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Benveniste Émile. Ferdinand de Saussure à l'École des Hautes Études.. In: École pratique des hautes études. 4e section,
Sciences historiques et philologiques. Annuaire 1964-1965. 1964. pp. 20-34;
doi : https://doi.org/10.3406/ephe.1964.4796
https://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0001_1964_num_1_1_4796
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M. Jacques
du
FERDINAND DE SAUSSURE
(1) On ne peut donner ici une liste même approchée des publications
relatives à Saussure. Les derniers fascicules des Cahiers Ferdinand de Saussure
fourniront la documentation essentielle.
(2) Voir Cahiers Ferdinand de Saussure, 20, 1963.
(3) Robert Godel, Les sources manuscrites du Cours de Linguistique
générale, Genève, 1957, donne un inventaire très précieux de ces liasses exhumées
depuis peu d'années.
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(1) Les lettres de Saussure à Meillet sont publiées dans les Cahiers
Ferdinand de Saussure, 21, 1964.
(2) Ceci doit être entendu littéralement. M. Godel, qui a exploré toutes les
notes retrouvées, dit : « On ne sait rien du développement de ses idées avant
1891, date de ses notes les plus anciennes » (op. cit., p. 33). « Avant 1891 »,
c'est justement la période parisienne. Apparemment Saussure n'a rien conservé
de ces années de sa vie.
(3) Seul Gauthiot en a tenu compte dans sa notice, qui a été réimprimée
dans la Plaquette d'hommages, p. 87. Cf. ci-après, n, 5.
(4) Voir ci-après, p. 53 et suiv., les notes de M. Fleury.
(5) Il y a beaucoup de données précieuses dans les souvenirs et les notices
qui ont été réunies en une plaquette hors commerce par Mme de Saussure
en 1915 sous le titre : Ferdinand de Saussure (1857-1913), rééditée en 1962,
mais toujours hors commerce. Nous y renverrons plusieurs fois dans la suite
et la désignerons par Plaquette d'hommages.
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(1) Sur les années d'étude en Allemagne, Ferdinand de Saussure avait lui-
même rédigé sous forme de notes quelques souvenirs qui sont les éléments
de sa biographie et qui ont paru dans les Cahiers Ferdinand de Saussure,
17, 1960, p. 12 et suiv. Voir aussi la notice nécrologique de W. Streitberg sur
Saussure, Indogermanisches Jahrbuch, II, 1915.
(2) Ce voyage de Saussure en Lituanie reste un point obscur dans sa
biographie. On ne sait exactement ni quand Saussure s'est rendu en Lituanie, ni où
il a résidé, ni ce qu'il y a étudié. Avec sa grande réserve sur tout ce qui touche
à sa vie personnelle, il n'en a jamais parlé. Dans ses divers travaux publiés sur
le lituanien, il se réfère seulement à des sources écrites, sans faire état d'aucune
observation directe. Ni Meillet, ni Streitberg ne mentionnent ce voyage. Les
témoignages positifs sont ceux d'amis personnels qui avaient des raisons d'être
bien informés, mais qui s'expriment à ce sujet sans précision. Ainsi Ernest
Muret : « Persévérant dans la voie qu'il avait si heureusement frayée, le jeune
docteur de l'Université de Leipzig s'en fut en Lituanie, pour étudier, dans leurs
variétés parlées, ces dialectes qui ont conservé jusqu'à nos jours un aspect
indoeuropéen si archaïque... Il abordait ainsi, l'un des premiers, cette étude directe
de la langue vivante qui a depuis lors si complètement transformé les méthodes
et les problèmes de la linguistique. Quelque temps après, Saussure arrivait à
Paris... » (Plaquette d'hommages, p. 43). Et Charles Bally : « ...Quant au
lituanien, cet idiome si précieux pour la connaissance de l'indo-européen, il était
allé l'étudier sur place et en avait tiré la matière de ses plus pénétrantes
recherches » (ibid., p. 53).
(3) Il évoque dans une lettre à Meillet une parole de J. Darmesteter qu'il
avait retenue de son cours de 1881.
