (ma femme, mon épouse, dér. de marque, Coquillards, soldats licenciés en mal de
évoquent l’anglais (beaf, dancing dans la même sens [arg. esp. ou ital.]), mon cocon pillage, dont le procès fut instruit à Di-
prononciation populaire) ; dirlo s’oppose ou cocon’s (camarade de promotion à
jon en 1455 ; ces rudiments de jobelin —
à prolo (prolétaire) ; auverpin rappelle Polytechnique, ou co-conscrit), artichaut
langue des jobelots, ou hommes de rien
alpin et copain ; craspec évoque infect, (porte-monnaie, d’après portefeuille).
— ne furent publiés qu’en 1842, à Lyon.
abject, suspect. La suggestion peut aller Par ailleurs s’observent en argot tous les La Vie généreuse des mercelotz, gueux et
jusqu’au calembour dans limasse (cf. li- types de changement de sens pratiqués boesmiens, terminée par un dictionnaire
mace), jalmince (lèvres minces, air pincé), dans la langue commune, surtout popu- (1596), oeuvre d’un péchon (provenç. :
adjupète (souvent coléreux), officemar laire ou poétique : « petit », d’où « apprenti ») qui signe Pe-
(on salue, mais on se marre). • MÉTAPHORE (COMPARAISON IMPLI- chon de Ruby, eut du moins une certaine
• SÉRIES PRONOMINALES COMPOSÉES. QUÉE) : anse (oreille [Villon]), les quilles diffusion de son temps et fut rééditée
On ne confondra pas avec la suffixation (les jambes [Villon]), faucher (voler), la jusqu’au jour où la supplanta l’ouvrage
la formation de pronoms personnels à Veuve (la potence ou la guillotine), une de Chereau, qui s’en inspirait librement :
partir du système des possessifs, rappor- sulfateuse (une mitrailleuse). Souvent le Jargon ou Langage de l’Argot réformé
tés à un invariant de sens généralement le concret exprime l’abstrait : la purée comme il est à présent en usage parmy les
obscur, originellement comparable à cors (la misère), la poisse (la malchance), le bons pauvres. Tiré et recueilliz des plus fa-
dans l’ancien mes cors, tes cors (ma, ta per- cafard (les idées noires), avoir quelqu’un meux Argotiers de ce temps. Composé par
sonne, etc.), ou à pomme dans le moderne dans la peau (l’aimer). un Pillier de Boutanche qui maquille en
ma pomme, ta pomme, etc. On trouve, au la Vergne de Tours (1628). C’est l’acte de
• SYNECDOQUE (DÉSIGNATION PAR LA
s., mon ys, mon an chez Villon ; au naissance du mot argot. Ce tableau fera
XVe PARTIE OU LE CARACTÈRE) : la bascule
mezis, tezis, nozis (moi, toi, nous), foi jusqu’au XIXe s., de plus en plus altéré
XVIe, (la guillotine), le brutal (le canon ou le
par les coquilles des rééditeurs.
où mes continue manifestement le cas train), un bavard (un pistolet), une ba-
sujet singulier du possessif ; mon an se billarde (une lettre), les charmeuses (les Une source nouvelle est offerte, à la limite
retrouve en 1628 dans le Jargon de l’Argot moustaches), une tournante (une clef). du XVIIIe s., par l’instruction du procès
réformé, glosé mézière ou mezingant ; des chauffeurs de pieds arrêtés à Or-
• MÉTONYMIE (LE CONTENU POUR LE
messière, tessière se lisent dès le XVIe s., gères ; le greffier Leclair publie leur His-
CONTENANT, L’EFFET POUR LA CAUSE,
ensuite sezière, nozière, vozière, et le toire, avec un vocabulaire (1800). L’année
ETC.) : un feu (un revolver), descendre
pluriel sézières, suspect, chez Bruant. 1821 voit paraître à Caen des listes assez
quelqu’un (le tuer), faire suer (impor-
Aussi mystérieux dans son radical, mais sérieuses, dues au libraire Chalopin —
tuner), avoir les chocottes (avoir peur,
plus clair dans sa composition, est le plus bientôt plagié —, mais elle compte plus
ce qui fait claquer les dents), manger le
moderne mon orgue (var. : mon orguibus par le cahier qu’écrivit dans l’ombre d’un
morceau (faire une révélation en justice,
ou mes zergues), ton orgue (tes zergues), bagne le forçat Ansiaume, lexique de l’ar-
du temps où les aveux s’obtenaient par le
son orgue, notre orgue (nosiergue), vos got « en usage au bagne de Brest et connu
jeûne).
orguisses, leur orgue (peut-être lié avec le de toutes les provinces françaises » (pu-
• ANTIPHRASE : villa (prison), ces mes- blié par Michel Dubois dans le Français
fourbesque monarca, moi ; les forçats di-
sieurs (le bourreau et ses aides, ou les moderne, 1943).
saient mon arga à Rochefort en 1842 ; des
policiers), couvent (maison centrale
attestations plus anciennes suggéreraient Au contraire, les ouvrages signés Vidocq
d’hommes ou de femmes), sucrer (mal-
une nouvelle étymologie d’argoter). (1828-1836) — écrits par des « tein-
traiter, punir).
Plus courant encore est de nos jours mé- turiers », qui étaient les « nègres » de
• EUPHÉMISME : endormir (tuer), la l’époque — eurent la plus grande dif-
zigue, tézigue, sézigue, etc., d’où dérive
butte (l’échafaud), le château (l’hôpital), fusion et inspirèrent trois fameux ro-
peut-être le nom zigue, camarade (zig,
des valdas (des balles). manciers du siècle, Balzac, Eugène Sue,
zigoteau, zigomar) :
• ANALOGIE SYNONYMIQUE. L’adjectif Hugo : collaboration symbolique du for-
Et si tézig tient à sa boule noir, ayant pris à la fin du XIXe s. le sens çat-policier inculte, du plumitif et de l’ar-
Fonce ta largue de « ivre » (peut-être pour renforcer gris, tiste créateur. Ajoutons que Saint-Edme,
(J. Richepin). usé à cette époque, peut-être parce qu’il rédacteur des Voleurs, avait abondam-

233
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

ment puisé au journal le Réformateur, où Sans regoût (scandale) ni morasse Halles » : Vadé, dans des épopées bouf-
Raspail publiait en 1835 les souvenirs de (tourment), fonnes comme la Pipe cassée (1743), créa
ses séjours à La Force et à Sainte-Pélagie. Sans taff (peur) et sans regret... le genre « poissard », où l’auteur conte
Dans le Dernier Jour d’un condamné avec sympathie les menues aventures des
On dispose, dans la suite, des témoignages
de Clémens, forçat à Brest (1875), d’A. (1829), Victor Hugo inséra, en fac-similé humbles, qu’il fait parler en respectant
autographique sur un dépliant hors texte, leur grammaire et leur vocabulaire ; voici
Humbert, transporté à Nouméa pour
une chanson de bagnard truffée d’argot, Jérôme apaisant des femmes qui se bat-
raisons politiques (Mon bagne, 1880), de
dont l’auteur inconnu n’est peut-être taient pour un tas de guenilles vendues
G. Macé, chef de la Sûreté (Mes lundis en
qu’un rapin de ses amis. aux enchères :
prison, 1889 ; Mon musée criminel, 1890),
de Rossignol, soldat et policier (1901), de De Lacenaire, l’assassin romantique — Pour un rien vous vous argottez.
Nouguier, assassin lyonnais (1899), de (guillotiné en 1836) dont les poésies Quoi qui vous met tant en colère ?
D..., autre Lyonnais, détenu puis trans- idylliques se chantaient sur des airs de Des gnilles ! V’là ce qui faut faire,
porté, qui informe le docteur Lacassagne Béranger, on a une pièce en argot, Dans Faut les solir cheux l’tapissier,
pour son Argot du milieu (1928). Larchey, la lunette (1835), se terminant par cette Hé puis partager le poussier.
publiciste et archéologue, avait donné en triste prédiction : Les mots d’argot proprement dit n’y
1888 - 1889 un scrupuleux Dictionnaire
manquent pas, mais ils sont dispersés,
historique d’argot. Sainéan, romaniste On vous roussine (on vous livre à la
police) éclairés par le contexte. Il en sera de
roumain, professeur à Paris, a publié, à même dans les imitations de Caylus, de
Et puis la tine (foule)
partir de 1901, de riches études sur l’Ar- Bouchard (Madame Engueule, 1754), de
got ancien (1909), les Sources de l’argot Vient remoucher (regarder) la butte
Lécluse.
ancien (1912) et le Langage parisien au en rigolant.
Au XIXe s., le réalisme abandonne les vers
XIXe siècle (1921). L’argot comique. Si la littérature ar-
pour la prose, et les Halles pour les pri-
gotique n’a guère fleuri au XVIIe s. et au
L’argot secret. Parmi les manifesta- sons, avec Eugène Sue :
début du XVIIIe s., plusieurs écrivains ont
tions littéraires de l’argot, on peut faire
cependant senti et exploité l’effet comique Vingt sous, Messieurs ! pour entendre
une place à part aux textes — ordinaire-
d’un mot vulgaire apparaissant dans un le fameux Pique-Vinaigre, qui a eu
ment en vers — que des argotiers d’élite
texte noble. C’est un des procédés du bur- l’honneur de travailler devant les
ont écrit pour leurs semblables, et qu’ils
lesque (le Virgile travesti) auquel recourt grinches les plus renommés, devant
paraissent avoir voulu rendre impéné-
systématiquement le comédien Grandval les escarpes les plus fameux de
trables pour tout lecteur que le message
dans son poème en douze chants, Car- France et de Navarre, et qui est inces-
ne concerne pas. Nous y compterons
touche ou le Vice puni (1725) ; l’auteur samment attendu à Brest et à Toulon,
d’abord six ballades de François Vil-
donne le nom d’Argos pour l’étymon du où il se rend par ordre du gouverne-
lon, composées entre 1456 (Petit Testa-
mot argot, avec cette justification : ment (les Mystères de Paris, 1842).
ment) et 1461 (Grand Testament), et cinq
autres de la même époque, découvertes Électre le parloit, dit-on, Les mots d’argot étaient imprimés en
manuscrites au XIXe s. Marot, en réédi- divinement ; italique, souvent traduits dans des notes.
tant Villon, avouait n’y rien comprendre : Iphigénie aussi l’entravoit gourde- L’usage en est aussi prudent chez Balzac
« Touchant le jargon, je le laisse à corri- ment (très bien). (Vautrin, dans le Père Goriot, les Illusions
ger et exposer aux successeurs de Villon perdues, Splendeurs et misères des cour-
Le genre parodique se renouvela au XIXe s.
dans l’art de la pinse et du crocq. » Voici tisanes, la Dernière Incarnation de Vau-
en joignant à l’effet de surprise un effet de
quelques vers de la deuxième ballade : trin) et chez Hugo (les Misérables, 1862).
blasphème, comme dans les Litanies de la
On sait que celui-ci intitule l’Argot le VIIe
Changez vos andosses souvent Vierge, ou dans les Commandements de
livre de la IVe partie du roman ; en poète
Et tirez vous tout droit au temple ; Dieu et de l’Église que Vidocq publia dans
et en orateur, il traite de l’origine (ch. Ier)
Et eschequez tost, en brouant, les Voleurs ; qu’on en juge par ce distique :
et des racines (II), de « l’argot qui pleure
Qu’en la jarte ne soiez emple. Paumé, point tu ne mangeras et de l’argot qui rit » (III), « épouvantable
Ces ballades restèrent énigmatiques Dans la taffe du gerbement. langue crapaude qui va, vient, sautèle,
jusqu’au jour où Marcel Schwob (1890) Vidocq traduit : « Arrêté, tu n’avoueras rampe, bave, et se meut monstrueuse-
en retrouva 24 mots dans le glossaire des rien, de peur du jugement. » L’évocation ment dans cette immense brume grise
Coquillards (v. plus haut). Le sens en est faite de pluie, de nuit, de faim, de vice,
d’un texte et d’un rythme connu soute-
encore mieux éclairé depuis 1954 par une nait l’intérêt de ces pièces courtes, mais de mensonge, d’injustice, de nudité, d’as-
étude de A. Ziwès et Anne de Bercy : le phyxie et d’hiver, plein midi des misé-
obscures, comme du pastiche de la Mère
Jargon de maître François Villon. rables ». En fait, G. Esnault a montré qu’il
Michel qu’on lisait vers 1850 : la Dabuche
ignore tout de l’histoire de l’argot, ensei-
Visiblement, notre « escholier » accu- Michelon qu’a pommaqué son greffier,
gnant à tort qu’ « il se corrompt vite »,
mulait les termes de jobelin comme les oeuvre de quelque chansonnier, dont la
célébrant un « argot du Temple » parlé
Coquillards eux-mêmes ne l’auraient tradition sera maintenue un siècle plus
au XVIIe s. alors que le marché du Temple
pas risqué : il en résulte ces bibelots ba- tard par Yves Deniaud transposant le
s’ouvrit en 1809 ; il explique le nom de
roques, ces tours de force linguistiques Petit Chaperon Rouge :
l’eau, lance, par les « hallebardes » de la
dont l’opacité ne sera égalée qu’au XIXe s.,
« Grande-viocque, comme vous avez pluie, et, panthéiste notoire, fait remon-
dans maints poèmes et chansons de pré-
de grands fumerons !... — C’est pour ter pantre au grec pan, « tout », le pantre
tendus ou authentiques truands, comme
mieux arquer ! » étant Monsieur Tout le monde ; il invente
ce Winter, bagnard de bonne famille,
L’argot réaliste. Un élément nouveau une douzaine de mots sans existence,
arrêté par Vidocq, qui publia en 1828 sa
fut introduit dans le genre héroï-co- mais fait de copieux et plus heureux em-
Chanson : prunts aux Mémoires d’un forban philo-
mique, vers le milieu du XVIIIe s., par
De la dalle (argent) au flaquet un secrétaire d’administration, ancien sophe (anonymes, 1829), qu’il ne cite pas.
(gousset), contrôleur des Finances, que ses contem- L’argot sera désormais l’ornement obli-
Je vivais sans disgrâce, porains surnommèrent « le Corneille des gatoire de toute prose ou poésie réaliste,

234
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

naturaliste, populiste ; parmi tous ceux il est issu, que par dégoût d’une certaine Roland). 1. Arguer une chose d’une autre,
qui s’y sont distingués, nommons Zola, société, pimenta d’argot une élocution l’en tirer comme conséquence : De cela
Huysmans, Barbusse, Dabit, Carco. passionnée alliant la véhémence satirique on ne peut rien arguer. 2. Vx. Arguer
Le succès des romans policiers de Peter à la prolixité débridée. quelqu’un de quelque chose, l’en accuser :
Cheyney a suscité en France des imita- Il n’a pas manqué d’émules parmi les Lamennais, qui les avait presque argués
teurs férus de jargon, tel Albert Simonin écrivains modernes affichant leurs at- d’hérésie [...], devint lui-même hérétique
(Touchez pas au grisbi). taches soit avec le peuple, soit avec la (Renan). 3. Arguer une pièce de faux,

L’argot lyrique. Rangeons sous ce titre pègre. L’argot sous toutes ses formes, en termes juridiques, affirmer qu’elle est
les pièces ou les romans dont l’auteur celui des « poilus », des ouvriers, des fausse. 4. Arguer que, avancer comme
parle argot en son propre nom, plus exac- étudiants, des sportifs, du « milieu », des argument ou comme prétexte que, repré-
tement au nom des humbles qu’il repré- senter que : Albert arguait doucement que
gangsters, a inondé le roman, le théâtre,
sente. Tel est le propos de Jean Richepin, le cinéma, la chanson. Mais tout abus en le goût que j’avais pour la lecture méritait
dont la Chanson des gueux (1876) aurait d’être encouragé (Gide).
matière de style entraîne dévaluation,
pu être citée déjà sous la rubrique de l’ et l’argot commercialisé, et vulgarisé — • SYN.: 1 conclure, déduire, inférer ; 4 allé-
« argot secret » et de l’ « argot réaliste ». si l’on peut dire — par son extension à guer, avancer, faire état de, invoquer.
Cet ancien normalien, érudit de la langue la langue parlée de toutes les classes, a v. tr. ind. Arguer de quelque chose, s’en
verte, sait en effet juxtaposer un pédant bien perdu de sa force de « choc », même servir en manière d’argument, de prétexte :
Sonnet bigorne, en « argot classique » quand un écrivain, pour en corser l’effet, J’arguai d’un mal de tête causé par le soleil
(Luysard estampillait six plombes | Mezi- le place dans la bouche d’une enfant (R. (Bourget).
go roulait le trimard...), à un Autre sonnet Queneau, Zazie dans le métro, 1959). Son • REM. Selon Littré et certains grammai-
bigorne, en « argot moderne », moins her- avenir littéraire semble désormais limité. riens, l’e muet et l’i qui suivent immédia-
métique. Il s’identifie aux gueux, indivi- tement l’u du radical doivent prendre un
2. argot [argo] n. m. (vieille forme de
dus (mézigo) ou collectivités, comme ces tréma : J’arguë, tu arguës, il arguë. Nous
loupeurs (flâneurs) en rideau (blouse) et ergot ; 1690, Furetière). Rameau impar-
arguïons, vous arguïez. Mais cet usage
en cintième (casquette haute comme un faitement élagué qu’on laisse en taillant
n’est généralement pas observé.
cinquième étage) : un arbre.
2. arguer [arge] v. tr. (de argue ; 1751,
argotier [argtje] n. m. (de argot ; 1628,
Nous somm’s dans c’goût-là toute Encyclopédie). Passer à l’argue des lingots
Chereau, au sens de « voleur » ; au sens
eun’ troupe de métal précieux.
moderne, 1836, Vidocq). Homme qui
Des lapins droits comm’ des bâtons
connaît, qui parle l’argot. argument [argym] n. m. (lat. argu-
Avec un rideau sur la croupe
mentum ; 1160, Benoît de Sainte-Maure).
Un grimpant et des ripatons argotique [argtik] adj. (de argot ; 1628,
1. Élément de raisonnement destiné à
Eun’ cintièm’ quand nous nous Chereau). Qui appartient à l’argot ou à un
soutenir une affirmation : Il avait fait
gâtons... argot : Des expressions argotiques. Il a la
vibrer la note patriotique et bombardé
Sa probité artistique affranchie de préju- manie argotique de chambouler la fin des
l’Espagne avec tout l’arsenal d’arguments
gés bourgeois devait le conduire en pri- mots (Duhamel).
méprisants qu’on emploie contre les peuples
son (pour un mois) et à l’Académie fran- argotisme [argtism] n. m. (de argot ; dont les intérêts sont contraires aux nôtres
çaise (pour l’éternité). 1866, Larousse). Mot, tournure argotique. (Maupassant). Ou bien je lui tiens tête, et
Jehan Rictus, qui tenait Richepin pour je rage ; ou bien je reste coi devant les argu-
argotiste [argtist] n. (de argot ; 1884,
« un pion et un perroquet », exprima son ments qu’il aligne en bon ordre, et je me
Esnault). Linguiste spécialisé dans l’étude
âme dans une langue populaire où l’argot tais (Martin du Gard). Tirer argument
des argots.
ne jouait que le rôle de « l’ail dans un d’un fait, le prendre comme preuve de ce
gigot » : argousier [arguzje] n. m. (origine incon- qu’on avance. Argument « ad hominem »,
nue ; début du XVIIIe s.). Arbrisseau épineux v. AD HOMINEM. 2. Procédé auquel on
Quand j’pass’ triste et noir, gna
dont le nom scientifique est hippophaé. recourt pour modifier la conduite de
d’quoi rire.
quelqu’un : Il soupesait sans parler les
Faut voir rentrer les boutiquiers, argousin [arguz] n. m. (de l’esp. algua-
ducats qu’il avait dans la main, et il y trou-
Les yeux durs, la gueule en tir’lire, cil, agent de police, par des intermédiaires
vait un argument sans réplique en faveur
Dans leurs comptoirs comm’ des mal éclaircis ; XVe s., écrit agosin ; 1538,
des deux jeunes gens (Mérimée). Jetins bon
banquiers Vega). 1. Autref. Sergent de galère, gar-
en dépit de ses larmes, suprême argument
(« Impressions de promenade », dans dien de bagnards : Le bagne ne va pas sans
des femmes (Gide). Ironiq. L’argument de
les Soliloques du pauvre, 1895). l’argousin (Balzac). 2. Péjor. Agent de
la bourse, la corruption. L’argument du
A la même époque, Aristide Bruant police (vieilli) : Le réfractaire [...] se grime
bâton, les arguments frappants, les coups.
devenait célèbre (et riche) en prodiguant en sexagénaire pour dérober son signale-
3. Exposition rapide d’un ouvrage lit-
l’argot dans des chansons dont les héros ment aux mouchards, aux argousins et aux
téraire, d’un sujet qu’on va développer :
sont pris à la pègre plutôt qu’au peuple, gardes municipaux (Gautier). Cousin, | J’ai
L’argument d’une pièce, d’un discours. Tel
comme ces Petits Joyeux : toujours dédaigné de battre un argousin
est le sujet, l’argument comme on disait dans
(Hugo).
S’i veut ben s’laisser faire, on fait pas la vieille rhétorique (France). Spécialem.
• SYN.: 2 flic (pop.).
d’mal au pantre, Prologue contenant l’exposition sommaire
Mais quand i veut r’ssauter ou ben argue [arg] n. f. (ital. argano, du lat. orga- d’une pièce de théâtre.
fair’ du potin num, instrument ; 1680, Richelet). Pièce • SYN. : 1 et 2 argumentation, démons-
On y fout gentiment un p’tit coup destinée à maintenir en place la filière à tration, preuve, raison, raisonnement ; 3
d’lingu’ dans l’ventre, tirer l’or, l’argent. abrégé, exposé, résumé, sommaire.
Pour y apprendre à gueuler à deux 1. arguer [arge] v. tr. (lat. argutare, argumentant [argymt] n. m. (part.
heures du matin. bavarder, puis piétiner, d’où presser [sens prés. de argumenter ; 1690, Furetière). Class.
Du côté de la prose, au XXe s., un L.-F. fréquent en anc. franç.], avec influence du Dans la soutenance d’une thèse, personne
Céline, moins par amour du peuple, dont lat. arguere, prouver ; 1080, Chanson de qui argumentait contre le répondant.

235
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

argumentateur, trice [argymtatoer, d’argent : Mort d’immortels argyraspides rébarbatif, sévère ; 4 improductif, stérile.
-tris] adj. et n. (bas lat. argumentator ; 1539, | La neige aux boucliers d’argent | Fuit — CONTR.: 1 humide ; 2 sensible, tendre ; 3
Gruget). Péjor. Qui aime trop argumenter : les dendrophores livides | Du printemps agréable, attrayant, passionnant ; 4 fertile.
Les vieux à l’esprit toujours vif et argumen- (Apollinaire).
aridité [aridite] n. f. (lat. ariditas, de arere,
tateur (Morand).
argyrisme [arirism] n. m. (du gr. argu- être desséché ; 1120, Psautier d’Oxford, écrit
• SYN.: discuteur, ergoteur, pinailleur (pop.), ros, argent ; 1888, Larousse). État des indi- ariditet). 1. Manque d’humidité naturelle
polémiste, raisonneur, ratiocineur. vidus dans l’organisme desquels l’argent a d’un sol, d’une région : C’est dans l’ari-
argumentation [argymtasj] n. f. (lat. pénétré par ingestion ou par contact. dité du désert que j’ai le mieux aimé la soif
argumentatio ; XIVe s., Oresme). 1. Action • SYN.: argyrose. (Gide). 2. Spécialem. En médecine, séche-
d’argumenter : Les règles de l’argumenta- resse de certaines parties qui les rend âpres
argyronète [arirnt] n. f. (du gr. argu-
tion. Spécialem. et vx. Soutenance de au toucher : L’aridité de la peau. 3. Par
ros, argent, et neô, je file ; 1866, Larousse).
thèse. 2. Ensemble d’arguments tendant extens. Stérilité du sol due au manque
Araignée qui vit sous l’eau, dans une enve-
à une conclusion : Son intelligence logique d’humidité. 4. Fig. Manque de sensi-
loppe de soie qu’elle tisse et remplit d’air :
et réaliste regimbait devant une argumen- bilité d’une personne : L’aridité du coeur.
De grandes pattes d’argyronètes courant
tation qui, dans l’ensemble, lui paraissait Spécialem. En théologie, état de l’âme
dans tous les sens et rayant l’eau vitreuse,
faible et mal ordonnée (Martin du Gard). privée des consolations de la religion : Celui
comme des pointes de diamant (Daudet).
Il se réservait [...] de le convertir par une qui souffre de son aridité à la Sainte Table...
argumentation plus subtile (Aymé). 1. argyrose [ariroz] n. f. (du gr. arguros, (Mauriac). 5. Manque d’agrément, de
• SYN.: 1 et 2 dialectique. argent ; milieu du XIXe s.). Sulfure naturel variété : L’aridité d’une tâche.
d’argent, minerai argentifère. • SYN.: 1 sécheresse, siccité ; 3 improducti-
argumenter [argymte] v. intr. (lat.
argumentari, de arguere, prouver ; XIIe s., 2. argyrose [ariroz] n. f. (du gr. arguros, vité, infertilité, pauvreté ; 4 froideur, indif-
argent ; XXe s.). Syn. de ARGYRISME. férence, insensibilité, sécheresse ; 5 sévérité.
Floovant). 1. Présenter un ensemble d’argu-
— CONTR.: 1 humidité ; 3 fécondité, fertilité,
ments en faveur d’une thèse : [H. Ghéon] 1. aria [arja] n. m. (altér. de haria, déver-
argumente en faveur du « sentiment chré- productivité, richesse ; 4 sensibilité ; 5 agré-
bal de l’anc. v. harier, harceler [v. HARAS-
tien » qu’il prétend respirer dans le théâtre ment, attrait.
SER] ; fin du XVe s., Coquillart, haria caria,
de Shakespeare (Gide). 2. Vx. Argumenter tumulte ; haria, 1530, Pals-grave ; écrit arien, enne [arj, -n] n. (lat. arianus,
de quelque chose, en tirer argument : Le aria depuis le milieu du XVIIIe s.). Fam. de Arius, hérésiarque du IIIe-IVe s. ; XIIIe s.,
ministère actuel ne peut [...] argumenter Difficulté, tracas : C’est un « aria » que de Chronique de Saint-Denis). Partisan de la
d’une grande catastrophe (Chateaubriand). chasser si loin (Balzac). doctrine d’Arius, qui niait la consubstan-
3. Discuter longuement et sur des riens : tialité du Fils avec le Père dans la Sainte
• SYN. : embarras, ennui, souci, tintouin
Elle argumenta de toutes les façons, invo- (fam.). Trinité.
quant mille raisons (Maupassant).
adj. Qui appartient à l’arianisme : La
• SYN.: 2 arguer, conclure, déduire, inférer ; 2. aria [arja] n. f. (ital. aria, air [musique] ;
doctrine arienne.
3 discutailler (fam.), pinailler (pop.). 1752, Lacombe). Toute pièce chantable :
Une aria de Bach. Spécialem. Dans ariette [arjt] n. f. (ital. arietta, dimin. de
argus [argys] n. m. (de Argus, n. du géant l’opéra, élément fondamental de la com- aria ; début du XVIIIe s.). Mélodie légère et
aux cent yeux chargé de garder la nymphe position lyrique. de caractère aimable, mais aussi construite
Io, transformée en génisse ; 1584, Somme qu’un air : Vivent les ariettes de Florian !
• SYN.: air, mélodie.
des péchez). 1. Surveillant vigilant, à qui Arrière les plaintes puissantes du cheva-
rien n’échappe et qu’il est difficile de arianisme [arjanism] n. m. (de arien ;
lier Tannhäuser, aspirant à la douleur !
tromper : La vie privée n’existera bien- 1568, Cl. Despence). Doctrine d’Arius et
(Baudelaire). Et mon âme et mon coeur en
tôt plus, tant les yeux du journal, argus des ariens.
délires | Ne sont plus qu’une espèce d’oeil
moderne, gagnent en hardiesse (Balzac). aride [arid] adj. (lat. aridus ; 1360, G. de double | Où tremblote à travers un jour
Des yeux d’argus, des yeux auxquels rien Machault). 1. Se dit d’un sol qui est natu- trouble | L’ariette, hélas ! de toutes lyres !
n’échappe. 2. Publication fournissant rellement dépourvu d’humidité, donc de (Verlaine). Les ariettes d’un opéra bouffe.
certaines informations (notamment les végétation : Dans une terre aride, desséchée,
cours des transactions de certains maté- arioso [arjozo] n. m. (mot ital., venant de
sans eau (Hugo). Climat aride, climat où
riels). 3. Agence qui dépouille la presse aria, air ; milieu du XIXe s.). 1. Grand air
les précipitations sont très faibles. 2. Fig.
pour le compte d’abonnés. 4. Miroir per- de chant à haute expression dramatique et
Coeur aride, coeur qui est dépourvu de
mettant de voir sans être vu. 5. Sorte de lyrique. 2. Phrase mélodique de courte
sensibilité : J’aurais voulu pleurer, mais je
grand faisan des Indes et de la Malaisie, au sentais mon coeur plus aride que le désert durée, survenant dans le cours ou à la fin
plumage brun orné d’ocelles. (Gide). Une âme aride, en théologie, d’un récitatif.
• SYN.: 1 espion. une âme insensible aux consolations de • Pl. des ARIOSOS.

la méditation religieuse et de la prière. [arize] v. tr. et intr. (de ris ; XVIe s.,
argutie [argysi] n. f. (lat. argutia, subti- ariser
Esprit aride, esprit qui ne produit pas, ou
lité, de argutus, subtil ; début du XVIe s.). Thevet). Sur un navire, diminuer la surface
qui produit difficilement. 3. Se dit d’un
Subtilité qui dissimule le manque de d’une voile en repliant les ris. (On écrit
travail, d’une matière qui manque d’agré-
sérieux d’un raisonnement : Il [Pascal] pos- aussi ARRISER.)
ments : Un sujet aride. Jacques, lui, se tirait
sède enfin et à jamais ce Dieu parce qu’il a
à merveille de cette aride besogne (Daudet). aristarque [aristark] n. m. (de
sacrifié les arguties des docteurs (Mauriac).
Le langage aride et pauvre de la dévotion Aristarchus, n. latinisé de Aristarkhos,
• SYN.: chicane, distinguo, finasserie (fam.),
(Jaloux). 4. Qui n’aboutit à rien ; qui ne critique alexandrin du IIe s. av. J.-C. ; 1549,
finesse.
donne aucun résultat : A cette conversation Du Bellay ; sens fig. déjà en lat.). Critique
• REM. S’emploie surtout au pluriel. éclairé et judicieux, mais sévère (vieilli) :
aride avec un mur, l’appel conventionnel
argyraspide [ariraspid] n. m. (du gr. du télégramme nous paraissait préférable Le manuscrit fini, Restif voulut consulter un
arguros, argent, et aspis, bouclier ; 1863, (Camus). aristarque, un certain Progrès, romancier
Littré). Soldat d’une troupe d’élite de l’ar- • SYN. : 1 désertique, desséché, sec ; 2 et critique (Nerval).
mée d’Alexandre, qui portait un bouclier froid, indifférent, insensible, sec ; 3 ingrat, • SYN.: censeur, expert.

236
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

aristo [aristo] n. (1851, chanson). 1. Abrév. • SYN. : 2 noblesse ; 3 élite ; 4 distinction, aristotélicien, enne [aristtelisj,
pop. de ARISTOCRATE. 2. Par extens. prééminence, supériorité, suprématie. -n] adj. (du lat. aristotelicus ; XVIIe s.,
Privilégié par la fortune : J’avais croisé — CONTR. : 1 démocratie ; 2 bourgeoisie, Chapelain). Qui a rapport à la doctrine
un groupe d’élèves, de l’école communale peuple, prolétariat, roture ; 4 bassesse, gros- du philosophe grec Aristote : Les théories
sans doute, pour qui les élèves de l’École sièreté, vulgarité. aristotéliciennes.
alsacienne représentaient de haïssables adj. et n. Partisan des théories d’Aristote.
aristocratique [aristkratik] adj. (du gr.
aristos (Gide).
aristokratikos, par l’intermédiaire des tra- • SYN.: péripatéticien.
aristocrate [aristkrat] n. (dér. de aris- ductions latines d’Aristote ; 1361, Oresme).
aristotélique [aristtelik] adj. (lat.
tocratie, créé une première fois au XVIe s. ; 1. Se dit d’une forme de gouvernement
aristotelicus ; début du XVIe s.). Relatif à
1778, Linguet). 1. Membre d’une aristocra- dans laquelle le pouvoir est détenu par une
Aristote ou conforme à sa doctrine : Traiter
tie, d’une élite ; personne qui se distingue classe héréditaire : Les assemblées aristo-
[un sujet] par catégories et, pour ainsi dire,
du commun des hommes par sa naissance cratiques règnent glorieusement lorsqu’elles
d’une manière aristotélique (Baudelaire).
ou par la qualité de son esprit et de ses sont souveraines et seules investies de droit
manières : Le peuple a ses aristocrates, de et de fait de la puissance (Chateaubriand). aristotélisme [aristtelism] n. m. (du
même que la bourgeoisie a ses âmes de la Un gouvernement, un pouvoir, un régime lat. Aristoteles, Aristote, mot gr. ; milieu du
plèbe (Rolland). 2. Membre de la classe aristocratique. Le parti aristocratique, XVIIIe s.). Ensemble des théories d’Aristote
des nobles (en ce sens et au sens suivant — le parti qui est favorable à cette forme de et de ses disciples.
le plus souvent péjor. —, on trouve aussi gouvernement. 2. Qui appartient à l’aris- • SYN.: péripatétisme.
l’abrév. pop. ARISTO) : Une tête d’aristo- tocratie, à la classe noble : Aussi le porte-clef
crate, fine et pâle, des cheveux droits comme ouvrit-il le guichet, surtout en apercevant ce arithm(o)- [aritm(o)], premier élément
des quilles, et rien qu’un oeil, l’autre est mort chasseur emplumé dont le costume vert et or de composés savants, tiré du gr. arithmos,
d’un coup d’épée, voilà longtemps (Daudet). [...] annonçait une visiteuse aristocratique nombre, calcul, et entrant dans quelques
Les jeunes socialistes qu’il pouvait y avoir et un blason quasi royal (Balzac). 3. Qui mots français.
à Doncières quand j’y étais, mais que je est propre à la classe des nobles ; qui a la
arithmancie n. f. V. ARITHMOMANCIE.
ne connaissais pas parce qu’ils ne fréquen- distinction qu’on lui prête habituellement :
taient pas le milieu de Saint-Loup, purent se Un esprit, des manières aristocratiques. arithméticien, enne [aritmetisj, -n]
rendre compte que les officiers de ce milieu Elle a, du reste, une belle écriture anglaise, n. (du lat. arithmeticus ; 1395, Chr. de Pisan,
n’étaient nullement des « aristos » (Proust). longue, mince, aristocratique (Dumas fils). écrit arismetien ; arithméticien, 1539, R.
3. Partisan des membres de cette classe et • SYN. : 2 noble ; 3 distingué, élégant, raf- Estienne). Personne qui sait, qui pratique
de l’Ancien Régime pendant la Révolution : finé. — CONTR. : 3 fruste, grossier, simple, l’arithmétique.
Il avait fait le coup de feu contre les aristos vulgaire. 1. arithmétique [aritmetik] n. f. (lat.
(Béraud).
aristocratiquement [aristkratikm] arithmetica, du gr. arithmêtikê, science
adj. Se dit de ce qui a les caractères de des nombres, de arithmos, nombre ; 1265,
adv. (de aristocratique ; 1568, Le Roy).
distinction qu’on prête à l’aristocratie : D’une manière aristocratique. Br. Latini, écrit arismétique ; aritmétique,
J’avais et j’ai encore les goûts les plus aris- s., Roman de la Rose ; arithmétique,
• CONTR. : démocratiquement. XIIIe
tocrates (Stendhal).
1529, G. Tory). 1. Partie des mathématiques
aristocratiser [aristkratize] v. tr. (de
aristocratie [aristkrasi] n. f. (du gr. aris- qui traite des nombres et du calcul : Étudier
aristocratique ; 1361, Oresme). 1. Rendre
tokrateia, gouvernement des meilleurs [de l’arithmétique. Les principes de l’arith-
aristocratique : La Restauration voulut
aristos, le meilleur, et krateîn, comman- métique. Les nombres eux-mêmes, le
créer le double vote pour aristocratiser tout
der], par l’intermédiaire des traductions calcul : L’arithmétique n’a point d’égards
à fait l’élection (Lamartine). 2. Donner le
latines d’Aristote ; 1361, Oresme). 1. Forme (Alain). 2. Livre contenant un cours
goût, le ton, les manières aristocratiques :
de gouvernement où le pouvoir est détenu d’arithmétique : Acheter une arithmétique.
L’argent ne suffit pas à aristocratiser un
en principe par l’élite, en pratique par une 3. Art, manière de calculer, de suppu-
goujat (Murger).
classe héréditaire : L’État romain a été pen- ter : Quelle étrange arithmétique ! 4. Par
• CONTR. : démocratiser.
dant longtemps une aristocratie. 2. L’élite anal. toute connaissance qui suppose un
qui détient le pouvoir : L’aristocratie a trois aristocratisme [aristkratism] n. m. calcul quelconque : La musique [...] n’est
âges successifs : l’âge des supériorités, l’âge (de aristocrate ; 1866, Larousse). Attitude pas une expression de pensée, mais plutôt
des privilèges, l’âge des vanités ; sortie du d’aristocrate : Il mettait à la défendre dans une arithmétique de tons (Bonald). 5. Fig.
premier, elle dégénère dans le second et ce qu’elle avait de meilleur, d’éternel, une Tentative purement spéculative de la pen-
s’éteint dans le dernier (Chateaubriand). sorte d’aristocratisme intellectuel (Martin sée vers un but désintéressé : La morale est
Spécialem. La classe des nobles sous du Gard). l’arithmétique du bonheur (Vinet).
l’Ancien Régime, en France : Une can-
aristoloche [aristl] n. f. (lat. aris- 2. arithmétique [aritmetik] adj. (lat.
tatrice oubliée par la guillotine et par
tolochia, du gr. aristolokhia, de aristos, arithmeticus ; XIIe s., Roman de Thèbes,
l’aristocratie (Balzac). 3. Fig. Groupe
le meilleur, et lokhos, accouchement [la écrit arimétique). Qui est fondé sur la
de personnes qui détient ou prétend déte-
plante était réputée pour faciliter les accou- science des nombres : Calcul, opération
nir une certaine supériorité sur d’autres
chements] ; XVIe s., Paré ; var. aristologie, arithmétique. Langage arithmétique,
groupes : L’aristocratie de la bourgeoisie a la
1248, Delboulle). Plante vivace qui pousse écriture composée de chiffres. Machine
grâce toujours un peu rêche et sans fondant
dans les lieux arides, et dont une espèce arithmétique, machine qui effectue les
(Goncourt) ; et ironiq. : Je viens de citer
est cultivée comme ornementale : Dehors principales opérations de l’arithmétique.
l’aristocratie de la prison (Nerval). 4. Fig.
le mur est plein d’aristoloches | Où vibrent Moyenne arithmétique, moyenne qu’on
Caractère de ce qui est supérieur, élevé
les gencives des lutins (Rimbaud). obtient en faisant la somme de plusieurs
dans certains domaines : L’aristocratie de
l’intelligence. Le caractère distinctif de sa aristophanesque [aristfansk] adj. (de quantités et en divisant cette somme par
poésie [de Leconte de Lisle] est un sentiment Aristophane ; 1863, Littré). Se dit de ce qui, le nombre de quantités additionnées.
d’aristocratie intellectuelle, qui suffirait, à par son style, son mordant ou son comique, Progression arithmétique, progression
lui seul, pour expliquer l’impopularité de rappelle le théâtre d’Aristophane : Comique dans laquelle la différence entre les termes
l’auteur (Baudelaire). aristophanesque. consécutifs est constante : La progression

237
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

arithmétique s’oppose à la progression de poissons mêlées à des rognures de rôti généralement métalliques, destinées à ren-
géométrique. gâté (Zola). forcer ou à maintenir les différentes parties
• SYN.: desserte (vx), reliefs, restes, rogatons d’un tout, en particulier dans les ouvrages
arithmétiquement [aritmetikm] adv.
(fam.). de charpente et de maçonnerie : L’armature
(de arithmétique ; 1558, Pontus de Tyard).
d’un abat-jour. L’armature d’une voûte.
Conformément aux règles de l’arithmé- arlequinade [arlkinad] n. f. (de arle-
Spécialem. Ferraillage du béton armé.
tique : S’il n’est plus en état de réparer ses quin ; 1726, Trévoux). 1. Pièce de théâtre
Fig. Ce qui maintient, soutient : Maison
pertes, ses succès eux-mêmes ne feront dans laquelle Arlequin joue le rôle prin-
commerciale qui a une solide armature
que l’acheminer, arithmétiquement, vers cipal. 2. Par dénigr. Écrit grotesque et
financière. 2. Assemblage de pièces de
l’anéantissement final (Proust). d’une bouffonnerie involontaire. 3. Fig. soutien, généralement en métal, qui main-
arithmographe [aritmgraf] n. m. (du Bouffonnerie d’Arlequin. 4. Geste, tient rigide une statue, une maquette, ou
préf. arithmo- et du suff. -graphe [du gr. manière, conduite dont la lâcheté ou le forme l’ossature d’un vitrail. 3. Dans
graphein, écrire] ; 1810, date de l’invention). comique sont dignes du personnage tra- une pompe, ensemble des pièces servant
Nom du cadran à calcul de Gattey, et, par ditionnel d’Arlequin : Ils [les Italiens] à faire monter l’eau. 4. En musique,
extens., de tout appareil effectuant méca- haïssaient plus que lui cet esprit de pru- ensemble des signes d’altération, dièses
niquement les opérations arithmétiques. dence, cette apathie, ces compromis, et ces ou bémols, qui se trouvent à la clé pour
arlequinades (Rolland). indiquer la tonalité du morceau. (On dit
arithmologie [aritmli] n. f. (du préf.
arlequine [arlkin] n. f. (de arlequin ; aussi ARMURE.)
arithmo- et du gr. logos, science ; 1863,
1845, Bescherelle). Femme portant un habit • SYN.: 1 et 2 carcasse, charpente, ossature,
Littré). Nom donné par Ampère, dans
d’arlequin : Sur l’herbe où le jour s’exténue squelette.
sa classification des sciences, à la science
générale des nombres, de la mesure des | L’arlequine s’est mise nue | Et dans l’étang
arme [arm] n. f. (du lat. arma, plur.
grandeurs quelles qu’elles soient. mire son corps (Apollinaire). neutre devenu fém. sing. en lat. pop. ; 1080,
arlésien, enne [arlezj, -n] adj. et n. Chanson de Roland).
arithmomancie [aritmmsi] ou
arithmancie [aritmsi] n. f. (du préf. (de Arles ; 1866, Larousse). Relatif à Arles ; I. 1. Tout instrument dont on se sert pour
arithmo- et du gr. manteia, divination ; habitant ou originaire de cette ville. attaquer ou pour se défendre : Armes à
1863, Littré). Divination qui se pratique armada [armada] n. f. (mot esp. désignant feu. Arme blanche. Armes individuelles,
au moyen des nombres. l’immense flotte que Philippe II arma collectives. Armes de chasse, de guerre.
contre l’Angleterre en 1588). 1. Flotte très L’arme absolue, arme qui serait propre,
arlequin [arlk] n. m. (altér. de l’anc.
importante : Où sont tes mille antennes | Et par sa puissance destructive, à suppri-
franç. Hellequin, n. d’un diable [cf. mais-
tes hunes hautaines | Et tes fiers capitaines mer toute vie sur la plus grande partie
nie Hellequin, cortège de fantômes mal-
| Armada du Sultan ? (Hugo). 2. Fam. du globe. Arme prohibée, arme dont la
faisants], employé par A. de la Halle dans
Une armada, une grande quantité : Il y fabrication, la vente et le port sont rigou-
son Jeu de la feuillée, 1276 ; passé à l’ital.,
avait à cette cérémonie toute une armada reusement réglementés. Port d’armes,
revenu modifié en franç. [sans h-] ; 1585,
d’officiels. autorisation, accordée dans certains cas
Arlequin, comédien italien). 1. Bouffon qui
par l’autorité, de porter des armes sur
imite l’Arlequin de la comédie italienne, •SYN.: 2. armée, essaim, flot, foule, légion,
soi. Passer quelqu’un par les armes,
personnage qui paraissait sur scène avec masse, multitude, nuée, régiment, troupe.
l’exécuter en le fusillant. Fig. et fam.
un costume fait de pièces triangulaires
armadille [armadij] n. f. (esp. arma- Passer l’arme à gauche, mourir. 2. (gé-
de toutes les couleurs : Sur les tréteaux dillo, dimin. de armado, armé ; 1615, Yves néralement au plur.) Moyens offensifs et
l’arlequin blême | Salue d’abord les spec- d’Évreux). Sorte de cloporte. défensifs qu’on utilise dans une guerre :
tateurs (Apollinaire). Batte, latte, sabre
Fournir des armes à l’ennemi. Le trafic
d’arlequin, sabre de bois, et, au fig., arme armagnac [armaak] n. m. (de
d’armes. En armes, pourvu des armes
peu dangereuse ou ridicule. Manteau Armagnac, n. de la partie de l’Aquitaine
nécessaires, prêt à faire la guerre. Ca-
d’arlequin, ou simplem. manteau, rideau où cet alcool est produit ; milieu du XIXe s.).
pituler avec armes et bagages, se rendre
encadrant la scène d’un théâtre. Habit Eau-de-vie de vin très renommée, fabri-
sans opposer une grande résistance et
d’arlequin, habit composé de pièces dis- quée dans l’ancien pays d’Armagnac, partie
sans effectuer aucune destruction. Être
parates ; par anal., tout ensemble fait de la Gascogne.
sous les armes, être soldat. Mettre bas
d’éléments disparates (en ce sens, on dit armaillis [armaji], armaillés ou les armes, déposer, rendre les armes, ces-
aussi simplem. ARLEQUIN) : L’Espagnol [...] armailliers [armaje] n. m. pl. (mot ser les hostilités, et, au fig., abandonner
avait créé en 1935 sous le nom de « Frente savoyard et romand, de armaille, troupeau, toute résistance, céder. Armes d’hon-
popular » un véritable Arlequin révolution- lat. animalia, animaux ; 1866, Larousse). neur, armes que l’on distribuait sous
naire (Suarez). 2. Homme sans principes Nom donné naguère aux bouviers, dans les Bonaparte pour distinguer et honorer
fermes, changeant facilement d’attitude : Alpes et le Jura : Jeprêtai l’oreille et j’enten- les soldats les plus courageux. Homme
Une de ces vies [...] que les arlequins de dis le cornet des armailliers qui rappelaient d’armes, au Moyen Âge, cavalier armé
la politique finissent par envier (Balzac). les bêtes à l’étable (Nodier). de toutes pièces. Prise d’armes, ma-
3. Sorte de crochet dont se servent les noeuvre, revue pendant laquelle les sol-
vanniers pour redresser les brins de rotin. armateur [armatoer] n. m. (bas lat.
dats prennent les armes. 3. Moyen d’at-
4. Sorte de bateau utilisé pour la chasse armator, de armare, équiper un bateau ;
taque ou de défense : N’avoir pour armes
au gibier d’eau. fin du XVIe s.). Celui qui se charge de faire
• SYN. : 2 fantoche, girouette, guignol, équiper, « armer » des navires, et qui les
lqeuse
psoeisn
gmsaeitnsl.espLieeds
s.arm4e.sFniga.
tuMreolyleesn,
marionnette, pantin, polichinelle, toton, exploite commercialement, qu’il en soit
de lutte ou de résistance : Ce n’est pas
toupie. ou non propriétaire : Une vieille famille
quand on a participé aux faiblesses des
d’armateurs marseillais.
arlequins n. m. pl. (1829, Vidocq). gens qu’on doit s’en faire une arme contre
Assortiment de reliefs de repas, souvent armature [armatyr] n. f. (lat. armatura, eux (Dumas fils). L’arme de la calomnie.
disparates (d’où le nom) : Elle tombait armure, de armare ; XVe-XVIe s., au sens de Fournir à quelqu’un des armes contre
aux arlequins, dans les gargotes borgnes « armure », Godefroy ; au sens moderne, soi-même, lui donner prise sur soi par un
où, pour un sou, elle avait des tas d’arêtes 1694, Th. Corneille). 1. Ensemble de pièces, comportement maladroit. Faire tomber

238
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

les armes des mains de quelqu’un, l’apai- Armes parlantes, armes qui rappellent armeline [armlin] n. f. (ital. armellino et
ser par ses actes, ses paroles. Tourner le nom de la famille. armellina, hermine ; 1611, Cotgrave, sous la
ses armes contre quelqu’un, s’en prendre • SYN.: I, 2 combat, guerre. II armoiries, forme armelin ; fin du XVIIe s.). Peau d’her-
brusquement à quelqu’un avec qui on blason. mine de Laponie, très blanche et très fine.
vivait jusque-là en bonne intelligence.
armé, e [arme] adj. (part. passé de armer). armement [armm] n. m. (de armer ;
Une arme à double tranchant, un ar-
1. Se dit de personnes, de troupes, etc., XIIIe s., Geste des Chyprois).
gument, un moyen d’action qui peut se
qu’on a armées ou qui se sont armées : I. 1. Action d’armer, de pourvoir
retourner contre celui qui l’utilise.
Des bandes armées, des hommes armés d’armes : Napoléon a préféré les chances
II.Subdivision de l’armée, caractérisée entourent les marchés (Alain). Armé de son malheur à l’armement des masses
par les armes qu’elle utilise : L’artillerie jusqu’aux dents, qui a un armement com- (Balzac). 2. Ensemble des armes équi-
et le génie sont considérés traditionnelle- plet, et, ironiq., qui a plus d’armes qu’il n’en pant une unité militaire, un groupe armé
ment comme des armes savantes. L’arme faut. À main armée, avec des armes à la quelconque : Une stratégie du plus grand
où l’on sert est le moule où l’on jette son main, et, par extens., avec des armes, au style, empreinte du mépris de l’adversaire,
caractère (Vigny). L’arme à laquelle moyen d’armes : La loi punit sévèrement une tactique à peu près parfaite, un arme-
appartenait Armand de Montriveau lui l’agression et le vol à main armée. Paix ment écrasant, des troupes incompatibles,
avait offert peu de chances d’avancement armée, état de non-belligérance pendant comment sur tout ceci ne pas fonder l’as-
(Balzac). lequel les États conservent leur armement surance d’une victoire toute prochaine ?
• SYN.: I, 2 armement, équipement. ou l’accroissent : La paix armée pèse d’ail- (Valéry). Un armement moderne, démo-
armes n. f. pl. leurs si lourdement sur les peuples, grève à dé. Spécialem. Ensemble des armes et
ce point les budgets, impose aux individus puissance globale de feu d’un navire de
I. 1. Le métier militaire : La carrière des
de si sensibles gênes dans un temps de liberté guerre. 3. Catégorie d’armes : L’arme-
armes. Commandant d’armes, officier
morale et politique croissante... (Valéry). ment individuel, collectif. 4. Ensemble
qui a le grade le plus élevé dans une gar-
2. Se dit d’un navire qui est équipé du des moyens offensifs et défensifs d’un
nison. Place d’armes, dans une ville,
nécessaire en hommes et en approvisionne- pays en cas de guerre : La course aux
lieu où les troupes sont passées en revue,
ments, et qui peut prendre la mer. 3. Qui armements. 5. Étude et technique du
et, par extens., lieu de rassemblement
comporte une armature interne : Le ciment, fonctionnement des armes : Un cours
des troupes. 2. Puissance militaire ;
le béton armé. 4. Fig. Pourvu de moyens d’armement. 6. Fig. Moyens de défense
entreprises, opérations militaires : Un
d’action ou de défense : Pour la science ou d’attaque, armes : Les vagues notions
empire fondé par les armes a besoin de se
actuelle, armée de l’analyse chimique la plus qui composent l’armement illusoire de
soutenir par les armes (Montesquieu). Les
perfectionnée, il y a une part de détermina- l’esthétique (Valéry).
divisions successives des trois puissances
tion « a priori » (Romains).
entre elles et des généraux français entre II. 1. Action d’équiper un navire pour
eux l’avaient servi [Frédéric II] dans la armé n. m. Position d’une arme prête le rendre prêt à la navigation ; ce qui
fortune éclatante de ses armes (Vigny). pour le tir (percuteur maintenu à l’arrière, compose cet équipement (matériel,
Appeler aux armes, appeler à la lutte, ressort comprimé) : Cran de l’armé. combustible, équipage, etc.) : Procéder à
au combat. Ellipt. Aux armes !, cri armée [arme] n. f. (part. substantivé de l’armement d’un paquebot. 2. Action
d’appel au combat, et, spécialem., appel armer, ellipse de troupe armée ; 1360, G. d’exploiter commercialement un navire
de la sentinelle aux hommes du poste de de Machault ; a remplacé ost [bas lat. hos- en tant qu’armateur. 3. Ensemble des
garde. Courir aux armes, prendre les tis, au sens de « troupe armée »] entre le navires, capacité de transport par mer
armes, se préparer à combattre, partir en XIVe et le XVIe s.). 1. Ensemble des forces d’un port, d’un pays : Celui-là [le voi-
guerre. Faire ses premières armes, par- militaires d’une nation : L’armée fran- lier « France »] fut longtemps la gloire
ticiper pour la première fois à une cam- çaise. L’armée rouge. 2. Ensemble des de l’armement français (Vercel). 4. Ce
pagne militaire, et, au fig., faire quelque militaires de métier : Faire une brillante avec quoi on équipe, on renforce diverses
chose pour la première fois, débuter. carrière dans l’armée. À l’armée, dans choses : Un armement d’ardoise protège
Fait d’armes, trait de bravoure, exploit la vie militaire. 3. Subdivision des forces souvent un mur contre la pluie.
militaire. La gloire des armes, la gloire militaires : L’armée active (ou l’active), l’ar- • SYN.: I, 2 équipement, matériel.
qui provient de la guerre. Le sort des mée de réserve (ou la réserve). Armée de arménien, enne [armenj, -n] adj. et
armes, le résultat heureux ou malheu- terre, de mer, de l’air, les troupes terrestres, n. (de Arménie ; XVIIe s.). 1. Qui est rela-
reux d’un conflit. Suspension d’armes, la marine, l’aviation. 4. Réunion d’un tif à l’Arménie ; habitant ou originaire
trêve. (La langue classique disait cessa- grand nombre de troupes affectées à une de ce pays : Des coutumes arméniennes.
tion d’armes.) 3. Le sport de l’escrime : mission donnée, sous le commandement 2. Spécialem. Qui appartient à l’Église
Tout le secret des armes ne consiste qu’en d’un chef : L’armée de Napoléon au camp de d’Arménie : Rite arménien.
deux choses, à donner et à ne point rece- Boulogne. Grande unité des forces mili-
arménien n. m. Langue indo-euro-
voir (Molière). Maître d’armes. Salle taires, comprenant elle-même plusieurs péenne parlée dans la région caucasienne.
d’armes. Armes courtoises, armes à corps d’armée : La VIIIe armée. Un général
pointe émoussée. Passe d’armes, heurt d’armée. Aux armées, dans la zone des armer [arme] v. tr. (lat. armare, armer et
entre des combattants, dans une joute, un opérations militaires : La poste aux armées. équiper ; 1080, Chanson de Roland).
tournoi, et, au fig., échange de répliques 5. Fig. Ensemble de gens luttant pour I.1.Pourvoir d’une arme, d’un arme-
vives et mordantes dans une controverse. la même cause : La Compagnie de Jésus ment : Armer un homme, une troupe.
II. Emblèmes héraldiques propres à des voulait être l’armée de Dieu. L’Armée du Armer quelqu’un chevalier, au Moyen
familles, à des communautés et parfois Salut. L’armée des cieux, l’armée céleste, Âge, le recevoir solennellement dans
à des individus : Les armes d’une grande la cohorte des anges. 6. Fig. Multitude l’ordre de la chevalerie et lui remettre son
famille. Les armes de la Ville de Paris. d’êtres qui se présentent groupés, agglomé- épée et son armure. Armer quelqu’un
Le papier était aux armes de Marsantes, rés : Il croyait voir une armée de pélicans qui de pied en cap, le munir d’un armement
dans lesquelles je distinguai un lion que s’abattaient sur sa poitrine (Lautréamont). complet. 2. Mettre en état de défense,
surmontait une couronne formée par •SYN.: 6 armada, essaim, flot, foule, légion, sur le pied de guerre : Armer un pays,
un bonnet de pair de France (Proust). masse, nuée, régiment, tas, troupe. des troupes. Allez contre un rebelle armer

239
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

toute la Grèce (Racine). Spécialem. • SYN. : 3 se munir ; 4 se précautionner, se réfrigéré, dans lequel on peut conserver
Munir une ville, une place des armes prémunir ; 5 sefortifier, segarantir, s’immu- les denrées périssables. Armoire à phar-
nécessaires et en renforcer les défenses : niser, se prémunir. macie, élément de rangement de petites
Armer une place forte. 3. Inciter une dimensions que l’on suspend au mur et où
armet [arm] n. m. (croisement de arme et
personne, une faction, etc., à prendre les l’on range des produits pharmaceutiques.
de l’esp. almete, repris à l’anc. franç. heau-
armes contre une autre, et, au fig., s’oppo- Pop. Fonds d’armoire, vieux vêtements :
met, helmet, dimin. de heaume ; XIVe s.,
ser à quelqu’un, lutter contre lui : Les dis- Ils étaient habillés avec des fonds d’armoire
Girart de Roussillon). Petit casque en usage
putes de la religion ont souvent armé des dont personne ne voulait plus (Huysmans).
du XVe au XVIIe s.
peuples les uns contre les autres (Lavisse). • SYN.: 1 placard.
4. Munir quelqu’un de quelque chose armeuse [armøz] n. f. (de armer ; début
(souvent ironiq.) : Il s’élance, armé de sa du XXe s.). Machine disposant une armure armoiries [armwari] n. f. pl. (de l’anc.
lyre (Hugo). 5. Fig. Mettre quelqu’un en fils ou en rubans d’acier pour la protec- franç. armoier, couvrir d’armes héral-
en mesure de résister à quelque chose, tion des câbles électriques isolés. diques, de arme, attesté en ce sens dès le
de supporter quelque chose : Une trahi- XIIe s. ; XIVe s., écrit armoierie ; au plur.
armillaire [armilr] adj. (de armille, lat. depuis le XVIe s.). Ensemble des armes et
son d’ami, c’est une épreuve journalière
armilla, bracelet ; milieu du XVIe s.). Sphère de leur encadrement, formant un emblème
[...], il faut être armé contre elle (Rol-
armillaire, assemblage de cercles concen-
land). 6. Munir de moyens d’action, héraldique qui servait de signe distinctif à
triques au centre desquels se trouvait la une famille noble, à une ville, à un pays :
fournir d’arguments, de preuves : Toute
Terre, et qui représentait l’univers tel que Les armoiries d’un chevalier étaient peintes
la vaine et implacable philosophie dont je
les Anciens se l’imaginaient. sur son écu. C’est ainsi que les rois font aux
comptais armer mes discours me manqua
n. m. Espèce de champignon. mâts des bateaux | Flotter leurs armoiries...
(Chateaubriand).
armilles [armij] n. f. pl. (du lat. armilla, (Hugo).
II. 1. Équiper un navire pour en faire
bracelet, de armus, bras ; 1160, Benoît de • SYN.: blason.
l’exploitation commerciale ; financer cet
Sainte-Maure, au sing., au sens de « bra-
équipement : Ruiz d’Avalos prit le parti de armoise [armwaz] n. f. (lat. artemisia,
celet »). 1. Instrument dont les Anciens
faire armer une barque et de venir à Rome plante d’Artemis, mot gr. ; XIIe s.). Nom de
se servaient pour les observations astro-
par mer (Stendhal). 2. Mettre une arme toute une famille de plantes à odeur amère
à feu dans la position de l’armé : On arme nomiques : Avec les armilles [...] il avait
et aromatique, à propriétés toniques.
les fusils et on se met en chasse (Daudet). observé les équinoxes (Flaubert). 2. Sur
les colonnes doriques, annelets entourant armoisin [armwaz] n. m. (de l’ital.
Armer un appareil, tendre le ressort qui
le chapiteau. ermesino, taffetas ; 1541, adj., dans taffetas
en assure le fonctionnement. 3. Garnir
armoisin ; substantif, 1577, Gay, Glossaire
d’une armature, renforcer : Armer du ci- arminien, enne [arminj, -n] n. et adj.
archéol.). Étoffe de soie d’origine indienne,
ment, du béton. 4. Pourvoir une chose (de Arminius ; 1688, Bossuet). Partisan des
mais imitée en Italie, puis à Lyon.
d’une garniture rappelant une arme : théories d’Arminius, théologien protestant
Armer un bâton d’une pointe de fer. Les du XVIe s. (On dit aussi REMONTRANT.) armon [arm] n. m. (peut-être du lat.
ronces se tordaient comme de longs bras adj. Relatif aux théories d’Arminius. artemo, poulie ; XVe s., texte de Tournai,
armés de griffes cherchant à prendre des écrit aremon). Avant-train d’une voiture à
proies (Hugo). armistice [armistis] n. m. (du lat. diplo- chevaux, sur lequel se fixent les brancards
• SYN.: I, 3 animer, déchaîner, exciter, sou- matique moderne armistitium, arrêt des ou le timon.
lever ; 4 doter, équiper, pourvoir ; 5 endurcir, armes, de arma, armes, et sistere, arrêter,
créé sur le modèle de justitium, suspension armorial, e, aux [armrjal, -o] adj. (de
fortifier, prémunir ; 6 doter, pourvoir. II,
des tribunaux ; 1688, Miege). 1. Pendant armoiries, fait d’après l’anc. franç. historial ;
4 doter, munir, pourvoir. — CONTR.: I, 1 et
un conflit, arrêt momentané des hosti- 1611, Cotgrave). Relatif aux armoiries : Écu
2 désarmer.
lités, intervenant à la suite d’un accord armorial.
v. intr. Intensifier la cadence de fabrica-
entre les belligérants : L’armistice du 11 • SYN.: nobiliaire.
tion des armements en vue d’une guerre ;
novembre 1918 était le premier pas vers armorial n. m. Recueil contenant des
se préparer à la guerre : On arme de tous
la paix. 2. Fig. Arrêt provisoire des armoiries : L’armorial de la France. Sans
côtés (Acad.).
luttes, des disputes : Un armistice conclu doute, la pensée du descendant des Sigognac
• CONTR. : désarmer.
entre les puissances malfaisantes de la vie pêle-mêle dans le chariot de Thespis avec
s’armer v. pr. 1. Se pourvoir d’armes : Le (Baudelaire). des histrions nomades avait quelque chose
temps d’inspecter son matériel, de s’armer
• SYN.: suspension d’armes, trêve. de choquant en soi, qui devait faire hennir
(Daudet). 2. Prendre les armes, se mettre
les licornes et rugir les lions lampassés de
sur le pied de guerre : Les Français s’arment. armoire [armwar] n. f. (lat. armarium,
gueules de l’armorial (Gautier).
3. Se pourvoir de quelque chose tenant armoire pour ranger les ustensiles, de arma,
lieu d’arme : À ces cris, la folle, s’armant au sens de « ustensiles » ; fin du XIIe s., Livre armoricain, e [armrik, -in] adj. et n.
de tuiles, en envoya une sur le casque du des Rois, écrit armaries, almarie, arma- (de Armorique ; 1863, Littré). Qui a rapport
pompier parvenu au faîte (Radiguet). rie ; armaire, puis armoire v. le XVIe s.). à l’Armorique ; habitant ou originaire de
4. Se munir d’un objet utile, en pré- 1. Vx. Réduit pratiqué dans l’épaisseur l’Armorique : Le massif armoricain.
vision d’une situation donnée : S’armer d’un mur et fermé par un ou deux van-
armorié, e [armrje] adj. (part. passé de
d’un parapluie contre les averses. 5. Fig. taux, dans lequel on rangeait des objets
armorier). Se dit d’un objet, d’un meuble,
Se pourvoir, contre quelqu’un ou contre de valeur. 2. Meuble haut, généralement
d’un livre, etc., sur lequel sont représen-
quelque chose, d’un moyen d’action ou en bois, garni de tablettes et de tiroirs, et
tées des armoiries : Une cotte armoriée.
de résistance ; se donner les moyens de fermé par une ou deux portes : Armoire
Spécialem. Lettres armoriées, lettres capi-
résister à : S’armer contre une maladie, à linge. Son cabinet est bardé d’armoires
tales dont on a figuré conventionnellement
contre un danger. S’armer d’arguments à livres (Romains). Armoire à glace,
la couleur par des traits parallèles tracés
décisifs contre ses détracteurs. S’armer armoire dont la porte est garnie d’un grand
dans le corps.
de patience, de courage, faire effort pour miroir. Fig. et pop. Armoire à glace,
être suffisamment patient, courageux, en ou simplem. armoire, homme très large armorier [armrje] v. tr. (de armoiries,
vue de quelque chose. d’épaules. Armoire frigorifique, meuble sur le modèle de historier ; 1680, Richelet ; a

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

remplacé armoyer, encore usuel au XVIe s. au Pharmacopée de Schroeder ; arnique, n. f., À Saint-Sébastien [...], nous nous fîmes ser-
part. passé). Décorer d’armoiries un objet. 1752, Trévoux). Plante vivace à proprié- vir du chocolat espagnol épais et fortement
tés toniques, poussant dans les régions aromatisé de cannelle (Gide).
armoriste [armrist] n. m. (de armoiries ;
montagneuses. Teinture d’arnica, ou v. intr. Vx. Exhaler un parfum.
1690, Furetière). Vx. Personne qui est versée
simplem. arnica, teinture extraite de cette
dans la science héraldique, ou qui fait des arôme [arom] n. m. (lat. aroma, du gr.
plante, qu’on applique en compresses sur
armoiries. arôma ; 1787, Guyton de Morveau ; une
les contusions, les foulures.
arm-stroke [armstrok] n. m. (mot angl. fois au XIIe s., écrit arom). 1. Émanation
arobe ou arrobe [arb] n. f. (esp. arroba, des substances odoriférantes d’origine
signif. « coup de bras » ; 1928, Larousse).
de l’ar. ar-roub’, le quart ; XVIe s., Thevet). végétale ou animale : L’arôme du café, des
Mode de natation sur le côté, où le nageur
1. Mesure de capacité usitée en Espagne et oranges. Parfois un souffle d’air chargé
se propulse par des ciseaux des jambes et
au Portugal, d’une valeur de 10 à 15 litres. d’arômes des champs s’engouffrait sous
par l’action combinée des bras, l’un sous
2. Nom de différentes unités de poids le portail (Maupassant). Antoine, penché
le corps, l’autre le long du corps.
en usage dans les mêmes pays et variant au bord du divan, tenait à deux mains le
armure [armyr] n. f. (lat. armatura, de de 12 à 15 kg. gobelet de verre qu’il venait de remplir, et,
arma, armes ; XIIe s., écrit armeure). avant d’y tremper ses lèvres, il humait avec
aromal, e, aux [armal, -o] adj. (de
I.1.Ensemble des défenses métalliques arôme ; 1844, Gautier). 1. Littér. Plein gourmandise l’arôme du thé, légèrement
qui protégeaient le corps et les membres d’arômes : Tout est sauvé ! La fleur, le parfumé de citron et de rhum (Martin du
de l’homme d’armes au Moyen Âge : printemps aromal, | L’éclosion du bien, Gard). 2. Dans le vocabulaire des fou-
Armure de guerre. Armure de parade. l’écroulement du mal, | Fêtent dans sa riéristes, corps ou fluide impondérable.
La possession exclusive du cheval et des course enchantée | Ce beau globe éclaireur, • SYN.: 1 bouquet, émanation, exhalai-son,
bonnes armures assura une supériorité ce grand char curieux (Hugo). 2. Sensible fragrance (littér.), fumet, odeur, parfum,
absolue au noble sur le vilain (Renan). aux arômes (rare) : Plusieurs d’entre nous senteur. — CONTR. : 1 infection, pestilence,
possèdent une trompe aromale (Flaubert). puanteur, relent.
LD’aérfamuut
rdeeld’aurmcuhreev,asly,
n. lede cDaÉpFaArUaTç
oDnE. 3. Dans le vocabulaire des fouriéristes, • REM. : 1. Arôme/i s’écrit avec un accent
LA CUIRASSE. 2. Ce qui protège comme qui a les qualités des arômes, corps ou circonflexe sur l’o depuis la huitième
le ferait une armure : L’armure d’un câble fluides impondérables : Le corps aromal édition du dictionnaire de l’Académie
électrique. L’armure d’un hérisson. Ar- d’une divinité (Gautier). L’ange laisse passer (1932). De nombreux auteurs conservent
mure du sanglier, la peau épaisse qui lui à travers lui l’aurore, | Nul simulacre obscur l’orthographe ancienne.
protège les épaules. Armure d’un arbre, ne suit l’être aromal (Hugo).
2. Aromal, aromate, aromatique, aro-
appareil dont on l’entoure pour le proté- •SYN. : 1 aromatique, embaumé, matisation, aromatiser s’écrivent sans
ger. 3. Fig. Dureté d’aspect : Rien d’hu- odoriférant. accent sur l’o.
main ne battait sous ton épaisse armure
aromate [armat] n. m. (bas lat. aroma- aronde [ard] n. f. (lat. pop. de la Gaule
(Lamartine). Moyen de protection :
tum, lat. class. aroma, -atis, du gr. arôma ;
Le manque de sensibilité est une armure *harunda, adaptation du lat. de basse
1495, J. de Vignay ; var. aromat jusqu’en
contre la souffrance. époque harundo, lat. class. hirundo,
1690, Furetière). Toute substance végétale hirondelle ; 1080, Chanson de Roland ;
II. 1. Mode d’entrecroisement des fils de à odeur pénétrante : Des marchands d’aro-
la forme hirondelle est venue du Midi et
chaîne et de trame constituant un tissu. mates. Le poivre est un aromate. Il sentit
a remplacé arondelle ; queue d’aronde,
2. Pièce de fer qu’on met en contact son coeur s’amollir et se dissoudre, comme
milieu du XVe s.). 1. Vx et poét. Hirondelle :
avec un aimant pour en augmenter la les aromates de son pays fondent doucement
Si l’oiseau blessé la source méprise | Cette
puissance. 3. En musique, syn. de à un feu modéré et s’exhalent en parfums
aronde est mon coeur et qui la va chassant
ARMATURE. délicieux (Voltaire). Eh quoi ! je te retrouve
| Qu’il assure sa fronde et sache qu’il me
• SYN.: I, 3 cuirasse. ici, Nicodème ; toi qui d’abord vins à Jésus
vise | Pour avoir préférant la vie à la fein-
de nuit [...], et qui plus tard apporteras pour
armurerie [armyrri] n. f. (de armurier ; tise | Préféré le sang à l’encens (Aragon).
l’embaumer des aromates, car tu es riche et
XIVe s., Bersuire, écrit armeurerie). 1. Vx. 2. Sorte de poisson volant. 3. A ou en
tu crois que sans tes richesses Christ pour-
État, métier de l’armurier. 2. Atelier, queue d’aronde, se dit de toute pièce rappe-
rirait (Gide).
magasin d’armurier : Pendant les journées lant la queue d’une hirondelle, plus large à
révolutionnaires, on pillait les armureries. aromatique [armatik] adj. (bas lat. une extrémité qu’à l’autre : Un ouvrage de
aromaticus, du gr. arômatikos ; XIIIe s., fortification en queue d’aronde. Deux tours
armurier [armyrje] n. m. (de armure ;
Godefroy). De la nature des aromates ; rondes [...] avec leurs échauguettes en poi-
fin du XIIIe s., écrit armeurier). 1. Fabricant
qui exhale une odeur suave : Plante, huile, vrière et leurs girouettes à queue d’aronde
ou marchand d’armes. 2. À l’armée, per-
fumet aromatique. Les herbes aromatiques (Gautier). Assemblage à queue d’aronde,
sonne chargée de l’entretien des armes.
fumaient encore (Flaubert). Creuse ce jar- assemblage dans lequel le tenon s’élargit
arnaque [arnak] n. f. (déverbal de arna- din comme une tasse où tu viendras goû- en forme de queue d’aronde : Le menuisier,
quer ; début du XXe s.). Arg. Artifice, expé- ter l’élixir de tout ce paysage aromatique le tailleur de pierre font des assemblages à
dient, tromperie. (Claudel). queue d’aronde.

arnaquer [arnake] v. tr. (var. picarde de


• SYN.: embaumé, odoriférant. — CONTR. :
arondelle [ardl] n. f. (de aronde ;
harnacher ; début du XXe s.). 1. Arg. Habiller infect, puant, pestilentiel.
XIIe s.). 1. Ancien nom de l’hirondelle
avec recherche (surtout au pronominal). aromatisation [armatizasj] n. f. (de (jusqu’à la fin du XVIIe s.). 2. Grosse
2. Arg. Trahir, duper. 3. Arg. Arrêter, aromatiser ; fin du XVIe s., écrit aromati- ligne de pêcheur.
faire prisonnier. zation). Action d’aromatiser.
arpège [arp] n. m. (ital. arpeggio, jeu de
• SYN.: 1 fringuer (pop.), frusquer (pop.).
aromatiser [armatize] v. tr. (bas lat. la harpe, de arpeggiare ; 1751, Encyclopédie).
arnica [arnika] n. m. (mot du lat. des aromatizare, du gr. arômatizein ; 1160, Suite de notes de musique que l’on égrène
botanistes, altér. probable de ptarmica, Benoît de Sainte-Maure). Parfumer avec rapidement en les jouant séparément l’une
« ptarmique », plante sternutatoire, du une substance aromatique : Le pâtissier après l’autre, au lieu de les faire entendre
gr. ptarmikê, de ptarein, éternuer ; 1697, aromatise des glaces à la vanille ou au café. toutes à la fois : Elle jetait, de temps en

241
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

temps, sur le clavier, une note, une phrase, arpète qui relate un vague petit incident arrachage [araa] n. m. (de arracher ;
un accord, quelque arpège impalpable de la rue aux copines de l’atelier (Romains). 1835, la Maison rustique du XIXe s.).
(Duhamel). Faire des arpèges. 1. Action d’arracher une herbe, une plante,
arpion [arpj] n. m. (du provenç. arpioun,
une racine : L’arrachage des betteraves, des
arpègement [arpm] n. m. (de arpé- griffe, de la famille de harpon ; 1821,
pommes de terre. 2. Dans les mines, lors
ger ; 1751, Encyclopédie). Action d’arpéger. Ansiaume). 1. Arg. Orteil. 2. Arg. Pied :
Peut-on penser à l’amour quand on se tor- d’un foudroyage, action d’arracher méca-
arpéger [arpee] v. tr. (de arpège ; 1751, niquement le soutènement d’une taille.
tille sur les arpions (Hamp).
Encyclopédie). Jouer un accord en égrenant Treuil d’arrachage, treuil grâce auquel
les notes : « J’étais fiancé », dit-il, en faisant arqué, e [arke] adj. (part. passé de arquer). on réalise cette opération.
chanter l’« i » ; il donnait à ces trois syllabes, Courbé en arc : Des jambes arquées. Ses • CONTR. : 1 plantation.
comme aux notes d’un accord arpégé, une sourcils arqués comme je ne les avais jamais
sonorité étonnante (Martin du Gard). vus entouraient les globes de ses paupières arraché [arae] n. m. (de arracher ; XXe s.).
comme un doux nid d’alcyon (Proust). On 1. En haltérophilie, exercice par lequel on
arpent [arp] n. m. (du gaulois arepen- voyait saillir les grandes pièces de la char- soulève d’un mouvement continu la barre
nis, altéré en *arependis en lat. pop. ; 1080, pente [d’un voilier], arquées comme les côtes au-dessus de la tête. 2. Fam. A l’arraché,
Chanson de Roland). 1. Ancienne mesure d’une charogne (Duhamel). Cheval arqué, grâce à un effort violent, et, par extens., en
de superficie, qui valait de 35 à 51 ares, cheval dont les jambes antérieures sont surmontant beaucoup de difficultés : Il a
selon les régions : Un arpent de terre. arquées, du fait d’un accident. Navire remporté la victoire à l’arraché.
2. Par extens. Une certaine surface de arqué, navire dont la quille est courbée en
terre de peu d’étendue : Vous savez que ces arrache-clou [araklu] n. m. (de arrache,
arc par suite d’une avarie.
deux nations sont en guerre pour quelques forme verbale de arracher, et de clou ; 1898,
• SYN. : cambré, tors (jambes), voûté. —
arpents de neige vers le Canada (Voltaire). Larousse). Outil servant à arracher les
CONTR. : droit, plan.
clous.
arpentage [arpta] n. m. (de arpen- arquebusade [arkbyzad] n. f. (de arque- • Pl. des ARRACHE-CLOUS.
ter ; 1293, Godefroy). Action de mesurer buse ; 1475, Chronique des chanoines de
la superficie des terres en les arpentant : arrachement [aram] n. m. (de arra-
Neuchâtel, écrit arquebuzaide). Coup
Ses dernières acquisitions l’obligeaient à d’arquebuse : On chantait, on poussait cher ; XIIe s., Villard de Honnecourt, écrit
une foule de courses, de reconnaissances, de des hurras, on tirait des arquebusades erracement). 1. Action d’enlever brusque-
vérifications, de bornages et d’arpentages (Chateaubriand). ment, par un effort violent, une chose qui
(Balzac). Chaîne d’arpentage, chaîne, tient à une autre : L’arrachement d’une dent.
d’une longueur d’un décamètre, dont on arquebuse [arkbyz] n. f. (du néerl. hake- Vitesse d’arrachement, vitesse qui per-
busse, mousquet à crochet, avec influence met de s’éloigner brusquement : Sa vitesse
se sert pour arpenter.
de l’ital. archibugio ; 1475, Gay, Glossaire
[du navire] était une vitesse d’arrachement
arpenter [arpte] v. tr. (de arpent ; archéol.). Arme à feu du XVIe s., qu’on
(Romains). 2. Fig. Action de s’éloigner
1384, texte de Reims). 1. Autref. Mesurer faisait partir au moyen d’une mèche ou
avec peine de ce à quoi on est attaché, habi-
la superficie des terres en arpents. 2. Auj. d’un rouet, et qu’il fallait appuyer sur une
tué : Son départ de Besançon [de Milord],
Mesurer la superficie d’un champ en le fourche plantée en terre : Les bourgeois
son arrachement aux habitudes qu’il y avait
jalonnant et en le divisant en figures géo- de Paris ont toujours en réserve, dans un
prises, était bien dans son caractère (Carco).
métriques selon les techniques de l’ar- grenier de l’Hôtel de ville, quelque bonne
Par extens. Séparation brutale et doulou-
pentage : Arpenter un champ. 3. Fam. arquebuse rouillée (Hugo). La décharge de
reuse : Ils ne pouvaient se décider à l’arra-
Parcourir à grands pas et dans tous les vingt arquebuses à croc [...] lui eût moins
chement. Ils marchèrent donc, côte à côte,
sens : Les longues heures du milieu de la rudement déchiré les oreilles (Hugo).
comme toujours (Duhamel). La douleur
nuit, fiévreusement, il arpentait, en réflé-
arquebuser [arkbyze] v. tr. (de arque- elle-même causée par cette séparation : A
chissant, les greniers abandonnés (Alain-
buse ; XVIe s.). 1. Tuer à coups d’arque- ces moments-là, Éline oubliait toutes ses
Fournier). Et la conversation continuait.
buse. 2. Attaquer à coups d’arquebuse : misères et l’horrible arrachement des affec-
Parfois, pendant une heure et tout en arpen-
Les Français, arquebusés de toutes parts tions rompues (Daudet). Nous sommes si
tant les champs, nous semblions ressasser
(Hugo). bien faits pour nous attacher et prendre
les mêmes choses (Gide).
arquebusier [arkbyzje] n. m. (de arque- racine que nous ne pouvons rien quitter
arpenteur [arptoer] n. m. (de arpen- buse ; 1543, Barbier, écrit haquebuzier ; sans arrachement (France). 3. État de ce
ter ; milieu du XVe s.). Professionnel chargé 1564, Thierry). 1. Soldat dont l’arme était qui a été arraché : Elle [...] vit nettement la
d’effectuer des relèvements de terrains et l’arquebuse. 2. Fabricant d’armes à feu boutique [...], les livres mis en pièces, dont
des calculs de surface : Des arpenteurs, avec montées sur fût (au XVIIe et au XVIIIe s.). sortaient, tordus en divers sens, des arra-
de longues chaînes, allaient, mesurant le chements de fils (Romains). 4. Spécialem.
terrain (Chateaubriand). Chaîne d’arpen- arquer [arke] v. tr. (de arc, peut-être
Ensemble de pierres saillantes laissées dans
teur, syn. de chaîne d’ARPENTAGE. d’après le lat. arquare, var. de arcuare ; fin
un mur pour y emboîter les pierres d’une
du XIVe s.). Courber en arc : La panthère aux
arpenteuse [arptøz] adj. et n. f. construction ultérieure.
aguets rampe en arquant le dos (Leconte
(de arpenter ; milieu du XIXe s.). Se dit • SYN.: 1 arrachage, dégagement, déracine-
de Lisle).
d’une chenille, appelée aussi géomètre, ment, éradication, extirpation, extraction ;
v. intr. 1. Fléchir au point de devenir
qui, en progressant, donne l’impression 2 déchirement, rupture.
courbe : Une poutre qui arque. 2. Pop.
d’arpenter. Marcher, avancer. Ne plus pouvoir arrache-pied (d’) [darapje] loc. adv.
arpète ou arpette [arpt] n. (de l’anc. arquer, être impotent, très âgé ou épuisé (de arrache, forme verbale de arracher, et de
franç. harpe, griffe, croc [anc. normand de fatigue. pied ; début du XVIe s.). Avec acharnement
harpe] ; [comparaison d’un être amaigri s’arquer v. pr. Se déformer en prenant la et sans interruption : La grande Mindeur
avec un croc] ; dialect. arpette, individu forme d’un arc : Le dos de la petite vieille travaillait d’arrache-pied et sans distraction
frêle ; sens actuel, 1876, Rabasse). Pop. s’était arqué davantage, son chef branlait (Aymé).
Apprenti, apprentie : La voix [de Lucette] sans interruption (Martin du Gard). • CONTR. : mollement, négligemment, par
traînassait à plaisir, comme celle d’une • SYN.: se cambrer, se casser, se voûter. intermittence.

242
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

arracher [arae] v. tr. (anc. franç. esra- remonté au village (Gide). Je m’arrache la nationalité, etc. : La marine française a
chier, du lat. pop. *exradicare, lat. class. era- de la fenêtre et parcours la chambre en arraisonné un navire étranger soupçonné
dicare, déraciner, avec changement de préf. ; chancelant (Sartre). 3. Fig. Se soustraire de transporter des armes de contrebande.
fin du XIIe s., Livre des Rois). 1. Enlever de avec peine ou à contrecoeur à un état, à Par extens. Obliger un avion à atterrir
terre avec effort ce qui tient par des racines : une situation : S’arracher au sommeil, à pour les mêmes raisons.
Arracher un arbre, de mauvaises herbes. la rêverie. S’arracher au charme d’un pays.
arrangeable [arabl] adj. (de arranger ;
2. Par extens. Enlever avec effort ce qui 4. Se disputer pour s’approprier quelque
début du XIXe s.). Se dit de ce qui peut être
tient solidement à autre chose : Arracher chose : Les chacals s’arracheront des osse-
arrangé : Les affaires de faux sont toujours
une dent. Arracher un clou. Arracher une ments sur les places publiques, où le soir les
arrangeables quand la somme est restituée
affiche. Fig. Arracher une épine du pied de vieillards causaient (Flaubert). 5. Fig. et
(Balzac).
quelqu’un, le tirer d’embarras. Arracher fam. S’arracher quelqu’un, quelque chose,
• SYN. : accommodable, réparable. —
le coeur, faire souffrir beaucoup. Menacer rechercher vivement la compagnie, la
CONTR. : inaccommodable, irréparable.
quelqu’un de lui arracher les yeux, lui société d’une personne ou la possession
signifier qu’on est très irrité contre lui et d’une chose qui a beaucoup de succès : Sa arrangeant, e [ar, -t] adj. (part.
qu’on se livrerait volontiers à des violences. personne charmante fascinait les femmes : prés. de arranger ; 1863, Littré). Se dit d’une
3. Spécialem. Soulever brusquement de on se l’arrachait dans les salons (Sand). Il personne disposée à la conciliation, spécia-
terre et avec effort quelque chose de lourd : fallait voir le succès du Tarasconnais dans lement en affaires : Un homme arrangeant.
Comme il s’apprêtait à arracher un poids les salons. On se l’arrachait, on se le dis- Il est arrangeant alors qu’on le croirait
lourd (L. Daudet). 4. Enlever à une per- putait, on se l’empruntait, on se le volait intraitable.
sonne, à un animal quelque chose dont il (Daudet). 6. Fig. et fam. S’arracher les • SYN.: accommodant, complaisant, conci-
ne veut pas se défaire : Arracher une arme cheveux, être au désespoir. liant, coulant (fam.), traitable. — CONTR. :
à quelqu’un. Arracher un os de la gueule difficile, dur, exigeant, intraitable.
d’un chien. Fig. Arracher le masque à arracheur, euse [araoer, -øz] n. (de
quelqu’un, l’obliger à se montrer sous son arracher ; XIIIe s., Geste des Chyprois). arrangement [arm] n. m. (de arran-
vrai jour. Arracher la vie à quelqu’un, le Personne dont le métier est d’arracher ger ; début du XIVe s.). 1. Action de dispo-
faire mourir. 5. Fig. Obtenir, tirer avec quelque chose : Le lin ne peut semoissonner ser les choses d’une certaine manière :
peine de quelqu’un ce qu’il ne consent pas à la machine. Il faut l’arracher à la main, On procède à l’arrangement d’une pièce,
volontiers à donner : Arracher de l’argent touffe par touffe [...] ; les usiniers belges d’un local. Arrangement des mots dans une
à un avare. Arracher des applaudisse- envoient sur place, dans leurs collines de phrase. 2. Manière dont on a disposé les
ments, des confidences, des aveux. On a France, des équipes d’arracheurs flamands choses : Elle changeait l’ordre établi pour
tout juste arraché, « in extremis », avec des (Van der Meersch). Arracheur de dents, chercher des arrangements plus harmo-
protections, le grade de colonel (Romains). personne qui arrachait les dents sur les nieux (Maupassant). Spécialem. Manière
6. Par extens. Provoquer chez quelqu’un places publiques, et, péjor., mauvais den- harmonieuse de disposer quelque chose :
une réaction inhabituelle et qu’il ne laisse tiste. Fam. Mentir comme un arracheur L’arrangement d’une coiffure. 3. Mesure
échapper que par force : Arracher un cri, de dents, mentir effrontément. prise pour organiser quelque chose : Les
un juron. Malgré le froid cruel qui lui arra- arracheuse n. f. (1866, Larousse). préparatifs et les arrangements de la fête.
4. Action d’adapter une composition
chait des larmes, le petit Chose était bien machine qui arrache certaines plantes (bet-
heureux (Daudet). C’est presque toujours un teraves, pommes de terre, arachides, etc.). musicale à d’autres instruments ; le mor-
regret qui m’arrache un sourire (Colette). ceau lui-même ainsi modifié. 5. Accord
arrachis [arai] n. m. (de arracher ; XIIIe s., amiable par lequel on règle une contesta-
7. Faire sortir par force quelqu’un d’un
écrit aragis, Godefroy ; début du XVIe s., au tion, un différend d’ordre juridique, entre
lieu, et malgré sa résistance : Elle sait bien
sens de « défrichement »). 1. Action d’arra- particuliers ou entre collectivités : C’est par
qu’il lui suffirait d’une seule main pour l’ar-
cher des arbres ou des souches. 2. Lieu où un tel arrangement que ce qui fut permis à
racher de sa place et le jeter dehors (Sartre).
l’on procède à cette opération. 3. Plant l’un fut permis à tous (Alain). Un mauvais
8. Faire quitter brutalement à quelqu’un,
que l’on a arraché et dont les racines sont arrangement vaut mieux qu’un bon procès
et malgré lui, un lieu, une occupation, un
à nu. (Balzac). La jeunesse n’est pas le temps des
état dans lequel il se complaît, qui lui est
habituel : Arracher quelqu’un de son foyer, arrangements, des compromis (Mauriac).
arrachoir [arawar] n. m. (de arracher ;
de sa patrie. Arracher un roi de son trône. Spécialem. Convention amiable ména-
1863, Littré). Instrument avec lequel on
Arracher quelqu’un à son travail. Le curé geant les intérêts des parties, surtout en
arrache les plantes, les racines, les tuber-
vint arracher le gentilhomme à son rêve matière successorale ou matrimoniale : Un
cules, etc.
en lui demandant de faire le quatrième au arrangement de famille. Il y avait sur cette
arraisonnement [arznm] n. m. histoire, disait-on, des arrangements de for-
whist (Balzac). 9. Fam. Déchirer profon-
(de arraisonner ; 1866, Larousse). Action tune nécessaires pour un grand mariage
dément : Arracher un vêtement, un livre.
d’arraisonner un navire. (Hugo).
Des nuages très bas, lourdement massés,
arrachés par places, ne laissaient plus arraisonner [arzne] v. tr. (de rai- • SYN. : 1 et 2 agencement, disposition,
paraître les dernières étoiles que dans la son ; 1080, Chanson de Roland, au sens ordonnance, ordre ; 3 apprêts, préparatifs ;
profondeur de leurs déchirures (Malraux). de « s’adresser à quelqu’un » ; par extens., 4 adaptation ; 5 accommodement, accord,
• SYN. : 1 déraciner, déterrer, extirper ; 2 « chercher à persuader », sens usité jusqu’au conciliation. — CONTR. : 1 et 2 bouleverse-
ment, dérangement, désordre ; 5 brouille,
extirper, extraire ; 4 ôter, prendre, ravir, XVIe s. ; terme de marine, 1829, Boiste).
contestation, désaccord, dispute, procès,
retirer, soustraire ; 5 soutirer ; 7 chasser, 1. Class. (déjà vx au XVIIe s.) et littér.
détacher, tirer ; 8 chasser, détacher, détour- querelle.
Chercher à persuader quelqu’un en le rai-
ner de, écarter, éloigner, soustraire, tirer. sonnant : Tandis que j’arraisonnais M. le arranger [are] v. tr. (de rang ;
s’arracher v. pr. 1. Se tirer avec effort duc d’Orléans, le roi consultait et sa famille XIIe s., Geste des Loherains). [Conj. 1 et
hors de : Pesamment, Romanil s’arracha du et son conseil (Saint-Simon) ; et pronomi- 5.] 1. Disposer dans un certain ordre
fauteuil (Duhamel). 2. S’éloigner à regret nalem. : Je me suis moqué de moi, je me (vieilli) : Arranger des livres, des papiers.
ou avec difficulté de : Complètement transi, suis arraisonné, tout a été vain (Balzac). 2. Remettre en bon ordre, en place :
je me suis arraché d’avec eux, rentrant au 2. Arrêter un navire pour en connaître Nicole, assise devant le miroir, arrangeait sa
pas de course ; puis, un peu réchauffé, suis le chargement, en vérifier l’état sanitaire, coiffure, avec l’unique souci de plaire à son

243
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

fiancé (Martin du Gard). Elle s’arrête, elle concilier ; 10 agréer, convenir, satisfaire. instruments pour lesquels elles n’étaient
arrange son fichu (Sartre). 3. Par extens. — CONTR. : 1 et 2 bouleverser, déplacer, pas primitivement prévues.
Disposer quelque chose en vue d’une cer- déranger ; 7 casser, dérégler ; 9 brouiller,
arrérager [arerae] v. intr. ou s’arréra-
taine destination : Arranger une man- compliquer, désorganiser, mêler, troubler.
ger [sarerae] v. pr. (de arrérages ; XIIIe s.).
sarde en chambre à coucher. Spécialem. s’arranger v. pr. 1. Être disposé, se
[Conj. 1.] Être en retard, prendre du retard
Adapter pour d’autres instruments une mettre dans un certain ordre, en bon
pour payer ce qu’on doit.
composition musicale conçue pour cer- ordre, et, par extens., dans un ordre qui
tains instruments. 4. Disposer d’une convient à quelque chose, à une certaine arrérages [arera] n. m. pl. (forme altérée
façon harmonieuse, seyante : Ce parvenu, fin : Chacun [des spectateurs] s’arrangea, se de arriérages, de arrière ; 1267, Cartulaire
qui ne seprenait pas au sérieux, habitait un porta, se haussa (Hugo). Cet appartement de Saint-Pierre de Lille, écrit arriérages
appartement luxueux, arrangé par les soins peut facilement s’arranger en local commer- [orthogr. dominante jusqu’au XVIe s., encore
de son décorateur (Balzac). Il arrangeait de cial. 2. Vx. Se mettre dans une position usitée au XVIIe s.] ; arrérages, fin du XIVe s.).
si beaux bouquets (Daudet). Elle continuait plus confortable, ou dans une attitude 1. Vx. Partie d’une redevance due pour une
tranquillement d’arranger sesfleurs (Gide). plus convenable pour faire quelque chose : période passée, un terme échu. 2. Partie
Une femme mal arrangée, mal habillée : S’arranger dans un fauteuil pour dormir. d’une rente, d’une pension versée à chaque
Une femme grande, sèche [...], provinciale 3. Fam. Remettre dans un ordre conve- échéance.
dans son parler, mal arrangée surtout ! nable ou harmonieux sa toilette, sa coif- • REM. Ne pas confondre arrérages avec
(Balzac). 5. Fig. Adapter en modifiant, fure, son maquillage : Elle est en train de arriéré, n. m., qui désigne une somme
en retouchant ou même en déformant s’arranger. 4. Par extens. et fam. Prendre dont le paiement n’a pas été effectué à la
(souvent ironiq.) : Arranger les choses à sa des formes plus harmonieuses, un visage date prévue.
façon, à son avantage. Une histoire qu’elle plus séduisant : Cette jeune fille s’est bien
avait d’abord arrangée tout autrement dans arrestation [arstasj] n. f. (réfection
arrangée. 5. Être remis en état : Cette
son imagination (Mérimée). 6. Fam. de l’anc. franç. arestaison, dér. de arrêter
montre peut s’arranger. 6. Fig. S’arranger
Accommoder un mets : Arranger un canard d’après le lat. restare et les mots en -ation ;
pour,prendre des dispositions en vue de
aux petits pois. 7. Remettre en bon état, 1370, Godefroy). 1. Action de se saisir
quelque chose : Mais, le lendemain, je me
en état de marche un appareil mécanique : de quelqu’un pour le remettre aux auto-
mis à parler de philosophie, sur le ton le
Arranger une montre, un moteur. Notre rités judiciaires ou pour l’emprisonner :
plus indifférent, en m’arrangeant cependant
maître n’a pas son pareil pour bricoler et Procéder à l’arrestation d’un malfaiteur.
pour que ma grand-mère fît attention à mes
arranger les choses (Supervielle). 8. Fig. Une arrestation arbitraire. Le mandat
paroles (Proust). Eh bien ! mon enfant, j’ai
Prendre les dispositions nécessaires pour d’arrestation [de Jésus] émanait du grand
pensé que ma présence à moi pourrait
organiser quelque chose : Arranger un prêtre et du sanhédrin (Renan). 2. État
faciliter les choses et je me suis arrangée
projet dans sa tête. Arranger une partie d’une personne arrêtée : Mettre, être mis
de manière à être libre une partie de l’été
de chasse. Nous arrangerons si bien notre en état d’arrestation.
(Gide). Michaël s’arrangea pour prendre à
vie que vous n’aurez qu’à vous laisser por- • SYN. : 2 détention, emprisonnement,
sa charge les moindres dépenses de la rue
ter (Rolland). 9. Régler par un accord incarcération.
Montmartre (Cocteau). Absol. Agir de
amiable une contestation, un différend qui
façon à se tirer d’affaire : Qu’importent à arrêt [ar] n. m. (déverbal de arrêter ;
surgit ; aplanir les difficultés : Ses amis de Thérèse tous les êtres ? Qu’ils s’arrangent 1175, Chr. de Troyes, écrit arest).
Rome arrangeraient l’affaire (Stendhal).
seuls ! (Mauriac). Arrangez-vous, agis-
Coopenole, de sa place, ordonnait tout, I. 1. Action d’arrêter ou de s’arrêter, d’in-
sez comme vous l’entendez. 7. Se mettre
dirigeait tout, arrangeait tout (Hugo). terrompre un mouvement ; état d’une
d’accord, régler à l’amiable un différend :
10. Arranger quelqu’un, lui procurer chose qui a été ou s’est immobilisée : Il ne
Il est plus sage de s’arranger que d’intenter
commodité ou agrément : Cela m’arrange faut pas descendre avant l’arrêt de la voi-
un procès. 8. Par extens. En parlant des
beaucoup ; lui procurer des facilités : Le ture. Véhicule à l’arrêt, véhicule immo-
choses, prendre une tournure favorable,
commerçant arrange ses clients en fai- bile, en stationnement. Coup d’arrêt, en
bien se terminer : C’est fâcheux que les
sant un rabais ou en accordant du crédit. escrime, coup pris sur une marche avec
choses ne se soient pas mieux arrangées
11. Fam. et ironiq. Arranger quelqu’un, opposition, et, au fig., action par laquelle
(Romains). 9. S’arranger de quelque
le mettre dans un piètre état : La pluie vous on met fin à une activité quelconque : La
chose, se contenter de quelque chose en
a bien arrangé ! ; le traiter cavalièrement, bataille de Stalingrad a été le coup d’arrêt
faisant volontairement abstraction des
sévèrement, ou dire du mal de lui : Et, abor- de la progression allemande à l’est. Ar-
inconvénients, en prendre son parti :
dant franchement la question avec lui, je rêt de volée, au rugby, réception du ballon
Certaines personnes s’arrangent aisément
lui ai dit : « Eh bien, vous voyez comme avant qu’il touche le sol. Chien d’arrêt,
des incommodités qu’on éprouve à vivre
nos journaux vous arrangent ! Vous êtes chien dressé à tomber en arrêt quand il
parmi les grands (France).
Autrichien, vous détestez la France, vous sent le gibier : Il allait lentement et plutôt
• SYN. : 1 s’agencer, s’aménager, s’installer,
voulez lui jouer de mauvais tours : que dois- en homme qui se promène, escorté de deux
s’ordonner, s’organiser, seplacer ; 3 s’apprê-
je croire de tout cela ? » (Chateaubriand). grands chiens d’arrêt, un épagneul à poil
ter ; 4 embellir ; 5 se réparer ; 7 s’accorder,
Par extens. et fam. Dans une transac- fauve, un braque à robe noire (Fromen-
s’entendre ; 9 s’accommoder, se contenter,
tion quelconque, tromper quelqu’un sur la tin). Tomber en arrêt, en parlant d’un
se satisfaire. — CONTR. : 1 se déplacer, se
qualité de la marchandise ou sur le prix, chien de chasse, s’immobiliser quand il
déranger, se désorganiser ; 4 enlaidir ; 7 se
le voler. Pop. Transmettre une maladie sent le gibier. Fig. Être, rester, tomber
brouiller, se disputer, se quereller.
contagieuse, contaminer. Vx et pop. en arrêt, demeurer immobile ou s’arrêter
Donner des coups : Si ton père apprenait arrangeur [aroer] n. m. (de arran- brusquement devant quelque chose, sous
que tu voles, il t’arrangerait (Zola). ger ; fin du XVIe s., Tallemant des Réaux). l’effet de la surprise ou de l’admiration.
• SYN. : 1 agencer, aménager, ordonner, 1. Celui qui arrange quelque chose : Il fal- 2. Par extens. Cessation, suspension
organiser, ranger ; 2 ordonner ; 3 accom- lait que l’écrivain désigné pour cette besogne d’une activité : L’arrêt des hostilités. Le
moder, agencer, aménager, transformer ;4 fût un arrangeur habile (Huysmans). Un médecin ordonna un arrêt total de l’effort
agencer, apprêter, installer ; 5 accommoder, poète n’est pas seulement un arrangeur de intellectuel (Montherlant). Spécialem.
combiner ; 6 cuisiner, préparer ; 7 réparer ; 8 mots. 2. Spécialem. Celui qui se charge Arrêt de travail, interruption du travail
combiner, préparer, régler ; 9 accommoder, d’adapter des compositions musicales à des pour diverses raisons : congé, maladie,

244
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

grève. Temps d’arrêt, courte période écrit aresté et au sens de « fin de compte »). à son service ; retenir pour son propre
pendant laquelle un mouvement, une 1. Décision écrite d’une autorité adminis- usage quelque chose qui est disponible :
opération sont suspendus : L’exode des trative, prise très souvent en application J’ai arrêté encore un maître de philosophie
campagnards vers les villes a connu un d’une loi : Arrêté ministériel, préfectoral, (Molière). Nous avions fait arrêter un
temps d’arrêt. Marquer un temps d’ar- municipal. 2. Sentence de certains tri- appartement, faubourg Saint-Germain,
rêt, interrompre un moment son travail bunaux : Arrêté du tribunal des conflits. cul-de-sac Férou, petit hôtel de Villette
pour se reposer. Sans arrêt, continuel- 3. État d’un compte qui est en cours de (Chateaubriand). 10. Fixer, mainte-
lement, sans interruption : Le malade liquidation : Un arrêté de compte. nir en place quelque chose de mobile :
délirait sans arrêt (Camus). 3. Lieu où Le pêne énorme de la vieille serrure était
2. arrêté, e [arete] adj. (part. passé de
un véhicule de transport en commun solidement arrêté dans le granit (Feuil-
arrêter). 1. Se dit de ce qui a été convenu :
s’arrête régulièrement : Un arrêt d’auto- let). Arrêter une couture, un point, des
C’est une affaire arrêtée entre nous. 2. Se
bus. Un arrêt facultatif. Vx. Arrêt-buf- mailles, nouer le fil de manière à empê-
dit de ce qui est définitif et ne peut plus être
fet, arrêt dans une station de chemin de cher les points ou les mailles de se défaire.
modifié : Il sortit avec l’idée bien arrêtée de
fer où l’on peut se restaurer. 4. Pièce, 11. Tenir fixé (au pr. et au fig.) : Arrêter
n’y pas rentrer le soir (Courteline).
objet qui arrête quelque chose dans son ses regards sur quelqu’un. Je le savais et
• SYN.: 1 entendu, fixé ; 2 ferme, immuable,
mouvement : L’arrêt d’un fusil, d’une n’y arrêtai guère ma pensée (Mauriac).
serrure. Le cran d’arrêt. Spécialem. inébranlable, irrévocable. — CONTR.: 2 flot-
12. Fixer définitivement et dans les
Points d’arrêt, ensemble de points qui tant, flou, incertain, indéterminé, vague.
détails, après réflexion : Les conjurés [...]
finissent une couture et l’empêchent de arrête-boeuf [artboef] n. m. invar. (de avaient arrêté leur plan après une mûre
se défaire. 5. Class. Action de se saisir arrête, forme verbale de arrêter, et de boeuf ; délibération (Mérimée). 13. Arrêter un
de quelqu’un pour l’emprisonner : L’arrêt 1542, Du Pinet). Nom donné à la bugrane, compte, un bilan, etc., le clore : Le terrain
de Siroès (Rotrou). 6. Mandat d’arrêt, dont la racine arrête la charrue. acquis, et les devis arrêtés, on emprunte-
ordre d’arrêter et d’incarcérer quelqu’un, rait au Sous-Comptoir des entrepreneurs
arrêter [arete] v. tr. (lat. pop. *arrestare,
lancé par le juge d’instruction. Maison les quelques centaines de mille francs dont
[s’]arrêter, du lat. class. restare, rester ;
d’arrêt, endroit dans lequel sont empri- on aurait encore besoin (Romains).
XIIe s., écrit arester ; souvent intr. jusqu’au
sonnées les personnes mises en état d’ar-
XVIIe s.). II. 1. Class. Arrêter que (et l’indicatif) ou
restation. 7. Faire, mettre arrêt sur le
de (et l’infinitif), décider que / de, après
traitement, les appointements d’une per- I. 1. Empêcher un être d’avancer, d’aller
réflexion ou délibération (souvent en
sonne, empêcher le paiement d’une par- plus loin ; interrompre le mouvement de
construction impersonnelle) : Et comme
tie de son traitement à l’intéressé pour la quelque chose : Arrêter un pàssant pour
reverser à des créanciers. Saisie-arrêt, si du sort il était arrêté | Que nul homme
lui demander un renseignement. Le doc-
ici-bas n’en serait exempté (Molière).
v. à son ordre alphab. teur Rieux, arrêtant sa voiture devant
2. Spécialem. Prendre un arrêté : Le
son immeuble, aperçut [...] le concierge
II. 1. Décision d’une cour souveraine en maire arrête ce qui suit...
(Camus). 2. Suspendre, interrompre le
vue de mettre fin à une contestation : • SYN. : I, 1 aborder, accoster, accrocher
cours, l’évolution de quelque chose : Ce
Arrêt de la Cour des comptes, de la Cour
n’est pas l’homme qui arrête le temps, c’est (fam.), immobiliser, retenir, stopper ; 2 et 4
de cassation. Prononcer, rendre un arrêt. interrompre, retenir, suspendre, stopper ; 5
le temps qui arrête l’homme. Au surplus,
L’arrêt d’un juge, la sentence qu’il pro-
peu importe le rôle que nous avons joué entraver, interrompre, paralyser, rebuter ; 6
nonce : La justice sans conscience de cadis
dans la vie (Chateaubriand). Les musi- appréhender, capturer, emprisonner, incar-
à grosses lunettes [...] qui vendent leurs ar- cérer ; 7 intercepter ; 10 assujettir, bloquer,
rêts comme Ésaü son droit d’aînesse (Dau- ciens allemands [...] prétendent arrêter
l’évolution du monde à la barrière de retenir ; 11 attacher. — CONTR. : I, 2 accélé-
det). Arrêt de mort, décision d’un tri- rer, activer ; 3 mettre en marche ; 4 accélérer,
bunal condamnant quelqu’un à la peine leurs victoires passées (Rolland). Arrêter
le vieillissement, la dégénérescence des activer, développer, pousser, reprendre ; 5
capitale, et, au fig., attitude qui risque actionner, activer, animer, stimuler ; 6 élar-
de provoquer la mort ou la ruine de tissus. 3. Interrompre la marche, le
fonctionnement de : Arrêter un moteur, gir, libérer, relâcher, relaxer.
quelqu’un : Ce silence est l’arrêt de mort
une pendule. 4. Fig. Interrompre une v. intr. 1. Class. Rester à l’endroit où
de Jules Branciforte (Stendhal). Fig. Les
action, une activité : Je n’ai pas proposé l’on est, s’attarder : Jene puis arrêter qu’un
arrêts du destin, les événements que nous
d’arrêter net les constructions neuves de temps très court (La Fontaine). 2. Cesser
ne pouvons empêcher. 2. Par extens.
cuirassés (Jaurès). Spécialem. Arrêter d’avancer : Demander au chauffeur d’arrê-
Décision d’une autorité administrative :
le travail, suspendre volontairement le ter ; usité surtout à l’impératif : Arrêtez, je
La fermeture s’était faite quelques heures
travail lors d’un mouvement de grève. descends. Spécialem. Se dit d’un chien de
avant que l’arrêt préfectoral fût publié
5. Empêcher quelqu’un d’agir, de pour- chasse qui s’immobilise dès qu’il sent ou
(Camus). 3. Par anal. Avis péremp-
suivre une action entreprise : Il marche aperçoit le gibier : Un chien qui arrête bien.
toire, opinion formulée de façon catégo-
à la conquête du monde, rien ne l’arrê- 3. Cesser de faire quelque chose, d’agir,
rique : Prononcer des arrêts définitifs sur
tera (Duhamel). Spécialem. Empê- de parler : Ne criez pas ainsi, arrêtez ! Il
toutes choses (Saint-Évremond).
cher quelqu’un de parler, de continuer travaille sans cesse, il n’arrête pas.
• SYN.: I, 1 halte ; 2 fin, interruption, pause ;
son discours : Arrêter un orateur par un s’arrêter v. pr. 1. Cesser d’avancer, ne
3 halte, station. II, 1 sentence ; 2 arrêté,
tumulte de protestations. 6. Se saisir pas aller plus loin : Dix heures sonnaient à
décret. — CONTR. : 1 marche, mouvement ;
de quelqu’un et le retenir prisonnier : Je l’horloge du château : mon père s’arrêtait ; le
2 continuation, cours, évolution, reprise.
vous préviens que si vous ne signez pas, je même ressort, qui avait soulevé le marteau
arrêts n. m. pl. Punition infligée à un
fais arrêter immédiatement cette femme de l’horloge, semblait avoir suspendu ses
officier ou à un sous-officier, et par laquelle
(Daudet). 7. Se saisir de quelque chose, pas (Chateaubriand). La victoria louée à
on l’astreint à rester, en dehors du service,
l’empêcher de parvenir à sa destination : Langon s’arrêta devant le jardin du pres-
dans un endroit déterminé : Arrêts simples.
On arrête ses lettres, je ne peux rien savoir bytère (Mauriac). S’arrêter en chemin,
Arrêts de rigueur. Arrêts de forteresse.
(Mauriac). 8. Class. Retenir quelqu’un s’arrêter avant d’être parvenu au terme de
Être aux arrêts, être puni des arrêts.
en un lieu : Depuis trois ans dans Rome, son voyage, et, au fig., cesser d’agir avant
1. arrêté [arete] n. m. (part. passé de arrê- elle [la Reine] arrête vos pas (Racine). d’avoir atteint son but. 2. Faire une halte
ter ; 1414, Coyecque, Hôtel-Dieu de Paris, 9. Class. et littér. Engager quelqu’un pour séjourner : Comme dans l’auberge où

245
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

nous nous sommes arrêtés il n’y avait pas d’une personne dont l’âge mental est infé- qu’un arrière inhabitable (Romains).
assez de lits pour nous tous, il a été décidé rieur à l’âge physique. 3. Dans certains sports d’équipe, joueur
que je dormirais dans le même lit que ma qui est placé derrière les autres, et dont le
1. arrière [arjr] adv. (du lat. pop. *adre-
bonne (Baudelaire). 3. Ne pas aller au- rôle est essentiellement défensif.
tro, en arrière, forme renforcée de retro ;
delà d’un point, finir à un endroit : On se • CONTR. : 1 l’avant, le devant.
1080, Chanson de Roland). Du côté opposé
souvient que l’hôtel contenait une galerie
à celui vers lequel on marche : Avoir le vent arrières n. m. pl. Zone située derrière
[...]. Une banquette de moquette traver-
arrière. la ligne de front et par laquelle une armée
sait son linoléum sur la droite et s’arrêtait
interj. S’emploie pour enjoindre à assure son ravitaillement et ses commu-
au mur (Cocteau). 4. Interrompre son
quelqu’un de s’éloigner, et, au fig., pour nications : Protéger ses arrières. Attaquer
cours, son évolution (au pr. et au fig.) :
repousser quelque chose, une idée, une l’ennemi sur ses arrières.
L’hémorragie s’est arrêtée. Le progrès s’ar-
supposition, etc. : Arrière ces éloges,
rête. Le temps ne s’arrête jamais. 5. Par arriéré, e [arjere] adj. (part. passé de
lâches, menteurs, criminels, qui faussent
anal. Cesser de fonctionner : La pendule, le arriérer ; au sens financier, milieu du
la conscience publique, qui débauchent la
travail, l’usine s’arrête. 6. S’interrompre XVIIIe s.). 1. Vx. Se dit d’une personne
jeunesse, qui découragent les gens de bien,
dans une action ; cesser d’agir, de parler :
qui sont un outrage à la vertu et le crache- en retard dans ses paiements : Fermier
Il travaille quelques heures, puis s’arrête.
ment du soldat romain au visage du Christ ! arriéré d’un terme (Littré). 2. Se dit
Il semblait vouloir en dire davantage ; puis
(Chateaubriand). Arrière ces superstitions, d’une somme demeurée impayée : M. de
s’arrêtait (Rodenbach). S’arrêter court,
ces anciens corps, ces ménages et ces âges Montriveau fut rétabli sur les cadres, dans
s’arrêter brusquement de parler, ne plus
(Rimbaud). Arrière les plaisirs faciles ! son grade, reçut sa solde arriérée et fut
savoir que dire. 7. Se tenir fixé sur : Dès
adj. invar. 1. Qui est situé dans la par- admis dans la garde royale (Balzac). Des
que notre regard s’arrête à elle, chaque
créature nous détourne de Dieu (Gide). tie postérieure : Les roues, les feux arrière intérêts arriérés. 3. Qui est en retard sur
8. Fixer son attention sur, s’appesantir d’un véhicule. 2. Marche arrière, dans un son époque ; qui appartient à une époque
sur : Ces deux ouvrages dont j’avais déjà véhicule automobile, la vitesse qui permet révolue : Des idées arriérées. Un homme
feuilleté le premier à Couaën, mais sans de reculer. d’un certain âge [...], vêtu d’un habit noir
m’y arrêter (Sainte-Beuve). Il ne faut pas En arrière loc. adv. 1. En effectuant un d’une coupe un peu arriérée (Nerval).
s’arrêter aux apparences. 9. Fig. Se déci- mouvement dans le sens opposé à celui • SYN. : 2 échu, impayé ; 3 anachronique,
der d’une manière définitive : La décision vers lequel on regarde ou l’on se dirige : antique, démodé, désuet, périmé, suranné,
à laquelle elles s’arrêtèrent d’un commun Faire un pas en arrière. Se renverser en vieillot, vieux. — CONTR. : 2 anticipé ; 3
accord (Mauriac). arrière. Regarder en arrière, regarder jeune, à la mode, moderne, à la page (fam.).
• SYN.: 1 faire halte, stopper ; 2 demeurer, vers les lieux où l’on vient de passer, et, au
adj. et n. Se dit d’une personne dont le
descendre, rester ; 3 seterminer ; 4 cesser ; 8 fig., faire un retour sur le passé. Faire
développement mental est insuffisant,
s’attarder à, insister sur. — CONTR.: 1 aller, marche arrière ou machine arrière, ellipse
compte tenu de l’âge : Un enfant retardé
avancer, hâter le pas, marcher ; 2 continuer, de faire marche (ou machine) en arrière,
n’est heureusement pas un enfant arriéré ;
faire route, passer ; 3 continuer ; 4 s’accélé- faire reculer un véhicule ou, par extens., lui
faire faire demi-tour ; au fig., reculer avant et substantiv. : Un établissement où l’on
rer, continuer, évoluer, se poursuivre ; 5 et 6
d’avoir atteint le but, revenir sur ce qu’on s’occupe spécialement des arriérés. Un
continuer, se poursuivre, suivre son cours,
a déjà dit : Pendant quelques secondes, il pays arriéré, qui n’a pas été touché, ou fort
reprendre ; 7 effleurer, glisser sur ; 8 feuil-
imagina le Kaiser et le chancelier [...] pla- peu, par la civilisation, le progrès.
leter, glisser sur, parcourir.
cés devant ce dilemme : ou bien procéder arriéré n. m. (au sens 1, 1800, Boiste).
arrêtiste [aretist] n. (de arrêt ; 1762,
à l’arrestation de tous les chefs socialistes 1. Somme qui n’a pas été payée à la date
Acad.). Juriste qui publie avec des com-
[...] ou bien capituler devant la menace des convenue : Il n’était question que de traites
mentaires un recueil d’arrêts des cours
socialistes et faire hâtivement machine en à payer [...], d’ « arriéré » (Goncourt).
de justice.
arrière (Martin du Gard). 2. À une cer- 2. Par extens. Retard dans un domaine
arrêtoir [aretwar] n. m. (de arrêter ; taine distance derrière : Rester en arrière. quelconque : Avoir beaucoup d’arriéré dans
milieu du XIXe s.). 1. Nom donné à tout 3. Vx. En retard : Je le laisse s’accumuler sa correspondance.
dispositif d’un mécanisme qui arrête le [le travail] et je suis en arrière de beaucoup
mouvement d’une pièce. 2. Dans une (Stendhal). arrière-ban [arjrb] n. m. (altér., par
rue, petite digue qui arrête le cours d’un En arrière de loc. prép. 1. Derrière étymologie populaire, de l’anc. franç.
ruisseau. quelqu’un ou quelque chose : Se tenir en arban, herban, du francique* hariban,
arrière des autres. 2. Par extens. et vx. allem. moderne Heerbann, proprem.
arrher [are] v. tr. (de arrhes ; 1576, P. de
En l’absence de : Jean Valjean, brusque et « appel pour le service de l’armée » ; XIIe s., J.
Brach, Poèmes). Class. (déjà vx au XVIIe s.).
bougon, payait, en arrière de la mère, la Bodel). 1. Levée de troupes qu’ordonnait le
Acheter en versant des arrhes : Tandis que
pinte de lait à Marie-Claude (Hugo). souverain, et qui concernait tous les com-
mes marbres qu’il a arrhés pour cela sont
battants non compris dans le ban. 2. Par
encore à vendre (Chapelain). 2. arrière [arjr] n. m. (même étym.
extens. Le ban et l’arrière-ban, tous ceux
qu’à l’art. précéd.). 1. Partie postérieure
arrhes [ar] n. f. pl. (du lat. jurid. arrha, dont on attend appui ou secours ; la totalité
d’un véhicule : L’arrière d’un navire, d’une
gage, réduction de arrhabo, gr. arrhabôn, des personnes constituant un groupe, un
auto. À l’arrière, dans ou sur cette partie
d’origine sémitique ; XIIe s., écrit erres ;
postérieure : Les hommes se hissèrent sur ensemble : Il a réuni le ban et l’arrière-ban
la réfection orthogr., faite au début du
la voiture, debout, serrés, assis sur le capot, de ses relations (Acad.).
XVIe s., n’a triomphé qu’au XVIIIe s.). Somme
collés aux marchepieds, accrochés à l’arrière • Pl. des ARRIÈRE-BANS.
d’argent qu’on verse lors de la conclusion
(Malraux). 2. En temps de guerre, par
d’un marché, pour en garantir l’exécution : arrière-bec [arjrbk] n. m. (de arrière
opposition au front, zone qui se trouve en
Donner, recevoir des arrhes. et de bec ; XVIIIe s., Buffon). Dans un pont,
dehors des opérations militaires : Ne fût-ce
• SYN.: acompte. éperon d’une pile situé du côté de l’aval.
que pour cacher à ceux de l’arrière les choses
arriération [arjerasj] n. f. (de arriéré, effroyables qui se passent au front ! (Martin • Pl. des ARRIÈRE-BECS.

1917, Larousse). Arriération mentale, état du Gard). Verdun [...] n’avait encore été • CONTR. : avant-bec.

246
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

arrière-bouche [arjrbu] n. f. (de un tableau, un paysage, fond, arrière- • Pl. des ARRIÈRE-GRANDS-PÈRES.

arrière et de bouche ; 1820, Laveaux). Partie plan qu’on a du mal à distinguer : Des • SYN.: bisaïeul.
postérieure de la bouche. lueurs, par instants, couraient à travers
arrière -grands-parents [arjrgr-
• Pl. des ARRIÈRE-BOUCHES. les ténèbres rousses de ces arrière-fonds
par] n. m. pl. (de arrière et de grands-
entrevus (Goncourt). 2. Fig. La partie la
arrière-boutique [arjrbutik] n. f. (de parents ; milieu du XXe s.). Le père et la
plus profonde, la plus secrète d’une per-
arrière et de boutique ; début du XVIe s.). mère du grand-père ou de la grand-mère.
sonne ou d’une chose : Il conserve [...] une
Pièce située immédiatement derrière une
bonne humeur stable, qui ne trompe pas arrière-grand-tante [arjrgrtt] n.
boutique et servant généralement d’entre-
sur l’arrière-fond d’un homme (Romains). f. (de arrière et de grand-tante ; début du
pôt : Derrière ces étalages, il y a des arrière-
Un amour qui venait des arrière-fonds de XIXe s.). Soeur de l’arrière-grand-père ou
boutiques auxquelles on monte par deux ou
sa nature animale (Barrès). L’arrière-fond de l’arrière-grand-mère.
trois degrés (Gautier). Les arrière-boutiques
de la mémoire. • Pl. des ARRIÈRE-GRAND-TANTES.
si chères à son coeur, les pièces noires de
• Pl. des ARRIÈRE-FONDS.
crasse et de manque d’air où l’on passe vite, arrière-main [arjrm] n. m. (de arrière
dans les entr’actes de la vie de commerce,
• SYN.: 2 tréfonds. et de main ; 1564, J. Thierry ; au sens 2,
pour manger à la hâte un repas mal fait sur arrière-garde [arjrgard] n. f. (de milieu du XVIIIe s.). Au jeu de paume, coup
une table sans nappe, l’oreille au guet tout le arrière et de garde ; 1080, Chanson de donné du revers de la main.
temps vers la sonnette de la porte (Daudet). Roland, écrit rere-guarde ; XIIe s., Garin n. f. (1751, Encyclopédie). Partie posté-
• Pl. des ARRIÈRE-BOUTIQUES. le Loherain). 1. Groupe de soldats qu’une rieure des animaux de selle, qui se trouve
armée en mouvement détache de ses arri- en dehors de l’action de la main du cavalier.
arrière-choeur [arjrkoer] n. m. (de
ères pour couvrir sa marche en empêchant • Pl. des ARRIÈRE-MAINS.
arrière et de choeur ; 1708, Furetière). Dans
les attaques par surprise : L’arrière-garde • CONTR. : avant-main.
une église, partie du choeur qui se trouve
protège la retraite. 2. Fig. D’arrière-garde,
derrière le maître-autel. arrière-neveu [arjrnvø] n. m. (de
se dit de ce qui arrive après coup, alors que
• Pl. des ARRIÈRE-CHOEURS. arrière et de neveu ; XIVe s., R. de Presles,
la partie est déjà jouée : Combat d’arrière-
arrière-corps [arjrkr] n. m. invar. (de garde. Cette pensée d’arrière-garde lui don- Cité de Dieu). Par rapport à l’oncle ou à la
arrière et de corps ; 1690, Furetière). Dans nait du courage (Daudet). tante, le fils du neveu ou de la nièce.
un bâtiment, partie qui est en retrait par • Pl. des ARRIÈRE-GARDES.
arrière-neveux n. m. pl. Les descen-
rapport à l’aplomb ou à l’alignement de •
dants, la postérité : Mes arrière-neveux me
CONTR. : avant-garde.
la façade. devront cet ombrage (La Fontaine).
• CONTR. : avant-corps. arrière-gorge [arjrgr] n. f. (de arrière
arrière-nièce [arjrnjs] n. f. (de arrière
et de gorge ; 1866, Larousse). Partie posté-
arrière-cour [arjrkur] n. f. (de arrière et de nièce ; 1609, Ritter). Par rapport à
rieure de la gorge, située derrière les amyg-
et de cour ; 1586, Delboulle). Cour ménagée l’oncle ou à la tante, la fille du neveu ou
dales et le bord mobile du voile du palais.
dans le corps ou sur l’arrière d’un bâtiment, de la nièce.
• Pl. des ARRIÈRE-GORGES.
et qui sert de dégagement : Elle ressem- • Pl. des ARRIÈRE-NIÈCES.

blait au jeu qu’un enfant de pauvres installe arrière-goût [arjrgu] n. m. (de arrière
arrière-pays [arjrpei] n. m. invar. (de
dans l’arrière-cour puante d’une caserne de et de goût ; milieu du XVIIIe s.). 1. Goût qui
arrière et de pays ; 1949, Larousse). Région
pauvres (Romains). revient dans la bouche après l’absorption
située derrière les côtes, derrière un port,
• Pl. des ARRIÈRE-COURS. de certains mets, et qui, souvent, diffère de
une ville littorale : Un port est rarement
celui qu’on avait d’abord senti : Les nour-
• CONTR. : avant-cour. prospère quand son arrière-pays n’est pas
ritures les plus élémentaires ont comme
riche.
arrière-cousin, e [arjrkuz, -in] n. (de un arrière-goût de déchets industriels
arrière et de cousin ; 1752, Voltaire). Cousin (Duhamel) ; et au fig. : Je bégayais, songeur arrière-pensée [arjrpse] n. f. (de
à un degré éloigné. naïf, mes premiers vers, | Marquis, vous arrière et de pensée ; une première fois en
• Pl. des ARRIÈRE-COUSINS, des ARRIÈRE- leur trouviez un arrière-goût fauve (Hugo). 1587, La Noue ; 1798, Acad.). Pensée ou
COUSINES. 2. Fig. Sentiment qui subsiste longtemps intention que l’on ne manifeste pas, et qui
après l’événement qui lui a donné nais- est le mobile véritable d’un acte : Michèle,
arrière-faix [arjrf] n. m. invar. (de
sance : Un arrière-goût de déception. bien loin d’être touchée par l’intérêt que lui
arrière et de faix ; 1539, R. Estienne). Ce témoignait notre belle-mère, lui attribuait
qui reste dans l’utérus après l’expulsion
• Pl. des ARRIÈRE-GOÛTS.
des arrière-pensées malveillantes (Mauriac).
du foetus : L’arrière-faix est constitué par • SYN.: 2 réminiscence. — CONTR.: 1 avant-
Aucune arrière-pensée n’altérait apparem-
le placenta et les membranes. (On dit aussi goût.
ment l’impartialité de ses avis (Romains).
DÉLIVRE.) arrière-grand-mère [arjrgrmr] Sans arrière-pensée, avec franchise, avec
arrière-fief [arjrfjf] n. m. (de arrière n. f. (de arrière et de grand-mère ; 1787, spontanéité.
et de fief ; XIIIe s., Beaumanoir). Fief appar- Féraud). Mère du grand-père ou de la • Pl. des ARRIÈRE-PENSÉES.
tenant à un arrière-vassal. grand-mère. • SYN.: calcul, combinaison, dessein, plan,
• Pl. des ARRIÈRE-FIEFS. • Pl. des ARRIÈRE-GRAND-MÈRES. réserve, réticence, sous-entendu.
• SYN.: bisaïeule.
arrière-fleur [arjrfloer] n. f. (de arrière arrière-petit-cousin [arjrptikuz]
et de fleur ; XVIIIe s., Rozier). 1. Fleur qui arrière -grand- oncle [arjrgrtkl] n. m., et arrière-petite-cousine
apparaît après la floraison normale. n. m. (de arrière et de grand-oncle ; 1866, [arjrptitkuzin] n. f. (de arrière et de
2. Sur une peau chamoisée effleurée Larousse). Frère de l’arrière-grand-père ou petit[e]-cousin[e] ; 1866, Larousse). Fils, fille
par refendage, résidu de la fleur, ou partie de l’arrière-grand-mère. d’un petit-cousin ou d’une petite-cousine.
superficielle. • Pl. des ARRIÈRE-GRANDS-ONCLES. • Pl. des ARRIÈRE-PETITS-COUSINS, des
• Pl. des ARRIÈRE-FLEURS. ARRIÈRE-PETITES-COUSINES.
arrière-grand-père [arjrgrpr] n. m.
arrière-fond [arjrf] n. m. (de arrière (de arrière et de grand-père ; 1787, Féraud). arrière -petite-f ille [arjrptitfij]
et de fond ; milieu du XIXe s.). 1. Dans Père du grand-père ou de la grand-mère. n. f. (de arrière et de petite-fille ; 1683,

247
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Fontenelle). Par rapport au bisaïeul ou arrière-saison [arjrsz] n. f. (de de transport ; manière dont les marchan-
à la bisaïeule, fille du petit-fils ou de la arrière et de saison ; fin du XVe s., O. de la dises ont été arrimées : L’arrimage du
petite-fille. Marche). 1. La dernière partie de l’année ; chargement dans la cale fut promptement
• Pl. des ARRIÈRE-PETITES-FILLES. la fin de l’automne et le début de l’hiver : exécuté (Hugo). Bois d’arrimage, pièce de
Leur senteur un peu âcre et balsamique, un bois qu’on utilise pour caler les marchan-
arrière-petit-fils [arjrptifis] n. m. (de peu triste aussi, de grandes fleurs nobles dises au cours des opérations d’arrimage.
arrière et de petit-fils ; 1559, Amyot). Par d’arrière-saison (Maupassant). 2. La fin • SYN. : assujettissement, fixation.
rapport au bisaïeul ou à la bisaïeule, fils d’une saison agricole ; les mois qui précè- — CONTR. : désarrimage.
du petit-fils ou de la petite-fille. dent une nouvelle récolte : Le maïs se vend
arrimer [arime] v. tr. (du moyen angl.
• Pl. des ARRIÈRE-PETITS-FILS. mieux à l’arrière-saison. Des fruits d’ar-
rimen, arranger, débarrasser, du germ.
rière-saison, des fruits tardifs. 3. Littér.
arrière-petit-neveu [arjrptinvø] rum, espace ; 1398, Ordonnance royale).
La période qui précède immédiatement
n. m. (de arrière et de petit-neveu ; 1751, 1. Disposer méthodiquement le charge-
la vieillesse : Les grâces séduisantes de la
Encyclopédie), et arrière-petite-nièce ment d’un navire ou d’un autre moyen de
jeunesse deviennent des minauderies dans
[arjrptitnjs] n. f. (de arrière et de petite- transport, en fixant solidement les divers
l’arrière-saison (Mme de Puisieux).
nièce ; 1866, Larousse). Le fils, la fille du éléments qui le composent : Arrimer des
• Pl. des ARRIÈRE-SAISONS.
neveu ou de la nièce, par rapport à l’oncle colis dans la cale d’un avion. 2. Par
ou à la tante. • SYN. : 1 et 3 automne. — CONTR. : 1 et 3 extens. Fixer solidement : arrimer les
printemps, renouveau. poteaux d’un échafaudage.
• Pl. des ARRIÈRE-PETITS-NEVEUX, des
ARRIÈRE-PETITES-NIÈCES. arrière-salle [arjrsal] n. f. (de arrière • SYN.: 1 accorer, assujettir.
et de salle ; 1866, Larousse). Salle située en
arrière-petits-enfants [arjrptizf] arrimeur [arimoer] n. m. (de arrimer ;
arrière de la salle principale : Un dîner entre
n. m. pl. (de arrière et de petits-enfants ; 1398, Ordonnance royale). Personne qui
amis dans l’arrière-salle d’un restaurant.
milieu du XVIe s.). Enfants du petit-fils ou effectue, à bord des navires de commerce,
• Pl. des ARRIÈRE-SALLES.
l’arrimage de la cargaison, ou qui se charge
de la petite-fille.
arrière-scène [arjrsn] n. f. (de arrière de le faire effectuer : Il s’était fait arrimeur
arrière-plan [arjrpl] n. m. (de arrière
et de scène ; 1866, Larousse). Partie posté- de navires, un métier très lucratif (Loti).
et de plan ; 1811, Chateaubriand). 1. Ligne
rieure de la scène d’un théâtre. • SYN.: chargeur, docker.
de perspective la plus éloignée de l’oeil du
spectateur ; plan qui se trouve en arrière
• Pl. des ARRIÈRE-SCÈNES.
arriser v. tr. V. ARISER.
du premier plan : L’horizon lointain de la • CONTR. : avant-scène.
arrivage [ariva] n. m. (de arriver ; 1268,
mer fournissait aux pommiers comme un arrière-train [arjrtr] n. m. (de arrière É. Boileau). 1. Action d’un navire qui
arrière-plan d’estampe japonaise (Proust). et de train ; 1827, Chateaubriand). 1. Dans aborde, qui arrive au port. 2. Arrivée
2. Fig. Idées, éléments d’une situation qui un véhicule à quatre roues, partie portée de marchandises par voie d’eau, et, par
n’apparaissent pas, mais qui influent sur par les roues arrière. 2. Chez les qua- extens., par tout moyen de transport : Sa
une attitude, sur l’ensemble de la situa- drupèdes, partie postérieure du corps. lettre annonçait en même temps le prochain
tion : Dans une telle question, il n’y a pas 3. Pop. Se dit de la partie postérieure de arrivage d’une armoire, d’une commode
de ces arrière-plans qui rendent si douteuses l’homme et surtout de la femme. et d’un grand fauteuil canné (Daudet).
toutes les opinions morales et politiques • Pl. des ARRIÈRE-TRAINS. 3. Les marchandises elles-mêmes : De
(Renan). 3. À l’arrière-plan, dans une beaux arrivages.
• CONTR. : 1 et 2 avant-train.
position de second ordre : Reléguer une •SYN. : 1 abord, accostage, mouillage. —
question à l’arrière-plan des préoccupations arrière-vassal [arjrvasal] n. m. (de
CONTR. : 1 appareillage, départ.
du moment. arrière et de vassal ; 1611, Cotgrave).
Personne qui dépendait d’un seigneur, arrivant, e [ariv, -t] n. (part. prés.
• Pl. des ARRIÈRE-PLANS.
vassal lui-même de quelqu’un d’autre : de arriver ; 1866, Larousse). Personne qui
• CONTR. : premier plan. arrive quelque part : Un arrivant en bour-
Les arrière-vassaux étaient dans les
arrière-point [arjrpw] n. m. (de mêmes termes avec les grands vassaux geron bleu charbonneux (Barbusse). Saluer
arrière et de point ; 1564, J. Thierry). Point (Montesquieu). les nouveaux arrivants.
d’aiguille qui est piqué en arrière et qui • Pl. des ARRIÈRE-VASSAUX. • CONTR. : partant.
reprend le précédent. (On dit plutôt POINT- • SYN. : vavassal et vavasseur. — CONTR. : arrivé, e [arive] adj. et n. (part. passé
ARRIÈRE [pl. des POINTS-ARRIÈRE].) seigneur, suzerain. de arriver). 1. Qui vient d’arriver quelque
• Pl. des ARRIÈRE-POINTS.
part : Les nouveaux arrivés. 2. Qui a
arrière-voussure [arjrvusyr] n. f. (de
arrière-port [arjrpr] n. m. (de arrière arrière et de voussure ; 1567, Ph. Delorme, réussi dans la vie ; qui a obtenu la posi-
et de port ; 1866, Larousse). La partie d’un écrit arrière-voulsure). Espèce de voûte tion qu’il souhaitait : Les gens arrivés.
port la plus éloignée de l’entrée, où sont pratiquée derrière une baie ou une fenêtre. Des dégoûts et des peurs de femme arrivée
remisés les bâtiments de servitude et établis (Zola).
• Pl. des ARRIÈRE-VOUSSURES.
les bassins de radoub. arrivée [arive] n. f. (de arriver ; XVIe s.,
arriériste [arjerist] n. (de arrière ; milieu
• Pl. des ARRIÈRE-PORTS.
du XIXe s.). Personne qui est en retard sur Loyal Serviteur). 1. Action d’arriver quelque
• CONTR. : avant-port. part : J’essaye de m’émouvoir au souvenir de
son époque (rare) : Nous ne sommes plus
l’enfance mendiante, de l’apprentissage ou
arriérer [arjere] v. tr. (de arrière ; XIIIe s., au temps où le nom de M. Delacroix était
de l’arrivée en sabots (Rimbaud). L’arrivée
Adenet). [Conj. 5.] 1. Class. Retarder : Il un motif à signe de croix pour les arriéristes
d’un colis attendu. La gare d’arrivée, la
faut encore interrompre ici cette matière (Baudelaire).
gare où l’on arrive. 2. Moment où l’on
qui arriérerait trop les autres (Saint-Simon). • CONTR. : moderniste.
arrive, où quelque chose arrive : Il avait,
2. Arriérer un paiement, le différer. arrimage [arima] n. m. (de arrimer ; dès son arrivée, demandé à faire partie des
s’arriérer v. pr. 1. Vx. Rester en arrière. 1398, Ordonnance royale). Action d’arri- frères de charité (Duhamel). À l’arrivée, une
2. Prendre du retard dans ses paiements mer des marchandises dans une cale de déception attendait les enfants (Cocteau).
ou dans son travail. navire, et, par extension, dans tout moyen Class. (déjà vx au XVIIe s.).D’arrivée, sans

248
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

attendre : M. de Vendôme fait donner ses montable empêcha Olivier de poursuivre le rencontrai. 3. Il arrive que (suivi du
troupes d’arrivée, de cul et de tête, sans (Rolland) ; spécialem., parvenir à une subjonctif), il est possible que, il peut se
ordre et sans règle (Saint-Simon). 3. Dans certaine étape de son existence, atteindre faire que : Il arrive souvent qu’une brebis
une course, endroit où l’épreuve se termine un certain âge : Arriver à quarante ans, à perde son agneau (Pesquidoux).
et où l’on classe les concurrents : Ligne d’ar- la vieillesse, au terme de sa vie. 8. Fig. • REM. 1. En arriver à sera préféré à arri-
rivée. Juge à l’arrivée. Fin d’une course : Arriver à (suivi d’un nom),réussir à obte- ver à lorsqu’on veut insister sur l’achè-
L’arrivée fut très disputée. 4. Fig. Action nir le résultat souhaité : Arriver à ses fins. vement de l’action : Il en arrive à la
d’approcher, de commencer : L’arrivée du Arriver à ce qu’on voulait. Absol. Obte- conclusion.
printemps, des jours froids. 5. Arrivée nir une situation prospère ; réussir socia-
2. Arriver s’emploie souvent imperson-
d’air, d’essence, etc., alimentation en air, lement : Pour arriver, il faut mettre de
nellement avec diverses acceptions pour
en essence, etc., et, par extens., canalisa- l’eau dans son vin jusqu’à ce qu’il n’y ait
lesquelles le tour personnel est, lui aussi,
tion par laquelle se fait cette alimentation : plus de vin (Renard). 9. Arriver à (suivi
possible : Beaucoup de touristes arrivent
L’arrivée d’essence est obstruée. 6. En d’un infinitif), parvenir enfin à accom-
d’Angleterre. Il arrive beaucoup de tou-
parlant d’un navire, action d’effectuer une plir telle action : Arriver à nager convena-
ristes d’Angleterre.
manoeuvre de façon à avoir vent arrière. blement. Vous êtes née comme ça, on n’ar-
• SYN.: 1 entrée, venue ; 4 apparition, aube, rive même pas à vous imaginer autrement arrivisme [arivism] n. m. (de arriviste ;
aurore, commencement, début. — CONTR.: (Bernanos). Arriver à, en arriver à, se av. 1914, Ch. Péguy). État d’esprit, senti-
1 départ ; 4 fin. résoudre finalement à : J’en arrive à croire ment de celui qui veut réussir par n’im-
qu’il avait raison. Tous les chercheurs [...] porte quel moyen, fût-il peu honnête : Un
arriver [arive] v. intr. (du lat. pop. *arri- arrivisme patient et sournois (Romains).
sont enfin arrivés à dire que nos idées
pare, toucher à la rive, accoster, généralisé Le ressentiment, selon qu’il croît dans une
vraies sont des erreurs redressées (Alain).
depuis la fin du Moyen Âge ; XIe s., Vie de âme forte ou faible, devient arrivisme ou
saint Alexis). [Se conjugue toujours avec II. 1. En parlant d’un événement, se pro-
aigreur (Camus).
l’auxiliaire être.] duire, s’accomplir : Tout ce qu’on raconte
dans les livres peut arriver pour de vrai, arriviste [arivist] n. (de arriver ; 1893,
I. 1. Parvenir au terme de sa route ; par- attribué à Alcanter de Brahm par R. de
mais pas de la même manière (Sartre) ; et
venir à destination : Le train arrive à Gourmont). Personne prête à utiliser tous
impers. : Une petite ville dans laquelle il
Lyon à treize heures. Le bateau arrive à les moyens pour parvenir à ses fins, pour
est arrivé tant d’événements. Arriver
quai. Jamais nous n’arriverons à Vierzon réussir : Dans les promotions qui précé-
pour le train (Alain-Fournier) ; absol. : dèrent la mienne et jusque dans la mienne,
cmoamnmqueamblaerms
eennt
.carêFmame,
.sCerporiroed
uquiree
ci’mes-t
Nous voilà enfin arrivés ; et impers. : Il les arrivistes arrivaient par la littérature et
arrivé, être trop sûr de soi, s’imaginer
arrive un train toutes les heures. Arri- par la mondanité (Péguy). Type parfait de
que l’on ne rencontrera plus de difficul-
ver jusqu’à quelqu’un, entrer en contact l’arriviste. C’est à force de patience, d’éco-
tés : Tavernier est un garçon charmant,
avec quelqu’un qu’il est difficile d’appro- nomie minutieuse, d’hygiène qu’il arrive.
mais il croit trop que c’est arrivé (Becque).
cher. 2. Approcher d’un lieu, d’une Il arrive à tout (Gide). L’arriviste étant le
2. (avec un sujet désignant une chose)
personne, etc. : Arriver à grands pas au monsieur qui convoite la meilleure place
Arriver à quelqu’un, être le fait de
lieu du rendez-vous ; et absol. : Le train possible dans l’ordre établi (Romains).
quelqu’un : Une maladresse peut arriver à
arrive, il sera en gare dans quelques mi-
tout le monde ; concerner quelqu’un, être arrobe n. f. V. AROBE.
nutes. Fam. Il n’arrive pas vite, il tarde à pour lui un événement heureux ou mal-
venir. Arriver de son pays, être gauche, arroche [ar] n. f. (du lat. pop. *atrapica
heureux : Il m’a raconté les malheurs qui
maladroit ou très naïf. 3. En parlant ou *atripica, lat. class. atriplex, altér. du
viennent de lui arriver. Une telle aubaine
d’un événement, se rapprocher, être im- gr. atraphaxus ; XIIe s., écrit arace, arrache
ne vous arrive pas deux fois de suite ; et
minent : Et j’espérais la fin du monde | [par attraction de arracher], arrepe ; ar[r]
impers. : Il m’est arrivé une drôle d’his-
Mais la mienne arrive en sifflant comme oche, forme dialect., XVe s.). Plante dont
toire. Que cela ne vous arrive plus !, ou,
un ouragan (Apollinaire). Le printemps les feuilles sont comestibles, et dont une
ironiq. Que cela vous arrive encore !, ne le
arrive. 4. En parlant de choses, parve- espèce cultivée porte aussi les noms de
faites plus, sinon vous aurez affaire à moi
nir à destination : Le cadeau arrivait tou- belle-dame ou bonne-dame.
(avertissement ou menace).
jours avec une lettre (Flaubert). 5. Par-
III. En parlant d’un navire, manoeuvrer arrogamment [argam] adv. (de arro-
venir à frapper la vue, l’ouïe : Un bruit de
de façon à avoir vent arrière : L’effort de la gant ; XIVe s., écrit arroganment, Godefroy).
voix arrive jusqu’à nous. Fig. Parvenir
grande voile faisait arriver le vaisseau au Avec arrogance (rare) : Il a vu sesfaisceaux
dans le champ de la conscience, se pré-
lieu de le soutenir au vent (Hugo). | Marcher arrogamment et braver nos
senter à l’esprit : Le souvenir des choses
drapeaux (Corneille). L’incrédulité pro-
terrestres n’arrivait à mon coeur qu’affaibli • SYN. : I, 1 aborder, accoster, atteindre,
duit tous les crimes, et même ceux qu’elle
et diminué (Baudelaire). 6. Atteindre gagner, être rendu, toucher ; 2 aller, s’ap-
reproche arrogamment au christianisme
un certain point de développement, procher de, venir ; 3 approcher, venir ; 6
(La Mennais).
une certaine taille ; atteindre un certain atteindre, gagner, monter ; 8 parvenir. II,
niveau : Arriver à l’épaule de quelqu’un. 1 advenir, avoir lieu, se passer, survenir. arrogance [args] n. f. (lat. arrogantia,
L’eau arrive aux pieds du zouave du pont — CONTR.: I, 1 s’en aller, appareiller, lever de arrogare, revendiquer ; 1160, Benoît de
de l’Alma. Fig. Ne pas arriver à la che- l’ancre, partir, repartir ; 2 se détourner, Sainte-Maure). Attitude hautaine et mépri-
ville de quelqu’un, être loin de l’égaler. s’écarter, s’éloigner, fuir ; 3 s’en aller, sante, par laquelle se manifeste un profond
7. Arriver à (suivi d’un nom), atteindre s’éloigner, s’enfuir, s’envoler, s’évanouir ; 8 orgueil : Elle supporta mon regard avec
un certain état, entrer dans cet état : déchoir, décliner. arrogance (Sand). Dans sa réussite prodi-
C’était grande assemblée des Fées pour v. impers. 1. Il arrive à quelqu’un de gieuse, il ne montrait aucune arrogance,
procéder à la répartition des dons parmi (suivi de l’infinitif), quelqu’un est amené mais une simplicité magnanime (Tharaud).
tous les nouveau-nés arrivés à la vie de- par le cours des événements à : Il m’est • SYN.: fatuité, hauteur, impudence, inso-
puis vingt-quatre heures (Baudelaire) ; arrivé une fois de suivre pendant de lon- lence, morgue, présomption, suffisance,
atteindre une certaine étape dans une gues heures une vieille affligée (Baudelaire). superbe. — CONTR. : affabilité, aménité,
action quelconque : Mais, arrivé presque 2. Il arrive que (suivi de l’indicatif), il bienveillance, déférence, humilité, modes-
à la fin de l’air [...] une pudeur insur- se produit réellement que : Il arriva que je tie, platitude, soumission.

249
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

arrogant, e [arg, -t] adj. et n. (lat. est un phonème arrondi. 3. Fig. Phrases dans l’arrondissement de la voix et des
arrogans, part. prés. de arrogare, reven- arrondies, phrases harmonieuses par leur gestes (Daudet). L’arrondissement du
diquer ; 1398, Ménagier de Paris). Se dit cadence, et dont les parties sont à peu globe terrestre. Spécialem. En phoné-
d’une personne dont le profond orgueil se près égales : Il sut se composer un langage tique, action d’arrondir les lèvres pour
manifeste par une excessive confiance en farci de lieux communs, semé d’axiomes prononcer certains phonèmes. 2. Ac-
soi et par le mépris des autres : On voyait là et de calculs traduits en phrases arrondies tion d’accroître un domaine, une pro-
des figures graves, anxieuses, des préfets de (Balzac). priété par des apports successifs. 3. Fig.
province [...], un peu moins arrogants dans • SYN. : 1 bombé, convexe, courbe. — En littérature, action de construire des
cette antichambre que là-bas dans leurs pré- CONTR.: 1 aigu, concave, plan, plat, pointu. phrases, des périodes harmonieuses et
fectures (Daudet). Un caractère arrogant. arrondi n. m. Partie arrondie de quelque bien équilibrées.
• SYN. : dédaigneux, fat, fier, hautain, chose : L’arrondi des joues. Plusieurs coups II. Subdivision administrative : Chaque
impertinent, méprisant, rogue (fam.), de lime malheureux [...] gâtèrent un arrondi département est divisé en un certain
suffisant. — CONTR. : accueillant, affable, péniblement obtenu (Romains). nombre d’arrondissements. Les grandes
aimable, courtois, déférent, familier, villes comprennent plusieurs arrondisse-
arrondir [ardir] v. tr. (de rond ; v. 1270,
humble, modeste, simple. ments. L’appartement se trouvait [...] dans
J. de Meung). 1. Donner une forme ronde
adj. Qui dénote de l’arrogance : La tête le vieux quartier de la capitale. Beaucoup
à quelque chose : Elle tenait à la main son
avait pris du volume ; elle se dégageait assez d’artistes logeaient dans cet arrondisse-
fard à lèvres ; elle arrondit la bouche, y
mal des épaules élargies, et Jacques avait ment (Camus). Fig. et fam. Se marier
posa le crayon rouge (Martin du Gard).
l’habitude de la tenir rejetée en arrière, au vingt et unième arrondissement, ou au
Arrondir une pièce au tour. Arrondir les
dans une attitude un peu arrogante ou, treizième arrondissement (du temps que
lèvres, en phonétique, placer les lèvres en
pour le moins, combative (Martin du Gard). Paris ne comportait que douze arrondis-
forme de cercle pour prononcer certains
Manières arrogantes. Ton arrogant. sements), vivre en concubinage.
phonèmes. En peinture, faire ressortir
arroger (s’) [sare] v. pr. (lat. arrogare la rondeur des objets. 2. Donner une • SYN. : I, 1 arrondissage, rondeur ; 2
[sibi], réclamer pour soi, de rogare, deman- forme courbe de façon à supprimer les accroissement, agrandissement, augmen-
der ; milieu du XVIe s. ; on trouve aussi, du angles : Arrondir le bras, le coude. Arrondir tation, complément, extension. — CONTR.:
XIVe au XVIe s., arroguer et arroger au sens ses gestes. Spécialem. En naviguant, I, 2 diminution, dispersion, réduction.
de « interpeller, attribuer »). [Conj. 1 et 5 ; v. contourner un obstacle en suivant une arrondissementier [ardismtje] n. m.
aussi Rem.] S’attribuer quelque chose sans y trajectoire arrondie : Arrondir un cap, une (de arrondissement ; fin du XIXe s.). Péjor.
avoir droit : S’arroger un privilège, une qua- île, un rocher. Fig. Arrondir les angles, Partisan du scrutin uninominal majori-
lité, un titre. Donnez-moi cette lettre [...], en les arêtes, supprimer ou réduire les diffi- taire à deux tours, pour lequel la circons-
qualité de fiancé de Camille, je m’arroge le cultés, les dissensions, créer un climat de cription électorale était l’arrondissement.
droit de la lire (Musset). L’esprit s’arroge un conciliation. Fig. Arrondir les phrases,
peu partout des droits qu’il n’a pas (Breton). en équilibrer les parties, leur donner un arrosable [arozabl] adj. (de arroser ;
rythme harmonieux. 3. Fig. Augmenter XIIIe s., Rutebeuf). Que l’on peut arroser.
• SYN. : s’approprier, usurper. — CONTR. :
abandonner, décliner, dédaigner, refuser, la surface ou la valeur d’une chose exis- • SYN.: irrigable.
repousser. tante, pour constituer un tout complet : Elle
arrosage [aroza] n. m. (de arroser ;
acheva d’arrondir sa propriété par des biens
• REM. Quoique ce verbe soit essentielle- 1611, Cotgrave, écrit arrousage). 1. Action
d’Église (Balzac). Ses rentes se faisaient un
ment pronominal, son participe passé ne d’arroser : L’arrosage des rues. L’arrosage
peu tirer l’oreille, et il était malhabile à les
s’accorde pas avec le sujet ; les conditions d’un parc, d’un jardin. Un tuyau d’arrosage.
arrondir (Montherlant). Arrondir une
de l’accord sont les mêmes que pour les 2. Fig. Bombardement serré et métho-
somme, ajouter ou parfois supprimer des
verbes conjugués avec l’auxiliaire avoir : dique : Amphoux, après avoir marqué
décimales ou des unités, de façon à obtenir
Ils se sont arrogé des droits. Les droits sur un plan de Tunis les points de chute
un chiffre plus simple.
qu’ils se sont arrogés. des bombes, en vient à se demander si cet
• SYN. : 3 accroître, agrandir, compléter, arrosage n’était pas destiné au port (Gide).
arroi [arwa] n. m. (déverbal de l’anc. franç. étendre, gonfler, grossir. — CONTR. : 3 3. Fig. et fam. Gratifications distribuées
areer, arroyer, disposer, du lat. pop. *arre- amoindrir, diminuer, disperser, dissiper, pour s’assurer l’appui caché, les services
dare, formé avec le gotique *rêps, moyen, réduire. occultes de quelqu’un.
provision ; fin du XIIe-début du XIIIe s., Gace s’arrondir v. pr. 1. Prendre une forme • SYN.: 1 aspersion, irrigation. — CONTR. :
Brulé). Class. et littér. Appareil, équipage ronde : Peu à peu les visages des dames 1 assèchement, dessèchement, drainage.
dont s’entoure un grand personnage ; tout s’arrondissaient et s’éclairaient en un sou-
ce qui fait la pompe d’un cortège : Puissiez rire joyeux (France). 2. Vx. Agrandir ses arrosement [arozm] n. m. (de arroser ;
bientôt en grand arroi | Prendre terre dans domaines et augmenter ses biens : La seule 1190, Sermons de saint Bernard ; supplanté
l’Hespérie (Scarron). Avec tout l’arroi et passion de ce paysan était d’acheter de la par arrosage). 1. Action d’arroser natu-
l’attirail désolants qui constituaient le rite terre, de s’arrondir. rellement ou artificiellement (peu usité) :
de pareils cortèges (Romains). Fig. Être L’arrosement fini, il régnait là une fraîcheur
en bon, en mauvais arroi, se trouver dans arrondissage [ardisa] n. m. (de arron- pernicieuse (Gide). 2. Action de passer un
une bonne, dans une mauvaise posture. dir ; 1838, Acad.). Opération par laquelle enduit à l’intérieur d’une poterie afin de la
on donne une forme ronde à une chose. rendre étanche. 3. Bombardement abon-
• SYN.: apparat, train. — CONTR.: simplicité.
arrondissement [ardism] n. m. (de dant : Mais la préparation d’artillerie dure
arrondi, e [ardi] adj. (part. passé de
arrondir ; milieu du XVe s., au sens I, 1 ; un peu plus longtemps qu’on ne supposait ;
arrondir). 1. Qui a une forme plus ou moins
début du XVIIIe s., « division territoriale », la pièce est repérée et les hommes sont à la
ronde : Le cortège passa à côté de moi et
d’où, en 1800, circonscription administra- merci de l’arrosement (Gide).
s’enfonça dans l’atmosphère de l’horizon
tive remplaçant le district). • SYN. : arrosage, aspersion ; 3 arrosage,
à l’endroit où la surface arrondie de la
pluie. — CONTR.: 1 assèchement, dessèche-
planète se dérobe à la curiosité du regard I. 1. Action d’arrondir ; état de ce qui a
ment, drainage.
humain (Baudelaire). 2. En phonétique, été arrondi : C’était un grand et superbe
se dit de tout phonème que l’on émet en Breton, à larges épaules taillées pour le arroser [arose] v. tr. (lat. pop. *arrosare,
arrondissant les lèvres : La voyelle « u » [y] froc, avec quelque chose du prédicateur altér. [d’après ros, roris, rosée] d’un bas

250
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

lat. de la Gaule arrorare, couvrir de rosée ; arrosoir [arozwar] n. m. (de arroser ; d’un acide arsénique : Arséniate de plomb,
1155, Wace). 1. Mouiller en répandant de XIVe s., Psautier lorrain, écrit arousour). de fer, etc.
l’eau : Arroser des plantes. La pluie tom- Récipient portatif, muni d’une pomme
arsenic [arsnik] n. m. (lat. arsenicum,
bait fine, froide, pénétrante, continue [...] ; percée de trous et destiné à l’arrosage des
du gr. arsenikon, sulfure d’arsenic, dér. de
elle arrosait comme à plaisir cette foule plantes.
arsên, mâle [ainsi nommé à cause de ses
bruyante (Loti). Fam. Se faire arroser, arrow-root [arorut] n. m. (mot angl. propriétés puissantes] ; 1398, Ménagier de
être mouillé par la pluie. 2. Répandre signif. « racine à flèches », cette plante ayant Paris). 1. Corps simple d’apparence métal-
un liquide quelconque sur : Le boucher servi jadis de remède contre les blessures lique, que l’on rencontre dans la nature
sortit de chez lui les pieds nus dans des de flèches ; 1808, Tussac). 1. Plante de sous forme de sulfures. 2. Arsenic ou
sabots arrosés de sang (Duhamel). Littér. l’Amérique tropicale et de diverses autres arsenic nom usuel de l’anhydride
blanc,
Arroser de larmes, mouiller de larmes, et, régions. 2. Fécule comestible que l’on
arsénieux. 3. Toute espèce de composé
par extens., accompagner de larmes abon- retire du rhizome de cette plante. arsenical toxique : Un empoisonnement à
dantes : Elle [...] dit tant et tant de men-
arroyo [arjo] n. m. (mot esp., venant du l’arsenic. Et, quand les Yonvillais eurent
songes arrosés de larmes, qu’elle finit par
lat. pop. *arrugium, pour arrugia, galerie tous entendu son histoire d’arsenic qu’elle
attendrir la vieille Mme Poulain (Balzac).
de mine, d’où, à basse époque, « canal, ruis- avait pris pour du sucre, en faisant une
3. Spécialem. Arroser un rôti, l’humecter
seau » ; 1888, Larousse). Dans les régions crème à la vanille, Homais [...] retourna
avec son jus de cuisson. 4. Fam. Arroser
marécageuses ou dans les deltas des pays chez Bovary (Flaubert).
un mets, le déguster en l’accompagnant de
tropicaux, chenal reliant des cours d’eau : • REM. Les dérivés de arsenic qui ont un
vin : Les deux savants prirent un repas qu’ils
Le laboureur de tous côtés s’empresse à c avant le suffixe (arsenical, par exemple)
arrosèrent d’une bonne bouteille de vin
curer le fossé et l’arroyo, à relever les digues s’écrivent avec un e muet[] à la deu-
d’Arbois (Duhamel). Fam. Café arrosé,
(Claudel). xième syllabe. Ceux qui n’ont pas de c
café accompagné d’alcool. 5. Fig. et fam.
Fêter un événement heureux en offrant à arrugie [aryi] n. f. (lat. arrugia, gale- avant le suffixe (arsénié, arsénieux, arsé-
boire : Nous arroserons ta médaille avec du rie de mine ; 1729, David Durand, Hist. nique, etc.) prennent un é[e] à la deu-
vin cacheté, quelque chose de fin ! (Daudet). naturelle de l’or et de l’argent). Canal pour xième syllabe.
Arroser des galons, un succès, un anniver- l’écoulement des eaux d’infiltration dans
arsenical, e, aux [arsnikal, -o] adj. (de
saire. Par extens. et fam. Payer à boire : les mines.
arsenic ; 1578, Chauvelot). Qui contient de
Alors, qui est-ce qui arrose ? 6. Répandre ars [ar ou ars] n. m. (du lat. armus, épaule l’arsenic ; qui a rapport à l’arsenic : Sels
abondamment quelque chose : Haverkamp d’animal ; 1213, Fet des Romains). Pli qui se arsenicaux.
monte un escalier assez large arrosé d’une forme à l’endroit où les membres antérieurs
abondante lumière voilée (Romains). arsénié, e [arsenje] adj. (de arsenic ; 1863,
du cheval se rattachent au poitrail.
7. En parlant d’un cours d’eau, cou- Littré). Qui renferme de l’arsenic ; qui est
arsenal [arsnal] n. m. (de l’anc. vénitien combiné avec l’arsenic : Un gaz arsénié.
ler à travers une région : La Seine et ses
arzana, empr. lui-même à l’ar. dr as-sin’a,
affluents arrosent le Bassin parisien. Des arsénieux, euse [arsenjø, -øz] adj.
arsenal maritime, littéral. « maison où l’on
jardins plantés d’arbres, arrosés d’eaux (de arsenic ; 1787, Guyton de Morveau).
construit » ; 1395, Anglure, écrit archenal,
vives (France). En parlant de la mer,
puis arsenac [encore 1694, Acad.] ; arse- Anhydride arsénieux, ou arsenic blanc, ou
border : Arvor t’offre ses caps que la mer
nal, début du XVIIe s. ; n’a d’abord dési- simplem. arsenic, principal composé de
blanche arrose (Heredia). 8. Bombarder
gné que l’Arsenal de Venise [encore chez l’arsenic, qui est un poison très violent.
longuement et méthodiquement : Arroser
Rabelais]). 1. Autref. Établissement qui arsénique [arsenik] adj. (de arsenic ; 1787,
d’un tir dense les lignes ennemies. Pendant
construisait tout le matériel nécessaire à
qu’elle [l’artillerie] pilonnait les lisières Guyton de Morveau). Acide arsénique,
l’armée de terre : Les arsenaux royaux.
nord [...] elle arrosait d’un tir aussi dense acide contenant deux volumes d’arsenic
Bâtiment où se trouvaient entrepo-
les lisières sud (Romains). 9. Distribuer pour cinq d’oxygène.
sées des réserves d’armes, de munitions.
de l’argent pour gagner des sympathies,
2. Auj. Établissement d’un port où l’on arsénite [arsenit] n. m. (de arsenic ; fin
s’assurer une faveur, un service : Au cours du XVIIIe s.). Sel de l’acide arsénieux.
construit, arme, répare et approvisionne
de certaines élections, les candidats arrosent les navires de guerre : L’arsenal de Toulon.
les électeurs. arséniure [arsenjyr] n. m. (de arsenic ;
Une sirène emplit tout l’horizon. Au-delà
• SYN.: 1 asperger, doucher, irriguer, trem- milieu du XIXe s.). Combinaison de l’arsenic
du fleuve : la relève des ouvriers de nuit,
per ; 2 asperger, éclabousser, inonder, mouil- avec un corps simple.
à l’arsenal (Malraux). 3. Par extens.
ler, tremper ; 6 inonder ; 7 baigner, irriguer ; Grande quantité d’armes : Avec cet arse- arsin [ars] adj. m. (de l’anc. franç. ars,
9 acheter, graisser la patte (fam.), payer, nal, la troupe avait au bord des talus un part. passé de ardre, brûler ; XIIe s., Raoul
soudoyer. — CONTR.: 1 assécher, dessécher, aspect suffisamment redoutable (Gautier). de Cambrai, au sens de « incendie »). Bois,
drainer, sécher ; 2 éponger, essuyer, étan- 4. Fig. Ce qui procure en grand nombre arbre arsin, bois, arbre endommagé par
cher, sécher. des moyens d’action ; répertoire : Chercher le feu.
[arozoer, -øz] n. (de dans l’arsenal des lois un texte contre l’oppo- n. m. Chez les anciens Saxons et au début
arroseur, euse
arroser ; 1559, Boistuau, repris au XIXe s. sition. L’arsenal de l’esprit paysan fut vidé du Moyen Âge, exécution de justice qui
(Maupassant). Il fut donc forcé de se consti-
[v. 1838, Stendhal]). 1. Personne qui arrose. consistait à brûler la maison du condamné.
tuer un arsenal de jugements (Camus). Il y
Spécialem. Personne chargée de l’arro-
en a [...] qui fournissent tout un arsenal de arsine [arsin] n. f. (de arsenic ; milieu du
sage de la voie publique. 2. Appareil d’ar-
ruses au lecteur qui veut dormir tranquille XIXe s.). Nom que l’on donne à des dérivés
rosage : L’arroseur automatique répandait
(Sartre). de l’hydrogène arsénié.
en tournoyant une pluie dans le nuage de
• Pl. des ARSENAUX.
arsis [arsis] n. f. (lat. arsis, action de lever,
laquelle on voyait naître et mourir les cou-
leurs de l’arc-en-ciel (Duhamel). • SYN. : 4 attirail, catalogue, collection, mot gr. ; 1863, Littré). Dans la métrique
inventaire, liste, recueil. ancienne, élévation de la voix sur la syllabe
arroseuse n. f. Véhicule destiné à l’ar-
rosage des voies publiques : L’arroseuse arséniate [arsenjat] n. m. (de arsenic ; accentuée.
municipale. 1782, Guyton de Morveau). Sel dérivant • CONTR. : thésis.

251
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

arsouille [arsuj] n. (déverbal de l’arg. et se frotta aux hommes de l’art (Mon- Calprenède [1647]). Fam. Fier comme
arsouiller, mener une vie débauchée, therlant) ; spécialem., médecin : Allons Artaban ou (rare) comme un artaban,
d’origine inconnue [procès de Babeuf, an consulter un homme de l’art. Ouvrage se dit de quelqu’un qui affiche une fierté
V ; usuel jusqu’au début du XIXe s.] ; 1792, d’art, v. OUVRAGE. Class. et littér. Le excessive : Son amant était un gommeux
Gorsas). Pop. Mauvais garçon, débauché grand art, l’art sacré, l’alchimie. fier comme un artaban de ses hauts cols
et crapuleux : C’étaient des arsouilles qui (Huysmans).
II. 1. Expression désintéressée et idéale
tiraient la savate (Gautier).
du beau à travers les oeuvres humaines : artefact [artefakt] n. m. (mot angl., du
• SYN. : canaille, crapule, frappe (arg.), Cela tombe sous le sens que l’industrie, lat. artis factum, effet de l’art ; milieu du
fripouille (pop.), gouape (pop.), vaurien, faisant irruption dans l’art, en devient la XXe s.). Phénomène, d’origine artificielle
voyou (fam.). plus mortelle ennemie, et que la confu- ou accidentelle, rencontré au cours d’une
adj. Qui est propre aux voyous, aux mau- sion des fonctions empêche qu’aucune soit observation ou d’une expérience portant
vais garçons : Une allure arsouille. bien remplie (Baudelaire). L’art naît de sur un phénomène naturel.
[ar] n. m. (lat. ars, artis, habileté, contrainte, vit de lutte, meurt de liberté
art artel [artl] n. m. (de artelchiki, mot
activité ; 1080, Chanson de Roland ; masc. (Gide). L’art pour l’art, théorie selon
laquelle l’art ne doit avoir d’autre fin que russe signif. « commune » ; 1800, Massion,
et fém. jusqu’au XVIe s., a gardé, dans le Mémoires secrets sur la Russie). 1. Dans
langage courant, le sens de « métier, tech- lui-même, en dehors de toute préoccu-
pation morale ou utilitaire : La puérile l’ancienne Russie, coopérative ouvrière,
nique » jusqu’au XVIIe s.).
utopie de l’école de l’art pour l’art, en ou association de pêcheurs, de chasseurs,
I. 1. Aptitude naturelle, habileté à faire excluant la morale, et souvent même la de défricheurs, etc. 2. En Union sovié-
quelque chose : L’art de lire à loisir, à passion, était nécessairement stérile (Bau- tique, sorte de ferme collective où certaines
l’écart, savamment et distinctement, delaire). 2. Chacun des domaines où choses (locaux d’habitation, petits instru-
qui jadis répondait à la peine et au zèle s’exerce la création d’oeuvres artistiques : ments agricoles, volaille, etc.) restent la
de l’écrivain par une présence et une L’enluminure est un art qui fut surtout propriété personnelle des exploitants.
patience de même qualité, se perd : il est pratiqué au Moyen Âge. 3. (avec un artère [artr] n. f. (lat. arteria, du gr.
perdu (Valéry). Avoir l’art d’émouvoir, de sens collectif) Ensemble des oeuvres ar- artêria, artère et trachée-artère ; 1213, Fet
persuader. 2. Ensemble des moyens, tistiques d’un pays, d’une époque : L’art des Romains ; au sens de « voie à grande
des procédés pour bien faire quelque ancien, l’art moderne. L’art grec, l’art circulation », 1863, Littré). 1. Nom des
chose : Ayant appris de Platon et de Des- égyptien. 4. Ouvrage, traité contenant vaisseaux qui portent le sang du ventri-
cartes l’art de penser (Alain). 3. Action, les règles, les préceptes d’un art : « L’Art cule droit du coeur aux poumons et du
effort de celui qui cherche à appliquer au poétique », de Boileau. « L’Art d’aimer », ventricule gauche aux différentes parties
mieux les connaissances, les procédés d’Ovide. du corps : Artère pulmonaire. Artère aorte.
acquis : Discours sans art et sans apprêt. • SYN. : I, 1 adresse, don, génie, pouvoir, Artère fémorale. On a l’âge de ses artères,
Ces connaissances, ces procédés ainsi
talent ; 3 affectation, apprêt, artifice, effort, l’état de l’organisme dépend étroitement de
utilisés en vue d’une réalisation, et en
recherche. l’état des artères. 2. Grande voie de com-
particulier d’une réalisation artistique
arts n. m. pl. 1. Class. Arts libéraux, munication urbaine : À Paris, les grandes
(par opposition à la nature, au naturel, à
nom donné aux matières, aux disciplines artères sont souvent embouteillées.
l’inspiration) : Ville fortifiée par la nature
où le travail intellectuel est prédominant, • SYN.: 2 avenue, rue.
et par l’art. Écrivain qui doit sa réussite
par opposition aux arts mécaniques, qui
plus à l’art qu’à la nature. 4. Ensemble artériectomie [arteriktmi] n. f. (de
demandent surtout un travail manuel ou
de connaissances menant à des réalisa- artère et du gr. ektomê, ablation ; 1953,
l’emploi de machines. Spécialem. Les
tions pratiques et utiles (par opposition à Larousse). Ablation d’un segment d’artère.
sept arts libéraux, les matières qu’em-
la science, à la connaissance théorique) :
brassait l’enseignement classique et qui artériel, elle [arterjl] adj. (de artère ;
Des sciences sont nés les arts qui ont ap-
étaient enseignées au Moyen Âge dans 1314, la Chirurgie d’H. de Mondeville, écrit
porté tant d’ornements et tant d’utilité à
les facultés des arts (grammaire, rhéto- artérial ; artériel, 1503, G. de Chauliac).
la vie humaine (Bossuet). Spécialem.
rique, dialectique, arithmétique, géo- Qui appartient aux artères, à une artère :
Ensemble de connaissances nécessaires
métrie, astronomie, musique). Maître Tension artérielle. Sang artériel, sang
pour exercer un métier, une profession :
ès arts, celui qui avait pris les grades lui rouge, qui a repris de l’oxygène dans les
L’art vétérinaire. L’art oratoire. Art
permettant d’enseigner les humanités et poumons.
culinaire, art de préparer les mets. Art
la philosophie. 2. Ensemble des activi-
dramatique, ensemble des règles qui artériole [arterjl] n. f. (dimin. de artère ;
tés techniques : La haine règne dans les
président à l’élaboration d’une pièce de 1673, Denis). Petite artère : Des petits yeux
villes depuis que les fils de Caïn y portèrent
théâtre, et ensemble des moyens et des vifs, gris-bleu, striés d’artérioles (Van der
l’orgueil avec les arts (France). Arts ména-
techniques utilisés pour sa représenta- Meersch).
gers, ensemble des techniques ayant pour
tion. Art de la guerre, nom donné par
objet de faciliter la tâche de la ménagère, artériologie [arterjli] n. f. (de artère
Napoléon Ier à la stratégie : L’art de la
de contribuer au confort et d’embellir la et du gr. logos, science ; 1863, Littré). Partie
guerre est simple, mais tout d’exécution
vie du foyer familial. 3. Ensemble des de l’anatomie qui traite des artères.
(Napoléon). Art militaire, ensemble
activités ayant pour but la production de
des connaissances qui se rapportent au artérioscléreux, euse [arterjsklerø,
la beauté plastique, appelées aussi beaux-
métier des armes. : Je sens que je pourrais -øz] adj. (de artériosclérose ; 1906, Larousse).
arts : Protéger les arts. Être un ami des
me passionner pour l’art militaire, mais Qui est relatif à l’artériosclérose.
arts. J’étais prêt [...] à saluer la patrie des
pour cela il faudrait que je ne le crusse pas
arts et du génie (Chateaubriand). Arts adj. et n. Atteint d’artériosclérose : Un
différent à tel point des autres arts, que
plastiques, ceux qui, comme la peinture artérioscléreux, pour quelques verres d’eau
la règle apprise n’y fût pas tout (Proust).
et la sculpture, consistent à reproduire les mal placés, vous claquera entre les mains
Art nautique, l’art de la navigation.
formes de la nature ou à réaliser des formes (Romains).
Art oratoire, l’éloquence. Homme de
imaginaires.
l’art,personne qui a la connaissance pré- artériosclérose [arterjskleroz] n. f.
cise d’une matière, d’un métier : Alban, artaban [artab] n. m. (de Artaban, (comp. savant du gr. artêria, artère, et de
seul cette fois, vit une dizaine de courses, personnage de Cléopâtre, roman de La sklêros, dur ; 1833, J. F. Lobstein, Traité

252
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

d’anatomie pathologique). Maladie carac- les feuilles intérieures de l’artichaut, plus la fille, presque une enfant, aussi pâles,
térisée par le durcissement progressif de tendres que les autres ; au fig., coeur d’une aussi fatiguées l’une que l’autre, tra-
la paroi des artères. personne volage. Fond d’artichaut, base vaillaient à un de ces mille petits métiers
charnue qui supporte les feuilles. 2. Pièce fantaisistes dont se compose ce qu’on ap-
artériotomie [arterjtmi] n. f. (du gr.
de fer hérissée de pointes, qui, par sa forme, pelle l’article de Paris (Daudet). Il y avait
artêria, artère, et tomê, action de couper ;
rappelle la fleur d’artichaut et dont on gar- plusieurs comptoirs d’articles de Paris et
v. 1560, Paré). Incision chirurgicale d’une
nit les clôtures de jardins. 3. Jet d’eau qui de chinoiseries (Zola). Article d’expor-
artère.
jaillit en gerbe. tation, objet destiné à être exporté, et, au
artérite [arterit] n. f. (de artère ; fig., doctrine que l’on essaie de répandre à
article [artikl] n. m. (lat. articulus, arti-
1836, Landais). Altération des tuniques l’étranger. Faire l’article, vanter la mar-
culation ; v. 1560, Paré, au sens I ; au sens
artérielles. chandise, et, au fig., essayer de faire valoir
II, XIIIe s., Livre de Job ; au sens III, dans la
artésien, enne [artezj, -n] adj. et n. quelqu’un ou quelque chose : Il irait faire
loc. article de la mort [XVIIe s.], empr. au lat.
(de Artois ; 1803, Boiste). Qui appartient articulus, « division du temps, moment » ; l’article chez un gentilhomme nouvelle-
au pays d’Artois : Patois artésien. au sens IV, 1597, Laffemas, et l’expression ment arrivé (Nerval). Indice des 179,

article de Paris, 1833, Balzac, sous la forme des 213, des 250 articles, etc., indice du
adj. Puits artésien, puits foré d’où le
liquide (eau ou pétrole) jaillit spontané- l’Article-Paris ; au sens V, milieu du XIVe s., coût de la vie établi par les économistes
ment. (C’est en Artois que le premier puits du lat. grammatical articulus, « particule », sur la base des prix de détail d’un certain
de ce genre a été creusé.) extension du sens propre). nombre de biens de consommation.

