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Quelque part dans la forêt,

Au beau milieu d’un ta’lim

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Note bien cher petit lecteur :

Pour Sidi Ahmed Tidjani, c’est


presque pareil.

Par respect nous disons « qu’Allah


l’agrée » après son nom.

Nous avons allégé cela par les


initiales de l’arabe : (ra) pour
faciliter ta lecture…

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La vie de Seïdina Ahmed Tidjani,
Le Sceau de la sainteté Muhammedienne et pole caché,

Racontée aux enfants.

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Le petit Ahmed Tijani

Ce matin-là, le soleil du mois de juillet lançait ses rayons dorés sur la ville et les cris
amusés des enfants volaient dans les airs fêtant ainsi la période estivale.

Dans le parc en bas de l’immeuble, ils couraient à perdre haleine en se taquinant tandis que
leurs parents les surveillaient du coin de l’œil à travers leurs fenêtres.

Pourtant l’un d’eux avait refusé de les rejoindre. Les mains collées sur la vitre de sa chambre,
il observait ses camarades de jeux. Au bout d’un moment, fatigué de surveiller la rue, il se
retourna en soupirant et s’assit sur son fauteuil.

Ahmed Tijani était un petit garçon malicieux de huit ans qui affichait constamment un
sourire joyeux. Un brin coquin, il n’hésitait pas à user d’imagination pour surprendre sa
famille.

Il vivait avec son papa Mohamed, sa maman Fatima-Zahra et son petit frère Habib. Ce
dernier avait trois ans de moins que lui et n’était jamais en reste pour faire des bêtises.

D’ailleurs le voilà qui arrivait pour chaparder quelques jouets qu’Ahmed Tijani affectionnait
particulièrement.

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- Maman ! s’écria-t-il, Habib m’a pris mon avion !

- Prête-le-lui un moment, répliqua-t-elle, il va s’en lasser et tu pourras le récupérer.

Et voilà encore ! pensa l’enfant, il faut toujours qu’il gagne. De toute façon il pouvait bien le
garder, grand-père allait bientôt arriver.

De tous les adultes qui se trouvaient sur la terre, la personne qui émerveillait le plus notre
jeune garçon c’était son grand-père.

Le petit Ahmed l’aimait beaucoup et le regardait avec admiration. Lorsqu’il l’observait


discrètement, cet homme, à l’allure élégante et raffinée, lui donnait l’impression de sortir
tout droit d’un livre d’histoire.

En effet, il n’était pas habillé comme tous les grands-pères que l’on pouvait voir dans la rue.

Oui, il n’avait pas l’air d’un individu à demi vouté qui se promenait dans la ville le pas lourd
avec un mouchoir qui dépassait négligemment d’une poche.

Non, son grand-père à lui était élancé, le visage rose, les yeux rieurs avec une bonne humeur
contagieuse.

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Il s’habillait le plus souvent d’une grande robe blanche, portée par les hommes musulmans,
qu’une cape fluide et légère recouvrait jusqu’aux pieds. Le port d’un turban aussi éclatant
que la neige achevait de lui donner cette allure princière que l’enfant admirait tant. Il lui
arrivait d’accompagner son aïeul à la mosquée, bien que les adultes appellent ce lieu une
Zaouiya.

Ils y rencontraient d’autres hommes à l’allure identique tandis qu’ils variaient en âge. Ils se
montraient tous aimables avec lui et offraient parfois quelques confiseries qu’un enfant ne
refuse jamais.

C’est pourquoi ce matin-là l’enfant n’était pas sorti jouer avec ses camarades. Il préférait
attendre son grand-père qui devait venir partager le repas de la famille.

Ce serait aussi l’occasion d’une belle histoire, car le vieil homme avait le don d’un conteur.
Lorsqu’il racontait la vie du Prophète et de ses compagnons, prière et salut sur lui, ou encore
les terribles aventures des prophètes, sur eux la paix, le petit garçon restait ébahi.

Il roulait des yeux tantôt à droite tantôt à gauche pour suivre les gestes impétueux décrivant
les batailles tandis que l’homme mimait les voix et dépeignait les scènes avec habileté.

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Ahmed Tijani savait bien que toutes ces histoires n’étaient pas des contes de fées. Bien au
contraire, ses parents lui apprenaient les ablutions, les bases de la prière et les bonnes
manières du Prophète Muhammad, prière et salut sur lui. Tout cela, grand-père en parlait
très souvent dans ses merveilleux récits.

Notre jeune ami attendait ainsi dans son fauteuil, plongé dans des souvenirs encore frais
pour son âge, lorsqu’un « Toc ! Toc !» retentissant le fit sursauter.

Sa maman eut à peine le temps d’ouvrir la porte qu’il se précipita pour la pousser et sauter
dans les bras de son grand-père. Ce dernier, loin d’être surpris par cet enthousiasme, ria
aux éclats en embrassant chaudement son petit-fils. Les retrouvailles furent heureuses et le
déjeuner festif.

Après le repas, les tasses de café encore vides sur la table, le jeune garçon rejoignit son aïeul.
Le papa avait dû partir travailler tandis que maman avait mis le petit frère à la sieste ce qui
laissait un silence propice à la complicité entre le vieil homme et l’enfant. Le petit Ahmed
Tijani prit la main de son grand-père et lui demanda avec une mine suppliante :

- Abou ! (C’était le surnom de son grand-père) raconte-moi une histoire !

- Et quel genre de récit tu souhaites entendre cette fois-ci ? interrogea malicieusement le


vieil homme

- Un récit avec des bandits, des animaux, des choses extraordinaires, des génies, des épées…
s’exclama Ahmed en agitant les mains.

- Tout ça ? Très bien, viens t’assoir près de moi. Je vais te raconter une histoire vraie.
D’ailleurs, tu portes le prénom du héros.

- Il s’appelle Ahmed comme moi ?

Grand-père sourit d’amusement et, en l’asseyant confortablement, il lui répondit :

- Non, c’est le contraire, tu t’appelles Ahmed Tijani comme lui.

Son histoire a eu lieu à une époque où il existait encore des rois en France. Elle débute dans
un pays d’Afrique, l’Algérie. Là-bas, au milieu d’une région reculée et presque désertique,
existe un village nommé Ain Madhi …

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L’enfance de Sidi Ahmed Tidjani (ra)

Il y avait jadis dans un village d’Algérie du nom d’Ain Madhi une demeure simple
qui, comme la plupart de celles du village, était faite de pierres.

Elle abritait une gentille famille et en ce noble jour, ils attendaient un heureux évènement.

D’ailleurs, murmura Abou, on dirait qu’il se passe quelque chose, tu n’entends pas ?

- Non quoi ? interrogea le petit garçon qui tendit l’oreille

- Ce sont les pleurs d’un bébé, il est né dans l’une des pièces de la maison. Regarde ! La
maman vient de le prendre dans ses bras. C’est un garçon ! Sidi Mohamed, son papa, et
Dame Aïcha, sa maman, l’ont prénommé Ahmed. Ça veut dire « digne d’éloges » et c’est
un des prénoms les plus connus du Prophète, prière et salut sur lui.

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Grand-père continua :

Les parents d’Ahmed Tidjani (ra), c’est le nom de notre personnage, étaient très pieux tout
comme leurs ancêtres. Ils aimaient Allah et faisaient beaucoup d’œuvres de bien.

Ils aimaient également la prière, l’évocation de Dieu et prier sur le Prophète, prière et salut
sur lui. Aussi, ont-ils souhaité, comme tout parent musulman, que leur garçon ait une bonne
éducation.

Dès que cela fut possible, ils le confièrent à un professeur. Son premier maître se
prénommait Mohamed lui aussi et il se chargeait de lui enseigner le Qoran.

Notre jeune ami se révéla être très studieux, si bien qu’à l’âge de sept ans il connaissait le
Qoran par cœur.

Il avait aussi d’autres maîtres, notamment Sidi Mabrouk, qui lui apprenait le droit
musulman, c’est-à-dire comment pratiquer la religion de la manière la plus parfaite.

- Il travaillait beaucoup ! s’exclama Ahmed

- Oui. Tu dois savoir que le jeune Ahmed Tidjani (ra) n’était pas un garçon comme les
autres. Doué d’une grande intelligence, il préférait les études aux jeux.

Il suffisait qu’il entende une leçon une seule fois et il retenait tout son contenu. Et ce n’est
pas tout, car il en comprenait les enseignements.

Il était le meilleur de sa classe dans toutes les matières et même dans des domaines que les
adultes ne maîtrisaient pas.

On dit aussi de lui qu’il pouvait réciter par cœur un livre qu’il n’avait lu qu’une seule fois !

Un jour, tandis qu’Ahmed Tidjani (ra) rentrait tranquillement de l’école, une grande

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lumière surgit soudainement du ciel juste devant lui. Il resta figé de surprise jusqu’à ce qu’un
homme apparaisse à travers cette lumière.

C’était le Prophète lui-même, prière et salut sur lui, qui le regarda gentiment et lui dit :
«Continue, car tu es dans la vérité ».

- C’était vraiment lui grand-père ? demanda l’enfant

- Oui mon garçon, le Prophète Muhammad, prière et salut sur lui, en personne, car Allah
peut faire tous les prodiges qu’Il veut. Dans le cas présent, le Messager d’Allah, prière et
salut sur lui, venait encourager ce jeune homme à poursuivre ses efforts.

Lorsque tout fut revenu à la normale, Ahmed Tidjani (ra) se mit à courir de toutes ses forces
pour se réfugier chez sa tante qui habitait à côté. Encore tout tremblant de peur, il lui raconta
son aventure extraordinaire. Elle le rassura et lui prépara du bon pain chaud.

Ahmed aimait beaucoup sa tante, c’était sa deuxième maman et elle s’appelait Jourkhoum.
Elle était tendre et douce. Elle accomplissait aussi beaucoup d’œuvres de bien et
affectionnait la prière ainsi que l’évocation de Dieu. C’est pour ça que le petit garçon prenait
plaisir à venir la voir.

Ainsi, notre héros vivait parfois quelques aventures mais en dehors de ces moments
particuliers, il était comme tous les petits garçons.

Un jour, sa maman prépara pour le repas des navets et à la vue de ce légume qu’il
n’appréciait pas, Ahmed Tidjani (ra) le repoussa puis sortit dehors le ventre vide.

Notre gentille famille avait un voisin qui s’appelait Sidi Gourid. Il aimait beaucoup notre
jeune garçon et remarqua sa mine boudeuse. Comme ce n’était pas son habitude, il alla lui
en demander la raison.

Quand Sidi Gourid entendit sa plainte, il eut un sourire amusé et l’invita à manger chez lui.

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Ils entrèrent dans la maison puis il installa son invité comme un vrai prince.

Il cria alors à son épouse qui était derrière (Abou imita une voix forte en plaçant sa main
près de sa bouche) :

- Prépare un grand plat, nous avons un invité exceptionnel aujourd’hui !

