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Organisation

Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt


Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche

Ministère de la Culture et de la Communication


Com- Ensemble
Service de la coordination desmunication
politiques culturelles et de l’innovation

Com-
munication
octobre 2015

Collectivité

estissement Mix

Communauté

Débat
Communauté

ALESA Débat
S.O.S

Écoute
Échange

Écoute Rencontre
É

e (27) les ASSOCIATIONS


Implication

DE JEUNES DANS
Sens

Respect

L’ENSEIGNEMENT AGRICOLE
DE LA PARTICIPATION à L’ENGAGEMENT
Respect

èves

Engagement

Entraide

Agora
Ensemble Unicité

Filles

Garçons
Mixité

(27)
ASSOCIATIONS
DE JEUNES DANS
L’ENSEIGNEMENT
nge AGRICOLE :
Rencontre
DE LA PARTICIPATION Maturité

à L’ENGAGEMENT

Sens

Critique
éditorial
En avril 2014 étaient organisées les premières rencontres nationales
des associations de lycéens, étudiants, stagiaires et apprentis de l’ensei-
gnement agricole.
Ces associations, dont la création remonte à 1965 – elles s’appelaient
alors Associations Sportives et Culturelles – ont été voulues pour
compléter un dispositif éducatif nouveau, initié par Edgard Pisani alors
Ministre de l’Agriculture : l’Education socioculturelle des jeunes.
Depuis, ces associations constituent une composante pleine et
entière de notre appareil de formation.
Leur rôle éducatif s’accroît, lorsqu’en 2003 paraît la circulaire dite
ALESA(1), qui propose de faire évoluer la vie associative dans les établis­
sements, en indiquant notamment que « les responsabilités sont
confiées aux jeunes en formation eux-mêmes ».
Ce numéro de Champs Culturels propose à travers différentes
contributions d’éclairer la nature des enjeux éducatifs mais également
pédagogiques, sociologiques, juridiques, de la vie associative des jeunes,
Directrice de la publication : notamment dans le cadre scolaire.
Mireille RIOU-CANALS Sont abordées du côté des jeunes, mais également pour l’établis­
Directrice générale de l’enseignement et de la recherche
sement, les questions de participation, d’engagement, de responsabilité
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire, et de
et de reconnaissance par la communauté éducative de ce qui constitue
la Forêt
souvent un véritable travail.
Ministère de l’Agriculture, de Le rôle des pratiques artistiques et culturelles au sein des ALESA
l’Agroalimentaire et de la Forêt constitue également un sujet crucial, entre loisirs, détente, ouverture
Direction Générale de l’Enseignement et de la culturelle et apprentissage entre pairs.
Recherche (DGER)
Sous direction des Politiques de Formation et Enfin, la vie associative des jeunes au sein des établissements
d’Education interroge les postures professionnelles des adultes qui les accom-
Bureau de la vie scolaire, étudiante et de l’insertion pagnent et notamment – mais pas seulement - les enseignants
Réseau Animation et Développement Culturel d’éducation socioculturelle, car ce dispositif vient également interroger
1, ter avenue de Lowendal 75007 PARIS le métier d’enseignant.

Ecole Nationale de Formation Agronomique (ENFA) Ainsi, à travers ses nombreuses contributions, ce numéro participe
BP 87 – 31326 CASTANET CEDEX d’une réflexion plus générale sur l’apprentissage de la vie associative
par les jeunes dans les établissements.
Responsable de la rédaction :
Claire Latil, réseau Animation et Développement Les regards croisés des auteurs, montrent en quoi cet apprentissage
Culturel constitue, encore aujourd’hui, un levier éducatif innovant, qui participe
à la construction d’une véritable citoyenneté et à l’apprentissage d’une
Ministère de la Culture et de la vie démocratique, fondamentale pour notre « vivre ensemble ».
Communication
Secrétariat Général
Service de la coordination des politiques culturelles et
de l’innovation
Département de l’éducation et du développement Mireille RIOU-CANALS
artistique et culturel Directrice générale de l’enseignement et de la recherche
182, rue Saint-Honoré – 75033 PARIS CEDEX 01 Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Ce numéro ainsi que les premières rencontres


nationales des Associations de lycéens, étudiants,
stagiaires et apprentis ont reçu l’aide financière de
l’action 5.1 du Programme Européen Jeunesse en Action.

Conception graphique : Pauline Redoulès / Illustrations :


(1) Mise en place des associations de lycéens, étudiants stagiaires et apprentis dans les éta-
Oudéis / Impression : Imprimerie Messages - Toulouse / blissements publics de l’enseignement agricole, CIRCULAIRE DGER/POFEGTP/C2003-2001
Tirage : 4500 exemplaires – N°ISSN : 1253-0352 - 21 janvier 2003.
Sommaire

Les jeunes, la participation et Les rencontres de Bugeat


l’engagement bousculent et inventent
p.04 L’engagement des jeunes générations dans p.32 L’esprit de Bugeat
les associations de jeunesse et d’éducation Franck LEMAIRE
populaire p.34 Retour sur le métier d’éducation socio­
Catherine LENZI culturelle : Est formé.e qui croyait former
p.10 S’engager dans le cadre scolaire Audrey LACHAUD
Valérie BECQUET p.36 Accompagner les jeunes vers leur autonomie
p.14 Question de droit : l’accès des mineurs à la vie entretien avec Diane KACHOUR et Chico
associative bridée par de mauvaises bonnes p.38 Faites-nous confiance !
intentions
Louis DAUSSY entretien avec Thierry CUSSONNEAU
Jean-Claude BARDOUT
p.41 L’expérience audiovisuelle avec Télé
Millevaches
Les associations de jeunes en Aude Chopplet et Raphaël CARTIER
lycées agricoles : repères p.44 Chaud patate ! Récit d’une création
p.19 Une logique partenariale au service d’un pro­ embarquée
jet éducatif commun Oudéis
Pierre-Loïc AUBERT
p.21 Former à l’ALESA (1) , former avec l’ALESA Les ALESA en lycées agricoles :
Francis Gaillard actions et expérimentations
p.25 Faire vivre l’initiative des jeunes ! p.47 Les associations de jeunes pour (re)découvrir
Laurianne DUPUICH et Matthieu PREVOST l’éducation populaire
p.27 ALESA : de l’adhérent à l’administrateur Dominique DEON
 orinne COVEZ, Thierry CUSSONNEAU, Rodolphe
C p.50 ALESA : de rencontres régionales en rencon­
DELCROS tres nationales et réciproquement
p.29 L’association : un lieu pour proposer, animer, Catherine PORTE
s’engager, p.55 L’ALESA : un support de cohésion sociale au
Antoine Aubert , Frédérique Lohues, sein de l’EPL
Maxime Manguy,
entretien avec Nicole DELFOLIE
entretien avec Murielle Kamprath
p.57 L a musique dans les ALESA : socialisation et
apprentissage entre pairs
(1) ALESA : association de lycéens étudiants stagiaires et apprentis Réseau art’ur - Pays de la Loire
p.61 Elargir l’imaginaire des ALESA
Franck LEMAIRE

Epidialogue
p.66 E pidialogue
Philippe SAHUC
Les jeunes,
la participation
et l’engagement
p.04 L
 ’engagement des jeunes générations dans
les associations de jeunesse et d’éducation
populaire
Catherine LENZI
p.10 S’engager dans le cadre scolaire
Valérie BECQUET
p.14  Question de droit : l’accès des mineurs à la vie
associative bridée par de mauvaises bonnes
intentions
Jean-Claude BARDOUT
4 Les jeunes, la participation et l’engagement

L’engagement des jeunes


générations dans les
associations de jeunesse et
d’éducation populaire
Catherine LENZI,
responsable de la recherche (laboratoire ESPASS), de l’enseignement supérieur et de l’international à l’Institut Régional et Européen
des métiers de l’Intervention Sociale (IREIS Rhône-Alpes). Sociologue, membre du laboratoire Printemps/CNRS.

Quelles logiques, quelles raisons d’agir motivent l’engagement des jeunes ?


Faut-il parler d’intérêts à agir, faut-il évoquer les rétributions symboliques de l’enga-
gement, faut-il opposer les « anciennes » et les « nouvelles formes » d’engagement ? Le
recours aux théories sociologiques de l’action collective, articulées aux recherches de
terrain – notamment celle conduite par l’auteure en 2008/2009 - nous éclairent sur les
mécanismes de l’engagement associatif des jeunes aujourd’hui, entre construction de
soi et professionnalisation.

la cause. Ce qui explique aussi que ces récemment que des chercheurs, socio-
Propos introductif mêmes jeunes se définissent comme logues et politistes ont inclus l’engage-
apolitiques ou apartisans quand bien ment bénévole et associatif dans l’étude
même tout dans leur pratique témoigne des formes de participation au débat
On entend souvent dire aujourd’hui du contraire. public et l’ont construit en objet de re-
que les jeunes générations ne s’enga- cherche. Cet aveuglement général sur
gent plus. Cette absence d’engagement l’action bénévole et associative comme
des jeunes se traduirait notamment par engagement citoyen et action politique
le désintérêt pour la chose publique et, L’engagement : rend de fait difficilement perceptibles
de façon plus précise, pour la politique. les modalités d’engagement des jeunes
De la même façon, les jeunes refuse- des réalités générations actuelles qui se concentrent
raient de prendre des responsabilités
dans le cadre associatif ou de s’engager multiples, un essentiellement sur les volets du béné-
volat et du volontariat associatifs. Pour-
dans le long terme.
objet de recherche tant, Jean-Claude Richez (2005) précise
qu’un jeune de moins de 25 ans sur deux
Si on entend derrière le terme « en-
gagement », l’engagement partisan ou complexe consacre du temps volontaire ou béné-
politique, alors oui, il ne fait pas l’ombre vole à une action de solidarité nationale
d’un doute que les jeunes générations ou internationale, une action éducative,
d’aujourd’hui ne se reconnaissent plus Ainsi dans le sens commun, l’idée sportive, culturelle, sociale ou sanitaire.
dans ces modes de participation collec- d’engagement est fortement liée à Dans le prolongement de ce constat,
tive qu’ils perçoivent comme sacrificiels l’action partisane ou au militantisme le même auteur rappelle qu’un certain
et en désaccord avec les valeurs indivi- politique. On a longtemps considéré que nombre d’associations « émergean-
duelles et d’autonomie qui les animent. l’engagement « noble », l’engagement tes » dans le champ des mouvements
Ce n’est donc pas anodin si les jeunes par excellence était l’engagement politi- de jeunesse et d’éducation populaire
volontaires et bénévoles associatifs se que, suivi de l’engagement syndical. Les témoignent de cette vitalité où chaque
définissent rarement comme des mili- autres formes d’engagement (associatif année, elles mobilisent plusieurs milliers
tants, terme associé au petit soldat de ou/et bénévole) étaient quant à elles d’étudiants pour des activités volontai-
dépréciées. Pour preuve, ce n’est que res, sans par ailleurs parvenir à convertir
Les jeunes, la participation et l’engagement 5

cette capacité de mobilisation en autant de jeunesse dirigée par des jeunes (1) de cet article de cerner de « nouveaux »
d’adhésions associatives sur le long (Animafac(2) , le MRJC(3) et la JOC(4)) aux régimes d’engagement ou répertoires
terme (op.cit). héritages politiques contrastés, nous a d’action, que de comprendre le sens que
permis de mieux saisir les spécificités de les jeunes confèrent à leur engagement
l’engagement des jeunes générations et par là, d’éclairer les incidences que les
actuelles, et d’interroger la réalité de ce mouvements de jeunesse peuvent avoir
Dépasser le « désengagement » à partir du constat sur la gestion des problèmes sociaux
que loin d’être désinvestis, les jeunes contemporains, notamment la question
clivage ancien / réinventent en permanence les formes de la vulnérabilité des jeunes face à
nouveau d’engagement à partir des mêmes ma-
trices historiques, mais poursuivent des
l’emploi, quand bien même ceux-ci sont
dotés d’un fort capital culturel.
« motifs » d’engagement différents de
ceux communément définis par les gé-
Si l’engagement contemporain et
nérations passées.
notamment celui des jeunes généra-
tions apparaît plus distancié que par le
Préambule
passé, on entend aussi fréquemment
Partant de là, il s’agira moins au cours théorique à une
dire qu’elles s’engagent différemment
et moins durablement. L’ensemble de analyse de
leurs actions relèverait d’un régime
d’engagement « nouveau » caractérisé
(1) L’article s’appuie sur les résultats d’une recher-
che menée de 2008 à 2009 par Fanny Forgeau
l’engagement
par des formes d’adhésion plus labiles.
Le sociologue Jacques Ion parle à ce
et Catherine Lenzi, membres du laboratoire
Printemps/CNRS. La recherche a porté sur contemporain
les spécificités des associations de jeunesse
sujet d’adhésion « Post-it » (2005). Dans dirigées par des jeunes et a été financée par le
cette optique, l’association est au mieux Conseil de Développement de la Vie Associative
considérée comme un moyen, mais ja- (CDVA – Ministère de la jeunesse, des sports et A l’opposé des trente glorieuses et
mais comme une finalité. Dans ce cadre,
de la vie associative). Les données qui figurent d’un registre de l’action collective re-
dans cet article sont extraites du rapport final
les « nouvelles » formes d’engagement et d’une communication faite en 2009 dans le latif à la défense de l’autonomie et de
traduiraient une mutation des formes cadre du 3ème congrès de l’AFS : « Ressorts et l’identité personnelle (Cohen, 1985) – à
limites du management associatif dans trois partir du moment où les sociétés occi-
de mobilisation et le passage à un « nou- associations de jeunesse : Animafac, MRJC et
veau » militantisme plus distancié, af- JOC », par F. Forgeau et C. Lenzi (rt30 Sociologie dentales satisfont les besoins matériels
franchi et réflexif. Aux militants dévoués de la gestion). im­médiats, les revendications évoluent
et fidèles, fonctionnant à l’appartenance
(2) Animafac est un réseau d’échange d’expérien- vers des enjeux postmatérialistes du
ces et un centre de ressources pour les initia-
identitaire et à l’engagement illimité, tives étudiantes. Le réseau propose des outils
type, qualité de vie, souci de l’environ­
aurait succédé un militant plus autono- de développement et des espaces de dialogue nement et de soi - Cf les travaux de
me à l’égard des organisations, mobilisé
et d’élaboration collective à plus de 12 000 Ronald Inglehart (1977) - le chômage de
associations étudiantes. Celles-ci agissent pour
sur des objectifs concrets, modestes et la solidarité internationale ou de proximité,
masse et la précarisation de l’emploi, ont
spécialisés mais utiles, sur des durées l’environnement ou la lutte contre les discrimi- rapidement recentré les mobilisations
limitées. L’action deviendrait plus impor-
nations, s’engagent dans l’action culturelle, la sur des enjeux matériels.
promotion de la citoyenneté européenne ou en-
tante que l’affiliation, dans un idéal tout core la prévention des risques. Le réseau mène Pour partie, ces bouleversements ver-
de nombreuses campagnes afin de développer
autant libéral que libertaire (Nicourd et l’esprit d’initiative et l’esprit associatif au sein ront plusieurs théories de l’action col-
Havard-Duclos 2005). du monde étudiant. lective émerger (théories des nouveaux
Pour autant, s’il est vrai que le pay-
(3) Le MRJC (Mouvement Rural de Jeunesse Chré- mouvements sociaux (5) , théorie de la mo-
tienne), mouvement géré et animé par des jeu-
sage contestataire et militant connaît nes de 14 à 30 ans, est organisé du local à l’inter-
bilisation des ressources (6)). Ces trans-
depuis quelques décennies de profondes national et joue un rôle de formation à l’analyse formations conceptuelles visent à une
mutations, ces nouvelles formes de mo-
et à l’action qui permet aux jeunes de s’investir complexification du modèle rationnel
dans la vie locale, d’y faire des propositions et
bilisation relèvent-elles de logiques si donc d’exercer pleinement leur citoyenneté. Le et justifient que des incitations d’ordre
différentes et diamétralement opposées MRJC est une université permanente, une école social et identitaire (et pas seulement
de responsabilités. Il permet aux jeunes d’analy- matériel) soient à l’origine de l’action.
aux formes « traditionnelles », qu’il faille ser la société, de la comprendre, de se former et
nécessairement opposer « ancien » et de s’organiser collectivement pour agir.
« nouveau » militantisme ? Que nous (4) La JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne) est une
association qui rassemble 10 000 garçons et
apporte au fond cette opposition ? A-t- filles de milieux populaires âgés de 15 à 30 ans. (5) la théorie des « nouveaux mouvements so-
elle une réelle consistance pour l’analyse Ensemble, ils discutent, réfléchissent et agissent ciaux » considère que l’action fait « sens » (Tou-
pour avoir prise sur ce qu’ils vivent et changer ce raine, in Wieviorka, 2000)
de l’objet ? Sur ce point, une recherche
qui ne va pas autour d’eux et dans la société. Les (6) De filiation olsonnienne (1978), impulsée entre
menée auprès de trois associations initiatives qu’ils mènent touchent à toutes les autres par Anthony Oberschall (1973) et Char-
dimensions de leur vie : boulot, fric, logement, les Tilly (1986), elle se fonde sur la théorie du
santé, loisirs… Avec 120 fédérations locales, la choix rationnel ou de l’utilitarisme et prête aux
JOC est la seule association nationale de jeunes acteurs sociaux une capacité à reconnaître les
de milieux populaires. Elle est gérée et animée fins de leur action et à se doter des moyens pour
par les jeunes eux-mêmes. tenter d’y parvenir.
6 Les jeunes, la participation et l’engagement

Ainsi par exemple, pour expliquer militantes) des membres qui s’y enga- ancien militantisme – davantage centré
pourquoi certains militent, tandis que gent. L’angle d’approche choisi a permis sur des revendications collectives et
d’autres demeurent passifs, l’Anthro- de partir non pas des trajectoires indi- matérielles – et nouveau militantisme
pologie de l’intérêt de Pierre Bourdieu viduelles des jeunes militants mais des – davantage centré sur des questions
dépasse la notion réductrice de l’utilita- organisations de jeunesse pour regarder qualitatives et identitaires – n’est pas
risme (calculs/intérêts) pour y adjoindre ce qui s’y passe. Il en est ressorti leur rôle essentielle pour cerner la spécificité de
celle de raison d’agir ou d’action raison- socialisateur et mobilisateur à travers l’engagement des jeunes générations,
nable. Ainsi, le « sens » symbolique que de nombreux apprentissages rendus quand bien même certains des mouve-
produit l’action collective peut avoir un possibles (militants, professionnels et ments de jeunesse dont il est question
effet engageant, intensifiant la mobi- personnels). ici (Animafac essentiellement) se recon-
lisation et le dévouement de certains. naissent dans le « nouveau » militantis-
Par l’angle d’approche de l’économie me et sa méfiance à l’égard des grandes
des pratiques, se trouve explicité le mi- structures très organisées.
litantisme de certains qui réside dans le Les raisons d’agir Donc, ce qui nous intéresse ici est
fait que l’action collective confère une
reconnaissance sociale ou un entre-soi, à et le sens de moins de mettre en lumière les caracté-
ristiques d’un «nouveau» militantisme,
l’origine d’implications « disproportion-
nées » (effets surimpliquants).
l’engagement des que de cibler la façon dont l’expérience
même de l’engagement produit du sens
Comparativement à la logique des jeunes pour les individus qui y participent et
prédispositions ou de l’appartenance justifie leur adhésion dans la durée. Par-
sociale (socialisations antérieures) et à générations tant des travaux de Bénédicte Havard-
celle des intérêts dans la gratification Duclos et de Sandrine Nicourd (2005)
matérielle et symbolique tirées de cette sur les racines historiques des mouve-
adhésion, les analyses contemporaines Suivant cette approche, nous propo- ments d’action sociale et d’éducation
sur l’engagement militant visent à dé- sons de rendre lisibles les raisons d’agir populaire, notre recherche a pu aboutir
passer ces deux positions. Elles adoptent qui motivent et orientent les engage- aux mêmes conclusions et mettre en
par exemple, un angle de vue plus pro- ments contemporains des jeunes gé- lumière que les motifs d’engagement
cessuel (Fillieule, 2001). Ces analyses ac- nérations qui, si elles ne sont pas forcé- des jeunes que nous avons rencontrés
cordent un intérêt significatif au contex- ment liées à la thèse utilitariste, ne sont renvoient à deux matrices historiques de
te. Dans cette perspective, on peut citer pas pour autant des « actes gratuits », mobilisation et de réponse à la question
l’apport des travaux de Johanna Siméant c’est-à-dire non motivés. Aussi et afin de sociale. L’une appartenant au solidarisme
(1998 ; 2001) sur les sans papiers, qui se rendre compte des logiques d’engage- et ancrée dans le catholicisme social ;
donnent comme objectif, en articulant ment des jeunes générations, nous choi- l’autre au syndicalisme et ancrée dans le
les trois logiques explicatives de l’en- sissons d’emprunter la lecture offerte mouvement ouvrier. Ces deux registres
gagement – intérêts, prédispositions et par Pierre Bourdieu dans «Raisons prati- d’action hérités de modèles anciens
contexte d’action actualisant des prédis- ques» (1994) de l’acte d’investissement, conditionnent le positionnement des en-
positions –, de mettre au jour les raisons comme d’un acte désintéressé, sans pour gagements entre les axes « transforma-
pour lesquelles certains restent actifs et autant que celui-ci n’obéisse à aucune tion sociale » (émancipation collective)
d’autres se désengagent. logique ou raison d’agir. A l’aune de cet et « construction de soi » (émancipation
Procédant d’une logique analogue, des éclairage, on peut rendre raison de l’in- individuelle) (op.cit).
travaux récents (7) interrogent les engage- vestissement militant par une analyse
ments comme le produit d’un processus des incitations sélectives produites par L’intérêt de travailler à partir d’orga-
d’ajustement (Sawicki, 2003 ; Haward- l’expérience même de l’engagement, ou nisations militantes « récentes », c’est-
Duclos et Nicourd, 2005) fragile qui fait mieux du sens qu’il produit de façon dif- à-dire qui ont moins de 15 ans, telles que
le lien entre une trajectoire personnelle férentielle selon les indivi- les associations qui
et une organisation qui le suscite. dus. Dans nombre de cas, Cette recherche a donc composent le réseau
le sens de l’acte d’engage- permis de déconstruire Animafac et des orga-
Enfin, notre recherche parce qu’elle a nisations « anciennes »,
ment renvoie moins à la
opposé des formes d’engagement « nou- une autre idée pré- comme le MRJC et la
notion d’intérêt – au sens
velles » et « anciennes » a permis de
d’un calcul stratégique et
conçue selon laquelle JOC, a eu le mérite de
dépasser le clivage ancien/nouveau pour
rationnel – qu’à celle d’il- les engagements mettre au jour de fa-
avancer sur une problématique générale
lusio, théorisée par Pierre d’hier s’opposent au çon frappante qu’hier,
de l’engagement contemporain des jeu- projet individuel (au comme aujourd’hui,
Bourdieu : « L’illusio, c’est
nes. Ainsi, contrairement à la plupart des « Je »), alors que ceux les engagements sont
le fait d’être pris au jeu,
études réalisées sur l’engagement, nous
d’être pris par le jeu, de d’aujourd’hui, plus sub- façonnés par des ré-
avons choisi d’aborder la question des
mobilisations des jeunes par le biais des
croire que le jeu en vaut jectifs et réflexifs sont férents normatifs qui

dispositifs qu’ils forment collectivement


la chandelle, ou, pour dire vides de revendications traversent ces mêmes
et moins des dispositions individuelles
les choses simplement, collectives (porteurs du structures, référents
que ça vaut la peine de hérités principalement
(poids de la socialisation initiale, des « Nous »).
jouer » (Bourdieu, 1994, du 19ème siècle.
études, des trajectoires familiales, et
p. 151). Cette recherche a donc permis de
Aussi et à propos des raisons d’agir déconstruire une autre idée préconçue
(7) Voir notamment : A. Collovald, 2002 ; B. Havard ou des motifs d’engagement, notre re- selon laquelle les engagements d’hier
Duclos et S. Nicourd, 2005 ; S. Nicourd et al. cherche a révélé que l’opposition entre s’opposent au projet individuel (au
2009 ; O. Fillieule, 2001 ; Sawicki, 2003.
Les jeunes, la participation et l’engagement 7

« Je »), alors que ceux d’aujourd’hui, avec comme point commun une incer- • Animafac propose des guides
plus subjectifs et réflexifs sont vides de titude permanente quant à leur avenir pratiques qui sont des répertoires
revendications collectives (porteurs du professionnel. d’actions concrètes, indiquent des
« Nous »). Ainsi, de la même façon qu’on façons de faire, et organise des
ne peut affirmer que les mobilisations chantiers thématiques ;
d’hier étaient dénuées d’intérêt vis-à-vis La formation au cœur des • A la JOC, la formation fait partie
du projet d’émancipation individuelle, modalités d’engagement des intégrante du « cahier de charges »
on ne peut affirmer que les mobilisa- annuelles, avec pour objectif des
jeunes générations
tions d’aujourd’hui sont dénuées de mobilisations fortes et l’élaboration
revendications matérialistes (en lien no- de propositions représentatives de
tamment avec la question de l’insertion la jeunesse ;
professionnelle). Ainsi, les constats aux- Ces organisations mettent en place • Au sein du MRJC, la dimension idéo-
quels nous aboutissons permettent de toute une ingénierie de formation tant logique est pleinement assumée et
vérifier que ce ne sont pas les répertoires citoyenne que professionnelle, d’autant la formation politique y est forte,
d’action qui changent, mais bien l’action plus pointue qu’il s’agit de jeunes qui, même si elle se décline également
visée. L’originalité de l’engagement des pour la plupart, ont fait, au préalable ou sur un plan plus informel, faisant
jeunes générations se situe donc dans au cours de leur parcours militant, des qu’au final ses adhérents ont davan-
leur capacité à proposer des actions no- études supérieures. L’acquis de compé- tage l’impression d’avoir acquis une
vatrices en puisant dans des répertoires tences dépasse pourtant l’appareil for- formation civique qu’une formation
classiques. mel d’apprentissage mis à la disposition politique.
des jeunes militants. La transmission
s’opère en grande partie à travers des
processus informels de socialisation. D’une manière générale, les parcours
Répondre à la question de la Aux compétences (8) civiques et profes- d’engagement des jeunes au sein des
vulnérabilité des jeunes face sionnelles formelles s’ajoutent ainsi des organisations de jeunesse permettent
à l’emploi savoirs implicites, produits des pratiques d’acquérir les moyens de regarder le
et des rapports sociaux. C’est le cas no- monde d’une autre manière, en sachant
tamment des compétences sociales et prendre du recul, en acquérant une ca-
Finalement, ce n’est pas sur le interpersonnelles, véritables et précieux pacité d’objectivation et en apprenant à
Comment s’engagent les nouvelles gé- savoir-faire et savoir-être mobilisables développer un mode de pensée propre.
nérations que nous avons trouvé des dans la suite du parcours militant ou Ils permettent également d’acquérir
nouveautés, mais sur le Pourquoi ils s’en- professionnel. des compétences plus techniques aussi
gagent (les raisons d’agir) bien en ce qui concerne la compréhen-
Le caractère central sion des institutions politiques qu’en
et la façon de réinventer
Finalement, ce n’est de cette formation ce qui concerne la capacité à mettre
le sens de l’engagement.
Alors que la culture
pas sur le Comment s’explique par un fort en œuvre des actions d’envergure po-
française partisane du s’engagent les nouvel- renouvellement qui né- litique. Au sein de ces mouvements,
les générations que cessite une transmis- les jeunes apprennent ainsi à mobiliser
militantisme énonce le
sion entre dirigeants
« Nous » au détriment du nous avons trouvé des et impliquer d’autres jeunes dans des
et suppose la mise en
« Je », les jeunes généra- nouveautés, mais sur le place d’une réelle ingé-
actions d’envergure, à gérer toutes les
tions rejettent l’idée d’un Pourquoi ils s’engagent contraintes qu’induit la conduite d’un
nierie de formation. La projet (finances, communication, recher-
engagement total, sacrifi- (les raisons d’agir) et la formation s’effectue à che du consensus) et à communiquer de
ciel et n’hésitent pas à se façon de réinventer le différents niveaux.
reconnaître autour d’at- manière efficace auprès de différents
sens de l’engagement. interlocuteurs, notamment des élus, ou
tentes individuelles.
devant une audience.
Pourtant l’une des spécificités des Sur le plan politique,
associations de jeunesse et d’éducation
populaire que nous avons étudiées est
Elle passe par la mise à disposition Sur le plan professionnel,
qu’elles fournissent des réponses spéci-
fiques aux problèmes sociaux auxquels d’outils qui sont les éléments d’une
est actuellement confrontée la jeunesse, école du militantisme : La formation qu’offre les associations
et notamment à la question de l’inser- de jeunes est également une formation
tion professionnelle. Désormais, ce qui sur le plan professionnel, qui s’effectue
permet de fédérer autour d’une action de manière informelle grâce à la sociali-
collective est moins l’appartenance à (8) On retiendra comme définition de la compéten-
sation, faisant de celles-ci des écoles de
ce (à distinguer de la qualification), la capacité à
une classe sociale dominée, que l’ap- combiner des savoirs, savoir-faire et savoir-être, cadre où s’acquièrent des compétences
partenance à la catégorie du groupe afin de mener des actions collectives concer- diverses :
des jeunes dominé face à la question tées. Dans ce sens, il est question pour nous

de l’emploi et ce, quelque soit le milieu


d’analyser les associations de jeunes comme • des compétences dans l’expression
des lieux où se mobilise, s’active et s’acquiert un
d’origine et le niveau d’étude. Au final, ensemble de compétences (politiques, profes-
à l’oral et à l’écrit : savoir parler en
on peut voir que l’ensemble des mou- sionnelles, humaines et sociales) nécessaires à la public, rédiger un communiqué de
vements de jeunes, « anciens », comme
conduite des mobilisations. Plus finement, cela presse, répondre à une interview ;
nous conduit à concevoir, à la manière dont le
« nouveaux » s’adressent à des publics fait Roger Sue, l’engagement associatif comme • des capacités analytiques et péda-
de jeunes hétérogènes, provenant d’uni- producteur de« compétences transversales », gogiques : avoir une visée d’ensem-
de « savoirs expérientiels, multivalents » et de ble, rédiger des dossiers ;
vers sociaux parfois très disparates, mais « capital humain » (Sue, 1997).
8 Les jeunes, la participation et l’engagement

• des compétences d’encadrement : étudiés mettent en avant la dimen-


être responsable associatif permet Professionnali- sion personnelle de l’engagement. La
d’apprendre à manager – même si
les dits responsables préfèrent par-
sation et construction de soi s’y effectue à travers
l’altruisme, par une capacité à créer du
ler de « coordonner des équipes »
– et donne une formation au métier
construction lien. Elle se fait également par l’apport
de connaissances qui permettent de se
de cadre dirigeant ; de soi développer en tant qu’individu et par
• des compétences de contrôle de l’apprentissage de l’autonomie. Ainsi,
soi : augmenter sa confiance en l’idée d’un apprentissage de l’autonomie
soi, savoir être diplomate, gérer des La transmission de compétences est centrale dans les entretiens. « Deve-
stratégies, contrôler ses angoisses professionnelles n’est donc pas une nir adulte », « s’émanciper » ou encore
et ses ambitions. spécificité des associations étudiées. Ce « être valorisée par les responsabilités »
qui l’est en revanche, c’est que celles-ci sont autant de compétences personnel-
proposent des dispositifs de formation les mises en avant par les militants des
Le terme « professionnel », comme le
formelle à ces compétences, et qu’el- trois mouvements.
concept de professionnalisation qui en
découle, peuvent s’entendre de plusieurs les produisent du « professionnel » en Parce qu’ils permettent, aux yeux des
manières. Les associations se profession- même temps qu’un projet militant et interrogés, une construction de l’iden-
nalisent, signifie que leur fonctionne- de construction de soi, le tout sur un tité et une cohérence biographique, ces
ment et leur organisation tendent à s’ap- laps de temps très court. Le recours à la mouvements sont donc décrits par leurs
parenter au monde du travail (Simonet VAE(10) , à la JOC et au MRJC, est une illus- membres comme « des caisses de réso-
& Hély, 2008) ; la professionnalisation tration de l’importance accordée à ces nance à la demande de reconnaissance
du militant relève du même phénomè- compétences professionnelles. L’acquis identitaire et des lieux de validation et
ne : du statut d’amateur, il passe à celui de compétence peut, en effet, être va- d’unification de l’identité » (Nicourd &
d’expert, de professionnel de l’engage- lidé à travers un dispositif de VAE. Maud Havard-Duclos, p. 75). Le terme le plus
ment. Il développe davantage de compé- Simonet analyse ce dispositif comme redondant auquel ont eu recours les jeu-
tences professionnelles que politiques, il un signe de la reconnaissance officielle nes interviewés pour décrire cet apport
se spécialise, et inscrit son engagement du rôle du « travail bénévole » dans la est la « valorisation personnelle ». A tra-
dans un parcours de « carrière (9) » ; les construction d’une carrière profession- vers leur expérience, les militants disent
compétences professionnelles des mili- nelle. Cette reconnaissance « rappelle avoir appris à « aller plus loin », « à aller
tants sont les acquis de leur expérience qu’au-delà des acteurs, les institutions de l’avant ». Elle leur a permis de « se
d’engagement qu’ils pourront mobiliser politiques et éducatives elles-mêmes projeter dans le futur ». Dans le même
en dehors de cet engagement, dans le considèrent de plus en plus cette expé- ordre d’idée, cette valorisation passe par
monde du travail, et qu’ils pourront va- rience bénévole comme une forme de la « reconnaissance », et par un savant
loriser dans leur CV, et cela même dans pré-professionnalisation » (Simonet, p. dosage entre « humilité et ambition à la
un parcours professionnel en dehors du 148). fois ».
monde associatif. Enfin, l’engagement associatif contri- Souvent anciens du mouvement ou
La formation professionnelle dont il bue au développement de qualités et de en fin de parcours, les interrogés qui
est question dans les mouvements de compétences personnelles. Les associa- mentionnent la richesse de cet apport
jeunesse s’articule donc autour des trois tions de jeunes mettent en avant l’idée personnel de l’engagement construisent
phénomènes cités plus haut. Elle est le d’émancipation et d’épanouissement une sorte de discours enchanté sur les
fruit d’un « travail invisible », « au sens personnel. La JOC propose ainsi un dis- capacités des associations à produire cet
où il agit de manière non nécessaire- positif « écoles de vie », avec le support apport. Elles auraient, à les entendre,
ment perceptible, ou en tout cas étudié d’un carnet de l’adhérent, qui permet, « donné un sens à leur vie », pour repren-
comme tel, sur les carrières profession- dans un effort de formulation de soi, dre l’expression de Nicourd et Havard-
nelles » (Simonet-Cusset, 2004). Ce tra- de faire un point sur les apprentissages Duclos. A travers la mise en valeur de
vail invisible (Simonet fait référence au effectués et les compétences acqui- leur parcours militant par les interrogés,
travail bénévole), agit pourtant sur les ses. Ainsi les mouvements de jeunesse on lit une « vocation », telle qu’elle est
carrières « dans leur dimension subjecti- « suscitée et entretenue par les associa-
ve comme objective ». Carrière objective, tions et par les relations » (p. 74).
(10) « La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE)
parce que l’expérience qu’elle produit est est un dispositif de reconnaissance officielle Ainsi et suivant cette logique, les
directement valorisable sur le marché du des compétences acquises par l’expérience qui
membres de ces associations ont tous,
travail, et subjective parce qu’elle par- remplace les précédents dispositifs de Valida-
tion des Acquis Professionnels. Ce dispositif a lorsqu’ils ont été interrogés, évoqué
ticipe, « à côté ou à la place de l’activité été défini dans la loi de Modernisation sociale spontanément ce que leur engagement
professionnelle, à la construction d’un n°2002-73 du 17 janvier 2002, loi dont les décrets
d’application sont parus au printemps 2002. Il leur a apporté, en mettant en avant
idéal de soi au travail » (Simonet, p. 148).
permet à un candidat , à l’issue d’une procédure les compétences acquises. La notion
de vérification, d’ évaluation et d’ attestation de de compétences désigne la capacité à
ses compétences par un jury d’enseignants et
(9) Le concept de « carrière » est emprunté au so- de professionnels, d’ obtenir tout ou partie d’ un combiner des savoir-faire avec un savoir-
ciologue Howard Becker et « renvoie à la suite diplôme ou d’ accéder à un cursus de formation. être pour mettre en place des actions
des passages d’une position à une autre […]. Il L’expérience prise en compte dans le cas de ce
englobe également l’idée d’évènements et de dispositif est définie comme suit : « Il s’agit de
collectives. En ce sens, les organisations
circonstances affectant la carrière. Cette notion l’expérience acquise dans une activité salariée, de jeunesse, même si elles sont peu
désigne les facteurs dont dépend la mobilité non salariée, ou bénévole (associative, syndicale, nombreuses constituent de véritables
d’une position à une autre, c’est-à-dire aussi sociale,…) justifiée en continu ou non, pendant
bien les faits objectifs relevant de la structure une durée cumulée d’au moins trois ans et en
écoles de militants et de cadres. Elles
sociale que les changements dans les perspecti- rapport avec la certification envisagée ». (Simo- apprennent aux jeunes à diriger, non pas
ves, les motivations et les désirs de l’individu ». net-Cusset, 2004)
Les jeunes, la participation et l’engagement 9

sur le seul plan technique. Elles font ac- éloigne, une fois de plus, d’une image l’engagement et la participation et des
quérir un panel de compétences qui sont désengagée de la jeunesse poursuivant jeunes », Les cahiers de l’action, n°1
mobilisables sur un CV et négociables des actions individuelles tournées essen-
Sawicki F. (2003), « Les temps de l’enga-
sur le marché de l’emploi. Par les outils tiellement vers le développement de soi. gement. A propos de l’institutionnali-
de formation qu’ils formalisent et par sation d’une association de défense de
l’appropriation qui en est faite, les en- l’environnement », in Lagroye J. (dir.), La
gagements des jeunes générations peu- Références mobilisées politisation, Paris, Belin, pp. 123-146.
vent apporter un élément de réponse
à un problème qui concerne les jeunes, Siméant J. (1998), La Cause des sans-
celui de l’insertion professionnelle. Face papiers, Paris, Presses de Sciences Po.
Boltanski L. & Thevenot L. (1991) « De la Siméant J. (2001), « Entrer, rester en
à l’incertitude des jeunes en ce domaine, justification : Les économies de la gran- humanitaire », Revue française de science
il semblerait cohérent que les compé- deur » Paris : Gallimard. politique, vol. 51, n° 1-2, pp. 47-72.
tences acquises dans le cadre associatif
soient reconnues plus largement, pour Bourdieu P. (1994), Raisons pratiques, Simonet-Cusset M. (2004), « Penser le
commencer par le monde associatif, Paris, Seuil. bénévolat comme travail pour repenser
qui connaît une crise de son secteur Certeau (de), M., L’invention du quoti- la sociologie du travail », in Revue de
dirigeant. dien, tomes 1 et 2, Paris, Gallimard, 1990. l’IRES n° 44.

