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TRENTE ANS DE COOPÉRATION
CULTURE-AGRICULTURE
UNE HISTOIRE, DES ACTIONS, DE NOUVEAUX ENJEUX
(26)
TRENTE ANS
DE COOPÉRATION
CULTURE-AGRICULTURE :
UNE HISTOIRE,
DES ACTIONS,
DE NOUVEAUX ENJEUX
Sommaire
p.03 Éditorial
Madame RIOU-CANALS, directrice générale de l’enseignement et de la recherche –
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt
Monsieur Noël CORBIN, Secrétaire général adjoint –
Ministère de la Culture et de la Communication
ANNEXE
p.88 Les conventions et protocoles Culture/Agriculture
3
éditorial
/////////////////////////////////////////////////////// Ce vingt-sixième numéro de la revue Champs Culturels propose une mise en
perspective de près de trente années de coopération interministérielle Culture/
Agriculture.
D’un point de vue institutionnel, cet anniversaire s’inscrit dans l’histoire des
conventions et protocoles signés depuis 1984 entre les deux ministères ; signature
ré-actualisée en septembre 2011 par une nouvelle convention « Alimentation, Agri-
Culture ».
Deux éléments caractérisent cette convention cadre : une coopération transversale
à tous les champs d’intervention des deux ministères et une ouverture à des enjeux
sociétaux qui interrogent notre époque, comme les questions relatives aux sciences
du vivant, à l’environnement, au fait alimentaire (1) .
Ce numéro de Champs Culturels propose les contributions croisées de nombreux
auteurs, qui viennent éclairer cette coopération Culture/Agriculture, dans ses nou-
velles dimensions mais également dans sa genèse, dès le début des années 60,
alors que les politiques publiques – notamment agricoles -, intègrent peu à peu les
dimensions culturelles en milieu rural.
Le maillage culturel du territoire qui progressivement favorisera des dynamiques
Directrice de la publication : rurales en matière de développement culturel nourrit la coopération Culture/Agri-
culture et favorise encore aujourd’hui la vitalité des initiatives conjointes comme le
Mireille RIOU-CANALS
montrent les nombreuses contributions réunies dans ce numéro.
Directrice générale de l’enseignement et de la
recherche Qu’elles soient portées par des opérateurs culturels, des associations, des collec-
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire, et tivités, mais également par les acteurs de l’enseignement agricole, ces initiatives
de la Forêt
témoignent des changements à l’œuvre dans nos sociétés contemporaines, notam-
ment la relation au vivant, les nouvelles mobilités, l’influence des pratiques nu-
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroali-
mentaire et de la Forêt mériques sur l’exercice de la citoyenneté ou bien encore les questions de paysage,
d’architecture, les nouvelles façons d’habiter un territoire.
Direction Générale de l’Enseignement et de la Re-
cherche (DGER) Toutes ces questions traversent l’art et la culture, et sont également au cœur de
Sous direction des Politiques de Formation et l’éducation artistique et culturelle des jeunes, particulièrement présente dans les
d’Education pages de ce numéro de Champs Culturels à travers l’action des lycées agricoles.
Bureau de la vie scolaire, étudiante et de l’insertion
Réseau Animation et Développement Culturel La nouvelle convention nationale « Alimentation, Agri-Culture » souligne à juste
1, ter avenue de Lowendal 75007 PARIS titre le rôle joué par l’éducation artistique et culturelle dans la construction d’un
regard personnel sur le monde, mais rappelle de manière plus générale « qu’une
Ecole Nationale de Formation Agronomique (ENFA) présence culturelle de qualité participe de l’attractivité - de ces territoires - et ré-
BP 87 – 31326 CASTANET CEDEX
pond aux enjeux d’une démocratie culturelle ».
Responsable de la rédaction :
Claire Latil, réseau Animation et Développement
Culturel Mireille RIOU-CANALS Noël CORBIN
Directrice générale de l’enseignement Secrétaire général adjoint
Ministère de la Culture et de la et de la recherche Ministère de la culture et de la
Communication Ministère de l’agriculture, de l’agro- Communication
Secrétariat Général alimentaire et de la forêt
Service de la coordination des politiques culturelles
et de l’innovation
Département de l’éducation et du développement
artistique et culturel
182, rue Saint-Honoré – 75033 PARIS CEDEX 01
Culture/Agriculture :
petite histoire et actualités
d’un rapprochement
Jean-François Ayats
A été chef du bureau de l’animation rurale à la direction générale de l’enseignement et de la recherche au ministère chargé de l’Agri-
culture. Est actuellement administrateur du GREP (groupe de recherche pour l’éducation et la prospective) et co-rédateur de la re-
vue POUR.
L’anniversaire du protocole d’accord la viticulture languedocienne connaît Voilà deux visions de la place de la
passé entre les ministères chargés de une crise gravissime qui s’est traduite, culture au sein du ministère de l’Agricul-
l’agriculture et de la culture est au centre entre autres événements, par la fusillade ture que l’on peut résumer par une mé-
de ce numéro de « Champs culturels ». de Montredon (mars 1976). Pour beau- taphore culinaire : le levain ou la cerise
Ma participation a été sollicitée parce coup de viticulteurs c’est la fin program- sur le gâteau.
que j’ai vécu de près la mise en œuvre mée de leur profession. Durant cette
– et en actions- de ce protocole et des période deux personnes, un directeur
conventions qui l’ont suivi. Dans cette de CFPPA et un enseignant de l’INPSA de
contribution je souhaiterais rappeler Dijon, animent des réunions de viticul- Les précurseurs
comment ce partenariat « culture-agri- teurs dans les villages des Corbières. Leur
culture » s’est inscrit dans une histoire message : l’avenir de la viticulture locale
plus longue de l’Enseignement Agricole, (dans lequel tous les deux croient) passe Au début des années soixante, Edgard
et en quoi les hypothèses et les intui- par une réinvention du métier et de la Pisani, alors ministre de l’Agriculture,
tions qui ont motivé ceux qui ont porté production s’appuyant sur une réappro- conçoit et met en œuvre une grande
ces orientations au sein du ministère de priation du patrimoine culturel et pay- réforme de la politique agricole natio-
l’Agriculture restent d’actualité. sager accompagnant une nale dans laquelle le volet
Si la collaboration Culture/Agriculture
recherche de la qualité. La Pour eux, pas de enseignement occupe
suite leur donnera large- doute, la culture est une place essentielle. Pour
a été fructueuse, et parfois encensée, cette partie de la réforme
ment raison. un facteur essentiel
il n’est pas inutile de rappeler que, si- il s’appuie particulière-
multanément, elle a été contestée et La deuxième anecdote, du changement, elle ment sur Paul Harvois.
souvent menacée – si ce n’est dans ses je l’ai vécue personnelle- ne fait pas partie du Pour eux, pas de doute,
principes, du moins dans les moyens mis ment, vers le milieu des superflu. la culture est un facteur
à sa disposition -. années quatre-vingt-dix, essentiel du changement,
lors d’une de ces négocia- elle ne fait pas partie du superflu. On
tions budgétaires annuelles où il s’agis- leur doit la création et la place faite à
sait d’éviter une nouvelle réduction des
Deux anecdotes… crédits affectés à l’action culturelle de la
l’enseignement socio-culturel inspirées,
en particulier, de l’expérience foison-
Direction Générale de l’Enseignement et nante des Mouvements d’Éducation
de la Recherche (DGER). Un membre dis- Populaire issus de la résistance et très
Pour commencer j’aimerais évoquer tingué du cabinet ministériel m’expliqua actifs dans la période qui suit la deuxiè-
deux anecdotes, assez contradictoires, « qu’il fallait être sérieux et que dans me guerre mondiale. Cette innovation
mais qui me semblent bien à même une famille quand on devait faire des – car cela en était une, et de taille ! – ne
d’encadrer mes propos. économies, il était normal de commen- s’imposera ni sans problèmes, ni sans
cer par réduire les places de cinéma… ». résistances, mais elle contribuera lar-
La première, dont je ne fus pas acteur,
Remarque frappée au coin du bon sens gement à la richesse et à la réussite de
se passe dans les Corbières à la fin des
économique : supprimons le superflu et l’Enseignement Agricole. Une vingtaine
années soixante-dix ; Dans cette période
recentrons-nous sur l’essentiel !
6 Origines et ambitions, regards croisés
d’années plus tard, une nouvelle réforme aussi (et surtout ?) le poids de l’Éduca-
de cet enseignement sera réalisée sous tion Nationale, n’ont pas fait pencher
la houlette de Michel Gervais, alors le balancier vers la première vision. Ceci
directeur général de l’enseignement et étant, si le premier antagonisme (es-
de la recherche, et de son équipe. Entre sentiel/superflu) m’apparaît radical et
autres choses elle officialisera la partici- inconciliable, dans les conceptions de la
pation des établissements au développe- société et de la formation véhiculées, par
ment culturel et à l’animation du milieu contre le deuxième (discipline/transver-
rural, et inscrira cette participation salité) laisse place à plus de compromis
comme l’une des quatre missions de et de passerelles. Il reste cependant qu’il
l’enseignement agricole, au même titre ne peut être ignoré.
que la formation. C’est dans la logique
de ces réformes que s’inscrivent le rap-
prochement et le dialogue entamés avec
le ministère en charge de la Culture qui Actualité des
aboutissent au protocole d’accord et aux
conventions Culture/Agriculture. Ces enjeux
accords, négociés d’abord au plan natio-
nal, sont ensuite déclinés régionalement
dans un contexte de décentralisation. Le rappel historique fait autour des
Mais si ces coopérations Culture/Agri- précurseurs n’est ni gratuit ni simple-
culture s’organisent naturellement au ment dû au devoir de mémoire. L’objectif
niveau régional, il apparaît souhaitable poursuivi est de souligner que ce qui
au début des années quatre-vingt-dix de préside à l’introduction de l’enseigne-
créer un cadre d’échange et de réflexion ment socio-culturel dans l’enseignement
national d’où la mise en place d’un ré- agricole, est la volonté d’accompagner
seau national dont « Champs culturels » au mieux, et le plus rapidement possible,
fut un des outils. un changement sociétal et économique
profond : le bouleversement – la « mo-
dernisation » - de l’agriculture dans la
France des années soixante. Même si,
L’autre rétrospectivement, les objectifs et les
méthodes fixés à cette modernisation
controverse… peuvent sembler discutables, ce qui l’est
beaucoup moins c’est la place attribuée
à la culture dans l’accompagnement du
Si la place de la culture – et de l’ensei- changement. Ce constat reste tout aussi
gnement socio-culturel – dans l’ensei- valable dans le contexte contemporain.
gnement agricole a souvent fait débat La mondialisation, les exigences environ-
(autour de l’opposition entre l’essentiel nementales, les attentes de la société
et le superflu), il est une autre controver- vis-à-vis de son agriculture et de ses
se qui ne manquait pas d’intérêt : celle territoires ruraux font que les boulever-
qui faisait se confronter deux visions sements qu’il faut aujourd’hui accomplir
de l’enseignement socio-culturel. Tout sont d’une importance au moins égale
en essayant d’éviter de les caricaturer, à ceux affrontés il y a un demi-siècle. Le
on peut dire que l’une véhiculait une rôle central de l’action culturelle et de la
conception plus disciplinaire de la cultu- formation citoyenne dans la maîtrise des
re, l’autre se voulant plus transversale et changements est tel que ceux qui pen-
plus tournée vers une formation à la ci- seraient et agiraient aujourd’hui comme
toyenneté. Cette deuxième vision est sû- si la culture était, encore et toujours, la
rement plus proche de celle qui animait cerise sur le gâteau montreraient sim-
les précurseurs évoqués précédemment. plement leur incapacité à mesurer les
La question peut être posée de savoir si vrais enjeux.
