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Écoliers en guerre

1914 La collection graphique

1918 de L’École alsacienne

Sous la direction scientifique de :

Emmanuelle Cronier, agrégée et docteure en histoire,


ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de Fontenay-Saint Cloud,
maîtresse de conférence à l’université de Picardie

Florence Lacombe,
docteure en histoire de l’art, critique d’art et enseignante à l’École alsacienne

Emmanuel Larroche,
agrégé et docteur en histoire, maître de conférence à Sciences-po Paris,
enseignant à l’École alsacienne

Couverture : La Liberté éclairant le monde, Jean Courtial, élève de 1910 à 1918 à l’École alsacienne, Paris Un travail de recherche établi
par les élèves des classes de Seconde 1, Seconde 3, Seconde 4 et Seconde 6.
Conception graphique : Jean-François Lemporte

ISBN : 978-2-37701-019-6

© Hémisphères Éditions, 2018


36, rue de la Convention
75015 Paris
www.hemisphereseditions.fr
S
 ommaire
Préface

Pierre de Panafieu P. 7

A vant-propos
Florence Lacombe P. 10

L es enfants à Paris
p  endant la Première
Emmanuelle Cronier
Guerre mondiale
P. 18

L’École alsacienne, d’une guerre à l’autre



Emmanuel Larroche P. 3 4
e t l’éducation artistique à l’école
Florence Lacombe P. 44

F iches des élèves P. 67

T able des illustrations P. 283

C lasses participantes au projet d’étude


des dessins (Année 2015-2016) P. 287

C rédits photographiques P. 289

R emerciements P. 295
P
 réface de l’intendance, met au jour cet ensemble de dessins dont
les couleurs, protégées de la lumière, ont gardé toute leur
Pierre de Panafieu
Directeur de l’École alsacienne fraîcheur.

En juin 2018, lors de la fête de fin d’année, nous avons enfoui Au cours de l’année 2015-2016, Florence Lacombe,
une capsule temporelle contenant ce que les élèves et les historienne d’art et professeur d’histoire-géographie,
professeurs de l’École alsacienne voulaient transmettre fait travailler ses classes « patrimoine » de seconde sur
à leur successeurs. La capsule sera ouverte en juin 2074, ce corpus d’oeuvres exceptionnel. Ils commencent par
pour l’anniversaire des deux cents ans de notre institution. analyser chaque oeuvre. Il font ensuite des recherches sur
les auteurs, des élèves de leur âge ayant fréquenté leur
Les dessins rassemblés ici sont, à leur manière, une capsule école il y a un siècle.
temporelle. Ils découvrent que certains d’entre eux ont connu
des destins remarquables comme Jean de Brunhoff
Nous la devons à M. Testard, professeur de dessin et plus (1899-1937), le créateur de Babar, Théodore Monod
tard archiviste de l’École. Il fait travailler ses élèves à des (1902-2000), naturaliste et explorateur, ou Jean
dessins sur la guerre durant l’année 1915-1916 en vue d’une Bruller (1902-1991), dit Vercors, écrivain et résistant.

vente au profit des familles du Nord et de Belgique ayant Ils mènent l’étude des influences et des références qui 7
fui les zones de combat. Les dessins qui n’ont pas été vont de la peinture classique à la bande dessinée. Enfin,
vendus, il les garde précieusement dans les archives et ils ils ont interprété chaque dessin, cherchant à en éclairer la
sombrent dans l’oubli. portée, le sens.
L’aboutissement de ce travail est à la fois la publication
À l’occasion de travaux au tournant des années 2000, les de ce catalogue et l’exposition à la mairie du VIème
archives sont vidées et Marc-Hervé Machils, du service arrondissement en novembre 2018.
Le travail des élèves a été revu par Florence Lacombe et Larroche pour la qualité de son travail de relecture et pour
par Emmanuel Larroche, lui aussi professeur d’histoire sa contribution, Emmanuelle Cronier qui nous apporte
à l’École alsacienne. Ils ont rédigé deux mises en l’éclairage de la spécialiste et Sélim Mehrez pour sa
perspectives, l’une sur l’enseignement du dessin et l’autre générosité.
sur l’impact de la guerre sur la vie de l’École et ont confié
à Emmanuelle Cronier, historienne spécialiste de la
Première Guerre mondiale, le soin de décrire la vie de ces
enfants dans une capitale à la portée de l’ennemi.

Il restait la question du financement. Il revient à la


8•
générosité d’un père d’élève, Sélim Mehrez, d’avoir
rendu possible la réalisation d’un tel projet.

Tout cela illustre à merveille la singularité de notre


école : la richesse de son patrimoine, la mobilisation des
élèves dans un travail collectif ambitieux, l’initiative

laissée aux professeurs, le soutien des parents d’élèves. Maurice Testard, « Paysage », aquarelle, 26x22 cm. 9
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris.
© École alsacienne, Paris

Je vous laisse ouvrir cette capsule temporelle.

Comme moi, vous remercierez les élèves pour la qualité


de leur travail, Florence Lacombe pour son engagement
exemplaire, du début à la fin de cette histoire, Emmanuel
A
 vant-propos
Florence Lacombe
Historienne de l’art et professeure à l’École alsacienne

Sous la direction de leur professeur de dessin, Maurice


Testard, les élèves de l’École alsacienne ont réalisé durant
l’année scolaire 1915-1916 une série de dessins sur le
thème de la guerre en vue d’un événement caritatif, tenu
le 8 juin 1916 dans l’établissement. Pour venir en aide aux
familles directement touchées par la guerre, des élèves, en
10 •
majorité des élèves de 4e et de 3e, se sont investis dans des
réalisations artistiques de toute sorte (dessins, assiettes
décorées, maquettes, tapis, objets divers). À l’heure de la
retraite, Maurice Testard est devenu l’archiviste de l’École
alsacienne et il a conservé les travaux graphiques de ses
élèves, non vendus lors de l’exposition-vente.

11
En 2015-2016, quatre classes d’élèves de Seconde et une
classe d’élèves de Seconde Patrimoine ont effectué un
travail d’analyse des dessins et de recherche des sources
visuelles afin de préparer le projet d’un catalogue raisonné
et de valoriser le patrimoine de l’École alsacienne. Lors Photographie noir et blanc de l’exposition-vente des travaux des élèves
de Maurice Testard au profit des enfants des pays envahis, 8 juin 1916, Gymnase
des Journées européennes du patrimoine du 17-18 septembre Charcot de l’École alsacienne. © École alsacienne, Paris
2016, le centenaire de l’exposition-vente de 1916 a été fait, ces images scolaires de 1915-16 mettent en lumière
commémoré par l’exposition des dessins de 1915-16 dans la mobilisation patriotique des enfants et le transfert de
le même lieu historique où s’était tenue la vente caritative, leurs émotions par le dessin.
le Gymnase Charcot.
La collection de dessins de l’École alsacienne présente une
Ces dessins forment un témoignage précieux pour tenter grande qualité graphique et reflète le nouvel enseignement
de comprendre l’imaginaire des élèves durant la guerre. du dessin scolaire au tournant du siècle. Ils sont à la
Le catalogue condense un répertoire des motifs visuels fois imprégnés des méthodes du dessin géométrique
représentés par les enfants, il met en évidence l’importance et d’une pédagogie nouvelle laissant davantage la place
de l’invasion dans la structuration des cultures de à l’intuition grâce au dessin libre. La rigueur et la
12 •
guerre, les destructions patrimoniales, la diabolisation finesse des tracés, la construction très élaborée des
de l’ennemi par l’intermédiaire de la caricature, les scènes, l’usage des couleurs et les influences visuelles
mythes établis autour de la cruauté de l’ennemi et, montrent le tournant qui s’opère entre la maîtrise
bien sûr, les scènes de batailles avec une valorisation de technique du dessin et une ouverture vers l’imaginaire
l’héroïsme guerrier. La recherche effectuée en 2015 par propre de l’enfant. Les citations de motifs empruntés
les classes de Seconde a permis de mettre en évidence à des artistes, à des dessinateurs et à des images de

les nombreuses sources visuelles qui ont contribué Exposition des dessins de 1915-16 lors des Journées européennes du patrimoine, Photographie noir et blanc de l’exposition des dessins, 8 juin 1916, Gymnase Charcot. presse témoignent d’une nouvelle liberté octroyée aux 13
17-18 septembre 2016, gymnase Charcot. © École alsacienne, Paris
à la réalisation de ces dessins. Ainsi, nous avons pu © École alsacienne, Paris enfants mais soulignent aussi la longue tradition de la
observer que les illustrations et les caricatures de la presse, copie dans l’enseignement du dessin. Par la suite, certains
les cartes postales, les personnages de bande dessinée de auteurs de ces dessins sont devenus des personnages
l’époque tels les Pieds Nickelés et les illustrateurs comme publics tels Jean Bruller alias Vercors, résistant de la
l’alsacien Hansi ou encore le célèbre Poulbot ont été des Seconde Guerre mondiale, Théodore Monod, scientifique
modèles graphiques pour de nombreux élèves. Par ce et explorateur, ou encore Jean de Brunhoff, le créateur de
Babar. Le travail pictural de ces élèves prend une haute grand nombre d’objets ont été réalisés par les élèves :
valeur ajoutée. Il faut cependant garder en tête que cette des maquettes, des pantins articulés et des scénettes
collection graphique est partielle, nous ne savons pas si à trois dimensions. Nous apercevons ces objets sur les Description de la journée de bienveillance
ces dessins sont seulement les invendus de la journée photographies de l’événement mais nous n’en avons plus du 8 Juin 1916 :
caritative, si la collection a été enrichie plus tard par aucune trace aujourd’hui.
Maurice Testard avait organisé « au profit des enfants
Maurice Testard et par d’autres dessins d’enfants. Nous
des pays envahis » une exposition-vente de travaux
avons découvert que le professeur Testard a fait dessiner Les enfants et les adolescents sont des acteurs sociaux de d’élèves. Elle se tint au gymnase le jeudi 8 juin de 10
ses élèves sur ces mêmes sujets jusqu’à la fin de la guerre. l’histoire. L’idée de faire dialoguer des élèves de 1915-16 heures à 18 heures et connut une grande et généreuse
avec des élèves de 2015-16 a été l’amorce d’une recherche affluence, malgré la pluie qui ne cessa guère de la
Le propos de ce catalogue est, tout d’abord, de sensibiliser inédite. Ces dessins ont soulevé une grande curiosité journée. Mais le gymnase est étanche et les préaux, qui
14 • permettent une circulation ininterrompue de la rue
le public à la position des enfants durant la guerre et de et un vif intérêt pour le contexte de vie des enfants de
d’Assas à la rue Notre-Dame-des-Champs, favorisent
comprendre le rôle des médias visuels dans la diffusion la guerre. Les élèves des classes de Seconde de l’année
les entretiens. Des personnalités se sont fait un devoir
d’un discours patriotique. Mettre en évidence les 2015-16 doivent être vivement remerciés ici, ils se sont d’être présentes. Un catalogue imprimé détaillait les
sources visuelles qui ont influencé les élèves, découvrir pleinement investis dans ce travail de mémoire. Cette 226 objets exposés, fabriqués par les élèves grands
les emprunts figuratifs, les citations de la presse, les recherche porte une forte charge émotionnelle envers les et petits : jouets et silhouettes découpées, boîtes
orientations stylistiques à partir de courants picturaux, dessinateurs de l’époque. Non seulement par la nature des et bonbonnières décorées, tissus, serviettes à thé,
broderies, céramiques, dessins, aquarelles, pastels...1 •
tel a été le véritable enjeu de cette recherche multiple. représentations mais par le langage intime des dessins 15
Cette collection est forcément lacunaire. Elle ne nous racontant des expériences individuelles. Dessiner est un
Portrait du professeur de dessin Maurice Testard,
par l’un de ses élèves. donne que les témoignes des élèves garçons, les filles geste de créativité, de libération de l’imaginaire mais il
© École alsacienne, Paris
bien qu’elles étaient présentes à l’École dès 1905 dans le peut apparaître, parfois, comme un geste de soin.
primaire n’étaient pas encore admises dans le secondaire.
D’autre part, notre travail s’est arrêté sur une recherche
portant sur les dessins à deux dimensions alors qu’un 1 25e anniversaire de l’École alsacienne (1873-1898), Paris, Éditions Chamerot et Renouard, 1924.
16 •


17

Le catalogue imprimé détaillait les 226 objets exposés


lors la journée de bienveillance du 8 Juin 1916 
© École alsacienne, Paris
L es enfants à Paris obligatoire, tous les hommes de 20 à 48 ans sont mobili- grande tension dans les moments plus intimes et lors

pendant la Première sables et en quelques semaines ce sont près de 3,5 millions


d’hommes qui partent à la guerre dans la France entière. À
des adieux.
Au sein des familles, l’absence des hommes est souvent
Guerre mondiale Paris, 880 000 hommes sont mobilisés pendant le conflit, durement ressentie, pesant davantage avec le prolon-
dont 450 000 environ dans les armes combattantes. Les gement du conflit. L’attente de leur retour est marquée
Emmanuelle Cronier
Maître de conférence autres sont mobilisés dans les services devenus indis- par l’angoisse de la perte et la menace du décès. Pour
à l’Université de Picardie-Jules Verne, Centre d’Histoire pensables à la guerre moderne comme les services auto- maintenir des liens avec les soldats, la correspondance
des Sociétés, des Sciences et des Conflits
mobiles. Les enfants assistent ainsi non seulement au occupe une place primordiale. En France, on estime ainsi
départ des hommes de leur propre famille, mais sont aussi que ce sont de 5 à 6 millions de lettres qui sont échangées
Dès l’annonce de la mobilisation générale le 1er août 1914,
présents parmi la foule qui accompagne le départ des chaque jour entre le front et l’arrière. Les enfants sont
18 • les enfants parisiens sont confrontés aux conséquences
soldats le long des avenues et boulevards parisiens, et à associés à l’écriture et à la lecture des lettres, ainsi
de la guerre. Leur quotidien est bouleversé au sein de
proximité des gares du Nord et de l’Est d’où ils partent qu’à la préparation des colis où sont souvent jointes
leurs foyers ou à l’école, et ils participent aussi à l’effort
pour le front. À l’été 1914, ces départs sont accompagnés des photographies récentes des enfants2. Ils disposent
de guerre collectif. Paris est aussi la capitale la plus proche
d’une grande émotion et d’une impression de gravité, parfois d’un petit espace pour dessiner ou signer les
du front ouest, profondément marquée par les traces de la
qui contraste avec les scènes d’enthousiasme limitées à lettres à leur père, ou rédigent même leur propre
guerre totale dans son espace public.
quelques groupes nationalistes qui ont longtemps donné missive quand ils sont en âge d’écrire. À leur tour,


Absence des hommes, absence des pères
une fausse impression de l’état d’esprit des populations
lors de la déclaration de guerre1 . La résignation, la tristesse
les pères ne manquent pas de prendre des nouvelles
de leurs enfants, leur demandant d’être « sages  » en
19

Les enfants sont, dès l’été 1914, confrontés au départ, puis


et la gravité dominent. Si les femmes sont invitées à leur absence ou d’aider leur mère, et se renseignant sur
à l’absence des hommes de leur entourage. Leurs pères,
retenir leurs larmes en public pour ne pas décourager les leurs résultats scolaires. Ces pratiques leur permettent
leurs frères aînés, leurs oncles, parfois leurs grands-pères,
soldats, les enfants sont néanmoins plongés dans une de maintenir leur autorité à distance, les enfants étant
leurs instituteurs, leurs voisins ainsi que les commerçants
régulièrement incités à leur rendre des comptes sur
de leur quartier sont massivement appelés à rejoindre Becker J.-J., 1914 : comment les Français sont entrés dans la guerre : contribution à l’étude de
1 
l’opinion publique, printemps-été 1914, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences
les rangs des armées. En France, pays de conscription politiques, 1977. Pignot M., Allons enfants de la patrie : génération Grande guerre, Paris, Éd. du Seuil, 2012.
2 
leur comportement. Ces échanges permettent aussi de Ce sentiment d’étrangeté est souvent partagé par les
former des projets et d’évoquer les retrouvailles. Celles- combattants plongés dans la violence de la guerre totale.
ci sont exceptionnelles avant l’été 1915, où sont mises en
place les permissions pour les combattants du front3. Les permissions permettent aux enfants de passer plus
de temps qu’ils n’en ont souvent jamais passé avec leurs
Dès lors, chaque soldat peut bénéficier d’un congé d’une pères, qui arrivent entourés d’une aura héroïque qui
semaine environ à passer dans sa famille, deux à trois marque les enfants et éveille leur curiosité. Certains
fois par an. Fréquemment suspendues et très courtes, enfants ont ainsi dessiné des scènes de conversations
ces permissions sont des occasions exceptionnelles animées à table, ou bien de moments où leurs pères
d’entretenir les liens familiaux, même si les enfants sont venus les chercher à l’école. La présence des
20 •
sont parfois effrayés par l’inconnu qui revient chez combattants de la famille permet aussi aux enfants de
eux. La peur de ne pas être reconnu par leurs propres satisfaire leur curiosité sur la vie dans les tranchées. Ils
enfants est très présente chez les combattants qui ont sont friands d’anecdotes sur la vie au front, touchant
longtemps attendu leur retour et qui font parfois face aussi bien les tranchées, l’alimentation que les Alliés
aux rebuffades enfantines. L’arrivée de leurs pères ou bien l’ennemi allemand. Si les combattants ont
bouleverse le quotidien des enfants, qui ont souvent souvent tu les réalités les plus violentes de leur

été durablement marqué par leur courte présence. Poilus permissionnaires. Retrouvailles familiales à la gare de l’Est, Paris, septembre 1915 « Tu ne reconnais pas ton papa ? ». Paris, Gare de l’Est. expérience de guerre, ces échanges avec les enfants, 21
Agence Rol © BnF Dessin de Julien Le Blant. Coll. D. Formaz.
La petite Parisienne Élisabeth Boussac, dont le père © Collection privée aux questions naïves et moins policées que celles des
avait été mobilisé en 1914, se souvient ainsi de l’étrangeté adultes, participent à la connaissance de l’expérience
qui entourait les « pères missionnaires » qu’à deux combattante à l’arrière. Les souvenirs de guerre de
ans, elle voyait arriver dans son monde « sans papas »4. Pierre de Bénouville, né en 1914, restent ainsi attachés

Cronier E., Permissionnaires dans la Grande Guerre, Paris, Belin, 2017.


3 
Boussac J. et M.-J. Boussac, Correspondance de Jacques et Marie-Josèphe Boussac : 1914-
4  les époux Boussac, 1914, Bibliothèque numérique de Roubaix, http://www.bn-r.fr/fr/notice.
1918, Éd. familiale., Clérey, É. Voix-Boussac, 1996 ; Roubaix M. de, Correspondance croisée entre php?id=BOU_TAP_D01, consulté le 11 octobre 2016.
aux photographies prises dans les tranchées que son Si le retour de leur père ou de leurs proches mobilisés matériellement7. Une chanson de 1916, La Permission de s’allongent jusqu’à 11 heures par jour pour faire face aux
père lui montrait lors de ses permissions : « C’était un au front a pu être un soulagement pour certains jeunes, papa, met en scène la profonde inégalité des enfants face besoins en armes et en munitions au front. Alors que les
spectacle inoubliable qui m’a beaucoup marqué dans mon la majorité a été déstabilisée par cette interruption de à la disparition de leur père : un petit garçon s’y plaint que transports publics parisiens sont parfois suspendus faute
enfance », raconte-t-il5. Certains combattants racontent la construction des liens affectifs et sociaux dont la « les autres enfants du voisinage pendant quatr’ jours ont de conducteurs ou en raison de la pénurie d’énergie,
comment leurs jeunes enfants les suivaient partout lors continuité est un élément important de la socialisation eu leur p’tit papa », tandis qu’il est condamné à attendre la durée des voyages domicile-travail s’allonge. Les
de leur séjour. Cette proximité nouvelle, très visible dans enfantine. Ainsi, après le départ de son père, la fille de sans fin le sien, décédé8. enfants sont donc plus souvent livrés à eux-mêmes, et
les rues et les jardins parisiens, était célébrée par la presse Marie-Josèphe Boussac, alors âgée d’un an et demi, le Dans ce contexte d’absence massive des hommes les plus âgés doivent assumer certaines tâches, comme
émue du spectacle des pères promenant leurs enfants. Ces cherchait partout : « Pauvre petit chou, elle vous cherchait adultes, les enfants assistent à un changement dans les la surveillance des plus jeunes ou bien l’attente dans les
liens et ces activités partagées donnent cependant une dans le lit en disant “Papa ?” ; elle a fini par dire “Papa responsabilités qui incombent aux femmes. L’exercice queues de ravitaillement. La génération qui a grandi avec
image très idyllique des relations familiales pendant la parti” », rapporte sa mère dans une lettre6. En effet, si la de l’autorité incombe en priorité aux mères, même si les la Première Guerre mondiale a donc fait face à des
22 •
guerre, alors que celles-ci ont aussi été marquées par mémoire des hommes partis à la guerre est entretenue pères, on l’a vu, cherchent à maintenir la leur à distance. responsabilités accrues, dans un contexte marqué par
des crises familiales. L’absence des pères est ainsi au sein des familles en attendant leur retour, le quotidien C’est aussi sur les femmes de mobilisés que reposent les émotions et les drames.
drama-tique en cas d’abandon, de décès ou d’incapacité est marqué par l’angoisse de la perte. Le deuil marque désormais les revenus du foyer. Dans les milieux
de certaines mères. L’éclatement des réseaux familiaux profondément les sociétés en guerre et 95 000 soldats populaires, où le travail des femmes était la règle avant 
Écoliers en guerre
pendant la guerre livre à eux-mêmes un certain parisiens meurent ainsi pendant la Première Guerre 1914, celles-ci se tournent parfois vers de nouveaux À l’école, le quotidien des enfants de 6 à 13 ans soumis
nombre d’orphelins. À l’inverse, certains enfants ou mondiale. Paris compte plusieurs dizaines de milliers métiers plus rémunérateurs, comme l’industrie lourde à l’instruction obligatoire depuis la loi Ferry de 1882

adolescents ont pu vivre l’absence de leur père comme d’orphelins de guerre à la fin du conflit. À l’échelle de la travaillant pour la Défense nationale. Les munitionnettes est aussi profondément bouleversé. Plus de 400 000 23
un moment de liberté, par exemple dans un contexte France, ils sont 1 million. Créé en juillet 1917, le statut de deviennent des figures importantes des cultures petits Parisiens fréquentaient les écoles primaires
de violences familiales, qui a pu les conduire à remettre pupille de la Nation permet à l’État d’adopter les enfants du temps de guerre, exerçant un travail harassant en 1913, répartis dans plus de 1 700 écoles à Paris et dans
en question l’autorité paternelle. Les tensions pouvaient dont le père ou le soutien de famille a été tué ou est indispensable à l’effort de guerre. Les horaires de travail le département de la Seine. De 6 à 13 ans, ils suivaient un
alors être importantes lors du retour de leur père. disparu pendant la guerre, en les assistant moralement et enseignement gratuit et obligatoire au sein des écoles
Faron O., Les enfants du deuil:  orphelins et pupilles de la nation de la Première Guerre mondiale
7  primaires élémentaires. Seule une minorité rejoignait
1914-1941, Paris, Éd. la Découverte, 2001.
Benouville P. de, Avant que la nuit ne vienne. Entretiens avec Laure Adler, Grasset, 2002, cha-
5  Archives de la Préfecture de police de Paris, BA 721, La permission de papa, par J. Casanova et
8  ensuite les écoles primaires supérieures. Les enfants des
pitre 1 « Enfance ». Correspondance Boussac, op.cit., 18 janvier 1916, p. 168 et 169.
6  R. Georges, 1916.
élites avaient accès à un système scolaire spécifique, des leçon de morale enseignait des vertus comme la patience, vivres permettant d’alimenter un groupe de réfugiés11. Ces
lycées payants, qui proposaient des petites classes pour l’économie ou l’esprit de sacrifice. La fable de La Fontaine thèmes de réflexion sont très en prise sur l’expérience de
intégrer les plus jeunes. On comptait en 1914 une dizaine La cigale et la fourmi, dont l’étude était préconisée par guerre vécue par les enfants, comme s’en félicite en mai
de lycées de garçons et autant de lycées de filles à Paris9. les programmes avant 1914, enseignait ainsi les valeurs 1917 le Manuel de l’Instruction primaire, très lu par le monde
La guerre éclate peu après le début des vacances scolaires, associées au travail et à l’économie. Les valeurs morales enseignant, qui constate que « l’école baigne dans la
qui s’étalent à l’époque du 14 juillet au 1er octobre. La républicaines sont entretenues à l’école pendant le conflit, réalité ». Les exercices scolaires sont assimilés à une forme
rentrée scolaire est bouleversée par le départ à la guerre prenant une dimension nouvelle qui fait écho aux enjeux de participation à l’effort de guerre collectif. Lorsqu’ils
des instituteurs, plus de 30 000 à l’échelle de la France. collectifs dont le conflit est porteur. Les élèves, comme réussissent en calcul ou réalisent une belle rédaction sur
Pour assurer les cours, on fait appel à des professeurs à la leurs enseignants et leurs enseignantes, sont ainsi incités la solidarité avec les réfugiés, les écoliers sont traités
retraite ou à des institutrices pour les remplacer. Les à suivre l’exemple des soldats faisant le sacrifice de leur tels des petits « héros » de l’arrière, contribuant à leur
24 •
inspecteurs s’inquiètent dans un premier temps d’une sang dans les tranchées en manifestant dans les travaux manière à la victoire et se montrant à la hauteur du
possible dégradation de la qualité de l’enseignement scolaires leur solidarité. En 1915, le sujet du concours sacrifice des soldats.
avant de se féliciter de la manière dont le nouveau d’entrée de l’École Normale Supérieure, formant les
personnel s’investit, dans la plupart des cas, dans sa cadres féminines de l’enseignement primaire, portait Les enfants sont aussi incités à participer à de
tâche. Les enfants sont donc aussi les témoins de la ainsi sur le sujet « Dites tout ce que le mot sacrifice éveille nombreux projets collectifs qui mettent les enjeux de
féminisation massive de certains métiers pendant la en vous de pensées et de sentiments »10. Le conflit est la guerre au cœur de l’éducation. Des classes adoptent

Grande Guerre. présent dans nombre de sujets enseignés à l’école, dans André Hellé, Alphabet de la Grande Guerre 1914-1916 des combattants auxquels les écoliers envoient 25
pour les enfants de nos soldats.
Les contenus enseignés prennent un ton plus grave, les rédactions ou les exercices de mathématiques dans Berger-Levrault, Paris/Nancy, 1916 des lettres et des colis. D’autres contribuent à lever
© Droits réservés
imprégné par la guerre, qui participe à la mobilisation lesquels les enfants doivent calculer la portée d’un canon des fonds pour les blessés, les réfugiés ou les troupes
des enfants. Outre la lecture, l’écriture ou le calcul, qui de 75, le nombre de pelotes de laine nécessaires au tricot coloniales et participent aux campagnes publiques en
étaient au cœur de l’enseignement primaire avant 1914, la de paires de chaussettes pour les soldats ou la quantité de
11 Bugnon É., L’École primaire et les leçons de la guerre, Nancy-Paris-Strasbourg, Berger-Levrault,
1919 ; Laclef A. et É. J , La Grande Guerre. 150 problèmes d’arithmétique se rapportant aux faits
9 Goebel S. « Schools » in Winter J.M. et J.-L. Robert (dir.), Capital Cities at War: Volume 2, de la guerre , à l’usage des cours complémentaires, des écoles primaires supérieures et des
A Cultural History: Paris, London, Berlin 1914-1919, Cambridge University Press, 2007. 10 « L’idée de sacrifice », Revue pédagogique, décembre 1915, n°67, p. 459-466. candidats au brevet élémentaire, Paris, F. Nathan, 1917.
faveur des emprunts de guerre. Lors des nombreuses viande, de vin ou de sucre12. Les écoliers participent plus constamment visible dans un environnement complè-
journées caritatives qui ponctuent le conflit, les enfants concrètement à la production agricole en allant jardiner tement bouleversé.
sont mis en avant pour inciter les adultes à contribuer dans les potagers aménagés sur les fortifications de Paris À Paris, symbole de la culture de masse qui s’est
financièrement à l’effort de guerre. Les écoles deviennent ou dans les jardins publics. La plantation de pommes de développée depuis la fin du xixe siècle, la guerre est
des centres de collecte de produits alimentaires qui terre ou de choux est l’occasion d’une leçon de choses en médiatisée sous de nombreuses formes. Après la
sont ensuite envoyés sous forme de colis aux soldats du plein air. mobilisation de masse de l’été 1914, au cours de laquelle
front. À ceux-ci sont joints des vêtements réalisés par les enfants se sont mêlés aux foules entourant les soldats
les petites filles lors de séance collectives de tricot ou de Ces activités complètent les leçons étudiées à l’école et partant à la guerre, ils assistent au fil de la guerre au
couture qui produisent des pièces améliorant le confort impliquent les enfants dans l’effort de guerre. Servant départ des nouvelles recrues de 19 ou 20 ans qui partent
des soldats au front : chaussettes, écharpes, moufles. d’exemple au reste des civils, cette mobilisation continue à l’entraînement depuis les gares parisiennes, ne
26 •
Cette manière de faire des enfants des modèles pour le des enfants fait peser une grande responsabilité sur les pouvant manquer d’imaginer, pour les plus âgés, que
reste de la communauté est particulièrement sensible plus jeunes. ce sera peut-être bientôt leur tour. Près des hôpitaux
dans ce qui touche l’alimentation. Si la France est où les blessés sont traités, près de la gare du Nord et
épargnée par les pénuries massives et la famine que 
La guerre dans les rues de Paris de la gare de l’Est qui desservent le front ouest, près
connaissent l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie à partir À Paris, la guerre n’est jamais loin pendant le premier des œuvres de guerre qui les hébergent le temps d’un
de 1916, de nombreux produits alimentaires sont conflit mondial. En 1914 et en 1918, le front est si proche congé, toute une foule vient observer les « poilus »,

néanmoins rationnés en France. Les élèves des écoles qu’on entend les bombardements qui ont lieu à une les tirailleurs sénégalais ou les soldats alliés qui sont 27
parisiennes participent ainsi en 1917 et 1918 à des cinquantaine de kilomètres de la capitale. Tout au long massivement présents dans la capitale. La dimension
concours de dessins scolaires sur le thème de la pénurie Affiche réalisée dans le cadre scolaire par Camille Boutet du conflit, la menace ennemie est aussi présente à travers mondiale du conflit peut ainsi être appréhendée au
pour le Comité National de Prévoyance et d’Économies, Paris 1918.
et des économies. Les meilleurs dessins sont publiés sous © Coll. Library of Congress, Washington les bombes et les obus allemands qui prennent Paris pour quotidien dans les rues de Paris. Des grappes d’enfants
forme d’affiches largement diffusées incitant les Parisiens cible. Mais au quotidien, la guerre est aussi une réalité se pressent devant les casernes hébergeant les troupes
à réduire leur consommation d’essence, de pain, de russes ou les tirailleurs indochinois. Dans certains
12 Levitch M., «Young Blood : Parisian Schoolgirls’ Transformation of France’s Great War Poster
Aesthetic», P. James (dir.), Picture This: World War I Posters and Visual Culture, U. of Nebraska quartiers, comme l’Opéra ou les Champs-Élysées, les
Press, 2009, p. 145‑172.
anglophones sont présents en grand nombre dans les La guerre est représentée sous de nombreuses formes dramatiques sont aussi visibles lors des nombreuses
hôtels ou les cafés. Près du boulevard Haussmann, des dans la capitale et ne peut échapper au regard des enfants, expositions de trophées pris à l’ennemi, notamment des
soldats nord-africains sont hébergés dans une œuvre de en particulier dans les quartiers les plus centraux. Le canons. Certains enfants ont l’occasion de manipuler des
guerre aménagée dans le respect de leurs coutumes. En patriotisme s’exprime ainsi dans la rue. Les immeubles armes ramenées en fraude du front par des soldats ou
août 1915, la fin du ramadan est célébrée par les soldats sont pavoisés aux couleurs françaises et alliées, abandonnées dans la rue, provoquant des accidents. On
nord-africains. Les passants entendent avec surprise notamment lors des visites des chefs d’État ou lors de assiste donc à une militarisation de l’univers quotidien
l’appel à la prière. Dans les rues parisiennes, les enfants l’entrée en guerre de nouveaux pays comme l’Italie en des enfants, qui sont à la fois des témoins, des acteurs et
croisent ainsi des soldats portant l’uniforme de tous les 1915 ou les États-Unis en 1917. Les quêtes, les tombolas des cibles d’une mobilisation qui touche tous les aspects
pays de l’Entente, entendent de nombreuses langues et les journées patriotiques, auxquelles les enfants sont de la société.
et observent des coutumes qui leur sont inconnues. associés, sont l’occasion de vendre des cocardes et des La guerre est aussi présente à travers les nouvelles
28 •
La présence des soldats en uniforme dans la insignes que chacun arbore au revers de sa veste. du conflit qui parviennent aux oreilles des Parisiens
capitale témoigne de l’intensité de la mobilisation Les thèmes patriotiques et les références au conflit malgré la censure mise en place dès août 1914 dans
et donne une dimension concrète à l’Entente sont aussi utilisés dans de nombreuses activités la presse et les campagnes invitant les civils à ne
qui est célébrée dans la presse ou les manuels commerciales. Des commerçants mobilisés inscrivent pas parler du conflit : « taisez-vous, méfiez-vous,
scolaires. Imprégnés des méfaits attribués à sur leur devanture qu’ils sont « partis au front » et qu’ils les oreilles ennemies vous écoutent ». L’issue de la
l’ennemi, les enfants peuvent en saisir certaines « ré-ouvriront après la victoire ». D’autres se spécialisent guerre préoccupe beaucoup les populations, qui sont

