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T initiatives n°495 / janvier-février 2023 / 10 euros

·L’ASSOCIATION, NOUVEAU
MARCHÉ FINANCIER ?
·RÉHYDRATER NOS PAYSAGES
·LES START-UP À LA CONQUÊTE
DE L’INSTALLATION AGRICOLE
Dossier
DERRIÈRE LE COMPTOIR
DES CAFÉS ASSOCIATIFS
 sommaire
Transrural initiatives
est publiée par l’Adir, association d’édition de :
Le réseau des Centres d’initiatives pour valoriser l’agri-
culture et le milieu rural (Civam), ce sont plus de 200
associations qui défendent depuis plus d’un demi-siècle
des enjeux tels que la préservation de l’environnement,
l’offre d’aliments de qualité, l’élaboration d’un autre
modèle énergétique, la promotion d’une agriculture durable, le maintien
d’un monde rural facteur de cohésion sociale (www.civam.org).
Lieu de rencontres, d’échanges et vecteur d’intégration
socio-économique, le Mouvement rural de jeunesse
chrétienne (MRJC) propose aux jeunes de treize à
vivre ensemble
trente ans, vivant à la campagne ou qui l’envisagent,
de s’engager avec d’autres pour l’amélioration de leur Associations
environnement et de la société qui les entoure par l’ac- 4 S’engager dans les coordinations
tion, la réflexion, la recherche de sens et la formation. (www.mrjc.org). inter-asso pour ne pas faire seul
Le Réseau d’expérimentation et de liaison des ini- 6 L’association, nouveau marché
tiatives en espace rural (Relier) considère qu’il est financier ?
nécessaire de soutenir le développement d’autres
activités à la campagne et qu’il est urgent de leur Initiatives
donner un sens : s’installer à la campagne, mon-
ter une entreprise rurale, c’est d’abord faire le choix d’un mode de
8 La vie de château pour toutes et tous
vie. Depuis 1984, l’association d’éducation populaire Relier contribue 9 Le château de Ligoure,
à créer et animer des lieux d’échange et de mise en lien des personnes une histoire de communs
qui font ce choix (www.reseau-relier.org).
Société
Le centre de ressources sur les pratiques et les
métiers du développement local Cap Rural a 10 D'amour, d'agriculture et d'eau suisse un autre développement
pour vocation de promouvoir le développe- 11 Design en rural : l’exemple
ment des territoires ruraux et périurbains d'Au- de la cohabitation avec le loup Agriculture
vergne-Rhône-Alpes. Depuis 1996, Cap Rural
porte le projet d’espaces ruraux vivants aux fonctions diversifiées 28 Arpentages – Des fermes et des
(productive, résidentielle, touristique et nature), mettant en œuvre systèmes n°9 – Auprès du goût
de réelles dynamiques économiques, sociales et environnemen- 30 Les start-up à la conquête de
tales, dans le cadre de relations équitables avec les espaces urbains
(www.caprural.org). l'accompagnement à l'installation
agricole
Le Réseau des Créfad est une coor-
dination d’associations se reconnais-
sant dans des valeurs communes
ménager les ressources Solidarité
en référence au Manifeste de Peuple et Culture comme l’éducation 32 Alimentation :
populaire, la laïcité, la lutte contre les injustices ou encore l’entraî- Environnement sortir du don, mais à quel prix ?