Cohen JL. (1985), « Strategy or identity : Tilly C. (1986), La France conteste de 1600
new theoretical paradigms and contem- à nos jours, Paris, Fayard.
Eléments de porary social movement », Social re-
search, vol. 52, n° 4, pp. 663-716.
conclusion Collovald A., Lechien MH., Rozier S.,
Willemez L. (2002), L’humanitaire ou le
management des dévouements, Rennes,
On peut certes se demander dans PUR.
quelle mesure la professionnalisation
des associations de jeunesse et d’édu- Fillieule O, (2001), « propositions pour
une analyse processuelle de l’engage-
cation populaire permet, aux jeunes qui
ment individuel », Revue française de
s’y engagent, de pénétrer le marché du
science politique, n°1-2, pp.199-215
travail mieux armés. D’un autre côté, on
peut aussi se demander si le transfert de Gateau M. (2007), « Du bouche-à-oreille
compétences professionnelles s’exerce à l’entretien d’embauche. Spécialisation
au détriment du sens recherché dans les des activités et formalisation du recrute-
engagements (Gateau, 2007). ment dans les associations de commerce
équitable », Sociologies Pratiques, « Com-
Sur ce point précisément, il faut prendre les engagements aujourd’hui »,
préciser qu’à l’issue de notre travail de n°15, PUF.
recherche et sur la base de ses conclu-
sions, les associations de jeunesse et Havard Duclos B. & Nicourd S. (2005),
Pourquoi s’engager ? Bénévoles et mili-
d’éducation populaire concernées ont
tants dans les associations de solidarité,
pu obtenir un financement public consé-
Paris, Editions Payot et Rivages.
quent dans le cadre des appels d’offre
« Martin Hirsh » afin de développer, Hély M. & Simonet M. (2008), « Splen-
sur toute la France et sur trois ans, un deurs et misères du travail associatif »,
dispositif d’accompagnement nommé Les mondes du travail, n°5, Amiens.
« Bénévolat et Compétences » dont le Inglehart R. (1977), The Silent Revolution.
but est précisément de reconnaître et de Changing Values and Political Styles
traduire les compétences formelles et Among Western Democracies, Princeton,
informelles construites lors des mandats Princeton University Press.
d’engagement des jeunes bénévoles et
volontaires, dans un parcours d’insertion Ion J. (2005), Militer aujourd’hui, Editions
professionnelle. Par ce biais, très concrè- Autrement, 141 p.
tement, les associations en question ont Ion J. (1997), La fin des militants ?, Paris,
pris part à la concertation politique et L’Atelier.
à l’élaboration d’un dispositif soutenu
Nicourd S. et al. (2009), Le travail mili-
par les politiques publiques en faveur de
tant, Presses Universitaires de Rennes
l’insertion professionnelle des jeunes.
(P.U.R)
Pour finir, l’appropriation réflexive que
Oberschall A. (1973), Social Conflict and
ces associations ont pu avoir des résul- Social Movements, Prentice Hall, En-
tats de la recherche témoigne d’un fort glewood Cliffs.
potentiel d’invention au quotidien (De
Certeau, 1991), et d’un agir politique en Olson M. (1978), Logique de l’action col-
train de se faire, ici et maintenant (Bol- lective, Paris, PUF.
tanski, Thévenot, op.cit). Ce constat nous Richez J-C. (2005), « Des ressources pour
10 Les jeunes, la participation et l’engagement

S’engager
dans le cadre scolaire
Valérie Becquet
Sociologue, maître de conférences HDR, Université de Cergy-Pontoise, Ecole, Mutations, Apprentissages

Valérie Becquet mène des recherches sur les pratiques bénévoles des jeunes, les dis-
positifs publics de participation scolaire et extra-scolaire et, plus récemment, sur le
service civique. Elle a notamment publié : L’expérience du service civil volontaire à
Unis-Cité : quels enseignements pour le service civique ? (INJEP, 2011) et dirigé Jeunes-
ses engagées (Syllepse, 2014). Elle propose dans ce texte d’éclairer les raisons de l’enga-
gement des jeunes, et plus spécifiquement d’analyser la nature de cet engagement dans
le cadre scolaire.

La création en 2003 de l’ALESA en


remplacement de l’ASC constitue une Des jeunes
Concernant le type d’association
évolution dans la mise en œuvre de
l’éducation socioculturelle au sein des
présents dans les fréquentée, des tendances similaires se
dégagent des différentes enquêtes. Les
établissements publics d’enseignement
agricole. Elle vise à faciliter l’engagement
associations adhésions des jeunes se répartissent
principalement entre les associations
des jeunes scolarisés et à accroître les
sportives et les associations de loisirs
opportunités de prise de responsabilités, Compte tenu des tranches d’âge étu- et culturelles : 19% des 18-29 ans pour
en octroyant la possibilité aux majeurs diées et des questions posées, le taux les premières et 7% pour les secondes
d’assurer des fonctions de gestion. Au de participation des jeunes varie d’une en 2008 (5) . Ils adhèrent également à des
passage, elle modifie le rôle des profes- enquête à l’autre. D’après l’enquête de associations caritatives, des associa-
seurs d’éducation socioculturelle qui INSEE(2) , en 2006, 29% des 16-24 ans sont tions locales, des groupes religieux ou
sont invités à se mettre au service des adhérents d’au moins une association paroissial ou des associations environ-
élèves en les formant et en accompa- contre 34% de l’ensemble de la popula- nementales mais dans des proportions
gnant. Si l’ALESA peut être considérée tion. Parmi les 16-24 ans membres d’au nettement moins importantes et varia-
comme un dispositif d’incitation à l’en- moins une association, 24 % sont de bles d’une enquête à l’autre (entre 3% et
gagement au même titre que d’autres simples adhérents, 61% sont des partici- 7%). Les syndicats et les partis politiques
dispositifs scolaire et extrascolaire (1) , les pants actifs et 15% ont une responsabili- arrivent en dernière position : 2% des 18-
manières dont les élèves peuvent s’en té. Le taux de participation est plus élevé 29 ans pour les premiers et 3% des 18-29
saisir et l’investir sont orientées par leur dans la dernière enquête européenne sur ans pour les seconds selon l’enquête sur
rapport aux associations et à l’engage- les valeurs  : en 2008, 37% des 18-29 ans les valeurs des français. Les jeunes adhè-
ment, mais aussi par le contexte au sein appartiennent à une association contre rent deux fois moins fréquemment à un
duquel elle est mise en œuvre, à savoir 38% des Français et 19% ont une acti- syndicat que leurs ainés mais de manière
l’établissement scolaire. Ainsi, alors que vité bénévole contre 23% (3) . Ce résultat équivalente aux partis politiques. A la
les jeunes sont plutôt attirés par les est assez proche de la dernière enquête différence des autres types d’associa-
associations, leurs pratiques d’engage- menées par la DREES en 2010 : 21% des tions, les taux d’adhésion aux syndicats
ment sont orientées par différents élé- 18-24 sont bénévoles dans une ou plu- et aux partis politiques sont plus élevés
ments dont la compréhension peut être sieurs associations ou d’autres types qu’en 1999 où ils étaient inférieurs à
utile aux professionnels de l’éducation. d’organismes (4) . 0.5%. A ce sujet, Bernard Roudet(6) souli-
gne que l’engagement des jeunes dans
des associations altruistes ou militantes
(2) Statistiques sur les ressources et les conditions
aurait été multiplié par trois depuis 1999
de vie (SRCV), 2006.
(3) B. Roudet, « Participation associative : des jeu-
et, qu’en 2008, un jeune sur cinq y par-
(1) V. Becquet, « L’école face à la citoyenneté : nes plus engagés dans la vie de la cité », Bulletin ticipe (20%) pour un adulte sur quatre
quelles évolutions de l’action publique ? », dans d’études et de synthèses de l’observatoire de la (27%).
M. Meskel-Cresta et al. [dir.], Ecole et mutation. jeunesse, n°4, mai 2011, INJEP.
Reconfigurations, résistances, émergences, De (4) Enquête de la Direction de la recherche, des
Boeck, 2014, pp. 109-118 ; V. Becquet, « Politiques études, de l’évaluation et des statistiques/ BVA,
de citoyenneté : constats, finalités et outils », octobre 2010 : L. Prouteau, Enquête sur la vie
dans V. Becquet, P. Loncle et C. Van de Velde associative en France en 2010 : résultats prélimi- (5) Ibidem.
[dir.], Politiques de jeunesse : le grand malen- naires, Chiffres-clés, Ministère de l’éducation (6) Bernard Roudet (1955-2013), sociologue de la
tendu, Champ social éditions, 2012, pp. 165-186. nationale, de la jeunesse et de la vie associative. jeunesse. Travaillait depuis 1991 à l’INJEP.
Les jeunes, la participation et l’engagement 11

Ces données générales mettent en que chez les plus de 20 ans, ce sont da- mis en évidence qu’une des raisons du
évidence que les jeunes ne sont pas vantage les amis et les collègues d’étude ralentissement de l’activité associative
absents des associations. Ils sont certes ou de travail. était la réussite aux
moins présents que leurs ainés et ont
Deuxièmement, toutes
Le temps « associatif » examens (11) . Le temps
tendance à fréquenter des associations
les enquêtes quantitati- doit être géré au même « associatif » doit être
pour leurs pratiques sportives et cultu- titre que le temps de géré au même titre
ves mettent en évidence
relles mais ils investissent également des travail et, dans une que le temps de travail
que plus le diplôme est
groupements militants. Si ces données
élevé, plus le taux d’adhé- certaine mesure, que le et, dans une certaine
permettent de décrire l’engagement des mesure, que le temps
jeunes, elles méritent d’être complétées
sion et d’activité bénévole temps privé. privé.
est élevé. Ainsi, l’engage-
par une analyse des processus d’enga-
ment des jeunes scola-
gement afin de mettre en évidence les
risés, en particulier celui des étudiants,
facteurs qui influencent le choix de l’or-
ganisation fréquentée et l’intensité de
est généralement plus important que
celui des jeunes précaires ou inactifs,
Des facteurs liés
l’engagement.
souvent moins qualifiés, celui des jeunes aux conceptions
actifs étant intermédiaire. Les étudiants
se distinguent également au niveau du de l’engagement
Des facteurs type d’association qu’ils fréquentent(7) .
Ils sont plus souvent investis que le et aux
d’engagement liés reste des jeunes dans des associations
organisations
locales ou internationales à caractère
aux profils et aux social, des associations de défense de
l’environnement, des droits de l’homme
trajectoires et de lutte contre le racisme (8) . Parmi les L’engagement repose également sur
jeunes actifs, la participation syndicale les représentations qu’ont les jeunes des
juvéniles varie en fonction de la situation et de la organisations. Dans les enquêtes ou les
branche professionnelles. Si elle est pré- sondages, ils sont régulièrement inter-
sente dans le secteur agricole (9) , elle est rogés sur leur confiance dans les asso-
Les différentes enquêtes réalisées plus fluctuante dans le secteur tertiaire ciations, les syndicats et les partis politi-
mettent en évidence que des variables compte tenu des processus d’insertion ques et sur leurs velléités d’engagement
comme l’âge, le diplôme et la situation professionnelle et des modes de gestion en leur sein. Les résultats mettent systé-
personnelle ont des effets sur les prati- des carrières (10) . matiquement en évidence une opposi-
ques des jeunes. tion très nette entre, d’un côté les asso-
Troisièmement, les enquêtes permet- ciations qui bénéficient d’une image très
Premièrement, les plus jeunes, les tent également de repérer les raisons de positive et, de l’autre, les syndicats et les
15-19 ans, ont tendance à davantage l’absence d’engagement. Si les jeunes partis politiques qui suscitent davantage
fréquenter les associations sportives et préfèrent privilégier leur famille ou leurs de méfiance. En septembre 2010, 66%
culturelles que les 20-30 ans alors que amis, ils insistent également sur le fait des 16-30 ans déclarent faire confiance
ces derniers sont plus souvent présents qu’ils n’ont pas nécessairement le temps aux associations pour améliorer leur
au sein des associations caritatives, des pour se consacrer à ce type d’activité. avenir alors qu’ils ne sont que 35% à faire
associations locales ou des associations Cette question du temps renvoie aux confiance aux syndicats et 9% aux partis
de défense d’une cause. Ainsi, les plus contraintes qui pèsent sur les trajec- politiques (12) . Les jeunes considèrent sou-
jeunes s’orientent vers des associations toires juvéniles. Ainsi, les lycéens et les vent les associations comme étant plus
au sein desquelles ils pratiquent princi- étudiants font principalement référence efficaces que les autres organisations.
palement une activité de loisirs, se sai- au nombre élevé d’heures de cours, à
sissant d’une offre d’activités, alors que la nécessité de réussir « avant tout » Ils ont également une certaine
les moins jeunes investissent de manière leurs études pour accéder à un emploi, conception de ce que signifie s’engager.
plus importante des associations à voca- voire à l’obligation de travailler pour les Ils valorisent fortement la notion d’enga-
tion militante. Pour les plus jeunes, il ne financer. Une enquête sur le bénévo- gement qu’ils associent le plus souvent
faut pas nécessairement en déduire un lat à l’université avait ainsi clairement avec la figure de l’adulte. Pour eux, « l’in-
rapport strictement utilitaire au secteur dividu engagé est un individu autonome
associatif, une forme de consumérisme et reconnu, autorisé » et « une personne
qui viendrait s’opposer à une démarche qui assume pleinement ses choix » (13) .
plus altruiste, car une partie d’entre eux (7) V. Becquet, « Moment étudiant, moment d’en- L’engagement est directement connecté
est bénévole en leur sein, en particu- gagement : regard sur les activités bénévoles à un processus de construction de soi,
des étudiants », dans J.-P. Legois, A. Monchablon
lier dans les associations sportives. Les et R. Morder (coord.), Cent ans de mouvements
écarts renvoient aussi à l’acquisition étudiants, Syllepse, 2007.
d’une autonomie dans le choix des (8) A. Muxel et al, Les étudiants de Science Po. Leurs (11) V. Becquet, « Moment étudiant, moment d’en-
idées, leurs valeurs, leurs cultures politiques, gagement : regard sur les activités bénévoles
activités sociales, à la transformation Presses de Sciences Po, 2004. des étudiants », op.cit.
progressive des intérêts personnels et (9) François Purseigle, Les sillons de l’engagement. (12) Source : Baromètre jeunesse, IFOP, Ministère de
au processus de socialisation politique. Jeunes agriculteurs et action collective, L’Harmat- la jeunesse, septembre 2010.
En effet, chez les moins de 20 ans, les tan, 2004. (13) D. Lapeyronnie, « L’engagement à venir », dans
(10) V. Chabault, « L’engagement syndical des jeunes V. Becquet et C. de Linares, Quand les jeunes
parents restent les principaux prescrip- salariés », Agora débats/jeunesses, n°43, 2007, s’engagent. Entre expérimentations et construc-
teurs de l’association fréquentée alors pp.80-94. tions identitaires, L’Harmattan, 2005.
12 Les jeunes, la participation et l’engagement

permettant de « s’estimer soi-même », engagement se mesure, entre autres, à via le droit de publication. Les quelques
« d’obtenir une reconnaissance sociale » l’aune de son efficacité concrète et de enquêtes sur la participation des élèves
et de se « relier au monde » (14) . Cette di- son utilité immédiate. De plus, ils sont portent principalement sur les établisse-
mension est encore plus présente chez plus sensibles à des causes associées à ments relevant de l’éducation nationale
les jeunes « en difficulté » qui insistent des valeurs positives comme l’altruisme, mais leurs résultats peuvent contribuer
plus que les autres sur la nécessité de l’égalité et la solidarité (17) . Sur bien des à une réflexion sur l’enseignement
croire en sa valeur personnelle pour s’en- aspects, leur approche de l’engagement agricole. Deux aspects peuvent être
gager et qui sont plus attentifs aux ju- ne diffère pas de celle de l’ensemble pointés : les motifs d’engagement dans
gements extérieurs qui concourent à la de la population et est à l’image d’une le cadre scolaire et le fonctionnement de
valider ou à l’invalider(15) . Ainsi, l’engage- évolution plus profonde des modes l’établissement.
ment n’est pas un processus anodin chez d’action collective. Cependant, alors que
Concernant les motifs d’engagement
les jeunes car il se présente comme une les travaux sur l’engagement tendent
des lycéens, les données disponibles
prise de risque à l’égard de soi-même, à opposer un modèle traditionnel, se
portent principalement sur les délé-
sa propre valeur étant mise en jeu, et, caractérisant par un investissement
gués de classe : ils estiment que cette
une voie pour s’affirmer comme individu intense et durable et un modèle plus
fonction leur permet de pouvoir parler
autonome. De ce fait, le contexte rela- contemporain, où la souplesse serait
des problèmes d’un élève au conseil de
tionnel et les conditions pratiques pour de mise, opposant ainsi les figures du
classe (90,3%), de donner leur avis sur le
faire cette expérience ont nécessaire- « militant affilié » et du militant « af-
déroulement de la vie du lycée (84,4%)
ment un impact important sur sa teneur. franchi » (18) , plusieurs modes d’engage-
et d’apprendre le fonctionnement d’un
ment se côtoient chez les jeunes. Cette
A ce sujet, les jeunes, système démocratique (75,2%). Ils choi-
situation est inhérente
en particulier ceux déjà sissent de s’engager pour se rendre utile
Ainsi, l’engagement à la diversité des si-
engagés, formulent diver- aux autres élèves (59,8%), pour prendre
ses critiques sur la maniè-
n’est pas un processus tuations des jeunes
des responsabilités (56,5%) ou pour
re dont ils sont considérés anodin chez les jeunes et des organisations
connaître les adultes de l’établissement
au sein des organisations car il se présente com- fréquentées. De ce fait,
d’une façon différente (43,3%) (19) . Quant
me une prise de risque peuvent tout autant
et sur leurs difficultés à y aux journalistes lycéens, les motifs qui
se rencontrer des
trouver une place. Ces cri- à l’égard de soi-même, les conduisent à s’investir dans la pu-
jeunes militants très
tiques surgissent princi- sa propre valeur étant blication d’un journal au sein de leur
engagés, structurant
palement lorsqu’ils rejoi- mise en jeu, et, une voie leurs activités scolai- établissement sont consonants avec les
gnent une association qui pour s’affirmer comme res, professionnelles et possibilités offertes par le droit de pu-
existe déjà et qui n’est pas individu autonome. blication. Si la volonté de s’exprimer est
personnelles autour de
uniquement animée par la plus partagée par les lycéens, d’autres
leur engagement, que
des jeunes alors qu’elles motifs comme « faire bouger le lycée »
des jeunes plus distants, qui y consa-
sont moins présentes dans des associa- ou l’acquisition d’une première expé-
crent un temps relativement réduit et
tions de jeunes comme les associations rience dans la perspective de devenir
envisagent leur engagement comme
étudiantes par exemple (16) . La création journaliste sont également cités (20) .
une intervention ponctuelle, ou encore
d’une association de jeunes est d’ailleurs
des jeunes qui privilégient des formes Concernant le fonctionnement de
une modalité pour échapper à une situa-
souples d’organisation. l’établissement, il participe du « façon-
tion jugée insatisfaisante. Ces difficultés
nage organisationnel » (21) des pratiques
renvoient à des modèles d’engagement
et peut constituer une ressource comme
qui varient d’une organisation à l’autre
une contrainte. Plusieurs dimensions
et, dans une certaine mesure, entre les
générations.
S’engager dans peuvent être repérées, tout comme leur
influence sur les engagements scolaires.
A ce sujet, il apparaît que les jeunes un établissement C’est en premier lieu la « forme scolai-
ont tendance à se méfier des collectifs
trop organisés, en ce qu’ils seraient trop
scolaire re », comme mode de socialisation spé-
cifique (22) , qui définit les conditions de
structurants et, par conséquent, à pré- la mise en œuvre des dispositifs d’enga-
férer des formes « souples » et des orga- gement allant même jusqu’à en limiter
Si l’engagement associatif des jeunes
nisations privilégiant l’horizontalité des
se construit à l’interface entre des di-
rapports interpersonnels, comme par
mensions individuelles et collectives, son
exemple les groupes affinitaires ou les (19) J.-C. Guillaune et R. Verdon, Pratiques citoyennes
développement au sein des établisse-
réseaux virtuels. Ils sont également por- des lycéens dans et hors de l’établissement, Minis-
ments scolaires est orienté par des pro- tère de l’éducation nationale, de l’enseignement
teurs de demandes ou de projets dont ils
cessus spécifiques. Les élèves peuvent supérieur et de la recherche, 2007.
souhaitent une réalisation relativement (20)V. Becquet, « Les journaux lycéens entre droits
s’engager via les dispositifs de représen-
rapide, considérant que la valeur de leur et infractions » dans G. Hénaff et P. Merle [dir.],
tation des élèves, via les clubs ou la mai- Le droit et l’école. De la règle aux pratiques, Pres-
son des lycéens (l’ALESA dans le cas plus ses universitaires de Rennes, 2003, pp. 117-132.
spécifique de l’enseignement agricole) et (21) F. Sawicki et J. Siméant, « Décloisonner la socio-
(14) Ibidem. logie de l’engagement militant. Note critique
(15) C. de Linares, « Jeunes « en difficulté » : les ma- sur quelques tendances récentes des travaux
lentendus de l’engagement », dans V. Becquet et français ». Sociologie du travail, vol. 51, n°1, 2009,
C. de Linares, op.cit. (17) 15-35 ans : les individualistes solidaires, Fondation pp. 97-125.
(16) V. Becquet, « Moment étudiant, moment d’en- de France, 2007. (22) G . Vinvent [dir.], L’éducation prisonnière de la
gagement : regard sur les activités bénévoles (18) J. Ion, S’engager dans une société d’individus, forme scolaire ? Scolarisation et socialisation
des étudiants », op.cit. Armand Colin, 2012. dans les sociétés industrielles, PUL, 1994.
Les jeunes, la participation et l’engagement 13

l’existence ou le fonctionnement. évidence une séparation entre ces deux patible avec ce genre d’engagement(33) .
sphères (29) . Les engagements sont perçus A cette inégale légitimité s’ajoute une
L’orientation des pratiques par les
comme pouvant avoir des conséquences conditionnalité qui renvoie directement
adultes, mais aussi les usages des dis-
sur les sociabilités juvéniles. Par exem- aux normes de réussite scolaire. La
positifs (représentation et participa-
ple, la position du délégué de classe, en- fonction de représentation des élèves
tion associative) par les élèves s’opère
tre l’institution et les élèves, peut affec- supposerait d’être un « bon élève » que
en référence aux exigences du métier
ter les relations avec les camarades. Par ce soit au niveau des comportements
d’élève (23) ou aux composantes de l’expé-
conséquent, l’engagement scolaire peut que des résultats scolaires. La qualité, et
rience scolaire (24) . D’un côté, le « métier
tout autant être considéré comme favo- par conséquent, la légitimité, du repré-
d’élève » renvoie à des normes implicites
risant l’intégration au sein de l’établisse- sentant des élèves seraient inhérentes
ou explicites qui sont prescriptives, qui
ment scolaire que comme n’y ayant pas à sa conformité et à son exemplarité
impliquent un décodage et un apprentis-
sa place, l’engagement extra-scolaire lui scolaires : la « résistance des adultes à
sage et dont la non-maîtrise a des consé-
étant alors préféré. accorder aux délégués
quences. Il est appréhendé sous l’angle
des exigences institutionnelles implici- L’engagement n’est la « résistance des et plus largement aux
adultes à accorder aux lycéens une citoyen-
tes ou explicités, des conditions et des d’ailleurs pas toujours
neté individuelle non
temporalités d’acquisition et des effets appréhendé comme une délégués et plus large-
proportionnelle à leurs
sur les carrières scolaires (25) . De l’autre, dimension à part entière ment aux lycéens une
performances paraît
l’intégration, qui constitue une des trois du métier d’élève. La pré- citoyenneté individuel- très grande » (34).
dimensions de l’expérience scolaire aux férence accordée aux le non proportionnelle
côtés de la stratégie et de la subjectiva- obligations inscrites au à leurs performances Ainsi, si les élèves
tion, correspond aux intentions et aux règlement intérieur sur paraît très grande ». font part de motifs
prescriptions de l’institution. Ces deux les droits des élèves et identifiables pour
P.Rayou
approches pointent la normativité qui leur participation ou, plus éclairer leurs engage-
sous-tend le quotidien scolaire et oriente globalement, à un modèle ments au sein de leur
les comportements des élèves invités répressif sur un modèle démocratique (30) établissement, leurs pratiques sont clai-
à devenir des « indigènes de l’organisa- en constitue un premier exemple. Les rement orientées par le fonctionnement
tion scolaire » (26) et, par là-même, leurs constats dressés sur la faible attracti- des établissements, les normes de tra-
engagements. vité de la fonction de délégué et sur la vail et de réussite scolaire, la légitimité
réduction de la fonction à la gestion accordée aux dispositifs d’engagement
Les exigences de conformité débou-
des cahiers d’absences et de textes et et les modalités de leur mise en œuvre.
che sur un « travail pour l’institution » :
des élèves difficiles (31) en constituent un En cela, l’existence de tels dispositifs est
« déterminé et prescrit par l’institution ;
second. Les élèves engagés témoignent une condition nécessaire mais jamais
tout entier orienté vers la réussite sco-
souvent d’un problème de légitimité suffisante. De plus, leur expérience
laire, elle aussi définie par l’institution ;
auprès des adultes. Ils ne se sentent pas d’engagement au cours de leur scolarité
animée par le moteur que constitue le
« reconnus comme partenaires » ou di- laisse des traces qui ont des effets sur
principe d’efficacité, lequel justifie à la
gnes de confiance, voire ont le sentiment leur rapport à l’engagement et leurs
fois la simplification du travail, sa sou-
de prendre des risques vis-à-vis de l’ad- engagements futurs. En cela, les enjeux
mission à la normativité de la réussite
ministration et des enseignants (32) . éducatifs sont réels et l’accompagne-
scolaire, et sa naturalisation comme
ment des professionnels déterminant.
seul travail réel, digne d’être pris en Cette faible légitimité se repère égale-
considération » (27) . Le métier d’élève, en ment au niveau des conditions pratiques
particulier les postures et activités qui d’engagement. L’engagement n’est pas
en résultent, informe sur les normes de toujours intégré dans l’emploi du temps
réussite scolaire et les principes de jus- des élèves. Ainsi, 66.6% des lycéens jus-
tice qui sous-tendent la forme scolaire tifient leur absence d’engagement par le
et permet de distinguer des « manières » fait que leur emploi du temps soit char-
d’être élève qui se construisent à l’arti- gé et peu compatible avec ce type d’ac-
culation entre les normes et les contex- tivité et 60.4% par le fait que le travail à
tes institutionnels et sociaux (28) . De plus, la maison soit très prenant et peu com-
la manière dont est pensé et vécu l’agen-
cement entre l’expérience scolaire et
l’expérience juvénile conduit à mettre en
(29)A. Barrère et D. Martucelli, « La citoyenneté à
l’école : vers la définition d’une problématique
sociologique ». Revue française de sociologie,
(23) R . Sirota, « Le métier d’élève, note de synthèse ».
vol. 34, n°4, 1998, p. 651-671 ; F. Dubet, op.cit ; P.
Revue française de pédagogie. N°104, 1993, pp.
Rayou, « La citoyenneté lycéenne et étudiante »,
85-108.
dans A.Van Zanten [dir.], L’école l’état des savoirs,
(24) F. Dubet, Les lycéens, Seuil, 1991 ; F. Dubet et D. La Découverte, 2000, pp. 263-270.
Martucelli, À l’école. Sociologie de l’expérience
(30) P. Merle, L’élève humilié. L’école, un espace de
scolaire, Seuil, 1996.
non droit ?, PUF, 2005.
(25) P. Perrenoud, Métier d’élève et sens du travail
(31) P. Rayou, La cité des lycéens, L’Harmattan, 1998 ;
scolaire, ESF, 1994 ; R. Sirota, op.cit
J.-C. Guillaume et R. Verdon, op.cit.
(26)P. Perrenoud, op.cit.
(32) V. Becquet, « Se saisir du conseil de la vie lycéen-
(27) N . Sembel, Le travail scolaire, Nathan, 2003, p.53. ne : des principes à l’exercice de la fonction de
(28)A. Barrère, Les lycéens au travail, PUF, 1997 ; F. délégué, Carrefours de l’éducation, n°, 28, 2009, (33) J.-C. Guillaume et R. Verdon, op.cit., p 62.
Dubet et D. Martucelli, op.cit. pp.65-79 ; J.-C. Guillaume et R. Verdon, op.cit. (34) Rayou, 1998, p. 162.
14 Les jeunes, la participation et l’engagement

Question de droit : L’accès


des mineurs à la vie
associative bridé par de
mauvaises bonnes intentions
Jean-Claude Bardout,
magistrat (1)

Jean-Claude Bardout est l’auteur de « L’histoire étonnante de la loi 1901 », Juris asso-
ciation, 2000, il est un connaisseur de longue date des questions relatives à la vie asso-
ciative. Il nous propose un éclairage sur l’accès des jeunes mineurs à la vie associative
au regard du contexte juridique actuel, qu’il met en perspective, en homme de droit
pleinement convaincu de la vertu citoyenne du droit d’association des jeunes mineurs.

