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ABDOUL AZIZE KEBE

LA TIJÂNIYYA AU SÉNÉGAL

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PRINCIPAUX ZAWIYAS
TERMINOLOGIES
PRINCIPES

RELIGIONS & SOCIÉTÉS

1
À LA MÉMOIRE DE :
Boroom Daara-ji, Serigne Mansour SY.
Al-Maktûm, Serigne Cheikh Tidiane SY.
Al-Amine, Serigne Abdoul Aziz SY, homonyme, maître,
inspirateur, guide, avertisseur et apaiseur.
Serigne Papa Malick SY, affecteuse épaule qui a offert à
mes tendres jours une doucereuse sérénité.
El Hadj Malick KEBE et El Hadj Mbeur KEBE.
Mame Fâtim Ale SY, ma grand-mère paternelle, femme
modéle.
Serigne Alioune SALL Safiétou, de Diamalaye.
Cheikh Ahmad Tidiane SECK, khalife de Thiénaba.
Cheikh Ahmad Tidiane NIASS, Khalife de la Fayda de
Médina Baye.
Chérif Taïb TIJÂNÎ.
Abdoul Aziz SY Jamil.
El Hadj Tamsîr SAKHO.
Seyda Mariama NIASS.
Mouhamad al-Amine KEBE trés tôt arraché à notre
affection.

Allâhumma  ! Seigneur des cieux et de la terre,


Miséricorde ici-bas et dans l’au-delà, afflue sur chacun
d’eux Tes grâces et Ton agrément en surabondance.
Amine  !

2
À mes parents,
Seigneur  ! Sois miséricordieux à leur endroit comme ils
l’ont été avec moi, quand j’étais tout petit.
Au
- Khalif de la famille de Cheikh Ahmad Tijânî al-
Fâtimî au Maroc, Shérif Mouhamad al-Kabîr
TIJÂNÎ ainsi qu’à toute la famille de Cheikh.
- Khalife général des Tidianes, Serigne Babacar SY
Mansour, guide qui éclaire notre voie.
- Khalife de la ‘Umariyya, Thierno Bachir TALL et
au Serviteur de la Hadra ‘Umariyya, Thierno
Madni TALL.
À
- El Hadj Malick SY Maodo qui ranime en nous la
flamme de la passion pour le Prophète Psl.
- Serigne Babacar SY al-Amine, à ses frères et
sœurs, de sang et d’allégeance sur les traces du
bien-aimé al-Amine (RTA).
- Mon épouse Aïsatou, compagne de foi et de voie.
Vis protégée par Allah.
- Mes enfants, mes bienveillants censeurs. Que les
fruits passent la promesse des fleurs, par la grâce
d’Allah.
- Mes frères et sœurs, sources de bonheur, balises
sur ma voie.
- Tous les musulmans, hommes et femmes.
- Au peuple de Dieu épris de fraternité.
Que sur chacun et chacune affluent les grâces d’Allah
et que Sa protection les couvre. Amine

3
PRÉFACE

À l’occasion de la célébration du Gamou 2001 et


en prélude au centenaire du Gamou de Tivaouane,
Serigne Abdoul Aziz Sy al-Amine, mettant en œuvre
les instructions du Khalife général des Tidianes,
Serigne Mansour Sy Borom Daara-ji, m’avait instruit
de lui présenter un plan d’actions culturel conséquent.
Sur ce, je lui avais exposé, entre autres activités,
la publication de deux ouvrages de vulgarisation sur
la Tijâniyya. Le premier était intitulé La Tijâniyya, un
modèle prophétique d’éducation spirituelle. Le
deuxiéme : al-Minhâj. Bréviaire du jeune Tidiane.
Dans l’avant-propos, j’écrivais ceci :
Cet ouvrage n’est pas mien, il est la synthése,
peut-être même maladroite et imparfaite des
enseignements dispensés par nos guides. Il est
surtout l’œuvre de Serigne Abdoul Aziz SY al-Ibn.
Depuis 1997, il avait initié l’année dédiée à Seydi
Ababacar Sy pour entraîner la jeunesse
musulmane et la Tijâniyya en particulier, à scruter
l’horizon et à se préparer à assumer l’héritage, à
l’aube du 21e siécle. […].
Serigne Abdoul Aziz Sy a su, par l’ancrage de ses
propos et enseignements dans le socle coranique et
apostolique, nous éclairer sur la parfaite
adéquation entre la Tijâniyya et l’héritage du
Messager d’Allah, psl. J’ai fini par comprendre
que la Tijâniyya était, comme il le disait souvent,
l’islam appliqué.
Ayant été si profondément impressionné par ses
enseignements, j’ai cru que ceux qui étaient dans
la même situation que moi pourraient eux aussi en

4
tirer bénéfice. Ils pourraient également mieux
connaître certains aspects de cette voie […] dont
l’issue est la félicité. Car nombre de musulmans
francophones, n’ont pas la chance de saisir
l’essence des spécifités de la Tijâniyya, ni dans ses
fondements ni dans ses principes, encore moins
dans ses pratiques. Ce qui les entraîne [des fois] à
une négligence de la pratique du Wird ou à son
abandon.
Pour cette raison, jai pris l’initiative de réviser
certaines de mes notes et d’écouter à nouveau
quelques-unes de ses conférences. J’ai essayé d’en
faire une synthése en recourant parfois aux
sources traditionnelles de la Sharî‘a et de la
Tarîqa.
Aujourd’hui, nous avons souhaité marcher sur
les traces d’al-Amine, comme l’avait indiqué Serigne
Papa Malick Sy, qu’Allah étende éternellement sur lui
Son voile de miséricorde et le compte parmi les
agréés. Ainsi, j’ai revisité les œuvres de l’époque, les
ai améliorées, pour les mettre à la disposition du
public.
Pour ce faire, j’ai tenu compte de certaines
critiques et suggestions. J’ai ainsi étendu l’étude aux
foyers de la Tijâniyya au Sénégal sur la base de
références académiques, le plus souvent. J’ai présenté
un aperçu de la trajectoire des grandes figures de la
Tijâniyya au Sénégal en exposant des éléments de leur
pensée, à travers leurs écrits. Enfin, j’ai approfondi la
partie relative aux principes de la Tijâniya et l’avons
illustrée avec des références vérifiables. L’objectif
décliné dans la version d’origine demeure d’actualité.

5
[…] Il s’est agi d’essayer de mettre en relief
des principes justes qui me semblent être mal
perçus et que Serigne Abdoul Aziz SY a
éclairés fort utilement, le long de son Jihâd
pour le recul de l’ignorance et le triomphe de
la vérité, dans l’élégance.

Restant dans la continuité de l’allégence


spirituelle, j’ai sollicité et obtenu du Khalife général
des Tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour, son
autorisation et ses bénédictions. Qu’Allah lui accorde
une bonne santé, une longue vie et un succès éclatant
dans sa noble et exaltante mission.
Enfin, je ne pourrais terminer sans remercier
tout celui qui, homme ou femme, a contribué à cette
œuvre. Dans la première édition, je remerciais très
sincérement le Professeur Ibrahim Mahmoud DIOP
Barham pour son affection et ses encouragements. Je
prierai ad vitam pour lui, infatigable ambassadeur de
la Tijâniyya qu’il a été. Qu’Allah dans Son immense
miséricorde l’accueille dans Firdaws. Tout autant, je
remerciais Pape Makhtar KEBE pour le lot de livres
qu’il m’a offerts sur la Tijâniyya et qui ont contribué
à me faire aimer davantage cette voie.
Ces remerciements vont, avec cette version
améliorée, vers le Serviteur de la Hadra omarienne,
Thierno Madani Tall, qu’Allah le comble de grâces,
de longévité, de santé et de protection. C’est lui qui,
en m’associant à l’animation des Journées culturelles
de la Ziyâra de Thierno Saïdou et Thierno Mountaga,
a contribué à approfondir ma connaissance de Cheikh

6
El Hadj ‘Umar al-Fûtî, disparu à Degembere pour
mieux habiter nos cœurs.
Pour tous ceux et toutes celles qui m’ont assisté
dans cette tâche que je souhaite être une œuvre
charitable, rien que pour la Face d’Allah, j’implore les
grâces et la protection du Maître des univers : mes
enfants, Khalifa et Moustafa, Issa FAYE et Mme
Rokhaya TOURE, pour la relecture ainsi qu’Issa
NDOYE l’impression. Je remercie Khalifa LÔ, de
l’Association al-Fâtih li-Ihyâ Turâth al-Salaf al-
çâlih, à Tivaouane, Mame Omar NDIAYE du groupe
Asfiyâhi pour le crédit photos. Ma profonde gratitude
va à l’endroit de mon neveu, Serigne Mbaye BA, pour
sa disponibilité et la célérité de ses réponses à mes
sollicitations multiples.
Que Dieu étende sur eux tous Sa miséricorde,
Ses grâces et Sa protection, sur le Sénégal, l’Afrique
et le monde.
En ces moments d’épreuve de la COVID-19,
qu’Allah nous préserve et qu’IL sauve le monde.
Amine !
Janvier 2021

7
INTRODUCTION

La Tijâniyya est l’une des confréries les plus


récentes de l’Afrique et du monde. Fondée par Cheikh
Ahmad Tijânî sur autorisation du Prophète, psl, qui
s’est présenté à lui en état de veille comme mentionné
dans Jawâhir al-Ma‘ânî, elle s’est propagée en
Afrique au sud du Sahara avec un dynamisme qui a
impressionné les observateurs. Triaud (Jean-Louis) la
caractrise comme étant la confrèrie qui a connu le
plus grand développement en Afrique de l’ouest. Elle
compte le plus grand nombre d’adeptes et occupe la
superficie la plus étendue.
Cette confrérie se distingue par la quête du
savoir et la stricte application du modèle prophétique,
sans exercices ascétiques d’un autre âge ni retraite des
affaires du monde. Cette préoccupation des affaires
du monde lui a valu d’être au devant de la lutte contre
la colonisation le plus longtemps et avec la plus
grande détermination. Elle fut, à cause de cela, la
confrèrie la plus combattue et la plus persécutée de
toutes. Car, pour les colonialistes, elle était une
association de fanatiques s’opposant à leurs intérêts.
On en veut pour preuve que, pour déporter le
vénérable Cheikh Ahmadou Bamba, Rta, les autorités
coloniales, sur l’acte d’accusation, le qualifait d’être
un dangereux Tijâni.
Les Français étaient très attentifs dans la
surveillance des activités de la Tijâniyya. Au
tournant du 20e siécle, ils continuaient à voir la
confrèrie, dans ses manifestations ouest africaines,

8
comme étant hostile à leur administration. En 1895,
le gouvernement a même qualifié Ahmadou Bamba
de Tijânî et s’est efforcé d’obtenir l’aval de Paris
dans sa décision de le déporter : un Tijânî était par
définition un fanatique dangereux1.
Cette aversion des colonialistes à l’endroit de la
Tijâniyya est conséquente du dynamisme car sa
contribution dans l’expansion de l’islam en Afrique
de l’ouest est sans commune mesure. C’est pourquoi
le colonisateur avait déployé toutes les énergies pour
la stopper. Shakîb Arselan, grand penseur musulman,
citant Bonnet (Guy) dit à ce propos :
L’Afrique aurait été entièrement islamisée sans ce
coup porté par la France à l’influence de la
confrèrie Tijâniyya2.
Par ailleurs, Le Châtelier, dans l’Islam en
Afrique de l’Ouest, compare le coup porté à la
Tijâniyya, par la colonisation française, à l’élan
d’islamisation de l’Europe arrêté par Charles Martel.
En poursuivant sa dynamique en Afrique de l’ouest en
général et au Sénégal en particulier, la Tijâniyya
déploie toute son energie pour promouvoir le savoir et
le savoir-être. Elle veille scrupuleusement à la
conformité aux principes et fondements de la Sharî‘a,
1 The French were also very careful to monitor Tijâniyya activity. At
the turn of the century [20th] they still saw the order, in its west
Aafrican manifestations, as hostile to their rule. In 1895 the
government even labeled Ahmadu Bamba a Tijâni and effort to gain
support in Paris for its decision to deport him: a Tijânî was by
definition a dangerous fanatic. TRIAUD (Jean-Louis) et ROBINSON
(David) eds : La Tijâniyya une confrèrie à la conquête du de
l’Afrique, Karthala, 2000, p. 121.
2 Ici, Arsalâ n cite Guy Bonnet auteur de l’Islamisme et le
Christianisme en Afrique.

9
en orientant les adeptes à la permanence de la
mémoration. Pour ce, elle éduque à l’articulation entre
le Fikr et le Dhikr pour que l’éthique musulmane,
adorer Dieu comme si on Le voyait, donne sens à la
vie et ne soit pas un simple slogan.
Mais malgré tout l’effort déployé et l’attention
soutenue dont elle fait montre, pour éduquer ses
adeptes dans la stricte application du modèle
prophétique, la Tijâniyya est encore victime de toutes
les accusations d’innovation blâmable, par des cercles
salafistes et partuclièrement wahhabites. Or donc,
l’itinéraire des guides, leurs enseignements écrits et
pratiques, leurs interventions sur le champ social,
montrent que ces négateurs sont dans l’erreur.
Pour éclairer l’opinion, il est nécessaire
d’apporter les arguments qui réfutent, avec
objectivité, ces accusations qui ne reposent pas sur
une juste compréhension des textes. Le but n’est pas
d’installer une polémique stérile, mais de préciser les
principes de base de la Tijâniyya et d’apporter des
arguments vérifiables, en toute humilité avec
sincérité. N’est-ce pas que le Coran nous invite, en
cas de discussion de ce genre, à apporter nos preuves,
si nous sommes sincères3 ?
Ainsi, cette contribution s’inscrit dans ce sens.
Elle invite à un examen des principes et pratiques de
la Tijâniyya en se référant aux sources scripturaires,
aux écrits et pratiques des fondateurs et à ne pas la
juger sur la base des pratiques du commun de ses
adeptes. Car s’il en est ainsi, il serait alors juste de
juger l’islam à l’aune de la pratique du commun des
3 Baqara, verset 111.

10
musulmans. Or, en agissant de la sorte, l’islam serait
condamnable et condamné.
Cet essai est divisé en trois parties :
Une première partie présente les pistes, les
zawiyas et les grandes figures de la Tijâniyya au
Sénégal. Un tableau très bref de la vie de Cheikh
Ahmad Tijânî, le fondateur, l’introduit.
Une deuxiéme partie articulée autour des
principes et terminologies de la Tijâniyya, expose des
arguments qui éclairent les préceptes contestés par les
négateurs.
Une troisiéme partie est relative aux principes de
base et régles qui encadrent l’affiliation à la Tijâniyya.
Une partie annexe offre au lecteur quelques
textes d’auteurs et guides de la Tijâniyya sur certains
thémes, agrémentée d’un album. A la fin de
l’ouvrage, un index facilite la recherche des noms
propres, des préceptes et expressions. Et une table des
matières clôt l’ouvrage.
Enfin, nous dédions cette modeste ébauche sur
la confrérie d’El Hadj Malick SY, à Serigne Babacar
Sy Mansour, Khalife général des Tidianes, à El Hadj
Malick Sy Maodo et à la famille de Maodo Malick de
sang et de camp, à la famille de tous ses Muqaddams
à travers le pays. Qu’Allah les rétribue de Ses grâces
infinies. Tout autant, elle est dédiée à tous les khalifes
de la Tijâniyya au Sénégal, en particuler Thierno
Bachir Tall et le serviteur de la Hadra omarienne,
Thierno Madani et toute la famille omarienne, à
Cheikh Mahi Niass, et Cheikh Ahmed Tidiane Niass
Omaïma, de la famille Niasséne. Il en ainsi de Cheikh
Ahmad Tidiane Bah de Madina Gounass, du khalife

11
de Thianaba, Serigne Abdourahim Seck, Serigne
Mansour Sall de Louga et de tous les Talibés Cheikh.

12
13
PREMIÉRE PARTIE : PISTES ET
ZAWIYAS TIJÂNIYYA AU
SÉNÉGAL
Fondée par Cheikh Ahmad Tijânî4, la Tijâniyya
est selon les mots de Triaud le mouvement religieux
islamique le plus étendu en Afrique, du Maghreb au
Soudan.5.
[Il] a marqué de son empreinte le jeu social dans
le monde soudano-sahélien et au-delà6.
Pour Fletcher (Joseph), elle est représentative de
la troisième expansion ou troisième vague de l'Islam7
et s’inscrit dans une dynamique de de renouveau
(Tajdîd) et de diffusion des savoirs islamiques. Triaud
dit qu’elle a le plus grand potentiel d’innovation et
d’adaptation et, elle est dotée d’une force de
4 Sur sa biographie, se référer au livre Jawâhir al-Ma’ânî wa
Bulûgh al-Amânî fî Faydi Abil-‘Abbâs at-Tijânî, de Sidi ‘Alî
Harâ zim b. al-‘Arabî Barada. Texte établi, vocalisé, traduit et
annoté par Pr Ravane MBAYE, édition al-Bouraq 2011.

5 Voir TRIAUD (Jean-Louis) : Islam et confréries en Afrique


subsaharienne, Revue Mars (Institut du monde arabe), n° 8,
1997, p. 39-52. Voir aussi SAMBE (Bakary) : La Tijâniyya : de
l’Aghouat algérien aux plaines du Sénégal, 16 février 2005,
http//oumma.com/.

6 TRIAUD (Jean-Louis) : La Tijâniyya : une confrérie musulmane


à la conquête de l’Afrique, Paris Karthala, 2000, p. 10.

7 FLETCHER (Joseph) : Les voies (turuq) en Chine in POPOVIC


(Alexandre) et VANSTEIN (Gilles) : Les ordres mystiques dans
l’islam. Cheminements et situations actuelles. Paris 1985, p. 17.

14
pénétration dont la puissance frappe tous les
observateurs8.

Le Khalife de la Tijâniyya au Maroc Cherif


Mouhamad al-Kabîr TIJÂNÎ en compagnie
de M. Abdoul Latif BAGDOURÎ qui fut
Directeur de cabinet du Ministre des Awqâf
du Royaume Chérifien. C’était à l’occasion
du décés de Serigne Abdoul Aziz SY al-
Amine, Khalife général des Tidianes-
Sénégal, le 22 septembe 2017.

8 TRIAUD (Jean-Louis) : idem.

15
CHEIKH AHMAD TIJÂNÎ

La Tijâniyya est apparue à ‘Ayn Mâdi, en


Algérie, en 1196 de l’Hégire correspondant à 1781 de
l’ère chrétienne, sous l’impulsion d’un grand maître
soufi, Cheikh Ahmad Tijânî. Ce dernier affirme lui-
même, selon Sidi Harâzim, dans Jawâhir al-Ma‘ânî,
qu’il est né en 1150 de l’Hégire/1737 à ‘Ayn Mâdi, en
Algérie. D’un esprit vif, armé d’une résolution aiguë,
Cheikh Ahmad Tijânî était réputé être d’un idéal
élevé et d’une vision transcendant les traditions et
habitudes de sa classe d’âge et de son époque. Encore
jeune, il s’évertuait à faire preuve d’énergie et
d’initiative pour échapper à la routine et au faux
confort des usages et coutumes.
Sa conception d’un monde dynamique, qui
bouge vers le meilleur, l’entraînait à toujours se fixer
des objectifs pour faire reculer les limites cognitives.
Son ambition était d’élargir et approfondir ses
connaissances, tremper son caractère et développer
ses capacités psycho-spirituelles. Sur le chemin de la
performance, il était armé de détermination et d’une
bonne résolution à ne jamais abandonner. Les jeunes
d’aujourd’hui, surtout ceux et celles de son école
d’éducation spirituelle, doivent s’inspirer de ces
principes et traits de caractère dans leur plan de
développement psycho-spirituel. Lui-même disait,
d’après ce que nous rapporte son disciple Sidi ‘Alî
Harâzim :

16
‫يئا ال أرجع عنه وما‬ii‫دأت ش‬ii‫من طبعي أني إذا ابت‬
‫شرعت في أمر قط إال أتممته‬9.
Il est de ma nature de ne jamais abandonner une
chose que j’ai commencée et je n’ai jamais
entrepris une affaire sans l’avoir achevée.
Après avoir été reconnu digne du grade de
jurisconsulte (Faqîh), il entreprit un grand périple,
pour atteindre le sommet de la connaissance gnostique
(al-Ma‘rifa). Car la connaissance de Dieu ne se limite
pas à la mémorisation des textes. Ceci est la
connaissance de la lettre des règles. Et les
interprétations sont souvent, comme on le sait,
sources de vaines polémiques. Connaître Dieu, c’est
surtout l’accès aux arcanes et codes spirituels jusqu’à
s’y habituer et percevoir le reflet de l’universel induit
dans chaque particule. C’est l’aboutissement d’un
long périple fait de renoncement et d’endurance, de
repentance et de crainte révérencielle, d’espoir et
d’humilité. Le Cheikh al-Junaydî l’a résumé dans une
belle formule que l’on retrouve dans Jawâhir al-
Ma‘ânî10 :
‫ ورجاء يبعث‬،‫ وخوف يزيل التسويف‬،‫بتوبة تزيل اإلصرار‬
‫دها من‬ii‫ل وبع‬ii‫ا من األج‬ii‫ة النفس بقربه‬ii‫ل وإهان‬ii‫الك العم‬ii‫على مس‬
‫األمل‬.11
Par le repentir qui préserve de la persistance, la
crainte qui prévient de la préméditation, l’espoir
qui entraîne sur les chemins de l’action et par le

9 BARRÂ DA (‘Alî Harâ zim b. al-‘Arabî) : op.cit., p. 127.

10 Idem. P. 22.

11 Idem. p. 143.

17
fait de mépriser l’âme en la rapprochant de la Fin
et l’éloignant des promesses […].
Cette belle sentence résume le cadre d’exercice
de l’aspirant qui veut arpenter les célestes espaces et
incarner les vertus supérieures. Il s’agit d’avoir une
résolution trempée, la capacité de s’éloigner des
traditions rétrogrades et des attractions mondaines qui
provoquent la dégénérescence. Il est question de se
défaire des liens qui retiennent l’individu dans les
vanités de ce monde, pour se détourner résolument de
tout ce qui n’est pas Dieu. C’est comme le dit Cheikh
Zarrûq : Ne voir dans l’existence que toi et ton Seigneur. 
‫وهو أن ال ترى في الوجود إال أنت وربك‬12. 
C’est par l’effort permanent sur soi, avec
sincérité, que l’on y parvient car c’est Allah qui vient
au secours de l’itinérant sincère :
Et quant à ceux qui luttent pour Notre cause, Nous
les guiderons certes sur Nos sentiers. Allah est en
vérité avec les bienfaiteurs.
‫ والذين جاهدوا فينا لنهدينهم سبلنا وإن هللا لمع المحسنين‬13.
Cheikh Ahmad Tijânî, à l’instar des aspirants
qui l’ont précédé, n’a pas dérogé à la règle. Sîdi ‘Ali
Harâzim peint un portrait évocateur de cet illustre
homme de Dieu :
  ،‫فإنه جمع بين علو الهمة وحفظ الحرمة ونفوذ العزمة‬
‫ ممن بذل المجهود في طاعة‬،‫] وأن الشيخ رضي هللا عنه‬...[
‫ وممن طلب العلم في بدايته على تصحيح التوبة في‬،‫المعبود‬
‫ وقطع‬،‫ ونفى إرادته‬،‫شروطها في طريقته بحفظ الشريعة وحدودها‬
،‫ وانقطع إلى هللا بمراعاة حقه‬،‫عن نفسه الحظوظ والعالئق‬
‫ وشمر‬،‫ عمل على نفي الرخص والتأويالت‬،‫فانكشفت له الحقائق‬

12 Idem.

13 Sourate al-‘Ankabû t (L’Araignée), verset 69.

18
‫ وقبض عنان الخوض فيما ال‬،‫على ساعد الجد في عموم األوقات‬
‫] وجاهد نفسه‬...[ ،‫ وتمسك بالكتاب والسنة‬،‫ من المخالفات‬i‫يعنيه‬
‫باإلستقامة والورع‬14.
Il a réuni la hauteur du dessein au respect du sacré
et à la puissance de la détermination. […] Le
Cheikh, qu’Allah soit satisfait de lui, fait partie de
ceux qui se sont dépensés dans l’obéissance à Celui
qui est adoré. Il a cherché le savoir, à ses débuts,
pour ajuster son repentir aux conditions requises
dans le respect des règles de la Sharî‘a, repoussant
ses propres désirs. Il a coupé les liens avec les
positions et les accointances, se tournant
exclusivement vers Allah dans le respect de Ses
droits. Ainsi, les subtiles réalités se sont découvertes
à lui et il a œuvré en s’éloignant des facilités et des
[fausses] interprétations. Il a retroussé les manches
à tous les instants et s’est abstenu de perdre son
temps avec ce qui ne le regardait pas en matière
d’irrégularité. Il s’est cramponné au Livre et à la
Sunna, […] et par son effort il a contraint son âme à
la probité et à la ferveur.
À l’an 1196 de l’Hégire correspondant à 1781
du calendrier grégorien, à Abu Samghûn, en Algérie, il
accédera à son souhait et à la consécration de ses
efforts. La voie d’élévation spirituelle qu’il a initiée et
dirigée jusqu’à sa mort, au petit matin du jeudi 17 e
jour de Shawwâl 1230/181515, porte plusieurs

14 BARRÂ DA (Sîdi ‘Alî Harâ zim b. al-‘Arabî) : op.cit., p. 22.

15 Selon l’auteur de Jawâhir al-Ma’ânî, le Cheikh quitta ce monde,


à Fez, dans la matinée du 17e jour de Shawwâl, après avoir
accompli la prière du çubh. Muhammad al-Kanû sî déclare avoir
assisté à ses funérailles et c’est lui qui indique la date citée
dans le texte. Cf. Bughyat al-Mustafîd.

19
qualificatifs : Tijâniyya, Ibrâhîmiyya, Hanafiyya,
Ahmadiyya, etc.16 À sa fondation à la date indiquée, le
Cheikh était âgé de 46 ans, à la suite d’une rencontre
spirituelle avec le Prophète, Psl, en état de veille, à
Abu Samghûn, en Algérie. L’auteur de Jawâhir al-
Ma‘ânî nous dit :
Lorsque le Prophète Psl, l’autorisa à suivre cette
Ṭarîqa Ahmadiyya et cette Conduite prophétique, et
que Dieu lui accorda l’Ouverture par
l’intermédiaire du Prophète, Psl, que celui-ci
l’informa qu’il était désormais son éducateur et son
garant [Murabbîhi wa kâfiluh], que rien ne lui
proviendrait de Dieu qui ne passerait par ses mains,
qu’il était son intermédiaire, qu’il lui dit qu’il ne
devait plus avoir affaire à personne parmi les
maîtres de la voie soufie, qu’il était son
intermédiaire et son illuminateur en vérité [17], qu’il
devait abandonner tout ce qu’il avait appris des
autres voies mystiques, qu’il lui dit :  suis cette voie
sans retraite, ni isolement des gens jusqu’à ce que tu
atteignes le degré qui t’a été promis, en maintenant
ton état tel quel, sans gêne, ni embarras, ni trop
d’efforts ; laisse tous les autres maîtres spirituels18. 
16 Voir infra.

17 ‫فأنا واسطتك وممدك على التحقيق‬.

Fa-anâ wâsiṭatuka wa mumidduka ‘alâ al-Tahqîq.

18 ‫إلزم هذه الطريقة من غير خلوة وال اعتزال عن الناس حتى تصل إلى مقامك التي‬
‫وعدت به وأنت على حالك من غير ضيق وال حرج وال كثرة مجاهدة واترك عنك جميع‬
‫األولياء‬.

Ilzam ḥâdhiḥî at-Ṭarîqa min ghayri khalwat wa lâ-‘tizâl ‘an an-Nâs


hattâ taçila ilâ maqâmika alladhî wu‘idta biḥî wa anta ‘alâ

20
Il ajouta que la Ṭarîqa exige dans ces conditions
de s’affilier exclusivement à elle et de ne pas
abandonner la pratique de son oraison (wird) jusqu’à
la mort : al-infirâd bihâ wa ‘adam tarki wirdihâ ilâ
al-Mamât19. 
Le développement de la Ṭarîqa va prendre son
élan à partir de Fez, au Maroc où le mausolée du
Cheikh, disparu en 1815, est l’objet d’une visite
pieuse assidue. Sa doctrine inscrite dans Jawâhir al-
Ma‘âni, Les Perles des Sens20, par ‘Alî Berrâda qui l’a
recueillie est englobante. Elle offre au disciple les
compétences d’une vie spirituelle fécondante, investie
dans une sociabilité responsable et fructueuse. De son
centre de Fez, la confrérie s’est propagée sur presque
toute l’étendue de l’Afrique de l’Ouest, le Moyen-
Orient et le Hedjaz, grâce au dynamisme de ses
Muqaddams et à la limpidité de son enseignement.
Au Sénégal et en Mauritanie, elle va s’installer
de manière fulgurante et devenir la plus importante
confrérie par le nombre et l’une des plus influentes au

hâlika min ghayri ḍîq wa lâ haraj wa lâ kathrati mujâḥadat wa-


utruk ‘anka jamî‘a al-’awliyâ.

19 ‫اإلنفراد عنها وعدم تركها إلى الممات‬.

Jawâḥir al-Ma‘ânî wa Bulûghu al-Amânî fî fayḍi Abil ‘Abbâs at-


Tijânî, écrit par Sîdi ‘Alî Harâ zim b. al-‘Arabî Barrada, Traduit,
annoté et indexé par MBAYE (EL H. Ravane.), Perles des Sens et
réalisations des vœux dans le flux d’Abû-l-‘Abbâs at-Tijânî,
Beyrouth - É ditions Al Bouraq, 2011, Arabe – Français, p. 30-
32.

20 Idem.

21
plan politique et social. Ceci s’explique par son
cosmopolitisme, son attachement au savoir et à
l’éthique, son ouverture au progrès grâce à sa
capacité à appréhender les enjeux.

Le Khalife général des Tidianes, Serigne Babacar SY


Mansour, invité de sa Majesté Mouhamad 6, qu’Allah
le protège. Il est accompagné par une forte délégation
de la famille d’El Hadj Malick SY.

22
‫أبيات رائعة جادت بها قريحة الشيخ الجليل مجهول قرنائه‬
‫الشيخ الحاج مالك سي "ماودو" حفظه هللا ورقاه إلى أعلى مراتب‬
‫أهل هللا‪ ،‬نجل الشيخ الحاج عبد العزيز سي دباغ مالك‪ ،‬ال زال تحت‬
‫‪.‬رحمة المالك‬

‫ويا فـخـر الـزمان بـال مـثـال‬ ‫أبا العـباس يا كـنـز الـمعالي‬


‫يـنـير الـكـون يهـدي لـلجالل‬ ‫ويـا بــدرا يـشيع بـكـل قـطر‬
‫يـؤمل مـنـك فـيضا بالتـوالـي‬ ‫فهذا قلب عبد ذو اضطراب‬
‫أيا شـيخي فـجد لي بالوصـال‬ ‫وما لي غـير بابـك مـن مـالذ‬
‫أشـق على المريد من النصال‬ ‫فـصرم العـهد للمحبوب شيء‬
‫مـرقـيكـم إلى سـبـل المـعـالـي‬ ‫تـبــناك الرسـول وقـال إنــي‬
‫بــه نــلـنا الـفالح بـــال‬ ‫وأعـطاكـم جـهارا خـيـر ورد‬
‫جــدال‬
‫فهـامـوا في مـتـاهـات الـجمال‬ ‫بـه األقـطـاب نـالـوا كــل سـر‬
‫أبا العـباس يا حـسن الـخـصال‬ ‫فأنـت الـخـتم والكـتـم المـكـنى‬
‫فـنور الـشـمـس باد في الـهالل‬ ‫سـرى سـر الـنبـوة فـيـك حـقـا‬
‫‪El Hadj Malick SY dit Maodo‬‬

‫‪23‬‬
Abul ‘Abbâs perle de dignité
Fierté de ton temps sans pareil.
O toi, pleine lune qui illumines toute contrée,
Éclaires l’univers et conduis au Majestueux,
Voici un serviteur si troublé,
Qui espère en alternative ton influx.
Hors de ta porte je n’ai pas de refuge,
O Maître ! Procure-moi ton adhésion.
La rupture du lien avec le bien-aimé,
Est plus douloureuse pour l’aspirant que le
tranchant [de la lame].
Le Messager a fait de toi son fils et dit,
C’est moi qui t’élève sur les rampes vers les
hauteurs.
Il t’a donné au grand jour le meilleur des
wirds,

24
Par lequel nous avons la félicité sans
conteste.
Et les pôles par [ce wird] ont accédé à tous
les secrets,
Et dans les méandres de la beauté ils sont
éperdus.
Tu es le sceau caché que l’on surnomme
Abul ‘Abâs ô toi aux excellentes vertus.
Le secret de la prophétie circule en toi
Car la lumière du soleil se reflète sur la
lune.

25
Chérif Mouhammad al-Kabîr TIJÂNÎ
Khalife de la Tijâniyya-Maroc

26
DE LA HÂFIZIYYA A LA ‘UMARIYYA

La première vague d’expansion de la Tijâniyya


est le fruit de l’action d’El Hadj ‘Umar al-Fûtiyyu que
Dumont appelle l’anti-Sultan21. Il est vrai que d’autres
pistes ont été empruntées par cette école spirituelle
soufie dans son cheminement à travers le territoire
africain au sud du Sahara. Cependant, celle tracée par
ce grand homme de Dieu, est la plus influente, la plus
profonde, la plus étendue. Dans le propos qui suit,
Hampathé Bâ retrace les trois voies par lesquelles la
Tijâniyya a pénétré l’Afrique noire :
Née en Algérie dans la plus pure tradition du
Soufisme, [la Tijâniyya] avait pénétré le monde
noir selon trois voies : l’une qui venait
directement du nord, descendant de l’Algérie
vers le Soudan et Tombouctou, l’autre qui venait
de l’Ouest par le fleuve Sénégal et la troisième
enfin, qui venait de l’Est par l’entremise d’El
Hadj ‘Umar qui l’avait ramenée de La
Mecque22. 
Il est utile que ceux et celles qui s’intéressent à
cette école d’éducation spirituelle soient informés, un

21 DUMONT (Fernand.) : L’anti-sultan ou al-Hajj ‘Umar Tal du


Fouta, combattant de la foi (1794-1864), NEA, 1974, 2009, 244
p.

22 BA (Amadou Hampathé) : Vie et enseignement de Thierno


Bocar. Le sage de Bandiagara, Paris, Seuil, 1980, p. 55. Voir
dans le même sujet TRAORE (Alioune) : Islam et colonisation
en Afrique. Cheikh Hamahoullah : Homme de foi et résistant,
Paris, Maisonneuve et Larose, 1983, p. 34 et suivantes.

27
tant soit peu, sur les personnes qui ont contribué à la
transmettre dans nos régions.

28
MUHAMMAD AL-HÂFIZ

Muhammad al-Hâfiz Shinqîtî, natif de la tribu


des Idâw ‘Alî, est descendant du Prophète23. On peut
retrouver une bonne partie de sa biographie dans
l’ouvrage que lui a consacré Ibn al-Hâj Ibrahîm24.
Muhammad al-Hâfiz s’est affilié à la Tijâniyya du
vivant même de Cheikh Ahmad Tijânî. Ce dernier lui
a prodigué le wird et octroyé une ijâza Mutlaqa25,
écrite par son secrétaire Mishrî26, sous sa dictée. Il ne
fut pas le seul Shinqîtî cependant à être initié à la
Ṭarîqa Tijâniyya. On retrouve dans Bughya les noms
de Muhammad Ṭâlib Jiddu b. al-Cheikh et de
Muhammad Sâlik b. al-Imâm, originaire lui de
Wadane. A ces deux noms, s’ajoutent ceux rapportés
par Kashf al-Hijâb : Ahmad Salim b. al-Imâm, frère
de Sâlik et ‘Uthman al-Fulânî al-Iknârî, qui serait
originaire de Kaédi27.

23 Sur cette question, il y a deux versions. L’une d’elle estime que


les Idâw ‘Alî sont rattachés au Prophète par la lignée de Fatima,
l’autre, met en exergue la lignée de Muhammad b. al-Hanafiyya.

24 Nuzhat al-Mustami‘ wal-Lâfiz fi Manâqib ash-Sayikh


Muhammad al-Hâfiz.

25 C’est l’autorisation octroyée au Muqaddam lui conférant le


droit d’utiliser l’ensemble des oraisons et de donner toute
catégorie d’autorisation aux autres.

26 Muhammad al-Mishrî était le secrétaire du Cheikh Ahmad


Tijâ nî et son imam. Voir Bughyat al-Mustafîd.

27 TRIAUD (J-L) : La Tijâniyya, op.cit., p. 81.

29
À son retour au pays natal entre 1805 et 1806 28,
Muhammad al-Hâfiz, fidèle aux recommandations de
son maître, ne divulgua rien de ses oraisons ni de sa
Ṭarîqa. C’est seulement un an, après son retour dans
sa patrie, qu’il a commencé à dispenser le wird autour
de lui. Les membres de sa tribu, les Idâw ‘Alî furent
les premiers à s’affilier, encouragés sans doute par sa
science et sa piété. Malgré cette réputation, il ne fut
pas épargné des critiques mal fondées de ses
adversaires qui l’accusaient de verser dans une sorte
d’exclusivisme tribal. D’autres s’en prenaient à
certains aspects du rituel et de la doctrine de la
Tijâniyya. En ce qui concerne l’accusation
d’exclusivisme tribal, il suffit de voir la liste des
vingt-cinq Muqaddams qu’il a initiés, et dont douze
seulement appartiennent à sa tribu, pour se rendre
compte de leur manque de crédibilité29. Parmi les
Muqaddams cités dans Rawḍ Shamâ’il ahl al-Haqîqa,
nous nous attarderons sur Mawlud Fall.

28 IBN SÂ LIK (‘Abd al-Rahmâ n): Khatima, p. 5.

29 TRIAUD (Jean-Louis) : op.cit., p.85, note n° 67. Il se réfère à


l’ouvrage d’Ahmad b. Maham b. al-‘Abbâ s al-‘Alawî : Rawḍ
Shamâ’il aḥl al-Haqîqa fî at-Ta‘rîf bi-Akâbir aḥl al-Ṭarîqa.

30
MAWLUD FALL

Mawlud Fall est l’un des premiers muqaddams à


embrasser la Tijâniyya et à la transmettre en Afrique
de l’Ouest. Il fut affilié par Muhammad al-Hâfiz qui
lui confia la main de sa sœur. Ce qui indique le niveau
d’estime et de confiance dont il jouissait auprès de
son maître. Il n’eut pas la chance de rencontrer le
Cheikh fondateur à Fez où il arriva alors que ce
dernier venait de rendre l’âme. Il entreprit un
deuxième voyage pendant lequel il renouvela son
affiliation et enrichit sa collection d’ijâzas. C’est au
retour qu’il entreprit de propager le wird, à travers ses
déplacements, dans la zone soudano-saharienne.
Mawlud Fall fut un entreprenant relais entre la
Tijâniyya de la chaîne Hâfiziyya et l’Afrique noire au-
Sud du Sahara. El Hadj ‘Umar al-Fûtî atteste lui-
même, dans Rimâh, qu’il a été affilié à ses débuts
dans la voie par l’un de ses Muqaddams, du nom de
‘Abd al-Karîm b. Ahmad al-Nâqil. Il avait aussi
conféré le wird à un natif du Nigéria, du nom de
Mudibu Ahmad Rajî, dont la descendance continue de
perpétuer le wird avec son sanad, sa chaîne de
transmission30.
Mawlud Fall a joué un rôle important dans
l’établissement de la Tijâniyya, dans une partie de
l’Afrique de l’Ouest, en élevant des disciples au rang
de Muqaddams. Cependant, celui que Dumont
(Fernand) surnomme l’anti-sultan, est

30 TRIAUD : op.cit.

31
incontestablement l’artisan de l’expansion de cette
voie spirituelle.
La Tijâniyya en Afrique

Source: Triaud (Jean-Louis) et Robinson (David)


eds: La Tijâniyya une confrérie musulmane à la conquête
de l’Afrique. Karthala, 2000.

32
EL HADJ ‘UMAR AL-FÛTIYYU

Le plus célèbre guide de la Tijâniya, en Afrique


de l’ouest, après le fondateur, est sans conteste El
Hadj ‘Umar al-Fûtiyyu31. Il est né à Halwar, entre
1794 et 1798, selon son petit-fils et Khalife Thierno
Mountaga32. Mais la date la plus consensuelle reste
celle comprise entre 1794 et 1795. La richesse d’une
vie bien remplie a suscité l’intérêt de beaucoup de
chercheurs et d’auteurs qui ont publié des ouvrages et
des articles sur lui. Samb (Amar) s’y est longuement
étendu, dans sa thèse qui fut publiée par la suite 33.
D’autres auteurs comme Coulon (Christian), Abu
Naçr et Dumont (Fernand) ont publié des ouvrages de
31 Comme il aimait à s’identifier pour se référer à sa terre natale,
le Fouta et marquer, de ce fait, une identité dont il était fier, un
patriotisme qu’il ne troquait contre quoi que ce soit.

32 Petit-fils d’El Hadj ‘Umar Tall, Thierno Mountaga a vécu


longtemps sous l’aile de son oncle Thierno Saïdou Nourou Tall
(1862-1980). A la mort de ce dernier en janvier 1980, il
devient Khalife de la Famille ‘Umarienne. É rudit et sage, il a été
avec El Hadj Abdoul Aziz Sy Dabbâ kh, défunt Khalife général
des Tidianes, l’un des régulateurs les plus écoutés du Sénégal.
Il a laissé à la postérité, la mosquée El Hadj ‘Umar plus connue
sous le nom de Mosquée ‘Umarienne, à Dakar, et la Ziyara
annuelle, perpétuée aujourd’hui par son fils, Thierno Madani,
Serviteur de la Hadra ‘Umarienne. Il a aussi laissé une
remarquable biographie d’El Hadj ‘Umar, à laquelle il a
consacré quarante années de sa vie de sacerdoce. Ce livre, al-
Jawâhir wa al-Durar fî sîrati Cheikh al-Hâjj ‘Umar (Les perles
rares sur la vie d’El Hadj ‘Umar), Préface du Pr El Hadj Rawane
Mbaye, Dâ rul Burâ q, 2005, est une précieuse référence sur son
grand-père. 

33
références sur son parcours34. Par la suite, le
Professeur Dieng (Samba) a publié plusieurs travaux
sur sa vie et son épopée35. Enfin nous trouvons dans
al-Jawâḥir wa al-Durar, des renseignements de
première importance consignés par son petit-fils et
Khalife Thierno Mountaga Tall (1914-2007).

La vie d’El Hadj ‘Umar est un riche carnet où


des pages de science côtoient des pages de prodiges.
Les chroniques des compagnons de ce Khalife hors-
33 SAMB (Amar) : Contribution du Sénégal à la littérature
d’expression arabe, IFAN-DAKAR, 1972. Il est utile d’explorer le
dernier ouvrage publié par son arrière-petit fils et Khalife,
Thierno Mountaga Tall  : op.cit. Voir aussi les travaux de DIENG
(Samba).

34 COULON (Christian) : Le marabout et le prince. Islam et


pouvoir au Sénégal. Pedone Paris, 1981.

ABU NASR (Jamal): The Tijâniyya. A sufî Order in the modern world,
Oxford University Press, London 1965.

DUMONT (Fernand) : L’Anti-Sultan ou Al Hajj ‘Umar Tal du Fouta,


combattant de la foi, (1794-1864), NEA, Dakar-Abidjan 1974.

35 DIENG (Samba) : L’épopée d’El Hadj ‘Umar, approche littéraire


et historique, thèse de 3e cycle, Dakar.

El Hadj ‘Umar, la perle de l’islam. Réalités historiques, NEAS, 1997,


133p.

Sur les traces d’El Hadj ‘Umar : regards croisés sur l’homme et
l’œuvre, NEAS, 2009, 220 p.

La geste d’El Hadj ‘Umar et l’islamisation de l’épopée peule


traditionnelle, UCAD, 1988, 527 p.

34
pair de la Tijâniyya en Afrique de l’Ouest, racontent
des pans entiers de miracles que recèle sa mission sur
terre. A titre d’illustration, ce passage de la chronique
de Lamin Maabo Gise, un de ses compagnons,
originaire du Fouta ayant participé au Jihâd36.
Yaa ‘Alla! Yaa Rabbi! Ko ‘Alla ñaawi kola wađa.
Jarnođo Jaajalo gaa, oon yaroyi Biru Zamzama,
oon darni jumaa hannde Dinngiraay ina juulne
dental.37
O Dieu ! O Seigneur ! Celui qui après le marigot
de Jaajalol eut l’insigne honneur de boire à la
source de Zem Zem est celui-là même qui a fondé
la mosquée de Dinngiraay, où en ce jour, il fait
prier les foules. 
Dans ce passage, on remarque que l’auteur
établit une certaine relation entre les faits qu’il décrit
et la vie du Prophète psl.
Ainsi, en établissant un parallèle entre le marigot
de Jaajalol38, lié miraculeusement à la naissance
du Cheikh, et la source du Zem-Zem qui a jailli,
selon la tradition islamique, grâce aux prières de
la mère d’Ismaël, l’auteur vise à replacer Umar et
sa mission dans la mouvance islamique, pour ne
pas dire prophétique. De la même façon donne-t-il

36 ROBINSON (David), DIALLO (Sonja Fajerberg), KANE


(Moustafa) : Une vision iconoclaste de la guerre d’al-Hajj Umar
Taal  in Cahier d’É tudes Africaines, Année 1994, vol 34, N°
133-135, p. 385.

37 Idem, p.394.

38 Jaajalol est une rivière située dans l’île à Morphil et qui aurait
jailli grâ ce aux prières d’El Hadj ‘Umar pour abreuver ses
troupes. Idem, p. 395, note n° 1.

35
l’impression, dans les vers 90-93, de comparer la
guerre sainte d’Umar à celle du Prophète […]39.
El Hadj ‘Umar était réputé homme de prodige et
il a fortement impressionné ses compagnons par sa
science et aussi par son génie. Un autre de ses
compagnons, Mouhamad Alliou Thiam, a composé un
long poème en peulh, transcrit en Ajami40, connue
sous le nom de Qaçîda, dans lequel il magnifie
l’épopée d’El Hadj ‘Umar et exalte son Jihâd. Ce
document d’une première importance a suscité la
curiosité de beaucoup d’intellectuels et de
chercheurs41. Il offre, tout comme celui de Lamin
Gise, une lecture différente de celle des sources
coloniales sur la vie d’El Hadj ‘Umar. Ces dernières
ne se sont intéressées qu’au personnage armé, le
conquérant qui s’est opposé aux colons et leurs alliés.
Pourtant, il n’a pas été que cela, loin de là ! Thierno
Mountaga nous le peint dans les traits d’un père de
famille vertueux, pieux, ayant fait ses humanités à
39 ROBINSON: op.cit. p. 385.

40 Ajami est le nom donné à l’alphabet des langues africaines


avec les lettres arabes. Il y a une florissante littérature
transcrite en Ajami dans beaucoup de langues de l’ouest
Africain, peulh, haoussa, ou wolof.

41 DIENG (Samba): L’épopée d’El Hadj ‘Umar. Approche littéraire


et historique, op. cit. Voir aussi TYAM (Mouhamadou Aliou) : La
vie d’El Hadj ‘Umar. Qaçida en Pulaar. Transcription, traduction
et annotation par GADEN (Henri), Paris, Institut d’Ethnologie,
1935. Se référer aussi à DIENG (Bassirou) : L'épopée d'El Hadj
Oumar : la guerre sainte de l'empereur toucouleur, article paru
dans L'âme de l'Afrique, Le Point Références n°42, novembre-
décembre 2012, p. 54.

36
Pire Saniakhor, sous la direction de Serigne Demba
Fall42.

Dans la tradition africaine, la mère joue un rôle


essentiel dans le dessein de leurs fils. Serigne Papa
Malick Sy43, pour conforter ce rôle primordial de la
femme dans le rayonnement des faisceaux spirituels,
disait que ce sont les femmes qui apportent la lumière
dans les foyers :
Sunu kër yi, góór ñi jàambaar la ñu, ndax ñooy
taxawal kër yi, fàkk daara yi, indi njël li waante
jiggéen ñi ñooy indi leer gi. 
Ces propos de Serigne Papa Malick semblent se
vérifier dans l’histoire de notre héros, El Hadj ‘Umar
et de sa mère, dans le récit de Thierno Mountaga. Ce
dernier nous renseigne sur la sainteté de sa mère,
Adama, sa piété et sa soumission à son époux. Le père
d’El Hadj ‘Umar, émerveillé par les qualités de son
épouse, l’avait bénie un jour en lui disant :
Nous demandons à Dieu Le Très Haut, de te
donner un fils noble, vertueux, pieux, qui soit
supérieur à ses pairs en science, en adoration et en
crainte révérencielle, en secret et en public, [un

42 Idem, p. 28.

43 Benjamin de Serigne Babacar Sy, il était un esprit vif et


brillant, bienveillant, ouvert et généreux. Sous l’ombre de
Serigne Cheikh jusqu’à la disparition de ce dernier en 2017, il
fut au décès de Serigne Abdoul Aziz Sy al-Amine désigné porte-
parole de la Famille Sy de Tivaouane. Il quitta ce monde, sur la
pointe des pieds, en juin 2020.

37
fils] dont le nom sera célèbre entre les deux
horizons […] Dieu sait que tu l’auras44.
Même des auteurs occidentaux comme Coulon
(Christian) ont rapporté cette réputation de piété et de
sainteté de la mère d’El Hadj ‘Umar. Il relate
l’étonnement de cette dernière qui donne naissance à
son enfant sans aucune trace de lochies. Ce qui fait
qu’elle n’eût pas besoin d’observer une période de
purification comme cela se fait à l’accoutumée 45.
Beaucoup d’autres faits surnaturels sont rapportés par
des savants d’ici et d’ailleurs comme Muhammad b.
al-Hâfiz al-‘Alawî, Muhammad b. al-Çaghîr b. Nbuja,
Ibn al-‘Alâwî al-Shinqîtî, dans son livre al-Jâm‘ li-
Karâmât al-Shaykh. Thierno Mountaga nous en
rapporte d’autres et d’autres encore 46.
Mais réduire la vie de ce saint homme à ses
seuls aspects thaumaturges serait un affront fait à
l’ensemble de son œuvre. Sur ce plan strictement, il
ne serait pas un guide pour l’action, car il s’agit de
dons surnaturels qu’Allah lui a octroyés par Sa Bonté.

44 Idem., p. 30. ‫نسأل هللا سبحانه وتعالى أن يرزقك ولدا كريما صالحا تقيا فائقا أقرانه‬
‫هللا يعلم أنك‬
]...[ ‫في العلم والعبادة والتقوى في السر والعالنية ويشتهر صيته في الخافقين‬
‫ستجدين ذلك‬.

Nas’alu Allâh subhânahû wa ta’âlâ an yarzuqaki walad an Karîman


çâlihan taqiyyan fâ’iqan aqrânhû fil-‘ilmi wal-‘ibâdât wal-Taqwâ fî
al-Sirri wa al-‘alâniyyat wa yashtahiru çîtuhû fî al-khâfiqayni
[…] Allâhu ya‘lamu annaki satajidîna dhâlika

45 COULON (Ch.) : op. cit., p. 28. ABU NASR (J.): The Tîjâniyya,
op.cit., p. 106-107.

46 TALL (Cheikh Mountaga Ahmad): al-Jawâḥir, op.cit., pp. 30-34.

38
Or, en mettant en exergue les aspects liés au caractère
humain et social, il apparaît alors sous son visage de
guide, de modèle pour le développement personnel
des disciples de sa voie, en particulier, et de tout être
humain en général. Il est clair que sa courbe de vie est
un faisceau d’indicateurs qui mettent en relief son
caractère rigoureux, résolu, endurant dans l’effort et
pétri de ressources morales. En outre, il ne faut pas
que la qualité de disciple des uns et des autres
entraîne à considérer son érudition légendaire comme
un miracle. Même s’il y a une part de prodige, il y a
une large proportion, et elle est importante, qui n’est
pas seulement le fait du miracle. Il est vrai
qu’aujourd’hui, les fidèles ont tendance à minimiser
la profusion d’efforts et la tension de volonté qu’il a
déployées pour vaincre l’ignorance, et accéder au
summum du savoir pour cela. Tout en reconnaissant
le caractère singulier du Cheikh al-Fûtî, doit-on pour
autant occulter l’itinéraire personnel qui, au
demeurant, valorise l’action et la pose comme modèle
à suivre ? Je pense que non ! En plus de ce qui
pourrait constituer des dons qui lui étaient
spécifiques, ses pérégrinations lui ont permis
d’apprendre aussi bien des hommes que des sociétés,
d’observer et de se faire une expérience pour son
projet de transformation sociale. Lui-même retrace,
dans Rimâh, le circuit de son voyage à La Mecque,
ses rencontres et les différentes péripéties auxquelles
il a fait face avant d’arriver aux Lieux saints, en

39
182847, et où il fit la rencontre de son maître
Muhammad al-Ghâlî48.

Rencontre avec Muhammad al-Ghâlî


Muhammad al-Ghâlî, l’un des Khalifes de
Cheikh Ahmad Tijânî du vivant même de ce dernier, a
encadré le cheminement spirituel d’El Hadj ‘Umar.
Ce dernier a assidîment appliqué les directives et
enseignements mystiques de ce grand maître de la
Tijâniyya 49 . Mais avant cette Tarbiya50, il s’était déjà
habitué, aux oraisons ordinaires de la Ṭarîqa et à
l’oraison dite Hizb al-Bahr. C’est Abdul Karîm qui lui
en avait donné l’autorisation, comme il le raconte lui-
même dans Rimâh :
Sache que ‘abd al-Karîm, Dieu n’a pas arrêté que
je reçoive de lui autre que les oraisons
obligatoires de la Ṭarîqa qui sont le wird, la
wazîfa et [l’oraison] de l’après-midi du vendredi.
Quant aux oraisons particulières, je n’ai obtenu de
lui que le Hizb al-Sayfî sans le Hizb al-Mughnî
47 PIGA (Adriana) : Dakar et les ordres soufis, processus socio-
culturel et développement urbain au Sénégal, L’Harmattan, Paris
2002, p. 155.

48 Sur la biographie de ce Khalife de la Tijâniyya en Arabie, voir


Kashf al-Hijâb.

49 Sur son compagnonnage avec ce dernier consulter son œuvre


personnelle, Rimâh Hizb ar-Rahîm fî Nuhûr Hizb ar-Rajîm, en
marge de Jawâḥir al-Ma‘ânî. Consulter aussi Thierno Mountaga
Tall: al-Jawâḥir wad-Durar, op.cit.