nement mental. Ses membres travaillent l’accompagnement, l’habi- 12 Réhydrater nos paysages
ter, la vitalité des territoires ruraux, de la jeunesse, de l’interculturel, Initiative
le rapport à la lecture et à l’écriture. Ils œuvrent ensemble pour se
Société 34 Un train électrique et autonome
renforcer, s’inspirer et se soutenir mutuellement, construire du neuf pour redynamiser les campagnes
(www.reseaucrefad.org). 14 Les circuits courts de l’électricité
Chronique
Le Réseau national des espaces-test agricoles 35 La Guerre des mots – acte XLVIII
(Reneta) a pour objet la promotion du test
d’activité pour favoriser l’installation agricole. Il
regroupe notamment des espaces-test en fonc- Quatrième de couverture
tionnement ou en projet qui se reconnaissent dans les valeurs de
l’économie sociale et solidaire et de l’éducation populaire. Ils sont au La photo est signée Fred Hauss, paysan vigneron dans le Saumurois et
service de porteurs de projets agri-ruraux respectueux de l’humain photographe, également auteur du cliché « Sous les serres, le désert »,
et de l’environnement et ancrés dans leur territoire (www.reneta.fr). paru en quatrième de couverture du TRI n°491. « Je suis paysan vigne-
Directeur de publication : Raphaël Jourjon - Équipe de
ron, mais auparavant, précise-t-il, j’ai travaillé dans le monde de l’image
rédaction permanente : Fabrice Bugnot, Jade Lemaire - Ont pendant 20 ans : je suis ravi de mettre mes compétences au service de
participé à ce numéro : Marine Benoiste, Prunelle Besson, Léa la cause paysanne. »
Branjonneau, Guillaume Boutanox, Isabelle Barnier, Michel Carré,
Anaïs Chapot, David Chomentowski, Léo Coutellec, Maëlys Dilé, Le samedi 2 juillet 2022 à Chanzeaux (49), le groupe Lo’jo concluait la fête de la Confédération paysanne
Félix Grippon, Raphaël Jourjon, Anne-Lise Hervieu, Marianne du Maine-et-Loire par un concert aux accents mystiques. « Après avoir rendu compte de cette journée par un
Langlet, Sandra-Vanessa Liégeois, Jean-Cl aude Moreau, Aude Vidal. travail de fourmi reporter, je trouvais qu’au coucher du soleil, l’ambiance générale était à la plénitude et à la
Maquette : Catherine Boé
Impression : Evoluprint, Bruguière contemplation, se souvient Fred. La fête avait été tellement belle que les invité·es se déchaussaient, ils et elles
Administration / Rédaction : faisaient comme chez eux. »
18, rue Claude Tillier – 75 012 Paris
Tél. 01 48 74 52 88
Site internet : www.transrural-initiatives.org
Mail : transrural@globenet.org
CRÉDIT PHOTO DE LA COUVERTURE : Maison de la halle.
ET DE LA COUVERTURE DU DOSSIER : Association La coudée
(Là-itou)
Reproduction autorisée sous réserve de demande
– n°CPPAP : 0625D86792 – ISSN : 1165-6166 –
(Ré)abonnez-vous à Transrural initiatives
2 Transrural
Dépôt légal : février 2023.
initiatives sur la boutique en ligne de la revue

découvrir
36 BD
37 En revues
38 Au fil des lectures
15 à 27 dossier
Derrière le comptoir des cafés
associatifs
Café-librairie, citoyen, épicerie, culturel… Dans ces projets associatifs,
le café n’est qu’un outil pour créer un espace de rencontre, de culture
et de solidarité et susciter des dynamiques. Ce dossier, construit avec le
Réseau des cafés culturels et cantines associatifs, propose un aperçu de
ce qui distingue ces cafés des bistrots traditionnels, des besoins aux-
quels ils répondent ou encore de ce qu’ils ouvrent comme possibilités,
notamment en rural. Il aborde également les questions de mixité sociale,
d’accès à l’alimentation ou de formation.
ASSOCIATION LA COUDÉE (LÀ-ITOU)
À VOS STYLOS !
Transrural initiatives est une revue participative, dans le sens où elle met en
place un processus de rédaction collective avec différents acteurs en interaction
(militants associatifs, animateurs, journalistes), ce qui permet également d’avoir
un ancrage sur le terrain et de se faire le porte-voix d’initiatives locales. La revue
est ouverte à vos propositions d’articles, écrits, réactions… Chaque mois, le
comité de rédaction discute des sujets à traiter au téléphone et vous y êtes les
bienvenus ! Vous pouvez aussi nous envoyer vos idées d’articles, vos réactions
ou des informations et ressources par mail ou en nous appelant. À vos stylos !
http://boutique.transrural-initiatives.org
éditorial
Éléments de langage
U
ne réforme des retraites chasserait-elle les anciennes ? Si le gouver-
nement dépose un nouveau projet de réforme, est-ce pour faire du
neuf sur du « pas si vieux » ? Le président de la République élu en
2022 ne contredit-il pas celui élu en 2017, qui disait qu’il n’y avait pas de
nécessité à revoir l’âge légal de départ à la retraite ?