le rapprochement avec la Culture, mais
Origines et ambitions, regards croisés 7
(1) Fédération Loisirs et Culture Cinématographique, qui perdit ensuite un « C » dans une refonte communicationnelle
(2) Groupe de Recherche et d’Etudes pour la Promotion Sociale, devenu après différentes mutations, Groupe de Recherche pour l’Éducation et la Prospective
(3) Direction régionale de l’agriculture et de la forêt
Guignand, ancien permanent de la JOC(5) , partir de plusieurs entretiens avec Roger mâtiné de philosophie, une adepte de
organisation dont venaient également Louis, journaliste de la télévision viré en la dinanderie et du macramé, un ancien
quelques-uns des pères fondateurs de la 1968, lui aussi ancien praticien de l’édu- instituteur agricole pétri d’une pédago-
FLECC. cation populaire gie de progrès…
À l’occasion, je participai à divers sta- Cette période fut assez animée au Il fallut le poids de Pisani, l’enthou-
ges ou manifestations. Ainsi en 1966 ai- GREP, dont les troupes partirent pour siasme et le réel charisme d’Harvois pour
je participé à l’animation d’un stage pour l’INPSA (9) de Dijon, laissant Paul Harvois que l’establishment ministériel et les
enseignants marocains à Casablanca, où isolé, ce dont il souffrit assez amère- caciques locaux acceptassent de faire sa
intervenait également Edgar Morin. En ment. Ce qui me décida à passer le place à ce ver dans le fruit.
1967, j’ai été invité au Festival de Pesaro concours d’entrée à l’INPSA, et je rejoi-
À Dijon je retrouvai mes anciens
(Mostra de cinéma novo), en 1968 j’ai gnis la cinquième promotion à Dijon.
collègues du GREP, devenus les forma-
participé au jury du Festival Cinéma de
Il faut revenir un peu sur Paul Harvois, teurs de l’institut destiné à former les
Valladolid.
alors Inspecteur Jeunesse et Sports, ar- animateurs socioculturels : Passaquet,
C’est par le GREP que je fis la connais- rivé dans les bagages d’Edgar Pisani, qui Chosson, Hermelin, plus quelques autres
sance de l’enseignement agricole. Le eut l’intuition qu’un corps de fonction- (Benois…), sous la houlette de J. Baujard,
GREP organisait depuis 1965 une Univer- naires inscrits dans l’enseignement agri- ingénieur agronome rapatrié d’Algérie
sité de Printemps dans un village de va- cole (alors encore un peu (comme nombre d’autres
cances VVF : elle réunissait la promotion vieillot, technico-trente- Il faut revenir un fonctionnaires de l’ad-
sortante de chaque école d’agriculture glorieuses), que ce corps peu sur Paul Harvois, ministration agricole, j’ai
préparant des enseignants pour les donc, recruté à raison alors Inspecteur négligé cet aspect qui mé-
collèges et lycées agricoles (ENSSAA (6) , d’une vingtaine d’indivi- Jeunesse et Sports, riterait que quelqu’un s’en
ENITA (7) , ENFA (8) , - F comme féminine à dus par promotion, serait arrivé dans les baga- fasse l’historien…) mais lui
l’époque, - et promotion des animateurs à même de participer à ges d’Edgar Pisani, aussi teinté d’éducation
socioculturels en formation (volante à de nouvelles conceptions populaire.
qui eut l’intuition
l’époque), pendant 15 jours. En 1966, de la formation des jeu-
était en formation la deuxième promo- nes agriculteurs. Harvois
qu’un corps de fonc- À l’INPSA, dont j’étais
tion d’Éducation socioculturelle… dont avait certes un petit côté tionnaires inscrits un des plus vieux élèves,
ma future épouse. Mélange de conféren- paterfamilias, mais avait dans l’enseignement plutôt que de décrier les
agricole (…), que ce contenus de formation,
ces, de tables rondes, et d’ateliers pour le bon goût de se dire
partie artistiques ; c’est ainsi que j’ani- disciple de Camus, avait corps donc, recruté à à l’instar de quelques
collègues, je profitai du
mai, à la demande de R. Passaquet, l’ate- milité aux côtés de Peuple raison d’une ving-
temps imparti pour tra-
lier cinéma, au titre de la FLEC encore. et Culture, et considérait taine d’individus par vailler des domaines qui
1967, vit la troisième et dernière édition la culture comme un élé- promotion, serait à ne m’étaient pas fami-
de cette Université ; j’y participai encore. ment comportant aussi même de participer à liers jusque-là : la presse,
bien l’idée de développe- de nouvelles concep- l’économie, l’expression
ment que celle d’ouver-
tions de la formation dramatique, la peinture,
1968-1969 : GREP ture artistique.
des jeunes agricul- la photo. Cela me servit
Après quelques péripéties bien
« Tu ne trouves pas teurs. dans l’enseignement un
qu’Harvois ressemble un peu fourre-tout qu’était
dans l’air du temps, je me retrouvai fin
peu à Rouvet ? » me dit un alors le socioculturel
1968 au GREP, comme successeur de R.
jour Raphaël. En effet, un peu le même (abrégé par les élèves et même les pro-
Passaquet pour la partie artistique, et
genre de port, de volume vocal, de certi- fesseurs en « sociocul » alors).
assistai Jean-François Chosson et Janine
tudes un peu patriarcalement assénées…
Delacote dans leurs interventions péda-
Ils venaient en fait tous deux des milieux
gogiques et psycho-pédagogiques. J’ai le
de l’éducation populaire de l’immédiat 1969-78 : éducation
souvenir de (parfois rudes) compétitions
après-guerre, marmite de Peuple et socioculturelle
entre les deux derniers cités, Jean-Fran-
Culture, des CTP (10) Jeunesse et Sports…
çois et Janine s’opposant parfois sur les
théories de Rogers et la pédagogie insti- Au Lycée où je fus nommé, je dé-
Je me souviens d’une réunion où il
tutionnelle (M. Lobrot) par exemple. couvris la Bretagne, la ruralité, la
chargea son équipe de se mettre à la
pluridisciplinarité.
recherche des « faits mutants ». Quant
Je collaborai entre autres à la revue
au profil des futurs animateurs, il était Je me mis à la lecture des pédago-
que publiait le GREP : POUR, notamment
le résultat plus ou moins hasardeux de gues, race florissante à l’époque, de
le numéro 8 (il me semble… cette revue
ses rencontres pérégrines, un peu à la Piaget à A. Neill et la Lettre des enfants
ayant aujourd’hui dépassé les 200 nu-
manière christique « viens et suis-moi », de Barbiana (11) en passant par Ilitch et
méros) intitulé Pour une éducation per-
pour peu qu’il découvrît chez son in- Makarenko. J’ai d’ailleurs toujours été
manente à la télévision que je rédigeai à
terlocuteur des potentialités diverses étonné de la quasi générale indifférence
et susceptibles d’évolution : « un petit marquée par mes collègues envers les
(5) Jeunesse Ouvrière Chrétienne leader syndical », un musicien, un artiste
(6) École nationale supérieure des sciences
agronomiques appliquées
(11) Scuola di Barbiana, Lettera a una professoressa,
(7) École nationale des travaux agricoles (9) Institut National de Promotion Supérieure Firenze, 1967, Libreria éditrice fiorentina. Traduc-
(8) École nationale de formation agronomique Agricole tion française : Lettre à une maîtresse d’école,
– anciennement École nationale féminine (10) Conseillers techniques et pédagogiques Jeu- par les Enfants de Barbiana, Paris, 1968, Mercure
d’agronomie nesse et Sports de France.
Origines et ambitions, regards croisés 9
L’éducation artistique
dans l’enseignement
agricole public : le tournant
des années quatre-vingt-dix
Jean-Pierre Menu,
A été inspecteur pédagogique en éducation socioculturelle de 1990 à 2008.
Dans cet entretien, Jean-Pierre Menu nous fait partager quelques éléments de contexte
et d’analyse visant à situer l’émergence et la place de l’éducation artistique dans l’en-
seignement agricole. Ce cadre d’analyse aide à comprendre les enjeux éducatifs portés
par l’éducation artistique dans l’enseignement agricole, à savoir une ouverture aux
langages et aux pratiques qui associe les jeunes à tous les stades de la conception et de
la mise en œuvre d’une action.
Champs culturels (CC) : Avec Patrick d’activités d’expression… Dans les an- DGER finance quelques actions remar-
Dussauge (1) vous avez été en situation nées quatre-vingt, l’INPSA (3) , qui forme quables en éducation artistique et en
de responsabilité à la DGER (2) à partir les professeurs ESC, a supprimé ses patrimoine(« Eglises romanes en Poitou-
de 1990. Comment voyez-vous l’impact formateurs spécifiques dans des domi- Charentes », réunion des clubs théâtre
de la convention Culture-Agriculture nantes artistiques et prône l’orientation de l’enseignement agricole à Vire…)
sur les pratiques des professeurs d’édu- des ESC vers le développement local.
CC : Quelles évolutions peut-on alors re-
cation socioculturelle (ESC) à cette Les militants de l’éducation populaire
lever dans les années quatre-vingt-dix,
époque ? voient alors dans l’éducation artistique
et quel a été le rôle de la convention de
un piège dans lequel peut tomber l’ESC,
JP. MENU (JPM) : Il faut resituer les 90 ?
pour se transformer en « prof de dessin
pratiques en éducation artistique dans
ou de peinture ». JPM : Il y a une nouvelle loi sur les
l’enseignement agricole dans un cadre
enseignements artistiques en 1988,
historique plus large. Malgré le colloque Le contexte à l’Éducation nationale
accompagnée d’un décret d’application
d’Amiens en 1968, « pour une école nou- est tout autre : il y a une loi sur l’éduca-
pour l’enseignement agricole, et cette
velle » qui réunit éducateurs, intellec- tion artistique en 1975. Le ministère Lang
convention, qui cite nommément le
tuels et militants avec pour objectif de multiplie les incitations pour mettre au
rôle de « l’éducation culturelle ». Mais
jeter les bases d’une nouvelle pédagogie centre l’artiste, et les projets d’action
ce n’est pas la fin des résistances. Nous
dans laquelle la formation culturelle, éducative (PAE) et les classes culturelles
arrivons avec Patrick Dussauge à l’ins-
l’éducation artistique, et l’ouverture au sont mis en place dans la foulée…
pection dans le même temps. Je raconte
monde moderne seraient intégrées à
CC : en 1984 il y a pourtant déjà un pro- dans un livre à paraître sur l’histoire de
la formation générale, « une pédagogie
tocole Culture-Agriculture ? l’ESC quelques anecdotes savoureuses
dont la finalité ne serait pas la mise au
qui illustrent la méfiance de la sous-di-
travail mais la préparation à la vie en JPM : Il a eu si peu d’impact dans
rection des politiques de formation en-
commun et l’invention d’un art de vi- l’enseignement agricole que nous ne
vers une orientation de l’ESC en éduca-
vre », l’éducation socioculturelle reste l’avions même pas remarqué. Non, le
tion artistique. Jusqu’à ce basculement
imperméable au concept d’éducation seul dispositif existant, c’est le Fonds
incroyable en 1993, où on nous propose
artistique. Le mot n’est même pas pro- d’intervention culturelle (FIC) dispositif
d’appeler la section ESC : « éducation
noncé dans les circulaires sur l’ESC de croisé entre la Culture et plusieurs minis-
socioculturelle et artistique », pour le
1970 et 1979 ! On le contourne en parlant tères, dont l’Agriculture, et qui par l’in-
concours !
