Vous êtes sur la page 1sur 127

BDSM

LES RÈGLES DU JEU


de Jessica Caruso
est le mille soixante-neuvième ouvrage
publié chez VLB éditeur.
BDSM
Les règles du jeu
Jessica Caruso

BDSM
Les règles du jeu
Avant-propos

Regardez autour de vous les gens que vous côtoyez chaque jour, au travail
ou dans vos loisirs. Vous les rencontrez dans leur quotidien. Vous les jaugez
à partir d’un commentaire, d’un sourire, d’une discussion. Vous vous faites
vite une idée sur eux, sur le genre de vie qu’ils mènent. Eh bien, sauf cas
d’improbabilité statistique, vous pouvez compter qu’au moins une ou deux
personnes parmi ces connaissances qui forment votre entourage pratiquent
le BDSM… et il ne s’agit pas nécessairement de celles qui vous seraient
venues en tête en premier!
Le BDSM est un ensemble de jeux sexuels caractérisés par l’érotisation
de la douleur et de ce qu’on appellera dans ce livre l’échange de pouvoir.
Quand on parle de BDSM, les néophytes s’imaginent des fouets, du cuir et
des chaînes. C’est en effet l’image la plus répandue dans les médias et dans
les œuvres de fiction. Mais le BDSM va bien au-delà de ces accessoires. Il
est structuré autour d’une communauté d’adeptes dont les pratiques
calculées, négociées et consenties fondent l’univers érotique. Le BDSM est
donc beaucoup plus complexe et réfléchi qu’il n’y paraît. Et, bien entendu,
en raison de la réprobation sociale dont il est l’objet, bien peu d’adeptes
courront le risque de se dévoiler en corrigeant les idées reçues.

Avant mon incursion dans la communauté BDSM, je ne connaissais pas


grand-chose de cet univers. Comme tout le monde, je savais que ça existait,
et les personnes qui le pratiquaient me semblaient étranges, voire un peu
dérangées; après tout, c’est ce que la société nous laisse entendre.
J’ai commencé à m’intéresser à la culture du BDSM en 2008, alors que
j’étais à mi-chemin dans mon baccalauréat en sexologie. Par un après-midi
d’été, un ami m’a invitée à une soirée fétiche en me disant qu’en tant que
future sexologue, je me devais d’assister au moins une fois à ce type
d’événement. Amusée, mais aussi désireuse d’en apprendre plus sur les
sexualités marginales, j’ai accepté de m’y rendre avec lui. Il faut dire qu’en
2008, on parlait beaucoup moins des pratiques BDSM qu’aujourd’hui.
L’information sur le sujet n’arrivait pas à nous par hasard, comme
maintenant dans les émissions de variété ou les articles de la section «Bien-
être» des journaux.
J’ai découvert dans cette première soirée un monde surprenant. J’ai vu
des femmes en robes moulantes de latex ou de PVC (ce plastique très
luisant), des hommes sans pantalon, vêtus seulement de quelques bandes de
cuir, des gens dans la quarantaine (et parfois plus) qui se promenaient à
quatre pattes avec un collier de chien attaché à une laisse, de jolies jeunes
femmes portant sous-vêtements et corset… Et tout ça avec la plus grande
aisance qui soit et dans le plus grand respect. J’ai été touchée par cette
expérience unique et, ma curiosité décidément piquée, je suis retournée à
quelques soirées du même genre dans les mois suivants.
Je gardais une certaine distance des événements, mais un soir, une
femme m’a abordée avec un sourire en coin et un regard séducteur: «Toi,
j’aimerais bien t’avoir dans mes cordes…» Comme j’étais interloquée, elle
m’a expliqué brièvement qu’elle faisait du bondage, qu’elle décrivait
comme l’art d’attacher les gens avec de la corde tout en dessinant des
formes attrayantes. Elle a pointé du doigt un jeune homme à ses côtés, dont
le corps était recouvert de cordes entremêlées. Elle a terminé son
explication en me donnant son nom de scène et en me disant simplement:
«Penses-y. Tu pourras me retrouver sur FetLife.»
Sitôt rentrée chez moi, je me suis connectée sur le site Web en question.
C’est ici que mon histoire commence vraiment. J’ai découvert en ligne une
communauté axée sur le BDSM et le fétichisme. Dans les forums
montréalais, on discute des soirées organisées, mais aussi des techniques de
jeu, et des limites acceptables ou non par les adeptes. Des gens de tous âges
partagent leurs photos, leurs bonnes et leurs mauvaises nouvelles, leurs
expériences réussies ou décevantes. Seulement pour la région de Montréal,
des centaines de personnes se réunissent pour vivre ensemble sur Internet la
passion qui est la leur. J’ai été très étonnée de constater qu’une communauté
si vaste et active existait dans ma propre ville sans que j’en aie la moindre
idée.
J’ai passé des heures cette nuit-là, puis mes temps libres dans les
semaines suivantes, à épier le site FetLife. J’ai épluché tous les forums de
discussion québécois où j’ai pu repérer les membres les plus actifs de la
communauté. Je me suis informée graduellement sur les pratiques BDSM et
les soirées organisées dans la région. J’étais fascinée par cet univers que je
voulais mieux comprendre et faire découvrir à mes collègues sexologues.
Toutes mes idées préconçues sur ce qu’était le BDSM, qui m’avait été
présenté presque exclusivement durant mes études comme une déviance
assimilable au sadisme et au masochisme sexuel, se trouvaient
profondément ébranlées.
Le choix de consacrer mes années de maîtrise au BDSM s’est imposé
graduellement. L’idée, qui semblait farfelue à la plupart de mes collègues, a
fort heureusement intéressé deux professeurs qui ont accepté de me diriger
malgré le peu de connaissances qu’ils avaient du monde du BDSM. Mon
mémoire avait pour sujet les codes de la communauté de Montréal. J’ai
passé trois années complètes à lire sur le BDSM, à discuter avec des
adeptes et à assister à des soirées.
À ma grande surprise, mon mémoire de maîtrise a soulevé un intérêt
monstre. Par dizaines, des collègues, des amis, mais aussi des inconnus
m’ont écrit pour me demander de le leur envoyer. C’est cet intérêt qui m’a
décidé à me lancer dans la rédaction de cet ouvrage: un livre tout public sur
le BDSM. J’avais l’impression d’avoir appris trop de choses étonnantes
pour les laisser s’empoussiérer sur un rayon de bibliothèque universitaire.
Je voulais contribuer à faire connaître le BDSM pour ce qu’il est vraiment.

Depuis 2008, j’observe donc à distance la communauté BDSM sur les


forums de discussion montréalais. À partir de la centaine de fils de
conversation que j’ai analysés, j’ai pu comprendre un peu mieux les
contextes, les pratiques et les normes qui constituent l’expérience du BDSM
pour les membres de la communauté montréalaise.
Au départ, j’étais mal à l’aise à l’idée de me présenter seule dans des
soirées remplies d’inconnus qui pratiquaient le BDSM. Allait-on respecter
ma position d’observatrice? Serais-je contrainte de participer à certains
rituels par le simple fait de ma présence dans un lieu où les règles sociales
usuelles sont remplacées en partie par celles de la communauté? J’ai fait
mes premiers pas dans la communauté en participant à des soirées à
caractère strictement social entre membres de la communauté (soupers,
soirées cinéma, 5 à 7). Ces sorties m’ont permis de rencontrer les gens et de
m’acclimater à leur culture dans des endroits que j’estimais sécuritaires. J’ai
également participé à des ateliers de formation organisés par des vétérans
de la communauté sur des thématiques liées aux pratiques BDSM. J’y ai
beaucoup appris sur les rouages du milieu BDSM et les subtilités de ses
pratiques. C’est en 2010 que j’ai fait le saut et que j’ai visité des donjons
(les salles où se pratique le BDSM) dans le cadre de mon mémoire. Pendant
quelques mois, j’ai visité au moins une fois chacun des donjons de la
grande région de Montréal où les soirées étaient publiques (accessibles à
tous, à moins d’en avoir été banni) et semi-publiques (où les nouveaux
visiteurs sont admis s’ils sont accompagnés d’un adepte connu des
organisateurs).
Suite à ce premier tour d’horizon de la communauté montréalaise, j’ai
sélectionné un donjon précis où j’ai assisté à tous les événements organisés
pendant près d’un an. J’y ai fait ce qu’on appelle en ethnologie de
l’observation participante, c’est-à-dire que j’observais les pratiques et la
manière dont les gens agissaient, tout en interagissant avec eux. Je tentais
de me fondre dans la foule afin de vivre pleinement l’expérience d’une
soirée BDSM.
Mon intention était clairement affichée; j’expliquais la raison de ma
présence à tous ceux qui s’en enquéraient. J’ai été chaleureusement
accueillie dans la communauté tout au long de mon expérience. Les
membres semblaient heureux de constater que quelqu’un s’intéressait
finalement à leurs pratiques en partant d’un postulat neutre. Beaucoup de
gens se sont ouverts à moi et ont accepté de me livrer leur vécu sans rien
attendre en retour. J’ai rencontré de merveilleuses personnes lors de ces
soirées et j’ai même développé quelques amitiés qui ont perduré après la fin
de mon étude.
Cette expérience d’immersion m’a permis d’apprendre les différents
rôles, pratiques et règles implicites et explicites qui régissent la
communauté montréalaise. Sans que j’aie jamais à pratiquer moi-même le
BDSM, j’ai pu le voir et me le faire expliquer.

Durant mon année d’observation intensive, j’ai compilé les noms de scène
de toutes les personnes que j’ai rencontrées, dans la mesure du possible. J’ai
ensuite retrouvé leur profil sur FetLife et recueilli quelques informations sur
chacune d’entre elles: sexe, âge, rôle dans le BDSM, orientation sexuelle,
région de résidence. J’ai compilé ces données dans un programme
d’analyse, puis effectué quelques tests statistiques me permettant de dresser
un portrait de cet échantillon de la communauté. Ces données m’ont
essentiellement permis d’avoir un aperçu du type d’adeptes du BDSM qui
participent aux soirées.
Quand je me suis retrouvée face aux données en tout genre que j’avais
pu recueillir avec le temps, un constat a émergé. J’avais développé une
compréhension assez approfondie du «comment», mais très superficielle du
«pourquoi». Pourquoi les gens s’engagent-ils dans des relations BDSM?
Comment en arrivent-ils là? Découvrent-ils leur penchant par hasard, ou
est-il présent en eux depuis l’enfance? Ces questions sans réponses m’ont
amené à donner la parole directement aux adeptes. J’ai contacté
personnellement une quarantaine de personnes avec qui j’avais eu de bons
liens lors de ma période d’observation, et je leur ai posé cinq questions très
larges sur leur expérience du BDSM. Leurs réponses m’ont permis de
mieux comprendre leur expérience et leurs motivations. Des extraits sont
présentés à quelques endroits du présent ouvrage.

Instruire n’est pas enseigner. Les lecteurs intéressés pourront sans doute
trouver des trucs et des astuces dans ce livre, mais il n’est pas un guide qui
expliquerait comment intégrer le BDSM à sa vie, ou comment le pratiquer.
Il n’est pas, on l’aura compris, une condamnation du BDSM, mais il n’est
pas non plus une célébration de ses pratiques. En revanche, il n’aborde
jamais la question du sadisme sexuel dans un contexte non consensuel. J’ai
voulu exposer le BDSM sous toutes ses formes en partant d’un postulat de
neutralité, et l’absence de consentement, comme on le verra, n’est pas du
BDSM.
Évidemment, le BDSM étant un fait social, sa description est sujette à
une interprétation constante. Un même acte ou concept peut être défini
complètement différemment d’un adepte à l’autre, leurs expériences et
écoles de pensée modelant leur interprétation. Ainsi, je ne saurais prétendre
détenir la vérité sur le BDSM; mon interprétation des faits est basée sur
mon expérience d’observation dans la communauté montréalaise (ainsi que
sur différentes lectures). Il est donc possible que certaines personnes ne se
reconnaissent pas dans mes descriptions, mais mon objectif a été de tenter
de représenter la vision la plus consensuelle et généralisée du phénomène. Il
me paraît néanmoins important de souligner qu’il existe plusieurs sous-
cultures ou sous-communautés parallèles à la communauté BDSM
mainstream, par exemple les communautés cuir, fétichiste et queer, sans
compter les groupes axés sur des pratiques spécifiques. Évidemment, il
m’est impossible de représenter chacune d’entre elles. Ainsi, des variations
peuvent survenir entre les constats que je fais et le vécu d’adeptes que je
n’aurais pas rencontrés ou dont les pratiques n’auraient pas été
documentées dans les ouvrages à ma disposition.
Afin de respecter les us et coutumes de la communauté, le vocabulaire
du milieu ainsi que les façons d’écrire certains termes ont été conservés.
Ces précisions apportées, il ne me reste plus qu’à vous inviter à
découvrir ce monde méconnu, en laissant de côté ce que vous croyez en
savoir.
1
L’ABC DU BDSM

Les pratiques assimilables au BDSM s’observent dans le monde depuis la


nuit des temps. Pourquoi les appelle-t-on désormais ainsi? Pour commencer
notre incursion dans cet univers, faisons ensemble une brève généalogie du
BDSM.

SADE, MASOCH ET NOUS


Le sadomasochisme est la composante la plus ancienne du sigle BDSM. Si
les pratiques qu’il désigne sont immémoriales, on peut considérer qu’il a été
défini en trois temps: par la littérature, par la psychiatrie, puis par les
médias de masse.

Sadomasochisme et littérature
On retrouve des représentations du sadomasochisme dans la littérature
libertine des XVIIIe et XIXe siècles. On reconnaîtra, réunis dans le mot, les
noms du «divin marquis» Donatien Alphonse François de Sade (1740-1814)
et de Leopold von Sacher-Masoch (1836-1895), mais d’autres écrivains les
ont précédés. Ce sont toutefois les auteurs de Justine ou Les malheurs de la
vertu et de La Vénus à la fourrure qui ont le plus marqué le milieu du
BDSM. Leurs œuvres sont utilisées encore aujourd’hui comme base de la
fantasmatique et des pratiques BDSM.
Sade est connu pour ses scènes littéraires extrêmement… sadiques et
violentes. Dès son jeune âge, il a été maintes fois accusé d’être un
profanateur de tombeaux (!) et un sodomite, charges qui le firent
régulièrement emprisonner. C’est pour se désennuyer qu’il a rédigé dans sa
geôle la majorité de son œuvre de littérateur et de philosophe. Celle-ci
dépeint un côté sombre de la nature humaine en mettant en scène la
violence sexuelle, la pédophilie, la torture et la souffrance dans un langage
fluide et poétique. Au cœur de l’érotisme sadien, il y a le spectacle de
l’infliction de la douleur. Justine (1787), pour ne prendre que ce titre en
exemple, relate les mésaventures d’une jeune héroïne qui, tout au long du
livre, ne s’évade de l’emprise d’un bourreau que pour se retrouver encore
plus maltraitée par un autre.
Un siècle plus tard, l’autrichien Sacher-Masoch a fait l’éloge de ce qu’on
connaît aujourd’hui comme étant le masochisme. Dans La Vénus à la
fourrure (1870), il représente la femme belle, puissante et castratrice, et
l’homme désireux de se faire torturer et humilier par elle. On découvre,
dans ses Choses vécues (1888), qu’il était lui-même un grand masochiste. Il
y décrit qu’à 10 ans, lui qui vouait à sa tante une admiration languissante fut
surpris par elle alors qu’il l’espionnait en train de tromper son mari:
«Comment! Tu étais caché? Tiens, voilà qui t’apprendra à faire l’espion!» Je m’efforçai en vain
d’expliquer ma présence et me justifier: en un clin d’œil elle m’eut étendu sur le tapis; puis, me
tenant par les cheveux de la main gauche, et me posant un genou sur les épaules, elle se mit à
me fouetter vigoureusement. Je serrai les dents de toutes mes forces; malgré tout, les larmes me
montèrent aux yeux. Mais, il faut bien le reconnaître, tout en me tordant sous les coups cruels de
la belle femme, j’éprouvais une sorte de jouissance.

Il est important de noter que la plupart des scènes décrites dans les
ouvrages des deux pères littéraires du sadomasochisme n’ont rien à voir
avec les pratiques du BDSM consentant, le seul qui fait l’objet de ce livre –
et le seul qui mérite de porter ce nom.

Sadisme et masochisme
comme perversions sexuelles
Plusieurs théories existent quant à l’identité de l’auteur originel des termes
«sadisme» et «masochisme». Toutefois, il est clair qu’ils ont été popularisés
par le psychiatre allemand Richard von Krafft-Ebing, qui a utilisé les
ouvrages de Sade et de Sacher-Masoch pour son étude des perversions
sexuelles. Dans Psychopathia sexualis (1886), il utilise le terme sadisme
pour décrire l’expérience de sensations sexuelles plaisantes provenant
d’actes de cruauté ou de punitions corporelles infligées sur soi ou sur autrui.
Il présente le masochisme comme étant le contraire du sadisme et le décrit
comme le désir d’être forcé, humilié, blessé ou abusé par autrui. Quelques
années plus tard, le sexologue Havelock Ellis (1859-1939) expliquera que le
sadisme et le masochisme sont en fait des états émotionnels
complémentaires, plutôt qu’opposés. Il avancera que le sadisme ne serait
pas une affaire de cruauté, mais que la douleur infligée serait avant tout une
source de plaisir sexuel.
Il semble que ce soit Sigmund Freud qui ait combiné pour la première
fois les concepts de sadisme et de masochisme dans le terme
«sadomasochisme» en argumentant que les deux concepts sont présents à la
fois chez l’individu. Cette combinaison a indéniablement engendré une
meilleure compréhension du phénomène et a propulsé une identification des
adeptes à la sous-culture du sadomasochisme.

Le sadomasochisme médiatisé
Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, plusieurs grandes études sur la
sexualité (Kinsey, Masters et Johnson, Janus et Janus, etc.) ont permis de
dépeindre le sadomasochisme non pas comme une perversion sexuelle rare,
mais plutôt comme une pratique sexuelle relativement répandue dans la
population. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ou
DSM-V, qui est l’ouvrage de référence en Amérique du Nord pour
catégoriser et traiter les troubles mentaux, définit maintenant le sadisme et
le masochisme sexuels comme des paraphilies, ou pratiques sexuelles
anormales, lorsque ces pratiques sont à l’origine de souffrances
cliniquement significatives ou d’un dysfonctionnement interpersonnel ou
social. Les pratiques sadomasochistes consenties et ludiques seraient donc
écartées, depuis quelques années seulement, de la loupe psychiatrique.
Le sadomasochisme a longtemps été perçu et vécu comme une
perversion secrète et mystérieuse. Pour rencontrer des personnes
intéressées, il fallait être introduit dans un cercle d’initiés. La médiatisation
des sociétés modernes et, plus récemment, l’apparition d’Internet ont fait en
sorte que le sadomasochisme est beaucoup plus visible, même pour ceux
qui ne tiennent pas à en savoir plus sur le sujet. Même si elles sont parfois
mal représentées, les pratiques BDSM se retrouvent de plus en plus dans les
émissions télévisées, au grand écran, dans la pornographie et dans les
vidéoclips. Dans les dernières années, la trilogie Cinquante nuances de
Grey de E. L. James a suscité l’intérêt de millions de personnes non initiées
aux pratiques de nature BDSM – malgré la grogne des adeptes, qui
soutiennent que les pratiques dépeintes dans les romans en question ne sont
pas du tout représentatives de leur réalité.
Ainsi, depuis les premières apparitions des pratiques BDSM dans les
médias populaires, l’intérêt envers le BDSM comme activité ludique est allé
grandissant; malgré la persistance de la stigmatisation, les adeptes
«s’assument» de plus en plus, et les communautés BDSM sont de plus en
plus visibles.

SADOMASOCHISME, SM, BDSM


Depuis quelques décennies, le mot sadomasochisme décrit avant tout
l’utilisation consensuelle de la douleur dans un contexte érotique. Pourquoi
son usage est-il de plus en plus délaissé au profit du terme BDSM?
C’est sans doute d’abord pour se dissocier des définitions
psychopathologiques de leurs pratiques que les adeptes boudent le terme
«sadomasochisme» pour désigner l’utilisation de la douleur dans un
contexte érotique ludique. Le terme et ses racines (sadique, masochiste)
sont rarement prononcés lors de discussions entre les membres de la
communauté. Ceux-ci semblent préférer des vocables qu’ils se sont eux-
mêmes appropriés plutôt que ceux que la psychiatrie leur a imposés: SM, S
and M, sadomaso, sado, maso, etc.
Si le terme «BDSM» remplace peu à peu depuis quelques années le
traditionnel «SM», autant chez les adeptes que dans les écrits sur le sujet,
c’est sans doute à cause de la plus grande diversité de pratiques qu’il
englobe. Il comprend trois composantes distinctes du jeu de pouvoir
érotique qui est en son cœur: le bondage et la discipline, la domination et la
soumission, et le sadomasochisme. Le «BDSM» permet ainsi d’inclure une
diversité de pratiques rattachées au sadomasochisme, mais sans se
restreindre aux seules pratiques qui impliquent la douleur érotique. Un peu
comme avec l’apparition du terme LGBT dans les années 1990, la
combinaison des pratiques en un tout commun entraîne une unification des
personnes autour d’un sentiment d’appartenance à une communauté et de la
revendication de droits communs.
Un sigle disséqué
Les trois composantes du BDSM représentent donc des groupes de
pratiques distincts, qui peuvent ou non être adoptés par les mêmes
individus, simultanément ou non. Toutes les combinaisons sont possibles et
ne dépendent que de l’intérêt des partenaires. Les définitions de chacune de
ces composantes divergent d’un auteur à un autre, et d’une communauté à
une autre. Voici, sommairement, les plus répandues.
Le bondage et la discipline (BD) est la combinaison de deux pratiques
distinctes, mais conceptuellement similaires. Le bondage (ou ligotage)
implique la restriction du mouvement d’un partenaire, généralement par le
fait d’être attaché. Plusieurs matériaux ou objets peuvent être utilisés:
cordes, chaînes, menottes, bracelets, ruban, attaches autobloquantes (tie
wraps), etc. Contrairement au bondage, qui s’exerce principalement sur le
plan physique, la discipline implique le contrôle psychologique d’un
partenaire. La discipline en BDSM vise à «entraîner» le partenaire dans le
but de produire chez lui certains comportements. Elle est instaurée à l’aide
de règles strictes et d’un système de récompenses et de punitions. Ces
dernières peuvent prendre différentes formes (psychologiques, physiques,
sexuelles, langagières). Pratiqués ensemble, le bondage et la discipline
instituent un contrôle absolu sur le partenaire, qui se trouve à être ligoté
physiquement et psychologiquement.
La domination et la soumission (Ds) sont deux concepts indissociables.
Dans le jeu de Ds, un échange de pouvoir a lieu entre les partenaires. Le
pouvoir du soumis est transféré au Dominant, bien entendu, mais il est
important de mentionner que le soumis n’est pas impuissant pour autant,
dans la mesure où les modalités de ce transfert sont négociées au préalable
entre les partenaires (le fonctionnement de la relation Dominant-soumis
sera expliqué plus en détail dans la suite de cet ouvrage). Le Ds n’implique
pas nécessairement l’utilisation de sensations physiques; c’est la différence
de pouvoir entre les partenaires qui est l’enjeu érotisé. Notons que les
adeptes de jeux Ds inscrivent jusque dans la graphie de leurs rôles la
différence de pouvoir entre les partenaires: «Dominant» s’écrit avec la
majuscule, et «soumis», avec la minuscule.
Enfin, la composante sadomasochiste (SM) fait référence aux pratiques
qui utilisent la douleur dans un cadre érotique. Si le mot douleur est
fréquemment utilisé en BDSM, il fait référence à des sensations intenses
qui, dans un contexte non érotisé et non planifié, s’apparenteraient à de la
souffrance physique. Dans les pratiques SM, un partenaire s’affaire à
donner des sensations à l’autre, qui les reçoit sans en ressentir un malaise –
bien au contraire. L’échange de pouvoir est toujours là, mais il est
circonscrit à la pratique en question, plutôt que de s’exprimer dans la
relation entre les partenaires.

Ce que n’est pas le BDSM


La difficulté à produire une définition consensuelle du BDSM est sans
doute le produit de la diversité des pratiques qui s’en réclament. Le BDSM
est un monde où les choses ne sont généralement pas ce qu’elles semblent
être à première vue. Le fait que les pratiques, pour immémoriales qu’elles
soient parfois, ne concordent pas avec les normes sociétales n’arrange rien.
Si bien qu’il semble même parfois plus facile de dire ce que le BDSM n’est
pas que ce qu’il est.
Avant toute chose, le BDSM exclut la violence, la coercition, la cruauté
et le non-consentement. Le BDSM n’est pas non plus de l’abus ou de
l’exploitation et n’implique jamais d’enfants ou d’animaux. Même si des
mots qui ont généralement une connotation négative sont utilisés (par
exemple, l’humiliation, le contrôle, la punition), la personne qui reçoit a
toujours préalablement consenti au type de pratique qu’elle va «subir»,
sachant qu’il revient au Dominant d’en choisir le moment et la méthode.
Par ailleurs, les motivations qui sous-tendent les différentes pratiques ne
devraient jamais être négatives (par exemple, la vengeance, la colère ou la
haine). Notons aussi que le BDSM n’implique pas nécessairement
l’échangisme, le mélangisme, le polyamour ou toute autre forme
d’ouverture sexuelle du couple.
Il ne faudrait pas non plus présumer que les personnes pratiquant le
BDSM s’engagent dans tous les types de pratiques; chacun a des
préférences et des limites qui diffèrent de celles des autres. Ce n’est pas
parce qu’une personne est active dans la communauté BDSM qu’elle
apprécie toutes les activités qui en relèvent; par exemple, certains adeptes
n’érotisent pas du tout la douleur. Le respect de soi et des autres et la
communication sont au centre de la relation BDSM, et ce, que ce soit dans
le cadre d’une relation amoureuse ou d’une entente qui ne durera que
quelques heures.

Une affaire de jeu


Pour décrire les activités BDSM, les lexiques de la scène et du jeu sont
largement utilisés. Ainsi, les adeptes différencient clairement la réalité du
fantasme et parlent volontiers d’une «arrière-scène» où ils peuvent prendre
du recul par rapport à leur personnage.
Dans le vocabulaire BDSM, une scène désigne une activité BDSM
circonscrite dans le temps (par exemple, «une scène de bondage»). Aussi
appelée une séance de jeu, la scène a nécessairement un début et une fin, et
peut durer de quelques minutes à quelques heures. On parle également, un
peu comme en musique, de «la scène BDSM» pour décrire la communauté
de manière générale («je fais partie de la scène depuis 10 ans»).
Parallèlement, on décrira les adeptes comme des joueurs, les instruments
comme des jouets et les pratiques BDSM comme des jeux. Cette
terminologie s’applique à tous les aspects des activités: le statut auquel
adhère un individu dans la relation devient son rôle; un meuble qui sert à
une pratique devient une station de jeu; une histoire qui sous-tend une
pratique devient un scénario; et ainsi de suite.
Avec ce vocabulaire, les activités BDSM sont présentées comme une
activité ludique bien distincte de la réalité. À l’extérieur de la scène, le
Dominant n’est pas une personne cruelle et le soumis n’est pas
nécessairement une personne passive; ce sont des rôles que chacun accepte
de jouer (et si chez certains joueurs, le rôle ne varie jamais, d’autres
préfèrent en interpréter plusieurs, selon leur partenaire ou selon leur
humeur). Ces rôles ne sont qu’apparences et ne définissent pas les
individus. Le Dominant ne saurait être aveuglément sadique envers le
soumis, car une relation bien réelle sous-tend leur rapport: il doit penser aux
conséquences du jeu sur ce dernier. Ainsi, lorsqu’on parle de BDSM, il faut
toujours partir de la prémisse qu’il implique des activités consenties qui ont
pour but le plaisir de tous les partenaires impliqués.
En somme, le BDSM est un jeu où des adultes avertis et consentants
adoptent un rôle prédéterminé et peuvent transgresser des normes socio-
sexuelles en mettant en scène leurs fantasmes érotiques de manière
sécuritaire et encadrée dans le contexte d’un échange de pouvoir qui peut
inclure ou non l’utilisation de douleur érotique.
2
LES ADEPTES

Il est naturel d’être intrigué par ceux qui investissent temps et argent dans
des pratiques aussi marginales et mal perçues socialement que celles du
BDSM. Car ne l’oublions pas, si la grande majorité des adeptes ne rendent
pas publique leur adhésion à la communauté, c’est parce qu’ils ont
beaucoup à y perdre: leur emploi, l’affection de leurs amis ou de leur
famille, voire la garde de leurs enfants. Qui sont donc ces gens qui osent
vivre une passion qui peut leur nuire?

CARACTÉRISTIQUES DES ADEPTES


Beaucoup d’idées préconçues circulent à propos des adeptes du BDSM. On
dit qu’ils ont des problèmes mentaux, on imagine qu’ils ont des traits
antisociaux ou violents ou encore, qu’ils réagissent à des traumatismes de
l’enfance. Qu’en est-il réellement?

Ce que disent les études


Bien que les gens aient le réflexe courant de soupçonner les individus
pratiquant le BDSM d’être inadaptés sur le plan psychosocial, la plupart des
études décrivent les joueurs comme des gens articulés et intelligents dont le
niveau de scolarité et le revenu moyen sont plus élevés que ceux de la
population générale. En analysant les écrits scientifiques qui soutiennent
que les personnes pratiquant le BDSM souffrent toutes de troubles
psychologiques – car il y en a – on constate que les démarches qui ont mené
à ces conclusions sont très limitées. Ces travaux sont généralement fondés
sur des présupposés psychanalytiques, n’ont pas fait l’objet d’une étude
scientifique ou présentent simplement une hypothèse ou l’étude d’un seul
cas problématique. Ces articles datent souvent de la première moitié du
XXe siècle, alors que ce que l’on n’appelait pas encore le BDSM était
considéré comme une maladie mentale. Des études plus récentes suggèrent
que les adeptes ne présentent pas nécessairement plus de psychopathologies
et ne vivent pas plus de détresse psychique que la population générale. Ils
ne semblent pas plus susceptibles d’avoir été forcés dans leur vie à
participer à des activités sexuelles et n’ont pas plus de problèmes sexuels
que les non-adeptes. Leur choix de vivre le BDSM dans leur temps libre
n’interfère généralement pas avec leur quotidien et ne crée pas chez eux de
difficulté particulière à vivre en société.
Au contraire, nombre d’auteurs rapportent que la relation BDSM est
caractérisée par des niveaux élevés de confiance, d’intimité et de partage. Il
semblerait aussi que les adeptes présentent un niveau inhabituellement
élevé de compréhension de la sexualité, des relations érotiques et des
stratégies de communication. Les couples d’adeptes de BDSM qui vont en
thérapie sexologique recherchent souvent une connexion intense et érotique
qui demande une communication sophistiquée et dépasse les niveaux
habituels d’intimité, alors que la majorité des couples qui consultent
recherche le plus souvent la fonctionnalité sexuelle. Les couples BDSM
mettraient explicitement l’accent sur l’égalité, le respect mutuel et la
connaissance de l’autre. Dans la mesure où la confiance, l’intimité, le
partage et la communication sont des facteurs importants dans le jeu
BDSM, il n’est pas étonnant qu’ils se reflètent dans les relations
amoureuses des adeptes.
Les personnes qui ont des pratiques assimilables au BDSM, estimées en
2006 à environ 10% de la population adulte par deux des plus éminents
chercheurs sur le sujet, Charles Moser et Peggy Kleinplatz, ne seraient donc
pas aussi marginales qu’on se l’imagine. Ce sont des «gens ordinaires», des
travailleurs moyens, de tous âges, de toutes origines et de toutes
appartenances religieuses ou politiques, qui cherchent dans le BDSM une
sexualité épanouie et intense.