Les syndicats de salariés ont peu à peu découvert les inconvénients majeurs
du projet de réforme : allongement du temps de travail aussi bien par le
nombre de trimestres à valider que par la hausse de l’âge légal de départ.
Avec des contreparties ? Oui, mais elles sont si disparates, si merveilleuse-
ment ciblées, si incomplètes qu’elles ressemblent à une collection de petites
rustines collées au hasard. Des rustines qui n’arrivent même pas à remettre
une justice entre hommes et femmes !
Pourtant le gouvernement avait travaillé l’aspect « justice » dans un éclair
de lucidité avec la formule magique : 1200 euros brut par mois de retraite
pour tous !1. En fait, ce n’est qu’un miracle recyclé, puisque c’est celui qu’on
avait promis aux retraités de l’agriculture lors de la loi « Chassaigne » en
2021. Le gouvernement avait repris à son compte une proposition de loi du
député « Gauche démocratique et républicaine » pour la moudre à sa sauce.
Mais le miracle n’a pas eu lieu et la majorité de conjoints d’exploitants,
aides familiaux et personnes à carrière incomplète ont pu constater que
rien n’avait bougé dans les versements de leur pension2 ! Auparavant on
disait que le politique pouvait baratiner, dorénavant on dira que le politique
utilise des « éléments de langage ».
Plus qu’un mouvement social des seuls salariés, l’expression du mécon-
tentement présente une particularité nouvelle : le monde rural participe
grandement. Dans mon chef-lieu de département, 45 000 habitants, on
compte deux manifestations à 10 000 personnes et les deux autres à 5 000
minimum, en l’espace de trois semaines. Du jamais vu. Il y a un fort ressenti
d’injustice. Mais s’appuie-t-il sur des faits ?
Oui, selon l’économiste Thomas Picketty. Si le gouvernement veut récolter
17,7 milliards d’euros par an, cela ne doit pas se faire sur le dos des moins
nantis : « Si le gouvernement présentait les chiffres (de décomposition par
niveau de revenu ou par classe sociale ou profession) on se rendrait compte
immédiatement que les plus riches sont mis à contribution à un taux nette-
ment inférieur à celui des classes moyennes et des plus pauvres. » Eléments
de langage ou justice : il faut choisir.
Dans ce numéro de Transrural, on a choisi : pas de langue de bois
pour parler de justice sociale, notamment à travers les initiatives
de solidarité alimentaire du projet Territoires à vivres initié par le
collectif Accès digne à l’alimentation ou les actions de certains cafés
associatifs que nous évoquons dans notre dossier sur le sujet. On y
rappelle que dans ces initiatives, l’objectif est avant tout de « créer
un espace de rencontre, un lieu de culture, de solidarité ; de susciter
des envies et volontés, de répondre à des besoins […] de créer des
dynamiques ». Un peu comme à Transrural.
Jean-cLaude Moreau (adMinistrateur de L’adir)
1 – Pour mieux comprendre la réalité derrière ce slogan, lire notamment l’inter-
view de l’économiste Michaël Zemmour sur le site rapportsdeforce.fr.
2 – Plus d’infos : https://basta.media/La-retraite-minimum-a-1200-euros-pro-
gres-social-ou-annonce-trompeuse-l-exemple-des-agriculteurs
vivre ensemble

associations

L’association,
nouveau marché financier ?
En France, les contrats à impact social, qui transforment les associations en
produits d’investissement financier, continuent de se développer à la faveur
d’un lobbying puissant et malgré une concrétisation très laborieuse.

« Devenir prospère et faire le

bien ne sont plus considérés
comme incompatibles. » Sir Ronald
Cohen, financier britannique et père
des contrats à impact social (CIS), est
persuadé d’avoir construit la solution
aux problématiques sociales et écolo-
giques du monde : l’investissement à
impact social. L’idée est de permettre
à des investisseurs privés – essentiel-
lement des fonds d’investissement,
des banques et des assurances – de
placer de l’argent dans des projets
associatifs auxquels sont fixés des
objectifs, des mesures d’impact so-
cial ou environnemental. Si l’action
atteint les objectifs prédéfinis, l’État
ou la collectivité publique rembourse
l’investisseur avec des intérêts, calcu-
lés en fonction des résultats atteints.