50 Sur le concept de Tarbiya, voir la partie relative à Cheikh


Ibrahîm Niass.

40
après que je l’ai fréquenté durant une année
entière et quelques mois51. 
C’est à la suite d’un compagnonnage de trois
ans, avec Muhammad al-Ghâlî, que ce dernier finit
par le désigner khalife de la Tijâniyya, avec une ijâza
qui l’autorisait à dispenser le wird à tout celui qui le
lui demandait, homme ou femme, adulte ou mineur,
pieux ou impie, homme libre ou esclave. Il lui donnait
aussi l’autorisation d’élever au grade de Muqaddam
seize personnes qui pourraient à leur tour élever au
même grade quatre personnes52. Dans le même temps,
Muhammad al-Ghâlî après l’avoir initié aux secrets de
la Ṭarîqa, aux particularités et subtilités de la çalât
al-Fâtih, de la sourate al-Fâtiha, aux autres oraisons
comprises dans Jawâḥir al-Ma‘ânî, aux formules
d’istikhâra et à d’autres pratiques de la Ṭarîqa, lui fit
ses adieux.

Sa contribution au rayonnement de l’islam


Sur le chemin du retour à son pays, El Hadj
‘Umar entreprit un long périple qui l’a mené au Caire,
51 ‫إعلم أن السيد عبد الكريم ما قضى هللا لي سبحانه وتعالى على يديه إال األوراد الالزمة‬
‫ وأما األذكار الخاصة فما وجدت منها‬.‫للطريقة وهي الورد والوظيفة وعصر يوم الجمعة‬
‫على يديه إال الحزب السيفي مجردا عن حزب المغني بعد أن الزمته سنة كاملة وبضعة‬
‫أشهر‬.
I’lam anna al-Sayyid ‘abd al-Karîm mâ qaḍâ Allah lî Subhânahû
wa Ta‘âlâ ‘alâ Yadayhi Illâ al-Awrâd al-Lâzima li al-Ṭarîqa wa-
ḥiya al-Wird wa al-Waẓîfa wa ‘açru yawm al-Jumu‘a. Wa ammâ
al-Adhkâr al-Khâçça famâ wajadtu minḥâ ‘alâ yadayḥi Illâ al-
Hizb as-Sayfî Mujarradan ‘an hizb al-Mughnî ba‘da an lâzamtuḥû
sanatan kâmilatan wa bid‘ata ashḥur.

52 TALL (Cheikh Mountaga Ahmad): op.cit., p. 92.

41
dans le Fezzan, le Bornou, le pays Haoussa chez
Muhammad Bello, le Macina, Ségou, Kankan, Fouta
Djallon, puis sa terre natale Fouta Toro.
C’est au cours de cette tournée qu’il a produit
une importante littérature qui révéle sa vision de
l’Islam, de la fraternité islamique et de la spiritualité
de la Tijâniyya. Son œuvre Tadhkirat al-Ghâfilîn ‘alâ
Qubḥi Ikhtilâf al-Mûminîn53, est un opuscule d’une
actualité accrue sur la résolution et la prévention des
conflits et sur la conciliation entre adversaires. Ce
pourrait être une excellente référence pour les ONG et
autres organismes qui œuvrent dans ce domaine,
particulièrement dans les conflits intra et
intercommunautaires. Mais c’est surtout le Rimâh ,
son œuvre maîtresse qu’il termina en 1840 à Jekungo,
qui condense sa doctrine aussi bien morale, religieuse
que spirituelle. Malheureusement on en fait peu cas54.
À son retour sur ses terres d’origine, auréolé de
l’autorité du Muqaddam qu’il était devenu, ayant pour
mission d’enseigner la Ṭarîqa Tijâniyya, il ne fut pas
reçu avec beaucoup d’enthousiasme. Il est fort
probable que l’élite musulmane du Fouta et de Saint-
Louis du Sénégal, affiliée à d’autres voies soufies,
particulièrement à la Qâdriyya, eût éprouvé de la

53 Rappel aux insouciants sur le caractère méprisable de la


discorde entre croyants. Voir dans al-Jawâ hir wa al-Durar, de
Thierno Mountaga, op. cit.

54 À ce niveau, nous saluaons l’essai de CISSÉ (Mouhamadou


Alpha) : Le livre des Rimâh. Réflexion sur la pensée religieuse
d’El Hadj Omar Foutiyyou Tall. L’Harmattan-Sénégal, 2020, 421
pages.

42
méfiance devant la nouvelle confrérie qu’il professait.
Il sera aussi accueilli avec une certaine distance par
les autorités de la théocratie du Macina et les élites
musulmanes de Tombouctou. Ces réserves sont à
mettre dans le compte des rivalités qui peuvent exister
entre groupements sociaux, de quelque nature que ce
soit. Les groupements qui se réclament de l’islam
n’échappent pas à cette concurrence qui peut être
douce comme elle peut être agressive, selon les
hommes et les moments. Des joutes épistolaires ont
eu lieu entre adeptes des confréries rivales comme il
arrive souvent55. Cette rivalité n’est pas exclusive
entre confréries. Il arrive de noter la même ardeur
entre disciples de sanad différent dans la même
Ṭarîqa. Ce qui est fort déplorable car les maîtres n’ont
jamais cessé de mettre en garde les disciples contre ce
mal56, sachant que toutes les voies soufies
authentiques mènent à Allah.
Sa disparition miraculeuse
Le dessein d’El Hadj ‘Umar était élevé, toutes
proportions gardées, à l’échelle de celui des
prophètes, envoyés à des peuples ayant longtemps

55 Voir par exemple Tabkiyat al-Bakkay, de Yerkoy Talfi dans


l’article de BOUSBINA (Saïd) : Tabkiyat al-Bakkay une lettre
lacrymogène de Yerkoy Talfî à Ahmad al-Bekkay. Le plaidoyer
d’un défenseur de la Tîjâniya, in GOERG (Odile) et PONDOPULO
(Anna) : islam et société en Afrique subsaharienne à l’épreuve de
l’histoire. Un parcours en compagnie de Jean Louis Triaud.
É ditions Karthala 2012.

56 Voir les correspondances de Cheikh Ahamd Tijâ nî dans


Jawâhir. Voir aussi El Hadj ‘Umar dans Tadhkirat al-Ghâfilîn.

43
vécu dans l’insouciance et l’ignorance. Il a vécu dans
un environnement peu favorable entre le projet
colonial d’une part et les forces rétrogrades des
pouvoirs païens d’autre part. À cela s’ajoutaient les
enjeux du pouvoir qui entraînaient certains États se
réclamant pourtant de l’islam, à s’allier avec des non
musulmans, par crainte pour leur couronne. Les tirs
croisés des coalisés Bambaras de Ségou, Peulhs du
Macina et colonisateurs, n’ont cependant pas pu
brandir sa dépouille comme trophée. Ils en ont rêvé !
Le saint-homme, cet orfèvre de la plume, parangon de
la vertu, ce héros des armées, brillant maître habitué
aux horizons célestes, El Hadj ‘Umar digne fils du
Fouta et de l’Afrique, s’éclipsa en 1864, laissant une
légende derrière lui. Et quelle légende ! Une moisson
de fruits de l’intellect, un modèle de conquérant, une
spiritualité féconde et une fin de martyr, une fin qui
ne finit pas.
Quelles que fussent les difficultés, El Hadj ‘Umar a
prêché partout sur le territoire de l’ancien empire du
Mali. Il a largement contribué à consolider les bases
de l’Islam, à renforcer l’engagement des érudits et il a
introduit un bon nombre de Muqaddams dans la
Tijâniyya qui va graduellement devenir la première
confrérie du Sénégal. Il n’a pas réalisé un Almamiyat
qui figurerait l’unité politique et territoriale de l’Islam
en Afrique de l’Ouest comme les Almoravides
l’avaient réussi à l’époque. Mais il a laissé une
conscience islamique plus marquée et une confrérie
dynamique.
Cette confrérie va poursuivre son ascension
grâce à l’action exemplaire de son disciple et Khalife

44
El Hadj Malick Sy, celui qu’El Hadj Ravane Mbaye
appelle un pôle entre la Sharî‘a et la Haqîqa. Madina
Tall le considère, quant à elle, comme celui qui a
entretenu et développé l’héritage spirituel d’El Hadj
‘Umar. El Hadj Malick, en fin connaisseur des enjeux
du moment, a su préserver l’héritage de son maître en
transformant en opportunité la contrainte de la
colonisation. Il s’est investi cœur et âme, avec une
fine intelligence des situations, dans l’entreprise
culturelle sur le territoire conquis par le colon
Français. Si aujourd’hui le soft power  est magnifié,
l’honnêteté voudrait qu’on rende hommage à cet
illustre fils de Gaya qui en a été un précurseur avant
la lettre.

45
‫‪ZAWIYA TIJÂNIYYA MÂLIKIYA DE‬‬
‫‪TIVAOUANE‬‬

‫تـواوون فـيها اليـمـن للـمـتيامن‬ ‫خليلي عوجا وانزال بتواوون‬


‫ولـكـنـها ذات الـطـيورالـمـيامـن‬ ‫فما طار فيـها طائر مـتشائـم‬
‫أتـم جـزاء مـن جـزاء الـسفائـن‬ ‫جزى هللا سفنا بلغتنا ألرضها‬
‫والهي من أرضي وال من مواطني‬ ‫فلم يك قـبال في تواوون منزلي‬
‫ومـا مـالـك إال كـريـم الـمـدائــن‬ ‫ولكنها صارت مـديـنة مالـك‬
‫محمدبن عبد هللا بن "قفا" العلوي‬

‫بظلك ياخير الـقـرى والـمدائن‬ ‫نـزلنا نـزوال الرجـوع بـعـيده‬


‫وفيك وجدنا خير ما في المواطن‬ ‫وفـيك وجدنا مااشتهته نفوسـنا‬
‫بآالئه تـعــمـيـم أجـود هـاتــن‬ ‫توطنك الفرد الذي عمم الوري‬
‫مالئكة الرحمان حفـظ األماكـن‬ ‫وحفت بمأواك المبارك خشـعا‬
‫مجالـس عـلم أنـست بالخـزائن‬ ‫وزانك من فضل اإلمام وفيضه‬
‫وفي ذكره فوز لضيف وقاطن‬ ‫غـذاءك ذكـر الـله جـل جـاللـه‬
‫شيخ أحمد تجان سي مكتوم‬

‫‪46‬‬
Ô amis, pressez-vos pas et descendez à
Tivaouane.
La grâce attend le désireux de bonheur à
Tivaouane.
Aucun oiseau de mauvais augure n’y a
jamais plané
Plutôt y volent les oiseaux de bon augure.
Qu’Allah rétribue les caravanes qui nous ont
conduits à sa terre,
De la plus belle des rétributions offertes aux
caravanes.
Je n’avais pas de maison auparavant à
Tivaouane.
Elle n’était ni ma terre encore moins ma
patrie.
Mais elle est devenue la ville de Malik.
Et Malik ne peut posséder que la plus noble
des villes.
Muhammad b. ‘Abdillah al-‘Alawî “Qafâ”.

Serigne Cheikh Tidiane Sy, à propos de Tivaouane :


Nous sommes descendus une bonne fois
sans retour après,
Sous ton ombre, ô la meilleure des cités et
des villes.
En toi nous avons trouvé ce que nos âmes
désirent,
Nous avons trouvé la meilleure des patries.
Réside en toi la personne dont est empli le
monde
De ses bienfaits d’une généreuse
abondance.
Entourent tes foyers bénis, en toute
déférence,

47
Les anges du Miséricordieux, gardiens des
lieux
Te parent, grâce au guide et à son influx,
Des assemblées de science habituées des
bibliothéques.
Ta nourriture est le dhikr d’Allah, Très
haut et Majestueux
Et Son rappel apporte succès à l’hôte et au
résident.

48
EL HADJ MALICK SY PROFIL D’UN MAÎTRE

El Hadj Malick Sy, est né orphelin de père, vers


1855 à Gaya, dans le Walo, limitrophe du Fouta Toro.
Sur son enfance, son éducation, ses maîtres et ses
humanités, El Hadj Ravane Mbaye offre les plus
authentiques informations, recoupées et vérifiées 57. En
plus, le Khalife El Hadj Abdoul Aziz Sy Dabbâkh lui
a consacré une biographie intitulée : Awdah al-
Masâlik fî al-Ta‘rîf bi-hayât wa Manâqib al-Shaykh
al-Hâjj Mâlik58.
C’est sans nul doute, avec lui, El Hadj Malick,
que la Tijâniyya connut un nouvel essor, surtout à
partir de 1902, date de son installation définitive à
Tivaouane59 où il a rendu l’âme. En rejoignant l’au-
delà un mardi 27e jour du mois de juin de l’an 1922, il
a laissé un grand vide dans le cœur et l’âme de ses
disciples et des Sénégalais. Comment pouvait-il en
être autrement si l’on évalue l’immensité de son
œuvre sur les hommes et la société ?
57 MBAYE (El H. R.) : Le grand savant El H. Malick SY, op.cit.

58 Ce livre est traduit par le Pr Ravane Mbaye sous le titre : Le


livre de la voie la plus claire pour connaître la vie et les actions
du Shaykh El Hadj Malick Sy. Il est publié dans le Dîwân, les
œuvres complètes d’El Hadj Abdoul Aziz Sy, au tome 2, éditions
Albouraq.

59 Nous n’entrons pas dans les détails concernant la guerre des


dates par rapport à son installation à Tivaouane. Toujours est-il
que 1902 peut être considéré comme une date charnière avec
le premier gamou –Mawlid- organisé à Tivaouane, qui va ainsi
devenir le centre de rayonnement de la Tijâniyya.

49
Serigne Alioune Guèye60, le maître d’al-
Maktûm, Serigne Cheikh Tidiane Sy, est une belle
illustration de la détresse des disciples, à la mort de
Maodo. Son cri de cœur que nous déclame
l’inénarrable Doudou Kend Mbaye61, aux occasions
de célébration, reste un vibrant témoignage. Serigne
Alioune Guèye laisse parler son ressenti :
60 Fin lettré, ouvert et pédagogue si l’on en juge par le
témoignage récurrent de son élève Serigne Cheikh Tidiane Sy
Maktoum, Serigne Alioune Guéye (1896-1958) était l’un des
secrétaires d’El Hadj Malick Sy. Il a été le précepteur de Serigne
Cheikh, Serigne Mansour Boroom Daara-ji et Serigne Abdoul
Aziz Sy al-Amine. Poète et jurisconsulte, son œuvre gagnerait à
être publiée. A sa mort, Serigne Cheikh qui ne tarissait pas
d’éloge sur lui, le long de ses conférences, s’était ému de sa
disparition, en ces termes :

‫من هللا أن يلفي صحيحا وسالما‬ ‫تركت مريـضا كنـت أرجو ألهله‬

‫ونادى مـنادي الـسلك يـنعاه قادما‬ ‫ولكن ضيـف الـموت قـد زار ظله‬

‫نـعـيـت عـلـيا أم نعـيت الـمكارما‬ ‫فقلت لـه والـقلب في غـاية األسى‬

‫وعافـت سـجاياه اللهى والمـئاتـما‬ ‫ألـفـناه شيخا قد نـئا الـكبر نـفـسه‬

‫لطيف على الشبان يرضى المالزما‬ ‫خـفيف عـلى األشياخ يـقبل عذره‬

61 Il est, avec Abdoul Aziz Mbaye et Daaw Goor Mbaye, l’une des
grandes voix qui bercent les nuits et autres moments de
célébration de de la Tijâniyya de Tivaouane. Il a hérité de son
père Mbaye Dondé Mbaye, chantre préféré de Serigne Babacar
Sy, à la fois poète, porte-parole et spécialiste de la Sîra du
Prophète. Quant à Abdoul Aziz Mbaye et ses frères et cousins,
ils sont les héritiers de Moussa Ale Mbaye connu comme l’un
des plus fidèles compagnons d’El Hadj Malick Sy. C’est une
famille de griots traditionnels, connaisseurs des généalogies,

50
Qui va me révéler les réalités en bon
conseiller ?
Qui pour m’enseigner le Livre et les
recueils62?
Qui pour Warsh, Junayd et Ash’arî63?
Qui encore pour les lettres et les
mathématiques ?
Qui pour me dispenser fiqh, syntaxe, logique
rhétorique, stylistique ou belles-lettres64?

mémoires des cités et régulateurs sociaux. Leur oncle El Hadj


Mansour Mbaye est connu ‫ ة‬à travers tout le pays ‫ ة‬comme l’un
des plus grands médiateurs contemporains.

62 Le Livre, c’est le Coran et les recueils ce sont les 6 recueils de


Hadiths : Bukhâ rî, Muslim, Abu Dâwû d, Nasâ’i, Ibn Mâjah et
Tabarâ nî. Ce qui signifie que son Maître El Hadj Malick était
érudit dans le Hadith. Mon oncle Hady Dème m’a raconté que
son homonyme Serigne Hady Touré lui a dit qu’El Hadj Malick
récitait de mémoire le recueil de Bukhâ rî.

63 Serigne Alioune cite ici quelques matières que lui enseignait le


Cheikh : Warsh, Junayd et Ash‘arî. Ce sont les trois
fondamentaux de l’islam au Maghreb et en Afrique de l’Ouest.
Mon homonyme Serigne Abdoul Aziz SY al-Amine nous
exhortait à conserver la version de Warsh, en lecture du Coran,
l’école de Malick en Fiqh et la théologie d’al-Ash‘arî, en matière
de théorie sur le dogme. Aujourd’hui, il y a une invasion de la
version de Hafç au point que Warsh devient marginal. Quant à
Junayd c’est en référence au soufisme, la méthode de l’imam
Junayd est la référence pour nous autres, au Maghreb et en
Afrique de l’Ouest.

64 Cette énumération atteste l’étendue des connaissances de


Cheikh El Hadj Malick mais surtout sa capacité pédagogique. Il
enseigne à la fois la jurisprudence islamique, le Fiqh mais aussi

51
Qui encore pour traiter d’astronomie, de
méthodologie juridique, prosodie et de Sîra65
de l’archétype66 ?
Où vais-je trouver un océan, m’abreuver67 de
ces fontaines,
Me désaltérer à satiété de ses flots ?
Où trouver un maître qui éduque son disciple
Sans retraite, mais dans l’action comme
Ahmad68  ?

la littérature, jusque dans ses modules du niveau supérieur.

65 Le récit de la vie du Prophète. C’est une discipline spéciale car


il ne s’agit pas d’exposer la chronologie des faits racontés. Il
s’agit plutô t d’en authentifier la justesse, de connaître les
contextes, et de percevoir les non-dits qui sont des messages à
décrypter, avec science et non seulement par des légendes.
C’est une référence pour les sciences basiques : Tafsîr, Fiqh.

66 En référence au Prophète Muhammad qui est magnifié dans le


Coran par ses qualités supérieures.

67 Ici, il veut dire les oraisons qui sont comme des fontaines qui
désaltèrent l’assoiffé. É videmment dans le contexte il s’agit de
l’assoiffé des flux divins.

68 Il relève ici la caractéristique de la Tijâniyya qui prô ne un


Soufisme pratique islamique, un soufisme de solidarité sociale
où le disciple ne se retire pas de la vie publique. Mais il y est un
acteur au dessein élevé (‫)علو الهمة‬. C’est le modèle prophétique
en matière d’acquisition de ressources spirituelles réinvesties
dans la transformation sociale.

52
Où trouver un auteur dont les ouvrages69
Rappellent le passé, sur le modèle du
Messager ?

‫ومن لي بإخراج الحقائق ناصحا ومن لي بتدريس الكتاب ومسند‬


i‫ومن لي بآداب وضرب المعدد‬ ‫ومن لي بورش بل جنيد واألشعر‬
‫بـيان مـعانـيها بـديـع بـمـسعـد‬ ‫ومن لي ببذل الفقه والنحو منطق‬
‫أصوال عروضا سيرة البحرمقود‬ ‫ومن لي بنجم في النجوم وموصل‬
‫وأمواجه يـروى بهـا غلل الـسـد‬ ‫ومن لي بـبحر يستـغـاث بـورده‬
‫بال خـلوة بـل هـمة مـثل أحـمـد‬ ‫ومـن لي بأستاذ يـربـي مـريــده‬
‫قديما على نهج الرسول مـسدد‬ ‫ومـن لي بتأليف يذكر من مضى‬

SERIGNE ALLIOUNE GUEYE


Quelqu’un pourrait rétorquer que c’est une
élégie et par conséquent, l’auteur est emporté par ses
émotions. Ce qui pourrait être vrai. Mais il y a un
autre témoin de l’histoire qui dresse le même portrait
de Maodo, c’est Serigne Hady Touré70. Et si l’on
reconnaît l’arbre par ses fruits, il nous est loisible de
dire qu’El Hadj Malick était un bel arbre, ombragé,
aux fruits exquis qui ne cessent d’être récoltés à toute
saison. Ainsi en a décidé Allah. Voici Serigne Hady
dresser le portrait de son maître.

‫مواله قـوال وفعال يا ابن عثمانا‬ ‫هلل درك مـن شـيــخ يــدل عـلـى‬
[...]
‫كم سالك واصل لوالك ما كانـا‬ ‫كـم عـابد زاهـد كـم عـالـم ورع‬
69 Serigne Alioune Guéye nous montre ici que Cheikh El Hadj
Malick n’était pas un adepte de l’imaginaire ni du merveilleux.
Il avait un cadre logique, la Sunna. Ses écrits ne sortaient point
de ce cadre.

70

53
‫]‪[...‬‬
‫بـين المدارس بـيـضانا وسودانا‬ ‫مـدرسا كـل عـلم كـان مـندرسا‬
‫مـن الـشريـعة حـتى بـينـا كـانا‬ ‫موضحا كـل إشكال على الفـقها‬
‫مـن الـحـقيقـة للصوفـي فـرقـانا‬ ‫وفـارقـا كـل أحــوال مـشابــهـة‬
‫مـن الــطـريـقـة للـسالك تـبـيـانا‬ ‫مـبيـنا كـل مـعـنى دق مـنـظـره‬
‫وشاكرا سعيـك المشكور جزالنا‬ ‫فـأصبح الـيـوم دين هللا مـنـتصرا‬
‫عوالي الـدهـر إخـوانا وأوطـانـا‬ ‫أهــلـته بـجـبار الـناس مـنـزلـة‬
‫هي الزوايا ذوات الـذكر إعـالنـا‬ ‫أولي المشايخ أرباب العـلوم وذي‬
‫كـجــورنا كـلهـم يـحـيـون أديانا‬ ‫ما بين حوص وسالم قل وفوت إلى‬
‫لـهـا دوي بــذكــر الـله مــوالنـا‬ ‫في الكل منهم زوايا منك منشأها‬

‫» ‪SERIGNE HADY TOURE « CE GENIE‬‬

‫‪Dieu Omnipotent ! Voici un maître qui nous‬‬


‫‪indique son Seigneur, en parole et en acte, ô toi‬‬
‫!‪fils d’Ousmane ‬‬
‫]…[‬
‫‪Combien de dévots, ascètes, savants et‬‬
‫?‪vertueux ‬‬
‫‪Combien d’itinérants ont atteint le but, qui sans‬‬
‫?‪toi ne seraient pas ‬‬
‫]…[‬
‫‪Tu as enseigné toute science qui était étudiée,‬‬
‫‪Au sein des écoles des blancs et des noirs.‬‬
‫‪Tu as explicité tout ce qui était obscur aux‬‬
‫‪jurisconsultes,‬‬
‫‪Dans la Sharî‘a, jusqu’à ce qu’il soit évident.‬‬
‫‪Tu as décanté toutes les situations équivoques,‬‬
‫‪Dans la Haqîqa, pour les soufis, de manière‬‬

‫‪54‬‬
claire.
Tu as élucidé toutes les subtilités des
significations,
Dans la Ṭarîqa, pour les disciples, de façon
précise.
La religion d’Allah est devenue ainsi victorieuse,
Reconnaissant avec sincérité tes louables efforts.
Tu l’as élevée par des hommes à forte stature,
Qui dominent le temps, dans la fraternité, en tout
lieu.
Voici les guides et maîtres des sciences,
Et là, les zawiyas où le dhikr retentit et s’élève.
Des pays Haoussas au Saloum, dis du Fouta,
À notre Cayor-ci, tous vivifient la religion.
Partout, se sont élevées des Zawiyas dont tu es
promoteur,
Où résonne l’écho du dhikr d’Allah.

Tel est un aspect de la figure du Cheikh Malick


SY, peint par un de ses disciples, Serigne Hady
Touré :
- un guide qui conduit vers Allah ;
- un professeur encyclopédiste ;
- un exégète du droit musulman ;
- un révélateur des subtilités de la gnose.
Son œuvre n’est ni une légende ni une création
de l’esprit. Il a laissé des traces sur le terrain, dans la
société et au niveau des hommes et femmes qui y
vivaient, et ceux et celles qui y vivent encore. Son
influence positive reste un atout pour ce pays, dans
tous les secteurs d’activités, dans toutes les classes
d’âge. Serigne Hady énumère les marques de son
œuvre avec une rare éloquence et une tonalité

55
émotionnelle qui rend compte de sa source cordiale :
- triomphe de la religion ;
- existence d’une élite de fraternité ;
- maillage du territoire, toute région et ethnie
confondues, avec les temples pour le savoir et l’action
sociale, les zawiyas, où le dhikr retentit en
reconnaissance au Maître des cieux et de la terre.
Ces zawiyas sont des centres de diffusion des
savoirs et du savoir-être, Maodo en était le promoteur
et le recteur. En laissant aux Sénégalais l’héritage
d’un foyer spirituel et culturel ardent, progressiste et
fécond avec une confrérie dynamique et socialement
intégrée, il a pleinement joué sa partition dans la
transmission des sciences et des compétences de vie.
Il a pleinement apporté sa contribution à doter
l’homme et la femme de cette patrie, des ressources
pour une vie digne et honorable. Sa stratégie de
cohabitation pacifique avec l’administration coloniale
est une illustration de sa clairvoyance et de son génie.
Il a usé du soft power avant la lettre et comme il le
disait, Tubaab bi ci sama liggééy la bokk. Autrement
dit, l’administration coloniale fait partie de ma
mission. Ainsi, a-t-il traduit un handicap en atout, en
utilisant cette contrainte coloniale dont le but était de
convertir les Sénégalais en « peaux noires, masques
blancs », pour réussir sa mission d’éducation et de
préservation de leur identité culturelle, face aux
mutations en cours. Ce fut aussi la direction prise par
son maître El Hadj ‘Umar al-Fûtiyyu.
Il a fallu attendre la fin du 20 e siècle pour qu’un
américain, du nom de Joseph Nye, conceptualise
le soft power  comme étant la capacité d’influencer le

56
cours des choses, en usant des facteurs culturels.
Aujourd’hui, le soft power  est un instrument
d’influence, en géopolitique, opposé au hard power,
qui use de la contrainte militaire sans arriver aux
résultats souhaités, le plus souvent. L’on peut ici
percevoir la perspicacité d’El Hadj Malick et ses
dispositions à comprendre les forces en présence, et à
développer la stratégie adéquate, en rendant
opératoire la directive coranique d’user de la sagesse
et de la bonne exhortation, dans l’action islamique71.
Nous devons à la vérité, de constater que finalement,
sa stratégie a été adoptée par les autres guides
religieux, vu sa pertinence dans le développement de
l’Islam, aussi bien dans ses enseignements que dans
ses infrastructures culturelles et cultuelles. En guise
d’illustration, nous pouvons compter ses deux
zawiyas dans les capitales sénégalaise et ouest-
africaine, Dakar et Saint-Louis et ses foyers
disséminés à travers le Sénégal et l’Afrique, grâce à
l’effort de ses Muqaddam. Les plus illustres sont ceux
de Mpal, de Fass Touré, de Louga, de Kébémer, de
Saint-Louis, Rufisque, Kaolack etc.
Ses écrits sont multiples et traitent de tous les
domaines de la science religieuse. El Hadj Ravane
Mbaye en fait une présentation exhaustive dans son
œuvre majeure, Le grand savant El Hadj Malick.
Mais les deux ouvrages primordiaux qui traitent du
binôme des axes essentiels et fondateurs de sa pensée
et de son action, la Sharî‘a et la

71 Le Coran, Sourate Les Abeilles, verset 125 : ‫أدع إلى سبيل ربك بالحكمة‬
‫والموعظة الحسنة وجادلهم بالتي هي أحسن‬.

57
Haqîqa, sont : Kifâyat al-Râghibîn  et Ifhâm al-
Munkir al-Jânî.
En s’élevant au ciel, âme apaisée, avec la
bénédiction d’Allah, il a laissé les fondements d’une
organisation sociale, la Dahira, qui prône la mutualité
des moyens et la charité territoriale. Il a accompagné
les évolutions des cités, de la ruralité à l’urbanité,
avec ce que cela entraîne en perte d’identité et de
territorialité, pour promouvoir l’accès au savoir et la
préservation de la spiritualité. Ce modèle qui a
dessiné une nouvelle territorialité pour parler comme
les sociologues, en substituant la convergence
spirituelle au repère territorial perdu dans la cruauté
des villes, est devenu aussi la propriété de toutes les
confréries.
À tout point de vue, El Hadj Malick fut un
génial guide. Il a établi une doctrine offrant au fidèle
les moyens psycho-spirituels d’être un citoyen
responsable, et un compagnon des élites dans la vie et
la voie. Les vers du prince des poètes, Ahmad
Shawqî, reflètent bien le personnage de ce visionnaire
qui a, encore une fois, promu l’entreprenariat social
avant la lettre. Avec résolution, il s’est engagé à
contribuer positivement à la défense de l’intérêt
général avec la détermination d’une foi pétrie de
justice, modeste envers les croyants et fier et puissant
envers les mécréants72, luttant sur le sentier d’Allah,

72 La prière de clô ture de la wazîfa, récitée deux fois, à haute voix


et en public, suffit pour montrer le rejet de Cheikh El Hadj
Malick du projet colonial. ‫أعوذ باهلل من شر الكفار ومن شرالنصارى ومن شر‬
‫] يا رحمن نجني من النصارى ومن قفوا طريقهم‬...[ ‫[السالطين‬...].

58
sans tambour ni trompette, ne craignant le blâme
d’aucun blâmeur73. Shawqî dit :
Lorsque la vérité et la foi sont déversées dans un
manteau, dedans il y a alors un bataillon
silencieux74.

 Je me réfugie auprès d’Allah contre le mal des mécréants, des


chrétiens (ici ce sont les colons qui étaient désignés sous ce nom
de Nasaraan) et des gouvernants […] Ô Toi Le Miséricordieux
protège-moi contre les [Chrétiens] Nasarâan et tous ceux qui ont
emprunté leur chemin […]. 

73 Sourate Mâ’ida (5), verset 54.

74 ‫والحق واإليمان إن صبا على برد ففيه كتيبة خرساء‬.

59
LES HERITIERS D’EL HADJ MALICK

Cheikh El Hadj Malick s’en est allé en laissant à


la postérité un projet social fondé sur la consolidation
de la Ṭarîqa, à travers la norme de la Sharî‘a
appliquée dans la pratique de la Tijâniyya, par le
prisme de sa spiritualité et de sa solidarité. Ce projet
allait être poursuivi et consolidé par ses héritiers aussi
bien de sang que de condition spirituelle.

60
SERIGNE BABACAR SY (1885-1957)

À la disparition de Maodo Malick, c’est le


khalife Serigne Babacar (1885-1957) qui va présider,
avec brio, au déploiement de la confrérie aussi bien au
Sénégal que dans les pays africains. En plus des
traditionnelles voies de diffusion, la Tijâniyya va
connaître des innovations positives de taille au niveau
organisationnel. Le Khalife va entreprendre le
développement des dahiras, cercles de solidarité
confrériques, assisté de son frère El Hadj Mansour Sy.
Il multiplie les Zawiyas et se positionne comme un
interlocuteur incontournable du jeu politique pré-
indépendance. Cette posture est la continuation de la
mission d’El Hadj Malick, consistant à s’investir pour
le bien des populations, avec la méthode du soft
power  dont on a parlé supra. Elle n’est pas exempte
de conséquences puisque les simples d’esprit, et les
radicaux au raisonnement dogmatique, ont vite fait de
crier à la collaboration.
En plus d’être le défenseur des populations
auprès des colons, Serigne Babacar a insufflé aux
Dahiras leur véritable âme. Fay Mbûsu Yóbbal, c’est-
à-dire, œuvrer pour l’extinction de la besace de
viatique pour le voyageur. En ce premier quart du 20 e
siècle, l’exode des populations rurales pour les villes
commençait à devenir une réalité. Mais l’hospitalité
était rare et les ruraux éprouvaient une certaine
difficulté lors de leur séjour. Serigne Babacar inspira
les Dahiras pour qu’ils prennent en charge le confrère
venu d’une autre ville ou des campagnes, en lui

61
octroyant une subvention prélevée des fonds de la
Dahira, alimentés par les cotisations des membres.
Cette solidarité entre ruraux et citadins, était un liant
important dans la perspective de la consolidation de la
nation et de la cohésion sociale. C’était une façon
d’abattre les cloisons entre urbains et ruraux, entre
évolués et Origines Ajoor qu’on appelait, avec
moquerie, O.A.
En plus de cela, Serigne Babacar établit une
somme de recommandations, autour de cinq
principes, dont le lien configure un projet de société
moderne :
Seen diine, seen tariixa, seen métier, seen dahira,
yoonu tiwaawan baña fay. 
Votre religion, votre confrérie, vos métiers, vos
dahiras, et que les visites à Tivaouane ne
s’estompent pas.   
Il serait utile que les décideurs et les autorités de
tous bords se penchent sur cette grappe de
recommandations. Qu’est-ce qui concourt au bien-être
dans un pays sinon une foi partagée, la contribution
de chacun et chacune à la création de richesses par le
travail, la solidarité, et la mutualisation des
ressources, pour atténuer les déficits des uns et des
autres? Ajouté à cela, avoir des autorités crédibles,
régulateurs en qui le peuple a confiance. En déclinant
ces principes, Serigne Babacar trace aux fidèles les
contours de leur participation à leur élévation
spirituelle et à leur émancipation sociale. Il résumait
en cinq préceptes le projet de la Tijâniyya en tant que
doctrine morale, spirituelle et sociale.

62
Serigne Babacar, en digne héritier de Cheikh El
Hadj Malick, s’est toujours érigé en défenseur de la
religion, de la Ṭarîqa et du tissu familial, socle de la
nation. Au demeurant, ce sont les principes de base
qui encadrent la Tijâniyya75 : la Sharî‘a, la famille et
la société. Il disait :
Ñatt yii ku leen laal man Baabakar ma duut la
baaraam. Diine ji, Ṭarîqa bi ak njaboot gi.
Celui qui attente à ce triptyque me trouve, moi
Babacar, sur son chemin : la religion, la Ṭarîqa et
la famille.
C’est qu’avec sa qualité de Khalife de la
Tijâniyya, il était plus que conscient de sa
responsabilité sur la cohésion sociale, la paix et
l’entente entre les différentes composantes de la
communauté et de la nation. Il a effectivement mis en
pratique cet avertissement, en prenant la défense de la
Ṭarîqa, lorsqu’Ibn Mayaba avait publié un pamphlet
contre la Tijâniyya76. Dans ce sens, il a continué la
posture de son père et maître, El Hadj Malick, quand
il publiait Ifhâm al-Munkir al-Jânî. C’est dans la
continuité de réduire a quia les négateurs, fussent-ils
éloquents et rusés, que Serigne Babacar avait remis
Ibn Mayaba à sa place, et averti tous les négateurs, à
75 Voir infra.

76 Sa réplique retentissante reste mémorable : ‫ أرغم أنف ابن مايابه‬N’en


déplaise à Ibn Mayaba, lorsqu’il avait écrit ‫مشتهى الخارق الجاني في رد‬
‫زلقات التجاني‬, pour dénigrer la voie de la Tijâniyya. Il en fut de
même de Khalifa Muhammad Niass de Léona Niasséne qui
publia : ‫الجيوش الطلع بالمرهقات القطع إلى بن مايابه أخي التنطع‬. Les armées
d’avant-garde aux sabres tranchants à l’assaut de Ibn Mayaba
l’arrogant.

63
sa suite, des risques qu’ils encouraient. Il écrivait dans
une correspondance, à son disciple Ababacar Niang,
en date du samedi 22 juin 1929, correspondant au 14
Muharram, Tamkharit, 1348 :
‫ فنعوذ‬.77‫وفي الحديث من عادى لي وليا فقد آذنته بالحرب‬
‫ موت كل من عاداه على سوء الخاتمة والعياذ‬i‫ يغنيك‬.‫باهلل من ذلك‬
‫باهلل‬.
Dans le hadith : Qui nuit à un de mes alliés
(Waliyu), je lui déclare la guerre. Il suffit comme
preuve la mort de tout ce qui lui ont nui, par une
fin malheureuse. Que Dieu nous en préserve. 
Par ailleurs, Serigne Babacar profite de la
réplique, pour éclairer l’opinion sur la dialectique
entre science traditionnelle et science ésotérique, ‘ilm
al-Zâhir et ‘ilm al-Bâtin. C’est cette dialectique qui
est le fondement de la guidance. Car celui qui n’arrive
pas à maîtriser ces deux faces de la science, ne mérite
pas le grade ni la position de Cheikh, c’est à dire de
maître. Cette dialectique du savoir des règles (zâhir)
et des essences (bâtin) renvoie à la fécondation de la
pratique religieuse, fixée dans les règles du Fiqh, par
l’éthique enseignée dans le soufisme.

Il dit :
  ‫وقال اإلمام مالك رضي هللا عنه من تصوف ولم يتفقه فقد‬
.‫تزندق ومن تفقه ولم يتصوف فقد تفسق ومن جمع بينهما فقد تحقق‬
‫قلت إن كان األمر كذلك فما بال من لم يشم رائحة من هذين العلمين‬

77 Hadith rapporté par Abu Hurayra. Ibn Taymiyya parlant de ce


hadith dit que c’est le plus noble des hadiths sur le caractère des
Awliyas. Quant à Shawkâ nî, il dit : Ce hadith comporte de
multiples intérêts pour celui qui en a une bonne compréhension
et qui le médite comme il se doit. 

64
‫الذين كانا متالزمين وأمرهما ال يختلف فيه اثنان وال ينتطح فيه‬
‫كبشان مع أنه يدعي الشيخوخة ويسب المسلمين فضال عن العلماء‬
‫ فالجواب في ذلك المدعي أنه نسب‬.‫العاملين وهم األولياء العارفون‬
‫نسال لذي عقم وهو خابط في ظلم‬.
Imam Mâlik a dit, qu’Allah soit satisfait de lui :
celui qui pratique le soufisme sans connaître le Fiqh
[les règles de droit qui régissent l’adoration] est un
Zindîq78. Celui qui apprend le Fiqh sans le soufisme,
est un pervers. Celui qui allie les deux, est dans le
vrai. Je [Serigne Babacar] dis : S’il en est ainsi,
quel serait le cas de celui qui n’a pas senti l’odeur
de ces deux sciences qui sont liées et sur lesquelles,
il n’y a pas de controverse, bien qu’il prétende être
un maître, qui injurie les musulmans a fortiori les
oulémas qui appliquent [leur science] et qui sont les
awaliyâ [saints]? La réponse, par apport à ce
prétentieux, est […] qu’il patauge dans l’injustice.
Serigne Babacar de poursuivre son cours
d’éthique, en invitant à l’équité et surtout à la
générosité, et l’humilité de reconnaître la grâce
d’Allah quand Il en gratifie un de Ses serviteurs. C’est
un principe important dans la Tijâniyya de reconnaître
qu’Allah est Le Seul Pourvoyeur de grâces, de
respecter et d’aimer ceux qui en sont les bénéficiaires.
Cela ne réduit en rien l’adhésion sans faille à la
Ṭarîqa, et la conviction que le disciple jouit de
privilèges qui lui sont exclusifs. C’est ce principe que
Serigne Hady Touré rappelle dans son poème en
Ajami wolofal :
 Mbooleem wàlliyu yi naw naa leen ci bu wer
Gannaaw baa jaayante naa ak Seexu Tijaan.
Serigne Babacar de dire:

78 Qui a des pratiques et opinions contraires au dogme de l’islam.

65
  ‫وكثير من الناس أراهم يسوئهم فضل هللا على عبده وهو‬
‫ ذلك فضل هللا يؤتيه‬:‫موالنا تبارك وتعالى يؤتيه من يشاء قال تعالى‬
‫من يشاء وهللا ذو الفضل العظيم وقال أيضا قل إن الفضل بيد هللا‬
‫يؤتيه من يشاء وهللا واسع عليم يختص برحمته من يشاء وهللا ذو‬
‫ وال ينكر ذلك الفضل من هللا لعبده إال فرعون الحال‬،‫الفضل العظيم‬
‫وإبليس المقال وهو على خطر ووبال ومصائب وأوجال يا ليته‬
.‫ وعن الجحود ينتهون ومن العقل يستعملون‬i‫ومن يعينونه ينتبهون‬
‫قال السيد الحاج مالك المرحوم‬:
‫واستعمل العقل عل هللا يفتحه حتى تميز بين الضاد والظاء‬.
J’ai vu beaucoup de gens qui sont gênés par les
grâces d’Allah sur Son serviteur alors que c’est
Lui notre Maître Le Très Haut et Exalté qui l’offre
à qui Il veut. Le Très Haut a dit  : « Telle est la
grâce d’Allah qu’Il donne à qui Il veut. Et Allah
est Le Détenteur de l’énorme grâce79. »
Et encore « Dis [leur]en vérité, la grâce est en la
main d’Allah. Il la donne à qui Il veut, la grâce
d’Allah est immense et Il est omniscient. Il réserve
à qui Il veut Sa miséricorde et Allah est Détenteur
d’une grâce immense80. »
Ne nie cette grâce venant d’Allah pour Son
serviteur que celui qui agit en Fir‘awna et parle en
Iblîs. Il court un grand risque et il est guetté par
des malheurs et catastrophes. Que n’eussent-ils
fait attention et cessé leur négation en usant de
leur intelligence. El Hadj Malick, qu’Allah ait pitié
de lui a dit :
Use de la raison afin que Dieu le descelle
Que tu puisses distinguer D de Z81. 
79 Sourate al-Hadîd ( 57), verset 21.

80 Sourate Ali ‘Imrâ n (2), versets 73-74.

81 Il use de la phonétique pour inviter à faire attention à la


subtilité des choses, car le vraisemblable n’est pas toujours le

66
Enfin, il invite à rester ferme sur les principes et la
Ṭarîqa du Cheikh Ahmad Tijânî, en s’abstenant des
comportements désinvoltes qui n’engendrent que la
perte. Puis, il rend grâce à Allah qui a gratifié les
disciples de cette Ṭarîqa aux qualités plurielles de
pureté, de trésors à profusion, en constante
progression. C’est une voie fondée par le Maître, le
modèle accompli, le Pôle des pôles, sceau des saints,
sans aucun conteste. Elle trouve son sens dans ses
qualificatifs Ahmadiyya, Muhammadiyya, Tijâniyya,
Ibrâhîmiyya, Hanafiyya. Elle est éclairée par les
lumières divines, elle est stable par ses arcanes
gnostiques, et riche de ses dons divins :
  ‫ الحمد هلل الذي أنعم علينا هذه‬.‫من فعل ما شاء لقي ما ساء‬
‫النعمة العظيمة الكافية واإلفاضة الصافية الضافية والغنيمة الوافرة‬
‫النامية الزاكية الطريقة األحمدية المحمدية التجانية اإلبراهيمية‬
‫الحنفية ذات األنوار اإللهية واألسرار العرفانية والمواهب الربانية‬
‫عن الشيخ الكامل والقدوة الواصل قطب األقطاب خاتم األولياء بال‬
‫ ذلك من المواهب ال من المكاسب العارف باهلل الرباني‬.‫ارتياب‬
‫سيدنا أبي العباس موالنا أحمد بن محمد التجاني أبي الفيض‬
.‫الصمداني أحلنا هللا وإياه دار التهاني وسقانا من بحره بأعظم‬
‫األوان‬.
Tout en étant aux avant-postes pour la défense
de la Ṭarîqa, Serigne Babacar n’avait jamais négligé
de rappeler les principes de cette spiritualité sociale
qu’est la Tijâniyya. Il ne s’agit pas d’une dévotion
détournée des enjeux de la société. C’est plutôt un
esprit d’élévation qui fait bouger les limites de
l’ignorance, de l’oisiveté, de l’individualisme et de la
résignation. Il a résumé sa philosophie morale et

vrai. Et la confusion est vite fait.

67
sociale de fort belle manière, dans la célèbre Qaçîda
sabablu leen82.
À sa disparition le 25 mars 1957, le ciel de
Tivaouane s’était assombri, le soleil voilé de son
chagrin des jours sans gloire, manifestait son deuil
comme tout l’univers qui pleurait. Hélas, Allah, Le
Maître de l’univers Qui réalise parfaitement tout ce
qu’Il veut83, a démontré une fois encore, comme me
l’enseignait mon père, mon maître, que dara safu ko
te dara du ko ci fekk84. Le 29 mars, l’âme de Serigne
Mansour Sy, comme déçue de cette vie sans Babacar,
s’en est allée au Ciel, avec la prière des anges : Paix à
vous ! Entrez au Paradis, pour ce que vous faisiez85.

Khalifa Ababacar SY

82 Serigne Babacar enseigne la dialectique de l’action et de la foi,


du devoir d’investir ses ressources pour la transformation
sociale et l’acquisition de biens, articulé à la certitude que ce
n’est pas le seul déterminant du succès. Il y invite à l’action
sans rechigner, en plaçant l’éthique dans la dynamique de la
quête.

83 ]١٥‫ و‬١٤ ‫ اآليتان‬،‫ [سورة نوح‬.‫ فعال لما يريد‬.‫ذوا العرش المجيد‬.

84 ]٤١ ‫ [الرعد اآلية‬،‫ال معقب لحكمه‬.] ٢٣ ‫ال يسأل عما يفعل [األنبياء اآلية‬.

85 ‫ [سورة‬،‫الذين تتوفاهم المالئكة طيبين يقولون سالم عليكم أدخلوا الجنة بما كنتم تعملون‬
]٣٢ ‫ اآلية‬،‫النحل‬.

68
EL HADJ MANSOUR SY (1900-1957)

Il a été, auprès de Serigne Babacar, à l’image de


Haroun auprès du Prophète Moussa. Serigne Cheikh
Tidiane en atteste dans un poème qu’il lui a dédié. Sa
vie durant, il s’est évertué à refléter les enseignements
de Cheikh El Hadj Malick dont il était l’un des
secrétaires, aux côtés de Serigne Hady Touré. Le
défunt Directeur général de l’IFAN-Cheikh Anta
Diop, Amar Samb, le nomme le Zuhayr de la poésie
sénégalaise d’expression arabe, à cause de sa
propension à promouvoir l’éthique dans les

69
comportements86. Or, c’est cela le cœur de la
Tijâniyya et l’étalon de son application dans la zawiya
de son père et guide. Il y a une grande similitude entre
ses rappels et les exhortations de Cheikh El Hadj
Malick Sy, pour favoriser l’acquisition de
compétences de vie chez le disciple Tijâni.
Dans son observation des mœurs, il poursuit
l’œuvre du père et le consolide. Cheikh El Hadj
Malick dans lâ Tarkanan87, écrit :
‫فـتخسر في الداريـن دون مراء‬ ‫وال تـركـنــن حبـي لدار فنـاء‬
‫وال تــركـنـن إال لــدار بـقـاء‬ ‫ركونك للـدنيا غــرور وغـفـلة‬
‫وقـد سـكنوا بعـد العراء بعراء‬ ‫لقد رحل األحباب عن دارغـفلة‬
‫إلى زيـنة الـدنـيا ونـيـل عـالء‬ ‫أال إن أبـناء الـزمـان تـسابـقــوا‬
‫بـصائـرنـا فـيـها أشـد غـشاء‬ 88
‫وقـد قـال للـخـيـرات تـسابـقــوا‬
[...]
‫كما جاء عن هادي الورى لصفاء‬ ‫وفي طلب األرزاق يا قوم فاجملوا‬

Ne te fie pas, l’ami, à la demeure de la finitude,


Tu perdrais dans les deux mondes sans aucun doute.
Avoir foi en la vie d’ici-bas est erreur et
insouciance,
Ne compte que sur la demeure de l’éternité.

86 Zuhayr b. Abî Salmâ est l’un des trois meilleurs poètes de la


période antéislamiques (jâhiliyya) aux cô tés de Imru’ al-Qays
et Nâ bigha al-Zubyâ nî. Le Calife ‘Umar appréciait bien sa poésie
d’après un récit d’Ibn ‘Abbâ s.

87 Voir en annexes,

88 ‫ولكل وجهة هو موليها فاستبقوا الخيرات أين ما تكونوا يأت بكم هللا جميعا إن هللا‬
١٤٨ ‫ البقرة اآلية‬.‫على كل شيء قدير‬.

‫ولو شاء هللا لجعلكم أمة واحدة ولكم ليبلوكم فيما آتاكم فاستبقوا الخيرات إلى هللا‬
٤٨ ‫ المائدة اآلية‬.‫مرجعكم جميعا فينبئكم بما كنتم فيه تختلفون‬.

70
Les amis ont quitté ce monde d’insouciance,
Ils sont logés sans vêtements en la terre nue.
Voilà que les enfants de ce siècle rivalisent, dans la
course
Aux parures de ce monde, et à la quête de gloriole.
Or IL [ALLAH] a dit : pour les bonnes œuvres,
rivalisez89.
Nos yeux couverts d’un épais voile [n’y voient pas
clair].
[...]
Dans la quête des biens, ô mon peuple, soyez
élégants,
Comme il nous est venu du Guide de l’humanité,
pour être purs90.
En échos, El Hadji Mansour nous dit :
‫حتى تعسف جهال فهو في خطر‬ ‫من غره زخرف الدنيا على سفه‬
‫هـذا الـمقام مـقـام العـلم واألدب ال دار خـلف وال لهـو لمعـتـبـر‬
‫دار ائـتـالف وإصالح لـمـنـتـبه واالعـتصام بـحبل الـله والحـذر‬
Celui qui est abusé par les enjolivures de ce bas
monde est stupide,
Jusqu’à être dans l’injustice, il est en danger.
Cette station est celle de la science et de
l’éducation,
Non celle de l’attardement ni de l’amusement pour
qui raisonne.
C’est la demeure de la cohésion, de la bonne
réforme pour l’attentif,

89 Baqara, 148 et Mâ’ida, 48.

90 Le Prophète Psl a dit dans un hadith rapporté par Jâ bir b.


‘Abdillâ h : ô vous les gens, craignez Dieu et soyez élégants dans
la quête [des biens]. Aucune âme ne décède sans avoir épuisé sa
subsistance même si cela tarde [à lui venir]. Craignez et soyez
élégants dans la quête. Prenez le licite et laissez l’illicite.

71
De l’attachement à la corde d’Allah et de la
vigilance.
Et il décrit la société de son vécu, avec les
hommes et leurs propensions à rivaliser dans
l’accumulation des biens et richesses, sans tenir
compte des valeurs éthiques qui vont avec. Comme
nous l’avons vu, chez son père et maître, dans les vers
supra, il écrit :
‫زمان أناس في مكاثرة الثرى تـمـالـوا وصدق القول فيه نزور‬
‫وتأويـل أقـوال تـــشــق صـدور‬ ‫وتـنكيث عهـد واألمانة دأبهم‬ 
Une époque où les gens à la course pour
l’accumulation des richesses,
Sont enclins, et dire la vérité y est inhabituel.
Violer l’engagement et trahir les confiances sont
leur caractère,
Et interpréter des propos avec lesquels des cœurs
sont brisés.
On retrouve l’influence littéraire de Cheikh El
Hadj Malick dans tous les écrits d’El Hadj Mansour
Sy, prose comme poésie. Mais c’est surtout dans les
thèmes abordés et l’attachement à l’éthique qui se
distille dans ses écrits, que l’on voit perler la sève du
Maître. Il reflète la conjonction entre la quête de
spiritualité et l’obligation de contribuer positivement
à la temporalité. A ce stade, à l’image d’El Hadj
Malick, il mise sur le savoir et la jeunesse. Car, les
mutations sociales sont telles que les jeunes peuvent
perdre les repères. Et si cela se poursuit, c’est la
société qui va régresser. Or, il n’y a aucune société
qui progresse, qui résiste au retard, comme il le dit
supra, sans savoir et éthique articulés. Avec un déficit
criard de science, conjugué à la carence de règles

72
justes suivies par la majorité, la société va tout droit
vers la décadence.

‫وطـالـب الـعـلـم فـال بـد له مـن هـمـة عـاليـة مـجـله‬


‫والمـرء مـن هــمـته يـطير كالطيـر نحـو ما بـه يـدور‬
‫والرأس في بغـأية األشياء جهد وهــمــة بــل خــفــاء‬
‫ال بـد مـن جـمعهـما وإال لم يجن في العلم إال ما قلال‬91
Celui qui est à la quête du savoir, lui est
indispensable
Un dessein élevé très prononcé.
L’individu s’élance par son dessein,
Comme l’oiseau s’élance et tourne autour de la
cible.
Le principal [facteur] dans l’atteinte des choses
Est l’effort et une volonté sans recul.
Il est nécessaire de les jumeler, sinon
Il ne récoltera de la science que peu.
L’élévation du dessein est un principe important
dans la Tijâniyya. C’est un facteur d’émancipation
totale des entraves qui empêchent l’accès aux divins
espaces. C’est le moteur pour aiguiser la foi, stimuler
la volonté, entraîner vers le savoir, raviver
l’intelligence et s’engager pour le bien de la société,
sans autre attente que l’agrément de Dieu. Il est
l’élément de libération de l’âme, de ses basses
passions afin qu’elle endure les déficits de la vie sans
se résigner. C’est pour cela qu’El Hadj Malick Sy,
dans sa supplique Fa-lâ Budda min Shakwâ, s’écriait :
‫ألن صرت حرا خالصا كل وجهتي‬ ‫أال همتي فاجعل إلهي علية‬

91 El Hadj Malick Sy : La voie de l’aspirant pour apprendre les


sciences. Qantarat al-Murîd Ta’alluma al-‘Ulûm lil-Murîd.
Chapitre sur la persévérance. Al-Façl fil-Jidd wa fil-Muwâzaba.