La scène de Montréal
Au-delà des études, qui sont donc ceux qui, par centaines, se retrouvent
dans les soirées BDSM? D’un auteur à l’autre, les descriptions des adeptes
varient, ce qui laisse croire qu’il y aurait des différences d’une communauté
(ou d’une scène) à l’autre. Dans le cadre de la recherche effectuée pour mon
mémoire, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui ne me semblaient pas
toujours correspondre aux descriptions que j’avais lues. C’est pourquoi j’ai
compilé les informations disponibles sur le profil en ligne de 272 adeptes
rencontrés durant mon année d’observation afin de mieux illustrer leurs
caractéristiques. Il faut noter que la description qui va suivre est un aperçu
d’une portion visible d’une communauté, effectué à un moment, dans un
lieu et dans un cadre précis. En outre, elle ne tient pas compte des adeptes
qui ne pratiquent pas le BDSM en communauté.
On trouve des gens de tous les âges dans la communauté montréalaise.
La personne la plus jeune que j’ai rencontrée avait 20 ans et la plus âgée, 82
ans. La moyenne d’âge des participants était de 39 ans et la majorité avaient
entre 28 et 50 ans. Comparativement à d’autres études qui rapportent un
nombre beaucoup plus élevé d’hommes que de femmes, la proportion dans
la communauté montréalaise est presque d’un pour un: 51% des adeptes se
présentaient comme des hommes, 45%, comme des femmes, et 4% se
présentaient comme appartenant à un autre genre (travesti, transsexuel ou
fluidité de genre). Huit sur dix disaient résider dans la grande région de
Montréal, 15% vivaient ailleurs au Québec et 4% venaient de l’extérieur de
la province pour fréquenter les soirées montréalaises.
À peu près la moitié des adeptes se décrivaient comme étant
hétérosexuels, soit 70% des hommes, mais seulement 22% des femmes. La
proportion de personnes s’identifiant à une forme d’homosexualité restait
toutefois faible: seules 3% des femmes se disaient lesbiennes, et aucun
homme gai n’a été rencontré. La communauté BDSM gaie organise des
soirées spécifiques et se mélange assez rarement avec la communauté dite
mainstream. Néanmoins, 27% des femmes et 21% des hommes se
considéraient d’orientation hétéroflexible, c’est-à-dire principalement
hétérosexuels, mais pouvant à l’occasion avoir des contacts sexuels avec
des personnes du même sexe. Finalement, l’orientation bisexuelle était
revendiquée par le quart de l’échantillon: 38% des femmes et 6% des
hommes.
La proportion quasi égale d’hommes et de femmes suggère que les
adeptes vont plus fréquemment dans les soirées montréalaises en couple, ce
qui fait en sorte qu’il y a moins d’hommes seuls, contrairement aux autres
communautés décrites dans les ouvrages sur le sujet. Plusieurs font le
voyage de loin, notamment de Québec ou de l’Ontario, pour se rendre aux
soirées. Malgré la faible représentativité de la communauté en matière
d’homosexualité, le taux d’identification à des orientations sexuelles qu’on
peut définir comme alternatives au binôme hétérosexuel-homosexuel est
sans conteste plus élevé que dans la population générale. Cela suggère une
grande flexibilité dans l’attirance sexuelle des adeptes, particulièrement
chez les femmes.

LES MOTIVATIONS
Le questionnement devant l’inconnu est normal, mais force est de constater
que le BDSM est bien plus intrigant que bien d’autres loisirs extrêmes.
Qu’est-ce qui pousse donc les gens à se tourner vers cette forme de
sexualité? Quand on les interroge, les adeptes font ressortir des motivations
de plusieurs ordres, dont les plus saillantes sont le plaisir, le sentiment
d’être connecté à son partenaire, le fait d’échapper au quotidien, et parfois
l’expression irrépressible de leur identité.

Le plaisir
La question du plaisir est centrale; après tout, c’est l’objectif même du
BDSM. Toutefois, quand les adeptes font référence à cette notion, leur
définition est assez éloignée de celle qu’on utilise quand on parle de sexe
«vanille» – c’est-à-dire de sexe non-BDSM. Le plaisir dans les jeux BDSM
se vit à plusieurs niveaux.
Le BDSM étant axé sur la sexualité, le plaisir érotique et sexuel est
central dans les motivations des participants. Toutefois, il n’est pas
seulement question ici d’excitation sexuelle ou d’orgasme. Les jeux BDSM
comptent parmi les rares pratiques sexuelles à ne pas être entièrement
génitalisées: ils ne sont pas exclusivement, ni même principalement,
concentrés sur les organes génitaux. L’excitation est généralement diffusée
dans l’entièreté du corps et du psychisme; elle est physique, mentale,
émotionnelle et, pour certains, spirituelle. Selon certains participants, une
excitation sexuelle aussi répandue engendrerait des orgasmes – car il y en a
– beaucoup plus intenses que lorsque la stimulation n’est que génitale. De
plus, les outils et les techniques de jeu utilisés dans le BDSM permettent
d’aiguiser les sens. Le fait d’être attaché, d’avoir les yeux bandés ou de
donner le contrôle de soi à l’autre engendrerait, chez le joueur, le sentiment
d’avoir la liberté de vivre des sensations «pures» parce que dénuées de
contraintes normatives. Le corps deviendrait plus alerte et l’esprit, plus
ouvert.
En somme, l’individu trouverait l’espace physique et mental nécessaire
pour vivre la stimulation de ses sens à son niveau le plus intense. Beaucoup
de joueurs expliquent qu’après avoir goûté au sexe BDSM, le sexe vanille
était devenu un peu fade. Plusieurs joueurs ont néanmoins aussi une
sexualité vanille, souvent plus importante en fréquence que leurs rapports
BDSM, qui nécessitent plus de temps et d’organisation. Il reste que selon
les joueurs les plus aguerris, rien ne peut se comparer à la sexualité BDSM
en termes d’intensité du plaisir érotique et sexuel.
On peut voir en outre chez les participants une réaction physique très
intense durant et après une scène BDSM. Cette réaction est plus souvent
présente chez le soumis, mais elle peut apparaître chez le Dominant,
généralement dans une situation où ce dernier se sent très «connecté» aux
émotions du soumis. Un afflux d’hormones envahit le corps du joueur: on y
trouve sans doute de l’adrénaline, sécrétée en réponse à la stimulation
physique ou à la «peur» de l’inconnu (l’anticipation crée une forme
d’excitation, le soumis ne sachant pas ce qui va lui arriver, ni quand), et des
endorphines, sécrétées en réponse à l’excitation sexuelle, à la douleur
érotique ou à l’orgasme. Quoi qu’il en soit, le cocktail hormonal est si
intense que plusieurs joueurs comparent le BDSM à une drogue. Ce high
naturel, qui doit être comparable à ce que ressentent les habitués des sports
extrêmes, ne se retrouve pas vraiment ailleurs dans la sexualité; quand ils
expliquent ce qu’ils ressentent lors d’une séance, les adeptes parlent
d’euphorie, d’extase voire de transcendance. Certains comparent en effet
cet état à celui que procure la méditation. Cette réaction physique très
addictive est sans doute ce qui rend la douleur érotique aussi attirante pour
la plupart des joueurs.
Au-delà des seuls sens, une scène BDSM est généralement circonscrite
dans le cadre plus large de la relation entre les partenaires. Leurs désirs et
les fantasmes les plus profonds sont partagés, puis mis en scène. Ainsi, le
rapport BDSM n’a pas pour seule fin l’orgasme ou la jouissance, mais
l’accomplissement d’un fantasme, l’abandon, le dépassement de soi, la
gratification, etc. Ces buts ne sont pas atteints aussi facilement qu’on
pourrait le croire. Par exemple, en Ds, un laisser-aller exceptionnel est
nécessaire de la part du soumis pour permettre au Dominant de prendre
entièrement le contrôle. Le mélange entre le lâcher prise, le plaisir sexuel
intense et la connexion avec le partenaire entraîne chez les joueurs un
relâchement émotionnel et psychique qui est suivi d’un sentiment de
légèreté, de bien-être et de plénitude. Une séance intense peut même parfois
susciter des larmes chez le soumis, tant ce sentiment de relâchement et de
paix intérieure le submerge.
Certains joueurs disent utiliser les pratiques BDSM pour atteindre des
buts thérapeutiques assez classiques, comme un travail sur leurs peurs ou
inconforts. Le jeu pourrait aussi, semble-t-il, être une source de «croissance
personnelle et spirituelle» en permettant aux joueurs de se découvrir, de
s’explorer, de se voir sous une autre lumière.
On comprend donc que le plaisir engendré par le BDSM s’exprime à
plusieurs niveaux. Son intensité est variable, selon le partenaire, le
déroulement de la séance et le moment. Chose certaine, il est une
motivation centrale pour les adeptes.

Ça me procure un plaisir et un relâchement de tension qui ne se comparent à rien d’autre. Que ce


soit moi qui donne ou qui reçois, les deux rôles m’emplissent d’un énorme plaisir.
Femme, 28 ans, switch

Pour moi, le BDSM est une autre manière, beaucoup plus longue et intense d’avoir des relations
sexuelles. J’adore cette intensité, la panoplie de sensations, l’effet psychologique, le détachement
du quotidien, l’excitation, et l’endorphine que me procure une séance à saveur BDSM.
Homme, 26 ans, switch

Je pratique le BDSM pour l’effet enivrant et excitant que m’apporte le fait d’avoir le contrôle sur
la personne consentante devant moi.
Homme, 50 ans, Dominant

Une relation de couple intense


Il peut sembler surprenant que le jeu BDSM se déroule dans un contexte
amoureux. De l’extérieur, le jeu peut sembler brusque, violent, dégradant.
Plusieurs non-adeptes diront ainsi qu’ils ne feraient jamais subir un tel
traitement à quelqu’un qu’ils aiment. Dans la réalité qu’il m’a été donné
d’observer, il en va tout autrement: le BDSM sans attachement émotionnel
entre les joueurs, qu’il s’agisse d’amour, d’affection ou d’amitié, me semble
aujourd’hui inconcevable. La pratique nécessite en effet un important
déploiement d’attention et d’énergie, et personne, à mon sens, ne se
dévouerait ainsi à un être qui lui serait indifférent.
De façon générale, une relation BDSM ne se compare pas à une relation
de couple traditionnelle. Les pratiques BDSM, surtout dans le cadre d’un
rapport de domination, nécessitent une communication sans faille et une
confiance totale entre les partenaires. Il faut bien comprendre que tout est
poussé à l’extrême: le soumis s’offre corps et âme au Dominant, le temps
des séances. Le lâcher-prise du soumis est si profond qu’un seul mot, un
seul geste peut avoir des répercussions immenses, autant positives que
négatives, sur ce dernier. Il est donc important que chacun exprime
clairement à l’autre ses désirs, ses peurs et ses limites. Le soumis doit avoir
une confiance absolue envers le Dominant et donc être assuré que peu
importe l’état dans lequel il sera transporté durant la scène, cet état sera sûr
physiquement et émotionnellement. À l’inverse, le Dominant doit avoir la
certitude que le soumis exprime ses besoins pour ce qu’ils sont et non
simplement pour lui faire plaisir, et qu’il lui dira avec sincérité si une
pratique le rend mal à l’aise, même pendant qu’elle est en cours.
De tels niveaux de communication et de confiance impliquent et
entraînent entre les partenaires un degré d’intimité et de partage unique.
Dans une relation BDSM qui fonctionne, les partenaires deviennent
tellement proches et honnêtes l’un envers l’autre que la dissimulation entre
eux devient impossible. Chacun tente de s’ouvrir à l’autre le plus possible,
au point de repousser les limites habituelles des relations humaines. Selon
nombre d’adeptes, chacun s’efforce si intensément d’exciter l’autre que la
satisfaction sexuelle, érotique et émotionnelle transcende celle des couples
traditionnels.

Le BDSM apporte dans ma vie relationnelle une incroyable opportunité


de communication. Affirmer aimer le sexe kinky, le vivre avec sa
partenaire, c’est s’ouvrir à l’autre au plus loin de soi-même. C’est faire
le saut de l’ange, se présenter en entier à sa partenaire. Recevoir en
retour le même don est une exaltation extrême et un cadeau magnifique.
Homme, 26 ans, switch
La communication nécessaire au jeu est exceptionnelle. Ça m’oblige à beaucoup réfléchir et à
exprimer le plus clairement et simplement possible mes besoins et désirs, et surtout, à faire la
différence entre les deux.
Femme, 41 ans, en évolution

J’adore la dimension d’être le professeur, le mentor, celui qui entraîne les petites à mieux servir
et plaire. J’aime le cheminement émotif et cérébral que je dois faire avec la personne soumise
pour l’aider à s’abandonner et évoluer.
Homme, 51 ans, Maître

Une évasion
Le BDSM est pour beaucoup d’adeptes une manière de s’extraire de leur
train-train quotidien. Le temps d’une scène, on entre dans un rôle en
mettant de côté les règles qui nous dictent ordinairement comment agir. Le
but unique est d’avoir du plaisir, de jouer, littéralement. Le BDSM, quand il
est pratiqué dans les règles de l’art, permet aux adeptes d’exprimer des
facettes de leur personnalité qui ne peuvent pas l’être dans le monde social
ordinaire, de dire qui ils sont et ce qu’ils veulent, et d’agir comme ils le
veulent. Certains joueurs avancent que les êtres humains ont tous un côté
sombre, et qu’ils aiment tous jouer avec le pouvoir et le contrôle; le BDSM
offre un contexte sûr et bien circonscrit où l’on peut jongler avec ces
aspects peu explorés de qui nous sommes.

Dans ma vie vanille, j’ai beaucoup de responsabilités. Je suis celle qui domine à tous les niveaux,
que ce soit au travail, avec les enfants ou à la maison. Pour moi, le jeu permet de lâcher les
rênes. De ne plus avoir à me poser de questions. Je me remets entièrement aux mains de la
personne en qui j’ai confiance. Je lâche prise, je m’abandonne et je savoure les sensations qui me
sont données. J’adore franchir les limites que la société et mon rôle m’imposent dans la vie de
tous les jours. Mettre des talons dignes des filles de la rue Sainte-Catherine, porter un corset, des
jupes trop courtes et des stay-ups… c’est un bon départ. Je me permets, dans ces moments, de
braver tous les interdits.
Femme, 36 ans, soumise

Imaginez-vous manger du gruau nature jour après jour. Un jour, vous goûtez à une pizza couverte
d’ingrédients que vous adorez. Vous en remangerez sûrement de temps en temps, puisque vous
avez aimé. Le gruau, c’est le quotidien. Le travail, le sommeil, la télé… La pizza, c’est le BDSM,
avec ses sensations et ses plaisirs hors de l’ordinaire.
Homme, 26 ans, switch

Le BDSM m’amène un équilibre personnel et calme mes ardeurs, qui ne sont pas considérées
comme «standard» par la société. C’est ma porte de sortie pour ventiler. Mon besoin de contrôle,
de domination, et mon trip de sadisme, je peux les vivre de manière saine et contrôlée avec une
personne qui a accepté ces penchants et qui a des besoins qui comblent les miens.
Femme, 35 ans, Maîtresse

Choix ou identité?
La place qu’occupe le BDSM dans la vie des adeptes est variable. Certains
joueurs le considèrent comme un loisir qui ne les définit pas au plus
profond d’eux-mêmes. Selon eux, ce plus à leur vie sexuelle pourrait
facilement être mis de côté s’ils le décidaient. Ces joueurs vont avoir
tendance à chercher des partenaires qui apprécient le BDSM, sans que ce
soit nécessairement un critère décisif. Ils seront heureux d’initier un
nouveau partenaire au monde du BDSM, si ce dernier est intéressé. C’est
souvent ainsi qu’ils auront eux-mêmes découvert cet univers.

Je ne suis pas fétichiste et je peux vivre sans BDSM. Le BDSM est le chocolat de ma vie sexuelle.
Je peux m’en passer, mais c’est tellement bon…
Femme, 60 ans, Dominante

J’ai rencontré un gars qui m’a parlé d’entrée de jeu du BDSM. Je n’en avais jamais entendu
parler et je n’avais même jamais eu de fantasme du genre. Par contre, j’avais depuis longtemps
envie de mettre un peu de piquant dans ma vie sexuelle et de sortir de ma zone de confort. J’avais
envie d’être une autre, de temps en temps.
Femme, 36 ans, soumise

Pour d’autres, en revanche, le BDSM est une partie intégrante de leur


identité. Laisser tomber ces pratiques serait aussi inconcevable pour eux
que de nier le fait qu’ils sont une femme ou un homme; ils se disent prêts à
perdre amours et amis pour être en congruence avec cette attirance – et cela
arrive parfois. Cela ne signifie pas nécessairement qu’ils ont un rapport de
dépendance avec le jeu BDSM ou qu’ils ne pourraient pas être heureux sans
sa présence au quotidien, mais plutôt qu’ils ne se sentiraient pas entiers s’ils
devaient l’éliminer complètement.
L’écrivain et essayiste américain Pat Califia va jusqu’à considérer le
BDSM comme une orientation sexuelle; pour lui, une personne qui a une
attirance pour le BDSM ne peut simplement l’ignorer, tout comme une
personne homosexuelle ne pourrait nier sans se nuire son attirance pour les
personnes du même sexe. Ce postulat suggère que l’attirance pour le BDSM
est très profondément ancrée dans la psyché. Plusieurs des témoignages que
j’ai recueillis – mais pas tous – appuient cette hypothèse. Il semblerait que
pour les joueurs concernés, l’attirance pour le BDSM est apparue très tôt
dans leur vie, que ce soit par des scénarios imaginés dans l’enfance ou lors
de leurs premières expériences sexuelles en solitaire ou à deux. Par
exemple, une jeune soumise m’a expliqué qu’à un tout jeune âge, elle
entourait son lit de toutous et s’imaginait prisonnière et esclave de ceux-ci.
Plusieurs adeptes se souviennent parfaitement de leur première expérience
apparentée au BDSM, laquelle a suscité chez eux une réaction viscérale
avant même qu’ils puissent mettre un nom sur ces pratiques. Pour ces gens
chez qui la fantasmatique BDSM est intégrée à l’imaginaire depuis
toujours, comment ne pas vouloir la vivre?

J’ai toujours averti mes compagnes que s’il n’y avait pas au moins 50% de BDSM dans notre
relation, il n’y aurait plus de couple. Ça m’a coûté quelques cœurs brisés, mais aujourd’hui, je
suis heureux d’avoir finalement trouvé ma femme, ma soumise.
Homme, 50 ans, Dominant

J’ai découvert mon attirance pour le BDSM dans ma petite enfance. Je ne faisais pas du BDSM
proprement dit, de manière consciente et saine, mais mes premières expériences remontent à ce
temps-là.
Femme, 37 ans, Maîtresse

C’est une facette de moi qui m’habite, qui me définit en partie et qui fait qui je suis.
Femme, 41 ans, en évolution

Soumettre, battre, avilir, humilier une femme, ça m’a toujours attiré. C’est viscéral, c’est en moi.
Homme, 44 ans, Dominant

LES RÔLES
Le BDSM est une mise en scène érotique où, à de très rares exceptions près,
chaque partenaire tient un rôle précis, associé à des attentes et à des
responsabilités prédéterminées. En adoptant un rôle, l’adepte signale à ses
partenaires la position qu’il va adopter dans le jeu, ainsi que la manière dont
il agira.
Il y a à peine vingt ans, on ne trouvait sur la scène SM que les rôles du
Dominant et du soumis. L’arrivée d’Internet, la plus grande visibilité
médiatique des pratiques et l’élargissement de la communauté SM au
BDSM ont engendré une diversification des rôles. Aujourd’hui, on en
dénombre une vingtaine, dont la définition peut varier selon les
communautés. La section qui va suivre présente les rôles les plus répandus
en les divisant en quatre grandes catégories: domination, soumission, rôles
versatiles et rôles qui ne sont pas associés à un échange de pouvoir.

Les rôles de domination


De façon générale, les rôles de domination décrivent la personne qui
assume le contrôle dans une situation d’échange de pouvoir, donc celle qui
dirige la scène. La personne qui adopte un rôle de domination trouve son
plaisir dans le contrôle de l’autre personne, dans le fait de lui offrir des
sensations érotiques ou «douloureuses» et de la voir évoluer dans la relation
BDSM. La domination peut opérer à plusieurs niveaux et les joueurs
adhéreront à une ou à plusieurs de ces formes. Elle peut être physique, donc
axée sur le corps et les sensations comportant ou non un élément de douleur
érotique. Elle peut être sexuelle, et s’exprimer à travers le contrôle de la
sexualité du soumis, et elle peut être cérébrale, et se caractériser par le
contrôle en personne ou à distance de l’état émotionnel et psychologique du
soumis.
Même si chaque joueur en vient à développer son propre style, certains
modèles ou styles de domination sont là pour les inspirer. L’un d’entre eux
est la domination disciplinaire, qui consiste en l’application, jusque dans le
quotidien du couple, d’un protocole strict de contrôle des faits et gestes du
soumis par l’entremise de règlements et d’un système de récompenses et
punitions.
La domination goréenne, plus rare, est basée sur les romans dans
lesquels John Norman (qui n’avait rien demandé!) décrit la vie sur la
planète Gor, où la soumission sexuelle des esclaves à leurs Maîtres est la
coutume. Le rapport entre le Dominant et le soumis simule cet
esclavagisme sexuel.
Moins répandue encore, la domination Germanicus est très cérébrale et
axée sur ce que ses adeptes appellent entre eux «les œuvres», des scénarios
BDSM poussés à l’extrême. Le but des œuvres est de permettre au soumis
de vivre ses fantasmes sans retenue et en sécurité (par exemple, fantasmes
de kidnapping, de prostitution, de viol, d’esclavage). Les fantasmes sont
vécus à la limite du réel mais contrôlés dans les moindres détails.
On résume parfois les formes et modèles de domination à deux grandes
écoles. D’un côté du spectre, on trouve la domination latine, mélange de
domination cérébrale, disciplinaire et sexuelle auquel on ajoute parfois le
style Germanicus. Ces pratiques mettent l’accent sur l’éducation,
l’apprentissage, le dévouement et l’évolution du soumis. À l’autre extrême,
on trouve la domination anglo-saxonne, très physique et sexuelle, qui a des
affinités avec le style goréen. L’évolution du soumis est caractérisée par une
tolérance accrue à la douleur et l’utilisation d’instruments de plus en plus
sadiques.
Peu importe le style prisé, on retrouve quatre rôles de domination
principaux: Dominant, Maître, top et sadique. Ces rôles se distinguent les
uns des autres selon le niveau d’expérience du joueur, l’ampleur du transfert
de pouvoir qu’ils impliquent et la présence ou non de jeux de douleur
érotique.
Le rôle du Dominant est le plus répandu des rôles de domination. Le
Dominant pratique nécessairement des jeux comportant un échange de
pouvoir, qu’il peut agencer ou non à des jeux de douleur érotique. La
plupart du temps, il cherche à avoir la charge d’un ou plusieurs soumis,
qu’il choisit. La relation BDSM est souvent importante pour lui; il cherche
à développer une relation à long terme avec son partenaire de jeu. Certains
arguent que ce rôle est fondamental, voire inné chez une personne; sans s’y
efforcer, le Dominant dégagerait une assurance qui inspirerait
l’assujettissement.
Si l’attitude du Dominant est peut-être innée, son rôle, lui, ne l’est pas. Il
s’acquiert par l’expérience et nécessite de nombreux apprentissages ainsi
qu’une grande capacité d’observation et d’écoute de soi et de l’autre. En
tout temps, et malgré le sentiment enivrant du contrôle, le Dominant doit
jauger les besoins du soumis et tenter de les combler, en usant de créativité.
Dans la relation BDSM, le don de soi doit être mutuel; le Dominant s’offre
donc aussi au soumis, mais de façon différente. Il prend soin de lui,
l’«éduque», s’assure qu’il est stimulé dans son rôle, met en scène ses
fantasmes, varie les sources et formes d’excitation, etc. La satisfaction du
Dominant, au-delà du sentiment de contrôle et du plaisir sexuel et érotique,
réside aussi largement dans l’évolution et l’épanouissement de son
partenaire, et dans le perfectionnement de ses techniques de jeu.
Comme dans beaucoup d’aspects du BDSM, ce qui semble à première
vue évident l’est rarement. Certes, le Dominant exerce un contrôle sur son
partenaire, mais ce pouvoir n’est pas absolu. Ses actions sont constamment
influencées par l’entente initiale de la relation: si le soumis a refusé un
certain type de pratique, le Dominant ne sera pas en droit d’outrepasser
cette limite. Cette entente est la fondation de la relation BDSM et c’est le
soumis qui la définit. Le contrôle du Dominant est donc circonscrit dans le
temps et tributaire des limites définies par le soumis.
Le rôle du Maître ressemble en beaucoup de points à celui du Dominant.
En fait, tout ce qu’est le Dominant, le Maître l’est également. Ce qui le
distinguerait, c’est d’abord que, comme son titre le suggère, il maîtriserait
l’art de la domination à un haut degré. Traditionnellement, dans la
communauté, le Maître était le seul propriétaire possible de l’esclave, mais
on voit aussi aujourd’hui des couples Maître-soumis. Le rapport Maître-
esclave est d’une intensité supérieure à celui qui existe entre le Dominant et
le soumis, car l’échange de pouvoir est complet: l’esclave appartient au
Maître en tout temps. Néanmoins, le Maître doit connaître les limites de son
esclave et veiller à son bien-être. Ses actions sont constructives; elles visent
à éduquer et faire évoluer l’esclave et non à le blesser. Le mot Maître est
également utilisé pour désigner un Dominant expérimenté et respecté dans
la communauté; c’est un terme qui inspire l’obéissance, le respect et
l’admiration des joueurs. Aujourd’hui, la distinction entre Maître et
Dominant est quasi inexistante et les joueurs choisissent simplement le rôle
qu’ils préfèrent.
Dans la terminologie gaie, on dira du partenaire qui pénètre qu’il est le
«top». En BDSM, le top est celui qui dirige la scène, peu importe le style.
Cela dit, un Dominant ou un Maître est communément appelé un top, et dira
qu’il «toppe» telle personne. Le rôle de top est aussi embrassé en soi par
certains joueurs. Un joueur se qualifiera parfois ainsi s’il n’est pas intéressé
par le rapport de domination-soumission (donc ne se voit pas comme un
Dominant), mais cherche simplement un partenaire qui désire «recevoir»
dans une scène (un bottom). Le joueur qui revêt le rôle de top dirigera le
plus souvent des jeux axés sur la stimulation physique, plutôt que
psychologique, et adaptera le niveau d’intensité de ses jeux aux désirs de
son partenaire.
Le sadique1, quant à lui, se plaît à voir l’autre souffrir. Tout comme le
top, il pratique principalement des jeux physiques, mais les oriente plutôt
vers des sensations très intenses. Il recherchera donc un partenaire très
masochiste qui aime les jeux où la douleur érotique est centrale. Tous les
joueurs peuvent être sadiques par moments, mais peu se décrivent comme
«sadique» en tant que rôle principal.
Il est important de souligner ici le caractère consensuel du scénario
érotique chez le sadique en BDSM. Il ne s’agit pas de faire mal
gratuitement, à n’importe qui, mais plutôt d’offrir à l’autre une stimulation
physique intense qui, en l’absence de contexte érotique, s’apparenterait à de
la douleur. La ligne de partage entre le sadisme dans le contexte du jeu et le
sadisme sexuel comme paraphilie est le consentement de l’autre. Le but du
sadique est de «faire mal», certes, mais pas de faire du mal.

Les rôles de soumission


À l’inverse des rôles de domination, les rôles de soumission sont ceux
qu’embrassent les participants qui veulent donner le contrôle à l’autre dans
une situation d’échange de pouvoir. Ce sont eux qui «reçoivent» dans une
scène. Le soumis trouve son plaisir dans la perte apparente de contrôle,
dans l’ignorance de ce qui l’attend, dans le fait de s’offrir entièrement à
l’autre, de tout faire pour lui plaire et, évidemment, de recevoir de lui des
stimulations physiques. Beaucoup commencent leur parcours en BDSM en
prenant un rôle de soumission, qui nécessite moins d’apprentissages
préalables que les rôles de domination tout en permettant de vivre
l’expérience aux premières loges.
Tout comme la domination, la soumission peut s’opérer aux niveaux
physique, sexuel et cérébral, chaque individu ayant ses propres préférences.
Elle peut être d’un degré variable, allant de la soumission négociée dans le
cadre d’une seule scène à la soumission totale, dite 24/7 (24 heures sur 24,
7 jours sur 7). C’est en grande partie cette variation dans la profondeur du
rôle qui distingue les quatre principaux rôles de soumission: soumis,
esclave, bottom et masochiste.
Le rôle du soumis est de loin le plus courant. Le soumis donne le
contrôle à son partenaire dans le cadre d’un rapport d’échange de pouvoir
qui peut inclure ou non des pratiques SM. Dans tous les cas, il y a chez le
soumis érotisation du sentiment d’impuissance. La plupart du temps, le
soumis désire une relation à moyen ou à long terme où il pourra s’épanouir
en servant un Dominant. La relation peut être préexistante, par exemple
dans le cas d’un couple qui déciderait d’incorporer cette dynamique, ou
créée à cette seule fin par deux personnes qui étaient à la recherche d’un
partenaire de jeu. Dans les deux cas, le choix du Dominant est très
important, puisqu’un pouvoir immense lui est donné. Le soumis doit
pouvoir avoir en lui une confiance absolue. La plupart des soumis désirent
être dominés pendant un temps bien déterminé, qui va de quelques heures à
quelques jours (par exemple, une soirée ou tout un week-end). Certains
soumis, plutôt rares, désirent ne jamais décrocher de ce rôle dans leur
relation; ce sont eux qui sont qualifiés de joueurs 24/7.
Plusieurs adeptes estiment qu’être un soumis est une vocation intime; il
y aurait un désir profond chez la personne de vivre et d’évoluer dans ce
rôle. C’est un rôle qui nécessite une bonne capacité d’introspection,
d’écoute de soi et de don de soi, et qui se forge avec l’expérience, tout
comme le rôle du Dominant. Celui qui désire seulement recevoir dans une
scène, mais sans s’offrir en retour au Dominant, ne s’identifiera pas au rôle
de soumis, qui implique nécessairement d’être au service de l’autre et
d’évoluer à ses pieds. C’est pourquoi les joueurs plus «traditionnalistes»
critiqueront un soumis qui «domine par le bas» (en anglais «topping from
the bottom»), c’est-à-dire qui dit au Dominant quoi faire et comment, ou
encore le soumis qui provoque le Dominant pour se faire punir (en anglais,
un soumis brat). Le «vrai» soumis serait celui qui se donne au Dominant et
lui obéit qu’il le veuille ou non – tant et aussi longtemps que les pratiques
exigées de lui respectent le cadre établi en début de relation.
Être soumis n’implique pas la passivité. Si le soumis n’a plus le contrôle
une fois le jeu commencé, il doit tout de même s’offrir de façon volontaire
au Dominant, être à l’écoute de ses désirs, obéir activement à ses demandes
et chercher à lui faire plaisir. Comme l’entraînement et l’évolution du
soumis sont souvent centraux dans la relation BDSM, les demandes du
Dominant peuvent parfois être difficiles et confronter le soumis à son
orgueil, à ses peurs, à ses barrières. Il doit donc être disposé à travailler sur
lui-même, ceci afin d’être ultimement un meilleur soumis. La soumission
n’est pas non plus un déni de ses forces personnelles; il faut au contraire
être très robuste pour être à la hauteur du rôle. Le soumis ne sert jamais le
Dominant aux dépens de ses propres besoins et désirs et, à moins que ne ce
soit justement ce qu’il désire, il n’est pas non plus un canevas sur lequel le
Dominant peut improviser à sa guise.
L’esclave, aussi appelé kajira ou kajirus, selon le sexe, chez les joueurs
goréens, est vis-à-vis du soumis ce que le Maître est par rapport au
Dominant; tous deux ont les mêmes caractéristiques, mais l’esclave a un
rapport beaucoup plus profond à son rôle de soumission. Les termes du
rapport Maître-esclave sont négociés dès le début de la relation, mais au-
delà de ce moment, l’esclave renonce à ses droits, à ses désirs, à son
pouvoir et à son contrôle des événements au profit du Maître. Il appartient à
ce dernier, et son but unique est de veiller à son bonheur et à son bien-être.
L’échange de pouvoir, on l’a dit, est ici complet, mais la structure du
contrôle varie selon les joueurs. Pour certains, elle implique un contrôle
absolu de quelques aspects seulement de la vie de l’esclave, par exemple sa
sexualité, alors que pour d’autres, tout dans la vie de l’esclave, incluant les
tâches banales et décisions quotidiennes, appartient au Maître (par exemple,
ce que l’esclave doit manger ou les vêtements qu’il doit porter).
Le rapport Maître-esclave n’est pas léger; il se crée sur des bases solides,
des contrats écrits ou verbaux, des échanges profonds sur les besoins et
désirs des deux parties et il est fondé sur une incommensurable confiance.
La relation est souvent à moyen ou à long terme, et peut être amoureuse ou
purement circonscrite au cadre du BDSM. Certains esclaves qui érotisent le
fait d’être littéralement au service d’un Maître deviennent «esclaves de
service», c’est-à-dire chauffeur, aide ménager, cuisinier, acheteur, etc.
L’absence d’orgueil, l’autodérision, le fait de chercher à plaire à tout prix
à son Maître et d’oublier ses propres besoins au profit des siens sont des
éléments centraux dans l’expérience de l’esclave. Mais il y a une distinction
à faire entre ce qu’on voit dans ses fantasmes et ce que l’ego peut accepter
dans la réalité; la personne qui adopte le rôle de l’esclave ne le fait pas pour
l’apparence ou pour plaire à quelqu’un, mais plutôt parce qu’elle ressent
profondément que c’est ce dont elle a besoin pour se sentir accomplie. C’est
un état d’être, un instinct qui va bien au-delà du jeu sexuel. Certains vont
concrétiser cet état en s’inscrivant à un «registre des esclaves» qui leur
assigne un numéro d’esclave, un certificat d’inscription et un code-barres
personnalisé. Le rapport entre la personne et son rôle est si profond que
plusieurs le marquent de façon permanente sur leur peau, par exemple en y
faisant tatouer leur numéro d’esclave ou en marquant au fer le nom de leur
propriétaire.
À l’inverse du top, le bottom est celui qui reçoit dans une scène. Soumis
et esclaves sont donc des bottoms, mais le terme sert aussi à désigner un
rôle principal chez les joueurs qui s’intéressent moins à l’échange de
pouvoir. Le bottom aime recevoir les sensations physiques liées aux jeux
BDSM, mais il ne désire pas servir un partenaire. Il a donc un plus grand
contrôle dans le jeu et ne se soumet que selon les caprices de son désir
immédiat; il donnera au top des instructions, contrairement au soumis qui,
lui, subira la séance que le Dominant désire lui offrir.
Le masochiste apprécie les sensations érotiques très intenses et les jeux
physiques extrêmes.
Quelques-uns s’approprieront ce terme pour définir leur rôle principal en
BDSM. Le masochiste se concentrera strictement sur les jeux de douleur
érotique et cherchera un partenaire qui aime les pousser à l’extrême. Son
excitation vient des sensations physiques qu’il ressent et du rush
d’adrénaline qui envahit son corps en réponse à celles-ci.