UN LOBBYING PUISSANT
Ce modèle bénéficie depuis son lan-
cement en Angleterre en 2010 d’un
lobbying puissant. Il permet au mar-
ché financier, toujours à la recherche
de nouveaux débouchés, de rentabi-
liser les actions associatives. Dans la
pratique, les contrats ont beaucoup
de mal à s’incarner. Faire coïncider
logique financière et réalité humaine
et sociale s’avère particulièrement
ardu.
« La France est désormais le troisième
pays au monde qui utilise le plus ces
contrats », se réjouissait le 9 février
2022, Frédéric Tiberghien, président
de Fair, le think tank qui les promeut
en France. 21 millions d’euros sont
cours de structuration pour 45 mil- des 2 millions d’euros – avec un taux
lions d’euros. Au total, une trentaine de retour évalué autour de 5 %. Ces
de CIS sont en cours de création ou taux ne sont jamais détaillés ; les
de réalisation depuis 2016, date du contrats des CIS restent protégés par
1 - BNP Paribas par- premier appel à projet en France1. le secret des affaires. Un récent rap-
ticipe à la plupart Seuls trois sont aujourd’hui arrivés port2 révélait que ce taux se situait
d’entre eux, à la fois à terme dont celui de la Cravate autour de 4,5 % en France mais pré-
comme investisseur
et structurateur : solidaire. Cette association propo- conisait de l'augmenter jusqu’à 10 %
l’architecte du sait à des jeunes sans emploi de pour attirer plus d’investisseurs et
contrat chargé de
trouver les finan- Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise donnait pour modèle des pays où il
ceurs, construire le un atelier pour leur transmettre les peut atteindre 20 %.
schéma financier, codes vestimentaires nécessaires à À la Cravate solidaire, l’action a mis
définir les objectifs
à atteindre… un entretien d’embauche. du temps à se mettre en route. La
structuration du CIS reste, comme
2 - « Propositions
pour le développe-
10 % DE RETOUR pour chacun de ces contrats, très
ment des contrats à SUR INVESTISSEMENT ? longue, à l’image du document
impact en France », L’investissement s’élevait à 450 000 eu- qui s’étale sur plus de 100 pages.

…
rapport de Thomas
investis dans les onze CIS signés ; Cazenave, mars ros – une petite somme pour les CIS Censée démarrer en septembre
quatorze autres contrats sont en 2022. qui descendent rarement au-dessous 2018, elle n’a finalement pu se lan-

6 Transrural initiatives n˚495• janvier - février 2023


…
cer avant mai 2019. Deux indicateurs prédéfinis à atteindre puisqu’ils
de moyens ont été définis : accom-
pagner 900 personnes sur trois ans
déclenchent le paiement aux résul-
tats. Ces mesures n’ont pas pour
et sensibiliser 140 bénévoles aux but d’évaluer l’action de l’associa-
discriminations à l’emploi. Et un in- tion dans sa recherche de sens mais
dicateur de résultat : obtenir 3 % de bien de faire entrer l’action dans les
plus que la mission locale dans l’ac- contraintes du langage financier ; ils
cession des jeunes à une formation doivent donc être simples et clairs.
ou une reprise d’activité. Ce dernier « L’unité de mesure (de l'indicateur)
indicateur déclenchait le versement doit être aisément et directement
des intérêts aux investisseurs. Il n’a convertible en gain financier ou en
finalement jamais pu être calculé coût évité pour la ou les collectivi-
pour des raisons de confidentialité tés concernées », note le rapport4 de
des données… mais les intérêts ont Frédéric Lavenir, président de l’Adie, 3 - L’humanitaire
tout de même été versés par l’État porteur du premier contrat à impact. sous l’emprise du
jugé responsable de cette mesure Le gouvernement l’avait missionné néolibéralisme, Ber-
trand Bréqueville,
impossible. L’association avoue pour « simplifier l’outil ». Editions Charles
qu’elle ne retentera pas l’aventure, Léopold Meyer,
trop coûteuse en temps. EFFACER LA PERSONNE 2021.