termédiaire de Guy Chazelle (Inspecteur
ESC) et le bureau d’animation rurale à la Parce que dans la négociation avec
(1) Inspecteur pédagogique en éducation l’Éducation nationale sur la création des
socioculturelle bacs professionnels il fallait un équiva-
(2) Direction générale de l’enseignement et de lent à la section PLPA2 « éducation ar-
la recherche du Ministère de l’agriculture, de (3) Institut national de promotion supérieure
l’agroalimentaire et de la forêt agricole tistique et arts appliqués ». Nous avons
12 Origines et ambitions, regards croisés
refusé cette appellation, mais l’équiva- des orientations et des méthodes pour de l’enseignement agricole pour ses
lence a été reconnue… développer des activités d’expression partenaires, et l’instrument interne de
dans ces domaines. réflexion, théorisation et de débat qui
Nous n’étions pas cependant restés
manquait à l’ESC.
sans rien faire. Nous avons orienté pro- CC : Et qu’en est-il des dispositifs mis en
gressivement les référentiels de forma- place pour cela ? Je rédige le deuxième éditorial du
tion vers une affirmation claire des ob- numéro 0 de la revue, intitulé « pour une
JPM : Quelques faits marquant vont
jectifs d’éducation artistique, en BTA (4) ambition culturelle », qui donne le « la »
accélérer la mise place des dispositifs
(nous avons supprimé, dans le module aux orientations à venir, en affirmant
existants, à partir des DRAC mais aussi
B1 écrit en 1985, cette phrase révélatrice notre volonté de rester ancrés dans la
des Régions. Michel Duvigneau (PEC(8) re-
dans les recommandations pédagogi- dimension éducative. Des stages de for-
cruté en 1969, cinquième promotion, qui
ques : « il ne pourrait s’agir d’une forma- mation dans des domaines artistiques
deviendra directeur de la cinémathèque
tion à l’art à proprement parler, ce n’est sont alors proposés, sur notre initiative
du Ministère de l’Agriculture) est mis à
pas la mission de l’enseignement » !) (cinéma, théâtre, arts plastiques) en
disposition du Ministère de la Culture,
puis en bac professionnel et en bactech- privilégiant les lieux de fréquentations
à la délégation au développement et à
nologique STAE(5) . culturelles. En région des dispositifs sont
l’action territoriale (DDAT), pour s’orien-
mis en place en Aquitaine, Midi-Pyré-
Nous avons également diffusé les ter vers la culture en espace rural. Il sera
nées, Rhône-Alpes, Poitou-Charentes.
« trois domaines de l’ESC(6) » que nous un relai efficace et indispensable.
venions de concevoir, et qui affichait CC : Et dans la réalité des pratiques quo-
Le bureau de l’animation rurale et du
l’éducation artistique. Et puis nous tidiennes des professeurs ESC ?
développement à la DGER, dirigé par
avons réorienté les concours de recrute-
Jean-François Ayats, crée en 1995 le ré- JPM : Il faudra du temps pour que les
ment en transformant l’épreuve écrite
seau national « action culturelle » avec pratiques en éducation artistique se
d’admissibilité de « culture générale »
ses déclinaisons régionales. Ces réseaux généralisent, sous la forme de projets
en « culture générale et artistique » dès
initient, facilitent et ac- avec une classe, de prati-
1991. Enfin, nous avons imposé, durant
compagnent la mise en ques « langagières » et de
un temps (à partir de 1994), « la domi-
œuvre des actions cultu- Bien sûr le contact formation à l’histoire des
nante d’expression artistique du candi- avec l’artiste et la
relles et artistiques dans arts en bac technologique
dat », annoncée lors de l’inscription de fréquentation des
les établissements. (module M1) ou bac pro-
ce dernier, dans l’entretien d’admission.
œuvres ont été le fessionnel (MG1). Les pro-
Le bureau d’animation
Nous avions effectivement ce moteur du dévelop- jets ont pu se développer,
rurale aide en 1995 le
pouvoir-là.
projet du réseau Rur’Art
pement de ces prati- avec des artistes interve-
L’affichage a été institutionnalisé en en Poitou-Charentes, ques. Mais très vite nants, dans le cadre du
nous avons alerté sur bac professionnel, dans
1994. Un groupe de travail « éducation de création d’un espace
artistique et éducation socioculturelle » d’art contemporain, rat- les dérives potentiel- lequel le MG1 donnait la
se réunit sous l’égide de l’ENESAD (7) taché au lycée agricole les de ces dispositifs. possibilité de conduire
un atelier avec un horaire
et de l’inspection pédagogique, avec de Venours, et largement
conséquent.
quatre sous-groupes : expression vocale soutenu par la Région. Monique Stupar
et musicale-expression dramatique-ex- (PEC onzième promotion, 1975) est mise Bien sûr le contact avec l’artiste et la
pression cinématographique-expression à disposition de l’espace qu’elle a contri- fréquentation des œuvres ont été le mo-
graphique et plastique. De nombreux bué à créer, et qui accueille des exposi- teur du développement de ces pratiques.
collègues y participent. Un fascicule est tions prestigieuses. Mais très vite nous avons alerté sur les
diffusé. Il donne pour la première fois dérives potentielles de ces dispositifs.
Enfin depuis 1994 paraît, grâce à
Dans l’éditorial du Champs Culturels n°0,
l’action de Michel Duvigneau, la revue
je formulais ainsi les exigences éduca-
« champs culturels », pilotée au départ
tives devant accompagner les projets :
(4) Brevet de technicien agricole par Joël Toreau (PEC recruté en 1978,
« La deuxième exigence repose, me sem-
(5) Sciences et technologies des aménagements et quatorzième promotion, en poste alors
ble-t-il, sur la volonté d’une action sur
de l’environnement- aujourd’hui remplacé par au lycée de Venours). Cette revue de-
STAV : sciences et technologies de l’agronomie les habitudes culturelles. Cela suppose
viendra une vitrine de l’action culturelle
et du vivant de véritables démarches d’appropriation
(6) Education à l’environnement social et culturel qui accompagnent la médiation cultu-
– éducation artistique – éducation à la commu-
nication humaine relle. Cela demande du temps et des
(7) Établissement national d’enseignement supé- (8) Professeur d’éducation culturelle, appellation compétences, et la volonté de ne pas
rieur agronomique de Dijon devenue professeur d’éducation socioculturelle
Des partenaires et des actions 13
été acquis que la première ressource au dépit de son coût, elle a accompagné sa fortement que l’identité de l’ESC était
service de l’éducation socioculturelle structuration, mais elle ne l’a pas piloté. objet de spéculations, avec batailles de
des jeunes, ce serait un corps d’ani- Elle a défendu l’ESC comme spécificité territoires et tentatives d’instrumenta-
mateurs-enseignants intégré dans la du projet de l’enseignement agricole, lisation, et que progressivement se sont
structure scolaire, porteur d’innovation, mais n’a pas voulu en faire un des élé- opérées ce que Jean-François Chosson (5)
de nouvelles modalités d’intervention, ments structurant de sa politique, a appelé les « reconversions identitai-
avec une grande autonomie d’action alors que tout était là, et notamment res ». Je prendrai trois exemples.
pour pouvoir s’adapter au contexte, aux des modalités d’action éprouvées, me-
Les relations avec le ministère de la
publics, aux partenaires. Sans en refaire nées par des acteurs expérimentés et
culture ont été vécues très différem-
ici l’histoire, il faut bien replacer l’ESC reconnus. Edgar Pisani le remarquait
ment selon les acteurs et les époques.
dans ce continuum d’un demi-siècle qui récemment, en pointant « ces multiples
Il faut attendre 1984 avec le protocole
a vu un dispositif d’Éducation Sociocul- expériences tentées localement avec
Agriculture-Culture pour que les deux
turelle jaillir d’une étincelle primitive, succès sans jamais être retenues pour
ministères définissent ensemble, au
et au cœur de ce dispositif un métier en être introduites dans le « système » (4) .
bénéfice du monde rural, des éléments
émergence, interrogé, évalué, et confor- C’est donc un paradoxe : en rapprochant
de politique commune. Saisi par les uns
té depuis 2006 autour d’un référentiel tout notre système de celui de l’Éduca-
comme une opportunité pour faire vivre
de métier qui a valeur de référentiel tion Nationale, on a appauvri, dans la
de nouvelles manières de faire le métier,
d’ACTION. formation, la nature et la quantité de
ce changement a pourtant relancé des
l’intervention dans le champ sociocul-
Mais la vitalité du dispositif, on la oppositions [culture] vs [socioculture]
turel, et c’est aujourd’hui le ministre de
doit tout autant à l’opiniâtreté des qui, pour une part, perdurent.
l’Éducation Nationale
acteurs du terrain, à leur engagement
qui note à quel point De même, le développe-
pour rendre vivante l’éducation socio-
l’ESC contribue à la
Parce qu’il rompt
ment des réseaux régionaux
culturelle à travers toute une palette
réussite éducative des l’isolement des a profondément modifié le
établissements agrico- acteurs, le réseau
de modalités d’actions (3) . Car ce sont les
métier. Chacun peut conve-
acteurs, tout autant que les décideurs, offre, dans un climat nir de l’avantage du réseau
les… Un beau chantier
qui ont produit cet objet étrange dans stimulant et créatif,
pourrait être initié par comme outil d’action col-
le système éducatif, objet d’admiration
la DGER autour de ces un temps privilégié lective : les acteurs y élabo-
tout autant que de controverses.
questions. pour l’échange et rent des projets montés en
Au point qu’aujourd’hui, les nouveaux l’innovation. commun, qu’ils négocient en
professeurs-animateurs, qui n’ont pas commun avec l’institution
vécu cette construction, ont peu idée et des partenaires, ils y re-
des débats qui ont alimenté les ré- L’ESC : Une cherchent des complémentarités entre
flexions, les postures, les points de vue, établissements, mettent en œuvre des
en complémentarité ou en opposition, capacité à faire logiques fédératrices, et expérimentent
notamment sur le terrain idéologique et
politique. Dans ce dispositif tout à fait
vivre le débat sur ensemble de nouvelles pratiques profes-
sionnelles. Parce qu’il rompt l’isolement
inédit, avec des acteurs très engagés et
partagés sur les stratégies et les objec-
l’identité du des acteurs, le réseau offre, dans un
climat stimulant et créatif, un temps
tifs, des postures se sont cristallisées métier privilégié pour l’échange et l’innovation.
au gré des époques : on les retrouve Pourtant là encore, ces réseaux ont don-
encore aujourd’hui, stratifiées dans les né lieu à de profonds malentendus, am-
générations d’acteurs qui appréhendent Il est clair que la structuration pro- plifiés parfois, par le pilotage régional,
différemment leur métier. L’institution gressive de l’ensemble du dispositif (du qui, ici ou là, appuie et encourage les
n’a pas non plus facilité les choses : elle local au national), tout au long de ces dynamiques, les ignore ou les empêche.
a soutenu et maintenu le dispositif, en trente dernières années, a sauvé le pro- Enfin, la réflexion menée depuis une
jet initial de l’éducation socioculturelle dizaine d’année sur la construction du
des jeunes. Mais il est à remarquer qu’à
(3) Si certaines brillent au firmament médiatique,
font les titres de la presse locale ou de Champs
chaque étape de cette structuration, les
Culturels, voire réchauffent les murs du minis- débats ont été relancés, d’autant plus
tère, il ne faudrait pas en oublier d’autres, qui (5) Jean-François Chausson, auteur de La mémoire
restent modestes, ténues, et quasi invisibles apaisée ? Au long des routes de l’éducation po-
car c’est à cette condition qu’elles ont du sens. pulaire et de l’enseignement agricole, 1928-2001,
Et les premières ne « valent » pas plus que les (4) Café pédagogique, interview conduit par Moni- L’Harmattan, 2001
secondes. que Royer, le vendredi 01 février 2008.