73
Car la Tijâniyya, en sa qualité d’école de
spiritualité sociale, qui élève le dessein (Himma
‘aliyya) aussi haut que le souhaite le Prophète psl,
pour contribuer à l’ascèse de l’homme et de la société,
ne peut s’articuler qu’autour de ce binôme : savoir et
éthique. C’est cela l’âme de cette école qui fait du
modèle prophétique le seul viatique qui vaille. Ainsi,
El Hadji Mansour délivre aux jeunes, sur dix-neuf
vers, une feuille de route pour réussir dans la vie, en
fécondant les sciences religieuses par les sciences
sociales, comme y invitait Maodo, le père et le
maître92. Faisant écho à cet appel, il prodigue ses
conseils
‫أوصيكم أيها الشبان في عصر على التعلم والتعليم في الصغر‬
‫نحو التعلم قم بالجد في صغر وجاء في خبر كالنقش في الحجر‬
Je vous conseille vous les jeunes de ce siècle,
D’apprendre et chercher la science étant
benjamins.
Vers l’apprentissage vas sérieusement toi pubère,
C’est comme sculpter sur la pierre nous dit
l’adage.
Il est venu dans un précepte c’est comme sculpter
sur la pierre.
Dans ce message aux relents abrahamiques, le
Cheikh donne aux jeunes de son pays des leçons pour
garder l’initiative et poursuivre l’effort. Il renforce
l’appel fait auparavant par le Maître à l’endroit de
cette classe d’âge, objet de tous les rêves et aussi de
toutes les craintes pour le futur. Il les met en garde
contre la procrastination qui est l’un des obstacles à
l’initiative et à l’action. Que ce soit sur la voie de la

92 ‫إلحياء دين بالعلوم أجيبوا‬ ‫أال يا بني هذا الزمان دعوتكم‬.

74
quête du savoir ou sur celle de la contribution au
progrès de la société, par la production de richesse, la
procrastination est à bannir.
‫وكـل وقــت لـه ما يـسـتحـق فـال تقل سأفعل إن العمر ذوا القصر‬
‫والوقت كالسيف فافعل ما تشاء منه إال فإنـك مــقـطـوع عــن النظر‬
À tout moment il y a quelque chose à faire,
Ne dis pas je ferai, la vie est courte.
Le temps est comme l’épée, fais ce que tu veux
avec,
Sinon c’est toi qui vas disparaître de la scène.
Cela confirme le propos de Serigne Babacar Sy
incitant les disciples à toujours être dans une
dynamique de construire et de produire. Car à ses
yeux, l’oisiveté et le différé sont les pires handicaps
au mouvement et à l’entreprenariat. Et ce, que ce soit
dans le domaine du marché ou de la société.
‫إيـاك إيـاك أخــي الـبـطـالة فــالزم الـنــشـاط والــبـسـالـة‬
‫رب الورى سبحان من جل عال‬ ‫فـإن عـزمـت فـتـوكل على‬
‫ال تجعل التسويف في األمور وانـتهـز الـفـرصـة فـي الـدهـور‬
‫ثـمـت إن بــدا لـكـ الـصـالح فـاشـكـر بـعـون الـله والــفـالح‬
Prends garde ô frère contre l’oisiveté,
Sois brave en permanence dans l’activité.
Lorsque tu es décidé, recours au
Maître de l’univers, Gloire au Majestueux Très
Haut.
Ne fais pas d’atermoiement dans les affaires
Saisis l’opportunité à tout moment.
Puis si ton avantage se réalise,
Remercie le secours d’Allah et la réussite.
Parcourant les écrits de Cheikh El Hadj
Mansour, on s’aperçoit qu’il avait une ardente
préoccupation des valeurs sans lesquelles les hommes
et les sociétés tombent dans la dégénérescence. Cet

75
intérêt presqu’obsessionnel justifie cet élan de
reconnaissance aussi bien de ses neveux que de ses
disciples. Serigne Cheikh Tidiane Sy al-Maktûm
parlant de son oncle dit ceci :
‫إذ كنت مـنتسبا لذي الـتوحيد‬ ‫يا منص إنك ال تـشابه رفعة‬
‫يبغي التقرب منك يا ذا الجود‬ ‫إن العمامة ال تقارب من أتى‬
]...[
‫في البذل أنت كمآ الحيا وبحكمة كالبحر إذ في الحلم كالجلمود‬
]...[
O Mansour, personne ne t’égale en grandeur,
Car tu t’es accroché à l’Unique.
Le turban ne rapproche pas celui qui te vient,
Désirant ta proximité ô le généreux.
[…]
En générosité tu es comme l’océan, en sagesse
Et en endurance, tu es comme le rocher.
[…]

Son cousin et disciple, El Hadj Malick Kébé, lui


dédie cet éloge.
‫زرناك زرناك يا منصوريا سندي يا بهجة الدين يا مأوى المساكين‬
‫أمـن الكـئيب ومـير الـناس كلهـم يا منبع الخير يا بشرى السالطين‬
‫طود الجاللة صبرا قـلبكم سلـما يا مـعجب القـوم سودا والبياضين‬
‫زاد المسافر مصباح البالد وكنـ ـزالمجد والعلم بل حاوي المحاسين‬
‫أعـني بـه شــيـخ الـقـوم مالـكـنا نـافـي الـجـهالـة غـالب الشياطـين‬
Ziyâra ô toi Mansûr mon secours,
Ô toi gloire de la religion refuge des pauvres.
Refuge du malheureux et grenier du peuple tout
entier,
Ô source du bien ô bonheur des gouvernants.
Arbre majestueux endure, ton cœur est sain,
Ô toi merveille des gens blancs et noirs.
Viatique du voyageur lanterne du pays,

76
Trésor de noblesse, de science pleine de
bienfaisance.
Je veux parler du maître du peuple, notre Malik à
nous,
Celui qui réduit l’ignorance et triomphe des
démons.

77
SERIGNE ABDOUL AZIZ DABBÂKH (1904-1997)

À la disparition de ses deux frères, la même


semaine en 1957, c’est Serigne Abdoul Aziz Sy qui a
hérité des rênes de la Zawiya de Tivaouane.
Surnommé Dabbâkh à l’image de son homonyme,
Abdoul Aziz Dabbâgh93, il a reflété les vertus de la
bonté et de la bienveillance, tant et si bien que les
populations sont persuadées que ce surnom lui a été
donné pour magnifier ce caractère avenant.
El Hadj Abdoul Aziz Dabbâkh a invité à un
renouveau du dialogue entre le politique et le
religieux dans l’espace public. Il a œuvré pour réduire
le cloisonnement confrérique d’une part et d’autre
part, pour corriger la perception surfaite consistant à
dire que les autorités religieuses supportent plus les
gouvernants que les gouvernés. Sa contribution à la
paix sociale est indéniable vu les divers fronts
conflictuels sur lesquels il s’est engagé pour concourir
à la conciliation et à la paix. Au demeurant, son rôle
de régulateur social est toujours vivant même outre-
tombe, car il est habituel de voir son discours, à telle
ou telle période, être diffusé sur les médias.
El Hadj Abdoul Aziz a laissé une œuvre écrite
que ses héritiers ont rassemblé, sous la direction du Pr
El Hadj Ravane Mbaye, en trois volumes. Tous ses
écrits fruits de ses dialogues intimes avec Dieu ou de
bons conseils à l’endroit de sa communauté et de sa
nation, reflètent sa dimension aussi bien intellectuelle,
militante que spirituelle.
93 Abdoul Aziz Dabbâ gh (1095-1131H).

78
‫‪Ses suppliques et oraisons.‬‬
‫‪El Hadj Abdoul Aziz Dabbâkh se révèle, entre‬‬
‫‪les dits et non-dits de ses suppliques, enfin en homme‬‬
‫‪de Dieu, gorgé de spiritualité, humble de destin et‬‬
‫‪grand d’idéal. Je dis bien qu’il se révèle enfin en‬‬
‫‪homme de Dieu. Car il nous a voilé son état spirituel‬‬
‫‪en vivant au sein des gens, au quotidien, sa condition‬‬
‫‪humaine en toute simplicité, à l’image du Sceau des‬‬
‫‪Prophètes psl94. Pourtant, en relisant ses suppliques,‬‬
‫‪on perçoit un homme habitué aux arcanes et aux‬‬
‫‪codes les plus discrets. A travers ses vers, Dabbâkh‬‬
‫‪nous invite à une promenade spirituelle, bercés par la‬‬
‫‪sonorité de mots si habilement incrustés dans des‬‬
‫‪hémistiches d’une subtile intensité gnostique.‬‬
‫وهـائــه يـا مــالـك الــكــونــيــن‬ ‫بألـف اسـم الـذات والالمــيــن‬
‫والـحـاء والـمـيـمــين من مـحمـد‬ ‫يا ربـنا وســر صـاد الـصـمـد‬
‫وبــحــروفـهـا وســر‬ ‫يا ربـنـا وســر بـاء الـبسـمـلـة‬
‫الـحـوقــلـة‬
‫والــعـالـم الـعــلـوي‬ ‫والعرش والـسـدرة والـكرسي‬
‫والـسـفــلـي‬
‫وعـالـم الـنـاسـوت ثـم‬ ‫حظيرة القدس ومعقل الـثبوت‬
‫الالهــوت‬
‫وحوتك الجهموت جرم‬ ‫وعـالـم الـملك كـذا الـمـلكـوت‬
‫الدهبوت‬
‫جــمـيـعـها ذا الــمـجــد‬ ‫كــذا سـكان األرض والسـماء‬
‫والـثــنـاء‬
‫ذات الـكـمـال واشــف كـل‬ ‫بالـفــاتـحــيـة وبـالـجــوهــرة‬
‫علـتي‬
‫وســـورة الــــقــــرءان‬ ‫وبـاألسـامي والــمـســمـيــات‬
‫والـآيــات‬
‫أو مـــرســـل إلـــيـــك يــا ولــي‬ ‫ومــا تــــوســـل بــه نـــبـــي‬
‫‪.‬وقالوا ما لهذا الرسول يأكل الطعام ويمشي في األسواق‪ .‬سورة الفرقان‪ ،‬اآلية ‪94 ٧‬‬

‫‪79‬‬
‫عـجـل إغـاثـة الـعـبـاد يا قــريـب‬ ‫بـه تـوسلت إلـيـك يا مجــيـب‬

Par l’alif du Nom de l’Entité et les deux lâm


Et son Hâ, ô Maître des deux univers,
O Seigneur et par le secret du çâd d’aç çamad,
Du Hâ et du double Mîm de Muhammad,
Seigneur ! Par le secret du Bâ de la basmala,
De ses lettres et de la hawqala95,
Par le Trône, le jujubier96 et le siège,
Par le monde du haut et celui du bas,
Par le Paradis, refuge pour l’éternité,
Et le monde humain et celui divin,
Par le monde de la Royauté et celui des cieux,
Et la baleine Bahamût et le corps de Dahabût97,
Ainsi que les habitants de la terre et du ciel,
Tous ensemble ô Toi Le Glorieux Le digne d’éloge,
Par la Fâtiha et la Jawhara al-Kamâl,
Guéris tous mes maux.
Par les noms et ce qu’ils nomment,
Par les sourates du Coran et les versets,
Par toute supplique adressée par un prophète,
Ou un messager à Toi ô Tuteur,
Je me rapproche de Toi Qui exauces les prières.
Viens au secours de Tes serviteurs, ô Toi Le
Proche.

95 Lâ Hawla wa lâ Quwwata Illâ bil-Lâh al-‘Alî al-‘Azîm.

96 Sidrat al-Muntahâ : le jujubier décrit par le Messager d’Allah


au 6e ciel, d’autres disent au 7 e ciel. Quoiqu’l en soit c’est la
plante qui figure la limite où Djibril s’était arrêté quand il
accompagnait le Messager d’Allah lors de l’Ascension.

97 Dans la mythologie arabe, c’est une gigantesque baleine qui


porte sur dos la terre.

80
C’est ici toute une cosmogonie qui relie dans une
unité matricielle et nécessaire le Créateur et les créatures
de tous les genres, de tous les univers, de tous les espaces
et cercles. C’est un rappel d’une rare beauté, de l’unité de
l’Existence, du Message et du Maître de l’existence et des
messagers. Enfin Serigne Abdoul Aziz Dabbâkh, par cette
prouesse que seuls les habitués des universalités
possèdent, nous invite à toujours relier les éléments, de la
finitude à l’infinitude, de l’évanescent au permanent, de
l’impuissance à aç-çamadu, pour n’attendre de secours
que de Lui, si proche, même si Son Entité nous est
inaccessible. Sa leçon de tawhîd est articulée à
l’acquisition des compétences spirituelles, pour être un
homme ou une femme solidaire à l’humanité tout entière.

Ses panégyriques
La fonction des poèmes panégyriques chez El
Hadj Abdoul Aziz Dabbâkh n’est pas seulement de
chanter les éloges de ses maîtres. Au-delà, il met en
relief les qualités dont se sont parés ses illustres
guides afin que le disciple s’en inspire dans sa
pratique spirituelle et sociale. N’oublions pas que la
Tijâniyya dont il a porté la lourde responsabilité de
guide suprême, de son vivant, depuis la disparition de
ses frères aînés, est une spiritualité sociale. Aussi,
toute vertu et toute affluence spirituelle doivent-elles
être investies dans l’œuvre de réforme sociale, par
l’exemplarité.
C’est pour cette raison qu’il y aborde des
questions de fond, rappelle les principes de base de la
Tijâniyya à savoir la Shari‘a et l’éthique. Il insiste
particulièrement sur l’éthique et sur la nécessité de

81
respecter les principes de la religion en tant que
fondement de la Ṭarîqa. Dans les vers qui suivent, où
il chante son père et maitre El Hadj Malick Sy, il
peint certains traits de caractère de ce dernier qui
pourraient être une indication pour le disciple.
L’objectif n’est point de s’émerveiller devant ce
tableau, mais d’en faire un guide pour la vie. Car le
rôle du Murshid est d’indiquer la voie, de guider
l’aspirant. Mais ce dernier doit aussi être prêt à suivre
le chemin tracé. Écoutons-le sur ce registre :
‫لـله درك مـن شـيخ يـدل عـلى مواله صحبا كـراما سادة فـضال‬
‫واستعمل العمر في مرضاة خالقه مخالف النفس والشيطان مشتغال‬
‫باهلل والعـلـم والـتعـلـيـم مـحـتسبا عـن األوامر للرحـمان ما غـفال‬
‫كان التواضع مـن أخالقـه فـبـه حاز المطالب من مواله واألمال‬
‫والـحــلم والـتسـلـيــم ثــم حــيـا رضى بما قـد قـضاه هللا مـبتهال‬
Dieu soit glorifié pour un maître qui indique
Son Seigneur à ses honorables et vertueux
compagnons.
Qui a épuisé sa vie à satisfaire son Créateur,
Préoccupé par sa lutte contre passions et Satan
À Allah à la science et à l’enseignement pour les
bienfaits [d’Allah].
Il n’a jamais négligé les injonctions du
Miséricordieux.
L’humilité était de ses caractères par lesquelles
Il a obtenu les distinctions de son seigneur et ses
désirs.
L’indulgence comme la soumission [à la volonté
de Dieu] et la pudeur,
L’agrément de ce que Dieu a décidé, dans la
ferveur.
Dans ces vers composés à Tivaouane au
Ramadan de 1990, on trouve une belle exhortation au

82
Dhikr, à la lecture du Coran dans sa lettre et la
méditation de ses significations. Il y invite au repentir
et à la çalât ‘alâ al-Nabî.
‫إن لم تعـش به فـهي تـموت‬ ‫ذكـر اإلله للقـلوب قـوت‬
‫في كـل وقــت أيا عـبـاد هللا‬
‫أحـيـوا قـلـوبكم بذكـر هللا‬
‫لحضرة العزيز الحي الباقي‬ ‫ذكـر اإللـه سـلم للـراقــي‬
‫بـه تـــنـالــوا رضــي اإللــه‬
‫كـذا تـــالوة كــتاب الـلـه‬
[...]
‫رضا العزيز المالك الغـفار‬ ‫الزمه عمرك تنل يا قاري‬
Le dhikr de Dieu est pour les cœurs une nourriture,
S’ils ne s’en restaurent pas ils meurent.
Vivifiez vos cœurs par le dhikr d’Allah
À toute heure ô vous serviteurs d’Allah.
Le dhikr d’Allah est une rampe pour qui s’élance
Vers l’espace du Puissant, Le Vivant, L’Eternel,
Ainsi que la lecture du Livre de Dieu.
Par ce, vous obtiendrez l’agrément de Dieu.
[…]
Soyez constants votre vie durant, vous recevrez ô
lecteurs
La satisfaction du Noble, Le Maître Pardonneur.
Serigne Abdoul Aziz Dabbâkh en bon
pédagogue, montre au disciple l’essence du Dhikr. Il
est la nourriture du cœur, le nutriment de l’âme, (li-l-
Qulûb Qût). Il est la rampe qui permet à l’aspirant de
s’élancer et de s’élever vers les divines stations,
Sullam li-l-Râqî li-Hadrat al-‘Azîz. Comme tout
organisme qui ne se nourrit pas périt, la mort de l’âme
est provoquée par le déficit de Dhikr : In lam ta‘ish
bihâ fahiya tamût. Ainsi, invite-t-il le disciple à
vivifier son âme en la nourrissant par le Dhikr et en la
tonifiant par la lecture du Coran. Il poursuit :
‫على النبي المصطفي المكين‬ ‫وأكـثروا الصالة كـل حـين‬

83
‫فـإنـهـا مــن الـمــكـفـرا ت فـالزمـوهـا سائـر األوقـات‬
‫وإنـهــا مــفــتـاح كـل خـيـر وهي كذا مغالق بـاب الـشـر‬
Multipliez les prières à tout instant
Sur le Prophète l’Elu au rang élevé.
Elle est certes parmi les expiateurs,
Soyez constants à toute heure.
Elle est aussi la clé qui ouvre de tout bienfait,
Comme elle ferme la porte du mal.

La prière sur le Prophète est un des piliers de la


Tijâniyya, comme toutes les voies soufies. Le Khalife
rappelle, après avoir exhorté à multiplier à volonté les
eulogies au Prophète Psl, que c’est un dissolvant pour
les péchés (al-Mukaffirât). Encore plus, c’est la clé
qui ouvre toutes les portes du bonheur (Miftâh al-
Khayr) et qui ferme toute porte du malheur (Mighlâq
bâb ash-Sharr). Si le disciple a besoin d’être serein,
dépourvu des anxiétés et angoisses, son remède est le
Dhikr :
‫وتطمئن إخوتي الـقلوب بذكـره أتى بـه الحسـيب‬
Et s’apaisent ô mes frères les cœurs,
Par son dhikr, a rapporté Celui Qui tient compte.
Et Serigne Abdoul Aziz Dabbâkh de poursuivre
à l’endroit du disciple de la Tijâniyya, en particulier,
mais de tous les musulmans en général, les appelant à
être constants dans cet exercice. Cependant, le Dhikr
ne se limite pas au prononcé des formules nous dit-
il. Il est un exercice global qui fait se conjuguer le
phonatoire avec l’intellect et l’âme. C’est seulement
de cette façon qu’on est immergé dans l’essence du
Dhikr et qu’on bénéficie des influences qu’il procure.
Autrement, on ne vivifie pas le cœur avec la sève du
Dhikr. Et dans ces conditions, on retourne avec un

84
récipient vide alors que c’est pour s’emplir de cette
essence que Dieu nous l’a donné.
[...]
‫وداومـوا الذكر مع المـراقبه يا أيها اإلخوان مع الـمشاهده‬
‫بــه تــنـالــون عــبــاد الـلـه مـا نـالـه الــرجـال أهـل الـله‬
‫أوقـاتــكــم فــال تــضـيعـوها ألجـل دنياكـم فــتـخـسروهـا‬
[...]
‫جــعــل ربــنا الـقـلوب آنـية عن ذكره ال تجعلوها خاويـه‬
Persévérez dans le dhikr avec vigilance
O mes frères et soyez en éveil.
Ainsi vous obtiendrez ô serviteurs d’Allah,
Ce qu’ont obtenu ces gens, les hommes d’Allah.
Que votre temps ne soit pas gaspillé en vain,
Pour votre monde-ci vous l’aurez alors perdu.
[…]
Le Seigneur a fait de nos cœurs des contenants,
Ne les rendons pas vides de dhikr.

Après la çalâtu ‘alâ al-Nabî et le Coran, Serigne


Abdoul Aziz Dabbâkh ajoute dans la panoplie du
Dhikr, les formules de repentir (istighfâr). Le repentir
est le détergent des cœurs, il purifie l’âme et la
prépare à recevoir les influx. Un récipient souillé ne
pourrait contenir des essences sélectionnées. C’est
pour cela que le disciple doit s’adonner à cet exercice,
en respectant les conditions pour que ce soit
efficace98.

98 Les conditions du repentir sont d’abord le regret des actes


blâ mables qu’on a effectués. Ensuite la ferme résolution de ne
pas récidiver pour le restant de la vie. Une fois ceci fait, le
disciple doit prendre ses dispositions pratiques : s’éloigner des
lieux où se pratiquent ces actes, prendre ses distances avec les
gens qui incitent aux actes blâ mables, remplacer ces moments

85
‫استـغفـروا الغفار كل حيـن يـغـفـر لـكم بـحبـه األمـين‬
‫طهـر لـنا الـقلوب يا غـفار‬ ‫قـلوبـنا صابـونها استغـفـار‬
Repentez-vous auprès du Pardonneur à tout instant,
Il vous absoudra par Son bien-aimé al-Amîn99.
Le repentir est le savon de nos cœurs,
Purifie-nous nos cœurs ô Toi Le Pardonneur.

Une autre formule du Dhikr rappelée par


Serigne Abdoul Aziz est l’expression de l’unicité
d’Allah et de la reconnaissance de la servilité envers
Lui : Lâ ilâha Illâ Allâh. Il ne s’agit pas d’une simple
formule, mais d’un ajustement à sa signification. Il
s’agit d’en faire la mesure et le but de la vie, la
ressource pour la guidance et l’accès aux objectifs :
être parmi ceux et celles qui intègrent dans leurs
œuvres à tout moment, la réalité d’Allah, dans Son
unicité et Sa permanence. On perçoit cette perception
totale d’Allah, en tout et dans tout, dans cette
complainte qui embrasse tous les états dans lesquels
peut se retrouver le serviteur d’Allah.
‫وجاه مـن أرسلته يا الـله‬ ‫ربـي بـال إلـه إال الـله‬
‫تـفـضال فـعــدنـا يـا الـله‬ ‫مـن أهل ال إله إال هللا‬
‫اهد بنا إلى الـذي تـرضاه‬ ‫بـحـق ال إلـه إال الـله‬
‫يـسر لـنا جمـيع ما رمناه‬ ‫بـحـق ال إلـه إال الـله‬

Seigneur! Par lâ ilâha illâ Allâh ,


Et le statut de qui tu as envoyé ô Allâh.
Parmi les gens de Lâ ilâha illâ Allâh ,
Par générosité compte-nous ô Allâh,
Par la vérité de lâ ilâha illâ Allâh,

et pratiques par d’autres pratiques souhaitables.

99 Le Prophète Muhammad al-Amîn, psl.

86
Guide-nous vers ce que tu agrées.
Par le rang de lâ ilâha illâ Allâh,
Facilite-nous tout ce que nous désirons.

La femme dans la chaîne spirituelle


Serigne Abdoul Aziz Dabbâkh a montré dans sa
pratique de tous les jours que les femmes occupaient
elles aussi une place dans la sphère spirituelle. On a
l’habitude d’exclure les femmes, non pas par
discrimination consciente mais par omission, dans la
transmission des influx. C’est comme si elles
n’avaient aucune disposition à être réceptacles des
affluences divines ou des arcanes gnostiques.
Pourtant, si on en juge par les propos de Serigne Papa
Malick Sy, ce sont les femmes qui transmettent la
lumière dans les foyers religieux100.
Le plus souvent, c’est la figure de Râbi‘a
al-‘Adawiyya qui émerge de façon singulière et
solitaire sur le registre des femmes soufies. Et on
s’interroge sur la capacité des femmes et leur aptitude
à être Waliya, une sainte. Néanmoins, l’histoire de
l’islam offre des exemples de femmes d’une grande
envergure spirituelle101. La première d’entre elles,
c’est sans nul doute Maryam, mère du Prophète ‘Issa,
à qui Cheikh Ahmad Bamba dédie une ode d’une
excellente facture102. A côté de la Vierge (al-‘Azrâ),
nous citons Fâtima b. Rasûl qui est reconnue comme
une sainte aussi bien par les sunnites que les shî‘îtes.
100 Jigeen ñi ñooy indi leer gi.
101 Voir ‘IZZAT (Jalâ l):  Sîrat al-Mutaçawwifât fit-Târîkh al-Islâmî,
Waqfât awaliyya ‘abra Ta’ammulât Manhajiyya, Jam‘iyyat
Dirâ sat al-Mar’a wal-Hadâ ra, Le Caire, N°2, Juin 2001.

87
Les qualificatifs : al-Batûl (la pieuse), al-Zahrâ (la
resplendissante), al-Ma‘çûma (immunisée contre les
péchés) en disent long sur la place qu’elle occupe sur
l’échelle des vertus. Mais c’est Râbi‘a, connue aussi
sous le nom de al-Baçriyya, qui a inscrit le thème de
l’amour divin (al-‘Ishq) qui est un des principaux
sujets du soufisme dans sa vie spirituelle. Cependant,
bien qu’étant la plus célèbre des femmes soufies, elle
n’était pas la seule dans le lot. Sa place dans le
soufisme féminin était si prégnante que son prénom
était devenu comme un titre qui qualifiait toute
femme soufie à son époque. C’est ainsi que l’histoire
retient Râbi‘a al-Qaysiyya qui a vécu à Baçra, Râbi‘a
b. Ismâ‘îl, en Egypte. Cette dernière était fréquentée
par l’imam Shâfi‘î qui officiait les Tarâwîhs103 dans sa
mosquée. Il y avait aussi Râbi‘a al-Baghdâdiyya dont
la tombe est à Damas, et Râbi‘a al-Badawiyya dont la
tombe est à Jérusalem. Quant à Maryam al-Baçriyya,
elle fréquentait al-‘Adawiyya et était aussi passionnée
de l’amour de Dieu qu’elle-même. On raconte qu’elle
mourut lors d’une séance de Dhikr où l’on parlait de
l’amour de Dieu. D’autres femmes sont citées dans ce
registre des hommes de Dieu (Rijâl al-Allâh),
puisqu’on estimait qu’elles étaient des hommes dans
une apparence de femme. Comme le dit Ibn ‘Arabî, la

102 Fuzti est dédié à Marie, mère de Jésus, en guise de hadiyya et


Cheikh Ahmadou Bamba espère que ce poème soit parmi les
meilleures odes chantées par les Houris: ‫واجعل يا رب هذه القصيدة من‬
‫حسن ما يتغنى بها حور العين‬.

103 Prières surérogatoires collectives pratiquées les nuits de


Ramadan après la prière obligatoire du ‘Ishâ.

88
masculinité véritable, al-Rujûla al-Haqîqiyya, c’est
arriver à purifier l’âme de ses passions par la lumière
de la raison. Pour lui, n’est pas femme toute celle qui
en a l’apparence, ni homme tout celui qui en a les
traits physiques.
Ceci atteste que l’histoire du soufisme n’est pas
que masculine. Des femmes ont eu des expériences
multiples et ont même fondé des écoles, formé des
élites masculines comme féminines. D’autres ont
porté la Khirqa, le fameux manteau qui indique que
l’aspirant est entièrement intégré dans l’ordre des
ascètes et qu’il est prêt à entreprendre l’itinéraire sous
la guidance du Maître. Cette pratique n’est pas
habituelle chez les femmes mais des maîtres comme
Ibn ‘Arabî l’ont fait, de leur vivant. Ce dernier a
revêtu quatorze femmes de la Khirqa. Ce qui signifie
qu’il reconnaissait en elles l’aptitude à atteindre les
sommets dans la hiérarchie soufie. Au demeurant Ibn
‘Arabî lui-même a suivi les enseignements spirituels
d’une Cheikha, du nom de Fâtima b. al-Muthnâ dont
il est le fils spirituel104.
Serigne Abdoul Aziz Dabbâkh s’inscrit dans ce
sillage pour reconnaître aux femmes les compétences
d’intercesseurs auprès du Prophète et d’Allah. C’est
dire qu’il ne reconnaît pas de discrimination à ce
niveau entre les hommes et les femmes. Ses
nombreuses suppliques dans lesquelles il sollicite
l’intercession de femmes vertueuses et spirituellement
gorgées en attestent largement105.

104 SU‘Â D AL-HAKÎM: « Al-Mar’a fil-Fadâ aç-çûfî qad yaçilu ilâ


rutbat al-Qutbiyya […] », Revue al-Fayçal, Juillet 2019.

89
Serigne Abdoul Aziz Sy Dabbâkh a laissé à la
postérité une œuvre colossale, dans le sillage du soft
power qui caractérise la Tijâniyya de Tivaouane. Il
disparaît en 1997 et fut remplacé par son neveu
Serigne Mansour Sy Borom Daara ji106. Ce dernier,
mort en 2012 sera remplacé par son frère Serigne
Cheikh Ahmad Tidiane SY, al-Maktûm107. Son
successeur fut son frère, Serigne Abdoul Aziz al-
Amine, le confident de la Hadra, gardien du temple,
infatigable pédagogue de la doctrine, guide des jeunes
vers l’ascèse par la science et l’action, porte étendard
de la Tijâniyya et ambassadeur de la cohésion sociale.
Il rejoint son Seigneur en 2017 et laisse la conduite
des affaires à Serigne Babacar Sy Mansour. Ce
dernier, connu pour sa rigueur morale et son sens des
105 Voir KEBE (Abdoul Aziz) : Serigne Abdoul Aziz Sy Dabbâkh,
itinéraire et enseignements. L’Harmattan Sénégal, 2010, p 141
et suivantes. Voir aussi le Diwân de Serigne Abdoul Aziz Sy
Dabbâ kh.

106 Ce surnom lui a été conféré par ses disciples et ses frères. Il
est devenu un titre qui lui allait comme un gant du fait que
Serigne Mansour Sy a enseigné du vivant de son père jusqu’à sa
mort. Il a formé plusieurs centaines d’érudits dans les diverses
matières, comme le faisait son grand-père El Hadji Malick Sy.
Ses disciples et les disciples de ces derniers organisent chaque
année une ziarra appelée Ziarra des ressortissants de la daara,
pour lui rendre un hommage, sommes toutes, mérité.

107 C’est son homonyme, fondateur de la Tijâniyya qui était


surnommé al-Maktûm. Voir infra. Il est aussi intéressant de
noter que ce surnom d’al-Maktûm, qui signifie le caché, sied à
Cheikh Ahmad Tidiane Sy qui a déserté les foules et l’espace
public, une bonne partie de sa vie.

90
priorités, a entrepris de poursuivre la dynamique de
ses prédécesseurs dans la promotion de l’islam.

Adaptation aux enjeux


Si l’on observe la Tijâniyya de Tivaouane, on est
frappé par deux éléments qui la caractérisent : une
capacité d’adaptation aux enjeux du monde mouvant,
tout en restant enracinée dans les principes coraniques
et doctrinaux originels. El Hadj Malick Sy a su
donner à la Tijâniyya cette capacité d’être une
doctrine qui s’engage dans la transformation sociale.
Ses différentes prises de position publiques et sa
critique des tares de la société sénégalaise, sont
suffisamment claires pour en attester.
La Tijâniyya se pose comme un creuset
d’intellectuels, un espace de ferveur mais aussi
d’engagement citoyen. Cette posture a été celle de
Serigne Abdoul Aziz Sy Dabbâkh, qui a compris que
la vie civile doit être l’affaire de tous les hommes et
de toutes les femmes, et il s’y est toujours engagé.
D’un autre côté, Serigne Cheikh Tidiane Sy a
symbolisé toute sa vie durant cette responsabilité
sociétale, quoi qu’il lui en coûtât, par les différentes
postures qu’il a adoptées jusqu’au dernier souffle. La
même chose est observée en feuilletant les pages de
vie de Serigne Mansour Sy Boroom Daara ji et de
Serigne Abdoul Aziz al-Amine. Ce dernier a été sur
toutes les lignes de combat pour le progrès du
Sénégal sous l’éclairage de l’islam. Quant à Boroom
Daara ji, il a eu la lumineuse idée de proposer à la
face du monde une convention pour le respect des

91
religions à travers le monde. Ce qui illustre sa vision
globale des enjeux de l’humanité et son souci de
cordialité entre humains malgré les différences. Cette
vision profonde et lointaine ne l’empêche pas d’être
rigoureux à chaque fois que la religion est agressée.
Sa réplique aux caricatures en dit long. Il a trempé sa
plume dans l’encre de son amour pour le Prophète psl afin
de le défendre avec fermeté, sans haine ni outrance108:
‫فهذا رسـول هللا والـمنبع الـذي فيوضاته تجري إلى يوم نفحة‬
‫فهذا رسول لن ترى العين مثله مـن الخـلق والخلق فـأكـبر آيـة‬
‫نـدافـع عـنه كـل ما قـام مـعـتـد فـأحـمـد حـقـا عـزنـا أي عــزة‬
‫كـما أنـنـا نـأبـى اإلسـاءة نـحوه لـنرفـضها قـطـعا تـجاه األئـمة‬

108   Celui-là est l’Envoyé de Dieu, la source


Dont les flots de grâce couleront jusqu’au jour du souffle
annonciateur du jugement.
Celui-là est un Prophète et aucun œil ne verra son égal
Au sens physique comme moral, c’est lui la plus grande
illustration.
Nous le défendrons à chaque fois qu’un agresseur se manifeste,
Ahmed est véritablement notre fierté, et quelle fierté !
Et autant nous refusons qu’on lui nuise,
Autant on réfute fermement le méfait à d’autres guides.

92
Par ailleurs, la Tijâniyya de Tivaouane se
présente comme une confrérie qui refuse la
pétrification des pratiques et connaissances. El Hadj
Malick l’a démontré en faisant de sorte que
l’engagement confrérique soit d’abord un contrat pour
la société, fondé sur un savoir traduit en ressources
sociales. C’est le sens de ses opinions, motivées
juridiquement, sur l’utilisation du télégraphe pour
annoncer l’apparition du croissant, sur le prélèvement
de la zakat sur les graines, en particulier l’arachide.
C’est aussi cette tension vers la transformation

93
positive de la société qui justifie le fait que la waẓîfa
soit récitée deux fois au lieu d’une. Par-là, il refuse ce
que les autres appellent la pétrification, al-Jumûd qui
engendre le conformisme, al-Taqlîd. Diallo (El Hadj
Samba) dit à ce propos :
Quoi qu’il puisse être, l’invention de la deuxième
wazîfa et la formation de nouveaux disciples,
expliquent en même temps la nécessité d’une
dépétrification confrérique, consistant à rendre
plus souple la doctrine de la Tijâniyya umariyya
[…]. La nouvelle pratique de la wazifa est aussi
l’affirmation d’une forme d’autonomie religieuse,
l’empreinte personnelle d’une branche qui a sa
particularité : la Tijâniyya des Syène de
Tivaouane qui n’est pas un simple triplicata de la
Tijâniyya des fondateurs nord-africains et
futanke109.
Ces caractéristiques de la Tijâniyya de
Tivaouane sont-elles le reflet de la synthèse des
chaînes de la Tijâniyya Omarienne et Mauritanienne ?
Bousbina parle d’El Hadj Malick en termes de quête
d’un sanad total110. Et Marty, en qualifiant la zawiya
de Tivaouane de véritable université populaire 111, y
109 DIALLO (EL H. Samba. A.) : La Tijâniyya sénégalaise, les
métamorphoses des modèles de succession, É ditions Publisud,
2010, p. 30.

110 BOUSBINA (Saïdou), al-Hajj Mâlik Sy, sa chaîne spirituelle dans


la Tijâniyya et sa position à l’égard de la présence française au
Sénégal. In ROBINSON (David) et TRIAUD (Jean-Louis) (éds) :
Le temps des marabouts, op.cit., p. 183.

111 MARTY (Paul.) : Études sur l’islam au Sénégal, vol 1 : Les
personnes, vol 2 : Les doctrines et les institutions, Paris, E.

94
décèle l’universalité et les compétences qui
caractérisent de tels centres de diffusion de savoirs.
Dans tous les cas, la Tijâniyya de Tivaouane
reste maître dans l’articulation du savoir aux réalités
de l’heure. Ce qui fait qu’elle est sollicitée à chaque
fois que des politiques de développement se heurtent
à l’incompréhension des populations ou des religieux.
Il s’agit en fait de convertir le savoir islamique
acquis conformément aux besoins des populations
autochtones : d’une islamisation par le bas112.
Cette capacité d’adaptation face aux enjeux,
tout en restant ancrés dans les fondements de la
Sharî’a est la résultante du génie d’El Hadj Malick
Sy. Imbu de la lumière du Coran, sans être prisonnier
de la lettre mais animé plutôt par l’esprit, Maodo a su
préserver et la vie et la dignité des sénégalais dans un
commerce pacifique avec les contraintes, que ce soit
d’ordre socioculturel, que ce soit d’ordre
sociopolitique. Serigne Abdoul Aziz Sy al-Amine
décrit, à merveille, cette stratégie de Maodo que nous
avons qualifié supra de soft power.
[…] La civilité et la bonne persuasion à l’endroit
des colonisateurs –Et ne discutez que de la
meilleure façon avec les gens du Livre, sauf ceux
d'entre eux qui sont injustes- Sourate L’araignée,
verset 46.
Par cette sage politique, les colonisateurs l’ont
respecté et ont vécu en paix avec lui, ce qui lui a
donné l’opportunité d’agir. Par cette stratégie
consciente, El Hadj Malick a pu avoir raison de la

Leroux, 1971, p. 186.

112 DIALLO (El. H. Samba): op.cit.

95
‫‪colonisation française et avoir le dessus sur elle. Il‬‬
‫‪a pu ainsi préserver la foi des musulmans et les‬‬
‫‪protéger contre les spoliations et les falsifications.‬‬
‫‪Grâce à cette stratégie pertinente, El Hadj Malick‬‬
‫‪a pu former des hommes exemplaires dans leur‬‬
‫‪conduite, d’une éthique élevée, savants, guides, et‬‬
‫‪muqaddams jaloux de leur religion et de leur‬‬
‫‪confrèrie […]113.‬‬

‫المداراة والمجادلة بالتي هي أحسن مع المستعمرين المحتلين – وال تجادلوا أهل الكتاب ‪113‬‬
‫‪.‬إال بالتي هي أحسن إال الذين ظلموا منهم [‪ -]...‬سورة العنكبوت‪٤٦ :‬‬
‫وبهذه السياسة الحكيمة احترمه المستعمرون‪ i‬وسالموه وأتاحوا له فرص العمل‪ .‬وبهذه‬
‫اإلستراتيجية الواعية استطاع الحاج مالك قهر قوى اإلستعمار الفرنسي ودحرها‬
‫وفضحها‪ ،‬كما استطاع بها حماية وصيانة عقيدة المسلمين من النهب والتحريف‬
‫والزيف‪ .‬وبفضل تلك اإلستراتيجية الوجيهة تمكن الحاج مالك من صنع رجال مثاليين‬
‫في السلوك الخلقي على مستوى رفيع‪ ،‬علماء وشيوخا ومقدمين غيورين على دينهم‬
‫‪ [...].‬وطريقتهم‬
‫‪SY (Abdoul Aziz, al-Ibn) :al-Fayyâd, recueil de conférences, Dâr al-‬‬
‫‪Ittihâd, Le Caire, 2013, p.88.‬‬

‫‪96‬‬
AUTRES ZAWIYAS TIJÂNIYYA

La Tijâniyya au Sénégal est représentée


majoritairement par l’héritage ‘Umariyya que garde
jalousement la Mâlikiyya de Tivaouane et la famille
Omarienne, avec les branches qu’elles ont générées.
L’une des plus illustres d’entre celles-ci est le foyer
de Médina Gounass114. Cependant, elle vit aussi dans
d’autres centres du pays. Certains d’entre eux ont un
rayonnement limité dans quelques localités du pays,
d’autres se déploient à travers l’Afrique et le monde.
On compte le foyer Niasséne avec l’importante
branche de la Fayda115, issue de l’enseignement de
Cheikh Ibrahim Niass dit Baye. Il y a aussi les foyers
de Thiénaba, de Louga avec Serigne Abbas Sall, et
d’autres encore.

114 Voir sur ce foyer, particulièrement en ce qui concerne


l’organisation du pouvoir temporel et la distribution des rô les
y afférent, l’article de WONE (Yaya) : Ceerno Muhamadu Sayid
Baa ou Le soufisme intégral de Madiina Gunaas (Sénégal) in
Cahier d’É tudes africaines, 1974, vol 14, n°56, pp. 673-674.

115 Dans le langage du soufisme, al-Fayda signifie l’influx divin qui


inonde le saint et lui procure l’aura. Dans la Tijâniyya, al-Fayda
c’est la consécration de l’influx divin par le fait que celui qui
jouit du Fath (illumination). De ce point de vue, il voit affluer
sur lui les sciences (al-‘ulûm), les secrets (asrâr), les réalités
(haqâ’iq) et la gnose (ma‘rifa) ainsi que les lumières (al-
anwâr). Les disciples de Cheikh Ibrahim dit Baye Niass
revendiquent cette station pour leur maître.

97
DAAKA DE MEDINA GOUNASS

Située dans le Département de Vélingara,


Médina Gounass est rendu célèbre par le grand
Muqaddam de la Tijâniyya, Thierno Mouhamadou
Saïdou Bah. Ce dernier, originaire de la province de
Tooro, est natif de Cikite. Son itinéraire fait l’objet de
quelques controverses de la part des historiens qui se
sont intéressés à sa vie et à son œuvre. Benoît
(Michel) renseigne sur son parcours en compagnie de
son maître Aliou Thiam :
En 1908, le jeune Amadou Saïdou Ba quitte le
Fouta Toro avec son maître Aliou Thiam, après
avoir commencé ses études dans la région de
Kaédi. Ils partent vivre chez Cheikh Ismaël Abou
Bacar, ancien compagnon d’El Hadj Omar installé
au Gabou contrôlé par les portugais. A la suite de
difficultés avec ces derniers, Aliou Thiam passe en
Casamance et fonde une école coranique à Médina
El Hadj en 1917116.
Cependant, sur la question de son séjour sur les
territoires de la Guinée Bissau (portugaise d’alors) en
compagnie d’Aliou Thiam, l’historien Ngaïde
(Abderrahmane) de l’Université Cheikh Anta Diop
(U.C.A.D) de Dakar, apporte des précisions. Il estime

116BENOIT (Michel) : Espaces francs et espaces étatisés en Afrique


occidentale. Remarques sur quelques processus de territorialisation
et leurs fondements idéologiques en Haute Casamance et Haute
Gambie. In Cahier des Sciences Humaines, ORSTOM, vol n° 24,
1988, p. 515.

98
que ces affirmations ne cadrent pas avec la réalité
historique. Selon ses termes :
Al Hajj Mamadu Saydu Bah n’a point quitté le
Fuuta Tooro pour la Guinée portugaise et il n’a
jamais suivi son prétendu maître Aliou Thiam dans
ce territoire117.
Ces précisions de Ngaïde sont vérifiées dans
l’interview que Mouhamadou Saïdou Bah en
personne avait accordée à Wone (Yaya) en 1968118.
Quoi qu’il en soit, Mouhamadou Saïdou Bah a
fréquenté El Hadj Aliou dans ce qui semble être un
parcours spirituel. Car, à son arrivée à Médina El
Hadj, il était déjà doté d’une appréciable maîtrise des
sciences religieuses si l’on en croit toujours Ngaïde :
Al Hajj Mamadou Saydou avait déjà acquis de
solides connaissances. C’est ainsi qu’Al Hajj Aali
constata avec « beaucoup de bonheur » et de
satisfaction qu’Al Hajji Mamadu Saydu était un
érudit. Il choisit de le mettre à ses côtés. Usant de
son intelligence, Ceerno Mamadu Saydu se
rapprocha davantage d’Al Hajj Aali Caam en se
montrant très dévoué et très attentif à ses
directives et à ses désirs les plus immédiats119.

117 NGAÏDE (Abderrahmane) : L’esclave, le colon et le marabout.


Le royaume peul du Fuladu de 1867 à 1936. L’Harmattan, 2012,
p. 227, note 371.

118 WONE (Yaya) : Ceerno Muhamadu Sayid Baa ou Le soufisme


intégral de Madiina Gunaas, in Cahier d’Etudes africaines, 1974,
vol 14, n°56, p.680.

119 NGAÏDE: op. cit., p. 228.

99
Au demeurant, Mouhamadou Saïdou lui-même
admet que Thierno Aliou était plus que son maître, il
était [son] calife120. Quoiqu’il en soit, le destin de
Médina Gounass semble être déterminé par la relation
entre les deux compagnons. Les rapports de confiance
et de confidence entre le maître et le disciple n’ont
pas survécu à la disparition d’El Hadj Aliou en 1935.
Médina Gounass verra le jour suite à certaines
péripéties inhérentes à la succession des grands
hommes fondateurs de communautés.
Tirant les leçons de son séjour à Médina El
Hadj, Thierno Mouhamadou Saïdou établit, en
fondant Médina Gounass, une organisation autour
d’une charte à laquelle le résident doit adhérer. Tout
postulant qui souhaite vivre dans le village suit un
rituel interrogatoire avant d’être testé par un stage
probatoire. À l’issue de ce stage, il est convoqué à
une audience publique qui se tient deux fois dans la
journée, en présence du marabout. Auparavant, une
sorte de discrète surveillance aura été exercée sur le
candidat, dans le but d’avoir une appréciation sur lui
et ses habitudes. Puis, le marabout lui décline les
conditions de son séjour :
Hôte, sois le bienvenu à Madiina Gunaas, village
musulman et tijaan. Nous t’accueillons parmi nous
pour l’amour de Dieu, et aux conditions
suivantes : il faut accepter notre discipline,
demeurer chez toi, ne pas te mêler de ce qui ne te
concerne pas, fréquenter avec tout le monde la
mosquée, ne jamais faire de tort à autrui, et te
tenir pour l’égal de chacun. Si tu acceptes ces

120 WONE: p.cit.

100
conditions, tu peux te considérer désormais comme
un habitant de Madiina, au même titre que les plus
anciens habitants de ce lieu121.
Le marabout, afin que nul n’en ignore, et
certainement pour éviter les risques de dissensions qui
ont prévalu à Médina El Hadj, procède à une véritable
enquête d’identité, de généalogie, de moralité, avant
d’exposer à la personne qui veut s’établir la charte de
résidence. Le socle de la communauté est l’islam et la
Tijâniyya. Cependant, la communauté de Médina
Gounass est un modèle qui pourrait s’apparenter avec
les Ribâṭs du moyen-âge où la quotidienneté
s’articulait autour de l’enseignement et de l’adoration.
Ici, s’ajoutent les activités agricoles et commerciales
avec un respect rigoureux des préceptes de la Sharî‘a.
D’emblée donc, Médina Gounass se définit
comme un village religieux et confrérique Tijaan. Le
Sanad, la chaîne initiatique du fondateur de la
communauté de Gounass, remonte jusqu’à El Hadj
Malick Sy, en passant par Thierno Ahmadou Barro de
Mbour122. Ce dernier, déclare avoir reçu d’El Hadj

121 WONE: op. cit., p. 678.

122 Cheikh Ahmad Barro est né orphelin en 1893 dans le Fouta. Il


fut élevé par son oncle Mahmoud Ly, un disciple de la
Hamawiyya. C’est à la suite d’une vision qu’il reçut l’ordre de
suivre l’initiation de Cheikh El Hadj Malick qui lui a donné la
ijâza et l’a élevé au grade de Khalife de la Tijâniyya. C’est ce
dernier qui l’a surnommé Ahmad. Son prénom de naissance
était Mamoudou. C’est également El Hadj Malick qui lui
conseilla de renoncer à son projet de retourner au Fouta pour
compléter ses études dans le droit islamique (Fiqh). Il lui
ordonna de s’attacher à la lecture du Coran et de Jawâhir al-

101
Oumar et d’El Hadj Malick la mission de transmettre
à Thierno Mouhamadou Saïdou Bah un des arcanes
de la çalât al-Fâtih. Ainsi, lors d’un voyage à Kolda,
en 1927, il rencontra Thierno Mouhamadou Saïdou
Bah qui lui fît allégeance, et reçut de lui le conseil de
rejoindre la communauté (dental) de Madina El Hadj,
car elle était la sienne.
Même si la Tijâniyya de Médina Gounass tient
son sanad d’El Hadj Malick Sy, il n’en demeure pas
moins vrai qu’elle marque son autonomie par son
ancrage dans le milieu peulh d’abord. En plus de cet
ancrage ethnique, elle se distingue par son rigorisme
dans la pratique de la sharî‘a, et par les retraites
spirituelles connues sous le vocable de Daaka, initiées
par le maître fondateur depuis 1942. En outre, Médina
Gounass a gagné en autonomie, comme la ville de
Touba, en accédant au statut de communauté rurale
autonome en 1978123.
Le Cheikh Mouhamad Saïdou Bah, connu aussi
sous le nom de Mouhamad Sirâj, a produit un certain
nombre d’œuvres qui tournent autour du fiqh, de la
théologie, de la grammaire, du panégyrique au
Prophéte psl. Un certain nombre de ses œuvres est
compilé par son disciple, le poète Mouhamad Lamine
Athie, sous le titre : Tatyîb al-Mizâj fî Hayât
Muhammad as-Sirâj124.
Ma‘ânî et de s’installer à Mbour. Source Wikipédia.

123 ROSS (Eric): Tijâni shrines,


https://ericrossacademic.wordpress.com/touba-more/tijani-shrines/
124 DIA (Ousmane, Dr) : La Tijaniyya dans la littérature
d’expression arabe, L’Harmattan Sénégal, 2O17, p. 471.

102
103
FOYER TIJÂNIYYANIASSENE

La Tijâniyya Niasséne a son centre à Kaolack,


dans le Saloum. Elle s’est propagée à travers le
Sénégal grâce à l’œuvre de Khalifa Mouhammad
Niass et de son frère, Cheikh Ibrahim Niass dit Baye.
Ce dernier va contribuer au rayonnement international
de cette branche de la Tijâniyya avec un courant
particulier, la Fayda.

104
Khalifa Mouhammad Niass fils d’El Hadj
Abdoulaye

Sayda Mariama Niass fille de Cheikh Ibrahim

Cheikh Ibrahim en compagnie du Président Gamal A.


Nâçir d’Égypte

105
EL HADJ ABDOULAYE NIASS (1844-1922)

La zawiya Tijâniyya Niasséne à Kaolack est


fondée par El Hadj Abdoulaye Niasse. Il serait né
entre 1844 et 1845, certains parlent même de 1848. Le
père du vénéré chef religieux, Mouhamed Niass est
originaire du Djolof et était l’un des compagnons de
Maba Diakhou, dans son projet de théocratie au
Saloum. A la mort de ce dernier, il poursuivit son
séjour au Saloum où il avait fondé le village de
Niassène en 1865 où il mourut en 1867125.
El Hadj Abdoulay a eu des rapports difficiles
avec les autorités coloniales alliées aux familles
princières traditionnelles du Sine et du Saloum. Ce
qui, par la suite, l’a entraîné à s’exiler en Gambie où
sont nés la plupart de ses enfants. C’est par
l’entregent de son ami El Hadj Malick Sy et sur ses
conseils qu’il s’installa à Kaolack en 1911126. Ce
grand érudit fondateur de Taïba Niasséne, en disciple
consciencieux de la Tijâniyya, s’était fait la réputation
de bâtir d’abord une mosquée, partout où il

125 DIOUM (Idrissa) : Travaux de Recherche et de Documentation du


CEVOK, http://www.nayloulmaram.com/leona-niassene/elh-
abdoulaye-niass/article/el-hadji-abdoulaye-niass-al-kabir.
126 Une grande amitié et une confiance réciproque liaient les
deux hommes. El Hadj Abdoulaye aurait même écrit un livre
intitulé Le meurtre d’Ousmane, père d’El Hadj Malick (‫مقتل عثمان‬
‫)والد الحاج مالك‬. Voir DIA (Ousmane) : op. cit., p. 307. Dans ce
registre signalons aussi que c’est pendant ce séjour que El
Hadji Abdoulaye a donné le surnom de Maodo gàlle Seexu
Tijaan à son hô te, El Hadji Malick Sy, d’aprés la tradition orale.

106
s’installait, avant d’ériger sa propre maison 127. Il
effectua le pèlerinage à la Mecque puis entreprit un
voyage à Fez en 1910, en compagnie de son fils aîné
Mouhammad. Ce voyage fut fructueux et riche en
résultats aussi bien spirituels que socio-culturels. Il en
est revenu avec une moisson d’ijâzas décernées par
plusieurs khalifes et Muqaddams de Cheikh Ahmed
Tijânî. Mais aussi avec une confidence – amâna- de
Cheikh Sukayrîj qu’il devait remettre à El Hadj
Malick Sy, de bouche à oreille128.
De retour au Sénégal, El Hadj Abdoulaye Niass fit
d’abord une halte à Thiès chez la famille
Ndieguène avant de poursuivre vers Tivaouane, ce
détour est expliqué par un engagement pris au
Maroc pour remettre à l’érudit de Tivaouane un
des secrets de la Tijâniyya que celui-ci avait requis
par correspondance mais qui lui a été envoyé par
messager verbal, ledit secret n’étant pas
réinscriptible ainsi que l’Ijaza Itlaq. El hadj
Abdoulaye séjournera en maître à Tivaouane où il
fut l’hôte de son homologue et frère cadet, Cheikh
el hadj Malick Sy Ibn Ousmane, qui l’accueillit,
pendant 3 mois entre janvier & mars/1911, avec
une très grande amabilité et hospitalité. En effet,
c’est lui qui dirigeait les prières et la Wazifa,
donnait les Wirds et les demandes d’Ijâza, nouait
les mariages etc. En son honneur, Maodo dira un
poème très élogieux : "Atâ habîbî". A part cela, El
Hadj Malick intervint auprès des Autorités
Coloniales pour le retour d’El hadj Abdoulaye au
Sénégal et engagea, à cet effet et à ses frais et
127 DIA (Oysmane, Dr) op. Cit., p. 304.