La nécessité d’indicateurs précis et 4 - « Pour un
« RENTABILISER LA MISÈRE » simples oblige à effacer la com- développement du
contrat à impact
Dès 2016, le Haut conseil à la vie as- plexité d’un accompagnement dans social au service
sociative s’interrogeait : « Il n’est pas sa globalité, la non-linéarité des des politiques
évident que ces montages complexes parcours de vie, la relation qui ne publiques », rapport
de Frédéric Lavenir,
[…] se révèlent profitables au final se réduit pas à l’acte administratif 2019.
pour la collectivité. » L’Organisation ou l’acte de soin. Surtout, les CIS
de coopération et de développement « modifient fondamentalement la 5refl- ection « A critical
on Social
économique (OCDE) mettait en garde nature des services publics et so- impact bonds »,
sur l’opportunité que représentent ciaux, réduisant de fait les citoyens Michael J. Roy, Neil
McHugh et Stephen
ces contrats pour « former une culture à des marchandises »,5 pointent des Sinclair, Stanford
de contrôle et d’évaluation en matière chercheurs britanniques dans une Social Innovation
de prestations de services sociaux ». analyse critique de ces contrats. Review, mai 2018
Enfin, Bertrand Bréqueville, cadre Un constat qui trouve écho dans 6 - « Marchan-
dans l'humanitaire, y voit « la quin- l’analyse qu’en fait l’universitaire disation et
tessence du néolibéralisme », une Jean-Michel Lucas : « Au-delà de la fides nanciarisation
associations »,
manière de « rentabiliser la misère dimension marchande de ces pro- rapport de l’Obser-
et l’exclusion générées par le sys- duits, c’est la réification des per- vatoire citoyen de
la marchandisation
tème capitaliste »3. Au cœur de ces sonnes qui fait des contrats à impact des associations,
contrats, la mesure de l’impact une inhumanité manifeste »6. février 2023.
social ou écologique pose un cadre ■ Marianne LanGLet
extrêmement puissant d’objectifs (coLLectiF des associations citoyennes)
NAISSANCE D’UN OBSERVATOIRE CITOYEN
« Marchandisation et financiarisation des associations », titre le premier rapport
de l’Observatoire citoyen de la marchandisation des associations publié ce mois
de février. Cet observatoire, impulsé par le Collectif des associations citoyennes,
porté par une quinzaine d’associations et de réseaux et accompagné par une
dizaine de chercheurs et chercheuses, a été lancé en septembre 2022. Il vise à
décrypter les logiques de marché qui traversent le monde associatif, propose
une veille d’information et une lettre mensuelle, le Klaxon, cherche à alerter les
acteurs publics et associatifs sur cette financiarisation des associations.
Plus d’infos : https://observatoire.associations-citoyennes.net/?PagePrincipale.
vivre ensemble
en bref
POLITIQUE FONCIÈRE
Dans un avis adopté fin janvier, le
Conseil économique social et envi-
ronnemental (Cese) « appelle à dyna-
miser la politique foncière en faveur
d’une meilleure protection des sols
et d’une plus grande reconnaissance
de leur rôle environnemental, terri-
torial et de santé publique ». Parmi
les préconisations : reconnaissance
juridique du sol comme élément du
patrimoine de la nation, formations
sur le sol, démocratisation des Scot
ou respect du calendrier zéro artifi-
cialisation nette. ■
ÉNERGIES RENOUVELABLES
Le projet de loi relatif à l’accélération
de la production d’énergies renouve-
lables a été adopté début février au
terme d’une procédure… accélérée. Il
ouvre la voie au déploiement de l’éo-
lien en mer et donne sur terre plus de
pouvoir aux communes concernant
le zonage. Mais il grignote encore un
peu le droit de l’environnement et
élargit dangereusement la définition
de l’agrivoltaïsme, sans pour autant
permettre d’atteindre les objectifs du
pays pour 2050. ■
ATTENTION OGM
Début février, la Cour de justice de
l’Union européenne a ouvert, selon
la Confédération paysanne, un « bou-
levard » aux OGM issus non pas de
transgenèse mais de mutagenèse
in vitro, en rendant un arrêt esti-
mant qu’ils peuvent être exemptés
de la réglementation OGM actuelle.