(1) Magistrat, Vice-Président du tribunal de grande instance de Toulouse. Auteur de « L’histoire étonnante de la loi 1901, Juris association, 2000 ; Guide du dirigeant
d’association (avec Ruchaud S.), Dalloz, 5è édition, 2011 ;

L’association est unanimement recon- d’association des jeunes aux réalités L’adhésion d’un mineur à
nue comme une école de la citoyenneté. vécues par la jeunesse de notre temps (4) . une association est-elle
La participation active des jeunes dans Ces projets ont échoué ou se sont en- juridiquement valable ?
la vie associative est un facteur d’inté- lisés. Car il ne s’agit pas véritablement

gration sociale et d’épanouissement d’obstacles juridiques (5) . Notre droit de
personnel. L’exercice des responsabilités la minorité assure l’équilibre entre les L’argument selon lequel un mineur
associatives par les enfants et adoles- différents intérêts à protéger. Notre ne peut pas valablement adhérer à une
cents constitue une excellente éduca- droit de l’association n’apporte aucune association n’est plus véritablement
tion civique. Un enfant sur deux est restriction au droit d’association des soutenu. Des millions de jeunes mineurs
adhérent d’au moins une association (2) ; mineurs (6) . Quel est le problème ? Nous sont membres d’une ou plusieurs asso-
mais peu d’entre eux accèdent aux ins- avons affaire à des méconnaissances et ciations. Nombreuses sont les activités
tances délibérantes. Le droit d’associa- des incompréhensions, qu’il convient de auxquelles les enfants participent, qui
tion est proclamé par la convention in- lever, basées sur des questions et appré- sont gérées par des organisations régies
ternationale des droits de l’enfant. Hélas, hensions tout à fait légitimes, auxquel- par la loi du 1er juillet 1901. Un mineur
la participation des adolescents à la vie les il convient de répondre. sur deux est adhérent d’au moins une
associative est étouffée par de ridicules association. On ne peut plus soutenir
garde-fous. Le nouvel article 2 bis de la sérieusement que l’incapacité contrac-
loi du 1er juillet 1901 (3) soumet les actes tuelle du mineur lui interdirait d’être
d’administration des jeunes de seize ans adhérent.
à « l’accord écrit préalable » des repré-
(4) Citons les projets de Dominique Bredin, minis-
sentants légaux. Plusieurs projets de dé- tre, en 1991, Martin Hirsh en 1999, Jeannette
crets et de loi ont tenté d’adapter le droit Bougrab, secrétaire d’état, Luc Chatel, ministre, Peut-on exiger du mineur une
Muriel Marland-Militello, député, en 2011, Pierre
Léautay, député, Najat Vallaud Belckacem, mi- autorisation écrite de ses
nistre, en 2014 parents ?
(2) Lucy Baugnet, Participation associative et (5) Bardout JC, Les limitations opposées au droit
rapport au politique : l’engagement social des d’association des mineurs sont-elles légales ? in En 1965, le TGI de la Seine a dit que
jeunes, in Des jeunes et des associations, sous la La place des mineurs, une question majeure, JA
direction de Bernard Roudet, L’harmattan 1996 n°351, Lyon, 15 jan. 2007, p. 18 à 28 l’adhésion d’un mineur à une associa-
(3) Art. 45 de la loi 2011-893 du 28 juillet 2011 re- (6) Bardout JC, L’interpellation d’Ernest Vallé, rap- tion constitue un acte d’usage courant
lative au développement de l’alternance et la porteur, par Ponthier de Chevillard, sénateur, à que le mineur peut faire seul, sans la
sécurisation des parcours professionnels, JORF propos du droit d’association des mineurs, JA
29 juillet 2011 n°291 - 15 janvier 2004 et n° 292 - 1er février 2004
représentation de ses parents. L’enfant
Les jeunes, la participation et l’engagement 15

est adhérent en vertu d’une autorisation Un mineur peut-il participer Son objet est la mise en commun de
tacite. Cette jurisprudence n’a jamais aux assemblées générales ? connaissances et d’activité dans un but
été démentie. Si un contrat d’association désintéressé. D’autre part, parce que
porte préjudice à un mineur, celui-ci (ou La participation d’un adhérent à l’as- les cotisations doivent être de montant
ses parents en son nom), pourra en de- semblée générale de l’association ou modestes et que les apports sont ré-
mander l’annulation selon le droit com- à ses organes souverains est un droit glementés (la propriété d’immeuble est
mun des contrats. Si les parents désap- attaché à la qualité de membre. Si les strictement limitée ; la capacité à perce-
prouvent l’adhésion de leur enfant à une mineurs participent rarement aux as- voir des dons et donations est réservée
association déterminée, ils ont le droit semblées, aux votes et aux décisions à certaines catégories d’association). En
d’exiger le retrait de leur enfant de cette collégiales, ce n’est pas à cause de la loi, outre, les créanciers n’ont comme gage
association. Le principe est donc celui de mais parce qu’ils n’y sont pas appelés ou que le patrimoine de l’association. La
l’autorisation implicite des parents, qui que leur participation est découragée. Le responsabilité des associés est limitée à
préserve le droit des parents de manifes- droit de vote des mineurs à l’assemblée leurs apports. Par conséquent, la parti-
ter expressément leur désaccord. générale d’une association a été expli- cipation d’un mineur à une association
citement rappelé, en 1971, par Raymond présente moins de risques patrimoniaux
Marcellin, ministre de l’Intérieur(7) . La que sa participation (autorisée par la loi)
Un mineur peut-il cour de cassation a érigé la participation à une société civile, une société com-
valablement cotiser à une du membre de l’association aux assem- merciale, une entreprise unipersonnelle.
blées comme un droit de l’adhérent, fon- De manière générale le patrimoine du
association ?
dé sur les principes généraux du contrat mineur est protégé par les dispositions
Le versement d’une cotisation de d’association. du droit commun, auquel il n’est pas né-
valeur modeste est un acte d’usage cessaire d’ajouter : sont nuls les crédits

courant qu’un mineur peut valablement passés par un mineur, les legs et dona-
faire. Quoiqu’une donation faite par un Quels sont les risques tions ; sont rescindables pour lésion, les
mineur est frappée de nullité absolue, le personnels encourus par engagements pris par le mineur qui se
don d’une somme modique ou l’apport un mineur qui participe aux révèlent préjudiciables à ses intérêts.
d’un objet de faible valeur sera valable. instances délibératives ?
Un mineur qui engage inconsidérément
son patrimoine est protégé par le droit Comparés aux risques liés à l’exercice Quels sont les risques
commun de la minorité. Nullité des cré- des activités (sportives, culturelles, etc.) patrimoniaux encourus par
dits et donations. Annulation possible proposées par les associations, les ris- le mineur qui participe à la
des engagements contractuels qui lui ques liés à la participation des mineurs à gestion de l’association ?
portent préjudice. Mais il peut valable- la vie associative (réunions, assemblées
ment payer une cotisation, en bénéfi- délibérantes, participation aux conseils) Les risques patrimoniaux sont tou-
ciant du régime protecteur de droit com- sont minimes. Les premiers sont princi- jours moindres au sein d’une association
mun organisé par le code civil. palement des risques physiques (acci- déclarée, surtout en cas de participation
dents corporels liés aux activités) ; les à la gestion. L’association est, en effet,

seconds sont des risques patrimoniaux la convention par laquelle deux ou plu-

(limités car la responsabilité des adhé- sieurs personnes mettent en commun,
Quels sont les risques rents et administrateurs est limitée au d’une façon permanente, leurs connais-
personnels encourus par montant des cotisations et apports). En sances ou leur activité dans un but autre
un mineur qui participe aux outre, la participation des jeunes à la vie que de partager des bénéfices. Elle n’a
associative est un facteur de responsa- donc pas de but économique, ni de di-
activités associatives ?
bilisation. Elle a une influence bénéfique mension patrimoniale. La responsabilité
Les risques encourus par les mineurs en matière de prévention des accidents. des dirigeants de l’association est limitée
dans une association sont ceux liés aux Une activité sportive ou sociale exercée à leurs apports. Elle ne s’étend pas à leur
activités pratiquées (activités sportives, dans un cadre associatif sera moins ac- patrimoine personnel. En cas de faute de
culturelles, ludiques, etc.) ou à l’occasion cidentogène que la même activité prati- gestion, la responsabilité des mandatai-
de ces activités (transports). 9 % des quée dans le cadre d’un groupe informel res mineurs est en outre amoindrie en
personnes de 15 ans et plus ont déclaré ou de regroupements éphémères. considération de leur minorité.
avoir été victimes d’un accident pendant
Il en est de même pour un mineur
la pratique d’une activité physique ou
administrateur : s’il occupe les fonctions
sportive au cours des 12 derniers mois L’adhésion à l’association de président, la responsabilité du prési-
qui ont précédé l’enquête. Ces risques peut-elle entraîner dent d’association est atténuée lorsqu’il
existent, que le mineur pratique ces l’appauvrissement exerce ses fonctions bénévolement, car
activités au sein d’une association ou en patrimonial du mineur ? l’article 1992 du code civil relatif à la res-
dehors de toute association. Cependant,
ponsabilité du mandataire indique que
l’activité pratiquée dans le cadre d’une L’adhésion à une association n’entraî- « la responsabilité relative aux fautes est
association est en général mieux maî- ne en principe aucun appauvrissement appliquée moins rigoureusement à celui
trisée que celle pratiquée hors de tout patrimonial. D’une part, parce que l’asso- dont le mandat est gratuit qu’à celui
cadre. Il vaut donc mieux que les mi- ciation n’a pas de vocation patrimoniale. qui reçoit un salaire » ; d’autre part, l’ar-
neurs pratiquent celles-ci dans un cadre
ticle 1990 du Code civil précise que « le
associatif.
mandant n’aura d’action contre lui (le
(7) Rép. min., JOAN Q du 28 août 1971, n° 19419
16 Les jeunes, la participation et l’engagement

mandataire mineur) que d’après les rè- représenter un tiers. Le mandataire, bien a besoin de développer ce type d’édu-
gles générales relatives aux obligations qu’incapable juridiquement, représente cation. Dans le cas d’association dispo-
des mineurs ». valablement le mandant à l’égard des sant de budget plus important, c’est la
tiers. Les actes passés par lui pour le formule du trésorier adjoint mineur qui
Enfin, les risques patrimoniaux en-
compte de leur mandat ont toute leur peut avantageusement être retenue, aux
courus par les parents seront également
efficacité. Cependant, le régime de la côtés d’un trésorier majeur.
moindres lorsque l’enfant participe à
responsabilité civile du jeune manda-
une association régulièrement déclarée
taire associatif est atténué. Ce régime
plutôt qu’à un groupement éphémère.
tient compte à la fois du caractère bé- Quels sont les risques
En effet, les parents sont toujours res-
névole du mandat et de la minorité du encourus par le mineur
ponsables civilement des dommages
mandataire.
causés par leurs enfants, même en trésorier ?
l’absence de faute ; mais les activités
Le législateur a expressément admis
exercées au sein d’une association sont
généralement assurées, alors que les Un mineur peut-il exercer une qu’un mineur puisse exercer un rôle éco-
fonction de trésorier ? nomique. Un mineur peut être membre
groupements de faits et autres réunions
d’une société civile, d’une SARL, d’une so-
informelles ne le sont jamais.
Raymond Marcellin, ministre de l’in- ciété commerciale (s’il n’est est pas com-
La participation à une association dé- térieur, avait affirmé qu’un mineur de manditaire). Un mineur peut créer et gé-
clarée ne représente donc pas de risque seize ans pouvait être administrateur rer une entreprise à responsabilité limité
significatif en matière patrimoniale et d’une association, mais pas trésorier, ni ou société unipersonnelle (12) . Toutes ces
pour un mineur elle doit être reconnue président. Cette exclusion générale ne participations et démarches ne sont pas
et encouragée car elle représente tou- repose sur aucun texte (11) . Elle n’est fon- dénuées de risques d’un point de vue pa-
jours moins de risque que sa participa- dée que dans certains cas particuliers : trimonial. Comparativement, la gestion
tion à un groupement de fait. par exemple, lorsque l’association em- d’une association, dont la responsabilité
ploie des salariés ou lorsqu’elle perçoit des dirigeants est limitées aux apports,
des subventions publiques. En dehors représente un risque moindre. Il ne serait
Un mineur peut-il des cas où la loi l’interdit expressé- donc pas logique d’autoriser un mineur
valablement accomplir des ment, l’association est libre de désigner à développer des activités économiques
trésorier qui bon lui semble. C’est à ou à y participer, tandis que lui seraient
actes d’administration de
l’association, groupement contractuel interdites la participation à la gestion
l’association ?
d’ordre privé, d’apprécier la maturité et d’activités non lucratives.
Un mineur peut être élu ou désigné compétence de son trésorier. La majeure
administrateur d’une association (8) . partie des associations ne gèrent qu’un
Il peut valablement être membre du petit budget. Il en est spécialement ainsi Un mineur peut-il être
conseil d’administration ou de tout autre des associations de jeunes. Existe-t-il un
président ?
organe collégial de l’association (9) . Le risque pour les tiers ou la société ? Le
code civil admet qu’un mandataire soit mineur qui ne serait qu’un prête nom, Ce qui a été dit à propos du trésorier,
mineur et qu’un mineur soit mandatai- n’empêcherait pas les associés, les tiers, vaut pour le président(13) . Une association
re (10) . L’article 1990 du code civil énonce : l’Etat de se retourner contre le véritable qui salarie du personnel devra désigner
« un mineur non émancipé peut être dirigeant en fait. président un majeur, car le président de
choisi pour mandataire ». Quoi de plus l’association sera considéré représentant
Il n’existe que des avantages à ce
logique que de s’en tenir à la volonté du de l’employeur. Même dans ce cas, la
qu’un mineur puisse être désigné tréso-
mandant, laissé seul juge des capacités formule du vice-président mineur consti-
rier, lorsque l’association est créée par
du mineur qu’il choisit pour le représen- tuera un bon compromis entre les impé-
des jeunes pour leurs propres activités.
ter ? Un mineur, qui a l’aptitude intel- ratifs légaux et la volonté pédagogique.
L’instituteur Freinet désignait responsa-
lectuelle nécessaire, peut valablement La question de la représentation légale
ble de la caisse de la coopérative parmi
en justice ne constitue pas non plus un
l’un de ses élèves. La gestion du budget
obstacle, car n’est habilité à représenter
de l’association constitue un excellent
(8) Réponse ministérielle, Assemblée nationale, JO
moyen de s’initier aux questions éco-
du 29 août 1971 ; Circulaire du 24 février 1978, nomiques et de gestion. Notre société (12) Art. 389-8 du code civil
secrétariat d’état à la Jeunesse et aux sports
(13) BARDOUT J-C, Un mineur peut-il être président
(9) G. Souzy, Lamy associations, n°202-19 à 23, sec- ou trésorier d’une association ? in AGORA Dé-
tion III Capacité (11) J.-F. Merlet, Jeunesse et liberté d’association, La bats / Jeunesse n°45 - 3e trimestre 2007 ed. Injep
(10) Article 1990 du Code civil Documentation française, 2001. - L’Harmattan, p. 86 à 99
Les jeunes, la participation et l’engagement 17

l’association en justice que la personne l’association que dans le cadre informel d’accéder constituent un puissant fac-
spécialement désignée par délibération d’un groupement de fait. Dans ce der- teur de régulation sociale. L’expérience
du conseil ou par les statuts. Ce repré- nier cas, la responsabilité est pleine et montre que les mineurs qui agissent
sentant n’est pas automatiquement le entière. Le nouvel article 2 bis de la loi dans le cadre d’associations légalement
président. La loi de 1901 n’impose pas la de 1901 n’apporte pas de garanties de ce constituées, régulièrement déclarées, et
désignation d’un président. Elle évoque point de vue, mais seulement des com- dotées de statuts, manifestent un com-
seulement les personnes qui, à un titre plications et des questions. Le fait pour portement plus responsable que dans le
quelconque, administrent l’association. les parents d’avoir autorisé l’enfant par cadre de groupes informels.
Les Juniors associations choisissent écrit préalable pourrait être interprété
indifféremment de désigner des coordi- comme l’acceptation par eux des risques
nateurs, des co-présidents ou des prési- et ils pourraient se voir opposer cet Conclusion
dents selon la terminologie habituelle. accord qui leur ferait perdre le régime
protecteur de responsabilité atténué du La loi qui reconnaît aux enfants le
Ajoutons que la responsabilité per-
mineur. droit de s’associer doit sauvegarder les
sonnelle du mandataire ne peut être
intérêts personnels et patrimoniaux
recherchée qu’en cas de faute caractéri-
des enfants. Elle doit être attentive à
sée de gestion ou si le mandataire agit
Le droit d’association de la responsabilité civile des parents. Elle
manifestement hors du mandat qui lui
l’enfant affaiblit-il l’autorité doit préserver leur autorité. La liberté
a été confié. Dans les associations, cette
d’association ne doit pas priver l’Etat
faute devra être appréciée moins rigou- parentale ?
de sa capacité à préserver la sécurité et
reusement car le mandat est gratuit(14) .
La liberté d’association reconnue aux l’ordre public. Ces objectifs sont mieux
En outre, s’agissant d’un mineur, cette
enfants s’exerce dans le cadre naturel de servis lorsque les mineurs participent à
responsabilité est atténuée au regard de
l’autorité parentale, comme l’avait dit des associations légalement reconnues.
sa minorité (15) . Pour se prémunir de cette
le législateur dès 1901. Les titulaires de En barrant l’accès des jeunes aux res-
responsabilité éventuelle et minorée,
l’autorité parentale ont et conservent le ponsabilités associatives et en inventant
les parents, titulaires de l’autorité pa-
pouvoir de surveiller les activités et fré- de nouveaux obstacles et conditions
rentale, disposent du pouvoir de refuser
quentations de leurs enfants et peuvent à l’exercice du droit d’association des
expressément que leur enfant exerce
exiger d’eux le retrait de toute associa- mineurs, nous prenons le risque de fa-
des responsabilités dans une associa-
tion dont ils désapprouvent le but ou voriser les groupements de fait, moins
tion donnée ; ils conservent le pouvoir
l’activité. Mais, exiger que cette autori- protecteurs. Il faut au contraire favoriser
d’exiger son retrait. Mais il est contraire
sation parentale prenne la forme d’une l’accès des jeunes aux responsabilités as-
au règles habituelles qui gouvernent la
déclaration écrite préalable des titulaires sociatives dans les associations crées par
minorité d’exiger de la part des parents
de l’autorité parentale a l’effet contraire eux et dans les associations déjà consti-
une autorisation écrite et préalable.
au but recherché. La responsabilité des tuées par d’autres, car le plein accès au
parents peut être mise en jeu en cas droit de l’association est plus protecteur
d’absence ou de contestation de cet pour les mineurs, pour les parents, pour
Quels sont les risques accord écrit dont les formes ne sont pas la société. Telles sont les raisons qui jus-
encourus par les parents spécifiées. L’autorité parentale est af- tifient la reconnaissance sans réserve,
d’un enfant président faiblie par le pouvoir donné aux tiers de dans le cadre du droit existant de la mi-
d’association ? contrôler l’existence de l’accord parental. norité, du plein exercice par les mineurs
La protection du mineur est moindre s’il du droit d’association.
Les risques du mineur étant limités se borne à agir dans les groupements
comme on l’a vu, ceux des parents le informels pour lesquels l’accord écrit
sont également. En tout état de cause, préalable n’est pas exigé.
du point de vue de la responsabilité
parentale, il vaut toujours mieux que
l’enfant agisse et exerce ses responsa- Quel est le risque du point
bilités de gestion dans le cadre d’une de vue de la délinquance
association déclarée et selon un man- juvénile ?
dat régulièrement conféré au sein de
La délinquance des mineurs est fa-
vorisée par le désœuvrement et la non
(14) Art. 1992 du code civil
insertion, alors que l’association et les
(15) Art. 1990 du code civil responsabilités auxquelles elle permet
Les associations
de jeunes en lycées
agricoles : repères
p.19  Une logique partenariale au service d’un projet
éducatif commun
Pierre-Loïc AUBERT
p.21 Former à l’ALESA, former avec l’ALESA
Francis Gaillard
p.25 Faire vivre l’initiative des jeunes !
Laurianne DUPUICH et Matthieu PREVOST
p.27 ALESA : de l’adhérent à l’administrateur
Corinne COVEZ, Thierry CUSSONNEAU, Rodolphe
DELCROS
p.29  L’association : un lieu pour proposer, animer,
s’engager,
Antoine Aubert , Frédérique Lohues, Maxime
Manguy, entretien avec Murielle K amprath
Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères 19

Une logique partenariale au


service d’un projet éducatif
commun
Pierre-Loïc Aubert
inspecteur de l’enseignement agricole, Education Socioculturelle.

Pierre-Loïc Aubert nous propose dans ce texte de considérer les associations de lycéens,
étudiants, stagiaires et apprentis (ALESA) de l’enseignement agricole comme parties
prenantes du projet éducatif des établissements. Il en appelle à une remobilisation
autour de l’ALESA en travaillant davantage le lien avec la classe (actions, projets, avec
l’ALESA comme partenaire) et en encourageant toutes les dynamiques partenariales
avec l’ALESA, dans ou hors de l’établissement.

Élément central du dispositif initial Les situations idéales qui allient bonnes volontaires, des objectifs de référentiels
d’Education Socioculturelle conçu en pratiques et respect des préconisations avec des obligations d’évaluation d’un
1965, les Associations Sportives et sont elles aussi, heureusement, nom- côté et une recherche de loisir voire de
Culturelles ont été transformées en breuses. Comment faire pour que la divertissement de l’autre ?
Associations des Lycéens, Etudiants, dernière situation se généralise ? La ré-
Stagiaires et Apprentis voilà plus de dix ponse est probablement dans le déploie-
ans (1) , et clairement séparées, à cette ment d’une approche plus intégrée qui
occasion, des associations relevant de associe l’ensemble des acteurs du hors Avec les ESC, le
la fédération de l’UNSS. Sans revenir sur temps scolaire et qui fasse de l’ALESA un
les raisons objectives qui ont poussé partenaire éducatif : partenaire des en- lien pédagogie/
au «schisme» de 2003, ni sur les bilans
intermédiaires tirés, en particulier par
seignants d’ESC eux-mêmes dans le lien
entre pédagogie et animation, mais par-
animation
l’inspection de l’enseignement agri- tenaire également des autres acteurs :
cole (2)(3) on peut observer que cette enseignants d’EPS, documentalistes, CPE
Probablement faut-il fuir la juxtapo-
injonction à organiser différemment dans le cadre d’un projet éducatif global.
sition entre les missions et rechercher
la vie associative a modifié la place et
à l’inverse les espaces de synergies. Un
le fonctionnement des ALESA dans les
certain nombre de référentiels recom-
établissements de manière relativement Chacun le sait le métier de professeur
mandaient dans le passé la présentation
hétérogène. Dans certains lieux, des ASC d’éducation socioculturelle - c’est sa spé-
«en classe» des associations loi 1901. Il
ont perduré tout en conservant ou en cificité et sa richesse - repose avant tout
était alors aisé de prendre pour exemple
adoptant des logiques proches de celles sur une ambition éducative : éducation
celle, immédiate, hébergée par le lycée.
attendues en ALESA, les jeunes occupant à la communication humaine, éducation
Cette approche descriptive a cependant
une place centrale dans le pilotage de artistique, éducation à l’environnement
tendance à disparaître, que ce soit dans
leur association. A d’autres endroits, le social et culturel et dans le même temps
les pratiques ou même dans les référen-
passage en ALESA ne s’est pas accompa- sur une double fonction, celle d’ensei-
tiels. Celui de Seconde Professionnelle
gné d’une évolution réelle des usages. gnant et d’animateur. La mise en œuvre
(EG1) recommande d’identifier les res-
du métier par les enseignants d’ESC doit
sources sociales et culturelles, et ses do-
se faire de manière concomitante, en
cuments d’accompagnement précisent
recherchant constamment les liens entre
(1) Circulaire DGER/POFEGTP/C2003-2001 du 21 bien que les associations d’élèves et
cours et animation.
janvier 2003 d’étudiants sont des partenaires du pro-
(2) Rapport de l’inspection de l’enseignement agri- Voilà qui est plus facile à dire qu’à jet socioculturel que les jeunes doivent
cole 2005-2006, Chapitre 4, les ALESA -http://
www.chlorofil.fr/systeme-educatif-agricole/ faire : comment trouver des passerelles conduire.
organisation-orientations-et-evolution-de-lea entre des temps cadrés et des temps
En BTSA, les Projets Initiatives et
(3) Evaluation de la mise en œuvre des ALESA, IEA, libres, des publics parfois captifs, parfois
Octobre 2009 Communication ouvrent eux aussi des
20 Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères

opportunités de conduite de projets


communs. Travailler avec
A la différence de l’ancien CAPA, le les autres acteurs
CAP Agricole mis en œuvre à la rentrée
2015 ne prévoit plus « la découverte de de la communauté
la vie associative » ni l’étude à cette
« occasion, des associations loi 1901, à éducative
travers l’association des élèves : création,
statuts, fonctionnement. ». Il s’agit à
présent d’une approche plus globale ; Le partenariat doit aussi s’engager
l’Alesa n’est pas un objet d’étude en avec les autres acteurs du hors temps
soi mais est regardée comme un parte- scolaire : les enseignants d’EPS avec les-
naire de projet. On invite ici les jeunes à quels il faut sortir d’une logique concur-
témoigner d’une pratique personnelle, rentielle trop souvent observée à propos
pourquoi pas réalisée dans le cadre de des activités des jeunes, enseignants de
l’ALESA. Plus globalement les espaces documentation qui ont toute leur place
à l’initiative des établissements (EIE pour accompagner une réflexion sur la
en Bac Pro par exemple) permettent la place de la presse et du livre dans les
construction de projets, à laquelle l’ALE- foyers socioculturels, conseillers princi-
SA peut être associée. paux d’éducation, bien sûr.

On le voit donc, le lien pédagogie/ En ce qui concerne le lien avec les


animation doit s’appréhender dans une services de vie scolaire, il faut rappeler
démarche synergique entre des groupes qu’une disposition de la note de service
d’élèves et des représentants de l’as- de 2003 prévoit que la communauté des
sociation, les enseignants d’ESC étant délégués de classe réunie en Conseil des
naturellement les mieux placés pour délégués soit informée sur les choix de
favoriser les contacts, les échanges et la l’ALESA.
valorisation des projets. La question de la perméabilité entre
les deux communautés de représen-
tants, les délégués apprenants, les délé-
gués ALESA ou les membres du bureau,
de leur formation commune, doit sans
doute être également pensée de ma-
nière plus collégiale.

Cela suppose une politique éducative


conçue globalement. Cela suppose éga-
lement une organisation plus collabora-
tive impulsée par les équipes de direc-
tion et qui mobilise tous les acteurs de
la politique éducative avec des temps de
concertation réguliers et formalisés. Cela
suppose enfin une construction plus
concertée entre les projets vie scolaire,
projet d’animation et de développement
culturel ( PADC) , projets EPS, projets
pédagogiques, projet de centres, projet
CDI etc...
Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères 21

Former à l’ALESA,
former avec l’ALESA
Francis GAILLARD
Formateur des professeur.e.s d’éducation socioculturelle à l’Ecole Nationale de Formation Agronomique. Toulouse.

Ce texte nous invite à considérer que l’association des lycéens, étudiants, stagiaires
et apprentis présente dans les établissements agricoles constitue un véritable espace
d’apprentissage pour les jeunes mais également pour les adultes, enseignant.e.s et ac-
teurs de la communauté éducative. En effet, par ses modalités de fonctionnement, et no-
tamment la nature des relations entre jeunes et adultes, l’association révèle - et contri-
bue à nourrir - les valeurs éducatives portées par les adultes autant qu’elle témoigne
de la capacité des jeunes à s’emparer de cet espace de formation et d’action.

Nous sommes passés d’une associa- changement d’angle n’a pas redistribué
La question du tion comme outil de l’équipe pédago- les cartes d’un certain pouvoir : instituer
former « à » gique, à l’association comme outil des
jeunes en formation qu’il
une association des élèves avec la pleine
et entière responsabi-
faut accompagner. Nous sommes passés lité c’est instituer une
forme de contre-pou-
La question du “former à…” a occupé Fondamentalement , d’une association
voir, tout au moins un
bien des débats en lien avec l’après il n’y a pas de remise en comme outil de nouveau partenaire
attentats du mois de janvier. Former à cause des buts : l’appren- l’équipe pédagogique, avec lequel il faudra
l’engagement, former aux valeurs de la tissage de l’autonomie, de à l’association comme
discuter, co-construire,
république, former à la prise de respon- la prise de responsabilité outil des jeunes en négocier.
sabilité, former à la tolérance, former et du pouvoir d’agir sur
formation qu’il faut
aux médias… le réel restent au coeur Dès lors, les profs
accompagner.
du projet éducatif. Le pari d’ESC et les adultes
Plus largement l’institution scolaire
pris à l’occasion de la mise qui accompagnent les
ne peut en effet faire l’impasse sur la
en place des ALESA était de le faire dans jeunes dans cette nouvelle donne ont eu
formation à la démocratie dont on sent
les conditions du réel, non pas au travers à transférer une partie de ce pouvoir et
qu’elle peut vaciller. Même s’il y a un
d’un outil simulé, où  au final c’était les à construire des apprentissages qui tien-
esprit « 11 janvier » l’actualité politique
adultes qui avaient la légitimité, l’auto- nent compte de ces nouveaux rapports.
montre combien il peut être fragile.
rité, mais au travers de la stricte applica-
L’autre question est de savoir si les
De la démocratie on retiendra qu’elle tion de la loi 1901 des associations.
jeunes ont envie de se saisir de cet outil,
est une forme de gouvernement dont
Un certain nombre de collègues et de du pouvoir qu’il leur confère. Des doutes
la souveraineté émane du peuple. Cette
directeurs, ne s’y sont pas retrouvés, il existent sur la capacité du modèle asso-
souveraineté est un apprentissage
y a eu des résistances, des adaptations, ciatif à pouvoir satisfaire des évolutions
autant qu’un acquis.
voire des contournements à la mise en sociétales davantage tournées vers des
Les ALESA de toute évidence partici- œuvre des ALESA. (1) formes moins contraignantes. Il faut
pent de cet apprentissage en permet- probablement regarder de plus près ce
Finalement on peut se demander si ce
tant aux jeunes d’exprimer des attentes, que sont les visions des adultes et des
des envies, d’en débattre, de prendre en jeunes sur cet objet qu’est l’association.
main leur concrétisation dans un contex-
te particulier. (1) Il y a des ALESA qui fonctionnent comme des
ASC - associations sportives et culturelles, as- En outre il s’agit de mieux cerner ce
En passant du dispositif ASC au dispo- sociations dont la présidence était de droit at-
tribuée au directeur.trice de l’établissement -, qu’induit la présence d’une association
sitif ALESA, un certain nombre de chan- et des ASC qui fonctionnent comme des ALESA, dans un établissement scolaire et ce
gements sont intervenus à propos de la mais aussi des ASC qui fonctionnent comme
que sont les formes d’engagement des
posture des enseignant.e.s d’ESC et plus des ASC et des ALESA qui fonctionnent comme…
des ALESA. Et puis quelques autres variantes, jeunes pour mieux évaluer les besoins
globalement des adultes. du type des associations pour soutenir certains en formation et en accompagnement
projets, voyages, club canin…
22 Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères

auxquels les enseignant.e.s et les adultes dissymétrie que représente la “solidité”, Pourtant, nous dit Anne Muxel,  les
doivent apporter des réponses, qu’il est la compétence et la capacité (y compris jeunes choisissent plus volontiers le
par ailleurs toujours pertinent d’aller au sens juridique) des adultes en regard terrain associatif. “Les associations ont
puiser dans l’éducation populaire. de la “fragilité” de jeunes, surtout des gagné leur confiance, même s’ils restent
mineurs, en construction, en apprentis- peu nombreux à y adhérer durablement
sage, y compris l’apprentissage du fait (mais ni plus ni moins qu’au sein de la
démocratique. Dès lors ce serait mentir population adulte, entre 4 % et 5 %).
Qu’est-ce que aux jeunes que leur faire croire qu’ils L’engagement associatif correspond à
peuvent agir et la simulation resterait leur demande d’actions concrètes et
s’engager ? le meilleur moyen de sécuriser leur directes. Il répond à une conception de
engagement. En fait cet argument est l’engagement plus libre, sans embriga-
quelque peu fallacieux, c’est expliciter dement, sans tutelle hiérarchique, et
D’un point de vue général, communé- le contexte dans lequel se déploie l’ac- pouvant s’exprimer de façon ponctuelle.
ment exprimé par des adultes agissant tivité associative qui est central. Une Les jeunes peuvent rallier certaines
dans un établissement scolaire, s’enga- association sur un territoire communal mobilisations impulsées par des asso-
ger c’est prendre position, prendre une a aussi parfois maille à partir avec les ciations, se reconnaître dans les causes
responsabilité, avoir une ligne de condui- édiles locaux. Souvent cela est affaire de défendues, sans pour autant franchir le
te conforme au contexte (aux valeurs ?) négociations. pas d’une adhésion ferme et durable. Ils
et la tenir dans la durée. veulent conserver leur libre arbitre. Dès
Les jeunes peuvent-il s’émanciper de
L’engagement associatif en dehors lors que les associations calquent leur
l’autorité institutionnelle et de celle des
de l’école porte en lui les germes d’un mode de fonctionnement sur celui des
adultes, dans le cadre de leur forma-
engagement souvent politique, parfois organisations politiques, dès lors qu’elles
tion ? Le rôle éducatif d’une association
l’association se situe comme un “parti” offrent un cadre d’action trop enfer-
de plein droit de jeunes en formation
de citoyens qui portent une opinion, mant, trop directif ou trop hiérarchisé,
dans le cadre institutionnel nous pose à
une action, pour pallier des insuffisan- leur capital de confiance se trouve de
nous adultes, responsables de leur for-
ces d’élus ou aller contre leur décision, fait amenuisé.”
mation, cette question. Nous pouvons la
mais parfois aussi très simplement pour traduire ainsi : quelle capacité nous leur
satisfaire des attentes particulières donnons ? Plus exactement : quel espace
nouvelles. Ainsi donc notre propension (d’adul-
accordons-nous aux négociations vis à
tes) à présenter les ALESA comme un
Ramené à l’échelle d’un établisse- vis des contraintes instituées ? Et quelle
modèle de l’engagement, très institu-
ment, c’est considérer que l’institution confiance nous attribuons à leur pouvoir
tionnalisé, vient à l’encontre de ce à quoi
permet l’émergence d’une possible ex- d’engagement ?
les jeunes aspirent.
pression contre ce qu’elle met en place
par ailleurs, par des contraintes d’espace, Par contre le fait que son objet soit
de temps et de moyens. C’est considérer Ce que nous savons de orienté vers l’action est un atout majeur.
aussi qu’elle se montre ouverte à l’ex- l’engagement des jeunes Nous passons beaucoup de temps à
pression des opinions et des besoins qui poser le cadre, le règlement, la conven-
émergent. De plus, dans le même temps, Concernant la politisation des “jeu-
tion, le temps long, alors que les besoins
elle confie à certains adultes la mission nes” elle prend forme nous dit la socio-
sont davantage de l’ordre de l’action,
d’accompagner les jeunes pour le faire. logue Anne Muxel (2) “entre héritage et
des rites, de l’instant.
expérimentation, ce qui n’exclut ni la
Cette situation pour être paradoxale, détermination d’améliorer la société ni
n’en n’est pas moins au cœur de ce qui non plus certaines formes de radicalité.
doit se construire, mettre au jour ce pa-
radoxe, entre adultes, puis entre adultes
Ils ouvrent de nouvelles voies, cherchent
des repères et des modalités d’action.
Former à la vie
et jeunes, c’est déjà en lever certaines
ambiguïtés.
Mais ils laissent derrière eux pour l’ins-
tant les « modèles ».”
associative
La question qui, au départ, motivait
La dissymétrie en question cet article était : l’ALESA comme outil
(2) Anne Muxel, L’engagement politique dans la
chaîne des générations, 2010 pédagogique de l’enseignant.e d’ESC
Certains détracteurs de la mise en http://www.revue-projet.com/articles/2010-
pour “former à …” .
place des ALESA ont mis en avant la 3-l-engagement-politique-dans-la-chaine-des-
generations/
Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères 23