Sa femme se trouvant dans la cuisine, elle n’avait pas pu voir le petit Ahmed. Elle commença
aussitôt à préparer un des meilleurs plats qu’elle put faire pour une aussi grande occasion.

Tandis que le repas mijotait sur le four, elle fut saisie par la curiosité. Elle ne put guère
s’empêcher de passer sa tête derrière son rideau pour l’apercevoir. Quelle surprise quand
elle vit que ce n’était que le petit voisin !

Elle attrapa son mari et lui dit :

- « Quoi ! C'est le petit Ahmed ton invité exceptionnel ?! »

Mais son époux n’aima pas du tout sa remarque. Il lui répondit aussitôt :

- « Tais-toi donc ! Tu ignores la grandeur de son destin ! », car il savait déjà que son jeune
ami était réellement un invité très spécial.

Sidi Gourid, qui fut aussi un homme très pieux, percevait chez cet enfant une destinée
exceptionnelle. Et vraiment, poursuivit grand-père, sa destinée serait remarquable.
D’ailleurs, il n’y avait pas que son voisin qui voyait en lui l’homme qu’il allait devenir, car
dans le village sa compréhension du monde commençait à impressionner de plus en plus
de gens.

Le jeune enfant devenait un adolescent très instruit. Dans son entourage, il était connu pour
son intelligence, sa politesse et son amabilité.

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Bien qu’il n’eût que seize ans, il obtint un diplôme de droit musulman et des adultes
venaient le voir parfois pour qu’il les aide à comprendre des choses difficiles.

Pourtant notre jeune homme n’enseignait pas, il s’instruisait constamment et vivait encore
chez ses parents qu’il affectionnait tant.

Malheureusement, tous les deux tombèrent gravement malades, d’une maladie incurable
qui causa très vite leur mort. Notre jeune Ahmed Tidjani (ra) devint alors un orphelin en
perdant soudainement son père et sa mère.

Bien sûr, il avait encore son frère Mohamed et sa sœur Rouqayya, mais il se demandait où
il vivrait dorénavant. Heureusement sa tante chérie Jourkhoum, sa deuxième maman, le
recueillit chez elle et elle prit soin de lui.

- Mais c’est triste grand-père ! murmura Ahmed

- Oui c’est vrai, mais Ahmed Tidjani (ra) avait une grande force de caractère. Il surpassa son
chagrin pour aller encore plus à la recherche du savoir.

Il savait que ses parents étaient désormais auprès de Dieu, aussi il faisait son possible pour
être digne de leur éducation.

D’ailleurs, il avait en tête un grand voyage. Dans un pays voisin, le Maroc, se trouvait une
ville appelée Fès. Là-bas il y avait une grande université, très réputée, où se côtoyait une
multitude de professeurs et d’étudiants.

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Mais pour l’instant présent, notre héros se contentait d’être un adolescent qui travaillait dur.
Il apprenait tout ce qui pouvait lui être utile, afin de devenir le meilleur musulman possible
et mieux connaître Dieu.

Aussi, il se donnait les moyens de parvenir à son objectif sous le doux regard de sa tante qui
ne manquait pas de veiller à son bien-être.

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À la recherche de la vérité

Le temps passait et l’heure de la prière du zénith avait sonné. Le petit Ahmed


observait avec un grand intérêt les mouvements de son grand-père et de sa mère qui étaient
concentrés sur leurs gestuelles mélodieuses.

C’était un moment rare, que l’enfant appréciait grandement, où se mêlaient curiosité et


fascination. Notre jeune ami, blotti dans le fauteuil, attendait que les aînés lèvent les mains
en signe d’imploration.

Cet indice lui permettait de comprendre qu’ils allaient clore cet instant solennel et que son
histoire reprendrait.

Enfin, son grand-père le rejoignit. Il attrapa son petit-fils d’un coup le faisant monter dans
les airs pour l’empoigner fermement dans ses bras. Ahmed se mit à rire, tout joyeux qu’il
était, puis reprit place auprès de son bien-aimé grand-père.

Ce dernier n’attendit pas un rappel à l’ordre du garçon pour entamer la seconde partie de
son récit :

- Retrouvons le héros de notre histoire, tu veux bien ?

Sidi Ahmed Tidjani (ra) était devenu un beau jeune homme. Du haut de ses 21 ans, il se
sentait prêt à entamer un long voyage pour la ville de Fès au Maroc. Il désirait de tout son
cœur arriver dans cette cité parfumée par le savoir. Les gens l’avaient même surnommée
Fès, la cité de la science.

Il faut savoir qu’elle cachait en son cœur une Mosquée-Université très réputée qui s’appelait
Qarawiyine.

À cette époque, les mosquées étaient aussi des écoles. Les gens venaient prier, mais
également s’instruire. C’était des écoles où les étudiants pouvaient dormir s’ils le
souhaitaient. En arabe on appelle cela des « Madrassa ».

Dans cette atmosphère pieuse et empreinte de culture, professeurs et élèves se mêlaient.


De nombreuses matières étaient représentées comme la science, l’histoire, la religion…et
Sidi Ahmed Tidjani (ra) en profitait pour augmenter son savoir.

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Il souhaitait se perfectionner dans la récitation du Coran, mieux connaître les paroles du
Prophète (prière et salut sur lui), l’histoire et compléter sa science de la religion. Donc il
s’attela à cette première tâche.

Il rencontrait des gens de toutes sortes et allait dans autant de cours qu’il le pouvait.

Cependant, il désirait également rencontrer une catégorie particulière d’enseignants. Il


recherchait la compagnie de grands saints, parce que notre jeune voyageur ne voulait pas
simplement apprendre toutes les sciences religieuses, il souhaitait avoir des exemples pour
s’éduquer.

Il mettait ainsi en pratique la parole de notre noble Prophète Mohamed, prière et salut sur
lui, qui a dit : « Interroge les savants, côtoie les sages et reste en compagnie des Grands
(l’élite des musulmans) ».

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- Qu’est-ce que c’est un saint Abou ?

- Les saints musulmans sont un groupe de gens qui sont très purs. Ils se consacrent à
l’adoration de Dieu, ils aiment beaucoup évoquer Allah ainsi que la prière, mais pas
seulement. Ils travaillent pour être de bons musulmans et avoir le moins de défauts possibles
voir, dans l’idéal, aucun. Pour cela ils se servent d’un exemple, celui du Prophète, prière et
salut sur lui, dont ils imitent les actes, le comportement et la moralité.

C’est vraiment très difficile et cela prend toute une vie. Tiens, imagine un peu, est-ce que tu
pourrais rester une journée sans faire de bêtise ou énerver ton petit frère, ce serait
impossible n’est-ce pas ? Mais rassure-toi, c’est tout à fait normal pour un enfant.

Donc le héros de notre histoire faisait le tour de la ville pour les chercher et s’assoir avec
eux. Son souhait fut exaucé, car il rencontra de grands hommes de Dieu, on les appelle
aussi des Connaissant ou ami de Dieu (wali en arabe).

En effet, ils se sont tellement purifiés qu’ils se sont rapprochés d’Allah qui leur confie des
secrets et des pouvoirs qu’à part eux personne ne détient.

Mais attention, ces hommes sont comme une armée au service de Dieu. Ils ne font rien
sans la permission d’Allah et surtout ils ne révèlent leurs secrets qu’à celui qui en est digne.

Lorsque chacun de ces hommes de Dieu rencontra Sidi Ahmed Tidjani (ra), ils eurent tous
la même conviction. Ils surent qu’il était aimé d’Allah et de son prophète, prière et salut sur
lui. Sa prestance, son éloquence, sa sagesse et sa science les impressionnaient.

Tout comme son ancien voisin Sidi Gourid, ils pressentaient qu’il aurait un grand destin.
Aussi ils l’aimèrent dès le premier regard et étaient tous disposés à le former pour qu’il
puisse devenir cet homme immense que bientôt toute l’univers appellerait « Le Sceau de la
sainteté Muhammedienne ».

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Sidi Ahmed Tidjani à l’école des soufis (ra)

Ainsi, dans sa recherche de Dieu et de l’excellence, notre jeune héros avait rencontré
plusieurs grands personnages. Ces hommes étaient des saints connus et reconnus, les
meilleurs de la communauté musulmane. Ils sont également appelés des soufis.

C’est un mot qui désigne une catégorie de gens soucieux d’obéir à Allah extérieurement, en
pratiquant bien les actes de la religion, et à l’intérieur d’eux-mêmes en cherchant à se
purifier. Comme on l’a dit précédemment, cela consiste à s’éloigner de toutes les mauvaises
choses. Quelle belle compagnie il avait trouvée !

Parmi tous ces soufis, nous savons qu’il a eu six enseignants auprès de qui il a pris la Tarîqa.

Le mot Tarîqa est un terme arabe qui signifie « chemin » ou « voie », mais on l’utilise aussi
pour décrire les écoles de soufisme, là où tous les grands saints ont appris à connaître Dieu.
On dit que l’école du soufisme c’est l’école du Prophète, prière et salut sur lui !

Donc, il a pris la Tarîqa (le chemin ou l’école) de ces maîtres et leur baraka.

- Grand-père, qu’est-ce que c’est la baraka ? interrogea le petit garçon

- Voilà une bonne question. Le mot « baraka » signifie « bénédiction ». Mais pour les maîtres
soufis, c’est bien plus que cela, ils ont une lumière spéciale qui leur vient du Prophète, prière
et salut sur lui !

Comme c’est un peu compliqué pour ton âge, on va limiter cela à un seul exemple. Ton
papa m’a raconté que l’autre jour, tout malin que tu es, tu as envoyé ton petit frère Habib
réclamer un gâteau à ta maman pour qu’il te le rapporte discrètement dans ta chambre.
C’est bien vrai ?

- Oui Abou, avoua l’enfant en rougissant

- Pourquoi n’es-tu pas allé demander le gâteau directement à ta maman ?

- Parce qu’elle me dit toujours non ! Mais à Habib, comme il est tout mignon, elle lui donne
tout ce qu’il demande. C’est son préféré grand-père, elle l’aime plus que moi !

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Le vieil homme sourit en ébouriffant les cheveux de son petit-fils.

- Et bien tu vois, la baraka, ça ressemble à cela. L’autre jour tu as profité de l’amour de ta


maman pour Habib afin d’obtenir ton gâteau. Tu as pensé que le seul moyen de l’obtenir
c’était à travers Habib.

De la même façon, les êtres humains profitent de l’amour d’Allah pour les saints. La
différence c’est qu’ils ne donnent pas des gâteaux, mais des sciences subtiles et des
bénédictions qui leur proviennent de Dieu.

Toujours est-il, et tu t’en doutes sûrement, que Sidi Ahmed Tidjani (ra) était un excellent
élève soufi.

Beaucoup de ses professeurs lui révélaient qu’Allah l’aimait et qu’il aurait un avenir hors du
commun.

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Pourtant, il ne s’arrêtait pas à cela et continuait son cheminement.