Ces techniques brevetables « gé-
nèrent les mêmes modifications
génétiques intentionnelles et non
intentionnelles et donc les mêmes
risques sanitaires et environnemen-
taux » selon le syndicat, qui promet
d’œuvrer pour que le Conseil d’État
mette un terme à ces « abus juri-
diques ». ■
n˚495• janvier - février 2023 Transrural initiatives 7
ménager les ressources
environnement
ménager les ressources
Réhydrater nos paysages
Des terres crevassées par la sécheresse l’été et des pluies torrentielles
l’automne… Nous pouvons agir pour réhydrater durablement nos paysages,
tout en limitant les inondations. C’est le pari de l’hydrologie régénérative.
L e 16 août 2022, en pleine séche-
resse, plusieurs départements
français sont placés en vigilance
orange inondations. Quelques jours
plus tard, l’alerte sécheresse repart
de plus belle, tout comme les restric-
tions d’eau. Comment un même ter-
ritoire peut-il passer d’une situation
de sécheresse à celle d’inondation,
en quelques jours ?
Les inondations sont la conséquence
directe de l’imperméabilisation des
sols, aggravée par le dérèglement
climatique. Des sources qui ne
coulent plus l’été et des territoires
en aval sujets aux inondations,
voilà deux symptômes d’un même
problème : le dysfonctionnement
12 Transrural initiatives n˚495• janvier - février 2023
des cycles de l’eau. Les terres res-
tées nues une partie de l’année,
appauvries en matière organique,
travaillées dans le sens de la pente
et, pour finir, vidées de leur activité
biologique, ne permettent pas à
l’eau de s’infiltrer correctement en
profondeur. Sur ces terrains dégra-
dés, l’eau de pluie ruisselle rapide-
ment jusqu’aux cours d’eau. Si de
nombreux bassins versants ruis-
sellent, les rivières, puis les fleuves
finissent par inonder les territoires
en aval. Quand les pluies cessent,
ces terrains deviennent rapidement
secs, faute d’avoir pu absorber suf-
fisamment d’eau. Le processus de
désertification est en route.
Ouvrage de lutte contre l’érosion dans le bassin de la Durance.
L’INFILTRATION DE L’EAU
DANS LE SOL
À l’inverse, un écosystème souter-
rain riche en vie bactérienne, fon-
gique et animale assimile la matière
organique de surface pour consti-
tuer de l’humus stable, stockant dix
1 - Ruissellement : fois son poids en eau. Les vers de
écoulement à la
surface du sol des terre n’effectuent pas seulement
eaux de pluie ou de un travail d’aération de la terre, ils
celles de la fonte
des neiges, pouvant renforcent jusqu’à la cohésion des
constituer un facteur particules de sol et, grâce à leurs
d'érosion important. galeries, facilitent la percolation de
Érosion : altération
de l'écorce terrestre l’eau dans le sol. D’après Marcel
par les agents Bouché, ancien chercheur à l’Inrae
atmosphériques, spécialiste des lombrics, une popu-
hydrologiques,
ou par l'action de lation moyenne de vers de terre
l'homme. (CNRTL) (90 g/m²) permet d’infiltrer 160 mm
d’eau par heure dans le sol ! L’eau
devient disponible pour les plantes,
qui nourrissent à leur tour la vie
microbienne du sol. Dans un sol vi-
vant, l’eau pluviale s’infiltre en pro-
fondeur par gravité et recharge les
nappes phréatiques, qui sont dans
la grande majorité des cas alimen-
tées par ce biais, et non par ruis-
sellement1. Les nappes alimentent à
leur tour les cours d’eau, avec une
bien meilleure régularité au long
de l’année (et non plus seulement
quand il pleut) : les sols perméables
ralentissent le cheminement de
l’eau et jouent un rôle tampon : des
cours d’eau moins torrentiels l’hiver
et moins rapidement asséchés l’été.
COUVRIR LE SOL
Anémophile / Wikipédia
Alors, comment favoriser l’infil-
tration de l’eau dans les sols ? De
nombreuses solutions éprouvées
existent. Sur des terrains faible-
ment soumis au ruissellement et à
l’érosion, diversifier et densifier la …

… végétation, couvrir le sol en perma-
nence (de préférence avec un cou-
vert végétal vivant), réduire voire
stopper le labour ou encore planter
des haies denses, peuvent suffire à
stopper le processus. Les végétaux,
en particulier les plantes pérennes,
jouent un rôle majeur.