Mais qui dit outil, dit instrumentali- d’associer à parts égales, chaque citoyen langages, des savoirs.
sation, au mieux nous devrions parler dans l’expression de ces contradictions,
Concrètement dans un établissement
d’outil partagé. Finalement la question l’analyse de ces contradictions et la mise
scolaire où doit pouvoir se déployer une
est plutôt : quel rôle l’enseignant.e d’ESC en délibération de ces contradictions, en
vie associative sincère et véritable il y
(mais aussi les autres adultes de l’éta- vue d’arriver à un arbitrage»
a nécessité de mener en parallèle des
blissement) peut-il/elle tenir, avec quel
Faire l’apprentissage que nous ne objectifs de formation, par les cours, par
objectif de formation, pédagogique et
sommes pas tous d’accord, faire l’ap- les formations des élu.e.s et ouvrir, par et
éducatif pour que les jeunes se saisis-
prentissage de l’expression, de l’analyse, pour l’action, des espaces de négociation
sent de l’ALESA afin de se “former à…” ?
de la délibération et de l’arbitrage sont dans lesquels les participants jouent à
Autrement dit l’association n’est pas des éléments sur lesquels peuvent se parts égales.
un outil pédagogique mais un objet fonder des objectifs de
Le rôle de
commun, partagé, médiateur entre des formation. Mais pour ce
Faire l’apprentissage l’enseignant.e d’ESC
intentions éducatives et d’apprentis- faire il faut rendre plus
sages (des adultes) et des intentions symétrique la situation
que nous ne sommes est alors celui de
(de jeunes) d’agir sur le réel et de le où, par essence, par pas tous d’accord, faire conseil (5) aux jeunes
transformer. culture, par habitude, les l’apprentissage de l’ex- pour la vie associative
pression, de l’analyse, et de médiacteur(6) ,
rapports entre jeunes et
non pas d’intercesseur
adultes sont des rapports de la délibération et
entre les jeunes et les
Construire le plus souvent “dominés/ de l’arbitrage sont des
autres adultes (ou avec
de la symétrie dominants”. éléments sur lesquels lui-même aussi par-
C’est pour cette raison peuvent se fonder des fois). Cela réclame une
Considérons que bien souvent adhérer objectifs de formation. certaine propension à
que les bases sur lesquel-
à une association est une première for-
les nous pouvons nous être en retrait tout en
me d’engagement et que l’engagement
appuyer sont à puiser dans l’expérience étant très présent, en appui, potentiel-
participe de l’éducation à la démocratie.
de l’éducation populaire qui a pour objet lement mobilisable. Expliciter ce dont
La formation et l’éducation au fait asso-
d’atténuer ces effets de ”domination”. on est capable, les limites à notre action
ciatif par le vecteur de l’ALESA revêtent
et le jeu des contradictions qui parfois
un enjeu et un intérêt majeurs. Christian Maurel, cofondateur du
nous animent sont nécessaires pour y
collectif Education populaire et trans-
Mais à quoi doit-on former précisé- parvenir.
formation sociale, propose dans une
(4)
ment ? Prenons appui  sur une définition
conférence (mais aussi des articles) une
de la démocratie que l’on attribue à
définition de l’éducation populaire ainsi
Paul Ricoeur(3) : «Est démocratique, une
société qui se reconnaît divisée, c’est-
exprimée : “un ensemble de pratiques
éducatives et culturelles qui œuvrent à
L’ALESA, une
à-dire traversée par des contradictions
d’intérêt et qui se fixe comme modalité,
la transformation sociale et politique, expérience de
travaillent à l’émancipation des indivi-
dus et du peuple, et augmente leur puis- l’action
sance démocratique”.
(3) on ne trouve pas trace de l’origine de cette cita-
tion dans des écrits de Paul Ricoeur,  certaines Ces buts, nous dit-il, reposent sur le
sources rapportent qu’elle serait recomposée à L’ALESA permet aux jeunes, indivi-
triptyque Voir / Comprendre / Agir ou
partir de plusieurs écrits : « La démocratie n’est duellement et collectivement (y compris
pas un régime politique sans conflits, mais un pour complexifier un peu l’approche, sur
par procuration pour les adhérents les
régime dans lequel les conflits sont ouverts la séquence : Paroles / Savoirs / Œuvre
et négociables selon des règles d’arbitrage moins actifs et peut-être aussi pour les
(faire) / Pouvoir / Emancipation.
connues. Dans une société de plus en plus non-adhérents) d’éprouver la réalité
complexe, les conflits ne diminueront pas en
nombre et en gravité, mais se multiplieront et Christian Maurel nous invite à consi- d’une situation et ainsi faire l’expérience
s’approfondiront. » Soi-même comme un autre, dérer l’éducation populaire comme une d’avoir prise sur le réel, de s’ouvrir à des
p. 300 et « Par rapport à la notion de conflit, praxis, comme une activité organisée
est démocratique un état qui ne se propose
pas d’éliminer les conflits, mais d’inventer les selon un certain nombre de buts, de fins,
procédures leur permettant de s’exprimer et de qui mobilise des représentations, des
rester négociables. […] Quant à la définition de (5) c’est à Philippe Sahuc, sociologue à l’ENFA,
la démocratie par rapport au pouvoir, je dirai qu’est empruntée cette façon de dire les choses.
que la démocratie est le régime dans lequel la (6) Jean Claude Gillet, De l’animation à l’animac-
participation à la décision est assurée à un nom- (4) Cristian Maurel, L’éducation populaire : pour tion, 2001.
bre toujours plus grand de citoyens. » Du texte à quoi faire et comment faire ?, conférence Uto- http://jeanclaudegillet.free.fr/quelle_theo-
l’action, p. 404. pia, Paris 11 janvier 2011. rie_pour_animation.htm
24 Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères

partenaires, des publics, aux autres, de


maîtriser les aléas, d’assumer des choix. Essayer,
Cela nécessite des compétences orga-
nisationnelles, communicationnelles et
s’essayer
d’expression que contribuent à construi-
re les séquences de cours et les temps
Tout cela peut sembler vertigineux, Ensemble désacralisons l’association,
d’animation que les enseignant.e.s d’ESC
inatteignable, c’est pourquoi il faut re- pour ne pas l’ériger en modèle figé, mais
vont conduire seuls ou avec leurs collè-
venir au point de départ. L’ALESA, nous proposons-la comme un outil collectif
gues. La pédagogie de projet y tient une
dit le texte officiel (7) , est “une associa- adaptable, souple, au service des inten-
place centrale.
tion unique, fédératrice des lycéens, tions, des envies de celles et ceux qui la
Il y a donc des temps de la vie asso- étudiants, stagiaires et apprentis, qui composent... tout ce que la loi de 1901
ciative qui doivent coïncider avec des organise les activités socioculturelles permet.
temps de formation, de projets cultu- volontaires dans l’EPLEFPA. Elle utilise
rels, d’échanges, de délibérations, de pour cela le centre socioculturel, dans le
négociations. respect de la spécificité de chaque public Les tensions qui traversent les rap-
mais dans un esprit communautaire. La ports Jeunes - Adultes - Institution - So-
vocation de l’ALESA est ciété se cristallisent
Christian Maurel préconise de partir également de former ses l’ALESA pose en actes potentiellement dans
de ce qui affecte, de ce qui indigne ; de adhérents à la vie associa- le jeu relationnel au la mise en place d’une
redonner un statut politique et éducatif tive, aux responsabilités regard des valeurs que ALESA et de son pos-
au conflit (plutôt que de le nier) et d’user de gestion et à l’organisa- nous affichons et qui sible fonctionnement.
de la parole comme moyen contre la vio- tion d’activités.” L’enjeu dépasse l’ac-
guident notre action
lence destructrice du monde. quisition de savoirs et
Prenons-là donc pour éducative indivi- savoir-faire, l’ALESA
Il y a donc, dans l’organisation de ces ce qu’elle est : un outil duellement comme pose en actes le jeu re-
apprentissages par l’accompagnement à destiné aux jeunes pour professeur.e d’ESC et lationnel au regard des
la vie associative, à faire vivre des temps qu’ils agissent dans leur collectivement avec les valeurs que nous affi-
forts qui inscrivent dans le vécu collectif environnement, qu’ils le autres adultes. chons et qui guident
la place que peut prendre une activité fassent évoluer en même
notre action éducative
décidée et conduite par des jeunes. temps qu’évolue leur ca-
individuellement comme professeur.e
L’assemblée générale et les élections pacité à faire.
d’ESC et collectivement avec les autres
méritent une attention particulière. Ce
Puis proposons-nous de discuter de adultes.
sont des temps privilégiés d’expression,
ce qu’elle permet, à savoir instaurer
de débat et de délibération. Le vécu à Elle permet de reconsidérer les rela-
une base relationnelle entre jeunes et
Bugeat au cours des rencontres des tions jeunes /adultes dans l’institution
adultes qui rende plus déchiffrable le
élu.e.s ALESA avec la SCOP Vent Debout scolaire et dans la société. L’ALESA est
faisceau complexe de contraintes que
a permis de rendre possible cette circula- un terrain de l’essai, de la participation,
sous-tend toute organisation instituée.
tion de la parole, l’écoute, la délibération de l’émancipation autant pour les jeu-
en grand groupe. La diffusion de ces Enfin, posons sur la table, entre adul- nes qui en sont les tenants que pour les
outils et manière de faire sera une aide tes, et entre adultes et jeunes, ce qui adultes qui en sont les conseilleurs.
précieuse. guide notre action et comment nous
comptons nous y prendre.
Enfin il est utile d’aider les jeunes à
décoder le contexte, celui qui s’impose
à eux autant que celui qui s’impose aux (7) circulaire ALESA, DGER/POFEGTP/C2003-2001
adultes. du 21 JANVIER 2003, Objet : Mise en place des
associations des lycéens, étudiants, stagiaires
et apprentis (ALESA) dans les établissements
publics de l’enseignement agricole.
Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères 25

Faire vivre
l’initiative des jeunes !
Matthieu Prévost
proviseur du lycée professionnel agricole de Dunkerque

Laurianne Dupuich,
enseignante en éducation socioculturelle au lycée professionnel agricole de Dunkerque.

Pilotées par les élèves eux-mêmes, les ALESA constituent de précieux outils pour les
équipes éducatives des lycées agricoles. Or, le potentiel des associations lycéennes est
inégalement exploité. Une indolence qui interroge globalement notre responsabilité
collective. Alors que l’apprentissage du “vivre ensemble” devient pour l’école une prio-
rité, quelle ambition les établissements de l’enseignement agricole afficheront-ils pour
réinvestir cette cause commune ?

Les ALESA (Associations des lycéens le renfort de personnels de la vie scolaire La réalité des situations observées sur
étudiants, stagiaires et apprentis) sont notamment. le terrain montre une grande hétéro-
des associations aux contours particu- généité entre les établissements. Les
Lorsqu’elle accompagne la program-
liers. Régies par la loi du 1er juillet 1901, opérations réussies ne peuvent occulter
mation des animations culturelles de
elles sont gérées par des élèves, sous la l’engourdissement de beaucoup d’ALESA.
l’association, l’équipe éducative provo-
responsabilité d’un bureau élu. Même si Les expériences sont inégales selon les
que des expériences, favorise l’émergen-
elles sont créées à l’initiative de l’admi- établissements , et l’on constate parfois
ce de nouveaux projets, invite les lycéens
nistration et exercent leurs activités au une somme de difficultés à surmonter :
et étudiants à expérimenter et à tirer
sein d’un EPLEFPA -chaque établissement désengagement des jeunes, évolution
des leçons des situations vécues.
de formation agricole est par principe le des pratiques socioculturelles, contrain-
« domicile légal » des ALESA -, ces asso- À ce titre, l’ALESA est une ressource tes matérielles, démobilisation des adul-
ciations constituent des personnes mo- éducative exceptionnelle dans nos éta- tes dans l’accompagnement de la vie de
rales de droit privé, distinctes de l’école. blissements. Elle s’inscrit complètement l’association, liste d’adhérents aussi mai-
Distinctes mais indissociables… dans les démarches de pédagogies acti- gre que le budget de fonctionnement,
ves qui fondent l’identité de l’enseigne- foyers désertés … les ALESA manquent
ment agricole. Le sens de l’organisation parfois de souffle pour remplir honora-
coopérative et les valeurs qui s’acquiè- blement leur mission et le potentiel édu-
L’ALESA, une rent dans ces petites sociétés, rassem- catif n’est pas toujours valorisé.
blant élèves et éducateurs en dehors de
petite société la classe, diffusent dans l’établissement.
On est souvent loin de l’ambition
d’épanouissement social et d’éducation
Si le climat des lycées agricoles demeure
citoyenne affichée. En classe, les occa-
singulier et aussi favorable à la réussite
Depuis la création de l’enseigne- sions sont rares de parler aux élèves de
et à l’insertion professionnelle des jeu-
ment agricole, des moyens spécifiques l’intérêt et du fonctionnement d’une
nes, c’est parce que l’ALESA y apporte
traduisent la volonté d’éveiller la fibre association, tous les programmes de for-
incontestablement sa contribution. Elle
sociale et culturelle des élèves. L’école a mation n’y font pas -ou plus- référence (1) .
est un vecteur de transmission de com-
vocation à préparer l’autonomie, l’épa- Le recrutement des jeunes se fait princi-
pétences et de valeurs, nécessaires à
nouissement individuel et social du palement en début d’année scolaire sur
l’insertion sociale et professionnelle des
jeune. La finalité éducative des activités des créneaux inconfortables. Il n’est pas
jeunes.
de l’ALESA justifie que le lycée soutienne sûr que la majorité des élèves qui adhè-
son développement. Il existe pour le bon rent, le fasse de plein gré (les parents
fonctionnement des ALESA des relations qui financent l’adhésion au moment de
obligées entre l’association et l’établisse-
ment. A minima, l’EPLEFPA apporte une
L’ALESA, une l’inscription scolaire ne consultent pas
forcément leur enfant).Le chemin de la
aide matérielle à l’association (mise à réalité hétérogène
disposition de locaux et d’équipements,
(1) La réforme du bac professionnel a par exemple
prise en charge de frais, etc). Des ensei- eu pour effet de réduire le temps d’enseigne-
gnants en éducation socioculturelle sont Cependant, même si la cause est no- ment consacré au sujet associatif, on pense
également mis à leur disposition, avec ble, elle ne mobilise pas unanimement. notamment aux référentiels de BEPA qui accor-
daient une place de choix à l’étude de cet objet.
26 Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères

démocratisation culturelle est difficile de fructueuses alchimies ici ou là. Les pourtant préserver ce lieu informel d’ap-
aussi. Il n’est pas rare que les leaders et aventures les plus remarquables révèlent prentissage, nécessairement empirique...
premiers bénéficiaires de l’ALESA soient souvent ce trio de confiance : des élèves Les impromptus de l’ALESA demandent
des jeunes dont le capital social et cultu- élus, des éducateurs engagés et une beaucoup de souplesse aux adultes en
rel est déjà développé. direction d’établissement mobilisée. Le charge de suivre la vie associative. Les
pivot de ce succès est indéniablement le petits problèmes de l’association met-
professeur d’ESC, liaison logique entre tent souvent à l’épreuve notre propre
les différents acteurs. organisation…
L’ALESA, une Le souvenir de la lente mise en place
cause commune des ALESA dans les EPLEFPA (5) rappelle la
Du côté de circonspection manifestée par certains
proviseurs à l’idée d’être garants du bon
Bien sûr, les raisons qui expliquent les l’établissement, fonctionnement d’activités périscolaires
dysfonctionnements sont nombreuses orchestrées par la présidence d’un élève.
et dépendent des contextes. Mais ces sécuriser cette Les chefs d’établissements pouvaient
freins n’exonèrent pas la responsabilité alors avoir le sentiment de subir une in-
collective des adultes de l’établisse-
liberté jonction paradoxale : « Laissez libres ces
jeunes pourvu que vous vous assuriez
ment. Les ALESA ne sont jamais laissées
à l’abandon, mais reléguées parfois au
d’initiatives qu’il ne leur arrive rien de mal ! ».
cercle trop réduit de l’équipe ESC et vie
scolaire.
L’institution encourage rarement La voie n’est peut-être pas sans en-
S’il incombe à l’école de préparer le ci- l’élève au cours de sa scolarité à prendre traves, mais rien a priori n’empêche de
toyen de demain, le succès des ALESA est des initiatives. Il ne suffit pas de prescri- trouver la concorde entre toutes les
une affaire partagée par tous les mem- re aux lycéens une liberté d’entreprendre bonnes volontés. Les questions sociales
bres de la communauté éducative. C’est pour qu’ils parviennent à s’émanciper. sont vives dans nos lycées. Laïcité, mixité
une cause commune. Une concertation L’élève a besoin d’être guidé sur ce culturelle et sociale, égalité filles-gar-
régulière entre les adultes associés au chemin sinueux entre l’idée et l’accom- çons, insertion des élèves en situation de
suivi des projets, les élèves et l’équipe de plissement d’un projet. La présence de handicap, acceptation de la différence,
direction donne forcément plus de chan- l’adulte est capitale pour jouer les rôles etc... Comment les lycées agricoles assu-
ces de parler de l’ALESA à l’unisson. Cette de coach et de traducteur polyglotte (le ment-ils aujourd’hui auprès des jeunes la
connivence entre les élèves et les adultes langage administratif exige un peu de mission d’apprendre à vivre ensemble, à
de la communauté éducative est utile à pratique…). Et si l’échec peut avoir des faire société ? Malgré nos atouts (50 ans
plusieurs titres. vertus pour nos apprenants, il n’y pas après sa création, l’éducation sociocul-
toujours d’enseignement à tirer d’une turelle reste une exception dans le pay-
Elle permet d’abord d’organiser le
initiative avortée faute d’avoir trouvé sage éducatif national), sommes-nous
projet associatif de l’établissement(2) .
un relais au cœur de notre organisation. toujours en capacité d’accompagner de
Cette cohérence de vue est nécessaire
C’est à nous, adultes, de transmettre les manière aussi remarquable la construc-
si on veut partager un dessein. Mais de
règles du jeu. tion personnelle de l’élève à travers une
manière implicite, la volonté d’agir qui
transpire de cette concertation donne L’association est un espace propre aux vie sociale et culturelle au sein de nos
du crédit à l’investissement associatif élèves, mais qui s’épanouit à l’intérieur établissements ?
des jeunes. Leurs fonctions les poussent d’un autre lieu réglementé, qui impose Les témoignages d’anciens élèves
à prendre des responsabilités, autant son autorité… C’est un carré dans un de lycées agricoles, aujourd’hui maires
qu’elle les exposent à la critique de cercle ou, comme nous l’entendons dire ou chefs d’entreprises, développeurs
leurs pairs. Exprimer notre confiance en par des jeunes élus de l’association, et innovateurs en territoires ruraux,
eux n’est pas superflue. C’est un acte « beaucoup de contraintes pour un peu élus professionnels, parfois même
de reconnaissance de la valeur de leur de liberté ». administrateurs de nos EPLEFPA, sont
engagement, au nom de la commu- assez éloquents pour nous encourager
C’est parfois un défi pour un éta-
nauté éducative, et cela légitime en- à plus d’audace en faveur de l’ALESA.
blissement scolaire d’honorer cette
suite leur action auprès des usagers de Imaginer, créer, communiquer, partager,
liberté d’initiative tout en garantissant
l’établissement. entreprendre, fédérer, … L’expérience
la sécurité des jeunes (physique, morale
Il ne peut évidemment y avoir ni règle, et matérielle (4)). Il n’est pas évident de associative lycéenne arme nos jeunes de
ni modèle pour structurer une « dream concilier la rigueur du fonctionnement compétences singulières. N’est-ce pas
team » dans chaque lycée (3) . On observe de l’institution scolaire et les exaltations une contribution utile de nos écoles à la
soudaines de l’association. Il nous faut société de demain ?

(2) Le projet d’établissement intègre, à travers le


projet d’animation et de développement cultu- (4) En application de l’article 121-2 du code pénal, les
rel, des objectifs afférents à l’ALESA. associations peuvent être, en tant que personne
(3) La convention qui lie l’association et l’établisse- morale, responsables pénalement des infrac-
ment suffit pour prévoir librement les disposi- tions commises, pour leur compte, par leurs (5) Les DRAAF usant parfois d’autorité pour
tions utiles au bon fonctionnement de l’ALESA organes ou représentants. Dans tous les cas où convaincre les directeurs de convertir leurs «
(la fréquence des commissions, la composition la responsabilité de l’association est mise en ASC »(autre formule juridique où le chef d’éta-
du groupe de suivi, l’attribution des rôles et cause, c’est la personne désignée par les statuts, blissement co-présidait l’association) en ALESA
compétences de chacun, peuvent y être inscrites en principe son président, qui doit assurer sa et ceci plusieurs années après la parution de la
par exemple). représentation en justice. circulaire.
Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères 27

ALESA :
de l’adhérent
à l’administrateur
Par Corinne Covez, Thierry Cussonneau et Rodolphe Delcros,
professeur.e.s d’éducation socioculturelle et membres du GAP-ESC (groupe d’appui pédagogique - ENFA).

Le métier, les publics, les structures ont évolué dans l’enseignement agricole depuis
2003, date de la création des ALESA. En tant que professeur.s.es d’éducation sociocultu-
relle (ESC) nous ne pouvons aujourd’hui faire l’économie de nous interroger sur la place
de l’association dans l’enseignement agricole public, sur son fonctionnement, et sur
notre rôle d’enseignant ESC. Les développements qui suivent se proposent de susciter la
réflexion sur ce sujet. Ils sont tirés de deux ressources réalisées par le GAP ESC et dispo-
nibles sur le site esc@les.enfa.fr.

populaire (valeur d’émancipation par des


Le cadre général méthodes démocratiques , collectives et Questions -
En tant que professeur-animateur
ESC, notre « mise en service » auprès
individuelles, d’acquisition des savoirs et
des connaissances) au sein de l’ALESA et
enjeux - postures
de l’association des apprenants se dé- de l’établissement.
cline en quatre fonctions essentielles, Pour autant, alors que le basculement Trois grands domaines constituent les
données ici sans ordre d’importance ou en ALÉSA n’est toujours pas réalisé dans champs d’action des ALESA :
d’exclusive nombre d’établissements, il a semblé
1. La vie de l’ALESA : le fonctionne-
• Le conseil à la vie associative : for- opportun et nécessaire au GAP ESC de
ment, la formation des administra-
mation et éducation (apprentissage revenir sur les objectifs qui animaient les
teurs, la représentation, les mandats,
à la citoyenneté, etc.), circulaires de janvier 2003 (Création des
le projet, l’argent, les publics, les
ALSA), 2007 (référentiel métier ESC) et
• L’accompagnement des projets lieux/les espaces, et les temps.
2010 ( Maison des lycéens à l’Education
(conseil technique, artistique, res-
nationale). (1) 2. L’ALESA et l’EPL : la question des
sources, partenariat),
Il est donc question de rappeler les centres, le service vie scolaire, la
• Initiateur / porteur de projet (suivi
valeurs et les champs sur lesquels s’an- convention, le PADC, la pédagogie,
et pérennisation du projet),
crent et s’exercent nos actions et nos les instances, les autres associations,
• L’articulation ALESA/ institution l’éducation au développement dura-
postures professionnelles auprès des
scolaire (interface, formalisation, ble et les éco-délégués, les relations
jeunes apprenants.
négociation). internationales.
Cette mission d’animation se rappelle
à nous à chaque rentrée scolaire et tout 3. L’ALESA et le territoire : Identifica-
au long de l’année comme une partie tion des partenariats et des modali-
intégrante, indissociable et non option- tés de ces partenariats.
nelle de notre métier. Avant toute chose,
il importe de se rappeler qu’elle puise Pour chacun de ces domaines, la
ses origines dans l’éducation populaire. nature des enjeux et les postures que
Bien sûr, chaque jour dans nos établisse- l’enseignant « mis en service » adopte,
(1) La circulaire de 2003 (DGER/POFEGTP/C2003-
ments nous tentons d’en réinterroger les 2001 : mise en place des ALESA) + Circulaire de sont spécifiques. Toutes les postures ne
formes, de les faire évoluer, de décliner 2007 (DGER/SDEPC/C2006-2002 : référentiel se valent pas !
métier du professeur ESC) + Circulaire EN 2010-
concrètement les valeurs de l’éducation 2009 du 29 janvier 2010 (Maison des lycéens).
28 Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères

A titre d’exemple, le fonctionnement ✔✔ Dans le cadre de l’ALESA, il s’agit Ces fonctions sont au service d’ap-
de l’ALESA soulève des enjeux de for- essentiellement d’un appui à la prise prentissages que les élèves doivent faire.
mation pour les apprenants ( prise de de responsabilité par les élèves pour L’animateur.trice propose, organise, ac-
responsabilités, écoute de l’autre, orga- accompagner l’administration de compagne, de façon concrète, une mise
nisation, négociation, prise de décisions, l’association ou bien encore de pro- en application, une démonstration, un
aptitude au travail collectif..), et de pos- poser des ateliers d’expression. prolongement des objectifs de forma-
tures pour les enseignants ( être garant tion inscrits dans les référentiels des 3
d’une adhésion libre et volontaire, ne pas ✔✔ Dans le cadre de l’établissement , domaines de l’ESC(2) .
faire à la place des jeunes, être garant il s’agit de concevoir des actions
s’adressant à l’ensemble des ap- Au-delà de l’élève, c’est bien la per-
du cadre de la loi 1901, veiller/tendre à la
prenants, de rendre possibles des sonne dans toutes ses dimensions ainsi
neutralité, privilégier le consensus à la
parcours culturels, en lien avec que les enjeux liés à son développement
majorité..).
les autres membres de l’équipe qui sont l’objet même des missions
Si l’on prend l’exemple des relations pédagogique. d’animation.
entre l’ALESA et les centres constitutifs,
C’est pourquoi il apparaît central
d’autres enjeux émergent. Les admi- ✔✔ Dans le cadre du territoire, il s’agit
que l’animateur.trice participe de la
nistrateurs de l’ALESA doivent favoriser de mettre en relation des acteurs
co-construction d’un environnement
une dynamique collective au-delà des locaux de l’action culturelle, l’ALESA
(un contexte éducatif) propice au dé-
appartenances à telle ou telle voie de et l’établissement pour que les
veloppement (le projet éducatif, la mo-
formation. La posture de l’enseignant apprenants prennent part au déve-
bilisation de ressources, la gestion des
est, elle aussi, interrogée. Il s’agit bien loppement local et que l’établisse-
groupes, la construction du collectif...) et
de mettre son tiers-temps au service de ment contribue ainsi à sa mission
à la nécessaire dialectique individuation/
l’EPL conformément au référentiel. d’animation.
socialisation.
D’autres exemples sont mobilisables
Enfin, le périmètre de l’action, c’est
pour chacun des domaines de l’ALESA. La connaissance des publics, des
bien l’ensemble de l’EPL ou du site (voir
partenaires et des terrains est indispen-
référentiel), et les collaborations sont
sable, mais on ne peut pas attendre de
obligées avec toute une série d’acteurs
Retrouvez le développement intégral tout connaître avant de commencer...
participants de l’action éducative :
de cette partie sur  : esc@les.enfa.fr, Ces connaissances peuvent se construire
équipe de direction, équipe vie scolaire
rubriques [Memento ESC ] [Animation ] au fur et à mesure de l’action d’anima-
(voir les circulaires et notes de service
[ALESA : de l’adhérent à l’administrateur.] tion, dès lors que l’animateur.trice aura
concernant la Vie de l’établissement (3)),
posé clairement des intentions qui’il/elle
équipe pédagogique et personnels non-
saura faire évoluer, adapter. Pour faire
enseignants.
simple : ce qu’il.elle souhaite que les jeu-
Vers une éthique nes développent (autonomie, capacité
d’expression, ...) mais aussi le cadre de
de l’action référence et de valeurs qui sous-tend
Retrouvez le développement intégral
de cette partie sur : esc@les.enfa.fr, ru-
son action : dans le cas de l’ESC, celui de
d’animation ? l’éducation populaire.
briques [Memento ESC ] [Animation ] [Les
missions d’animation.]

L’animation est une réalité profession-


nelle à construire : bien qu’elle soit par- Une situation d’animation
tie intégrante du statut et des fonctions implique que l’animateur.
des enseignant.e.s d’ESC, elle dépend trice remplisse trois
fortement du terrain où elle s’exerce. Les fonctions :
circulaires et le référentiel métier qui ré-
gissent cette partie du travail sont assez
✔✔ susciter (être force de proposition :
précis, cependant, en fonction des terri-
proposer des ouvertures, des ren-
toires, des histoires personnelles et des
contres, perturber l’ordre en place,
cultures d’établissement, la mise en œu-
déstabiliser),
vre de l’animation n’est pas une transpo-
sition, mais bien une construction. ✔✔ solliciter (être force «de demande» :
aller vers l’autre, demander une aide,
impliquer l’autre),
Dans chacun des 3 pôles où
s’exercent les compétences de ✔✔ accompagner (être force d’appui :
maîtriser la méthodologie et l’ac-
l’animateur.Trice, les publics, (2) Education à l’environnement social et culturel
compagnement du projet, savoir – Education artistique – Education à la commu-
et donc les intentions, nication humaine ; Pour plus d’information :
orienter en fonction des besoins,
diffèrent : maîtriser les règles de base de l’ad-
http://escales.enfa.fr/1-vademecum-esc/les-3-
domaines/
ministration et de la gestion d’activi- (3) Note de Service Politique globale de vie sco-
tés, mettre en relation, écouter). laire : DGER/SDPOFE/N2007-2002 – 8 Janvier
2007 - http://escales.enfa.fr/files/2009/06/vs-
dgern2007-2002.pdf
Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères 29

L’Association :
un lieu pour proposer, animer,
s’engager.
Antoine Aubert , Frédérique Lohues, Maxime Manguy
Regards croisés de trois jeunes élus de l’ALESA du lycée agricole de l’Oisellerie, EPL de la Charente

Trois jeunes élus de l’ALESA de l’Oisellerie nous livrent leur vision de l’engagement
associatif au sein de leur lycée à travers un entretien avec Murielle Kamprath, ensei-
gnante d’éducation socioculturelle au lycée.

Préambule, par Murielle Force est de constater que l’investis- Trois responsables de l’ALESA
Kamprath, enseignante d’ESC sement n’est plus le même : l’accessibi- de l’Oisellerie se sont prêtés
au sein de l’Etablissement lité tout azimut aux musiques et images au jeu de l’interview : Antoine
gratuites modifient le rapport au spec-
public local de la Charente, Aubert (AA) , président -
tacle vivant et à l’engagement associatif.
site de l’Oisellerie Frédérique Lohues (FL) ,
Organiser des sorties payantes ne va
plus de soi, et la crise a bon dos ! secrétaire - Maxime Manguy
Au lycée de l’Oisellerie, l’ASC s’est
(MM), trésorier .
transformée en ALESA dans la foulée Certes, c’est un bon prétexte pour
de la parution du texte officiel (1) . Cette débattre de ces aspects en réunion avec
transition s’est faite logiquement, na- les responsables de l’ALESA. Oui, c’est le
turellement. La pratique associative est Vous vous êtes présentés aux élections
cœur de notre métier...
visiblement ancienne ici. Je suis arrivée de l’ALESA et avez été élus au bureau
en 1997 et ma collègue en 2000. On C’est confortable de s’appuyer sur de l’association. Qu’est-ce qui a motivé
prend la suite de collègues qui ont bien des élèves convaincus, ils sont moteurs, votre choix ? Faites-vous d’ailleurs par­
installé l’association dans les « murs » mais le diesel commence à manquer : tie d’autres associations ?
et la vie quotidienne du lycée depuis eux-mêmes sont parfois épuisés d’or-
de nombreuses années. Organiser une ganiser, communiquer auprès de leurs
journée ALESA, banaliser des cours pour camarades. Les rencontres de Bugeat (2) MM : J’avais envie de m’investir dans la
l’occasion ou d’autres activités associa- ont permis aux jeunes (et à nous ensei- vie du lycée pour pouvoir proposer des
tives ne rencontrent pas de freins. Ni au gnants) d’échanger, de conforter leur activités, animer des réunions, mettre en
sein des équipes administratives qui ont engagement, de vérifier que les mêmes place des projets. Je voulais être acteur
problèmes et réussites se retrouvent de notre lieu de vie à la semaine pour la
pu se succéder et encore moins auprès
dans des contextes différents. Des idées, rendre plus agréable ! Et oui, je connais
des personnels de cuisine, de ménage, de
solutions, « trucs », ont émergé. Ces le monde associatif car je suis militant
l’atelier qui elles sont plus stables dans
rencontres humaines et non numériques au MRJC (Mouvement rural des Jeunes-
le temps et qui maintiennent leur dis- ses chrétiennes).
ponibilité intacte. J’ai toujours pris cela sont vitales si on veut continuer à voir
comme un héritage où l’engagement des adolescents créer, animer, réaliser AA : Moi, mon souhait c’était de m’in-
associatif des élèves était respecté et des projets avec leur tête, leur mains, vestir dans les activités pouvant être
encouragé … leurs pieds, leurs corps ! proposées au lycée. J’avais envie de pro-
poser des projets variés aux élèves. Et je
Pour autant, la parole d’élèves re- voulais profiter de ma dernière année à
cueillie ici reste celle de jeunes déjà l’Oisellerie pour m’investir plus. Je suis
convaincus, investis. Même en leur effectivement déjà engagé dans des
posant la question de la pérennité de activités en dehors du lycée : je participe
l’ALESA, ils sont positifs. Heureusement, à l’organisation de festivals portés par
car je le suis parfois moins. des associations. Je suis également actif
dans une association qui encadre un
centre de loisirs.
(1) Circulaire DGER/POFEGTP/C2003-2001- 21 Jan- (2) Premières rencontres nationales des jeunes élus
vier 2003 des ALESA en avril 2014, à Bugeat en Corrèze.
FL : Je voulais simplement participer à
30 Les associations de jeunes en lycées agricoles : repères

Quel est votre sentiment sur la situation


actuelle de l’ALESA ?

FL : Les activités sont très différentes les


unes des autres (journal, arts plastiques,
chant, photo, bar...), beaucoup de sorties
(concert, laser game, match de bas-
ket...) donc cela est positif, mais nous ne
sommes pas très organisés entre nous.
Il nous manque toujours un bureau où
nous voir et nous réunir quand on veut.
MM : Des activités sont proposées par
l’ALESA à travers nous, mais les réunions
ne sont pas assez cadrées, on n’avance
pas assez. Il nous faut revoir l’organisa-
tion des réunions. Il y a plein d’idées de
soirées et sorties (cinéma, musique, jeux
géants...), mais ça bavarde dans tous les
sens, on ne s’écoute pas forcément.
AA : Je pense qu’on propose beaucoup
d’activités mais nos temps de réunions
ne sont pas assez longs et je suis d’ac-
cord : nous manquons d’organisation
dans les préparations et nous ne som-
mes pas assez souvent tous ensemble.

L’ALESA peut-elle disparaître ?

AA : D’un côté l’ALESA permet de propo-


ser un grand nombre d’activités et d’un
autre elle n’est qu’une forme de notre
investissement. Sur le fond, les élèves
la vie du lycée et pouvoir proposer mes Quelle est l’action, la sortie, la soirée de peuvent organiser des projets sans
idées à l’ALESA. Je fais également partie l’ALESA qui vous a le plus marqué ? Et cette association , sans motiver d’autres
des éco-responsables, mais toujours au surtout pourquoi ? élèves, mais dans ce cas l’association
lycée. s’arrêtera.
FL : Il ne faut pas qu’elle disparaisse. Pour
MM : La journée humanitaire !!! une cela, il faut absolument mobiliser et mo-
Vous êtes tous les 3 en classe terminale fois par an, on organise une journée tiver les Premières et les Secondes.
(STAV (3) et S). Comment conciliez-vous de soutien à une association à but hu-
votre engagement dans l’association et manitaire (il y a eu Les restos du cœur, MM : Moi, je crois que l’ALESA peut dis-
votre scolarité ? Emmaüs International). Le but est certes paraître si personne ne veut s’investir.
de recueillir des fonds mais aussi de s’in- Mais dans chaque « promo », il y a des
vestir humainement. Toute la journée, élèves motivés, ça durera tant qu’il y
un groupe de l’ALESA tient des perma- aura des élèves qui s’investissent.
MM : Il faut prendre sur notre temps de
travail parfois ; on essaie de gérer avec nences (ventes de gâteaux, réception et
les devoirs qu’on a. Mais ayant pris un stockage des dons en nature). Et le soir,
engagement dans l’association, il est c’est tous les élèves qui le souhaitent qui Vos envies, vos projets après le Bac ?
important de se libérer quand il le faut. présentent une animation, un mini-spec-
tacle des clubs ou des projets auxquels
AA : Parfois il faut privilégier une réu- ils ont participé. De belles choses se sont MM : Eventuellement un DUT Carrières
nion, une préparation de projet. Mais les faites. Sociales, mais je veux aussi voyager et
temps pour l’ALESA sont rarement très continuer de m’investir dans différentes
longs, il est donc facile de les concilier AA : J’ai trouvé le projet humanitaire de
l’année dernière très intéressant et j’es- assos.
avec notre scolarité.
père qu’on pourra le refaire. Mais la soi- FL : J’envisage de faire peut-être un DUT
FL : Le tout est de savoir anticiper. rée de Noël de cette année m’a marqué dans la chimie et l’environnement ou un
par l’investissement du personnel. Nous BTS anabiotech ou Gemeau
sommes énormément soutenus par eux,
et ils portent les projets avec nous. AA : J’ai un projet d’ingénieur du son,
via une formation audiovisuelle. Mais
j’hésite aussi avec un DUT Carrières So-
ciales pour poursuivre dans l’animation
(3) Sciences et Technologies de l’Agronomie et du et l’éducation.
Vivant
Domination

Référent
Les rencontres
de Bugeat
Pouvoir

bousculent
Organisation

et inventent
Finan-
cement Com-
munication

Collectivitéde Bugeat
p.32 L’esprit
Franck LEMAIRE
Investissement p.34  Retour sur le métier d’éducation
socioculturelle : Est formé.e qui croyait former
Administration Audrey L ACHAUD
p.36 Accompagner les jeunes vers leur autonomie
entretien avec Diane K ACHOUR et Chico
Communauté
p.38 Faites-nous confiance !
Louis DAUSSY
ALESA Débat
entretien avec Thierry CUSSONNEAU
S.O.S
p.41  L’expérience audiovisuelle avec Télé
Millevaches
Aude Chopplet et Raphaël CARTIER
Coopération
p.44  Chaud patate !
Écoute
Récit d’une création embarquée Écha
Oudéis

Reconnaissance
Implication

Soutien

Respect

Élèves

Engagement

Entraide

Ago
32 Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent

L’esprit de Bugeat
Franck LEMAIRE
enseignant d’éducation socioculturelle au Legta de Saint-Affrique

Dans ce texte, l’auteur explicite la démarche adoptée par les initiateurs des rencontres
nationales des ALESA pour rendre les jeunes auteurs de leurs rencontres.