I. 1. Class. Dans un squelette, jointure V. En grammaire, mot qui, dans cer-


arthr(o)- [artr(o)], élément tiré du gr.
arthron, articulation, et entrant comme entre les os ; os qui s’articule sur un autre : taines langues, se joint au substantif pour
préfixe dans la formation de composés Les doigts des pieds, avec leurs articles et le déterminer plus ou moins précisément.
savants. leurs ongles, servent à tâter le terrain sur (V. art. spécial.)
lequel on marche (Fénelon). 2. Spécia- • SYN.: II, 1 alinéa, chapitre, paragraphe,
arthralgie [artrali] n. f. (du préf. arthr-
lem. Chacun des segments qui forment le point, titre ; 2 papier ; 3 chapitre, point,
et de algie, du gr. algos, douleur ; 1843,
corps des arthropodes. question. IV, denrée, marchandise, objet,
Landais). Douleur siégeant dans une arti-
produit.
culation ou près d’une articulation. II. 1. Partie, souvent numérotée, qui
constitue une division ou une subdivi-
arthrite [artrit] n. f. (lat. médic. arthritis,
sion d’un code, d’un traité, d’une conven- GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
mot gr., de arthron, articulation ; v. 1560,
tion, etc. : Les articles du Code pénal, de la
Paré, écrit arthrites ; milieu du XVIIe s.). L’ARTICLE
Constitution. Elle discutait chaque article
Inflammation des tissus séreux et fibreux
du contrat (Mauriac). Chacune des
d’une articulation.
divisions d’un compte : L’article des re- SENS, FORMES ET FONCTIONS

arthritique [artritik] adj. (lat. arthriticus, cettes extraordinaires. Par extens. et vx.
Dans le système de la langue française,
du gr. arthritikos, de arthron, articulation ; Partie quelconque d’un écrit : Les deux
les mots capables d’actualiser le nom
XIIe s., Cligès, écrit artetique ; arthritique, premiers articles de votre lettre (Littré).
commun, c’est-à-dire de lui faire désigner
v. 1560, Paré). Qui concerne l’arthritisme : 2. Écrit formant un tout distinct dans
un ou plusieurs éléments particuliers de
Tempérament arthritique. un journal, une publication : Jansoulet
l’ensemble qu’il dénote par définition (v.
adj. et n. Qui est atteint d’arthritisme. insista pour lire l’article, impatient de sa-
ACTUALISATION), sont de nature assez
voir ce que l’on disait de lui (Daudet). Un
arthritisme [artritism] n. m. (de arth- diverse : ce chien, mon chien, tous les
article de dictionnaire. Article de fond,
rite ; 1878, Larousse). État général de chiens, un chien, un autre chien, etc. Cer-
article qui présente l’opinion du journal
l’organisme, caractérisé par des troubles tains de ces mots suffisent pour actua-
ou celle de son rédacteur en chef sur un
dont le siège et la nature sont très variés : liser, d’autres non : tous les chiens peut
certain problème. Article de tête, article
L’arthritisme ne s’accompagne pas néces- être réduit à les chiens, mais non à *tous
publié en tête des colonnes d’un journal.
sairement d’arthrite. chiens ; un autre chien peut être réduit à
3. Ce qui est susceptible d’être traité ;
[artrpd] n. m. pl. (du sujet, matière dont on parle : C’est un ar- un chien, mais non à *autre chien. Dans
arthropodes
nos exemples, les mots qui suffisent à l’ac-
préf. arthro-, et du gr. pous, podos, pied ; ticle sur lequel il ne transige pas. Article
1866, Larousse). Embranchement du règne par article, point par point. Article de tualisation sont ce, mon, les, un. L’idée de
animal qui comprend des animaux dont foi, dans une religion, point sur lequel mon chien peut être exprimée par le chien
le corps est formé d’anneaux articulés la croyance ne peut être discutée, et, au de moi : le est donc plus abstrait que mon.
(insectes, crustacés, arachnides, etc.). [On fig., point sur lequel la discussion n’est Damourette et Pichon (Des mots à la pen-
les appelle aussi ARTICULÉS.] pas possible : Tout ce qu’il dit est pour elle sée, § 348 et passim) donnent à ce, le et un
article de foi. le nom d’ « articles ». Mais, pour plusieurs
arthrose [artroz] n. f. (du gr. arthron, raisons, le premier de ces mots est exclu
articulation ; 1836, Landais). Affection non III. À l’article de la mort, au moment de du nombre des articles par l’usage tradi-
inflammatoire des articulations. mourir : Dieu merci, je n’ai jamais erré tionnel, qui l’appelle « adjectif démons-
sur les dogmes de notre très sainte religion, tratif » ; l’article le est plus abstrait que ce,
artichaut [artio] n. m. (lombard arti-
et j’espère bien me trouver en cette disposi- puisqu’il est né par abstraction, comme
ciocco, empr. lui-même à l’hispanoarabe
tion à l’article de la mort (France). nous le verrons, de l’adjectif démonstra-
haršfa, probablem. par l’intermédiaire
de l’esp. alcarchofa ; 1530, Rabelais ; sens 2, IV. Chacun des objets qu’un commerçant tif latin ille ; l’argument principal est à
1765, Encyclopédie ; sens 3, 1898, Larousse). peut fournir : Article de voyage, article de tirer des statistiques : les grammairiens
1. Plante de la famille des composées, dont luxe. Gaspard, qui s’intéresse aux articles qui, en 1954-1956, ont dénombré les mots
la fleur, comestible, est une boule consti- pour fumeurs, prononça : « Vingt dieux ! par catégories en vue d’arrêter le tableau
tuée par des feuilles imbriquées à base la belle pipe ! » (Duhamel). Article de d’un français « fondamental » (v. l’Élabo-
charnue : Pied d’artichaut. Par extens. Paris, objet de luxe ou de mode que l’on ration du français fondamental, Didier,
Cette fleur elle-même : Manger des arti- fabrique à Paris et qui est renommé pour 1964) ont établi la supériorité numérique
chauts à la vinaigrette. Coeur d’artichaut, son élégance et son bon goût : La mère et écrasante des mots dits « articles » (le, la,

253
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

les, un, une, des, du, au), qui, dans la liste on dira non pas *Je vois un sable, comme nards. Si l’on excepte ces cas très peu
de fréquence, viennent bien avant tout, Je vois unrosier, mais Je vois du sable. Le nombreux, on peut classer dans le tableau
ce, autre, mon, etc. ; cette plus grande mot du, qui joue ici devant sable le rôle suivant les formes de l’article en français
fréquence implique une plus grande de l’article un devant rosier, est classé moderne :
abstraction. dans les articles. Le choix entre un et du
Feuilletons un livre de récits comme les est imposé par la différence de sens entre
Fables de La Fontaine : souvent, l’article rosier et sable : la notion de « rosier » a
un est employé quand les partenaires de une structure discontinue, donnant prise
l’action sont présentés pour la première au dénombrement, donc à la distinction
fois ; si leur nom est repris ensuite, il est de l’unité et de la pluralité (un rosier / des
précédé de l’article le : Le long d’un clair rosiers) ; la notion de « sable » a une struc-
ruisseau buvait une Colombe, | Quand ture continue, permettant seulement la
sur l’eau se penchant une Fourmis y distinction du tout et de la partie. Da- Devant une voyelle ou un h muet, le et la
tombe,| Et dans cet océan l’on eût vu la mourette et Pichon (op. cit., § 296 et pas-
s’élident (l’homme, l’âme), et du devient
Fourmis | S’efforcer, mais en vain, de re- sim) distinguent les « substances nom- de l’ (de l’or).
gagner la rive. | La Colombe aussitôt usa brières », comme rosier, et les « substances
Quand les articles le (non élidé) et les
de charité... (II, XII, 2-6) ; l’inverse ne se massières », comme sable ; on distingue,
sont précédés de la préposition à ou de
voit jamais. Les deux articles remplissent en termes plus courants, des « notions
la préposition de, l’ensemble s’amalgame,
au même degré la fonction d’actualisa- nombrables » et des « notions conti-
constituant les formes appelées articles
tion, mais l’un exprime la saisie, dans l’ nues ». La langue française a formalisé
définis contractés : au, aux, du, des (Je
« ensemble » de toutes les colombes ou cette différence matérielle en opposant,
vais au marché. Je viens du marché).
de toutes les fourmis, d’un individu non pour les formes de l’article transitoire, la
encore identifié : il était une colombe, « putation numérative » (un, une / des) et La séquence de des ne se rencontre pas :
il était une fourmi, et leur identité ne la « putation massive » (du, de la). C’est, des est inexprimé en pareil cas ; compa-
nous avait pas encore été définie ; d’où le en effet, une manière différente de penser rer : Le massif est planté d’un rosier / Le
nom d’article indéfini. L’autre suppose les choses qu’exprime cette opposition massif est planté de rosiers. On supprime
que leur identité nous est connue : c’est morphologique, plus qu’une différence de même après de l’article partitif : Je l’ai
matérielle foncière, et cette opposition trouvé dans son jardin, muni d’un pin-
l’article défini. L’article indéfini donne
au nom un sens actuel indéterminé, peut affecter un même nom : un poisson, ceau et de peinture verte.
l’article défini un sens actuel déterminé des poissons / du poisson. Un veau, c’est Enfin, de remplace des lorsqu’un adjectif
(v. DÉTERMINATION). Damourette et Pi- un animal ; du veau, c’est pour le boucher s’intercale entre l’article et le nom : de
chon disent que l’article défini confère de la viande, et pour le cordonnier du beaux arbres, d’autres arbres (mais des
l’ « assiette notoire », terme clair, et cuir. Le docteur Pichon cite cette phrase jeunes gens, nom composé) ; nous revien-
l’article indéfini l’ « assiette transitoire » entendue dans un hôpital : Eh bien, vous drons sur cet usage, que les grammairiens
— parce que ce caractère indéfini s’éva- avez du malade en ce moment, hein ? — ont prescrit avec moins de succès dans le
nouit aussitôt qu’exprimé (l’article un application à l’être humain lui-même cas de l’article partitif (de bon vin).
ne pourrait être maintenu pour le même de la putation massive. Inversement, un Le système de l’article, en français mo-
individu). Ces articles, à la forme du sin- nom de matière auquel convient naturel- derne, n’est pas conçu par tous les théo-
gulier où nous les voyons, expriment-ils lement le massif (du fer) sert souvent à riciens de la manière que l’expose notre
aussi l’unicité numérique de l’individu désigner, au numératif, les objets qui sont tableau. Beaucoup appellent « partitif »
désigné ? Ce ne serait que normal pour faits de cette matière (un fer à cheval ; un l’article des, comme du et de la ; en bonne
l’article un, qui se confond, par son éty- fer à repasser ou à friser) ; du sable, c’est logique, ce terme convient, en effet, éty-
mologie et sa construction, avec l’adjectif une substance homogène dont l’écoule- mologiquement à toutes les formes com-
numéral exprimant le nombre 1. Pour- ment uniforme peut mesurer le temps ; posées de la préposition de (v. plus loin).
tant, on emploie un dans bien des cas où des sables, ce sont des étendues discon- Mais opposer un article partitif du, de
l’anglais n’emploierait pas one, et où le tinues de sable. Même latitude dans le la, des à un article indéfini un, une, ce
latin n’emploierait pas unus. L’indication domaine des noms abstraits : avoir de serait donner pour nulle la distinction,
proprement numérique en a été éliminée, l’attention, c’est être « attentif » ; avoir des en français, du massif et du numératif,
au point que l’article un, comme l’article attentions, c’est être « attentionné ». Une et isoler l’article indéfini singulier, dont
le, exprime l’unité dans la même mesure opposition morphologique peut ainsi tra- Lancelot montrait en 1676 qu’il avait des
que l’exprime le « nombre singulier » (v. duire, en français, ce que d’autres langues pour pluriel : « Je dis que la particule des
NOMBRE). Il existe un emploi « général » distinguent lexicalement : du bois traduit ou de tient souvent au plurier le mesme
du singulier compatible avec un comme le latin lignum ; un bois, nemus. La forme lieu d’article indéfini, qu’un au singulier.
avec le, mais non avec ce : Une fourmi « massive » de l’article transitoire est ce Ce qui me le persuade, est que dans tous
peut porter de lourdes charges. La fourmi que la grammaire traditionnelle appelle les cas, hors le génitif [...], partout où on
n’est pas prêteuse. Le nombre de l’article l’article partitif — terme malheureux met un au singulier, on doit mettre des au
ne fait que marquer le nombre inhérent dont nous expliquerons l’origine. plurier, ou de avant les adjectifs » (Gram-
au nom auquel il se rapporte. L’opposition du massif au numératif ne se maire de Port-Royal). Pour bien dire, c’est
Transformons les phrases suivantes : Je retrouve pas dans l’ « assiette notoire », le terme d’ « article indéfini » qui devrait
vois un rosier. Ouvre la fenêtre, en met- où l’article défini règne seul (le rosier, les englober les numératifs un, une, des et les
tant au pluriel les noms rosier et fenêtre ; rosiers, le sable), marquant la saisie en massifs du, de la ; un critère de transfor-
un sera remplacé par des et la par les. totalité de l’objet notoirement désigné (le mation démontre l’unité de ces formes :
L’article distingue le masculin et le fémi- sable dont on a parlé, ou tout le sable de J’ai un livre : J’en ai un, de livre ;
nin au singulier (un / une ; le / la) et les l’univers concevable).
J’ai des livres : J’en ai plusieurs, de
confond au pluriel (des ; les). Quelques noms de notions continues livres ;
Si un objet vu dans le jardin est de la n’ont pas de singulier ; leur article « par- J’ai du papier : J’en ai un peu, de
nature qu’exprime un nom comme sable, titif » est alors des : des rillettes, des épi- papier.

254
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

La représentation par en est possible dans formes parentes dans toutes les langues sunt gemmez, | E cil escuz e cil osbercs
les trois cas, alors qu’un nom précédé de romanes modernes. safrez...(la Chanson de Roland, v. 1031-
l’article défini ne peut être représenté que Le latin vulgaire, qui avait renforcé la 1032). Mais le mouvement de différen-
par le : Je l’ai, le livre. valeur démonstrative des pronoms-ad- ciation sémantique commencé en latin
jectifs classiques hic, iste, ille, au moyen s’acheva lentement, et l’article conquit
Les fonctions de l’article sont nom-
de la particule préposée ecce, employait de siècle en siècle ses positions. Certains
breuses : outre l’actualisation, détermi-
le simple ille avec une valeur affaiblie d’ noms résistèrent plus longtemps que
née ou non, et la putation numérative ou
« anaphorique », rappelant que l’objet dé- d’autres à l’actualisation explicite, en ver-
massive, il marque le genre et le nombre
signé a déjà pris place dans l’esprit. Pour- tu de leur contenu notionnel : ce sont, dit
du nom, qui souvent ne sont pas sen-
vues d’un accent propre dans la fonction Gustave Guillaume, dans sa célèbre étude
sibles à l’oreille, ni même à l’oeil (levoile
pronominale de sujet, les formes de ille le Problème de l’article et sa solution dans
/ la voile ; le nez / les nez ). Il donne la
(démonstratif de la 3e personne) sont la langue française (1919), ceux qui, « soit
valeur substantive à des mots qui sont
devenues les formes de sujet singulier et en raison de leur nature, soit en raison de
par essence adjectifs, adverbes, verbes,
pluriel du pronom personnel il ; accen- leur emploi, peuvent offrir à l’esprit une
ou même à des propositions : un riche,
tuées sur la finale en position proclitique représentation nominale momentanée
un arrêté, le bien, le manger et le boire, du pratiquement égale à la représentation
(illúm vídet, illúm múrum, illí múri), elles
solide, le qu’en dira-t-on. nominale permanente » (p. 69). Ce n’est
ont perdu leur première syllabe pour
La possibilité de sa présence donne à son devenir les formes du pronom régime et pas le cas, par exemple, du nom reis ni du
absence même une signification ; compa- celles de l’article défini. Celles-ci sont les nom testes dans ces deux vers de la Chan-
rer : les chiens de berger et les chiens du suivantes en ancien français : son de Roland (56-57) : Li reis est fiers e
berger (dans le premier groupe, le nom sis curages pesmes : | De nos ostages ferat
berger, inactualisé, caractérise seulement trecher les testes (= Le roi est orgueilleux
le nom chiens) ; comparer : faire part de et son coeur est cruel : | De nos otages il
quelque chose à quelqu’un (où part n’est fera trancher les têtes) ; il importe de dis-
qu’un élément lexical de locution ver- tinguer ce roi (Charles) et ces têtes (celles
bale) et faire une part de quelque chose des fils des chefs arabes). Mais c’est le
La disparition de la déclinaison (XIVe s.) cas pour certains noms d’êtres uniques
à quelqu’un (où part désigne et limite
ne laissa subsister que les formes mo- concrets (comme soleil, ciel, terre, enfer)
une substance dont l’existence résulte de
dernes le, la, les. ou abstraits (comme vérité, noblesse,
l’action) ; comparer encore : Je ne mange
pas de pain (où la négation porte sur Des formes contractées par enclise appa- amour), pour certains noms propres de
raissent dès les plus anciens textes : al, au lieux (France, Espagne, Seine), voire pour
l’existence réelle de la substance objet de
(de à le), als, as (de à les), refait en aux au tels noms auxquels le pluriel confère une
l’action) et Je ne mange pas du pain (l’ac-
XIIIe s. ; del, deu, dou, du (de de lo), dels, valeur générale : Pur sa beltet dames li
tualisateur du indique qu’une substance
des (de de les) ; enl, el, eu, ou ou on (de sunt amies (Roland, v. 957) ; Vers Sarra-
est réellement mangée, et la négation ne
en le), enls, els, es (de en les). Ou, employé zins reguardet fierement(ibid., v. 1162).
porte que sur sa désignation lexicale : ce
jusqu’au XVe s. (Ou temps de ma jeunesse Pour tous ces noms, l’usage de l’article
n’est pas du pain).
folle, dit encore Villon), disparut au XVIe, fut irrégulier jusqu’au XVe ou au XVIe s.
Enfin, les possibilités stylistiques de son cédant à au une partie de ses emplois. En 1607, le grammairien Maupas jugeait
exploitation sont trop nombreuses pour Es, encore usuel au XVIe s., est archaïque encore superflu l’emploi de l’article pour
être inventoriées ici. Donnons-en pour chez Pascal (Es choses temporelles) et ne les choses (comme noblesse) « dont l’es-
exemple l’effet que tirent les poètes de subsiste, affublé d’un accent grave, que sence ne gist point en matière corporelle,
la présentation à l’assiette notoire d’un dans des titres universitaires, où il pré- ains en intellectuelle », mais, en 1664,
univers inconnu du lecteur, mais dont cède nécessairement un pluriel (docteur Corneille corrigeait le vers 176 de Mélite :
ils veulent lui faire partager l’intimité : ès lettres). Ce qu’ amour dans le coeur peut seul lui
Ayant poussé la porte étroite qui chan- imprimer, en : Ce que l’amour au coeur...
Le numéral latin unus a donné très
celle, | Je me suis promené dans le petit C’est un autre facteur qui a gouverné
normalement les formes de l’article (et
jardin... (Verlaine, Poèmes saturniens, l’histoire de l’article indéfini. Présent
du pronom) un, qui étaient en ancien
« Après trois ans »). français : dès la Cantilène de sainte Eulalie (v. 22) :
Ad une spede li roveret tolir lo chief (= Il
HISTORIQUE
ordonna de lui couper la tête avec une
L’histoire de la langue justifie également épée), cet article, par son origine numé-
le sort à part que la terminologie gram- rale, convenait surtout aux noms de
maticale a fait à l’article parmi les actua- notions dont la représentation unitaire
s’impose à l’esprit : En sa main ot une
lisateurs du nom. Ceux qu’on appelle Seul le pronom conserve en français mo-
« adjectifs » existaient en latin classique, vermeille pome (Roland, v. 386). La résis-
derne les formes de pluriel : les uns, les tance vint donc des noms abstraits, faute
où un système riche de démonstratifs, unes. d’un contour précis : De cest message nos
de possessifs et d’indéfinis remplissaient
Si le sens de l’adjectif ille flottait dès le avendrat grant perte (Roland, v. 335) ; des
des fonctions presque identiques aux
latin vulgaire entre la valeur démonstra- noms concrets de notion continue : men-
fonctions de ce, mon, aucun, etc. L’article
tive et la simple valeur d’actualisateur, on gierent pain et burent cervoise (= ils man-
y était inconnu, et la même forme rosa
peut dire qu’en ancien français la distinc- gèrent du pain et burent de la bière) [la
devait être interprétée, selon le contexte,
tion nette de ces deux valeurs fut longue Queste del Saint-Graal, 129] ; des noms
comme « une rose » ou « la rose », aqua
à s’établir. L’article avait parfois la valeur pluriels de notions nombrables, parce
comme « de l’eau » ou « l’eau ». L’article
d’un démonstratif : Li reis ses pere li ot le que la pluralité « altère, au moins jusqu’à
est une création du latin vulgaire et du
jor doné (= Le roi son père la lui donna un certain degré, la vision de la forme »
français.
ce jour-là) [le Couronnement de Louis, v. (G. Guillaume, op. cit., p. 61) : Ceignent
Le, la, les, un et une se sont développés 49] ; ailleurs, le démonstratif avait le sens espees de l’acer vianeis (= Ils ceignent des
dès le roman et se retrouvent sous des d’un article : Luisent cil elme, ki ad or épées d’acier viennois) [Roland, v. 997] ;

255
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

enfin, de noms singuliers dont la valeur alors ils ont exprimé l’actualisation d’une articulation [artikylasj] n. f. (lat. arti-
générale brouillait pareillement la forme quantité indéfinie de substance. Quand culatio ; 1478, G. de Chauliac).
de l’unité : Cuers qui gist en la viellece | apparut cette valeur ? L. Foulet en relève
I. 1. Chez l’homme et chez les animaux
Ne pensse pas a la jonece (le Vair Pale- des exemples encore rares au XIIIe s., et
vertébrés, jointure entre deux os mobiles
froi, v. 391-392). Alors que l’espagnol a tient pour lent le développement ulté-
l’un sur l’autre : L’articulation du genou.
usé devant les noms pluriels des formes rieur qui concéda aux formes nouvelles
Sa main lui sembla comme engourdie et
unos, unas (He comprado unos libros [= les positions difficiles devant le sujet ou
J’ai acheté des livres]), l’ancien français cependant [...] elle se tordit et s’allongea
après une préposition. Toutefois, il admet
a limité l’emploi de uns, unes aux noms plusieurs fois à faire craquer ses arti-
un développement plus précoce dans
d’objets allant par paires (donc facilement culations (Nerval). 2.Jonction des
l’usage parlé.
nombrables) : Il a unes botes qui ont bien diverses parties du corps des animaux
La construction de pain s’est conservée, articulés. 3. Par anal. Dans un assem-
deux ou trois ans (Antoine de La Sale), ou
nous l’avons vu, dans les contextes néga- blage mécanique, jointure de deux pièces
aux pluriels collectifs de tradition latine :
tifs comme : Je n’ai pas de pain (où la mobiles l’une sur l’autre : L’articulation
et li manda que il fust armez l’andemain
substance est donnée pour nulle). Mais, de la bielle et de la manivelle. 4. Fig.
d’unes armes vermeilles (R. de Boron) ;
en phrase positive, elle s’est curieusement
Palsgrave donne encore, en 1530, une Point où se fait la jonction des membres
maintenue à la place de l’article partitif
longue liste de mots qui prennent uns : d’une phrase, des phrases entre elles,
unes belances, unes chausses, ungz degrez, quand un adjectif précède le nom : de
des parties d’un ensemble logiquement
unes endentures, unes fiansayes, unes bon pain (contra : du pain blanc). On a dit
construit : Un exposé dont on ne distingue
forceps, unes lunettes, unes nopces, unes pareillement de bons enfants (contra : des
pas les articulations.
obseques, unes orgues... Mais l’usage n’en enfants sages). Cette répartition, contraire
à l’usage du XVIe s., a été érigée en règle II. Action de prononcer distinctement les
atteignit pas le XVIIe s.
par Vaugelas et confirmée par tous les différents sons d’une langue ; ensemble
L’expression du singulier « massif » et du
grammairiens qui l’ont suivi, malgré des des mouvements des organes de la pho-
pluriel de l’article indéfini a été cherchée
infractions encore fréquentes au XVIIe s. : nation qui permettent cette prononcia-
en français dans un procédé qu’ignorent
Des grosses larmes lui tombent des yeux tion : Articulation nette, claire, rapide.
les autres langues romanes, sauf l’ita-
(Sévigné, IX, 532). La langue parlée fami- Les lettres sont divisées en voyelles [...] et
lien (datemi del pane, « donnez-moi du
lière ne l’a jamais appliquée devant un en consonnes, ainsi appelées parce qu’elles
pain »). L’origine en est dans l’emploi
nom singulier, mais au pluriel sa viola- sonnent avec les voyelles, et ne font que
partitif de la préposition de : un morceau
de ce pain, un verre de ce vin ; il est très tion n’appartient encore de nos jours qu’à marquer les diverses articulations des
loisible, en français moderne, d’employer la langue enfantine ou populaire. L’una- voix (Molière). Point d’articulation

comme régime d’un verbe le second nimité des grammairiens du XVIIe s. nous d’un phonème, point du canal buccal où
terme de tels groupes avec ellipse du pre- interdit d’attribuer à la seule fantaisie de se fait le resserrement ou l’occlusion qui
mier : Mangez de ce pain, buvez de ce vin. Vaugelas une prescription d’ailleurs si permet d’émettre ce phonème.
Or, cette faculté existait dès le latin vul- tenace. Des justifications très diverses en
III. Énumération point par point des
gaire : Date nobis de oleo vestro (= Don- ont été données. Sans doute faut-il consi-
faits qui motivent une action en justice.
nez-nous de votre huile) [Saint Matthieu, dérer que la présence d’un adjectif anté-
XXV, 8], et s’est retrouvée dans les langues posé, limitant expressément l’extension articulatoire [artikylatwar] adj. (de arti-
romanes, où elle a suivi des fortunes du nom, est un obstacle à l’oubli du tout, culer ; v. 1560, Paré). Qui concerne l’arti-
diverses. La construction mangier pain qui, nous l’avons vu, transforme le groupe culation des phonèmes : Les mouvements
alterne, dès les anciens textes, avec man- partitif en assiette transitoire plurielle ; le articulatoires. La phonétique articulatoire.
gier de pain. Que l’article défini apporte fait est clair si l’on confronte Donne-moi
articulé, e [artikyle] adj. (part. passé de
dans ce tour sa valeur actualisante, et d’autres livres et Donne-moi des autres
articuler).
l’on obtient mangier del pain, où l’on peut livres : dans la seconde phrase, le groupe
voir notre partitif moderne, mais seule- souligné est un groupe partitif ; l’article I. 1. Qui a une ou plusieurs articulations :
ment à partir du jour où l’article défini y a des a le sens « défini contracté », l’élément Un généreux Américain parle d’offrir des
perdu toute valeur déterminative. Lucien les inclus identifiant l’ensemble désigné membres articulés aux statues grecques
Foulet a montré en effet, très judicieuse- avec un ensemble préalablement décou- du Louvre (Cocteau). 2. Fig. Qui est
ment (Petite Syntaxe de l’ancien français, pé, notoirement actuel. D’autre part, la bien relié : Les visions [...] sont remplacées
§ 85-112), qu’une phrase comme : Man- langue trouvait son compte à remplacer par des idées articulées l’une sur l’autre
chevaire, verse del vin (Courtois d’Arras, du ou des, en pareille position, par un de avec précision (Romains). Par extens.
v. 292), prononcée par un personnage largement attesté comme article indéfini Formé de parties reliées logiquement les
alors que la bouteille est sur la table, ne dans les français régionaux : elle diffé- unes aux autres : Un développement bien
contient qu’un groupe partitif semblable renciait ainsi la qualification préalable, articulé.
à : Verse de ce vin, où le nom vin a le sens notoire, lexicalisée, qu’exprime parfois
déterminé : del y est encore l’ « article dé- II.1.Prononcé distinctement : Des pa-
l’épithète antéposée (des grands frères,
fini contracté ». Le vers 1012 de la Chan- roles articulées. Des sons articulés. Lan-
des grandes soeurs, des petits pains, etc.),
son de Roland : Sin deit hom perdre e del gage articulé, langage qui comprend des
de la qualification nouvelle, transitoire,
quir e del peil (= Pour son seigneur, on sons distincts. 2. Class. et fig. Net et
voire prédicative, qui est son rôle dans
doit perdre de son cuir et de son poil), ne distinct : Des vérités bien articulées.
bien des cas (Elle a de grands yeux, c’est-
contient donc qu’en apparence l’article articulé n. m. Engrènement des dents du
à-dire : Elle a les yeux grands).
moderne. Les articles que la grammaire maxillaire supérieur avec celles du maxil-
traditionnelle appelle « partitifs », soit au articulaire [artikylr] adj. (lat. articu-
laire inférieur.
sens étroit (du, de la), soit au sens large laris ; 1538, J. Canappe). Relatif aux arti-
articulés n. m. pl. Syn. de ARTHROPODES.
(des), ne sont nés en tant qu’articles que culations : Cavité, ligament articulaire.
du jour où le tout dont ils désignaient Affection, rhumatisme articulaire. Sens articuler [artikyle] v. tr. (lat. articulare,
la partie fut oublié, du jour donc où ils articulaire, ensemble des sensations don- de articulus, articulation ; 1265, Br. Latini
ont cessé d’être véritablement partitifs : nées par la position des articulations. [paroles articulées]).

256
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

I. Réunir deux pièces d’un assemblage noncée au profit de ma mère, qui avait artificier [artifisje] n. m. (de artifice ;
mécanique par un dispositif qui rappelle conservé, grâce aux artifices de la loi et 1690, Furetière, au sens 2 ; sens 1, XVIIIe s.).
une articulation. au dévouement intelligent d’un notaire, 1. Ouvrier, soldat chargé de la manipu-
le droit de tester à sa guise (Maupassant). lation des explosifs. 2. Spécialiste qui
II. 1. Faire entendre des sons vocaux
prépare, qui tire un feu d’artifice.
à l’aide de mouvements des lèvres et de III.1.Terme générique désignant toute
la langue : Articuler un son, une syllabe. composition pyrotechnique destinée à artificieusement [artifisjøzm] adv.
Ce terrible pauvre langage d’infirme, être enflammée et à produire des effets (de artificieux ; XIVe s., Oresme ; en général
qui avait en quatre ans réappris à peu déterminés. 2. Feu d’artifice, ensemble au sens de « avec art » jusqu’au XVIIe s.). De
près uniquement à articuler son nom à de pièces d’artifice à effets détonants et façon artificieuse : Il a présenté artificieu-
elle (Aragon). Absol. Prononcer dis- éclairants, qu’on tire pour un divertis- sement la situation.
tinctement : Un acteur qui articule mal. sement : Chaque soir d’éblouissants feux • CONTR. : franchement, naïvement, sin-
2. Faire entendre en termes nets et, d’artifice allaient mêler aux étoiles leurs cèrement, spontanément.
par extens., proférer, dire : Le mari de ma panaches de feu (Maupassant). 3. Fig.
artificieux, euse [artifisjø, -øz] adj. (lat.
mère articule en bégayant : « Vous êtes un Ce qui éblouit par ses couleurs vives et
artificiosus, fait avec art, habile ; 1270, J. de
misérable ! » (Maupassant). par son éclat passager : Ce tableau est un
Meung ; jusqu’au XVIIe s., employé surtout
feu d’artifice de couleurs. Suite de traits
III. En droit, énumérer point par point : au sens de « fait avec art » [encore chez
d’esprit qui éblouissent par leur nombre
Articuler des faits, des accusations. Souf- Voltaire, 1754]). 1. Class. et littér. Qui est
et leur éclat : C’est un vrai feu d’artifice de
frez que j’articule contre le professeur plein d’habileté ; qui est fait avec art :
mots d’esprit, de reparties, de saillies.
d’éloquence au grand séminaire des griefs L’artificieuse et fine contexture des tragé-
qui ne sont que trop précis (France).
• SYN.: I, 1 ingéniosité ; 2 et 3 art, manière,
dies de Racine (Voltaire). Verlaine, qui ose
procédé, technique, tour. II, 1 art, astuce,
• SYN.: II, 1 prononcer ; 2 énoncer, expri- associer dans ses vers les formes les plus
ficelle (fam.), ruse, stratagème, subterfuge,
mer, prononcer. — CONTR. : I désarticuler, familières et les termes les plus communs à
truc (fam.). — CONTR.: I, 1 balourdise, gau-
disloquer. II, 1 bafouiller, balbutier, bre- la poétique assez artificieuse du Parnasse,
cherie, maladresse. II, 1 droiture, fran-
douiller, marmonner, marmotter ; 2 celer, et qui finit par écrire en pleine et même
chise, naturel, sincérité.
taire. cynique impureté : et ceci, non sans bonheur
s’articuler v. pr. 1. En parlant des os, artificiel, elle [artifisjl] adj. (lat. arti- (Valéry). 2. Littér. et péjor. Se dit d’une
des segments du corps des insectes ou des ficialis, conforme à l’art ; 1361, Oresme). personne qui essaie de tromper en rusant,
crustacés, se joindre par une articulation : 1. Créé par l’action de l’homme et non par en déguisant la vérité, et des moyens qu’elle
L’humérus s’articule avec la cavité glénoïde la nature : Lac artificiel. Fleurs artificielles. emploie : Au temps des amours, Madame
de l’omoplate. 2. En parlant des éléments Soie artificielle. Cet escalier de roc vif [...] Roland, qui n’était pas une créature arti-
d’un assemblage mécanique, être réunis était remplacé par quelques marches arti- ficieuse, pouvait le tromper sans même
par une charnière, un cardan : La bielle ficielles (Lamartine). Membre, organe mentir (France). Des paroles artificieuses,
s’articule avec le piston. artificiel, membre, organe qui remplace le une conduite artificieuse.
membre, l’organe naturel correspondant. • SYN. : 1 habile, ingénieux ; 2 astucieux,
articulet [artikyl] n. m. (de article ;
Escalade artificielle, ensemble des pro- captieux, fourbe, hypocrite, retors, rou-
début du XXe s.). Fam. Petit article de jour-
cédés d’ascension utilisés quand les prises blard, rusé. — CONTR. : 1 gauche, grossier,
nal : Depuis son mariage, il avait assez peu
naturelles manquent. Prairie artificielle, maladroit ; 2 droit, franc, naïf, sincère.
vu Joseph et se le représentait volontiers à
culture fourragère de légumineuses (trèfle,
travers les propos de Cécile ou de Laurent, artiflot [artiflo] n. m. (de artilleur ; 1879,
luzerne, sainfoin), utilisées pour leurs
et les articulets des gazettes (Duhamel). Esnault). Arg. Artilleur : As-tu connu Guy
feuilles et leurs tiges, et incluses dans
au galop | Du temps qu’il était militaire |
artifice [artifis] n. m. (lat. artificium, art, l’assolement. Créé par l’esprit humain
As-tu connu Guy au galop | Du temps qu’il
métier, habileté, ruse, de ars, art, et facere, pour remplacer quelque chose de naturel :
était artiflot (Apollinaire).
faire ; 1256, Aldebrant de Sienne, écrit arte- Un langage artificiel, l’espéranto. 2. Se
fice ; jusqu’au XVIIe s., employé surtout au dit de ce qui résulte de la vie en société, artillerie [artijri] n. f. (de l’anc. franç.
sens de « art, métier », sans idée péjor. ; feu de la civilisation : La civilisation a créé à artillier, équiper d’engins de guerre ;
d’artifice [XVIe s.] paraît venir de l’ital. fuoco l’homme des besoins artificiels. 3. Se dit réfection, sur art, d’un plus ancien atilier,
artifiziale). de ce que l’esprit humain a créé sans tenir atillier, parer, bas lat. *apticulare, de aptare ;
compte des données objectives : Un classe- 1306, Joinville, au sens de « ensemble des
I. 1. Class. et littér. Manière de faire ou
ment, un raisonnement artificiel. 4. Fig. engins de guerre » [encore au XVIe s.] ; sens
d’agir pleine d’habileté ; procédé ingé-
Se dit de ce qui manque de naturel, de spécialisé aux canons à partir du XIVe s.).
nieux : L’artifice infini qui entre dans la 1. Ensemble des bouches à feu, avec leurs
spontanéité : L’artificiel enjouement de sa
formation des insectes (Massillon). Je vais
voix me faisait mal (Gide). munitions et les véhicules qui les trans-
donc introduire ici l’artifice d’un doute
• SYN. : 2 factice ; 3 arbitraire, spécieux ; portent ou qui les tirent : Artillerie d’assaut,
(Valéry). 2. Class. et littér. Toute façon
subjectif ; 4 affecté, contraint, emprunté, de siège, de campagne. Pièce d’artillerie. Tir
d’agir, de travailler, de procéder : L’artifice
étudié, feint, forcé. — CONTR.: 1 et 2 naturel, d’artillerie. Nous allons nous replier pour
le plus ordinaire de la Sagesse céleste est de
inné, instinctif, originel, véritable, vrai ; 3 éviter un retour offensif avec l’artillerie et
cacher ses ouvrages (Bossuet). 3. Par ex-
objectif, positif, réel ; 4 naturel, spontané. des forces supérieures (Maupassant). Parc
tens. Métier, savoir-faire professionnel : d’artillerie, lieu où l’on rassemble tout le
L’artifice de l’écrivain a cette infériorité artificiel n. m. Création artificielle :
matériel d’artillerie. 2. Corps des mili-
sur celui du peintre qu’il ne peut montrer L’artificiel en tous genres est possible quand,
taires chargés du service de ces bouches
les objets que successivement (Gautier). au lieu de procéder par objets, l’esprit pro-
à feu : Servir, être affecté dans l’artillerie.
cède par fonctions (Valéry).
II. 1. Péjor. Manière d’agir qui tend à L’artillerie est une arme savante. 3. Fig.
déguiser la vérité, à masquer la nature : artificiellement [artifisjlm] adv. (de Ensemble de moyens puissants utilisés
Des artifices de coquetterie. Les artifices artificiel ; 1468, O. de la Marche, au sens dans une polémique, dans une discus-
de l’éloquence. 2. Moyens, ressources de « avec art » ; sens actuel, XVIIe s.). D’une sion : Écraser quelqu’un sous l’artillerie de
qu’offre une chose habilement utilisée : manière artificielle. ses arguments.
Une séparation de biens avait été pro- • CONTR. : naturellement. • SYN.: 3 arsenal.

257
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

artilleur [artijoer] n. m. (de l’anc. franç. artison [artiz] n. m. (de l’anc. franç. pensée (Maupassant). 4. Qui convient
artillier, équiper d’engins de guerre ; artre, arte, teigne, mite, probablem. du aux artistes ; qui s’oppose à un certain
1334, Delboulle). Militaire qui sert dans lat. tarmes, tarmitis, termite ; 1562, Du conformisme bourgeois : Une coupe de
l’artillerie. Pinet). Nom commun à un grand nombre cheveux, une pose artiste. Le journaliste,
d’insectes qui rongent les bois, les étoffes, cette variété du genre artiste, est la bête
artimon [artim] n. m. (génois artimone,
les pelleteries : La teigne est un artison. noire du bourgeois (Lesage).
du lat. artemo, artemonis, mât de proue,
• REM. On a écrit aussi ARTOISON, ARTUI- • SYN.: 3 artistique ; 4 bohème.
du gr. artemôn ; milieu du XIIIe s.). Mât
SON (XIIe-XIVe s.) et ARTUSON (XVIIe s.).
d’artimon, ou simplem. artimon, mât de artistement [artistm] adv. (de artiste ;
l’arrière d’un voilier. Voile d’artimon, artisonné, e [artizne] adj. (de arti- milieu du XVIe s.). Avec art, avec goût : Et
voile en forme de trapèze, accrochée au son ; XIIIe s.). Vx. Attaqué par les artisons : son crâne, de fleurs artistement coiffé, |
mât d’artimon. Vêtement artisonné. Oscille mollement sur ses frêles vertèbres.
| Ô charme d’un néant follement attifé !
artisan, e [artiz, -an] n. (ital. artigiano, artiste [artist] n. (lat. médiév. artista,
maître ès arts ; 1395, Chr. de Pisan, au sens (Baudelaire).
de arte, art ; 1546, Rabelais ; a aussi le sens
de « artiste, écrivain », aux XVIe-XVIIe s.). de « lettré » ; reste généralement l’équivalent artistique [artistik] adj. (de artiste ;
de « artisan » jusqu’à la fin du XVIIIe s. ; sens 1808, Boiste). 1. Vx. Propre aux artistes :
I. Class. Celui qui pratique l’un des arts moderne attesté dès le milieu du XVIIe s.). Le peintre, dans cette suprême indifférence
libéraux : On exposait une peinture | Où artistique qui ne songe qu’à la beauté, n’a
l’artisan avait tracé | Un lion d’immense I. 1. Class. Celui qui exerce un métier ma-
nuel : Un artiste en tapisserie. 2. Class. vu là qu’une heureuse opposition de belles
stature (La Fontaine). étoffes et de belles chairs (Gautier). 2. Vx.
Celui qui savait pratiquer les opérations
II.1.Personne qui exerce pour son de chimie : Raymond Lulle, Paracelse, Composé d’artistes : J’ai rencontré une de
propre compte un métier manuel : La Arnaud de Villeneuve ont été de savants ces énormes voitures de saltimbanques qui
mère du Nabab essayait de faire revivre artistes (Trévoux). 3. Auj. et ironiq. promènent de foire en foire toute une famille
son passé d’artisane à l’aide de quelques Artiste capillaire, culinaire, etc., coiffeur, artistique (Nerval). 3. Relatif aux arts,
reliques sauvées du naufrage (Daudet). cuisinier, etc. aux oeuvres d’art : Les richesses artistiques.
À droite, à gauche, en face, d’autres Enseignement artistique. Il déplorait que
II.1.Personne qui exerce profession- les églises fussent ainsi dépouillées par des
boutiquiers, d’autres artisans sortirent
nellement l’un des beaux-arts : L’artiste mécréants de leurs richesses artistiques
(Malraux). Maître artisan, travailleur
exquis, musicien ou peintre, par une seule (France). 4. Qui s’intéresse aux arts, aux
indépendant, protégé par le statut légal note bien choisie est capable de remettre oeuvres d’art : Tout ce qui n’est pas le Paris
de l’artisanat. À l’oeuvre on connaît en question tout l’univers (Claudel). Ar- artistique et boulevardier (Barrès). 5. Qui
l’artisan (prov.), on juge quelqu’un sur ses tiste peintre, celui, celle qui peint des ta- a les qualités d’une oeuvre d’art ; qui est
actes. 2. Fig. Celui qui, par son action, bleaux, par opposition au peintre artisan, exécuté avec art : Le caractère artistique
est l’auteur de quelque chose : Et Chris- au peintre en bâtiment. 2. Toute per-
du portrait en assurait la décence (Aymé).
tophe maintenant éprouvait du respect sonne qui a le sens de la beauté et qui est
• SYN.: 1 artiste.
pour ceux qui avaient été les artisans du capable de créer des oeuvres d’art : Quel
relèvement national (Rolland). 3. Fig. artiste, quel fabricant d’émotions je tue ! artistiquement [artistikm] adv. (de
Ce qui est la cause déterminante d’une (Barrès). 3. Artiste dramatique, ou sim- artistique ; milieu du XIXe s.). De façon
chose : Son courage avait été l’unique arti- plem. artiste, personne qui interprète des artistique : Une salle artistiquement
san de sa fortune militaire (Balzac). oeuvres théâtrales : Entrée des artistes. La décorée.
• SYN.: II, 2 âme, cause, ouvrier, promoteur, loge d’un artiste. 4. Toute personne que • SYN.: artistement.
responsable. sa passion pour le beau amène à négliger
arton [art] n. m. (gr. artos, pain ; 1455,
les contingences et les contraintes bour-
• REM. Au sens figuré, on emploie géné- Coquillards). Arg. et vx. Pain.
geoises : Une vie d’artiste. 5. Fam. et
ralement le masculin au lieu du féminin :
ironiq. Bon à rien, maladroit : Quel est arum [arm] n. m. (mot lat., du gr. arôn ;
Elle a été l’artisan de ses succès.
l’artiste qui a fait ce gâchis ? 1545, G. Guéroult). Plante herbacée, vivace,
adj. (rare au fém.). Composé d’artisans :
adj. (1807, Mme de Staël). 1. Qui a le goût à tige souterraine renflée, dont certaines
Un public artisan. Bien des choses que la
de l’art : Car souvenons-nous que la France, espèces donnent une fécule alimentaire :
ville artisane et rentière ne soupçonnait
le public français, veux-je dire (si nous en La première rencontre avec l’eucalyptus et la
pas (Arène). Il est peu de familles du Midi,
exceptons quelques artistes et quelques découverte [...] d’un petit arum à capuchon
artisanes ou bourgeoises, qui n’aient leur
écrivains), n’est pas artiste, naturelle- furent les événements de ce séjour (Gide).
cousin Puyfourcat, le chercheur d’aventures
ment artiste ; ce public-là est philosophe,
parti dès sa jeunesse et qui n’a plus écrit, aruspice n. m. V. HARUSPICE.
moraliste, ingénieur, amateur de récits et
qu’on aime à se figurer richissime (Daudet). d’anecdotes, tout ce qu’on voudra, mais aryen, enne [arj, -n] adj. et n. (du
artisanal, e, aux [artizanal, -o] adj. (de jamais spontanément artiste (Baudelaire). sanscr. ärya, noble ; 1714, Fénelon). 1. Qui
artisan ; 1928, Larousse). 1. Qui est propre 2. Provoqué par une émotion esthé- appartient aux peuples ayant parlé ou
aux artisans : Les méthodes, les vertus arti- tique : Lamarthe, penché vers Mariolle et parlant des langues indo-européennes :
sanales. Une mentalité artisanale, surannée tout frémissant d’exaltation artiste, lui dit : Langue aryenne. 2. Se dit de l’origine
(Aragon). 2. Dont le rythme de produc- « Dieu ! qu’elle est belle ! » (Maupassant). ethnique commune attribuée par certains
tion est faible (souvent péjor.) : La produc- 3. Vx. Propre aux oeuvres d’art : La à ces peuples : Race aryenne. Type aryen.
tion n’a pas dépassé le niveau artisanal, le valeur artiste de l’objet d’art (Maupassant).
aryténoïde [aritenid] adj. (gr. arutai-
Écriture artiste, style caractérisé par la
stade artisanal. noeidês, en forme d’aiguière ; v. 1560, Paré).
recherche, le raffinement : Les Goncourt
Cartilage aryténoïde, cartilage mobile du
artisanat [artizana] n. m. (de artisan ; fin prétendaient avoir créé l’écriture artiste. Il
larynx, qui tend les cordes vocales.
du XIXe s.). 1. État d’artisan. 2. Ensemble n’est point besoin du vocabulaire bizarre,
des artisans : Toutes les classes, de la bour- compliqué, nombreux et chinois qu’on vous arythmie [aritmi] n. f. (de a priv. et du
geoisie à l’Église, de la noblesse à l’artisanat impose aujourd’hui sous le nom d’écriture gr. rhuthmos, rythme ; 1888, Larousse).
(Van der Meersch). artiste, pour fixer toutes les nuances de la Irrégularité et inégalité des contractions

258
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

cardiaques : Vous n’avez rien, absolument ascaris n. m. V. ASCARIDE. termes vont croissant. En musique, se dit
rien, pas de dédoublement, toujours un peu d’un intervalle quand le second son est plus
ascendance [asds] n. f. (de ascendant,
d’arythmie (Bourget). Un peu d’albumine, aigu que le premier. 5. Ligne généalogique
adj. ; fin du XVIIIe s.).
de sucre, d’arythmie cardiaque n’empêche ascendante, celle dans laquelle on remonte
pas la vie de continuer normale pour celui I. 1. Nom donné à certains mouvements du fils au père, à l’aïeul, etc.
qui ne s’en aperçoit même pas, alors que seul qui s’effectuent de bas en haut. Ascen- • SYN. : 1 ascensionnel. — CONTR. : 1 et 5
le médecin prévoit la prophétie de catas- dance thermique, mouvement par lequel descendant.
trophes (Proust). les couches d’air chaud tendent à s’élever ascendants n. m. pl. Les parents dont on
dans l’atmosphère. 2. En astronomie, est issu : Les Laroque et les Desqueyroux
arythmique [aritmik] adj. (de aryth-
mouvement d’un astre qui s’élève au-des- ont laissé leurs logis tels qu’ils les reçurent
mie ; 1888, Larousse). 1. Qui est caracté-
sus de l’horizon. 3. En mathématiques, des ascendants (Mauriac).
risé par l’arythmie : Un pouls arythmique.
caractère d’une progression dont les
2. Qui n’est pas rythmique : Une poésie • CONTR. : descendants.
termes vont croissant.
arythmique. • REM. En ce dernier sens, on trouve
II. 1. Ligne généalogique qui, dans la fi- quelquefois le singulier masc. ascendant,
arzel [arzl] n. m. (esp. argel, de l’ar. aral ; liation d’une personne, remonte du fils au et même le fém. ascendante : Mère Inno-
1611, Cotgrave). Cheval dont les pieds de
père, à l’aïeul, etc. 2. Ensemble des per- cente tenait de son ascendante Margue-
derrière et le chanfrein sont de couleur sonnes appartenant à toutes les généra- rite, la Dacier de l’Ordre. Elle était lettrée,
blanche. tions antérieures, d’où est issu quelqu’un : érudite, savante, compétente (Hugo).
as [s] n. m. (lat. as, assis, unité de poids Ascendance paternelle, maternelle. L’une
ascenseur [assoer] n. m. (du lat. ascen-
et, par extens., de monnaie ; XIIe s. ; var. et l’autre [famille] comptait dans son
sum, supin de ascendere, monter ; 1867,
asse, XVIe s. ; au sens II, 2, début du XXe s.). ascendance une majorité de gens de robe
Exposition universelle ; déjà en anc. franç.
(Martin du Gard). 3. Origine marquée
I. 1. Dans la Rome ancienne, unité de au sens de « cavalier »). Appareil élévateur
par certains caractères hérités de ses
poids. 2. Pièce de monnaie en cuivre. qui transporte les personnes aux différents
aïeux : De mon ascendance terrienne j’ai
étages d’un immeuble, dans une cabine
II. 1. Face d’un dé à jouer marquée d’un gardé un vif amour pour tout ce qui touche
se déplaçant verticalement : Prendre
seul point ou d’un seul signe : Amener aux choses de la nature (Duhamel).
l’ascenseur.
l’as. Moitié de domino marquée d’un •SYN. : II, 3 ancêtres, extraction, racines.
seul point. Carte à jouer qui porte un — CONTR.: II, 1 et 2 descendance. ascension [assj] n. f. (lat. ascensio,
seul signe : As de coeur, de trèfle, de pique, de ascendere ; XIIe s., Aliscans, au sens
1. ascendant [asd] n. m. (lat. religieux [spécialisation du lat. chrét.] ; au
de carreau. Pop. Plein aux as, très riche.
ascendens, qui monte, part. prés. de ascen- sens astronomique, 1620, Béguin ; au sens
Pop. Passer ou faire passer quelque
dere, monter ; 1372, J. Corbichon ; au sens 4, fin du XVIIIe s.). 1. Action de s’élever, de
chose à l’as, le faire disparaître, l’esca-
3, XVIIe s.). 1. Dans la course d’un astre, monter : L’ascension d’un liquide dans un
moter. Vx et fam. As de pique, chose
mouvement par lequel il s’élève au-dessus tuyau. 2. Action de s’élever en gravissant
méprisable, toute personne, tout objet de
de l’horizon : Tel astre est à l’ascendant à quelque chose : Faire l’ascension d’un pic.
peu de valeur : Le clerc parle beaucoup,
telle époque. 2. Class. Influence de l’astre Elle montait, rapide, l’escalier dans une
il conçoit tout et reste vertueux comme
ascendant sur la destinée (s’emploie encore ascension qui avait de petits repos méditatifs
un as de pique, faute d’argent (Balzac).
en termes d’astrologie) : Au sort d’être sur le palier (Goncourt). 3. Mouvement
Fam. Être vêtu, ficelé, fichu comme l’as
cocu son ascendant l’expose (Molière). par lequel un astre s’élève au-dessus de
de pique, être très mal habillé. 2. Fig. et
L’ascendant est favorable. Un ascendant l’horizon : L’ascension suave de la lune
vx. Cavalier du premier peloton. Soldat
de naissance. 3. Fig. Grande influence (Samain). Ascension droite d’une étoile,
de valeur : Un as de l’aviation. 3. Fam.
que l’on exerce sur quelqu’un : Il n’ignorait en astronomie, l’une des coordonnées
Personne qui se distingue, qui occupe
pas son ascendant sur elle (Maupassant). équatoriales célestes d’un astre. 4. Action
une place éminente dans un domaine
Ainsi Bergotte, s’il ne devait rien à personne de s’élever dans les airs : L’ascension d’un
donné : Un as du volant. C’est un as en
dans sa façon d’écrire, tenait sa façon de aérostat. 5. Action miraculeuse par
cuisine.
parler d’un de ses vieux camarades, merveil- laquelle Jésus-Christ est monté au ciel en
• SYN.: II, 3 aigle, cacique (arg. scol.), cham- leux causeur dont il avait subi l’ascendant présence de ses disciples. (En ce sens, s’écrit
pion, crack, phénix, virtuose.
(Proust). avec une majuscule.) Anniversaire de
asaret [azar] n. m. (du lat. asarum, gr. • SYN.: 3 autorité, crédit, empire, emprise, ce miracle, célébré par l’Église quarante
asaron, nard sauvage ; XIIIe s.). Plante à fascination, influence, pouvoir. jours après Pâques : La fête de l’Ascension.
feuilles lisses et luisantes, à fleurs verdâtres OEuvre d’art représentant l’Ascension de
2. ascendant, e [asd, -t] adj. (lat.
à l’extérieur et rouges à l’intérieur, appelée Jésus-Christ. 6. Fig. Action de s’élever
ascendens, part. prés. de ascendere, mon-
aussi cabaret, oreille d’homme. dans la hiérarchie sociale : L’histoire de
ter ; 1503, G. de Chauliac ; au sens 5, repris,
notre ascension professionnelle a été faite
asbeste [asbst] n. m. (lat. asbestos, au XVIe s., au lat. jurid. ascendens [Paulus,
plusieurs fois (Maurras). Un idéal bour-
mot gr. signif. « incombustible » ; 1532, IIIe s.]). 1. Qui va en montant ; qui va de bas
geois que de nos jours propose le bourgeois
Rabelais). Substance minérale incombus- en haut : Les couches d’air chaud s’élèvent
à l’ascension du prolétaire (Gide). 7. Fig.
tible, de la nature de l’amiante. dans l’atmosphère par un mouvement
Action de s’élever spirituellement ou
ascendant. Astre ascendant, astre qui
ascaride [askarid] ou ascaris [askaris] moralement : Tout progrès nouveau est
s’élève au-dessus de l’horizon. 2. Se dit
n. m. (lat. médiév. ascarida, du gr. aska- [...] une ascension de l’homme à Dieu
d’organes se dirigeant de bas en haut : Aorte
ris, askaridos, petit ver intestinal ; 1372, (Sainte-Beuve).
ascendante. Côlon ascendant. 3. Fig. Se
J. Corbichon). Ver parasite qui vit dans • SYN.: 1 montée ; 2 escalade, montée ; 6 et
dit de ce qui marque une progression, de ce
l’intestin grêle de l’homme et d’autres 7 élévation, montée, progrès, progression.
qui permet de s’élever à une situation plus
vertébrés. — CONTR. : 1 et 2 descente ; 6 et 7 chute,
prospère : La période ascendante de la vie
déchéance, déclin.
ascaridiose [askaridjoz] n. f. (de asca- de César Birotteau. La marche ascendante
ride ; 1922, Larousse). Maladie provoquée d’un pays. 4. Spécialem. En mathéma- ascensionnel, elle [assjnl] adj. (de
par la présence d’ascaris dans l’intestin. tiques, se dit d’une progression dont les ascension ; 1557, P. de Mesmes, écrit ascen-

259
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

sional ; ascensionnel, 1698, J. Bouguer). Qui et des privations par lesquelles on essaie Appareil de détection sous-marine par
tend à monter ou à faire monter : Force d’atteindre un but spirituel ou religieux : ultrasons.
ascensionnelle. Spécialem. Vitesse ascen- Sainte Radegonde [...] fonda le monastère
asepsie [aspsi] n. f. (comp. savant formé
sionnelle, gain d’altitude réalisé par un de Sainte-Croix à Poitiers, où elle vécut plus
de a priv. et du gr. sêpsis, infection ; 1890,
avion dans l’unité de temps. de cinquante ans dans les pratiques d’un Baudouin). 1. Absence de tout germe infec-
ascétisme rigoureux (France). 2. Doctrine tieux. 2. Ensemble de moyens préventifs
ascensionner [assjne] v. intr. (de
ascension ; 1922, Larousse). Vx. Faire une philosophique ou religieuse qui prône le permettant d’éviter l’infection, ou sepsie,
ascension, s’élever : Des cheveux descendent mépris du corps et la lutte contre les ins- notamment en cas d’intervention chirur-
jusqu’au bout de son nez qui ascensionne à tincts et les passions pour le triomphe de gicale : Les médecins ont découvert les prin-
leur rencontre (Colette). la vie spirituelle. 3. Manière de vivre très cipes de l’asepsie après ceux de l’antisepsie.
austère : L’habitude de l’ascétisme était telle • SYN. : désinfection, pasteurisation,
v. tr. Vx. Gravir par une ascension : Puis
qu’il me fallut d’abord m’efforcer vers la joie stérilisation.
le voisin part pour un dur voyage à cheval,
et ce n’est pas facilement que je parvenais
et à mulet ascensionne des pics, couche dans aseptique [asptik] adj. (de asepsie ; 1892,
à sourire (Gide).
la neige (Proust). Guérin). 1. Exempt de tout germe septique :
• SYN. : escalader. — CONTR. : descendre,
• SYN.: 1 et 2 stoïcisme ; 3 puritanisme, rigo-
Pansement aseptique. 2. Qui concerne
dévaler. risme. — CONTR.: 2 épicurisme, hédonisme,
l’asepsie : Méthodes, principes aseptiques.
matérialisme ; 3 libertinage, sybaritisme.
ascensionniste [assjnist] n. (de ascen- • CONTR. : septique.
sion ; 1877, Littré). Vx. Personne qui fait une ascidie [asidi] n. f. (gr. askidion, petite
aseptisation [asptizasj] n. f. (de asep-
ascension en montagne : Toutes les Alpes outre ; fin du XVIIIe s.). 1. Feuille de cer-
tiser ; 1907, Larousse). Action de rendre
bernoises alignées, blanches et roses, autour taines plantes carnivores dont l’extrémité
aseptique : L’aseptisation d’un pansement.
des lacs, attendant que l’ascensionniste fasse ressemble à une urne. 2. Animal inver-
son choix, jette son piolet sur l’une d’elles tébré qu’on trouve dans toutes les mers du aseptiser [asptize] v. tr. (de aseptique ;
(Daudet). globe et dont la tunique se fixe aux objets 1898, Larousse). Rendre aseptique : Et faire
environnants. dans l’ordre, prestement, sans hâte et sans
• SYN.: alpiniste.
perdre une seconde, chacun des gestes néces-
asciens [asj] n. m. pl. (du lat. ascius, gr.
ascèse [asz] n. f. (gr. askêsis, méditation ; saires pour que cette plaie soit aseptisée,
début du XXe s.). 1. État d’âme d’un ascète. askios, sans ombre ; 1694, Th. Corneille).
cette artère liée à temps, cette fracture pro-
2. Toute manière de vivre qui, par l’exer- Vx. Habitants de la région équatoriale, qui, visoirement immobilisée (Martin du Gard).
cice de la volonté, la pratique du renonce- ayant deux fois par an le soleil au zénith, Aseptiser un instrument chirurgical.
ment, les austérités, tend à la perfection ne voient pas, ces jours-là, d’ombre à midi, • SYN. : désinfecter, stériliser. — CONTR. :
morale ou spirituelle : Les intellectuels qui parce qu’elle est sous leurs pieds.
souiller.
entrent au Parti ont tendance à être puri- ascite [asit] n. f. (lat. ascites, du gr. aski-
tains ; ils font voeu de pauvreté quand ce asexué, e [askse] adj. (de a priv. et
tês, de askos, outre ; 1538, J. Canappe, écrit de sexué, dér. de sexe, du lat. sexus ; 1866,
n’est pas de chasteté. Ascèse personnelle. Je
ascites). Hydropisie causée par la présence Larousse). 1. Qui n’a pas de sexe : Le
n’aime pas qu’on entre dans le communisme de liquide dans le péritoine. genre indéterminé ou neutre [...] aurait dû
comme on entre dans les ordres (Vailland).
ascitique [asitik] adj. (de ascite ; 1866, étendre son domaine à tous les êtres et objets
ascète [ast] n. (gr. ecclés. askêtês, pro- asexués (Dauzat). 2. Qui n’implique pas
Larousse). 1. Qui appartient à l’ascite :
prem. « qui exerce une profession », de l’existence de sexes : Reproduction asexuée.
Liquide ascitique. 2. Qui comporte de
askein, exercer ; 1580, Du Préau, écrit 3. Qui n’a pas les caractères propres à
l’ascite : Cirrhose ascitique.
aschète). 1. Personne qui s’impose, par l’un des deux sexes (souvent péjor.) : La
adj. et n. Atteint d’ascite.
piété, des privations et des mortifica- voix asexuée d’un enfant.
tions : Des ascètes qui portaient une haire 1. asclépiade [asklepjad] n. m. et adj. • REM. Asexe a été employé avec le même
afin de mortifier leur corps. 2. Personne (lat. asclepiadeus, du gr. Asklêpiadês, n. sens jusqu’au XIXe s.
qui mène une vie austère : Mener une vie d’un poète ; 1701, Furetière). Nom de deux
d’ascète. asialie [asjali] n. f. (de a priv. et du gr. sia-
vers lyriques grecs et latins : Le petit asclé-
lon, salive ; 1863, Littré). Absence de salive.
[asetik] adj. (gr. askêtikos ; piade est composé d’un spondée, de deux
ascétique
chorïambes et d’un ïambe. Le grand asclé- asianique [azjanik] adj. et n. (de Asie ;
milieu du XVIIe s.). 1. Qui appartient à
piade a trois chorïambes au lieu de deux. début du XXes.). Relatif aux anciens peuples
l’ascétisme : Pratiques ascétiques. Dévotion,
de l’Asie antérieure ; habitant de cette
loi ascétique. Est-ce qu’aucune de vos créa- 2. asclépiade [asklepjad] n. f. ou asclé-
région.
tures peut vous échapper ? mais vous les pias [asklepjas] n. m. (lat. asclepias, -adis,
tenez captives par des règles aussi sévères tiré du gr., proprem. « plante d’Asklêpios » asiarque [azjark] n. m. (lat. asiarcha, du
que celles d’un coeur pénitent et avec une [Esculape] ; 1545, Guéroult). Espèce de gr. asiarkhês ; 1721, Trévoux). Dans la pro-
loi ascétique (Claudel). 2. Propre à un plante à fleurs roses odorantes. vince romaine d’Asie, grand prêtre chargé
ascète : Une maigreur ascétique. Un vieux d’organiser les jeux sacrés en l’honneur de
moine à l’oeil cave, aux lèvres ascétiques ascomycètes [askmist] n. m. pl. (du gr. Rome et d’Auguste.
(Leconte de Lisle). askos, outre, et mukês, champignon ; milieu
du XIXe s.). Groupe de cham pignons dont asiate [azjat] adj. et n. (de Asie ; début du
• SYN. : 1 austère, érémitique, monacal. XXes.). Asiatique, en parlant des personnes.
— CONTR. : épicurien, hédoniste, libertin, les spores sont enfermées dans des cellules
sensuel, voluptueux. mères, ou asques. asiatique [azjatik] adj. et n. (lat. asia-
n. m. Traité sur l’ascèse : Les ticus ; XVIe s., J. Lemaire de Belges ; sens
ascorbique [askrbik] adj. (de a priv. et
fig., 1819, Boiste). 1. Qui a rapport à
« Ascétiques » de saint Basile. de scorbut ; début du XXe s.). Acide ascor-
l’Asie ; habitant ou originaire de l’Asie.
n. f. Partie de la théologie qui traite de bique, constituant actif de la vitamine C.
2. Spécialem. Se dit d’un genre d’élo-
l’ascétisme.
asdic [asdik] n. m. (mot formé des ini- quence latine caractérisée par un style
ascétisme [asetism] n. m. (de ascète ; tiales de l’angl. Allied Submarine Detection très orné et exubérant : Hortensius, rival
début du XIXe s.). 1. Ensemble des pratiques Investigation Committee ; 1948, Larousse). de Cicéron, est le représentant le plus célèbre

260
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

du style asiatique. 3. Fig. Qui rappelle le sonne qui n’est pas adaptée à la vie sociale : en est une qu’on néglige ordinairement :
luxe ou les procédés de gouvernement des Un enfant asocial. l’aspect.
monarques d’Asie : Le seigneur Fortunio Employé pour la première fois en 1829
asparagine [asparain] n. f. (du lat. aspa-
est vraiment d’une magnificence tout à fait par Ch. Ph. Reiff, dans sa traduction de la
ragus, asperge ; milieu du XIXe s.). Alcaloïde
asiatique (Gautier). Grammaire russe de Gre, ce terme s’im-
existant dans les jeunes pousses d’asperge,
posait dans une étude de la morphologie
1. asile [azil] n. m. (lat. asylum, du gr. dans les betteraves, les vesces.
asulon, lieu inviolable, de a priv. et de sulân, du russe, comme de toute langue slave.
asparagus [asparagys] n. m. (mot lat. Dans la seconde moitié du siècle, le lin-
piller ; 1355, Bersuire ; écrit asyle du XVIe au
signif. asperge ; milieu du XIXe s.). 1. Nom guiste allemand G. Curtius appliquait la
XVIIIe s.). 1. Lieu sacré où l’on était à l’abri
scientifique du genre auquel appartiennent notion d’aspect à l’étude du verbe grec ;
des poursuites judiciaires : L’église était
les asperges. 2. Spécialem. Plante orne- il usait du terme de Zeitart (« mode de
un asile inviolable. Droit d’asile, droit
mentale appartenant à ce genre, et dont le temps »), justement évincé plus tard, dans
d’inviolabilité accordé à certains lieux, soit
feuillage léger et filiforme est utilisé par l’usage des grammairiens allemands, par
à cause de leur sainteté propre, soit à cause
les fleuristes. Aktionsart (« mode d’action »). C’est sur-
des personnes qui les habitaient. 2. Par
tout à propos du présent, de l’aoriste et du
extens. Tout endroit où l’on peut se réfu- aspect [asp] n. m. (lat. aspectus, de aspi-
parfait grecs, et à propos de l’opposition
gier pour échapper à un danger : Offrir, cere, regarder ; 1468, Chastellain ; fréquent
latine des formes d’infectum et de perfec-
donner asile à un prisonnier évadé. Trouver aux XVIe-XVIIe s. au sens de « regard » ; sens
tum, que la notion d’aspect se répandit
asile chez quelqu’un, auprès de quelqu’un. 7, XXe s.). 1. Class. Action de se présenter
en France : il fut admis que le français
3. Toute espèce d’abri, de refuge, de aux regards, à la vue d’autrui : Sera-t-il
même ne connaissait que les marques de
demeure : Je n’ai qu’un regret à cette heure, moins terrible et le vaincront-ils mieux
« temps ». Enfin, au XXe s., on s’intéressa
c’est de ne pouvoir vous offrir un asile pour | Dans le sein de sa ville à l’aspect de ses aux interférences de l’aspect et du temps
passer le reste de la nuit (France). Sans Dieux (Racine). 2. Class. Manière dont en français : « Sans avoir l’importance
asile, sans domicile fixe ; privé momenta- un lieu, un bâtiment est orienté ; exposi- qu’elle a dans d’autres langues, l’indi-
nément d’un foyer. 4. Vx. Établissement tion : En sorte que la maison fût tournée cation de l’aspect contribue en français,
qui recueille les vieillards, les indigents, les à un aspect sain (Fénelon). J’ai acheté [...] avec l’indication de la date, à l’expression
incurables, etc. : Asile de nuit. Spécialem. un domaine assez agréable, dans le plus bel du temps. [...] Le temps ne peut être com-
Établissement hospitalier où l’on soigne aspect de la nature (Voltaire). 3. Class. plètement indiqué que si l’on exprime,
les aliénés : Les asiles [...] ont deux tâches Regard qu’on dirige sur quelqu’un ou sur d’une part, à quel moment se rapporte
à remplir : la guérison de l’aliéné et la pro- quelque chose : Le prêtre avait à peine l’action, d’autre part, à quel point de son
tection de la société (H. Bazin). Salles obtenu du silence, | Et devers l’orient assuré développement elle est à ce moment » (F.
d’asile, ancien nom des crèches et des son aspect (Corneille). En aspect, devant Brunot, la Pensée et la langue, 1922) ; « Le
écoles maternelles. 5. Tout endroit où le regard : On a en aspect la côte la plus français n’est donc pas inapte à l’expres-
l’on peut se reposer, trouver le calme. Le riante (La Fontaine). 4. Manière dont sion de l’aspect, puisqu’il trouve le moyen
dernier asile, la tombe : J’accompagnai mon quelqu’un ou quelque chose apparaît aux de le faire dès qu’il en sent le besoin. Seu-
père à son dernier asile ; la terre se referma regards : Une construction d’aspect impo- lement l’aspect n’est pas en français une
sur sa dépouille ; l’éternité et l’oubli le pres- sant. Les masures et les ruines revêtaient catégorie grammaticale régulière » (J.
sèrent de tout leur poids (Chateaubriand). un aspect sauvage (Aragon). Absol. et Vendryes, le Langage, 1923). Par la suite,
6. Ce qui sert de dernier recours, de pro- fam. Manière d’être flatteuse, originale : La les théoriciens les plus originaux de la
tection, de refuge : Jen’ai plus d’autre asile, moindre chose avait de l’aspect (Romains). langue française adoptèrent, au sujet de
d’autre espérance que le tombeau (Musset). 5. Fig. Chacune des faces sous lesquelles l’aspect, des positions assez divergentes
peut être examinée une question : Un (Gustave Guillaume, Temps et verbe,
• SYN.: 3 gîte (fam.), logis, maison, toit ; 5
aspect favorable, défavorable. Retourner, 1929 ; Ch. Bally, Linguistique générale
abri, port, refuge, retraite ; 6 défense, res-
envisager une question sous tous ses aspects. et linguistique française, 1932). Les lin-
source, retraite, sauvegarde, secours.
guistes français n’avaient pas encore net-
Mettre en évidence des aspects nouveaux.
2. asile [azil] ou asilus [azilys] n. m. tement distingué — comme le faisaient,
6. En astrologie, position des astres par
(lat. asilus, taon ; fin du XVIe s., écrit azyle). dans une optique moins limitée, en 1926
rapport à leur influence sur la destinée des
Grosse mouche à corps velu. H. Jacobsohn, et en 1927, indépendam-
hommes : Étudier l’aspect du ciel. 7. En
ment de lui, Ed. Hermann — des valeurs
asine [azin] adj. f. (altér., par superposi- grammaire, manière dont le verbe exprime
subjectives (auxquelles H. Jacobsohn
tion syllabique, de asinine [XVIe s.], fém. de la progression de l’action : Le russe a deux
réservait le nom d’Aspekt) et des valeurs
asinin [rare], du lat. asininus, de asinus, aspects : le perfectif et l’imperfectif. (V. art.
objectives (auxquelles il réservait le nom
âne ; début du XVIIe s.). 1. Class. Bête asine, spécial.)
d’Aktionsart) : les premières sont mar-
âne ou ânesse. 2. Auj. Qui est relatif aux • SYN. : 4 air, allure, apparence, dehors, quées par la morphologie du verbe, selon
ânes : La race asine. forme, spectacle ; 5 angle, côté, couleur, la vue que le sujet parlant veut donner de
[askari] n. m. (ar. ‘askari, sol- jour, perspective, point de vue, rapport, l’action (opposition dormiebat/dormive-
askari
dat ; 1898, Larousse). 1. Nom donné à des tournure, vue. rat : action en cours/action réalisée) ; les
autochtones armés, recrutés autrefois secondes répondent à une particularité
par les explorateurs ou les caravaniers de intrinsèque du procès (opposition fero/
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
l’Afrique orientale pour assurer leur pro- tollo : je porte/je soulève ; suffixe « in-
tection. 2. Dans les anciennes troupes L’ASPECT choatif » -sco de cognosco, senesco, etc.) ;
coloniales allemandes et italiennes, soldat quelquefois, les deux sortes de marques
indigène. HISTORIQUE DU TERME sont cumulées : le parfait latin novi, « je
sais », s’oppose au présent nosco, « j’ap-
•REM. On écrit aussi ASCARI, ASKRI ou
Les « catégories morphologiques » du prends », à la fois par les désinences et par
ASKER.
verbe français enseignées traditionnelle- le radical. En France, J. Brunel a traduit
asocial, e, aux [assjal, -o] adj. et n. (de a ment dans les manuels sont la personne, cette distinction par les termes aspect et
priv. et de social ; v. 1930). Se dit d’une per- le nombre, le temps, le mode, la voix. Il ordre de procès (1946).

261
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Un pas de plus était fait dans l’analyse naissance du Christ) et des unités fixes tu pendant dix ans ; dans la première
des signifiés verbaux, dont la terminolo- d’intervalle (les années), les tiroirs du phrase, le verbe signifie « faire silence » ;
gie n’est pas encore unifiée aujourd’hui, verbe ne situent l’action que par réfé- dans la seconde, « garder le silence ».
parce que les faits sont très différents se- rence à l’instant présent (indéfiniment
Dès 1550, le grammairien lyonnais Louis
lon qu’on parle des langues sémitiques ou déplacé) et sans indication d’intervalle.
Meigret fondait l’analyse des sens du
des langues indo-européennes, et parmi Un fait qui n’est pas présent ne peut être
passif français sur la différence entre
celles-ci des langues slaves, du grec ou des donné que pour passé ou futur, sans pré-
langues romanes, etc. Dans l’exposé qui juger de la distance qui nous en sépare : il les verbes dont « l’action a continuité »,
suit, nous nous bornerons au français, et viendra (tout à l’heure ou dans dix ans), et ceux qui dénotent « perfection et fin
nous userons de la terminologie qui nous il est venu (le laitier ce matin ou César d’action » (le Tretté de la grammere fran-
paraît la moins amphibologique. en Gaule). Le présent même ne se défi- çoeze) ; la portée de cette distinction n’a
nit que par l’union d’un segment passé été comprise qu’au XXe s.
TEMPS ET ASPECT et d’un segment futur plus ou moins L’ordre de procès relève de la séman-
longs : le total des deux segments peut se tique comme la distinction « transitif »/
On saisit clairement la différence entre
chiffrer en secondes pour Le train passe,
les indications de temps et celles d’aspect « intransitif » — qui en est indépendante,
si l’on transpose les faits temporels sur mais, pour La Terre tourne, il approche
puisqu’on trouve des transitifs et des
de l’éternité.
le plan spatial. Soit une ligne graduée en intransitifs parmi les verbes conclusifs
centimètres ; sur cette ligne, nous pou- On peut toutefois, dans une certaine (briser ; naître) comme parmi les non-
vons situer approximativement un point mesure, distinguer des indications
conclusifs (regarder ; marcher). Certains
A en disant qu’il se trouve, par exemple, temporelles
préfixes rendent conclusifs des verbes qui
au centimètre 12 :
— absolues : celles qui réfèrent à l’instant ne le sont pas sous la forme simple : cou-
présent : Il est là. Il est venu. Il repartira ; rir/accourir ; porter/apporter, emporter ;
dormir/s’endormir.
— relatives : celles qui réfèrent à un mo-
On procède de façon analogue quand on L’ordre de procès a une importance consi-
ment déterminé par le contexte : En 1611,
dit : Henri IV est mort en 1610 ; on donne
il était mort. Elle m’a promis dimanche dérable dans la morphologie des langues
alors une indication de date, et c’est en ce
qu’elle me téléphonerait. slaves, comme le russe, où les verbes
sens restreint que l’on prend, en linguis-
« perfectifs » (exprimant des « actions-
tique, le mot temps. L’ORDRE DE PROCÈS points ») ont une conjugaison différente
Mais, si nous devons situer sur la ligne, de celle des verbes « imperfectifs » (expri-
Les études relatives aux valeurs tempo-
au lieu d’un point, un segment AB de 3 mant des « actions-traits »). On est trop
relles et aspectuelles du français ont été
cm, par exemple, le nombre 12 ne suf-
longtemps viciées par la méconnaissance loin d’une telle grammaticalisation dans
fit plus : il faut dire si le centimètre 12
d’une distinction qui ressortit à l’ordre les langues germaniques ou romanes
contient le commencement du segment
de procès : celle des verbes conclusifs et pour pouvoir parler d’une « conjugaison
(point A), sa fin (point B), ou une partie
des verbes non conclusifs (termes de O. perfective ou imperfective » — et c’est
intérieure (A se trouvant peut-être en 11
et B en 14) ; il se peut encore que AB soit Jespersen, A Modern English Grammar, pourquoi ces termes ne sauraient être
1931). Les premiers sont, en principe, retenus. On observe cependant en fran-
entièrement à gauche ou à droite de 12.
incompatibles avec toute indication d’in- çais une marque morphologique de l’op-
Ce genre d’indications est l’équivalent de
tervalle, comme longtemps, une heure, position « conclusif » / « non conclusif ».
ce qu’on appelle, dans l’ordre du temps,
les indications d’aspect, car la quasi-tota- quelques jours ; les seconds se recon- Les verbes intransitifs du premier type
naissent, au contraire, à ce qu’on peut les
lité des actions que nous avons à expri- tendent à former leurs temps composés
accompagner d’un complément de durée.
mer occupent dans l’espace une certaine avec être : il est entré ; il est mort ; il est
durée, qui peut être supérieure à celle des Ainsi, on ne saurait dire *Il naquit long-
né... ; ceux du second type, avec avoir :
temps : le verbe naître est conclusif ; mais
unités de temps ; comparer : il a dormi ; il a marché ; il a régné... (v.
on dit très bien Il marcha longtemps :
Henri IV régna de 1589 à 1610. AUXILIAIRE). C’est là le principal facteur,
verbe non conclusif. Quand un enfant est
Henri IV régnait en 1604. né, il ne peut continuer à naître : l’action sinon le seul, déterminant l’auxiliaire ; et
est conclusive ; au contraire, quand on a on le voit jouer librement dans les rares
Régna montre l’action dans toute sa du-
marché, l’action peut être continuée. cas où le choix de l’auxiliaire est laissé ;
rée, régnait n’en montre qu’une partie
intérieure : l’année 1604 ; l’opposition on dit : Nous avons monté pendant quatre
Les verbes suivants sont conclusifs :
du passé simple et de l’imparfait (v. plus heures, en prenant le verbe monter dans
atteindre, bondir, éclore, entrer, mourir,
loin) est une opposition d’aspect. naître, sortir, trouver... Tous les verbes un sens non conclusif (simple direction
conclusifs n’expriment pas une action d’un mouvement), mais : Nous sommes
LES INDICATIONS DE TEMPS montés sur le toit, dans un sens conclusif
instantanée ; l’action de déjeuner peut
durer plus d’une heure, mais on ne dit (but qui ne peut être dépassé).
A l’exemple des grammairiens Damou-
rette et Pichon (Des mots à la pensée, pas normalement *Il déjeuna longtemps :
EFFETS ASPECTUELS
le verbe est conclusif.
1930), pour éviter toute confusion sur
l’emploi du mot temps, nous appelle- Les verbes suivants sont non conclusifs : I. ASPECTS CONTINUATIF, SEMELFACTIF,
rons tiroirs les séries paradigmatiques de aimer, attendre, courir, dormir, habiter, ITÉRATIF
formes verbales désignées par les termes nager, regarder, régner, travailler, vivre...
particuliers de « présent », « imparfait », Il est d’ailleurs des verbes hybrides, de Sur le plan des signifiés, l’interférence
« passé simple », etc. Comment ces tiroirs sens conclusif ou non conclusif selon le du contexte avec l’ordre de procès pro-
expriment-ils le temps ? contexte : lire, occuper, se taire... Ainsi, duit certains effets aspectuels qui n’in-
Alors que les datations historiques se font ce dernier verbe est conclusif quand on téressent pas l’étude structurale de la
par référence à l’échelle chronologique, dit : Les sifflets obligèrent le chanteur à langue, n’étant pas marqués morphologi-
qui suppose une origine absolue fixe (la se taire ; il ne l’est pas dans : Je me suis quement, mais qu’il y a intérêt à discer-

262
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

ner avant d’étudier les marques d’aspect. la périphrase aller + gérondif (avec ou ne s’opposent plus par l’aspect, ils s’op-
Comparons trois phrases : sans en) : posent par la « voix » (actif/passif) :

1. J’ai habité Limoges un an. Ils allaient cueillant les baies du J’aperçois mon ami poursuivant un
chemin ; chien.
L’action d’habiter, qui est non conclusive,
le tour subsiste quand une idée de pro- J’aperçois mon ami poursuivi par un
est montrée se prolongeant pendant toute
gression dans l’intensité se joint à l’aspect chien.
la durée que limite le complément de
temps : l’aspect est continuatif ; continuatif : Poursuivi exprime une action non plus
antérieure, mais simultanée à l’époque
2. Un jour, j’ ai déjeuné chez Dupont. Un rhumatisme qui ne va qu’en empi-
de référence ; ce n’est plus à proprement
rant (Flaubert).
L’action de déjeuner, qui est conclusive, parler un « participe passé », c’est un
II. ASPECTS TENSIF, EXTENSIF OU ACCOMPLI,
est montrée se produisant une fois (lat. « participe présent passif ».
BIEXTENSIF
semel), sans occuper toute la durée que Reste le cas des verbes conclusifs transi-
limite le complément de temps (durée tifs. Comme venu, ils ont le sens extensif,
Au participe.
très supérieure à la durée possible d’un mais, comme poursuivi, ils ont le sens
repas) : l’aspect est semelfactif ; Le français a hérité du latin deux formes
passif : un tablier déchiré ; une porte
de participe, appelées traditionnellement
3. Toute la semaine, j’ ai déjeuné fermée.
« participe présent » et « participe passé ».
chez Dupont. À la conjugaison passive.
Cette dénomination a quelque fonde-
L’action conclusive de déjeuner est mon- ment pour les verbes intransitifs conclu- Les faits se présentent autrement si le
trée se répétant autant de fois qu’elle peut sifs comme venir ; comparer :
participe est non plus épithète, mais at-
se produire en une semaine : l’aspect est
J’aperçois mon ami venant avant tribut, précédé du verbe être : : il consti-
itératif. L’action ne se prolonge pas, mais
moi. tue alors avec ce verbe une périphrase
sa répétition se prolonge dans les limites
J’aperçois mon ami venu avant moi. plus ou moins grammaticalisée, dont
de durée contextuelles : la répétition est
Venant montre l’action même de « ve- les variantes paradigmatiques forment
non conclusive.
nir » pendant la durée de son accomplis- la « conjugaison passive ». Le passif d’un
Il apparaît, par ces exemples, que le fran- verbe non conclusif se confond tout à fait
sement ; venu n’en montre que le résul-
çais, à la différence des langues slaves, ne avec l’emploi attributif du participe dit
tat : l’état de présence qui a suivi l’action
dispose d’aucune « forme » particulière
de « venir » une fois accomplie. Nous « passé » d’aspect tensif :
pour marquer la répétition de l’action :
emprunterons à Gustave Guillaume les
toute forme d’un verbe conclusif peut Mon ami est poursuivi par un chien
termes désignant ces deux aspects ; si l’on
y marquer, selon le contexte, l’aspect (= un chien le poursuit).
appelle tension la mobilité progressive
semelfactif ou l’aspect itératif. Mais, pour les verbes conclusifs, il
d’une action en train de s’accomplir, ve-
De cette indistinction résultent constam- nant nous montre l’aspect tensif (action convient de distinguer :
ment des ambiguïtés ; une phrase en tension) et venu l’aspect extensif (état
1. Un syntagme attributif, où le parti-
comme : Cette semaine, j’ ai déjeuné au succédant à la tension qui a atteint son
cipe, à valeur d’attribut, conserve l’aspect
restaurant peut avoir des sens différents terme). « Extensif » ne désigne pas autre
extensif :
selon qu’on prend le verbe sous l’aspect chose que ce qu’on exprime ordinaire-
semelfactif ou itératif. Quand une préci- ment par « accompli », et nous emploie- La porte est fermée (= on a fermé la
sion s’impose, elle peut être donnée par rons souvent ce dernier terme ; mais porte) ;
des compléments, c’est-à-dire par la voie « tensif » ne peut être sans danger rem-
sémantique : les adverbes comme souvent, placé par « inaccompli », que les gram- 2. Une périphrase grammaticalisée à

rarement expriment la répétition d’une mairiens prennent dans des sens diffé- valeur passive et d’aspect tensif, ayant
manière approximative ; le nom fois, pré- rents, et qui ferait croire que l’action est la même valeur temporelle que son
cédé d’un nombre, l’indique exactement : montrée « inachevée » : or, cela est vrai auxiliaire :
une fois, deux fois, etc. Certains verbes pour le participe présent (venant), mais
Tous les soirs, la porte est fermée par
recteurs marquent la répétition : non, par exemple, pour le passé simple
le concierge (= le concierge ferme la
(il vint), qui montre l’action dans toute sa
Il ne cesse pas de me téléphoner. porte) ;
durée.
Il ne fait que me téléphoner.
L’opposition morphologique venant/ c’est toujours le cas quand l’aspect est ité-
Quelques verbes d’action expriment la venu justifie l’opposition terminologique ratif (répétition indéfinie [v. plus haut]).
répétition par leur suffixe même, et l’as- « présent » / « passé » quand le point d’ob- Mais cette condition n’est pas nécessaire :
pect est alors intégré à l’ordre de procès : servation est présent (j’aperçois) ; s’il est l’aspect tensif donne une phrase comme :
clignoter, mâchonner, sautiller, tacheter, passé (j’aperçus) ou futur (j’apercevrai),
tirailler. La même idée peut encore être on ne peut parler que d’une action « si- Un soir, la porte fut fermée à
traduite sur le plan nominal : Il a fait de multanée » ou « antérieure ». 9 heures, où l’on a un « passé simple
petits sauts. Elle a poussé des cris. Il me passif » (= on ferma la porte).
Mais tous les participes passés n’ont
donnait des coups. pas la valeur extensive : les verbes non De cette double valeur aspectuelle —
Le français classique employait, pour conclusifs, comme aimer, poursuivre, parfaitement reconnue en 1550 par Mei-
marquer l’aspect continuatif ou itératif regarder, expriment au participe passé gret — résultent des ambiguïtés, que
d’un mouvement (réel ou métaphorique), l’aspect tensif : poursuivant et poursuivi la langue résout par différents moyens,

263
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

par exemple en recourant à la forme phase extensive de l’action ; c’est sans segments par l’instant présent. Cette vue
pronominale : doute le cas le plus fréquent, et il est alors s’applique particulièrement aux verbes
vain de vouloir y reconnaître soit le sens non conclusifs : Il dort. La Terre tourne ;
La porte se ferme à six heures.
1, soit le sens 2. ou aux verbes conclusifs exprimant une
(V. PASSIF, PRONOMINAL.)
En principe, tous les temps composés action d’une certaine durée : Il déjeune.
Aux temps composés. peuvent exprimer : Chacune des actions exprimées dans ces
exemples est montrée en partie accom-
Si la valeur tensive du participe passé — soit l’aspect extensif de l’action à
plie, en partie inaccomplie (c’est pour-
des verbes non conclusifs (comme pour- l’époque marquée par le temps de leur quoi le terme « inaccompli » ne peut
suivre) a vraisemblablement donné auxiliaire remplacer « sécant » sans impropriété ;
naissance à la conjugaison passive du — soit l’aspect tensif de l’action à une « duratif », que l’on emploie aussi, prête
français, la valeur extensive du parti- époque antérieure au temps de leur à confusion, n’impliquant aucun partage
cipe passé des verbes conclusifs a donné auxiliaire de la durée). Mais cette vue s’applique
naissance au système des formes « com- mal aux verbes conclusifs de sens instan-
— soit l’aspect tensif-extensif indivis.
posées », qui doublent toutes les formes tané, lesquels prennent souvent au tiroir
simples. Il en est ainsi à tous les modes, et l’on peut
« présent » une valeur de passé proche : Il
dire, par exemple, que l’infinitif français
La genèse apparaît le plus clairement dans est bruni, il arrive de la mer ; ou de futur
a deux temps, parce que sa forme simple,
le cas des verbes intransitifs : un groupe proche : Attendez, j’ arrive.
tensive, a une certaine valeur temporelle,
comme il est venu exprime l’aspect exten- L’aspect non sécant est celui d’une action
et que sa forme composée peut avoir la
sif, le résultat présent de l’action accom- qu’on observe d’un point extérieur à sa
valeur extensive d’aspect accompli, mais
plie, et l’on pourrait croire qu’il y a là un tension. C’est normalement le cas pour
aussi la valeur tensive de temps antérieur
syntagme attributif, et non une forme un verbe conclusif au passé simple ou
— sans oublier la valeur tensive-exten-
verbale composée. Ce qui interdit cette composé, au futur : La guerre éclata au
sive. (V. INFINITIF.)
interprétation est l’existence parallèle et mois d’août. Paul arrivera ce soir.
complémentaire de formes à auxiliaire Il existe des formes « surcomposées »
comme j’ai eu dormi. Le passé surcom- Si l’on compare maintenant les deux
avoir, dont l’analyse en syntagme est im-
posé peut n’avoir que l’aspect extensif, phrases suivantes :
possible : il a dormi, il a marché, formes
commutables avec il est venu. quand il est employé en corrélation avec Il fera nuit à huit heures,
un passé composé tensif (équivalent, en A une heure du matin, il fera nuit,
Un autre fait plaide pour l’unité gram-
français parlé, du passé simple) ; ex. : J’ai
maticale de la périphrase être (avoir) +
mieux travaillé quand j’ai eu dormi. Mais on y voit la même forme temporelle (fera)
participe passé : c’est qu’elle s’est intégrée
il présente une valeur bi-extensive très exprimer l’action sous l’aspect non sécant
à l’ensemble des tiroirs du verbe, où elle
nette dans certaines régions de France, (à 8 heures, la nuit tombera), puis sécant
joue (en opposition, comme nous ver-
où il exprime comme une seconde sé- (à 1 heure, la nuit ne sera pas achevée) ; il
rons, avec l’imparfait) un rôle de « temps
quelle de l’action ; comparer : s’agit d’une action non conclusive, et les
passé ». Il suffit pour cela que la pensée
compléments de temps substituent leur
regarde, au lieu du présent, le passé ; les J’ai pêché une carpe de deux livres : repère temporel à celui de l’instant pré-
exemples suivants mettent cette double aspect extensif ; on peut s’apprêter à sent. Le tiroir « futur » est donc par lui-
possibilité en évidence : la manger ; même indifférent à cette nuance aspec-
J’ai eu pêché une carpe de cinq tive, que déterminent seulement l’ordre
1. Impossible d’entrer : le concierge a
livres : aspect bi-extensif ; la carpe de procès et les éléments contextuels. On
fermé la porte.
n’est plus à cuire, mais elle enrichit peut en dire autant des tiroirs simples de
Le verbe a fermé montre dans le présent mon expérience et mon prestige de l’impératif, du conditionnel, du subjonc-
l’aspect extensif de l’action : la porte est pêcheur. tif et de l’infinitif, et même du présent de
fermée ; Une indication d’intervalle est donnée l’indicatif, quoique les conditions nor-
ici, exceptionnellement : il s’agit d’un males de son emploi impliquent la vue
2. Un jour, le concierge a fermé la
passé reculé. (V. SURCOMPOSÉ.) sécante. En cas d’ambiguïté, on recourt
porte à 9 heures.
aux voies sémantiques : les locutions au-
III. ASPECTS SÉCANT ET NON SÉCANT
Le verbe montre dans le passé l’aspect xiliaires être à, être en train de, marquent
tensif de l’action : on pourrait remplacer On peut recourir encore à une image expressément l’aspect sécant :
a fermé par ferma. spatiale pour définir l’aspect « sécant ». Soyez à vous promener à ce moment-
On dit souvent que le passé composé a La vue qu’on a d’un bois est essentielle- là (Balzac).
une « valeur d’aspect » dans la phrase 1, ment différente selon qu’on est dedans ou Quand vous viendrez, il sera en train
une « valeur de temps » dans la phrase à l’extérieur. Dedans, on ne voit que des de dormir.
2. Cette formulation ne doit pas être en- arbres, on a peu conscience des limites du
L’opposition sécant/non sécant connaît
tendue à contresens ; dans les deux cas, bois. De l’extérieur, ce sont, au contraire,
pourtant une expression morpholo-
a fermé a une valeur temporelle et une les limites que l’on perçoit, et si l’on est
gique : l’opposition imparfait/passé
valeur aspectuelle : en 1, c’est un présent sur une hauteur, le bois est vu dans sa
simple (ou composé). L’imparfait assume
extensif ; en 2, un passé tensif. Valeur totalité.
l’aspect sécant :
temporelle et valeur aspectuelle sont L’aspect sécant est celui d’une action
corollaires : l’une ne se définit pas sans qu’on observe d’un point de son dérou- A une heure du matin, il faisait nuit.
l’autre. Mais l’emploi tensif donne au lement : on ne voit ni le début ni la fin, L’aspect non sécant revient dans la langue
passé composé sa valeur de « temps pas- on voit la « tension » perpétuellement écrite au passé simple, dans la langue
sé » ; l’emploi extensif lui donne sa valeur mobile. C’est l’aspect que doit donner parlée au passé composé :
aspectuelle propre, celle qui le distingue le tiroir « présent » quand il exprime,
de tous les tiroirs simples. comme il est normal, une action présente, A huit heures, il fit (a fait) nuit.
Une troisième possibilité existe : l’esprit puisqu’une telle action — on l’a vu plus L’imparfait, dans sa valeur passée (non
embrasse à la fois la phase tensive et la haut — est coupée (lat. secare) en deux « irréelle »), implique donc un point

264
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

d’observation intérieur, que détermine tchèque (morphème ou lexème) par un 2. Partie qui fait saillie sur une sur-
généralement dans le contexte l’indica- signifiant de la langue romane. Les signi- face, rugosité : Il lui arrivait bien des fois
tion d’un moment plus court que l’action fiants du français sont pour la plupart de gravir la façade à plusieurs élévations
exprimée : lexématiques : préfixes, suffixes, verbes en s’aidant seulement des aspérités de la
et locutions auxiliaires, compléments de sculpture (Hugo). 3. Littér. Absence de
En 1604, Henri IV régnait.
temps, groupes nominaux de transfor- douceur, rudesse : L’aspérité du style.
Le passé simple (ou le passé composé) mation ; la grammaticalisation se limite • SYN.: 1 âpreté, inégalité ; 2 proéminence.
convient seul quand l’action s’inscrit en- à l’opposition des temps composés aux — CONTR. : 1 égalité, poli ; 3 douceur, sou-
tièrement dans le laps de temps indiqué : temps simples, et de l’imparfait au passé plesse, suavité.
simple (ou au passé composé). Le seul
Henri IV mourut (est mort) en 1610. asperme [asprm] adj. (de a priv. et du gr.
élément d’unité dans ces faisceaux hété-
Si l’action est non conclusive, il convient rogènes paraît, en définitive, se situer au sperma, semence ; 1866, Larousse). Se dit
non seulement quand le début en est daté d’un végétal qui ne produit pas de semence,
niveau des identifications, dans le plan
— comme on l’a vu —, mais aussi quand des signifiés : l’aspect serait une donnée de graine.
on en date la fin : Jusqu’à huit heures, il fit logique ou psychologique, corollaire de la [asprsj] n. f. (lat. aspersio ;
aspersion
(a fait) jour. (V. IMPARFAIT, PASSÉsimple, datation. XIIe s. ; terme ecclés. à partir du XVIe s.).
PASSÉcomposé.)
[aspr] n. f. (lat. asparagus, 1. Action d’asperger : Une aspersion d’eau
asperge
IV. ASPECTS INGRESSIF ET TERMINATIF du gr. asparagos ; milieu du XIIIe s., écrit froide. 2. Spécialem. Action d’asperger
esparge, esperge ; asparge et asperge, début d’eau bénite, dans une cérémonie reli-
Le français ne connaît pas de marque gieuse : L’aspersion du cercueil. 3. Vx et
du XVIe s.). 1. Plante potagère de forme
morphologique des aspects ingressif et fig. Action de la grâce qui se répand sur le
allongée, dont on mange les pousses quand
terminatif. Il les exprime sémantique- coeur (terme de mystique) : Avoir le coeur
elles sont encore tendres. Pointes d’as-
ment au moyen de verbes auxiliaires purifié par une aspersion intérieure (Littré).
perges, extrémités de petites asperges, qui
comme :
entrent dans la composition de certains • SYN.: 1 ablution, affusion ; 3 arrosement.
— (re) commencer à, se (re) mettre à, se plats. 2. Fig. et fam. Personne très grande n. m. (lat. ecclés. aspersorium,
aspersoir
(re)prendre à : et très maigre : Flanqué de son épouse, et de
de aspergere, arroser ; 1345, Godefroy).
deux grandes asperges de fils (Goncourt). 1. Goupillon qui sert à asperger d’eau
Toute la classe se mit à rire
(Flaubert) ; asperger [aspre] v. tr. (lat. aspergere, bénite. 2. Pomme d’arrosoir percée de
arroser ; milieu du XIIe s. ; terme ecclés. dont petits trous.
— finir de, achever de, cesser de : le sens s’étend à partir du XVIe s.). [Conj. 1 • SYN.: 1 aspergès.
et 5.] 1. Arroser légèrement, en projetant
La neige cesse de tomber. asphaltage [asfalta] n. m. (de asphal-
un liquide sous forme de pluie : Tous les
V. ASPECTS RÉCENT ET IMMINENT
ter ; 1866, Larousse). Action d’asphal-
portiers du voisinage affluaient et asper-
ter : Les travaux de réfection des voies et
geaient la dépouille mortelle du portier d’un
Si les formes verbales proprement dites d’asphaltage.
coup de goupillon (Balzac). S’asperger de
ne donnent aucune indication d’inter- • SYN.: bitumage.
parfums. 2. Fam. Mouiller en projetant
valle, le français exprime par des auxi-
de l’eau : Asperger quelqu’un. Nous avons asphalte [asfalt] n. m. (bas lat. asphaltus,
liaires un aspect récemment accompli :
été copieusement aspergés. bitume, du gr. asphaltos ; 1488, Mer des his-
Fustel de Coulanges venait de mou- • SYN. : 2 arroser, doucher, rincer (fam.), toires, écrit asphalti). 1. Bitume solide, d’un
rir, en 1891 saucer (fam.), tremper. noir luisant, qui se trouve à la surface de
(E. Herriot [Fustel de Coulanges est certains lacs, ou qui est un résidu de la dis-
aspergès [asprs] n. m. (lat. asperges,
mort en 1889]). tillation du pétrole. 2. Préparation à base
« tu aspergeras » [2e pers. du futur de asper-
de brai de pétrole, avec laquelle on recouvre
Il sortait de faire une expérience, gere, asperger], mot par lequel commence
les chaussées, les trottoirs. 3. Par extens.
dont il était content. l’antienne qui précède la messe ; 1386,
Chaussée ou trottoir recouvert de cette pré-
Sa maison ne fait que d’être achevée ; Douet d’Arcq, écrit esperges). 1. Dans la
paration : Le cheval [...] semblait avec ses
liturgie catholique, moment de l’office
ou imminent : où le prêtre fait l’aspersion d’eau bénite. sabots jouer des castagnettes sur l’asphalte
(Martin du Gard).
Christophe crut que son père allait la 2. Goupillon servant à l’aspersion :
Présenter l’aspergès.
• SYN.: 2 et 3 bitume, macadam.
tuer (R. Rolland).
• SYN.: 2 aspersoir, goupillon. asphalter [asfalte] v. tr. (de asphalte ;
Nous avons passé en revue les principaux
procédés d’expression de l’aspect en fran- 1866, Larousse). Recouvrir d’asphalte :
aspergille [aspril] n. f. ou aspergillus
çais. Des nuances pourront être précisées [asprilys] n. m. (lat. aspergillum, gou- L’espace asphalté ou macadamisé, je ne
quand on parlera de chaque temps en par- sais [...], qui borde ce second Luxembourg
pillon ; 1827, Acad.). Espèce de moisissure
ticulier. Mais une conclusion s’impose : qui se développe sur les substances sucrées. servait de piste aux amateurs [de véloci-
parmi les catégories qu’on retrouve dans pède] (Gide).
aspergillose [aspriloz] n. f. (de asper- •
la plupart des langues, l’aspect est une de SYN.: bitumer, macadamiser.
gille ; 1907, Larousse). Maladie dont l’agent
celles dont les manifestations morpholo-
est un champignon ascomycète et dont les asphalteur [asfaltoer] n. m. (de asphal-
giques diffèrent le plus d’une structure à
symptômes sont analogues à ceux de la ter ; fin du XIXe s.). Ouvrier qui asphalte :
l’autre. Le linguiste tchèque Jan Šabršula,
tuberculose : L’aspergillose atteint le boeuf, S’approchant pour sechauffer des poêles en
spécialiste en la matière, s’est attaché à plein air où fume le goudron des asphalteurs
le cheval, le mouton et surtout les oiseaux
prouver que toutes les nuances de l’aspect
domestiques, mais rarement l’homme. (Daudet).
slave sont rendues par le français, par
le roumain ; il a dressé des catalogues aspérité [asperite] n. f. (lat. asperitas, de asphaltier [asfaltje] n. m. (de asphalte ;
d’équivalences tels que les dictionnaires asper, rugueux, âpre ; XIIe s., Dict. général). début du XXe s.). Navire conçu spécialement
bilingues devraient en constituer, tra- 1. Vx. État de ce qui est inégal, raboteux, pour le transport du bitume.
duisant chaque signifiant aspectuel du rude au toucher : L’aspérité d’un terrain. • SYN.: bitumier.

265
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

asphodèle [asfdl] n. m. (lat. asphode- vité : Écrasé sous les charges fiscales, le pays aspirateur n. m. Nom donné à divers
lus, du gr. asphodelos ; 1534, Rabelais ; var. s’asphyxiait lentement. appareils qui aspirent des fluides :
aphrodile, afrodil[le], du XVe au XVIIIe s.). Aspirateur de buée. Spécialem. Appareil
1. aspic [aspik] n. m. (altér. [probablem.
Plante bulbeuse, à belles fleurs blanches électroménager avec lequel on fait dispa-
par croisement avec basilic] de lanc. franç.
ornementales : Un frais parfum sortait des raître la poussière par aspiration.
aspe, fém., du lat. aspis, mot gr. désignant
touffes d’asphodèles (Hugo). Partout où le
le naja d’Égypte ; 1213, Fet des Romains). aspiration [aspirasj] n. f. (lat. aspiratio,
roc n’affleure pas, des fleurs ; grands aspho-
1. Nom que les Anciens donnaient à un souffle [au sens de « inspiration » en lat.
dèles qui commencent à s’épanouir... (Gide).
serpent très venimeux, que l’on croit être le ecclés.] ; XIIe s., Livre des Rois, au sens de
asphyxiant, e [asfiksj, -t] adj. (part. naja haje. 2. Nom d’une espèce de vipère « aspiration [inspiration] divine » ; au sens
prés. de asphyxier ; milieu du XIXe s.). existant en France. 3. Littér. Nom par I, 1, XIIIe s. ; au sens I, 2, XIVe s. ; au sens I,
1. Qui asphyxie : Gaz asphyxiant. Vapeur lequel la vipère est souvent désignée : L’âpre 3, 1529, G. Tory).
asphyxiante. C’est à demi étouffé par un envie, aspic du chemin (Hugo). Fam.
I. 1. Action de faire pénétrer de l’air dans
obus asphyxiant qu’il reçoit la balle qui lui Langue d’aspic, personne très médisante.
ses poumons : L’aspiration et l’expiration.
traverse le visage (Gide). 2. Par extens. Où
2. aspic [aspik] n. m. (origine obscure ; Une de ces plaintes entrecoupées de lon-
l’on respire mal : L’atmosphère asphyxiante
peut-être emploi fig. du précédent, en raison gues aspirations et de hoquets (Claudel).
d’une salle pleine de monde. 3. Fig. Se 2. Action de faire monter des liquides
des couleurs variées de cette préparation ;
dit d’un milieu où règne la contrainte, où ou des gaz en produisant un vide : L’aspi-
milieu du XVIIIe s.). Préparation culinaire
les facultés mentales et le sens moral sont
composée de filets de viande, de poisson, ration de l’eau dans une pompe. 3. Ac-
étouffés : L’atmosphère asphyxiante de cer-
etc., moulés dans une gelée et présentés de tion de prononcer un son en l’accompa-
tains milieux politiques. manière variée. gnant d’un souffle. Bruit produit par le
• SYN.: 1 délétère ; 2 étouffant, irrespirable, passage de l’air expiré entre les parois de
suffocant. 3. aspic [aspik] n. m. (altér., sous l’in-
la glotte entrouverte : Ce bruit caractéris-
fluence de aspic, serpent, du provenç. espic,
asphyxie [asfiksi] n. f. (gr. médic. tique de la sortie de l’air que l’on appelle
tiré du lat. spica, épi ; 1492, G. Tardif, écrit
asphuxia, arrêt du pouls, de a priv. et du nom impropre d’ « aspiration » (Ven-
espic ; v. 1560, Paré, écrit aspic). Sorte de
de sphuxis, pouls ; 1741, Col de Vilars). dryes). [V. art. spécial.]
grande lavande.
1. État pathologique qui résulte d’une II. 1. Fig. Force intérieure qui pousse une
gêne ou d’un arrêt des fonctions respi- aspidistra [aspidistra] n. m. (mot lat.
personne vers la réalisation d’un idéal :
ratoires : Mourir d’asphyxie, succomber scientifique, du gr. aspidiskos, petit bou-
De nobles aspirations. Cette aspiration
à l’asphyxie. Les plantes, elles aussi, sont clier ; milieu du XIXe s.). Nom d’une plante
aveugle vers le mieux suffirait à justifier
sujettes à l’asphyxie. 2. Fig. Suspension originaire de Chine, dont une espèce à
l’amour tel que je le conçois (Breton).
larges feuilles lisses, vert foncé, est culti-
de l’exercice des facultés de l’âme et du 2. Par extens. Vif désir : Suivant les as-
corps : La femme se trouve [...] à son aise vée comme ornementale : Il jouissait
pirations du moment ou bien notre propre
au couvent. L’atmosphère en est tiède, un d’une assez belle terrasse, où tout aussitôt
vice sérieux (Rimbaud).
peu lourde : elle procure aux bonnes filles Véronique s’était mis en tête de cultiver des
• SYN. : I, 1 inhalation, inspiration. II,
les délices d’une lente asphyxie (France). aspidistras, qui réussissent si mal dans les
1 élan, impulsion, mouvement, tendance ;
appartements de Paris (Gide).
3. Fig. Arrêt progressif d’une activité, 2 appétit, convoitise, rêves, souhait. —
du développement économique : Un port aspiole [aspjl] n. m. (origine inconnue ; CONTR. : I, 1 expiration ; 2 refoulement.
coupé de son arrière-pays est condamné à milieu du XIXe s.). Fée, sylphe, génie mal-
une lente asphyxie. faisant : Venez, boucs méchants, | Psylles
aux corps grêles, | Aspioles frêles, | Comme GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
• SYN. : 2 engourdissement, étouffement,
hébétude, oppression, torpeur ; 3 marasme, un flot de grêles, | Fondre dans ces champs
L’ASPIRATION
paralysie, sclérose, stagnation. (Hugo).
Beaucoup de langues connaissent une
asphyxié, e [asfiksje] adj. et n. (part. aspirant, e [aspir, -t] adj. (part. prés.
« constrictive laryngale » (sourde ou so-
passé de asphyxier ; 1791, Fourcroy). de aspirer). Pompe aspirante, pompe qui
nore), que l’on prononce par expiration et
1. Qui est frappé d’asphyxie : Les secours élève un fluide en l’aspirant, c’est-à-dire
qu’on appelle improprement « aspirée » :
aux asphyxiés. 2. Fig. Qui subit les effets en produisant une dépression d’air.
c’est, par exemple, le phonème initial des
d’une contrainte morale, d’une oppres- n. (fin du XVe s., aspirant à la maîtrise).
mots anglais hat, « chapeau », et alle-
sion : Que me fait la sécurité que tu m’offres Personne qui désire obtenir un poste, un
mand haben, « avoir ».
[...] entre les quatre murs de ta caserne titre.
impériale ? J’y mourrais asphyxié (Rolland). Une aspirée existait primitivement en
• SYN.: candidat.
• SYN.: 2 étouffé, opprimé, paralysé. latin, notée h. Entre voyelles, elle s’y était
aspirant n. m. 1. Élève officier de la
amuïe dès l’époque prélittéraire : par
asphyxier [asfiksje] v. tr. (de asphyxie ; marine militaire : Entre l’état de collé-
exemple, nemo, « personne », continuait
1791, Fourcroy). 1. Mettre en état d’as- gien et la glorieuse fonction de l’aspirant
un ancien *ne-hemo (= ne-homo, « pas
phyxie : Asphyxier quelqu’un par strangu- de Marine s’élevaient des obstacles très
d’homme ») ; l’aspirée indo-européenne
lation. 2. Vx. Rendre incapable d’exercer sérieux : les figures incorruptibles de la
n’était pas prononcée dans mihi, nihil,
normalement ses facultés mentales : Il ne géométrie, les pièges et les énigmes systéma-
cohors, prehendere. Au contraire, à l’ini-
pensait plus qu’à renifler les flagorneries tiques de l’algèbre, les tristes logarithmes,
tiale, la non-articulation de h était jugée
dont on l’asphyxiait (Rolland). les sinus et leurs cosinus fraternels (Valéry).
vulgaire : c’est dans les campagnes que
2. Grade des armées de terre et de l’air
s’asphyxier v. pr. 1. Se suicider par des mots comme harena, « sable », hircus,
intermédiaire entre celui d’adjudant-chef
asphyxie : S’asphyxier au gaz de ville. « bouc », holus, « légume », sont devenus
et celui de sous-lieutenant.
2. Par extens. Dépérir faute d’une ali- arena, ircus, olus. Dès la fin de la Répu-
mentation normale en air pur : Dans cette aspirateur, trice [aspiratoer, -tris] adj. blique, la langue parlée populaire avait
atmosphère irrespirable, on s’asphyxie len- (de aspirer ; début du XIXe s.). Qui produit perdu l’aspirée initiale ; l’h cessa même
tement. 3. Par anal. Dépérir par suite une aspiration : Un étranguillon en haut et d’être écrit dans bien des inscriptions,
du ralentissement ou de l’arrêt d’une acti- des trous aspirateurs en bas (Hugo). et dans les textes de l’époque mérovin-

266
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

gienne, qui présentent umeros, odie pour les mots empruntés commençant par y la félicité (Lamartine). Aspirer à un emploi,
humeros, hodie. Les mots français issus + voyelle (yacht, yak, yatagan), dans des aux honneurs, à la gloire.
de mots latins en h- s’écrivent ordinai- mots comme oui, onze, pour une raison • SYN.: ambitionner, brûler de, convoiter,
rement sans h- en ancien français (iver, différenciative ou analogique. Si l’aspira- désirer, postuler, prétendre à, rêver, souhai-
ier, avoir, ome) ; quand ils ont repris un tion germanique a disparu en principe, ter, soupirer après. — CONTR. : dédaigner,
h étymologique, aucune aspiration n’a été sauf dans certaines régions comme la faire fi de, mépriser, négliger, renoncer.
liée à cette lettre purement graphique. (V. Wallonie orientale, la Lorraine, l’Alsace • REM. Aspirer de, suivi de l’infinitif, est
lettre H.) (où le bilinguisme est fréquent), la Nor- une tournure archaïque : Ce que j’aspirais
Mais une aspiration avait été réintroduite mandie, la Bretagne (où joue l’influence involontairement d’être (Barrès).
dès le gallo-roman avec les mots germa- celtique), ainsi qu’au Canada (coupé de la
aspirine [aspirin] n. f. (allem. Aspirin
niques ; on l’avait donc en ancien français France mère par un océan), il s’est pour-
[1899], de a priv. et de spiraea [ulmaria],
dans des mots comme haïr (francique tant maintenu ou créé dans certains mots
spirée [pour indiquer que cet acide n’est pas
*hatjan), helme (francique *helm), ou par une aspiration expressive ou imitative.
tiré de cette plante qui le contient naturel-
influence de mots germaniques dans halt L’interjection de doute qu’on écrit hem ou
lement] ; 1906, Larousse). Dérivé de l’acide
(du lat. altu, « haut », croisé avec l’adjec- hum n’est qu’un souffle d’abord oral, puis
salicylique, utilisé comme analgésique et
tif francique de même sens *hôh), dans nasal, exprimant une réticence éloquente.
fébrifuge : Un comprimé d’aspirine.
hanste (du lat. hasta, « lance », croisé avec Un bruit de souffle étoffe la voyelle dans
le nom francique hant, « main »). L’aspi- les interjections comme ha !, aha !, hé ! ; 1. aspre [aspr] n. m. (mot turc issu du
ration existait aussi à l’intérieur des mots, il enclenche une voyelle fortement articu- bas gr. aspron, monnaie blanche, venu
où elle s’était effacée très tôt (ex. : Renart, lée dans hola !, hue ! ; il résulte aussi d’une lui-même du lat. asper nummus, monnaie
de Reginhart) ; plus forte à l’initiale, elle intonation renforcée, pathétique, dans neuve ; 1547, Voyage de M. d’Aramont).
commença pourtant à disparaître là aus- certains mots comme honte, haïr (où Monnaie d’argent turque, de faible valeur.
si, au XIIIe s., dans la langue parlée (ardi, l’h est germanique), affreux, odieux, qui
2. aspre [aspr] n. f. (du lat. asper, âpre,
aches, pour hardi, haches, dans Aiol), n’ont jamais eu d’h. Il est onomatopéique
rugueux ; milieu du XXe s.). Dans le
particulièrement dans certaines pro- dans hennir (lat. hinnire), haleter (aleter,
Roussillon, colline caillouteuse, adossée
vinces, mais se conserva jusqu’au XVIIe s. « battre des ailes »), ahanner (remontant
aux Pyrénées : Les aspres sont le domaine
dans la bonne langue. Comme à Rome, au latin afannae, « complications »), hur-
de la vigne et des arbres fruitiers.
où les pédants aspirèrent les h jusqu’au ler (lat. urulare, class. ululare), huppe (lat.
temps de saint Augustin, comme dans upupa). asque [ask] n. m. (gr. askos, outre ; milieu
l’Angleterre d’aujourd’hui, où l’omission du XIXe s.). Organe de reproduction carac-
aspiratoire [aspiratwar] adj. (de aspirer ;
des h est tenue pour une négligence po- téristique des champignons ascomycètes.
1866, Larousse). Qui concerne l’aspiration :
pulaire, la bonne société, sous Louis XIII,
Mouvement aspiratoire. assa-foetida [asafetida] n. f. (du lat.
résistait à une tendance jugée provinciale
médiév. asa, venant sans doute du persan ;
ou populaire. aspiré, e [aspire] adj. (part. passé de aspi-
XIVe s. ; au XVIe s., asse). Gomme-résine
Mais dès 1670, le grammairien Lartigaut rer). 1. Se dit d’un phonème dont l’émission
d’odeur fétide, extraite d’une ombellifère,
signalait que l’h a pour seul effet d’empê- est accompagnée d’une aspiration : Une
utilisée jadis comme antispasmodique.
cher l’élision et la liaison. Confirmée par consonne aspirée. 2. Par extens. « H »
Richelet (1680), par l’abbé d’Olivet (1736), aspiré, en français, h initial interdisant la assagir [asair] v. tr. (de sage ; XIIe s.).
par Domergue (1805), cette observation liaison avec le mot qui précède. 1. Rendre sage ou plus calme : Il voyait de
définissait la disjonction, propriété de l’h • CONTR. : 2 muet. profil un visage assagi (Martin du Gard).
dit « aspiré », qui avait remplacé l’aspira- Xavier découvrit que ce ménage n’était
aspirée n. f. Voyelle ou consonne aspirée.
tion. C’est l’état du français moderne, qui nullement assagi par l’accoutumance ; ces
connaît un h dit « muet », orthographique aspirer [aspire] v. tr. (lat. aspirare, souf- monstres paraissaient rivés l’un à l’autre
(l’herbe ; les hommes [lezm]), et un h fler vers ; 1160, Benoît de Sainte-Maure, au (Mauriac). 2. Par extens. Rendre moins
dit « aspiré », disjonctif (la hanche ; les sens de « inspirer » ; au sens 2, XIVe s. ; au fort : Assagir les passions.
hanches [le]). Cet h n’est pas d’origine sens 3, 1529, G. Tory). 1. Faire pénétrer l’air • SYN. : 1 apaiser, calmer, rasséréner ; 2
exclusivement germanique ; on le trouve dans les voies respiratoires : Aspirer un par- atténuer, contenir, diminuer, modérer,
aussi, par exemple, dans haras, hardes, fum. Puis il aspira l’air fortement, comme tempérer. — CONTR. : 1 débaucher, déver-
hasard, hoqueton (mots arabes), hâbleur quelqu’un qui a eu gros coeur longtemps gonder, dissiper ; 2 attiser, aviver, déchaîner,
(espagnol), haricot (mexicain), hamac et qui va enfin confier son secret (Alain- exaspérer.
(caraïbe). La langue populaire tend à Fournier). 2. Faire monter un liquide, s’assagir v. pr. 1. Devenir plus sage : En
supprimer l’effet disjonctif, comme elle et plus généralement attirer un fluide, en vieillissant, on s’assagit. 2. Mener une vie
a supprimé l’aspiration, et prononce avec produisant un vide : Une pompe aspire plus réglée, moins désordonnée.
liaison des homards, des haricots. l’eau. Par extens. Attirer en créant un • SYN.: 1 et 2 s’amender, secalmer, seranger.
vide partiel : Aspirer la poussière. Elle a — CONTR.: 1 et 2 sedébaucher, sedévergon-
Des phonologues comme K. Togeby
tenté de faire mon portrait les cheveux aspi- der, se dissiper.
(Structure immanente de la langue fran-
rés par le vent (Breton). 3. Prononcer un
çaise, 1951) ont admis l’h au nombre des
phonème en l’accompagnant d’un souffle : assagissement [asaism] n. m. (de
consonnes du français, parce qu’il est assagir ; XVe s., Chastellain). Action de
commutable avec les autres consonnes En français, on n’aspire plus la lettre « h ».
rendre ou fait de devenir plus calme ou
(le hêtre / le maître) ou avec zéro (le hêtre • SYN.: 1 humer, inhaler, inspirer ; 2 pom-
plus sage : L’assagissement des esprits, des
/ l’être). Mais, d’une part, ces commu- per. — CONTR.: 1 exhaler, expirer, souffler ;
passions.
tations n’existent pas pour l’h orthogra- 2 refouler.
• SYN.: amendement, apaisement, modéra-
phique, et sont donc à lier à la disjonction v. tr. ind. Aspirer à, être porté par
tion. — CONTR.: déchaînement, dévergon-
plutôt qu’à la lettre h ; d’autre part, la dis- ses désirs vers : Aussi, je vous assure,
dage, dissipation.
jonction même n’est pas l’apanage de l’h Monsieur, que je n’aspire qu’à entrer dans
aspiré : on l’observe dans des cas où l’as- ma rue d’Enfer pour ne plus en sortir assai [asaj] adv. (mot ital. signif. « beau-
piration n’a jamais existé, comme dans (Chateaubriand). Malheureux, il aspire à coup » ; 1866, Larousse). Terme de musique

267
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

qui se joint à un autre comme augmentatif. • SYN.: 1 désinfecter, nettoyer ; 2 purifier ; a rien de si impertinent et de si ridicule
Presto assai, très vite. 3 épurer, normaliser. — CONTR.: 1 infecter, qu’on ne fasse avaler, lorsqu’on l’assaisonne
infester, vicier ; 2 altérer, avilir, corrompre, en louanges (Molière). 5. Pop. Malmener
assaillant, e [asaj, -t] adj. (part. prés.
gâter, pourrir ; 3 altérer, dégrader, vicier. quelqu’un en paroles ou en actes : Le boxeur
de assaillir ; XIIe s.). Qui a pris l’initia-
tive du combat, qui attaque : Les troupes assainissement [asnism] n. m. (de s’est fait assaisonner par son adversaire.
assaillantes. assainir ; 1803, Boiste). 1. Action de rendre Dans sa note, le restaurateur vous a assai-
plus sain ; résultat de cette action : Procéder sonné. Spécialem. Infecter d’un mal
n. Personne qui attaque, qui donne l’as-
à l’assainissement d’un quartier. 2. Fig. contagieux.
saut : Avec ses deux soeurs, [il] jette par
les fenêtres des potées d’eau et des pommes Action de rendre plus pur : Il s’agissait • SYN. : 1 accommoder, apprêter, épicer ;
cuites aux assaillantes (Chateaubriand). au contraire d’effectuer un assainisse- 3 agrémenter, pimenter, rehausser, rele-
J’entrevis Gaspard [...] expédiant maintes ment général du monde ouvrier (Péguy). ver ; 5 étriller (fam.). — CONTR.: 3 affadir,
bouteilles sur les têtes des assaillants L’assainissement des moeurs. 3. Par anal. édulcorer.
(Duhamel). L’assaillant, ceux qui Action de ramener à un état plus normal,
assarmenter [asarmte] v. tr. (de sar-
attaquent : Après une riposte vigoureuse plus stable : L’assainissement des finances
ment ; fin du XVe s.). Débarrasser la vigne
de nos troupes, l’assaillant a dû renoncer d’une entreprise. L’assainissement de la
monnaie. de ses sarments, après la taille.
à s’emparer de la place.
• SYN. : agresseur, attaquant. — CONTR. : • SYN.: 1 désinfection, nettoyage ; 2 épura- 1. assassin [asas] n. m. (ital. assassino,
défenseur. tion, purification ; 3 normalisation, stabili- de l’ar. hachchch, dér. de hachch, pro-
sation. — CONTR.: 1 infection ; 2 altération, prem. « buveur de hachisch » : nom donné
assaillir [asajir] v. tr. (du lat. pop. *assalire, corruption, dépravation ; 3 dégradation. aux sectaires du Vieux de la Montagne
réfection de assilire, d’après le simple salire,
assainisseur [asnisoer] n. m. (de assai- [XIe s.], qui les fanatisait en leur faisant boire
sauter ; 980, Passion, écrit assalir). [Conj.
nir ; 1866, Larousse). 1. Personne ou chose du hachisch ; 1560, R. Belleau). 1. Personne
11 ; v. aussi Rem. ci-après.] 1. Fondre sur
qui a pour rôle d’assainir quelque chose : qui commet un meurtre avec prémédita-
quelqu’un pour l’attaquer : Georges et ses
Le nuage poussé dans l’ombre par le vent, tion : Si on regarde d’assez près les yeux
trois cents assailliraient le Premier consul
assainisseur du ciel (Hugo). 2. Spécialem. d’un assassin, on n’y voit plus que ce qui est
entouré des siens (Sainte-Beuve). 2. Par
Assainisseur d’air, produit ou appareil des- humain (Aragon). A l’assassin !, cri de
anal. En parlant des forces naturelles,
attaquer avec violence, se lancer à l’assaut tiné à détruire les mauvaises odeurs. détresse de celui qui est menacé de meurtre
de : La mer à chaque lame assaillait cette et, par exagér., de celui à qui on cause du
assaisonnement [asznm] n. m. (de
carcasse [d’un voilier], la secouait [...], tort. 2. Par extens. Celui qui porte la
assaisonner ; 1539, R. Estienne). 1. Action,
la vidait de son contenu (Duhamel). Le responsabilité de la mort de quelqu’un :
manière d’assaisonner les mets ; résultat
rocher rougeâtre [...] se prolonge violet, Ce médecin est un assassin. 3. Class. et
de cette action : L’assaisonnement de la
sous l’eau qui l’assaille (Colette). 3. Fig. salade. L’assaisonnement est satisfaisant. littér. Mouche en tissu noir que les femmes
Envahir subitement et inopinément l’esprit 2. Par extens. Tout ce qui sert, en cuisine, se mettaient au-dessous de l’oeil : Sa narine
de quelqu’un : Des doutes m’assaillirent à relever le goût des aliments : Les Anciens était légèrement gonflée, ses joues un peu
(Maupassant). Un souvenir l’assaille, son considéraient le sel comme l’assaisonne- allumées, un assassin savamment placé
attention lui échappe et son regard sefixe au ment nécessaire de tous les repas (France). en rehaussait l’éclat d’une façon merveil-
loin (Martin du Gard). 4. Fig. Assaillir de 3. Class. et littér. Ce qui donne de l’agré- leuse (Gautier). [Repris littér. au fém. ; voir
(et un nom), harceler, importuner vivement ment, du piquant à quelque chose : Il y a de ASSASSINE.]
et de façon répétée : Assaillir quelqu’un de l’assaisonnement dans son visage et dans ses • SYN. : 1 criminel, homicide, meurtrier,
questions. Cette impression lui paraissait jolis yeux (Sévigné). Les sages torturés, les tueur.
déraisonnable. Il l’attribuait à l’énervement martyrs expirant | Sont l’assaisonnement • REM. Le fém. assassine, en parlant
et aux préoccupations dont il était assailli du bonheur du tyran (Hugo). d’une femme, est archaïque : Hérodiade,
(Camus). • SYN. : 1 condiment ; 3 piment, piquant, l’assassine de saint Jean (Barbey d’Aure-
• SYN.: 1 se jeter sur, se précipiter sur, sau- sel. — CONTR. : 3 fadeur. villy). On emploie auj. le masculin : Elle
ter sur ; 2 fondre sur ; 4 accabler, hanter,
assaisonner [aszne] v. tr. (de saison ; est l’assassin de son ami.
obséder, poursuivre, ronger, tourmenter.
XIIIe s.). 1. Accommoder un mets avec des 2. assassin, e [asas, -in] adj. (même
— CONTR. : 1 défendre, garantir, protéger,
soutenir ; délivrer, libérer ; résister, riposter, condiments propres à en relever le goût : étym. qu’à l’art. précéd.). 1. Class. et littér.
Le cuisinier assaisonne sa sauce. 2. En
tenir bon. Qui tue : Le satyre semblait dans l’abîme
parlant de certains ingrédients, servir à
• REM. Au XVIIe s., on trouve encore, à songer : | Il peignit l’arbre vu du côté des
relever le goût d’un mets : L’huile, le sel et
la 3e personne du singulier de l’indicatif racines, | Le combat souterrain des plantes
le poivre assaisonnent la salade. 3. Fig.
présent, l’ancienne forme assaut, pour assassines (Hugo). Une main assassine, un
Rendre plus agréable en ajoutant quelque
assaille. poignard assassin. Une horde assassine.
chose de plaisant, d’inattendu ou de
2. Class. et littér. Qui est capable d’ins-
assainir [asnir] v. tr. (de sain ; 1774, piquant : Cette verve d’incrédulité et ce
pirer une grande passion : Une oeillade
Buffon). 1. Rendre sain, en éliminant les refus d’être dupe assaisonnaient, comme un
assassine. Un regard assassin. Le pauvre
causes d’insalubrité : Assainir une région sel byronien, sa conversation si poétique et si
en asséchant les marécages. Assainir colorée (Baudelaire). Une gazette [...] assai- homme avait beau jouer de la prunelle, lan-
l’atmosphère en aérant. 2. Fig. Rendre sonnée par-ci par-là d’observations bien cer des regards assassins dans les loges [...],
plus pur moralement : Ils estimaient que narquoises (Nerval). La bête humaine civi- il n’était pas parvenu encore à donner envie
les maladies de nos corps assainissent nos lisée assaisonne ses instincts féroces d’une de sa peau à la moindre baronne (Gautier).
âmes (France). 3. Par anal. Ramener à odeur de mensonge (Rolland). 4. Class. 3. Littér. Qui est malfaisant, funeste :
un état plus normal : Assainir l’atmos- Assaisonner deux choses, les réunir agréa- Fuis du plus loin la Pointe assassine |
phère politique, la situation, le climat blement, les faire aller ensemble : La satire, L’Esprit cruel et le Rire impur (Verlaine).
social. Assainir la monnaie, la rendre en leçons, en nouveauté fertile, | Sait seule 4. Par extens. Qui ne convient qu’à un
plus stable. Assainir la vie économique, assaisonner le plaisant et l’utile (Boileau). assassin, à quelqu’un qui est décidé à tuer :
supprimer ce qui la désorganise. Assaisonner en, accompagner de : Il n’y Une audace assassine.

268
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

• REM. Les formes assassineur et assassi- écrit assalt). 1. Action d’attaquer quelque 1 arroser, inonder, irriguer, mouiller, trem-
nateur, attestées au XVIIe s., ne sont pas chose par la force, afin de s’en emparer : per ; 2 remplir.
entrées dans l’usage. L’assaut d’une forteresse. Nous avons besoin v. intr. Se trouver à sec, ne plus être
du plus d’hommes possible pour l’assaut recouvert par les eaux : Certains rochers
assassinant, e [asasin, -t] adj. (de
(Malraux). Monter à l’assaut, attaquer assèchent à marée basse.
assassiner ; XVIIe s.). 1. Class. et littér.
2. Qui assassine, qui fait mourir (au pr. brusquement et en force. Fig. Grimper, s’assécher v. pr. Devenir sec : Quand les
monter à l’assaut, grimper le long d’une terres s’assèchent, elles gondolent comme
et au fig.) : Votre oeil, Planète assassinante,
pente raide, ou s’y trouver situé : Le lierre une montagne russe (Morand).
| Brûle comme un miroir ardent (Scarron).
grimpe à l’assaut de ce rocher. Le village
3. Littér. Ennuyeux, fatigant à l’excès : assemblage [asbla] n. m. (de assem-
Que cet homme est assassinant avec ses monte à l’assaut de la colline. Ces ruelles
bler ; fin du XVe s., écrit assemblaige).
exclamations ! (Dumas). familières, sombres et fraîches [...], qui mon-
1. Action de réunir soit diverses pièces
taient à l’assaut de la cité (Martin du Gard).
• SYN.: 2 assommant, empoisonnant (très conçues pour s’adapter l’une à l’autre, soit
À l’assaut !, cri appelant les combattants
fam.), rasant (pop.). — CONTR. : 2 agréable, les divers éléments d’un ensemble : Procéder
à monter à l’assaut. Prendre d’assaut une
distrayant, plaisant, réjouissant. à l’assemblage de pièces de menuiserie.
ville,un poste, etc., s’en emparer après une
Façon de réunir ces pièces : Assemblage
assassinat [asasina] n. m. (ital. assas- lutte violente. Char d’assaut, v. CHAR.
sinato ; 1563, H. Estienne). 1. Meurtre par tenons et mortaises. 2. Ensemble
2. Spécialem. Combat à l’escrime ou au
commis avec préméditation : Condamner formé par les pièces qu’on a réunies : Un
fleuret. Fig. Faire assaut de politesse, de
quelqu’un pour assassinat. Ne pas reculer échafaudage est un assemblage de pièces
courage, d’élégance, etc., rivaliser de poli-
devant l’assassinat. 2. Par extens. Acte de charpente. 3. Par extens. Ensemble de
tesse, de courage, d’élégance, etc. : Les
personnes ou de choses qui ont été réunies :
par lequel on cause la mort d’un innocent : femmes faisaient assaut de bons dîners
L’assassinat du duc d’Enghien. 3. Acte Pas un mont qui ne soit blessé, l’Athos sai-
(Balzac). 3. Fig. Se dit de ce qui attaque
gnant | Est noir sous l’assemblage horrible
particulièrement odieux, qui cause un avec violence (éléments, passions, etc.) :
grave préjudice à quelqu’un : Le chantage des nuées (Hugo). Spécialem. Réunion
L’assaut des vagues, de la tempête. Résister
est un des plus lâches assassinats (Balzac). inattendue, disparate, de personnes ou de
à l’assaut de la bêtise. L’enfer donne assaut choses : Un assemblage de peuples divers.
4. Fig. Action provoquant la disparition,
à la faiblesse de l’homme (Baudelaire). Assemblage d’idées hétéroclites.
l’anéantissement injuste de quelque chose :
4. Fig. et fam. Donner l’assaut à la vertu,
L’assassinat des libertés, de la République. • SYN. : 1 ajustage, combinaison, mon-
à la chasteté d’une femme, essayer d’obtenir
L’assassinat de la Pologne. tage ; 3 agglomération, agrégat, amalgame,
ses faveurs.
•SYN. : 1 attentat, crime, homicide ; 2 amas, amoncellement, masse, monceau,
• SYN.: 1 attaque, charge ; 3 offensive. tas ; fatras, ramas, ramassis. — CONTR. :
meurtre ; 4 attentat contre.
assavoir [asavwar] v. tr. (de savoir ; XIIe s.). 1 démontage, désassemblage, dislocation.
assassine [asasin] n. f. Syn. de ASSASSIN
Fam. ou dialect. Syn. anc. de SAVOIR (usité assemblé [asble] n. m. (de assembler ;
1, au sens 3 : M. Arsène Houssaye, qui s’est
seulement auj. dans les loc. faire assavoir, milieu du XIXe s.). Pas fondamental de la
fait une réputation avec le XVIIIe siècle, qui,
c’est assavoir). Faire assavoir quelque danse académique, qui consiste à retomber
mieux que personne, habille une marquise,
chose à quelqu’un, lui en donner connais- sur les deux pieds réunis.
arrange ses dentelles, lui attache une assas-
sance : Une circulaire fait assavoir aux
sine au coin de la bouche... (Baudelaire). assemblée [asble] n. f. (de assembler ;
gardes nationaux que... (Goncourt). C’est
XIIe s., Roncevaux). 1. Réunion, en un
assassiner [asasine] v. tr. (ital. assassi- assavoir, et, ellipt., assavoir, c’est-à-dire : Il
même lieu, d’un nombre plus ou moins
nare ; 1546, Rabelais). 1. Tuer quelqu’un allait lui-même, avec une perche à crochets,
important de personnes : Nos compatriotes
avec préméditation : Un chenapan de émonder, assavoir ôter le mort et le rompu,
herculéens soulevèrent des masses de poids
fils qui vole et assassine les honnêtes gens et élaguer, assavoir couper les branches inu-
[...],au grand contentement de l’assemblée
(Maupassant). 2. Par extens. Causer la tiles et nuisantes empêchant l’arbre d’avoir
mort d’un innocent : C’est une campagne (Gautier). Assemblée des fidèles, réu-
bonne grâce (Pourrat).
nion des fidèles pour assister à un office,
de presse qui l’a assassiné. 3. Fig. et fam.
asse [as] n. f. (du lat. ascia, hache ; XIIIe s.). à une cérémonie religieuse, et, par extens.,
Exiger d’une personne un paiement net-
1. Marteau de couvreur, avec une tête d’un l’ensemble des fidèles. Batterie d’assem-
tement exagéré. 4. Fig. Faire disparaître,
côté et un tranchant de l’autre, permet- blée, ou simplem. assemblée, batterie de
anéantir quelque chose, le détruire d’une
tant de couper les ardoises. (On dit aussi tambour ou sonnerie par laquelle on ras-
manière odieuse : Assassiner un pays.
ASSEAU, ASSETTE.) 2. Syn. de AISSETTE. semblait les soldats. Class. Quartiers
Quelques sapins, que l’entaille destinée à
d’assemblée, endroit où les troupes se ras-
leur soutirer la résine rendait semblables asseau [aso] n. m. (de asse ; fin du XIIIe s.).
semblaient : [Il] s’en alla à l’armée encore
à des spectres d’arbres assassinés, étalaient Syn. de ASSE (sens 1).
répandue dans ses quartiers d’assemblée
leurs plaies rougeâtres (Gautier). 5. Class.
assèchement [asm] n. m. (de assé- (Saint-Simon). 2. Class. Réunion et par-
Mettre quelqu’un hors de lui en l’impor-
cher ; 1549, Tagault). Action d’assécher ; ticulièrement réception mondaine : J’aime
tunant : Ne m’assassinez point [...] | Par les
résultat de cette action : L’assèchement des le jeu, les visites, les assemblées (Molière).
sensibles coups d’un soupçon outrageux
marais Pontins. 3. Dialect. Réunion de personnes lors
(Molière). 6. Class. Accabler quelqu’un de
• SYN.: assainissement, dessèchement, drai- d’un marché, d’une foire, d’une fête : Ce
désespoir : Cet affreux devoir dont l’ordre
nage. — CONTR. : inondation, irrigation. dimanche-là, c’était la fête du village, la
m’assassine (Corneille). 7. Class. Inspirer
fête annuelle et patronale, qu’on nomme
un amour violent : On dit aussi en amour assécher [asee] v. tr. (lat. assiccare, de assemblée, en Normandie (Maupassant).
que de beaux yeux assassinent, pour dire
siccare, sécher ; 1120, Psautier d’Oxford). 4. Réunion de personnes convoquées
qu’ils blessent les coeurs (Furetière).
[Conj. 5.] 1. Débarrasser quelque chose dans un même endroit pour délibérer ou
• SYN.: 1 abattre ; 2 tuer ; 3 étrangler (fam.) ; de son humidité : Assécher la terre, un sol discuter d’affaires communes : Assemblée
4 massacrer. humide. 2. Mettre à sec : Assécher un générale des actionnaires d’une société.
assaut [aso] n. m. (lat. pop. *assaltus, étang, un réservoir. C’était un vieillard paisible, qui gardait
réfection du lat. class. assultus, d’après • SYN. : 1 assainir, dessécher, drainer, dans les débats des assemblées une dou-
saltus, saut ; 1080, Chanson de Roland, essuyer ; 2 épuiser, tarir, vider. — CONTR. : ceur souriante (France). Convoquer

269
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

une assemblée, prendre l’initiative de sa s’assembler v. pr. 1. Se retrouver en un assentir [astir] v. intr. (de sentir ; fin du
réunion ; tenir une assemblée, se réu- même lieu : Or les prêtres, selon qu’au livre XIIe s., Aliscans). Vx. Flairer une voie, en
nir. Vx. Tenir assemblée avec, se réunir il est écrit, | S’assemblèrent, troublés, chez le parlant d’un chien de chasse.
avec un certain nombre de personnes en préteur de Rome (Hugo). Spécialem. En
asseoir [aswar] v. tr. (du lat. pop.
vue d’un objectif précis : On ne se cache parlant d’un corps constitué, d’une assem-
*assedere, réfection du lat. class. assidere,
comme il fait [...] que pour tenir assemblée blée, se réunir, siéger : Le conseil s’assemble.
être assis auprès, d’après le simple sedere ;
avec les diables et les diablesses afin d’obte- Cinquante vieillards, en manteaux de cas-
980, Passion, écrit asseir). [Conj. 38.]
nir de l’or (France). 5. Spécialem. Se dit tor, se rangent (Chateaubriand). 2. En
1. Installer quelqu’un sur un siège, ou sur
de nombreux corps constitués ou d’orga- parlant de choses, constituer progressi-
quelque chose qui en tient lieu, de façon
nismes internationaux siégeant à des fins vement un ensemble, s’accumuler : À une
à le faire reposer sur son séant : Asseoir
politiques : Assemblée constituante, consul- distance énorme au-dessus de mon salon
tative. Assemblée du Conseil de l’Europe. un enfant sur une chaise. Elle le soutenait,
souterrain, les maisons s’implantent, les
L’Assemblée nationale et, par abrév., l’As- l’asseyait, lui mettait des châles (Cocteau).
brumes s’assemblent (Rimbaud).
semblée, l’une des deux chambres consti- Fig. Asseoir quelqu’un sur le trône, lui
• SYN. : 1 se grouper, se rassembler, se réu-
tuant le Parlement français. La Haute conférer le pouvoir royal. 2. Pop. Frapper
nir ; 2 s’amasser, s’amonceler. — CONTR. :
Assemblée, le Sénat, seconde chambre du quelqu’un d’un grand étonnement ; le
1 se disperser, s’éparpiller, se séparer ; 2 se
Parlement français. déconcerter par un argument décisif et
disperser, se dissiper, s’évanouir.
• SYN.: 1 assistance, auditoire, cercle, com- inattendu. 3. Par anal. Faire reposer
pagnie, public, rassemblement. assembleur, euse [asbloer, -øz] n. (de une chose sur une base solide : Asseoir une
assembler ; fin du XIIIe s., écrit assembleor). statue sur un socle. Spécialem. Asseoir
assemblement [asblm] n. m. (de 1. Poét. et littér. Celui, celle qui assemble : sa voix, lui assurer de la stabilité : Il lui
assembler ; XIe s., Vie de saint Alexis).) Tite-Live n’est qu’un assembleur de fables avait suffi [à Crevelli] de laisser descendre
Class. (déjà vx au XVIIe s.) et littér. Action la voix, de l’asseoir solidement sur la poi-
(France). Jupiter était parfois appelé
d’assembler ou résultat de cette action ; « assembleur de nuages ». 2. Ouvrier trine (Romains). 4. Fig. Établir sur un
ensemble formé par ce qu’on a assemblé :
chargé de faire des assemblages. fondement solide : Asseoir un trône, une
L’assemblement que vous faites de l’intérêt
assembleuse n. f. Machine qui, dans une politique. Raisonnement contestable et
du roi et de la reine avec le vôtre (Malherbe).
imprimerie, fait mécaniquement l’assem- d’ailleurs mal assis (Barrès). Les espérances
Quel immense assemblement de causes
blage des feuilles, des cahiers d’un livre. que son père et sa mère [...] asseyaient sur sa
concentriques (Claudel).
tête (Balzac). Spécialem. Asseoir l’impôt,
assener ou asséner [asene] v. tr. (de
assembler [asble] v. tr. (lat. pop. en établir l’assiette, en fixer la base.
l’anc. franç. sen, sens, raison, direction, du
*assimulare, mettre ensemble, de simul, • SYN.: 2 ébahir, épater (fam.), estomaquer,
germanique *sinno ; sens moderne dès le
ensemble ; XIe s., Vie de saint Alexis).) renverser, stupéfier ; 4 affermir, appuyer,
XIIe s. ; au Moyen Âge et jusqu’au XVIe s.,
1. Vx. Mettre ensemble des choses qui assurer, consolider, fonder. — CONTR. : 1
étaient séparées : On avait assemblé signifie aussi « viser, atteindre, frapper »,
lever ; 4 affaiblir, ébranler, renverser, ruiner.
dans le grenier toutes sortes d’objets hors et « assigner », sens qui résulte probablem.
s’asseoir v. pr. (a éliminé se seoir, encore
d’usage. 2. Réunir divers éléments pour d’un croisement avec assigner, prononcé
« assiner » encore au XVIIe s.). [Conj. 5.] usité au début du XVIIe s.). 1. S’installer sur
constituer un tout : Les meubles vendus
quelque chose dans la position d’appui sur
par éléments sont très faciles à assem- Porter violemment un coup bien dirigé (au
le séant : On s’assied à la table de famille
bler. Assembler les pièces d’un puzzle. pr. et au fig.) : Assener un coup sur le crâne.
Quand je voulais plaisanter, j’assenais aux (France). Car il est entendu chez les per-
Brotteaux [...] découpait des pantins tan-
autres, sans l’avoir voulu, des coups qu’ils sonnes d’une certaine classe qu’un homme
dis que le père Longuemare [...] assemblait
ne me pardonnaient pas (Mauriac). Fig. qui s’assoit sur les bancs est un malheureux
par des fils leurs membres épars (France).
Assener une preuve, présenter opportuné- (Montherlant). Fam. Allez vous asseoir,
Spécialem. Réunir par des coutures les
ment un argument difficile à réfuter : Un laissez-moi tranquille. 2. Fig. et fam.
diverses parties d’un vêtement : Jesors tous
argument de poids que j’avais mis en réserve S’asseoir sur quelque chose, n’avoir
que du
les chiffons [...], je taille, j’assemble, j’essaie
pour l’assener au juste point (Courteline). mépris pour cette chose : S’asseoir sur sa
vingt fois devant la glace (Chardonne).
réputation. 3. Fig. S’installer à demeure,
3. Fig. Grouper en enchaînant, en com- • SYN. : allonger (fam.), appliquer, lancer,
s’établir, en parlant d’une chose : Pour la
binant : L’imagination consiste non pas à porter.
déranger [mon âme] du rocher de cristal
créer, mais à assembler des idées (France). • REM. La forme asséner tend aujourd’hui
4. Vx. Réunir en un même lieu un certain | Où, calme et solitaire, elle s’était assise
à s’imposer, en raison de la prononciation
(Baudelaire).
nombre de personnes : Je priai Charles X [se].
d’assembler ses serviteurs et de m’entendre • CONTR. : 1 se lever.
(Chateaubriand). Spécialem. Réunir en assentiment [astim] n. m. (réfection,
assermenté, e [asrmte] adj. et n.
une assemblée, en un corps constitué ; d’après sentiment, de l’anc. franç. assente-
(part. passé de assermenter ; XIIe s.). 1. Se dit
convoquer une assemblée : Assembler les ment [fin du XIIe s., encore usité au XVIIIe s.],
d’une personne qui a prêté serment pour
Chambres. 5. Class. Unir par les liens du dér. de assentir, donner son assentiment,
accomplir ses fonctions : Un gardien asser-
mariage : La loi de l’hymen qui vous tient du lat. assentire ; XIVe s.). Acte par lequel
menté. Spécialem. Prêtre, curé, évêque
assemblés (Corneille). 6. Fig. Unir deux on approuve, tacitement ou expressément,
assermenté, prêtre, curé, évêque qui avait
ou plusieurs personnes dans un effort, une quelque chose : Hocher la tête en signe d’as-
prêté serment à la Constitution civile du
idée, un sentiment commun : Deux coeurs sentiment. Il n’était pas [...] très rare qu’avec
clergé en 1790. 2. Se dit d’une personne
que l’amour assemble. l’assentiment de ses supérieurs l’un de ces
qui a prêté serment devant un tribunal
• SYN. : 1 amasser, collectionner, rassem- frères abandonnât la communauté pour se
avant de faire une déposition : Témoin,
bler, réunir ; 2 ajuster, monter, raccorder ; 3 marier (Mauriac).
expert assermenté.
allier, coordonner, lier, marier ; 4 attrouper, • SYN.: acceptation, accord, acquiescement,
concentrer, grouper, masser, rassembler. — adhésion, agrément, approbation, autorisa- assermenter [asrmte] v. tr. (de ser-
CONTR.: 1 disséminer, éparpiller ; 2 démon- tion, consentement, permission. — CONTR.: ment ; XIIe s., Aspremont). Soumettre à la
ter, désassembler, disjoindre, disloquer ; 4 désapprobation, désaveu, opposition, pro- prestation de serment : Assermenter un
disperser, séparer ; 5 désunir, séparer. testation, refus, rejet, résistance, veto. garde champêtre.

270
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

assertif, ive [asrtif, -iv] adj. (du lat. tant de femmes supérieures qui se laissent II. 1. Sert à renforcer la qualité exprimée
assertus, part. passé de asserere, affir- charmer par un butor (Proust). par le mot auquel il est joint : C’est assez
mer ; 1521, Godefroy). Qui exprime, qui • SYN.: 1 assujettissement, servilité, subor- singulier. Est-il assez naïf ! Assez peu,
constitue une assertion : Une proposition dination, sujétion ; 2 abaissement, docilité, pas beaucoup. 2. Marque l’atténuation
assertive, un énoncé assertif. humilité ; 3 chaîne, esclavage, joug, obé- d’une qualité : Vous êtes, je crois, un assez
dience, servitude. — CONTR.: 1 affranchisse- bon exemple (Romains).
assertion [asrsj] n. f. (lat. assertio,
ment, délivrance, émancipation, libération, • SYN.: I, 2 suffisamment. II, 1 pas mal,
action de prétendre, de asserere, affirmer,
rachat ; 3 autonomie, liberté, indépendance. passablement, plutôt. — CONTR.: I, 2 insuf-
prétendre ; 1355, Ordonnance royale).
fisamment, peu ; exagérément, excessive-
Proposition qu’on avance en la donnant asservisseur [asrvisoer] adj. et n. m. (de
ment, trop.
pour vraie : L’assertion gratuite n’a pas asservir ; début du XIXe s.). Qui met dans un
besoin d’être réfutée (Renan). état de servitude, d’extrême dépendance : assibilation [asibilasj] n. f. (de assibiler ;
•SYN.: affirmation, allégation, dires, thèse. Un machinisme asservisseur (Rolland). 1877, Littré). Transformation d’un pho-
— CONTR. : démonstration, preuve. • CONTR. : libérateur. nème occlusif en une consonne sifflante :
On prononce inertie [inrsi] parce qu’il y
assertoire [asrtwar] ou assertorique assesseur [assoer] n. m. (lat. assessor,
a eu assibilation du [t]. (V. art. spécial.)
[asrtrik] adj. (dér. savant du lat. asserere, qui s’assoit à côté, de assidere ; début du
affirmer ; 1866, Larousse). En logique, se dit XIIIe s.). 1. Personne qui siège à côté d’une
du jugement qui énonce une vérité de fait, autre pour l’assister dans ses fonctions : GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
sans la poser comme nécessaire. Le président et les assesseurs du bureau de
vote. 2. Spécialem. Officier de justice qui L’ASSIBILATION
asservir [asrvir] v. tr. (de serf ; XIIe s.,
assiste un juge, un magistrat. L’extension du terme d’assibilation dé-
J. Bodel). 1. Réduire à la condition d’es-
• SYN.: 1 adjoint, aide, assistant, auxiliaire. pend du sens qu’on donne au mot sif-
clave : Les Normands jadis traversaient la
mer pour asservir des peuples plus faibles flante. On appelle ordinairement ainsi,
assessorat [assra] n. m. (de assesseur ;
(Maupassant). 2. Réduire quelqu’un à dans le système phonologique français,
1611, Cotgrave, écrit assessoriat, assessorat,
un état de dépendance absolue, le priver les consonnes constrictives [s] et [z],
1845, Bescherelle). Charge, état d’assesseur.
de la liberté politique : On peut asservir un autrement dites « fricatives alvéolaires »
assette n. f. (1690, Furetière). Syn. de (Straka), ainsi que les « affriquées » cor-
homme vivant et le réduire à l’état histo-
ASSE. respondantes [ts] et [dz], dont l’élément
rique de chose. Mais s’il meurt en refusant,
il réaffirme une nature humaine qui rejette assez [ase] adv. (du lat. pop. *ad satis, en occlusif initial a disparu au début du XIIIe
l’ordre des choses (Camus). 3. Spécialem. suffisance ; signif. surtout « beaucoup » en siècle. C’est improprement que certains
y rattachent les postalvéolaires [] et [],
Maîtriser quelque chose et le faire servir anc. franç., d’après le bas lat., et jusqu’au
à son propre usage : Asservir les forces de XVIIe s. ; XIe s., Vie de saint Alexis, écrit qui sont des « chuintantes ». L’usage le
asez). plus justifié est donc de désigner par le
la nature. 4. Fig. Se rendre maître de,
terme d’assibilation les seuls phénomènes
soumettre, dominer : Asservir ses passions
I. 1. Class. En grande quantité, beau- qui se sont produits :
à sa volonté. Que la couleur et le parfum coup : Je tiens que dans tous les beaux-
délivrent vos sens au lieu de les asservir — pour [k] devant e et i, dans des mots
arts, c’est un supplice assez fâcheux que de
(Claudel). comme cent, du latin centum [kentu],
se produire à des sots (Molière). 2. Au-
• SYN.: 2 assujettir, enchaîner, soumettre, cité, du latin civitatem [kiwitate], merci,
tant qu’il faut et pas moins (avec un ad-
subjuguer ; 3 dominer ; 4 dompter, jugu- du latin mercedem [merkede], France, du
jectif, un adverbe, un verbe) : Une maison
ler, maîtriser, mater, régir. — CONTR. : 1 latin Francia [frankja],
assez grande pour une famille. Marcher
affranchir, émanciper ; 2 délivrer, libérer ; assez vite. Avoir assez mangé. Aussi dit- —pour [r] intervocalique, dans chaise,
4 donner libre cours à. on beaucoup et assez d’un homme quand besicles, venus de chaire, *bericles (cf.
s’asservir v. pr. 1. S’asservir à, se mettre on dit qu’il pense bien (Alain). Assez béryl) ; altération dialectale, mais qui
dans la dépendance de quelqu’un ou de pour, marque la conséquence possible ou apparut au XVe s., dans le parler vulgaire
quelque chose (au pr. et au fig.) : Il n’y apprit réelle : Il est assez grand pour aller tout de Paris (prononcé [pazi]) ;
le mécanisme des passions humaines que seul à l’école. Il crie assez pour qu’on l’en- — pour [t] devant i, dans les mots em-
pour mieux s’asservir aux siennes et utili- tende de là-bas. C’est assez que (suivi pruntés au latin, comme nation, inertie,
ser celles d’autrui (Aymé). 2. S’asservir du subjonctif) ou de (suivi de l’infini- patience.
quelqu’un ou quelque chose, les soumettre tif), c’est suffisant, il n’est pas besoin de
assibiler [asibile] v. tr. (du lat. ad et sibi-
à sa propre volonté. plus : C’est assez qu’il n’ait rien dit pour
lare, siffler ; 1877, Littré). Prononcer un son
qu’on l’accuse de complicité. C’est assez de
asservissant, e [asrvis, -t] adj. (part. comme s’il avait la valeur de [s].
deux jours pour faire ce travail. 3. Au-
prés. de asservir ; 1801, Mercier). Qui asser- s’assibiler v. pr. Prendre un son sifflant,
tant qu’il en faut, suffisamment (avec un
vit : Loi asservissante. en parlant d’un phonème.
nom) : Avoir assez d’argent. C’est assez,
asservissement [asrvism] n. m. c’en est assez, en voilà assez, et, ellipt., assidu, e [asidy] adj. (lat. assiduus, de
(de asservir ; 1443, Delboulle). 1. Action Assez !, restons-en là, n’en parlons plus. assidere, être assis ; XIIIe s.). 1. Class. Se dit
d’asservir ; état de celui qui est asservi : Assez !, exclamation par laquelle on de ce qui revient sans cesse : Les répétitions
La servitude consiste non dans l’obéissance demande de cesser quelque chose : Assez assidues, qui se trouvent dans l’original,
à l’autorité, mais dans l’asservissement de guerres ! Les jeunes femmes épouvan- sont des obstacles assez malaisés à surmon-
à une autorité dépourvue de droit (La tées disaient : « Assez ! Assez ! Assez ! » ter (Corneille). 2. Qui est régulièrement
Mennais). 2. Manifestation de soumis- (Maupassant). Fam. Avoir assez d’une présent dans un endroit pour remplir ses
sion : Son mystérieux être féminin, si avide personne, d’une chose, et, ellipt., en avoir obligations : Bon domestique du prince,
de tendresse, d’hommages, d’asservissement assez, ne plus pouvoir la supporter, être assidu aux fêtes, aux galas, aux petits levers
(Maupassant). 3. État de dépendance excédé : Elle était certaine d’avoir surpris (Hugo). Un employé assidu à son bureau.
absolue : On conclura que cet asservisse- le calcul égoïste de l’amant qui en a assez 3. Par extens. Qui s’adonne régulière-
ment de l’élite à la vulgarité est de règle (Martin du Gard). On en a assez, de sa ment et avec application à quelque chose :
dans bien des ménages, si l’on pense [...] rengaine ! Assidu à l’étude. Pourtant Jonas travaillait

271
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

moins [...]. Il était toujours assidu, mais il gée. Le lancement des grenades reprit. Les pour conserver l’équilibre ; stabilité :
avait maintenant de la difficulté à peindre assiégés ne pouvaient riposter (Malraux). Il boitait avec une grâce nonchalante et,
(Camus). 4. Qui est continuellement adj. Qui subit un siège : Une ville, une cherchant son assiette, il se cala dans l’en-
auprès de quelqu’un : Si, du moins, elle place assiégée. coignure des murailles (Duhamel). Elle
l’avait bien à elle, tendre, assidu (France). gardait les bras croisés sur sa robe noire,
assiégeant, e [asje, -t] adj. et n. (part.
Qui fréquente habituellement un lieu : et les jambes écartées, comme on les écarte
prés. de assiéger ; XVe s.). 1. Qui fait un
Tel café où il avait été longtemps assidu sur un pont de bateau pour se donner de
siège : Armée assiégeante. Les assiégeants.
(Aymé). 5. Par anal. Se dit de ce à quoi l’assiette (Vercel). 3. Class. et littér.
2. Par extens. Se dit de ce qui attaque
on s’applique sans relâche, consciencieu- Disposition d’esprit, humeur habituelle :
violemment : Sur toute la plage basse, un
sement : Et puis — ajoutait-il — si vous Une atteinte secrète | Ne laisse point mon
parapet massif, coupé de créneaux et d’esca-
saviez comme un travail assidu rend indul- âme en une bonne assiette (Molière). Ne
liers, que le sable envahit et qu’attaque le
gent et peu difficile en matière de plaisirs montre pas les dents, Justin, tu ne me
flot, unique assiégeant à craindre (Hugo).
(Baudelaire). 6. Qui est caractérisé par feras pas sortir de mon assiette (Duha-
la fréquence, la régularité, la constance :
• SYN.: assaillant, attaquant. mel). Auj. et fam. Ne pas être dans son
La seule habitude qu’on lui connût était la assiéger [asjee] v. tr. (de siège ; 1080, assiette, ne pas se sentir bien, être mal à
fréquentation assidue des danseurs et des Chanson de Roland, écrit asseger, refait l’aise, sans entrain. 4. Manière dont
musiciens espagnols (Camus). en assiéger à la fin du Moyen Âge). [Conj. quelque chose repose sur une base, dans
• SYN.: 2 exact, ponctuel ; 3 appliqué, scru- 1 et 5.] 1. Faire le siège d’une place forte une position de stabilité, et, par extens.,
puleux, sérieux, zélé ; 4 empressé, fidèle ; 5 pour s’en emparer : Assiéger une ville, une cette base elle-même : L’assiette d’une
constant, continu, continuel, diligent, inces- forteresse. 2. Bloquer de façon à empê- construction, d’une voie ferrée, d’une
sant, régulier, soutenu, suivi. — CONTR. : 2 cher de sortir : Les pâles habitants de ces route. Fig. Toute espèce de base, de
inexact ; 3 fumiste (fam.), léger, négligent ; froides contrées | Qu’assiègent de glaçons les fondement : Ils y trouvèrent l’assiette de
4 inconstant, infidèle, vagabond ; 5 inter- mers hyperborées (Voltaire). 3. Se pres- leur philosophie (Claudel). 5. Base sur
rompu, irrégulier, relâché ; exceptionnel, ser en nombre contre quelque chose pour laquelle se fonde et porte un droit, une
rare. essayer d’y pénétrer : Assiéger une maison. opération administrative : Assiette d’une
Fig. Assiéger la porte de quelqu’un, s’y hypothèque. Assiette de l’impôt, base
assiduité [asidite] n. f. (lat. assiduitas,
présenter obstinément en visiteur, en sol- sur laquelle il est calculé. 6. Class. Si-
de assiduus ; XIIIe s.). 1. Exactitude à se
liciteur importun : On ne me voit point, tuation, position d’une ville, d’un camp,
trouver là où l’on doit être : L’assiduité aux
dit le grave Tertullien, m’empresser près par rapport au terrain environnant ou à
cours. La mort dans l’âme, il se relâcha de
de la personne des grands ; je n’assiège ni l’ennemi : Ce pays si important par son
son assiduité à la messe (Aymé). 2. Par
leurs portes, ni leurs passages (Bossuet). assiette et par ses ports (Retz).
extens. Application régulière et constante à
4. Assiéger quelqu’un, l’importuner de
quelque chose : Assiduité à l’étude. Naguère II. 1. Nom de diverses pièces de vaisselle
ses sollicitations : Assiéger le député de la à fond plat et à bord incliné, et dans les-
encore François suçait son pouce avec beau-
circonscription afin d’obtenir une faveur. quelles on sert les mets : Assiette plate,
coup d’assiduité (Duhamel). 3. Présence
Spécialem. Assiéger une femme, l’im-
continuelle ou fréquente auprès de creuse. Assiette à dessert. Assiette de
portuner de ses assiduités pour obtenir
quelqu’un ; fréquentation régulière d’un faïence, de porcelaine. Attentif au mur-
ses faveurs. 5. (avec un sujet désignant mure de nos voix à travers le plancher, à
lieu en vue d’y rencontrer quelqu’un :
une chose) Monter à l’assaut de, s’élan-
Assiduité d’un médecin auprès d’un grand nos rires, au bruit des assiettes remuées
cer vers : Des colonnes d’étincelles et de
malade. Assiduité à fréquenter un salon à la (Mauriac). Fig. et fam. Casser les as-
fumées assiègent les nues (Chateaubriand).
mode. Une éducation républicaine fortifiée siettes, ne plus mettre de frein à sa colère.
6. Fig. Tourmenter par une présence
par l’assiduité aux clubs (Dumas). 2. Ce que peut contenir une assiette :
incessante et obsédante : Je ne puis peindre
• SYN. : 1 ponctualité, régularité ; 2 Manger trois assiettes de soupe. Assiette
les sentiments confus qui vinrent m’assiéger
constance, continuité, ténacité, zèle ; 3 anglaise, assortiment de viandes froides.
(Chateaubriand). 7. Retenir constam-
fidélité. — CONTR. : 1 inexactitude, irrégu- Assiette montée, assiette posée sur
ment, accaparer les pensées, l’intérêt,
larité ; 2 insouciance, laisser-aller, négli- pied et contenant des desserts variés :
la présence : Toutes les séductions qui
gence, paresse, relâchement ; 3 abandon, petits fours, fruits, etc. Class. Assiette
entourent et assiègent une actrice à la mode
délaissement, infidélité, négligence. volante, mets léger servi entre deux plats
(Musset).
plus copieux. Fig. et fam. L’assiette au
assiduités n. f. pl. Manifestations • SYN. : 1 bloquer, cerner, encercler, enfer- beurre, la source des profits et des avan-
d’empressement auprès d’une femme :
mer, envelopper, investir ; 3 assaillir ; 4 tages que donne le pouvoir : Accaparer
Poursuivre une femme de ses assiduités. Il harceler, poursuivre, talonner ; 6 accabler,
est des assiduités qu’une honnête femme l’assiette au beurre.
obséder, tourmenter ; 7 solliciter.
ne saurait tolérer (Dumas fils) ; parfois au • SYN.: I, 1 et 2 équilibre, tenue ; 4 assise,
sing. : L’assiduité agressive de Lamarthe assiette [asjt] n. f. (du lat. pop. *assedita fondation, fondement, soubassement. II,
pour Mme de Frémines irritait Mme de Brune [part. passé substantivé de *assedere, être 2 assiettée.
(Maupassant). assis], proprem. « manière d’être assis,
assiettée [asjete] n. f. (de assiette ; 1690,
• SYN.: cour, galanterie. posé » ; 1283, Beaumanoir, au sens finan-
Furetière). Contenu d’une assiette : Manger
cier ; au sens de « pièce de vaisselle », début
[asidym] adv. (de assidu ; une assiettée de soupe.
assidûment du XVIe s., d’un sens anc. « action de mettre
XIIIe s., écrit assiduement). De façon assi- les plats sur la table », d’où « services d’un assignable [asjabl] adj. (de assigner ;
due : Fréquenter assidûment une personne. repas » [XIVe s.]). XVIIe s., Bossuet). Qui peut être assigné.
• SYN. : constamment, continuellement,
I. 1. Manière dont un cavalier est assis sur assignat [asia] n. m. (de assigner ;
exactement, fidèlement, habituellement,
sa selle : La jument [...] fut une mouvante milieu du XIVe s., au sens de « constitu-
ponctuellement, régulièrement. — CONTR.:
chose de vitesse, matée et divinement libre tion de rente », d’où le sens 2 donné par la
irrégulièrement.
sous Alban presque immobile, mais qui Constituante, 1789). 1. Jusqu’au XVIIIe s.,
assiégé, e [asjee] adj. et n. (part. passé aide le galop par de légers déplacements constitution de rente. 2. Papier-monnaie
de assiéger ; XVIe s.). Qui se trouve dans un d’assiette (Montherlant). 2. Par anal. émis de 1789 à 1796, non convertible en
lieu dont on fait le siège : Une armée assié- Manière dont quelqu’un place son corps espèces, mais qui pouvait être « assigné »,

272
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

remboursé sur le produit de la vente des cilement assimilable. 3. Se dit d’une de comprendre (Proust). Certains élèves
biens du clergé : Les assignats se sont dépré- personne qui peut se modifier au point ont un grand pouvoir d’assimilation.
ciés rapidement. de devenir semblable aux gens de son • SYN.: I, 1 analogie, comparaison, paral-
entourage ou du pays où elle vit : Je crois lèle, rapprochement, similitude ; 2 absorp-
assignation [asiasj] n. f. (lat. assi-
au contraire, dit M. Bergeret, que les Juifs tion, équivalence, fusion, incorporation,
gnatio, attribution, de assignare ; milieu
sont extraordinairement assimilables intégration ; 3 identification, mimétisme.
du XIIIe s.). 1. Action d’assigner quelque
(France). II, 1 animalisation ; 2 acquisition,
chose à quelqu’un : Assignation des parts
par le donateur. Chèque d’assignation, appropriation, digestion, imprégnation,
II. Se dit d’une personne ou d’une chose
chèque émis au profit d’un tiers dont le incorporation. — CONTR. : I, 1 distinction,
qui peut être considérée comme sem-
nom et l’adresse doivent être indiqués sur le séparation ; 2 rejet, ségrégation ; 3 différen-
blable à une autre : Le vieillard est souvent
chèque. 2. Class. Somme que l’on affecte ciation ; 4 dissimilation.
assimilable à un enfant.
au paiement d’une dette : Dieu donne des • SYN.: I, 2 abordable, accessible, compré-
assignations aux nécessiteux sur le super- hensible, intelligible. II analogue, compa- GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE
flu des opulents (Bossuet). 3. Class. rable, similaire. — CONTR.: I inassimilable.
Rendez-vous : Avez-vous en ce lieu quelque II différent, dissemblable. L’ASSIMILATION
assignation aujourd’hui ? (Montfleury).
4. Invitation à comparaître devant la assimilateur, trice [asimilatoer, -tris] Le terme assimilation désigne, en pho-
adj. (de assimiler ; 1826, Mozin). Qui assi- nétique, l’altération que subit un son
justice : L’assignation d’un témoin. Une
assignation à jour fixe. 5. Assignation à mile facilement (au pr. et au fig.) : Fonctions lorsqu’il emprunte une ou plusieurs ca-
résidence, obligation faite à quelqu’un de assimilatrices. Esprit assimilateur. Dévorée ractéristiques articulatoires à un ou plu-
résider quelque part. d’ambition mondaine et douée d’une réelle sieurs sons immédiatement voisins dans
intelligence assimilatrice, elle apprenait la chaîne orale.
• SYN.: 4 ajournement, citation.
avec la même facilité l’histoire de la retraite Ainsi, dans la prononciation courante de
assigné, e [asie] adj. et n. (part. passé des Dix Mille ou la perversion sexuelle chez obtenir, le [b] s’assourdit devant la sourde
de assigner). 1. Qui a fait l’objet d’une assi- les oiseaux (Proust). [t] et prend le son de [p]. Dans le mot
gnation en justice. 2. Spécialem. Assigné
espagnol nada, « rien », le d entre deux
à résidence, se dit d’une personne obligée assimilation [asimilasj] n. f. (lat. assi-
voyelles perd son caractère occlusif et
de résider en un endroit. milatio ; 1495, J. de Vignay, sens général ;
devient une « spirante » [], analogue au
sens médic., 1503, G. de Chauliac ; sens lin-
assigner [asie] v. tr. (lat. assignare, attri- th de l’anglais father. Entre deux voyelles,
guistique, 1838, Acad. ; sens polit., 1866,
buer, confier ; milieu du XIIe s. ; var. assiner, le [p] du latin tropare s’est sonorisé en [b],
Larousse).
fréquente aux XVIe et XVIIe s.). puis a perdu son occlusion pour devenir
I. 1. Action de considérer ou de présenter la spirante bilabiale [], et enfin le [v] de
I. 1. Affecter des fonds en garantie d’une
une personne ou une chose comme sem- trouver ; ce double phénomène, sonori-
dette, d’une obligation : Assigner une
blable à une autre, dont elle se rapproche sation et spirantisation, a intéressé en
rente sur ses biens présents et à venir
plus ou moins : Assimilation de la vie à gallo-roman toutes les sourdes intervo-
(Acad.). 2. Attribuer à quelqu’un ce qui
un songe, du singe à l’homme. Assimila- caliques du latin, et a conduit certaines
doit lui revenir pour sa part : Quelque
tion injurieuse. 2. Action de donner jusqu’à l’effacement total ; dans vta, le [t],
grasse ville de Touraine ou du Maine me
les mêmes droits, la même organisation devenu [d], puis [], a fini par disparaître
sera assignée pour part avec une métairie
à des personnes d’origine différente, la (franç. vie). La pause même, c’est-à-dire
et une basse-cour (Sainte-Beuve). Nous
même valeur à des choses distinctes ; l’absence de son après chaque mot (plus
faisons, d’ailleurs, en ces matières diffi-
résultat ainsi obtenu : L’assimilation des ou moins marquée selon les langues), a pu
ciles et sublimes, des raisonnements si
immigrants, de deux communautés. Poli- assourdir par assimilation les consonnes
légers que nous assignons, avec une incon-
séquence remarquable, la dignité la plus tique d’assimilation des minorités natio- sonores finales, comme en allemand, où
nales. Assimilation de grades. 3. Action Tag est prononcé [ta:k]. C’est ainsi que se
élevée aux auteurs que nous déclarons ins-
pirés (Valéry). 3. Par extens. Prescrire de devenir semblables l’un à l’autre : Ce sont assourdies en gallo-roman toutes les
avec autorité quelque chose à quelqu’un : miracle d’assimilation qui fait qu’au bout sourdes devenues finales après la chute
Assigner une tâche, un but à un enfant, à de quelques années de ménage la femme et des voyelles finales : anc. franç. lonc (lat.
un collaborateur. Assigner un poste, une le mari se ressemblent (Daudet). 4. En longu) ; la plupart se sont ensuite complè-
résidence à un fonctionnaire. 4. En un phonétique, transformation par laquelle tement effacées : [l].
sens général, fixer exactement, détermi- un phonème devient semblable à un pho- La tendance à l’assimilation joue pour
ner : Aucune autre limite que celles assi- nème voisin. (V. art. spécial.) tous les sons dans la chaîne parlée,
gnées par la santé de l’enfant, bien enten- II. 1. Processus par lequel les êtres vi- mais les effets n’en sont que rarement
du (Mauriac). vants forment leur propre substance conscients. Lorsque nous prononçons les
à partir des aliments absorbés, qu’ils mots cou et qui, l’occlusion réalisée entre
II.Inviter quelqu’un à comparaître de-
transforment et incorporent : Chez les la langue et le palais pour produire le son
vant la justice : Je vais vous assigner en
justice, vous et M. Pons (Balzac). animaux, l’assimilation de la nourriture [k] tend à rapprocher son point d’articu-
se fait par la digestion. Assimilation lation de celui des voyelles [u] et [i], ce
• SYN. : I, 2 adjuger, allouer, décerner,
chlorophyllienne, processus par lequel qui donne deux sons [k] différents, l’un
impartir ; 3 affecter, désigner, destiner,
la plante verte élabore la matière orga- postvélaire, l’autre postpalatal, alors que
fixer, imposer ; 4 délimiter, donner, indi-
nique à partir du gaz carbonique de l’at- nous pensons prononcer un seul et même
quer, marquer. II ajourner, citer.
mosphère et sous l’action de la lumière phonème.
assimilable [asimilabl] adj. (de assimiler ; solaire. 2. Fig. Action d’absorber, de L’assimilation a plus de chances d’être
début du XIXe s.).
faire siennes certaines connaissances : sentie si elle affecte le système phonolo-
I. 1. Qui peut être transformé par l’orga- Je savais que chez Robert un certain ver- gique, c’est-à-dire si elle transforme un
nisme et incorporé : Des aliments assi- balisme était trop souvent un peu creux, phonème en un autre, comme lorsque
milables. 2. Fig. Qui peut être absorbé, mais d’autres fois signifiait l’assimilation l’avancement du point d’articulation de
compris par l’esprit : Une science diffi- d’idées profondes qu’il était fort capable [k] devant un yod fait prononcer en fran-

273
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

çais populaire cintième pour cinquième ; l’E atone en français dans la prononcia- et d’idées si nécessaire à qui prétend diri-
encore reste-t-elle inaudible pour les per- tion courante : l’e de la première syllabe ger une époque et un pays aussi compli-
sonnes qui commettent la même « faute », est ouvert dans presse, fermé dans pres- qués que les nôtres (Daudet). Il s’assimi-
comme est inaudible pour le commun ser ; ai est prononcé [] dans plaire, [e] lait, mieux qu’Olivier lui-même, l’être de
des Français l’altération du b d’obtenir. dans plaisir ; la voyelle finale accentuée la jeune morte (Rolland). Il a relu le texte
Une semblable assimilation est à l’origine exerce à distance une influence fermante. [...] en faisant [...] l’effort maximum pour
des « palatalisations » qui ont transformé On explique par la dilation le maintien du se l’assimiler (Romains). 4. Par anal.
à l’époque romane les sons [k] et [g] en timbre fermé [i] dans le pronom pluriel et Intégrer des hommes d’une origine eth-
[ts] et [d] devant les voyelles antérieures singulier il (nomin. plur. lat. ll, étendu nique différente : Les États-Unis ont réus-
e et i (de là, en français moderne, cent et au singulier sur le modèle de qu, singu- si à s’assimiler des hommes originaires de
gens, du lat. centum et gentes). lier et pluriel), et le maintien du timbre tous les pays d’Europe.
Partielle, l’assimilation n’affecte qu’une fermé [y] à la deuxième personne du pas- • SYN. : I, 1 se comparer, s’égaler, s’iden-
partie des éléments du son assimilé : obte- sé fus (de *fst). Comme on le voit par tifier ; 2 s’adapter, se fondre, fusionner,
nir (prononcé [ptni:r]) ; totale, elle les ces exemples, la voyelle dominante dans s’incorporer, s’intégrer. — CONTR. : I, 1 se
affecte tous, au point d’amener la confu- la dilation n’est pas forcément la tonique. différencier, se distinguer.
sion des deux sons : le c du lat. factum, assimilé [asimile] n. m. (part. passé de assis, e [asi, -iz] adj. (part. passé de
assimilé partiellement au t dans le gallo- assimiler ; XVIe s.). Personne qui a le statut asseoir ; XIIe s.). 1. Situé : La ville est assise
roman *fayto (franç. moderne fait), a été
d’une catégorie donnée, sans avoir les titres sur une colline (Littré). 2. Fig. Solidement
assimilé totalement dans l’ital. fatto. requis pour faire partie de cette catégorie : fondé, établi : C’est à l’instant où le gouver-
On dit que l’assimilation est régressive Cadres et assimilés. Militaires et assimilés nement paraît le mieux assis qu’il s’écroule
(ou anticipante) quand l’influence est civils. (Chateaubriand). Vos idées à présent sont
exercée par l’articulation du second bien arrêtées ; les positions de votre esprit,
assimiler [asimile] v. tr. (lat. assimilare,
son. C’est généralement le cas dans les les bases de vos jugements solidement assises
rendre semblable, de simul, ensemble, refait
groupes de deux consonnes, la première (Valéry). 3. Magistrature assise, ensemble
sur similis, semblable ; 1495, J. de Vignay).
étant implosive, donc faible, la seconde des magistrats qui siègent au tribunal, par
explosive, donc forte : lat. capsa > franç. I. 1. Rendre semblable : Certaines pas- opposition aux magistrats du parquet, qui
chasse (assimilation totale) ; lat. semta sions assimilent l’homme à l’animal.
plaident devant le tribunal (magistrature
> franç. sente (assimilation partielle). 2. Considérer comme semblable : Le debout). 4. Place assise, où l’on peut
On dit qu’elle est progressive dans le cas Code civil assimile l’interdit au mineur.
s’asseoir.
contraire : subsidiaire est souvent pro- Assimiler une catégorie à une autre.
• SYN. : 1 campé, placé, planté, posé ; 2
noncé [sybzidj:r]. 3. Intégrer, absorber dans un groupe
assuré, ferme, inébranlable, solide, stable.
La place de l’accent a pu déterminer le social, une communauté, des personnes
— CONTR.: 2 branlant, chancelant, ébranlé,
sens de l’assimilation : on explique ainsi d’une origine ethnique différente : Les
flottant, fluctuant, instable.
que dans le mot latin ntda, accentué Gallo-Romains ont partiellement assimilé
assis n. m. Voter par assis et levé, mani-
sur la première syllabe, le t ait assimilé les Francs.
fester son avis en restant assis ou en se
le d (franç. nette). Le rôle de l’accent est II. 1. Transformer les aliments en subs- levant : Il y eut un moment d’agitation sur
encore plus sûr dans les cas d’assimila- tances spécifiques de l’organisme. les bancs, le tumulte d’un vote par assis et
tion d’une voyelle par la voyelle accen- 2. Fig. Faire sien, intégrer dans son levé, que le Nabab, sous le jour douteux
tuée, comme dans l’anc. franç. eage (lat. fonds personnel : Assimiler des connais- du vitrage, regarda vaguement... (Daudet).
*aetatcu), devenu aage (âge). sances. Elle n’avait qu’une peur, c’était
Mais des facteurs sémantiques doivent de ne pas savoir comprendre [...], de ne assise [asiz] n. f. (part. passé de asseoir,
être considérés aussi : conservation du pas savoir assimiler les idées et les gens pris substantiv. ; XIIe s., Livre des Rois, au
radical tenir dans obtenir ; oblitération (Proust) ; et absol. : Les élèves attentifs sens de « taxe » [cf. assiette] ; aux sens de
du radical et maintien du préfixe dans assimilent bien. « assise d’une construction », de « séance de
subsidiaire. Le psychisme joue proba- tribunal », dès le Moyen Âge). 1. Chacune
• SYN.: I, 1 comparer, rapprocher ; 2 iden-
blement un rôle dans l’assimilation : des rangées de pierres posées horizon-
tifier, 3 fondre, incorporer. II, 1 anima-
l’articulation d’un phonème important talement dans une construction : Entre
liser ; 2 acquérir, s’approprier, comprendre,
est anticipée dans l’assimilation régres- les assises de ce monument [...] pendent
digérer, embrasser, s’imprégner de, pénétrer,
sive, maintenue dans l’assimilation pro- saisir. — CONTR.: I, 1 différencier, dissocier, quelques fleurs purpurines (Balzac).
gressive. La combinaison de ces facteurs 2. Par anal. En anatomie et en bota-
séparer ; 2 distinguer ; 3 isoler, rejeter.
impondérables, jointe à l’effet inverse nique, ensemble de cellules disposées
s’assimiler v. pr.
d’éventuelles tendances à la dissimilation en une couche. 3. Fig. Ensemble des
(v. ce mot), invite à la prudence les phoné- I.1.Se considérer comme semblable à, éléments qui donnent de la solidité à un
ticiens qui voudraient expliquer tous les comme l’égal de : Ne pas craindre de s’as- système ; fondement : Établir son pouvoir
cas observés en fonction de lois générales similer à un homme éminent. 2. Deve- sur des assises solides. La mission de notre
d’assimilation, telles que celles qu’énonça nir semblable aux gens parmi lesquels on temps c’est de changer les assises de la société
M. Grammont (l’Assimilation ; notes de vit : Certains immigrants s’assimilent vite. (Hugo). Les assises de toute humanité sont
phonétique générale, 1924). II.1.Transformer des aliments en sa économiques (Alain).