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(1) Il faudrait indiquer ici, car c'est aussi en cette autre qualité que Saussure
a agi à Paris, son rôle à la Société de linguistique. Il a raconté lui-même dans les
notes autobiographiques précitées : « C'est en 1875 ou 76 que j'écrivis à
M. Bergaigne (ami de M. Léopold Favre de Genève) de bien vouloir me faire
recevoir à la Société de linguistique de Paris, et j'envoyai de Genève un article
inepte « sur le suffixe -t- », où je tremblais à chaque ligne de dire quelque chose
qui ne fût pas d'accord avec Bopp, devenu mon unique maître » (Cahiers,
17, 1960, p. 19). En effet Saussure fut élu à la Société de linguistique le 13 mai
1876 (à dix-huit ans et demi) et publia en 1877 dans les Mémoires (III, p. 197)
l'article qu'il devait juger avec une sévérité excessive. La liste des membres
de la Société au 1er janvier 1878 porte Ferdinand de Saussure comme « stud.
phil. » à Leipzig. A la séance du 19 janvier 1878 « il est donné lecture d'une série
d'étymologies de M. Ferdinand de Saussure », et à la séance du 25 janvier 1879,
la Société reçoit l'hommage du Mémoire sur le système primitif des voyelles.
Il n'est donc pas un inconnu quand il paraît pour la première fois à la Société,
le 14 décembre 1880. H est d'emblée nommé membre de la Commission de
vérification des comptes, et il signe, en tant que secrétaire de cette commission,
le rapport présenté le 18 décembre 1880. Il fait sa première communication
le 22 janvier 1881 et montre dès lors une grande assiduité aux séances. Délégué
dans les fonctions de secrétaire-adjoint en 1882, puis secrétaire-adjoint auprès
de Bréal en 1883, fonction qu'il conservera jusqu'en 1891, il est chargé de la
rédaction des procès-verbaux et de la direction des Mémoires. Meillet souligne
la qualité des interventions qu'il faisait parfois aux séances.
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* *
fortuné Guieysse, mort avant l'âge, préparait alors ses études sur
l'argot. Quelle curiosité y poussa un jour Ferdinand Lot? Je tiens
de lui-même qu'il conservait encore les cahiers où il avait noté —
ce devait être en 1890-1891 — les paradigmes lituaniens que
Saussure préparait pour ses auditeurs.
C'est à partir de 1885 qu'on voit surgir la génération des
linguistes. Tout l'avenir de la linguistique en France se préfigure
en signes déjà explicites quand apparaissent dans les listes ces
noms alors nouveaux : Duvau, Boyer, Passy, et surtout Meillet
(à partir de 1887), puis Grammont. En ces années se prépare le
renouvellement des doctrines linguistiques et des méthodes
d'enseignement, puisque déjà Meillet assure la suppléance de
Saussure en 1889-1890, en attendant de le remplacer, avec Duvau,
en 1891, quand Saussure décidera de rentrer à Genève. Peu
d'années après viendront Gauthiot et Vendryes. C'est tout un
groupe d'esprits hardis, convaincus, qui suivront la voie
instaurée par Saussure et resteront nourris de son enseignement (1).
On mesure ainsi ce que Bréal, avec sa rare intuition des hommes,
rendit possible le jour où il appela auprès de lui ce jeune linguiste
qu'il n'avait pas formé lui-même et dont il avait su respecter
l'originalité. Saussure s'attacha à cet enseignement, et il eut
des élèves dignes de lui et conscients de ce qu'ils lui devaient.
Meillet s'est toujours plu à souligner sa dette personnelle, que
ce fût par la dédicace de son Introduction, ou en organisant les
Mélanges de linguistique qu'il lui remit personnellement à
Genève le 14 juillet 1908 ou enfin dans la notice qu'il lui a
consacrée en 1913 (2). Cette trace ne s'est pas effacée à l'École. Au
contraire, l'influence du Cours de linguistique générale l'a
renouvelée et élargie.
Nous devons seulement regretter qu'aucun de ses auditeurs
d'alors n'ait fait pour une partie au moins des cours de Saussure
ce que Bally et Séchehaye ont fait, il est vrai après la mort de
leur maître, pour ses leçons de linguistique générale. Trente ans
(1) Robert Gauthiot dit lui-même de son étude sur le Parler de Buividze
(Paris, 1903) qu'elle est « tout entière dominée par les idées de M. Ferdinand
de Saussure » (p. 4).
(2) Voir aussi le témoignage de Maurice Grammont, Revue des langues
romanes, 1912, p. 387 : « Son enseignement à l'École des Hautes Études a
donné naissance à une véritable école, l'école française de linguistique ». On
trouvera en dépouillant les nombreux comptes rendus de Grammont dans
cette même revue d'autres échos de l'enseignement qu'il avait reçu de Saussure.
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(1) Ce sont les termes mêmes dont il se sert dans cette lettre dont on
trouvera le texte dans les Cahiers Ferdinand de Saussure, 1964.
(2) Cf. Godel, op. cit., p. 33.
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Emile Benveniste.