dimensions à travers les réfugiés qui transitent dans la vente d’articles pour soldats : vêtements de constamment en quête d’informations. Au siège des 29
à Paris pendant tout le conflit, arrivant à pied ou pluie, bottes, attirail du fumeur, vaisselle. Les actualités grands journaux, situés sur les Grands Boulevards, de
en train à partir de l’été 1914, et restant pour certains cinématographiques, les affiches ou les cartes postales larges foules se rassemblent à l’occasion de la publication
hébergés dans la capitale pendant tout le conflit. Dans le célèbrent l’engagement des Alliés face à l’ennemi de l’édition du jour et du « communiqué » militaire.
6e arrondissement, le séminaire Saint-Sulpice accueille commun tandis que des déguisements de Mardi Gras et Tous savent que la censure de la presse ne laisse passer
Jeunes garçons faisant la quête devant un lycée transformé en ouvroir,
beaucoup de réfugiés belges et français qui marquent de Paris, août 1914. divers jouets déclinés dans les différentes nationalités que les informations ne faisant pas courir de risque à la
Agence Rol © BnF
leur présence tout le quartier de la place Saint-Sulpice. de l’Entente sont proposés aux enfants. Des réalités plus sécurité nationale ou au moral des populations. Pourtant,
tous restent avides de nouvelles et cherchent à lire entre révèlent à la population l’ampleur des victimes de guerre,
les lignes l’évolution du conflit. La presse ne s’y trompe dont les chiffres officiels sont cachés. À Paris, cible de
pas et certains journaux affichent d’immenses cartes bombardements allemands à partir de l’été 1914, la guerre
du front pour permettre à la population d’en suivre menace aussi directement les populations. Si la capacité
l’évolution du front. La presse et les livres pour enfants meurtrière et destructrice des zeppelins et des avions
intègrent eux aussi de nombreux thèmes d’actualité. ennemis est limitée, les populations sont choquées que
Beaucoup de civils pensent que la meilleure manière des civils puissent être pris pour cible. La propagande
d’avoir des informations fiables est encore d’approcher ne manque pas de dénoncer ce crime supplémentaire de
un soldat et se pressent dans les quartiers des gares. l’ennemi, même si les Alliés ciblent de leur côté les villes
Ceux qui interrogent avec un peu trop d’insistance du Rhin. La menace monte en puissance au fil de la
30 •
les permissionnaires peuvent être soup-çonnés guerre. Les « Taubes » frappent Paris de l’été 1914 à
d’espionnage. mai 1915. Ces avions légers, nommés d’après un terme
La violence inédite du conflit, présente au sein des évoquant les pigeons, approchent vers 17 heures. Dans
familles vivant dans l’angoisse des nouvelles de leurs certains quartiers comme Montmartre ou la porte
proches, est aussi très visible dans l’espace public Maillot, la foule se presse pour les défier. Leur départ
parisien. Les blessés soignés dans les nombreux est perçu comme une victoire collective de la foule :
La foule devant les dégâts du bombardement du 29 janvier 1916, •
hôpitaux parisiens, les ambulances, les petites Vendeurs de journaux parisiens attendant l’édition spéciale, Paris, 1914-1915. Boulevard de Ménilmontant, Paris, carte postale. « Gavroche s’esbaudit » peut-on lire dans des récits 31
Bain News Service © Coll. Library of Congress, Washington © Coll. personnelle
voitures des mutilés, les bandages des blessés de la optimistes13. Parce que les Taubes font peu de victimes,
face témoignent des risques encourus au front par les la prise de conscience du danger est différée. Il faut
combattants. Au sein des familles, des immeubles ou des attendre l’arrivée des zeppelins en mars 1915 pour que les
quartiers, on échange des nouvelles des combattants. Parisiens prennent la mesure de la menace.
Les veuves et les orphelins en tenue de deuil, comme la
foule qui se rend dans les cimetières lors de la Toussaint, « L’heure du Taube » poème de Fernand Hausel paru dans La France sauvée. Cité dans Breal J.,
13 
Les poètes de la Grande Guerre. Anthologie, Paris, Le Cherche Midi, 1992, p.157.
Avec le canon de Paris qui frappe la capitale à Paris à du conflit. On est bien loin ici du nombre de victimes
partir de mars 1918, les risques sont accrus. Frappant en militaires, près de 1,4 million rien que pour la France.
plein jour, il provoque une vague d’effroi et la fuite d’un Mais pour les enfants Parisiens, qui ont connu les drames
million de Parisiens, dont de nombreux enfants envoyés à de la guerre au sein de leur famille et ont vécu plusieurs
la campagne. La mise en défense de la capitale matérialise années sous la menace des bombardements, l’expérience
cette menace et les mesures prises pour y échapper. Les dramatique de la Première Guerre mondiale a bien été un
monuments publics sont dissimulés sous des sacs de moment de confrontation avec les violences de la guerre
sable ou des planches. Les vitrines sont recouvertes de totale qui a marqué leurs jeunes années.
bandes de papier pour limiter les dégâts. Dans tous les
immeubles de plus de quatre étages, les habitants
32 •
doivent se réfugier dans les caves. Les abris publics se
multiplient, atteignant une capacité de 500 000 places
réparties dans 5 000 abris. Dans 37 stations de métro,
l’électricité est coupée et les Parisiens accueillis par
de grandes pancartes « Refuge ». La description des
moments passés dans les refuges occupe de nombreux
témoignages, qui décrivent tour à tour l’ambiance bon
enfant, voire festive, qui règne parmi les occupants ou
au contraire les scènes de panique, comme à la station
de métro Couronnes le 11 mars 1918, où une bousculade
devant les portes déjà fermées fait 66 morts.
Le nombre de victimes parisiennes des bombardements
reste peu élevé, environ 500 personnes sur l’ensemble
L ’École alsacienne, faute de parler la même langue qu’eux. Ces gens-là, obligatoire qui a fait la victoire allemande mais son

d’une guerre à l’autre ce sont ces paysans dont on dit alors qu’ils refusaient
le pain aux Français en déroute pour mieux le vendre
caractère confessionnel. Le débat sur la réforme scolaire
est houleux entre républicains laïques et catholiques.
Emmanuel Larroche aux armées ennemies1. Pour ses contemporains, la Ce débat débouche dix ans plus tard sur les grandes
Professeur d’histoire à l’École alsacienne,
défaite est morale plus que militaire. Un lieu commun lois scolaires de Jules Ferry, en 1881 et 1882 et la victoire
Maître de conférence à Sciences Po, Paris
s’installe dans les discours : Sedan est la victoire du républicaine même si ces lois maintiennent la liberté de
maître d’école allemand et la défaite souligne la faillite l’enseignement. Et pourtant, loin d’attendre ce résultat
L’École alsacienne est née de la guerre et plus précisément
du système scolaire français. Ernest Renan, en 1871, dans qui fonde une nouvelle institution scolaire, républicaine,
d’une défaite. Celle de 1870. L’armée française est
La Réforme intellectuelle et morale, propose la réforme des hommes déterminés ont relevé le défi de la réno-
vaincue le 2 septembre 1870 à Sedan et l’empereur fait
de l’enseignement sur le modèle allemand. On met en vation de l’école dès les lendemains de la défaite. Ils
34 • prisonnier. Le 4 septembre, la République est proclamée.
avant la densité de son réseau d’écoles et la situation s’appellent Aimé Godart, le directeur de l’École Monge,
Au printemps 1871, la paix se fait au prix de la cession de
confortable qui est faite à ses instituteurs. La revue Boulevard Malesherbes, Émile Boutmy qui fonde
l’Alsace et de la Moselle à l’Allemagne. Le traumatisme
politique et littéraire estime par exemple dans son numéro en 1872 l’École libre des sciences politiques et surtout
est grand pour une population gagnée progressivement
du 2 décembre 1871 que le système allemand forme Charles Friedel, Gabriel Monod et Alphonse Parran,
à la ferveur patriotique. Les lendemains de cette défaite
des êtres « vigoureux, attachés à la règle » possédant trois des membres fondateurs de l’École alsacienne.
constituent une période décisive dans l’évolution du
« toutes les qualités qui peuvent servir à la nation »2. En Quelques années après, Gabriel Monod, se remémore
débat scolaire en France. Car la nation et l’école, au xixe •
1881, la Nouvelle revue vante encore dans l’enseignement cette période fondatrice : « On élaborait de tous côtés 35
siècle, sont intimement liées.
allemand la place de la gymnastique et de l’hygiène, des projets de réforme scolaire qui devaient faire une
l’esprit de discipline ou l’essor de l’activité scientifique. âme nouvelle à la France vaincue et préparer au suffrage
« Qu’est-ce qui a fait l’éducation de ces gens-là ? », s’exclame
Pour la droite conservatrice qui défend la place éminente universel des électeurs dignes d’exercer leur redoutable
le duc d’Audiffret-Pasquier à l’Assemblée nationale,
de l’Église dans l’enseignement, ce n’est pas l’instruction mandat. Des hommes courageux se mettaient à l’œuvre,
au printemps 1872. Ces gens-là, ce sont les soldats
sans attendre que les théoriciens eussent achevé leurs
français, défaits par l’ennemi prussien, dont on dit
1 Mona Ozouf, L’École, L’Église et la République, Seuil, coll. Points Histoire, Paris, 1982, p. 21.
qu’ils ne comprenaient pas les ordres de leurs officiers 2 Ibid., p. 22
programmes3. » L’École alsacienne participe alors à la sein duquel plusieurs d’entre eux sont passés. Le projet L’enseignement est rénové et l’originalité du modèle langues anciennes est repoussé plus tard dans la scolarité
mise en place d’une « éducation libérale » et d’une « édu- se concrétise par l’ouverture d’une première classe éducatif mis en place par l’École alsacienne dessine élémentaire, en 7e et non plus dès la 10e, au profit du
cation nouvelle ». La démarche apparaît singulière. Elle élémentaire, louée au 36 rue des Écoles, confiée à un en creux les rigidités de ses deux concurrents, le lycée français mais aussi de l’apprentissage de l’allemand,
contribue en fait largement aux débats scolaires de la fin instituteur d’origine alsacienne, Frédéric Braeunig, puis impérial et les établissements confessionnels, en à la fois proche de l’alsacien et « langue de l’ennemi ».
du xixe siècle, elle en est la « pointe avancée ». par la fondation de l’École proprement dite, avenue Vavin. particulier les collèges de jésuites. L’histoire, la géographie et les sciences sont également
La direction en est confiée à un universitaire alsacien, L’objectif de cet enseignement tient à la volonté de au programme et l’École ouvre le premier laboratoire
Les principes directeurs du projet de l’École sont Frédéric Rieder, Frédéric Braeunig devenant sous- l’individualiser pour prendre en compte la personnalité scientifique scolaire du pays. Un accent inédit est mis
affirmés dans le Manifeste de 1872 qui s’intitule : « projet directeur chargé des classes élémentaires. de chaque élève, tout en favorisant chez eux le respect sur l’éducation physique avec l’ouverture du gymnase en
de fondation d’un collège libre pour l’enseignement L’École dont les fondateurs et le personnel sont en gran- mutuel et l’esprit collectif. Pierre de Coubertin résume 1881 et la fondation de la première association sportive
secondaire dans la banlieue de Paris ou aux environs ». de majorité des protestants, adopte une stricte neutralité très bien cette double exigence lorsqu’il signe le livre scolaire de France. L’éducation artistique et musicale
36 •
Il est signé de douze personnalités liées à l’Alsace religieuse. « Ce que nous ne tolérons pas chez nous, c’est d’or de l’École pour son 25e anniversaire : « Plus l’esprit avec la pratique du chant choral vient compléter la
réunies autour d’Alfred André, ancien régent de la l’intolérance », écrit Théodore Beck, directeur de l’école de corps anime l’école, plus l’individualité se manifeste formation.
banque de France et député de la Seine, élu en 18714. à partir de 18915. L’École se démarque également par son dans la vie ; plus le collégien est lié à ses camarades, plus
Le texte critique les méthodes de l’enseignement refus de l’internat qui était la norme dans les établisse- l’homme fait est indépendant de ses semblables. » Les L’École s’entoure de personnalités éminentes
français et conscient que l’Université (qui gère alors ments secondaires français, qu’ils soient publics ou libres6. méthodes employées favorisent l’épanouissement des qui contribuent à sa notoriété. Pour contrôler
l’enseignement secondaire d’État) est une structure Ouverte d’abord pour accueillir les enfants alsaciens dont élèves et conduisent à l’apprentissage de la responsabilité les programmes appliqués, elle fait par exemple

difficile et lente à réformer, propose de créer un éta- les familles ont choisi la France plutôt que l’Allemagne, plus qu’à celui de l’obéissance contrainte. L’oral et la prise appel à une commission qui compte, entre autres, 37
blissement à la pédagogie rénovée. Les signataires se l’École alsacienne devient rapidement une école inscrite de parole sont encouragés, de même que l’observation Michel Bréal ou Fustel de Coulanges. Nombre de
placent dans les pas de l’humaniste alsacien Jean Sturm, dans son quartier et attire toutes sortes d’enfants. déductive qui prend notamment la forme d’ « excursions républicains de premier plan, investis dans les projets
fondateur du gymnase de Strasbourg au xvie siècle, au instructives », tous les mardis après-midi. Le samedi, des de réforme scolaire, observent les débuts prometteurs
Georges Hacquard, Histoire d’une institution française, l’École alsacienne : naissance d’une
5  examens publics sont organisés, ouverts aux parents, de cette refondation de l’ensei-gnement. L’un des
école libre (1871-1891), t. 1, Paris, Jean-Jacques Pauvert aux éditions Garnier, p. 149.
3 25 anniversaire de l’École alsacienne (1873-1898), Paris, Chamerot et Renouard, p. 51-52.
e
Patrick Clastres, « L’internat public au xixe siècle. Question politique ou pédagogique ? », Lycées,
6  impliqués dans l’éducation de leurs enfants. Le contenu premiers actionnaires de l’école, William Waddington
4 
C’est Gabriel Monod qui a rédigé ce manifeste avec Auguste Moireau. Gabriel Monod a lycéens, lycéennes, deux siècles d’histoire, Paris, Institut national de recherche pédagogique,
également participé à la création de l’École Monge qui devient le lycée Carnot en 1894.. 2005. p. 397-413. (Bibliothèque de l’Histoire de l’Éducation, 28). des enseignements est modernisé. L’apprentissage des devient ministre des Affaires étran-gères et Président
du Conseil en 1879. Jules Ferry, le nouveau ministre de d’un enseignement libre. « Arrivons à d’autres méthodes, ou en ouvrant plus largement les programmes à l’appren-
l’Instruction publique rend visite à l’École cette même profitons des expériences qui se font autour de nous. Et tissage des sciences dans la réforme des programmes de
année. Ferdinand Buisson, directeur de l’enseignement quand je parle de ces expériences, est-ce que vous ne voyez 1902.
primaire y inscrit ses enfants. Lors de l’inauguration de pas que là justement est la raison qui fait qu’un ministre Ce soutien des républicains à l’École alsacienne lui
nouveaux bâtiments, le 9 juin 1881, Paul Bert, le principal de l’instruction publique soucieux de sa charge et com- permet de survivre, lorsque dans les années 1880 et
collaborateur de Ferry, rend hommage aux innovations de prenant la grandeur de sa tâche ne peut avoir la pensée 1890, sa situation financière se dégrade. Une subvention
l’École et à leur apport pour la réforme de l’enseignement de rétablir le monopole ? Car ces expériences se font de 40 000 francs par an est votée en 1890 par la
secondaire. Il compare l’Université à un vaisseau de haut autour de nous, dans certains établissements laïcs dont Chambre des députés, portée à 75 000 francs en 1899.
bord, difficile à manœuvrer parmi les « hauts fonds et le nom est sur toutes les lèvres, et la liberté de l’ensei- Au tournant des années 1900, l’attractivité de l’École
les récifs des méthodes nouvelles » et qui a besoin de gnement peut seule permettre de les faire : la liberté seule repart, les effectifs ne cessent d’augmenter, peut-être
38 •
« bateaux-pilotes légers et calant peu, qui peuvent aller peut expérimenter les nouvelles méthodes8 ». L’allusion grâce à deux nouvelles innovations : la création d’un
partout, tâtant et jetant la sonde, jusqu’à ce qu’ils aient est encore plus explicite trois ans plus tard : « Sans les jardin d’enfant et l’introduction de la mixité dans
trouvé le chenal navigable où peut s’engager la grande essais heureux, audacieux à l’origine, que certains grands certaines classes. Les résultats au Baccalauréat achèvent
nef7 ». Au final l’École, dans ces années 1870 où elle a établissements laïques, comme le collège Monge, comme d’installer la bonne réputation de l’établissement : 87%
commencé son existence a contribué par la pratique l’École alsacienne, ont tenté, dans l’ordre de l’enseigne- de reçus en 1908, chiffre exceptionnel à l’époque.
au débat sur la refonte du système scolaire et dans le ment secondaire, nous n’aurions jamais été autorisés à

même temps démontré l’utilité de maintenir une école essayer cette grande entreprise de réforme de nos pro- Bataillon scolaire : École alsacienne, Paris 1883-1884. L’enseignement établi durant ces années fondatrices de 39
© École alsacienne, Paris
libre aux côtés du lycée public dont on craint alors grammes et de nos études9 ». Et de fait, même si l’Univer- l’École est assurément libéral. Pour autant, il n’oublie
qu’il ne s’érige en monopole. À plusieurs reprises, Jules sité n’adopte pas toutes les réformes introduites par pas le contexte de sa fondation. Il est aussi patriotique.
Ferry lui-même, témoigne de l’exemplarité acquise par l’École alsacienne ou l’école Monge, elle s’en inspire par- La Patrie « point de départ et but » de tout enseignement
l’École alsacienne et en fait un argument pour le maintien fois, en repoussant l’apprentissage du latin par exemple civique lit-on dans les programmes de l’École de 1903.
« C’est, ne l’oublions pas, le culte de la patrie qui a présidé
8 
Discours à la Chambre des députés le 30 juin 1879.
7 Paul Bert, Discours d’inauguration des nouveaux bâtiments de l’École alsacienne, juin 1881. 9 
Discours au Sénat le 23 mai 1882. à la naissance de cette maison ; il a veillé sur ses destinées
en véritable ange tutélaire, il a été la source toujours alsacien, dont le 1er numéro, tiré à 300 exemplaires, vendu plus édifiants, leur raconte la bravoure des soldats sur du retour des provinces perdues est donc omniprésent à
jaillissante de cette foi et de cette espérance qui nous 30 centimes, est rapidement épuisé. Les bénéfices de la le front, exalte leur sacrifice patriotique. En 1918, le l’École alsacienne. Sans doute plus qu’ailleurs.
ont guidé à travers les luttes dont nous sommes sortis vente vont aux poilus. 3 filleuls sont choisis. C’est ensuite ministre de l’Instruction publique organise une visite L’esprit militaire et l’esprit du sacrifice sont entretenus
triomphants » proclame encore Théodore Beck lors de une grande exposition d’objets et de dessins réalisés de deux jours dans les régions dévastées de Champagne. durant toute la guerre. Lorsqu’un ancien élève de l’école
son discours de fin d’année en 1906. L’épreuve de la guerre par les élèves, organisée le 8 juin 1916, de 10h à 18h dans Nouvel y participe. À son retour il réunit les plus âgés meurt sur le front de la Somme en 1916, son professeur, M.
est vécue avec une intensité toute particulière. Car aux le gymnase de l’École. 226 objets « patriotiques » sont des élèves pour faire le récit de cette visite édifiante. Il Bailly écrit dans Mon journal, une publication destinée aux
sacrifices et aux privations s’ajoute une promesse : le exposés 
: coupe-papier « 
tête de boche 
», calendrier utilise également des « vues cinématographiques » pour enfants : « La famille ne peut exister sans la patrie et pour
retour des provinces perdues. cigogne, soldat allemand articulé levant les bras pour se mieux saisir les élèves, entretenir leur émotion face aux sauver l’une, il faut sacrifier l’autre ». En 1917, le général
rendre, coq gaulois ; leur vente rapporte 2 800 francs au destructions dont sont rendus coupables les Allemands. Dennery, père d’élève, propose même d’organiser à l’école
Dès l’été 1914, l’École alsacienne s’engage dans l’effort profit des bonnes œuvres de la guerre. Une autre vente, Les discours de fin d’année sont une autre occasion une préparation militaire. 22 élèves s’y inscrivent.
40 •
de guerre. Elle installe dans ses locaux un bureau de au mois de juin 1917, rapporte 4 500 francs. Cette même d’entretenir le patriotisme des élèves. On y invite des
recrutement pour les Alsaciens qui veulent partir au année, sous l’impulsion d’un enseignant d’histoire, M. militaires qui dispensent un propos nationaliste et Les élèves de l’École alsacienne vivent donc la guerre
front. Les candidats sont nourris et logés. L’exercice Nouvel, 125 élèves participent à la remise en culture d’un mobilisateur. En 1915, le général Malleterre promet aux par procuration, en fournissant leur part à l’effort
militaire commence. Un comité se forme dont la champ concédé à l’École alsacienne par la Compagnie élèves de leur rapporter l’Alsace-Lorraine, grâce à la « paix de guerre, en parrainant des soldats, en suivant
présidence d’honneur est confiée à Maurice Barrès. du Chemin de fer de l’État, à Châtillon. Le produit française, la paix du droit et de la justice » qu’il oppose son déroulement par les nouvelles ou les discours
On y trouve également Mme Jules Ferry ou encore des récoltes, vendu à l’École, est reversé aux veuves et à l’odieuse Kultur allemande. En 1916, c’est le général prodigués par les adultes. Mais la guerre est aussi pour

Ernest Lavisse. Avec la rentrée, il faut rendre les locaux orphelins de guerre. de Lacroix qui préside la séance, évoque les combats de eux une expérience sensible qui se livre d’ailleurs dans 41
aux élèves et à leurs maîtres. La mobilisation des uns Verdun et « le sang alsacien et le sang français » qui « ont certains dessins. Car Paris est bombardé, déjà par des
et des autres, comme dans toutes les écoles françaises, ne La mobilisation des esprits bat son plein pendant toute toujours coulé ensemble ». Un des professeurs mobilisés, zeppelins puis par des avions « gotha GIV ». En février 1916,
tarit pas de toute la guerre. Maurice Testard, professeur la guerre. Participant de cette culture de guerre qui le capitaine Edmond Faral, prend la parole en uniforme. J. Wegmann, élève de 6e, décrit dans le premier numéro du
d’arts plastiques multiplie les initiatives pour récolter entretient un patriotisme mobilisateur dans les familles. Cette même année, Jules Siegfried évoque dans son Journal alsacien le résultat d’un bombardement survenu
des fonds et participer à l’effort de guerre. C’est d’abord Le professeur Nouvel y joue un rôle important. Il apporte discours les « illustres captives » si chères à Gambetta le samedi 30 janvier. « Ici, tout un toit s’était effondré ; un
la création d’un journal confié aux élèves de 6e, le Journal en classe des journaux, lit aux élèves les extraits les et qui donnent un sens particulier à la guerre. Le thème agent qui montrait sa tête à la fenêtre et criait pour que
l’on cachât les lumières, fût décapité par une bombe ». Et L’École a payé un lourd tribut à la guerre. Les noms de aux méthodes de l’École, fondées sur une discipline
de conclure : « Voilà ce que les Allemands appellent leur 136 morts et 5 disparus sont inscrits sur son monument non contrainte et librement acceptée, elles auraient
Kultur ». Plusieurs caves du quartier, notamment au 120 aux morts inauguré le 26 janvier 1924 en présence permis aux élèves de mieux accomplir leur devoir et
rue d’Assas, sont utilisées pour mettre à l’abri les enfants du Président de la République, Alexandre Millerand, de mieux supporter les rigueurs de la vie militaire. Ces
lorsque les alertes retentissent. À partir de 1918, ce sont accompagné de ses deux fils, anciens élèves de l’École, discours font de l’épreuve de la guerre le révélateur du
les canons à longue portée qui font tomber les obus sur du ministre de l’Instruction publique, Léon Bérard, du succès d’une des missions que l’École s’était fixée dès sa
Paris. Le 23 mars au matin, l’un d’eux tombe dans l’avenue gouverneur militaire de Paris, le général Gouraud et de fondation : faire des « hommes dignes de ce nom », des
de l’Observatoire, à 200 mètres de l’École. Le conseil nombreuses autres personnalités. patriotes capables de surmonter la défaite et de régénérer
de l’École prend la décision de reporter la rentrée et de L’année suivante, le 25 janvier, le cinquantième anni- la France. Les lendemains de la Grande Guerre sont donc
prolonger les vacances de Pâques. Des études par versaire de l’École est célébré dans le grand amphithéâtre marqués par l’exaltation de la dimension patriotique
42 •
correspondance sont même mises en place pour les de la Sorbonne, plein. Ces cérémonies de l’après-guerre de l’enseignement dispensé à l’École. Et de rappeler
élèves qui ne reviendraient pas à Paris. sont émaillées de discours patriotiques qui lient l’ensei- que l’épreuve a renforcé le pacte intellectuel et moral
Le 11 novembre, à 11 heures, écoliers et professeurs gnement particulier de l’École et la conduite qu’ont tenue qui lie l’Alsacienne à la République.
apprennent la fin de la guerre au son des cloches, professeurs comme anciens élèves, au front comme à
des sirènes et du canon. L’occasion d’un moment l’arrière. Le président de l’association des anciens élèves,
d’exaltation patriotique qui saisit jeunes et adultes. Léon Pasquier, peut dire par exemple en parlant des

Des élèves se rendent place de la Concorde pour Bataillon canon : Claude Perchot, Gaston Westercamp, Pierre Tissier, Olivier Monod mobilisés : « L’enseignement de l’École toujours dominé 43
et François Reymond. Photo : E. Vallois.
célébrer la victoire. Ils en rapportent un canon de 75 et © École alsacienne, Paris par un sentiment d’ardent patriotisme, réchauffait le
un obusier allemand. Leurs trophées de cette guerre qu’ils cœur meurtri au souvenir des souffrances passées et
ont vécue à distance. Le 22 novembre, Théodore Beck les aidait à supporter la douloureuse séparation ». Leur
assiste aux côtés de Poincaré et Clémenceau à l’entrée détermination aurait été renforcée par leur « volonté
des troupes françaises dans Strasbourg conduites par le farouche de reconquérir les provinces perdues », explique
général Gouraud. encore M. Péquignat le Directeur de l’École. Quant
L e dessin d’enfant l’enfant représenté interpelle le spectateur pour lui

et l’éducation artistique montrer son dessin et imite ainsi le statut de l’artiste et


le rapport qu’il entretient avec les mécènes. En fait, le
à l’école véritable intérêt pour le dessin d’enfants ne débute qu’au
milieu du xixe siècle. Avant cela, les témoignages de dessins
Florence Lacombe
historienne de l’art et professeure à l’École alsacienne d’enfants sont assez rares. Cependant à la Renaissance,
dans un contexte bien particulier, l’attention des adultes
« La ligne droite n’est nulle part dans la nature » a donné une place particulière à l’activité graphique des
Paul Cézanne
enfants.