128 Voir Ifhâm al-Munkir al-Jânî.

107
charges, un avocat mulâtre : Maître Carpot. Plus
tard quand el Hadj Abdoulaye prit congé de son
hôte, ce dernier l’accompagna jusqu’à Gossas et
lui recommanda de passer à la Commanderie du
Cercle de Kaolack.
A l’Injonction de William Merlaud-Ponty,
Gouverneur Général à Saint-Louis, Brocard, le
Commandant du Cercle installe el Hadj Abdoulaye
Niass à quelques mètres du Centre-ville. A sa
nouvelle terre à Kaolack il donna le nom de Léona
Niassene, en wolof Lew na Niassène : ceci est
licite aux Niassène.129
Leona est installée, pour partie, sur les champs
de manioc d’une autre figure qui a joué un grand rôle
dans la consolidation des liens fraternels entre El
Hadji Abdoulaye et Maodo. En effet, ce calife de la
Tijâniyya était disciple et représentant d’El Hadji
Malick à Kaolack et son maître lui avait fortement
recommandé de faciliter l’installation de son ami dans
cette ville. Abdoul Hamid Kane, car c’est de lui qu’il
s’agit, s’était entièrement engagé à satisfaire ce vœu
de son cheikh. Non seulement il lui fournit un terrain
mais également l’aida avec ses disciples dans
l’édification des cases130.
129 DIOUM: op.cit.

130 L’Imâm Râtib de Léona Niasséne, El Hadj Arabi Niass, dans


plusieurs de ses interventions, a apporté des précisions
importantes sur les relations entre son grand-père et El Hadj
Malick. Il a rapporté, les commissions dont son grand-père
chargeait son père Khalifa Mouhammad Niass auprès d’El Hadj
Malick. De même, ces informations sont précieuses sur le
soutien d’El Hadj Abdoul Hamid Kane, sur instruction d’El Hadj
Malick, à son grand-père pour son installation, à Kaolack.

108
El Hadj Abdoulaye a été plutôt enseignant et
guide spirituel qu’auteur. La qualité de son
enseignement peut être apprécié à l’aune de la
dimension intellectuelle de ceux qui sont ressortis de
son école. Comme dit l’adage : on reconnaît l’arbre
par ses fruits. Il a cependant laissé à la postérité des
écrits dont l’un des plus importants est certainement
Tanbîh al-Nâs ‘alâ shaqâwat nâqidî bay‘ati abi
al-‘Abbâs131. C’est une œuvre d’apologie de la
Tijâniyya et de clarification sur certaines
terminologies. Il y met en garde, comme son frère en
religion et en spiritualité, El Hadj Malick, contre les
faux cheikhs qui usaient et abusaient du terme, sans
en avoir ni le profil ni la moralité, encore moins le
statut, et détournaient les aspirants du droit chemin :
[...] ‫علمت حقا بأنهم ضالون مضلون ألنهم لم يعلموا ولم‬
‫ ولذلك أحاطهم حب‬.‫يعرفوا شيئا من أحكام الشريعة وال الطريقة‬
‫الرياسة وال يدلون المسمين بمريدهم إال عليها أي حب الرياسة‬.132
[…] Tu sais très clairement qu’ils sont perdus et
ils perdent [les gens] car ils ne savent et ne
connaissent rien des règles de la Sharî‘a ni de la
Ṭarîqa. Ainsi, ils sont motivés par l’amour de la
préséance, et ils ne guident ceux qu’ils appellent
leurs disciples que vers cela, c’est-à-dire la quête
de la préséance. 
Il disparut en 1922, une semaine avant le décès
d’El Hadj Malick SY. Serigne Mbacké Bousso avait
publié un panégyrique 133:
‫يـا ثـلـمـة فـي ديـنـنـا اإلســالم مـن قـلع قـرني هامـة األعـالم‬

131 Ce livre a été imprimé en Algérie en 1910

132 ‫ المطبعة‬،‫ تنبيه الناس على شقاوة ناقضي بيعة أبي العباس‬:)‫نياس (الحاج عبد هللا‬
17 ‫ ص‬،1910 ‫ الجزائر‬،‫الثعالبية‬.

109
‫الــسيـديـن العـالـميـن الـسالـكيـ ــن الـمسلكين لـحضرة الـعالم‬
‫شمس وشمس عام شمس غـابتا فبكى الورى لتكاثـف األظالم‬
‫مــن للطريقة والمدارس والـمنا بـروالـمعارف بـعـد واألقـالم‬
‫أو مــن لـحـل الــمـشـكـالت إذا أفــكـار كــل مــدقــق مـفـهـام‬
‫ـقـربـى وللـضعـفاء واأليـتـام‬ ‫وا مـالكـا للــسـنـة الـغراء والـ‬
‫ما لـيـث غـيل مثـل عـبد هللا في يـوم الحروب الـباسـل المقدام‬
‫لـفــداكـمـا ألــف مــن األنـام‬ ‫لو أن نـفـسا مـن حـمام تـفـتـدي‬
‫ذكـرا جــمـيال والـثـناء السام‬ ‫لكـنـه خــتـم وقــد أبــقــيــتـما‬
133 Yâ thulmatan fî dînina al-Islâmi

Min qal‘i qarnay ḥâmatil a‘lâmi

Al-Sayyidayni al-‘âlimayni al-Sâlikay-

Ni al-Muslakayni li-hahaḍrati al-‘allâmi

Shamsun wa Shamsun ‘âma Shamsin ghâbatâ

Fa-bakâ al-Warâ li-Takâthufi al-Iẓlâm

Wâ Mâlikan li al-Sunnati al-Gharrâ’i wal-

-Qurbâ wa li al-Du‘afâ’i wa al-Aytâmi

Mâ laythu ghîlin mithla ‘Abdillâhi fî

Yawmi al-Hurûbi al-Bâsil al-Miqdâmi

Law anna nafsan min himâmin tuftadâ

La-fadâkumâ alfun min al-Anâmi

Lâkinnahû hatmun wa qad abqaytumâ

Dhikran jamîlan wa al-thanâ al sâmî

Fa-juzîtumâ ‘annâ wa ‘an nafsaykumâ

Bil-Rawhi wa al-Rayhâni wal-Ikrâmi.

110
‫بالـروح والريـحان واإلكـرام‬ ‫فجزيتما خـيرا وعـن نـفسيكما‬

‫‪111‬‬
KHALIFA MOUHAMMAD NIASS

Le Khalife Mohamad Niass a repris le flambeau


à la mort de son père, El Hadj Abdoulaye. Homme de
culture et d’érudition, il est connu pour son extinction
dans l’amour du Prophète et de Cheikh Tijânî pour
lesquels il a composé les plus beaux vers134. Il a laissé
à la postérité deux compendiums, l’un dédié au Sceau
de la prophétie, al-Habîb, al-Muçtafâ, khâtimat al-
Durar ‘alâ ‘uqûd al-Jawhar fî Madhi sayyid al-
Bashar. L’autre, al-Kibrît al-Ahmar fî madâ’ih al-
Qutb al-Akbar, est exclusivement réservé au Sceau de
la sainteté, al-Qutb Ahmad Tijânî. Son immersion
dans le personnage du Pôle entraînait chez lui, comme
il le dit, les influx que d’autres puisent dans les
arcanes et les oraisons :
‫إن كـان للـنـاس أوراد وإذكـار فلي بأمداح قــطب الكون أفـكار‬
‫فـكـر يـنظـم درا مـن مـدائـحـه مـا حـلـيـت مـثـلـه عـون وأبـكار‬
‫لـها مالحة حسـن من محاسنه مـن حـسنها تـحسد اآلذان أبصار‬
‫تنفي عن القلب أحزان وأكدار‬ ‫مـدح يعبرعما في الضميركما‬
‫فـمدحه لي مـقـامات وأسـرار‬ ‫أن أطلب السر أو نـيل المقام معا‬
Si les gens ont des oraisons et des secrets,
Moi, j’ai par les éloges du Pôle de l’univers des
pensées,
Qui composent un joyau avec ses apologies
Que n’ont jamais porté ni houri ni jeune fille.
Elles ont des reflets de beauté de son éclat,
De son auréole que les ouïes envient aux yeux.
Gloria qui exprime ce que j’ai dans le cœur,

134 J’ai entendu mon homonyme et maître Serigne Abdoul Aziz Sy


al-Amine dire qu’étant jeunes, ils mémorisaient les vers de
Khalifa Mouhamed Niass pour la beauté de la langue.

112
Tout comme est dissipé dans l’âme, angoisse et
tristesse.
Que je convoite un secret ou une station ou les
deux,
Le chanter me procure stations et arcanes.
Son attachement à la Ṭarîqa et sa posture de
Khalife de Cheikh Tijânî l’ont amené à répondre à Ibn
Mayabah qui s’était aventuré à remettre en cause la
Tijâniyya. Il avait écrit Juyûsh al-Tula’. Il était réputé
jaloux de la Ṭarîqa et tenait à ce que l’obtention des
Ijâzas réponde à des règles de compétences aussi bien
académiques que spirituelles. La facilité avec laquelle
on délivrait ce précieux document dévalorisait aussi
bien le symbole qui y était attaché que la valeur qu’il
recelait. Il rappelait les objectifs dans ces vers :
‫تـنال بها فـضال بـغير فضيلة‬ ‫وليست إجازات المشايخ زينة‬
]...[
‫فإصالح نفس المرء آكد مطلب وتـهـذيبـها من كـل حـال رديـئة‬
‫رياضتها عن كل سوء فريضة كـما في كتاب هللا من غـير ريبـة‬
‫عليك بآداب لدى الذكر خاضعا بخوف وإخالص وصدق بوجهة‬
[...]
‫فما أطـلق الشيخ التـجاني ورده لشيء سوى األفراد أهل الحقيقة‬
‫سوى الستة األخيار ال غير فاقـتدوا‬
‫بذا الشيخ في األوراد دون خديعة‬
‫نصحتـكـم هلل في هللا فـاسمعـوا نصيحة حب مشفق في النصيحة‬
‫وإياك أن تحجوا بنصحي خديعة‬
‫ فظنك ظن السوء ضد النصيحة‬135
Les ijâzas des saints ne sont pas des décorations,
Par lesquelles on obtient des privilèges, sans en
être digne.
[…]
La réforme de l’âme est l’objectif recherché,

135 DIA (Ousmane) : op. cit., p. 324.

113
Et sa purification de tout état méprisable.
L’éduquer contre tout mal est une obligation,
Comme c’est dans le Livre d’Allah, sans aucun
doute.
Sois respectueux pendant le dhikr et humble,
De crainte, de sincérité et de fidélité.
[…]
Le Cheikh Tijânî n’a octroyé l’itlâq de son wird
À quiconque, sauf aux singulières gens de la
haqîqa.
Aux six élus et à personne d’autre, prenez exemple
Sur ce maître dans les wirds sans tromperie.
Je vous prodigue pour Allah des conseils en Allah,
écoutez
Le conseil d’un ami, affectueux dans ces conseils.
Je vous exhorte à ne pas voir dans ces conseils une
ruse
Ta présomption serait alors un préjugé contraire à
mon conseil.

114
EL HADJ IBRAHIM NIASS

C’est El Hadj Ibrahima Niasse (1900-1975),


connu sous le nom de Baye, qui donna à cette branche
le rayonnement qu’il connaît en Afrique et dans le
monde. Très jeune, il s’est distingué par son aptitude à
transmettre les enseignements de l’islam et de la
Tijâniyya. Il publia son premier livre intitulé Rûh al-
Adab, à un âge très précoce136 et son traité de
soufisme Kâshif al-Albâs, en 1930.
À la disparition de son père, il fonda Médina
suite à des dissensions internes à la famille, et y
émigra avec ses disciples et une partie de ceux de son
père. C’est en 1929, qu’il se proclame non seulement
Khalife de Cheikh Ahmad Tijânî mais aussi héritier
de sa mission et de ses arcanes. Il initia une nouvelle
forme d’affiliation appelée Tarbiya, et sa branche est
connue de plus en plus sous le vocable de Fayda
Tijâniyya. Son audience hors du Sénégal explique les
propos de Triaud et Robinson qui considèrent la
Tijâniya niassène comme une entreprise
transnationale  . Ce qui se dégage dans les analyses
137

136 Ses disciples déclarent qu’il l’a écrit alors qu’il n’avait pas encore
18 ans. Mais si l’on se fie à l’auteur lui-même, c’est à l’âge de dix-huit
ans qu’il l’a écrit. Cf. : Kane (Ousmane) : EL HADJ IBRAHIMA
NIASSE, Sénégal, 1900-1975,
http://www.assatashakur.org/forum/spiritualit%E9/39538-el-hadj-
ibrahima-niasse-s%E9n%E9gal-1900-1975-par-google-page-ranking-
ousmane-kane-universit%E9-de-colum.html.
137 TRIAUD (Jean-Louis) et ROBINSON (David) (éds) : op.cit.,
p. 13.

115
du Professeur Ousmane Kane, son petit-fils, par
ailleurs :
À la mort de l'Émir Abdoulahi Bayero en 1953,
son fils Mouhamed Sanussi lui succède et renforce
ses liens avec Ibrahima Niasse. A la fin des années
60, grâce à ses appuis politiques, le zèle de ses
disciples nord-nigérians, son action éducative, le
zèle de son prosélytisme, il se trouve à la tête d'une
communauté transnationale de plusieurs millions
de membres répartis entre le Nord Nigéria, lieu
par excellence de son rayonnement, le Ghana, le
Niger, le Togo, le Libéria, la Sierra Leone, le
Tchad, le Cameroun, la Gambie, la Mauritanie et
la région du Sine saloum138.
Ceci s’explique par le fait qu’à l’occasion de son
hajj en 1937, Cheikh Ibrahim eut l’opportunité de
rencontrer l’Émir de Kano, Abdoulaye Bayero, qu’il
affilia à la Tijâniyya. Est-ce que l’adage arabe qui dit
que les peuples adoptent la religion de leurs maîtres,
s’est vérifié avec l’affiliation de l’Émir ? Dans tous
les cas, il s’est avéré qu’à l’occasion de la visite qu’il
effectua à Kano, nombre de gens se sont convertis à la
Tijâniyya et parmi eux beaucoup de savants et de
dignitaires musulmans. Dès lors, son mouvement
connut un dynamisme sans nul autre pareil dans la
région ouest-africaine comme en témoigne Hiskett139.
Tout comme la Tijâniyya de Tivaouane, El H.
Ibrahima Niass s’est illustré par des prises de position
publiques sur des questions nationales et

138 KANE (Ousmane): op. cit.

139 HISKETT (Mervyn): Development of Islam in West Africa,


London-New-York, 1984, p.287.

116
internationales140. Il est possible de voir dans la
posture d’El H. Ibrahima Niass, surnommé Cheikh al-
Islam, la même attitude intellectuelle que chez El
Hadj Malick Sy qui refuse un doctrinarisme stérile141.
À l’instar de la Tijâniyya de Tivaouane, l’on
perçoit chez les Niassènes une certaine autonomie par
rapport à la zawiya originelle. Ce qui se reflète dans la
posture pendant la prière où ces derniers pratiquent le
qabḍ alors que dans la zawiya mère et ses
démembrements au Maghreb et en Mauritanie, tout
comme dans la tradition omarienne au Sénégal, c’est
le sadl142 qui est de mise. Mais ce qui est le trait
distinctif des Niassènes de la Fayḍa, c’est la Tarbiya.
L’étymologie du mot Tarbiya renvoie au radical
R-B-W, qui signifie croître, se développer, grandir,
monter, augmenter, se gonfler. On retrouve ces
différents sens dans le Coran :

140 On peut noter sa réponse à Mgr Lefebvre, son pamphlet


l’Afrique aux Africains et d’autres positions communes avec les
chefs religieux comme le mémorandum sur le Code de la
Famille.

141 Voir l’article de Kane (Ousmane) : Shaikh al-Islam Al-Hajj


Ibrahim Niass, in Le temps des marabouts, op. cit., p. 299.

142 Le Qabd c’est le fait de croiser les bras, en station debout lors
de la prière. Le Sadl, c’est le fait de les laisser pendre
naturellement dans les mêmes conditions. Ces deux postures
ont opposé souvent les fidèles dans les mosquées au Sénégal et
en Afrique de l’Ouest. Les pratiquants du Qabd étant
considérés comme des contestataires des confréries et vice-
versa. Des conflits assez graves ont même occasionné la
fermeture de mosquées, dans certaines localités.

117
Wa tarâ al-Arḍa ḥâmidatan fa-izâ anzalnâ ‘alayḥâ
al-Mâ’a iḥazzat wa-rabat. 
Tu vois la terre desséchée, dès que nous y faisons
descendre de l’eau elle remue, se gonfle143.
Ailleurs,
[…] Fa-htamala al-saylu zabdan râbiyan […] Le
flot débordé a charrié une écume flottante144.
En dérivation, le radical va donner à la 2e forme
Rabbâ, Yurabbî, Tarbiyatan. Il signifie alors élever
quelqu’un, l’éduquer, développer ses compétences
physiques, intellectuelles et morales, pour atteindre la
plénitude de leur capacité. On retrouve ce sens dans
ce verset du Coran :
Wa qul rabbi irhamhumâ kamâ rabbayânî
çaghîran.
Et dis  : ô mon Seigneur, fais-leur à tous deux [les
deux parents], miséricorde comme ils m’ont élevé
tout petit145.
Le Maçdar, nom d’action Tarbiya signifie
éducation c'est-à-dire le développement des capacités
psycho-motrices et psycho-spirituelles. Cependant,
dans la sphère du Taçawwuf, la notion de tarbiya
renvoie certes à l’éducation, au développement des
compétences mais en particulier au développement de
la perception intérieure et de la capacité d’endurance
dans la spiritualité et dans la vie sociale. La Tarbiya
ici, c’est avoir la capacité de maîtriser l’âme, al-Nafs.

143 Sourate al-Hajj, verset 5.

144 Sourate Ra’d, verset 17.

145 Sourate Isrâ, verset 24.

118
En ce qui concerne la Tarbiya dans le foyer
Niasséne de Médina Baye, elle a suscité beaucoup de
controverse dans le milieu islamique au Sénégal et
hors du pays. La principale source de discorde réside
dans la vision de Dieu qui semble être chez les
disciples de Baye Niass l’ultime finalité. Or, pour les
autorités spirituelles musulmanes, de façon générale,
la vision de Dieu n’est pas possible dans ce monde.
Quoi qu’il en soit Cheikh Ibrahim Niass est une
autorité de la Tijâniyya respectée au Sénégal et dans
le monde. Ses différentes distinctions et affiliations
dans les instances scientifiques islamiques prouvent
sa dimension intellectuelle universelle. Le témoignage
poignant du défunt porte-parole de la Tijâniyya de
Tivaouane et Khalife général des Tidianes, Serigne
Abdoul Aziz Sy al-Amine, est plus qu’éloquent. Il
reflète à la fois la générosité, l’honnêteté et la
noblesse d’âme qui l’ont distingué. Fidèle qu’il était
aux enseignements de la Tijâniyya consistant à aimer
et respecter tous les Muqaddams de Cheikh Tijânî, il
dit à l’endroit de Cheikh Ibrahim Niass :
Si la Ṭarîqa devait avoir un empereur, ce serait
Sidi Ibrahim Niass. Il est connu par sa sincérité,
sa bonté, sa générosité et son attachement à
Dieu. Tout le monde reconnaît sa science, son
dynamisme et ses efforts. Et nous lui sommes
redevables146.

146 Su Ṭarîqa bi doon am Buur Fari, Sîdi Ibrahim Niass mooy doon
Buur Fari Ṭarîqa Cheikh Ahmad Tijaan. Ñepp xam nañ ko ci
sellal, xam ko ci mbaax, xam ko ci tab, xam ko ci yàllaa, xam ko
ci xam xam, ci yitte ak ci effort. Ameel na nu ko njukkêl.

119
Cheikh Ibrahim Niass a pris son bâton de
pèlerin pour sillonner le monde comme un
ambassadeur de la cause du Prophète Psl. Son
œuvre reflète cette qualité qu’il réclame pour lui-
même quand il dit :
‫سفير له في العالمين مخلص‬ ‫رأيت رسول هللا نص بأنني‬
Dans tous les cas de figure, en suivant les pas de
cet illustre Khalife de la Tijâniyya, on le perçoit une
fois en Afrique, une autre fois en Europe puis en Asie
ensuite ailleurs. Écoutons-le décrire ses
pérégrinations :
‫فغـادرت أوطـاني وأهـلي وأسـرتي أجوب الـفال لم أشـك قـط كالال‬
‫بـباريس دار الـفاسقـين كساال‬ ‫بِـكـولَــخ طــورا أو بــيـوف ومـرة‬
‫بـِبـلجـيـكـا يــوم ثــم يــومـا تـجــوال بـقـاهـرة أبـغـي هـناك جـمـاال‬
‫ببيروت أنحوا الصين بالشرق خادما رسـول إله العرش وهـو تعالى‬
‫يوالي لك األسـفار وهـو أطاال‬ ‫ لهونكـوك من بـنكوك جاء خديمكم‬147
J’ai alors quitté patrie, famille et compagnons
Voyageant à travers les terres sans me plaindre
Aucunement des difficultés,
À Kaolack une fois, ou de Yoff une autre fois,
À Paris, résidence des pervers paresseux,
En Belgique un jour, puis un autre, je fais un tour
Au Caire, pour y rencontrer Gamal.
De Beyrouth, je me dirige vers la Chine en orient,
serviteur
Du Messager du Dieu du Trône, Le Très Haut.
Vers Hongkong, venant de Bangkok, votre
serviteur est là,
Enchainant les voyages, pour toi, et il a été long.
Il est, par ce parcours à travers le monde, à un
âge avancé, un modèle pour les jeunes, et ceux de la
Tijâniyya en particulier. Lui-même le dit :

147 DIA (Ousmane): op. cit., p. 396.

120
‫أروم رضى الباري لنصرة دينه وأبـرز للجـيل الـجـديـد مثاال‬
‫لـينصـر دينا ال يـريد قـتاال‬ ‫ضعيف عليل شائب متحمـس‬148
Je cherche l’agrément du Créateur et la victoire de
Sa religion
Et je manifeste pour la nouvelle génération un
exemple
Faible, malade, vieillissant mais déterminé,
Afin que triomphe la religion qui n’aime pas la
guerre.

La grandeur du dessein (Himma ‘Aliyya) doit


toujours être le moteur de l’action. Les moyens sont
importants mais ce qui est déterminant, c’est cette
grandeur dans l’ambition qui n’a rien à voir avec la
prétention. C’est cette capacité de se tourner
résolument vers l’objectif, avec les moyens du
moment, et ne pas attendre d’avoir tous les atouts
avant de se mettre dans l’action. Oustaz Ibrahim
Mahmoud Diop Barham149 me disait, un jour, que
Baye leur avait appris que :
148 Idem.

149 Secrétaire de Cheikh Ibrahim, Oustaz Ibrahim Mahmoud Diop


dit Barham a été un brillant intellectuel, ouvert et généreux.
Conseiller avisé de nombre d’organismes internationaux dont
UNFPA, UNICEF, UNIFEM etc. Secrétaire général de la Rabita
des oulémas du Maroc et du Sénégal (R.O.M.S.), Président du
Réseau Islam et Population du Sénégal (R.I.P.), Secrétaire
général du Réseau africain des organisations islamiques en
population et développement R.A.O.I.P.D.), membre de nombre
d’académies à travers le monde, Serigne Abdoul Aziz Sy al-
Amine disait de lui qu’il était un des généraux de Cheikh
Tidiane que ce dernier reconnaissait au Sénégal.il nous a quitté
le 24 juin 2014. Que Firdaws soit sa demeure.

121
Ñi doon xaar ba man ko sog koy def, bi ñuy dem
bàyyi wu ñu fi dara.
Ceux qui attendaient d’avoir les moyens pour
agir n’ont rien laissé derrière eux, à leur

disparition.

122
Cheikh Ibrahim NIASS
Avec
Serigne Cheikh Ahmad Tidiane SY Maktûm

123
LA TIJÂNIYYA DE THIÉNABA

Située à une douzaine de Kilomètres de la ville


de Thiès, le village de Thiénaba fut fondé en 1882 par
Amadou Seck (1830-1899), plus connu sous le nom
d’Amary Ndack Seck. Il serait né à Thiénaba Kajoor,
village fondé par son père Massaer. C’est à l’issue
d’une consultation ésotérique, Istikhâra, que le site où
il allait construire la réplique de son village natale lui
fut révélé150. Il compte des fidèles dans le Walo, le
Gandiole et aussi dans la région de Dakar. Son
influence est moins marquée que les autres écoles de
la Tijâniyya précédemment citées.
Le Foyer de Thiénaba présente des
ressemblances avec Médina Gounass, du point de vue
de l’application d’un certain rigorisme religieux. Ceci
s’explique sans doute par la tradition guerrière et
réformiste qui a fondé le village. C’est ce que nous
expose le Professeur Saliou Dia de l’Université
Cheikh Anta Diop de Dakar (U.C.A.D) :
Chaque foyer religieux se distingue par une
particularité qui est aussi la source de sa
puissance. Pour certains, explique-t-il : « Il s’agit
de l’érudition de l’élite et du niveau intellectuel
assez élevé des adeptes. Leurs racines remontent à
un Islam proche des écoles et autres médersas ».
Pour d’autres, poursuit-il, il s’agit d’adeptes
ouverts au monde et dotés du sens des affaires. Ces

150 ROSS (Eric): Tijâni shrines,


https://ericrossacademic.wordpress.com/touba-more/tijani-
shrines/

124
derniers remontent à un Islam proche du
commerce caravanier.
Pour d’autres encore, c’est la richesse et le
caractère épique de leur histoire. « Ceux-là, leurs
racines remontent à un Islam en droite ligne de la
guerre sainte. Thiénaba appartient à cette dernière
catégorie à laquelle s’impose l’obligation
d’entretenir des relations distantes avec le pouvoir
politique perçu comme incompatible à l’orthodoxie
musulmane »151.
Cette perception de distanciation avec le pouvoir
politique, qui a existé depuis l’ère coloniale, s’est
poursuivie jusqu’à récemment. À l’instar de Médina
Gounass, Thiénaba est administrée de façon
autonome par la communauté religieuse qui y
applique le châtiment corporel, pour se conformer à la
Sharî‘a, selon la vision de ses autorités. À la veille de
la célébration de la naissance du Prophète Psl, en
2014, huit personnes fautives de comportements
déviants ont été flagellées en public. Tout récemment,
l’application de la flagellation a soulevé l’émoi dans
certains milieux. Le témoignage d’un petit-fils du
fondateur, Mamadou Diop Seck, chef de quartier et
Président de l’Association des écoles coraniques, est
édifiant :
Lorsque Amary Ndack Seck s’installait ici, c’est le
roi Thiendella Yacine qui lui avait donné
l’autorisation. Amary Ndack Seck avait réussi à
élaguer plusieurs kilomètres en abattant des
milliers d’arbres pour fonder le village. Le roi lui

151 http://www.seneweb.com/news/Societe/gamou-2015-
thienaba-une-confrerie-solita_n_144243.html

125
avait ainsi autorisé d’y appliquer la charia,
toutefois sans tuer des individus152.
L’application des peines prévues par la sharî‘a
est une donnée consensuelle dans le village, sous
contrôle de la famille maraboutique. Loin d’être une
contrainte, cela semble être soutenu par les habitants,
hommes et femmes confondus. Ainsi, un tribunal est
tenu à des moments précis pour statuer sur les cas
d’adultère, sur les grossesses extra-conjugales et sur
l’application des peines prévues. Un bannissement
temporaire est prévu pour les célibataires enceintes
qui sont interdites d’accoucher dans le village. À leur
retour après accouchement, elles subissent le
châtiment comme dans ce témoignage :
Quand une fille tombe enceinte en dehors du
mariage, on la fait quitter le village. Ses parents la
conduisent ailleurs pour qu’elle porte sa grossesse
jusqu’à terme et donne naissance à son enfant. A
Thiénéba Seck, une femme enceinte en dehors du
mariage ne donne pas naissance dans le village153.
La Tijâniyya de Thiénaba se situe dans le
courant mahdiste qu’on appelle madiyanke du
fondateur de Wouro Mâdiyou, Amadou Hamet Ba
plus connu par le nom de Limamoul Mahdiyou. Né en
1782 à Suyûma dans le Podor, il était condisciple de
El Hadj ‘Umar Tall avec qui il reçut le wird Tijân des
mains de Thierno Abdul Karim, originaire du Fouta

152 http://www.rewmi.com/thienaba-seck-maimounatou-
medina-gounass-bogal-ces-villages-senegalais-ou-la-charia-
est-appliquee.html#sthash.0p8sg5AO.dpuf

153 Idem.

126
Djallon154. Cheikhou Ahmadou, lui succéda à sa
disparition en 1862 et entreprit un jihâd dans les
régions du Cayor, du Baol, du Djolof et du
Ndiambour. Il capitalise certains succès entre 1870 et
1875 dans son opposition à la conquête coloniale. Le
11 février 1875, il trouva la mort à la bataille de
Samba Sadio où il fut confronté à une vaste coalition
sous la houlette des Français155. Parmi ses disciples
qui ont participé à son jihâd, on note le fondateur de
Thiénaba. Il existe d’autres villages madiyankobe
comme Merina Sarr156, Sinthiou Bara157, Dendoudy
madiyankobé, Danthiady158 etc.
CHEIKH AHMED TIDIANE SECK

154 SALVAING (Bernard) : A propos d’un texte politique de Cerno


Sa’du Dalen sur la discorde entre les deux clans du Fouta, al-
Maghrib al-Ifrîqî, n° 3, p. 40. Voir aussi Rimâh de Cheikh Umar
al-Fû tî.

155 Ngawle, Ranérou, Ourou Mahdiyou : Le Fouta entre foi et


tradition in le quotidien Le Soleil, http://www.lesoleil.sn/index.php?
option=com_content&view=article&id=36785:ngawle-ranerou-ourou-
mahdiyou--le-fouta-entre-foi-et-tradition&catid=78:a-la-
une&Itemid=25
156 Commune de Ndangalma, Région de Diourbel.

157 Commune de Nabadji Civol, Région de Matam.

158 Commune d’Ogo, Département de Matam.

127
LA ZAWIYA DE SERIGNE ABBAS SALL

Serigne Abbass Sall est né à Nguick, dans la


région de Louga en 1909. Son père Mayoro, était l’un
des grands Muqaddams d’El Hadj Malick Sy. Il était
aussi l’ami d’El Hadj Rawane Ngom de Mpal et de
Serigne Maguéye Ndiaré. Tous ont été parmi les
séminaristes de Ndiarndé159.
Serigne Abbass est connu pour l’étendue de sa
science et l’efficacité de son expérience spirituelle
dans la Tijâniyya. Honorant la mémoire de son père
Serigne Mayoro Sall, il s’affilia au sanad (la chaîne
initiatique) d’El Hadj Malick Sy par le biais de
Serigne Babacar Sy. En 1953, il construisit sa zawiya
à Louga et une autre à Saint-Louis en 1966. Il a passé
toute sa vie à enseigner et à orienter les disciples et les
musulmans. Il avait initié avec El Hadj Abdoul Aziz
Sy Dabbâkh et Serigne Hady Touré une rencontre
annuelle, à la mi-Sha‘bân, pour passer en revue les
enjeux de l’islam et de la société.
Serigne Abbass a vécu en enseignant, éducateur
et guide spirituel. Il a laissé une importante œuvre
écrite, en prose et en vers, dans les langues arabe et
wolof. A l’instar de ses maîtres de Tivaouane, Serigne
Abbass accorde une importance capitale à la science.
L’institut Hanafiya qu’il a érigé à Louga et les divers
démembrements qui en sont issus en sont une preuve.
Aux jeunes il a laissé Kifâyat at-Tâlib fil Haththi
‘alal-‘Ilm wal Âdâb. Sa poésie compte plus de dix
mille vers dont le tiers est dédié au Prophète Psl et un
159 Voir MBAYE (El Hadj Ravane) : Le grand savant El Hadj Malick
Sy, op.cit.

128
peu moins d’un tiers à Cheikh Ahmad Tijânî. Le voici
dans des envolées sans pareille parlant de ce maître
sans pareil.
‫هو غوث األغواث قطب رحاهم ألبـد الـدهـر هـم لهـم وزراء‬
‫وهو عـين العيـون مكـتوم عـيـن عـاين العـيـن عـيـنه العيـناء‬
‫فـلــه اإلســم مـن ســواه لـــديــه لـقـب وهـو عـيـنـه الـنجـالء‬
Il est le ghawth de tous, l’axe de leur meule
Jusqu’à l’éternité ils seront ses subordonnés
La source des sources dissimulée des regards
Son œil perçant a vu l’Entité
Lui seul possède le nom qui d’autre ne détient
Qu’un surnom […]
Ailleurs, il dit :
‫فنور إذا جلى وأنعم إذ هدى وأوضع إذ أردى وأرشد مرعدا‬
‫وأنقذ بل واسى وواخى مذلال وقد شاد لمن ساد قل فك منجدا‬
Il a éclairé quand il est apparu, a comblé par ses
dons.
Il a légué, devenu âgé, et a guidé les perdus.
Il a sauvé, il a libéré et a fraternisé avec les
humiliés.
Il a vaincu les arrogants et il a affranchi l’asservi.
Cet engagement indéfectible à Cheikh Tijânî est
hérité par son neveu Cheikh Tidiane Gaye, qu’Allah
le comble de sa miséricorde. Toujours à l’avant-garde
quand il s’agit de défendre le soufisme, Cheikh
Tidiane Gaye a usé de tous les genres pour sa cause.
En prose comme en vers, en biographie comme en
essai, il a pleinement apporté sa contribution à l’Islam
et à la Tijâniyya. On peut citer quelques uns de ses
écrits :
- al-Taçawwuf al-Islâmî wa tahaddiyât
al-Yawm;

129
- al-Tijâniyya al-Ahmadiyya wa al-Sunna
al-Muhammadiyya ;
- kitâb al-Taqdîs bayn al-Talbîs wa al-
Tadlîs wa al-Tadnîs. Ce livre est une réplique à
l’ouvrage de Dr Ahmad Lô intitulé Taqdîs al-
Ashkhâç fî all-Fikr al-çûfî ;
- lâ Yafqahûn. C’est un essai critique sur
la pensée salafiste qui s’oppose au soufisme ;
- falâ budda min falâ budda. Essai sur la
supplique d’El Hadj Malick Sy intitulé Wasîlat
al-Mutaqarribîn ilâ hadrat al-Matîn, plus
connu sous le nom de Falâ Budda min shakwâ.
En plus de cette mission de défense du soufisme
et particulièrement de la Tijâniyya, Cheikh Tidiane
Gaye a écrit des livres biographiques sur les grandes
figures de l’islam sénégalais, en particulier des figures
de la Tijâniyya : Cheikh Abbas Sall, Serigne Hady
Touré, Khali Madiakhate Kala, Ahmad Iyan SY.
Dans son diwân intitulé Min wahy al-Wâqi’, il
se définit d’emblée comme un poète soufi qui combat
sans détour ceux qui s’attaquent à sa doctrine :
‫إلـيـكم وإنـي شـاعـر مـتصـوف‬ ‫ولي كـلمة من سـينغال أسـوقـها‬
‫بشعر له في القلب ما ال‬ ‫أحارب جور الجائرين صراحة‬
‫يعرف‬160.
J’ai un propos venant du Sénégal à délivrer,
A vous, étant moi un poète adepte du soufisme
Je combats l’injustice des oppresseurs en toute
franchise,
Par une poésie qui recèle dans le cœur ce que l’on
ne peut connaître.

160 ٢٩ .‫ ص‬،٢٠٠٣ ‫ السنغال‬-‫ لوغا‬،‫ من وحي الواقع‬:‫شيخ تجان غاي‬.

130
Il trace le cadre du Taçawwuf tel qu’enseigné
par les Maîtres de la Ṭarîqa et pratiqué par les
disciples de nos pays :
‫فـللقوم في حـسن الـعبادة مـنهـج فـقــل إنــه زهــد وإال تــصـوف‬
‫عـلى إس تـقـوى والـرقابة دائما يـنادون مـوالهم فيجدي ويسعف‬
‫جوارحهم تعصي وال هي‬ ‫قــلـوبـهــم بالـلـه شـاغــلـة فــال‬
‫ترجف‬
‫وألـسـنـة بالـذكــر دون تـوقــف وكسـب حـالل واصطفا وتلــطف‬
Les gens [du soufisme] ont pour la meilleure
adoration une méthode.
Dis ! C’est une ascèse sinon le Taçawuf.
Sur les piliers de la révérence [envers Allah] et
une vigilance de tout instant,
Ils invoquent leur Seigneur, Il les agrée et les
secourt.
Leurs cœurs sont préoccupés par Dieu,
Leurs membres ne pèchent ni ne trébuchent.
Leurs langues en dhikr sans arrêt,
Toujours en quête du licite, de ce qui est pur et
sain.
Et il finit par appeler à l’unité et à la solidarité
dans cette défense du soufisme, sans sectarisme. Car
dit-il, sans cet engagement à repousser le mal, ni la
religion dans son ensemble ni le Taçawuf en
particulier ne sauraient prospérer.

‫يبدد ما فيهم من الجهل يخسف‬ ‫فكونوا ألعداء التصوف مجمعا‬


[…]
‫فإن لم تدر حرب ضروس على األذى فال كان دين أو يكون التصوف‬
Soyons compacts envers les ennemis du
Taçawwuf
En dissipant cette ignorance qui les rend stupides.
[…]
Si une lutte implacable n’est pas opposée au mal

131
Il n’y aura ni religion encore moins de Taçawwuf.

Cheikh Abbas SALL

132
Cheikh Tidiane GAYE en compagnie du Professeur
Ibrahim Mahmoud DIOP Barham.

Infatigables soldats de l’islam, du Soufisme, et de la


Tijâniyya. Paix à leur âme !

133
LA HAMALIYYA OU HAMAWIYYA

La Tijâniyya Hamaliyya fondée par Cheikh


Hamâhullah (1883-1943), est aussi appelée la
Tijâniyya à onze grains161 du fait que la Jawḥara al-
Kamal est récitée 11 fois au lieu de 12 fois 162. Cheikh
Hamallah, d’après la littérature hamalliste, reçut à
Tlemcen, de Sidi Muhammad b. ‘Abd Allah, plus
connu sous le nom de Lakhdar le secret, Sirr,
d’Ahmad Tijânî. Il y a une controverse sur ce secret
de la Tijâniyya. Il serait détenu par El H. Omar qui l’a
reçu de son maître Muhammad al-Ghâlî à la Mecque,
pour les Tîjânîs omariens. Oumar Dicko, lui, penche
pour la détention de ce secret mystique par la zawiya-
mère à ‘Ayn Mahdi en Algérie163.
La hamawiyya ou hamaliyya est la branche de la
Tijâniyya qui jouit de la moindre importance par
rapport aux autres, au Sénégal, du point de vue
géographique et du nombre d’adeptes. Cependant, elle
posséde une influence certaine dans quelques pays de
la zone saharo-saharienne : Mauritanie, Niger, Mali,
Burkina Faso et même en Côte d’Ivoire et Guinée.

161 Sappoy go, en langue peulh.

162 DOUCOURE (Tahirou) : Les bases de la voie Ahmadia at-


Tijânia, sous l’étendard du Coran et de la Sunna, Dar al-Azhar
Editions, 2001, p. 15 et suivantes.

163 DICKO (Seïdna Oumar) : Hamallah (Le protégé de Dieu),


Bamako, Jamana, 1999, p. 32.

134
En nous penchant sur les publications de Traoré
avec son livre Islam et colonisation en Afrique164, et
de Dicko, Hamallah, nous trouvons des études
fouillées sur cette doctrine. Le livre de Hampathé Bâ,
Vie et œuvre de Thierno Bocar165, est aussi une
référence importante pour appréhender cetrtains traits
de cette branche de la Tijâniyya centrée à Nioro du
Mali et qui s’est développée en Mauritanie et dans les
pays limitrophes.

164 TRAORE (Alioune) : Islam et colonisation en Afrique. Cheikh


Hamhoullah : homme de foi et résistant, Paris, Maisonneuve et
Larose, 1983.

165 BA (Amadou Hampâ té) : Vie et enseignement de Thierno


Bocar. Le sage de Bandiagara, Paris, Seuil, 1980.

135
DEUXIÉME PARTIE :
CONCEPTS DE BASE DE LA
TIJÂNIYYA

136
137
TIJÂNIYYA MUHAMADIYYA ET HANAFIYYA  

Les connaisseurs des voies gnostiques nous


enseignent qu’il est plus difficile de reconnaître un
walliy, un saint, que de reconnaître un prophète. Les
prophètes sont souvent dotés de pouvoirs surnaturels
qui leur servent d’arguments devant les détracteurs.
Ils font des miracles comme Moussa avec ses
multiples démonstrations devant le Pharaon, Jésus qui
guérissait les muets et les lépreux, ressuscitait les
morts, avec la permission de Dieu 166. En plus de ces
dispositions surnaturelles, les Prophètes sont, surtout,
parés de vertus et qualités proches de la perfection. Ce
qui les distingue dans leurs comportements les plus
ordinaires par la rigueur dont ils font montre, tout en
restant dans l’élégance morale.
En revanche, s’agissant de l’homme de Dieu, il
est d’usage, dans la règle de conduite du maître soufi,
de dissimuler ses pouvoirs et dons, voire son statut.
Car pour les hommes de cette catégorie, sauf devant
l’extrême nécessité, l’usage des prodiges, karâmat,
n’est pas souhaité. Ils préfèrent ne pas se singulariser
par des actes de cette nature et penchent plutôt pour la
droiture et la sagesse, pour l’exemplarité dans la vie
de tous les jours. Une telle discrétion peut constituer
un voile empêchant les simples gens de le percevoir
dans sa vraie nature. Cet homme, bien que pourvu
d’aptitudes spirituelles sans commune mesure ne se
distingue en rien, le plus souvent, du commun des

166 Sourate la Famille d’Imran, verset 49.

138
mortels, ni dans son humanité ni dans sa sociabilité,
sauf par la délicatesse de son comportement. C’est
pour cette raison que nombre de personnes ont gravi
les échelons de la sainteté sans aucun doute mais elles
ont supporté les épreuves de la contestation des
ignorants, et les accusations de toute sorte, venant de
leurs contempteurs. Car ces derniers sont incapables
de percevoir les signes de la sainteté autrement que
par la prolifération de miracles. Ils ne se limitent qu’à
l’apparence des choses et à la surface des
phénomènes. Or, pour ceux qui se sont délectés de
l’essence des significations, il n’est pas indiqué de
vanter leur pureté ni leur rang, encore moins de
tomber dans l’autoglorification, Tazkiyat al-Nafs167,
contre lequel le Coran nous met en garde.
Nombre de négateurs de la Tijâniyya, même s’ils
sont réputés être savants dans la lettre de la Sharî’a,
sont dans cette catégorie. Ils ignorent l’essence des
choses et le souffle qui anime les règles de la
jurisprudence. Ils ne sont pas au fait des motivations
qui sous-tendent les injonctions divines et leurs
contextes. Par conséquent, ils s’arrêtent à la lettre des
lois, comme un enfant qui se contente de l’ombre des
choses qu’il prend pour la réalité. Par la suite, ils
accusent toute personne qui proclame que l’ombre
n’est pas la chose, d’être fantaisiste. Tel est le rapport
de la Tijâniyya à nombre de ses détracteurs. Tel est le
rapport de tous les maîtres du Taçawwuf à leurs
négateurs qui, le plus souvent, sont ritualistes et
littéralistes.
167 Ne vantez pas vous-même votre pureté […]. Sourate l’Etoile,
verset 32.

139
Nous proposons de revenir sur certains concepts
qui suffisent à définir la Tijâniyya, dans ses racines
religieuses et spirituelles, dans sa doctrine et son
mode d’éducation.

Tijâniyya
On sait que les Arabes et les tribus qui ont été
fortement influencées par eux, ont l’habitude de
référer l’individu à sa tribu. Ainsi, on a identifié le
messager d’Allah, Muhammad, à sa tribu Quraysh ;
al-Qurashî, dit-on alors. De même, on a rattaché le
Cheikh Ahmad, à la tribu de sa mère, dans le Sahara
occidental. Son arrière-grand-père maternel, Seydi
Mahamad Fatha, s’était implanté dans l’oasis de ‘Ayn
Mâdi en Algérie et il s’est intégré dans cette tribu des
Tijân, en y prenant épouse. Sa descendance fut
affiliée à la tribu et finalement on les référa à celle-ci.
C’est de là qu’est venue la Kunya, la référence tribale
Tijânî. Et plus tard, cette Kunya, qui renvoie à
l’origine familiale du Cheikh, a dominé les autres
qualificatifs qui, eux, renvoient à la filiation
spirituelle Muhammadiyya, Ahmadiyya et Hanafiyya.
Cependant, le mot Tijân, bien que renvoyant aux
origines familiales, n’en conserve pas moins un sens
symbolique. Tijân, veut aussi dire le diadème, la
couronne. La voie initiée par le Cheikh de la
Tijâniyya entraîne l’aspirant au summum de
l’élévation spirituelle. De ce point de vue, ce dernier
voit ses efforts couronnés de succès et lui-même est
auréolé de la gloire des agréés. Ainsi, la voie est-elle
comme une couronne qui confère l’autorité, la

140
grandeur et la gloire, à celui qui en est disciple. Enfin,
la voie du Cheikh Tijânî, qui est caractérisée par la
pratique stricte du principe de al-Ihsân, l’élégance
morale, est comme un diadème, par rapport à la
religion. Serigne Abdoul Aziz Sy al-Amine disait que
c’est aussi séant que le nez sur le visage168.

Muhammadiyya
Les autres termes qui qualifient la voie ont une
signification qui renvoie à une histoire et à un contenu
spirituel. Parmi ces qualificatifs, il y a le terme
Muhammadiyya qui fait référence aux fondements
apostoliques de la voie. Il y a deux niveaux de sens
qu’il faut comprendre dans cette référence au
Prophète Muhammad.
C’est le Prophète Muhammad qui a transmis
l’oraison au guide de la Ṭarîqa, dans le désert d’Abu
Samghûn, de vive voix, en état de veille et non en
songe comme ce dernier l’a affirmé lui-même. C’était
en l’an 1196 de l’Hégire correspondant à 1781 du
calendrier civil, comme indiqué supra, alors qu’il était
âgé de 46 ans. Le Cheikh reçut l’autorisation de
dispenser cette oraison afin de conduire l’éducation
spirituelle des disciples qui en étaient demandeurs,
sans discrimination de genre ni d’âge, ni d’état
spirituel ou de piété.
[…] ‫وأمره بتلقينها لكل من طلبه من المسلمين على أي‬
‫ ال‬،‫ طائعا أو عاصيا‬،‫ذكرا أو أنثى‬، ‫حالة كان كبيرا أو صغيرا‬
‫منه‬ ‫طلبه‬ ‫أحد‬ ‫من‬ ‫يمنعه‬169.

168 Jekk na ni bakkan ci xar kanam.


169 BARRÂ DA (Sîdi ‘Alî Harâ zim b al-‘Arabî) : op.cit., p. 341.

141
Le wird (oraison ou liturgie) ainsi dispensé par
le Prophète Psl était composé de la formule du
repentir (istighfâr) et de l’eulogie au Prophète (çalâtu
‘alâ al-Nabî). C’est seulement quatre ans après qu’il
lui ordonna de le compléter avec l’expression de
l’unicité de Dieu, la ilâha illâ Allah. Chacune des
composantes de ce wird obligatoire, pour tout celui ou
toute celle qui s’y engage, doit être répétée cent fois
matin et soir.
L’objectif dans l’engagement sur la voie c’est de
parvenir à s’immerger et à s’éteindre dans la réalité
Muhammadienne, al-Haqîqa al-Muhammadiyya qui
est aussi la Réalité globale, al-Haqîqa al-Kulliyya. Le
Prophète Muhammad, psl, est l’aurore de l’apparition
du monde (Fajr zuhûr al-Khalq). Il est la première
créature à paraître, de lui est issue toute autre créature.
Ainsi, il est la source de laquelle puisent tous les
prophètes et messagers. Sa situation polaire, au-
dessus de tous les pôles, - Qutb al-Aqtâb- fait qu’il
irradie tous les humains, depuis l’aube de la création,
jusqu’à son crépuscule. Les flux de son message ne
cessent d’inonder les univers, sans interruption
jusqu’à la fin des temps. Car, par son rang archétypal,
il influait sur le monde sensible –‘âlam as-Shahâda-
de son vivant, et en transitant vers le monde invisible
-‘âlam al-Ghayb-, le faisceau demeure vif, du monde
isthmique -Barzakh- vers cet univers visible.
L’argument le plus probant est donné par le
Messager d’Allah lui-même. Il a dit que les prophètes
sont vivants dans leurs tombes : ‫ورهم‬ii‫اء في قب‬ii‫اء أحي‬ii‫األنبي‬
Ailleurs, il dit, rapporté par Abu Hurayra :

142
Il n’y a aucun musulman qui me salue sans
qu’Allah ne me remette mon âme afin que je lui
rende son salut.
‫ما من مسلم يسلم علي إلى رد هللا روحي حتى أرد عليه السالم‬
Dans un autre hadith, rapporté par Abu Bakr al-
çiddîq, il dit :
Multipliez les prières sur moi. En effet Allah m’a
assigné un ange à ma tombe, lorsque quelqu’un de
ma communauté prie sur moi, cet ange me dit  : ô
Muhammad, untel fils d’untel a prié sur toi à
l’instant.
‫إذا‬ii‫بري ف‬ii‫د ق‬ii‫ا عن‬ii‫ل بي ملك‬ii‫إن هللا وك‬ii‫أكثروا الصالة علي ف‬
‫د إن فالن بن‬ii‫ا محم‬ii‫ ي‬:‫ك‬ii‫صلى علي رجل من أمتي قال لي ذلك المل‬
‫فالن صلى عليك الساعة‬.
On peut dire, en termes simplifiés que le fait de
se diluer dans la Réalité Muhammadienne signifie
s’approcher le plus possible de l’archétype –al-Insân
al-Kâmil. Ceci, par le développement des qualités
morales et intellectuelles, à travers son intelligence, -
al-‘Aql- d’une part et d’autre part, le développement
des capacités spirituelles, à travers sa lumière, al-Nûr.
Car al-Haqîqa al-Muhammadiyya est quelques fois
désigné par al-‘Aql, et d’autres fois par al-Nûr. Mais
c’est la même réalité car la Raison est lumière. Cette
immersion signifie aussi, du point de vue des états
mystiques, s’abreuver à la source des connaissances
primordiales et gnostiques -‘ayn al-Ma‘ârif-, à l’instar
des saints et des prophètes.
Le disciple connaîtra ces états lorsque son âme
sera éperdue dans l’amour du Prophète grâce à la
fréquence des eulogies au Messager d’Allah. Alors

143
son âme sera emportée dans le courant du flot de
l’esprit du Prophète, psl. Comme dit bien al-Sha‘rânî  170:
L’âme du Prophète psl, anime le monde du Bien
dans sa globalité et elle s’y exprime entièrement.
  ‫روح محمد صلى هللا عليه وسلم هو روح عالم الخير كله‬
‫والناطق فيه كله‬.
Le Khalife de la Tijâniyya, Serigne Abdoul
Aziz Sy Dabbâkh s’extasie et gronde celui qui le
dénigre pour son extinction dans cette réalité
Muhammadienne :
‫واطلب الغير إنـني في فناء‬ ‫يا عذولي فاصرف عنانك عني‬
‫مـن أتى الئما بدون امتراء‬ ‫خـمـر شـوق من ذاقـه ال يـبالي‬
[...]
‫وعظامي والمخ دون رياء‬ ‫إن حـب الـنـبي خـالط لـحـمي‬
[...]
‫وشرابي ومـنيتي وغذائي‬ ‫حب طه النبي فرضي ونفلي‬ 
Ô toi censeur, de moi détourne tes blâmes
Cherche un autre car moi je suis anéanti.
Le vin de l’amour, quiconque le goûte ne prête plus
attention
À qui avance des griefs sans valeur.
[…]
L’amour du Prophète s’est fondu dans ma chair,
Dans mes os et mon cerveau sans gloriole aucune.
[…]
L’amour du Prophète TAHA est mon obligation et
surérogation,
Mon breuvage, mon appétit et ma nourriture.
Cet état de réalisation, controversé par les adeptes
d’un takfîrisme à tout venant, est pourtant chose

170 NABAHÂNÎ (Yûsuf b. Ismâ’îl) : Al-Haqîqa al-Muhammadiyya


‘inda Aqtâb al-sâda al-çûfiyya : islâman, wa îmânan wa ihsânan.
Dâ r al-Kutub al-‘ilmîyya, p. 197.

144
admise par tous les gnostiques171. Cependant, seuls les
plus singuliers parmi les singuliers y parviennent.
Mais le Maître, Cheikh Tijânî lui, ne s’est pas limité à
la simple réalisation de son égo dans la Réalité
Muhammadienne. Il a obtenu le privilège – ô combien
convoité - d’en être le terme, le sceau, la boucle, al-
Khatm.
SERIGNE ABDOUL AZIZ SY DABBÂKH

Les mystiques décrivent cet état de sceau, al-


Khatm, comme étant le couronnement des périples de
l’aspirant. Ce dernier, pour y parvenir, doit
authentifier son initiation et tout son comportement en
les référant aux normes de constance et de rectitude
enseignées dans le Livre et actualisées par la Sunna.
Par suite, il aura éprouvé son corps et son âme à la
çalât ‘alâ al-Nabî, jusqu’à ce que l’amour du
Prophète, Psl, enveloppe son cœur et que l’image du
Messager d’Allah s’imprime dans son for intérieur, en
permanence. C’est à ce moment-là, que Dieu diffusera
Ses bienfaits, selon les mystiques, sur tous les plans.
Et aucun être humain ne pourrait plus lui reprocher
d’être redevable d’un bienfait si ce n’est le messager
d’Allah. Ce dernier lui apparaîtra alors, en songe ou
en état de veille, et il pourra lui demander ce qu’il
voudra, comme l’indique Sha‘rânî172.
171 Al-Hâ tamî, al-Sha‘râ nî, al-Fû tî (Cheikh ‘Umar), Cheikh Ahmadu
Bamba, etc.

172 Al-Sha’râ nî dit dans un propos rapporté par Nazîfî, in Durratul


Kharîda : Notre voie consiste à multiplier la çalât ‘alâ al-Nabî, jusqu’à
ce que nous soyons parmi ses compagnons et que nous puissions
l’interroger sur les questions qui relèvent de notre religion.

145
Cependant, il faut bien préciser que la
mémoration de la çalât ‘alâ al-Nabî, comme pour les
autres oraisons, ne se limite pas à l’articulation de la
simple formule. Cela requiert la purification
intérieure, l’attention et la concentration sur la
personnalité apostolique (Nubuwwa) et polaire
(Qutbâniyya) du Prophète. Cela nécessite un
comportement poli, déférent même, comme si on était
assis à ses côtés. Et d’une certaine manière pour qui
sait percevoir on est à ses côtés. Car, le but de la
mémoration, c’est l’intériorisation de sa présence
parmi nous. Lorsque l’aspirant s’habitue à cet
exercice, sous cette forme et dans ces conditions, nous
disent les grands maîtres, la lumière de la çalât ‘alâ
al-Nabî illuminera son cœur, et son image
s’imprimera dans son esprit, à chaque fois qu’il s’y
consacrera173. Par ailleurs, s’il est avéré que le
Prophète rend le salut à celui qui prie sur lui, il est, à
n’en pas douter, spirituellement présent. Le problème
avec les négateurs, c’est qu’ils veulent mesurer le
monde insensible et invisible, le monde immatériel,
avec les paramètres limités du monde sensible et
matériel.