Un jour, un de ses grands saints, qui avait parfois des visions de l’avenir, lui conseilla de
retourner dans sa ville natale. C’est là-bas, lui révéla-t-il, que son plus grand souhait se
réaliserait.

Alors notre voyageur reprit ses bagages et le chemin qui le ramènerait chez lui, à Ain Madhi.
Sur cette longue route, il en profita pour faire de nouvelles rencontres et s’instruire encore
plus.

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Voyage à travers l’Afrique

Le petit Habib venait de se réveiller de sa sieste. Il observait depuis peu son grand-
père, en compagnie de son frère, qui discutaient. Il se prit presque un peu à l’histoire, mais
la vue de l’avion attira de nouveau son attention. Il l’attrapa discrètement et quitta les lieux
en courant dans sa chambre.

Les deux spectateurs se regardèrent en riant. Grand-père déposa la tasse de thé que sa fille,
la maman d’Ahmed, lui avait apporté et reprit son récit :

Notre jeune homme était devenu un adulte de 31 ans. C’est presque autant que ton papa
ou ta maman !

À cette époque, c’est-à-dire en 1767 J.-C., le paysage était bien différent d’aujourd’hui.
Quand les gens voyageaient, ils devaient beaucoup marcher, avoir un cheval ou un chameau
et emporter avec eux boisson et nourriture.

Les transports modernes comme les avions et les voitures n’existaient pas. Désert, arbres et
pierres pouvaient être la seule vue sur des kilomètres. Aussi, il fallait être très courageux,
car on pouvait rencontrer des bandits, des animaux sauvages, des serpents ou encore
manquer d’eau.

Lorsque Sidi Ahmed Tidjani (ra) parcourait les différents pays d’Afrique, il s’arrêtait dans
des mosquées et des Zaouiya.

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C’était l’occasion idéale pour parler avec des maîtres soufis et d’autres musulmans, car c'est
généralement dans ces endroits que tu peux les trouver.

Il lui arrivait aussi de rencontrer en chemin des voyageurs avec qui il faisait connaissance.

Ainsi, il rentra dans son village natal bien-aimé, mais il n'y resta que peu de temps. Il repartit
pour d’autres aventures, en s’arrêtant dans certaines villes où il s'installait parfois pendant
plusieurs années.

Durant ce temps, il se consacrait à l’adoration de Dieu tout en enseignant ce qu’il savait à la


population locale.

Dans l’une de ces villes, du nom de Tlemcen, les gens furent si impressionnés par son savoir
qu’ils ne purent s’empêcher de l’interroger sur le sujet :

- « Sidi, peux-tu nous dire auprès de qui tu as appris toute cette science ? » lui demandèrent-
ils.

- « Cette science je ne l’ai pas apprise d’une seule personne, répondit Sidi Ahmed Tidjani
(ra), mais de tous ceux que j’ai rencontrés ».

Ils l’admiraient et l’aimaient énormément. Certains faisaient une longue marche pour venir
écouter ses cours ou bien l’interroger.

Par respect, ils commencèrent à l’appeler « Cheikh », ce qui veut dire « maître ». Ils
voulaient aussi prendre la baraka auprès de lui, en le prenant pour un maître soufi, mais
cela le gênait beaucoup.

En effet, le mot Cheikh signifiait qu’il avait une grande Connaissance d’Allah et qu’il pouvait
enseigner à d’autres comment connaître Dieu à leur tour.

Certes, il avait sans nul doute toutes les capacités pour cette lourde tâche, mais il craignait
Allah et ne souhaitait pas prendre une telle responsabilité.

Il refusait ce titre et leur répondait :

- « Ne m’appelez pas Cheikh, car je ne suis qu’un élève comme vous. Nous ne faisons
qu’échanger des connaissances ».

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Ainsi le héros de notre histoire continuait à cheminer, de ville en ville, de maître en maître,
car Allah lui avait donné ce désir intense.

À chaque étape, il grandissait dans la sainteté, car tu sais les saints ont, comme les Prophètes,
sur eux la paix, des grades d’excellence.

Pour le moment, une fois de plus, il se préparait pour un grand voyage. Celui-ci était
beaucoup plus important que tous les autres, car il s’agit du pèlerinage à la Mecque.

Tu dois savoir que tous les musulmans doivent répondre à l’appel de Dieu et se rendre dans
ce lieu sacré au moins une fois dans leur vie.

Sidi Ahmed Tidjani (ra) ressentait donc le besoin de faire son pèlerinage ou Hajj en arabe.

À cette fin, il aurait une longue route à faire, des pays à traverser et de grands Connaissants
d’Allah à rencontrer….

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Sur la route du Pèlerinage

Lorsqu’il eut atteint l’âge de 36 ans, Sidi Ahmed Tidjani (ra) décida qu’il était temps
de prendre la route pour le Hajj à la Mecque.

Comme tu t’en doutes, le voyage était très long et il rencontra encore énormément de gens,
notamment de grands saints. Il échangeait avec eux secrets et science puis continuait sa
route.

Il s’arrêta en Tunisie plusieurs mois et c’est dans la ville de Tunis qu’il s’installa, mais cela
ne l’empêchait pas de se rendre dans d’autres endroits.

Un jour, à Tunis, alors qu’il était en pleine adoration et seul avec Dieu, il vit quelqu’un
s’approcher de lui. Cet homme, c’était Muhammad le noble Messager d’Allah, prière et
salut sur lui, tout comme lorsqu’il était enfant.

- Et qu’est-ce qui s’est passé cette fois-ci grand-père ?

- Le noble Prophète, prière et salut sur lui, était tout près de lui et il lui a dit : « Invoque
pour demander la Connaissance ou ce que tu désires et moi je dirais « amin » pour ta
demande. »

Tu sais ce que ça voulait dire ? demanda le vieil homme à son petit-fils

- Non grand-père

- Cela voulait dire que toutes ses demandes seraient exaucées. Et le Prophète, prière et salut
sur lui, savait déjà ce qu’il souhaitait le plus, la connaissance d’Allah.

Alors, le héros de notre histoire se plia à l’ordre du Prophète, prière et salut sur lui. Il leva
les mains et invoqua Allah. Chaque fois qu’il terminait une demande, le bien-aimé Prophète
(prière et salut sur lui) disait « amin » à sa place.

Quand Sidi Ahmed Tidjani (ra) eut terminé, le Messager d’Allah, prière et salut sur lui, lui
récita une sourate du Qoran qui se nomme « Le jour montant » :

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Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

Par le Jour Montant !

Et par la nuit quand elle couvre tout !

Ton Seigneur ne t’a ni abandonné, ni détesté.

La vie dernière t’est, certes, meilleure que la vie présente.

Ton Seigneur t’accordera certes [Ses faveurs], et alors tu seras satisfait.

Ne t’a-t-Il pas trouvé orphelin ? Alors Il t’a accueilli !

Ne t’a-t-Il pas trouvé égaré ? Alors Il t’a guidé.

Ne t’a-t-Il pas trouvé pauvre ? Alors Il t’a enrichi.

Quant à l’orphelin, donc, ne le maltraite pas.

Quant au demandeur, ne le repousse pas.

Et quant au bienfait de ton Seigneur, proclame-le.

À l’instant où le Messager d’Allah, prière et salut sur lui, récita le verset « Ton Seigneur
t’accordera certes [Ses faveurs], et alors tu seras satisfait » il regarda Sidi Ahmed Tidjani (ra)
de son doux regard.

Il voulait lui dire par là qu’il obtiendrait tout ce qu’il avait demandé.

Tu vois, le Prophète, prière et salut sur lui, le suivait de très près durant toutes ces années.

Et il y avait aussi un lien spécial entre eux, car Sidi Ahmed Tidjani (ra) était un descendant
du Messager de Dieu, prière et salut sur lui.

Les enfants du Prophète, qu’Allah bénisse toute sa famille, avaient eu des enfants qui avaient
eux-mêmes eu des enfants, etc. jusqu’à la naissance du héros de notre histoire.

Nous les appelons des chérifs et ils font partie de l’arbre généalogique du noble Prophète,

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prière et salut sur lui. Ils sont très respectés et c’est normal.

Au début, Sidi Ahmed Tidjani (ra) n’était pas sûr d'être un chérif parce qu’à l’époque les
dates, les noms des parents et les lieux de naissance n’étaient pas toujours notés sur un
registre. Il n'avait donc aucune preuve.

Alors un jour il prit son courage à deux mains et il demanda au Prophète, prière et salut sur
lui, s’il était réellement son arrière-petit-fils.

Le Prophète, prière et salut sur lui, lui répondit « Certainement tu es mon fils ! » et il le lui
répéta plusieurs fois pour lui faire comprendre que c’était la vérité.

Après cette superbe aventure, notre personnage retourna à ses enseignements attirant de
plus en plus de gens.

Il devint très renommé et les gens venaient de loin pour le voir. Cette popularité attira
l’attention de l’émir du pays qui lui fit envoyer une lettre.

Il lui demandait de s’installer définitivement à Tunis pour devenir le professeur d'une


grande université nommée Zaïtouna et s’occuper des affaires religieuses de l’État. Il lui
promettait pour cela de lui donner beaucoup d’argent et une belle maison.

Lorsque Sidi Ahmed Tidjani (ra) eut fini de lire la lettre, il prépara ses bagages et quitta très
vite la Tunisie. Tu comprends, il n’était pas intéressé par les rois ni par l’argent ou la
popularité. L’émir pouvait le faire prisonnier pour l’obliger à rester s'il refusait sa demande.

Il préféra fuir en prenant un bateau pour se rendre en Égypte, le pays des anciens pharaons.

Là-bas, il y avait une personne très savante et pieuse qu’il souhaitait rencontrer. Il l’avait vu
dans un rêve et il s’était promis de le visiter pour Allah.

C’est ainsi qu’il continua son chemin pour le Hajj…

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Une rencontre importante

Habib et son grand frère dégustaient à présent leur goûter sous le regard bienveillant
de leur grand-père. Tout en croquant dans leurs biscuits fourrés, ils se concentraient sur les
paroles du vieil homme qui continuait son récit :

- L’homme que souhaitait rencontrer Sidi Ahmed Tidjani (ra) était un grand Connaissant et
un wali d’Allah. Les paroles du Prophète, prière et salut sur lui, que l’on appelle Hadith
n’avaient aucun secret pour lui. De plus il avait la capacité de faire des prodiges. Il s’appelait
Cheikh Mahmoud El Kourdy.

Cette rencontre entre les deux hommes serait particulière, car Sidi Ahmed Tidjani (ra) allait
non seulement prendre la baraka avec lui, mais il allait compléter une partie de son
éducation spirituelle.