Les rôles versatiles


Certains joueurs préfèrent ne pas se restreindre à un seul rôle dans le jeu et
vivre autant la position dominante que celle du dominé. Certains changeront
de position selon leur envie du moment ou la pratique prévue, d’autres le
feront par périodes, et certains seront plutôt inspirés par les caractéristiques
de leur partenaire (son rôle, son sexe, son âge, par exemple). Une même
personne pourra ainsi s’identifier comme un bottom avec les hommes, mais
un top avec les femmes, ou l’inverse. L’adoption d’un rôle versatile peut
aussi être une période d’expérimentation, d’apprentissage, ou de transition
entre deux rôles. Le switch et le sadomasochiste sont les deux rôles
versatiles prédominants.
Le switch est un joueur dont le rôle dans les scènes varie entre le top et
le bottom. Il peut être attiré autant par les jeux physiques que par les jeux
psychologiques et de domination-soumission. Il peut être couplé avec des
partenaires également switchs, mais il peut aussi vivre deux rôles en même
temps avec des partenaires différents (par exemple, être un soumis dans son
couple stable, mais être un top avec des partenaires occasionnels), ou
négliger l’un des deux rôles dans le cadre d’une relation exclusive (par
exemple, être Dominant en tout temps parce que son partenaire est soumis).
Certains peuvent même être top et bottom dans le cadre d’une même scène
(par exemple, en se soumettant à un Dominant tout en ayant un soumis à
leur charge). Les modalités de la versatilité des rôles sont une affaire de
goût, d’humeur et d’entente entre partenaires.
Comme son nom l’indique, le sadomasochiste aime recevoir autant
qu’offrir des stimulations physiques intenses. Tout comme le sadique et le
masochiste, son jeu est plutôt axé sur des pratiques physiques, et il sera
moins attiré par les activités de nature psychologique. Il pourra être aussi
bien top que bottom dans une scène axée sur la douleur érotique.

Les rôles non liés à l’échange de pouvoir


La quatrième et dernière catégorie de rôles exclut a priori la dynamique
d’échange de pouvoir. Dans ces rôles, il n’y a pas nécessairement une
personne qui dirige et une personne qui reçoit. Les joueurs peuvent tout de
même avoir des pratiques qui relèvent d’un rapport dominant-dominé, mais
ce n’est pas nécessairement le cas et quand ça l’est, c’est plutôt attribuable à
une préférence personnelle qu’à une caractéristique du rôle. Les deux rôles
principaux non liés à l’échange de pouvoir sont ceux du kinkster et du
fétichiste.
Le kinkster apprécie les pratiques non conventionnelles. Le terme est
dérivé du mot anglais kinky, qui caractérise ce qui, dans la sexualité
humaine, est excentrique, bizarre ou coquin. Le kinkster est un rôle un peu
passe-partout, pour lequel les joueurs n’ont pas de définition consensuelle
ni d’attentes particulières. Souvent exhibitionniste, voyeur ou simplement
curieux, le kinkster apprécie parfois certaines pratiques érotiques plus
légères, comme le ligotage ou la fessée. Il participe aux soirées BDSM
parce qu’il aime l’ambiance, les instruments, les vêtements. Souvent, il
touche à tout mais ne s’identifie à rien. C’est un rôle qui peut aussi être
adopté par le joueur qui ne veut pas être catégorisé, qui ne s’identifie pas
aux rôles existants, ou encore, qui veut agir comme il le désire sans être
restreint par les frontières parfois rigoureuses des rôles BDSM. Le rôle est
également souvent utilisé par les néophytes encore à la recherche du rôle
qui leur convient le mieux.
Le fétichiste érotisera une matière, un vêtement, un objet, un
comportement ou une partie du corps qui n’est pas ordinairement considéré
comme une source d’excitation érotique. La plupart des fétichistes ont un
fétiche prédominant, mais certains en ont plusieurs. Les plus fréquents dans
le milieu semblent être le latex, le cuir, les pieds et le travestisme. Le rôle
est beaucoup plus fréquemment observé chez les hommes que chez les
femmes. Certains fétichistes emploieront des pratiques BDSM comme la
soumission pour assouvir leurs désirs, mais sans nécessairement être
intéressés par l’échange de pouvoir en soi. Par exemple, un fétichiste pourra
s’agenouiller devant une Dominante pour masser ses pieds, mais sans se
soumettre à elle: c’est plutôt à son fétiche qu’il est dévoué.

Distribution des rôles


Ce livre étant issu d’un travail de recherche, il ne serait pas complet sans un
volet statistique! En compilant les 272 profils d’adeptes de soirées BDSM
montréalaises que j’ai rencontrés, il a été possible de tirer quelques
conclusions sur la distribution des rôles. Il est important de rappeler qu’il ne
s’agissait que d’un échantillon limité.
Le tiers des participants (34%) s’identifiaient à un rôle de domination.
Plus précisément, 19% se réclamaient du rôle de Dominant, 12% de celui
de Maître, 2% se disaient tops et 1%, sadiques. Pour ce qui est des rôles de
soumission, 26% des participants s’y identifiaient, dont 23% de soumis et
3% d’esclaves, les autres rôles de soumission n’ayant pas été revendiqués
par les participants que j’ai rencontrés. Les rôles versatiles étaient à la traîne
en termes de popularité, avec seulement 12% de participants: 10% de
switchs et 2% de sadomasochistes. Finalement, les rôles non liés à
l’échange de pouvoir étaient réclamés par le quart des participants, dont
18% revendiquaient le rôle de kinkster et 7%, celui de fétichiste. Quelques
participants ont choisi de ne pas se réclamer d’un rôle particulier.
Lorsqu’on compare les rôles avec l’âge des participants, on constate que
les plus jeunes (20-30 ans) s’identifiaient en proportion élevée aux rôles
non liés à l’échange de pouvoir (41%), mais peu aux rôles de domination
(18%). A contrario, les adeptes de 50 ans et plus s’identifiaient dans une
forte proportion à des rôles de domination (52%). Cela laisse croire que les
rôles de domination sont réclamés par des joueurs plus expérimentés, tandis
que les rôles qui ne sont pas liés au rapport Dominant-soumis (ici, surtout le
rôle de kinkster) interpellent davantage les joueurs plus jeunes. La
composante générationnelle n’est pas non plus à exclure: les gens nés dans
les années 1980 n’ont pas le même bagage culturel que ceux qui ont grandi
dans les années 1970.
Lorsqu’on compare les rôles avec le sexe des participants, on constate
que les hommes s’identifient peu aux rôles de soumission (15%), alors
qu’ils sont plus représentés dans les rôles non reliés à l’échange de pouvoir
(34%), en l’occurrence ici, le rôle de fétichiste. Quant aux femmes, elles
sont plus nombreuses dans un rôle de soumission (36%), mais moins dans
les rôles non reliés à l’échange de pouvoir (21%). Pour ce qui est des autres
rôles, la différence entre les sexes était négligeable.
Finalement, si l’on prend en compte l’orientation sexuelle des adeptes,
on constate que l’hétérosexualité est plus fréquente dans les rôles de
domination et très peu dans les rôles de soumission, tandis que la
bisexualité est plus représentée dans les rôles de soumission et
l’hétéroflexibilité, dans les rôles versatiles. Parallèlement, on peut
remarquer que les hommes s’identifient en très grande proportion à une
orientation hétérosexuelle (69%) et très peu à l’orientation bisexuelle (6%),
alors qu’on observe la tendance inverse chez les femmes (22% et 38%,
respectivement). Il est tout de même intéressant de constater que
l’hétéroflexibilité et la bisexualité, qui sont des orientations peu
revendiquées dans la population générale, sont plus fréquemment associées
aux rôles qui impliquent une forme de soumission, ce qui me porte à croire
que les personnes soumises jouent plus fréquemment avec des personnes du
même sexe que les personnes dominantes.

1. Notons ici encore que le terme est employé dans son acception courante sur la scène BDSM, et
non pas au sens psychanalytique ou psychiatrique. Cette remarque vaut aussi pour les rôles
masochiste et fétichiste, évoqués plus loin.
3
LE JEU

Les adeptes conçoivent le BDSM comme un art qui comporte beaucoup de


niveaux, beaucoup de règles, et beaucoup de subtilités. Un homme usant
d’un fouet n’est pas nécessairement un Dominant1. Le jeu s’apprend et se
maîtrise avec le temps. Qu’elle soit physique, mentale ou sexuelle, la
composante jeu est indispensable à la relation BDSM. Les pratiques BDSM
sont innombrables. J’ai regroupé les plus fréquentes en trois grandes
catégories: les jeux de restriction, les jeux de domination-soumission et les
jeux de douleur érotique.
Avant de les décrire, il est important d’en mentionner quelques
caractéristiques universelles.
1. Si certaines pratiques peuvent sembler cruelles, inhumaines ou
dégradantes aux yeux du profane, il faut garder à l’esprit que le
consentement éclairé des parties est un préalable à toute scène. Ces
pratiques sont donc désirées par les joueurs.
2. Chacun ressent les sensations différemment, et chaque personnalité
perçoit différemment les situations: des choix sont faits en fonction de ces
paramètres subjectifs. Il serait ainsi faux de croire que tous les adeptes du
BDSM s’engagent dans des rapports de domination-soumission ou érotisent
la douleur. L’intensité du jeu, quel qu’il soit, variera aussi (de soft à hard).
3. En contexte BDSM, lorsque l’un des joueurs ne ressent plus de plaisir,
le jeu cesse et les joueurs se regroupent pour discuter de ce qui n’a pas
fonctionné. Une pratique n’est pas exécutée si elle ne convient pas, ou plus,
aux joueurs. Le consentement est constamment validé pendant le jeu et un
participant peut le retirer à tout moment sans préjudice pour lui.
4. Toutes les pratiques, qu’elles soient physiques ou psychologiques,
sont assorties de règles de sécurité, et celles-ci sont d’une extrême
importance. Avant de s’engager dans une pratique pour la première fois, les
joueurs doivent s’informer sur celle-ci afin de s’assurer de la mettre en
scène de façon sûre.

LES JEUX DE RESTRICTION


Cette catégorie de jeux rassemble les pratiques dont le but est de restreindre
partiellement ou complètement les mouvements, les actions ou les sens du
soumis. La restriction peut être concentrée à une partie du corps ou sur tout
le corps, et peut être physique ou mentale. On associe généralement la
restriction physique à l’utilisation de corde, mais elle peut être obtenue à
l’aide d’une diversité d’objets. Elle agit comme une sorte de mise au foyer:
l’attention du soumis est dirigée et focalisée par le Dominant. Pour les
adeptes, des sensations érotiques découlent de l’immobilisation, de
l’impression de captivité et de la texture des matières qui servent à la
contrainte. La restriction peut aussi engendrer des sentiments de peur, de
perte de contrôle ou de vulnérabilité qui sont érotisés par beaucoup de
joueurs et associés à une grande libération d’adrénaline. Les joueurs
rapportent qu’elle leur permet de s’évader et les soulage de tensions
physiques et psychiques. Dans certaines restrictions plus lourdes, le soumis
se retrouve dans un état de conscience modifié, seul face à lui-même, au
vide, au silence. Il peut facilement perdre la notion du temps et du monde
autour de lui. C’est une expérience qui peut avoir un aspect thérapeutique
selon plusieurs. On peut regrouper les jeux de restriction en cinq catégories:
ligotage, restriction mentale, privation sensorielle, restriction sexuelle et
restriction complète.

Le ligotage
Le ligotage a pour objectif de restreindre physiquement les mouvements du
soumis. Il peut se faire debout, au sol, sur un meuble ou même en
suspension. On peut emballer le corps, restreindre un ou plusieurs membres
ou encore attacher le soumis à un objet ou à une autre personne. Le ligotage
peut être délicat et fondamentalement esthétique, tout comme il peut être
lourd, complexe et très limitant. Il peut être sexualisé en étant concentré sur
les organes génitaux, où la tension, la friction ou un jeu de balance peut
causer l’excitation (par exemple, si le soumis relâche sa posture, la corde
enserre plus fort ses organes génitaux). Le ligotage peut être intégré à une
scène complexe comportant d’autres jeux, par exemple dans le cadre d’une
séance d’humiliation, d’exhibition ou de jeux de douleur érotique, mais
constitue souvent une pratique en soi, prisée pour le sentiment de restriction
qu’elle engendre, que certains trouvent enivrant. Il est fréquemment couplé
à des jeux de discipline où le soumis se retrouve face à des instructions
paradoxales, comme maintenir la posture demandée dans une situation
d’humiliation, d’inconfort physique ou encore, de stimulation sexuelle. On
peut diviser les pratiques de ligotage en trois catégories: bondage japonais,
bondage Western et, de manière plus générale, restriction des mouvements.
Le bondage japonais (shibari ou kinbaku) est une technique de ligotage
basée sur l’hojōjutsu, un art martial qui existe depuis des siècles et
consistait à l’origine à capturer et à transporter un prisonnier. Dans le
bondage japonais, le corps est enveloppé de cordes de manière à restreindre
le mouvement, mais aussi à dessiner des formes, qui sont souvent
agrémentées de rosettes décoratives. Aucun nœud n’est employé pour
former les figures; le seul contact des cordes permet de créer des arrêts à
l’aide de boucles (des loops). Des cordes de fibres naturelles (chanvre, jute)
sont utilisées parce qu’elles sont suffisamment flexibles pour ne pas limiter
les figures, mais suffisamment rugueuses pour rester en place. Les cordes
en fibres naturelles ont aussi une odeur et une texture particulières, que
beaucoup érotisent. D’ordinaire, le bondage japonais ne s’improvise pas; les
joueurs suivent des formations, consultent des ouvrages ou sont
accompagnés par un mentor qui excelle dans cette pratique.
Les possibilités du bondage japonais sont vastes. Il peut être décoratif,
c’est-à-dire ne pas restreindre le mouvement, mais simplement parer le
corps de cordes, comme un corset ou une brassière: même si les gestes du
soumis ne sont pas physiquement limités, la sensation de contrainte reste
présente. Le bondage peut aussi être légèrement restrictif, avec seulement
certains membres ligotés, les avant-bras au torse ou les bras derrière le dos,
par exemple. Il peut être très limitatif, avec une restriction totale ou quasi
totale des mouvements du corps: on ligote par exemple les mollets aux
cuisses, ou les cheveux aux pieds. Le bondage peut enfin être réalisé en
suspension. Cette dernière technique nécessite des matériaux spéciaux et
une formation avancée. Une fois le corps complètement ligoté, la personne
peut être bercée délicatement, forcée dans certaines positions, stimulée
sexuellement, «torturée», ou encore, laissée à elle-même, selon l’effet
escompté. Les grands adeptes de bondage, souvent appelés rope bunnies,
considèrent la pratique comme étant complète et satisfaisante en soi, et ne
ressentent pas nécessairement le besoin de l’assortir d’autres jeux ou
stimulations.
Dans le bondage japonais, le processus de ligotage est au moins aussi
important que le résultat final. La pratique est considérée comme méditative
et spirituelle par certains, un peu comme le serait une séance de yoga. Pour
la personne ligotée, c’est une expérience de captivité sensuelle, un moment
où elle ne peut qu’accepter son état d’impuissance et de vulnérabilité. Cet
état de captivité se traduit souvent par un lâcher-prise total, l’abandon de
tout contrôle, le sentiment d’être complètement pris en charge par l’autre et
d’être en sécurité dans ses cordes. L’immobilisation peut être un moment
profond de soumission, de sérénité, ou de connexion à soi-même ou à
l’autre. Certains y trouvent aussi un relâchement de toute la tension
physique, émotionnelle et érotique accumulée. Dans la suspension, où le
corps ligoté du soumis ne touche pas le sol, le rapport à la gravité est
complètement altéré, la personne a l’impression de flotter, ce qui peut créer
un effet de relaxation presque hypnotique.
Le style Western est le pendant occidental du bondage japonais. Il utilise
des cordes de différentes textures et couleurs (coton, nylon, polypropylène)
ainsi qu’un système de nœuds restrictifs ou décoratifs pour maintenir en
place le ligotage. Si n’importe quel type de corde peut en principe être
utilisé, celle-ci ne doit être ni trop mince (afin d’éviter de couper la
circulation) ni trop rugueuse (pour ne pas écorcher la peau) ni trop lisse
(pour maintenir les nœuds en place). Pour peu que ces recommandations
soient suivies, le bondage Western, qui s’apprend plus rapidement que le
bondage japonais, se prête bien à l’improvisation. Il sert plus fréquemment
que son cousin dans le cadre d’une scène plus large, par exemple pour
attacher les pieds du soumis aux barreaux d’un lit. Il peut aussi constituer le
cœur d’une scène, mais l’aspect spirituel et méditatif est plus présent dans
la pratique du bondage japonais.
De façon plus générale, la restriction des mouvements peut recourir à
une diversité d’objets autres que la corde. L’utilisation d’un matériau
particulier, par exemple le cuir, peut correspondre à un fétiche du joueur.
Des menottes en cuir ou en métal (et même les menottes en fourrure du sex-
shop du coin) peuvent être mises aux poignets et aux chevilles. Certains
bracelets à attache ont le même effet. Des barres d’écartement de différentes
longueurs peuvent aussi être employées pour forcer une distance entre les
pieds ou les mains du soumis. Il s’agit généralement d’un bâton de bois
recouvert de cuir dont les extrémités comportent des attaches. Certains
harnais de cuir et parfois de métal sont également conçus pour la restriction
des mouvements. Il en existe pour la tête, les bras, les jambes, le torse et les
organes génitaux masculins. Une camisole de force peut également servir.
Nombre d’objets et de matières, rares ou courants, peuvent servir à
maintenir le corps dans la position désirée: chaînes, rubans, foulards, bas de
nylon, cravates, ceintures, bandes élastiques, sex sling, pellicule plastique,
attaches autobloquantes, soie dentaire… L’imagination et la sécurité des
joueurs sont les seules limites à leur créativité.

La restriction mentale
La restriction du corps peut aussi s’opérer mentalement, que ce soit de
façon verbale ou écrite. Le jeu consiste alors à imposer une posture au
soumis, qu’il devra la maintenir même si aucun objet ne l’empêche de
bouger. Par exemple, le Dominant peut demander au soumis d’écarter les
jambes et de les garder immobiles alors qu’il le stimule avec un vibrateur.
La restriction mentale peut aussi viser les actions du soumis, par exemple
exiger de lui qu’il ne regarde pas quelque chose ou quelqu’un, qu’il ne parle
pas, qu’il ne dorme pas, qu’il n’aille pas à la salle de bains. Elle peut servir
à l’humiliation ou à l’exhibition, à mettre à l’épreuve la volonté du soumis,
à l’agacer ou à instaurer une dominance.

La privation sensorielle
La privation sensorielle consiste à confisquer au soumis l’usage d’un ou de
plusieurs sens. Son attention se reporte alors sur ses sens restants: la
perception des textures, des odeurs, des sons, du contact avec la peau, etc.,
s’en trouve exacerbée. La privation sensorielle augmente le mystère d’une
scène, ce qui permet d’accroître la tension érotique et l’anticipation chez le
soumis. Certains l’utilisent aussi pour se dissocier du monde environnant et
se concentrer sur leurs propres sensations ou émotions.
Pour ce faire, de nombreux outils peuvent être employés. Un bandeau
sur les yeux du soumis l’empêche souvent de voir ce qui se passe autour de
lui, ce qui fait en sorte qu’il ne peut pas savoir quel outil est utilisé, ou
encore qui le touche. Des bouchons d’oreilles ou des écouteurs isolent le
soumis des bruits environnants lors d’une séance ou l’empêchent de
reconnaître au son le prochain outil qui sera utilisé dans le jeu.
Bien entendu, la parole n’est pas un sens mais une faculté; il n’empêche
que certains adeptes trouvent une stimulation dans le fait d’en être privés.
On a alors recours à un bâillon, qu’il s’agisse d’un gag ball (une boule
maintenue dans la bouche par une lanière), d’une muselière, d’un mors,
d’une bande autocollante, ou de tout autre tissu ou objet à même
d’empêcher le soumis de parler. Certains bâillons permettent en outre
d’attacher divers d’objets, comme un plateau, un cendrier ou un jouet
sexuel.
La cagoule est un autre outil qui permet entre autres la privation
sensorielle (elle peut aussi servir à l’humiliation ou simplement à cacher
l’identité d’un participant). Les cagoules peuvent être légères et ne pas
cacher le visage, ne comporter que des perforations pour permettre la
respiration (ou aucunes si elles sont faites de spandex), ou encore être
renforcées au niveau des yeux, des oreilles et de la bouche afin de créer une
réelle déconnexion du monde environnant. Certaines comportent aussi des
pièces amovibles, par exemple un bandeau ou un bâillon.

La restriction sexuelle
La restriction sexuelle consiste à empêcher le soumis d’avoir des activités
sexuelles ou d’atteindre l’orgasme. Les adeptes de cette pratique ont
différentes motivations. Le Dominant peut l’imposer au soumis comme une
punition, comme une forme particulière de contrôle (si le soumis a droit à
l’orgasme quand il le désire, qui a réellement le contrôle?) ou simplement
pour affirmer sa dominance. La pratique peut être d’autant plus prisée par le
soumis que l’orgasme peut être d’une intensité rehaussée après une période
de restriction.
Les joueurs utilisent différentes méthodes ou règlements adaptés à leur
type de jeu et à la durée désirée de la restriction. Celle-ci peut être
simplement dictée, c’est-à-dire que le dominant exige du soumis qu’il ne se
masturbe pas ou n’ait pas de relations sexuelles pendant un temps
déterminé. Il est aussi possible d’utiliser cette restriction pour tester la
volonté du soumis. Par exemple, ce dernier pourrait être exposé ou être
forcé à s’exposer à des stimuli (vidéos ou textes érotiques, masturbation,
rapports sexuels). Certains adeptes utiliseront une ceinture de chasteté,
antique dispositif couvrant les organes génitaux, pour assurer le contrôle
complet du dominant sur la sexualité du soumis. Disponible pour les
hommes et pour les femmes, elle est généralement faite de métal ou de cuir
et est souvent verrouillée à l’aide d’un cadenas dont seul le Dominant a la
clé.

La restriction complète
La restriction complète immobilise totalement le soumis. Cette pratique
permettrait, selon ses adeptes, de s’évader dans un état de méditation, de
bien-être, de déconnexion. Le corps du soumis est complètement emballé,
empêchant tout mouvement. Deux techniques de restriction complète sont
répandues: la momification et le vacuum bed.
La momification consiste à envelopper le corps du soumis de matériaux
divers de manière à l’empêcher de bouger. Les joueurs utiliseront de la
pellicule plastique, du ruban adhésif, des bandes de tissu ou de latex, des
bandages ou un sleepsack, sac de latex, de cuir ou de spandex spécialement
conçu pour cette fin. Le soumis est généralement couvert des pieds jusqu’au
cou, mais les joueurs plus avancés peuvent également momifier la tête en
prenant soin de laisser une ouverture au niveau de la bouche ou du nez, à
moins de laisser un tuyau sortir de la bouche. Il est également possible de
momifier le soumis avec un objet, ou à une autre personne, ou encore dans
une position particulière qui peut être humiliante.
Le vacuum bed est une grande enveloppe dans laquelle le soumis se
glisse avant que l’air en soit complètement aspiré. Il est généralement
constitué de deux draps de latex scellés et maintenus par un cadre rigide. Le
soumis se place entre les draps, la tête à l’extérieur ou la bouche vis-à-vis
d’une ouverture, puis on évacue l’air à l’aide d’un aspirateur. La personne
est alors complètement immobilisée, son corps parfaitement moulé entre les
draps de latex. Elle ne peut pas bouger et ne peut pas non plus voir ou
entendre si la tête est incluse dans le dispositif; elle est ainsi exhibée,
touchée ou simplement laissée à elle-même.
LES JEUX DE DOMINATION-SOUMISSION
Le pouvoir a toujours été érotisé. Les jeux BDSM exploitent le mystère qui
l’entoure, cette distance entre celui qui le détient et celui qui est en position
d’infériorité, cette possibilité donnée au premier de manipuler l’autre,
parfois littéralement, en lui ôtant tout contrôle. Cette dynamique
fondamentale de la sexualité est alors ritualisée et devient une source de
connexion sexuelle et émotionnelle intense.
Les jeux de domination-soumission, ou jeux de Ds, mettent en scène la
différence de pouvoir entre Dominants et soumis. Ils expriment ce rapport
et le renforcent à travers des gestes ponctuels ou récurrents, imbriqués ou
non dans des scènes ou des scénarios plus complexes. La différence de
pouvoir est la fondation de la relation Dominant-soumis. C’est une
dynamique qui se discute, qui s’entretient et qui est encadrée par des
règlements et des ententes négociées par toutes les parties. La
communication et la confiance sont omniprésentes et bilatérales; il est aussi
important pour le soumis d’avoir confiance dans le Dominant que l’inverse.
La révélation de soi serait également cruciale pour une relation Ds
épanouie. Le rapport de pouvoir peut s’instaurer seulement lors du jeu,
comme il peut être une constante dans la relation. L’outil le plus
communément utilisé dans les jeux de Ds est l’imagination; chacun invente
les siens, à l’image de ses désirs et fantasmes.
Le rapport de Ds est l’occasion pour les partenaires de flirter avec les
interdits, les tabous du pouvoir. Pour celui qui domine, le plaisir est dans le
fait d’avoir le contrôle, de faire subir, d’imposer, de laisser languir, de
surprendre, d’humilier le soumis ou de se faire servir par lui. Certains
aiment également éduquer et guider leur soumis et ressentent de la fierté à
le voir évoluer dans son rôle. Pour celui qui se soumet, le plaisir réside dans
le fait de lâcher prise, de s’offrir à l’autre, d’obéir aux ordres, de plaire, de
subir, d’être utilisé, d’être humilié, de servir. À travers le rapport de Ds et le
pouvoir conféré au Dominant, des blocages dans l’atteinte du plaisir (par
exemple, la difficulté à assumer certains fantasmes) peuvent disparaître.
C’est qu’alors le soumis se concentre sur les attentes de son rôle, il réfléchit
moins à la moralité, à l’acceptabilité sociale des pratiques ou à ses
inhibitions, et peut donc expérimenter et se laisser aller complètement.
Le rapport de Ds est investi différemment selon les joueurs. Chez
certains, le rapport peut être ponctuel, c’est-à-dire que les partenaires de jeu
décideront qui sera le Dominant et qui sera le soumis dans le cadre d’une
scène ou d’une soirée. Il peut aussi être circonscrit dans le temps, comme
être présent lors du jeu seulement ou de moments prédéterminés (par
exemple, durant tout un weekend). Le rapport de Ds peut également être
ancré constamment dans la dynamique de la relation, c’est-à-dire qu’il y
aura toujours l’expression d’une différence de pouvoir entre les partenaires,
que ceux-ci soient dans une scène ou non. Parfois, le rapport de Ds est
officialisé par la remise d’un collier au soumis, qui souligne le moment où
le Dominant accepte officiellement de prendre en charge le soumis. Le
collier de soumission est fréquemment offert après une période de probation
où les partenaires apprennent à se connaître et testent leur dynamique. Il est
parfois remis à la suite d’une série d’épreuves devant être réussies par le
soumis à la satisfaction du Dominant, ou dans le cadre d’un évènement
particulier, parfois appelé la cérémonie de remise du collier.
Le rapport de Ds peut être jumelé avec la discipline, un entraînement qui
prétend former le soumis de telle sorte qu’il agisse précisément comme le
Dominant le désire et qui se traduit par l’instauration de règles strictes et
d’un système de récompense et de punition. Il peut s’agir de développer
certains marqueurs de la soumission appréciés par le Dominant (par
exemple, le vouvoiement), comme il peut s’agir d’aptitudes très précises
(agir comme un animal, faire office de meuble, porter des corsets très
serrés). Si ce qui est attendu du soumis est oublié par lui ou est
insatisfaisant pour le Dominant, ce dernier se réserve le droit de le punir.
Évidemment, si l’erreur est accidentelle ou si le soumis est débutant, la
punition sera légère. Un Dominant, en outre, ne peut en aucun cas punir un
soumis pour avoir arrêté une séance pour des raisons de sécurité ou de
limites.
Les punitions les plus sévères sont d’abord approuvées par le soumis.
Par exemple, en début de relation, il pourra dire qu’il n’apprécie pas une
certaine pratique, mais qu’il accepte tout de même de la vivre comme
punition. Le Dominant ne peut donc imposer des pratiques refusées par le
soumis sous prétexte de le punir. La punition est néanmoins, par définition,
une action ou une pratique qui n’est pas appréciée par le soumis (sinon, ça
serait une récompense!). Elle est souvent suivie d’une demande de pardon
du soumis au dominant.
À l’inverse, les jeux de servitude peuvent aussi inclure des récompenses,
qui permettent de renforcer le comportement désiré et de souligner l’effort
du soumis.
Quelques exemples de punitions: Ignorer le soumis; l’humilier
publiquement (par exemple, lui demander de mettre en ligne un texte
décrivant sa faute); lui enlever un privilège (exiger qu’il s’asseye sur le sol
toute la journée); lui faire subir quelque chose qu’il n’aime pas (lui donner
cinq coups de canne); lui faire faire quelque chose qu’il n’aime pas (des
tâches ménagères).
Quelques exemples de récompenses: Libérer le soumis de certaines
tâches qui sont normalement obligatoires; incorporer d’autres joueurs à une
scène (si le soumis l’apprécie); lui offrir de faire une pratique qu’il aime; lui
accorder un droit qu’il n’a pas normalement.
Les jeux de domination-soumission sont innombrables, mais peuvent
être divisés en trois catégories: les jeux de servitude, les jeux d’humiliation
et les jeux de rôles.

La servitude
Les jeux de servitude sont souvent des pratiques récurrentes installées dans
la relation Ds. Elles servent à démontrer l’engagement du soumis ainsi qu’à
entretenir la différence de pouvoir. En d’autres mots, ces jeux confrontent le
soumis à son état de soumission et renforcent le pouvoir du Dominant. Les
jeux de servitude sont acceptés par les deux parties, même s’ils peuvent être
astreignants dans la vie du soumis – malgré le fait que les pratiques soient
négociées, il est important de comprendre que le Dominant n’est pas là pour
plaire au soumis. Le fait de servir le Dominant est entre autres un moyen
pour le soumis de lui démontrer de la reconnaissance pour le temps et
l’énergie qu’il lui accorde.
Les nombreux jeux de servitude répondent aux désirs et besoins
érotiques des joueurs. Ils s’apparentent en fait à des tâches à effectuer, et
ont pour but d’assurer que le Dominant soit heureux, comblé et fier de son
soumis. Leur forme et leur fréquence varieront selon l’intérêt des joueurs
pour l’établissement d’un protocole strict. On qualifie en effet de «joueur
protocolaire» celui qui met en place beaucoup de jeux de servitude dans son
rapport de Ds. Les trois formes principales d’expression des jeux de
servitude sont le service, l’obéissance et la prévenance.
Le service est une expression de respect, de soumission, de dévotion et
d’amour. Lorsqu’il est dans son rôle, le soumis exprime sa dévotion par une
série de rituels qui ont été instaurés dans la relation. Les rituels doivent être
pratiqués à tout moment où le soumis est dans son rôle et varient selon le
bon plaisir du Dominant.
Voici une liste non exhaustive de rituels de service, qui peuvent être
effectués à la demande du Dominant, ou bien à des moments préétablis. On
remarque qu’ils sont de nature, de durée et de fréquence très variées:

– Le soumis doit s’agenouiller sur le sol lorsque le Dominant lui parle,


ou lorsqu’il lui met son collier.
– Le soumis doit présenter des objets au Dominant à genoux, l’objet
tendu au-dessus de la tête, le regard au sol.
– Le soumis doit préparer le lieu du jeu avant la séance, et le nettoyer
après.
– Le soumis doit faire et servir le café au Dominant tous les matins.
– Le soumis doit lécher, embrasser, contempler ou masser les pieds du
Dominant, ou encore polir ses chaussures.
– Le soumis doit occuper la fonction d’une table, d’un cendrier, d’une
chaise ou de tout autre objet désiré par le Dominant.
– Le soumis doit effectuer des tâches ménagères pour le Dominant ou
le conduire dans ses déplacements.