Hanafiyya
La référence Hanafiyya, est en rapport au
souvenir actif et à l’attachement au prophète, Ibrâhîm
Psl, l’ami d’Allah. Lorsqu’on parcourt le Coran, on
retrouve dix fois le terme Hanîf distribué dans sept
sourates. Et toutes les fois, ce terme se rapporte au

173 Voir Jawâhir al-Ma’ânî sur cette question.

146
Prophète Ibrâhîm sauf une fois dans la sourate Rûm
(Les Romains). Le terme Hanîf, Hunafâ au pluriel,
signifie étymologiquement, pencher vers quelque
chose, incliner vers quelque chose. Dans la
terminologie coranique, il signifie celui qui se détache
de l’erreur pour se tourner définitivement vers la
rectitude morale : al-Istiqâma. Son antonyme, al-
Janîf, décrit celui qui, à l’inverse de la rectitude,
emprunte la voie de l’égarement.
Le prophète Ibrâhîm était entièrement tourné
vers le monothéisme qu’il professait. Départi de tout
associationnisme, il s’est entièrement voué à
l’adoration de L’Unique. La référence à ce prophète
est, par conséquent, une ligne de conduite tracée pour
le disciple. Ce dernier doit rester droit, vertueux et
juste dans tous ses états y compris dans ses relations
avec l’autre. Car être juif, chrétien ou musulman ne
doit pas empêcher de voir en chacun la Face d’Allah,
l’Unique, à Qui le disciple est soumis. Tout homme
est porteur du souffle de Dieu et il est, à certains
égards, Adam primordial. Sous cet aspect, il est la
propriété de Dieu. A ce titre, Serigne Cheikh Tidiane
Sy Maktûm mettait en garde les croyants contre
l’excès et le sectarisme religieux :
Être trop juif, trop chrétien ou trop musulman,
cela risque de nous basculer dans le vide du
sectarisme, soyons partisans de Dieu directement
si nous voulons vivre en paix.
L’origine muhammadienne de cette voie
mystique en fait forcément une héritière de la voie
d’Abraham, Millatu Ibrâhîm. Cette identification à
l’héritage d’Abraham, a une très grande valeur dans la

147
Tijâniyya. Elle invite le disciple à faire sienne le legs
abrahamique inscrit dans les versets du Noble Coran.
Dieu indique, à travers plusieurs passages, qu’Il a
vraiment élu Ibrâhîm, et l’a doté de la faculté de
raisonnement et de l’aptitude à réfuter l’erreur, avant
même qu’il ne fût inspiré par la révélation : Wa laqad
âtayna Ibrâhîma Rushdahû min qabl174.
Il a acquis la maturité de l’esprit et de l’être alors
qu’il était encore tout jeune, disent les exégètes. En
outre, lorsque le Messager d’Allah, Muhammad, psl,
est devenu adulte, dans l’environnement polythéiste
que l’on connaît, il l’a pris comme référence dans son
adoration et sa soumission à un Dieu Unique. Allah
avait indiqué au Prophète Muhammad, la voie
d’Abraham en lui disant de répondre aux
polythéistes :
‫قل إنني هداني ربي إلى صراط مستقيم دينا قيما ملة إبراهيم‬
‫حنيفا‬.
Moi, mon Seigneur m’a guidé vers un chemin
droit, une religion droite, la religion d’Abraham,
le soumis exclusivement à Allah et qui n’était point
parmi les associateurs175.
En plus, le recours exclusif à Dieu dont a fait
montre Ibrâhîm psl, magnifié par le Coran176, est
l’ultime objet de la soumission des gnostiques. Cette

174 Sourate al-Anbiyâ , verset 51.

175 Sourate al-An’â m, verset 141.  Qul innanî hadânî rabbî ilâ
çirâtin mustaqîm, Dînan qayyiman millata Ibrâhîma hanîfan […]. 

176 Idh qâla lahû rabbuhû aslim, qâla aslamtu lil-Lâhi


rabbil-‘Âlamîn, Lorsque son Seigneur lui dit soumets-toi, il dit : je
me soumets au Seigneur de l’univers. Baqara, verset 131.

148
confiance absolue en Dieu n’a jamais fait défaut à ce
prophète, prince du culte à l’Unique, même dans les
moments d’épreuve les plus critiques. Sa soumission
totale à Dieu, son refus de recourir à quiconque
excepté LUI, au moment où on le catapultait dans le
feu, sont mémorables. Les exégètes racontent que
l’Ange Jibrîl est venu lui proposer son assistance,
après avoir refusé les interventions des anges chargés
du vent et de la pluie. Jibrîl lui dit : as-tu une
doléance quelconque ?  Il lui répondit :  Si c’est
envers toi, non. En revanche si c’est envers Dieu,
oui ! J’en ai. Jibrîl rétorqua alors :  Exprime-la !
Ibrâhîm répondit : Sa connaissance de ma situation me
dispense de Lui demander.
Même si l’authenticité de ce récit est contestée
par certains, il n’en demeure pas moins vrai il reflète
l’esprit de la formule Hasbunâ Allâh wa ni‘ma al-
Wakîl177, Allâh nous suffit et Il est notre Meilleur
Garant. C’est cette formule coranique qu’Ibrâhîm a
proférée lorsqu’il a été catapulté dans le Feu, et l’on
connaît la suite. Sur l’ordre d’Allah, le feu devint
d’une douce et agréable fraîcheur et il fut sauvé.
C’est cette connaissance et cette reconnaissance
d’un Dieu Unique, Seul Maître, comme l’avait
identifié Ibrâhîm psl, qu’enseigne la Tijâniyya. Un
Dieu Qui suffit à l’exclusion de tout autre recours et
Qui, lorsqu’on Lui fait confiance, est Protecteur de
notre foi ( ‫)ديني‬, de tout ce qui nous préoccupe ( ‫لما إليه‬
‫)اهتمامي‬. Tout comme Il nous préserve contre les
injustes ( ‫)لكل باغ علينا‬, les jaloux ( ‫ )لمن يحسدوني‬et ceux qui
nous cherchent nuisance par des intrigues ( ‫لمن بالسوء كاد‬
177 Sourate Ali ‘Imrân, verset 173.

149
‫)بنا‬. Il est Le Recours lorsque survient la mort ( ‫عند‬
‫)مماتي‬, au moment de l’interrogatoire outre-tombe (‫وعند‬
‫)مسألتي في القبر‬, à la traversée de l’Isthme, çirât ( ‫إذا مد‬
‫ )الصراط‬et au jugement le jour des comptes ( ‫وعند ما نصب‬
‫)الميزان‬. C’est cette alliance sécurisante que le Cheikh,
El Hadj Malick SY, résume dans ces vers178 :
‫لـما إلـيه اهـتمامي حـسبي‬ ‫هللا حسبي لــدينـي حــسـبـي الـله‬
‫هللا‬
‫كـذا لمن يحسدوني حـسبي هللا‬ ‫لـكـل بـاغ عــلـيـنـا دائـمـا أبــدا‬
‫كـذاك عـند مـماتي حـسبي هللا‬ ‫هللا حسبي لـمـن بالسـوء كاد بـنـا‬
‫لـما اقـتـرفـت ذنوبا حسبي‬ ‫وعند مسألتي فـي الـقـبـر ذا فرق‬
‫هللا‬
‫نرجو نبي الهدى قل حسبي‬ ‫وعند ما نـصب الـمـيـزان معـدلـة‬
‫هللا‬
‫تــوكــلـي وإيـابــي حــسبي هللا‬ ‫هلل حسبي ال ربــــا ســــواه لــــه‬
‫يارب صل على المختار من مضر فـي حـقه قـلت حـقا حـسبي هللا‬
‫كـما تـصلي عـلـى آل صحـابــتــه ما قـال عـبـد مـنيب حـسبي هللا‬
C’est donc cette pureté dans la foi et cette confiance
en l’Unique, Allah, exalté dans tous les états et
178 Ces vers sont composés à partir de l’invocation de Ma‘rû f al-
Karkhî (132/200 H -750/815 JC) qui s’est converti du
Christianisme à l’Islam sous la direction d’Ali Rida. Ses parents
se sont convertis à sa suite. Il était un gnostique et ascète à qui
on attribue plusieurs Karâmats. Les soufis sont
presqu’unanimes à dire que c’est une prière qui ouvre les
portes célestes. El Hadj Malick Sy a souhaité faciliter sa
récitation pour les musulmans afin qu’ils bénéficient de ses
affluences et il a procédé à sa versification. Serigne Cheikh
Tidiane Sy raconte qu’après avoir versifié cette invocation il l’a
donnée à Gorgui Ale Malik et à une dame nommée Mame
Djimbi Fall qui la déclamaient à travers les rues de Tivaouane.
Serigne Cheikh rapporte que la pauvreté ne sévit pas dans un
pays où elle est récitée et il ne connaîtra pas de calamités non
plus.

150
situations de vie et de mort, qui justifient la référence
Hanafienne de la Tijâniyya. D’un autre côté, la voie
du Cheikh est celle choisie par le Prophète, Psl, qui l’a
faite aussi simple qu’efficace, sans contrainte
incontournable ni difficulté insurmontable. Et
pourtant, elle demeure aussi sélective que purificatrice
de l’âme et élévatrice sur l’échelle de la sainteté. Sur
ce point, elle répond à la description que le Coran fait
de l’Islam en tant que religion d’élus à la pratique
aisée179 :
‫هو اجتباكم وما جعل عليكم في الدين من حرج ملة أبيكم‬
‫[ إبراهيم هو سماكم المسلمين من قبل‬...].
C’est Lui qui vous a élus et Il ne vous a imposé
aucune gêne dans la religion, celle de votre père
Abraham, lequel vous a déjà nommés
« musulmans » avant […].
Ce choix explique que la voie est fermement ancrée
sur les fondements de l’Islam, dogme et pratiques.
C’est de la même façon qu’elle est solidement
attachée au credo des partisans de la Sunna et du culte
de l’unicité d’Allah. Ceci est d’une importance telle
que le disciple ne peut, sans violer son pacte, inscrire
son action sur un registre autre que celui du respect
scrupuleux des recommandations de la Loi. Car ici, la
mesure de toute chose est la Loi de Dieu (Shar‘ Allah)
et la norme dans le comportement est la rectitude
morale (al-Istiqâma). Cette rigoureuse observance de
la Loi, cette rectitude, sans détours ni tricherie, est une
obéissance à l’injonction d’Allah, 180 ‫فأقم وجهك للدين حنيفا‬.
Dirige tout ton être vers la religion exclusivement
179 Sourate al-Hajj, verset 78.

180 Sourate Rûm (30), verset 30.

151
[pour Allah]. C’est aussi bien un héritage de la voie
d’Abraham, Millatu Ibrâhîm.

152
KHATMHIYYA BARZAKHIYYA

Les terminologies relatives à la qualité de sceau


de la sainteté (al-Khatmiyya) et d’Isthme entre la Loi
et la Réalité cachée (al-Barzakhiyya) sont souvent
dans le collimateur des contradicteurs de Cheikh
Ahmad Tijânî. La plupart d’entre ses négateurs font
montre d’une grande intolérance par rapport à cette
terminologie et aux réalités auxquelles elle fait
allusion. Certains, les plus radicaux vont même
jusqu’à qualifier de Kâfir, le Maître de la Tijâniyya
comme le sieur Ibn Mayaba181.
Le Cheikh Ahmad Tijânî est réputé être l’Isthme
entre la Sharî‘a et la Haqîqa (al-Barzakh bayn al-
Sharî‘a wal-haqîqa), entre la réalité Muhammadienne
(al-Haqîqa al-Muhammadiyya) et toute la créature.
C’est par lui que passent toutes les catégories de
bienfaits, tous les influx diffusés par cette réalité
Muhammadienne vers les univers182. Ce statut
181 Serigne Babacar Sy avait publié une réplique à ce dernier
intitulé : ‫رغم أن ف ابن م ا يأبه‬, N’en déplaise à Ibn Mayabah
lorsqu’il avait écrit : ‫ مشتهى الخارف الجاني في رد زلقات التجاني‬, pour
dénigrer la voie de la Tijâniyya. Il en fut de même de Khalifa
Muhammad Niass de Léona Niasséne qui publia : ‫الجيوش الطلع‬
‫بالمرهقات القطع إلى ابن مايأبي أخي التنطع‬, Les armées d’avant-garde
aux sabres tranchants à l’assaut de Ibn Mayaba l’arrogant. Voir
Supra.

182 El-H. Malick Sy décrit le Prophète, dans sa tawassul connu


sous le titre de Taysîr, comme étant celui par qui les
miséricordes de Dieu inondent la terre ; Mâ fil-Bariyyat man
lam tasqihî karama min nûrihî Rabbanâ, yâ Allahu Yâ Allah.

153
d’Isthme entre les créatures et la Réalité
Muhammadienne procède de sa qualité de
représentant du Prophète Muhammad, Psl. Cette
question de représentation du Prophète peut être
comprise de différentes façons. Je vais emprunter la
voie la plus simple, celle de la raison, pour ne pas
entretenir une polémique inutile sur la base d’une
explication ésotérique.

Mieux, c’est par l’apparition de sa splendeur que la créature fut


révélée ; Law lam yaluh fî fadâ’il kawni tal‘atuhû, tabqal-
Bariyyati fî al-Zalmâ’i, yâ Allahu. Par ailleurs, sans lui, le
Prophète Muhammad, Psl, il n’y aurait pas de création et toute
la créature procède de lui ; Wa innahû iz arâda Allâhu
nash’atanâ abâna min nûrihî nûr al-Nabi al-‘alamî, dans la Sîra
en vers, qu’il a composée sous le titre de Khilâç al-Dhahab Fî
sîrati Khayr al-‘arab.

Il faut préciser qu’ici, il ne s’agit pas d’une subdivision de la


lumière intrinséque d’Allah. Car comme le dit Serigne Cheikh,
l’entité de Dieu ne se subdivise pas.

154
LE KHALIFE DU PROPHETE

À l’entame de l’aventure de l’Humanité, Allah


Subhânah avait annoncé aux anges : Innî Jâ‘ilun fil-
Ardi Khalifatan. Je vais établir sur terre un
représentant. Cette annonce voudrait-il dire que c’est
seulement Adam qui a été représentant de Dieu sur
terre ou c’est, par-delà lui, toute sa descendance qui
est visée ?
Tous les exégètes sont d’accord sur le fait que
c’est toute l’humanité qui est ainsi visée par le vicariat
de Dieu sur cette planète, peut-être même sur
l’univers. Car dans l’entendement de certains
penseurs, la terre est la base d’exploration et
d’extension de l’homme sur l’ensemble de l’univers.
De ce point de vue, elle est comme un socle, un centre
de commandement, un quartier général d’où émanent
les instructions et s’établissent le contrôle et le suivi
des opérations. Ils se fondent sur le verset suivant :
‫يا معشر الجن واإلنس إن استطعتم أن تنفذوا من أقطار‬
‫السماوات واألرض فانفذوا ال تنفذون إال بسلطان‬.
O peuple de jinns et d’hommes ! Si vous pouvez
sortir du domaine des cieux et de la terre, alors
faites-le. Mais vous ne pourrez en sortir qu’à
l’aide d’un pouvoir [illimité]183.
S’il en est ainsi, se pose encore la question de
savoir comment reconnaître dans cette humanité les
représentants. L’humanité, dans sa composition, est
riche de croyants et de non croyants, de vertueux et de
non vertueux. Peut-on dire qu’un génocidaire soit
183 Sourate ar-Rahmâ n, verset 33.

155
aussi digne de représenter Dieu que sa victime ?
Qu’un trafiquant de drogue soit aussi représentant de
Dieu qu’un prédicateur qui sensibilise sur les méfaits
de la drogue ? Un usurier aurait-il la même qualité de
représentant d’Allah qu’un sûfî ? Il est évident que le
statut de représentant de Dieu est une qualité virtuelle
partagée par toute l’humanité mais elle n’est réelle
qu’avec celui ou celle qui la reflète dans les actes.
Au demeurant, le Coran nous aide à comprendre
cela lorsque Dieu interpelle David en ces termes :
‫يا داوود إنا جعلناك خليفة في األرض فاحكم بين الناس‬
‫بالحق وال تتبع الهوى فيضلك عن سبيل هللا إن الذين يضلون عن‬
‫سبيل هللا لهم عذاب شديد يوم الحساب‬.
Ô David, nous avons fait de toi un Calife sur la
terre. Juge donc, en toute équité, parmi les gens, et
ne suis pas la passion : sinon elle t’égarera du
sentier d’Allah. Car ceux qui s’égarent du sentier
d’Allah, auront un dur châtiment pour avoir
oublié, le Jour des Comptes184
On peut bien constater ici qu’il y a une
opposition entre le vicariat (khilâfat Allah) qui est une
injonction à la justice et à l’équité, d’une part et
d’autre part, l’asservissement à la passion. Cette
dernière détourne du pacte de vicariat et entraîne à
l’oubli (Nisyân) du devoir d’ajustement des
comportements et propos à la rectitude. Par ailleurs, le
fait de négliger de référer la pensée, l’acte et le propos

184 Sourate çâd (38), verset 26. Yâ Dâwûd, Innâ ja‘alnâka


Khalîfatan fil-Ard, fahkum bayna al-Nâsi bil-Haqq wa lâ tattabi‘
al-Hawâ, fayudillaka ‘an sabîl Allah, Inna al-Ladhîna yudillûna
‘an sabîl Allah lahum ‘azâbun shadîd bimâ nasû yawm al-Hisâb.

156
à ce qui est juste, est un facteur de déchéance de la
qualité de représentant de Dieu qui est Le Vrai et Le
juste (al-Haq, al-Muqsit). Ces deux qualités de Dieu
sont en quelque sorte, les deux ressources morales qui
justifient l’élection de l’homme ou de la femme au
rang de représentant (e) de Dieu. C’est parce que le
commandement est l’attribut que Dieu a délégué aux
humains, qu’ils ont l’obligation de s’en tenir
fermement à ces deux éléments : la vérité et la justice.
Lorsque l’individu oublie ce devoir d’équité et de
vérité, c’est comme s’il avait oublié sa mission et
l’objet de son installation sur terre. C’est comme s’il
avait oublié son pacte avec Dieu. Et l’oubli est le pire
ennemi de l’homme pour l’accomplissement de sa
destinée, car il l’entraîne à un relâchement dans sa
résolution et sa fidélité à l’engagement. Notre père
Adam en avait fait les frais : ‫و لقد عهدنا إلى آدم من قبل فنسي‬
‫ولم نجد له عزما‬.
En effet, Nous avions, auparavant, fait une
recommandation à Adam ; mais il oublia ; et Nous
n’avons pas trouvé chez lui de résolution ferme185.
Si donc la question du vicariat (Khilâfat Allah)
est comprise dans ces termes, on peut alors, dans le
même temps, comprendre la question de la
représentation du Prophète, Psl (khilâfat ar-Rasûl). En
effet, le Messager d’Allah avait pour mission de
rappeler aux humains leur pacte avec Dieu, c’est à
dire leur devoir de vérité et d’équité. C’est, au
demeurant, la raison pour laquelle la communauté qui
l’a suivi et aimé a été baptisée la meilleure des
185 Sourate TAHA, verset 115. Serigne Cheikh Tidiane Sy Maktû m
traduit par : amul fullë, il a manqué de résolution.

157
communautés qui soit : Khayra Umma. Car elle
commande le convenable (ya’muru bil-Ma’rûf) et
interdit le blâmable (wa yanhâ ‘an al-Munkar)186, ses
membres se conseillent mutuellement la vérité et la
patience à supporter la vérité. Or, dans cette tâche, le
Prophète lui-même a dit que c’est le verset 112 de la
sourate Hûd, qui lui a servi de ligne de conduite :
‫فاستقم كما أمرت ومن تاب معك‬.
Sois droit, comme tu en as reçu l’ordre, ainsi que
ceux qui, avec toi, sont revenus repentants.
La qualité de khalife du Prophète réside dans cela,
c’est à dire dans la constance dans la droiture,
lorsqu’on actualise le principe : ordonner le bien et
interdire le blâmable. Car, comme l’a rapporté
Ghazâlî, dans Ihyâ, lorsqu’on arrive à respecter
scrupuleusement cette constance dans la droiture (al-
Istiqâma), on acquiert une puissante faculté de
perception des réalités sensibles et cachées, et une
faculté d’intellection et de compréhension supérieure
à celle des hommes intelligents dans l’ordinaire. On
jouit du raffermissement qui protège contre les
tergiversations et les doutes et aussi contre l’épreuve
des comptes. En effet, le Prophète, Psl, a dit :
Soyez droits et vous ne serez pas jugés, Sachez que
la meilleure de vos œuvres c’est la prière et que
seul le croyant est assidu à la purification.
‫استقيموا ولن تحصوا واعلموا أن خير أعمالكم الصالة وال‬
‫يحافظ على الوضوء إال المؤمن‬187.
186 Sourate Ali ‘Imrân, verset 110. Voir lecommentaire de Qurtubî
dans al_jâmi‘ li-Ahkâm al-Qur’ân.

187 Rapporté par Thawbâ n, recensé par Mâ lik, Ahmad et Ibn


Mâjah. Hadith authentique. Istaqîmû wa lan tuhçû wa-i’lamû

158
Par conséquent, le représentant du Prophète, Psl
(khalîfat al-Rasûl), c’est celui qui œuvre pour
promouvoir cette constance par l’éducation formelle
et par la pédagogie actualisée. Dans ce registre, aucun
homme de bonne foi ne peut nier la qualité de
représentant du Prophète Muhammad, Psl, au Cheikh
Tijânî188. Ce dernier a, dans toute situation, adopté une
ligne de conduite conforme aux recommandations
divines et à la norme paradigmatique apostolique, tant
et si bien qu’il est devenu comme un miroir reflétant
l’image de ce que Dieu avait transmis au Prophète,
Psl.

Revenons à la qualité d’isthme du Cheikh Tijânî,


avec l’explication de Cheikh El Hadj ‘Umar, dans
Rimâh. Il nous apprend qu’il y a sept immanences qui
proviennent de l’influx divin.
1- L’Essence ahmadienne qui est un des
mystères de Dieu que nul n’a jamais percé. Cette
essence est réservée exclusivement à notre
Intercesseur le Prophète Muhammad, Psl.
2- La Réalité muhammadienne (al-Haqîqa
al-Muhammadiya). C’est là où se trouvent les
réalités potentielles de tous les prophètes, les

anna khayra a’mâlikum as-çalât, wa lâ yuhâfizu ‘alal-wudû’ illâ


al-Mu’min.C’est là un autre indicateur de l’intérêt dont on fait
montre, dans la Tijâniyya, à la purteté corporelle. Ses adeptes
tiennent à scrupuleusement à rester avec leurs ablutions, à
tout moment.

188 Se référer au chapitre suivant pour mieux appréhender le


statut de représentant du Prophète, Psl, du Cheikh at-Tijânî.

159
messagers, les anges, les rapprochés (al-
Muqarrabûn), les justes (al-çiddîqûn), les pôles
(al-Aqtâb), les vertueux (al-çâlihûn) et les
gnostiques (al-‘ârifûn).
3- La Réalité apostolique où s’abreuvent
tous les prophètes, dans la diversité de leurs
expériences et de leurs rangs. Ceux qui sont
dans l’espace de cette immanence capturent tout
ce qui émane de l’espace de la Réalité
muhammadienne et tout ce qu’elle révèle.
4- L’Espace du Sceau des saints (khatm al-
Awliyâ). Ce dernier, capture tout ce qui émane
de l’Espace apostolique. Il est l’isthme ultime
entre les réalités non apostoliques et la Réalité
apostolique.
5- L’Espace de la Communauté du sceau
des saints.
6- L’Espace occupé par les autres saints
7- Les disciples des autres saints et les
autres croyants.
Ces différentes immanences sont comme des
cercles concentriques dont le centre est Allah Qui
diffuse Ses influx. Cependant, cette diffusion est
inégalement répartie, selon la distance entre l’espace
dans lequel on se trouve et le centre. Ainsi, c’est le
Prophète, Psl, qui capture la totalité des influx, dans la
Station Ahmadiyenne et qui les redistribue dans les
autres espaces à travers des relais qui sont par ordre
de proximité, de puissance de réception et de
rediffusion :
- les autres prophètes (al-Anbiyâ) ;
- les justes (as-çiddîqûn) ;

160
- les pôles (al-Aqtâb) ;
- les saints (as-çâlihûn) et les gnostiques
(al-‘Ârifûn) ;
- puis viennent les aspirants à l’amour de
Dieu, les croyants sincères ensuite et les autres
créatures, enfin.
Cela fait de chaque relais, de l’échelon supérieur
à l’échelon inférieur, un intermédiaire (wasîla) qui
permet à chaque aspirant du niveau inférieur de
bénéficier de l’influx divin, à la mesure de sa capacité
d’absorption.

161
KHATMIYYA BARZAKHIYYA

Le concept de Sceau caché, (al-Khatm al-


Maktûm) a aussi suscité beaucoup de controverses.
Cependant, nombre de vertueux (aç-çâlihûn) et de
gnostiques (al-‘Arifûn) se sont accordés sur le fait
qu’il y a un rang dont le degré est largement ignoré,
dans la hiérarchie de la sainteté. Ni ses paramètres ni
son occupant ne sont dévoilés car Dieu l’avait caché
dans Son mystère incommensurable. Seul le Prophète,
Psl, le connaissait du fait que son occupant est de sa
communauté.
‫ومعنى المكتوم الذي كتم هللا شأنه وأحواله وأسراره عن كل‬
‫أحد من خلقه حتى من المالئكة المقربين واألنبياء والمرسلين عليهم‬
‫ فهو الذي‬،‫الصالة والسالم ما عدا رسول هللا صلى هللا عليه وسلم‬
‫ علمه هللا شأن هذا القطب ألنه من أمته وظل صورته الكامل‬189 .
Ce statut enviable dans le milieu soufi est l’objet de
toutes les convoitises. Combien sont-ils parmi les
saints qui l’avaient revendiqué bien avant Cheikh
Tijânî ? Certains d’entre eux se sont rétractés par la
suite, lorsqu’ils ont été édifiés sur leur erreur, nous
apprend Nazîfî190. Le cas le plus significatif est celui
de Hâtamî (Ibn al-‘Arabî) qui avait réclamé ce statut
dans une de ces envolées :
‫بنا خـتم هللا الـوالية فانـتهـت إلينا فال خـتم يـكون لـبعدي‬
‫وما فاز بالخـتم الـذي لـمحـمد مــن أمـتـه والـعـلـم إال أنـا‬

Avec moi, Allah a scellé la wilâya qui s’est achevée,

189 NAZÎFÎ: Durrat , op. cit.,

190 idem.

162
Avec moi. Point d’autre sceau ne viendra après.
Personne n’a eu le privilège d’accéder au sceau du
Prophète
Dans sa Umma, ainsi que sa science, si ce n’est moi
seul  191.
Cette envolée aurait été dite à l’issue d’un rêve
dans lequel l’auteur avait vu un mur fait d’or et
d’argent, et auquel il manquait deux briques dont
l’une en or et l’autre en argent. Il considéra que c’était
lui les deux briques manquantes et par suite, le sceau
de la wilâya. Mais, Cheikh ‘Umar Fûtî rappelle dans
Rimâh, que Hâtamî n’a fait qu’interpréter un rêve. Au
demeurant ce dernier aurait déclaré, par la suite, avoir
entendu une voix lui dire qu’il n’était pas celui qu’il
prétendait être. Sur ce, Il aurait essayé de percevoir
par ses facultés ésotériques le statut du pôle caché,
son nom et son pays, mais dira-t-il : Dieu ne m’en a
rien révélé.
Par ailleurs, si l’on observe avec attention la
Tijâniyya, relativement à l’actualisation du principe
ordonner le bien et interdire le blâmable en croyant
sincèrement en Dieu, on s’aperçoit qu’elle est en
première ligne. C’est pourquoi la description du
Cheikh Mukhtâr al-Kuntî lui sied tel un boubou
confectionné à sa mesure. Le Cheikh Mukhtâr al-
Kuntî dit que le douzième siècle de l’hégire sera

191 Binâ khatama Allâhu al-wilâyata fantahat

Ilaynâ falâ khatma yakûnu liba‘dî

Wa mâ fâza bil-Khatmi allazî liMuhammadin

Min ummatihî wal-‘Ilmi Illâ anâ.

163
bénéfique à ses contemporains, car il ressemblera,
dans certains de ses aspects, au siècle du Messager
d’Allah pour une double raison :
1- Le sceau de la wilâya sera de ce siècle
comme le sceau de la Prophétie était apparu au
siècle du Prophète Muhammad, Psl.
2- Les disciples de ce grand Cheikh
rénovateur (al-Mujaddid) appelleront au Bien,
ordonneront le convenable et interdiront le
blâmable. À l’instar des compagnons du
Prophète, Psl, qui ont appelé au Bien, ordonné le
convenable, interdit le blâmable, croyant
seulement à Dieu et ont vécu dans l’effort
constant de redresser les nations égarées, ces
gens combattront la passion, l’instinct et Satan,
du combat suprême192.
Cette description du Cheikh al-Kuntî, va comme
une paire de gants à la Tijâniyya. Sa configuration,
son histoire et ses pratiques surtout au Sénégal et en
Afrique sub-saharienne s’appliquent parfaitement à
cette description. On a aussi noté dans les écrits d’Ibn
‘Arabî dans Futûhât que celui qui occupera le rang de
sceau caché (al-Qutb al-Maktûm) apparaîtra dans
l’occident (al-Maghrib).
192 Le propos attribué au Messager d’Allah. Muhammad, PSL,
Raja‘nâ min al-Jihâd al-Asghar Ilâ al-Jihâd al-Akbar. Nous
sommes revenus du Jihâd mineur, il nous reste le Jihâd supérieur,
est souvent cité même si l’authenticité est controversée. En
revanche, Abu Dawû d et Tirmidhî rapportent un hadith réputé
bon dans le même sens. Le Mujâhid c’est celui qui combat
contre ses passions. Al-Mujâhid man jâhada hawâhu.

164
On pourra toujours rétorquer que d’autres saints
avaient réclamé ce statut avant le Cheikh éponyme de
la Tijâniyya. Nous ne nions pas ce fait. Ibn ‘Arabî et
‘Abdul Qâdr al-Jîlânî comptent parmi les plus illustres
d’entre ceux qui ont réclamé ce statut. Cependant le
premier, se serait rétracté, comme indiqué supra. En
ce qui concerne Jilânî, le Cheikh Tijânî répondant à
l’interrogation des disciples avait précisé que c’était
uniquement de son vivant et à son époque. En
revanche lui, Cheikh Tijânî, il le proclamait de
manière absolue, depuis la création d’Adam jusqu’au
jour où on soufflera dans le cor. Cette préséance
s’explique par l’exclusivité des arcanes de la Fâtiha
dont il était le bénéficiaire par la grâce de Dieu. Ce
privilège lui était propre, à l’exclusion de toute autre
personne avant lui, excepté les prophètes.
Zâlika Fadlul-Lâhi Yûtîhi man Yashâ.

165
QUTBÂNIYYA KHATM AL-MAQÂMÂT

Autant que pour les notions de khatm al-Wilâya,


sceau de la sainteté, d’autres notions sont utilisées
dans la terminologie soufie. Malheureusement, les
contours ne sont pas souvent cernés par ceux qui en
font usage. Parmi celles-ci il y a la notion de
Qutbâniyya qui est corrélée à celle de Barzakhiyya et
de Katmiyya. Ce sont des notions qui souvent sont
controversées par les littéralistes (Zâhiriyyûn) qui
critiquent la Tijâniyya. Pourtant, avant même la
naissance de cette école soufie, beaucoup de savants
vertueux et d’une piété incontestable ont affirmé leur
existence. Ils en ont parlé dans leurs écrits, les ont
décrites dans leurs qualités comme dans leurs états.
Certains sont même allés jusqu’à réclamer ces statuts
pour eux-mêmes ou pour leurs maîtres.
al-Qutb
Lorsqu’on se référe à Ibn ‘Arabi, on le trouve
qui s’étend longuement sur le Qutb, sur ses attributs et
sur ses qualités. Selon lui, le Pôle est unique dans son
époque, il est le reflet de l’essence de tous les noms et
le miroir de la vérité. Il est le réceptacle des qualités
de la sainteté et des manifestations de la bonté divine.
Le plus souvent nous apprend-il, le Pôle est caché
pour ne pas dire, occulté. Ce qui est le plus important,
c’est non seulement sa discrétion mais surtout sa
fermeté par rapport aux principes religieux, aux
obligations cultuelles, à l’affirmation des rituels de
l’adoration qu’il n’enfreint jamais sous quelque

166
prétexte que ce soit. L’éthique qui traverse tout son
comportement est un modèle de l’Éthique islamique
enseignée par le Sceau de la Prophétie, dans le
fameux hadith qui recommande d’adorer Dieu comme
si on Le voyait. Cette exemplarité dans le
comportement le préserve ainsi que sa communauté, à
travers son personnage, contre la présomption et le
doute pernicieux. Tout comme elle les protège contre
l’inconséquence et les tergiversations par rapport à la
foi et à la soumission absolue au décret divin.
C’est cette qualité de reflet de l’essence des
signes et de réceptacle de la bienveillance divine qui
lui donne cette posture équilibrée entre l’élan divin et
le relationnel humain. Comme y invite cette sentence
que certains attribuent à Seydinâ ‘Ali, il est
dynamique dans les deux sens de l’horizontal et du
vertical :
‫اعمل لدنياك كأنك تعيش أبدا واعمل آلخرتك كأنك تموت غدا‬.
Œuvre pour la vie d’ici-bas comme si tu ne devais
jamais mourir et œuvre pour la félicité de l’au-
delà comme si tu devais mourir le lendemain.
Comment en serait-il autrement, si l’on sait que
la sagesse du Prophète nous invite à distribuer
équitablement les rôles entre corps, esprit, et famille ?
L’on raconte que Salman a réprimandé son frère Abu
Dardâ un jour. Ce dernier avait négligé sa femme et
même sa propre personne en s’adonnant à l’adoration
avec excès. Il lui dit :
‫إن لربك عليك حقا ولنفسك عليك حقا وألهلك عليك حقا‬
‫فأعط كل ذي حق حقه‬.
Ton Seigneur a un droit sur toi, ton âme a un droit
sur toi, ta famille a un droit sur toi, donne à

167
chacun son dû.
Et le Prophète l’avait approuvé en disant à Abu
Dardâ que Salman avait raison :‫صدق سلمان‬. Dans une
autre version, on rapporte qu’il a dit que Salman
comprend mieux que toi : ‫إن سلمان أفقه منك‬. Dans une
version différente, on rapporte qu’il a dit : On a
donné une certaine science à Salman : ‫لقد أوتي لسلمان‬
‫علما‬.
Dans la même veine, on peut citer le propos du
Prophète Psl à l’endroit de ‘Abdullah b. ‘Amr qui
traversait toute la nuit en prières et jeûnait sans
interruption. Le Prophète lui dit :
‫ا‬ii‫ك حق‬ii‫ فإن لجسدك علي‬،‫ وصم وأفطر‬،‫ قم ونم‬:‫فال تفعل‬
‫ك‬ii‫ وإن لزوج‬،‫ا‬ii‫ك حق‬ii‫زورك علي‬ii‫ وإن ل‬،‫ا‬ii‫ك حق‬ii‫وإن لعينك علي‬
‫عليك حقا‬193.
Ne le fais pas. Lève-toi [pour prier la nuit] et dors.
Jeûne et romps [le jeun]. Il y a un droit pour ton
corps, tu le lui dois. […] Tes visiteurs ont un droit
que tu leur dois. Ton épouse aussi a un droit.
Dans la conception des gnostiques (al-‘Arîfûn),
l’œuvre du pôle s’inscrit dans ce cadre modélisé par le
Prophète Muhammad, Psl. Il perçoit la vérité et
l’essentiel en toutes choses, et s’y consacre dans tous
ses agissements, pour construire les conditions de
leurs manifestations. Ceci afin de les consolider en les
ajustant aux dynamiques de la vie, et indiquer aux
humains les voies et moyens de se soumettre à leur
autorité. Par son exemplarité, il est le premier à se

193٢٥٦ .‫ ص‬،٤ .‫فتح الباري شرح صحيح البخاري ج‬

Fath al-Bârî, Commentaire de Bukhâ ri, T 4, p. 256.

168
soumettre aux règles établies, une fois que leur
authenticité est vérifiée et leur actualité prouvée.
Cette posture pondérée du Pôle justifie qu’il soit
au-dessus des états d’extase car il les transcende. Il est
le reflet de la vérité et le modèle d’application de la
loi. Par l’exemplarité de son comportement, il reste
comme l’aiguille de la balance : toujours droit, juste
et mesuré. Face aux vicissitudes de la vie comme aux
rigueurs de la nature, son comportement est semblable
à celui de tout vertueux soumis à Dieu. Il ne survole
pas les espaces, il ne marche pas dans l’air ni dans
l’eau. Bref, il n’abuse pas de miracles de ce genre, et
les rares fois qu’il lui arrive d’user de ses dons
extraordinaires, c’est pour aider à la manifestation de
la vérité et à son application ou pour sauver d’une
situation dramatique.
Tout cela est enseigné par les plus grands
gnostiques dont l’illustre Ibn ‘Arabî al-Hâtamî194.
D’autres grands maîtres de cette doctrine, comme Sîdi
‘Ali al-Khawâç195, ont émis des enseignements
concernant le Pôle. Ainsi, dans une réponse accordée
à son disciple l’éminent ‘Abdul Wahhâb al-Sha‘rânî,

194 Ibn ‘Arabî al-Hâtamî : Certains l’appellent le grand maître, al-


Sheikh al-Akbar. Personnage multidimensionnel, il était à la fois
jurisconsulte, poète, soufi, philosophe et métaphysicien. Son œuvre
plutôt portée sur l’ésotérisme est controversée chez les adversaires du
Taçawwuf.
195  Ce dernier est un grand savant du soufisme. Il était illettré mais a
suivi l’éducation spirituelle auprès de Ibrahim al-Matbîlî,
essentiellement. Son disciple ‘Abdul Wahhâb al-Sha‘rânî a rassemblé
ses enseignements dans un recueil intitulé : Durar al-Ghawwâç fî
fatâwâ ‘Ali al-Khawâç. Il est mort au Caire au milieu du 10 e siècle de
l’Hégire et a été enterré dans la zawiya de Cheikh Barakât al-Khayyât
qui fut aussi son maître en Taçawuf.

169
il nous renseigne sur quelques-unes des servitudes du
Qutb. De même, Cheikh ‘Abdul Qâdr al-Jîlânî,
comme Imâm al-Shâdhalî196, Imâm al-Jazûlî, le grand
rapporteur de Hadith, Tirmidhî, tous ont écrit sur le
Qutb et certains l’ont réclamé pour eux-mêmes
comme indiqués supra.

Barzakhiyya al-‘Uzmâ
La notion de Barzakh ou d’isthme pose quelques
fois des problèmes dans l’entendement des non-initiés
à la terminologie soufie. Le concept al-Barzakhiyya
al-‘Uzmâ ou l’Isthme ultime attribué à Cheikh Tijânî
n’est toujours pas appréhendé dans ses justes
proportions par les gens et peut-être même par
certains de ses disciples. Nombre d’entre eux, à notre
époque, n’ont pas souvent l’opportunité d’authentifier
leurs informations et leurs maigres connaissances de
la voie. Cela est dû, pour une grande part, à
l’environnement socioéconomique des sociétés
contemporaines et à la faillite des Dâhiras dans leurs
missions.

196 De son vrai nom, ‘Ali b. ‘Abdillah. Né au Maroc à la fin du 12 e


siècle, il est mort et enterré en É gypte. Quant à son surnom
Shâdhalî, il vient de la ville de Shâdhala, en Tunisie où sa
réputation a débuté. Disciple de ‘Abd as-Salâ m Ibn Mshîsh qui
l’a éduqué spirituellement et lui a transmis les arcanes de la
gnose. Il était à la fois imbu des connaissances traditionnelles
et des savoirs mystiques. Il disait : Si les brides de la Sharî’a ne
retenaient pas ma langue, je vous aurais informé de ce qui
surviendra demain et le surlendemain jusqu’au jour de la
résurrection.

170
Aujourd’hui, certains Muqaddams de la
Tijâniyya négligent les véritables missions des
dâhiras consistant à consolider les connaissances dans
la Sharî’a et à poursuivre l’initiation des disciples et
leur progression spirituelle ajouté au soutien social.
Choses rares actuellement où le discours merveilleux
se substitue au discours d’éveil. On préfère le registre
de l’apologie et de l’encensement à celui de la
construction et du développement spirituel des
disciples. À l’observation objective, on se rend
compte que peu de dâhiras s’adonnent à
l’enseignement aussi bien dans la Sharî‘a que dans la
Ṭarîqa . Le plus clair du temps, de nos jours, on se
limite à une litanie des bienfaits de la Ṭarîqa et
surtout de la préséance des guides auxquels on est
affilié. Cette focalisation à outrance sur la primauté du
guide auquel on est affilié a pour conséquence, entre
autres, la négligence des principes de base qui ont
dicté la création de ces dâhiras, à savoir :
- suivi de l’enseignement religieux ;
- consolidation des rapports de fraternité ;
- actualisation des principes de solidarité ;
- exercice à l’appropriation de l’éthique
prophétique ;
- ascension progressive sur l’échelle du
développement spirituel.
Depuis que la compétition s’est déplacée du
terrain de la droiture et de l’éthique à celui du nombre
de disciples, de la scénarisation des rassemblements,
du folklore des liturgies et oraisons, du festival des
Ijâzas, etc., beaucoup de choses ont changé, pour ne
pas dire tout. Les méthodes d’animation dans les

171
dâhiras ont évolué dans un sens contraire à la
direction indiquée par les fondateurs. La manipulation
mentale est érigée en méthode d’information à la
place de l’éducation et de l’instruction. Cela est l’un
des facteurs de l’obscurantisme que l’on note dans le
milieu confrérique de nos jours. Mais ce qui est
encore plus dramatique, c’est cette constante division
et rivalité entretenues autour des guides religieux par
dâhiras interposés. Et pourtant, l’enseignement de la
confrérie, basée sur le Taçawwuf, invite à établir des
liens de fraternité entre tous les croyants, entre tous
les humains plus globalement, au lieu de les diviser.
Plus insensé encore sont les clivages et rivalités
établies, par cette quête du plus grand nombre
d’adeptes, entre les disciples d’une même confrérie. Il
urge, à mon avis, d’impulser une dynamique de
réforme des dâhiras afin de les ajuster aux principes
originels et aux enjeux en cours.
Au demeurant, le fait que Cheikh Tijânî est,
pour ses disciples, l’Isthme ultime, est un motif de
plus pour s’engager ensemble dans l’unité de cœur et
d’esprit, vers l’ultime objectif. Car il n’y a qu’une
seule porte pour l’ensemble de la Tijâniyya, c’est lui,
Cheikh Tijânî. Tous les courants de cette voie sont
comme des chemins venant de différentes directions
mais convergeant vers la même destination. C’est
pour cela que les disciples de la Tijâniyya sont des
frères et sœurs. Ils doivent s’aimer les uns les autres et
éviter de succomber aux sirènes des vaines rivalités,
et des querelles de préséance. D’autant plus que tous
les rangs et leurs occupants relèvent de la
bienveillance d’Allah. Et Il les confère à qui IL veut.

172
La religion (l’islam), le Prophète (Muhammad psl), le
Livre (Coran), la Direction (Ka‘ba), le Maître (Cheikh
Tijânî), sont partagés par tous. Pourquoi les divisions
et querelles intestines ?
Quant à la Barzakhiyya al-‘Uzma, l’ultime
station sur l’échelle de la sainteté, il a plu à Allah de
la réserver au Cheikh Ahmed Tijânî. Par cette posture,
il reflète l’Essence Muhammadienne et il est le
confluent de la Sharî‘a et de la Haqîqa. Ce qui se
vérifie dans son attachement indéfectible à exécuter
les obligations divines dans toutes leurs dimensions,
sans tolérer aucune négligence. Et aussi dans son
effort constant à respecter scrupuleusement les règles
essentielles et accessoires de leur réalisation. Ce
respect consciencieux des règles de toutes natures et à
tous les degrés d’exécution de l’acte d’adoration, lui
est particulier. Il ne se donne aucune liberté ni ne se
reconnaît aucune indulgence ni permissivité comme y
font recours certains faussaires du soufisme. C’est
pour tout cela qu’il est, dans sa pratique d’adoration,
l’expression du modèle prophétique, que ce soit dans
le rituel canonique ou dans le surérogatoire.
Cette notion de Barzakhiyya est consubstantielle
à celle de Khatmiyya. Il faut savoir que le Pôle (Qutb)
est la plus importante des stations occupées par les
saints de chaque époque. Cela veut dire qu’à chaque
siècle, il peut y avoir un pôle, selon l’enseignement
des gnostiques. C’est pourquoi on parle de Qutb
Zamân. Les pôles n’ont pas tous les mêmes facultés,
les mêmes potentialités et ne sont pas tous dotés des
mêmes attributions. Malgré cette disparité dans les
profils, ils sont au-dessus de tous les autres saints et

173
vertueux de leurs différentes époques. Par conséquent,
la qualité du pôle est quelque peu tributaire de la
qualité des saints et vertueux de l’époque. Ce qui, en
toute logique, nous indique que les pôles peuvent être
du même rang. C’est à dire qu’ils peuvent occuper la
même station sans pour autant être égaux en termes
d’état ou de perfection mystiques. Ils présentent des
disparités selon leurs capacités intellectuelles, leurs
aptitudes gnostiques, la prépondérance de leur énergie
spirituelle. Ainsi, leurs positions sur la station
s’établissent de façon graduée, selon l’échelon de
chacun, conformément à leur distinction dans le grade
de Qutbâniyya. L’échelon le plus élevé se trouve être
la Khatmiyya qui est appelée l’ultime échelon (Khatm
al-Maqâmât).
Cette station (Khatm al-Maqâmât) est aussi
occupée par les plus grands pôles, selon les
enseignements du Cheikh Tijânî qui corrobore ceux
de Cheikh ‘Abdul Qâdr al-Jilâni et de l’Imâm ‘Ali.
Cet échelon de la Qutbâniyya n’est atteint, selon le
Cheikh, que par les pôles qui se sont imprégnés des
300 vertus dont s’était paré le Prophète PSL.
Rappelons que le fait d’incarner l’une d’elle
seulement est une garantie pour être agréé au Paradis.
Ainsi donc, Khatmiyyat al-Qutbâniyya est l’ultime
grade ou échelon de cette station polaire.
Cependant, il ne faut pas confondre entre la
khatmiyya dans la Qutbâniyya et la Khatmiyya dans
l’alliance de Dieu (khatm al-Wilâya). Cette
Khatmiyya est l’ultime station dans le cercle de
l’alliance avec Dieu, la wilâya. Et elle est un échelon
unique que ne peut occuper qu’une seule personne,

174
parmi les saints de la communauté du Prophète, Psl.
C’est cette station dont l’occupant est le sceau des
saints que réclamaient nombre de vertueux, certains
par espérance et souhait, d’autres par induction.
D’autres ne l’ont pas réclamée mais leurs disciples
l’ont prétendue en leur faveur.
Ce grade de sceau des saints ne signifie point,
comme le comprennent certains négateurs, qu’il n’y
ait plus de saints après lui. La Khatmiyya de la
sainteté n’est pas à confondre avec la Khatmiyya de la
prophétie. Car la Khatmiyya de la Nubuwwa veut dire
que la prophétie est close par Seydinâ Muhammad.
Mais la Khatmiyya de la wilâya signifie que nul
n’occupera plus, parmi les saints, cet échelon de la
sainteté : c’est une station unique et exclusive. Parmi
les indices qui montrent que le Cheikh Tijânî est
l’occupant de cette ultime station figurent l’eulogie
particulière et exclusive à la Tijâniyya, appelée la

175
perle de la perfection ou Jawharatul Kamâl197 et le
secret de la Fâtiha qui lui est aussi exclusif.
La notion de Khatmiyya ainsi explicitée nous
entraîne à tenter de faire la distinction entre elle et la
notion de Katmiyya. Ce sont deux notions qui sont des
paronymes et qui sont souvent l’objet de confusion de
la part des disciples. La Katmiyya, à laquelle a accédé
le Cheikh Ahmad at-Tijânî un mois seulement et
quelques jours après avoir obtenu le grade de la
Qutbâniyya al-‘Uzmâ198, est le grade qui se situe au-

197 Ô Mon Dieu répands Tes Grâces et Ta Paix sur la source de la


Miséricorde divine, étincelante comme le diamant, certaine dans
sa vérité, embrassant le centre des intelligences et des
significations, sur la lumière du monde, (celle) qui est et qui fait
être, la lumière adamique (primordiale), (sur) celui qui possède
la Vérité divine, (sur) l’éclat irradiant les nuages-porteurs-de-
pluie et les vents qui remplissent tout ce qui se présente (à eux),
depuis les vastes océans jusqu’aux plus petits réceptacles, (sur)
Ta Lumière dont Tu remplis Ton Univers, sur Ta Lumière qui
contient tous les lieux des lieux. Ô Dieu, répands Tes Grâces et Ta
Paix sur la source de la vérité à partir de laquelle se manifestent
les tabernacles des Réalités (divines), sur la source directe des
connaissances, Ta voie la plus complète et la plus droite. Ô Dieu,
répands Tes grâces et Ta paix sur la manifestation du Vrai par le
vrai, (sur) le Trésor incommensurable, Ton Effusion de Toi vers
Toi, sur le cercle de la lumière talismanique. Ô Dieu répand Tes
Grâces et Ta paix sur lui et sa famille, d’une grâce par laquelle Tu
nous le fasses connaître.

198 D’après Sîdi Muhamad al-‘Arabî as-Sâ’ihî, Cheikh Tijâ nî a gravi


la Katmiyya le 18 Safar 1214 alors qu’il avait accédé à la
Qutbâniyya le 1er Muharram de la même année. Notons que le
Magal de Touba qui célèbre l’exil de Cheikh Ahmadou Bamba
tombe le même jour. C’est une jonction historique et spirituelle

176
dessus de toutes les stations et de tous les échelons.
Aucun degré de sainteté et d’agrément, dans les
stations des gnostiques et des justes, ne se situe au-
dessus de lui, sauf celui des compagnons du Prophète
Psl dont le rang est au-dessus de tous les autres,
excepté les Prophètes. Le pôle caché (al-Qutb al-
Maktûm) est ainsi appelé à cause de son essence
cachée que personne ne perçoit si ce n’est Allah SWT
et le Prophète Muhammad, Psl.

entre les deux confréries. J’ai entendu de vive voix, Serigne


Saliou Touré dire que lorsque Cheikh A. Bamba allait en exil, El
Hadj Malik Sy lui avait donné un talisman contenant un secret
relatif aux Compagnons de Badr (Açhâb Badr) en lui disant que
cela lui serait utile là où il allait. Et le Serigne l’avait emporté
avec lui. L’essence de la bonne entente entre la Tijâniyya et le
Murîdiyya pourrait trouver un déterminant, entre autres, dans
ces deux événements.

Le 27 septembre 2019, l’inauguration de la grande mosquée


Masâlik al-Jinân par le Khalife Cheikh Mountaqa Mbacké a offert
aux musulmans une belle occasion de retrouvailles et d’unité.
Mais le fait que les disciples de la Tijâniyya ont été autorisés à
faire la Hadratul Jumu’a est un fort symbole et un bel exemple
de cette entente cordiale entre les autorités de la Tijâniyya et
de la Murîdiyya. Ce qui n’est toujours pas le cas entre disciples.

177
178
SHARΑA ET HAQÎQA

L’articulation entre Sharî‘a et Haqîqa, dans les


voies soufies en général, et dans la Tijâniyya en
particulier, est souvent sujet de discussions et de
polémique. Dans le soufisme, la Sharî‘a et la Haqîqa
sont indissociables. Serigne Abdoul Aziz Sy al-
Amine199 disait que c’était comme une pièce de tissus
avec une face intérieure et une autre extérieure. Qui
veut utiliser l’étoffe ne peut pas dire j’ai seulement
besoin d’une face, je me départis de l’autre. La
Sharî‘a est un arbre, nous dit Nazîfî, un arbre dont les
fruits sont la Haqîqa.
Il est possible de voir le rapport entre
Sharî’a et Haqîqa dans la parabole de l’arbre
évoqué e dans la Sourate Ibrahim. Ainsi la
Haqîqa est comme les racines bien implantées
dans le cœur du croyant et la Sharî‘a est
199 Serigne Abdoul Aziz Sy al-Amine (1928-2017) fut pendant
plusieurs décennies porte-parole de la Tijâniyya de Tivaouane,
avant de devenir lui-même Khalife en mars 2017. Fidèle
serviteur de son père, Ababacar Sy (1885-1957), puis de son
homonyme et oncle paternel El Hadj Abdoul Aziz Dabbâ kh
(1904-1997) dont il était le porte-parole, il a été aussi
Président de la Fédération nationale des Association
islamiques du Sénégal. A ce titre, il a été artisan aux cô tés de
son frère et mentor Serigne Cheikh Tidiane Sy, de nombre de
réformes dans l’enseignement arabo-islamique et dans la
promotion d’un islam purifié des fausses croyances et ouvert
au monde. Acteur du dialogue entre les religions, il était un
grand régulateur social respecté par tous les secteurs de la vie
nationale au Sénégal.

179
représentée par les branches qui s’élancent,
é panouies vers le ciel. Ces branches sont les
différentes manifestations de l’adoration
(al-‘Ibâda) et les fruits, les bienfaits du croyant
dans sa socialisation positive, c’est à dire dans
son application du Ihsân. Cet arbre dont Dieu
parle symbolise la bonne parole (al-Kalima al-
Tayyiba200), l’expression de l’unité de Dieu, qui
s’extériorise par des actes d’adoration et des
actes de socialisation, tous nourris par la sève de
la Haqîqa. Sans cette sève, il n’y a ni arbre ni
branches, ni fruits. Mais la sève seule ne peut
remplacer ni branches ni fruits. Tel est aussi le
rapport de la Haqîqa à la Sharî‘a. Au demeurant,
l’arbre squelettique, sans ombrage et sans fruits,
qui manque de stabilité, est justement le
symbole de l’absence d’enracinement. Le Coran
le décrit ainsi : ‫ما لها من قرار اجتثت من فوق‬
‫ األرض‬. Déraciné de la surface de la terre. Il n’a point
de stabilité.