Un son peut influencer l’articulation propre substance : L’organisme s’assimile •SYN. : 1 rang ; 3 fond, fondation, fonde-
d’un autre sans que les deux soient voi- des éléments les plus divers. 2. Être ment, soubassement.
sins : phénomène que beaucoup de assimilé en parlant d’une substance ali- assises n. f. pl. 1. Au Moyen Âge, assem-
phonéticiens jugent différent de l’assi- mentaire : Certains aliments s’assimilent blées féodales, de caractère principalement
milation et appellent d’un autre nom plus facilement que d’autres. 3. Fig. judiciaire. Par extens. Les ordonnances
(Jespersen : harmonisation ; Grammont : Faire pénétrer au plus profond de soi, rendues par ces assemblées : Les Assises de
dilation). Les facteurs psychiques y joue- faire sien : Il écoutait aussi, interrogeait, Jérusalem, d’Antioche. 2. Cour d’assises,
raient un rôle prépondérant. On peut en lisait, s’assimilait toutes choses, et prépa- ou simplem. les assises, tribunal chargé
donner pour exemple les variations de rait cet énorme emmagasinement de faits de juger les crimes et certains délits : Elle

274
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

ferait sauter le Palais plutôt que de laisser vivantes. Assistant de production, colla- association [assjasj] n. f. (de associer ;
un jeune homme, qui avait eu les bonnes borateur du producteur dans une émission XVe s.).
grâces de la duchesse de Maufrigneuse et radiophonique. Assistant du son, tech-
I. 1. Action d’associer quelqu’un à
les siennes, aller sur les bancs de la cour nicien qui est chargé du son au cours de
quelque chose : L’association d’un tech-
d’assises en compagnie d’un forçat (Balzac). la réalisation d’un film. Prêtre assistant,
nicien au gouvernement. 2. Action de
Par extens. Les assises, une session de la ou assistant, prêtre qui se tient à côté d’un
s’associer avec quelqu’un : Son associa-
cour d’assises ; le lieu où siège ce tribunal. nouveau prêtre pour le seconder.
tion avec cet ouvrier ne dura que six mois
3. Congrès d’un mouvement, d’un parti, assistante n. f. 1. Dans certaines com- (Balzac). 3. Spécialem. Action de for-
d’une association : Les assises départemen- munautés de femmes, religieuse qui mer un groupement de personnes dans
tales du Comité d’action laïque. Tenir ses aide la supérieure dans ses fonctions. un dessein déterminé, de caractère non
assises, se réunir en un lieu pour discuter 2. Assistante sociale, personne titulaire lucratif (par opposition à société) ; et,
de questions communes. d’un diplôme spécial, qu’une collectivité par extens., le groupement ainsi formé :
assistance [asists] n. f. (de assister ; charge de visiter certaines familles pour La liberté d’association. Une association
1412, Alain Chartier). leur apporter l’aide matérielle, médicale d’anciens élèves d’un établissement. Des
ou morale qu’exige leur situation. associations sportives. Il y a tout juste un
I.1.Action d’assister, d’être présent à
assistants n. m. pl. Personnes qui an [...] qu’a débuté la grève d’où est sortie
une réunion, à une cérémonie, etc. : L’as-
assistent à un spectacle, à une cérémonie, notre association (Aragon).
sistance aux offices religieux. 2. Par ex-
qui sont témoins d’un événement : Après
tens. Ensemble des personnes présentes II. 1. Réunion de choses diverses qui
l’inhumation, M. Fellaire reçut les com-
à une réunion ; assemblée, auditoire : M. tendent à se compléter et, se mettant
pliments de condoléance des assistants
le premier président Cassignol fut conduit en valeur l’une l’autre, à produire un
(France).
à l’église dans le corbillard des pauvres, effet unique : Association de couleurs, de
selon la volonté qu’il avait exprimée [...]. assisté, e [asiste] adj. et n. (part. passé teintes. Une association d’images et de
L’assistance tout entière en était secrète- de assister). Qui bénéficie de l’assistance mots est parfaite non point lorsqu’elle peut
ment offensée comme d’une marque de judiciaire ou de l’aide sociale : Un vieillard servir toujours, mais au contraire quand
mépris pour la richesse (France). assisté. Un assisté. elle ne peut servir qu’une fois (Gide).
II. 1. Action de seconder quelqu’un dans 2. Association d’idées, phénomène psy-
assister [asiste] v. tr. (lat. assistere,
chologique selon lequel des concepts en
son activité, ses fonctions : L’infirmière se tenir à côté, de ad et sistere ; 1372,
apporte son assistance au chirurgien. évoquent d’autres.
J. Corbichon). 1. Seconder quelqu’un
2. Aide, appui, secours donnés ou • SYN. : I, 1 adjonction, affiliation, incor-
dans l’exercice de ses fonctions : Nous
reçus : Il était venu là, au terme d’une poration, participation ; 2 collaboration,
étions trois, au début, pour assister notre
journée exténuante, comme pour chercher coopération ; 3 amicale, club, comité,
patron médecin des hôpitaux (Duhamel).
un refuge, pour demander assistance et groupement, ligue, organisation, union.
2. Soutenir quelqu’un en lui apportant
protection (Duhamel). Implorer l’assis- II, 1 agencement, alliage, assemblage,
aide, secours, protection, réconfort :
tance de quelqu’un. 3. Spécialem. Aide combinaison. — CONTR. : I, 1 disjonction,
L’État assiste les indigents par diverses
qu’on apporte à ceux qui sont dans le dissociation ; 2 division, rupture, scission,
mesures. Nous allons prier le bon Dieu
besoin, aux indigents : Assistance privée, séparation ; 3 dissolution.
pour qu’il nous assiste tous (Martin du
publique. L’assistance médicale gratuite. Gard). Que Dieu vous assiste !, for- associationnisme [assjasjnism] n.
Assistance judiciaire, institution qui mule de souhait adressée à quelqu’un qui m. (de association ; 1877, Littré, au sens
permet à ceux dont les ressources sont in- éternuait, ou par laquelle on exprimait à 1, emprunté aux psychologues anglais ;
suffisantes de poursuivre et de défendre sens 2, première moitié du XXe s.). 1. En
quelqu’un son impossibilité de le secourir.
gratuitement leurs droits devant la jus- philosophie, doctrine qui explique par
3. Spécialem. En parlant d’un prêtre,
tice. Assistance publique, ou simplem. l’association des idées toutes les opérations
apporter les secours de la religion à une
l’Assistance, ensemble des secours de psychiques. 2. En économie politique,
personne pour l’aider à mourir chrétien-
toute nature alloués par l’État ou par les doctrine qui préconise une transformation
nement : Le Curé avait fort à faire d’assister
collectivités locales aux personnes néces- totale de la société par l’organisation de
les moribonds (Aymé). En parlant d’un
siteuses ; se dit spécialem. des établisse-
avocat, prêter son ministère en justice : petits groupes autonomes de producteurs
ments chargés de la tutelle des enfants se fédérant librement.
Assister d’office un accusé.
assistés : Un enfant de l’Assistance.
• SYN. : 1 aider ; 2 protéger, réconforter, associationniste [assjasjnist] adj.
• SYN. : I, 1 présence ; 2 cercle, compa-
secourir. — CONTR. : 1 desservir, entraver, et n. (de associationnisme ; 1877, Littré).
gnie, public, rassemblement. II, 1 aide,
gêner, nuire ; 2 abandonner, délaisser, Partisan de l’associationnisme, aux deux
concours ; 2 protection, recours, rescousse,
négliger. sens du terme.
service ; 3 allocation, aumône, charité,
v. tr. ind. [à]. Assister à quelque chose, adj. Qui a trait à l’associationnisme.
indemnité, obole, subvention. — CONTR. :
1 absence. II, 2 abandon, entrave, gêne, y être présent en spectateur, ou y partici-
per : Il dépensa chaque année le dixième de associé, e [assje] adj. et n. (part. passé
opposition, tort ; 3 dommages, préjudice.
ce qu’il avait amassé dans les pillages des de associer ; début du XVIe s.). 1. Personne
assistant, e [asist, -t] n. et adj. (de unie à une autre par une communauté
villes et villages auxquels il avait eu l’hon-
assister ; 1372, J. Corbichon). Personne d’intérêts : Cette maîtresse avait fait de
neur d’assister (Stendhal). Le dimanche,
qui est chargée d’en seconder une autre lui non pas un amant, mais une sorte
nous assistions ensemble à la grand-messe
dans l’exercice de ses fonctions : Médecin d’associé intelligent de sa vie (Maupassant).
(Mauriac).
assistant. Dans l’enseignement supé- 2. Personne qui met en commun son
• CONTR. : manquer.
rieur, professeur, non pourvu du doc- activité ou ses biens dans une entre-
torat, adjoint aux professeurs de faculté associatif, ive [assjatif, -iv] adj. (de prise : Dans ce court délai, il lui fallait à
pour assurer les travaux pratiques. Dans associer ; 1488, Mer des histoires). 1. Relatif tout prix obtenir de ses associés éventuels
l’enseignement secondaire, professeur à une association : Propriété associative. les décisions qu’ils lui faisaient attendre
auxiliaire, de nationalité étrangère, adjoint 2. Qui relève de l’association des idées : (Romains). Spécialem. Personne qui
dans les lycées aux professeurs de langues Mémoire associative. dirige avec d’autres une entreprise, en

275
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

participant aux bénéfices et aux pertes. 2 chasser, congédier, remercier, renvoyer ; 5 gner. — CONTR. : 1 s’éclaircir ; 2 se dérider,
3. En termes de droit, membre d’une détonner, se heurter, hurler, jurer. s’épanouir.
société civile ou commerciale, ou d’une
assoiffé, e [aswafe] adj. (part. passé de assombrissement [asbrism] n. m.
association. 4. Membres associés, dans
assoiffer ; 1607, Montlyard). 1. Qui souffre (de assombrir ; 1836, Barbey d’Aurevilly).
quelques académies, ceux qui participent
de la soif : Il faisait chaud et nous étions 1. Le fait de s’assombrir ; état de ce qui s’est
aux travaux sans jouir des mêmes privi-
assoiffés. 2. Fig. Assoiffé de, très avide assombri : Une terre neigeuse répandant
lèges que les membres « titulaires ».
de : J’ai rêvé de retraites idéales où les esprits une lumière mate [...] sous les assombris-
• SYN.: 1 adjoint, aide, auxiliaire, collabo- assoiffés de méditation pourraient chercher sements du ciel gris (Barbey d’Aurevilly).
rateur, compagnon, partenaire ; 2 coasso- asile contre un monde furieux (Duhamel). De loin en loin, le long du mur, de petites
cié ; 3 sociétaire. Assoiffé d’argent, cupide. poternes basses, condamnées depuis des
associer [assje] v. tr. (bas lat. associare, • SYN.: 1 altéré ; 2 affamé, altéré. — CONTR.: siècles, laissent passer, dans l’assombris-
de socius, compagnon ; XIIIe s.). 1. Unir 1 désaltéré ; 2 dégoûté, écoeuré, rassasié. sement des futaies, de grands filets lumi-
deux ou plusieurs personnes en un grou- neux (Daudet). 2. Fig. Caractère de ce
assoiffement [aswafm] n. m. (de assoif-
pement, un corps : Associer les meilleurs qui devient plus triste : L’assombrissement
fer ; XXe s.). État de quelqu’un qui aspire
joueurs pour former une équipe nationale. progressif de son drame [l’Amulette rouge,
très vivement à quelque chose : Les vains
Fig. Associer des vies, des destinées, vivre de L. Marchand] agit sur nos nerfs d’une
assoiffements d’irréel (Gide).
ou faire vivre ensemble : Il était difficile manière infaillible (Colette).
d’imaginer comment deux êtres aussi assoiffer [aswafe] v. tr. (de soif ; 1607, • SYN.: 1 obscurcissement ; 2 noircissement.
dissemblables avaient pu associer leurs Montlyard). Donner soif. — CONTR.: 1 éclaircissement, éclairement,
vies (Mauriac). 2. Associer quelqu’un à • SYN.: altérer. — CONTR. : désaltérer. éclat, luminosité ; 2 épanouissement.
quelque chose, l’admettre à y participer : assombrisseur, euse [asbrisoer, -øz]
assolement [aslm] n. m. (de assoler ;
Associer quelqu’un à ses affaires. Associer fin du XVIIIe s.). 1. Action d’assoler les n. (de assombrir ; XXe s.). Personne qui rend
quelqu’un à son pouvoir, à sa joie. Il éprou- terres. 2. Succession méthodique d’une triste, soucieux (rare) : Considérer les pes-
vait le besoin d’associer son ami à tout série de cultures sur une même parcelle, simistes comme des ennemis personnels. Et
ce qui lui arrivait d’heureux (Rolland). ordonnée de façon à assurer la conserva- ce sont ceux-là mêmes, les assombrisseurs
3. Associer une chose à une autre, éta- tion de la fertilité du sol. Assolement de la vie, qui se cramponnent le plus à la
blir entre elles des liens étroits : Il n’y avait triennal, assolement caractérisé par la vie (Gide).
qu’un petit nombre d’objets qu’il réservait rotation triennale des cultures.
sans les fondre dans le trésor commun ; assommade [asmad] n. f. (de assom-
assoler [asle] v. tr. (de sole, planche, d’où mer ; milieu du XIXe s.). Vx. Action d’as-
c’étaient ceux qui avaient appartenu à sa
étendue de terre [lat. pop. *sola, lat. class. sommer : Massacres, emprisonnements,
soeur ou qui étaient associés à son souve-
solea, sorte de plancher] ; 1374, Godefroy). arrestations, perquisitions, procès, assom-
nir (Rolland) ; les mettre en accord, les
Diviser les terres d’une exploitation en mades de la police, tous ces épisodes des
unir étroitement : Associer la grâce à la
soles, sur chacune desquelles on fait alter- premiers temps du gouvernement de 1830
vertu. Associer la prudence au courage.
ner les cultures dans un ordre déterminé. reparaissent à chaque instant (Baudelaire).
4. Associer des choses entre elles, les réu-
• CONTR. : dessoler. Frère Ange [...] avait disparu pendant six
nir de façon à former un ensemble partici-
mois après l’assommade du coutelier boi-
pant de chacun des éléments, mais ayant sa assombrir [asbrir] v. tr. (de sombre ; teux (France). L’affaire Sacco et Vanzetti et
réalité propre : Associer des mots, des idées. 1597, Ph. Bosquier ; rare jusqu’au XVIIIe s., les grandes assommades de Paris auraient
Marthe associe sur elle, d’un choix sûr, de Mirabeau). 1. Rendre sombre : Les nuages pu jouer dans leur vie un rôle qui les eût
violentes et heureuses couleurs (Colette). assombrissaient le ciel. Les grandes fenêtres plus durement marqués que les cérémonies
• SYN. : 1 assembler, grouper, rassembler, [...] assombries par le soir et le brouillard
Jaurès (Nizan).
réunir ; 2 adjoindre, affilier, attacher ; 3 du dehors (Malraux). 2. Faire paraître
allier, joindre, lier, mêler, unir ; 4 agencer, plus sombre : Les mâles visages dorés assommant, e [asm, -t] adj. (part.
assortir, combiner, rapprocher. — CONTR.: 1 qu’assombrissaient encore les grandes éten- prés. de assommer ; XVIe s., Godefroy).
disséminer, désunir, éparpiller ; 3 disjoindre, dues blanches des plastrons sans cravates 1. Class. et fig. Qui accable, jette dans
dissocier ; 4 isoler, séparer. (Montherlant). 3. Fig. Rendre triste : le découragement, l’affliction : Un
s’associer v. pr. 1. Former une société, Est-ce un frisson de froid qui, frôlant ma éclat assommant de mon juste courroux
un corps, une alliance : Deux États qui peau, a ébranlé mes nerfs et assombri mon (Molière). 2. Fig. et fam. Qui fatigue,
s’associent. 2. S’associer quelqu’un, le âme (Maupassant). qui ennuie à l’excès : Les deux femmes
prendre comme associé ou comme col- • SYN.: 1 enténébrer, obscurcir ; 2 basaner, débitaient, pendant des heures, d’assom-
laborateur : Le Dancaïre et moi nous nous bistrer ; 3 attrister, chagriner, peiner, rem- mantes niaiseries (Flaubert). Mais comme
étions associé quelques camarades plus sûrs brunir. — CONTR. : 1 éclaircir ; 2 blanchir, je ne suis pas comme lui, vous n’allez pas
éclairer ; 3 dérider, égayer, ravir, réjouir. me faire parler généalogie, je ne sais rien de
que les premiers (Mérimée). 3. S’associer
plus assommant, de plus périmé, vraiment
à quelqu’un, avec quelqu’un, s’entendre avec s’assombrir v. pr. (fin du XVIIIe s.,
l’existence est trop courte (Proust).
lui en vue d’une entreprise commune. Mirabeau). 1. Devenir sombre : La mer
4. S’associer à la joie, au malheur, aux s’assombrit parfois avec des éclats mortels
• SYN.: 2 barbant (pop.), embêtant (fam.),
efforts de quelqu’un, y prendre une part (Rimbaud). 2. Fig. Devenir triste : À voir empoisonnant (très fam.), ennuyeux, fasti-
intime. 5. (avec un sujet désignant des son mari changer, s’assombrir un peu plus dieux, fatigant, rasant (pop.). — CONTR. : 2
choses) Former un ensemble, un tout de jour en jour, Claire s’imaginait qu’il agréable, distrayant, intéressant, plaisant,
harmonieux : Couleurs qui s’associent. réjouissant.
devait avoir quelque gros ennui d’argent,
L’élégance s’associe à la beauté. sans doute des pertes de jeu (Daudet). assommer [asme] v. tr. (anc. franç.
• SYN.: 1 s’allier, se fédérer ; 2 s’adjoindre, Alors Agathe s’assombrissait (Cocteau). assommer, endormir, dér. de somme, du
s’attacher ; 3 collaborer, coopérer, se joindre 3. Devenir menaçant : La situation lat. somnus, sommeil ; XIIe s., Aliscans ; au
à, s’unir à ; 4 participer à ; 5 s’accorder, aller internationale est en train de s’assombrir. sens fig., « accabler », « fatiguer », XVIe s.).
avec, s’assortir, se combiner, s’harmoniser, • SYN.: 1 se couvrir (ciel), noircir, s’obscur- 1. Tuer d’un coup de masse ou d’un coup
se marier, s’unir. — CONTR. : 1 se séparer ; cir ; 2 s’attrister, se rembrunir, se renfro- violent : Assommer un boeuf. Le gueux

276
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

[...] assomme un cheval à coups de pioche assonance [asns] n. f. (esp. asonan- Assortir des livres sur les rayons d’une
(Maupassant). 2. Frapper d’un coup qui cia, assonance dans les « romances », dér. bibliothèque. Assortir des couleurs. Les
renverse et étourdit : Assommer un adver- savant du lat. assonare, faire écho ; 1690, jeunes filles [...] assortissaient, en chan-
saire d’un coup de poing. [L’animal] ne sait Furetière). 1. Répétition d’un même son tant, des bouquets (Nerval). 2. Assortir
pas, | Sous le bloc qui l’écrase et le fouet vocalique dans une phrase. 2. Spécialem. une chose à une autre, la choisir de façon
qui l’assomme, | Ce que lui veut la pierre En versification, rime réduite à l’identité de qu’elle soit en harmonie avec cette autre :
et ce que lui veut l’homme (Hugo). 3. Fig. la dernière voyelle accentuée : L’assonance Assortir son foulard, ses chaussures à sa
Mettre dans l’incapacité de réagir, abattre de « campagne » et « rivage ». (V. RIME.) robe, avec sa robe.
physiquement : Nous demeurions assommés
assonancé, e [asnse] adj. (de asso- II. Fournir un commerçant des articles,
de fatigue (Duhamel). 4. Class. Abattre
nance ; XXe s.). Caractérisé par l’assonance : des marchandises nécessaires à la vente :
moralement, accabler, affliger : Jen’en puis
Une chanson de geste en vers assonancés. Les grossistes assortissent les détaillants.
revenir, et tout ceci m’assomme (Molière). Je
suis assommée de cette nouvelle (Sévigné). assonant, e [asn, -t] adj. (lat. asso- • SYN. : I, 1 accorder, associer, combiner,
5. Fam. Importuner sans cesse, ennuyer nans, qui fait écho ; XIIe s., Benoît de Sainte- nuancer ; 2 adapter, conformer, harmoniser.
à l’excès : Sans compter d’autres tractations Maure, au sens de « harmonieux » ; sens II approvisionner, fournir, pourvoir. —
de cet ordre, qu’il nous assommerait nous- actuel, 1721, Trévoux). Qui forme, produit CONTR. : I, 1 dépareiller, désassortir.
mêmes de raconter (Montherlant). une assonance : Les mots « campagne » et v. intr. Vx. Se convenir parfaitement :
• SYN.: 1 abattre, estourbir (arg.) ; 2 matra- « village » sont assonants. Ces deux couleurs n’assortissent pas bien
quer, sonner (pop.) ; 3 abasourdir, acca- assoner [asne] v. intr. (lat. assonare, ensemble (Acad.).
bler, anéantir, étourdir, paralyser ; 5 barber faire écho ; fin du XIXe s.). Produire une s’assortir v. pr. 1. Se convenir parfai-
(pop.), embêter (fam.), empoisonner (très assonance : Des vers qui assonent. tement : Des couleurs qui s’assortissent.
fam.), ennuyer, excéder, fatiguer, lasser,
2. S’assortir à quelque chose, s’harmo-
raser (pop.). — CONTR. : 3 ranimer, revigo- assorti, e [asrti] adj. (part. passé de
niser avec : Ses gants s’assortissent à sa
rer, vivifier ; 5 amuser, captiver, distraire, assortir ; XVIe s.).
robe. 3. S’assortir de quelque chose, en
intéresser, réjouir. I. 1. Se dit de personnes ou de choses qui être accompagné, complété : Tout son dis-
assommeur, euse [asmoer, -øz] n. (de se conviennent : Un couple bien assorti. cours s’assortissait d’allusions à l’actualité.
assommer ; milieu du XVe s.). Celui, celle qui Les mariages bien assortis sont l’excep- • SYN. : 1 s’accorder, cadrer, s’harmoni-
assomme : Douvrin n’est pas un assommeur tion (Balzac). Qui est approprié à autre
ser, se marier ; 2 aller avec. — CONTR. : 1
à gages, ni même simplement le capitaine chose, qui est en harmonie, en rapport
contraster, détonner, se heurter, jurer ; 2
de mercenaires dont je parlais (Romains). avec : Ève fut frappée d’un châtiment as-
disconvenir, trancher sur.
sorti à sa faute (France). 2. Composé
assommoir [asmwar] n. m. (de assom-
d’éléments divers : Une assiette assortie. assortissant, e [asrtis, -t] adj. (part.
mer ; 1709, Liger, aux sens 1 et 2 ; au sens 3, Des hors-d’oeuvre assortis. 3. Assorti de, prés. de assortir ; début du XVIIe s., Fr. de
milieu du XIXe s.). 1. Arme qui sert à assom-
accompagné de : Une règle de grammaire Sales). Vx. Qui s’assortit avec quelque chose
mer : À toi qui fais du sceptre un assommoir,
assortie de nombreuses exceptions. d’autre ; qui est assorti à : Un long pistolet
malheur ! (Leconte de Lisle). Spécialem.
II. Se dit d’un magasin, d’un commer- monté en or et en rubis et la baguette assor-
et vx. Bâton court et flexible, muni d’une
çant qui dispose d’un grand choix d’ar- tissante (About).
boule de plomb à son extrémité. Fig. et
fam. Un coup d’assommoir, un événement ticles : Une boutique bien assortie. assoter [aste] v. tr. (de sot ; XIIe s.,
soudain, qui accable ou stupéfie : Je l’ai •SYN.: I, 1 adapté, conforme, harmonieux. Couronnement de Louis). Class. (déjà vx
converti [...]. Pour son épouse, je demande — CONTR.: II démuni, dépourvu. au XVIIe s.). Rendre sot et, spécialem., sot-
encore le coup d’assommoir d’un succès tement amoureux (surtout au passif) : Il ne
assortiment [asrtim] n. m. (de assor-
mondial (Duhamel). 2. Piège dans lequel faut qu’un petit minois pour vous assoter
tir ; fin du XVe s.). 1. Manière dont certaines
les animaux nuisibles sont assommés : Un (Dancourt).
choses sont assorties : Un assortiment de
assommoir à renards. Sorte de trébuchet.
couleurs du meilleur goût. 2. Série, col- assoupir [asupir] v. tr. (réfection de assou-
3. Vx et pop. Débit de boissons où l’on
lection complète de choses formant un vir, calmer, d’après le lat. sopire, même sens ;
servait des alcools de mauvaise qualité :
ensemble : Un assortiment d’outils, de XVe s., Juvénal des Ursins ; au sens de « cal-
L’assommoir du père Colombe se trouvait
vaisselle. 3. Collection de marchandises mer », « éteindre », XVe-XVIe s. ; au sens
au coin de la rue des Poissonniers et du
de même genre : Assortiment d’étoffes,
boulevard Rochechouart (Zola). 1, XVIIe s.). 1. Amener à un sommeil léger
d’articles de ménage. 4. Plat composé
•SYN.: 1 casse-tête, coup-de-poing, massue, (surtout au passif) : Le brave homme s’en
de diverses sortes de mets d’une même
matraque. allait [...], aux trois quarts assoupi par le
catégorie : Un assortiment de charcuterie,
bien-être et la chaleur (Daudet). Le berce-
assomption [aspsj] n. f. (lat. chrét. de viande froide.
ment de la voiture l’avait assoupi. 2. Fig.
assumptio, de assumere, « prendre avec • SYN. : 1 alliance, arrangement, assem-
Rendre beaucoup plus faible, atténuer : Les
soi » ; XIIe s., au sens I, 1 ; au sens II, 1576, blage, mélange ; 2 jeu ; 3 choix. — CONTR. :
échos assoupis ne livrent au zéphire | Que
Ramus, Dialectique). 1 dépareillement, désassortiment.
des soupirs mourants, de silence coupés
I. 1. Selon la religion catholique, enlè- assortir [asrtir] v. tr. (de sorte, avec (Lamartine). 3. Class. Rendre moins
vement miraculeux de la Vierge, trans- influence de sortir ; XIVe s. ; jusqu’au XVIe s., aigu, moins violent ; étouffer : La contesta-
portée au ciel par les anges. 2. Fête signif. souvent « disposer, munir »). [Conj. : tion éclata dans l’Académie, qui eut d’abord
instituée par l’Église pour rappeler cet v. FINIR.] la sagesse d’écouter tout, et ensuite celle
événement ; jour où elle est célébrée (15 d’assoupir par son autorité une dispute qui
I. 1. Réunir des personnes ou des choses
août). 3. Tableau représentant le mi- n’en devait pas être une (Fontenelle).
en tenant compte de leurs ressemblances,
racle de l’Assomption. (Dans ces diverses
de leurs rapports de convenance : Le salon • SYN. : 1 endormir ; 2 adoucir, apaiser,
acceptions, s’écrit avec une majuscule.)
de Mlle de Lespinasse [...] n’était lui-même amortir, éteindre, étouffer, étourdir. —
II. En logique, seconde proposition d’un formé que de gens assez peu liés entre eux CONTR. : 1 éveiller, réveiller ; 2 allumer,
syllogisme, appelée plus ordinairement [...] et que cette spirituelle personne assor- attiser, enflammer, exalter, exciter, ranimer,
mineure. tissait avec un art infini (Sainte-Beuve). raviver, stimuler.

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

s’assoupir v. pr. 1. S’endormir douce- s’assouplir v. pr. Devenir plus souple XVIIIe s. ; sens 3, fin du XIXe s.). 1. Action
ment, se laisser gagner par le sommeil : Le (au pr. et au fig.) : Le cuir s’assouplit quand d’assourdir ; état d’une personne assour-
malade s’assoupit. Je m’assoupis en rêvant on le laisse longtemps dans l’eau. Avec le die : Un assourdissement passager causé
ainsi au vent frais du soir (Maupassant). temps, les hommes les plus intransigeants par un coup de canon. 2. État de ce qui
2. Fig. Perdre le goût de réagir : S’assoupir s’assouplissent. est assourdi, amorti : L’assourdissement
dans l’indifférence, l’inaction, la mollesse. du bruit des pas dans la neige. 3. En
assouplissage [asuplisa] n. m. (de
3. Fig. Devenir moins aigu, moins vio- phonétique, transformation d’une
assouplir ; début du XIXe s.). Opération
lent, en parlant des choses : Dans une petite consonne sonore en consonne sourde :
qui consiste à immerger les fils de soie,
ville, une absence est toujours nécessaire L’assourdissement de [d] en [t].
à plusieurs reprises, dans des bacs d’eau
pour laisser aux haines le temps de s’assou- • SYN. : 1 surdité ; 2 amortissement,
chaude, afin de les assouplir.
pir (Balzac). étouffement. — CONTR. : 2 amplification,
• SYN.: 1 s’endormir, somnoler ; 3 s’adoucir, assouplissement [asuplism] n. m. intensification.
s’amortir, s’apaiser, s’atténuer, s’estomper, (de assouplir ; 1866, Larousse). 1. Action
d’assouplir ; le fait de s’assouplir : Exercices assouvir [asuvir] v. tr. (du lat. pop. *asso-
s’éteindre, s’étouffer. — CONTR. : 1 s’éveil-
d’assouplissement. L’assouplissement du pire, proprem. « endormir », par extens.
ler, se réveiller ; 3 s’aggraver, augmenter,
cuir dans l’eau. 2. Fig. Action de deve- « calmer, satisfaire » ; XIIe s., écrit assovir).
empirer, s’intensifier, seranimer, se raviver.
nir plus accommodant, moins rigide : 1. Vx et littér. Calmer complètement : La
assoupissant, e [asupis, -t] adj. (part. L’assouplissement d’un caractère. 3. Fig. douleur fut domptée, mais non pas assouvie
prés. de assoupir ; 1552, Ch. Estienne). Qui (Leconte de Lisle). 2. Satisfaire pleine-
Action de rendre moins strict : Procéder à
a la propriété d’assoupir (au pr. et au fig.) : ment un besoin, un désir, une passion :
l’assouplissement de certains règlements,
Probablement cesfemmes avaient mêlé dans Assouvir sa faim, sa soif. Assouvir sa soif
de la discipline.
ma boisson quelques-unes de ces drogues de justice, sa curiosité. Il n’avait pas cou-
assoupissantes dont elles ont le secret assourdir [asurdir] v. tr. (de sourd ; tume d’assouvir sa gourmandise avec des
(Mérimée). 1120, Psautier de Cambridge). [Conj. : v. mots (Duhamel). Ma mère, pour assouvir
• SYN. : endormant, narcotique, sopori- FINIR.] 1. Rendre comme sourd momen-
ce besoin de mal au coeur qu’ont les enfants,
fique. — CONTR. : dopant, exaltant, exci- tanément, fatiguer par un bruit excessif, conduisait les siens de manège en mon-
tant, stimulant. par des paroles abondantes : Assourdi par tagnes russes (Radiguet).
le bourdonnement des insectes, battu par
assoupissement [asupism] n. m. (de • SYN.: 1 apaiser ; 2 calmer, combler, conten-
ces queues d’oiseaux, il marchait les bras
assoupir ; début du XVIe s.). 1. Le fait de ter, étancher (la soif), rassasier, satisfaire.
tendus et les paupières closes comme un
s’assoupir ; état d’une personne qui dort — CONTR.: 1 amplifier, attiser, enflammer,
aveugle (Flaubert). 2. Assourdir un bruit,
d’un sommeil léger : Comme j’étais incliné intensifier, raviver ; 2 aiguillonner, aiguiser,
le rendre moins sonore, moins intense :
près d’elle, elle posa sa main sur ma tête [...], exalter, exciter, fouetter, refouler, stimuler.
La neige assourdissait les pas dans la rue
puis tomba dans une sorte d’assoupissement s’assouvir v. pr. Être complètement satis-
(Vallès) ; et au fig. : Les échos assourdis
dont je ne cherchai pas à la tirer (Gide). La fait (avec un sujet abstrait) : Une passion
des luttes passées. Assourdir les tons, les
fatigue, si extrême fût-elle, n’avait pas l’ef- qui s’assouvit.
lumières, en diminuer l’éclat. Assourdir
fet d’assoupissement désirable (Romains). une douleur, l’atténuer : Elle [la morphine] assouvissable [asuvisabl] adj. (de
2. Fig. et littér. État de ce qui est devenu a bien assourdi les douleurs, lorsque la crise assouvir ; début du XXe s.). Que l’on peut
moins agité, plus calme : Assoupissement néphrétique se faisait à l’excès gênante assouvir : Ces désirs plus spirituels et moins
de la mer. 3. Fig. Diminution d’acuité : (Gide). Vx. Assourdir une affaire, essayer assouvissables qui ne sortent pas de leur
Assoupissement d’une souffrance. 4. Fig. de l’étouffer : Il assura le pauvre drapier torpeur (Proust).
État d’engourdissement moral et intellec- qu’il userait de tout son pouvoir pour
tuel, torpeur. assouvissement [asuvism] n. m.
assourdir la chose (Nerval). 3. Spécialem.
• SYN.: 1 engourdissement, léthargie, som- (de assouvir ; 1568, Paré ; au XIVe s., E.
Remplir une cloison ou doubler une paroi
nolence, torpeur ; 2 apaisement ; 3 atté- Deschamps, au sens de « achèvement »).
existante pour éviter la propagation du son.
nuation, étouffement ; 4 apathie, hébétude, 1. Action d’assouvir ; résultat de cette
4. En phonétique, rendre sourd un pho-
langueur, paralysie, stupeur. — CONTR. : 1 action (au pr. et au fig.) : L’assouvissement
nème sonore : Le contact de [t] assourdit le
éveil, réveil ; 2 exaltation, excitation, tur- de la soif. Tout respirait en eux l’assou-
[b] en [p] dans « obtenir ».
bulence ; 3 aggravation, augmentation, vissement d’une passion antique, endor-
• SYN. : 1 abasourdir, casser les oreilles
intensification. mie pendant des siècles (Duhamel).
(fam.) ; 2 amortir, atténuer, éteindre, étouf-
2. Contentement qui résulte de cette
assouplir [asuplir] v. tr. (de souple ; fin fer ; 3 insonoriser. — CONTR. : 2 amplifier,
action et qui entraîne la disparition du
du XIIe s., Huon de Bordeaux, écrit asoplir). exalter, intensifier.
besoin : C’est une volupté sans assouvisse-
1. Rendre plus souple : Le sport, la gym- s’assourdir v. pr. Phonème qui s’assour-
ment (Giraudoux).
nastique et les exercices physiques assou- dit, qui prend un caractère sourd.
• SYN. : 1 et 2 apaisement, contentement,
plissent les muscles. La myrrhe a parfumé
assourdissant, e [asurdis, -t] adj. satiété, satisfaction. — CONTR. : 1 exalta-
leurs membres assouplis (Heredia). 2. Fig.
(part. prés. de assourdir ; 1835, Acad.). tion, excitation, refoulement, surexcita-
Rendre plus accommodant, plus docile,
1. Qui assourdit : Voici l’oeuvre d’Août, voici tion ; 2 inassouvissement, insatiabilité,
plus malléable : Assouplir le caractère d’un
l’extermination de Midi [...] | Et l’infatigable insatisfaction.
enfant. Aussitôt, il sortit sans un mot, sans
cri de la cigale remplit la fournaise assour-
une plainte, comme s’il était déjà assoupli assujetti, e [asyeti] n. et adj. (part. passé
dissante ! (Claudel). Des gens sehâtaient, en
par la vie et préparé à toutes les servitudes de assujettir). 1. Se dit d’une personne qui
tous sens, dans un vacarme assourdissant
(Daudet). 3. Fig. Rendre moins rigou- est astreinte à une obligation légale (paie-
(Martin du Gard). 2. Se dit d’une per-
reux, moins strict : Assouplir des ordres, ment d’un impôt, d’une taxe, affiliation à
sonne qui excède par ses paroles ou par le
un règlement, le protocole. un groupement, etc.) : Les contribuables
bruit qu’elle fait : Un bavard assourdissant.
• SYN.: 1 délier, dénouer ; 2 façonner, for- assujettis au paiement de l’impôt sur le
• SYN.: 1 étourdissant.
mer, polir ; 3 adoucir, amender, atténuer, revenu. Assujetti à la Sécurité sociale,
corriger. — CONTR. : 1 bander, contracter, assourdissement [asurdism] n. m. (de qui est soumis au régime de la Sécurité
durcir, raidir ; 2 et 3 durcir. sourd ; 1596, Hulsius, au sens 1 ; sens 2, sociale. 2. Se dit de ce qui est soumis à

278
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

quelque chose : Une fabrication assujettie une personne : L’assujettissement d’une te protégerai (La Fontaine). 2. Class.
à certaines règles. nation par une autre. L’assujettissement Sentiment de celui qui se croit à l’abri du
des vaincus. 2. État qui résulte d’obli- danger, sécurité : Je l’ai mis en lieu d’assu-
assujettir [asyetir] v. tr. (de sujet ;
gations auxquelles on est soumis : rance (Acad., 1694). Auj. En toute assu-
1495, J. de Vignay ; sens 4, fin du XVIIe s. ;
L’assujettissement à l’impôt. 3. Fig. rance, sans aucune crainte, en toute sécu-
sens 5, 1694, Th. Corneille). [Conj. : v.
Étroite dépendance affective : Ce volon- rité. 3. Class. Très grande hardiesse,
FINIR.] 1. Littér. Ranger sous sa domi-
taire assujettissement à cette petite soeur audace : J’eus l’assurance de lui dire que je
nation, maintenir dans une dépendance
toujours ironique et moqueuse (Mauriac). l’aimais (Scarron). 4. Grande confiance
politique étroite : Assujettir un pays, un
4. Par extens. Soumission habituelle et en soi : Depuis l’échec du 23 février, il
peuple. 2. Par extens. Soumettre à l’auto-
constante : Assujettissement à la mode. avait perdu sa belle assurance (France). Il
rité, à l’empire de quelqu’un : Assujettir
5. Fig. Toute espèce de contrainte résul- y avait une grande assurance dans le ton
quelqu’un à sa loi. Il était de cette nature
tant d’obligantions constantes, répétées : de sa voix, dans son attitude (Gide).
de coeurs faibles [...] qui se dévouent comme
La grandeur a ses assujettissements. Leurs
des esclaves volontaires au bonheur de la III. 1. Garantie accordée par un assureur
malles, les précédant par chemin de fer,
femme à qui ils assujettissent leur coeur à un assuré, moyennant une prime ou
furent chaque deux jours leur seul assu-
(Lamartine). 3. Soumettre à une obli- une cotisation : Contrat, police d’assu-
jettissement (Barrès).
gation constante : Un homme du commun rance. 2. Par extens. Le contrat lui-
• SYN.: 1 asservissement, conquête, domi-
est assujetti à une exacte probité (France). même qui garantit une indemnisation
nation, oppression ; captivité, esclavage,
4. Faire entrer une catégorie de per- en cas de réalisation du risque prévu :
servitude ; 2 soumission, subordination,
sonnes dans le champ d’application d’une Assurance contre l’incendie, les accidents.
sujétion ; 5 chaîne, joug, lien. — CONTR. :
loi, d’un règlement : Tous les salariés sont Assurance tous risques. On eût trouvé très
1 affranchissement, délivrance, émanci-
assujettis à l’affiliation à la Sécurité sociale. bien qu’il sonnât aux portes pour placer
pation, libération, rachat ; autonomie,
5. Fixer solidement une chose de façon à des assurances (Montherlant). 3.(au
indépendance, liberté ; 2 exemption,
l’immobiliser ou à en assurer la stabilité : plur.) Fam. Les compagnies ou sociétés
exonération.
Les maisons ressemblaient à des huttes avec dont l’activité est de garantir des risques
leurs portes basses, ogivales, encerclées de assumer [asyme] v. tr. (lat. assumere, par des contrats d’assurance : Travailler
blanc, marquées de croix à la chaux, et prendre sur soi, de sumere, prendre ; XVe s., dans les assurances. Agent d’assurances.
leurs volets assujettis par cette longue barre Nef de santé, Godefroy). 1. Prendre une • SYN.: I, 1 caution, engagement, garantie,
transversale qu’on ne voit que dans les pays chose à son compte, s’en charger : Assumer preuve, promesse ; 2 gage ; 3 conviction.
de grand vent (Daudet). Vers six heures, une fonction, un rôle. 2. Assumer la res- II, 4 aisance, aplomb, hardiesse, toupet
j’entendais une sonnerie et les ouvreuses ponsabilité de quelque chose, la prendre sur (fam.). — CONTR. : I, 1 réticence ; 3 crainte,
venaient assujettir les portes vitrées avec des soi, la faire sienne : Je savais que Rivière défiance, doute, incertitude, méfiance. II,
crochets (Sartre). 6. Spécialem. Assujettir avait assumé la responsabilité de la revue 4 embarras, gêne, hésitation, timidité.
un animal, le maintenir immobile dans (Martin du Gard). 3. Par extens. Assumer
un acte, en prendre la responsabilité : Tous assuré, e [asyre] adj. (part. passé de assu-
la position la plus favorable pour l’opérer,
ces crimes ne sont plus à lui : un autre les a rer ; fin du XIIe s., Aymeri de Narbonne,
le panser.
assumés (Mauriac). écrit aseüré).
• SYN. : 1 asservir, dominer, opprimer ; 2
courber, enchaîner, plier ; 3 condamner,
• SYN.: 2 endosser. — CONTR.: 1 sedécharger I. 1. Qui n’a pas à craindre de se tromper ;
de, refuser ; 2 rejeter, repousser. qui a une certitude : Il se dit assuré que
contraindre, forcer, réduire ; 4 astreindre,
soumettre, tenir ; 5 arrimer, assurer, caler, la Bourse remontera avant peu (Mauriac).
assurable [asyrabl] adj. (de assurer ; 1866,
coincer, fixer, immobiliser. — CONTR. : 1 Larousse). Qui peut être assuré par une 2. Qu’on ne peut manquer d’obtenir :
affranchir, délivrer, libérer ; 2 émanciper, compagnie d’assurances. Jules avait toujours compté sur le métier
racheter ; 3 décharger, dégager, dispenser ; de soldat comme sur une ressource assurée
assurance [asyrs] n. f. (de assurer ; (Stendhal). 3. Qui ne peut manquer de
4 exempter, exonérer ; 5 décoincer, délier,
XIIe s., Gautier d’Arras, écrit asseurance ; se produire : Il tient pour assurée la faillite
détacher, ébranler.
au sens de « contrat », 1563, Barbier). prochaine de cette société.
s’assujettir v. pr. S’assujettir à quelque
chose, s’y plier : S’assujettir à une disci- I. 1. Action d’assurer quelque chose à II. 1. Qui est plein de fermeté : Un pas
pline stricte. Les solitaires de Port-Royal quelqu’un ; gage, parole propre à écarter inconnu, assuré, allait et venait (Alain-
[...] s’assujettirent à bien des devoirs toute crainte, à garantir quelque chose : Fournier). 2. Qui laisse deviner une
manuels des plus rebutants et des plus bas S’engager sur l’une des affaires sans avoir grande confiance en soi : Un regard assu-
(Sainte-Beuve). des assurances formelles sur l’autre, ré. Une voix assurée. 3. Class. et péjor.
c’était pour Haverkamp se condamner à Qui montre de la hardiesse, de l’impu-
assujettissant, e [asyetis, -t] adj. être dupe (Romains). Par extens. Affir- dence : Un assuré voleur, un assuré men-
(part. prés. de assujettir ; 1694, Acad.). mation par laquelle on assure quelqu’un
Qui assujettit, qui demande une grande teur (Acad., 1694).
de quelque chose, promesse solennelle :
assiduité : Il y a un commerce ou un retour Recevez-en une nouvelle et ferme assu- III. 1. Class. Qui offre la sécurité : L’in-
de devoirs du souverain à ses sujets et de rance (Duhamel). S’emploie à la fin fâme croit avoir trouvé chez vous un assuré
ceux-ci au souverain : quels sont les plus d’une lettre, dans des formules de poli- refuge (Molière). 2. Class. Se dit d’une
assujettissants et les plus pénibles ? Je ne tesse : Veuillez croire à l’assurance de ma personne qui est à l’abri : Assurés par lui
le déciderai pas (La Bruyère). Un travail considération, etc. 2. Tout moyen de de toute violence, | Nous n’avons plus sujet
assujettissant. garantir, preuve : L’unanimité subite des de te rien demander (Malherbe).
• SYN.: asservissant, astreignant, exigeant, louanges n’est pas une assurance de sur- IV. Se dit d’une personne qui bénéficie
strict. — CONTR. : distrayant, irrégulier, vie (Gide). 3. Sentiment d’entière certi- d’un contrat d’assurance.
léger, modéré. tude : J’ai l’assurance qu’il viendra. • SYN.: I, 1 certain, sûr ; 2 constant, durable,
assujettissement [asyetism] n. m. II. 1. Class. Le fait de se fier à quelqu’un garanti, stable ; 3 incontestable, indéniable,
(de assujettir ; 1572, Belleforest). 1. Vx. pour se garantir de quelque chose ; indubitable, inévitable, infaillible, imman-
Action d’assujettir ; état de soumission, de confiance : Dispose de ma griffe, et sois quable. II, 1 énergique, ferme ; 2 confiant,
dépendance dans lequel se trouve un pays, en assurance : | Envers et contre tous je décidé, résolu. — CONTR. : I, 1 hésitant,

279
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

incertain ; 2 aléatoire, instable, précaire ; 3 porte. Par extens. Rendre plus sûr, plus appuis. 4. Class. S’assurer de quelqu’un,
contestable, douteux, hypothétique, impro- ferme : Elle suivait la civière, avec le désir s’emparer de lui, le faire arrêter : Allez dès
bable. II, 1 branlant, vacillant ; 2 craintif, brouillon d’être utile, mais aussi avec une aujourd’hui, | Soit qu’il résiste ou non,
embarrassé, timide, timoré. tendresse délicate et précise de gestes, une vous assurer de lui (Corneille).
n. 1. Personne qui est garantie contre façon de caler les épaules chaque fois que
III. Se garantir contre un risque, en par-
un risque par un contrat d’assurance. les porteurs, dans une descente très raide,
ticulier en contractant une assurance :
2. Assuré social, personne qui est affiliée devaient assurer leurs pieds, où Magnin
S’assurer contre l’incendie ; et absol. : La
à la Sécurité sociale : Sur toutes les affiches, reconnaissait l’éternelle maternité (Ma-
loi oblige l’automobiliste à s’assurer.
ne lisez-vous pas des appels aux « assurés lraux). Assurer les pas d’un enfant.
• SYN. : I constater, contrôler, se rendre
sociaux », alors que c’est l’assurance qui est III. 1. Class. Mettre en un lieu sûr, en compte de, veiller à, vérifier. II, 1 s’af-
« sociale » ? (Thérive). sécurité : En les perdant [les Juifs] j’ai fermir, se caler, se camper, se planter ; 3
assurément [asyrem] adv. (de assuré ; cru vous assurer vous-même (Racine). se pourvoir, se prémunir, se réserver. —
1532, Rabelais, écrit asseurement). 1. Class. Mais du moins en partant assurez votre CONTR. : I, 1 se désintéresser de, négliger.
Avec assurance, avec hardiesse : Qui vie (Corneille). 2. Mettre dans un état
de confiance ; ôter toute inquiétude : Un assureur [asyroer] n. m. (de assurer ; 1550,
marche assurément n’a point peur de tom-
oracle m’assure, un songe me travaille Barbier). Celui qui, par profession, garantit
ber (Corneille). 2. Class. Avec la certitude
que donnent les choses incontestables : (Corneille). 3. Mettre à l’abri du dan- quelque chose par un contrat d’assurance.
Celle dont je le tiens en parle assurément ger, des risques éventuels, des accidents assyrien, enne [asirj, -n] adj. et n.
(Corneille). 3. D’une manière certaine, possibles : Il avait économisé en vue d’as- (de Assyrie ; 1688, La Bruyère, Caractères).
sans aucun doute : Cette solution serait surer l’avenir. 4. Spécialem. En mon- Relatif à l’Assyrie ; habitant de cette région.
assurément préférable à l’autre. tagne, prémunir un alpiniste contre les
assyrien n. m. Langue parlée par les
• SYN.: 3 absolument, certainement, à coup chutes en le reliant par une corde à un
Assyriens.
sûr, évidemment, incontestablement, indé- compagnon prêt à la bloquer.
niablement, indiscutablement, indubita- assyriologie [asirjli] n. f. (de Assyrie
IV. 1. Faire garantir par un contrat d’as-
blement, immanquablement, sans aucun et du gr. logos, science ; 1866, Larousse).
surance : Assurer ses bagages, son auto-
doute, sûrement, vraiment. Étude des antiquités assyriennes.
mobile contre le vol. 2. Garantir par
assurer [asyre] v. tr. (lat. pop. *asse- une assurance : Assurer toute une famille. assyriologue [asirjlg] n. (de assyriolo-
curare, rendre sûr, de securus, sûr ; 1080, Assurer le mobilier de quelqu’un. Assurer gie ; 1866, Larousse). Personne qui étudie
Chanson de Roland, écrit asseürer [encore quelqu’un contre l’incendie, les accidents. les antiquités assyriennes, les textes assy-
au XVIe s.]). • SYN. : I, 1 certifier, jurer, soutenir ; 3 riens et babyloniens.
garantir, répondre de, témoigner de ; 4
I.1.Affirmer catégoriquement quelque astasie [astazi] n. f. (de a priv. et du gr. sta-
pourvoir à, procurer. II arrimer, assu-
chose en le donnant pour certain : Jevous sis, station verticale ; fin du XIXe s.). Trouble
jettir, attacher, caler, coincer, consolider,
assure qu’il y a là, pour moi et les hommes ou perte de la faculté de se tenir debout.
étayer, fixer, immobiliser, maintenir, retenir.
de ma génération, une espèce de mystère
III, 2 préserver, protéger, sauvegarder. — astatique [astatik] adj. (du gr. astatos,
(Romains). Je t’assure, je te l’assure,
CONTR. : I, 1 contester, nier ; 3 contredire, instable ; milieu du XIXe s.). En physique
j’atteste que c’est vrai : Mais, Thérèse, je
démentir. II dégager, libérer. III, 2 com- et en mécanique, se dit de ce qui présente
t’assure... Tu es folle ! (Martin du Gard).
promettre, exposer, jouer, risquer. un état d’équilibre indifférent : Un système
2. Assurer quelqu’un de (et un nom)
• REM. Assurer quelqu’un de quelque astatique. Aiguilles astatiques, système
ou que (et l’indicatif), le rendre sûr de
chose et assurer quelque chose à quelqu’un de deux aiguilles également aimantées,
quelque chose : Ensuite, les membres de
sont tous deux corrects. Aussi peut-on reliées entre elles par un dispositif d’as-
l’ancienne aristocratie française liés à
écrire indifféremment : Il nous a assurés semblage rigide et disposées de façon que
M. de Talleyrand sont fiers de compter
que et il nous a assuré que. le champ magnétique de la Terre soit sans
dans leurs rangs un homme qui avait la
s’assurer v. pr. action sur l’ensemble.
bonté de les assurer de sa grandeur (Cha-
teaubriand). Je l’assurai qu’il pouvait I. 1. Agir de façon à obtenir une entière adj. et n. En médecine, se dit d’une per-
compter sur ma parole (Mauriac). Usité certitude au sujet de quelque chose : S’as- sonne qui est atteinte d’astasie.
dans les formules de politesse : Jevous as- surer de la vérité, de l’exactitude d’un ré- aster [astr] n. m. (lat. aster, étoile, du gr.
sure de ma reconnaissance. 3. (avec un cit. Alban passa la main sous la sangle de astêr, même sens ; 1549, Meignan). Plante
nom de chose pour sujet) Donner à croire sa selle, s’assurant qu’elle était assez serrée aux fleurs en forme d’étoile, dont plusieurs
que, être garant de ou que : Son courage (Montherlant). 2. Class. Avoir la certi- espèces sont cultivées comme ornemen-
proverbial nous assure de sa combativité. tude, la conviction de (ou que) : J’aimais tales, notamment la reine-marguerite,
4. Assurer quelque chose, en rendre la et je pouvais m’assurer d’être aimée (Ra- ou aster de Chine : Alors [...] elle sortit de
réalisation ou l’exécution certaine, régu- cine). Assurez-vous que je ne vous oublie dessous son fichu un gros bouquet d’asters,
lière et durable : Assurer le ravitaillement. pas (Bossuet).
qu’elle posa loin à l’écart des couronnes de
Assurer une permanence. Le praticien vul-
II. 1. Se procurer la stabilité : S’assurer la famille (Gide).
gairement appelé « recors » est l’homme
sur ses jambes. Fig. et littér. Prendre
de justice par hasard, il est là pour assu- astéréognosie [asteregnzi] n. f. (de
de l’assurance : Vous êtes un peu timide
rer l’exécution des jugements (Balzac). a priv., du gr. stereos, solide, et gnôsis,
[...], assurez-vous (Hermant). 2. Class.
Assurer quelque chose à quelqu’un, lui connaissance ; 1928, Larousse). Perte de
et littér. S’assurer sur, à, dans, en, se fier
en garantir l’obtention ou la fourniture : la faculté de reconnaître les objets par le
à : Ne t’assure point sur ta haute science
Assurer à quelqu’un un salaire élevé, une toucher.
(Corneille). Faut-il que je m’assure au
place intéressante.
rapport de mes yeux (Molière). Je m’as- astérie [asteri] n. f. (du lat. aster, étoile ;
II. Donner de la solidité, de la stabilité sure dans votre probité (France). 3. Se début du XVIIIe s.). Animal échinoderme
à quelque chose : A tâtons, je fermais la ménager quelque chose par son action, dont la forme rappelle celle d’une étoile, et
grosse porte, j’assurais les barres de fer sa prévoyance : S’assurer des revenus suf- qu’on désigne communément sous le nom
(Daudet). Assurer une persienne, une fisants, des vivres. S’assurer de puissants d’étoile de mer.

280
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

astérisme [asterism] n. m. (gr. asteris- astic [astik] n. m. (déverbal de astiquer, s’astiquer v. pr. 1. Fam. Faire une toilette
mos, constellations représentées sur une réfection de l’anc. franç. estichier, estiquier, soignée. 2. Vx et pop. Se porter des coups
sphère ; 1690, Furetière). 1. Ensemble enfoncer, frapper avec force, de l’anc. fran- dans un combat : J’aime mieux vous racon-
d’étoiles : L’ensemble me fascinait comme cique *stik(k)jan, ficher ; 1721, Trévoux, ter toute une bataille. Voulez-vous Champ-
si un astérisme nouveau dans le ciel se fût sens 1 ; sens 2, 1838, Acad. ; sens 3, 1860, Aubert, où il n’y avait plus de cartouches,
proposé ; comme si une constellation eût Larchey). 1. Morceau d’os avec lequel les et où l’on s’est astiqué tout de même à la
paru qui eût enfin signifié quelque chose cordonniers lissent le cuir. 2. Morceau de baïonnette (Balzac).
(Valéry). 2. Réflexion de la lumière sur bois utilisé par les militaires pour nettoyer n. m. V. ASTRAKAN.
astracan
certaines gemmes. leur fourniment. 3. Par extens. Mélange
de blanc d’Espagne, d’alcool et de savon astragale [astragal] n. m. (gr. astraga-
astérisque [asterisk] n. m. (lat. asteris- los, osselet, par le lat. astragalus ; 1546,
servant au même usage.
cus, petite étoile, du gr. asteriskos, même Ch. Estienne, écrit astragal et au sens 1 ;
sens ; 1570, G. Hervet, écrit astérique). asticot [astiko] n. m. (origine incertaine ; au sens 2, 1606, Nicot). 1. Osselet du tarse,
Signe typographique en forme d’étoile 1828, Vidocq). 1. Larve de la mouche à situé entre les deux malléoles et le calca-
(*), indiquant un renvoi, une lacune, ou viande, qu’on utilise pour la pêche à la néum. 2. Moulure utilisée par l’archi-
auquel on attribue une valeur convenue : ligne. 2. Par extens. Toute espèce de tecture grecque et placée entre le fût et le
Dans les ouvrages d’étymologie, l’astérisque ver : Il y a parfois des asticots dans le fro- chapiteau d’une colonne. Par extens.
placé devant un mot indique une forme mage. 3. Fam. et péjor. Individu : Un drôle Moulure située le long du bord supérieur
conjecturale. d’asticot. d’une marche. Ornement accessoire,
[astikte] v. tr. (origine incer- purement décoratif (quelquefois fém.) : Ce
astéroïde [asterid] n. m. (gr. aste- asticoter
ne sont que festons, ce ne sont qu’astragales
roeidês, semblable à une étoile, de astêr, taine ; peut-être altér. de dasticoter, parler
(Boileau). Après avoir compté, à la lueur
astre, et eidos, aspect ; 1827, Acad.). 1. Petit allemand [1642, Oudin], d’où « parler un
de ma veilleuse, les astragales du plafond
corps céleste. 2. Spécialem. L’une des langage inconnu », « parler vite », « contre-
[...], j’attrapai quelques minutes de sommeil
petites planètes, invisibles à l’oeil nu, qui dire », « chagriner », de dasticot ou d’asti-
(Chateaubriand). Quand la toile de fond se
circulent entre Mars et Jupiter : J’ai de cot, issu de l’allem. dass dich Gott..., « que
lève brusquement | Et que tout le décor n’est
sérieuses raisons de croire que la planète Dieu te... », juron allem. introduit par les
plus qu’une astragale (Hugo). 3. Plante de
d’où venait le Petit Prince est l’astéroïde B lansquenets ; 1747, Caylus). 1. Fam. Agacer,
France et des pays chauds, dont une espèce
612 (Saint-Exupéry). exciter par des attouchements répétés : Sur
fournit la gomme adragante.
les fenouils, à l’ombre des pins, ces autres
asthénie [asteni] n. f. (gr. asthenia, chenilles [...], qui, dès qu’on les asticotait, astrakan ou astracan [astrak] n. m.
absence de force, de a priv. et sthenos, force ; faisaient surgir au-dessus de leur nuque une (du n. d’une ville de l’U.R.S.S. ; 1775, E.
1790, Encycl. méthodique). Diminution des sorte de trompe fourchue (Gide). 2. Fig. Lamy). Fourrure d’un agneau karakul de
forces, spécialement par manque de stimu- et fam. Taquiner constamment : Elle est quelques jours.
lation psychique et nerveuse. maintenant trop sûre de son pouvoir sur astral, e, aux [astral, -o] adj. (bas lat.
• SYN. : adynamie, affaiblissement, défi- lui, elle l’asticote, elle devient lancinante astralis ; 1533, F. Dassy). 1. Qui est rela-
cience, faiblesse. — CONTR. : force, hypers- (Maurois). tif aux astres ; qui leur appartient : Les
thénie, vigueur. • SYN. : 1 énerver ; 2 agacer, harceler, influences astrales. Vx. Année astrale,
asthénique [astenik] adj. (de asthénie ; tarabuster. se disait pour année sidérale. Lampe
début du XIXe s.,). Qui est relatif à l’asthénie. s’asticoter v. pr. Fam. Se taquiner pour astrale, lampe dont la lumière tombe de

adj. et n. Qui est atteint d’asthénie. de petites choses : Les deux visiteurs ont haut en bas, sans porter d’ombre par ses
commencé de s’asticoter comme ils font appuis : Une lampe astrale répandait dans
asthmatique [asmatik] adj. (lat. asth- d’ordinaire (Duhamel). la salle à manger ce jour jaune qui donne
maticus, du gr. asthmatikos, même sens ; tant de grâce aux tableaux de l’école hollan-
s., écrit asmatic ; forme actuelle, 1538, astigmate [astigmat] adj. et n. (de astig-
XIVe daise (Balzac). 2. Corps astral, l’un des
J. Canappe). 1. Qui se rapporte à l’asthme ; matisme ; 1877, Littré). Qui est affecté
sept « aspects » ou « principes » admis par
qui est de la nature de l’asthme : Une respi- d’astigmatisme. les occultistes, et qui serait constitué par
ration asthmatique. 2. Fam. Qui manque astigmatisme [astigmatism] n. m. (de une enveloppe subtile entourant le corps
de souffle : D’un oeil anxieux et plein de a priv. et du gr. stigma, point ; 1857, W. humain.
tendresse, ils suivaient la marche asthma- Mackenzie, Maladies de l’oeil). 1. Défaut de • SYN.: 1 céleste, cosmique, sidéral, zodia-
tique du navire (Daudet). Un accordéon courbure des milieux réfringents de l’oeil, cal ; 2 aura, double, ectoplasme.
asthmatique. qui occasionne des troubles de la vision.
astre [astr] n. m. (lat. astrum, gr. astron ;
adj. et n. Qui est atteint d’asthme : Un 2. Défaut d’un instrument d’optique 1372, J. Corbichon). 1. Corps céleste de
vieil asthmatique. ne donnant pas d’un point une image forme bien déterminée, lumineux par
ponctuelle. lui-même ou empruntant sa clarté à un
asthme [asm] n. m. (réfection ortho-
graphique de asme [XVe s.], issu du lat. astiquage [astika] n. m. (de astiquer ; autre corps céleste : Le Soleil et la Lune,
asthma, mot gr. ; XVIe s., Paré, écrit asthma ; 1906, Larousse). Action d’astiquer. les étoiles, les planètes, les comètes sont
asthme, 1611, Cotgrave ; asme, aux XIIIe et des astres. Le ciel sans teinte est constellé |
astiquer [astike] v. tr. (de astic ; 1833, D’astres pâles comme du lait (Apollinaire).
XIVe s., a aussi le sens fig. de « angoisse »).
Larchey). 1. Fam. Nettoyer, frotter minu- Littér. L’astre du jour, l’astre roi, l’astre
Affection caractérisée par une suffocation
tieusement, de façon à faire reluire : [Il] royal, le Soleil : Quand l’astre du jour |
intermittente.
astiquait d’une peau de lapin la coquille Aura sur l’horizon fait le tiers de son tour
asti [asti] n. m. (de Asti, v. d’Italie ; fin de son sabre (Courteline). Puis il astique, [...], | Retrouvez-vous au temple (Racine).
du XIXe s.). Vin blanc mousseux, fabriqué à tour de rôle, chacune de ses chaussures L’astre de la nuit ou des nuits, l’astre
près d’Asti (Italie) : Il ne prenait jamais (Duhamel). 2. Vx et pop. Porter des coups nocturne, l’astre d’argent, la Lune. Fig.
de champagne, mais buvait de l’asti non à un adversaire dans un combat. Jusqu’aux astres, en un lieu ou à un degré
mousseux, non frappé, pas même frais, un • SYN.: 1 briquer (fam.), faire reluire, four- très élevé. 2. Fig. Symbole de l’éclat, de
peu chambré (Martin du Gard). bir, polir. — CONTR.: 1 salir, ternir. la beauté, de la célébrité : Beau comme

281
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

un astre. Quel astre à nos yeux vient de astringent, e [astr, -t] adj. (lat. astronaute [astrnot] n. (de astronau-
luire ? | Quel sera quelque jour cet enfant astringens, part. prés. de astringere, serrer, tique ; 1928, Larousse). Personne qui prend
merveilleux ? (Racine). 3. En astrologie, et aussi « constiper » ; 1537, J. Canappe). Qui place dans un vaisseau spatial.
corps céleste considéré sous le rapport de a la faculté de resserrer les tissus vivants : • SYN.: cosmonaute.
l’influence qu’il exerce sur la destinée Un médicament astringent.
astronautique [astrnotik] n. f. (du préf.
humaine : Consulter, étudier, examiner astringent n. m. Produit astringent.
astro- et du gr. nautês, matelot ; 1927, Rosny
les astres. Être né sous un astre favorable. • CONTR. : laxatif, relâchant. aîné). Science qui a pour objet l’étude et la
4. Fig. Conjoncture favorable, chance :
astro- [astro ou astr], élément tiré du réalisation de la navigation interplanétaire.
Dès lors, l’astre du Dieu des chrétiens pâlit
et pencha vers son déclin (France). lat. astrum, astre [du gr. astron], et entrant, astronef [astrnf] n. m. (du préf. astro-
comme préfixe, dans la formation de com- et de nef ; 1928, Larousse). Véhicule conçu
astreignant, e [astr, -t] adj. (part.
posés savants. pour permettre à l’homme d’effectuer des
prés. de astreindre ; début du XXe s.). 1. Qui
astrolabe [astrlab] n. m. (lat. médiév. déplacements interplanétaires. (On dit plu-
tient constamment occupé : Il a une pro-
astrolabus, du gr. astrolabos, instrument tôt VAISSEAU SPATIAL.)
fession astreignante. 2. Qui impose une
discipline sévère : Une règle, une morale servant à prendre [lambanein] la posi- astronome [astrnm] n. (lat. astrono-
astreignante. tion des astres ; XIIe s., écrit astrelabe). mus, du gr. astronomos, de astron, astre,
• SYN. : 1 asservissant, assujettissant ; 2 1. Instrument qui servait autrefois à et nomos, loi ; XVIe s.). Savant qui étudie
exigeant, strict. — CONTR. : 1 agréable, mesurer la hauteur des astres au-dessus les mouvements et la structure des astres.
doux, modéré ; 2 complaisant, élastique, de l’horizon. 2. Auj. Instrument optique
astronomie [astrnmi] n. f. (lat. astro-
indulgent, léger, relâché. servant à déterminer l’heure et à définir le
nomia, mot gr. ; v. 1155, Wace). Science qui
temps universel.
astreindre [astrdr] v. tr. (lat. astrin- étudie la structure, les mouvements, les
gere, serrer, d’où « obliger » ; XIIe s., écrit astrolâtre [astrltr] adj. et n. (du préf. positions relatives des astres et cherche à
astraindre). [Conj. 55.] 1. Vx. Lier étroite- astro- et du gr. latreuein, adorer ; début du déterminer les lois de leur évolution.
ment : La chaux astreint le sable en brû- XIXe s.). Qui adore les astres.
astronomique [astrnmik] adj. (lat.
lant et en sifflant (Claudel). 2. Imposer
astrolâtrie [astrltri] n. f. (du préf. astronomicus, du gr. astronomikos ; 1407,
à quelqu’un un devoir strict : Celles-ci sont
astro- et du gr. latreia, adoration ; début E. Deschamps). 1. Propre à l’astronomie :
soumises au régime commun et astreintes
du XIXe s.). Culte des astres. Calculs astronomiques. Observations
au travail. L’une est archiviste et l’autre
astronomiques. Année, jour astronomique.
bibliothécaire (France). astrologie [astrli] n. f. (du gr. astro-
2. Fig. et fam. Très élevé : Des chiffres
• SYN. : 2 assujettir, contraindre, enchaî- logia, étude des astres ; v. 1370, Oresme).
astronomiques. Prix astronomique, prix
ner, forcer, obliger, plier, réduire, soumettre, 1. Art divinatoire fondé sur l’observation
excessif.
tenir. — CONTR. : 2 affranchir, décharger, des astres et sur la croyance que ceux-ci
• SYN. : 2 abusif, fantastique, faramineux
dégager, dispenser, exempter, libérer, relever. exercent une influence sur la destinée
(fam.), fou, insensé. — CONTR.: 2 bas, insi-
s’astreindre v. pr. S’obliger, s’assujettir à humaine. Astrologie judiciaire, astrolo-
gnifiant, modéré, vil.
quelque chose : Jacques Collin, vêtu comme gie rapportée à la destinée humaine, par
un ecclésiastique qui ne s’astreint pas au opposition à l’astrologie naturelle, étude astronomiquement [astrnmikm]
costume, portait un pantalon noir, des bas de l’action des astres sur les éléments tel- adv. (de astronomique ; XVIe s.). Suivant
noirs, des souliers à boucles en argent, un luriques. 2. Astrologie sphérique, nom les lois de l’astronomie.
gilet noir, et une certaine redingote mar- ancien de l’astronomie. [astrfizisj,
astrophysicien, enne
ron foncé (Balzac). Avant d’entreprendre un astrologien, enne [astrlj, -n] n. -n] n. (de astrophysique ; début du XXe s.).
nouveau livre, je me suis toujours astreint à (1372, J. Corbichon). Forme ancienne pour Savant spécialiste de l’astrophysique.
rassembler le plus de renseignements pos- astrologue : Maître Arnoul, astrologien du astrophysique [astrfizik] n. f. (du
sible (Martin du Gard). roi (Hugo). préf. astro- et de physique ; v. 1920). Partie
• SYN. : se plier, se soumettre. — CONTR. :
astrologique [astrlik] adj. (lat. astro- de l’astronomie qui étudie les astres, en
s’affranchir, se dispenser, se libérer.
logicus, du gr. astrologikos ; v. 1500, O. de appliquant plus spécialement les diverses
astreinte [astrt] n. f. (part. passé de Saint-Gelais). Qui appartient à l’astrologie : méthodes de la physique.
astreindre ; 1877, Littré). 1. En droit, Prédictions, calculs astrologiques. astuce [astys] n. f. (lat. astutia, ruse ;
condamnation par laquelle le tribu-
astrologue [astrlg] n. (lat. astrologus, 1260, Br. Latini, au sens 1 ; sens 2, XVIe s.).
nal astreint, oblige un débiteur à payer
du gr. astrologos ; 1372, J. Corbichon). 1. Vx et littér. Adresse à tromper son pro-
une certaine somme par jour de retard.
Personne qui s’adonne à la divination chain, le plus souvent pour en tirer un
2. Fig. Obligation, contrainte imposée
astrologique : Vous pesez le péril, rois. avantage : Ce bavardage de laquais permit
à quelqu’un : Quand il [l’effort gratuit]
à Blondet de selivrer à quelques réflexions
n’est pas favorisé de dons heureux, les Quoique altiers et vains, | Vous ne guerroyez
pas sans l’avis des devins ; | Un astrologue sur la profonde astuce des paysans (Balzac).
tâches intellectuelles représentent pour lui
baisse ou lève vos visières (Hugo). Les sapins 2. Fam. Manière d’agir qui dénote de
des astreintes fort pénibles (Duhamel). Il
l’ingéniosité, de l’habileté (sans nuance
oubliait d’ajouter qu’il s’était peu à peu en bonnets pointus | De longues robes revê-
défavorable) : La question était sans astuce,
dégoûté de la vie scolaire, de sa monotonie, tus | Comme des astrologues (Apollinaire).
mais l’apparence de Carola n’invitait guère
de ses astreintes (Romains). • REM. Pendant longtemps, on a dit aussi
aux subtilités (Gide). Tu aperçois l’astuce ?
• SYN.: 2 asservissement, assujettissement, ASTROLOGIEN, ENNE.
On fait semblant de croire que chaque obus
chaîne, esclavage, joug, lien, servitude, vous évitera (Romains). Connaître toutes
astrométrie [astrmetri] n. f. (du préf.
subordination, sujétion, tutelle. — CONTR.:
astro- et du gr. metron, mesure ; 1866, les astuces d’un métier. 3. Arg. scol.
2 libération, liberté. Plaisanterie amusante ou fine, jeu de mots :
Larousse). Branche de l’astronomie qui
astringence [astrs] n. f. (de astrin- comprend l’ensemble des méthodes per- Faire, dire des astuces.
gent ; 1863, Littré). Qualité de ce qui est mettant de déterminer les positions et les • SYN.: 1 artifice, malice, malignité, matoi-
astringent : L’astringence du quinquina. mouvements des astres, y compris la Terre. serie, roublardise (fam.), rouerie, ruse ;

282
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

2 ficelle (fam.), finesse, truc (fam.) ; 3 bon champ magnétique tournant produit par peuvent employer, dans les mêmes cas,
mot, boutade. — CONTR. : 1 candeur, droi- le courant qui l’alimente. une conjonction (dass, that). La même
ture, franchise, ingénuité, loyauté, naïveté, • CONTR. : synchrone. possibilité existait en latin : Volo (ut)
niaiserie, simplicité, sincérité. exquiras (Cicéron), et en ancien fran-
asyndète [asdt] n. f. (gr. asundeton,
astucieusement [astysjøzm] adv. (de absence de liaison ; 1863, Littré). Procédé çais : Je cuit (que) plus sot de ti n’i a (Je
astucieux ; XVIe s., É. de Médicis, Dict. géné- stylistique qui consiste à supprimer une pense qu’il n’y a pas plus sot que toi) [Jeu
ral). De façon astucieuse : Joseph avait fait ou plusieurs conjonctions de coordination, de la feuillée]. Le français moderne ne
en sorte d’éviter, astucieusement, les pièges afin de donner plus de force ou de vivacité connaît plus ce tour, et, dans les langues
de la chance (Duhamel). à la phrase. (Ainsi dans cette énumération : mêmes qui en usent, il n’est généralement
Boulets, mitraille, obus mêlés aux flocons qu’une variante — de style familier — du
astucieux, euse [astysjø, -øz] adj. (de
blancs | Pleuvaient [Hugo].) [V. art. spécial.] tour conjonctionnel normal ou possible.
astuce ; 1495, J. de Vignay). 1. Se dit d’une
personne pleine d’astuce, de ruse adroite L’asyndète est infiniment plus fréquente
(vieilli) : Il est astucieux ; il a des gaucheries GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE dans la coordination des proposi tions
calculées (Romains). 2. Qui fait preuve et des phrases, de sorte qu’on la confond
d’habileté, d’ingéniosité : Une méthode très L’ASYNDÈTE souvent — bien à tort — avec la parataxe.
simple, imaginée par un homme astucieux. L’asyndète est — par étymologie — l’ En fait, il existe un style paratactique
Un avocat astucieux qui dans une discus- « absence de lien » (formel) entre deux que l’on dit « primitif », et qui peut être
sion ne pensera qu’à se donner l’air, ou éléments (linguistiques) unis par le sens. interprété comme tel quand on parle de
l’illusion, d’avoir le dernier mot (Romains). Elle relève de la grammaire et intéresse
3. Se dit d’une chose qui laisse deviner la Bible ou de l’Iliade. Dans ce style, les
dans certains cas la stylistique.
de la ruse, du savoir-faire, de la finesse : liaisons de phrase à phrase sont générale-
Pour le linguiste, l’asyndète n’a d’exis- ment exprimées par des mots naïvement
Un procédé astucieux. Un raisonnement
tence pertinente que là où elle s’oppose à
astucieux. répétés, comme le sont et puis et alors
la présence possible d’un mot de liaison :
• SYN. : 1 artificieux, malin, matois, rou- dans les récits enfantins. On retrouve un
elle consiste, en définitive, en l’absence
blard (fam.), roué ; 2 habile, industrieux ; pareil usage dans l’épopée française et
d’une préposition ou d’une conjonction
3 fin, ingénieux. — CONTR. : 1 droit, franc, dans les récits du Moyen Âge :
dans les syntagmes où l’on est en droit
ingénu, loyal, naïf, sincère ; 2 balourd, niais, de les attendre. Elle existe donc entre les Nicolete laise ester, que ce est une
simple ; 3 grossier, lourd, stupide. mots comme entre les propositions, et
caitive qui fu amenee d’estrange terre,
asymbolie [asbli] n. f. (de a priv. et dans l’hypotaxe comme dans la parataxe
si l’acata li visquens de ceste vile as
du gr. sumbolon, image ; 1928, Larousse). (v. ces mots).
Sarasins,si l’amena en ceste vile, si l’a
Incapacité pathologique de comprendre Au niveau des mots, la subordination levee et bautisie et faite sa fillole, si li
les symboles, et en particulier les signes (hypotaxe) par asyndète est une marque
donra un de ces jors un baceler qui du
du langage. grammaticale ; en ancien français, par
pain li gaaignera par honor (Aucassin
exemple, le complément de nom était
asymétrie [asimetri] n. f. (de a priv. et et Nicolette).
construit en asyndète quand il désignait
de symétrie ; 1613, Dounot de Bar-Leduc).
un grand de ce monde : en la prison le Il s’agit peut-être là d’une tradition litté-
Absence de symétrie : L’asymétrie d’un
roi Artu (Perceval) ; mais la préposition raire aux racines antiques. Mais, dès les
visage.
à était employée pour un subalterne : en premiers textes, l’asyndète voisine avec
• CONTR. : symétrie. la prison au notonier (ibid.).Le français ces lourdes articulations. M. G. Antoine
asymétrique [asimetrik] adj. (de asy- moderne marque par l’asyndète le rap- en a analysé les valeurs dans sa thèse sur
métrie ; 1825, Latreille). Qui est dépourvu port d’identité quand il s’agit d’une per-
la Coordination en français (1958), dis-
de symétrie : Un invraisemblable jour de sonne : le poète Apollinaire (v. APPOSI-
tinguant les effets de parallélisme séman-
limbes enveloppe très doucement les grands TION) ; mais le même rapport est marqué
tique, d’opposition (Tuit dormirent, ele
piliers asymétriques (Gide). par de s’il s’agit d’une ville : la ville de Pa-
ris. La coordination (parataxe) peut être veilla [le Vair Palefroi]), de redondance
• CONTR. : symétrique.
exprimée par la simple juxtaposition : négative (Li solaus lieve, ne plut mes [le
asymptote [asptt] n. f. (du gr. asump- Paul, Jean, ou par une conjonction : Paul Charroi de Nîmes]). Des séquences de 8 à
tôtos, qui ne coïncide pas, de a priv. et de et (ou) Jean. Le latin classique connaissait 18 vers dans le Charroi de Nîmes et dans
sumptôsis, rencontre ; 1638, Descartes). quelques groupes asyndétiques comme le Couronnement de Louis, une de 30 vers
Ligne droite qui, si on la prolonge à l’infini, serius ocius (tôt ou tard), forte temere (par dans Amadas et Ydoine sont tout entières
se rapproche indéfiniment d’une courbe hasard et sans calcul), Juppiter optimus en juxtapositions.
sans jamais la toucher : Le jour où l’asymp- maximus (Jupiter très bon très grand),
tote rencontrera l’hyperbole, l’âme rencon- dont le caractère formulaire se retrouve L’asyndète se fit plus rare quand la
trera Dieu (Hugo). dans quelques locutions françaises pro- parataxe passa de mode. Une phrase
noncées sans pause médiane, comme bon plus intellectuelle, plus organisée, plus
adj. En mathématiques, se dit de deux
courbes, de deux plans qui se rapprochent gré mal gré, à la vie à la mort. L’unité du conforme aux modèles anciens impo-
de plus en plus sans jamais se toucher. débit donne valeur de style à cette asyn- sés au français par les traductions des
dète, qui souligne la nuance adversative humanistes, fut en usage aux XVe, XVIe
asymptotique [aspttik] adj. (de ou intensive du sémantisme. et XVIIe s. La valeur d’une asyndète n’en
asymptote ; fin du XVIIe s.). Relatif à
Au niveau des propositions, la construc- était que mieux sentie lorsqu’un Racine
l’asymptote.
tion asyndétique des subordonnées est un s’en servait pour souligner l’incohérence
asynchrone [askron] adj. (de a priv. et fait observé dans beaucoup de langues, d’un comportement :
de synchrone ; 1906, Larousse). Qui n’est par exemple en allemand : Ich glaube
pas synchrone. Moteur asynchrone, du träumst (Je pense que tu rêves) ; en Néron m’aimait tantôt, il jurait votre
moteur électrique à courant alternatif, et anglais : I think you are ill (Je pense que perte ;
qui ne tourne pas en synchronisme avec le vous êtes malade) ; ces deux langues Il me fuit, il vous cherche... ;

283
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Molière, celle d’un raisonnement : atavique [atavik] adj. (du lat. atavus, •REM. On rencontre plus rarement le
ancêtre ; 1808, Boiste). Relatif à l’atavisme : singulier : Un homme [...] dont les épaules
Vous n’êtes point gentilhomme, vous
Des caractères ataviques. rondes, le ventre pointu et les jambes grêles
n’aurez pas ma fille ;
• SYN. : ancestral, héréditaire. — CONTR. : rappellent l’antique atellane (France).
ou La Fontaine pour laisser malicieuse- acquis.
a tempo [atmpo] loc. adv. (mots ital.
ment deviner un lien de cause à effet : signif. « à temps » ; 1842, Acad.). Terme de
atavisme [atavism] n. m. (de atavique ;
Deux pigeons s’aimaient d’amour début du XIXe s.). 1. Réapparition, chez un musique placé après un solo dont le mouve-
tendre : sujet, d’un ou de plusieurs caractères héré- ment est laissé au gré de l’exécutant, et qui
L’un d’eux s’ennuyant au logis... ditaires qui s’étaient manifestés chez ses indique que l’on doit reprendre la mesure.
ancêtres, mais qui avaient disparu depuis
La Bruyère tira de l’asyndète les effets atermoiement [atrmwam] n. m. (de
une ou plusieurs générations : L’atavisme
de sobriété, de surprise, de contraste, atermoyer ; 1611, Cotgrave). Délai qu’on
est un cas particulier de l’hérédité. 2. Fig.
d’ironie qui firent le succès des Carac- accorde à un débiteur pour l’exécution
Instincts héréditaires, habitudes ances-
tères (1688). Son livre venait à l’heure du de ses engagements (langue juridique) :
trales : Et le vieil atavisme des révolu-
style coupé, conjuguant le raccourcis- Demander un atermoiement à un créancier.
tions parisiennes fit surgir une barricade
sement de la phrase avec l’élimination atermoiements n. m. pl. Action d’ater-
(Rolland).
des ligatures, par réaction contre le goût moyer, de remettre à plus tard une décision
• SYN.: hérédité.
classique. Alexis François a montré, dans qu’il faudrait prendre tout de suite : D’un
l’Histoire de la langue française de Brunot ataxie [ataksi] n. f. (gr. ataxia, désordre ; autre côté, on tire de l’extrême jeunesse des
(t. VI), comment les théoriciens de la rhé- 1741, Col de Villars). Affection des centres raisons d’atermoiements : quand on a beau-
torique, au XVIIIe s., rendirent conscient nerveux, qui a pour conséquence l’absence coup de temps à dépenser, on se persuade
le problème de l’asyndète, et recomman- de coordination des mouvements volon- qu’on peut attendre ; on a des années à jouer
dèrent de suggérer plutôt que d’exprimer taires : Ataxie motrice. devant les événements (Chateaubriand).
les liens de pensée entre propositions. Gide, le seul ami que j’aie régulièrement
ataxique [ataksik] adj. (de ataxie ; fin du
Cette époque vit le développement de la tenu au courant de mon travail et de mes
XVIIIe s.). Propre à une personne frappée
« période du style coupé », dont l’organi- atermoiements (Martin du Gard).
d’ataxie : Une démarche ataxique.
sation reposait sur le rythme des pauses, • SYN. : ajournement, délai, faux-fuyant,
adj. et n. Atteint d’ataxie.
sur l’ordre des mots, sur l’harmonie des remise, tergiversation. — CONTR.: célérité,
temps, sur tous les procédés possibles atèle [atl] n. m. (du gr. atelês, incomplet diligence, hâte, précipitation, presse.
d’articulation, à l’exclusion des ligatures [parce que les mains antérieures de cet ani-
explicites. mal sont dépourvues de pouce] ; début du atermoyer [atrmwaje] v. tr. (de à et de
l’anc. franç. termoyer [de terme], vendre à
Si le romantisme a remis en faveur la XIXe s.). Espèce de singe de l’Amérique du
Sud, aux membres très longs : L’atèle est terme ; fin du XIIe s., Reclus de Moiliens).
subordination, propice aux envolées ora-
appelé aussi « singe-araignée ». [Conj. 2.] 1. Remettre à plus tard : Est-ce
toires, le règne des conjonctions de coor-
l’absence de péril et la tranquillité d’Ithaque
dination n’a pas été restauré. Parlant de atelier [atlje] n. m. (de l’anc. franç. qui le [Ulysse] fait atermoyer ainsi son
la littérature contemporaine, M. Antoine astelle, morceau de bois [V. ATTELLE] ; retour ? (Gide). 2. Spécialem. et vx. En
juge considérable la proportion des non- début du XIVe s., sous la forme astelier, tas droit, renvoyer un paiement à une date
liaisons. Telle chronique journalistique de bois). 1. Lieu où travaillent ensemble ultérieure : Atermoyer un règlement.
de G. Duhamel, comptant 22 phrases, des ouvriers ou des artisans : L’atelier d’un • SYN.: 1 ajourner, différer, remettre, ren-
ne renferme pas une seule conjonction menuisier, d’une couturière. D’un atelier
voyer, retarder ; 2 surseoir à. — CONTR. : 1
de coordination ; pourtant, grâce aux voisin montait le sifflement bref et répété
accélérer, activer, brusquer, expédier (fam.),
procédés marginaux suppléant la banale d’une scie mécanique (Camus). Ateliers
hâter, précipiter, presser.
conjonction, les pauses ne donnent nulle de charité, ateliers publics destinés à
part l’impression d’hiatus que produisait v. intr. Essayer de gagner du temps en
employer des ouvriers sans travail, sous
l’asyndète des textes anciens. L’asyndète remettant les décisions importantes à plus
l’Ancien Régime. Ateliers nationaux,
proprement dite existe encore de nos tard : Il lui faudrait, un jour futur, aller voir
chantiers de travaux publics ouverts par
jours, mais devient difficile à distinguer les hommes d’affaires, signer des billets à
l’État en 1848 pour occuper les chômeurs.
de cette articulation marginale, en même ordre, finasser avec les uns, atermoyer avec
2. Spécialem. Partie d’une usine où l’on
temps que du style elliptique des notes de les autres, palabrer avec tous (Duhamel).
fait un certain travail : Atelier de fabri-
calepin et que du style inorganique des • SYN. : lanterner (fam.), temporiser, ter-
cation. Chef d’atelier. 3. Ensemble du
propos parlés, introduits dans la littéra- personnel qui travaille dans un atelier : giverser. — CONTR. : se dépêcher, faire dili-
ture au cours du dernier siècle. L’atelier est mécontent. 4. Lieu où tra- gence, faire vite, se hâter, se précipiter, se
vaille un artiste peintre, un sculpteur, un presser.
asystolie [asistli] n. f. (de a priv. et de
photographe : Le vieux peintre [...] ne sor- athée [ate] adj. et n. (gr. atheos, de a priv.
systole ; 1898, Larousse). Insuffisance ou
tait jamais de son atelier que pour aller le et de theos, dieu ; 1532, Rabelais). Qui nie
défaut de la contraction du coeur (systole).
dimanche à la messe (Lamartine). Par l’existence de Dieu et de toute divinité :
ataman n. m. V. HETMAN. extens. Ce lieu considéré par rapport à l’en- C’était un phénomène presque miraculeux
ataraxie [ataraksi] n. f. (gr. ataraxia, seignement qui y est donné : Rivalités d’ate- que ce grand artiste croyant, au sein d’un
lier. 5. Ensemble des élèves qui travaillent peuple athée (Rolland). On a même pu dire
absence de trouble ; 1580, Montaigne).
Quiétude absolue d’une âme que rien ne sous la direction d’un maître, notamment à que la louange la plus haute de Dieu est
l’École des beaux-arts. 6. Dans la franc- dans la négation de l’athée qui trouve la
trouble : Les stoïciens tendaient à l’ataraxie
(Acad.). Sa sagesse approchait de la bien- maçonnerie, compagnie de francs-maçons Création parfaite pour se passer d’un créa-
heureuse ataraxie (France). réunis sous le même vocable distinctif et teur (Proust).
ayant son administration propre.
• SYN.: apathie, détachement, indifférence, • SYN. : esprit fort (vx), incroyant, irré-
sérénité. — CONTR. : agitation, anxiété, atellanes [atlan] n. f. pl. (lat. atellanae, ligieux, libertin (vx), libre penseur. —
désarroi, émotivité, hypersensibilité, inquié- de Atella, n. de ville ; 1557, Recueil des païs). CONTR. : croyant, déiste, dévot, mystique,
tude, trouble. Farces populaires romaines. pieux, pratiquant, religieux, théiste.

284
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

athéisme [ateism] n. m. (de athée ; 1555, athlétique [atletik] adj. (lat. athleticus, II. Première vertèbre cervicale, qui sup-
Billon). Opinion de ceux qui nient l’exis- du gr. athlêtikos ; 1534, Rabelais). 1. Qui a porte la tête comme Atlas supportait le
tence de toute divinité : Athéisme, marque rapport aux athlètes : Jeux, concours ath- ciel.
de force d’esprit, mais jusqu’à un certain létiques. 2. Propre à un athlète, digne
atmosphère [atmsfr] n. f. (du gr.
degré seulement (Pascal). Faire profession d’un athlète : Ce sont des jeunes gens bien
atmos, vapeur, et sphaira, sphère ; 1665,
d’athéisme. découplés, minces et sveltes, au contraire des Chapelain). 1. Couche gazeuse qui enve-
• SYN. : incroyance, irréligiosité, matéria- picadores, qui se font en général remarquer loppe le globe terrestre ou d’autres corps
lisme. — CONTR. : croyance, déisme, dévo- par une haute taille et des formes athlé- célestes : Habitué aux intempéries de
tion, mysticisme, panthéisme, religion, tiques (Gautier). l’atmosphère (Balzac). On a établi l’exis-
théisme. •SYN.: 2 musculeux, puissant, vigoureux. tence d’une atmosphère autour de Vénus.
athéiste [ateist] n. et adj. (de athéisme ; — CONTR.: 2 chétif, débile, fragile, malingre. 2. Air d’un pays, d’un lieu ; air que l’on
1556, Le Caron). Vx. Partisan de l’athéisme : respire : L’atmosphère stagnante et légère-
athlétiquement [atletikm] adv. (de
Jeréduirais bien vite ces méchants athéistes ment teintée de rose et de bleu (Baudelaire).
athlétique ; 1863, Littré). Avec une force
au silence (Renan). Alourdi par l’atmosphère des fourneaux
d’athlète : Soulever athlétiquement une
et l’interminable discussion (Daudet).
athénée [atene] n. m. (gr. athênaion, lourde charge.
Il avait plu : mais cette brève et violente
temple d’Athéna ; 1751, Encyclopédie). 1. A
athlétisme [atletism] n. m. (de athlète ; averse, loin de rafraîchir l’atmosphère,
Athènes, temple d’Athéna, dans lequel ora-
1898, Larousse). Ensemble des sports indi- avait laissé dans les rues une buée d’étuve
teurs et poètes venaient lire leurs oeuvres.
viduels dans lesquels se retrouvent les (Martin du Gard). 3. Fig. Ensemble des
2. Établissement public où des savants
gestes naturels de l’homme (course, saut, éléments constituant le milieu ambiant,
et des littérateurs donnaient des cours ou
lancer) : La nécessité de l’effort physique considéré par rapport à l’influence qu’il
des conférences. 3. En Belgique, établis-
ayant été amoindrie par les machines, l’ath- exerce sur les êtres qui y vivent : Jeme rends
sement secondaire d’enseignement public
létisme est venu très heureusement sauver compte que l’atmosphère dans laquelle j’ai
pour les garçons.
et même exalter l’être musculaire (Valéry). vécu depuis plus d’un an est la plus dépri-
athénien, enne [atenj, -n] adj. et n. Une épreuve d’athlétisme. Pratiquer mante qui soit (Gide). Notre premier amour
(de Athènes ; XVIe s., Godefroy). Relatif à l’athlétisme. m’avait rendu sensible à l’atmosphère de foi
Athènes ; habitant ou originaire d’Athènes : et d’adoration qui baignait ta vie (Mauriac).
athrepsie [atrpsi] n. f. (de a priv. et Influence qui semble émaner des êtres
L’art athénien.
du gr. threpsia, action de nourrir ; 1888, et des choses : Comme le visage émouvant
adj. Se dit de ce qui rappelle la finesse spi-
Larousse). 1. État cachectique progressif d’une femme porte partout une atmosphère
rituelle qu’on reconnaissait aux Athéniens :
de certains nourrissons, dû à un défaut (Barrès). Fam. Changer d’atmosphère,
Son sourire, éclairant tout à coup des traits
d’assimilation des aliments. 2. Maladie aller vivre dans un autre endroit. 4. Unité
réguliers et placides, avait quelque chose
observée chez les chiens et les chats de de pression des gaz : Une pression de vingt
d’athénien (Nerval).
moins de deux mois, caractérisée par un atmosphères.
• SYN.: attique.
amaigrissement profond avec arrêt de la • SYN.: 1 éther (poétiq.) ; 3 air, ambiance,
athermane [atrman] adj. (de a priv. et croissance et troubles digestifs variés. climat ; aura (littér.), fluide.
du gr. thermainein, chauffer ; 1855, Nysten).
atlante [atlt] n. m. (ital. atlante, du n. atmosphérique [atmsferik] adj. (de
Se dit d’un corps qui ne se laisse pas traver-
du géant Atlas ; 1694, Th. Corneille). En atmosphère ; 1781, Thouvenel). Qui appar-
ser par les radiations infrarouges.
architecture, statue d’homme soutenant un tient à l’atmosphère : Phénomène, pression
athermique [atrmik] adj. (de a priv. entablement, une corniche, par allusion à atmosphérique. Couches atmosphériques.
et de thermique ; 1855, Nysten). Se dit, en la légende grecque qui voulait que le géant
chimie, de ce qui ne dégage ni n’absorbe atoll [atl] n. m. (mot des îles Maldives
Altas supportât le ciel sur ses épaules.
de chaleur : Réaction athermique. Corps [atolu], venu par l’angl. ; 1848, Fr.
• SYN.: télamon.
athermique. Mackenzie ; déjà en 1611, chez Pyrard de
atlantique [atltik] adj. (lat. atlanticus, Laval, sous la forme attollon). Ile des mers
athérome [aterom] n. m. (lat. athe- tropicales, formée par des récifs coralliens
du gr. atlantikos, dér. de Altas, nom donné
roma, du gr. athera, bouillie ; XVIe s.). en forme d’anneau entourant une lagune
au détroit de Gibraltar, ou colonnes d’Her-
Dégénérescence de la tunique interne des centrale, le lagon.
cule, et à la mer voisine ; 1530, Rabelais).
artères, entraînant localement la formation
1. Relatif à l’océan Atlantique ou aux atome [atom] n. m. (lat. atomus, du gr.
de dépôts de cholestérine et de sels de chaux.
États qui le bordent : Le littoral atlan- atomos, insécable [de a priv. et de temnein,
athlète [atlt] n. m. (lat. athleta, du gr. tique de la France. 2. Qui se rapporte couper] ; milieu du XIVe s., au sens 1 ; sens 2,
athlêtês, lutteur ; XIVe s.). Dans l’Antiquité, au traité dit « Pacte de l’Atlantique Nord » : XIXe s. ; sens 3, milieu du XXe s. ; sens 4, 1690,
celui qui disputait les concours lors des L’organisation atlantique. La politique Furetière). 1. Selon les philosophes anciens,
jeux publics organisés à l’occasion des fêtes, atlantique. le plus petit élément de matière, considéré
et, par extens., celui qui s’adonnait à un comme indivisible : D’après Lucrèce, le
atlas [atlas] n. m. (de Atlas, géant de la
sport : Les athlètes s’exerçaient au gymnase. monde n’est qu’une combinaison d’atomes.
mythologie grecque, par allusion au fron-
On dirait que l’athlète a jailli hors du moule Homme, en se condensant dans les brumes
tispice d’un recueil de cartes où il figu-
| Tandis que le sculpteur le fondait, tout profondes, | Les vagues tourbillons d’atomes
vivant (Heredia). rait portant le ciel sur ses épaules ; 1665,
font des mondes ; | Les mondes à leur tour
Graindorge ; au sens II, 1654, Th. Gelée).
n. m. et f. 1. Auj. Personne qui pratique dans le ciel se défont | Ainsi qu’une lueur
un sport athlétique. Athlète complet, I. 1. Recueil de cartes géographiques : Il s’efface à ton plafond, | Et retombent du
celui qui pratique tous les sports ath- atteignit son atlas, puis commença des haut des prodigieux dômes | Dans le vent
létiques, s’y distingue et possède de ce explications sur les longitudes (Flaubert). de l’abîme en poussières d’atomes (Hugo).
fait une musculature bien développée. Recueil de toutes sortes de cartes : Atlas Atomes crochus, atomes qui, selon
2. Homme robuste, bien découplé et bien économique, linguistique. 2. Ensemble Démocrite et Épicure, pouvaient s’agglo-
musclé : C’est un véritable athlète. de planches, de cartes, de tableaux joints mérer grâce à leur forme recourbée ; et,
• SYN.: sportif. à un ouvrage. fam., éléments que chacun porterait en soi

285
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

et qui créeraient une affinité, un courant atomiser [atmize] v. tr. (de atome ; au noms, comme me, te, se, le, qui s’opposent
de sympathie avec les personnes possédant sens I, 1928, Larousse ; au sens II, milieu à des formes dites « toniques » : moi, toi,
des éléments semblables : J’y avais [...] fait du XXe s.). soi, lui, etc. (v. PRONOM).
d’emblée, de prime abord, la conquête de I. Réduire un corps en fines particules :
• SYN. : 1 amorphe, inerte, mou, passif ;
Mme Verdurin. Il faut, m’avait dit la femme éteint, inexpressif, morne, terne. — CONTR.:
Atomiser un liquide.
du docteur, qui ne l’avait jamais vue faire 1 actif, dynamique, énergique ; bouillant,
II. Détruire, anéantir avec des armes ato- vif ; 2 tonique.
« autant de frais », que vous ayez ensemble
miques : La ville d’Hiroshima a été atomi-
des atomes crochus (Proust). 2. Dans la atonie [atni] n. f. (gr. atonia, relâche-
sée en 1945.
physique et la chimie modernes, parti- ment ; 1361, Oresme). Manque de vitalité et
cule chimiquement indivisible, qui forme
• SYN. : I pulvériser. II désintégrer,
de force : En ce moment, la Cour et le fau-
volatiliser.
la plus petite quantité d’un élément qui bourg Saint-Germain sortirent de leur ato-
puisse entrer en combinaison ; système atomiseur [atmizoer] n. m. (de atomi- nie et de leur réserve (Balzac). Quelquefois
complexe de particules constitué d’un ser ; 1928, Larousse). Appareil servant à dans un beau jardin | Où je traînais mon
noyau et d’électrons : Atome d’hydrogène, atomiser, à pulvériser des liquides. atonie, | J’ai senti comme une ironie, | Le
de carbone. La fission de l’atome. Le noyau • SYN.: pulvérisateur. soleil déchirer mon sein (Baudelaire). Il
de l’atome. 3. L’énergie atomique : Mettre s’ajoute à présent à mon atonie un mal
atomisme [atmism] n. m. (de atome ; v.
l’atome au service des réalisations indus- de tête constant et une grande fatigue de
1750, Diderot, Encyclopédie, au sens 1 ; sens
trielles. 4. Fig. Partie infiniment petite pensée (Gide).
2 et 3, XIXe s.). 1. Théorie philosophique
de quelque chose ; être ou chose infime, • SYN. : abattement, asthénie, dépression,
selon laquelle la matière n’est qu’une com-
négligeable : Pas un atome de poussière, pas épuisement, langueur, torpeur. — CONTR.:
binaison fortuite d’atomes : L’atomisme
une moisissure aux murs (Daudet). Mais dynamisme, énergie, vigueur, vitalité.
d’Épicure et de Lucrèce. 2. Théorie
que suis-je ?Un atome pensant (Lamartine). atomique des chimistes. 3. Atomisme atonique [atnik] adj. (de atonie ; 1766,
• SYN.: 4 bribe, brin, grain, miette, parcelle, psychologique, nom donné parfois à l’asso- Raulin). Qui a rapport à l’atonie.
particule, poussière. ciationnisme, parce qu’il conçoit la pensée
atour [atur] n. m. (déverbal de l’anc. franç.
comme constituée par une combinaison atourner, préparer, orner ; fin du XIIe s.,
atome-gramme [atomgram] n. m.
d’éléments. Livre des Rois, au sens de « préparatifs,
(de atome et de gramme ; 1928, Larousse).
En chimie, masse caractéristique d’un atomiste [atmist] adj. et n. (de atome ; appareil » ; sens 1, 1165, Thomas, Roman de
élément. v. 1750, Diderot, Encyclopédie, au sens Tristan ; sens 2, fin du XVe s.). 1. Class. (déjà
1 ; au sens 2, XXe s.). 1. Partisan de l’ato- vx au XVIIe s.). Ornement, parure : Il était
• Pl. des ATOMES-GRAMMES.
misme philosophique. 2. Qui s’est témoin de la fête, | Paré d’un magnifique
atomicien, enne [atmisj, -n] adj. spécialisé dans la physique atomique : atour (La Fontaine). 2. Dame, demoiselle
et n. (de atome ; milieu du XXe s.). Syn. de Savant atomiste. Un atomiste. (On dit aussi d’atour, personne dont la charge était de
ATOMISTE. ATOMICIEN.) veiller à la toilette d’une reine ou d’une
princesse : Reine de la mode, elle avait ses
atomicité [atmisite] n. f. (de atomique ; atomistique [atmistik] adj. (de atome ; dames d’atour, qui reproduisaient ailleurs
1866, Larousse). En chimie, nombre 1834, Boiste). Qui appartient à l’atomisme : ses manières et son esprit (Balzac).
d’atomes que contient une molécule. Théorie, philosophie atomistique.
atours n. m. pl. Tout ce qui sert à la
atomique [atmik] adj. (de atome ; 1585, n. f. 1. Partie de la science qui traite des parure d’une femme (souvent ironiq.) :
J. des Caurres). 1. Qui appartient, qui a rap- atomes et de leurs propriétés. 2. Science Sans chercher quels atours à ses traits
générale de l’énergie atomique. conviendront, | Elle arrive (Hugo). Toute
port aux atomes : Des particules atomiques.
Poids atomique, poids relatif des atomes atonal, e, als ou aux [atnal] adj. (de a roide en ses atours de théâtre, Suzanne
des divers éléments, le poids de l’atome priv. et du lat. tonus, ton ; début du XXe s.). venait de prendre un livre et commençait
d’hydrogène étant fixé conventionnelle- Se dit d’un mode de composition musicale à déclamer (Duhamel).
ment à 16. Notation atomique, système et des oeuvres qui ne se plient pas aux règles atourné, e [aturne] adj. (part. passé de
de notation chimique fondé sur la consi- de la tonalité traditionnelle : La musique l’anc. v. atourner, préparer, orner). Class. et
dération des poids atomiques. Théorie dodécaphonique est une musique atonale. dialect. (déjà vx et iron. au XVIIe s.). Paré
atomique, ensemble des spéculations phy- atonalité [atnalite] n. f. (de atonal ; avec recherche, vêtu, équipé : Certain chien
siques, chimiques et philosophiques sur les début du XXe s.). Une des conceptions qui portait la pitance au logis, | S’était fait
atomes : La théorie atomique a triomphé modernes de l’écriture musicale, qui un collier du dîner de son maître. | Ce
(J. Perrin). Spécialem. Énergie atomique, néglige volontairement les règles tonales chien-ci donc étant de la sorte atourné
énergie dégagée par la désintégration des de l’harmonie : L’Autrichien Schönberg (La Fontaine). Tu es atournée, vois-tu, ma
noyaux d’atomes. Bombe atomique, est l’un des théoriciens de l’atonalité. (On petite, à démonter la tête à un bourgeois
bombe utilisant l’énergie atomique. trouve aussi parfois ATONALISME.) comme le fils à M. Lupin (Balzac).
Pile atomique, réacteur dans lequel on atourneur, euse [aturnoer, -øz] n. (de
atone [atn] adj. (gr. atonos, relâché, de
pratique la fission des noyaux d’atomes. atourner ; 1538, R. Estienne ; au fém., 1625,
a priv. et de teinein, tendre ; 1813, Gattel).
2. Qui concerne la science de l’atome : Stoer). Class. Personne dont la charge était
1. Se dit de ce qui paraît sans vitalité ni
La recherche atomique. d’orner, de coiffer, de parer : L’autre [soeur
énergie : Quelque chose de fort et de bruyant
de Psyché] avait des réparations à faire de
atomisation [atmizasj] n. f. (de ato- doit être mêlé à la vie, si l’on veut qu’elle
tous les côtés ; le bain y fut employé, les
miser ; 1928, Larousse). Action d’atomiser. ne devienne pas atone (Gobineau). OEil
chimistes, les atourneuses (La Fontaine).
atone, sans expression : Il demeurait indif-
• SYN.: pulvérisation.
férent, regardant d’un oeil atone cette bou- atout [atu] n. m. (de à et de tout ; XVe s.,
atomisé, e [atmize] adj. et n. (part. teille trapue (Huysmans). 2. Se dit, en Journ. de Paris). 1. Dans les jeux de cartes,
passé de atomiser ; milieu du XXe s.). Qui grammaire, d’une voyelle ou d’une syllabe couleur déterminée par la retourne ou par
est soumis ou qui a été soumis à l’effet des qui ne porte pas d’accent (v. INTONATION) ; convention, et qui l’emporte sur les autres
radiations atomiques. se dit aussi de certaines formes de pro- couleurs ; carte de cette couleur : L’atout

286
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

est à coeur. L’as d’atout. Jouer atout. Sans atroces produits de l’industrie cotonnière a subi un affaiblissement : Une intelligence
atout, se dit, à certains jeux de cartes, d’une en 1809 (Balzac). atrophiée.
partie où toutes les couleurs ont la même • SYN.: 1 barbare, cruel, féroce, inhumain, • SYN.: 2 amoindri.
valeur : Jouer sans atout, à sans-atout. monstrueux, odieux, sauvage ; 2 effrayant,
atrophier [atrfje] v. tr. (de atrophie ; v.
On lui contrait les trois sans-atout de sa effroyable, épouvantable, infernal (fam.),
demande (Giraudoux). 2. Fig. Avoir 1560, Paré). 1. Faire dépérir par atrophie ;
intolérable, terrible ; 3 abominable, affreux.
beaucoup d’atouts dans son jeu, avoir — CONTR.: 1 bienveillant, clément, cordial, empêcher de se développer : Mais la plupart
tous les atouts en main, avoir beaucoup doux, gentil, tendre ; 2 léger ; 3 admirable, de nos arbres sont atrophiés par une sorte de
de chances de réussir, avoir toutes les beau, bon, excellent. gourme noirâtre (Gide). 2. Fig. Provoquer
chances de réussir. Le dernier atout, la l’affaiblissement de : Le progrès aura si bien
atrocement [atrsm] adv. (de atroce ; atrophié en nous toute la partie spirituelle
chance ultime : C’est là le dernier atout de
1533, Dacy). 1. Avec une extrême cruauté : (Baudelaire).
la connaissance (Valéry). 3. Pop. Coup
Aux torturés qui crient, dans leur silence
vigoureux : Recevoir un atout. • SYN. : 2 amoindrir, dégrader, diminuer,
atrocement houleux (Rimbaud). 2. Avec
éteindre, étouffer. — CONTR. : 1 hypertro-
atrabilaire [atrabilr] adj. (de atrabile ; une insupportable violence physique ou
phier ; 2 accroître, augmenter, développer,
1546, Ch. Estienne). 1. Class. Se disait, morale : Jeflambe atrocement (Apollinaire).
exalter.
dans le vocabulaire médical, d’un tempé- Je l’ai insulté atrocement (Sand). 3. Par
rament où la bile noire domine : La seconde exagér. et fam. Horriblement, extrême- s’atrophier v. pr. 1. Diminuer de volume
[espèce de mélancolie] qui vient de tout ment : Et, regarde, voici, crispée atrocement, et s’affaiblir, en parlant d’un membre ou
le sang fait et rendu atrabilaire (Molière). | La véritable tête (Baudelaire). Il était atro- d’un organe : Toute une moitié de son
2. Class. et littér. Se dit d’une humeur cement vexé. Une ville où l’on s’ennuyait organisme [du mollusque] s’est atrophiée
désagréable : Ces individus d’humeur atra- atrocement. (Valéry). 2. Fig. Subir un affaiblissement
bilaire (Baudelaire). De sorte que ce qui était • SYN. : 1 cruellement, férocement, sauva- progressif : Elles s’atrophient [les âmes]
l’effet de son humeur atrabilaire semblait gement ; 2 horriblement, odieusement ; 3 par un tarissement de la sève intérieure
celui du mépris des personnes à l’égard de affreusement, effroyablement, terriblement. (Bourget).
qui elle s’exerçait (Proust). — CONTR. : 1 agréablement, doucement ; 2 • SYN.: 1 décroître, dépérir ; 2 s’éteindre, se
• SYN. : 2 acariâtre, acerbe, acrimonieux, délicatement, gentiment ; 3 guère, légère- paralyser. — CONTR.: 1 croître, se dévelop-
aigre, incommode, irascible, renfrogné, ment, peu. per, s’hypertrophier, se fortifier ; 2 s’exalter.
revêche. — CONTR. : 2 affable, agréable, atrocité [atrsite] n. f. (lat. atrocitas ; atropine [atrpin] n. f. (lat. des botanistes
aimable, amène, avenant, gentil. 1355, Bersuire). 1. Caractère cruel, violence atropa, belladone, du gr. Atropos, l’une des
adj. et n. Class. et littér. Se dit de quelqu’un insupportable d’une chose : L’atrocité d’un Parques ; 1836, Landais). Alcaloïde extrait
qui a un caractère désagréable : Je vou- crime. L’atrocité d’une souffrance, d’une de la belladone, utilisé en médecine :
drais qu’à la fois vous fussiez maniaque, situation. 2. Action atroce : Il mit promp- L’atropine dilate la pupille.
| Atrabilaire, fou, lâche, hypocondriaque tement le pied sur l’épée de Rheincy [...] et
(Regnard). leva la sienne pour lui donner le coup de attablé, e [atable] adj. (part. passé de
grâce. Les lois du duel permettaient cette attabler). Qui est installé à une table pour
atrabile [atrabil] n. f. (lat. atrabilis, bile prendre un repas, consommer : Tous les
atrocité (Mérimée). 3. Imputation dés-
noire ; v. 1560, Paré). Bile noire qui, d’après convives étaient déjà attablés.
honorante, calomnie : Dire des atrocités
les médecins de l’Antiquité, causait la
sur quelqu’un. attablement [atablm] n. m. (de atta-
mélancolie et l’instabilité.
• SYN.: 1 barbarie, cruauté, férocité, inhu- bler ; milieu du XIXe s.). Le fait de s’attabler
âtre [tr] n. m. (du lat. pop. astracus, -icus, manité, sauvagerie ; 2 crime, monstruosité ; ou d’être attablé (rare) : Et puis, cet atta-
carrelage, altér. du gr. ostrakon, coquille, 3 abomination, horreur, infamie, vilenie. blement au café, ces cordiaux que l’on avale
puis carreau de brique ; XIIe s., Reclus de — CONTR. : 1 agrément, bonté, clémence, sont vraiment utiles (Huysmans).
Moiliens). Foyer de la cheminée et, par cordialité, douceur, gentillesse, tendresse ;
extens., la cheminée elle-même : Une odeur 3 amabilité, compliment, politesse. attabler [atable] v. tr. (de table ; 1443,
de bois suant dans l’âtre (Rimbaud). Les Godefroy). Faire asseoir à table (cet emploi
atrophie [atrfi] n. f. (gr. atrophia, pri- transitif est rare) : Attabler des amis devant
trois petits sont accroupis, pieds nus, dans
vation de nourriture ; 1538, J. Canappe). un repas.
l’âtre où vivote un tout petit feu (Gide).
1. Dépérissement d’un organe ou d’un
s’attabler v. pr. S’asseoir devant une table
atrium [atrijm] n. m. (mot lat. ; 1624, L. organisme par suite d’un défaut de nutri-
pour manger ou boire : Il acheta quelques
Savot). Dans les habitations romaines, cour tion ou d’un arrêt de la nutrition : La polio-
intérieure entourée d’un portique couvert. provisions pour Jacques et pour lui, et vint
myélite provoque la paralysie et l’atrophie
s’attabler au café où ils s’étaient arrêtés le
des muscles qu’elle atteint. 2. Fig. Perte ou
atroce [atrs] adj. (lat. atrox, -ocis ; fin du matin (Martin du Gard). Mourant de faim
affaiblissement de quelque faculté : Cette
XIVe s.). 1. Qui est d’une extrême cruauté : et de soif, elle s’attablait (Mauriac).
atrophie sentimentale lui laissait la tête
Jefus, en ce temps-là, avec elle, d’une dureté
entièrement libre (Flaubert). attachant, e [ata, -t] adj. (de atta-
atroce (Mauriac). Puis ma pensée sereporta
vers ce qu’il y a de brutal et de sanglant
• SYN. : 1 amaigrissement, athrepsie, cher ; XVIIe s.). Qui retient l’attention ou
cachexie, consomption, émaciation ; 2 l’intérêt de quelqu’un ; qui peut faire naître
dans la poésie des Anciens. Les Grecs ne
répugnaient pas à évoquer les scènes les plus amoindrissement, déchéance, dégradation, un sentiment durable d’affection : Jepour-
dépérissement, diminution. — CONTR. : 1 rai faire voir aussi ce qu’il y a d’attachant
atroces (Valéry). 2. Qui cause d’horribles
croissance, développement, hypertrophie ; dans la vie sauvage des armes (Vigny).
souffrances ; qui est insupportable, insou-
2 augmentation, intensification.
tenable : Il se tordait [...] dans des convul- • SYN.: attirant, attrayant, captivant, fasci-
sions atroces (Flaubert). Ce n’était pas la atrophié, e [atrfje] adj. (de atrophier ; nant, intéressant, palpitant (fam.), passion-
peur, c’était une épouvante à la fois atroce 1560, Rabelais). 1. Se dit d’un membre, nant, prenant, séduisant. — CONTR.: banal,
et solennelle qu’il ne connaissait plus depuis d’un organe qui a subi une diminution de insignifiant ; assommant (fam.), ennuyeux,
son enfance (Malraux). 3. Par exagér. et volume considérable et ne peut plus rem- fastidieux, inintéressant ; dégoûtant, désa-
fam. D’une laideur repoussante, d’une très plir normalement sa fonction : Des jambes gréable, écoeurant, rébarbatif, rebutant,
mauvaise qualité, d’un goût détestable : Les atrophiées. 2. Fig. Se dit d’une faculté qui repoussant.

287
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

attache [ata] n. f. (de attacher ; 1155, qui est placé sous les ordres de l’ambas- 9. Fig. Attacher ses yeux, son regard sur
Wace, au sens 1 ; sens 2, 1835, Acad. ; sens sadeur ou du ministre plénipotentiaire. quelqu’un ou sur quelque chose, les regarder
3, 1765, Encyclopédie ; sens 4, début du Attaché d’administration, fonctionnaire longuement, avec intensité : Mme de Staël,
XIIIe s. ; sens 5, 1690, Furetière). 1. Tout ce des administrations centrales situé hié- restée debout, continua sa conversation
qui sert à attacher, lien, courroie, agrafe, rarchiquement entre les administrateurs fort animée et parlait avec éloquence ; je
etc. : Une attache de chiffon [...] la main- civils et les secrétaires d’administration. répondais à peine, les yeux attachés sur
tenait à la perche pivotante (Genevoix). Mme Récamier (Chateaubriand). Ça finira,
attachement [atam] n. m. (de atta-
Les attaches qui fixent la poignée à la dit-il entre ses dents, attachant sur elle un
cher ; début du XIIIe s.). Sentiment qui
valise. 2. Être à l’attache, être attaché : regard farouche (Mérimée). 10. Donner,
nous lie fortement à quelque chose ou à
Les chevaux étaient à l’attache au pied de attribuer : J’attache un peu trop de prix aux
quelqu’un : L’attachement aux biens de
l’estrade (Montherlant) ; et, au fig., être opinions adverses (Alain). Quelle impor-
ce monde. Le père, connaissant l’attache-
assujetti à une occupation. Port d’attache tance ils attachent, mon Dieu, à penser
ment de Cecco pour sa nièce, venait la voir
d’un navire, celui où il est immatriculé ; tous ensemble les mêmes choses (Sartre).
(Lamartine).
son port de départ ou d’arrivée. Point Attacher une signification à un geste.
• SYN. : affection, amitié, amour, goût,
d’attache, lieu où l’on revient de façon • SYN. : 1 accrocher, agrafer, amarrer,
inclination, intérêt, passion, sympathie,
habituelle au cours d’une série de dépla- épingler, ligaturer, ligoter, maintenir ; 2
tendresse. — CONTR. : détachement, indif-
cements. 3. Spécialem. Endroit où est fixé entrelacer, nouer ; 3 lier, relier, retenir ;
férence, rupture.
un muscle, un membre : Et mes regards 4 enchaîner, rattacher, river ; 5 associer,
s’arrêtant à ses cheveux blonds, à ses yeux attacher [atae] v. tr. (de l’anc. franç. subordonner ; assujettir, astreindre ; 6 affec-
bleus, à l’attache de son cou, et omettant les estachier, fixer [par substitution de préf.], de ter, engager ; 7 donner ; 8 appliquer, porter,
traits qui eussent pu me rappeler d’autres estache, poteau [du francique stakka, pieu] ;
vouer ; 9 arrêter, fixer ; 10 accorder, prêter.
visages, je m’écriais devant ce croquis 1080, Chanson de Roland). 1. Joindre, — CONTR.: 1 arracher, détacher ; 2 défaire,
involontairement incomplet : « Qu’elle est fixer au moyen d’un lien, d’une agrafe, délier, dénouer ; 3 désunir, écarter, isoler,
belle ! » (Proust). Il sursauta quand seule- etc. : Attache à ce vieux tronc moussu séparer ; 4 éloigner, rebuter, repousser.
ment on lui posa la main sur l’attache de la brebis pleine (Heredia). À présent, les
v. intr. ou s’attacher v. pr. Coller au fond
la cuisse (Montherlant). 4. Class. et littér. Tarasconnais sont seuls. Ils avancent avec
d’un récipient pendant la cuisson, en par-
Sentiment, souvent passionné, qui unit une précaution sur le désert de neige, attachés
lant d’un mets : Le riz a attaché. Il faut que
personne à quelqu’un ou à quelque chose : à la même corde (Daudet). Attacher un
j’aille remuer mes lentilles qui sont sur le
« Qu’est-ce que la gourmandise ? — C’est jeune plant à un tuteur. Attacher un chien
feu, car il n’y a rien de traître comme les
une attache démesurée aux plaisirs de la à sa niche. Un chèque était attaché à la
lentilles pour s’attacher (France).
bouche » (Bossuet). Vous dire pourquoi lettre. 2. Réunir des bouts de liens en
je me pris d’attache pour un camarade si les fixant l’un à l’autre : Il n’avait pas pris • SYN.: adhérer.
peu jovial, je ne saurais, car j’étais tout le temps d’attacher ses lacets de chaussures. s’attacher v. pr. 1. Se fixer à quelque
son contraire (Sand). 5. Class. Tout ce Un chèvrefeuille et un jasmin attachaient chose avec un lien ou d’une autre façon :
qui captive l’esprit ; attention, intérêt : leurs brindilles sur le toit (Balzac). 3. En Un pilote qui s’attache à son siège. Le lierre
La plupart du temps, ou je rêve sans dire parlant d’un lien, tenir une chose fixée à s’attache au mur. 2. Fig. Être inséparable
mot, ou je n’ai presque point d’attache à ce une autre, rendre solidaire : La chaîne qui de, accompagner, aller de pair avec : Les
que je dis (La Rochefoucauld). 6. Fig. et attache une barque à la rive. 4. Fig. Lier avantages qui s’attachent à ce titre. 3. Fig.
class. Permission, autorisation : Le public à quelqu’un ou à quelque chose par l’affec- Suivre quelqu’un sans relâche comme si
ne doit trouver ni mauvais ni étrange que tion, la sympathie, la reconnaissance, ou on était fixé à lui : S’attacher aux pas de
nous demandions l’attache des théologiens par quelque agrément : Elle s’imagina que quelqu’un. Spécialem. Être fixé sur, en
(d’Alembert). je me lasserais vite de ce salon silencieux, parlant des yeux, du regard : Le bonheur
• SYN. : 3 insertion ; 4 affection, attache- si elle ne faisait rien pour m’attacher à elle qu’avait sa vieillesse de voir de si beaux
ment, goût, inclination, intérêt, passion, (Radiguet). J’y ai mes racines, ces profondes yeux s’attacher sur les siens (Stendhal).
zèle. et délicates racines qui attachent un homme 4. Se lier d’amour, de sympathie à
à la terre où sont nés et morts ses aïeux quelqu’un ; éprouver un vif intérêt pour
attaches n. f. pl. 1. Endroit où la main
s’attache au bras, le pied à la jambe : Les (Maupassant). Un ouvrage qui attache quelque chose : Elle s’était attachée à Jules
les esprits. 5. Lier à quelque chose, à (Stendhal). C’est au livre que je m’attache, je
attaches un peu lourdes, les chevilles engon-
cées d’Annette (Rolland). 2. Relations qui quelqu’un par une relation durable : Il por- sens un besoin de plus en plus fort de l’écrire
tait plus que sa part des misères attachées (Sartre). 5. S’attacher à (et un nom ou
font dépendre une personne d’un milieu,
à la faute d’Adam (France). C’est terrible un infinitif), s’appliquer avec insistance
une chose d’une autre : Ses attaches
d’avoir la vie d’une autre personne attachée à quelque chose, à faire quelque chose : Je
connues avec le pouvoir (Maupassant). Je
à la sienne comme une bombe qu’on tien- suis sûr [...] de m’être attaché, d’ailleurs
ne commence à me plaire aux oeuvres de
drait sans qu’on puisse la lâcher sans crime vainement, à cette conquête pour imposer
l’esprit qu’au moment où j’en découvre les
attaches avec la vie (France). (Proust). Spécialem. Lier par le devoir : une angoisse à ma mère (Mauriac). Je ne
Tu ne connais pas [...] les coeurs braves et m’attache pas à détailler tous les traits du
• SYN. : 2 accointance, commerce, liaison,
sincères, attachés pendant toute une vie visage, à les rendre un par un dans leur
lien, noeud, racine.
médiocre à de graves pensées, à une abné- exactitude anatomique (Matisse).
attaché [atae] n. m. (de attacher ; gation quotidienne (Rolland). 6. Lier par • SYN. : 1 s’accrocher, adhérer, s’agriffer,
XIXe s.). Membre d’une ambassade, d’un un contrat, un accord : Attacher quelqu’un
coller, se cramponner ; 4 s’accointer, s’aco-
cabinet ministériel, etc., chargé de cer- à un service. Il avait encore un barbier atta-
quiner, s’enticher, tenir à ; 5 s’acharner à,
taines fonctions : Attaché de cabinet. Un ché au château (Malraux). 7. Associer
s’adonner à, se consacrer à, s’employer à,
attaché militaire, commercial. Les géné- par un lien logique, une relation histo-
s’escrimer à (fam.), s’obstiner, s’opiniâtrer.
raux avaient toujours payé les armes, la rique : La catastrophe à laquelle nos noms
vente de celles-ci avait été négociée clan- seraient attachés (Sartre). 8. Prendre attaquable [atakabl] adj. (de attaquer ;
destinement par l’attaché d’un consulat comme objet d’un sentiment : Aucun fin du XVIe s.). Qui peut être attaqué (au pr.
(Malraux). Attaché d’ambassade, agent peuple n’attache plus ses désirs à ce qu’il et au fig.) : Un poste attaquable d’un seul
diplomatique le moins élevé en grade, et n’a pas que le peuple allemand (Giraudoux). côté. Tous les systèmes sont attaquables par

288
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

leur précision même (Renan). Testament battaglia, commencer la bataille, et, par II. En parlant des choses, être attaqué :
attaquable. ellipse, attaccare, attaquer ; 1549, Rabelais). Les chromes de ma voiture s’attaquent
dans ce pays humide.
attaquant, e [atak, -t] adj. et n. (de I. 1. Porter les premiers coups à un en-
attaquer ; XVIe s.). Qui attaque, qui engage
• SYN. : I, 1 défier, s’en prendre à, provo-
nemi, à un adversaire : Tchen ne pouvait
quer, prendre à partie ; 2 affronter, bra-
le combat : Les troupes attaquantes. [M. de songer à les attaquer : ses hommes étaient
ver. II s’altérer, se corroder, se détériorer.
Maistre] ne jouait jamais en conversation trop mal armés (Malraux) ; et absol. : Les
— CONTR. : I, 1 éviter, fuir ; 2 se dérober,
que le rôle d’attaquant, comme dans ses ennemis vont bientôt attaquer. 2. Por-
éluder, esquiver.
livres (Sainte-Beuve). ter les premiers coups à une chose, de
• SYN. : agresseur, assaillant. — CONTR. : façon à la vaincre, à la démolir ou à la rui- attardé, e [atarde] adj. et n. (part. passé
défenseur. ner : L’on entendait des détonations pro- de s’attarder). 1. Se dit de quelqu’un qui
attaquant n. m. (XXe s.). Joueur qui fait fondes, comme si le village eût été attaqué s’est mis en retard, qui est resté en arrière :
partie de la ligne d’attaque d’une équipe dans ses fondations (Duhamel). 3. (avec Peu à peu, les derniers gamins attardés
sportive. un sujet désignant une chose) Détério- abandonnaient l’école refroidie où roulaient
rer lentement quelque chose : La rouille des tourbillons de fumée (Alain-Fournier).
attaque [atak] n. f. (de attaquer ; 1611, Dans les petites rues presque désertes, où
attaque le fer. Le poison d’Ydragone [...]
Cotgrave). 1. Action d’attaquer, acte de n’apparaissent plus que quelques attardés
attaquait sourdement ses forces (Samain).
violence : Des gangsters qui organisent qui se hâtent, gênés par leurs habits du jour
4. Fig. S’en prendre à quelqu’un ou à
une attaque à main armée contre un four- de l’an (Malraux). 2. Se dit de quelqu’un
quelque chose, le critiquer : La grande
gon postal. Spécialem. Action militaire dont le développement intellectuel a subi
querelle des ordres mendiants, attaqués
offensive contre un pays ou des forces un retard : Un enfant timide et un peu
par Guillaume de Saint-Amour et défen-
adverses : Si les policiers eussent été réso- attardé. 3. Se dit de quelqu’un dont
dus par saint Thomas d’Aquin (Gau-
lus, l’attaque échouait (Malraux). En les conceptions, la façon de vivre sont en
vénerie, lâcher des chiens courants sur la tier). 5. Spécialem. Assaillir quelqu’un
retard sur des conceptions et une façon de
par son point faible : Puis il l’attaquait
voie de l’animal détourné : Pour l’attaque vivre modernes : Il se moquait un peu de ses
du sanglier et les refuites périlleuses, il par la vanité (Flaubert). 6. Attaquer
beaux-parents attardés, qu’il appelait entre
y avait quarante griffons poilus comme quelqu’un en justice, intenter contre lui
amis : « Mes chers fossiles » (Maupassant).
des ours (Flaubert). Ligne d’attaque, une action judiciaire. Attaquer un acte
• SYN. : 2 arriéré, demeuré, innocent,
et, ellipt., attaque, ensemble des joueurs notarié, un testament, en contester la
retardé ; 3 anachronique, antique, démodé,
plus spécialement chargés de conduire validité.
désuet, fossile (fam.), périmé, vieillot. —
les mouvements offensifs dans les sports II. 1. Commencer l’exécution de quelque CONTR. : 2 déluré, éveillé, précoce ; 3 à la
d’équipe. 2. Fig. Action de se livrer à des chose : Attaquer un travail, un morceau page (fam.), moderne.
accusations, à des critiques : Une odieuse de musique. Une voiture de pompiers,
attarder [atarde] v. tr. (de tard ; v. 1160,
attaque contre le père de la nouvelle poésie traînée par des bêtes magnifiques, arriva
lyrique (Banville). 3. Début d’une entre- Chr. de Troyes). Mettre en retard : Il m’a
au galop et attaqua la pente (Romains). attardé par son bavardage.
prise qui présente des difficultés à vaincre : 2. Fam. Commencer à manger : Atta-
L’attaque d’un pic difficile. L’attaque • SYN.: retarder.
quer le repas. Attaquer un fromage. Ab-
d’un morceau de musique, la manière d’en s’attarder v. pr. 1. Se mettre en retard :
sol. Aux jeux de cartes, jouer en premier :
commencer l’exécution. En phonétique, Le Bavarois se leva brusquement, redou-
C’est à toi d’attaquer.
début d’émission d’un phonème : L’attaque tant de s’être attardé (Aymé). 2. Rester
• SYN. : I, 1 assaillir, foncer sur, fondre quelque temps en un lieu, prolonger son
est caractérisée par son intensité plus ou
sur, frapper, se jeter sur, se ruer sur, sauter séjour : Au lieu de quitter la table où les
moins forte. Façon de frapper la balle au
sur, tomber sur ; 3 altérer, atteindre, cor- grandes personnes s’attardent, ils y restent
tennis, au golf. 4. Accès subit d’un mal :
roder, détériorer, entamer, léser, manger pour entendre mon père parler de départ
Lucile m’annonça que mon père avait été
(fam.), miner, ronger ; 4 calomnier, déni- (Radiguet). 3. Arrêter volontairement
emporté d’une attaque d’apoplexie, le sur-
grer, s’en prendre à, prendre à partie ; 5 son esprit, sa pensée sur quelque chose :
lendemain de cette fête de l’Angevine, une
entreprendre (fam.). II, 1 aborder, enta- On en reçoit une coutume de se plaire aux
des joies de mon enfance (Chateaubriand).
mer, entreprendre. — CONTR. : I, 1 chasser, mythes et de s’y attarder (Alain).
On parlait aussi d’une attaque d’épilepsie
contre-attaquer, défendre, protéger, refou-
dont aurait été frappée une pauvre femme atteindre [atdr] v. tr. (lat. pop. *attan-
ler, rejeter, repousser, résister, riposter ; 3
(Maupassant). Attaque de nerfs, spasmes gere, de attingere, refait d’après tangere,
conserver, fortifier, protéger ; 4 approuver,
nerveux souvent accompagnés de larmes toucher ; 1080, Chanson de Roland [écrit
flatter, louer, soutenir.
et de cris : Les simagrées de cette dame, ses ataindre]). [Conj. 55.]
attaques de nerfs revêtaient pour lui des s’attaquer v. pr. [à].
explications très simples (Aragon). Absol. I.1.Parvenir à rejoindre un endroit
I. 1. Diriger ses violences contre un enne-
Attaque d’apoplexie : En apprenant qu’il en se déplaçant : Il fallut encore trois
mi que l’on s’est choisi, ne pas craindre
n’avait plus un franc et qu’il avait près d’un quarts d’heure pour atteindre le cimetière
de l’affronter : Si vous êtes fort, c’est vous (Flaubert). 2. Parvenir à entrer en rap-
million de dettes, Saniette a eu une attaque perdre que de vous attaquer à un homme port avec quelqu’un : À la personne venue
(Proust). 5. Fam. Être d’attaque, être fort ; fussiez-vous dissidents en quelques
plein de vigueur et d’énergie : Me voilà, à l’appareil, qui lui demandait comment
points, il sera toujours des vôtres en de l’atteindre, elle répondit... (Breton).
je suis d’attaque (Goncourt).
certaines occasions (Baudelaire) ; et au 3. Parvenir à toucher une chose pla-
• SYN.: 1 agression, attentat ; assaut, offen- fig. : S’attaquer à la religion, aux préjugés. cée dans une position élevée : Atteindre
sive ; 2 charge, diatribe ; 4 crise, poussée ; 2. Fam. Entreprendre énergiquement un livre sur des rayons. C’était à peine si,
5 être en forme. — CONTR. : 1 défense, pro- et sans crainte, entamer hardiment : Il en levant les bras, on pouvait atteindre
tection, riposte ; contre-attaque, contre-
nous faut une mangeuse pour de bon, du bout des doigts la tablette supérieure
offensive, défensive, résistance ; 2 apologie,
une fille sérieuse et d’estomac solide, qui (France). 4. Parvenir jusqu’à un point
éloge, justification, louange.
s’attaque tout de suite aux gros morceaux éloigné du temps ; vivre jusqu’à un cer-
attaquer [atake] v. tr. (ital. attaccare, (Daudet). 3. Porter ses attaques sur : tain âge : Les habitants de la masure
attacher, puis commencer, d’où attaccare Cette maladie s’attaque aux enfants. atteignirent ainsi les derniers jours de

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

l’hiver (Hugo). Vous avez eu le privilège l’atteinte, je me sentis épris d’elle à ce point atteler [atle] v. tr. (lat. pop. *attelare, de
d’atteindre un âge qui est refusé à beau- que je ne voulus pas tarder un instant à protelum, attelage de boeufs, avec change-
coup (Martin du Gard). 5. Fig. Parvenir lui écrire (Nerval). 3. Dommage maté- ment de préfixe ; fin du XIIe s., Aliscans).
à un état, à une situation : Atteindre la riel ou moral causé à quelqu’un (au pr. et [Conj. 3a.] 1. Attacher des animaux de
gloire. Atteindre le but qu’on s’était fixé. au fig.) : Résister aux atteintes du froid. trait à une voiture, à un instrument agri-
Parvenir à un point élevé, à réaliser une Pour appliquer les doctrines que j’honore cole : On aurait été de retour avant même
chose difficile : Quels sommets n’attein- et pour réparer les atteintes que je leur que l’âne à Martin fût attelé (Alain-
drais-je point si ma propre vie faisait la porte (Barrès). Condamner quelqu’un pour Fournier) ; et absol. : Je fais atteler : vous
matière de la mélodie ? (Sartre). atteinte à la sûreté extérieure de l’État. partirez séance tenante (H. Bazin). Ellipt.
Porter atteinte à, causer un préjudice Atteler une voiture, atteler les chevaux à la
II. 1. Toucher quelque chose ou
à : Il ne peut dérider son front devant ses voiture : Ensuite il pousse une porte dans
quelqu’un avec un projectile, une arme :
Un tireur qui atteint la cible. D’autres, les inférieurs, sans leur laisser prendre une le brouillard, traverse une petite cour où
membres troués, atteints mortellement, familiarité qui porte atteinte à son pou- stationne une charrette attelée (Daudet).
parlaient et couraient encore (Zola). Je voir (Vigny). 4. Attaque, manifestation 2. Atteler une remorque, des wagons, les
l’atteignis à la gorge (Mérimée). Se dit d’un mal : Une triste maladie dont en ce accrocher à un tracteur, à une locomotive,
aussi en parlant du projectile, du coup : siècle-là on éprouvait sans cesseles atteintes etc. 3. Fig. et fam. Atteler quelqu’un à une
La balle l’atteignit en plein coeur, à la tête. poignantes (Stendhal). 5. Class. Blessure : tâche, lui faire entreprendre cette tâche,
2. Fig. Toucher ou blesser quelqu’un Tous ensemble au sanglier voudraient lan- le mettre à un travail pénible et de longue
dans sa réputation, son honneur, ses cer leurs dards ; | Mais peut-être Adonis en haleine : Je l’ai attelé au dépouillement de
convictions, etc., nuire, causer un dom- recevrait l’atteinte (La Fontaine). Hors ces documents.
mage moral à quelque chose : À travers d’atteinte à, à l’abri de : Il faut que, retran- • SYN. : 3 assujettir, astreindre, attacher,
ma personne, est-ce qu’on ne chercherait ché dans le droit sacré du sacerdoce, l’évêque enchaîner, lier, river. — CONTR.: 1 dételer.
pas à atteindre les oeuvres que je repré- soit hors d’atteinte aux traits de l’ambition s’atteler v. pr. [à]. Fig. Entreprendre un
sente ? (Martin du Gard). 3. Fig. Émou- (Massillon). 6. Class. et fig. Coup qui fait travail difficile : Ne me demandez pas de
voir, troubler quelqu’un dans ses senti- souffrir : Percé jusques au fond du coeur vous présenter à mon frère Palamède. Ma
ments : Elle feignait de n’être pas atteinte | D’une atteinte imprévue aussi bien que femme, nous tous, nous nous y attellerions,
et de n’être même pas surprise. Elle parla mortelle (Corneille). Spécialem. Blessure que nous ne pourrions pas (Proust).
enfin, cherchant des mots qui pussent me amoureuse : Sans employer la langue, il est • SYN.: 3 enchaîner, lier, river.
faire croire qu’elle s’était attendue à notre des interprètes | Qui parlent clairement des
séparation (Mauriac). 4. Fig. En par- atteintes secrètes (Molière). attelle [atl] n. f. (lat. pop. astella, lat.
lant d’une maladie, s’attaquer à des êtres class. astula, var. de assula, dimin. de assis,
• SYN. : 2 effet ; 3 attaque, attentat, choc,
ou des plantes : Une épidémie qui atteint planche ; 1155, Wace, au sens de « éclat de
coup, outrage, préjudice ; 4 accès, crise,
surtout les enfants. Être atteint d’un mal poussée. bois », écrit astele). 1. Partie en bois du col-
incurable, être atteint de folie. lier des chevaux à laquelle les traits sont
attelage [atla] n. m. (de atteler ; 1563, attachés. 2. Petite pièce de bois, de fer,
• SYN. : I, 1 accéder, arriver à, gagner ; 2
Palissy). 1. Action d’atteler une bête de trait etc., qui sert, en chirurgie, à maintenir
joindre, rattraper, rejoindre ; 5 rencontrer,
à un véhicule : Une courroie s’est cassée immobile un membre fracturé.
toucher ; s’élever, gravir, monter. II, 1
pendant l’attelage. Un garçon d’attelage.
blesser, frapper ; 2 abattre, attaquer, heur- attenance [atns] n. f. (de attenant ;
Manière d’atteler : Attelage à la fran-
ter, léser, offenser, piquer, prendre à par- 1866, Larousse). Vx. Dépendance d’une
çaise. 2. Ensemble des courroies, liens,
tie ; 3 affecter, affliger, agiter, bouleverser, maison : De grands jardins, de belles atte-
accessoires, etc., qui servent à atteler : Les
ébranler, remuer ; 4 toucher. — CONTR. : I, nances entouraient cette propriété d’agré-
chaînes de l’attelage grelottaient au vent du
1 dépasser, distancer. II, 1 louper (pop.), ment (Villiers de L’Isle-Adam).
matin (Hugo). 3. Dispositif qui permet
manquer, rater (fam.).
d’accrocher l’un à l’autre les wagons ou les attenant, e [atn, -t] adj. (part. prés.
v. tr. ind. [à]. Parvenir avec difficulté,
voitures de chemin de fer. 4. Ensemble de l’anc. franç. attenir, tenir, à, dépendre,
avec effort à quelque chose : Il avait
de bêtes attelées : En tête, un homme du lat. pop. *attenire, lat. class. attinere,
atteint, moralement et physiquement, à
revêtu d’une peau de chèvre, une lanterne tenir, concerner, être attenant ; XIVe s.). Qui
cette phase particulière aux passions satis-
à la main, conduisait par la bride le che- touche à ; qui est tout à côté : Nous fran-
faites (Balzac). Trop peu de gens peuvent,
val du premier attelage (Alain-Fournier). chîmes une avant-cour plantée de noyers,
aujourd’hui, atteindre au bonheur (Gide).
5. Fig. Se dit de l’union de plusieurs per- attenante au jardin et à la maison du régis-
Phèdre, belle par soi, mais belle avant
sonnes pour une action commune : Cet seur (Chateaubriand).
l’amour, comme toutes les belles, atteint à
homme et cette femme, c’était ruse et rage • SYN. : adjacent, contigu, joignant (vx),
la splendeur de sa beauté au moment qu’elle
mariés ensemble, attelage hideux et terrible jouxtant, limitrophe, touchant, voisin. —
déclare sa passion (Valéry).
(Hugo). CONTR. : distant, écarté, éloigné, lointain.
atteinte [att] n. f. (de atteindre ; 1265, • SYN.: 5 accouplement, alliance, apparie-
Roman de la Rose). 1. Action d’atteindre : attendant (en) [natd] loc. adv. (de
ment, assemblage, association. — CONTR. :
Poursuivre ses efforts jusqu’à l’atteinte du attendre). 1. Provisoirement, jusqu’à ce
1 dételage.
résultat. Hors d’atteinte, que l’on ne peut que se réalise ce qu’on attend : Le spectacle
atteindre, toucher : Des fruits hors d’at- attelée [atle] n. f. (de atteler ; 1530, commence dans une heure ; en attendant,
teinte. 2. Action exercée sur quelqu’un Palsgrave). 1. Temps pendant lequel les nous pouvons nous promener dans le parc.
ou sur quelque chose : C’est dans les bois bêtes de trait sont attelées : Jecomptais sou- En attendant, je suis, très chère, ton valet
de Combourg que je suis devenu ce que je vent le nombre de sillons labourés au cours (Verlaine). 2. Quoi qu’il en soit ; tou-
suis, que j’ai commencé à sentir la première de l’attelée (Guillaumin). 2. Ensemble jours est-il que : C’était peut-être néces-
atteinte de cet ennui que j’ai traîné toute ma des bêtes attelées : Le charretier de la pre- saire, mais, en attendant, c’est extrêmement
vie, de cette tristesse qui a fait mon tour- mière attelée ; et au fig. : : On y voit des désagréable.
ment et ma félicité (Chateaubriand). Après attelées d’hommes poussant de lourds cha- En attendant de loc. prép. (suivie de l’in-
une soirée où elle avait été à la fois naturelle riots (Goncourt). finitif). Jusqu’à ce que vienne le moment
et pleine d’un charme dont tous éprouvaient • SYN.: 2 attelage. de : En attendant de respirer les émanations

290
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

musquées des grands félins d’Afrique, le v. intr. 1. Différer d’agir jusqu’à l’arrivée attendrissant, e [atdris, -t] adj.
héros dut se contenter de cette bonne vieille de quelqu’un ou de quelque chose : Si je (part. prés. de attendrir ; XVIIIe s.). 1. Qui
odeur de diligence (Daudet). l’avais laissée faire, nous aurions adopté attendrit, qui emplit d’émotion, de pitié
En attendant que loc. conj. (suivie du celui-là sans plus attendre (Mauriac). ou de tendresse : Il a comme ça des mots
subjonctif). Jusqu’à ce que : En attendant 2. Fam. Ne rien perdre pour attendre, ne attendrissants pour lesquels on l’embras-
que ma dissertation résolve enfin le pro- pas échapper, en définitive, au châtiment serait (Colette). 2. Qui prête à sourire :
blème géographique qui tient toute l’Europe mérité. 3. En parlant de choses, rester Dans sept ans, il aurait ses idées à lui, celles
savante en suspens, je veux vous raconter en attente : Cette décision peut attendre. de Mathieu lui paraîtraient attendrissantes
une petite histoire (Mérimée). s’attendre v. pr. 1. Class. S’attendre à et vieillottes (Sartre).
(avec un nom de personne ou un infini- • SYN.: 1 bouleversant, émouvant, poignant,
attendre [atdr] v. tr. (lat. attendere,
tif), se fier à quelqu’un, avoir confiance en touchant. — CONTR. : 1 dur, froid, impi-
tendre vers, être attentif ; XIe s., Vie de
lui : Ne vous attendez point à mon fils ; je toyable, inflexible, sec, sévère.
saint Alexis). [Conj. 46.] 1. Rester dans
ne crois pas qu’il aille à Nantes (Sévigné).
un lieu jusqu’à ce qu’arrive quelqu’un ou attendrissement [atdrism] n. m. (de
quelque chose, jusqu’à ce qu’un événement Auj. S’attendre à (avec un nom de chose
attendrir ; 1561, Belleforest). 1. Vx. Action
se produise : Attendre un ami à la gare. ou un infinitif), compter sur la réalisation
de rendre plus tendre, moins coriace :
Attendre le médecin. C’est une chance que de quelque chose, l’espérer, s’y préparer :
L’attendrissement des légumes verts par
d’attendre la mort dans l’unique lieu du Je m’attendais à une explication délicate
la cuisson à l’eau bouillante. 2. Fig.
monde où tout demeure pareil à mes sou- (Mérimée). Il ne s’attendait pas à me trou-
Mouvement d’émotion, de tendresse ou de
venirs (Mauriac). Se faire attendre et, ver là ; et fam. : : Avec lui, il faut s’attendre
compassion : Lola Montes avait embrassé le
intransitiv., faire attendre quelqu’un, être à tout. 2. Class. S’attendre de (avec l’infi-
roi devant la reine, prise soudain d’atten-
en retard à un rendez-vous. En parlant de nitif), compter sur : Je ne m’attendais pas
drissement à la vue du shako royal cabossé
choses, se faire attendre, être long à venir, d’avoir un peintre si illustre (Molière) ;
par le chambellan (Giraudoux).
à se produire : Le résultat tant escompté se être sur le point de, prêt à : Mes trans-
ports aujourd’hui s’attendaient d’éclater
• SYN. : 2 apitoiement, bouleversement,
fait attendre. La récompense ne s’est pas
commisération, émoi, pitié. — CONTR. : 1
fait attendre. Fig. Attendre quelqu’un de (Racine). 3. Class. S’attendre que (avec
l’indicatif), compter que : Jem’attends que durcissement ; 2 dureté, endurcissement,
pied ferme, être prêt à soutenir son attaque.
je recevrai bientôt de vos nouvelles (Racine). froideur, impassibilité, indifférence, insen-
2. Compter sur la venue de quelqu’un ou
Littér. S’attendre que (avec le subjonc- sibilité, sécheresse.
de quelque chose : Jereviendrai au moment
que vous ne m’attendez pas (Claudel). tif), espérer que : Il faut s’attendre que de attendrisseur [atdrisoer] n. m. (de
Femme qui attend un bébé, femme telles transformations deviennent la règle attendrir ; 1960, Larousse). Appareil de
enceinte. 3. Attendre quelque chose de (Valéry) ; et, dans la langue courante, boucherie servant à attendrir la viande.
quelqu’un, compter sur lui pour qu’il agisse s’attendre à ce que : : Ne vous attendez
attendu [atdy] prép. (part. passé de
de telle façon : Ferral ne [...] lui dit pas ce pas à ce que je vous réponde (France). Elle
attendre ; XVe s.). Vu, eu égard à, en raison
qu’il attendait de ses conciliabules avec s’attendait à ce qu’il vînt à Paris (Maurois).
de : Attendu ses moeurs solitaires, il était à
les membres les plus actifs de la Chambre Surtout ne t’attends pas à ce que je puisse
peine connu d’elles (Musset). Attendu son
de commerce (Malraux). 4. Attendre te parler (Gide).
jeune âge, le prisonnier fut relâché.
quelqu’un à, compter qu’il s’engage dans • SYN.: 1 croire, escompter, se figurer, ima-
• REM. Attendu, employé sans auxiliaire,
une difficulté dont il ne se tirera pas : giner, penser, présumer, prévoir.
Attendre quelqu’un au passage, au tournant devant un adjectif, un nom ou un pro-
• REM. La construction s’attendre à ce que
nom, est considéré comme une préposi-
(langue familière). 5. Attendre quelque est condamnée par certains grammai-
chose (ou attendre de et l’infinitif) pour (et tion et demeure invariable : Il a bénéficié
riens ; elle est néanmoins employée par
l’infinitif), différer d’agir jusqu’à ce que des circonstances atténuantes, attendu sa
de nombreux auteurs.
cette chose se produise : J’attends le beau bonne conduite passée.
temps pour sortir. Ce feu me ravit, et aussi attendrir [atdrir] v. tr. (de tendre ; Attendu que loc. conj. Vu que, puisque :
XIIIe s., Rutebeuf ; sens fig., XVIe s., Baïf). Les parents de sa femme s’étaient opposés
de voir qu’elle attendait comme moi de se
sentir brûlante d’un côté, pour se retourner 1. Attendrir un aliment, le rendre moins au mariage, attendu qu’il n’était pas gentil-
de l’autre (Radiguet). 6. (avec un sujet coriace, plus facile à entamer avec les homme (Bernardin de Saint-Pierre).
désignant une chose)Attendre quelqu’un, dents : Attendrir de la viande. 2. Fig.
Attendrir quelqu’un, le rendre plus acces- attendus [atdy] n. m. pl. (même étym.
lui être destiné, réservé, être prêt pour lui :
sible à la pitié, toucher sa sensibilité : Ces qu’à l’art. précéd.). En droit, ensemble des
Il ne se doutait pas du sort qui l’attendait.
mots attendrirent Atala (Chateaubriand). alinéas annonçant les arguments sur les-
Une surprise m’attendait à mon retour. Le
quels sont fondés une requête, un juge-
dîner vous attend. • SYN.: 1 amollir, ramollir ; 2 apitoyer, bou-
ment, et dont chacun commence par la
• SYN. : 1 guetter, languir, moisir (fam.), leverser, émouvoir, fléchir, toucher, troubler,
formule attendu que.
patienter, poser (fam.) ; 2 escompter, présa- remuer. — CONTR. : 1 durcir ; 2 cuirasser,
endurcir, raidir. • SYN.: considérants.
ger, pressentir, présumer, prévoir ; 3 espérer,
vouloir. — CONTR. : 1 s’en aller, partir. s’attendrir v. pr. 1. Devenir plus mou, attentat [atta] n. m. (lat. attentatum,
v. tr. ind. 1. Class. et littér. Attendre à, plus tendre, en parlant d’un aliment : La part. passé neutre de attentare, porter la
différer de : Il y a des hommes qui attendent viande fraîche, qui est trop ferme, s’attendrit main sur ; 1326, Cartulaire de Saint-Pierre
à être dévots et religieux que tout le monde après quelques jours. 2. Fig. Se prendre de Lille). Tentative criminelle ou illégale
se déclare impie et libertin (La Bruyère). de pitié ou de tendresse : Je m’attendris- contre des personnes, des droits ou des
J’attendais à me venger plus noblement que sais quand tu t’agenouillais dans ta longue sentiments collectifs protégés par la loi :
César lui-même (Nerval). 2. Attendre chemise d’écolière (Mauriac). S’attendrir Pourquoi alors continuer de juger comme
après quelqu’un ou quelque chose, en avoir sur quelqu’un, sur le sort de quelqu’un, être un simple attentat à la propriété une explo-
un besoin urgent : Jen’attends pas après lui sensible à son malheur : Je ne cherche pas sion qui était à la vie moderne ce qu’est
pour payer ma pension. Il y a longtemps à m’attendrir sur moi-même (Romains). une passion dans un coeur ? (Giraudoux).
qu’on attend après vous (Acad.). Jen’attends •SYN. : 2 s’apitoyer, s’émouvoir, mollir. — Attentat contre la sûreté de l’État, ten-
pas après cette somme (Acad.). CONTR. : 1 se durcir ; 2 se raidir. tative de violence armée. Attentat à la

291
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

pudeur, tentative violente contre la vertu de suicide [...] ? Jen’ai jamais voulu attenter la chambre voisine (Proust). Faites atten-
d’une femme ou d’un enfant. à ma vie (Sand). Attenter à ses jours. tion !, et, ellipt., attention !, prenez garde :
• SYN. : agression, attaque, crime, délit, v. tr. Class. Tenter quelque chose pour Maintenant, attention ! Voilà les choses qui
forfait, infraction, outrage. nuire ; entreprendre une action néfaste : deviennent drôles (Duhamel). 3. Littér.
Il n’attentera rien tant qu’il craindra pour Sollicitude, empressement, gentillesse
attentatoire [attatwar] adj. (de atten-
lui (Corneille). envers quelqu’un : Être plein d’attention
ter ; 1690, Furetière). 1. Qui a le caractère
pour ses parents. Marque d’intérêt, de
d’une entreprise criminelle contre une attentif, ive [attif, -iv] adj. (lat. atten-
sollicitude : Quel ineffable bien peut faire
chose ou une personne généralement consi- tivus ; XIIe s., Roman de Troie). 1. Se dit
une simple parole de tendresse, une atten-
dérée comme éminemment respectable : d’une personne qui porte attention à
tion délicate (Rolland).
Un geste attentatoire contre le chef de l’État. ce qu’elle fait, qui agit avec application,
• SYN.: 1 application, contention, réflexion,
2. Par extens. Qui porte atteinte, préju- dont toutes les facultés sont en éveil : Un
tension d’esprit ; 3 délicatesse, obligeance,
dice : Je n’ai rien trouvé qui fût contraire spectateur attentif. 2. Qui témoigne de
prévenance. — CONTR. : 1 dissipation, dis-
à la vérité des faits, par conséquent rien l’attention : Il surprit, sous les paupières à
traction, étourderie, inadvertance, inatten-
d’attentatoire à ton honneur (Sand). Il n’est demi fermées, un regard attentif (Aymé).
tion ; 3 brutalité, grossièreté, indifférence,
pas un progrès de la pensée qui n’ait paru 3. Qui veille avec soin à quelque chose :
rudesse.
d’abord attentatoire, impie (Gide). Depuis le temps qu’elle y était attentive, elle
connaissait les lois qui régissaient [...] la attentions n. f. pl. Égards dont on
• SYN.: 1 profanateur, sacrilège ; 2 contraire, entoure quelqu’un ; marques de préve-
dommageable, hostile, opposé, préjudi- vie de Nicolas (Mauriac). Une mère atten-
tive aux moindres malaises de son enfant. nance témoignées à une personne : Et
ciable. — CONTR. : 2 bénéfique, bien, bien-
Qui entoure un être aimé d’attentions, de certes, les attentions qu’une femme a pour
faisant, conforme à.
prévenances : Un amant attentif. 4. Qui nous peuvent encore, quand nous l’aimons,
attente [att] n. f. (fém. substantivé d’un témoigne du désir de plaire : Des soins semer de charmes nouveaux les heures que
anc. part. passé lat. *attenditus ; XIe s., Vie attentifs. nous passons chez elle (Proust). Il pleurait
de saint Alexis). 1. Le fait de rester dans d’épuisement surtout, et aussi, à cause de
• SYN. : 1 appliqué, vigilant ; 3 conscien-
un lieu jusqu’à l’arrivée de quelqu’un ou la chambre, des violettes, de cette main
cieux, diligent, préoccupé de, soigneux,
de quelque chose ; temps qui s’écoule que son père avait posée sur sa tête, des
soucieux de, zélé ; attentionné, prévenant ;
ainsi : Indépendamment de ce qui arrive, attentions d’Antoine, de cette vie nouvelle
4 assidu. — CONTR. : 1 dissipé, distrait,
n’arrive pas, c’est l’attente qui est magni- et inconnue (Martin du Gard).
étourdi, inattentif ; 3 désintéressé, indif-
fique (Breton). Il y a bien peu de gens dont férent, insensible ; dur, impitoyable, rude. • SYN.: amabilités, gentillesses. — CONTR.:
le commerce vaille cinq minutes d’attente crasses (pop.), méchancetés, rosseries (fam.),
attentif adj. et n. m. Vx. Dans le langage
(Montherlant). Salle d’attente, grande vilenies.
galant du XIXe s., se dit de celui qui fait la
salle, dans les gares, où l’on a la possibi-
cour à une femme : Monsieur de Canalis attentionné, e [atsjne] adj. (de atten-
lité d’attendre l’heure de son train ; salle [...] se posait comme l’attentif de Madame tion ; 1819, Boiste). 1. Vx. Qui fait atten-
où les malades attendent la consultation,
d’Espard pour cacher sa passion pour la tion à : Joseph, qui était peu attentionné
etc. : La cuisine fraîche, où la pénombre duchesse de Chaulieu (Balzac). aux actions d’autour de lui, laissa remplir
développait ses mystères pesants, semblait • SYN. : amoureux, f lirt (fam.), galant, son verre (Sand). 2. Plein d’attentions,
être une salle d’attente (Aymé). 2. Action
soupirant. de gentillesse, de prévenance : Un mari
d’attendre la réalisation de quelque chose
attentionné.
ou l’arrivée de quelqu’un, considérée attention [atsj] n. f. (lat. attentio, de
attendere, être attentif ; 1536, N. de Troyes).
• SYN.: 1 attentif ; 2 empressé, prévenant.
comme presque sûre ; état d’esprit d’une
— CONTR. : 1 indifférent ; 2 égoïste, fruste,
personne qui attend : J’avais au coeur mille 1. Concentration volontaire de l’esprit
grossier, rosse (fam.).
désirs modestes et irréalisables qui me sur un être ou une chose déterminés :
doraient l’existence de toutes les attentes Katow, assis à gauche, se pencha, regarda attentisme [attism] n. m. (de attente ;
imaginaires (Maupassant). Où donc est le le chauffeur avec attention (Malraux). v. 1918). Politique d’attente et d’opportu-
pays que prévoit l’attente confuse qu’il y C’est notre attention qui met des objets nisme : L’attentisme d’un gouvernement
a dans notre coeur ? (Barrès). Répondre à dans une chambre et l’habitude qui les en face aux grandes réformes.
l’attente générale. Contre toute attente, retire (Proust). Un enfant incapable d’une
attentiste [attist] adj. et n. (de atten-
contrairement aux prévisions. Dans attention prolongée. À l’attention de, for-
tisme ; v. 1918). Qui pratique une politique
l’attente de, en espérant, en comptant mule par laquelle on désigne le destina-
d’attente, d’atermoiements : Ne comptez
sur : Dans l’attente d’une réponse favo- taire d’une lettre dans une administration.
pas sur lui pour régler ce problème délicat,
rable, je vous prie d’agréer, etc. 3. Class. et Retenir l’attention de quelqu’un, être
c’est un attentiste !
littér. Personne qu’on attend (spécialement spécialement remarqué par lui. 2. Faire
attention à quelque chose, en tenir compte, • SYN.: opportuniste.
en parlant du Messie) : Jésus-Christ que
les deux Testaments regardent : L’ancien y prendre garde : Cette idée explique assez attentivement [attivm] adv. (de
comme son attente, le nouveau comme l’autre, si l’on y fait attention (Alain). Faites attentif ; début du XVIe s.). D’une façon
son modèle, tous deux comme leur centre attention à la marche ; en prendre soin : attentive : Lire attentivement une notice. Ils
(Pascal). Si tu déplaces le buffet, fais attention à la consultaient vingt fois leur intérêt et pesaient
vaisselle. Faire attention à quelqu’un, ne attentivement leurs chances (France).
• SYN. : 2 espérance, espoir, expectative,
pas le négliger : Il n’a même pas fait atten- • CONTR. : distraitement.
présomption, prévision.
tion à moi ! Faire attention de ou à (suivi
attenter [atte] v. tr. ind. (lat. attentare, d’un infinitif), apporter tous ses soins à atténuant, e [aten, -t] adj. (de atté-
porter la main sur ; fin du XIIIe s.). 1. Class. l’exécution d’une action : Faire attention de nuer ; XVIe s.). Qui diminue la gravité de
Attenter sur, contre, commettre un atten- (ou à) ne pas se tromper en rendant la mon- quelque chose. Spécialem. Circonstances
tat contre : De quel droit sur vous-même naie. Faire attention que, à ce que (avec atténuantes, éléments qui, dans les faits
osez-vous attenter ? (Racine). Et garde-toi le subjonctif), prendre garde que, veiller imputés à un accusé, tendent à diminuer la
bien d’attenter contre ta vie (La Fontaine). à ce que : Faites attention que personne ne gravité du crime ou du délit, et par consé-
2. Attenter à, commettre une tentative vous entende. Elle ne faisait pas toujours quent à diminuer la peine.
criminelle contre : Pourquoi me parlez-vous attention à ce qu’il n’y eût personne dans • CONTR. : aggravant.