Dans le jeu d’obéissance, le soumis se doit d’obéir au Dominant sans


questionner, hésiter ou contester. Des ordres simples comme «à genoux»,
«déshabille-toi» ou «jappe» doivent être appliqués immédiatement et à la
lettre. Des ordres plus généraux peuvent être donnés pour imposer au
soumis une façon d’être ou de réagir, par exemple, répondre à toutes les
questions du Dominant par «Oui Monsieur» et «Non Monsieur» (ou
«Madame»). Certains ordres peuvent blesser le soumis dans son orgueil et
peuvent aussi servir à tester sa volonté, par exemple, le Dominant peut lui
demander de se présenter dans un endroit public sans porter de sous-
vêtements. Si le soumis n’obéit pas aux ordres dans un délai considéré
comme raisonnable par le Dominant, ce dernier pourra le punir.
Dans le jeu de prévenance, le soumis a la responsabilité de plaire au
Dominant autant qu’il le peut. La prévenance signifie que le soumis
s’inquiète en tout temps du bien-être du Dominant et s’assure que celui-ci
soit comblé en devançant sa volonté. Comme le soumis est souvent le seul à
recevoir des sensations physiques lors du jeu Ds, la prévenance est en
quelque sorte un retour du balancier pour le Dominant.
Le jeu peut impliquer d’anticiper les besoins simples du Dominant, par
exemple en lui apportant une bouteille d’eau. Le soumis peut aussi lui
prodiguer des attentions ou des soins particuliers, par exemple lui faire un
massage, lui donner le bain, lui brosser les cheveux. Il peut lui faire un
spectacle, ou lui offrir d’exécuter une pratique qu’il n’aime pas
particulièrement. Pour plaire, le soumis peut aussi porter une attention
particulière à son allure et à son hygiène, par exemple en portant un
vêtement ou un parfum qu’il sait que le Dominant apprécie. Il peut
également pratiquer l’adoration du Dominant, c’est-à-dire aduler et vénérer
son corps ou une partie de son corps (pieds, cheveux, organes génitaux).

L’humiliation
Les jeux d’humiliation sont des pratiques lors desquelles des tourments
psychologiques ritualisés et bien circonscrits sont infligés au soumis. Ils ont
comme objectif principal de créer un sentiment d’abaissement, de
dégradation ou de honte chez le soumis, souvent mêlé à de l’excitation
sexuelle chez les joueurs qui l’érotisent.
Il peut être difficile de comprendre comment quelqu’un peut tirer du
plaisir du fait d’être humilié. La distance émotionnelle et psychologique
entre celui qui rabaisse et l’humilié semble être une source de désir et de
tension érotique. De plus, le sentiment d’être humilié engendre un rush
hormonal qui ressemble à la réponse combat-fuite, où ici combattre
correspond à continuer de subir, alors que fuir consisterait à arrêter le jeu.
C’est l’oscillation entre le sentiment de honte et la charge érotique de la
situation qui rend la pratique attirante pour les joueurs. Certains d’entre eux
cependant ne ressentiront pas la tension érotique durant l’acte humiliant,
mais plutôt après, en repensant à ce qu’ils ont fait et en rejouant le scénario
dans leur tête.
À moins d’avoir convenu d’une séance punitive, un Dominant
n’humiliera pas un soumis qui n’érotise pas ce sentiment, car l’humiliation
peut être dommageable pour l’estime de soi et traumatisante si elle n’est pas
désirée. Les jeux doivent être constructifs et ne doivent pas affecter
l’intégrité physique, psychologique et émotionnelle de la personne qui les
subit. Comme souvent, le type d’humiliation et son intensité seront du
ressort du soumis: ses limites, ses fantasmes, son niveau d’orgueil, sa
sensibilité mènent le bal. Il s’agit souvent de «forcer» le soumis à vivre une
chose qu’il aimerait vivre si la société et ses propres inhibitions ne l’en
empêchaient pas. L’humiliation peut aussi tester la dévotion du soumis et,
bien entendu, servir au plaisir du Dominant. Elle se situe sur un continuum
qui va de la honte légère à la dégradation extrême.
En fait, tous les jeux BDSM peuvent servir à humilier. Les jeux
d’humiliation correspondent à ce que le joueur considère comme étant
humiliant pour lui, cette notion pouvant varier d’une personne à l’autre,
voire chez une même personne avec le temps et selon les expériences. Par
exemple, recevoir une fessée couché sur les genoux du Dominant peut être
considéré comme très humiliant par certains, alors que c’est plutôt une
pratique intime et empreinte de tendresse pour d’autres. Dans le même
ordre d’idée, une pratique peut être considérée comme acceptable
lorsqu’elle se déroule en privé, mais devenir humiliante dans une soirée
publique. Certains jeux restent toutefois plus fréquemment associés à
l’humiliation. On peut les classer grossièrement en trois catégories:
l’humiliation physique, l’humiliation mentale et l’humiliation sexuelle.
L’humiliation physique utilise le corps du soumis pour susciter chez lui
un sentiment d’abaissement, de dégradation ou de honte. On aura
notamment recours à la laisse, qui, attachée au cou du soumis, permet au
Dominant de le mener à sa guise. Cette pratique implique fréquemment que
le soumis se déplace à quatre pattes, suivant au sol le Dominant, comme un
chien. L’isolation du soumis est aussi utilisée à des fins d’humiliation, par
exemple en le mettant en cage ou en le confinant seul dans un coin de la
pièce.
Certains actes dégradants peuvent être faits de façon indépendante ou
pendant d’autres jeux. Par exemple, le Dominant peut gifler le soumis, lui
tirer les cheveux, lui cracher dessus ou le bousculer.
Les jeux d’urologie et de scatologie qui consistent à uriner ou à déféquer
sur le corps ou le visage du soumis comportent presque toujours un élément
de dégradation. On peut également demander au soumis d’uriner ou de
déféquer dans un pot ou dans ses vêtements devant le Dominant. Certains
adeptes des jeux de scatologie ont également recours aux lavements, qui
consistent à injecter du liquide dans l’anus pour provoquer la défécation ou
nettoyer les parois anales. Dans le même ordre d’idée, un Dominant
pourrait demander à sa soumise de lui montrer son sang menstruel.
Le jeu médical est utilisé pour examiner et exposer le soumis. Dans ce
jeu, un examen est fait afin de scruter le soumis à la loupe, par exemple
prendre sa température rectale ou inspecter ses organes génitaux à l’aide
d’un spéculum. Certains objets peuvent également être insérés dans l’urètre,
le vagin ou l’anus, tels des sondes (cylindres de différentes grosseurs
permettant de dilater ou d’explorer les orifices) ou des cathéters (tubes de
plastique flexibles qui servent normalement à retirer l’urine de la vessie).
Les vêtements peuvent également être un moyen d’humiliation physique
du soumis, par exemple l’exigence qu’il porte un accoutrement absurde ou
extrêmement sexualisé. La féminisation, par exemple, consiste à vêtir un
homme soumis d’habits traditionnellement féminins (bas résilles, porte-
jarretelles, sous-vêtements féminins, talons hauts). C’est le fait d’être
imposés par le Dominant qui leur confère un caractère humiliant (s’ils
étaient choisis par le soumis pour leur caractère érotique, cela relèverait
plutôt du travestisme).
L’humiliation mentale a aussi pour but de susciter un sentiment
d’abaissement, de dégradation ou de honte chez le soumis, mais cette fois
en influençant défavorablement sa perception de lui-même. L’humiliation
verbale consiste à insulter le soumis ou à le traiter de noms dégradants, par
exemple salaud ou salope, cochon ou cochonne, pervers ou perverse. Si
l’objectification consiste à traiter le soumis comme un objet, la
dépersonnalisation consiste à le traiter comme s’il n’avait aucune émotion,
aucune valeur. Dans ces jeux, le soumis peut être ignoré, abusé ou utilisé
pour satisfaire les besoins des autres (par exemple, le Dominant peut
ignorer le soumis pendant de longues minutes alors que celui-ci lui présente
un verre d’eau).
L’exhibition consiste à exposer le soumis dans une position ou un état
considéré comme dégradant. Elle peut être pratiquée en privé, mais devient
beaucoup plus intense en présence d’autres individus. Évidemment, une
certaine retenue est nécessaire dans les lieux publics, mais les soirées de jeu
se prêtent bien à l’exercice. Celui-ci peut être strictement physique; par
exemple, on demandera à une soumise de se pencher, la jupe relevée, et de
rester ainsi pendant que les joueurs l’observent et commentent ses fesses.
L’exhibition peut aussi être psychologique: on peut par exemple demander
au soumis d’exposer à tous qu’il est un pervers en le faisant se promener
avec une pancarte qui l’indique ou en lui ordonnant de le dire à tous les
Dominants qu’il croise.
L’humiliation mentale peut aussi consister à forcer le soumis à dire
certaines choses. La supplication le force à implorer le Dominant pour avoir
ce qu’il désire. L’interrogation implique quant à elle de soutirer de
l’information ou un secret au soumis. Cette pratique peut être mélangée
avec de la torture ou de la restriction afin de recréer un contexte
d’interrogatoire réaliste. Dans ce jeu, le soumis résiste le plus longtemps
possible, ce qui force le Dominant à être d’autant plus persistant et inventif.
Le contrôle mental (ou mindfuck) vise à déstabiliser, à manipuler ou à
créer intentionnellement de la confusion dans l’esprit du soumis afin de
causer chez lui de l’excitation, de l’anticipation ou de la peur. Il s’agit de
jouer avec la conscience du soumis, en lui faisant croire que quelque chose
se passe (alors qu’il ne se passe rien), ce qui suscite de vives émotions et un
rush d’adrénaline. Le but de la pratique est de contrôler l’état mental du
soumis dans une perspective érotique. Un Dominant pourra, par exemple,
faire croire au soumis qu’il le vendra au plus offrant à la prochaine soirée de
jeu s’il n’est pas satisfait de sa dévotion pendant la semaine qui précède. Le
soumis sera dans un état d’agitation et de stress intense au courant de la
semaine et portera une grande attention à tous ses gestes, pour le plus grand
plaisir du Dominant. Comme souvent en BDSM, l’anticipation, l’inconnu,
est la clé d’une scène de contrôle mental réussie. Évidemment, ce type de
jeu peut être dangereux et il est important pour tous les partenaires de bien
connaître leurs limites. Le stress vécu par le soumis devrait être excitant, et
non accaparant.
L’humiliation sexuelle utilise la sexualité ou les organes génitaux pour
induire un sentiment d’abaissement chez le soumis. La nudité complète ou
partielle est un moyen d’humilier, de gêner ou encore d’intimider le soumis
et de lui rappeler son état de soumission. Elle peut être imposée en privé,
par exemple en lui demandant de se dévêtir en regardant le Dominant dans
les yeux, ou encore dans les soirées de jeu, par exemple en lui demandant
d’assister à une soirée vêtu uniquement d’un string.
Des jouets sexuels peuvent également servir à contrôler ou à maintenir
l’excitation sexuelle du soumis en contexte d’humiliation. Un plug peut être
inséré dans l’anus. Un vibrateur peut être mis dans le vagin ou la culotte
d’une soumise, certains vibrateurs pouvant même être contrôlés à distance.
Un cock ring (anneau serré porté à la base du pénis) peut être utilisé pour
prolonger l’érection et augmenter la sensibilité génitale du soumis. Il existe
également une diversité de «cages à pénis», permettant de garder le membre
en place en guise d’humiliation ou pour le tourmenter.
L’exhibition peut également être pratiquée dans une optique sexuelle. Le
Dominant peut demander au soumis de se masturber ou encore d’effectuer
une danse érotique devant lui ou devant d’autres joueurs. Il peut lui
demander d’écarter ses organes génitaux ou d’exhiber son plug. Le ligotage
peut également accroître l’humiliation lorsque la position forcée par les
cordes exhibe les organes génitaux (par exemple, les cuisses écartées
attachées aux avant-bras) ou les met en valeur (par exemple, le ligotage des
seins ou des parties génitales). Le soumis pourrait également être amené à
dévoiler des informations intimes sur sa sexualité, par exemple en racontant
un fantasme ou en avisant le Dominant chaque fois qu’il se masturbe en
privé.
L’humiliation peut également s’inscrire dans les pratiques sexuelles, par
exemple éjaculer sur le visage du soumis, ou encore lui demander de lécher
son éjaculat. L’insertion de plusieurs doigts ou du poing (fisting) dans le
vagin ou l’anus peut également être considérée comme humiliante par
certains joueurs. Une Dominante pourra porter le strap-on (un godemiché
attaché à la taille ou inséré dans le vagin) et pénétrer le soumis dans l’anus.
Le milking consiste à évacuer le sperme sans orgasme par la masturbation
de la prostate de l’homme soumis, ce qui crée ainsi une frustration et un
désir sexuels grandissants.
La sexualité peut être contrôlée par le Dominant. Comme toujours,
l’humiliation qui en résulte est une affaire de perception. Le Dominant peut
interdire d’avoir un orgasme au soumis qui lui en demande la permission. Il
peut également laisser le soumis approcher de l’orgasme, puis le priver de
toute stimulation. Le Dominant peut forcer le soumis à se masturber, même
après avoir eu un orgasme, ce qui peut causer de l’inconfort chez certains
(ou de multiples orgasmes chez d’autres). Finalement, le Dominant peut
imposer au soumis des pratiques ou des partenaires sexuels.
Les jeux de rôles
Les jeux de rôles accentuent encore la différence de pouvoir entre
Dominant et soumis en ajoutant des personnages dans leurs scénarios.
Ainsi, en plus d’être dans une dynamique Ds, les partenaires occuperont des
rôles scénarisés. Ceux-ci peuvent être issus de leurs fantasmes, ou encore
provenir d’un film ou d’un livre.
Le jeu de genre (gender play) utilise des attributs généralement associés
au sexe opposé pour altérer l’état physique ou psychologique de l’autre.
Ainsi, un homme pourra revêtir des vêtements féminins, porter des souliers
à talons et se maquiller, tandis qu’une femme pourra porter un complet et
une fausse moustache. Il peut aussi s’agir d’estomper la frontière entre les
genres et de ne s’identifier à aucun.
Le jeu de régression (age play) consiste à incarner un personnage d’un
âge différent du sien, le soumis étant généralement celui qui régresse en âge
dans le scénario. Le jeu d’adolescentilisme permet d’incarner le rôle d’un
adolescent. Le scénario pourra être, par exemple, celui d’une jeune
adolescente initiée à la sexualité par un homme plus âgé, ou encore punie
pour avoir eu des contacts sexuels avec une amie. Le jeu d’infantilisation
consiste quant à lui à incarner le rôle d’un enfant; le soumis pourra, par
exemple, recevoir une fessée de sa gardienne pour avoir désobéi. Le jeu de
régression peut aller jusqu’à un très jeune âge, comme dans l’Adult baby
diaper lover (ABDL), où le soumis porte une couche, boit au biberon et
dort dans un lit à barreaux. Certains adeptes désireront être allaités par des
femmes dont le corps permet le processus de lactation. Il faut être bien
clair: le jeu de régression ne se joue qu’entre adultes consentants; il ne
s’agit pas ici d’érotiser les enfants, mais plutôt d’érotiser le fait d’être traité
ou de traiter l’autre comme un enfant.
Dans le jeu de rôle animal (pet play), le soumis incarne un animal de son
choix et le Dominant, le propriétaire de l’animal. Ce jeu de rôle peut être
très léger et ludique, comme il peut être un véritable style de vie. Par
exemple, un soumis peut décider d’incarner un chien (puppy play) pour la
soirée seulement, mais il peut aussi posséder ce rôle dans la relation Ds et
toujours agir en chien aux côtés du Dominant (manger par terre dans un bol,
être en laisse, dormir au pied du lit, etc.). Des accessoires sont fréquemment
utilisés pour contribuer au réalisme de la scène: oreilles, pattes, museau,
plug anal avec queue d’animal, bol pour boire ou manger, cage, coussin,
etc. Le chien et le chat sont les animaux les plus fréquemment incarnés,
mais tous les animaux peuvent être personnifiés d’une façon ou d’une autre.
Le jeu de poney (pony play) est aussi un jeu de rôle animal fréquent, où
le Dominant monte le soumis comme un cheval, ou se fait tirer dans un
carrosse par le soumis, qui est dirigé à l’aide d’un mors. Certains adeptes
s’investiront dans un entraînement plus rigoureux et recréeront le scénario à
la perfection: le soumis, habillé de la tête aux pieds en poney (sabots aux
mains, œillères, mors à la bouche, plume sur la tête), dos droit et bras
repliés, doit respecter à la lettre les indications du Dominant, qui lui donne
des ordres à travers divers sons (par exemple, le claquement sec de deux
coups de cravache signifient «au trot!»). C’est un jeu d’une extrême
complexité, mais d’une élégance époustouflante lorsque maîtrisé à la
perfection.
Dans le jeu de pouvoir, divers scénarios impliquant un rapport de
pouvoir entre les personnages constituent la trame de fond de la scène.
Souvent, les joueurs se déguiseront pour incarner le personnage de façon
plus réaliste. N’importe quel rapport de pouvoir peut être mis en scène,
selon les préférences érotiques: patron et secrétaire, enseignante et élève,
policier et suspect, infirmière et patient, client et prostituée, etc.
Le jeu de simulation met en scène une situation ou le non consentement
du soumis est simulé, par exemple un kidnapping, un viol, de
l’esclavagisme. Dans ce jeu, le soumis joue le rôle de la victime à qui on
impose des pratiques extrêmes. Ce genre de jeu peut paraître profondément
dérangeant vu d’un œil extérieur, mais il est scénarisé à l’avance et,
évidemment, souhaité par les parties. Les adeptes ne désirent pas réellement
se faire kidnapper ou violer dans la vraie vie, mais ils apprécient les
émotions qui viennent avec l’illusion de forcer quelqu’un ou d’être forcé.
Tous les paramètres sont contrôlés pour que le tout se déroule de façon
sécuritaire. Parfois, le soumis, conscient que le Dominant prépare un
scénario, ne saura pas quand, ni où aura lieu la scène. Les joueurs auront
toujours déterminé à l’avance un mot ou un signe de sécurité qui force
l’arrêt immédiat du jeu.
Le jeu de terreur (terror game) consiste à provoquer le soumis avec un
objet potentiellement létal dans le cadre d’une scène ou d’un rapport sexuel.
Il peut s’agir d’un couteau (knife play), d’une paire de ciseaux, d’une lame
de rasoir, d’un scalpel, d’une machette (blade play) ou d’une arme à feu non
chargée (gun play). L’objectif est de générer un sentiment de peur intense
chez le soumis. L’objet peut être utilisé pour le menacer, pour déchirer ses
vêtements ou encore pour effleurer sa peau.
Le combat érotique est un jeu dans lequel deux individus luttent jusqu’à
ce qu’un vainqueur ressorte. Il y a de nombreuses façons de déterminer le
vainqueur et de pénaliser le perdant. Souvent pratiqué entre personnes de
même sexe, ce jeu n’a pas lieu dans le cadre habituel d’une relation de Ds,
mais apparaît chez les joueurs qui veulent exprimer leur instinct animal
(communément appelé primal). Dans le cadre de cette dynamique, les rôles
tombent et les partenaires deviennent des égaux. Le combat érotique est un
défi intéressant pour le Dominant, qui désire garder son statut, et pour le
soumis, qui ressent l’envie de le défier. Les joueurs sont généralement
habillés très légèrement et peuvent même être nus. Pendant le jeu, ils
peuvent se faire des attouchements, ce qui peut accroître l’excitation
sexuelle, ou encore la motivation à battre l’adversaire chez celui qui s’est
fait toucher. Le combat peut générer de la douleur, ce qui peut être
appréciable en soi pour les joueurs masochistes. Pour marquer le rapport
dominant-dominé, le perdant peut être forcé à admettre la domination du
vainqueur. Il peut aussi être soumis à de l’humiliation, à une fessée ou à une
pratique sexuelle qui plaira au gagnant.

LES JEUX DE DOULEUR ÉROTIQUE


Un même jeu de douleur érotique peut être mené de manière à susciter une
simple sensation stimulante comme il peut être très hard et causer une réelle
douleur chez la personne qui reçoit. La sensation de douleur, peu importe
son intensité, est généralement érotisée, à un degré variant d’une personne à
l’autre. Les jeux de douleur érotique font majoritairement référence à
l’aspect sadomasochiste (SM) du BDSM, mais peuvent être utilisés dans le
cadre d’autres jeux (par exemple, en guise d’humiliation, d’entraînement,
de punition).
Le terme générique de douleur renvoie en BDSM à des sensations très
diverses; celles-ci peuvent être poussées à la limite de l’endurable, mais
elles restent toutefois très différentes de la douleur causée, par exemple, par
le fait de se cogner l’orteil par inadvertance. La douleur est une forme
d’interdit social, quelque chose de négatif qu’il faut éviter. Or, dans le
BDSM, la douleur est consentie, érotisée, contextualisée et attendue. Les
stimulations douloureuses sont rythmées, progressives, calculées et parfois
entrecoupées de caresses ou d’un stimulus sexuel. Lorsquele corps est
«échauffé» et prêt à recevoir une sensation intense, ce n’est pas tant la
douleur au point de contact qui est ressentie, mais plutôt une vague de
frissons, de chaleur, d’excitation qui parcourt le corps en entier. La
tolérance à la douleur devient alors, selon les adeptes, beaucoup plus élevée
et la sensation de douleur est interprétée autrement par le corps. De plus, les
jeux étant souvent pratiqués dans le cadre plus large de la mise en scène
d’une différence de pouvoir, la dimension symbolique (par exemple, le fait
d’être entièrement à la merci du Dominant) est souvent beaucoup plus
érotisée que la douleur elle-même, qui devient alors un signifiant dans
l’intimité relationnelle des partenaires.
Pour la plupart des joueurs, la douleur n’est pas la finalité des pratiques
SM, mais plutôt un moyen utilisé pour causer la montée d’hormones qui
crée une sensation de plaisir intense. Certaines pratiques peuvent causer un
rush d’adrénaline, hormone sécrétée en réponse à un stimulus intense,
effrayant ou encore traumatisant pour le corps. C’est une sensation très
intense et enivrante qui aiguise les sens et augmente la tolérance à la
douleur. Lors de jeux de douleur érotique, certains joueurs font parfois
l’expérience de l’extase du soumis, une réaction physique et psychologique
aussi appelée subspace. Comparable à l’orgasme, le subspace est
cathartique; il entraîne un relâchement émotionnel, psychologique,
physique, voire spirituel. Cet état instantané de bien-être et de déconnexion
de la réalité suit souvent une séance très intense physiquement. Il serait le
résultat du haut taux d’endorphines sécrétées en réponse aux sensations de
douleur et de plaisir ressenties lors d’une séance. L’effet serait semblable à
celui des opioïdes; le joueur se trouve dans une sorte de transe; il est «dans
les vapes», dans un état d’hébétude, de bien-être et de plénitude. Les
joueurs en subspace ont des réactions différentes: difficulté à marcher droit,
regard vide, incohérence, tremblements, pleurs, rires, sensation d’avoir très
froid ou d’être complètement sans énergie. De telles réactions n’existent pas
chez le Dominant, qui ne fait pas l’expérience d’un flot d’hormones
comparable, mais certains disent entrer parfois dans un Domspace, où leurs
gestes et les réactions du soumis sont dans un synchronisme parfait. Ils ne
feraient alors qu’un avec l’instrument utilisé, dans une bulle d’intimité
totale avec leur soumis. Plus rare, subspace et Domspace peuvent être
générés par un jeu strictement psychologique d’une grande intensité
émotionnelle.
Rappelons que, contrairement à une idée reçue, les jeux de douleur
érotique sont loin d’être pratiqués par tous les joueurs. Beaucoup d’adeptes,
dominants comme soumis, ne les apprécient pas et préfèrent s’en tenir au
côté plus mental de l’échange de pouvoir. Certains joueront donc seulement
avec des instruments très légers, alors que d’autres rechercheront des
sensations de douleur intense et prendront du plaisir à pousser le corps au
maximum de ses capacités. On peut diviser les jeux de douleur érotique en
trois catégories: la percussion, la torture érotique et les jeux de limites.

La percussion
On regroupe dans les jeux de percussion (ou de flagellation) les pratiques
qui consistent à administrer un ou plusieurs coups sur le corps d’une
personne. Le contact entre l’instrument et la peau crée des sensations
différentes. Un engourdissement sera causé par un instrument lourd dont
l’impact dépasse la surface de la peau et touche les muscles plus en
profondeur. Cette sensation est un peu similaire à celle produite par
certaines techniques de massage qui relâchent les muscles. Les joueurs qui
n’apprécient pas la douleur préfèrent généralement ce type de percussion
aux autres. Une sensation de choc est quant à elle causée par le contact avec
un instrument plat. Le choc est ressenti à l’endroit du contact, mais diffuse
des ondes dans tout le corps. Finalement, la sensation de pincement est
causée par un objet léger, petit ou très mince qui atteint la peau à grande
vitesse. Le pincement est localisé, avec un délai de quelques secondes entre
le contact sur la peau et la réaction du système nerveux. Les instruments qui
causent un pincement provoquent souvent des rushs d’adrénaline.
Généralement, la percussion est administrée sur les fesses, les cuisses, le
dos, les seins, les parties génitales ou sous les pieds, chaque zone ayant ses
caractéristiques propres en termes de douleur produite (le mot étant toujours
utilisé dans le sens large que lui donne le BDSM). Différents instruments
sont utilisés et un même instrument peut, selon l’usage qu’on en fait, créer
une diversité de sensations. Les instruments de percussion les plus
classiques vont être présentés ici, mais on peut s’en procurer bien d’autres
dans les boutiques spécialisées, auprès d’artisans locaux, et même en
trouver dans un tiroir de cuisine…
Le martinet (flogger) est un instrument constitué de plusieurs lanières
rattachées à un manche, une boucle, un gant ou simplement à une boule qui
se tient dans la main. Les lanières peuvent être en cuir, en suède, en
plastique, en vinyle, en caoutchouc, en corde, en rotin, en fourrure ou
encore en métal, chaque matériau offrant des sensations différentes. Il existe
des centaines de types de martinets, les plus fréquemment utilisés étant en
cuir. Un martinet comportant un grand nombre de lanières ou constitué de
languettes épaisses ou larges qui atterrissent sur la peau avec lourdeur
procure une sensation d’engourdissement. Un martinet dont les lanières
sont tressées, étroites ou peu nombreuses, avec des extrémités coupées en
angle ou nouées, ou encore un martinet fait de matériaux durs procure
plutôt une sensation de pincement. La force appliquée et le geste
influencent aussi la sensation: le martinet peut simplement effleurer la peau
comme il peut l’atteindre très vivement. Les coups de martinet sont
fréquemment donnés en rythme, ce qui semble aider le soumis à entrer dans
une sorte de transe.
Le corps flexible du fouet, en cuir tressé, est attaché à une poignée et
s’étire sur plusieurs mètres, en s’affinant. Son extrémité est souvent dotée
d’une ou de plusieurs fines lanières de cuir. Le fouet émet un claquement
sonore caractéristique et procure une sensation intense de pincement, qui
peut ressembler à celle d’une brûlure ou d’une coupure. Il laisse souvent
des marques sur la peau, qui peuvent nécessiter plusieurs jours avant de
disparaître. Les variantes dans l’épaisseur, la longueur et la manipulation du
fouet influent sur les sensations; ainsi, plus le fouet est long et la vitesse
élevée, plus la douleur sera grande. Maîtriser le fouet nécessite beaucoup de
pratique, les risques de blessures étant élevés tant pour le soumis que pour
le Dominant.
La cravache est une baguette rigide au bout de laquelle est fixée une
petite languette de cuir. C’est celle-ci qui doit entrer en contact avec la peau
et jamais la baguette. La cravache crée une sensation de pincement en
raison de sa petite surface de contact, la longueur de la baguette permettant
une grande accélération avant l’impact. Plus la languette est étroite et plus
la baguette est longue, plus le pincement est intense. Certaines cravaches
ont une languette de forme décorative, par exemple une main ou un cœur.
La canne est une baguette cylindrique rigide d’environ 60 cm de long,
rattachée ou non à une poignée. Elle est le plus souvent faite en bambou, en
rotin ou en plastique; plus elle est mince, plus la sensation est intense. Le
bout de la canne peut être utilisé pour tapoter la peau, mais un coup sec et
rapide qui utilise la longueur de la canne créera une sensation très intense.
La petite surface et la rigidité de la canne causent un pincement au point de
contact. Deux à trois secondes plus tard, les adeptes rapportent une
impression de «vibration» du coup dans le corps. L’afflux d’hormones qui y
est associé créerait parfois un high de quelques dizaines de secondes.
La palette est un outil rigide qui ressemble à une très petite pagaie. Faite
de bois, de cuir ou de plastique, elle a toujours une section plate rattachée à
une poignée. Cette surface est généralement ovale ou rectangulaire et peut
être agrémentée de perforations, de pics, de fourrure ou même de mots en
caractères surélevés qui marquent la peau. Avec sa surface plate, la palette
offre une lourde sensation de choc.
Le slapper est souvent constitué d’une languette de cuir repliée sur elle-
même et rattachée à une poignée. La languette étant double, le coup produit
un craquement sonore, d’où son nom. Contrairement à la palette, qui est
rigide, le contact du slapper sur la peau cause une sensation de pincement.
Le dragon tail est un long triangle de cuir, de suède ou de caoutchouc
fixé à une poignée. La «queue de dragon» pointue, très souple, mesure
généralement plus de 30 cm, ce qui donne de la vélocité à la percussion. Au
contact, l’instrument crée une forte sensation de pincement; sa surface étant
fine, le dragon tail peut laisser de longues marques sur la peau.
La main peut être utilisée pour administrer la fessée; on la positionne
différemment selon la sensation désirée. L’impact d’une main
complètement ouverte ou du bout des doigts crée une sensation de
pincement aux points de contact, tandis que celui d’une main légèrement
arrondie ou refermée en poing créera plutôt une sensation de choc et de
lourdeur. Les sensations varient aussi selon la direction de la fessée, le fait
de retirer ou non la main après le coup, la partie de la main utilisée (la
paume, les doigts, le revers de la main), le délai entre chaque coup, le fait
de porter des gants (généralement en cuir ou latex) et, bien entendu, la force
du coup.
On appelle pervertible tout accessoire de la vie quotidienne pouvant être
utilisé pour créer une percussion: cuillère en bois, spatule, règle, ceinture,
brosse, raquette, sangle de cuir, cintre, outil de massage, etc. Il est important
que l’outil soit solide et ne casse pas au contact, et qu’il n’ait pas de bordure
pointue qui pourrait couper la peau.
La torture érotique
La torture érotique propose des sensations différentes des jeux de
percussion, les deux pratiques étant fréquemment combinées dans une
même scène pour en retirer un maximum de plaisir. Il n’y a pas, dans la
torture érotique, les coups rythmés que l’on retrouve dans les jeux de
percussion. On parle plutôt de sensations intenses, douloureuses ou non, qui
peuvent être constantes ou ponctuelles, mais qui restent toujours localisées
à un point de contact. Ce type de jeu se pratique sur tout le corps,
particulièrement sur les seins, les organes génitaux et les parties du corps où
il y aura eu préalablement flagellation, la peau y étant très sensible et
parfois irritée. La torture peut servir au plaisir du soumis masochiste,
comme elle peut être utilisée en guise de punition ou dans le cadre d’un
scénario de jeu plus large (par exemple, dans le jeu d’interrogation ou de
bondage et de discipline).
Plusieurs jeux sexuels peuvent être utilisés en guise de torture érotique
(par exemple, le fisting, l’utilisation de jouets, les jeux d’orgasmes) et la
plupart des jeux de torture peuvent cibler plus précisément les organes
génitaux (ils sont connus en anglais sous les noms assez directs de cock and
ball torture, cunt torture, tit torture, ass torture). Divers outils peuvent
servir à la torture érotique. Comme tous les jeux BDSM, la seule limite, en
dehors de la sécurité des participants, est l’imagination du Dominant et le
matériel qu’il a sous la main. La torture érotique sera ici classée en deux
catégories: les jeux de sensations et les jeux de température.
Dans les jeux de sensations, le corps du Dominant est fréquemment
utilisé pour pratiquer la torture érotique. Il pourra ainsi utiliser ses mains
pour pincer, chatouiller, gifler, tirer ou serrer diverses parties du corps du
soumis. Il pourra également le lécher ou le mordre. Les ongles peuvent être
utilisés pour effleurer la peau, l’égratigner ou l’agripper. Des griffes
ajoutées au bout des doigts ou des gants à griffes sont aussi utilisés parfois.
Des pinces peuvent être posées sur différentes parties du corps,
particulièrement au niveau des seins ou des organes génitaux, pour susciter
une tension constante chez le soumis. Certaines pinces spécifiquement
conçues pour le BDSM sont rembourrées afin de ne pas couper la peau et
sont souvent ajustables, mais toutes les pinces peuvent être utilisées selon le
niveau de tolérance du soumis et la maîtrise des partenaires: pince à linge
ou à papier, étau, trappe à souris… Des poids peuvent être accrochés aux
pinces, qui peuvent être liées à d’autres par une chaîne ou une corde, ce qui
augmente la stimulation quand le Dominant tire dessus ou quand le soumis
bouge. Plusieurs pinces liées par une corde peuvent former une sorte de
fermeture à glissière (zipper). Lorsque la corde est tirée d’un coup sec,
toutes les pinces sont retirées au même moment. Le fait d’enlever les pinces
peut être plus intense que la pression de la pince en tant que telle. En effet,
quand la pince est retirée, le sang reflue et l’endroit devient hautement
sensible, ce qui peut donner lieu à d’autres jeux de torture.
Le chatouillement peut servir à éveiller les sens, mais peut aussi devenir
un véritable supplice, surtout si la personne est ligotée et ne peut s’échapper
ou se débattre. Des plumes de toutes sortes, de la fourrure ou n’importe quel
matériel doux peuvent être utilisés pour tourmenter le soumis.
De nombreux objets peuvent être utilisés pour piquer la peau, par
exemple un cure-dent, une aiguille à tricoter, une brochette en bois, une
baguette chinoise. Utilisés avec parcimonie, ces objets peuvent éveiller les
sens et l’excitation du soumis, mais ils peuvent aussi servir à la torture
quand on s’en sert à répétition à un endroit sensible, avec une grande force,
ou sur les organes génitaux. La roue de Wartenberg (pin wheel) est une
petite roulette attachée à un manche et crénelée de pics pointus. Utilisée en
neurologie, elle sert traditionnellement à tester la sensibilité au cours d’un
examen clinique. En BDSM, la roue de Wartenberg est roulée sur la peau
avec plus ou moins de force et de vitesse, pour créer une série de petits
pincements.
La friction consiste à frotter la peau sensible avec un outil abrasif. On
utilisera par exemple du papier sablé, un tampon à récurer, un gant de crin,
une pierre ponce, une lime à ongles, ou encore les poils drus d’une brosse
pour frotter la peau lentement, ou plus frénétiquement chez les joueurs très
masochistes. De l’alcool à friction peut aussi être tamponné ou versé
directement sur la peau pour procurer une sensation de brûlure. Certains
joueurs apprécient le rasage, qui cause une sensation d’abrasion et qui, en
enlevant les couches de peau morte, rend la peau plus sensible.
Les ventouses sont utilisées pour accroître l’afflux sanguin sur certaines
parties du corps. On les pose sur le corps, puis l’air en est retiré, ce qui crée
une succion. La peau est extrêmement sensible lorsqu’elles sont retirées.
Elles peuvent aussi causer une stimulation sexuelle directe lorsque posées
sur les organes génitaux ou les mamelons. Il existe des ventouses de toutes
tailles, les plus fréquemment utilisées étant celles que l’on retrouve dans les
trousses de premiers soins pour traiter les morsures de serpents. Dans le
même ordre d’idée, une pompe peut aussi être utilisée sur le pénis pour en
accroître la sensibilité.
Comme leur nom l’indique, les jeux de température utilisent le chaud et
le froid. La sensation au point de contact est souvent intense et brève.
Comme la plupart des jeux de torture érotique, ils sont généralement
prodigués sur une peau sensible ou irritée.
La très classique torture à la cire chaude consiste à faire couler la cire
d’une bougie allumée sur le corps. Pour éviter de brûler la peau, la paraffine
est généralement utilisée (son point de fusion est compris entre 50 et 57
°C). La hauteur d’où tombe la goutte détermine le niveau de douleur (plus
la cire tombe de haut, plus elle se refroidit). Certains joueurs expérimentés
utilisent une chaudière de cire liquide plutôt que de la verser goutte à
goutte. Lorsque la cire atteint la peau, le soumis ressent une sensation de
brûlure qui ne dure que quelques secondes, jusqu’à ce que la cire durcisse.
Une crème, de l’huile ou un gel chauffants peuvent aussi être mis sur la
peau, tout comme n’importe quel liquide tiède (par exemple, du chocolat
fondu) ou produit à base de menthol (du dentifrice) ou d’épices (de la sauce
piquante). On veille par contre à éviter les orifices, pour ne pas causer
d’infection. Un séchoir à air chaud peut être brandi au-dessus des organes
génitaux ou de la peau déjà irritée par la flagellation. Les mains simplement
frottées l’une contre l’autre peuvent aussi causer une sensation de brûlure
intense lorsque posées sur une peau échauffée.
Le figging consiste à insérer dans le vagin ou l’anus un morceau de
gingembre pelé pendant quelques minutes. Au contact des muqueuses, le
gingembre provoque une forte sensation de brûlure. Il peut aussi être frotté
sur les parties génitales. Une fois le gingembre retiré, la sensation de
brûlure peut persister pendant plusieurs minutes.
Pour provoquer le froid, le cube de glace est un moyen simple et
efficace. On le laisse fondre sur la peau, en prenant soin de ne pas le laisser
au même endroit trop longtemps. Un glaçon préalablement arrondi peut
aussi être inséré dans le vagin ou dans l’anus. Il est possible d’alterner entre
le glaçon et une source de chaleur légère (par exemple, la bouche). Il est
conseillé de manipuler la glace un instant avant de la mettre sur la peau du
soumis pour éviter qu’elle ne colle. N’importe quel produit réfrigéré (par
exemple, de la crème fouettée) ou congelé (par exemple, un sac de pois)
peut aussi être utilisé.