Sans la Haqîqa, la Sharî‘a risque d’être


caricaturale, pauvre et sans â me : un simple
formalisme rituel, sans souffle. Nazîfî ajoute par
ailleurs que la Sharî‘a est un impératif à l’endroit
des humains, pour exprimer la soumission à
leur seigneur. Par contre, la Haqîqa, c’est la
200 Sourate Ibrahim, verset 25.

180
mé moration de Dieu au moment de l’adoration
et au moment de l’exécution des actes, de tous
les actes. C’est, en quelque sorte, la réalisation
de l’état d’Ihsân, l’élégance morale, comme
l’avait défini le Messager d’Allah : Se soumettre à
Dieu comme si on Le voyait, car si on ne Le voit pas,
Lui nous voit.

C’est donc cela la Haqîqa. Faire de l’obligation


d’adoration, non pas un formalisme dépourvu de toute
âme ou un rituel mécanique, mais une expression
vivante et élégante de la permanence de la
souvenance. La Sharî‘a est l’extériorisation de la
soumission par l’adoration, la Haqîqa reflète la
présence de Dieu, en permanence, durant l’adoration
et en dehors de l’adoration rituelle.
L’attachement particulier de la Ṭarîqa à la
sourate al-Fâtiha reflète, entre autres choses, les
enseignements relatifs au rapport entre l’adoration et
l’intériorisation de la présence d’Allah, lors de l’acte
de soumission rituelle et dans l’acte de soumission
culturelle. Le disciple Tijânî affirme, dans la prière ou
lors de l’ouverture de ses oraisons, l’exclusivité de
son adoration à Allah de même que son besoin de
secours.
‫إياك نعبد‬. Toi Seul nous adorons.
‫وإياك نستعين‬. En Toi Seul nous recourons.
Il exprime, à travers ses déclarations, qu’il se
dépouille de tout savoir et initiative, de tout désir et
réprobation, pour s’en remettre exclusivement à Dieu.
On peut dès lors comprendre, à partir de tout ce qui

181
précède, que la notion de wasîla n’a aucune
connotation associationniste ou polythéiste, comme le
prétendent les ritualistes littéralistes (Zâhiriyyûn). Si
d’autres communautés religieuses le comprennent
dans un sens blâmable, ce n’est pas la faute à la
Tijâniyya. Même si, dans la Tijâniyya, des guides se
prévalent de cette compréhension, on ne peut en tenir
rigueur à la voie qui a, comme seule norme
d’authentification, la Loi. Le guide, Ahmad Tijânî,
avait dit depuis toujours d’authentifier tout propos qui
lui serait attribué, avec le paramètre de la Sharî‘a,
mizân as-Shar‘, avant d’appliquer ou de rejeter. En
tout cas, dans les enseignements de la Ṭarîqa , on ne
peut nulle part se prévaloir de quoi que ce soit pour
justifier une négligence quelconque dans l’application
de la Sharî‘a, encore moins un manquement aux
principes du Tawhîd. Cheikh El Hadj Malick Sy nous
exhorte à la fidélité à la Sunna et à la règle standard
qu’est le Coran à travers tout son enseignement. Ces
vers dans Khilâç al-Dhahab en sont une illustration :
‫ـه ما حويت من األشواق والسدم‬ ‫إن القرءان هو الميزان تعرف منـ‬

182
183
MAÎTRE ET DISCIPLE
Parabole de l’abeille et du frelon

Les maîtres dans les voies du soufisme


(Ṭarîqa /Turuq) ont rapporté que, de façon générale,
les oraisons et liturgies des guides spirituels sont le
reflet de leurs états psycho-spirituels et de leurs
niveaux de connaissance, de pratique rituelle et
spirituelle. C’est également par les vertus intrinsèques
de ces oraisons et liturgies qu’ils appréhendent toutes
leurs affaires. Ce sont des gens entièrement guidés par
les lumières de leurs dévotions dans la conduite de
leur vie de tous les jours comme dans leurs démarches
pour satisfaire leurs souhaits et désirs. Ils ne se
suffisent pas de leur simple supposition ni de leurs
prétentions. C’est sur la puissance virtuelle de ces
invocations qu’ils se sont toujours appuyés, par amour
et par crainte, répondant par les actes à cette
injonction d’Allah : ‫أدعوني أستجب لكم‬201.. Appelez-Moi, Je
vous répondrai […].
Ce faisant, à force de foi, pour emprunter le
terme à SEYE202, ils ont réussi à donner à leur
existence une courbe de succès aussi bien spirituel
que social.
Sans aucun doute, certaines personnes parmi
leurs disciples ou leurs admirateurs, éblouies par le

201 Sourate Ghâ fir, verset 60.

202 SEYE (Chérif Elvalid) : Mgr THIANDOUM : A force de foi,


l’Harmattan, 2007.

184
prestige de leur réussite, ont voulu expérimenter ces
oraisons pour satisfaire leurs propres désirs. Mais le
plus souvent, le résultat n’est pas identique, il arrive
même qu’on ait abouti à l’inverse de ce qui était
recherché. Car, il ne s’agit pas de prononcer des mots
ou de copier, et souvent mal, la lettre des oraisons.
Sans être initié à l’art de la jonction de l’âme de
l’aspirant à l’Âme universelle, les mots n’ont pas la
longueur d’onde qu’il faut. Car l’essence est dans le
code de la formule et non dans sa lettre, elle est dans
la pureté du cœur qui se soumet par l’adoration et non
dans la rapidité de la langue qui articule dans l’attente
avide d’un effet express, instantané. Et tout ceci est
conditionné par l’éducation du maître et par son
autorisation, ndigël, izn. A ce propos, les mots de
Cheikh Ibrahim Niass relativement à une formule
qu’un de ses éminents disciples lui avaient envoyée,
sont instructifs203.

L’anecdote de l’abeille, rapportée dans Durrat


al-Kharîda, est d’une profonde pédagogie. L’abeille a
enseigné au frelon l’art de construire la ruche.
Lorsque ce dernier eut fini de bâtir la ruche, gagné par
la prétention, il s’émerveilla de son œuvre, en
minimisant l’apport de l’abeille. Cette dernière, pour
le confondre devant son ingratitude et sa vanité, lui
demanda alors de lui montrer le miel. Évidemment, il
en fut incapable. Le secret, lui dit l’abeille, est détenu
par le concepteur de la demeure, il n’est pas dans la
demeure elle-même.
203 Voir le texte en annexe, source Jawâhir Rasâ’il, anthologie des
correspondances de Cheikh Ibrahim Niass, p. 30 et 31.

185
Cette anecdote indique, pour qui sait
comprendre, que l’aspirant arrive à maîtriser son art et
à détenir les codes et normes, dans la discipline et la
patience, dans la sincérité, le désintéressement et la
reconnaissance. Cette discipline, dans la Ṭarîqa ,
peut-être résumée, d’une part, par le respect de la Loi
(Sharî‘a), par l’adoption de la vigilance dans toutes
les pratiques rituelles204. D’autre part, elle se
manifeste dans le fait de s’éloigner de toute
permissivité ou indulgence abusive dans toutes ses
affaires. Enfin, elle se reflète dans l’attachement au
maître, dans le respect de ses consignes, de ses
orientations et de ses enseignements. Car, sans la
satisfaction du maître, il est difficile d’accéder aux
connaissances subtiles. Cela requiert un profond
respect à ce dernier et un engagement ferme à le
servir loyalement et patiemment. Sans cela, on risque
de ne pas obtenir la quintessence des choses, le
substrat des oraisons et in fine, on rate l’éveil. S’il en
est ainsi, le disciple risque de rester à la station
primordiale d’Adam, quand on lui avait seulement
transmis les signes sans leur signification. Ibn ‘Atâ
Allah dit à ce propos que c’est Adam qui reçut les
noms (al-Asmâ’) et c’est le Messager Muhammad psl,
qui en détient la sémiologie (al-Fuhûm wal-M’ânî).
Or, le Maître en tant que transmetteur des concepts et
de leurs sémiotiques peut mettre le disciple à
204 El Hadji Malick Sy disait dans Kifâyat ar-Râghibîn : « Est
vigilant, en matière d’adoration, celui qui se détourne de ce qui
est douteux, pour appliquer ce qui est sans équivoque. Wa zu-
ihtiyât fî umûr ad-dîn, man farra min shakki n ilâ yaqîn. C’est-là
un des grands principes de la Tijâniyya.

186
l’épreuve de la capacitation intellectuelle mais aussi
morale et physique. Si ce dernier s’empresse de voler
de ses propres ailes, avec le peu de connaissance
acquise, il restera ignorant de la quiddité des choses et
planera à rase-motte. Tel le frelon, il saura montrer
une contingence sans jamais offrir une essence.

Le grand maître El Hadj ‘Umar al-Fûtiyu, a su


éviter ce risque consistant à paraître homme de l’art
alors qu’on ne détient rien des arcanes. Il est un
exemple pertinent dans son compagnonnage avec
Cheikh Muhammad al-Ghâlî. El Hadj ‘Umar al-
Fûtiyu, dans son itinéraire pour accéder à la gnose de
la voie, nous enseigne que l’âme de la Ṭarîqa est à
rechercher dans la constance dans l’effort, dans le but
de servir Dieu, Le Très-Haut. L’ultime ambition est
de bénéficier de Sa satisfaction et de Ses bonnes
grâces (Ridwân). Or, on ne peut viser le summum de
l’agrément en se contentant d’assurer le minimum de
service.
Par ailleurs, les maîtres de la Ṭarîqa nous
apprennent que cette discipline est l’expression du
dépassement. Cela veut dire qu’il est nécessaire de
bien s’acquitter des obligations canoniques (Farâ’id),
des pratiques apostoliques surérogatoires (Sunan) et
des pratiques méritoires et souhaitables
(Mustahabbât), dans tous les comportements et états :
état d’âme, états spirituels, statuts sociaux, etc. En un
mot, c’est se prévaloir de toutes les qualités relatives à
la piété dans l’adoration, à la bonté dans les relations

187
sociales et à l’honorabilité dans l’intimité 205. On peut,
par conséquent, dire que c’est l’expression des hautes
qualités, des vertus sublimes, dignes de caractériser le
serviteur quand il vise l’agrément du Créateur dans Sa
splendide Grandeur (Jalla Jalâluh). Celui qui se
prévaut de cette discipline, sans fausseté ni
ostentation, sera sans nul doute dans le rang des
vertueux (al-çâlihûn), des prophètes (al-Nabiyyûn),
des justes (al-çiddîqûn) et des martyrs (al-Shuhadâ), à
la tête desquels trône le Prophète Muhammad, PSL.
Cette discipline est cependant différente de la
simple inféodation, de l’aliénation de la volonté et du
vil aplatissement devant le guide. Il est facile de faire
une confusion et d’avoir une mauvaise
compréhension de la notion de négation de soi,
contenue dans la formule comme le cadavre entre les
mains de celui qui le lave (kal-Mayyit bayna yaday
ghâsilih). Les maîtres soufis avancent que le disciple
doit se départir de sa volonté devant son guide. Il ne
lui pose jamais les questions Pourquoi ? Cela renvoie
au récit de Khidr et du Prophète Moussa raconté dans
la sourate al-Kahf (La Caverne). Dans ce récit
Moussa émit le souhait d’être instruit par Khidr en ces
termes :  ‫هل أتبعك على أن تعلمني مما علمت رشدا‬
[…].

205 Le chantre a bien identifié cette qualité en Serigne Babacar Sy


lorsqu’il disait qu’il ne faisait rien dans l’intimité qu’il pourrait
regretter en public. C’est comme l’avait dit son hô te
mauritanien en d’autres termes, après l’avoir bien observé
dans ses comportements, tout d’élégance et de
politesse : Innahû yata‘addabu ma‘al-Haqq. Il fait preuve de
politesse auprès de Dieu, avait-il dit.

188
Puis-je te suivre à la condition que tu m’apprennes
de ce qu’on t’a appris concernant une bonne
conduite ?
Mais son interlocuteur semblait douter de la
capacité de Moussa à patienter et à ne pas l’interroger
sur les événements qu’il ne pourrait pas s’expliquer. Il
Lui dit :
- ‫إنك لن تستطيع معي صبرا‬. Vraiment tu ne pourras
jamais être patient avec moi.
‫وكيف تصبر على ما لم تحط به خبرا‬. Comment endurerais-
tu sur des choses que tu n’embrasses pas par ta
connaissance  ?
Finalement, lorsque Moussa insista et s’engagea
à rester patient et à ne désobéir à aucun de ses ordres,
son interlocuteur accepta le compagnonnage avec la
condition que l’on connaît :
  ‫قال فإن اتبعتني فال تسألني عن شيء حتى أحدث لك منه ذكرا‬.
Si tu me suis [dit l’autre], ne m’interroge sur rien
tant que je ne t’en aurai pas fait mention206.
Ce récit est l’argument utilisé par les soufis pour
montrer que le compagnonnage avec le maître doit
s’établir sur la base de la confiance et de l’abandon de
soi. La théorie de la négation de soi, mal comprise,
entre en contradiction avec la responsabilité
individuelle devant Dieu (al-Taklîf). Cette théorie, à
mon sens, signifie la négation de l’Ego, dans le sens
où il s’oppose à une perception correcte du réel. C’est
une abstraction du moi, du culte excessif de sa propre
personne que l’on tend à ériger en but unique de la
conduite, ce qui est blâmable. Il est difficile, en effet,
de s’élever vers les plus hautes qualités, si on a

206 Sourate al-Kahf / La Caverne, versets 66 à 70.

189
comme horizon son nombril. C’est donc à un
renoncement au culte du moi qu’on invite et non à une
renonciation à la responsabilité et donc au jugement.
Comment peut-on inviter les gens à renoncer à
leurs responsabilités, tout en leur demandant de
mesurer les propos de leurs guides à l’étalon de la
loi ? Cette invitation faite aux disciples, de tout
rapporter à la Loi, indique qu’il ne peut pas prétendre
au dépouillement de sa responsabilité, d’une part et
que, d’autre part, il ne peut sous aucun prétexte de
facilité ou de discipline de Ṭarîqa, dire que les actes
et propos du Cheikh ne sont pas à discuter. Si ! Les
actes sont interrogés pour mieux les appréhender et
non pour les déconstruire et les désavouer. La
déférence au guide (Horma) est aussi un instrument
pour atteindre la finalité. Elle dicte une démarche
autre que le désaveu du guide. Lorsque le Coran dit :
‫[ ياأيها الذين ءامنوا ءامنوا‬...], ô les croyants ! Soyez fermes
[…], il nous interpelle sur notre capacité à
l’endurance sur le chemin de la foi, aussi bien dans la
quête du savoir que de l’être. Car c’est là, la clé du
succès.
La discipline est un choix opéré sur la base de la
connaissance :
- de notre état de mortels issus de la poussière à
laquelle nous retournons ;
- de Dieu, Créateur, Maître Absolu et Plein de
miséricorde ;
- des obligations que Ce Maître nous a
imposées ;
- que notre salut réside dans l’accomplissement
de ce service ;

190
- de la finitude de la vie, de l’évanescence des
leurres de ce monde.
Ainsi on aboutit à une reconnaissance que notre
activité essentielle ne doit pas avoir comme objectif la
poursuite de ces leurres, mais la bonne conduite, la
bonne direction de vie. La compréhension de la
discipline chez les adeptes de la Tijâniyya réside dans
les objectifs et méthodes de la voie. La Tijâniyya
recherche à élever l’homme au niveau cognitif et
gnostique, au niveau du comportement et de la
cordialité, au lieu de l’aliéner pour profiter de son
ignorance. Car si l’homme est rendu ignorant par le
renoncement à la connaissance, il devient un dégénéré
qui accepte son infériorité et sa servilité. Il s’agit alors
d’un véritable détournement de conscience et
d’autorité. Car la connaissance a été la première
ressource que Dieu a attribuée à l’homme pour
accomplir son vicariat. Notre père Adam l’a
inaugurée par l’acquisition des signes et après lui, la
Lumière des univers en constante formation, le
Prophète Muhammad, PSL, l’a parachevée en
assimilant les arcanes. Encourager les gens à
l’ignorance pour les asservir est un procédé qui ne
diffère pas du système pharaonique. Le Coran nous
renseigne sur ce procédé d’étourdissement du peuple
d’Égypte dans le but de le dominer : Fastakhaffa
qawmahû fa-Atâ‘ûh207 .
C’est en fait là que se situe le ventre mou des
confréries, aujourd’hui. Bâtie sur la connaissance et la
quête du savoir, transformés en règles de vie, elles
deviennent des repaires de manipulateurs de toute
207 Sourate al-Zukhruf, verset 54.

191
sorte, de faux guides (al-Mutashayyikh). Et les
fondateurs l’avaient déjà perçu et avaient mis en
garde les disciples. Dans Kifâyat al-Râghibîn, El Hadj
Malick Sy décrit si bien la fausseté de ces prétendus
hommes de Dieu. Il avertit contre le fait de leur
divulguer un quelconque secret de la voie. Car ces
derniers n’ont point pour but de développer leurs
compétences spirituelles ni leur science. Leur seul
objectif est d’user de ces secrets pour abuser les gens
et les mystifier : ‫اتخذوا علمهم الرقائق والدقائق سلما الستهواء قلوب‬
‫ العامة‬. Ce qui, à ses yeux serait comparable à vendre
une arme à un coupeur de route : ‫] كبائع السيف من‬...[ ‫و يكون‬
‫قاطع الطريق و هذا حال الكثير من الناس‬.
Tout cela nous conforte dans le sens de la
parabole de l’abeille et du frelon. C’est qu’en vérité la
demeure, c’est-à-dire la structure appelée Ṭarîqa
n’est pas l’important. Elle est un cadre d’exercice
pour acquérir des connaissances et des compétences
pour s’élever intellectuellement, spirituellement et
moralement. L’important, c’est d’accéder, par la
guidance du maître, le cheikh, à l’essence nichée dans
les caches et s’en délecter et maîtriser sa composition.
C’est la qualité du maître, articulée à l’humilité de
l’aspirant, qui permet ou empêche d’y accéder, selon
que ce dernier soit le frelon ou l’abeille.

192
193
TIJÂNIYYA  : INNOVATION BLÂMABLE ?

Les contradicteurs de la Tijâniyya l’accusent


souvent d’être une voie d’innovation. Ils se réfèrent
au hadith authentique du Prophète Muhammad Psl
dans lequel il disait : Toute innovation est une erreur
et toute erreur conduit à l’Enfer. Il faut cependant
avoir une correcte compréhension de l’innovation
blâmable en islam.
Définition de l’innovation (Bid‘a)
Il est recommandé, avant de juger une
quelconque chose, d’avoir une juste perception de sa
réalité, de ses contours. Puisqu’il s’agit ici de qualifier
une pratique de bid‘a, c’est à dire d’innovation
blâmable, essayons de cerner le concept dans sa
définition comme dans sa terminologie dans les
sciences religieuses.
Sur le plan étymologique, Bid‘a est un nom
dérivé de la racine b-d-', qui signifie inventer, créer
quelque chose, une pratique qui n’a pas de précédent.
Nous trouvons dans le Coran cette expression avec ce
sens de nouveauté208. De même les qualités de badî‘ et
mubdi‘ sont des attributs d’Allah, Créateur à partir de
rien209.
Sur le plan terminologique, bid‘a renvoie à toute
adoration ajoutée dans la religion sans fondement.
C’est cette expression qui est importante : Sans
fondement, . ‫ ما ليس له أصل في الدين‬Aussi, avant de

208 ٩ ،‫ األحقاف‬:‫قل ما كنت بدعا من الرسل‬.

209 ١٠١ ،‫ األنعام‬١١٧ ،‫ البقرة‬:‫بديع السماوات واألرض‬.

194
décréter que telle et telle pratiques sont des
innovations blâmables, faudrait-il les analyser sous
cet angle : Quel est leur rapport aux fondements ?
C’est à dire aux règles du Coran et aux pratiques
apostoliques paradigmatiques (Sunna du Prophète
Psl). En effet, on ne peut exclure l’innovation de
l’Islam dès lors qu’elle n’inscrit pas sur l’échelle des
dogmes une nouvelle adoration. Car comme l’a si
bien dit le Coran, la religion est achevée et l’Islam est
scellé en tant que dogme, à jamais. Niane (Seydi
Diamil) fait une importante analyse sur le sujet210. Il y
revisite les arguments des uns et des autres et cite Ba
(El Hadj Malick) quand il écrit :
On n’appelle pas quoi que e soit « une innovation »
(bid‘a) tant qu’elle ne va pas à l’encontre de
l’explicite coranique et de la sunna (çarîh al-Kitâb
wa-l-sunna)211.
On le sait, ni le Coran ni le Prophète Psl, encore
moins les compagnons, n’ont interdit aux croyants de
puiser dans les ressources de l’Islam ce qui étanche
leur soif d’élévation et de spiritualité. Dans ce cas, il
ne s’agit pas d’ajouter quoi que ce soit dans l’Islam ni
dans l’adoration. Il s’agit plutôt de faire de l’adoration
non plus un asservissement mais une action de grâces.
Tout le monde s’accorde sur le fait que
l’adoration, en tant qu’obligation exprimée par les
210 NIANE (Seydi Diamil): Soufisme, Wahhabisme. Querelle des
textes ou choc des lectures ? Préface de Sophie Bava. Albouraq,
2019, p. 30.

211 BA (El Hadj Malick): al-Haqâ’iq al-Islâmiyya fi-l-radd ‘alâ al-


Mazâ‘im al-Wahhâbiyya bi’dillat al-Kitâb wa-l-Sunna al-
Nabawiyya, Istanbul, al-Maktab al-Haqîqiyya, 1987, p. 29.

195
cinq piliers, est le symbole de sujétion par rapport au
Créateur. En revanche, les actes d’adoration
surérogatoires accomplis par le croyant ont, en plus de
ce sens de soumission, une expression de gratitude et
d’amour envers Allah. En cela, le croyant suit la voie
tracée par le Prophète Psl, en réponse à l’interrogation
de son épouse ‘Âisha, relativement à ses actes
surérogatoires. Pourtant tout lui était garanti mais il a
préféré être reconnaissant.  ‫أفال أحب أن أكون عبدا شكورا‬ ? 
Avait-il dit : Ne devrais-je pas aimer être un serviteur
reconnaissant212 ?
Par ailleurs, combien de fois avons-nous
rencontré, dans le Coran, des versets qui nous incitent
à faire des efforts sur la voie de Dieu213 ? Or, la voie
de Dieu, c’est tout acte licite que le croyant accomplit,
de son propre gré, par le moyen de sa personne (bi-l-
Nafs) et par les biens (bi-l-Amwâl), rien que pour
obtenir l’agrément de Dieu (Ibtighâ’a Mardât Allâh).
Dans ce registre il n’y a pas de catalogue à consulter,
il y a seulement une authentification à rechercher et
des principes à respecter. Cela veut dire que, tout acte
accompli dans le sens indiqué, doit être authentifié par
la religion musulmane, dans le principe comme dans
212 Hadith consensuel.

213 Al-Jihâd fî sabîl-Allâh. D’ailleurs le plus grand effort que l’on


puisse faire, sur la voie de Dieu, est la purification de l’â me, le
combat contre les instincts et les vices, contre les entraves à
l’éthique. Ce qui consiste à vivre en permanence avec l’idée de
Dieu, dans le respect des règles de la Sharî‘a et dans la culture
du comportement le plus bienséant, en toutes circonstances.
C’est cela la base des enseignements des voies soufies (Ṭarîqa )
dont la Tijâniyya.

196
la modalité : prière, aumône, jeûne, oraisons,
invocations, etc. Ceci dit, posons-nous la question de
savoir ce qui constitue l’innovation blâmable dans les
oraisons de la Tijâniyya.
Ta‘awwudh : A’ûdhu billâh min al-Shaytân al-Rajîm.
ِ ‫فَِإ َذا قَ َرْأتَ ْالقُرْ آنَ فَا ْستَ ِع ْذ بِاهَّلل ِ ِمنَ ال َّش ْيطَا ِن الر‬
‫َّج ِيم‬ 214

Ce verset de la sourate les Abeilles enjoint au


musulman de chercher refuge auprès d’Allah contre
Satan le lapidé quand il récite le Coran. Or, la Fâtiha
est la mère du Coran lui-même. Elle est aussi
l’ouverture des oraisons de la Tijâniyya. Par
conséquent les disciples de cette voie suivent
l’injonction d’Allah en commençant leurs litanies par
cette formule consacrée, A‘ûdhu bi-Allâh min al-
Shaytân al-Rajîm, ((je cherche refuge auprès d'Allah
(SWT) contre Satan le maudit, le lapidé). Ce faisant,
ils immergent leur être dans la conscience d’Allah.
D’autant plus que l’oraison est aussi une invocation.
Or, Lui-même Allah dit de l’invoquer par Ses plus
beaux noms. Et Allah est la mére de tous les autres
noms, par lesquels on désigne La Divinité. Lui seul
est digne d’être magnifié par les multiples actes
d’adoration et de soumission.
D’un autre point de vue, en formulant le
Ta‘awwudh auprès d’Allah contre Satan, le disciple
de la Tijâniyya a conscience que les démons parmi les
jinns comme parmi les humains sont ses seuls
adversaires. Et il doit se concentrer sur son propre
démon dont il doit se départir.

214 Lorsque tu lis le Coran, demande la protection d'Allah contre le


diable banni. Sourate : An-Nahl, 16 : 98.

197
La Basmala : Bismillâhi al-Rahmâni al-Rahîm
Depuis quand réciter la formule Bismillahi al-
Rahmâni al-Rahîm serait une innovation ? Encore
plus, une innovation blâmable ? Cette formule qui est
l’ouvrant de chaque sourate du Coran, exceptée
Tawbah, est une expression d’imprégnation de la
préséance d’Allah et de Sa présence dans les actions
du musulman. Il a été rapporté de ‘Abdullah b.
Mas‘ûd que celui qui souhaite être protégé des 19
gardiens de l’Enfer (les zabâniya), qu’il récite
Bismillâhi al-Rahmâni al-Rahîm. Ceci pour qu’Allah
lui fasse pour chaque lettre un bouclier contre chacun
d’eux. Car la Basmala est composée de 19 lettres
équivalant au nombre des anges gardiens de l’Enfer
dont parle la sourate al-Mudaththir : Ils sont dix-neuf à
y veiller.  ‫عليها تسعة عشر‬.
En plus de cela, tous les musulmans savent qu’ils
doivent commencer toute action par la Basmala. Ils
ont tous appris que toute activité sérieuse qui n’est pas
ouverte par la Basmala est inachevée, incomplète
pour ne pas dire stérile. Le Prophète Sulaymân a
introduit son message à Balqîs par la Basmala. De
même, al-Muçtafâ Psl a introduit sa lettre à
l’empereur Romain Héraclius par la Basmala. Alors,
les disciples de la Tijâniyya, partisans de l’excellence
en toute chose, s’évertuent à prononcer la Basmala et
à l’incarner dans son expression d’attestation de
l’unicité d’Allah et de l’espérance dans toutes Ses
miséricordes, ici et là-bas.
Enfin, pour ne pas être exhaustif, nous
rappellerons que c’est la première chose que l’ange
Jibril a enseignée au Prophète, d’après les exégètes :

198
‫إقرأ باسم ربك‬. Lis, au nom de ton Seigneur. C’est à dire
Bismillah.
La Fâtiha
Depuis quand réciter la Fâtiha en quête de
l’agrément d’Allah est une innovation ? Il n’y a aucun
doute sur les mérites de la Fâtiha et sa singularité.
Nombre de hadiths authentiques confirment son statut
spécial, elle est Umm al-Kitâb ( ‫ )أم الكتاب‬la matrice du
Livre, Umm al-Qurân ( ‫ )أم القرءان‬la source du Coran,
Sab‘ al-Mathânî ( ‫) السبع المثاني‬, les sept pairs. Elle est
exclusive au Prophète Psl du fait qu’elle n’a jamais
été révélée à personne d’autre avant lui. Au moment
de sa révélation, s’est ouverte une porte dans les
cieux, jamais été ouverte auparavant, et un ange qui
n’a jamais été sur terre est descendu. Il a salué le
Prophète, et lui dit :
‫ فاتحة‬:‫أبشر بنورين أوتيتهما لم يؤتهما نبي قبلك‬
‫الكتاب وخواتيم سورة البقرة لن تقرأ بحرف منهما إال‬
‫أعطيته‬215.
Réjouis-toi pour deux lumières qui te sont
apportées et qui n’ont jamais été données à un
prophète avant toi : la Fâtiha et les derniers
versets de la sourate al-Baqara. Tu n’invoqueras,
par aucune lettre de ces deux, sans que tu
n’obtiennes ce que tu as demandé.
Ce hadith authentique ne suffit-il pas, entre
autres, pour conforter le disciple de la Tijâniyya sur la
chance qui lui est offerte, de bénéficier de tant de
grâces, par ses actes de reconnaissance à Allah ? Par
ailleurs, cette sourate qui est la plus importante du
Coran offre au disciple l’opportunité de compter
215 Recensé par Muslim et authentifié par Albâ nî.

199
parmi la minorité des serviteurs qui sont
reconnaissants. En la récitant et la méditant, en la
traduisant en ressource de vie, le disciple reste
constant dans l’adoration exclusive de Dieu. De
même, dans sa quête de droiture et de guidance sur la
voie des prophètes, des justes, des martyrs et des
vertueux, il ne recherche que le secours d’Allah. En
un mot, il n’a de finalité qu’en Allah, Lui Seul est sa
direction et son objectif.
Istighfâr 
‫ أستغفر هللا‬Astaghfiru Allah (Je demande pardon à
Allah)
‫أستغفر هللا العظيم الذي ال إله إال هو الحي القيوم‬ 
Astaghfir Allâh al-‘azîm Alldhî lâ Ilâha illâ Huwa
al-Hayy al-Qayyûm. (J’implore le pardon d’Allah
le Grand en dehors de Qui il n’y a point d’autre
divinité, le Vivant, l’Absolu.)
La formule du repentir, que ce soit la formule
simple ou la grande formule, est un élément important
du dhikr dans la Tijâniyya. Il ne s’agit pas d’un acte
banal car aucun acte d’adoration ne l’est. C’est
répondre à l’injonction divine que de regretter ses
erreurs et fautes. En prononçant la formule du
repentir, le disciple fait montre d’humilité car il
reconnaît qu’il n’est qu’un sujet, faible et pécheur,
comme le reconnaît El Hadj Malick Sy dans son
tawassul intitulé Wasîlat al-Munâ :
‫عبد ذليل فقير خاشع وجل ذو جزع آسف يا هللا يا هللا‬
Je suis esclave, entièrement soumis, pauvre,
respectueux et résigné, craintif, incomplet et
instable ; bourré de remords ; ô Allah ! ô Allah.

200
Cependant, cette reconnaissance n’est pas une
déclaration d’abandon et de résignation. C’est un
engagement à se détourner des péchés, à acquérir la
force morale qui permet de regretter et de tourner le
dos à tout ce qui invite au péché 216. C’est un double
objectif dans le même acte : Se repentir et retourner à
Dieu, Istighfâr et Tawba, comme y invite le Coran217.
C’est aussi une double attente : bénéficier du pardon
d’Allah (Maghfira) et de Sa miséricorde (Rahma)218.
Ainsi, El Hadj Malick implore le pardon et la
miséricorde, non pas pour lui seulement ni pour sa
famille, mais pour toute la communauté de la source
de la miséricorde. Il dit :
‫اغـفـر ألمــتـه وارحـم بـأمـتـه واستر لها واجبرنها رب يا هللا‬
Absous sa communauté, accorde-lui Ta
Miséricorde. Préserve-la et réconforte-la. Ô
Seigneur Allah.
Pourquoi empêcher le musulman de jouir de cet
immense bienfait d’Allah, de ce cadeau précieux que
nous annonce la Splendeur de l’univers, le Prophète
Muhammad, Psl ? Dans un hadith rapporté par Ibn
‘Abbâs et recensé par Abu Dâwûd, il dit :
‫من لزم اإلستغفار جعل هللا له من كل ضيق مخرجا ورزقه من‬
‫حيث ال يحتسب‬.
Celui qui est constant dans le repentir, Allah lui
donnera une issue dans toute difficulté, dissipera

216 Sourate Ali ‘Imrân, versets 135-136.

217 Sourate Hû d, verset 3.

218 Sourate Muzammil, verset 20.

201
tous ses soucis, et le dotera d’une subsistance au-
delà de ce qu’il escompte219.
Et n’oublions pas que, dans la Tijâniyya, la
formulation de l’Istighfâr est soutenue par l’intention
de retour à Dieu, (Tawba) comme indiqué supra, dans
la condition de la sourate Ali ‘imrân. Mieux, c’est une
injonction coranique dans la sourate Muzammil220, un
rappel et une promesse dans la sourate Ali ‘Imrân221.
Haylala : Lâ Ilâha illâ-Allah
‫ال إله إال الهللا‬ 
La plus parfaite expression de reconnaissance de
l’unicité de Dieu et de la soumission à Lui, c’est cette
formule. Tous les prophètes l’ont réitérée avant le
Messager d’Allah, Muhammad Psl. Et ce dernier nous
renseigne que lui-même et les prophètes avant lui
n’ont jamais proféré une expression qui lui soit
meilleure. Si nous devions résumer les mérites de
cette formule, nous aurions dit en trois mots :
- elle est une négation absolue de tout
polythéisme et fétichisme ;
- elle est la meilleure expression de la pureté de
la foi en un Dieu Unique et Créateur, Allah ;
219 Ce hadith est critiqué par certains oulémas qui le considèrent
comme faible à cause de la présence dans sa chaîne de
transmission de al-Hakîm b. Muç‘ab. Cependant, même si la
chaîne de transmission est faible, le sens est authentique par sa
conformité avec le texte même du Coran. Nous avons cité supra
la sourate Ali ‘imrâ n, nous pouvons y ajouter le sourate Talâ q,
verset 2.

220 Verset 20.

221 Versets 135-136.

202
- elle est la clé du paradis222 puisqu’elle pèse
d’un poids inégalé sur la balance des œuvres de
l’homme ou de la femme ;
Lorsque le disciple de la Tijâniyya profère cette
formule qui est immédiatement et directement
propulsée vers les espaces divins, il est lui-même
projeté, cœur et esprit en même temps. Par cette
formule les voiles de l’ignorance de Dieu se déchirent
et ses lumières l’éveillent en Lui, Allah. Il en revient
soulagé de ces peines, délesté de ses péchés, enivré de
l’amour de Dieu et purifié des scories de
l’associationnisme, avec une foi sincère renouvelée et
purifiée. Il retourne dans les terrestres espaces avec la
certitude qu’il n’y a de divinité qu’Allah. Mieux, il
revient avec une parfaite connaissance qu’il n’y a rien
qui existe en dehors d’Allah.
Çalâtu ‘alâ al-Nabî
‫الصالة على النبي‬
Comme on le sait, celui qui ne fait pas d’eulogie
au Prophète Muhammad psl, enfreint l’injonction
d’Allah. C’est le verset 56 de la sourate Ahzâb qui
dit :
‫إن هللا ومالئكته يصلون على النبي يا أيها الذين ءامنوا‬
‫صلوا عليه وسلموا تسليما‬.
Certes Allah et Ses Anges prient sur le Prophète ;
ô vous qui croyez priez sur lui et adressez [lui] vos
salutations.
La prière sur le Prophète est une bénédiction
pour le musulman. Car à chaque fois, Allah afflue dix
fois Ses bénédictions, c’est à dire Sa miséricorde et
Ses bienfaits, sur celui qui effectue une seule prière
222 Hadith rapporté par Anas b. Mâ lik.

203
sur le Prophète223. Et lorsqu’Allah procède de cette
manière, les Anges, à leur tour prient sur lui 224 en lui
implorant le pardon. Qui n’en voudrait pas ? Sur un
autre registre, il y a une pratique particulière à la
Tijâniyya, le Dhikr en fin d’après-midi, le vendredi :
Hadratul jumu‘a. Cette particularité est fort
heureusement une grande bénédiction vu les propos
du Prophète sur les mérites du Dhikr le vendredi.
C’est le patron des jours de la semaine pour ainsi dire,
et le plus important c’est qu’il y a un moment pendant
lequel les prières y sont exaucées. Les savants ont
divergé sur ce moment mais le plus probable d’après
les oulémas, c’est en fin de journée. Ils appuient leur
avis sur le hadith du Prophète psl, selon lequel il y a
une heure, le vendredi, durant laquelle Allah exauce
la prière du croyant, et c’est après le ‘Açr225.

223 Hadith consensuel.

224 Ahzâ b, 43.

225 Hadith rapporté par Abu Hurayra et Abu Sa’îd al-Khudrî.


Recensé par Ahmad. Il y a aussi le hadith d’Abu Dâwû d et de
Nasâ‘î qui rapportent de Jâ bir b. ‘Abd Allah qui rapporte du
Messager d’Allah qui dit de chercher cette heure où les prières
sont exaucées le vendredi, après le ‘Açr.

204
NI‘MAT AL-BID‘A HÂDHIHÎ
Voilà une heureuse innovation

Les jurisconsultes ont une attitude beaucoup


plus rationnelle que ne le pensent les
néoconservateurs. C’est parce que les juristes savent
que le dogmatisme tue la dynamique de progrès et
fige la pratique religieuse. Or, la religiosité va au-delà
du dogme, elle épouse les contours de
l’environnement socioculturel des peuples et des
structures psycho spirituelles des individus.
L’essentiel c’est qu’elle ne sorte pas du cadre de la
Sharî‘a.
Au demeurant, dans un hadith, le Prophète dit
que celui qui initie une action bénéfique sera rétribué
et jouira aussi de la rétribution de toute personne qui
en userait jusqu’à la fin des temps.
‫من سن في اإلسالم سنة حسنة كان له أجرها وأجر من‬
‫ ومن سن في‬،‫عمل بها من بعده ال ينقص ذلك من أجورهم شيئا‬
‫اإلسالم سنة سيئة كان عليه وزرها ووزر من عمل بها من بعده ال‬
‫ينقص ذلك من أوزارهم شيئا‬226.
Qu’il nous soit permis ici de discuter une
interprétation qui voudrait que ce hadith soit traduit
ainsi :
Celui qui vivifie une bonne pratique qui avait
été oubliée ou négligée dans l’islam, il en sera
rétribué.
Cette interprétation est incohérente, elle fait
apparaître une absurdité. Car le deuxième membre
voudrait dire alors celui qui vivifie dans l’islam une
226  ‫أخرجه مسلم في صحيحه‬

205
mauvaise tradition qui avait été oubliée ou négligée.
Or, il est illogique qu’il y eût une mauvaise pratique
dans l’islam des origines qui aurait été remise au goût
du jour. Man sanna n’a pas d’autre sens ici que : celui
qui établit, celui qui initie. Les deux alternatives sont
alors sans équivoque : ou bien c’est une bonne
pratique ( ‫ )سنة حسنة‬ou bien c’est une pratique non
acceptable (‫)سنة سيئة‬.
Ceci montre bien qu’il est permis aux
musulmans de prendre des initiatives heureuses, pour
eux-mêmes et pour l’humanité. Le seul critère
d’acceptation ou de rejet reste le cadre de la Sharî’a,
c’est à dire que telles initiatives aient un fondement
coranique ou paradigmatique apostolique. C’est ainsi
qu’après le Prophéte, les compagnons n’ont pas hésité
à prendre des initiatives dans le sens d’encourager les
croyants et de stimuler leur ardeur à l’adoration de
Dieu. On peut citer parmi ces initiatives prises par les
compagnons et que le Prophète n’a jamais pratiquées
lui-même, la çalât alTarâwîh, les trois appels du
muezzin à la prière du vendredi, la recension du
Coran en Vulgate ainsi que la ponctuation, le
numérotage des versets, la division en Hizb et la
voyellation, etc.
De même, le dallage de la distance entre çafâ et
Marwa, alors qu’il est bien indiqué dans le Coran
qu’ils font partie des rites d’Allah. La raison et
l’histoire auraient dicté qu’on les laissât tels qu’ils
étaient au moment de la détresse de Hâjara, courant
d’amont en aval pour rechercher de l’eau pour son fils
Ismâ’îl. Et aussi comme ils étaient au moment où le
Messager d’Allah y accomplissait son va-et-vient

206
rituel. Tout cela nous apprend que de tout temps, les
croyants ont pris des initiatives et ont apporté des
innovations dans la pratique religieuse, certaines
mêmes dans l’accomplissement des obligations, des
piliers, sans pour autant que cela soit blâmable,
comme l’appel à la prière du vendredi, comme la
prière de la vivification des nuits de Ramadan.
Comment se fait-il, malgré tout cela que
certaines personnes, parmi celles qui sont les plus
fervents adeptes des innovations comme la prière
collective du Ramadan Qiyâm al-Layl ou le Tahajjud,
soient très intolérantes avec la Tijâniyya ? Par ailleurs,
peut-on qualifier d’innovation une confrérie dont le
seul tort est de lutter contre l’associationnisme
apparent et subtile, par la promotion du repentir, la
vivification de la foi par l’intériorisation de al-Kalim
al-Tayyiba227 et prenant le Prophète comme modèle ?
Pouvons-nous dire que la Tijâniyya soit une
innovation ?
- Adorer Allah en intimité comme en public ;
- respecter les parents dans les conditions du
Coran228 ;
- accomplir les cinq prières en état de pureté, à la
mosquée autant que possible ;

227 Al-Kalima al-Tayyiba, la bonne parole, est la formule de


l’unicité de Dieu Lâ Ilâha Illâ Allâh. C’est cette bonne parole
que Dieu a proposé comme parabole pour poser l’équation de
la foi dans la Sourate Ibrâ him.

228 Baqara : (2), 83 ; Nisâ’ : (4), 36 ; An’âm : (6), 151 ; Isrâ’: (17),
23 ; Ahqâf : (46), 15

207
- s’abstenir du péché et même des tolérances
trop faciles pour éviter de s’approcher de l’interdit
afin d’éviter d’y succomber ;
- être constant dans la mémoration d’Allah,
matin et soir ;
- lire quotidiennement le Coran, au moins deux
(2) hizbs.
Telle est cette voie de performance spirituelle. Si
cela est une bid‘a, nous pouvons reprendre
l’expression du Calife ‘Umar : Ni‘mat al-Bid‘a
Hâdhihî229. Quelle merveilleuse innovation ! 

229 Voir le Muwatta de l’Imâ m Mâ lik Rta.

208
AGREMENT D’ALLAH ET CHAPELET

Revenons sur cette accusation dont est


injustement victime la Tijâniyya. Pour réfuter
l’accusation de bid‘a blâmable, il est utile
d’approfondir l’authentification des pratiques
suspectées, à l’aune des sources de la Sharî‘a : Coran
et pratique apostolique. Comme nous l’avons indiqué
supra, le wird de la Tijâniyya est fondé sur trois
piliers : Istighfâr (astaghfiru-Allâh), l’eulogie du
Prophète Psl (çalâtu ‘alâ al-Nabî) et la Haylala (Lâ
Ilâha illâ-Allâh).

209
210
CORAN HADITH ISTIGHFÂR

Rappelons que le repentir est une injonction


coranique. Elle n’est pas que cela, elle est aussi une
condition clairement exprimée, par Allah, pour
l’affluence des grâces et miséricorde aussi bien au
niveau des individus que des collectivités.
L’importance de l’imploration du pardon d’Allah, est
clairement déclarée dans la Sourate Nûh (71). En
effet, l’appel pathétique de Nûh à son peuple est
essentiellement centré sur le repentir, l’istighfâr. Et
c’est dans cette sourate que Dieu nous dit clairement
qu’implorer Son pardon est un facteur agissant pour
l’abondance des pluies, des biens et même des
enfants. Comme cela conditionne un environnement
agréable230.
Dans le récit de Nûh, nous apprenons
l’importance d’implorer le pardon d’Allah231. On note
une relation de cause à conséquence entre repentance,
miséricorde et pardon d’Allah. C’est comme si Allah
enjoint le croyant à la repentance pour que ce dernier
bénéficie de Sa proximité (Qarîb) de son écoute :
yujîbu da‘wat al-Dâ‘î. Et Il est prêt à lui prodiguer les
facteurs de bien-être, en abondance. Par ailleurs, nous
apprenons dans les écritures anciennes, comme dans
le Coran, que des peuples ont encouru le courroux de
Dieu. Ils ont été punis à cause de leurs péchés et de
leur refus de repentance. Les peuples de Nûh, Lût,
230 Nû h (71), 10-11-12.

231 Verset 28 et autres.

211
çâlih, le Pharaon contemporain de Moïse, et Shu‘ayb,
etc., en sont des illustrations. Cependant, il en est
autrement depuis l’avènement de la source de la
miséricorde divine, (‘ayn al-Rahma al-Rabbâniya), le
Messager Muhammad Psl. Allah a suspendu toute
punition et malédiction de ce genre, du vivant du
Messager jusqu’à la fin des temps, tant que les
croyants implorent Son pardon232. Cela veut dire que
l’imploration du pardon d’Allah est une garantie
contre le châtiment et la malédiction comme le dit si
bien Fakhr Dîn Râzî. C’est aussi pour cette raison
qu’en situation de calamité ou de détresse, les
croyants s’évertuent à multiplier les formules de
repentance pour appeler Sa bienveillance. Car in fine,
même si les calamités sont souvent conséquences de
l’œuvre de l’homme233, nul autre que Lui ne peut les
dissiper : Laysa lahâ min dûni Allah kâshifa234.
On rapporte aussi d’Ibn Mâjah un autre propos
du Prophète Psl qui dit ceci : La félicité appartient à
celui dont on a trouvé beaucoup d’Istighfâr dans le
journal des comptes : ‫طوبى لمن وجد في صحيفته كثيرا من‬
‫االستغفار‬.235

232 Sourate al-Anfâl, verset 33.

233 Sourate Rû m (30), verset 41.

234 Najm (53), 58.

235 Ce hadith rapporté par Ibn Mâjah, Abu Na‘îm qui lui, rapporte
de ‘Â ysha, est considéré par certains comme authentique. C’est
le cas de Dimyâ ti. D’autres le prennent comme un hadith bon,
c’est le cas d’Ibn Hajar. Il y a d’autres qui le considèrent comme
faible. Il est cependant authentifié par Albâ nî.

212
Par ailleurs, il est rapporté du Prophète Psl ce hadith :
Que celui qui aimerait être satisfait de son
journal des comptes, multiplie l’Istighfâr. ‫من أحب‬
‫أن تسره صحيفته فليكثر فيها من االستغفار‬236.
Un autre hadith relatif aux bienfaits de
l’Istighfâr et rapporté par Nasâ’î et Abu Dawûd dit :
Dieu dissipe tous les soucis de celui qui est
constant dans la pratique de l’Istighfâr, Il lui
ouvre une échappatoire dans toutes les
détresses et lui donne une fortune qu’il n’aurait
pas soupçonnée237.
Enfin, Tirmidhî et Ibn Mâjah rapportent dans
leur Sunan que le Prophète Psl a dit : ‫وهللا إني ألستغفر هللا‬
‫في اليوم سبعين مرة‬. Par Allah, j’implore le pardon
d’Allah soixante-dix fois par jour. Et nous lisons dans
le çahîh de Muslim : . ‫ وإني ألستغفر هللا من اليوم مأة مرة‬Et
moi, j’implore le pardon d’Allah cent fois chaque jour.
Tous ces versets et hadiths sont une infime
goutte dans l’océan. Notons à titre indicatif que le
Coran contient deux cents trente-six fois le mot
Istighfâr, dans ses différentes modalités
morphologiques et grammaticales. Ceci ne suffit-il
pas pour que cessent les fausses querelles ?

236 Hadith authentique dans les conditions d’Albâ nî.

237 Voir Supra.

213
ALLAH ET SES ANGES PRIENT SUR LE
PROPHÈTE

Nous avons démontré supra que l’eulogie au


Prophète (çalât ‘alâ al-Nabî) est un impératif adressé
aux musulmans de façon expresse238. En plus de cela,
le nombre important de hadiths qui précisent sa portée
est connu de tous. Par conséquent, il est d’une
impérieuse nécessité que le croyant lui accorde
l’intérêt qui sied. C’est ce que les gnostiques et
vertueux de tous les temps ont compris, et c’est le cas
dans la Tijâniyya où elle occupe une place de premier
rang. Honneur serait-il plus grand que celui qu’Allah
a fait au Prophète dans la Sourate al-Ahzâb ? ‫إن هللا‬
‫ومالئكته يصلون على النبي‬.. Certes Allah et Ses Anges prient
sur le Prophète. Cette prière constante et continue, du
vivant du Prophète jusqu’à la fin des temps, inscrit
son rang sur l’échelle de la création. Mais ils invitent
les croyants à faire écho à cette prière : ‫يا أيها الذين ءامنوا‬
‫صلوا عليه وسلموا تسليما‬.
Non seulement les Anges implorent leur pardon
pour eux, mais Allah leur garantit miséricorde, pardon
et grâces. Il est important aussi de rappeler, qu’en
suivant les règles, la çalât ‘alâ al-Nabî est une
obligation. Car l’impératif exprime, dans certains cas,
l’obligation de faire selon les juristes. Et cette
obligation est ici accentuée par la symbolique de la
prière faite par Lui-même, Allah, et par Ses Anges.
Cependant, affirment-ils, cette prière n’est obligatoire

238 Sourate al-Ahzâb, verset 56.

214
qu’une seule fois dans la vie. Autrement, c’est une
sunna renforcée, à la limite de l’obligation donc. Mais
s’empressent-ils d’ajouter, il n’est pas souhaitable de
prendre pour prétexte cette relativité pour s’abstenir
de faire la prière sur le Prophète. Celui qui agit de la
sorte et qui néglige cette pratique est, à leurs yeux, du
nombre des médiocres dont le statut spirituel est
déplorable.
Sur un autre plan, le Prophète Psl a, dans
plusieurs de ses propos, évoqué les bienfaits et les
mérites de la çalât ‘alâ al-Nabî. Les savants ont, à
leur tour, magnifié les mérites de la çalâtu ‘alâ al-
Nabî en faveur du croyant. Muslim rapporte : Celui
qui prie sur moi une fois, Allah lui accorde dix fois Sa
prière. ‫من صلى علي واحدة صلى هللا عليه بها عشرا‬239 . Sahl b.
‘Abd Allâh dit :
‫الصالة على محمد صلى هللا عليه وسلم من أفضل‬
‫العبادات ألن هللا تعالى توالها هو ومالئكته ثم أمر بها‬
‫المؤمنين وسائر العبادات ليس كذلك‬.
La prière sur Muhammad Psl, fait partie des
meilleures dévotions, car Allah Le Très-Haut s’y
soumet Lui et Ses anges et Il l’a ordonnée aux
musulmans. Ce qui n’est pas le cas pour les autres
dévotions.
C’est par ce privilège spécifique à la çalât ‘alâ
al-Nabî que les vertueux et les pieux croyants élèvent
leurs prières à Allah. Car une prière entre deux çalât
‘alâ al-Nabî ne revient pas insatisfaite. Ainsi Abu
Sulaymân al-Dârânî conseille au musulman de placer
sa requête à Allah entre deux eulogies au Prophète.
Car dit-il, la çalât ‘alâ al-Nabî est, sans nul doute,

239

215
agréée. Or, Allah est au-dessus de satisfaire les deux
eulogies sans accepter la quête qu’elles encadrent.
‫من أراد أن يسأل هللا حاجته فليبدأ بالصالة على‬
‫النبي صلى هللا عليه وسلم ثم يسأل حاجته ثم يختم‬
‫ فإن هللا يقبل‬،‫بالصالة على النبي صلى هللا عليه وسلم‬
‫الصالتين وهو أكرم من أن يدع ما بينهما‬240
Dans la même veine, Sa‘îd b. al-Musayyib
rapporte ce propos de ‘Umar b. al-Khattâb :
L’invocation et la prière sont suspendues entre ciel
et terre, rien ne remonte à Allah jusqu’à ce qu’on
prie sur le Prophète.
‫الدعاء والصالة معلق بين السماء واألرض فال يصعد إلى‬
‫هللا منه شيء حتى يصلى على النبي‬241.
Ibn Kathîr a rapporté dans son commentaire du
Coran que le Prophète a dit :
Celui qui prie sur moi dans un écrit, les anges prient
sur lui tant que mon nom figurera dans cet écrit 242.
‫من صلى علي في كتاب لم يزل المالئكة يصلون عليه ما دام اسمي‬
‫في ذلك الكتاب‬.
Enfin, notons avec Nasâ’î que celui qui prie sur
le Prophète Psl gagne dix gratifications à chaque fois.

240 NAZÎFÎ: Durrat al-Kharîdat, op. cit.,T2, p.111.

241 ç LIH b. ‘ABDILLAH: Bustân al-Fuqarâ wa Nuzhat al-Qurrâ,


Dâ r al-Kutub al-‘Ilmiyya, 2017, 496 pages, T2, p.302.

242 T 6, p 468. Ibn ‘Asâ kir l’a aussi cité dans son Histoire de
Damas, T2, p 114. Man çallâ ‘Alayya fî kitâbin, lam yazal al-
Malâ’ikatu yuçallûna ‘Alayhi mâ dâma Ismî fî zâlik al-Kitâb. Le
même hadith est cité par al-Zubaydî dans son livre Ithâf as-
Sâda al-Muttaqîn, T 5, p 50 avec le terme implorent le Pardon
de Dieu pour lui (Yastaghfirûna Lahû) à la place de prient sur lui
(Yuçallûna ‘Alayhi).

216
D’après ‘Abdullâh b. Abî alha, qui rapporte de son
père :
Le Prophète Psl est venu un jour le visage
rayonnant de joie. Je lui dis : « Nous lisons la joie
sur ton visage ! » Il répondit : L’ange243 m’est venu
en disant Ô Muhammad, ton Seigneur a dit : Est-ce
qu’il ne te plairait pas que personne ne prie sur toi
sans que Je ne prie sur lui dix fois et que personne
ne t’adresse une salutation sans que Je ne lui
adresse dix fois Mes salutations244 ?
‫جاء النبي صلى هللا عليه وسلم يوما وهو يرى البشر في‬
.‫ إنا نرى في وجهك بشرا لم نكن نراه‬،‫ يا رسول هللا‬:‫ فقيل‬.‫وجهه‬
‫ أما يرضيك‬:‫ إن ملكا أتاني فقال لي يا محمد إن ربك يقول لك‬:‫قال‬
‫أن ال يصلي عليك أحد من أمتك إال صليت عليه عشرا وال يسلم‬
‫ بلى‬:‫عليك إال سلمت عليه عشرا؟ فقال‬.
A la lumière de ces hadiths, il nous apparaît clair
que les guides de la Tijâniyya ont voulu faire profiter
aux disciples, et aux croyants, de ces grâces divines
promises à ceux qui prient sur le Prophète. Comme le
rapportent les oulémas, le sens de la prière de Dieu
sur Ses serviteurs, c’est Sa promptitude à leur
accorder Sa bonté, les libérant des ténèbres et les
élevant vers la grandeur et la lumière. C’est le Coran
qui dit : ‫هو الذي يصلي عليكم ومالئكته ليخرجكم من الظلمات إلى‬
‫النور‬.
C’est Lui qui prie sur vous ainsi que Ses anges pour
vous sortir des ténèbres vers la lumière.