292
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

atténuation [atenasj] n. f. (de atté- aux prises et il l’atterra sous lui (Acad., de son histoire (Chateaubriand). Une cou-
nuer ; milieu du XIVe s.). Action d’atténuer, 1694). 2. Class. et fig. Abattre : Atterre son ronne de petites fleurs candides attestait la
de rendre moins fort, moins brutal ; résul- orgueil et montre ta puissance, | A perdre pureté de sesmoeurs (Duhamel). 3. Class.
tat de cette action : Ceux qui ont quelque également l’un et l’autre rival (Corneille). et littér. Prendre à témoin : N’en doutez pas,
habitude des atténuations que les personnes 3. Jeter dans l’abattement, la consterna- Madame, et j’atteste les dieux | Que toujours
bien élevées se plaisent à mettre sur leurs tion : Je suis atterré quand je songe à ce que Bérénice est présente à mes yeux (Racine). Je
pensées (Barrès). de pareils instincts peuvent nous réserver vous atteste, imposteurs célèbres, faussaires
• SYN. : adoucissement, affaiblissement, encore (Martin du Gard). Et soudain, un de tous les temps [...], artisans fameux de
diminution, modération, réduction. — cri lugubre nous atterre (Claudel). fictions, d’erreurs et d’illusions (France).
CONTR.: aggravation, augmentation, inten- • SYN. : 3 abattre, accabler, anéan- • SYN.: 1 assurer, garantir, jurer, soutenir ; 2
sification, renforcement. tir, consterner, démoraliser, terrifier. annoncer, confirmer, démontrer, indiquer,
— CONTR.: 3 encourager, exalter. marquer, montrer, prouver, révéler, témoi-
atténué, e [atene] adj. (part. passé
v. intr. Vx. Approcher de la terre, aborder, gner de ; 3 invoquer. — CONTR. : 1 contes-
de atténuer ; XVIe s.). 1. Class. (déjà vx
en parlant d’un bateau. ter, contredire, infirmer, nier ; 2 démentir,
au XVIIe s.). Qui est affaibli, exténué : Il
dénier, désavouer.
a l’esprit vert et vigoureux, et qui donne atterrir [aterir] v. intr. (de à et de terre ;
encore de l’exercice à son corps atténué 1686, Tachard, terme de marine ; fin du atticisme [atisism] n. m. (lat. atticismus,
(Malherbe). 2. Qui a moins d’intensité, XVIIIe s. dans le vocabulaire de l’aérostation du gr. attikismos ; 1543, Ramus). 1. Terme
de force : Une lumière atténuée. Le sens et début du XXe s. dans celui de l’aviation). de grammaire désignant une forme parti-
atténué d’un terme. La voie hiérarchique 1. En termes de marine, toucher terre ou culière au dialecte attique. 2. Élégance et
[...] a souvent pour effet de ne laisser arriver mettre pied à terre après une traversée. raffinement qui caractérisaient le style et
au chef suprême que des vérités atténuées 2. Se poser à terre, prendre contact avec les oeuvres des auteurs athéniens. 3. Par
ou indistinctes (Romains). le sol, en parlant d’un avion. extens. Délicatesse de goût et de langage :
• SYN. : 2 adouci, affaibli, amoindri, • CONTR. : 1 appareiller, lever l’ancre ; J’ai bavardé tout comme un autre de l’hel-
diminué, étouffé. — CONTR. : 2 exacerbé, 2 décoller. lénisme de Racine ou de l’atticisme de La
renforcé. Fontaine (Barrès). Jem’assure que trop sou-
atterrissage [aterisa] n. m. (de atterrir ; vent ce qui permit son attitude [de Romain
atténuer [atene] v. tr. (lat. attenuare, 1835, Acad., au sens marit. ; au sens aéron., Rolland], c’est le peu de sentiment et de
affaiblir, amoindrir, de tenuis, mince ; début du XXe s.). Action d’atterrir, de se goût, de compréhension même qu’apporte
XIIe s., Delboulle). 1. Class. Affaiblir, rendre poser sur la terre, en parlant d’un avion. son esprit à l’art, au style et à cette sorte
moins vigoureux : Les jeûnes, les veilles, Piste d’atterrissage, bande de terrain sur d’atticisme qui n’a plus d’autre patrie que
les macérations atténuent le corps et le laquelle les avions roulent pendant le décol- la France (Gide).
débilitent (Trévoux). 2. Rendre moins lage et l’atterrissage. Train d’atterrissage,
intense, moins fort : Tendue au-dessus de la dispositif qui permet à un avion de décoller atticiste [atisist] n. m. (de atticisme ;
rue, une très légère fumée atténue l’éclat du et de se poser doucement sur le sol. XIXe s.). 1. Nom donné aux auteurs antiques
ciel très calme (Malraux). 3. Fig. Rendre qui s’efforçaient d’imiter la pureté, la
atterrissement [aterism] n. m. (de
moins grave : Atténuer une peine. sobriété du style, la sûreté du goût des
l’anc. franc. aterrir, remplir de terre ;
• SYN.: 1 exténuer, user ; 2 affaiblir, amor- auteurs athéniens. 2. Par extens. Auteur
début du XIVe s.). Amas de terres, d’allu- qui s’efforce de joindre dans son style l’élé-
tir, estomper, éteindre, étouffer ; 3 adoucir,
vions apportées par les eaux : Un delta qui
apaiser, diminuer, soulager, tempérer. — gance à la pureté.
s’accroît par les atterrissements.
CONTR.: 1 fortifier, réconforter, revigorer ; 2 attiédir [atjedir] v. tr. (de à et tiède ; fin du
exacerber, intensifier, renforcer ; 3 aggraver,
• SYN.: alluvions, sédiments.
XIIIe s.). 1. Littér. Rendre tiède ce qui était
augmenter. atterrisseur [aterisoer] n. m. (de trop froid : J’allais, tout imprégné du charme
[atra] n. m. (de atterrer ; atterrir ; 1928, Larousse). Syn. de TRAIN odorant, du charme vivant, du charme pal-
atterrage
D’ATTERRISSAGE. pitant des bois attiédis par le grand soleil
fin du XVe s.). Zone de mer située à proxi-
mité immédiate d’une terre ou d’un port : attestation [atstasj] n. f. (lat. attes- de juin (Maupassant). 2. Rendre tiède
Personne ne vient ici, on ne connaît plus tatio ; XIIIe s., Godefroy). 1. Déclaration ce qui était trop chaud : Cette eau est trop
guère les atterrages (Gracq). verbale ou écrite témoignant de la véracité chaude, il faut l’attiédir avec de l’eau froide
d’un fait : [Le chef] n’admet pas qu’on soit (Acad.). 3. Class. Diminuer la violence,
atterrant, e [atr, -t] adj. (part. prés.
malade deux jours de suite sans attestation l’ardeur d’un sentiment : Quels que soient
de atterrer ; fin du XVIIe s.). Littér. Qui jette
du médecin (Maupassant). 2. Par extens. tes ennuis, attends encore un peu | Sans
dans la consternation : Elle lâchait d’at-
Preuve : Notre fragile bonheur d’ici-bas attiédir ton feu (Corneille).
terrantes réflexions sur les volumes qu’elle
n’est-il pas l’attestation d’un autre bonheur s’attiédir v. pr. Devenir tiède (au pr.
lisait (Huysmans).
complet ? (Balzac). et au fig.) : Au fond de sa poche, dans le
• SYN. : accablant, affligeant, ahurissant,
• SYN. : 1 affirmation, assertion, assu- creux de sa paume, il sentait s’attiédir les
attristant, consternant. — CONTR. : diver-
rance, certificat, confirmation, déclaration, grains froids [du collier] (Martin du Gard).
tissant, gai, joyeux, plaisant, réjouissant.
garantie, témoignage ; 2 marque, signe. — L’amour vrai ne se blase point ; étant tout
atterrement [atrm] n. m. (de atterrer ; CONTR. : 1 contestation, démenti, dénéga- âme, il ne peut s’attiédir (Hugo).
XIVe s., Godefroy). 1. Vx. Action de jeter à tion, désaveu ; 2 infirmation, négation. • SYN.: s’affaiblir, s’émousser, faiblir, tiédir.
terre, de terrasser. 2. Fig. Accablement — CONTR.: s’accroître, s’aviver, s’intensifier,
attester [atste] v. tr. (lat. attestari, de
extrême (rare). se réchaufier ; se refroidir.
testis, témoin ; XIIIe s., Chanson d’Antioche).
•SYN. : 2 abattement, consternation. —
1. Affirmer, certifier la réalité ou la vérité attiédissement [atjedism] n. m. (de
CONTR.: 2 soulagement.
d’une chose : Du moins puis-je attester qu’en attiédir ; 1594, Satire Ménippée).) Class. et
atterrer [atere] v. tr. (de à et de terre ; ces endroits je serai vrai (Vigny). 2. Fig. littér. Fait de devenir tiède ; état de ce qui
XIIe s., au sens 1 ; sens 2, XVIe s. ; sens 3, fin Servir de preuve ou de témoignage : Le che- s’est refroidi (surtout au fig., en parlant
du XVIe s., d’Aubigné ; du XIIIe au XIXe s., a min, quelques carrés de pommes de terre de sentiments) : Il avait fait paraître une
aussi le sens de « aborder, prendre terre »). attestent seuls l’homme dans ce lieu : il faut grande ferveur d’abord, mais il est tombé
1. Class. Jeter à terre, terrasser : Ils vinrent qu’il mange et qu’il marche ; c’est le résumé depuis dans un grand attiédissement

293
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

(Acad., 1694). Le chagrin complexe que ce du style, l’aisance du discours, l’élégance de • SYN.: 2 attrait, fascination. — CONTR.: 1
subit attiédissement causait à leurs coeurs la preuve (Taine). Sel attique, plaisanterie répulsion ; 2 dégoût, répugnance, répulsion.
sensibles (Villiers de L’Isle-Adam). fine, dans le goût athénien : Au sel attique, attirant, e [atir, -t] adj. (de attirer ;
•SYN.: affaiblissement, refroidissement. — au riant badinage, | Il faut mêler la force et XVIe s.). Qui attire et séduit : Un visage
CONTR. : exaltation, réveil. le courage (Voltaire). attirant. Une douceur attirante.
attifement [atifm] n. m. (de attifer ; n. m. • SYN. : attachant, attrayant, captivant,
XIIIe s., au sens de « ornement, parure » ; engageant, fascinant, prenant, séduisant.
I. 1. Habitant de l’Attique. 2. Auteur
sens 2, milieu du XIXe s.). 1. Fam. Action — CONTR.: déplaisant, désagréable, rébar-
ayant employé le dialecte attique : Les
d’attifer ou manière d’être attifé : Dans la batif, rebutant, repoussant.
Attiques. 3. Le dialecte attique.
chambre de Mme Chèbe, encombrée d’étoffe,
attirer [atire] v. tr. (de à et de tirer ; XVe s.).
d’épingles, de menus objets de toilette, II. 1. Construction à la mode athénienne, 1. Attirer quelque chose, le tirer, l’amener
Désirée Delobelle présidait à l’attifement élevée au-dessus de la corniche de l’enta- vers soi ou vers le lieu dont on parle par
de Sidonie. C’est si joli cet attifement de blement pour masquer la naissance du une action physique : L’aimant attire le fer.
ceintures flottantes (Daudet). 2. Péjor. toit. 2. Petit étage supplémentaire, 2. Attirer un animal, être un appât pour
Manière de s’habiller pleine de mauvais généralement décoré de pilastres, de pro- lui, exercer sur lui une attraction : Le par-
goût. fum de ta robe attire les abeilles (Mauriac).
portions moindres que l’étage inférieur
• SYN. : 1 ajustement ; 2 accoutrement, et séparé du reste de l’édifice par une cor- 3. Attirer une personne, la faire venir en
affublement. éveillant son intérêt, sa sympathie : Vous
niche : L’hôtel Pauquet-de-Sainte-Croix
[atife] v. tr. (de à et de l’anc. franç. [...], déshonoré par un étage de plâtre qui n’attirerez jamais le public dans une station
attifer
nouvelle s’il n’a pas l’impression que vous
tifer, parer, orner [fin du XIIe s.], de l’an- avait pris la place de son élégant attique et
lui offrez largement toutes ces garanties-
cien alaman *tipfôn, parer ; v. 1220, G. de de son toit majestueux (France).
là (Romains). Le prestige de mes succès,
Coincy, au sens 1 ; sens 2, milieu du XIXe s.).
attiquement [atikm] adv. (de attique ; et jusqu’à cette hargne attirait certaines
1. Fam. Orner, parer : Comme je quittais
1559, Dict. général). Avec une élégance natures (Mauriac). 4. Attirer l’attention,
l’église, je vis devant le vieux pont des filles
attique. le regard, éveiller l’intérêt, la curiosité d’au-
du village qui, sans doute parce que c’était
trui. 5. Attirer quelque chose à quelqu’un
un dimanche, se tenaient attifées, inter- [atiraj] n. m. (de l’anc. franç. ati-
attirail ou sur quelqu’un, amener un effet heureux
pellant les garçons qui passaient (Proust).
rer, disposer ; XVe s., au sens 1 ; sens 2 et 3, ou fâcheux pour lui : Il avait attiré sur les
2. Péjor. et ironiq. Habiller avec mauvais
milieu du XVIIe s.). 1. Péjor. 2. Ensemble femmes de l’Allemagne du Sud une parti-
goût ou de façon ridicule : Il était attifé de
d’objets nécessaires pour un usage bien culière faveur (Giraudoux).
guenilles passementées et dorées (Hugo).
déterminé : Attirail de voyage, de chasse. • SYN. : 2 appâter ; 3 allécher, charmer,
• SYN.: 1 arranger, bichonner (fam.), pom-
Une cabane de roseaux, des filets pendus séduire, tenter ; 5 entraîner, gagner, occa-
ponner ; 2 accoutrer, affubler, fagoter (fam.),
au mur, des rames, des fusils, quelque sionner, procurer, valoir. — CONTR. : 1
ficeler (pop.), fringuer (pop.).
chose comme l’attirail d’un trappeur, d’un repousser ; 2 éloigner ; 3 chasser, détourner,
s’attifer v. pr. Fam. Faire toilette : Vers
chasseur de terre et d’eau (Daudet). Il [...] rebuter, répugner.
cinq heures, on s’attife un peu, les petites
portait un attirail de peintre derrière le dos s’attirer v. pr. S’attirer quelque chose,
glaces sortent des poches (Colette).
(Aymé). 3. Par extens. Les attributs habi- appeler sur soi le bon comme le mauvais :
attifet [atif] n. m. (de attifer ; fin du Après une conversation moins sentimentale
tuels d’une personne ou d’une chose : La
XVe s.). Sorte de petit bonnet, avançant en [...], pensai-je, je pourrais éblouir Marthe
peine de mort, qui, il y a trois ans, encom-
pointe sur le front, que les femmes por- et m’attirer la bienveillance de ses parents
brait encore de tout son attirail de supplices,
taient au XVIe s. (Radiguet).
permanent et scellé dans le pavé, la Grève
• SYN.: encourir.
attiger [atie] v. tr. (origine obscure ; (Hugo). 4. Fam. Ensemble, généralement
1596, Vie des mercelots, sous la forme disparate ou encombrant, d’objets que l’on attiser [atize] v. tr. (du lat. pop. *atti-
aquiger ; attiger, 1808, d’Hautel). Arg. emporte avec soi : Il emportait toujours en tiare, de titio, tison ; fin du XIIe s., Raoul
Blesser : Tiens, il vient d’être attigé celui- de Cambrai). 1. Rapprocher les tisons
voyage un attirail hétéroclite et parfaite-
là (Barbusse). d’un feu pour les faire mieux brûler, et,
ment inutile (Dumas).
v. intr. Pop. Exagérer : Il attige le frère, il par extens., ranimer la flamme de : Attiser
• Pl. des ATTIRAILS.
va fort (Romains). les braises. La Pythonisse [...], éclairée par
• SYN.: 1 équipement, fourniment ; 2 appa- le feu du trépied qu’elle attise (Gautier). Le
• SYN.: charrier (pop.).
reil, équipage ; 3 bataclan (pop.), bazar coke attise le feu sous la grande chaudière
attignole [atil] n. f. (origine obscure ; (pop.), fourbi (pop.). (Hugo). Lise il faut attiser le poêle qui
1877, Littré). Boulette de charcuterie cuite s’éteint (Apollinaire). 2. Fig. Exciter les
dans la graisse : N’importe où, nous nous attirance [atirs] n. f. (de attirer ;
passions, leur redonner de la force : Attiser
empâtons [...] | Quéqu’ fois d’saucisse et début du XIIIe s., écrit atirance ; repris
les discordes. Je supportais de plus en plus
d’attignoles (Richepin). par Baudelaire en 1855, Revue des Deux mal l’inconfort, qui d’abord attisait ma
• REM. On a écrit parfois ATTIGNEULLE. Mondes).) 1. Vx. Propriété de ce qui exerce fureur (Gide).
une attraction physique : L’attirance d’un • SYN.: 2 allumer, aviver, embraser, enflam-
attique [atik] adj. (lat. atticus, du gr.
aimant magnétique (Goncourt). 2. Force mer. — CONTR.: 1 éteindre ; 2 amortir, apai-
attikos ; XVe s.). 1. Propre à l’Attique :
d’une chose qui attire par le plaisir, le ser, assoupir, calmer, étouffer, freiner.
Dans le fronton d’un temple antique |
charme, le vertige, etc. : Des cieux spiri-
Deux blocs de marbre ont, trois mille ans, attiseur [atizoer] n. m. (de attiser ; fin du
| Sur le fond bleu du ciel attique | Juxtaposé tuels l’inaccessible azur | Pour l’homme
XVe s.). Celui qui attise (rare).
leurs rêves blancs (Gautier). 2. Propre terrassé qui rêve encore et souffre, | S’ouvre
et s’enfonce avec l’attirance du gouffre attisoir [atizwar] n. m. (de attiser ; 1803,
aux habitants de l’Attique, aux Athéniens :
(Baudelaire). Une attirance invincible, Boiste). Instrument servant à attiser le feu.
Dialecte attique. Le goût « attique », c’est-
à-dire le sentiment des nuances, la grâce une fatalité qui ne tolérait aucun obstacle attitré, e [atitre] adj. (de l’anc. v. atti-
légère, l’ironie imperceptible, la simplicité (Bordeaux). trer, charger en titre d’une fonction ; fin

294
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

du XVIe s.). 1. Attaché à une fonction par rendue un peu crasseuse par les attouche- est accordé avec l’attribut par attraction.
un titre particulier : Le chroniqueur attitré ments (Romains). Un guérisseur qui soigne (V. MODE.)
d’un journal. 2. Fournisseur, marchand par attouchements. Spécialem. Toucher
II. 1. Ce qui attire le public, éveille sa
attitré, celui chez lequel on a l’habitude de causant un plaisir des sens. 2. Class.
curiosité : Il faudrait y associer deux
s’approvisionner : Par l’intermédiaire de sa Sens du toucher : Ce sens que par un pri- autres journaux et en fonder un cin-
fleuriste attitrée (Proust). vilège spécial on nomme l’attouchement quième ; avec cela trouver des combinai-
attitrer [atitre] v. tr. (de titre, relais où (Descartes). sons, des attractions, comme disent les
sont postés les chiens : XIIe s., Livre des • SYN.: 1 contact. Anglais, pour obtenir la faveur du public
Rois). 1. Attitrer les chiens, en vénerie, attoucher [atue] v. tr. (de à et de tou- (Balzac). 2.Numéro d’un spectacle
les poster dans des relais pour attendre cher ; 1119, Ph. de Thaon). Class. (déjà vx au de variétés qui passe en intermède d’un
le gibier. 2. Class. Soudoyer quelqu’un spectacle plus important. 3. Chacun
XVIIe s.). Toucher à : Il faut que je vous dise
dans des intentions mauvaises, en vue des numéros d’un programme de varié-
que je suis si délicat qu’on me blesse pour
d’une action blâmable : On avait attitré tés, d’un divertissement mis à la disposi-
peu qu’on m’attouche (Guez de Balzac).
des gens pour l’assassiner (Acad., 1694). tion du public (employé le plus souvent au
Quoi ! je passe à tes yeux pour un homme attracteur, trice [atraktoer, -tris] adj. plur.) : Les attractions d’une kermesse.
attitré ? (Corneille). (de attraction ; 1546, Ch. Estienne). Qui agit • SYN.: I, 2 attirance, attrait, fascination ;
par attraction (rare) : Un corps attracteur. 3 gravitation. — CONTR. : I, 1 répulsion ;
attitude [atityd] n. f. (ital. attitudine,
du bas lat. aptitudo, aptitude ; 1637, attractif, ive [atraktif, -iv] adj. (bas lat. 2 dégoût, éloignement, répugnance.
N. Poussin). 1. Manière de tenir son corps : *attractivus ; XIIIe s., Godefroy). 1. Qui a attraire [atrr] v. tr. (du lat. attrahere,
[Les chats] prennent en songeant les nobles la propriété d’exercer une attraction phy- attirer ; 1080, Chanson de Roland). [Conj.
attitudes | Des grands sphinx (Baudelaire). sique : La puissance attractive de l’aimant. 73.] Class. (déjà vx au XVIIe s.). Attirer à
Il [Léonard de Vinci] note avec une exquise 2. Fig. et littér. Qui plaît, qui attire les soi : Ses beautés ne cessent point d’attraire
précision les attitudes des corps selon l’âge autres à soi par son charme et sa séduction : et d’enchaîner les coeurs (Bertaut).
et le sexe, comme il analyse d’autre part les Le centre de cette soirée, le point attractif
attrait [atr] n. m. (part. passé substantivé
actes professionnels (Valéry). Les bras raides qui l’avait fait venir, c’était Mme Verdurin
de attraire ; 1175, Chr. de Troyes). 1. Class.
du cadavre [...] lui conservaient intacte (Proust). Cette chambre attractive, dévo-
une de ces attitudes que la mort improvise Action d’attirer (terme de théologie) :
rante, ils la meublaient de songe en croyant
Combien d’âmes appelées sont infidèles
(Cocteau). 2. Péjor. Affectation dans la détester (Cocteau).
à l’attrait de leur vocation (Massillon).
le maintien : Une mijaurée qui prend des • SYN.: 2 attachant, attirant, attrayant, cap- 2. Qualité particulière par laquelle une
attitudes. 3. Fig. Comportement manifes- tivant, charmeur, ensorcelant, fascinant,
tant certaines intentions ou certains senti- chose ou une personne attire : L’attrait de
prenant, séduisant. — CONTR. : 1 répulsif ; l’aventure, de la nouveauté. Je ne sais quel
ments ; disposition à l’égard de quelqu’un :
2 rébarbatif, rebutant, repoussant. attrait d’isolement me retenait (Lamartine).
Elle était sûre d’avoir deviné, d’après l’atti-
attraction [atraksj] n. f. (lat. attractio, Il y a positivement un grand attrait dans
tude de son mari, tous les sentiments dont il
de attrahere, tirer à soi ; milieu du XIIIe s. ; le danger et l’on est obligé de l’aimer, mal-
était agité ce soir-là (Martin du Gard). Cette
au sens II, empr. à l’angl., 1835, Balzac). gré tout (Daudet). 3. Le fait d’être attiré
insolence que je devinais chez M. de Saint-
Loup, et tout ce qu’elle impliquait de dureté par quelqu’un ou par quelque chose : J’ai
I. 1. Action d’attirer ; résultat de cette ac- toujours éprouvé de l’attrait pour l’absurde
naturelle, se trouva vérifiée par son attitude
tion : Quelque chose de la vie des éléments, (Romains).
chaque fois qu’il passait à côté de nous...
émanant d’eux-mêmes sans doute à l’at-
(Proust). Une attitude qui se révélait ainsi • SYN.: 2 attirance, charme, enchantement,
traction de nos regards, arrivait jusqu’à fascination, séduction, tentation ; 3 attrac-
très complexe et très sensible (Giraudoux).
nous (Flaubert). 2. Fig. Charme, séduc- tion, goût, inclination, penchant. — CONTR.:
4. Fig. Manière d’envisager une question ;
tion qui émane d’une personne ou d’une 2 et 3 dégoût, éloignement, répulsion.
position prise en face d’un problème : Mais
chose, et qui nous attire vers elle : Ses
une telle suggestion procéderait d’une atti- attraits n. m. pl. Class. et littér.
yeux, non rassurants, quelque peu égarés,
tude « réformiste » qui n’est pas la mienne Agréments extérieurs d’une femme : Elle
avaient l’attraction des demi-fous (Mi-
(Breton). brillait de mille attraits (Molière).
chelet). L’attraction que Jenny avait, de
• SYN. : 1 port, pose, posture ; 2 pose ; attrapade [atrapad] n. f. ou attra-
tout temps, exercée sur lui n’était-elle pas
3 air, allure, contenance, extérieur, main- page [atrapa] n. m. (de attraper ; fin du
faite, en partie, de ce mystère ? (Martin du
tien, manière ; 4 disposition, orientation, s.). 1. Fam. Dispute soudaine et vive :
Gard). 3. En physique, force en vertu XIXe
tendance. Elle se rappelait sa jeunesse avec Lantier,
de laquelle un corps est attiré : Attraction
attorney [atrn] n. m. (mot angl. moléculaire. C’est Kepler qui a reconnu leurs premiers attrapages (Zola). 2. Fam.
empr. à l’anc. franç. atorné, préposé [à] ; le premier que l’attraction exercée par la Réprimande énergique : Un mauvais élève
1768, Voltaire). 1. Homme de loi qui, en Lune est la cause qui produit les marées habitué aux attrapades.
Grande-Bretagne et aux États-Unis, rem- (Arago). Mais elle, bien qu’il ne pût plus • SYN. : 1 altercation, prise de bec (fam.),
plit simultanément les fonctions d’avocat, l’apercevoir, continuait à régir ses actes querelle ; 2 danse (pop.), mercuriale (lit-
d’avoué et de notaire. 2. Attorney géné- comme ces astres qui nous gouvernent par tér.), savon (fam.), semonce. — CONTR. : 2
ral, en Grande-Bretagne, chef du barreau, leur attraction même aux heures où ils approbation, éloge, louange.
qui partage avec le lord Chancelier et le ne sont pas visibles à nos yeux (Proust). attrape [atrap] n. f. (déverbal de attraper ;
Solicitor général les fonctions de ministre
4. En linguistique, modification mor- XIVe s., au sens 1 ; sens 2, XVIe s. ; sens 3,
de la Justice ; aux États-Unis, ministre de phologique ou syntaxique d’une forme milieu du XVIIIe s.). 1. Vx. Piège pour les
la Justice. qui, contrairement aux règles habi- pigeons et le gibier. 2. Fig. Tromperie,
attouchement [atum] n. m. (de attou- tuelles de la grammaire, subit l’influence plaisanterie, le plus souvent sans méchan-
cher ; fin du XIIe s., écrit atochement, au d’une autre forme avec laquelle elle est ceté : Vous me connaissez trop pour croire
sens 2 ; sens 1, début du XIVe s.). 1. Action en rapport : L’attraction modale est plus que je m’en mêlerais s’il y avait une attrape
de toucher, principalement avec la main et fréquente en latin qu’en français. On dit là-dessous (Sand). 3. Objet destiné à
d’une manière légère, délicate : Une feuille parfois que, dans « ce sont eux », « sont » tromper par amusement : Une cuillère qui

295
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

fond quand on la plonge dans le café chaud telligence, l’entendement, le savoir-faire : attribuer [atribye] v. tr. (lat. attribuere,
est une attrape. Un magasin de farces et Attraper le sens d’un passage. Peintre qui de tribuere, accorder en partage ; 1313,
attrapes. attrape une ressemblance. 5. Atteindre, Delboulle). 1. Donner en partage et, par
• SYN.: 2 blague (fam.), canular (arg. scol.), obtenir par hasard ce qu’on cherche : Il
extens., accorder un avantage à quelqu’un :
farce, niche, tour. attrapait de-ci, de-là, une journée de tra-
Il ne risque pas de sevoir attribuer un simple
vail qu’on lui donnait à regret (Duhamel).
attrape-lourdaud [atraplurdo] n. m. rôle d’accompagnement (Romains). Les cré-
6. Fam. Recevoir ce qui, bon ou mau-
(de attrape, forme verbale de attraper, et dits qui lui sont attribués. 2. Supposer
vais, vous échoit : Attraper le bon numé-
de lourdaud ; 1798, Acad.). Vx. Syn. de
ro. 7. Être atteint de quelque chose de à quelqu’un certains traits de caractère,
ATTRAPE-NIGAUD.
fâcheux ; en particulier, contracter une défauts ou qualités : Je lui attribuai d’un
• Pl. des ATTRAPE-LOURDAUDS.
maladie : Il avait attrapé une cicatrice coup toutes les grâces dont je me savais
attrape-minon [atrapmin] n. m. (de au menton (Aragon). Attraper un rhume. démuni (Mauriac). 3. Attribuer une
attrape, forme verbale de attraper, et de Prends garde, il est tard, le soleil se couche, chose, un fait à quelqu’un ou à quelque
minon, nom fam. du chat ; XVIe s.). Vx. tu vas encore attraper froid (Maupassant). chose, considérer cette personne, cette
Hypocrite qui, sous une apparence de
Mais, peu de temps après, j’attrapai la chose, avec plus ou moins de certitude,
probité, trompe les simples : L’air d’un fin
rougeole, qui me laissa passablement af-
renard, d’un attrape-minon (Le Roy). comme l’auteur ou la cause de cette chose,
faibli (Gide).
• Pl. des ATTRAPE-MINONS. de ce fait : Des hésitations, qu’il attribuait
III. Fam. Attraper quelqu’un, lui faire à Luther, à Hauptmann, mais qui lui
• REM. On a dit aussi ATTRAPE-MINETTE.
de vifs reproches : Il était bien rare que venaient en fait de Montaigne ou de France
attrape-mouche (Acad). ou attrape- sous l’excitation du vin, de la causerie, il
(Giraudoux).
mouches [atrapmu] n. m. (de attrape, n’attrapât pas son ancien camarade (Gon-
forme verbale de attraper, et de mouche[s] ; • SYN.: 1 adjuger, allouer, assigner, conférer,
court). Anatole va m’attraper, lui disait-
1700, Liger). 1. Nom commun à diverses elle, je t’en supplie, remets-toi et viens ! décerner, distribuer, impartir, octroyer ;2
plantes dont les feuilles ou les fleurs (Huysmans). accorder, prêter, reconnaître ; 3 impu-
engluent les insectes ou les emprisonnent ter, rapporter. — CONTR. : 1 ôter, refuser,
• SYN. : I, 2 abuser, leurrer, mystifier ; 3
(dionée, drosera, etc.). 2. Autre nom du
refaire (pop.) ; 4 surprendre. II, 1 empoi- reprendre, retirer ; 2 contester, dénier.
gobe-mouches. 3. Piège pour prendre les
gner, saisir ; 2 rattraper, rejoindre ; 4 chiper s’attribuer v. pr. 1. Se donner en par-
mouches : Elle garnit sestiges de poils glan-
(fam.), pénétrer ; 5 accrocher (fam.), décro- tage une chose, généralement sans y avoir
duleux d’où suinte une liqueur visqueuse
et où se prennent si bien les parasites que cher (fam.), extorquer, soutirer. III admo- pleinement droit : S’attribuer toute la
les paysans du Midi utilisent la plante nester (littér.), gourmander (littér.), gronder,
gloire d’une bonne action faite en commun.
morigéner (littér.), passer un savon à (pop.),
comme attrape-mouches dans leurs mai- 2. Fig. Remporter, prendre comme étant
sons (Maeterlinck). réprimander, secouer (fam.). — CONTR.: I,
sa propriété : Un élève qui s’attribue toutes
1 lâcher, relâcher. II, 2 manquer, rater
• Pl. des ATTRAPE-MOUCHES.
(fam.). III approuver, complimenter, féli- les premières places.
attrape-nigaud [atrapnigo] n. m. (de citer, flatter, louer.
attribut [atriby] n. m. (lat. scolast.
attrape, forme verbale de attraper, et de s’attraper v. pr. Fam. Être contagieux, en
nigaud ; 1650, Scarron). Ruse grossière, qui attributum, chose attribuée ; milieu du
parlant d’un mal, d’une affection : Ne vous
ne peut tromper que les nigauds. XIVe s., Nature à l’alchimie). 1. Propriété
approchez pas de lui, sa maladie s’attrape !
• Pl. des ATTRAPE-NIGAUDS. caractéristique, inhérente à un être ou à
attrapeur, euse [atrapoer, -øz] n. (de une chose : La fluidité, la dureté, la mol-
attraper [atrape] v. tr. (de à et de trappe, attraper ; 1526, Marot). Personne qui
piège ; v. 1170, Chr. de Troyes, au sens I, 1 ; lesse, le mouvement et le repos se pouvant
obtient quelque chose par ruse ou par
sens I, 2 et II, 1, début du XIIIe s. ; sens II, séparer de la matière, il s’ensuit que tous
intrigue : Un attrapeur de successions.
XVIIe s. ; sens III, 1864, Delvau). ces attributs ne lui sont point essentiels
attrapoire [atrapwar] n. f. (de attraper ; (Malebranche). Il est dans la nature, il est
I. 1. Prendre au piège : Un ressort se
1548, Du Fail). Fig. et vx. Piège tendu à au fond des cieux | Quelque chose d’obscur
débandant attrapait un loup par le pied
quelqu’un pour le tromper. et de mystérieux | Que la nécessité, que la
(Flaubert). 2. Fig. Duper, tromper,
prendre au piège : Du Bousquier se faisait attrayant, e [atrj, -t] adj. (de raison proclame, | Et que voit seulement
gloire d’appartenir à cette école de philo- attraire ; 1283, Beaumanoir). Se dit d’une la foi, cet oeil de l’âme ! | [...] Son premier
sophes cyniques qui ne veulent pas être at- chose qui attire par son caractère ou son attribut, c’est d’être inconcevable | [...] C’est
trapés par les femmes (Balzac). 3. Faire aspect agréable : Un spectacle attrayant. le dieu de vos dieux ! C’est le seul, c’est le
éprouver une déception, une surprise dé- Un visage attrayant. Ce titre de « Volupté » mien (Lamartine). 2. Signe distinctif,
sagréable : Elle est étonnée, elle est surtout qui a l’inconvénient [...] de faire naître à
attrapée (Balzac). emblème, symbolisant particulièrement
l’idée quelque chose de plus attrayant qu’il
une fonction ou un métier : Autour de la
II. 1. Arriver à prendre, à atteindre avec ne convient (Sainte-Beuve).
Justice, sa balance et ses autres attributs
la main : Des hommes attrapaient par la • SYN.: alléchant, attirant, captivant, char-
taille des passantes (Aragon). 2. Réus- (Diderot). 3. En grammaire, terme de
mant, engageant, ensorcelant, fascinant,
sir à atteindre un objet, une chose qui se prenant, séduisant. — CONTR. : déplai- proposition ou de phrase (adjectif, nom,
déplace : Il n’avait pas trop de temps pour sant, désagréable, rébarbatif, rebutant, pronom, infinitif, proposition, etc.) expri-
attraper le train (Gide). 3. Fig. Saisir, repoussant. mant une manière d’être attribuée au sujet
percevoir au passage : [Elle] attrapait ou à l’objet par l’intermédiaire d’un verbe.
au hasard quelques mots qui passaient attribuable [atribabl] adj. (de attri-
buer ; 1512, Marot). Se dit de ce qui peut ou (V. art. spécial.)
(Rolland). Fam. Attrape !, se dit à une
personne qui vient d’être l’objet d’une doit être attribué à quelqu’un ou à quelque • SYN. : 1 apanage, caractère, caractéris-
malice, ou à quelqu’un qu’on veut châtier. chose. tique, particularité, prérogative, privilège,
4. Fig. et fam. Arriver à saisir par l’in- • SYN.: imputable. propriété ; 2 symbole.

296
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE complexes, mais n’apporte aucune infor- Il peut quantifier, c’est-à-dire indiquer
mation. Ces objets prennent un intérêt à le nombre des éléments désignés par le
L’ATTRIBUT
partir du moment où des rapports entre sujet :
eux sont affirmés : x = 2, ou x > 2 ; il y
PROPRIÉTÉS FORMELLES
Les candidats étaient trois cent
a alors information. Les logiciens ana-
On dit que le nom mon voisin est attribut quarante.
lysent cette proposition en deux termes :
dans la phrase : [x] est le « thème », dont on dit quelque Il peut exercer la fonction déterminative ;

M. Dupont est mon voisin, chose ; [= 2] ou [> 2] est le « prédicat », qui c’est le cas de quel, qui appelle une infor-
apporte l’information. Des groupes de mation d’identité :
et complément d’objet dans la phrase : mots comme mon chien, mon chien noir
Quels sont les candidats reçus ?
M. Dupont connaît mon voisin. nomment des objets particuliers sans
apporter d’information ; au contraire, Mais, dans l’immense majorité des cas,
Les deux phrases donnent l’impression
la phrase : Mon chien est noir énonce, à l’adjectif attribut caractérise :
d’être incomplètes si l’on en retranche le
nom mon voisin : les verbes est et connaît propos de mon chien pris comme thème,
Mon chien est noir, hargneux, etc.
appellent un terme comme mon voisin, une information exprimée par le prédi-
dont la présence complète le schème cat est noir. Un mot est apparu, signe de Sens du nom ou du pronom attri-
syntaxique en suspens ; Damourette et la prédication, le verbe être : sa présence but. Quand il est de sens « actuel », un
Pichon appellent « about » ce terme grâce distingue formellement la phrase attribu- nom ou un pronom employé comme
auquel le verbe aboutit (Des mots à la tive du simple groupe de mots sans valeur attribut désigne un ensemble que la pré-
pensée). de phrase. dication identifie avec l’ensemble désigné
Dans les deux phrases, on peut rempla- par le sujet :
Mais si « attribut » implique « prédi-
cer le nom mon voisin par un pronom, cation », l’inverse n’est pas vrai. Toute M. Dupont est mon voisin.
comme celui-ci. Mais dans la première
phrase est prédicative (Le chien dort. M.
seulement on peut le remplacer par un Il y a consubstantialité entre le second
Dupont connaît notre voisin), mais non
adjectif, comme bon, grand, élégant. objet nommé et le premier ; dans ce cas
forcément attributive. Il y a dans l’attri-
On peut dresser une liste des verbes qui, comme dans celui de l’adjectif attribut,
bution un élément indépendant de la
comme être, peuvent être suivis d’un nom les représentations suscitées par les mots
ou d’un adjectif, et une liste de ceux qui, prédication, et qu’il reste à définir. Pour
verbe et attribut ne franchissent pas
comme connaître, admettent le nom à cela, il faut analyser plus précisément le
sens du terme sujet, qui exprime le plus les limites de la substance particulière
l’exclusion de l’adjectif. Les premiers sont
souvent dans la phrase normale le thème posée par le sujet : là réside l’unité de la
« attributifs », les seconds « transitifs ».
de la prédication, puis le sens du terme fonction.
Dans la phrase suivante :
attribut. Au contraire, dans des phrases comme :
M. Dupont est dans la maison,
Sens du sujet. Plaçons-nous dans le cas
M. Dupont connaît notre voisin et M.
le verbe être n’est pas suivi d’un attribut : ordinaire où le sujet est un nom ou un
Dupont est dans la maison,
le groupe dans la maison est un complé- pronom. Tout nom (ou pronom) désigne
ment circonstanciel de lieu, répondant à un « ensemble », c’est-à-dire un objet (un il y a deux ensembles délimités, qui sont
la question où ? Ainsi entouré, le verbe chien, ce chien, Pollux, lui) ou une collec- disjoints, liés seulement par une relation
être peut être remplacé par dort, vit, tra- tion d’objets (les chiens). Le sujet pronom, (de connaissance, de lieu) exprimée dans
vaille, qui sont des verbes « intransitifs »
nom propre ou nom commun est tou- le verbe ou dans la préposition. Il peut ar-
non attributifs (ils ne sont pas normale-
jours actualisé (V. ACTUALISATION) ; dans river que le complément d’objet désigne
ment suivis d’un adjectif).
le dernier cas, l’actualisation est faite par le même ensemble que le sujet :
Ainsi est posée une première défini- les articles ou par les adjectifs non qua-
tion de l’attribut, ne sortant pas du plan M. Dupont se connaît ;
lificatifs qui précèdent le substantif (le,
des signifiants (celui des formes) : c’est
ce, mon...). Étant actualisé, il désigne une en ce cas, la consubstantialité est indi-
un « about », qui peut être de nature
substance, essentiellement particulière, quée par le pronom réfléchi, non par le
substantive ou adjective, appelé par les
distinguée par des caractères, essen- verbe, et il n’y a pas d’attribut.
verbes d’un certain type (attributifs) et
tiellement généraux, qui le définissent
refusé par les autres. Cette définition ne Un ensemble peut être défini « en com-
convient pas à certains cas particuliers, « en compréhension » ; la substance est
préhension », c’est-à-dire par une ou
où l’on s’accorde cependant à voir des une variable (comme x), et les caractères
plusieurs propriétés (mes amis = tout
attributs ; c’est que l’on fonde ordinai- sont des constantes (comme 2), lesquelles
élément présentant la propriété « ami
rement l’unité de cette fonction sur le peuvent être associées à la substance en
plan du sens, où nous allons nous placer nombre indéfini (un chien, un chien noir, de moi »), ou « en extension », par la
maintenant, en évitant de perdre de vue un chien noir hargneux, etc.). désignation directe de l’élément ou des
les marques formelles qui garantissent éléments particuliers qui le composent
Sens de l’adjectif attribut. L’adjectif
le caractère linguistique de la notion (ceci, moi, Paul, Jean...). L’attribution
(v. ce mot) peut avoir quatre fonctions :
circonscrite. permet d’identifier des ensembles définis
l’actualisation, la quantification, la déter-
d’une part en extension, d’autre part en
SENS DE LA PHRASE ATTRIBUTIVE mination, la caractérisation.
compréhension :
Pour définir le signifié de l’attribut, il L’adjectif attribut n’a jamais pour fonc-
tion d’actualiser : le sujet, on l’a vu, étant Paul, Jean et toi êtes mes amis,
faut partir d’une notion logique, la pré-
dication. Lorsqu’un mathématicien obligatoirement actualisé de son côté,
ou inversement :
écrit : 2, ou x, ou 2x, ou x+2, il nomme une seconde actualisation n’apporterait
des objets mathématiques, simples ou rien. Mes amis sont Paul, Jean et toi.

297
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

On ne fait pas autre chose quand l’en- En résumé, les fonctions de l’attribut, ad- par un seul mot (Ce chien devient vieux,
semble est réduit à un élément : jectif ou nom, sur le plan logique ou psy- ou vieillit). Ce groupe peut fonctionner
chologique, sont assez variées, débordant sans sujet : Etre coquette n’est pas un
Paul est mon ami. Mon ami est Paul. largement ce qu’on met sous le terme défaut.
On peut aussi par l’attribution identifier général de « qualification », dont on se
Les deux conceptions du syntagme
deux désignations : contente quelquefois dans l’usage. L’attri-
but peut qualifier (bon, grand), classer de SUJET-VERBE-ATTRIBUT se recom-
Le prince Sernine était Arsène Lupin. mandent par des arguments d’égale
mille manières (chien, poète, médecin),
On peut, au contraire, échanger des quantifier (adjectifs numéraux), identi- valeur : l’attribut est l’about du verbe,
définitions en compréhension d’ordres fier (quel, M. Dupont, moi)... dire qu’il mais il s’accorde avec le sujet, et celui-ci
différents : indique un « état » de l’objet que désigne commande aussi la forme du verbe. Il
le « thème » est un pis-aller, dont la gram- s’agit d’un syntagme ternaire, caracté-
Ce médecin est un écrivain ;
maire courante peut se contenter. risé par la solidarité très marquée de ses
ou de généralité différente : membres. Les relations de ces membres
CARACTÈRES DU SYNTAGME ATTRIBUTIF
entre eux apparaîtront plus nettement
Les barbets sont des chiens.
Quand on analyse une phrase comme : encore si l’on examine les combinaisons
L’information qu’apporte le prédicat syntaxiques qui, formellement, se rap-
peut être importante par les limites M. Dupont déjeune à la maison,
prochent le plus du syntagme attribu-
d’extension de l’objet qu’il désigne (Votre
on ne dit pas : « Le nom maison est com- tif — et qui probablement lui ont donné
chambre est celle-ci), ou seulement par
plément de la préposition à. » La pré- naissance dans les langues anciennes ; ce
les constantes de son sens lexical. En ce
position est tenue pour un « mot vide », sont les phrases du type :
cas, l’actualisation est un luxe qu’on éco- terme de relation, et c’est à déjeune, « mot
nomise souvent ; le nom attribut est alors plein », qu’on rapporte la maison. Dans Elle courait légère.
plus ou moins confondu avec l’adjectif, la phrase : Là, des paysans vivent heureux.
dont son sens ne diffère que par une plus
Si les adjectifs légère et heureux étaient
grande richesse : M. Dupont est mon voisin,
précédés d’une pause (marquée par une
M. Dupont est écrivain. on tient de même le verbe être pour un virgule), ils auraient sans ambiguïté la
Tu es artiste. pur signe de relation, qu’on appelle fonction d’ « épithètes détachées » du
Mon fils est poète, très poète. « copule », et l’on rapporte l’attribut au
nom sujet, avec la valeur prédicative
nom sujet : mon voisin est attribut de M.
Des nuances de sens tiennent à la pré- d’une phrase elliptique (Elle était légère.
Dupont. C’est là un usage profondément
sence ou à l’absence de l’article. Quand Ils sont heureux). L’absence de pause
ancré dans la tradition pédagogique
une femme dit : Ma fille est comédienne, marque la fusion des deux idées prédi-
française, et que la linguistique générale
elle entend par là que sa fille se donne des catives. Cette fusion, dans nos exemples,
a renforcé en répandant la connaissance
attitudes, affecte des sentiments qu’elle d’un type de langues — très copieuse- s’est faite au bénéfice du verbe, dont le
n’éprouve pas ; elle analyse la personna- ment représenté — où la phrase attribu- sémantisme est modifié par l’adjectif
lité du sujet ma fille. Quand une actrice tive se passe de verbe ; par exemple, en comme il le serait par un complément
déclare : Je suis une comédienne, elle arabe, « Je suis malade » se tourne « Moi de manière (= elle courait légèrement, ils
entend montrer, en actualisant l’attribut, malade ». On appelle « phrase nomi- vivent dans le bonheur) ; l’adjectif tend
que sa propre personnalité fait place aux nale » une phrase attributive sans verbe alors à rompre toute attache avec le nom
qualités ou aux défauts des gens de sa copule, comme on en rencontre en indo- sujet, il s’adverbialise parfois jusqu’à
profession. européen, en sémitique, en finno- l’invariabilité (Elle tirait fort). Ces syn-
La possibilité d’économiser l’actualisa- ougrien, en bantou, pratiquement dans
tagmes tendent vers le schème binaire
tion est un trait formel que peut présen- toutes les familles linguistiques.
SUJET-VERBE (+ complément).
ter l’attribut, mais non le sujet. Ce critère Pourtant, beaucoup de ces langues dis-
Mais la fusion des prédicats peut se faire
permet d’affirmer que l’attribut est bien posent à la fois de la phrase nominale et
le second terme dans chacune des deux au bénéfice de l’adjectif, qui devient alors
de la phrase à verbe être, et n’en usent pas
attribut. C’est l’origine du syntagme
phrases suivantes : indifféremment : l’attribut passant pour
exprimer une « manière d’être » du sujet, attributif où le verbe a pour rôle d’indi-
Paris est la capitale de la France. quer le temps, de marquer les nuances
on peut estimer qu’en présence du verbe
La capitale de la France est Paris. modales, affirmant — au lieu de l’infir-
être il fonctionne comme un complément
Dans la première phrase, l’article la peut de ce verbe. Il faut d’ailleurs reconnaître mer — l’attache de l’attribut avec le sujet.
être supprimé devant capitale, qui est que tous les verbes attributifs n’ont pas Son contenu notionnel peut être aussi
attribut ; cette suppression est impossible un sens aussi « vide » que le verbe être. réduit que possible, et c’est pourquoi la
dans la seconde, où capitale est sujet. Ce Cette vue s’impose particulièrement en plupart des langues usent pour copule
critère formel, joint à la notion d’about français, où l’attribut, par sa construc- d’un verbe d’existence plus abstrait en-
du verbe être par laquelle a été défini plus tion postverbale ou éventuellement par sa core que vivre : être. Mais il peut avoir
haut l’attribut, permet d’écarter une ana- forme casuelle pronominale, se confond une valeur pour ainsi dire « aspective »,
lyse très souvent pratiquée par les gram- avec le complément d’objet ; l’opposition marquant l’entrée ou la persistance dans
mairiens du XIXe s., donnant pour attri- latine du nominatif et de l’accusatif (Do- un état : devenir, rester, demeurer. Il peut
but « le terme de plus grande extension », minus sum / Dominum video) est effacée aussi impliquer une réserve sur la réalité
qui serait capitale relativement à Paris ; en français par un que bivalent : Que
de l’état attribué : sembler, paraître.
cette analyse avait la double faiblesse de deviens-tu ? Que fais-tu ? De même, le
fonder une fonction grammaticale sur un pronom le confond l’attribut (Je le serai) Il s’avère que la seule considération des
critère non linguistique, et d’ignorer que et l’objet (Je le verrai). L’attribut fait avec formes textuelles et contextuelles ne per-
l’extension d’un nom dans la phrase est le verbe un groupe muni d’un seul accent met pas de distinguer l’attribut de cer-
déterminée par les mots qui l’actualisent. (Le chien est noir) et parfois remplaçable tains adjectifs compléments de manière.

298
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

Que penser des adjectifs contenus dans la attribut. Au contraire, le verbe faire est mêmes conditions que pour les verbes
phrase suivante : attributif devant un nom sans article : intransitifs.
Les verbes transitifs attributifs expri-
Les piaillements s’élèvent plus aigus, Cette maison fait château,
ment le plus souvent une opinion : trou-
plus précipités, plus étranglés
ou un adjectif : ver, croire, savoir, ou une action conférant
(L. Pergaud) ? telle qualité ou tel titre : rendre, appeler,
Cette jeune fille fait sérieux (ou
Compléments de manière si le verbe est nommer, proclamer, élire, sacrer. Em-
sérieuse).
prédicatif, attributs s’il n’est là qu’au ser- ployés au passif ou à la forme pronomi-
Plusieurs de nos exemples ont donné nale, ils introduisent un attribut du sujet :
vice des adjectifs, dont il dessine d’avance
l’occasion de remarquer qu’un même
la signification en marquant un seuil Il a été élu président ; son élection est
verbe peut avoir différents sens, attribu-
dans l’état de façon moins plate que ne jugée irrégulière.
tifs (tomber malade, faire sérieux) ou non
ferait le verbe devenir. Il s’appelle Jean.
(tomber par terre, faire un repas).
Dans la phrase : L’origine du double about nominal s’ima-
ATTRIBUT DU COMPLEMENT D’OBJET gine facilement : élire quelqu’un et élire
Balzac mourut pauvre, un président engendrent élire quelqu’un
Voici deux phrases qui se ressemblent :
président. Pour l’adjectif, il faut partir
il est clair que l’information n’est pas
1. Où as-tu trouvé ce chapeau de l’épithète, dans des constructions
contenue dans le verbe : nul n’ignore que
horrible ? comme : J’aime le chocolat chaud ; un ac-
Balzac est mort, et la pauvreté n’est pas
2. Tout le monde a trouvé ce chapeau cent prédicatif sur l’adjectif en fait l’attri-
une façon de mourir ; la phrase privée
horrible. but du nom chocolat pris pour thème ; on
de son adjectif serait décapitée ; mourir peut alors transformer cette phrase en :
marque ici la date à laquelle on doit situer Dans la première, l’adjectif horrible peut
J’aime que le chocolat soit chaud.
être placé entre ce et chapeau (cet hor-
l’état : Balzac était pauvre quand il mou- Les mêmes ambiguïtés s’observent que
rible chapeau) : il est épithète de cha-
rut ; pauvre est attribut. Dans : pour l’adjectif postverbal accordé avec
peau. Dans la seconde, cette modifica-
tion serait impossible, mais on pourrait le sujet. Il ne faut pas croire qu’une
Voltaire s’enrichit jeune,
dire : Tout le monde a trouvé horrible ce construction comme : Je l’aime chaud
c’est au contraire l’adjectif qui date l’ac- implique la fonction attribut ; le fameux
chapeau ; une autre transformation est
tion : Voltaire s’enrichit quand il était vers de Racine :
possible dans cette phrase, et non dans
jeune ; l’épithète a ici valeur de complé- la première : Tout le monde a trouvé que Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je
ment de temps. Dans : ce chapeauest horrible ; elle nous révèle fait fidèle ?
la véritable fonction de l’adjectif horrible
Chopin mourut phtisique, en est la preuve : Hermione n’aimait
dans la phrase 2 : attribut du nom cha-
peau, qui est complément d’objet de trou- pas l’inconstance de Pyrrhus ; l’adjec-
l’adjectif sert aussi le verbe en indiquant
tif joue ici le rôle d’un complément de
la cause : Chopin mourut parce qu’il était ver. Le verbe trouver a donc deux sens :
temps (quand tu étais inconstant) ou de
synonyme de découvrir dans la phrase 1,
phtisique. Les transformations aux- concession (quoique tu fusses inconstant).
il prend dans la phrase 2 le sens de juger
quelles nous avons soumis ces phrases Une analyse correcte de telles phrases
et rapporte un prédicat, horrible, à un
donnent valeur linguistique aux consi- implique l’essai de certaines transfor-
thème, ce chapeau.
dérations de sens : encore sont-elles su- mations, avec la garantie d’une intuition
Des verbes comme être sont intransitifs d’identité sémantique (impossible de
bordonnées au sentiment subjectif d’une
attributifs : ils font porter un attribut sur dire : j’aimais que tu fusses inconstant,
identité de sens entre les formes données
leur sujet. Des verbes comme trouver, sans trahir la pensée d’Hermione).
pour équivalentes.
juger sont transitifs attributifs : ils font
Le seuil est souvent subtil. La dernière porter un attribut sur leur complément ATTRIBUTS INDIRECTS
des constructions que nous venons de d’objet. Bien entendu, un même verbe
Dans une phrase comme :
voir a donné naissance à une expression transitif peut être attributif dans un sens
attributive : tomber malade, où tomber (comme ici trouver, phrase 2) et non dans Ce médecin passe pour habile,
signifie « devenir brusquement » et où un autre (trouver, phrase 1).
l’adjectif peut être remplacé par un nom
l’attribut ne peut être qu’adjectif. A-t-on, Quelques-uns des verbes transitifs attri- (un maître, un as) ; il a la fonction attri-
inversement, un attribut exclusivement butifs admettent pour le second about un
but. Le groupe passe pour peut être rem-
nominal après le verbe constituer, dans adjectif aussi bien qu’un nom : placé par tous les verbes attributifs in-
des phrases comme : transitifs que nous avons déjà rencontrés
J’appelle cet homme un génie.
J’appelle ce vin excellent. (être, sembler, devenir, etc.) ; il constitue
Une omelette, une bouteille de vin
une locution verbale dont le sens n’est pas
et du pain à discrétion constituèrent Mais la plupart ne permettent pas la
la somme des sens de ses éléments, car on
notre souper (A. Dumas) ? substitution morphologique : le second n’y retrouve pas le sens habituel du verbe
about est obligatoirement un nom (élire passer (comparer : Ce médecin passe par
La consubstantialité des éléments nom-
quelqu’un député) ou un adjectif (trou- notre rue). On peut donc parler d’« attri-
més avant le verbe avec l’ensemble nom-
ver quelque chose horrible). Même si les buts indirects », et le terme vaut aussi bien
mé après, seul argument ici d’une inter-
deux abouts sont nominaux, la construc- pour certains attributs de l’objet :
prétation par attribut, n’est véritablement tion directe caractérise suffisamment le
révélée qu’à la lecture du nom souper, second comme attribut. La consubstan- Je regarde Paul comme mon ami (= Je
car le verbe constituer ne l’implique pas tialité est établie entre le complément pense que Paul est mon ami).
(cf. constituer un gouvernement) ; disons d’objet et l’attribut. Le syntagme est à Je l’ai pour ami.
que le complément d’objet produit dans quatre éléments solidaires, le sujet pou- Distinguer ces attributs des compléments
ce message le même effet de sens qu’un vant néanmoins être inexprimé dans les indirects d’objet ou de circonstance est

299
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

souvent délicat. Le critère lexicologique Nous savons que l’attribut se rapporte On laisse le nom témoin totalement inva-
invoqué ci-dessus (sens altéré de passer parfois à un verbe sans que le support riable dans la locution prendre à témoin :
devant pour, de regarder devant comme) soit exprimé ; c’est alors le sens seul qui
Mes camarades, je vous prends à
peut faire défaut ; l’essentiel est que le commande le genre et le nombre :
témoin (Saint-Exupéry).
sens du verbe associé avec la préposition
Être coquette n’est pas un défaut (ce Si le nom attribut est actualisé, il peut
(ou la conjonction) exprime la consubs-
tantialité du terme indirect avec le sujet jugement vise les femmes). — c’est le cas le plus fréquent — avoir le
ou avec un premier objet. Dans ce vers de Parfois le support est exprimé, mais n’est même nombre que le nom support :
Racine : ni sujet ni complément d’objet :
Cet homme est un médecin.
Je puis, quand je voudrai, parler en Je demande aux vendeurs d’être Ces enfants sont mes neveux ;
souveraine, polis.
il n’est pas exact de parler d’ « accord »
on ne verra qu’un complément de ma- Rappelons qu’il existe des adjectifs en ce cas, puisque le nombre de l’attribut,
nière du verbe parler ; on pourrait rem- invariables (V. ADJECTIF, Propriétés comme celui du support, exprime direc-
placer ce verbe par agir, marcher, entrer, formelles) : tement la structure unitaire ou multiple
et le groupe en souveraine par un adverbe de l’ensemble pensé. Dans cette phrase
Cette femme est très chic. de Ch.-L. Philippe : J’ai cru que mon
comme souverainement, autoritaire-
Mes bas sont marron ; coeur était du soleil, le singulier du sujet
ment : on ne retrouve pas ici la cohé-
sion du verbe et de la préposition qui et des adjectifs adverbialisés (ibid., Sens marque un ensemble unitaire discontinu,
révèle la locution verbale attributive. Au de l’adjectif) : celui de l’attribut un ensemble continu.
contraire, on verra des attributs dans des Il peut très bien se faire qu’un ensemble
phrases comme : Ces planches sont trop haut (il n’y a attribut énoncé au singulier soit identifié
pas là d’attribut). à un sujet énoncé au pluriel :
Le régiment servait de cible à toute
Après la locution avoir l’air, l’accord se Ces quatre personnes sont toute ma
l’armée prussienne (Daudet)
fait de deux façons : famille ;
et
L’assistance avait l’air hésitant et ou à la somme de plusieurs sujets :
La marraine transforma la citrouille gêné (Duhamel) — accord avec le
en carrosse, nom air, qui a pleine valeur nomi- Le lièvre et la tortue en sont un
nale (mais l’article un serait plus témoignage (La Fontaine).
parce que servir de et transformer en sont justifié) ; L’inverse est tout aussi possible, mais
des locutions dont les éléments expri-
alors se pose le problème de l’accord du
ment solidairement la consubstantialité. Cette femme a l’air intrigante —
verbe ; l’usage normal est de dire : Toute
accord plus courant avec le sujet,
Damourette et Pichon voient encore ma famille est ces quatre personnes,
le nom air n’étant qu’un élément
un verbe transitif attributif dans le mais nous allons voir qu’il connaît des
verbe faire des constructions comme la lexical de la locution qui signifie
variantes.
« sembler ».
suivante :
D’autres locutions présentent des par- ACCORD DU VERBE AVEC L’ATTRIBUT
Il voulait de chacun faire un ami
ticularités, comme se faire fort, rester
fidèle (Florian) ; Dans les cas où l’attribut n’a pas le même
court, se trouver court, où l’adjectif est
nombre que son support sujet, il arrive
ce n’est plus l’attribut, c’est l’objet qui invariable (v. ces mots).
que le verbe être, contrairement à la loi
est construit indirectement (comparer : Si un attribut a plusieurs supports, il se générale, soit mis au nombre de l’attribut :
Elle fit de la citrouille un carrosse) ; cette met au pluriel ; si les supports sont du
analyse ne se justifiant que sur le plan du même genre, il prend ce genre ; s’ils sont Mon mal sont des vapeurs (Sévigné).
sens, on peut se contenter de voir dans cet de genre différent, il se met au masculin : L’effet du commerce sont les richesses
emploi de faire un verbe à double objet.
(Montesquieu).
(V. OBJET.) Ma fille et ma nièce seront contentes.
Ma femme et moi sommes enchantés. Beaucoup de grammairiens estiment
ACCORD DE L’ADJECTIF ATTRIBUT qu’en pareil cas l’attribut est le premier
Si le support est le pronom relatif qui ou
nom : le verbe s’accorde donc avec son
L’adjectif attribut s’accorde en principe que, l’attribut s’accorde en fonction des
sujet. Nous avons vu plus haut ce qu’il
avec le nom ou le pronom dont le verbe antécédents de ce pronom :
faut penser de cette analyse ; au surplus,
fait son support : le sens de ces phrases n’est pas douteux
Un conte et une nouvelle que je
Sa femme est malheureuse. trouve excellents. (encore moins si on les replace dans leur
Il rend sa femme malheureuse. contexte) : le premier nom y est le thème,
ACCORD DU NOM ATTRIBUT dont le second est le prédicat. Recon-
Cet accord se fait en genre et en nombre
naissons avec F. Brunot (la Pensée et la
si le support est un seul mot. Cependant, Si le nom attribut est inactualisé, il s’ac-
langue) et A. Haase (Syntaxe française du
pour les pronoms nous, vous et on, l’ac- corde comme un adjectif, dont il a le
XVIIe siècle) que le verbe s’accorde parfois
cord se fait selon le sens : sens :
avec l’attribut.
Nous ne sommes pas sûr d’avoir Une âme guerrière est maîtresse du Cette anomalie s’explique par la domi-
résolu le problème (= Je ne suis pas corps qu’elle anime (Bossuet). nance de l’ensemble « prédicat » dans la
sûr). L’accord n’est fait que dans la mesure des pensée : la structure qu’il substitue à celle
Vous êtes trop aimable (pluriel de variations possibles : du sujet y préexiste à l’énoncé du verbe.
politesse). Cette anticipation est favorisée par le
On était contentes (on = nous ; le Cette femme est écrivain. verbe être, exprimant l’identité absolue,
verbe reste invariable, l’adjectif Mes soeurs en sont témoins (écrivain réversible, seul verbe qui figure dans les
exprime le sexe et le nombre). et témoin n’ont pas de féminin). exemples qu’on donne de cette anomalie ;

300
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

un verbe comme sembler ou devenir lais- lisation de c’est), l’attribut étant mis à la marche ; mais il se rencontre en coordi-
serait à la structure du sujet trop d’im- forme tonique : c’est moi (toi, lui, nous, nation avec d’autres classes :
portance pour qu’on puisse la négliger. vous, eux) ; à la 3e personne du pluriel,
Nous étions fatigués de jouer et
On cite quelques cas de cette anomalie, sont fut conservé et donné pour obliga-
mourant de sommeil à la prière
où le verbe s’accorde avec un attribut toire quand l’attribut était un nom plu-
(Chateaubriand).
singulier : riel : Ce sont de bons enfants (Acad.).
Toutefois, la langue familière a généralisé Le participe passé est accordé comme
Cinquante domestiques est une aujourd’hui le singulier : Ce n’est pas des un adjectif ; le participe présent reste
étrange chose (Sévigné).
visages, c’est des masques (A. France). invariable.
Les oeufs, où elle en put trouver, fut Le relais ce facilite les changements de L’attribut peut être un adverbe :
leur unique ressource (Saint-Simon). personne :
J’ai toujours été ainsi (G. Sand).
LE RELAIS NEUTRE Mon sauveur, c’est vous (plutôt que :
Il y a tant de gens qui sont peu, et qui
Mon sauveur est vous).
Si les accords bizarres que nous venons ne seraient rien, s’ils ne se croyaient
d’examiner ne se rencontrent que très Il aide aussi à constituer les équivalents beaucoup (A. Berthet).
rarement, c’est que la langue a trouvé le du nom, tels qu’infinitifs ou proposi-
tions subordonnées, en supports de PROPOSITIONS ATTRIBUTS
moyen de résoudre tous les problèmes
que pose la disparité des structures du l’attribution :
L’attribut peut être une proposition :
sujet et de l’attribut. Elle use à cet effet du
Bien écouter, c’est l’essentiel. — conjonctive par que : le mode dépend
pronom ce, qui a pour propriété, parce
Que nous soyons tous là, c’est une du sens du sujet, comme celui des subor-
qu’il est « neutre » (v. ce mot), d’effacer la
chance. données compléments d’objet dépend
structure de l’ensemble qu’il représente.
Souvent, le support est exprimé après : du verbe principal. Comparer : Le vrai
Comparer :
est qu’il y a des abus (Mauriac). La règle
Les grenouilles sont vertes / Les gre- C’est l’essentiel, de bien écouter. de l’Administration est que les enfants
nouilles, c’est vert. C’est trop peu que d’aimer (Musset). ne soient pas renseignés sur leur origine,
C’est une chance, que nous soyons jusqu’à leur majorité (Zola). Dans les
Dans la seconde phrase, le pronom ce
ne conserve, de l’ensemble « sujet », que tous là. deux phrases suivantes, la différence de
l’idée de substance, abstraite de tout ca- mode indique que l’essentiel est dans le
DIVERSES CLASSES DE MOTS ATTRIBUTS
ractère (jusqu’au genre), de toute struc- premier cas un besoin, dans le second un
ture (jusqu’au nombre) ; la substance ne Jusqu’ici, nous avons étudié surtout l’at- fait acquis : L’essentiel est que nous soyons
s’en prête que mieux à une nouvelle ca- tribut nom et adjectif. Il peut être aussi reçus. L’essentiel est que nous sommes
ractérisation (c’est vert). Ce « neutre » re- reçus ;
pronom, comme celle et le dans cette
présente les personnes aussi bien que les phrase : —conjonctive par quand : Le terrible,
choses : Cette jeune femme, c’est ma mère c’est quand elle se rencontrait sur le même
(Lamartine). Effaçant la structure de l’en- La vie que tu me proposes, est-ce celle terrain avec Anne de Beuil (Daudet) ; tour
semble représenté, il exige une nouvelle d’un homme grave, comme l’est un fréquent dans les définitions de la langue
actualisation ; on doit dire : Mon père, oncle ? (Tristan Derème), familière : La viduité, c’est quand on est
c’est un médecin, et non : *c’est médecin, veuve ;
ou que dans celle-ci :
alors qu’on dit : Il est médecin, le pronom
— interrogative : Ce qu’on n’a pas assez
il exprimant la structure « personne hu- Que sont devenus mes vieux parents ?
remarqué, c’est à quel point les mots dia-
maine », qui convient au nom médecin ; (J. Vallès).
lectaux sont entrés dans la formation de
ailleurs, l’article partitif exprimera, après
Remarquons la construction de vous (et diverses langues techniques (Dauzat) ;
c’est, une saisie continue de la substance :
toi) avec de, ou que de : — relative : Ce n’est pas du tout qui vous
C’est du sable.
Moi, si j’étais de vous, je le planterais croyez (Bataille). C’est où nous voulions
La langue autorise, après ce, le singulier
là (Régnier). en venir (L. Foulet).
ou le pluriel du verbe être :
Voilà un bras que je ferais couper Un homme chérissait éperdument sa
C’est mes enfants. tout à l’heure, si j’étais que de vous chatte ;
Ce sont mes enfants.
(Molière). Il la trouvait mignonne, et belle, et
Par là sont résolus tous les cas difficiles : délicate,
Ce dernier tour n’existe plus ; le pre-
Mon mal, ce sont des vapeurs. mier se maintient en concurrence avec Qui miaulait d’un ton fort doux.
Toute ma famille, ce sont ces quatre si j’étais vous, mais exclusivement lié au (La Fontaine, Fables,II, XVIII.)
personnes. contexte de ces phrases hypothétiques. Kr. Sandfeld tient pour attributs les pro-
Les oeufs, ce fut leur ressource. L’attribut peut être un verbe à l’infinitif, positions relatives qui constituent avec
Cette possibilité remonte à un état de introduit par de : un nom support des groupes solidaires
langue (ancien et moyen français) où ce compléments d’un verbe de perception
L’hiver, la félicité est d’être assis au ou d’observation : Je vois le docteur qui
attribut pouvait être anticipé, entraînant
coin du feu à la cuisine (Taine). entre (= Je vois que le docteur entre). Je
l’inversion du sujet : ce sui-je, c(e) es-tu,
c(e) est-il (ou elle), ce sommes-nous, c(e) Il peut être un participe passé : sens mes jambes qui tremblent (= Je sens
estes-vous, ce sont-ils (ou elles) ; par un mes jambes trembler). Je le devine qui
La petite maison du restaurant était
renversement des signifiés fonctionnels, souffre (= Je devine qu’il souffre). Effecti-
close, semblait délaissée depuis des
que favorisent particulièrement des vement, ces relatives reçoivent un accent
phrases comme : C’est le roi ou C’est elle, années (Maupassant). prédicatif qui les distingue de simples
dès le XIVe s., ce fut pris pour le sujet et Le participe présent est exclu, car *il épithètes, mais cet accent porte sur le
commanda la forme du verbe (généra- est marchant doublerait inutilement il verbe : la valeur prédicative est plus ver-

301
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

bale qu’adjective ; la valeur d’attribut par des pronoms placés selon l’ordre Fatigants ces bois, fatigante cette
n’est que génétique. canonique : savane (M. Butor).
Dira-t-on que pas bête est attribut de
GROUPES À VALEUR D’ADJECTIF C’est mon voisin, M. Dupont.
votre idée ? Oui, si l’on définit l’attribut
Il est sympathique, M. Dupont.
L’attribut peut être ce que Damourette sur le seul plan du sens, ou si l’on admet
Sympathique, il l’est.
et Pichon appellent un « convalent » de pour critère la transformation en phrase
La langue littéraire modifie l’ordre des attributive : Votre idée n’est pas bête.
l’adjectif, c’est-à-dire un groupe de mots
mots sans briser la chaîne orale : l’anti- L’accord de l’adjectif (ex. : fatigants) avec
ayant solidairement la valeur adjective :
cipation de l’attribut entraîne alors l’in- le nom (ces bois) est commun à l’attribut
— groupe nominal sans préposition : Cet version du sujet. Permutation impossible et à l’épithète, mais la fonction épithète,
employé est soupe au lait. Votre philoso- quand l’attribut, comme le sujet, est un impliquant dépendance de l’adjectif, est
phie est trop terre à terre ; nom, mais fréquente s’il est adjectif. Ain- écartée si l’on pratique la réduction : la
— groupe prépositionnel : Ce garçon si la qualité est mise en relief : première phrase pourrait très bien être
est de parole. Cette revue est à grand réduite à : Pas bête !, prédicat de sujet
spectacle. La grande plaine est blanche, Précieuse, à vrai dire, m’apparaît la
inexprimé, mais non à : Votre idée.
immobile et sans voix (Maupassant). La mémoire des lieux, des visages, des
odeurs (Duhamel). Il s’agit de phrases très spontanées, orga-
maison garantit toute sa pâtisserie au
nisées après coup, incomplètement, par
beurre. Cette anticipation est favorisée par les
l’expression toujours seconde d’un sujet,
Il est souvent difficile de distinguer les adjectifs nombreux et rares :
qui vient éclairer le sens du prédicat
convalents adjectivaux des convalents Nombreuses sont les proses mé- initial.
adverbiaux. A-t-on, par exemple, un at-
diocres (Lanson) ; Cette construction est grammaticalisée
tribut dans la phrase :
pour certains adjectifs comme heureux
par un mot de comparaison :
Le jardin était à l’abandon ? (et ses préfixés) :

On ne peut répondre à ces questions qu’en Tel était Eugène (Musset).


Heureux ceux qui sont morts pour la
éprouvant par diverses « commutations » Plus navrante et plus grise est terre charnelle (Péguy) ;
la cohésion des groupements : à l’aban- l’impression que laisse « l’Éducation tel :
don ne s’emploie guère qu’avec des verbes sentimentale » (Lanson) ;
attributifs (être, rester, sembler, laisser...) ; Il vivait là, telle une plante
c’est bien un attribut. On n’en dira pas par un adverbe d’intensité : (Duhamel) ;
autant de à l’abri dans : Le guetteur était
Si grave était ce chant, que la fête et certains adjectifs suivis d’un infinitif
à l’abri ; cette locution se rencontre aussi
s’arrêta (Voisins). thème :
bien avec n’importe quel verbe intransitif
(travailler, dormir) ou transitif (mettre, ...Et son commentaire semble avoir Impossible d’ouvrir. Inutile d’insister.
porter) ; c’est un convalent adverbial, apte inspiré M. André Gide, tant sont Libre à vous de venir ou non.
d’ailleurs à la fonction prépositionnelle : identiques leurs vues (Massis).
attributaire [atribytr] n. (de attribut ;
à l’abri des balles.
L’ordre canonique est exceptionnel 1877, Littré). Personne qui reçoit un héri-
PLACE DE L’ATTRIBUT quand le sujet est un infinitif ou une pro- tage, un lot, ou des prestations familiales.
position ; on use ordinairement, dans ces • SYN.: bénéficiaire.
L’attribut se reconnaît, en principe, à sa cas, de la construction impersonnelle :
place postverbale : attributif, ive [atribytif, -iv] adj. (de
Il est urgent de réparer ce pneu. attribut ; 1516, Delboulle). 1. Se dit, dans
M. Dupont est notre voisin. Il est possible que le train ait du la langue juridique, de ce qui attribue un
Quelques linguistes estiment naturel retard. droit. 2. Se dit, en grammaire, de ce qui
cet ordre qui présente le thème avant le Le rejet en fin de phrase est justifié par le indique ou énonce un attribut. Verbes
prédicat, et l’appellent pour cette raison volume souvent important de tels sujets. attributifs, dans l’ancienne terminologie,
l’ordre « progressif ». (V. SUJET.) verbes qui contiennent en eux-mêmes le
verbe être et le participe attribut (ex. :aimer,
Mais, si l’attribut est le pronom atone le, Le volume est souvent le facteur qui dé-
pour être aimant ; dormir, pour être dor-
il précède le verbe : termine l’ordre des mots quand l’attribut
mant) ; selon d’autres grammairiens,
Je le suis. se rapporte au complément d’objet. L’ob- verbes qui introduisent un attribut, comme
jet précède en principe l’attribut : paraître, devenir, rester, etc.
Une interrogation portant sur l’attribut
entraîne l’anticipation de celui-ci et l’in- Je trouve ce chapeau horrible ; attribution [atribysj] n. f. (lat. attribu-
version du sujet : tio ; 1361, Oresme). 1. Action d’attribuer :
il peut le suivre, principalement s’il est
L’attribution d’un poste à un fonctionnaire.
Que devient ton père ? plus long :
2. Ce qui est attribué : Les attributions de
Quelle est votre adresse ?
Maintenant le soleil rayonne, inonde vivres faites aux sinistrés. 3. Complément
Aussi l’attribut est-il qui dans : Qui est cet d’attribution, en grammaire, nom ou pro-
la terre, rend étincelants les murs des
homme ? nom désignant la personne ou la chose à
maisons qui, de loin, ont l’air aussi de
La langue familière peut, par la « disloca- neige éparpillée (Maupassant). laquelle s’adresse un don, un ordre, un
tion », soit souligner la démarche « natu- discours, etc., ou à laquelle appartient un
relle » de la pensée (thème-prédicat) : ATTRIBUTS SANS VERBE être ou une chose. (V. art. spécial.)
• SYN.: 1 affectation, assignation, octroi ; 2
M. Dupont, c’est mon voisin ; On observe dans les phrases suivantes un
allocation, distribution. — CONTR.: 1 refus,
rapport logique prédicat-thème :
soit disposer les mots porteurs de notions reprise, retrait.
dans l’ordre prédicat-thème, plus naturel Pas bête, votre idée. attributions n. f. pl. Pouvoirs, compé-
en l’occurrence, tout en les représentant Bon, voilà bien parlé, cela (Molière). tence attribués au titulaire d’une fonction,

302
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

ou à un service : Quand le clergé s’enferme les compléments n’indiquent guère « en timer que ce type de compléments a des
dans ses attributions (France). Les attribu- faveur » ou « au détriment » de qui ou de caractères propres qui en font seulement
tions d’un secrétaire d’État. quoi l’action a lieu ; un sous-ensemble de la classe « objet
• SYN. : domaine, prérogatives, privilège, 2° Elles s’appliqueraient aussi bien à indirect », où l’on range aussi bien des
rôle. beaucoup de termes de phrase où per- compléments sans rapport avec la notion
sonne ne consent à voir des « complé- d’attribution :
ments d’attribution »:
GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE Je doute de sa parole.
L’infirmier s’occupe de moi Il s’est emparé de mon verre.
LE COMPLÉMENT D’ATTRIBUTION (« faveur ») ; Je me souviens de sa réponse.
Le témoin dépose contre moi D’autre part, dans des phrases comme :
Le terme de complément d’attribution a
(« détriment »). J’ai cueilli des fleurs. Maman a fait une
reçu une consécration officielle en 1949,
quand une commission présidée par le Elles conviennent notamment à la majo- tarte. On a ouvert la porte, on peut ajou-
directeur de l’Enseignement du premier rité des compléments directs relevant de ter un complément qui relève de la notion
degré, reconduisant la Nomenclature l’ « objet » : d’attribution :
grammaticale imposée en 1910 par un L’infirmier soigne le blessé J’ai cueilli des fleurs pour vous.
arrêté ministériel, y a ajouté ce terme (« faveur ») ; Maman leur a fait une tarte.
parmi les compléments du verbe. Il man- Le gendarme arrête le voleur On a ouvert la porte au gazier.
quait encore une définition, laquelle fut (« détriment »).
De tels compléments d’attribution re-
donnée en 1950 dans la Progression gram-
lèvent de la « circonstance », parce qu’ils
maticale dans l’enseignement du premier DÉFINITIONS FORMELLES
sont facultatifs, tandis que d’autres, parce
degré :
Toutes les grammaires en sont venues qu’ils sont exigés par le verbe, relèvent de
« L’appellation de complément d’attri- pratiquement à doubler la définition l’ « objet ».
bution est limitée aux compléments qui sémantique du critère formel que consti-
indiquent en faveur de qui ou de quoi (ou tue l’emploi des prépositions à ou pour, ATTRIBUTION ET DATIF

au détriment de qui ou de quoi) un acte ou de la forme « oblique » des pronoms


Les grammairiens modernes qui ont in-
atones : lui, leur. C’est un pas dans la
est accompli. » troduit dans l’enseignement du français
voie du structuralisme, c’est-à-dire d’une
Aucun exemple n’était donné, mais on la notion de « complément d’attribution »
méthode tenant pour seuls pertinents les
visait notoirement la fonction que rem- paraissent avoir visé un but pratique : la
critères formels.
plissent les mots en lettres grasses dans délimitation d’un concept que l’enfant
Certains linguistes, considérant le mode
les exemples suivants : retrouvera dans l’étude de l’allemand,
de réalisation du procès, préfèrent au
du russe, du latin, du grec, sous la forme
J’ai donné un livre à Paul. nom de « complément d’attribution »
casuelle du datif.
On a volé à Paul sa bicyclette. celui de complément d’objet second ou se-
condaire (Brunot, la Pensée et la langue). La Grammaire générale et raisonnée
Ils travaillent pour nous.
Ils estiment qu’un verbe comme don- (1660), traitant la question en une ving-
Le terme et la notion avaient cours dans taine de lignes, appelait « datif » l’en-
ner ne réalise pleinement son potentiel
les grammaires françaises avant cette semble des constructions françaises tra-
sémantique que lorsqu’il s’accompagne
date : l’Académie avait fait état dans sa duisant le datif latin. Un siècle plus tard,
d’un complément désignant l’objet don-
Grammaire (1932) d’une classe de com- Girard, Dangeau, Beauzée, d’Olivet,
né et d’un complément désignant la per-
pléments indirects « appelés par quelques Dumarsais s’élevaient contre l’opinion
sonne qui reçoit l’objet :
grammairiens compléments d’attribu- qu’il y a des « cas » dans la langue fran-
tion ». Beaucoup de manuels scolaires les J’ai donné un livre à votre ami.
çaise, et leur conception, répandue par la
mentionnaient parmi les « compléments Cette double transitivité s’observe, en Grammaire des grammaires de Girault-
indirects » dont la Nomenclature de 1910 effet, dans un assez grand nombre de Duvivier (1811), était officialisée dans la
avait institué la classe sans en arrêter la verbes, tels que prêter, remettre, laisser, sixième édition du dictionnaire de l’Aca-
liste. Plus anciennement, F. Brunot, dans accorder, consacrer, enseigner, et aussi de- démie (1835) : « Il n’y a point de cas pro-
la Pensée et la langue (1922), avait écarté mander, emprunter, prendre, ôter, retirer, prement dits dans la langue française »
explicitement le terme d’attribution pour voler. Mais : (au mot cas).
la confusion qu’il entraînait inévitable- — d’une part, il existe des verbes dont le Enterrer la notion de « cas » était peu de
ment avec attribut (v. ce mot), et pour complément d’objet second ne relève pas chose si l’on gardait l’idée que le système
l’impropriété de son sens quand il s’agit de ce qu’il est d’usage d’appeler « attri- français comporte une fonction iden-
de verbes comme ôter, prendre, voler, etc. bution » : Accuser quelqu’un de quelque tique à celle que marquait le datif latin,
chose ; habituer quelqu’un à quelque idée plus ou moins inconsciente et infor-
DÉFINITIONS SELON LE SENS chose ; mulée jusqu’au jour où le lit du datif fut
Les définitions selon le sens qu’on a pro- — d’autre part, il existe des verbes n’ad- occupé par le complément d’attribution.
posées du complément d’attribution pré- mettant pas d’objet direct et dont le com- Mais la grammaire comparative nous a
sentent toujours deux inconvénients : plément prépositionnel est en rapport appris que les datifs du latin, du grec, de
avec la notion usuelle d’attribution : Ce l’allemand, par exemple, ne recouvrent
1° Elles ne recouvrent pas la totalité des
livre appartient à mon frère.Il est arrivé pas rigoureusement les mêmes signifiés,
emplois où l’on voit habituellement un
des ennuis à mon frère. Je nuis à mon puisqu’ils se partagent le spectre des
« complément d’attribution ». Ainsi, dans
frère. fonctions, dans ces langues respectives,
des phrases comme :
En raison de ces objections, d’autres avec cinq ou quatre ou trois autres cas.
Je lui connais deux amis, jugent suffisant d’appeler les complé- La linguistique structurale observe au-
Il me regarde de cet air qu’on voit aux ments d’attribution « compléments jourd’hui le principe d’immanence, qui
gros chiens (A. France), d’objet indirects ». Pourtant, on peut es- interdit d’appliquer à la description d’une

303
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

langue le critère de la traduction dans 1° Comment nommer la forme atone dir le sens, entièrement conditionné par
une autre langue. lui (leur) du pronom personnel ? Faut-il le verbe.
On n’enfreint pas cette règle si l’on pra- imiter Damourette et Pichon qui, pour La construction dativale de l’objet-agent
tique la traduction non plus d’une langue ne pas identifier indûment lui (leur) au après les verbes faire, laisser, voir, regar-
à l’autre, mais à l’intérieur d’une même datif latin, ont créé le terme d’assomptif ?
der, entendre, écouter (v. AGENT) s’ex-
langue, comme le fait la linguistique C’est montrer plus de scrupule à propos plique par les mêmes raisons ; ne pou-
du français qu’on n’en montre à nommer
« transformationnelle ». Le français pos- vant dire : *Je ferai recoudre cette bride le
sède un morphème fonctionnel nette- datifs les cas non strictement équivalents
cordonnier, on dit : Je ferai recoudre cette
ment caractérisé à la troisième personne du latin, du grec, de l’allemand, du russe.
bride au cordonnier, et par suite : je lui
des pronoms atones, sous les formes lui Ce terme a l’avantage de n’évoquer au-
ferai recoudre cette bride.
et leur : cun sens précis, car l’étymon latin dare,
« donner », aussi impropre qu’ « attribu- HISTORIQUE
Je lui (leur) donne un livre. tion », est oublié.
Depuis Plaute, le tour ad + accusatif
On accorde au « sens » une certaine part, Quant à la construction indirecte appa-
concurrençait en latin le datif, avec une
tout en restant dans le plus pur structura- riée par la transformation à notre pro-
valeur d’abord différente (idée de mouve-
lisme, si l’on pose cette définition : nom datif, pour éviter la limitation de
ment) : Hunc ad carneficem dabo (Je li-
sens qu’implique « attribution », on l’ap-
Est complément d’attribution tout com- vrerai cet homme au bourreau) [les Cap-
pellera ici construction dativale.
plément exprimé par les pronoms atones tifs]. La nuance s’effaça en latin tardif :
lui ou leur ou pouvant commuter avec ces 2° Reste à chercher le signifié de la fonc- ad episcopum aiebat (il disait à l’évêque)
pronoms. tion ainsi structuralement définie. [Grégoire de Tours].
Selon ce critère, il y a donc attribution En français, la statistique démontre que L’ancien français use normalement de la
dans : la construction dativale est à peu près ré- construction indirecte :
servée aux personnes : si l’on dit soigner
J’ai donné un livre à Paul (= Je lui ai quelqu’un comme soigner la vue, le nom J’irai parler a l’amirant Galafre
donné un livre). de personne, en position d’objet second, (le Couronnement de Louis).
Un accident est arrivé à mon frère reçoit ordinairement la préposition à : Mais le simple cas régime, vestige du da-
(= lui est arrivé). soigner la vue à quelqu’un, ou la forme tif, s’y rencontre :
Je nuis à mon frère (= Je lui nuis). lui (leur) : Je la lui soigne. Au contraire,
Je parle à mes clients (= Je leur l’objet second de chose prend normale- Son oncle conta bonement
parle). ment la préposition de ; comparer : Son couvenant et son afere
Maman tricote des chaussettes (le Vair Palefroi).
pour Bébé (= Elle lui tricote des donner quelque chose à quelqu’un,
Ici, son oncle n’est pas sujet (on aurait
chaussettes). gratifier quelqu’un de quelque chose,
ses oncles) ; c’est le complément datival,
reprocher quelque chose à quelqu’un,
Mais il n’y a pas attribution dans : placé avant le verbe : « Il raconta bonne-
accuser quelqu’un de quelque chose.
ment à son oncle son arrangement et son
Je consens à leur mariage. La construction de rembourser reflète très affaire. » Telle est la place normale dans
Je songe à notre travail. bien toutes ces tendances systématiques : cette construction latinisante, comme
Nous assisterons aux jeux.
aujourd’hui pour le pronom atone (Il lui
Je m’attends à un échec. rembourser quelqu’un,
rembourser une somme, raconta). Elle avait l’avantage de distin-
Tu manques à ton devoir,
rembourser une somme à quelqu’un, guer le datival d’un complément d’objet.
où l’on verra des « compléments d’objet rembourser quelqu’un d’une somme. Mais, à l’impératif, comme pour le pro-
indirects », sans plus, ni dans : nom atone, l’ordre était renversé :
Les mêmes possibilités existent pour
Elle travaille pour nous, d’autres verbes, comme soupçonner. Prestez vostre oncle et mon seignor
Nous avons ainsi retrouvé la notion Vostre palefroi
où l’on verra un « complément circons- (le Vair Palefroi).
d’objet second de F. Brunot, mais limi-
tanciel » (de but ou de destination).
tée par l’épreuve de transformation et Des confusions étaient à craindre, soit
Une difficulté est présentée par les verbes éclairée par la distinction des personnes que le cas régime datival fût placé après
pronominaux comme s’adresser à ; on et des choses. Bien entendu, les choses le verbe et voisinât avec un complément
ne peut remplacer Je m’adresse à cette peuvent se substituer aux personnes par d’objet, soit qu’il précédât le verbe, occu-
dame par *Je me lui adresse : le français métaphore : pant la place d’un sujet dont seule le dis-
n’admet pas l’emploi de lui ou leur après tinguait alors la marque casuelle — dé-
un pronom objet autre que le, la ou les ; Je donne des gaz à mon moteur.
faillante au féminin et, de plus en plus, au
mais cette contrainte particulière à la Cet infléchissement de la construction masculin même. Une autre concurrence
construction des verbes de forme pro- pour l’objet second est un fait d’écono- pouvait jeter le trouble, celle du génitif
nominale n’infirme pas le critère retenu, mie syntaxique dont le français présente absolu, maintenu dans la langue litté-
puisque celui-ci s’applique à une phrase d’autres exemples ; presque toujours raire (la fille le duc). Ces deux vestiges
comme : Je la lui adresse (= J’adresse la il évite la succession de deux noms de de la déclinaison latine, dont la marque
lettre à cette personne). construction directe, et remplace le en français n’était plus guère que taxié-
Faire de lui (leur) la pierre de touche double accusatif latin doceo pueros gram- matique (marque de position), furent
du complément d’attribution est une maticam par j’enseigne la grammaire aux éliminés par les constructions indirectes,
manière d’apporter à cette notion une enfants. mais se maintinrent sporadiquement en
justification linguistique, immanente à Si l’on admet donc que la construction ancien français, surtout dans les vers,
la langue, dotée d’un critère précis. Elle dativale de l’objet second n’est qu’une va- où ils offraient des facilités métriques
pose pourtant des problèmes quant à la riante de la construction « objet direct », et donnaient une marque de poésie. Du
dénomination et à la signification. on se voit autorisé à ne pas en approfon- datif, il ne subsistait au XVIe s. que de

304
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

rares locutions, comme si Dieu plaist (= t en latin, se distinguaient en roman de aubade [obad] n. f. (provenç. aubada,
s’il plaît à Dieu). m, t ;mais ces dernières formes les ont concert donné à l’aube ; XVe s. ; sens 2,
La déclinaison des pronoms en ancien éliminés en francien. XVIIe s.). 1. Concert donné le matin, sous
français maintenait au singulier quelques Seuls, en définitive, lui et leur ont survécu les fenêtres de quelqu’un, pour lui faire
datifs : li, lui ; cesti, cestui ; celi, celui ; cui ; à ce grand naufrage de datifs. honneur. 2. Class. et ironiq. Vacarme
autrui ; nului. Au pluriel, leur continuait produit dans l’intention de se moquer de
attristant, e [atrist, -t] adj. (part. prés. quelqu’un ; affront : Qu’il aille au diable
un génitif latin (illorum) qui avait annexé
de attrister ; XVe s.). Qui rend triste : Puis avec sa sérénade ; | Je vais songer à lui
en roman les emplois du datif.
l’obscurité vient, subite, attristante un peu, donner l’aubade (Regnard). Quand les
Li, cesti, cestui, celi, nului ont disparu.
car la nuit sera sans lune (Loti). sergents viennent exécuter dans une mai-
Autrui, employé primitivement comme • SYN. : accablant, affligeant, chagrinant, son, c’est une étrange aubade pour le maître
pronom au datif (= à autrui) ou comme consternant, désolant, lugubre, navrant, (Trévoux).
nom désignant le bien d’autrui (= ce qui triste. — CONTR. : consolant, divertissant,
est « à autrui »), est devenu très tôt apte aubain [ob] n. m. (probablem. lat. pop.
gai, plaisant, réconfortant, réjouissant.
à toute fonction régime, en construction *alibanus, de alibi, ailleurs ; XIIe s.). En
directe ou indirecte ; on l’a alors fait pré- attrister [atriste] v. tr. (de à et de triste ; droit ancien, individu qui, fixé dans un
céder de à dans son emploi datival : à milieu du XIVe s.). Rendre triste ; affliger pays étranger, n’y était pas naturalisé et
autrui. d’une peine profonde : L’idée de seretrouver était soumis par là même à une législation
dans cette chambre vide l’attristait horrible- particulière : Les papes Clément XIV et Pie
Celui a annexé anciennement la fonction
ment (Daudet). La mort du meunier venait VI ne purent jamais rétablir la paix dans
régime direct, plus tard la fonction sujet.
d’attrister la maison (Duhamel). Mais le la domesticité du prétendant. Ces aubains
Cui se prononçait au XIe s. [kyi], [ki] et présent de l’Église m’attriste (Romains). découronnés restent en surveillance au
se distinguait de qui, prononcé [ki] ; il se
• SYN. : chagriner, consterner, désoler, milieu du monde (Chateaubriand).
confondit avec qui dès le XIIe s. dans la
navrer, peiner. — CONTR.: amuser, consoler, • CONTR. : aborigène, indigène.
prononciation, puis dans l’orthographe.
dérider, distraire, divertir, égayer, enchan-
Conservant au XIIe s. des emplois de pur ter, ravir, réconforter, réjouir. aubaine [obn] n. f. (de aubain ; XIIe s. ;
datif : sens fig., 1668, La Fontaine). 1. Autref.
s’attrister v. pr. Devenir triste : Si je
Succession d’un étranger. Droit d’au-
Ge sui Guillelme, cui la barbe as tiree m’attriste, ce n’est pas sans raison.
baine, droit en vertu duquel la succession
(le Charroi de Nîmes), attrition [atrisj] n. f. (de attritio, de d’un étranger non naturalisé était attri-
il annexa comme autrui les fonctions tritum, supin de terere, broyer ; 1503, G. buée au seigneur du lieu ou au souverain.
d’objet direct et de complément préposi- de Chauliac). 1. Vx. Action de deux corps 2. Fig. Avantage, profit auquel on ne
tionnel (même avec à) : qui s’usent en frottant l’un contre l’autre. s’attendait pas : Il chercha son aubaine dans
2. Vx. Contusion, écorchure résultant des marchés de peu de foi et dans un petit
Vostre oncles, a cui est donee (le Vair d’un frottement. 3. En théologie, regret maquignonnage d’affaires (Sand). Nous ne
Palefroi). d’avoir offensé Dieu, causé moins par comptions pas sur cet argent, dit-il enfin.
L’emploi datival se maintint dans l’amour de Dieu que par la crainte du C’est une aubaine (Duhamel).
quelques locutions comme qui qu’en poist châtiment. • SYN.: 2 chance, filon (fam.). — CONTR.: 2
(= à qui qu’il en pèse), reconnaissable • SYN.: 1 abrasion, frottement ; 3 contrition déveine (fam.), malchance, perte.
dans la rue Quincampoix. imparfaite.
1. aube [ob] n. f. (lat. alba, fém. substan-
Lui a conservé jusqu’à nos jours un em-
attroupement [atrupm] n. m. (de tivé de l’adj. albus, blanc ; 1080, Chanson
ploi atone datival bien vivant, tout en res-
attrouper ; fin du XVIe s., P. de L’Estoile). de Roland). 1. Clarté blanchâtre qui appa-
tant la forme tonique de l’objet direct et
Rassemblement de plusieurs personnes raît à l’horizon lorsque le jour se lève : On
du complément prépositionnel masculin.
dans un endroit public : Un service d’ordre voyait le matin, quand l’aube au carquois
Il a subi en ancien et en moyen français la improvisé s’efforçait de disperser l’attroupe- d’or | Lance aux astres fuyants ses blanches
concurrence de l’adverbe y : ment qui s’était amassé devant l’immeuble javelines, | Des hommes monstrueux assis
Ne laisserat que n’ i parolt (la Chan- (Martin du Gard). sur les collines ; | On entendait parler de
son de Roland). • SYN.: agglomération, foule, groupement. formidables voix, | Et les géants allaient et
venaient dans les bois (Hugo). Les étoiles
Au XVIIe s., les grammairiens réservèrent attrouper [atrupe] v. tr. (de troupe ;
de l’aube palpitaient encore (Mauriac).
y aux choses et aux animaux. On devrait début du XIIIe s.). Rassembler des per-
2. Par extens. Moment du jour où le soleil
le tenir pour une variante du datif en dis- sonnes en troupe, en foule : Un baptême,
se lève : Commencer sa journée à l’aube.
tribution complémentaire, s’il n’était en sous le porche, avait attroupé des gamins
fait exclu de la plupart des contextes où 3. Fig. et littér. Commencement : L’aube
(Alain-Fournier).
lui (leur) est admis ; on ne dit pas, à pro- de la vie. [Les] dieux antiques menacés par
• SYN. : ameuter, assembler, grouper. —
pos d’un cheval : *J’y donne de l’avoine, l’aube chrétienne (Barrès).
CONTR. : disperser.
• SYN.: 1 point du jour ; 3 aurore. — CONTR.:
*j’y parle, ni, en parlant d’une voiture :
s’attrouper v. pr. Se rassembler en
*J’y fais faire deux tours de piste. brune, crépuscule.
troupe : Des badauds qui s’attroupent
Seul le pronom leur a maintenu son em- autour d’une voiture accidentée. 2. aube [ob] n. f. (lat. ecclés. alba, robe
ploi datival exclusif ; mais son emploi au blanche ; v. 1050, Vie de saint Alexis).) Long
génitif a donné naissance à l’adjectif pos- atypique [atipik] adj. (de a priv. et du gr.
vêtement blanc que les prêtres catholiques,
sessif leur(s). tupos, type ; 1803, Boiste). Qui n’a pas de
les enfants de choeur, les premiers commu-
type régulier ou qui n’est pas conforme
A la première et à la deuxième personne, niants, etc., portent pendant les cérémonies
au type commun ; se dit spécialement des
les formes latines du datif pluriel (nobis, religieuses : Ayant baisé et plié soigneu-
affections dont l’évolution ne présente pas
vobis) avaient été assimilées aux accusa- sement l’aube et la chasuble, il s’inclina
la courbe habituelle.
tifs (nos, vos) dès l’époque romane ; les devant Monsieur l’abbé Lantaigne avant
datifs singuliers (mihi, tibi), devenus m, au, aux [o], art. contractés pour à le, à les. de se retirer (France).

305
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

3. aube [ob] n. f. (lat. alapa, soufflet ; aubier [obje] n. m. (altér., par substitu- une opposition de sens avec le pluriel :
1080, Chanson de Roland, au sens de « plan- tion de suffixe, de l’anc. franç. aubour, du Elles non plus ne toucheraient aucuns
chette »). Partie métallique sur laquelle lat. alburnum ; XIVe s., Bible, écrit auber). gages (Schlumberger). Sans aucuns frais.
s’exerce l’action du fluide moteur dans les 1. Partie tendre d’un arbre, qui, interpo- 3. S’emploie sans négation dans une
turbines, pompes, roues hydrauliques, etc. sée entre le coeur et l’écorce, est constituée réponse dont le verbe n’est pas exprimé :
Bateau à aubes, bateau, de conception par les dernières couches annuelles de bois « Avez-vous collaboré avec lui ? — En
ancienne, propulsé par un système de encore vivantes. 2. Dialect. Saule. aucune manière. » « Y avait-il des soldats
palettes fixées sur une roue. avec eux ? — Aucun. »
aubin [ob] n. m. (de l’anc. franç. hober,
aubépine [obepin] n. f. (lat. pop. *albis- sauter, moyen néerland. hobben, sautil-
• REM. L’emploi de aucun exclut norma-
pina, lat. class. alba spina, épine blanche ; ler ; XVe s., au sens de « petit cheval qui lement aujourd’hui pas ou point dans la
XIIe s., Roncevaux). 1. Arbrisseau épineux à va l’amble » ; sens actuel, 1534, Rabelais). même proposition. Les écrivains clas-
Allure défectueuse d’un cheval qui galope siques, malgré la condamnation por-
fleurs blanches ou roses et à baies rouges :
Un rustique palis, perdu dans une haie avec les jambes de devant, alors qu’il trotte tée par Vaugelas, offrent de nombreux
d’aubépines et de ronces (Balzac). Quand, avec celles de derrière. exemples de pas ou point accompagnant
au moment de quitter l’église, je m’age- aucun : Il n’y a point eu, à proprement
auburn [oboern] adj. invar. (mot angl. parler, aucun coup de tiré de leur part
nouillai devant l’autel, je sentis tout d’un
signif. « châtain roux », empr. au bas lat. (Racine). Je ne vous connais pas capable
coup, en me relevant, s’échapper des aubé-
alburnus ; 1906, Larousse). Brun, châtain, d’aucune infidélité (Fénelon).
pines une odeur amère et douce d’amandes
avec des reflets roux : Jean Marais surgit
(Proust). 2. La fleur de cet arbrisseau : Il aucunefois, aucunesfois [okynfwa]
[...], la chevelure rouge, non, clair-de-lune,
avait pour aide, il avait pour appui | Une non, auburn (Colette). adv. (de aucun et de fois ; XVe s.). Class. (déjà
blanche aubépine, une fleur, comme lui | vx au XVIIe s.). Quelquefois : Aucunesfois
• SYN.: acajou.
Dans le grand ravage oubliée (Hugo). des chiens il suit la voix confuse (Racan).
aucuba [okyba] n. m. (du jap. aokiba ;
aubère [obr] adj. (anc. esp. hobero, peut- aucunement [okynm] adv. (de aucun
1796, Thunberg). Petit arbre venant du
être empr. à l’ar. oubârâ, outarde, en raison et du suff. adverbial -ment ; XIIe s.). 1. Class.
Japon, à feuilles persistantes, coriaces,
de la similitude de couleur ; fin du XVIe s.). Quelque peu, en quelque façon, jusqu’à
vertes tachetées de jaune, cultivé dans les
Se dit d’un cheval dont la robe est mélangée un certain point (sans négation) : On
jardins d’agrément.
de poils blancs et de poils rouges. pourrait aucunement | Souffrir ce défaut
n. m. La couleur de la robe de ce cheval : aucun, e [okoe, -yn] adj. et pron. indéf. aux hommes (La Fontaine). 2. Avec
Aubère clair. (lat. pop. *aliquunus, de aliquis, quelqu’un, la particule négative ne ou précédé de
et unus, un seul ; XIIe s., Ronce-vaux, écrit sans : « nullement, pas du tout » : Fille de
auberge [obr] n. f. (provenç. aubergo alcun). la montagne, Léné ne semblait aucune-
ou auberjo, qui correspond à l’anc. franç.
I. VALEUR POSITIVE (employé sans la ment intimidée par le glacier (Duhamel).
herberge ; fin du XVe s.). Maison plus ou
particule ne ou la prép. sans). 1. Class. 3. Employé sans négation, dans une
moins confortable, généralement située à
et littér. Quelque, quelqu’un (dans des réponse sans verbe exprimé : « pas du tout,
la campagne, où l’on peut manger, boire,
phrases dubitatives, conditionnelles, nullement » : « A-t-il été question de lui ?
et éventuellement coucher, en payant : Il
interrogatives) : Je serais bien fâchée, ma — Aucunement. »
dut s’accommoder d’une mauvaise chambre
à l’auberge (Barrès). Fig. Prendre telle bonne, qu’aucun courrier fût noyé (Sévi- audace [odas] n. f. (lat. audacia, de
maison pour une auberge, y venir souvent gné). Penses-tu qu’aucun d’eux veuille audere, oser ; fin du XIVe s., au sens I ; sens
dîner, même sans être invité. Fam. On subir mes lois ? (Boileau). 2. Class. et II, fin du XVIIe s.).
n’est pas sortis de l’auberge, les difficultés littér. D’aucuns (adj. et pron.), aucuns,
les aucuns (pron.), certains, plusieurs : I. 1. Grande hardiesse, qui ne connaît ni
ne sont pas près de cesser.
Ce que d’aucuns maris souffrent paisi- obstacle ni danger : La timidité enrichit la
aubergine [obrin] n. f. (catalan albergi- blement (Molière). D’aucuns prétendent vie de nuances que l’audace et trop de fa-
nia, empr. à l’ar. al-bdinjn, issu lui-même que... Plusieurs avaient la tête trop menue, cilités suppriment (Montherlant). Payer
du persan ; 1764, Valmont de Bomare). Aucuns trop grosse, aucuns même cornue d’audace, se tirer d’une situation diffi-
1. Plante dont le fruit, oblong ou rond, (La Fontaine). Certains mots, caractères, cile ou dangereuse grâce à une hardiesse
généralement d’une belle couleur violette, brevets | Dont les aucuns ont de très bons extraordinaire. 2. Péjor. Hardiesse im-
est comestible. 2. Le fruit de cette plante. effets (La Fontaine). Aucuns t’appelleront pudente, insolence : Elle eut l’audace de
adj. invar. Qui a la couleur violette de une caricature | Qui ne comprennent pas, venir me voir déguisée dans mon auberge
l’aubergine : Une robe aubergine. amants ivres de chair, | L’élégance sans (Mérimée).
nom de l’humaine armature. | Tu ré- II. Class. Ganse qui soutenait les bords
aubergiste [obrist] n. (de auberge ;
ponds, grand squelette, à mon goût le plus du chapeau : Avec son audace au chapeau
1667, Le Tac, Dict. général). Propriétaire ou
cher (Baudelaire). et cette cravate noire (Sévigné).
gérant d’une auberge : Il parlait de racheter
le fonds de commerce et de s’établir auber- II. VALEUR NÉGATIVE (dans des énoncés • SYN.: I, 1 aisance, aplomb, assurance, cou-
giste à Kurzas (Duhamel). comportant la particule ne ou la prép. rage, cran, hardiesse, intrépidité, témérité ;
sans). 1. Nul, personne, pas un : Aucun 2 culot (fam.), effronterie, front, imperti-
aubert [obr] n. m. (de Aubert, n. pr. ; nence, impudence, toupet (fam.). — CONTR.:
élève ne demeurait aux arrêts et les jeux
selon d’autres, du lat. albus, blanc [blanc
en commun n’étaient pas de rigueur I, 1 couardise, crainte, embarras, gêne,
désignant l’ « argent blanc »] ; 1455, Jargon honte, lâcheté, peur, poltronnerie, pusil-
(Mauriac). Je fis ensuite divers métiers
des Coquillards). Arg. et vx. Argent (mon- lanimité, timidité ; 2 déférence, humilité,
dont aucun ne me réussit (France). Il a
naie) : Nous retrouverons notre aubert et modestie, réserve, respect, retenue.
réussi sans aucun effort. Il l’a mérité plus
nous sommes au coeur de la raille (Balzac).
qu’aucun autre. Avec sans, il peut être audaces n. f. pl. Actions qui, par leur
aubette [obt] n. f. (dimin. de l’anc. franç. postposé au nom : On peut l’atteindre hardiesse, tranchent sur les habitudes,
hobe, cabane, francique *huba, coiffe ; v. sans difficulté aucune. 2. S’emploie par- les traditions : Elle avait ces audaces des
1464, J. Molinet, au sens de « cabane »). En fois encore au pluriel, avec les noms dont commerçants, ces presciences de l’avenir
Belgique, kiosque à journaux, abri. le singulier n’est pas usité ou présente réservées aux talents jeunes (Daudet).

306
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

Jamais rien de grand ne s’est fait sans des II. 1. Entretien accordé par une personne causerie, un concert, une émission radio-
audaces morales, des entorses aux prin- d’une certaine importance à quelqu’un phonique : Il parlait [...] avec un scepti-
cipes, qui auraient suffoqué les petits esprits qui désire lui parler ; temps consacré cisme léger qui lui servait à convaincre ses
(Romains). à cet entretien : Sa Sainteté me reçut en auditeurs (Maupassant). Auditeur libre,
audience privée ; les audiences publiques étudiant admis à suivre les cours d’une
audacieusement [odasjøzm] adv. (de
ne sont plus d’usage et coûtent plus cher faculté ou d’une grande école sans avoir
audacieux ; XVe s.). Avec audace : Ce Génin
(Chateaubriand). Quand bien même je me passé l’examen d’entrée qui lui donnerait
est très habile. Il parle bien et audacieuse-
hasarderais à demander une audience, le titre d’élève. 2. Fonctionnaire chargé,
ment. Il va m’entortiller et me désarmer
qui me protégera, qui me présentera ? dans certains tribunaux administratifs, de
(Duhamel).
(Musset). 2. Séance qui réunit les ma- préparer les décisions que prendront ses
• SYN. : effrontément, impudemment. — gistrats d’un tribunal pour interroger les supérieurs : Auditeur au Conseil d’État, à
CONTR. : craintivement, humblement, res- parties, entendre les plaidoiries et pro- la Cour des comptes.
pectueusement, timidement. noncer les jugements : J’irai dès que l’au-
dience sera terminée (Balzac). 3. Lieu auditif, ive [oditif, -iv] adj. (du lat.
audacieux, euse [odasjø, -øz] adj. et n.
auditus, part. passé de audire, entendre ;
(de audace ; 1495, J. de Vignay). Se dit de où se tiennent les séances du tribunal.
1361, Oresme). Qui appartient à l’ouïe ou
quelqu’un qui a de l’audace (en bonne ou audiencer [odjse] v. tr. (de audience ; à l’oreille, organe de l’ouïe : Nerf auditif.
en mauv. part) : C’est l’instant, Messieurs, 1866, Larousse). [Conj. 1.] Mettre une cause
ou jamais, | D’être audacieux (Verlaine). La n. Type de personne plus sensible aux
au rôle pour la plaider à l’audience.
fortune sourit aux audacieux. Un homme perceptions auditives qu’aux perceptions
audacieux et sans scrupules. audiencier [odjsje] adj. et n. m. (de visuelles : On cause, on discute, enfin l’on
audience ; XIVe s., J. de Preis). Huissier comprend que l’on est un auditif et que l’on
• SYN.: courageux, décidé, énergique, hardi,
audiencier, ou simplem. audiencier n. m., parle à un visuel (Gide). Les grands poètes
intrépide, résolu ; effronté, entreprenant,
huissier chargé d’appeler les causes dans ont été des auditifs, non des visionnaires
impertinent, impudent, insolent, osé. —
les tribunaux : Voici l’audiencier [...] qui (Breton).
CONTR. : couard, craintif, gêné, honteux,
écrase à coups de crosse les pieds nus des
lâche, peureux, poltron, pusillanime, audition [odisj] n. f. (lat. auditio ; 1339,
braillards (Dorgelès).
timide, timoré ; déférent, humble, modeste, Jehan de la Mote). 1. Fonction de l’ouïe :
réservé, respectueux. n. m. Grand audiencier, officier de la
Avoir une bonne audition. 2. Action
Chancellerie royale de France qui était
adj. Se dit de ce qui témoigne d’audace : d’entendre, d’écouter : Il est difficile de se
chargé d’instruire les demandes de lettres
Un livre audacieux. Elle sourit de son fémi- souvenir d’un thème musical après une seule
de grâce, de noblesse, etc. Petits audien-
nin et audacieux sourire (Colette). audition. Audition des témoins, action
ciers, officiers qui présentaient les lettres
d’entendre les dépositions des témoins,
au-deçà, au-dedans, au-dehors, au sceau et y apposaient la taxe.
dans un procès. 3. Séance musicale que
au-delà, au-dessous, au-dessus,
audi-mutité [odimytite] n. f. (du lat. donne un artiste : Le baron fut très touché
au-devant adv. V. DEÇÀ,DEDANS,DEHORS,
audire, entendre, et de mutité ; début du [...] de toutes les occasions données par le
DELÀ, DESSOUS,DESSUS,DEVANT.
XXe s.). Mutité congénitale non accompa- célèbre artiste au jeune virtuose de se pro-
audibilité [odibilite] n. f. (de audible ; gnée de surdité. duire, de sefaire connaître, en le désignant,
1949, Larousse). Propriété, pour un son, de préférence à d’autres de talent égal, pour
audio- [odj], élément tiré du lat. audio,
de pouvoir être entendu. des auditions qui devaient avoir un reten-
j’entends, et entrant, comme préfixe, dans
[odibl] adj. (lat. audibilis, même la composition de quelques mots. tissement particulier (Proust). Spécialem.
audible
Présentation par un artiste de son numéro
sens ; 1488, Mer des histoires). Se dit des
audiogramme [odjgram] n. m. (du devant un directeur de théâtre ou de music-
sons que l’oreille peut à la fois percevoir et
préf. audio- et du gr. gramma, inscription ; hall en vue d’obtenir un engagement :
supporter : Lente, enrouée, non repérable,
milieu du XXe s.). Représentation graphique Passer une audition.
elle [l’horloge] empruntait le mode qui la
de la sensibilité de l’oreille aux différents
rendait audible (Arnoux). • SYN.: 1 oreille, ouïe ; 2 écoute.
sons.
• CONTR. : inaudible. auditionner [odisjne] v. intr. (de audi-
audiomètre [odjmtr] n. m. (du préf.
audience [odjs] n. f. (lat. audientia, tion ; 1922, Larousse). Pour un artiste, pré-
audio- et du gr. metron, mesure ; 1879,
de audire, entendre ; 1160, Benoît de senter son numéro en vue d’obtenir un
Année scientif. et industr.). Appareil
Sainte-Maure). engagement : Être admis à auditionner à
de mesure utilisé pour établir les
l’Opéra.
I. 1. Class. et littér. Attention prêtée à audiogrammes.
v. tr. Procéder à l’audition du numéro
celui qui parle : Voici la plus belle médita- audiophone [odjfn] n. m. (du préf. d’un artiste : Le directeur est en train d’au-
tion dont David s’entretenait sur le trône, audio- et du gr. phônê, son ; 1898, Larousse). ditionner les nouveaux candidats.
et au milieu de sa cour : Sire, elle est digne Petit appareil acoustique que certaines per-
de votre audience (Bossuet). Je m’excuse, sonnes qui entendent mal portent à l’oreille auditoire [oditwar] n. m. (lat. audito-
Messieurs, d’un si long abus de votre pour renforcer les sons. rium, de audire, entendre ; XIIe s., P. de
courtoise audience (Valéry). Spécia- Fontaines). 1. Class. Lieu où l’on se réunit
lem. Attention favorable, assentiment : audio-visuel, elle ou audiovisuel, pour écouter des orateurs : Il avait un grand
Une proposition qui ne rencontre aucune elle [odjvizl] adj. (du préf. audio- et et célèbre auditoire, où se trouvait une mul-
de visuel ; milieu du XXe s.). Qui concerne titude de peuple (Richelet). Spécialem.
audience. 2. Attention ou intérêt que
à la fois l’ouïe et la vue. Enseignement
le public porte à ceux qui parlent ou Endroit où se tiennent les audiences d’un
audio-visuel, méthode active de pédagogie,
écrivent pour lui : Il était un obscur petit tribunal. 2. Ensemble des personnes qui
utilisant au maximum l’ouïe et la vue des
professeur, qui écrivait, sans doute, et fort assistent aux audiences d’un tribunal, ou
enfants, en particulier par la projection de
bien, mais ne trouvait aucune audience sont réunies en un même lieu pour une
films commentés.
(Maurois). 3. Class. Ensemble de ceux audition : Moi, je m’indignais parfois
qui écoutent, auditoire : Ce n’est point auditeur, trice [oditoer, -tris] n. (lat. d’avoir à débiter de si longues tirades [...]
cette indécence qu’il faut représenter de- auditor, de audire, entendre ; 1213, Beau- devant un auditoire aisément convaincu de
vant une audience respectable (Voltaire). manoir). 1. Personne qui écoute une mon droit (Nerval). Il y eut dans la salle ce

307
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

piétinement, ces petites toux d’un auditoire qui s’ajoute, nouvel élément : Voilà pré- rapport aux augures et aux présages :
qui s’installe pour écouter (Daudet). sentement ce que je vous puis dire, mais J’avais reconnu [...] ces sursauts que vous
• SYN.: 2 assistance, public, salle. entre ci et demain que partira cette lettre, avez comme d’un appel augural (Bernanos).
il y aura bien des augmentations (Sévigné).
auditorat [oditra] n. m. (de auditeur ; 1. augure [ogyr] n. m. (lat. augur ; 1213,
3. Action d’accroître en valeur ; résultat
milieu du XIXe s.). Fonction d’auditeur dans Fet des Romains). 1. Prêtre de l’Antiquité
de cette action : L’augmentation des prix,
un tribunal administratif. chargé de tirer des présages du vol et du
des impôts. 4. Absol. Accroissement de
chant des oiseaux : Mathô, mélancolique
auditorium [oditrjm] n. m. (mot lat. ; salaire, de traitement : La directrice lui
comme un augure, s’en allait dès le soleil
1928, Larousse). Salle réservée à l’audition promet pour la saison prochaine le « lumi-
levant pour vagabonder dans la campagne
des oeuvres musicales ou théâtrales pour neux », et une seconde vedette ; on verra
(Flaubert). 2. Fig. et ironiq. Homme qui
les émissions de radio ou de télévision, ou après pour l’augmentation (Colette).
se croit capable de prédire l’avenir, de
pour les enregistrements sonores. • SYN. : 3 accroissement, aggravation, élé- faire des pronostics : J’ai consulté tous les
vation, enchérissement, hausse, majora- augures que j’ai pu trouver, et dans tous les
auge [o] n. f. (lat. alveus, cavité, de alvus,
tion, montée. — CONTR. : 3 baisse, chute, genres ; et je n’ai entendu que des paroles
ventre ; XIIe s.). 1. Récipient en pierre, en
diminution. fort vagues, des prophéties contradic-
bois ou en tôle, dans lequel mangent et
boivent les animaux domestiques : Les augmenter [gmte] v. tr. (lat. impér. toires, des assurances curieusement débiles
bestiaux boivent dans des auges pareilles augmentare, de augere, accroître ; 1360, (Valéry). À partir de dix heures, certains des
à des sarcophages (Hugo). 2. Récipient G. de Machaut). 1. Rendre plus grand, principaux augures que l’on voyait aller et
dans lequel les maçons délaient le plâtre ou plus considérable : Haudouin augmentait venir d’un bureau à l’autre montrèrent un
préparent le mortier : Ce n’est point l’auge patiemment sa fortune (Aymé) ; et au fig. : visage plus soucieux (Romains).
et la truelle qui rassemble et qui construit Le calme morne du château de Combourg • SYN.: 1 aruspice ; 2 devin, prophète.
(Claudel). était augmenté par l’humeur taciturne et 2. augure [ogyr] n. m. (lat. augurium ;
• REM. Au sens 1, pour les bêtes de grande insociable de mon père (Chateaubriand). 1160, Benoît de Sainte-Maure). 1. Présage de
taille (chevaux, boeufs), on emploie plutôt C’est ce qui fait qu’une femme, par toute l’avenir que les prêtres romains tiraient de
abreuvoir ou mangeoire. Pour les bêtes nouvelle souffrance qu’elle nous inflige, sou- l’observation de certains signes, et surtout
de taille moyenne, on emploie soit auge vent sans le savoir, augmente son pouvoir du vol des oiseaux (ordinairem. employé
(spécialement pour le porc), soit crèche sur nous, mais aussi nos exigences envers au plur.) : Prendre les augures. 2. Signe,
(spécialement pour le mouton). elle (Proust). 2. Ellipt. et fam. Accroître le bon ou mauvais, qui semble annoncer l’ave-
prix de : Augmenter le pain. 3. Augmenter nir : Cette ressemblance de bon augure avait
augée [oe] n. f. (de auge ; 1546, Ch.
quelqu’un, accroître son salaire ou son trai- inspiré à Mme Worms-Clavelin une sym-
Estienne). Le contenu d’une auge : La tête
tement : J’ai failli partir plusieurs fois. Ils pathie soudaine (France). Fam. Oiseau
plongée jusqu’au-dessus des naseaux dans
m’ont augmenté (Romains). de mauvais augure, personne dont la pré-
une augée d’avoine (R. Bazin).
• SYN. : 1 accroître, agrandir, ajouter à, sence fait prévoir une mauvaise nouvelle,
auget [o] n. m. (de auge ; XIIe s., Herman amplifier, arrondir, étendre, grossir, inten- ou personne qui annonce de mauvaises
de Valenciennes). 1. Petite auge. 2. Sorte sifier, renforcer. — CONTR. : 1 amoindrir, nouvelles. J’en accepte l’augure, j’espère
de caisse dans laquelle les laveuses s’age- diminuer, réduire ; 2 baisser. que le succès prédit se réalisera vraiment.
nouillent pour laver le linge. v. intr. 1. (avec un sujet désignant une • SYN.: 1 et 2 auspice, prédiction, présage.
augment [gm] n. m. (lat. augmentum, chose) Devenir plus grand, plus considé-
augurer [ogyre] v. tr. (lat. augurare,
de augere, augmenter ; XIVe s.). Particule rable en quantité, en valeur, en intensité, en
tirer un présage du vol des oiseaux ; 1355,
grammaticale, en général de forme e, que qualité : Je pensais [...] que mes palpitations
Bersuire). 1. (avec un sujet désignant une
l’on ajoute devant le radical du verbe à cer- de coeur s’arrêteraient. Elles augmentaient
chose) Laisser prévoir, laisser espérer : Il
tains temps du passé de l’indicatif, en grec au contraire (Radiguet). 2. Fam. Hausser
se félicita d’une attitude courtoise augu-
et dans certaines autres langues : Suffixes et de prix : La vie augmente. 3. (avec un
rant un séjour dont l’oncle n’aurait point
désinences s’ajoutent à la racine. L’augment sujet désignant une personne) Class. Faire
trop à se plaindre (Cocteau). 2. (avec un
qui se place avant la racine peut passer pour des progrès : Toujours il augmente en savoir
sujet désignant une personne) Conjecturer,
y faire exception (Vendryes). (La Fontaine). 4. Class. Exagérer : En cela
inférer : Il y a quelque temps, on est venu
je n’augmente pas (La Fontaine). Voyez le
augmentable [gmtabl] adj. me demander ce que j’augurais de la vie
peuple, il controuve, il augmente, il charge
et ce que je croyais qu’elle serait dans cin-
(de augmenter ; XVIe s.). Susceptible par grossièreté et par sottise (La Bruyère).
d’augmentation. quante ans (Valéry). Bien, mal augurer
• SYN. : 1 s’accentuer, s’aggraver, s’ampli- de quelque chose, avoir un pressentiment
augmentatif, ive [gmtatif, -iv] adj. fier, croître, s’étendre, grossir, s’intensifier, favorable, défavorable sur l’issue, le résul-
et n. m. (de augment ; 1361, Oresme). Se redoubler. — CONTR. : 1 décroître, dimi- tat de cette chose : Cette bonne volonté lui
dit d’une particule grammaticale ser- nuer ; 2 baisser. fit bien augurer du succès de l’expédition
vant à renforcer le sens des mots : Le • REM. Augmenter v. intr. se conjugue (Aymé).
préfixe « archi- »(archimillionnaire) et le plus souvent avec l’auxiliaire avoir et • SYN. : 1 annoncer, présager, promettre,
le suffixe « -issime »(richissime) sont des rarement avec l’auxiliaire être. pronostiquer ; 2 conjecturer, pressentir,
augmentatifs. s’augmenter v. pr. (avec un nom abs- présumer, prévoir.
• CONTR. : diminutif. trait pour sujet). Class. et littér. Devenir
1. auguste [ogyst] adj. (lat. augustus,
plus important : Comme à ce mot s’aug-
augmentation [gmtasj] n. f. (bas lat. de augur, consacré par les augures, d’où
mente sa douleur ! (Molière). La passion
augmentatio ; 1290, Godefroy). 1. Class. « vénérable et sacré » ; XIIIe s., Aimé du
de Blanca s’augmenta de jour en jour, et
et littér. Accroissement ; action d’ajouter Mont-Cassin ; rare jusqu’au XVIIe s.). 1. Se
celle d’Aben-Hamet s’accrut avec la même
une chose à une autre de même nature : dit des princes et des rois et de ce qui est
violence (Chateaubriand).
Tonsard fut déçu tout d’abord dans l’espé- relatif à eux : J’ai prêté mon théâtre avec un
rance assez joliment caressée de conquérir augural, e, aux [ogyral, -o] adj. (lat. plaisir infini, trop heureux de voir l’auguste
une espèce de bien-être par l’augmentation auguralis ; 1555, Belon). 1. Qui appartient princesse (Vigny). 2. Littér. Qui inspire le
de sespropriétés (Balzac). 2. Class. Chose aux augures : Bâton augural. 2. Qui a respect, qui a quelque chose d’imposant,

308
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

de solennel : Le malheur devient auguste D’aujourd’hui loc. adv. 1. Depuis le jour aumôner [omone] v. tr. (de aumône ;
par la volonté impénétrable de Dieu qui le présent : Ce n’est pas d’aujourd’hui que je le XIIIe s., Beaumanoir). Vx. Donner l’aumône
créa (Lautréamont). L’ombre, où semêle une connais. 2. Pour ce jour-ci, pendant cette à : Philippe se promenait sur son cheval de
rumeur, | Semble élargir jusqu’aux étoiles | Le journée : Il ne viendra pas d’aujourd’hui. triomphe [...]. Il souriait [...], mendiant la
geste auguste du semeur (Hugo). On avait 3. D’aujourd’hui (ou aujourd’hui) en couronne en quêtant le peuple avec son cha-
entendu les bouches les plus augustes mentir huit, en quinze, dans huit jours, dans peau orné d’une aune de ruban tricolore,
dans les occasions les plus sacrées (Valéry). quinze jours à partir d’aujourd’hui. tendant la main à quiconque voulait en pas-
• SYN.: 2 digne, grand, majestueux, noble, n. m. Littér. Le jour où l’on est : Le vierge, sant aumôner cette main (Chateaubriand).
sacré, vénérable. — CONTR. : 2 bas, mépri- le vivace et le bel aujourd’hui (Mallarmé).
aumônerie [omonri] n. f. (de aumô-
sable, mesquin, vil, vulgaire.
1. aulique [olik] adj. (lat. aulicus, de aula, nier, n. m. ; 1190, Garnier de Pont-
n. m. 1. Titre honorifique donné par le
cour ; 1546, Rabelais). 1. Qui appartient à SainteMaxence). 1. Fonction, charge
sénat romain à Octavien, devenu par la
la cour des rois. 2. Conseil aulique, tri- d’aumônier. 2. L’ensemble des aumô-
suite le titre principal de tous les empereurs
bunal suprême de l’ancien Empire germa- niers ; administration centrale du service
romains (avec une majuscule) : Rimini,
nique. Conseiller aulique, membre de ce des aumôniers. 3. Résidence ou logement
Pesaro, Fano [...] m’ont amené à Ancône
tribunal, puis membre de tout conseil de d’un aumônier.
sur des ponts et sur des chemins laissés par
les Augustes (Chateaubriand). 2. Roi ou quelques États de l’Empire germanique : Le 1. aumônier, ère [omonje, -r] adj.
prince ami des lettres : Un auguste, un conseiller aulique Boscovitch, petit homme (de aumône ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
mécène. sans âge, peureux et doux, avec des yeux de au sens de « qui reçoit l’aumône »). Class.
lapin qui regardaient toujours de côté, était et littér. Qui aime faire l’aumône ; qui est
2. auguste [ogyst] n. m. (de Auguste, n.
un jurisconsulte savant, fort passionné pour charitable : Afranus selève le dernier. | Cet
de personne ; 1898, Larousse). Fam. Type
la botanique (Daudet). évêque est pieux, charitable, aumônier ; |
de clown.
2. aulique [olik] n. f. (du lat. aula, au sens Quoique jeune, il voulait sefaire anachorète
augustin, e [ogyst, -in] n. (de saint
de « salle des actes » ; 1680, Riche-let). Dans (Hugo). Une nature aumônière et prodigue
Augustin ; XIIIe s.). Religieux, religieuse
les anciennes universités, soutenance de avec grâce (Sainte-Beuve).
de l’ordre de Saint-Augustin.
thèse pour le doctorat en théologie. 2. [omonje] n. m. (même
aumônier
augustine [ogystin] n. f. (origine incon-
aulnaie [on] ou aunaie [on] n. f. (de étym. qu’à l’art. précéd. ; 1080, Chanson
nue ; 1863, Littré). Sorte de chaufferette en
aulne ; XIVe s.). Lieu planté d’aunes. de Roland). 1. Sous l’Ancien Régime, ecclé-
usage au début du XIXe s., et dans laquelle
siastique attaché à la personne d’un roi ou
une lampe à esprit-de-vin servait de foyer. aulne [on] ou aune [on] n. m. (lat. alnus ;
d’un prince pour distribuer ses aumônes
augustinien, enne [ogystinj, -n] adj. XIIe s.). Arbre communément appelé verne
et assurer le service divin : L’aumônier de
(de saint Augustin ; XVIIIe s.). Relatif à saint ou vergne, croissant souvent au bord de
la reine. Grand aumônier de France,
Augustin : L’exégèse augustinienne. l’eau : Je délibérais si je n’enverrais pas
premier aumônier de la Cour, chargé de
Hyacinthe chercher du beurre frais et du
adj. et n. m. Qui adopte la théorie de saint distribuer les aumônes du roi. 2. Prêtre
pain bis pour manger du cresson au bord
Augustin, en particulier sur la grâce et la attaché à un corps ou à un établissement
d’une fontaine, sous une cépée d’aunes
prédestination. pour y assurer le service divin et y donner
(Chateaubriand).
[ogystinism] n. m. (de éventuellement l’instruction religieuse :
augustinisme
saint Augustin ou de Augustinus, titre aulnée n. f. V. AUNÉE. Aumônier militaire. Aumônier des prisons.
d’un ouvrage de Jansénius ; 1866, Larousse). aulos [ols] n. m. (mot gr. signif. flûte).
• SYN.: 1 chapelain.
1. Doctrine de saint Augustin, en particu- Instrument de musique à vent qu’utilisaient aumônière [omonjr] n. f. (de aumône ;
lier en ce qui concerne la grâce et la prédes- les anciens Grecs. XIIe s., Delboulle). Petite bourse portée à
tination : Elle [la gnose] a aussi voulu éviter,
la ceinture, et qui, à l’origine, contenait
à l’avance, l’augustinisme, dans la mesure aulx [o] n. m. pl. Un des pluriels de AIL :
Des aulx qui croissent en abondance dans l’argent des aumônes : Une jeune fille en
où celui-ci fournit des arguments à toute
le jardin de l’hôtel (Gide). robe blanche portant une aumônière à sa
révolte (Camus). 2. Dénomination don-
ceinture (Flaubert).
née souvent à la doctrine des jansénistes. aumaille [omaj] n. f. (lat. animalia ;
aumusse [omys] n. f. (lat. médiév.
aujourd’hui [ourdi] adv. (de au, jour et XIIe s.). Vx ou dialect. Bétail, en particulier
almutia, d’origine inconnue [l’allem.
hui ; forme renforcée de hui, du lat. hodie, en bêtes à cornes : Avoir une si belle aumaille
Mütze, casquette, vient du franç. ou du
ce jour ; XIIe s., SaintEvroult). 1. Dans le jour au bout de son aiguillon (Sand).
lat.] ; XIIe s.). Pèlerine de fourrure à capu-
présent ; le jour présent : Il y a aujourd’hui • REM. Il existe une variante suisse
chon, que portaient les chanoines et les
trois semaines, je partais en vacances. Mais ARMAILLE.
chantres à l’office : Et des chapelains de
sa lettre d’aujourd’hui, je ne l’avais même
aumône [omon] n. f. (lat. pop. *alemosina, la Sainte-Chapelle, avec leurs aumusses
pas ouverte (Mauriac). 2. Dans le temps
présent ; à l’époque actuelle : Sans doute du gr. eleêmosunê, compassion ; v. 1050, grises (Hugo).
rien n’est plus naturel, aujourd’hui, que Vie de saint Alexis, écrit almosne). 1. Don • REM. On trouve aussi l’orthographe
de voir des gens travailler du matin au soir que l’on fait aux pauvres, par pitié ou par AUMUCE.
et choisir ensuite de perdre aux cartes, au charité : Jean Valjean [...] lui mit dans la
aunage [ona] n. m. (de auner ; 1396,
café, et en bavardages, le temps qui leur main son aumône accoutumée (Hugo). Son
visage était si triste que jamais on ne lui Dict. général). 1. Action de mesurer avec
reste pour vivre (Camus). Fam. Le jour
refusait l’aumône (Flaubert). 2. Fig. Ce une aune et, par extens., avec une autre
d’aujourd’hui, au jour d’aujourd’hui, forme
unité : Sait-on bien gagner sur l’aunage, sur
volontairement pléonastique pour insister qu’on accorde avec parcimonie ou avec
la coupe ? (Nerval). 2. Nombre d’aunes
sur le temps actuel : Les femmes du monde condescendance : L’aumône d’un regard
de complaisance [...], ce fut tout ce qu’on que contient une pièce d’étoffe : On véri-
du jour d’aujourd’hui (Goncourt).
fiait l’aunage des pièces pour s’assurer de la
• SYN.: 2 actuellement, de nos jours, main- obtint d’elle (Courteline).
valeur exacte du coupon restant (Balzac).
tenant, présentement. — CONTR.: 2 ancien- • SYN.: 1 charité, obole, secours ; 2 faveur,
nement, autrefois, demain, hier. grâce. aunaie n. f. V. AULNAIE.

309
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

1. aune [on] n. f. (francique *alina, pro- sinage, à côté : Auprès, dans une corbeille • SYN.: 1 couronne, gloire, nimbe ; 3 cerne ;
prem. « avant-bras » ; 1080, Chanson de de paille, il y avait un décime (Flaubert). 4 éclat, halo, nimbe.
Roland). 1. Ancienne mesure de longueur, prép. Class. À côté de : Un pasteur [...] a auréoler [orele] v. tr. (de auréole ; milieu
variable selon les lieux et qui à Paris valait sa place dans l’oeuvre, auprès les pourpres du XIXe s.). 1. Entourer d’une auréole, d’un
1,188 m : Ce manteau a deux manches, et les fourrures (La Bruyère). halo de lumière : Annette, auréolée de soleil
longues d’environ une aune, larges par- Auprès de loc. prép. 1. Marque le lieu, (Rolland). Il était debout, les pieds joints,
devant d’un demi-pied environ, et se ter- la proximité : Elle avait reconnu Jérôme, les bras croisés, la tête dressée vers le ciel, les
minant en pointes (Baudelaire). Fig. et vx.
son mari, auprès d’une femme (Martin paupières closes ; ses mèches, tordues autour
D’une aune, très long : Un nez d’une aune. du Gard). 2. Marque la comparaison : de son front, l’auréolaient de flammes
Faire une mine d’une aune, avoir l’air Auprès de cette vérité soudaine mise à noires (Martin du Gard). Au plafond, deux
très dépité ou être de mauvaise humeur. jour, la peste était peu de chose (Camus). réflecteurs de tôle émaillée auréolent des
2. Instrument de la longueur d’une aune, 3. Fig. En s’adressant à : Il trouva auprès ampoules électriques (Pagnol). 2. Fig.
servant à mesurer : Elle trouva le marchand d’elle des conseils dans les difficultés que Parer de gloire, de toutes les qualités :
parfumeur au milieu de la pièce voisine, une traversait alors son ménage (Mauriac). Voici la fameuse tête de la Madeleine ren-
aune à la main et mesurant l’air (Balzac). 4. Fig. Marque le point de vue, l’opinion versée, au sourire bizarre et mystérieux, et
3. La chose mesurée à l’aune : Je reçus de quelqu’un : Il jouit [...] d’une extrême si surnaturellement belle qu’on ne sait si elle
trois aunes de drap (Stendhal). 4. Fig.
considération auprès des âmes pieuses est auréolée par la mort (Baudelaire). Une
et vx. Mesurer autrui à son aune, le juger (Chateaubriand). 5. Class. Sur le point inconnue qui passe sur-le-champ à l’état
d’après soi. Savoir ce qu’en vaut l’aune,
de, près de (avec un infinitif) : Il a été tout d’idole auréolée (Murger).
connaître par expérience les difficultés ou
auprès d’être ridicule (Sévigné). • SYN.: 1 ceindre, couronner, nimber.
les points faibles d’une chose. Tout du
long de l’aune, à pleine mesure : Chacun y auquel, auxquels, auxquelles [okl] auréomycine [oremisin] n. f. (du
babille, et tout du long de l’aune (Molière). pron. rel. Formes contractées de à lequel, à lat. aureus, d’or, et de mycine, du gr.
lesquels, à lesquelles. (V. LEQUEL.) mukês, champignon ; milieu du XXe s.).
2. aune n. m. V. AULNE.
aura [ora] n. f. (lat. aura, souffle ; fin Antibiotique de couleur jaune, qu’on
1. aunée [one] ou aulnée [one] n. f. (lat. administre en comprimés, en collyres ou
du XVIIIe s.). 1. En physiologie ancienne,
pop. *elena, réfection, par influence du n. en pommades.
exhalaison, émanation subtile qu’on sup-
pr. [H]elena, du lat. helenium, empr. au gr. ;
posait s’élever de certains corps. 2. Sorte 1. auriculaire [orikylr] adj. (lat. auri-
XIIIe s., Médecin liégeois). Plante à fleurs
d’auréole visible aux seuls initiés, dans les cularius ; 1540, Rabelais). Qui a rapport
jaunes, poussant dans les lieux humides et
sciences occultes. 3. Fig. Atmosphère à l’oreille : Artères auriculaires. Conduit
dont les racines sont utilisées en médecine.
immatérielle, halo qui enveloppe certains auriculaire. Maladie auriculaire. Témoin
2. aunée [one] n. f. (de aune ; 1863, Littré). êtres ou certaines choses : Cette aura qui auriculaire, celui qui a entendu de ses
Vx. Quantité d’étoffe ayant la longueur annonce la proximité d’une âme errante propres oreilles. Confession auriculaire,
d’une aune. (Daudet). L’être ne meurt pas tout de suite celle qui se fait à l’oreille du prêtre.
• SYN.: aune. pour nous, il reste baigné d’une espèce
n. m. Le plus petit des doigts de la main,
d’aura de vie qui n’a rien d’une immorta-
auner [one] v. tr. (de aune ; 1175, Chr. de qui, du fait de sa petitesse, peut être intro-
lité véritable, mais qui fait qu’il continue duit dans l’oreille : Avec l’ongle de l’auri-
Troyes). Vx. Mesurer avec une aune et, par
à occuper nos pensées de la même manière culaire, courbe, corné, interminable [...],
extens., avec une unité quelconque de lon- que quand il vivait (Proust). Tout ce qui se
gueur : Le marchand aune avec une sorte M. Larminat explorait fréquemment son
place pour moi dans votre aura n’a plus son conduit auditif (Duhamel).
de demi-mètre qui s’appelle un pic (Nerval).
sens ordinaire (Montherlant).
Fam. et vx. Auner l’habit de quelqu’un, 2. auriculaire [orikylr] adj. (de auri-
• SYN. : 3 ambiance, émanation, fluide,
donner à quelqu’un des coups de bâton. cule ; XIXe s.). Qui a rapport aux auricules et
nimbe.
auparavant [oparav] adv. (forme ren- oreillettes du coeur : Appendice auriculaire.
auréolaire [orelr] adj. (de auréole ;
forcée de avant ; XIVe s., Chronique de auricule [orikyl] n. f. (lat. auricula,
1863, Littré). Qui imite plus ou moins une
Flandres). Avant dans le temps, antérieu- oreille ; 1377, Lanfranc, au sens 1 ; au sens
auréole.
rement : Tout continuait d’ailleurs comme 2, 1538, Rabelais). 1. Chacun des appen-
quelques minutes auparavant (Aragon). auréole [orel] n. f. (lat. aureola, ellipse dices qui surmontent les oreillettes du
prép. Class. Avant, dans un temps anté- du lat. ecclés. corona aureola, couronne coeur. 2. Pavillon de l’oreille.
rieur à : Apprenez-moi le crime auparavant d’or ; fin du XIIIe s., Rutebeuf). 1. Cercle
lumineux dont les peintres entourent la aurifère [orifr] adj. (lat. aurifer, de
l’arrêt (Rotrou). Quant à mon frère [...] il lui
tête du Christ, de la Vierge et des saints. aurum, or, et ferre, porter ; 1535, M. d’Am-
sera plus aisé de se vaincre après, qu’aupa-
boise ; rare jusqu’au XIXe s.). Se dit d’un
ravant ton mariage (Restif de La Bretonne). 2. Halo lumineux autour d’un astre, d’un
objet, d’un être : La lune n’a pas d’auréole, terrain, d’un cours d’eau, etc., qui contient
Auparavant de ou que de loc. prép. de l’or : C’est le pays des fleuves aurifères
(suivie de l’infinitif). Class. Avant de : tant pis ; un peu de pluie n’aurait pas fait
(Banville).
On est étouffé auparavant de toucher la de mal (Mauriac). Un affreux petit Chinois
terre (Cyrano de Bergerac). L’on résolut resta debout devant eux [...] ; de l’auréole de aurification [orifikasj] n. f. (de aurifier ;
de publier le siège d’Étampes quinze jours lumière qui entourait sa tête, son moindre 1863, Littré). Action d’aurifier une dent.
auparavant que de l’exécuter (Retz). mouvement faisait glisser un reflet huileux
aurifier [orifje] v. tr. (du lat. aurum, or,
sur son gros nez (Malraux). 3. Sorte de
Auparavant que loc. conj. Class. Avant et de facere, faire ; 1863, Littré). Obturer
tache circulaire au contour un peu flou :
que : Auparavant que j’examine cela plus une dent cariée avec de l’or : De longues
Des auréoles de bistre cerclaient déjà ses
soigneusement (Descartes). dents déchaussées et solidement aurifiées
yeux meurtris (Gautier). 4. Fig. Gloire,
• REM. Vaugelas n’admettait que l’emploi (Mauriac).
prestige qui entoure certains personnages
adverbial.
ou certains objets : Son nom apparaissait aurige [ori] n. m. (lat. auriga, cocher ;
auprès [opr] adv. (de l’art. contracté au dans une auréole de poésie (Maupassant). 1866, Larousse). Conducteur de char, dans
et de près ; 1424, A. Chartier). Dans le voi- L’auréole du martyre. l’Antiquité : Les cinq chevaux traînaient,

310
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

sur le minium de la piste, l’aurige ensan- régions polaires, et d’où s’échappent des manière d’être, soit exprimée : Elle est
glanté et ligoté dans ses guides (Vercel). jets de lumière qui fusent dans l’espace. aussi bonne que belle ; soit sous-enten-
• SYN. : 1 aube, point du jour ; 4 début, due : : Nous ne sommes pas aussi fortes
aurignacien, enne [oriasj, -n] adj.
ébauche, esquisse, prémices. — CONTR. : que vous, nous autres, femmes (Flaubert).
et n. m. (de Aurignac, localité de la Haute-
1 brune, crépuscule, soir, tombée du jour ; Pourquoi a-t-il affronté une épreuve aussi
Garonne ; XXe s.). Se dit de l’industrie
4 crépuscule, fin, terme. difficile ? 3. Class. De même, ainsi (en
préhistorique du début du paléolithique
adj. invar. Couleur de l’aurore, d’un parlant d’une action qu’on imite) : Il dé-
supérieur, caractérisée par des pointes de
jaune doré, orangé : Le long de la maison jeune très bien ; aussi fait sa famille (La
sagaie en os d’un type particulier (pointes
brillent des pieds-d’alouette bleus, des capu- Fontaine).
à base fendue).
cines aurore (Balzac). II. Marque l’addition. Encore, de plus, en
1. aurique [orik] adj. et n. f. (néerl. oorig ;
auscultation [oskyltasj] n. f. (lat. outre : Depuis mon départ, le papa Gob-
fin du XVIIIe s.). Se dit d’une voile, de forme
auscultatio, action d’écouter, examen ; seck avait loué ma chambre pour ne pas
variable, placée dans l’axe du navire.
1570, Gentian Hervet ; sens médic., 1819, avoir de voisins ; il avait aussi fait poser
2. aurique [orik] adj. (du lat. aurum, or ; Laennec). 1. En médecine, méthode d’exa- une petite chatière grillée au milieu de sa
1863, Littré). Se dit, en chimie, de certains men clinique qui consiste à écouter les porte (Balzac).
composés de l’or : Sel aurique. bruits produits par les organes intérieurs,
III.Marque la conséquence, indique
auriste [orist] n. m. (du lat. auris, oreille ; en vue d’établir un diagnostic. 2. Par
une conclusion. C’est pourquoi, à cause
1866, Larousse). Médecin spécialisé dans extens. Examen du fonctionnement d’une
de cela (le sujet de la proposition ame-
le traitement des maladies de l’oreille machine par les bruits qu’elle produit.
née par aussi est alors généralement en
(rare) : J’avais pris l’initiative de convo- ausculter [oskylte] v. tr. (lat. auscultare, inversion) : Avant elle [la loi chrétienne],
quer un auriste, Lanquetot. Nous avons écouter, examiner ; XVIe s. ; sens médic., le vaincu était massacré ou esclave pour la
trouvé toutes les complications possibles : 1819, Laennec). 1. Écouter à des fins médi- vie, les villes prises saccagées, les habitants
mastoïdite, naturellement ; infection du cales, soit avec l’ouïe simple, soit à l’aide chassés et dispersés ; aussi chaque État
sinus latéral, etc. (Martin du Gard). du stéthoscope, les bruits que produisent épouvanté se tenait-il constamment prêt à
•REM. Dans le langage courant, on dit les organes intérieurs : Il l’ausculta. Il des mesures désespérées (Vigny).
plutôt un OTO-RHINO-LARYNGOLOGISTE mettait à ces gestes professionnels une gra-
IV. Marque la cause, indique une expli-
ou, fam., un OTO-RHINO. vité satisfaite (Martin du Gard). 2. Par
cation. 1. Dans la langue moderne, aussi
extens. Examiner le fonctionnement d’une
aurochs [ork] n. m. (allem. Auerochs, marque un lien causal assez vague, lâche,
machine en écoutant les bruits qu’elle pro-
renforcement expressif du celtique auer, par et signifie « après tout », « d’ailleurs »,
duit : Le mécanicien ausculte un moteur.
l’addition de Ochs, boeuf ; 1611, Cotgrave, « somme toute », « tout compte fait » : Il
écrit aurox ; aurochs, XVIIIe s., Buffon). auspice [ospis] n. m. (lat. auspicium, de [d’Argenton] est furieux, il se sent ridi-
Boeuf sauvage de grande taille, qui vivait avis, oiseau, et spicere, examiner ; XIVe s., cule. — Aussi, c’est ta faute, dit-il à Char-
en Europe et dont l’espèce est aujourd’hui Bersuire). 1. À Rome, présage que l’on lotte (Daudet). Aussi bien, même sens
éteinte. tirait du vol et du comportement des renforcé : Aussi bien n’est-ce pas cette
oiseaux (ordinairement employé au plur.) : sorte de faveur que je cherche, ni que j’ai
auroral, e, aux [orral, -o] adj. (de
Prendre les auspices. 2. Fig. Sous d’heu- désirée jamais (Gide). 2. Class. Marque
aurore ; 1866, Larousse). Qui appartient
reux auspices, de fâcheux auspices, dans un lien causal plus direct et est alors
à l’aurore ; qui tient de l’aurore (au pr. et
des circonstances favorables, avec toutes l’équivalent de car, en effet : Il a l’humeur
au fig.) : Peuple, homme, esprit humain,
les chances de succès, ou, au contraire, noire [...] ; aussi a-t-il fait une perte irré-
avance à pas altiers ! | Parmi tous les écueils
dans une conjoncture défavorable : Ainsi parable (La Bruyère). Entre les morts on
et dans tous les sentiers, | Dans la société,
toujours les dieux vous daignent inspi- ne le peut trouver : | Le roi de Perse aussi
dans l’art, dans la morale, | Partout où
rer ! | Qu’on redouble demain les heureux l’avait fait enlever (Corneille).
resplendit la lueur aurorale, | Sans jamais
sacrifices | Que nous leur offrirons sous de
t’arrêter, sans hésiter jamais (Hugo). Le Aussi bien que loc. conj. De même que :
meilleurs auspices (Corneille). Sous les
charme auroral de ses rougeurs (Barbey Où tous les siens sont nés aussi bien qu’ils
auspices de quelqu’un, d’une association,
d’Aurevilly). sont morts (Heredia).
etc., sous sa protection, avec sa recomman-
• REM. 1. Au sens de « pareillement, de
aurore [orr] n. f. (lat. aurora ; XIIIe s., dation, son appui : Vous marchiez au camp,
Aimé du Mont-Cassin). 1. Lumière orangée conduit sous mes auspices (Racine). Une même », quand la proposition est néga-
qui envahit l’horizon un peu avant le lever exposition organisée sous les auspices de tive, on emploie aujourd’hui non plus et
du soleil. Le matin : Puisque l’aube gran- la Société des gens de lettres. non aussi, alors que la langue classique
dit, puisque voici l’aurore [...] | C’en est fait emploie aussi même dans les phrases
• SYN.: 1 augure ; 2 circonstance, condition,
à présent des funestes pensées (Verlaine). négatives : Elle ne disait mot, ni lui aussi
conjoncture, occurrence, présage ; appui,
Chaque matin, j’étais éveillé par ma joie ; direction, égide, patronage, protection, (Sévigné).
je me levais dès l’aurore, à la rencontre du tutelle. 2. Aussi, adverbe de comparaison, doit
jour m’élançais (Gide). 2. Littér. Jour, être suivi de que, non de comme.
aussi [osi] adv. (lat. pop. *ale, réfection de
journée de l’existence : Dès ma première
alid [lat. class. aliud], autre chose, et sic, 3. Certains auteurs modernes emploient
aurore (Voltaire). Jusqu’à sa dernière aurore
ainsi ; milieu du XIIe s., aux sens I et II ; aussi à la place de si, devant un adjectif,
(Béranger). 3. Poét. Le levant, les pays
sens III, XIVe s. ; sens IV, XIIIe s.). pour marquer l’opposition : Aussi sensible
situés à l’orient : Du sud à l’aquilon, de
que soit un homme de lettres (Mauriac).
l’aurore au couchant | Je parcours tous les I. Marque l’égalité, la comparaison. 1. De
points de l’immense étendue (Lamartine). même, pareillement (en parlant d’une aussière ou haussière [osjr] n. f.
4. Fig. Commencement d’une chose : action ou d’un état qui se reproduit) : Je (lat. pop. *helciaria, du lat. class. helcium,
Sans doute la gloire de son fils n’était que deviendrai fantôme à mon tour aussi, moi corde de halage [avec attraction de haus-
l’aurore des splendeurs éternelles (Flaubert). (Verlaine). 2. De la même manière, en ser] ; 1382, Delboulle). Cordage spécial, très
5. Aurore polaire (boréale ou australe), égale quantité (placé devant un adjectif épais, pour l’amarrage et les manoeuvres
arc lumineux qu’on observe dans les ou un adverbe), par comparaison à une de force d’un navire.

311
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

aussitôt [osito] adv. (de aussi et de tôt ; austérité [osterite] n. f. (lat. austeritas, autant que cette casquette. 2. Autant
XIIIe s.). Dans le moment même, sur l’heure, âpreté ; XIIIe s., Apocalypse). 1. Manière de (sans terme corrélatif exprimé), indique
au même instant : Aussitôt, une autre pièce vivre rigoureuse et sévère, qui exclut les une quantité ou une intensité égale :
partit (Maupassant). Fam. Aussitôt dit, plaisirs superflus : Le relieur Bégis s’était J’avais peur que vous ne le désiriez pas
aussitôt fait, l’exécution a suivi immédia- acquis une réputation d’intransigeance et autant (Rolland). Autant en emporte le
tement la décision. d’austérité (Tharaud). 2. Caractère de vent, se dit de promesses, de propos qui
prép. Dès, immédiatement après : ce qui obéit à ces principes rigoureux et restent sans effet. 3. Autant de (suivi
sévères : L’austérité des moeurs. Politique d’un substantif au pluriel), indique une
Aussitôt leur arrivée (Daudet). [Voir Rem.
1.] d’austérité, politique financière et écono- totalité sans exception : Les stalles sont
mique qui réduit les dépenses consacrées à autant de merveilles ; elles représentent
Aussitôt que loc. conj. 1. Dès que :
la consommation. 3. Qualité de ce qui est des sujets de l’Ancien Testament en bas
Aussitôt que nous avons eu pour deux sous
traité avec une sévère simplicité : L’austérité reliefs (Gautier). Fam. C’est autant de
à nous dans la boutique, tu croyais que
du style. (suivi d’un part. passé), c’est toujours
les chalands étaient des voleurs (Balzac).
• SYN.: 1 ascétisme, puritanisme, rigorisme, cela de : C’est autant de pris, de gagné, de
2. Class. Aussi vite que : Votre père y
stoïcisme ; 2 gravité, rigidité, rigueur, sévé- fait. 4. Autant..., autant..., insiste sur la
sera aussitôt que vous (Fénelon). 3. Class.
rité ; 3 dépouillement, sécheresse, sobriété. relation d’égalité entre deux membres de
Aussi bien que : Le rien, souvent, aussitôt phrase, avec une inversion de la relation
— CONTR.: 1 débauche, hédonisme, indul-
que l’affaire la plus importante, peut attirer exprimée normalement par autant que :
gence, sensualité ; 2 dissolution, douceur,
cette volonté (Saint-Simon). Autant il a plu le mois dernier, autant ce
facilité, liberté.
•REM. 1. L’emploi de aussitôt comme mois-ci il fait beau (égalité plus expres-
austérités n. f. pl. Pratiques de morti-
préposition, quoique accepté par Littré sive que : Ce mois-ci il fait beau autant
fication des sens et de l’esprit : Christian
et fréquent chez de nombreux écrivains passe les nuits à prier ; il selivre à des aus- qu’il a plu le mois dernier). Autant l’oeil
modernes, est critiqué par quelques térités dont ses supérieurs sont effrayés : bleu du militaire était franc, autant l’oeil
grammairiens ; ils conseillent soit d’em- une plaie qui s’était formée à l’une de ses vert de Corentin annonçait de malice et de
ployer dès : Dès leur arrivée, soit d’intro- jambes lui était venue de sa persévérance à fausseté (Balzac) ; ou avec simple ellipse
duire après entre aussitôt et le nom : Aus- se tenir à genoux des heures entières ; jamais du verbe : Autant de personnes, autant de
sitôt après leur arrivée. Mais, si le nom est certitudes ; autant de regards, autant de
l’innocence ne s’est livrée à tant de repentir
suivi d’un participe, l’emploi de aussitôt (Chateaubriand). Le moine [...] lui fit un lectures des textes (Valéry). 5. Autant
est admis par tous : Aussitôt votre lettre tableau effrayant des austérités du cloître vaut, il est aussi ou plus avantageux de :
reçue. (Mérimée). Autant vaut le laisser là ; et, absol., c’est
comme s’il en était ainsi : C’est un homme
2. Dans la langue classique, aussitôt • SYN.: macérations.
mort ou autant vaut. 6. Autant (suivi de
que pouvait s’employer avec ellipse du
austral, e, als ou aux [ostral] adj. (lat. l’infinitif), il est préférable de : Et puisque
verbe de la même manière que aussitôt
australis, de auster, vent du midi ; 1372, J. j’ai prononcé le nom de ce coupable célèbre,
adverbe : J’en cache les deux tiers aussitôt
Corbichon). Qui est situé au sud de l’équa- autant vous raconter tout de suite un trait
qu’arrivés (Corneille).
teur, dans la partie sud du globe terrestre : de lui qui me met hors de moi chaque fois
3. Il faut distinguer aussitôt (en un mot) Hémisphère austral. Pôle austral. Si tu avais que j’y pense (Baudelaire). Autant dire,
et aussi tôt, qui s’oppose à aussi tard, de vu les neiges du pôle, et les mystères du ciel marque une atténuation : « pour ainsi
même qu’il faut distinguer plutôt et plus austral, ton front, ô déesse toujours calme, dire ». 7. Pour autant, ce n’est malgré tout
tôt. ne serait pas si serein (Renan). Terres pas pour cela que, pour cette raison : Rien
australes, continent antarctique. n’est fini pour autant, et tout recommence
auster [ostr] n. m. (mot lat. ; 1265, Br.
• CONTR. : boréal. (Barrès). 8. Class. Extrêmement, le plus :
Latini, écrit austre ; auster, XIVe s., J. de
Un des plus grands secrets des oracles, et
Brie). Vx. Nom poétique du vent du midi. autan [ot] n. m. (mot provenç., du lat.
une des choses qui marque autant que des
altanus, vent de la hauter mer ; v. 1560,
austère [ostr] adj. (lat. austerus, âpre au hommes s’en mêlaient, c’est l’ambiguïté des
Paré). 1. Vent du sud-est, violent, chaud
goût, puis sens fig. ; 1220, G. de Coincy). réponses (Fontenelle). 9. D’autant,dans
et très sec, qui souffle sur l’Aquitaine et
1. Qui manque d’agrément : Elle s’étonnait la même proportion : Presque tous les
le Cantal. 2. Par extens. et poét. Tout
bien un peu de cette vie austère (Daudet). jours, je menais mes enfants prendre l’air
vent violent (souvent au plur.) : Partout
2. Sévère et rigide dans ses principes, aux Tuileries [...]. Cette habitude, bientôt
se croisent l’eau, le feu, l’autan sans
pour soi et pour les autres : Ce vieil homme remarquée, a d’autant animé mon persécu-
frein, | Les satyres dansants, les nymphes
trémulant, austère, solennel, peu loquace teur (Balzac). Class. En grande quantité :
chasseresses, | Et, dans le sombre azur,
m’aura finalement noté en termes très Jen’aurais qu’à chanter, rire, boire d’autant
des essors de déesses (Hugo). Mon sang
chaleureux (Duhamel). 3. Par anal. Qui (Boileau). D’autant plus, d’autant moins,
refroidi coule à peine, | Semblable à cette
exclut les ornements, les agréments : Pays d’autant mieux, marquent une variation
onde qu’enchaîne | Le souffle glacé des corrélative d’intensité entre les adverbes ou
[le Maroc] dur, austère, sans grâce, riche
autans (Lamartine). Quand la brise d’avril
et qui semble pauvre (Tharaud). les adjectifs mis en rapport : Les lois paraî-
a chassé les autans | Et doré toutes choses,
tront d’autant plus respectables qu’elles
• SYN.: 1 ascétique, monacal, sévère ; 2 dur, | Anna, vous revenez avec le doux
seront plus injustes (France). Depuis la
puritain, rigoriste, rigoureux, spartiate ; printemps | Qui fait les fleurs écloses
grande voix de Michelet jusqu’à la grande
3 âpre, dur, rude. — CONTR. : 1 agréable, (Baudelaire).
voix de Jaurès, ce fut une sorte d’évidence,
doux, plaisant ; 2 dissolu, épicurien, indul-
autant [ot] adv. (lat. pop. *ale [V. AUSSI] tout au long du siècle dernier, qu’on devien-
gent, voluptueux ; 3 charmant, riant.
et tantum, tant ; v. 1170, Chr. de Troyes). drait d’autant plus homme qu’on serait
austèrement [ostrm] adv. (de austère ; 1. Autant que (suivi d’un terme corrélatif), moins lié à sa patrie (Malraux).
XIIIe s.). De façon austère : Ces magistrats exprime l’égalité de quantité, de nombre : • REM. La langue classique admettait au-
de l’ancienne France [...] furent d’une soli- Il y a autant de sièges que d’invités ; d’in- tant devant un adjectif là où nous mettons
dité morale incomparable. On ne peut pas tensité : Pour pouvoir fixer mes yeux sur aujourd’hui aussi : Un raffinement d’in-
imaginer de milieu plus austèrement sain les siens autant que le voulaient nos rôles tempérance autant indigne de mes éloges
(Barrès). (Nerval) ; de valeur : Ce chapeau vaut qu’une artificieuse simplicité (Rousseau).

312
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

Ce tour est encore possible aujourd’hui autel [otl] n. m. (lat. ecclés. altare, lat. authenticité [ottisite] n. f. (de authen-
si autant que, placé entre deux adjectifs, class. altaria [plur.] ; v. 1050, Vie de saint tique ; 1557, Ferry Julyot, écrit autentiquité ;
exprime un rapport d’égalité entre les Alexis). 1. Dans l’Antiquité, table ou tertre authenticité, 1688, Mont-faucon). 1. En
notions qu’ils traduisent : Il est intelligent sur lesquels on offrait les sacrifices aux droit, caractère de ce qui est revêtu des
autant que modeste. dieux : C’est toi que chaque jour, comme formes légales : L’authenticité de cette pièce
D’autant que, d’autant plus que, d’au- une Iphigénie, | Le couteau du grand prêtre n’est point contestée (Acad.). 2. Caractère
tant moins que loc. conj. Expriment une égorge sur l’autel ! (Banville). Fig. Dresser de ce qui est certain, exact, véritable, et
relation de cause sur laquelle on insiste : des autels à quelqu’un, lui rendre des en particulier qualité d’un texte, d’une
Rien ne me pressait ; d’autant que le ser- honneurs extraordinaires (vieilli). Fig. oeuvre dont l’origine ne saurait être mise
vice militaire me serait sans doute épargné Mourir sur l’autel de la patrie, se sacrifier en doute : Rien ne saurait, dans un sens
(Mauriac). Vous pouvez payer immédiate- pour elle. 2. Dans le culte catholique, général, attaquer l’authenticité du Coran
ment, d’autant plus que (ou d’autant que) table où l’on célèbre la messe : Seul devant (Renan). 3. Caractère de ce qui est
vous venez de recevoir votre salaire. La cha- un autel latéral, un vieux sacristain plan- vrai, profond : L’argent invisible [...] aug-
leur était suffocante, d’autant plus qu’on tait des fleurs de papier dans des vases mente l’authenticité et le pouvoir des mots
ne sentait pas comme à Indret l’espace et de porcelaine (France). Le sacrifice de (Romains).
le vent de la mer (Daudet). l’autel, la messe. Le sacrement de l’autel, • SYN.: 2 véracité, véridicité ; 3 justesse, pro-
l’eucharistie. S’approcher de l’autel, dire
D’autant plus que... (d’autant) plus..., fondeur, sincérité, valeur, vérité. — CONTR.:
la messe, en parlant du prêtre ; aller com-
ou d’autant moins que... (d’autant) 1 contrefaçon, falsification ; 2 fausseté.
munier, en parlant des fidèles. Conduire
moins... loc. conj. Class. Plus... plus, ou [ottifikasj] n. f.
une personne à l’autel, l’épouser. 3. Fig. authentification
moins... moins : D’autant plus qu’elle (de authentifier ; 1928, Larousse). Action
La religion catholique, le culte, l’Église, son
chemine | Moins elle approche du matin
pouvoir spirituel, par opposition au trône, d’authentifier.
(Malherbe).
au pouvoir temporel du roi : Il risquait [...]
Autant que, pour autant que loc. conj. authentifier [ottifje] v. tr. (de authen-
sa vie pour le trône et l’autel (France).
tiquer, avec influence de certifier ; 1866,
Dans la mesure où (avec le subjonctif, par-
fois aussi avec l’indicatif) : Autant, pour auteur [otoer] n. m. (lat. auctor, celui Larousse). 1. Rendre quelque chose authen-
autant que je sache. Je lui répondis, autant qui produit, de augere, augmenter ; fin tique en le revêtant des formes légales :
qu’il m’en souvient, par des plaisanteries. du XIIe s., Dialogues de saint Grégoire). Authentifier un acte. 2. Certifier la vérité,
Quant au présent, pour autant que je pou- 1. Personne qui est à l’origine d’une chose, la qualité de quelque chose : Authentifier
vais interpréter les paroles sibyllines de qui en est la cause première, qui l’a conçue, une signature. 3. Fig. Donner de la vérité,
Françoise, ce n’était pas que sur des points élaborée : Puissance créatrice, | Auteur du de la réalité, de la profondeur à quelque
particuliers, c’était sur tout un ensemble mystère animal (Valéry). L’auteur d’une chose : La silhouette de Rome qu’on avait
découverte, d’une invention, d’une théo- derrière soi ou devant soi ne détruisait
qu’Albertine me mentait (Proust).
nullement la solitude. Elle la qualifiait,
Autant que..., autant loc. conj. Class.
rpiaer.entPso.
ét. 2L.eCs
laaustse.
uIrnsstdieg
antoesu fndoes
jro,ucrhse, l’authentifiait (Romains).
Autant... autant : Autant que ce dessein était
parti : De ligues, de complots, pernicieux • SYN.: 1 authentiquer, légaliser.
utile, autant l’exécution en était pénible
auteur (Racine). 3. Personne qui est
(Pascal). authentique [ottik] adj. (lat. authen-
responsable d’une chose, qui a com-
• REM. 1. Le corrélatif de autant, adverbe mis un acte répréhensible : Songe que je ticus, du gr. authentikos, qui agit de sa
de comparaison, est que ; dans la langue dois être d’autant plus froide avec toi que propre autorité ; XIIe s.). 1. Qui est revêtu
classique, le mot comme pouvait jouer ce tu es l’auteur de cette trop visible faute des formes légales requises et qui, pour
rôle : Une flamme pieuse autant comme (Balzac). L’auteur d’un vol, d’un crime. cette seule raison, fait foi par soi-même : Un
chétive (Corneille) ; aujourd’hui, ce tour 4. Spécialem. Personne qui compose contrat de mariage authentique. 2. Dont
est de la langue populaire : Il réchauffait le une oeuvre de l’esprit, littéraire, artistique, l’exactitude, la vérité, l’origine ne peut être
monde autant comme le soleil (Ponchon). scientifique, et, absol., homme de lettres : contestée : Histoire authentique. Ce sont
2. Autant et tant. Dans une phrase néga- L’auteur de « Phèdre ». Balzac, l’auteur ses paroles authentiques. Le Louvre pos-
tive à comparaison, on emploie souvent de « la Comédie humaine ». Un auteur né sède encore plusieurs cadres authentiques
tant à la place de autant : Je n’ai pas tant copiste (La Bruyère). L’auteur d’un tableau, de cet incomparable artiste [Raphaël]
de plaisir avec lui. d’une symphonie, d’un monument. Citer (Gautier). 3. Fig. Qui est d’une sincérité
son auteur, citer le nom de celui dont on totale ; qui correspond aux dispositions
autarcie [otarsi] n. f. (gr. autarkeia, de
tient une nouvelle. Droit d’auteur, droit les plus profondes d’une personne : Des
autos, soi-même, et arkein, suffire ; 1793,
exclusif d’exploitation reconnu à chacun, sentiments authentiques. Il m’accueillit à
Lavoisier ; au sens de « sobriété, eupho-
sur toute création originale manifestant sa façon [...], avec une cordialité virile où
rie », ce terme est devenu autarchie [1896, tout était authentique (Martin du Gard).
sa personnalité, qu’il s’agisse des lettres,
Réveillère] par attraction des mots en des sciences ou des arts ; droits d’auteur, Tout artiste véritable prend par moments
-archie ; la forme autarcie a seule subsisté redevances perçues par le bénéficiaire de plus de goût à la charge qu’il esquisse de sa
depuis 1911, à la suite des écrits de l’éco-
ce droit. 5. Les oeuvres mêmes d’un écri- personnalité, qu’à sa personnalité authen-
nomiste suédois Kjellén). Régime d’un vain : Étudier les auteurs latins. 6. En tique (Montherlant). 4. Class. Fait avec
pays qui cherche à se suffire à lui-même droit, personne de qui une autre tient un solennité : Çà, mon père, il faut faire un
sur le plan économique et vit de ses seules droit ou une propriété. exemple authentique (Racine).
ressources : Funeste doctrine de l’autarcie. • SYN. : 1 agent, créateur, inventeur, prin- • SYN. : 1 légal, officiel ; 2 avéré, établi,
Absurdité présomptueuse ! Avoir besoin les cipe ; 3 coupable ; 4 écrivain. exact, inattaquable, incontestable, indu-
uns des autres, c’était la grande force har-
•REM. Auteur n’a pas de forme parti- bitable, réel, textuel, vrai ; 3 évident,
monieuse des Argonautes. Aucun d’eux ne
culière au féminin ; on trouve autrice indéniable, juste, sincère, véritable, vrai.
« se suffisait » (Gide).
au XVIe s. (Brantôme), autoresse ; Taine — CONTR.: 1 apocryphe, controuvé, falsifié,
autarcique [otarsik] adj. (de autarcie ; a même voulu lancer authoresse, forme faux, inauthentique, supposé ; 2 douteux,
milieu du XXe s.). Fondé sur l’autarcie : Un empruntée à l’anglais. Mais on dit au- imaginaire, incertain, irréel ; 3 affecté,
régime autarcique. jourd’hui une femme auteur. conventionnel, factice.

313
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

n. f. Nom donné à l’original d’une pièce : auto-alarme [talarm ou otalarm] autochenille [tonij ou otonij] n. f.
Les authentiques de Camden que je venais n. m. (du préf. auto- et de alarme ; XXe s.). (de auto 2 et de chenille ; 1922). Véhicule
d’examiner m’avaient rendu familières les Appareil récepteur de radio qui enregistre automobile monté sur chenilles.
moeurs et les institutions du Moyen Âge automatiquement les signaux de détresse. autochir [toir ou otoir] n. f. (de auto
(Chateaubriand).
[talyma ou 2 et de chir, abrév. de chirurgie ; début du
auto-allumage
authentiquement [ottikm] adv. (de XXe s.). Ambulance militaire automo-
otalyma] n. m. (du préf. auto- et de allu-
authentique ; début du XIVe s., Chron. de bile : Depuis le printemps de l’année 1917,
mage ; 1928, Larousse). Allumage spontané
Flandres). De façon authentique : Des pro- l’autochir à laquelle j’appartenais, celle de
et accidentel du mélange détonant dans le
pos authentiquement rapportés. Ceux qui Viannay, occupait l’hôpital de Soissons qui
sont capables de s’émouvoir authentique- cylindre d’un moteur à explosion. jouxte la gare (Duhamel).
ment pour des motifs intellectuels sont très auto-amorçage [tamrsa ou autochtone [tktn ou otktn] adj. et
rares ; capables de souffrir de carences non otamrsa] n. m. (du préf. auto- et de n. (du préf. auto- et du gr. khthôn, terre ;
matérielles (Gide).
amorçage ; 1956, Larousse). Amorçage 1560, G. Postel). Qui est originaire du pays
authentiquer [ottike] v. tr. (de spontané d’une machine ou d’une réaction, qu’il habite : C’est dans la mouvante Alsace,
authentique ; 1442, Coutumes d’Anjou). sans intervention d’un agent extérieur. tantôt française, tantôt germaine, qu’on voit
1. Légaliser : Authentiquer un acte. le mieux comment chaque race possède un
autobiographie [tbjgrafi ou
2. Rendre ou faire paraître authentique : chant autochtone (Barrès) ; et par extens. :
Pour authentiquer comme vieille sa vieille otbjgrafi] n. f. (du préf. auto- et de biogra- Ces îles qui, aujourd’hui, s’anglaisent rapi-
chanson, il lui a mis une vieille graphie de phie ; 1842, Acad.). Biographie d’une per- dement, sont restées longtemps autochtones
fantaisie (Péguy). sonne faite par elle-même : Les « Mémoires (Hugo).
• REM. De nos jours, on emploie de préfé- d’outre-tombe », de Chateaubriand, sont • SYN. : aborigène, indigène, naturel. —
rence AUTHENTIFIER. une autobiographie. CONTR.: aubain (vx), étranger, immigrant,
immigré ; conquérant, envahisseur.
autisme [otism] n. m. (allem. Autismus, autobiographique [tbjgrafik ou
du gr. autos, soi-même ; 1927, Journ. de otbjgrafik] adj. (de autobiographie ; 1832, autoclave [toklav ou otoklav] adj.
psychol.). Repli excessif du sujet sur lui- Balzac). Relatif à la vie même d’un auteur : (du préf. auto- et du lat. clavis, clé : pro-
même, s’accompagnant d’un détachement Les poèmes de Verlaine contiennent maints prem. « qui se ferme de soi-même » ; 1820,
plus ou moins grand à l’égard du monde détails autobiographiques. Description des brevets). Se dit d’une fer-
extérieur : Certaines maladies mentales meture dont l’étanchéité est assurée par
engendrent l’autisme. autobus [tbys ou otbys] n. m. (de auto la pression même qui règne à l’intérieur
2 et de bus, finale de omnibus [pour tous] du récipient : Les joints autoclaves d’une
autistique [otistik] adj. (empr. de l’allem.
prise pour un suffixe ; début du XXe s.). chaudière.
autistisch, de Autismus ; 1927, Journ. de
Grand véhicule automobile de trans- n. m. Récipient métallique muni de
psychol.). Relatif à l’autisme.
port en commun urbain : Un après-midi cette fermeture et capable de résister à une
1. auto- [to ou oto], élément tiré du gr. pression intérieure : L’autoclave est souvent
d’été, montant dans un autobus, j’aperçus
autos, soi-même, et entrant dans la compo- utilisé pour la stérilisation.
Octave dans le groupe qui encombrait la
sition de certains mots pour exprimer l’idée
plate-forme (Chardonne). Les autobus • SYN.: étuve.
de « par lui-même », « de soi-même », « par
diminuaient d’un bon tiers les temps de [tkot ou otkot] n. m. (de
soi-même ». (Les composés ne prennent autocoat
pas de trait d’union, sauf si le second terme parcours des omnibus à chevaux (Romains). auto 2 et de l’angl. coat, manteau ; milieu du
commence par une voyelleauto-excitation, [tkanou otkan] n. m. XXe s.). Pardessus dont la longueur s’arrête
autocanon
auto-injection.) au-dessus du genou, spécialement conçu
(de auto 2 et de canon ; 1913). Nom donné,
pour faciliter les mouvements des conduc-
2. auto [to ou oto] n. f. (XXe s.). Abrév. pendant la Première Guerre mondiale, à
teurs d’automobiles.
courante de AUTOMOBILE : Albertine [...] un canon antiaérien monté sur automo-
fut surprise en entendant le ronflement du bile : L’état-major cantonnait là, l’inten- autoconsommation [tksmasj
moteur, ravie quand elle sut que cette auto dance aussi, et une section d’autocanons ou otksmasj] n. f. (du préf. auto- et
était pour nous (Proust). (Dorgelès). de consommation ; milieu du XXe s.).
• REM. 1. On hésitait, au début du siècle, Utilisation par les agriculteurs des pro-
• REM. On dit aujourd’hui AUTOMOTEUR.
sur le genre à donner à ce mot : Le bour- duits de leur propre exploitation pour la
donnement d’un auto qui passait sur autocar [tkar ou otkar] n. m. (de auto consommation familiale.
l’avenue du Bois de Boulogne traversa 2 et de l’angl. car, voiture ; v. 1910). Grand autocopie [tkpi ou otkpi] n. f. (du
le silence (France). De fastueux autos véhicule automobile de transport collectif, préf. auto- et de copie ; 1922, Larousse).
descendent en trombe la pente que nous destiné aux voyages touristiques ou aux 1. Procédé permettant de reproduire un
gravissons (Gide). Une auto passait sur la liaisons régionales. écrit ou un dessin à un certain nombre
route, suivie d’une longue traînée de pous- • d’exemplaires. 2. Épreuve obtenue par
REM. On emploie aussi bien CAR.
sière (France). ce procédé.
2. Cette abréviation entre parfois en autocéphale [tosefal ou otosefal] adj.
autocrate [tkrat ou otkrat] n. et adj.
composition : autocanon, automitrail- (du préf. auto- et du gr. kephalê, tête ; 1752,
(gr. autokratês, qui gouverne par lui-même ;
leuse, autorail, autoroute. Trévoux). 1. Dans l’Église orthodoxe, se
1768, Éphémérides du citoyen). 1. Souverain
dit des évêques et groupes religieux ne
auto-accus ation [takyzasj ou dont le pouvoir est absolu. 2. Spécialem.
dépendant pas de l’autorité des patriarches.
otakyzasj] n. f. (du préf. auto- et de Titre officiel des empereurs de Russie à
2. Par extens. Se dit des Églises qui, partir de Pierre le Grand : Je possède un
accusation ; 1928, Larousse). Le fait de
s’accuser soi-même. Délire d’auto-accu- tout en se réclamant de l’Église univer- pouvoir plus absolu que ne l’est celui de
sation, maladie mentale où le sujet s’accuse selle, refusent de lui reconnaître un chef l’autocrate de toutes les Russies (Balzac).
de certaines fautes, et même de fautes qu’il unique : Les Églises de Grèce, de Bulgarie 3. Fig. Personne qui impose tyrannique-
n’a pas commises. sont autocéphales. ment sa volonté.