Mais lorsque le sol est trop dégradé
(faible activité biologique, lessivage
des minéraux, structure déficiente,
sols nus une partie de l’année,
labourés, surpâturés, etc.) et sur
des terrains pentus, une végétation
dense capable de stopper le proces-
sus d’érosion peut mettre plusieurs
années voire plusieurs dizaines
d’années à s’installer. Les humains
ont alors la possibilité d’encourager
et d’accélérer leur installation.
OBSERVER LES CASTORS
Autrefois, les castors façonnaient
les paysages. Ils installaient des
barrages dans les cours d’eau, aux
endroits stratégiques (le plus d’eau
retenue pour le minimum d’énergie
dépensée), assurant au passage
une bonne hydratation des terres à
proximité. Les castors jouaient aussi
un rôle précieux pour la santé des
écosystèmes et de nombreuses es-
pèces ont disparu de nos paysages
avec eux, à la fin du XVIIIe siècle.
Depuis peu, ils refont leur appari-
tion dans les cours d’eau de métro-
pole. Leur réintroduction constitue
selon le dernier rapport du GIEC un
des moyens d’adaptation au chan-
gement climatique, par la régula-
tion des cours d’eau.
Si les castors sont particulièrement
efficaces pour infiltrer l’eau dans
le sol aux abords des cours d’eau,
les humains peuvent jouer un rôle
dans les pentes, en s’inspirant de
leur travail. Le long des courbes
de niveau, c’est-à-dire perpendi-
culaire à la pente, il est possible
d’aménager des sortes de canaux,
que l’on nomme « baissières »,
qui retiennent l’eau lorsqu’elle
ruisselle. L’eau s’infiltre dans le
canal et hydrate le sol en aval. Le
talus formé avec la terre excavée
pour creuser la baissière peut être
planté d’arbres, densément dispo-
sés, dont les racines bénéficieront
directement de l’eau infiltrée dans
la baissière. Ces ouvrages sont
conçus comme des moyens de stop-
per le processus d’érosion à court
terme. À long terme, les systèmes
racinaires denses des arbres plan-
tés le long des baissières prendront
le relai pour infiltrer l’eau dans le
sol, et généreront un microclimat
favorable à l’installation de la vé-
gétation. Si l’usage de minipelles
et autres engins de terrassement
facilite grandement l’installation
de baissières, il est aussi possible
de réaliser des ouvrages similaires
avec « les moyens du bord », à coups
de pioche et de pelle. En Inde, un
projet de grande ampleur a permis
de capter 660 millions de m3 d’eau
de pluie en seulement quatre ans
d’aménagements, dans une région
cumulant à peine 200 à 300 mm
d’eau par an2.
RECONCEVOIR LES SYSTÈMES
AGRICOLES
D’autres ouvrages que des bais-
sières peuvent être mis en place au
cas par cas, selon les situations et
les usages, sur des terrains soumis
au ruissellement : fascines (en bois,
ménager les ressources
PERMALAB
Baissière en Charente-Maritime.
2 - https://www. en bottes de paille ou en gabions),
youtube.com/ terrasses (ou « restanques »), cor-
watch?v=-
8nqnOcoLqE&ab_ dons pierreux, etc. Dans tous les
channel=Andrew cas, le principe est le même : barrer
Millison (activer les physiquement la route de l’eau qui
sous-titres).
ruisselle de l’amont, pour lui per-
3 - Pour aller plus mettre de mieux s’infiltrer dans le
loin : Autour de sol, tout en retenant la terre et les
l’hydrologie régéné-
rative : https://hydro- matières charriées par l’érosion. Les
logie-regenerative.fr. possibilités sont innombrables et les
Exemples de projets
régénératifs : www. ressources à disposition sur le ter-
permalab.fr. rain peuvent nous orienter vers les
solutions les plus pertinentes loca-
lement.