44 • Premier moyen de communication de l’être humain,


le dessin apparaît avant l’écriture dans l’histoire des

L’enfance de l’artiste
et le mythe du don inné de l’art
civilisations. Ce type d’expression visuelle a le mérite
L’artiste florentin Giorgio Vasari, au xvie siècle, compile,
d’être compris sans l’apprentissage de la lecture et de
pour la première fois, des études consacrées à des
manière universelle, il n’a pas besoin de traduction.
artistes majeurs du xive au xvie siècle. Inspirées des
Considéré comme une faculté naturelle chez les indi-
modèles antiques de célébrations des grands hommes
vidus, il est une activité primordiale chez l’enfant puis- •
tel Plutarque et ses Vies, ces études plaçaient l’éva- 45
que avant qu’il ne devienne un être de langage, l’enfant
luation de l’oeuvre d’un individu sous l’égide d’un récit
commence à dessiner. Dans le champ de l’histoire des Giovanni Francesco Caroto, Portrait d’un jeune enfant avec dessin, 1515.
© Musée de Castelvecchio, Vérone de vie qui mettait en relief des personnalités exemplaires.
arts visuels, les images de dessins enfantins sont peu
Giorgio Vasari a, depuis, été considéré comme l’inventeur
communes. Un portrait de la Renaissance représente
de la biographie d’artiste au xvie siècle, il donnera au dessin
un enfant tenant son dessin dans une main, cette œuvre
d’enfant un rôle fondateur ; le dessin d’enfant devient une
de Francesco Caroto fait figure d’unicum dans l’histoire
procédure de mise en légende de la vie de l’artiste.
des arts visuels. Telle une parodie du travail de l’artiste,
Dans les premières biographies de Vasari, on observe la La figure légendaire chez Vasari est Giotto : il est présenté Dans cette mythologie de l’artiste, le dessin d’enfant Les peintres s’expriment le plus souvent dans les petits
construction d’un mythe autour de la vie des artistes. Les comme le véritable initiateur du renouveau de l’art de la est le signe d’une précocité artistique évidente. À partir formats et utilisent fréquemment le support de bois en
motifs récurrents sont véhiculés la plupart du temps au Renaissance, il est estimé comme le représentant parfait de ce modèle, Giorgio Vasari va définir une esthétique usage au Moyen-Âge. Ils représentent les personnages
moyen d’anecdotes ayant presque toujours trait à la vie et de l’enfance de l’art. Matérialisant la naissance de l’art, la de l’art dans laquelle le dessin est l’activité primordiale médiévaux typiques (chevaliers, dames, pages). Les scènes
le plus souvent à l’enfance de l’artiste. Ces récits cherchent vie de Giotto est également perçue comme le berceau de de la création artistique avec, comme principe premier, de la vie privée des grandes personnalités politiques depuis
à mettre en évidence une manifestation précoce du talent. son histoire. Dans ce passage, Giotto est présenté comme l’imitation de la nature et la ressemblance. le Moyen-Âge jusqu’au xviie siècle (Henri IV, Mazarin, Anne
Le fait qu’un individu découvre le talent d’un artiste sera l’acteur miraculeux de la re-naissance de l’art face à un d’Autriche) sont puisées dans les chroniques et évoquent
souvent repris dans les biographies pour constituer ce Moyen-Âge jugé obscur et barbare. De manière évidente, 
Le mouvement troubadour les grands artistes du passé sur le ton de la légende
qu’on appelle « la fable de la découverte du talent ». Les Vasari forge devant nous la légende de l’artiste. Elle est La légende du caractère précoce des artistes ancrée (Raphaël, Dürer). Ils s’inspirent de la Divine Comédie de
auteurs Kris et Kurz donnent de nombreux exemples particulièrement frappante lorsque Vasari raconte la durablement dans les esprits à partir de Vasari, va trouver Dante (Paolo et Francesca), de Shakespeare (Roméo
46 •
qui reprennent ce même schéma1 : Andrea Sansovino, rencontre entre le jeune Giotto et celui qui deviendra son un exutoire visuel dans un mouvement artistique proche et Juliette) et de Goethe (Faust). Pour les scènes
Zurbáran, Goya ou encore le peintre japonais Maru- maître, Cimabue2. de l’historicisme, le style Troubadour. L’art troubadour historiques relatant la vie des artistes de la Renaissance,
yama Okyo qui peignit un pin sur un sac de papier dans   Un jour qu’il se rendait pour affaires de Florence à Vespi-
« se caractérise par une peinture illustrant des scènes la source documentaire est bien sûr les Vies de Vasari.
une boutique où un samourai reconnut son talent. Ce gnano, Cimabue trouva Giotto ; tout en faisant paître son historiques, à tendance romantique, mais au dessin La vie de Giotto et, plus particulièrement, l’épisode de
troupeau, l’enfant dessinait une brebis d’après nature sur une
schéma peut présenter quelques variantes ou ajouts classique. Ce style pictural traverse tout le xixe siècle. la découverte du talent par Cimabue, est un sujet de
pierre plate et polie, à l’aide d’une pierre légèrement pointue,
comme pour Andrea Castagno, jeune berger, découvert sans autre maître que la nature. Cimabue s’arrêta émerveillé Le terme troubadour définit la peinture d’histoire qui prédilection pour les artistes troubadours4. Les tableaux

par Bernadotto di Medici, qui était d’abord entré dans et lui demanda s’il voulait venir avec lui ; l’enfant répondit qu’il n’évoque pas le passé antique comme le mouvement décrivent les costumes, les meubles et l’architecture 47
un atelier d’un peintre local, ce qui l’aurait stimulé. irait volontiers si son père y consentait. Bondone accepta de néoclassique. Les thèmes sont choisis dans les périodes avec une grande précision. On y trouve le même souci
bon coeur la proposition de Cimabue, heureux de voir son fils
La découverte de ce talent précoce implique que l’enfant du Moyen-Âge, de la Renaissance et du xviie siècle. La de vérité archéologique que dans le néoclassicisme. Le
partir avec lui pour Florence »3.
possédait déjà le génie d’un grand maître. peinture troubadour associe la fermeté, la stylisation mythe de l’enfant-artiste au génie précoce, s’il est forgé à la
2 Didi-Huberman, Georges, « Ressemblance mythifiée et ressemblance oubliée chez Vasari : la archaïque du dessin et les contrastes d’ombres et de
légende du portrait sur le vif », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée, 4 Les artistes Troubadours ayant peint l’enfance de Giotto sont : Henri Joseph de Forestier,
tome 106, n° 2, p. 383-432. lumière romantiques. Les couleurs chaudes et éclatantes L’enfance de Giotto, xixe siècle, Musée Magnin, Dijon - Gaetano Sabatelli, Cimabue observant
3 Giorgio Vasari, Les vies des plus illustres peintres, sculpteurs et architectes, Paris, Berger- le jeune Giotto dessinant une chèvre sur un rocher, 1847, Galleria d’Arte Moderna, Florence -
Ernst Kris & Otto Kurz, La légende de l’artiste, Paris, Allia, 2010.
1  Levreaul, 1981. s’accordent au travail minutieux et retenu du pinceau. Léon Bonnat, Giotto gardant les chèvres, 1850, Musée Bonnat, Bayonne.
Renaissance, a donc traversé de nombreuses générations l’artisan
 est
 l’apprentissage
 d’une
 technique
 lui
 per- la croyance chevronnée que le génie est inné et que les
de penseurs et d’humanistes avant de retrouver une mettant
 d’accéder
 à
 la
 maîtrise de son artefact, la
 apports sociaux, culturels et même artistiques dans une
formulation durant l’époque romantique. formation de
 l’artiste
 n’est
 pas
 l’acquisition
 d’une
 tech- certaine mesure, que l’être humain acquiert tout au long
nique,
mais
 la
 prise
 de
 conscience
 d’une
 genèse,
 d’un
 de son existence seraient dommageable pour ce même

Mutations artistiques devenir
 progressif
 qui
 est
vécu
comme une transforma- génie. Emmanuelle Pernoud a bien mis en évidence
La glorification de l’enfant-créateur fera partie des grands tion de soi. L’artiste
 romantique n’est
 pas
 celui
 qui
 cette idée de l’enfance et du primitivisme au cœur d’une
thèmes des différents mouvements romantiques euro- possède
 un
 art, mais
 celui
 qui
 devient,
 qui génère sa rénovation radicale de l’art7.
péens. Il sera associé au primitivisme et à la grâce naturelle propre histoire. Il
 est
 celui
 qui
 travaille
 sur
 lui-même

de l’enfance. Cette joncture est à mettre en parallèle avec beaucoup
 plus
 que
 sur
 une
 quelconque
 matière
 
La pratique du dessin à l’école
le renouveau des arts. C’est
 à
 la
 fin
 du
 xviiie
 siècle
 extérieure. Aussi
 la
 formation
 est-elle
 un
 moment
 Au xixe siècle, la comparaison péjorative d’une oeuvre
48 •
que le statut
de l’artiste change,
 il
 n’est
 plus
 l’artisan
 essentiel,
 une
 étape
 principale.
 L’art
 est
 un
 geste,
 un
 d’art avec un dessin d’enfant apparaît comme un lieu
au
 service
 d’une
 cour
 aristocratique
 dont
 il
 embellit
 mouvement,
 l’intention
 d’une
 subjectivité en
 quête
 commun de la critique d’art avant que des artistes et
l’existence,
 mais
 un
 individu
 qui
 prend
 conscience
 d’elle-même.
C’est dans ce contexte que va resurgir le my- critiques d’art ne s’intéressent aux dessins d’enfant.
de
 son
 individualité propre
 et
 qui
 revendique
 la
 the de l’enfance de l’art avec l’affirmation de Baudelaire : Ce sont les Britanniques qui ont devancé Français et
liberté
 d’une
 création
 autonome.
 La
 conception
 « le génie n’est que l’enfance retrouvée à volonté »5. Ainsi, Allemands dans le domaine de la reconnaissance du
de
 l’individu
 artiste
 rompt
 définitivement
 avec
 le
 la conception d’une virginité créatrice de l’enfant va dessin d’enfant en présentant la première exposition

passé,
 proclamant
 le
 droit
 à
 la
 création
 originale
 et
 trouver un nouvel élan avec d’abord le romantisme puis annuelle de la Royal Drawing Society en 1890 qui 49
rejette
 la
 tradition
 d’une
 esthétique
 de
 l’imitation.
 les avant-gardes artistiques6. Ce mythe est fondé sur exposait des dessins d’enfants âgés de quatre à dix-
Ce rejet
 de
 l’artiste-artisan,
 a
 pour
 conséquence
 la
 neuf ans. Cet événement renouvelé en 1893 avait pour but
5 Charles Baudelaire, Le peintre de la vie moderne, 1863 dans Œuvres complètes de Charles
Pierre-Henri Revoil, L’enfance de Giotto, 1840, huile sur toile 0,82 x 0,66 m.
recherche d’une
 identité inédite et
 d’un nouveau rapport © Musée des Beaux-Arts de Grenoble
Baudelaire, Paris, Calmann-Levy, 1885, tome 3, p. 60. d’encourager la pratique du dessin libre dans l’éducation
6 La conception romantique sur le caractère prodigieux de l’enfant et son âme de poète vient
à la création artistique. L’artiste va
 incarner
 une
 nouvelle
 d’abord des romantiques allemands comme F. V. Schiller et J. G. V. Herder. À ce sujet, voir
le travail de Roxanna Ghità, « L’enfant, l’artiste et l’imagination poétique : les origines et
existence perpétuellement
 à
 la
 recherche
 de
 sa
 définition,
 l’évolution d’un mythe (depuis le romantisme allemand jusqu’à Gaston Bachelard) », IETM 3, 7 Pernoud, Emmanuel, L’Invention du dessin d’enfant en France, à l’aube des avant-gardes,
Édition en ligne de l’Université Petru Maior, 2010. http://www.upm.ro/facultati_departamente/ Paris, Hazan, 2003. Également, Pernoud, Emmanuel, L’Enfant obscur. Peinture, éducation,
de
 ses
 limites,
 de
 son
 statut. Alors
 que
 la
 formation
 de
 stiinte_litere/conferinte/situl_integrare_europeana /romlist3.html naturalisme, Paris, Hazan, 2007.
de l’art à l’école8. Cet attrait pour la production graphique fondé sur l’apprentissage d’un dessin géométrique, un mules »13. Le plan d’enseignement du dessin de Félix vers la maîtrise technique du dessin, avec comme cri-
des enfants se développe également en Allemagne, à dessin qui procède de la ligne et du contour, jugé utile Ravaisson est accompagné d’un projet de collections tères l’exactitude, la rigueur et la performance. Il s’agit
Hambourg. Une exposition à la Kunsthalle eut lieu en au développement économique et industriel du pays par à l’usage des écoles. Il défend l’idée de constitution de avant tout de développer une aisance graphique utile à
1898, son directeur Alfred Lichtwark milite en faveur la formation des architectes et ingénieurs. Avant cela, collections de photographies et de moulages d’œuvres certaines professions. Le dessin géométrique correspond
d’une pratique du dessin libre éloignée de la maîtrise Félix Ravaisson avait élaboré un plan d’enseignement antiques pour sensibiliser les élèves à l’art occidental14. à un savant mélange d’applications scientifiques et de
technique9. du dessin pour le lycée en 1853. Nommé inspecteur La réalisation de moulages en plâtre vendus dans les pratiques techniques dont les objectifs sont une formation
En France, à partir des années 1860 et 1870, des per- général de l’Instruction publique en 1849, il est désigné écoles permettrait, selon lui, une éducation de l’œil et une instrumentale au service des sciences d’observation.
sonnalités du monde de l’art s’intéressent aux dessins par le ministre Hippolyte Fourtoul président de la meilleure connaissance des œuvres d’art. Malgré le plan Les expositions universelles ont joué un rôle important
d’enfant. Ce sont des critiques d’art tels Jules Champ- Commission du ministère de l’Instruction publique. d’enseignement de Ravaisson, la pratique du dessin géo- dans l’évolution des enseignements artistiques. Comme
fleury, ami de Gustave Courbet, et Zacharie Astruc, Cette commission composée de plusieurs artis-tes métrique restera la norme dans les écoles primaires et moyen de représentation des pays, elles deviennent
50 •
allié des peintres impressionnistes mais aussi des tels Jean-Dominique Ingres, Eugène Delacroix, Ernest secondaires jusqu’à la réforme de Gaston Quénioux, en rapidement un lieu de compétition et de réajustement
artistes telle que la sculptrice Charlotte Besnard qui Meissonnier et Hyppolite Flandrin, devait travailler sur 1909. Le dessin géométrique ou linéaire sera enseigné dans des politiques éducatives au service de l’économie et
portent un intérêt nouveau aux dessins d’enfants10. un plan d’enseignement du dessin dans les lycées. les classes françaises comme une discipline rationnelle du rayonnement des cultures nationales. La première
Dans le système scolaire français, les cours de dessins L’enseignement du dessin consistait alors en une activité à vocation universelle. Selon Jocelyne Beguery, l’étude exposition universelle de Londres, en 1851, privilégie
furent introduits à l’école primaire publique en 1833 servile de copie et ne formait aucunement l’élève à du dessin contribuait à une « école ordonnée à l’éveil des les « Arts Appliqués à l’Industrie ». Plusieurs auteurs
avec la Loi Guizot11. Le dessin devient obligatoire la compréhension du relief et à l’usage de la couleur. facultés physiques, intellectuelles et morales de l’enfance ont fait le constat du retard industriel de la France,

en 1879 dans l’enseignement secondaire avec la Dans son rapport, Ravaisson valorisait l’éducation populaire, et dont le projet avait pour clef de voûte le confirmé par les expositions universelles de 1855 et 51
méthode d’Eugène Guillaume. C’est un enseignement au goût, ainsi que la primauté du sens qu’il suggérait triomphe de la rationalité scientifique »15. C’est donc un 1878, et expliquent ainsi la réforme de l’enseignement
d’emprunter aux artistes de l’art occidental12. Il critique principe quasi scientifique qui oriente cet enseignement et le nouvel attrait pour le dessin16. Sous l’impulsion du
8 Franck Beuvier, « Le dessin d’enfant exposé, 1890-1915. Art de l’enfance et essence de l’art »,
Gradhiva, n° 9, 2009, p. 102-125. aussi l’usage de méthodes menant à des automatismes : préfet de Paris, le Baron Haussman et dans une politique
9 Priem Karine & Christine Mayer, «Learning how to see and feel: Alfred Lichtwark and his 13 Op. cit., p. 20.
concept of artistic and aesthetic éducation », Paedagogica Historica. International Journal of « Calquer n’est point dessiner, ce n’est point dessiner 14 Mouna Mekouar, « Étudier ou rêver l’antique. Félix Ravaisson et la reproduction de la statuaire de développement de l’enseignement technique, des cours
the History of Education, Volume 53, n° 3, 2017. antique », Images Re-vues [En ligne], 1 | 2005, document 6, mis en ligne le 01 septembre 2005,
10 Champfleury, fait paraître une Histoire de la caricature antique en 1865 dans laquelle il que de construire géométriquement ou d’après des for- consulté le 03 janvier 2018. URL : http://journals.openedition.org/imagesrevues/222
reproduit plusieurs exemples de graffiti d’enfants. 15 Jocelyne Beguery, « Le dessin : vers un problématique de l’enseignement artistique », Daniel
11 « Art. 1 - L’instruction primaire supérieure comprend nécessairement, en outre, les éléments Denis et Pierre Kahn, L’école républicaine et la question des savoirs. Enquête au cœur du 16 Catherine Dollé, « L’enseignement du dessin sous la Troisième République : introduction du
de la géométrie et ses applications usuelles, spécialement le dessin linéaire et l’arpentage ». 12 Félix Ravaisson, De l’enseignement du dessin dans les lycées, Paris, Paul Dupont, 1854. Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, Paris, Éditions du CNRS, 2003, p. 234. dessin industriel à Valenciennes », Livraisons d’histoire de l’architecture, 2001, n° 2, p. 117-130.
de dessins pour adultes sont mis en place à Paris. Ce sont discipline, la psychologie. L’avènement du dessin libre va de la psychanalyse. Nous devons à Sigmund Freud la une présentation d’une sélection de dessins et de mode-
des ouvriers et des apprentis qui fréquentent les cours de pair avec l’intérêt porté au développement mental et première analyse de dessin d’enfant, le dessin du petit lages d’enfants librement exécutés, de mémoire ou spon-
en soirée de 20h à 22h. Ils proviennent de différents grapho-moteur des enfants. La psychologie va proposer Hans en 1908, mais c’est Anna Freud et Mélanie Klein qui tanés, d’un âge progressif, de cinq à douze ans ici.
domaines professionnels : bijoutiers, sculpteurs sur bois, une nouvelle vision progressiste du dessin, utile au développeront une technique psychanalytique fondée sur L’appréciation des dessins est confiée à un jury composé
ébénistes, mouleurs, tailleurs de pierre, tapissiers, etc. développement de l’enfant. Parmi les artistes impliqués l’analyse des jeux et des dessins d’enfants20. d’artistes, universitaires, psychologues, simples mon-
Selon Stéphane Laurent, cette pratique remporte un dans la nouvelle valorisation du dessin à l’école, il y a la Dans ce contexte, le développement des techniques dains et philanthropes. Le tournant qui s’opère entre la
certain succès ; ce sont vingt six cours de dessins à sculptrice Charlotte Besnard qui commente les dessins aléatoires afin de libérer l’expressivité des élèves va trou- maîtrise technique du dessin et une ouverture vers
main levée et six cours de dessins géométrique qui sont d’enfants exposés au Petit Palais, dans un article publié ver une nouvelle place dans le champ de l’éducation. En l’imaginaire propre de l’enfant va de pair avec l’autonomie
recensés en 1865, trente trois cours en 1872 (28 pour le dans la Revue Universelle18. Elle prendra une part active au Grande-Bretagne, la technique du dessin instantané, le de l’art et le débat sur la modernité. Le savoir artistique
dessin artistique et 6 pour le dessin géométrique)17. À débat sur l’importance de l’acte de dessiner dès le plus snap­shot drawing rencontre un grand succès. Il entrera n’est plus seulement du ressort de l’académie qui
52 •
l’école primaire, le dessin était enseigné à hauteur de jeune âge et sur la libre expression des enfants. Selon elle, au coeur des pratiques pédagogiques et dès 1902, un était seule détentrice des canons de l’expression
3 heures par semaine et 5 heures pour les élèves plus l’exercice du dessin libre contribue au développement premier concours sera ouvert au Crystal Palace. Valorisé artistique. Les techniques normatives et les modèles
avancés pour une semaine de 30h de cours. Au tout général de l’enfant. Comme tant d’autres artistes, elle par ses attraits pédagogiques, le développement des canoniques vont être rejetés. La sociologue Nathalie
début du xxe siècle, les concours de dessins organisés prône l’abandon de la méthode géométrique dans l’ensei- facultés d’observation et la stimulation de la mémoire, le Heinich a mis en évidence ces transformations avec
au Petit Palais en 1901-1902 et présentés au public gnement du dessin et défend la créativité et la spontanéité concours consiste à faire réaliser à des enfants des dessins la nouvelle société des artistes. La position sociale de
parisien attesteront de ce nouvel attrait pour l’activité dans le geste graphique des enfants19. Ce nouvel intérêt de mémoire. Après avoir observé une scène composée l’artiste qui incarne, à des degrés divers selon les arts,

graphique des enfants et des adultes. pour le dessin d’enfant va de pair avec le développement de personnages vivants ou après avoir visualisé divers la nouvelle « aristocratie de l’intelligence »21. C’est un 53
Il faudra cependant attendre 1909, l’année où Henri objets, l’enfant devra reproduire ce qu’il a vu dans un laps long débat qui s’ouvre alors sur la définition de l’art :
Matisse expose des dessins d’enfants pour rompre avec 18 Madame Albert Besnard, « Dessins d’enfants », Revue universelle, n° 35, 31 août 1901, p. 817-823. de temps de trente minutes. Sur le modèle britannique, non plus une conception de l’art liée à la rationalité,
Elle reviendra en 1909 à la charge de ce dessin intuitif et libre en soulignant les bienfants de la
l’apprentissage traditionnel du dessin et laisser le champ Réforme Quénioux dans un article paru dans Idées modernes. Voir également Boissel, Jessica, des expositions d’un nouveau genre voient le jour à Paris. identifiant l’espace à l’étendue géométrique mais une idée
« Quand les enfants se mirent à dessiner. 1880-1914, un fragment de l’histoire des idées », Les
libre au dessin d’intuition et aux idées d’une nouvelle Cahiers du musée national d’Art moderne, printemps 1990, p. 14-43. Décrites par Charlotte Besnard, leur principe consiste à de l’art relevant d’un autre ordre, celui des sentiments,
19 Hélène Moreau-Sionneau, « Charlotte Besnard (1854-1931) : être femme sculpteur et épouse
d’artiste en vogue, au tournant du xxe siècle » dans Catherine Méneux, Emmanuel Pernoud et
Pierre Wat (ed.), Actes de la Journée d’études Actualité de la recherche en xixe siècle, Master 1,
17 Stéphane Laurent, L’art utile : les écoles d’arts appliqués sous le Second Empire et la Troisième Années 2012 et 2013, Paris, site de l’HICSA, mis en ligne en janvier 2014. https://hicsa.univ-paris1. 20 Garcia-Fons, Tristan, « Invention du dessin dans la cure psychanalytique de l’enfant. », La 21 Sur la fonction et la place sociale de l’artiste au xixe siècle, voir l’excellent ouvrage de Nathalie
République, Paris, l’Harmattan, 1998. fr/documents/file/3-Moreau-Sionneau-Besnard.pdf lettre de l’enfance et de l’adolescence, mars 2002, n° 49, p. 43-50. Heinich, L’élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, 2005.
du sentir et de l’intuition. Comme le souligne Nathalie du dessin va durer jusqu’en 1945. À raison de deux heures premier à réaliser les « premiers films fixes français ». Dans
Heinich, c’est la mutation d’un régime professionnel à hebdomadaires, l’enseignement du dessin sera obligatoire un texte consacré à l’enseignement du dessin, il affirme :
un régime vocationnel. Dans ce contexte, la conception à tous les niveaux, sauf en terminale où il sera facultatif. « Il fallait remplacer les difficiles exercices scientifiques
du dessin intuitif va clore le débat entre les partisans du par l’examen direct de la nature et par la représentation de

dessin géométrique à visée utilitariste contre la vision 


Maurice Testard et Georges Battanchon
tous les objets, de toutes les formes vivantes au moyen de
tous les procédés pratiques qui plaisent à l’enfant […] ce
esthétique et l’éducation au goût par le dessin libre. L’art L’École alsacienne sera l’un des premiers établissements que l’on permettait autrefois en fin d’études était conseillé
se comprendra alors détaché de toute règle spécifique, de à appliquer la réforme de Gaston Quénioux grâce à deux maintenant au début des classes »25.
toute hiérarchie des sujets, des genres et des arts. professeurs qui deviendront des fervents défenseurs du
L’enseignement du dessin était fastidieux selon Maurice
dessin libre. Georges Battachon, professeur de lettres
Testard, les enfants apprenaient dès les petites classes le
Cette nouvelle réalité de l’art sera effective dans l’Édu- et Maurice Testard, professeur de dessin et artiste s’acti-
54 • travail de la copie. Cette activité commençait par des
cation nationale avec la réforme de Gaston Quénioux, veront, tous deux, à l’éducation artistique et au dévelop-
comparaisons de grandeurs, des tracés géométriques
professeur de dessin à l’École alsacienne de 1904 à 1908 pement du jugement de goût24. Maurice Testard, artiste
puis se poursuivait par la copie d’ornements d’après des
et à l’École nationale des arts décoratifs à partir de et disciple de Gaston Quénioux lancera une application
estampes, de solides en carton-pâte qui reprenaient des
1909. Le dessin géométrique et le dessin d’imitation, expérimentale de la réforme de l’enseignement du dessin
motifs du Moyen-Âge et de la Renaissance. En dernier
la copie, régis alors par des règles éprouvées que l’élève dans l’enseignement secondaire avec une première classe
lieu, venait la copie des moulages à l’antique, exercice
doit suivre à la lettre, vont peu à peu être remplacés pilote à l’École alsacienne dès 1909. Cette expérience sera
jugé difficile par Maurice Testard pour des élèves qui •
par le dessin d’intuition22. Le dessin libre est enfin lancée également aux lycées Lakanal à Sceaux et Michelet à 55
n’avaient croqué que des formes statiques.
valorisé, il rend «l’école plus attrayante et veille à la Vanves. Il promouvra de nouveaux moyens pédagogiques
Après ce long apprentissage par la copie, l’élève pouvait
formation du goût» tout en développant la curiosité des notamment à l’aide de documents audiovisuels et sera le
se livrer à la représentation d’objets naturels. Une liberté
enfants pour l’art et la nature23. Cette nouvelle conception La classe des élèves de 3eA avec leur professeur de dessin Maurice Testard, 1913-1914.
© École alsacienne, Paris était donnée aux élèves du lycée, ils pouvaient dessiner
Idées modernes. Elle y défend les avantages de la réforme et les principes de la Société de l’Art
22 Gaston Quénioux, « Le dessin et son enseignement en 1906 », dans Neil McWilliam, Catherine à l’École. Charlotte Besnard, « À propos des dessins d’enfants », Idées modernes, vol. II, n° 2, le préau ou le gymnase Charcot pour « mettre à profit
Méneux et Julie Ramos (dir.). L’art social de la Révolution à la Grande guerre. Anthologie de mai 1909, pp. 271-281.
textes sources, Paris, INHA, 2014. Voir également le livre de souvenirs Cinquantenaire de 24 Georges Battanchon était professeur de lettres et poète. Il enseigna au Lycée Henri IV puis
l’École alsacienne 1874-1924, imprimé par G. Desgranschamps, Paris, 1924. à l’École alsacienne avant d’être mobilisé lors de la Première Guerre mondiale. Il est mort à 25 Maurice Testard, « L’enseignement du dessin », Cinquentenaire de l’École alsacienne, Paris,
23 Charlotte Besnard revient sur la réforme de Gaston Quénioux dans un texte paru dans la revue Ypres le 9 novembre 1914. Imprimerie G. Desgrandschamps, Paris, p. 12.
leur connaissance de la perspective »26. Maurice Testard crire sur la feuille de dessin. Cela constitue une approche
revient à plusieurs reprises dans ses écrits sur une inédite de l’art en milieu scolaire qui va bouleverser toutes
anecdote qu’il appelle « l’épisode des melons » où un les habitudes perceptives. Les peintres impressionnistes
inspecteur d’académie, Mr Hirsch, attaché à la méthode seront suivis par une génération d’artistes qui mettront
du dessin géométrique, visite la classes de dessin de la couleur, l’expression et la subjectivité au centre de
Gaston Quénioux, alors enseignant à l’École alsacienne et leurs préoccupations artistiques. Le sentiment qu’il
marque sa surprise de voir que « quelques cucurbitacées, fallait apprendre à voir autrement a été ressenti par les
de couleurs agréables étaient proposées comme modèles contemporains vers 1870-75 et Maurice Testard sera le
d’aquarelle aux élèves »27. Dans une autre classe, c’est le défenseur de cette expérience visuelle où la nature tient
banal chapeau melon du professeur Maurice Testard le premier rôle : « Le plus bel instant de notre leçon,
56 •
qui fait l’objet du cours de dessin, au grand dam de c’est celui que nous consacrons à aller ensemble faire la
l’inspecteur qui fera un rapport sévère de sa visite mais connaissance de notre grande amie, la nature […] »28.
qui sera bien vite annulé par la reconnaissance de cette Le second enseignant impliqué dans cette réforme est
classe pilote de l’École alsacienne. Dans la valorisation Georges Battanchon, professeur de français. Dans la
de cette nouvelle méthode d’enseignement du dessin, même perspective que la sculptrice Charlotte Besnard,
le professeur Maurice Testard précise que la couleur il défend le grand principe de la méthode intuitive. Il

pourra enfin être utilisée dans les dessins. Ainsi, la souligne le besoin de laisser l’enfant s’épanouir et se 57
représentation précise des ombres, de la perspective et révéler en faisant davantage appel à l’observation, à la
du modelé devient subsidiaire. Il s’agit d’abord de peindre créativité et à la spontanéité des élèves :
l’instant présent, à la manière des impressionnistes, de   On est étonné quand on songe à quel point est négligée chez
«
capter les subtiles mutations de la nature et de les trans- les enfants, l’éducation des sens et en particulier l’éducation Salle de dessin de l’École alsacienne, début du xxe siècle,
de l’oeil […] Après que, pendant plusieurs années, l’enfant J. David et E. Vallois. Photographie noir et blanc.
© Collection de l’École alsacienne
26 « Discours de Maurice Testard », Cinquentenaire de l’École alsacienne, Paris, Imprimerie G.
Desgrandschamps, Paris, p. 176. 28 « Discours de M. Testard », Cinquentenaire de l’École alsacienne, Paris, Imprimerie G.
27 Ibid., p. 178. Desgrandschamps, 1924, p. 11.
a pris de mauvaises habitudes de vision, nous cherchons à considération le fait de vouloir faire des humains avant de Le professeur de dessin, Maurice Testard sera, pendant
réformer son jugement ou son raisonnement, qui déjà se
forger des professionnels. Et d’ajouter que la formation la Grande Guerre, à l’origine de la constitution de la
sont établis sur des bases défectueuses que nous aurions
à la sensibilité est inexistante dans les écoles. En partant collection graphique de l’École alsacienne31. Non seule-
dû, dès l’abord, rectifier. Les couleurs, les valeurs et les lignes
pourraient et devraient être nos premiers instruments de l’expression « voir juste », il souligne que le terme fait ment il deviendra l’archiviste de l’École au moment de la
d’éducation »29. souvent référence à l’acte de penser et qu’avant de porter retraite mais il sera l’initiateur des expositions de dessins
Georges Battanchon remarque la dichotomie spécifique un jugement, de se faire un avis, il importe de bien voir et d’enfants ouvertes au public :
qui s’étend dans l’enseignement au xxe siècle. Il souligne donc d’envisager, de scruter et de considérer les choses   Après deux ans d’expérience, une exposition générale
«
avec justesse que seul un terme existe pour signifier sous leurs angles multiples. L’école du regard est donc « la des travaux de nos élèves s’ouvrit à l’École le jour même où
nos classes nouvellement décorées, suivant les principes
un tempérament. À la recherche d’un néologisme base à des jugements justes », elle favorisera une finesse
de l’Art à l’École, étaient inaugurées par M. le sous-secré-
pour signifier le tempérament sensible d’un élève, des sens et permettra le développement de dispositions taire d’État des Beaux-Arts, M. Dujardin-Beaumetz »32.
58 •
il parle de « perceptionniste », « sensationniste » et artistiques. L’éducation de l’oeil s’étendrait par la suite
regrette que le terme « impressionniste » soit déjà à l’ensemble du caractère, selon Battachon, et donc Les expositions de dessins vont se poursuivre à l’École
engagé dans un sens bien particulier, car, selon lui, trouverait un bénéfice très large dans le développement alsacienne et c’est, très certainement avec l’aide de
il conviendrait parfaitement. Il aborde ensuite la de l’enfant : « Tout ce qui rend plus aisée l’opération Mme Rabache, épouse d’un professeur mort sur le
philosophie qui classe par sens, en établissant une de la vision chez l’enfant aura le double avantage de lui champ de bataille et enseignante du dessin de 1914 à
hiérarchie au sommet de laquelle se trouve l’oeil et permettre de voir plus de choses et de les voir mieux »30. 1919, que Maurice Testard va engager ses nombreuses