314
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

• REM. Au XVIIIe s., on a employé un fém. oeuvre, en faire un public autodafé dont ce deux éléments particuliers, les gamètes,
autocratrice (issu de autocrator [V. ce procès lui fournissait l’occasion (Daudet). produits par le même individu.
mot]), aujourd’hui hors d’usage : On n’a • Pl. des AUTODAFÉS.
autogène [tn ou otn] adj. (du préf.
exécuté aucun criminel sous l’empire de
autodéfense [tdefs ou otdefs] n. auto- et de gène ; 1895, Année scientif. et
l’autocratrice Élisabeth (Voltaire). industr.). Soudure autogène, soudure de
f. (du préf. auto- et de défense ; début du
• SYN.: 1 despote, dictateur, tyran ; 3 tyran. deux pièces d’un même métal par fusion
XXe s.). 1. Défense de soi-même, assurée par
autocratie [tkrasi ou otkrasi] n. f. soi-même, avec les moyens qui se trouvent partielle obtenue à l’aide d’un chalumeau.
(gr. autokrateia, pouvoir absolu ; av. 1794, sur place : Je m’efforce d’être défiant : c’est autogestion [tstjou otstj]
C. Desmoulins). Système politique dans de l’autodéfense (Dorgelès). 2. En méde- n. f. (du préf. auto- et de gestion ; 1960,
lequel le souverain tire ses pouvoirs uni- cine, réaction d’un organisme contre un Larousse). Gestion d’une entreprise par
quement de lui-même et gouverne sans agent pathogène. le personnel, dans certains pays socialistes.
aucun contrôle : La Russie et l’Angleterre
autodestruction [tdstryksjou autogire [tir ou otir] n. m. (esp.
accroissaient sa soif de prépondérance, l’une otdstryksj] n. f. (du préf. auto- et de des- autogiro, nom donné par l’inventeur, du gr.
par son autocratie, l’autre par sa suprématie truction ; milieu du XXe s.). Destruction de autos, soi-même, et du lat. girare, tourner ;
spirituelle (Chateaubriand). Mais je me sen- soi-même par soi-même : Certains malades 1923, La Cierva). Avion dont la sustenta-
tais bien à l’aise en démontant les ressorts mentaux sont enclins à l’autodestruction. tion est assurée par une hélice horizontale,
de l’autocratie russe (Sartre).
tournant librement et remplaçant les ailes.
autodétermination [tdetrminasj
• SYN.: absolutisme, césarisme, despotisme, (On a parfois écrit aussi AUTOGYRE.)
ou otdetrminasj] n. f. (du préf. auto- et
dictature, tyrannie. — CONTR.: démocratie,
de détermination ; 1906, Larousse, dans autognose [tgnoz ou otgnoz] n. f. (du
libéralisme.
un sens biol. ; sens polit., milieu du XXe s.). préf. auto- et du gr. gnosis, connaissance ;
autocratique [tkratik ou otkratik] Action par laquelle un peuple choisit libre- 1863, Littré). Connaissance de soi-même.
adj. (de autocratie ; fin du XVIIIe s.). Qui a ment son statut politique et économique. (On dit aussi AUTOGNOSIE.)
le caractère de l’autocratie : Wilson marque
autodidacte [tdidakt ou otdidakt] autographe [tgraf ou otgraf] adj.
bien la condition première d’une telle paix :
adj. et n. (du gr. autodidaktos, qui s’est (gr. autographos, de autos, soi-même, et
abattre les gouvernements autocratiques
instruit lui-même, de autos, soi-même, et de graphein, écrire ; 1580, L. Joubert). Qui
(Martin du Gard).
didaskein, enseigner ; 1580, L. Joubert). Se est écrit de la main même de l’auteur : Que
• SYN.: absolu, arbitraire, despotique, dic- sont devenus les Mémoires autographes de
dit d’une personne qui s’est instruite elle-
tatorial, tyrannique. — CONTR. : constitu- Dubois de la Pierre ? (Flaubert).
même, sans l’aide de professeurs : Jene suis Mme
tionnel, démocratique, libéral, républicain.
pas de ceux qui parlent de l’autodidacte avec n. m. Écrit autographe ou simple signa-
autocratiquement [tkratikm mépris et dérision (Duhamel). ture d’un personnage célèbre : Un album
ou otkratikm] adv. (de autocratique ; d’honneur avec autographe d’Einstein
autodrome [tdrom ou otdrom] n. m.
1866, Larousse). De façon autocratique : (Giraudoux).
(de auto 2 et du gr. dromos, course ; 1906,
Gouverner autocratiquement.
Larousse). Piste spéciale pour courses autographie [tgrafi ou otgrafi] n. f.
autocrator [tkratr ou otkratr] n. et essais d’automobiles : L’autodrome de (du préf. auto- et de graphie ; 1800, Boiste).
m. (gr. autokratôr, qui a les pleins pouvoirs ; Montlhéry comporte un anneau de vitesse 1. Procédé permettant de reproduire un
1798, Acad.). Dans la Grèce antique et à et un circuit routier. écrit ou un dessin à l’aide d’une encre
Byzance, titre donné à certains rois et spéciale. 2. Reproduction ainsi obtenue.
auto-école [tekl ou otekl] n. f. (de
empereurs. auto 2 et de école ; v. 1925). École où l’on autographier [tgrafje ou otgrafje]
autocritique [tkritik ou otkritik] n. apprend à conduire une automobile, et v. tr. (de autographie ; milieu du XIXe s.).
f. (du préf. auto- et de critique ; milieu du qui, en particulier, prépare à l’examen du Reproduire par autographie un écrit ou
permis de conduire. un dessin : Thérèse et lui avaient échangé
XXe s.). Analyse critique qu’une personne
deux de ces coffrets pour y conserver leurs
fait de sa propre conduite, en particulier autofécondation [tfekdasjou
lettres. Sur celui qu’il avait donné à son
dans le domaine politique, par référence otfekdasj] n. f. (du préf. auto- et de
amie, il avait fait, à défaut de deux initiales,
à l’idéologie dont elle se réclame. fécondation ; 1888, Larousse). Union de
autographier le nom de Thérèse en entier
autocuiseur [tkyizoer ou otkyizoer] deux éléments de sexe différent produits (Bourget).
n. m. (du préf. auto et de cuiseur ; milieu par un même individu : À la suite de quelles
expériences innombrables et immémoriales autographique [tgrafik ou otgrafik]
du XXe s.). Appareil pour cuire les aliments
ont-elles [les fleurs] reconnu que l’autofé- adj. (de autographie ; début du XIXe s.).
sous pression.
condation, c’est-à-dire la fécondation du Relatif à l’autographie : Encre, presse
autodafé [tdafe ou otdafe] n. m. (por- stigmate par le pollen tombé des anthères autographique.
tug. auto da fe, acte de foi, puis « arrêt sur qui l’entourent dans la même corolle, autoguidage [tgida ou otgida] n.
des matières de foi » ; 1714, Lesage). 1. En entraîne rapidement la dégénérescence de m. (du préf. auto- et de guidage ; milieu du
Espagne et dans l’empire espagnol, pro- l’espèce ? (Maeterlinck). XXe s.). Procédé permettant à un mobile de
clamation solennelle d’un jugement pro-
[tfinsm ou diriger lui-même son mouvement vers le
noncé par l’Inquisition contre un impie, autof inancement
but qui lui a été assigné.
otfinsm] n. m. (du préf. auto- et
un juif ou un hérétique. 2. Supplice du
de financement ; milieu du XIXe s.). autoguidé, e [tgide ou otgide] adj. (de
feu ordonné par l’Inquisition contre les
Financement des investissements d’une autoguidage ; milieu du XXe s.). Se dit d’un
coupables à la suite de cette sentence : Le
entreprise par prélèvements sur les profits mobile dirigé par autoguidage : Missile
procès du docteur Eugenio Terralva, conve-
qu’elle réalise. autoguidé.
nablement terminé par l’autodafé dudit
docteur (Hugo). 3. Fig. Destruction par autogamie [tgami ou otgami] n. f. (du autohémothérapie [temoterapi ou
le feu d’un objet que l’on désavoue ou que préf. auto- et de -gamie ; 1928, Larousse). otemoterapi] n. f. (du préf. auto- et de
l’on condamne : Ce qu’il voulait en somme ? Mode de reproduction, chez certains pro- hémothérapie ; début du XXe s.). Procédé
Arracher lui-même les pages véreuses de son tozoaires, caractérisé par l’union sexuée de thérapeutique qui consiste à prélever sur le

315
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

malade quelques centimètres cubes de sang initiative personnelle : Dans toute cette réflexe. — CONTR. : 3 conscient, délibéré,
et à les lui réinjecter : Jeme suis décidé à me figure d’automate souffrant, le général lisait intentionnel, réfléchi, volontaire.
soumettre à une cure d’autohémothérapie ; à la fois la dignité du chef et la disgrâce
automatiquement [tmatikmou
comble du narcissisme (Gide). de l’homme malheureusement né, qui n’a
otmatikm] adv. (de automatique ; 1839,
jamais ri (France).
auto -imposition [tpozisj ou Boiste). 1. D’une façon automatique : Tout
otpozisj] n. f. (du préf. auto- et de
• SYN. : 1 androïde, robot ; 2 machine, nous commande, tout nous presse, tout
imposition ; milieu du XXe s.). Procédé fis- marionnette, pantin. nous prescrit de le faire automatiquement
cal consistant à soumettre à l’impôt les automation [tmasjou otmasj] (Valéry). Une usine où toutes les opérations
établissements publics. n. f. (du gr. automatos, qui se meut par d’emballage se font automatiquement.
lui-même ; 1956, Larousse). 1. Technique 2. De façon inévitable : Une mobilisation
auto-infection [tfksj ou
faisant appel à un ensemble de moyens russe, c’est aussi la mobilisation allemande,
otfksj] n. f. (du préf. auto- et de
nouveaux pour permettre à des groupes suivie automatiquement d’une mobilisation
infection ; 1906, Larousse). Infection cau-
de production de fonctionner sans le de la France (Martin du Gard).
sée par un germe normalement inoffen-
sif dans l’organisme, mais qui devient secours d’une main-d’oeuvre : Développer automatisation [tmatizasj ou
pathogène par l’intervention d’une cause l’automation dans l’industrie automobile. otmatizasj] n. f. (de automatiser ; 1877,
occasionnelle. 2. Fonctionnement d’une machine Littré). Substitution d’une machine à
ou d’un groupe de machines qui, sous un homme pour effectuer un travail
auto-intoxication [ttksikasjou le contrôle d’un programme unique, déterminé.
ottksikasj] n. f. (du préf. auto- et de permet d’effectuer, sans intervention
intoxication ; 1888, Larousse). Intoxication automatiser [tmatize ou otmatize]
humaine intermédiaire, une suite com-
due à une substance sécrétée par l’orga- v. tr. (de automatique ; XVIIIe s., Diderot).
plète d’opérations comptables, statistiques
nisme lui-même : L’urémie est une des 1. Rendre automatique : Automatiser
ou industrielles.
principales auto-intoxications. un système de fermeture. 2. Rendre
• REM. L’automation représente un stade quelqu’un ou quelque chose semblable à un
autojustif ication [tystifikasjou supérieur de l’automatisation, car elle automate : Pour ne pas montrer son trouble,
otystifikasj] n. f. (du préf. auto- et de fait appel à la fois au remplacement de qui l’automatisait (Bourget). 3. Procéder
justification ; milieu du XXe s.). Justification l’homme par la machine (qui reproduit au remplacement de l’homme par des
de soi-même : Une maladroite tentative ses gestes) et à une analyse des systèmes machines pour effectuer un travail donné :
d’autojustification (Sartre). et des effets, amenant, par exemple, Automatiser une usine.
autolâtre [tltr ou otltr] adj. (de pour aboutir à un même produit fini,
automatisme [tmatism ou otmatism]
autolâtrie ; milieu du XIXe s.). Qui s’aime l’adoption de matériaux plus rentables
n. m. (1866, Larousse, au sens de « construc-
soi-même à l’excès (rare) : L’humanité, à ou le changement complet du mode de
teur d’automates » ; sens actuel, empr. à
mesure qu’elle sefait autolâtre, devient stu- fabrication.
l’angl., milieu du XXe s.). 1. Caractère de
pide (Flaubert). automatique [tmatik ou otmatik] ce qui est automatique : L’automatisme
autolâtrie [tltri ou otltri] n. f. adj. (de automate ; fin du XVIIIe s.). 1. Qui professionnel marque à la fois la puis-
(du préf. auto- et du gr. latreuein, adorer ; est mû par des moyens purement méca- sance et la limite de nos facultés (Bourget).
milieu du XIXe s.). Adoration de soi-même niques : De petits personnages automa- L’automatisme des signaux n’est pas fait
(rare) : Dans son autolâtrie naïve, l’homme tiques, frappant sur des cymbales en pour supprimer votre vigilance (Hamp).
a divinisé son image (Bourges). tournant la tête (Aragon). 2. Se dit d’un 2. Ensemble des mouvements et des
appareil, d’un mécanisme qui ne nécessite impulsions qui sont purement mécaniques
• SYN. : amour de soi, culte du moi, égo-
centrisme, égoïsme, égotisme, narcissisme. pas l’intervention de l’homme dans tous et échappent à la volonté : L’automatisme
— CONTR. : abnégation, altruisme. les détails de son fonctionnement : Signal facile des habitudes contractées (Bergson).
automatique. Arme automatique, arme Dans l’esprit, la mémoire, les habitudes, les
autolyse [tliz ou otliz] n. f. (du préf. à feu dans laquelle la plupart des opéra- automatismes de tout genre représentent
auto- et du gr. lusis, dissolution ; 1906, tions nécessaires au fonctionnement sont cette vie profonde et stationnaire ; mais la
Larousse). Digestion spontanée des tissus effectuées par la pression des gaz : Il n’y variété infinie des circonstances extérieures
abandonnés à eux-mêmes, en dehors de avait dans le corps de garde que six policiers trouve en lui des ressources d’ordre supé-
toute intervention de ferments extérieurs : armés de pistolets automatiques (Malraux). rieur (Valéry). 3. Fig. Caractère de ce qui
La viande faisandée est une viande qui a Téléphone automatique, ou, absol., l’au- se produit avec une régularité déterminée,
subi un début d’autolyse. tomatique, n. m., téléphone où les commu- de façon inévitable.
automate [tmat ou otmat] adj. (gr. nications sont obtenues sans intermédiaire • SYN.: 1 automaticité.
automatos, qui se meut par lui-même ; 1532, humain : Le téléphone fonctionnait : les
automatiste [tmatist ou otmatist]
Rabelais). Class. Qui semble, en agissant, catastrophes ne détraquent pas l’automa-
n. m. (mot angl. ; milieu du XXe s.).
obéir à un mécanisme caché : Dans sa vie tique (Arnoux). 3. Par extens. Se dit d’un
Technicien spécialisé dans les problèmes
automate, l’habitude lui tient lieu de raison geste qui s’exécute sans la participation
d’automatisation.
(Rousseau). de la volonté. 4. Qui se fait d’après des
règlements administratifs fixés d’avance, automédon [tmedou otmed] n.
n. m. 1. Machine qui, par le moyen de
sans qu’au moment venu intervienne une m. (du gr. Automedôn, n. du conducteur du
dispositifs mécaniques, pneumatiques,
décision expresse : L’avancement automa- char d’Achille ; 1776, Journ. de Bruxelles).
hydrauliques ou électriques, est capable
tique des fonctionnaires. 5. Fam. Se dit Vx et ironiq. Conducteur, cocher : Les auto-
d’actes imitant ceux des corps animés :
d’un fait qui découle immanquablement médons parisiens de la Belle Époque.
Sachant combien de divers automates
ou machines mouvantes l’industrie des d’un autre et qu’on peut prévoir à coup automitrailleuse [tmitrajøz ou
hommes peut faire (Descartes). Le sténo- sûr : Quand viennent les grosses chaleurs, otmitrajøz] n. f. (de auto 2 et de mitrail-
typiste, avec ses gestes d’automate, indis- la foule quitte Paris et envahit les plages : leuse ; 1909, Larousse). Automobile blindée,
posait de plus en plus vivement le président c’est automatique. armée d’un canon ou de mitrailleuses : Sur
Pasquier (Duhamel). 2. Fig. Personne • SYN. : 1 mécanique ; 3 inconscient, ins- la place, stationnaient des autocanons de
qui agit à la façon d’une machine, sans tinctif, involontaire, machinal, mécanique, défense aérienne, des automitrailleuses,

316
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

des projecteurs gardés par des sentinelles jamais qu’il est dominé par des dieux jaloux ressources propres de l’organisme d’un
et recouverts de bâches camouflées (Martin (Romains). être vivant : L’autophagie des animaux
du Gard). hibernants.
automoteur, trice [tmtoer ou
automnal, e, aux [otnal, -o] adj. (lat. otmtoer, -tris] adj. (du préf. auto- et de autoplastie [tplasti ou otplasti] n. f.
autumnalis ; 1119, Ph. de Thaon). Qui moteur ; 1834, Biot). Qui produit son propre (du préf. auto- et du gr. plassein, former ;
appartient à l’automne : Ô pâle margue- mouvement : Une machine automotrice. 1863, Littré). Opération chirurgicale qui
rite ! | Comme moi n’es-tu pas un soleil automoteur n. m. (1953, Larousse). consiste à greffer sur une partie détruite
automnal ? (Baudelaire). 1. Pièce d’artillerie montée sur un des tissus empruntés au sujet lui-même.

[otn] n. m. (lat. autumnus ; affût chenillé et se déplaçant par ses


automne autopompe [tpp ou otpp] n. f.
propres moyens. (Syn. anc. AUTOCANON.)
XIIIe s., G. de Tyr). 1. L’une des quatre (de auto 2 et de pompe ; 1928, Larousse).
2. Grande péniche de transport fluvial
saisons de l’année, qui suit l’été et pré- Camion automobile équipé d’une pompe
à moteur, ne nécessitant pas l’emploi d’un
cède l’hiver : Pour le distraire de ses idées à incendie actionnée par le moteur du
remorqueur.
noires, elle lui montrait le décor magique véhicule.
de l’automne autour d’eux, ce quinconce automotrice n. f. (1928, Larousse).
Véhicule se déplaçant sur rails par ses autoportrait [tprtr ou otprtr]
d’arbres dorés comme de grands ostensoirs,
propres moyens, généralement à propul- n. m. (du préf. auto- et de portrait ; milieu
sorbiers, genévriers, tulipiers (Daudet).
sion électrique, et destiné au transport des du XXe s.). Portrait d’un artiste, d’un écri-
2. Fig. Déclin des choses ; pour l’homme,
voyageurs. vain exécuté par lui-même : Le musée du
approche de la vieillesse : Mais le veuvage
• SYN.: autorail, micheline, motrice. Louvre possède un remarquable autopor-
avait été pour lui un automne précoce
trait d’Albert Dürer. Le narcissisme, le per-
(Rodenbach).
autonome [tnm ou otnm] adj. (gr. pétuel autoportrait me fait honte ; une si
• SYN.: 1 arrière-saison. autonomos, qui se gouverne par ses propres petite chose quand l’humanité est si diverse
• REM. Dans la langue classique et de nos lois, de nomos, loi ; 1762, Acad.). 1. Qui jouit (Triolet).
jours dans la langue littéraire, ce mot est de l’autonomie ; qui est régi par sa propre
parfois employé au féminin : Mon Dieu, législation, dans le cadre d’un pouvoir cen- autopropulsé, e [tprpylse ou
que vous allez passer une jolie automne ! tral : Un territoire autonome. 2. Qui est otprpylse] adj. (du préf. auto- et de pro-
(Sévigné). L’automne est morte souviens- administré par une collectivité autonome : pulsé ; milieu du XXe s.). Se dit d’un engin
t’en (Apollinaire). Budget autonome. Syndicat autonome, qui assure sa propulsion dans l’espace par
syndicat qui n’est pas affilié à l’une des ses propres moyens.
automobile [tmbil ou otmbil] adj.
grandes centrales syndicales. 3. Fig. Se autopropulseur [tprpylsoer ou
(formé, sur le modèle de locomobile, du
dit de choses dont le cours est réglé par des otprpylsoer] adj. et n. m. (du préf. auto-
préf. auto- et du lat. mobilis, qui se meut ;
facteurs qui leur sont propres : Plus la civi- et de propulseur ; milieu du XXe s.). Se dit
1866, Larousse). 1. Se dit d’un véhicule
lisation se complique et plus l’évolution de d’un dispositif assurant l’autopropulsion.
qui se meut par lui-même : Voiture auto-
chacun des arts a chance d’être autonome
mobile. 2. Qui concerne l’automobile : autopropulsion [tprpylsj ou
(Romains).
Fournitures et accessoires automobiles. otprpylsj] n. f. (du préf. auto- et de
L’industrie automobile. autonomie [tnmi ou otnmi] n. f. propulsion ; milieu du XXe s.). Mode de
n. f. (v. 1890). 1. Véhicule, le plus souvent (gr. autonomia, droit de se régir par ses propulsion de certains engins spatiaux qui
à quatre roues, doté d’un moteur à explo- propres lois ; 1596, Hulsius). 1. Droit de sont mus automatiquement et ne requièrent
sion, d’un moteur électrique ou d’une tur- s’administrer librement dans le cadre d’une pas la présence d’un pilote à bord.
bine à gaz, qui assure sa propulsion : Mon organisation plus vaste : L’autonomie des
communes est limitée par la tutelle adminis- autopsie [tpsi ou otpsi] n. f. (du gr.
amour pour les féeriques voyages en chemin
trative. Autonomie financière, situation autopsia, action de voir de ses propres
de fer aurait dû m’empêcher de partager
d’un service public dont la gestion finan- yeux ; 1573, Desmare ; rare jusqu’au XIXe s.).
l’émerveillement d’Albertine devant l’auto-
cière est indépendante de l’administration 1. Vision mystique où, selon les philosophes
mobile (Proust). L’automobile a l’étonnant
qui l’a créé. 2. Droit pour un individu de grecs, on connaissait la divinité et on par-
pouvoir d’exagérer tous nos défauts et de les
déterminer librement ses actes, sa conduite. ticipait à sa puissance. 2. Ouverture et
mettre en évidence (Duhamel). 2. Secteur
Autonomie de la volonté, principe selon examen d’un cadavre pour déterminer les
économique et industriel qui intéresse
lequel la volonté raisonnable trouve en elle- causes de la mort : Ce n’est pas un meurtre...
l’automobile ; activités sportives qui ont
même ses propres déterminations. 3. Par Faites-le transporter à l’hospice, je vais faire
trait à l’automobile.
extens. Distance maximale que peut par- l’autopsie (Maurois). [On a dit autref., en
• SYN.: 1 auto, voiture.
courir un véhicule à moteur (navire, avion, ce sens, AUTOPSIE CADAVÉRIQUE.]
• REM. Au début du siècle, on hésitait en-
voiture) sans avoir à renouveler sa provi- • SYN.: 2 dissection, nécropsie.
core sur le genre, et certains employaient
sion de carburant : Avoir une autonomie
le masculin : Un automobile, mon capi- autopsier [tpsie ou otpsie] v. tr. (de
de cinq cents kilomètres.
taine ? (Bourget). autopsie ; 1877, Littré). Pratiquer l’autopsie
autonomiste [tnmist ou otnmist] d’un cadavre.
automobilisme [tmbilism ou
adj. et n. (de autonomie ; 1877, Littré).
otmbilism] n. m. (de automobile ; 1896, autopunition [tpynisjou otpynisj]
Partisan de l’autonomie politique d’un
Année scientif. et industr.). 1. Utilisation n. f. (du préf. auto- et de punition ; milieu du
territoire.
des automobiles. 2. Sport ou tourisme XXe s.). Comportement de certains malades
• SYN.: particulariste, séparatiste.
pratiqué au moyen de l’automobile : Les mentaux, qui s’infligent des châtiments
jeunes gens que j’ai connus les plus fana- autonyme [tnim ou otnim] adj. (du pour se punir de fautes imaginaires dont
tiques d’automobilisme étaient auparavant préf. auto- et du gr. onuma, nom ; 1866, ils se croient coupables.
les moins curieux de voyages (Gide). Larousse). Se dit d’un ouvrage publié sous
autor (d’) [dtr] loc. adv. (abrév. de
le nom véritable de l’auteur. (Rare.)
automobiliste [tmbilist ou d’autorité ; milieu du XIXe s.). Arg. et vx.
otmbilist] n. (de automobilisme ; 1898, autophagie [tfai ou otfai] n. f. (du Péremptoirement : Le journal [...] aurait
Larousse). Personne qui conduit une préf. auto- et du gr. phagein, manger ; 1863, le droit de reparaître pour les injurier
automobile : Mais l’automobiliste n’oublie Littré). Entretien de la vie au moyen des de nouveau ! [...] Mais un sergent et une

317
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

compagnie, sans nous demander d’ordres, Investir d’une autorité : Faudra-t-il donc considérable, ne tolère aucune opposition
et bousculant nos résistances, iraient sauter toujours que Titus autorise | Ce sénat intérieure.
sur les rédacteurs et les fusilleraient d’autor de tyrans dont l’orgueil nous maîtrise ?
autoritairement [tritrm ou
(Vallès). (Voltaire). 2. Class. et littér. Donner du
otritrm] adv. (de autoritaire ; 1877,
crédit à quelque chose : De votre trépas
autoradio [otoradjo] n. m. et adj. (de Littré). De façon autoritaire : Gouverner
autorisant le bruit (Racine). 3. Autoriser
auto 2 et de radio ; milieu du XXe s.). Poste autoritairement.
quelqu’un à faire quelque chose, lui en don-
récepteur de radiodiffusion destiné à fonc-
ner la permission, le pouvoir ou le droit : Je autoritarisme [tritarism ou
tionner à bord des automobiles.
vous autorise à publier ma lettre. Orphée otritarism] n. m. (de autoritaire ; 1872,
autorail [traj ou otraj] n. m. (de auto 2 fut autorisé à aller chercher sa morte ressus- J. Claretie). 1. Caractère d’une personne
et de rail ; 1928, Larousse). Voiture automo- citée (Supervielle). 4. Autoriser quelque autoritaire : Possédé par son autoritarisme
trice circulant sur rails, servant au trans- chose, le rendre licite ou possible : Je suis de maniaque (Bourget). 2. Dogmatisme
port des voyageurs, et dont la propulsion passionné pour la vérité et les mensonges politique, philosophique ou religieux :
est assurée par un moteur thermique. qu’elle autorise (Renard). Tout ce que la Mais Christophe, qui perdait pied dans cette
• SYN.: automotrice, micheline. solitude d’un château en Armagnac autorise liberté [française], en arrivait à regretter
de supplices cachés (Mauriac) ; le rendre le puissant esprit de discipline, l’autorita-
autorégulation [tregylasj ou
légitime : Indiscutablement, l’atmosphère, risme allemand (Rolland). 3. Spécialem.
otregylasj] n. f. (du préf. auto- et de
ce matin, était moins tendue. Les nouvelles Système politique qui s’appuie sur une
régulation ; 1888, Larousse). 1. Procédé qui
d’Europe centrale autorisaient quelques autorité absolue et arbitraire.
permet à une machine de se régler elle-
même, par l’intermédiaire d’un mécanisme espérances (Martin du Gard). Blessure • SYN.: 2 absolutisme ; 3 autocratie, césa-
spécial. 2. En physiologie, qualité que glorieuse [...], mais qui n’autorisait ni la risme, despotisme, dictature, totalitarisme,
possède une fonction d’assurer sa propre paresse d’Alphonse, ni son penchant pour tyrannie. — CONTR. : 2 libéralisme, scepti-
régulation : L’autorégulation de la pression la boisson (Aymé). cisme ; 3 anarchie.
artérielle. • SYN. : 2 accréditer, appuyer, confirmer, autorité [trite ou otrite] n. f. (lat.
fortifier, renforcer ; 3 habiliter, permettre ; auctoritas, de auctor, auteur ; 1119, Ph. de
autoresse n. f. V. AUTEUR.
4 justifier, légitimer, permettre. — CONTR.: Thaon). 1. Droit ou pouvoir de commander
autorisable [trizabl ou otrizabl] adj. 2 détruire, infirmer, ruiner ; 3 défendre, et de se faire obéir : Elle invoquait l’auto-
(de autoriser ; 1863, Littré). Qui peut être empêcher, interdire, refuser ; 4 exclure, rité du maire (Aragon). Ces deux usines
autorisé. prohiber, prescrire. ont été placées sous l’autorité d’un nou-
autorisation [trizasjou otrizasj] s’autoriser v. pr. 1. Class. Prendre de l’au- veau directeur. Les parents ont autorité
n. f. (de autoriser ; début du XVe s.). torité : [Octave] s’est servi de vous [Cicéron] sur leurs enfants. Acte, coup d’autorité,
1. Permission que l’on donne à quelqu’un pour s’autoriser ; ensuite il vous a livré à acte de volonté ou de commandement qui
de faire quelque chose : Jeanne est orphe- Antoine (Fénelon). 2. S’autoriser de, ne tient compte ni des conseils ni des voeux
line et mineure. Vous ne pouvez rien faire s’appuyer sur une autorité ou sur un précé- d’autrui, et par lequel on veut manifester
pour elle sans l’autorisation de son tuteur dent, ou invoquer un prétexte quelconque clairement le pouvoir dont on est investi
(France). J’avais eu l’autorisation d’ap- pour faire quelque chose : Je m’autorisais ou qu’on s’attribue : L’impossibilité d’en
procher Schwan (Giraudoux). 2. Écrit de cet amour pour solliciter un rendez-vous finir tout de suite par un acte d’autorité et
constatant officiellement une permission (Radiguet). la pensée du Congrès des Sciences morales,
donnée : Aucun interne ne peut quitter le •SYN.: 2 prétexter, seprévaloir de, se recom- qui s’ouvrait à Bruxelles le surlendemain et
lycée sans une autorisation de sortie. mander de. où il était invité à présider la section fran-
• SYN.: 1 accord, agrément, aveu, consen- çaise, firent monter une bouffée de rage au
autoritaire [tritr ou otritr] adj.
tement, permission ; 2 bon, licence, permis, front de M. Thibault (Martin du Gard).
et n. (de autorité ; 1866, Larousse). 1. Qui
pouvoir. — CONTR.: 1 défense, interdiction, D’autorité, de façon impérative : On l’a
aime l’autorité et use de toute celle qu’il
prohibition, refus. nommé d’autorité à ce poste ; sans réflexion,
possède : Un chef de service autoritaire.
hâtivement : Les imbéciles l’avaient classée
autorisé, e [trize ou otrize] adj. (part. L’autoritaire souffre d’un sentiment per-
d’autorité dans la catégorie des maniaques
passé de autoriser). 1. Se dit de quelqu’un manent d’incomplétude [...]. À la limite,
qui harcèlent les hommes consacrés
qui a été investi d’un pouvoir particulier, l’initiative d’autrui lui cause une souffrance
(Mauriac) ; à certains jeux, sans redonner
d’une autorité spéciale pour faire quelque intolérable, il la ressent à la fois comme une de cartes : Tusser [...] hésita, joua d’autorité
chose : Nous avons deux attachés, dont menace et comme une sorte de vol fait à
par un mouvement de risque-tout et perdit,
un autorisé (Hermant). 2. Se dit d’un sa propre initiative (Mounier). 2. Qui comme de raison (Villiers de L’Isle-Adam).
organisme, d’un groupement qui a reçu exprime ce caractère : Elle écrivait lente- De pleine autorité, en usant de toute son
la permission officielle de se constituer : ment [...] et, la lettre finie, cachetait, son- autorité, de toute son influence. De sa
Je ne tiens pas pour une attaque efficace nait, remettait un paquet de missives au propre autorité, sans en avoir véritablement
l’expulsion des congrégations non autori- domestique, désignant chacune des lettres le droit, et sans attendre d’autorisation.
sées (France). 3. Se dit d’une personne ou d’une brève indication autoritaire (Daudet). Class. Être en autorité, être investi de
d’une chose qui possède une autorité spé- Une voix s’éleva, forte, vibrante, autori- l’autorité : On trouve des gens injustes qui
ciale, une valeur indiscutable par laquelle taire (Duhamel). 3. Qui ne supporte sont en autorité (Fénelon). 2. Pouvoir
elle s’impose : Un avis autorisé. Une nou- pas la contradiction : Personne, caractère politique et organes administratifs qui le
velle de source autorisée. Roederer lisait avec autoritaire. représentent : Je fis plusieurs démarches
soin les ouvrages les plus autorisés de son • SYN.: 1 absolu, autocratique, despotique, auprès de l’autorité (Maupassant). 3. Ton
temps (Sainte-Beuve).
dictatorial, totalitaire, tyrannique ; 2 impé- et maintien de commandement ; grande
• SYN.: 1 accrédité ; 3 compétent, entendu, ratif, impérieux. — CONTR. : 1 accommo- assurance : Parler avec autorité. Ton
fondé, qualifié. — CONTR.: 2 interdit. dant, conciliant, coulant (fam.), faible, d’autorité, ton absolu que l’on prend pour
autoriser [trize ou otrize] v. tr. (lat. indulgent ; 2 libéral. commander, ou affirmer quelque chose
médiév. auctorizare, de auctor, auteur ; adj. Régime autoritaire, système poli- que l’on veut sans réplique. 4. Crédit,
XIIe s., Geste des Loherains). 1. Class. tique où l’exécutif, investi d’une autorité prestige, ascendant qu’une personne, un

318
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

ouvrage, une théorie a acquis par ses qua- auto-stop [tstp ou otstp] n. m. (de Autour de loc. prép. 1. Dans l’espace qui
lités propres : Un demi-siècle ne s’écoulerait auto 2 et de l’angl. to stop, arrêter’ ; milieu fait le tour de : Et voici qu’à l’appel des cors
pas que ne fléchissent à l’extrême l’autorité du XXe s.). Procédé consistant, pour un | S’entrelacent soudain des formes toutes
de leurs doctrines, la renommée et la vente piéton, à arrêter un automobiliste sur une blanches | Puis, autour des massifs, des
de leurs romans (Valéry). Au service de leurs route pour se faire transporter à titre gra- bronzes et des marbres, | Très lentement
petites idées étroites et solides, il a mis son cieux : Il se livre à la pantomime de l’auto- dansent en rond (Verlaine). Fig. et fam.
autorité et l’immense érudition puisée stop (Cocteau). Tourner autour de quelqu’un, chercher à
dans les in-folio (Sartre). Faire autorité, capter sa bienveillance, à le circonvenir.
auto-stoppeur, euse [tstpoer ou Fam. Tourner autour d’une femme, lui
en parlant d’un auteur ou de ses écrits,
otstpoer, -øz] n. (de auto-stop ; milieu du faire la cour. Fam. Tourner autour du pot,
s’imposer par sa valeur au point de faire
XXe s.). Personne qui pratique l’auto-stop. ne pas entrer directement dans le sujet, par
l’unanimité autour de soi et d’avoir presque
force de loi : Vous faites autorité dans les autostrade [tstrad ou otstrad] n. timidité ou par ruse. 2. À côté de, dans
questions épineuses de discipline (France). f. (ital. autostrada ; v. 1925). Syn. anc. de le voisinage de : Ils sont tous là, autour de
5. Auteur, ouvrage dont la valeur n’est AUTOROUTE. toi, la langue tirée (Mauriac). 3. Fig. En
pas contestée : Consultons nos autorités. prenant pour centre de sa pensée, de ses
• REM. Ce mot disparaît au profit d’auto-
Citer de nombreuses autorités. 6. Class. préoccupations : Sa cruelle imagination,
route. On avait longtemps hésité sur son
travaillant autour de cette vision d’une
Autorisation : J’osais l’employer sans votre genre : On va construire un autostrade cô-
seconde, s’était plu à en recomposer les
autorité (Corneille). tier qui devra faire le tour de la péninsule
détails (Martin du Gard). 4. Fam. Aux
• SYN. : 1 commandement, domination, [de Bretagne] (Duhamel).
environs de (indiquant une quantité, une
empire, puissance, souveraineté, tutelle ; 2
autosuggestion [tsygstj ou date approximative) : G. Williams P. Milne
administration, gouvernement, pouvoir ;
otsygstj] n. f. (du préf. auto- et de appartenait à une famille industrielle de
3 aplomb, décision ; 4 emprise, influence,
suggestion ; 1888, Larousse). Action de Pennsylvanie dont la fortune s’était faite
poids, réputation. — CONTR.: 1 dépendance,
s’influencer soi-même, volontairement autour des années 80 (Romains).
soumission, subordination, sujétion ; 3
ou non, par une idée persistante. • SYN.: 2 auprès de, aux côtés de, près de ;
humilité, modestie, timidité ; 4 discrédit.
4 à peu près, aux alentours de.
autorités n. f. pl. Les représentants de autotélie [tteli ou otteli] n. f. (du préf.
la puissance publique : Au milieu de la auto- et du gr. telos, fin ; 1863, Littré). En autourserie [otursri] n. f. (de autour-
chaussée jonchée de cannes, de chapeaux, philosophie, qualité de celui qui peut déter- sier ; 1598, Godefroy). Art d’élever et de
de débris, se promenaient des officiers de miner lui-même la fin de ses actions. dresser les autours pour la chasse.
paix, galonnés d’argent, et quelques civils, autoursier [otursje] n. m. (de autour ;
autotomie [ttmi ou ottmi] n. f. (du
qui devaient être des autorités policières 1598, Godefroy). Éleveur, dresseur d’au-
préf. auto- et de -tomie ; 1888, Larousse).
(Martin du Gard). On demandait des tours et d’autres oiseaux de proie pour la
Mutilation réflexe d’une partie du corps,
mesures radicales, on accusait les autori- chasse.
qu’opèrent certains animaux pour échap-
tés (Camus).
per à un danger. (On dit aussi AUTO-AMPU- autovaccin [tvaksou otvaks] n. m.
• SYN.: notabilités, notables.
TATION, AUTOMUTILATION.) (du préf. auto- et de vaccin ; 1928, Larousse).
autoroute [trut ou otrut] n. f. (de auto Vaccin préparé à l’aide des germes pris sur
autotrophe [ttrf ou ottrf] adj. (du
2 et de route ; 1928, Larousse). Large voie le malade lui-même.
préf. auto- et du gr. trophê, nourriture ;
conçue exclusivement pour la circulation autovaccination [otvaksinasj] n. f. (de
1928, Larousse). Se dit des plantes qui éla-
à grande vitesse des véhicules automobiles, autovaccin ; 1928, Larousse). 1. Vaccination
borent leur nourriture organique à partir
qui ne croise à niveau aucune autre voie, par un autovaccin. 2. Vaccination spon-
d’éléments minéraux.
et où les deux sens de trafic sont généra- tanée, sans intervention extérieure.
• CONTR. : hétérotrophe.
lement séparés.
autre [otr] adj. indéf. et adj. qualificatif
• SYN.: autostrade. autotrophie [ttrfi ou ottrfi] n. f.
(de autotrophe ; milieu du XXe s.). Mode de (lat. alter, accus. alterum ; 1080, Chanson
autoroutier, ère [trutje ou otrutje, de Roland, écrit altre). 1. Qui est distinct,
nutrition des plantes autotrophes.
-r] adj. (de autoroute ; milieu du XXe s.). différent : C’étaient ensuite mille autres
Qui concerne les autoroutes : Système auto- 1. autour [otur] n. m. (du lat. accipiter, questions (Chateaubriand). Car chacune,
routier. Trafic autoroutier. épervier, devenu acceptor, puis confondu je l’avais connue à diverses reprises, en des
avec auceptor, oiseleur ; 1080, Chanson de temps différents, où elle était une autre pour
autoscopie [tskpi ou otskpi] n.
Roland, écrit ostor, ostur). Grand rapace moi, où moi-même j’étais autre, baignant
f. (du préf. auto- et du gr. skopein, voir ;
diurne, qui attaque les animaux de basse- dans des rêves d’une autre couleur (Proust).
début du XXe s.). Phénomène hallucinatoire
cour : Partout, les milans roux, les chouettes Il ne se sentait ni inférieur ni supérieur à
affectant certains malades, qui voient leur
félines, | L’autour glouton, l’orfraie horrible ses camarades : il se sentait autre (Martin
propre image comme dans un miroir.
dont l’oeil luit | Avec du sang le jour, qui du Gard). C’était possible à l’époque,
autoscopique [tskpik ou otskpik] devient feu la nuit, | Tous les tristes oiseaux mais aujourd’hui la situation est tout
adj. (de autoscopie ; début du XXe s.). Relatif mangeurs de chair humaine (Hugo). autre. Autre part, en un autre endroit,
à l’autoscopie : Hallucination autoscopique. ailleurs. D’autre part, d’un autre point
2. autour [otur] adv. (de l’art. contracté de vue. 2. Distinct, mais semblable par
autos sacramentales [autssakra- au et de tour ; XVe s.). Dans les environs, à la valeur, les qualités ou les défauts : C’est
mntals] ou autos n. m. pl. (mots faible distance de tous les côtés : Il aurait pu un autre Machiavel. 3. Qui est différent
esp. signif. « actes ou drames du Saint être à traîner aux environs de la plaza, s’en- par sa supériorité : C’est un autre homme
Sacrement »). Drames à sujet religieux, qui fiévrant, presque autant que de la course, que lui ! 4. Avec un nom exprimant une
se sont développés en Espagne aux XVIe et de tout le mouvement qui se faisait autour notion temporelle, peut marquer le passé :
XVIIe s., et qui sont comparables aux mys- (Montherlant). Tout autour, partout Le gilet d’il y a deux ans et la culotte de
tères français du Moyen Âge. autour, de tous côtés : Sur des planchettes l’autre saison (Béraud). L’autre jour, il était
• REM. Le singulier auto (sacramental) tout autour, on voyait des flambeaux, des malade ; ou l’avenir : Je reviendrai vous
est peu employé. serrures, des boulons, des écrous (Flaubert). voir un autre jour. L’autre vie, la vie de

319
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

l’au-delà, après la mort du corps. 5. Fam. le prochain : Elizabeth détestait qu’on paye, gulières (Maupassant). Fam. Autrement
Précédé des pronoms nous et vous, forme elle méprisait les autres (Cocteau). plus, beaucoup plus : Il était devenu autre-
un gallicisme qui oppose un groupe de A d’autres ! interj. Fam. : Allez dire cela à ment plus souple (Tharaud). 4. Dans le
personnes à un groupe différent : Voilà d’autres que moi, je ne suis pas assez crédule cas contraire, sinon : Mangez à votre faim,
comme nous sommes, nous autres Français : pour y croire ! autrement vous tomberez malade. 5. Ne...
un peu de mécontentement personnel nous •SYN.: 1 dissemblable ; 2 nouveau, second. pas autrement, sans... autrement, pas plus
fait oublier nos principes et les sentiments — CONTR. : 1 identique, même, pareil. que cela, pas beaucoup : Il ne paraissait pas
les plus généreux (Chateaubriand). Vous autrement surpris ; c’était un jour où l’on
• REM. 1. Dans la langue classique, autre
autres, Français, vous ne tenez pas vos pro- ne s’étonnait de rien (Martin du Gard). Mme
pouvait être employé sans article, pour
messes (Maupassant). [Eux autres, usuel à Dandillot pensait bien que sa fille était la
un autre : Autre n’a mieux que toi soutenu
l’époque classique, est aujourd’hui d’em- maîtresse de l’écrivain, et ne s’en émouvait
cette guerre (Corneille).
ploi plus restreint.] 6. En corrélation avec pas autrement (Montherlant). Une bonne
2. Autre suivi de que et d’un verbe en- femme, dans la maison, se leva, et s’appro-
un, dans les loc. l’un et l’autre, les deux,
traîne généralement (mais non obliga- cha de la porte, sans paraître autrement
et l’un ou l’autre, l’un des deux : L’une et
toirement) la négation devant ce verbe, effrayée (Alain-Fournier).
l’autre hypothèse. L’un ou l’autre projet
si autre est dans une proposition affirma-
devra être adopté. 7. Autre, répété dans • SYN.: 1 différemment ; 3 beaucoup plus,
tive : Les résultats sont autres qu’on (ne) le
autre (chose)..., autre (chose)..., exprime la bien plus, infiniment plus ; 4 sans quoi ; 5
croyait ; si autre est dans une proposition
même opposition que autre... que..., mais particulièrement, spécialement.
principale négative, la négation n’appa-
renforcée, insistant sur la différence : • REM. V. AUTRE, Rem. 2.
raît pas devant le verbe de la subordon-
Autres sont les temps de Moïse, autres ceux
née : Il n’est pas autre qu’il paraît. La autrice n. f. V. AUTEUR.
de Josué (Bossuet). Autre chose est de dire
même règle s’applique à autrement.
ceci, autre chose d’affirmer cela (Acad.). autrichien, enne [otrij, -n] adj. et n.
Autres temps, autres moeurs, les moeurs 3. Lorsque autre détermine les pron. (de Autriche ; XVIIIe s.). Relatif à l’Autriche ;
personne, quelqu’un, rien, que (interro- habitant ou originaire de ce pays.
changent d’une époque à l’autre.
gatif), il s’y rattache habituellement au
pron. indéf. 1. Précédé en général de autruche [otry] n. f. (lat. pop. *avis
moyen de la préposition de (l’absence
l’article ou d’un déterminant, ou au plu- struthio [lat. avis, oiseau, et *struthio, du
de cette préposition est archaïque ou lit-
riel avec la prép. d’, désigne des personnes gr. strouthos, autruche] ; 1130, Job, écrit
téraire) : Je n’ose m’adresser à personne
ou des choses différentes : Quand je lis les ostruce ; la forme autruche existe à partir
d’autre (Barrès). Personne autre que
souvenirs d’enfance des autres, quand je du XVIe s.). Très grand oiseau d’Afrique,
moi (Maupassant). Quelqu’un d’autre
vois ce paradis vers lequel ils se tournent inapte au vol, mais très rapide à la course,
(Proust). Quelqu’un autre (Jaloux). Que
tous, je me demande avec angoisse : « Et recherché pour les plumes de ses ailes.
fais-je d’autre ? (Colette). Que dis-je autre
moi ? » (Mauriac). Vous me prenez pour Fam. Avoir un estomac d’autruche, digé-
chose ? (Boileau).
un autre, vous me jugez faussement. Il rer n’importe quoi sans difficulté (se dit
l’autre n. m. 1. sing. 2. Dans la philo-
n’en fait jamais d’autres, se dit de quelqu’un en raison des choses les plus hétéroclites
sophie classique, le divers, le distinct, par
qui vient de commettre une sottise, pour que l’autruche parvient à avaler). Fam.
opposition au même. 3. Dans la philo-
laisser entendre que cela lui arrive sou- Pratiquer la politique de l’autruche, s’ima-
sophie existentialiste, l’ensemble des êtres
vent. Fam. Comme dit l’autre, se dit en giner qu’un danger est supprimé quand on
qui ne sont pas le sujet et qui s’opposent à
citant une phrase de caractère proverbial s’abstient d’y prêter attention, à la manière
lui : Le moi et l’autre.
ou sentencieux (souvent ironiq.). Fam. de l’autruche, qui, selon la légende, croit
En avoir vu d’autres, avoir fait des choses autrefois [otrfwa] adv. (de autre et de supprimer le danger en enfouissant sa tête
plus difficiles que celles qu’on a à faire fois ; 1160, Benoît de Sainte-Maure). Dans dans le sable.
présentement, ou avoir assisté à des évé- le temps passé : Cet homme autrefois si
autrucherie [otryri] n. f. (de autruche ;
nements plus dangereux que ceux auxquels énergique (Stendhal). Il n’a jamais eu le
1888, Larousse). Lieu où l’on pratique l’éle-
on assiste. Entre autres, plus particulière- temps de rêver aux façons de vivre d’autre-
vage des autruches.
ment parmi d’autres personnes ou d’autres fois (Romains). Autrefois, on croyait que le
choses : Je me souviens, entre autres, que Soleil tournait autour de la Terre. autruchon [otry] n. m. (de autruche ;
• SYN. : anciennement, jadis. — CONTR. : XVIe s., écrit autrichon ; forme actuelle,
M. Dubois nous récitait... (Stendhal).
actuellement, à présent, aujourd’hui, main- 1866, Larousse). Petit de l’autruche.
2. L’autre, les autres, s’emploient en
opposition avec l’un, les uns, l’une, les unes, tenant ; dans l’avenir, demain, un jour. autrui [otri] pron. indéf. invar. (cas
et quelquefois avec un nom : Ils se font tort autrement [otrm] adv. (de autre ; régime de autre en anc. franç., formé
l’un à l’autre (Sand). L’un s’élançait, l’autre 1080, Chanson de Roland). 1. D’une d’après lui ; 1080, Chanson de Roland,
se courbait, l’un commandait le respect, autre manière : Le lit me parut si réduit écrit altrui). Les autres personnes, géné-
l’autre cherchait à l’obtenir (Balzac). Qui que je n’osai m’y coucher autrement qu’en ralement envisagées comme formant le
voit l’un voit l’autre, leur ressemblance est chien de fusil (Duhamel). 2. Class. et prochain (spécialement dans la langue reli-
parfaite. L’un vaut l’autre, l’un n’est pas littér. Autrement dit, en d’autres termes : gieuse ou sentencieuse) : L’opinion d’autrui
meilleur que l’autre. L’un portant l’autre, Liberté c’est choix, autrement une déter- m’importe, je crois, plus que jamais (Gide).
l’un dans l’autre, une chose compensant mination volontaire au bien ou au mal (La Il faut qu’ils sentent qu’après tout je n’en
l’autre. Un jour ou l’autre, à une époque Bruyère). George Sand, autrement Madame mourrai pas, que je continue à exister en
indéterminée. D’une manière ou d’une Dudevant (Chateaubriand). 3. À un dehors d’eux. Mais pour le faire sentir à
autre, de manière ou d’autre, quelle que soit bien plus haut degré : Les corruptions de autrui, il est bon de commencer par le sentir
la manière employée. De part et d’autre, l’esprit, bien autrement destructives que soi-même (Romains). Ne fais pas à autrui ce
des deux côtés. De temps à autre, de celles des sens, sont acceptées comme des que tu ne voudrais pas qu’on te fît.
temps en temps. L’un l’autre, les uns les résultats nécessaires ; elles n’appartiennent • CONTR. : soi.
autres, réciproquement : S’aimer les uns les plus à quelques individus pervers, elles • REM. L’emploi normal d’autrui est celui
autres. C’est tout l’un ou tout l’autre, il sont tombées dans le domaine public de complément ; autrui n’est que très
n’y a pas de compromis, c’est à prendre ou à (Chateaubriand). Les prestidigitateurs de rarement sujet : Autrui nous est indiffé-
laisser. 3. Les autres (masc. plur.), autrui, profession font des choses autrement sin- rent et l’indifférence n’invite pas à la mé-

320
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

chanceté (Proust). En société, ce n’est pas statut d’un ouvrier ou d’un fonctionnaire qu’un « morphème », appelé auxiliaire
autrui qui me fatigue et qui m’irrite ; c’est titulaire : Il a demandé pour quelque temps de temps.
moi-même (Gide). Là où autrui vous croit une place d’instituteur auxiliaire. Jeviens Comparons encore :
coupables (Jaloux). d’être nommé auxiliaire à cent francs par
mois, dans une mairie (Vallès). 3. Service 1. Notre ami vient.
auvent [ov] n. m. (lat. pop. *antevan-
auxiliaire, ou l’auxiliaire, n. m., catégorie 2. Notre ami vient de s’asseoir.
num, forme obscure, peut-être d’origine
militaire comprenant les recrues qui, en Dans le premier exemple, venir exprime
gauloise ; XIIe s., Mort d’Aymeri, écrit
raison d’une infirmité relative, ne peuvent un mouvement en train de se faire. Dans
auvant). 1. Petit toit en saillie, placé au-
occuper des postes de combattants, et le second, il n’exprime aucun mouve-
dessus d’une porte ou d’une fenêtre pour la
sont affectées à des emplois en rapport ment, mais donne l’action de « s’asseoir »
garantir de la pluie : Cependant des démons
avec leur inaptitude physique : Il ne peut pour récemment accomplie. Le verbe
malsains dans l’atmosphère | S’éveillent
pas être versé dans l’auxiliaire (Bataille). venir y est auxiliaire d’aspect.
lourdement comme des gens d’affaires |
4. En grammaire, se dit des verbes qui,
Et cognent en volant les volets et l’auvent On enseigne parfois que, dans le syn-
perdant leur signification particulière,
(Baudelaire). Une feuille de platane, sus- tagme AUXILIAIRE + AUXILIÉ, les indica-
servent à former les temps composés des
pendue par un invisible fil d’araignée, tour- tions grammaticales (personne, nombre,
verbes actifs et pronominaux, et les temps
nait sur elle-même, à l’abri du petit auvent temps, aspect, modalité, prédication...)
simples et composés des verbes passifs, et,
sous lequel était fixée la clochette du por- sont assumées par l’auxiliaire, alors que
par extens., à exprimer diverses nuances de
tail (Duhamel). 2. Vx. Persienne, volet : l’auxilié (le verbe à un mode imperson-
la pensée. (V. art. spécial.)
Les plus charitables posaient une écuelle nel) assumerait seulement la fonction
• SYN.: 1 accessoire, aide, annexe, second,
sur le bord de leur fenêtre, puis fermaient lexicale. Ce partage des fonctions n’est pas
soutien ; 2 adjoint, assistant.
l’auvent pour ne pas l’apercevoir (Flaubert). absolu ; il est plus juste de dire, comme E.
3. Abri en paillasson ou en bois que les n. 1. Auxiliaire de la justice, personne
Benveniste, que les deux éléments ont, à
jardiniers utilisent pour protéger des gelées dont la profession concourt à l’adminis-
des degrés divers, une fonction lexicale et
et du vent les arbres en espalier. tration de la justice (avocat, avoué, etc.).
une fonction grammaticale. Le choix des
2. Auxiliaire médical(e), personne qui,
• SYN.: 1 avant-toit, marquise. auxiliaires n’est pas indifférent : preuve
sans être pourvue du diplôme de docteur
que leur sens entre en ligne de compte ;
auvergnat, e [ovra, -at] adj. et n. en médecine, concourt au traitement des
quant aux auxiliés, il est clair que l’infi-
(de Auvergne ; XVIe s., Godefroy). Relatif malades (infirmier, masseur, opticien, etc.).
nitif, le participe et le gérondif apportent
à l’Auvergne ; habitant ou originaire de 3. Vx. Par l’auxiliaire de, à l’aide de, grâce
leurs possibilités propres : aller chantant
cette région : Elle eut pour institutrice une à : C’est la partie brutale de l’homme, qui,
n’est pas aller chanter, et les participes dits
soeur grise auvergnate (Balzac). par l’auxiliaire du vin, usurpe la souverai-
« passés » offrent des valeurs aspectuelles
auvergnat n. m. Dialecte de langue d’oc neté (Baudelaire).
différentes selon le « mode de procès » du
parlé en Auvergne. auxiliaires n. m. pl. 1. Les troupes verbe (v. ASPECT), et des valeurs de voix
étrangères, dans l’armée romaine.
auvernat [ovrna] n. m. (de Auvergne ; différentes (venu, actif ; aimé, passif).
2. Machines d’un navire autres que ses
XVIe s.). 1. Variété de vigne, d’origine auver- Si l’on compare maintenant :
machines motrices.
gnate, cultivée dans le Loiret. 2. Vin
rouge produit par cette vigne : Un laquais 1. Je commence mon repas.
effronté m’apporte un rouge-bord | D’un GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE 2. Je commence à manger,
auvernat fumeux (Boileau).
la seconde phrase nous montre, certes,
LES AUXILIAIRES
auverpin [ovrp] n. m. (altér. de l’aspect « ingressif » de l’action de « man-
Auvergnat, par substitution de finale ; 1854, Le terme d’auxiliaires désigne en gram- ger », mais, pour ce faire, le verbe com-
Privat d’Anglemont). 1. Arg. Auvergnat : maire des verbes ou des locutions ver- mencer n’a rien abandonné de son sens
Ah ! J’ai bien fait de naître Auverpin ! Un bales qui constituent, avec un verbe à une propre ; il a pour complément d’objet
autre se serait lassé et aurait demandé forme impersonnelle (infinitif, participe, indirect le verbe manger, et le syntagme
grâce à l’ennemi. Moi je n’ai pas cédé d’une gérondif), un ensemble dont le signifié commence à manger, associant deux
semelle. Ce sont mes semelles qui ont cédé grammatical est lié à leur association. lexèmes de sens inaltéré, ne présente
(Vallès). 2. Arg. Charbonnier (car les Comparons : aucun signe de coalescence ; commencer
Auvergnats exerçaient, et exercent encore, n’est pas un auxiliaire. Tous les degrés se
souvent ce métier à Paris). 1. Ma femme a une voiture. présentent dans l’évolution qui conduit
• SYN.: 2 bougnat (pop.). 2. Une voiture admirée. un mot au rôle de morphème. Pour le
3. Ma femme a admiré une voiture. verbe commencer, les conditions syn-
auxiliaire [ksiljr ou oksiljr] adj. et
Dans le premier exemple, le verbe avoir taxiques sont favorables à une grammati-
n. (lat. auxiliaris, de auxilium, secours ;
exprime le fait de « posséder » et le si- calisation, dont rien ne prouve cependant
1512, J. Lemaire de Belges). 1. Se dit de
tue dans le présent par sa forme dite de qu’elle soit amorcée ; c’est que le contenu
quelqu’un qui aide, prête son concours,
« présent ». lexical de ce verbe, tel qu’il apparaît
en général momentanément, ou d’une
quand il a pour objet un nom, est suffi-
chose dont l’action s’ajoute à celle d’une Dans le deuxième, le verbe au participe
samment abstrait pour convenir aussi
autre : Je sais que Sun-Yat-Sen a admis les exprime le fait d’ « admirer » portant de
façon permanente sur la chose désignée bien à un verbe.
communistes pour être des auxiliaires du
Parti (Malraux). Ajouter à un train une par le nom voiture ; le sens est « passif ». À l’opposé, on voit un verbe devenir
locomotive auxiliaire. Évêque auxiliaire, Dans le troisième, le verbe avoir n’ex- une simple terminaison temporelle, par
évêque nommé auprès de l’évêque titulaire prime plus la possession ; joint au parti- exemple dans le passage de la locution
d’un évêché, afin de l’aider dans sa tâche. cipe admiré, il exprime seulement le fait latine cantare habeo (« j’ai à chanter » ;
(Quand l’évêque auxiliaire doit succéder de d’admirer situé dans le passé ; l’ensemble cf. angl. I have to sing) au futur français
plein droit à celui qu’il aide, il porte le nom a admiré est dit « passé composé ». Le chanter-ai.
de coadjuteur.) 2. Employé ou ouvrier verbe a y a perdu à la fois son sens et sa Entre les deux prennent place un grand
recruté à titre provisoire et qui n’a pas le valeur temporelle propres : il n’est plus nombre de « périphrases » dont les gram-

321
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

mairiens discutent la nature syntaxique (v. plus loin). Mais l’auxiliarisation ne mais on ne dit pas :
ou morphologique. résulte pas obligatoirement de cette sub-
*J’ai ici habité.
Quelques-uns se contentent d’une défini- ductivité externe ; des verbes de même
*Il va dans une heure passer.
tion de sens, telle que la suivante, formu- sens sont auxiliaires dans telle langue
*J’ai fait le médecin venir ;
lée par Damourette et Pichon au début de et non dans telle autre : l’expression du
leur étude des auxiliaires (Des mots à la futur, que l’anglais demande à to will et alors qu’on dit très bien :
pensée, t. V, ch. XXI) : « Un verbe est em- l’allemand à werden, revient en français
au verbe avoir (devenu désinence). J’attendais ici de vous rencontrer.
ployé comme auxiliaire d’un autre verbe
quand il ne sert qu’à apporter à cet autre La sublimation du contenu lexical a Il commencera dans une heure à
verbe, appelé l’auxilié, des précisions pour effet de créer un nouveau verbe, parler.
d’ordre grammatical. » Mais y a-t-il des homonyme du verbe de sens plein, de J’ai vu le médecin venir.
signifiés grammaticaux en soi ? On sait sorte qu’un verbe auxiliarisé peut sans Il semble à première vue que les verbes
que le nombre, par exemple, ou le sexe inconvénient se prendre lui-même pour avoir, aller, faire, qui sont auxiliaires, re-
peuvent être exprimés par la grammaire auxilié : fusent l’insertion qu’admettent attendre,
ou par le vocabulaire. Sous prétexte que commencer et voir, verbes de sens plein.
J’ai eu.
Il faut partir nous semble, pour le sens, Mais les auxiliaires ne refusent pas toute
Il va aller.
identique à Partons, nous n’avons pas le insertion ; certaines catégories de com-
Il vient de venir.
droit de dire que falloir est un auxiliaire ; pléments peuvent figurer normalement
Que lui fais-tu faire ?
il présente le même sens dans Il faut du entre l’auxiliaire et l’auxilié ; ce sont :
Il doit me devoir cent francs.
pain, qui n’est commutable avec aucune
Un verbe non auxiliarisé peut quelquefois — les adverbes de quantité :
forme d’impératif. La reconnaissance du
« grammatical » exige elle-même l’appli- se prendre lui-même pour complément, Il a beaucoup dormi ;
cation de critères objectifs ; nous allons mais ce n’est jamais sans une intention
— les adverbes de manière :
passer en revue ceux qu’on peut retenir stylistique :
pour l’auxiliarité. Il a bien travaillé.
J’ai peur d’avoir peur.
• L’ALTÉRATION DU SENS LEXICAL. J’aime aimer. Il s’est brillamment comporté.
Comme on l’a constaté pour les verbes Il n’arrive pas à arriver. Tu le feras vite venir ;
avoir et venir, un verbe qui devient auxi- — certains adverbes de temps (jamais,
On peut donc admettre pour premier cri-
liaire peut conserver des emplois à sens toujours, aussitôt, bientôt, déjà, encore,
tère de l’auxiliarisation une altération du
plein, tout en voyant son sens se sublimer ensuite) :
contenu lexical, dont la mise en évidence
jusqu’à acquérir la généralité des signifiés
n’implique pas une définition très pous-
grammaticaux applicables à n’importe J’ai toujours habité là (mais non :
sée des contenus différenciés. Pourtant,
quel verbe. Gustave Guillaume (Théorie *J’ai hier terminé ce livre) ;
des réserves doivent être formulées sur
des auxiliaires, dans Bulletin de la Société — les pronoms ou adjectifs indéfinis tout
l’importance théorique de ce caractère :
de linguistique de Paris, 1938) appelle et rien :
« subductivité » cette propriété des verbes — D’une part, la polysémie est un fait
auxiliaires, et distingue deux niveaux de banal qui se manifeste en dehors de l’au- J’ai tout lu.
« subduction ». Le sens plein d’un verbe xiliarité, donc ne l’implique pas ; ainsi Je les ferai tous venir.
(être = « exister » ; avoir = « posséder ») appeler, qui n’est pas auxiliaire, a un sens Je n’ai rien vu (mais non : *Je n’ai
est subductif par rapport aux autres plus abstrait dans : Cette organisation personne vu) ;
verbes quand il leur apparaît idéellement appelle des réformes, que dans : L’agneau
—certaines conjonctions de coordi-
préexistant : il faut « être » pour « aller », appelle sa mère ;
nation :
« venir », « marcher », « voir », etc. Le — D’autre part, rien ne justifie le postu-
verbe commencer est subductif par rap- lat souvent avancé, entre autres par Da- J’ai donc perdu.
port à toutes les actions, puisque toutes mourette et Pichon (§ 1599), selon lequel Je suis pourtant venu.
ont un début. Cette subductivité n’en- « aucun verbe n’est uniquement auxi- Peut-on, du moins, tenir pour un cri-
traîne qu’une aptitude à l’auxiliarisation. liaire ». Rien n’empêche d’imaginer un tère de l’auxiliarité l’insertion limitée
Dans son emploi d’auxiliaire, le verbe est verbe « auxiliaire permanent » : le critère à ces compléments ? Un groupe verbal
subductif par rapport à lui-même ; venir, d’une comparaison de sens serait alors refusant l’insertion de ici, hier ou demain
dans : Il vient de s’asseoir, a un sens plus défaillant. Le verbe d’ancien français
doit-il être de ce fait catalogué auxiliaire ?
abstrait que dans : Mon ami vient. De souloir, « avoir coutume de » (lat. solere),
Malheureusement non, car la même im-
même, le verbe anglais to will, « vouloir », n’était employé que devant un infinitif, et
possibilité s’observe, par exemple, dans :
le verbe allemand werden, « devenir », n’avait qu’un sens : doit-on s’interdire d’y
J’espère partir. Je souhaite réussir ; or, es-
subductifs par rapport à tout verbe d’ac- voir un auxiliaire d’aspect ?
pérer et souhaiter ne présentent dans ces
tion impliquant volonté (je marche) ou • LA COALESCENCE DU GROUPE VERBAL phrases aucune altération de sens témoi-
changement d’état (je sors), ont pris par
CONSTITUÉ. Sachant que l’unité mor- gnant l’auxiliarité. On en conclura que les
subduction interne la valeur d’auxiliaires
phologique d’un mot composé comme difficultés d’insertion relèvent de la syn-
de futur : I will write, Ich werde schreiben
pomme de terre est démontrée par l’im- taxe, et qu’elles ne peuvent passer pour
(« J’écrirai »). Au contraire, le verbe com-
possibilité d’y insérer un complément
mencer, si subductif qu’il soit par rapport une marque discrète, nécessaire et suffi-
(*des pommes nouvelles de terre), on peut
aux autres verbes, n’est jamais descendu sante, de la coalescence morphologique.
songer à appliquer le même critère aux
au-dessous de sa propre signification. L’épreuve de réduction serait-elle plus
« formes verbales à auxiliaire ».
On observe d’une langue à l’autre des significative ? On ne dit pas *un vol
Effectivement, on dit :
concordances qui prouvent le bien-fondé pour un vol-au-vent, *un garde pour un
de la considération du sens : au français J’ai habité ici. garde-manger (mais on dit pommes pour
avoir répondent en anglais to have et en Il va passer dans une heure. pommes de terre). On observe effective-
allemand haben, « auxiliaires temporels » J’ai fait venir le médecin ; ment une répugnance du français à ré-

322
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

duire le groupe AUXILIAIRE + AUXILIÉ à Au XVIIIe s., d’Olivet justifiait l’invaria- et certains sens plus abstraits qui pa-
son premier élément. Voici deux phrases : bilité dans : raissent mieux justifier l’appellation
d’auxiliaires :
Paul espère partir. Ces troupes que le général a fait
Paul va partir. marcher Il doit être tard.
Il pouvait être dix heures.
Dans la première, on peut réduire la et
prédication au verbe principal, qui n’est En somme, il n’y a pas un trait formel que
Je l’ai laissé passer (en parlant d’une l’on puisse donner pour l’unique pierre
pas auxiliaire, en représentant éventuel-
femme) de touche de l’auxiliarité. La conjonction
lement le second verbe par le pronom
neutre : Il espère, il l’espère. Dans la se- par la juxtaposition du verbe et de l’auxi- de plusieurs indices n’est même pas une
conde, la prédication ne peut porter, du liaire : les deux mots sont « inséparables » preuve. L’inventaire qu’il faut mainte-
moins formellement, que sur l’ensemble, et « ne présentent qu’une idée à l’esprit ». nant dresser sera donc éminemment at-
et il est impossible de dire : *Il va, ou *Il le Mais bientôt l’invariabilité fut restreinte taquable, chaque verbe prêtant à discus-
au participe fait — le seul qu’on ne pût sion. Pour quelques-uns, des arguments
va. Employé seul, le verbe aller, qui était
auxiliaire, reprend son sens plein. Com- écrire au féminin dans ces phrases sans particuliers, plus décisifs, seront donnés.

parer de même : Il vient de partir | Il vient. aller contre le témoignage de l’oreille.


« ÊTRE » ET « AVOIR »
Dans : Paul doit avoir manqué son train, Pour les autres verbes, une distinction
le verbe devoir peut être tenu pour auxi- orthographique — subtile, mais logique E. Benveniste, étudiant les fonctions lin-
liaire de probabilité ; dans : Il le doit, il — fut recommandée par les grammai- guistiques des verbes être et avoir (dans
n’exprime plus que « le devoir ». riens, et plus ou moins observée pendant Bulletin de la Société de linguistique,
tout le XIXe s. : LV, 1960), montre comment leur signi-
Si nous tenions cette impossibilité pour
fication pleine — dans les langues où ils
un critère absolu, nous devrions dénier L’actrice que j’ai vue jouer / La pièce
que j’ai vu jouer. existent — les destine à l’auxiliarisation.
la qualité d’auxiliaire à un verbe comme
faillir, car on dit très bien : « Est-il tom- Enfin, le 26 février 1901, un arrêté minis- Être est un verbe « de plein exercice »,
bé ? — Non, il a seulement failli » ; à une tériel permit de laisser invariable tout intransitif, dans : Je pense, donc je suis. Il
participe passé suivi d’un infinitif — to- est « copule » quand il marque seulement
locution comme être en train, car on
dit très bien : « A-t-il déjeuné ? — Non, lérance que les écrivains ont irrégulière- un rapport intrinsèque d’identité (Rome
ment suivie. est la capitale de l’Italie) ou une carac-
il est en train. » Mais ces exemples nous
térisation (Rome est grande) ; son sens,
conduisent à penser que l’impossibi- Fera-t-on état de cette invariabilité léga-
déjà très abstrait dans cette fonction (où
lité constatée pour les auxiliaires aller, lisée pour appeler auxiliaires ceux de
il manque à beaucoup de langues), l’est
venir, devoir tient en partie à leur nature ces verbes que l’application logique des
plus encore, ou d’une autre façon, quand
polysémique : privés de leur auxilié, ces règles d’accord devrait faire varier dans
il sert d’auxiliaire de temps (Je suis venu)
verbes deviennent ambigus, ce qui n’est certains cas : laisser, voir, regarder, en-
ou de voix (Je suis regardé).
pas le cas pour faillir et être en train. Il tendre, écouter, sentir ? Ce serait prendre
n’en reste pas moins qu’un verbe comme pour l’effet d’une intuition linguistique, Avoir est couramment employé avec un
espérer conserve son sens loin de tout non négligeable en soi, une décision de sens plein, celui de « tenir » ou de « pos-
« tolérance ». séder » ; il est transitif, mais verbe d’état,
complément (Il n’est pas nécessaire
copule qui, à la différence d’être, implique
d’espérer pour entreprendre), et non pas En définitive, l’invariabilité n’est un cri-
la disjonction des ensembles désignés par
faillir ou être en train. Nous retiendrons tère de l’auxiliarité que pour le verbe
le sujet et par l’objet. Ce caractère très
donc l’épreuve de réduction, discrimi- faire, où elle semble s’être imposée
abstrait explique que la plupart des lan-
nante surtout pour les verbes à double (ou d’abord dans l’usage.
gues soient dépourvues d’un verbe avoir ;
multiple) signifié lexical. • L’AFFINITÉ AVEC L’INFINITIF. Certains
elles le remplacent le plus souvent par une
•L’INVARIABILITÉ AU PARTICIPE. Dans grammairiens donnent pour une marque
périphrase de type « être à », dont le tour
une phrase comme : d’auxiliarité l’affinité que présentent avec
latin Mihi est liber, « A moi est un livre »
l’infinitif des verbes comme faillir, pou-
(= J’ai un livre), donne l’idée.
Voici la robe que j’ai voulu acheter, voir, devoir. On dit : J’ai failli tomber. Je
peux revenir ; On ne dit pas : *J’ai failli Être et avoir apparaissent ainsi comme
le pronom que est complément d’objet complémentaires l’un de l’autre, se par-
cette chute. *Je peux le retour. Devoir ad-
de l’infinitif acheter et non du participe tageant le domaine des propriétés, rela-
met pour objet un nom : Je dois cette ré-
voulu : c’est pourquoi celui-ci reste inva- tions et opérations exprimables ; être
ponse ; mais, au lieu qu’un verbe comme
riable. Mais, dans une phrase comme : convient lorsqu’on ne sort pas du sujet :
vouloir peut régir un infinitif ou une su-
bordonnée conjonctive, devoir refuse la Il est grand. Il est le roi ; avoir dans le cas
Voici l’actrice que j’ai vue jouer,
conjonctive ; on dit : Je dois te payer, mais contraire : Nous avons un roi.
le pronom que est objet du verbe voir et non : *Je dois que tu sois payé. I. ÊTRE ET AVOIR AUXILIAIRES
non de jouer : il commande donc l’accord
Cependant, cette affinité ne saurait être TEMPORELS
de vue. Laisser vu invariable ici serait
donnée pour une condition nécessaire
donner que pour objet du groupe voir Cette complémentarité des deux verbes
de l’auxiliarité, puisque des verbes ma-
jouer, c’est-à-dire donner voir pour un se retrouve dans leur emploi comme
nifestement auxiliarisés, comme aller,
auxiliaire. Or, c’est ainsi qu’en décidèrent « auxiliaires temporels » :
venir, n’y satisfont pas. D’autre part, elle
Vau-gelas et la plupart des grammairiens n’éclaire pas la distinction qu’on peut Tu es venu.
du XVIIe s. pour les verbes faire, laisser et faire entre le sens plein des verbes devoir Tu as fermé la porte.
voir : et pouvoir :
Il est montré, à l’étude de l’aspect (v. ce
Madame, le mauvais état où je vous Je dois montrer l’exemple. mot), qu’être et avoir, dans cet emploi,
ai vu partir... Je peux sauter deux mètres, expriment soit l’aspect extensif, situant la

323
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

pensée à l’époque marquée par le temps et l’ « antérieur sommatif », marqué par approuvé ». Toutes les langues romanes
de l’auxiliaire : avoir, signalaient la conformité de leurs ont hérité de ce parfait, mais le plus
conclusions avec celles de Guillaume, curieux est que les langues germaniques
Tu as les yeux rouges, tu as pleuré ;
dont ils avaient eu connaissance après et le grec l’ont créé de leur côté, comme
soit l’aspect tensif, situant la pensée à une coup (§ 1639). le montre J. Vendryes dans un article des
époque antérieure à celle que marque le Ils ne se dissimulaient pourtant pas qu’un Mélanges Van Ginneken (1937) ; là où le
temps de l’auxiliaire : certain nombre de verbes apparemment français dit : je les ai vus, l’allemand dit :
conclusifs sont affectés de l’auxiliaire ich habe sie gesehen, l’anglais : I have seen
César a conquis (= conquit) la Gaule.
avoir ; la plupart ont présenté, à travers
them, le grec : . Des
Que le verbe avoir doive être tenu pour leur histoire, des emplois avec être : ac-
auxiliaire, rien n’est plus certain. Un tours comparables s’observent en sogdien
coucher, apparaître, changer, convenir,
groupe comme tu as dormi ne peut être (dialecte iranien), en irlandais, en hittite,
crever, croître, etc. Certains peuvent avoir
autre chose qu’une forme du verbe dor- en breton. Si des influences de voisinage
connu un emploi transitif (La rivière a
mir, puisque le participe passé dormi débordé, autrefois : a débordé son lit), ont pu jouer (le grec et le latin s’interpé-
n’apparaît pas dans d’autres contextes. ou avoir subi l’analogie d’un synonyme nétrant, le breton imitant le français), J.
Ce qui est vrai de tu as dormi doit être transitif (j’ai déjeuné, d’après j’ai man- Vendryes n’en croit pas moins à une for-
étendu à tu es venu, qui lui est substi- gé ?). Selon Meyer-Lübke, « au cours des mation spontanée dans la plupart des cas,
tuable dans une phrase comme : XVe et XVIe siècles, il s’est opéré peu à peu la même cause agissant partout : le besoin
une transformation dont le résultat fut de remplacer un parfait primitif dont la
Quand tu as dormi, nous avons joué
que être, sauf naturellement dans les pas- valeur d’« achèvement » cédait peu à peu
aux cartes.
sifs et dans les réfléchis, perdit pied sur à la valeur de « temps antérieur ». Meillet
Être et avoir sont là en distribution com- une très grande partie de son domaine.
plémentaire : on ne dirait ni *tu as venu, voyait dans les parfaits germaniques une
On dit aujourd’hui j’ai couru, sailli, sau-
ni *tu es dormi. imitation des modèles latins ; Vendryes
té, déjeuné, crevé, etc. » (Grammaire des
réservait la possibilité d’une création
Tous les verbes transitifs prennent l’au- langues romanes, III, p. 293.)
xiliaire avoir : J’ai coupé le pain. autonome ; E. Benveniste, dans l’article
Le sens de l’opposition ne s’est pourtant
mentionné plus haut, appuie cette der-
Tous les verbes pronominaux prennent pas perdu, comme le prouve l’alternance
nière thèse de très solides arguments.
l’auxiliaire être : Je me suis coupé. des auxiliaires pour certains verbes in-
Quant aux verbes intransitifs, ils se par- transitifs pouvant être pris dans un sens Ne quittons pas l’étude de ces auxi-
tagent entre être et avoir. conclusif ou non : liaires temporels sans avoir mentionné
les formes surcomposées, à double auxi-
Les verbes suivants prennent être : accou- Je suis monté au Sacré-Coeur / Le
liaire : j’ai eu mangé ; il a été parti. Les
rir, advenir, aller, arriver, décéder, demeu- baromètre a monté.
rer, descendre, devenir, échoir, éclore, premiers exemples remontent au XIIIe s.,
Après cette maladie, il est demeuré
entrer, intervenir, monter, mourir, naître, sourd / J’ai demeuré là cinq ans. mais ces formes ont toujours paru sus-
partir, parvenir, rentrer, repartir, ressortir, pectes aux écrivains. (V. SURCOMPOSÉ.)
Les formes à auxiliaire être sont nées en
rester, retomber, retourner, revenir, sortir,
bas latin : sur le modèle des parfaits dé- II. ÊTRE AUXILIAIRE DE VOIX
survenir, tomber, venir. ponents comme secutus sum, « j’ai suivi »
Les autres verbes prennent avoir, à com- (de sequor), et semi-déponents comme Le verbe être constitue avec le parti-
mencer par le verbe être lui-même : j’ai ausus sum, « j’ai osé » (de audeo), se sont cipe passé des verbes transitifs un en-
été, j’ai marché, j’ai dormi, etc. développés, après le Ve s., des parfaits semble de formes périphrastiques appelé
Les grammairiens ont longtemps cherché composés comme ventus sum, *venutus « conjugaison passive » : je suis aimé,
la justification de ce partage. Au XVIIIe s., sum, « je suis venu », remplaçant les j’étais aimé, etc. Cette valeur se confond
l’Académie, à la suite de Condillac, esti- formes simples comme vni (de vnio), de avec celle d’un syntagme attributif pour
mait que l’auxiliaire être marquait l’état, plus en plus réduites à la valeur de passés les verbes non conclusifs : Ce roi est aimé
avoir l’action ; mais ce n’est pas ce qu’on tensifs (ou « aoristes »).
(= est populaire). Pour un verbe conclu-
observe en comparant je suis sorti et j’ai Les formes à auxiliaire avoir ont leur ori- sif, la solidarité des éléments est indiscu-
souffert. Gustave Guillaume semble avoir gine dans le latin parlé : Res omnis relic- table à certains temps : Il fut blessé (= on
donné le premier (Temps et verbe, 1929) tas habeo, « J’ai laissé toutes les choses » le blessa), mais ambiguë à d’autres : Il est
l’interprétation que l’on a suivie ici à (Plaute, Stichus, 362). De telles construc-
blessé (= on le blesse, ou : c’est un blessé).
l’article ASPECT, liant le choix de l’auxi- tions étaient courantes en latin classique,
Peut-être est-ce la raison pour laquelle
liaire à l’ « ordre de procès ». Tous les mais les deux éléments y restaient ana-
l’origine de notre « passif » et son évolu-
verbes donnés ci-dessus comme conju- lysables, comme lorsque Tite-Live écrit,
gués avec être sont de sens conclusif ; en parlant d’Annibal : venenum quod tion du Moyen Âge au français moderne
lorsqu’on « est sorti », l’action ne peut multo antea praeparatum habebat, « un sont mal connues (v. PASSIF).
être continuée : l’aspect extensif montre poison qu’il tenait en réserve préparé
AUXILIAIRES D’ASPECT
une séquelle de l’action qui ne ressemble longtemps à l’avance » (XXXIV, 51). C’est
en rien à l’action même. Au contraire, les en bas latin qu’elles se répandirent, sans
On étudiera sous ce titre — qui n’exclut
verbes comme être, marcher, souffrir sont doute pour rendre à la langue un parfait
pas être et avoir suivis du participe, aptes
non conclusifs ; lorsqu’on « a marché », que la forme simple n’exprimait plus.
à exprimer l’aspect extensif — diverses
on peut continuer : l’aspect extensif ne L’unité morphologique n’est pas douteuse
périphrases à valeur aspectuelle, accé-
montre pas un état nouveau acquis par dans cette phrase de Grégoire de Tours :
l’épuisement de la tension du verbe. En Episcopum invitatum habes, « Tu as in- dant moins souvent à l’expression du
1936, Damourette et Pichon (Des mots à vité l’évêque », et dans cette traduction temps proprement dit. On en trouve
la pensée, t .III), après avoir exposé leur latine d’Oribase (VIe s.), où le participe l’inventaire et l’histoire dans l’Étude sur
interprétation personnelle distinguant l’ n’est plus accordé avec l’objet : Omnia les périphrases verbales de G. Gougen-
« antérieur terminatif », marqué par être, probatum habemus, « Nous avons tout heim (1929), dont nous ne retiendrons

324
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

que les tours usités en français moderne l’infinitif ou le participe futurs sans équi- Il peut — passivement — ne pas empêcher
ou classique. valent simple en français : devoir aimer, qu’un autre la fasse : « voix tolérative »:
devant aimer. On l’emploie avec un sub-
I. PÉRIPHRASES FORMÉES SUR ALLER Paul laisse payer son frère.
jonctif ou un conditionnel, ou après si qui
• Aller + GÉRONDIF. Cette périphrase, exclut le futur : Si ça doit arriver (= si ça Damourette et Pichon rangent sous le
qui se lit en latin chez Fortunat (VIe s.) : arrive un jour), c’est qu’ça doit arriver (ce même chef ce qu’ils appellent l’ « immix-
stellas ire trahendo comas, est très com- vers d’une chanson de M. Cuvelier, Veuve tion connective » :
mune dans les plus anciens textes poé- de guerre, se chante en appuyant sur le
Paul vit payer ses dettes par son frère.
tiques français : second doit, dont le sens reste plein).
Le verbe voir a perdu ici son sens plein,
Vielz est e fraieles, toz s’en vait III. PÉRIPHRASE FORMÉE SUR VENIR évocateur de sensation, puisque le tour
declinant
Venir de est le pendant d’aller devant peut être appliqué aux choses aveugles :
(Vie de saint Alexis).
l’infinitif ; il exprime l’aspect inverse, Ces glandes, qui sont d’abord formées
Elle n’y était souvent qu’une « cheville »,
c’est-à-dire l’antérieur proche (Il vient de de cellules claires, voient des grains
amenant invariablement le gérondif à
partir). Comme aller, il n’est pas cumu- apparaître dans leur cytoplasme
l’assonance ; le verbe aler n’y exprimait
lable avec être (*Il est venu de partir). (A. Branca, Traité d’histologie).
parfois aucun mouvement (aler regretant,
Ce tour apparaît au XVe s., création du
aler pensant). Sa fortune ne fut jamais En fait, ce tour exprime une action qui
français qui a pourtant son équivalent
grande en prose, et elle déclina en poésie se passe sans volonté ni acceptation de la
en italien et en provençal, peut-être par
à partir du XIIe s. On la rencontre encore part du sujet.
emprunt.
au XVIIe s., marquant l’aspect continuatif
Ces emplois de faire, laisser et voir se ren-
ou itératif (V. ASPECT) : IV. PÉRIPHRASES FORMÉES SUR ÊTRE
contrent dès l’ancien français, où les deux
Notre Grec s’ alloit partout plaignant Nous ne pouvons ici que mentionner dif- premiers sont parfois synonymes.
(La Fontaine). férentes constructions à effet d’auxiliaire.
AUXILIAIRES DE MODALITÉ
Les diadèmes vont sur ma tête • Être + PARTICIPE PRÉSENT. Hérité du
pleuvant latin vulgaire, ce tour offrit des commo- Ce titre, faute d’un meilleur, groupera
(La Fontaine). dités aux poètes : Ele estoit son pere cre- des verbes que l’on appelle ordinairement
manz, « Elle craignait son père » (le Vair « auxiliaires de mode », quoique cette
Mais les grammairiens exigèrent que le
Palefroi). Au XVIIe s., quand on distingua désignation convienne mieux à d’autres
verbe aller y exprimât un mouvement.
le participe présent de l’adjectif verbal, le langues qu’au français (par exemple
Un emploi différent, à valeur progres- à l’anglais : may, were, should, would,
premier fut exclu de la périphrase, le se-
sive, existait depuis longtemps, et était might).
cond y fut conservé au même titre qu’un
distingué, depuis le XVIe s., par la pré-
attribut ordinaire : Elle était souriante. Une affirmation peut être atténuée en
sence possible de la préposition en : Le
mal va (en) empirant. Cet emploi, seul re- • Être à, être en train de + INFINITIF. Pé- probabilité par devoir et pouvoir :
connu par l’Académie dans son diction- riphrases de l’aspect sécant :
J’ai dû me tromper de route.
naire (édition de 1835), est le seul vivant Il pouvait être dix heures.
Soyez à vous promener à ce moment-
de nos jours.
là (Balzac). Une « action presque accomplie » (G.
•Aller + INFINITIF. Suivi d’un infinitif, Quand Anne-Marie entra, ils étaient Gougenheim) est exprimée en ancien
le verbe aller exprime l’ultérieur proche en train de parler de la guerre civile français par cuidier, aux XVIe et XVIIe s.
(Je vais partir) d’une manière qui le fait (Elsa Triolet). par penser :
compter indiscutablement parmi les
auxiliaires : non seulement toute idée de La première locution était déjà dans la Un dessein si juste pensa avoir un
mouvement spatial est effacée dans cet Chanson de Roland. La seconde n’appa-
malheureux succès (Segrais).
emploi, mais il est incompatible avec les rut qu’en 1835 dans le Dictionnaire de
Faillir, qui jusqu’au XVIIe s. signifiait
auxiliaires de temps avoir et être, ce qui l’Académie, mais elle se rencontrait avec
« manquer à faire une chose due » (faillir
peut prouver une identité de classe (on ne cette valeur depuis la première moitié du
à son devoir), prit dès la fin du XVIe la
dit pas : *Je suis allé partir). XVIIIe s.
relève de penser, d’abord construit avec
Bien qu’un tour comparable ait existé en • Être pour + INFINITIF. Aspect ultérieur
à ou de :
ancien latin (datum eo, « je vais donner », immédiat :
dont l’infinitif, affublé d’une terminaison Ce messager faillit à estre pendu
Nous étions pour partir (= Nous
passive, a donné au latin son infinitif fu- (d’Aubigné),
allions partir).
tur passif : datum iri), ce futur périphras-
puis, au XVIIIe s., sans préposition :
tique semble être en français une créa- AUXILIAIRES DE VOIX
tion, attestée peut-être dès la Chanson de Il a failli arriver un grand malheur
Roland (Damourette et Pichon, § 1643), On ne reviendra pas ici sur la voix pas- (Acad., 1762).
mais développée seulement à partir du sive, exprimée par être, comme on l’a
Manquer de (XVIIe s.), puis manquer
XVIe s. La construction synonyme : Je montré plus haut, mais on parlera de
(XVIIIe) ont eu le même emploi :
m’en vais partir, plus lourde, critiquée au diverses manières de concevoir la parti-
XVIIe s., est aujourd’hui familière. cipation du sujet à l’action, groupées par J’ai manqué me casser la jambe.
Damourette et Pichon (§ 2042-2062) sous Un effet de litote renforçant l’affirma-
II. PÉRIPHRASE FORMÉE SUR DEVOIR
le titre de l’immixtion. tion est produit par le verbe ne pas lais-
Le verbe devoir, sans idée d’obligation, Le sujet peut faire exécuter l’action par ser construit avec de (XVIIIe s. : que de) et
exprime l’ultérieur dans les cas où la un autre. C’est la « voix causative » : l’infinitif :
morphologie ne peut le marquer. C’est
ainsi qu’on l’utilise pour traduire, dans Paul fait payer l’addition par son La pièce n’a pas laissé de plaire.
l’apprentissage des paradigmes latins, frère. (Corneille.)

325
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Ce tour a ses racines dans l’ancienne sonne fatiguée, sans énergie physique ou 2. aval [aval] n. m. (ital. avallo, de l’ar.
langue : morale : Ces compagnons en costume de al-wal, mandat ; 1675, Savary). 1. Garantie
travail, noirs et las, que Roudic invitait à donnée sur un effet de commerce, billet
Ne lesserat que nos ne beneïsse.
s’asseoir à mesure qu’ils entraient, avaient à ordre ou lettre de change, par un tiers
(Chanson de Roland.)
sur le bord de la table des poses avachies qui s’engage à l’acquitter si le signataire est
Le caractère insolite, extraordinaire ou (Daudet). Avec ton air avachi, tu donnes défaillant : Cet ange prit alors sa plume et fit
inopportun, d’une action peut être indi- toutes les marques d’un abêtissement pré- un aval sur les billets de du Tillet (Balzac).
qué par aller, qui apparaît plus particuliè- maturé (Achard). Bon pour aval, formule traditionnelle
rement en ce sens dans un contexte d’ex- • SYN. : 1 déformé, fatigué, f lasque ; 2 qu’inscrit sur un effet de commerce celui
clamation, de défense, de supposition : affaissé, affalé, aveuli, mou, ramolli. — qui offre sa garantie. Mettre son aval,
CONTR.: 1 frais, neuf ; 2 décidé, dynamique, donner son cautionnement écrit à une
Qu’allez-vous me chanter là ? (Ed.
énergique, ferme, résolu. lettre de change, etc. 2. Fig. Caution,
Jaloux).
De grâce, n’ allez pas divulguer un appui : Donner son aval à un projet, à une
avachir [avair] v. tr. (peut-être du fran-
tel conte (Molière). politique.
cique *waikjan, rendre mou, avec attraction
Si vous alliez m’aimer, jugez quel de vache ; 1395, Chr. de Pisan). 1. Rendre • Pl. des AVALS.

embarras (Forgeot). mou, flasque, déformer : La maman Bavoil avalage [avala] n. m. (de avaler, signif.
en sera quitte pour gémir et me reprocher, en anc. franç. « descendre » ou « faire des-
Ces constructions se rencontrent rare-
une fois de plus, d’avachir les poches de mon cendre » ; fin du XIIIe s., au sens 1 ; au sens
ment avant le XVIe s.
pardessus (Huysmans). 2. Fig. Rendre
2, 1866, Larousse). 1. Vx. Descente d’un
Venir à peut avoir le même sens : mou moralement, faire perdre l’énergie
bateau sur un cours d’eau. 2. En termes
à : Il faut être jeune et vert. Il ne faut pas
Si vous veniez à prendre la fièvre, de pêche, droit de prendre le poisson qui
faites-vous faire une bonne saignée se laisser avachir (Duhamel). Cette longue
descend au cours de l’avalaison. (On dit
inaction l’avait avachi.
(G. Sand). aussi, en ce sens, AVALAI-SON.)
• SYN. : 2 affaiblir, amollir, aveulir. —
Signalons, pour finir, l’emploi de pouvoir avalaison [avalz] n. f. (de avaler, signif.
CONTR. : 1 rafraîchir, rénover ; 2 exalter,
au subjonctif dans les phrases de souhait : en anc. franç. « descendre » ou « faire des-
ragaillardir, revigorer, vivifier.
Puissé-je de mes yeux y voir tomber s’avachir v. pr. 1. Se déformer ; perdre de cendre » ; XIVe s.). 1. Cours d’eau impétueux
ce foudre ! (Corneille). qui descend brusquement des montagnes
sa tenue, de sa fermeté initiale : Des chaus-
sures qui s’avachissent. 2. Spécialem. et à la suite de grosses pluies ou de la fonte
Puisse le juste ciel dignement te des neiges. (En ce sens, on dit aussi AVA-
fam. En parlant des personnes, prendre
payer ! (Racine). LASSE.) 2. En termes de pêche, migration
de l’embonpoint et perdre sa souplesse :
Dans ces phrases, l’action souhaitée est Laurent s’affaissa, devint mou [...]. Il des poissons d’amont en aval. 3. Syn. de
celle qu’exprime l’infinitif, mais le sub- engraissa et s’avachit (Zola). 3. Se lais- AVALAGE.
jonctif de ces verbes se confondrait avec ser aller physiquement, abandonner tout avalanche [aval] n. f. (dialecte savoyard
l’indicatif, au moins dans la prononcia- maintien : S’avachir dans un fauteuil. avalantse, altér. [due à l’attraction de val,
tion. Le subjonctif de pouvoir, nettement 4. Fig. Se laisser aller moralement, perdre aval] de lavantse, prélatin *lavanca, ébou-
différencié, ouvrant la phrase, est un véri- son énergie. lement ; XVIe s., J. Peletier, écrit lavanche ;
table morphème d’optatif. • SYN.: 3 s’affaler ; 4 se relâcher. — CONTR.: avalanche, 1611, Cotgrave). 1. Masse de
auxiliairement [ksiljrmou oksiljr- 4 se reprendre. neige détachée des flancs d’une montagne,
m] adv. (de auxiliaire ; 1866, Larousse). De avachissement [avaism] n. m. (de et qui dévale à grande vitesse le long des
façon auxiliaire, à titre accessoire. avachir ; 1864, Goncourt). 1. Le fait de pentes : Pas d’autre bruit que le gronde-
perdre, par relâchement, sa fermeté, sa ment lointain d’un torrent sur les pierres, le
auxiliateur, trice [ksiljatoer ou
tenue ou son apprêt initial : Je cherche en bouillonnement de son écume, la cantilène
oksiljatoer, -tris] adj. (de auxiliaire ; 1866,
vain sur eux cet élan vers l’usure et vers à cinq notes du cor des Alpes en écho parmi
Larousse). Qui apporte son aide, son
l’avachissement qu’ont les tissus des meil- les forêts et les roches ou la sourde détona-
secours : Cela ne serait pas inintéressant
leures marques le jour où on les étrenne tion d’une avalanche (Daudet). Couloir
et prendrait une certaine valeur à cause du
mérite du poète, de ma protection, de tout (Giraudoux). 2. Le fait de perdre sa fer- d’avalanche, trajet emprunté régulière-
un enchaînement de circonstances auxilia- meté morale ou intellectuelle, son énergie : ment par les avalanches et constitué par
trices, parmi lesquelles le talent de Morel Le vrai malheur [...], c’est l’avachissement une dépression plus ou moins profonde
tient la première place (Proust). public (France). du versant. 2. Grande quantité d’objets
qui arrivent ensemble et s’accumulent :
• REM. S’emploie surtout dans le langage 1. aval [aval] n. m. (de à et de val ; 1080,
Il rêvait au bord de la fosse, apercevant
mystique ou religieux : Marie auxiliatrice Chanson de Roland). Par rapport à un
dans l’avenir des montagnes de fruits, des
de l’humanité. point considéré, partie d’un cours d’eau
débordements de fleurs, des avalanches de
[oksin] n. f. (de auxi, parfait, du lat. située entre ce point et l’embouchure ou le
auxine légumes (Flaubert). 3. Fig. Une avalanche
augere, croître ; 1920). Hormone végétale confluent, et, par extens., la même partie
de..., une grande quantité de choses qui
d’une vallée : Ils [...] avaient fait la lon-
responsable de la croissance des plantes. surviennent soudainement et accablent
gueur du boulevard depuis l’écluse d’amont
auxquels, auxquelles pr. rel. V. LEQUEL. quelqu’un : Une avalanche de malheurs ou
jusqu’à l’écluse d’aval (Flaubert). Vent
de maladies sesuccédant sans interruption
d’aval, vent qui vient de la mer.
avachi, e [avai] adj. (part. passé de ava- dans une famille ne la fera pas douter de
chir). 1. Se dit d’une chose, d’un vêtement En aval de loc. prép. Dans la partie d’un
la bonté de son Dieu ou du talent de son
déformés par un usage prolongé ou par le cours d’eau située entre un point donné
médecin (Proust). Il a fourni une avalanche
manque de soin : Le fameux képi avachi, et l’embouchure : Beaucoup s’arrêtaient le
de citations à l’appui de sa thèse.
à visière cassée, prime si facile et si belle long des parapets à contempler le magni-
fique point de vue qu’offrait la Seine en aval
• SYN. : 2 averse, déluge, flot, inondation,
aux antimilitaristes de réunions publiques
du pont (Nerval). pluie ; 3 grêle, nuée.
et de café-concert (Benoit). 2. Fig. Se dit
de l’attitude, du comportement d’une per- • CONTR. : amont. avalasse n. f. V. AVALAISON.

326
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

avalé, e [avale] adj. (part. passé de avaler, avaleur, euse [avaloer, -øz] n. (de ava- des avances d’argent à plusieurs reprises
signif. en anc. franç. « descendre »). 1. Se dit ler ; début du XVe s.). Personne, animal (Aymé).
de la croupe d’un quadrupède qui s’abaisse qui avale : Il fut décidé qu’on aurait un
II. Partie d’une construction qui est en
vers la queue. 2. Par extens. Abaissé, pen- chien [...], mais on n’en trouvait que des
avant et fait saillie sur le reste de l’ou-
dant (vieilli) : Ils avaient tout à fait bonne grands, des avaleurs de soupe à faire frémir
vrage : L’avance d’un bâtiment, d’un toit.
mise, de grands yeux bleus, les épaules bien (Maupassant). Avaleur de sabres, bate-
• SYN.: I, 1 marche, progression. II avan-
avalées, le corps droit et bien planté (Sand). leur qui fait pénétrer une lame dans son
cée. — CONTR. : I, 1 recul, repli, retraite ;
Vx. À bride avalée, à bride abattue : Les gosier et dans son oesophage : Un avaleur
2 et 3 retard ; 4 handicap. II creux,
chevaux foncèrent à bride avalée (Arnoux). de sabres, ceinturonné de rouge (Hugo).
renfoncement.
• SYN.: 2 tombant. avaliser [avalize] v. tr. (de aval 2 ; 1877, En avance loc. adv. Avant l’heure ou le
avaler [avale] v. tr. (de à et de val ; 1080, Littré). 1. Donner la garantie de l’aval à : moment prévus : Être en avance à un ren-
Chanson de Roland). 1. Class. (déjà vx au Avaliser un effet de commerce. 2. Fig. dez-vous. La séance s’est achevée en avance
XVIIe s.). Descendre, faire descendre : Ils Appuyer, couvrir en se portant garant, en sur l’horaire. Les lecteurs sont toujours en
virent avaler une échelle de corde par une cautionnant : Le vote de l’assemblée géné- avance sur la phrase qu’ils lisent (Sartre).
fenêtre qui était à côté de la grande porte rale a avalisé les décisions du bureau. Être en avance sur son temps, sur son
(Ch. Sorel). 2. Faire descendre dans le • SYN.: 2 cautionner, garantir. époque, les devancer dans le domaine du
gosier : Ces compagnons [...] se versaient progrès.
avaliste [avalist] ou avaliseur [ava-
de grands coups de vin qu’ils avalaient À l’avance, d’avance, par avance loc.
lizoer] n. et adj. (de avaliser ; avaliste, 1845,
d’un trait en soufflant bruyamment et en adv. Par anticipation, avant le moment
Bescherelle ; avaliseur, début du XXe s.).
s’essuyant d’un revers de main (Daudet). fixé : La Mère Barbeau [...] n’avait pas
Personne qui donne son aval.
Fam. Il avalerait la mer et les poissons, pris ses précautions à l’avance (Sand). Il la
il a grand-soif. Fam. Avaler sa langue, avaloir [avalwar] n. m. (de avaler ; milieu détourna d’un procès scandaleux et perdu
se taire, mourir. Pop. Avaler son acte de du XXes.). 1. Vide de construction, d’allure d’avance (Mauriac). J’étais jalouse de toi
naissance, mourir. Fig. et fam. Avaler tronconique, reliant, par exemple, le foyer par avance (Daudet).
des couleuvres, accepter sans protester d’une cheminée au conduit de fumée, • REM. 1. On évite d’employer les locu-
affronts, injures et vexations : L’essentiel ou une chaussée à une bouche d’égout.
tions à l’avance, d’avance, par avance
dans cette manière d’arriver est d’agréer 2. Syn. de AVALOIRE 2.
avec des verbes qui contiennent en eux-
maints soufflets et de savoir avaler une à-valoir [avalwar] n. m. invar. (de à et mêmes une idée d’anticipation, comme
quantité de couleuvres : M. de Talleyrand de valoir ; 1718, Acad.). Paiement par- les verbes commençant par le préf. pré- :
faisait grand usage de ce régime des ambi- tiel anticipé, qui doit venir en déduction Prévoir d’avance est un pléonasme ; ce-
tions de seconde espèce (Chateaubriand). d’une somme due : Ces mille francs sont pendant, préparer d’avance est admis.
Fam. Avaler la pilule, ou avaler le mor- un à-valoir sur ce que nous vous devons. 2. À l’avance passait encore pour un pro-
ceau, se soumettre sans protester à une • SYN.: acompte, arrhes, provision. vincialisme au XVIIe s. : Je vous écris un
chose pour laquelle on a beaucoup de
1. avaloire [avalwar] n. f. (de avaler, des- peu à l’avance, comme on dit en Provence
répugnance ; subir un affront. Vouloir
cendre ; milieu du XIIIe s.). Pièce de har- (Sévigné).
avaler quelqu’un, le regarder avec des yeux
nais qui enveloppe la croupe d’un cheval avances n. f. pl. Premières démarches,
furieux. Fam. Vouloir tout avaler, entre-
de trait. manifestations d’amabilité en vue de nouer
prendre beaucoup de choses à la fois, ou
ou de renouer une amitié (terme assez sou-
entreprendre quelque chose avec fougue, 2. avaloire [avalwar] n. f. (de avaler, faire vent péjor.) : Jene pouvais même pas aller à
sans en considérer les difficultés. 3. Fam. descendre dans le gosier ; début du XVIIe s.). Venise, où, pendant que je serais couché, je
Manger à la hâte : Le temps d’avaler un Fam. Gosier d’une personne goulue, avide : serais trop torturé par la crainte des avances
sandwich et j’arrive. 4. Fig. Lire avec une Assurément, si cette femme a mangé tout que pourraient lui faire le gondolier, les gens
avidité gloutonne et sans assimiler : Avaler l’argent qu’elle a tiré de sa fille et de moi de l’hôtel, les Vénitiennes (Proust). Pour
un roman. 5. Faire disparaître certains depuis vingt ans, il faut qu’elle ait une ter- eux, de toute évidence, l’Allemagne n’avait
sons de la prononciation : Il parlait fran- rible avaloire (Rousseau). [On dit aussi
pas cessé, jusqu’à ces dernières années, de
çais presque sans accent, mais en avalant AVALOIR n. m.] faire à la nation française de généreuses
un certain nombre de voyelles (Malraux).
avance [avs] n. f. (déverbal de avancer ; avances (Martin du Gard). Mon orgueil
6. Fam. Accepter, croire : C’était un peu
fin du XIVe s. ; sens fin., 1766, Turgot). me défendait de faire des avances à mes
dur à avaler, n’est-ce pas, pour un homme
ennemis d’hier (Mauriac).
de gauche, toute cette politique militaire de I. 1. Action d’avancer, de progresser :
Poincaré (Aragon). Il est d’une telle naïveté
• SYN.: approches, ouvertures, propositions.
L’avance des troupes ennemies. 2. Dis-
qu’on lui fait avaler n’importe quoi. tance dont on précède quelqu’un ou avancé, e [avse] adj. (part. passé de
• SYN. : 2 absorber, boire, ingurgiter, quelque chose : Prendre deux cents mètres avancer ; XVIe s.). 1. Qui est en avant par
prendre ; 3 dévorer, engloutir ; 6 encaisser d’avance. 3. Espace de temps gagné sur rapport à un point de l’espace : Position
(pop.), gober (fam.). — CONTR. : 2 rejeter, quelqu’un ou sur quelque chose : Il arri- avancée. Poste avancé, ouvrage avancé,
rendre, vomir. vait sur le quai avec une heure d’avance ouvrage militaire placé en avant des autres,
(Aymé). Avance à l’allumage, v. ALLU- vers l’ennemi. 2. Qui est en avance, dans
avale-tout [avaltu] n. m. invar. (de ava-
MAGE. 4. Fig. Avantage que l’on a ac- le temps, par rapport à la moyenne : Une
ler et de tout ; 1866, Larousse). Pop. Gros
quis antérieurement ; somme de travail floraison avancée pour la saison. Un enfant
mangeur, glouton : Il ne pouvait y avoir
déjà accomplie et qui sert par la suite : Il avancé pour son âge. Une civilisation
de pique-nique sans cet avale-tout de Mes
a commencé son programme pendant les avancée, plus en avance que les autres dans
Bottes (Zola).
vacances, c’est déjà une avance sensible. la voie du progrès. Des idées avancées,
avale-tout-cru [avaltukry] n. m. invar. La belle avance !, à quoi cela avance-t- qui sont en avance sur leur temps, et, par
(de avaler, de tout, et de cru ; 1842, E. Sue). il ? 5. Paiement anticipé d’une somme extens., qui sont opposées aux traditions :
Pop. Celui qui fait le matamore, le fier- due ; prêt consenti dans des conditions À vingt-deux ans, Geneviève Izoard, bien
à-bras : Sacrebleu ! Quel avale-tout-cru déterminées : Accorder une avance à qu’élevée par une étudiante en médecine et
(Richepin). un employé. Le vétérinaire lui consentit un père aux idées très avancées, était restée

327
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

une vraie jeune fille (Daudet). Jecachais soi- — CONTR.: 2 creux, renfoncement ; 3 arrêt ; sion du temps, s’éloigner de son début : La
gneusement mes idées avancées (Mauriac). 6 recul, retard. nuit avançant, il sentit le froid (Colette).
3. Par extens. Se dit d’une personne qui Spécialem. Montre, pendule qui avance,
avancer [avse] v. tr. (lat. pop. *abanti-
professe des idées d’avant-garde : C’est un qui indique une heure plus avancée que
are, de abante, avant ; XIIe s., Ronce-vaux).
homme avancé ; et substantiv. : : Nous l’heure réelle. 4. Fig. Aller de l’avant, faire
[Conj. 1.] 1. Porter en avant : Avancer
sommes un noyau d’avancés ; nous ne nous des progrès : Les travaux avancent. Léopold
une chaise. Elle ne pouvait ni tourner le
entendons pas sur tout, mais nous sommes Robert est de ces artistes qui avancent et
cou, ni avancer la main (Balzac). Faire
tous pour la Révolution (Vallès). 4. Class. mûrissent avec les années (Sainte-Beuve).
venir au-devant de quelqu’un : La voiture
Qui est trop en avance, prématuré, pré- J’ai repris le travail avec assez de régularité,
est avancée. 2. Fig. Affirmer quelque
coce (dans le domaine physique ou intel- mais j’avance avec une lenteur incroyable
chose, mettre en avant des arguments :
lectuel) : On appréhenda qu’elle n’eût le sort (Gide). 5. S’élever dans la hiérarchie
Quand on avance ces sortes de choses-
des choses avancées (Bossuet). 5. Qui est sociale, monter en grade : Avancer ! Voilà le
là, Monsieur, on les prouve (Balzac). Il
déjà loin de son début : La saison scolaire mot terrible, l’idée qui, de nos jours, change
[Descartes] avance d’abord que « rien
est déjà très avancée (Daudet). Journée le magistrat en fonctionnaire (Balzac).
ne lui est plus facile à connaître que son
avancée, dont la plus grande partie s’est • SYN.: 1 approcher, marcher, progresser ;
esprit » (Valéry). 3. Rendre plus proche
écoulée. Heure avancée, tardive : Daignez 2 déborder, dépasser, saillir, surplomber ;
dans le temps : Avancer l’heure, le jour, la
m’excuser, noble châtelain, si je viens frap- 4 gagner, progresser. — CONTR.: 1 s’éloigner,
date de quelque chose. Avancer son départ.
per moi-même à la poterne [...] à une heure reculer, se retirer, rétrograder ; 4 s’arrêter,
Spécialem. Hâter la mort de quelqu’un :
avancée (Gautier). Âge avancé, proche de piétiner, stagner.
Un régime indigeste de grande mangerie,
la vieillesse : Malgré son âge avancé [...], il se de fruits glacés, de sucreries avançait le s’avancer v. pr. 1. Se porter en avant dans
maria (Sand). 6. Qui n’a plus sa fraîcheur vieillard (Michelet). Avancer une montre, l’espace : D’ailleurs, reprit-elle aussitôt, avec
initiale ; qui a commencé à se gâter : Fruits une pendule, manoeuvrer les aiguilles de un peu de hauteur et en s’avançant vers la
avancés, viande avancée. façon qu’elles indiquent une heure plus tar- porte, si Jenny ne dort pas, questionnez-
•SYN.: 2 éveillé, précoce ; 6 blet, faisandé. — dive. 4. Class. Annoncer par avance : Je la (Martin du Gard). 2. Faire saillie :
CONTR.: 2 arriéré, retardé ; 3 arriéré ; 6 frais. pris plaisir à vous avancer cette nouvelle Les ondes de cette foule, sans cesse gros-
de quelques jours (Sévigné). 5. Pousser sies, se heurtaient aux angles des maisons
avancée [avse] n. f. (de avancer ; fin qui s’avançaient çà et là comme autant de
du XVIIIe s.). 1. Ce qui avance, fait saillie : l’exécution de, faire progresser : Avancer
son travail. C’est avancer d’un grand pas promontoires dans le bassin irrégulier de
À l’endroit où la plaine s’étranglait entre la place (Hugo). 3. Se rapprocher dans
la question (Barrès). As-tu pu avancer un
la rivière et une avancée du bois (Aymé). le temps : L’été s’en va, l’hiver s’avance.
peu tes affaires ? (Gide). 6. Fig. Avancer
2. Fortification placée en avant d’une 4. Avoir déjà fait une partie de sa course,
quelqu’un, lui faire gagner du temps : Si tu
citadelle : À l’horizon, sur l’avancée du fort approcher de sa fin : Le ciel, quoique bleu,
voulais bien classer mes fiches, cela m’avan-
d’Aubervilliers, dans le ciel froid [...], le gou- avait un éclat terne qui s’adoucissait à
cerait ; lui procurer quelque avantage, lui
verneur et son état-major, petit groupe fin se mesure que l’après-midi s’avançait (Camus).
être utile : Consulter le programme, ce qui,
détachant comme sur une nacre japonaise 5. Fig. Faire des progrès : S’avancer dans
du reste, ne m’avançait guère (Breton).
(Daudet). la voie des honneurs. 6. Fig. Aller trop
Fam. et ironiq. Être bien avancé, avoir
avancement [avsm] n. m. (de avan- fait bien des efforts, bien des sacrifices en loin dans ses propositions au cours de
cer ; XIIe s.). 1. Action de porter en avant : négociations ; manquer de prudence, sortir
vain. 7. Class. Aider au succès, à la réali-
L’avancement d’un pied devant l’autre, sation de quelque chose : Notre victorieux de sa réserve : Fontanes inclina assez vers
d’un pion sur un damier. 2. État de ce M. Decazes tant que M. Decazes ne s’avança
monarque avance tous les jours l’ouvrage de
qui est en avant, en saillie : L’avancement pas trop (Sainte-Beuve).
la paix par ses victoires (Bossuet). Class.
d’une corniche. 3. État, à un moment de N’avancer rien, ne faire aucun progrès : • SYN.: 1 approcher, gagner du terrain, pro-
son évolution, d’une chose qui progresse Jamais sur ce coeur on n’avancera rien gresser ; 2 dépasser, saillir ; 3 approcher ;
et se rapproche du but : L’avancement des (Corneille). 8. Spécialem. et vx. Procurer 6 se compromettre, s’engager, se hasarder.
travaux. 4. Class. Action de faire des pro- des avantages d’ordre social, élever dans — CONTR.: 1 s’éloigner, reculer, se retirer ;
grès : On voit un grand avancement dans la hiérarchie sociale : [M. Marion] avait 3 s’éloigner.
cet écolier (Acad., 1694). L’avancement de une extrême ardeur d’avancer sa famille • REM. Avancer v. intr. et s’avancer v. pr.
la religion catholique (Racine). 5. Action honnêtement (Sainte-Beuve). 9. Payer ont des sens très voisins et se confondent
d’avancer dans une carrière, de monter par avance, avant la date fixée : Avancer facilement dans les acceptions 1, 2, 4 et
en grade : Il n’avait pas eu d’avancement une somme à un employé sur son salaire. 5 du pronominal, sauf les restrictions
parce qu’il avait toujours trop aimé les corps Faire un prêt d’argent ou payer une suivantes : a) au sens 4, le verbe s’avan-
d’élite (Vigny). Mais, de ce jour-là, il y a somme pour le compte de quelqu’un : Il cer ne s’emploie jamais en parlant d’une
eu dans mon dossier une certaine « note » s’agit d’avancer les capitaux dont Phili a montre ; b) au sens 5, le pronominal, d’un
à laquelle j’ai dû, jusqu’à ma blessure, de besoin pour acheter un quart d’agent de usage normal dans la langue classique,
me voir refuser tout avancement ! (Martin change (Mauriac). devient de moins en moins fréquent dans
du Gard). 6. Résultat d’une progression • SYN. : 1 allonger, approcher, rapprocher, la langue moderne : La vérité est dange-
vers un état meilleur, amélioration : L’on tendre ; 2 alléguer, énoncer, prétendre, reuse dans les cours à qui veut s’avancer
pourrait, d’après le nombre de barbiers que soutenir ; 3 anticiper, devancer, précipiter, (La Bruyère). Il mit un de ses fils dans
renferme une ville ou un village, juger du rapprocher. — CONTR.: 1 éloigner, reculer ; la marine, qui s’y avança par son mérite
plus ou moins d’avancement de la civilisa- 3 et 6 retarder. (Fontenelle).
tion (Gautier). 7. Avancement d’hoirie, en v. intr. 1. Aller en avant dans l’es- avanie [avani] n. f. (ital. avania [de l’ar.
droit, ce qui est donné par avance sur un pace : Une rage forcenée secouait Tchen hawwn, traître], exaction imposée aux
héritage : Voilà bien de la gloire qui m’est à mesure qu’avançait l’ombre (Malraux). chrétiens par les Turcs ; début du XVIIe s.,
échue en avancement d’hoirie (Nerval). 2. Être placé en avant dans l’espace, au sens 1 ; au sens 2, 1690, Furetière).
• SYN. : 2 avancée ; 3 cours, marche, faire saillie : Un perron qui avance sur le 1. Mauvais traitements que les Turcs
progrès, progression ; 5 promotion ; jardin. 3. Aller en avant dans le temps : faisaient subir aux chrétiens, dans le
6 développement, perfectionnement. Avancer en âge. En parlant d’une divi- Levant, pour leur extorquer de l’argent.

328
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

2. Affront public, traitement humiliant dans l’espace par rapport à ce qui est placé qui fait partie de la ligne d’attaque : En
qui déconsidère : On ne fait pas trente ans plus loin ou après : Vous apercevez d’ici un 1914, je jouais avant de première ligne pour
ce métier [celui d’homme politique] sans groupe d’arbres ; ma maison setrouve juste Pittsburg (Morand).
avoir à subir des avanies (Romains). avant. 4. Indique qu’une personne a la • SYN.: 1 nez, proue ; 2 front. — CONTR.: 1
• SYN.: 2 brimade, camouflet (fam.), humi- priorité de rang sur une autre : De ces deux arrière, derrière, poupe ; 2 arrière.
liation, offense, outrage, vexation. dames, c’est la plus âgée qui passe avant. adj. invar. Qui est à l’avant : Les roues
• SYN. : 1 antérieurement, auparavant, avant d’une voiture. La traction avant.
1. avant [av] prép. (du lat. impér. abante,
d’abord, plus tôt, préalablement, précé-
auparavant, forme renforcée de ante ; 842, 3. avant-, élément qui entre dans la
demment ; 2 loin, profondément, tard ;
Serments de Strasbourg). 1. Marque la prio- formation de nombreux mots composés,
3 et 4 devant. — CONTR. : 1 après, ensuite,
rité dans le temps : Je n’étais avant ma pour indiquer l’antériorité : avant-coureur,
postérieurement, puis, ultérieurement ;
maladie qu’un misérable pécheur (France). avant-goût,etc.
3 à la suite, après ; 4 derrière.
Avant peu, dans peu de temps. Class.
En avant ! interj. S’emploie pour faire avantage [avta] n. m. (de avant, ce qui
Pouvait être suivi d’un simple infinitif :
mettre en marche, pour encourager à avan- est placé en avant ; 1190, J. Bodel). 1. Ce qui
Monsieur d’Autun me dit hier que ma
cer, à poursuivre. sert, est utile ou profitable : Pour avoir livré
tante avait payé les dettes de son fils avant
En avant loc. adv. 1. Devant soi : Les sol- cette pauvre petite à ce vieux, il fallait qu’ils
mourir (Sévigné). [V. Rem. 2.] 2. Marque
dats avançaient baïonnette en avant. Se eussent quelque avantage ! (Mauriac). Le
la priorité de situation, de position dans
pencher en avant. 2. Devant les autres : principal avantage de cette méthode, c’est
l’espace : Bayonne est avant Biarritz sur la
Tandis qu’il marchait, seul et pensif, en sa rapidité. Avantages en nature, complé-
route d’Espagne. 3. Marque la priorité de
avant, | Son vêtement parut blanc comme ment de la rémunération principale, versé
rang : Faire passer l’honneur et la probité
la lumière (Hugo). Se mettre en avant, se non en espèces, mais sous forme de nourri-
avant le gain. Avant tout, avant toute
présenter immédiatement, dans l’intention ture, de loyer gratuit, etc. Tirer avantage
chose, principalement, surtout : Avant tout,
d’être le premier à faire quelque chose ; et, de quelque chose, en tirer un profit, s’en pré-
j’étais né pour être libre dans ma pensée et
au fig., attirer l’attention sur soi (souvent valoir. À l’avantage de, d’une façon qui
dans mon coeur (Samain). De la musique
péjor.) : Ma belle-mère me laissa entendre sert, qui fait honneur à : Ce qu’on raconte
avant toute chose ! (Verlaine).
qu’il ne serait pas nécessaire de me mettre en d’elle n’est pas à son avantage. Être vêtu
• SYN.: 1 antérieurement à, préalablement
t à son avantage. 2. Occasion heureuse,
à ; 2 devant ; 3 au-dessus de. — CONTR. :
sa’veanngta
g(Mera
àulraialécg).èreS.
e mMeetttrtree
rqoupe
leqnu
a’uvna
netn, privilège : Madame de Piennes trouva ses
1 postérieurement à, ultérieurement à ;
avant, le mettre en vue pour le faire agir, domestiques effarés, chacun s’empressant
2 après ; 3 au-dessous de.
ou le donner comme gagnant. Mettre [...] pour avoir le premier l’avantage de lui
Avant de loc. prép. (toujours suivi d’un annoncer la grande nouvelle (Mérimée).
quelque chose en avant, l’alléguer, souvent
infinitif). Marque la priorité dans le temps : 3. Spécialem. Dans certaines formules
pour dissimuler les vraies raisons : Il a mis
Mais avant de mourir elle sera vengée
en avant ses obligations professionnelles. de politesse, plaisir qui honore : Combien
(Voltaire). Si le bétail meurt, il faut attendre de temps, dit timidement le jeune homme,
Avant que loc. conj. (toujours suivi du
une saison avant d’essayer quelque chan-
subjonctif). Avant l’époque, le moment où : Monsieur nous fera-t-il cet avantage de
gement (Alain). S’informer avant d’agir. demeurer à Paris ? (Nerval). À l’avantage
Avant que nous ayons pu l’en empêcher, il
(V. Rem. 2.)
saisissait sur notre bureau un coupe-papier de vous revoir ! (ou ellipt. et fam. : À l’avan-
Avant que (class.), avant que de (class. tage !). 4. Ce qui fait qu’on l’emporte sur
de cristal (Martin du Gard). [V. Rem. 1.]
et littér.) loc. prép. (suivis de l’infinitif). quelqu’un, qu’on est au-dessus de lui : Mais
• REM. 1. Le verbe introduit par avant
Indiquent l’antériorité : Avant qu’offrir elle ne fut pas longue à trouver des tortures
que peut être ou non précédé de ne, sans
des voeux, je reçois des refus (Corneille). et à reprendre l’avantage dérobé (Cocteau).
qu’il en résulte une nette différence de
Avant donc que d’écrire, apprenez à penser 5. Qualité dont on tire une supériorité :
sens (l’omission de ne est plus fréquente
(Boileau). Mais avant que d’émettre des Je possédais les avantages physiques que
dans la langue familière) : Avant qu’elle
théories qui me sont toutes personnelles donne une éducation agreste (Dumas).
se mariât (Flaubert). J’irai le voir avant
(Huysmans). [V. Rem. 2.] 6. Dans les sports d’équipe, bénéfice
qu’il parte (Acad.). Avant que son frère ne
En avant de loc. prép. Dans le lieu, la d’une faute commise par l’adversaire.
vînt (Rolland). Avant qu’il ne fasse froid
situation où l’on précède quelqu’un ou Au tennis, premier point gagné par un
(Acad.).
quelque chose : Un officier qui marche en des camps qui étaient auparavant à éga-
avant de ses hommes. Un barrage de police 2. Vaugelas blâmait l’emploi, devant un lité à quarante. 7. Spécialem. Supériorité
a été établi sur la route, en avant de la ville. infinitif, de avant, avant que et avant de,
militaire, victoire : Avoir l’avantage sur
et n’admettait que celui de avant que de. les troupes ennemies. Class. Supériorité
avant adv. 1. Indique un moment
antérieur à un événement : L’orage vient 2. avant [av] n. m. (même étym. qu’à militaire momentanée et partielle : Les
d’éclater ; heureusement que mon père est l’art. précéd. ; XVe s.). 1. Partie antérieure Perses remportèrent de grands avantages
rentré avant ! Les roses comme avant pal- d’un objet, en particulier d’un navire : (Bossuet). 8. Class. Prendre ou tenir
pitent (Verlaine). Bien avant, un grand Ou, penchés à l’avant des blanches cara- quelqu’un à son avantage, l’attaquer quand
moment auparavant : Il est arrivé bien velles, | Ils regardaient monter en un ciel on est dans une position favorable : Je l’ai
avant ! Le jour d’avant, le jour qui a pré- ignoré [...] | Du fond de l’océan des étoiles pris à mon avantage [...], je lui dis tout ce
cédé. 2. Indique un éloignement dans le nouvelles (Heredia). Aller de l’avant, que je pense (Sévigné). 9. Class. Prendre
temps ou dans l’espace à partir d’un point continuer toujours à avancer, et, au fig., avantage, monter sur une éminence pour
de départ (en ce sens, il est généralement agir avec résolution, hardiesse, et persé- se mettre sur sa monture : Il fit serment de
renforcé par un adverbe de quantité assez, vérer malgré les obstacles : Je sais qu’il y a ne monter jamais sur animal chevauchable
très, fort, etc.) : Bien avant dans la nuit [...] mauvaise grâce à parler des vertus des siens. sans prendre toutes ses sûretés. Il prit donc
il regagnait à travers les rues désertes le fau- Mais il est bien connu que les nôtres ont avantage pour monter sur sa bête (Scarron).
bourg Saint-Germain (France). La réunion toujours été de l’avant à l’heure du danger • SYN.: 1 bénéfice, bien, fruit, intérêt, pro-
seprolongeait fort avant dans la nuit (Gide). (Proust). 2. En temps de guerre, la région fit, utilité ; 2 faveur, honneur, prérogative ;
Jem’enfonçais plus avant chaque jour dans des combats, et, par extens., les soldats qui 3 honneur, joie ; 4 primauté, privilège,
le parti de leurs adversaires (Mauriac). s’y battent. 3. Dans les sports d’équipe supériorité, suprématie ; 5 atout, capacité,
3. Indique une position, une situation (rugby, basket-ball, football, etc.), joueur don, talent. — CONTR. : 1 détriment, dom-

329
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

mage, préjudice ; 2 ennui, inconvénient, • SYN. : 1 fructueux, profitable, rentable ; temps (Prévost). Poét. L’avant-courrière
infortune ; 4 désavantage, infériorité ; 2 intéressant ; 3 élogieux, favorable, flat- du jour, l’aurore.
7 défaite, déroute. teur ; 4 flatteur ; 5 fat, outrecuidant, poseur avant-courrier n. m. Class. (déjà vx au
avantages n. m. pl. Fam. Les avantages (fam.), présomptueux, prétentieux, vani- XVIIe s.). Homme à cheval qui précédait
d’une femme, ses appas : Quoique la mar- teux. — CONTR.: 1 désavantageux, domma- une voiture de poste pour faire préparer
quise fût une fort grande dame tout à fait geable, mauvais, préjudiciable ; 2 onéreux ; les relais.
à la mode, et d’ailleurs fort belle encore, ces 3 défavorable, déplorable, fâcheux, malen- • Pl. des AVANT-COURRIERS, ÈRES.
avantages ne faisaient aucune impression contreux, regrettable ; 5 humble, modeste,
sur Octave (Stendhal). simple. avant-dernier, ère [avdrnje, -r] adj.
et n. (de avant et de dernier ; 1759, Restaut).
avantager [avtae] v. tr. (de avantage ; avant-bec [avbk] n. m. (de avant et de Qui est immédiatement avant le dernier (en
XIIIe s.). [Conj. 1.] 1. Donner un ou des bec ; 1488, Godefroy). Éperon de maçonne- parlant des personnes ou des choses) : Deux
avantages, en particulier des avantages rie, établi en amont d’une pile de pont pour hôtels meublés d’avant-dernière catégorie
financiers : Le vétérinaire protestait qu’il diviser l’eau et en diminuer la poussée. (Romains).
était lésé, à cause de la dot de Juliette qui • Pl. des AVANT-BECS. • Pl. des AVANT-DERNIERS, ÈRES.
avantageait la maison d’Honoré (Aymé).
avant-bras [avbra] n. m. invar. (de • SYN.: pénultième (pour les choses).
2. Augmenter, mettre en valeur les avan-
avant et de bras ; fin du XIIIe s.). Partie du
tages physiques de quelqu’un : Elle paraît avant-fossé [avfose] n. m. (de avant et
bras comprise entre le coude et le poignet :
enveloppée de linons et de mousselines, en de fossé ; XVIIe s., Dict. général). Fossé qui
Il relevait ses poignets de chemise, mon-
capuchons ruchés et neigeux qui l’avan- entoure la contrescarpe, dans un ouvrage
trant des avant-bras puissants (Duhamel). de fortification.
tagent extrêmement (Colette).
Il chercha le seau d’eau froide, y plongea les
• SYN.: 1 favoriser, privilégier ; 2 embellir, • Pl. des AVANT-FOSSÉS.
avant-bras (Aymé).
flatter. — CONTR. : 1 défavoriser, désavan-
avant-garde [avgard] n. f. (de avant
tager, frustrer, handicaper, léser ; 2 enlaidir. avant-centre [avstr] n. m. (de avant
et de garde ; XIIe s., Godefroy). 1. Partie
et de centre ; début du XXe s.). Dans une
avantageusement [avtaøzm] adv. d’une armée qui marche en avant du gros
équipe de football, joueur placé au centre
(de avantageux ; XVe s.). 1. Avec profit, de la troupe pour en assurer la sécurité ;
de la ligne d’attaque.
avantage : Il dînait chez des financiers juifs élément d’une flotte qui remplit le même
qu’il aimait assez pour leur faire acheter
• Pl. des AVANTS-CENTRES.
office : À leurs cris, un seigneur, de ceux
avantageusement des tableaux (France). avant-corps [avkr] n. m. invar. (de de l’avant-garde, | S’arrête et, retournant
2. D’une manière heureuse, favorable : avant et de corps ; 1658, La Fontaine). Partie son cheval, les regarde (Heredia). 2. Fig.
Vos soupçons se trouvent dissipés le plus d’un édifice, et, par extens., d’un meuble, Ce qui marche en tête ; ce qui a un rôle de
avantageusement du monde (Molière). Le qui est en saillie sur la face principale : précurseur : Les communistes n’ont cessé
propre fils du Khn de Crimée [...] avan- L’allée qui passait sous un massif avant- de former l’avant-garde la plus audacieuse
tageusement connu dans toute l’Europe corps (France). de la démocratie (Blanqui). D’avant-
chrétienne (Nerval). 3. Vx. D’une façon garde, en avance sur son temps : Son amie
avant-cour [avkur] n. f. (de avant et de viendrait pour de nombreux invités dire
seyante : Être vêtu avantageusement
(Acad.). cour ; 1564, J. Thierry). Cour qui précède la des fragments d’une pièce symbolique
cour principale, dans une grande maison : qu’elle avait jouée une fois sur une scène
• SYN.: 1 profitablement ; 2 favorablement,
Son char et seschevaux étaient dans l’avant- d’avant-garde (Proust). Ce peuple célébrait
heureusement, honorablement. — CONTR.:
cour du temple (Tharaud). ses taureaux dans des fêtes secrètes, et les
1 à perte ; 2 déplorablement, désastreuse-
ment, fâcheusement, malencontreusement,
• Pl. des AVANT-COURS. cachait devant l’étranger, pour avoir l’air
tristement. d’un peuple d’avant-garde (Montherlant).
avant-coureur [avkuroer] n. m. (de
Être à l’avant-garde de quelque chose, en
avantageux, euse [avtaø, -øz] adj. (de avant et de coureur ; XIVe s. ; au sens fig.,
être l’élément de pointe, celui dont les idées
avantage ; 1418, Caumont). 1. Qui procure XVIe s.). Class. Celui qui précède quelqu’un
sont le plus avancées : Être à l’avant-garde
un avantage, un profit : Le terrain de la rue pour annoncer son arrivée : Les avant-cou-
du progrès.
Théophile-Gautier, peu avantageux pour reurs de l’armée.
• Pl. des AVANT-GARDES.
édifier une maison du type ordinaire, se adj. et n. m. Fig. Se dit de ce qui pré-
prêtait à la construction d’un petit groupe cède et annonce quelque chose d’autre ou
• SYN. : 2 pointe, tête. — CONTR. : 1 et 2
un événement prochain : Daigne, daigne, arrière-garde.
d’immeubles (Romains). 2. Qui est d’un
prix peu élevé, eu égard à la qualité : Article mon Dieu, sur Mathan et sur elle | Répandre avant-gardiste [avgardist] adj. et n. (de
avantageux. Par extens. Prix avantageux, cet esprit d’imprudence et d’erreur, | De avant-garde ; milieu du XXe s.). Fam. Se dit
prix modique, intéressant. 3. Qui pro- la chute des rois funeste avant-coureur ! d’un écrivain, d’un artiste, d’une oeuvre qui
cure des satisfactions d’amour-propre, (Racine). Pour moi, une séparation est est à l’avant-garde de son temps.
qui fait honneur : Entendre parler de soi l’avant-coureur de l’abandon ; et l’aban- • Pl. des AVANT-GARDISTES.
en termes très avantageux. 4. Qui aug- don, c’est la mort (Balzac). Il est rare qu’un
mente les avantages physiques, qui est cataclysme se produise sans phénomènes avant-goût [avgu] n. m. (de avant et de
seyant : Une coiffure avantageuse. 5. Se avant-coureurs (Radiguet). goût ; début du XVIIe s.). Première impres-
dit d’une personne qui tire vanité de cer- sion, physique ou mentale, que provoque
• Pl. des AVANT-COUREURS.
tains avantages, réels ou supposés : Des l’évocation d’un événement ou d’une sen-
•SYN.: annonciateur, messager, précurseur.
jeunes gens avantageux s’étaient déjà mis sation future : Vous êtes heureux et, pour
— CONTR. : consécutif, rétrospectif.
à faire valoir leurs biceps devant le café des vous comme pour moi, la vieillesse est un
• REM. N’a pas de féminin ; on le rem- avant-goût des champs Élysées (Sand).
Arts (Aragon). Par extens. Qui dénote
place parfois par AVANT-COURRIÈRE.
la vanité, la présomption : Constance [...] • Pl. des AVANT-GOÛTS.

aperçut bientôt un changement dans les avant-courrier, ère [avkurje, -r] • SYN. : aperçu, échantillon (fam.), idée,
manières de son commis, qui prit avec elle adj. et n. (de avant et de courrier ; XVIe s., préambule, préface, préfiguration, prélude,
des airs avantageux pour faire croire à leur comme nom). Qui devance et annonce un prémices. — CONTR.: arrière-goût, réminis-
bonne intelligence (Balzac). événement : Une avant-courrière du prin- cence, souvenir.

330
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

avant-guerre [avgr] n. m. ou f. (de 3. Article de journal publié à l’occasion veille du jour dont on parle : Cette der-
avant et de guerre ; v. 1925). Période com- d’une pièce de théâtre avant sa première nière minute que je passe.[...] dans les bras
prenant les années qui ont précédé une représentation. de cette femme rencontrée l’avant-veille,
guerre, spécialement celle de 1914-1918, • Pl. des AVANT-PREMIÈRES. elle va prendre fin (Sartre). 2. Moment,
puis celle de 1939-1945 : Car c’était une des époque précédant de peu quelque évé-
avant-projet [avpr] n. m. (de avant
idées les plus à la mode de dire que l’avant- nement : On était donc en 1665, au vrai
et de projet ; milieu du XIXe s.). 1. Rédaction
guerre était séparé de la guerre par quelque seuil du beau siècle, au premier plan du
provisoire d’un projet de loi, de règlement,
chose d’aussi profond, simulant autant de portique, à l’avant-veille d’ « Andromaque »
etc. 2. Étude d’architecture, maquette
durée, qu’une période géologique (Proust). (Sainte-Beuve).
succincte d’un monument ou d’un édifice,
Les photographies [...] paraissaient aussi • Pl. des AVANT-VEILLES.
dont les détails devront être précisés.
périmées et lamentables que paraissent
soudain périmés et ravissants, dans une
• Pl. des AVANT-PROJETS. avare [avar] adj. et n. (réfection de l’anc.
anse de l’Oise et du Petit Morin, ces canots franç. aver, avare, d’après le lat. avarus,
avant-propos [avprpo] n. m. invar.
d’avant-guerre (Giraudoux). avare, avide ; 1527, J. Bouchet). 1. Class.
(de avant et de propos ; 1584, Somme des
• Pl. des AVANT-GUERRES. pechez). Courte préface, placée en tête d’un D’une grande avidité : Et l’avare Achéron
livre, où l’auteur expose succinctement ses ne lâche point sa proie (Racine). 2. Qui
• CONTR. : après-guerre.
intentions. aime à entasser l’argent et ne veut pas le
avant-hier [avtjr] loc. adv. (de avant et dépenser : Elle que j’avais vue si économe,
• SYN. : avertissement, avis, introduction,
de hier ; XIIe s., Livre des Rois). Le jour qui pour ne pas dire avare, me donnait plus
notice, préambule. — CONTR. : conclusion,
précède hier, deux jours avant celui où l’on d’argent que je n’en demandais (Mauriac).
épilogue, postface.
est : Pardon, c’est avant-hier, vendredi, oui 3. Fig. Avare de quelque chose, se dit de
vendredi matin, pendant la grande étude avant-scène [avsn] n. f. (de avant et celui qui épargne, ménage ce qu’il a en sa
(Martin du Gard). de scène ; milieu du XVIe s.). 1. Partie de possession ou ce qui lui est confié : Il était
la scène d’un théâtre située en avant du [...] avare du sang de ses hommes (France).
avant-main [avm] n. f. (de avant et de
rideau : C’était, nonchalamment assis sur Être avare de louanges, ne pas les prodi-
main ; fin du XVIe s.). Vx. Partie de la main
l’avant-scène, | Pierrot (Hugo). Loges guer facilement. Être avare de son temps,
se trouvant du côté de la paume : Recevoir
d’avant-scène, ou simplem. avant-scènes, ne pas le gaspiller en occupations inutiles.
un soufflet de l’avant-main.
loges disposées de chaque côté de la scène 4. Se dit aussi des choses qui sont dis-
• Pl. des AVANT-MAINS.
et la surplombant presque, à la hauteur des pensées parcimonieusement : Il tombe une
• CONTR. : arrière-main. balcons et des galeries : Les avant-scènes
lumière avare et raisonnable (Sartre).
n. m. (1721, Trévoux). Partie d’un cheval tranchent en lumière, en splendeur sur
• SYN. : 2 avaricieux (vx), chiche, cupide,
se trouvant en avant de la main du cava- l’ensemble, occupées par des célébrités de la
intéressé, ladre, pingre (pop.), radin (pop.) ;
lier : Un caparaçon de cuir [...] lui protégeait haute banque, les femmes décolletées et bras
3 économe, ménager. — CONTR. : 2 dépen-
l’avant-main (Montherlant). nus, ruisselantes de pierreries comme la
sier, dilapidateur, dissipateur, gaspilleur,
reine de Saba dans sa visite au roi des Juifs
avant-mont [avm] n. m. (de avant et généreux, large ; 3 prodigue.
(Daudet). 2. Fig. et vx. Événements anté-
de mont ; milieu du XXe s.). Petite chaîne
rieurs ou préliminaires à l’action d’un récit avarement [avarm] adv. (de avare ;
montagneuse en avant des grands sommets
ou d’une pièce de théâtre : Cette comédie à 1548, P. Le Fébure). D’une manière avare :
d’un massif.
laquelle cette partie du récit sert en quelque Toutes les choses précieuses qui se trouvent
• Pl. des AVANT-MONTS.
sorte d’avant-scène a d’ailleurs pour acteurs dans la terre, l’or, les diamants, les pierres
avant-mur [avmyr] n. m. (de avant et de tous les personnages qui, jusqu’à présent, qui seront taillées, s’y trouvent disséminées,
mur ; 1495, J. de Vignay). 1. Mur adossé à ont occupé la scène (Balzac). 3. Pop. semées, avarement cachées dans une quan-
un autre mur. 2. Partie la plus extérieure Poitrine féminine : Le raide plastron de sa tité de roche ou de sable, où le hasard les
d’une enceinte de fortification. chemise [...] lui faisait une avant-scène de fait parfois découvrir (Valéry).
• Pl. des matrone (Chérau).
AVANT-MURS. • SYN. : chichement, parcimonieusement.
• Pl. des AVANT-SCÈNES. — CONTR.: abondamment, généreusement,
avant-port [avpr] n. m. (de avant et de
• SYN. : 1 proscénium ; 2 prologue. — largement.
port ; 1782, Romme). Sorte de grand bas-
CONTR. : 1 arrière-scène ; 2 épilogue.
sin, en avant du port proprement dit, qui avarice [avaris] n. f. (lat. avaritia ; 1155,
permet d’accéder aux différents bassins. avant-toit [avtwa] n. m. (de avant et Wace). 1. Class. Ardent désir d’acquérir,
• Pl. des AVANT-PORTS. de toit ; 1386, Godefroy). Partie d’un toit avidité : Un jeu effroyable, continuel [...],
• CONTR. : arrière-port. en saillie sur la façade : Un gazouillis très où l’on est transporté du désir du gain
doux et presque imperceptible s’effile sous [...], consumé par l’avarice (La Bruyère).
avant-poste [avpst] n. m. (de avant l’avant-toit (Genevoix). 2. Attachement excessif aux richesses
et de poste ; v. 1800, Brunot). petit poste • Pl. des AVANT-TOITS. et désir de les accumuler : L’avarice de
placé en avant du camp d’une troupe en
• SYN.: auvent. ces trois vieillards était si passionnée que
station, le plus près possible de l’ennemi,
depuis longtemps ils entassaient leur argent
pour déjouer toute attaque par surprise : avant-train [avtr] n. m. (de avant et de
pour pouvoir le contempler secrètement
Nos troupes de couverture ont pris leurs train ; 1628, Traité de l’artillerie). 1. Partie
(Balzac). Son avarice était telle que, même
avant-postes (Martin du Gard). d’une voiture hippomobile comprenant
en ne payant pas pour son compte, chaque
• Pl. des AVANT-POSTES. les deux roues de devant et le timon.
fois qu’il devait donner de l’argent [...], il
2. Partie antérieure d’un quadrupède,
avant-première [avprmjr] n. f. y avait sur sa figure une contraction de
comprenant le poitrail et les jambes de
(de avant et de première ; 1892, le Figaro). tous les traits, un froncement nerveux des
devant (opposée à l’arrière-train).
1. Présentation d’une pièce ou d’un film à rides, comme si on les lui eût serrées avec
• Pl. des AVANT-TRAINS.
un public d’invités et de journalistes, avant le cordon d’un sac (Daudet). 3. Désir
• CONTR. : 1 arrière-train.
la première présentation au grand public. de ménager ce qu’on a en sa possession
2. Visite d’une exposition, par des per- avant-veille [avvj] n. f. (de avant et (rare) : Si elle allait quitter cette loge pour
sonnalités, avant son ouverture officielle. de veille ; XIIIe s.). 1. Jour qui précède la faire une visite, je serais bien récompensé

331
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

de l’avarice avec laquelle je m’économise ce avatar [avatar] n. m. (sanscr. avatra, de » : Avec le respect que je vous dois, je
plaisir (Stendhal). descente sur la terre d’une divinité ; 1800, vous dirai franchement que... Avec tous ses
• SYN.: 2 ladrerie, lésine, pingrerie (pop.), Castera). 1. Dans la religion hindoue, cha- diplômes, il n’a pas été capable de résoudre
rapacité ; 3 parcimonie. — CONTR. : 2 dis- cune des incarnations de Vishnu. Par un problème aussi simple. 7. Exprime la
sipation, gaspillage, générosité, largesse ; 3 extens. Réincarnation : Claudien, une sorte cause et signifie « étant donné », « en rai-
libéralité, prodigalité. d’avatar de Lucain, qui domine tout le IVe son de » : Avec des habitudes si mauvaises,
siècle avec le terrible clairon de ses vers vous allez droit à l’échec. Avec le temps qu’il
avaricieusement [avarisjøzm] adv.
(Huysmans). 2. Transformation d’une fait, je préfère ne pas sortir. 8. Exprime la
(de avaricieux ; v. 1370, Oresme). Vx. D’une
personne ou d’une chose (souvent avec simultanéité : Se lever avec le jour. Le souve-
façon avaricieuse.
une nuance péjor.) : Après tant d’avatars, nir avec le crépuscule | Rougeoie et tremble
avaricieux, euse [avarisjø, -øz] adj. et d’efforts stériles en littérature, en méde- (Verlaine). 9. Exprime la manière : Ce
n. (de avarice ; 1283, Beaumanoir). Class. et cine, en politique, j’ai pensé qu’au moins je n’est point assez d’obéir à Dieu si l’on n’obéit
littér. Se dit d’une personne dont l’avarice serais bon à quelque chose (Daudet). Habile pas avec une prompte allégresse (France). Il
s’exerce dans les petites choses (au pr. et au aux avatars, il condamne ce qu’il était, au reprit : « je ne le connais plus, Monsieur ! »
fig.) : Il a un père qui, quoique riche, est un nom de ce qu’il est aujourd’hui (Gide). avec un haussement de sourcils majestueux
avaricieux fieffé (Molière). 3. Abusiv. Événement fâcheux, accident et des oscillations de la tête (Huysmans).
adj. Qui dénote une avarice mesquine : (sans doute par confusion avec aventure) : 10. Exprime le moyen, la matière, l’ins-
J’ai peut-être fait quelques gestes avaricieux Ne vous occupez pas de la loterie. Le sort trument : Il est venu avec sa voiture. Bâtir
dans ma vie ; l’important, c’est d’en avoir nous y réserve les mêmes avatars que dans un abri avec du bois de sapin. Battant de
également fait de généreux et de prodigues la précédente (Giraudoux). l’aile avec sa manche | Comme un pin-
(Gide). • SYN. : 1 métamorphose, réincarnation ; gouin sur un écueil, | Le blanc Pierrot, par
• SYN. : chiche, mesquin, parcimonieux, 2 changement, évolution ; 3 mésaventure, une branche, | Passe la tête et cligne l’oeil
regardant, serré. — CONTR.: généreux, large, tuile (fam.). — CONTR. : 3 aubaine (fam.), (Gautier). Fig. Avec le temps, en laissant
libéral, prodigue. chance. faire le temps. 11. Class. Marquait le
temps, équivalent de « à » : Les Ides étaient
avarie [avari] n. f. (ital. avaria, de l’ar. à vau-l’eau loc. adv. V. VAU-L’EAU (À).
fêtées avec le premier jour qui les suivait
awrya, biens avariés ; XIIIe s., Assises Ave [ave] ou Ave Maria [avemarja] (Racine) ; la simultanéité, avec le sens de
de Jérusalem). 1. Dommage survenu à n. m. invar. (du lat. ave, salut ; XIVe s.). « parmi », « au milieu de » : Seize années
un navire ou à sa cargaison : Pendant la Premiers mots de la salutation angélique ou d’une prospérité accomplie, qui coulèrent
tempête, le navire a subi une importante prière à la Vierge et, par extens., cette prière sans interruption avec l’admiration de toute
avarie. Détérioration subie par un objet elle-même : Dire un Pater et trois Ave. la terre (Bossuet).
pendant son transport par terre ou par air.
avé [ave] n. m. (même étym. qu’à l’art. adv. Fam. Marque l’accompagnement :
2. Fam. et vx. Syn. de SYPHILIS : L’enfant
précéd.). Grain du chapelet sur lequel on Je ne pourrai pas vivre avec (Rolland). Il
de la province, quand il arrivait dans la
dit l’Ave : Des avés en nacre. tenait un mouchoir à pois noirs à la main
capitale, était guetté par la politique des
et s’éventait avec (Gide). [V. REM. 2.]
partis dans la rue, l’avarie, la bohème avec [avk] prép. (lat. pop. *apud-hoc,
(Audiberti). Avec cela, avec ça loc. adv. 1. Fam. En
avec cela, renforcement de apud, auprès
outre, de plus : Je n’ai pas le coeur sec, il s’en
• SYN.: 1 dégât, sinistre. de, avec ; fin du XIe s., Vie de saint Alexis,
faut, plein d’attendrissement au contraire,
écrit avoc, puis avuec ; la forme avecque,
avarié, e [avarje] adj. (part. passé de ava- et la larme facile avec ça (Camus). Et avec
poétique, est encore très employée au
rier). 1. Se dit d’un navire qui a subi une cela (ça) ?, formule commerciale, question
XVIIe s.). 1. Marque l’idée d’accompagne-
avarie : Le robuste nautonier renfloua la nef d’un vendeur à un client. 2. Malgré cela :
ment et signifie « en compagnie de » : C’est
avariée de l’Église (France). 2. En mau- Mais avec tout cela, je ne veux point me
presque toujours ainsi [...] que l’on juge ceux
vais état, endommagé : Quand elle devint donner un nom où d’autres en ma place
avec qui l’on a grandi (Alain). 2. Indique
plus grande, on l’envoya faire la récolte devraient pouvoir prétendre (Molière).
ce qui fait corps avec quelque chose, ce qui
des fonds de sièges avariés (Maupassant). Avec cela (ça) que loc. conj. Pop. Sans
est propre à quelqu’un, etc. : Une maison
Spécialem. Se dit de produits alimen- compter que, indépendamment du fait
avec un balcon. C’est un enfant assez grand,
taires gâtés : De la farine, de la viande que : Enfin, j’appréhende de m’ennuyer
avec des cheveux blonds. 3. Marque un
avariée. dans la solitude ; avec cela que je m’amuse
rapport d’association, l’identité de vues :
• SYN.: 2 détérioré, esquinté (pop.) ; avancé, ici ! (Huysmans).
Être lié avec quelqu’un. Être d’accord
blet (fruits), faisandé (viande). — CONTR. : D’avec loc. prép. Marque la séparation
avec quelqu’un. Ses maîtres, ses collègues,
2 neuf ; frais. d’une façon plus vive que le simple de :
ses amis, ses élèves, tout le monde serait
adj. et n. Fam. et vx. Syphilitique. avec lui, si le conflit prenait un tour aigu Mais ces différences d’avec notre nature,
[avarje] v. tr. (de avarie ; 1835, (Duhamel). Être avec les bons contre les c’est encore notre nature qui les imagine
avarier
méchants, soutenir les bons. Être avec (Proust). Séparer le bon grain d’avec
Acad.). 1. Causer une avarie à. 2. Causer
un dommage à quelque chose, surtout à des le gouvernement, être du parti du gou- l’ivraie. [V. REM. 3.]
denrées alimentaires : L’eau avait avarié ses vernement. 4. Marque un rapport de • REM. 1. Lorsque deux substantifs ou
provisions (Acad.). relations sociales : Être en paix avec tous. deux pronoms au singulier, réunis par
• SYN. : 2 altérer, corrompre, détériorer, Être gentil avec ses camarades. Être fâché avec, sont tous deux sujets en apparence,
endommager, gâcher, gâter, pourrir. — avec ses frères. Par extens. Avec lui, avec le verbe s’accorde avec le premier et se met
CONTR. : 2 conserver, préserver. elle (souvent en tête de phrase), si l’on s’en au singulier si avec introduit réellement
rapporte à lui, à elle : Le plus désolant est un complément et désigne un simple
s’avarier v. pr. Se corrompre, se gâter :
qu’on ne peut compter sur rien avec elle accessoire du premier terme : Le meunier
Des fruits qui se sont avariés.
(Rousseau). Avec lui, il n’y a que l’argent qui avec son fils partit à la ville. Mais, lorsque
• SYN.: blettir, pourrir.
compte. 5. Marque l’opposition et signifie les deux termes ont la même importance
avaro [avaro] n. m. (de avarie ; 1874, « contre » : Se battre avec quelqu’un. Un et que avec signifie « et », le verbe se met
Esnault). Pop. Accident, panne : Sans cet pays en guerre avec ses voisins. 6. Marque au pluriel, car les deux termes sont consi-
avaro, on serait déjà arrivés. le contraste et signifie « malgré », « en dépit dérés comme sujets : Le singe avec le léo-

332
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

pard | Gagnaient de l’argent à la foire (La désagréable, rébarbatif, renfrogné, revêche, Sommation d’un procureur ou d’un avoué
Fontaine). rogue. faite au procureur ou à l’avoué de la partie
2. Bien que avec fût initialement un adverse de comparaître à l’audience, à un
3. avenant (à l’) [alavn] loc. adv.
adverbe, son emploi adverbial est au- jour fixé, pour plaider contradictoirement :
(même étym. qu’à l’art. précéd. ; XIVe s.).
jourd’hui considéré comme familier. Signifier un avenir.
1. En accord, en harmonie avec ce qui
3. Certains verbes exprimant la sépara- vient d’être dit : Mon ami, vous avez la 3. avenir v. intr. V. ADVENIR.
tion sont suivis indifféremment de avec, peau blanche et l’âme à l’avenant (France).
Avent [av] n. m. (lat. adventus, arrivée,
d’avec, de : divorcer avec, divorcer d’avec, 2. Comme cela se présente : Ce sont des
spécialisé en lat. ecclés. pour la venue de
divorcer de. anecdotes bien contées, ramassées on ne sait
Jésus-Christ ; XIIe s.). 1. Nom donné aux
d’où, qu’il enfile à l’avenant (Sainte-Beuve).
aveindre [avdr] v. tr. (var. de l’anc. franç. quatre semaines qui précèdent Noël, temps
• SYN.: 1 aussi, de même, également, pareil- fixé par l’Église catholique pour la prépa-
avenir, arriver, convenir, atteindre [lat.
lement. — CONTR.: 1 à l’inverse, à l’opposé.
advenire] ; XIIIe s.). [Conj. 55.] Vx ou dia- ration des fidèles à la venue de JésusChrist.
A l’avenant de loc. prép. Vx. En harmo- 2. Recueil ou ensemble de sermons
lect. Retirer un objet de son emplacement
habituel, aller le chercher pour le présenter nie avec : Le parc, splendide, est à l’avenant prêchés pendant cette période : Prêcher
à quelqu’un qui le demande : Ne voilà-t-il du château. Les meubles sont à l’avenant l’Avent. Bossuet prêche au Louvre le Carême
pas que vous ne m’avez aveint que six mor- de ce cadre (France). de 1662, puis l’Avent de 1665 (Lanson).
ceaux de sucre ! M’en faut huit (Balzac). avènement [avnm] n. m. (de l’anc. aventure [avtyr] n. f. (lat. pop. *adven-
aveline [avlin] n. f. (provenç. avelana, franç. avenir, arriver ; 1190, Sermons de tura, les choses qui doivent arriver, plur.
noisette, du lat. [nux] abellana, noisette saint Bernard). 1. Le fait d’arriver (vieilli neutre du part. futur de advenire ; XIIe s.,
d’Abella [v. de Campanie] ; 1256, Ald. et spécifiquement religieux) : L’avènement Lois de Guillaume le Conquérant). 1. Class.
de Sienne, écrit avelaine ; aveline, XVe s., du Messie. 2. Action d’accéder à une Sort, destin heureux ou malheureux de
Tardif). Sorte de grosse noisette dont dignité importante, politique ou reli- quelqu’un : Le destin, de qui le compas |
on extrait une huile fine : Le fruit sec gieuse : L’avènement d’un souverain, d’un Marque à chacun son aventure (Malherbe).
n’était tenu en gros que par une certaine pape. Don de joyeux avènement, cadeau, 2. Dire la bonne aventure, prédire
Mme Angélique Madou, demeurant rue libéralité que fait une personne en arrivant l’avenir à quelqu’un. Diseur, diseuse
Perrin-Gasselin, seule maison où se trou- au pouvoir. de bonne aventure, personne qui prétend
vassent la véritable aveline de Provence et • SYN.: 1 arrivée, venue ; 2 accession. pouvoir prédire l’avenir de quelqu’un.
la vraie noisette blanche des Alpes (Balzac). 3. Événement notable qui arrive for-
1. avenir [avnir] n. m. (ellipse de la loc.
tuitement : Il ne manquait aux aventures
avelinier [avlinje] n. m. (de aveline ; le temps à venir ; début du XVe s.). 1. Le
de ma vie politique que d’être en relations
XVIIIe s.). Variété de noisetier, croissant temps futur : L’avenir est la seule sorte
avec un souverain pontife ; cela complète ma
principalement dans le Midi : Une allée de propriété que les maîtres concèdent de
carrière (Chateaubriand). C’est grande
en faisait le tour, pressée de noisetiers, d’ave- bon gré à leurs esclaves (Camus). Je vois
aventure si, que, c’est vraiment un hasard
liniers, de coudriers (Genevoix). l’avenir, il est là, posé dans la rue, à peine
si (vieilli) : C’est grande aventure qu’on y
posé dans la rue ; à peine plus pâle que le
aven [avn] n. m. (mot rouergat, d’origine rencontre d’autres gens que les bûcherons
présent (Sartre). 2. Par extens. Les géné-
incertaine ; XIIe s., écrit avenc ; repris en du val (Theuriet). 4. Entreprise extra-
rations, les siècles futurs : L’avenir m’appa-
1889, par Martel). Dans certaines régions ordinaire, imprévue et surprenante, péri-
raissait tout sûr, et jamais je ne m’en étais
calcaires, grand trou circulaire, en forme pétie : Les cinémas de quartier ont déversé
cru plus maître (Gide). L’avenir le jugera.
d’entonnoir, creusé par les eaux d’infil- dans la rue un flot de spectateurs. Parmi
3. Situation future de quelqu’un ou de
tration : L’aven le plus célèbre, dans les eux, les jeunes gens avaient des gestes plus
quelque chose : Vous êtes en droit de vous
Causses, est l’aven Armand. décidés que d’habitude et j’ai pensé qu’ils
demander pourquoi vous ne réaliseriez
• SYN.: gouffre. avaient vu un film d’aventures (Camus).
pas purement et simplement vos bénéfices
Chercher l’aventure, courir l’aventure,
1. avenant, e [avn, -t] adj. (part. prés. sans vous préoccuper du lendemain, de
chercher des événements exceptionnels,
de l’anc. franç. avenir, arriver ; XIIIe s.). Qui l’avenir d’une industrie française dont les
ou une bonne rencontre. 5. Entreprise
arrive, qui advient : L’héritage avenant aux Français semblent tous comploter la per-
qui comporte des risques : Un politicien
petits-fils. dition (Aragon). Spécialem. Situation
honnête, un ami de l’ordre, un ennemi
avenant n. m. 1. Vx. Celui qui arrive : Je brillante à laquelle peut accéder quelqu’un ;
de toute aventure (Martin du Gard). On
réussite promise à quelque chose : Un jeune
te mets en garde dès à présent contre tout ne pouvait songer à jeter dans une telle
avenant qui se dira ton cousin (Lemaitre). éditeur [...] qui s’était fait la réputation de
aventure des capitalistes, naturellement
2. En droit, clause additionnelle modi- découvrir et de louer les débutants d’ave-
prudents (Romains). Tenter l’aventure,
fiant les données d’un contrat, particuliè- nir (Martin du Gard). Un jeune homme
entreprendre une chose dont le succès est
rement en matière de polices d’assurance. [...], d’ailleurs charmant, plein d’avenir et
incertain : Il n’était pas prudent de tenter
fort riche (Mauriac). Projet, idée qui a
2. avenant, e [avn, -t] adj. (part. prés. l’aventure (Heredia). 6. Intrigue amou-
de l’avenir, qui aura de l’influence dans
de l’anc. franç. avenir, convenir ; 1080, reuse passagère et sans profondeur : Des
les temps futurs.
Chanson de Roland). Qui plaît, qui est femmes qui d’abord envisageraient sans
• SYN. : 1 futur ; 2 postérité ; 3 carrière,
agréable : Une de ses brus vint s’installer répugnance une aventure (Romains).
destin, destinée, fortune, sort. — CONTR. :
près de lui, une petite femme de boutique, Avoir, chercher une aventure, avoir,
1 passé ; présent.
parée dès le matin, et qui avait bien cet air chercher une intrigue galante : Quand il
A l’avenir loc. adv. À partir d’au- frôle les femmes, il ne cherche nullement à
avenant, faussement doux, cette amabilité
jourd’hui, désormais : On ne parle pas
obséquieuse des gens habitués au commerce avoir une aventure (Montherlant).
de rats à table, Philippe, je vous interdis
(Daudet). Ses camarades l’avaient en sym- • SYN. : 3 épisode ; 5 affaire, hasard, his-
à l’avenir de prononcer ce mot (Camus).
pathie à cause de son caractère avenant toire ; 6 amourette, caprice, liaison, passade,
(Aymé).
• SYN.: dorénavant. toquade (fam.).
• SYN. : affable, aimable, amène, enga- 2. avenir ou à-venir [avnir] n. m. (ellipse À l’aventure loc. adv. Au hasard, sans but
geant, gracieux, sympathique. — CONTR. : de la loc. avoir à venir ; 1680, Richelet). défini : Non, cent fois non ! Plutôt aimer à

333
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

l’aventure | Et ne demander pas l’impossible la duchesse des Clarides avait envoyés à 1. Class. Voie d’accès à un lieu : L’armée se
à Nature ! (Verlaine). la recherche des deux petits aventureux saisit de toutes les avenues des montagnes
D’aventure, par aventure loc. adv. (France). Spécialem. Qui recherche les (Acad., 1694). 2. Allée plantée d’arbres,
Littér. Par hasard : Te figures-tu donc être, aventures amoureuses (rare) : Accoutumé conduisant à une habitation : Les orangers
par aventure, | Autre chose qu’un point aux femmes aventureuses, exercées à en avenue plient sous le poids des oranges
dans l’aveugle nature ? (Hugo). Vous, les l’amour [...], il jugeait banal ce coeur vertes (Gide). 3. Grande voie urbaine,
poids moyens, qui ne changez pas, ne pou- simple et le traitait avec un léger dédain généralement bordée d’arbres : L’avenue
vez savoir ce que nous éprouvons lorsque (Maupassant). 2. Qui est semé d’aven- des ChampsÉlysées. 4. Fig. Ce qui conduit
nous retrouvons d’aventure au fond d’une tures, d’événements peu ordinaires : Une à un but : Les avenues de la fortune, du
armoire le gilet d’il y a deux ans (Béraud). existence aventureuse. 3. Qui comporte pouvoir.
des risques, qui n’offre aucune sécurité : • SYN.: 2 charmille ; 3 boulevard, cours ; 4
aventuré, e [avtyre] adj. (part. passé Projet aventureux. chemin, route, sentier, voie.
de aventurer ; XIIe s.). Qui présente beau- • SYN.: 1 audacieux, casse-cou (fam.), hardi,
coup de risques, qui est très téméraire : risque-tout, téméraire ; 2 hasardeux, osé ; avéré, e [avere] adj. (part. passé de avé-
Hypothèse aventurée. rer ; 1549, R. Estienne). Reconnu comme
3 aléatoire, dangereux, risqué. — CONTR.: 1
• SYN. : aléatoire, hasardeux, risqué. — vrai : Il est bien avéré qu’il [Talleyrand]
circonspect, prudent, réfléchi, sage, sérieux ;
CONTR. : sûr. 2 calme, serein, tranquille ; 3 assuré, sûr. a été cause de la mort du duc d’Enghien ;
cette tache de sang ne peut s’effacer : loin
aventurer [avtyre] v. tr. (de aventure ; aventurier, ère [avtyrje, -r] adj. et d’avoir chargé le ministre en rendant compte
XIIe s., Dict. général). 1. Risquer quelque n. m. (de aventure ; XVe s.). Class. et littér. de la mort du prince, je l’ai beaucoup trop
chose dans une entreprise hasardeuse : Qui se lance dans les aventures, et spé- ménagé (Chateaubriand). On rapportait
Aventurer une somme au jeu. 2. Affirmer cialement dans les aventures militaires : même un fait, mais celui-là était avéré (il
sans preuve, sans certitude : Je regardais Les anciens Paladins étaient des chevaliers avait eu la notoriété d’un combat en règle),
M. Capoulié pendant qu’il aventurait ses aventuriers (Furetière). Qu’il ne soit pas c’est qu’une fois... (Barbey d’Aurevilly).
observations (Duhamel). possible à quelques aventuriers parvenus • SYN. : authentique, exact, incontestable,
• SYN. : 1 hasarder, jouer. — CONTR. : 2 à la dictature de transformer en assassins
juste, officiel, véridique, véritable. —
assurer, étayer. quatre cent mille hommes d’honneur par
CONTR.: contestable, douteux, faux, hypo-
s’aventurer v. pr. 1. Aller, pénétrer une loi d’un jour comme leur règne (Vigny).
thétique, inexact.
dans un lieu au prix de grands risques : n. 1. Class. Soldat volontaire, ou merce-
Désirant voir la cataracte de bas en haut, naire, qui n’était pas astreint rigoureuse- avérer [avere] v. tr. (anc. franç. avoirer, de
je m’aventurai, en dépit des représentations ment à la discipline militaire. 2. Péjor. voir, vrai, issu du lat. verus ; XIIe s., Herman
du guide, sur le flanc d’un rocher presque Personne peu scrupuleuse sur les moyens de Valenciennes). [Conj. 5.] Class. Établir
à pic. Malgré les rugissements de l’eau qui de parvenir, qui vit d’aventures et d’intri- comme vrai : Et j’ai su par mes yeux avérer
bouillonnait au-dessous de moi, je conservai gues : Que voulez-vous faire ? Chercher aujourd’hui | Le commerce secret de ma
ma tête et je parvins à une quarantaine de fortune comme un aventurier ? (Musset). femme et de lui (Molière).
pieds du fond (Chateaubriand). Il s’amu- • SYN.: 2 chevalier d’industrie, intrigant. s’avérer v. pr. (1842, Mozin). Se révé-
sait à voir les petits insectes [...] s’aventurer ler réellement : Des combinaisons qui
aventurine [avtyrin] n. f. (de à l’aven-
dans le calice d’une fleur (Samain). 2. Fig. finissaient toujours par s’avérer illusoires
ture, la limaille qui sert à fabriquer la pierre
S’exposer à des risques : Jene serais pas allé (Camus).
artificielle étant jetée « à l’aventure » dans le
m’aventurer dans une démarche semblable • SYN.: apparaître, semanifester, semontrer.
verre en fusion ; 1686, Mme de Maintenon).
sur la foi de pures suppositions (Courteline). • REM. La considération de l’étymologie
1. Pierre artificielle, d’un jaune brun,
Bien que rien ne m’autorise, je le sais, à de ce verbe (lat. verus, vrai) fait souvent
semée de points d’or : Un ciel nuancé de
m’aventurer sur ces terrains philosophiques, condamner les expressions s’avérer exact,
toutes les teintes de l’agate et de l’aventurine
je veux être franc jusqu’au bout (Martin jugé pléonastique, et s’avérer faux, jugé
(Gautier). 2. Variété de quartz, de tona-
du Gard). contradictoire. On les rencontre cepen-
lité rougeâtre, contenant des particules de
• SYN.: 1 s’embarquer, s’engager ; 2 se com- mica qui brillent à la lumière. dant chez divers écrivains : Bien que
mettre, se compromettre, se risquer. ses calculs s’avérassent faux sans jamais
adj. invar. De la couleur de l’aventurine :
d’exception... (Montherlant). Les vues
aventureusement [avtyrøzm] adv. Une ceinture aurore, safran ou aventurine
de l’homme s’avèrent toujours fausses
(de aventureux ; XIVe s., Godefroy). D’une (Samain).
(Mauriac).
manière aventureuse, en s’exposant à des [avtyrism] n. m. (de aven-
aventurisme
risques. avers [avr] n. m. (lat. adversus, qui est
ture ; milieu du XXe s.). Tendance à prendre,
• SYN. : dangereusement. — CONTR. : pru- en politique, des mesures hâtives. en face ; 1842, Acad.). Côté d’une médaille
demment, sagement, sûrement. ou d’une monnaie qui contient l’effigie ou
aventuriste [avtyrist] adj. (de aven- l’élément principal : L’une était une obole de
aventureux, euse [avtyrø, -øz] adj. (de turisme ; milieu du XXe s.). Se dit d’une Crannon : l’avers portait la tête du taureau,
aventure ; 1160, Benoît de Sainte-Maure). attitude qui manifeste, en politique, une le revers une tête de cheval avec un trident
1. Qui aime et recherche l’aventure : Et tendance à des décisions irréfléchies. (Montherlant).
l’aventureux Méridional s’était empressé
avenu, e [avny] adj. (part. passé de • SYN.: droit, face. — CONTR.: envers, revers.
de se lier avec cette délicieuse comtesse
l’anc. v. avenir, « arriver », refait plus tard
(Balzac). Les idées de cette femme aven- averse [avrs] n. f. (de la loc. pleuvoir à
en advenir ; 1690, Furetière). Usité seule-
tureuse ne manquaient point de bon sens : verse ; 1690, La Quintinie). 1. Pluie subite,
ment dans les expressions non avenu, nul
elle avait divisé la France en quatre grands abondante et de peu de durée : Il avait
et non avenu, considéré comme n’ayant pas
gouvernements militaires, désigné les chefs, plu ; mais cette brève et violente averse,
existé : La Révolution avait été non avenue
nommé les officiers, enrégimenté les soldats, loin de rafraîchir l’atmosphère, avait laissé
pour le monde où je vivais (Renan).
et, sans s’embarrasser si tout son monde dans les rues une buée d’étuve (Martin du
était au drapeau, elle était elle-même avenue [avny] n. f. (part. passé fém. de Gard). 2. Fig. Grande quantité : Tout au
accourue pour le porter (Chateaubriand) ; l’anc. v. avenir, substantivé et spécialisé contraire, la singulière aptitude qu’avait
et substantiv. : C’étaient des gardes que au sens de « arrivée » ; 1549, Rabelais). cet étrange garçon à répandre sans raison

334
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

des averses de larmes allait chaque jour en quelque chose qu’on l’invite à faire : Le soir, se repaître de rosée et suc de fleurs comme
augmentant (Daudet). Sous cette averse un homme allait avec une sonnette de rue en avettes (Gautier).
de paroles, Joussiaume demeurait stupide rue, avertissant les chrétiens de prier pour
aveu [avø] n. m. (déverbal de avouer ;
(Courteline). un de leurs frères décédé (Chateaubriand).
1283, Beaumanoir).
• SYN.: 1 ondée, saucée (pop.) ; 2 avalanche, • SYN. : 1 alerter, annoncer, apprendre,
déluge, flot, pluie. aviser, instruire, prévenir. — CONTR. : I. 1. En droit féodal, acte par lequel
1 cacher, taire. un seigneur reconnaissait quelqu’un
aversion [avrsj] n. f. (lat. aversio, action
pour son vassal, et réciproquement.
de se détourner ; XIIIe s.). 1. Répulsion avertissement [avrtism] n. m. (de
Homme sans aveu, celui qui n’était
extrême que l’on éprouve à l’égard de avertir ; milieu du XIIIe s.). 1. Action de
reconnu par aucun seigneur, et, par
quelque chose : Je montrais non seulement faire savoir : Est-il possible que mon père
extens., aujourd’hui, homme sans foi ni
de l’aversion, mais encore de l’incapacité nous quitte sans avertissement, sans adieu ?
loi. 2. Class. et littér. Agrément donné
pour cette industrie nouvelle (Sand). Il est (Musset). 2. Appel à l’attention ou à la
à quelque chose, généralement par un
presque inutile de dire que je lisais fort peu, prudence, parfois assorti de menace : supérieur : Monsieur, sans votre aveu l’on
en ce temps-là. J’avais d’abord pris la lec- « Sous peine de mort », ce refrain des
me fait prisonnier (Racine). Une intrigue
ture en aversion, et même distribué entre règlements militaires, cela remonte dans
[...] avait dupé le roi, lui avait surpris son
quelques amis mes livres préférés (Valéry). toutes nos pensées comme un avertissement
aveu pour le mariage d’une soeur de la
2. Violente antipathie que l’on éprouve (Alain). 3. Réprimande, avec menace de
duchesse de Bourgogne avec le jeune roi
à l’égard de quelqu’un : Quand un pays sanction en cas de récidive : Un avertisse-
d’Espagne (Michelet). Jene veux rien faire
tout entier se prend d’aversion pour un ment du conseil de discipline. 4. Courte
sans votre aveu.
homme, c’est perdre son temps que d’aller préface qu’un auteur met en tête de son
à l’encontre (Duhamel). 3. Class. Avoir livre. 5. Avis que le percepteur adresse II. 1. Déclaration par laquelle on recon-
aversion à, avoir de l’aversion, une aversion au contribuable pour lui faire connaître naît être l’auteur d’une action, le plus
à, avoir de l’aversion
pour : Cela n’empêche le montant de ses impôts et l’inviter à les souvent d’une action blâmable ou pénible
pas que nos dames n’aient une grande aver- acquitter. à révéler : Faire l’aveu d’un crime. De tes
sion à ces façons de parler (Vaugelas). Il • SYN. : 1 préavis ; 2 avis, conseil, mise en aveux ma mémoire n’a rien retenu de pré-
avait aversion à sa mine trop fine (Retz). garde, présage, recommandation, signe, cis (Mauriac). De l’aveu de quelqu’un
• SYN. : 1 dégoût, éloignement, horreur, suggestion ; 3 admonestation, blâme, de son propre aveu, comme cette per-
répugnance ; 2 exécration, haine, hosti- observation, remontrance ; 4 avant-propos, sonne l’avoue, le reconnaît elle-même.
lité, inimitié. — CONTR. : 1 attirance, goût, avis, introduction, préambule. — CONTR. : 2. Class. et littér. Action d’avouer son
intérêt, penchant, prédilection, propension ; 4 conclusion, épilogue, postface. amour : Elle venait de lui surprendre un
2 affection, amitié, amour, inclination, sen- aveu demandé depuis trois ans (Balzac).
timent, sympathie. avertisseur [avrtisoer] n. m. (de aver-
• SYN. : I, 2 accord, approbation, autori-
tir ; 1281, Godefroy, au sens de « celui qui
sation, consentement, permission. II, 1
averti, e [avrti] adj. (part. passé de avertit » ; au sens 2, 1866, Larousse). 1. Vx.
avertir ; XVIe s.). 1. Se dit de quelqu’un qui confession, révélation ; 2 déclaration. —
Personne qui donne un avertissement à
possède les informations nécessaires : Son CONTR. : I, 2 défense, interdiction, opposi-
propos de quelque chose : Dieu, l’avertis-
tion, refus. II, 1 dénégation, rétractation.
indifférence n’était qu’une ruse de coquette seur juste (Hugo). Par moments [...], des
avertie (Rolland). Un homme averti en avertisseurs [...] s’arrêtaient à l’entrée de aveuglant, e [avoegl, -t] adj. (part.
vaut deux, quand on est prévenu, on se la rotonde, jetaient violemment un cri, prés. de aveugler ; milieu du XIXe s. ; une
tient doublement sur ses gardes. 2. Qui un départ, une arrivée [aux courses], première fois au XVIe s., M. de Navarre).
possède à la fois les informations néces- qui soulevait de longues clameurs (Zola). 1. Qui éblouit au point d’aveugler : Tout
saires et une sage expérience : Un critique Spécialem. Titre d’un officier de la mai- le vert de la campagne, le vert de l’herbe et
averti. 3. Spécialem. Se dit d’enfants, de son du roi chargé d’annoncer l’approche des arbres semblait exaspéré au contact de
jeunes gens qui sont au courant des réalités du roi, à l’heure du dîner. Employé qui cette pourpre ardente et les deux couleurs
de la vie : Pour les dames, une section d’étu- prévenait les acteurs du moment de leur ainsi voisines devenaient aveuglantes sous le
diantes aussi se formait, distribuée en trois entrée en scène : Le capitaine Fracasse feu du soleil (Maupassant). Les phares proje-
sections, naïves, averties et indifférentes drapa sa cape sur son épaule et attendit taient dans la cour leur lumière aveuglante
(Giraudoux). que l’avertisseur lui vînt dire que c’était (Martin du Gard). 2. Fig. Se dit d’une
• SYN.: 1 au courant de, informé, instruit ; son tour (Gautier). 2. Appareil destiné chose dont l’évidence apparaît clairement :
2 avisé, compétent, expérimenté, expert. à donner un signal : Avertisseur d’incen- Une preuve aveuglante. Les provincialismes
— CONTR. : 1 ignorant ; 2 étourdi, impru- die. Spécialem. Appareil d’avertissement aveuglants de son mari (Baudelaire).
dent, inconsidéré, irréfléchi, mal avisé ; 3 sonore placé sur une automobile : Elle • SYN. : 1 éblouissant, éclatant ; 2 f la-
innocent, naïf. avait allumé, éteint, rallumé les phares et grant, patent. — CONTR. : 1 doux, éteint,
avertin [avrt] n. m. (lat. vertigo, vertige, ne cessait pas d’appuyer sur l’avertisseur terne ; 2 douteux, imperceptible, incertain,
avec attraction de avertir ; 1256, Ald. de (Pourrat). insaisissable.
Sienne). 1. Vx. Maladie qui rend emporté, adj. m. 1. Qui donne un avertissement :
aveugle [avoegl] adj. et n. (du lat. médic.
irascible. 2. Maladie des moutons, appe- Et des bouches s’adressant de loin de petits
*ab oculis, calqué sur le gr. ap’ommatôn,
lée vulgairement tournis. signes avertisseurs (Daudet). 2. Qui
sans yeux ; v. 1050, Vie de saint Alexis,
est destiné à donner un signal : Timbre
avertir [avrtir] v. tr. (lat. pop. *advertire, écrit avogle). 1. Privé de la vue : Peut-être,
avertisseur.
lat. class. advertere ; 1160, Benoît de Sainte- t’appuyant sur un bâton, aveugle boi-
Maure). 1. Avertir quelqu’un de quelque avette [avt] n. f. (mot angevin, du teux, débile, tu t’en iras de porte en porte
chose, que (et l’indicatif), l’informer de lat. pop. *apitta, dimin. de apis, abeille ; raconter ta jeunesse aux petits enfants et
cette chose, lui faire savoir que : Nous nous XVIe s., Ronsard, Baïf, etc.). Class. (déjà aux vendeurs de saumure (Flaubert). Il
aimions trop pour que je ne sois pas avertie vx au XVIIe s.) et littér. Abeille : Déjà la s’agit ici d’un tact qui [...] comme celui
de sa mort (Vercel). Il faut l’avertir qu’un diligente avette | Boit la marjolaine et le de l’aveugle, sent l’obstacle avant le choc
visiteur l’attend. 2. Avertir quelqu’un thym (Viau). La montre de voracité ne sied (Alain). 2. Fig. Qui se refuse à voir la
de (et l’infinitif), attirer son attention sur point aux jeunes dames, qui sont censées réalité ; qui manque de jugement : Nicole