Et voici comment se passa leur première entrevue :

Lorsque les deux hommes se rencontrèrent, le Cheikh Mahmoud lui révéla :

- Tu es aimé d’Allah dans ce monde ainsi que dans l’au-delà

- D’où te vient cette information ? lui demanda Sidi Ahmed Tidjani (ra)

- D’Allah ! lui répondit le cheikh

- Je t’ai vu (en rêve) en Tunisie, ajouta Sidi Ahmed Tidjani (ra), et je te disais « je suis
entièrement en acier » alors tu m’as répondu « oui et je vais transformer ton acier en or »

- C’est entièrement exact ! s’exclama le Cheikh, je vais effectivement transformer ton acier
en or.

Bien sûr, il ne s’agissait pas vraiment d’or et de métal, commenta grand-père. Cette
conversation signifiait simplement que le Cheikh Mahmoud allait l’aider à être encore
meilleur et à gravir des échelons dans la sainteté.

Le maître reprit la conversation en lui demandant quel était son objectif, c’est-à-dire quel
était son souhait :

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- Je souhaite atteindre le degré des pôles Suprême, lui répondit Sidi Ahmed Tidjani (ra)

- Oh mon ami ! répliqua Cheikh Mahmoud El Kourdy, Allah te réserve bien plus que cela!

Tu te demandes sûrement ce que signifie le degré des pôles Suprêmes que Sidi Ahmed
Tidjani (ra) désire tellement obtenir. Je vais essayer de t’expliquer tout ça aussi simplement
que possible :

Dans la religion musulmane, il y a des saints, ça, je pense que tu l’as compris. Ces hommes
ont, à l’exemple des prophètes, sur eux la paix, des grades d’excellence. Cela veut dire que
certains saints sont meilleurs que d’autres et plus proches d’Allah.

En premier il y a le Sceau des saints. Il n’y en a qu’un seul sur toute la terre et dans le ciel,
du début jusqu’à la fin des temps. Il est le plus proche d’Allah, le chef de tous les saints et
le meilleur d'entre eux.

En deuxième il y a les saints que l’on appelle les pôles Suprêmes. Ils sont très proches
d’Allah. Il y en a plusieurs, mais il n'y en a qu'un seul par époque sur terre. Quand l’un
d’eux meurt et rejoint Allah dans le ciel, alors Dieu le remplace par un autre.

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En troisième position, il y a les pôles. Ce sont de très grands saints aussi. Il y en a plusieurs
sur terre au même moment et à toutes les époques.

En quatrième il y a des saints qu’on nomme la petite sainteté commune parce qu’ils sont
plus nombreux. Ils ont aussi une grande proximité avec Allah.

Chacun d’eux, quelle que soit sa catégorie, a un rôle qu’Allah lui a donné. Ils ont tous un
point commun, ils sont les gardiens de la religion et ils ont pour mission de faire le rappel
de Dieu aux gens de la terre, sinon on oublierait d’adorer Allah. Ils sont ce qu’on appelle
l’élite des musulmans.

Ainsi notre héros désirait s’approcher d’Allah le plus haut possible, au moins devenir un
pôle Suprême qui porte aussi le surnom de Pôle des Pôles et de Grand Calife.

Sidi Ahmed Tidjani (ra) confia donc son objectif au Cheikh Mahmoud El Kourdy qui allait
être un soutien de plus dans son parcours spirituel.

Heureux de cette rencontre, il quitta ce maître quelques temps plus tard, afin de continuer
la route pour le pèlerinage. Il savait au fond de lui qu’ils se reverraient très bientôt…

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Pèlerinage et rencontres à La Mecque

Il y avait dans les environs de la Mecque un très grand Cheikh. Il était spécial parce
qu’il vivait isolé, presque comme un ermite, et ne sortait jamais de chez lui. Il ne devait
parler à personne ni recevoir de visite, et en cela il ne faisait qu’obéir à Allah.

En effet, tu dois savoir que chaque saint est différent, certains sont dans la rue, d’autres dans
des mosquées et certains autres sont cachés. Tout dépend de la mission qu’Allah leur a
donnée.

Celui-ci ne disposait que d’un serviteur pour compagnon qui s’occupait de tout ce qui lui
était nécessaire et qui était également son disciple.

Un jour, le maître l’appela et ce dernier accourut pour le servir.

- Oui maître ? lui demanda-t-il

- Apporte de quoi écrire, je dois envoyer une lettre.

Le serviteur, qui était aussi son secrétaire, s’équipa d’une plume et de papier puis prit place
à ses côtés, prêts à inscrire le moindre de ses mots.

Le maître lui dicta :

- « Tu es l’hériter de ma science, de mes secrets, de mes lumières… »

Quand il eut terminé, il ordonna à son serviteur :

- Apporte cette lettre à Sidi Ahmed Tidjani (ra), il est actuellement à la Mecque où il effectue
son pèlerinage.

Le serviteur resta stupéfait devant son maître. Il l’avait servi des années et il espérait
secrètement recevoir tout ce qu’il venait d’inscrire sur le papier.

- Mais maître ! s’écria-t-il, ça fait dix-huit ans que je suis à ton service et aujourd’hui tu fais
hériter tout ton savoir à un inconnu qui vient du Maghreb !?

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- Cette décision ne vient pas de moi, lui répondit le Cheikh, mais d’Allah. Sidi Ahmed
Tidjani (ra) doit être l’héritier de toutes mes sciences et mes secrets. Je n’ai rien à en dire et
d’ailleurs si j’avais pu choisir, j’aurais donné tout cela à mon fils.

Sidi Ahmed Tidjani (ra) et le Cheikh, qui s’appelait Sidi Ahmed ibn Abdallah El Hindi,
échangèrent quelques courriers. Le maître lui annonça qu’il allait bientôt mourir et il lui
demanda de s’occuper d’enseigner à son fils unique quelques sciences secrètes qu’eux seuls
connaissaient.

Enfin, lorsque le Cheikh El Hindi rejoignit Allah comme il l’avait prédit, notre héros
respecta sa promesse. Il rencontra son fils et il lui apprit tout ce qu’il devait savoir.

Tu vois, c’est ainsi que certains hommes de Dieu reçoivent les sciences divines.

Cela ressemble un peu à un verre qui est rempli d’eau. S’il est sur le point de se casser par
exemple, tu ne vas pas jeter l’eau propre qu’il y a dedans n’est-ce pas ? Tu la verses dans un
autre verre en attendant de l’utiliser.

De même, lorsque l’un des saints meurt, toute la science qu’Allah lui a donnée peut être
transmise à un autre. C’est ce qui venait d’arriver à Sidi Ahmed Tidjani (ra), il avait reçu en
héritage toute la science de Sidi El Hindi avant que celui-ci ne soit rappelé vers Allah.

À la suite de cette aventure, le héros de notre histoire a rencontré d’autres grands saints qui
lui ont confié des sciences et des secrets réservés aux rapprochés d’Allah.

Il a aussi rencontré un pôle Suprême qui se nommait Sidi Abdelkarim Samman avec qui il

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échangea, cette fois-ci face à face, d’autres secrets.

Enfin, il effectua son Hajj avec toutes ses règles et ses obligations.

Lorsqu’il termina ce qu’il avait à faire, il reprit ses bagages. Sa nouvelle destination serait
l’Égypte au Caire pour retourner voir son grand ami, le maître Sidi Mahmoud El Kourdy…

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Retour en Égypte

Tu n’imagines pas la joie Sidi Mahmoud El Kourdy lorsqu’il revit son élève. Il fut
très heureux et demanda à Sidi Ahmed Tidjani (ra) de venir le voir tous les jours jusqu’à la
fin de son séjour dans la ville du Caire. Bien sûr, le héros de notre histoire accepta sans
détour son invitation.

Ainsi, il compléta sa science avec lui. Le maître lui posait tous les jours des problèmes qu’il
devait résoudre. Il y avait parfois d’autres savants qui assistaient à ces interrogations. Sidi
Ahmed Tidjani (ra) répondait à tous les problèmes en expliquant en détail ce qui permettait
de les résoudre, si bien que l’assemblée était admirative. Il avait un don pour trouver de la
facilité là où les gens ne voyaient que de la difficulté.

Les gens tombaient sous le charme de cet homme si simple en apparence, mais qui à
l’intérieur maîtrisait beaucoup de science et de finesse. Ils n’avaient jamais vu quelqu’un
comme lui.

Notre Sidi Ahmed Tidjani (ra) était ainsi devenu au fil de ses voyages et de ses rencontres
un homme sage et doué d’une intelligence inégalable puisqu’elle était un don de Dieu.

Le Cheikh Mahmoud, qui avait lui-même appris auparavant de très grands maîtres, lui remit
quelques diplômes et autorisations pour l’enseignement.

Il donna également la baraka pour son école de soufisme qui se nommait l’école Khalwatiya.
Comme Sidi Ahmed Tidjani (ra) était très doué, il lui demanda de donner la baraka et
d’enseigner à des disciples de sa Tarîqa.

Notre héros, comme par le passé, ne souhaitait pas devenir un Cheikh et s’occuper de
disciples. C’était comme s’il ne se sentait pas encore assez prêt pour cela. Lorsque Cheikh
Mahmoud El Kourdy constata que son élève était gêné par sa demande, il le rassura et lui
dit :

- Alors contente-toi de donner la baraka et moi je m’occuperais des élèves. Ainsi tu n’auras
pas à t’en inquiéter.

Cela rassura Sidi Ahmed Tidjani (ra) qui accepta alors de donner la baraka pour son école,
la Tarîqa Khalwatiya.

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Après ces longues retrouvailles et avoir complété son éducation, notre voyageur pensa qu’il
était temps de reprendre son chemin pour d’autres aventures.

De chaleureux adieux finirent par clore cette étape de sa vie. Il reprit la route de son pays,
l’Algérie, à Tlemcen plus précisément où il avait déjà séjourné et enseigné…

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De Tlemcen à Boussemghoune

De retour dans la ville de Tlemcen, Sidi Ahmed Tidjani (ra) reprit ses
enseignements.

Désormais, il transmettait la voie de Sidi Mahmoud El Kourdy, mais comme nous l’avons
déjà dit, il ne faisait rien de plus. Lorsque quelqu’un venait lui demander la baraka, il lui
précisait qu’il ne serait pas son cheikh et qu'il ne faisait que transmettre.

Il fit aussi une rencontre dans cette ville avec un de ses futurs grands compagnons. Il
s’appelait Sidi Mohamed ibn Mechri et il aimait tellement Sidi Ahmed Tidjani (ra) qu’il se
mit entièrement à son service. Un jour, si nous avons le temps inch’Allah, je vous raconterai
son histoire.

Notre grand voyageur ne resta pas longtemps à Tlemcen, il partit pour une visite à Fès où
là encore il rencontra un autre homme qui le suivra jusqu'à la fin de sa vie. Il s’agissait de
Sidi ‘Ali Harazim et tous les deux eurent beaucoup d’affection l’un pour l’autre. Voulez-
vous que je vous raconte leur première rencontre ?