Début décembre 2012, une collègue tissage démocratique de la vie en so- professeurs d’ESC à l’INPSA (2) de Dijon, et
de retour de la rencontre régionale des ciété», et la possibilité pour les jeunes de président de Peuple et Culture de 1989
associations de lycéens, étudiants sta- «prendre des responsabilités». à 1995, a écrit notamment «La mémoire
giaires et apprentis dans sa Région, s’en- apaisée : Au long des routes de l’édu-
thousiasmait des aspects positifs de fai- cation populaire et de l’enseignement
re se rencontrer ces jeunes responsables agricole 1928-2001» (Editions de L’Har-
associatifs des établissements agricoles. L’ESC est la fille mattan, mars 2002). Il est le principal
J’évoque alors l’idée d’organiser des ren- auteur concernant l’histoire de l’ESC et
contres nationales : chiche ! L’aventure de l’éducation l’éducation populaire.
est en marche. Rapidement un groupe
de pilotage d’une dizaine de personnes
populaire L’éducation Socioculturelle est donc
issue de l’éducation populaire, qui
se constitue pour échanger et débattre
aujourd’hui connaît une renaissance,
du sens à donner aux rencontres, et de
En France, on considère différents autour de la question du sens de ses
leur organisation matérielle.
écrits et événements comme fondateurs pratiques. Cette renaissance questionne
de l’éducation populaire : la Révolution aussi l’éducation socioculturelle. C’est
française avec le rapport Condorcet, la dans le contexte de ce renouveau qu’est
Début janvier 2013, après avoir écarté
création par Jean Macé de la Ligue de née la «SCOP le Pavé» à Rennes, avec
l’idée de rencontres seulement dédiées
l’enseignement en 1866, la création du l’emblématique Franck Lepage. Devant
à la valorisation des projets menés dans
Sillon de Marc Sangnier en 1899, puis le le succès rencontré par la petite «coopé-
les ALESA de France, nous nous rap-
Front populaire en 1936. À la Libération, rative d’éducation populaire», l’équipe
prochons de la SCOP Vent-Debout de
le développement de l’éducation popu- a choisi d’essaimer : trois nouvelles
Toulouse, qui va nous apporter un regard
laire s’amplifie, avec le programme du coopératives ont vu le jour ces derniè-
extérieur et nous aider à conceptualiser
CNR (conseil national de la Résistance), res années : «Vent Debout» à Toulouse,
et mettre en forme le projet. Cette SCOP
et le développement de mouvements, «l’Orage» à Grenoble et «l’Engrenage» à
fait partie du «revival de l’éducation
d’associations et de fédérations d’édu- Tours, formant le réseau «La grenaille».
populaire», et j’ai eu l’occasion d’orga-
cation populaire. Ceux-ci vont peu à peu L’ambition est de réhabiliter l’éducation
niser avec eux un stage de formation
s’institutionnaliser, et selon certains, populaire, à la fois comme enjeu d’édu-
des enseignants d’éducation sociocul-
l’éducation populaire va se «vider de son cation au politique et de transformation
turelle (ESC) en Limousin sur la question
sens». sociale, et comme méthode d’inter-
«Comment susciter la participation ?».
vention. Les demandes d’interventions
Le réseau des enseignants d’ESC de L’éducation socioculturelle, matière
sont très nombreuses. Elles émanent
Midi-Pyrénées programma lui aussi ce originale de l’enseignement agricole, est
du monde associatif, des syndicats, des
stage dans le cadre de la formation des créée en 1965 par Paul Harvois (chef du
entreprises, et des collectivités locales et
enseignants. bureau de la promotion sociale et des
territoriales avec une demande de plus
activités culturelles) à la demande d’Ed-
en plus présente : «la participation des
gard Pisani alors ministre de l’agricul-
citoyens».
Le projet va s’articuler autour de la ture. C’est non seulement dans l’esprit
question «pourquoi des associations de de l’éducation populaire, mais avec les
jeunes dans les lycées agricoles » ? Quel acteurs et les structures de l’éducation
sens ont ces associations ? populaire eux-mêmes que l’ESC est
créée : Paul Harvois lui-même travaille
Créer une culture
Un retour sur l’histoire institutionnel-
le de la création de l’ESC nous replonge
activement avec Peuple et Culture et commune du sens
avec Joffre Dumazedier (compagnon de
dans la circulaire E222 du 23 février
1965 (1) , qui prévoit pour l’ASC «l’appren-
route de Paul Harvois à qui l’on attribue de l’ALESA
l’origine de l’entraînement mental). Il
sera titulaire de la chaire «Education des
adultes» à l’École nationale des sciences Lors de la préparation des rencontres,
(1) Circulaire à l’origine de la création du dispositif agronomiques appliquées de Dijon, de-
d’éducation socioculturelle dans l’enseignement
agricole, inspirée de l’esprit et des méthodes de
venue l’ENESAD.
l’éducation populaire et instituant l’Association (2) Institut national de promotion supérieure
sportive et culturelle « ASC » Jean-François Chosson, formateur des agricole
Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent 33

notre premier travail a été de créer une jours de préparation ont été très riches mais de ceux qui la regardent ! ») vont
culture commune, de partager l’histoire et déterminants. Ils ont permis de co- assurer un stage de deux jours en amont
de l’ESC et des associations d’élèves construire avec les jeunes responsables des rencontres auprès de jeunes repré-
dans les lycées agricoles, de se forger des des ALESA le programme des rencontres sentants de trois ALESA du Limousin (4) et
définitions et de les partager. d’avril 2014, de s’initier aux méthodes d’une ALESA de Midi-Pyrénées (Albi).
d’animation de l’édu- Encadrés par Aude
Nous avons pris comme postulat Pour que les jeunes
cation populaire, et de Chopplet (journaliste) et
qu’un des rôles de l’association, est pour produisent une réelle
concrétiser le groupe Raphaël Cartier (réalisa-
les jeunes, la formation à la démocratie
d’animation «jeunes». réflexion il a été décidé teur, cadreur, monteur),
et à son exercice. Mais qu’entend-on
par «démocratie» ? La SCOP Vent-De- La trentaine de jeu-
de rompre avec les les jeunes se transfor-
bout nous a aidés dans cette réflexion, nes et d’enseignants formes habituelles de ment en véritable rédac-
elle qui inscrit dans ses fondamentaux présents lors de ces réunions et les rapports tion : ils apprennent à
traditionnels «ensei- écrire un reportage, réali-
«nous pensons l’éducation populaire journées de prépara-
ser des interview, tourner,
comme la pédagogie de la démocratie». tion – à Bugeat, dans gnant-enseigné».
et monter leurs sujets. Ils
En particulier elle nous a sensibilisés à la le même lieu que celui
préparent également le
définition du philosophe Paul Ricoeur(3)  des futures rencontres nationales - va
conducteur qui servira quotidiennement
qui a l’avantage de penser la démocratie constituer le comité de pilotage des
à réaliser l’émission Top ALESA, dont ils
non comme un état à atteindre, mais rencontres d’avril, réparti en huit ateliers
choisissent le titre et réalise le jingle. Il
comme l’équilibre de forces en présence. de travail . Ainsi, les échanges, mails,
faut retenir de ces deux jours à Faux-La-
Elle nous servira de fil rouge tout au long conférences téléphoniques, se feront
Montagne, une grande motivation des
de la préparation et de la réalisation des désormais avec les jeunes, qui seront
jeunes et une belle énergie.
rencontres. Ainsi par exemple, «associer particulièrement écoutés et associés aux
Lors des rencontres du 7 au 10 avril
chaque citoyen à parts égales» a résonné décisions.
2014, ils réaliseront chaque jour une
avec «s’exercer aux responsabilités», et
La pédagogie mise en œuvre lors de émission qui sera diffusée le soir même,
nous avons imaginé que les jeunes eux-
la préparation, puis pendant les rencon- et sera visible sur le net : https://topa-
mêmes puissent animer les rencontres
tres, était centrée sur l’apprentissage de lesa.wordpress.com/.
des ALESA.
l’autonomie des participants, voire une Une très belle performance qui per-
forme «d’autogestion accompagnée», met aujourd’hui d’avoir des traces et
au sens de la «conduite accompagnée». témoignages de ces premières rencon-
Faire animer les C’est à dire une liberté d’action dans un
cadre fixé.
tres nationales des ALESA.
Ces rencontres ont prouvé que l’on
rencontres des pouvait prendre au sérieux la question
ALESA par les de la «participation» c’est à dire prendre
Fabriquer part, à parts égales. Cela suppose de
jeunes eux- fixer un cadre visant au respect de la
des traces parole d’autrui et de travailler les mé-
mêmes thodes d’animation afin de lutter contre
les mécanismes de dominations par le
La question des traces et de la va- savoir, par le statut, par le genre etc.
La question de la pédagogie de la lorisation des rencontres s’est posée. L’actualisation de l’héritage de l’édu-
démocratie, corrélée à celle des domina- Il est acté que des élèves volontaires cation populaire ouvre des perspectives
tions à l’œuvre dans les groupes, néces- participeront durant les rencontres, à nouvelles pour travailler avec les jeunes
site de penser les méthodes d’animation. la fabrication de ces traces dans le ca- l’apprentissage de la vie démocratique et
Pour que les jeunes produisent une réelle dre d’ateliers dédiés. Trois pistes sont la citoyenneté au sein des associations
réflexion il a été décidé de rompre avec retenues : la production d’une émission de lycéens étudiants stagiaires et ap-
les formes habituelles de réunions et audiovisuelle quotidienne, la présence prentis des établissements d’enseigne-
les rapports traditionnels «enseignant- d’un collectif d’artistes, Oudeis, pour ment agricole.
enseigné». Nous avons donc imaginé un rendre compte d’une façon plus sensible
dispositif permettant à une trentaine de des rencontres, ainsi qu’un conteur-jon-
jeunes de prendre en charge l’animation gleur-sociologue, Philippe Sahuc «témoin
pour la centaine de jeunes attendue jongleur de mots».
aux rencontres. Encadrées par deux
intervenants de Vent-Debout les trois
La fabrication d’une émission
quotidienne implique de
(3) « Est démocratique une société qui se re- se former à la pratique
connaît divisée, c’est à dire traversée par des
contradictions d’intérêts, et qui associe à parts audiovisuelle.
égales chaque citoyen dans l’expression de ces
contradictions, l’analyse de ces contradictions, Deux intervenants de Télé Milleva-
la délibération de ces contradictions, en vue de
parvenir à un arbitrage. » Cf notes au sujet de
ches, (dont le slogan est «La télévision
cette définition dans l’article de Francis Gaillard, n’est pas le reflet de ceux qui la font
dans ce même numéro, chapitre II. (4) Meymac, Neuvic et Brive-Objat
34 Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent

Retour sur le métier d’ESC :


Est formé(e)
qui croyait former
Audrey LACHAUD
enseignante d’éducation socioculturelle.

Dans ce texte, l’auteure propose de revenir sur la question des postures professionnel-
les dans le cadre du métier d’enseignant.e.s d’éducation socioculturelle. Prenant appui
sur les rencontres nationales des associations de lycéens, étudiants, stagiaires et ap-
prentis de Bugeat en avril 2014, elle propose d’analyser le gain pédagogique et éducatif
que constitue pour les enseignant.e.s ce décentrement sur leur manière d’exercer leur
métier.

Qui nierait les vertus de la formation, démocratie dans le cadre éducatif et « outillés ». On peut également ajouter
qui plus est, quand il s’agit de « co- par là, a soulevé le questionnement à cela des enjeux distincts et des intérêts
formation » ? sur la place de chaque apprenant.e et parfois antagonistes. Une problémati-
enseignant.e. que a donc tout naturellement émergé
Voici un bref retour sur l’expérience
du côté des enseignant.e.s : comment
des rencontres nationales de Bugeat, où La phase de préparation des ren-
maintenir un travail de co-construction
professeur(e)s-animat(eur)rices et res- contres d’octobre 2013 est devenue le
tout en participant  ?
ponsables d’ALESA ont expérimenté col- laboratoire des méthodes d’éducation
lectivement la mise en place d’un espace populaire appliquées à un groupe dual,
égalitaire au sein duquel la question de professeur(e)s et jeunes.
La réponse apportée par les jeunes est
l’émancipation est devenue un enjeu
Dans l’éducation populaire, la prati- sans appel : de la retenue et de la prise
central. De fait le rapport de médiation
que et le vécu sont préférés au théorique de distance. Côté profs : autocritique,
et d’animation de l’enseignant.e – ani-
et à l’imaginaire. Tout participant est réévaluation, pondération, chacun dose
mat.eur.trice d’éducation socioculturelle
donc appelé à expérimenter les outils ses prises de parole. Les rencontres…ce
aux groupes d’apprenants a véritable-
et à concourir à la réflexion générale. En sont les leurs.
ment fait l’objet d’une requalification. Ce
éducation socioculturelle, cela s’appa-
fut une expérience collective d’éduca- Cette situation a renversé les postu-
rente à un postulat de base : on apprend
tion populaire. res habituelles : d’animateur.trice, nous
en faisant ou la pédagogie du projet, no-
devenons observateur.trice, coproduc-
tre arme de construction massive. Toute-
teur.trice, régulateur.trice, accompagna-
fois, cette participation globale où tout
teur.trice, « anthropologue participatif ».
A propos de le monde s’imprègne des méthodes, se
les approprie, pose inévitablement le Nous y sommes parvenus, nous avons
postures problème des rapports de domination. inventé la pluralité et la coproduction
L’irruption de ce problème n’est pas pro- et travaillé autour d’enjeux communs et
pre à ce groupe « profs-élèves », il s’im- propres à chacun.
Tour de passe-passe ou dogme de misce partout, et le nier pour lui préférer
l’éducation populaire, le renversement une version faussement égalitaire, serait
de posture a été le moteur de ces ren- une tromperie. Il prend la forme d’un.e
contres. La SCOP d’éducation populaire prescripteur.trice, qui par son expérience
Vent Debout, accompagnant les ren- et son recul bien établis freinent ou
contres a interrogé le paradigme de la empêchent la participation des moins
Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent 35

anime les actions. D’ailleurs, des bergers aux autres mais aussi le statut. L’efface-
Des méthodes veillent au grain, sorte de sentinelles du ment des rapports de domination pour
participatives débat, du plaisir de l’échange, et de la
réjouissance de ses participants. Ainsi, la
un rapport plus égalitaire a vraiment
pris corps dans ces temps d’échanges.
d’éducation vivacité, l’enthousiasme des animateurs
entraînent intérêt et engouement. L’ani-
Professeur.e.s-anima.teur.trice.s et
apprenant.e.s ont partagé sans imposer,
populaire mation ça coûte mais ça rapporte ! sans forcer. Nous avons travaillé pour
créer un contenu collectif, en partant
Parole de professeur :
d’expériences et de situations concrètes.
« le plus impressionnant
Une fois le rôle Comment susciter la au cours des rencontres
Nous avons partagé des valeurs : écoute,
de chacun identifié, participation de tous ? est la capacité des plus
solidarité, égalité.
comment susciter la En créant un cadre régi discrets, des plus inhibés
participation de tous ? par des règles et des à exister et à se faire en-
En créant un cadre régi Ce temps de rencontres, d’échanges
droits : les contraintes tendre à côté de person-
par des règles et des et de création collective est transposable
libératrices nalités plus habituées aux
droits : les contraintes à chacune des ALESA. Certes, lors de ren-
joutes verbales ».
libératrices. Plus le contres nationales, les conditions prê-
cadre est contraint, plus la prise de pa- tent à un investissement intense, mais
role est favorisée, c’est-à-dire que sans tout est modulable. Consacrer un après-
règles, la loi de la jungle prévaut, et seuls
les dominants parviennent à se faire
Animateur et midi à questionner un fonctionnement,
un problème, un désengagement n’est
entendre. Un paradoxe : des règles qui ALESA : ingérence, jamais vain, reste à adopter les bons
permettent une libération de la parole ! outils, à favoriser la prise de parole et à

Ainsi, l’éducation populaire, valorise


laisser-faire, nommer les conflits.

les parcours de vie, « savoirs chauds », interventionnisme


tirés de l’expérience et les articule
« aux savoirs froids », intellectuels ou ou co-production ?
universitaires. Vous l’aurez compris, ces rencontres
ont apporté beaucoup de questions, de
Alors que seuls quelques individus, réponses et soulevé beaucoup d’espoir.
Les rencontres nationales ont amené
pourvus d’un capital culturel consé- Ce temps de co-formation est inédit,
des jeunes et leurs accompagnateurs à
quent, sont en mesure de formuler du c’est une rupture avec le principe de
se poser entre autres la question : com-
savoir froid, tout le monde est, en revan- cloisonnement des publics, on libère les
ment faire coexister des intérêts diver-
che, capable de raconter, d’expliquer et groupes des rapports qui les organisent.
gents tout en poursuivant un projet col-
de livrer son analyse. Aussi, la contrainte Une fois cette libération atteinte, on
lectif ? Qu’on se rassure, le professeur.e
du registre de parole voire celle du nom- peut s’émanciper et trouver une péda-
– animat.eur.trice est incontournable,
bre et de la durée des interventions vont gogie pour se comprendre, échanger et
son aide, ses conseils sont toujours
organiser la prise de parole, favoriser créer ensemble. Alors, allons-y, conti-
nécessaires, mais un savant dosage est
l’argumentation, le récit, le vécu et facili- nuons d’expérimenter ! Vive les ALESA !
néanmoins de mise.
teront l’intervention de chacun.e. Tout le
monde peut dire quelque chose. Parmi les outils de délibération que
nous avons expérimentés, le « grOdé-
La taille du groupe est également si-
bat » (comprenant trois temps : l’iden-
gnificative. Le principe est simple, le pe-
tification du problème,
tit groupe facilite l’ex-
l’idéal et enfin les propo-
pression individuelle, Parole de professeur : sitions concrètes) a fait
quand le grand groupe « le plus impression- émerger la question de la
est plus l’apanage des nant au cours des ren- posture d’animation des
orateurs. L’alternance
contres est la capacité responsables associatifs
du petit groupe et
du grand groupe est
des plus discrets, des eux-mêmes.
une modulation qui plus inhibés à exister Ils doivent être en me-
donne confiance et qui et à se faire entendre à sure d’animer et d’organi-
débride. côté de personnalités ser par eux-mêmes. Pour
plus habituées aux cela ils souhaitent de la
L’aménagement de
joutes verbales ». confiance, la confiance en
l’espace fait également
la capacité des responsa-
sens et prédispose à
bles, quel que soit l’enjeu
libérer plus ou moins la parole. Dans le
de la réunion, à faire face, et à mener
même ordre d’idée, l’environnement
correctement leur « barque » ..
immédiat et l’atmosphère sont prépon-
dérants, les attitudes de bienveillance,
l’attention portée aux autres sont
Les rencontres ont véritablement
constitutifs de l’état d’esprit positif qui
questionné la place des uns par rapport
36 Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent

Accompagner les jeunes


vers leur autonomie
Entretien avec Diane Kachour et Chico
éducatrice et éducateur populaires à la Scop Vent Debout - Toulouse

Entretien réalisée par Claire Latil,


animatrice du réseau national « Animation & développement culturel » , responsable de la rédaction de Champs Culturels.

Diane et Chico , ont accompagné l’organisation et l’animation des rencontres nationales


des ALESA du mois d’avril 2014. Ils reviennent sur ce cheminement auprès des jeunes,
qui a consisté à travailler les questions de participation, d’expression, de respect, d’en-
gagement afin de créer les conditions de vrais débats et de productions de contenus
lors des rencontres nationales des ALESA à Bugeat.

Pourquoi avoir accepté la proposition Alors justement comment définissez- Votre bilan au regard de ces ambitions
d’accompagner des jeunes à l’organisa­ vous l’éducation populaire ? de départ ?
tion et à l’animation de leur premières
rencontres nationales des ALESA ?
D&C : Pour nous, c’est un accompagne- D&C : On trouve que l’on a plutôt réussi
ment à la réappropriation du politique, le pari. Les jeunes étaient au cœur des
D&C  (Diane et Chico) : C’ était l’occa- au développement de l’esprit critique, de rencontres, et ils ont tenu le déroule-
sion pour nous d’intervenir directement l’approche analytique. ment, les prises de décisions.. Parfois on
auprès d’un public de jeunes alors que aurait pu partir.. !
C’est aussi utiliser des méthodes et
très souvent nous formons des éduca-
des outils pour créer des espaces collec- On a eu l’impression d’avoir réussi
teurs, des animateurs, des travailleurs
tifs de réflexion sans domination dans à mélanger des temps critiques et des
sociaux, qui sont au contact de jeunes.
C’est l’occasion de travailler la pédago- les groupes, c’est sortir des aliénations temps pratiques sur leurs ALESA , ajouté
gie de la démocratie directement au et ne pas tomber dans les confronta- à des moments de détente , de loisirs.
contact des jeunes. tions stériles.
C’était les rencontres des jeunes,
La demande portait sur l’animation Les rencontres des ALESA ont permis mais chez les enseignants aussi ça a
des rencontres au départ ; or pour arriver de tirer des fils très intéressants sur la déclenché des éléments de réflexion
à cela il fallait apprendre à construire des posture d’enseignant « c’est quoi être liés au métier, à l’éducation populaire.
espaces d’autonomie. Nous avons eu une un prof ? » , les réalités de ce métier, les Pour certains ça faisait longtemps qu’ils
première session de trois jours et nous doutes que l’on traverse. Il y avait aussi n’avaient pas eu cet espace d’égal à égal
avons construit pendant cette session le un enjeu pour les enseignants lors de ces avec les jeunes.
cadre de leurs interventions pour animer rencontres : laisser la place aux jeunes,
les rencontres nationales. arrêter de faire à leur place, de penser
à leur place, mais plutôt accompagner, Un autre point positif, ce sont les re-
L’important c’était qu’ils s’approprient être au service de. On n’est pas dogma- portages faits par les jeunes durant les
les choses directement, qu’ils se sentent tiques, mais on est critiques sur plein de rencontres. Ces reportages audiovisuels,
légitimes, qu’ils se sentent outillés, for- choses dans l’enseignement ! TOP ALESA (1) , ont été une réussite car le
més en amont, que la réflexion vienne groupe de jeunes a suivi les rencontres
d’eux et pas des adultes. en journalistes, en parallèle. Ils ont fait
Cette question de la réappropriation
nous la portons en tant qu’éducateurs.
(1) Voir plus loin l’article rédigé par A. Chopplet
trices populaires. et R.Cartier de Télé Millevaches «  L’expérience
audiovisuelle de Télé Millevaches » et les repor-
tages sur : : http://topalesa.wordpress.com
Reconnaissance
Implication

Soutien

Les rencontres de Bugeat bousculent


Sens et inventent 37
Respect

Élèves

Engagement

Entraide Critique
Agora

Expérience

un travail fabuleux, ont appris des tas de comparable à ce que nous avons vécu Tout cela doit être posée avant. Sinon
de choses. Ils étaient très motivés. avec les jeunes et les enseignants lors on utilise ces outils sans questionner le
des rencontres nationales des ALESA. fond, et ça devient des « gentils » outils
d’animation.
Sur les côtés moins réussis, dans cer-
Nous, on défend l’utilisation de ces
tains ateliers, les enseignants avaient Vous avez utilisé et transmis de nom­
outils pour changer le fond, le sens, pour
tendance parfois à reprendre la main.. breuses méthodes et outils lors de ces
transformer des pratiques, pour remet-
Et puis, il y a une limite à notre inter- rencontres, quelle est votre bilan sur cet
tre en cause des rapports de domination.
vention, elle est calée sur un moment, aspect ?
ensuite les réalités du terrain s’imposent
à nouveau, ça questionne notre travail
Au sein des ALESA l’utilisation de ces
d’éducateurs populaires. D&C : Sur le porteur de paroles, il nous
a manqué un temps d’expérimentation outils demande d’abord de savoir ce que
entre la session de novembre de pré- l’on veut transformer, est-ce qu’on veut
paration des rencontres où l’on décide fonctionner plus de démocratiquement,
Les autres points que l’on doit mieux
d’organiser un porteur de paroles pour est-ce qu’on veut animer autrement nos
penser également sont d’ordre organisa-
les rencontres et les rencontres elles- réunions ? Très bien, mais pourquoi ?
tionnels, comme par exemple le fait d’or-
mêmes. De fait, l’action s’est transfor- Dans quel but ?
ganiser un porteur de paroles (2) lors de
mée en exposition le jour de l’accueil des
l’accueil des délégations régionales, qui
délégations régionales.
n’en n’était pas vraiment un car l’aspect
Le travail avec les jeunes de l’ensei-
« accueil » a pris le dessus. Idem du côté Idem sur un débat mouvant(4) , j’ai été
gnement agricole de ce point de vue-là
de certains jeunes qui avaient prévu de appelé lors des rencontres car les jeunes
nous a paru assez exceptionnel. Ils nous
prendre en charge des animations , mais avaient un désaccord sur la manière de
ont énormément appris et surpris aussi.
qui ont été finalement très pris par l’ac- le conduire.
tion artistique de sérigraphie, et qui ont La production de ces jeunes, surtout
Je me suis aperçu qu’ils étaient dans
beaucoup aimé y participer, mais voilà, en novembre au moment de la session
la confrontation stérile. Ce n’était plus
peut être que l’on aurait dû faire des de préparation était très intense, très
un outil de débat, mais un outil de
ateliers tournants..ce sont des écueils riche.
confrontation d’argumentaires pour se
organisationnels, des points à améliorer.
convaincre absolument. Il ne faut pas penser que la produc-
tion de la pensée est réduite parce que
Donc au-delà des outils aux-mêmes, il
l’on est jeune.
Au niveau des jeunes, est-ce que faut se demander pour quoi les utiliser ?
vous avez pu faire des parallèles avec
Par exemple la question de la partici-
d’autres interventions que vous avez
pation, susciter la participation. En guise de conclusion  ?
assurées ?
C’est le thème sur lequel on nous de-
mande le plus d’interventions à la Scop.
D&C : Cette intervention nous a fait un
D&C : Avec des collégiens on a fait du Mais la question de la participation se
bien fou. Elle nous a rappelé pourquoi on
théâtre de l’opprimé, et on a joué des pose vraiment : participer à quoi, com-
fait de l’éducation populaire. Dans des
conférences gesticulées dans les collèges ment, pour qui ? moments de doute, de perte de sens de
et des lycées professionnels (3) . Mais rien
notre travail, cette rencontre avec les
jeunes et les enseignants d’éducation
(2) Porteurs de paroles : exercice de recueil de pa-
(4) Débat mouvant : à partir d’une question cli- socioculturelle de l’enseignement agri-
vante, deux groupes se forment , les « pour » et
roles, de représentations autour d’une question les « contre ». Chaque groupe va devoir dévelop-
cole nous a enthousiasmés.
posée, il peut servir à préparer un débat. Il peut per un argumentaire pour justifier sa position.
se faire avec des passants, dans la rue , ou dans A l’écoute de ces argumentaires les membres On sait qu’il y a eu des rencontres ré-
un cadre plus familier. Il comporte plusieurs du groupe qui sont en désaccord peuvent quit- gionales derrière dans quelques régions.
espaces, l’espace pêcheurs ou officie le scrip- ter leur groupe, et idem s’ils sont touchés par
teur, celui qui note les réponses à la question,
On espère qu’il subsiste quelque chose
l’argumentaire du groupe opposé ils peuvent le
un espace d’affichage et un stand qui incarne la rejoindre. Chaque groupe élabore alternative- de ces rencontres et que le soufflet n’est
présence des animateurs. ment une réponse collective. Les participants pas trop retombé..
(3) Pour découvrir les conférences gesticulées pro- évoluent physiquement d’un groupe à l’autre au
posées par la coopérative Vent Debout : http:// gré des arguments échangés et de leur accord
www.vent-debout.org/ ou désaccord.
38 Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent

Faites nous confiance !


Louis Daussy
adhérent de l’ALESA de l’EPL Jules Rieffel, 2011-2014 et président-adjoint de l’ALESA en 2013-2014

Entretien réalisé par Thierry Cussonneau,


professeur d’ESC, EPL NANTES TERRE ATLANTIQUE / Legta Jules Rieffel, Saint-Herblain. le 22 janvier 2015 à Nantes.

Dans cet entretien, Louis Daussy, aujourd’hui étudiant en école supérieure, revient sur
son expérience de quelques années en tant qu’adhérent et président-adjoint de l’ALESA
de son lycée agricole. Entre bilan personnel et perspectives, il nous livre son point de
vue sur ce dispositif associatif au sein des lycées agricoles, qu’il défend ardemment
comme un outil d’expérimentation, d’innovation, et de construction de l’autonomie des
jeunes.

Louis que gardes-tu comme souvenir de va créer une énergie et cette énergie là d’une autre manière afin d’obtenir plus
Bugeat ? c’est l’association... facilement les réponses aux questions...
C’est une organisation, savoir comment
gérer les temps de débats. Ce sont des
Je garde 2 semaines, 2 fois 5 jours ? Ce souffle, cette énergie de l’associa­ choses toutes bêtes, très concrètes mais
Deux jours complets ? C’est à dire cha- tion, en quoi les avais-tu déjà rencon­ qui m’ont permis de bien avancer sur
que instant. Des jours où on n’arrête trés avant ? mon investissement dans l’associatif.
pas... On est à fond tout le temps. Il y
a énormément de monde, beaucoup
de chose à faire... On a la tête un peu Parce que j’ai toujours été dans les Tu parles du groupe, d’une association.
partout tout le temps …C’est très in- associations, avant même d’être dans Est-ce que tu fais une différence entre le
tense c’est à dire que l’on sort un peu l’ALESA de Jules Rieffel. J’ai participé à groupe et l’association ?
lobotomisé d’une séance complètement l’organisation de voyages touristiques
fatigué, vidé de toute son énergie... Dans culturels et solidaires. J’ai participé à
l’ensemble j’ai appris encore plus à dialo- beaucoup de clubs où le cadre était L’association c’est l’entité, le statut ju-
guer avec les autres. associatif et avant même j’avais fait ridique, les textes, le nom qu’on lui don-
partie du conseil de jeunes de ma com- ne... Mais cette association là elle n’est
J’ai appris sur les associations, pas
mune. Conseil qui avait étrangement pas grand chose s’il n’y a pas le groupe
mal, un peu d’histoire... J’ai changé un
un fonctionnement très similaire à une qui suit derrière. En fait c’est le groupe
peu ma vision de l’association même
association avec des commissions, des qui fait vivre l’association. Le groupe se
beaucoup, je pense...
rôles de responsabilités... C’est comme crée autour d’une envie et l’association
cela qu’est né pour moi cet attrait pour peut-être le témoin de cette envie ; et
l’action associative. lorsque qu’une partie du groupe change,
Alors qu’est-ce qui a changé dans ta vi­
l’association est là justement pour rap-
sion de l’association ?
peler ces envies, ces objectifs.
Dirais- tu que les rencontres nationales
des ALESA à Bugeat ont confirmé des
C’est à dire ? ha ha ! On va dire
choses en toi? J’aimerais avoir ton regard sur la dimen­
qu’avant...j’étais plus dans l’objectif d’y
sion formelle de l’ALESA: association loi
aller pour moi, pour ce que je pouvais
1901
retrouver à l’intérieur de l’association.
Ah très clairement, une plus grande
Et j’ai appris à ajouter en plus la valeur
confiance en moi et dans la capacité d’un
« pour les autres ». C’est à dire, agir pour
groupe. A Bugeat j’ai aussi beaucoup ap- Avant Bugeat, le côté formel à Rieffel
les autres, puis agir ensemble. On reste
pris au plan de la communication... à me apparaissait surtout au début de l’année
des unités mais quand on est ensemble,
poser, à réfléchir, à essayer de compren- au moment des élections du collectif/
il y a des forces qui se créent qui sont
dre pourquoi la personne en face de moi CA mais finalement c’était plutôt rare
automatiques... Forcément un groupe
dit ça, à comment aborder les thèmes pendant les réunions que l’on fasse
Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent 39

appel à cette hiérarchie des rôles... Nous et pour des raisons personnelles j’ai dû C’est ça, je les laisse foirer une soirée, se
étions un collectif élu et nous débattions louper un mois de cours et j’ai eu droit prendre une grosse claque devant tout
et en général arrivions à des prises de à des remarques en classe devant mes le lycée. On va peut-être perdre un petit
décisions , tous ensemble, plutôt basées camarades. De nature très directe « je peu en crédibilité. Mais c’est pas grave
sur le consensus. L’instant hiérarchique ne sais pas pourquoi tu continues à venir parce que c’est vraiment là qu’ils vont
se faisait au début de l’année et c’était en cours, si c’est pour louper autant...» apprendre et ce sentiment il était assez
important pour les statuts, les rôles. des choses comme ça... Bon voilà des présent à Bugeat. Voilà pourquoi j’ai dit
remarques de certains professeurs qui cette phrase.
Mais ça marche d’autant mieux si
pensent vraiment qu’à l’ALESA, on est
chacun se sert de son rôle. Les rôles ne
là juste pour s’amuser, ne rien faire...
sont pas des barrages pour nous empê-
Pourtant, ces associations apportent Il y avait toutes sortes d’ALESAs à
cher de fonctionner mais au contraire
plus que des temps culturels et de loisirs. Bugeat et c’est cela qui était bien, c’était
ils sont là pour nous aider à avancer
Elles apportent une autonomie à toutes un regain d’espoir fou !… Et de se dire
plus vite. Du coup revenus au lycée nous
les personnes qui y participent et c’est «On n’est pas les pires mais il y a beau-
avons essayé de tenir un peu plus ces
peut-être ce côté-là qu’il faut montrer , coup à faire» et c’est cela qui était génial,
rôles-là, d’un président, d’un président
mettre en avant auprès des personnels cela donnait des idées...
adjoint, administrateurs, en essayant
du lycée.
de faire avancer la réunion, les projets
et ainsi de suite... Au final maintenant Personnellement en participant pen-
Avec le recul, que des ALESAs type As­
que j’ai quitté l’association, je pense que dant 3 ans à cette ALESA de Rieffel j’ai
sociation 1901 puissent exister dans les
c’était vraiment ce qu’on a pu faire de vraiment appris à m’exprimer et à m’or-
lycées agricoles. Cela t’inspire quoi ?
mieux. ganiser. C’est ce que j’ai le plus appris en
venant de cette ALESA. Aujourd’hui je
me rends compte que j’arrive dans une
école supérieure où je dois faire un ex- Ca me paraît essentiel...Moi je l’ai
Vois-tu ce côté formel comme un outil
posé devant une grande classe et je peux vécu comme cela ; Qui veut y va, ça c’est
pour que l’ALESA dure dans le lycée ?
y aller très facilement, alors que d’autres clair. On ne force personne à y aller...
étudiants sont encore incapables de par- malheureusement d’ailleurs, parce que je
ler. C’est ça qu’il faut mettre en avant, pense que cela serait utile pour certains.
La transmission au sein de l’ALESA
c’est un éveil personnel et cela peut Mais on a des personnes motivées, elles
reste superficielle car les jeunes des ly-
délivrer de grandes qualités en chacun. peuvent être peu nombreuses mais elles
cées changent beaucoup. Ils restent de
(capacités à participer, animer, organiser peuvent faire beaucoup de choses. C’est
une à trois années, cinq maximum. Aussi
, gérer un budget, etc...) essentiel surtout en lycée agricole où il
je considère l’ALESA plus comme un éveil
y a beaucoup d’internes. L’ALESA c’est
à l’associatif avant toute chose. Effecti-
un petit échappatoire, même si on râle
vement l’ALESA sert à faire énormément
constamment contre l’ALESA qui ne fait
de choses dans la vie du lycée, au niveau Il y a une phrase que tu as dite à Bugeat.
pas ce que l’on veut au final on est bien
culturel, des loisirs pour les lycéens, les «Faites nous nous confiance». J’aimerais
content de la trouver .
stagiaires, les apprentis, étudiants etc... bien que tu reviennes dessus ?
Mais c’est avant tout un éveil à l’associa- L’ALESA ça a été ma façon de m’ap-
tif et du coup cette transmission-là, elle proprier mon lycée... J’étais délégué mais
se fait davantage je pense avec le travail Cela s’adressait directement aux vraiment j’ai plus appris en étant mem-
des profs d’ESC que d’élèves à élèves. profs d’ESC. Ce sont eux qui voient l’as- bre de mon ALESA qu’en étant délégué.
Après cela varie en fonction de chaque sociation sur le long terme, qui la voient Parce que j’avais plus de vrais contacts,
lycée et en fonction des années, des vivre sur la continuité. Du coup nous, on plus de liberté et plus de pouvoir. Le
personnalités, des groupes parfois très arrive avec nos idées, nos envies, nos cadre d’accompagnement de l’ALESA est
soudés pendant 3 ans qui emportent des projets, avec nos camarades, on a envie prêt à nous accueillir. Le délégué est plus
élèves plus jeunes vers l’ALESA et l’esprit de s’amuser. Et cela fait deux objectifs vu comme un vecteur de l’administra-
associatif. au sein d’une même association. Il y a le tion vers la classe alors que l’ALESA est
prof plutôt l’animateur/l’encadrant qui plus dans un échange.
est là avec sa vision à lui, sa volonté de
A Bugeat, vous avez aussi évoqué la per­ bien faire, de nous sensibiliser, de nous
ception pas toujours positive de l’Alesa former...de nous montrer qu’on a la Trois mots me paraissent importants:
dans les établissements... Ainsi cette possibilité de faire ce que l’on veut mais
signification détournée du sigle Alesa... que l’on doit passer par des étapes. Et Autonomie
tu te rappelles ? ça c’est des choses qu’on a peut-être un Je pense qu’il faut conforter encore
peu de mal à comprendre... plus une autonomie totale de l’ALESA.
C’est à dire qu’elle reste inscrite dans
Mais dans le global j’ai l’impression
ALESA: Ah Les Elèves Sont Absents! un lycée mais qu’elle n’en soit pas
que les professeurs ont du mal à se dire:
Oui c’est vrai ! Alors bon moi j’ai particu- dépendante.
« je laisse mes élèves aller se prendre
lièrement bien ressenti cela car pendant
un mur parce qu’ils vont apprendre...».
mon année de Terminale pour Bugeat
Investissement

40 Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent


Domination

Collectivité

Administration

Pouvoir

Communication

Organisation

Crédibilité lui donne...? Il faut se renouveler propo-


plutôt que reconnaissance : Il faut ser de nouvelles choses, il y a un vieux
plus axer sur la crédibilité de l’ALESA, club, là , qui est dans le coma depuis trois
avoir quelque chose de viable, un projet ans et ben on le remplace. On a toujours
concret qui tienne la route, qui a un vrai fait comme ça ? Et ben c’est pas grave,
impact sur les élèves. Il faut qu’ils aient on peut faire peut-être autrement
l’impression que l’ALESA leur ressemble. aujourd’hui... Rebondir, se renouveler !
Il importe que l’ALESA se montre plus et
qu’elle participe aux aspects culturels du
projet d’établissement. Que les jeunes Une dernière chose on vient de vivre
élus de l’ALESA participent aux grandes une actualité très dure... qui interroge
instances du lycée. Qu’ils y soient pré- beaucoup l’école. Toi de ton regard sur
sents, qu’ils se montrent, qu’ils soient là, les ALESA qu’est-ce que tu aurais envie
qu’ils apportent des choses intéressan- de dire... ?
tes, qu’ils apportent un avis et qu’ils le
défendent. Leur dire qu’ils ont autant
le droit de parler que les autres, leur ap- Alors d’abord, une chose m’ a outré
prendre à avoir un débat construit. j’ai entendu à la radio, une prof parler
qui disait: «c’est horrible, je suis arrivée
Et du coup aussi partager plus de devant mes élèves ce matin et personne
temps, inviter les professeurs et autres ne semblait comprendre la gravité des
personnels à venir participer à des ins- faits... A quel point on s’était attaqué
tances de l’association pour voir qu’elle à un symbole »... et j’avais envie de lui
existe, voir ce qu’elle fait. Que cela aille dire : bah oui mais ça c’est ton rôle de
dans les deux sens : aller vers eux mais leur expliquer. Après tout, les profes-
qu’eux aussi viennent vers nous, les seurs ils ne sont pas là uniquement pour
membres de l’ALESA, rencontrer, inviter nous apprendre le programme ; ils sont
les membres de la communauté. là aussi pour nous apprendre à être des
A partir du moment où on voit l’ALESA citoyens, et désolé, mais les trente mi-
comme un outil, comme un moyen de nutes par semaine d’éducation civique
faire quelque chose peut-être que cela juridique et sociale , c’est rien, et ça ne
pourra apporter une dimension un peu va pas suffire. Faut pas se voiler la face,
moins rigide à l’éducation. c’est prendre des temps pour en parler
et c’est aussi le rôle de l’association, par-
ce qu’elle est là pour que les jeunes puis-
sent s’exprimer, pour nous apprendre à
Rebondir
gagner en liberté et en autonomie et
c’est essentiel pour une association. c’est bien ce à quoi ils se sont attaqué!
Une ALESA, que ce soit au niveau de la À notre liberté et à notre expression,
communication où des actions... doit se à notre droit de s’exprimer. Et je pense
renouveler ; d’ailleurs on se renouvelle que là, l’ALESA peut jouer quelque chose
déjà au niveau d’une partie du public, d’assez fort.
à chaque rentrée... Pas rester toujours
dans ce cadre... Expérimenter : il y a un
spectacle de Noël. C’est très bien mais
qu’est ce qu’on y fait ? Quelle forme on
Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent 41

L’expérience audiovisuelle
avec Télé Millevaches
Aude Chopplet
journaliste

Raphaël Cartier
réalisateur

Il était essentiel que les rencontres nationales des jeunes élus des ALESA laissent une
trace des débats et de la richesse des échanges durant ces quatre jours. Il était égale-
ment essentiel que cette ressource soit construite par et pour les élèves participants.
Télé Millevaches a accompagné une équipe d’une dizaine de jeunes dans la réalisation
d’un reportage audiovisuel quotidien tout au long des rencontres.