335
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

était aveugle dès qu’il s’agissait de sa mère mation d’un domaine entier et complet par aviateur, trice [avjatoer, -tris] n. (du
(Mauriac). Spécialem. À qui la passion moi-même (Valéry). lat. avis, oiseau ; 1863, La Landelle, comme
enlève la lucidité, la clairvoyance : J’étais • Pl. des AVEUGLES-NÉS, -NÉES. nom ; 1864, comme adj. [appareil avia-
déjà violent, mais d’une violence sombre et teur]). Personne qui appartient au per-
aveugler [avoegle] v. tr. (de aveugle ; v. sonnel volant de l’aviation. Spécialem.
concentrée, aveugle et brutal dans la colère
1050, Vie de saint Alexis, écrit avogler).) Personne qui pilote un avion : C’est le
(Sand).
1. Rendre aveugle, priver de la vue : Elle Christ qui monte au ciel mieux que les
À l’aveugle loc. adv. Class. Aveuglément :
est [...] presque complètement aveuglée par aviateurs | Il détient le record du monde
Jetez tout à l’aveugle dans le sein immense
une double cataracte qui lui fait des pupilles pour la hauteur (Apollinaire). Pilote
de la divine bonté (Bossuet).
laiteuses (Duhamel). 2. Par extens. aviateur, aviateur qui a subi avec succès
En aveugle loc. adv. Sans réflexion, sans
Empêcher momentanément de voir clair : les épreuves du brevet de pilote d’avion
retenue : Agir, juger en aveugle. Puisque
Armand fut aveuglé de confettis ramassés (militaire, tourisme ou transports publics).
après tant d’efforts ma résistance est vaine,
par terre (Aragon). 3. Faire perdre le dis-
| Je me livre en aveugle au transport qui aviation [avjasj] n. f. (du lat. avis,
cernement et la raison : Ô victime, tu sais le
m’entraîne (Racine). oiseau ; 1863, La Landelle). 1. Navigation
sinistre dessein | D’Iahveh m’aveuglant du
adj. 1. Fig. Se dit de toute passion qui aérienne à l’aide d’appareils plus lourds
feu de sa colère (Leconte de Lisle). Il m’a que l’air appelés avions. 2. Ensemble
suit sa propre impulsion au mépris de la
séduit longtemps sans jamais m’aveugler des avions, du personnel servant à leur
raison : Fureur aveugle. Haine aveugle.
(Duhamel). 4. Aveugler une voie d’eau, bord et des installations utilisées pour la
2. Fig. Qui ne connaît pas de limite et
la colmater provisoirement. navigation aérienne : L’aviation française.
refuse toute objection : Confiance aveugle
• SYN.: 2 éblouir ; 3 affoler, égarer ; 4 bou- 3. Technique dont l’objet est l’étude et la
de soi à une fin inconnue (Renan). 3. En
cher, calfater, obstruer, obturer. — CONTR.: construction des avions : Travailler dans
architecture, se dit d’un édifice qui n’a
3 éclairer, guider, illuminer. l’aviation.
pas d’ouvertures, ou dont les ouvertures
sont bouchées : Façade aveugle. Nef s’aveugler v. pr. Manquer de discerne-
avicole [avikl] adj. (du lat. avis, oiseau,
aveugle, nef qui ne reçoit pas de jour ment, ne pas vouloir se rendre à l’évidence : et de colere, élever ; début du XXe s.). Qui
direct et n’est éclairée que par les bas- Elle s’aveugle, elle n’a confiance qu’en elle- concerne l’aviculture : Établissement
côtés. Fenêtre aveugle, fenêtre dessinée même, elle n’admet pas qu’on puisse avoir avicole.
pour la symétrie d’une façade, mais qui d’autres idées (Martin du Gard).
avicule [avikyl] n. f. (lat. avicula, petit
ne s’ouvre pas véritablement. 4. Fam. aveuglette (à l’) [alavoeglt] loc. adv. oiseau ; 1803, Boiste). Petit mollusque dont
Bouillon aveugle, bouillon maigre, qui (de aveugle ; employé comme adv. sous la la coquille ressemble à une queue d’oiseau.
n’a pas d’« yeux ». forme aveuglette du XVe au XVIIe s.). 1. Sans
• SYN.: 2 absolu, entier, total. — CONTR. : aviculteur, trice [avikyltoer, -tris] n.
y voir très clair, à tâtons : Elle passa der-
1 lucide, prudent, raisonnable ; 2 borné, (lat. avis, oiseau, et cultor, qui élève ; 1888,
rière la bauge [...], entra dans le bûcher et
limité. Larousse). Personne qui fait l’élevage d’oi-
disposa son butin, à l’aveuglette, sous les
seaux, en particulier de volailles.
aveuglement [avoeglm] n. m. (de fagots (Duhamel). 2. Fig. Au hasard,
aveugle ; XIIIe s., Job ; le sens pr. subsiste sans avoir les éléments d’information aviculture [avikyltyr] n. f. (du lat. avis,
ou sans réflexion : Je dépense à l’aveu- oiseau, sur le modèle de agriculture ;
jusqu’au XVIIIe s.). 1. Class. Privation de la
vue, cécité : Il [un opéré de la cataracte] glette (Romains). Prendre une décision à 1888, Larousse). Élevage des oiseaux, des
l’aveuglette. volailles.
n’avait eu pendant le temps de son aveu-
glement que des idées faibles des couleurs • SYN. : 1 en aveugle ; 2 aveuglément. — avide [avid] adj. (lat. avidus ; 1470, Livre
(Buffon). 2. Fig. Manque de discerne- CONTR. : 2 lucidement, objectivement, pru- de la discipline d’amour divine). 1. Qui
ment, qui peut aller jusqu’au trouble de demment, sciemment. éprouve un désir ardent de quelque
la raison ; obstination : Sténis persévérait chose : Une agitation remuait la foule
aveulir [avølir] v. tr. (de veule ; 1876,
dans son dessein, avec un aveuglement qui impatiente, avide surtout d’amusements
Daudet). Rendre veule, priver de volonté ;
tenait de près à la folie (Sand). simples (Maupassant) ; et au fig. : Mon
donner une expression veule : Ce refrain
• SYN. : 2 acharnement, entêtement. — oreille avide d’entendre | Les notes d’or de sa
qu’elle aveulissait encore en ralentissant les
CONTR. : 2 discernement, lucidité, objecti- voix tendre (Verlaine). 2. Spécialem. Qui
notes finales (Daudet).
vité, prudence, sagesse. a un désir ardent de nourriture. 3. Qui
• SYN.: affaiblir, amollir, avachir. — CONTR.: exprime un désir ardent : L’enfant jeta sur
aveuglément [avoeglem] adv. (de galvaniser, régénérer, revigorer, vivifier. l’étranger un coup d’oeil avide, puis méfiant
aveugle ; 1555, Pasquier). Sans réflexion ni s’aveulir v. pr. S’amollir ; perdre toute (Martin du Gard). 4. Qui manifeste une
discernement : Il y a une règle à laquelle tu énergie, toute volonté : Insensiblement attention passionnée : Il regardait le spec-
dois t’attacher aveuglément : c’est de n’avoir elle s’aveulissait, ne désirait plus qu’une tacle avec des yeux avides. C’était sur elle
rien de caché pour ta seconde mère ou celle maintenant que Xavier se permettait de
chose, qu’on ne la tirât point de sa langueur
qui a reçu mission de t’élever (Mauriac). concentrer une attention avide (Mauriac).
(Huysmans).
• SYN. : à l’aveuglette, en aveugle ; obs- 5. Qui manifeste de la cupidité, qui est
tinément, passionnément. — CONTR. : aveulissement [avølism] n. m. (de
intéressé : L’avide curée qui se faisait alors
calmement, lucidement, objectivement, aveulir ; 1884, Daudet). Amollissement,
des positions et des honneurs nous éloignait
prudemment, sciemment. affaiblissement de la volonté ; état de celui des sphères d’activité possibles (Nerval).
qui est sans volonté : Cet aveulissement
aveugle-né, e [avoeglne] n. et adj. (de
• SYN. : 1 anxieux de, désireux de, épris
le choquait, l’effrayait comme un danger de, impatient de ; 4 ardent, passionné ; 5
aveugle et de né ; XVIIe s.). Qui est aveugle
(Daudet). âpre, cupide, insatiable, rapace. — CONTR.:
depuis sa naissance et qui n’a jamais vu la
• SYN.: avachissement. — CONTR. : durcis- 1 blasé, détaché, indifférent, insouciant,
lumière : Je ne sais si l’aveugle-né pourrait
sement, régénération, virilité. saturé ; 4 inattentif, indifférent ; 5 désinté-
avoir une notion aussi nette et immédiate
ressé, généreux, large, prodigue.
d’une somme de toutes choses, tant les pro- aviaire [avjr] adj. (du lat. avis, oiseau ;
priétés particulières de la connaissance par 1928, Larousse). Relatif aux oiseaux : La avidement [avidm] adv. (de avide ; 1555,
les yeux me paraissent essentielles à la for- peste aviaire. de la Bouthière, Dict. général).) Avec avi-

336
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

dité : Manger avidement. Lire avidement entreprise d’avilissement (Sartre). Le lâche d’août, les avionnettes des señoritos et les
une lettre. peut ramper [...] | Et payer le repos par l’avi- avions de transport, les courriers (Malraux).
lissement (Leconte de Lisle).
avidité [avidite] n. f. (lat. aviditas ; 1495, avionneur [avjnoer] n. m. (de avion ;
J. de Vignay). 1. Désir ardent et insatiable :
• SYN.: 1 baisse, dépréciation, dévaluation ; 1890, Ader). Constructeur de cellules
Cette même avidité de savoir et de pouvoir 2 abaissement, abjection, déconsidéra-
d’avion (rare).
ne dédaigne pas d’explorer la pénombre tion, dégradation, discrédit, humiliation,
rabaissement. — CONTR.: 1 enchérissement, aviron [avir] n. m. (de l’anc. franç.
intellectuelle, et jusqu’aux ténèbres sus-
hausse, montée, revalorisation ; 2 élévation, avironner, de à et de virer ; 1155, Wace).
pectes où, depuis la plus haute antiquité,
ennoblissement, réhabilitation, relèvement. 1. Rame servant à faire avancer une embar-
l’imagination de bien des hommes place
cation : Quand la fatigue vous faisait incli-
des trésors de puissance et de connais- avilisseur, euse [avilisoer, -øz] adj. et
ner, malgré vous, l’aviron trop lourd, un
sance et suppose des secrets d’importance n. (de avilir ; fin du XVIIIe s.). Littér. Qui
bon coup de botte vous aidait à le redresser
surnaturelle (Valéry). Manifester une avi- avilit ou cherche à avilir : Dans ce livre, il
(Vercel). 2. Pratique du canotage sportif.
dité immodérée de plaisir. 2. Spécialem. [Michelet] s’est fait l’avilisseur des gloires
Désir ardent et insatiable de nourriture :
• REM. Aviron est synonyme de rame,
de la France (Barbey d’Aurevilly).
Les trois vaches, debout et la tête basse, mais les marins emploient plus volontiers
broutaient avec avidité (Maupassant). aviné, e [avine] adj. (part. passé de avi- le premier.
ner ; fin du XIIIe s., Rutebeuf). 1. Imbibé de
3. Désir immodéré de richesse : Palper avis [avi] n. m. (ellipse de la loc. ce m’est
l’or avec avidité. 4. Attention passion- vin : Tonneau aviné. 2. En état d’ivresse :
avis ou vis, du lat. pop. *mihi est visum,
née : Haverkamp écoutait avec avidité et Je n’avais guère au fond rencontré que
lat. class. mihi videtur, il me semble ; 1175,
admiration (Romains). d’honnêtes travailleurs, des pauvres diables
avinés (Nerval). Dans le calme absolu de ce Chr. de Troyes). 1. Manière de voir sur une
• SYN. : 1 âpreté, convoitise, faim, impa- question débattue : Tous ces types passent
quartier, j’entendais devant moi des paroles
tience, passion, soif ; 2 appétit, gloutonnerie, leur temps à [...] reconnaître [...] qu’ils sont
et des rires qui devaient venir de prome-
voracité ; 3 concupiscence, cupidité, rapa- du même avis (Sartre). A mon avis, à ton
neurs à demi avinés qui rentraient (Proust).
cité ; 4 ardeur, curiosité. — CONTR.: 1 déta- avis, etc., d’après ce que je pense, tu penses,
3. Qui indique l’ivresse : Chanter d’une
chement, indifférence ; 2 assouvissement ; etc. : Il ne se sentait pas dans son assiette ;
voix avinée.
3 désintéressement, générosité, largesse, à son avis, c’était le moral qui travaillait
prodigalité ; 4 inattention, indifférence, • SYN.: 2 ivre.
(Camus). Être d’avis de (suivi de l’infini-
insouciance. aviner [avine] v. tr. (de vin ; XIIe s., Reclus tif), que (suivi du subjonctif), penser qu’il
avilir [avilir] v. tr. (de vil ; milieu du XIVe s.). de Moiliens). Imbiber de vin : Aviner une serait opportun de, que : Je suis d’avis de
1. Faire perdre à une chose sa valeur, son cuve. ne pas insister. Vx et fam. M’est avis que,
prestige : Je verrais s’écrouler ma fortune il me semble que : M’est avis qu’il aurait
avion [avj] n. m. (du lat. avis, oiseau ;
avilie (Leconte de Lisle) ; et au fig. : Bien pu l’apprendre ici (Sand). M’est avis que,
1890, Ader). Appareil de navigation
que les lettres soient maintenant avilies, il depuis La Rochefoucauld, et à sa suite,
aérienne plus lourd que l’air, capable de
fut un temps, Monsieur, où elles florissaient se déplacer dans l’atmosphère à l’aide de nous nous sommes fourrés dedans (Gide).
(Musset). 2. Rabaisser moralement, 2. Manière de voir que l’on exprime
moteurs à hélice ou de moteurs à réaction,
rendre indigne d’estime : Ces prêtres [...] et dont la sustentation est assurée par des à quelqu’un pour qu’il y conforme sa
avaient parfaitement les manières déliées conduite, son action : Sur l’avis, ou pour
ailes fixes : L’avion avance-t-il ? Perdu dans
et avilies des courtisans grecs sous le Bas- l’espace qu’il emplit de son bourdonnement mieux dire par l’ordre du général, le père
Empire (Chateaubriand). Magitot retourna chez M. Chauvel (France).
obstiné, il semble être une chose immobile
• SYN. : 1 déprécier, dévaluer, vilipender ; suspendue dans la lumière (Martin du 3. Nouvelle que l’on fait connaître,
2 abaisser, déconsidérer, dégrader, désho- Gard). notamment par voie d’affiche : Avis de
norer, discréditer, flétrir, humilier, ravaler. décès. On avait affiché sur le mur de la
— CONTR.: 1 revaloriser ; 2 élever, ennoblir, avion-cargo [avjkargo] n. m. (de avion mairie un avis de mobilisation générale.
réhabiliter, relever. et de cargo ; milieu du XXe s.). Avion servant Avis au public, en-tête d’une informa-
au transport de matériel. tion placardée sur les murs pour être lue
s’avilir v. pr. 1. Perdre de sa valeur, de son
prix : La monnaie s’est avilie. 2. S’abaisser
• Pl. des AVIONS-CARGOS. par le public. Lettre d’avis, lettre par
en se déshonorant : Les coteries et les laquelle l’administration des chemins de
avion-cible [avjsibl] n. m. (de avion et
cénacles ne laissent le passage libre qu’à fer informe le destinataire d’une marchan-
de cible ; milieu du XXe s.). Avion servant
condition qu’on s’avilisse (Rolland). dise qu’elle est à sa disposition. 4. Littér.
de cible au cours d’exercices de tir aérien.
• SYN.: 1 baisser, se déprécier, se dévaluer, Avertissement : Peu importe d’où vient
• Pl. des AVIONS-CIBLES.
diminuer ; 2 déchoir, se dégrader. — CONTR.: l’avis, pourvu qu’il soit bon (Mérimée).
1 enchérir, hausser, monter, renchérir ; 2 avion-citerne [avjsitrn] n. m. (de Avis au lecteur, sorte de préface qu’un
s’élever, se relever. avion et de citerne ; milieu du XXe s.). Avion auteur met en tête de son livre en guise
utilisé comme transporteur de carburant d’avertissement. Donner avis, signaler
avilissant, e [avilis, -t] adj. (part. et destiné à ravitailler d’autres appareils en brièvement quelque chose à quelqu’un qui
prés. de avilir ; 1761, Voltaire). Qui avilit, vol. (On dit aussi AVION RAVITAILLEUR.) peut être intéressé par l’information : Il
dégrade : Toutes ces précautions eussent voulait donner avis au lieutenant civil de
• Pl. des AVIONS-CITERNES.
semblé bien avilissantes au prince lui-même l’importunité du militaire et de ses menaces
(Stendhal). avion-école [avjekl] n. m. (de avion
(Nerval). 5. Class. Nouvelle reçue : On a
• SYN.: abaissant, dégradant, déshonorant, et de école ; 1928, Larousse). Avion destiné
eu avis de Rome (Acad., 1694). 6. Class.
humiliant, infamant. — CONTR. : digne, à la formation des pilotes.
Moyen proposé pour établir des impôts
ennoblissant, honorable, noble. • Pl. des AVIONS-ÉCOLES.
nouveaux : Enfin c’est un avis d’un gain
avilissement [avilism] n. m. (de avilir, avionnette [avjnt] n. f. (dimin. de inconcevable, | Et que du premier mot on
fin du XVIe s.). 1. Perte de valeur, de prix : avion ; 1928, Larousse). Avion de petites trouverait faisable (Molière).
L’avilissement de la monnaie. 2. Action dimensions : Puis, un à un, insolites, comme • SYN. : 1 appréciation, façon de penser,
d’avilir, de s’avilir moralement ; état d’une des miliciens blessés, apparurent les vieux jugement, opinion, point de vue, sens, sen-
personne avilie : La torture est d’abord une avions qu’on n’avait plus vus depuis le mois timent, vue ; 2 avertissement, conseil, ins-

337
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

truction, mise en garde, recommandation, Fournir à un navire tout ce qui constitue avocassier, ère [avkasje, -r] adj. (de
suggestion ; 3 annonce, communication, son approvisionnement : vivres, combus- avocasser ; milieu du XIXe s.). Fam. et péjor.
communiqué, faire-part ; 4 indication, tible, etc. Qui est le propre des mauvais avocats :
information, notification, préavis ; avant- • SYN.: ravitailler. Cette tranquillité de soldat lorrain dans
propos, avertissement, introduction, pré- les bagarres [...] compense ce qu’a d’ignoble
ambule, préface. avitaminose [avitaminoz] n. f. (de a priv. l’abondance avocassière (Barrès).
et de vitamine ; 1922, Larousse). Maladie
avisé, e [avize] adj. (part. passé de aviser provoquée par une insuffisance de vita- 1. avocat, e [avka, -at] n. (lat. advoca-
2 ; fin du XIIe s.). Se dit d’une personne qui tus [de advocare], celui qui est appelé au
mines. (Syn. MALADIE PAR CARENCE.)
a du jugement et qui agit avec réflexion, secours ; 1160, Benoît de Sainte-Maure).
avec prudence : Il était trop avisé pour ne avivage [aviva] n. m. (de aviver ; début 1. Personne inscrite à un barreau et qui
pas mettre dans son jeu le vieux Iahveh du XVIIIe s.). Action de donner de l’éclat à fait profession de représenter en justice
(France). un objet, de raviver les couleurs : L’avivage les plaideurs qui recourent à ses services :
• SYN. : averti, circonspect, fin, habile, d’une teinte fade. Mon pays était donc cette nation où il
prudent, sagace, sage, sensé. — CONTR. : n’était d’échos que pour la voix des avo-
avivement [avivm] n. m. (de aviver ; v.
étourdi, imprudent, inconsidéré, irréfléchi, cats ! (Giraudoux). Avocat d’office, avo-
1175, Chr. de Troyes). Action d’aviver les
malavisé. cat désigné par le bâtonnier pour plaider
bords d’une cicatrice ou d’une plaie, pour
la cause d’un inculpé admis au bénéfice
avisement [avizm] n. m. (de aviser ; les réunir à l’aide d’une suture.
de l’assistance judiciaire. Avocat géné-
milieu du XIIe s.). Class. (déjà vx au XVIIe s.).
aviver [avive] v. tr. (lat. pop. *advivare, ral, dans certaines juridictions, membre
Qualité, acte d’une personne circonspecte :
de vivus, vif, ardent ; 1119, Ph. de Thaon). du ministère public qui remplace, le cas
Il ne va rien voir, il n’écoute rien, il décide
1. Rendre plus vif, plus ardent : Privé d’air, échéant, les procureurs généraux. Ironiq.
et hasarde tout : nulle prévoyance, nul avi-
le feu aurait dû s’éteindre, mais sans doute Avocat sans causes, ou avocat sous l’orme
sement (Fénelon).
des courants inconnus l’avivaient (Zola). (vx), avocat qui n’a pas de clients : Le jeune
1. aviser [avize] v. tr. (de viser ; v. 1050, Vie 2. Rendre plus éclatant : La promenade avocat sans causes, le jeune médecin sans
de saint Alexis). Apercevoir brusquement avait avivé le teint de leurs visages (Martin clients, sont les deux plus grandes expres-
une personne ou une chose à laquelle on du Gard). Le déjeuner qu’il venait d’achever sions du désespoir décent (Balzac). 2. Fig.
n’avait pas encore prêté attention : J’avisai avivait curieusement la couperose de ses Celui qui intercède pour un autre, ou sefait
une marchande de fleurs et je choisis une à joues (Mauriac). 3. Fig. Rendre plus vif, le défenseur de quelque chose : Il s’est fait
une des roses rouges (Radiguet). plus violent : Nous en parlerons longtemps. l’avocat de tous les malheureux. Avocat
• SYN.: découvrir, distinguer. du diable, dans un procès de canonisa-
Nous ferons de beaux efforts pour aviver
tion, celui qui propose les objections que
2. aviser [avize] v. tr. (de avis ; XIIIe s.). nos souvenirs (Duhamel). Tout ce qu’on lui
l’interlocuteur doit réfuter : Tout le haut
Avertir quelqu’un d’un fait précis : Une disait pour le consoler ne faisait qu’aviver
clergé était là, les cardinaux en robes rouges,
lettre d’elle, m’avisant que je n’eusse plus sa peine. 4. Mettre à nu les parties saines
l’avocat du diable en velours noir (Daudet).
à compter sur ses visites (Courteline). d’une plaie en faisant disparaître les parties
Par extens. Se faire l’avocat du diable,
Spécialem. Dans le commerce, envoyer morbides : Je pourrais décoller les bords
présenter tous les arguments possibles en
une lettre d’avis. de la plaie, les aviver (About). 5. Tailler
faveur d’une cause qu’on juge mauvaise.
• SYN.: apprendre, donner avis, informer, une pièce de bois à vive arête : Aviver une
• SYN. : 1 défenseur ; 2 apôtre, champion,
prévenir. — CONTR. : cacher, taire. poutre. 6. Redonner du brillant à une
intercesseur, tenant.
v. tr. ind. [à, de]. Réfléchir pour décider pierre polie, à une pièce métallique : Aviver
un marbre. 2. avocat [avka] n. m. (esp. avocado, du
de ce que l’on doit faire : Ils avisèrent donc,
le lendemain, à organiser leurs rendez-vous • SYN.: 1 activer, attiser ; 2 accentuer, colo- caraïbe avoka ; fin du XVIIe s., écrit avocate ;
(Flaubert) ; et absol. : Il faut aviser. rer, raviver ; 3 ranimer, réveiller. — CONTR.: avocat, fin du XVIIIe s.,). Fruit de l’avocatier,
1 éteindre ; 2 adoucir, amortir, atténuer, en forme de poire, à la pulpe juteuse et
• SYN. : parer à, pourvoir à, veiller à.
tamiser, ternir ; 3 apaiser, cal-mer, effacer, abondante : La coupe offrira des mangues
s’aviser v. pr. 1. S’aviser de, que, avoir et des avocats (Bordeaux).
l’idée subite de ; prendre conscience que : modérer.
Il s’avisa que rien ne valait de boire frais avocatier [avkatje] n. m. (de avocat 2 ;
avocaillon [avkaj] n. m. (de avocat ;
(Aymé). 2. S’aviser de (et l’infinitif), être fin du XVIIIe s.). Sorte de laurier de l’Amé-
1906, Larousse). Fam. et péjor. Petit avocat
assez audacieux pour : Et puis, avisez-vous rique du Sud, cultivé pour son fruit, l’avo-
sans valeur.
de dire là-bas que la justice ne sait pas son cat, ou poire d’avocat.
métier en Espagne ! (Mérimée). avocasser [avkase] v. intr. (de avocat ; v.
avocatoire [avkatwar] adj. (du lat. avo-
1392, E. Deschamps). Vx et péjor. Exercer la
• SYN. : 1 s’apercevoir, découvrir, remar- care, rappeler de ; XVIIIe s., Dict. général).)
quer, trouver ; 2 s’aventurer à, essayer de, profession d’avocat : Tu esriche, n’avocasse
Lettres avocatoires, lettres par lesquelles
se hasarder à, se mêler de, oser, sepermettre pas, je t’en supplie ! (Hugo).
un souverain rappelait ses sujets résidant
de, se risquer à, tenter de. avocasserie [avkasri] n. f. (de avocas- dans un État étranger.
aviso [avizo] n. m. (de l’esp. barca de ser ; début du XVe s.). 1. Class. et littér. La
avocette [avst] n. f. (ital. avocetta ;
aviso, barque pour porter des avis ; fin du profession d’avocat ; la chicane : Je me jette
1760, Brisson). Échassier du littoral fran-
XVIIIe s.). 1. Vx. Petit navire chargé de por- toujours dans l’avocasserie, et je ferai perdre çais de l’Océan, de la taille d’un faisan, et
ter des avis, des dépêches, de reconnaître autant de procès pour y réussir, qu’un bon dont le long bec est recourbé vers le haut.
les positions ennemies. 2. Petit navire médecin fait perdre de vies avant qu’il en
sauve une (Corbinelli). L’antipathie que avodiré [avdire] n. m. (origine incon-
qui escorte les convois navals.
toute âme un peu bien située se sent pour nue ; 1928, Larousse). Arbre de la Côte-
avitaillement [avitajm] n. m. (de avi- d’Ivoire, du Cameroun et du Congo, dont
cet odieux métier de l’avocasserie (Gautier).
tailler ; XVe s.). Action d’avitailler un navire. le bois, très clair, est utilisé en ébénisterie.
2. Fam. Mauvaise chicane d’avocat : Les
• SYN.: ravitaillement.
finasseries, les avocasseries, les discussions avoine [avwan] n. f. (lat. avena ; XIIe s.,
avitailler [avitaje] v. tr. (de l’anc. franç. d’Euripide [...] sont très sensiblement infé- écrit aveine ; avoine, XVIe s.). 1. Céréale
vitaille, victuailles ; XIIIe s., Godefroy). rieures à Racine (Péguy). dont le grain sert d’aliment aux bêtes de

338
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

somme et aux volailles : À pas lents il errait Avoir un chapeau sur la tête. Un fossé qui il suffit de : Si le meuble vous gêne, il n’y a
[...], longeant les champs de maïs, de seigle, a six mètres de large. 2. Introduit un at- qu’à le déplacer.
d’avoine (Samain). S’emploie au pluriel tribut du complément d’objet : Un oiseau v. auxil. Avoir se construit avec le part.
pour désigner la plante sur pied : Dans le qui a les pieds palmés. Avoir l’oreille fine. passé du verbe pour exprimer l’action
sentier invisible, perdu au milieu des blés 3. Class. Avoir une chose pour (suivi accomplie (v. AUXILIAIRE) : J’ai dit. Il a fait.
et des avoines, une blouse bleue semblait d’un adjectif), la tenir pour, la regarder Ces richesses accumulées appartiennent à
glisser (Maupassant). Folle avoine, sorte comme : Avoir pour suspecte la vertu une petite femme artiste qui, non contente
d’avoine sauvage qui croît dans les champs même (La Bruyère). de les avoir magnifiquement restaurées, les
et les lieux incultes, et dont la graine n’est entretient avec amour (Balzac).
III. EXPRIME L'ÉTATOU LE COMPORTEMENT
pas utilisée : Dans les angles de la cour [...]
D'UN PERSONNE. 1. Entre dans des syn- 2. avoir [avwar] n. m. (infinitif pris
poussaient l’ortie, la folle avoine (Gautier).
tagmes indiquant un état du corps ou une substantiv. ; v. 1050, Vie de saint Alexis).)
2. Le grain de cette céréale : Le docteur
attitude intellectuelle ou morale : Il a un 1. L’ensemble de tout ce que l’on possède :
[...] ordonna de dételer son cheval, puis il
rhume. Avoir la fièvre. Avoir faim, froid. Elle faisait son paquet, serrant bien dans
alla dans l’écurie voir s’il mangeait bien
Avoir peur, envie, pitié, raison. Avoir de une grande serviette son misérable avoir
l’avoine (Flaubert). Balle d’avoine, mem-
l’esprit. 2. Avoir un mot, des paroles, (Aragon). Elle était belle fille et non sans
brane qui enveloppe le grain et qui sert à
etc. (suivi d’un adjectif ou d’un complé- avoir (Sand). 2. Spécialem. Ce que l’on
garnir les matelas et les oreillers des ber-
ment), les prononcer, les dire : Il a eu un possède d’argent : Crois-tu qu’il secontente
ceaux, des lits de jeunes enfants.
mot aimable pour chacun. 3. Avoir un de cent mille francs de dot, une supposition
1. avoir [avwar] v. tr. (lat. habere ; Xe s., geste (suivi d’un adjectif ou d’un complé- que nous donnions tout notre avoir liquide
Cantilène de sainte Eulalie, écrit aveir). ment), le faire : Il a eu un geste désabusé. pour établir notre fille ? (Balzac). 3. En
[V. tableau CONJUGAISONS.] Elle eut un geste de dépit. termes de commerce, partie d’un compte
I. EXPRIME LA POSSESSION.1. Indique la IV. FORME DE NOMBREUSES LOCUTIONS. où l’on porte les sommes que l’on doit à
jouissance, la propriété d’un bien maté- 1. Avoir suivi d’un complément équivaut quelqu’un. Doit et avoir, le passif et l’actif
riel : J’avais moins d’argent que cette parfois à un verbe simple : Avoir un entre- d’une fortune.
grosse Agathe, qui est économe (Balzac). tien avec quelqu’un (= s’entretenir). Avoir • SYN. : 1 bien, possession, propriété,
Il a une maison à la campagne. Fam. une querelle, une dispute avec quelqu’un richesse ; 2 fortune.
Avoir de quoi, posséder de l’argent, être (= se quereller, se disputer). 2. Avoir
avoisinant, e [avwazin, -t] adj. (part.
dans l’aisance. 2. Pouvoir disposer de : à (suivi d’un infinitif), exprime ce qu’il
prés. de avoisiner ; fin du XVIIIe s.). Situé
Il n’a pas assez de place sur son bureau convient à quelqu’un de faire : J’ai en-
dans le voisinage : La rue Tournebride est
pour poser tous les documents. Vous avez core à ajouter ceci... Vous aurez à rendre
claire, mais déserte [...] ; rien ne la distingue
une semaine pour préparer votre rapport. compte de vos actes. N’avoir qu’à (suivi
plus, à cette heure, des rues avoisinantes
Je n’ai pas le temps de lire ce roman. Il d’un infinitif), exprime ce qu’il suffit (Sartre).
a deux secrétaires. 3. Entrer en pos- à quelqu’un de faire : Si tu as besoin de
• SYN. : adjacent, attenant, contigu, limi-
session d’un bien, se procurer quelque quelque chose, tu n’auras qu’à me faire
trophe, proche, voisin. — CONTR. : éloigné,
chose : Ce joli petit bien près de Chinon signe, je m’en occuperai. 3. En avoir
lointain, reculé.
[...], les Trésorières [...] que nous pouvons contre, après, à quelqu’un, avoir quelque
avoir encore pour soixante mille francs chose contre être irrité, plein
quelqu’un, avoisiner [avwazine] v. tr. (de voisin ;
(Balzac). 4. Avoir des enfants, les en- de ressentiment à son égard : Oh ! ce n’est 1555, Pasquier). 1. Être dans le voisinage
gendrer, les mettre au monde : Elle a eu pas à ces maîtres charmants que j’en ai, de : Ils allaient se promener dans les bois
six enfants, mais plusieurs sont morts en mais à la musique dramatique (Gide). qui avoisinent Angoulême et longent la
bas âge. 5. Avoir quelqu’un à (dîner, En avoir assez, se dit de toute chose Charente (Balzac). 2. Fig. Être proche
déjeuner, etc.), le recevoir comme invité pénible qu’on ne peut plus supporter. de, toucher à : Ce nom devenu pour moi
à sa table. Avoir quelqu’un au télé- 4. Class. et littér. Malgré qu’il en ait presque mythologique, quand je causais
phone, s’entretenir avec lui par téléphone. (eût), bien qu’il en ait (eût), en dépit qu’il avec mes parents, je languissais du besoin
6. Fam. Avoir quelqu’un, le duper, avoir en ait (eût),en dépit de ses désirs, de sa de le leur entendre dire, je n’osais pas le
raison de lui : C’est prodigieux, il finit tou- volonté : La plus réservée d’entre elles me prononcer moi-même, mais je les entraînais
jours par m’avoir (Duhamel). J’ai failli me semblait, malgré qu’elle en eût, offerte aux sur des sujets qui avoisinaient Gilberte et
faire avoir ; et pop. : Tu as été bien eu ! caresses (Duhamel). sa famille (Proust). 3. Fig. Être presque
Fam. Avoir une femme, obtenir ses • SYN. : I, 1 détenir, posséder ; 3 acheter, semblable à : Ce savant dont la patience
faveurs. 7. Avoir de quelqu’un, présen- acquérir, obtenir ; 6 attraper (fam.), berner, dans l’observation de la nature avoisine la
ter une certaine ressemblance avec cette faire marcher (fam.), posséder (très fam.), sainteté (Gide).
personne : Mes cheveux flottaient sur refaire (pop.) ; 7 rappeler, ressembler à, tenir • SYN.: 1 jouxter (littér.), toucher à ; 3 confi-
mon cou découvert ; je portais la barbe de. IV, 2 devoir, il est nécessaire, il faut, ner à. — CONTR.: 1 être éloigné.
longue : j’avais du sauvage, du chasseur et il y a lieu.
du missionnaire. On m’invita à une par- avorté, e [avrte] adj. (part. passé de
Il y a loc. impers. 1. Exprime l’exis-
tie de chasse qui devait avoir lieu le len- avorter). Qui n’a pas atteint son plein déve-
tence : Il y a du monde dans la cour. Il y
demain, pour dépister un carcajou (Cha- loppement ; qui a échoué : Dans la nuit
avait une erreur dans ce compte. Sert
teaubriand). Puis il avait de sa mère, qui d’hier, une tornade avortée ; on étouffe ;
parfois simplement à présenter un terme
était Française (Goncourt). on espère en vain une averse (Gide). Quand
de la proposition : Il y a des gens qui n’ont
il vit entrer dans son cabanon le docteur
II. EXPRIME UNE SIMPLE RELATION D'AP- guère le sens du ridicule. Fam. Il y en a
en compagnie du directeur, il regarda sa
PARTENANCE. 1.Indique que le complé- qui, il existe des gens, des choses qui : Il y
tentative comme avortée (Balzac).
ment d’objet est référé au sujet : Cette en a qui se croient toujours plus malins que
• SYN. : infructueux, stérile, vain. —
maison a cinq pièces. Quatre grands les autres. 2. Exprime le temps écoulé
CONTR. : mûr, réussi.
fleuves ayant leurs sources dans les mêmes depuis un certain événement ou le temps
montagnes (Chateaubriand). Il a un fils de depuis lequel dure un état : Il est reparti avortement [avrtm] n. m. (de
dix-huit ans. Ces élèves ont un professeur il y a cinq minutes. Il y a longtemps qu’il avorter ; 1190, Sermons de saint Bernard).
très exigeant. Il a des occupations variées. pleut. 3. Il n’y a qu’à (suivi d’un infinitif) 1. Expulsion spontanée ou provoquée d’un

339
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

foetus avant terme : Il lui arrivait de penser les actes de procédure, mais qui laisse les avulsion [avylsj] n. f. (lat. avulsio, de
que l’avortement de Catherine était une plaidoiries aux avocats. avellere, arracher ; milieu du XIVe s., rare
espèce de révolte contre une société qui exige jusqu’au XIXe s.). Action d’arracher (peu
avouer [avwe] v. tr. (lat. advocare, appeler
des enfants (Nizan). 2. Fig. Insuccès : usité) : L’avulsion d’une dent.
auprès, recourir à ; 1155, Wace ; « recon-
Ce qui l’abattait, c’était l’avortement évi- • SYN.: arrachement, extraction.
naître une faute », à partir du XVIIe s.).
dent de sa tentative sur l’esprit du vicaire
1. Class. (déjà vx au XVIIe s.). Reconnaître avunculaire [avkylr] adj. (du lat.
(Renan).
quelqu’un comme maître ou, récipro- avunculus, oncle maternel ; 1801, Mercier).
• SYN. : 1 fausse couche ; 2 échec, faillite,
quement, comme serviteur : Avouer un Qui a rapport à l’oncle ou à la tante.
fiasco (fam.).
seigneur. Avouer un vassal. 2. Class.
axe [aks] n. m. (lat. axis, essieu ; 1372, J.
avorter [avrte] v. intr. (lat. abortare, de Reconnaître quelqu’un comme sien,
Corbichon). 1. Ligne droite, réelle ou ima-
ab, marquant une déviation, et oriri, naître ; comme ami : Avouer un parent pauvre.
ginaire, passant par le centre d’un corps,
XIIe s.). 1. Expulser un foetus avant qu’il 3. Class. et littér. Approuver ce que
qui peut tourner autour d’elle : Axe de la
n’ait atteint son développement normal, quelqu’un a fait en notre nom, ratifier : Les
Terre. 2. Par extens. Diamètre principal
soit accidentellement, soit par interven- dieux n’avoueront point un combat plein
d’un corps : L’axe du corps humain. Axe
tion : Cette femme a avorté. 2. Ne pas de crimes (Corneille). Ce ne fut qu’un cri
de symétrie d’une figure, ligne telle qu’à
venir à maturité, en parlant de fruits. contre Law [...]. Le Régent eut pitié de lui [...]
chaque point de la figure en correspond
3. Fig. Ne pas atteindre un complet déve- et, pour faire voir qu’il l’avouait de tout, il
un autre symétrique par rapport à cette
loppement, ne pas réussir : Il fut prévenu se montra le soir avec lui à l’Opéra en même
ligne. 3. Pièce servant à articuler une ou
que, s’il nommait Voltaire dans son speech, loge (Michelet). 4. Se reconnaître comme plusieurs autres pièces qui décrivent autour
la quête avorterait (Hugo). l’auteur, le responsable de quelque chose : d’elle un mouvement circulaire : Une
•SYN. : 3 échouer, manquer, rater (fam.). Avouer un ouvrage, une dette. Spécialem. bonne machine est silencieuse. Les masses
— CONTR. : 3 aboutir, réussir. Reconnaître que l’on a fait, dit, pensé
excentrées ne font pas vibrer l’axe (Valéry).
avorteur, euse [avrtoer, -øz] n. (de quelque chose de blâmable : Avouer un 4. Fig. Ligne idéale, jouant le rôle d’un
avorter ; XXe s.). Personne qui provoque mensonge, un crime ; et absol. : Le coupable centre autour duquel gravitent les données
illégalement l’avortement d’une femme a avoué. 5. Reconnaître comme vrai : Il d’un problème : La faim et l’amour sont
enceinte. faut avouer que moi-même j’avais trouvé les deux axes du monde (France). 5. Fig.
mon compte à ces noces presque clandes- Direction générale : Cheminons sans écart
avorton [avrt] n. m. (de avorter ; 1372, tines (Mauriac). dans l’axe de notre sujet (Barrès).
J. Corbichon). 1. Plante ou animal qui n’a
• SYN.: 3 appuyer, couvrir, entériner, sanc- • SYN.: 3 arbre, essieu, pivot ; 4 pôle, prin-
pas atteint un développement normal.
tionner ; 5 admettre, concéder, convenir. cipe ; 5 ligne.
2. Ironiq. et péjor. Tout être chétif et mal
— CONTR. : 3 condamner, désapprouver,
fait : De vieilles mères portant des avortons axer [akse] v. tr. (de axe ; 1562, M. Scève,
désavouer, flétrir ; 4 cacher, se défendre
(Baudelaire). Imaginez un horrible petit au sens de « fixer sur un axe » ; « orienter »,
de, démentir, nier, taire ; 5 contester,
avorton, si petit que c’en était ridicule ; avec 1892, Guérin). 1. Orienter suivant un cer-
disconvenir.
cela disgracieux, sale, mal peigné, mal vêtu, tain axe : L’allée centrale était axée sur la
sentant le ruisseau et, pour que rien ne lui s’avouer v. pr. 1. Confesser à soi-même : Il
tour. 2. Fig. Organiser autour d’un thème
manquât, affreusement bancal (Daudet). n’osait pas s’avouer sa pensée la plus inquié-
principal, d’une idée essentielle : Cette
tante (Alain-Fournier). 2. S’avouer (suivi
• SYN.: gnome, nabot, nain. vaste composition, axée autour d’un carac-
d’un adjectif ou d’un part. passé), se recon-
tère très dessiné (Martin du Gard). Toute
avouable [avwabl] adj. (de avouer ; XIVe s., naître ouvertement... : Clopin Trouillefou
pensée réactionnaire est axée sur le passé,
rare jusqu’au milieu du XIXe s.). Qui peut [...] s’avoua vaincu (Hugo). 3. Class.
on le sait depuis longtemps ; toute pensée
être avoué ; dont on n’a pas à avoir honte : S’avouer de quelqu’un, se recommander
stalinienne, sur un hégélianisme orienté par
Un motif avouable. de lui comme garant : Avouez-vous de moi
un avenir incontrôlable (Malraux).
• SYN. : honnête, honorable. — CONTR. : par tous les coins du monde (Corneille).
• SYN.: 2 centrer, concentrer.
inavouable.
1. avoyer [avwaje] n. m. (forme dialect.
axial, e, aux [aksjal, -o] adj. (de axe ;
1. avoué, e [avwe] adj. (part. passé de suisse de avoué ; 1363, texte de Fribourg,
1877, Littré). 1. Qui sert sert d’axe : Ligne
avouer). Qui est reconnu ouvertement : Il Dict. général). Titre du premier magis-
axiale. 2. Qui est disposé suivant un axe
fit un pas et reconnut Corentin, l’auteur trat de certains cantons suisses : L’avoyer
réel, avoué de la chute de Lucien (Balzac). ou se rapporte à un axe : Éclairage axial.
Schnarnachtal se rua sur le beau duc
Par malheur, les Blafafloires, en raison de (Hugo). axile [aksil] adj. (de axe ; 1697, Verduc,
la minime somme engagée par eux au début sens anat. ; bot., 1827, Acad.). En termes
de l’entreprise, ne touchaient que très peu : 2. avoyer [avwaje]v. tr. (de voie ; XIIe s.).
d’histoire naturelle, qui forme un axe, qui
deux douzièmes sur les revenus avoués et [Conj. 2.] Avoyer une scie, lui donner de
se rapporte à un axe : Filament axile d’une
absolument rien sur les autres (Gide). la voie pour éviter son frottement dans le
cellule, d’un tissu.
trait qu’elle creuse.
• SYN.: admis, connu, déclaré. — CONTR. :
axillaire [aksilr] adj. (lat. axilla, aisselle ;
caché, clandestin, dissimulé, occulte, secret. avril [avril] n. m. (lat. pop. *aprilius, lat. 1541, J. Canappe). 1. Qui a rapport à l’ais-
2. avoué [avwe] n. m. (lat. advocatus, class. aprilis ; 1080, Chanson de Roland). selle : Le creux axillaire. Les vaisseaux axil-
qui est appelé auprès, défenseur ; 1080, 1. Le quatrième mois de l’année : Avril laires. 2. Se dit des organes qui naissent
Chanson de Roland, au sens 1 ; au sens 3, vient, en chantant dans les champs dia- à l’aisselle des feuilles : Bourgeon axillaire.
1790). 1. Personnage dont l’office était de prés, | Ouvrir sous un baiser les bourgeons
empourprés (Baudelaire). Poisson d’avril, axiologie [aksjli] n. f. (gr. axios,
défendre le droit des villes, des communau-
plaisanterie que l’on fait traditionnellement valable, et logos, science, discours ; début
tés, etc. 2. Champion qui, dans un com-
à ses amis le 1er avril. 2. Poét. Printemps, du XXe s.). Science des valeurs, spécialement
bat judiciaire, combattait en champ clos
aube : Là, l’avril de la vie, ailleurs tiède des valeurs morales.
pour les femmes, les enfants. 3. Officier
ministériel chargé de représenter les plai- et splendide, | Ressemble au sombre hiver axiologique [aksjlik] adj. (de axio-
deurs devant les tribunaux de première (Hugo). logie ; début du XXe s.). Qui concerne les
instance et les cours d’appel, de dresser • SYN.: 2 aurore. valeurs morales.

340
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

axiomatique [aksjomatik] adj. (gr. ayant cause [jkoz] n. m. (de avoir et azoté, e [azte] adj. (de azote ; 1826,
axiômatikos, qui parle par axiomes ; de cause ; XIVe s.). Personne à qui les droits Mozin). Qui contient de l’azote : Des ali-
1547, Budé). 1. Qui concerne les axiomes. d’une autre personne ont été transmis. ments azotés.
2. Qui se fonde sur des axiomes. • Pl. des AYANTS CAUSE.
azotémie [aztemi] n. f. (de azote et du
n. f. Système, ensemble d’axiomes qui gr. haima, sang ; 1922, Larousse). Présence,
ayant droit [jdrwa] n. m. (de avoir et
sont à la base d’une science déductive. physiologique ou pathologique, d’azote
de droit ; milieu du XIXe s.). Personne qui a
axiomatisation [aksjomatizasj] n. f. des droits à quelque chose : A votre mort, dans le sang.
(de axiomatiser ; milieu du XXe s.). Action elles [les actions] redeviennent ma propriété azoturie [aztyri] n. f. (de azote et du gr.
d’organiser sous forme axiomatique. ou celle de mes ayants droit (Romains). ouron, urine ; 1866, Larousse). Élimination
axiomatiser [aksjomatize] v. tr. (de • Pl. des AYANTS DROIT. exagérée d’azote par les urines, surtout
axiomatique ; milieu du XXe s.). Élaborer sous forme d’urée.
aye ! interj. V. AÏE.
un système d’axiomes servant de base à aztèque [aztk] adj. (mot mexicain ;
une science déductive. ayuntamiento [ajuntamjnto] n. m.
milieu du XIXe s.). Relatif aux Aztèques,
(mot esp., de ayuntar, réunir ; 1863, Littré).
axiome [aksjom] n. m. (lat. axioma, peuplade de l’ancien Mexique : Les trésors
En Espagne, ensemble des conseillers
du gr. axiôma, estime, puis « principe de la civilisation aztèque.
municipaux d’une ville ; lieu où ils se
évident » ; 1547, Tagault). 1. Vérité qui réunissent. n. m. 1. La langue des Aztèques.
s’impose avec évidence à l’esprit et n’est 2. Péjor. et vx. Individu petit et maigre
• Pl. des AYUNTAMIENTOS.
susceptible d’aucune démonstration. (appellation consécutive à l’exhibition à
2. Par extens. Proposition indiscutée azalée [azale] n. f. (lat. des botanistes aza- Paris, vers 1855, de deux monstres rachi-
admise par tous : Il [V. Hugo] m’apparut lea, du gr. azaleos, desséché ; 1803, Boiste). tiques, présentés comme des Aztèques) :
comme un homme très doux, très puissant, Arbuste exotique cultivé en pleine terre ou Ton fils qu’on ne craint pas d’appeler
toujours maître de lui-même, et appuyé en pot, pour la beauté de ses fleurs roses Aztèque et avorton (Vallès).
sur une sagesse abrégée, faite de quelques ou blanches.
azulejo [azulexo] n. m. (mot esp., de azul,
axiomes irréfutables (Baudelaire). Toute
azerole [azrl] n. f. (esp. acerola ; 1562, Du bleu ; milieu du XIXe s.). Carreau de faïence
littérature qui discute les axiomes éternels
Pinet, écrit azarole ; 1651, N. de Bonnefons). émaillée, originellement de couleur bleue,
est condamnée à ne vivre que d’elle-même
Fruit de l’azerolier, ressemblant à une petite employé en Espagne et au Portugal pour
(Lautréamont). 3. Spécialem. Vérité
cerise jaune : Les fermes jujubes d’un beau les revêtements muraux : Ces magnifiques
admise sans démonstration et qui sert de
vernis d’acajou neuf à côté des pâles azeroles tentures de faïences, dites en Portugal azule-
base à un raisonnement, notamment en
(Daudet). jos (Hugo).
mathématiques. 4. Proposition qui fait
partie d’une axiomatique. azerolier [azrlje] n. m. (de azerole ; azur [azyr] n. m. (lat. médiév. azzurum,
• SYN. : 1 principe ; 2 aphorisme, apoph- 1690, Furetière). Arbuste à fruit jaune, de l’ar. lzaward [du persan lâdjourd,
tegme, maxime, sentence ; 3 postulat. cultivé dans la région méditerranéenne : lapis-lazuli], le l ayant été pris pour un
Une futaie d’aliziers, d’azeroliers, de juju- article ; 1080, Chanson de Roland). 1. Vx.
axiomètre [aksjmtr] n. m. (du gr.
biers (Zola). Très belle substance minérale de cou-
axios, juste, et metron, mesure ; 1782,
leur bleue. Pierre d’azur, lapis-lazuli.
Encycl. méthodique). Indicateur donnant, à azimut [azimyt] n. m. (ar. al- samt, le
2. Verre bleui par l’oxyde de cobalt réduit
distance, la position de la barre d’un navire. droit chemin ; 1544, Apian). 1. Angle d’un
en poudre et servant de colorant : Le bleu
plan vertical avec un autre plan vertical
1. axis [aksis] n. m. (lat. axis, axe ; 1697, d’azur. 3. Par anal. Couleur bleue : Le
choisi pour plan d’origine. 2. Spécialem.
Verduc). Deuxième vertèbre du cou. soleil s’endormait dans un crépuscule écla-
En astronomie, angle du plan vertical d’un
tant d’azur et d’or (Dumas fils). 4. Une
2. axis [aksis] n. m. (lat. axis, n. d’un ani- astre avec le plan méridien du lieu d’obser-
des couleurs du blason. 5. Absol. Le ciel :
mal de l’Inde, dans Pline ; 1542, Du Pinet). vation. Fam. Dans tous les azimuts, dans
La lune brillait au milieu d’un azur sans
Cerf tacheté, originaire du Bengale, ana- toutes les directions.
tache (Chateaubriand).
logue au daim : Le Praho rapide m’emporte
azimutal, e, aux [azimytal, -o] adj. (de
| En bondissant comme l’axis (Leconte de azurage [azyra] n. m. (de azurer ; milieu
azimut ; 1579, H. Estienne). Qui représente
Lisle). du XIXe s.). Blanchiment du linge de la les-
ou qui mesure les azimuts : Cercle azimutal.
sive, obtenu par un rinçage avec une eau
axone [akson] n. m. (du gr. axôn, axe ; Compas azimutal.
préalablement bleuie.
fin du XIXe s.). Prolongement de la cellule
azimuté, e [azimyte] adj. (de azimut ; v.
nerveuse parcouru par l’influx nerveux. azuré, e [azyre] adj. (part. passé de azu-
1935, argot des aviateurs, Esnault). Pop. Se
rer ; XIIIe s., Clef d’amors). De couleur azur :
axonge [aks] n. f. (lat. axungia, graisse dit de quelqu’un qui a « perdu la boussole »,
Tant que vous couvrirez ces brigands de vos
à essieu, de axis, essieu, et ungere, oindre ; qui est fou.
voiles, | Cieux azurés, soleil, étoiles, | Je ne
XIVe s., Antidotaire Nicolas). Graisse fine,
azoïque [azik] adj. (de a priv. et du gr. vous regarderai pas (Hugo). Sur le globe
fondue et préparée, de certains animaux,
zôon, animal ; 1866, Larousse). En zoolo- azuré des eaux (Hugo). Poét. La voûte
particulièrement du porc.
gie, se dit des milieux privés d’animaux ; azurée, le ciel. La plaine azurée, ou les
• SYN.: saindoux. plaines azurées, la mer, la surface des mers.
en paléontologie ou en géologie, se dit des
axonométrie [aksnmetri] n. f. (du gr. terrains privés de fossiles. [azyrm] n. m. (de azu-
azurement
axôn, -onos, axe, et metron, mesure ; milieu rer ; début du XIXe s.). 1. Action d’azu-
azote [azt] n. m. (de a priv. et du gr.
du XXe s.). Représentation conventionnelle rer : L’azurement d’un léger bleu d’empois
zôê, vie : proprem. « qui n’entretient pas la
d’une figure à trois dimensions, utilisée (Goncourt). 2. État de ce qui est azuré :
respiration » ; 1787, Guyton de Morveau).
pour le dessin de vues perspectives sim- Plus loin, dans l’azurement bleuâtre
Corps simple, gazeux, incolore, inodore
plifiées en architecture et en construction
et sans saveur, qui entre, pour les quatre du lointain, on découvrait le coteau de
de machines. Ménilmontant (Gautier).
cinquièmes environ, dans la composition
ay n. m. V. AÏ. de l’air atmosphérique. • SYN.: 2 azur.

341
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

azurer [azyre] v. tr. (de azur ; 1549, R. azurin, e [azyr, -in] adj. (de azur ; 1486, paire ; 1541, Loys Vassée). Se dit de trois
Estienne). 1. Teindre du linge en bleu. Livre des profits champêtres et ruraux). veines qui relient les deux veines caves.
Class. et littér. De la couleur de l’azur :
2. Rendre bleu : Un étang que le ciel dore,
Son bras d’un mouvement adroit | Fend azyme [azim] adj. et n. m. (lat. chrét.
azure, rougit, | Sur le plateau désert s’étale
devant nous l’onde azurine (Saint-Amant). *azymus, du gr. azumos, sans levain ;
et s’élargit (Hugo). 3. Fig. et poét. Rendre Le docteur Pasquier arrêta sur Laurent un
XIIIe s.). Pain azyme, pain sans levain
clair, lumineux et calme comme un ciel regard pâle, azurin (Duhamel).
d’azur : Puis, quand ils ont, pieux, baisé •
employé par les israélites à leur pâque, en
SYN.: bleuté.
toutes les plaies, | Pansé notre douleur, | mémoire de celui qu’avaient consommé
azurite [azyrit] n. f. (de azur ; 1842,
Azuré nos raisons (Hugo). Acad.). Carbonate naturel de cuivre, de leurs ancêtres avant de quitter l’Égypte.

s’azurer v. pr. Devenir bleu : Les arcades couleur bleue. Fête des azymes, fête que les Hébreux
supérieures s’azurèrent doucement, le jour azygos [azigs] adj. et n. f. (du gr. azugos, célébraient tous les ans en mémoire de leur
paraissait (Gautier). non accouplé, de a priv. et de zugos, joug, sortie d’Égypte.

342
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

babeurre [baboer] n. m. (de bas et de 2. Fam. Lèvre d’une personne gour-


beurre ; 1611, Cotgrave). Résidu liquide du mande (emploi limité à quelques loc.) : Cela

b
barattage de la crème dans la fabrication est en effet bien douloureux, dit le Pédant
du beurre. en se pourléchant les babines de sensualité
à ces délices imaginaires (Gautier).
babil [babil] n. m. (de babiller ; 1460,
Villon). 1. Class. et littér. Flux de paroles
• REM. On trouve aussi la forme
b [be] n. m. 1. Deuxième lettre de l’alphabet BABOUINE.
inutiles, légères, parfois agréables : Le babil
français. Fam. En être au « b a ba », en
de l’hôte acheva de lui faire perdre patience babiole [babjl] n. f. (ital. babbola ;
être au début. 2. Consonne occlusive bila-
(Scarron). La double et intarissable parole XVIe s.). 1. Petit objet agréable, sans
biale sonore. (Initial ou intérieur, b se pro-
de l’avocat et de la commère, le bavardage grande valeur : Je commence à m’attacher
nonce toujours [b] ; devant une consonne
et le babil (Hugo). 2. Spécialem. Caquet à des babioles, à une tasse, à une assiette
sourde appartenant à la syllabe suivante, il
des petits enfants : Le babil des enfants et (Duhamel). 2. Chose négligeable : Il dis-
a tendance à s’assourdir obtus [pty] ; en fin
le chant des oiseaux (Hugo). posa de son maître pour des choses qui sont
de mot, il se prononce [sauf dans radoub,
plomb et Doubs] : nabab, snob.) des babioles à Paris, mais qui sont immenses
babilan [babil] n. m. (ital. babilano, sans
au fond des campagnes (Balzac).
doute nom d’un mari impuissant ; 1739,
B.A. [bea] n. f. (abrév. de bonne action ;
Ch. De Brosses). Vx. Homme impuissant : • SYN.: 1 bagatelle, bibelot, colifichet.
début XXe s.). Bonne action, dans le langage
Revenons à nos babilans, c’est ainsi qu’on bâbord [bbr] n. m. (néerl. bakboord,
du scoutisme et des patronages.
appelle, à Gênes, les maris de non-valeur bord du dos, c’est-à-dire « de gauche », car
1. baba [baba] n. m. (mot polon. ; 1767, (De Brosses). le pilote tournait le dos à la gauche ; 1484,
Diderot). Gâteau arrosé de rhum et garni
babilanisme [babilanism] n. m. (de babi- Garcie). Côté gauche d’un navire, quand
de raisins de Corinthe.
lan ; début du XXe s.). Impuissance sexuelle : on est tourné dans le sens de sa marche :
2. baba [baba] adj. invar. (onomatop. ; Faut-il alléguer les textes probants du jour- Laisser le continent à bâbord. Accoster par
1808, d’Hautel). Fam. Étonné à l’extrême : nal [...] pour laver enfin Stendhal du soup- bâbord. Gouverner bâbord amures, gou-
J’en suis resté baba. çon de babilanisme (Martineau). verner avec le vent soufflant de la gauche.
• SYN.: abasourdi, ahuri, ébahi (fam.), épaté • CONTR. : tribord.
babillage [babija] n. m. (de babiller ; fin
(très fam.), estomaqué, interloqué, médusé,
du XVIe s. ; rare jusqu’au XIXe s.). Action de bâbordais [bbrd] n. m. (de bâbord ;
sidéré (fam.), soufflé (fam.), stupéfait. —
babiller : Prodiguant sans fin son babillage 1852, La Chatre). Homme d’équipage
CONTR.: impassible, imperturbable.
moqueur (Hugo). Le babillage des oiseaux. appartenant à la deuxième bordée de
babel [babl] n. f. (de la tour de Babel, • SYN. : bavardage, caquetage, gazouillis, veille (dont les hamacs sont rangés sur la
tour que les descendants de Noé voulurent jacassement. gauche) : Yves était monté avec les bâbordais
élever jusqu’au ciel et dont Dieu arrêta la dans ce désarroi de la mâture (Loti).
construction par la confusion des langues ; babillard, e [babijar, -ard] adj. et n. (de
babiller ; fin du XVe s.). Qui parle beaucoup, babouche [babu] n. f. (ar. bbch, empr.
début du XIXe s.). 1. Lieu où l’on parle un
sans réfléchir : Une servante babillarde. au persan ; 1546, Geoffroy, écrit papouch).
grand nombre de langues différentes : Sur
•SYN.: bavard, prolixe, volubile. — CONTR.: Pantoufle de cuir, sans quartier ni talon,
le sable, tapage, confusion de tous les types,
portée dans les pays arabes ; pantoufle
babel de toutes les langues du Soudan (Loti). muet, réservé, silencieux, taciturne.
analogue, avec talon, utilisée comme
2. Fig. Réunion de choses, ou même de adj. Qui tient du babillage (rare) : Elle [...]
chaussure d’appartement : Il partit en
personnes, formant un ensemble imposant s’entretenait avec lui dans des monologues
traînant majestueusement ses babouches
et confus : Babel d’escaliers et d’arcades | sans fin, pleins de gaietés mélancoliques et
(Chateaubriand). Elle était à peu près nue,
C’était un palais infini | Plein de bassins et de chatteries babillardes (Flaubert).
en robe de chambre rose, avec des babouches
de cascades (Baudelaire). Au centre d’un babillard n. m. Fam. Panneau servant (Sartre).
tapis d’herbe fine, un caroubier mettait à afficher des notes.
comme un écroulement de verdure, une babillarde n. f. (1821, Ansiaume). Arg. babouin [babw] n. m. (mot de la famille
Babel de feuillages dont les ruines se cou- Lettre familière. de babine ; XIIIe s.). 1. Singe cynocéphale
vraient d’une végétation extraordinaire à lèvres proéminentes : Semblable à un
babiller [babije] v. intr. (d’une racine malicieux babouin qui s’apprête à mettre
(Zola).
onomatop. bab, qui se retrouve dans plu- à l’épreuve la mansuétude d’un patient dro-
•REM. Le mot peut s’écrire avec ou sans
sieurs langues européennes ; XIIe s., au madaire (Nerval). 2. Class. Gamin tur-
majuscule dans ses sens dérivés.
sens de « bégayer » ; sens actuel, XIIIe s.). bulent, garnement : Ah ! le petit babouin !
babélique [babelik] adj. (de babel ; début 1. Émettre rapidement des sons mal arti- | Voyez, dit-il, où l’a mis sa sottise ! (La
du XIXe s.). 1. D’une confusion extrême : culés, agréables ou musicaux : Avant de Fontaine).
On entendait le plus « babélique » mélange savoir parler, les enfants babillent comme
d’accents et d’idiomes (Theuriet). 2. Qui les passereaux. 2. Parler abondamment, babouine n. f. V. BABINE.
s’élève à une grande hauteur, énorme : De parfois agréablement, de choses futiles : On babouvisme [babuvism] n. m. (de
massifs autels babéliques, hauts comme des babillait, comme on babille après quarante- Babeuf, n. pr. ; 1840, R. Lahautière).
cathédrales (Hugo). L’indélébile souvenir deux bouteilles de différents vins bues entre Doctrine de Babeuf et de ses disciples,
de cette ouverture de « Tannhäuser », de ce quatorze personnes (Balzac). tendant à établir l’égalité des fortunes
prodigieux et initial résumé de la babélique • SYN. : 1 gazouiller, jaser ; 2 bavarder, par l’application d’une nouvelle loi agraire.
grandeur de ses trois actes (Huysmans). caqueter, jacasser, papoter.
baby [babi ou bebi] n. m. (mot angl. ;
• REM. On trouve aussi la forme
babine [babin] n. f. (de la même onoma- 1841, Balzac). Bébé (appartient au langage
BABÉLESQUE.
top. bab que babiller ; milieu du XVe s.). affecté) : Les babies, les bonnes, les vieilles
babélisme [babelism] n. m. (de babel ; 1. Lèvre pendante de certains animaux, dames à pliants, les mères pauvres, tout le
1866, Larousse). 1. Confusion mons- comme le chien : Les chiens, attachés pour Paris trotte-menu qui vient se mettre à l’abri
trueuse. 2. Dégradation d’une langue, la route, fronçaient encore leurs babines en des voitures dans ces parterres bordés de
due à l’introduction massive de mots arrêt, comme s’ils s’apprêtaient à s’élan- trottoirs, connaissaient le père Stenne et
d’emprunt mal assimilés. cer de nouveau dans les taillis (Daudet). l’adoraient (Daudet).

343
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

• Pl. des BABYS ou des BABIES. baccara [bakara] n. m. (origine incer- bachaga [baaga] n. m. (du turc bach,
adj. Destiné aux jeunes enfants : Un taine ; 1855, Mercure de France). Sorte de tête, et aga, chef ; XIXe s.). Autorité locale,
modèle baby. jeu de cartes où le dix est appelé baccara, et en Algérie et en Tunisie.
qui se joue entre un banquier et des joueurs
babylonien, enne [babilnj, -n] bâchage [ba] n. m. (de bâcher ; XIXe s.).
appelés pontes.
adj. et n. (de Babylone ; XVIIe s.). Relatif à Action de couvrir d’une bâche.
Babylone ou à la Babylonie ; habitant de baccarat [bakara] n. m. (de Baccarat,
bâche [b] n. f. (anc. franç. baschoe, du
n. d’une localité de Meurthe-et-Moselle ;
cette ville ou de cette contrée : Les piliers lat. bascauda, baquet ; 1560, R. Belleau,
monstrueux d’une prodigieuse salle baby- XVIIIe s.). Cristal ou objet en cristal de la
au sens de « filet » ; sens actuel, XVIIIe s.).
manufacture de Baccarat.
lonienne (Hugo). 1. Pièce de tissu imperméable, destinée à
adj. Littér. Qui évoque les vastes propor- bacchanal [bakanal] n. m. (lat. baccha- protéger des intempéries les marchandises,
tions des constructions, des monuments nalis, de Bacchus ; 1559, Amyot). Pop. et vx. les récoltes, etc. : La route était couverte de
de Babylone : Cette générosité-là paraîtra Bruit et désordre joyeux : Tout ce bacchanal camions aux bâches jaunes de poussière
babylonienne (Balzac). Le contraste était avait lieu en l’honneur du César allemand. (Malraux). 2. Petit réservoir conte-
saisissant de ce vacarme énorme et baby- Les batteries [...] nous envoyaient en plein nant l’eau qui alimente une chaudière, ou
lonien (Daudet). leurs volées (Gautier). Personnellement, l’eau aspirée ou refoulée par une pompe.
Déchelette n’était pour rien dans le bac- 3. Caisse à châssis vitré utilisée en jardi-
1. bac [bak] n. m. (probablem. lat. pop. chanal qui grondait chez lui nuit et jour nage : Il traversait tout le jardin pour aller
*baccus, du bas lat. baccarium, vase à vin (Daudet). mettre sur les bâches la couverture de son
ou à eau ; 1160, Benoît de Sainte-Maure). • SYN. : chahut (fam.), charivari, tam-tam lit (Flaubert). 4. Pop. Casquette.
I. Bateau large et plat, aménagé pour le (pop.), tapage, tohu-bohu. • SYN.: 3 châssis.
transport, d’une rive à l’autre d’un cours n. f. pl. (du lat. Bacchanalia, [balt] n. f. (altér., par
bacchanales bachelette
d’eau, des passagers, de leurs bagages, de fêtes de Bacchus ; 1488, Mer des histoires). croisement avec bachelier, de l’anc. franç.
leurs véhicules : En attendant que le pont Fêtes célébrées à Rome en l’honneur de baisselette [v. 1265, J. de Meung], dér. de
soit reconstruit, on a installé près de là Bacchus (parfois repris au sing.) : Un baissele, jeune fille, servante, d’origine
un bac, un de ces immenses radeaux où marbre grec qui aurait pris vie tout à coup obscure ; 1460, Villon). Vx. Jeune fille
l’on embarque les voitures tout attelées, pour quelque bacchanale antique (Loti). gracieuse : Enfant par le sentiment, grave
des chevaux de labour avec leur charrue bacchanale n. f. (XVIIIe s.). Fête désor- par la souffrance, châtelaine et bache-
et des vaches qui arrondissent leurs yeux donnée, dégénérant en débauche et en orgie lette (Balzac). Elle cabriola avec le petit
tranquilles à la vue et au mouvement de bruyante : Un vieil égipan crevé de débauche gars comme une bachelette de quinze ans
l’eau (Daudet). Il fit signe au passeur, dont à la suite d’une bacchanale (Gautier). (Pérochon).
le bac nous porta dans l’île Verte (France). • SYN.: jouvencelle.
bacchant [bak] n. m. (lat. bacchans,
II. 1. Cuve, récipient ayant des usages di- qui célèbre les fêtes de Bacchus ; 1559, 1. bachelier [balje] n. m. (réfection,
vers : Bac d’accumulateurs. Bac à glace, Amyot). Littér. Celui qui célèbre les fêtes de par substitution de suff., de l’anc. franç.
dans un réfrigérateur, récipient où se for- Bacchus ; prêtre de Bacchus (rare) : [Liszt], bacheler, jeune gentilhomme, du lat.
ment les glaçons. 2. Grand réservoir en cher bacchant de la beauté mystérieuse et médiév. *baccalaris ou baccalarius [attesté
usage dans l’industrie. 3. Caisse conte- passionnée (Baudelaire). N’est-ce pas pour au IXe s.], peut-être d’origine gauloise ; fin
nant du sable, de la terre : Bac à oranger. signifier que cette alliance trouvera en lui du XIVe s.). 1. Au Moyen Âge, jeune gen-
• SYN.: II, 1 auge ; 2 bassin, cuve. son prêtre et son bacchant (Montherlant). tilhomme aspirant à être fait chavalier et
servant sous la bannière d’un autre. 2. Vx
2. bac [bak] n. m. (abrév. fam. de bac- bacchante [bakt] n. f. (lat. bacchans,
et dialect. Jeune homme : Un impertinent
calauréat ; fin du XIXe s.). Baccalauréat : qui célèbre les fêtes de Bacchus ; XVIe s.).
bachelier s’avisa un matin, en passant
Passer le bac. 1. Prêtresse de Bacchus : Voici celle qui
devant ses fenêtres... (Sand).
• SYN.: bachot (fam.). n’est point ivre d’eau pure et d’air subtil
[...], la Ménade affolée par le tambour ! au 2. bachelier, ère [balje, -r] n. (même
3. bac [bak] n. m. (de baccara ; 1865, cri perçant du fifre, la Bacchante roidie dans étym. qu’à l’art. précéd.). Titulaire du bac-
Delvau). Vx. Abrév. fam. de BACCARA : le dieu tonnant ! (Claudel). Meriem était calauréat : Eugène [...] partit en vacances
Vers dix heures, les vieux étant partis et de peau ambrée, de chair ferme, de formes après avoir été reçu bachelier ès lettres
les tables de whist désertées, la jeunesse à pleines mais presque enfantines encore, car (Balzac).
son tour s’attabla pour tailler un petit bac elle avait un peu plus de seize ans. Je ne la
bâcher [be] v. tr. (de bâche ; 1752,
(Daudet). Il a encore empoigné une forte puis comparer qu’à quelque bacchante, celle
Trévoux). Couvrir d’une bâche : Bâcher
culotte au bac (France). du vase de Gaète (Gide). 2. Fig. Femme
un camion, une meule de paille.
à qui l’ivresse ou la lubricité fait perdre
bacantes n. f. pl. V. BACCHANTES.
toute réserve. bachi-bouzouk ou bachi-bouzouck
baccalauréat [bakalrea] n. m. (lat. • SYN.: 1 et 2 ménade. [baibuzuk] n. m. (d’un mot turc signif.
médiév. baccalaureatus, de baccalaureus, « mauvaise tête » ; 1863, Baudelaire). Soldat
bacchantes ou bacantes [bakt] n. f. irrégulier de l’ancienne armée turque :
altér., d’après bacca lauri, baie de laurier,
pl. (peut-être de l’allem. Backe, joue ; 1878, Voici les bachi-bouzoucks, non moins sin-
du lat. médiév. baccalarius, jeune gentil-
Larchey). Pop. Moustaches. guliers avec leurs officiers européens, hon-
homme ; 1680, Richelet). Premier grade
universitaire, obtenu après les études baccifère [baksifr] adj. (du lat. bacca, grois ou polonais, dont la physionomie de
secondaires et qui donne le titre de bache- baie, et ferre, porter ; 1562, Du Pinet). Se dit dandies tranche bizarrement sur le carac-
lier : Le diplôme fondamental, chez nous, des plantes qui portent ou qui produisent tère baroquement oriental de leurs soldats
c’est le baccalauréat (Valéry). L’examen des baies. (Baudelaire).
lui-même : Je n’étais encore qu’un lycéen • Pl. des BACHI-BOUZOU(C)KS.
bacciforme [baksifrm] adj. (du lat.
qui passerait son baccalauréat dans un an bacca, baie, et de forme ; 1819, Boiste). Se bachique [baik] adj. (lat. bacchicus ;
(Radiguet). dit, en botanique, de ce qui a la forme et 1490, O. de Saint-Gelais). 1. Qui a rapport
• SYN.: bac (fam.), bachot (fam.). la consistance d’une baie. à Bacchus ou à son culte : Fête bachique.

344
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

2. Qui a rapport au vin ou à l’ivresse : Il bacillurie [basilyri] n. f. (de bacille et du bactérien, enne [bakterj, -n] adj. (de
condamne la musique bachique (Fénelon). gr. ouron, urine ; 1928, Larousse). Présence bactérie ; 1898, Larousse). Qui a rapport
Autour de ces pots se groupaient force de bacilles dans les urines. aux bactéries.
visages bachiques, empourprés de feu et de
backchich n. m. V. BAKCHICH. bactériologie [bakterjli] n. f. (de bac-
vin (Hugo). Chanson bachique, chanson
térie et du gr. logos, science ; fin du XIXe s.).
à boire. Scène bachique, peinture repré- bâclage [bkla] n. m. (de bâcler ; 1751,
Partie de la microbiologie qui traite des
sentant des buveurs. Encyclopédie). Fam. Action de bâcler, de
bactéries.
1. bachot [bao] n. m. (dimin. de bache faire quelque chose vite et sans soin.
• SYN.: bousillage (fam.), sabotage, sabrage bactériologique [bakterjlik] adj.
[mot lyonnais], fém. de bac ; 1539, R.
(fam.). — CONTR.: fignolage (fam.). (de bactériologie ; 1922, Larousse). Qui a
Estienne). Petite barque, petit bac : Le
rapport à la bactériologie : Une analyse
lourd bachot allait sans fin d’une rive à
bâcle [bkl] n. f. (déverbal de bâcler ; bactériologique. Guerre bactériologique,
l’autre, déchargeant dans l’île ses voya-
1866, Larousse). Vx. Pièce de bois ou de guerre qui utiliserait comme arme des
geurs (Maupassant). L’éclusier, pour faire
fer que l’on assujettit derrière une porte, germes pathogènes.
mieux les choses, avait pris son bateau de
une fenêtre, pour la fermer.
service, un large bachot vert repeint de frais bactériologiste [bakterjlist] n.
(Daudet). Devant eux, un bachot que le cou- bâcler [bkle] v. tr. (bas lat. *bacculare, (de bactériologie ; 1895, Année scientif. et
rant berçait au bout de sa chaîne froissait fermer, de baculum, bâton ; 1292, Taille industr.). Spécialiste de bactériologie. (On
les roseaux secs (Martin du Gard). de Paris ; « fermer une porte avec une a dit aussi BACTÉRIOLOGUE.)
barre », 1598, Vigenère ; sens fig., XVIIe s.).
2. bachot [bao] n. m. (abrév. fam. de bactériophage [bakterjfa] n. m. (de
1. Class. Fermer une porte, une fenêtre,
baccalauréat ; milieu du XIXe s.). Fam. bactérie et du gr. phagein, manger ; 1918,
de l’intérieur, avec une bâcle : Nous la
Baccalauréat : Passe tes deux bachots, je Hérelle). Micro-organisme qui se comporte
ne te demande pas autre chose pour l’ins- bâclâmes [la porte] dessus nous (Cyrano).
comme parasite d’une bactérie donnée et
tant (Duhamel). Fam. et péjor. Boîte à 2. Fig. et fam. Exécuter trop vite et peu
provoque sa destruction.
bachot, établissement scolaire spécialisé consciencieusement une action, une tâche :
dans le bachotage. Je sens que ces paysages sont bâclés dans bactériostatique [bakterjstatik] adj.
un atelier, en quelques séances, au grand (de bactérie et de statique ; 1959, Larousse).
1. bachotage [bata] n. m. (de bachot Se dit d’un antibiotique qui empêche la
galop (Huysmans). Bien des choses ont été
1 ; XVIIIe s.). Droit perçu sur les bachots. multiplication des germes.
(passez-moi le mot) bâclées dans la marche
2. bachotage [bata] n. m. (de bachot de l’esprit humain (Renan). bacul [baky] n. m. (pour bat-cul, de battre
2 ; fin du XIXe s.). Fam. Préparation systé- • SYN.: 2 bousiller (fam.), massacrer (fam.), et de cul ; milieu du XVe s.). Large croupière
matique et exclusive du programme d’un saboter, sabrer (fam.). — CONTR. : 2 cise- battant les cuisses, pièce de harnachement
examen, et spécialement du baccalauréat, ler, fignoler (fam.), parfaire, perler, polir, des bêtes de trait.
sans aucun souci de formation de l’esprit. soigner.
badaud, e [bado, -od] n. (provenç.
bachoter [bate] v. intr. (de bachot 2 ; bâcleur, euse [bkloer, -øz] n. (de bâcler ; badau, de badar, regarder bouche bée ;
fin du XIXe s.). Fam. Faire du bachotage 1865, Wey). Fam. Personne qui bâcle les 1532, Rabelais). 1. Class. Personne stupide :
(sens 2). tâches dont elle est chargée. Vous êtes de vrais badauds, dit-il, de faire
1. bachoteur [batoer] n. m. (de bachot • SYN.: bousilleur (fam.), sabreur (fam.). les actions que vous faites pour si peu de
1 ; ordonnance du 23 mars 1735). Batelier chose (Ch. Sorel). 2. Personne qui passe
bacon [bekoen] n. m. (mot angl. signif.
qui conduit un bachot. son temps à flâner, avec une curiosité un
« lard », de l’anc. franç. bacon, flèche de peu niaise pour tous les spectacles de la
2. bachoteur, euse [batoer, -øz] n. (de lard ; repris à la fin du XIXe s.). Lard fumé rue : L’ami dont j’ai fait la rencontre est un
bachot 2 ; fin du XIXe s.). Fam. Candidat, et maigre : Manger des oeufs au bacon.
de ces badauds enracinés (Nerval). Nous
candidate qui bachote.
baconien, enne [beknj, -n] adj. (de nous étions mêlés tous deux aux badauds
bacillaire [basilr] adj. (de bacille ; 1898, Bacon ; 1866, Larousse). Qui est relatif à qui faisaient cercle autour d’une troupe de
Larousse). 1. Qui est produit par un bacille : Francis Bacon ou au baconisme. malheureux bateleurs (Gide).
Maladie bacillaire. 2. Qui contient des • SYN.: 2 flâneur, gobe-mouche.
bacilles. baconisme [beknism] n. m. (de Bacon ;
adj. D’une curiosité un peu niaise : Aussi,
1863, Littré). Nom donné à la philosophie
n. Porteur de bacilles, et notamment de dehors, y avait-il beaucoup de monde.
expérimentale de Francis Bacon.
bacilles de Koch. Le Paris endimanché et badaud, que le
bactéricide [bakterisid] adj. (de bactérie moindre rayon fait sortir en foule pour les
bacille [basil] n. m. (lat. bacillum,
baguette ; 1842, Acad.). Bactérie en forme et du lat. caedere, tuer ; 1906, Larousse). promenades (Zola).
de bâtonnet : Après plusieurs repiquages, Se dit d’un agent capable de tuer les bac-
badaudage [badoda] n. m. (de badaud ;
il a trouvé dans ses cultures du bacille téries : La pénicilline est un antibiotique
1594, Satire Ménippée). Action de badauder
tuberculeux ou du moins un bacille ayant bactéricide.
(rare) : Une envie de badaudage devant les
tous les caractères du bacille tuberculeux bactéridie [bakteridi] n. f. (de bactérie ; étalages (Goncourt).
(Duhamel). Il me tend mon chèque du bout 1878, Larousse). Nom donné à des bactéries • SYN.: flânerie.
des doigts, comme un mouchoir plein de immobiles, dont la plus connue est celle
bacilles (Romains). badauder [badode] v. intr. (de badaud ;
du charbon.
• SYN.: microbe. Furetière, 1690). Flâner par les rues et
bactérie [bakteri] n. f. (lat. médiév. bac- s’attarder à des spectacles futiles : Le
bacilliforme [basilifrm] adj. (de bacille terium, créé en 1838 par Ehrenberg sur le public ordinaire du Jardin des Plantes, ce
et de forme ; milieu du XIXe s.). Qui a la public spécial de gens du peuple, de sol-
gr. baktêria, bâton ; milieu du XIXe s.). Nom
forme d’un bacille, d’une baguette. dats et de bonnes d’enfants qui aiment à
général des microbes unicellulaires, à
bacillose [basiloz] n. f. (de bacille ; 1906, structure très simple, à noyau diffus, géné- badauder devant la grille des cages (Barbey
Larousse). Toute maladie due à un bacille. ralement sans chlorophylle et se reprodui- d’Aurevilly).
Spécialem. Tuberculose pulmonaire. sant par scissiparité. • SYN.: flânocher (fam.), musarder, muser.

345
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

badauderie [badodri] n. f. (de badaud ; dos du malade avec de la teinture d’iode Celui-ci badinait avec une canne délicieuse-
1547, N. du Fail). 1. Caractère du badaud : (Rolland). ment montée. Celui-là portait une chemise
Comme les affaires étaient suspendues, l’in- à poignets retenus par de mignons boutons
badigeonneur [badinoer] n. m. (de
quiétude et la badauderie poussaient tout le d’or (Balzac). 4. Vx. Flotter au vent, en
badigeonner ; 1820, Laveaux). 1. Ouvrier
monde hors de chez soi (Flaubert). Le bruit parlant d’une toilette, d’un tissu : Elles
peintre qui badigeonne. 2. Péjor. Mauvais
ayant couru qu’on verrait des actrices, des s’enveloppent le visage de vieilles dentelles
peintre (vieilli).
gens célèbres, de loin la badauderie pari- qui ne veulent plus badiner le long des joues
sienne mettait des noms sur des visages badigoinces [badigws] n. f. pl. (origine (Balzac).
reconnus, se groupant et causant devant obscure ; 1538, Rabelais). Pop. Lèvres : • SYN.: 2 s’amuser, blaguer (fam.), plaisan-
l’église (Daudet). 2. Action, propos de Pourléchant ses grosses badigoinces ter, rire ; 3 jouer.
badaud : Perdre son temps en badauderies. (Richepin). Se coller quelque chose dans v. tr. Vx. Plaisanter, taquiner quelqu’un
les badigoinces, manger.
• SYN.: 2 flânerie, musardise. sans méchanceté : Il se dit que Marguerite
• SYN.: babines. l’avait badiné, pour obtenir son consente-
baderne [badrn] n. f. (origine obscure ;
1. badin, e [bad, -in] adj. et n. (mot ment (Chérau).
se retrouve en ital., en esp. [baderna] ; 1773,
Bourdé, au sens de « objet de rebut » ; sens provenç. signif. « sot », de badar, regarder badinerie [badinri] n. f. (de badiner ;
bouche bée ; 1478, Coquillart). 1. Class. début du XVIe s.). 1. Class. Chose folle ou
fig., XIXe s.). 1. Tresse de vieux cordages.
D’une sottise ridicule : Moi, jaloux ? Dieu niaise : Si j’appréhende quelque chose,
2. Fam. et péjor. Vieille baderne, ou
m’en garde, et d’être assez badin | Pour c’est que des personnes un peu sérieuses ne
simplem. baderne, homme âgé et d’esprit
m’aller emmaigrir avec un tel chagrin traitent de badineries le procès du chien
borné (souvent appliqué à un vieux mili-
(Molière). 2. Qui est d’humeur enjouée et les extravagances du juge (Racine).
taire) : Ou ton père n’est que la dernière
et aime à plaisanter : Mon père était, à son 2. Littér. Action ou parole badine : Dire
des badernes, ou notre fortune est faite
ordinaire, ironique, badin, fuyant, insai- des badineries.
(Miomandre).
sissable (Duhamel).
badge [bad] n. m. (mot angl. signif. badminton [badmintn] n. m. (mot
adj. Qui a un caractère de plaisanterie
insigne ; début du XXe s.). Dans le scoutisme, angl. ; 1928, Larousse). Sport rappelant le
légère et enjouée : Un ton badin. Ces réci-
insigne attestant la réussite à une épreuve tennis et consistant à se renvoyer un volant
tations [... qu’il entrecoupait de réflexions
de spécialisation. par-dessus un filet, à l’aide de raquettes.
badines (France).

badiane [badjan] n. f. (du persan bâdyân,


• SYN. : amusant, folâtre, léger, plaisant, baffe [bf] n. f. (d’une racine onomatop.
anis ; 1681, Thévenot). Arbuste du Tonkin, spirituel. — CONTR.: grave, sérieux, sévère, baf ; 1750, Vadé). Pop. Gifle : Je lui ai laissé
sombre. tomber une telle baffe qu’on l’a ramassée
dont le fruit, appelé « anis étoilé », est uti-
sous le comptoir pas plus épaisse qu’un
lisé en pharmacie et dans la fabrication des 2. badin [bad] n. m. (du n. de l’inven-
paillasson (Dorgelès).
boissons anisées. teur ; 1949, Larousse). Appareil utilisé pour
• SYN. : calotte (fam.), claque, mornif le
[badi] n. m. (origine incon- mesurer la vitesse d’un avion.
badigeon (fam.), soufflet.
nue ; 1676, Félibien). 1. Enduit à base de badinage [badina] n. m. (de badiner ; • REM. On trouve aussi la forme BAFFRE :
chaux, utilisé pour le revêtement des murs 1541, Calvin). 1. Class. Sottise : Que de L’accoucheuse lui a lancé une baffre, vlan !
extérieurs. Par extens. Couche de pein- sottes façons et que de badinage ! (Molière). (Zola).
ture rapidement passée, pour donner un 2. Le fait de badiner. 3. Paroles ou écrit
aspect de neuf : Les murs, au badigeon de ton badin : Imitons de Marot l’élégant baffle [bfl] n. m. (mot angl. ; milieu du
morose, laissaient toujours, de-ci de-là, badinage (Boileau). XXe s.). Dispositif de couplage d’un haut-
suinter une larme de café (Duhamel). • SYN. : 2 badinerie, jeu, marivaudage, parleur, assurant la séparation entre les
Donner un badigeon. 2. Fig. Se dit de ce plaisanterie. rayonnements acoustiques des deux faces
qui est superficiel : Seulement, c’est ce badi- du diaphragme.
badine [badin] n. f. (déverbal de badiner ;
geon de savoir qui est terrible. Il veut avoir bafouage [bafwa] n. m. (de bafouer ;
1781, Correspondance littér.). 1. Baguette
une intelligence ouverte [...], ouverte à toutes milieu du XIXe s.). Action, manière de
mince et flexible : Une badine d’osier.
les choses qu’il ne comprend pas (Proust). bafouer : Ce n’étaient plus alors les para-
2. Canne souple et légère : Eh ! bien,
• SYN.: 2 façade, teinture, vernis. nous verrons, dit le beau Moëssard, dont doxales mystifications d’Edgar Poe ; c’était
la badine fendit l’air avec un sifflement de un bafouage d’un comique lugubre, tel qu’en
badigeonnage [badina] n. m. (de
vipère (Daudet). Une badine à pommeau ragea Swift (Huysmans).
badigeonner ; 1820, Laveaux). Action de
d’argent. • SYN.: persiflage, raillerie, sarcasme.
badigeonner ; résultat de cette action (sou-
vent avec une nuance péjor.) : Que dirait un badines n. f. pl. (1743, Trévoux). Vx. bafouer [bafwe] v. tr. (du provenç. bafar,
sous-chantre du seizième siècle, en voyant Pincettes légères, à l’usage des serruriers, se moquer de ; 1532, Rabelais). Tourner en
le beau badigeonnage jaune (Hugo). des taillandiers. ridicule, avec une intention outrageante :
badinement [badinm] adv. (de badin ; Olier croit bien faire en bafouant la nature
badigeonner [badine] v. tr. (de badi-
1611, Cotgrave). Class. Sottement : Fallot humaine (Renan). Mari bafoué, mari
geon ; 1701, Furetière). 1. Revêtir d’une
jésuite qui vous a si badinement pensé tenter trompé.
couche de badigeon : Les murs [...] étaient
(Chapelain). • SYN.: berner, ridiculiser.
badigeonnés d’une teinte plate à la détrempe
(Gautier). Un cloître gothique et un char- badiner [badine] v. intr. (de badin ; bafouillage [bafuja] n. m. (de bafouil-
mant portail de la Renaissance sottement 1549, R. Estienne). 1. Échanger des pro- ler ; 1906, Larousse). 1. Fam. Action de
badigeonnés (Hugo). Les murs étaient blan- pos légers, en plaisantant : Je ne faisais bafouiller : Didier dépassait les bornes de
chis dans leur partie haute et badigeonnés que badiner. 2. Agir sans prendre les toutes les convenances, dans le bafouillage
de goudron noir jusqu’à deux mètres du choses au sérieux : On ne badine pas et dans l’égarement (Duhamel). 2. Fam.
sol (Martin du Gard). 2. Spécialem. avec l’amour (Musset). Ne pas badiner Exposé confus ; texte obscur et décousu : Le
Enduire une partie du corps d’une prépa- (sur), n’admettre aucune fantaisie (dans) : bafouillage hautain de Barbey d’Aurevilly
ration pharmaceutique : Le médecin [...] Le Directoire ne badine pas sur l’article (Renard).
avait chargé Christophe de badigeonner le obéissance (Vigny). 3. Agiter par jeu : • SYN.: 1 bredouillage.

346
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

bafouille [bafuj] n. f. (déverbal de bafouil- le plus souvent au pluriel pour désigner • SYN. : 1 s’affronter, en découdre, lutter ;
ler ; 1916, Esnault). Pop. Lettre. valises, sacs, mallettes, etc. : Préparer 2 batailler, rivaliser.
• SYN.: babillarde (pop.). ses bagages. Bagages à main, ceux que
bagarreur, euse [bagaroer, -øz] n. et adj.
le voyageur conserve avec lui. 2. Fig.
bafouiller [bafuje] v. intr. (peut-être du (de bagarrer ; début du XXe s.). Qui a le goût
Ensemble des connaissances acquises par
lyonnais barfouiller, barboter, parler mal et l’expérience de la bagarre : Son collègue,
quelqu’un : [La mémoire] appartient géné-
[1810, Molard], réfection, d’après barbouil- musclé, s’y lançait en bagarreur (Hamp).
ralement aux esprits lourds, qu’elle rend
ler, d’un dérivé de fouiller ; 1870, Esnault). • SYN.: batailleur, belliqueux, combatif. —
plus pesants par le bagage dont elle les
Fam. S’exprimer de façon embarrassée, à CONTR. : accommodant, calme, conciliant,
surcharge (Chateaubriand). 3. Ensemble
peine compréhensible : Ma langue com- pacifique.
des productions d’un écrivain ou d’un
mençait à devenir lourde, incertaine, et, 1. bagasse [bagas] n. f. (esp. bagazo,
artiste : Son bagage [d’Hégésippe Moreau]
comme me disaient ces jeunes gens dans marc ; 1724, Labat). Résidu de la canne à
n’est pas lourd, mais la légèreté même de
leur langage un peu libre : « Mon oncle, sucre dont on a extrait le jus.
ce bagage lui a permis d’arriver plus vite
vous bafouillez » (Daudet). Mais, pris par les
à la gloire (Baudelaire). Allons donc ! il 2. bagasse ou bagace [bagas] n. f.
nerfs, il termina en bafouillant (Malraux).
n’a pas de bagage suffisant, répondit M. (provenç. bagassa, prostituée ; XVIe s.,
v. tr. Dire en bredouillant : Bafouiller des
Bloch le père, qui ne semblait pas avoir Brantôme). Class. et littér. Femme de
excuses, un remerciement.
pour l’Académie le mépris de son fils et de mauvaise vie : On n’entend que ces mots :
• SYN.: bredouiller, marmonner. ses filles (Proust). 4. Class. Équipement, chienne, louve, bagace (Molière). Je me
bafouilleur, euse [bafujoer, -øz] n. et autre que les armes, de ceux qui sont à défiais bien de cette grande bagasse de
adj. (de bafouiller ; 1906, Larousse). Fam. la guerre : Il n’oublie pas l’artillerie ni le fille, mais, depuis ce matin, je la méprise
Qui bafouille : Il n’était plus narquois, bagage (La Bruyère). Fig. Partir avec (Balzac).
alors, mais un peu lamentable et même armes et bagages, en emportant tout avec bagasse ! interj. Juron provençal.
un peu bafouilleur (Duhamel). soi. Plier bagage(s), ranger son matériel
bagatelle [bagatl] n. f. (ital. bagatella,
• SYN.: bredouilleur. avant de quitter un lieu : Il commence à
tour de bateleur, du lat. baca, baie ; 1547, N.
pleuvoir, il est temps de plier bagages ; et
bâfre [bfr] n. f. (déverbal de bâfrer ; du Fail). 1. Objet, chose ou oeuvre de peu
fam., mourir : Le bonhomme n’avait point
1863, Littré). 1. Pop. Action de manger de valeur ou sans importance : L’argent
encore plié bagage, que Charles était installé
goulûment. 2. Pop. Repas abondant et n’est pour moi qu’une bagatelle (France).
en face (Flaubert).
peu délicat. Il peignait d’exquises bagatelles (Sartre).
• SYN. : 1 affaires, attirail (fam.), barda 2. Class. Petite production littéraire ou
• REM. On trouve aussi BÂFRÉE (1866,
(pop.), équipement, fourbi (pop.) ; 2 savoir, musicale : J’avais résolu de ne consentir à
Larousse).
science. l’impression de ces Contes qu’après que
bâfrer [bfre] v. intr. et tr. (de l’ono- j’y pouvais joindre ceux de Boccace [...]
bagagiste [bagaist] n. m. (de bagage ;
matop. baf [bruit de langue] ; 1507, Éloy mais quelques personnes m’ont conseillé
1922, Larousse). Employé d’un hôtel, d’une
d’Amerval, écrit baufrer ; bauffrer, 1532, de donner dès à présent ce qui me reste de
entreprise de transport, chargé de la manu-
Rabelais ; bâfrer, 1740, Acad.). Pop. Manger ces bagatelles (La Fontaine). 3. Action
tention des bagages des voyageurs : « Non,
goulûment : Attablés devant un festin de négligeable, faute vénielle : Ce n’est qu’une
ça je m’en charge moi-même », dit-il au
victuailles [...], bâfrant, buvant à longs bagatelle. L’amende et la prison ne sont pas
bagagiste qui s’emparait déjà de la serviette
traits (Gide). Ils avaient renvoyé la vieille des bagatelles (Courier). 4. Occupation
jaune, posée près de la porte sur la chaise
et enfermé la petite, pour bâfrer leur lapin futile : S’amuser à des bagatelles.
(Martin du Gard). Quand Fontane descen-
(Zola). 5. Somme minime, et, par antiphrase,
dit [de l’avion], escorté de bagagistes avides,
• SYN.: bouffer (pop.), brifer (pop.), s’empi- somme importante : Sa voiture lui coûte
empressés, Lolita était déjà en conversation
frer (fam.), goinfrer (fam.). la bagatelle de trois millions. 6. Class.
avec Teresa (Maurois).
Frivolité : Le commun des hommes est si
bâfrerie [bfrri] n. f. (de bâfrer ; 1866,
bagarre [bagar] n. f. (provenç. bagarro, enclin au dérèglement et à la bagatelle
Larousse). Pop. Action de bâfrer : Cette
tumulte ; 1628, Ch. Sorel). 1. Violent (La Bruyère). 7. La bagatelle, les aven-
bâfrerie continuelle ne lui paraît pas très
désordre, mêlée confuse où des coups tures galantes : Avoir un penchant pour la
éloignée de ce qu’il détestait le plus chez les
sont échangés : Gesril était fou des plaisirs bagatelle. Ce qu’il sied, particulièrement ici,
bourgeois d’avant guerre (Romains).
de cohue et jubilait au milieu des bagarres d’appeler la bagatelle comptait peu pour le
bâfreur, euse [bfroer, -øz] n. (de bâfrer ; d’enfants (Chateaubriand). La bagarre était jeune Philippe (Hermant).
1740, Acad. ; au XVIe s., var. bauffreur). Pop. localisée, mais violente : les visages semena- • SYN. : 1 babiole, bibelot, bricole (fam.),
Personne qui a l’habitude de bâfrer : Sa face çaient, les poings étaient tendus (Martin du colifichet ; 4 enfantillage, fadaise, futilité,
congestionnée de terrien buveur, bâfreur et Gard). 2. Par extens. et fam. Vive concur- niaiserie, rien.
coureur de bois (Lecomte). rence commerciale ; compétition sportive
bagnard [baar] n. m. (de bagne ; fin
chaudement disputée ; luttes politiques,
bagace n. f. V. BAGASSE2. du XIXe s.). 1. Celui qui était au bagne, à
sociales, etc. : Se lancer dans la bagarre.
la suite d’une condamnation aux travaux
bagage [baga] n. m. (de l’anc. franç. •SYN. : 1 échauffourée, rixe ; 2 bataille, forcés. 2. Fig. Celui qui est contraint à
bagues, issu de l’angl. bag ou du scand. mêlée. des travaux inhumains : Mener une vie de
baggi, paquet ; 1265, Br. Latini, au sens
bagarrer [bagare] v. intr. (de bagarre ; bagnard.
de « matériel d’une armée »). 1. Ensemble
début du s.). Fam. Prendre part à une • SYN.: 1 forçat ; 2 galérien.
des affaires, des objets qu’emporte un XXe

voyageur : J’avais loué à Cordoue un bagarre. bagne [ba] n. m. (ital. bagno, bain,
guide et deux chevaux et m’étais mis en se bagarrer v. pr. 1. Fam. Se battre : Il y d’après un établissement de bains où l’on
campagne avec les « Commentaires » a deux ivrognes qui se bagarrent de l’autre détenait, à Constantinople, les chrétiens
de César et quelques chemises pour tout côté de la rue. On pourrait l’envoyer les destinés aux galères ; de même, dès 1540, les
bagage (Mérimée). Il regagna la chambre séparer (Montherlant). 2. Fam. Lutter caves-prisons, situées au-dessous du niveau
où se trouvait son bagage, s’assit sur une chaudement pour une cause, dans une de la mer, de la forteresse de Livourne ; 1667,
des valises (Duhamel). Auj., s’emploie compétition, etc. Fournier). 1. Lieu où étaient enfermés les

347
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

forçats, dans les ports de guerre (Brest, « Vous ne répondez rien, mon cher abbé » 2. baguer [bage] v. tr. (de l’anc. franç.
Rochefort, Toulon), après la suppression (France). 2. Anneau fixé à la patte d’un baguer, attacher ; XVe s.). Fixer l’un à l’autre
des galères. 2. Établissement péniten- oiseau pour l’identifier. 3. En mécanique, par des points allongés, invisibles à l’en-
tiaire où était subie la peine des travaux pièce cylindrique passée autour d’un axe. droit, deux doubles d’étoffe.
forcés ou de la transportation. 3. Par 4. Moulure circulaire divisant horizon-
baguette [bagt] n. f. (ital. bachetta,
extens. La peine des travaux forcés : Katow, talement le fût d’une colonne. 5. Jeu de
condamné à cinq ans de bagne, en 1905 dimin. de bacchio, du lat. baculum, bâton ;
bagues, jeu dans lequel un cavalier devait
(Malraux). 4. Fig. Entreprise, maison où 1510, Carloix). 1. Mince tige de bois ou
enlever, au galop, avec sa lance, des
d’une autre matière, servant à des usages
les conditions de travail et de vie sont très anneaux suspendus ; jeu dans lequel on
pénibles : Elle regrette son bagne de la rue très divers. Baguette de chef d’orchestre,
lance des anneaux sur une tige verticale
du Cherche-Midi (Daudet). bâton avec lequel il dirige l’ensemble des
pour les y enfiler : Des tas de faubouriens
musiciens, des chanteurs. Baguette de
• SYN.: 2 pénitencier ; 4 enfer, galère. endimanchés [...] jouaient aux bagues
fusil, tige de bois, de métal qui servait
bagnole [bal] n. f. (de banne, tom- (Hugo).
jadis à presser la charge dans le canon et
bereau [lat. benna, peut-être d’origine qui sert maintenant à nettoyer le canon.
baguenaudage [bagnoda] n. m. (de
celt.], avec une finale due à l’influence Baguettes de tambour, les deux petits
baguenauder ; XVIIIe s.). Action de bague-
de carriole ; milieu du XIXe s., au sens de bâtons courts avec lesquels on bat le tam-
nauder : Il ne reste que les maussaderies, les
« mauvaise voiture »). 1. Pop. Vieille voiture bour. Fam. Des cheveux en baguettes
tristes nécessités, le baguenaudage ; voilà à
automobile. 2. Par extens. et pop. Toute
quoi se passe la vie (Mme d’Épinay). de tambour, des cheveux raides. Passer
automobile : La bagnole s’est fichue en l’air,
par les baguettes, dans l’armée de l’Ancien
juste à temps (Bernanos). Moi, j’aurai ma baguenaude [bagnod] n. f. (du provenç.
Régime, subir la peine des baguettes, qui
bagnole avant quinze jours, ma bagnole à baganaudo, sans doute du lat. baca, baie ;
consistait à faire passer le patient entre
moi ! (Duhamel). La bagnole a rudement 1389, A. Chartier). 1. Fruit du baguenau-
deux rangs de soldats, qui le frappaient
bien marché (Genevoix). dier, gousse pleine d’air éclatant avec bruit.
avec des baguettes de fusil : [Candide] se
• SYN.: 1 clou (fam.), tacot (pop.). 2. Fig. et vx. Passe-temps stérile.
détermina [...] à passer trente-six fois par les
bagnolet [bal] n. m. (même ori- baguenauder [bagnode] v. intr. (de baguettes (Voltaire). Mener à la baguette,
gine que bagnole, chapeau ridicule [1866, baguenaude ; XVe s., Godefroy). Class. conduire avec une autorité toute militaire :
Delvau] ; 1866, Larousse). Ancienne coif- et littér. Perdre son temps à des choses Madame [...] mène à la baguette toute la
fure de femme : Une sorte de capulet de per- futiles, frivoles (mot considéré comme bas maisonnée (Monnier). Vous allez avoir
cale qu’on nomme dans le pays un bagnolet par l’Acad., 1694) : Encore ils [les dialec- l’étude des petits, des gamins qu’on mène
(Theuriet). ticiens] ne baguenaudent pas de si bonne à la baguette (Daudet). 2. Baguette divi-
• REM. On trouve aussi BAGNOLETTE, n. f. grâce (Malherbe). Il s’en allait, rêvant et natoire, baguette de sourcier, tige souple, le
(1726, le Mercure de France), même sens. baguenaudant par les prés (Sand). Chaque plus souvent de coudrier, que le sourcier
soir il allait baguenauder avec des copains utilise dans ses recherches. Baguette
bagoter [bagte] v. intr. (origine obs-
cure ; 1910, Esnault). 1. Arg. mil. Faire des (Dabit). Était-ce raisonnable et logique d’al- magique, baguette de fée, d’enchanteur, etc.,
exercices, des marches, en parlant des sol- ler ainsi baguenauder à droite et à gauche baguette des magiciens et des fées, avec
dats : Est-ce qu’ils croient qu’on a besoin de (Duhamel). laquelle ils accomplissent leurs prodiges :
s’entraîner, depuis le temps qu’on bagote ? se baguenauder v. pr. Pop. Se promener Le vieil hôtel silencieux, avec les volets de
(Dorgelès). 2. Par extens. et pop. Courir. sans but, flâner. ses balcons toujours clos, sa grande porte
toujours ouverte, avait l’air endormi depuis
bagou ou bagout [bagu] n. m. (déverbal • SYN.: flânocher (fam.), galvauder, musar-
des siècles sous la baguette d’un enchanteur
de bagouler [XVe-XVIIIe s.], parler inconsi- der, muser, traîner (pop.).
(Daudet). Coup de baguette, action, fait
dérément ; XVIe s., écrit bagos, Godefroy ; [bagnodri] n. f. (de
baguenauderie qui s’accomplit sans difficulté et dans des
bagou, fin du XVIIIe s.). Fam. Grande facilité
baguenauder ; milieu du XVIe s.). 1. Action conditions apparemment surnaturelles :
à parler, qui se traduit en un bavardage
de baguenauder. 2. Class. Chose frivole : Le coup de baguette de la Restauration
abondant et banal, souvent prétentieux :
Je m’amuse à vous conter ces baguenaude- s’accomplissait avec une rapidité qui stu-
Avoir du bagou, un bagou infernal. Un
ries (Malherbe). péfiait les enfants élevés sous le régime
grand enfant en somme, faible et mala-
impérial (Balzac). 3. Moulure utilisée
dif, que Rochefort aimait pour son bagout 1. baguenaudier [bagnodje] n. m. (de
comme ornement en architecture, pein-
canaille, spirituellement faubourien baguenaude ; 1547, Calvin). Arbuste du
ture murale, ameublement. Spécialem.
(Daudet). Il n’était pas méchant diable [...]. Languedoc à feuilles purgatives, et dont
Avec cela une adresse et une effronterie de Baguette électrique, moulure de bois dans
les fruits sont renflés en forme de vessie.
singe, une drôlerie gouailleuse d’ouvrier laquelle on dissimule les fils électriques.
2. baguenaudier [bagnodje] adj. et n. 4. Pain de 300 g, de forme allongée.
parisien pleine de bagou (Zola).
m. (de baguenauder ; XVIe s., Godefroy).
• SYN.: faconde, loquacité, verbiage, verve, baguier [bagje] n. m. (de bague ; 1690,
Qui aime à baguenauder.
volubilité. Furetière). 1. Coffret à bagues, à bijoux,
3. baguenaudier [bagnodje] n. m. (pro- souvent lui-même objet d’art. 2. Série
baguage [baga] n. m. (de baguer ; 1842,
bablem. d’une contamination entre [jeu d’anneaux numérotés dont les bijoutiers se
Acad.). Action de baguer : Le baguage d’un
oiseau pour l’identifier. de] bagues et baguenauder ; 1762, Acad.). servent pour prendre la mesure des doigts.
Sorte de jeu d’anneaux : Le baron de Vinols
bague [bag] n. f. (néerl. bagge, anneau [cf. bah ! [b] interj. (onomatop. ; XVIIIe s.).
s’évertue seul au baguenaudier (Benoit).
allem. biegen, courber] ; 1360, Froissart). Exprime l’étonnement ou l’indifférence :
1. Anneau porté au doigt : Enlever sa bague. 1. baguer [bage] v. tr. (de bague ; début du Le vent a déjà éteint une des lanternes. Il
Et Georges osait attirer l’attention par des XVIe s.). 1. Garnir d’une bague : Les cartes va falloir la rallumer. Bah ! répondit l’autre,
gants jaunes, un peu salis à la vérité, sur l’un tombent [...]. Puis des mains aux doigts pris d’une paresse et d’un découragement
desquels une bague à la chevalière se dessi- bagués viennent les ramasser (Sartre). soudains (Alain-Fournier). Bah ! les priva-
nait en noir (Balzac). Abattant sur l’épaule 2. Spécialem. Poser une bague à la patte tions véritables ne commenceraient que le
du prêtre sa grosse main à bagues, il dit : d’un oiseau pour pouvoir l’identifier. lendemain (Duhamel).

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

bahut [bay] n. m. (origine inconnue ; se jouer de lui : Le sort a bien donné la baie Élisabeth voulut se baigner. Paul aussi
XIIe s. ; au sens 4, 1844, Esnault). 1. Coffret à mon espoir (Molière). (Cocteau). 3. Fig. Se baigner dans le sang,
ancien à couvercle bombé, servant à ran- prendre plaisir au meurtre, au carnage.
3. baie [b] n. f. (esp. bahía, même
ger les vêtements : On voyait là d’antiques
sens, du bas lat. baia ; 1364, Godefroy). baigneur, euse [boer, -øz] n. (lat.
bahuts qui regorgeaient d’estampes et
1. Échancrure du littoral : Il regardait balneator, maître de bains ; XIVe s.).
d’albums (Duhamel). 2. Buffet de style
l’épaule de la falaise pierreuse qui se 1. Class. Celui qui tient un établissement
rustique, long et bas ; huche à pain :
refermait au loin sur la baie (Camus). de bains : Cet effronté, en un mot, entre
[Des déménageurs] experts à charger sur
2. Grand golfe : La baie d’Hudson. sans payer dans un bain public, et là, en
leur dos [...] bahuts et buffets (Colette).
• SYN.: 1 anse, crique. présence du baigneur qui crie inutilement
3. Chaperon bombé d’un mur. 4. Arg.
scol. Lycée, collège : Tu ne me reconnais contre lui... (La Bruyère). 2. Vx. Maître
baignade [bad] n. f. (de baigner ; 1796,
baigneur, celui qui surveille un bain public
pas ? ... Donadieu ? ... François Donadieu, Néologiste franç.). 1. Action de se baigner :
ton copain du bahut de Caen (Coppée). Et et enseigne la natation. 3. Personne qui
Alors c’était des baignades sans fin. Quand
quand les autres élèves paraissaient si heu- nous étions las, nous nous couchions dans se baigne : Les premiers baigneurs, les mati-
reux de quitter le bahut, je me rappelle le l’eau (Zola). 2. Endroit d’une rivière, neux déjà sortis de l’eau, se promenaient à
plaisir que j’ai eu a y passer quelques mois d’un lac, propice au bain. pas lents (Maupassant). 4. Personne qui
supplémentaires pour préparer Normale vient aux bains de mer (vieilli) : Sa mine
• SYN.: 1 bain ; 2 plage.
(Daudet). L’on recevait dix sous de sa [...] était beaucoup plus grave [...] que celle
baigner [bee ou be] v. tr. (du bas lat. de tous les baigneurs que je voyais à Balbec
famille, par semaine, afin d’acheter chez
balneare ; XIIe s., Godefroy). 1. Plonger et (Proust).
le concierge du bahut des suçons et du cho-
colat (Huysmans). tenir dans l’eau : C’est le soir quand les • SYN.: 2 maître nageur.
riveraines | Y baignent [dans le fleuve]
bahutage [bayta] n. m. (de bahuter ; baigneur n. m. 1. Poupée faite pour
leurs corps adorés (Apollinaire). Baigner
1872, Esnault). 1. Arg. scol. Action de bri- être mise à l’eau sans inconvénient.
quelqu’un, lui faire prendre un bain :
mer les nouveaux, dans certaines grandes 2. Figurine de porcelaine qui remplace
Baigner un enfant. 2. Couler autour ou
écoles ou classes des lycées y préparant : Le la fève dans la galette des Rois.
le long de, en parlant d’un cours d’eau, de
traditionnel bahutage des polytechniciens. la mer : La Loire coulait au milieu, bai- baignoir [bwar] n. m. (de baigner ;
2. Tapage. gnant ses îles, mouillant la bordure des XVIe s.). Class. Endroit d’une rivière où
• SYN.: 1 bizutage. prés (Flaubert). 3. Mouiller, arroser l’on se baigne ; baignade : Il y a un beau
légèrement : La grande Omphale avait baignoir auprès de cette île (Acad., 1694).
bahuter [bayte] v. intr. (de bahut ; début
les yeux baignés de pleurs (Banville). Et
du XVIIe s.). Arg. scol. Faire du tapage : La baignoire [bwar] n. f. (de baigner ;
mes pieds offensés que Madeleine baigne
mode vint d’aller là « bahuter » comme à début du XIVe s.). 1. Cuve de fonte émail-
(Verlaine). Baigner les yeux avec de l’eau
la salle Taitbout (Daudet). lée, de grès ou de céramique, dans laquelle
de rose. 4. Fig. Envelopper de tous côtés
• SYN.: chahuter. on prend des bains : Une baignoire sabot.
comme un liquide : L’aube alors de clartés
v. tr. Arg. scol. Soumettre les nouveaux baignée | Entrant dans le réduit profond | 2. Loge de théâtre un peu au-dessus du
à des brimades. Dore la toile d’araignée | Entre les poutres niveau du parterre : Au guichet du théâtre,
• SYN.: bizuter. du plafond (Hugo). Le bonheur n’était pas elle obtint une baignoire d’avant-scène dont
dans une chose précise [...] ; il baignait tous elle fit monter le volet, puis elle s’installa
bai, e [b] adj. (lat. badius, brun ; XIIe s.,
leurs actes et toutes leurs pensées (Rolland). dans l’ombre et commença d’inspecter la
Godefroy). Se dit d’un cheval dont la robe
Nous ne nous rappelons pas nos souvenirs salle (Duhamel).
est d’un rouge brun, et qui a les extrémi-
des trente dernières années ; mais ils nous bail [baj] n. m. (déverbal de bailler ; 1250,
tés des membres et les crins noirs : Des
baignent tout entiers ; pourquoi alors s’arrê-
juments baies. Godefroy). Contrat par lequel on cède la
ter à trente années ; pourquoi ne pas pro-
bai n. m. 1. Cheval de cette teinte. jouissance d’un bien meuble ou immeuble
longer jusqu’au-delà de la naissance cette
2. Couleur baie. pour un prix et un temps déterminés : Mon
vie antérieure (Proust).
père est vieux, dit-il ; il a déjà beaucoup
1. baie [b] n. f. (lat. baca, même sens ; • SYN. : 1 immerger, tremper ; 2 arroser ;
à faire de veiller à l’exécution des baux, à
XIIe s.). Fruit charnu à pépins : Autour de 3 bassiner, humecter ; 4 imprégner, inonder,
l’entretien des bâtiments, à la bonne rentrée
ton front couronné de fleurettes et de baies pénétrer.
des fermages (Gide). Spécialem. Contrat
(Rimbaud). Des branches d’églantier, dont v. intr. 1. Class. Prendre un bain : de location d’un appartement, d’une mai-
l’une portait déjà de petites baies, fleuris- Mme de Coulanges me mande qu’elle a mis son : Le propriétaire dénonça le bail [...] et je
saient en buisson (Martin du Gard). la sienne [sa baignoire] sur le côté, à force me remis en quête d’un autre toit (Colette).
2. baie [b] n. f. (part. passé substantivé de baigner (Sévigné). 2. Être entièrement Donner à bail, donner la location de.
de l’anc. franç. baer, être ouvert ; XIIe s., Ph. plongé dans un liquide : Assis au bord du
Prendre à bail, devenir locataire en
de Thaon). 1. Ouverture pratiquée dans un lac, où baignent leurs pieds nus | Amphise
vertu d’un bail. Tenir à bail, occuper à
mur, pour servir de fenêtre ou de porte : et Mélita, depuis qu’ils sont venus [...] |
titre de locataire. Fam. C’est un bail !,
Deux grands salons communiquaient par S’enivrent du beau soir d’or limpide et de
cela a duré longtemps. Fam. Passer bail,
une large baie (L. Descaves). Une baie roses (Samain). 3. Par exagér. Être inondé
faire une entente amicale, amoureuse : Je
vitrée. 2. Class. et littér. Ce qui fait res- de : Baigner dans son sang. 4. Fig. Être
me demandais si je ne ferais pas bien de
ter bouche bée ; tromperie, fable destinée enveloppé de : Le parc enchanté baigne en
passer bail avec elle pour quelque temps
à tromper (souvent écrit baye) : C’est une des ténèbres molles (Samain). Elle s’étonnait
(Maupassant).
baie | Qui sert sans doute aux feux dont de cette atmosphère apaisée où baignait
maintenant son chagrin (Martin du Gard).
• Pl. des BAUX [bo].
l’ingrate le paie (Molière). Cette aventure
[...] fit pendant longtemps l’entretien des • SYN.: 2 macérer, mariner, tremper. baille [baj] n. f. (ital. baglia, du lat. *bajula
belles compagnies [...], mais c’est peut-être se baigner v. pr. 1. Prendre un bain, pour [aquae], porteur d’eau ; 1325, Chronique de
encore une de ces « baies » bonnes pour se laver, dans une baignoire. 2. Prendre Morée). 1. Grand baquet en bois servant
amuser les enfants autour du feu (Nerval). un bain dans une rivière, dans la mer, à de nombreux usages. 2. Arg. marit.
Donner la baie à quelqu’un, le mystifier, etc., pour nager ou s’ébattre dans l’eau : La mer. 3. Arg. marit. Vieux bateau.

349
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

4. Arg. scol. Surnom donné à l’École • REM. Ne pas confondre bâiller avec bain [b] n. m. (lat. pop. baneum, pour
navale. bayer (v. ce mot). balneum, bain ; 1080, Chanson de Roland).

[bje] n. f. (de bâiller ; milieu du v. tr. Fig. et littér. Traîner dans l’ennui : I. 1. Action d’immerger le corps ou une
bâillée
s.). Dialect. Action de bâiller : Puis il Tout me lasse : je remorque avec peine mon
XIXe partie du corps dans un liquide, un gaz,
se fit dans la grange redevenue obscure un ennui avec mes jours, et je vais partout
à des fins hygiéniques ou thérapeutiques :
remue-ménage pénible et lent, des bâillées, bâillant ma vie (Chateaubriand). Comme
Pendre un bain, un bain de pieds. Bain de
des étirements, de grosses toux, les tristes Chateaubriand, je bâille ma vie (Renard).
boue. Bain de vapeur. Elle demanda si les
bruits humains d’une chambrée qui s’éveille bailleur, eresse [bajoer, bajrs] n. (de bains de mer lui seraient utiles (Flaubert).
(Daudet). bailler ; 1539, R. Estienne). Personne qui Salle de bains, cabinet de toilette ren-
• SYN.: bâillement. donne une chose à bail à un locataire. fermant une baignoire. Fig. et pop.
bailleur n. m. Bailleur de fonds, per- Envoyer quelqu’un au bain, éconduire
bâillement [bjm] n. m. (de bâiller ;
sonne qui donne de l’argent, qui fournit quelqu’un qui vous importune. 2. Bain
1440, G. de Lannoy). 1. Action de bâiller :
des capitaux : Delobelle ne cachait pas qu’il de soleil, exposition du corps, aussi com-
Alfreda, adossée à l’épaule de Paterson,
baissa la tête pour étouffer un bâillement avait trouvé un bailleur de fonds (Daudet). plète que possible, au soleil : Les bains de
(Martin du Gard). Madame Degouy soleil peuvent être dangereux. 3. Fig.
bâilleur, euse [bjoer, -øz] n. (de bâil-
dissimula un bâillement sous le journal Contact prolongé avec une oeuvre, un
ler ; 1690, Furetière). Personne qui bâille
qu’elle tenait à la main (Chardonne). milieu, une pensée : Il n’est pas donné à
souvent, qui est sujette à bâiller.
2. Ouverture étroite : Les serviettes [...] chacun de prendre un bain de multitude :
bailli [baji] n. m. (de l’anc. franç. baillir, jouir de la foule est un art (Baudelaire).
teaient entre le bâillement de leurs deux plis
administrer ; XIIe s., écrit baillif ; bailli, Pourquoi y a-t-il si peu de gens qui aient
chacune un petit pain (Flaubert).
XVIIe s.). Sous l’Ancien Régime, officier l’idée de prendre des bains de silence ?
• REM. Au sens 2, on trouve aussi la va-
de paix ou de robe qui rendait la jus- (Claudel).
riante BÂILLURE.
tice au nom du roi ou d’un seigneur :
[baje] v. tr. (lat. bajulare, porter L’interrogant bailli accourut avec toute la II. 1. L’eau, le liquide dans lequel on se
bailler
sur le dos, donner ; v. 1050, Vie de saint contrée (Voltaire). Et, à la lueur des falots baigne : Le bain est brûlant. Fam. Être,
Alexis). 1. Class. (déjà vx au XVIIe s.) ou enveloppés de brume, les métayers recon- se remettre dans le bain, être engagé
dialect. Mettre en main, donner : Que naissaient leur bailli et le saluaient au pas- dans une entreprise, reprendre contact
l’autre [...], | Même, s’il est besoin, baille sage (Daudet). avec un milieu, des habitudes, après
son héritage (M. Régnier). Puisque rien ne une interruption : Maintenant qu’il a
bailliage [baja] n. m. (de l’anc. franç. dételé, il vient ici reluquer la caserne
peut vous retenir, ni la honte, ni la religion,
baillir, administrer ; 1312, Godefroy).
ni la crainte de votre mère, eh bien, c’est moi pour tâcher de se remettre dans le bain
1. Territoire placé sous la juridiction d’un
qui vous baillerai la pénitence ! (Pérochon). (Aymé). Pop. Être, mettre dans le bain,
bailli. 2. Tribunal présidé par le bailli.
Baillez-moi core dix sous (Chérau). Littér. se trouver compromis, ou compromettre
Lieu où siégeait ce tribunal.
Bailler du, donner, prodiguer tel ou tel quelqu’un, dans une mauvaise affaire.
titre : N’allez pas lui bailler du cardinal baillive [bajiv] ou baillie [baji] n. f. (de 2. Liquide dans lequel on plonge un
au moins (Gide). 2. La bailler bonne, la bailli ; XVIe s., Godefroy). Femme d’un corps, une substance que l’on veut trans-
bailler belle à quelqu’un, lui faire accroire bailli. former : Bain colorant. Ces deux pièces
une chose incroyable ou extraordinaire. d’étoffe dont le bleu diffère ne sont pas du
bâillon [bj] n. m. (de bâiller ; 1462,
même bain. Spécialem. Préparation
bâiller [bje] v. intr. (lat. pop. bataculare, Godefroy). 1. Bandeau, tampon, objet quel-
chimique dans laquelle on plonge les
de batare, tenir la bouche ouverte ; XIIe s., conque qu’on met dans la bouche d’une
personne pour l’empêcher de crier : Un pellicules photographiques : Un bain de
écrit baailler). 1. Ouvrir la bouche et ins-
bâillon d’herbes sèches à l’odeur étrange révélateur, de fixage. 3. Liquide, milieu
pirer spontanément, par une contraction
emplissait ma bouche (Camus). 2. Petit dans lequel on place un récipient qu’on
involontaire des muscles, due à la fatigue,
panier muselant les veaux. 3. Fig. veut chauffer sans le soumettre à l’action
la faim, l’ennui : Avoir envie de bâiller.
Contrainte, mesure d’autorité qui vise à directe du feu : Bain d’huile, de sable.
Le grand lévrier [...], levant sa tête effilée,
empêcher la liberté d’expression : Mettre 4. Bain de bouche, solution aqueuse
ouvrit une large gueule et bâilla sans la
un bâillon à la presse. antiseptique, et souvent calmante, pres-
moindre cérémonie (Mérimée). Il bâilla
• SYN.: 2 muselière. crite à la suite d’interventions ou de
longuement, avec des modulations qui se
terminaient par une gamme chromatique soins bucco-dentaires. 5. Un bain de
bâillonnement [bjnm] n. m. sang, sang répandu lors d’une bagarre,
et descendante (Duhamel). 2. Par extens.
(de bâillonner ; 1842, J.-B. Richard de d’une bataille.
Présenter une ouverture, être mal fermé :
Radonvilliers). Action de bâillonner ; état
Les lézardes des murailles bâillaient lar- III. 1. Récipient destiné à recevoir
de la personne qui est bâillonnée (surtout
gement comme des mâchoires distendues le liquide du bain : Remplir le bain.
au fig.) : Le bâillonnement de l’opposition.
par l’ennui (Gautier). Une porte bâillait 2. Cuve à usage industriel : Un bain de
à l’extrémité d’un couloir dans lequel M. bâillonner [bjne] v. tr. (de bâillon ;
teinture.
Chasle s’engagea en flageolant (Martin du 1530, Anciennes poésies françaises).
Gard). Le piano bâille vers la foule, tel un 1. Mettre un bâillon à quelqu’un : Les IV. (au sing.) Vx. Lieu où l’on se baigne :
monstrueux coquillage, et ceux qui sont cambrioleurs avaient bâillonné le gardien. Le bain du roi.
au ras de la scène voient les doigts de la 2. Fig. Réduire quelqu’un au silence, bains n. m. pl. 1. Établissement public
jeune femme reflétés dans le bois luisant l’empêcher par la contrainte de s’exprimer où l’on prend des bains : Les bains munici-
du couvercle (Duhamel). 3. Fig. et fam. librement : Le mot qui jaillissait enfin du paux. 2. Vx. Lieu où l’on va prendre des
Exprimer son ennui : Hélas ! il pleut [...] et peuple écrasé et bâillonné était le mot de bains de mer, suivre une cure thermale :
la dame au chapeau rose s’en va [...] bâil- justice (Zola) ; et littér. : Il m’est arrivé pen- Aller aux bains de mer. Les bains d’Aix. Les
ler chez quelque vieille tante de province dant des semaines entières [...] de bâillonner deux chaumières étaient côte à côte au pied
(Zola). 4. Perdre son temps, paresser : le téléphone (Fargue). d’une colline, proches d’une petite ville de
Bâiller au soleil. • SYN.: 2 museler. bains (Maupassant).

350
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

bain-de-mer [bdmr] n. m. (de bain et baisement [bzm] n. m. (de baiser ; fin baisoter [bzte] v. tr. (de baiser ; 1556,
de mer ; début du XXe s.). Sandale légère, du XIIe s., Floire et Blancheflore). Action Ronsard). Fam. Donner de petits baisers,
employée sur les plages. de baiser : Le baisement des pieds du jeudi cajoler : Je n’ai pas été dorloté, tapoté, bai-
• Pl. des BAINS-DE-MER. saint. Une heure [...] remplie de serments soté, j’ai été beaucoup fouetté (Vallès).
d’amour éternel, de baisements de main • SYN.: bécoter.
bain-de-pieds [bdpje] n. m. (de bain et
(Mérimée).
de pied ; fin du XIXe s.). Appareil sanitaire baisse [bs] n. f. (déverbal de baisser ; av.
ou récipient dans lequel on prend des bains 1. baiser [bze] v. tr. (lat. basiare, même 1577, Monluc ; « baisse des prix », 1740,
de pieds. Fam. Excédent d’une tasse qui sens ; Xe s.). 1. Appliquer ses lèvres sur Desfontaines). 1. Action de descendre à
déborde dans la soucoupe. quelqu’un ou sur quelque chose, par affec- un niveau inférieur : La baisse des eaux.
• Pl. des BAINS-DE-PIEDS. tion, par amour ou en signe de respect : Un 2. Fig. Diminution en quantité, en
homme de son temps à elle, du temps où l’on importance : La baisse de la tempéra-
bain-marie [bmari] n. m. (du n. de abordait les femmes en leur baisant la main, ture. Baisse d’influence. Spécialem.
Marie, soeur de Moïse, auteur supposé
avec un compliment sur la bonne mine Diminution de prix : Elle eut peur d’une
d’un traité d’alchimie ; XIVe s., Godefroy).
de leur visage (Daudet). Pourtant tout à baisse dans le commerce (Balzac). Le baron
1. Liquide chaud dans lequel on place un
l’heure dans la synagogue l’un après l’autre [...] écoutait le fermier parler des choses du
récipient dont le contenu doit s’échauffer
ils baiseront la thora en soulevant leur beau pays. Il racontait [...] la baisse des graines
doucement : Cuire une crème au bain-
chapeau (Apollinaire). Tes lèvres sont et les nouvelles du bétail (Maupassant).
marie. 2. Le récipient lui-même : Une
encore belles à baiser (Gide). Il fit deux ou Diminution des cours à la Bourse : La
belle cuve de cuivre qu’elle appelait son
trois pas, baisa sa mère au front (Duhamel). crise politique a entraîné une baisse de la
bain-marie (Maurois). 3. Spécialem.
Baiser les pieds de quelqu’un, le flatter plupart des valeurs. Jouer à la baisse, spé-
Réservoir à eau chaude d’un fourneau de
servilement. 2. Class. Je vous baise les culer en Bourse sur la baisse des valeurs :
cuisine.
mains, formule pour remercier, en parlant, Il jouait à la baisse, et montait à mesure
• Pl. des BAINS-MARIE.
et, ironiq., pour prendre congé ou expri- que notre chute était plus profonde et plus
baïonnette [bajnt] n. f. (de Bayonne, mer un refus. 3. Triv. Avoir des relations sûre (Hugo). Ses actions sont en baisse,
premier centre de fabrication de cette arme ; sexuelles avec une femme : Houssaye lui [à se dit, de façon imagée, de quelqu’un dont
1555, Tahureau). 1. Sorte de petite épée V. Hugo] faisait baiser des filles incognito le crédit baisse.
qui s’adapte au bout du fusil : Une troupe (Renard). Les autres [infirmières], c’est pour • SYN.: 1 abaissement, décrue, descente ; 2
de francs-tireurs [...] s’élança en avant, la se faire baiser par les officiers (Romains). chute, déclin, effondrement, réduction. —
baïonnette au fusil (Maupassant). 2. Vx. 4. Pop. Posséder, tromper : Se faire bai- CONTR. : 1 exhaussement, montée ; 2 aug-
Soldat armé d’une baïonnette. 3. Les ser. 5. Pop. Prendre sur le fait (surtout mentation, élévation, hausse, relèvement,
baïonnettes, la force des armes (par allu- au passif) : Dépêche [...], je vais être baisé renchérissement.
sion à la célèbre réponse de Mirabeau au si on nous voit (Hermant). 6. Arg. scol.
marquis de Dreux-Brézé, envoyé du roi) : Comprendre. baissement [bsm] n. m. (de baisser ;
Les hommes médiocres appellent volon- 1539, R. Estienne). Vx. Action de faire bais-
• SYN. : 1 baisoter (fam.), bécoter, embras-
tiers les baïonnettes à leur secours contre ser ou de baisser : Baissement de tête.
ser ; 4 avoir (fam.), berner, refaire (pop.),
les arguments de la raison (Staël). rouler (fam.). 1. baisser [bse] v. tr. (lat. pop. *bassiare,
baïoque [bajk] n. f. (ital. baiocco, pièce de bassus, bas ; 1080, Chanson de Roland).
2. baiser [bze] n. m. (infin. pris substan-
de menue monnaie, de bajo, bai, à cause 1. Faire descendre plus bas : Baisser le
tiv. ; XIIe s.). 1. Action de poser ses lèvres sur
de la couleur de cette pièce ; XVIe s.). Petite rideau. Une femme tirait sur la garde
quelqu’un ou sur quelque chose : Pour son
monnaie des anciens États pontificaux municipale de derrière une jalousie baissée
baiser les rois du monde | Seraient morts les
(parfois masc.) : Il ne voulut pas dépen- (Hugo). Fig. Baisser pavillon, reconnaître
pauvres fameux | Pour elle eussent vendu
ser même une baïoque pour des cierges son infériorité, céder. Fig. et pop. Baisser
leur ombre (Apollinaire). Baiser de Judas,
(Stendhal). Un baïoque, métal inerte, simple la culotte, le pantalon, céder : Qu’est-ce qu’il
démonstration hypocrite d’affection (allu-
cuivre, | S’il me sent là, devient vivant, croit ! avait dit Esposito, qu’on va baisser
sion au baiser par lequel Judas désigna
cherche à me suivre, | Et la monnaie en le pantalon ? (Camus). 2. Diminuer la
Jésus à ses ennemis). Baiser Lamourette,
moi voit son Pygmalion (Hugo). hauteur de quelque chose : Baisser un toit,
réconciliation de courte durée (allusion
un mur. 3. Incliner une partie du corps
Baïram [bairam] ou Beïram [beiram] à la réconciliation générale des députés
vers le sol : Elle travaillait, le front baissé
n. m. (mot turc ; 1533, L. de Bar-thème, de l’Assemblée législative, à la suite d’un
(Flaubert). Elle avait baissé la tête, elle la
écrit bairami ; 1541, Lettre à François Ier, discours de l’abbé Lamourette, le 7 juil-
releva presque aussitôt (Martin du Gard).
écrit baieram). Nom de deux grandes fêtes let 1792, alors que les Austro-Prussiens
Fig. Tête baissée, avec audace, sans tenir
musulmanes, qui se célèbrent l’une après marchaient sur Paris). Baiser de paix,
compte des dangers ; étourdiment, sans
la fin du Ramadan et l’autre soixante baiser qu’on donne ou qu’on reçoit en signe
faire attention. Baisser la tête, les yeux,
jours plus tard : Dis, réponds. Te faut-il de bonne entente ou de réconciliation.
regarder vers le sol par pudeur, par déli-
des religions faites | De livres, de docteurs, 2. Geste de la main portée aux lèvres et
catesse, ou en signe de honte, de défaite :
de dimanches et fêtes, | Ayant leur baïram, simulant un baiser : Une grande fille aux
L’enfant ne baissa pas ses yeux étince-
leur pâque, leur avent ? (Hugo). yeux de braise lui envoyait de loin un bai-
lants (Heredia). Et, cette fois, l’expression
ser (Daudet). 3. Symbole d’affection qui
baisemain [bzm] n. m. (de baise et de d’angoisse était à ce point insoutenable
entre dans des formules épistolaires : Mille
main ; fin du XIIIe s., Guiart). 1. Hommage que l’abbé dut baisser les paupières et se
baisers. 4. Fig. Caresse, attouchement
féodal qui consistait à baiser la main du détourner à demi (Martin du Gard). Fig.
léger : Elle s’éveilla sous le baiser matinal
seigneur. 2. Geste de civilité consistant Baisser l’oreille, être penaud, déconfit.
du soleil (Gautier). Et le facile sable a bu
à baiser la main d’une dame. 4. Fig. Diminuer une valeur, un prix :
les baisers de ses bonds puérils (Valéry).
baisemains n. m. pl. Class. Compliments, Baisser le prix de la viande. Ellipt. et fam.
• SYN.: 1 bécot (fam.), bise (fam.).
civilités : Jevous prie de lui vouloir faire mes Diminuer le prix de : Baisser la viande.
baisemains (Guez de Balzac). À belles baiseur, euse [bzoer, -øz] n. (de bai- 5. Diminuer l’intensité, modérer la
baisemains (fém.), « avec soumission et ser ; XXe s.). Pop. Personne portée à l’amour force de quelque chose : Il fit une pause et
supplication » (Acad., 1694). physique. baissa la voix (Martin du Gard). Le préfet

351
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

des études, M. Puybaraud, baissait le gaz baissière [bsjr] n. f. (de baisser ; XIIe s., • Pl. des BALS.

(Mauriac). Baisser la lumière, diminuer au sens 1 ; au sens 2, 1307, Dict. général). • SYN.: 2 dancing.
l’intensité de l’éclairage. Baisser la radio, 1. Enfoncement où séjourne l’eau de pluie
dans une terre labourée. 2. Liquide resté balade [balad] n. f. (déverbal de [se] bala-
diminuer l’intensité des sons émis.
der ; milieu du XIXe s.). 1. Fam. Promenade
• SYN. : 1 abaisser, descendre, rabattre ; au fond d’un tonneau.
sans but bien déterminé : Quelque chose
3 courber, fléchir, pencher ; 4 réduire ; 5 baisure [bzyr] n. f. (de baiser ; fin du de tout simple, un petit tour de balade
adoucir, amortir, atténuer. — CONTR. : 1 s.). Marque laissée sur un pain par le
XVe
l’après-midi (Zola). 2. Fam. Excursion,
lever, monter, relever, remonter ; 2 élever, contact d’un autre pendant la cuisson. visite d’un lieu ; sortie pour se divertir :
exhausser ; 3 relever ; 4 augmenter ; 5 élever,
bajoue [bau] n. f. (de bas et de joue ; 1390, Que devient leur projet de promenade ?
forcer, hausser.
E. de Conty). 1. Partie latérale de la tête, Cette belle balade nocturne à Montmartre !
v. intr. 1. Venir à un niveau plus bas : La (Duhamel).
chez les animaux de boucherie. 2. Fam.
marée baissait, mais il fallait pour passer
Joue humaine flasque et pendante : Un • SYN.: 2 promenade, sortie, tour.
attendre le retrait des vagues (Flaubert).
large front dégarni, d’amples bajoues, plu-
L’eau baissa, comme un flux qui s’en balader (se) [sbalade] v. pr. (en arg.,
sieurs mentons superposés constituaient d’abord v. intr. signif. « flâner », 1837,
va d’une rive, | Et les flots monstrueux,
autour de la physionomie une zone de Vidocq ; la forme pronom. date du milieu
décroissant par degrés, | Descendirent du
viande superflue au centre de laquelle, en
haut des monts démesurés (Hugo). 2. Fig. du XIXe s.). 1. Pop. Se promener sans but
un espace restreint, les traits de la figure se
Diminuer de valeur : Le prix de la viande a précis, pour tuer le temps : Se balader
trouvaient rassemblés (Martin du Gard).
baissé. Ellipt. et fam. Diminuer de prix : à pied, à bicyclette. Hier soir, je me suis
La viande baisse. 3. Devenir plus faible :
• SYN.: 1 joue ; 2 abajoue. éperdument baladé de Clichy à Pigalle...
Elle [E. Grandet] fut sublime de soins et bajoyer [bawaje] n. m. (de bajoue ; (Gide). Pop. Envoyer balader quelqu’un,
d’attentions pour son vieux père, dont les 1751, Encyclopédie). 1. Mur qui consolide éconduire sans ménagement quelqu’un qui
facultés commençaient à baisser (Balzac). les rives d’un cours d’eau aux abords d’un vous importune. 2. (avec un sujet dési-
Il trouvait que cette grande intelligence pont. 2. Chacun des massifs de maçon- gnant des choses) Fig. et pop. Être dispersé,
baissait (Daudet). Je me suis interrompu nerie qui forment les parties latérales d’une répandu sans ordre : Quelques débris de
d’écrire parce que la lumière baissait chambre d’écluse. corps et d’équipements qui se baladaient
(Mauriac). Le vent baisse. Le jour baisse. dans les décombres (Romains).
bakchich [baki] n. m. (mot turc, empr.
La vue des vieillards baisse, comme leur • SYN. : 1 se baguenauder (pop.), f lâner,
au persan, de bakchîden, donner ; 1846,
oreille devient plus dure, leur clairvoyance musarder, muser.
Nerval). Pot-de-vin ou pourboire, en
s’obscurcit (Proust). 4. En parlant d’une balader v. tr. Pop. Emmener en prome-
Afrique du Nord et en Orient.
personne, perdre de ses forces physiques nade : Balader son chien.
ou intellectuelles : Le vieillard baisse rapi-
• SYN.: dessous-de-table, gratification.
• SYN.: promener.
dement, il peut mourir cette nuit. 5. Par • REM. On écrit aussi backchich.
extens. Décliner, perdre de son crédit, baladeur, euse [baladoer, -øz] adj. et n.
Bakélite [bakelit] n. f. (de Baekeland,
tomber en défaveur : Écrivain qui baisse. (de se balader ; milieu du XIXe s.). Fam. et
n. de l’inventeur ; 1907, Larousse). Nom
Un artiste qui baisse est fini (Camus). J’ai pop. Qui aime flâner sans but, se déplacer
déposé d’une résine synthétique qui imite
baissé légèrement dans son estime (Sartre). (rare).
l’ambre ou l’écaille.
6. Class. Descendre un cours d’eau : On • SYN.: flâneur.
baisse depuis Roanne jusqu’à Orléans bal [bal] n. m. (déverbal de l’anc. franç. baladeuse n. f. 1. Vx et pop. Danseuse
(Acad., 1694). baller, du lat. impér. ballare, danser ; fin
de petite vertu : Elle exécutait le grand
du XIIe s.). 1. Réunion où l’on danse : Bal
• SYN.: 1 descendre, refluer ; 2 s’effondrer ; entrechat, les petons en l’air, comme une
champêtre. Des danses qui ressemblent
3 s’amenuiser, décroître, faiblir, mollir ; 4 baladeuse de l’Élysée-Montmartre (Zola).
fort à celles que l’on interdit dans nos bals
s’affaiblir, décliner. — CONTR. : 1 monter, Une certaine tenue, un simili comme il faut,
publics du carnaval (Mérimée). Bal mas-
remonter ; 2 augmenter, enchérir, monter ; utiles pour ne pas rendre trop brusque la
qué, costumé, travesti, bal où les danseurs
3 s’accroître ; 4 se relever, se rétablir. transition entre la femme légitime et la bala-
sont déguisés ou portent un masque : À
se baisser v. pr. 1. S’incliner, se cour- deuse (Huysmans). 2. Petite voiture à
la mi-carême, chaque année, le gymnase
ber : Charles sebaissait pour passer sous les bras de marchand forain. 3. Remorque
Pascaud donnait un bal aux enfants de sa
branches (Flaubert). 2. Class. Diminuer : d’un tramway électrique : De temps en
clientèle ; c’était un bal costumé (Gide).
Ma vue commence à se baisser (Malherbe). temps, passaient les tramways de l’Ariana,
Bal de têtes, bal où les danseurs sont
• SYN.: 1 s’incliner, sepencher, seployer. — avec des baladeuses bondées de juifs assou-
grimés à la ressemblance de personnages
CONTR. : 1 se redresser. pis entre leurs ballots et leurs gargoulettes
connus. Vx. Bal blanc, bal où ne sont
(Duhamel). Ils prirent donc le tram de
2. baisser [bse] n. m. (du v. baisser ; admises que des jeunes filles : Une sauterie
Sérianne, dans la baladeuse où il y avait
s.). 1. Action de baisser, de faire des- de demoiselles ; un de ces bals blancs que
XIXe encore deux places debout (Aragon).
cendre : Et toujours pas de Nana ! On gar- l’ingéniosité du Paris oisif commençait à
4. Lampe électrique munie d’un fil
dait donc Nana pour le baisser du rideau mettre à la mode (Daudet). Bal public, bal
souple de plusieurs mètres, qui permet de
(Zola). 2. Vx. Moment où le soleil baisse ouvert à tous contre paiement d’un droit
la déplacer.
à l’horizon : L’ordre était donné pour le d’entrée. Ouvrir le bal, être le premier à
danser. 2. Local où l’on danse ; établisse- baladin [balad] n. m. (mot provenç.,
départ de la flotte ; déjà plusieurs vaisseaux
ment qui consacre son activité à la danse. de balar, danser ; 1545, Marot). 1. Vx.
avaient appareillé au baisser du soleil ; je
Bal musette, établissement populaire où Danseur de ballet ; danseur de corde.
m’étais arrangé pour passer la dernière nuit
à terre afin d’écrire ma lettre d’adieux à l’on dansait au son de la musette (sorte de 2. Saltimbanque, artiste, amuseur pro-
cornemuse) ; auj., bal populaire où l’on fessionnel ambulant : Quoiqu’une troupe
Amélie (Chateaubriand).
danse au son de l’accordéon : La joie des de baladins lui semblât un singulier cortège
baissier [bsje] n. m. (de baisser ; début bals musettes écume dans les corridors des pour un seigneur de Sigognac (Gautier). Le
du XIXe s.). Personne qui, à la Bourse, spé- bouges et vient refluer jusque sur la chaus- tréteau [...] grince sous les grands pieds du
cule sur la baisse des valeurs. sée (Duhamel). [En ce dernier sens, on dit maigre baladin (Verlaine). 3. Vx. Mauvais
• CONTR. : haussier. aussi MUSETTE, n. m.] acteur ou mauvais plaisant.

352
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN.: 2 bateleur ; 3 cabot (pop.), cabotin a été [...] comme le coup de balai qui a chassé sons de décider dans un sens donné, des
(pop.). de notre horizon les chimères qui l’obscur- arguments en faveur de quelque chose.
cissaient (Renan). Rôtir le balai, passer sa Tenir la balance égale, être impartial,
balafon [balaf] ou balafo [balafo] n. m.
vie dans une condition subalterne (vieilli) ; ne favoriser aucun des partis en présence.
(mot empr. au mandé [langue soudanaise],
mener une existence désordonnée (vieilli). Class. Emporter la balance, provoquer
de bala, sorte de piano, et fo, jouer en frap-
2. Voiture-balai, voiture qui, dans une une décision, mettre fin à l’incertitude :
pant ; 1728, Labat). Instrument de musique
course cycliste, recueille les coureurs ayant Enfin, votre rigueur emporta la balance :
à percussion en usage en Afrique noire.
abandonné. 3. Frottoir en charbon qui, | Vous sûtes m’imposer l’exil ou le silence
balafre [balafr] n. f. (de l’anc. franç. leffre, dans les moteurs électriques, assure le (Racine). 4. Mettre en balance, exami-
lèvre [anc. haut allem. leffur], par croise- contact entre une pièce fixe et une pièce ner en comparant le pour et le contre, les
ment avec balèvre ; a dû signifier d’abord mobile. avantages et les inconvénients : Surtout si
« [grosse] lèvre », puis « lèvre d’une plaie » ; l’on veut mettre en balance la mince popu-
balais [bal] adj. m. (lat. médiév. balascus,
début du XVIe s.). 1. Longue entaille faite larité de ses poésies avec leurs brillants et
altér. de l’ar. balakhtch, de Balakhtchn,
au visage avec un instrument tranchant : immenses mérites (Baudelaire). Class.
n. d’une région voisine de Samarcande où
Quelques-uns même qui s’étaient levés dès Être en balance, être dans le doute, hési-
l’on trouvait beaucoup de rubis ; XIIIe s.).
avant l’aube, n’ayant pas vu clair à se faire ter : Cessez d’être en balance et de vous
Se dit d’un rubis de couleur rouge violacé
la barbe, avaient des balafres en diagonale
ou rose : Elle est d’or fin [...] avec un rubis défier (Corneille).
sous le nez (Flaubert). 2. Cicatrice pro-
balais au chaton (France). • SYN.: II, 1 équilibre ; 2 bilan, solde.
venant de cette coupure.
• SYN.: 1 coupure, estafilade ; 2 couture. balalaïka [balalaika] n. f. (mot russe ; balancé, e [balse] adj. et n. (part. passé
1768, J. d’Auteroche). Sorte de luth à caisse de balancer ; début du XIXe s.). 1. Bien équi-
balafrer [balafre] v. tr. (de balafre ; 1546,
triangulaire, à trois cordes, en usage en libré dans le mouvement : La démarche
Rabelais). 1. Entailler d’une balafre : J’ai
Russie pour exécuter la musique populaire. lourde et balancée des soldats (Aymé).
bien envie de te balafrer la figure devant
balance [bals] n. f. (lat. pop. bilancia, 2. Pop. Bien balancé, se dit d’une per-
ton galant (Mérimée). Son cou, à deux
à deux plateaux, de bis, deux fois, et lanx, sonne qui a le corps harmonieusement et
endroits, était assez vilainement balafré
plateau ; l’a initial est peut-être dû à la solidement bâti : Si tu aimes les types bien
(Gide). 2. Par anal. et littér. Ouvrir,
contamination de ballare [v. BAL] ; XIIe s.). balancés (Colette).
creuser un sillon profond dans quelque
chose : L’attelage fumant tire, et l’on pousse
• SYN.: 2 bien fait, bien proportionné, bien
I. 1. Instrument servant à peser, équilibré
aux roues ; | Cris des chefs, pas confus ; les roulé (pop.). — CONTR. : 1 déséquilibré,
soit avec des poids (balance de Roberval),
moyeux des charrois | Balafrent les talus des heurté, raide, rigide, saccadé.
soit avec un poids invariable et un bras
ravins trop étroits (Hugo). 3. Fig. Rayer de levier de longueur variable (balance balancé n. m. Pas de danse qui consiste à
d’un trait transversal : Et derrière encore romaine, balance-bascule), soit par des se balancer d’un pied sur l’autre, sans chan-
recommençaient d’autres débris, d’autres procédés mécaniques (balance automa- ger de place : Ces danseurs écrivaient, avec
restes, d’autres arcatures, rapetissées par tique). 2. Symbole de la Justice, figuré un entrechat ou un balancé, des comédies
l’éloignement de la perspective jusqu’au par deux plateaux suspendus à un fléau : profondément philosophiques (Gautier).
fond de l’horizon, qui se perdait déjà au Le prétoire s’honore d’une balance sculp- balancelle [balsl] n. f. (du génois
brouillard des montagnes du Latium, tée (Alain). 3. Le septième signe du Zo- baransella, même sens, avec influence
balayées et balafrées d’une nuée grise diaque. 4. Instrument de pêche dont la de balancer ; 1823, Annales maritimes
déchirée de rose (Goncourt). Et Cabassu, forme rappelle le plateau d’une balance : et coloniales). Embarcation napolitaine
armé d’un crayon bleu, lisant avec sa grosse On pêche les écrevisses avec des balances. pointue aux deux extrémités, munie d’un
voix et ses intonations du faubourg Saint-
II. [Emplois imagés ou nom déverbal de seul mât et d’une grande voile latine : Le
Andéol quelque élucubration dramatique
balancer.] 1. Comparaison entre deux noble pair attendait qu’une tempête s’élevât
qu’il biffait, balafrait sans pitié à la moindre
situations faisant ressortir leurs rap- pour naviguer ; du bord de sa balancelle,
critique de la dame (Daudet).
ports : La balance des forces. Il faisait, il se jetait à la nage et allait au milieu
• SYN. : 1 taillader ; 2 déchirer, entamer,
chaque année, la balance des amitiés du vent aborder aux prisons féodales de
labourer ; 3 barrer, biffer.
disparues et nouvelles (Maupassant). Bonivard : c’était toujours l’acteur et le poète
balai [bal] n. m. (du gaul. *banatlo 2. En comptabilité, montant repré- (Chateaubriand).
[devenu *balatno], genêt, puis « balai de sentant la différence entre la somme du
balancement [balsm] n. m. (de
genêt » ; XIIe s., écrit balain, puis balai débit et la somme du crédit, et que l’on
balancer ; 1487, Godefroy). 1. Mouvement
par réfection de la finale). 1. Assemblage ajoute à la plus faible des deux pour
alternatif portant un corps d’un côté,
de brindilles, de crins, de soies, de fibres égaliser les totaux. Compte résumé
puis de l’autre, par rapport à une position
diverses, souvent en forme de brosse, muni que fait un commerçant à des époques
d’équilibre : Lancé dans le balancement
d’un long manche et utilisé pour le net- déterminées, et qui présente l’état et le
formidable de la cloche (Hugo) ; et au fig. :
toyage des sols : Un balai de paille de riz. résultat général de son affaire. Balance
Le balai de bouleau du cantonnier. Balai L’auditeur se sent pris par le balancement
des paiements, relevé systématique des
mécanique, balai formé de plusieurs transactions intervenues, au cours d’une des chimères, et cède à une inquiétude
brosses roulantes montées sur un petit période donnée, entre les personnes qui aussi irréfléchie que la nausée (Romains).
chariot. Manche à balai, bâton au bout résident dans le pays et les personnes qui 2. État de ce qui est en équilibre : Les
duquel est emmanché le balai ; fam., per- résident à l’étranger. 3. Mettre quelque conditions de la création sont limitées par
sonne grande et maigre. (V. aussi MANCHE.) chose dans la balance, le faire entrer en un balancement d’avantages et d’inconvé-
Donner un coup de balai, procéder, avec ligne de compte. Jeter quelque chose nients (Renan). L’harmonieux balancement
le balai, au nettoyage d’un local ; au fig., dans la balance, faire ou dire quelque des phrases.
procéder à un renvoi massif de personnel chose qui doive emporter la décision : À • SYN. : 1 ballottement, battement, berce-
pour mettre de l’ordre dans une affaire, moins que la révolution [...] ne vienne je- ment, branle, dandinement, oscillation,
un service ; éliminer des idées qui avaient ter dans la balance son flamboyant glaive va-et-vient ; 2 balance, équilibre, pondé-
cours antérieurement : La belle page « Au d’archange (Balzac). Faire pencher la ration. — CONTR. : 1 arrêt, blocage, immo-
commencement Dieu créa le ciel et la terre » balance, apporter à quelqu’un des rai- bilisation ; 2 déséquilibre.

353
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

balancer [balse] v. tr. (de balance ; fin mouvement de va-et-vient : Au cartel d’or prenait un air de détresse, encore tout souillé
du XIIe s.). [Conj. 1.] 1. Porter alternati- qui s’endort | La lyre du pendule à peine se des débris du récent marché [...], comme si,
vement d’un côté, puis de l’autre : Les balance (Samain). 4. Se trouver à éga- dans le Midi, le mistral seul était chargé du
revendeurs d’eau fraîche, balançant leurs lité, en parlant du débit et du crédit d’un balayage (Daudet).
cruches vertes, vous donnaient soif de les compte : L’actif et le passif se balancent.
balayer [balje] v. tr. (de balai ; 1280,
entendre glapir [...] : « L’eau est fraîche, qui 5. Être harmonieusement réparti, réali-
Beaumanoir). [Conj. 2.]
vient boire ? » (Daudet). Ils reprirent leur ser un équilibre, en parlant de parties d’une
marche dans la boue [...], Katow balan- oeuvre littéraire ou artistique : Ses phrases I. 1. Amasser et rejeter avec un balai : Ba-
çant ses épaules (Malraux). 2. Très fam. se développent, sebalancent, deviennent des layer des épluchures, la neige. 2. Chas-
Jeter, lancer loin de soi : Des enfants qui périodes harmonieuses (Aragon). 6. Pop. ser, disperser à la façon d’un balai : Les
balancent des pierres par-dessus le mur. S’en balancer, s’en moquer, n’avoir aucune brises de montagne, avec le soir venues, |
Spécialem. Se débarrasser de quelque préférence : Pense ce que tu veux, je m’en Avaient blanchi le ciel et balayé les nues
chose ; congédier, renvoyer quelqu’un : balance. (Lamartine). 3. Fig. Faire disparaître
Plus d’une fois, j’ai eu envie de tout balan- • SYN.: 1 se dandiner, onduler, se tortiller ; rapidement : Une idée heureuse vint ba-
cer (L. Descaves). Tous ces médicaments 3 osciller. layer toutes ces visions fourchues (Ner-
lui avaient coûté très cher. Et je compris val). Tous confiants dans leur âge et dans
balancier [balsje] n. m. (de balance ; la vie, ignorant l’avenir sans le moindre
que c’était surtout cela qui la retenait de
XIIIe s., au sens de « fabricant de balances » ; soupçon du cataclysme que les hommes
les balancer (Gide). Jeanne doit avoir été
« objet qui balance », XVIe s.). 1. Vx. d’État d’Europe leur préparaient, et qui
balancée par son amant et être à court d’ar-
Fabricant de balances. 2. Pièce destinée à devait balayer d’un coup leurs petits
gent, pensa-t-il (Huysmans). Balancer un
régulariser un mouvement par ses oscilla- projets individuels, anéantir l’existence
coup de pied, une gifle, etc., les appliquer :
tions pendulaires : Le balancier d’une hor- des uns, métamorphoser celle des autres
J’y ai balancé un coup de pied (Barbusse).
loge. On entendait le lourd balancier s’en (Martin du Gard). 4. Disperser, em-
3. Égaliser, équilibrer par l’apport d’un
allant d’un mouvement grave, accentué, porter avec force : Balayer l’ennemi. La
poids ou d’un élément de même valeur : qui semblait couper et mesurer la vie en porte fermée qui le mettait provisoirement
Le règne exclusif de Mme de Maintenon a
petits morceaux tout pareils (Daudet). en marge du monde et de l’existence, qui
commencé [...] à la mort de Louvois, qui
3. Fig. Ce qui assure un équilibre, sert le balayait comme le vent une feuille sèche
en balançait l’influence (Michelet). Son de contrepoids : Ô compagnon de mon (Mac Orlan). 5. Fam. Renvoyer, congé-
sourire bénin balançait l’effet d’une pro- jeune âge, mon contrepoids, mon balan- dier : Balayer un employé incapable.
fonde cicatrice qui, partant du milieu du cier ! (Duhamel). 4. Nom donné à dif-
front, s’allait perdre sous des cheveux coupés II.1.Nettoyer avec un balai, rendre
férents organes de machines : Le balancier
en brosse (Gautier). 4. Fig. Donner une propre : Balayer la cuisine. Il avait été dé-
d’une machine à vapeur, d’une presse à
cadence harmonieuse à quelque chose : cidé que chacun ferait son lit — du moins
imprimer. Un bruit de balancier frappant
Balancer ses phrases. 5. Class. et fig. les célibataires — et balaierait sa chambre
à coups redoublés dans les entrailles du
Peser, considérer avec attention : Votre (Duhamel) ; et absol. : Une fille de salle
navire (Fromentin). Balancier moné-
Monsieur Purgon [...] ne balance aucune soulevait une poussière qui retombait
taire, machine utilisée pour la frappe des
dose (Molière). 6. Class. Tenir en sus- sur les malades, sous prétexte de balayer
médailles. 5. Longue perche avec laquelle
pens : [Moi] cet heureux Mithridate | Qui, (Aragon). 2. Traverser, parcourir un
les funambules, les acrobates assurent leur
de Rome toujours balançant le destin, | lieu en entraînant ou en détruisant tout
équilibre. 6. Ensemble de pièces de bois
Tenais entre elle et moi l’univers incertain sur son passage : L’eau balaie le pont de
montées à l’extérieur de certaines pirogues
(Racine). l’arrière (Gide). De grands souffles mu-
et qui en assurent la stabilité.
• SYN. : 2 flanquer (pop.) ; balayer (pop.), gissants qui s’élevaient successivement
balancine [balsin] n. f. (de balancer ; de tous les points cardinaux balayaient
bazarder (pop.), envoyer paître (pop.), pla-
1621, Binet). 1. Cordage allant du haut d’un en rafales soudaines ces solitudes encore
quer (pop.) ; 3 compenser, contrebalancer,
mât à l’extrémité d’une vergue : Balancines blanches de neige (Martin du Gard). Il ou-
neutraliser.
de hunier, de perroquet, de basse vergue. vrit la porte, dit une phrase comme s’il eût
v. intr. 1. Osciller sur place : Les mâtures
2. Roue placée à l’extrémité de l’aile et parlé au vent qui balayait furieusement la
d’une flotte à l’ancre balançaient (Arnoux).
qui équilibre l’avion au sol. grande place d’Alcala (Malraux). 3. Ef-
2. Fig. Hésiter entre deux partis pos-
fleurer d’un ample mouvement, couvrir,
sibles : Entre le désir et l’ennui | Notre balançoire [balswar] n. f. (de balance ;
parcourir un lieu dans toute sa surface :
inquiétude balance (Gide). Il balança XVIe s.). 1. Longue pièce de bois ou de métal
Quand tu vas balayant l’air de ta jupe
quelques instants à donner ou à ne point reposant en son milieu sur un point d’ap-
large, | Tu fais l’effet d’un beau vaisseau
donner cet ordre étrange (Duhamel). pui, et sur laquelle se balancent deux per-
qui prend le large (Baudelaire). Jaillis de
Absol. Hésiter : Elle réprima sa répu- sonnes placées chacune à une extrémité.
tous les points de l’horizon, des faisceaux
gnance et, sans balancer davantage, s’y Fam. Envoyer quelqu’un à la balançoire,
lumineux balayaient la voûte nocturne,
rendit (Martin du Gard). l’envoyer promener. 2. Siège suspendu
allongeant et entrecroisant leurs traînées
à deux cordes ou toute nacelle analogue
• SYN. : 1 brandiller, onduler ; 2 f lotter, laiteuses (Martin du Gard).
osciller, vaciller. — CONTR. : 2 décider, se sur lesquels on peut se balancer. 3. Fig.
et fam. Idée sans valeur, propos en l’air :
• SYN. : I, 2 dissiper, écarter ; 3 abolir,
déterminer à.
Il devient évident que la notion du temps anéantir, annihiler, écraser, pulvériser,
se balancer v. pr. 1. Balancer son corps ruiner ; 4 refouler, rejeter, repousser ; 5
telle que nos ancêtres se l’étaient transmise
en marchant : Elle s’avançait en se balan- balancer (pop.). — CONTR. : I, 2 amasser,
de millénaire en millénaire était une assez
çant sur ses hanches comme une pou- amonceler ; 5 conserver, garder.
risible balançoire (Aymé).
liche des haras de Cordoue (Mérimée).
• SYN. : 1 bascule ; 2 escarpolette ; 3 bali- balayette [baljt] n. f. (de balai ; XIIIe s.).
2. S’adonner au jeu de la balançoire :
verne, bêtise, fadaise, faribole, niaiserie, Petit balai à manche court.
Il apporta lui-même au dessert une pièce
sornette.
montée qui fit pousser des cris [...] ; sur la balayeur, euse [baljoer, -øz] n. (de
plate-forme supérieure [...], on voyait un balayage [balja] n. m. (de balayer ; balayer ; XIIIe s.). Personne qui balaie.
petit Amour se balançant à une escarpolette 1783, Mercier). Action de balayer, de net- Spécialem. Employé dont le métier est
de chocolat (Flaubert). 3. Être animé d’un toyer : De cette solitude, le « cours » élargi de balayer la voie publique : Les balayeurs

354
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

traçaient leurs arcs de cercle réguliers sur pareille matière (l’infini) [...] se résume baleineau [balno] ou baleinon
le trottoir, comme des jouets mécaniques à dire que [...] on ne sait pas grand-chose [baln] n. m. (dimin. de baleine ; 1575,
(Montherlant). Grâce à son influence poli- (Renan). Thevet, écrit balenon ; baleineau, XVIIIe s.).
tique, il lui fut donné d’obtenir un emploi de • SYN.: 1 bafouiller, marmonner, marmotter. Petit de la baleine.
balayeur municipal à cet ancien condisciple
balbuzard [balbyzar] n. m. (angl. bal- baleinier, ère [balnje, -r] adj. (de
(Aymé). Les douteux indices qui s’empi-
dbuzzard, de bald, chauve, et de buzzard, baleine ; 1389, Froissart). Qui a rapport à
laient sous mes yeux comme des papiers
rapace, de l’anc. franç. buse, mauvais la chasse à la baleine : Centre baleinier. Port
gras sur la pique d’un balayeur (Gracq).
faucon ; 1770, Buffon). Oiseau de proie baleinier. Industrie baleinière.
balayeuse n. f. (1866, Larousse).
d’assez forte taille, au plumage brun et baleinier n. m. 1. Marin qui chasse la
1. Véhicule pourvu d’un balai rotatif et
blanc, aux serres puissantes, diurne et baleine : Les baleiniers, armant leurs piro-
destiné au nettoiement des chaussées.
piscivore : Je clouerai le conseiller sur sa gues de pêche (Hugo). 2. Navire équipé
2. Vx. Plissé de mousseline traînant
porte comme un balbuzard (La Varende). pour cette chasse.
à terre, qui garnissait le bas des jupes
longues : Sa balayeuse — c’était alors la baleinière n. f. (début du XIXe s.).
balcon [balk] n. m. (ital. balcone, même
mode — était vraiment une balayeuse qui 1. Embarcation légère, utilisée autrefois
sens, du germ. *balko, poutre ; 1565, Ph.
ramassait toute la poussière des trottoirs pour la chasse à la baleine. 2. Canot étroit
Delorme). 1. Plate-forme en saillie sur
(Hermant). et léger que possèdent tous les bateaux d’un
la façade d’un bâtiment, entourée d’une
certain tonnage.
balayures [baljyr] n. f. pl. (de balayer ; balustrade et permettant de se tenir à l’exté-
• SYN.: 2 chaloupe.
1387, Godefroy). 1. Déchets, ordures ramas- rieur : Une scène qui sedéroulait souvent au
sés avec un balai. 2. Fig. Rebut : Saint balcon qui faisait face à sa fenêtre (Camus). balèvre [balvr] n. f. (de ba- [du lat. bis,
Paul, méprisé de la foule, rejeté comme les Pop. Il y a du monde au balcon !, se dit deux fois] et de lèvre ; XIIe s., Chevalier
balayures du monde (Chateaubriand). Ces en parlant d’une femme qui a une poitrine Vivien, écrit baulèvre). 1. Vx. Les deux
moraines refoulées comme de monstrueux opulente. 2. Balustrade servant d’appui à lèvres. Péjor. Grosses lèvres. 2. Par
monceaux de balayures (Duhamel). une fenêtre ou à un balcon : Michèle et mon anal. Saillie d’une pierre sur une autre,
• SYN.: 2 détritus, immondices. père s’étaient accoudés à une extrémité du dans un parement de mur.
balcon (Mauriac). 3. Fig. Poste d’obser-
balbutiant, e [balbysj, -t] adj. (part. balèze [balz] ou balès [bals] n. m.
vation : Et le Gardien pensif du mystique
prés. de balbutier ; 1858, Peschier). Qui bal- et adj. (du provenç. balès, gros ; début du
oranger | Des balcons de l’Aurore éternelle
butie : Elle s’arrêta, balbutiante, les cils bat- XXe s.). Arg. Homme grand et fort : [Les]
se penche (Leconte de Lisle). 4. Ancienn.
tants, le coeur serré d’angoisse (Duhamel). balès qui soulèvent comme une chique des
Au théâtre, prolongement latéral, jusqu’à
crédences à colonnes torses (Audiberti).
balbutiement [balbysim] n. m. (de l’avant-scène, de la première galerie au-
• SYN.: costaud (fam.), hercule.
balbutier ; 1751, Encyclopédie, au sens 1 ; dessus de l’orchestre. Par extens. La
au sens 2, 1826, Mozin). 1. Action de bal- première galerie tout entière, d’une avant- balisage [baliza] n. m. (de baliser ; 1467,
butier ; paroles prononcées de façon indis- scène à l’autre : Avoir une place au balcon. Godefroy). 1. Action de placer des balises.
tincte : Un balbutiement confus d’enfant qui 2. Ensemble de balises mises en place
baldaquin [baldak] n. m. (ital. baldac-
souffre venait de la réveiller (Zola). 2. Fig. pour signaler un danger à éviter ou pour
chino, étoffe de soie de Bagdad, Baldacco
Débuts tâtonnants : Ces commencements indiquer la route à suivre.
en anc. ital. ; 1352, Delboulle). 1. Dais tendu
de l’état chantant, ces printemps intimes de
d’étoffes précieuses, porté au-dessus du 1. balise [baliz] n. f. (origine inconnue ;
l’invention expressive sont délicieux, comme
saint sacrement, du pape : Puis venait un XVe s.). 1. Ouvrage ou bouée servant de
est délicieux le balbutiement préalable de
l’orchestre, quelques instants avant qu’il baldaquin soutenu par quatre colosses point de repère en mer, sur un chenal :
(Duhamel). 2. Construction d’apparat Sur ces eaux peu profondes [...], nous sui-
s’ordonne (Valéry). Les balbutiements du
en bois, en pierre, etc., couronnant l’autel vions un chenal entre des balises (Barrès).
cinéma. Spécialem. Premiers essais litté-
raires maladroits : Il ne supportait pas l’idée d’une église, un trône. 3. Ciel de lit et 2. Marque indiquant le tracé d’un canal,
rideaux : Deux couverts avec des tim- d’une ligne de chemin de fer, d’une piste
que quelqu’un pût le juger sur ses balbutie-
bales d’argent y étaient mis sur une petite d’aviation : Cette place solitaire, avec ses
ments de jeune homme (Martin du Gard).
table, au pied d’un grand lit à baldaquin arbres en carré et ses blanches balises
balbutier [balbysje] v. intr. (lat. balbu- (Barbey d’Aurevilly). 3. Émetteur radio-
(Flaubert).
tire [de balbus, bègue], avec changement électrique permettant à un avion ou à un
de conjugaison ; 1390, Ph. de Maizières). bale n. f. V. BALLE 2.
navire de se guider ou de connaître sa
1. Prononcer de façon confuse ; parler de position.
baleine [baln] n. f. (lat. balaena ; 1080,
façon indistincte et en hésitant : Après une Chanson de Roland). 1. Mammifère marin
hésitation qui parut interminable à toutes 2. balise [baliz] n. f. (origine obscure ;
de l’ordre des cétacés, le plus grand des ani-
deux, la petite balbutia (Martin du Gard). 1651, Cauche). Fruit du balisier.
maux actuels : Le crépuscule muet des pôles,
2. Fig. N’en être qu’à ses débuts ; être baliser [balize] v. tr. (de balise 1 ; 1494,
avec le jet d’eau des baleines qui soufflent
dans l’incertitude et hésiter : L’astronomie, Godefroy). Marquer avec des balises :
(Flaubert). Pop. Rire comme une baleine,
arrivée à ces distances, ne fait plus que bal- Baliser un chenal. Baliser un terrain
rire en ouvrant une large bouche (allusion à
butier (Renan). Ces sciences où l’hypothèse d’atterrissage.
la baleine découvrant ses fanons). 2. Par
balbutie et où l’imagination reste maîtresse
méton. Lame de corne flexible, tirée des baliseur [balizoer] n. m. (de baliser ; 1516,
(Zola).
fanons de la baleine, et, par extens., tige Godefroy). 1. Homme responsable du bali-
•SYN.: 1 bafouiller (fam.), bredouiller, mar-
flexible d’une autre matière (métal, plas- sage. 2. Navire équipé pour la pose et
monner, marmotter.
tique, etc.) pour tendre un tissu : Des l’entretien des balises.
v. tr. 1. Dire confusément : Quand elle baleines de parapluie.
voulut crier, appeler au secours, elle ne balisier [balizje] n. m. (origine incer-
• SYN.: 2 busc.
put balbutier que des sons rauques (Zola). taine ; 1694, Th. Corneille). Plante exotique
Le vétérinaire balbutia une protestation baleiné, e [balne] adj. (de baleine ; 1364, dont plusieurs espèces sont cultivées dans
confuse (Aymé). 2. Fig. Exprimer avec Barbier). Garni de baleines : Un col de den- les serres et les jardins pour la beauté de
hésitation : Tout ce qu’on balbutie en telle baleiné (Pagnol). leurs fleurs rouges ou jaunes. (Syn. CANNA.)