243 C’est l’ange Gabriel, si l’on fait foi à Nasâ’î et Suyû tî.

244 Voir Sunan al-Dâramî, Kitâ b ar-Riqâ q, chapitre Fadl aç-çalât


‘alâ al-Nabî, al-Maktaba al-Islâ miyya, T 2, p 408. Il est aussi
rapporté par Abu Dâwud dans le chapitre sur la prière et par
Tirmidhî dans les invocations (ad-Da’awât).

217
N’est-ce pas que‫ ة‬par ce privilège‫ ة‬Dieu a voulu
encore honorer la communauté de Muhammad parmi
les communautés prophétiques ?
‫ذلك فضل هللا يؤتيه من يشاء وهللا ذو الفضل العظيم‬.

218
LA HAYLALA SUBLIME PAROLE
al-Kalima al-Tayyiba

Dieu a donné en parabole la bonne parole, la


Parole de l’unicité de l’existence. On l’appelle aussi
Kalimat at-Tawhîd ( ‫ )كلمة التوحيد‬ou Kalimat al-Ikhlâç (
‫)كلمة اإلخالص‬. Allah la décrit sous forme d’un bel arbre
fruitier dont les racines sont solidement implantées et
les ramures s’élancent vers le ciel. Cet arbre, nous dit-
Il, offre ses fruits à tout instant, avec la permission de
son Seigneur. Cette bonne parole, c’est Lâ Ilâha Illâ
Allâh, ‫ال إله إال الله‬. Lorsqu’elle est proférée avec
conviction par le croyant, elle pénètre le cœur et
l’influx de chacun des phonèmes qui la composent
pénètre tout son être. Le croyant qui est constant dans
ce Dhikr se retrouve avec une foi trempée, ferme sur
ses principes, inébranlable dans ses convictions,
imperturbable dans sa quête d’élévation. Embelli par
le prestige de l’éthique, tous ses faits et gestes sont
remplis de bonté et de bénéfices pour les individus
comme pour la société. Car il jouit de ressources qui
vivifient le cœur et le préviennent des distractions et
des élucubrations stériles245.
À l’opposé, le Coran compare en parabole le
propos futile à un arbre chétif, sans stabilité. A la
merci de tous les vents, il n’offre ni ombre ni fruits ; il
n’est pas d’une grande utilité. Et Allah de nous dire
que c’est par la parole stable, la parole de l’unicité,
qu’il renforce les croyants ici-bas et dans l’au-delà, Il

245 KEBE (A. Aziz): Serigne Abdoul Aziz Sy Dabbakh, op. cit., p.
112.

219
leur offre la meilleure des rétributions. En effet, Lâ
Ilâha Illâ Allah est un filtre qui purifie le cœur, le fait
palpiter de vie et d’envie de Dieu. Comme nous
l’avons évoqué dans un autre ouvrage :
C’est avec la parole sublime, le verbe de l’unicité,
que le rythme se régularise et qu’il [le cœur]
s’emplit de foi, de crainte de contrarier les
commandements de Dieu. C’est aussi par cette
parole sublime que s’ouvre le cœur aux signifiés
du Coran246 .
C’est pour ces raisons que les gnostiques et
même certains ritualistes se sont accordés à dire que
le meilleur dhikr est Lâ Ilâha Illâ allâh. Ils se fondent
pour cela sur certains versets du Coran comme celui
qui dit : Sache qu’il n’y a d’autre divinité qu’Allah, ‫فاعلم‬
‫أنه ال إله إال هللا‬. Comme cet autre :
‫هللا ال إله إال هو الحي القيوم‬247.
Allâh, Il n’y a pas d’autre divinité que Lui, Le Vivant,
L’Eternel.
Comment ne pas percevoir cette primauté de la
Haylala sur toute autre expression de mémoration ?
Ne suffit-il pas qu’Allah Lui-même ait attesté, par ce
verbe sublime, pour Lui-même, ainsi que Ses Anges
et les hommes de sciences épris d’équité ?
‫شهد هللا أنه ال إله إال هو والمالئكة وأولوا العلم قائما بالقسط‬
‫ال إله إال هو العزيز الحكيم‬248.

246 KEBE : op.cit.

247 Allahu Lâ ilâha Illâ Huwa al-Hayy al-Qayyûm, Baqara (2),


verset 255.

248 Shahida Allâhu annahû lâ Ilâha Illâ Huwa wa al-Malâ’ikatu wa


‘Ulu al-‘ilm Qâ’iman bi al-Qist lâ Ilâha Illâ Huw al-‘Azîz al-

220
Ces versets nous renseignent sur l’importance de
la parole de l’unicité dans le dhikr. Il y aura des
esprits, se plaisant dans le paradoxe et les petites
querelles, qui pourraient arguer que ce qui est
souligné ici, c’est la reconnaissance de l’Unicité de
Dieu et non le dhikr de la Haylala. Pour de tels cas,
recourons à la Sunna, la deuxième source
d’authentification des actes dans la Sharî‘a. Et là,
nous serons comblés par le nombre de références
authentiques qui y incitent, vu les bienfaits qu’il
procure au pratiquant.
Un jour, Abu Hurayra interrogeait le Prophète
Psl sur le plus heureux parmi les bénéficiaires de son
intercession, à la résurrection. Il lui répondit : ‫أسعد الناس‬
‫بشفاعتي من قال ال إله إال هللا يصدق قلبه لسانه ولسانه قلبه‬249.
Le plus heureux de mon intercession le jour du
jugement est celui qui a proféré Lâ Ilâha Illâ Allâh
et que son cœur témoigne [de la sincérité de] sa
langue, et sa langue témoigne [de la sincérité de]
son cœur.
Voyons un autre récit souvent cité par les
auteurs :
Ya‘lâ b. Shaddâd a dit :  Abu Shaddâd b. Aws m’a
raconté en présence de ‘Ubâda b. al-Sâmit : « Un
jour, nous étions chez le Prophète Psl et il nous
demanda s’il y avait un étranger parmi nous,
c’est-à-dire s’il y avait un ahl al-Kitâb 250. Nous

Hakîm . Ali ‘Imrâ n (3), verset 18.

249 Authentique, rapporté par Bukhâ ri.

250 C’est-à -dire un juif ou un chrétien. On les appelle les gens du


Livre, puisqu’ils sont adeptes de religions révélées dotées d’un

221
répondîmes Non, Ô Messager d’Allah ! Il nous
ordonna de fermer la porte et il dit : « Levez vos
mains et dites Lâ Ilâha illâ Allâh ». Nous levâmes
nos mains pendant un moment. Puis il reposa ses
mains et dit : « Louange à Dieu. Seigneur ! Tu
m’as envoyé avec cette parole, Tu me l’as
ordonnée, Tu m’as promis le Paradis par elle, et
Tu ne manques pas à Ta promesse ». Puis il dit
encore : « Réjouissez-vous, Dieu vous a
pardonnés. »
‫عن يعلى بن شداد قال حدثني شداد بن أوس وعبادة بن‬
‫ إنا لعند رسول هللا صلى هللا عليه وسلم‬:‫صامت حاضر يصدقه قال‬
.‫ قلنا ال يا رسول هللا‬.‫ يعني أهل الكتاب‬،‫ هل عندكم غريب‬:‫إذ قال‬
‫ فرفعنا‬.‫ إرفعوا أيديكم فقولوا الإله إال هللا‬:‫فأمر بغلق الباب فقال‬
:‫أيدينا ساعة ثم وضع الرسول صلى هللا عليه وسلم يده ثم قال‬
‫ بهذه الكلمة وأمرتني بها ووعدتني عليها‬i‫الحمد هلل اللهم إنك بعثتني‬
‫ ثم قال أبشروا فإن هللا قد غفر لكم‬.‫الجنة إنك ال تخلف الميعاد‬251.
Par ailleurs, Abu Hurayra raconte que le
Prophète Psl a dit : ‫ قيل كيف نجدد إيماننا؟ قال‬.‫جددوا إيمانكم‬
‫أكثروا من قول إله إال هللا‬.  
Renouvelez votre foi. On lui demanda : comment
renouveler notre foi ? Il répondit : Multipliez le
dhikr de Lâ Ilâha Illâ Allâh.
D’autres récits viennent confirmer cette
importance que le Prophète Psl a accordée au dhikr de
la Haylala. ‘Alî b. al-Hasan b. ‘Ali b. Abi Tâlib, petit-
fils du Messager d’Allah et Ibn ‘Abbâs, que tout le
monde connaît pour son immense savoir, ont laissé à
la postérité des témoignages dans ce sens :
‫ال إله إال هللا أنس للمسلم‬: ‫أخبرني جبريل ـ عليه السالم ـ أن‬
‫ يا محمد لو تراهم‬،‫ وحين يخرج من قبره‬،‫ وفي قبره‬،‫عند موته‬
Livre : la Thora pour les Juifs et l’Évangile pour les Chrétiens.

251 Rapporté par Hâ kim, Ahmad, Tabrâ nî et Ibn Hibbân.

222
‫حين يمرقون من قبورهم ينفضون رؤوسهم هذا يقول ‪:‬ال إله إال‬
‫هللا‪ ،‬والحمد هلل فيبيض وجهه‪ .‬وهذا ينادي يا حسرتا على ما فرطت‬
‫‪252.‬في جنب هللا مسودة وجوههم‬
‫‪Jibrîl m’a appris que Lâ Ilâha Illâ Allâh est le‬‬
‫‪compagnon du musulman à sa mort, dans sa tombe, et‬‬
‫‪au moment où il sortira de sa tombe. Ô Muhammad, si‬‬
‫‪tu les voyais au moment où ils sortiront de leurs tombes‬‬
‫‪secouant leurs têtes, celui-ci disant Lâ Ilâha Illâ Allâh,‬‬
‫‪le visage rayonnant pendant que celui-là s’écrie, le‬‬
‫‪visage sombre : Malheur à moi pour mes manquements‬‬
‫‪envers Allah.‬‬
‫‪Enfin terminons ce chapitre par ce long récit‬‬
‫‪d’Ibn ‘Abbâs qui rapporte : ‬‬
‫وعن ابن عباس ـ رضي هللا تعالى عنهماـ قال‪ :‬يفتح هللا ‪ ‬‬
‫تعالى أبواب الجنة وينادي مناد من تحت العرش‪ :‬أيتها الجنة وكل‬
‫ما فيك من النعم لمن أنت؟ فتنادي الجنة وكل ما فيها‪ :‬نحن ألهل ال‬
‫إله إال هللا‪ ،‬وال نطلب إال أهل ال إله إال هللا‪ ،‬وال يدخل علينا إال أهل‬
‫ال إله إال هللا‪ ،‬ونحن محرومون على من لم يقل ‪:‬ال إله إال هللا‪ ،‬وعند‬
‫هذا تقول النار وكل ما فيها من العذاب ‪:‬ال يدخلني إال من أنكر ال‬
‫إله إال هللا‪ ،‬وال أطلب إال من كذب بال إله إال هللا‪ ،‬وأنا حرام على‬
‫من قال ‪:‬ال إله إال هللا‪ ،‬وال أمتلئ إال بمن جحد ال إله إال هللا‪ ،‬وليس‬
‫غزيري وزفيري إال على من أنكر ال إله إال هللا‪ ،‬ثم قال‪ :‬فتجىء‬
‫رحمة هللا ومغفرته فتقول‪ :‬أنا ألهل ال إله إال هللا‪ ،‬وناصرة لمن‬
‫قال ‪:‬ال إله إال هللا‪ ،‬ومحبة لمن قال ‪:‬ال إله إال هللا‪ ،‬الجنة مباحة لمن‬
‫قال ‪:‬ال إله إال هللا‪ ،‬والنار محرمة على من قال ‪:‬ال إله إال هللا‪،‬‬
‫والمغفرة من كل ذنب ألهل ال إله إال هللا‪ ،‬والرحمة والمغفرة غير‬
‫‪253.‬محجوبة عن أهل ال إله إال هللا‬

‫‪252 TAHA (’Abd ar-Ra’û f): al-Hayât ba’d al-Mawt, al-Maktaba al-‬‬
‫‪Tawfîqiyya, 2007, 323 pages, p. 33.‬‬

‫‪253 MILIBÂ RÎ (Abu Bakr Muhamad Shata): Kifâyat al-Atqiyâ wa‬‬


‫‪Minhâj al-Açfiyâ Sharh hidâyat al-Adhkiyâ ilâ Tarîq al-Awliyâ,‬‬
‫‪Dâ r al-Kutub al-‘Ilmiyya, 2016, p. 221. Voir aussi RÂ ZÎ (Fakhr‬‬
‫‪ad-Dîn Muhammad b. ‘Umar): ‘Ajâ’ib al-Qur’ân, Dâ r al-Kutub‬‬
‫‪al-‘Ilmiyya, Beyrouth 1984-1404, p. 40. JURDÂ NÎ (Muhammad‬‬

‫‪223‬‬
Dieu ouvrira les portes du Paradis et on entendra
une voix venant d’au-dessous du Trône appeler : Ô toi
Paradis et tout ce que tu contiens comme grâces à qui
appartiens-tu ? Le Paradis répondra avec tout ce qu’il
contient, en chœur : Nous sommes pour les gens de Lâ
Ilâha Illâ Allâh. Nous sommes interdits à celui qui ne
dit pas Lâ Ilâha Ilâ Allâh et qui ne croit pas à Lâ Ilâha
Illâ Allâh. En cet instant on demandera à l’Enfer et à
tout ce qu’il contient comme châtiments : A qui
appartiens-tu ? Il répond : N’entre dans mes entrailles
que celui qui a nié Lâ Ilâha illâ Allâh. Je ne recherche
que celui qui a réfuté Lâ Ilâha Illâ Allâh et je suis
interdit à celui qui a dit Lâ Ilâha Illâ Allâh. Je ne serais
rempli que par les négateurs de Lâ Ilâha Illâ Allâh. Il
dit à cet instant, arrive la Miséricorde d’Allah et Son
Pardon qui disent : Nous sommes pour les gens de Lâ
Ilâha Illâ Allâh. Nous secourons celui qui dit Lâ Ilâha
Illâ Allâh, nous aimons celui qui a dit Lâ Ilâha Illâ
Allâh et honorons celui qui a proféré Lâ Ilâha Illâ
Allâh. Et Allah dira : Le paradis a été préparé pour
celui qui a dit Lâ Ilâha Illâ Allâh, il n’a été constitué
que pour les gens de Lâ Ilâha Illâ Allâh, l’Enfer est
interdit à celui qui a dit Lâ Ilâha Illâ Allâh.
L’absolution de tous les péchés est au profit des gens
de Lâ Ilâha Illâ Allâh. La miséricorde et le pardon ne
seront pas privés aux gens de Lâ Ilâha Illâ Allâh.
C’est certainement pour tout cela que les guides
de la Tijâniyya se sont évertués à compter parmi les
gens de Lâ Ilâha Illâ Allâh 254.

b. ‘Abd Allâ h, al): al-Jawâhir al-Lu’lu’iyya fî Sharh al-Arba‘în al-


Nawawî, Dâ r al-Kutub al-‘Ilmiyya, Bayrouth, 2019, 424 pages,
p. 115.

254 Voir en annexe les qaçîda de Serigne Mouhammad al-Hâ di


Touré et de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabbâ kh sur ce thème.

224
LUMIERE RECEPTACLE ET RELAIS
Man lam yaj‘al Allâh lahû Nûran
fa-Mâ Lahû min Nûr255.

La Tijâniyya est une école d’application de


l’éthique musulmane, dans l’adoration comme dans le
mode de vie. Elle est un cadre de réception des flux
divins et d’appropriation de l’influx prophétique, à
travers ses oraisons et son éthique. Tout, dans sa
doctrine, émane du Coran et de la Sunnah actualisés
grâce à la pédagogie du Cheikh al-Qutb, Ahmad
Tijâni et de ses khalifes. C’est par ses relais,
réceptacles des fluides célestes, qu’elle inonde à
profusion la lumière prophétique, depuis sa source
jusqu’à leur destination, toute la créature.
La Lumière
La sourate la Lumière (Nûr) nous servira de
source de méditation pour expliquer la portée de la
liturgie dans la Tijâniyya et la pertinence des
enseignements du Cheikh. Dans le verset 40, Allah Le
Très Haut se décrit comme étant La Lumière des
cieux et de la terre,  ‫هللا نور السماوات واألرض‬. Ensuite Il
nous explique dans la parabole de la niche (al-
Mishkât), de l’arbre (Shajara) et de l’essence (Zayt)
comment cette lumière, se reflète dans le cœur du
croyant.
Cette lumière, Nûr, est comparable à la foi qui
habite le cœur du croyant, symbolisé ici par la niche
(Mishkât) :  ‫مثل نوره كمشكاة فيها مصباح‬ . Comme le dit Ibn
Mas‘ûd, cette lumière est, dans le cœur du croyant,

255 Sourate Nûr (24), verset 40. Allah Nûru as-Samâwâti wal-‘Ard.

225
comme une niche256 qui reflète et étend le spectre d’un
faisceau. Et il s’appuie sur un autre verset du Coran,
dans la Sourate Zumar257, pour l’attester :
‫أفمن شرح هللا صدره لإليمان فهو على نور من ربه فويل‬
‫للقاسية قلوبهم من ذكر هللا أولئك في ضالل مبين‬.
Est-ce que celui dont Allah ouvre (fend) la poitrine
pour l’Islam et qui détient ainsi une lumière venant
de son Seigneur…Malheur donc à ceux dont les
coeurs sont endurcis contre le rappel d’Allah.
Ceux-là sont dans n égarement évident.
Ainsi, Allah s’adresse souvent aux croyants par
des paraboles. Cette parabole de l’arbre béni (shajara
mubâraka) a aussi servi, dans la Sourate Ibrâhim,
pour comparer entre la foi et son inverse, entre leurs
effets sur l’homme et la nature. C’est le même
procédé qui est ici de mise, pour indiquer que la foi
est une lumière dérivée d’une source énergétique. Une
énergie globale qui motive les capacités de l’homme :
physiques, intellectuelles et psycho-spirituelles. Cette
source c’est l’arbre béni, c’est à dire la matrice de la
crainte révérencielle de Dieu (Tuqâ) dont le fruit est
l’agrément (Ridwân). Certains oulémas estiment que
cet arbre béni, c’est l’héritage purement monothéiste
du Prophète Ibrâhim, Psl258. Un tel arbre,

256 Voir le Commentaire de QURTUBÎ (Muhammad b. Ahmad al-


Ançâ ri al-) : al-Jâmi‘ li-Ahkâm al-Qur’ân, op. cit.

257 Sourate az-Zumar, verset 22 : A-Fa-Man Sharaha Allahu


çadrahû li al-Îmân fa-Huwa ‘alâ Nûrin min Rabbih. Qurtubî T 15,
p. 646.

258QURTUBΠ: op.cit. Il est utile de voir le lien qui existe entre la


Ṭarîqa et les symboles de ce verset. La crainte révérencielle de

226
profondément enraciné dans la Révélation, ne peut
que produire une essence lumineuse, virtuellement
éclairante, yakâdu zaytuhâ yudî’ wa-Law lam
tamsasah nâr. C’est que les lumières des Prophètes
Muhammad et Ibrâhîm combinées, nûr ‘alâ nûr,
donnent à cette essence une méga faculté d’éclairer.
Il nous faut aussi constater là, la relation
immanente entre la lumière de Dieu et la Parole
sublime, al-Kalima al-Tayyiba. Car, dans l’équation
de la foi que nous avons déjà rencontrée dans la
Sourate Ibrâhîm259, Allah nous indique que la bonne
parole, la parole sublime, est semblable à l’arbre béni
qui donne stabilité et vitalité. Et dans ce verset de la
Lumière, Allah nous indique que l’essence de cet
arbre est quasi éclairante sans même que le feu la
touche260. On peut comprendre par-là, que la parole
sublime est, en elle-même une énergie, avant d’être
traduite dans l’acte de culte et de socialisation. Elle
est gratifiante par elle-même, et l’acte d’adoration
rituelle ou sociale qui la suit est crédité de son
coefficient.

Dieu et l’agrément, ar-Ridwân, sont des traits caractéristiques


de la Ṭarîqa. Mais le rapport à l’héritage d’Ibrâ hîm, comme
étant le tronc de cet arbre béni, est aussi une autre raison pour
la Tijâniyya d’être scrupuleuse sur son ancrage dans les
fondements islamiques. Car la Tijâniyya est aussi qualifiée de
voie Ibrâhîmiyya, comme il est expliqué supra.

259 Sourate Ibrâ him, verset 25/26.

260Yakâdu zaytuhâ yudî’ wa law lam Tamsashu Nâr.

‫يكاد زيتها يضيء ولو لم تمسسه نار‬.

227
Quel est le coefficient de la parole sublime, de
l’expression de l’unité et de l’unicité de Dieu ? De la
Haylala ? Pour le connaître mesurons-le à quelques-
unes de ses gratifications :
- c’est l’expression préférée d’Allah ;
- c’est la clé du Paradis ;
- elle pèse plus lourd que tout autre acte ou
propos sur la balance des œuvres ;
- elle efface les péchés ;
- elle régénère la foi. 
Pour tout cela, la parole sublime, une fois
imprégnée dans l’être, lui donne la beauté, la pureté et
l’éclat d’un astre lumineux, Kawkab Duriyy. C’est cet
éclat qui se reflète sur le visage des saints et qui
explique l’impression de sérénité qui les habite.
Le Réceptacle
Cette lumière est diffusée dans des édifices,
qu’Allah a ordonné qu’on érigeât, c’est-à-dire dans
les mosquées. Toutes les mosquées érigées pour
glorifier Allah sont concernées. On peut même dire,
dans certaines mesures, qu’elles sont dans la même
veine que la Ka‘ba érigée par le Prophète Ibrâhîm. Ce
sont les mêmes règles de conduite que le musulman
doit respecter en suivant en cela les enseignements du
Prophète car la mosquée appartient à Dieu comme
nous l’indique le Coran :‫ع هللا‬ii‫دعوا م‬ii‫اجد هلل فال ت‬ii‫وأن المس‬
‫أحدا‬261.
Et le propos d’Ibn al-Musayyib est d’or dans cette
perspective : ‫من جلس في المسجد فإنما يجالس هللا عز وجل‬262.
261 Sourate al-Jinn (72), verset 18.

262 Man Jalasa fil-masjid fa-Innahû yujâlisu rabbah.

228
Celui qui est assis dans la mosquée est assis avec
son Seigneur.
Au demeurant, le Coran décrit, d’une manière
enviable, ceux qui fréquentent les mosquées :
‫إنما يعمر مساجد هللا من ءامن باهلل واليوم اآلخر وأقام الصالة‬
‫وآتى الزكاة ولم يخش إال هللا‬263.
Ne peuplent les mosquées d’Allah que ceux qui
croient en Allah et au Jour dernier, accomplissent
la çalât, s’acquittent de la Zakât et ne craignent
qu’Allah.
Voilà donc les espaces où se diffuse la lumière
de Dieu et se diffractent et s’irisent, en
d’innombrables faisceaux, ses rayons et leurs effets
bénéfiques sur l’homme et sur l’univers. Ces lieux de
réception des influx divins sont comme des centrales
qui recueillent l’énergie provenant de la source mère,
afin de les distribuer ensuite vers différents
récepteurs, vers des bénéficiaires. Ces lieux sont donc
impropres à tout autre usage, à l’exclusion de ce
pourquoi on les a érigés264 : la prière, le dhikr, la
lecture du Coran265. Au demeurant, le verset du Coran
qui précise que les mosquées sont érigées sur ordre
d’Allah, indique dans le même temps l’objet de leur
édification : invoquer et glorifier Son Nom, matin et

263 Sourate Tawba (9) : verset 18.

264 Muslim : ‫إنما بنيت المساجد لما بني له‬.

265 Muslim : ‫إن هذه المساجد ال يصلح فيها شيء من كالم الناس إنما هو‬
‫التسبيح والتكبير وقراءة القرءان‬.

Inna hâzihil-Masâjid lâ yasluhu fîhâ shay’un min Kalâm al-Nâs


Innamâ Huwa al-tasbîh wa al-Takbîr wa Qirâ’at al-Qur’ân.

229
soir. Wa yuzkara fîhâ ismuhû yusabbihu lahû fîhâ bi-
l-Ghuduwi wa-l-Açâl.
La construction de Zawiyas, pour recevoir la
lumière divine et entretenir le tison de l’unicité,
Jizwat al-Tawhîd, dans toutes les contrées de la terre,
du Maghreb au Sahel, du Golfe arabique aux
Balkans, des terres américaines aux marais
d’Indonésie, est une preuve que la Tijâniyya est sur la
ligne de front. Elle est en première ligne, multipliant
les réceptacles, pour que cette lumière ne s’estompe
nulle part sur terre, et que partout se relayent les échos
de la Haylala, dans les cœurs et dans les chœurs.
Les Relais
Construire des mosquées, voire les embellir sans
les rendre vivantes par une fréquentation assidue,
dans le respect scrupuleux des règles de bienséance
édictées par le Coran et la Sunna, ne serait que
caricature et formalisme stérile. De nos jours, les
mosquées deviennent de plus en plus d’une beauté
féérique. Pourtant les cœurs sont de plus en plus
sombres et viciés. Serigne Cheikh Tidiane Sy
Maktûm explique ce phénomène par le fait qu’elles
sont érigées sur les cendres de la foi266. C’est pour
éviter cela, qu’Allah a corrélé l’ordre de construire
ces lieux de glorification de Son Nom avec la
description des êtres aptes à recueillir Sa grâce et Sa
lumière. Ce sont des hommes et des femmes qui ne se
laissent pas distraire par le négoce de quelque ordre
(bay‘ walâ Tijâra) :

266 Jàkka joo fi gis tay ngëm la nu rendi, tabax ko ci kaw néewam.

230
Des hommes que ni le négoce, ni le troc ne distraient
de l’invocation d’Allah, de l’accomplissement de la
Salât et de l’acquittement de la Zakât, et qui
redoutent un Jour où les cœurs seront bouleversés
ainsi que les regards267.

Ils sont, matin et soir (bi-l-Ghuduw wa-l-açâl),


mus par l’accomplissement des obligations
individuelles (çalât) et sociales (Zakât), dans une
parfaite conscience de Dieu (dhikr Allâh). Ici, on
relève une subtilité, en rapport avec le wird et les
moments de son exécution. Les exégètes du Coran, en
tout cas la majorité d’entre eux, définissent al-
Ghuduw comme étant l’heure de la prière du matin et
al Açâl, c’est de l’après-midi à la prière du soir. Or,
l’exécution du Wird épouse ce découpage, comme
pour éveiller le disciple qu’Allah est l’Alpha et
l’Oméga, le début et la fin. Il enveloppe notre
existence et aussi bien le Lâzim que la Wazîfa se font
à ces moments-là. Ce qui est encore plus important
c’est que la Tijâniyya fait de la prière à la mosquée
une obligation, pour celui qui n’a pas d’excuses
valables. D’ailleurs, l’effort déployé par cette voie,
pour la construction et la vivification des mosquées,
est assez révélateur. Tout cela parce que la Tijâniyya
est une application sérieuse des injonctions
coraniques.
Voyons comment le Cheikh est parvenu, par son
système d’application de l’Islam, à faire de l’adepte
de la Ṭarîqa Tijâniyya, un condensé de grâces et de

267 Sourate 24, Verset 37.

231
bonté, sans contraintes majeures. Le Prophète Psl a dit
dans un hadith recensé par Abu Dâwûd dans son
recueil :
‫من خرج من بيته متطهرا إلى صالة مكتوبة فأجره كأجر‬
‫الحاج وصالة على إثر صالة ال لغو بينهما كتاب في عليين‬268.
La rétribution de celui qui sort de sa maison pour
accomplir une prière obligatoire est
équivalente à celle de celui qui accomplit le
Pèlerinage. Et une prière à la suite d’une autre
sans futilité entre elles est inscrite dans le
Paradis dit ‘Iliyyîn.
Dans un autre hadith, raconté par Abu Dardâ, le
Prophète a dit :
‫ وتكفل هللا لمن كان المسجد بيته بالروح‬.‫إن المساجد بيوت المتقين‬
‫والرحمة والجواز على الصراط إلى رضوان هللا إلى الجنة‬269.
Les mosquées sont les maisons de ceux qui
craignent Dieu. Dieu garantit à celui dont la
mosquée est la demeure, le repos [à la mort],

268 Hadith recensé par Abu Dâwû d et Ahmad. Man kharaja min
baytihî mutatahhiran ilâ çalâtin Maktûba fa-Ajruhû ka-Ajri al-
Hâjj, wa çalâtun ‘alâ Ithri çalâtin lâ laghwa baynahumâ kitâb un fî
‘Iliyyîn. C’est certainement pour cela que les adeptes de la
Tijâniyya bénéficient de ces grâ ces et cette chance que la
Wazîfa est pratiquée en début de soirée entre les prières du
crépuscule et de la soirée. Ainsi on bénéficie de cette promesse
relative à la succession de deux prières sans futilités entre
elles.

269 Inna al-Masâjid buyût al-Muttaqîn. Wa takaffala Allâh liman


kânat al-Masjid baytahû bi al-Rawh wa al-Râhma wal-Jawâz

ç
‘alâ al- irât ilâ ridwân Allâh, ilâ al-Janna. Rapporté par at-
Tabrâ nî et authentifié par Albâ nî dans at-Targhîb wat-Tarhîb,
T1, p. 176.

232
la miséricorde et le passage sur çirât vers
l’agrément d’Allah, vers le Paradis.
C’est donc la crainte de Dieu et surtout la
passion d’Allah qui fait que ni lucre ni transactions
n’ont d’emprise inhibitrice sur ces hommes et
femmes-là, dans leur désir d’Allah. Éperdus d’amour
et contrits ils sont immergés dans leur dhikr, pour se
voir enfin rétribués au meilleur de leurs actes et
bénéficier du bonus270.
A la lumière de ce verset et de ces multiples
commentaires, on comprend la ferveur de la Tijâniyya
à ériger des mosquées et à les animer avec ardeur par
la pratique du dhikr, en plus des obligations
canoniques. Certes, toutes les communautés
construisent des mosquées, rivalisent à les rendre
belles et attrayantes, mais l’assiduité de la Tijâniyya à
insuffler à ces temples l’âme qui vivifie, le dhikr,
matin et soir, est singulière.

270 li-yajziyahum Allahu ahsana mâ ‘amilû wa yazîdahum min


fadlih, Cela veut dire que les actes des croyants de cette
catégorie sont rétribués à la valeur des meilleurs et que leurs
mauvaises actions sont pardonnées, par la miséricorde de
Dieu : (Yatajâwazu ‘an Sayyi’âtihim).

233
234
TROISIÉME PARTIE
PRINCIPES DE BASE DE LA
TIJÂNIYYA

235
QUE SIGNIFIE ÊTRE DISCIPLE DE LA
TIJÂNIYYA ?

Être disciple de la Tijâniyya ne signifie pas


s’affilier à une secte pour y trouver la rédemption, le
rachat des péchés, par une simple allégeance
entretenue par des visites pieuses et des dons réguliers
au guide. Elle a un sens plus profond que ce simple
lien quelle que soit sa symbolique. L’appartenance à
la Tijâniyya est un engagement lucide à suivre le
modèle prophétique271 aussi bien dans la pratique
d’adoration cultuelle que dans les actes de la vie
sociale. C’est une actualisation de l’éthique
musulmane dans les deux axes de la vie : la
dimension horizontale qui concerne la société et celle,
verticale, qui concerne l’âme dans son ascension.
Si donc on considère chacun des deux axes ainsi
indiqués, on s’aperçoit qu’il y a une judicieuse et
cohérente articulation établie dans la Tijâniyya. C’est
que dans cette voie, on a compris qu’il y a une
dialectique entre la vie spirituelle et la vie sociale
dans la quête du bien-être ici et ailleurs. Pour cela, le
disciple, sur l’itinéraire qui le mène à la destination
ultime, Allah, doit avoir en vue ses parents et les
condisciples. Cette trilogie a une signification qu’il
est important de saisir. En effet, l’expression de
l’unité et de l’Unicité de Dieu (Tawhîd) dans
l’adoration est le pilier de la voie puisque c’est le
271 Le modèle prophétique nous est indiqué par le Coran, Sourate Ahzâ b
(33), verset 21 : La qad kâna Lakum fî Rasûl Allah Uswatun Hasana li-
Man Kâna yarjû Allah wal-Yawm al-Âkhira.

236
principe central de la mission prophétique. C’est
l’âme de toutes les pratiques et le but ultime de tout
disciple. Le deuxième élément de base concerne
l’attitude envers les parents. Ils sont, par la volonté de
Dieu, les transmetteurs de la vie et des valeurs
primordiales de la société par l’éducation. Enfin les
condisciples qui sont assimilés à des frères (al-
Ikhwân). Ils représentent les maillons de la chaîne de
l’humanité par qui on s’exerce à la sociabilité telle
qu’enseignée par le Prophète, miséricorde pour toute
la créature, et actualisée par le Cheikh.
Le Tawhîd : Connaître Dieu, Le Servir
Toute la mission du Prophète Muhammad
pourrait être résumée à l’émancipation de l’homme.
Ses dits, ses faits, ses orientations et sa pédagogie,
tout de lui tendait à libérer l’homme de toutes les
aliénations. De l’aliénation, de l’égarement dû à
l’ignorance, de l’aberration de la servilité et de la
soumission à autrui, de la sottise de l’orgueil et de la
vanité. Pour briser les chaînes de ces aliénations, il a
suivi la voie de la connaissance sur les traces d’Adam
et d’Ibrâhîm, paix et salut sur eux. Les écritures nous
enseignent que la connaissance fut la première
ressource qu’Allah, magnifié soit Son Nom, a
conférée à Adam. C’est seulement après qu’Il le
présenta devant les anges272. Ces derniers, si nous
suivons leurs interrogations que le Coran nous conte,
semblaient nourrir quelques réserves sur sa capacité

272 Wa ‘allama Adama al-Asmâ’a Kullahâ Thumma ‘Aradahum ‘alâ


al-Malâ’ika. Baqara (2), verset 31.

237
de s’élever au-dessus des aliénations mentionnées ci-
haut.
De même, les écritures nous décrivent le
prophète Ibrahim, comme un esprit curieux, à la quête
de la certitude à travers l’expérience du doute. Il
s’agit ici, de cette curiosité intellectuelle qui anime
ceux et celles qui ne veulent pas s’aliéner par des
vérités toutes faites et toutes dites, une bonne fois
pour toute. Ibrahim était avide de connaissance, prêt à
aiguiser sa raison et son intellect pour ne pas se
soumettre à l’illusion de la foi non éprouvée et
succomber ainsi à la déchéance qui en résulte.
Écoutons-le interroger Allah273 : ‫يي‬iii‫ف تح‬iii‫رب أرني كي‬
‫الموتي‬. Seigneur ! Montre-moi comment Tu ressuscites
les morts. Allah dit : ‫ ? أولم تؤمن‬Ne crois-tu pas
encore ? Ibrâhim répond : Si ! [Dit Abraham] mais
que mon cœur soit rassuré.
Et enfin notre Prophète, qui clôt le cycle de la
Révélation, ouvre sa mission par la première
injonction coranique : ‫إقرأ‬, Apprends. Lire pour
comprendre afin que la foi soit éclairée et qu’elle
puisse se traduire en actions génératrices de bienfaits
pour l’humanité.
Être libre de toute aliénation requiert donc un
esprit de discernement, une acceptation de la liberté
de choisir, et la faculté d’authentifier, à partir des
paramètres coraniques et paradigmatiques de la
Sunna. En effet, c’est pour donner à l’homme la
mesure de la dimension de sa liberté et de son
émancipation qu’Allah ne lui tolère aucune
soumission à une fausse divinité, à une passion, à une
273 Sourate Baqara (2), verset 260.

238
illusion, quelles qu’elles soient. Car l’homme est au-
dessus de tout cela, puisque tout lui est soumis, il en
est maître. S’il comprend que tout lui a été assujetti
entre ciel et terre274, il ne saurait alors se rabaisser à ce
niveau de dégénérescence. C’est là l’une des
dimensions de la répugnance du Shirk en Islam.
La Tijâniyya place l’unicité de Dieu dans
l’adoration et dans tous les états de l’être humain au-
dessus de tout. L’expression de l’unité d’Allah est
l’application de l’Islam dans son essence comme dans
ses manifestations accidentelles. Le Coran sert de
guide à cette voie pour faire de la pureté du culte
l’épine dorsale de son enseignement et de ses
pratiques275. C’est cela qui traverse toutes les
pratiques et oraisons pour atteindre l’objectif ultime,
la rencontre avec Le Seigneur (liqâ’ al-Rabb). Ce qui
ne saurait être réalisé sans œuvrer inlassablement de
manière positive au bénéfice de l’Humain, pour la
grâce d’Allah. C’est cela l’œuvre élévatrice (al ‘amal
al-çâlih).
Cette passion de l’unité et de l’unicité d’Allah
dans la Tijâniyya révèle une aversion de
l’associationnisme. Ici, nous distinguons entre celui

274 Sourate al-Jâthiya (45), verset 4: ‫و سخر لكم ما في السماوات واألرض‬


‫جميعا منه إن في ذلك آليات لقوم يتفكرون‬.

275 Sourate al-Khaf, verset 110: Fa Man kâna yarjû liqâ’a rabbih fal-
Ya‘mal ‘amalan çâlihan wa lâ yushrik bi-‘Ibâdati Rabbih ahadâ.
D’autres versets comme le n° 3 de la Sourate al-Zumar : alâ li
Allâh al-Dîn al-Khâliç, ou le n° 5 de la sourate al-Bayyina, : wa
Mâ ’Umirû ’Illâ li-Ya‘budû Allâh Mukhliçîna lahû al-Dîn, sont
aussi à mettre sur le même plan.

239
primitif et vulgaire que les jurisconsultes appellent
associationnisme de la divinité, Shirk fil-Ulûhiyya, et
celui plus intime, plus subtil et tout aussi dangereux,
Shirk al-Khafiy. La première forme de Shirk est
tellement énorme, aux yeux d’Allah, que son auteur
est peu sujet à Sa miséricorde dans l’au-delà 276. Cette
forme n’est plus aujourd’hui une menace car aucun
musulman ne reconnaît d’autres divinités qu’Allah.
En revanche, est beaucoup plus subtil et répandu
l’associationnisme dans les actes, dans leurs résultats
et motivations, tout comme dans leurs finalités. C’est
l’un des fronts de la Tijâniyya : réussir à doter le
disciple de toutes les compétences, pour qu’en toute
chose et en toute circonstance il n’ait d’autre objectif
que Dieu. Qu’Allah soit la dynamique de ses
motivations et le cœur de ses finalités. Serigne
Babacar Sy, (Que Dieu l’agrée) y a exhorté les
disciples dans ses enseignements pour que la
responsabilité d’œuvrer ne dissimule pas la
reconnaissance277 qu’Allah est le Premier dans les

276Sourate Nisâ (4), versets 48 et 116 : ‫إن هللا ال يغفر أن يشرك به‬
‫ويغفر ما دون ذلك لمن يشاء ومن يشرك باهلل فقد ضل ضالال بعيدا‬.

‫إن هللا ال يغفر أن يشرك به ويغفر ما دون ذلك لمن يشاء ومن يشرك باهلل فقد افترى‬
‫إثما عظيما‬.

277 Serigne Cheikh Tidiane Sy Maktûm explique le verset 13 de la


sourate Saba’: I‘malû Âla Dawûda Shukran, Ô famille de David,
œuvrez par gratitude, dans ce sens que le travail, l’effort fourni
pour produire une plus-value de quelque nature que ce soit, est
une expression de reconnaissance pour le musulman, pour le
disciple de la Tijâniyya encore plus.

240
motivations et l’Ultime dans les résultats 278. Et cela
est encore une traduction de l’enseignement
Coranique et de la pratique du Prophète Muhammad
Psl, qui rappellent, in fine, que Le Seul Maître Qui
décide comme Il veut, c’est Allah279.
Dans la Tijâniyya la motivation des actes est la
source de tout, car de cette motivation dépend la
finalité. C’est pour cela que l’intention est importante
à l’entame des actions, pour en définir la nature et
l’objet. Et surtout pour écarter tout risque
d’ostentation qui représente la plus grossière
manifestation de l’associationnisme subtil. Dans
l’éducation de la Tijâniyya, on décroche l’amour de
Dieu du culte des honneurs. On ne peut associer la
sincère reconnaissance de Dieu au fétichisme du
paraître, même si c’est dans la pratique cultuelle.
Serigne Cheikh Tidiane Sy Maktûm, dans ses
enseignements d’une esthétique gnostique inégalée,
mettait en garde contre les subtilités des motivations.
Il disait que même le rituel religieux peut être un voile
qui empêche d’accéder au divin280. Car complétait-il,
si la motivation était de se faire voir et entendre, la
finalité n’était plus divine. Or, tout désir de
278 Tarku at-Tasabbub qul min sû’i mâ adab in, Sabablu leen te bu
leen sukkandikoo yengu ya.

279 Dans le Coran, nombre de versets indiquent que le musulman


doit savoir que seul Dieu décide et arrête les choses. C’est par
exemple le sens du verset 30 al-Insâ n (76), et Sourate al-
Takwîr (81), verset 29 :  Wa mâ tashâ’ûna Illâ an Yashâ Allah,
Cependant, vous ne saurez vouloir, à moins qu’Allah veuille […].

280 Ba ci jaamu Yàlla mën na tere nit àgg ci Yàlla.

241
reconnaissance de la société est susceptible de
conduire vers l’associationnisme subtil. Et le disciple
de la Tijâniyya ne doit avoir d’autre but dans ses
actions que l’agrément de Dieu et non une simple
reconnaissance des humains.
C’est ainsi qu’El Hadji Malick Sy invoquait
Dieu qu’Il lui réservât toute rétribution de ses actions
pour l’au-delà. Il Le suppliait qu’Il lui accordât la
liberté absolue, c’est-à-dire l’affranchissement par
rapport aux entraves que sont l’amour des honneurs,
la passion de la vie mondaine, les égards de l’ego et la
quête d’un rang auprès des humains. En inscrivant
cette supplique pour l’affranchissement aux entraves
de la vie, le Cheikh indiquait aux disciples que pour
taper à la porte d’Allah281, il faut être libre,
s’émanciper de ses entraves : ostentation, désir de
gloriole, orgueil.
L’orgueil, le plus grand obstacle à l’élévation et
à la rencontre avec Le Seigneur, est le principal
facteur de la déchéance d’Iblîs282. Tout cela constitue
des voiles à déchirer, des obstacles à franchir, des
entraves à briser afin d’accéder à la porte de la
connaissance d’Allah. Car, c’est lorsqu’on est
affranchi de ses fers qu’on retrouve la liberté
primordiale et la connaissance-reconnaissance
originelle. Ainsi, où que l’on soit, quoi qu’on fasse,
toute œuvre, rituelle ou socioculturelle, devient
adoration exclusive de Dieu dans Son Unité et

281 Voir Falâ budda min shakwâ.

282 Sourate al-A’râf (7), verset 13.

242
Unicité. Car on n’est plus diverti par les accidents, on
plonge dans l’océan des sens pour Le rencontrer.
La piété filiale
La Tijâniyya élève la piété filiale au rang de
condition nécessaire, c’est-à-dire qui ne peut pas ne
pas être, pour valider l’adhésion de l’aspirant. Cette
condition est au second rang après celles relatives à
l’authenticité du credo. Et cela est en droite ligne du
Coran et de la Sunna283 qui lui confère une
importance capitale. Ce verset284 en donne une
parfaite illustration, ‫ إال هللا‬i‫و إذ أخذنا ميثاق بني إسرائيل ال تعبدون‬
‫[ وبالوالدين إحسانا‬...].
Et [rappelle-toi], lorsque Nous avons pris
l’engagement des enfants d’Israël de n’adorer
qu’Allah, de faire le bien envers les pères, les
mères, les proches parents […].
La corrélation entre l’expression du culte
exclusif à Allah et le respect des parents est une
indication du lien entre le divin et l’humain, à travers
la relation parentale. Qurtubî explique cette
conjonction entre les deux injonctions par le fait que
la création, œuvre divine doit être socialisée, pour ne
pas dire humanisée, par l’éducation qui fait de lui un
élément utile à la société. Et ça c’est d’abord l’œuvre

283 L’agrément d’Allah est dans celui des parents (père et mère) et
sa colère est dans la leur. Hadith réputé authentique, recensé
par Suyû tî, rapporté par ‘Abdullah b. ‘Umar. ‫رضى هللا في رضى‬
‫الوالدين وسخط هللا في سخط الوالدين‬.

284 Dans six versets du Coran, on note une recommandation


concernant la piété filiale : 83/al-Baqara, 36/Nisâ’, 151/An‘â m,
33/Isrâ, 8/‘Ankabû t, 15/Ahqâ f.

243
des parents comme le dit si bien Serigne Cheikh
Tidiane Sy Maktûm : humaniser le descendant
d’Adam285. C’est, sans doute, l’une des raisons pour
lesquelles Allah a juxtaposé l’obligation de
reconnaissance de Ses grâces à celle de
reconnaissance des efforts des parents, et avertit sur la
destination finale :
Sois reconnaissant envers Moi ainsi qu’envers tes
parents. Vers Moi est la destination. 
‫أن اشكر لي ولوالديك وإلي المصير‬286.
Ainsi, la piété filiale est un impératif que le
disciple doit appliquer dans toutes ses dimensions :
vivre dans la bonté, la bienséance et l’humilité à
l’égard des parents, se conformer à leurs
recommandations, implorer le Pardon de Dieu pour
eux, de leur vivant comme après leur mort, et enfin
entretenir leur mémoire en s’enquérant des nouvelles
de leurs amis, comme l’a défini le Prophète de
l’Islam.
Au demeurant, le Pôle, Cheikh Ahmad Tijânî a
inscrit cette piété filiale dans les fondamentaux de la
Ṭarîqa . A ses yeux tout manquement à cela était
d’une extrême gravité. Ainsi il exhortait au respect
des deux parents, insistant considérablement sur
leurs droits qui doivent être protégés, mettant en
garde contre toute velléité de désobéissance à leur
égard. Il disait :

285 Fexe ba doomu Aadama nite.

286 An Ushkur Lî wa li-Wâlidayka wa ilyya al-Maçîr. Luqmâ n (31),


verset 14.

244
‫من لم يبر بهما ال يتيسر له سلوك هذه الطريقة فمن صدر منه‬
‫عقوق لهما بعد أن دخل فيها قطعه ذلك عنها ثم ال يقدر له أحد بشيء‬.
Qui manque de piété filiale envers eux deux, ne
peut s’affilier à cette Ṭarîqa. Qui manque de
piété filiale après affiliation, cela entraîne sa
défection et nul n’y pourra rien287.
Sur ce registre voici les Khalifes d’El Hadj
Malick Sy qui nous offrent de belles illustrations.
Serigne Babacar et son frère Serigne Mansour ont
trempé leurs plumes dans l’encre de l’amour et de la
piété filiale pour indiquer la voie. Soumission à Allah
dans Son unité et Son unicité, suivre le modèle
prophétique et être aux petits soins pour les parents,
conformément aux injonctions coraniques.
Apprécions la délicatesse des expressions de Serigne
Babacar pour demander l’autorisation de retourner
voir sa famille, après un séjour auprès de son père.
  ‫فإني قد عزمت على‬ ‫أيا شيخي عليك رضى الجليل‬
‫الرحيل‬
ô maître, sur toi l’agrément de l’Auguste,
Me voici en effet prêt au départ.
‫توادعت الـمحـل رجـاء أمـن وخـيرات وبالـسـتر الـجـميل‬
J’ai pris congé de la maison espérant sécurité
Grâces et délicate couverture [de Dieu].
‫وباآلهلين أرجـو‬ ‫نحـوت إلى العـيال مـريد زور‬
‫بـالـحـلـول‬
Je me dirige vers la famille désirant la visiter
Avec le souhait de retrouver les parents.
‫أرافـقـها إلـى حـال‬ ‫وغادرت السالمـة ظهر غـيـب‬
‫الـقـفول‬
Je laisse la paix derrière moi
Et lui tiens compagnie jusqu’au retour
287 BARRÂ DA (‘Alî Harâ zim b. al-‘Arabî) : op. cit., p.238-239.

245
‫وألـفيت العـيال كمال سـلـم كما أحبـبت من فضل الوكيل‬288
Retrouvant la famille dans une parfaite entente
Comme je l’ai souhaité par la faveur du Garant.
Écoutons son frère El Hadj Mansour écrémer
avec la minutie de l’orfèvre, les plus rares et
précieuses pierres, pour façonner un joyau exclusif à
son bien-aimé.
‫أفي البـسيطة غير هللا معـبود بالحق أم في الـسما للغـير‬
‫موجود‬
Y a-t-il sur terre autre qu’Allah à adorer
De vrai, ou bien au ciel autre que Lui existe-t-il ?
‫سبـحانـه مـن إلـه واحد صـمـد لـه البـقـا وثـنـاء فـيـه تـخلـيد‬
Exalté soit-Il, l’Unique Divinité, l’Absolu
A Lui appartiennent l’éternité et l’éloge perpétuel.
‫حــمدا له ولمن قد خصـه شـرفا مـا نيله للـسوى في الدهـر مفـقود‬
Louanges à Lui et à celui qu’il a exclusivement
honoré
De ce que, pour l’éternité, autre que lui ne
possédera
‫محـمد صفـوة األخـيار شافعنا عـليه خـيـر سالم فـيه تـأبيـد‬
Muhammad la fine fleur des élites, notre intercesseur
Que le meilleur salut soit sur lui continuellement
[…]
‫مـن عـليـنـا بـشـيخ والـد رحـم بـر عـطوف مـغيـث مـنه تـجويد‬
Il (Allah) nous a gratifiés d’un maître, un père
clément
Bienfaiteur affectueux et protecteur à l’optimum
‫إني أبـوح بـشكر الـقلب واسطتـي وإن عجزت عن اإليـفاء تـعـديد‬
Je divulgue la reconnaissance du cœur ô mon
médiateur

288 Majmû‘a min Qaçâ’id ash-Cheikh al-Khalîfa Abî Bakr Sy RTa,


Brochure publiée par Alioune Sarr, Keur Thione Sarr, tel : 77 534 66
73 : 76 481 60 37, 118 pages, p 98.

246
Même si je suis incapable de fidélité dans
l’énumération
[...]
i‫فرض على االبن شكر الوالدين وأنـ ت الوالد البر يا أستاذ صنديد‬
C’est une obligation pour l’enfant de remercier ses
parents
Et tu es le père bienfaisant ô mon professeur, mon
héros.
‫وأنت أيـضا مـربي الـنفس مصلحها وكان لي منك إرشـاد وتأيـيد‬289
Et tu es aussi l’éducateur de mon âme, son
régénérateur,
Et J’ai eu venant de toi guidance et caution.

289 Al-Yawâqît al-‘Irfâniyya min al-Fuyûdât ar-Rabbâniyya li-


Mawlânâ ash-Cheikh al-Hajj Muhammad al-Mançûr b. ash-
Cheikh al-Hâjj Mâlik Sy ‘alayhimâ ridwân Allah. Brochure
publiée par Alioune Sarr b. Dâwû d, Keur Thione Sarr, tel: 77
534 66 76, 89 pages, p. 7.

247
LA NOTION DE WASÎLA

La notion de wasîla, dans cette voie, mérite


d’être éclairée, en partant du Coran et de l’exégèse.
Cette notion est souvent objet de rejet de la part des
littéralistes et des salafistes wahhabites. Les plus
radicaux parmi ces gens vont jusqu’à excommunier
les fidèles des voies soufies et s’acharnent sur les
disciples de la Tijâniyya. Or, il est de notoriété que
l’islam exclut toute excommunication d’un musulman
qui profère la Shahâda. Et il est indéniable que les
disciples de la Tijâniyya font partie de ceux qui
exaltent le plus Allah dans Son unicité et Sa
seigneurie. Les oraisons de la voie s’articulent autour
du triptyque de la repentance (Astaghfir Allâh), de
l’eulogie au Prophète (çalât ‘alâ al-Nabî) et de la
formule de l’unité et de l’unicité d’Allah (Lâ ilâha
illâ Allâh). Par conséquent, nul ne peut justifier le
takfîr des disciples de la Tijâniyya ou de toute autre
voie soufie sur le simple fait qu’on n’a pas la même
compréhension de la notion de Wasîla et du Tawassul.
Ceci dit, revenons à l’analyse de cette notion.
Le mot al-Wasîla est employé deux fois dans le
Coran ; une fois dans la sourate al-Mâ’ida :
  ‫يا أيها الذين ءامنوا اتقوا هللا وابتغوا إليه الوسيلة وجاهدوا‬
‫في سبيله لعلكم تفلحون‬.
O les croyants ! Craignez Allah, cherchez les
moyens de vous rapprocher de Lui et luttez pour sa
cause. Peut-être serez-vous de ceux qui
réussissent290.