Bien sûr, ces ouvrages doivent s’in-
tégrer à une (re)conception globale
des systèmes agricoles. Notre socié-
té occidentale a créé un système qui
certes produit en quantité à court
terme, mais dégrade irrémédiable-
ment les sols, conduisant inexora-
blement à la chute des rendements,
s’il n’est pas transformé. À nous de
jouer aux castors pour renverser la
tendance, en considérant la santé
– et donc la productivité – des sols
sur un temps long.3
■ Félix Grippon (PermaLab)
PermaLab accompagne les agriculteurs,
collectifs, entreprises et collectivités dans
la conception et l’aménagement de leurs
terrains, fermes et territoires, en France
et à l’international, à travers une activité
de bureau d’études et d’organisme de
formation.
n˚495• janvier - février 2023 Transrural initiatives 13
 DOSSIER
DES CAFÉS ASSOCIATIFS
● Cafés associatifs et dynamiques rurales................. 16
● Café associatif… une asso avant tout ..................... 18
● La mixité sociale dans nos cafés associatifs :
un idéal atteignable ? ................................................. 19
● « La cuisine, c’est un prétexte pour apprendre
à faire ensemble » .................................................... 20
● Le Magasin des possibles réfléchit à produire
ses légumes ................................................................ 21
● Prendre en compte, à son échelle,
les enjeux de l’alimentation ..................................... 22
● « Éviter les mono-cultures » ................................... 23
● SOS : les 1000 cafés se mettent à table .................. 24
● Les cafés associatifs font-ils peur aux élus ?........ 25
● Le café, lieu d’expérimentation et de test ............... 27
Transrural initiatives
DERRIÈRE LE COMPTOIR
Q ui veut un café ? Café-librairie, café citoyen, café-épicerie, café-ressourcerie,
café des familles, café culturel, café-jeux, café-concert, café-cantine… ? Pour
les citoyens qui s’investissent dans ce type de projet associatif, il y a évidem-
ment l’envie de se retrouver dans un espace où l’on peut consommer un café
et souvent une bière. Mais le café n’est qu’un outil. La finalité est de créer un espace
de rencontre, un lieu de culture, de solidarité ; de susciter des envies et volontés, de
répondre à des besoins des habitantes et habitants ; de créer des dynamiques, en
particulier dans les territoires ruraux où les espaces de sociabilité ouverts sont rares.
Ce dossier, qui propose un aperçu de ce que sont ces cafés, de ce qui les distingue
des bistrots traditionnels, des besoins auxquels ils répondent ou encore de ce qu’ils
ouvrent comme possibilités, a été construit avec le Réseau des cafés culturels et can-
tines associatifs, né en 1998 afin de créer de la solidarité entre ces structures, de
soutenir les nouveaux projets et de participer à leur reconnaissance institutionnelle.
Il s’intéresse aux dynamiques que créent ces lieux sur les territoires ou à ce qui les
distingue d’initiatives commerciales. Il aborde également les questions que se posent
les personnes impliquées dans ces projets autour de la mixité sociale, de l’accès à
l’alimentation, de la culture, de la formation ou encore de l’éducation populaire. À la
vôtre ! ■
n˚495• janvier - février 2023 Transrural initiatives 15
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La revue associative des territoires ruraux
Transrural initiatives est une revue bimestrielle portée par des organisations de dévelop- ier-février 2018
/ 10 euros
initiatives n°466 / janv

pement agricole et rural qui se reconnaissent dans les valeurs de l’éducation populaire.
En s’appuyant sur un comité de rédaction composé d’acteurs du développement rural
(animateurs, militants associatifs), associés à des journalistes, elle propose une lecture
de l’actualité et des enjeux concernant les espaces ruraux qui privilégie les réalités de ter-
rain et valorise des initiatives locales et innovantes. La revue appréhende ces territoires
dans la diversité de leurs usages et met en avant des espaces où il est possible d’habi-
ter, de se déplacer, de s’instruire, de se cultiver, de produire, de se distraire et de tisser
des liens. Ces expériences locales illustrent concrètement des alternatives au modèle
de développement économique dominant, marqué par la mise en concurrence géné- • SE SENTIR DE NOU
VEAU ACTEUR
• « ZAD WILL SUR
VIVE »
ralisée, la disparition des solidarités et l’exploitation aveugle des ressources naturelles. •SIX MOIS D’ÉTAT
S GÉNÉRAUX, POUR
QUOI ?
Transrural entend sortir de la morosité ambiante et invite à l’action ! Dans chaque
QUEL MONDE LES NO
numéro, un dossier thématique permet d’approfondir une question (ex. : Agriculture RMES CONSTRUISE Dossier
et société : vers un nouveau contrat ; Repenser l’accueil des migrants dans les terri- NT-ELLES ?
?
toires ruraux ; Les champs de la culture revisités…).
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