Les jeux de limites


Les jeux de limites, aussi appelés edge play, mettent à l’épreuve
l’endurance du corps humain. Ils sont un ensemble de jeux hard qui
impliquent un niveau de danger plus élevé que les autres. Parce qu’ils
peuvent sérieusement blesser un joueur, ils doivent être pratiqués par des
Dominants expérimentés et entraînés, ou sous leur supervision constante.
C’est le danger qui attire vers ces jeux les adeptes en quête de sensations
fortes.
Le marquage est utilisé par certains joueurs pour son aspect décoratif,
pour le rush d’adrénaline qu’il provoque, pour représenter l’appartenance
d’un soumis à son Dominant ou dans le cadre d’un rite de passage (par
exemple, celui d’un soumis en probation qui entrerait «officiellement» à la
charge d’un Dominant). Ces marquages dits temporaires perdurent quelques
mois, mais peuvent laisser des cicatrices permanentes. Les joueurs se
verront marqués, par exemple, de leur nom de soumis, de la première lettre
de celui du Dominant, d’un logo BDSM ou encore d’un dessin, lié ou non
au BDSM. Les trois techniques de marquage les plus répandues sont le
marquage par coupure (cutting), qui consiste à faire des incisions peu
profondes sur la peau avec un scalpel; le marquage au fer (branding), où
l’on brûle la surface de la peau à l’aide d’un fer chaud et le cell popping, le
marquage superficiel de la peau à l’aide d’une aiguille ou d’une petite tige
de métal dont le bout est chauffé, la disposition des points ainsi obtenus
créant un motif.
Le perçage temporaire consiste à percer la peau le temps de quelques
minutes ou de quelques heures. Le fait d’enlever l’outil rapidement fait en
sorte que la peau n’a pas le temps de cicatriser autour du lieu d’insertion. Le
perçage sensibilise les tissus et provoque une intense vague d’hormones,
comme toutes les pratiques douloureuses. Il existe trois formes de perçage
temporaire. La plus répandue consiste à insérer de petites aiguilles sous la
surface de la peau (needle play). L’aiguille ne pénètre pas les tissus
profonds, mais simplement les premières couches de peau, puis ressort un
peu plus loin. La disposition des aiguilles peut former une figure et des
décorations peuvent y être ajoutées (par exemple, des plumes, de petites
billes ou un ruban liant les aiguilles les unes aux autres). Une autre
technique consiste à percer la peau pour installer de vrais bijoux de perçage,
mais qui seront retirés. Ce type de perçage temporaire peut être effectué sur
les organes génitaux (par exemple, sur les grandes lèvres de la vulve ou le
périnée) ou à tout autre endroit où la peau est assez élastique (par exemple,
on peut installer deux rangées d’anneaux dans le dos, puis les lacer pour
donner l’illusion d’un corset). La dernière forme de perçage temporaire est
la plus extrême en termes de danger physique et psychologique. Il s’agit de
percer la peau à des endroits stratégiques, d’y insérer de gros crochets, puis
de suspendre la personne par ces crochets à l’aide de cordes ou de chaînes.
Le corps peut être suspendu à la verticale (crochets placés dans le haut du
dos ou sur la poitrine) ou à l’horizontale (crochets placés tout le long du dos
et des jambes ou tout le long du devant du corps). Plusieurs variantes
existent pour les adeptes les plus expérimentés (par exemple, suspension
par le ventre, par les genoux, assis en lotus). Le nombre de crochets dépend
du poids de la personne et de son niveau d’expérience; moins ils sont
nombreux, plus la tension sur chaque crochet est accrue. Nul besoin de
mentionner que la suspension par la peau n’est pas pour tout le monde et ne
devrait être pratiquée que par des joueurs extrêmement expérimentés.
L’asphyxie érotique consiste à priver une personne d’oxygène. C’est une
pratique extrêmement controversée et dangereuse, et elle ne devrait en
aucun cas être effectuée sans supervision. L’asphyxie peut cependant être
très légère, par exemple quand le Dominant bloque la bouche et le nez du
soumis avec la main pendant quelques secondes seulement. Cette action
cause une panique chez le soumis, ce qui provoque une décharge
d’adrénaline. Certains joueurs y trouvent un intérêt sexuel et y voient le
signe d’une grande soumission. L’eau peut également être utilisée pour
simuler une noyade, par exemple en la versant sur le visage ou la tête du
soumis, en submergeant sa tête, ou en enveloppant son visage d’un tissu ou
d’une pellicule plastique sur laquelle on verse de l’eau (on parle alors de
waterboarding, technique de torture par ailleurs bien réelle). Plusieurs
outils peuvent être utilisés pour diminuer le niveau d’oxygène dans le sang:
une cagoule, un masque à gaz, un sac ou une pellicule de plastique, la
strangulation, l’utilisation de certains gaz. L’asphyxie peut être pratiquée
assez longtemps pour que le soumis soit proche de l’évanouissement ou
s’évanouisse complètement. Encore une fois, ces techniques sont critiquées
par beaucoup de membres de la communauté.
Les jeux d’électricité utilisent un courant électrique pour susciter des
sensations chez le soumis. L’un de ces jeux a recours à une baguette
électrique appelée violet wand. Un transformateur électrique envoie de
l’électricité statique à la surface de la peau à travers divers embouts en verre
ou en métal. La décharge, de faible intensité, rappelle les «chocs
électriques» ressentis au toucher d’un objet métallique, comme une poignée
de porte. La violet wand est le moins dangereux des jeux d’électricité
puisque le courant ne pénètre pas le corps. Le TENS (pour Transcutaneous
electrical nerve stimulation) utilise une machine qui envoie des courants
électriques dans les nerfs et les muscles à l’aide d’électrodes collées sur la
peau. Les courants de basse fréquence provoquent des spasmes musculaires.
La technique, qui prétend traiter la douleur chronique, est aussi utilisée par
certains amateurs de jeux d’électricité. Il y a certaines contre-indications à
connaître. Les colliers pour animaux qui envoient un faible courant
électrique ont aussi leurs adeptes. Les jeux d’électricité ne doivent pas être
pratiqués longtemps puisqu’ils peuvent causer des brûlures à la surface de
la peau ou même des entorses lorsque les décharges vont plus en
profondeur. Les joueurs ayant des problèmes cardiaques doivent
impérativement les éviter.
Le jeu de feu (fire play) consiste à allumer une torche trempée dans
l’alcool et à la passer rapidement sur la peau du soumis. Le geste est
immédiatement suivi de l’application d’un tissu humide, pour éviter les
brûlures. Le Dominant très expérimenté peut aussi étendre sur la peau d’un
partenaire de l’alcool ou un autre produit inflammable (par exemple, de la
mousse à cheveux), y mettre le feu, puis l’éteindre à l’aide d’un linge
humide. Dans ce jeu, c’est le composé inflammable qui brûle. La peau n’est
en contact avec le feu que pendant une fraction de seconde, mais la
sensation de chaleur est instantanée et agréable pour certains. Lors de ces
jeux, il est impératif de repousser toute matière inflammable (cheveux,
vêtements) et de toujours avoir près de soi un linge humide et un extincteur.

Une scène mixte


Comment s’intègrent plusieurs jeux dans une seule scène? Le plus simple
est sans doute de donner un exemple (fictif) de scène entre un Dominant et
une soumise.
La scène se déroule dans une chambre à coucher. Un coussin est déposé au
pied du lit, et quelques jouets sont étalés sur la table de chevet. Le
Dominant a préparé un scénario pour la soirée, mais il n’en a pas dévoilé
les détails à la soumise, afin d’alimenter chez elle un sentiment
d’anticipation.
La soumise porte une jupe d’écolière très courte, un soutien-gorge, des
talons hauts et un collier de soumission. Elle est installée sur le coussin, au
sol, assise sur ses talons, les cuisses écartées. Le Dominant la laisse languir
seule dans la pièce pendant une dizaine de minutes. Les papillons dans
l’estomac et un sentiment de fébrilité ou de nervosité sont fréquents au
début d’une scène marquée d’un certain degré de mystère. Malgré
l’absence du Dominant, la scène a commencé depuis l’arrivée de la
soumise, laissée à elle-même.
Dans la scène, certaines règles préétablies doivent être respectées par la
soumise. Elle doit garder son regard au sol en tout temps et rester
silencieuse, à moins que le Dominant n’exige autre chose. Lorsqu’elle se
déplace, elle doit le faire à quatre pattes. Ces règles sont importantes pour
les partenaires, parce qu’elles instaurent une ambiance de jeu et de
soumission.
Le Dominant entre dans la pièce et s’approche de la soumise. La lenteur
de ses mouvements et les pauses qu’il prend pour l’observer ajoutent à la
tension de la scène. Il se penche vers elle, fixe une laisse à son collier, puis
tire délicatement sur la laisse pour faire comprendre à la soumise qu’elle
doit se déplacer. Elle se met à quatre pattes et suit le Dominant jusqu’au
bord du lit. Il lui ordonne de se mettre debout et elle s’exécute aussitôt.
Le Dominant s’assoit sur le lit, puis ordonne à la soumise de se
déshabiller de façon érotique. Avec cette directive, il veut manipuler les
émotions de la soumise et provoquer chez elle un sentiment de honte mêlé
d’excitation. Elle enlève son soutien-gorge et sa jupe gracieusement, en se
déhanchant avec autant d’art que possible. Satisfait, le Dominant se lève et
fait quelques pas autour d’elle, en l’observant silencieusement. Il effleure
sa peau lentement de ses doigts et pince ses mamelons délicatement. Il
soulève son menton pour tester son obéissance, mais la soumise réussit à
conserver le regard au sol.
Il dépose un bandeau sur ses yeux, afin de lui permettre de se concentrer
sur ses sensations tout en accroissant son sentiment de vulnérabilité. Il pose
une pince à linge sur chacun de ses mamelons, créant ainsi une légère
pression. Afin de la surprendre, il empoigne brusquement l’entrejambe de la
soumise, ce qui a pour effet de lui couper le souffle durant quelques
secondes. Puis, il l’agrippe par les épaules, la dirige délicatement vers le lit
et l’installe à quatre pattes, les fesses vers le bord du lit. Il prend soin de
bien écarter ses jambes et installe une barre d’écartement entre ses
chevilles, l’empêchant ainsi de refermer les jambes.
Lentement, il insère un petit plug lubrifié dans l’anus de la soumise. Il
commence en lui caressant doucement les fesses et le dos, la griffant
légèrement au passage. Il tapote ensuite ses fesses, délicatement pour
commencer, puis avec un peu plus de vigueur. Le Dominant alterne les
claques légères et les claques plus lourdes. La fessée est plus agréable
quand son rythme suit celui de la montée de l’excitation de la soumise. Il
glisse sa main dans son entrejambe pour la stimuler de temps à autre. Après
quelques minutes, il y va de quelques claques très vigoureuses sur les fesses
de la soumise, ce qui a pour effet d’augmenter son excitation, mais aussi la
décharge d’hormones dans son corps.
Une fois la fessée terminée, le Dominant se frotte les mains pour les
réchauffer, puis les pose sur les fesses rougies et sensibles de la soumise.
Après un temps de pause qui permet à la soumise de laisser redescendre la
tension dans son corps, il utilise un martinet en suède, qu’il fait glisser
doucement du haut de son dos jusqu’à ses fesses à quelques reprises, avant
de la fouetter plus vigoureusement. Le martinet en suède n’est pas
douloureux, il permet d’éveiller la peau délicatement et son effet est
équivalent à un massage. Entre deux coups de martinet, le Dominant fait
glisser une roue de Wartenberg le long du dos de la soumise, dont les petits
pincements contribuent à son excitation sexuelle. Ensuite, le Dominant
prend une cravache, et tapote ses fesses et l’extérieur de ses cuisses, de plus
en plus fort. Les sensations de pincement aiguës causées par la cravache
augmentent encore la sécrétion d’hormones: adrénaline, endorphines, etc.
Après quelques coups de cravache, le Dominant retire délicatement les
pinces des mamelons, ce qui envoie des ondes de choc dans tout le corps de
la soumise, puis dépose entre ses jambes un énorme vibrateur, permettant la
stimulation directe de son clitoris. Le Dominant se penche au-dessus de la
soumise, agrippe ses cheveux et, en tirant sa tête vers lui, lui chuchote à
l’oreille qu’elle n’a pas le droit d’avoir un orgasme sans lui en demander la
permission. En tenant toujours le vibrateur en place, il continue de donner
des coups de cravache, variant la force et l’endroit des coups. Après un
certain temps, la soumise demande la permission d’atteindre l’orgasme,
que le Dominant lui refuse. Un tel refus réaffirme le contrôle du Dominant,
accroît le sentiment de soumission de la soumise et a pour but de décupler
ses sensations sexuelles. Quelques secondes plus tard, la soumise demande
à nouveau la permission de jouir, cette fois en suppliant le Dominant.
Satisfait, il lui donne son consentement. Aussitôt dit, la soumise se laisse
aller à l’orgasme en s’écroulant. Rapidement, le Dominant grimpe sur le lit,
enjambe la soumise et pousse le vibrateur encore plus fort entre ses jambes,
lui ordonnant d’avoir un orgasme à nouveau. La stimulation étant très
intense sur ses organes génitaux déjà sensibles, la soumise a un second
orgasme, plus puissant que le précédent.
Le Dominant retire alors le vibrateur d’entre les jambes de la soumise et
le bandeau de ses yeux, et détache la barre d’écartement de ses chevilles. Il
lui laisse quelques secondes pour retrouver son souffle, puis tire sur la
laisse pour la faire se lever du lit. Aussitôt, la soumise s’agenouille et
embrasse les pieds du Dominant en guise de remerciement pour la séance
de jeu. Le Dominant la relève et s’assoit avec elle sur le lit. Il la prend dans
ses bras, la berce lentement en lui caressant les cheveux et lui fait part de
sa fierté en déposant un baiser sur son front.

1. L’utilisation des termes «Dominant» et «soumis» ne sera donc pas restreinte ici aux personnes
s’identifiant strictement à ces rôles, mais comprendra celles qui adoptent un rôle de domination ou de
soumission dans le continuum BDSM (Maître, esclave, switch, etc.).
4
LA SÉCURITÉ AVANT LE PLAISIR

Les pratiques et techniques des jeux BDSM suivent des règles de base qui
sont d’une extrême importance. Ces règles assurent la sécurité physique et
psychologique de tous. Qu’il soit léger ou extrême, soft ou hard, tout jeu
BDSM a un certain niveau d’intensité, ce qui fait en sorte qu’il y aura
toujours la possibilité qu’un partenaire soit blessé physiquement ou
émotionnellement. Les règles de sécurité présentées dans ce chapitre ont
pour fonction de réduire ce risque le plus possible.

LES CODES DE SÉCURITÉ


Comment assurer qu’un jeu est sécuritaire? Certaines règles sont
universelles et s’appliquent peu importe la pratique ou le type de relation.
D’autres critères plus ciblés assurent la sécurité psychologique et physique
des joueurs dans le cadre de jeux précis.

Les règles d’or du BDSM


Une manière classique d’exprimer la règle première du BDSM est la devise
Safe, sane and consensual (sûr, sain et consensuel), ou SSC. La première
composante de ce principe, la sécurité, signifie que le jeu ne doit pas causer
de blessures physiques et ne doit donc en aucun cas mettre la sécurité des
personnes en danger: c’est en somme, l’impératif de prudence. La deuxième
composante, le «sain», fait plutôt référence à l’aspect psychologique du jeu,
qui ne devrait pas franchir la frontière de la réalité. Ainsi, le jeu devait
toujours être une simulation et ne jamais affecter défavorablement l’estime
de soi des joueurs. De plus, selon le SSC, l’échange de pouvoir ne devrait
pas être maintenu hors du contexte du BDSM, c’est-à-dire que le soumis
doit recouvrer son pouvoir lorsque le jeu s’achève. Finalement, l’aspect
consensuel signifie qu’avant et pendant la séance, le jeu doit être accepté et
désiré par tous les participants et respecter les ententes conclues et les
limites de chacun. Le SSC s’applique à tous les jeux et en tout temps.
Depuis quelques années, certains joueurs contestent l’applicabilité de la
règle du SSC dans les jeux BDSM. Ils arguent qu’aucun jeu n’est sûr à
100% et que, même quand un joueur a les meilleures intentions et toutes les
connaissances requises pour s’adonner à une pratique, des blessures
physiques et psychologiques peuvent survenir. Un nouveau concept a donc
été créé qui représenterait mieux la réalité du BDSM selon certains: le Risk-
aware consensual kink (le jeu consenti en conscience des risques encourus),
ou RACK. Le RACK met de l’avant l’importance que tous les joueurs,
Dominants comme soumis, soient bien informés des risques impliqués dans
les pratiques et qu’à la lumière de ces informations, ils y consentent ou non.
Cette règle est plus inclusive des jeux considérés comme extrêmes, comme
le jeu de feu et l’asphyxie érotique, car elle ne se soucie pas d’éliminer le
risque, mais plutôt de s’assurer que les pratiques soient transparentes sur ce
plan.
Une variante du RACK, la Personal responsibility in informed
consensual kink (la responsabilité personnelle dans le jeu consensuel et
informé), ou PRICK, met encore plus l’accent sur le fait que tous les
participants ont la responsabilité personnelle de s’informer sur les pratiques
et d’y consentir avant le jeu et tout au long de celui-ci. À la différence du
RACK, qui selon certains fait peser toute la responsabilité du jeu en cours
sur les épaules du Dominant, le PRICK avance que toutes les parties sont
également responsables, peu importe leur statut. Par exemple, si le soumis
ne prend pas l’initiative de communiquer son malaise pendant le jeu, le
Dominant ne peut pas décider de façon éclairée s’il va continuer une scène
ou non.
Que l’on adhère plutôt au SSC, au RACK ou au PRICK, et malgré des
différences philosophiques substantielles, le message central reste que la
sécurité et le consentement doivent occuper la place centrale, peu importe la
nature de la pratique. Voici donc cinq règles sur lesquelles l’ensemble de la
communauté BDSM s’entend parfaitement:
1. Le consentement volontaire et éclairé de toutes les parties impliquées
doit précéder toute pratique de nature BDSM et être vérifié constamment en
cours de jeu. Le consentement peut être retiré à tout moment, sans préjudice
et sans égard pour le rôle du joueur.
2. La nature, la force et l’intensité des pratiques doivent être négociées
avec chacun des partenaires, les limites et les préférences variant d’un
joueur à l’autre. Il est essentiel que les canaux de communication entre les
partenaires soient ouverts en tout temps et que chacun respecte les limites
mentales et physiques de l’autre et de soi.
3. Il est impératif de s’informer sur une nouvelle pratique avant de
s’engager dans celle-ci, en lisant sur le sujet, en discutant avec d’autres
joueurs ou en participant à des ateliers. Les compétences en BDSM ne sont
pas innées: elles doivent être apprises, intégrées et travaillées. Il est aussi
recommandé de tester un instrument sur soi-même avant de l’utiliser avec
un partenaire (par exemple, vérifier le poids et le pincement d’un martinet
sur son avant-bras ou encore la pression d’une pince sur ses doigts).
4. La finalité du jeu doit toujours être le plaisir, même si la quête de
celui-ci peut emprunter des avenues qui semblent s’en éloigner, par
exemple l’entraînement ou la punition. La motivation du joueur doit
toujours être positive et ne doit jamais être alimentée par la colère, la
rancœur ou la jalousie.
5. Les joueurs ne doivent jamais jouer sous l’influence de substances
psychotropes, qu’il s’agisse d’alcool ou de drogues. Il est crucial pour le
Dominant d’être en plein contrôle de ses actes, tout comme il est
indispensable que le soumis soit à l’écoute de son corps et soit en mesure de
reconnaître ses limites. Jouer dans un état altéré peut mener à des blessures
physiques ou émotionnelles graves.

La sécurité physique: quoi faire, quoi ne pas faire


En plus des règles universelles qui s’appliquent à tous les jeux, certaines
pratiques comportent des règles particulières pour assurer la sécurité
physique des joueurs. Concentrons-nous ici sur trois grands groupes de
pratiques: le ligotage, la percussion et la torture érotique.
Avant de commencer tout jeu de ligotage, il faut bien connaître le corps
de son partenaire et ses limites physiques. Le soumis devra aviser le
Dominant de toute blessure (présente ou passée), douleur ou sensibilité qui
pourrait rendre le ligotage difficile. Par exemple, un soumis qui a des
douleurs au cou devra avoir la tête soutenue. Il est recommandé de
constamment avoir à portée de main un kit d’urgence comprenant une paire
de ciseaux paramédicaux pour couper rapidement un lien, une lampe de
poche en cas de panne d’électricité et une trousse de premiers soins en cas
de blessure. Il est aussi hautement souhaitable que le Dominant connaisse
certains gestes d’urgence comme la réanimation cardio-respiratoire. Il ne
faut jamais oublier que l’intensité du BDSM peut pousser le corps à
l’extrême.
Dans toutes les pratiques assimilables au ligotage, qu’elles utilisent des
cordes ou des instruments de restriction, il est important de ne jamais
couper la circulation sanguine en serrant un lien trop fort. Au cours du jeu,
le Dominant doit vérifier chaque point de contact et s’assurer qu’il y a
suffisamment d’espace entre la peau et le lien ou l’outil en tirant dessus ou
en glissant un doigt entre les deux. Un lien est manifestement trop serré s’il
creuse la peau, ou si un membre change de couleur ou devient froid. Si
l’afflux de sang est insuffisant dans un membre, le soumis ressentira un
engourdissement: il doit le signaler. Le même effet peut se produire si des
membres sont positionnés longtemps au-dessus du torse, par exemple les
bras attachés au-dessus de la tête en position debout, ou encore les jambes
surélevées en position couchée. Il est important de surveiller l’apparition de
ce genre de symptômes tout au long du jeu et d’y remédier immédiatement
en desserrant le lien, en modifiant le point de contact ou en changeant la
position.
Dans le même ordre d’idée, il faut s’assurer de ne pas obstruer les voies
respiratoires. Par exemple, si la bouche est restreinte, il faut s’assurer que le
soumis respire bien par le nez et que rien ne l’encombre. Il ne faut pas non
plus écraser la cage thoracique, ce qui peut avoir comme effet de limiter la
respiration. Dans les jeux de momification ou de vacuum bed, la respiration
du soumis doit être surveillée en tout temps par le Dominant.
Une autre règle importante du ligotage est de ne jamais laisser le soumis
ligoté sans surveillance. On a vu récemment au Québec dans un terrible fait
divers que contrevenir à cette règle peut faire courir un risque mortel à la
personne attachée. Selon le ligotage effectué, il est possible que le soumis
ne puisse pas se retenir s’il tombe, par exemple si ses bras sont attachés à
son corps. Il est donc recommandé de se tenir près de lui et de l’assister
dans ses déplacements. Les talons hauts et les bandeaux peuvent aussi
altérer la vision et l’équilibre du soumis et l’amener à chuter. Il est
dangereux de laisser seul dans une pièce un soumis attaché ou isolé (par
exemple, dans une cage), celui-ci ne pouvant se libérer par lui-même en cas
de malaise ou d’incendie.
Dans le cas d’un ligotage lourd ou d’une suspension, il est capital
d’utiliser le bon matériel pour le poids de la personne et des ancrages
solides. Il est toujours préférable de ne pas se fier à un seul point de contact
pour retenir le soumis, afin d’éviter les blessures en cas de bris du matériel.
Dans certains cas, il est souhaitable qu’une troisième personne soit sur
place pour assurer le bon déroulement du ligotage et pour intervenir en cas
de besoin (par exemple, si le Dominant ressent un malaise). Il peut aussi
être souhaitable de prévoir une manière de défaire rapidement les liens, ou
encore de faire en sorte que le soumis puisse se libérer lui-même de la
restriction en cas d’urgence.
Dans les jeux de percussion, ou dans tout autre jeu où des coups sont
portés au corps du soumis, certaines zones sont à éviter. Les parties
comportant les plus grandes quantités de graisse ou de muscles doivent être
privilégiées: les fesses, le haut du dos, l’extérieur des cuisses. Les parties
plus sensibles et fragiles du corps, celles où la peau est mince ou qui sont
très innervées, peuvent être flagellées, mais avec une force moindre: le
visage, le haut du torse, les seins, les organes génitaux, la courbe des fesses
à la jonction des cuisses, l’intérieur des cuisses, la plante des pieds. Les
parties du corps logeant des organes vitaux, les articulations et les os
saillants sont à proscrire: tête, cou, clavicules, ventre, colonne vertébrale,
bas du dos (la région des reins), coccyx, coudes, poignets, mains, genoux,
tibia, chevilles, dessus des pieds.
Il faut connaître ses outils et comprendre leur impact, qui varie selon la
force, l’angle et l’élan. Le Dominant ne doit pas hésiter à interroger le
soumis pour saisir comment son corps réagit à chaque outil. Par exemple, il
peut lui demander de situer une sensation de pincement sur une échelle de 1
à 10. Pour les outils qui doivent atterrir d’une façon particulière sur la peau
(par exemple, la cravache, le fouet, la canne), il est possible de se pratiquer
au préalable sur un coussin mou, où les marques seront visibles et
permettront au Dominant de bien voir l’impact de son coup. Il est très
important que ce type d’outil ne rate pas sa cible. Un coup qui atterrit mal
peut blesser et causer des cicatrices non désirées. Par exemple, si
l’extrémité d’une canne n’entre pas en contact avec la fesse mais s’enroule
un peu autour de la hanche, elle peut causer une affreuse ecchymose ou
même une coupure. Les jouets de mauvaise qualité se contrôlent moins bien
et peuvent aisément se briser ou blesser le soumis, et même le Dominant.
Beaucoup de petits artisans fabriquent des instruments durables qui
améliorent l’expérience de jeu pour tous. Bien évidemment, tout jouet ayant
été en contact avec des fluides corporels devrait être lavé avant d’être
réutilisé.
Avant le début du jeu, on s’assure du confort du soumis. Si sa position
est (involontairement) douloureuse, il appréciera moins le jeu et risquera
parfois de se blesser. Par exemple, un soumis ne devrait pas rester
agenouillé longtemps sur un plancher dur. Ensuite, il est important
d’approcher la percussion de façon graduelle. Les premières minutes de jeu
servent à éveiller la peau, les sens et l’imaginaire. Les coups peuvent
ensuite être de plus en plus forts et les outils, de plus en plus intimidants. Il
ne saurait être question de frapper fort pour frapper fort. C’est le tempo et la
gradation des coups qui permet l’association douleur-plaisir chez le soumis.
Entre chaque séance de coups, le Dominant peut caresser, pincer ou
égratigner la peau du soumis pour varier les sensations, ou encore lui
chuchoter des mots humiliants à l’oreille. Il peut aussi alterner entre divers
instruments, laisser croire au soumis qu’il frappera à un certain moment
alors qu’il retiendra le coup, ou encore qu’il le frappera à tel endroit alors
qu’il visera tel autre. Ce jeu sur les perceptions et l’inattendu est souvent
ressenti comme érotique.
Chaque individu est différent, de la sensibilité de sa peau à sa tolérance à
la douleur. Il est essentiel d’adapter le jeu à ses préférences et à ses limites.
En plus d’être bien au clair sur ce plan, le Dominant doit être constamment
à l’écoute des réactions du corps du soumis. Lorsque la peau devient rouge
et chaude, c’est signe qu’elle est très sensible et que les coups subséquents
seront ressentis de façon beaucoup plus intense. Il est alors temps de ralentir
la cadence – ou encore de redoubler de force si le soumis érotise la douleur.
Selon les adeptes, la réaction du corps traduirait aussi l’état du soumis. Pour
comprendre ces réactions, il faut imaginer la percussion comme un caillou
lancé dans l’eau: il y a le choc au point d’impact, mais des ondulations se
multiplient rapidement en s’écartant du lieu initial. Certes, la sensation de
douleur se produit à l’endroit où atterrit l’outil, mais les «vibrations» du
coup parcourent le corps en entier et deviennent excitation, émotion, plaisir,
chaleur, abandon, soumission. Ces vibrations se traduisent par un soumis
qui se tortille, qui bascule le bassin vers l’arrière et cambre le dos, qui a le
souffle coupé ou qui gémit. Le corps devient tendu et le temps s’arrête un
instant, puis la tension redescend tranquillement. Ce moment peut durer
quelques secondes ou s’étendre sur près d’une minute. Ce délai est un signe
pour le Dominant: plus la réaction est longue, plus le coup a été intense. Il
est préférable d’attendre que le soumis redescende de ce rush avant de
frapper à nouveau. Certains joueurs expérimentés frapperont juste à ce
moment pour doubler les sensations pour le soumis, mais il faut très bien
connaître son partenaire pour effectuer une telle manœuvre. En revanche, le
soumis s’épuisera rapidement après plusieurs coups intenses. Quand il ne
répond plus aux stimulations ou qu’il a de la difficulté à reprendre son
souffle, le Dominant doit ralentir la cadence, ou encore cesser le jeu
pendant un moment.
Peu d’instruments ne laissent aucune marque sur la peau, à moins d’être
utilisés avec une très faible force. Certains outils laisseront des lignes de
couleur (par exemple, la canne ou le fouet), d’autres laisseront des
ecchymoses (la main, la palette). Plus les outils sont minces, plus les coups
sont donnés au même endroit et plus ces coups sont forts, plus les marques
sont apparentes. Celles-ci peuvent être visibles de quelques minutes à
plusieurs jours. Elles pourront aussi n’apparaître que dans les heures suivant
le jeu et varieront selon le type de peau du soumis: la pâleur marque plus.
L’âge, le moment du cycle menstruel et l’état de santé général ont aussi une
influence. Un membre ligoté où l’afflux sanguin est élevé marquera plus
(par exemple, un pénis muni d’un anneau ou des seins ligotés). Autant de
raisons pour lesquelles le soumis doit connaître son corps et discuter du
marquage qu’il estime admissible avant le jeu. Par exemple, si le soumis a
rendez-vous chez le massothérapeute ou une journée piscine prévue avec
des amis, il pourra désirer ne pas être marqué. Dans le même ordre d’idée,
le soumis pourra se sentir courbaturé dans les jours suivants une scène
intense. Certains joueurs appliquent de la glace ou de la crème d’arnica sur
leur peau après une percussion afin de diminuer le marquage et les
courbatures.
Finalement, il est recommandé aux joueurs de porter une attention
particulière au jeu en cas de grossesse. L’intensité du jeu doit être
complètement revue et adaptée aux changements physiques chez la femme
enceinte, qu’elle soit soumise ou Dominante. La question reste
controversée, car l’impact du jeu sur la grossesse n’a jamais été étudié, mais
la prudence élémentaire commande d’éviter toute pratique extrême.
Dans les jeux de torture érotique, la règle de sécurité principale est la
modération. La torture est par définition très intense et il y a peu de
gradation; la sensation est présente instantanément. La modération est donc
la meilleure façon de jouer sans blesser le soumis ou dépasser ses limites.
Certaines zones du corps sont beaucoup plus sensibles que d’autres, et la
torture qui les cible doit être prodiguée avec plus de vigilance: les organes
génitaux, l’intérieur des cuisses, la plante des pieds, notamment. Avant
d’utiliser une technique de torture avec un partenaire, il est indispensable de
l’essayer sur soi pour comprendre les sensations qu’elle cause et la durée
moyenne que devrait prendre le jeu. Il ne faut pas laisser certains outils en
place trop longtemps, puisque ceux-ci peuvent couper la circulation
sanguine, par exemple les pinces et les ventouses. Finalement, quand la
torture est utilisée dans une scène avec d’autres jeux, il faut faire attention
aux interactions entre les outils. Par exemple, si des pinces sont placées sur
le corps, il faut être prudent dans l’utilisation du martinet pour ne pas les
accrocher accidentellement. De même, il ne faut jamais mélanger des
matières inflammables avec les jeux d’électricité.