- Oui Abou ! s’exclamèrent en chœur les deux enfants

- Lorsque le héros de notre histoire partit à Fès pour faire sa visite, il passa par une ville
dénommée Oujda au Maroc. Comme je te l’ai expliqué, les routes étaient longues et c’était
des caravanes entières qui se déplaçaient avec chevaux, chameaux, bagages, femmes et
enfants.

Lorsque Sidi Ahmed Tidjani (ra) rencontra Sidi ‘Ali Harazim, ils eurent l’impression de
s’être déjà rencontrés. Sidi ‘Ali avait fait un rêve il y a quelques années où il avait vu le héros
de notre histoire. Quant à Sidi Ahmed Tidjani (ra), il savait qu’il allait devenir un de ses plus
fidèles amis et compagnons.

Alors d’abord ils se regardèrent de loin, puis notre ami alla à la rencontre de Sidi ‘Ali histoire
de faire sa connaissance. Après quelques jours passés ensemble au sein de la caravane, Sidi
Ahmed Tidjani (ra) fit une chose extraordinaire. Il lui dit :

- Il y a deux ans, tu m’as vu dans un de tes rêves.

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Sidi ‘Ali, qui l’avait complètement oublié, en fut stupéfait et là, le songe revint d'un coup
dans sa mémoire.

Ainsi, les deux compagnons devinrent inséparables. Ils continuèrent le chemin ensemble
jusqu’à Fès et ils échangèrent des sciences divines.

Sidi Ahmed Tidjani (ra) lui donna la baraka puis il lui donna quelques secrets et sciences
particulières. À la fin de leur séjour, chacun reprit sa route vers son village respectif tout en
sachant qu'ils se reverraient.

Notre voyageur retourna ainsi à Tlemcen où l’attendaient de terribles aventures.

Dans cette ville beaucoup de gens aimaient Sidi Ahmed Tidjani (ra). Lorsque sa popularité
arriva jusqu’au gouverneur, ce dernier commença à devenir jaloux de lui.

Il commença d’abord par faire peur aux gens pour les empêcher d’aller le voir, mais il ne
s’arrêta pas là. Quelque temps plus tard, il prépara une armée en direction de la ville natale
de Sidi Ahmed Tidjani (ra). Ainsi, Ain Madhi et ses alentours se trouvaient menacés par ce
terrible gouverneur.

Le héros de notre histoire prit de nouveau ses bagages et partit en direction du désert. Là-
bas, il s’installa dans un petit village du nom de Boussemghoune.

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- Quel méchant ce gouverneur ! s’exclama le petit Ahmed

- Oui, mais ne t’inquiète pas, car c’était un bien pour Sidi Ahmed Tidjani (ra). Allah lui
réservait de belles choses. Et notre ami va vivre dans cette ville de nouvelles aventures…

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La Grande Ouverture

Boussemghoune est un petit village niché dans le désert Algérien. Tu n’y verras que
des maisons en pierres, du sable et les rayons du soleil. Heureusement, en cet endroit se
trouve également une belle oasis, où des petites rivières s’écoulent et nourrissent une belle
végétation.

Notre personnage avait maintenant 46 ans et c’est dans ce lieu paisible qu’il passait ses jours,
au sein de sa modeste demeure. Il passait son temps dans la prière et l’évocation de Dieu
sans jamais se lasser.

Un jour, alors qu’il était dans une de ces pièces, isolé de tout le monde, en train d’évoquer
Allah, il vit quelqu’un venir vers lui. Quelle surprise lorsqu’il s’aperçut que c’était le noble
Messager d’Allah, prière et salut sur lui !

À cet instant, un évènement sublime eut lieu. Alors qu’il était dans cette pièce en état
d’évocation, il a eu ce qu’on appelle chez les soufis, Une Grande Ouverture.

- Mais qu’est-ce que c’est grand-père ?

- La Grand Ouverture c’est une très grande étape réservée aux rapprochés d’Allah. Peu de
gens en connaissent le secret et ils ne peuvent pas le décrire.

C’est comme le goût d’une glace, tu ne peux pas l’expliquer à moins de la faire goûter. Tu
peux dire « hum c’est bon ! » ou « beurk ce n’est pas bon ! », mais tu ne peux pas dire
pourquoi ou comment n’est-ce pas ?

- Oui ! s’écrièrent les enfants.

- C’est pareil pour la grande ouverture. C’est quelque chose d’exceptionnel qu’Allah fait
vivre à ses amis, les grands Saints, ceux qui se sont purifiés totalement de tous les péchés.
Ils voient enfin la vérité du monde, tel qu’il est.

Souvent, les aimés d’Allah comparent la grande ouverture à la naissance d’un enfant :

Au début, le bébé est dans le ventre de sa maman et il ne voit rien de l’extérieur. Il ne


connaît que ce qu’il perçoit comme le bruit, les voix. Là-dedans il grandit et grandit…

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Et un jour…voilà qu’il est secoué de partout et qu’il est expulsé d’un coup du ventre de sa
maman pour se retrouver dans les bras d’un docteur qui le tire dehors !

Alors le bébé effrayé pleure jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux. Il découvre pour la première
fois la lumière et le visage de sa maman qui le regarde en souriant…puis il s’apaise. Il a enfin
découvert le monde réel.

Du coup on dit au sujet de la grande ouverture que c’est une seconde naissance, une
naissance qui est spirituelle.

Ne vous inquiétez pas les enfants si vous ne comprenez pas, car même nous les adultes,
nous avons du mal. L’important est de savoir que Sidi Ahmed Tidjani (ra) venait de franchir
une grande étape et ce n’était pas fini.

En effet, le noble et bien-aimé Prophète, prière et salut sur lui, avait une annonce importante
à lui faire. Une nouvelle qui allait changer bien des vies…

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L’élève particulier du Messager d’Allah (sas)

Habib et Ahmed Tijani étaient blottis l’un contre l’autre, les visages tournés vers leur
aïeul et attendant la suite des évènements.

Grand-père continua :

Alors le Prophète Muhammad, prière et salut sur lui, s’adressa à lui :

- « Je suis désormais ton maître et ton éducateur. Tu dois laisser tout ce que tu as pris
précédemment. Je suis ton garant et ton lien avec Allah »

Cela signifiait que Sidi Ahmed Tidjani (ra), qui avait passé sa vie à apprendre auprès de
beaucoup de maîtres, devait maintenant n’en avoir plus qu’un seul : le Messager d’Allah,
prière et salut sur lui.

En plus de devenir son professeur particulier, il lui donna aussi une autorisation pour être
un Cheikh.

Jusqu’à présent Sidi Ahmed Tidjani (ra) transmettait la voie de son ami et cheikh Mahmoud
El Kourdy. Il ne devait plus le faire.

À la place, il allait donner la Tarîqa du Messager d’Allah, prière et salut sur lui, et avoir des
élèves à qui il donnerait une éducation spirituelle particulière.

Cette école a reçu un nom, c’est un nom très long, mais qui a son explication :

C’est la Tarîqa Ahmediya Mohamediya Ibrahimiya Hanifiya

Pour simplifier, nous la surnommons La Tariqa Tidjaniya, du nom de notre aimé Sidi
Ahmed Tidjani (ra).

- Mais grand-père, interrogea Ahmed Tijani, à quoi ça sert cette école ?

- Ah c’est une grande question !

Tu dois savoir que l’école de la Tariqa Tidjaniya n’appartient pas à Sidi Ahmed Tidjani (ra),

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mais au Prophète Muhammad, sur lui la prière et la paix.

Il lui en a confié les clés et la responsabilité de la gérer.

Dans cette école donc, il est comme le sous-directeur, le directeur étant le Prophète
Muhammad, prière et salut sur lui.

Celui qui veut s’y inscrire doit demander à Sidi Ahmed Tidjani (ra) ou à un enseignant à
qui il a donné la permission pour les inscriptions, on les appelle des Mouqadem.

Il doit aussi accepter le règlement intérieur de l’école au risque de se voir refuser l’entrée.
Par exemple, il y a une règle qui dit que l’on doit être musulman.

Ensuite, l’élève peut y entrer et participer à tous les cours pour devenir un bon musulman
et aller le plus loin possible.

Évidemment, comme dans toutes les écoles, il y a de bons étudiants et d’autres qui ont un

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peu plus de mal. L’important c’est de faire de son mieux.

L’objectif, le diplôme suprême, c’est d’être le plus proche d’Allah et du Prophète, sur lui la
prière et la paix d’Allah.

Voilà, c’était la bonne nouvelle.

Sidi Ahmed Tidjani (ra) allait commencer une nouvelle histoire avec une page blanche en
compagnie du Messager de Dieu, prière et salut sur lui, comme seul et unique professeur.
Il était désormais un Cheikh.

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Une nouvelle voie et des compagnons

Après ces évènements, Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) apprenait avec le Prophète,
prière et salut sur lui, tout ce qui lui était nécessaire dans l’éducation de ses nouveaux
disciples. Il avait aussi des cours particuliers pour lui seul, des sciences et des secrets qui lui
étaient réservés de la part d’Allah.

Sidi Ahmed Tidjani (ra) était déjà populaire, alors dès que les gens apprirent ce qu’Allah lui
avait donné comme bienfaits, ils se rendirent auprès de lui pour prendre la baraka.

Son école, la Tariqa Tidjaniya, prit de l’ampleur en accueillant de plus en plus d’élèves. À
cette époque, les gens avaient un souvenir très frais du Messager, prière et salut sur lui.
Beaucoup de gens faisaient la prière et aimaient l’évocation d’Allah alors ils furent heureux
d’avoir Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) avec eux.

Certaines personnes exceptionnelles devinrent ainsi très proches de lui et ils se mirent
entièrement à son service. On les appelle les compagnons, car c’était des hommes qui ne le
quittaient jamais et quand il n’était pas devant leurs yeux, il était dans leur cœur.

Par exemple, il y avait un jeune homme prénommé Sidi Mohammed ibn ‘Arabi Damraoui.
Malgré son âge, il était doué d’une grande piété et Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) l’aimait
beaucoup au point de le considérer comme son fils.

Ce jeune adulte avait une grande grâce. Il pouvait voir le noble Prophète, prière et salut sur
lui, autant de fois qu’il était nécessaire et plusieurs fois au cours d’une même journée. Alors,
après avoir pris la Tarîqa de notre Cheikh Ahmed Tidjani (ra), il devint un intermédiaire
entre lui et le noble Prophète, prière et salut sur lui.

En effet, Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) n’était pas quelqu’un de timide, mais lorsqu’il était
devant le prophète, prière et salut sur lui, son amour et son respect pour lui, lui faisait perdre
tous ses moyens. Il avait du mal à lui parler et cela devenait gênant.

Alors, pour remédier à ce problème, son jeune compagnon Sidi ‘Arabi parlait à sa place au
Messager d’Allah, sur lui la prière et la paix, puis ce dernier lui répondait.

Il y a aussi un autre compagnon dont je dois vous parler les enfants tellement il est important.
C’est un très grand personnage, qui va être un peu le bras droit de Sidi Cheikh Ahmed

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Tidjani (ra).