l’ouïe. Battanchon arrive à la conclusion que la langue Guidé par son expérience d’enseignant et par un lent classes dans la réalisation d’objets, maquettes, dessins, 59
française manque cruellement de termes pour définir décryptage de l’activité des représentations chez l’enfant, tapis, pour l’événement caritatif du 8 juin 1916. Tenu au
la sensibilité d’un individu, ce qui se traduit, selon lui, Georges Battanchon œuvrera, avec son collègue Maurice gymnase Charcot pour venir en aide aux enfants des pays
Georges Sauerwein, La classe de dessin, autour de 1915, aquarelle.
par le manque d’attention à la question de la sensibilité. © École alsacienne, Paris
Testard, au développement de l’imagination créatrice des envahis, ce type d’événement caritatif sera renouvellé
Le professeur de lettres souligne l’urgence de prendre en élèves de l’École alsacienne.
31 Maurice Testard est l’auteur d’une « histoire anecdotique préfilmée » de l’École alsacienne.
Maurice Testard, Une belle école. Histoire anecdotique préfilmée de l’École alsacienne, Paris,
Vigot Frères éditeurs, 1950.
29 Citation de Georges Battanchon, « L’éducation de l’œil chez l’enfant », paru dans le Journal 30 Georges Battanchon, « L’éducation de l’œil chez l’enfant », Journal des artistes, n° 11, 21 mars 32 « L’enseignement du dessin », Cinquentenaire de l’École alsacienne, Paris, Imprimerie
des artistes, n° 11, 21 mars 1909, non paginé. 1909, non paginé. G.Desgrandschamps, 1924, p. 180.
chaque année jusqu’à la fin de la guerre. Maurice Testard des boiseries et des encadrements de fenêtres par à l’École alsacienne pour favoriser le développement Wilmotte à l’École alsacienne, un artiste contemporain,
travaillera vers un plein engagement pour une éducation un « vert mousse » foncé offrant le double avantage d’une éducation artistique, et cela, dès 1909. Pascal Convert, va poursuivre l’investigation sur le dessin
de n’être ni sombre, ni salissant. Il orna les murailles
de l’oeil de ses élèves ; non seulement il sera le premier à La collection graphique de l’École alsacienne témoigne d’enfant35. De 1996 à 2001, l’artiste réalise des installations
de frises légères exécutées au pochoir, tantôt en
mettre en application la méthode du dessin libre dans une bordures du plafond tantôt en cimaises : ici, dans une parfaitement de cette situation académique. Malgré le fait à partir de dessins d’enfants de la maternelle, à l’âge ou
école parisienne mais il ira plus loin dans cet engagement classe enfantine, ce sont des lapins blancs guettant que les dessins des élèves de l’École alsacienne aient été se côtoit encore figuratif et abstraction36. S’intéressant
en entreprenant, dès 1909, année de la réforme Quénioux, des papillons mauves dans des choux ; là, des écureuils réalisés sept années après la mise en place de la Réforme autant au processus qu’au résultat, Pascal Convert filme
sautant de branche en branche au milieu des grappes
la décoration des salles de classe des Pavillons Auburtin, Quénioux, en 1916, pour une vente caritative au profit des les plus jeunes enfants de la maternelle dessinant. Quatre
d’une vigne, ou bien des enroulements continus de
pavillons toujours utilisés comme salles de classe. Dans lauriers fleuris, de Jasmin de Virginie, des guirlandes de enfants de pays envahis, nous observons la confrontation dessins ont été installés au plafond de la loge d’entrée du
un article paru dans la revue L’Art décoratif, un membre des houblon d’Alsace retombant entre des pots de géraniums de deux types de dessins. Le dessin intuitif où l’enfant 109 rue Notre-Dame-des-Champs, au plafond du gymnase
Éditions de Boccard raconte la visite du sous-secrétaire stylisés, des envolées de cigognes de Strasbourg, etc. »34 est parti de son imaginaire propre et le dessin d’imitation 2000 et sur les murs du théâtre Pierre-Lamy.
60 •
d’État des Beaux-Arts, Mr Dujardin-Beaumetz à l’École En plus de cette décoration murale, Maurice Testard avait dans lequel l’élève a cité, parfois de manière très précise, La première étape du travail de Pascal Convert consiste
alsacienne33. L’auteur souligne que l’École alsacienne complété son programme en ajoutant sur les murs des la presse de l’époque ou d’autres dessins d’illustrateurs à filmer les enfants dans leurs actes graphiques. Ensuite,
fut le premier établissement secondaire à installer des estampes de la série Les Aspects de la nature, des paysages célèbres, tels Hansi et Louis Forton. Les nombreuses il analyse le processus graphique en faisant ressortir un
fresques dans les salles de classe pour « stimuler l’oeil de Henri Rivière, des reproductions d’œuvres d’art sources visuelles identifiées dans les journaux de l’époque certain nombre de paramètres : la forme, la couleur, la
des élèves ». Un nouveau pas est franchi en direction de canoniques et des copies de bustes d’artistes italiens de la attestent bien de la présence forte du dessin d’imitation vitesse d’exécution et l’ordre d’apparition. Après cette
l’éducation humaniste et citoyenne où l’art, envisagé Renaissance, Donatello et Della Robbia. La photographie mais on imagine également très bien la grande liberté que étape minutieuse, un modeleur 3D va placer ces tracés

en lui-même, se présente comme l’éducation à un de la classe de dessin témoigne bien de cette présence de laissait Maurice Testard à ses élèves, en les encourageant enfantins dans un espace virtuel à trois dimensions. 61
jugement spécifique, au goût et au jugement esthétique. nombreux bustes de plâtre. Cette pratique répond aux à former, à partir de leur esprit, leur propre vision de la L’artiste pourra ensuite choisir les différents points de
  Dans toutes ces classes Maurice Testard, en effet, avait
« voeux de Félix Ravaisson de voir les écoles acquérir des guerre. vues que lui offrent ses gribouillis informels si puissants.
fait revêtir les murs d’un ton de peinture vert d’eau, copies afin d’initier une éducation artistique. C’est donc
puis remplacé la teinte administrative «  chocolat  »
bien toute une politique pédagogique qui est mise en place 
Native drawing de Pascal Convert
35 Le 1% est un dispositif créé en 1951, qui consiste à consacrer, à l’occasion de la construction
d’un bâtiment public, un financement représentant 1% du coût des travaux.
36 La première installation est constituée de dessins sur verre à Tokyo dans les locaux du siège
Plus récemment, en 2000, dans le cadre de la politique social de la compagnie Obayashi. Des dessins muraux suivront de mars à septembre 2000 sur
33 «E. De Boccard, « Les premières essais de décoration scolaire à Paris à l’École alsacienne », les murs des salles d’expositions du FRAC d’Amiens et de manière plus permanente dans les
L’art décoratif, Janvier 1909, p. 31-35. 34 Ibid., p.32. du 1% artistique et lors de la construction du pavillon locaux de l’École alsacienne à l’automne 2000.
Ainsi, l’opération double de conversion murale et
numérique que réalise Pascal Convert dans l’espace de
l’École alsacienne s’inscrit pleinement dans la mouvance
de ces précurseurs du dessin libre qu’étaient G. Battanchon
et M. Testard. Le gribouillage est devenu un ruban de
couleurs qui met en perspective le geste graphique des
enfants. Le tracé dansant des couleurs vives nous fait
vivre l’enthousiasme des enfants et l’énergie de leur corps
dessinant. Comme si l’intérêt porté par les pionniers du
dessin libre, au début du xxe siècle, trouvait un second
62 • Pascal Convert, Native drawings, fresque, 2000.
souffle en ce début de xxie siècle. © École alsacienne, Paris


Un laboratoire des arts
Les relations entre l’éducation de l’œil et l’intérêt
porté aux dessins d’enfant passent par la compré-
hension de plusieurs éléments. Que nous apprennent

les représentations des dessins d’enfant ? Ils ont 63
d’abord été identifiés comme un signe de génie dans
l’enfance d’un artiste reconnu par le monde de l’art
Pascal Convert, Native drawings, fresque, 2000.
comme un pionner, puis ont servi la glorification d’un © École alsacienne, Paris
idéal artistique avec le romantisme. Souvent qualifiés
de gribouillages lorsqu’ils ne sont pas suffisamment
figuratifs, les dessins d’enfant rencontrent une première
forme d’enseignement dans le milieu scolaire avec le enfants, des adolescents et des jeunes adultes. De la
dessin géométrique. C’est avec la période couvrant la IIIe peinture à l’installation, en passant par la sculpture en
République que se met en place un principe de décons- bronze, la gravure, l’aquatinte ou la fresque, l’École s’est
truction des valeurs canoniques de l’art par l’art moderne. affichée comme un fervent laboratoire des arts37.
La transgression des canons académiques de la repré-
sentation par l’impressionnisme trouve un pendant
dans le milieu scolaire avec la réforme Quénioux où le
dessin d’enfant va rencontrer une certaine autonomie.
Pionnère dans cette nouvelle méthode d’éducation
artistique, l’École alsacienne a été un établissement
64 •
scolaire d’avant-garde en mettant en place une expéri-
mentation de la réforme et en s’investissant dans
les décorations scolaires par les fresques réalisées
par le professeur Maurice Testard en 1909. Depuis,
l’École s’est cons-tituée une importante collection
d’oeuvres d’art et a poursuivi son investigation du Élèves jouant sur le banc de Pablo Reinoso, photo Rodrigo Reinoso.
© École alsacienne, Paris

dessin d’enfants. De sa création en 1874 à aujourd’hui, 65
elle a commandé des oeuvres aux artistes. De la
collaboration de plusieurs d’entre eux dans le cadre de
la construction de nouveaux bâtiments, à la conception
in situ d’oeuvres d’art, des artistes aussi reconnus par
le monde de l’art que Pascal Convert et Pablo Reinoso 37 Pour un répertoire complet des oeuvres de l’École alsacienne, voir le site web, L’art pour
Tous, réalisé par des élèves de la classe de « Seconde Patrimoine »  : http://aaufan.wixsite.com/
ont participé à la confrontation heureuse de l’art et des artpourtous
Les dessins
de l’ÉcoleFiches des dessins
1914
1918

alsacienne
Le soldat pillard
Texte rédigé par les élèves
Charles Bajot, Sabrina Camilleri, Jade Dubois
et Ophélie Rus.

68 •


69

Le pillard allemand
Georges Bloch, élève de 1909 à 1916
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 24 x 32 cm
Technique : aquarelle et encre noire sur feuille de dessin
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Le soldat pillard par le cadre doré, disposé en travers du mur. Dans le com- Dans une autre image de presse, nous retrouvons l’accumulation
et l’incongruité des objets, avec un soldat allemand croulant
mentaire ajouté par l’élève, on s’aperçoit que le soldat est sous le poids d’un piano, d’un perroquet, d’une balance décorative,
 « Ach mein Gott !! J’aurai la croix de fer, fier de ses vols et qu’il sera récompensé pour son butin. de vêtements et d’un carton à chapeau.
Le ridicule de la situation est accentué par la comparaison
j’ai pris à moi seul toute une batterie en cuivre ! » avec le soldat français qui oppose au choix allemand une stratégie
militaire rationnelle en réquisitionnant des armes.

Dans ce dessin, le personnage du soldat allemand est Le thème du pillage est un sujet de propagande très développé
dans la presse quotidienne.
représenté dans le couloir d’une maison à l’allure bour- Nous pouvons le voir dans cette oeuvre d’Hansi, dessinateur alsacien, Carte postale couleur, 9 x 14 cm
Éditeurs Lebègue, Paris.
datée de 1915. Hansi était très connu à l’École alsacienne.
geoise. Le cadrage du dessin est assez serré, le soldat © Droits réservés.
Son dessin montre également un soldat allemand qui accumule sur
allemand apparaît en gros plan de manière imposante. Il son dos tout un mic-mac d’objets hétéroclites.
L’effet comique du dessin est accentué par l’incongruité des objets
avance d’un pas décidé avec tout un ensemble d’objets représentés : une horloge imposante, un parapluie, des bottines
70 • féminines et une cafetière.
qui paraissent étrangers au paquetage traditionnel du
L’élève Georges Bloch semble faire des citations visuelles
soldat. Derrière l’humour de la formule, les éclabous-
de ces deux images, notamment par le motif du manteau
sures de sang sur son manteau et ses bottes, de même
long du soldat allemand, le « cache-poussière ». Le texte
que les deux mains coupées qui pendent le long de
d’un des dessins appuie bien la différence de vision du
son manteau, évoquent la violence du pillage. L’élève
pillage : « Ce qu’ils volent, ce que nous prenons ». Les Al-
expose ici une caricature assez farouche du soldat
lemands sont assimilés à des voleurs alors les Français •
allemand assimilé à un barbare. Son visage arrondi 71
récoltent les armes et constituent un butin de guerre effi-
est représenté avec une petite moustache. Il est san-
cace et légitime.
guinaire et pille n’importe quoi en emportant des objets
inutiles comme un balai. Si l’on cherche à faire un inven-
taire de ces objets, on y trouve un plumeau, plusieurs Carte humoristique
patriotique,
casseroles, un chapeau féminin et une boîte en carton. Le dessin signé Hansi, 1915.
Éditions Klein & Cie, Épinal.
caractère dévastateur du pillage est évoqué dans le dessin © Droits réservés.
La Liberté Ce dessin est une figuration satirique des pillages et

éclairant le monde destructions attribués à l’armée allemande. L’élève


Courtial représente ici une scène d’extérieur avec trois
Texte rédigé par les élèves personnages, trois sujets allemands. Le lieu a été identifié
Luca Sala, Joséphine Despres, Rebecca Morel-Maroger, comme étant le Jardin du Luxembourg, reconnaissable
Divine Legre, Stéphanie Zahlan de Cayetti,
Ramzi Abouchalache, François Ballet et Baptiste Gibrat. aux grilles, et où se trouve une copie, à taille réduite,
de la Statue de la Liberté de Bartholdi. Au centre de la
composition, un soldat allemand, de profil, porte la torche
de la Statue de la Liberté qui n’émet plus de lumière mais
une sombre fumée ; il est positionné sur le piédestal de la
72 •
statue, il tient une baïonnette dans la main gauche et mime
la marche au pas de l’oie. Affublé d’un casque à pointe,
d’un nez proéminent et d’une paire de lunettes, son port
de tête marque une détermination au même titre que sa
position. Le casque du soldat est un Pickelhaube, un casque
utilisé par l’armée allemande pendant la Première Guerre

mondiale. La pointe du casque devait protéger les soldats 73
des coups de sabre de la cavalerie. Le soldat est un fantassin.
L’architecte de la Statue de la Liberté, Auguste Bartholdi,
est alsacien. Cet élément peut être interprété comme La Liberté éclairant le monde
une façon d’appuyer l’humiliation qu’imposeraient les Jean Courtial, élève de 1910 à 1918
Année de réalisation  1915-16
Allemands s’ils gagnaient la guerre. Mais plus encore, Le Dimensions : 24 x 32 cm
Technique : aquarelle et encre noire
personnage central fait référence au Kunstoffiziere, cet Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
officier d’art placé sous l’autorité militaire allemande du bronze ! ». Il constate la destruction de la statue et Avec le dessinateur Mass’Beuf, nous découvrons cette figure de l’espion
allemand sous les traits du voyageur de commerce. Il est généralement
dans le cadre du Kunstschutz, la commission d’art qui comprend la valeur du matériau. En fait, il ne s’agit pas représenté avec une paire de petites lunettes rondes, un chapeau
avait la responsabilité de préserver les collections d’art d’un simple passant mais bien de l’espion allemand caché tyrolien avec une plume et vêtu d’un imperméable souvent de couleur
noir ou vert.
publiques et privées des régions occupées. Les travaux des sous les traits du commis voyageur. Mass’Beuf est un illustrateur marseillais, il publie en 1900 un recueil
de caricatures des personnalités de Marseille, De viris illustribus
commissaires répondaient à un double objectif : sauver Massiliae. Durant la guerre, il publia deux séries de cartes postales
les œuvres en danger et s’approprier un territoire par Ce dessin est une charge contre l’ennemi qui est défini contre les Allemands, ainsi qu’une série humoristique, Les zeppelins
sur Marseille.
l’inventorisation de son patrimoine. comme un pilleur et un barbare. Au-delà de la destruction
matérielle, la fonte de la statue du Jardin du Luxembourg, Dessin de Mass’Beuf.
Édition GIP, Marseille-Paris
Le personnage de droite nous apparaît comme un enfant rappelons-le, une allégorie de la liberté, constitue une © Droits réservés.

du jardin du Luxembourg, il semble avoir stoppé ses disparition symbolique violente par rapport à la quantité
74 •
jeux pour venir constater la destruction de la statue. dérisoire de métal récupéré. Il faut pourtant nuancer
Il est installé dans un youpala et, sur son tablier rouge, ici notre propos. La fonte des statues par les Allemands
nous pouvons lire les termes de “Mit uns”. Cela fait durant la Première Guerre mondiale a été relativement
référence à la devise militaire du Kaiser, “Gott Min faible. Bien que l’alliage d’étain et de cuivre qui compose
Uns”, « Dieu avec nous ». Depuis 1701, c’est la devise le bronze ait pu servir à l’industrie de l’armement, très peu
de la maison royale de Prusse et une composante des de statues ont été détruites. Ce dessin montre, de manière

emblèmes militaires. Il s’agit donc de la représentation frappante, que l’éventualité de l’occupation de Paris par 75
Chez Hansi, le dessinateur alsacien, bien connu des élèves,
d’un enfant allemand. Il apparaît chétif voire déficient. les Allemands, comme en 1870, est présente dans l’esprit nous avons identifié un double dessin humoristique mettant en scène
ce même commis-voyageur. On peut supposer que l’élève Courtial
Sur le bord latéral gauche, nous observons le personnage des enfants. connaissait le dessin de Hansi car il représente son personnage vêtu
du même manteau de couleur verte et du même chapeau décoré
le plus intéressant de la scène. Sans regarder le spectateur,
d’une plume.
il l’interpelle à la manière d’un admoniteur avec sa main p Après la guerre, l’auteur du dessin Jean Courtial, devient
pointée vers l’amas de bronze, au pied du socle. L’élève polytechnicien et cancérologue, il est directeur de l’Institut Avant la bataille de la Marne, Après la bataille de la Marne
Double dessin de Hansi, 1915. Page d’Alsace.
Courtial a écrit près de son visage : « Mein Gott !! C’est Curie à Paris de 1950 à 1966. © Photo et coll. BNU, Strasbourg
La main coupée Les peurs et les craintes infantiles se cristallisent dans un
motif essentiel du début du xxe siècle. Largement relayé
Texte rédigé par les élèves
Emma Ratanavanh, Nathalie Levinton par des dessinateurs tel que Poulbot, cette thématique
et Mia Paola-Manca, Johanna Charpentier, visuelle effrayante démontre le caractère parfois excessif
Manon Fitzpatrick, Anne-France Coulon
de l’information. À l’École alsacienne, un motif qui a été
et Ninotchka Hood.
relayé largement par la communauté des élèves est le
thème de la main coupée. Dès août 1914, la presse anglaise
rapporte qu’en Belgique, les soldats allemands coupent
les mains des enfants afin qu’ils ne deviennent pas de
futurs soldats et donc des ennemis potentiels. Ce thème
76 •
renvoie à un mythe de la guerre franco-prussienne et à la
propagande faite autour de la barbarie des Allemands. En
1918, ce motif fait encore l’objet de la première page du
journal Le Rire rouge.

À partir de septembre 1914, les médias britanniques



diffusent le récit de violences extrêmes commises par les 77
soldats allemands sur les civils en France et en Belgique.
Cette propagande sert alors la cause du recrutement
des soldats britanniques. Le mythe de la main coupée
a été l’une des histoires morbides associées à la cruauté
allemande. La première version de cette histoire est La main coupée Dimensions : 22 x 30 cm
Charles Willm, élève de 1912 à 1919 Technique : aquarelle et encre noire
publiée dans le Sunday Chronicle, le 2 mai 1915. L’article Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
retrace le récit de la visite d’une femme de l’aristocratie Dans cette même recherche d’authenticité du récit, Lord
britannique dans un camp de réfugiés belges. Elle Northcliffe, grand patron de presse, propriétaire du pre-
relate son effarement lorsqu’elle entend une petite fille mier grand journal populaire, le Daily Mail, offre 200 £
demander à sa mère de lui moucher le nez et qu’elle voit pour toute personne qui pourra présenter une photo-
la mutilation subie et les extrémités des bras de la fillette graphie de civils mutilés. À partir de 1916, Lord Northcliffe
amputés de leurs mains. est chargé de missions officielles de propagande pour le
gouvernement britannique.
L’ouvrage du major A. Corbett-Smith, The Marne and
after (1917) véhicule ce type de fausses informations sur Tout au long de la guerre, de nombreuses cartes postales

78 •
les violences perpétrées par des soldats allemands.
Cet officier travaille pour le bureau de la propagande
et articles de presse reprennent cette construction
morbide. Cette carte postale bilingue, postée en France,
1 SOURCE
britannique et raconte, en date du 26 août 1914, une semble directement adressée aux enfants. L’image prés-
MANQUANTE
contre-attaque victorieuse où il relate les traces de ente une effraction avec la vitre brisée et la stupéfaction
violences de l’armée allemande. Son récit fait état d’une petite fille qui découvre sa poupée et son ourson
d’une fillette pendue dont les mains ont été coupées. mutilés. Ces cartes postales contribuaient à propager la
rumeur de la brutalité allemande et légitimaient, par la

La même année, un correspondant de United Press, même occasion, les campagnes militaires des Alliés. 79
William Shepherd raconte qu’il était en Belgique Carte postale bilingue,
Lafayette, série 36, Imprimerie J. Amiral, France, 1916
lorsque les premières histoires de la violence guerrière © Droits réservés.

des Allemands circulaient. Il se dit prêt à offrir une


somme d’argent à quiconque ramènera une photo-
graphie d’enfants mutilés : « offered sums of money for Dis, maman, la guerre, c’est donc contre les petites filles ?,
Dessin de Poulbot, Le Rire Rouge, 23 février 1918, n° 171, page couverture.
photographs of children whose hands had been cut off… ». © Droits réservés.
Si des photographies ne furent jamais publiées faute de En 1918, Georges Bellows réalise une série de lithographies et peintures,
War Series, qui reprennent les récits des Alliés sur les atrocités
réels témoignages, des peintres ont pallié ce manque perpétrées par les Allemands lors de l’invasion de la Belgique.
de documents visuels en réalisant ces scènes macabres. La série comprend 5 peintures de grand format, 20 lithographies et 42
dessins.
Diaboliser l’ennemi par une propagande visuelle efficace Dans le tableau Les Allemands arrivent, le centre de la composition
est organisé autour de la mutilation d’un civil. Deux personnages, des
tel est l’enjeu premier de l’oeuvre Les Allemands arrivent soldats allemands maintiennent fermement un homme dont
du peintre américain Georges Bellows. les mains ont été tranchées par une épée. La blancheur de son torse nu
contraste violemment avec les tâches écarlates de sang. Au centre,
sur le sol, gît une main coupée presque monstrueuse par son volume.
Au premier plan, un corps de femme est étendu sans vie
L’aquarelle de Charles Willm illustre les méfaits de soldats alors qu’à l’arrière plan, à gauche, des soldats attaquent des femmes.
allemands ivres et endormis dans une maison, après qu’ils Si Georges Bellow représente très crûment la guerre et les agissements
des ennemis, il semble familier de ces motifs macabres.
ont tué la mère et coupé les mains de l’enfant. Alors que
80 •
l’âtre rougit la marmite, l’élève a pris soin de figer dans le
temps son histoire avec le réveil déposé sur la cheminée
qui indique quatre heures. Dans le coin de la pièce, deux
témoins, les portraits du père et du fils en uniforme, ont
assisté, impuissants, au massacre.

Georges Bellows, Les Allemands arrivent, 1918. Huile sur toile, 125,7 x 201,3 cm.
© National Gallery of Art, Washington.
Les atrocités allemandes Le dessin de Jean Bruller représente l’attaque violente
de l’armée allemande dans un village. Si l’on s’attarde
Texte rédigé par les élèves
Johanna Charpentier, Manon Fitzpatrick, sur les détails, nous observons un répertoire morbide
Ninotchka Hood, Anne-France Coulon, des violences faites aux civils, un exemple de fureur
Éléonore d’Espinose de la Caillerie, Nathalie Levinton.
guerrière. Le caractère violent de la représentation est
immédiatement visible. Au premier plan, le soldat alle-
mand, reconnaissable à son casque, agrippe un enfant
dont il a coupé la main et d’où le sang coule à flot. C’est
ici encore une fois, le mythe de la main coupée qui est
figuré. À côté, un autre soldat allemand est représenté sur
82 •
le point de frapper de la crosse de son fusil un vieillard
de dos qui ne semble pas avoir pris conscience de sa
présence. Toujours au premier plan, sur le bord inférieur
droit du dessin, un troisième soldat bat à mort un civil
déjà au sol, baigné dans son sang. Au deuxième plan,
notre regard rencontre le motif de la maison incendiée,

incendie supposément déclenché par les soldats et 83
d’où jaillissent d’une fenêtre des flammes à l’aspect
démoniaque. Le rouge expressif utilisé ici est un symbole
de la barbarie allemande. Devant la porte de cette maison
en feu, une femme est poussée avec violence par un soldat
allemand. Le détail des atrocités continue puisque nous Les atrocités allemandes Dimensions : 24 x 32 cm
Jean Bruller, élève de 1910 à 1921 Technique : pastel et crayon sur feuille
observons deux femmes tirées de force par des soldats en Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
direction de la maison qui sert de bûcher. À l’arrière-plan, vieillards faibles et sans défense. Ils brisent ainsi les codes Ces images montrent donc les violences faites aux civils et
nous remarquons un peloton d’exécution sur le point de de l’humanité et les principes d’honneur de la guerre. stigmatisent cruauté et barbarie des troupes allemandes,
fusiller cinq civils à genoux. La monstruosité des soldats, la violence de leurs actes assimilées à des hordes de barbares. Les enfants, nourris
témoignent de leur déshumanisation et du regard négatif par les images et les actualités des journaux, sont plongés
La palette de couleur sombre et orangée traduit une prise que porte l’élève sur eux. Il semble animé d’un sentiment dans une réalité sanglante, qui les pousse à développer
de conscience de la gravité et de l’horreur des événements de haine envers des ennemis allemands à la face une maturité précoce : ils perdent une facette de leur
par les jeunes enfants et adolescents. Cette variété de inhumaine et démoniaque. Ces dessins réalisés par les innocence.
couleurs se retrouve dans d’autres dessins du corpus, enfants dans un cadre scolaire pendant la Grande Guerre
notamment dans une bataille navale. L’utilisation du nous montrent donc à la fois les visions personnelles
rouge renvoie au sang versé et à la cruauté de l’armée qu’ils avaient de la guerre, mais aussi leur adhésion plus
84 •
allemande. On observe une description physique péjo- ou moins consciente au discours patriotique de l’époque ;
rative des soldats allemands. Ces derniers sont soit en effet, tous les grands thèmes de la propagande que l’on
représentés avec une forte corpulence soit avec une peut trouver dans la presse pour adultes sont abordés ici.
figure imposante, voire bestiale, sans expression hu- Les enfants semblent imprégnés de la culture de guerre
maine. Les civils français et notamment les personnages qui s’est installée dans la plupart des pays belligérants
féminins ont un visage déformé par la peur qu’ils dès la fin de l’année 1914, dans la perspective d’une

éprouvent et par l’horreur dont ils sont victimes. guerre longue. La presse, censurée, y joue le plus grand 85
rôle en diffusant une propagande patriotique propre à
La caricature de l’ennemi est précisément mise en avant. conditionner l’opinion et à lui faire soutenir l’effort de
Ici, les soldats allemands sont qualifiés implicitement de guerre. Cela donne aux peuples belligérants la conviction p Jean Bruller est un écrivain français, connu sous le nom
lâches puisqu’ils s’attaquent à un village où les soldats que la guerre est juste, qu’elle est une guerre de défense de résistant Vercors. Il est l’auteur du Silence de la mer (1942),
Kaiser and his U-boat,
français sont absents : c’est donc par pure barbarie qu’ils de la civilisation contre la barbarie. publié clandestinement durant l’occupation par les Éditions Affiche de 1917.
© University of North
s’en prennent à des civils innocents, femmes, enfants et de Minuit qu’il a fondées. Texas, Digital Library.
La paix rêvée
Texte rédigé par les élèves
Charles Bajot, Sabrina Camilleri, Jade Dubois
et Ophélie Rus.

86 •


87

La paix rêvée
Jacques Vis, élève de 1912 à 1917
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 24 x 32 cm
Technique : aquarelle
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
La paix rêvée Alors que dans le dessin de Hansi, le jaune domine, le s’il est l’élément central du premier plan chez Hansi, est
chromatisme du dessin de Jacques Vis contraste par une relégué au statut de détail chez Jacques Vis. Le volatile de
Dans ce dessin aquarellé, l’élève Jacques Vis représente bichromie en rouge et noir. Hansi, symbole de fécondité, du printemps et du retour
un village alsacien et un paysage au crépuscule. La des naissances, est remplacé par un oiseau mécanique
structure à colombages des maisons, les coiffes des dans le dessin de Jacques Vis, l’avion civil et le retour à la
femmes alsaciennes et la cigogne représentée à droite paix. La construction est particulièrement intéressante
nous informent du contexte géographique. C’est surtout par le hors cadre que réalise l’élève avec la représentation
un retour à la paix avec les villageois qui reprennent de l’église sur le bord droit du dessin.
possession de leur territoire. Le plus important dans ce
dessin est la relation entre la population et l’aéroplane
88 •
que l’on peut voir dans le ciel. En effet, les habitants du
village n’ont plus peur de sortir, ils ne se cachent plus
et font de grands signes à l’avion. L’atmosphère n’est
plus à la destruction. Ce motif du paysage alsacien est
Le village alsacien
tiré d’une illustration du célèbre dessinateur alsacien, Dessin de J. J. Waltz dit Hansi , 1918.
© Droits réservés.
Hansi.

Mais s’il s’agit d’une mise en valeur nationale chez La citation que fait Jacques Vis du dessin de Hansi est fidèle 89
Hansi, l’élève Jacques Vis détourne les codes picturaux par les motifs. L’élève s’approprie le sujet du village alsacien
en y ajoutant un surplus de signification, un message pour en transformer le message à travers le dispositif
d’espoir par le motif du retour de la paix. Jacques Vis choisit figuratif. Alors que la ligne d’horizon est extrêmement
le format portrait plutôt que le format paysage d’Hansi. haute chez Hansi, l’élève Jacques Vis consacre la moitié
La palette de couleurs a été modifiée, l’élève accentue les de son paysage au ciel, la ligne d’horizon est recentrée.
couleurs chaudes et marque sa dominante par le rouge. Le motif de la cigogne, emblème alsacien par excellence,
Janus à double figure
Texte rédigé par les élèves
Lucas Sala, Ethan Scemama, Adrien Hoppenot,
Loïck Seite.

90 •


91

Janus à double figure


Jacques Labat de Lambert, élève de 1912 à 1916
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 21,5 x 25,5 cm
Technique : aquarelle et encre noire
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Janus à double figure offre un bouquet à un personnage féminin, une italienne
Rollin Kirby, dessinateur de presse américain, premier prix Pulitzer
dans la catégorie caricature est connu pour son travail au New York
World. Il fait paraître, en 1916, un dessin macabre qui pousse
identifiée comme Hélène de Monténégro, épouse du
à son extrême la signification de Janus, non plus gardien des portes
Janus avait double figure… roi d’Italie Victor Emmanuel III. Il est fait allusion aux de la paix ou de la guerre mais gardien de la folie des hommes.
Le double visage est devenu un crâne bicéphale déversant des flots
Le kolbach : Si vous ne nous obéissez pas, hésitations de l’Italie, alliée de la Triplice, qui n’honore de cadavres sur les champs de bataille de Verdun. Cet affrontement
n’ayant plus dans le camp allemand comme dans le camp français
nous vous canonerons /sic/. pas ses engagements en 1914. L’Italie entre en guerre aux
qu’un but ultime, la désolation.
La Casquette : Nous vous donnerons Trieste et le Trentin. côtés des Alliés le 23 mai 1915.
(D’après Edmond Rostand 1)
Verdun
Rollin Kirby, dessin paru dans le New York World, 1916.
@ Droits réservés
Par la double figure de Janus, cette allégorie représente
les grandes alliances militaires et les choix de guerre
92 • ou de paix. Pour les Romains, Janus était le dieu des
commencements et des fins, des choix, du passage et
des portes car il avait le pouvoir d’ouvrir les portes de
la guerre ou de la paix. Les portes du temple de Janus
étaient fermées à Rome en temps de paix. « Janus
En décembre 1915, parait dans Le Rire Rouge, une image similaire au dessin
bifrons » est un personnage à deux visages, l’un étant de notre élève : un Janus britannique avec le double visage de Kitchener,
secrétaire d’État à la guerre et de Lloyd Georges, ministre des munitions.
tourné vers le passé et l’autre vers l’avenir. Dans le Les deux hommes sont ici unis sous la sauvegarde de Britannia. Kitchener porte •
un soldat dans la main pour évoquer le rôle crucial qu’il a joué pour encourager
93
contexte de la Grande Guerre, cette double figure en
les jeunes hommes à s’engager. C’est même son visage qui interpelle les recrues
grand uniforme condense deux officiers de la Triplice : potentielles sur les affiches de propagande de l’armée. La conscription n’est
établie au Royaume-Uni qu’en 1916. Lloyd Georges incarne l’autre facette
Franz Conrad von Hötzendorf, le chef d’État-major de de l’effort de guerre, la production en masse de l’armement. Ces deux lions
britanniques terrassent l’aigle germanique afin d’ouvrir les portes de la paix.
l’armée d’Autriche-Hongrie et Erich von Falkenhayn, chef
d’État-major de l’armée allemande. Ce corps bicéphale
Le Janus britannique paru dans Le Rire Rouge, 4 décembre 1915.
© https://www.alamyimages.fr/
1 L’allusion à Edmond Rostand dans le titre fait référence à la scène 7 de l’acte III de Cyrano de Ber-
gerac où Christian/Cyrano, Janus amoureux, fait la cour à Roxane.
Les restrictions
en temps de guerre

94 •


95

Les restrictions en temps de guerre Dimensions : 22,4 x 14 cm


Jacques Labat de Lambert, élève de 1912 à 1916 Technique : dessin au crayon
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Les restrictions casque allemand. Dans cette représentation, on observe Ici, un dessin de Ricardo Flores, publié dans la revue Le Rire Rouge,

en temps de guerre un bel effet de perspective avec les poutres du plafond.


le 08 avril 1916, nous présente un soldat allemand émacié ajustant
sa ceinture alors que le titre nous annonce que la Grande-Bretagne
resserre le blocus. Ce dessin fait explicitement référence aux privations
L’élève organise son dessin sur deux registres, texte et
futures des Allemands.
Texte : (d’après un correspondant particulier) image ; il apporte une compréhension au contenu de
On mande de Berlin. Que le Cron-prinz aurait proposé son dessin avec le commentaire établi en dessous. Cette
à son père de mettre les tailles fines à la mode afin thématique de la ceinture ajustée se trouve répétée sur la
de restreindre l’appétit de ses gracieuses sujettes ; partie gauche du dessin avec le personnage du cordonnier
quant aux hommes, les bretelles seront supprimées ajoutant de nouveaux oeillets à un ceinturon. Le motif
et remplacées par des ceinture étroites... de la restriction se rencontre à maintes reprises dans les
96 • dessins de presse.
L’élève Jacques Labat de Lambert choisit ici de se
posi-tionner en correspondant de guerre qui rend
compte des restrictions imposées à la population en
représentant l’intérieur d’une auberge allemande. Sur
Germania, paru dans La Baïonnette, n°146, 18 avril 1918,
la gauche, nous apercevons un cordonnier perçant des p L’élève Jacques Labat de Lambert est l’un des garçons Dos réalisé par Lucien Métivet.
© Droits réservés
trous dans une ceinture. Au centre, un officier resserre les plus actifs dans la représentation des thèmes de la guerre. •
97
le corset d’une femme allemande. L’élève apporte Il est en quatrième lors de la réalisation du projet de Maurice
une dimension comique à son dessin par le personnage Testard, pendant l’année scolaire 1915-1916. Nous avons
masculin qui appose son pied sur le postérieur féminin conservé cinq dessins de cet élève dont un seul représente
afin de se donner une prise pour l’ajustement du corset. la violence de l’affrontement, les autres ayant une tendance L’Angleterre resserre le blocus,
Dessin de Ricardo Flores paru dans Le Rire Rouge, daté du 08 avril 1916.
Le personnage féminin ne peut s’empêcher de souffler politique : Les restrictions en temps de guerre – Une © Droits réservés

fortement pour l’effort demandé. Cette dame opulente, scène d’affrontement – Les accords turco-allemands – La
peut-être une caricature de Germania, est coiffée d’un perplexité du kaiser – Janus à double figure.
L’offensive du 3e régiment
des zouaves
Texte rédigé par les élèves
Hadrien Delapalme, William Zederman et Henry Robert.