LES LIMITES
ET LA SÉCURITÉ PSYCHOLOGIQUE
On l’a vu, tout jeu BDSM a un versant psychologique, y compris les jeux
axés sur les sensations physiques. Que ce soit à travers l’échange de
pouvoir, la servitude ou l’humiliation, l’aspect mental est omniprésent et
indissociable du jeu. Or, il est indispensable pour les joueurs de porter une
attention particulière à leur bien-être psychologique, ainsi qu’à celui de
leurs partenaires. Il peut être facile de se perdre dans son rôle ou de
s’oublier au profit de l’autre, qu’on soit dans un rôle de soumission ou de
domination. Établir ses limites et s’enquérir de celles de son partenaire est
la clé de la sécurité psychologique dans le jeu.

Avant le jeu
On sait maintenant que toute pratique doit être négociée et consentie par les
participants à un jeu. Qu’elles soient orales ou écrites, trois façons de
négocier ces ententes émergent. D’abord, on peut négocier les pratiques à la
pièce, pour une scène précise. Dans cette négociation, les parties
s’entendent approximativement sur les pratiques qui auront lieu, le soumis
prenant le temps de mentionner ses limites en lien avec ces pratiques
uniquement. Ce type d’entente se conclut dans le cadre d’une séance
ponctuelle, par exemple entre deux amis qui ont envie de jouer ensemble
dans une soirée de jeu.
Une deuxième façon de procéder est de négocier un lot de pratiques. Ici,
un joueur présente à son ou à ses partenaires une série de pratiques, parfois
à prendre ou à laisser (par exemple, quand le joueur veut vivre un fantasme
précis, ou combler un fétiche particulier).
Enfin, la négociation peut se faire en parcourant toutes les pratiques
possibles pour s’entendre sur celles qui sont acceptables pour tous les
joueurs. Cette négociation se fait généralement à l’aide d’une liste de
limites, où toutes les pratiques sont énumérées et cotées par chaque joueur.
Ce formulaire peut être complété de concert ou en privé. On en retrouve
quelques modèles sur Internet, qui varient d’un court tableau à un document
d’une vingtaine de pages comportant des questions ouvertes. Ce mode de
négociation est généralement utilisé en début de relation BDSM. Un contrat
ad hoc peut également être établi entre les joueurs, spécifiant les conditions
de l’entente relationnelle. Au fil du temps et des nouvelles expériences, il
est possible de modifier le formulaire ou le contrat, si toutes les parties y
consentent.
Au-delà de la négociation des pratiques, il est utile de discuter des
motivations de chacun, de ce qui est recherché dans le jeu et de revenir sur
les expériences de chacun en BDSM. Il est également recommandé que le
soumis dévoile clairement toute expérience traumatisante qu’il aurait vécue
dans l’enfance ou dans sa vie adulte. Il est préférable que le Dominant évite
certains éléments qui pourraient être déclencheurs de sentiments négatifs.
En effet, certains jeux peuvent faire émerger des souvenirs ou des émotions
refoulés, ce qui n’est pas nécessairement souhaitable dans un contexte
ludique.
Même si le Dominant contrôle la scène, il est recommandé qu’il exprime
lui aussi ses limites. Cela permet au soumis de bien comprendre ses désirs
pour mieux y répondre et de ne pas avoir de fausses attentes quant à
certaines pratiques qui déplaisent au Dominant ou pourraient lui faire du
mal.
Il est important d’exprimer clairement qu’un Dominant ne pourra en
aucun cas imposer une pratique que le soumis a refusée dans l’entente
initiale entre les joueurs, à moins que celui-ci ait changé d’idée en cours de
route et l’ait signifié sans ambiguïté, de préférence avant la séance. Seule
une entente claire permet de protéger les joueurs, et il est primordial que les
limites soient respectées à la lettre, sans quoi le jeu n’est plus un jeu, mais
une relation de violence.
Il peut être intéressant de faire une analogie entre le BDSM et les sports
dits extrêmes. Dans tout sport extrême, relever des défis, pousser son corps,
vivre des émotions intenses et même faire face à un certain niveau de
danger attire les adeptes. Lorsqu’un objectif est atteint, l’adepte a parfois
envie d’aller au-delà de cette réussite et de se fixer un nouveau but qui
l’amène à aller plus haut, plus loin, plus vite. Pour beaucoup de joueurs, le
BDSM suscite également l’envie de pousser toujours plus loin leurs
pratiques pour vivre de nouvelles expériences. La modification des limites
initiales doit s’opérer en toute conscience, de façon négociée et pleinement
consentie, et viser l’avancement personnel du soumis et non la satisfaction
du Dominant.
Dans certaines relations BDSM qui perdurent depuis un certain temps,
où les joueurs se connaissent bien et comprennent les besoins de l’autre, il
peut arriver qu’une limite soit levée temporairement. On appelle cette
situation le consensual non-consent (le non-consentement consenti). Il
s’agit d’un moment où un consentement temporaire est donné par le soumis
pour des actions qui outrepassent les limites négociées, et qui seraient donc
normalement refusées par le soumis. Cette renonciation est généralement
accordée pour favoriser l’avancement psychologique du jeu. Mais même
quand le soumis a reconnu une pratique comme étant exceptionnellement
acceptable, le Dominant doit toujours avoir conscience que repousser ses
limites peut être difficile, voire dangereux pour lui. Il doit aussi être
conscient du risque de causer des dommages irréparables à la relation. La
priorité du Dominant doit toujours être le bien-être du soumis, et ce, bien
avant l’avancement du jeu.
En définitive, au-delà des négociations et ententes initiales et de leurs
éventuels amendements ou exceptions consenties, le soumis a un droit de
veto constant sur ce qui lui est fait. Il peut à tout moment demander que la
scène soit arrêtée. Le Dominant ne peut pas imposer une pratique sous
prétexte que celle-ci a été négociée. La réciproque s’applique tout autant, le
Dominant pouvant retirer son consentement à tout moment du jeu. Dans le
cas du rapport Maître-esclave, le concept du droit de veto est controversé.
Certains adeptes avancent qu’un vrai esclave doit faire preuve d’obéissance
totale envers son Maître, alors que d’autres estiment que cela n’est pas
conforme au protocole SSC. Mais en définitive, peu importe: où que l’on
soit, qui que l’on soit, non, c’est non, et la Loi sur les agressions sexuelles
ne peut être invalidée par aucune entente ou contrat.

Pendant le jeu
Même en négociant une entente dans les règles de l’art, il est possible que le
soumis réagisse de façon inattendue pendant une séance, selon son niveau
de fatigue, son état psychologique ou encore la manière dont il est
positionné. Des codes devraient donc être utilisés pour évaluer l’état du
soumis pendant le jeu. Ils impliquent généralement une gradation, par
exemple: niveau 1, «tout va bien»; niveau 2, «on approche de ma limite,
ralentissons»; et niveau 3, «la limite est dépassée, on arrête». La plupart des
joueurs utilisent les couleurs des feux de circulation: code vert, code jaune,
code rouge. Certains s’entendent également sur un safeword, un mot de
sécurité, pour signifier l’arrêt immédiat et complet du jeu. Il est souhaitable
que ce mot n’ait aucun lien avec le BDSM ou la sexualité, pour éviter tout
risque de confusion. Par exemple, «non» ou «arrête» sont des mots qui
peuvent échapper aux joueurs, et certaines personnes érotisent la simulation
d’une telle résistance. On choisira plutôt un mot qui est clair, aisément
compréhensible et hors scénario, par exemple «arachide», «911», ou plus
simplement «safeword». En général, les joueurs s’entendent sur le fait
qu’un code rouge est un temps d’arrêt et de discussion avant la reprise du
jeu, alors que l’utilisation du mot de sécurité signifie que le jeu doit être
abandonné pour faire le point sur ce qui s’est passé. Il n’est pas
recommandé de reprendre le jeu si le soumis s’est senti blessé ou s’il est
ébranlé.
Lorsque le soumis ne peut pas parler, par exemple parce qu’il est
bâillonné ou porte une cagoule, des signaux physiques doivent être établis.
Il pourra laisser tomber un objet qu’il tient dans la main, taper deux fois sur
une table, ou encore serrer le doigt du Dominant une fois si tout va bien et
deux fois pour demander l’arrêt du jeu. Encore là, les signaux ne doivent
pas risquer d’être interprétés comme faisant partie du scénario: hocher la
tête ou se tortiller ne serait pas un code adéquat.
Il est évidemment crucial que tous les joueurs s’entendent parfaitement
sur la signification des codes négociés. Même entre des partenaires de
longue date, les signaux de sécurité devraient être validés avant le début de
chaque séance. La présence de codes permet à chacun de s’exprimer
librement pendant le jeu. Ainsi, le soumis n’hésitera pas à se débattre, à
supplier ou à pleurer pendant une séance – si c’est ce qu’il désire –, et le
Dominant, sachant que cela fait partie du scénario, ne sera pas inquiet.
Il peut être gênant pour un joueur d’utiliser les codes de sécurité; c’est
un problème à régler impérativement. Le soumis peut ne pas vouloir
montrer ses limites ou encore craindre de froisser le Dominant en lui faisant
comprendre qu’il est allé trop loin. Or il ne devrait surtout pas attendre la
dernière minute pour signaler son malaise: de longues secondes peuvent
être nécessaires pour le détacher et retirer certains outils (pinces, cagoule,
etc.). Ce moment peut susciter un sentiment de panique, voire un
traumatisme. Voilà pourquoi il est important que tous comprennent que les
codes ne remettent nullement en question le talent du Dominant ou la
volonté du soumis. Ils sont un système de protection pour le soumis, pour le
Dominant et pour leur relation.
Un Dominant doit obtempérer aux codes sans égard à ce qu’il pense des
raisons qu’a le soumis d’y recourir. Un soumis qui dit le mot de sécurité,
c’est un joueur qui retire son consentement. Dans bien des cas, poursuivre
le jeu même quelques instants serait une agression. Le Dominant est
également tenu d’utiliser les codes de sécurité s’il sent que le soumis est
dans un état altéré ou est dans une transe telle qu’il ne peut reconnaître ses
propres limites. Même chose s’il estime que le soumis désire qu’on lui
inflige de la douleur pour se punir d’une manière non ludique, ou encore si
la pratique rend le Dominant mal à l’aise pour quelque raison que ce soit.
La responsabilité du Dominant d’assurer la sécurité du soumis implique
qu’il arrête le jeu s’il a le moindre doute, même si son partenaire proteste
que tout va bien.
Après le jeu
Après une séance intense sur le plan émotionnel ou physique, il est
important que le Dominant accorde quelques minutes d’attention au soumis
pour s’assurer de son bien-être. On appelle cette pratique l’aftercare. Le
soumis se trouve parfois dans un état de conscience altéré après une séance,
que ce soit dû à l’afflux d’hormones dont il a fait l’expérience, à
l’épuisement physique ou encore à un trop-plein d’émotions. À ce moment
de la séance, le Dominant doit prendre soin du soumis et lui fournir ce dont
il pourrait avoir besoin, par exemple de l’eau, de la nourriture, une
couverture ou des caresses. Le Dominant doit également s’assurer que le
soumis n’est pas blessé et qu’il ne souffre pas d’étourdissements ou de
désorientation avant de le laisser marcher sans aide ou quitter la pièce.
Une fois la tension descendue, il faut également faire un bilan de
l’expérience vécue, par exemple en discutant de ce qui a été apprécié et ce
qui l’a moins été, et plus généralement de ce que le soumis a ressenti
pendant la séance et de ce qu’il ressent maintenant qu’elle s’est achevée. Ce
bilan peut se faire juste après le jeu, mais il se peut que le soumis ait besoin
de quelques heures, voire de quelques jours pour reconnaître pleinement les
impacts d’une séance. Certains Dominants demanderont au soumis de faire
un rapport écrit. Quoi qu’il en soit, en plus de son importante dimension
rassérénante et sécuritaire, ce genre de retour est un bon moyen de mieux
concevoir les séances suivantes.
Quelques heures après le jeu, certains soumis font l’expérience d’un
phénomène qu’ils appellent le subdrop. Il s’agit de symptômes physiques
attribuables à la baisse drastique d’endorphines dans le corps et au retour à
la réalité après une expérience hors de l’ordinaire. Cet état qui s’apparente à
la gueule de bois (fatigue, douleur musculaire) est parfois accompagné d’un
sentiment de nostalgie ou de tristesse. Le subdrop peut durer quelques jours
et le seul remède proposé par les adeptes est de prendre le temps de se
reposer et d’exprimer ses émotions si le besoin s’en fait sentir. Il semble
que le Dominant pourrait également faire l’expérience d’un Domdrop.

POUR QUE LE BDSM RESTE UN JEU


De nombreux chercheurs ont tenté d’expliquer le BDSM, d’en comprendre
les sources psychiques et les fonctions sociales ou de définir la frontière
entre les jeux sains et malsains. Même si mon expérience d’observation du
milieu m’a laissé une impression largement positive, il n’est pas question
pour moi de prendre position sur le bien-fondé des pratiques BDSM, ou
d’élaborer une grille pour évaluer les joueurs d’un point de vue clinique.
J’approche le BDSM comme un concept neutre; il peut être source de
plaisir et de croissance s’il est appliqué dans le cadre d’une relation saine,
comme il peut être une source de destruction et de traumatisme s’il
s’exprime dans une relation malsaine. Toutes choses égales par ailleurs,
c’est à mon sens le contexte et les motivations sous-jacentes du jeu qui le
définissent du point de vue éthique.

Les indicateurs d’un jeu sain


Comment donc s’assurer que le jeu demeure une expérience positive pour
tous les participants? Bien sûr, il faut qu’il suive les règles de sécurité
expliquées et qu’il réponde aux exigences du protocole SSC. Par contre,
bien que l’on comprenne aisément l’idée de pratiques sûres, saines et
consensuelles, il peut parfois être difficile de les vérifier concrètement dans
la réalité. Voici quelques indicateurs qui permettent d’alerter les participants
sur le glissement vers un jeu qui pourrait être dangereux pour la santé
psychologique et physique d’un joueur. Ces indicateurs sont fluides et
variables d’un joueur à l’autre, selon leurs préférences érotiques et leur
niveau d’expérience en BDSM.
Dans la liste qui suit, laquelle est largement inspirée des travaux de ma
collègue Annie Martel-Grégoire, les conduites qui pourraient être
considérées comme ludiques et saines sont en caractères romains, et celles
qui semblent plutôt indiquer un rapport problématique au BDSM
apparaissent en italiques.
Motivations générales des joueurs
Le BDSM nourrit le plaisir érotique du joueur. Il est utilisé pour rehausser le plaisir sexuel, vivre des
émotions fortes et actualiser sa fantasmatique. Il est une plus-value érotique. Il est considéré comme
un jeu permettant de maintenir ou d’augmenter sa satisfaction sexuelle.

Le BDSM n’est pas érotisé par le joueur et a pour but unique de satisfaire les besoins de l’autre. Il
est vu comme une solution à un problème personnel ou relationnel. Il est utilisé en lieu de thérapie,
pour soi ou pour son couple. Il sert à guérir des blessures relationnelles ou personnelles. Il donne
l’illusion d’une prise de contrôle sur ses souffrances présentes ou sur des traumas vécus dans
l’enfance.

Motivations du soumis

Le soumis érotise l’échange de pouvoir et les sensations physiques intenses et désire intégrer les
pratiques qui les véhiculent dans sa vie sexuelle. Il utilise le BDSM pour vivre de temps à autre des
moments de lâcher-prise, s’affranchir des responsabilités de la vie quotidienne et diversifier ses
sensations physiques et érotiques. Il comprend bien ce qu’il désire et est apte à prendre ces décisions
pour lui-même.

Le BDSM semble être le seul moyen pour le soumis de se sentir aimé, désiré ou en sécurité. Il lui
permet de fuir complètement la réalité et de remettre toute responsabilité de soi dans les mains de
l’autre. Le soumis se crée une identité distincte pour échapper à son anxiété ou fuir ses angoisses
existentielles. Il désire ressentir de la souffrance psychique ou une douleur réelle non sublimée, voire
mutilante. Le BDSM consiste en une prise de risques substantiels pour sa santé physique, sexuelle et
mentale, une forme de punition ou un moyen de dissimuler des intentions autodestructrices ou
suicidaires.

Motivations du Dominant
Le Dominant érotise l’échange de pouvoir et le BDSM lui permet de mettre en scène ses fantasmes.
Il ressent du plaisir dans le fait d’être temporairement en contrôle d’une autre personne. Il désire
donner du plaisir au soumis et l’accompagner dans son évolution à l’égard de son rôle, en
concordance avec ses besoins et désirs érotiques.

Le BDSM permet au Dominant de compenser un sentiment d’impuissance et son absence de contrôle


sur sa vie. Il veut prouver sa virilité ou sa dominance, et se rassurer sur son pouvoir d’attraction. Le
Dominant souhaite causer une réelle souffrance à son partenaire et veut tout contrôler dans sa vie. Il
aime punir et blesser l’autre sans égard pour ses désirs ou sans consentement éclairé.

Le contexte du jeu
Le jeu est négocié, discuté, encadré et consenti par tous les partis. Des codes de sécurité sont mis en
place et les joueurs savent qu’ils sont en droit de les utiliser sans aucun préjudice. Les joueurs
possèdent en outre toutes les connaissances nécessaires pour effectuer les pratiques de façon
sécuritaire. Tous les participants sont perçus comme des personnes à part entière qui conservent leur
individualité et ont pleinement conscience du jeu qui se déroule et de ce qu’il engendre. Chacun
connaît et affirme ses propres besoins et limites. L’intégrité physique et psychique de tous les joueurs
est respectée en tout temps.

Les pratiques sont imposées à l’autre, les désirs et limites du partenaire ne sont pas pris en compte et
son consentement n’est pas vérifié. Les codes de sécurité ne sont pas clairement établis ou ne sont
pas respectés, et le retrait du consentement en cours de jeu n’est pas envisagé. Le soumis ne connaît
pas ses limites ou affirme ne pas en avoir et laisse le Dominant les définir. Les limites sont
systématiquement repoussées, la quête de sensations fortes est constante et insatiable. Les joueurs
s’engagent dans des jeux sans bien les connaître ou sous l’influence d’alcool ou de drogues. Les jeux
se déroulent dans un contexte de violence, de coercition et de prise de risque psychologique et
physique.

La place du BDSM dans la vie de l’adepte


Le joueur considère le BDSM comme une activité ludique pour laquelle il a fait une place dans sa vie
sexuelle. Il choisit certains fantasmes sains et les transpose dans une réalité contrôlée. Il n’est pas
l’esclave de ses désirs. Il apprécie le jeu quand il a lieu, mais sait le distinguer des autres aspects
importants dans sa vie.

Le BDSM prend toute la place dans les actes et les pensées du joueur. Son rôle le définit comme
personne et lui interdit d’exprimer d’autres facettes de lui-même. Il est malheureux et se sent
incomplet quand il n’est pas en période de jeu. Le BDSM est une dépendance, une compulsion qui
semble seule pouvoir le satisfaire. Il est prêt à mettre en pratique tous les jeux BDSM, sans égard
pour ses propres besoins et limites.

Le BDSM dans la sexualité de l’adepte


Le BDSM est une composante dans l’éventail érotique du joueur. Une sexualité hors jeu est présente
dans la vie sexuelle ou fantasmatique du joueur. Le joueur est apte à érotiser d’autres formes de
sexualité et présente une attitude positive face à la sexualité. Dans une scène BDSM, le joueur sait
consentir ou non à des contacts sexuels selon ses désirs.

La sexualité du joueur se limite au BDSM. Il ne porte aucun intérêt à l’érotisme en dehors du jeu. Il
a besoin des pratiques BDSM pour être excité sexuellement. Il est sous l’emprise de fantasmes
rigides ou de fétiches qui contrôlent entièrement son désir et sa capacité orgasmique. Il a un rapport
honteux ou coupable avec le sexe. Il se laisse imposer ou impose à l’autre des contacts sexuels
durant les séances BDSM.

L’impact du jeu sur l’individu

Le BDSM est en concordance avec les besoins et les désirs érotiques de l’adepte. Le joueur se sent
pleinement acteur de sa sexualité. Le jeu lui permet de s’émanciper, de mieux se connaître et de
mieux connaître l’autre, en se dévoilant à lui à son rythme. Le BDSM est une source de plaisir et
d’un sentiment de plénitude sexuelle.

Le joueur ne tire pas de plaisir ou de satisfaction des pratiques BDSM. Le niveau de douleur ou
l’intensité de l’échange de pouvoir dépasse l’excitation qu’il peut ressentir. Le BDSM nuit à sa santé
mentale ou physique et nourrit un sentiment de désarroi et une souffrance intime. Le joueur ne
ressent pas de connexion entre le jeu et son identité d’être sexualisé. Le jeu fragilise son estime
personnelle, sapant ou changeant complètement son identité. Il ne sait pas pourquoi il pratique le
BDSM et ne reconnaît plus ses propres besoins.

L’impact du jeu sur le couple


Le BDSM favorise la confiance, l’intimité, le dévoilement de soi et la communication entre les
partenaires. Les joueurs sont capables de passer de la dynamique de pouvoir à des moments de
tendresse, d’écoute et d’empathie. La différence de pouvoir est circonscrite aux périodes de jeu et les
partenaires savent exprimer entièrement et librement qui ils sont en dehors de leur rôle.

Le BDSM est la soupape des problèmes du couple, le seul exutoire aux conflits relationnels.
L’échange de pouvoir crée une distance entre les partenaires et exclut l’intimité.

Le jeu est imposé au partenaire, et il y a un manque de communication et de confiance entre les


joueurs. Le Dominant ne décroche jamais de son rôle, même si le soumis en montre le besoin. Il ne
ressent pas d’empathie envers le soumis et s’adresse à lui ou le traite de façon hostile ou humiliante
hors du cadre du jeu.
Bien d’autres facteurs peuvent influer sur les indicateurs ou sur leur
portée, notamment des problèmes de santé mentale chez un des partenaires,
ou encore une dynamique de violence dans le couple. Si le jeu cause une
souffrance au joueur, il faut l’interrompre et discuter entre partenaires en
position d’égalité, en dehors de la dynamique de pouvoir. Il est possible que
l’intensité du jeu doive être diminuée, que les pratiques doivent être
changées, ou encore que le jeu ne réponde simplement plus aux envies d’un
joueur. Parfois, le soutien de la communauté, de gens qui ont les mêmes
pratiques que lui, peut l’aider à y voir clair. Parfois, c’est une personne en
dehors du monde BDSM qui peut, en posant un regard neutre sur la
situation, lui permettre de réévaluer la place du jeu dans sa vie.

Consulter un professionnel
Si un malaise se maintient après qu’on a tenté d’y remédier, la consultation
d’un sexologue ou d’un psychologue peut être indiquée. Le choix du
thérapeute est important: plusieurs études ont démontré qu’une grande
proportion de professionnels de la santé mentale ou de la sexualité ont une
vision négative du BDSM ou ne sont pas à l’aise à l’idée de travailler avec
un client adepte de ces pratiques. Certains considèrent le BDSM comme
étant dysfonctionnel en soi et l’interpréteront d’emblée comme la source du
problème. Leur réflexe sera alors de conseiller au patient de remplacer le
BDSM par d’autres pratiques plus saines à leurs yeux. Il est en effet
possible que les pratiques BDSM soient la cause directe de la souffrance
d’un adepte, mais il peut aussi en aller tout autrement.
Avant la consultation ou au tout début de celle-ci, il est recommandé de
«prendre le pouls» du thérapeute en l’interrogeant sur son aisance à
travailler autour de cette thématique. Il n’est pas nécessaire que
l’intervenant soit un expert sur le sujet, mais plutôt qu’il présente une
attitude d’ouverture et d’empathie, sans tomber immédiatement dans la
pathologisation des pratiques. D’autres adeptes peuvent donner les
références de thérapeutes qu’ils ont consultés et qui les ont aidés. Certains
thérapeutes qui ont de l’expérience avec la clientèle BDSM s’associent au
réseau des Kink-aware professionals, qui regroupe des membres de
plusieurs corps de métiers qui sont sensibles aux sexualités alternatives.
Dans toute thérapie, le lien de confiance entre le client et le thérapeute a
une immense importance. Ainsi, il n’est pas recommandé de cacher ses
pratiques par peur de se faire juger, surtout si celles-ci ont un lien avec le
motif de consultation. Il est important de prendre le temps de choisir son
thérapeute, mais aussi de lui laisser la chance de se familiariser avec le
BDSM et de comprendre les motivations qui sous-tendent le jeu. Le
thérapeute examinera les pratiques de BDSM et procédera à l’évaluation de
leur impact sur la vie de son client, sans nécessairement juger les pratiques
en soi. Sa démarche impliquera plutôt de porter un regard clinique global
sur la sexualité de l’individu, de manière à élaborer un plan d’intervention
adéquat. En revanche, si un thérapeute réagit négativement ou émet des
commentaires désobligeants à seule la mention du BDSM, il est préférable
d’en chercher un autre qui sera mieux outillé pour travailler avec cette
réalité de la vie du client.
5
LA COMMUNAUTÉ

Si le BDSM a bien entendu un versant privé, confiné à la chambre à


coucher, son versant «public», ou plutôt communautaire, est
particulièrement développé. Dans presque toutes les grandes villes du
monde, on retrouve une forme ou une autre de communauté réunie autour
des pratiques de BDSM. Que ce soit dans des clubs privés, des bars, des
soirées de jeu chez des particuliers ou des ateliers d’information, les adeptes
du BDSM semblent tendre à se regrouper.

QU’EST-CE QU’UNE COMMUNAUTÉ BDSM?


Les communautés BDSM ont des règles propres, écrites ou non, choisies
par leurs membres. Leur processus d’établissement est dynamique; il
dépend des préférences des membres les plus actifs, des modes dans le
milieu, et de facteurs externes qui influencent les perceptions des joueurs et
de la société (la culture ou l’actualité, notamment). Des sanctions sont
prévues lorsque les règles sont enfreintes (avertissements, exclusion
temporaire, expulsion). Pour qu’il y ait communauté, il faut une interaction
entre les membres, un partage d’expériences, la fréquentation de lieux
physiques ou virtuels. Une forme d’attachement, de lien affectif plus ou
moins intense doit aussi apparaître. Enfin, malgré les règles strictes qui la
régissent, la communauté doit favoriser l’expression de soi et de l’unicité de
chacun; elle doit être chaleureuse et accueillante.
La communauté BDSM au sens large est divisée en zones géographiques
et parfois aussi selon des pratiques spécifiques. Par exemple, une
communauté locale pourra être axée sur le bondage, le fétiche de latex, le
jeu Ds protocolaire… Chacune de ces sous-communautés a son propre
éventail de règles, même si la plupart se recoupent au sein du monde
BDSM.
Les règles remplissent différentes fonctions. Elles créent un langage
commun entre les adeptes. Elles leur permettent d’évoluer dans un cadre
structuré et, comme on l’a vu, sécuritaire, mais aussi d’harmoniser leurs
attentes, c’est-à-dire qu’un soumis et un Dominant, par exemple, savent ce
qu’ils peuvent attendre l’un de l’autre. Finalement, adopter ces règles et ce
langage commun, c’est aussi s’accepter soi-même comme membre de la
communauté.
Même si les règles sont établies clairement et connues des membres,
ceux-ci ont une certaine latitude dans leur application. En effet, sans jamais
enfreindre celles qui ont trait à la sécurité des personnes, il est possible de
sélectionner les règles qui conviennent le mieux à ses propres convictions,
besoins et désirs, ou encore à sa situation relationnelle du moment. Ainsi,
certains s’en tiendront à une application rigoureuse des règles dans un
BDSM traditionnel et ritualisé. Ces joueurs valorisent une hiérarchie plutôt
rigide des rôles et des membres entre eux. D’autres verront plutôt les choses
avec une certaine souplesse. Ils connaissent et respectent les règles les plus
fondamentales, mais sélectionnent celles qui, parmi les autres, répondent le
mieux à leurs préférences. Leur jeu est plus personnalisé. On doit à ces
joueurs la popularité grandissante de rôles plus souples (par exemple,
switch, kinkster, top, bottom). Il n’y a pas une bonne façon (intégrale) et
une mauvaise façon (sélective) d’appliquer les règles; les deux philosophies
peuvent cohabiter avec une certaine harmonie. C’est pourquoi on trouve
souvent une diversité d’activités organisées par une même communauté.
Pour beaucoup de joueurs, le BDSM est une passion qui se développe et
évolue. On peut comparer leur attitude à celle des photographes amateurs. Il
est facile d’apprendre les bases de la photographie, mais on peut se
perfectionner en la pratiquant, en échangeant avec d’autres amateurs et en
s’inspirant de leur travail. La progression et la créativité n’ont pas de limites
objectives. Certains photographes se retrouvent dans des clubs, d’autres
sont membres de groupes en ligne et d’autres encore s’entourent d’un petit
nombre de gens qui ont la même passion. Cette socialisation leur permet de
parler avec d’autres aficionados de leurs projets en cours, de leurs outils et
de leurs techniques.
Le regroupement en communauté a les mêmes fonctions pour nombre
d’adeptes du BDSM. De plus, comme le BDSM est encore largement un
tabou, peu de gens choisissent de dévoiler cette passion à leur entourage
«vanille». La communauté permet de briser leur isolement. Elle leur permet
de ne plus se sentir seul avec leurs désirs. Les amitiés dans le milieu BDSM
contribuent à créer une complicité bon enfant (par exemple, les soumis qui
se soutiennent entre eux, les Dominants qui s’échangent des trucs pour
tourmenter leurs soumis). Bien entendu, la communauté offre aussi
l’occasion à ceux qui le souhaitent de rencontrer de nouveaux partenaires de
jeu.
Ce n’est pas parce qu’une personne participe à une soirée de jeu qu’elle
fait partie de la communauté BDSM. Pour appartenir à une communauté,
l’adepte doit connaître et respecter ses règles, considérer qu’elle répond à
certains de ses besoins et estimer qu’il peut retirer certains bénéfices de
cette appartenance (apprentissage, soulagement du stress, connexion
émotionnelle ou érotique, acceptation de soi). Si une communauté ne
correspond pas à ses valeurs et qu’il n’en retire rien, l’adepte de BDSM n’a
aucune de raison de l’intégrer.

LA SOIRÉE DE JEU
Les communautés BDSM sont généralement centrées autour d’activités
organisées. Il peut s’agir d’activités courantes de socialisation, appelées
munch (5 à 7, sorties au cinéma, repas au restaurant); d’ateliers sur des
techniques de jeu animés par des experts; d’événements de levées de fonds;
de panels ou de forums en ligne sur des sujets en lien avec le jeu, la
sexualité ou les configurations relationnelles, etc. Ces activités sont
organisées par des volontaires ou, dans le cas de regroupements plus
structurés, par des personnes désignées plus formellement. Bien entendu, la
soirée de jeu est la plus populaire des activités qu’organisent les
communautés BDSM (notons cependant que toutes n’en organisent pas). La
plupart des activités demandent l’acquittement d’un frais d’entrée,
généralement compris entre 10 $ et 30$ par personne.