Il va le rencontrer le jour de la grande fête des musulmans, l’Aïd El Kebir et il s’appelle Sidi
‘Ali Tamacini. Lui aussi, par amour, va se mettre entièrement au service de son nouveau
maître et Cheikh Ahmed Tidjani (ra).

Ainsi, les gens affluèrent de toutes les contrées pour prendre la baraka et l’éducation de
notre héros, qui maintenant était appelé par tous Cheikh Ahmed Tidjani (ra).

Toutes sortes de gens venaient le voir, des gens pauvres, des riches, des bandits qui venaient
demander pardon, des femmes, des grands savants et même des descendants du Prophète,
prière et salut sur lui. Tous recherchaient les trésors immenses que le Prophète, sur lui la
prière et la paix, lui avait remis avec l’autorisation de les distribuer.

- Des trésors Abou ? demanda Habib le regard pétillant

- Oui des trésors, mais ce n’est pas comme tu le penses de l’or et de l’argent. Ce sont des
prières spéciales qui ont beaucoup de grâces et de bénédictions. Celui qui les récite reçoit
de la part de Dieu des bienfaits immenses pour ce monde et l’au-delà.

Alors cela se bousculait devant la porte de notre bien-aimé Cheikh Ahmed Tidjani (ra) qui
se partageait entre son éducation par le Messager d’Allah, sur lui la prière et la paix, ses
visiteurs et sa famille.

Il avait en effet eu la joie d’être papa. Il avait malheureusement vu mourir deux de ses
enfants, mais il y en avait un qui avait survécu. Il le nomma Sidi Mohammed El Kebir, ce
qui veut dire Mohammed le grand.

Mais hélas, une fois encore, le gouvernement turc va commencer à s’intéresser à notre
Cheikh de très près. Après avoir vu que l’école de la Tariqa Tidjaniya et son maître
commençaient à prendre de l’importance, les autorités vont prendre des mesures contre
Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra).

Cela va l’obliger à quitter le village de Boussemghoune où il vivait depuis des années malgré
les pleurs de toute la population…

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L’exil de Cheikh Ahmed Tidjani (ra)

Dans le village de Boussemghoune, les cœurs n’étaient pas à la fête. À l’idée de voir
partir celui qu’ils aimaient et qui leur apportait tant de bénédictions, les gens en avaient les
larmes aux yeux.

Notre Cheikh Ahmed Tidjani (ra) faisait ainsi ses bagages avec l’aide de ses fidèles
compagnons qui bien sûr partaient avec lui, achevant ainsi de briser le cœur de la
population.

C’est alors qu’une chose extraordinaire se passa. Les hommes, les femmes et les enfants de
tout le village firent leurs bagages et se présentèrent devant lui. Pour eux, il était hors de
question de s’en séparer et ils avaient tous décidé de le suivre, peu importe où il irait.

Il serait impossible d’imaginer l’émotion de Cheikh Ahmed Tidjani (ra) à la vue de ce


formidable spectacle. Cela dit, il ne pouvait les laisser quitter ce magnifique village niché
dans cette belle oasis. Il leur demanda de rester dans cet endroit et leur assura qu’ils seraient
toujours dans son cœur. Il invoqua aussi Dieu pour eux et les rassura.

Après ces belles paroles, il quitta son village ainsi que son pays pour prendre la route de
Fès, notre cité de la science. Les villageois l’accompagnèrent en pleurs, jusqu’aux portes de
la ville avec de beaux poèmes.

Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) était accompagné pendant son voyage de deux compagnons
que nous avions déjà vu. Il s’agit de Sidi Mohamed ibn Mechri et Sidi ‘Ali Harazim qui
habitait à Fès. Ce dernier allait pouvoir héberger son Cheikh, le temps que celui-ci trouve
une habitation pour lui et sa famille.

Ainsi, c’est à l’âge de 63 ans que Cheikh Ahmed Tidjani (ra) entra de nouveau dans la ville
de Fès, qui ne se doutait pas du trésor qu’il apportait, ni qu’il allait chambouler leur vie.

D’ailleurs, à son arrivée les habitants étaient mécontents, car il s’installa avec ses animaux
dans la cour de la grande mosquée Qarawiyine.

- Vos animaux vont faire leurs besoins dans la cour de la mosquée ! s’écrièrent-ils

- Ne vous inquiétez pas, ces animaux ne feront aucune saleté ni aucun besoin ici, leur

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répondit-il très calmement.

Le lendemain matin les habitants furent stupéfaits de constater que ni les chevaux ni les
chameaux n’avaient fait quoi que ce soit dans la cour. Il n’y avait pas l’ombre d’une crotte !

Notre maître s’installa donc chez les parents de son compagnon Sidi ‘Ali Harazim qui
avaient une maison.

Très vite, Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) reprit ses cours. Il enseignait à l’université
Mosquée Qarawiyine et dans une autre mosquée plus petite nommée Mosquée Diwan.

Il ne fallut pas longtemps aux gens pour s’apercevoir que ce professeur-là était différent. La
peur du personnage inconnu fit place à l’amour et à la fidélité d’une population qui
désormais l’admirait pour sa science.

Les gens se bousculaient lors de ses assemblées où il charmait son auditoire par sa science,
sa facilité d’enseignements et sa compréhension de la religion, du Qoran et de toutes ces
sciences si difficiles.

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Ce n’était pas que les gens communs qui allaient l’écouter, mais aussi des savants de grande
renommée qui venaient étancher leur soif de savoir avec lui.

Bien sûr il y avait quelques jaloux mécontents de se voir délaisser pour un inconnu qui
venait du désert, mais ils étaient rares. Il finit même par attirer la curiosité du Sultan de Fès,
qui s’intéressait grandement à son histoire…

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Cheikh Ahmed Tidjani et le Sultan Souleïman (ra)

À l’époque de Cheikh Ahmed Tidjani (ra) Le sultan Souleïman était le souverain


du Maroc et également un chérif, c’est-à-dire un descendant du Prophète Muhammad,
prière et salut sur lui.

Contrairement aux pays voisins, ce sultan brillait par sa gentillesse envers son peuple, sa
droiture, sa générosité et son amour pour l’islam. Il organisait régulièrement de grandes
assemblées où les plus grands savants venaient échanger leurs connaissances sur la noble
religion.

Lorsqu’il prit connaissance de la présence de Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) dans sa ville,
il interrogea les gens de sa cour.

- Dites-moi, que pensez-vous de cet homme qui vient du désert, on dit qu’il voit le noble
Prophète, prière et salut sur lui, et qu’il reçoit de lui des sciences particulières ?

Lorsqu’il posa la question, les gens qui étaient présents et qui ressentaient de la jalousie vis-
à-vis de lui cachèrent la vérité au sultan.

- On ne connait rien de bien sur lui, grommelèrent-ils

- C’est faux ! clama un homme qui était à côté du roi

Cet homme était un juriste et il avait eu l’occasion de rencontrer Cheikh Ahmed Tidjani
(ra). Il avait pu constater son grand savoir et ses bonnes qualités morales. Alors il raconta
tout cela au sultan.

- Invitons-le à notre prochaine assemblée de science, nous verrons bien ce qu’il en est !
conclut le sultan impatient de rencontrer ce fameux personnage.

Vint le jour de la réunion qui se tenait au palais. Les meilleurs savants de la ville se pressaient
dans la salle, désireux d’échanger sur les sujets du jour. Cheikh Ahmed Tidjani (ra) répondit
bien sûr à l’invitation du sultan.

Lorsque tout le monde fut installé, le roi proposa d’échanger des commentaires sur une des
sourates du Qoran. L’un des savants, très sûr de lui, s’avança et commença à parler.

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Il était réputé comme un fin connaisseur en la matière aussi, toute l’assemblée resta
admirative et concentrée sur ses propos. Lorsqu’il eut terminé et qu’il reprit sa place, le
sultan tourna la tête en direction de Cheikh Ahmed Tidjani (ra) et lui dit :

- Que pensez-vous de ces propos, maître ?

- Certains sont exacts, mais bien des points sont incorrects, répondit-il

Un murmure parcourut l’assemblée, ils étaient surpris que leur collègue qui avait des années
d’expérience puisse être repris par un inconnu.

Cependant, Cheikh Ahmed Tidjani (ra) expliqua toutes les erreurs avec des preuves et les
corrigea, point par point.

Le savant fut très contrarié et se leva d’un seul coup pour riposter, mais Cheikh Ahmed
Tidjani (ra) fut trop convaincant pour laisser le doute dans ses explications.

Toute l’assemblée le félicita pour cette grande science même le roi qui savait désormais qu’il
disait la vérité. Depuis ce jour, il l’aima beaucoup. Il prit également la baraka et suivit son
école de la Tarîqa Tidjaniya avec assiduité.

De plus, afin qu’il reste sur la ville de Fès, le sultan Souleïman lui offrit une de ses maisons
qui s’appelait « la demeure des miroirs ». Elle était vide depuis des années, mais Sidi Cheikh
Ahmed Tidjani (ra) refusa, n’étant pas très à l’aise à cette idée.

Cependant, il vit le prophète, prière et salut sur lui, qui le rassura et lui ordonna d’occuper
la maison. Alors il accepta l’offre du sultan, mais donnait tous les mois à la place du loyer
une aumône aux habitants de la ville.

C’est ainsi que débuta la grande amitié entre le souverain et le héros de notre histoire qui
comme toujours, ne cherchait pas la compagnie des rois, mais celle des vrais croyants.

Il s’installa avec sa famille dans la demeure des miroirs. De là-bas désormais il allait pouvoir
continuer d’enseigner. Ce serait un lieu de rencontre avec ses compagnons et ses invités…

51
Dans la demeure familiale

Depuisque Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) avait déposé ses bagages dans la
demeure des miroirs, il n’avait pas arrêté une seconde.

Il s’occupait de ses disciples bien sûr, mais donnait aussi des cours sur le Qoran, le Prophète,
prière et salut sur lui, et d’autres sciences. Les élèves étaient nombreux et de tous les rangs
sociaux.

Dans sa maison vivait aussi sa famille, il avait désormais deux garçons. Son second fils, Sidi
Mohammed Seghir (le petit) surnommé également Sidi Mohamed El Habib comme toi
mon tout petit, murmura Abou à son petit-fils Habib, venait de naître à Fès.

Il y avait aussi des domestiques qui se chargeaient de l’entretien et du service. À cette


époque, le temps était encore marqué par l’esclavage. Ces pauvres hommes et femmes
capturés représentaient des butins que les bandits s’échangeaient et vendaient.

Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) achetait parfois certains d’entre eux puis il leur donnait une
bourse d’argent en leur disant : « va ! désormais tu es libre ». Un jour l'un d'entre eux refusa
de partir et lui dit : "tu m'as libéré, mais c'est moi maintenant qui veux être à ton service" et
il devint l'un de ses plus proches compagnons.