98 •


99

L’offensive du 3e régiment des zouaves Dimensions : 31 x 21,5 cm


Olivier Duchemin, élève de 1912 à 1919 Technique : pastel et crayons
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
L’offensive du 3e régiment évidence par l’assaut à la baïonnette ; à l’arrière plan, une bataille sanglante et sans pitié, à la gloire de l’armée
des zouaves les soldats allemands tentent de contenir l’ardeur des française. Nous pouvons effectuer un rapprochement
zouaves. On peut constater que la bataille est brutale avec l’illustration d’un journal de l’époque, L’imagerie
Les militaires venus des colonies ont été nombreux à grâce au sang qui jaillit, à la position des corps, et parfois nouvelle, figurant la Bataille de Wissembourg, première
combattre aux côtés des soldats français durant le premier même aux expressions de certains visages. On remarque bataille de la guerre franco-prussienne en 1870, en Alsace.
conflit mondial. Ces engagements ont pris des formes que les soldats allemands sont en déroute puisque les Des similitudes dans la gestuelle des soldats, telles que
différentes selon les origines et les motivations de ces soldats français occupent la majeure partie du feuillet. la charge des soldats, l’exécution des soldats ennemis
hommes. Ici, en bleu et rouge, nous reconnaissons l’armée Un mouvement explicite est clairement signifié de la blessés, la retraite des soldats allemands, la disposition
française, et plus particulièrement le troisième régiment part des soldats français qui se ruent sur leurs ennemis. des corps jonchés sur le sol, nous laisse penser que
100 • des zouaves ; ces derniers sont identifiables grâce à Les soldats allemands semblent reculer tandis que les l’élève connaissait cette image. Au niveau formel,
leur tenue : chéchia, gilet court et sarouel. Le troisième Français les chargent. D’un point de vue technique, nous retrouvons le même dispositif de la scène établi
régiment des zouaves est un régiment d’infanterie créé Olivier Duchemin a utilisé le crayon à papier et le pastel. à partir des trois plans.
par l’armée française en 1852 et stationné en Afrique du Le dessin est rehaussé par les couleurs et l’élève a choisi
nord. Le recrutement est cependant essentiellement d’utiliser en majorité du rouge, du bleu, et du noir. Au Les troupes venues des colonies sont perçues comme
européen. Lors de la Première Guerre mondiale, les niveau de la construction et de l’organisation du dessin, un atout considérable dans cette guerre d’usure,
zouaves du 3e régiment se sont distingués par leur on constate que l’élève a voulu représenter une masse de alors que l’Allemagne ne peut compter que sur ses •
101
bravoure et leur force au combat, notamment lors soldats s’entretuant, sans se préoccuper du décor qu’il a Bataille de Wissembourg, paru dans Imagerie nouvelle, non daté, pl. 6. nationaux du fait de la modestie de son empire
© BnF, Gallica
de l’offensive menée le 25 septembre 1915 à Mesnil-Les- laissé neutre. colonial et du blocus maritime exercé par les alliés. Une
Hurlus, en Champagne. image de l’héroïsme des troupes coloniales a pu inspirer
On peut supposer qu’en temps de guerre, l’élève a notre élève.
La composition est établie en trois plans. Au premier entendu parler de ce troisième régiment de zouaves. Des
plan, à terre, les soldats allemands blessés ; au second personnes familières ont du lui faire le récit de la bravoure
plan, l’héroïsme des troupes coloniales est mis en de ce régiment, et il s’en est inspiré pour représenter
Le pillage des biens
Texte rédigé par les élèves
Ange Faustino et André Paré.

102 •


103

Le pillage des biens Dimensions : 31 x 23,3 cm


Robert Mathei, élève de 1914 à 1919 Technique : pastel et crayons
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Le pillage des biens guerre, de nombreux dossiers ont été soumis au tribunal
interdépartemental des dommages de guerre de Paris.
Titre : Le crime et le vol des “Boches” Il s’agissait souvent de demandes d’indemnités pour
destructions et pillages d’habitations.
Scène de genre en temps de guerre, l’élève Mathei
représente le pillage d’une maison bourgeoise par des
soldats allemands reconnaissables à leur uniforme
Feldgrau, vert de gris, et à leur casque à pointe. Quatre
soldats s’affairent à voler des objets et des œuvres d’art
alors qu’un cinquième homme menace de son arme une
104 •
femme agenouillée et suppliante. Tandis qu’un soldat Château de Baye (Marne), pillé en septembre 1914,
cité dans le premier rapport de la Commission instituée
juché sur une échelle retire un tableau du mur, un autre en vue de constater les actes commis par l’ennemi en violation du droit
des gens du 17 décembre 1914, témoignages n° 122 à 125.
s’affaire à ranger dans une caisse divers objets issus de © Archives nationales, AJ/4/43

leur larcin. À gauche, dans l’encablure de la porte, nous


observons une autre pièce avec un soldat qui emporte
sous son bras une œuvre d’art.

105
Si les élèves de l’École alsacienne représentent
couramment les atteintes aux personnes, certains
choisissent de mettre en avant les atteintes aux biens.
Lors de la Première Guerre mondiale, des pillages et
des pertes subies par les musées nationaux de Lille,
Douai et de Cambrai sont clairement attestés. Après la
Le canon de 75
Texte rédigé par les élèves
Lucie Lemaire et Safia Touazi.

106 •


107

Le canon de 75 Dimensions : 24 x 32 cm
Christian Sauerwein, élève de 1909 à 1917 Technique : aquarelle et encre
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
L’élève Sauerwein choisit de représenter la pièce d’artil- industrielle de photographies couleurs inventée par les
lerie la plus célèbre de l’armée française en 1914, le canon frères Lumière. Il publia 250 autochromes sur la guerre,
de 75. Il s’agit d’une pièce à tir rapide à long recul, mise « Les champs de Bataille de la Marne », dans L’Édition
au point en 1897. Sa cadence de tir, de 6 à 8 coups par française illustrée en septembre 1914. Dans le dessin, les
minute, va transformer l’artillerie et les soldats n’auront positions du canon et du caisson sont identiques à la
plus besoin de replacer les pièces après chaque tir. Cette photographie de Gervais-Courtellemont, tout comme la
arme est surtout utilisée par les régiments d’artillerie de gestuelle des personnages.
campagne et produite à 3840 exemplaires au début de la
Première Guerre mondiale. Le canon de 75 connait une très large fortune visuelle
dans le contexte de la Première Guerre mondiale. On le
108 • Un canon de 75,
Le dessin de notre élève présente une grande richesse retrouve parmi les images scolaires données aux élèves Jules Gervais-Courtellemont, vers 1914-1916, autochrome, 18 x 24 cm.
© Cinémathèque Robert-Lynen, Ville de Paris.
chromatique. Quatre soldats sont représentés à leur méritants et sur les cartes postales.
tâche respective. L’un observe au loin l’ennemi avec ses
jumelles tandis que deux autres s’affairent au canon, un
dernier soldat replace les munitions dans le caisson. Le
paysage est riche en couleurs, un sol de terre ocre, des

champs de cultures diverses et un ciel bleu perturbé 109
par des explosions d’obus.

Nous avons identifié très précisément la source de


Christian Sauerwein, un autochrome de Jules Gervais-
Courtellemont. C’est un photographe français qui a déve- Halte là ! On ne passe pas ! J’ai mon 75,
Carte postale, 1915, Imprimerie Courtemont, Paris,
loppé la pratique de l’autochrome, la première technique Éditions française, Série P, n ° 40.
@ Droits réservés
La Sublime porte
ou les accords
turco-allemands
Texte rédigé, en partie, par l’élève
Ainoa Blanco.

110 •


111

La Sublime porte ou les accords turco-allemands


Jacques Labat de Lambert, élève de 1912 à 1916
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 31,2 x 23,4 cm
Technique : pastel et crayone
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
La Sublime porte l’officier allemand sont dessinés au milieu de taches de

ou les accords sang, son uniforme, ses bottes et ses mains sont maculées
de rouge. Le fez du turc est orné d’une pointe ce qui est
turco-allemands totalement incongru. C’est une façon pour l’élève de
signifier l’inféodation de l’Empire ottoman au milita-
L’élève Jacques Labat de Lambert présente ici un dessin risme allemand. Et cela confirme qu’aux yeux des élèves,
d’imagination à connotation politique. Il illustre les la pointe qui orne le casque de l’ennemi fournit un effet
accords entre l’Empire ottoman et l’Allemagne. La comique essentiel pour sa caricature.
Sublime porte est la porte d’honneur monumentale du
grand vizir à Constantinople, siège du gouvernement Le 28 janvier 1915, l’armée ottomane, menée par Djemal
112 •
du sultan. Elle est ornée sur ses deux battants du Pacha, lance l’assaut sur les troupes britanniques, établies
croissant de lune et de l’étoile. Le terme de Sublime en Égypte. Leur objectif est de prendre le canal de Suez.
porte a longtemps été employé dans le langage Les Britanniques repoussent cette offensive et obligent
diplomatique pour désigner la ville de Constantinople les forces ottomanes à se replier le 3 février. Le canal
et par métonymie l’Empire ottoman. de Suez est un point stratégique, c’est la porte d’entrée
de l’Empire ottoman. Le soutien allemand, « la triple

Dans le dessin de Jacques Labat de Lambert, les alliance », se manifeste matériellement par des envois de 113
personnages font un effort pour contenir la porte ; charbon, d’armes et d’argent. En mars 1915, Britanniques
il s’agit d’un officier allemand reconnaissable à son et Français attaquent l’Empire ottoman pour le contrôle
uniforme d’un soldat ottoman. On imagine que la porte des détroits : la bataille des Dardanelles commence. De
est fragilisée par la force de l’ennemi qui cherche à manière symbolique, le dessin représente probablement Photographie de la Sublime porte, Constantinople, Sebah et Joaillier, 1900,
tirage argentique mat, 21 x 27 cm.
l’ouvrir. Nous observons des traces d’attaque sur la porte Ottomans et Allemands résistant à cette offensive des © Droits réservés

et des lames d’épée semblent la traverser. Les pieds de troupes de l’Entente.


Le bombardement
de Paris

114 •


115

Le bombardement de Paris
David Patée, élève de 1915 à 1921
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 24 x 32 cm
Technique : pastel et crayons
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Le bombardement de Paris un clair-obscur efficace. Le dessin peut être également
qualifié d’oeuvre cubiste par la représentation des
Sous les projecteurs de la DCA, un zeppelin allemand faisceaux lumineux. Il reprend un procédé artistique de
bombarde Paris. Ce dessin fait allusion au bombardement Félix Valloton que l’on retrouve notamment dans l’oeuvre
du 29 janvier 1916 durant lequel dix-sept bombes Verdun (1917) conservée au Musée de l’armée.
furent larguées sur le nord de Paris causant la mort de
26  personnes et faisant 32 blessés. Deux zeppelins, les LZ De nombreuses illustrations du zeppelin sous les
77 et LZ 79 partent pour un raid sur Paris. Le LZ 77 (LZ 47) projecteurs de la défense de Londres en 1915 sont publiées
survole Charleroi puis Maubeuge mais fait demi-tour en dans la presse, notamment dans la revue Le panorama de la
raison de problèmes mécaniques. Le LZ 79 (LZ 49) guerre en 1916. Dans le supplément illustré du Petit journal
116 •
poursuit sa mission et largue ses bombes sur la capitale. du 4 avril 1915, nous retrouvons le même dispositif que
Ce fut la dernière attaque de ce type, l’aviation ayant chez notre élève avec toutefois une allégorie de Paris.
ensuite remplacé les zeppelins. Ce bombardement a
un grand retentissement dans les nombreux titres de
la presse illustrée de l’époque, des photographies, de
multiples dessins et une série de cartes postales sur les
Dessin du Zeppelin •
« crimes odieux des pirates » sont publiés. paru dans le supplément illustré du Petit journal du 4 avril 1915, n° 1267. 117
© Droits réservés

La composition du dessin de l’élève David Patée est très


originale par la ligne d’horizon placée extrêmement
basse. Elle permet au dessinateur de consacrer quatre
vingt-dix pour cent de l’espace au ciel. C’est donc une vue
Félix Valloton, Verdun, 1917, 115 x 146 cm.
en contre-plongée très accentuée qui nous est offerte avec © Musée de l’armée. Paris.
Casque allemand Cette nature morte à l’aquarelle réalisée par l’élève
Desmond représente le prestige de l’uniforme à partir d’un
Texte rédigé par les élèves
Lola Seydoux, Jessica Champenois, objet guerrier, le casque à pointe ou Pickelhaube. Symbole
Gustave Muckensturm, Marcel Thompson par excellence de l’ennemi, ce couvre-chef est très claire-
et Chloé de Montgolfier.
ment détaillé et magnifié par la couleur or. À l’origine, le
casque à pointe était réalisé en cuir bouilli avec des renforts
et agrémenté d’une pointe de métal. Il était doté d’une visière
et d’un couvre-nuque. Le casque à pointe est recouvert de
vernis noir et possède des garnitures en métal blanc ou
jaune selon les régiments. Il apparaît dans l’armée prus-
118 •
sienne en 1842. La pointe devait servir à se défendre contre
les sabres. Sa base est percée de trous afin de permettre
l’évacuation de la sudation. L’armoirie diffère selon la
région : un lion pour la Bavière ou un aigle pour la Prusse.
Elle ne peut être identifiée ici par la position de profil du
casque. Au centre, l’élève a bien représenté la cocarde, de

chaque côté, au niveau de la fixation de la jugulaire. Les 119
cocardes peuvent être de formes diverses. La jugulaire est
en cuir ou en écailles de métal. L’élève Desmond a choisi de
représenter en gros plan cet accessoire militaire allemand Casque allemand
qui est l’un des objets les plus utilisé dans la caricature pour Jean Desmond, élève de 1913 à 1916
Année de réalisation : 1915-16
évoquer l’ennemi. Le genre de la nature morte était l’un des Dimensions : 16 x 18 cm
Technique : aquarelle
exercices demandés aux élèves pendant les cours de dessin Lieu de conservation : École alsacienne, Paris

à l’École alsacienne.
La supériorité technique
de l’armée française
Texte rédigé par les élèves
Zadig Perrot et Augustin Menguy.

120 •


121

La supériorité technique de l’armée française Dimensions : 22 x 13,5 cm


Théodore Monod, élève de 1914 à 1919 Technique : pastel et encre noire
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
La supériorité technique hors de la chaîne de montage. C’est ainsi que l’on peut français pour deux soldats allemands. Ce dessin témoigne
de l’armée française observer un viseur ajouté à la mitrailleuse, élément peu du patriotisme des enfants, de leur attachement à l’armée
habituel à l’époque. La mise en valeur de ce véhicule française et de leur imprégnation des récits héroïques qui
Le dessin offre aux spectateurs la vision d’un affrontement suggère la supériorité de l’armée française. leur sont faits.
entre un contingent allemand et un contingent L’autre élément décisif du dessin est l’explosion sur la
français. Au premier plan, nous observons des soldats partie droite du dessin. Les soldats allemands forment
allemands en pleine offensive. Certains cherchent à une ligne de force vers cette explosion. La seconde
viser l’ennemi, d’autres sont blessés, à terre. Au second explosion à gauche, moins importante que celle de droite,
plan, nous identifions l’élément central du dessin, une fait balancer notre regard, l’attirant une fois de plus vers le
122 • automitrailleuse. L’arrière plan illustre un paysage véhicule français.
en ruine avec des explosions qui renforcent l’idée de
chaos et d’anéantissement. Un soldat français est représenté sans vie dans le véhicule.
Pourtant, l’armée allemande semble repoussée vers la
Le véhicule français est l’élément central du dessin, gauche, hors du cadre, par l’armée française qui avance
il s’impose à notre regard. C’est une voiture de inexorablement vers la victoire. Le casque à pointe, tombé
type Latil, modèle de 1916. Dessus, est montée une au sol, montre à la fois une perspective sur l’objet mais •
123
mitrailleuse Puteaux-Hotchkiss modèle 1914. La mi- aussi, de manière symbolique, la défaite allemande.
trailleuse évoque en tout cas la forme de ce modèle. Car,
si le dessinateur s’est fondé sur le modèle précis d’une La scène de bataille est dominée par des soldats français
photographie, il est difficile, toutefois, d’y reconnaître la pourtant en infériorité. Ils sont au nombre de quatre
Puteaux-Hotchkiss. En effet, comme beaucoup d’armes alors que l’on identifie sept Allemands. Un casque et un
de l’époque qui étaient modifiées sur le front par les fusil tombés au sol suggèrent la présence d’un huitième p Théodore Monod (1902-2000) est naturaliste, biolo-
soldats, la Puteaux-Hotchkiss a subi des changements allemand, non représenté. Il y a donc presque un soldat giste, explorateur, théologien et humaniste.
La Grande Armée
Texte rédigé, en partie, par les élèves
Ramzi Abouchalache, François Ballet et Baptiste Gibrat.

124 •


125

La Grande Armée Dimensions : 42 x 23 cm


Jean de Brunhoff, élève de 1906 à 1916 Technique : pastel et encre
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
La Grande Armée Ce dessin a acquis une notoriété toute particulière à
l’École alsacienne. Il a été réalisé par un illustrateur
La scène dessinée par Jean de Brunhoff nous présente une devenu mondialement connu pour son personnage de
armée dont les costumes sont ceux de l’armée impériale Babar, Jean de Brunhoff. Initialement créé par sa femme,
napoléonienne que l’on appelle communément la Grande la pianiste Cécile Sabouraud qui contait des histoires
Armée. Différents types de soldats y sont représentés, à ses enfants à partir des aventures d’un petit éléphant,
un officier sur son cheval gris, des soldats d’infanterie, Babar, est dessiné par son époux.
de jeunes tambours et à droite du dessin, un sapeur de la
garde impériale, à la tenue caractéristique. Cette évo-
cation de la puissance passée était une source de Pour le droit, pour la civilisation, carte postale patriotique, 1914.
126 • © École alsacienne
motivation pour les militaires et les civils. Des images
de propagande ont utilisé le souvenir de la gloire
Sur cette carte postale patriotique, l’empereur Napoléon, environné
napoléonienne. Jean de Brunhoff a mis de l’emphase des ombres de la Grande Armée, veille sur une charge de cavalerie.
L’armée française, c’est son histoire, combat pour des valeurs
sur les personnages prin-cipalement en laissant le et pour l’humanité. Jadis pour la Révolution et ses principes, ici
décor et le paysage vierge. Dans une volonté de mettre pour rétablir le droit et venger l’injustice de la perte des provinces
perdues ; dominant la scène elles observe plein d’espoir cette armée
en valeur l’armée en colonne, représentée en frise, guidée par une Marianne exaltée qui les pointe du doigt.

marchant vers le front les uns derrières les autres, 127
l’élève attribue une position importante au person-
nage central. D’ailleurs, l’officier à cheval, n’évoque-t-il
pas le Bonaparte de la campagne d’Italie qui conduit ses
troupes à la victoire ?
La guerre à domicile
Texte rédigé par les élèves
Rania Van den Ouweland, Inès Froidefond, Felix Quéré,
Loredana Soumillon Viaggio et Juliette Asa Zanartu.

128 •


129

La guerre à domicile Dimensions : 24 x 16 cm


Jean Bruller, élève de 1910 à 1921 Technique : aquarelle, encre noire et crayons
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
La guerre à domicile auteur de la Vache qui rit, de Gédéon, de Rabougri, le chat
de gouttière et surtout de ce Tintin Lutin, le personnage à
Texte : « Ah! Mon dieu! Quel vacarme? Tais-toi donc, petite houpette qui inspirera Hergé.
mon enfant, tu vas attirer les Zeppelins!!.. ».

Dans un intérieur de boiseries et parquets, une mère


s’adresse à son enfant pour lui demander de cesser son
vacarme. L’enfant absorbé par son jeu guerrier fanfaronne
avec une trompette de cavalerie. Il est juché sur un cheval
de bois, porte une épée et un couvre-chef improvisé
130 •
avec une plume. Le bruit est signifié par les notes de
musique sortant de la trompette. La mère interpelle
son fils qui lui tourne le dos en claquant des mains.
Sur le mur de la pièce, l’élève a représenté un paysage
de Jean-Baptiste Camille Corot, certainement une
possession de la famille.

131
L’enfant, figuré ici en meneur de troupe, dans une
Album de 1897 paru chez Félix Juven à Paris,
attitude triomphante, idéalise la guerre. La scène repré- consultable sur © Gallica :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6566543d/f10.image
sente l’enrôlement des enfants dans la guerre. La presse
pour enfant évoquait parfois ces jeux militaires. Un bon
exemple de personnage farfelu dans la même veine est
Tintin Lutin. Benjamin Rabier est un illustrateur français
Départ à la Gare
Montparnasse
Texte rédigé par les élèves
Jean Trèves et Marty Fanelli.

132 •


133

Départ à la Gare Montparnasse Dimensions : 47 x 31,5 cm


Georges Sauerwein, élève de 1913 à 1918 Technique : aquarelle et crayons
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Départ à la Gare
Montparnasse
L’élève Georges Sauerwein représente ici une scène de
genre. Il établit une perspective soignée avec les quais et
les voies ferrées d’une gare parisienne. Au premier plan,
nous observons une diversité de personnages : les agents
de la gare, vêtus de bleu et occupés à leur tâche ; une
femme et ses enfants accompagnent un soldat qui semble
134 • repartir au front. Plusieurs malles sont disposées au
sol et l’horloge de la gare indique deux heures moins le
quart, dans une atmosphère d’été. Une baïonnette sort
de l’un des paquetages.
Cette scène relativement anodine est toutefois pertur-
bée par la présence d’un personnage particulier. Au Passage du Rhin, retour au pays natal, dessin de Hansi, 1918.
© Droits réservés
centre de la composition, l’homme au journal assis •
135
pourrait bien être la figure du commis voyageur qui Dans ce dessin d’Hansi, daté de 1918, nos fameux commis-voyageurs
rentrent chez eux en file indienne comme les oiseaux migrateurs
est en réalité la caricature de l’espion allemand. Affublé qui les survolent. L’effet comique de la scène est renforcée
par la répétition ; celle des silhouettes, des accessoires
de lunettes et d’une barbichette, d’un chapeau tyrolien des commis-voyageurs (chapeau à plume, valise et parapluie)
et d’un long manteau, cette figure se rencontre dans mais aussi par la redondance des piliers du pont et des peupliers,
à l’arrière plan.
un autre dessin de la collection de l’École alsacienne
avec le dessinateur Mass’Beuf comme source probable
d’inspiration (voir p. 75).
Prise d’un fortin allemand
Étude réalisée d’après les textes d’
Inès Froidefond, Félix Quéré, Loredana Soumillon Viaggio
et Rania Van den Ouweland,
Perrine Codaccioni et Eliott Bernard de Courville.

136 •


137

Prise d’un fortin allemand Dimensions : 26,5 x 21 cm


Olivier Duchemin, élève de 1912 à 1919 Technique : pastel
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Prise d’un fortin allemand premier plan et un dernier dans un avant-poste, en haut
à gauche. Les soldats se dissimulent dans des tranchées,
Texte : « Prise d’un fortin allemand. Hier, nos troupes certains sont morts, d’autres fuient ou tentent de tuer les
se sont emparés dans la région de Perthes d’un fortin soldats français. Les Français sont reconnaissables à leur
allemand, l’attaque est menée à la baiounette pantalon couleur garance. Ils sont plus nombreux que les
(les journeaux) ». Allemands, l’un d’eux brandit un drapeau. L’élève exprime,
à travers ses personnages, la violence des combats, le
Ce dessin relate la prise du fort de Perthes-les-Hurlus motif du sang versé se retrouve à différents endroits, des
(Marne) en février 1915 par le 132e régiment d’infanterie explosions d’obus manifestant également cette violence
de l’armée française lors de la première bataille de des combats.
138 •
Champagne.

À partir du 21 décembre 1914 les attaques sont con-


tinues et se concentrent sur un front allant de Souain
à Massiges. Pendant trois mois, les combattants vont
tout faire pour regagner du territoire, prendre un fort
ou une tranchée.

Sur le dessin, les armes utilisées sont majoritairement


des baïonnettes. Cependant, on distingue deux canons
et six tonneaux remplis d’obus. Dans la scène, on observe
trois groupes de soldats allemands, reconnaissables à leur
casque à pointe : un groupe à droite, un autre groupe au
Allégorie de la guerre
d’après Hansi

140 •


141

Allégorie de la guerre d’après Hansi Dimensions : 31 x 23 cm


Jean Bruller, élève de 1910 à 1921 Technique : aquarelle et crayon
Année de réalisation : 1915 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Allégorie de la guerre Une autre inscription rappelle le métier de son père
d’après Hansi éditeur et peut-être, à condition d’adhérer au caractère
prémonitoire du dessin, sa future activité aux Éditions de
Jean Bruller réalise ici une allégorie que l’on pourrait Minuit. Jean Bruller, avant de devenir Vercors pendant la
penser prémonitoire. Nous sommes en 1915, l’élève Seconde Guerre mondiale, a eu une longue production en
représente un personnage féminin dans le ciel, telle la tant qu’illustrateur.
Victoire sonnant avec sa trompette la fin des hostilités.
Le soleil se lève et ses rayons irradiants indiquent le
début d’une nouvelle période de prospérité. L’astre est
142 • cerclé d’une couronne de lauriers, autre symbole
victorieux. Au premier plan, les soldats de la Triple
Entente, un Anglais, un Français et un Russe s’élancent
avec ardeur vers le soldat allemand immobile et isolé.
Le soldat français hèle ses camarades par son geste,
main levée, sabre en l’air et le regard tourné vers eux.
L’anglais s’élance, arme à la main, avec sa pipe fumante
alors que le russe court les bras en l’air. L’élève a
ajouté, aux couleurs du drapeau français, un large titre à
son dessin Guerre de 1914-1915, tel un énoncé performatif
qui limiterait à une année de guerre ce premier conflit
mondial du xxe siècle. Il signe son dessin Hanzi, cer-
tainement en référence au dessinateur alsacien Hansi.
L’incendie de l’Hôtel
de ville d’Arras (1)
Texte rédigé par les élèves
Agathe Bouju, Alice Renaud, Clara Bicheron,
Jeanne Beffeyte-Cligman, Gabriel Bonnichon
et Asiane Ducommun.

144 •


145

L’incendie de l’Hôtel de ville d’Arras (1)


André Corriez, élève de 1912 à 1918
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 19,5 x 23 cm
Technique : pastel et crayons
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
L’incendie de l’Hôtel imposant de l’édifice est mis en valeur par le beffroi et
de ville d’Arras (1) par les détails de l’architecture gothique soigneusement
relevés.
L’incendie de l’hôtel de ville d’Arras est un dessin réalisé
en 1916 par André Corriez, élève à l’École alsacienne de Le 21 octobre 1914 à 10h50, le beffroi s’effondre après un
1912 à 1918. Il crée son dessin au cours de son année de 6e4. bombardement allemand. En cinquante minutes, l’édifice
Le dessin est réalisé sur du papier à dessiner, au crayon de est détruit, dès lors il devient un symbole de la destruction
papier avec quelques touches de couleurs. du patrimoine par les Allemands.

146 • La scène représente l’hôtel-de-ville en feu d’où une Il est probable qu’André Corriez ait utilisé des cartes
immense fumée s’échappe. Nous observons des postales ou des photographies de presse pour réaliser
personnes courant pour fuir l’incendie et le bom- sa composition. On peut trouver des similitudes avec
bardement de l’édifice. L’horloge du beffroi indique plusieurs images mais non pas une reproduction fidèle.
onze heures. L’élève présente une vue en hauteur, Cette carte postale résume ce que dénonce avec force la
l’espace est entièrement dévolu à la représentation presse française : la destruction des monuments français.
de l’édifice, seules quelques maisons et ruelles avoi- Il est intéressant de s’attarder sur la manière dont les •
147
sinantes sont par ailleurs figurées. Pour apporter un Français ont utilisé ces vues comme preuve de la violence
caractère expressif à son dessin, André Corriez choisit de de l’ennemi. La destruction du patrimoine architectural
réaliser son motif principal au crayon à papier, il y ajoute est qualifiée de crime et interdite par les Conventions
des taches de rouge en cinq endroits de l’hôtel-de-ville, de La Haye de 1907. Les dessins de presse figurant ces
pour signifier les flammes. Une luminosité artificielle destructions servent à l’édition massive de cartes postales,
éclaire le dessin, mais la ville reste sombre. Le caractère permettant d’amplifier l’information.
Carte postale de l’Hotel-de-Ville d’Arras incendié, La Grande guerre 1914-15.
Bombardement d’Arras, incendie de l’Hotel-de-Ville. A. Richard (A.R.) - Paris Visé N°157.
L’incendie de l’Hôtel
de ville d’Arras (2)
Texte rédigé par les élèves
Agathe Bouju, Alice Renaud, Clara Bicheron,
Héloïse Chatelus, Nolwenn Prot et Lola Seydoux.

148 •


149

L’incendie de l’Hôtel de ville d’Arras (2)


Jean-Yves Riedberger, élève de 1912 à 1920
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 24,5 x 32 cm
Technique : aquarelle et crayon
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
L’incendie de l’Hôtel suggère sans doute une épaisse fumée mais aussi des
de ville d’Arras (2) cendres. L’hôtel de ville est difficile à distinguer, il est
dissimulé par les flammes. Un des symboles forts de la
Dans le dessin réalisé par Jean-Yves Riedberger, la scène ville d’Arras disparaît peu à peu, pris par le feu. Il s’agit
de l’incendie est beaucoup plus dramatique que dans le bien d’une dénonciation de la destruction du patrimoine
dessin sur le même sujet d’André Corriez. La diffusion par un enfant alerté par les médias.
des flammes apporte une tension à la représentation, les
flammes sont plus nombreuses et plus imposantes. Elles
occupent les 3⁄4 du tableau. Des couleurs s’ajoutent à la
150 • composition ainsi que de nombreux détails. Le toit de
l’hôtel-de-ville est de couleur bleu, l’horloge en bleu,
blanc, rouge, elle, indique six heures un quart. Mais le
rouge, symbole de sang et de violence, permet ici de
mettre en évidence les destructions des Allemands.