16 Origines et ambitions, regards croisés
Projet d’Animation et de Développe- qu’ils animent, il me semble qu’on pour- -- c’est investir les espaces d’autono-
ment Culturel (PADC) pointe un autre rait mettre en évidence quelques prin- mie pédagogique pour susciter des
clivage dans la manière de faire le mé- cipes qui sont à l’œuvre quand le métier collaborations d’adultes au service
tier. L’élaboration et la mise en œuvre est exercé avec pertinence et efficacité. des jeunes,
d’un PADC suppose de travailler en • c’est, en équipe, se mobiliser sur
D’abord je ferai la différence entre
équipe, autour d’objectifs communs tous les champs stratégiques pour
défendre son statut, et faire son métier.
définis avec les acteurs de l’organisation l’ESC : partenariats culturels, anima-
Pour moi, défendre son statut (7) , c’est
scolaire, en associant les usagers, et en tion du territoire, vie scolaire, forma-
faire respecter les textes qui encadrent
se donnant des outils d’évaluation. Ce tion des délégués et responsables
l’ESC, ses missions, le service des per-
qui constitue à mon sens le socle du mé- associatifs, renforcement de la vie
sonnels d’ESC. C’est aussi affirmer la
tier ne va pas de soi, les résistances sont associative,
plus-value que constitue l’ESC pour les
nombreuses, sans que soient exprimées Ce qui suppose de s’interdire les jeux
usagers/acteurs du service public d’édu-
et mises en évidence la nature des diffi- régressifs infantiles (c’est la faute aux
cation -et donc le système- et se battre
cultés ou des résistances. C’est pourtant autres : aux collègues, à la direction, à
pour en développer les conditions de
le B-A BA d’une ingénierie sociocultu- la DGER, aux rénovations…), même si
possibilité.
relle intégrée. la dureté du contexte actuel y pousse
Faire son métier, ça pourrait se dé- spontanément. Ce qui suppose aussi
Ces recompositions identitaires sont
cliner à travers une série de principes d’examiner les raisons qui expliquent les
les effets « naturels » des interrogations
d’action : déficits du dispositif local (NON, la vie
et des convictions que chacun porte
• c’est faire vivre l’esprit innovateur, associative n’est pas morte, elle vit très
et investit dans sa manière de faire le
pionnier, défricheur, inventeur, qui bien dans certains établissements ; OUI,
métier, en même temps que le métier,
a justifié la création de l’ESC dans la pluri c’est possible, ça produit des
comme composante du système édu-
l’enseignement agricole, effets éducatifs riches…) en les confron-
catif, cherche à se stabiliser à partir des
• c’est réactiver les outils de l’éduca- tant avec d’autres établissements, et
prescriptions, mais aussi à partir de ce
tion populaire au service des nou- d’autres fonctionnements d’équipes
que le collectif établit comme norme,
veaux enjeux éducatifs, en prenant ESC. Ce qui suppose aussi d’entretenir
à un moment donné. Il est d’ailleurs
en compte les évolutions sociéta- des relations serrées avec l’équipe de
symptomatique que le référentiel de
les… et ça commence par faire vivre direction sur les orientations locales de
métier ESC n’ait pas fait ouvertement
dans sa posture les valeurs qu’on l’ESC.
débat : construit avec les acteurs, dé-
enseigne : la coopération (construire
samorçant la question récurrente du Aujourd’hui, la nécessité de « Produi-
le collectif ESC par exemple), la
« tiers-temps », il semble qu’il se soit re autrement », dans un monde en plei-
communication dans et hors l’école,
imposé comme une évidence. Sauf que ne mutation, avec des publics nouveaux,
le lien avec les territoires etc.
sur le terrain, le dispositif d’Éducation renvoie à un impératif : repenser le pro-
• c’est démontrer en acte la perti-
socioculturelle des jeunes est très inégal jet éducatif (« Éduquer autrement ? »).
nence de la présence d’un service
(qualité et diversité de l’offre culturelle, Fort heureusement, comme on ne
d’animation, en lui donnant tout
des partenariats, des parcours éduca- part pas de rien, il faudra y associer les
son sens, au bénéfice du plus grand
tifs…). De ce point de vue, ce n’est pas acteurs porteurs d’innovation : et les
nombre des apprenants de l’EPL,
seulement le métier des enseignants- enseignants-animateurs d’ESC pourront,
• c’est non seulement respecter les
animateurs d’ESC qui est en jeu, mais aux côtés des équipes de direction et
textes, mais en faire des leviers pour
aussi le pilotage pédagogique des des autres acteurs de l’organisation sco-
l’action
établissements. laire, contribuer, comme dans les années
-- s’appuyer sur les prescriptions du
soixante, à un projet à la hauteur des
référentiel de métier et le faire
enjeux culturels.
savoir/valoir y compris dans le dia-
Bien faire son logue avec la hiérarchie,
-- élaborer en concertation un ré-
Au fond, la distinction statut/mé-
tier n’est peut-être pas pertinente : la
métier… férentiel local d’éducation socio- meilleure façon de défendre son statut,
culturelle des jeunes : le PADC de c’est de faire le métier au mieux de l’am-
l’EPL. C’est donc animer un disposi- bition éducative qui lui donne sens.
Enfin, puisque je quitte ce métier tif d’éducation socioculturelle des
On comprendra sans peine que je
dans quelques mois, je voudrais m’inter- jeunes concerté, validé, et évalué,
suis très fier, en quittant le métier, d’in-
roger sur ce qui a guidé mon activité de • c’est s’appuyer sur les prescriptions
troduire cette rubrique et d’en profiter
formateur des professeurs d’ESC depuis du référentiel de formation des jeu-
pour saluer mes collègues qui partagent
15 ans. En prenant en compte les nom- nes pour
la PASSION du métier. Et quel métier !
breux échanges professionnels dans le -- la mise en œuvre de la pluri-in-
cadre du GAP-ESC(6) ou d’actions de for- terdisciplinarité partout où c’est
mation à l’ENFA, en observant le travail prescrit,
des collègues, en analysant les actions -- la construction en équipe des par-
et les dispositifs locaux ou régionaux cours socioculturels obligés des
jeunes (dans le cadre des modules)
Convention Culture/
Agriculture : une invitation
à poursuivre l’aventure !
Marcel Ferreol
Inspecteur de l’enseignement agricole chargé de l’Éducation socioculturelle
Le 17 juillet 1990 était signée la pre- Un premier constat concerne son suffirait aujourd’hui de consulter la
mière Convention culture/agriculture. articulation dans le service de l’ensei- lettre du réseau ADC(1) pour constater
Elle avait deux objectifs essentiels : gnant. Mise en œuvre au début dans la richesse et la qualité des projets
« favoriser la création, la diffusion, la le cadre du service d’animation des culturels et artistiques conduits dans
pratique culturelle et artistique en mi- professeurs d’éducation socioculturelle, la plupart des établissements par les
lieu rural » et « donner aux populations pour des activités s’adressant aux élèves enseignants d’éducation socioculturelle
rurales les moyens de s’approprier les volontaires - ateliers artistiques de l’as- et les animateurs des réseaux culturels
bénéfices de la mise en valeur de leur sociation ou projets culturels avec des régionaux.
patrimoine… » partenaires de l’environnement local – il
Au moment où l’éducation culturelle
est agréable de constater qu’aujourd’hui
Même si la collaboration entre les et artistique entre par la grande porte
elle trouve son articulation dans les
deux ministères se voulait plus large, au sein de l’éducation nationale, il est
référentiels de formation de très nom-
on doit reconnaître que c’est surtout au bon de rappeler l’expérience particulière
breuses classes ( 4e et 3e, baccalauréats
sein des établissements agricoles que de cette éducation au sein de l’ensei-
professionnels, projets en 2nde et BTS
cette convention a été mise en œuvre, gnement technique et professionnel
notamment ) comme dans certains
depuis maintenant vingt-trois ans. Rien agricole. Rappeler que cette éducation
dispositifs ( projets éducatifs en 4e-3e,
d’étonnant, puisque les enseignements permet aussi de remédier à certaines
enseignements facultatifs…).
artistiques et l’animation rurale relèvent difficultés scolaires, permet le recul face
explicitement des missions des profes- Plus largement, il semble évident que à la consommation généralisée et au
seurs d’éducation socioculturelle pré- la convention a conforté et dynamisé le conditionnement de toutes sortes, tout
sents dans ces établissements. champ de l’éducation artistique au sein en faisant la démonstration que l’école
des établissements. Elle a en particulier : peut être, aussi, un lieu d’émotions
Ce sont donc naturellement ces
partagées.
enseignants qui ont majoritairement • fourni un cadre lisible et stable
porté et fait vivre avec conviction cette aux nombreux projets culturels et La Convention entre les deux Ministè-
convention. artistiques en leur assurant une res, plus qu’un outil, demeure un encou-
durabilité dans le partenariat et le ragement à poursuivre cette aventure !
Aujourd’hui ce cadre partenarial fait
financement.
partie de la réalité incontournable de la
• favorisé une professionnalisation
vie culturelle des établissements agri-
des enseignants dans ce domaine
coles. Dans le cadre des régions, la col-
en facilitant leur rencontre avec les
laboration bipartite DRAC/DRAAF s’est
artistes et les professionnels de la
souvent élargie à d’autres partenaires,
culture et en encourageant une dy-
en particulier aux Conseils Régionaux
namique de réseaux entre eux.
et aux Rectorats débouchant sur des
• contribué largement à l’ouverture et
conventions tripartites originales.
au rayonnement des établissements
Vingt-trois ans après la mise en œu- dans l’animation sociale et culturelle
vre de cette convention- réactualisée dans leur territoire.
en septembre 2011- on peut évaluer son
impact sur les pratiques du métier des
S’il fallait une illustration du dyna-
professeurs d’éducation socioculturelle. (1) http://escales.enfa.fr/5-le-reseau-adc/la-lettre-
misme initié par cette convention, il electronique-du-reseau
20 Des partenaires et des actions
Le maillage culturel
du territoire
Isabelle Dufour-Ferry
chargée de mission « culture et territoires ruraux » au département de l’éducation et du développement artistiques et culturels –
Secrétariat général – Ministère de la culture et de la communication.
des Monuments Nationaux (une cen- Comté), sur l’architecture et les plastiques dans le Parc de la Narbon-
taine), s’efforcent de développer leurs jardins naise, ou encore le remarquable travail
services éducatifs majoritairement en • le domaine de Kerguenennec (Bre- de l’IPAMAC(4) , (association qui regroupe
direction des scolaires et s’impliquent tagne) sur les arts plastiques et le 10 parcs du massif central sur 6 régions)
dans des actions de sensibilisation au paysage. pour proposer des animations cultu-
patrimoine comme notamment « Les relles multiples dans les « bistrots » de
Les Parcs naturels régionaux : créés
Portes du Temps » dispositif destiné aux communes rurales.
en 1967 par la DATAR, les 48 parcs na-
jeunes publics éloignés de la culture
turels régionaux sont des éléments Les associations implantées en milieu
pendant l’été.
indissociables de la politique d’aména- rural, souvent porteuses de projets par-
Les villes et pays d’art et d’histoire : gement du territoire. Ils représenteront ticulièrement innovants.
créé en 1985 par le Ministère de la cultu- 20 % du territoire en 2020. Ils sont des
Citons par exemple :
re, ce label qualifie des territoires, com- partenaires naturels dans le domaine du
• AFIAC(5) cette association organise
munes ou regroupement de communes, paysage et constituent des territoires
des résidences d’artistes chez l’ha-
qui, conscients des enjeux que représen- d’expérimentation pour les opérations
bitant dans le petit village de FIAC
te l’appropriation de leur architecture d’inventaire du patrimoine matériel et
(Tarn), clin d’oeil à la manifestation
et de leur patrimoine par les habitants, immatériel dont ils ont d’ailleurs su va-
nationale du même nom.
s’engagent dans une démarche active de loriser les travaux.