355
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

baliste [balist] n. f. (lat. ballista, du gr. une multitude de petits États, comme serrer dans ses bas (Proust). Suzanne était
ballein, lancer ; 1546, Rabelais). Machine les Balkans après la Première Guerre une vraie femme de théâtre, presque une
de guerre antique, qui servait à lancer des mondiale. enfant de la balle (Duhamel). Fig. Avoir
projectiles divers : La poignée de pierres la balle, avoir le droit de commencer le
ballade [balad] n. f. (provenç. balada,
que lance la baliste (Hugo). v
danse, de ballar, danser ; 1260, Adam
n. m. Poisson des récifs coralliens, for- àprleumidie’ar.giroÀudoeu
sp,a
àrlelur.ilaP breanllde,r
eà,svaoiusisr,
de la Halle). 1. Vx. Chanson à danser.
tement armé et pourvu d’un aiguillon la balle au bond, saisir rapidement l’occa-
2. Poème à forme fixe, mais non unique
pouvant se redresser comme l’antenne sion. Se renvoyer la balle, échanger des
(constituée au XIVe s.), composé le plus sou-
d’une baliste. répliques, ou se renvoyer mutuellement
vent de trois strophes, suivies d’un envoi
une responsabilité. 2. Par extens. Le
balistique [balistik] adj. (de baliste ; 1647, d’un nombre de vers égal à la moitié de
jeu auquel sert la balle : Jouer à la balle.
Mersenne). Qui a rapport à l’art de lan- celui de chaque strophe : La « Ballade des
Balle au chasseur, jeu d’enfant consis-
cer des projectiles : Au seizième siècle, on pendus », de Villon. 3. Récit en vers dis-
tant à atteindre avec une balle un cama-
rayait les canons ; cela augmente la puis- posé en strophes régulières et généralement
rade qui s’enfuit. Une belle balle, un
sance balistique (Hugo). Engin ou mis- inspiré par la légende ou l’histoire : Les
beau coup au jeu de balle. Pop. Ça fait
sile balistique, mobile fonctionnant sous « Odes et Ballades » de V. Hugo. Les ballades
ma balle, ça fait mon affaire.
la seule action des forces de gravitation, allemandes. 4. Pièce musicale adaptée au
à l’exclusion des forces de propulsion et texte d’une ballade. II. 1. Petite boule de métal servant de
de la portance de l’air. Onde balistique, projectile pour les frondes, les armes à
ballant, e [bal, -t] adj. (part. prés. de
onde sonore provoquée par le passage d’un feu. 2. Par extens. Tout projectile d’une
baller ; 1687, Desroches). Se dit de ce qui
projectile. arme à feu de petit calibre : Deux ou
pend et oscille : Assis sur les bancs, les
trois balles sifflent encore, plus rasantes
n. f. Science qui étudie le mouvement jambes ballantes (Flaubert). De curieuses
celles-ci (Loti). Les gerbes des balles tra-
des projectiles. oreilles ballantes (Camus). Les bras
çantes de la défense aérienne sillonnaient
ballants, se dit d’une personne qui laisse
balivage [baliva] n. m. (de baliveau ; le ciel (Gide). Je connais la question et je
tomber ses bras par paresse ou par désoeu-
1669, Delboulle). Choix ou marque des t’affirme qu’une balle ordinaire peut faire
vrement : Jacques attendait, les bras bal-
baliveaux dans une coupe. des plaies terribles (Duhamel). Des balles
lants (Martin du Gard). Il errait de salle
passaient avec un bruit mou de guêpes,
baliveau [balivo] n. m. (de l’anc. franç. en salle, les bras ballants (Montherlant).
et d’autres, au même instant, faisaient
baïf, « qui regarde attentivement » [de baer, ballant n. m. Mouvement d’oscillation éclater les tuiles avec le son le plus dur
regarder], le baliveau servant au bûcheron d’un corps qui tend à prendre de l’ampli- (Malraux). Faire balle, toucher en un
de point de repère dans son travail ; 1274, tude : Afin d’enlever du ballant au bateau
point précis ; au fig., atteindre quelqu’un
Villehardouin, écrit baiviaus ; baliveau, (A. de Châteaubriant). Peut être appliqué au point sensible.
1549, R. Estienne). 1. Jeune arbre réservé à une personne : L’autre [femme], tenant
dans un taillis pour devenir bois de sur sa tête le panier à raisin, s’avance avec 2. balle [bal] n. f. (du francique *balla,
futaie. 2. Longue perche verticale d’un un ballant dans la démarche (Goncourt). allem. Ballen, ballot ; 1268, É. Boileau).
échafaudage. 1. Gros paquet de marchandises : La petite
ballast [balast] n. m. (mot angl. signif. place et les quais tout entiers sont cou-
baliverne [balivrn] n. f. (origine incer- « lest pour navires » ; 1399, Archives ;
verts de balles de coton (Gide). 2. Class.
taine ; à rapprocher du provenç. baiuverno, terme de chemins de fer, 1840, Minard). Marchandises de balle, celles que les colpor-
étincelle [évolution sémantique analogue 1. Lest qu’on embarque à bord d’un teurs portent dans leur ballot. De balle,
à celle de bluette] ; 1470, Pathelin). Fam. navire dans des compartiments spéciaux.
de pacotille, sans valeur : Allez, rimeur de
Propos frivole, futilité : Nous ne sommes 2. Compartiment d’un navire destiné à balle, opprobre du métier (Molière).
pas ici pour dire des balivernes (Mérimée). recevoir de l’eau douce, ou de l’eau de mer
Nous avons joué vingt fois devant des rois servant de lest. 3. Compartiment dont le 3. balle [bal] n. f. (de l’anc. franç. bal-
et des princes. Ils nous recevaient, parfois, remplissage permet la plongée d’un sous- ler, remuer, vanner ; 1549, R. Estienne).
après la représentation, et nous disaient des marin. (En ce dernier sens, on dit aussi Enveloppe du grain détachée au battage :
balivernes (Duhamel). WATER-BALLAST.) 4. Cailloux concas- La balle s’envolait ; le grain roulait à terre
• SYN.: bagatelle, enfantillage, fadaise, fari- sés régulièrement, que l’on tasse sous les (Gide).
bole, niaiserie, puérilité, sornette. traverses d’une voie ferrée : Une équipe de 4. balle [bal] n. f. (origine obscure ; 1836,
terrassïers, portant pioches et pelles, chemi- Vidocq). Pop. Figure : La bonne balle du
baliverner [balivrne] v. intr. et tr. (de
nait sur le ballast entre les rails du chemin gentilhomme campagnard (Sarment).
baliverne ; 1540, N. du Fail). Class. Dire
de fer (Duhamel).
des balivernes : Mais vous-même, ma mie, balles n. f. pl. (peut-être de balle, figure ;
êtes-vous ivre ou folle, | De me baliverner 1. balle [bal] n. f. (ital. dialect. balla [ital. 1655, Esnault). Pop. Pièce de un franc ;
avec vos contes bleus ? (Regnard). palla] ; 1534, Rabelais ; au sens II, XVIe s.). franc, unité de valeur (toujours avec un
chiffre) : « J’ai trois cent quarante balles là-
balkanique [balkanik] adj. (de Balkans, I. 1. Petite sphère de substance élastique
dedans, les veux-tu ? » fit-elle, en soulevant
n. géogr.). Qui appartient aux Balkans : La ou d’une autre matière, qui sert à divers
son petit sac (Martin du Gard).
péninsule balkanique. jeux ou sports : Balle de tennis, de golf.
Des garçons [...] devisaient et lançaient baller [bale] v. intr. (anc. franç. baller,
balkanisation [balkanizasj] n. f. (de
des balles contre le mur rose (Duhamel). remuer, du bas lat. ballare, danser, issu du
Balkans, n. géogr.). Processus de frag-
Enfant de la balle, se disait du fils d’un gr. ballein, jeter ; XIIe s.). 1. Class. (déjà vx
mentation nationaliste aboutissant à la
joueur de paume initié au jeu dès l’en- au XVIIe s.) et littér. Danser : Vous faites
formation de nouveaux États aux dépens
fance ; au fig., personne qui continue le baller les muses à cent lieues de vous
d’un ensemble territorial présentant une
métier de son père, et spécialement co- (Chapelain). À cette époque, mon père
certaine unité géographique et ayant vécu
médien, saltimbanque né et élevé parmi tenait table ouverte. On ballait pendant
antérieurement dans un même cadre admi-
les gens de théâtre, les gens du cirque : trois jours : les maîtres dans la grand-salle,
nistratif, sinon politique.
Heureuse d’apporter à sa fille les billets au raclement d’un violon ; les vassaux dans
balkaniser (se) [sbalkanize] v. pr. (de bleus que, par une gaminerie de vieille la Cour Verte, au nasillement d’une musette
Balkans, n. géogr. ; XXe s.). Se diviser en enfant de la balle, elle avait l’habitude de (Chateaubriand). Pop. Envoyer baller

356
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

quelqu’un, le renvoyer sans ménagement : une affaire. 4. Ballon d’oxygène, réservoir • SYN. : balluchon (fam.), colis ; 2 abruti,
C’est kif-kif la gosse qui, quand elle setrouve contenant de l’oxygène pour les malades ; crétin, idiot.
à côté d’un bonhomme qui ne parle pas de au fig., ce qui a un effet tonique : Il faut
ballottade [baltad] n. f. (de ballotter ;
l’envoyer baller, finit par chercher à lui mon- que chacun de mes articles soit un ballon
1611, Cotgrave). Léger saut du cheval déta-
ter sur les genoux (Barbusse). 2. Osciller d’oxygène qui donne à respirer au lecteur
chant du sol ses quatre sabots sans ruer.
de côté et d’autre : D’une main relevant sa une confiance justifiée (Barrès). 5. Vase
jupe, de l’autre tenant son en-tout-cas et en verre, de forme sphérique et muni d’un ballottage [balta] n. m. (de ballotter ;
son porte-cartes dont elle laissait voir le col, utilisé en chimie. 6. Verre à pied de 1520, Godefroy). Résultat d’une élection où
chiffre, laissant baller devant elle son man- forme sphérique ; et adjectiv. : Un verre aucun des candidats n’a obtenu la majorité
chon (Proust). Il [...] lui prit de force la petite ballon. Le contenu de ce verre : Un ballon requise et qui rend nécessaire un nouveau
valise de fibre, assez chétive, assez légère, de blanc sec. 7. Manche ballon, manche scrutin : Les probabilités sont pour le bal-
qui lui ballait au bout du bras (Duhamel). courte et froncée très gonflante. lottage, et Barbentane au deuxième tour
Exprès, il laissait sa tête baller en arrière (Aragon). Scrutin de ballottage, nouveau
• SYN.: 3 aérostat.
aux cahots de la course (Cocteau). vote pour départager les candidats.
• SYN.: 2 balancer, ballotter, dodeliner. 2. ballon [bal] n. m. (traduction de
ballottement [baltm] n. m. (de bal-
l’allem. Belchen, confondu avec Bällchen,
ballerine [balrin] n. f. (ital. ballerina, de lotter ; 1586, Taillepied). Mouvement de ce
petite balle, dimin. de Ball ; 1560, Marichal,
ballare, danser ; 1858, Peschier, Supplément qui est agité de côté et d’autre : Là-dessus, il
Dict. topogr. des Vosges). Sommet arrondi,
au Dict. de Mozin). 1. Danseuse de bal- finit par s’endormir [...], tout le corps secoué
dans les Vosges : Le ballon d’Alsace.
let, et particulièrement soliste de classe aux heurts, aux ballottements [...] d’un
internationale : Elle sauta sur un pied, fit ballonné, e [balne] adj. (part. passé train rapide lancé à toute vapeur (Daudet).
une volte de ballerine et disparut (Colette). de ballonner). Distendu, gonflé : Ventre • SYN.: balancement, brimbalement, cahot.
2. Chaussure de femme légère et souple, ballonné.
ballotter [balte] v. tr. (de l’anc. franç.
qui rappelle les chaussures des danseuses.
ballonnement [balnm] n. m. (de bal- ballotte, petite balle ; 1395, Chr. de Pisan).
ballet [bal] n. m. (ital. balletto, dimin. lonner ; 1835, Acad.). Gonflement anormal 1. Agiter en divers sens : Le candidat royal
de ballo, bal ; 1598, A. d’Aubigné). du ventre, résultant de l’accumulation de est monté sur un cheval blanc ; il est suivi
1. Représentation scénique de danse figu- gaz intestinaux. de Benjamin Constant dans une chaise
rée, exécutée par plusieurs personnages. •SYN.: flatulence, flatuosité, météorisation, à porteurs ballottée par deux Savoyards
Corps de ballet, à l’Opéra de Paris, météorisme. (Chateaubriand). Quant au Tyran et à
ensemble des danseurs de ballet attachés Blazius, ils dormaient insouciamment,
à ce théâtre ; dans les autres théâtres, ballonner [balne] v. tr. (de ballon ;
ballottés entre les coffres (Gautier). 2. Fig.
l’ensemble des danseurs, moins les étoiles. 1584, Du Monin). 1. Causer un ballonne-
Ballotter quelqu’un, le renvoyer d’une per-
Maître de ballet, celui qui dirige les dan- ment : La luzerne fraîche ballonne le bétail.
sonne à une autre. (au passif)Être bal-
seurs. Opéra-ballet, comédie-ballet, v. ces 2. Gonfler comme un ballon, donner du
lotté entre..., passer d’un sentiment à un
mots à leur ordre alphab. 2. Suite musi- volume : Sa peau rude, ballonnée de graisse
autre, hésiter entre plusieurs possibilités
cale destinée à accompagner ce spectacle de jaune (Zola). Un large jupon noir, pincé aux
sans pouvoir se décider : [En février 1830,]
danse : « Coppélia », ballet de Léo Delibes. jarrets, ballonnait la silhouette (Aymé).
les bourgeois ont été ballottés entre deux
• SYN.: 1 gonfler ; 2 bouffir, boursoufler.
balletomane [baltman] n. m. (de ballet peurs, celle de Charles X d’abord et celle
et du suff. -mane ; milieu du XXe s.). Grand v. intr. et se ballonner v. pr. Se gon- des ouvriers ensuite (Blanqui). Ballotté que
amateur de ballet. fler comme un ballon : Un grand feu de j’étais entre le désir de savoir et la peur de
sarments flamboyait, que le vieil Antoine souffrir (Proust). 3. Class. Mettre aux
1. ballon [bal] n. m. (ital. dialect. ballone activait encore, et au-dessus duquel il faisait voix : Le cardinal Rospigliosi [...] ne veut
[ital. pallone], grosse balle ; 1549, Rabelais ; ballonner ma chemise de nuit (Gide). pas que l’on parle seulement de sescréatures
« aérostat », 1783, Bachaumont). 1. Vessie
• SYN.: bouffer. tant que celles de Chigi n’auront pas été
gonflée d’air et recouverte de cuir ou de
ballottées (Retz).
peau : Ballon de football. 2. Légère bau- ballonnet [baln] n. m. (dimin. de bal-
• SYN. : 1 balancer, brimbaler, cahoter,
druche gonflée : Ballon d’enfant. Fam. lon ; 1877, Littré). Petit ballon.
remuer, secouer.
Crever, dégonfler des ballons, dénoncer des
ballonnier [balnje] n. m. (de ballon ; v. intr. 1. Aller dans un sens, puis dans
exagérations, des impostures. Gonflé,
1866, Larousse). Fabricant de ballons l’autre ; être soumis à des mouvements
enflé comme un ballon, plein de suffisance,
(jouets). contraires : Il avait un grand tablier avec
vaniteux. Pop. Se remplir le ballon, se
remplir le ventre, manger abondamment. ballon-sonde [balsd] n. m. (de ballon une poche par-devant, dans laquelle ballot-
Pop. Faire ballon, se passer de quelque et de sonde ; 1922, Larousse). Ballon libre et taient un sécateur, un foulard et sa tabatière
chose. Pop. Avoir le ballon, être enceinte : non monté, muni d’appareils enregistreurs (Flaubert). 2. Class. Au jeu de paume, se
Tiens, la petite Fanny a attrapé le ballon et utilisé en météorologie. renvoyer la balle sans faire de partie réglée :
(Pagnol). 3. Aéronef utilisant comme Qui veut y ballotte à la paume (Scarron).
• Pl. des BALLONS-SONDES.
seul moyen de sustentation un gaz plus ballottine [baltin] n. f. (de l’anc. franç.
léger que l’air : Ballon sphérique, ballon ballot [balo] n. m. (de balle 2 ; 1406,
ballotte, petite balle ; 1739, Dons de Camus).
dirigeable. Il y avait là, sur la place, une Godefroy). 1. Gros paquet de marchan-
Galantine faite de viande de volaille ou de
petite tente, et, au milieu d’une enceinte dises, de vêtements : Ils avaient, pour nous
gibier hachée et de farce, et qu’on présente
tracée par une corde, un grand ballon voir, traversé tout le département, chargés
roulée sous la forme d’un petit ballot.
jaune tirant sur son câble, qui se balançait de ballots de châtaignes et de victuailles
(Daudet). Ballon d’essai, petit ballon pour Noël (Alain-Fournier). Le bonhomme ball-trap [boltrap] n. m. (angl. ball, boule,
qu’on lance pour connaître la direction ne se hâtait guère de ficeler son ballot et trap, ressort ; 1888, Larousse). Appareil à
du vent ; au fig., nouvelle, propos lancés (Duhamel). 2. Fam. Personne maladroite ressort lançant en l’air des pigeons d’argile
pour permettre d’observer les réactions et sans finesse ; imbécile : Attention, eh qui servent de cible pour l’entraînement au
d’un interlocuteur, d’un milieu social ; ballot ! t’as failli me cogner sur les doigts tir des oiseaux.
première expérience tentée pour lancer (Benoit). • Pl. des BALL-TRAPS.

357
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

balluchon ou baluchon [baly] n. m. balsa [balza] n. m. (mot esp. ; 1752, (France). 2. Colonnette de forme ana-
(de balle, paquet ; 1821, Ansiaume). Fam. Trévoux). Arbre d’Amérique centrale, dont logue incluse dans le dossier d’un siège.
Modeste paquet de vêtements, de linge : le bois très léger sert à la construction de 3. Ensemble de balustres assemblés par
Si tu rentrais, je t’ai préparé ton baluchon radeaux, de modèles réduits d’avions, de une tablette, une main courante : Eustache
(Giono). maquettes, etc. : Les balsas que les pêcheurs, descendit tout pensif l’escalier à balustre de
• REM. L’orthographe baluchon a disparu à califourchon sur l’arrière, conduisent, les pierre (Nerval). 4. Class. Galerie fermant
du dictionnaire de l’Académie en 1932. pieds trempant dans l’eau (Morand). l’alcôve du roi : Le roi fit entrer Portland
dans le balustre de son lit (Saint-Simon).
balnéaire [balner] adj. (lat. balnearius, balsamier [balzamje] ou baumier
• SYN.: 3 balustrade.
de balneum, bain ; 1866, Larousse). Qui [bomje] n. m. (du lat. balsamum, baume ;
a rapport aux bains et surtout aux bains 1213, Fets des Romains ; 1783, Encycl. balustrer [balystre] v. tr. (de balustre ;
de mer : Une eau du type de la vôtre peut méthodique). Espèce de peuplier des 1548, Godefroy). Clore, entourer comme
trouver du côté balnéaire des applications régions chaudes, dont les feuilles exhalent d’une balustrade (rare) : On entendait un
valables (Romains). Royan est une station une odeur douce et qui produit un baume. rossignol dans un étroit vallon balustré de
balnéaire. cannes (Chateaubriand).
balsamine [balzamin] n. f. (du lat. balsa-
balnéation [balneasj] n. f. (lat. balnea- mum, baume ; 1545, Guéroult). Plante ori- balzacien, enne [balzasj, -n] adj. (de
tio ; 1866, Larousse). Action de prendre ou ginaire de l’Inde et acclimatée en Europe, Balzac ; XIXe s.). 1. Relatif à Balzac : Études
de donner des bains, notamment des bains dont de nombreuses espèces sont cultivées balzaciennes. 2. Digne de Balzac ; qui
médicamenteux. dans les jardins : Ses fenêtres s’ornaient de rappelle les romans de Balzac : La rue du
géraniums ou de balsamines, selon la saison Roi-de-Sicile, ce nom pour crimes balza-
balnéatoire [balneatwar] adj. (lat. (Dhôtel). ciens, se poursuit et glisse vers un horizon
balneatorius, de balneum, bain ; 1835, de tristesse (Fargue).
Acad.). Vx. Relatif aux bains : Tous les balsamique [balzamik] adj. (du lat. bal-
raffinements de l’art balnéatoire antique samum, baume ; 1516, G. Michel). 1. Qui balzan, e [balz, -an] adj. (ital. balzano,
a l’odeur saine de la résine, des pins : À du lat. pop. *balteanus, rayé [de balteus,
(Gautier).
l’odeur familière se mêlait ici un parfum bande] ; 1584, Du Bartas). Se dit d’un che-
balnéothérapie [balneoterapi] n. f. particulier, lourd, vaguement balsamique val noir ou bai qui a des taches blanches
(du lat. balneum, bain, et du gr. therapeia, (Martin du Gard). Une tiède et balsamique au-dessus des sabots.
traitement ; 1878, Larousse). Traitement haleine (Heredia). 2. Qui contient un balzane n. f. (1533, Godefroy). Tache
médical par l’emploi méthodique des bains. baume : Sirop balsamique ; et au fig. : La de poils blancs au-dessus du sabot d’un
balourd, e [balur, -urd] adj. et n. (ital. vertu doucement balsamique [...] d’un pay- cheval : Ce cheval avait deux balzanes aux
balordo ; 1550-1560, farce du Troqueur sage (Gracq). jambes (Hugo).
de maris). 1. Qui est dénué de finesse et n. m. Médicament contenant un baume. bambin, e [bb, -in] n. (ital. bambino,
commet de grosses maladresses : Jevous ai petit enfant ; fin du XVIe s.). Petit garçon,
balthazar [baltazar] n. m. (par allu-
aimée en silencieux, en balourd (Bernstein). petite fille, avec une nuance d’affection :
sion au festin du dernier roi de Babylone ;
2. Qui est sans grâce, fruste et un peu Les hommes se haussaient, mettaient des
XIXe s.). 1. Pop. et vx. Repas plantureux
ridicule : Et rouge d’indignation, il sedéme- bambins ébahis à califourchon sur leur cou
comme le festin de Balthazar : Je vais me
nait dans sa grande redingote avec les gestes (Zola).
donner une bosse et faire un balthazar
balourds des gens de campagne habitués au • SYN. : chérubin (fam.), gamin, marmot
intime (Murger). Le soir, on avait fichu un
bourgeron (Daudet). (fam.), petit.
balthazar à tout casser (Zola). 2. Grosse
• SYN.: 1 ballot (fam.), buse, butor, cruche bouteille de champagne, équivalant à seize • REM. Le fém. bambine est peu usité.
(fam.), empoté (fam.), lourdaud, maladroit, bouteilles champenoises.
bambochade [bbad] n. f. (ital. bam-
sot, stupide ; 2 gauche, godiche (fam.), lourd. • SYN.: 1 banquet, bombance (fam.), bombe bocciata, qui désignait les peintures du
— CONTR.: 1 adroit, fin, futé, habile, malin,
(fam.), gueuleton (fam.). peintre hollandais P. Van Laer, surnommé
spirituel, subtil ; 2 délicat, délié, élégant,
baluchon n. m. V. BALLUCHON. il Bamboccio, le Pantin, à cause de sa petite
gracieux, raffiné.
taille ; milieu du XVIIe s.). Peinture de scènes
balourd n. m. En termes de mécanique, balustrade [balystrad] n. f. (ital. balaus- pittoresques ou burlesques : Les bambo-
déséquilibre dans une pièce tournante, trata [même évolution que balustre] ; milieu chades de Teniers [...] valent mieux que les
dont le centre de gravité ne se trouve pas du XVIe s.). 1. Rangée de balustres unis par fanfreluches de Watteau (France).
sur l’axe de rotation. une tablette. 2. Clôture à hauteur d’appui
bambochard n. m. V. BAMBOCHEUR.
balourdise [balurdiz] n. f. (de balourd ; et ajourée, établie le long d’une terrasse,
d’un balcon, etc. : Je voyais au loin la balus- bamboche [bb] n. f. (de l’ital. bam-
1640, Oudin). 1. Caractère du balourd : La
balourdise des foules (Zola). Il semanifestait trade de ciment blanc qui court le long de boccio, pantin ; 1680, Richelet, « marion-
en tout comme un disciple de Sénac, buvait la Jetée-Promenade (Sartre). nette » ; « débauche », XVIIIe s.). 1. Vx. Sorte
sans virtuosité, mais avec application, mon- de marionnette. 2. Vx. Personne contre-
balustre [balystr] n. m. (ital. balaus-
trait, à critiquer les hommes, les choses et les faite. 3. Fam. Fête grossière, débauche,
tro, du lat. balaustium, issu du gr. ; 1529,
événements, une verbeuse diligence et une ripaille : S’abrutir dans la fainéantise et la
Parmentier, « fleur de grenadier » ; sens
joviale balourdise (Duhamel). 2. Chose bamboche (Neveux).
archit. [par analogie de forme], 1633,
faite ou dite fort mal à propos : Gageons Archives). 1. Pilier de petite taille, présen-
• SYN. : 3 bamboula (pop.), bombe (pop.),
que, s’il était en place, il ne serait pas une bringue (pop.), foire (pop.), noce (pop.),
tant un renflement central et générale-
semaine sans commettre de balourdises nouba (fam.).
ment employé avec d’autres : Nous prîmes
(Balzac). Par vanité, j’ai lâché quelques le café sur la terrasse, dont les balustres, bambocher [bbe] v. intr. (de bam-
balourdises (Gide). embrassés et arrachés à leur rampe de boche ; 1807, J.-F. Michel). Fam. Se livrer
• SYN.: 1 lourdeur, sottise ; 2 ânerie (fam.), pierre par un lierre vigoureux, restaient fréquemment aux bamboches, faire la
bêtise (fam.), gaffe (fam.), maladresse, stu- pris entre les noeuds de la plante lascive, noce : Je vous prêterai mois par mois
pidité. — CONTR.: 1 adresse, à-propos, déli- dans l’attitude éperdue des femmes thes- l’argent nécessaire pour vivre, mais pour
catesse, esprit, finesse, pertinence, subtilité. saliennes aux bras des centaures ravisseurs vivre strictement et non pour bambocher

358
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

(Balzac). Il considérait que la vie était faite III.1.Class. Condamnation à l’exil, au banalisation [banalizasj] n. f. (de bana-
uniquement pour bambocher et plaisanter bannissement (repris littérairement) : liser ; début du XXe s.). Action de banali-
(Maupassant). Je suis allé visiter les lieux où Bona- ser ; état de ce qui est banalisé : Les grands
• SYN.: nocer. parte aborda après avoir rompu son ban esprits tendent à la banalisation (Gide).
à l’île d’Elbe (Chateaubriand). Être
bambocheur, euse [bboer, -øz] adj. banaliser [banalize] v. tr. (de banal ; 1842,
en rupture de ban, pour un interdit de
et n. (de bambocher ; 1821, Des-granges). J.-B. Richard de Radonvilliers). 1. Priver
séjour, enfreindre l’interdiction dont il
Fam. Qui aime bambocher : Avec cela rigo- d’originalité ; rendre ordinaire, commun :
est l’objet ; au fig., en parlant d’une per-
leur en diable, bonne tripe de bambocheur, Comme toute comparaison originale doit
sonne, se libérer de tout préjugé, de toute
de tutoyeur (L. Daudet). [On dit aussi BAM- forcément, à la longue, se banaliser, n’en
contrainte, et vivre d’une manière mora-
BOCHARD, n. m.] jamais faire (Renard). Laissant, il me
lement condamnable : Quand on sut au
semble, tomber le plus beau et le plus impor-
• SYN. : bringueur (pop.), fêtard (fam.), café Berbette que j’étais un fils de famille
tant de l’image et de la pensée, qu’il bana-
noceur, viveur. en rupture de ban, un polisson, un mau-
lise (Gide). 2. Faire passer dans l’usage
bambou [bbu] n. m. (malais bambu, vais drôle [...], tout le monde me regarda
courant : Ces jeux des ombres que la photo-
par l’intermédiaire du portug. ; début du d’un meilleur oeil (Daudet). 2. Mettre graphie a banalisés (Proust). 3. Banaliser
XVIIe s.). 1. Plante tropicale dont la longue un prince au ban de l’Empire, dans le une voie de chemin de fer, faire circuler des
tige à noeuds réguliers sert à divers usages, Saint Empire, le déclarer déchu de ses trains sur cette voie dans un sens ou dans
notamment en ébénisterie : Un cadre de droits. Fig. Mettre quelqu’un au ban l’autre.
bambou. 2. Canne faite avec la tige de de, le déclarer indigne de, le condamner
devant l’opinion publique : robert n’avait- banalité [banalite] n. f. (de ban ; milieu
cette plante. 3. Fig. et fam. Coup de
il pas failli, au moment où son oncle avait du XVIe s.). 1. À l’époque féodale, obliga-
bambou, dans les climats tropicaux, effet
été chargé de lui faire comprendre raison, tion d’user d’un instrument banal contre
brutal d’une insolation, et, par extens., choc
redevance ; monopole féodal. 2. Fig.
imaginaire qui entraîne un dérangement se faire mettre au ban de son monde ?
(Proust). Caractère de ce qui est banal, sans origi-
mental. Avoir reçu ou avoir le coup de
nalité : La banalité des propos quotidiens.
bambou, ne pas avoir tout son bon sens. banal, e, als ou aux [banal] adj. (de ban ; 3. Action, idée, propos sans originalité,
bamboula [bbula] n. m. (mot ban- 1286, Godefroy ; sens fig., 1778, Gilbert). et en particulier formule toute faite de la
tou ; 1728, Labat). Tambour d’Afrique 1. Vx. Soumis au droit de banalité. Four, conversation courante : Elle écoutait avec
équatoriale. moulin, pressoir, etc., banal, four, moulin, des efforts d’intérêt les bavardages lents
n. f. Danse africaine : Les coups précipi- pressoir, etc., public, dont l’usage était obli- de son amie Suzanne, qui parlait de son
gatoire et soumis à une redevance. 2. Vx. ménage, des banalités de sa vie monotone
tés du tam-tam appelaient les nègres à la
bamboula (Loti). Pop. faire la bamboula, Commun, accessible à tous les habitants (Zola). Nous vivons dans un siècle où il
d’une commune : Prairie banale. Dans les faut répéter certaines banalités, dans un
faire la noce, s’amuser.
paroisses arides de l’Ouest, le puits banal, siècle orgueilleux qui se croit au-dessus
ban [b] n. m. (du francique *ban, procla- debout avec son petit dôme de maçonne- des mésaventures de la Grèce et de Rome
mation d’un ordre ; XIIe s.). rie blanche au milieu des friches (Hugo). (Baudelaire). Quand elle s’en alla, je lui dis
I. 1. Sous le régime féodal, proclamation 3. Fig. Qui est d’usage courant : Politesse une banalité sincère (Colette).
du suzerain à ceux qui dépendent de sa banale. 4. Fig. Sans caractère original, • SYN. : 2 insignifiance, pauvreté, plati-
juridiction. 2. Proclamation régle- très commun : Mais il n’est point un de tude ; 3 bateau (fam.), cliché, lieu commun,
mentaire et officielle d’un événement. ces peintres à l’heure, un de ces fabricants poncif, truisme. — CONTR. : 2 nouveauté,
Ban de vendange, de moisson, de fau- banals de portraits (Baudelaire). Votre originalité.
chaison, etc., arrêté municipal précisant Cicéron parlait avec abondance et facilité,
banane [banan] n. f. (portug. banana,
la date du début de ces travaux. Bans mais c’était un esprit banal (France). Ce
empr. à une langue de Guinée ; 1600,
de mariage, ou simplem. bans, annonce qu’il fallait souligner, c’est l’aspect banal
Delboulle). 1. Fruit exotique allongé, à peau
d’un mariage : Tant de jours pour réu- de la ville et de la vie (Camus).
épaisse et à chair farineuse, d’une saveur
nir les papiers, tant de jours pour publier • SYN. : 3 habituel, ordinaire, usuel ; 4
agréable : Manger une banane. Glisser sur
les bans à l’église : oui, cela ne mènerait insignifiant, insipide, pauvre, plat, quel-
une peau de banane. Glisser une peau
jamais qu’au 20 ou 25 du mois pour les conque, rebattu, usé, vulgaire. — CONTR. :
de banane à quelqu’un, lui susciter secrè-
noces (Loti). 3. Roulement de tambour 3 extraordinaire ; 4 nouveau, original, rare,
tement des difficultés pour provoquer sa
ou sonnerie de clairon annonçant une recherché, remarquable.
chute, son échec. 2. Fam. La médaille
proclamation, au cours d’une cérémonie • REM. Aux sens propres 1 et 2, le pluriel militaire, et, par extens., toute médaille,
militaire. Ouvrez le ban !, Fermez le de banal est banaux ; aux sens figurés 3 toute décoration : Sept ans de service et
ban !, ordres donnés à la clique de pro- et 4, l’usage est, en général, d’employer le deux bananes (Thérive).
céder à la sonnerie réglementaire avant pluriel banals.
bananeraie [bananr] n. f. (de bananier ;
ou après une proclamation officielle.
banalement [banalm] adv. (de banal ; 1928, Larousse [remplace bananerie, 1842,
4. Battements de mains rythmés au
1280, Godefroy ; sens fig., 1858, Peschier). Acad.]). Plantation de bananiers.
cours d’une cérémonie familière : Allons,
De manière banale : Mais c’est à lui-même
vous autres, un ban à faire trembler la bananier [bananje] n. m. (de banane ;
qu’elle a répondu, comme il lui disait d’un
baraque ! (Kessel). 1640, le P. Bouton). 1. Plante des régions
air banalement triste : « Mais la reine est
équatoriales ou chaudes, à longues feuilles
II. 1. Vx. Circonscription juridique. en deuil ; de qui donc ? est-ce un chagrin
et dont le fruit comestible est appelé
2. Vx. Ensemble des vassaux d’un pour Votre Majesté ? » (Proust). Pour dire
banane. 2. Navire équipé pour le trans-
seigneur : Lever le ban. Convoquer le les choses les plus simples et les plus banale-
port des bananes.
ban et l’arrière-ban, convoquer les vas- ment raisonnables, son sourcil se contracte,
saux et arrière-vassaux, et, au fig., faire tout son être se vrille comme s’il extrayait banban [bb] adj. et n. (redoublement
appel à toutes les ressources possibles en douloureusement un secret de ses profon- expressif de ban[cal] ; 1866, Delvau). Vx,
hommes. deurs (Gide). pop. et péjor. Boiteux ou bancal : Si vous

359
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

croyez que la banban va se risquer là- 4. Fig. Ce qui rappelle de tels amas : Un bancroche [bkr] adj. et n. (de ban-
dedans avec sa béquille (Zola). banc de brume. Au-delà, de chaque côté cal et de l’anc. adj. croche, crochu ; 1730,
de la route, s’étendaient les bruyères d’un Caylus). Fam. Qui a les jambes difformes
banc [b] n. m. (du germ. *banki, banc fixé
violet sombre où flottaient des bancs de et qui boite : C’était un petit homme maigre
tout autour de la chambre ; 1080, Chanson
vapeur grisâtre (Gautier). [...], un peu bancroche, avec un profil dur
de Roland).
• SYN.: 3 bande, colonie, formation. (Huysmans).
I.1.Long siège étroit, parfois muni
bancable [bkabl] adj. (de banque ; 1877, bandage [bda] n. m. (de bander ; 1508,
d’un dossier, et où plusieurs personnes
Littré). Se dit d’un effet de commerce sus- Godefroy).
peuvent s’asseoir : Les bancs d’une classe,
d’une église, d’un jardin public. 2. Siège ceptible d’être réescompté par la Banque I. 1. Action de maintenir avec des
réservé à une catégorie de personnes, de France, et plus généralement d’un effet bandes : Le bandage du bras fut doulou-
dans certaines assemblées : Banc des ac- facilement négociable : Un papier bancable. reux. 2. Arrangement de bandes qui
cusés. Banc des ministres. Banc d’infa- sert à maintenir, à comprimer ou à pro-
bancaire [bkr] adj. (de banque ; début
mie, banc des accusés. Banc d’oeuvre, téger une partie du corps : Un bandage
du XIXe s.). Qui a rapport à la banque : Un
dans une église, banc réservé aux mar- de crêpe Velpeau. Spécialem. Bandage
chèque bancaire.
guilliers : En assistant à la grand-messe herniaire, ou simplem. bandage, ceinture
paroissiale, dans le banc d’oeuvre, il avait bancal, e, als [bkal] adj. et n. (de banc : destinée à contenir une hernie : Immo-
pris plaisir à se répéter que, le dimanche proprem. « qui a les jambes de travers, bilité complète en attendant le nouveau
suivant, il y aurait sans doute, assis à cette comme les pieds d’un banc » ; 1747, Caylus). bandage (France). 3. Cercle de fer ou
même place, un nouveau membre de l’Ins- Qui a une jambe ou les jambes tortues : anneau d’acier dont on entoure la roue
titut (Martin du Gard). Je me sentais saisi Figurez-vous un nain bancal et tors, agité d’un véhicule : Bandage métallique d’une
de tendresse sur le banc d’oeuvre de notre d’une sorte de danse de SaintGuy (France). roue de brouette. Bande de caoutchouc
famille (Bosco). Banc de quart, petite • SYN. : banban (pop.), bancroche (fam.), qui constitue la bande de roulement
plate-forme des anciens navires où se boiteux, claudicant. d’une voiture automobile : Les bandages
tenait ordinairement l’officier de quart : pleins sont interdits.
adj. 1. Se dit d’un meuble dont un des
Il ne se refusait rien, buvait sec à ses repas pieds est plus court que les autres : Une II. Action de tendre, de bander un res-
toujours suivis d’une sieste, et, dans la table bancale, un fauteuil bancal. 2. Fig. sort, un arc, etc. (rare) : Le bandage de
soirée, d’une robuste marche de banc de Qui n’est pas rigoureux : Raisonnement l’arbalète était facilité par une manivelle.
quart que Léonard Astier entendait au- bancal.
dessus de sa tête (Daudet). 3. Vx. Cour bandagiste [bdaist] n. m. (de bandage ;
• SYN. : 2 aberrant, erroné, incorrect, 1701, Furetière). Celui qui fabrique ou vend
ou conseil d’un souverain : La nouvelle
inexact. — CONTR.: 2 correct, exact. des bandages orthopédiques.
s’était répandue qu’on venait d’étrangler à
bancal n. m. (début du XIXe s.). Sabre
Constantinople deux vizirs du banc (Vol- 1. bande [bd] n. f. (du francique *binda,
de cavalerie à lame courbe : Cet officier
taire). Banc du roi, cour anglaise sou- lien [cf. allem. binden, angl. to bind] ; début
qui avait toujours vécu le bancal à la main
veraine où siégeait le roi : Le parlement du XIIe s.). 1. Pièce d’étoffe ou d’une matière
(Barbey d’Aurevilly). Il avait à moitié
sédentaire à Paris était ce que la cour du souple, longue et étroite, pouvant servir
dégainé son bancal (Aymé).
Banc du roi était à Londres (Voltaire). à lier, à maintenir, à recouvrir : Bande de
bancelle [bsl] n. f. (de banc ; 1479, toile, de papier. Mettre un journal sous
II. 1. Bâti en métal ou en bois pouvant
servir à différents usages, dans divers Comptes et mémoires du roi René).) Dialect. bande. Spécialem. Lanière de linge, de
Banc long et étroit : Ils allèrent s’asseoir sur gaze, de crêpe élastique, qui sert à faire des
métiers : Banc de tour, de menuisier.
2. Banc d’essai, installation permet- la bancelle qui entourait la table (Barbey pansements, des bandages : Les blessures de
d’Aurevilly). Il tomba brisé et souriant sur Fabrice n’étaient rien ; on lui serra le bras
tant de mesurer les principales caracté-
la bancelle, devant le feu de branchages de avec des bandes taillées dans la chemise du
ristiques d’une machine ou d’un moteur
la grande cheminée (France). colonel (Stendhal). Bande molletière, v.
à différents régimes : Les locomotives
MOLLETIÈRE. 2. Par anal. Objet ou partie
sont minutieusement contrôlées au banc banchage [ba] n. m. (de bancher ;
d’objet s’étendant en longueur : Une bande
d’essai ; au fig., ce qui permet d’éprouver milieu du XXe s.). Procédé de construction
de terrain. Une bande cinématographique.
une personne, de juger de ses capacités des murs consistant à remplir de béton
Bande dessinée ou illustrée, histoire
ou de ses possibilités. Banc d’épreuve, l’espace compris entre deux panneaux de
racontée en une série de dessins. Bande
ensemble d’appareils propres à contrôler coffrage. magnétique, ruban en matière plastique
la résistance du canon des armes à feu.
banche [b] n. f. (fém. dialect. de banc ; servant de support pour l’enregistrement
III. 1. Dépôt de sable, de galets, etc., dû 1694, Th. Corneille). Panneau de coffrage des sons au magnétophone, pour l’entrée
au mouvement des eaux et qui se forme utilisé pour la construction des murs en ou la sortie des données dans les calcu-
sur un littoral ou dans le lit d’un cours béton. lateurs électroniques. Bande perforée,
d’eau : Banc de vase. J’aperçus un banc bande de papier dans laquelle des chiffres
de sable que j’avais dû traverser avant banchée [be] n. f. (de banche ; 1785, et des lettres sont enregistrés sous forme
la tombée du jour (Duhamel). Absol. Encycl. méthodique).) Portion de mur de de perforations. Bande sonore, pellicule
Écueil sous-marin caché, banc de sable : la hauteur de la banche. sur laquelle le son est enregistré et qui est
Le grand banc devant le phare de la Cou- [be] v. tr. (de banche ; milieu retranscrite, en marge de l’image, sur la
bancher
bre. 2. Couche géologique : Banc de du XXe s.). Couler du béton ou du pisé à pellicule définitive destinée à la projec-
rocher, d’argile. Banc de carrière, lit de l’aide de banches. tion. 3. Bordure élastique qui entoure
pierre d’une carrière. 3. Troupe d’ani- le tapis d’un billard : Jouer par la bande.
maux marins réunis en grand nombre : banco [bko] n. m. (mot ital. signif. Fig. Par la bande, de façon indirecte :
Banc de morues. Banc d’huîtres. Telle « banque » ; 1679, Savary). 1. Vx. Valeur en Paul employait l’humble Agathe, afin de
colonie d’imbéciles, solidement attachée banque indépendante du cours du change. blesser sa soeur par la bande (Cocteau).
à son terroir natal ainsi qu’un banc de 2. Faire banco, pour un joueur, tenir seul 4. Partie d’une surface, longue et étroite,
moules au rocher (Bernanos). La police de l’enjeu contre la banque. qui se distingue de l’ensemble : Des meubles
la pêche sur les bancs d’éponges (Gracq). banco ! interj. Je tiens le banco. dédorés et dont la soie marbrée de taches

360
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

était usée par bandes (Balzac). Aujourd’hui, deau royal une vipère (Banville). Bande son arc (Verlaine). Aimons-nous douce-
j’aperçois par la vitre [...]. entre des tronçons d’étoffe dont les religieuses s’entourent le ment. L’Amour dans sa guérite, | Téné-
de haies, une bande de chemin blanchie front après qu’on a coupé leurs cheveux. breux, embusqué, bande son arc fatal. |
de givre (Alain-Fournier). 5. Dispositif Bande de couleur qui ceint une coiffure : Je connais les engins de son vieil arsenal
d’assemblage des cartouches utilisé dans Bandeau de képi. 2. Cheveux partagés (Baudelaire). 2. Class. et littér. Tendre
les armes automatiques à grand débit : au milieu du front et disposés par bandes vers ; appliquer à : L’esprit continuelle-
Bande de mitrailleuse. 6. Ensemble plates de chaque côté : Une charmante ment bandé à s’acquitter (Malherbe).
de longueurs d’ondes radio-électriques figure de jeune fille [...] dont les cheveux Des paraphrases [...] qui, tout de même,
comprises entre deux limites : Bande de noirs, tressés en bandeaux autour du front, nous bandaient l’esprit (Gide). Bander ses
fréquences réservée à un poste émetteur. étaient rattachés derrière par deux longues forces, sa volonté.
La bande des 41 mètres. épingles d’or (Lamartine). Ses cheveux très v. intr. 1. Vx. Être tendu vigoureusement :
noirs, qu’elle portait en bandeaux, faisaient Cette corde bande trop (Acad.). 2. Triv.
2. bande [bd] n. f. (de l’ital. banda, corps
valoir un profil de camée (Gide). De temps Être en érection : La brute seule bande bien
de troupes distingué par son fanion, issu
en temps, il retirait son chapeau pour en (Baudelaire).
du gotique bandwa, étendard ; v. 1360,
secouer les gouttes de pluie et il découvrait se bander v. pr. 1. Class. Se soulever, se
Froissart). 1. Class. et littér. Troupe de
deux bandeaux de cheveux blonds, appli- révolter : Tous ceux qui s’étaient ouverte-
soldats servant sous le même drapeau :
qués sur un crâne étroit, en partie dégarni ment bandés contre lui (La Rochefoucauld).
C’est toi que veut pour chef leur généreuse
déjà (Duhamel). 3. Bande de tissu que 2. Fig. Rassembler toutes ses forces, toute
bande (Corneille). Et le roi Don Fernan
l’on applique sur les yeux, sur la bouche, son énergie : Sa volonté au fond d’elle sem-
sortit pour recevoir | Le jeune chef ren-
pour empêcher de voir, de parler : Le blait se bander et résister au délire, telle-
trant avec ses vieilles bandes (Heredia). bandeau de colin-maillard. Fig. Ce qui ment elle craignait de parler (Zola).
Sergent de bande, sous-officier chargé
empêche de voir ou de dire la vérité : On
de veiller à la discipline des troupes en ne scelle pas à jamais ses sens sous l’invio- banderille [bdrij] n. f. (esp. bande-
campagne. 2. Class. Groupe de musiciens lable bandeau du mystère (Sainte-Beuve). rilla, dimin. de bandera, bannière ; 1852,
formant un orchestre : La Grande Bande Avoir un bandeau sur les yeux, ne rien La Chatre). 1. Dard orné de rubans ou de
(les vingt-quatre violons du roi). Vx. voir, ne rien comprendre. Arracher le bandes de papier coloré, que l’on plante
Musique militaire : Quelques-unes [des bandeau à quelqu’un, lui révéler la vérité. par paires dans l’échine du taureau pour
Vénitiennes] font deux ou trois tours sur 4. Par anal. Assise de pierre saillante le exciter sa fureur. 2. Fig. Ce qui est destiné
la place Saint-Marc, à l’heure où la bande long d’un édifice : La frise de la cella règne à exciter la colère : Comme elle le connaît
militaire exécute sa symphonie du soir comme un bandeau au haut d’un mur plein bien ! Avec quelle adresse elle a planté la
(Gautier). 3. Groupement d’hommes que (Chateaubriand). Bande unie autour banderille (Bernanos).
réunissent certaines affinités ou un dessein d’une baie de porte, de fenêtre. 5. Frise banderiller [bdrije] v. tr. et intr. (de
commun : Notre bande se divisa précoce- placée en tête d’un chapitre, dans un livre. banderille ; début du XXes.). Planter les ban-
ment en deux clans presque irréconciliables • SYN.: 1 serre-tête, tour de tête ; couronne, derilles sur l’échine du taureau : Pendant
(Duhamel). La bande infernale se divisait, diadème ; 3 bâillon. qu’on banderillait, Alban, rentré dans le
courait, rampait, s’accroupissait, sourait et
couloir, fixait le garçon d’épées d’Alca-
grimaçait, semant la panique (Cocteau). bandelette [bdlt] n. f. (dimin. de
raz qui préparait la muleta de son patron
Faire bande à part, s’isoler d’un groupe bandelle, anc. fém. de bandeau ; 1377,
(Montherlant).
avec quelques autres : Rien qu’en parlant Delboulle). 1. Étroite bande de tissu.
avec cette faconde, M. de Charlus irritait Spécialem. Longue bande d’étoffe banderillero [banderijero] n. m. (mot
Mme Verdurin, qui n’aimait pas qu’on fît enveloppant les momies égyptiennes : Où esp. ; 1845, Th. Gautier). Toréro qui plante
bande à part dans le petit clan (Proust) ; au chaque roi, gardant la pose hiératique | les banderilles : Buñuelo, bon banderillero,
fig., isoler ses intérêts de ceux des autres. Gît sous la bandelette et le funèbre enduit était tout de même un pauvre homme
4. Groupe d’animaux vivant d’habitude (Heredia). 2. En architecture, petite (Montherlant).
ensemble : Les loups vont en bandes l’hiver. moulure plate.
banderole [bdrl] n. f. (ital. banderuola,
5. Péjor. Petit groupe qui vit en marge bandelettes n. f. pl. Bandes étroites dont dimin. de bandiera, bannière ; fin du XVe s.).
de la société ; en particulier, association les prêtres de l’Antiquité ceignaient leur
1. Longue bande d’étoffe de couleur, flot-
de malfaiteurs organisée à des fins crimi- tête ou la tête des victimes. tant au haut d’un mât. 2. Bande de tissu
nelles : Être de la bande de quelqu’un. Sa [bde] v. tr. (de bande 1 ; XIIe s., portant une inscription placée en évidence.
bander
bande n’est pas nombreuse, mais elle est Raoul de Cambrai). • SYN. : 1 fanion, f lamme, orif lamme,
composée d’hommes dont la fidélité et la pavillon ; 2 bannière.
résolution sont depuis longtemps éprou- I. Entourer avec une bande, pour main-
vées (Mérimée). Pop. Bande de, terme tenir, protéger, couvrir : Bander une bandière [bdjr] n. f. (ital. bandiera,
d’injure : Bande de voyous ! blessure. Confeyrac défit sa cravate et en bannière ; XIVe s., Godefroy). Vx. Bannière.
banda le front de Marius (Hugo). Mardi. Front de bandière, front d’une armée
• SYN. : 3 compagnie, équipe, groupe,
Courses dans Paris le matin, stations déployée en ligne de bataille.
troupe ; 4 banc (poissons), colonie, harde,
devant les libraires, cherchant mon livre
horde, meute ; 5 clan, clique, coterie, gang. bandit [bdi] n. m. (ital. bandito, banni,
aux vitrines. « La Faunesse » ... « La Fau-
hors-la-loi ; 1621, N. Bernard, écrit bandi ;
3. bande [bd] n. f. (même étym. qu’à l’art. nesse » ... On ne voyait que ça partout,
1640, Oudin). 1. Vx. Malfaiteur vivant en
précéd. ; 1616, A. d’Aubigné). Inclinaison bandé de l’annonce « Vient de paraître »
marge de la société : Le romantisme, avec
transversale que prend un navire sous (Daudet). Spécialem. Bander les yeux à
Hernani, popularisa le type du bandit che-
l’effet du vent ou par suite d’un mauvais quelqu’un, les couvrir d’un bandeau : On
valeresque. Il y avait alors en Andalousie
arrimage : Donner de la bande. bande les yeux aux condamnés avant de
un fameux bandit nommé José-Maria
les fusiller.
bandeau [bdo] n. m. (de bande 1 ; (Mérimée). Bandit d’honneur, celui
XIIe s., Dict. général). 1. Bande d’étoffe ou II. 1. Raidir en tendant fortement : Le qui, pour des raisons d’honneur per-
d’autre matière ceignant le front ou la tête. vent de l’autre nuit a jeté bas l’Amour sonnel, s’est révolté contre les lois et vit
Spécialem. Insigne de la royauté dans | Qui dans le coin le plus mystérieux du en marge de la société. Être fait comme
l’Antiquité classique : Il avait pour ban- parc | Souriait en bandant malignement un bandit, être sale et avoir les vêtements

361
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

déchirés. 2. Celui qui pratique le vol à aériennes : On a vu à Carlsbad, en 1826, lesquelles les marchands de Paris protègent
main armée : Des malfaiteurs ont attaqué une Anglaise de Calcutta passée du figuier leurs boutiques contre les ardeurs du soleil
une banque ; un des bandits est arrêté par banian à l’olivier de Bohême, du soleil du (Balzac).
la police. Bandit de grand chemin, celui Gange à celui de la Tèple ; elle s’éteignait
banneret [banr] n. et adj. m. (de ban-
qui attaquait et détroussait les voyageurs comme un rayon du ciel indien égaré dans le
nière ; fin du XIIIe s.). Seigneur d’un fief qui
sur la route. 3. Mauvais sujet ou individu froid et la nuit (Chateaubriand). Les cimes
comptait un nombre suffisant de vassaux
profondément malhonnête : Ce commer- des banians et des manguiers géants avaient
à réunir sous sa bannière pour le combat.
çant est un bandit. commencé à se découper en fines ciselures
• SYN. : 1 brigand, forban, malandrin ; 2 sur un ciel de sombre velours (Benoit). banneton [bant] n. m. (de banne ; 1284,
apache, gangster, malfaiteur ; 3 filou, fli- Godefroy). 1. Petit panier sans anse dans
banjo [bo ou bdo] n. m. (mot anglo-
bustier, fripouille, gredin, pirate, requin, lequel le boulanger laisse lever la pâte.
amér., de l’esp. bandurria ; 1859, Monde
scélérat, voleur. 2. Coffre troué que l’on plonge dans l’eau
illustré). Espèce de guitare à caisse arron-
pour y conserver des poissons.
banditisme [bditism] n. m. (de bandit ; die, dont la partie supérieure est faite d’une
peau tendue, utilisée dans le jazz ancien.
• SYN.: 1 paneton.
1853, Flaubert). 1. Condition, moeurs des
bandits : Et là-dessus une esquisse à grands bank-note [bknt] n. f. ou m. (mot bannette [bant] n. f. (de banne ; XIIIe s.).
traits du banditisme corse en général et de la Petite banne d’osier : Deux bannettes de
angl. ; 1789, Fr. Mackenzie). Vx. Billet de
famille Piedigrigio en particulier (Daudet). banque : Le jour suivant, il recevait dans une satin blanc sont pleines de violettes de Nice
2. Ensemble d’actes criminels : Avec des (Maupassant).
lettre, que celui-ci lui remettait fidèlement,
malfaiteurs se battre à coups de crimes ! | une bank-note de dix livres (Baudelaire). Il • SYN.: corbeille, corbillon.
Nous, copier ces gueux, faire un échafau- tenait dans sa main un assez gros paquet
dage | De notre banditisme avec leur bri- banni, e [bani] adj. et n. (de bannir ;
de bank-notes (Lacretelle).
gandage ? (Hugo). XIIIe s.). Exilé de sa patrie par décision
• Pl. des BANK-NOTES.
d’une autorité : Zante a réellement été le
• SYN.: 2 brigandage.
banlieue [bljø] n. f. (de ban et de lieue : refuge des bannis (Chateaubriand). Le héros
bandoline [bdlin] n. f. (de bandeau et proprem. « espace d’une lieue autour d’une militaire était d’ordinaire un banni, forcé de
du lat. linere, oindre ; 1846, Balzac). Vx. ville où s’exerçait le droit de ban » ; 1248, semettre dans la compagnie des malandrins
Cosmétique pour lisser et maintenir les texte de Saint-Omer ; sens moderne, parce que sa famille l’avait chassé (Renan).
cheveux : Cette singulière fille [Bette], s.). Ensemble des communes qui •
XVIIe SYN.: exilé, proscrit.
maintenant soumise au corset, faisait fine environnent une ville et participent à son
taille, consommait de la bandoline pour bannière [banjr] n. f. (du germ. *band,
existence : Les visiteurs que l’on recevait au
sa chevelure lissée (Balzac). Un flacon de signe, étendard [ital. bandiera, esp. ban-
château se composaient des habitants de la
bandoline renversé avait laissé une grande dera, d’où anc. franç. bandière] ; XIIe s.,
bourgade et de la noblesse de la banlieue
tache (Zola). Roncevaux). 1. Enseigne d’un seigneur
(Chateaubriand). C’était bien la banlieue,
sous laquelle se rangeaient ses vassaux
bandonéon [bdne] n. m. (origine cette ligne intermédiaire où les traditions
pour aller à la guerre. 2. Fig. Symbole du
inconnue ; 1928, Larousse). Petit accordéon campagnardes et les moeurs parisiennes se
parti que l’on sert ou de l’idée pour laquelle
hexagonal. rencontrent en se confondant (Daudet).
Oh ! nous n’étions qu’en banlieue, pays on combat : Lutter sous la bannière de la
bandoulier [bdulje] ou bandolier libre-pensée. Se ranger sous la bannière de
des petites maisons, des petits rêves et des
[bdlje] n. m. (de l’esp. bandolero ; XVIe s.). ambitions malingres (Duhamel). quelqu’un, combattre à ses côtés, prendre
Class. Bandit de grand chemin, aventurier : son parti. 3. Étendard d’une confrérie,
On a vu des Césars, et même des plus braves, banlieusard, e [bljøzar, -ard] n. (de d’une association, d’une corporation,
| Qui sortaient d’artisans, de bandoliers, banlieue ; fin du XIXe s.). Fam. Habitant autour duquel se groupent ses membres
d’esclaves (Corneille). de la banlieue d’une grande ville : Le flot dans les processions : Les processions de
des banlieusards se répandait par grandes moines et de confrères qui serpentaient avec
bandoulière [bduljr] n. f. (esp. ban-
vagues jaillies de la gare de Lyon, des tram- leurs bannières et leurs croix au milieu de
dolera, de banda, écharpe ; XVIe s.). Bande
ways, du métro (Martin du Gard). Tu es né la foule (Chateaubriand). [Les sociétés
de cuir ou d’étoffe passant sur l’épaule et banlieusard (Colette).
soutenant un objet à hauteur de la taille. de tempérance] ont leurs processions et
adj. Qui a les caractères de la banlieue : promènent leur bannière avec un appareil
En bandoulière, se dit d’un objet porté
Rues banlieusardes. Du côté de la gare, le presque maçonnique (Hugo). Puis venaient
en écharpe de l’épaule à la hanche oppo-
vieux gazomètre, la route sans trottoir, les les hautes bannières, si hautes que les figures
sée : Le soldat avait son fusil en bandou-
hangars de l’hydraviation correspondent de saints, aux auréoles tissées en or dans les
lière (Stendhal). Boujardon et ses hommes,
à ce poison d’ennui, à ce petit chaos ban- étoffes de soie, semblaient descendre du ciel
l’arme en bandoulière, emmenèrent la
lieusard qui font aussi partie de ma chère au-dessus de la foule (Daudet). Il portait,
pompe (Alain-Fournier). Chacun portait en
cité (Audiberti). aux jours de fête, la bannière des rôtisseurs
bandoulière une boîte verte de métal peint
où l’on couchait les plantes que l’on se pro- banne [ban] n. f. (lat. impér. benna, mot (France). Fig. La croix et la bannière, le
posait d’étudier ou de faire sécher (Gide). gaulois désignant un panier d’osier servant grand apparat ; Par extens., nombreuses
de véhicule ; XIIIe s.). 1. Tombereau servant difficultés et démarches : Vous le voyez,
bang [bg] n. m. (onomatop. ; milieu du chère amie, il faut la croix et la bannière
au transport de matières grossières : Parfois
XXe s.). Bruit produit par un avion fran-
une banne de charbonnier passait lentement pour le faire manger, disait ma mère (Gide).
chissant la vitesse sonique.
(Theuriet). 2. Panier d’osier : Des bannes C’est la croix et la bannière pour le déci-
banian [banj] n. m. (hindoustani d’enfants que des petites filles berçaient d’un der. Fig. Porter la bannière, se mettre au
baniyan, marchand ; 1610-1620, A. pied (Goncourt). 3. Grosse toile, bâche premler rang, en vue. 4. Fam. Pan de che-
d’Aubigné, écrit banianet ; banyan, 1663, servant à protéger des marchandises : Les mise, chemise : À moitié nu, en bannière,
Thévenot). 1. Membre d’une secte brah- femmes s’étaient blotties au fond, sous la je flotte comme un gonfalon (Huysmans).
manique. 2. Arbre des banians, figuier banne (Gautier). 4. Toile tendue au-des- Antoine [...] ne sait plus s’il fuit l’orage ou
banian ou banian, figuier de l’Inde, sus de la devanture d’une boutique pour la s’il court chez Minne, quand la vue de ses
remarquable par ses racines adventives protéger des intempéries : Les bannes par longues jambes faunesques, dures et velues,

362
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

arrête son élan : a-t-on idée d’un héros en banques de dépôt ont été nationalisées en négociant fait perdre ses créanciers, quelle
bannière (Colette). 1945. Banque d’affaires, banque spé- que soit d’ailleurs la cause de cet événement
• SYN. : 2 drapeau, enseigne, étendard, cialisée dans les investissements indus- (Napoléon Ier). 2. Class. et littér. Faire
pavillon. triels à moyen et à long terme, mais qui banqueroute à, manquer à une promesse,
ne peut recevoir de dépôts à court terme à un devoir : Il devait être de notre compa-
bannir [banir] v. tr. (du francique *ban-
du public. Banque d’émission, banque gnie, mais il nous a fait banqueroute (Acad.,
njan, donner un signal, proclamer ; 1213,
dotée du monopole d’émission des bil- 1694). L’acquéreur de mes oeuvres m’a fait à
Fets des Romains, au sens de « proclamer »).
lets de banque. Banque de France, ou peu près banqueroute, et mes dettes m’em-
1. Condamner quelqu’un à quitter son
la Banque, établissement créé en 1800 pêchent de trouver quelqu’un qui veuille me
pays : Ce fut peut-être ce lieu qui vit ban-
et qui, détenant depuis 1803 le privilège prêter (Chateaubriand).
nir Aristide (Chateaubriand). 2. Chasser
de l’émission des billets de banque, a été • SYN.: 1 déconfiture, krach.
d’un groupement, d’un milieu ; éloigner
nationalisé en 1945. La haute banque,
d’une activité : Ne pouvant acheter ni les banqueroutier, ère [bkrutje, -r] n. et
l’ensemble des établissements bancaires
échasses, ni les cordes, ni aucune des choses les plus importants : L’Universelle, en effet, adj. (de banqueroute ; 1536, Ordonnance).
nécessaires aux amusements du collège, Personne qui a fait banqueroute : Les ban-
ne marchait pas comme il l’avait espéré,
j’étais banni des jeux (Balzac). 3. Fig. queroutiers étaient astreints autrefois à por-
car elle avait contre elle la sourde hostilité
Écarter, rejeter définitivement quelque de la haute banque (Zola). Je crois pouvoir ter un bonnet vert (P. Larousse).
chose : Bannir un mot de son vocabulaire. vous faire profiter de quelques avantages banquet [bk] n. m. (de l’ital. banchetto,
J’en arrivai à bannir de moi la sympathie qu’on m’offre dans une affaire tout à fait petit banc [d’après l’habitude de dispo-
(Gide). exceptionnelle [...], qu’un ami à moi, qui est ser des bancs autour des tables] ; XIVe s.,
• SYN. : 1 déporter, exiler, expulser, pros- dans la haute banque, réserve pour quelques Chronique de Flandre). 1. Repas d’apparat
crire, reléguer ; 2 écarter, exclure ; 3 ôter, privilégiés (Gide). 3. Bureaux, succursale dont les convives appartiennent d’ordi-
rayer, repousser, supprimer. — CONTR. : 2 d’une banque : Un employé de banque. À naire à un même groupement, à une même
accueillir, admettre ; 3 adopter. Berlin, dès le début de la matinée, les gui- société : Les vices des plus âgés ne dépassent
bannissable [banisabl] adj. (de bannir ; chets des banques avaient, paraît-il, essuyé pas les associations de boulomanes, les ban-
1661, Molière). Qui mérite d’être banni l’assaut des rentiers pris de panique (Martin quets des amicales (Camus). Le banquet
(peu usité) : Allez, vous êtes un homme du Gard). 4. Le corps des banquiers, l’en- sacré, le banquet eucharistique, la com-
ignare de toute discipline, bannissable de semble des personnalités qui pratiquent le munion. Le banquet de l’Agneau, des
la république des lettres (Molière). commerce de la banque : La banque cherche élus, la béatitude, la vie éternelle. 2. Fig.
la noblesse par instinct de conservation, Ensemble de plaisirs offerts : Le banquet
bannissement [banism] n. m. (de et sans le savoir peut-être (Balzac). 5. À des félicités éternelles (Sand). Je trouve la
bannir ; 1283, Beaumanoir). 1. Peine qui certains jeux, fonds de garantie dépendant vie un banquet servi trop précipitamment.
consiste à interdire à quelqu’un de séjour- d’un des joueurs et destiné à payer ceux On n’a pas le temps de goûter à tous les
ner dans sa patrie ou dans un endroit déter- qui gagnent. Celui qui tient le jeu : La plats (Barrès).
miné : Dans l’ancienne Grèce, l’ostracisme banque perd, la banque gagne. Faire sau- • SYN.: 1 festin, gueuleton (fam.).
était une forme de bannissement. 2. Par ter la banque, gagner tout l’argent mis en
extens. Action d’éloigner une personne jeu par le banquier. Tenir la banque, être banqueter [bkte] v. intr. (de banquet ;
de soi ou d’un lieu ; état qui en résulte : le banquier, tenir le jeu contre les autres fin du XIVe s., Chronique des quatre pre-
Vingt fois [Sylvia] m’a chassé, et vingt fois joueurs : Gérard introduit ici le baccara [...]. miers Valois). [Conj. 4a.] Prendre part à
j’ai été lui demander ma grâce après avoir Hier, j’ai tenu la banque avec une chance un banquet ; faire bonne chère : Jamais
vainement essayé de vivre sans elle. Dans de damné (Gide). 6. Dialect. Comptoir de personne ne s’est pu vanter d’avoir banqueté
les premiers jours de mon bannissement, vente. 7. Banque d’os, établissement où chez lui (Ch. Sorel). Ne dites pas cela au père
j’espérais m’applaudir d’avoir recouvré ma l’on conserve des greffons osseux à usage Crevel, qui, sachez-le bien, a trop souvent
liberté et mon repos (Sand). 3. Fig. Action chirurgical. Banque de sang, établisse- banqueté [...] avec votre scélérat de mari
d’écarter, de rejeter quelque chose que l’on ment où l’on peut se procurer d’urgence (Balzac).
considère comme néfaste : Bannissement une certaine quantité de sang stocké. • SYN.: festoyer, gueuletonner (fam.).
de certaines coutumes, d’un défaut, de la Banque d’yeux, clinique ophtalmolo-
banqueteur [bktoer] n. m. (de banque-
médisance. gique où l’on conserve des cornées préle-
ter ; 1534, Rabelais). Celui qui banquette
• SYN. : 1 déportation, exil, relégation ; 2 vées sur des volontaires, immédiatement
(rare).
exil ; 3 rejet. — CONTR. : 2 accueil, hospita- après leur mort.
lité ; 3 adoption. 1. banquette [bkt] n. f. (languedocien
2. banque [bk] n. f. (fém. de banc ;
banqueta, petit banc ; début du XVe s.). 1. Au
banquais n. m. V. BANQUIER 2. XIXe s.). Dialect. Épaisse couche de terre,
Moyen Âge, banc en pierre ménagé dans
de pierres, de matières analogues : Ces
1. banque [bk] n. f. (ital. banca, banc, l’embrasure d’une fenêtre. 2. Banc de
allongements de rochers dans la mer sont
table de changeur, puis banque ; 1458, bois, canné ou rembourré, avec ou sans
de vraies petites chaînes de montagnes.
Lettres de Louis XI). 1. Commerce de dossier : Cécile et son frère Laurent sont
L’idiome local les appelle « banques »
l’argent : Il faisait la banque à Lisbonne assis, côte à côte, sur une dure banquette,
(Hugo). Puis ils montèrent la dure banque
(France). Branche de l’activité écono- dans la salle de musique (Duhamel). Une
de galets, côte à côte (Maupassant). Rien
mique qui a pour rôle de faciliter les paie- banquette de cuir court le long des murs
n’était plus amusant [...] que de glisser ainsi
ments des particuliers et des entreprises (Sartre). 3. Siège d’un seul tenant, occu-
muettement dans les allées du grand jardin
par des prêts et même par la création de pant toute la largeur d’une voiture : Il s’ins-
entre deux hautes banques de neige (Gide).
moyens de paiement. 2. Établissement talla auprès du conducteur, sur la banquette
qui effectue les opérations relatives à cette banqueroute [bkrut] n. f. (ital. banca (Flaubert). Siège commun adossé aux
activité. Banque de dépôt, banque qui rotta, banc rompu du changeur insol- cloisons des compartiments de chemin de
reçoit des dépôts à vue ou à moins de deux vable ; 1466, H. Baude). 1. Faillite d’un fer : Ils avaient dormi, courbés en deux, sur
ans, mais qui ne peut investir de sommes commerçant coupable de différents actes la banquette de bois, dans le wagon mal
importantes dans des entreprises indus- aggravant la situation des créanciers : Il éclairé (Martin du Gard). 4. Autref.
trielles ou commerciales : Les principales y a fait matériel de banqueroute quand le Banc placé de chaque côté de la scène

363
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

d’un théâtre et réservé aux spectateurs de baptême [batm] n. m. (lat. ecclés. L’église fut construite [...] sur la place de
distinction. Jouer devant les banquettes, baptisma, du gr. baptizein, immerger ; v. la Halle-aux-Morues, qu’on baptisa place
pour les banquettes, jouer devant une salle 1050, Vie de saint Alexis, écrit batesma). Sainte-Cécile-de-la-Mer (Sartre).
presque vide : C’est si triste, en effet, de 1. Dans la religion chrétienne, sacrement • SYN. : 4 allonger, mouiller ; 6 appeler,
jouer devant les banquettes ! Et la salle de qui lave du péché originel et rend chré- dénommer, surnommer. — CONTR. : 6
l’Odéon est si grande, si froide les soirs de tien : Administrer le baptême. Tenir un débaptiser.
tragédie ! (Daudet). enfant sur les fonts du baptême. Nom de
baptiseur [batizoer] n. m. (de baptiser ;
baptême, prénom que reçoit celui qui est
2. banquette [bkt] n. f. (de banque XVIe s.). Celui qui baptise : Jean le bapti-
baptisé. 2. Cérémonie, fête qui accom-
2 ; 1690, Furetière). 1. Dialect. Petite levée seur avait déjà été condamné au supplice
pagne l’administration de ce sacrement :
de terre bordant une route : J’aurais sauté (Voltaire).
Un baptême sous le porche avait attroupé
sur les banquettes de la route (Pourrat).
des gamins (Alain-Fournier). Par baptismal, e, aux [batismal, -o] adj.
2. Petit chemin le long d’un canal, d’une
extens. Cortège de ceux qui sont invités (du lat. ecclés. baptisma, baptême ; XIIe s.,
voie de chemin de fer. 3. Banquette de tir, à un baptême : À travers les carreaux du Godefroy). 1. Qui sert au baptême : Eau
Plate-forme de tir, protégée par le parapet fond, on voit passer le baptême (Scribe). baptismale. Fonts baptismaux, bassin
d’une fortification ou par le devers d’une 3. Par anal. Baptême d’une cloche, d’un contenant l’eau destinée au baptême ; partie
tranchée. 4. Banquette irlandaise, talus navire, cérémonie solennelle au cours de de l’église où se trouvent ces fonts. Robe
gazonné servant d’obstacle dans les courses laquelle ils sont bénis et reçoivent leur baptismale, robe blanche que le néophyte
de chevaux. nom. 4. Fig. Recevoir le baptême du revêtait autrefois au moment du baptême
1. banquier [bkje] n. m. (ital. ban- feu, être pour la première fois sous le feu et qu’il portait pendant huit jours. 2. Qui
chiere, changeur ; 1244, Recueil des jeux de l’ennemi. Baptême de l’air, premier possède les caractères de pureté sacrée que
partis au sens 1 ; au sens 2, 1680, Richelet). vol que l’on fait en avion. Baptême de confère le baptême : Innocence baptismale.
1. Personne qui fait le commerce de la la ligne, baptême du tropique, cérémonie C’est le jour baptismal aux paupières
banque, qui possède ou dirige une maison burlesque qui a lieu sur un navire pour les divines (Verlaine).
de banque : Le banquier est un conquérant passagers qui franchissent la première fois
baptisme [batism] n. m. (du lat. ecclés.
qui sacrifie des masses pour arriver à des l’équateur ou un tropique : Les hommes du
baptisma ; milieu du XIXe s.). Doctrine selon
résultats cachés, ses soldats sont les intérêts trident ont des jeux qui leur viennent de
laquelle le baptême ne doit être conféré qu’à
des particuliers (Balzac). 2. Au jeu, celui leurs devanciers : quand on passe la Ligne,
il faut se résoudre à recevoir le baptême : des adultes professant la foi et le repentir :
qui tient la banque. Les sectes flottantes entre le judaïsme, le
même cérémonie sous le Tropique, même
2. banquier [bkje] n. m. (de banc ; 1863, cérémonie sur le banc de Terre-Neuve christianisme, le baptisme et le sabisme
Littré). Navire qui allait pêcher la morue (Chateaubriand). Le baptême du sang, (Renan).
sur le banc de Terre-Neuve : Les principaux le martyre. Fam. Cérémonie burlesque baptistaire [batistr] adj. et n. (lat.
ports à banquiers étaient Fécamp et Saint- d’admission dans un groupe traditionnel, ecclés. baptistarius, de baptizare ; 1560,
Malo. (On disait aussi BANQUAIS.) notamment dans certaines grandes écoles : Rabelais). Qui atteste le baptême : Le
Le baptême des bizuts. registre baptistaire. L’acte baptistaire.
3. banquier, ère [bkje, -r] adj. (de
banque 1 ; 1866, Larousse). Relatif à la baptisé, e [batize] n. et adj. (part. passé baptiste [batist] n. (de baptisme ; milieu
banque, aux banquiers : Les organisations du verbe baptiser). Personne qui a reçu le du XVIIIe s.). Adepte du baptisme.
banquières. baptême. adj. Relatif au baptisme : Doctrine
banquise [bkiz] n. f. (scand. pakis [de baptiser [batize] v. tr. (lat. ecclés. bapti- baptiste.
pakke, paquet, et is, glace], influencé par zare, du gr. baptizein, immerger ; v. 1050,
baptistère [batistr] n. m. (lat. ecclés.
banc [de glace] ; 1773, Bourdé). Banc de Vie de saint Alexis ; sens fig. [baptiser le baptisterium, du gr. baptistêrion ; 1080,
glace recouvrant les mers des régions vin], 1588, Montaigne). 1. Administrer Chanson de Roland). 1. Édifice où l’on
polaires : Un nuage de givre, venu des pro- le sacrement du baptême : Il baptisa son conférait le baptême par immersion :
fondeurs de la banquise infinie, fendait l’air enfant adoptif et le nomma Quasimodo Le baptistère Saint-Jean, à Poitiers.
(Bernanos). (Hugo). 2. Par anal. Bénir et donner
2. Chapelle d’une église où se trouvent
un nom à : Baptiser une cloche. 3. Fam. les fonts baptismaux.
banquisme [bkism] n. m. (de ban-
Asperger d’eau au cours de la cérémonie
quiste ; XIXe s.). Vx et fam. Attitude de ban- baquet [bak] n. m. (dimin. de bac ; 1299,
burlesque du baptême de la ligne ou du
quiste, de charlatan (rare) : Un mélange de Delboulle). 1. Petit cuvier de bois servant
tropique : Baptiser les passagers qui n’ont
correction et de banquisme qui finissait par à divers usages domestiques : Du cresson
pas encore franchi l’équateur. 4. Fam.
donner envie de rire (Prévost). de fontaine qu’il avait voulu élever dans un
Baptiser du vin, du lait, les additionner
• SYN.: charlatanisme. d’eau : On passe du « Mouton-Rothschild » baquet (Flaubert). 2. Vx. Type de voi-
et un laquais emplit à demi le verre du car- ture : Un baquet à quatre places peint en
banquiste [bkist] n. m. (de banque 1 ;
dinal, qui l’arrête, puis achève avec la carafe gris (Bourget).
1803, Boiste). Vx et fam. Saltimbanque,
bateleur, forain : Les Champs-Élysées peu- d’eau. « Eh ! quoi, Monseigneur, vous bap- 1. bar [bar] n. m. (néerl. baers, perche ;
plés, riants, avec les banquistes, les petits tisez mon vin ! » (Gide). 5. Littér. Arroser fin du XIIe s., Aliscans). Poisson de mer, à
marchands (Michelet). de : Nos soldats, dirons-nous, se promènent chair très estimée.
en civilisateurs, ils baptiseront la terre d’un
• SYN.: charlatan. • SYN.: loup.
baptême de sang pour hâter l’ère prochaine
baobab [babab] n. m. (mot ar. ; 1751, de la liberté (Zola). 6. Par extens. et fam. 2. bar [bar] n. m. (de l’angl. bar, barre de
Encyclopédie). Arbre des régions tropicales, Donner à quelqu’un un nom autre que le comptoir [à l’origine, une barre séparait les
dont le tronc peut atteindre jusqu’à vingt sien ; donner une appellation à quelque consommateurs du comptoir] ; 1837, Revue
mètres de circonférence : Les personnes chose (par allusion à l’usage de donner des Deux Mondes). 1. Débit de boissons
[...] admises le dimanche à l’honneur de un nom lors du baptême) : Son employé, où l’on consomme debout, ou assis sur
contempler le baobab de Tartarin s’en qu’un des succès [...] les plus retentissants de de hauts tabourets, devant un comptoir :
retournaient pleines d’admiration (Daudet). l’époque venait de baptiser poète (Dumas). Elle rêvait de connaître un bar américain

364
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

(Radiguet). Ils entrèrent dans un petit bar, qu’est censé procurer un saint ou un objet celui qui commande un navire ou par un
au coin de la rue Vavin, et mangèrent une lui ayant appartenu : Ils semblent ignorer membre quelconque de l’équipage. 2. Par
paire de croissants en buvant un café crème la douleur, comme si la baraka les préser- extens. Vol éhonté : Ceci est un des moindres
(Duhamel). Tout lieu aménagé pour la vait vraiment (Dorgelès). 2. Par extens. malheurs que cause à la littérature fran-
consommation de boissons, à l’intérieur Chance exceptionnelle. çaise l’ignoble baraterie de la contrefaçon
d’un théâtre, d’un navire, etc. 2. Le (Balzac).
baralipton [baralipt] n. m. (origine
comptoir lui-même. 3. Petit meuble • SYN.: 2 filouterie, friponnerie.
inconnue ; XVIe s., Dict. général). Mot mné-
de salon contenant de quoi préparer des
motechnique employé par les scolastiques barathre [baratr] ou barathrum
boissons.
pour évoquer un mode de syllogisme de [baratrm] n. m. (gr. Barathron, à
• SYN.: 2 zinc (pop.). l’ancienne logique formelle : Ce n’est pas Athènes, ravin où l’on précipitait, à l’ori-
3. bar [bar] n. m. (du gr. baros, pesan- « barbara » et « baralipton » qui forment gine, les criminels). Gouffre, bas-fond : Il
teur ; début du XXe s.). Unité de pression le raisonnement (Pascal). semble que Satan ait mobilisé ses légions
atmosphérique. et que les barathres des enfers soient vides
baraque [barak] n. f. (ital. baracca, de
[baragw] n. m. (du bret. bara, l’esp. barraca, hutte en torchis ; fin du XVe s., (Huysmans). Il y a dans le barathrum des
baragouin
J. d’Authon). 1. Construction légère en bois, capitales, comme dans le désert, quelque
pain, et gwin, vin, ou gwen, blanc ; 1532,
Rabelais). 1. Fam. Langage auquel on ne parfois démontable, servant à loger les sol- chose qui fortifie et qui façonne le coeur de
comprend rien, par suite d’une mauvaise dats dans un camp. 2. Construction ana- l’homme (Baudelaire).
prononciation, d’un vocabulaire impropre, logue abritant des ouvriers, des pêcheurs, • SYN.: abîme.
d’une syntaxe incorrecte. 2. Fam. et des outils, etc. 3. Boutique de forains :
baratin [barat] n. m. (de l’anc. franç.
péjor. Langue étrangère : Le sergent parle Les baraques goudronnées du marché
barater, tromper ; 1926, Esnault). 1. Arg.
à ses hommes dans leur baragouin [l’alle- (Hugo). Les manèges, les baraques, place
Bluff d’escroc. 2. Pop. Flux de paroles,
mand] (Aymé). de la Mairie, se lamentaient de voir si peu
destiné le plus souvent à duper l’auditeur :
• SYN. : 1 charabia (fam.), galimatias, de clientèle (Radiguet). Je vous disais donc
Faire du baratin. C’est du baratin. La guerre
jargon. que je suivais le boulevard Arago, bordé,
du baratin, terme générique par quoi le lan-
dans cette partie-là, de baraques ché-
baragouinage [baragwina] n. m. gage des camps désignait le style ampoulé et
tives, sordides, qui étaient le rebut de la
(de baragouiner ; 1546, Rabelais). Fam. les discours vides de sens (Ambrière).
foire (Duhamel). 4. Fam. Maison mal
Action de baragouiner ; suite de propos • SYN.: 2 boniment.
construite ou mal tenue. 5. Fam. et péjor.
inintelligibles. Maison quelconque : Vendons plutôt notre baratiner [baratine] v. tr. (de baratin ;
baragouinant, e [baragwin, -t] adj. baraque et allons au tonnerre de Dieu ! 1926, Esnault). Pop. Essayer de circonvenir,
(part. prés. de baragouiner ; XIXe s.). Qui (Flaubert). de duper quelqu’un par ses paroles : Elle
parle d’une manière inintelligible : Ce qui • SYN. : 1 baraquement ; 2 baraquement, a commencé à me baratiner pour que je la
donnait le mieux l’impression d’un marché, cabane ; 3 échoppe ; 4 bicoque, cahute laisse filer (Vailland).
c’était ce public cosmopolite et baragouinant (fam.), cambuse (pop.). • SYN.: bourrer le crâne (fam.), embobiner
(Daudet). (fam.), entortiller (pop.).
baraqué, e [barake] adj. (de baraque ;
• SYN.: jargonnant. début du XXe s.). Pop. Se dit d’une personne v. intr. Pop. Faire du baratin ; débiter
grande et forte : Une femme bien baraquée. des boniments.
baragouiner [baragwine] v. intr. (de
baragouin ; 1583, Montaigne). Fam. et • SYN.: balancé (pop.). — CONTR.: maigri- baratineur, euse [baratinoer, -øz] adj.
péjor. S’exprimer de façon confuse et peu chon (fam.), maigriot (fam.), malbâti (fam.). et n. (de baratiner ; 1935, Esnault). Pop. Qui
intelligible : Vous ne l’écoutez pas, vous le sait, qui aime baratiner.
baraquement [barakm] n. m. (de
laissez baragouiner tout à son aise (Hugo). • SYN.: bavard, discoureur, phraseur.
baraquer ; 1836, Raymond). 1. Action
• SYN.: jargonner. d’installer des troupes dans des baraques.
barattage [barata] n. m. (de baratter ;
v. tr. 1. Fam. Parler maladroitement 2. Matériel servant à loger les troupes :
1845, Bescherelle). Brassage de la crème du
une langue étrangère : L’Anglais, en bara- Loger dans des baraquements. 3. Syn. de
lait, dans une baratte, pour la fabrication
gouinant l’espagnol, me cria de monter BARAQUE : Au lieu des maisons à six étages,
du beurre.
(Mérimée). Rien que la noce sur un seul il n’y avait là que baraquements improvisés,
rang de chaises, écoutant Monseigneur échoppes de fripiers, de revendeurs et de baratte [barat] n. f. (déverbal de baratter ;
Adirani, le nonce du pape, baragouiner loueurs de vélocipèdes (Gide). Les baraque- 1549, R. Estienne). Appareil dans lequel on
une interminable homélie qu’il lisait, tout ments d’un chantier. bat la crème du lait pour obtenir du beurre.
imprimée, dans un cartulaire à enluminures
baraquer [barake] v. intr. (de baraque ; baratter [barate] v. tr. (de l’anc. franç.
(Daudet). 2. Fam. Parler une langue
XVIIe s.). 1. Vx. S’établir dans des baraques : barate, confusion, agitation, issu du scand.
qu’on ne comprend pas : On ne pouvait
Troupes qui vont baraquer. 2. S’accroupir, barâtta, combat, tumulte ; 1546, Rabelais,
rien affirmer de précis, elle [l’Anglaise]
en parlant du chameau. au sens de « agiter » ; sens actuel, 1583,
baragouinait une langue impossible (Zola).
v. tr. 1. Vx. Installer des troupes dans des Delboulle). 1. Agiter la crème dans une
baragouineur, euse [baragwinoer, -øz] baraques : Les Russes, baraqués à Jersey baratte pour faire du beurre. 2. Par
n. (de baragouiner ; 1669, Molière). Fam. au commencement de ce siècle, ont laissé extens. Agiter profondément et en cadence :
Personne qui baragouine : Récapitulons : leur souvenir dans les chevaux (Hugo). La surface incessamment est battue et
pourboire au sacristain, pourboire au son- 2. Fam. Loger : Toute une compagnie de barattée par les rames (Claudel).
neur, pourboire au baragouineur (Hugo). pigeons est baraquée au-dessus de la niche • SYN.: 2 brasser.
• SYN.: bafouilleur. du chien de garde (Fromentin).
barbacane [barbakan] n. f. (de l’ar.
• REM. On trouve aussi, au XVIIe s., la
baraterie [baratri] n. f. (de l’anc. franç. barbak-kaneh, galerie servant de rempart
forme BARAGOUINEUX.
barater, tromper, mot d’origine obscure ; devant une porte ; XIIe s., Mort d’Aymeri).
baraka [baraka] n. f. (mot ar. signif. fin du XIIIe s., Guiart). 1. Faute volontaire, 1. Au Moyen Âge, ouvrage de fortification
« bénédiction » ; 1920, Tharaud). commise au préjudice des armateurs, pro- situé en avant d’une porte, ou meurtrière
1. Influence bénéfique et miraculeuse priétaires, chargeurs ou assureurs, par percée dans le mur d’une forteresse pour

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

tirer à couvert : On s’en va, errant le long de tout élément de culture : C’est à lui que je • SYN. : 2 grossièreté, rudesse, rusticité ; 3
ces barbacanes, allant sous les arcades qui dois d’être aujourd’hui un véritable lettré brutalité, inhumanité, sauvagerie, van-
s’éventrent (Flaubert). 2. Fente verticale, [...]. N’étant barbare ni en scolastique, ni dalisme. — CONTR. : 1 civilisation ; 2 déli-
dans un mur de soutènement, pour l’écou- en poétique (Hugo). 4. Inhumain, d’une catesse, politesse, raffinement ; 3 bonté,
lement des eaux. (En ce sens, on dit aussi cruauté digne des barbares : [Elles] ne trou- charité, douceur, humanité.
CANONNÈRE.) 3. Baie étroite et longue, vaient pas assez de mots dans le dictionnaire
barbariser [barbarize] v. tr. (de barbare ;
destinée à l’aération d’une crypte, d’une des injures pour qualifier cette conduite 1534, F. Fabri, au sens de « commettre un
cave. barbare (Balzac).
barbarisme » ; repris au XIXe s.). Rendre
barbacole [barbakl] n. m. (de Barbacola,
• SYN.: 2 arriéré, primitif, sauvage ; 3 brute, barbare : Notre Europe barbarisée par la
n. d’un maître d’école dans le Carnaval, fruste, grossier, ignare, inculte ; 4 cruel, guerre (Michelet).
féroce, impitoyable, inhumain, sanguinaire,
mascarade de Lully ; 1675). Class. et lit- barbarisme [barbarism] n. m. (lat. bar-
sauvage. — CONTR. : 2 civilisé, poli, policé,
tér. Maître d’école pédant ou trop vieux : barismus, du gr. barbarismos ; 1265, Br.
raffiné ; 3 cultivé, éclairé, instruit, lettré,
Humains, il vous faudrait encore à soixante Latini). 1. Faute de langage consistant à
savant ; 4 bon, charitable, doux, humain.
ans | Renvoyer chez les barbacoles (La déformer ou à mal former un mot : Faire un
Fontaine). Une troupe de petits grimauds adj. 1. Qui est contraire au bon goût,
barbarisme. 2. Forme incorrecte résul-
régis par d’honnêtes barbacoles (France). aux règles du bon usage : Il n’y a qu’à
tant de la déformation ou de la mauvaise
entendre les propos, les cris d’extase, les
barbant, e [barb, -t] adj. (part. prés. formation d’un mot : VOUS FAISEZ, pour
naïves réflexions à haute voix de ce bon
de barber ; 1901, Esnault). Fam. Se dit d’une VOUS FAITES, est un barbarisme. 3. Par
populaire d’Aps, les unes en provençal, les
personne ou d’une occupation ennuyeuse : anal. Faute contre le bon usage, le goût, les
autres dans un français barbare frotté d’ail
Ce n’est pas une mauvaise fille, mais elle règles, etc. : Des barbarismes de conscience
(Daudet). 2. Se dit de la forme d’un mot
est barbante. Elle n’a pas besoin de venir (Balzac).
inexistante ou non conforme à l’usage :
fourrer son nez partout (Proust). • SYN.: 1 et 2 incorrection ; 3 incongruité.
VOUSDISEZ, pour VOUSDITES, est une forme
• SYN.: assommant (fam.), embêtant (fam.), barbare. 1. barbe [barb] n. f. (lat. barba ; XIe s.).
empoisonnant (très fam.), rasant (pop.), 1. Poil qui pousse au bas du visage de
barbarement [barbarm] adv. (de bar-
rasoir (pop.). — CONTR. : agréable, dis- l’homme, sur le menton et les joues : Le
bare ; 1529, Traité de l’art d’orthographe
trayant, intéressant, plaisant, réjouissant, duc de la Cuesta était un homme de cin-
gallicane). Avec barbarie, avec cruauté :
séduisant, tentant. quante-huit ans [...], avec une courte barbe
Les Turcs ne traitent pas toujours les chré-
noire (Montherlant). Barbe de bouc, ou
barbaque [barbak] n. f. (peut-être du tiens aussi barbarement que nous nous le
simplem. bouc, barbe courte et taillée en
roumain berbec, mouton, ou de l’esp. bar- figurons (Voltaire). Les images des dieux et
pointe, limitée au menton. Avoir de la
bacoa, viande d’un animal cuit en entier ; des déesses, barbarement fondues, se sont
barbe au menton, avoir atteint l’âge viril,
1873, Gazette des tribunaux).) Pop. Viande éparpillées en pièces de billon (Gautier).
ou être un homme. Se faire la barbe, se
de mauvaise qualité, et, par extens., toute
barbaresque [barbarsk] adj. et n. (ital. raser : Quelques-uns [...], n’ayant pas vu
viande : Donne-leur-z’y quand même un
barbaresco, berbère ; 1584, Du Bar-tas). Qui clair à sefaire la barbe, avaient des balafres
bout de barbaque (Duhamel).
appartient à l’ancienne Barbarie, c’est-à- en diagonale sous le nez (Flaubert). Vx.
• SYN.: bidoche (pop.).
dire à l’Afrique du Nord ; habitant de cette Faire la barbe à quelqu’un, se montrer
barbara [barbara] n. m. (origine incon- région : Le 9 avril 1816, je fis à la Chambre plus fort que lui : Si vous réussissez à lui
nue ; XVe s.). Mot mnémotechnique de une proposition relative aux puissances bar- plaire, il fera la barbe à tous ces procureurs
l’ancienne logique formelle, symbolisant baresques (Chateaubriand). L’histoire de ces (Maindron). À la barbe de quelqu’un,
le premier mode de la première figure richesses fabuleuses, personne ne la savait sous ses yeux et malgré lui : Lucien fut
du syllogisme : Ce n’est pas « barbara » et précisément. Ce qu’on en disait ressemblait décidément un grand homme qu’elle [Mme
« baralipton » qui forment le raisonnement à un de ces vieux récits du dix-huitième de Bargeton] voulut former ; [...] elle trouva
(Pascal). siècle où il est question de corsaires barba- là des prétextes pour l’avoir toujours chez
resques courant les mers latines (Daudet). elle, à la barbe de ses ennuyeux courtisans
barbare [barbar] adj. et n. (lat. bar- (Balzac). Rire dans sa barbe, dissimuler
barus, du gr. barbaros, étranger ; 1308, barbarie [barbari] n. f. (lat. barbaria ; une satisfaction maligne. Par extens. et
Ystoire de li Normant). 1. Étranger, pour 1495, J. de Vignay). 1. Manque ou absence fam. Vieille barbe, homme âgé, qui a des
les peuples grecs et latins, et, plus tard, de civilisation : Tout, dans son oeuvre [de idées arriérées : Les anciens du parti répu-
pour la chrétienté : Une âcre odeur de Delacroix], n’est que désolation, mas- blicain, les combattants de 71, les exilés, les
poudre et de chaudes haleines [...] | Qui sacres, incendies ; tout porte témoignage vieilles barbes avaient pour le jeune tribun
mêle, en un vacarme enflé de mille bruits, contre l’éternelle et incorrigible barbarie des tendresses paternelles (Daudet). 2. Par
| Le blasphème barbare aux injures hel- de l’homme (Baudelaire). Une grande anal. Ensemble des poils qui poussent près
lènes (Leconte de Lisle). Invasions bar- aptitude pour comprendre les phéno- du nez ou sous la mâchoire inférieure de
bares, invasions des peuples étrangers à la mènes historiques qui se passent au pre- certains animaux : Barbe de bouc, de chat,
Méditerranée romaine, du IIIe au VIe s. apr. mier contact d’une barbarie énergique avec de phoque, de singe. 3. Filament de cer-
J.-C. : [La guerre] aura repris dans les condi- la civilisation (Renan). Certains trouvent tains végétaux, et, au plur., épis garnis de
tions les plus terribles qui se soient vues aujourd’hui que la conquête des choses par barbes : Une fois entrée dans l’esprit de
depuis les invasions barbares (Bainville). la science positive nous va conduisant ou Jeanne, l’idée y fit son chemin toute seule,
2. Qui n’a pas été touché par la civili- reconduisant à une barbarie, quoique de comme ces barbes d’ivraie que les enfants
sation, le progrès (vieilli) : Ce sentiment forme laborieuse et rigoureuse (Valéry). introduisent dans leurs manches et qui
ne me porte pas seul à cet écrit et j’espère 2. Caractère d’une chose contraire au grimpent plus haut à chaque mouvement du
qu’il pourra servir à montrer quelquefois, bon goût : L’aristocratique prélat [...] aimait bras (Daudet). 4. Chacun des filaments
par des détails de moeurs observés de mes la piété, mais la piété mondaine, de bon implantés de chaque côté d’une plume d’oi-
yeux, ce qu’il nous reste encore d’arriéré et ton, sans barbarie scolastique (Renan). seau : Un tas de figures malicieuses sortirent
de barbare dans l’organisation moderne de 3. Cruauté, férocité ; acte de barbarie : La de derrière les pupitres ; toutes les barbes
nos armées permanentes (Vigny). Un peuple guerre est une barbarie quand on attaque de plume se portèrent aux lèvres, tous ces
barbare. 3. Grossièrement ignorant de un voisin paisible (Maupassant). petits yeux, brillants, moqueurs, effarés,

366
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

se fixèrent sur moi (Daudet). 5. Nom ribles, barbelés, empoisonnés, qui brûlaient, barbier [barbje] n. m. (de barbe ; 1241,
donné à différentes choses qui offrent de enlevaient le morceau (Daudet). Cartulaire de N.-D. de Bonport). 1. Class.
la ressemblance avec la barbe : moisissures, barbelés n. m. pl. Réseau de défense Chirurgien : Il est arrivé qu’un qui était
bavures d’un papier mal coupé, d’un métal, militaire en fils de fer barbelés : Il essayait allé pour tuer un tyran lui a percé une apos-
etc. : Ces petites études d’huissiers où les de se dégager des barbelés accrochés à ses tume où les barbiers n’avaient osé mettre la
dossiers sont si vieux qu’ils ont de la barbe, vêtements (Malraux). Spécialem. Clôture main (Malherbe). 2. Celui dont le métier
en style de cléricature (Balzac). 6. Fam. des camps de prisonniers. était de faire la barbe, de raser. 3. Par
La barbe !, quelle barbe !, exclamations extens. et vx. Coiffeur : À présent, le bar-
pour signifier qu’une personne ou une barbelure [barblyr] n. f. (de barbe ; bier, pour mener à perfection son ouvrage,
1877, Littré). Aspérité aiguë disposée en étalait à nouveau sur le visage déjà rasé
chose vous ennuie, vous importune : Ah !
Beethoven, la barbe ! (Proust). barbe d’épi : Un dragon de porcelaine [...], une mousse onctueuse (Gide). Il passait la
la gueule ornée de crocs et de barbelures moitié de l’après-midi à se faire faire les
barbes n. f. pl. Bandes de toile ou de
(Gautier). Les pattes égratignées par les ongles des mains et des pieds par son barbier
dentelle que les femmes portaient à leur
barbelures des grillages (Genevoix). (Malraux).
coiffure : Une bonne vieille, avec une coiffe
à barbes [...], filait sa quenouille de laine (Le barber [barbe] v. tr. (de barbe ; 1882, barbifiant, e [barbifj, -t] adj. (part.
Roy). Une pauvre figure de paysanne, ridée, Esnault). Fam. Ennuyer, importuner : prés. de barbifier ; début du XXe s.). Fam.
crevassée, couleur de terre, encadrée dans de Tant pis pour la conférence d’internat : on Très ennuyeux (peu usité) : Je vous dirai
longues barbes de dentelle rousse comme en le barbait à la fin (Aragon). tout nûment que je le trouve le plus barbi-
portent les vieilles de chez nous (Daudet). • SYN. : assommer (fam.), embêter (fam.), fiant des raseurs (Proust).
2. barbe [barb] n. m. et adj. (ital. barbero ; empoisonner (fam.), raser (pop.), tanner
barbifier [barbifje] v. tr. (de barbe ;
1534, Rabelais). Cheval de Barbarie, c’est- (très fam.). — CONTR. : amuser, charmer,
XVIIe s.). 1. Fam. Faire la barbe : Tous les
à-dire d’Afrique du Nord, surtout répandu distraire, intéresser, plaire, séduire, sou-
pauvres diables [...] se promettaient pour
au Maroc : Je vis passer, en habit de hus- rire, tenter.
le lendemain cette douceur ineffable et
sard, au grand galop sur un barbe, un de ces se barber v. pr. Fam. S’ennuyer. souveraine d’être barbifiés une fois en leur
hommes en qui finissait un monde, le duc [barb, -t] n. et adj. (de vie sans bourse délier (Gautier). 2. Fig.
barbet, ette
de Lauzun (Chateaubriand). Douze nègres, barbe ; début du XVIe s.). Épagneul à poil et fam. Ennuyer.
chacun menant un cheval barbe (Heredia). long et frisé : Seul au monde avec son chien, • SYN.: 2 assommer (fam.), barber (fam.),
1. barbeau [barbo] n. m. (lat. pop. *bar- ce barbet boiteux qu’il a trouvé dans les empoisonner (fam.), raser (pop.), tanner
bellus, dimin. de barbus, barbeau [de barba, docks de Hambourg ! (Martin du Gard). (très fam.). — CONTR. : 2 amuser, charmer,
barbe, à cause des barbillons] ; 1175, Chr. de Une chienne barbette. Crotté comme un distraire, intéresser, plaire, séduire, sourire.
Troyes ; sens 2, 1865, Esnault). 1. Poisson de barbet, couvert de boue de la tête aux pieds. se barbifier v. pr. Se raser : Le matin, le
rivière à la mâchoire garnie de barbillons. barbet n. m. Pop. et vx. Policier attaché rentier se lève à la même heure par toutes
2. Pop. Souteneur : De loin, des barbeaux à la filature et à l’espionnage d’un suspect : les saisons, il sebarbifie, s’habille et déjeune
et des harengs les surveillaient, robustes et La carabine du barbet vengeant le sang (Balzac). Je me rasais, tout debout, sérieu-
narquois. Ils ont des casquettes pâles semées (Goncourt). sement, devant un mur, ou même, quand
de pointes noires, selon la mode qui trottine je le pouvais, devant un panneau de porte,
barbette [barbt] n. f. (de barbe ; 1360, parce qu’il est malaisé de se barbifier face
de Belleville à Grenelle (Fargue).
Godefroy). 1. Guimpe couvrant la poitrine au vide (Duhamel).
• SYN.: 1 barbillon.
et le cou, portée jadis par les religieuses
2. barbeau [barbo] n. m. (de barbe [à et les femmes âgées. 2. Vx. Plate-forme barbille [barbij] n. f. (de barbe ; 1751,
cause des barbes qui garnissent la fleur] ; de fortification disposée pour permettre à Encyclopédie). Bavure à une pièce de mon-
1642, Oudin). Nom populaire du bleuet. l’artillerie de tirer en rase-motte. Tirer à naie ou à un flan monétaire.

adj. Bleu barbeau, bleu clair comme la barbette, tirer à découvert, sans épaulement 1. barbillon [barbij] n. m. (de barbe ;
fleur du bleuet : Il [Goriot] avait quitté de terre pour se cacher : Les Autrichiens, 1398, Ménagier de Paris). 1. Chacun
l’habit bleu barbeau, tout son costume ayant tiré à barbette, perdirent un monde des filaments placés de part et d’autre
cossu, pour porter [...] une redingote de considérable ; le prince de Waldeck eut un de la bouche de certains poissons.
drap marron grossier (Balzac). bras emporté (Chateaubriand). Fam. 2. Appendice charnu qui pend sous le
Officier de barbette, officier du génie. bec de la plupart des volatiles domestiques.
barbecue [barbkju ou barbky] n. m.
3. Chacun des petits appendices saillants
(mot anglo-amér., empr. à l’esp. barbacoa, barbiche [barbi] n. f. (de barbe ; 1694,
Acad.). Petite barbe en pointe, qu’on laisse situés sous la langue du cheval ou du boeuf.
d’origine haïtienne ; milieu du XXe s.).
4. Pointe hérissant le fer d’une flèche,
Appareil de cuisson à l’air libre, fonction- croître seulement en prolongement du
menton : C’était un homme de soixante ans, d’un hameçon.
nant au charbon de bois et servant à griller
de la viande ou du poisson. maigre, portant la barbiche (Maupassant). 2. barbillon [barbij] n. m. (de barbeau ;
Sa mâchoire en avant, que continue une XIVe s.). Petit barbeau.
barbelé, e [barble] adj. et n. m. (de l’anc.
manière de barbiche, lui donne l’air de
franç. barbel, pointe, du lat. barbellum, barbiturique [barbityrik] adj. et n. m. (de
descendre du fronton d’Égine (Gide). Sa
dimin. de barba, barbe ; début du XIIe s.). l’allem. Barbitursäure et de urique ; 1878,
barbiche courte, largement accrochée sur
1. Se dit d’une arme dont le fer est garni de Larousse). Se dit d’un radical chimique (la
les joues, était grise (Duhamel).
dents et de pointes : Flèche barbelée. Fil malonylurée) qui est à la base de nombreux
de fer barbelé, ou barbelé n. m., fil de fer barbichet n. m. V. BARBICHON. hypnotiques et sédatifs nerveux : Peut-être
muni de pointes, utilisé pour les clôtures de nouveaux assemblages de molécules plus
barbichette [barbit] n. f. (de barbiche ;
ou, à titre militaire, comme matériel de ou moins barbituriques nous donneront-ils
début du XXe s.). Fam. Petite barbiche.
défense accessoire : Elle laisse une mèche la méditation que l’existence nous interdit
de son fichu de laine au fil de fer barbelé barbichon [barbi], barbichet de plus en plus d’obtenir naturellement
(Bernanos). 2. Fig. Qui déchire comme [barbi] n. m. (de barbiche ; fin du XVIe s.). (Valéry). [On désigne aussi la malonylurée
avec des pointes : C’étaient des mots ter- Petit barbet. sous le nom de BARBITAL, n. m., et ce terme

367
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

sert d’élément suffixal dans la dénomina- barboteur, euse [barbtoer, -øz] n. et cloches (Flaubert). 3. Péjor. Peindre mala-
tion des dérivés.] adj. (de barboter ; milieu du XVIe s.). Pop. droitement, sans talent : Un amateur qui
Se dit d’une personne qui barbote, qui a barbouille des toiles le dimanche (Sartre).
barbon [barb] n. m. (ital. barbone,
l’habitude de barboter : Depuis qu’il était 4. Couvrir d’une écriture maladroite,
grande barbe ; XVIe s.). Péjor. Homme d’un
passé homme d’État et barboteur de fonds de dessins grossiers : Et, si le poète lyrique
âge plus que mûr : Mais je suis trop barbon
secrets (Daudet). trouve l’occasion de parler de lui-même,
pour oser soupirer (Molière). Enfant au pre-
• SYN.: chipeur (fam.), détourneur, voleur. il ne se peindra pas penché sur une table,
mier acte et barbon au dernier (Boileau).
barboteur n. m. 1. Canard domes- barbouillant une page blanche d’horribles
Je commençais à considérer Jacques comme
tique vivant dans les eaux bourbeuses. petits signes noirs (Baudelaire). Barbouiller
« le mari ». Peu à peu j’oubliais sa jeunesse,
2. Appareil conçu pour le barbotage un cahier de dessins. 5. Fig. et vx. Parler
je voyais en lui un barbon (Radiguet).
des gaz. ou rédiger gauchement : D’humble qu’il
barbotage [barbta] n. m. (de barbo- était, nous vîmes croître son orgueil à
barboteuse n. f. Vêtement d’enfant lais-
ter ; 1580, Montaigne). 1. Action de bar- mesure qu’il s’accrochait à quelqu’un de
sant les membres libres et formant une
boter dans l’eau : Elle allongeait son bras connu. Vers le temps de la convocation des
culotte légèrement bouffante.
nu, faisait un barbotage terrible (Zola). États généraux, Chamfort l’employa à bar-
2. Passage d’un gaz à travers un liquide. barbotier [barbtje] n. m. (de barboter ; bouiller des articles pour des journaux et des
3. Mélange de son et d’eau pour l’ali- 1628, Chereau). Arg. Guichetier chargé de discours pour des clubs (Chateaubriand).
mentation du bétail : Les naseaux dans la fouille des détenus. 6. Class. Prononcer d’une manière
une auge pleine de barbotage (Richepin). indistincte : Desmaret demeura court et
barbotière [barbtjr] n. f. (de barbo-
4. Pop. Vol : Un barbotage de trois cent ter ; 1863, Littré). 1. Mare où barbotent les barbouilla quelque chose entre ses dents
mille francs (Croisset). (Saint-Simon). 7. Class. Embrouiller : Je
canards. 2. Auge contenant le barbotage
• SYN.: 1 pataugeage ; 4 filouterie, fripon- destiné au bétail. ne sais comment il a barbouillé cette affaire
nerie, larcin. (Acad., 1694). 8. Class. Compromettre :
barbotin [barbt] n. m. (du n. de l’in- Elle se croit offensée et elle est femme à vous
barboter [barbte] v. intr. (anc. franç. venteur, le capitaine de vaisseau Barbotin ; barbouiller terriblement dans le monde
barbeter, var. de bourbeter [même racine 1863, Littré). 1. En termes de marine, cou- (Dancourt). 9. Barbouiller l’estomac,
que bourbe] ; XIIIe s., Livre des Rois ; ronne de fer à empreintes dans lesquelles le coeur, donner la nausée : L’anisette lui
« voler », 1821, Ansiaume). 1. Fouiller avec viennent s’engager les mailles de la chaîne barbouillait le coeur. Elle aurait plutôt
le bec l’eau, la boue, en parlant des oiseaux quand on vire. 2. Poulie solidaire du pris quelque chose de raide pour se guérir
aquatiques : [Le] fumier où barbotaient les moteur, qui entraîne le train de roulement l’estomac (Zola). Avoir le coeur, l’estomac
canards (Zola). 2. Par extens. S’agiter des véhicules à chenilles. barbouillé, avoir légèrement la nausée : J’ai
dans l’eau, dans la boue : Les matins, pour le coeur un peu barbouillé, dit Amédée, qui
barbotine [barbtin] n. f. (de barboter ;
se débarbouiller, il tirait un seau d’eau, se gonflait de répugnance au souvenir du
1532, Rabelais). Pâte à poterie presque
dans lequel il barbotait à la façon des vieux liquide, utilisée par coulage. pharmacien (Gide). 10. Fig. Embrouiller
soldats (Alain-Fournier). Spécialem. l’esprit, faire perdre à quelqu’un le fil de ses
Marcher dans la boue ou dans l’eau : J’ai barbouillage [barbuja] ou bar- idées : Ce sont vos sacrés tabacs d’Orient
barboté vingt minutes dans une tranchée à bouillis [barbuji] n. m. (de barbouil- qui vous barbouillent les idées (Daudet).
moitié inondée (Martin du Gard). Il bar- ler ; 1588, Montaigne [barbouillage] ; • SYN.: 1 maculer, salir, souiller, tacher ; 2
bota dans l’eau froide, ce qu’il redoutait fin du XVIIe s. [barbouillis]). 1. Action
badigeonner, peinturer (fam.), peinturlu-
d’ordinaire (Duhamel). 3. Fig. et fam. de barbouiller ; résultat de cette action :
rer ; 4 gribouiller, griffonner. — CONTR. :
Être engagé dans une situation fâcheuse Une espèce de baraque en bois et en toile
1 débarbouiller, décrasser, laver, nettoyer.
et embrouillée : Depuis des jours, le village avec des dorures passées et des espèces de
se barbouiller v. pr. 1. Fig. Se barbouil-
barbotait dans son crime (Bernanos). barbouillages en manière de papier peint
ler de grec et de latin, en acquérir une
(Gautier). 2. Texte manuscrit illisible.
• SYN.: 2 patauger. connaissance superficielle. 2. Le temps
3. Mauvaise peinture.
v. tr. 1. Agiter dans l’eau : « Je vous se barbouille, le temps se gâte. 3. Class.
• SYN. : 2 gribouillage (fam.), gribouillis
remercie », répondit la jeune femme, qui Se rendre ridicule : Dans le monde, à vrai
(fam.), griffonnage.
pétrissait de ses poings et barbotait les dire, il se barbouille fort (Molière).
pièces de couleur dans l’eau claire (Zola). barbouillée [barbuje] n. f. (de barbouil-
barbouilleur, euse [barbujoer, -øz] n.
2. Class. et littér. Marmotter : [L’abbé de ler ; 1743, Trévoux). Fam. et vx. Se moquer
(de barbouiller ; XVe s.). 1. Personne qui bar-
Pompadour] avait un laquais [...] à qui il de la barbouillée, dire des choses absurdes,
bouille. Barbouilleur de papier, méchant
donnait, outre ses gages, tant par jour pour ou se moquer de l’opinion des autres et des
écrivain : Les barbouilleurs de papier ont
lire le bréviaire en sa place et qui le barbo- conséquences de ses actes, pourvu qu’on
surtout cette faculté de s’abstraire dans leur
tait dans un coin des antichambres où son arrive à ses fins : Si le juge chargé de taxer
manie pendant les plus grands événements ;
maître allait (Saint-Simon). Jene sais pas ce le dossier voyait des choses pareilles, il dirait
leur phrase ou leur strophe leur tient lieu
qu’elle barbotait, elle parlait de l’héritage, qu’on se moque de la barbouillée (Balzac).
de tout (Chateaubriand). 2. Spécialem.
elle m’accusait d’avoir porté le dernier coup barbouiller [barbuje] v. tr. (de bourbe, Mauvais peintre : Un barbouilleur de pas-
à mon frère (Zola). 3. Pop. et vx. Barboter avec influence de barboter et de bouillir ; sage y avait peint l’astre du jour avec un
les poches de quelqu’un, le fouiller : Avoue XIVe s.). 1. Couvrir d’une matière salis- disque et des rayons bleus (Gautier).
donc que tu lui as barboté les poches pour sante : Ces images [...] hideuses, mutilées, • SYN. : 1 badigeonneur, gribouilleur,
reprendre des papiers (Daudet). Ferré, à la barbouillées de sang et de sanie (Duhamel) ; griffonneur ; écrivailleur, écrivaillon,
prison, leur aura fait barboter les poches et littér. : J’ai cru voir la sainte Cécile de écrivassier.
(Bourges). 4. Pop. Subtiliser, voler : Tu Raphaël pour la première fois, tant elle
meurs pour un idéal, et l’entrepreneur des barbouillis n. m. V. BARBOUILLAGE.
était plus divine qu’au Louvre, sous notre
pompes funèbres barbote tes dents en or ciel barbouillé de suie (Chateaubriand). barbouze [barbuz] n. f. (de barbe ; 1926,
pour se payer (Torrès). 2. Enduire grossièrement de couleur : Il Esnault ; sens 2, 1961, journaux). 1. Pop.
• SYN.: 4 chiper (fam.), choper (fam.), déro- peignit lui-même les châssis et, redoutant les Barbe. Personne barbue. 2. Membre
ber, faucher (pop.), piquer (pop.). coups de soleil, barbouilla de craie toutes les d’une police secrète.

368
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

barbu, e [barby] adj. et n. (du lat. pop. plus la cagoule, les crampons, les mitaines, 1. barder [barde] v. tr. (de barde 2 ;
*barbutus, de barba, barbe ; 1213, Fets des les lunettes, quel barda ! (Frison-Roche). 1495, J. de Vignay ; au sens culin., 1640,
Romains). Qui a de la barbe : Quoi ! c’était • SYN. : 1 paquetage ; 2 bazar (fam.), Oudin). 1. Couvrir un cheval de bataille
son fils [...], ce fort garçon barbu dont la chargement, fourbi (fam.), fourniment, d’une barde. Par extens. Couvrir un
volonté s’affirmait (Maupassant). harnachement. combattant d’une armure : Quatre écuyers
• SYN.: poilu. — CONTR. : glabre, imberbe, de marbre, bardés de fer, armés de toutes
1. bardage [barda] n. m. (de barder,
rasé. pièces (Chateaubriand). Fig. Être bardé
charger sur un bard [1751, Encyclopédie] ;
adj. 1. Garni, pourvu de barbes, de bar- contre quelque chose, être en mesure de
début du XIXe s.). Transport de fardeaux
billons, de filaments, etc. : Une orge barbue. le supporter, d’y résister. 2. Garnir de
avec des bards, spécialement de matériaux
Une chèvre barbue. 2. Couvert de moi- pièces métalliques résistantes pour assu-
pesants sur les chantiers de construction.
sissures : Du fromage barbu. rer une protection : Hérissé de clous et
2. bardage [barda] n. m. (de barder 1 ; bardé de formidables ferrures, ce coffre
barbue [barby] n. f. (de barbu ; XIIIe s.). XXe s.). Protection en planches aménagée est le meuble d’un temps de violence et de
Poisson de mer analogue au turbot, mais autour d’un ouvrage d’art, d’une pile de rapine (Mérimée). 3. Couvrir à profu-
dont la peau est lisse. pont. sion, en particulier de décorations : Comme
barbule [barbyl] n. f. (de barbe ; milieu du [bardan] n. f. (origine obscure ; il avait daigné représenter son pays dans
bardane
XIXe s.). Chacun des petits crochets implan- peut-être emploi métaphorique du lyonnais je ne sais quelle ambassade de cérémonie,
tés sur les barbes d’une plume. bardane, punaise ; XVe s., Grand Herbier). deux ou trois souverains l’avaient bardé
Plante à feuilles larges, épaisses, utilisée de leurs plus beaux cordons (Sue). 4. Fig.
barca ! [barka] interj. (mot ar. ; 1886,
en médecine. Remplir, bourrer de : Une jeunesse plus
Esnault). Pop. Assez, rien à faire : Ah, et
instruite qu’elle, envoyée sans cesse par les
puis barca, je dirai au major que j’ai mal à 1. barde [bard] n. m. (lat. bardus, fait sur écoles militaires, et arrivant toute bardée de
la gorge (Courteline). Mais pour m’endor- un mot gaulois ; 1512, J. Lemaire de Belges). chiffres (Vigny). Louise prit un air digne,
mir, barca ! je ne marche pas (Duhamel). 1. Poète et chanteur, chez les Celtes : Ce et commença l’un de ses longs discours
barcarol [barkarl] n. m. (ital. barcarolo, qu’ils chantaient était un de ces choeurs bardés de mots pompeux (Balzac). Au lieu
gondolier ; début du XIXe s.). Vx. Gondolier : écossais, une des anciennes mélodies des d’en faire des brutes pédantes, bardées de
Sur le bordage de la gondole [...], où le bar- bardes (Vigny). 2. Par extens. et littér. grec et de latin, on s’appliquait à dévelop-
carol appuie sa rame, debout sur une petite Poète héroïque ou lyrique : Non, sous per en eux tous les sentiments humains, à
plate-forme (Gautier). La barque aux bar- quelque drapeau que le barde se range, |
leur apprendre aussi les douceurs de la vie
carols chantants (Apollinaire). La Muse sert sa gloire et non ses passions
de famille, dont la plupart, comme étran-
(Lamartine).
gers, se trouvaient privés depuis longtemps
barcarole ou barcarolle [barkarl] n. f. • SYN.: 2 aède, rhapsode. (Daudet). 5. Garnir de bardes de lard :
(ital. barcarola, chant du barcarolo, gondo-
2. barde [bard] n. f. (ar. barda’a, bât rem- Barder une volaille.
lier ; 1767, Voltaire). 1. Chanson des gondo-
liers vénitiens. 2. Par extens. Chanson ou bourré ; fin du XIIIe s., Assises de Jérusalem ; • SYN.: 1 caparaçonner, cuirasser ; 2 armer ;
pièce de musique dont le rythme ternaire « tranche de lard », 1680, Richelet). 1. Selle 3 consteller ; 4 farcir.
suggère le mouvement d’une barque sur les rembourrée : Sévéraguette tentait de seras- se barder v. pr. Se barder de, s’assurer
flots : Le bengali, perché sur le mât d’une seoir sur la barde [de son âne] (F. Fabre). une protection par le moyen de : Chacun
nacelle de bambou, chantait sa barcarolle 2. Pièce du caparaçon ou armure du doit se forger sa cuirasse, et les saints, |
indienne (Chateaubriand). Mystiques bar- cheval de guerre : Un chevalier croisé | Comme ils n’ont pas d’acier, se bardent
carolles | Romances sans paroles (Verlaine). Pousse un cheval plaqué de bardes de métal d’un cilice (Richepin).
(Leconte de Lisle). Une armure de cheval
•REM. On trouve aussi la vieille forme 2. barder [barde] v. impers. (origine obs-
avec la muserolle, la barde de crinière et
BARQUEROLLE. cure ; empr. peut-être aux parlers de l’Est,
la barde de poitrail (France). 3. Mince
barcasse [barkas] n. f. (de barque et suff. où barder signif. « glisser, aller vite » ; fin
bande de lard protégeant une viande à
péjor. -asse ; 1834, Landais). 1. Barque utili- du XIXe s.). Pop. Prendre une ampleur dan-
rôtir : Mme Vauquer se coucha le soir en
sée pour le débarquement des passagers et rôtissant, comme une perdrix dans sa barde, gereuse, devenir plus violent, plus intense :
des marchandises, lorsque le navire ne peut au feu du désir qui la saisit de quitter le L’adjudant peut avoir ses défauts, mais on
accoster. 2. Fam. Mauvaise barque : De suaire du Vauquer pour renaître en Goriot les oublie quand ça barde (Benoit). Ça va
lourdes barcasses de pêcheurs, échelonnées (Balzac). barder.
sur la mer violette (Benoit). • SYN.: chauffer (pop.), se gâter.
bardeau [bardo] n. m. (de barde 2, plaque
barcelonnette n. f. V. BERCELONNETTE. d’armure ; 1358, Comptes municipaux de bardis [bardi] n. m. (de barde 2, au sens de
Tours). 1. Planchette mince en forme de « lamelle » ; XVIe s.). Ensemble de planches
bard [bar] n. m. (dér. de l’anc. franç. baer,
tuile, servant à couvrir les toits, à revê- ou de madriers placés entre les éléments
béer, ouvrir la bouche, désignant une civière
tir les façades, ou à soutenir les tuiles, les d’une cargaison de grains en vrac, pour
à claire-voie ; début du XIIIe s., Recueil de
ardoises du toit : Les frêles murailles d’un éviter le ripage.
motets). Civière à claire-voie, servant au
logis terminé par un toit en colombage [...]
transport de fardeaux : Des femmes pas- bardit [bardi ou bardit] n. m. (lat. bardi-
dont les bardeaux pourris ont été tordus
sèrent avec un bard [...] d’où dégouttelait tus, chant des Germains ; XVIIe s., Harlay).
par l’action alternative de la pluie et du
du linge (Flaubert). Chant de guerre des Germains : Poussant
soleil (Balzac). 2. Planchette posée sur
un cri aigu, ils entonnent le bardit à la
barda [barda] n. m. (ar. barda’a, bât d’âne ; les solives et destinée à recevoir l’aire sup-
louange de leurs héros (Chateaubriand).
1848, E. Daumas). 1. Arg. mil. Équipement portant un carrelage.
complet porté par un homme de troupe : bardot [bardo] n. m. (ital. bardotto, bête
1. bardée [barde] n. f. (de bard ; 1642,
C’était le lendemain d’une marche très qui porte le bât ; 1367, Prost, Inv. mobiliers
Oudin). Charge d’un bard.
longue [...] avec tout le barda (Romains). des ducs de Bourgogne). 1. Bête de somme,
2. Par extens. Bagage ou équipement 2. bardée [barde] n. f. (de barde 2 ; 1836, produit du cheval et de l’ânesse. 2. Fig.
varié et encombrant : Quatre mousquetons Raymond). Enveloppe de bardes de lard. et vx. Souffre-douleur.

369
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

barège [bar] n. m. (de Barèges, v. des barillet [barij] n. m. (dimin. de baril ; barlong, gue [barl, -g] adj. (de long et
Hautes-Pyrénées où était fabriquée cette XIIIe s., Roman de Renart). 1. Petit baril. de bes [lat. bis, deux fois], c’est-à-dire « deux
étoffe ; 1829, Ronteix). Vx. Étoffe de laine 2. Magasin cylindrique et mobile de cer- fois plus long que large » ; 1265, J. de Meung,
légère : Elle portait une robe de barège, tains revolvers : Plus vite qu’un tireur exercé écrit belong ; berlong, barlong, v. 1600, O. de
ornée de petits velours bleu pastel (Chérau). ne fait tourner le barillet de son revolver Serres ; sens 2, 1751, Encyclopédie). 1. Class.
Une jeune femme, en robe de barège ou de (Farrère). 3. Boîte cylindrique renfer- Se disait de vêtements plus longs d’un côté
linon, dans un yacht arborant le drapeau mant le ressort d’entraînement d’une pen- que de l’autre : Votre manteau est mal taillé,
américain (Proust). dule, d’une montre. 4. Partie cylindrique il est barlong (Acad., 1694). 2. En termes
du bloc de sûreté d’une serrure. d’architecture, se dit d’une chose dont le
barème [barm] n. m. (du n. de Fr.
côté le plus long se présente de face : Cette
Barrême [1640-1703], auteur des Comptes barine [barin] n. m. (mot russe ; XIXe s.).
voûte en pendentif, à plan barlong (Hugo).
faits du grand commerce ; 1842, Mozin). 1. Seigneur terrien, dans l’ancienne Russie :
1. Table de calculs tout faits : Un barème Manilof, la nuque en avant, les sourcils barlotière [barltjr] n. f. (peut-être
décimal. Le barème des intérêts. 2. Table gonflés creusant sa ride, se demande si le altér. de barrelotière, de barre ; 1791, Encycl.
ou répertoire de tarifs : Le barème des prix gros « barine » ne va pas cesser bientôt ses méthodique). Traverse de fer plat dans un
des légumes. bavardages (Daudet). Ils ont bien fait un châssis de vitrail.
peu d’agitation dans leurs villages, envahi
baréter [barete] v. intr. (de barrir, avec barmaid [barmd] n. f. (mot angl., de bar
les domaines seigneuriaux, brûlé par-ci,
changement de suffixe ; XIXe s.). [Conj. 5.] et de maid, servante ; 1861, Revue des Deux
par-là un château de barine (Martin du
Syn. rare de BARRIR. Mondes). Serveuse de bar : Elle lui faisait
Gard). 2. Terme de respect appliqué à un
1. barge [bar] n. f. (origine obscure ; citadin ou à un intellectuel dans la Russie l’effet d’une gentille barmaid et, sans céré-
1553, Belon). Oiseau échassier des maré- d’avant 1917. monie, il se laissait servir (Gyp).
cages, à long bec et à longues pattes : La barman [barman] n. m. (mot angl. ; 1873,
bariolage [barjla] n. m. (de barioler ;
barge rousse. La barge à queue noire. Hubner). Serveur de bar : Elle s’extasiait,
XIVe s.). Action de barioler ; réunion de
2. barge [bar] n. f. (du lat. pop. *barica, couleurs vives et disparates : La gaieté de comme une pensionnaire, sur la veste
*barga, même sens ; 1080, Chanson de sa couleur, plutôt scintillante que riche, blanche du barman (Radiguet).
Roland). 1. Bateau à fond plat, gréé d’une rappelait les heureux bariolages des étoffes • Pl. des BARMEN [mn].
voile carrée : Le blé arrivait de Rosario en orientales (Baudelaire). À la sortie, dans
barnabite [barnabit] n. m. (de Barnabé ;
barges par le fleuve (Morand). Spécialem. l’encombrement de la petite place où les
1690, Furetière). Religieux d’un ordre
Péniche de débarquement. 2. Meule de casques des pompiers, les fusils des fores-
établi en l’église Saint-Barnabé de Milan
foin rectangulaire : Le père Besnard refai- tiers brillaient au soleil parmi le bariolage
au XVIe s. : Évariste Gamelin [...] s’était
sait [...] le plein des greniers avec le fourrage des toilettes (Daudet).
rendu de bon matin à l’ancienne église des
des barges (Chauviré). • SYN.: bigarrure, chamarrure. Barnabites (France).
• SYN.: 1 bélandre, péniche.
bariolé, e [barjle] adj. (part. passé de
barnum [barnm] n. m. (nom d’un
barguignage [bargia] n. m. (de bar- barioler). Se dit de ce qui est marqué de homme d’affaires américain du XIXe s. ;
guigner ; 1580, Montaigne). Fam. Action bandes ou de taches de couleurs vives et 1855, duc d’Aumale). 1. Vx. Celui qui
de barguigner, hésitation. bizarrement assorties : Une étoffe bario-
organise, à grand renfort de publicité,
• SYN. : marchandage, tergiversation. — lée. Le juif se relève et promène un regard
des tournées avec spectacles à sensation
CONTR. : décision. sournois sur la foule bariolée qui l’entoure
et exhibition de phénomènes (avec une
(Daudet).
barguigner [bargie] v. intr. (d’un fran- majuscule lorsqu’il s’agit du nom propre) :
•SYN.: bigarré, chamarré, diapré, panaché. Ce Laurier qui aime les mystifications
cique *borganjan [allem. borgen, emprun-
— CONTR. : uni. féroces et se délecte à ce rôle de Barnum
ter], croisé avec *waidanjan, gagner ; fin
du XIIe s.). 1. Class. et littér. Marchander, barioler [barjle] v. tr. (croisement de au nez creux (Vallès). 2. Installation de
hésiter : Les marchands n’aiment pas ceux barrer, rayer, et de l’anc. franç. rioler, du lat. marchand forain : Monter son barnum sur
qui barguignent (Acad., 1694). Moi, je ne regula, règle ; 1546, Babeau, écrit barrolé ; la place du marché. 3. Grand vacarme,
suis pas pour qu’on barguigne (Richepin). barricoler, 1616, P. Biard ; barriolé, 1617, désordre, confusion.
2. Auj., ne s’emploie plus que dans J. Olivier). Peindre, marquer de couleurs • SYN.: 3 chahut (fam.), chambard (fam.),
l’expression sans barguigner, sans hésiter, violemment tranchées : Hortense ne voyait tapage, tintamarre, tohu-bohu.
résolument : M. Chalgrin a, je dois le dire, que ce papier blanc [la lettre] bariolé de
barographe [bargraf] n. m. (du gr.
accepté sans barguigner (Duhamel). lignes noires (Balzac). Les fleurs bariolaient
baros, pesanteur, et graphein, enregistrer ;
• SYN. : 2 balancer, chipoter (fam.), mar- le gazon de cinq grandes taches parfumées
1877, Littré). Baromètre enregistreur, tra-
chander (fam.), tergiverser, tortiller (fam.). (Maupassant). Des palissades, bariolées
çant, sous la forme d’un graphique continu,
— CONTR. : 2 se décider. d’affiches, masquaient le rez-de-chaussée
la courbe des altitudes atteintes par un
(Martin du Gard).
barigoule [barigul] n. f. (du provenç. bari- aéronef. (Syn. ALTIMÈTRE ENREGISTREUR.)
• SYN. : bigarrer, chamarrer, jasper, pana-
goulo, agaric [parce que l’artichaut évidé [barmtr] n. m. (du gr.
cher, peinturlurer. baromètre
rappelle la forme de ce champignon] ; 1742,
baros, pesanteur, et metron, mesure ;
Suite des Dons de Camus). À la barigoule, se bariolis [barjli] n. m. (de barioler ;
mot formé par Boyle en 1665 ; 1666,
dit d’une manière de préparer les artichauts XIXe s.). Assemblage de couleurs dispa-
Graindorge). 1. Appareil servant à mesurer
avec une farce et à l’huile d’olive. rates ou trop voyantes : Ses oeuvres, qui
la pression atmosphérique : Baromètre à
n’étaient jusqu’alors que d’incompréhen-
baril [bari ou baril] n. m. (origine incer- mércure. Baromètre métallique ou baro-
sibles bariolis de tons aigres, commencent
taine ; peut-être d’un lat. pop. *barriculus ; mètre anéroïde. Baromètre enregistreur. Il
déjà à se débrouiller (Huysmans).
XIIe s., Livre des Rois). 1. Petit tonneau. y avait deux grands lits de bois, majestueux
• SYN.: bigarrure, chamarrure.
2. Par extens. Contenu de ce tonneau : comme des navires, et, entre bien d’autres
Quand on eut bu des barils d’eau-de-vie, barite n. f., barium n. m. V. BARYTE, choses, un monumental baromètre à mer-
chacun partit se coucher (Maupassant). BARYUM. cure (Duhamel). 2. Fig. Élément sensible

370
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

à certaines variations : La presse est le baro- Je la trouvais baroque, absurde et grotesque aime barouder : Les légionnaires sont des
mètre de l’opinion publique. (France). 3. En art et en littérature, se baroudeurs.
dit d’un style qui rompt avec les traditions • SYN.: bagarreur.
barométrique [barmetrik] adj. (de
classiques d’une esthétique dépouillée et
baromètre ; 1752, Trévoux). Qui concerne barouf [baruf] ou baroufle [barufl] n.
qui se caractérise par la surabondance
le baromètre ou ses indications : Les varia- m. (de l’ital. baruffa, altercation ; début
des ornements : Bien que Benedetto Croce
tions barométriques. du XIXe s., écrit baroufa [terme de sabir] ;
l’ait nié, l’étude admirable qu’il a écrite sur
[barmetrikm] baroufe, milieu du XIXe s.). Pop. Bruit vio-
barométriquement la littérature baroque prouve, contre lui-
lent, vacarme : Quand ça pète, tu parles
adv. (de barométrique ; 1877, Littré). 1. À même, que le baroque est un système de
l’aide d’un baromètre. 2. Selon les varia- valeurs parfaitement cohérent (Adam). Se d’un baroufe (Barbusse). Faire du barouf,

tions barométriques : Quand le temps réclamer avec véhémence, protester ; faire


dit des oeuvres conçues selon ces principes :
du scandale.
changeait, leur vol [celui des hirondelles] C’était une de ces églises à la fois baroques et
s’abaissait barométriquement (Gide). populaires d’Espagne, auxquelles la pierre, • SYN.: boucan (pop.), chahut (fam.), cham-
employée à la place du stuc italien, donne bard (fam.), foin (pop.), raffut (pop.), tapage.
1. baron [bar] n. m. (du francique *baro,
un accent presque gothique (Malraux). • REM. On trouve parfois ce mot au fé-
homme libre [cas régime *barone] ; Xe s.,
• SYN.: 1 abracadabrant, biscornu, étrange, minin : Les gabiers ont fait une grande
Vie de saint Léger). 1. Seigneur féodal qui
insolite, saugrenu, singulier ; 2 fantasque, baroufe la seconde nuit, contre les Alle-
relevait directement du roi (haut baron) ou
hurluberlu. — CONTR.: 1 naturel, régulier ; mands (Loti).
d’un grand feudataire : Il n’y a pas, selon
lui, de titre plus ancien que celui de baron 2 normal ; 3 classique. barque [bark] n. f. (anc. provenç. barca,
de Charlus ; pour vous prouver qu’il est n. m. L’art, le style baroque : Le baroque d’un lat. barca, issu de *barica, du gr. baris,
antérieur à celui des Montmorency, qui se se définit par le mouvement et l’instabilité barque égyptienne ; fin du XIIIe s., Geste
disaient faussement les premiers barons de (Rousset). Les compositeurs qui veulent des Chyprins). Petit bateau, ponté ou non,
France, alors qu’ils l’étaient seulement de suivre Mozart tombent dans le baroque le à voilure variable et de faible tonnage :
l’Ile-de-France où était leur fief, mon oncle plus abominable (Stendhal). Des pêcheurs montaient le raidillon qui
vous donnera des explications pendant des [barkm] adv. (de conduisait à la pente pavée sur laquelle
baroquement
heures (Proust). 2. Petit noble possesseur ils tiraient leurs barques (Duhamel).
baroque ; 1863, Baudelaire). D’une manière
d’un titre nobiliaire venant après celui de baroque ; avec un caractère baroque : Voici Nos barques de pêcheurs, dont la plupart
vicomte. 3. Fam. et ironiq. Personnage les bachi-bouzoucks, non moins singuliers portent toujours à la proue des emblèmes
occupant une situation importante dans que portaient les barques phéniciennes, ne
avec leurs officiers européens, hongrois
un secteur de l’économie : Les barons de ou polonais, dont la physionomie de dan- sont pas différentes de celles qu’utilisaient
la finance. dies tranche bizarrement sur le caractère les navigateurs de l’Antiquité et du Moyen
Age (Valéry). Patron de barque, marin-
2. baron [bar] n. m. (peut-être emploi baroquement oriental de leurs soldats
(Baudelaire). pêcheur responsable d’une barque de pêche
métaphorique du précédent ; début du
et de son équipage. Fig. Mener la barque,
XIXe s. ; en angl. dès le milieu du XVIIIe s., au baroquerie [barkri] n. f. (de baroque ; diriger une entreprise, commander : C’est
sens de « gros morceau »). Baron d’agneau, milieu du XIXe s.). Chose baroque : Ceux-ci moi qui mène la barque (Mauriac). Fig.
morceau de mouton comprenant les gigots, rirent aux éclats des incongruités et des Bien, mal mener sa barque, diriger bien
les selles et les filets. baroqueries qui se hérissent à chaque vers ou mal ses propres affaires. Fam. Mener
baronet [barn] n. m. (mot angl. ; 1660, (Gautier). quelqu’un en barque, le tromper, lui en faire
Relation du voyage et du séjour de Charles • SYN.: étrangeté, excentricité, singularité. accroire : Flattez-vous de nous avoir bien
Il en Hollande). Titre britannique inter- menés en barque (Benoit). La barque de
baroquiser [barkize] v. tr. (de baroque ;
médiaire entre celui de baron et celui de (ou à) Caron, la barque fatale, la barque
début du XXe s.). Transformer en donnant
chevalier. (On écrit aussi BARONNET.) du nocher des Enfers, qui, selon la mytho-
un caractère baroque.
logie grecque, faisait passer le fleuve des
baronnage [barna] n. m. (de baron ; se baroquiser v. pr. Évoluer dans le sens
Enfers aux âmes des morts, et, par extens.,
XIIe s.). 1. Corps des barons : Sire, ayez pitié du baroque : L’art primitif de Tiahuanaco
la mort : Quand je serai malade pour tout
de votre baronnage (Hugo). 2. Dignité se baroquisa en art maya (Morand).
de bon, c’est à l’hôpital qu’on me portera.
de baron.
baroquisme [barkism] n. m. (de C’est de là que je veux m’embarquer dans
baronne [barn] n. f. (de baron ; XIIIe s.). baroque ; début du XXe s.). Tendance artis- la barque à Caron (Mérimée).
Épouse d’un baron ; femme possédant de tique caractérisée par le mouvement, le • SYN.: embarcation.
son chef une baronnie. goût des effets théâtraux et du merveilleux.
barquerolle n. f. V. BARCAROLE.
baronnie [barni] n. f. (de baron ; fin du baroscope [barskp] n. m. (du gr. baros,
barquette [barkt] n. f. (dimin. de
XIIe s., Aymeri). Fief et terre d’un baron : pesanteur, et skopein, examiner ; 1666,
barque ; 1238, Godefroy). 1. Petite barque :
Nos croisés de France vinrent fonder leurs Journ. des savants). Balance spéciale per-
Toute une flottille de barquettes, l’antenne
baronnies dans les vallons où avaient régné mettant de mettre en évidence la poussée
haute, couraient comme pour jouer sur l’eau
les rois d’Homère (Barrès). d’Archimède due à l’air.
(Elder). 2. Petite pâtisserie en forme de
baroque [bark] adj. (du portug. barroco, baroud [barud] n. m. (mot ar. du Ma-roc ; barque : Une barquette aux fraises.
n. m., perle irrégulière ; 1531, Inventaire début du XXe s.). Arg. mil. Combat, engage-
barquot [barko] n. m. (dimin. de barque ;
de Charles Quint). 1. Se dit d’une chose ment : Aller au baroud.
1689, Gattine et Carli, Relation curieuse).
qui choque par son caractère bizarre, inat- • SYN.: bagarre.
Dialect. Petit bateau, canot : Sur ce même
tendu : Les Anglais et les Allemands ont de
barouder [barude] v. intr. (de baroud ; petit barquot qu’il avait offert à Napoléon,
nos gens de lettres les idées les plus baroques
début du XXe s.). Arg. mil. Participer à des il cingla vers l’Amérique (Daudet).
(Chateaubriand). Il me venait des terreurs
combats, se battre : Un légionnaire qui a
baroques que je n’osais dire (Rolland). barrage [bara] n. m. (de barre ; 1190,
longtemps baroudé.
L’examinateur lui a posé des questions si Garnier de Pont-Sainte-Maxence). 1. Action
baroques qu’il s’est troublé (Gide). 2. Se baroudeur [barudoer] n. m. (de barou- de barrer une voie, un passage : Le barrage
dit d’une personne originale, excentrique : der ; début du XXe s.). Arg. mil. Celui qui d’une rue. Fig. Faire barrage à, s’opposer

371
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

à une activité déterminée. 2. Obstacle qui sa toge à la barre (Daudet). Par extens. en nombre pour leur partie de barres, elle
barre une voie d’accès : Au fond se dres- Enceinte limitée par cette barre et à l’in- me fit demander si je voulais compléter leur
sait ce barrage [un massif de maçonnerie] térieur de laquelle siègent les magistrats camp, et je jouai désormais avec elle chaque
qui faisait de la rue un cul-de-sac (Hugo). d’un tribunal. Lieu de comparution : fois qu’elle était là (Proust). Avoir barre
Spécialem. Cordon de police : Il y eut Louis XVI fut mandé à la barre de la (ou plus rarement barres) sur quelqu’un,
un remous, un barrage improvisé : seule, Convention. 5. Dispositif de commande avoir l’avantage sur lui : Et pourtant chacun
la délégation des parlementaires fut auto- du gouvernail d’un bateau. Homme de d’eux avait bien cherché à s’instruire sur
risée à s’approcher du convoi (Martin du barre, marin qui manoeuvre le gouvernail les autres, soit pour assouvir un désir ou
Gard). Le barrage officiel une fois rompu, les sur les indications du pilote. Coup de plutôt une rancune, empêcher un mariage,
foules de nos amis modestes se précipitèrent barre, manoeuvre qui modifie la direction avoir barre sur l’ami découvert (Proust). Je
l’une vers l’autre (Giraudoux). 3. Barrage de route d’un bateau : Le marin ne rirait-il n’hésitais pas à recourir à Bertha, car j’avais
d’artillerie, tir consistant à interdire le pas- pas de vous si vous lui disiez que toute la barre sur elle (Giraudoux). Vx. Toucher
sage sur une ligne déterminée : Subitement traversée dépend du premier coup de barre ? barres ou barre, passer dans un lieu sans
déclenché, le barrage gronda, ébranlant le (Alain) ; au fig., changement d’orientation y séjourner : Comme il ne faisait que tou-
monde, embrasant tout (Dorgelès). Tir de dans la conduite d’une personne, d’une cher barre à Paris (où sa famille craignait
barrage (autref. tir d’arrêt), tir d’artillerie société, et, en particulier, modification sans doute de le voir renouer avec Rachel),
destiné à briser une offensive terrestre ou à de la ligne politique d’un parti : Au point il m’avertissait pour me montrer qu’il avait
empêcher une attaque aérienne : Bientôt les de vue du vote, cela voulait dire un coup pensé à moi, qu’il avait rencontré à Tanger
tirs de barrage commencèrent, et si violents de barre à gauche (Aragon). [V. aussi sens Mlle ou plutôt Mme de Stermaria (Proust).
qu’on sentait que c’était tout auprès, juste 1.] Fig. Prendre, tenir la barre, prendre, 2. Espaces symétriques que présente le
au-dessus de nous, que l’avion allemand avoir la direction d’une entreprise : maxillaire inférieur du cheval, entre les
se tenait (Proust). 4. Match de barrage, Vainement, ma raison voulait prendre la incisives et la première molaire, et sur les-
match servant à départager deux équipes barre (Baudelaire). 6. Haute muraille quels repose le mors.
à égalité au cours d’une compétition géné- montagneuse : La barre des Écrins.
barré, e [bare] adj. (part. passé de barrer ;
rale. 5. Ouvrage construit en travers du 7. Haut-fond qui se forme à l’embouchure
XIIe s.). 1. Se dit d’une voie fermée à la circu-
lit d’un cours d’eau et qui sert à dériver ou d’un fleuve, au contact des eaux fluviales
à accumuler les eaux, en vue de la régula- lation : Rue barrée. 2. Dent barrée, dent
et marines. Zone de certaines côtes où
dont les racines sont recourbées en sens
tion d’une voie navigable, de l’irrigation, les vagues déferlent d’une façon constante
de la production de force motrice : Barrage contraire dans l’os maxillaire. 3. Chèque
sur les hauts-fonds. 8. Trait de plume
barré, chèque rayé en diagonale par un
de retenue. Barrage hydro-électrique. Les servant à rayer, à souligner, à s’exercer à
barrages édifiés par l’Électricité de France. double trait, et qui ne peut être touché que
écrire : Il y avait un homme qui, à douze
Le barrage établi, la vallée sera submer- par l’intermédiaire d’un établissement de
ans, avec des barres et des ronds, avait
gée sur une longueur de trois kilomètres crédit. 4. Avoir l’estomac barré, avoir la
créé les mathématiques (Chateaubriand).
(Duhamel). sensation d’une barre à l’estomac.
Barre de mesure, trait perpendiculaire
aux lignes de la portée et qui sépare les
• SYN. : 1 barricadé. — CONTR. : 1 libre,
barre [bar] n. f. (lat. pop. *barra, rappro- ouvert.
ché du gaulois *barro, extrémité, sommet, mesures : La barre double indique la fin
d’une reprise. 9. Bande colorée plus ou barré adj. et n. m. Écu barré, ou barré,
fréquent dans les noms de lieux ; fin du
moins large : Une barre d’or se forma dans en héraldique, écu divisé en un nombre
XIIe s.). 1. Longue tige, droite et rigide, faite
l’Orient (Chateaubriand). L’horizon, dont pair de parties égales d’émaux alternés,
de bois, de métal ou d’une matière résis-
la barre bleue touchait le ciel (Flaubert). La dans le sens de la barre.
tante : Une barre de fer. Elle lui mit sa mante
barre blanche de la petite aube commence
sur le dos et la conduisit à la porte, qu’elle barreau [baro] n. m. (de barre ; 1285, J.
à s’allonger au ras de l’horizon (Malraux).
ferma avec la barre de bois (Mérimée). Bretel, au sens I, 1 ; sens II, 1, XVIe s.).
10. Pièce héraldique qui sépare oblique-
Fig. C’est de l’or en barre, c’est une valeur
ment l’écu de gauche à droite : La barre I. 1. Barre de petit diamètre, en bois ou
ou une affaire sûre, une chose précieuse
de bâtardise est plus étroite que la barre en métal, servant à soutenir, à séparer,
ou une personne d’une grande droiture.
honorable. 11. Crispation douloureuse : à clore, etc. : Des barreaux de chaise.
Fig. et vx. Une barre de fer, un homme
Avoir une barre. J’ai une barre sur l’estomac Les barreaux d’une grille, d’une fenêtre.
inflexible : Tous ces efforts rencontrèrent
(Duhamel). 12. Class. Barrière, sépara- Être derrière les barreaux, être en pri-
une barre de fer, un mur de glace (Renan).
tion : Le Bourguignon d’ailleurs sépare nos son. 2. Barreau aimanté, aimant artifi-
Fam. Coup de barre, nouvelle, révélation
provinces, | Et servirait pour nous de barre ciel formé par une barre métallique.
brutale qui accable, étourdit ; prix très élevé
réclamé pour quelque chose : Au restaurant à ces deux princes (Corneille). 13. Class. II. 1. Partie de l’enceinte d’un tribunal,
Être au-dessous de la barre, être au-des- autrefois séparée de l’audience par une
on nous a donné le coup de barre. (V. aussi
sens 5.) 2. Barre d’appui, barre destinée à sous du niveau normal, avoir perdu de ses barre de bois ou de fer, où se tiennent
soutenir celui qui se penche à une fenêtre : qualités : Il a soixante et dix-neuf ans ; un les avocats. 2. Par extens. Le corps des
La barre d’appui était à la hauteur des bras esprit n’est-il point au-dessous de la barre avocats ; l’ensemble des avocats inscrits
croisés (Colette). 3. Pièce de bois horizon- à cet âge ? (Sévigné). auprès du tribunal d’une ville ou d’une
tale, fixée au mur, pour l’entraînement des • SYN.: 2 rambarde ; 8 bâton ; 9 ligne, ruban. cour d’appel : Le barreau de Paris. La
danseurs et des danseuses : Degas a peint barres n. f. pl. 1. Jeu de plein air où les profession d’avocat : Ce style de barreau
plusieurs « Danseuses à la barre ». Barre joueurs, divisés en deux camps que sépare qui gesticule avec de grandes manches
fixe, barres parallèles, appareils pour les une barre tracée sur le sol, se poursuivent à (Daudet).
exercices de gymnastique : J’excellais aux la course : Jouer aux barres. Ce jour-là, en
barrement [barm] n. m. (de barrer ;
anneaux, à la barre fixe, aux barres paral- sortant du collège, je m’étais laissé entraîner
XIIIe s., au sens de « barre » ; sens actuel,
lèles, mais je ne valais plus rien au trapèze à faire une partie de barres, et, lorsque je
1935, décret). Action de barrer un chèque :
(Gide). 4. Au tribunal, barrière séparant me décidai à rentrer à la maison, il était
Le barrement sefait au moyen de deux traits
les magistrats du public et devant laquelle beaucoup plus tard que je n’aurais voulu
parallèles en diagonale.
prêtent serment les témoins et parlent les (Daudet). Jetournais tout le temps autour
avocats : Comparaître à la barre. Le bras de l’endroit où elle jouait avec ses amies, si barrer [bare] v. tr. (de barre ; 1190,
magistralement étendu comme s’il secouait bien qu’une fois où elles ne setrouvèrent pas Garnier de Pont-Sainte-Maxence). 1. Munir

372
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

d’une barre : Une ouverture pratiquée au ber la coiffure de quelqu’un en lui donnant Personne qui prend part à un combat de
plafond, et barrée d’une tringle de fer d’où un soufflet, et, au fig., lui faire des répri- barricades, qui dresse des barricades : Paris
pendait une chaîne s’agrafant à la crémail- mandes, des reproches : « Je parle à mon s’est trouvé à cette époque contenir pas
lère, remplaçait la hotte et le tuyau de la bonnet. — Et moi je pourrais bien parler à mal de pauvres diables dans une situation
cheminée (Gautier). 2. Vx ou dialect. ta barrette » (Molière). pareille, barricadiers par la force des choses,
Fermer au moyen d’une barre : La demoi- insurgés sans savoir pourquoi (Daudet).
2. barrette [bart] n. f. (de barre ; 1751,
selle barra les portes et s’enfuit (Chérau). adj. Vx et fam. Propre à un combattant
Encyclopédie). 1. Petite tige disposée per-
3. Par extens. Fermer un passage en pla- des barricades : Cette barbe touffue, mal-
pendiculairement à une chaîne de montre,
çant un obstacle en travers : Et sa main, propre et barricadière (Daudet).
qui joue le rôle d’arrêtoir et que l’on passe
toute prête à la refermer, barrait la porte
dans la boutonnière du gilet. 2. Bijou barrière [barjr] n. f. (de barre ; XIVe s.).
(Daudet). C’était une grande péniche qui,
allongé servant d’agrafe : Barrette de dia- 1. Assemblage de pièces de bois, de métal,
silencieusement et sans un feu à bord,
mants. Pince longue pour tenir les che- formant clôture : Lorsqu’ils tournèrent
entreprenait de barrer le fleuve (Van der
veux. 3. Dans une broderie, fils reliant la grande barrière de la ferme mari-
Meersch). Des éboulements barrent la
deux motifs et recouverts d’un point de tale, quarante coups de fusil éclatèrent
route. Fig. Barrer la route, le chemin,
feston ou de bourdon. 4. Ruban de (Maupassant). 2. Dans un cirque, petite
etc., à quelqu’un, l’empêcher d’arriver à
décoration monté sur un petit support palissade ou petit mur qui sépare les spec-
ses fins : Zèphe ne sera jamais le maire de
rectangulaire. tateurs de la piste. Par extens. L’ensemble
Claquebue, tant que je pourrai lui barrer le
• SYN.: 2 broche. du personnel en uniforme placé à l’entrée
chemin (Aymé). Barrer quelqu’un, l’arrê-
des artistes. 3. Autref. Palissade qui,
ter dans son ascension, faire obstacle à ses barreur [baroer] n. m. (de barre ; fin
dans les tournois, coupait la lice en deux
projets. Barrer quelque chose, s’y opposer, du XIXe s.). Celui qui tient la barre d’une
et que les champions se disputaient : Forcer,
l’empêcher de se réaliser : Avec une froide embarcation.
rompre la barrière. Fig. Lice, champ, car-
et infranchissable règle, elle barrait tous
barricade [barikad] n. f. (de barrique rière : La victoire en chantant nous ouvre
mes caprices (Baudelaire). 4. Diriger un
[les barricades étant souvent faites de ton- la barrière (M.-J. Chénier). 4. Class.
bateau en tenant la barre : Le lourd bateau
neaux] ; 1570, Monluc, Commentaires). Porte qui fermait l’enceinte d’une ville,
verni avançait lentement, barré par une
Barrage élevé avec des moyens de fortune, d’un château : Les barrières du Louvre.
jeune fille (Hamp). 5. Marquer d’un ou
en travers d’une rue, d’une route, pour y Spécialem. Porte, clôture établie sur les
de plusieurs traits de plume : Barrer un
empêcher tout passage : Au reste, les bar- voies d’accès à une ville, destinée à fermer
chèque. Barrer ses « t ». Spécialem. Rayer
ricades sont des retranchements qui appar- le passage aux voitures et à permettre la
quelque chose d’un trait pour l’annuler :
tiennent au génie parisien : on les retrouve perception des droits de douane, et, par
Angèle, dit-il sévèrement, ce matin j’ai barré
dans tous nos troubles depuis Charles V extens., le ou les bureaux où s’effectuait
l’article au crayon rouge. Tu sais bien que
jusqu’à nos jours (Chateaubriand). La bar- cette perception : Les barrières de l’octroi,
tu ne dois pas lire ce qui est barré (Zola).
ricade Saint-Antoine était monstrueuse ; de la douane. La barrière d’Enfer. Il y a
Barrer une phrase. 6. Être disposé en
elle était haute de trois étages et large de sept vingt-cinq ans qu’en allant à Méréville, au
travers de : Des décorations lui barraient
cents pieds (Hugo). Fig. Être de l’autre Marais, à la Vallée-aux-Loups, je passais
la poitrine. Sur cette poitrine de peu de vie,
côté de la barricade, avoir une opinion dia- par la barrière du Maine ; on n’apercevait
magnifiquement barrée du grand cordon
métralement opposée à celle d’une autre à droite et à gauche de la chaussée que des
rouge [...], le général lisait à la fois la dignité
personne, être du parti adverse. moulins, les roues des grues aux trouées des
du chef et la disgrâce de l’homme malheu-
• SYN.: barrière. carrières et la pépinière de Cels, ancien ami
reusement né, qui n’a jamais ri (France).
de Rousseau (Chateaubriand). 5. Vx. La
•SYN.: 3 barricader, boucher, couper, fer- barricader [barikade] v. tr. (de barri- zone extérieure aux anciennes barrières
mer, obstruer ; 5 biffer, raturer, rayer. cade ; 1588, E. Pasquier). 1. Interdire l’accès de Paris, peu sûre et mal fréquentée,
se barrer v. pr. Pop. S’en aller, prendre d’une voie par une barricade : Barricader où se débitaient des marchandises qui
la fuite : Laissez-moi m’barrer, que j’vous une rue. 2. Par extens. Fermer solide- n’avaient pas payé de droits : C’était le vin
dis (Barbusse). ment : Laissant Athénaïs barricader la porte de la barrière bu dans des crânes (Nerval).
• SYN. : décamper (fam.), détaler, s’enfuir, de la chambre, il imagina de grimper par la Rôdeur de barrière, vaurien prêt à tous
s’esquiver. fenêtre (Sand). Fig. Barricader sa porte, les mauvais coups. 6. Barrière de dégel,
refuser de recevoir qui que ce soit, s’isoler barrière interrompant momentanément
1. barrette [bart] n. f. (ital. barretta, obstinément. la circulation des véhicules lourds sur les
du bas lat. birrum, capote à capuche [v.
se barricader v. pr. 1. Se retrancher routes, en cas de dégel, afin de prévenir la
BÉRET] ; 1366, Prost, Invent. mobiliers
derrière une barricade : Les insurgés se dégradation de la chaussée. 7. Obstacle
des ducs de Bourgogne). 1. Petit bonnet
barricadent dans les rues. 2. Par extens. naturel empêchant le libre accès à la
noir des ecclésiastiques, à trois ou quatre
S’enfermer quelque part et refuser de région située au-delà : Derrière ces monts
cornes. 2. Bonnet rouge des cardinaux.
voir qui que ce soit. 3. Fig. Se retran- s’élève la barrière des hautes montagnes
Recevoir la barrette, être nommé car-
cher étroitement et obstinément dans ses (Chateaubriand). 8. Fig. Ce qui constitue
dinal. 3. Chapeau de cuir porté autre-
principes, dans les limites d’une idéolo- un obstacle matériel ou moral à certaines
fois par les mineurs du Pas-de-Calais : Il
gie, etc. : Barricadés dans vos étroits prin- actions : Le respect est une barrière qui pro-
lui prêta une vieille barrette, un chapeau
cipes, l’esprit aussi court que le jugement tège également le grand et le petit (Balzac).
de cuir destiné à garantir le crâne (Zola).
(Chateaubriand). Menacé d’abolition, Fig. Les barrières douanières, les droits
Par extens. Casque de mineur en géné-
chacun de mes amis se barricadait dans le de douane : Quand les barrières fiscales
ral. 4. Bonnet, toque des pâtissiers : Le
présent, découvrait l’irremplaçable qualité et commerciales auront été abolies entre
petit, qui n’entendait rien à la politique, mit
de sa vie mortelle et se jugeait touchant, les États, comme elles le sont déjà entre les
les pâtés tout chauds dans sa tourtière, la
précieux, unique (Sartre). provinces d’un même État (Chateaubriand).
tourtière dans une serviette blanche et, le
•SYN.: 2. se cloîtrer ; 3 s’enfermer, sereplier. • SYN.: 1 grille, haie, palissade, treillage.
tout bien d’aplomb sur sa barrette, partit
— CONTR.: 2 recevoir, sortir ; 3 s’ouvrir à.
au galop pour l’île Saint-Louis, où habitait barrique [barik] n. f. (du provenç. bar-
M. Bonnicar (Daudet). 5. Class. et fam. barricadier, ère [barikadje, -r] n. (de rica, de même racine que baril ; 1455, Gay).
Parler à la barrette de quelqu’un, faire tom- barricade ; 1870, L. Halévy). Vx et fam. 1. Futaille de bois contenant généralement,

373
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

en France, de 200 à 250 litres, et servant baryton (rare) : Ce garçon dont la voix déjà dentale de ces régions. Le bas breton, le
au transport des liquides. Fig. et pop. muée barytonnait (Hamp). dialecte parlé en basse Bretagne. Le bas
Plein ou rond comme une barrique, se dit allemand, le dialecte parlé dans la plaine
baryum [barjm] n. m. (du gr. barus,
d’une personne qui a trop mangé, trop du nord de l’Allemagne. Ville basse, la
lourd ; 1808, Davy, créateur du n., en angl. ;
bu : De temps en temps, un convive, plein partie basse d’une ville, par opposition
1827, Acad., en franç.). Métal analogue au
comme une barrique, sortait jusqu’aux à la partie haute anciennement fortifiée.
calcium.
arbres prochains, sesoulageait, puis rentrait Bas quartiers, ceux qui sont situés dans
(Maupassant). 2. Contenu de ce tonneau. 1. bas, basse [b, bs] adj. (du bas lat. la partie basse, et aussi les quartiers po-
3. Fam. Personne très grosse. bassus, bas et gros, épais [surnom en lat. pulaires : C’est alors qu’on perçut, venant
class.] ; XIIe s.). des bas quartiers, une espèce de rumeur
barrir [barir] v. intr. (lat. barrire ; 1546,
I. NOTION D'ESPACE. 1. Qui est peu élevé (Aragon). Fig. En ce bas monde, ici-bas,
Rabelais). Crier, en parlant de l’éléphant
par rapport au niveau habituel ou par sur la terre. Le bas bout de la table, celui
ou du rhinocéros. (On dit aussi BARÉTER.)
comparaison avec un autre objet : Une qui est du côté de la porte et, par extens.,
barrissement [barism] ou barrit chaise basse. Elle habitait [...] un petit celui qui est laissé aux invités les moins
[bari] n. m. (de barrir ; barrit, fin du XVIe s. ; appartement de quatre pièces exiguës et importants.
barrissement, fin du XIXe s.). Cri de l’élé- si basses que presque on en pouvait de II. NOTION DE TEMPS. Se dit d’une période
phant ou du rhinocéros. la main toucher le plafond (Gide). Les qui suit une grande époque historique, et
1. barrot [baro] n. m. (de baril ; 1323, branches basses d’un arbre. Front bas, qui occupe souvent, dans l’échelle des va-
Cartulaire de Saint-Barthélemy). Petit baril front dont la hauteur est relativement leurs, une position inférieure par rapport
spécial pour les anchois. faible : Le front bas, étroit, obstiné, un de à la période précédente : Le Bas-Empire.
ces fronts où la même pensée, travaillant La basse latinité. Basse époque. Bas la-
2. barrot [baro] n. m. (de barre ; 1384, sans cesse à la même place, a fini par creu- tin, latin corrompu du haut Moyen Age.
Compte du Clos des galées de Rouen). ser une seule ride très profonde (Daudet).
Élément transversal de la structure d’un Soleil bas, soleil près de se coucher. III. NOTION DE VALEUR. 1. Qui est infé-
navire. Ciel bas, plafond bas, temps bas, ciel rieur en grandeur : Bas prix. Basse tem-
couvert de nuages peu élevés : Quand le pérature. Basse pression. Bas âge, la
bartavelle [bartavl] n. f. (provenç.
ciel bas et lourd pèse comme un couvercle petite enfance. Basses cartes, les cartes
moderne bartavèlo, loquet [le chant de
| Sur l’esprit gémissant en proie aux longs les plus faibles dans un jeu. Au bas
l’oiseau étant comparé au bruit d’un loquet],
ennuis, | Et que de l’horizon embrassant mot, en faisant l’évaluation la plus faible.
du lat. pop. *vertabella, de vertere, tourner ;
tout le cercle | Il nous verse un jour noir Les fonds sont bas, se dit quand il reste
1740, Acad.). Grande perdrix rouge des
plus triste que les nuits (Baudelaire). Je me fort peu d’argent à quelqu’un. 2. Qui
régions montagneuses d’Europe et d’Asie,
rappelle un ciel bas, couleur de suie, une est inférieur en intensité ou en hauteur
que l’on trouve dans les Alpes françaises :
brume perpétuelle montant de deux ri- (en parlant d’un son) : Les notes les plus
Ces messieurs vous avalaient de succulentes
vières (Daudet). Le ciel plus bas s’accroche basses. Ton bas. Quoi ? Mère ? balbutia
bartavelles arrosées du bon vin des Papes
aux arbres (Gide). 2. Dont la profon- M. Chasles, mais d’une voix si basse qu’il
(Daudet).
deur est relativement faible : Les eaux sont ne s’adressait qu’à lui-même (Martin du
barycentre [baristr] n. m. (du gr. barus, basses. La rivière est basse. Basse mer, Gard). À voix basse, sans vibration des
lourd, et de centre ; 1877, Littré). Centre marée basse, mer dont le niveau est au cordes vocales. Messe basse, messe non
de gravité. plus bas à la suite du reflux de la marée : chantée. Fig. et fam. Faire des messes
Au loin, dormait la mer basse (France). Se basses, faire des apartés, des confidences
barye [bari] n. f. (du gr. barus, lourd ;
baigner à marée basse. Basses eaux, état à quelqu’un à voix basse, en présence
1922, Larousse). Unité C. G. S. de pression
de la mer au moment où les marées sont d’autres personnes. 3. Qui est inférieur
représentant 1 dyne par centimètre carré.
le moins fortes. 3. Qui est incliné vers en qualité : De la basse littérature. Bas
barymétrie [barimetri] n. f. (du gr. le sol, dans une position inférieure à la morceaux, morceaux les moins estimés
barus, lourd, et metron, mesure ; 1877, position habituelle : Marcher la tête basse. en boucherie. 4. Qui occupe un rang
Littré). Détermination du poids des ani- Ce chien s’en va l’oreille basse. Fig. La inférieur dans la hiérarchie sociale : Le
maux à l’aide des mensurations corporelles. tête basse, l’oreille basse, la queue basse, bas clergé. Les postes les plus bas dans une
rempli de honte, de confusion. Vue entreprise. Les basses classes. Chambre
barysphère [barisfr] n. f. (du gr. barus,
basse, myopie, qui oblige à rapprocher les basse, la Chambre des communes, en
lourd, et de sphère ; 1928, Larousse). Nom
yeux de l’objet : Comme la vue de Swann Grande-Bretagne, par opposition à la
donné à la partie intérieure du globe ter-
était assez basse, il dut se résigner à se Chambre haute, la Chambre des lords.
restre, caractérisée par sa densité élevée.
servir de lunettes pour travailler chez lui Péjor. Peu relevé, vulgaire : Bas peuple.
baryte [barit] n. f. (du gr. barus, lourd ; et à adopter, pour aller dans le monde, le Basses classes. On le traitait [Jésus] comme
1787, Guyton de Morveau). Oxyde de monocle, qui défigurait moins (Proust). [...] ces ennemis de bas étage auxquels les
baryum, toxique. Class. Faire main basse sur quelqu’un, Romains n’accordaient pas les honneurs
le tuer : On fit main basse sur la garnison de la mort par le glaive (Renan). 5. Qui
baryton [barit] n. m. (gr. barutonos, qui
(Acad., 1694). Auj. Faire main basse sur est inférieur au point de vue moral : Un
a un ton grave ; 1655, au sens gram-mat. ;
quelque chose, s’en emparer rapidement homme bas. Des sentiments bas. Le prince
1768, terme de musique). 1. Voix d’homme
et en cachette : [Eugénie] fit main basse, préfère le comte Mosca à Rassi, qui est
intermédiaire entre le ténor et la basse : Une
dans la cuisine, sur les poires comptées bien plus flexible et plus bas (Stendhal).
voix de baryton. 2. Chanteur qui a une
par son père (Balzac). 4. Qui est infé- Il faut avoir le diable au corps et l’âme
telle voix : Un baryton de l’Opéra.
rieur par sa situation géographique : L’Is- bien basse pour faire le métier de candi-
adj. invar. et n. m. En grammaire
trie présentait le long de la mer une terre dat à la députation (Mérimée). 6. Qui
grecque, se dit des mots dont la syllabe
basse (Chateaubriand). Les basses Alpes, est inférieur dans le domaine esthétique,
finale est frappée de l’accent grave ou ne
les basses Pyrénées. La basse Seine, la peu digne d’un véritable artiste, fruste et
porte pas d’accent.
basse Loire, la partie de ces fleuves qui est grossier : Genre, style bas. Bas comique.
barytonner [baritne] v. intr. (de bary- proche de l’embouchure. La basse Nor- 7. Péjor. Vulgaire, rejeté par le bon
ton ; XIXe s.). Prendre des intonations de mandie, la basse Bretagne, la partie occi- usage : Mot, terme bas.

374
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN. : I, 3 baissé, incliné, pendant, degré inférieur en intensité, moins haut : • SYN.: 1 base, bout, dessous, pied, racine ; 2
rabattu. III, 1 infime, insignifiant, Ne parle pas | Ou si bas | Que ce soit un vulgaire. — CONTR.: 1 cime, comble, dessus,
modéré, modique ; 2 faible, grave ; 3 mau- secret vaporeux qu’on devine (Heredia). faîte, haut, sommet ; 2 sublime.
vais, médiocre ; 4 subalterne ; commun, Fig. Tout bas, secrètement et honteuse- Au bas de loc. prép. Au pied de, dans la
grossier, ordinaire, populaire ; 5 abject, avili, ment : Il s’était dit souvent tout bas [...] ce partie inférieure de : Faire halte au bas de
avilissant, dégoûtant, dégradant, honteux, que Blazius lui disait tout haut (Gautier). la pente. Mettre une note au bas de la page.
ignoble, infâme, méprisable, vil. — CONTR.: 5. À un degré inférieur en hauteur, sur
I, 1 élevé, haut ; 2 haut, profond ; 3 dressé, 3. bas [b] n. m. (ellipse de bas-de-
un ton grave : Chanter trop bas.
droit, haut, levé, redressé ; 4 abrupt, élevé, chausses ; v. 1500). Partie du vêtement,
escarpé, haut, montagneux, surélevé. III, II. 1. Class. Mettre bas, mettre à bas, en tissu souple, qui revêt le pied et la
1 astronomique (fam.), considérable, élevé, abattre, renverser : Je n’aspirerais au bon- jambe : Ma mère, qui écoutait en tricotant
exagéré, excessif, extraordinaire, fantas- heur de vous plaire | Qu’après avoir mis un bas de laine, fut contente de placer un
tique (fam.), fou (fam.), pharamineux bas un si grand adversaire (Corneille). mot (France). Des bas de soie. Des bas en
(fam.), phénoménal (fam.) ; 2 aigu, fort ; 3 2. Class. et littér. Mettre bas, dépo- Nylon. Bas violets, symbole de la dignité

bon, excellent ; 4 haut, supérieur ; brillant, ser : Bouvard l’engagea à mettre bas sa épiscopale : « Eh bien ! Que puis-je faire
distingué, éminent ; 5 auguste, digne, grand, redingote (Flaubert) ; renoncer à : Allons pour lui ? — [...] L’aider à chausser les bas
honorable, respectable, supérieur, véné- donc, messieurs, mettez bas toute rancune violets, qu’il a bien mérités, mon général »
rable ; 6 noble, relevé, soutenu, sublime. (Molière). (France). Fig. Bas de laine, endroit où la
tradition veut que les gens simples placent
• REM. 1. Conformément à la règle géné- À bas ! interj. Cri d’hostilité à l’égard
leurs économies (par allusion à l’habitude
rale, on met un trait d’union après bas de quelqu’un ou de quelque chose dont on
prêtée aux paysans français de dissimuler
dans les mots composés, notamment souhaite la disparition : À bas la tyrannie !
leurs économies dans un bas de laine) ; par
quand l’expression désigne une unité À bas loc. adv. À terre ou vers le sol :
extens., la petite épargne.
administrative : Le département du Bas- Si l’on m’insulte, je mets mon homme à
Rhin. Mais on n’en met pas quand bas a bas, personne ne tire aussi bien le pisto- basal, e, aux [bazal, -o] adj. (de base ;
la valeur d’une simple épithète : Le bas let et l’épée que votre serviteur (Balzac). milieu du XIXe s.). Qui est relatif à la base,
Rhin, le bas Rhône (les cours inférieurs Mettre, jeter à bas, renverser complète- à une base. Métabolisme basal, dépense
du Rhin, du Rhône). ment, détruire. énergétique minimale, inévitable, d’un
2. On trouvera les composés de bas, basse sujet, même au repos complet.
À bas de loc. prép. Vx. Du haut de, vers
à leur place alphabétique. le sol : Fabrice se jeta à bas de son cheval basalte [bazalt] n. m. (du lat. basanites
bas adv. (Stendhal). (empr. au gr. basanos, pierre de touche],
En bas loc. adv. 1. Vers la terre : Tomber écrit fautivement basaltes ; 1553, Belon).
I. 1. À une faible hauteur, ou à un niveau
inférieur soit au niveau habituel, soit à la tête en bas. Nous avons passé la tête par la Roche noirâtre, d’origine volcanique,
balustrade pour regarder en bas (Flaubert). présentant parfois une structure prisma-
un autre niveau : Les hirondelles volent
2. Au rez-de-chaussée, dans les étages tique (ex. :orgues de Murat, de Saint-Flour ;
bas. Être placé trop bas. Ici-bas, sur
inférieurs : Il ne trouva personne en bas colonnes de Fingal, en Écosse, etc.).
cette terre, en ce monde... Couler bas,
s’enfoncer brusquement et totalement, (Flaubert). D’en bas, par en bas, de la par- basaltique [bazaltik] adj. (de basalte ;
en parlant d’un bateau. Fig. Être bien tie, par la partie la plus basse : La lumière fin du XVIIIe s.). Formé de basalte ; de la
bas, être sur le point de mourir, ou être qui s’infiltrait d’en bas, entre les fentes des constitution du basalte : Lave, coulée,
près de la ruine. Saluer bien bas, s’in- volets clos, et renvoyait au plafond blanc plateau basaltique. J’ai longtemps habité
cliner jusqu’à terre : Eustache Bouteroue les reflets verts de la pelouse, cette clarté du sous de vastes portiques | Que les soleils
prit les six écus et l’écu rogné, en saluant soir m’était la seule chose délicieuse (Gide). marins teignaient de mille feux | Et que
bien bas (Nerval). Fig. Il est tombé bien Regarder d’en bas. Passer par en bas. Fig. leurs grands piliers droits et majestueux |
bas, il s’est enfoncé dans la misère, les Être parti d’en bas, être parti d’une condi- Rendaient pareils, le soir, aux grottes basal-
mauvaises habitudes, le vice. Mettre tion sociale modeste. tiques (Baudelaire).
bas les armes, cesser le combat (au pr. En bas de loc. prép. Dans la partie infé-
basane [bazan] n. f. (provenç. bazana,
et au fig.) : Son courage, affolé de poudre rieure de, au pied de : Il était en bas de la
de l’esp. badana, ar. bitana, doublure de
et de tambours, | Devant les suppliants colline (Acad.).
vêtement ; 1150, Charroi de Nîmes, écrit
sait mettre bas les armes (Baudelaire).
2. bas [b] n. m. (même étym. qu’à l’art. basenne). Peau de mouton préparée par
Absol. Mettre bas, en parlant d’une
précéd.). 1. La partie inférieure de quelque tannage végétal, utilisée en sellerie, maro-
femelle, mettre au monde ses petits ; et
chose : Respellière sortit sa pipe, et la secoua quinerie, reliure et, en particulier, pour
au fig. : Ah ! Que n’ai-je mis bas tout un
sur le bas de la rampe (Aragon). Le bas doubler les chaussures : On y voyait [...]
noeud de vipères, | Plutôt que de nourrir
du visage. Spécialem. Le fondement : un grand concile de livres in-douze, inoc-
cette dérision ! (Baudelaire). Fam. Bas
Évacuer par le haut et par le bas. Lettres tavo, in-quarto, in-folio, vêtus de veau, de
les mains, bas les pattes !, ne me touchez
bas de casse, ou des bas-de-casse, lettres basane (France). Spécialem. Peau souple
pas, lâchez prise. 2. À une certaine dis-
minuscules, placées dans le bas de la casse qui recouvrait les culottes des cavaliers.
tance de l’endroit où l’on se trouve : Plus
où les typographes classent et rangent les Vx. Être dans la basane, servir dans la
bas, le canal Saint-Martin, fermé par les
caractères. De bas en haut, des pieds cavalerie. Arg. mil. et Vx. Tailler une
deux écluses, étalait en ligne droite son
à la tête : Celui-ci le regardait de bas en basane à quelqu’un, faire, à son adresse, un
eau couleur d’encre (Flaubert). Là-bas,
geste de défi grossièrement injurieux en se
à un endroit éloigné. Par extens. Plus haut, ses cheveux blancs semblaient plus
longs à cause du mouvement en arrière de frappant de la main la partie intérieure de
bas, dans la suite du texte : On trouvera
la cuisse (en principe renforcée de basane) :
plus bas les mots composés commençant sa tête (Malraux). De haut, du haut en
Tes fameux copains te taillent des basanes
par « bas- ». 3. Plus bas, à une date, à bas, v. HAUT. Fig. Les hauts et les bas, la
et te font des crocs-en-jambe (Duhamel).
une époque plus rapprochée de l’époque succession des périodes heureuses et mal-
actuelle que celle dont il est question : heureuses. 2. Ce qui manque de valeur basané, e [bazane] adj. (de basaner ; 1510,
Descendre plus bas dans l’histoire d’un morale ou esthétique : Se complaire dans Godefroy). Bruni par le soleil ou le grand
peuple. 4. En parlant des sons, à un le bas et le trivial. air : Un teint basané. C’était François, son

375
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

frère, le légionnaire. Un François forci, opposés. Faire la bascule, tomber d’un figure géométrique sur lesquels tombe la
basané, magnifique (Aragon). côté. 2. Appareil avec lequel on mesure perpendiculaire mesurant la hauteur de
• SYN. : bronzé, hâlé, tanné. — CONTR. : la masse d’objets lourds et volumineux : cette figure : La base d’un triangle, d’un
blafard, blême, pâle. Bascule mobile de boulanger. Une bascule cône. 4. Partie inférieure ou la plus
automatique. large de certains organes ou de certaines
basaner [bazane] v. tr. (de basane ; 1510,
• SYN.: 1 balançoire ; 2 balance. régions du corps : La base du coeur. La
Godefroy). Donner à quelque chose la cou-
dame avait un visage assez long, à peu
leur bistrée de la basane, en particulier à la basculement [baskylm] n. m. (de bas-
près de la même largeur à la base et au
peau humaine : La clarté de la grosse lampe culer ; début du XXe s.). Action de basculer :
sommet (Romains).
basanait un morceau de cuir (Proust). Un basculement de la cage qui s’écroulait
• SYN.: bronzer, brunir, hâler. (Pergaud). II. 1. Principe fondamental sur lequel est
établi un raisonnement, un système, etc. :
bas-bleu [bblø] n. et adj. (traduction de basculer [baskyle] v. intr. (altér.,
Jésus qui aime à provoquer, à narguer
l’angl. blue-stocking [d’après les bas bleus d’après bascule, de l’anc. franç. baculer
l’hypocrisie [...] et qui, par la parabole de
que portait Stillingfleet, causeur brillant du [v. BASCULE] ; 1611, Cotgrave). 1. Faire
l’Enfant prodigue, a posé la morale sur
salon de lady Montague vers 1757] ; 1801, un mouvement de bascule, par suite
sa vraie base, la bonté du coeur, en ayant
Mackenzie). Péjor. Femme à prétentions d’un déplacement d’équilibre : Poutre
l’air d’en renverser les fondements... (Re-
littéraires, bel esprit, pédante : Elle écri- qui bascule. Spécialem. Verser en pivo-
rait des romans et ferait un bas-bleu très tant autour d’un point d’appui : Benne,
êntarne)
.à sÊontr
eoàriglainbe.aseUdenqruaeilsqounen
ecmhoesnet,
agréable (Gautier). Un bas-bleu, Mme de wagonnet qui bascule. 2. Tomber par
qui pèche par la base, dont le principe
Villeparisis en avait peut-être été un dans sa suite d’une perte d’équilibre : Il bascula,
est faux. 2. Ce qui constitue la partie
prime jeunesse, et, ivre alors de son savoir, s’affala de tout son long (Merle).
essentielle, l’élément le plus important
n’avait peut-être pas su retenir contre des • SYN.: 1 faire la bascule ; 2 capoter, chavi- de quelque chose : Quant au reste, à
gens du monde moins intelligents et moins rer, culbuter, verser.
nos activités de base, une sorte de raison
instruits qu’elle des traits acérés que le blessé v. tr. Renverser en faisant pivoter : d’État les couvre (Valéry). Les bases d’un
n’oublie pas (Proust). Basculer une brouette. La place des Arènes, traité. 3. En mathématiques, élément
• Pl. des BAS-BLEUS. encombrée de pataches dételées et pou- qui sert à définir un système de numé-
dreuses, de charrettes rurales basculées, ration, de logarithmes, etc. 4. Élément
bas-bleuisme [bbløism] n. m. (de bas-
les brancards en l’air (Daudet). servant de point de départ à un calcul :
bleu ; 1866, Barey d’Aurevilly). État, atti-
• SYN.: culbuter. Les tarifs de la S.N.C.F. sont établis sur
tude de femme pédante.
[baskyloer] n. m. (de basculer ; une base kilométrique. Sur la base de,
[bkote] n. m. (de bas et de côté ; basculeur
bas-côté au taux de, ou en prenant comme point
1928, Larousse). 1. Dispositif mécanique
1841, Chateaubriand). 1. Nef latérale d’une de départ : Engager quelqu’un sur la base
permettant de décharger par basculement
église, moins élevée que le vaisseau central : de dix francs l’heure. 5. Fig. Ce qui sert
des wagonnets, des berlines, etc. 2. Petit
J’allai voir la cathédrale, vaisseau gothique de point d’appui, de soutien, de point de
camion de chantier à benne basculante.
à flèche élevée. Les bas-côtés separtagent en départ : Il lui fut prouvé que son espoir,
3. Employé chargé de vérifier les poids
deux voûtes étroites soutenues par un seul si mignonnement caressé, reposait sur une
des produits ou des marchandises.
rang de piliers (Chateaubriand). 2. Partie base chimérique (Balzac). 6. Ensemble
latérale d’une route, d’une voie, où les pié- • SYN.: 1 culbuteur.
des adhérents d’un parti, d’un syndicat,
tons peuvent circuler : Laisser sa voiture bas-de-chausses [bdos] n. m. invar. par opposition aux dirigeants : Il connais-
sur le bas-côté. (de bas et de chausses ; XVIe s.). Partie infé- sait surtout ces « militants de base »
• Pl. des BAS-CÔTÉS. rieure des chausses, qui couvrait les jambes anonymes et mis à toutes les sauces, qui
et devint le bas. étaient le dévouement même de l’Espagne
basculage [baskyla] n. m. (de basculer ;
début du s.). Action de basculer. [bdsy] n. m. invar. (de (Malraux). Consulter la base, ne pas se
XXe bas-dessus
couper de la base.
bas et de dessus ; 1863, Littré). Vx. Voix
basculant, e [baskyl, -t] adj. (de bas-
de femme de deux tons plus grave que le III. Lieu de rassemblement des troupes
cule ; 1922, Larousse). Se dit d’un disposi-
dessus. (On dit auj. MEZZO-SOPRANO.) et des moyens matériels nécessaires à
tif qui fonctionne par basculement : Une
benne basculante. 1. base [bz] n. f. (lat. basis, mot gr., pro- la conduite d’opérations militaires, ter-
prem. « action de marcher » et, par extens., restres, aériennes ou navales : Base aé-
bascule [baskyl] n. f. (altér., par attrac- rienne tactique, opérationnelle. Base na-
« point d’appui » ; XIIe s.).
tion de bas, de l’anc. franç. bacule, déver- vale. Base d’opérations, ligne de départ,
bal de baculer, frapper à terre le derrière I. 1. Socle, support sur lequel repose un centre d’appui d’une action militaire.
de quelqu’un ; 1549, R. Estienne, écrit objet : La base d’une colonne. 2. Partie • SYN. : I, 1 assise, fondation, fondement,
bassecule). 1. Système formé d’une partie inférieure d’un corps, par laquelle il re-
soubassement ; 2 bas, bout, dessous, pied,
mobile sur un pivot, et dont une extrémité pose sur ce qui le soutient ou se rattache
racine ; 4 bas. II, 1 assiette, assise, fonde-
s’abaisse lorsque l’autre s’élève. Fauteuil à autre chose : La base d’une montagne.
ment ; 2 condition, fond ; 5 germe, origine,
à bascule, fauteuil auquel on peut imprimer Dans toute construction, la base est ordi-
raison, source, support ; 6 masse. III
un balancement d’avant en arrière. Jeu nairement forte ; le monument diminue centre. — CONTR. : I, 1 comble, couronne-
de bascule, jeu où deux enfants, installés d’épaisseur à mesure qu’il envahit le ciel ment, dessus, haut ; 2 cime, faîte, sommet ;
chacun à l’extrémité d’une planche repo- (Chateaubriand). Le docteur promena son
4 haut, sommet.
sant sur un support, montent et descendent doigt à la base du cou (Camus). Fam.
A base de loc. prép. Dont le composant
alternativement. Mouvement, jeu de bas- Carré sur sa base, se dit d’une personne
principal est : Une crème adoucissante à
cule, alternance de mouvements en sens bien campée sur ses jambes : Puis, les
base de lanoline.
opposés (au pr. et au fig.) : Pratiquer dans mains dans les poches, le dos au mur et
ses opinions un jeu de bascule selon les cir- carré sur sa base, il attendit (Daudet). 2. base [bz] n. f. (même étym. qu’à l’art.
constances. Politique de bascule, attitude Fam. Carré de base, carré par la base, se précéd. ; fin du XVIIIe s.). En chimie, corps
politique qui consiste à s’appuyer alter- dit de quelqu’un qui est tout d’une pièce, capable de neutraliser les acides en se com-
nativement sur deux partis ou deux États franc et loyal. 3. Droite ou plan d’une binant à eux.