Ce dessin est la reproduction d’une photographie •


151
qui a largement circulé par l’intermédiaire de cartes
postales. L’horloge affiche la même heure que sur le dessin.

D’après le dessin, on imagine que les enfants connaissaient


les fonctions des armes de guerre et leurs effets visibles,
notamment par à la représentation du ciel en noir qui Arras (P.-de-C.). Guerre 1914-1915. L’hôtel de ville et le beffroi incendiés par les obus
allemands en flammes le 7 octobre. Éd. Charles Ledieu (1872-19..).
© Droits réservés
Une batterie
de mitrailleuses
en campagne
Texte rédigé par l’élève
Burton Hart-Lamore, Lucas Ledoux, Marc Michalet
et Tangui Reltgen.

152 •


153

Une batterie de mitrailleuses en campagne Dimensions : 31 x 19 cm


Claude Zuber, élève de 1914 à 1922 Technique : aquarelle et encre noire
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Une batterie déroule avant 1915, grâce aux détails de l’uniforme

de mitrailleuses français. En effet, le pantalon rouge garance des soldats a


été remplacé par la couleur bleu horizon en 1915.
en campagne
L’élève Claude Zuber a choisi de représenter cette
Cette aquarelle de Claude Zuber représente quatre scène militaire dans un paysage verdoyant. Il apporte
fantassins français dissimulés à l’orée d’un bois. Leur une formule graphique originale dans sa manière de
position d’observation et d’attaque est signifiée par la traiter l’herbe à petits coups de pinceau. Dans un souci
gestuelle des soldats. Les quatre soldats à plat ventre sur du détail, l’élève prend soin d’apporter une texture aux
le sol observent le camp ennemi. Le premier homme troncs des arbres de la forêt. La composition est divisée
154 •
muni de bottes et d’un sabre examine la position de en deux, la forêt créant un mur de protection naturelle
l’ennemi grâce à des jumelles, ce qui peut nous faire alors que l’autre partie de l’arrière-plan s’ouvre sur un
penser que le campement adverse est situé à plu- horizon de plaines. Dans cet espace naturel, la couleur des
sieurs centaines de mètres. Deux soldats manipulent uniformes crée un contraste fort et les touches de rouge
une mitrailleuse Hotchkiss modèle 1914. Un quatrième des vêtements contribuent encore au dynamisme de la
soldat français, dissimulé par la mitrailleuse oriente composition.
son regard dans la même direction. La mitrailleuse
Hotchkiss modèle 1914 est la principale arme auto- Il s’agit de la représentation de la guerre de mouvement
matique de l’armée française. Le mécanisme de cette et non de position. Le dessin réalisé par l’élève aurait
mitrailleuse est simple et robuste, le démontage et le pour but d’affirmer la supériorité technique de l’armée
remontage s’effectuent très rapidement, son poids est française dont on pensait, à l’époque, que l’équipement
de 25 kg. Elle est déposée sur un affût trépied, également était plus performant que celui des Allemands.
démontable. Nous pouvons dire que cette scène se
Torpillage
d’un bateau-hôpital
Texte rédigé par les élèves
Gabrielle Beruti, Ainoa Blanco, Kathleen Bott,
Pauline Cayatte-Leeb et Adèle Roncey.

156 •


157

Torpillage d’un bateau-hôpital Dimensions : 24 x 28 cm


Claude Zuber, élève de 1914 à 1922 Technique : pastel
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Torpillage d’une couleur plus chaude, le rouge. Ces choix donnent
d’un bateau-hôpital un caractère triste et assez sombre au dessin. On notera
l’aspect impitoyable des Allemands mis en scène par
Ce dessin de Claude Zuber fait allusion à la tentative de le jeune dessinateur : ils menacent même de couler la
torpillage de l’Asturias dans La Manche le 1er février 1915. chaloupe de sauvetage dont les passagers sont blessés et
Dans cette scène de guerre, nous distinguons au premier sans défense. De plus, le choix du sujet du dessin n’est pas
plan un sous-marin allemand de couleur grise et une anodin : le fait de tenter de couler un navire transportant
chaloupe. Au second plan, nous observons le bateau de uniquement des infirmes n’est pas particulièrement relui-
la Croix Rouge en cours d’immersion. L’Asturias était à sant pour les Allemands et est représentatif de l’intense
158 • l’origine un paquebot britannique qui assurait la liaison propagande mise en place par le gouvernement pour
entre Southampton et la côte Est de l’Amérique du sud diaboliser l’ennemi. Dans cette perspective, montrer
entre 1907 et 1914. En 1914, il fut réquisitionné par la qu’il s’agit d’un navire hôpital a été le principal objectif
Royal Navy et converti en navire-hôpital, il rapatria de l’auteur du dessin : la légende ajoutée par l’élève est
les Britanniques blessés en France, du Havrevers la renforcée par les multiples représentations du pavillon de
Grande-Bretagne. La coque des bateaux-hôpitaux la croix rouge sur le dessin.
devait être peinte d’une certaine manière pour répon- •
159
dre aux conventions de La Haye. La règle était de pein- Nous pouvons supposer que les élèves étaient influencés
dre la coque en blanc avec des raies vertes entrecoupées par la propagande puisqu’en réalité l’Asturias n’a pas
de croix rouges, le bateau devait être brillamment éclairé. été coulé même s’il a bien été attaqué par un sous-
marin allemand. Mais la torpille a manqué son but. Une
La palette de couleur est froide : la mer est de couleur confusion à dû s’instaurer entre le naufrage du Lusitania
verte, l’acier des navires est gris, seul le bateau hôpital est et l’attaque du navire hôpital. Un nouveau crime allemand : le torpillage du Llandovery Castle,
paru dans le journal L’excelsior, 3 juillet 1918.
© Droits réservés
Allégorie de l’Alsace
apparaissant aux soldats
français
D’après une recherche effectuée par
Joséphine Despres, Rebecca Morel-Maroger,
Divine Legre, Stéphanie Zahlan de Cayetti,
Camille Zeitoun, Héléa Zerdoun, Jade Cizeau-Zeeni
et Maya Plichet.

160 •


161

Allégorie de l’Alsace apparaissant aux français Dimensions : 22 x 13,5 cm


Charles Willms, élève de 1912 à 1919, Technique : pastel
professeur de philosophie de 1935 à 1945 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Année de réalisation : 1915-16
Allégorie de l’Alsace montre une paix précaire voire impossible. Le paysage

apparaissant aux soldats représenté est celui d’un champ de bataille avec tous les
indices d’un combat récent. Des éclats d’obus, des armes
français dispersées, un cadavre, un canon immobilisé, un cheval en
fuite et une maison en flamme témoignent des activités
Sur un champ de bataille, l’allégorie de l’Alsace apparaît à guerrières qui se sont déroulées sur ce lieu.
un soldat mourant. Ce dernier est étendu sur un drapeau
français, un médecin militaire, reconnaissable à son Le dessin s’inspire de l’imagerie populaire patriotique et
brassard avec la croix rouge, lui vient en aide. Sur le bord des cartes postales qui circulent largement en France et
gauche, un soldat, sabre en main, tente de reprendre en Belgique avec le motif de l’Alsace personnifiée, souvent
162 •
le drapeau de sa main droite. L’allégorie de l’Alsace est associé à l’ange de la victoire.
une femme portant un costume traditionnel alsacien :
une jupe de soie, de taffetas ou de satin, accrochée à un
corset en velours, sous lequel on trouve une chemise
ornée de dentelle au col et aux manches, d’un tablier et
de la fameuse coiffe en ruban noir. L’allégorie apparaît

dans une nuée de brume, telle une apparition religieuse. 163
Nous pouvons imaginer qu’elle redonne espoir aux
Carte postale Le jour de la mobilisation en souvenir du 1er août 1914 Dessin de Henri Zislin, Résurrection, 1916.
combattants. Les soldats sont vêtus de leur uniforme de Ad. Welck, St Dié, n° 9603 Dessin paru dans Album Zislin. Dessin de guerre,
© Droits réservés 4 fascicules, Paris/Nancy, Berger-Levrault, 1918, 64 planches.
couleur bleue et de leur pantalon rouge. Au premier plan, © Collection de l’École alsacienne

à droite, près de la signature de l’élève, nous pouvons


observer une colombe morte. Il s’agit de la représentation
d’une autre allégorie, celle de la paix. La colombe, sans vie,
La batterie de campagne Dans un paysage naturel avec sous-bois, un campement

par un élève non identifié allemand est représenté avec la mise en valeur du
matériel militaire. Sept officiers allemands préparent un
bombardement devant un bois à l’aide d’un canon Langer
Mörser de 21 cm. Très utilisé au début de la guerre, une
seconde version du Langer Mörser 21 cm est construite
entre 1916 et 1918 avec des roues équipées de plaques lui
donnant une meilleure mobilité. Ce mortier allemand était
capable d’envoyer à une distance de dix kilomètres un obus
explosif de 211 mm de diamètre.
164 •

Alors qu’à l’arrière plan, nous observons un soldat qui


transporte du bois sur son épaule, un autre veille au feu, sous
la marmite. On remarque au centre de la composition deux
personnes qui s’entretiennent ; l’un est un homme-tronc
qui se déplace à l’aide d’une caisse à roulettes. Peut-être,

pouvons nous voir là une allusion au manque d’effectifs 165
supposé de l’armée allemande qui doit enrôler des soldats
mutilés. L’élève semble représenter ici une scène assez
calme même si une explosion perce le ciel. Il y a une
volonté délibérée de valoriser le matériel militaire tout en
minimisant les personnages qui font figure de lilliputiens. La batterie de campagne par un élève non identifié Dimensions : 22 x 13 cm
Anonyme, Technique : pastel et crayons
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Caserne militaire
française
5e chasseurs d’Afrique
Texte rédigé par les élèves
Hadrien Delapalme, William Zederman et Henry Robert.

166 •


167

Caserne militaire française 5e chasseurs d’Afrique Dimensions : 23 x 19,5 cm


Georges Sauerwein, élève de 1913 à 1918 Technique : pastel et encre
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Caserne militaire La composition est établie à partir d’une vue en hauteur,

française nous suggérons que l’élève Sauerwein habitait près de la


caserne et était familier des revues des troupes et autres
5e chasseurs d’Afrique activités liées à la vie de la caserne. Il aura voulu documenter
par son dessin l’investissement dans la guerre des soldats
Sur ce dessin nous nous trouvons face à un régiment venus des colonies.
militaire en exercice au milieu de la cour d’une caserne à
Paris mais difficilement identifiable. Au premier plan, nous
apercevons un toit de maison, une cheminée et la grille
de l’entrée principale. Le drapeau français surplombe
168 •
la grille, en dessous nous pouvons lire « 5e régiment
des chasseurs d’Afrique ». Le 5e régiment de chasseurs
d’Afrique est un régiment de cavalerie de l’armée
française créé en Algérie en 1887. En 1914, le 5e RCA
appartient à la première brigade de cavalerie d’Afrique.
Carte postale de la Caserne des tourelles à Paris.
© Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux •
Au second plan, au centre de la cour, se situent des 169
officiers en uniforme, sur leur cheval. La cour est
ceinturée par une architecture sobre, classique. À l’arrière-
plan, sur le côté droit de la composition, nous observons
la ville de Paris avec des immeubles haussmanniens, des
usines, un dôme et un clocher d’église.
Conversation
avec des prisonniers
Texte rédigé par les élèves
Nissim Chekroun, Victor Meyrieux, Maxime Courrèges
et Gabriel Lipsker.

170 •


171

Conversation avec des prisonniers Dimensions : 25 x 17,5 cm


Minaud, (prénom inconnu), élève de 4eA Technique : aquarelle
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Conversation de « cruel, féroce », que le mot a pris fréquemment aussi Des dessinateurs comme Mass’beuf et Louis Forton ont développé un
imaginaire autour de la figure du soldat africain en lui donnant

avec des prisonniers bien en français qu’en italien. L’élève accentue l’origine
africaine du tirailleur en représentant la scène devant deux
un langage rudimentaire et humoristique.

huttes de paille, étrangement dotées de cheminées. Ce


Texte : « Turco : Moi après la guerre amener vo
dessin reprend le lieu commun raciste de l’anthropophagie
dans mon pays car moi aimer beaucoup les boches...
des Africains.
rôtis à la broche ! »

Sur ce dessin, on peut voir deux Allemands menacés par


un soldat africain d’une colonie française. Le personnage
172 • de gauche est un officier allemand décontenancé par
les propos caricaturaux du soldat étranger. C’est un
Generalfeldmarschall, grade militaire d’officier général Dessin de Mass’Boeuf, Soldats africains.
© Droits réservés
supérieur dans l’armée allemande. La scène semble
se dérouler en 1914, avant le premier hiver de guerre,
comme l’atteste la barbe du Generalfeldmarschall. En
effet, le port de la barbe est prohibé dès la fin de l’hiver •
173
1914.

Le terme utilisé par l’élève pour nommer ce soldat colonial,


Turco, est lié au mot « turc ». Il désigne de manière générale
un musulman ou encore une personne à la peau noire,
Extrait des Pieds Nickelés paru dans L’Épatant :
quelle que soit l’origine du soldat ainsi désigné. Ce terme « Les Pieds Nickelés s’en vont en guerre », 1913-17.
© Droits réservés
possède également une connotation négative avec le sens
La perplexité du Kaiser Texte : « Décidément c’est bien manqué l’empire du monde !!!  »

Texte, en partie, rédigé par


Charles Bajot, Sabrina Camilleri, Jade Dubois Sur ce dessin réalisé sur une simple feuille de cahier, nous
et Ophélie Rus. pouvons observer le kaiser Guillaume II, de profil, dans sa
réflexion, devant une carte. Il observe le Nord-Est de l’Italie
et la résistance italienne à l’offensive menée par les armées
austro-hongroises au printemps 1916. Cette offensive
appelée «e xpédition punitive » (Strafexpedition) avait pour
but de libérer la route de Venise et permettre à l’armée
autrichienne d’avancer en Italie, depuis l’Est. Cette bataille
174 •
est donc un exemple des tentatives faites pour relancer la
guerre de mouvement.

Le casque à pointe et le long manteau gris donnent à


Guillaume II une posture autoritaire. Sa moustache est
assez caricaturale et sa cravache, un signe distinctif de

l’officier prussien pendant la Grande Guerre, apparaît au 175
bas de son manteau. Ses bottes réfléchissent la lumière qui
devrait se tenir à la gauche du personnage. L’élément le plus
intéressant du dessin est sans aucun doute l’ombre dessinée
sur le mur qui représente un rapace caractérisé par un long
bec, un vautour ou un aigle. Déjà, le nez de Guillaume II est La perplexité du Kaiser Dimensions : 22 x 16,5 cm
Jacques Labat de Lambert, élève de 1912 à 1916 Technique : aquarelle et encre noire
très exagéré tant il est pointu et aquilin. Il semble d’ailleurs Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
avoir les lignes de la courbe du bec de l’oiseau. L’aigle canons militaires. Au centre, la figure du commis voyageur,
est le symbole animal de la monarchie et des armoiries communément un espion, est associé au motif de la sorcière
allemandes, mais aussi celui de l’unité nationale allemande aux mains crochues alors que le vieillard allemand lisant
depuis Bismarck. Par conséquent représenter un aigle serait son journal renvoie au motif traditionnel de la faucheuse,
une manière de dessiner le Kaiser et l’Allemagne derrière la mort avec sa faux. La légende évoque les difficultés
lui. Cependant, si l’on prend en compte la documentation allemandes. Notre élève se moque donc de la situation du
visuelle de la Grande Guerre sur la caricature du kaiser, ce Kaiser et, de manière générale, de la situation de l’Alle-
symbole possède un autre sens. Dans le but de déshumaniser magne et de ses alliés qui connaissent des difficultés en
le dirigeant allemand, la caricature aime à le représenter Italie.
tel un rapace cherchant une proie. Le motif de l’ombre
176 •
est régulièrement employé dans la presse pour des
messages politiques. Le Kaiser, présenté comme une
sorte de Dr. Jekyll et Mister Hyde est parfois figuré avec
l’ombre de Napoléon pour faire directement référence à
sa politique de conquête. Tel ce dessin de carte postale
italienne du dessinateur Eugenio Colmo, dit Golia, où

l’ombre démesurée de Napoléon offre, en quelque sorte, Dessin paru dans la presse d’après une carte postale italienne, 177
L’ombre de Napoléon par Golia, non daté.
le vrai visage de Guillaume II. Mais l’ombre projetée le © Droits réservés

toise. Il n’est pas à la hauteur.

Dans un dessin paru dans la revue Le Rire Rouge, c’est le


militaire arrogant à la moustache protubérante et à l’air
implacable qui est poursuivi par une ombre menaçante de Caricature avec ombre, dessin paru dans Le RireRouge, 20 mai 1916.
© Gallica, BnF
Portrait caricatural
d’un soldat allemand
Texte rédigé par les élèves
Victor Prestat, Augustin Liu et Wael Murray.

178 •


179

Portrait caricatural d’un soldat allemand


Georges Sauerwein, élève de 1913 à 1918
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 24 x 32 cm
Technique : aquarelle et encre
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Portrait caricatural de faire ressortir cette raideur inhumaine du buste. Telle
d’un soldat allemand la description anthropométrique d’une figure criminelle,
tous les traits de son visage sont très marqués, notamment
Titre inscrit sur le dessin : au niveau de ses pommettes, on observe également les rides
« Un “Boche” de la Landwehr » du front.

Ce dessin est un portrait caricatural d’un soldat allemand


comme le note l’élève G. Sauerwein. Le visage est exagé- Les caricatures à grosses têtes sont un genre très répandu
rément grossi, le soldat allemand est représenté avec une dans les revues du début du xxe siècle. Des illustrateurs tels
180 • peau rosée, un nez imposant et difforme et le front bas. que Caran d’Ache, Tybalt et Raymond Tournon diffusent
Sous une grosse moustache brune, on devine une bou- cette forme de portrait exagéré.
che serrée. Tous les éléments de la caricature de la brute
sont condensés dans ce dessin. Le soldat porte des
lunettes, sans branches, peut-être pour accentuer le fait
Charles Huart, «Nos prisonniers», La baïonnette, Louis Forton, Almanach de L’Épatant, 1915.
que son nez est assez proéminent pour les maintenir n° 23, 9 décembre 1915. © Droits réservés
© Droits réservés
seules. Ses yeux sont perçants et il ne semble pas avoir •
Nous pouvons imaginer que l’élève connaissait la couverture De même on remarque dans l’almanach de L’Épatant de 1915 181
de pupilles. On ne voit ni les cils, ni les sourcils. L’effet du magazine satirique La Baïonnette, du 9 décembre 1915. le gros plan caricatural utilisé par l’élève bien que la caricature penche
Nous retrouvons le même cadrage du visage, la même dureté plutôt, ici, sur la représentation de l’idiot. L’Épatant était un illustré
de loupe produit par les lunettes lui donne un regard dans l’expression du visage. populaire créé pour les enfants en 1908 par les frères Offenstadt.
menaçant. Il porte une casquette assortie à son uniforme Cette revue était principalement consultée Vendu au prix modique de cinq centimes, avec des couvertures couleur
par les parents des élèves. très attractives, l’hebdomadaire proposait des histoires humoristiques
vert kaki, avec des bandes rouges et des boutons vert foncé. en image avec des calembours faciles et des farces en tout genre.
L’Épatant a eu un grand succès avec la publication des aventures
Il semble avoir de la barbe dans le cou. L’arrière-plan est
des Pieds nickelés. Pendant la Grande Guerre, il a participé à l’élan
neutre mais très lumineux par le jaune clair qui se diffuse patriotique et à la propagande anti-allemands, notamment à travers
la caricature.
tout autour du visage. Comme s’il y avait une volonté encore
Caricature
d’un officier prussien
Texte rédigé par les élèves
Charles Bajot, Sabrina Camilleri, Jade Dubois
et Ophélie Rus.

182 •


183

Caricature d’un officier prussien


Charles Willm, élève de 1912 à 1919
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 70 x 16,5 cm
Technique : pastel et encre sur feuille de cahier d’écolier
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Caricature très long cou. Le personnage porte une casquette noire
d’un officier prussien affichant une large tête de mort en son centre. La caricature
du Rire Rouge est peut-être celle du maréchal August Von
Ce dessin de plain pied d’un officier prussien se caractérise Mackensen. qui commença sa carrière militaire dans les
par un aspect caricatural très marqué. Une raideur exa- hussards prussiens et qui aimait arborer la toque à tête-de-
cerbée, des traits que la tête carrée et la moustache en mort.
crochet, rendraient presque géométriques. La silhouette
n’est pas non plus réaliste, au contraire, l’élève donne des
jambes arquées à son personnage, il amenuise les chevilles
184 • et représente des moignons à la place des mains.
Son teint est très pâle, ce qui ne lui donne pas un air
chaleureux, son nez est légèrement tordu et il porte un
monocle à l’œil gauche. Son costume bicolore, rouge et
vert, est agrémenté d’une ceinture noire nouée autour
de la taille. Au niveau des armes, il porte une épée dans
la main droite et une cravache à la ceinture. L’élément •
185
important dans cette caricature est bien sûr la toque en
fourrure noire dotée d’une tête de mort. Ce couvre-chef est
celui des hussards prussiens qui peut paraître extravagant
par sa hauteur et la présence de la tête de mort. Un dessin
de l’illustrateur alsacien Hansi, bien connu des élèves de
l’École alsacienne, reprend cette même forme de caricature Dessin de Hansi, Le mégalomane microcéphale, 1916. La couverture du Rire rouge, n° 75, du 22 avril 1916.
© Droits réservés © Gallica, BnF
en jouant sur les traits difformes de l’officier, doté d’un
Le cavalier uhlan
Texte rédigé par les élèves
Nolwenn Prot, Lola Seydoux, Héloïse Chatelus,
Jessica Champenoix, Marcel Thompson,
Chloé de Montgolfier, Gustave Muckensturm
et Laurie Arbus.

186 •


187

Le cavalier uhlan
Jean Raudnitz,
élève de 1908 à 1919
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 15 x 15 cm
Technique :
aquarelle et crayon noirr
Lieu de conservation :
École alsacienne, Paris
Le cavalier uhlan proéminente évoque la brute. La coiffure des uhlans
s’appelle la chapska, du polonais czapka. Il s’agit d’une
À la fin du xviiie siècle, ce terme désigne des unités de bombe en cuir ciré noir surmontée d’un plateau de forme
cavalerie légère. Depuis la guerre de 1870, le uhlan est carrée qui rend cette coiffe si caractéristique. L’élève
une des figure les plus communes du soldat allemand. utilise ici les hachures pour donner du relief au cheval et
Ce cavalier, en éclaireur, annonce l’invasion. Sa cruauté pour signifier l’ombre du cavalier.
a régulièrement été mise en scène dans la littérature
enfantine et patriotique relatant la guerre de 1870. Paul
Déroulède publie ainsi un conte de Noël, illustré par
Kauffmann, Monsieur le uhlan, en 1884. Il évoque la
188 •
cruauté d’un ulhan qui massacre une femme et des
enfants alsaciens qui avaient décoré leur village des
trois couleurs du drapeau français.
Au début de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne
possédait 26 régiments de uhlans. Le uhlan est armé
d’une lance, il est l’équivalent du lancier français. Jean

Raudnitz présente ici une caricature de uhlan de profil 189
sur un cheval au galop. Le contraste est saisissant entre
la légèreté du cheval et l’effet pesant du cavalier. Le corps
du uhlan nous paraît difforme par les courtes jambes et
le buste massif. Cette impression est augmentée par la
largeur du cou et la tête massive. Canon de propagande,
Dessin de Caran d’Ache, Emmanuel Poiré, paru dans Le Chat noir.
ce visage exagérément grossi, au front bas et à la mâchoire © http://centenaire.org/
Caricatures d’officiers
et de soldats allemands
Texte rédigé par les élèves
Jean Gabriel Argaud, Nathanael Bennafla-Paris,
Sebastian Camilleri, Alexandre Colin.

190 •


191

Caricatures d’officiers et de soldats allemands Dimensions : 19,5 x 11,4 cm


Jean Raudnitz, élève de 1908 à 1919 Technique : aquarelle et crayons
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Caricatures d’officiers couleur kaki des uniformes. L’élève apporte un certain

et de soldats allemands relief à sa composition en insérant des ombres par les


hachures, les proportions des corps sont bien respectées.

Ce dessin est une caricature d’officiers et soldats


allemands. Deux sont représentés de profil et l’autre
de face. L’élève reprend les codes graphiques des
stéréotypes germanophobes. Classique de la caricature
anti-allemande, la raideur des officiers prussiens est très
souvent mise en avant dans les dessins de propagande.
192 • Ici, c’est d’abord l’allure de bravache typique de
l’aristocratie prussienne qui est signifiée avec la
représentation du personnage de gauche assis dans une
pose qui voudrait être nonchalante. Jambes croisées,
buste en arrière, le personnage porte un monocle et
fume un cigare ; il correspond en tout point à la figure du
Junker, le noble terrien en Prusse. Au centre se trouve
un soldat au garde à vous et à droite, un cavalier Uhlan
qui s’adresse à l’officier en pointant du doigt, transmettant
un message sur la position des ennemis ou racontant
un fait. La gestuelle des personnages conforte cette
idée de raideur inhumaine. Les accessoires représentés
participent aux stéréotypes avec la figuration exagérée
des armes, sabre et fusil très longs, les bottes vernies, la
Caricature
d’officiers anglais

194 •


195

Caricature d’officiers anglais Dimensions : 17,5 x 13 cm


Jean Raudnitz, élève de 1908 à 1919 Technique : aquarelle et crayons
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Caricature Pour finir, le troisième officier à droite fume un cigarette
d’officiers anglais et semble plus contracté que les deux autres.

Sur ce dessin, trois officiers britanniques sont positionnés L’élève dessinateur apporte du mouvement à sa
en demi-cercle, l’un de face au milieu et les deux autres de composition en représentant les volutes de fumée du
part et d’autre, de profil. Il n’y a pas d’élément de décor cigare, de la cigarette et de la pipe. Les personnages
mais une focalisation sur les personnages. Ils portent tous semblent partager et savourer un moment de repos car
les trois la même tenue kaki constituée d’un gilet avec rien ne nous indique qu’ils sont en conversation.
quatre poches, un col et des grades à chaque extrémité
196 • des manches. Sous cet uniforme, nous apercevons une
chemise et une cravate. Le pantalon porte un renfort
de tissu plus sombre à l’entrejambe et il est inséré dans
les bottes cavalières. Le personnage de gauche possède
un calot alors que les deux autres officiers arborent
une casquette avec une étoile sur le devant. L’officier
de gauche et le personnage central ont une moustache
courte à la britannique. Le premier soldat à gauche
semble porter un monocle, il fume un cigare et porte en
bandoulière, comme les deux autres, un fusil. Il a sa main
gauche dans sa poche dans une pose assez décontractée.
L’officier au centre fume une pipe et il est représenté de
manière nonchalante avec les deux mains dans les poches.
Le pillage
des œuvres d’art

198 •


199

Le pillage des œuvres d’art


William Lods, élève de 1912 à 1916
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 20,6 x 29,4 cm
Technique : aquarelle
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Le pillage des œuvres d’art En Allemagne, l’officier historien de l’art qui a sauvegardé
et mis en valeur le patrimoine français est resté longtemps
Dans cette scène d’extérieur où l’on imagine un jardin une figure populaire au contraire de la France qui a insisté
parisien, un officier allemand descend un escalier à vive sur la figure du pillard et du voleur. Le voleur de pendule de
allure, emportant sous le bras une œuvre d’art que l’on 1870-71, le voleur de 1914-18 et le pillard nazi sont arrivés à
reconnaît au cadre. Au premier plan, un certain nombre former un seul et même stéréotype. La propagande met en
d’objets sont abandonnés sur le sol, on y reconnaît un avant l’instrumentalisation du patrimoine français à des
violon aux cordes cassées, une casserole en cuivre, une fins belliqueuses.
horloge de cheminée et deux caisses en bois destinées
à recevoir les objets du pillage. Une charrette est Des deux côtés du Rhin la guerre est menée au nom
200 •
figurée au bas des marches d’escaliers, on y devine une des valeurs culturelles. Il s’agit de défendre la culture
sculpture prête à être emportée. Sur le bord latéral contre la civilisation. En Allemagne, on revendique la
droit, un cavalier attend sur son cheval, ce motif semble culture devant la civilisation. La kultur recouvre des
inachevé. Derrière la barotte, une fontaine circulaire valeurs éthiques esthétiques et politiques, un univers
est représentée, à l’arrière plan, les grilles d’un jardin spirituel intérieur. La civilisation, c’est le progrès
et des arbres, peut-être le Jardin du Luxembourg qui matériel, technico-commercial et donc artificiel

abrite le Musée du Luxembourg. et d’origine anglo-française selon le romantisme 201
Dessin de Charles Genty, « L’armée du Kronprinz vu par Charles Genty », Dessin paru la revue Pêle-mêle, 6 février 1916.
paru dans La Baïonnette, n°3, 22 juillet 1915. © Gallica BnF allemand. La presse française, pendant la Grande
© Droits réservés
Guerre, modifie cette conception de la notion de Kultur.
La revue Pêle-mêle, dans un dessin bien particulier, illustre la grande
culture allemande et l’outrage qui lui est faite par le Kaiser, ce dernier Le terme est figuré comme la négation de la civilisation
cherchant à s’échapper d’un musée avec deux bonbonnes de gaz
lacrymogène et de pétrole. Des personnages sortent alors des œuvres dont la France incarne les valeurs. La Kultur allemande
d’art pour haranguer Guillaume II. Ce sont les poètes Goethe et Schiller,
n’est que grossièreté et vulgarité dans le discours de
les compositeurs Beethoven et Gluck et le philosophe Emmanuel Kant
qui interpellent le Kaiser pour lui rappeler la tradition de la culture propagande nationaliste.
allemande et l’empêcher de galvauder cette culture.
L’affrontement mortel Cette scène dramatique est représentée par l’élève
Duchemin qui, à plusieurs reprises, a dessiné les affron-
Texte rédigé par les élèves
Héloïse Chatelus, Nolwenn Prot, Lola Seydoux, tements de la guerre. Ici, nous sommes devant le corps à
Inès Froidefond, Félix Quéré, Loredana Soumillon Viaggio corps entre un soldat allemand et un soldat français qui
et Rania Van den Ouweland.
assène un coup de baïonnette à son ennemi. Le soldat
allemand semble avoir déjà accusé le coup car son corps
bascule en arrière dans une gestuelle chancelante. L’ardeur
du soldat français est clairement mise en évidence par
l’assurance avec laquelle il maintient son fusil par des
mains au volume exagéré. Les fusils sont de grand format
202 •
et les couleurs associées aux uniformes nous permettent
clairement d’identifier les deux camps, le pantalon
rouge du soldat français et le manteau feldgrau du soldat
allemand. Le décor est abstrait, l’élève choisit d’apporter
un peu de texture à son dessin par le travail des hachures.
Il s’agit ici d’un dessin d’imagination où l’élève a mis toute

son ardeur à traiter le thème de l’héroïsme guerrier. 203

L’affrontement mortel
Olivier Duchemin, élève de 1912 à 1919
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 26,5 x 21 cm
Technique : pastel et crayon
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Canon et étendards
Texte rédigé par les élèves
Lucie Lemaire, Safia Touazi, Paul Montebourg,
Augustin Menguy et Zadig Perrot.

204 •


205

Canon et étendards Dimensions : 25 x 23 cm


Henri de Voumayrac Technique : pastel et crayons
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Canon et étendards
Le dessin de Henri de Voumayrac pourrait se classer dans
le genre de la nature morte militaire. En son centre, nous
observons la représentation d’un canon avec des obus de
divers calibres. Au dessus, est figuré un ensemble de cinq
étendards que l’on peut identifier. De gauche à droite, le
drapeau serbe, celui de la Russie, au centre, le drapeau
français puis la croix de Saint-André des Britanniques
206 • et enfin le drapeau de la Belgique. L’arrière-plan est
neutre et sans ajout de couleurs.