290 Sourate al Mâ’ida, verset 35.

248
Et une deuxième fois, il apparaît dans la sourate
al-Isrâ : ‫قل ادعوا الذين زعمتم من دونه فال يملكون كشف الضر عنكم‬
‫وال تحويال‬.
Dis : Invoquez ceux que vous prétendez [être des
divinités] en dehors de Lui. Ils ne possèdent ni le
moyen de dissiper votre malheur ni de le
détourner.
‫أوالئك الذين يدعون يبتغون إلى ربهم الوسيلة أيهم أقرب‬
‫ويرجون رحمته ويخافون عذابه إن عذاب ربك كان محذورا‬.
Ceux qu’ils invoquent cherchent [eux-mêmes] à
qui mieux le moyen de se rapprocher le plus de
leur Seigneur. Ils espèrent Sa miséricorde et
craignent Son châtiment. Le châtiment de Ton
Seigneur est vraiment redouté291.
Dans la première sourate, Allah invite les
croyants à la crainte de Dieu et à la recherche de Son
agrément, par un moyen de rapprochement avec Lui.
Dans la deuxième, Il informe les croyants sur les
fausses divinités et les prétendus intermédiaires, qui
cherchent eux-mêmes à se rapprocher de Dieu,
espérant Sa miséricorde et craignant Son châtiment.
Ces deux versets sont très explicites, pourtant il
y a des gens qui entretiennent une équivoque au sujet
des wasîlas et de leur qualité de guides ayant la
capacité de rapprocher le croyant de son Seigneur. La
syntaxe du verset 35 de la sourate al-Mâ’ida mérite
d’être visitée, pour plus de clarté. En y regardant de
près, on s’aperçoit que tous les verbes sont à
l’impératif. Et nous savons que chez les savants en
méthodologie juridique, l’impératif indique
l’obligation, tout au moins la recommandation et des

291 Sourate al-Isrâ , verset 56-57.

249
fois, c’est une forte recommandation. Aussi, on peut
dire qu’ici, de façon explicite, Dieu a conditionné la
réussite, à la croyance (al-Imân) consolidée par la
crainte révérencielle (al-Taqwâ) et soutenue par la
recherche d’un médian pour se rapprocher de Dieu
(wa-ibtaghû ilayhi al-Wasîla). Or donc, les moyens de
se rapprocher de Dieu sont multiples et variés. Le mot
al-Wasîla ici n’est limité par aucun paramètre, il est
utilisé à l’état absolu. Ce qui veut dire que tout acte
vertueux ou toute personne qui en a les compétences
peut être le médian, la wasîla avec Allah. Ce qui
importe c’est la sincérité de l’intention, l’exclusivité
de l’adoration pour Allah et la recherche de la
connaissance et de l’amour d’Allah.
Cependant, nul ne peut accéder à la
connaissance sans les soins d’un maître. Et pour bien
connaître Dieu, dans Ses attributs et Ses obligations,
recommandations et interdits, il est nécessaire d’avoir
un maître instructeur (Shaykh al-Ta’lîm). Mais, pour
connaître Dieu dans Son ipséité, et Le servir dans
l’essence de Son unicité pour Son seul agrément, il
faut un maître gnostique (Shaykh ‘Ârif). C’est cette
fine connaissance que ce maître prodigue à l’aspirant,
sur Dieu et la créature, la nature de l’âme et ses
métamorphoses, sur l’objet de la vie et de l’adoration.
Il révèle à l’aspirant les limites de l’adoration basée
sur la soumission aveugle ou le mimétisme, comme il
lui fait prendre conscience des atouts de l’adoration
fondée sur l’amour. C’est cela qui rapproche de Dieu
et éveille en Lui alors que l’autre est seulement
rémunéré par le Paradis où il se réveillera, in shâ
Allah.

250
Ce guide, le Cheikh ‘Ârif, entraîne à connaître
Allah au-delà de Ses commandements, dans Sa
quiddité. Ce qui l’entraîne à adorer par amour et non
seulement par crainte, en vue d’obtenir le seul
agrément de Sa Face. Ce guide est le médian, al-
wasîla dont parle le Coran, qui rapproche de Dieu. A
l’opposé, Allah met en garde contre l’antipode qui
entraîne à l’inverse de la félicité, c’est-à-dire au
châtiment. Ce sont les faux guides, les imposteurs qui
conduisent au Shirk et à la confusion dans la foi. Ils
sont éloignés de l’adoration désintéressée,
instrumentalisent la religion et ses enseignements
pour aliéner les fidèles. Nous avons évoqué supra, sur
ce sujet, les mises en garde des deux frères de voie et
amis en Allah, El Hadj Malick Sy et El Hadj
Abdoulaye Niass
Al-Wasîla, qui rapproche de Dieu, est donc un
système d’organisation et d’éducation spirituelle qui
peut être la Ṭarîqa, dirigé par un maître, le cheikh. Ce
moyen de se rapprocher de Dieu, en passant par la
porte agréée, le Messager d’Allah, n’est opératoire
que si elle s’appuie sur la croyance et la crainte
révérencielle, Taqwâ. Le verset suivant est un
argument fort intéressant qui fortifie la nécessité de la
Wasîla par l’entremise du Prophète. Or, dans la Voie
soufie, tous les Wasîlas sont des maillons d’une
chaîne qui mène vers le Prophète et ce dernier vers
Allah. Le verset dit : ‫ولو أنهم إذ ظلموا أنفسهم جاءوك فاستغفروا هللا‬
‫واستغفر لهم الرسول لوجدوا هللا توابا رحيما‬.
Si lorsqu’ils ont fait du tort à leurs propres
personnes ils venaient à toi en implorant le pardon
d’Allah et si le Messager demandait le pardon

251
pour eux, ils trouveraient, certes, Allah, Très
Accueillant au repentir, Miséricordieux292.
Il est cependant important de noter qu’elle n’opère
pas dans la paresse ni dans la magie des formules et
incantations. Elle n’opère pas non plus si l’individu se
contente du minimum requis dans le formalisme
rituel, sans se préoccuper de libérer l’âme des
entraves qui l’empêchent de s’habituer au dhikr, à la
mémoration de Dieu et de son Prophète, Psl. Dans la
voie de Cheikh Tijânî, al-Wasîla n’est donc pas
seulement l’individu. C’est plutôt l’homme compétent
dans la conduite psycho-spirituelle. Celui qui indique
le programme adéquat à chaque disciple selon ses
dispositions mentales et psychiques, et selon ses
aptitudes spirituelles. Il suit l’éducation du disciple,
l’évalue et l’accompagne jusqu’à ce que ce dernier
trouve ses repères et s’élance sur la voie de la
constance dans la droiture (al-istiqâma). Ainsi, la
rédemption promise aux fidèles ne doit pas être
comprise dans le sens chrétien du terme. Elle n’est
pas non plus la garantie absolue du Paradis par la
simple allégeance au cheikh.
Pour le croyant affilié à la Tijâniyya, al-wasîla
s’inscrit dans la logique coranique. Il n’est pas un
rédempteur, il est un relais, un passeur d’âme, des
stations vulgaires aux sphères supérieures. C’est-à-
dire qu’il dirige l’aspirant sur la voie de la
connaissance de soi pour accéder à la connaissance
d’Allah et se rapprocher de Lui par l’adoration
exclusivement vouée à Lui : ‫قل إني أمرت أن أعبد هللا مخلصا له‬

292 Sourate Nisâ , verset 64.

252
‫الدين‬. Dis : Il m’a été ordonné d’adorer Allah en Lui
vouant exclusivement le culte293.
Ce Shaykh est un véritable pédagogue, capable
d’augmenter les capacités de l’aspirant à s’approprier
l’esprit de la loi pour mieux appliquer sa lettre. De ce
point de vue, le disciple accroît ses ressources psycho-
spirituelles et, par ses efforts constants dans
l’application de la loi, dans la crainte révérencielle de
Dieu, il gravit les échelons, se déplace de cercle en
cercle, de station en station pour se rapprocher
graduellement du relais ultime, la Réalité
Muhammadienne. C’est cette conception que la voie
enseigne de la notion de wasîla, comme moyen de se
rapprocher de Dieu. Et l’ultime wasîla, dans cette
voie, qui guide l’aspirant jusqu’à la réalisation de son
objectif, c’est Cheikh Tijânî.
A ce niveau, il nous faut préciser encore que
dans cette voie spirituelle, il n’y a pas de raccourci ni
d’alternative à l’adoration et au respect de la Sharî‘a.
L’application de la Loi et surtout la constance dans
cette application sont fondamentales dans la Ṭarîqa .
On ne peut pas arguer d’une quelconque primauté de
la Haqîqa (essence cachée) sur la Sharî‘a, pour
négliger la Loi. La notion de wasîla, non plus, ne peut
être prétexte pour alléger le disciple de ses obligations
canoniques.
Il serait utle de rappeler quelques
recommandations insistantes de Cheikh Ahmad Tijânî
et de quelques-un de ses Khalifes au Sénégal. Dans
ses correspondances publiées dans Jawâhir al-
Ma‘ânî, Cheikh Ahmad Tijânî met en garde le
293 Sourate Zumar, verset 11.

253
disciple contre l’erreur de se croire à l’abri des
desseins de Dieu.
‫وإياكم والعياذ باهلل من لباس حلة األمان من مكر هللا في‬
‫ فإن‬.‫مقارفة الذنوب باعتقاد العبد أنه آمن من مؤاخذة هللا له في ذلك‬
‫من وقف هذا الموقف بين يدي الحق تعالى وداوم عليه فهو دليل على‬
‫أنه يموت كافرا والعياذ باهلل‬.
Je vous mets en garde, qu’Allah nous en préserve,
contre le fait de se croire à l’abri des desseins
d’Allah en commettant des péchés, en prétendant
que Dieu ne vous le reprochera pas. Celui qui
adopte cette posture devant Dieu et qui y persévére,
[qu’il sache que] cela est un indice qu’il mourra
mécréant. Qu’Allah nous en préserve.

El Hadj Malick Sy, dans la lignée du Cheikh,


invite le disciple à ne point négliger les obligations
religieuses. Il exhorte ce dernier à éviter de donner la
priorité au cheikh au détriment des obligations
divines.
‫كــعـابـــد أصــنـام بغـير مراء‬ ‫وتارك أوقـات لخدمـة شـيخـه‬
‫فجاهد صالة الخوف غير خفاء‬ ‫هل الشيخ أعـلى رتبة لـنبـيـنـا‬
‫لــتـأخــيــر أوقــات وترك أداء‬ ‫كن زاجرا يلقون غيا وواعظا‬.
[...]
‫بما أحدثوا في الدين دون سواء‬ ‫أال نبهوا األتباع كي ال تؤاخذوا‬
‫لما هـو أجـدى ال لـجلـب عطاء‬ ‫عـلى كـل مـتـبـوع داللـة تـابـع‬
‫وإال عــلـيـك اإلثــم يــوم لـقـاء‬ ‫فـتعـلـيمهـم فـرض ولـو بإجارة‬.
Celui qui délaisse la prière au service de son cheikh
Est comme qui adore des idoles sans aucun doute
Le cheikh est-t-il supérieur à notre Prophète ?
Efforce-toi dans la çalât al-Khawf, sans tricherie
Réprime qui retarde l’heure [de la prière]

254
Exhorte qui cesse de la faire, ils se trouveront en
perdition294.
[…]
Éveillez les disciples qu’ils ne retiennent
Ce que [les gens] ont inventé dans la religion sans
régularité.
Il incombe à chaque guide de diriger les disciples
Vers ce qui est est profitable non pour attirer leurs
dons.
Les instruire est une obligation même avec un
salaire
Sinon tu en porteras le péché le jour de la
rencontre.
On retrouvera cette même rigueur dans les
correspondances de Cheikh Ibrahim Niass. Dans
Jawâhir al-Rasâ’il295, il donne au disciple de la
Tijâniyya un bel exemple de Tawhîd et d’humilité
envers soi et envers Allah :
‫وعليكم بالسعي في كسب الحالل امتثاال ألمر هللا تعالى وال تغفلوا عن‬
‫ وإياكم والتقصير عن الحقوق‬.‫تصحيح النية في سائر أعمالكم‬
‫ وأوصي كل من يدع مع هللا حالة أن يديم اإلجتهاد في تصفية‬.‫الربانية‬
‫ فقد سئل‬.‫نفسه كيال تحدثه نفسه بأنه وصل إلى مقام يغنيه عن العمل‬
‫أبو القاسم الجنيد رحمه هللا – وهو إمام هذه الطريقة – عن قوم‬
‫يقولون بإسقاط التكاليف ويزعمون أن التكاليف إنما كانت وسيلة إلى‬
‫ صدقوا في الوصول ولكن‬:‫الوصول وقد وصلنا؟ فقال رضي هللا عنه‬
‫إلى سقر‬.

294 C’est le verset 59 de la sourate Mariam qu’il rappelle ici: Puis


leur succédèrent des générations qui délaissérent la prière et
suivirent leurs passions, ils se trouveront en perdition. ‫فخلف من‬
٥٩ ‫ اآلية‬،‫ سورة مريم‬.‫بعدهم خلف أضاعوا الصالة واتبعوا الشهوات فسوف يلقون غيا‬.

295 SHAYKH AHMAD (Abil Fath b. ‘Ali) : Kiâb Jawâhir al-Rasâ’il al-
hâwî ba‘d’ulûm wasîlat al-Wasâ’il Mawlânâ al-Shaikh Ibrâhim b.
‘abd Allah al-tijânî al-Kawlakhî. T1, p. 23.

255
Je vous exhorte à acquérir le licite conformément
aux injonctions d’Allah Le Très Haut. Ne négligez
point d’authentifier les intentions dans toutes vos
actions. Évitez de négliger les droits divins. Et je
recomande à tout celui qui prie Dieu pour un état
[spirituel] de persévérer dans l’effort de purifier son
âme afin qu’elle ne lui inspire pas qu’il est parvenu
à une station qui le dispense d’œuvrer. On a
interrogé Abu-l-Qâsim al-Junayd, qu’Allah lui
accorde la miséricorde, il est l’imam de cette
Tarîqa, à propos de gens qui prétendent que les
obligations ne sont que des moyens pour parvenir,
et [disent-ils], ils sont parvenus. Il dit, qu’Allah soit
satisafait de lui, ils ont raison concernant leur
arrivée mais c’est en Enfer.

L’authentification des intentions est d’une première


importance. Il est important de rappeler que les disciples
de la Tijâniyya ne procèdent à aucun
associationnisme. Car il n’y a personne parmi eux qui
formule l’intention implicite ni explicite de placer le
guide au rang de Dieu. Et n’oublions pas que les actes
valent par l’intention : Innama-l-a‘mâl bi-n-Niyyât.
Ceci est un indicateur important que les actes ont un
aspect extérieur et un aspect intérieur. L’aspect
intérieur n’est accessible à personne d’autre sinon
Dieu. Et c’est Lui, Allah qui affecte à l’acte le
coefficient proportionnel à l’intention logée dans le
cœur de l’individu. Au demeurant le Prophète Psl
avait déjà enseigné que dans le domaine de la
dévotion et de l’adoration, il ne lui était pas donné de
juger de la sincérité des intentions. Dans le hadith
rapporté par Bukhârî et Muslim, un homme lui avait

256
dit : Crains Dieu (Ittaqi-l-Lâh). Sur ce, Khalid b. al-
Walîd intervint en disant : ‫يا رسول هللا أال أضرب عنقه‬, ô
Messager d’Allah, que ne lui coupais-je pas la tête ?
Le Prophète Psl lui dit : ‫ال لعله أن يكون يصلي‬, Non ! Il se
pourrait qu’il ait eu à prier. Khalid rétorqua : ‫وكم من‬
‫مصل يقول بلسانه ما ليس في قلبه‬. Combien sont-ils qui
prient et qui profèrent avec leur langue ce qui n’est
pas dans leur cœur ! Et le Prophète de dire : ‫إني لم أومر‬
‫أن أنقب قلوب الناس وال أن أشق بطونهم‬, Moi, on ne m’a pas
donné l’ordre de percer le cœur des gens ni d’ouvrir
leurs ventres.
Ce hadith est d’une grande importance pour les
musulmans et particulièrement pour les disciples de la
Tijâniyya. Les intentions sont du ressort d’Allah et
c’est pour cela que la Tijâniyya éduque le disciple à la
sincérité de l’intention (al- Ikhlâç) et au
dépouillement de toute autre finalité si ce n’est la
quête de l’agrément d’Allah. Cela se reflète dans la
formule de l’intention pour toute adoration :
‫اللهم إني نويت أن أتقرب إليك بتالوة هذا الذكر المبارك‬
‫[ابتغاء مرضاتك وقصدا لوجهك الكريم وبنية التعبد‬...]
Seigneur ! Je formule l’intention de me
rapprocher de Toi par la récitation de cette
oraison bénie, pour la recherche de Ton agrément
et désirant [en cela] Ta Noble Face, en ayant
l’intention de T’adorer296.
Sur ce registre donc, les disciples de la Tijâniyya
sont tous conscients que les saints ne sont pas Dieu
296 Allahumma inni nawaytu an ataqarraba ilayka bi-tilâwati hâdha
dhikr al-Mubârak ibtighâ-a mardâtika wa qaçdan li-Wajhika-l-Karîm,
wa bi-niyati al-ta‘abbud […] 

257
(subhânallâh) et qu’ils n’ont ni connaissance ni
pouvoir qui ne procèdent du Créateur, Le Maître
Absolu, Lui Qui détient la Connaissance de tout ce
qui est inconnu par les créatures. C’est Lui, Allah qui
donne et qui retient Ses bienfaits, comme Il le veut.
Mais c’est également Lui, Allah, qui donne la grâce à
qui Il veut.

258
259
CONDITIONS D’AFFILIATION ET DE
PRATIQUE

L’admission au sein de la Tijâniyya est soumise


à l’acceptation par consentement libre et personnel,
d’une somme de quarante conditions. Nous allons
exposer brièvement les plus importantes.

1. Il est interdit de renier


l’affiliation à la voie une fois embrassée.
Ici, c’est le principe de la fidélité et de la loyauté
qui est prescrit. Il n’est pas utile ni bénéfique pour
l’adepte de jongler entre les différentes affiliations.
Dans la mesure où la discipline et la constance
fondées sur la sincérité sont les clefs de la réalisation
spirituelle, la Ṭarîqa expose d’emblée la règle. C’est
pour que le dubitatif, l’hésitant et l’inconstant ne
soient pas victimes de leurs limites et qu’ils s’assurent
de la sincérité de leur adhésion et de la force de leur
résolution.

2. Il est aussi interdit de cumuler le


Wird avec ceux d’autres confréries.
Ce principe est d’importance capitale. Comme
en thérapie, le fait de mélanger des substances sans
avis médical peut-être fatal, même si chaque
substance est en soi bénéfique. Cependant le mélange
pourrait être toxique. Beaucoup de gens n’ont pas une
claire compréhension de cette clause de la Tijâniyya.
Les enseignements du Cheikh Tijânî lui-même sont
explicites. Il ne s’agit ni de sectarisme ni de

260
prétention de supériorité sur les autres. Au contraire
dans Jawâhir al-Ma‘ânî il est clairement dit que
toutes les voies authentiques mènent à Allah. Cette
clause est simplement une condition pour s’affilier à
la Tijâniyya et rien d’autre.
‫ على هدى وبينة من هللا‬،‫ألن أوراد المشائخ رضي هللا عنهم‬
‫ وهذا ليس منا تكبرا واستعالء‬.‫وكلها مسلكة وموصلة إلى هللا تعالى‬
‫ بل هذا الشرط في‬.‫على المشايخ رضي هللا عنهم وكال ومعاذ هللا‬
‫ فمن أراد الدخول في طريقتنا فال بد له من هذا‬.‫طريقتنا ال غير‬
‫ والخوف له من صاحبه وال من غيره أيا كان من األولياء‬.‫الشرط‬
‫] ومن أبى الخروج عن‬...[ ‫األحياء واألموات في الدنيا واآلخرة‬
‫ فيترك وردنا ويمكث على‬.‫ورده الذي بيده لشيخه فال شيء عليه‬
‫ فقد قلنا أوراد السادات رضي هللا عنهم كلها على‬.‫ورده وطريقته‬
‫[ هدى من هللا‬...].
Les wirds des cheikhs – que Dieu les agrées- sont
tous sur la bonne voie et la directive de Dieu. Ils
sont des voies et des conduites vers Dieu – Qu’il
soit exalté- ! Cela n’est point de notre part
l’expression d’un quelconque orgueil, ni
exhaussement sur les autres cheikhs – que Dieu les
agrée- Loin de là. Que Dieu nous en préserve !
C’est seulement une condition de notre Ṭarîqa.
Rien d’autre ! Celui qui veut entrer dans notre
Ṭarîqa doit absolument respecter cette condition et
ne doit rien craindre, dans ce monde ou dans
l’autre, du maître du wird ni de quelqu’un d’autre
parmi les Awliyâ’, vivants ou morts. […]
Aucun grief à l’encontre de celui qui refuse de
quitter le wird que son maître lui a donné. Qu’il
laisse notre wird et conserve le sien et sa Ṭarîqa.
Nous avons déjà dit que tous les Ṭarîqa

261
appartenant aux autres maîtres – que Dieu les
agrées -, sont tous sur la voie de Dieu297.
Ces deux premières conditions ont pour
conséquence de rester attaché au Cheikh Ahmad
Tijâni exclusivement et à ses Muqaddam. Ceci ne
signifie point qu’on n’ait pas de la considération, du
respect et de l’affection pour les autres maîtres des
autres voies. Cependant l’exclusivité spirituelle qui
est signe de loyauté et de sincérité dans la voie
empêche de convoiter les faveurs chez d’autres.

3. Observer scrupuleusement la
Sharî‘a et la Sunna dans les pensées, paroles et
actes.
Cette Ṭarîqa est une voie de consolidation et de
raffermissement de la croyance, non pas dans la
simple profession de foi mais dans la permanence de
la conscience de Dieu, Taqwâ. A ce propos, Cheikh
Ahmad Tidiane a dit ceci :
‫وأوصيكم وإياي بتقوى هللا تعالى وارتقاب المؤاخذة منه في‬
‫ ال يخلوا العبد عنهما والمصيبة واحدة‬i‫الذنوب فإن لكل ذنب مصيبتين‬
‫في الدنيا وواحدة في اآلخرة‬.
Sachez que tout ce que je vous recommande – et que
je me recommande à moi-même-, c’est de craindre
Dieu – Qu’il soit exalté -, et d’être vigilants à ne
pas se faire prendre pour les péchés commis. Car
il y a deux infortunes dont le fidèle ne peut
échapper : l’une dans ce bas-monde et l’autre
dans l’au-delà […].

297 In Jawâhir al-Ma‘ânî. Perles des sens, traduit par le Professeur


Ravane Mbaye, op. cit. p. 342-343.

262
Cette prescription englobe l’obligation de faire
régulièrement les cinq prières canoniques obligatoires
par jour, chacune à son heure et de préférence à la
mosquée, avec l’assemblée des fidèles, dans les
conditions de pureté légale requises (purification à
l’eau autant que possible). Cette recommandation est
fondée sur plusieurs passages du Coran298 et un
nombre important de hadiths authentiques.
Dans un Hadith al-Qudsî (parole divine), DIEU
dit à Muhammad Psl :
Celui qui accomplit régulièrement les cinq prières
obligatoires par jour à leurs heures et sans
négligence aucune, je lui attribuerai le Paradis299.
Le Prophète (PSL) dit encore :
La meilleure dévotion qu’on puisse rendre à DIEU,
c’est de s’acquitter régulièrement des cinq prières
obligatoires de la journée aux heures indiquées300.
Et encore :
La prière accomplie à son heure est de 27 fois
meilleure que celle faite après son temps légal301. 

298 Sourate Les femmes (4), Verset 103. Sourate Tâhâ (20), Verset
132.
299 Rapporté par Abu Qatâ da. Authentifié par Abu Dâwû d et
IbnMâjah.

300 Recensé par Tirmidhî.

301 Rappporté par Mâ lik, recensé par Bukhâ rî, Muslim, Tirmidhî
et Nasâ’î.

263
‫الحمد هلل بنعمته تتم‬
‫الصالحات‬
‫والصالة والسالم على عين الرحمة الربانية‬
‫وعلى ءاله وصحبه ومشايخنا ووالدينا وعلينا‬
‫‪.‬وذرياتنا‬
‫وآخر دعوانا أن الحمد هلل رب‬
‫العالمين‪i‬‬

‫‪264‬‬
ANNEXES

Serigne Maodo Sy devant le Roi Hassan 2.

Le Khalife général des Tidianes Serigne Babacar SY Mansou en


compagnie d’El Hadj Malick SY Maodo.

265
Cheikh al-Islam Ibrahim NIASS en compagnie du Président Gamal A.
Nasser d’Egypte.

El Hadj Malick TOURE ibn Cheikh Mouhamad Hady TOURE

266
Le Khalife général des Tidianes Serigne Babacar SY
Mansour en compagnie de Serigne Papa Malick SY

Khalifa Ababacar SY et Thierno Saïdou Nourou


TALL

El Hadj Abdoul Hamid KANE, Muqaddam de


Cheikh El Hadj Malick SY à Kaolack

267
Boroom Daara ji Serigne Mansour SY et Thierno
Mountaga TALL

Le Khalife général des Tidianes Serigne Babacar SY


Mansour en compagnie du Khalife de la famille omarienne
Thierno Bachir Tall

Serigne Abdoul Aziz Sy al-Amine et le Serviteur de


la Hadra omarienne Thierno Madani TALL

268
Thierno Mouhamad Saïdou BAH

269
Thierno Saïdou Nourou TALL et Serigne Cheikh
Tidiane SY Maktoum

Avec Serigne Abdoul Aziz SY al-Amine, mon


homonyme, mon maître, et Serigne Babacar SY Mansour,
le Khalife, le guide.

270
A côté de l’ami Serigne Alioune SALL ibn Sokhna
Safiétou, paix à son âme.

271
Serigne Abdoul Aziz SY al-Amine en compagnie
d’El Hadj Khalifa KEBE

272
Correspondance de Cheikh al-Islam Ibrahim Niass à
un de ses disples mettant en garde contre l’utilisation des
formules sans en avoir l’autorisation

273
274
275
Importante exhortation de Cheikh El Hadj Malick
mettant en garde le disciple contre les leures de la vie, la
négligence des obligations divines sous prétexte de servir
son guide, et rappelant la responsabilité des guides
d’éduquer dans la religion leurs disciples

276
BIBLIOGRAPHIE

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279
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39. NIANE (Seydi Diamil): Soufisme, Wahhabisme. Querelle des


textes ou choc des lectures  ? Préface de Sophie Bava.
Albouraq, 2019.

40. NIASS (Khalifa Mouhammad) : ‫الجيوش الطلع بالمرهقات القطع إلى‬


‫بن مايابه أخي التنطع‬. Les armées d’avant-garde aux sabres
tranchants à l’assaut de Ibn Mayaba l’arrogant.

41. PIGA (Adriana) : Dakar et les ordres soufis, processus socio-


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Paris 2002.

280
42. QURTUBÎ (Muhammad b. Ahmad al-Ançâ ri al-): al-Jâmi‘ li-
Ahkâm al-Qur’ân.

43. RÂ ZÎ (Fakhr ad-Dîn Muhammad b. ‘Umar): ‘Ajâ’ib al-


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44. SAMB (Amar) : Contribution du Sénégal à la littérature


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45. SALL (Serigne Abbas): Kifâyat at-Tâlib fi-l-Haththi ‘ala-


l-‘Ilm wa-l-Âdâb.

46. SEYE (Chérif Elvalid) : Mgr THIANDOUM A force de foi,


l’Harmattan, 2007.

47. SHINGHÎTÎ (Ahmad b. Maham b. al-‘Abbâ s al-‘Alawî) :


Rawḍ Shamâ’il aḥl al-Haqîqa fî al-Ta‘rîf bi-Akâbir aḥl al-
Ṭarîqa. Dâ r al-Amâ n, Rabat, 2012.

48. SY (Abdoul Aziz, al-Ibn): al-Fayyâd, recueil de


conférences, Dâ r al-Ittihâ d li-l-Tibâ’a et Timbuktu li-l-
Dirâ sâ t, Le Caire, 2013.

49. SY (El Hadj Abdoul Aziz): oeuvres completes, Diwân.


Traduit par le Pr Rawane Mbaye, Albouraq.

50. SY (El Hadj Malick): La voie de l’aspirant pour apprendre


les sciences. Qantarat al-Murîd Ta’alluma al-‘Ulûm lil-
Murîd.

51. SY (El Hadj Malick) : Khilâç al-Dhabab Fî sîrati Khayr


al-‘arab.

52. SY (El Hadj Malick): Lâ tarkanan.

53. TAHA (’Abd ar-Ra’û f): al-Hayât ba’d al-Mawt, al-Maktaba


al-Tawfîqiyya, 2007.

281
54. TALL (El Hadj Oumar): Rimâh Hizb al-rahîm ‘alâ Nuhûr
Hizb al-Rajîm.

55. TALL (Thierno Mountaga): al-Jawâhir wa-l-Durar fî sîrati


Cheikh al-Hâjj ‘Umar (Les perles rares sur la vie d’El Hadj
‘Umar), Préface du Pr El Hadj Rawane Mbaye Dâ rul Burâ q,
2005. 

56. TRAORE (Alioune) : Islam et colonisation en Afrique.


Cheikh Hamhoullah : homme de foi et résistant, Paris,
Maisonneuve et Larose, 1983.

57. TRIAUD (Jean-Louis) : La Tijâniyya : une confrérie


musulmane à la conquête de l’Afrique, Paris Karthala, 2000.

58. TYAM (Mouhamadou Aliou) : La vie d’El Hadj ‘Umar.


Qaçida en Pulaar. Transcription, traduction et annotation
par GADEN (Henri), Paris, Institut d’Ethnologie, 1935.

59. ٢٥٦.‫ ص‬،٤ .‫فتح الباري شرح صحيح البخاري ج‬

60. ‫ المطبعة‬،‫ تنبيه الناس على شقاوة ناقضي بيعة أبي العباس‬:)‫نياس (الحاج عبد هللا‬
1910 ‫ الجزائر‬،‫الثعالبية‬

61. ZUBAYDÎ (Mouhammad b. Mouhammad, al-) : Ithâf al-


Sâda al-Muttaqîn bi-Sharh Ihyâ ‘ulûm al-Dîn, al-Matb’a al-
Maymaniyya, 2014, T 5

WEBOGRAPHIE
1. DIOUM (Idrissa) : Travaux de Recherche et de
Documentation du CEVOK,
http://www.nayloulmaram.com/leona-niassene/elh-
abdoulaye-niass/article/el-hadji-abdoulaye-niass-al-kabir.
2. KANE (Ousmane) : EL HADJ IBRAHIMA NIASSE, Sénégal,
1900-1975,

282
http://www.assatashakur.org/forum/spiritualit
%E9/39538-el-hadj-ibrahima-niasse-s%E9n%E9gal-
1900-1975-par-google-page-ranking-ousmane-kane-
universit%E9-de-colum.html

3. ROSS (Eric): Tijâni shrines,


https://ericrossacademic.wordpress.com/touba-more/tij
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4. SAMBE (Bakary) : La Tijâniyya : de l’Aghouat algérien aux


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5. http://www.seneweb.com/news/Societe/gamou-2015-
thienaba-une-confrerie-solita_n_144243.html

6. http://www.rewmi.com/thienaba-seck-maimounatou-
medina-gounass-bogal-ces-villages-senegalais-ou-la-
charia-est-appliquee.html#sthash.0p8sg5AO.dpuf

REVUES ET PUBLICATIONS LIBRES


1. Al-Yawâqît al-‘Irfâniyya min al-Fuyûdât ar-Rabbâniyya li-
Mawlânâ ash-Cheikh al-Hajj Muhammad al-Mançûr b. ash-
Cheikh al-Hâjj Mâlik Sy ‘alayhimâ ridwân Allah. Brochure
publiée par Alioune Sarr b. Dâwû d, Keur Thione Sarr, tel:
77 534 66 76.

2. BENOIT (Michel) : « Espaces francs et espaces étatisés en


Afrique occidentale. Remarques sur quelques processus
de territorialisation et leurs fondements idéologiques en
Haute Casamance et Haute Gambie ». In Cahier des
Sciences Humaines, ORSTOM, vol n° 24, 1988, p. 515.

3. DIENG (Bassirou) : L'épopée d'El Hadj Oumar : la guerre


sainte de l'empereur toucouleur, article paru dans L'âme

283
de l'Afrique, Le Point Références n°42, novembre-
décembre 2012.

4. ‘IZZAT (Jalâ l): « Sîrat al-Mutaçawwifâ t fit-Tâ rîkh al-Islâ mî,


Waqfâ t awwaliyya ‘abra Ta’ammulâ t Manhajiyya » ,
Jam‘iyyat Dirâ sat al-Mar’a wal-Hadâ ra, Le Caire, N°2, Juin
2001.

5. Majmû‘a min Qaçâ’id ash-Cheikh al-Khalîfa Abî Bakr Sy


RTa, Brochure publiée par Alioune Sarr, Keur Thione Sarr.
6. ROBINSON (David), DIALLO (Sonja Fajerberg), KANE
(Moustafa) : « Une vision iconoclaste de la guerre d’al-Hajj
Umar Taal »  in Cahier d’É tudes Africaines, Année 1994,
vol 34, N° 133-135, p. 385.

7. SALVAING (Bernard) : « A propos d’un texte politique de


Cerno Sa’du Dalen sur la discorde entre les deux clans du
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8. SU‘Â D AL-HAKÎM : « Al-Mar’a fil-Fadâ aç-çû fî qad yaçilu ilâ


rutbat al-Qutbiyya […] », Revue al-Fayçal, Juillet 2019.

9. TRIAUD (Jean-Louis) : « Islam et confréries en Afrique


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10. WONE (Yaya) : « Ceerno Muhamadu Sayid Baa ou Le


soufisme intégral de Madiina Gunaas (Sénégal) » in Cahier
d’É tudes africaines, 1974, vol 14, n°56, pp. 673-674.

USUELS
1. CORAN

2. Les recueils authentiques en hadith.

3. Muwatta Mâ lik Rta.

284
4. Dictionnaires et Lexiques árabe, français
et anglais.

7.

285
INDEX
A Ahmad Iyan SY, 134
Ahmad Salim, 29
Abdullah b. Mas‘ûd, 203 ‘
Ahmad Shawqî, 59
Ali, 19, 171, 173, 174, ‘
Ahmad Tidiane Bah, 13
179, 228, 262
Ahmad Tidiane SY, 92
Arîfûn, 172 ‘
Ahmad Tijânî, 15, 29
ayn al-Ma‘ârif, 148 ‘
Ahmadiyya, 21
Ayn Mâdi, 17, 144 ‘
Ahmadou Bamba, 9
Ayn Mahdi, 138 ‘
Ahmadou Barro, 104
Ababacar Sy, 4
Ajami, 36
Abbas Sall, 99, 134
al ‘amal al-çâlih, 246
Abdoul Aziz Mbaye, 51
al-‘Azrâ, 90
Abdoul Aziz Sy, 4, 80, 94
âlam as-Shahâda, 147
Abdoul Hamid Kane,
al-Amine, 2, 3, 4, 5, 37,
111, 112
51, 52, 93, 94, 98,
Abdourahim Seck, 13
115, 122, 125, 145,
Abdul Karîm, 40
183, 275
Abu Bakr, 147, 229
al-Asmâ’, 190
Abu Dardâ, 171, 172,
Alawî, 38
238
al-Fuhûm wal-M’ânî),
Abu Dawûd, 168, 218
190
Abu Dâwûd, 52, 206,
al-Fûtiyyu, 27
209, 238, 270
Algérie, 21, 27
Abu Hurayra, 66, 147,
alha, 223
209, 227, 228
Alioune Guèye, 51
Abu Naçr, 34
al-Jumûd, 96
Abu Samghûn, 20, 21
Alliou Thiam, 36
Adam, 152, 159, 161,
al-Maktûm, 93
169, 190, 195, 244,
Almamiyat, 45
250
Almoravides, 45
Adama, 37
al-Nâqil, 31
Ahmad b. Maham, 30

286
Amar Samb, 33, 71 223, 235, 237, 255,
Amary Ndack Seck, 127, 262
128 çalât ‘alâ al-Nabî, 85,
Aqtâb, 148, 164, 165 150, 220, 221, 223,
ârifûn, 164 255
Ârifûn, 165 çalât al-Fâtih, 41, 105
ar-Rujûla al-Haqîqiyya, çÂLIH, 222
91 çâlihûn, 164, 165, 166,
Ash’arî, 52 192
Carpot, 111
B Cayor, 130
Baçriyya, 90 Charles Martel, 10
Bambaras, 44 Cheikh Ahmad Tijânî, 12
Baol, 130 Cheikh al-Islam, 120
Barzakhiyya, 157, 170, Cheikh Tidiane Gaye,
174, 177, 178 133, 134
BARZAKHIYYA, 157, 166 Cheikh Tidiane Sy, 48,
Basmala, 203 51, 77, 94, 152, 155,
bâtin, 66 161, 183, 236, 247,
BENOIT, 101 248, 250
Bid‘a, 199, 213 Cheikh Tijânî, 115, 116,
Bornou, 42 117, 122, 133, 145,
Borom Daara-ji, 4 149, 163, 169, 174,
BOUSBINA, 43, 97 176, 178, 179, 180,
Bughya, 29 259, 260, 267
Bukhâri, 172, 227 çiddîqûn, 164, 165, 192
Burkina Faso, 139 confréries, 120
Côte d’Ivoire, 139
Coulon, 34
C d’Abu Samghûn, 145
çalât, 41, 85, 105, 150, d’El Hadj ‘Umar, 35
163, 211, 220, 221,

287
d’El Hadj Malick Sy, 51, Dumont, 34
97, 105, 132, 134, 251 Durrat al-Kharîda, 166,
d’Ibn ‘Abbâs, 72, 229 189
d’Ibn al-Musayyib, 235
d’istikhâra, 42 E
El Hadj ‘Umar, 7
D EL HADJ ABDOULAYE,
DAAKA, 101 109
Daaw Goor Mbaye, 51 El Hadj Abdoulaye Niass,
Dabbâkh, 33, 50, 80, 81, 110, 258
83, 85, 86, 87, 89, 92, El Hadj Malick Sy, 12, 50,
94, 132, 148, 183, 230 72, 75, 84, 104, 109,
DABBÂKH, 80, 149 132, 155, 186, 196,
dahiras, 63 206, 258, 261
dâhiras, 175, 176 El Hadj Mansour, 51, 63,
Degembere, 7 74, 77, 252
Demba Fall, 37 El. H. ‘Umar, 45
dhikr, 49, 56, 57, 85, 86, éthique, 11, 23, 66, 67,
87, 117, 135, 226, 70, 71, 74, 76, 83, 98,
227, 228, 235, 237, 171, 176, 201, 225,
239, 259 231, 243
Dhikr, 11
DIA, 106, 109, 110, 116,
123
DIALLO, 35
Dicko, 138, 139 F
Dieng, E4 Fa-lâ Budda min
DIENG, 36 Shakwâ, 75
Dinngiraay, 35 Farâ’id, 191
DIOUM, 109, 111 Fass Touré, 58
Djolof, 109, 130 Fâtiha, 41, 82, 169, 180,
Doudou Kend, 51 185, 202, 204

288
Fatima, 29 Hampathé Bâ, 27
Fâtima, 90, 92 Hanafiyya, 21, 29, 69,
Fay Mbûsu Yóbbal, 63 144, 151
Fayda, 2, 99, 107, 118 HANAFIYYA, 142
Fayda Tijâniyya, 118 Haoussa, 42
Fez, 20, 22, 31, 110 Haqîqa, 30, 45, 55, 58,
Fezzan, 42 146, 147, 148, 157,
Fiqh, 52, 53, 66, 67, 105 164, 177, 183, 184,
Fletcher, 15 185, 260
Fouta, 27, 43, 50 HAQÎQA, 183
Fouta Djallon, 42, 130 hard power, 57
Fouta Toro, 42 Hâtamî, 149, 166, 173
Fulânî, 30 HAYLALA, 225
futanke, 96 Himma ‘aliyya, 75
Himma ‘Aliyya, 124
G HISKETT, 120
GADEN, 36 Hizb al-Bahr, 40
Gamou, 4 Hizb al-Mughnî, 41
Gandiole, 127 Hizb as-Sayfî, 41
Gaya, 45, 50
Ghazâlî, 162 I
Ibn ‘Arabî, 91, 167, 169,
173
Ibn ‘Atâ Allah, 190
Ibn Kathîr, 222
H Ibn Mas‘ûd, 232
Hadratul jumu‘a, 209 Ibn Mayaba, 65, 157
Hâfiziyya, 27 Ibn Taymiyya, 66
HÂFIZIYYA, 27 Ibrâhîm, 151, 152, 153,
Hâjara, 211 154, 156, 233, 234,
Halwar, 33 244
HAMALIYYA, 138

289
Ibrahim Mahmoud Diop, Jawâhir al-Ma‘âni, 22
124, 125 Jawâhir al-Ma‘ânî, 9, 17,
Ibrahim Mahmoud DIOP, 18, 21, 105, 261, 269
6, 137 Jawâḥir al-Ma‘ânî, 22,
Ibrahim Niass, 99, 107, 41
120, 122, 123, 189, Jawâhir Rasâ’il, 189
262, 280 Jawḥara al-Kamal, 138
IBRAHIM NIASS, 118 Jekungo, 42
Ibrâhîmiyya, 21 Jibrîl, 153, 229
Idâw ‘Alî, 29, 30 Jihâd, 6
IFAN, 71 Jîlânî, 169, 174
Ifhâm, 59, 65, 110 Junayd, 52, 263
Ifhâm al-Munkir al-Jânî, Junaydî, 18
59 JURDÂNÎ, 230
Ihsân, 145, 184 Juyûsh al-Tula’, 116
ijâza, 41, 110, Voir
Ijâzas, 116, 176 K
Ikhlâç, 225, 264 Kahédi, 30
île à Morphil, 35 Kalima al-Tayyiba, 184,
Imru’ al-Qays, 72 225, 233
innovation, 11, 16, 199, Kane, 118, 119, 120
200, 202, 203, 204, Kankan, 42
210, 212, 213 Kaolack, 58, 109
Ishq, 90 Kashf al-Hijâb, 29, E0, 40
istighfâr, 87, 146, 216 Kâshif al-Albâs, 118
Istighfâr, 205 Katmiyya, 170, 180
istiqâma, 259 Kawkab Duriyy, 234
Istiqâma, 151, 156, 162 KEBE, 1, 2, 6, 92, 225,
izn, 189 226
IZZAT, 90 Kébémer, 58
J Khalid b. al-Walîd, 264
jâhiliyya, 72

290
Khalifa Mouhammad
Niass, 107, 108, 112
M
Ma‘çûma, 90
Khatm, 149, 150, 166,
Ma‘rifa, 18
178
Maabo Gise, 35
KHATMIYYA, 157, 166
Maba Diakhou, 109
Khidr, 192
Macina, 42, 43
Khilâç al-Dhahab, 158,
Madiakhate Kala, 134
186
Madina Gounass, 13
khilâfat, 160, 161
Maghreb, 15
khilâfat Allah, 160
Mahamad Fatha, 144
Kifâya al-Râghibîn, 59
Mahdiyou, 129, 130
Kifâyat ar-Râghibîn, 59,
Mahi Niass, 13
190
Maktûm, 2, 51, 77, 93,
Kuntî, 167, 168
126, 152, 161, 166,
169, 181, 236, 247,
L 248, 250
l’Unicité, 227, 243 Mali, 45, 139
Lâ ilâha Illâ Allâh, 88 Malick Sy, 45, 92, 93,
Lâ Ilâha Illâ Allâh, 212, 120
225, 227, 228, 229, MÂLIKIYA, 47
230 Mamadu Saydu, 102
Lâ ilâha illal-Lâh, 89 Mansour Mbaye, 51
La Mecque, 39 Mansour Sy, 4, 92
La piété filiale, 249 Maodo gàlle Seexu
lâ Tarkanan, 72 Tijaan, 109
Lakhdar, 138 Marima Niass, 108
Lâzim, 237 Maroc, 22
Le Châtelier, 10 MARTY, 97
Léona, 65, 111, 112, 157 Maryam, 90
Louga, 58, 99, 132, 133 Mauritanie, 22, 119,
120, 139
Mawlud Fall, 30, 31

291
Mbacké Bousso, 113 206, 207, 208, 217,
Mbaye, 33, 45, 50, 51, 221, 223, 224, 229,
58, 80, 269 232, 233, 244, 248,
MBAYE, 15, 22, 50, 132 253, 270
Mbaye (R.), 45 Muhammad al-Ghâlî, 40,
Mbooleem wàlliyu yi 41, 138
naw naa leen ci bu Muhammad al-Hâfiz, 29
wer, 68 Muhammad al-Sâlik, 29
Mecque, 27 Muhammad al-Ṭâlib
Médina Baye, 2, 122 Jiddu, 29
Médina El Hadj, 101, Muhammadiyya, 69,
102, 103, 104 134, 144, 145, 146,
Médina Gounass, 101, 147, 148, 157
103, 104, 105, 127, Mujaddid, 168
128 Mukaffirât, 86
MILIBÂRÎ, 229 Muqaddam, 13, 22, 30,
Mishkât, 231 31,43, 45, 110, 122,
Mishrî, 29 132, 175
Mouhamad Sirâj, 105 Muqarrabûn, 164
Mountaga, 33, 34, 38, Murshid, 84
40, 41 Mustahabbât, 191
Moyen-Orient, 22 Mutashayyikh, 196
Mpal, 58
MUHAMADIYYA, 142 N
Muhammad, 20, 29, 30, NABAHÂNÎ, 148
31, 38, 40, 41, 42, 48, Nâbigha al-Zubyânî, 72
53, 65, 82, 88, 106, Nasâ’î, 218, 222, 223,
138, 144, 145, 146, 270
147, 153, 157, 158, Nazîfî, 150, 166, 183,
163, 164, 168, 172, 184
177, 179, 181, 190, NAZÎFÎ, 166, 222
191, 192, 195, 199, Nbuja, 38

292
Ndieguène, 110 Qutbâniyya, 150, 170,
ndigël, 189 178, 179, 180
Ngaïde, 101, 102 QUTBÂNIYYA, 170
Niasséne, 13, 65, 99,
107, 109, 112, 122, R
157 Râbi’a, 89
Niassénes, 109 Rajî, 31
Niger, 139 Rawḍ Shamâ’il aḥl al-
Nigéria, 31, 119 Haqîqa, 30
Nisyân, 160 Râzî, 217
Nubuwwa, 150, 179 Ridwân, 191, 232, 233
Nuzhat, 29 Rijâl al-Allâh, 91
Rimâh, 31, 39, 40, 42,
P 130, 163, 167
Papa Malick Sy, 5 ROBINSON, 10, 35, 36,
PIGA, 40 97, 119
Pire Saniakhor, 36 Rufisque, 58
Podor, 129 Rûh al-Adab, 118
Pôle, 69, 115, 170, 173,
174, 178, 251 S
procrastination, 76 Saint-Louis, 43, 58, 111,
132
Q salafistes, 11
Qaçîda, 36 Salman, 171, 172
Qantarat al-Murîd, 75 SALVAING, 130
Qaysiyya, 90 SAMB (Amar), 33
Qiyâm al-Layl, 212 sanad, 31, 44, 97, 105,
Qutb, 2, 115, 146, 169, 132
170, 174, 178, 181, Ségou, 42, 44
231 SERIGNE ABBAS SALL,
Qutb al-Aqtâb, 146 132

293
Serigne Abdoul Aziz, 80, Suyûtî, 223, 250
94
Serigne Babacar Sy, 6, T
12, 37, 51, 77, 93, Taçawwuf, 121, 134,
132, 157, 192, 247 135, 144, 173, 176
Serigne Hady Touré, 52, Tadhkirat al-Ghâfilîn, 42
54, 56, 68, 71, 132, TAHA, 149, 161, 229
134 Tahajjud, 212
Sha‘rânî, 148, 149, 150, Tajdîd, 15
174 Taklîf, 193
Shakîb Arselan, 10 Taqwâ, 38, 257, 258,
Sharî‘a, 5,11,18, 20, 45, 269
55, 58, 61, 65, 104, Tarâwîhs, 90
113, 128, 157, 175, Tarbiya, 40, 118, 121,
177, 183, 184, 185, 122
186, 190, 201, 210, Ṭarîqa, 21, 22, 29, 30,
214, 227, 260, 269 40, 41, 43, 55, 61, 65,
Shawkânî, 66 67, 69, 70, 83, 113,
Shaykh ‘Ârif, 257 116, 122, 123, 135,
Shaykh al-Ta’lîm, 257 145, 175, 185, 186,
Shinqîtî, 29, 38 188, 190, 191, 194,
Shirk, 246, 258 196, 201, 233, 237,
Sidi ‘Alî Harâzim, 15 251, 258, 260, 267,
Sidi Harâzim, 17 268, 269
Sidrat al-Muntahâ, 82 tawhîd, 83
Sine, 109, 119 Tawhîd, 186, 225, 236,
soft power, 45, 57, 63 244, 262
Soudan, 15, 27 Tazkiyat al-Nafs, 143
soufisme, 99, 102, 118 Thianaba, 13
SU‘ÂD AL-HAKÎM, 92 THIANDOUM, 188
Sunan), 191 Thiénaba, 2, 99, 127,
Suyûma, 129 128, 129

294
Thiendella Yacine, 128 190, 195, 199, 201,
Thierno Bachir, 13 202, 203, 205, 207,
Thierno Madani, 7, 13 208, 209, 212, 214,
Thierno Mountaga, 7, 220, 223, 230, 231,
33, 36 233, 236, 237, 238,
Thierno Mountaga Tall, 239, 243, 246, 247,
4 248, 249, 255, 259,
Thierno Saïdou, 7 262, 263, 264, 265,
Tidianes, 4 267
Tijânî, 9, 10, 15, 17, 19, TIJÂNIYYA, 1, 15, 47, 99,
22, 29, 40, 44, 69, 107, 127, 140, 142,
110, 115, 118, 133, 199, 241
138, 144, 157, 163, Tivaouane, 4, 37, 47, 48,
166, 169, 177, 180, 50, 51, 64, 70, 80, 84,
185, 186, 251, 261 92, 93, 96, 97, 99,
Tijâniyya, 4, 5, 6, 9, 10, 110, 120, 122, 132,
11, 12, 13, 15, 17, 20, 155, 183
27, 29, 30, 31, 32, 34, Tlemcen, 138
40, 41, 42, 43, 45, 50, Tombouctou, 27, 43
51, 53, 61, 63, 64, 65, Tooro, 102
67, 69, 70, 72, 75, 83, Triaud, 9, 15
86, 92, 93, 96, 97, 99, TRIAUD, 10, 15, 16, 30,
101, 104, 105, 107, 31, 97, 119
109, 110, 111, 112, Tuqâ, 232
116, 118, 119, 120,
122, 123, 124, 127, UVWXYZ
129, 132, 134,137, Umar, 27, 31, 33, 34, ‘
138, 139, 143, 144, 36, 37, 38, 42, 44, 45,
148, 152, 154, 155, 57, 72, 129, 149, 163,
157, 163, 167, 168, 167, 191, 213, 222,
169, 170, 175, 177, 229, 250
180, 181, 183, 185, Umariyya, 27 ‘

295
Uthman, 30 ‘ WONE, 99, 102, 103, 104
wahhabites, 11 Wouro Mâdiyou, 129
Walo, 50, 127 zâhir, 66
Warsh, 52 Zâhiriyyûn, 170, 185
wasîla, 165, 185, 255, Zahrâ, 90
257, 258, 259, 260 Zarrûq, 19
Wazîfa, 237, 238 Zawiyas, 56, 63, 236
waẓîfa, 96 Ziarra, 92
wilâya, 167, 168, 179 Zindîq, 67
William Merlaud-Ponty, Zuhayr, 71, 72
111

296
TABLE DES MATIÉRES

PRÉFACE....................................................................................4
INTRODUCTION.....................................................................9
PREMIÉRE PARTIE : PISTES ET ZAWIYAS TIJÂNIYYA
AU SENEGAL.......................................................................15
CHEIKH AHMAD TIÂNÎ.............................................................17
MUHAMMAD AL-HÂFIZ...........................................................28
MAWLOUD FALL......................................................................30
EL HADJ ‘UMAR AL-FÛTIYYU....................................................32
ZAWIYA TIJÂNIYYA MÂLIKIYA DE TIVAOUANE.........................44
EL HADJ MALICK SY PROFIL D’UN MAÎTRE..........................47
LES HERITIERS D’EL HADJ MALICK............................................57
SERIGNE BABACAR SY (1885-1957).....................................59
EL HADJ MANSOUR SY (1900-1957)....................................67
SERIGNE ABDOUL AZIZ DABBÂKH (1904-1997)...................75
AUTRES ZAWIYAS TIJÂNIYYA....................................................93
DAAKA DE MEDINA GOUNASS............................................95
FOYER TIJÂNIYYANIASSENE..................................................101
EL HADJ ABDOULAYE NIASS (1844-1922)..........................103
KHALIFA MOUHAMMAD NIASS.........................................109
EL HADJ IBRAHIM NIASS....................................................112
LA TIJÂNIYYA DE THIÉNABA..............................................121
LA ZAWIYA DE SERIGNE ABBAS SALL.................................125
LA HAMALIYYA OU HAMAWIYYA......................................131
DEUXIÉME PARTIE : CONCEPTS DE BASE..............133
TIJÂNIYYA MUHAMADIYYA ET HANAFIYYA............................135
Tijâniyya............................................................................137
Muhammadiyya................................................................138
Hanafiyya..........................................................................144
KHATMHIYYA BARZAKHIYYA..................................................150
LE KHALIFE DU PROPHETE.....................................................152
KHATMIYYA BARZAKHIYYA....................................................159

297
QUTBÂNIYYA KHATM AL-MAQÂMÂT....................................163
al-Qutb..............................................................................163
Barzakhiyya al-‘Uzmâ.......................................................167
SHARΑA ET HAQÎQA...............................................................175
MAÎTRE ET DISCIPLE..............................................................179
Définition de l’innovation (Bid‘a............................................189
Ta‘awwudh : A’ûdhu billâh min al-Shaytân al-Rajîm..............192
La Basmala : Bismillâhi al-Rahmâni al-Rahîm.........................192
La Fâtiha................................................................................193
Istighfâr..................................................................................195
Haylala : Lâ Ilâha illâ-Allah.....................................................197
Çalâtu ‘alâ al-Nabî..................................................................198
NI‘MAT AL-BID‘A HÂDHIHÎ.....................................................200
AGREMENT D’ALLAH ET CHAPELET........................................204
CORAN HADITH ISTIGHFÂR....................................................206
ALLAH ET SES ANGES PRIENT SUR LE PROPHÈTE...................210
LA HAYLALA SUBLIME PAROLE...............................................214
LUMIERE RECEPTACLE ET RELAIS...........................................220
La Lumière.........................................................................220
Le Réceptacle....................................................................223
Les Relais...........................................................................225
TROISIÉME PARTIE PRINCIPES DE BASE DE LA
TIJÂNIYYA........................................................................230
QUE SIGNIFIE ÊTRE DISCIPLE DE LA TIJÂNIYYA ?....................232
Le Tawhîd  : Connaître Dieu, Le Servir................................233
La piété filiale....................................................................238
LA NOTION DE WASÎLA..........................................................243
CONDITIONS D’AFFILIATION ET DE PRATIQUE.......................254
ANNEXES................................................................................259
BIBLIOGRAPHIE......................................................................272
WEBOGRAPHIE......................................................................275
REVUES ET PUBLICATIONS LIBRES.........................................276
USUELS..................................................................................277
INDEX.....................................................................................278

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