Pourquoi jouer en public?


En effet, pourquoi donc s’adonner à des pratiques si personnelles devant
d’autres? La soirée BDSM a plusieurs attraits pour les joueurs, comme on
va le voir. Mais d’abord, il est important de préciser que ce n’est pas tout le
monde qui met en scène des pratiques BDSM dans une soirée de jeu, et
qu’on n’est jamais tenu de le faire. Certains ont l’espoir de trouver un
partenaire de jeu pour la soirée, mais d’autres non. Beaucoup d’adeptes
viennent simplement pour socialiser, retrouver des amis, s’en faire de
nouveaux ou rencontrer en personne des adeptes qu’ils auront
préalablement fréquentés en ligne. À ce titre, le contexte sécuritaire d’une
soirée de jeu est un atout. Celle-ci a aussi une fonction d’apprentissage ou
de mimétisme: elle permet de voir d’autres personnes en action, d’observer
leurs façons de faire, de leur poser des questions. Certains joueurs
expérimentés proposeront parfois de faire la démonstration de certaines
techniques à des néophytes curieux.
La soirée BDSM comporte une composante non négligeable de
voyeurisme et d’exhibitionnisme. Un peu à la manière des soirées
échangistes, elle offre à ses participants la possibilité de regarder des jeux
en direct. De plus, les participants sont souvent très légèrement vêtus, ce qui
contribue encore au caractère, disons, spectaculaire de l’événement. La
présence et le regard des autres peuvent aussi contribuer à satisfaire un désir
d’exhibition qui peut s’exprimer par la nudité, l’habillement érotique, ou le
fait de jouer devant un public.
Beaucoup de joueurs vont à une soirée en arborant les attributs de leur
rôle sans mettre en scène un jeu physique. Il faut comprendre qu’il s’agit
d’un des seuls lieux, à l’extérieur de la chambre à coucher, où ils peuvent
endosser leur rôle sans crainte de se faire juger. Ainsi, le soumis pourra se
présenter avec un collier au cou et une laisse; le fétichiste pourra se vêtir de
latex de la tête aux pieds; le travesti pourra porter les vêtements de l’autre
sexe. La simple possibilité d’exprimer cette part de soi, qui est cachée
ailleurs, peut être satisfaisante.
Plusieurs éléments physiques peuvent aussi motiver le choix des adeptes
qui ont décidé de jouer en public. D’abord, la soirée fournit généralement
plusieurs meubles et dispositifs conçus spécialement pour rendre les
pratiques plus confortables ou encore pour accroître les possibilités d’un
jeu. Bien peu de joueurs ont accès à la maison à ce type d’outillage, souvent
cher et fort peu discret. De plus, les lieux des soirées sont souvent vastes, ce
qui est nécessaire pour pratiquer certains jeux, par exemple le fouet, qui
nécessite une certaine distance entre les joueurs et un espace libre derrière
le Dominant. Finalement, le lieu permet aux participants de ne pas se
soucier du bruit produit, que ce soit celui des gémissements du soumis ou
celui des jeux en tant que tels.
La présence des autres peut aussi être favorable à une scène. D’abord,
certains aiment inclure d’autres personnes dans un jeu. Ainsi, un Dominant
pourra «offrir» au soumis un autre joueur avec qui s’amuser, ou encore
inviter un autre Dominant à participer à la scène. L’ajout de joueurs
extérieurs peut avoir plusieurs fonctions: punition, humiliation,
récompense, réalisation d’un fantasme, diversification des expériences,
exhibition, etc. Dans un scénario d’humiliation, par exemple, un Dominant
pourra demander à sa soumise d’effectuer une danse érotique devant un
public (participation indirecte), ou encore la promener en laisse et inviter
d’autres joueurs à toucher ses seins nus (participation directe).

Le donjon
Le donjon était la plus haute tour d’un château moyenâgeux, souvent
utilisée comme poste d’observation et de tir lors d’un siège, mais aussi
parfois pour isoler les prisonniers du seigneur des lieux. Dans le contexte
qui nous intéresse, le mot fait référence à l’imaginaire d’enfermement et de
torture. Le donjon BDSM est un endroit comportant des meubles et
accessoires qui facilitent les jeux. Il peut s’agir d’un appartement entier ou
d’une pièce dévolus au jeu, ou d’un endroit transformé pour la soirée, par
exemple une résidence ou un local commercial loué pour l’occasion. Le
donjon appartient toujours à un particulier, sauf dans quelques grandes
villes qui comptent des bars comportant des espaces de jeu. Certains
donjons peuvent être loués à des particuliers le temps de quelques heures.
On retrouve toujours dans un donjon des stations de jeu, c’est-à-dire des
meubles ou accessoires fabriqués spécifiquement pour le jeu ou pouvant le
faciliter. Parmi les classiques, citons le banc de fessée, un banc à
chevaucher comportant généralement des appuis de chaque côté pour
soutenir les jambes, ainsi que la croix de saint André, deux longues
planches installées de manière à former un «X». On retrouve généralement
diverses stations permettant d’écarter le soumis ou de mettre en valeur ses
fesses, notamment un prie-Dieu, une table capitonnée de cuir, divers types
de supports matelassés sur lesquels le soumis peut se pencher ou
s’agenouiller, une table d’auscultation, ou encore un harnais suspendu au
plafond (sex swing). Ces meubles comportent fréquemment des anneaux
placés à la hauteur des mains et des pieds afin d’y fixer le soumis à l’aide
de bracelets ou de cordes. On peut aussi retrouver dans le donjon des cages
de différents formats (une prison, une cage à chien), des anneaux au plafond
ou au mur, un lit à colonnes, un poteau dédié à la danse érotique, un pupitre
d’écolier, un mur de cordes ou de chaînes, une poulie dont l’extrémité pend
du plafond, un pilori, une chaise de barbier, un trône, ou tout autre mobilier
pouvant contribuer à un scénario d’humiliation ou de soumission, ou plus
simplement à maintenir en place le soumis.
L’ambiance du donjon se veut mystérieuse et érotique. Les murs et le
mobilier sont souvent noirs, rouges, gris, finis en bois ou bien en pierre de
manière à imiter un cachot. L’éclairage est tamisé, souvent rouge, et on
allume parfois des chandelles. Il y a souvent des miroirs aux murs ou au
plafond, et des images ou objets BDSM divers sont mis en évidence:
cagoules, souliers à talon, harnais, martinets, cordes, chaînes, menottes, etc.
La décoration peut être complétée d’accessoires de style médiéval, victorien
ou steampunk (chandeliers, plafonniers, colonnes, tapis, figurines, coffres,
épées, etc.). Les fenêtres sur l’extérieur, s’il y en a, seront obstruées par
d’épais rideaux. Une musique d’ambiance, énergique sans nécessairement
être forte, est diffusée en arrière-plan.
La configuration des donjons est variable, mais tous comportent de petits
espaces de socialisation avec divans, chaises et tables basses. Certains
séparent clairement la section de jeu de la section de socialisation, d’autres
non. Les stations de jeux peuvent se trouver dans des coins reculés, êtres
délimitées par des rideaux, voire situées dans des pièces fermées, comme
elles peuvent être en plein milieu de la pièce, selon l’espace disponible et la
dynamique recherchée.

Une soirée de jeu


Voici un scénario qui donne une idée de ce à quoi pourrait ressembler une
soirée typique dans un donjon de la grande région de Montréal.

Il est 22 heures. Dans la rue, une affiche discrète indique le chemin du


stationnement. Là-bas, des joueurs s’affairent à changer leur tenue
vestimentaire dans leur voiture, tandis que d’autres se dirigent déjà vers la
porte avec leur mallette de jouets. À l’entrée, le propriétaire du donjon est
assis à une petite table et encaisser le prix d’entrée de 20$ auprès des
nouveaux arrivants. Une soumise habillée en soubrette propose aux invités
d’accrocher leurs manteaux.
Il y a plus d’une soixantaine de personnes, ce qui est une bonne
affluence pour l’heure précoce. Une musique rythmée joue à un volume
raisonnable. Tout près de l’entrée, une soumise est assise sur un coussin.
Elle porte une robe léopard et a des oreilles de chat sur la tête. Elle ne
salue personne et garde les yeux rivés au sol. On peut deviner qu’elle
attend l’arrivée de sa Maîtresse.
Devant elle, une table de fessée est occupée par une jeune fille couchée
sur le ventre qui ne porte pour tout vêtement qu’une petite culotte. Une
Dominante lui donne de légers chocs électriques avec sa violet wand. La
Dominante est très élégamment vêtue d’une robe de style gothique et de
longs gants en dentelle. Son soumis et amant, qui porte un kilt et un
chandail noir, tient à sa disposition un coffret contenant divers embouts
pour la violet wand. Il salue avec des gestes exagérés un ami qui vient
d’arriver, derrière le dos de sa Dominante afin de ne pas se faire prendre.
Un couple dans la quarantaine marche dans leur direction. L’homme
porte un pantalon de cuir et tient sa soumise en laisse. Cette dernière
marche en retrait de son Dominant et regarde le sol. Elle est vêtue d’une
jupe d’écolière, porte des chaussures à talons très hauts et a un ligotage de
seins. Derrière eux, deux filles sont nues dans une douche vitrée. On devine
à travers la buée qu’elles se touchent et s’embrassent. Quelques hommes
regardent la scène avec grand intérêt. Trois d’entre eux se donnent des
coups de coudes et blaguent à l’idée d’aller les rejoindre.
Un peu plus loin, une soumise qui semble timide fait une pole dance
érotique sur une petite scène surélevée. Elle est vêtue d’une robe en résille
et de bracelets de cuir aux poignets et aux chevilles et porte des souliers à
plateforme, typiquement associés aux danseuses érotiques. Devant elle, son
Dominant, les bras croisés, semble satisfait de la scène. Deux couples sont
près de lui, et les soumises semblent attendre leur tour. Le Dominant offre
des billets de banque aux joueurs qui passent afin qu’ils les accrochent à la
taille de sa soumise.
Au fond de la pièce, quelques joueurs relaxent sur les divans. Des
soumises agenouillées sur des coussins aux pieds de leurs Dominants
discutent entre elles. Les adeptes qui sortent fréquemment en soirée
apprennent vite à se connaître et deviennent souvent bons amis. Une jeune
fille dans la vingtaine est couchée sur les genoux d’un homme qui lui donne
la fessée. Une soumise à genoux participe au jeu en lui tapant les fesses de
sa main nue. À quelques pas de là, un Dominant fouette le dos d’une
soumise attachée à une croix de saint André. Les claquements du long fouet
retentissent dans tout le donjon, suivis à chaque fois des gémissements de la
soumise. À l’autre bout de la pièce, une fille habillée de latex enfermée
dans une cage prend des poses sensuelles pendant que son partenaire
l’observe.
Non loin de là, un mur de cordes monte jusqu’au plafond et un homme
portant seulement une cagoule et des sous-vêtements y est attaché par les
poignets et les chevilles. Une Dominante vêtue d’un kimono de soie alterne
les coups de martinet et les griffures. Elle a au bout des doigts de petites
griffes en métal qui font se tortiller le soumis. Elle le caresse et l’embrasse,
puis le griffe sans ménagements, mais sensuellement. La scène attire
quelques joueurs, qui la regardent tout en restant à bonne distance.
Il est minuit et le donjon est maintenant plein à craquer. Une soumise est
agenouillée sur un prie-Dieu. Son Dominant lui assène subitement un coup
de canne sur les fesses. Le coup résonne dans son corps en entier et un
frisson parcourt son dos. Le Dominant lui caresse les fesses lentement, le
temps qu’elle redescende de sa montée d’adrénaline. On peut deviner les
deux précédents coups de canne qu’elle a reçus sur les fesses, là où il y a de
longues marques rouges.
Derrière le couple, une Dominante qui porte une casquette de policier et
un habillement en cuir est assise dans une chaise de barbier. À ses pieds, un
soumis lui offre un verre d’eau, mais elle l’ignore. Il porte des bas résilles
qui montent au-dessus du genou, des bottes à talons hauts en PVC, une
ceinture de chasteté en métal et un harnais en cuir qui laisse entrevoir sa
silhouette plutôt bedonnante. La Dominante discute avec un autre joueur,
tout en flattant les cheveux d’une jeune soumise vêtue en écolière, assise au
sol de l’autre côté de la chaise.
Dans un coin de la pièce, des adeptes discutent entre eux. Un homme et
une femme fétichistes portent du latex de la tête aux pieds. Une Dominante
est assise dans un cerceau suspendu à une corde et se fait pousser par un
soumis. Dans une grande cage au fond du petit salon, une esclave est assise
sur ses pieds, les yeux bandés et les seins nus. Elle semble complètement
déconnectée de ce qui se passe autour d’elle et ne bouge pas du tout. Son
Maître la surveille d’un œil en discutant avec les autres joueurs.
Ailleurs, un jeune homme exécute un bondage impressionnant. En
utilisant un tronc d’arbre sur roulettes, il ligote deux filles l’une en face de
l’autre, leurs corps étant joints par les cordes. Derrière eux, une soumise se
réchauffe près du foyer. Elle a toujours très froid après une séance, alors
elle a apporté sa propre couverture. Sa Dominante la berce doucement.
Une femme approche d’une table de fessée recouverte d’un drap
médical; une trousse de premiers soins, du désinfectant et des aiguilles
stériles sont à portée de sa main. Une jeune fille est étendue à plat ventre
sur la table, le dos nu. On voit des marques sur sa peau. La femme pique
deux rangées d’aiguilles dans son dos, puis les lace avec un ruban à la
manière d’un corset. Pendant qu’elle procède, elle explique à un jeune
homme qui l’assiste dans ses gestes comment effectuer chacune des étapes.
La scène a attiré des curieux. Certains disent désirer essayer la technique,
tandis que d’autres semblent plutôt rebutés à la vue des gouttelettes de
sang.
Dans la dernière section du grand donjon, deux Dominantes discutent
pendant que des fétichistes leur massent les pieds. Devant elles, trois scènes
se déroulent simultanément. Dans la première, une soumise est couchée sur
le dos et porte seulement une jupe sans sous-vêtements et une cagoule. Des
pinces reliées entre elles par une chaînette sont fixées sur ses mamelons. Le
Dominant porte des pantalons, une veste et des gants en cuir. Il maintient
un énorme vibromasseur sur les parties génitales de la soumise tout en lui
assénant des coups de cravache sur les seins.
Dans la deuxième scène, une jeune soumise est couchée sur le ventre. Le
Dominant alterne les coups d’un lourd martinet en cuir et les passages
d’une roue de Wartenberg. Ses autres jouets sont accrochés sur un râtelier
d’environ un mètre de haut. Il en change fréquemment. Par moments, il
donne des coups au rythme de la musique. Les jouets qu’il sélectionne
créent une gradation de la douleur; il commence par ceux qui causent une
sensation d’engourdissement, pour terminer avec des instruments qui
causent un pincement. À la fin de la séance, la soumise semble
complètement vidée, dans un état de subspace. Les deux joueurs
s’embrassent tendrement.
Dans la dernière scène, un esclave est assis sur un banc de fessée, une
jambe de chaque côté. Il porte des talons hauts, une jupette et une
brassière. Sa Maîtresse lui fait un ligotage autour des parties génitales,
puis lui écrase le scrotum avec son talon. Ensuite, elle laisse couler sur ses
organes génitaux la cire d’une bougie en paraffine, qui durcit et forme une
croûte.
Il commence à se faire tard et le donjon se vide lentement. Plusieurs
joueurs terminent la soirée dans le fumoir ou l’antichambre pour discuter,
la musique y étant moins forte. Certains soumis sont sur le sol, mais
d’autres ont obtenu la permission de s’asseoir sur une chaise. Les joueurs
parlent de tout et de rien. Certains font le bilan de leur séance, d’autres
discutent sport ou politique. Plusieurs évoquent un événement récent qui
s’est déroulé dans un groupe de discussion en ligne. Il est près de 4 heures
du matin et il ne reste que quelques adeptes dans le donjon. Un couple joue
toujours dans un coin discret alors que le propriétaire commence à faire le
ménage. Les derniers joueurs qui quittent les lieux le saluent en le
remerciant pour la soirée.

LES RÈGLES EN SOIRÉE BDSM


On comprendra que toutes les règles fondamentales qui ont été abordées
s’appliquent autant dans une relation BDSM privée que dans une soirée de
jeu, qu’il s’agisse du consentement des joueurs, de la négociation des
limites individuelles ou encore des codes de sécurité. Néanmoins, avant de
s’aventurer dans une soirée BDSM, il est important de bien connaître
certaines règles et façons d’être en public car leur non-respect peut mener à
un bannissement du donjon. La plupart de ces règles semblent universelles
dans la communauté, mais certaines sont plus spécifiques à la soirée de jeu
ou à un donjon particulier. Ces dernières se retrouvent généralement dans
l’invitation à participer à la soirée, sur le site du donjon ou bien en
évidence, à l’entrée. Dans certains cas, il pourra s’agir de directives sur le
type de soirée qui aura lieu (par exemple, une soirée protocolaire pour
Dominants et soumis seulement), ou encore le type de participants qui
pourront y assister (par exemple, une soirée pour couples ou trios
seulement). Ces règles permettent d’assurer le bon déroulement de
l’événement et, grâce à elles, les joueurs peuvent choisir les soirées qui leur
ressemblent le plus.
L’application des règles est la responsabilité des joueurs, mais aussi du
moniteur de jeu (dungeon master, dungeon monitor, ou DM), soit la
personne désignée pour assurer la sécurité des jeux. Les moniteurs de jeu
sont souvent des joueurs expérimentés qui ont suivi une formation sur le jeu
sécuritaire et sur les premiers soins, offerte par la communauté. Ils
s’assurent que les règles du donjon soient respectées et que les pratiques
soient sécuritaires, autant pour les joueurs impliqués dans la scène que pour
les autres. Ils ont le dernier mot en tout temps; s’ils demandent qu’une
scène soit arrêtée, elle doit l’être immédiatement, sans quoi les joueurs se
verront expulsés.

Bienséance et interdits
Certaines façons d’être et d’agir sont à favoriser dans les soirées de la
communauté et à l’inverse, certaines actions devraient être évitées à tout
prix. Voici quelques indications en rafale.
Les soirées de jeu sont un endroit où chacun peut vivre le BDSM à sa
manière sans jugement ni restriction. Par contre, certains jeux controversés
ou nécessitant un équipement particulier peuvent être interdits dans certains
donjons, notamment les jeux d’urologie et de scatologie, l’asphyxie
érotique, le marquage et le perçage. En cas de doute, il est recommandé
d’interroger le moniteur de jeu avant de commencer une scène. De plus, il
est d’une grande importance que toutes les pratiques soient hygiéniques.
Lors de pratiques pouvant engendrer l’exposition à des fluides (sang,
sperme, sécrétions), il est de coutume de recouvrir les meubles du donjon
d’un drap ou d’une pellicule de plastique afin que ceux-ci ne soient pas
souillés. Des lingettes sont toujours mises à la disposition des joueurs afin
qu’ils puissent nettoyer leur station de jeu après usage. On a vu que des
jouets peuvent être exposés dans le donjon, mais il est strictement interdit
de les utiliser sans la permission du propriétaire. Tous les adeptes doivent
apporter leurs propres instruments aux soirées de jeu.
Les stations de jeu, comme leur nom le dit, servent strictement au jeu:
les joueurs s’y rendent pour y effectuer une scène, la nettoient, puis la
quittent. Elles sont généralement en nombre restreint dans un donjon, et il y
a rarement plus d’une station du même type. Ainsi, un peu comme dans un
gymnase, il est mal vu de s’asseoir sur une station, de la réserver pendant
plusieurs minutes sans l’utiliser, ou encore d’y entreposer ses effets
personnels. Il est généralement convenu qu’une scène ne devrait pas durer
plus d’une heure, pour laisser la chance aux autres joueurs de pouvoir
utiliser la station.
Pendant une séance de jeu, il est impoli de déranger les joueurs en leur
adressant la parole sans y avoir été invité, en se tenant trop près d’eux, en
parlant trop fort à proximité, etc. Le fait de garder une distance raisonnable
permet de respecter l’intimité des joueurs, mais aussi parfois d’éviter de
recevoir l’élan d’un coup, surtout dans le cas du martinet ou du fouet, qui
nécessitent autant d’espace devant le Dominant que derrière lui. Puisque le
BDSM n’est pas que physique, il faut être vigilant avant d’aborder un
couple en pleine séance d’humiliation ou en aftercare après une séance.
Une approbation visuelle est toujours de mise avant de s’approcher.
Évidemment, un individu ne saurait s’inviter dans une séance sans en
demander la permission expresse et ne peut forcer un soumis à jouer avec
lui sous prétexte qu’il est soumis; le fait de s’identifier à un rôle de
soumission ne signifie pas qu’une personne a le devoir de se soumettre à
quiconque.
Il est demandé aux joueurs d’être vigilants quant à la prise de photos ou
de vidéos. Le BDSM est une partie cachée de la vie de plusieurs joueurs:
nombre d’entre eux ne veulent pas l’afficher sur Internet. De plus, les flashs
peuvent être perturbants pour certaines personnes lors d’une séance. Dans
certains donjons, les photos et vidéos sont permises avec le consentement
des adeptes si on les capte discrètement, mais la plupart des soirées les
bannissent tout simplement.
Alors que la plupart des soirées fournissent ou vendent de l’eau et des
boissons non alcoolisées, les participants peuvent habituellement apporter
leur propre alcool. Par contre, sa consommation doit être modérée, surtout
si les joueurs participent à une séance de jeu. Dans tous les cas, un individu
dont le jugement semble altéré par l’alcool, des drogues, des médicaments
ou la fatigue se verra demander de cesser de jouer par le moniteur de jeu.

Connaître et respecter le protocole d’autrui


Chaque joueur a un protocole qui lui est propre, une manière d’exprimer le
BDSM qui répond à ses désirs et besoins. Le respect du protocole des
joueurs est une valeur primordiale et essentielle à la bonne marche d’une
soirée. De même, les joueurs ne devraient pas imposer leur protocole aux
autres. En d’autres mots, ce n’est pas parce qu’un joueur décide d’exprimer
son jeu d’une certaine manière que tous devraient faire de même autour de
lui. Par exemple, une Dominante qui aime recevoir un baisemain de ses
soumis ne peut s’attendre à ce que tous les soumis qui lui adressent la
parole lui fassent le baisemain, et elle ne peut pas l’exiger. Bien entendu, il
est normal de ne pas connaître le protocole de tous les joueurs présents,
mais certains indicateurs permettent de mieux les saisir.
Il existe une grande diversité de types de partenariats de jeu. Beaucoup
de joueurs sont en couple à l’extérieur du jeu, tandis que d’autres ne sont
partenaires que dans le cadre du jeu, de façon ponctuelle ou récurrente.
Certains réservent l’exclusivité à leur partenaire, tandis que d’autres
préfèrent intégrer d’autres adeptes à leur jeu, ou encore ont plus d’un
partenaire. Certains jouent en groupes d’amis, mais n’intègrent pas de
nouveaux joueurs à leur dynamique. Certains sont célibataires, tandis que
d’autres ont un partenaire qui reste en dehors de la communauté. Il ne faut
jamais présumer de la nature d’un partenariat en BDSM et il est toujours
acceptable de poser la question. Peu importe la configuration relationnelle,
dans un rapport Dominant-soumis, il est recommandé de ne pas outrepasser
les pouvoirs du Dominant en s’adressant directement au soumis. Que ce soit
en ligne ou en personne, il est toujours préférable de demander la
permission au Dominant, ou bien de communiquer avec le soumis par
l’entremise du Dominant («Monsieur, votre soumise est magnifique…»). Il
est important d’analyser la situation avant d’aborder quelqu’un. Par
exemple, une personne assise au sol avec une laisse dans la bouche est un
soumis qui attend son Dominant; une personne seule dans un coin qui
regarde le sol est un soumis en isolation ou en punition; une personne dans
une cage ou en exposition sur une table est au milieu d’une scène
d’humiliation, même si son Dominant n’est pas à ses côtés. En somme,
l’absence d’instruments de jeu ou d’activité visible n’implique pas
l’absence de jeu.
Certaines postures typiques sont utilisées pour permettre au soumis de
démontrer son dévouement au Dominant. Les positions les plus fréquentes
sont celles dites «de service», c’est-à-dire à genoux, les yeux baissés et les
bras levés vers le Dominant avec une offrande (verre, assiette, jouet ou
autre). Des positions très codifiées issues des romans goréens sont utilisées
par certains joueurs. Les plus fréquentes sont le Nadu, le Tower, le Leasha
et l’Obey. Dans la position Nadu, le soumis est assis sur les talons, les
cuisses écartées, les mains sur les cuisses et les paumes vers le haut, le
ventre rentré, le torse bombé, la tête haute et les yeux baissés. Cette position
est un moyen de montrer sa disponibilité totale et de s’offrir sexuellement
au Dominant. Dans la position Tower, le soumis est en position Nadu, mais
les jambes fermées et les paumes vers le bas. Cette position, souvent
utilisée en l’absence du Dominant, est un moyen pour le soumis de
démontrer son appartenance au Dominant en étant fermé aux autres joueurs.
Dans la position Leasha, le soumis attend qu’on lui mette le collier ou la
laisse dans la position Nadu, mais les mains croisées dans le dos et la tête
légèrement penchée sur le côté. Finalement, la position Obey est utilisée
comme un signe de reconnaissance envers le Dominant suite à une séance.
Le soumis est agenouillé au sol, les mains croisées dans le dos, et embrasse
les pieds du Dominant.
La quasi totalité des joueurs utilise un nom de scène. Ces noms sont
utilisés sur leur profil Internet, mais aussi lorsqu’ils se présentent en
personne. Cela assure l’anonymat des joueurs, mais permet aussi de
distinguer la vraie personne de son rôle.
Les joueurs adresseront la parole différemment à un individu en fonction
de son rôle et du leur. Généralement, sans égard à l’âge des joueurs, les
soumis vouvoieront les Dominants et ceux-ci les tutoieront en retour. Les
Dominants se tutoieront entre eux, de même que les soumis. La grande
majorité des joueurs utilisent le vouvoiement lors des scènes seulement,
mais certains l’exigent en tout temps, tandis que d’autres, assez rares, n’y
adhèrent pas du tout. De plus, le Dominant sera généralement appelé
Monsieur ou Madame, ou Maître ou Maîtresse par le soumis. Les personnes
adoptant d’autres rôles que ceux de Dominant, de Maître, de soumis et
d’esclave ne sont pas liées par cette convention, mais certains décident tout
de même d’y adhérer. Dans le même ordre d’idée, certains adoptent la
majuscule à l’écrit pour souligner les différents rôles. Ainsi, tous les
pronoms utilisés pour parler du Dominant débuteront par une majuscule
(«Madame, je Vous invite ainsi que Votre soumis à la soirée qu’organise ma
Maîtresse»). Si le message provient ou s’adresse autant aux Dominants
qu’aux soumis, majuscules et minuscules seront même utilisées
simultanément («N/nous V/vous invitons à N/notre soirée»). Cette règle un
peu compliquée est surtout mise de l’avant par les joueurs plus
traditionalistes.
Alors que la sensualité est au centre de l’expérience BDSM, la sexualité
génitale, elle, ne l’est pas. Même si les organes génitaux des joueurs sont
souvent visibles, autant chez les hommes que les femmes, la plupart des
soirées interdisent tout simplement les contacts sexuels directs. D’autres
soirées prohiberont les fluides corporels, sans être plus spécifiques, tandis
que quelques événements encourageront les rapports sexuels complets. Les
joueurs choisissent les soirées qui correspondent le mieux à leur niveau
d’aisance à l’égard de la sexualité en public. Mais même dans les soirées
qui les permettent, il est bien rare d’observer des contacts sexuels génitaux
entre participants. On verra plutôt l’utilisation de plusieurs types de jouets
sexuels, notamment le vibrateur et le plug anal, la pénétration digitale et,
plus rarement, les contacts bucco-génitaux, presque toujours intégrés à une
séance de jeu. L’absence générale de sexualité génitale dans les soirées
revêt plusieurs fonctions, mais on peut mentionner la volonté de ne pas
briser l’ambiance d’érotisme plutôt raffiné qui règne dans beaucoup de
soirées, et de se distinguer des soirées échangistes. Par ailleurs, plusieurs
Dominants ne seraient pas à l’aise de se montrer nus devant les autres
joueurs, la nudité étant généralement le propre des soumis.
Bien entendu, tous les joueurs ont été un jour des néophytes. Puisque les
règles en vigueur dans les soirées ne sont pas toutes explicites, une grande
tolérance est témoignée dans la communauté à l’égard des nouveaux venus
et de leurs écarts. S’ils le désirent, les nouveaux joueurs peuvent être pris en
charge par des habitués durant leurs premières visites. Une relation de
protection et de mentorat avec un joueur établi peut aussi permettre
l’éducation et la familiarisation à la communauté du néophyte. Internet est
également un moyen de socialisation et d’information très prisé, où les
débutants peuvent apprendre à connaître les membres d’une communauté
avant même de sortir de chez eux. Ils peuvent se familiariser avec les codes
de la communauté en lisant les témoignages des adeptes sur les forums ou
en leur posant des questions.
Les communautés BDSM sont généralement de taille modeste. Des
joueurs y arrivent, d’autres les quittent ou s’absentent longuement. Certains
ne les fréquentent que très sporadiquement, mais somme toute, la majorité
des joueurs se connaissent de près ou de loin. Certains adeptes comparent la
communauté à une grande famille, avec son histoire, ses rivalités, ses clans
et tous les commérages qui en résultent. La réputation est un souci bien
présent chez joueurs: c’est sans doute l’une des clés de l’autorégulation du
milieu. Ainsi, un joueur qui aurait des pratiques non sécuritaires ou ne
respecterait pas ses partenaires sera mal perçu dans la communauté et
pourra facilement être banni des soirées. À l’inverse, un joueur apprécié,
mais qui est reconnu comme étant vulnérable, sera protégé, voire recadré,
s’il se retrouve dans une situation considérée comme malsaine.