Organisée en association, proclamant


Télé Millevaches, une volonté participative, Télé Mille- Top ALESA
une télévision vaches accompagne donc tous ceux et
celles qui souhaitent s’approprier l’outil
C’est donc avec beaucoup d’intérêt
associative et audiovisuel pour faire passer un mes-
sage. Le Magazine, réalisé chaque mois que Télé Millevaches a accompagné
participative par Télé Millevaches est en effet ouvert une dizaine de lycéens dans leur projet
«Top ALESA» au début de l’année 2014.
à tous les reportages qui peuvent être
proposés par des habitants. La réalisa- Leur idée était de réaliser chaque jour,
tion de cette mission passe donc par pendant les rencontres nationales des
En 1986, date de la création de Télé
un accompagnement à la réalisation, associations de jeunes de lycées agri-
Millevaches, le choix de réaliser un
parfois par des formations spécifiques. coles à Bugeat, un «journal télévisé des
magazine audiovisuel est plutôt «osé».
Il faut dire aussi, qu’avec le temps, le rencontres».
L’association est créée la même année
que la Cinq et la Sept, au moment même développement des techniques, et l’évo- Ce groupe de jeunes venus de plu-
où est annoncée privatisation de TF1. lution du matériel, l’équipe salariée de sieurs régions souhaitait utiliser le
Le matériel est cher, le magnétoscope Télé Millevaches a eu tendance à se pro- média audiovisuel à la fois comme outil
est encore un équipement rare dans les fessionnaliser. Aujourd’hui, le processus d’animation des journées, mais égale-
foyers, et les techniques de réalisation d’appropriation du média audiovisuel est ment comme support leur permettant
sont loin d’être répandues dans la popu- d’avantage transmis au cours d’ateliers d’expliquer et de mettre en valeur le
lation. En 1986, aucun des bénévoles de et de formations organisés ou co-orga- travail des ALESA vis à vis de l’extérieur.
l’association ne maîtrise cet outil. Mais nisés par Télé Millevaches, que dans le Le manque de considération pour les
comme l’explique Michel Lulek dans le cadre de la réalisation du Magazine du ALESA de la part de leurs camarades de
livre Télé Millevaches, la télévision qui Plateau, même s’il arrive encore que des lycée ou de leurs administrations est un
se mêle de ceux qui la regardent, «faire réalisations issues d’ateliers ou des pro- constat qui est souvent revenu lors de
Télé Millevaches et non Radio Millevaches ductions de bénévoles soient diffusées nos premiers échanges. C’est avec cette
ou la Gazette du Millevaches, c’était uti- dans le magazine. demande qu’ils nous ont sollicité afin de
liser le média le plus puissant, celui que les accompagner, tant pour le travail sur
tout le monde regarde, celui qui trône le fond de leur projet que pour les as-
dans chaque foyer, celui dont l’impact pects plus techniques de sa réalisation.
est le plus fort, et se l’approprier pour lui
Nous avons donc proposé un pre-
faire porter un discours neuf, dévoiler par
mier temps de «formation» sur 2 jours,
son détour une réalité de proximité que la
à Faux-la-Montagne (Corrèze) dans les
médiation d’une caméra et d’un écran de
locaux de Télé Millevaches, afin de pré-
télévision rendrait soudainement visible
ciser ensemble le contenu de l’émission
et patente».
quotidienne qu’ils souhaitaient réaliser,
42 Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent

mais aussi afin de transmettre quelques fameux «euhhhh» et les silences qui ont pour l’équipe et donc de revoir un peu «à
outils pour en faciliter la réalisation... souvent une signification eux aussi....On la baisse» le nombre de reportages qu’ils
garde tout cela au montage ou du moins souhaitaient initialement réaliser.
on se permet de se poser la question.
L’autre objectif de cet accompagne-
Il n’y a pas non plus de durée limite a
Accompagner, priori.
ment était de les aider à s’organiser
collectivement pour la réalisation quo-
plus que former Ainsi, sur les deux jours de prépara- tidienne de « Top ALESA ». Cela passait
tion à Faux-la-Montagne, nous avons par l’institution de moments formels,
choisi de privilégier avec les bénévoles de réunions (réunion ou conférence de
Dans ce genre de formation, il est des ALESA une prise en main sommaire rédaction), au moins deux fois par jour.
effet important selon nous de ne pas du matériel que nous mettrions à leur En plus de ces moments, chacun était
submerger les participants de jargon et disposition, ainsi que des petits exercices autorisé à réclamer au groupe un temps
de techniques. Le tournage, l’interview, de mise en situation d’interview. d’échange en cas de question ou de
la lumière, la prise de son, le montage, doute.
Nous avons souvent constaté avec un
le mixage...sont autant d’étapes dans la public plus jeune, une tendance à imiter, Ces deux jours à Faux-la-Montagne
réalisation, mais aussi autant de techni- à singer de manière ironique ce qu’ils ont donc été également l’occasion de
ques, de savoir-faire qui correspondent à voient à la télévision : faux JT, météo hu- se plonger rapidement dans le «faire»,
des métiers à part entière et qui peuvent moristique, publicités détournées, clips... en concevant et en réalisant, le premier
facilement intimider les bénévoles des Il y a bien entendu des vertus pédago- sujet diffusé dès le lundi des rencontres
médias associatifs. Ainsi Télé Milleva- giques à cet exercice de parodie, mais le , dans la première édition de Top ALESA.
ches essaie, au cours de ces formations, message diffusé par les jeunes dans ce Le reportage avait pour thème la présen-
de limiter la transmission de ces outils genre de réalisation est beaucoup trop tation du projet Top ALESA lui-même et
au strict nécessaire, le principal étant souvent limité à une simple moquerie a été l’occasion pour l’équipe, de prendre
de donner confiance aux stagiaires dans et à une volonté de se mettre en scène. en main le matériel de tournage et de
leur capacité à faire. Nous préférons L’exercice ne permet pas de comprendre montage sur un cas concret. Le sujet du
donc parler d’accompagnement à la réa- qu’il est possible d’utiliser autrement reportage a permis au comité de pilota-
lisation plutôt que de formation. Limiter le média audiovisuel, afin de com- ge d’approfondir la réflexion sur le projet
la formation technique c’est aussi un prendre et de décrypter le monde qui même des rencontres de Bugeat et les
moyen de libérer l’expérimentation, la nous entoure. Bref, on est souvent plus enjeux de leur préparation.
création et l’expression, mais aussi de proche du théâtre que de l’éducation
laisser le plus possible de côté les for- aux médias. C’est pourquoi nos ateliers
mats audiovisuels classiques. comprennent le plus souvent une phase
d’analyse de la structure du discours «Dans le rush»
médiatique et une approche critique
de l’image en tant que vecteur de sens.
Sortir des codes et Déconstruire le discours audiovisuel est, Après ces deux jours de rencontres,
des formats, nous en sommes convaincus, un des
meilleurs moyens de se l’approprier.
nous nous retrouvons donc à Bugeat
le 7 avril 2014 pour quatre jours de pro-
éviter la parodie duction intensive. L’équipe va devoir
travailler en flux tendu, ce qui va néces-
siter beaucoup d’organisation et donc de
Eviter de tomber sur les formats clas- Faire concertation.
siques pour éviter une réalisation forma-
tée, qui amène généralement à ne trans-
collectivement Tous les matins, nous nous retrouvons
pour une réunion de rédaction. Il faut
mettre que des paroles, des messages, décider ensemble des sujets à réaliser, de
des discours stéréotypés. Dans la réa- la forme qu’ils prendront (invités ? rubri-
Nous avons ainsi pu interroger le
lisation, pas d’interviews limitées à 30 que ? Reportage ?). Il faut constituer les
format «journal télévisé» et mettre au
secondes ni de limites dans la durée des équipes, tout en organisant la journée de
point ensemble un conducteur avec
plans...On garde ce qui est nécessaire à façon suffisamment serrée pour être sûrs
différentes rubriques. L’élaboration
la compréhension, on garde les nuances de pouvoir présenter l’émission à 20h
collective de la trame de cette émission
dans les propos, les contradictions, les le soir même, devant tous les autres ly-
permettait également d’évaluer la quan-
hésitations, les rires et les sourires, les céens et enseignants présents à Bugeat.
tité de travail à fournir quotidiennement
Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent 43

En tant qu’accompagnateurs du pro- quand ils prennent la caméra et le micro, Pensé comme une instance utile au
jet, nous nous gardons la possibilité d’in- ils sont convaincus du message qu’ils sein même des rencontres de Bugeat,
tervenir sur le montage en concertation veulent faire passer sur les ALESA. Notre le magazine Top ALESA devient à pré-
avec les élèves si le besoin s’en faisait rôle se réduira presque, au fil des jours, sent un outil pour expliquer au monde
sentir. En effet la maitrise du logiciel au support technique indispensable à la extérieur (lycéens de l’enseignement
peut se révéler complexe pour les moins finalisation des émissions et à quelques agricole, professeurs et membres de
aguerris aux arcannes de l’informatique, tâches un peu plus pointues comme l’administration) ce que sont les ALESA,
et il n’est pas question que l’émission le mixage du son et l’étalonnage des et donner envie à d’autres jeunes de s’y
«plante» à cause du temps nécessaire à images, qui ne faisaient pas partie de la impliquer. A cette fin, les quatre émis-
la finalisation des montages. D’autant formation initiale. sions sont visibles sur un blog en ligne :
que les ordinateurs peuvent se révéler http://topalesa.wordpress.com.
parfois capricieux et que les « planta-
Nous vous invitons à aller constater
ges » font partie intégrante des joies
de la vidéo numérique. Le premier jour, Bilan ? par vous même la qualité du travail réa-
lisé par nos jeunes reporters.
nous les accompagnons aussi sur les
tournages, simplement pour être pré-
sents en cas de question, pour vérifier Si la posture des lycéens au sein des Expérience

que les acquis du week-end à Faux-la- rencontres, à la fois journalistes et par-


Montagne sont toujours là et corriger en ticipants, a pu parfois se révéler compli-
cas de difficulté. quée à gérer, nous avons cru entrevoir
chez eux une vraie fierté d’avoir su réali-
Mais très rapidement, nous consta- ser ces quatre émissions qui ponctuèrent
tons avec bonheur que les jeunes ont de et alimentèrent à leur manière ces jour-
moins en moins besoin de nos lumières... nées intenses de débats et de réflexion.
Ils savent ce qu’ils partent chercher
Engagement

Entraide

Présentation de Télé Millevaches ✔✔ Mettre en valeur les initiatives ayant trait au dévelop-
pement local, à l’installation de nouveaux habitants ou
Télé Millevaches est une association fondée en 1986 par à la création d’activités
une quinzaine d’habitants du plateau de Millevaches qui Agora

souhaitent réaliser un magazine d’informations locales. Le ✔✔ Susciter la réflexion et le débat en posant les questions
plateau de Millevaches est alors un territoire rural de faible qui concernent la vie et l’avenir du pays
densité de population en voie de désertification. La création
de Télé Millevaches est une des multiples initiatives (sou-
Réalisé tous les mois puis tous les deux mois, le Magazine
Respect

vent impulsées par la population elle-même) qui, dans les


années 80, visent à inverser cette tendance et à rendre à la du Plateau est aussi l’occasion de rencontres et de discus-
montagne limousine son attractivité. sions lors de projections publiques qui sont organisées dans
les cafés, les bistrots, les salles des fêtes , les maisons de re-
traite... Il est également distribué sous forme de DVD dans
toutes les mairies du Plateau et disponible sur internet.
Les objectifs initiaux sont:
Critique
Presque 30 ans après sa création, Télé Millevaches fonction-
✔✔ diffusion l’information entre des communes qui sont ne toujours aujourd’hui sur des principes similaires, avec les
Sens

confrontées aux mêmes problématiques et qui ont pour mêmes objectifs. Écoute

point commun de se situer sur le plateau de Millevaches

✔✔ développer la communication entre les habitants en les Plus d’information sur : http://www.telemillevaches.net
faisant parler par le biais de cette télévision locale contact@telemillevaches.net

Rencontre Échange

Communauté

Débat
44 Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent

Chaud Patate !
Récit d’une création
embarquée
Oudeis
laboratoire pour les arts numériques, électroniques et médiatiques

En avril 2014, Oudeis accompagnait les rencontres nationales des ALESA en construi-
sant avec un petit groupe d’élèves un dispositif hybride, textuel et graphique. Idées for-
tes, notions-clefs, points d’achoppement et de convergence sont saisis sur le vif durant
les quatre jours de débats. Un livret sérigraphié sortira des cadres et des encres.

« Le langage alchimique est un instru­ bienveillants contributeurs. Il apparte-


ment d’une extrême souplesse, qui Envisager nait aux lycéens même de construire
permet de décrire des opérations avec
précision tout en les situant par rap­
l’avenir par les conditions d’existence de leurs
Rencontres et d’interroger l’avenir pos-
port à une conception générale de la
réalité. C’est ce qui fait sa difficulté et
l’autoréflexivité sible des ALESA. Notamment, prendre
conscience de la totalité des dimensions
son intérêt. Le lecteur qui veut com­ que recouvre une association, des points
prendre l’emploi d’un seul mot dans Oudeis, association laboratoire dé- de vue culturel, fonctionnel, logistique,
un passage précis ne peut y parvenir diée aux arts numériques, électroniques juridique.
qu’en reconstituant peu à peu une ar­ et médiatiques, menant, entre autres
chitecture mentale ancienne. Il oblige activités, des ateliers de création dans
ainsi au réveil des régions de conscience
obscurcies »(1)
divers lycées et lycées agricoles, était
invitée à cette occasion comme entité
Traduire une
observatrice et collaboratrice. Il s’agissait
de s’embarquer dans cette expérience
émulsion
Ce fut une expérience passionnante
que celle vécue, dans le cadre des pre-
collective de réflexion. Les enjeux pour collective
les lycéens et enseignants étaient forts.
mières Rencontres nationales des ALESA Il s’agissait bel et bien d’inventer et
(Association des Lycéens Étudiants Sta- penser les perspectives actuelles et fu- Si l’enjeu semblait ambitieux, il n’en
giaires et Apprentis), à Bugeat en avril tures des associations, de questionner fut que plus intense au regard du temps
2014. Rencontres qui consistaient à pen- les actions entreprises et leurs impacts, imparti. Car au milieu de cette nébu-
ser de façon singulière et expérimentale notamment le maintien d’ateliers de leuse d’actions et groupes, et en trois
l’existant et le futur des associations en création, d’événements culturels au sein jours, comment discerner un fil objectif
réunissant élèves et enseignants dans un des établissements. et créatif ? Il s’agissait pour Oudeis de
centre sportif réservé pour ce faire.
capter et de prolonger cet esprit de la
Rencontre, son énergie, ce désir de par-
De première évidence, c’est une or- tage, de transmission des savoirs, de la
ganisation originale qui fut adoptée. culture. Il s’agissait de conserver une
Accompagnés par la Scop d’éducation trace durable, un témoignage atypique
populaire Vent Debout dans une démar- qui puisse, dans la durée, retranscrire
che de structuration et de responsabili- cette émulsion collective qui préfigurait
sation, ce sont les représentants même à travers le regroupement cette idée
des ALESA qui se chargèrent de leur essentielle de la construction de soi, de
propre organisation, par la mise en place l’émancipation et du « vivre ensemble ».
d’ateliers, débats et pauses conviviales. Nous supposons également que cette
En un sens, les enseignants présents mission nous fut affectée en connais-
n’étaient plus les figures d’encadre- sance de cause. Sans doute, au regard
(1) Michel Butor cité par Alleau, Encyclopédia uni-
versalis, chap. Alchimie, T1, 1985, 672 ment ni de transmission mais plutôt de d’actions antérieures comme l’Atelier
Les rencontres de Bugeat bousculent et inventent 45

Nomade de Sérigraphie, projet infor- s’agissait d’inventer tout en produisant. sophistiqués tels que des logiciels de
mationnel et créatif. L’Atelier Nomade Ainsi, depuis le « navire germinatif », programmation visuelle, de générativité,
de Sérigraphie visait à produire un tra- notre quartier général, et assistés de plu- d’analyse et visualisation de données ;
vail graphique, textuel, analytique au sieurs participants, représentants d’as- ainsi que de nombreuses techniques,
contact de plusieurs artistes identifiés sociations et enseignants, nous posions éprouvées et efficaces, référencées his-
dans les arts numériques et accueillis en la base d’une méthodologie. Se faufiler, toriquement et artistiquement, telles
résidence au sein de lycées d’enseigne- sentir, identifier les convergences et celles de l’association libre, du jeu de
ment général et technologique agricole récurrences, opérer des relevés de don- mot, du rébus, du cadavre exquis, de
du Languedoc-Roussillon. L’Atelier No- nées, croiser les informations et champs l’écriture automatique, du cut-up, du col-
made de Sérigraphie visait à valoriser lexicaux, capter des images, des mots- lage, du déchirage, de la combinaison.
et retranscrire l’essence des projets clefs, des concepts, relever des données
d’artistes-résidents. Il relevait à la fois du (datas) et des statistiques spécifiques
journal, du communiqué, du témoignage aux différentes associations, faire décou- Tandis que les brouillons et esquisses
et de l’œuvre picturale. Pour chacune de ler des idées des textes : saisir l’esprit, s’accumulaient au tableau blanc, les
ces sessions, l’Atelier Nomade de Séri- intelligence collective, reconnaissance, photocopies s’étalaient sur de longs
graphie adoptait volontiers des moyens pouvoirs, sens, la solidarité par l’expé- plans de travail, les sérigraphies fraîches
détournés, simplifiés afin d’inclure les ly- rience, déconstruire les processus de suspendues séchaient, les odeurs d’en-
céens. Il s’agissait également de démys- domination, participation et expression cre nimbaient les opérateurs du « navire
tifier les technologies pour les inscrire de tous, réflexion collective, pour n’en germinatif ».
plus dans une perspective de maîtrise et citer que quelques-unes.
Tout un chacun pouvait se mêler
prospective plutôt que de consomma-
à cette énergie libérée et contribuer,
tion et coercition. Ce n’est que dans un
prendre les racles et tirer de nouvelles
rapport resserré aux jeunes publics, en « Ce sont des labyrinthes bardés de
impressions, créer des collages dans une
les accompagnant - non pas en leur fai- serrures, mais qui doivent donner leurs
démarche d’associations d’idées, inven-
sant faire mais en les amenant à trouver propres clefs. »(2)
ter de nouveaux concepts.
leurs propres méthodes, à les éprouver -
que nous voulions faire coexister la mul- Jusque tard, les lueurs d’écrans d’or-
titude. Azimutée, mais tout en cohésion. dinateurs irradiaient l’espace tandis
Diversifiée mais structurée. S’appuyer sur des que de curieux personnages arrosaient
les écrans maculés d’encre afin de les
techniques aussi nettoyer. C’est à la conclusion de ces

Dans le vif complexes que journées à la temporalité si relative


qu’Oudeis conclut son travail.

des débats rudimentaires


L’« image » à géométrie variable des
Une circulation permanente s’opérait, rencontres prit la forme d’une publica-
C’est dans cette même visée et dé-
les observations toujours plus riches tion constituée d’assemblages, jeux de
marche qu’Oudeis est intervenue à Bu-
s’amoncelaient. Cette approche analy- mots, sérigraphies à tirages limités inti-
geat, dans le cadre des Rencontres natio-
tique figurait la base du travail, il fallait tulée : « Chaud Patate ! ». Un titre faisant
nales des Alesa. Nous avons résolument
transformer, alors, cette matière brute écho à l’urgence et l’intensité des jours
adopté une démarche transversale, à la
pour en permettre une conjugaison, en- vécus, un titre voulu comme cri de joie,
fois rigoureuse et empirique. Notre in-
gager la catalyse à l’aide de nos regards ralliement heureux au mouvement, à
tervention se tenait par ailleurs, comme
de plasticiens, graphistes et théoriciens. l’humour mais aussi à la transmission et
à notre habitude, sous le signe de la
Faisant appel à des outils diversifiés, à la continuité.
transdisciplinarité, somme des com-
pétences et expériences de l’équipe. Il parfois rudimentaires tels que la sérigra-
s’agissait d’observer, d’écouter, d’intera- phie, le dessin, les mots-croisés ; parfois
Plus d’information sur Oudeis :  
gir et restituer. Ces phases, simultanées,
http://www.oudeis.fr/
n’offraient pas la possibilité du recul. Il
(2) Michel Butor, Revue Critique (N° 77, année 1953)
Les ALESA en
lycées agricoles :
actions et
expérimentations
p.47 Les associations de jeunes pour (re)découvrir
l’éducation populaire
Dominique DEON
p.50 A
 LESA : de rencontres régionales en rencontres
nationales et réciproquement
Catherine PORTE
p.55 L
 ’ALESA : un support de cohésion sociale au sein de
l’EPL
entretien avec Nicole DELFOLIE
p.57 L
 a musique dans les ALESA : socialisation et
apprentissage entre pairs
Réseau art’ur - Pays de la Loire
p.61 Elargir l’imaginaire des ALESA
Franck LEMAIRE
Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations 47

Les associations de jeunes


pour (re)découvrir
l’éducation populaire
Dominique Déon
professeur d’éducation socioculturelle et animateur du réseau régional de Franche-Comté

Entre 2012 et 2014 le réseau régional culturel de Franche-Comté a organisé quatre ren-
contres de deux jours entre une vingtaine de jeunes élus des ALESA accompagnés de
leurs enseignants d’ESC. Echanges, réflexions, actions : les rencontres régionales dy-
namisent les associations en Franche-Comté.
Les objectifs étaient multiples : mieux se connaître entre responsables d’associations,
rencontrer des acteurs de l’animation, réfléchir ensemble à la signification de l’engage-
ment associatif et concrétiser ces temps de partage et d’apprentissages par l’organisa-
tion d’un événement culturel régional.

Février 2014 – avril 2015  : Du 7 au 11 Avril 2014 Elles permettent d’expérimenter les
outils d’éducation populaire découverts
à Bugeat, de mutualiser les expérien-
une année pour à Bugeat , les ces des années précédentes afin de
démultiplier et rencontres préparer la journée régionale culturelle
« Tout’Art’Zimut » du 14 avril 2015.
co-animer nationales
donnent Les outils
Pour ne pas perdre le fruit des expé-
riences des rencontres nationales des
l’impulsion en d’animation
ALESA de Bugeat et des rencontres ré-
gionales précédentes, il fallait un projet
région pour interroger
fédérateur qui permette à la fois d’expé-
rimenter les outils d’éducation populai-
La Franche-Comté était représentée
le sens et le
re, de mettre en pratique les techniques
d’animation et de travailler ensemble à
par 6 jeunes de 4 établissements. Pen-
dant 4 jours ces responsables d’asso-
fonctionnement
un projet concret d’animation.
ciations ont participé à l’animation des des ALESA
C’est lors des rencontres associatives ateliers, des réflexions, des soirées et
régionales de février 2014 que naît l’idée expérimenté diverses techniques d’ani-
de co-animer, avec les associations de mation de groupes. La mise en pratique des techniques
jeunes, la 2ème édition de la journée d’animation par les élèves et étudiants
Très vite l’idée de prolonger « l’esprit
régionale culturelle du réseau des éta- ayant participé aux rencontres de Bu-
de Bugeat » fait son chemin.
blissements agricoles de Franche-Comté geat, a pour objectif de faire réfléchir
d’avril 2015. Ainsi, après Bugeat, les 4ème ren- chaque participant au sens de son enga-
contres régionales des associations de gement dans son ALESA ou dans sa mis-
Et c’est à partir des rencontres natio-
lycées agricoles de Franche-Comté sont sion d’accompagnement de la vie asso-
nales de Bugeat qu’une équipe de jeunes
préparées et animées par les jeunes et ciative quand il s’agit des enseignants.
va se constituer.
les enseignants du réseau.
48 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

Ainsi, le Groupe d’Interview Mutuel La vingtaine de participants aux L’ensemble de ce travail de co-cons-
(GIM) permettra de se raconter par rencontres régionales a ensuite pu ex- truction jeunes/enseignants a été
groupe de trois les difficultés et les ex- traire de ces exercices de réflexion et possible car tout au long des rencon-
périences réussies de notre engagement de débats, les thématiques d’ateliers tres régionales, et a fortiori après les
associatif : participatifs qui seront proposées lors de rencontres nationales d’avril 2014, une
la journée régionale culturelle aux quel- culture commune de réflexion, de ques-
• GIM « Grrrrr » les échecs, les diffi-
ques 200 participants, jeunes et adultes. tionnements, de débats s’est peu à peu
cultés, ce qui ne marche pas dans
forgée entre les participants qu’ils soient
l’association. Elle a également arrêté des choix sur
adultes ou élèves. Cette culture com-
l’organisation pratique de la journée :
• GIM TONIC : Présenter une ex- mune est sans aucun doute un élément
périence réussie dans chaque • faire appel à un artiste de BD pour la crucial pour construire collectivement
association. signalétique, des savoirs et des apprentissages, et
redécouvrir les méthodes et actions de
De même, le Débat mouvant, per- • proposer costumes, scénographie ,
l’éducation populaire.
mettra grâce à une question clivante de choisir un thème (le voyage),
creuser une problématique propre aux
• mettre au point la communica-
ALESA et de construire une culture com-
tion, les invitations à envoyer, le
mune du débat :
programme à imprimer, lister les
• « Le président d’une association projets artistiques et culturels qui
c’est le chef » seront présentés, visiter les locaux
pour imaginer l’emplacement des
• « Ceux qui s’investissent dans l’asso-
concerts et des expositions.
ciation en tirent profit »

L’éducation populaire :
construire ensemble les savoirs
Enseignant depuis quelques années (disons 3 décennies) Après quelques heures et quelques réponses du style « si
j’avais (un peu) oublié que les savoirs pouvaient (devaient) se on a besoin de toi, t’inquiètes, tu pourras aider à déplacer
co-construire. Pourtant formé aux techniques de l’éduca- une table, sortir une sono de la voiture … » j’avais compris
tion populaire avec la formation au DEFA (Diplôme d’Etat que ces jeunes, qui avaient préparé ces rencontres depuis
aux Fonctions d’Animateur), j’en avais peu à peu oublié ses 6 mois, étaient largement à la hauteur.
vertus. Après 4 jours je savais que je n’étais ni incontournable, ni
Aussi lorsqu’il s’est agit d’accompagner les quelques volon- indispensable, ni …heureusement indésirable.
taires francs-comtois aux rencontres nationales de Bugeat Je savais faire des choses, ils savaient en faire aussi, en-
j’avais accepté de passer encore quatre jours à encadrer semble on allait pouvoir construire des projets.
un groupe d’ados immatures. J’avais compris, bien sûr,
que ces jeunes volontaires pour Bugeat étaient du genre
« motivés » et que ces rencontres avaient été préparées De retour en Franche-Comté les idées se sont concrétisées,
en amont par d’autres jeunes volontaires… Mais bon, un les projets ont été écrits, pris en charge… Le réseau culturel
enseignant adulte et responsable est tout de même indis- régional et les associations de jeunes se sont mobilisés.
pensable pour l’encadrement, l’animation…
Je me suis souvenu alors.. que mes engagements, mes mo-
tivations étaient nés vers 16-17 ans dans des animations,
Arrivé à Bugeat j’ai (assez) vite compris que l’organisation des manifestations, des réunions de Bureau, de Conseils
et l’animation des journées allaient être prise en main par d’Administration, partagées avec des « adultes » du monde
ces ados immatures qui se sont révélés être, finalement, associatif.
des adultes responsables. Pourtant ayant l’habitude d’être
à l’initiative d’un projet et « encadrant » de groupes, je me
demandais comment il fallait que je me positionne pour Dominique DEON
être un enseignant digne de ce nom… Enseignant d’éducation socioculturelle
Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations 49

Présidente d’une association ?


Après Bugeat c’est devenu possible

Je faisais partie du bureau de l’association en


2013/2014 et après avoir participé aux rencontres
régionales de février 2014 à Cléron, j’ai eu envie de
vivre l’aventure des rencontres nationales. Avec 5
autres responsables de la région j’ai fait le déplace-
ment pour Bugeat.
Sincèrement je ne m’attendais pas à ce que ce
soit aussi bien organisé. L’équipe qui a préparé ces
rencontres a vraiment fait un super boulot. Moi j’ai
participé à fond pendant ces 4 jours. On a travaillé,
écrit, pris la parole, on a même imaginé une resti-
tution d’atelier sous forme théâtrale.
J’ai rencontré des responsables d’autres associa-
tions, on a échangé des expériences, corrigé certai-
nes erreurs …
Je me suis aussi sentie au même niveau que les
profs, ils participaient comme nous. Il n’y avait pas
de jugement, on était là pour partager la même
chose.
Depuis on est resté en contact entre partici-
pants ; via facebook et les réseaux sociaux. Quand
quelqu’un a un souci on partage.

Avant je n’avais pas vraiment d’expérience de


responsable associative, même si je me suis tout
de même intéressée aux associations autour de
chez moi. C’est vraiment à Bugeat que j’ai su que je
pouvais assumer le rôle de présidente au lycée. J’ai
pris cette responsabilité à la rentrée de Terminale
en septembre 2014. J’ai préparé et participé à l’ani-
mation des rencontres régionales en novembre.
Notre prochain gros projet : la journée régionale
culturelle en partenariat avec les enseignants du
réseau culturel !…

L’an prochain, si tout va bien, je commence un BTS


DATR (développement, animation des territoires
ruraux). Maintenant je sais que ce choix d’études
supérieures ne s’est pas fait par hasard.

Melissande DUBRAI – Terminale STAV


Présidente de l’association du lycée Granvelle
(Besançon) depuis septembre 2014.
50 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

L’ALESA :
de rencontres régionales
en rencontres nationales
et réciproquement
Catherine PORTE
enseignante d’éducation socioculturelle, lycée agricole de Marmillat
jusqu’en juin 2015, lycée agricole du Bourbonnais, Moulins

Ce texte est une réflexion pragmatique, pédagogique et éducative sur l’intérêt de réunir
des jeunes élus d’associations de lycées agricoles, mais il est aussi un témoignage très
vivant d’une enseignante d’éducation socioculturelle sur cette partie du métier qu’est
l’animation et la manière de créer des temps communs durant lesquels apprenants et
enseignants construisent ensemble une réflexion par et pour l’action.