Quant à ceux qui travaillaient au sein de sa demeure, il en prenait grand soin. Il détestait ce
qui pouvait nuire à un être humain et faisait tout pour que chacun se sente bien.

La maison regorgeait de nourriture afin d’avoir toujours de quoi offrir à manger aux
visiteurs, aux pauvres, aux passants et aux invités. Il n’oubliait pas les animaux qu’il avait
toujours en couple pour leur éviter de s’ennuyer.

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Ainsi, son comportement digne du Messager d’Allah, prière et salut sur lui, faisait de lui un
être aimé de tous. Les seuls qui ne l’aimaient pas étaient le plus souvent jaloux de lui et de
sa notoriété. Il ne leur prêtait aucune attention et s’occupait toujours d’éduquer ses disciples
et ses compagnons.

Dans ce brouhaha incessant, il se réservait des moments d’intimité avec Dieu. Il avait en
effet dans sa maison une pièce où personne en dehors de lui n’avait le droit d’entrer. Elle
s’appelait « la pièce du secret ». Là, il pouvait être tranquille et évoquer Allah autant qu’il le
voulait sans être dérangé.

Ses deux fidèles compagnons, Sidi Ali Harazim et Sidi Mohamed ibn Mechri, étaient
toujours à ses côtés. Ils prenaient des notes pour lui, écrivaient les courriers qu’il leur dictait
et faisaient la prière avec lui.

Bien sûr il avait beaucoup d’autres compagnons ici et là, mais certains étaient plus proches
de lui dans l’amour et le service. Sidi ‘Ali Harazim par exemple, rédigea à l’aide de toutes
ses notes un livre qui est encore aujourd’hui très connu et lu par de grands savants.

Quant à Sidi Mohamed ibn Mechri, il était non seulement son scribe, mais aussi son imam.
Il dirigeait la prière pour lui et l’ensemble des gens qui priaient en compagnie de Cheikh
Ahmed Tidjani (ra). Il a aussi écrit un livre qui est très recherché dans la Tariqa Tidjaniya
et les zaouïas, car il notait beaucoup de ses paroles pleines de science et de sagesse.

Parfois leur maître les envoyait en mission dans de lointaines contrées et ils obéissaient sans
jamais se plaindre, ni poser de questions indiscrètes.

Telle était la vie de Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra), le représentant du Prophète et
Messager de Dieu, prière et salut sur lui. Il continuait de propager son savoir tout en
recevant les enseignements du Messager d’Allah, sur lui la prière et la paix d’Allah.

Il ne se doutait pas le moins du monde qu’un évènement majestueux allait lui arriver…

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Le Sceau des Saints

Un dimanche, alors que la nuit était tombée depuis fort longtemps, Sidi Cheikh
Ahmed Tidjani (ra) empoigna la main de son fidèle compagnon Sidi ‘Ali Harazim. Ils se
trouvaient à Fès dans la demeure bénie où toute la maisonnée dormait à poings fermés.

Sidi ‘Ali Harazim suivit son maître sans un mot, tandis que ce dernier fit quelques pas. Il se
produisit alors un prodige, car quelques pas plus tard ils se retrouvèrent au mont ‘Arafat,
aux environs de la Mecque.

Allah a donné à ses alliés la faculté de faire des prodiges et l’un d’eux est de pouvoir
parcourir de longues distances en quelques enjambées.

Le mont ‘Arafat est une sorte de montagne non loin de la Mecque où les pèlerins restent
une journée lors du grand Hajj. C’est donc sur ce lieu béni que se retrouvèrent Sidi Cheikh
Ahmed Tidjani (ra) et son compagnon Sidi ‘Ali Harazim.

L’endroit était vide et le ciel dégagé à perte de vue, si bien qu’ils pouvaient voir toutes les

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étoiles scintiller. C’est alors qu’une grande lumière verte apparut dans le ciel laissant
doucement apparaître une chéchia de la même couleur, un genre de bonnet que portent les
musulmans.

Elle vint se poser délicatement sur la tête de notre Sidi Ahmed Tidjani (ra) et il allait la
garder pour toujours. Elle représentait le symbole d’une couronne, car il venait de recevoir
un titre, celui de Pôle Suprême et de Sceau des Saints.

Lorsque la grande lumière disparût, les deux compagnons repartirent avec le même prodige
à Fès, dans la noble demeure des miroirs. Personne ne s’était rendu compte de leur absence
car tout le monde dormait encore.

Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) avait désiré atteindre ce degré de la sainteté toute sa vie et
maintenant, il était enfin un Pôle Suprême.

Cependant Allah lui avait donné plus que cela car il était aussi le Sceau des saints, le chef
de tous les pôles Suprême et le meilleur d’entre eux y compris de ceux qui seraient nommés
après lui.

Beaucoup de grands saints désiraient être nommés à ce grade. Il ne pouvait y en avoir qu’un
seul sur l’ensemble de la terre et jusqu’à l’éternité ! Et c’est Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra)
qu’Allah avait choisi pour devenir cet être exceptionnel.

C’était cela que lui avaient prédit depuis tant d’années tous les grands hommes qu’il avait
rencontrés. Lui, il n’en espérait pas tant car le Sceau des Saints est celui qui ferme les degrés
de la sainteté, comme un bouchon ferme une bouteille.

Le prophète Muhammad, prière et salut sur lui, clôture la prophétie, il est le Sceau des
prophètes

Sidi Ahmed Tidjani (ra) clôture les degrés de la sainteté, il est le Sceau des saints. On dit
ainsi qu'il est le Sceau de la sainteté Muhammedienne.

Il a aussi un rôle et une mission qu’Allah lui a donnés et qu’il serait impossible d’expliquer.
Seuls les saints et rapprochés d’Allah connaissent sa valeur et les grâces qu’il détient entre
ses mains.

Cependant, ils n'en connaissent qu'une partie, car le reste de ces grâces sont un secret entre
Allah, Son Messager Muhammad, prière et salut sur lui, et Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra).

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Ce qu’il faut retenir c’est qu’il est un lien entre Allah et les gens de la terre. Il est le plus
proche d’Allah et de Son Messager, sur lui la prière et la paix d’Allah, cela en dehors des
Prophètes (sur eux la paix) et des compagnons du Messager d’Allah (qu’Allah les agrée) que
personne ne peut égaler.

Maintenant Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) va s’atteler à un nouveau projet qui est de
construire un lieu où il va pouvoir rassembler ses disciples. Sa maison est en effet devenue
trop petite pour tous les accueillir...

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La Zaouiya bénie de Fès

Chaque jour la demeure des miroirs se remplissait de visiteurs et de disciples.

De plus, matin et soir les hommes se réunissaient en compagnie de Cheikh Ahmed Tidjani
(ra) pour la récitation des oraisons de la Tariqa Tidjaniya. Ce sont des prières et des
formules que les gens récitent seuls ou en groupe afin d’évoquer Allah.

Dans la Tariqa Tidjaniya deux d’entre elles se récitent à plusieurs et les hommes se
réunissaient pour cela chez Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra). Ainsi, assis en cercle, ils
récitaient en chœur leurs évocations d’Allah.

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Cependant, les gens présents devenaient trop nombreux, aussi il fallait un lieu qui puisse
accueillir tout ce monde. La mosquée n’était pas appropriée car cela pouvait déranger les
prieurs.

L’idéal était de construire ce qu’on appelle une zaouiya. Ce lieu est similaire à la mosquée,
mais on y trouve les soufis, les cheikhs et leurs disciples. Il sert de lieu pour prier, réciter le
Qoran et les oraisons, apprendre la religion, mais aussi à accueillir des visiteurs.

C’est à Fès donc, que fut construite la zaouiya de Sidi Ahmed Tidjani (ra), mais ce n’était
pas la première. Auparavant, il en avait fait construire une à Guemar, une ville en Algérie.

En premier, pour pouvoir construire la zaouiya, il fallait trouver un lieu inoccupé. Il y avait
dans la ville une vieille ruine qui effrayait tout le monde. Personne n’osait y entrer, surtout
que l’on entendait des murmures de gens qui récitaient des évocations (dhikr) comme celle
des soufis. Dans les alentours, il n’y avait qu’un figuier.

C’est sur ce terrain que Cheikh Ahmed Tidjani (ra) fit construire la nouvelle zaouiya. Il
acheta avec son propre argent tout ce qu’il y avait de disponible autour de cet endroit.

Les gens qui étaient jaloux de lui en furent très contrariés. Au début, ils firent en sorte de
lui poser des problèmes, mais ils avaient oublié que le Prophète, prière et salut sur lui, était
avec lui. Ils ne purent guère lui faire de tort.

À bout d’arguments, ils allèrent se plaindre au sultan Souleïman. Ils ne se doutaient pas que
ce dernier, en apprenant le projet de Cheikh Ahmed Tidjani (ra), allait non seulement
l’encourager, mais souhaiter y participer.

Il lui fit envoyer deux bourses d’argent et du matériel de construction par un de ses
serviteurs. Celui-ci les donna à Cheikh Ahmed Tidjani (ra) en lui disant :

- Notre maître le sultan Souleïman m’envoie vous donner ceci pour la construction de votre
zaouiya.

- Rapporte-les à ton maître, lui répondit-il, remercie-le de ma part et dis-lui que la zaouiya
est gérée directement par Allah et son Prophète (prière et salut sur lui). Nous n’en avons
pas besoin.

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Le serviteur retourna vers son maître le sultan et lui transmit le message. Le roi lui dit alors :

- Retourne auprès de Sidi Ahmed Tidjani (ra) et redonne lui l’argent, dis-lui de l’utiliser
pour ses compagnons

Le serviteur obéit à son maître et revint auprès de Cheikh Ahmed Tidjani (ra) avec l’argent
et le message du Roi. Là encore, il déclina poliment la proposition et renvoya le serviteur
en lui disant :

- Mes compagnons n’ont pas besoin de cet argent, remercie-le de ma part.

Quand le sultan vit son serviteur de nouveau avec l’argent, il ne lâcha pas pour autant
l’affaire.

Il le renvoya de nouveau vers Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) en lui disant de garder l’argent
pour d’autres besoins.

Alors, notre maître Ahmed Tidjani (ra), ne voulant pas contrarier le roi, garda l’argent et le
distribua aux pauvres de la ville.
En plus d’être un homme intègre, Cheikh Ahmed Tidjani (ra) dépensait sans compter. Ce
n’était pas pour des choses futiles. Il faisait des aumônes, aidait financièrement ses
compagnons et disciples qui se trouvaient dans la gêne. Il n’y avait personne qui vint le voir
avec une demande sans qu’il n’y réponde de son mieux, imitant ainsi le noble Messager
d’Allah, prière et salut sur lui.

Aussi cela provoquait beaucoup de jalousie autour de lui. Durant les travaux de la zaouiya,
certains pensèrent qu’en gaspillant le matériel ils pourraient nuire à sa construction.

Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) dépensait encore plus avec joie, en leur faisant croire qu’il
ne voyait rien de leur manège. Ses compagnons lui dirent un jour :

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- Maître ! Tu ne vois pas tout ce qu’ils gaspillent ?

- Ne vous inquiétez pas, leur répondit-il, laissez-les faire. Ils croient qu’en agissant ainsi ils
nous font du tort, mais en réalité ce n’est pas le cas.

Ainsi, très vite la zaouiya vit le jour. Au fil des années elle devint de plus en plus grande
pour pouvoir accueillir les disciples du monde entier. Mais, pour l’heure, Cheikh Ahmed
Tidjani (ra) était satisfait de l’ouvrage.

Ils purent enfin s’installer dans ce lieu béni pour prier, réciter leurs oraisons et se retrouver
ensemble avec leur maître.

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Des adieux difficiles

Lesannées passaient et la Tariqa Tidjaniya se développait rapidement. Les


compagnons étaient nombreux, quant aux disciples ils ne pouvaient être comptés.

Afin d’alléger sa tâche et de pouvoir transmettre le dépôt qu’il détenait, Cheikh Ahmed
Tidjani (ra) devait nommer des responsables capables de transmettre à leurs tours ces dons
précieux.

Certains proches compagnons étaient décédés, notamment ses fidèles compagnons et amis
de la première heure :

- Sidi Mohamed ibn ‘Arabi Damraoui, son jeune intermédiaire avec le Prophète, prière et
salut sur lui.

- Sidi Mohamed ibn Mechri, son secrétaire et imam

- Sidi ‘Ali Harazim, son ancien responsable, secrétaire et Calife (représentant)

Ils étaient partis rejoindre Allah non sans avoir avant cela transmis les trésors de Sidi Cheikh
Ahmed Tidjani (ra) à d’autres hommes, d’autres villes et pays. Ils s’étaient entièrement
donnés à son service sans jamais défaillir.

D’autres compagnons étaient venus prêter main-forte. Il nomma quelques responsables,


que l’on nomme des Mouqadem, chargés de transmettre la Tariqa Tidjaniya et d’enseigner
les bases de celle-ci.

Ils étaient les seuls à avoir l’autorisation de donner la baraka, mais seul Cheikh Ahmed
Tidjani (ra) s’occupait de l’éducation spirituelle de ses disciples.

L’école se propagea rapidement au point qu’elle était connue en Afrique. Beaucoup de gens
qui entendaient parler de lui faisaient un long voyage pour prendre la baraka bénie. Ils
restaient quelques jours avec lui pour profiter de sa science et repartaient dans leur pays.

À l’âge de 80 ans, Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) savait que son temps sur terre allait
prendre fin.

61
Il maria ses deux nobles enfants, Sidi Mohamed El Kebir et Sidi Mohamed El Seghir qui
seraient ses héritiers après sa mort. Puis, quelques jours plus tard, il tomba gravement
malade.

Il fit venir quelques-uns de ses grands compagnons, notamment Sidi ‘Ali Tamacini, celui
qu’il avait rencontré lors d’un voyage et avec qui il avait fait un bout de chemin.

Sidi ‘Ali Tamacini, lorsqu’il comprit qu’il ne verrait désormais plus son maître ne put
s’empêcher de fondre en larmes.

Cheikh Ahmed Tidjani (ra) le rassura :

- « Pourquoi pleures-tu ? Cette sentence est inévitable et personne ne peut y échapper.

Sois patient et la patience n’est que par Allah. Sois fort et je te confie la lieutenance après
moi. Je te fais hériter de mon secret.

Je t’ai laissé mes recommandations pour ma famille, mes serviteurs, mes compagnons et
mes aimés parmi les gens de cette voie. Je te nomme lieutenant de cette voie bénie qui se
transmet de vivant à vivant. Allah sera ton soutien dans cette mission »

Ainsi, Sidi ‘Ali Tamacini reçut le Califa de la Tarîqa Tidjaniya, car les deux garçons de
Cheikh Ahmed Tidjani (ra) étaient encore trop jeunes pour une telle responsabilité. Il
devint également leur tuteur.

Après ces dernières recommandations, Cheikh Ahmed Tidjani (ra) ordonna à son
représentant de partir pour une mission et il resta seul avec quelques proches compagnons.
Il passa une nuit difficile et agitée.

Lorsque l’aube pointa le bout de son nez, il effectua sa prière du sobh puis il réclama un
verre d’eau qu’il but. Après s’être recouché il retourna à Son Seigneur, qu’Allah l’agrée.

Il fut enterré, en présence de tous ceux qui l'aimaient, près de la grande Zaouiya bénie de
Fès, à l’endroit où se trouvait jadis le figuier.

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La Tarîqa Tidjaniya de nos jours

Depuis quelques instants, les deux enfants reniflaient légèrement, avec une petite
larme à l’œil. Abou prit Habib sur ses genoux et consola le jeune Ahmed Tijani.

- C’est normal d’avoir du chagrin, mais il ne faut pas être triste.

D’ailleurs, tout comme vous, l’un des compagnons de Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra) avait
énormément de peine. Il était souvent avec lui lorsqu’il était vivant et sa mort avait laissé un
grand vide.

Un jour alors qu’il pleurait à force de penser à lui, il vit soudainement apparaître Cheikh
Ahmed Tidjani (ra). Le compagnon aurait pu s’étonner de ce prodige, mais au lieu de cela
il s’est exclamé : « Ô Sidi ! Tu es parti et tu nous as laissés ! »

Alors Sidi Ahmed Tidjani lui répondit : « Je ne suis pas parti, ce n’est qu’un passage de la
demeure terrestre à la demeure lumineuse »

Cela veut dire que même si on ne le perçoit pas, Sidi Ahmed Tidjani (ra) est tout le temps
avec nous. Et même…approchez-vous les enfants car c’est un secret, il peut apparaître à ceux
de ses véritables compagnons qui l’aiment de tout leur cœur.

Depuis son décès, la Tarîqa Tidjaniya, l’école bénie du Prophète, prière et salut sur lui, s’est
agrandie. On trouve des disciples dans le monde entier, des zaouïas partout et la grande
zaouïa de Fès est visitée sans arrêt, tous les jours et nuits que Dieu fait.

Les voyageurs en profitent pour visiter la noble tombe de son représentant, Sidi Ahmed ibn
Mohamed Tidjani, le Sceau de la sainteté Mohamedienne.

Ses enfants ont repris le flambeau, puis leurs enfants et les enfants de leurs enfants…jusqu’à
nos jours. Ils sont soutenus par de nombreux Mouqadem qui transmettent la Tarîqa dans
toutes les langues et sur toute la terre.

Voilà Ahmed Tijani, tu connais maintenant l’origine de ton prénom. Tu comprends aussi
pourquoi nous récitons des oraisons tes parents et moi. Nous avons pris la Tarîqa Tidjaniya
de Cheikh Ahmed Tidjani (ra) et la zaouiya nous permet de nous rassembler.

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Un jour peut-être, si Dieu le veut, je vous raconterais d’autres de ses aventures qu’il a vécues
en compagnie de tous ses compagnons. Et il y en a beaucoup !

Pour le moment, surtout n'hésitez pas à poser des questions à votre papa ou à votre maman
si vous souhaitez en savoir plus sur Sidi Cheikh Ahmed Tidjani (ra).

Grand-père quitta ses deux petits-enfants pour se rendre à la zaouiya en leur promettant de
revenir bientôt leur conter de nouvelles histoires.

Fin.

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MON DICO DES MOTS

Aïn Madhi : Petit village situé en Algérie

Baraka : Bénédiction, désigne aussi la lumière détenue par les maîtres soufis

Boussemghoune : Village située dans le désert Algérien

Calife : Représentant d’une autorité

Caire : Ville située en Egypte

Cheikh : Utilisé pour désigner des maîtres soufis mais il peut être utilisé de manière à honorer
quelqu’un qui n’est pas un maître.

Chérif : Terme désignant les descendants du Prophète Mohammed (prière et salut sur lui)

Connaissant : Désigne une personne ayant une grande connaissance de Dieu, rapproché d’Allah

Education spirituelle : Enseignement ayant pour but de connaître Allah

Grande ouverture : Etape spirituelle

Hadith : Parole rapportée du noble Prophète (prière et salut sur lui)

Hajj : Mot arabe qui désigne le pèlerinage

Madrassa : Ecole

Mouqadem : Titre désignant un responsable qui peut donner l’autorisation de la Tariqa

Pôle Suprême, pôle : Grades de la sainteté

Qarawiyine : Mosquée et université située dans la ville de Fès, au Maroc

Seïdina : Mot arabe qui s’apparente au mot « seigneur » utilisé pour désigner un homme noble

Sidi : Mot arabe qui signifie « monsieur »

Soufis : Mot désignant une catégorie de musulman et des saints

Ta’lim : Rappel sous forme de texte ou assemblée où l’on fait le rappel de Dieu

Tariqa : Mot arabe qui signifie « chemin » mais désigne également les écoles de soufis

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Tlemcen : Ville situé en Algérie

Wali : Mot désignant les « amis de Dieu » ou Connaissant de Dieu

Zaïtouna : Université mosquée située en Tunisie

Zaouiya : Lieu qui ressemble à une mosquée où se regroupent les soufis

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SOMMAIRE
Introduction ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 01

Le petit Ahmed Tijani -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------06

L’Enfance de Sidi Ahmed Tidjani (ran) ----------------------------------------------------------------------------------------- 10

À la recherche de la vérité-------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 16

Sidi Ahmed Tidjani (ran) à l’école des soufis ---------------------------------------------------------------------------------- 19

Voyage à travers l’Afrique -------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 22

Sur la route du pèlerinage -------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 25

Une rencontre importante ------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 29

Pèlerinage et rencontres à la Mecque --------------------------------------------------------------------------------------------- 32

Retour en Egypte --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 35

De Tlemcen à Boussemghoune ----------------------------------------------------------------------------------------------------- 37

La Grande Ouverture -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 40

L’élève particulier du Messager d’Allah (sas) ---------------------------------------------------------------------------------- 42

Une nouvelle voie et des compagnons -------------------------------------------------------------------------------------------- 45

L’exil de Cheikh Ahmed Tidjani (ra) --------------------------------------------------------------------------------------------- 48

Cheikh Ahmed Tidjani et le Sultan Souleïman (ra) ------------------------------------------------------------------------ 50

Dans la demeure familiale ------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 52

Le Sceau des Saints ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 54

La Zaouiya bénie de Fès ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 57

Des adieux difficiles ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 61

La Tariqa Tidjaniya de nos jours---------------------------------------------------------------------------------------------------- 63

Dico ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 65

Ce livret est une courte adaptation et un extrait du livre de Cheikh Mohamed El Mansour El
Mohieddine Tidjani, « Le Sceau de la sainteté Mohammedienne, Seïdina Ahmad Tidjani (ran) et ses
valeureux compagnons ». Site officiel de la Tariqa Tidjaniya, Tidjaniya.com.

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