Le code vestimentaire
Toutes les soirées de jeu ont un code vestimentaire. Les vêtements fétiches
sont généralement de rigueur, c’est-à-dire un habillement dont le matériau
principal est le PVC, le latex, le cuir ou le vinyle. La lingerie, les corsets,
les uniformes (écolière, infirmière, policier, prisonnier, etc.) ainsi que les
vêtements de style victorien (redingotes, robes d’époque) ou gothique
(vêtements de velours, résilles, bottes plateforme, éléments médiévaux) sont
également acceptés. S’habiller tout en noir est généralement toléré,
notamment parce que tous les joueurs ne peuvent pas se permettre d’acheter
des vêtements fétiches, qui sont chers, et parce que c’est plus commode
pour les nouveaux joueurs. Les règlements sur la nudité diffèrent d’une
soirée à l’autre. Certains donjons l’interdisent, tandis que d’autres acceptent
la nudité partielle ou complète.
Généralement, on peut déceler quelques différences entre l’habillement
des femmes soumises et des Dominantes. Souvent, la femme Dominante
porte des accessoires imposants qui évoquent l’autorité, par exemple des
bottes hautes en PVC, des gants jusqu’aux coudes, un chapeau de style
policier ou un long manteau. Il y a là un souci d’affirmer une certaine classe
et d’imposer le respect. La Dominante s’affirmera souvent en féminisant ou
en masculinisant son habillement. Celle qui désire dégager un charisme
sexualisé aura tendance à s’habiller en lingerie, en PVC ou de manière à
faire ressortir ses charmes, tandis que celle qui recherche un look autoritaire
portera plutôt des vêtements plus masculins tels qu’un long manteau, des
pantalons de cuir ou une casquette. L’une et l’autre de ces stratégies
vestimentaires sont aussi bien perçues par la communauté. La soumise,
quant à elle, est plus souvent vêtue très sommairement, voire dénudée:
vêtements en résille ou transparents, jupe très courte, sous-vêtements ou
seins nus. Son habillement est généralement féminisé et très sexualisé; elle
dégage une image de femme-objet.
Chez les hommes, le port du complet se voit parfois, autant chez les
Dominants que chez les soumis. Cet habillement peut représenter le
pouvoir, mais aussi une forme de soumission, et il est aussi un moyen de se
vêtir proprement en respectant le critère du «tout en noir». Le soumis est
plus souvent dévêtu que le Dominant; on le voit porter ceinture de chasteté,
chaps, sous-vêtements ou harnais. Les hommes qui aiment l’humiliation ou
qui ont un fétiche particulier pourront porter des accessoires, des vêtements
ou des sous-vêtements féminins. Le Dominant homme recherche
essentiellement une image imposante de «mâle alpha», ce qui l’attire
fréquemment vers le cuir, signe de sévérité et de virilité.
De façon générale, on reconnaît les soumis parmi les autres joueurs par
la présence d’un collier de soumission qui représente l’appartenance à un
Dominant. Un soumis qui n’appartient à aucun Dominant pourra tout de
même porter un collier temporaire, afin de montrer son rôle. Ces colliers
ressemblent fréquemment à un collier pour chiens, et peuvent être en latex,
en cuir ou en métal. Ils sont souvent munis d’anneaux, de cadenas ou de
breloques décoratives ou humiliantes. Une laisse peut être attachée au
collier.
Les opinions à propos du code vestimentaire diffèrent parmi les adeptes
que j’ai rencontrés; certains joueurs ne voient pas de lien entre le fait de
pratiquer le BDSM et celui d’adhérer à la mode fétiche, mais plusieurs
considèrent au contraire que celle-ci permet de donner une ambiance
érotique aux soirées, de mettre en scène adéquatement leur rôle, et de
distinguer les moments de jeu de la réalité.
CONCLUSION
Le BDSM est un ensemble d’activités érotiques auxquelles s’adonnent des
adultes consentants dans un cadre négocié, régulé et structuré. Toute
pratique qui ne correspondrait pas à cette description est rejetée par la
communauté BDSM, où j’ai pu observer le souci constant que les jeux
auxquels participent les adeptes soient sécuritaires à tout point de vue.
En définitive, le BDSM est-il sain, oui ou non? Sa pratique n’est plus
officiellement reconnue comme une maladie mentale, ce qui pourrait porter
à croire qu’il est accepté par les communautés médicale, sexologique ou
psychologique. Or cela ne semble pas être encore le cas, le BDSM étant
toujours la cible de vives critiques de la part de nombre de professionnels.
Est-ce dû à un manque de connaissances sur le sujet? À des préjugés qui
toucheraient autant les experts en santé que le grand public? Je ne saurais
l’affirmer avec certitude, mais il me semble que l’évaluation sérieuse et
exhaustive du BDSM dans ces champs reste encore à faire.
En attendant, je constate que l’on tend à envisager la question d’un point
de vue philosophique, puisqu’il s’agit plutôt d’une affaire de valeurs que de
faits. Certains seront intuitivement en défaveur du BDSM, à cause de sa
brutalité apparente, par exemple, ou des fantasmes de domination sexiste
qu’il met souvent en scène. D’autres, auxquels on aura bien compris que je
m’identifie, l’approchent avec un regard neutre, et tentent d’évaluer
l’impact du jeu sur les joueurs plutôt que le jeu en soi. Si le BDSM est une
source de plaisir et de satisfaction pour les adeptes, et s’il ne nuit pas aux
autres, qui sommes-nous pour juger de son bien-fondé?
Le BDSM est-il pour tout le monde? Des études rapportent que les
fantasmes de domination et de soumission sont présents chez un très grand
nombre d’adultes, les données rapportées par les chercheurs variant
généralement entre 30% et 60%. Évidemment, comme c’est le cas de tout
fantasme sexuel, leur présence dans l’imaginaire n’implique pas
nécessairement un désir de les transposer dans le réel, puisque «seulement»
10% de la population adulte aurait pratiqué une forme ou une autre de jeu
assimilable au BDSM. Il reste qu’on peut avancer que le BDSM est une
source de plaisir potentiel pour les personnes qui érotisent l’échange de
pouvoir.
Alors, est-ce que quiconque ressentant un intérêt envers les pratiques du
BDSM devrait le pratiquer chez lui, ou rejoindre une communauté? Non. Le
BDSM ne devrait pas être banalisé, même si c’est ce que la culture
médiatique tend à faire. Il s’agit d’un jeu exigeant, autant physiquement que
psychologiquement, et pour s’y adonner de façon sécuritaire, certaines
caractéristiques personnelles sont nécessaires. D’abord, peu importe le rôle
qu’il revêt, l’adepte du BDSM doit avoir une très bonne connaissance de
lui-même et être toujours en mesure d’identifier ses propres besoins,
préférences et limites, sans égard à ceux de ses partenaires. Ensuite, il doit
être capable d’affirmer ces souhaits, peu importe la situation dans laquelle il
se trouve. Il faut également qu’il sache exprimer son identité dans le jeu,
mais aussi en dehors de celui-ci. L’adepte doit être à l’écoute de son corps
et de ses émotions, et savoir repérer et exprimer toute impression
d’incohérence entre ce qu’il ressent et ce qui se déroule. Enfin, bien
entendu, le respect et l’écoute véritable de l’autre sont absolument
indispensables. Si, et seulement si, quelqu’un présente ces caractéristiques,
peut-être bien alors que le BDSM pourrait lui procurer une satisfaction qu’il
ne saurait trouver ailleurs.
Au-delà de toute considération, le plus important dans le BDSM, c’est
l’honnêteté envers soi-même et envers ses partenaires. Mais n’est-ce pas là
la clé de toute sexualité épanouie?
GLOSSAIRE
24/7: Relation de domination-soumission à temps plein où les individus
sont constamment dans leur rôle.
Abrasion: Jeu de sensation qui consiste à frotter la peau avec un outil
abrasif, tels un papier sablé, un tampon à récurer, un gant de crin, une pierre
ponce, une lime à ongles, une brosse.
Adolescentilisme: Jeu de rôle qui consiste à traiter le soumis comme s’il
était un adolescent.
Adoration: Adulation et vénération d’une personne ou d’une partie de
son corps (pieds, cheveux, organes génitaux).
Adult baby diaper lover (ABDL): Jeu de rôle qui consiste à traiter le
soumis comme s’il était un très jeune enfant en utilisant des accessoires
pour bébés (couches, biberons, suces, etc.).
Aftercare: Soins prodigués au soumis après une séance de jeu (caresses,
réponse à ses besoins immédiats) et retour sur la séance.
Asphyxie érotique: Pratique qui consiste à priver d’oxygène une
personne dans le but de créer un sentiment de panique ou un quasi-
évanouissement, censé entraîner un plaisir sexuel.
Bâillon: Objet inséré dans la bouche du soumis ou placé dessus pour
l’empêcher de parler. Il peut s’agir d’un bâillon-boule en caoutchouc (gag
ball), d’une muselière, d’un mors, d’une bande autocollante, d’un morceau
de tissu ou de tout autre objet sécuritaire.
Banc de fessée: Station de jeu constituée d’un banc à chevaucher,
généralement agrémenté d’appuis de part et d’autre pour soutenir les
jambes et comprenant des attaches. Normalement, le banc de fessée permet
un accès facile aux fesses du soumis.
Barre d’écartement: Bâton rigide avec un anneau à chaque extrémité
servant à forcer une distance entre les pieds ou les mains du soumis.
BDSM hard: Se dit de toute pratique qui relève d’un BDSM axé sur la
douleur ou l’humiliation extrême.
BDSM soft: Se dit de toute pratique dont le niveau de douleur ou
d’humiliation est faible.
Bondage-discipline (BD): Jeu combinant la restriction physique avec le
contrôle psychologique du soumis.
Bondage japonais (shibari ou kinbaku): Pratique de restriction qui
consiste à envelopper le corps de cordes en fibres naturelles de manière à
restreindre le mouvement à l’aide de boucles. Pratique considérée comme
méditative ou spirituelle.
Bondage Western: Pratique de restriction qui consiste à utiliser des
cordes de différentes textures et couleurs ainsi qu’un système de nœuds
restrictifs ou décoratifs pour maintenir en place le ligotage. Plus utilitaire
que le bondage japonais.
Bottom: Rôle adopté par celui qui apprécie recevoir les sensations
offertes par le jeu BDSM dans le cadre d’une séance. Se dit du soumis et de
l’esclave.
Brat ou smart-ass masochist: Soumis souvent très masochiste qui
provoque le Dominant pour se faire punir. Il aime défier celui qui domine et
tente de contrôler la scène malgré son rôle de soumis. Mal vu par les
joueurs traditionalistes.
Cagoule: Dispositif couvrant entièrement ou partiellement la tête et le
visage et permettant parfois de priver le soumis de la vue, de l’ouïe et (ou)
de la parole.
Canne: Baguette longue, mince et flexible.
Cathéter: Tube de plastique flexible qui s’insère dans la vessie.
Ceinture de chasteté: Dispositif couvrant les organes génitaux et
permettant au Dominant de contrôler la sexualité du soumis. Peut comporter
une serrure à clé.
Cell popping: Pratique qui consiste à brûler de petits ronds sur la peau
de manière à former une figure à l’aide d’une mince tige de métal dont le
bout arrondi est chauffé.
Cire chaude: Jeu de température qui consiste à laisser couler la cire
d’une bougie allumée sur le corps. Peut être effectué à l’aide d’une
chaudière de cire liquide.
Code de sécurité: Indicateur verbal ou physique utilisé pour évaluer
l’état du soumis pendant une séance de jeu.
Collier de soumission: Objet porté au cou en signe de soumission et
d’appartenance à un Dominant.
Combat érotique: Jeu de rôle qui consiste en une lutte entre deux
individus jusqu’à ce qu’un vainqueur ressorte.
Contrôle de la sexualité: Jeu d’humiliation où le Dominant contrôle
l’entièreté ou une partie de la sexualité du soumis (orgasme, masturbation,
pratiques sexuelles).
Contrôle mental (mindfuck): Pratique psychologique consistant à
déstabiliser, à manipuler ou à créer intentionnellement de la confusion dans
l’esprit du soumis. A pour but de causer chez le soumis un sentiment
d’excitation, d’anticipation, de peur ou d’humiliation.
Cravache: Outil constitué d’une baguette rigide au bout de laquelle est
fixée une petite languette de cuir flexible.
Croix de saint André: Station de jeu constituée de deux planches
installées de manière à former un «X». Souvent capitonnée de cuir, elle
comporte des anneaux placés à la hauteur des mains et des pieds pour
attacher le soumis.
Dépersonnalisation: Jeu d’humiliation qui consiste à traiter le soumis
comme s’il n’avait aucune émotion, aucune valeur.
Discipline: Pratique qui consiste à entraîner le soumis de sorte qu’il
agisse comme le souhaite le Dominant. Se traduit notamment par
l’instauration de règles strictes et d’un système de récompenses et de
punitions.
Dominant: Rôle adopté par celui qui assume le contrôle dans une
situation d’échange de pouvoir. Le Dominant a un contrôle physique, mais
aussi mental et émotionnel sur le soumis.
Domination-soumission (Ds): Régime d’échange de pouvoir entre un
Dominant et un soumis.
Donjon: Lieu comportant des meubles et accessoires facilitant les jeux
BDSM.
Douleur érotique: Sensation intense qui, hors du contexte érotique et
attendu du jeu, s’apparenterait à de la douleur.
Dragon tail: Outil constitué d’un long triangle de tissu roulé sur lui-
même à sa base et fixé à une poignée.
Échange de pouvoir: Situation dans laquelle un individu donne le
contrôle à un autre individu de manière consensuelle. Se dit du rapport entre
Dominant et soumis.
Esclave: Rôle adopté par celui qui appartient entièrement à un Maître.
L’esclave renonce à ses droits, à ses désirs, à son pouvoir et à son contrôle
sur des aspects de sa vie qui sont négociés entre les deux parties.
Exhibition: Jeu d’humiliation qui consiste à exposer le soumis dans une
position ou un état considéré comme dégradant. L’exhibition peut être
psychologique, physique ou sexuelle.
Féminisation: Jeu d’humiliation qui consiste à forcer un soumis homme
à s’habiller ou à agir en femme. La féminisation est considérée comme
humiliante par les joueurs, ce qui la distingue du travestisme.
Fessée: Jeu de percussion qui consiste à administrer des claques sur le
corps du soumis, la main nue ou couverte d’un gant.
Fétiche: Érotisation d’une matière, d’un vêtement, d’un objet, d’un
comportement ou d’une partie du corps qui n’est pas traditionnellement
considéré comme une source d’excitation.
Fétichiste: Rôle adopté par celui qui est excité sexuellement par un
fétiche.
Figging: Jeu de température qui consiste à insérer dans le vagin ou
l’anus un morceau de gingembre pelé, ce qui provoque une sensation de
brûlure au contact des muqueuses.
Fisting: Insertion de la main dans le vagin ou l’anus.
Fouet: Outil comportant un corps flexible en cuir tressé attaché à une
poignée, qui s’étire sur plusieurs mètres en s’affinant.
Germanicus: Style de domination cérébral dont le but est de mettre en
scène des fantasmes sans retenue apparente mais en toute sécurité, dans un
scénario qui s’approche le plus possible du réel.
Goréen: Style de domination basé sur les romans de John Norman qui
décrivent la vie sur la planète Gor, où la soumission sexuelle des esclaves à
leurs Maîtres est encouragée.
Harnais: Dispositif servant à restreindre les mouvements d’une partie
du corps (tête, bras, jambes, torse, organes génitaux masculins).
Humiliation: Pratique qui éveille des sentiments de honte, d’embarras
ou de dégradation chez le soumis. Peut être physique, mentale ou sexuelle.
Infantilisation: Jeu de rôle qui consiste à traiter le soumis comme s’il
était un enfant.
Interrogation: Jeu d’humiliation qui consiste à soutirer une information
du soumis. Peut être mélangé avec de la torture et de la restriction.
Isolation: Jeu d’humiliation qui consiste à isoler le soumis dans une
cage, dans un coin de la pièce, dans un garde-robe, etc.
Jeu: Pratique de nature BDSM. Provient du terme anglais «play», utilisé
pour rappeler le côté ludique du BDSM.
Jeu d’aiguilles (needle play): Pratique qui consiste à insérer de petites
aiguilles sous la surface de la peau.
Jeu d’électricité: Pratique qui consiste à stimuler le corps avec des
courants électriques de basse intensité ou de l’électricité statique.
Jeu d’urologie: Jeu d’humiliation qui consiste à utiliser la miction ou
l’urine dans un contexte éro-tique dégradant.
Jeu de genre (gender play): Jeu de rôle qui consiste à utiliser des
attributs généralement associés au sexe opposé dans le but d’altérer son état
physique ou psychologique.
Jeu de feu (fire play): Pratique qui consiste à mettre le feu à une
substance sur la peau du soumis, toujours suivie immédiatement de
l’utilisation d’un linge humide pour éviter les brûlures.
Jeu de limites (edge play): Regroupement de jeux hard impliquant un
niveau de danger plus élevé pour le soumis.
Jeu de pouvoir: Jeu de rôle où sont incarnés des personnages ayant un
rapport de pouvoir.
Jeu de régression (age play): Jeu de rôle qui consiste à agir comme une
personne substantiellement plus jeune que soi.
Jeu de rôle: Scénario érotique dans lequel les joueurs incarnent des
personnages déterminés.
Jeu de rôle animal (pet play): Jeu de rôle consistant à faire semblant
d’être un animal. Les gestes, postures et sons imitent ceux de l’animal
choisi, le plus fréquemment un chien, un chat ou un poney.
Jeu de scatologie: Jeu d’humiliation qui consiste à utiliser la défécation
ou les matières fécales dans un contexte érotique dégradant.
Jeu de sensations: Jeu de torture érotique qui consiste à provoquer un
éventail de sensations sur la peau pour stimuler les sens du soumis
(pincement, chatouillement, morsure, friction, etc.).
Jeu de simulation: Jeu de rôle où un fantasme du soumis est reproduit
dans un scénario complexe et élaboré.
Jeu de température: Jeu de torture érotique qui consiste à utiliser le
chaud ou le froid pour stimuler la peau, éveiller les sens et causer une
sensation de brûlure.
Jeu de terreur (terror games): Jeu de rôle qui consiste à provoquer le
soumis avec un couteau, une arme à feu (non chargée) ou un objet
contondant dans le cadre d’une scène ou d’un rapport sexuel.
Jeu médical: Jeu d’humiliation où l’on simule un examen médical en
scrutant le soumis à la loupe. Inclus souvent des instruments médicaux:
table d’examen et étriers, spéculum, thermomètre, etc.
Jouet: Instrument utilisé dans les jeux de BDSM.
Joueur: Individu pratiquant le BDSM.
Joueur protocolaire: Se dit d’un individu pratiquant un jeu axé sur le
protocole relationnel, c’est-à-dire comportant un grand nombre de règles
servant à marquer la différence de pouvoir entre les joueurs.
Kinkster: Rôle souple adopté par celui qui aime ce qui est… kinky.
Souvent associé à de l’exhibitionnisme ou du voyeurisme.
Kinky: Caractère de ce qui est hors de l’ordinaire sur le plan sexuel. Se
dit d’une pratique, d’une personne, d’un événement.
Laisse: Jeu d’humiliation qui consiste à attacher une laisse au cou du
soumis et à le diriger. Souvent couplé avec la marche à quatre pattes.
Lavement: Jeu d’humiliation qui consiste à injecter un liquide dans
l’anus pour provoquer la défécation ou nettoyer les parois anales.
Ligotage: Jeu de restriction visant à restreindre la mobilité du soumis.
Limite: Restriction quant aux pratiques admises dans une relation
BDSM. Les limites sont négociées entre les parties et validées avant et
durant le jeu.
Liste de limites: Liste énumérant toutes les pratiques BDSM qui sont
cotées par le joueur quant à leur acceptabilité. Sert de base à la négociation
avant le jeu.
Maître: Rôle adopté par celui ou celle qui maîtrise l’art de la
domination, classiquement mais non exclusivement dans le cadre de la
relation Maître-esclave.
Marquage au fer (branding): Pratique qui consiste à brûler la peau
avec un morceau de métal chauffé.
Marquage par coupures (cutting): Pratique qui consiste à faire des
incisions peu profondes sur la peau avec un scalpel stérilisé de manière à
laisser des marques semi-permanentes.
Marque: Trace ou ecchymose laissée sur la peau après l’utilisation
d’instruments sur le corps. Leur intensité en termes de couleur et de temps
de guérison varie selon plusieurs facteurs: le type de peau, l’instrument et la
force avec laquelle il a été utilisé, l’endroit sur le corps, etc.
Martinet (flogger): Outil ayant plusieurs longues lanières attachées à un
manche, généralement de minces languettes de cuir ou de suède.
Masochiste: Rôle adopté par celui qui apprécie recevoir des sensations
de douleur érotique.
Milking: Jeu d’humiliation qui consiste à évacuer le sperme sans
orgasme par le massage de la prostate de l’homme soumis.
Momification: Jeu de restriction qui consiste à enrouler le corps du
soumis dans un matériau souple de manière à l’empêcher complètement de
bouger.
Moniteur de jeu (dungeon master, dungeon monitor ou DM):
Personne qui a la responsabilité d’assurer que les jeux ayant cours dans une
soirée de jeu soient sécuritaires, tant au niveau physique et psychologique
qu’hygiénique. Souvent un joueur expérimenté qui a suivi une formation
spécifique.
Mot de sécurité (safeword): Mot n’ayant aucun rapport avec le BDSM
ou la sexualité, utilisé pour arrêter complètement et immédiatement une
scène en cas d’inconfort de la part d’un joueur.
Munch: Événement de socialisation organisé par les membres de la
communauté BDSM.
Non-consentement consenti (consensual non-consent): Situation où un
consentement temporaire est donné par le soumis pour des actions qui
supassent les limites négociées, et qui seraient donc normalement refusées
par celui-ci. Pratiqué uniquement par des joueurs expérimentés ou qui se
connaissent très bien.
Obéissance: Pratique qui consiste à obéir à la lettre aux demandes du
Dominant.
Objectification: Jeu d’humiliation qui consiste à traiter le soumis
comme un objet.
Palette: Outil rigide constitué d’une section plate rattachée à une
poignée.
Perçage temporaire: Pratique qui consiste à percer la peau à l’aide d’un
outil de perçage qui sera retiré rapidement de sorte que la peau n’aura pas le
temps de cicatriser au lieu d’insertion.
Percussion: Regroupement de pratiques qui consistent à donner un ou
plusieurs coups sur le corps d’une personne.
Personal responsibility in informed consensual kink (PRICK): Règle
qui veut que tous les joueurs sont personnellement responsables de
s’informer sur les pratiques et d’y consentir avant et pendant le jeu.
Pervertible: Accessoire de la vie courante pouvant être utilisé pour une
percussion.
Privation sensorielle: Pratique qui consiste à restreindre un ou plusieurs
sens du soumis.
Protocole: Ensemble de règles qui régulent les interactions entre les
joueurs et indiquent les devoirs et obligations de chacun.
Punition: Correction donnée au soumis par le Dominant qui prétend
l’éduquer à la bonne manière d’agir dans le cadre de jeux de discipline.
Restriction: Pratique ayant pour objectif de restreindre physiquement,
mentalement ou sexuellement la personne soumise.
Risk-aware consensual kink (RACK): Règle qui exige que tous les
joueurs s’informent sur les risques impliqués dans les pratiques et, à la
lumière de ces informations, y consentent.
Rôle: Position adoptée par les joueurs et choisie en fonction de leurs
préférences quant aux pratiques BDSM.
Roue de Wartenberg (pin wheel): Roulette à pics qui crée une série de
petits pincements sur la peau.
Sadique: Rôle adopté par celui qui apprécie d’infliger des sensations de
douleur érotique. Souvent couplé à un rôle de Dominant ou de Maître.
Sadomasochisme (SM): Jeux d’échange de pouvoir incluant le fait
d’infliger ou de se faire infliger des sensations de douleur érotique.
Safe, sane and consensual (SSC): Règle qui assure que toutes les
pratiques sont effectuées de manière consensuelle et sans danger, tant
physique que psychologique, pour tous les joueurs impliqués.
Scénario: Histoire mise en scène dans une séance de jeu.
Scène: Moment délimité dans le temps où chaque participant adopte un
rôle précis dans le cadre d’un jeu.
Séance de jeu: Synonyme de scène.
Service: Mise en scène de rituels instaurés par le Dominant et effectués
par le soumis de manière à exprimer sa dévotion.
Sexualité forcée: Jeu d’humiliation lors duquel le Dominant contraint le
soumis à effectuer certains actes sexuels (forcer l’orgasme, la masturbation,
une pratique sexuelle, un partenaire sexuel).
Slapper: Outil constitué d’une languette flexible attachée à une poignée.
Semblable à la palette.
Soirée de jeu: Événement organisé par les membres de la communauté
BDSM lors duquel les joueurs peuvent arborer leur rôle et jouer devant (ou
avec) d’autres adeptes. Se déroule généralement dans un donjon.
Sonde: Cylindre permettant de dilater ou d’explorer l’urètre, le vagin ou
l’anus.
Soumis: Rôle adopté par celui qui renonce au contrôle dans une scène.
Station de jeu: Meuble ou aire dévolu à une séance de jeu BDSM.
Subspace: État de bien-être, de déconnexion et de plénitude après une
séance intense. Serait le résultat de la forte sécrétion d’endorphines
conséquente aux sensations de douleur et de plaisir ressenties lors d’une
séance.
Subdrop: État de fatigue physique et parfois d’abattement chez le
soumis, qui peut suivre une séance de jeu.
Supplication: Jeu d’humiliation qui consiste à forcer le soumis à
implorer le Dominant pour avoir accès à ce qu’il désire.
Suspension: Jeu de restriction qui consiste à suspendre le soumis à
l’aide de cordes.
Switch: Rôle adopté par celui qui peut aussi bien assumer un rôle de
domination que de soumission.
Table de fessée: Station de jeu horizontale généralement capitonnée de
cuir comprenant des attaches pour le soumis.
Top: Rôle adopté par celui qui assume le contrôle dans une situation
d’échange de pouvoir. Se dit du Dominant et du Maître.
Torture érotique: Regroupement des pratiques qui consistent à donner
des sensations intenses, douloureuses ou non, de manière constante ou
ponctuelle, et localisées à un point de contact.
Transcutaneous electrical nerve stimulation (TENS): Instrument qui
envoie des courants électriques de basse fréquence dans les nerfs et les
muscles à l’aide d’électrodes collées sur la peau, ce qui engendre des
spasmes musculaires.
Travestisme: Pratique qui consiste à porter les vêtements ordinairement
assignés au sexe opposé.
Vacuum bed: Dispositif constitué de deux draps de latex scellés
maintenus par un cadre rigide. Sert à immobiliser une personne en aspirant
l’air entre les draps.
Vanille: Caractère de tout ce qui n’est pas lié au BDSM. Se dit d’une
pratique, d’une personne, d’un événement.
Ventouses: Jeu de sensation qui consiste à retirer l’air sous une
ventouse, ce qui crée une succion de la peau dans la coupe et accroît
l’afflux sanguin.
Vêtement fétiche: Vêtement dont le matériau principal est le PVC, le
latex, le cuir ou le vinyle. Généralement le vêtement de rigueur lors de
soirées de jeu.
Violet wand: Baguette utilisée lors d’un jeu d’électricité qui envoie de
l’électricité statique à la surface de la peau à travers divers embouts de verre
ou de métal.
Zipper: Jeu de sensation qui consiste à lier avec de la corde une série de
pinces, à poser les pinces sur le corps, puis à tirer sur la corde d’un coup de
manière à retirer toutes les pinces au même moment.
Bibliographie sélective
Brame, G., W. Brame et J. Jacobs, Different Loving: The World of Sexual
Dominance and Submission, New York, Villard, 1993.
Breslow, N., L. Evans et J. Langley, «On the prevalence and roles of
females in the sadomasochistic subculture: Report of an empirical
study», Archives of Sexual Behavior, vol. 14, no 4, p. 303-317, 1985.
Caruso, J., «La communauté BDSM de Montréal: enquête sur la culture
BDSM et les codes et scénarios sexuels qui la constituent», mémoire
de maîtrise, Montréal, Université du Québec à Montréal, 2012.
Connolly, P. H.,«Psychological functioning of Bondage/Domination/Sado-
Masochism» (BDSM) practitioners», Journal of Psychology & Human
Sexuality, vol. 18, no 1, p. 79-120, 2006.
Damon, W., «Dominance, sexism, and inadequacy: Testing a compensatory
conceptualization in a sample of heterosexual men», Journal of
Psychology & Human Sexuality, vol. 14, no 4, p. 25-45, 2002.
Dancer, P. L., P. J. Kleinplatz et C. Moser, «24/7 SM slavery», Journal of
Homosexuality, vol. 50, no 2, p. 81-101, 2006.
Henkin, W. A. et S. Holiday, Consensual Sadomasochism: How to Talk
About It and How to Do It Safely, California, Daedalus Publishing
Company, 2003.
Janus, S. S. et C. L. Janus, The Janus report on sexual behavior, New York,
Wiley, 1993.
Joyal, C. C., A. Cossette et V. Lapierre, «What exactly is an unusual sexual
fantasy?», The Journal of Sexual Medicine, vol. 12, no 2, p. 328-340,
2015.
Kleinplatz, P. J., «Learning from extraordinary lovers: Lessons from the
edge», Journal of Homosexuality, vol. 50, no 2, p. 325-348, 2006.
Kolmes, K., W. Stock et C. Moser, «Investigating bias in psychotherapy
with BDSM Clients», Journal of Homosexuality, vol. 50, no 2/3, p.
301-324, 2006.
Langdridge, D. et T. Butt, «A hermeneutic phenomenological investigation
of the construction of sadomasochistic identities», Sexualities, vol. 7,
no 1, p. 31-53, 2004.
Lawrence, A. A. et J. Love-Crowell, «Psychotherapists’ experience with
clients who engage in consensual sadomasochism: A qualitative
study», Journal of Sex & Marital Therapy, vol. 34, p. 67-85, 2008.
Martel-Grégoire, A., «Bondage/discipline, domination/soumission,
sadomasochisme (BDSM): conduites érotiques ludiques ou sexualité
atypique?», Montréal, Université du Québec à Montréal, rapport
interne, 2012.
Miller, P. et M. Devon, Screw the Roses, Send Me the Thorns. The Romance
and Sexual Sorcery of Sadomasochism, Fairfield, Mystic Rose Books,
1995.
Moser, C., «S/M (sadomasochistic) interactions in semi-public settings»,
Journal of Homosexuality, vol. 36, no 2, p. 19-29, 1998.
Moser, C. et P. J. Kleinplatz, «Introduction: The state of our knowledge on
SM», Journal of Homosexuality, vol. 50, no 2/3, p. 1-15, 2006.
Moser, C. et E. E. Levitt, «An exploratory-descriptive study of a
sadomasochistically oriented sample», The Journal of Sex Research,
vol. 23, no 3, p. 322-337, 1987.
Moser, C. et J. J. Madeson, Bound to Be Free: The SM Experience, New
York, Continuum, 1998.
Newmahr, S., «Becoming a sadomasochist: Integrating self and other in
ethnographic analysis», Journal of Contemporary Ethnography, vol.
37, no 5, p. 619-643, 2008.
Nichols, M., «Psychotherapeutic issues with “kinky” clients: Clinical
problems, yours and theirs», Journal of Homosexuality, vol. 50, no 2/3,
p. 281-300, 2006.
Ortmann, D. M., et R. A. Sprott, Sexual Outsiders: Understanding BDS
MSexualities and Communities, Lanham, Rowman & Littlefield
Publishers, 2012.
Powell, R. D., «Bondage and Discipline, Domination and Submission,
Sado-masochism (BDSM): Partnerships, Couples, and Health
Outcomes», thèse de doctorat, Los Angeles, University of Southern
California, 2010.
Richters, J. et al., «Demographic and psychosocial features of participants
in Bondage and Discipline, “Sadomasochism” or Dominance and
Submission (BDSM): Data from a national survey», The Journal of
Sexual Medicine, vol. 5, p. 1660-1668, 2008.
Sandnabba, N. K., P. Santtila, L. Alison et N. Nordling, «Demographics,
sexual behavior, family background and abuse experiences of
practitioners of sadomasochistic sex: a review of recent research»,
Sexual and Relationship Therapy, vol. 17, no 1, p. 39-55, 2002.
Weinberg, T. S., «Sadomasochism and the social sciences: A review of the
sociological and social psychological literature», Journal of
Homosexuality, vol. 50, no 2, p. 17-40, 2006.
Weinberg, M. S., C. J. Williams et C. Moser, «The Social Constituents of
Sadomasochism», Social Problems, vol. 31, no 4, p. 379-389, 1984.
Weiss, M. D., «Mainstreaming kink: The politics of BDSM representation
in U.S. popular media», Journal of Homosexuality, vol. 50, no 2, p.
103-132, 2006.
Williams, D. J., «Different (painful!) strokes for different folks: A general
overview of sexual sadomasochism (SM) and its diversity», Sexual
Addiction & Compulsivity, vol. 13, no 4, p. 333-346, 2006.
Wiseman, J., SM 101: A Realistic Introduction, Eugene, Greenery Press,
1998.
Wismeijer, A. A. et M. A. van Assen, «Psychological characteristics of
BDSM practitioners», The Journal of Sexual Medicine, vol. 10, no 8,
p. 1943-1952, 2013.
Wright, S., «Discrimination of SM-identified individuals», Journal of
Homosexuality, vol. 50, no 2/3, p. 217-231, 2006.
Remerciements
Merci aux membres de la communauté BDSM de Montréal, qui m’ont
ouvert leurs portes et leurs cœurs. Vous avez été généreux et honnêtes avec
moi, et je vous en serai éternellement reconnaissante.

Merci à ceux et à celles qui ont lu et commenté des passages de cet ouvrage
et en ont débattu avec moi: ils m’ont aidée à comprendre et à expliquer.

Merci à Annie, qui a partagé avec moi ses travaux et ses idées. Nos
échanges ont été aussi stimulants que profitables.

Merci à Nancy & Fan, Anne, Marie-Soleil et Sara, qui m’ont offert des
lieux inspirants pour des retraites rédactionnelles. Sans vous, j’en serais
encore au premier chapitre.

Merci à Alain-Nicolas Renaud, chez VLB Éditeur, qui a cru en mon projet
dès le début et a osé s’aventurer sur ce terrain tabou.

Merci, enfin, à mes parents, qui n’ont jamais jugé mes choix professionnels
mais, au contraire, sont devenus des agents de démystification à leur tour. Je
suis fière de vous!
Cet ouvrage composé en Chronicle Text G1 corps 11.5 a été achevé d’imprimer au Québec
sur les presses de Marquis Imprimeur le vingt-neuf mars deux mille seize
pour le compte de VLB éditeur.
Table des matières

Avant-propos
1. L’ABC DU BDSM
2. LES ADEPTES
3. LE JEU
4. LA SÉCURITÉ AVANT LE PLAISIR
5. LA COMMUNAUTÉ
Conclusion
Glossaire
Bibliographie sélective
Remerciements
Direction littéraire: Alain-Nicolas Renaud
Maquette de la couverture: Clémence Beaudoin

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et de Bibliothèque et


Archives Canada
Caruso, Jessica, 1987-
BDSM: les règles du jeu
ISBN 978-2-89649-706-5
ISBN EPUB 978-2-89649-722-5
1. Bondage. 2. Domination et soumission (Sexualité).
3. Sadomasochisme. I. Titre.
HQ79.C37 2016 306.77’5 C2016-940070-0

VLB ÉDITEUR
Groupe Ville-Marie Littérature inc.* DISTRIBUTEUR:
Une société de Québecor Média Les Messageries ADP inc.*
1055, boulevard René-Lévesque Est 2315, rue de la Province
Bureau 300 Longueuil (Québec) J4G 1G4
Montréal (Québec) H2L 2N5 Tél.: 450 640-1234
Tél.: 514 523-7993, poste 4201 Téléc.: 450 674-6237
Téléc.: 514 282-7530 * filiale du Groupe Sogides inc.,
Courriel: vml@groupevml.com filiale de Québecor Média inc.
Vice-président à l’édition: Martin Balthazar

VLB éditeur bénéficie du soutien de la Société de développement des entreprises culturelles du


Québec (SODEC) pour son programme d’édition.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

Nous remercions le Conseil des arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication.

Dépôt légal: 1er trimestre 2016


© VLB éditeur, 2016
Tous droits réservés pour tous pays
editionsvlb.com

Vous aimerez peut-être aussi