Ce type de dessin nous renvoie à la broderie réalisée


en temps de guerre. Il pouvait s’agir de mouchoirs à la
gloire des alliés brodés par les femmes mais également
Photographie d’un mouchoir patriotique brodé.
d’artisanat de tranchées avec des pièces brodées par © https://unmondedepapiers.com/tag/premiere-guerre-mondiale/
page/51/?iframe=true&preview=true%2Ffeed%2F#jp-carousel-15653
des soldats ou prisonniers. Ce mouchoir a été brodé en
1916 à la gloire des pays de l’Entente, on peut y observer
leurs drapeaux disposés autour d’un petit médaillon où se
trouve tissé un canon de 75. Autour du canon, les chiffres
des trois premières années de la guerre, soit 1914, 1915 et
1916, sont également brodés.
Scène d’affrontement
Texte rédigé, en partie, par les élèves
Jules Cammas et Jean Benassaya.

208 •


209

Scène d’affrontement
Jacques Labat de Lambert,
élève de 1912 à 1916
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 25 x 25 cm
Technique :
aquarelle et encre noire
Lieu de conservation :
École alsacienne, Paris
Scène d’affrontement L’auteur parodie dans ce dessin la propagande allemande.
Le texte ajouté joue sur la portée sémantique des termes
Texte : En Allemagne (les journaux) : Nos braves soldats tels que « pains, marrons ». Le repas du soldat allemand
reçoivent en ce moment une nourriture très substantielle n’est alimenté que par les coups de l’ennemi. L’enjeu
qui a été prise à l’ennemi dans nos glorieux combats. est encore de démasquer les mensonges de la presse
Particulièrement aux environs d’Arras où ils reçoivent allemande. Jacques Labat de Lambert choisit de réaliser
quotidiennement des pains, des marrons etc. et pour leur ici un dessin d’imagination avec un fort registre expressif.
dessert une /illisible/. Utilisant l’aquarelle pour apporter des contrastes par les
couleurs comme le motif du sang, il diversifie les espaces
210 • Au sein d’un paysage torturé et traversé par des explo- de représentation avec le pré à l’herbe haute au premier
sions, deux soldats français sont en passe de terrasser plan. Les effets de verts sur les arbres renforcent l’idée
sept soldats allemands. Au premier plan, quatre corps d’un paysage en désolation, tout comme les branches
de soldats allemands sont au sol sans vie ou couverts des arbres tombées au sol. Nous identifions, par ailleurs,
de sang. Au second plan, deux corps à corps se jouent dans ce dessin une des rares représentations d’une tran-
avec un affrontement à la baïonnette alors que l’autre chée parmi l’ensemble des dessins conservés à l’École
soldat français assène un coup de fusil sur la tête de son alsacienne par le professeur Maurice Testard.
adversaire, utilisant son arme comme une massue. À
l’arrière-plan, nous identifions un troisième soldat dissi-
mulé dans une tranchée, derrière lui figure le corps mort
d’un soldat allemand.
Les dernières cartouches
Texte rédigé, en partie, par les élèves
Elie Chambraud, Smilé Nomoto et Océane Ling.

212 •


213

Les dernières cartouches Dimensions : 28 x 22,5 cm


Jean Raudnitz, élève de 1908 à 1919 Technique : aquarelle et encre noire
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Les dernières cartouches
Dans un champ de terre, un soldat français tient en joue
trois soldats allemands qui ont levé les mains en l’air. Leurs
armes sont déposées au sol, on peut y reconnaître, une
épée, un pistolet et deux fusils. Le personnage tenu sous
la baïonnette du soldat français semble être un officier
allemand aux bottes noires cirées et au casque à pointe.
Le soldat français est représenté avec le pantalon rouge
214 • du début de la guerre, il porte également des bandes Alphonse de Neuville, Les dernières cartouches, 1873.
© Musée de la Dernière Cartouche, Bazeille
molletières.

On trouve deux citations importantes dans ce dessin.


Par son titre, “Les dernières cartouches”, le sujet fait
référence à une scène d’Alphonse de Neuville présenté
au Salon de 1873 qui peint les ultimes combats avant •
215
la défaite de 1870. Ici les rôles sont inversés, les trois
soldats allemands sont faits prisonniers par un seul soldat
français. L’autre citation visuelle est celle des personnages
de la bande dessinée de Louis Forton, Les Pieds nickelés
dont les aventures paraissent chaque semaine dans la revue Dessin de Louis Forton, paru dans en feuilleton dans le journal L’Épatant,
Les Pieds nickelés s’en vont en guerre, 21 janvier 1915.
pour enfants L’Épatant. Les visages sont particulièrement © Droits réservés

représentatifs des trognes dessinées par Forton.


Le torpillage Marcel Lauth représente le torpillage d’un navire civil, un

d’un navire civil voilier. Au premier plan, dans une chaloupe, les survivants
cherchent à interpeller le spectateur par leurs gestuelles.
Texte rédigé par les élèves Au second plan, la menace persiste avec la présence du
Adèle Roncey, Gabrielle Beruti, Ainoa Blanco sous-marin ennemi. La côte n’est pas très loin, elle est
et Pauline Cayatte-Leeb.
figurée derrière le navire en perdition, sur le bord droit ;
les flammes d’un bombardement y apparaissent au loin.
Le dessin nous suggère que le navire a été touché par une
torpille, une explosion retentissante est figurée par Marcel
Lauth, des jets de feu de couleur rouge orangé traversent le
216 •
ciel. Des débris du bateau volent en éclat et un large nuage
de fumée perce l’horizon. La palette de couleurs tant pour
le ciel que pour la mer contribue à l’effet dramatique, le
registre joue sur les tons rougeâtres. La noirceur des deux
embarcations suggère des connotations mortifères. Avant
la « guerre sous-marine à outrance » (1917), les Allemands

attaquent les navires civils, comme en témoigne le tor- 217
pillage du Lusitania le 7 mai 1915.

Le torpillage d’un navire civil Dimensions : 24 x 32 cm


Marcel Lauth, élève de 1913 à 1922 Technique : aquarelle et encre noire
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Conquête d’une section
de mitrailleuse
Texte rédigé par les élèves
Lucie Lemaire et Safia Touazi.

218 •


219

Conquête d’une section de mitrailleuse Dimensions : 21 x 17,5 cm


Élève non identifié Technique : pastel et crayons
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Conquête d’une section
de mitrailleuse
Dans un paysage de montagne, un affrontement sanglant
se déroule entre des soldats français et allemands. Après
être sortis de leur tranchée, les soldats français sur
la gauche, chargent l’ennemi qui semble encerclé. La
gestuelle des soldats français est exacerbée, ils se jettent
littéralement sur l’ennemi. Les tirs, les explosions,
220 • les coups de baïonnette ne laissent aucun répit à
l’adversaire. Des cadavres, des flaques de sang, des
corps à l’agonie et le drapeau français amené au
milieu du champ de bataille, tout contribue à mettre
en valeur la vaillance des soldats français. Nous Le glorieux trophée. Le premier drapeau pris à l’ennemi, imagerie d’Épinal,
paru dans La Grande guerre, série 2.
avons affaire ici à un dessin d’invention où l’élève a © http://87dit.canalblog.com/archives/2017/11/02/35801778.html

choisi de librement s’inspirer d’une estampe colorée


parue dans l’album La Grande guerre. Peu de citations
visuelles à part le registre chromatique mais une mise en
avant de la bravoure des soldats français à travers la mise
en avant d’une gestuelle très marquée. Il s’agit ici de la
représentation particulièrement efficace d’une offensive
et l’on peut imaginer que l’élève « vivait » son dessin dans
la cour de récréation avec ses camarades.
Combat naval
Texte rédigé par les élèves
Gabrielle Beruti, Adèle Roncey, Ainoa Blanco
et Pauline Cayatte-Leeb.

222 •


223

Combat naval Dimensions : 32,5 x 25,5 cm


Olivier Duchemin, élève de 1912 à 1919 Technique : pastel, encre et crayons
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Combat naval opposa la flotte britannique à la flotte allemande. On peut
reconnaître le cuirassé Pommern, coulé dans la nuit du 6
L’élève Duchemin représente ici une bataille navale dans au 7 mai 1916.
un mouvement exceptionnel. La composition est établie
à partir de l’impact de l’obus sur le navire allemand Une autre hypothèse a émergé de nos recherches, le
identifiable au pavillon. La violence de l’explosion pro- navire peut être identifié comme le SMS Rostock, qui est un
jette les marins en l’air et les flammes apportent une croiseur léger, coulé en 1916, et qui possède de nombreuses
dynamique saisissante. Le chaos règne au milieu de la mer, ressemblances avec celui de ce dessin. Il possède 4 chemi-
les corps des marins volent en tous sens. Les cheminées nées de navire et le drapeau qui figure sur le dessin est le
du navire sont brisées et s’effondrent, les matelots qui drapeau de la flotte allemande, le « Kriegsflagge ». Quatre
224 •
avaient commencé à prendre place dans un canot de croiseurs légers de la flotte allemande de haute mer ont
sauvetage sont, pour la plupart, agonisants dans leur été attaqués par la Royal Navy. Le SMS Rostock est torpillé
sang. Seules, deux chaloupes tentent de s’éloigner par des destroyers britanniques dans la nuit du 31 mai.
avec, à leur bord, un certain nombre de rescapés faisant Il est ensuite remorqué par des torpilleurs puis coulé le
des gestes de détresse. Des soldats nagent en direction lendemain par le HMS Dublin après que l’équipage soit
de ces embarcations dans l’espoir d’être sauvés. évacué du navire. Si cette hypothèse est vraisemblable,

le dessin témoignerait alors d’une grande attention à 225
Il faut souligner ici le caractère expressionniste voire l’actualité.
futuriste de ce dessin et la virtuosité linéaire dans la
représentation des petits personnages des chaloupes. Shidari Kiki (dit), Bigot Georges Ferdinand (dessinateur) ; Pellerin & Cie
(imprimeur, éditeur), La guerre sur les flots. Deux importants succès anglais,
Dessinés au crayon fin, les marins nous font l’effet d’être vers 1915-18, estampe.
© Musée de l’imagerie d’Épinal
chacun individualisé, avec un fort respect des proportions.
Il peut s’agir d’une scène tirée de la bataille du Jutland qui
L’assassinat d’Édith Cavell Alain Zuber a représenté ici l’intérieur d’une prison,
reconnaissable aux barreaux des fenêtres et des portes,
Texte rédigé par les élèves
Johanna Charpentier, Anaïs Kacel, Nathalie Levinton, ainsi que deux personnages. Au premier plan, à droite, se
Mia Manca et Emma Rathanavan. trouve un corps de femme sans vie. Il s’agit de l’infirmière
britannique Édith Cavell, assassinée par les Allemands
pour avoir établi une filière d’évasion en Belgique.
Dès 1914, des circuits d’évasion sont créés. Ils visent à
exfiltrer les militaires ayant perdu leurs unités. Mais des
volontaires et des ouvriers vont également rejoindre les
réseaux. La plus connue est la filière dans laquelle s’engage
226 •
l’infirmière britannique Edith Cavell. De novembre 1914 à
août 1915, elle permet à des soldats issus principalement
du département du Nord et du Hainaut de se rendre aux
Pays-Bas. Pendant l’été 1915, le réseau est identifié et
comme soixante-cinq autres membres de la filière, Edith
Cavell est arrêtée et fusillée.

227
Dans le dessin d’Alain Zuber, nous retrouvons des
citations visuelles des images parues dans la presse autour
de ce thème. En effet, de nombreuses représentations
présentent le corps de l’infirmière avec un bras ouvert et
un certain désordre dans la chevelure. Ces deux motifs L’assassinat d’Édith Cavell Dimensions : 24 x 32 cm
Alain Zuber, élève de 1910 à 1920 Technique : pastel et crayons
sont repris par Alain Zuber. L’assassin, un simple soldat Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
allemand est représenté devant son acte, avec un détail multiplient. Il s’agit de faire part de l’indignation générale
qui ajoute à la cruauté de l’ennemi, un sourire esquissé. après cette condamnation à mort expéditive de la justice
allemande. Une véritable légende va se mettre en place
L’élément pourtant le plus étrange dans cette scène autour de cette figure de martyre. En quelques mois,
d’histoire est l’association du motif des mains coupées à Edith Cavell devient une héroïne de la Grande Guerre
cet événement. Comme si l’élève avait voulu ajouter une et la presse ne cesse de relater son histoire comme en
dimension supplémentaire de barbarie à son dessin, il témoigne la collection Patrie. Cette collection consacre
représente l’infirmière britannique avec les bras mutilés. ses parutions à partir de 1917 aux grandes figures de
Le mythe construit autour des mains coupées raconte la Première Guerre mondiale. Le numéro 3 de cette
T. Carnel, dessin de propagande, Miss Edith Cavell cowardly murdered.
comment les soldats allemands auraient coupées collection est consacré à Edith Cavell. Cette forme de © Australian War Museum
228 •
les mains des enfants belges dans le but de rendre littérature hagiographique populaire est publiée jusqu’en
les enfants incapables de devenir des soldats et de se 1920 et contribue activement à la piété patriotique autour
venger, créant ainsi une génération de mutilés. (voir des figures des martyres et héros. En 1918, un peintre
dessin p. 77). Or, selon les témoignages de l’époque, américain, Georges Bellows, réalise une lithographie sur
Edith Cavell a été tuée par balle et son corps n’a pas le meurtre d’Édith Cavell. Comme notre élève, il situe la
été mutilé. Cette invention de la propagande de guerre scène dans le contexte d’une prison.

des pays de l’Entente, la légende des enfants belges aux 229
mains coupées par les Uhlans, est entrée dans le mythe À leur arrivée à Paris en 1940, les troupes allemandes ont
local grâce à sa large diffusion par les autorités mais aussi détruit le monument à Edith Cavell dans le premier arron-
par la presse. dissement. Cette infirmière britannique fusillée par les
Allemands en 1915 pour avoir permis l’évasion de centaines
Lithographie de Georges Belows, The Murder of Edith Cavell, 1918,
Après l’assassinat d’Édith Cavell, partout, dans toute de soldats alliés de la Belgique alors sous occupation était 53,5 x 68,5 cm.
© Laura P. Hall Memorial Collection
la presse des pays de la triple Entente, les articles se un symbole fort de la résistance à l’ennemi.
La ville en flammes
Texte, en partie, rédigé par les élèves
Ella Queyrat et Alice de Saint Jacob.

230 •


231

La ville en flammes Dimensions : 31 x 24 cm


Henri Barrier, élève de Seconde D Technique : aquarelle
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
La ville en flammes vers l’église, constatant avec satisfaction leur méfait. Ce motif sera très largement repris dans la presse comme l’atteste
le dessin d’Henri Gabriel Ibels, intitulé L’insomnie du Kaiser
Pour accentuer encore le caractère dramatique de la où un groupe d’enfants apparaît au Kaiser.
Henri Barrier donne une dimension pathétique à son composition, l’élève ajoute à l’arrière-plan, une ville en Au premier plan, des cadavres d’enfants sont représentés
parmi des enfants estropiés. Le personnage d’une petite fille vêtue
dessin non seulement par les diverses scènes représentées feu. Tout n’est que désolation et des flammes immenses d‘une robe blanche exhibe ses poignets coupés.

mais encore par l’usage de la couleur. Au premier plan, jaillissent des maisons, une épaisse fumée bleu-noir
nous observons une brèche dans le sol avec divers objets accompagne les stries rouges orangées de l’incendie. À
dispersés. Des corps sans vie au milieu de taches de sang l’arrière-plan, on peut encore apercevoir deux rangées
ouvrent cette scène macabre. Le regard s’arrête sur le parallèles de maisons où l’on peut distinguer un groupe de
corps d’un enfant, recouvert de sang et tenant encore un soldats autour d’un canon en action. Dans l’allée de droite,
fusil dans la main droite. Au second plan, des soldats trois soldats, fusil à l’épaule, se dirigent vers la place d’un
232 •
allemands tuent une femme suppliante qui porte son pas militaire.
nouveau-né dans les bras. Ses genoux sont pliés, sa tête
est rejetée vers l’arrière et laisse pendre ses cheveux Dans ce dessin macabre, nous observons que l’élève
bruns, tout son corps est tendu et forme un arc de dessinateur a choisi délibérément de faire une sorte
cercle. Derrière cette scène d’assassinat, se trouve une d’annuaire des violences de guerre. À tel point qu’il
église pillée et en partie détruite. Des impacts d’obus associe encore un motif imaginaire très répandu dans

sont visibles sur la façade et des croix chrétiennes ou l’esprit des enfants, le thème des mains coupées. Dans 233
crucifix ont été jetés à l’extérieur de l’église. Toujours une volonté de montrer sans détour la violence commise Henri Gabriel Ibels, L’insomnie du Kaiser, lithographie, 62,5 x 44,5 cm, 1er quart
du xxe siècle, Colmar, Musée Unterlinden.
au second plan, sur le bord latéral gauche du dessin, par l’ennemi, Henri Barrier présente, au premier plan, des © Colmar ; musée d’Unterlinden, 2013, © Service des Musées de France, 2013

deux autres soldats sont figurés, à en juger par leurs mains sectionnées dans une flaque de sang.
couvre-chefs, il s’agit de sergents (Unteroffizier). L’un
est immobile, l’autre est en mouvement et se dirige vers
le spectateur. Les deux personnages ont le visage tourné
L’incendie
de la Cathédrale de Reims
Texte, en partie, rédigé par les élèves
Jeanne Beffeyte Cligman, Gabriel Bonnichon
et Asiane Ducommun.

234 •


235

L’incendie de la Cathédrale de Reims


Christian Sauerwein, élève de 1909 à 1917
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 24,5 x 32 cm
Technique : pastel
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
L’incendie indiquer aux Allemands 
: « 
Vous avez perdu, notre Fraipont est très largement diffusé sur différents
de la Cathédrale de Reims patrimoine est détruit mais nous sommes debout ! » supports : cartes postales, photographies, revues, objets
souvenirs, médailles commémoratives et devient l’arché-
Dans une scène nocturne, l’élève Sauerwein représente Le 19 septembre 1914, le bombardement débute dans type de la représentation des bombardements. La cathé-
l’incendie de la Cathédrale de Reims, haut lieu de l’histoire l’après-midi par des obus incendiaires. Un obus explose drale de Reims en flammes devient une icône au service
de France et du sacre des rois. Cet événement du début sur l’échafaudage en bois qui entoure la tour Nord de du débat de la lutte de la civilisation contre la barbarie, le
de la guerre marque durablement les esprits et reste un la cathédrale. Le feu prend à trois endroits, dans la crime contre le patrimoine ne cessant d’être exploité par
symbole, pendant longtemps, de la violence des combats. tour Nord, dans l’abside et dans le transept. Le bois la suite.
La composition est établie autour d’une perspective de l’échafaudage brûle et le feu se propage au clocher,
236 • rigoureuse. Les nombreux détails de l’architecture cinq des huit cloches vont fondre. Ensuite, l’incendie
de la cathédrale contrastent avec les flammes qui s’étend aux combles en bois et le plomb du toit en fusion
s’échappent du monument gothique. Le ciel violacé coule à travers les gargouilles. Le soir, la tour Nord brûle
est traversé par un faisceau lumineux dans lequel on encore, les bâtiments épiscopaux touchés également se
aperçoit un zeppelin. Les grands coups de crayons consument une partie de la nuit. Étrangement, ce sont des
rouge et orange apportent un élément dramatique à soldats allemands malades qui se trouvaient à l’intérieur
cette scène par les nombreux foyers de feu représentés. de la cathédrale pendant le bombardement, le lieu ayant •
237
Des explosions d’obus se poursuivent dans le ciel mais été réquisitionné pour soigner les blessés.
aussi au sol comme en témoigne l’impact au premier
plan. Il y a un détail fort intéressant dans le coin inférieur Très vite, la destruction de la cathédrale est exploitée
droit du dessin : une porte ouverte au numéro 8 de la par la propagande française dénonçant le vandalisme
rue, une ombre sur le seuil qui pointe une main avec un et la barbarie des ennemis. Le traitement médiatique
La cathédrale en flammes, carte postale illustrée signée J. Grulier. Émile Boussu, La Cathédrale de Reims en flammes, 1914,
pouce renversé. Comment peut-on interpréter ce signe de cet événement va servir le nationalisme et toucher Éditions SE Lyon crayons et mines de plomb.
© Droits réservés © Musée des Beaux-arts de Rennes
directement adressé au spectateur ? Ce détail semble aussi les enfants. Un dessin du peintre belge Gustave
Caricature
d’un soldat allemand
Texte rédigé par les élèves
Charles Bajot, Sabrina Camilleri, Jade Dubois
et Ophélie Rus.

238 •


239

Caricature d’un soldat allemand


Maurice Jost de Staël,
élève de 1914 à 1916
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 15,5 x 17 cm
Technique : aquarelle et encre noire
Lieu de conservation :
École alsacienne, Paris
Caricature la lèvre supérieure. La taille des pieds est exagérée par le
volume des bottes. Le fusil, pendu au bras droit du soldat,
d’un soldat allemand possède également une taille trop grande. Aucune fenêtre
ne distrait le regard du spectateur, créant un ressenti
Voici une scène de genre où nous observons la caricature étrange d’enfermement qui parcourt le spectateur,
d’un soldat allemand attablé qui semble tremper un comme si cette scène anodine de repas condensait la
morceau de pain dans sa soupe, dans une attitude violence survenue avant le repas, devenue invisible. Le
dédaigneuse. La caricature joue sur l’alcoolisme du sol- cadrage serré du visage et les traits exagérés de l’ennemi
dat, suggéré par la grosseur de son nez et sa rougeur qui vus par des dessinateurs français ont certainement
remonte jusqu’aux sourcils. La bouteille de vin de inspiré les élèves. Parmi les illustrateurs de L’Épatant,
240 •
grande taille et le verre de vin rouge, au centre de la nous retrouvons Albert Mourlan, de son pseudonyme A.
composition, accentuent le message. Nous remarquons Lammour et Louis Forton, qui signe T.Hatt. Ce dernier a
une salle aux murs nus où l’on distingue une certaine réalisé les almanachs de L’Épatant entre 1911 et 1933.
perspective. La salle est exiguë puisque seule la table et
la chaise du soldat y trouvent une place. Étrangement,
le soldat allemand n’est pas représenté dans un uni- p Maurice Jost de Staël est devenu caricaturiste après la •
forme aux couleurs de l’armée allemande. On le guerre sous le nom de Bogislas. Il réalise un grand nombre 241
reconnaît grâce à son fameux casque à pointe, accroché de caricatures pour le journal Le Progrès civique ou encore
au porte-manteau. Les traits du visage sont délibérément Le Rire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il publie des
exagérés, les yeux clos nous suggèrent qu’il est sous dessins dans la presse collaborationniste, notamment
l’emprise de l’alcool, épuisé d’avoir trop bu. Les cheveux dans l’hebdomadaire antisémite Au pilori. En 1946, il est
coupés en brosse mettent en valeur la protubérance condamné à 10 mois de prison et cinq ans de dégradation Leonetto Cappiello, .« Choux et cochon ! », paru dans La Baïonnette,
n° 19, 11 novembre 1915, double page intérieure.
nasale. La lèvre inférieure semble ressortir davantage que nationale pour ces faits. © Droits réservés
Pillage des Allemands
et ivresse des soldats
Texte rédigé par les élèves
Piètra Jamet et Chloé Winckler.

242 •


243

Pillage des Allemands et ivresse des soldats Dimensions : 26,5 x 21 cm


Robert Mathei, élève de 1914 à 1919 Technique : pastel et crayon sur feuille à dessin
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Pillage des allemands voleur et violeur, assouvissant ses instincts primaires
sur une population civile démunie et désemparée.
et ivresse des soldats L’élève dénonce ici la barbarie allemande et met en avant
la violence de la guerre. Il s’approprie les motifs de la
Le dessin de Robert Mathei présente une scène de pillage propagande avec la figure du soldat allemand buveur
où l’on observe, à l’arrière plan, un village en proie aux de schnaps. Mais ce dessin témoigne également du
flammes. Au premier plan, quelques objets au sol, sans très large usage du vin dans le conflit. Il suffit de lire les
doute volés par les soldats : une montre, une horloge, recommandations du docteur Armand Gautier dans l’un
un livre, une lampe, une paire de lunettes et plusieurs de ses mémoires à l’Académie des sciences :
caisses. L’élève représente des soldats allemands   Donner du vin à nos hommes, à la dose très modérée de
«
244 •
reconnaissables grâce à leur uniforme et à leur casque 50 à 75 centilitres par jour, dans les conditions habituelles
ou aux combattants, c’est leur éviter bien des maux
à pointe. Ils sont en état d’ivresse, des bouteilles sont
(refroidissements, bronchites, pneumonies, diarrhées, etc.),
disposées autour d’eux sur le sol alors que l’un d’eux en c’est épargner à l’État beaucoup de journées d’hôpital, c’est
porte une à la main. Elles ont sans doute été dérobées à conserver nos combattants, c’est entretenir leur force et
la population. Les enfants des zones envahies avaient leur bonne humeur. »

livré des témoignages sur le pillage perpétré par les Les nouvelles formes de guerre impliquaient un état de

Allemands. L’ennemi fouillait généralement très désinhibition entretenu par l’alcool aussi bien du côté 245
minutieusement les maisons et surtout les caves car français que du côté allemand.
les bouteilles de vin y étaient très recherchées.
Dessin de Henri Henriot, Kultur allemande, Almanach Vermot, 1915.
© Droits réservés

Depuis la guerre de 1870-1871, les affiches et les récits


dressent un portrait impitoyable de l’ennemi. Le soldat
allemand est décrit comme un homme brutal, criminel,
Les belligérants

246 •


247

Les belligérants Dimensions : 25 x 10 cm


Théodore Monod, élève de 1914 à 1919 Technique : aquarelle
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Les belligérants difforme ou épaté, les yeux sont rapprochés ou plissés,
cette spécificité faciale est interprétée comme un signe
Pendant la Première Guerre mondiale, la caricature de sournoiserie. La bouche resserrée évoque la brute. Ce
prend un ton polémique et alimente la propagande contre visage grossi du soldat allemand sans corps mais à la barbe
l’ennemi. Les éditeurs de livres pour la jeunesse s’efforcent hirsute relève de la charge graphique. À côté de lui, se
aussi de relayer ce discours de mobilisation patriotique trouve représenté un officier britannique en tenue
par les textes, mais également par les illustrations. Ricardo d’apparat. Le quatrième personnage est un sikh, un
Flores publie « Faces boches : les brutes asphyxiantes de militaire indien de l’empire britannique. Le personnage
l’Humanité » dans la revue La Baïonnette, en octobre, 1915. vêtu de noir est très certainement un bersaglieri,
Des stéréotypes dans la représentation des officiers un militaire italien d’un corps de l’armée de terre,
248 •
se mettent en place dans la presse de propagande. Les reconnaissable à son chapeau à cornette et plumeau. À ses
motifs récurrents dans la caricature germanophobe côtés, un militaire français, un sapeur que l’on reconnaît
se retrouvent parfois dans les dessins d’enfants ; une grâce au motif du casque. L’avant dernier personnage
certaine raideur exagérée, des couvres chefs militaires est un officier belge identifié par son uniforme. Le
à la limite de l’extravagance. Ici, la galerie de portraits personnage qui clôt la galerie de portraits est un asiatique,
établie par Théodore Monod présente davantage des certainement un officier japonais. Théodore Monod, le

types nationaux reconnaissables à leur uniforme plutôt futur grand naturaliste et spécialiste du désert, a 13 ans 249
que des personnages connus. Les belligérants sont donc lorsqu’il réalise ce dessin qui regroupe les adversaires de
des personnifications de pays. Le premier personnage, à la Première Guerre mondiale, à la manière d’une planche Ricardo Flores, « Faces Boches, les brutes asphyxiantes de l’Humanité »,
paru dans La Baïonnette, n°14, 7 octobre 1915, p. 213.
gauche, est un officier allemand avec son attribut habituel, taxinomique. © Droits réservés

le casque à pointe. Il est représenté à travers la figure du


colosse au front bas et aux yeux bleus avec une chevelure
rousse. Le crâne carré est, généralement, associé à un nez
La rumeur Texte : [Communiqué du cuisinier]
«Mon cousin qu’est oncle de l’aide de camp du général
m’a dit que ça allait chauffer!!!!.................»

L’élève Jean Raudnitz présente une scène de genre où


l’on observe deux concierges d’immeuble, l’un muni
d’un tablier bleu et d’un plumeau sous le bras et l’autre,
coiffé d’un bonnet et tenant un balai. Les traits des
visages se rapportent à la caricature. Le personnage
masculin fumant la pipe explique à une femme le futur
250 •
dénouement heureux de la guerre. La culture de guerre
s’est imposée : les opinions se rallient au conflit. La
mise à mort symbolique de l’ennemi et la vaillance de
l’armée française sont un leitmotiv des populations. Le
phénomène des fausses informations est aussi un moyen
détourné de rappeler la désinformation entretenue

par l’occupant. Ici, avec humour, le texte nous montre 251
le caractère fragile et lointain de l’information par les
maillons familiaux du cousin et de l’oncle.

La rumeur
Jean Raudnitz, élève de 1908 à 1919
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 19 x 28 cm
Technique : pastel et crayons
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Bombardement Dans un paysage nocturne, l’élève Goepfert représente

d’un navire le bombardement d’un navire que l’on identifie comme


un paquebot. Le navire est atteint à plusieurs endroits
Texte rédigé par les élèves et un immense incendie est figuré par des hachures de
Adèle Roncey, Gabrielle Beruti, Ainoa Blanco couleur rouge-orangé qui s’échappent du navire. Les
et Pauline Cayatte-Leeb.
flammes ravagent le paquebot qui est déjà en perdition,
il commence à disparaître sous les flots par la proue. Sur
le bord inférieur gauche du dessin, les canons ennemis
tirent de manière incessante le navire.

252 •
Une nouvelle classe de navire, le croiseur de bataille,
apparut juste avant la guerre. Du côté des Allemands,
il était armé de canons de 11 à 12 pouces pour gagner en
vitesse tout en conservant un blindage assez lourd. Ce
sont peut-être bien ces canons ennemis figurés à l’avant-
plan que Robert Goepfert a voulu représenter.

253

Bombardement d’un navire Dimensions : 31,5 x 24,5 cm


Robert Goepfert, élève de 1914 à 1922 Technique : aquarelle
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Caricature
d’officier allemand

254 •


255

Caricature d’officier allemand


Théodore Monod, élève de 1914 à 1919
Année de réalisation : 1915
Dimensions : 20,5 x 13 cm
Technique : aquarelle et crayons
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Caricature
d’officier allemand
L’élève Monod représente ici un officier allemand à la
vive allure, marchant d’un pas assuré, le cigare à la main.
L’uniforme de couleur bleu, les bottes martiales, le casque
à pointe et l’épée nous permettent d’identifier le militaire
prussien et de retrouver les stéréotypes de la caricature ;
issu de la noblesse, l’officier est présenté dans une attitude
256 • rigide, l’œil orné d’un monocle et le sabre au côté. La
pointe du casque signale l’autorité et l’agressivité,
voire la brutalité, surtout lorsqu’il s’accompagne d’un
uniforme et de bottes. Théodore Monod exagère le
maintien contenu de l’officier en lui ajoutant quelques
vertèbres, au niveau du cou. L’élève intègre une
dimension comique à son dessin en donnant à l’officier
allemand les traits du visage de Croquignol, célèbre
personnage de la bande dessinée, Les Pieds Nickelés, parue
en 1908 dans la revue L’Épatant. Croquignol est représenté
Bande dessinée La bande des Pieds-nickelés, 1915, Paris, Éditions Offenstadt.
avec un long nez rouge, il est grand et assez fin, c’est le © Droits réservés

meneur de la bande.
Six dessins réalisés C
 aricature
par Claude Laurens d’un soldat allemand
L’auteur de ces dessins au crayon est Claude Laurens, un Découvert récemment à l’endos d’un autre dessin de
élève de l’École alsacienne de 1911 à 1922 ; il est alors en Claude Laurens, ce dessin nous est apparu exceptionnel
classe de 5eA. Claude Laurens est le petit fils du peintre car c’est le seul dessin couleur de cet élève qui nous a
d’histoire Jean-Paul Laurens, fils de Paul-André Laurens, laissé cinq dessins au crayon à papier. Issus d’une famille
peintre et ami d’André Gide. Son père enseignait à l’Aca- de peintres, Claude Laurens présente la caricature d’un
démie Julian. Claude Laurens réalise une série de cinq soldat allemand. Le dessin a été découpé sur ses deux
258 • dessins d’invention dans lesquels il met en avant la vie bords ; sur le côté gauche, des motifs où l’on voit inscrit
des soldats sur le front. Une sixième production de Pétain et Verdun, inscriptions qui ont perdu leur sens
Claude Laurens a été découverte à l’endos d’une feuille aujourd’hui. Du côté droit, c’est la deuxième partie du
collée, il s’agit d’une caricature à l’aquarelle d’un soldat visage du personnage qui est absente. Encore une fois, ici,
allemand. nous observons l’influence de la caricature de presse. Un
cadrage serré sur le visage, des traits exagérés comme la
bouche volumineuse. Un certain crétinisme est suggéré •
259
par les oreilles décollées et le strabisme dominant. La
dégénérescence de la race allemande est souvent le pro-
pos de ce type de caricature. Il nous manque un certain
nombre d’éléments pour pleinement analyser cette image Caricature d’un soldat allemand
Claude Laurens , élève de 1911 à 1922
mais nous pouvons, toutefois, grandement apprécier le Année de réalisation : 1915
Dimensions : 20 x 9,8 cm
coup de crayon habile, sûr de lui et profondément porteur Technique : aquarelle et encre
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
de sens de l’élève Claude Laurens.
Repos des soldats
Texte rédigé par les élèves
Pablo Feghali, Ugo Cingolani et Théophile Bompoint.