Un beau jour, précisément un len- m’ont totalement regonflée... il ne m’en


demain de rencontre régionale entre Eléments fallait pas plus que cet élan de géné-
jeunes d’associations de lycées agrico-
les de Franche-Comté, surgit sur notre
de contexte rosité naïve pour m’engouffrer dans le
petit comité de pilotage naissant des
cotonneuse conférence professionnelle Rencontres Nationales des Associations !
un message atypique ou anormal, je L’idée folle d’organiser en 2014 des Ren-
Notre quotidien bien morose s’en
ne sais, ressemblant fort aux gazouillis contres nationales entres élus respon-
est vu toute chamboulé (par les temps
d’usage sur les microblogages sociaux sables associatifs était une aubaine, un
qui courent, on se suffit d’un rien !) car
bien connus, rempli de « Oh ! Ah ! C’est miracle comme il en est de trop rares
même si je partage l’éthique de Joël
génial, c’est super, on va faire plein de dans une carrière ! Bien qu’il y avait de la
Toreau (1) pour qui « la mise en œuvre
choses, on a des valises remplies de place pour tout le monde, je n’aurai cédé
de l’animation (2) n’est pas une simple
projets, c’est fou tout ce qu’on peut faire la mienne pour rien au monde, m’ac-
transposition du référentiel mais bien
grâce à l’assoc... ». Ce « tweet » là a eu le crochant à cette bonne branche pour
une construction en fonction des ter-
mérite d’enclencher un débat rafraîchis- profiter de l’altitude et de l’oxygène né-
ritoires, des histoires personnelles et
sant et passionnant sur les effets éner- cessaire à ma survie ! J’étais comme sur
des « cultures » d’établissement », dans
gétiques que ces temps de rencontres et un nuage velouté et chaleureux !
certains cas cette construction demande
de formation produisent sur les jeunes
beaucoup d’énergie et de persévérance.
et a surtout généré l’envie irrésistible
C’est pourquoi, ces échanges de mails
d’en être ! Lorsqu’on évoque un projet de
autour de nos pratiques, de nos ques-
« Rencontres », c’est rarement dans la
tions, voire de nos remises en question
case formation qu’on le classe ni qu’il
émarge… Mais voilà, en ESC(3) , formation
(1) Formateur des professeur.e.s d’éducation so-
rime avec relation, relation pédagogi-
cioculturelle à l’Ecole Nationale de Formation que même, mazette ! Chez nous, point
Agronomique de Toulouse durant plus d’une de hiérarchie « condescendante » des
quinzaine d’années.
savoirs, mais bien des va-et-vient per-
(2) Le service d’un enseignant d’éducation socio-
culturelle – 18H - est partagé entre 2/3 de son manents d’échanges de pratiques (c’est
obligation de service en heures d’enseignement
et le solde dévolu à des heures d’animation
selon la péréquation : (temps de service – heures
d’enseignement ) X 4/3 (3) Education socioculturelle.
Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations 51

la part active de la méthode !) à partir régionale ne pourrait pointer le bout de chacun des collègues de présenter le
desquels sont tirés des enseignements, son nez ! Bien que nulle en maths, je sais projet dans leurs EPL respectifs, afin
des « leçons » . que c’est la somme d’engagements indi- de convaincre leurs directions de la né-
viduels qui crée le collectif seul capable cessité et de l’utilité de ces Rencontres
Les rencontres d’associations sont
de porter et de faire aboutir des projets régionales. En effet, ce projet repose
un prétexte inestimable pour juste-
ambitieux mais légitimés par les valeurs sur l’approbation des chefs d’établisse-
ment appuyer sa mission d’animateur
qui fondent l’existence même de l’ESC : ments puisqu’il suppose qu’un collègue
d’éducation populaire dans la formation
l’éducation populaire ! De mails en ou deux laissent des classes pour accom-
des jeunes citoyens en devenir. Alors
coups de fils, d’apéros dînatoires en nuits pagner quelques jeunes élus aux rencon-
pensez, une rencontre entre plusieurs
sans sommeil, se tricote cahin-caha le tres. Le regroupement ne cherchait pas à
associations de jeunes de lycées agri-
fil conducteur des rencontres régionales faire du nombre mais bien à enclencher
coles de France, c’est l’occasion rêvée
d’Auvergne… Chacun apporte, contribue, un processus…
et « sacrée » pour aborder l’engage-
avance, freine puis recule, fonce à nou-
ment, l’autonomie, l’utilité sociale, pour De mon côté, était venu le moment
veau pour faire acter finalement que la
pratiquer la méthodologie du projet, de solliciter la direction de mon établis-
question soit mise à l’ordre du jour de la
s’imprégner de cultureS, développer sement pour organiser ces Rencontres
réunion de fin d’année du réseau régio-
des compétences organisationnelles, au lycée du Bourbonnais. Bon gré, mal
nal des ESC …
réviser les fondamentaux d’une société gré, c’est « cheu nous » que seront ac-
démocratique… Surfant sans vergogne cueillies 3 jours et 3 nuits des élèves et
sur la vague de cette dynamique des enseignants de Brioude/Bonnefont,
Rencontres régionales et nationales des le réseau in : Lempdes/Marmilhat et Moulins/Neuvy
associations, restait plus qu’à m’atteler à pour les premières rencontres régionales
cette étape est essentielle parce que
la tâche : organiser les nôtres de Rencon- d’Auvergne.
seul le réseau institutionnel peut inviter
tres en Californie française (dixit L’Ex-
officiellement des fonctionnaires et
press du 16 octobre 2014), région plus
donc « se revendiquer » maître d’œuvre
communément appelée pour quelques
mois encore, l’Auvergne ! Dit, c’est dit,
d’un événement à l’échelle régionale !
Dans notre région, bien que subsiste
Structuration
faire c’est tout autre chose car comment
s’y prendre ! Force est de constater que
encore bon nombre d’ASC(4) , pas ques-
tion de ségréguer, bien au contraire ! Ce
et logistique
mon engagement dans le comité de pi-
lotage donne des ailes, confère au projet
qui a présidé à cette rencontre régionale, des Rencontres
c’est plutôt de rassembler, d’échanger,
une forte légitimité et a facilité la tâche
de comparer des pratiques, de se doter
de coordination.
d’outils nouveaux à la fois de com- Ici, pas de recettes : chacun procède
préhension mais aussi d’organisation, en fonction des possibles, des particula-
d’administration, de gestion et surtout rités et surtout de ses moyens. Certains
Séduire les d’animation des associations. de nos collègues ont externalisé les
rencontres, les ont limitées à 2 jours,
réseaux voire même à un seul. Personnellement,
j’ai proposé d’internaliser les rencontres
Convaincre au lycée : d’abord pour des raisons éco-
nomiques et logistiques : hébergement,
le réseau off : les chefs restauration, espaces de travail, lieux
passée l’heure du grand moment de
solitude, c’est tout naturellement que
d’établissements d’animation sont sur place ensuite et
surtout parce que l’implication de deux
pour repousser les doutes envahissants tiers-temps d’enseignant.e.s d’ESC est
dont on sait que de tout temps ils ont nécessaire au regard du travail d’orga-
C’est le moment où il appartient à
fait avorter tant d’idées innovantes, je nisation. Enfin, et c’est lié au contexte
me rapproche du réseau des intimes ! local, je les voulais visibles, voire transpa-
Initialement peu élargi parce que fondé rentes dans le bon sens du terme imagi-
sur l’affectif avant le professionnel, c’est (4) Association Sportive et Culturelle, ancien dis- nant qu’à terme, elles seraient l’occasion
le soutien incomparable et infaillible positif remplacé par les ALESA, Association des de « redorer le blason » de l’éducation
Lycéens, Etudiants, Stagiaires et Apprentis par la
sans lequel un événement d’ampleur circulaire DGER/POFEGT du 21 janvier 2003 populaire…
52 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

comptable de ces 1ères rencontres,


Rencontres basée sur le petit nombre de par- Touche pas
régionales ALESA : ticipants au lieu d’une estimation
plus objective sur le fond des
au grizzbi !
Inconvénients et apprentissages.
Je justifiais le choix d’accueillir les
avantages d’un Avantages Rencontres régionales dans un EPL pour
accueil interne des raisons économiques. Pour autant,
outre la participation financière de 100€
✔✔ c’est pratique pour ceux qui ac-
au lycée cueillent, on sait ce qui est à notre
demandée aux associations participan-
tes, nous aurions pu envisager de nous
disposition, où ça se trouve… c’est sur retrouver dans un gîte, en plein cœur des
place ! volcans ou du Sancy car nous avons été
Inconvénients
la seule région à obtenir un financement
✔✔ les jeunes du lycée du Bourbonnais
de 1000€ du Fonds pour le Développe-
sont fiers de leur foyer, et ils valori-
✔✔ au lycée, pas de changement, pas de ment de la Vie Associative (FDVA) de
sent leur nombre, leur engagement,
nouveauté, pas de voyage(s) pour la DRJSCS (5) . Le budget total de cette
leur organisation en ALESA qu’ils
ceux qui reçoivent… première rencontre, tous frais compris
comparent aux ASC : ils apprécient
(transports et déplacements, interve-
✔✔ on ne choisit pas ses menus leur degré d’autonomie
nants, fournitures et sorties) s’élève à
✔✔ heureusement, nous sommes sortis : 2100€ pour quatre enseignants-anima-
✔✔ on est prisonniers en termes spatial
rallye photo, visite de musée, décou- teurs d’éducation socio-culturelle et une
et temporel
verte nocturne de la ville historique quinzaine d’élèves.
✔✔ il faut anticiper les contraintes ma- de Moulins, soirée restaurant
térielles afin de ne pas avoir à les
traiter dans l’urgence en pleines ✔✔ heureusement, nous avons un grand
Rencontres amphi et nous avons proposé des Contenus et
programmes culturels ouverts aux
✔✔ sur place, on peut avoir l’impression internes du lycée : concert de Mi- objectifs des
rabo, soirée-débat autour d’un docu-
de faire du surplace
mentaire animée par les CEMEA (voir
rencontres
✔✔ la gestion des tâches du quotidien
est exclusivement portée par ceux
plus loin le programme) régionales : petit
qui accueillent puisque ceux qui
viennent de l’extérieur n’ont pas
✔✔ heureusement, nous avons des
partenaires sur place qui sont inter-
tour des régions
de marge de manœuvre en terrain venus sur ces Rencontres : le Service
inconnu ! régional de la formation et du déve-
loppement (DRAAF) bien sûr, mais En Pays de Loire
✔✔ aux yeux de la communauté éduca- aussi la Ligue de l’Enseignement et La journée du 26 mars 2014 a permis
tive de « votre » EPL, vous restez un les CEMEA. d’échanger et de partager des expé-
collègue avec le risque d’être sollicité
riences d’acteurs associatifs et ainsi de
pour tout autre chose sans relation
compléter la formation des jeunes. Orga-
à la « fonction » temporaire de por-
nisée en ateliers, la journée consistait à
teur-coordinateur du projet d’am-
faire sortir les problèmes de fond assez
pleur régionale en cours...
récurrents rencontrés dans les ALESA, à
✔✔ ça et là, on fait parfois face à de la partir de plusieurs thématiques :
défiance mais c’est le propre du mé- • L’engagement associatif : com-
tier d’animateur que de se coltiner ment motiver des élèves à rejoindre
les volte-face, de se confronter au l’association ?
contexte pas toujours en phase et
aux incompréhensions subjectives !
(5) Direction régionale de la jeunesse et des sports
✔✔ on risque une évaluation quasi- et de la cohésion sociale
Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations 53

• La reconnaissance en tant qu’admi- agricoles de la région. Accrocher les à la session de préparation des Rencon-
nistrateur, dans les relations avec les Rencontres à un objectif de production tres Nationales. Intégrant ainsi de fait le
personnels, la direction ? est une entrée à laquelle je n’avais pas comité de pilotage de l’événement na-
• Les relations Filles-Garçons au sein songé mais qui est une alternative à ex- tional, les élus étaient en capacité d’ani-
des ALESA ? plorer : en effet, concevoir et organiser mer leurs rencontres régionales respecti-
• Les ALESA et le numérique ? un festival des productions artistiques ves. Forts de cette expérience partagée,
de chaque EPL d’une région nécessite un nous avons tout naturellement réinvesti
réel engagement des élèves sur la durée certains des outils testés à Bugeat, outils
Des pistes ont été évoquées, des
autant qu’il garantit une valorisation qui facilitent la prise de parole en comité
solutions échangées afin que chaque
et une évaluation partagée des projets réduit jusqu’au partage en grand groupe
association puisse repartir dans son ly-
menés. dans une forme d’écoute dite active.
cée dotée d’une «mallette» d’outils et de
C’est ainsi que nous avons travaillé sous
perspectives pour conforter son propre
formes d’ateliers avec pêle-mêle l’Echelle
projet associatif.
En Auvergne d’Arnstein, le Débat Mouvant, des Jeux
d’Eveil, le Pense-Ecoute, le GrOdébat à
L’objectif était surtout de faire béné- l’issue duquel les jeunes ont affiché des
En Midi-Pyrénées ficier les élus d’un temps de formation solutions concrètes pour un meilleur
pour les initier à des méthodes démo- fonctionnement des associations.
Ce sont 2 journées qui ont été consa-
cratiques d’animation, pour valoriser nos
crées à des axes de recherches thémati-
espaces d’éducation et de construction
ques sur :
de l’autonomie des jeunes que sont nos Inviter des expériences 
la communication, les relations associations respectives. Il s’agissait de
(élèves/élèves ; élève/adultes), la recon- questionner le sens de l’association dans Sans qu’il y ait eu de préconisations
naissance (élèves/élèves, élève/adul- un EPL comme un espace de démocra- partagées entre les régions, l’un des in-
tes), l’engagement et la motivation, la tie, de liberté mais aussi comme un lieu grédients majeurs était de faire appel à
gestion financière et la comptabilité, les d’éducation et de formation et ainsi : des intervenants extérieurs.
idées et les projets.
• faire se rencontrer les jeunes en res- En Pays de la Loire , le collectif de
A l’issue des ateliers les élèves de 9 ponsabilités dans les ALESA l’Alesa organisatrice de ces rencontres
lycées ont proposé un tableau à double • mettre en pratique une pédagogie régionales, avait invité deux comédiens
entrée : Solutions- problèmes. Ils ont fait de la démocratie pour animer les de La Belle Boîte, Compagnie spécialisée
le bilan de cette formation en listant un débats dans le théâtre d’improvisation. http://
râteau, un point négatif (par exemple : • se former à des outils d’animation et labelleboite.tumblr .com.
formation trop longue) et une pépite, un aux moyens de les transmettre aux
Au moment de la plénière, la synthèse
point positif (ex : le partage d’expérien- générations futures
des ateliers s’est faite sous la houlette
ces et de témoignages) et ce à quoi ils • repérer les conditions de réus-
de ces professionnels. Présentée par des
s’engagent après cette formation. site d’une vie associative dans les
jeunes rapporteurs, chaque synthèse
établissements
En 2014/2015, la formation a été d’atelier était introduite par les comé-
• préparer sa participation éventuelle
reconduite. diens improvisant sur le thème abordé.
aux rencontres nationales (les ins-
A noter que le matin, ils étaient passés
criptions étaient toujours possibles
observer, écouter dans chaque atelier.
puisque les Rencontres Nationales
En Franche-Comté se déroulaient en avril) En Franche-Comté, Caroline Guidou
• intégrer un volet artistique qui ren- de la compagnie La Carotte a apporté
Deux jours pour mutualiser et ré-
drait compte de ces réflexions son expertise sur la création d’un évé-
fléchir sur leurs pratiques associatives,
nement socioculturel et artistique en
diffuser les outils d’animation récupérés
milieu rural, Le festival de la Source, pour
lors de la préparation des rencontres
nationales des ALESA en novembre 2013 Ingrédients travailler sur le projet de festival des pro-
ductions artistiques des EPL de la région.
à Bugeat, réfléchir à l’implication des
associations dans la journée régionale En Auvergne, les contenus ont pri-
du réseau Tout’art’zimut 2015. Ici, il s’agit Les outils d’animation vilégié l’intervention d’associations de
presque d’une réunion préparatoire à l’éducation populaire qui jouent un rôle
l’organisation d’un festival par 7 lycées Dans chacune des régions pré-citées, sur le territoire régional : « l’éducation
une association au moins avait participé
54 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

pour tous, par tous et à tous » : les CE- Pour les questions relatives à l’en-
MEA et la Ligue de l’Enseignement afin gagement, nous avons invité la Ligue En guise de
de faire de ces Rencontres Régionales
co-animées par les jeunes élus volontai-
de l’Enseignement de Moulins qui a
présenté les différents services civiques
conclusion
res et par les enseignants d’ESC un vrai nationaux et européens ainsi que les
temps de formation. Juniors associations.
Je ne saurais encourager l’organi-
Enfin, l’animatrice du réseau régional sation de rencontres régionales entre
au SRFD, Catherine Héritier, est venue jeunes élus d’associations dans les éta-
Organiser des temps présenter des pistes de financement blissements car elles offrent un élan
d’animation  possible de projets portés par des jeu- incomparable à une approche alterna-
nes. Cette présence institutionnelle tive de tout ce qui est régi par nos réfé-
En Midi-Pyrénées, une soirée a été
confère aux enseignants d’ESC en région rentiels métiers et formation. Une fois
animée par les jeunes avec des ateliers
un véritable soutien à leur action et convaincus de l’utilité de faire croiser des
jeux et un atelier musique.
crédibilise les Rencontres au niveau des regards, des envies, des approches, de
En Pays de la Loire, le temps festif chefs d’établissement. partager des savoir-faire, d’adapter des
s’est organisé autour d’un mini-concert comportements d’écoute active et de
Bien sûr, il ne pouvait être question
de l’atelier musique sur la scène du foyer mettre en pratique des outils qui valori-
de Rencontres associatives sans note ni
du lycée agricole Rieffel et un flash-mob sent l’épanouissement personnel dans le
couleur artistiques et culturelles ! Mardi
photo pour clôturer cette rencontre. souci du collectif, ce sera dorénavant un
soir, l’association a programmé dans
jeu d’enfant. Et justement, le ludique, à
La Franche-Comté a choisi une soirée l’amphithéâtre du lycée un concert rock
ne pas confondre avec patronage ni oc-
autour des jeux de société du groupe stéphanois Mirabo qui a réuni
cupationnel, doit impérativement faire
une centaine de personnes devenues
En Auvergne, les CEMEA sont entrés partie de ces temps de formation tant il
fans !
dans ces rencontres par la projection relève des valeurs qui fondent notre dis-
suivie d’un débat du documentaire de 52’ Le lendemain, en fin d’après-midi, la cipline. Ici, en Auvergne, avec ma collè-
réalisé en 2010 par Jean Rousselot inti- visite de la collection Rudolph Noureev gue Daphnée Paupert, nous envisageons
tulé Les Voraces. au Centre National du Costume de Scène d’organiser les prochaines rencontres en
a été suivie d’un rallye photo nocturne 2015-2016 au lycée de Rochefort-Monta-
Il retrace « l’expérience d’élèves de
dans le centre historique de Moulins. gne !
terminale du lycée Le Corbusier à Auber-
villiers (Seine-Saint-Denis) qui ont décidé Cette journée s’est terminée par un
de saisir la chance que leur offrent trois repas convivial dans un lieu convoité de
professeurs déterminés à les aider à la ville : le Grand Café, brasserie classée
acquérir en un temps record un bagage monument historique.
culturel riche et unique. En devenant Vo-
En guise de clôture, les jeunes ont
races, ils multiplient leurs chances d’être
présenté au foyer des élèves une expo-
plus tard des hommes et des femmes
sition de leurs photos ainsi qu’un diapo-
libres. À travers leurs rencontres avec
rama commenté de leurs travaux à la
des intellectuels de tout premier plan,
communauté éducative en présence de
des témoins de l’histoire contemporaine,
la Direction de l’établissement.
des sorties aux musées, des soirées au
théâtre, des cours d’expression corpo- Cela a permis à chacun de repartir
relle et de théâtre, les Voraces mettent à dans les établissements avec un enthou-
mal les clichés ». siasme et une volonté hors du commun.
Puis, ils sont intervenus sur la ques-
tion des réseaux sociaux et ont suscité
l’écriture collective d’une charte d’usage
à bon escient et dans le respect des
personnes de ces outils incontournables
aujourd’hui alors que l’un des problèmes
cruciaux est la communication !
Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations 55

L’ALESA : support
de cohésion sociale
au sein de l’EPL
Entretien avec Nicole Delfolie
enseignante d’éducation socioculturelle au LEGTA de Guadeloupe

réalisée par Claire Latil


animatrice du réseau national « Animation & développement culturel » , responsable de la rédaction de Champs Culturels.

Dans cet entretien, Nicole Delfolie présente le fonctionnement de l’ALESA de son établis-
sement, notamment la manière dont cette association assure une part de la cohésion
sociale au sein de l’EPL.

Claire LATIL (CL) : La dimension sociale des films (car il y a peu de sorties au artistiques ou culturelles, l’Alesa est-
de l’ALESA semble importante au lycée cinéma dans les familles modestes), se elle selon vous un lieu d’acquisitions de
agricole de Guadeloupe. Pouvez-vous rendre dans des festivals comme le FEMI savoirs , de savoir-faire, de savoir-être ?
nous dire quelle est l’origine sociale (festival de cinéma international qui a
des jeunes dans votre EPL et comment lieu en Guadeloupe tous les ans), y ren-
l’ALESA constitue ce «levier» social ? contrer des artistes , des professionnels Nicole Delfolie (ND) : En effet , les
de la culture ( par exemple Jean-Marc activités de l’ALESA permettent des
Césaire de Ciné Woulé – Passeurs d’ima- acquisitions qui sont à la fois orientées
Nicole Delfolie (ND) : En effet, l’ALE- ges - qui défend le cinéma non commer- sur des contenus mais également sur
SA constitue une forme de «levier social cial et développe un travail d’éducation des compétences plutôt sociales: savoir
« en cela qu’elle permet aux élèves en à l’image). organiser, planifier, anticiper, animer une
difficulté de tous ordres de s’épanouir ; sortie par exemple.
cet épanouissement se situe notamment
C’est ainsi le cas d’activités ludiques,
au niveau du partage de pratiques cultu- L’ALESA organise également des
très prisées aux Antilles, du type le jeu
relles et artistiques au sein de l’ALESA. sorties patrimoniales, historiques et
de dominos, ou d’activités plus patrimo-
ludiques
L’origine sociale est , pour la plupart niales comme le Gwo-ka (tambour pays),
des élèves, relativement modeste , bien Une visite du Fort Fleur d’épée a ainsi le Chanté noël , ou le déboulé carnava-
que selon les filières ce peut être moins été organisée. Elle a contribué à mieux lesque : là encore il s’agit tout autant
le cas. Ainsi, dans les filières générales, comprendre une partie de l’histoire de la d’organiser l’activité que de savoir l’ani-
les élèves voyagent, ont des activités Guadeloupe, puisqu’il s’agit du site for- mer, en parler, la présenter (par exemple
plus onéreuses : tennis , piano etc. tifié le plus important de Grande Terre à la direction de l’établissement.)
en Guadeloupe, qui a abrité l’armée
Dans le cas d’élèves d’origine plus
française lors d’affrontements contre les
modeste, l’ALESA reste un lieu important
Anglais convoitant la Guadeloupe. L’ALESA a une tonalité particulière en
en terme d’ouverture culturelle.
Outre-Mer car la gaité, la bonne humeur
L’ALESA organise également des sor-
Ainsi sont organisées et animées par et la notion de fête occupent une grande
ties de fin d’année dans les îles environ-
les jeunes des activités de danses, de place dans les préoccupations des ci-
nantes (Petite-Terre, Ilet Karet) et à Terre
chorégraphies (biguine , gwo ka ..) , des toyens, et par conséquent de nos élèves.
de Bas aux Saintes où le Bureau de l’ALE-
activités de pratiques musicales apprises
SA clôture les activités de fin d’année. Ainsi l’ALESA organise de nombreuses
au sein des familles, ou dans le monde
activités dans l’objectif de créer des mo-
associatif.
ments conviviaux à partager entre toute
C’est par exemple grâce à l’ALESA que Claire LATIL (CL) : Au-delà de la dé­ la communauté éducative.
de nombreux jeunes peuvent découvrir couverte et du partage de pratiques
Par exemple, notre oralité, héritage
56 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

africain bien connu, trouve toute sa Ainsi, l’ALESA permet à celui/celle qui
place au sein de l’ALESA , par le biais le désire de trouver sa place et donc de
d’activités comme la fête de Noël et ce participer au collectif, de s’entraider, de
que nous appelons “les Chanté Nwel». se soutenir.
D’autres activités comme les défilés
C’est en cela que l’ALESA au sein des
carnavalesques ou les élections de Miss
établissements Agricoles fait partie in-
et Misters LEGTA organisées par l’ALESA
tégrante du dispositif de formation et
sont très prisées et mettent en jeu
favorise la cohésion sociale.
chez nos élèves organisateurs de nom-
breuses compétences d’organisation et
d’animation.
Claire LATIL (CL) : Pour terminer, l’ALESA
doit “contribuer à l’apprentissage de
la citoyenneté et favoriser l’implica­
tion des jeunes dans une dynamique
Claire LATIL (CL) : Vous dites souvent sociale » , pensez-vous que l’ALESA au
que l’ALESA constitue en Guadeloupe un sein de votre EPL contribue à préparer
support de cohésion sociale au sein de les jeunes à leur vie d’adulte et de futur
l’EPL, qu’entendez-vous par là ? citoyen  ?

Nicole Delfolie (ND)  : En effet, en Nicole Delfolie (ND)  : A leur vie de


Guadeloupe, la majorité des élèves ad- futur étudiant c’est en tout cas sûr. Mais
hèrent à l’ALESA , car notre effectif est je pense aussi qu’ils se préparent à leur
restreint et de surcroît les enseignants futur vie d’adulte.
d’éducation socioculturelle et les équi-
Le monde associatif est très dynami-
pes de vie scolaire (surveillants, CPE) y
que en Guadeloupe et beaucoup d’élè-
trouvent un support de cohésion et de
ves adhèrent à des associations (clubs
convivialité.
sportifs, carnaval..) donc nous pourrions
La cohésion sociale, c’est tisser un al- penser que l’engagement associatif dans
ler-retour équilibré entre soi et les autres l’ALESA est une suite naturelle de ce qu’il
finalement, c’est un mouvement dyna- se passe hors temps scolaire.
mique, qui se construit constamment et
Or l’ALESA donne incontestablement
qui fait du lien entre les différences de
des compétences et surtout l’occasion
chacun. 
pour ces jeunes d’avoir des responsabi-
Par exemple organiser un atelier de lités qui leur apportent indéniablement
cuisine locale permet de partager des un avantage dans leur vie d’étudiant
savoir-faire culinaires mais également et lorsqu’ils se rendent en Métropole. En
surtout une culture, qu’elle soit familiale effet, la plupart de nos jeunes qui sou-
ou originaire d’un autre territoire. Par le haitent poursuivre leurs études vont
biais de l’activité on ouvre son regard quitter la Guadeloupe, mais également
vers ce qui est différent de soi. leur famille pour continuer à étudier, et
ceci de façon plus radicale que les jeunes
de métropole car les distances sont in-
Je constate que cet espace que repré- comparables et on ne rentre pas tous les
sente l’ALESA renforce l’estime de soi week-end à la maison !
de nos élèves, et la reconnaissance dont
Il est évident que les responsabilités
ils ont tant besoin dans la construction
qu’ont assumées les jeunes élus de l’ALE-
de leur être de futur adulte et citoyen.
SA vont les aider à négocier cette coupu-
Par l’ensemble des activités que l’ALESA
re et vont favoriser leur intégration dans
organise c’est chaque fois pour nos jeu-
de nouvelles communautés éducatives
nes élus un peu plus de reconnaissance
de l’enseignement supérieur.
et des apprentissages nouveaux qui se
construisent. C’est très valorisant pour
eux et très instructif, ils apprennent
en faisant ou parfois, ils transfèrent
des choses qu’ils savent déjà faire vers
l’ALESA.
Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations 57

La musique dans les ALESA :


socialisation et apprentissages
entre pairs
Réseau art’ur
réseau d’action culturelle des établissements agricoles publics des Pays de la Loire,

Six enseignant.es d’éducation socioculturelle sont parti.es chercher auprès des ado-
lescents musiciens de leurs lycées, les raisons et motivations de cette pratique dans le
cadre des ALESA. Il ressort de ces entretiens, que la pratique musicale constitue d’une
part un fort vecteur de socialisation entre jeunes et d’autre part que cette socialisation
se double d’apprentissages entre pairs dus à la nature même des ALESA (pour et par les
jeunes).

En Pays de la Loire, sur 12 établisse- commune nous avons collecté la parole déclare Océane du Legta du Mans . C’est
ments d’enseignement agricole nous des jeunes de quatre ateliers musique. aussi le cas d’Enora du Legta de Nantes
recensons 8 établissements possédant « Moi je chante, j’ai fait un an de chorale
un atelier musique ALESA pour plus de
50 jeunes pratiquants. Au gré des an-
Les raisons de en collège et 7 années de flûte musicale
mais je n’ai jamais pris de cours»
nées et des modes instrumentales, ils y cette pratique Autre raison évoquée plusieurs fois
pratiquent le chant, la guitare, la basse,
la batterie, le clavier le djembé, le did- musicale par les jeunes rencontrés : l’envie de
faire de la musique ensemble.
geridoos, mais aussi le violon, le cor de
chasse, le saxophone, l’accordéon diato- Ainsi Ernest du Legta de Nantes « Moi
nique... pour des styles eux aussi très va- L’envie de participer à cet atelier mu- c’est la rencontre avec Erwan, interne, et
riés, chanson française, reggae, ska, rock, sique repose souvent sur une passion surtout bassiste... quand je l’ai rencontré,
musique du monde, musique électroni- « J’aime la musique et chanter depuis je me suis dit comme je suis aussi à l’in-
que, la musique assistée par ordinateur, longtemps » rapporte Maxime du Legta ternat je vais avoir la possibilité de jouer
le hip-hop. Ces ateliers s’organisent soit de Luçon-Pétré, ce que confirme Théo en groupe au lycée. Puis on a aussi ren-
en gestion autonome où ils bénéficient ancien élève du Legta de la Roche sur contré Nino, guitare et notre chanteuse
d’un suivi par un collègue d’éducation Yon «Je suis passionné de musique et Enora, tous les deux internes aussi. Dans
socioculturelle voire, pour certains, d’un j’en joue depuis tout petit. La musique le même sens Erwann du Legta de la
accompagnement musical dispensé par fait partie de ma vie et me permet de Roche sur Yon renchérit : «L’idée de pou-
un collègue ESC, un membre de l’équipe m’exprimer librement»... voir partager sa passion avec d’autres
vie scolaire ou un intervenant extérieur. personnes m’a plu. L’idée de pouvoir
Cette passion est, le plus souvent,
créer quelque chose avec d’autres musi-
Au sein du réseau art’ur(1) nous avons adossée à une pratique antérieure à leur
ciens et de se présenter lors de la soirée
souhaité appréhender ce que représen- venue au lycée.
de Noël. On ne faisait pas ça sans but et
tait pour ces jeunes musiciens cette
« Avec mon père quand j’étais petit, il c’est cela qui rendait l’atelier attractif.»
pratique musicale dans le cadre de leur
me jouait de la guitare, il a commencé à ou encore Océane du Legta du Mans
ALESA. A partir d’une grille d’entretien
m’apprendre quelques bases... » nous dit «Je trouvais ça sympa de faire cela sous
Erwan du Legta de Nantes. forme de groupe. Ça apprend à écouter
les autres, et à les respecter. »
(1) art’ur : réseau d’action culturelle des établisse- « J’avais déjà fait 2 ans de guitare »
ments agricoles publics région Pays de la Loire
58 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

Puis Nino a apporté son ampli et sa gui- « Le plus difficile est d’être disponible
L’ALESA : un cadre tare. » L’importance d’avoir un local de en même temps sinon, une fois le thème
facilitateur pour répétition est soulignée « on peut s’amé-
liorer, mais ce sera mieux quand on aura
choisi,on adapte le jeu et le chant en
fonction des niveaux. On répète deux
la pratique notre nouvelle Maison des Lycéens. » dit
Océane du Legta du Mans .
fois par semaine (deux fois une heure)
et nous avons une possibilité le mercredi
musicale de 13h30 à 18h (seul ou à plusieurs),
soit pour les morceaux, soit avec un jeu
Plus largement l’ensemble des jeunes moins compliqué » précise Charly du
« Respiration » est le mot qui revient musiciens rencontrés disent l’importan- Legta de Luçon-Pétré.
en premier lieu dans la bouche des jeu- ce d’avoir une ALESA dans leur lycée.
Concilier la vie scolaire et la pratique
nes interrogés pour qualifier l’intérêt Ainsi Théo, Legta de la Roche sur Yon musicale soulève des jeux de négocia-
qu’ils ont à pratiquer de la musique au «Pour moi l’ALESA a été l’occasion de tion ; ainsi Ernest, du Legta de Nan-
lycée : me sortir l’esprit du lycée, grâce à cela tes « Là on est en pleine négociation
« On sort du cadre du lycée, on j’ai pu voir plein de concerts géniaux, du avec la vie scolaire . Jusqu’à la soirée de
s’amuse» dit Tiphaine du Legta du Mans, théâtre de la danse... Ce fut pour moi un Noël, on pouvait répéter tous les soirs
« Etre dans l’atelier de l’ALESA permet refuge dans un milieu de stress (le lycée, mais depuis début janvier on a deux
de nous détendre en dehors des heures les profs, les exams)» ou encore Elodie, soirs par semaine plus le mercredi après-
de cours. Apprendre en s’amusant. » du Legta de la Roche sur Yon «Oui c’est midi. Mais vu que nous sommes deux
dit Samy , guitariste, élève au Legta du important, pour permettre la découver- Terminales dans le groupe, c’est très
Mans ou bien encore Ernest du Legta de te d’un talent, d’un art, et peut-être d’un dur de répéter le mercredi car on a tou-
Nantes : « ça me libère en fait, quand avenir, car en effet tous les Naturiens (2) jours des dossiers , des travaux à faire...
je joue, je ne pense plus à rien, je pense ne finissent pas agriculteurs ». Donc là on essaye d’avoir trois soirs par
juste à tenir le tempo et à être en accord semaine...»
Ce que confirme Tiphaine du Legta
avec les autres . Je rentre dans une bulle du Mans, en insistant sur la possible di-
quand je joue de la musique.» mension lieu d’autonomie que peuvent
Au sein des ateliers est privilégiée
revêtir ces ateliers. « C’est essentiel pour
une pratique plutôt collective. Cette
décompresser et en plus que ce soit géré
Le soutien qu’apporte l’ALESA est clai- dimension est vraiment soulignée par
par les jeunes, c’est encore mieux. »
rement indiqué, « Oui je suis contente les jeunes rencontrés : «Je suis super
que l’ALESA nous permette cela, nous contente, je voulais trouver un groupe
soutienne, nous mette du matériel à de lycéens, c’est super. Le fait que cela ne
disposition... ce n’est pas rien...» indique
Enora, élève du Legta de Nantes.
La vie en atelier : soit pas dans un cours, qu’on nous fasse
confiance . Pour moi la pratique collec-