• TéATr’éPROUVèTe (6) propose dans
connaissance, de conservation, de mé-
Mais au-delà du patrimoine et des les communes rurales du morvan la
diation et de soutien à la création, à la
structures culturelles situées sur leur programmation culturelle et artisti-
qualité architecturale et au cadre de vie.
territoire, ils ont intégré la valeur ajou- que du jour dans son Camion d’Ali-
On compte aujourd’hui 163 collectivi- tée que pouvait représenter des actions mentation Générale Culturelle.
tés labellisées, qui disposent en général de création pour animer leurs territoires.
Le réseau rural français : a été créé
d’un centre de ressources intitulé « cen-
Ils sont nombreux à faire appel à des à la demande de l’Europe dans le cadre
tre d’interprétation de l’architecture et
résidences d’artistes dans les domaines de la mise en place des fonds européens
du patrimoine » et surtout d’animateurs
des arts plastiques, de la photo, mais plus spécifiquement dédiés au monde
du patrimoine, qui mènent des actions
aussi du livre et du spectacle vivant. agricole, et piloté jusqu’en 2013 par le
de sensibilisation en direction de tous
Ministère de l’agriculture, de l’agroa-
les publics. Le séminaire organisé par le Parc de
limentaire et de la forêt. Il regroupe à
la Narbonnaise sur le thème « quels par-
Les centres culturels de rencontres : l’échelon national et régional tous les
tenariats entre les PNRs et les DRACs »
créé en 1972 sur la base d’une charte, ce acteurs associatifs concernés par cette
a d’ailleurs permis de dresser un pano-
label désigne des lieux de mémoire et problématique. Si la culture n’a pas été
rama des méthodologies développées
de création, qui développent des projets intégrée en tant que telle dans les grou-
pour la mise en œuvre des projets cultu-
présentant une identité culturelle pro- pes de travail thématiques nationaux,
rels variés.
pre, en synergie avec le site patrimonial elle est cependant sous-jacente dans
qui les héberge dans un souci de trans- Exemples : « Mon village et l’ar- bon nombre de réflexions et projets.
mission, de lien avec des publics variés tiste », (1) dispositif de résidences d’ar-
sur leur territoire situé majoritairement tistes dans des villages du Parc naturel
en zones rurales. régional des Ballons des Vosges, inter-
L’association des centres culturels
vention du collectif « Petit Pois Prin- Les Outils et les
cesse » (spectacle vivant), dans les Parcs
de rencontres qui les fédère compte
d’Auvergne et de la Haute Vallée de dispositifs
aujourd’hui 51 membres dans 15 pays
Chevreuse (2) .
d’Europe.
« Concerts en balade et scène aux Les pôles d’excellence rurale
Un certain nombre d’entre eux ont
champs » dans le Parc naturel du Pilat (3) ,
déjà développé des projets avec des ly-
« les archives du sensible » : production Les pôles d’excellence rurale lancés
cées agricoles :
de portraits d’acteurs culturels et si- pour la première vague en 2006 par le
• l’abbaye de Fontevraud (Pays de
tes patrimoniaux, livres, films, œuvres Ministère en charge de l’Agriculture et
Loire), sur le développement durable
et l’environnement,
• l’abbaye de Noirlac (Centre), sur le (1) http://www.parc-ballons-vosges.fr/
paysage et sa biodiversité, culture_patrimoine (4) http://www.parcs-massif-central.com
• la saline d’Arc et Senans (Franche (2) http://www.parc-naturel-chevreuse.fr (5) http://www.afiac.org
(3) http://www.parc-naturel-pilat.fr (6) http://www.theatreprouvette.fr
22 Des partenaires et des actions
la DATAR ont constitué un outil efficace quelques exemples parmi beaucoup Les résidences d’artistes
pour soutenir des projets innovants. d’autres, de projets d’excellence ru-
La politique des pôles d’excellence ru- rale de 1ere génération dans le domaine Déclinées dans bon nombre de
rale (PER) a pour ambition de favoriser culturel : champs artistiques (livre, musique, arts
le développement économique des plastiques et plus récemment l’archi-
territoires ruraux. Il s’agit de soutenir « Renforcer la destination tecture en Basse Normandie…) elles
des projets innovants, créateurs d’em- Est-Guyane » permettent une implication dans les
plois, s’inscrivant dans une stratégie de Ce PER de deuxième génération vise territoires, dans la proximité et la durée.
développement durable et associant à aménager des lieux de découverte du Elles constituent un dispositif utilisé
partenaires publics et privés. Par ailleurs patrimoine historique et culturel. L’un régulièrement par les institutions cultu-
l’ancrage rural des PER est affirmé : les des volets de ce projet porté par l’asso- relles, les parcs naturels régionaux, les
projets doivent être réalisés dans des ciation de développement de l’Est Guya- festivals, et peuvent même constituer
communes classées en zone de revi- nais consiste à aménager l’éco-musée l’axe structurant d’un projet culturel.
talisation rurale ou situées en dehors d’Approuague-Kaw à Régina.
d’une aire urbaine de plus de 30 000
« Métiers d’art et patrimoine en
habitants.
pays d’Auge », Normandie
Les grandes manifestations
Le premier appel à projets lancé en du ministère de la culture
Ce PER vise à reconnaître, valoriser et
2006 a permis la labellisation de 379 transmettre le patrimoine ainsi que les Le printemps des poètes, lire en fête,
PER visant au soutien des dynamiques savoir-faire et métiers d’art. Divers pro- la semaine de la langue française et de
d’initiative rurale et encourageant l’in- jets ont été soutenus au titre de ce PER : la francophonie, la fête de la musique,
novation. Ces 379 PER s’inscrivent dans • création d’un espace de sensibilisa- rendez-vous aux jardins, Les Portes du
quatre thématiques répondant à des tion et de formation aux arts ver- Temps et les journées européennes du
enjeux majeurs des territoires ruraux : riers à l’Oudon patrimoine. sont déclinées sur l’ensem-
promotion des richesses naturelles, • aménagement d’un espace tempo- ble du territoire et touchent un public
culturelles et touristiques ; valorisation raire à Cambremer chaque année plus nombreux.
et gestion des bio-ressources ; offre de • création d’une signalétique commu-
services et accueil de nouvelles popula- ne aux artisans d’art du pays d’Auge
tions ; excellence technologique pour les • action transversale de coordination
productions industrielles, artisanales et
Les crédits européens
et de valorisation des acteurs locaux
de services localisés. des métiers d’art : événementiels Ils ciblent plus spécifiquement les
Le deuxième appel à projets, lancé en comme des ateliers de pratique avec territoires ruraux et sont à l’origine de
2010, a vu l’émergence de 263 nouveaux des professionnels. la création des réseaux ruraux dans
pôles ayant vocation à conforter le les pays membres (programmes LEA-
développement économique des terri- DER, FEADER ; FSE…) et ont contribué à
toires ruraux tout en permettant d’amé- Les conventions de dévelop- abonder des projets culturels. À partir
liorer la vie quotidienne des populations. pement territorial de 2014, ils seront gérés par les conseils
régionaux.
Au final, ces deux générations de pro- Signées avec des collectivités terri-
grammes LEADER (7) ont permis la label- Cette proximité géographique devrait
toriales, communes et communautés,
lisation de 642 PER. Chaque génération encourager la vitalité des projets, singu-
elles ont pour objet la mise en œuvre
a bénéficié d’une enveloppe d’environ lièrement ceux émanant des territoires
de politiques sectorielles de proximité,
235 M€ de l’État (fonds ministériel mu- ruraux.
elles peuvent inclure des « contrats
tualisé, crédits locaux, fonds européens, territoires lecture » et être élargies à
etc. ). tous les champs culturels, relever de la
Outre « la Bulle », scène gonflable diffusion culturelle ou de la valorisation
itinérante en région Franche-Comté (cf. patrimoniale.
article F. Creux dans ce numéro), voici En 2012, sur soixante trois conven-
tions de développement culturel signées
sur l’ensemble du territoire, trente-neuf
(7) LEADER signifie « Liaison Entre Action de Dével-
concernaient le milieu rural.
oppement de l’Economie Rurale ». Il s’agit d’un
programme européen qui vise à faire des terri-
toires ruraux des pôles équilibrés d’activité et de
vie.
Des partenaires et des actions 23
Culture, Agriculture
et Territoires : Mémoires
d’Aquitaine
25 ans de partenariat DRAC/DRAAF,
bientôt 15 ans avec le Conseil Régional d’Aquitaine
Martine Hauthier
Chargée de mission Education artistique et culturelle Draaf-Srfd Aquitaine. Responsable du Complexe régional d’animation rurale et
culturelle (CRARC)
Dans cet article, Martine Hauthier trace les grandes lignes de l’évolution de l’action
culturelle de l’enseignement agricole en Aquitaine. Des débuts centrés sur un réseau
de diffusion culturelle en établissements, l’enseignement agricole est passé à la struc-
turation régionale de la mission d’action culturelle, incarnant la coopération culture/
agriculture en région Aquitaine, par la création du CRARC aujourd’hui opérateur cultu-
rel reconnu par la Drac et le conseil régional.