260 •


261

Repos des soldats Dimensions : 21 x 19,5 cm


Claude Laurens , élève de 1911 à 1922 Technique : dessin au crayon à mine
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Repos des soldats
Le trait de Claude Laurens est ici particulièrement féroce.
Son dessin joue de certains des stéréotypes associés
aux soldats allemands, buveurs de schnaps et mangeurs
de saucisses. Leurs moustaches sont notablement
exagérées et les regards expriment l’imbécilité. Ivres,
ils déambulent dans le camp. L’un est déjà endormi,
sur la gauche du dessin, sous l’effet de la boisson. Les
personnages du premier plan ont véritablement un air
262 •
ahuri. Ils emportent des saucisses, embrochées sur les
baïonnettes de leurs fusils. Le trait humoristique de la
scène tient à ce que le personnage de droite entraîne
avec lui une longue corde, à moins que ce ne soit un
immense chapelet de saucisses, provoquant la chute de
ses camarade restés près de la popote. L’un des soldats

semble inextricablement emberlificoté. Le dessin de 263
Claude Laurens tient donc du registre burlesque.

« La kultur et la poustifaille », dessin de Ricardo Flores, paru dans La Baïonnette,


n° 19, 11 novembre 1915.
© Droits réservés
Un char renversé
Texte rédigé par les élèves
Laura Cheng et Emma Huang.

264 •


265

Un char renversé Dimensions : 21 x 19,5 cm


Claude Laurens , élève de 1911 à 1922 Technique : dessin au crayon à mine
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Un char renversé
C’est lors de la bataille de la Somme, en août 1916, que
pour la première fois des chars d’assaut ont fait leur
apparition. C’était des chars britanniques MkI. Les
britanniques les ont surnommé « tanks » pour faire
croire aux Allemands qu’il s’agissait de réservoirs d’eau.
Dans le camp ennemi, l’effet de surprise face à ces
engins d’acier est une réussite mais, sur le plan tactique,
cette première sortie n’est pas d’une grande utilité,
266 •
de nombreux problèmes mécaniques ayant ralenti
leur avancée. Progressivement, les chars produits
sont plus perfectionnés et plus efficaces. En 1917, les
Britanniques lancent les MkIV et MkV tandis que du
côté français, sortent le Schneider CA1 ou le Saint-
Chamond. Le char dessiné par l’élève est probablement
un char Mk britannique. Char Mark IV dans une tranchée allemande
1er bataillon de Leicestershire, bataille de Cambrai, 20 novembre 1917.
© Historial de Péronne / Photo AFP
Déchargement de malles
Texte rédigé par les élèves
Pablo Feghali, Ugo Cingolani et Théophile Bompoint.

268 •


269

Déchargement de malles Dimensions : 31 x 22 cm


Claude Laurens , élève de 1911 à 1922 Technique : dessin au crayon
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Déchargement de malles
Comme une scène de vie sur la Voie sacrée, l’artère
logistique de Verdun, Claude Laurens dessine le transport
de matériels et les soldats affairés à un rythme rapide.
Cette voie a été entretenue en permanence car les camions
de transport de matériel et de troupes l’employaient
sans arrêt au rythme d’un véhicule toutes les quatorze
secondes en moyenne. Les camionnettes étaient les plus
rapides, elles pouvaient rouler à 25 km/h alors que les
270 •
camions entretenaient une vitesse de 15 km/h.

Photographie, Les munitions pour Verdun, Heippes, 7 mars 1916.


© ECPAD
Bataille au corps à corps C’est une scène d’affrontement que représente Claude
Laurens. Lors des assauts, les hommes étaient tués à
Texte rédigé par les élèves
Pablo Feghali, Ugo Cingolani et Théophile Bompoint. bout portant à coups de fusil ou de revolver, percés par
des baïonnettes, ou encore, frappés à coups de crosses.
Le soldat disposait de quatre armes pour la guerre de
tranchées : le fusil, la baïonnette, les armes de poing et
la grenade. Claude Laurens met en avant le chaos de
l’affrontement en enchevêtrant ses personnages. Le
tumulte de la violence est signifié par un désordre de corps
et d’objets.
272 •


273

Bataille au corps à corps Dimensions : 31 x 23, 5 cm


Claude Laurens , élève de 1911 à 1922 Technique : dessin au crayon
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Scène de tir de barrage
Texte rédigé par les élèves
Pablo Feghali, Ugo Cingolani et Théophile Bompoint.

274 •


275

Scène de tir de barrage Dimensions : 31 x 23 cm


Claude Laurens , élève de 1911 à 1922 Technique : dessin au crayon
Année de réalisation : 1915-16 Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Scène de tir de barrage
Le tir de barrage était une technique de tirs massifs
réalisés par plusieurs armes à feu dans un rythme
soutenu. Cette stratégie se mit en place avec l’artillerie
de campagne qui pouvait se déplacer rapidement sur tous
types de terrains. Claude Laurens représente ici un tir de
barrage avec quatre canons de 75. Les canons et obusiers
étaient en général espacés de 20 à 30 mètres de distance
sur des lignes allant de quelques centaines à plusieurs
276 •
milliers de mètres. Dans le cas de l’artillerie, les
projectiles utilisés étaient un mélange d’obus fusants
et d’obus percutants. Dans le dessin, les soldats
utilisent deux boucliers en acier indépendants pour
se protéger sur le champ de bataille. L’espace n’est pas
clairement identifié, toutefois, le caractère violent de Une batterie de canon de 75 au début de la Première Guerre mondiale,
carte postale.
l’attaque est signifié par les éclats d’obus dans le ciel. © Droits réservés
Portrait
d’un officier français

278 •


279

La rumeur
Dâng Duc Thân, élève annamîte, à l’École de 1913 à 1916
Année de réalisation : 1915-16
Dimensions : 24 x 32 cm
Technique : aquarelle et crayon à mine
Lieu de conservation : École alsacienne, Paris
Portrait d’un officier qui semble réunir les couleurs de la République de Chine.
Avec ses cinq bandeaux verticales, le drapeau national de
français la république de Chine de 1912 à 1928 répertorie les cinq
peuples rassemblés : Les Hans en rouge, les Mandchous
L’élève Dâng Duc Thân est un élève annamite, pensionnaire en jaune, les Mongols en bleu, les Huis en blanc et les
chez le directeur de l’École, Théodore Beck de 1913 à 1916. Tibétains en noir. Cette disposition du portrait d’un
Le professeur de dessin Maurice Testard a conservé un officier français et d’éléments décoratifs géométriques à
ensemble de quatre dessins de Thân dont l’un représente caractères exotiques affirme le métissage et le mélange des
le portrait d’un officier français. Il est indiqué sur le cultures de l’élève Thân. Il met également en évidence les
dossier conservé par Maurice Testard « élève annamite deux procédés de l’enseignement du dessin au début du
280 •
de famille appartenant au gouvernement indigène – xxe siècle : le dessin d’imagination qui, progressivement,
Correspondant : le colonel Chan ». Peut-être, s’agit-il remplacera le dessin géométrique.
d’un portrait du Colonel Chan, d’origine vietnamienne
qui était le tuteur de l’élève.

Présenté de profil, l’officier français porte un pantalon


rouge garance et un veston noir, il est coiffé d’un képi
avec deux liserets rouges, certainement un chasseur
de la cavalerie, un lieutenant ou un major. Représenté
avec le maintien propre aux officiers, il tient une canne
dans la main droite et une paire de gants dans la main
gauche. Sur la droite, nous observons, dans un encadré, Drapeau de la République de Chine,
utilisé entre la première année de la République (1912) à la 17e (1928).
une quille militaire et, à gauche, un cercle géométrique Il est généralement appelé Drapeau aux cinq couleurs.
T
 able des illustrations
Christian Sauerwein, Le canon de 75,
Georges Bloch, Le pillard allemand, 1915-16, aquarelle et encre, 32 x 24 cm,
1915-16, aquarelle et encre noire, 24 x 32 cm, École alsacienne, Paris.
École alsacienne, Paris.
Jacques Labat de Lambert, La Sublime porte
Jean Courtial, La Liberté éclairant le monde, ou les accords turco-allemands,
1915-16, aquarelle et encre noire, 24 x 32 cm, 1915-16, pastel et crayons, 31,2 x 23,4 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Charles Willm, La main coupée, David Patée, Le bombardement de Paris,


1915-16, aquarelle et encre noire, 22 x 30 cm, 1915-16, pastel et crayons, 24 x 32 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Jean Bruller, Les atrocités allemandes, Jean Desmond, Casque allemand,


1915-16, pastel et crayon sur feuille, 24 x 32 cm, 1915-16, aquarelle, 16 x 18 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Jacques Vis, La paix rêvée, Olivier Monod, La supériorité technique de l’armée française,
1915-16, aquarelle, 24 x 32 cm, 1915-16, pastel et encre noire, 22 x 13,5 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Jacques Labat de Lambert, Janus à double figure, Jean de Brunhoff, La Grande Armée,
1915-16, aquarelle et encre noire, 21,5 x 25,5 cm, 1915-16, pastel et encre, 42 x 23 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Jacques Labat de Lambert, Les restrictions en temps de guerre, Jean Bruller, La guerre à domicile, 283
1915-16, dessin au crayon noir, 22,4 x 14 cm, 1915-16, aquarelle, encre noire et crayons, 24 x 16 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Olivier Duchemin, L’offensive du 3e régiment des zouaves, Georges Sauerwein, Départ à la Gare Montparnasse,
1915-16, pastel et crayons, 31 x 21,5 cm, 1915-16, aquarelle et crayons, 47 x 31,5 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Robert Mathei, Le pillage des biens, Olivier Duchemin, Prise d’un fortin allemand,
1915-16, pastel et crayons, 23 x 19,5 cm, 1915-16, pastel, 26,5 x 21 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.
Jean Bruller, Allégorie de la guerre d’après Hanzi, Jacques Labat de Lambert, La perplexité du Kaiser, Jean Raudnitz, Les dernières cartouches, Jean Raudnitz, La rumeur,
1915-16, aquarelle, 11,5 x 23,5 cm, 1915-16, aquarelle et encre noire, 22 x 16,5 cm, 1915-16, aquarelle et encre noire, 28 x 22, 5 cm, 1915-16, pastel et crayons, 19 x 23,5 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

André Corriez, L’incendie de l’Hôtel de ville d’Arras, Georges Sauerwein, Portrait caricatural d’un soldat allemand, Marcel Lauth, Le torpillage d’un navire civil, Robert Goepfert, Bombardement d’un navire,
1915-16, pastel et crayons, 19,5 x 23 cm, 1915-16, aquarelle et encre, 32 x 24,5 cm, 1915-16, aquarelle et encre noire, 32 x 24 cm, 1915-16, aquarelle, 31,5 x 24 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Jean-Yves Riedberger, L’incendie de l’hôtel de ville d’Arras, Charles Willm, Caricature d’un officier prussien, Anonyme, Conquête d’une section de mitrailleuse, Théodore Monod, Caricature d’un officier allemand,
1915-16, aquarelle et crayon, 24,5 x 32 cm, 1915-16, pastel et encre sur feuille de cahier d’écolier, 7 x 16,5 cm, 1915-16, pastel et crayons, 21,2 x 15,9 cm, 1915, aquarelle et crayons, 20,5 x 13 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Claude Zuber, Une batterie de mitrailleuse en campagne, Jean Raudnitz, Le cavalier uhlan, Olivier Duchemin, Combat naval, Claude Laurens, Caricature d’un soldat allemand,
1915-16, aquarelle et encre noire, 31 x 19 cm, 1915-16, aquarelle et crayon noir, 15 x 15 cm, 1915-16, pastel, encre et crayons, 32,5 x 25,5 cm, 1915-16, aquarelle et encre, 20 x 9,5 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Claude Zuber, Torpillage d’un bateau-hôpital, Jean Raudnitz, Caricature d’officiers et de soldats allemands, Alain Zuber, L’assassinat d’Édith Cavell, Claude Laurens, Repos des soldats,
284 • 1915-16, pastel, 24 x 28 cm, 1915-16, aquarelle et crayons 19,5 x 11,4 cm, 1915-16, pastel et crayons, 24 x 32 cm, 1915-16, dessin au crayon à mine, 21 x 19,5 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.

Charles Willm, Allégorie de l’Alsace Jean Raudnitz, Caricature d’officiers anglais, Henri Barrier, La ville en flammes, Claude Laurens, Un char renversé,
apparaissant aux soldats français, 1915-16, aquarelle, 17,5 x 13 cm, 1915-16, aquarelle, 31 x 24 cm, 1915-16, dessin au crayon à mine, 21 x 19,5 cm,
1915-16, pastel, 22 x 13,5 cm, École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.
École alsacienne, Paris.
William Lods, Le pillage des œuvres d’art, Christian Sauerwein, L’incendie de la Cathédrale de Reims, Claude Laurens, Déchargement de malles,
Anonyme, La batterie de campagne, 1915-16, aquarelle, 24 x 32 cm, 1915-16, pastel, 24,5 x 32 cm, 1915-16, dessin au crayon à mine, 31 x 22 cm,
1915-16, pastel et crayons, 22 x 13 École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris
École alsacienne, Paris. •
Olivier Duchemin, L’affrontement mortel, Maurice Jost de Staël, Caricature d’un soldat allemand, Claude Laurens, Bataille au corps à corps,
285
Georges Sauerwein, Caserne militaire française 1915-16, pastel et crayon, 26,5 x 21 cm, 1915-16, aquarelle et encre noire, 15,5 x 17 cm, 1915-16 dessin au crayon à mine, 31 x 23,5 cm,
5e chasseurs d’Afrique, École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.
1915-16, pastel et encre, 23 x 19,5 cm,
École alsacienne, Paris Henri de Voumayrac, Canon et étendards, Robert Mathei, Pillage des allemands et ivresse des soldats, Claude Laurens, Scène de tir de barrage,
1915-16, pastel et crayons, 25 x 23 cm, 1915-16, pastel et crayon sur feuille à dessin, 26,5 x 21 cm, 1915-16, dessin au crayon à mine, 31 x 23 cm,
Minaud, (prénom inconnu), Conversation avec des prisonniers, École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.
1915-16, aquarelle, 25 x 17,5 cm,
École alsacienne, Paris. Jacques Labat de Lambert, Scène d’affrontement, Théodore Monod, Les belligérants, Dâng Duc Thân, Portrait d’un officier français,
1915-16, aquarelle et encre noire, 25 x 25 cm, 1915-16, aquarelle, 25 x 10 cm, 1915-16, aquarelle et crayon à mine, 33 x 25,5 cm,
École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris. École alsacienne, Paris.
C
 lasses participantes Samuel MONCORGE, Georges OLIVENNES,
Abouchalache RAMZI, Emma RATAVANH, Tangui RELTGEN,
Alice RENAUD.
au projet d’étude Seconde 6 :
des dessins Laurie ARBUS, Ainoa BLANCO, Gabrielle BERUTTI,
Théophile BOMPOINT, Jessica CHAMPENOIS,

(Année 2015-2016)
Pauline CAYATTE LEEB, Ugo CINGOLANI, Hadrien DELAPALME,
Joséphine DESPRES, Ange FAUSTINO, Pablo FEGHALI,
Inès FROIDEFOND, Dalia HAIDAR, Divine LEGRE, Augustin MENGUY,
Chloé de MONTGOLFIER, Paul MONTEBOURG,
Pour la rédaction des textes : Rebecca MOREL MAROGER, Gustave MUCKENSTURM, André PARE,
Seconde 1 : Zadig PERROT, Félix QUERE, Marius RAYMOND, Paola RECHTMAN,
Jean BENASSAYA, Eliott BERNARD de COURVILLE, Jules CAMMAS, Henry ROBERT, Anouk ROHDE, Adèle RONCEY,
Elie CHAMBRAUD, Laura CHENG, Perrine CODACCIONI, Loredana SOUMILLON VIAGGIO, Marcel THOMPSON,
Alice DE SAINT JACOB, Emma HUANG, Piètra JAMET, Océane LING, Rania VAN DEN OUWELAND, Stéphanie ZAHLAN de CAYETTI,
Smilé NOMOTO, Chloé WINCKLER, Juliette Asa ZANARTU. William ZEDERMAN.

Seconde 3 :
Noa ATTIAS, Charles BAJOT, Jeanne BEFEYTE CLIGMAN,
Gabriel BONNICHON, Sabrina CAMILLERI, Héloïse CHATELUS, Pour une participation à la recherche :
Nissim CHEKROUN, Jade CIZEAU ZEENI, Maxime COURREGES, Seconde 1 :
Jade DUBOIS, Léonie DOLIGE, Asiane DUCOMMUN, Béryl ANDREU DE LAPIERRE, Salomé BLOCH, Perrine COUSTATY,
Adrien HOPPENOT, Marie JABLONSKI, Lucie LEMAIRE, Pietro CREN, Barthelemy DEBARRE, Thaïs ELOI-HAMMER,
Gabriel LIPSKER, Augustin LIU, Victor MEYRIEUX, Wael MURRAY, Margot FARKAS, Florence HENG, Shane HOEBERICHTS,
Justine PERTHUIS, Maya PLICHET, Victor PRESTAT, Nolwenn PROT, Lucien JOUET, Stanislas MAILLOL, Philippine MANDELBROJT,
Ophélie RUS, Lucas SALA, Loïck SEITE, Lola SEYDOUX, Victor MAREMBERT, Ella QUEYRAT, Clara THOMAS, •
Ethan SCEMAMA, Safia TOUAZI, Camille ZEITOUN, Héléa ZERDOUN. Ambre TOUBERT, Remy XU, Gabriel ZEDERMAN. 287
Seconde 4 : Seconde 4 :
Jean Gabriel ARGAUD, François BALLET, Nathanael BENNAFLA, Axel TAILLEUR, Edmond THIRIEZ.
Clara BICHERON, Agathe BOUJU, Sebastian CAMILLERI,
Johanna CHARPENTIER, Alexandre COLIN, Anne France COULON,
Eléonore d’ESPINOSE de la CAILLERIE, Marty FANELLI,
Manon FLITZPATRICK, Baptiste GIBRAT, Ninotchka HOOD,
Anais KACEL, Burton LAMORE, Arthur LANGLOIS,
Lucas LEDOUX, Emmanuel LE HIR, Nathalie LEVINTON,
Vincent LEVY, Mia MANCA, Marc MICHALET,
C
 rédits photographiques Affiche réalisée dans le cadre scolaire par Camille Boutet pour
le Comité National de Prévoyance et d’Économies, Paris 1918.
Préface de Pierre de Panafieu : © Coll. Library of Congress, Washington.
Maurice Testard, Paysage, non daté, aquarelle, 26x22 cm.
© École Alsacienne, Paris. Jeunes garçons faisant la quête devant un lycée transformé
en ouvroir, Paris, août 1914, photographie, Agence Rol
Avant-propos : © BnF.
MPhotographie noir et blanc de l’exposition-vente des travaux
Vendeurs de journaux parisiens attendant l’édition spéciale,
des élèves de Maurice Testard au profit des enfants des pays envahis
Bain News Service.
du 8 juin 1916, Gymnase Charcot de l’École alsacienne.
© Coll. Library of Congress, Washington.
© École alsacienne.
La foule devant les dégâts du bombardement du 29 janvier 1916,
Exposition des dessins de 1915-16 lors des Journées européennes
Boulevard de Ménilmontant, Paris, carte postale.
du patrimoine, 17-18 septembre 2016, gymnase Charcot.
© Collection personnelle.
© École Alsacienne, Paris.

Photographie noir et blanc de l’exposition des dessins, tenue le 8 juin


Texte d’Emmanuel Larroche :
1916 au gymnase Charcot. Bataillon scolaire : École alsacienne, Paris 1883-1884.
© École Alsacienne, Paris. © École Alsacienne, Paris.

Portrait du professeur de dessin Maurice Testard, par l’un de ses Bataillon canon : Claude Perchot, Gaston Westercamp, Pierre
élèves Tissier, Olivier Monod et François Reymond. Photo : E. Vallois.
© École Alsacienne, Paris. © École Alsacienne, Paris.

Texte d’Emmanuelle Cronier : Texte de Florence Lacombe :



Poilus permissionnaires. Retrouvailles familiales à la gare de l’Est, MGiovanni Francesco Caroto, 289
Paris, septembre 1915, photographie, Agence Rol. Portrait d’un jeune enfant avec dessin, 1515.
© BnF. © Musée de Castelvecchio, Vérone.

« Tu ne reconnais pas ton papa ? ». Paris, Gare de l’Est. Pierre-Henri Revoil, L’enfance de Giotto, 1840, huile sur toile
Dessin de Julien Le Blant. Coll. D. Formaz. 0,82 x 0,66 m.
© Collection privée. © Musée des Beaux-Arts de Grenoble.

André Hellé, Alphabet de la Grande Guerre. 1914-1916. Pour les La classe des élèves de 3eA avec leur professeur de dessin
enfants de nos soldats. Berger-Levrault, Paris/Nancy, 1916. Maurice Testard, 1913-1914.
© Droits réservés © École Alsacienne, Paris.
Salle de dessin de l’École alsacienne, début du xxe siècle, Georges Bellows, Les Allemands arrivent, Photographie de la Sublime porte, Sebah et Joaillier, 1900, Carte postale de la Caserne des tourelles à Paris.
J. David et E. Valloes, Photographie noir et blanc, 1918, huile sur toile, 125,7 x 201,3 cm. tirage argentique mat, 21 x 27 cm, Sebah & Joaillier © Droits réservés.
Collection de l’École alsacienne. © National Gallery of Art, Washington. © Droits réservés.
© École Alsacienne, Paris. Dessin de Mass’Boeuf, Soldats africains.
Kaiser and his u-boat, Affiche de 1917. Dessin du Zeppelin paru dans le supplément illustré du Petit journal © Droits réservés.
Georges Sauerwein, La classe de dessin, autour de 1915, aquarelle. © University of North Texas, Digital Library. du 4 avril 1915, n° 1267.
© École Alsacienne, Paris. © Droits réservés. Extrait des Pieds Nickelés paru dans L’Épatant : Les Pieds Nickelés
Dessin de J. J. Waltz dit Hansi, Le village alsacien, 1918. s’en vont en guerre, 1913-17.
Pascal Convert, Native drawings, fresque, 2000. © Droits réservés. Félix Valloton, Verdun, 1917, 115 x 146 cm, © Droits réservés.
© École Alsacienne, Paris. © Musée de l’armée. Paris. Caricature avec ombre, Dessin paru dans Le Rire Rouge, 20 mai 1916.
Le Janus britannique paru dans Le Rire Rouge, 4 décembre 1915. 1914. Pour le droit, pour la civilisation, carte postale patriotique, 1914. © BnF, Gallica.
Pablo Reinoso, Rencontre alsacienne, 2015, acier peint, © Alamy Banque d’images. © Collection de l’École alsacienne.
installation permanente. Dessin paru dans la presse d’après une carte postale italienne,
© École Alsacienne, Paris. Rollin Kirby, Verdun, paru dans le New York World, 1916. Tintin Lutin, Album de 1897 paru chez Félix Juven à Paris. L’ombre de Napoléon par Golia, non daté.
© Droits réservés. © BnF Gallica. © Droits réservés.
Fiches des élèves :
Dessin de Ricardo Flores paru dans Le Rire Rouge, Hansi, Passage du Rhin, retour au pays natal, 1918. Charles Huart, « Nos prisonniers », La Baïonnette, n° 23,
290 • Carte humoristique patriotique, dessin signé Hansi, 1915, daté du 08 avril 1916. © Droits réservés. 9 décembre 1915.
Éditions Klein & Cie, Épinal. © Droits réservés. © Droits réservés.
@ Droits réservés. Carte postale de l’Hotel-de-Ville d’Arras incendié, A. Richard, Paris
Germania, paru dans La Baïonnette, n°146, 18 avril 1918. Visé n°157. Louis Forton, Almanach de L’Épatant, 1915.
Carte postale couleur, 9 x 14 cm, Éditeurs Lebègue, Paris. Dos réalisé par Lucien Métivet. © Droits réservés. © Droits réservés.
© Droits réservés. @ Droits réservés
Arras. L’Hôtel de Ville et le Beffroi incendiés par les obus allemands Dessin de Hansi, Le mégalomane microcéphale, 1916.
Dessin de Mass’Beuf, Édition GIP, Marseille-Paris. Bataille de Wissembourg, paru dans Imagerie nouvelle, non daté, pl. 6. en flammes le 7 octobre. Éd. Charles Ledieu (1872-19..). © Droits réservés.
© Droits réservés. © BnF Gallica. © Droits réservés.
Page couverture du Rire Rouge, n° 75, du 22 avril 1916.
Avant la bataille de la Marne, Après la bataille de la Marne, Château de Baye (Marne), pillé en septembre 1914. Un nouveau crime allemand : le torpillage du Llandovery Castle, © BnF, Gallica. •
double dessin de Hansi, 1915, Page d’Alsace. © Archives nationales. paru dans le journal L’excelsior, 3 juillet 1918.
291
© BNU Strasbourg. © Droits réservés. Dessin de Caran d’Ache, Emmanuel Poiré, paru dans Le Chat noir.
Un canon de 75, Jules Gervais-Courtellemont, vers 1914-1916, © http://centenaire.org/
Dis, maman, la guerre, c’est donc contre les petites filles ? 18 x 24 cm. Carte postale Le jour de la mobilisation en souvenir du 1er août 1914,
Dessin de Poulbot, Le Rire Rouge, 23 février 1918, n° 171, © Collection Cinémathèque Robert-Lynen, Ville de Paris. Éditions Ad. Welck, St Dié, n° 9603 Dessin de Charles Genty, «L’armée du Kronprinz vu
page couverture. © Droits réservés. par Charles Genty», paru dans La Baïonnette, n°3, 22 juillet 1915.
© Droits réservés. Halte là ! On ne passe pas ! J’ai mon 75, Carte postale, 1915, Imprimerie © Droits réservés.
Courtemont, Paris, Éditions française, Série P, n ° 40. Dessin de Henri Zislin, Résurrection, 1916. Dessin paru dans Album
Carte postale bilingue, Lafayette, série 36, Imprimerie J. Amiral, @ Droits réservés. Zislin.Dessin de guerre, 4 fascicules, Paris/Nancy, Berger-Levrault, Halte-là ! Guillaume…, dessin paru la revue Pêle-mêle, 6 février 1916.
France, 1916. 1918, 64 planches. © BnF, Gallica.
© Droits réservés © Collection de l’École alsacienne.
Photographie d’un mouchoir patriotique brodé. Leonetto Cappiello, « Choux et cochon ! », La Baïonnette, n° 19,
© https://unmondedepapiers.com/tag/premiere-guerre-mondiale/page 11 novembre 1915, double page intérieure.
/51/?iframe=true&preview=true%2Ffeed%2F#jp-carousel-15653 © Droits réservés.

Alphonse de Neuville, Les dernières cartouches, 1873. Dessin de Henri Maigriot dit Henriot, Kultur allemande, non daté.
© Musée de la Dernière Cartouche, Bazeille. © Droits réservés.

Dessin de Louis Forton, paru dans en feuilleton dans le journal Ricardo Flores, « Faces Boches, les brutes asphyxiantes
L’Épatant Les Pieds nickelés s’en vont en guerre, 21 janvier 1915. de l’Humanité », paru dans La Baïonnette, n°14, 7 octobre 1915, p. 213.
@ Droits réservés. © Droits réservés.

« Le glorieux trophée. Le premier drapeau pris à l’ennemi », imagerie Bande dessinée La bande des Pieds-nickelés, 1915, Paris,
d’Épinal, paru dans La Grande guerre, série 2. Éditions Offenstadt.
© http://87dit.canalblog.com/archives/2017/11/02/35801778.html © Droits réservés.

Shidari Kiki (dit), Bigot Georges Ferdinand (dessinateur) ; « La kultur et la poustifaille », dessin de Ricardo Flores, paru
Pellerin & Cie (imprimeur, éditeur), La guerre sur les flots. dans La Baïonnette, n° 19, 11 novembre 1915.
292 • Deux importants succès anglais, vers 1915-18, estampe. © Droits réservés.
© Musée de l’imagerie d’Épinal.
Photographie noir et blanc, Un char britannique, 1916.
T. Carnel, dessin de propagande, © Historial de Péronne / Photo AFP.
Miss Edith Cavell cowardly murdered.
© Australian War Museum. Les munitions pour Verdun, Heippes, 7 mars 1916.
© ECPAD.
Lithographie de Georges Belows, The Murder of Edith Cavell, 1918,
53,5 x 68,5 cm. Une batterie de canon de 75 au début de la Première Guerre mondiale,
© Laura P. Hall Memorial Collection. carte postale.
© Droits réservés.
Henri Gabriel Ibels, L’insomnie du Kaiser, lithographie, 61 x 44 cm,
1er quart du xxe siècle, Colmar, Musée Unterlinden.
© Service des Musées de France, 2013.

La cathédrale en flammes, carte postale illustrée signée J. Grulier,


Éditions SE Lyon.
© Droits réservés.

Émile Boussu, La Cathédrale de Reims en flammes, 1914, crayons


et mines de plomb.
© Musée des Beaux-arts de Rennes.
R
 emerciements
La publication du catalogue n’aurait pu avoir lieu sans la coopération Merci aux élèves des classes de Troisième et Première ayant participé

d’un grand nombre de personnes de la communauté de l’École aux Journées européennes du patrimoine en septembre 2016. Ces

alsacienne. Ce sont tout d’abord les élèves des classes de Seconde 3, élèves se sont impliqués dans ce projet avec une rare motivation, ils

de Seconde 4 et de Seconde 6 qui doivent être remerciés pour leur ont reçu le public et organisé des visites guidées de l’exposition.

participation active dans ce projet, leur motivation à comprendre

ceux qui furent à leur place un siècle plus tôt. Merci à Pierre de Remy Attanasios

Panafieu qui a suivi l’avancement de ce projet dès l’amorce de cette Adrien Aufan Stoffels D’Hautefort

aventure et qui a facilité sa réalisation. Merci à Brice Parent, directeur Eléna Bamberger

adjoint pour ses conseils et sa relecture. Merci à Anne Couraye pour Eve Destais

son travail de vérification des fiches des élèves et son implication de Etienne Jarrier

tous les instants pour la première exposition des dessins. Un merci Clara Sirol

particulier à Michel Marbeau pour avoir établi le contact avec la maison Lily Levy

d’éditions Hémisphères/Maisonneuve-Larose. Merci à Marie-Anne Caroline Pooler

Vandroy-Schaumasse pour sa relecture fine de certains textes et ses Léo Pradeau



commentaires. Merci à Isabelle Le Touzé pour avoir également engagé Nina Welgryn 295
sa classe de Seconde 1 dans ce projet pédagogique.

Enfin, merci aux élèves de la classe de Seconde-Patrimoine de l’année

Nous avons une attention particulière pour notre éditeur Alain Jauson, 2017-2018 et à ceux de la nouvelle promotion 2018-19.

en qui nous avons trouvé une écoute attentive et de bons conseils.

Merci au designer maquettiste, Jean-François Lemporte, qui a su

magnifier les dessins grâce à un graphisme original.

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