Elodie élève au Legta de la Roche sur


d’abord du tive c’est fort.» dit Enora du Legta de
Nantes. «On s’entraîne un peu seul, puis
Yon, renchérit « Echange et découverte
avec les autres chanteurs, musiciens..
collectif collectivement. Des fois je me cale sur
les autres (exemple la basse). L’interve-
Accès au matériel ». Ce que confirme nant, c’est le «chef d’orchestre». Il nous
Ernest, du Legta de Nantes, « on a de- L’organisation et les modes de fonc- confie des choses suivant notre niveau »
mandé à ESPACE, notre ALESA, si c’était tionnement sont assez similaires d’un indique Océane du Legta du Mans.
possible de monter un atelier musique. atelier à l’autre. Il en est de même pour
Elle nous a proposé dans ses locaux, les contraintes.
un local de répétition. En matériel l’as- Il en est de même pour Ernest, au Leg-
sociation avait une basse et une sono ta de Nantes, « c’est primordial, moi je
complète. Par la suite elle a investi dans suis batteur , et jouer de la batterie tout
(2) Fait ici référence au fait d’être ancienne élève du
une batterie et changé l’ampli basse. lycée Nature
Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations 59

seul c’est intéressant mais cela ne per- question des niveaux de pratique des chacun propose ses morceaux préférés.
met pas d’avancer...ça n’a pas le caractè- instruments dans les ateliers, bien- On travaille chacun le week-end et on
re mélodique . Le fait de jouer ensemble veillance, entraide semblent être de met en commun... On travaille pas mal
ça permet aussi de se connecter , de se mise... en répétition. Nino a plus de pratique
rapprocher de certaines personnes et de mais, on ne fait pas des morceaux très
« Chacun amène les morceaux qu’il
créer tous ensemble un truc sur lequel compliqués...»
aimerait qu’on joue. On les écoute puis
nous aurons passé du temps, par exem-
chacun regarde sa partie et dit s’il se
ple en ce moment on travaille In Bloom
sent capable de le faire . Puis on travaille
de Nirvana. Ce que confirme, Elodie, du « On s’entend tous bien, ça aide. Si on
avec les partitions, ou les tablatures,
Legta de la Roche sur Yon «Même si l’on est pas d’accord, on le dit. Si la chanteuse
grilles d’accords . » explique Nino, du
veut chanter tout seul, ça ne peut que chante mal, on lui dit et on suggère des
Legta de Nantes.
faire du bien d’écouter les autres, d’en- choses pour améliorer. Il y a plusieurs
tendre leur avis, de pouvoir s’ouvrir des Ainsi pour Erwan, du Legta de la Ro- niveaux, certains sont grands débutants.
portes à d’autre possibilités». che sur Yon «Plus on est de fous plus on L’intervenant s’adapte au niveau de cha-
rit.. Oui j’y tiens, car jouer de la musique cun. » Samy , guitariste Legta du Mans
Dans le même sens, le témoignage
c’est surtout savoir jouer avec les autres,
de Théo, du Legta de la Roche sur Yon
c’est une sorte de langage il faut donc
est éclairant: «oui c’est important car
savoir dialoguer. ! Oui il y a des niveaux
créer des groupes et faire des projets ça
différents. Tout le monde n’est pas Jim-
se fait ensemble. Pratiquer la musique
de façon collective permet de progresser
my Page ou Stanley Clarke donc on fait
avec et au final on s’amuse ! L’idée n’est
Se produire en
plus vite, avoir des avis sur ta pratique te
permet d’essayer de modifier tes erreurs
pas de juger les capacités de chacun
mais d’arriver à jouer ensemble malgré
public : Entre
et ainsi devenir chaque jour un meilleur
musicien. De plus certaines personnes
les niveaux. Certes cela peut ralentir les crainte et envie
« bons » mais aussi booster ceux qui ont
peuvent s’inclure pendant l’année car
plus de mal. Non je n’ai jamais vu de per-
elles sont curieuses ou ont aimé ce que
sonnes se faire virer parce qu’ils étaient Les jeunes rencontrés disent l’impor-
l’on faisait. Cela apportait une richesse
mauvais .. ce serait très prétentieux de tance pour eux de pourvoir présenter
musicale et une diversité plus grande en-
se considérer comme meilleur qu’un leur travail et être mis en lien avec des
core et dans la musique c’est cela qu’on
autre. Il n’y a pas de but élitiste dans intervenants et structures du territoire.
aime non ?»
l’atelier musique. Je pense au contraire A ce titre le rôle du professeur d’ESC est
que tout le monde est inclus.» déterminant pour créer les contacts et
permettre ces rencontres.
Ce que nous confirme Théo, du Legta
Répétition, de la Roche sur Yon « oui certes cer- Ainsi Morgane, du Legta de Luçon-
tains sont meilleurs que d’autres mais Pétré « Oui, c’est évident, surtout lors-
bienveillance et ceux ayant plus d’expérience peuvent que l’on fait une valorisation devant le
entraide  conseiller les autres, leur montrer quel-
ques techniques pour progresser. L’im-
lycée. Il y a le respect pour ce qui est de
monter sur scène tout d’abord. Puis on
portant n’est pas le niveau de chacun a participé aux « Jeunes ont du talent(3) »
mais ce que cela donne au final. Ainsi des
Côté répertoire les ateliers travaillent
lignes simples à jouer peuvent rendre
le plus souvent des reprises. Passer
super selon les compositions et arrange-
au stade de création sous-entend une (3) Les lycéens ont du Talent : manifestation an-
ments. L’important est le plaisir que l’on
bonne connaissance mutuelle entre les nuelle organisée par la Région Pays de La Loire.
prend à pratiquer cet art.». Elle réunit plusieurs centaines de lycéens évo-
membres de l’atelier, à laquelle s’ajoute luant dans des ateliers Théâtre, Musique , vidéo,
la question des niveaux souvent très Même esprit au Legta de Nantes, danse. Une autre manifestation de la Région
hétérogènes. Quand est abordée la avec Enora «C’est bien parce que existe aussi pour les arts plastiques Les jeunes
s’exposent
60 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

plusieurs années, on a joué pour la Ce que confirme Nino, du Legta de


rencontre du « Printemps des poètes ». Nantes « Oui l’an passé le groupe s’est
Plusieurs intervenants professionnels produit lors de la rencontre régionale
aident le club musique. Chacun d’eux des ALESA, là ce sont des moments
apporte sa touche et ses conseils ainsi d’échanges...Grâce à l’ALESA, l’atelier
que le prof d’ESC. ». C’est aussi l’avis de est aussi en contact avec des structures
Théo, Legta de la Roche sur Yon « Nous culturelles ainsi l’Onyx où nous allons
avons joué au Fuzz’yon dans une salle de voir des spectacles, concerts ou encore
musiques actuelles , plus que pleine à Terminus3 lieu de répétition porté par
craquer. C’était vraiment super l’équipe la ville de St- Herblain... ça aussi c’est
était géniale et l’on a mis un pas dans les important ».
coulisses du monde pro de la musique et
A ce titre citons l’exemple du groupe,
ça c’était vraiment super !!! »
Les Kangourous, qui s’est créé en 2003
au lycée Nature de la Roche sur Yon.
http://les-kangourous.fr/ - youtube.
Et après... com/c/leskangourous

Enfin, même si une professionnalisa- A noter que le lycée de Luçon-Pé-


tion n’est pas la finalité de ces ateliers tré avec les élèves d’une classe de Bac
musique, il faut signaler qu’au-delà de professionnel et en lien avec le réseau
leur participation à la vie des établisse- art’ur, prépare pour le printemps pro-
ments, à des événements extérieurs chain (2015), une rencontre régionale des
également, certains musiciens des ateliers musique des ALESA des Pays de
ateliers sont tentés par une voie profes- la Loire.
sionnelle dans le domaine, et parfois la
concrétisent.
Ainsi Maxime, du Legta de Luçon
« Certains jouent dans un groupe en de- Texte et propos recueillis pour le réseau
hors. D’autres ont changé d’orientation art’ur, par  les professeur.es d’éducation
pour se diriger vers la musique. Un élève socioculturelle :
a fait son CD. » De même Théo, du Legta
Violaine Jourdain – Nicolas Fradin,
de la Roche sur Yon « J’ai créé quelques
EPL Luçon Pétré
projets, je suis aujourd’hui étudiant au
conservatoire à Paris en cycle spécialisé, Thierry Arenzena – Benoît Lemeur,
j’ai depuis joué dans des scènes natio- EPL la Germinière Le Mans
nales, des clubs, des théâtres. C’est ma
Vincent Lepley,
période du lycée qui m’a lancé dans ce EPL Nature La Roche-Sur-Yon
sens..»
Thierry Cussonneau,
Elodie, du Legta de la Roche sur Yon, EPL Nantes Terre Atlantique / Jules Rieffel
a composé elle-même ses morceaux et
va les enregistrer dans des conditions
professionnelles « J’ai actuellement une
dizaine de titres de ma composition, que
je vais enregistrer avec du vrai matériel Réseau art’ur : 
la semaine prochaine, tout cela dans Animateur, Thierry Cussonneau 
un cadre privé. Mais il est vrai que pour thierry.cussonneau@educagri.fr
jouer sur scène je préférerai être accom-
pagnée, c’est une rencontre que je n’ai
pas faite au lycée mais je suis sûre que
grâce à l’ALESA certains la feront cette
rencontre ».
Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations 61

Elargir l’imaginaire
des ALESA
Franck Lemaire
enseignant d’éducation socioculturelle au Legta de Saint-Affrique

L’auteur propose dans ce texte de mettre en débat quelques pistes concernant le


fonction­nement des associations de lycéens, étudiants, stagiaires et apprentis des
établis­sements d’enseignement agricole.
Ces réflexions sont en partie inspirées par les échanges qui ont eu lieu lors des pre­
mières rencontres nationales des ALESA qui se sont tenues à Bugeat.

L’ALESA est une école de la démocra- Ainsi furent portés au débat les quel-
tie, une école du bien « vivre ensemble ». ques points suivants : La question
Cependant, il ne s’agit pas de grandir
trop vite ou d’être sérieux avant l’âge. ✔✔ le manque d’adhérents dans les ALE-
des adhérents
Il s’agit bien pour les lycéens, étudiants,
stagiaires et apprentis de faire des
SA (et son corollaire : le financement de l’ALESA
des ALESA)
apprentissages, de s’exercer aux res-
ponsabilités, de pratiquer l’écoute et le ✔✔ l’engagement des adhérents au ser-
respect, de porter des valeurs de coopé-
Le manque d’adhérents
vice de l’ALESA
ration et finalement de se préparer à une Certaines ALESA se plaignent du taux
vie citoyenne, autonome et responsable. ✔✔ la démocratie au sein de l’ALESA
de cotisants très bas chez les appre-
✔✔ la reconnaissance de l’expérience nants. Échangeant avec une collègue ré-
associative cemment j’apprends qu’une ALESA d’un
Posons comme postulat que l’exigen- EPL d’environ 500 apprenants a enregis-
ce de la démocratie n’est pas seulement ✔✔ la transmission au sein de l’ALESA tré seulement six adhésions à la fin du
la liberté d’expression, mais aussi l’ex- premier trimestre ! Cela pose la question
pression des contradictions et conflits de l’attractivité de l’ALESA elle-même,
d’intérêt, l’analyse de ces contradictions, La démarche retenue ici est de faire au-delà de l’attractivité directe des ac-
leur mise en délibération et l’arbitrage un pas de côté, d’ouvrir des horizons de tivités et services rendus par l’ALESA. Et
de ces contradictions (1) . Et que pour cha- réflexions, certains méritant davantage cela pose aussi la question de l’engage-
cune de ces étapes, les modalités d’ex- de débats, d’autres plus opérationnels. ment associatif largement évoquée par
pression sont à inventer. Beaucoup d’autres idées peuvent venir les jeunes représentants des ALESA lors
enrichir la petite palette ci-dessous des rencontres nationales.
car le plus souvent, les réponses sont
Lors des rencontres nationales des à construire localement pour chaque A partir de cette question du nombre
ALESA à Bugeat en avril 2014, un cer- situation. d’adhérents, découlent d’autres ques-
tain nombre de sujets ont fait l’objet tions concernant :
d’ateliers et de débats. Ces sujets choisis -- les activités : réservées aux mem-
par les jeunes eux-mêmes étaient pour bres ou non ?
certains des situations concrètes insa- -- la question des manifestations
tisfaisantes rencontrées par les ALESA, publiques et le rôle des ALESA dans
pour d’autres des actions à développer l’animation des territoires
voire des transformations à opérer sur -- la question de l’assurance et de la
les fonctionnements. responsabilité civile
-- la question du financement de
l’association
-- la question du sens de l’asso-
ciation : pour qui, pour quoi,
(1) Voir la définition donnée par le philosophe Paul pourquoi… ?
Ricoeur
62 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

Les causes de la désaffection asso- de cotisations perçues dans les fonction- démocratique, la participation à prix
ciative, dans certains EPL, peuvent être nements actuels, donc peu d’adhérents libre est aujourd’hui un acte militant
nombreuses. Nous pouvons faire l’hy- «réels». alternatif à la tarification. «Le prix libre,
pothèse que la démarche volontaire de c’est le début de la solidarité, de l’Auto-
s’inscrire est un frein aujourd’hui, que gestion et de la prise en main de cha-
le prix d’une cotisation peut également cun-e par elle/lui-même» (4) . Il nécessite
rebuter, mais aussi et surtout que «l’as- La question du explications, pédagogie et transparence
sociation» n’apparaît pas comme attrac- sur le budget, ainsi que non-recherche
tive à un public qui n’a pas «la culture financement de profit, afin que chacun comprenne
associative».
de l’ALESA les enjeux de la participation libre. Cette
formule est sans doute plus lourde à
En effet, certaines valeurs du monde
mettre en place avec les apprenants les
associatif comme l’activité non lucra-
plus jeunes, qui souvent ne cotisent pas
tive, le non- marchand, l’engagement Mais alors Comment personnellement mais par l’entremise
bénévole, se trouvent confrontées finance-t-on l’ALESA ? du carnet de chèque parental. Raison de
aujourd’hui à d’autres logiques : la com-
plus pour créer débat autour de l’adhé-
pétition, les valeurs de «gagnant» par Les membres de droit étant exonérés
sion et du prix, de la valeur.
exemple, et ont du mal à être audibles de cotisation - car en effet il n’est pas
des jeunes. «Pas de société solidaire envisageable de faire payer des mem-
sans associations citoyennes» est un bres de droit - comment finance-t-on
des slogans du collectif des associations
citoyennes (2) .
l’ALESA ? D’autres formes
La gratuité : lorsqu’il y a très peu d’ad-
hérents dans l’association, la gratuité ne de structuration
remet pas en cause fondamentalement
l’équilibre du budget. Mais pour nombre
associative ?
Tous les apprenants membres d’ALESA, les cotisations sont la première
de droit  ou comment ligne des produits. Il serait alors néces-
saire pour l’ALESA d’explorer de nouvel- Reproduction du
lutter contre la fuite des modèle pyramidal des
les sources de financements, pour per-
adhérents ? organisations ?
mettre de compenser la perte du produit
Une idée simple serait de considérer des adhésions.
L’organisation majoritaire et quasi
que tous les apprenants de l’établisse- Une subvention de l’EPL vers l’ALESA hégémonique des associations en France
ment sont membres de droit de l’ALESA, serait-elle envisageable ? Oui mais, dif- reproduit le schéma pyramidal de l’Etat
et de l’inscrire dans les statuts (3) . ficile à généraliser, car cela dépend des sous la Ve république : un-e président-e,
Les apprenants qui ne souhaiteraient réalités financières des EPL. Une autre un bureau, un conseil d’administration
pas être membres de l’ALESA devraient piste à explorer pourrait être celle des et une assemblée générale.
alors en faire la demande. Cette mesure EPL qui dispensent des prestations pé-
Qui a fréquenté un tant soit peu le
permet de simplifier la question de l’ad- dagogiques payantes, dans le cadre d’un
milieu associatif sait que les AG sont
hésion et d’afficher un nombre d’adhé- atelier technologique par exemple. Le
souvent des chambres d’enregistrement
rents important. De plus les apprenants retour d’une partie des produits de l’acti-
de ce que décide le président, au mieux
seraient alors de fait en position d’être vité générée pourrait revenir à la gestion
le bureau. Mais nulle part – dans ses 9
«impliqués» dans l’association, et lé- «directe» des élèves via leur association.
articles du titre I – la loi de 1901 n’oblige
gitimes pour participer aux instances, Certes, pas tous les établissements gé-
à une telle organisation stéréotypée.
fussent-elles en tout début d’année à un nèrent ce type d’activités, d’autres pistes
Elle n’empêche en rien une autre orga-
moment où il n’y a pas encore beaucoup seraient alors à explorer.
nisation de l’administration de l’associa-
tion. Le «Cun du Larzac» apparaissait à
ce titre expérimental dans les années 70,
Le prix libre, une nouvelle avec une administration collégiale et des
(2) http://www.associations-citoyennes.net/ et
« Concurrence : marché unique, acteurs pluriels. forme de participation et responsabilités tournantes.
Pour de nouvelles règles du jeu » (mai 2002) d’engagement ?
(3) Voir le fonctionnement de l’ASMA, action socia-
le du MAAF, au sein de laquelle tous les agents Pour les associations plus avan-
du MAAF sont membres associés, c’est à dire
membres de droit. cées dans leur développement (4) http://1libertaire.free.fr/Prixlibre01.html
Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations 63

Qu’est ce que cela améliorerait dans le du monde rural, élus, directeurs d’EPL,
fonctionnement des ALESA ? Imaginons La question de la présidents de MSA, de crédits agricoles,
la possibilité d’une administration collé-
giale pour les ALESA, des co-présidents,
transmission etc. sont d’anciens élèves de l’enseigne-
ment agricole, et très souvent d’anciens
des responsabilités tournantes etc… Ces Prolonger l’adhésion des responsables de l’ASC (association spor-
formes d’organisation alternatives per- anciens responsables ? tive et culturelle). Le monde a changé,
mettraient d’une part de faire évoluer et le monde rural aussi. Les circuits de
les représentations des jeunes et des Un point me semble particulièrement formation et de cooptation ne sont plus
adultes sur les associations, et d’autre à améliorer ou au moins à clarifier dans les mêmes. Qu’en est-il aujourd’hui des
part de partager des responsabilités le fonctionnement actuel des ALESA : la responsables des ALESA ?
entre jeunes, voire de se compléter selon place des anciens. Certes l’ALESA n’est
les points forts de chacun (5) . pas l’amicale des anciens, association
traditionnellement réservée au sein des La reconnaissance
EPL à fédérer les anciens élèves. Je veux au sein de l’EPL
Désignation des parler ici des anciens responsables de
responsables : l’ALESA. Dès lors que ces jeunes quittent
l’EPL leurs études terminées, ils n’ont Les situations sont très diverses d’un
le tirage au sort ?
plus de place dans l’ALESA. Or, j’ai deux EPL à l’autre. Cependant, la question est
L’élection est-elle le seul moyen de exemples d’anciens présidents prenant largement partagée par les responsables
désigner les représentants ?  particulièrement soin de «leur asso- des ALESA : ils n’ont pas le sentiment
ciation» après leur départ, en lien avec d’une reconnaissance de leur rôle, de
D’autres moyens existent dont le l’enseignant d’ESC, mais sans statut, ni leur statut, de leur travail au sein de la
tirage au sort qui apporterait toutes les reconnaissance. La rénovation du Bac communauté éducative de l’EPL. Com-
garanties de la démocratie. Le propos est Professionnel a rajeuni la population des ment améliorer cette reconnaissance ?
intéressant à creuser pour des éduca- lycées et raccourci leur passage dans les Faut-il mettre en place au sein de l’ensei-
teurs… à la démocratie justement. établissements agricoles. Ainsi le temps gnement agricole public le statut de res-
L’ALESA pourrait-elle être ce lieu d’exercice des responsabilités qui, il y a ponsable associatif étudiant(6) , comme à
d’apprentissage, où les représentants une dizaine d’année s’étendait encore Paris 3 - Sorbonne ? Le rôle de délégué de
seraient tirés au sort ? Nous pouvons sur 4 à 6 années, est aujourd’hui souvent classe, élève de l’enseignement agricole,
imaginer toute sorte de mandats et de au mieux d’un ou deux ans. Les jeunes est reconnu par décret et arrêté (7) . Les
révocabilité. D’une façon simple, dans responsables, à peine formés et opéra- délégués de classes ont un conseil au
chaque classe ou groupe de formation tionnels, sont alors obligés de quitter sein de l’EPL, sont représentés dans les
présent dans l’EPL, il pourrait y avoir un le bureau de l’association, sans pouvoir instances, leur engagement est valorisé.
ou deux représentants tirés au sort – de transmettre ou partager leur expérience. Il conviendrait de donner une place aux
préférence par les apprenants eux-mê- Une disposition leur permettant d’ad- responsables associatifs. En effet, l’ALE-
mes – pour créer le collège dirigeant. hérer encore dans les six mois ou dans SA – comme l’Association Sportive rem-
Ensuite selon les contraintes particu- l’année suivant leur départ, permettrait plit un rôle éducatif important dans les
lières, les membres du bureau peuvent dans certaines situations des transitions
à leur tour être tirés au sort dans ce plus douces et plus fécondes.
groupe pour exercer des responsabilités (6) http://www.animafac.net/actualites/anima-
fac-sorbonne-nouvelle-experimentent-statut-
particulières (président, co-président, responsable-associatif-etudiant/
trésorier, etc… ). (7) Décret n° 2011-1462 du 7 novembre 2011 relatif à
la représentation des élèves et étudiants dans

La question de la les instances consultatives de l’enseignement


agricole

reconnaissance Arrêté du 19 avril 2012 relatif aux modalités


d’organisation des élections des représentants
des élèves et étudiants des établissements
publics locaux d’enseignement et de formation
professionnelle agricoles dans les instances
Un des points de départ pour or- consultatives de l’enseignement agricole
ganiser les rencontres nationales des Arrêté du 19 avril 2012 relatif aux modalités
ALESA a été de se poser la question des d’organisation des élections des représentants
des élèves et étudiants des établissements men-
(5) Certains jeunes plus à l’aise en expression en responsables associatifs et de leur deve- tionnés aux articles L. 813-8 et L. 813-9 du code
public, d’autres dans des tâches administratives, nir. En effet, de nombreux responsables rural et de pêche maritime dans les instances
dans la négociation avec les partenaires. consultatives de l’enseignement agricole
64 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

EPL, en particulier dans ceux qui comp- Mais le partage d’une culture com-
tent une majorité d’internes. J’ai connu mune est aussi une demande des jeunes,
un directeur d’EPL qui recevait tous les notamment des responsables réunis aux
lundis matin à 10h00 dans son bureau – rencontres nationales de Bugeat. L’idée
avec café – le président de l’ALESA pour de partager des ressources d’une ALESA
évoquer avec lui la semaine à venir et la à une autre, sur des questions de fonc-
marche du monde ! tionnement, de gestion, de communica-
tion a été fortement évoquée. Faudrait-
il imaginer une «fédération» nationale
Une reconnaissance des ALESA ? Un réseau national d’appui
de l’expérience associative ? aux ALESA ?
Une expérimentation autour d’une
Les jeunes, responsables associatifs
plateforme web «ALESA» - qui était une
de l’ALESA pourraient par ailleurs valider
proposition des rencontres de Bugeat -
leur expérience associative dans le cadre
est en cours de réflexion à l’ENFA (8) en
d’un dispositif existant ou à créer. Deux
partenariat avec des jeunes responsa-
dispositifs «jeunesse et sports» peuvent
bles d’ALESA, notamment en Midi-Pyré-
retenir l’intérêt :
nées. Celle-ci pourrait être un premier
Le CFGA – Certificat de Formation à la élément de partage et de culture com-
Gestion Associative - mune entre ALESA.
Le BASE - Brevet d’Aptitude à l’Ani-
mation Socio-Educatifve- sanctionne
les compétences et l’expérience acqui-
ses dans la pratique d’activités socio- Ainsi l’Association des lycéens, étu-
éducatives. diants, stagiaires et apprentis dans les
EPL, peut être ce noyau d’éducation
Ces dispositifs peuvent être valorisés
populaire visant à l’apprentissage et au
ensuite soit dans un parcours qualifiant,
développement de la démocratie.
soit dans le cadre d’une VAE. Ils sanction-
nent également la reconnaissance de Pour y parvenir les différents acteurs
compétences, qui peuvent être mises en ne doivent pas limiter leur imaginaire,
valeur dans un engagement bénévole ou tant du point de vue de l’organisation
professionnel. que des procédures.
Les rencontres nationales des ALESA à
Bugeat ont montré l’enthousiasme des
Partager une jeunes à penser cet outil, à le question-
ner, à imaginer des solutions pour leur
culture commune ALESA, pour celles des autres aussi, dans
un vrai exercice démocratique de débats
de l’association et d’échanges (9) .

La formation des enseignants d’ESC,


mais aussi d’EPS et des CPE à la question
de l’association est très importante pour
avoir une culture commune sur ce sujet
dans les EPL. Il s’agit de partir d’une ré-
flexion sur le sens donné à l’association
dans l’éducation des jeunes, à savoir,
(8) Ecole Nationale de Formation Agronomique
l’association comme levier éducatif,
(9) La SCOP Vent-Debout de Toulouse nous a aidé à
comme espace d’autonomie, comme concevoir et à animer les rencontres nationales
moyen d’exercer des responsabilités. des ALESA de Bugeat en novembre 2013 et avril
2014
Epidialogue,
Philippe SAHUC
66 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

Epidialogue
Philippe Sahuc
sociologue. Ecole Nationale de Formation Agronomique - Toulouse

Si le maître mot est que l’ALESA permet le dialogue et que ce sont aussi plusieurs for-
mes de dialogue qui permettent aux ALESA d’exister à la hauteur de leurs ambitions,
alors l’épilogue lui-même se devait d’être en forme de dialogue !
Dialogue entre jeunes et moins jeunes, entre qui a envie de faire et qui est payé-e pour
cela, entre qui se sent missionné-e pour et qui a surtout envie de s’amuser...
Mais aussi dialogue entre toutes celles et tous ceux qui ont écrit dans ce numéro de
Champs culturels et les échos joueurs et constructifs de Bugeat(1)... Constructifs ? A
condition que les échos soient durables !

(1) Ville de Corrèze dans laquelle se sont déroulées les premières rencontres nationales des Associations de Lycéens, Etudiants, Stagiaires et Apprentis
du 7 au 10 avril 2014

que de pré-raison et qui ne s’engage quelque chose existera de toutes façons


Ah, l’engagement ! qu’en marge de son métier, toujours maintenant que le tour est pris...
soupçonné de n’en être pas un, le métier
d’élève...
Dans la grande compétition à être les
plus bénévoles, les 16-24 ans ont moins _ Ah so... Ah si on... Si on... tous en-
S’ajuster
de trente points ! Eh oui, ils et elles ne semble, tous ensemble, si on faisait tous
sont que 29% à être adhérent-e-s d’as- ensemble, pour tous ensemble dans une _ Alesa... passé simple, troisième per-
sociation... D’accord, mais les autres ne association ! sonne du singulier, d’un verbe signifiant
font que 5 points de plus... ajuster, en le faisant tourner, un cylindre
à ses bords... C’est vrai qu’à Bugeat, ça
_ Et, de plus, les jeunes qui se disent
jeu-ne et pourtant aiment le jeu ont leur La participation a tourné, avec Télé-Millevaches ! C’est
vrai que dans les ALESA de France et de
forme d’engagement... Ah, l’engage- Navarre, on s’est poli dans l’habitude de
ment ! Mais attention, parfois langage se frotter à des pairs avec lesquels, avec
ment... Les limites à la participation des jeunes lesquelles on avait à décider !
On s’engage en mettant sa propre valeur ne sont pas directement juridiques mais Celles et ceux qui se mettent en service
en jeu et plus les générations avancent, la participation des jeunes est limitée auprès des associations, compagnes et
plus elles gèrent le temps associatif par celles et ceux à qui elle fait peur... compagnons de route des jeunes, se po-
comme le temps de travail et comme le sent des questions d’éthique pour susci-
temps privé... _ miedo (peur espagnole)... parce que ter, solliciter, accompagner encore...
ces jeunes ne seraient que des mi-ado ?
_ On mélange le beurre de la jatte et
la thune du beurre ? Tu n’es abus jatte ? _ ragal (peur wolof)... on croit que le
Mais, figurez-vous qu’à Bugeat, des prof se régale à parler en continu mais L’éthique
jeunes ont su gérer rencontre, réflexion, cela cache parfois la peur de ce qu’il
écoute et expression et c’était certes y aurait à la place de sa parole... brou-
en avril dernier, juste après la queue du haha ? Pire... silence ? Pire... initiative ou _ chic, ô problème éthique... éthique
poisson ! controverse ? à tique, car ça démange et parfois du
lundi au jeudi à ne plus s’arrêter, à en
_ Fear (peur anglaise)... Frightening devenir blême... ah ! la problématique de
Even Administration Red... Ne faudrait-il l’éthique et sans parler de la tactique...
Etre utile aux pas un front de formé-e-s à ne plus avoir Certains, certaines parlent de bascule-
peur de la participation des jeunes ?
autres Ah qu’il est dur d’être aussi positif que
ment en ALESA !

les jeunes, même quand on se tient tout


auprès d’elles et d’eux ! ...envisageant
Etre utile aux autres serait la raison pre- pourtant parfois que l’ALESA puisse
mière de cet âge soupçonné de n’être disparaître mais confiant-e en ce que
Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations 67

Millesources à doux regard de vache a


En équilibre accompagné plus que formé et d’ailleurs Levier social
aussi déformaté au pas sage...

_ Peut-être parce qu’on est en équili- _ ainsi tel est pis qui croyait pendre Et si l’ALESA était un genre de levier
bre entre l’évaluantéducatif d’un côté, le et tel Emile, tel Jean-Jacques ! social ?
loisirvoiredivertiss de l’autre... Faites-leur encore confiance puisqu’ils et
En équilibre entre deux versants, bien elles ont su tourner, apprendre à encore _ comme une massue qui sait faire
connus lorsqu’on est professeur-e et ani- plus dialoguer, ajouter à leur blason déjà passer la boule lourde par-dessus la tige
mateur-animatrice à la fois, conformant fleuri la valeur « pour les autres », forger fine ? Comme une bouteille à moitié
les connaissances dures et ménageant le le triptyque autonomie-crédibilité- pleine avec laquelle on jonglerait et qui
plaisir doux... rebondir... saurait nous faire apparaître à un certain
moment de sa trajectoire la partie pleine
qu’on peut avoir tendance à oublier...
Education au L’existant et le Et ainsi se rejoignent les élèves des mas-
ses qui suent, les élèves des familles qui
politique futur des ont de la bouteille sociale et cela peut
faire des fêtes d’outre-peur, d’outre-mur,

associations d’outre-mer...
_ Eh oui, l’Alesa retaille les cylindres
_ ...et y gagner ou regagner l’estime
mais c’est aussi un papillon de l’ama-
qui fait leste-âme !
zone... _ l’idéal... Préparer le lit des al...
Pour tout ça, politique éducative ! théas, si vous aimez les fleurs ; al...ises,
si vous aimez les fruits ; al...ternatives, si
_ Et pourquoi pas éducation au poli- vous aimez le changement ! Métamorphose
tique ? Et populairement et association-
nistiquement, s’il vous plaît Monsieur Pour penser de façon singulière et ex-
Mauss ? périmentale l’existant et le futur des Un jour, des gazouillis de blog ont ren-
associations, les un-e-s ont nomadisé en contré l’éthique du Toreau...
se chinant comme si cela allait de soie,
Se sentir à sa l’autoréflexivité, les autres ont tombé le
masque de l’encadrement et de la trans-
_ N’était-ce pas le fameux prin-
temps, aussi des plumes et des fronts la-
place mission pour se montrer bienveillants
contributeurs-contributrices...
boureurs, découvrant par ailleurs son lit
des althéas, des alises, des alternatives ?
Le miracle est qu’au lieu d’en être gon-
Untel a pu redécouvrir à Bugeat que les flé-e, on s’en sent re-gonflé-e ! Et qu’on
savoirs pouvaient-devaient se co-cons-
truire et a pu se sentir soi-même ni in- Participer vivrait sans plus se poser la question de
la con-formation la rencontre qui provo-
contournable-indispensable, ni heureu- que une métamorphose...
sement indésirable, ni même indésirable
(heureusement!) pendant qu’unetelle y _ Chaud patate ! Et personne ne se trou-
a trouvé la motivation de se présenter ve écarté pour autant... Même si le sort
à la présidence de l’association du lycée en est jeté lorsque la rotative alèse, Ouh Les sadaptères
et d’envisager une poursuite en BTS dé ! histoire d’un heureux has’art ?
d’animation... Pour accompagner les jeunes vers leur
autonomie, il a fallu apprendre avec _ de L’ALESA papillonnante naît
_ jouer à être jeune... je ne sais par- eux et elles à construire des espaces de une nouvelle génération d’êtres ailés,
fois, jeune sait parfois... jouer à être je ladite autonomie, laisser les jeunes être les sadaptères, dont on peut tou-
ne... easy ? Y sait peut-être... au cœur des rencontres tout en tenant le jours dire après mue, re-réflexion : ils
temps et surtout reposer en permanence s’adaptèrent !
les questions : participer pour qui ? Pour ... et pour lesquels même les réseaux,
quoi ? Pourquoi ? d’ordinaire pièges, deviennent auxiliaires
Formé / déformaté et auxi more encore !
_ ...tout en résistant aux grands
vents du printemps, mesurés en degrés
En se mêlant de celles et de ceux qui ont sur l’échelle de Ventdebout, « sans crain-
non seulement regardé mais fait leur dre que l’été puisse ne pas venir » !
télévision pendant quatre jours, Télé
68 Les ALESA en lycées agricoles : actions et expérimentations

que ça tourne, il faut que les angles s’ar-


Langage ment rondissent, petite ou grosse cylindrée, Le prix et la
les bords opposés s’ajusteront !
On y apprend à vivre avec les valeur
_ L’engagement mais... langage ment contradictions...
a-t-il été dit, aussi à quel son se fier ?
Quand même pas au son des cloches ! Le financement est un souci très particu-
Or, la musique -« langage du monde » lier, pardi...
a-t-il été écrit quelque part- a servi, dans Manques et pleins
telle ou telle ALESA, de ciment... _ Mais dire « sous, si! » doit-il empê-
cher d’ajouter « allez on... » ?
_ ...notamment que l’association soit Ah, le prix et la valeur... Les ALESA font
la bouteille à moitié pleine, à moitié vide travailler sur les valeurs et les jeunes
Les pratiques des désirs de chacun, chacune... connaissent ainsi leur prix !
Il y a des manques (d’adhérents, de re-
connaissance, de transmission) et des Aussi, un bureau d’ALESA, qu’est-ce c’est,
_ scie ment ? Scie musicale? Non, si pleins (de démocratie, d’engagement, pour le meilleur et pour le pire de cet
mentor des conditions requises et des etc.). exercice étrange, risqué, mais irrempla-
portées aboutissant à la note bleue... La question des valeurs peut se poser... çable qu’est la démocratie ?
Atelier des amours musicales et des
pratiques aussi ! Hâte liée toutefois par _ un gars-lot d’essais et une cultu-
la nécessité de négociation avec la vie
scolaire... Valeurs relle estamp’fille !

_ ... alors qu’on attendait hâte-la,


hâte-do... Mais ne soyons pas atterrés, _ Ainsi l’ion-papille d’Amazonie
ce n’est qu’une hâte-si, une hâte dont les rencontre les « tarons-laveurs » (notam-
conditions de satisfaction peuvent être ment après les suites d’un certain 7 jan-
mûrement étudiées en vue de les réunir ! vier encore à décrypter)...
Le lycée peut même devenir alors lieu de
lancement...

_... lance ment ? Mais non, à un jeune


Résistances
que l’ALESA propulse ainsi, on finira bien
par dire : t’es haut ! Il arrive que des résistances s’opposent à
l’existence même de l’ALESA...

Démocratie _ résistance à ce que cela relève des


élèves, et parfois obstacle de la relève
des élèves, compliquée à assurer après
L’ALESA est, quant à elle, une école de la chaque saut d’été...
démocratie...

_ Au point que, contrairement à ce


qu’on pense parfois, l’hymne des lycées
Politisation
agricoles n’est pas « machinal nous
voilà » mais « pic et pic, école et grande On accuse la dissymétrie...
âme ! »
On pourrait y tirer au sort... _ Mais le festif peut amener sur des
cimes dont les souvenirs sont certes
_ as art ? après coup à trier... Dis cime et trie...
On pourrait s’y former à la démocratie, à Dissymétrie et pôle... et politisation ?
son contexte, à de possibles outils mais
surtout pas à un modèle... _ pour les jeunes aujourd’hui, elle
passe par l’association, c’est le must, elle
_ ALESA, alésons... Pour cela il faut à nous le dit !
69

Contact
Coordination Alsace Corse Nord Pas de Calais
Claire LATIL Sabine DUCASTEL DRAAF-SRFD DRAAF-SRFD

Correspondants régionaux
Chargée de mission réseau Legtpa de Rouffach Le Solférino Cité Adm BP 505
« animation et développement 8 aux remparts 8 cours Napoléon 59022 LILLE Cédex
culturel » 68250 ROUFFACH 20176 AJACCIO Tel : 03 20 96 42 20
DGER Tel : 03 89 78 73 00 Tel : 04 95 51 86 77
S/D des Politiques de Formation sabine.ducastel@educagri.fr Basse-Normandie
et d’Éducation
Champagne-Ardenne Xavier GUÉRIN
Bureau de la vie scolaire, étu- Aquitaine
diante et de l’insertion Laurent LEDOUX LEGTA Le Robillard
EPL du Tarn Auriane Faure Lycée agricole Lieury
Site d’Albi CRARC – DRAAF/SRFD du Balcon des Ardennes 14170 LOUDON
Route de Toulouse Rue Kiéser 27 Rue du Muguet Tel : 02 31 42 61 10
81000 ALBI 33000 Bordeaux 08090 Saint-Laurent xavier.guerin@educagri.fr
Tel : 05 63 49 43 75 auriane.faure@educagri.fr Tel : 03 24 57 49 26
claire.latil@educagri.fr laurent.ledoux@educagri.fr Stéphane BILLARD
Auvergne LEGTA de Sées
Rue du 11 novembre 1918
Contact DGER DRAAF-SRFD 61500 SEES
Catherine HERITIER Franche-Comté
Françoise ROSSI Tel : 02 33 8 74 00
S/D des Politiques de Formation Site de Marmilhat - BP45 Dominique DEON stephane.billard@educagri.fr
et d’Éducation 63370 LEMPDES Legtpa de Besançon
Bureau de la vie scolaire, étudi- Tél : 04 73 42 27 70 2 rue des Chanets Haute-Normandie
ante et de l’insertion catherine.heritier@educagri.fr 25410 DANNEMARIE SUR CRETE
1 ter, avenue de Lowendal Tel : 03 81 58 61 41 Marion GIRAT-QUIBEL
75700 PARIS 07 SP Bourgogne dominique.deon@educagri.fr Lycée du Bois
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