Dès le premier protocole Culture/Agri- conduites, grâce à une évaluation pros- l’Académie de Bordeaux, DRAC et DRAF
culture de 1984, la collaboration DRAC/ pective, les missions du CRARC sont Aquitaine. Il sollicite les agences cultu-
DRAAF se met en place et se renforce redéfinies dans une perspective de relles régionales pour développer une
avec la convention Culture/Agriculture réseau ouvert sur les territoires. Il s’agit offre culturelle et artistique en direction
de 1990. Elle se structure ensuite avec la alors davantage d’accompagner les éta- des lycées et Centres de Formation pour
création du CRARC : Complexe Régional blissements à définir un volet culturel Apprentis.
d’Animation Rurale et Culturelle qui re- dans chaque projet d’établissement en
En 2002-2003, l’annulation de cer-
groupe tous les établissements publics lien avec l’environnement culturel que
tains crédits d’État, la modification des
agricoles et les partenaires institution- de leur proposer des actions « clés en
moyens humains attribués à la mission
nels. Dès l’origine de cette collaboration, main ». La convention DRAC-DRAF signée
réduisent considérablement les marges
des moyens humains et financiers sont en 1994 précise les grands axes de ces
d’initiative de l’enseignement agricole.
accordés à la structure et à la mission. missions : éducation artistique, projets
Le réseau se mobilise alors avec le sou-
innovants autour du patrimoine, culture-
De 1987 à 1994, la création d’un ré- tien des partenaires pour poursuivre les
formation-recherche.
seau de diffusion culturelle du spectacle missions. Les actions s’adaptent à la po-
vivant et la mise en place de résidences À partir des années 2000, la région litique régionale d’éducation artistique
d’artistes en arts plastiques et visuels Aquitaine crée le festival des lycéens et et culturelle conduite par la DRAC et le
dans certains lycées agricoles incitent les apprentis d’Aquitaine. Dès la première Conseil Régional en Aquitaine et s’ins-
établissements à se fédérer autour d’une année, l’enseignement agricole public crivent davantage dans les dispositifs
politique culturelle de qualité. Jouant le y participe activement et notamment existants.
rôle de centres de ressources en milieu avec le projet « La vendangereuse » créé
Les établissements agricoles en ma-
rural, à une époque où les structures avec la compagnie Générik Vapeur et le
tière culturelle, sont ainsi passés du rôle
culturelles sur les territoires ruraux soutien de l’OARA (Office Artistique de
de centres de ressources sur les territoi-
sont encore rares - mais existent tout la Région Aquitaine). Le Conseil Régional
res, à une activité d’élaboration de pro-
de même - les lycées agricoles lancent commence également à soutenir les pro-
jets d’éducation artistique et culturelle
la dynamique d’un réseau culturel dans jets d’éducation artistique et culturelle
liée aux référentiels de formation, en
l’enseignement agricole public aquitain. dans les établissements scolaires avec
lien avec les missions de l’enseignement
la signature d’une première conven-
Après quelques années de fonction- agricole et les dispositifs proposés par
tion quadripartite : Région, Rectorat de
nement et de réflexion sur les actions les partenaires régionaux.
24 Des partenaires et des actions
artistiques et éducatifs du territoire des EPLEFPA (2) et des territoires, mais éga-
Le CRARC : aquitain. Il conjugue à la fois : lement à l’échelon régional avec le souci
opérateur • des actions de sensibilisation aux
œuvres artistiques par des activités
d’un meilleur accès à l’offre culturelle et
artistique quel que soit l’environnement
culturel régional de diffusion, de résidence, de ren-
contres, de réflexion et d’ateliers
culturel des établissements.
C’est sans doute ce travail de concer-
de la DRAAF avec les créateurs, les structures et
tation, de mobilisation, d’adaptation,
lieux culturels.
Aquitaine • des actions de pratique artistique
d’ouverture, de maillage culturel mené
sur le territoire aquitain qui a permis de
et culturelle à partir de thématiques
maintenir une politique d’éducation ar-
très diversifiées liées à l’environne-
tistique et culturelle de qualité pendant
Depuis quelques années déjà, le ment des formations, l’expression
toutes ces années alors que les moyens
CRARC est reconnu par la DRAC et le des jeunes, les questions sociétales,
n’ont guère évolué depuis quinze ans
Conseil Régional comme l’opérateur les témoignages de l’histoire, etc.
malgré tous les discours.
culturel régional de la DRAAF, regrou- • des actions qui encouragent égale-
pant les établissements agricoles publics ment des dynamiques collectives Le travail de maillage culturel sur le
d’Aquitaine. Il est en quelque sorte le par l’organisation de manifestations territoire mené par le CRARC et les éta-
garant de la cohérence artistique des où les jeunes sont appelés à s’impli- blissements agricoles publics aquitains
différents projets conduits par les éta- quer dans des actions territoriales. est aujourd’hui valorisé sur le site « Grai-
blissements et l’interlocuteur régional nes de culture dans l’enseignement agri-
Ce programme dense, se développe
du dispositif. Ce positionnement est cole public d’Aquitaine » (3) .
avec chaque établissement sur les ter-
d’ailleurs maintenant officialisé dans
ritoires aquitains et dans les domaines
la convention quadripartite signée le 4
artistiques suivants : spectacle vivant
juillet 2013(1). (2) EPLEFPA : Établissement Public local
pour environ la moitié des projets, les d’Enseignement et de Formation Professionnel
Son programme d’actions se construit domaines du livre, de la lecture et de Agricole. Chaque EPLEFPA regroupe des centres
avec les enseignants d’éducation socio- l’écrit, de l’architecture, des arts plasti- de formation initiale (lycées d’enseignement
général et technologiques et lycées profes-
culturelle et les partenaires culturels, ques et visuels et du cinéma. sionnels agricoles) et professionnelle (apprent-
issage et formation continue), des exploita-
Le travail en réseau et les démarches tions et ateliers technologiques agricoles. En
collectives sont encouragés à l’échelon Aquitaine, 5 EPLEFPA sur 6 ont une dimension
(1) http://fr.calameo.com/ départementale.
read/001202337b26b56ee114f (3) http://crarc-aquitaine.org
Des partenaires et des actions 25
Le maillage culturel sur
les territoires aquitains
au service des projets
d’éducation artistique et
culturelle
Lors des rencontres nationales du réseau « Animation et dé-
veloppement culturel » organisées en Aquitaine en octobre
2012, le CRARC et ses partenaires régionaux DRAC et Conseil
Régional, ont élaboré un programme d’interventions permet-
tant de prendre la mesure de ce maillage territorial.
Ce dernier permet en effet de répondre aux missions d’édu-
cation artistique et culturelle de l’enseignement agricole
public en s’adressant au plus grand nombre d’élèves et
d’apprentis.
Il participe également à la mission d’animation et de déve-
loppement des territoires confiée aux établissements de for-
mation et d’enseignement agricoles.
Cavale ! Spectacle
déambulatoire en
milieu naturel Qui surveille qui ?
Dans les lycées et CFA agricoles de Dordogne, Béranger Laymond en résidence à Pollen et dans
Gironde et Pyrénées-Atlantiques. Cie La Petite Fa- les lycées agricoles de Ste Livrade, Tonneins et
brique. D’après le roman « Le garçon qui volait des Villeneuve/Lot.
avions » d’Elise Fontenaille. Actions de diffusion Coordination : Pollen/CRARC Aquitaine dans le
et de médiation avec la Cie et l’auteure. Coordina- cadre du réseau régional « Écritures de lumière »
tion : OARA/ECLA/CRARC Aquitaine. animé par le FRAC Aquitaine.
Spectacle Vivant/Danse 2 2 38 96
Spectacle Vivant/Théâtre 2 2 66 29
Écrit sous la forme d’une lettre adressée à Xavier Kawa-Topor, Directeur du Centre
Culturel de l’Ouest de Fontevraud, le texte présenté est un bilan du projet régional
art’ur : Rêve de cité ou les territoires de l’utopie
M.Kawa-Topor,
C’est avec un grand plaisir que je vous
envoie le DVD Rêve de cité ou les terri-
toires de l’utopie. Ce DVD rassemble les
films réalisés par Paquito, à qui le réseau
art’ur a confié la mission de capter, avec
son regard d’artiste propre, les ateliers
mis en place au cours de l’année 2012-
2013 avec le Théâtre de l’Arpenteur. Vous
y retrouverez également des vidéos réa- pas été réalisés à Fontevraud, tous cité ou les territoires de l’utopie ». Puis
lisées par les enseignants d’éducation avaient un écho avec le lieu, son histoire un autre stage a eu lieu, avec Hervé Le-
socioculturelle et leurs élèves retraçant et la programmation culturelle que vous lardoux, du Théâtre de l’Arpenteur, pour
ces expériences. mettez en place depuis nous initier à sa démarche
Je renouvelle ici, au nom du réseau quelques années. Cela fut artistique, démarche qu’il
l’un des points centraux Les jeunes ont ainsi conduira ensuite avec nos
art’ur, mes remerciements pour votre
de la construction de pu partager avec jeunes dans le cadre des
accueil. Travailler à Fontevraud, partager
l’intimité de ce monument en mouve- notre projet si vous vous d’autres jeunes des ateliers. En ce sens nous
ment, avoir le sentiment de vivre un souvenez de nos premiè- lycées agricoles des sommes extrêmement sa-
instant privilégié avec les lieux : voilà ce res prises de contact. Pays de la Loire le tisfaits de cette expérien-
que nos jeunes ont pu vivre grâce à vous L’appel du président de fruit de leur travail, ce enthousiasmante. Le
et plus particulièrement grâce à votre Région en 2010 à venir la richesse des ex- 17 avril 2013, moment de
service éducatif. Et Je tiens ici à remer- travailler à Fontevraud pressions sensibles rassemblement régional
cier également et très chaleureusement avec des jeunes a bien été qui en a émané et la des jeunes à Fontevraud,
Halia Smaïl pour son dévouement, sa entendu !
qualité artistique de a montré, à nos yeux, la
passion pour l’abbaye qu’elle a su par- richesse dont est por-
leurs productions. teuse la relation de travail
tager et transmettre à nos élèves et son
sens de la convivialité dans le travail. Tout commence par avec l’artiste. Hervé Le-
un stage lardoux, Katia Lutzkanoff, Frédéric Reno
Une centaine de jeunes en 2012 et en- et Elizabeth Ausina ont ouvert les yeux
viron 180 en 2013 ont ainsi côtoyé, durant Nous sommes tout d’abord venus
de nos jeunes, les ont fait s’exprimer
une journée ou une semaine entière, les dans le cadre d’un stage d’enseignants
sur cette difficile question de l’utopie.
espaces de Fontevraud. Dormir sur site organisé par le réseau art’ur : vous ren-
De belles choses sensibles et sincères
et profiter d’une balade nocturne autour contrer, découvrir les lieux et compren-
en sont sorties. Et au-delà, nous avons
de l’abbaye a été pour tous un moment dre le projet de ce « monument en mou-
apprécié voir les portes de ce lieu chargé
qu’ils ne seront pas prêts d’oublier. Le vement ». Nous avons ensuite construit
d’histoire s’ouvrir pour nos expérimen-
lieu les a inspirés. une thématique de travail au plus prêt
tations « live ». Les jeunes ont ainsi pu
de ce projet : la cité idéale et le vivre
Aussi, même si certains projets n’ont partager avec d’autres jeunes des lycées
ensemble, devenue pour nous « Rêve de
28 Des partenaires et des actions
art’ur en bref :
✔✔ 11 établissements agricoles
publics
✔✔ 3 réunions par an
L’Abbaye de Fontevraud,
entre mémoire, éducation
et création
Xavier KAWA-TOPOR
Directeur de l’Abbaye de Fontevraud
L’abbaye de Fontevraud, lieu patrimonial majeur de la région des Pays de la Loire est
à la fois un sujet de mémoire, d’histoire et un lieu de création pour des artistes, mais
également pour des jeunes et leurs enseignants, notamment des lycées agricoles. Son
directeur nous livre quelques réflexions sur l’utilité d’un lieu patrimonial en matière
d’éducation artistique, entendue comme le moyen de partager collectivement des ex-
périences sensibles.