376
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

base-ball [bzbol] n. m. (mot angloa- • SYN. : 1 bouge ; écume, lie ; 2 abîme, tiques ; terme de chimie, 1842, Acad.). Se
mér. ; 1889, Saint-Clair). Jeu très répandu gouffre. dit, en chimie, d’un corps qui présente les
aux États-Unis, dérivé du cricket, et qui se propriétés d’une base. Sel basique, sel
basicité [bazisite] n. f. (de basique ; 1842,
pratique avec une balle et une batte. qui renferme un excès de base. Roche
Acad.). Propriété qu’a un corps de jouer le
basique, roche contenant moins de 55 p.
baselle [bazl] n. f. (mot empr. à une rôle de base.
100 de silice.
langue de l’Inde ; 1750, De Combles). • SYN.: alcalinité.
Herbe comestible, à tige charnue et géné- bas-jointé, e [bwte] adj. (de bas et
baside [bazid] n. f. (de base ; 1866,
ralement grimpante, de l’Amérique et de de jointé ; 1660, Oudin). Se dit du cheval
Larousse). Organe de reproduction carac-
l’Asie tropicales. dont le paturon, très incliné, se rapproche
téristique des champignons basidiomycètes
de l’horizontale.
baser [baze] v. tr. (de base ; 1504, Comptes et constitué par une expansion microsco-
du château de Gaillon). pique portant des spores en nombre défini basket-ball [basktbol] n. m. (mot anglo-
(généralement quatre.) amér. signif. « balle au panier » ; 1898, Vie
I.Établir un raisonnement, un sys-
au grand air). Sport opposant deux équipes
tème, sur telle ou telle base : Personne ne basidiomycètes [bazidjomist] n. m. pl.
de cinq joueurs, qui cherchent à lancer le
m’adressait la parole [...]. Je basai le suc- (de baside et du gr. mukês, champignon ;
ballon dans le panier du camp adverse.
cès de mon escapade sur cette indifférence 1888, Larousse). Groupe de champignons
• REM. On dit aussi BASKET, par
(Balzac). Dans le paysage, comme dans le caractérisés par la présence de spores por-
abréviation.
portrait et le tableau d’histoire, on peut tées sur des basides.
établir des classifications basées sur des basketteur, euse [basktoer, -øz] n. (de
basilaire [bazilr] adj. (de base ; 1314, la
méthodes différentes (Baudelaire). Une basket ; début du XXe s.). Celui, celle qui
Chirurgie d’Henri de Mondeville).) Se dit,
explication parfaitement rationnelle et joue au basket-ball.
en anatomie, de ce qui sert de base ou de
plausible, basée sur ce petit fait précis que
ce qui appartient à une base : Apophyse bas-mât [bm] n. m. (de bas et de mât ;
nous savons (Gide). basilaire. Veines basilaires. milieu du XIXe s.). 1. Partie inférieure d’un
II. Établir dans une base militaire : mât à brisure. 2. Sur les mâts d’un seul
1. basilic [bazilik] n. m. (lat. basiliscus,
Les éléments de la flotte basée en tenant, partie qui va de l’emplanture
du gr. basiliskos, proprem. « petit roi » ;
Méditerranée. jusqu’à la hune.
1120, Psautier d’Oxford). 1. Reptile fabu-
• SYN.: I appuyer, asseoir, bâtir, échafauder, leux, dont le regard avait, prétendait-on, le
• Pl. des BAS-MÂTS.

faire reposer, fonder. pouvoir de tuer : Le baron était assis sur basoche [baz] n. f. (forme pop. du lat.
se baser v. pr. [sur]. Fonder son opi- son fauteuil, l’oeil clair comme un basilic basilica, église, par une survivance du sens
nion sur telle ou telle base : Cela fait, je (Gautier). 2. Grand lézard voisin de de « palais » ; XVe s.). 1. Autref. Corporation,
me baserais uniquement sur ces données l’iguane, à crête dorsale épineuse, vivant avec privilège et juridiction, des clercs
pour former mes idées (Renan). en Amérique tropicale. 3. Grosse cou- d’une cour de justice. 2. Fam. et péjor.
• REM. Certains n’admettent pas l’emploi leuvrine du XVIe s. Ensemble des gens de justice, avoués,
de baser au sens de « fonder ». Ce verbe notaires, huissiers, etc. 3. Moeurs, habi-
2. basilic [bazilik] n. m. (bas lat. basili-
figure dans le Littré, mais non dans le tudes des clercs de la basoche.
cum, du gr. basilikon, n. de la plante, pro-
dictionnaire de l’Académie. prem. « royal » ; 1425, O. de La Haye). Plante basochien, enne [bazj, -n] adj. (de
bas-fond [bf] n. m. (de bas et de fond ; aromatique servant de condiment : Le basi- basoche ; 1480, Sottie des Sots fourrés de
début du XVIIIe s.). 1. Terrain en contrebas lic est bien parti : sa première feuille est for- malice). Propre aux clercs de la basoche.
des terrains voisins et généralement maré- mée et commence à sentir bon (Duhamel). n. et adj. Qui appartient à la basoche :
cageux : Il pleuvait. Les soldats, devenus fré- Détaché un moment de la livèche ou du Messieurs, dit Godeschal en s’adressant
nétiques [...] | Foulaient avec horreur, en ces basilic sauvage (Bosco). à tous les clercs, je vous annonce l’arri-
bas-fonds malsains, | Des reptiles nouveaux basilical, e, aux [basilikal, -o] adj. (de vée d’un nouveau basochien (Balzac). Les
et d’étranges insectes (Heredia). 2. Partie basilique ; 1922, Larousse). Relatif à une petites femmes, renseignées par leurs amis
élevée du fond de la mer ou d’un cours basilique : Plan basilical. basochiens (Ajalbert).
d’eau, laissant une faible hauteur d’eau à [bpr] n. m. (de bas et de port ;
basilique [bazilik] n. f. (lat. basilica, du bas-port
la navigation. (En ce sens, bas-fond est syn.
gr. basilikê [stoa], portique royal, passé XIXe s.). Vx. Nom donné, à Paris, à certaines
de HAUT-FOND.) 3. Plus exactement, mais
au sens de « église » en lat. chrét. ; 1495, parties peu élevées des quais de la Seine :
moins communément, fond très distant de Furieuse, elle empoigne la bestiole [...],
J. de Vignay). 1. Vaste édifice romain de
la surface de la mer, et au-dessus duquel ouvre la fenêtre sur le quai, et d’un geste
forme rectangulaire, se terminant par une
les navires peuvent passer sans danger. féroce : « Tiens, sale bête ! » Le petit singe
abside en hémicycle, et qui abritait le tri-
(En ce sens, HAUT-FOND est le contraire va rouler sur le bas-port (Daudet).
bunal, servait de lieu de rendez-vous aux
de bas-fond.)
gens d’affaires, etc. 2. Église chrétienne • Pl. des BAS-PORTS.
• Pl. des BAS-FONDS.
bâtie sur le même plan. 3. Église ayant
basquais, e [bask, -iz] adj. (de basque ;
bas-fonds n. m. pl. (1840, C. Pecqueur, au reçu du pape le droit de porter ce titre, 1866, Larousse). Relatif au Pays basque :
sing.). 1. Quartiers malfamés d’une ville ; qui confère des privilèges honorifiques : Un mouton de race basquaise.
lieux de dépravation, de déchéance : Sont-ce Basilique majeure. Basilique mineure. La
basquaise n. f. Femme du Pays basque.
des larves ? Non ; et sont-ce des statues ? | basilique de Lourdes.
(V. aussi BASQUE 2.)
Non. C’est de la chimère et de l’horreur,
basin [baz] n. m. (réduction de bom-
vêtues | D’airain, et, des bas-fonds de ce 1. basque [bask] n. f. (altér., sous l’in-
basin, de l’ital. bambagino, de bambagia,
monde puni, | Faisant une menace obscure fluence de basquine, de baste, du provenç.
coton, issu du lat. bombyx, ver à soie ; 1642,
à l’infini (Hugo). Les bas-fonds de Paris. basta, pli faufilé ; 1532, Gay). 1. Autref.
Oudin). Vx. Étoffe croisée dont la chaîne
Couches de la population qui y vivent. Partie découpée qui terminait le corps du
est de fil et la trame de coton.
2. Fig. Partie basse de l’âme : J’ai relu ces pourpoint. 2. Auj. Partie d’un vêtement
dernières pages — stupéfait par ces bas- basique [bazik] adj. (de base ; v. 1540, qui en continue le corps au-dessous de la
fonds en moi qu’elles éclairent (Mauriac). Rabelais, comme terme de mathéma- taille et retombe plus ou moins bas sur la

377
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

hanche : Les basques d’un corsage, d’une bas-rond n. m. V. BARON. que s’il eût été prononcé, il aurait fait fermer
veste. Spécialem. Chacun des pans d’un les portes de l’Institut et m’aurait jeté dans
1. basse [bs] n. f. (de l’ital. basso, bas ;
habit, d’une jaquette ou d’une redingote : un cul de basse-fosse pour le reste de ma vie
1670, Molière). 1. Partie d’un morceau
Debout, à son chevet, un petit homme vêtu (Chateaubriand). Il souhaitait une bonne
de musique dans les tons les plus graves.
d’une longue redingote, dont les basques pénitence, au pain et à l’eau, au plus noir
Basse chiffrée, système de notation qui
pleines de journaux et de livres lui battaient cul de basse-fosse du couvent (France). [V.
consiste à marquer des accords par des
sur les jambes, se tenait, tête nue, sa belle aussi CUL-DE-BASSE-FOSSE.]
chiffres et des signes placés au-dessus
crinière blanche tout ébouriffée (Daudet). • Pl. des BASSES-FOSSES.
des notes de la basse, dans la basse conti-
Il tira un mouchoir des basques flottantes
nue. Basse continue, accompagnement, bassement [bsm] adv. (de bas ; 1190,
de sa jaquette et s’épongea le front (Martin
dans les notes basses, qui se poursuit sans Garnier de Pont-Sainte-Maxence). 1. Class.
du Gard). Joseph portait une jaquette. Il
interruption tout au long du morceau ; au À voix basse : Quelque discord murmurant
en relevait les basques pour se nouer les
fig., bruit de fond sourd et continu : Les bassement (Malherbe). 2. D’une manière
doigts sur les reins (Duhamel). Fam. Ne
coups commençaient à former comme une basse, vile : Agir bassement. 3. D’une
pas quitter les basques de quelqu’un, être
basse continue (Stendhal). Basse obsti- manière vulgaire : Celle que je saluais du
toujours pendu aux basques de quelqu’un,
née ou contrainte, répétition continuelle, nom bassement moderne de Notre-Dame
être attaché à ses pas, le suivre partout pour
à la basse, d’un court motif mélodique de du Sleeping-Car [Marie Bashkirtseff] nous
en obtenir quelque chose.
quatre à huit mesures. 2. Voix de basse, apparaît une représentation de la force éter-
2. basque [bask] adj. et n. (lat. Vasco ; et ellipt. basse, voix d’homme capable nelle qui fait surgir des héros dans chaque
XVIe s.). Relatif au Pays basque ; habitant de chanter dans les tons les plus graves. génération (Barrès).
ou originaire du Pays basque (v. Rem.) : Basse profonde, la basse la plus grave. • SYN. : 2 honteusement, ignoblement,
Le folklore basque. Tambour de basque, Basse chantante, voix de basse des solos. méprisablement ; 3 grossièrement. —
tambourin, muni de grelots, dont le ban- 3. Chanteur doué d’une voix de basse. CONTR. : 2 dignement, honorablement,
deau est de faible hauteur : C’est l’Espagne 4. Se dit d’instruments servant à jouer noblement, respectablement ; 3 élégam-
du temps passé | Aux frissons du tambour la partie basse. Nom donné parfois au ment, noblement.
de basque | S’élançant de son lit glacé violoncelle. Basse de viole, ancêtre du
bassesse [bass] n. f. (de bas ; 1120,
(Gautier). violoncelle, qui a disparu au XVIIIe s. et
Psautier d’Oxford). 1. Class. Etat de ce qui
•REM. Basque conserve au féminin la reparu au XXe s.
se trouve à un niveau bas : Il y a un certain
même forme ; mais, pour désigner une • CONTR. : 1 dessus ; 2 haute-contre (vx), degré de hauteur et un certain degré de bas-
habitante du Pays basque, on dit plutôt ténor ; 3 ténor. sesse que le mercure n’outrepasse presque
une BASQUAISE. jamais (Pascal). Fig. et littér. Etat de
2. basse [bs] n. f. (de bas ; 1484, Garcie, le
n. m. Langue parlée au Pays basque et Grant Routier). Ecueil à fleur d’eau, qui ne déchéance de l’homme : Ô mort ! Toi seule
qui n’est pas d’origine indo-européenne. découvre jamais, mais ne laisse pas passage nous convaincs de notre bassesse (Bossuet).
à la navigation. Tout ce que tu peux faire en ton humanité,
basqué, e [baske] adj. (de basque 1 ;
| – Écoute, – dans ta chair, homme, dans
XIXe s.). Muni d’une basque : Dans le basse-contre [bsktr] n. f. (de l’ital. ta bassesse, | C’est de chercher partout, de
« grand habit à la française », la robe décol- contrabbasso, basse qui est contre [le contempler sans cesse, | De loin, de près,
letée et basquée faisait paraître le corps de violoncelle] ; 1512, G. Crétin). Vx. Voix avec ton coeur et ta raison, | Le trépas qui
la femme isolé et comme au centre d’une de basse la plus grave. (On dit auj. BASSE jamais ne manque à l’horizon (Hugo).
vaste draperie représentée par la jupe PROFONDE.) 2. Class. Condition sociale inférieure :
(Baudelaire). • Pl. des BASSES-CONTRE. Votre grand Marius naquit dans la bas-
basquine [baskin] n. f. (esp. basquina, • CONTR. : haute-contre (vx). sesse(Corneille). 3. Class. Vulgarité dans
jupe basquaise ; 1534, Rabelais). 1. Jupe très l’expression : Quoi que vous écriviez, évitez
basse-cour [bskur] n. f. (de basse et
ornée des femmes espagnoles. 2. Corsage la bassesse (Boileau). 4. Manque d’élé-
de cour ; XIIIe s., Coutume d’Artois). 1. Vx.
décolleté et sans manches, porté au XVIe s. : vation morale : La bassesse des sentiments.
Cour de dégagement où se trouvaient les
Elle se tient au bord de l’eau ; sa fleur l’oc- La bassesse du flatteur. Mes semblables,
écuries et les communs. 2. Partie d’une
cupe ; | Sa basquine est en point de Gênes ; ce sont ceux [...] qui m’aiment contre tout,
maison, d’une ferme, où sont élevés les
sur sa jupe | Une arabesque, errant dans les qui m’aiment contre la déchéance, contre
petits animaux, en particulier la volaille :
plis du satin, | Suit les mille détours d’un la bassesse, contre la trahison (Malraux).
Le long des bâtiments s’étendait un large
fil d’or florentin (Hugo). Au XIXe s., cor- 5. Action indigne d’un homme hono-
fumier [...] et, parmi les poules et les din-
sage à basques : Coralie faisait la joie de la rable ; action vile dictée par les intérêts
dons, picoaient dessus cinq ou six paons,
salle, où tous les yeux serraient sa taille bien les plus méprisables : Faire une bassesse.
luxe des basses-cours cauchoises (Flaubert).
prise dans sa basquine (Balzac). 3. Petite Parvenir à force de bassesses. Cet individu
3. Par extens. Ces animaux eux-mêmes. est capable de toutes les bassesses.
basque qui termine un corsage.
• Pl. des BASSES-COURS.
• SYN.: 1 abaissement, faiblesse, infirmité ;
bas-relief [brljf] n. m. (de bas et de
basse-courier, ère [bskurje, -r] n. (de 4 abjection, avilissement, dégradation, infa-
relief, sous l’influence sémantique de l’ital.
basse-cour ; 1863, Littré). Personne char- mie, servilité, turpitude ; 5 compromission,
basso rilievo ; début du XVIIe s.). Sculpture
gée du soin de la basse-cour (peu usité) : ignominie, lâcheté, vilenie. — CONTR. : 4
adhérant au fond sur lequel elle se détache
Mme Brunat, la basse-courière de Suresnes élévation, fierté, générosité, grandeur,
avec une faible saillie : Il nous faut remar-
(Margueritte). magnanimité, noblesse ; 5 action d’éclat,
quer ici que le bas-relief est déjà un men-
haut fait.
songe, c’est-à-dire un pas fait vers un art • Pl. des BASSES-COURIERS, des BASSES-

plus civilisé s’éloignant d’autant de l’idée COURIÈRES. 1. basset [bs]


n. m. (ital. bassetto ; 1866,
pure de sculpture (Baudelaire). Un de ces Larousse). Cor de basset, clarinette recour-
basse-fosse [bsfos] n. f. (de basse et de
bas-reliefs comme il en court au fronton bée, à son grave.
fosse ; 1468, Chastellain). Cachot souterrain
dégradé des temples (Daudet). très profond. Cul de basse-fosse (ou cul- 2. basset [bs] n. m. et adj. (de bas ;
• Pl. des BAS-RELIEFS. de-basse-fosse), petite cellule creusée au XIIe s., adj., au sens de « courtaud » ;
• CONTR. : haut-relief, ronde-bosse. fond d’une basse-fosse : Bonaparte déclara « chien », XVIe s.). 1. Chien courant bas

378
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

sur pattes : Il alluma une lumière au fond terres en friche situées au sommet du pla- s’ouvrant par sa base dans la concavité du
d’un pot en albâtre sur lequel dansaient des teau qui sépare le bassin du Cher de celui rein, dont il collecte l’urine, et se conti-
chiens bassets (Giraudoux). 2. Fam. Petit de l’Indre (Balzac). 7. Vaste gisement nuant par l’uretère.
homme aux jambes courtes. (En ce sens, houiller ou minier, formant une unité géo-
bassinoire [basinwar] n. f. (de bassin ;
on trouve le fém. BASSETTE.) logique ou géographique : Le bassin houil-
1454, Comptes de J. Bochetel). 1. Bassin de
ler du Nord. Le bassin de Briey est le plus
basse-taille [bstj] n. f. (de basse et de métal à couvercle ajouré, pourvu d’un long
riche gisement européen de minerai de fer.
taille ; début du XVIe s., au sens 1 ; au sens manche, et qui, rempli de braises, servait
8. Ceinture osseuse située à l’extrémité
2, 1640, Oudin ; au sens 3, 1690, Furetière). autrefois à chauffer les lits : Contre le mur
inférieure du tronc et qui s’articule avec
1. Vx. Bas-relief. 2. Nom donné à la voix en face, une bassinoire dominait deux che-
la colonne lombaire et avec les membres
de basse des choeurs, par opposition à la nets (Flaubert). 2. Pop. Grosse montre.
inférieurs : Les femmes ont le bassin plus
basse chantante. (V. BASSE.) Basse pro- 3. Pop. Personne ennuyeuse, importune :
développé que les hommes.
fonde : Sa voix de basse-taille, en harmonie Quelle bassinoire !
• SYN. : 1 bassine, cuvette ; 3 bac, pièce
avec sa grosse gaieté, ne déplaisait point • SYN.: 3 raseur (pop.).
d’eau, vasque ; 4 rade.
(Balzac). 3. Chanteur doué d’une voix
adj. Fam. Se dit d’une personne impor- basson [bs] n. m. (ital. bassone, grosse
de basse-taille.
tune, fatigante : Laissez-le parler, vous êtes basse ; début du XVIIe s.). 1. Instrument
• Pl. des BASSES-TAILLES.
bassin, alors ! (Aragon). de musique à vent en bois, jouant le rôle
• CONTR. : 2 haute-contre (vx), ténor ; de basse des hautbois : Il est un vieil air
3 ténor. bassinage [basina] n. m. (de bassiner ;
populaire | Par tous les violons raclé |
1863, Littré). Action d’arroser en pluie un
bassette [bast] n. f. (ital. bassetta ; 1690, [...] L’aveugle au basson qui pleurniche |
semis délicat. (On dit aussi BASSINEMENT.)
Furetière). Class. Jeu de cartes d’origine L’écorche en se trompant de doigts (Gautier).
vénitienne, analogue au pharaon : Des bassine [basin] n. f. (de bassin ; 1412, 2. Musicien jouant de cet instrument.
gens qui n’ont jamais joué qu’à la bassette Prinet). 1. Bassin en métal ou en matière (On dit aussi BASSONISTE.)
(Sévigné). plastique, de forme circulaire, pour les
bastaing n. m. V. BASTING.
usages ménagers : L’eau de la bassine
bassin [bas] n. m. (lat. pop. *baccinus, s’échappait en grésillant sur le fourneau bastant, e [bast, -t] adj. (part. prés. de
dér. d’un radical gaulois *baccus, récipient (Martin du Gard). Bassine à vaisselle. baster ; fin du XVe s.). 1. Class. Suffisant :
[v. BAC] ; 1175, Chr. de Troyes ; 1546, Ch. Bassine à confitures. 2. Contenu d’une Cette raison n’est pas blastante (Acad.,
Estienne, sens anat.). 1. Récipient porta- bassine : Une bassine d’eau chaude. 1694). Jene suis pas bastant pour ce sublime
tif, large et peu profond, généralement de travail (Diderot). 2. Class. Capable : Me
• SYN.: 1 cuvette.
forme circulaire : Un Nègre versait sur vos croyez-vous bastant de nuire à votre feu ?
doigts l’eau aromatisée d’une aiguière ; bassiner [basine] v. tr. (de bassin ; XIVe s.,
(Corneille).
l’au retombait dans un bassin (Gide). Taillevent ; au sens de « importuner », 1844,
Spécialem. Vase plat permettant aux Labiche). 1. Soigner en humectant dou- 1. baste [bast] n. m. (de l’esp. basto, mas-
personnes alitées d’aller à la selle. Bassin cement : Bassiner une plaie. Il se rassit sue, au fig. « trèfle » ; 1680, Richelet). Vx.
à aumônes, ancien nom du plateau uti- sur sa voile et recommença à bassiner son As de trèfle, au jeu de l’hombre et à des
lisé dans les églises pour recueillir les bras (Maupassant). Tandis qu’on empor- jeux analogues.
offrandes. Bassin à barbe, ou simplem. tait son innocente victime dans la pièce à
2. baste [bast] n. f. (du provenç. basto,
bassin, plat à larges bords échancrés, où les côté, où ces dames et demoiselles étaient
panier des bêtes de somme ; 1752, Trévoux).
barbiers préparaient la mousse de savon. en train de lui bassiner le nez (Daudet).
1. Récipient de bois pour le transport de la
2. Chacun des plateaux d’une balance. On le conduisit dans un jardinet, on l’assit
vendange. 2. Panier qu’on attache au bât
3. Réservoir naturel ou ouvrage en près d’une pompe, au milieu des fleurs, on
d’une bête de somme.
pierre, en métal, en ciment, etc., destiné à lui bassina les tempes avec de l’eau fraîche
recevoir et à retenir l’eau : La source s’élan- (Martin du Gard). 2. En horticulture, 3. baste ! [bast] interj. (ital. basta, 3e pers.
çait en bouillonnant et tombait dans un arroser en pluie fine des plantations fra- du sing. de l’ind. prés. de bastare, suffie ;
giles. 3. Bassiner un lit, le chauffer au 1534, Rabelais). Exprime l’indifférence,
petit bassin (Mérimée). 4. Dans un port,
moyen d’une bassinoire. 4. Fam. Lasser la résignation, la lassitude : Germaine lui
enceinte limitée par des quais et des digues,
où les navires stationnent pour les opéra- quelqu’un en lui répétant les mêmes choses, avait dit : « J’ai bien un frère à Paris, un
ou en lui posant sans cesse des questions brave homme de prêtre... mais baste ! à quoi
tions de chargement et de déchargement.
oiseuses ou indiscrètes : Il me bassine, bon te donner son adresse ? » (Daudet).
Bassin à flot, bassin qui communique
cet avoué (Labiche). Et les courriers ne lui Resterait-il là, à rêvasser en fumant ? Il
librement avec la mer. Bassin de radoub,
apportaient rien, ni des personnes à qui il avait bien quelques lettres à écrire, mais
bassin qu’on peut assécher pour y réparer,
avait écrit, ni de son oncle, à qui il n’osait baste ! (Martin du Gard).
y « radouber » les navires. 5. Dépression
récrire, crainte de le bassiner (Montherlant).
topographique d’origine structurale et baster [baste] v. intr. (ital. bastare, suf-
dont les dimensions sont très variables : Le
• SYN.: 4. assommer (fam.), barber (fam.),
fire ; 1548, De la Planche). 1. Class. Suffire :
Bassin parisien. Notre mer offre un bassin canuler (pop.), embêter (fam.), empoison-
Cela ne saurait baster (Acad., 1694).
bien circonscrit, dont un point quelconque ner (très fam.), ennuyer, importuner, raser
2. Class. Réussir : Lambris, qui voit des
(pop.). — CONTR.: 4 amuser, distraire, inté-
du pourtour peut être rejoint à partir d’un siens baster mal les affaires (Sarazin, cité
autre en quelques jours, au maximum, de resser, plaire, réjouir.
par Richelet).
navigation en vue des côtes et, d’autre part, bassinet [basin] n. m. (de bassin ; 1190,
basterne [bastrn] n. f. (lat. basterna ;
par voie de terre (Valéry). Par extens. Huon de Bordeaux). 1. Casque en usage au
1762, Acad.). 1. Litière antique portée par
Plaine, dépression entourée de hauteurs : Moyen Âge. Petit bassinet, calotte de fer
deux mulets. 2. Char mérovingien.
Une enceinte de montagnes, qui se ter- portée sous le casque au XIIIe s. 2. Partie
mine à la mer, forme la plaine ou le bassin de la platine du mousquet ou du fusil à bastide [bastid] n. f. (provenç. bastida,
d’Athènes (Chateaubriand). 6. Région silex qui recevait la poudre de l’amorce. proprem. « bâtie », dér. de bastir ; 1355,
baignée par les eaux d’un fleuve ou d’une 3. Petit bassin. Vx et fam. Cracher au Bersuire). 1. Au Moyen Age, ouvrage de
rivière et de ses affluents : Le bassin de la bassinet, donner de l’argent de mauvais gré. fortification temporaire, puis fixe : Une
Seine. Les landes dites de Charlemagne, 4. Organe en forme d’entonnoir, aplati, des tours de la bastide SaintAntoine (Hugo).

379
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

2. Ville neuve fortifiée du Moyen Age, se bastinguer v. pr. Vx. S’abriter derrière bas-ventre [bvtr] n. m. (de bas et de
dans le midi de la France. 3. Petite mai- le bastingage. ventre ; 1636, Monet). 1. Région inférieure
son de campagne, en Provence : C’était un du ventre, au-dessous du nombril : Avoir
bastion [bastj] n. m. (var. de bastillon,
petit coin de terre bourgeoisement dessiné. une douleur dans le bas-ventre. 2. Fig.
dimin. de bastille ; fin du XVe s.). 1. Massif
Ses allées blondes de sable, bordées de buis et péjor. Ce qui concerne la vie sexuelle :
de terre gazonnée ou ouvrage maçonné,
très vert, les deux cyprès de sa porte d’entrée Une littérature qui ne s’intéresse qu’au
disposé en pointes saillantes sur les angles
lui donnaient l’aspect d’une bastide mar- bas-ventre.
d’une ceinture de remparts. 2. Ouvrage
seillaise (Daudet). Le poste à feu est une • Pl. des BAS-VENTRES.
renforçant des fortifications : La barricade
petite bastide qu’on appelle aussi Micolombe • SYN.: 1 hypogastre.
Saint-Antoine était monstrueuse ; [...]
et qui m’appartient (Bosco).
ravinée, déchiquetée [...], crénelée d’une bat [bat] n. m. (mot angl. tiré du franç
bastidon [bastid] n. m. (de bastide ; immense déchirure, contre-buttée de mon- batte ; 1865, Kervigan, l’Anglais à Paris).
1866, Larousse). Petite bastide : Les villas ceaux qui étaient eux-mêmes des bastions Forme anglaise de BATTE 2 (sens 2).
algériennes, toutes blanches, luisaient dans (Hugo). 3. Élément principal d’un dispo-
la rosée du jour levant : on se serait cru bât [b] n. m. (lat. pop. *bastum, de *bas-
sitif de défense : Le fort de Douaumont fut le
aux environs de Marseille, au milieu des tare, porter, du gr. bastazein, même sens ;
bastion de la défense de Verdun. 4. Fig. Ce
bastides et des bastidons (Daudet). XIIIe s.). 1. Appareil en bois posé sur le dos
qui constitue une défense, un soutien iné-
d’une bête de somme pour recevoir des far-
bastille [bastij] n. f. (altér. de bastide, par branlable : Un bastion du protestantisme.
deaux : L’os de l’échine usé par la boucle du
changement de suffixe ; 1370, début de la • SYN.: 4 bouclier, citadelle, forteresse. bât (Hugo). Un cheval de bât. Fig. Chacun
construction de la Bastille, à Paris, appelée sait où le bât le blesse, chacun connaît son
bastionner [bastjne] v. tr. (de bastion ;
souvent Bastide au XVe s.). 1. Ouvrage de
1611, Cotgrave). 1. Garnir de bastions.
fortification temporaire, pour se défendre cp’oesitn
stofnai
pbolei.nt
faCi’belset.
là 2q.uFei
lge. vtxl.eLboluesrsdee,
ebtâ
2. Fig. et littér. Munir de protections
ou pour attaquer. Château fort construit obligation, épreuve pénible : Il n’est bât
efficaces, de soutiens inébranlables : Il
pour défendre une ville. 2. Spécialem. qu’ils refusent, coups dont ils se ressentent
consultait les avoués, les hommes d’affaires,
Château fort établi à Paris et qui servit de (Courier).
organisait des travaux de défense autour
prison d’État jusqu’à sa destruction en
de l’abbaye, la bastionnait de procédure
• SYN.: 2 charge, faix, fardeau.
1789. (En ce sens prend une majuscule.)
Par extens. Toute prison abritant des (Huysmans). bataclan [batakl] n. m. (onomatop. ;
détenus politiques : Le Rouen des châteaux, bastonnade [bastnad] n. f. (ital. basto- 1783, Encycl. méthodique).) Fam. Ensemble
des hôtels, des bastilles (Hugo). Ces tom- nata, de bastone, bâton ; 1482, Flameng). de choses hétéroclites : Jevais chez l’homme
beaux des vivants, ces bastilles affreuses d’affaires de M. Pons. Il veut savoir à quel
1. Volée de coups de bâton : Les uns disaient
s’écrouleront alors sous des mains géné- prix vous prendriez tout le bataclan de là-
qu’il [Don Juan] était ivre, d’autres qu’il
reuses (Goncourt). 3. Fig. Moyen d’op- haut (Balzac). Et tout le bataclan, et tout
avait reçu quelque bastonnade d’un mari
pression, d’asservissement : Détruisons ce qui s’ensuit : Jepossède un journal [...] où
jaloux (Mérimée). 2. Châtiment consis-
toutes les bastilles. je dirige l’opinion politique, littéraire, philo-
tant en des coups que l’on appliquait, en
sophique, ... et tout le bataclan (Mirbeau).
bastillé, e [bastije] adj. (de l’anc. franç. particulier dans les bagnes, sur les reins
Oh ! monsieur, fit Mairesse-Miral d’une
bastiller, fortifier ; XVIIe s.). En termes de du coupable avec une corde goudronnée.
voix onctueuse, vous n’imaginez pas, je
blason, se dit des pièces qui ont les cré-
bastonner v. tr. V. BÂTONNER. pense, une réserve de coton-poudre, avec
neaux renversés et tournés vers la pointe
un détonateur, un système d’horlogerie et
de l’écu. bastringue [bastrg] n. m. (origine incer-
tout un bataclan (Duhamel).
taine ; peut-être emploi métaphorique de
basting ou bastaing [bast] n. m. (de • SYN. : attirail, bastringue (pop.), bazar
bastringue, machine à imprimer les toiles
l’anc. franç. bastir, apprêter ; 1877, Littré). (fam.), fourbi (fam.), fourniment.
[inventée en 1799 par Widmer] ; 1802).
Madrier de sapin.
1. Pop. Bal populaire et bruyant ; cabaret bataillard, e [batajar, -ard] adj. (de
bastingage [bastga] n. m. (de bas- où l’on danse : J’ouis, à mon grand étonne- batailler ; XIXe s.). Qui est trop porté à
tinguer ; 1747, Jal). 1. Autref. Garniture ment, en entrant dans les ChampsÉlysées, batailler : Rois bataillards (Hugo). Humeur
de caissons disposés autour du pont des des sons de violon, de cor, de clarinette et bataillarde (E. Rostand).
navires, où l’équipage plaçait ses hamacs de tambour. J’aperçus des « bastringues » • SYN. : bagarreur, batailleur, belliqueux,
pour amortir le choc des projectiles : Ils où dansaient des hommes et des femmes combatif. — CONTR. : calme, pacifique,
étaient laids et imposants, ils portaient (Chateaubriand). Elle découpe sa vie sur le paisible.
encore une mâture considérable, et leurs patron de certains romans, comme les filles
bataille [bataj] n. f. (du bas lat. battalia,
bastingages étaient, à la mode du vieux entretenues s’appliquaient, il y a vingt ans,
issu de battualia, sorte d’escrime, de bat-
temps, bordés de tous les sacs de l’équipage à ressembler aux images de Gavarni, qui,
tuere, battre ; XIIe s.). 1. Action au cours de
(Valéry). 2. Auj. Partie du bordage d’un lui, n’a peut-être jamais mis les pieds dans
laquelle deux armées se battent : Bataille ?
navire dépassant le pont : Le long du bas- un bastringue (Baudelaire). 2. Danse
... Mais Verdun, c’est bien plutôt une guerre
tingage contre lequel ils étaient appuyés, le échevelée : Aussi fut-ce un triomphe tout entière, insérée dans la grande guerre,
Tarasconnais aperçoit une rangée de grosses lorsqu’elle [Nana] mena le bastringue qu’une bataille au sens ordinaire du mot
mains noires (Daudet). (Zola). 3. Orchestre et musique vul- (Valéry). La bataille d’Azincourt. La bataille
• SYN.: 2 balustrade, garde-corps, garde-fou. gaires. 4. Fig. et pop. Désordre bruyant, de la Marne. Bataille navale, aérienne.
bastinguer [bastge] v. tr. (de bastingue, vacarme. 5. Arg. Petit étui cylindrique Gagner, perdre une bataille. Bataille ran-
du provenç. bastengo, toile matelassée qui où le forçat cachait ses économies et ses gée, combat entre deux troupes placées face
servait pour le bastingage du navire ; 1636, instruments d’évasion. 6. Fam. Matériel, à face en ordre serré ; au fig., rixe générale :
Cleirac). Vx. Garnir le pourtour d’un navire attirail encombrant et compliqué. La discussion dégénère en bataille rangée.
pour le garantir des projectiles : Selon la • SYN.: 4 boucan (très fam.), chahut (fam.), Champ de bataille, terrain sur lequel se
mode navale d’alors, on bastingua le pont, chambard (fam.), tapage ; 6 barda (pop.), livre ou s’est livrée une bataille : Visiter
ce qui est une garantie contre les balles, mais bataclan (fam.), bazar (fam.), fourbi (pop.), le champ de bataille de Waterloo. Rester
non contre les boulets (Hugo). fourniment. maître du champ de bataille. Abandonner

380
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

le champ de bataille. Cheval de bataille, • SYN. : 1 se bagarrer, combattre, lutter ; 2 Honneur et gloire au Xebataillon d’infan-
cheval qui était dressé pour la guerre ; au se battre ; 3 argumenter, disputer, s’escri- terie légère d’Afrique (Mac Orlan).
fig., argument ou sujet de conversation mer, jouter. • SYN.: bat’ d’Af ’ (arg.), joyeux (arg.).
favori d’une personne : S’il enfourche son
batailleur, euse [batajoer, -øz] adj. et bâtard, e [btar, -ard] adj. et n. (peut-
cheval de bataille, on n’est pas près d’avoir
n. (de batailler ; 1213, Fets des Romains). être de bât [en anc. franç. fils, fille de bast],
fini. Corps de bataille, partie centrale
1. Se dit d’une personne qui aime se ou du germ. *bansti, grange : c’est-à-dire
d’une armée, chargée de la mission prin-
battre, souvent pour des raisons futiles : « né sur le bât, dans une grange » ; 1190,
cipale : Les blindés formaient le corps de
Un de ces Celtes [...] batailleurs et hâbleurs Sermons de saint Bernard). 1. Se dit d’un
bataille. Plan de bataille, plan conçu par
(Constantin-Weyer). 2. Se dit d’une per- enfant né hors du mariage : Puis, à chaque
un chef militaire pour livrer une bataille,
sonne combative, qui cherche la discussion, mécompte, c’étaient des querelles infernales,
et, par extens., plan conçu par quelqu’un
les débats. le flot des anciens reproches, les bâtards
pour arriver à ses fins. Class. Donner
bataille, livrer combat. 2. Par anal. Lutte
• SYN.: 1 bagarreur, belliqueux, combatif ; inconnus jetés à sa face [du mari] (Zola).
réelle ou simulée entre deux ou plusieurs 2 querelleur. — CONTR.: 1 calme, pacifique, La princesse de Parme insinua cette version
adversaires : Dimanche dernier, à l’hip- paisible ; 2 accommodant, arrangeant, pour montrer à Legrandin qu’en somme le
podrome nouveau, il y a eu une querelle conciliant. jeune Cambremer épouserait quelque chose
et presque une bataille à coups d’ombrelle Adj. 1. Qui est porté aux querelles, aux comme Mlle de Nantes, une de ces bâtardes
entre deux dames (Mérimée). Une bataille discussions : Humeur batailleuse. J’ai le de Louis XIV qui ne furent dédaignées ni
de fleurs, de confettis. 3. Fig. Lutte qui tempérament le moins batailleur, l’esprit le par le duc d’Orléans ni par le prince de
oppose des personnes, des partis, des grou- plus conciliant qui soient (Gide). 2. Littér. Conti (Proust). Quelle signification dans ce
pements, ou combat qu’engage un individu Marqué par des combats : Sa campagne mot : « un enfant naturel » ! Seul le bâtard a
contre des difficultés : Bref, les concerts de de Hollande semble ne pas avoir été bien droit au naturel (Gide). 2. Se dit d’un ani-
Wagner s’annonçaient comme une véritable batailleuse ni bien pénible (Valéry). mal qui n’est pas de race pure : Un bâtard
bataille de doctrines, comme une de ces de fox-terrier. 3. Fig. Qui présente des
bataillon [bataj] n. m. (ital. batta-
solennelles crises de l’art, une de ces mêlées caractères appartenant à plusieurs types
glione, augmentatif de battaglia, corps
où critiques, artistes et public ont coutume (souvent péjor.) : On est ici sur les confins
de troupes ; milieu du XVIe s.). 1. Class.
de jeter confusément toutes leurs passions de la Normandie, de la Picardie et de l’Ile-
et littér. Troupe de soldats au combat :
(Baudelaire). La seule bataille restait sûre- de-France, contrée bâtarde où le langage
Restait cette redoutable infanterie de l’ar-
ment entre les Dominicains et les Jésuites est sans accentuation (Flaubert). Le roman,
mée d’Espagne, dont les gros bataillons ser-
[...] qui, les uns et les autres, ont gardé la qui tient une place si importante à côté du
rés demeuraient inébranlables (Bossuet).
prétention de pétrir le monde à l’image de poème et de l’histoire, est un genre bâtard
Bataillon sacré, dans la Grèce antique,
leur foi (Zola). La bataille d’ « Hernani ». La dont le domaine est vraiment sans limite.
troupe thébaine formée de trois cents
bataille de la vie. Spécialem. Discussion Comme beaucoup d’autres bâtards, c’est un
nobles liés par le serment de vaincre ou
acharnée : L’abbé se jeta dans la bataille enfant gâté de la fortune à qui tout réussit
de mourir ensemble. 2. Unité tactique
avec une joie de roquet bâtard (Martin du (Baudelaire). Porte bâtarde, porte qui
de l’infanterie, composée de plusieurs
Gard). 4. Vx. En bataille, dans l’ordre tient le milieu entre la porte cochère et la
compagnies : Un régiment d’infanterie
d’une armée rangée en ligne pour le com- petite porte. Écriture bâtarde, ou ellipt.
comporte trois bataillons. Bataillon de
bat : Ranger une armée en bataille. Toutes bâtarde n. f., écriture presque droite, qui
chasseurs. Un bataillon de ligne, dont
les troupes étaient en bataille (Vigny). tient de la ronde et de l’anglaise : Bouvard,
les faisceaux étaient dans la Petite- qui écrivait étalé sur son pupitre et les
Chapeau en bataille, se disait, autrefois,
d’un chapeau dont les deux cornes étaient Truanderie, observait le côté de la rue du coudes en dehors pour mieux arrondir sa
Cygne (Hugo). Unité d’autres armes
placées parallèlement à la ligne des yeux ; bâtarde, poussait son espèce de sifflement
auj., se dit d’un chapeau légèrement incliné et services : Un bataillon du génie, des
tout en clignant d’un air malin ses lourdes
d’un côté, d’un air insolent ou agressif : Ce transmissions. Chef de bataillon, pre- paupières (Flaubert).
chapeau se place sur la tête de différentes mier grade de la hiérarchie des officiers
• SYN. : 1 adultérin, illégitime, naturel ;
façons. Les gens mariés le portent « en supérieurs, dans les armes où existent des
2 corniaud, croisé, hybride, mâtiné. —
bataille » comme les gendarmes ; les veufs, bataillons. Bataillon d’infanterie légère
CONTR. : 1 légitime ; 2 pur.
les garçons en tournent les pointes d’autre d’Afrique (en arg. bat’ d’Af’), anciens
bâtard n. m. Pain d’une livre, moins long
manière (Daudet). Avoir les cheveux, bataillons disciplinaires, où étaient incor-
que la baguette.
la barbe en bataille, en désordre. 5. En porées les recrues ayant subi des condam-
termes de peinture, représentation d’une nations. Bataillon carré, bataillon formé bâtardé, e [btarde] adj. (de bâtard ;
bataille : Un peintre de batailles. 6. Jeu sur quatre fronts, pour combattre dans XIXe s.). Vx et dialect. Mêlé de façon à
de cartes qui se joue à deux. toutes les directions. 3. Troupe nom- constituer un tout bâtard : Il nous salua
• SYN.: 1 baroud (arg. mil.), combat, lutte, breuse d’hommes ou d’animaux : Une gauchement et nous souhaita le bonsoir avec
opération, rencontre ; 2 bagarre, échauf- masse d’hommes, vêtus de noir, le fort un accent français qui, bien que légèrement
fourée ; 3 conflit. et profond bataillon des cinq cent cin- bâtardé de suisse, rappelait suffisamment
quante députés du Tiers (Michelet). De son origine parisienne (Baudelaire).
batailler [bataje] v. intr. (de bataille ; noirs bataillons | De larves, qui coulaient • SYN.: mâtiné. — CONTR. : pur.
1160, Benoît de Sainte-Maure). 1. Lutter, comme un épais liquide (Baudelaire).
en venir aux mains, en parlant d’un indi- bâtardeau [btardo] ou batardeau
• SYN. : 3 armée, essaim, flot, fourmilière,
vidu : Batailler à coups de poing. Il est tou- [batardo] n. m. (de l’anc. franç. bastart,
légion, nuée, régiment, troupeau.
jours prêt à batailler. 2. Fig. Lutter avec digue, de baste, support, déverbal de bâtir ;
acharnement pour défendre une cause, bataillonnaire [batajnr] n. m. (de 1446, J. de Bueil). 1. Digue provisoire, faite
imposer un point de vue : Batailler pour bataillon ; XXe s.). Fam. Soldat des bataillons de planches ou de palplanches métalliques,
obtenir de nouveaux avantages sociaux. d’Afrique : Les bataillonnaires avaient établie dans un cours d’eau pour mettre à
3. Fig. Discuter avec ardeur : On batailla décoré leurs wagons d’inscriptions qui ne sec la base d’une construction, l’emplace-
quelque temps sur le nom que ce cercle por- laissaient aucun doute sur leur origine. ment où des travaux doivent être exécutés.
terait (Zola). On lisait en grosses lettres à la craie : [...] 2. Caisson en bois calfaté utilisé autrefois

381
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

pour mettre à sec un endroit de la carène opérations sur mer : Le vent, qui apportait le pont de Charenton et j’achevais le voyage
d’un navire et réparer une avarie. la rumeur presque éteinte de la ville en état en bateau-mouche (Duhamel).
de siège et le sifflet des vedettes qui rejoi- • Pl. des BATEAUX-MOUCHES.
bâtardise [btardiz] n. f. (de bâtard ;
gnaient les bateaux de guerre, passa sur les
v. 1550, Du Bellay). État d’une personne bateau-phare [batofar] n. m. (de
ampoules misérables allumées au fond des
bâtarde ; caractère d’un être bâtard, d’une bateau et de phare ; 1866, Larousse). Syn.
chose bâtarde : Encore faut-il remarquer impasses (Malraux). Bateau de sauve-
de BATEAU-FEU.
tage, bateau organisé et équipé pour porter
que plus un objet réclame de facultés, moins • Pl. des BATEAUX-PHARES.
secours aux navires ou aux personnes en
il est noble et pur, plus il est complexe, plus
il contient de bâtardise (Baudelaire). perdition. Bateau de fleurs, jonque navi- bateau-pilote [batopilt] n. m. (de
guant sur les fleuves de Chine et servant bateau et de pilote ; XIXe s.). Petit navire
batave [batav] adj. (de Batavi, n. lat. des de lieu de plaisir : Un mandarin [...] qui à vapeur ou à moteur qui transporte les
populations qui occupaient ancienn. les avait tenu, dans le temps, un « bateau de pilotes dont un navire peut avoir besoin
Pays-Bas ; XVIIIe s.). Littér. Qui appartient à fleurs » amarré tout au bout de la ville, pour entrer au port ou en sortir : Une belle
la Hollande, aux Pays-Bas : Jene considère près d’une barrière fréquentée par des lumière d’été, égale et limpide, achevait de
ni la République romaine, ni la batave, ni
guerriers (Daudet). Fam. et ironiq. Être se lever dans la baie de Quiberon, comme
l’helvétique, mais seulement la française arrivé par le dernier bateau, ne pas être au nous mettions le pied sur le bateau-pilote
(France).
courant des habitudes, comme quelqu’un destiné à nous conduire à l’île de Houat
batavia [batavja] n. f. (de Batavi, n. lat. qui vient de débarquer. 4. Bateau de (Daudet).
des populations qui occupaient ancienn. les porte, ou simplem. bateau, dépression du • Pl. des BATEAUX-PILOTES.
Pays-Bas ; 1866, Larousse). Laitue à pomme trottoir devant une porte cochère. 5. Fig.
bateau-pompe [batopp] n. m. (de
ferme, à feuilles cloquées et croquantes. et fam. Invention plaisante pour tromper
bateau et de pompe ; XIXe s.). Bateau équipé
quelqu’un : C’est un bateau. Monter un
batavique [batavik] adj. (de batave ; 1765, pour la lutte contre les incendies de navires.
bateau à quelqu’un, mener quelqu’un en
Encyclopédie). Larme batavique, goutte de • Pl. des BATEAUX-POMPES.
bateau, inventer une histoire pour lui en
verre obtenue en faisant tomber du verre
faire accroire : Ce n’est pas un bateau que bateau-porte [batoprt] n. m. (de
en fusion dans de l’eau froide, et qui se
vous me montez ? (France). Ça fait six mois bateau et de porte ; 1866, Larousse). Caisson
pulvérise quand on en rompt la pointe.
qu’il nous mène en bateau (S. Guitry). métallique pouvant flotter et utilisé pour
batayole [batajl] n. f. (ital. battagliola, • SYN. : 3 bâtiment, navire, paquebot, fermer un bassin de radoub.
de battaglia, bataille ; milieu du XVIe s.). vaisseau. • Pl. des BATEAUX-PORTES.
Montant en fer ou en cuivre qui supporte
bateaux n. m. pl. Pop. Chaussures de
les rambardes ou garde-fous des hunes, batée [bate] n. f. (de battre ; 1866,
grande taille.
passerelles, passavants, sur un bateau. Larousse). 1. Auge circulaire peu pro-
• SYN.: péniches (pop.). fonde, pour le lavage des alluvions
bat’ d’Af’ n. m. V. BATAILLON ET
bateau-citerne [batositrn] n. m. (de minéralisées, en particulier des sables
BATAILLONNAIRE.
bateau et de citerne ; 1866, Larousse). aurifères. 2. Opération exécutée avec
bâté, e [bte] adj. (part. passé de bâter ; Bateau aménagé pour le transport des cet instrument.
XVIe s.). 1. Se dit d’une bête de somme liquides. 1. batelage [batla] n. m. (de bateler 2 ;
équipée d’un bât. Fig. et fam. Âne bâté, • Pl. des BATEAUX-CITERNES. 1443, Chronique du Mont-SaintMichel).
individu stupide et borné : Un âne bâté,
1. Service de bateaux assurant le transport
un ivrogne sans pudeur, me relègue au bas bateau-feu [batofø] n. m. (de bateau et
des personnes ou des marchandises entre
bout de la table (Musset). 2. Vx. Qui de feu ; XXe s.). Navire d’une construction
des navires ou entre des navires mouillés
subit une contrainte morale, qui a perdu spéciale, possédant un mât tubulaire qui
et la terre. 2. Droit payé à un batelier.
sa liberté : « Vous vous êtes marié, comme supporte un phare.
un affamé se jette sur du pain [...]. — Ne • Pl. des BATEAUX-FEUX. 2. batelage [batla] n. m. (de bateler 1 ;
me dites plus rien, s’écria Steinbock, je suis XVIe s., Montaigne). Métier de bateleur.
bateau-lavoir [batolavwar] n. m. (de
bâté » (Balzac).
bateau et de lavoir ; XIXe s.). Ponton installé batelée [batle] n. f. (de bateau ; XIIIe s.).
• SYN. : 2 asservi, enchaîné, lié, ligoté. — 1. Vx. Charge d’un bateau. 2. Par extens.
au bord d’un fleuve, dans les grandes villes,
CONTR. : 2 indépendant, libre. et fam. Grande quantité : Une batelée de
et où les ménagères viennent laver leur
bateau [bato] n. m. (anc. angl. bât [angl. linge (vieilli) : Les deux femmes croisent gens.
boat], pourvu d’un suffixe ; XIIe s.). 1. Terme au passage un regard froid, sans expres- • SYN.: 2 flot, légion, masse, nuée, tas.
générique pour désigner les embarca- sion, plus redoutable que les plus violentes 1. bateler [batle] v. intr. (de l’anc. franç.
tions de dimensions moyennes : Bateau engueulades de bateau-lavoir (Daudet).
baastel, tour d’escamoteur ; XVIe s.). [Conj.
à vapeur, à voiles. Bateau de plaisance. Deux vieilles blanchisseuses, qui travaillent
3 a.] Vx. Faire des tours de bateleur pour
Bateau de pêche. On n’y sent pas la sau- au bateau-lavoir du quai de Valmy, com- attirer les badauds.
mure ni le cambouis, comme sur un bateau mandent un petit marc (Dabit). Fam. et
de pêche (Alain-Fournier). 2. Spécialem. ironiq. Capitaine de bateau-lavoir, marin 2. bateler [batle] v. tr. (de bateau ; XIVe s.).
Embarcation simple, à rames ou à voile, peu expérimenté ; personnage vantard et [Conj. 3 a.] Transporter par bateau : Bateler
destinée surtout à la rivière : Il y avait au falot. du poisson.
milieu un bateau plein de bois et sur la • Pl. des BATEAUX-LAVOIRS. batelet [batl] n. m. (de bateau ; XIIIe s.).
berge deux rangs de barriques (Flaubert).
Petite barque à rames : Quand on pense
Pont de bateaux, pont fait de planches bateau-mouche [batomu] n. m. (de
qu’il peut y avoir jusqu’à vingt-huit forma-
posées sur des bateaux rangés flanc contre bateau et de mouche ; 1878, Larousse).
lités pour établir un batelet sur une rivière,
flanc. 3. Dans la langue courante, navire Bateau faisant le service de promenades
ça me donne envie d’aller vivre chez les
ou embarcation de toute dimension et de d’agrément sur la Seine, à Paris : Il ne
anthropophages ! (Flaubert).
toute sorte : Le surlendemain, je prenais le regardait rien [...], pas même les bateaux-
bateau pour Marseille (Sartre). Bateau de mouches et les remorqueurs (Ch.-L. bateleur, euse [batloer, -øz] n. (de l’anc.
guerre, bâtiment armé et protégé en vue des Philippe). Je quittais le tram à vapeur dès franç. baastel, tour d’escamoteur, d’origine

382
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

inconnue ; XIIIe s.). 1. Personne qui attire le [bathymètre]). Instrument destiné à mesu- batifoleur, euse [batifloer, -øz] n. (de
public par des tours d’adresse ou des tours rer la profondeur de la mer. batifoler ; 1835, Acad.). Personne qui aime
de force, dans les foires et sur les places batifoler.
bathymétrie [batimetri] n. f. (de bathy-
publiques (vieilli) : Un malheureux bateleur
mètre ; 1863, Littré). Mesure de la profon- batik [batik] n. m. (mot malais signif.
amusait les buveurs attablés en s’enfonçant
deur des mers. « point, pointiller » et, par extens., « dessi-
dans la bouche des objets de plus en plus ner » ; 1845, Itier). 1. Étoffe peinte par péné-
gros (Gide). 2. Péjor. Bouffon de société. bathymétrique [batimetrik] adj. (de
tration des couleurs dans les rides d’une
3. Péjor. Comédien : Molière, l’histrion, bathymétrie ; 1877, Littré). Relatif à la
couche de cire : Un batik ocre et noir resta
jouait son Pourceaugnac, de même que bathymétrie : Carte bathymétrique.
aux murs de la chambre (Colette). 2. Par
Shakespeare, le bateleur, grimaçait son bathyscaphe [batiskaf] n. m. (du extens. Procédé et art de peindre ainsi sur
Falstaff (Chateaubriand). gr. bathus, profond, et skaphê, barque ; étoffes, à la mode en France vers 1920.
• SYN.: 1 baladin, banquiste, saltimbanque. 1946, A. Piccard). Appareil autonome
bâtiment [btim] n. m. (de bâtir ; 1160,
destiné à l’exploration des profondeurs
batelier, ère [batlje, -r] n. (de bateau ; Benoît de Sainte-Maure). 1. Class. Action
sous-marines.
XIIIe s.). 1. Personne qui, par profession, de construire, d’élever (au pr. et au fig.) :
conduit un bateau sur les rivières, les bathysphère [batisfr] n. f. (du gr. Tout le bâtiment de ce vaisseau est décrit
canaux : Ô la Marne dorée où le batelier bathus, profond, et de sphère ; 1928, par le menu (Racine). Les philosophes [...]
croit qu’il vogue sur les coteaux et les vignes Larousse). Appareil constitué par une n’ont point ôté les crimes par leurs pré-
(Claudel). 2. Celui qui fait passer les sphère suspendue à un câble et permet- ceptes ; ils n’ont fait que les employer au
voyageurs d’une rive à l’autre d’un cours tant d’effectuer des plongées sous-marines. bâtiment de l’orgueil (La Rochefoucauld).
d’eau. Le batelier des Enfers, Charon. 2. Ensemble des activités concourant à
bâti, e [bti] adj. (part. passé de bâtir).
• SYN.: 1 marinier ; 2 passeur. la construction des édifices : Entreprise
1. Personne bien, mal bâtie, bien faite et
d’une apparence robuste, mal faite : Il vaut de bâtiment. L’industrie du bâtiment.
batellerie [batlri] n. f. (de bateau ; 1390, Ouvrier du bâtiment. Quand le bâtiment
Delboulle). 1. Industrie des transports mieux pour elle un honnête homme riche et
va, tout va (prov.), le développement de
bien fait, qu’un gentilhomme gueux et mal
commerciaux par péniches sur les canaux la construction signifie la prospérité éco-
bâti (Molière). [V. aussi MALBÂTI, E.] Bâti
et rivières : M. Guitrel étudie avec une pué- nomique. 3. Par extens. Ensemble des
à chaux et à sable, se dit d’une personne de
rilité pitoyable, d’après les récits des voya- personnes travaillant à la construction : Les
constitution robuste. 2. Propriété bâtie,
geurs, « la batellerie du lac de Tibériade » syndicats du bâtiment. Fig. et fam. Être
sur laquelle sont construits des bâtiments.
(France). 2. Ensemble des bateaux de du bâtiment, connaître parfaitement un
rivière. 3. Par extens. Ensemble des bâti n. m. (1699, Du Quet). 1. Assemblage
métier, une technique. 4. Construction
de pièces de charpente ou de menuiserie.
professionnels des transports fluviaux : en maçonnerie d’une certaine importance,
2. Par extens. Charpente en bois ou en
Le syndicat de la batellerie. destinée à divers usages : Ils longeaient déjà
fer servant à supporter le poids d’un objet
bâter [bte] v. tr. (de bât ; XVIe s., Ma-rot). les bâtiments de l’École [Normale supé-
lourd, notamment d’une machine. 3. En
rieure] (Martin du Gard). Spécialem.
Équiper d’un bât une bête de somme : Bâter couture, grands points destinés à assem-
Immeuble ou partie d’un immeuble à usage
un âne. bler sommairement deux pièces de tissu, à
d’habitation. 5. Nom générique donné
• CONTR. : débâter. indiquer des pinces, des emplacements de
aux constructions navales de fort tonnage :
piqûres, etc. : Crac, crac, c’est la corsagère
bat-flanc [bafl] n. m. invar. (de battre et Bâtiment de commerce. Bâtiment de guerre.
qui défait violemment le bâti (Goncourt).
de flanc ; 1888, Larousse). 1. Pièce de bois Je me cachai à fond de cale d’un bâtiment
Par extens. Gros fil de coton servant à
qui sépare les chevaux dans une écurie. marchand (Vigny).
cet usage.
2. Par extens. Cloison sommaire séparant • SYN. : 2 construction ; 4 bâtisse, édifice,
• SYN.: 3 faufil.
les lits dans un dortoir : Séparés seulement immeuble ; 5 bateau, navire, paquebot,
par la cloison du bat-flanc... (Moselly). batifolage [batifla] n. m. (de batifo- vaisseau.
3. Plancher incliné et surélevé, servant ler ; 1532, Rabelais). Action de batifoler : bâtiments n. m. pl. Class. Administration
de lit dans un corps de garde, dans certains Si nous voulons vivre ensemble et travail- et direction des bâtiments : Villa-cerf
dortoirs : Derrière, couchées sur un bat- ler utilement, méfions-nous, mon petit, eut les bâtiments à la mort de Louvois
flanc ou debout, grouillaient des ombres méfions-nous de l’intimité, des secrets, des (Saint-Simon).
trop longues : des hommes, comme des vers confessions, de tout ce batifolage (Duhamel).

bâtir [btir] v. tr. (du francique *bastjan,
(Malraux). SYN.: amusement, divertissement, ébats.
de bast, écorce : proprem. « travailler avec
bath [bat] adj. invar. (origine inconnue ; batifoler [batifle] v. intr. (de l’ital. bat- de l’écorce », puis « construire des huttes
1804, Stendhal, interj. ; 1846, Hugo). 1. Arg. tifolle, boulevard où les jeunes gens allaient en clayonnage », enfin « construire » ;
Beau et bon : Et rien que du bath, hein ! s’amuser ; début du XVIe s.). 1. S’amuser XIIe s., Voyage de Charlemagne). 1. Élever
Regardez les pompes qu’ils nous donnent d’une façon turbulente, folâtrer : Au une construction sur le sol, à l’aide d’un
(Dorgelès). C’est bath ! Un bath pantalon. plafond, dans un cercle de bois doré, des assemblage de matériaux : Bâtir une mai-
2. Arg. En parlant d’une personne, bon, Amours, émergeant d’un ciel d’azur, bati- son, un pont. La villa est bâtie sur une
chic : Ah ! Suzon, vous êtes une bath copine, folaient sur des nuages (Flaubert). De colline. J’écoute en frémissant chaque
mon petit (Duhamel). petits singes noirs [...] batifolèrent sur le bûche qui tombe, | L’échafaud qu’on bâtit
sable (Martin du Gard). 2. Fig. Perdre n’a pas d’écho plus sourd (Baudelaire).
• SYN. : 1 et 2 chouette (fam.).
son temps à des occupations futiles, à des Bâtir à chaux et à ciment, à chaux et
bath ! interj. Arg. Chic ! : S’il lui avait dit :
enfantillages : Il y a une justice, mais celui à sable, bâtir très solidement. Pierre
ô bath ! vous avez plus de cinquante ans, il
qui la rend batifole (Renard). 3. Se per- à bâtir, pierre propre à la construction.
lui eût dit une plate grossièreté (Stendhal).
mettre des libertés avec une femme : Ah ! Terrain à bâtir, terrain destiné à la
bathymètre [batimtr], ou ancienn. Madame pouvait être tranquille ! Ce n’était construction. 2. Ordonner, financer,
bathomètre [batmtr] n. m. (du gr. pas lui [Zéphyrin] qui songeait à batifoler concevoir ou diriger la construction d’un
bathus, profond, et metron, mesure ; début (Zola). édifice : L’architecte qui a bâti cet immeuble.
du XIXe s. [bathomètre] ; 1928, Larousse • SYN.: 1 s’ébattre, faire le fou, jouer. Louis XIV bâtit en dix ans le château de

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Versailles. C’est la piété du Moyen Âge qui la place de la vieille demeure des Minimes, de hampe, ou qui permet de soutenir, de
a bâti nos cathédrales. Bâtir une ville, une bâtisse cubique, d’une craie toute neuve porter quelque chose : Bâton de pavillon, de
la fonder : Ils s’arrêtèrent émerveillés et ils et trop pure, sommée de bombes panachées bannière. Le bâton de la croix. Bâton de
se demandèrent par quel art les Romains de flammes en pierre tendre (Valéry). La chaise, chacun des brancards d’une chaise
avaient bâti en un jour une ville plus belle et maison, belle et grande bâtisse du XVIIIe à porteurs ; auj., chacun des bois tournés
plus vaste que toutes celles de l’Ile brumeuse siècle, plusieurs fois remaniée par ses pro- reliant les montants d’une chaise. Fig.
(France). 3. Absol. Faire ou ordonner un priétaires successifs... (Duhamel). et vx. S’amuser comme un bâton de chaise,
travail de construction : Il aime à bâtir. Il • SYN.: 2 bâtiment, édifice, immeuble. mener une vie aussi morne et aussi peu
fait bâtir. Passe encor de bâtir, mais planter libre qu’un laquais porteur de chaise : Or,
à cet âge ! (La Fontaine). 4. En parlant bâtisseur [btisoer] n. m. (de bâtir ; 1539, un sous-préfet n’a que mille écus d’appointe-
des animaux, construire en assemblant des R. Estienne). 1. Celui qui bâtit : Le terrain ments, et s’amuse comme un bâton de chaise
matériaux fournis par la nature : Le cas- présentait une forme biscornue, propre à dans son arrondissement (Balzac). Mener
tor bâtit son terrier. L’oiseau bâtit son nid. décourager les bâtisseurs imbus de routine une vie de bâton de chaise, mener une vie
5. Fig. Dans l’ordre intellectuel, créer, (Romains). 2. Par extens. Celui qui a la désordonnée et agitée. 4. Morceau de
édifier : Bâtir sa renommée. Bâtir un sys- passion de bâtir : Le second Empire, grand bois servant d’instrument de punition ou
tème. Vous connaissez mon faible ; je bâtis bâtisseur, comme chacun sait [...], avait rêvé d’arme de choc : Recevoir une volée de coups
toute une histoire sur une figure, un regard de faire éclore un art architectonique qui de bâton. Elle [la barricade] avait une crête
(Mérimée). Elle buvait mes petits mots | portât son nom (Huysmans). 3. Fig. Celui épineuse de fusils, de sabres, de bâtons, de
Qui bâtissaient une oeuvre étrange (Valéry). qui fonde une grande entreprise, édifie un haches (Hugo). Fam. Jouer du bâton,
Bâtir des châteaux en Espagne, v. CHÂ- système d’idées : Les bâtisseurs d’empires. donner des coups de bâton. Fig. Battre
TEAU. Bâtir en l’air, former des projets •SYN.: 1 architecte ; 3 créateur, fondateur. l’eau avec un bâton, perdre son temps et sa
chimériques. Bâtir sur le sable, bâtir de — CONTR. : 1 démolisseur ; 3 destructeur. peine. Class. et fam. Martin Bâton, nom
sable, faire reposer ce que l’on entreprend proverbial d’un valet chargé de donner des
batiste [batist] n. f. (de Baptiste, n. du
sur des bases peu sûres. 6. S’appuyer sur coups de bâton et, par extens., le bâton
premier fabricant de ce tissu, à Cambrai ;
quelque chose : Toute notre musique est lui-même. 5. Par extens. La peine de la
1401, Art en Flandre). Toile de lin très fine,
bâtie sur les notes que donne un clairon ou bastonnade : Mériter le bâton. Recevoir le
utilisée en lingerie : Un mouchoir de batiste.
un cor de chasse (Alain). Il bâtissait sur des bâton. Le plus grand capitaine de la Grèce
Le docteur reparut, légèrement dépoudré
statistiques mouvantes des théories aussitôt fut-il déshonoré pour s’être laissé menacer
et son beau jabot de batiste en désordre
lézardées (Maurois). 7. Arranger d’une du bâton ? (Rousseau). 6. Vx. Baguette
(Mérimée).
certaine manière les éléments qui com- résistante, mais souple, employée pour pra-
posent un ensemble : Bâtir une coiffure, une bâton [bt] n. m. (du bas lat. bastum, tiquer l’escrime au bâton. Art de prati-
phrase. 8. En termes de couture, assem- déverbal de *bastare, porter [v. BÂT] ; 1080, quer ce sport et de se défendre avec cette
bler provisoirement et à grands points les Chanson de Roland). 1. Long morceau de canne : À l’escrime, et au bâton, et à la boxe,
pièces d’un vêtement : Elle disait : « Je vais bois mince, que l’on peut tenir à la main et au chausson, je suis le roi de la ville d’Aix
bâtir. » Je savais bien qu’elle allait prendre et qui sert à différents usages : Un bâton (Daudet). 7. Par anal. Se dit de divers
une aiguillée de fil et coudre à grands points de noisetier. [Les pêcheurs] portaient leurs objets ayant une forme plus ou moins
(Duhamel). longs bâtons effilés [...] et une boîte de fer- cylindrique, ou de matières présentées
• SYN. : 1 construire ; 2 édifier, élever ; 5 blanc leur battait le dos (Maupassant). sous forme de bâton : Un bâton de réglisse,
constituer, échafauder, établir ; 6 asseoir, Fig. Bâton épineux ou bâton d’épine, de craie, de rouge à lèvres. 8. Symbole,
fonder ; 7 agencer, ajuster, assembler, façon- personne de caractère difficile ou extrê- emblème de commandement, d’autorité ou
ner ; 8 faufiler. — CONTR. : 1 et 2 abattre, mement versatile, qu’on ne sait comment de certaines dignités : Bâton de comman-
démanteler, démolir, raser ; 4 détruire ; 5 prendre ; difficulté qu’on ne sait comment dement. Bâton de maréchal, court bâton
renverser, ruiner ; 8 débâtir, défaufiler. aborder. Triv. Bâton merdeux, individu ouvragé, insigne de la dignité suprême
se bâtir v. pr. 1. (avec un sujet désignant irascible, malveillant, et avec lequel les rela- dans l’armée ; au fig., situation sociale
une personne) Bâtir pour soi : Il s’est bâti tions sont difficiles. Bâton flottant, se dit la plus élevée à laquelle puisse prétendre
une maison de campagne. 2. (avec de ce qui fait illusion (par allusion à la fable quelqu’un : Il avait d’ailleurs obtenu son
un sujet désignant une chose) Être en de La Fontaine le Chameau et les Bâtons bâton de maréchal (Balzac). Recevoir le
construction : Des maisons se bâtissent flottants, IV, x) : Arcis sera content, on peut bâton, accéder à la dignité de maréchal.
de tous côtés. Se couvrir de construc- l’amuser avec ce bâton flottant (Balzac). Bâton pastoral, insigne d’une dignité
tions : Ces terrains vagues se sont bâtis en Mettre des bâtons dans les roues, susciter ecclésiastique : Maître Antonio Perez de
quelques années. 3. Impers. Il se bâtit, des difficultés à quelqu’un, entraver la réa- Las Cellas forgea | Ce bâton pastoral pour
on construit : Il s’est bâti beaucoup d’im- lisation d’une entreprise : Car Derville est le premier Borja (Heredia). Bâton de
meubles modernes alentour. capable, dans l’intérêt de son client, de nous Jacob, petite baguette employée par les
• SYN.: 2 s’élever, se monter. mettre des bâtons dans les roues (Balzac). prestidigitateurs Tour de bâton, tour de
Mais qu’on ne vienne pas me mettre des prestidigitateur ; au fig., profit illicite qu’on
bâtissage [btisa] n. m. (de bâtir ; se ménage secrètement dans une affaire ou
bâtons dans les roues si j’essaie à mon
XVIe s.). Action de bâtir un ouvrage de dans l’exercice de sa profession.
tour de faire un départ, d’abattre mon jeu,
couture : Le bâtissage d’une jupe. • SYN.: 1 badine, baguette, verge ; 2 canne ;
de donner toute ma mesure (Duhamel).
bâtisse [btis] n. f. (de bâtir ; 1701, 2. Spécialem. Morceau de bois rond sur 4 gourdin, massue, matraque, rondin,
Furetière). 1. Gros oeuvre d’une construc- lequel on prend appui pour la marche, qui trique (fam.).
tion. 2. Construction d’une certaine sert de soutien à une personne : S’appuyer bâtons n. m. pl. 1. Vx. Baguettes ser-
importance, d’un caractère particulier sur un bâton. Bâton de ski. Fig. et vx. vant à jouer du tambour. Jouer à bâtons
(parfois péjor.) : La bâtisse [un moulin], Bâton de vieillesse, personne qui entoure rompus, faire des batteries intermittentes.
faite de plâtre et de planches, semblait un vieillard de ses soins ; par extens., sou- Fig. À bâtons rompus, de manière décou-
vieille comme le monde (Zola). La grande tien pécuniaire, moral, donné à une per- sue, en passant librement d’un sujet à un
bâtisse féodale est au mois de juin enfouie sonne âgée. Aveugle sans bâton, personne autre : Une conversation à bâtons rompus.
sous les feuilles (Alain-Fournier). Un jour qui manque des moyens nécessaires pour Ribeyrolles [...] écrivait à bâtons rompus,
que je passais par-là, j’ai vu avec ennui, à agir. 3. Morceau de bois allongé qui sert dans son séjour à Guernesey, un mémento

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

personnel de faits quotidiens (Hugo). C’était encore à toute cette entreprise de sugges- musettes (Martin du Gard). Porte bat-
un de ces projets comme on en fait volontiers tion, à tant de discours, de publicité, de tante, porte qui n’est pas fermée et que le
dans une conversation à bâtons rompus et battage (Pourrat). On a devant ce battage vent fait battre : Malgré le froid de la porte
qui ne méritent pas de passer à exécution le même sentiment d’horreur que vous cause battante, les cris des balayeurs et leurs seaux
(Duhamel). 2. Traits verticaux tracés la réclame pour quelque alcool meurtrier d’eau, il y avait toujours après le cours, dans
par les enfants qui apprennent à écrire : (Montherlant). la classe, une vingtaine d’élèves (Alain-
Personne n’y fit attention, pas même les • SYN. : 2 barattage ; 3 bluff, bruit, tam- Fournier) ; porte à deux battants libres
tout-petits qui s’appliquent à tracer leurs tam (pop.). qui se referment d’eux-mêmes.
bâtons (Daudet).
1. battant [bat] n. m. (de battre ; XIIIe s.). 1. batte [bat] n. f. (déverbal de battre ;
bâtonnat [btna] n. m. (de bâton ; 1842, 1. Pièce métallique mobile dont l’extré- XIVe s.). 1. Action de battre l’or, l’argent,
Acad.). 1. Dignité de bâtonnier de l’ordre mité frappe l’intérieur ou l’extérieur d’une pour l’amincir et le réduire en feuille.
des avocats : Après tous les crétins qu’ils cloche : Pour que la cloche ne donnât pas 2. Vx. Action ou manière de battre les
m’ont préférés, je n’aurais pas voulu du l’éveil, j’enveloppais le soir son battant avec cartes avant de les distribuer.
bâtonnat (Mauriac). 2. Durée de l’exer- de l’ouate (Radiguet). 2. Chacune des
2. batte [bat] n. f. (déverbal de battre ;
cice de cette fonction. deux parties mobiles d’une porte, d’une
XIVe s.). 1. Dans divers métiers, instrument
bâtonner [btne] v. tr. (de bâton ; fin fenêtre, etc. : Revenu dans le vestibule, il
destiné à battre : masse de bois emman-
du XIIe s.). 1. Frapper à coups de bâton : s’arrêta devant la porte à deux battants
chée pour aplanir la terre, écraser le plâtre
L’autorité féroce et sans contrôle de bacha- de son cabinet de consultation (Martin
ou le ciment, modeler le plomb ; sorte de
gas fantastiques qui [...], pour un oui ou du Gard). Assis entre les deux battants
bâton pour battre le beurre, etc. : Batte
pour un non, font bâtonner les gens sur la de la fenêtre ouverte, le dos appuyé aux
de terrassier, de maçon, de carreleur, de
plante des pieds (Daudet). 2. Par extens. persiennes, Honoré mangeait lentement
plombier, etc. 2. Dans certains jeux
Supprimer un mot en le rayant de barres (Aymé). Ouvrir une porte à deux bat-
(base-ball, cricket, etc.), bâton renflé ou
verticales (rare) : Il vise, il paraphe, il tants, l’ouvrir toute grande : Un matin
maillet à long manche servant à renvoyer
bâtonne (Pourrat). de décembre, le maître de la maison, levé
la balle. (On écrit aussi BAT n. m. [forme
au petit jour, trouva la porte du logis [...]
• SYN.: 2 barrer, biffer, raturer. anglaise].) 3. Sabre de bois que porte
ouverte à deux battants (Hugo). 3. Partie
traditionnellement Arlequin. 4. Petit
bâtonnet [btn] n. m. (dimin de bâton ; mobile de divers appareils ou machines,
banc sur lequel les blanchisseuses battent
1260, Br. Latini). 1. Petit bâton. 2. Ce qui notamment d’un métier à tisser : Un bon
et savonnent le linge.
a la forme d’un petit bâton. Spécialem. ferrandinier [tisserand] ne lâche ni sa
En biologie, nom donné à certains corps navette ni son battant (Béraud). 4. Pièce battée [bate] n. f. (de battre ; 1694, Th.
microscopiques cylindriques, à certains principale d’un loquet en fer, celle que Corneille). Partie du châssis contre laquelle
bacilles, etc. : Bâtonnets de la rétine. l’on soulève et qui ferme en retombant. bute le battant d’une porte ou d’une fenêtre.

bâtonnier [btnje] n. m. (de bâton ; 5. Battant d’un pavillon, longueur de


battellement [batlm] n. m. (origine
1332, Delboulle, au sens de « porteur de la la partie libre, flottante, d’un pavillon de
obscure ; 1690, Furetière). Double rang de
bannière d’une confrérie »). Avocat élu pour marine. 6. Arg. Le coeur : C’est pas un
tuiles placé au bas d’un toit.
un an comme chef de l’ordre des avocats battant qu’elle a dans la poitrine [...], c’est
• SYN.: avant-toit, égout.
inscrits près d’une cour ou d’un tribunal. une pierre (Bourdet). L’estomac : Avec
(Au Moyen Âge, il portait la bannière de ça, la peur, rien dans le battant depuis le battement [batm] n. m. (de battre ; fin
saint Nicolas.) matin (Daudet). La langue. du XIIe s., Reclus de Moiliens).
• SYN.: 2 vantail ; 4 clenche.
bâtonniste [btnist] n. m. (de bâton ; I. 1. Action de battre, coup, choc géné-
XIXe s.). Vx. Celui qui pratique l’escrime 2. battant, e [bat, -t] adj. (part. prés. ralement répété ; bruit ainsi produit : Un
au bâton : Il savait la savate et le chausson, de battre ; XIIe s.). 1. Qui bat plus fort, plus battement de portière, des chevaux qui
et il était un excellent bâtonniste (Hugo). vite : Le coeur battant. Il m’écoutait, l’oeil piaffent, s’enlèvent, et l’ombre que faisait
fou, les paupières battantes (Courteline). la voiture devant la croisée s’en va comme
batraciens [batrasj] n. m. pl. (formé un mauvais rêve (Daudet). L’écho incon-
Pluie battante, pluie qui tombe avec vio-
d’après le gr. batrakhos, grenouille ; fin du nu nous jetait [...] le battement rapide
lence : Son regard tout à coup s’engouffra
XVIIIe s.). Classe d’animaux vertébrés à peau
dans la profondeur des lumières d’une large du tambour (Maupassant). Le battement
nue, amphibies, à respiration branchiale régulier des rames qui frappent l’eau.
rue ; bien que voilée par la pluie battante,
ou pulmonaire, à température variable,
elle conservait dans son esprit sa perspective Battement de mains, action de frap-
et qui subissent des métamorphoses : Le per les paumes des mains l’une contre
(Malraux). Tambour battant, au son du
crapaud, la grenouille, la salamandre sont
tambour. Fig. Mener quelqu’un tambour l’autre pour applaudir. 2. Spécialem.
des batraciens. (Syn. AMPHIBIENS.) En escrime, action de frapper d’un coup
battant, le mener vivement, rondement,
battage [bata] n. m. (de battre ; 1329, sans lui accorder de répit : Nous le ferons sec, avec son arme, le fer de son adver-
Godefroy ; au sens 3, 1866, Delvau). marcher tambour battant, soyez tran- saire. 3. Par extens. Mouvement rapide
1. Action de battre les tiges de certains quille (Flaubert). Fam. et vx. À l’heure de quelque chose qui bat et bruit qui en
végétaux pour détacher les graines des épis, battante, à l’heure précise. Battant neuf, résulte : Toute sa mince personne bravant
des gousses, etc. : Le battage des céréales. qui a l’éclat du neuf, comme le métal fraî- la destinée, les yeux sans un battement,
Action de battre pour nettoyer : Le bat- chement battu : On est fatigué de ces édi- le visage têtu (Zola). Je m’interrompis
tage des tapis. Action de battre l’or au fices battant neufs [...], égayés de peintures pour regarder et montrer à Albertine un
marteau pour le transformer en feuille antiques si fraîches (Nerval). [Dans cette grand oiseau solitaire et hâtif qui, loin
mince. 2. Action de brasser pour cer- expression, battant peut ou non s’accor- devant nous, fouettant l’air du battement
taines fabrications : Le battage du beurre. der.] 2. Se dit d’un objet en partie mobile, de ses ailes... (Proust). Parfois, quand la
3. Fig. et fam. Réclame, publicité tapa- qui va et vient ou qui frappe çà et là : On pensée était subtile, elle approuvait d’un
geuse autour de quelqu’un ou de quelque descendit le boulevard au grand trot, les battement des cils (Martin du Gard).
chose : Mais le battage de l’éditeur fera palonniers battants, les traits flottants Dans la nuit feuillue, son pas éveillait
qu’on lira beaucoup plus Radiguet qu’on (Flaubert). Une grappe de choses battantes par moment un court battement d’ailes
n’a jamais lu Gobineau (Gide). Je pensais lui pend aux flancs, cartouchières, bidon, (Chardonne). En termes de danse,

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GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

mouvement rapide de la jambe lancée de campagne. Une batterie de 75. Une égrener les céréales ou d’autres plantes par
d’une position à l’autre, en ligne directe. batterie de D. C. A. Batterie de côte, l’effet de chocs répétés : La batteuse au ron-
4. Pulsation rythmique du coeur et de ouvrage de fortification et bouches à flement qui s’enfle avait cessé de tourner
certains organes : Battement des artères. feu qui y sont logées en vue de défendre (Jammes). 2. Appareil servant à réduire
Il se pencha sur l’enfant, chercha une une côte. 2. Dans la marine, rangée de les métaux en feuilles.
fois encore les battements du pouls qui canons, et, par extens., lieu où les canons
battitures [batityr] n. f. pl. (de battre ;
était extrêmement faible, donna tout bas sont installés : La batterie basse et la bat-
1573, J. Liebault, Secrets de médecine et
quelques instructions à la garde (Martin terie haute des vaisseaux de la marine à
philosophie chimique). Parcelles d’oxyde
du Gard). (au plur.) Pulsations pré- voile. En batterie, en position de tir :
de fer qui jaillissent pendant le forgeage
cipitées du coeur, d’origine émotive ou Un moment après, la pièce était en batte-
des pièces.
pathologique : Frédéric, jamais las de rie (Hugo). 3. Unité administrative de
cette épopée, écoutait avec des battements l’artillerie comprenant les canons, le ma- battoir [batwar] n. m. (de battre ; 1307,
de coeur (Aymé). 5. Spécialem. Bruit tériel et les servants. 4. Par anal. Grou- Delboulle). 1. Large et épaisse palette de
produit par un battement quelconque : pement d’éléments générateurs de cou- bois avec laquelle les laveuses frappent
Toutes deux [les cloches] redoublaient rant électrique : La batterie d’une voiture. le linge : La laveuse [...] s’arrête quand
leurs battements secs et cuivrés (Flaubert). La batterie est en charge. 5. Ensemble elle l’entend [le pigeon], le battoir en l’air
Bruit émis au passage d’une dent de la d’instruments de même nature destinés (Claudel). 2. Palette utilisée au jeu de
roue d’échappement, dans un mouve- à fonctionner ensemble, ou d’éléments paume. 3. Fig. et fam. Main large et forte
ment d’horlogerie : Le battement de la qui se complètent : Une batterie de pro- (généralement au plur.) : On a de bons bat-
pendule, d’un métronome. 6. Intervalle jecteurs. Batterie de cuisine, ensemble toirs pour applaudir le président (Aragon).
de temps disponible entre deux tâches, d’ustensiles de cuisine en métal : Le long [batli] n. f. (de Battos,
battologie
ou temps dont on peut disposer avant des murs s’étendait une abondante batte- roi de Cyrène qui était bègue, et de
de faire quelque chose : Nous aurions un rie de cuisine (Flaubert) ; pop., ensemble logos, discours ; 1576, R. de la Planche).
battement d’une heure cinquante avant important de décorations. Accumulation fastidieuse et fautive de
l’autobus (Pourrat). batteries n. f. pl. Fig. Plan d’action, mots exprimant la même chose. (Rare.)
mesures prises pour faire réussir une • SYN.: pléonasme, tautologie.
II. Battement d’une porte, d’une fenêtre,
montant fixe, recevant le montant de entreprise : Dresser, dévoiler, changer ses
batteries. battre [batr] v. tr. (du lat. pop. battuere,
la porte, de la fenêtre ; petite moulure
puis battere, battre ; XIe s.). [Conj. 48.]
rapportée sur toute la longueur d’un des
• SYN. : dispositions, manigances (fam.),
battants d’une porte pour cacher le joint. manoeuvres, préparatifs. I. Donner des coups répétés à une per-
Battement de persienne, petite pièce sonne ou à un animal : Essayez de la
batteur [batoer] n. m. (de battre ; fin du
métallique située en avant de la fenêtre et prendre par la douceur ; elle en est telle-
XIIe s.).
arrêtant le contrevent. ment privée, la pauvre petite, dans cette
I. 1. Vx. Celui qui bat, aime à battre maison où on la bat (Radiguet). Battre
• SYN.: I, 1 martèlement, tambourinement,
les autres : Il vient un jour où le battu quelqu’un comme plâtre, le frapper lon-
tapotement (fam.) ; 3 cillement, frémisse-
reconnaît en effet le batteur (Bourget). guement et violemment (par allusion
ment, clignement ; 6 pause.
2. Ouvrier dont le travail consiste à au plâtrier qui écrase son matériau).
batterie [batri] n. f. (de battre ; fin du battre certaines matières pour les écraser, Battre jusqu’au sang, battre de façon
XIIe s., au sens de « action de [se] battre » ; les assouplir, les amincir, etc. : Batteurs cruelle.
au sens II, 1, XVe s. ; aux sens I, 3 et II, 4, d’or. Vx. Batteurs en grange, ouvriers
II. 1. Vaincre l’ennemi dans une guerre
début du XIXe s.). agricoles qui frappaient à grands coups
ou dans une bataille : Les Allemands ont
de fléau les épis pour en détacher le
I. 1. Class. Bataille à coups de poing, rixe été battus à Stalingrad. Battre à plate
grain : Les batteurs en grange fourraient
(encore pop. au XIXe s.) : Vous battez-vous couture, vaincre totalement (par allusion
du blé dans leur cruche à boire [pour le
avec Adhémar, de ces batteries qui me aux coutures qu’on bat pour les aplatir).
voler] (Flaubert). 3. Celui qui joue d’un
font demander : « Mais que voulez-vous 2. Vaincre un adversaire dans une lutte
instrument de musique à percussion :
donc ? » (Sévigné). On a eu, il n’y a pas pacifique, une épreuve sportive ; sur-
Batteurs de tambourins, joueurs de flûtes,
longtemps, une grande batterie à cause passer un concurrent : Je ne pouvais le
| Émyrs et mendiants, et captifs étrangers,
d’elle (Sand). 2. Manière de battre battre qu’avec ses armes (Gide). Battre
| La multitude va, vient, s’agite et se mêle
du tambour. À la guitare, manière un record, dépasser les meilleurs résultats
(Leconte de Lisle). Spécialem. Celui qui
de jouer en frappant les cordes avec ses jusqu’alors obtenus.
tient la batterie dans un orchestre de jazz.
doigts au lieu de les pincer. Dans les
4. Vx. Batteur d’estrade, soldat chargé III. 1. Frapper quelque chose à coups
instruments à cordes, suite d’arpèges à
de reconnaissances sur les routes : Or les répétés, le plus souvent à l’aide d’un ins-
notes détachées. Par extens. Vocalise
seigneurs [...] | Restaient l’épée oisive et trument, en vue d’obtenir un résultat
brillante, trille, dans la musique vocale.
la cape en lambeaux | Quoique tous bons déterminé. Battre le blé, le grain, frap-
3. Ensemble des instruments de per-
marins ou vieux batteurs d’estrade (Here- per les épis pour en faire tomber le grain :
cussion dans un orchestre : Tenir la bat-
dia) ; par extens., vagabond qui court les Ils [...] regarderaient faire le beurre, battre
terie. 4. Dans les fusils à pierre, partie
chemins, la campagne. Vx. Batteur de le grain (Flaubert). Battre le briquet,
de l’arme qui contenait le percuteur :
fer, ferrailleur, spadassin. Fam. Batteur heurter vivement une pierre avec un mor-
Mon mari me fit passer la première, puis il
de pavé, celui qui passe son temps à cou- ceau d’acier pour que jaillisse l’étincelle ;
arma lentement son fusil et le claquement
rir les rues. au fig., en parlant d’un cheval, heurter
sec des batteries me produisit un effet
fréquemment du pied en marchant ou
étrange (Maupassant). La batterie de l’un II. 1. Rouleau tournant à grande vitesse
heurter ses chevilles l’une contre l’autre :
des fusils ayant accroché le banc, un coup dans la batteuse. 2. Petit appareil de
Un trot de cheval fatigué qui bat le briquet
de feu partit (Villiers de L’Isle-Adam). cuisine destiné à battre diverses subs-
(Flaubert). Battre le fer, frapper le fer au
tances : Un batteur à oeufs.
II. 1. Réunion d’un certain nombre de marteau sur l’enclume pour le forger : Le
pièces d’artillerie et du matériel néces- batteuse [batøz] n. f. (de battre ; 1866, maréchal et son ouvrier, l’un soufflant la
saire à leur fonctionnement : Batterie Larousse). 1. Grande machine qui sert à forge, l’autre battant le fer, jetaient sur le

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GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

mur de grandes ombres brusques (Alain- ner l’assaut à l’arme blanche. Battre le uns derrière les autres (Martin du Gard).
Fournier). Fig. Il faut battre le fer pen- rappel, rassembler tous les hommes ; au Un navire battant pavillon amiral, un
dant qu’il est chaud, il ne faut pas attendre fig., réunir toutes les forces possibles : navire sur lequel est embarqué l’amiral
pour exécuter quelque chose, il faut saisir Quand la vengeance bat son infernal rap- commandant la flotte et qui arbore une
l’occasion propice. Battre monnaie, fa- pel | Et de nos facultés se fait le capitaine marque distinctive.
briquer des pièces de monnaie. Battre (Baudelaire). Arg. Battre la dèche, être • SYN. : I cogner (pop.), corriger, frapper,
un vêtement, un tapis, etc., le frapper pour dans la misère. Fig. Battre et rebattre passer à tabac (pop.), rosser (fam.), rouer de
le débarrasser de la poussière. Battre les oreilles de quelqu’un, le fatiguer par coups, tabasser (pop.), talocher, taper (pop.).
la semelle, frapper le sol avec les pieds, des rabâchages. 5. Battre la mesure, II, 1 anéantir, défaire, écharper, enfoncer,
sur place, pour se réchauffer : Battant la indiquer la mesure par des gestes, sou- tailler en pièces ; 2 avoir (fam.), dépasser,
semelle, ils écoutaient Boujardon (Alain- ligner le rythme d’un morceau : Battre devancer, écraser, gagner, l’emporter sur,
Fournier). Battre froid à quelqu’un, le la mesure avec une baguette, en frappant surclasser, triompher de. III, 2 brouil-
traiter avec froideur : Jamais aucun des le sol du pied. 6. Battre l’air, faire des ler, mêler, tourner ; 8 heurter ; canonner,
livres d’Édouard n’a fait lever tant d’ar- mouvements rapides, violents et souvent pilonner.
ticles ; aussi bien Édouard n’a jamais rien désordonnés : Cabré, de ses deux pieds
v. intr.
fait pour s’attirer les bonnes grâces des cri- convulsifs battant l’air, [...] | L’étalon fuit
tiques. Si ceux-ci lui battent froid, peu lui dans l’ombre ardente de l’enfer (Leconte I. Avec le sens ancien de « combattre »,
importe (Gide). 2. Frapper, agiter pour de Lisle) ; spécialem., agiter les bras au entre dans quelques expressions.
mélanger. Battre les oeufs en neige, la moment d’une chute, en essayant de se Battre en retraite, se retirer en combat-
mayonnaise, etc., les frapper rapidement redresser : On vit un vieillard battre l’air tant. Fig. Faire battre des montagnes,
pour leur donner la consistance voulue. de ses bras et tomber raide mort dans sa provoquer, par de funestes bavardages,
Battre le champagne, frapper le vin de cent huitième année (Aymé). 7. Battre des brouilles et des disputes : Sa corrup-
Champagne à petits coups rapides pour sa coulpe, se frapper la poitrine en recon- tion semblait ne pas avoir de bornes ; elle
en chasser le gaz. Battre les cartes, les naissant sa faute, en signe de repentir ; au devait, comme dit le peuple, savoir faire
faire glisser prestement les unes parmi les fig., regretter une erreur. 8. Attaquer battre des montagnes (Balzac).
autres pour les mêler. 3. Battre les buis- avec une machine de guerre, des projec-
II. 1. Produire des mouvements rapides
sons, les halliers, les heurter pour en faire tiles : Battre les murailles avec un bélier.
et répétés avec les membres : Battre des
sortir le gibier, et, par extens., parcourir En parlant de l’artillerie ou des projec-
mains, des pieds. Battre des ailes. Fig.
en cherchant : Imaginez Diane en galant tiles, heurter violemment et sans relâche
Battre des mains, exprimer son approba-
équipage | Parcourant les forêts ou battant pour faire céder les défenses de l’ennemi :
Des deux pièces qui battaient maintenant tion, sa joie : Jesautais de joie, je lui battais
les halliers (Baudelaire). Battre le pays,
la barricade de la rue de la Chanvrerie, des mains (Vigny). Fig. Battre de l’aile,
l’explorer en tous sens pour en découvrir
l’une tirait à mitraille, l’autre à boulet ne plus battre que d’une aile, être mal en
les ressources : Les gros marchands qui
(Hugo). Battre en brèche, frapper une point, être sur le point de mourir, et, par
battent le pays pour faire provision de
muraille à coups de canon pour y ouvrir extens., péricliter, en parlant d’une entre-
foin, de blé, de bestiaux, de vins, de cidre,
une brèche ; au fig., détruire l’influence prise. 2. Être animé de mouvements
de cocons (Achard). Battre la cam-
ou combattre l’action de quelqu’un. vifs et répétés : Sur l’oeil vairon battaient
pagne, aller deçà delà à travers champs :
des paupières enflammées (Montherlant).
Nous traversâmes des blés parmi lesquels IV. 1. En parlant d’une chose, heur-
Spécialem. En parlant du coeur, des
serpentaient des sentiers à peine tracés. ter fréquemment et violemment contre
artères, etc., être animé de pulsations : Le
Les patrouilles françaises et autrichiennes une autre chose : Il m’emmena donc sur
pouls bat faiblement. Les tempes battent.
battaient la campagne ; nous pouvions une roche en promontoire dont la vague
En parlant du coeur, être animé de
tomber dans les unes et dans les autres, ou venait battre le pied (Gide) ; et absol. :
pulsations accélérées provoquées par
nous trouver sous le pistolet d’une vedette Elle s’y connaissait en coups, en insultes,
(Chateaubriand) ; fig. et vx, s’éloigner de une émotion : Le coeur me bat. Revoir
en farces sinistres. Ceux de la chambre
l’essentiel : Alors le gentilhomme battit celui qu’elle avait vu officier, de nuit, chez
la changeaient ; ils évoquaient les vagues
la campagne ; il parla de Mlle Vatnaz, de elle, dans de si tragiques circonstances,
qui battent, le vent qui gifle (Cocteau).
l’Andalouse et de toutes les autres. Enfin, lui faisait battre le coeur (Renan) ; et au
Battre son plein, en parlant de la marée,
avec beaucoup de périphrases, il exposa fig., être animé d’un sentiment tendre ou
atteindre son niveau le plus élevé ; au fig.,
le but de sa visite (Flaubert) ; par extens., passionné : Voici des fruits, des fleurs, des
atteindre son maximum, être au point
parler de façon incohérente, déraisonner, feuilles et des branches, | Et puis voici mon
culminant de son activité : Le marché bat
divaguer. Battre le pavé, errer par les coeur, qui ne bat que pour vous (Verlaine).
son plein. Les fêtes battaient leur plein.
rues, sans but ni occupation. 4. Battre 2. Agiter par à-coups : Car, lorsque 3. Frapper à coups répétés contre,
la caisse, le tambour, et, intransitiv., l’aquilon bat ses flots palpitants | L’océan donner fortement contre : La pluie bat
battre du tambour, de la caisse, faire convulsif tourmente en même temps | Le contre les vitres. 4. Faire sentir son
résonner le tambour en le frappant avec navire à trois ponts qui tonne avec l’orage action, son effet : Artillerie qui bat à tant
des baguettes. Fig. Battre la caisse,faire (Hugo). 3. Entrer fréquemment en de kilomètres. Soleil qui bat d’aplomb.
une publicité tapageuse. Par extens. contact avec quelque chose, en parlant 5. Être animé d’un mouvement de va-
En parlant de l’instrument, exécuter cer- d’un objet animé d’un mouvement de et-vient : Volet qui bat. Le cabinet des
taines batteries déterminées : J’entendis balancement : Il se voyait vêtu de bure, archives, plein de mouches mortes, d’af-
des tambours qui battaient une marche avec une retombée de cordelière qui lui fiches battant au vent (Alain-Fournier).
(Nerval). Battre la breloque, donner battait les jarrets (Aymé). 4. Battre pa- 6. Retentir, en parlant d’une batterie de
le signal de rompre les rangs ; au fig., villon, arborer à l’un des mâts un pavillon tambour : Le rappel battait. Battre aux
ne plus raisonner de façon cohérente, indiquant la nationalité, l’importance du champs, annoncer le commencement et
devenir gâteux. Battre la chamade, navire : Tous les attachés des armées et des la fin d’une cérémonie solennelle par un
annoncer la capitulation ; au fig., agir marines d’Europe, solennellement invités roulement de tambour : Des sonneries de
de façon désordonnée ; spécialem., en à venir voir, pendant six heures d’hor- clairons éclataient, les tambours battaient
parlant du coeur, battre à grands coups loge, défiler sous leur nez des navires de aux champs, au moment où le prêtre le-
irréguliers. Battre la charge, ordon- guerre battant pavillon britannique, les vait l’hostie (Daudet).

387
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN.: II, 3 cingler, fouetter ; 4 frapper ; 5 surpassé, qui n’a pas obtenu la victoire : lévriers d’attache et douze paires de chiens
se balancer, brandiller (fam.), bringuebaler, Un adversaire battu. bauds (Hugo).
claquer, flotter, osciller.
II. 1. Se dit de ce qui a été battu au moyen 2. baud [bo]n. m. (de Baudot, n. pr. ;
se battre v. pr. 1. Se battre contre milieu du XIXe s.). Unité de vitesse dans les
d’un instrument, en vue d’un résultat
quelqu’un, pour quelqu’un, avec quelqu’un,
défini : Cuivre battu. Des couverts de fer transmissions télégraphiques, correspon-
combattre contre lui, pour lui, à ses côtés : dant à la transmission d’un point Morse
battu. Terre battue, sol foulé, durci,
Des types qui se sont battus pour le pape, tassé par les pieds : Le plancher consis- par seconde.
avant 70 (Mauriac). Se battre contre tait en terre battue (Gautier). Fig. Che-
quelque chose, pour quelque chose, agir baudelairien, enne [bodlrj, -n] adj.
mins, sentiers battus, manières de penser,
énergiquement contre cette chose, en 1. Qui concerne la personne, l’oeuvre ou
de raisonner, de vivre sans originalité,
faveur de cette chose : Se battre pour plus les sentiments de Baudelaire : Nous avons
parce que très courantes : On n’aime trop vu de ces intellectuels adorant l’Art
de justice sociale. Fig. Se battre contre
guère, nulle part, les tempéraments fou- avec un grand A ; [...] devenus éthéromanes
des moulins à vent, engager une lutte
gueux, amoureux fous de la vérité, qui la par dévotion baudelairienne, ils ne seraient
vaine contre des adversaires imaginaires
cherchent dans des chemins peu battus plus capables de l’effort viril que la patrie
(par allusion à un épisode célèbre du
(Gobineau). 2. Yeux battus, yeux en- peut un jour ou l’autre leur demander,
Don Quichotte de Cervantès). 2. Livrer
tourés d’un cerne bleuâtre, dû à la fatigue anesthésiés qu’ils sont par la grande névrose
bataille les uns contre les autres, se frapper
ou au chagrin : Hauteclaire, à la beauté littéraire (Proust). 2. Qui ressemble à la
mutuellement : Gérard les suppliait [...] de
immobile, avait les yeux battus, pas bat- poésie, aux sentiments de Baudelaire.
ne pas se battre ni se poursuivre en bran-
tus comme on les a quand ils ont pleuré
dissant des chaises (Cocteau). Se battre baudet [bod] n. m. (de l’anc. franç.
[...], mais ils l’étaient comme quand on
en duel, ou, absol., se battre, se rencontrer bald, baud, hardi, plein d’ardeur [V. BAUD
a beaucoup veillé (Barbey d’Aurevilly).
dans un duel : Le comte lui donna un souf- 1] ; milieu du XVIe s., comme n. commun,
3. Pas battu, ou battu, n. m., pas de
flet, l’on se battit aussitôt (Stendhal) ; et, au sens 1 ; 1534, Rabelais, comme n. pr.).
danse accompagné de battements : La
fig. et fam., se trouver en tout petit nombre, 1. Âne reproducteur. 2. Nom familier
seule attache familiale qui restât à cette
comme des duellistes : Ce pauvre petit salon de l’âne en général : À ces mots on cria
vieille salamandre en retraite après trente
avec sa fenêtre unique et ses trois meubles haro sur le baudet (La Fontaine). Fam.
ans de « battus » dans les flamboiements
qui se battent (Romains). 3. Par exagér. Être chargé comme un baudet, avoir une
du gaz (Daudet).
Se quereller ou rivaliser ardemment pour charge excessive. 3. Vx et fam. Appliqué
n. Personne qui a été vaincue, surpas-
obtenir quelque chose : La lune, le soleil et à l’homme, désigne un individu stupide et
sée, éliminée : Les battus paient l’amende borné : Ce baudet n’a pas le sens commun
les étoiles se battent pour entrer dans mes
rimes (Musset). 4. Se battre la poitrine, (proverbe). (Hugo). 4. Tréteau utilisé par les scieurs
se frapper la poitrine en signe de repen- battue [baty] n. f. (part. passé fém. de de long. (Syn. CHEVALET.)
tir. Se battre les flancs, en parlant d’un battre, employé substantiv. ; début du baudrier [bodrije] n. m. (de l’anc. franç.
animal, frapper nerveusement ses flancs XVIe s.). 1. Action de battre bois et taillis baldrei [XIIe s.], par changement de suff.,
avec sa queue ; au fig., en parlant d’une pour en faire sortir le gibier : Faire, orga- sans doute de la racine germ. *balt, du lat.
personne, faire inutilement beaucoup d’ef- niser une battue. 2. Chasse où le gibier balteus, bande ; 1387, Godefroy). Bande de
forts : Au surplus, j’ai beau me battre les est rabattu vers les chasseurs établis à poste cuir ou d’étoffe que l’on porte en écharpe
flancs pour arriver à l’exaltation alpine des fixe : Nous étions conviés, dans une ferme et qui soutient un sabre, une épée, un
écrivains de montagne, j’y perds ma peine voisine, à une de ces battues où l’on pour- tambour : La grande majorité des hommes
(Chateaubriand). Fig. et fam. S’en battre chassait périodiquement les lapins (Gracq). appartenait à l’armée : sanglés dans leurs
l’oeil, se moquer éperdument de quelque
bau [bo] n. m. (du francique *balk, baudriers bien cirés, ils plastronnaient,
chose, n’en avoir aucun souci : Il mène une la tunique barrée de rubans multicolores
vie de Sardanapale avec une fille d’opéra, poutre ; XIIIe s., Conquête de Jérusalem,
écrit balc). 1. Vx. Chacune des poutres (Martin du Gard). Zelten repassa sous la
mange la grenouille d’un journal et coûte porte de la Victoire, séparé de moi main-
transversales maintenant l’écartement
encore douze mille francs à notre mère. tenant par un cortège d’étudiants en
Certes, pour ce qui me regarde, je m’en bats des murailles d’un navire et supportant
autos, équipés de rapières et de baudriers
l’oeil ; mais Philippe mettra la pauvre femme les ponts. Maître bau, poutre traver-
(Giraudoux).
sur la paille (Balzac). Ça m’est égal de ne sant le navire dans sa plus grande largeur.
2. Dimension d’un navire en largeur : baudroie [bodrwa] n. f. (provenç. bau-
pas écouter la pièce. Vous voyez bien que le
patron lui-même s’en bat l’oeil (Duhamel). La galiote avait quelques-uns des incon- droi, d’une racine baudr-, boue [d’origine
vénients et quelques-unes des qualités de inconnue], ce poisson se tenant sur les fonds
• SYN. : 1 guerroyer, lutter ; 2 se bagarrer
la panse [...]. Elle avait trop de bau pour sa vaseux ; 1562, Du Pinet). Poisson comes-
(fam.), se colleter, se coltiner (pop.), se
longueur (Hugo). tible, à tête et gueule énormes, commun
tabasser (pop.) ; 3 s’acharner, batailler, se
• Pl. des BAUX. sur les côtes françaises, et vendu sous le
débattre, se démener, disputer, s’escrimer.
nom de lotte.
• SYN.: 1 barrot.
battu, e [baty] adj. (part. passé de battre).
[bo] n. f. (du gaulois *balcos, fort, baudruche [bodry] n. f. (origine incon-
bauche
I. 1. Se dit d’une personne ou d’un animal nue ; 1690, Furetière, écrit bodruche ; bau-
d’après l’irland. balc, même sens, appliqué
qui a reçu de nombreux coups : Un enfant druche, milieu du XVIIIe s.). 1. Pellicule
aux terres argileuses, qui durcissent en
battu. Emilie s’affairait avec la bonne préparée avec le gros intestin du boeuf
séchant ; XIVe s., G. de Machaut, au sens
volonté d’un chien battu qui cherche à et du mouton, utilisée pour la fabrica-
de « pisé »). 1. Dialect. Boue argileuse.
rentrer en grâce (Aymé). Avoir l’air tion de divers objets que l’on gonfle : Le
2. Plante des marais, sorte de roseau,
d’un chien battu, avoir un air humble et ballon de Pilâtre de Rozier était composé
utilisée comme litière ou comme engrais.
craintif. Fam. Cocu, battu et content, d’une enveloppe de baudruche comprise
se dit de celui qui accepte de façon peu 1. baud [bo] adj. et n. m. (anc. franç. entre deux toiles de soie. 2. Ballon
digne, mais résignée, les injustices du balt, du germ. bald, hardi ; XIVe s.). Vx. Se en baudruche, jouet d’enfant. 3. Fig.
sort. 2. Qui a été vaincu dans une ba- dit d’une race de chiens courants utilisés S’applique à l’homme, soit pour désigner
taille : Une division battue. 3. Qui a été autrefois pour la chasse à courre : Cent un individu à l’aspect empâté et flasque,

388
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

soit pour qualifier un caractère veule, un baumé [bome] n. m. (de Baumé, n. pr. ; à vivre (Camus). 3. Spécialem. Propos
personnage dont le prestige est surfait : 1922, Larousse). Aréomètre dû au chimiste médisants, indiscrétions : M. Goriot justifia
La plupart des renseignements dont cette Baumé. les bavardages dont il était l’objet (Balzac).
baudruche de Victor Cousin fit un si plat 4. Texte qui ne contient que des mots et
baumier [bomje] n. m. (de baume 1 :
usage (Huysmans). 4. Fig. Idée, doctrine pas d’idées : Ce livre n’est qu’un perpétuel
XIIIe s., Chanson d’Antioche). Syn. de
sans consistance, facile à réfuter, à détruire. bavardage.
BALSAMIER : La pente des monticules de
bauge [bo] n. f. (var. de bauche [v. ce Saint-Pierre est plaquée de baumiers, • SYN.: 1 babillage, caquetage ; 2 causette
mot] ; 1489, R. Gaguin). 1. Mortier d’argile d’amélanchiers, de palomiers, de mélèzes, (fam.), papotage, parlote ; 3 bruit, cancan,
mêlée de paille, utilisé pour la construction de sapins noirs, dont les bourgeons servent commérage, potin (fam.), racontar (fam.),
en pisé : Le jardin, plus long que large, allait à brasser une bière antiscorbutique ragot (fam.) ; 4 baratin (pop.), blabla
entre deux murs de bauge couverts d’abri- (Chateaubriand). (fam.), phraséologie, verbiage. — CONTR. :
cots en espalier, jusqu’à une haie d’épines 1 mutisme, silence ; 3 discrétion.
bauquière [bokjr] n. f. (de bau ; 1579,
qui le séparait des champs (Flaubert). bavarder [bavarde] v. intr. (de bavard ;
Delboulle). Ceinture intérieure d’un navire,
2. Gîte fangeux du sanglier : Le déboi- servant à relier les couples entre eux et à 1539, C. Gruget). 1. Parler abondamment,
sement a tristement dévasté la vieille bauge tenir des propos futiles : Les gens de
soutenir les baux par leurs extrémités.
du sanglier des Ardennes (Hugo). Lieu Liancourt laissèrent bavarder les hommes
où gîtent divers animaux (porc, lièvre, bauxite [boksit] n. f. (du village des Baux-
de loi (Duhamel). Péjor. Substituer la
écureuil, etc.) : Les bauges des lièvres et de-Provence [Bouches-du-Rhône], où l’on
parole à l’action : On bavardait au sénat
les petits sillons de sable où les lapins ont trouva le premier gisement ; 1847). Roche
pendant que Catilina s’apprêtait à incen-
gratté (Alain-Fournier). Ô parfums des sédimentaire rougeâtre, exploitée comme
dier Rome. 2. Parler librement, à bâtons
luzernes séchées ! âcres senteurs de la bauge minerai d’aluminium : Un gisement, une
rompus : Déshabillés et dans leur lit, ils
aux pourceaux, de l’écurie ou de l’étable mine de bauxite.
bavardèrent quelque temps (Flaubert).
(Gide). 3. Fig. Demeure rudimentaire et bavard, e [bavar, -ard] adj. et n. (de 3. Parler indiscrètement : Les deux
sale : On trouva même une sorte de bauge, bave, au sens de « babil » ; XVe s.). 1. Qui femmes [...] bavardaient, supposaient des
dans les lavandes, et d’où on pouvait nous parle beaucoup : La grand-mère était un choses (Maupassant).
guetter (Giono). peu bavarde (Alain-Fournier). Si Laudrel • SYN.: 1 bavasser (fam.), discourir, jaboter,
• SYN.: 2 souille ; 3 bouge, taudis. était silencieux, Ginest n’était pas bavard
jacasser ; 2 causer, converser, tailler une
(Duhamel). Spécialem. Dans le langage bavette (fam.), papoter ; 3 cancaner, jaser.
bauger (se) [sboe] v. pr. (de bauge ;
scolaire, se dit de l’enfant qui parle avec
XVIe s.). 1. Se mettre dans sa bauge, en — CONTR. : se taire.
ses voisins au lieu d’écouter le maître.
parlant des animaux. 2. Se cacher, se
2. Qui fait des phrases creuses, qui bavarderie [bavardri] n. f. (de bavar-
terrer, en parlant de l’homme : Un vieil
parle abondamment et inutilement : Un der ; av. 1570, Amyot). 1. Class. Manie de
ermite, baugé dans l’enceinte des grands
orateur bavard. Spécialem. Se dit d’un bavarder. 2. Class. Propos de bavard :
mélèzes (About). Il y eut des soldats [...]
écrivain verbeux, prolixe : Les poètes, les Que V. M. I. daigne agréer les bavarderies
qui se sauvèrent aussi loin ! [...] Cachant
seuls qui méritassent ce beau nom, prodigué de l’ermite du mont Jura (Voltaire).
leurs blessures sous des habits volés, ils se
par la presse et les académies à des bavards
baugeaient dans les fenils d’herbage, où bavarois [bavarwa] n. m. (ancienn. fro-
affamés de vanité et d’argent (Rolland).
beaucoup moururent (La Varende). mage bavarois, d’origine obscure ; Carême,
3. Qui commet des indiscrétions, qui
• SYN.: 2 se dissimuler, s’embusquer. début du XIXe s.). Entremets froid, composé
parle de façon déplacée : Une personne trop
de crème anglaise, de parfums divers et
1. baume [bom] n. m. (lat. balsamum, bavarde pour qu’on puisse lui confier un
d’un peu de gélatine.
du gr. balsamon ; XIIe s., écrit basme ou secret. Méfiez-vous, c’est un bavard.
balme). 1. Plante odoriférante, variété de • SYN. : 1 babillard, loquace, rabâcheur ; bavaroise [bavarwaz] n. f. (de bava-
menthe : Elle rencontra une bordure de 2 discoureur, phraseur, prolixe, verbeux ; rois ; 1743, Trévoux). Infusion à base de
baume et n’en laissa pas une feuille (Zola). 3 causeur, commère, indiscret, jaseur. — thé, de sirop de capillaire et de lait, mise
2. Substance résineuse qui coule de CONTR. : 1 muet, silencieux, taciturne ; à la mode au café Procope par des princes
certains arbres, employée à divers usages 2 bref, concis, laconique, télégraphique ; de Bavière : C’était un événement rare
industriels (baume du Canada) ou pharma- 3 discret, réservé, secret. de voir une provinciale ou une étrangère
ceutiques (baume de Tolu). 3. Onguent adj. Littér. Caractérisé par des mots prendre une bavaroise au-dedans du café
analgésique et cicatrisant : Le baume superflus : Il promenait de salon en salon, de Foy (Goncourt). De petits cafés où l’on
« de Fierabras » est souvent cité dans les le long des jours et des soirs, son activité va prendre une bavaroise sans être intimidé
romans médiévaux de chevalerie. Mettre du éclairée, inutile et bavarde (Maupassant). par les glaces encadrées d’or et les sièges
baume sur une blessure. 4. Saint baume, Et il écoutait, de l’air froid et absorbé qu’il rouges de l’établissement du genre napo-
baume bénit entrant dans la préparation du gardait maintenant, les paroles bavardes litain (Proust). Auj. Boisson chaude ou
saint chrême. 5. Fig. Ce qui apporte un dont Sandoz essayait de l’égayer (Zola). froide, généralement battue et aromati-
apaisement à une douleur d’ordre moral. bavard n. m. 1. Arg. Avocat. 2. Arg. sée : Bavaroise au café, au marasquin, au
Mettre un baume sur, apaiser, conso- Livret militaire. chocolat.
ler : Une lettre de son ami vint mettre un bavarde n. f. Arg. Langue ; bouche. bavasser [bavase] v. intr. (de baver,
baume sur sa blessure (Rolland). Mettre
bavardage [bavarda] n. m. (de bavar- avec suff. péjor. -asser ; 1584, Montaigne).
du baume au coeur ou dans le coeur, récon-
der ; 1647, Muse normande). 1. Action 1. Fam. Parler beaucoup et sans réflexion :
forter, redonner courage.
de bavarder : La langue s’est assouplie Attention ! mes enfants, et tâchez de ne pas
• SYN.: 3 liniment ; 5 palliatif, remède.
à ce bavardage indiscret (Maupassant). bavasser comme des perroquets (Frapié).
2. baume [bom] n. f. (du gaulois balma, 2. Propos futiles des bavards : Sans doute, [Ils] bavasseront pendant des heures pour
grotte d’ermite ; XIIIe s., écrit balme, rien n’est plus naturel, aujourd’hui, que de célébrer les immortels principes de l’an
Godefroy). Dialect. Dans le Sud-Est, voir des gens travailler du matin au soir et dix-neuf cent et quelque chose (Duhamel).
grotte : En les surprenant dans cette baume choisir ensuite de perdre aux cartes, au café, 2. Fam. Colporter des médisances,
(Aicard). et en bavardages, le temps qui leur reste cancaner.

389
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

• SYN. : 1 bavarder, cancaner, discourir, dissait Cyprien avec son caquet de la rue, flottant derrière un chapeau : Si une mode
jacasser, papoter ; 2 jaser. avec une profusion de détails qu’elle bavait a été légèrement transformée [...], si le bavo-
à propos du courage (Huysmans). let a été élargi (Baudelaire). 3. Dans les
bave [bav] n. f. (lat. pop. *baba, mot ono-
anciennes automobiles, tablier reliant l’aile
matopéique désignant le « babil, accompa- bavette [bavt] n. f. (de bave ; XIIIe s.).
à la carrosserie, pour protéger celle-ci des
gné de bave, des enfants », sens qu’avait bave
I. 1. Partie du tablier qui couvre la poi- éclaboussures.
en anc. franç. ; XIVe s., écrit beve ; bave est
trine : C’était aussi pour apercevoir
refait sur baver). 1. Salive qui découle de bavure [bavyr] n. f. (de baver ; XIVe s.).
quelque blanchisseuse portant son panier
la bouche des jeunes enfants, de la gueule 1. Trace laissée sur un objet moulé par les
à linge, une boulangère à tablier bleu,
des animaux ; écume que laissent échapper joints du moule. 2. Trace d’encre qui
une laitière en bavette et manches de toile
certains malades : Les boeufs étaient atte- empâte le contour d’un dessin, d’une gra-
blanche (Proust). Le tablier à bavette co-
lés et tâchaient, malgré le joug pesant sur vure, les lettres d’un texte écrit ou imprimé.
quettement épinglé sur la robe (Constan-
leur front, de relever leurs mufles humides 3. Par extens. Tache plus ou moins nette :
tin-Weyer). 2. Vx. Petite serviette de
et noirs d’où pendaient des filaments de De retour, il aperçut, dans la glace de son
toile fine ou de matière plastique, qu’on
bave argentée (Gautier). Les baves subtiles lavabo, des bavures rouges autour de sa
attache sous le cou des enfants. (On dit
| De ces vindicatifs et monstrueux reptiles bouche (Montherlant). 4. Fig. et fam.
plutôt BAVOIR.) 3. Vx. Ornement de
| Que le petit Hercule étranglait au berceau Sans bavures, d’une manière parfaite,
certains costumes traditionnels : Les
(Baudelaire). 2. Sécrétion gluante de cer- irréprochable, en parlant des choses, des
bavettes blanches des prêtres, des avo-
tains animaux : La bave du limaçon, du actes, des idées.
cats. (On dit auj. RABAT.) 4. Bavette
ver à soie. 3. Par anal. Écume de la mer :
d’aloyau, ou simplem. bavette, morceau • SYN.: 3 marque, trace, traînée.
L’océan monstrueux que la tempête évente
du boeuf constitué par la partie inférieure
| Crache à ses pieds glacés l’âcre bave des bayadère [bajadr] n. f. (du portug. bai-
de l’aloyau : Un bifteck dans la bavette.
flots (Heredia). 4. Fig. Propos ou écrits ladeira, danseuse [appliqué aux danseuses
haineux : Que de bave a été répandue sur II. Fam. Tailler une bavette, des bavettes, de l’Inde], de bailar, danser ; 1638, Hist. de
son compte ! bavarder, perdre son temps en paroles : la navigation de J. de Linschsten aux Indes
• SYN.: 4 venin. Il est ridicule de croire que sainte Rade- orientales). 1. Danseuse sacrée de l’Inde :
gonde, qui vivait au [...] VIe s., parfaite- Il y a dix ans, Le Caire avait des bayadères
baver [bave] v. intr. (de bave ; XIVe s. ;
ment, vienne en 189... tailler une bavette publiques comme l’Inde, et des courtisanes
jusqu’au XVIe s., il a aussi le sens de « bavar-
avec la fille d’un agent de placement comme l’Antiquité (Nerval). Ce jet d’eau
der »). 1. Laisser échapper de la bave par la
(France). conseille si peu la prière qu’on ne s’étonne-
bouche : L’animal se cabrait, ruait, bavait
rait pas beaucoup si le miniaturiste avait
(Maupassant). 2. Fig. et fam. Baver de baveux, euse [bavø, -øz] adj. (de bave ;
s.). 1. Qui bave : Le chapelier était tombé pris fantaisie çà et là d’ajouter quelques
(avec un complément indiquant la cause), XIIe

malade, à demi paralysé, baveux et rado- bayadères (Gide). 2. Par extens. et vx.
manifester sans retenue le trouble causé
teur (Aragon). 2. Par anal. Se dit d’une Danseuse de théâtre, puis de music-hall.
par un sentiment vif (colère, admira-
tion, jubilation) : M. de Talleyrand bavait omelette peu cuite. 3. Dans l’imprime- adj. invar. Se dit d’un tissu à rayures
de colère : le sang-froid de Louis XVIII rie, se dit d’un caractère qui manque de multicolores : Une étoffe bayadère.
l’avait démonté (Chateaubriand). Mon netteté à l’impression. 4. Fig. Se dit d’un
bayer [baje] v. intr. (lat. pop. *batare, être
bon maître, la tête renversée, du regard et écrivain dont le style est redondant : Une ouvert [surtout en parlant de la bouche],
du souffle aspirant tous les livres, bavait chronique barbare de Monstrelet, auteur
peut-être onomatop. ; XIIe s., souvent écrit
de joie (France). 3. Par anal. Se dit d’un qu’on [Rabelais] a dit plus baveux qu’un
baer, beer jusqu’au XVIe s. [V. BÉER]). [Conj.
liquide qui ne coule pas franchement, qui pot de moutarde (France).
2.] Vx. Avoir la bouche ouverte, dans une
s’étale et produit des souillures : L’encre • SYN.: 4 diffus, prolixe, verbeux. — CONTR.: attitude étonnée : Il y avait une émeute,
bave ; et par extens. : Cette plume bave. 3 net ; 4 bref, concis, laconique. l’écrasement d’une foule chauffée par un
4. Fig. et fam. Baver sur quelqu’un ou sur
bavocher [bave] v. intr. (de baver ; mois de réclame, les yeux en l’air, bayant
quelque chose, dire des calomnies sur cette
1684, R. de Piles). 1. Être imprimé d’une devant la façade du « Bonheur des Dames »,
personne, dénigrer cette chose : Baver sur
façon peu nette, être empâté, en parlant dont l’inauguration avait lieu ce lundi-là, à
un adversaire politique, sur la littérature.
d’une gravure, d’un texte. 2. Donner une l’occasion de la grande exposition de blanc
5. Pop. Être envieux : Son mariage fit
impression floue, en parlant d’un caractère. (Zola). Fam. Bayer aux corneilles, regar-
baver ses bonnes amies. 6. Pop. En baver,
der en l’air niaisement, la bouche ouverte ;
subir de grandes souffrances, en voir de bavochure [bavyr] n. f. (de bavocher ;
par extens., rêvasser, perdre son temps.
dures : On l’a opéré sans anesthésie, il a 1771, Trévoux). Manque de netteté dans
dû en baver ; se donner beaucoup de mal les contours d’un dessin, d’une peinture,
• REM. 1. Ce verbe a souvent été confon-
du avec bâiller.
pour atteindre un but : Elle en a beaucoup d’une gravure, d’un texte imprimé : Cette
bavé pour finir ses études. certitude de main lui permettait de peindre 2. Béer est une autre forme de ce verbe.
• SYN.: 4 calomnier, déblatérer sur (fam.), très vite sans tomber dans le désordre, les
bayou [baju] n. m. (de bayouk, terme
diffamer, salir, souiller, vilipender. — bavochures (Gautier).
du dialecte des Chactas ; 1699, Dict. of
CONTR. : 4 défendre, glorifier, justifier, • SYN.: bavure, macule.
Americanism, de Mitford Mathews). Terme
louer, soutenir.
bavoir [bavwar] n. m. (de bave ; 1866, désignant, dans le bas Mississippi et en
v. tr. 1. Littér. Laisser échapper comme Louisiane, des bras secondaires de rivière :
Larousse). Pièce de lingerie qu’on place
de la bave : De hideux troupeaux | De bêtes, La Nouvelle-Orléans, près du bayou Saint-
sous le menton des petits enfants. Bavoir
chats et loups, dragons, pourceaux, cra- Jean (Morand).
anglais, bavoir muni de pattes qui, passant
pauds | Énormes, qui bavaient une écume de
sous les bras, se boutonnent dans le dos.
soufre (Leconte de Lisle). 2. Pop. En baver baz [bz] n. m. (abrév. de bazar ; XXe s.).
• SYN.: bavette. Arg. scol. Lycée : Aller au baz. Spécialem.
des ronds de chapeau, être saisi d’étonne-
ment à en garder la bouche ouverte : Une bavolet [bavl] n. m. (de bas et de volet, Le Baz IV, le lycée Henri-IV, à Paris. le
robe à leur faire baver des ronds de chapeau pièce d’étoffe flottante ; 1556, R. Le-blanc). baz Grand, le lycée Louis-le-Grand. le
(Deval). 3. Pop. Dire à tort et à travers, 1. Coiffure régionale retombant sur les baz Louis, le lycée Saint-Louis.
généralement pour dénigrer : Elle étour- épaules, à la mode au XVIIe s. 2. Volant • SYN.: bahut (arg. scol.), boîte (arg. scol.).

390
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

bazar [bazar] n. m. (du persan bzr, sans la vendre, en la jetant : Objet bon à • SYN. : 2 bienheureux, épanoui, paisible,
souk, par le portug. ; XVe s., écrit bathzar ; bazarder. quiet, satisfait, serein, tranquille ; 3 stupide.
bazar, 1546, Geoffroy ; au sens 2, 1816, • SYN.: 2 liquider ; 3 balancer (pop.). — CONTR. : 2 angoissé, anxieux, inquiet,
Crapelot). 1. Marché public couvert, en tourmenté.
bazooka [bazuka] n. m. (mot angloamér.,
Orient : Toute la journée s’est passée à cou- n. et adj. 1. Vx. Personne béatifiée.
forgé en 1935 pour désigner une sorte de
rir les bazars, à choisir les burnous lamés 2. Vx. Personne d’une grande piété : La
trombone ; « arme de guerre », 1942).
d’argent, les tapis de Smyrne, les colliers condamnation que la Sorbonne avait faite
Lance-roquettes antichar : Attaquer au
d’ambre, les pendants d’oreilles (Daudet). des livres d’une béate espagnole (Saint-
bazooka.
Oh ! les étalages étranges dans ces rues, et Simon). 3. Vx. Nom donné à certains
les fantaisies surprenantes dans ces bazars B. C. G. [besee] n. m. (sigle désignant le moines et à certaines religieuses : Faire
(Loti). 2. En Europe, magasin où l’on vaccin bilié de Calmette et Guérin ; début du des aumônes aux béats. Notre béate mère.
vend, par rayons, toutes sortes d’articles. XXe s.). Vaccin contre la tuberculose. Par
extens. Vaccination au B. C. G. : Faire le B. béatement [beatm] adv. (de béat ;
Bazar roulant, magasin ambulant
C. G. à un enfant. 1866, Larousse). D’une manière béate :
(vieilli) : Les jours de paie [...], des camelots
Cette immonde engeance de cagots qui
profitaient de l’occasion, s’installaient avec
béant, e [be, -t] adj. (part. prés. de béer bave béatement du fiel sur la gloire (Hugo).
leurs bazars roulants, étalaient jusqu’à de [V. BAYER] ; XIIIe s.). 1. Largement ouvert : D’autres, au contraire, savourant le passé
la faïence et de la charcuterie (Zola) ; et Un gouffre béant. À l’extrémité du couloir, béatement, digèrent dans un bien-être inef-
au fig. : Il parlait de tout avec un semblant on devinait un réduit dont la porte était fable toutes leurs joies glorieuses et finies
de compétence attachant et une clarté de béante (Duhamel). La fumée, qui, après (Daudet). André, qui souriait béatement
vulgarisateur qui le faisait fort apprécier l’explosion, enveloppait encore l’Alcazar dans son fauteuil (Huysmans).
des femmes du monde, à qui il rendait les béant, avait, dans la fraîcheur de l’aube,
services d’un bazar roulant d’érudition une odeur humide et lourde dans laquelle béatifiant, e [beatifj, -t] adj. (part.
(Maupassant). 3. Péjor. Magasin où l’on se fondait celle des cadavres (Malraux). prés. de béatifier). Qui donne la béatitude
vend des objets de fabrication sommaire Se dit spécialement de la bouche, d’une (rare) : La Hollande, cette terre béatifiante
et bon marché : Article de bazar. De la blessure : Sa pâle blouse a l’air, au vent (Baudelaire).
parfumerie pour bazar. 4. Fam. Lieu où froid qui l’emporte, | D’un linceul et sa béatification [beatifikasj] n. f. (de
règnent le désordre et la confusion (au pr. bouche est béante de sorte | Qu’il semble
béatifier ; XIVe s., Godefroy). Acte par
et au fig.) : Ils ont fait de ce modeste vil- hurler sous les morsures du ver (Verlaine). lequel le pape met un défunt au nombre
lage un bazar (Bernanos). Le monde n’est 2. Fig. Se dit d’une personne qui montre
des bienheureux.
pas un entrepôt confus et décourageant de de l’étonnement, de l’attention, de l’ad-
théories et de faits ; ce n’est pas un bazar miration, au point de demeurer la bouche béatifier [beatifje] v. tr. (lat. ecclés. bea-
(Claudel). 5. Fam. Ensemble de choses, ouverte : Javert n’était pas facile à étonner. tificare ; XIVe s., Oresme). 1. Mettre au rang
d’objets hétéroclites non précisés (affaires Cependant, tout maître qu’il était de lui, il des bienheureux : Être béatifié. 2. Mettre
personnelles, mobilier, biens, etc.) : J’aurais ne put se soustraire à une commotion. Il au rang des béatitudes : Cette pauvreté
vendu maison, champs, tout le bazar, pour resta béant et immobile (Hugo). évangélique, que Jésus-Christ a béatifiée.
les acquérir (Huysmans). Tout le bazar se béatifier v. pr. Class. Se rendre heu-
béarnais, e [bearn, -iz] adj. et n. (de
que j’ai à transbahuter (Benoit). Vous ne reux : C’est une absurdité de dire que par
Béarn ; milieu du XVIIIe s.). Relatif au
m’empêcherez pas de liquider mon bazar et la vertu seule un homme se puisse béatifier
Béarn ; habitant ou originaire de cette
d’aller dans mon patelin pêcher à la ligne (Malherbe).
région : La coiffure béarnaise. Sauce
(Romains). Et tout le bazar, et tout le
béarnaise, ou béarnaise n. f., sauce relevée béatifique [beatifik] adj. (lat. ecclés. bea-
reste : Je le trouve [...] plus intelligent, plus
pour viandes et poissons grillés. tificus ; av. 1450, Mystère de la Passion).
beau, plus spirituel que tous les gaillards
béat, e [bea, -at] adj. (lat. beatus, heu- Qui rend bienheureux. Vision béatifique,
qui sont dans la salle en train de bâiller à
reux ; 1265, Br. Latini ; sens ironique, vision que les élus ont de Dieu dans le ciel.
nous montrer leur luette, leurs amygdales,
leur oesophage et tout le bazar (Duhamel). XVIIe s.). 1. Vx. Au sens religieux, d’une béatilles [beatij] n. f. pl. (de béat ; 1492,
• SYN. : 1 souk ; 4 bric-à-brac ; 5 attirail, sérénité de bienheureux : Tous ces gens qui Trésorerie d’Anne de Bretagne). 1. Class.
barda (fam.), bataclan (fam.), fourbi (fam.). attendent une audience, vieux prêtres aux Morceaux de viande délicate (ris de veau,
façons béates, en mantelet de visite, profes- crêtes de coq, etc.), dont on garnissait les
bazarder [bazarde] v. tr. (de bazar ; seurs méthodiques et autoritaires, peintres pâtés : Phoebus [...] n’a mangé de meilleurs
milieu du XIXe s., terme introduit dans gommeux, coiffés à la russe, ont ce même pâtés de béatilles que ceux dont j’ai tâté tan-
les prisons par les troupiers africains). maintien triomphant (Daudet). 2. Calme tôt (Ch. Sorel). 2. Class. Petits cadeaux :
1. Arg. et vx. Vendre ses effets militaires et sans inquiétude : Mener une vie béate. Et d’amour quelques béatilles | Comme
(linge, chaussures, etc.) aux brocanteurs Un air béat. Et la tête renversée, les yeux à rubans, vers et poulets, | Bagues, cheveux et
arabes des bazars (en parlant des soldats demi clos, plongé dans une contemplation bracelets (Scarron). 3. Vx. Menus objets
des troupes coloniales). 2. Pop. Vendre béate, le digne homme se répétait tout haut de parure, souvent confectionnés par des
à bas prix, d’une manière globale et expé- à lui-même : « Rien que par mon talent »
religieuses. Par extens. et fam. Objets
ditive, des objets dont on veut se défaire : (Daudet). Des enfants que l’on peigne, aux
sans importance : Les documents qu’il
Elle aurait bazardé la maison, elle était figures plates. Aux figures en suif rouge,
recèle [le livre Là-bas] sont, en comparai-
prise de la rage du clou (Zola). [Urbain VI] luisantes et béates (Jammes). Mademoiselle
son de ceux que j’ai omis, et que je possède
pratique la simonie, vend les indulgences, elle-même, en dépit de son admiration
dans mes archives, de bien fades dragées,
brocante les bénéfices, bazarde les grâces béate, lui dissimulait sans cesse sa véri-
de bien pâles béatilles (Huysmans).
(Huysmans). Et il parle de tout bazarder, table figure (Martin du Gard). 3. Péjor.
de laisser là Paris, d’aller habiter Londres Qui dénote un contentement niais : [Les béatitude [beatityd] n. f. (lat. ecclés.
(Gide). Il allait, un jour ou l’autre, bazarder cygnes] se dirigèrent vers la brioche lente- beatitudo ; 1265, Br. Latini). 1. Au sens
l’entreprise, telle quelle, toute ronde, toute ment, avec la majesté béate qui convient à religieux, félicité éternelle : Jen’aime M. de
montée (Duhamel). Si je bazardais tout, des bêtes blanches (Hugo). Un sourire d’une Mortsauf ni par devoir social ni par calcul
je pourrais m’en aller (Romains). 3. Par béate stupidité relevait de temps en temps de béatitudes éternelles à gagner, mais
extens. et fam. Se débarrasser d’une chose ses lèvres sur ses gencives (Barrès). par un irrésistible sentiment qui l’attache

391
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

à toutes les fibres de mon coeur (Balzac). plaie nette, qui laisse présager une bonne respond bien à l’idée, et qui prend une
2. Class. et littér. Bonheur parfait : César guérison : La plaie est belle, et le malade forme piquante. Un beau sujet, un sujet
[...] n’avait point d’autre béatitude à se faire sain. Dieu aidant, il guérira (Mérimée). qui présente de l’intérêt. 3. Class. et
que le cours d’une belle vie, et un grand 3. En parlant des choses : De beaux littér. Bel esprit ou bel-esprit, aptitude à
nom après sa mort (La Bruyère). Je vous arbres. Plus m’intéressent que cette terre parler ou à écrire brillamment sur des su-
plains, et j’estime ma mauvaise humeur plus inerte et belle les hommes qui l’ont grattée jets variés : Saint François de Sales est un
distinguée que votre béatitude (Baudelaire). (Guéhenno). Un beau paysage. Un beau « écrivain ». Il avait trop de bel esprit pour
Je sais des jours où me répéter que deux pays. De ma chambre, la vue n’était ni ne pas l’être, pour ne pas se complaire à ce
et deux faisaient encore quatre suffisait à belle ni étendue ; elle donnait sur une cour don heureux (Sainte-Beuve). Un bel es-
m’emplir d’une certaine béatitude (Gide). de service (France). Je n’ai jamais rien vu prit, une personne qui a ou prétend avoir
Ce fut une minute de béatitude : il avait tout de doucement beau dans ce monde, sans cette aptitude.
oublié de ses misères passées, et il ne lui sem- désirer aussitôt que toute ma tendresse le
III. VALEUR MORALE. 1. Qui a de la no-
blait plus possible d’être jamais malheureux touche (Gide). 4. En parlant des réalisa-
blesse, qui est moralement élevé : Un
(Martin du Gard). Ironiq. Avoir un air tions de l’homme, des oeuvres de l’esprit
beau geste. Un beau caractère. Une belle
de béatitude, avoir un air de contentement ou des oeuvres artistiques : Une belle ville.
vie. Un beau sort. Class. Une belle âme,
de soi naïf et niais. 3. Sa Béatitude, titre Un beau jardin. Un beau bateau. Un bel
une âme encline au bien : Nous avons
religieux réservé aux patriarches orientaux, habit. Un beau tableau. Une belle pein-
l’âme trop belle et le coeur trop bien fait
et donné autrefois à certains ecclésiastiques ture. Un beau livre. Une belle pièce. Un
l’un et l’autre pour vivre volontairement
et au souverain pontife : Ambassadeur beau poème. Un beau spectacle. Un beau
dans l’oubli du devoir (abbé Prévost) ;
de Sa Majesté Charles X près la cour de discours. La pièce d’honneur, belle d’ar-
auj., une âme élevée, aux beaux desseins.
Rome, j’ai eu le bonheur plus grand encore chitecture, ne contenait que des meubles
Une belle mort, une mort glorieuse ou
de voir Votre Béatitude élevée au souve- de rotin (Camus). Beaux-arts, belles-
édifiante. Cela est beau, cela est admi-
rain pontificat et de l’entendre m’adresser lettres, v. ces mots à leur ordre alphab.
rable, noble : Il vient à Worms noblement,
des paroles qui seront la gloire de ma vie 5. Qui est agréable : Un beau rêve. Un
simplement [...] sans chercher à faire de
(Chateaubriand). beau voyage. Mon beau voyage encore
est si loin de sa fin (Chénier). Une belle l’effet, comme quelqu’un qui est chez lui.
• SYN. : 2 extase, félicité, ravissement. — Cela est beau ! (Hugo). Il est beau de
langue. Pour moi, dans ces retraites lor-
CONTR. : 2 angoisse, anxiété, inquiétude, (et l’infinitif) ou que (et le subjonctif) il
raines [...] où les filles et les garçons s’in-
malheur, peine, tourment, trouble. est admirable de, que : Il est même beau
terpellent en beau patois [...] je redresse
béatitudes n. f. pl. Nom donné à huit per- de voir que le besoin de combiner [...] de
mes vertus de corps et d’âme : c’est un
fections de vertu exaltées par JésusChrist penser librement et d’oser se jette tout là
vrai jardin de Paradis (Barrès). Jusqu’ici,
dans le Sermon sur la montagne. (Alain). Il est beau que le cri de l’espé-
les visions étaient trop belles pour les
possibilités qui restaient misérables rance s’élève du fond du tombeau (Cha-
beatnik [bitnik] n. m. (mot angl., 1958).
(Romains). 6. Spécialem. En parlant teaubriand). 2. Qui est conforme aux
Adolescent qui, par son comportement
du temps, se dit lorsque aucune pertur- bienséances, honorable, distingué : Ce
général et sa tenue débraillée, manifeste
bation ne trouble la sérénité et la pureté n’est pas beau de mentir, de se moquer des
sa révolte contre la société et ses lois.
du ciel : Le temps est beau. Il griffonna gens. Être beau joueur, savoir perdre
beau [bo] ou bel, belle [bl] adj. et par- pour le radio : « J’ignore si je pourrai élégamment (au pr. et au fig.).
fois adv. (du lat. bellus [qui a éliminé pul-
passer. Sachez-moi s’il fait toujours beau IV. VALEUR INTENSIVE (en parlant surtout
cher, decorus, formosus], joli, gracieux, en en arrière » (Saint-Exupéry). Le facteur des actions ou des choses). 1. Considé-
parlant des femmes et des enfants, délicat, allait en zigzag d’un trottoir à l’autre ; il rable par le profit : De beaux gains. Un
au sens ironique, en parlant des hommes ; semblait ivre de beau temps, la rue n’était beau traitement. Un bel héritage. Un beau
attesté dès les plus anciens textes, sous pas assez large (Giraudoux). L’après-midi mariage. Un beau parti. Un beau coup
la forme bel, au sens physique et au sens était beau. Cependant le pavé était gras, de Bourse. 2. Considérable par la taille
moral ; IXe s., Cantilène de sainte Eulalie). les gens rares et pressés encore (Camus). ou par l’ampleur (au pr. et au fig.) : Une
I. VALEUR ESTHÉTIQUE : qui plaît par ses La saison était particulièrement belle ; les belle carpe. Une belle surprise. Une belle
formes, ses proportions, qui fait éprou- jours roux comme des abricots ; le temps peur. Un bel appétit. Merci pour la belle
ver un sentiment de satisfaction. 1.En d’une extrême lenteur (Giono). La mer joie que tu m’aurais ainsi donnée (Gene-
parlant des êtres animés : Une belle per- est belle, elle est calme. Il fera beau voix). Avoir un beau coup de fourchette,
sonne. Et moi, comme lui belle, et jeune quand..., formule de refus, renvoyant la ou simplem. être ou avoir une belle four-
comme lui, | Je ne veux point mourir en- réalisation d’une chose à une date non chette, être gros mangeur. Il y a beau
core (Chénier). Un bel animal. Un beau précisée. Parler de la pluie et du beau temps, belle lurette, il y a longtemps. Un
chien. Bélise mit au monde cinq chiots, temps, parler de choses sans importance. bel âge, un âge avancé. Estimer beau,
Faire la pluie et le beau temps, être le
qui étaient parmi les plus beaux, les s’estimer content, se satisfaire de : J’esti-
mieux faits qu’on eût jamais vus (Vialar). seul maître des décisions à prendre, déci- merais beau | D’être ces vieillards (Ver-
Être beau d’indignation, de colère, être der selon son bon plaisir. Beau comme laine). 3. Parfait en son genre (souvent
le jour, aussi beau que le jour, d’une très
paré d’un éclat passager dû à la violence équivalent de bon) : Une belle gifle. Pous-
du sentiment. Un bel homme, une belle grande beauté. ser un beau ouf de satisfaction (Flaubert).
femme, un homme, une femme de taille II. VALEUR INTELLECTUELLE. 1. Qui dé-
élevée et de belle prestance. Un bel en- note la supériorité intellectuelle : Un beau affUecntee
bbeelaleu
cboruopn
clhe
imte,a
luandee
.broDncehvaitne
t quuni
fant, enfant en bonne santé, qui se déve- talent. Ils l’aimaient [la science] pour terme injurieux, pour le renforcer : Une
loppe bien : Charles fut aussi bel enfant elle-même, parce qu’elle était belle, seule belle dinde. Un beau cochon. 4. Heu-
qu’il est bel homme (Balzac). Fam. Un belle, seule réelle (Rolland). 2. Qui est reux, favorable : Un beau coup de dés.
beau monsieur, un homme bien habillé. réussi, parfaitement adapté à son objet ou Avoir un beau jeu, avoir des cartes
Fam. Se faire beau, s’habiller avec soin. à la situation : Obtenir un beau résultat. maîtresses. Fig. Avoir beau jeu de, avoir
2. Spécialem. En parlant d’une partie Quelque belles que soient les idées, elles une occasion facile de. Présenter sous
du corps : Un beau visage, de beaux yeux, ne suffisent pas au coeur (Barrès). Une un beau jour, en ne mettant en valeur que
de beaux cheveux. Une belle plaie, une belle expression, une expression qui cor- les aspects favorables. Ne voir que le

392
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

beau côté des choses, ne pas voir les désa- dans une situation fâcheuse. Fam. Cela vant sous un jour favorable : Peindre en
gréments, les inconvénients. Ce serait vous fait une belle jambe !, vous êtes bien beau. Je mets dans son portrait un peu de
trop beau, cela correspondrait trop aux avancé ! Fam. Mon beau monsieur, se Grignan en beau (Sévigné). Voir tout en
espoirs, sans contrepartie. Être de belle dit à quelqu’un dont on veut rabaisser les beau, tout voir sous un jour optimiste.
humeur, être bien disposé. Une belle prétentions. Littér. Traiter quelqu’un de Bel et bien, marque la découverte ou la
mort, une mort rapide, sans souffrance. la belle manière, rudement, sans ménage- confirmation d’une chose qui surprend
(V. aussi ci-dessus III, 1). 5. Heureux, ment. Un beau parleur, un homme qui ou irrite : Il est bel et bien parti ! De
en parlant du passé : La Belle Époque. Les parle avec facilité et agrément, mais qui plus belle, en redoublant d’intensité : Les
beaux jours, aux plus beaux jours. Une est incapable d’agir. En dire, en faire de insultes reprirent de plus belle (Cocteau).
foule énorme s’étageait sur les gradins brû- belles (sous-entendu des sottises), parler Porter beau, se dit du cheval qui a un
lés du vieil amphithéâtre, comme au beau ou se conduire légèrement, de manière beau port de tête, et, par extens., d’un
temps des Antonins (Daudet). 6. Qui extravagante, inconvenante ou déplacée. homme ou d’une femme qui a de la pres-
dénote de l’habileté : Un joueur de tennis Il ferait beau voir..., j’espère bien que tance : Le jeune homme se targuait de ses
qui place une belle balle. Avoir un beau cela ne se produira pas ! En faire voir de hautes alliances, portait beau, arborait
coup de patte, en parlant d’un peintre, belles à quelqu’un, lui causer des ennuis moustache et royale, un choix de cravates
avoir un tour de main, un talent certain. de toute sorte. Pour les beaux yeux de, et de cannes varié (Daudet). Cette femme,
Une belle main, une belle écriture : Sa par amour pour, et, par extens., bénévo- quoique déjà sur le retour, porte encore
Majesté [Napoléon Ier] demande une belle lement. Tout cela est bel et bon, mais..., beau (Acad.).
main pour compléter son cabinet. Une je n’accorde guère de crédit à ce que • REM. On emploie obligatoirement
page de prose est dictée aux jeunes gens en vous dites. 2. Entre dans des locutions la forme bel devant un nom masculin
manière d’épreuve (Lenotre). 7. S’em- figées, venues surtout du jeu de paume. commençant par une voyelle ou un h
ploie pour renforcer l’expression. Se L’échapper belle, la manquer belle, la muet : Un bel ensemble. Un bel homme,
démener comme un beau diable, s’agiter bailler belle, se disait d’une balle facile, un bel habit ; placée après le nom, on la
vivement, faire tous ses efforts. Man- manquée ou donnée. Fig. L’échapper trouve dans quelques surnoms de rois de
ger, dévorer, déchirer à belles dents, avec belle, échapper de justesse à un péril France : Philippe le Bel, Charles le Bel, ou
grand appétit, avec acharnement. Au (l’adj. au féminin étant senti comme
des noms de villes : Villiers-le-Bel. De-
beau milieu, juste au milieu. Un beau adverbe, on n’accorde plus le part. passé vant et, on peut employer bel, mais (sauf
jour, un certain jour, sans autre préci- avec le pronom féminin) : Nous l’avons en
dans les loc. figées bel et bon, bel et bien)
sion : Un beau jour, il partit comme il était dormant, Madame, échappé belle (Mo-
il est plus courant d’employer beau : Un
venu (Gide). 8. Terme d’amitié employé lière). La manquer belle, laisser échap-
beau et grand jardin. Un bel et pathétique
en apostrophe : Ma belle amie. Mon bel per une bonne occasion (peu usité). La
récit (Duhamel).
ami. Je le vois, beau besson, dit alors la bailler belle à quelqu’un, vouloir lui en
• SYN.: I, 1 bien balancé (pop.), bien bâti
petite Fadette (Sand). Fam. Ma belle faire accroire. L’avoir belle, avoir belle
(fam.), bien fait, dru, robuste, solide (fam.),
enfant, terme d’affection à l’adresse d’une de (et l’infinitif), avoir une bonne occa-
splendide, superbe ; 2 adorable, joli, plai-
jeune fille. 9. Beau entre dans une série sion de ; d’où, par substitution ironique
sant, séduisant ; 3 attrayant, enchanteur,
de composés indiquant la parenté par d’une circonstance malheureuse à une
magnifique, riant ; 4 admirable, éblouis-
alliance ou celle qui résulte d’un second circonstance avantageuse, courir grand
sant, exquis, passionnant, sublime ; 5 char-
risque de (peu usité) : Dépêchons-nous,
mariage, éliminant presque complète- mant, délicieux, féerique, merveilleux ; 6
ment les divers mots venus du latin ou car nous aurions belle d’être trempés
radieux. II, 1 brillant, distingué, éminent,
(Huysmans). Avoir beau (et l’infinitif),
les spécialisant (parâtre, marâtre, etc.) : grand, haut, profond, remarquable, supé-
être bien placé pour, sens conservé dans
beau-fils, beau-frère, belle-mère, etc. (v. rieur ; 2 adéquat, approprié, bon, heu-
ces mots) ; des créations épisodiques le proverbe : A beau mentir qui vient de
reux. III, 1 digne, estimable, généreux,
loin ; être dans des circonstances qui
plaisantes sont possibles sur ce modèle : honorable, magnanime, noble ; 2 bien, bien
Ma belle-tante, vous êtes maintenant de la rendent inutile de (locution qui équivaut
élevé, bienséant, civil, convenable, correct,
à une proposition concessive) : J’ai beau
famille (Balzac). décent, poli. IV, 1 coquet, élevé, fabuleux,
tourner, j’ai beau chercher, cette chère
V. VALEUR DE COMPARAISON. Désigne ce florissant, fructueux, lucratif, prospère ;
enfant que j’aime avec tant de passion
qui est préféré, ce qui est jugé d’un rang 2 énorme, fantastique, fort, gros, impor-
est à deux cents lieues (Sévigné). Nous
tant ; 3 fameux, magistral, sacré (fam.) ;
supérieur : Les beaux quartiers. Le beau aurions beau nous marier tous, il n’y au-
monde. Il y avait de la foule, du beau achevé, consommé, fieffé (fam.) ; 4 avan-
rait aucune espèce de joie dans cette ville
tageux, propice ; 6 adroit, astucieux. V
monde et du moins beau (Arnoux). Le ingrate (Musset). 3. Exprime la discor-
bien, chic (fam.), choisi, élégant, sélect. VI,
beau sexe, les femmes. Les beaux ha- dance entre l’apparence et la réalité. De
3 fallacieux, faux, mensonger, menteur,
bits, les plus beaux qu’on possède : Le di- belles paroles, des propos qui ne seront
trompeur. — CONTR. : I, 1 chétif, difforme,
manche [...] ils avaient revêtu leurs beaux pas suivis d’effet. Class. Bel air, belle
mal venu, malingre ; 2 disgracieux, ingrat,
habits (Peisson). La belle saison, les prestance, sans qualités solides : Ce gou-
laid, vilain ; 3 abominable, affreux, hideux ;
beaux jours, le printemps et l’été : Tous les verneur, qui était un homme de bel air et
4 inesthétique, informe, moche (fam.) ; 5
jours, comme c’était la belle saison et que qui ne savait rien, ne put rien enseigner à
déplaisant, désagréable, détestable, repous-
nous mangions en plein air, les fauvettes son pupille (Voltaire). [V. aussi AIR.]
sant ; 6 effroyable, épouvantable, horrible,
descendaient à tire-d’aile sur notre table
VII. VALEUR ADVERBIALE (dans des locu- mauvais, vilain. II, 1 médiocre, minable,
(Sand). Le bel âge, la jeunesse. Belle
tions adverbiales ou des locutions où piètre, pitoyable ; 2 défectueux, déplorable,
page, en termes d’imprimerie, page de
beau est adverbe). Tout beau, doucement malheureux, manqué, raté. III, 1 abject,
droite quand le livre est ouvert
(employé en interj. pour calmer l’excita- bas, honteux, ignoble, infâme, méprisable,
VI. VALEUR IRONIQUE. 1. Entre dans de tion des chiens de chasse, des chevaux) ; vil ; 2 choquant, déplacé, impoli, inconve-
nombreuses expressions. La belle af- class., s’adresse aux personnes que l’on nant, incorrect, malséant. IV, 1 humble,
faire !, formule marquant le peu d’intérêt interrompt pour les contredire : Tout misérable, modeste, modique, pauvre ; 2
que l’on accorde à une objection. Belle beau, Pauline, Il [Dieu] entend vos pa- faible, menu, mince, petit ; 4 défavorable,
demande !, question saugrenue ou intem- roles ! (Corneille). En beau, en mettant désavantageux, fâcheux, malencontreux ;
pestive. Être dans de beaux draps, être en valeur les détails plaisants, en décri- 6 mauvais. V commun, ordinaire, quel-

393
GRAND LAROUSSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

conque, vulgaire. VI, 3 authentique, pro- entre femmes. Fam. La belle, ma belle, III. EMPLOYÉ ABSOLUMENT. 1. Un grand
fond, sincère, vrai. désignation cavalière d’une femme à qui nombre de personnes : Il y en a beaucoup
beau n. m. (adj. beau substantivé). on s’adresse : Tu vas la boucler, ma belle ! qui pensent que... Nous sommes beaucoup
1. Valeur suprême de l’esthétique, corres- (Merle). 4. En termes de jeu, dernière ce soir. Un homme d’un esprit très cultivé,
pondant à une aspiration idéale de l’esprit manche, qui décide du gain de la partie comme la garde en renfermait beaucoup
humain vers l’harmonie : Le beau dans les quand les joueurs sont à égalité : Jouer, à cette époque (Vigny). Le malheur de
arts. Le culte du beau. Le beau est fait d’un faire la belle. La première partie fut clôtu- beaucoup est de ne pas savoir passer les
élément éternel, invariable, dont la quan- rée par une fort belle passe d’armes entre soirs dans sa chambre (Sainte-Beuve).
tité est excessivement difficile à détermi- Jacques Rival et le fameux professeur belge Beaucoup portent devant eux, et souvent
ner, et d’un élément relatif, circonstanciel, Lebègue[...]. Il eut la belle. On l’applaudit bien au-delà de l’adolescence, cette idée
qui sera, si l’on veut, tour à tour ou tout (Maupassant). 5. Arg. Évasion : Faire, puérile que le succès dépend d’une bonne
ensemble l’époque, la mode, la morale, la réussir la belle. chance (Alain). Il est demandé à beau-
passion (Baudelaire). La définition du beau • SYN. : 2 amie, bien-aimée, bonne amie, coup de boire le calice goutte à goutte
est facile : il est ce qui désespère (Valéry). chérie, dulcinée, flirt, maîtresse. (Mauriac). Pour beaucoup, l’habitude
2. Belles choses, objets de belle qualité : est une seconde nature. 2. Une grande
belles n. f. pl. Les femmes en général :
Aimer le beau. N’acheter que du beau. quantité de choses : Ceux qui ont beau-
Vous êtes aimé des belles, monsieur Goriot
Spécialem. Le beau temps : Le temps coup sont obligés de donner beaucoup
(Balzac). Courir les belles, rechercher les
se met au beau. Le maire, dont la femme
conquêtes. (Fléchier). C’est un homme qui sait beau-
était gênée la nuit par les grincements de
coup (Acad.). C’est beaucoup, c’est une
la girouette de la mairie, l’avait fait clouer beauceron, onne [bosr, -n] adj. et
chose considérable, satisfaisante : C’est
au beau fixe (Giraudoux). Fig. et fam. n. (de Beauce ; 1866, Larousse). Qui se
beaucoup qu’une femme autrefois tant
L’harmonie dans les relations sociales : rapporte à la Beauce ou à ses habitants ;
aimée... (Corneille). C’est beaucoup s’il
Le ménage s’est remis au beau, au beau habitant ou originaire de la Beauce : Le
nous regarde (Acad.). C’est beaucoup de
fixe. 3. Le côté plaisant, amusant d’une bonhomme Piedeleu était Beauceron, c’est-
lui plaire. C’est déjà beaucoup. Compter
chose ou d’un événement : Voici le beau à-dire natif de la Beauce, où il avait passé sa
pour beaucoup, accorder une grande im-
de l’affaire. Ironiq. C’est du beau !, c’est vie, et où il comptait bien mourir (Musset).
portance à quelque chose : C’est compter
une sottise. Au plus beau, au moment
beaucoup [boku] adv. (de beau et de coup, pour beaucoup ce qui n’a été jusqu’ici peut-
le plus important, le plus solennel : Au
vraisemblablement au sens de « portion être qu’un hasard ; présenter une grande
plus beau du récit. 4. Vx. Être dans son
d’une chose » [cf. anc. franç. grant coup] ; importance (intransitiv., avec un sujet
beau, paraître à son avantage, avoir belle
fin du XIIIe s., Joinville ; a éliminé moult désignant une chose) : Son avis a compté
apparence : C’était Chauvin, en effet, et
au XVIe s.). pour beaucoup dans la délibération.
Chauvin dans son beau, déclamant, gesticu-
lant, souffletant la Prusse avec son journal, I. AVEC UN VERBE. 1. Indique l’abon- IV. AVEC UN ADJECTIF. 1. Class. Avec un
entrant à Berlin, la canne haute, ivre, sourd, dance : Boire beaucoup. Écrire beaucoup. adjectif au positif (très, à un grand degré,
aveugle, fou furieux (Daudet). 5. Homme Il pleut beaucoup. 2. La fréquence : Dès bien) : Leur savoir à la France est beau-
d’une élégance affectée, trop soucieux de le début du printemps, on l’avait beau- coup nécessaire (Molière). 2. Auj. S’em-
plaire : Que ces hommes sefassent nommer coup vu sur les plages (Camus). 3. La ploie avec un adjectif au positif, repris
raffinés, incroyables, beaux, lions ou dan- continuité : D’extraordinaires écri- par le pron. le : Travailleur, il l’est sans
dys (Baudelaire). Péjor. Petit-maître : La tures, et qu’on ne comprend pas, même doute beaucoup. 3. Avec un comparatif
morale de celle-ci [...] est différente de celle quand on les a beaucoup étudiées (Gide). d’adjectif ou d’adverbe, pour marquer un
de la caricature de Charlet ; mais elle n’est 4. L’intensité : Aimer beaucoup. Cette renforcement : Il est beaucoup plus calme.
pas à mépriser, mes jeunes beaux mélan- pensée m’aida beaucoup durant les deux Il va beaucoup trop vite. Il est beaucoup
coliques, qui faites la cour aux femmes semaines d’épreuve (Mauriac). Ellipt. plus petit que son frère. Cet itinéraire doit
(Gautier). C’est un beau, un beau de cercle Merci beaucoup, renforcement du remer- être regardé beaucoup moins comme un
(Maupassant). Fam. Un vieux beau, un ciement dans la langue courante. (V. voyage que comme les Mémoires d’une an-
vieux galant : Vous savez mon horreur pour MERCI bien.) 5. L’excès, par atténuation née de ma vie (Chateaubriand). Ce donjon
le vieux beau, pour le « roquentin » (H. de polie : Ne pensez-vous pas que, vu son
Régnier). Faire le beau, en parlant d’un beaucoup plus percé de meurtrières que de
âge, vous l’avez beaucoup puni ? Fam. fenêtres (Hugo). Avant-hier cela m’a assez
homme, se parer de manière raffinée, ou
Modifié par un peu, beaucoup marque bien réussi ; non que ma nuit ait été beau-
étaler ses talents avec complaisance (vx) ;
plaisamment l’excès : Se moquer un peu coup meilleure (Gide).
en parlant d’un chien, se tenir dressé
beaucoup de quelqu’un. 6. L’exagéra-
sur ses pattes de derrière : Il sait faire le • SYN. : I, 1 abondamment, à profusion,
tion : C’est beaucoup dire. C’est beaucoup
beau d’une manière remarquable, mais je considérablement, copieusement (fam.),
présumer de ses forces. Littér. C’est dire
ne veux pas le lui demander, parce que je énormément, excessivement, extrêmement,
beaucoup, c’est dire quelque chose qui va
serais obligée de le payer d’un morceau de largement, libéralement ; 2 fréquemment,
loin : Proudhon disait que la pensée d’un
sucre (Romains). Class. et littér. Beau souvent ; 3 amplement, longtemps, lon-
homme en place c’est son traitement. C’est
fils, jeune homme élégant à l’excès (péjor.) : guement ; 4 fort, fortement, infiniment,
dire beaucoup (Alain).
Propre, toujours rasé, bien disant et beau intensément, passionnément, puissamment,
fils (La Fontaine). [Colletet] traite fort mal II. AVEC UN NOM (beaucoup de). 1. Un vigoureusement, violemment, vivement ; 6
les beaux fils qui lui viennent demander des grand nombre de : Beaucoup de per- trop. II, 1 bien des, force (littér.), maint,
vers sans avoir l’escarcelle garnie (Gautier). sonnes, d’animaux, de choses. Il y a beau- nombre de, un tas de (fam.) ; 2 pas mal
belle n. f. 1. Poét. Femme qui a de la coup de gens qui ne le savent pas. Beau- de (fam.), quantité de, une masse de. IV,
beauté : Toutes je les revois, les Belles du coup d’appelés et peu d’élus. 2. Une 2 énormément, extrêmement, pas mal ; 3
passé (Samain). Spécialem. La Belle grande quantité de : Beaucoup de peine, bien. — CONTR. : I, 1 médiocrement, modé-
au bois dormant, héroïne de Perrault. de monde, d’esprit, de travail. Quand on a rément, à peine ; 2 guère, jamais, rarement ;
2. Fam. Femme qu’on aime, qu’on cour- beaucoup de désirs, beaucoup de jeunesse 3 brièvement, laconiquement, succincte-
tise (terme du langage amoureux) : Écrire à et peu d’argent, on court grand risque de ment ; 4 doucement, faiblement, peu. IV,
sa belle. 3. Ma belle, terme d’amitié usité faire des sottises (Musset). 2 médiocrement, modérément, peu.

394
GRAND LAROUSSEDE LA LANGUE FRANÇAISE

• REM. 1. Quand beaucoup détermine • Pl. des BEAUX-PÈRES. reté de quelque chose : Je voudrais (m’en
un nom, le verbe est au singulier si le •REM. Au sens 2, beau-père a complète- coûtât-il grand-chose), | Pour la beauté du
déterminé est au singulier : Beaucoup de ment éliminé parâtre. fait, avoir perdu ma cause (Molière). De
monde a assisté à la rencontre ; au pluriel toute beauté, suprêmement beau, en par-
beau-petit-fils [boptifis] n. m. (de
s’il est au pluriel : Beaucoup d’enfants lant des êtres et des choses : Ce vase est de
beau, adj., terme d’affection, et de petit-fils ;
étaient présents. toute beauté. Une femme de toute beauté.
1928, Larousse). Petit-fils du conjoint (rare).
2. Quand beaucoup est sujet, le verbe est • Pl. des BEAUX-PETITS-FILS. II. Caractère de ce qui suscite l’admira-
au pluriel si beaucoup désigne des gens, tion par ses qualités morales ou intellec-
au singulier s’il désigne une quantité de beaupré [bopre] n. m. (du moyen angl. tuelles : La beauté d’un geste, d’un senti-
quelque chose : Beaucoup disent que c’est bouspret, issu du néerl. boegspriet, mât ment, d’une âme.
compliqué. Beaucoup n’est pas encore [spriet] de proue [boeg] ; 1382, Comptes • SYN. : 1 beau (n. m.) ; 2 charme, éclat,
du Clos des galées de Rouen, écrit bropié ; grâce, joliesse, séduction ; 3 belle ; 4 har-
assez.
beaupré, XVIe s.). Mât placé obliquement monie, magnificence, splendeur. II élé-
De beaucoup loc. adv. 1. Avec un com-
sur l’avant d’un navire : Brûlé sur le pont vation, générosité, grandeur, magnanimité,
paratif ou un superlatif, indique une diffé-
et fatigué du mouvement, je me voulus bai- noblesse. — CONTR. : I, 1 laid (n. m.) ; 2
rence considérable, qui est encore renforcée
gner, et, quoique nous n’eussions point de difformité, disgrâce, hideur, laideur, mons-
si de beaucoup est postposé : Ce vin est
chaloupe dehors, je me jetai du beaupré à truosité ; 3 guenon, laideron ; 4 laideur,
de beaucoup meilleur. Il est meilleur de
la mer (Chateaubriand). mocheté (pop.). II bassesse, ignominie,
beaucoup. Il est de beaucoup le meilleur,
beauté [bote] n. f. (du lat. pop. *bellitas, turpitude, vilenie, vulgarité.
le meilleur de beaucoup. 2. Avec un verbe
impliquant un dépassement, une préfé- accus. *bellitatem, de bellus, joli ; 1080, En beauté loc. adv. Mourir en beauté,

rence, indique un degré considérable : Jele Chanson de Roland, écrit beltet). en accomplissant une action qui s’accorde
parfaitement avec l’idéal qu’on s’est fixé.
préfère de beaucoup. Il l’a emporté de beau- I. 1. Qualité de ce qui est beau, de ce qui
Finir en beauté, d’une manière brillante,
coup. Il le dépasse, le surpasse, le domine répond à l’idéal esthétique d’une per-
qui rehausse l’éclat de l’ensemble.
de beaucoup. 3. Littér. Il s’en faut beau- sonne : La beauté absolue et éternelle
coup (vx), il s’en faut de beaucoup, indique beautés n. f. pl. 1. Les attraits, les
n’existe pas, ou plutôt elle n’est qu’une
charmes d’une personne : Le beau feu
une très grande différence : Le cadet n’est abstraction écrémée à la surface géné-
pas si sage que l’aîné, il s’en faut beaucoup qu’en leurs coeurs ses beautés ont fait naître
rale des beautés diverses (Baudelaire).
(Racine). La starlette prodiguait sesbeautés
(Acad.). Il s’en faut de beaucoup qu’il soit La Beauté est une sorte de morte. La
sur la plage. 2. Les sites remarquables, les
laid (Sand). Il s’en faut de beaucoup qu’on nouveauté, l’intensité, l’étrangeté, en un
monuments, etc., d’un pays. Spécialem.
puisse le dire (Alain). mot toutes les valeurs de choc l’ont sup-
L’ornementation tendant à la beauté : Parc
À beaucoup près loc. adv. Avec une plantée (Valéry). 2. La perfection phy-
très beau lui-même, malgré les beautés fac-
expression négative, indique une grande sique humaine : Je me rappelle sa beauté
tices qu’on a voulu y introduire (Flaubert).
différence : Il n’y est pas encore, à beau- [...], sa taille élégante, la ravissante grâce

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