Quelle chance pour l’Abbaye de Fon- vivons ? C’est sous cet angle que les agricoles de la Région des Pays de la
tevraud d’être aujourd’hui un lieu où deux credo de l’éducation artistique, Loire, relèvent d’un enrichissement mu-
les jeunes se projettent vers le futur et prennent, à mon avis, toute leur valeur. tuel qui donne tout son sens, et même
imaginent la vie de demain ! Que leurs sa raison d’être, à ce grand monument
Oui, la pratique artistique est favo-
projets relèvent de l’utopie, tant mieux ! hérité du passé.
rable à l’apprentissage de la créativité,
Nous avons plus que jamais besoin de
concept dont notre société en crise use L’utilité d’un tel lieu patrimonial n’est
rêves qui dépassent le prévisible pour
et abuse. Mais la créativité ne se décrète pas seulement, pour la société contem-
nous projeter vers un avenir désirable et
pas : elle se nourrit de culture, de savoir- poraine, de remémorer le passé. Elle est
trouver en nous les ressources indispen-
faire, d’imagination et d’envie. aussi de l’ordre de « l’appel à vivre » se-
sables pour construire quelque chose
lon l’expression de Daniel Sibony. Chargé
de neuf. L’utopie, selon les mots d’Henri Oui, la création artistique permet
d’histoire certes, mais aussi disponible
Michaux est cet horizon qui sans cesse aussi une expérience de la citoyenneté :
pour autre chose, vacant, comme un
recule, un appel à se mettre en marche, créer, c’est agir sur le monde et être agi
bateau échoué sur la grève où peuvent
avec, en nous, ce quelque chose qui nous par lui. L’éducation artistique est un
se projeter tous les rêves de voyage.
dépasse, ce souffle, cette exaltation qui dialogue.
nous vient probablement de l’enfance et Fontevraud, que son fondateur Ro-
Plus encore qu’un devoir de transmis-
que la jeunesse porte en elle. On peut lui bert d’Arbrissel avait imaginé au XIIème
sion de connaissances, nous sommes
donner le nom d’idéal, ou de poésie, tout siècle comme une cité idéale, garde
engagés, à travers elle, dans une relation
simplement. cette formidable disposition initiale de
intergénérationnelle à double sens :
lieu d’élévation et de lieu laboratoire.
ce que les jeunes nous apprennent du
L’éducation monde dans lequel nous vivons a aussi
Les expérimentations qu’y mènent les
élèves du lycée agricole Edgar Pisani à
un prix.
artistique : Montreuil-Bellay, créant pour l’abbaye
un « jardin des ondes », comme celles
un dialogue De l’utilité d’un engagées, avec le réseau Art’ur sur le
projet « Rêve de cités ou les territoires de
intergénérationnel lieu patrimonial l’utopie », grâce à l’engagement de leurs
pour penser hier enseignants, sont précieuses en ce qu’el-
les mettent ces jeunes, futurs acteurs
Je crois, pour cela, que travailler avec
des jeunes est toujours, et avant tout, un
et débattre essentiels de nos territoires, en situation
collective de faire vivre ce lieu pour ce
engagement. Avec eux, nous nous enga-
geons sur le terrain des valeurs morales.
aujourd’hui qu’il peut être : un lieu où la société
contemporaine se réfléchit dans le mi-
Quels sont les principes qui guident roir de l’histoire, se pense dans le débat
nos actions ? Comment nous y tenons- C’est la raison pour laquelle les pro- d’idées, se projette et s’invente par la
nous ? Que faisons-nous, nous-mêmes jets menés à l’Abbaye de Fontevraud, création. Qu’ils en soient remerciés.
de la poésie du monde dans lequel nous notamment avec les élèves des lycées
30 Des partenaires et des actions
En Midi-Pyrénées,
la coopération Drac-Draaf
porte ses fruits
Géraldine Janer
Enseignante d’éducation socioculturelle
et Animatrice du réseau régional action culturelle des établissements agricoles publics de Midi-Pyrénées depuis 2009
Une coopération DRAC-DRAAF s’est engagée en Midi-Pyrénées depuis 2009 pour les 18
établissements agricoles publics. Suite au bilan positif qui en a été fait, elle a été re-
conduite pour la période 2012-2015 en prenant en compte la convention cadre Alimen-
tation Agri-Culture signée en septembre 2011 par les deux ministères concernés.
Cette coopération a permis au réseau et la pérennité. Elle rend possible la du cinéma d’Amérique Latine, s’inscrit
action culturelle des établissements rencontre des jeunes avec des formes pleinement dans cette logique. Depuis
agricoles publics de Midi-Pyrénées de artistiques contemporaines, dans une maintenant trois ans, elle propose au
travailler avec de nouvelles institutions grande diversité culturelle en palliant réseau régional de bénéficier d’une for-
culturelles (le BBB centre d’art, le centre parfois un isolement de certains territoi- mation sur l’analyse filmique, formation
de développement chorégraphique, l’As- res sur le plan culturel, et en contribuant qui a débouché pour certains ensei-
sociation Rencontres Cinéma d’Amérique à une attitude citoyenne des jeunes dans gnants par la mise en place d’un parte-
Latine – ARCALT-…), de bénéficier de le milieu rural. nariat avec une salle de cinéma proche
temps de formation et d’initier de nou- de leur territoire et une participation
Les enseignants d’Éducation socio-
veaux projets pédagogiques. au festival Cinélatino, par le biais d’une
culturelle, acteurs et auteurs du Projet
« classe jury » associée au festival depuis
La convention régionale Culture/Agri- d’Animation et de Développement
trois ans.
culture réaffirme également la place de Culturel dans leur établissement s’en-
l’éducation artistique et culturelle, par gagent dans cette coopération qui leur Dans l’article ci-contre, la richesse et
le biais de trois dispositifs que sont le permet également de développer leur le dynamisme de ce partenariat nous
jumelage avec une structure culturelle, pédagogie du projet et de bénéficier de sont présentés.
l’atelier de pratiques artistiques ou la temps de formation proposés par des ac-
résidence d’artiste ; ce travail d’éduca- teurs culturels en fonction des besoins.
tion artistique est également possible
La convention engage les deux parties
dans le cadre de projets hors de ces
pour trois ans mais elle engage égale-
schémas classiques, avec des institutions
ment les équipes éducatives sociocul-
culturelles déjà soutenues par la DRAC
turelles dans un esprit d’écoute, et de
ou des associations repérées pour le tra-
co-construction de propositions fortes
vail de médiation et de diffusion qu’elles
pour les jeunes.
réalisent.
La rencontre avec l’ARCALT, associa-
Cette coopération permet aux éta-
tion repérée pour son travail de qualité
blissements de renforcer leur rôle d’ani-
dans la médiation et la diffusion autour
mation du milieu rural dans la continuité
Des partenaires et des actions 31
production des films et par un important totale du festival basé à Toulouse (en
Le festival pôle d’actions culturelles pour accom- 2013, sur un total de 42000 entrées ci-
Cinélatino en pagner ce cinéma à la rencontre du
jeune public, des scolaires et du public
néma, 16000 ont été réalisées en région
et 26000 à Toulouse).
quelques mots régional.
En 2011, ayant connaissance de la
spécificité du festival par rapport à ce
rayonnement régional important, la
Partager la découverte de jeunes
talents, présenter un panorama des
La formation pour DRAC et la DRAAF proposent à l’ARCALT
de mettre en place une formation sur le
meilleurs films récents, et revisiter
l’histoire du cinéma sous des angles thé-
les enseignants cinéma d’Amérique Latine à destination
des enseignants de lycées agricoles de la
matiques, tels sont les axes du festival région Midi-Pyrénées.
Cinélatino qui a fêté ses 25 ans en 2013 Le Festival Cinélatino propose une
et se consacre depuis ses origines à faire De fait, la plupart des salles de ci-
large programmation en Midi-Pyrénées. néma des villes non loin desquelles sont
découvrir le cinéma d’Amérique Latine Il donne en effet l’impulsion à 50 ciné-
en France. Longs-métrages de fiction, implantés ces lycées participaient depuis
mas de la région pour créer l’événement longtemps au dispositif « Cinélatino
courts-métrages, documentaires, ciné- autour du cinéma latino-américain : en
ma d’auteur, cinéma social : avec plus de en région ». Pour autant, de leur propre
mars – avril de chaque année, les salles aveu, la majorité des enseignants igno-
150 films par an, la programmation est programment des cycles, des avant-pre-
riche, variée et accompagnée de nom- raient jusqu’à l’existence de cette offre
mières, des séances scolaires, reçoivent culturelle dans leur cinéma de proximité
breux invités. des réalisateurs et organisent des ani- et, s’ils la connaissaient, n’envisageaient
Organisé par l’Association ARCALT, le mations. Le festival contribue ainsi à la pas de s’en saisir dans le cadre de leurs
festival porte des valeurs de solidarité richesse de l’offre cinématographique enseignements.
avec les cinémas d’Amérique Latine en Midi-Pyrénées, à l’animation des sal-
qui se sont déclinées en actes au fil du les et soutient la distribution des films L’idée de la formation était donc de
temps et qui se traduisent notamment latino-américains en France en aidant à sensibiliser les enseignants au cinéma
par le développement d’une plate- leur diffusion et à leur promotion. d’Amérique Latine et de leur permettre
forme professionnelle de soutien à la Cette programmation régionale repré- de s’approprier la programmation pro-
sente plus d’un tiers de la fréquentation posée près de chez eux, pour leur public
32 Des partenaires et des actions
également depuis 3 ans un projet de ré- roscope (1) » qui questionne le rapport de Les rencontres ont également apporté
sidence/classe-jury autour du documen- la jeunesse à la culture a été réalisé dans des éclairages qui ont favorisé une
taire. Ce projet a été mené en 2012 et ce cadre. Tous les groupes ne sont pas meilleure compréhension et appropria-
2013 avec le lycée agricole de Beaulieu- allés au bout de la réalisation. Le mo- tion des œuvres par les élèves.
Lavacant à Auch, encadré par Frédéric ment du tournage positionné trop tard
Au fil des discussions sur les films, le
Rouziès, professeur d’ESC, Anne Laffon- dans le déroulement de l’atelier, pourrait
choix des mots, les points de vue défen-
tan, professeur d’espagnol et par l’artiste être une explication. Les étapes de pré-
dus et la manière de poser les questions
María-Isabel Ospina, documentariste paration sont restées un peu abstraites
se sont affinés, en français comme en
d’origine colombienne et membre active pour les élèves qui auraient eu besoin de
espagnol. Les débats se sont faits plus
de l’ARCALT. « faire » pour s’approprier plus rapide-
vifs. Ce contexte offre un espace d’ex-
ment la démarche.
pression différent du cadre scolaire qui a
C’est en tout cas l’hypothèse émise permis à certains de révéler une sensibi-
La résidence par les enseignants et l’artiste lors du
bilan.
lité jusqu’alors insoupçonnée.
Au fur et à mesure des projections,
En 2014, la résidence qui sera menée les élèves ont trouvé leur place dans la
María-Isabel Ospina a encadré des avec le lycée agricole d’Albi-Fonlabour, salle de cinéma : partant du dernier rang,
ateliers pratiques de réalisation docu- sera légèrement repensée dans une al- au plus loin de l’écran, ils se sont rap-
mentaire, en parallèle du premier volet ternance et un aller-retour permanent prochés petit à petit pour se placer en
de son film « Triptyque noir », en cours entre exercices pratiques de réalisation quelque sorte « à la bonne distance » de
de réalisation. et réflexion sur le projet de court-mé- ce qui leur était proposé.
L’objectif était d’amener les classes à trage documentaire.
Et la rencontre a eu lieu avec une pro-
découvrir le processus de création d’un grammation exigeante de documentai-
film documentaire, à prendre conscience res en version originale !
de la notion de « point de vue » du réali-
sateur et à acquérir des clefs de lecture
La classe-jury Les films et les échanges ont aussi
spécifiques à ce genre, peu distribué permis une ouverture sur le monde :
en salles de cinéma et peu connu des la découverte d’autres cultures,
Les élèves hispanisants des classes d’autres réalités politiques, sociales et
élèves.
concernées ont ensuite été jurys de la citoyennes.
Cette série d’interventions a débuté Compétition Documentaire du festival
par la projection du film de María-Isa- Cinélatino. Ils ont assisté aux projections Le documentaire a amené les élèves
bel Ospina, « Il y aura tout le monde », des sept documentaires sélectionnés et « à la rencontre de l’autre ».
afin que les élèves puissent découvrir rencontré leurs réalisateurs, chacune de L’immersion au sein du festival a
son univers d’artiste. Les élèves ont ces rencontres ayant été préparée dans constitué également un voyage en soi et
ensuite travaillé en groupes et se sont le cadre d’une discussion animée par a permis de décloisonner les mondes. Les
lancés dans les différentes étapes de María-Isabel Ospina et les élèves ont réalisé que le
la réalisation d’une courte séquence enseignants. Les films et les festival était aussi « pour
documentaire : échanges ont aussi eux », qu’ils pouvaient y
Les élèves ont ensuite
• définition d’un sujet et de son traite-
délibéré et remis le « Prix permis une ouver- avoir leur place, y faire des
ment, problématisation, documen- rencontres et partager
lycéen du documentaire », ture sur le monde : la
tation, choix des « personnages »… son ambiance conviviale,
• préparation du tournage : définition
attribué à Una vida sin découverte d’autres
contrairement à ce qu’ils
du contenu et des informations de
palabras d’Adam Isem- cultures, d’autres avaient imaginé : « quel-
berg en 2012 et Cuates de réalités politiques,
la séquence, de la position et des que chose de fermé et de
Australia d’Everardo Gon- sociales et citoyen-
mouvements de caméra, du ca- formel ».
zalez en 2013.
drage, du degré d’intervention du nes.
réalisateur, organisation (prises de Cette expérience a été
contact et de RDV avec les « person- extrêmement riche à différents niveaux.
nages », réservation des salles etc.) La pratique proposée dans le cadre de la La restitution
-- tournage résidence a permis une expérience sensi-
Quelques semaines après leur séjour
-- visionnement collectif des rushs ble qui, plus que ne l’aurait fait une ap-
au festival, les élèves ont présenté le film
donnant lieu à un retour et une proche théorique, a nourri les rencontres
primé à leurs camarades et au public du
réflexion sur les choix de mise en avec les réalisateurs.
cinéma Ciné32 à Auch. Cette projection a
scène et amenant parfois à un
été accompagnée d’une exposition re-
deuxième tournage
traçant l’aventure vécue au festival et les
-- sensibilisation au montage (réa-
(1) Dans leur documentaire, trois élèves de termi- rencontres qui l’ont jalonné.
lisé par María-Isabel Ospina, en
nale du lycée d’Auch Lavacant font témoigner
concertation avec les groupes). jeunes et enseignants sur la culture générale.
Manifestement, les avis divergent. Documen-
En 2013, le documentaire « Le Cultu- taire réalisé avec l’aide de María-Isabel Ospina,
réalisatrice colombienne en résidence. Voir le
documentaire : http://www.cinelatino.com.fr/
contenu/productions-deleves
34 Des partenaires et des actions
Le Réseau d’Animation et de
Développement Culturel de
l’enseignement agricole public
de Bretagne : ouvrir
des espaces de dialogue
Bernard Molins
Professeur d’éducation socioculturelle aux lycées agricoles de Saint Jean Brévelay et d’Hennebont, il fut l’animateur du réseau ré-
gional d’animation & de développement culturel de l’enseignement agricole public de la région Bretagne de 2007 à 2013.
Dans cet article Bernard Molins présente le réseau régional d’animation et de dévelop-
pement culturel de Bretagne et les points caractéristiques de son fonctionnement. Il
évoque également les différentes actions engagées ou à venir du réseau et les enjeux
de son évolution vers d’autres champs éducatifs.
Réalisation : F.Guerreiro, AgroSup Dijon -Eduter, Octobre 2010. Document généré automatiquement, ce qui inclut les erreurs d'automatisation.
à Pontivy
du Cormier
Laval
Agrocampus site AGROCAMPUS LEGTA
LEGTA de Beg Meil EPL Merdrignac OUEST Laval
50
Quimper Bréhoulou
EPL Pontivy EPL Rennes Le Rheu
35
EPL Quimper
Brehoulou
EPL Saint Jean Brévelay
Hennebont
53
LPA Château Gontier
56
Site d'Hennebont du LPA Saint Jean
Site de Morlaix LPA St Brévelay Hennebont
du LEGTPA deBrévelay HennebontLEGTA
Jean
Châteaulin Morlaix Guingamp
EPL Château Gontier
61
Kernilien
22
LEGTA Fresne
LP Guérande
EPLEFPA Caulnes
Saint LPA Saint
Kernilien Herblain Aubin du
LEGTPA de Châteaulin LEGTA EPL
Cormier Angers
LEGTA le gros Merdrignac
de Châteaulin Morlaix Morlaix Kerliver ESB Le Fresne
chêne EPL Saint Aubin
49du Cormier
Réalisation : F.Guerreiro, AgroSup Dijon -Eduter, Octobre 2010. Document généré automatiquement, ce qui inclut les erreurs d'automatisation.
à Pontivy
EPL Saint
LEGTA
Agrocampus site
de Beg Meil
Herblain
EPL Merdrignac OUEST
79
AGROCAMPUS
Quimper Bréhoulou
EPL Pontivy
8535
EPL Rennes Le Rheu LEGTA
Bressuire
EPL Quimper
Brehoulou
EPL SaintLaLEGTPA
Jean
Roche
Hennebontsur Yon
Brévelay 53
EPLEPL Bressuire
Luçon
56
Site d'Hennebont du LPA Saint Jean
LPA St Brévelay Hennebont Pétré EPL Fontenay Le Comte
Jean Brévelay Hennebont EPL La Roche sur Yon
LEGTA Luçon Pétré
44
LEGTA
10 5 0 10 Km
Légende Angers Le
LEGTA Fresne
"
) !
( "
) Saint
LEGTA CFPPA "
Atelier technologique Centre de l'EPLEFPA
Herblain
"
) LPA (
! CFA !
(
! Exploitation Agricole
EPL Angers
Lien EPLEFPA - Site
ESB Le Fresne
Sources : MAAP, sept. 2010
Eduter, 2009 pour le fond
"
49
) LP (EN) * Enseignement supérieur
#
Lien Site -Antenne Reproduction interdite
EPL Saint
79
Réalisation : F.Guerreiro, AgroSup Dijon -Eduter, Octobre 2010.
Document généré automatiquement, ce qui inclut les erreurs d’automatisation. Herblain
http://sigea.educagri.fr/fileadmin/user_upload/doc_prof/guerreiro/Theorie/xEAP/EAP53_101020.pdf
LEGTA
85
Bressuire
Mais le réseau n’est pas limité à cette rencontres et séminaires, àLEGTPA des « Lieux de vies, lieux d’envies :
seule discipline, d’autres enseignants ont festivals (Parc AR MILIN, Rencontres
La Roche
mobilisons-nous »
sur Yon EPL Bressuire
EPL Luçon
eu l’occasion de participer aux réunions Internationales de Photographies
et aux formations proposées : français, d’Arles & Avignon), Pétré
Une EPL Fontena
formation au mois de février
EPL LaàRoche
des salonssur Yon
documentation, arts appliqués, travaux (Salon de la petite éditionLEGTAde Mor-
Luçon Pétré
2013 a permis la rencontre des réseaux
paysagers, exploitation, etc. laix), à l’itinérance régionale d’une Animation & développement culturel
exposition de l’artothèque de Vitré et vie scolaire pour
10 5 0 10envisager
Km une ré-
Quatre animateurs se sont succédé ;
Légende
(en collaboration avec le Complexe flexion commune sur la vie de l’élève et
Gwenaëlle Bourhis, Clarisse Denoue,
"
) LEGTA (
! CFPPA régional d’information
)"" Atelier technologique Centre pédagogique
de l'EPLEFPA construire une démarche de projet sur
Bernard Molins et actuellement Claudie
et technique). le moyen terme. Après une existence de
Le") Mouel. !( CFA
LPA Le fonctionnement (!est Exploitation
! assuré Agricole
• initier des formations, mais égale-
Lien EPLEFPA - Site plus de 15 ans,
Sources : MAAP,le sept.
réseau2010s’interroge très
en") binôme avec une personne *
# référente Eduter, 2009 pour le fond
LP (EN) Enseignement supérieur
ment des rencontres et des
Lien Site visites
-Antenne régulièrement sur son
Reproduction évolution. Une
interdite
au Service Régional de la Formation et
sur divers lieux et sur différents orientation plus marquée vers l’action
du Développement (Françoise Du Teilleul
sujets ; culturels, artistiques, écolo- pluridisciplinaire ouvre un peu plus notre
actuellement) de la DRAAF Bretagne.
giques, associatifs. horizon.
La partenariat Drac/Draaf
en Bretagne :
l’art et la culture
des leviers
pour le développement
des territoires ruraux
Martine LE BRAS
Conseillère éducation artistique et culturelle à la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne.
Le sensible en partage :
Itinéraires Bis dans les
lycées agricoles des Côtes
d’Armor
Philippe Sachet
Directeur d’Itinéraires Bis, l’association de développement culturel et artistique des Côtes d’Armor.
Philippe Sachet évoque dans ce texte les enjeux d’une éducation artistique et cultu-
relle des jeunes, tels qu’ils sont portés par Itinéraires Bis, l’association qu’il dirige. La
place de l’artiste, celle des jeunes, des enseignants, mais également celle de l’associa-
tion elle-même dans son travail de médiation, doivent être réfléchies pour construire
les conditions d’une véritable rencontre éducative, artistique mais d’abord humaine.
La jeunesse est au cœur du projet rôle essentiel joué par la culture dans la de création d’une œuvre, d’expérimenter
mené par Itinéraires Bis. Depuis trois construction de chacun, en priorité chez une démarche artistique et de nouer des
ans, l’association costarmoricaine met les jeunes ! La culture comme facteur liens privilégiés avec un artiste. Ce cadre
en œuvre Pas Sages, un programme d’émancipation ! d’apprentissage stimule et favorise des
d’actions artistiques et culturelles sou- qualités telles que l’imagination, la cu-
tenu par le Conseil général des Côtes riosité et la créativité, l’écoute de soi et
d’Armor, la DRAC Bretagne et l’Éducation Faire émerger l’appétit pour des autres, le respect, et la construction
nationale et construit avec de nombreux la culture d’un jugement esthétique. Il permet à
partenaires qui gravitent autour de la l’enseignant, à travers les rencontres et
jeunesse. Pas Sages décline résidences Pourquoi amener l’artiste en mi- les échanges avec les artistes, d’autres
d’artistes, diffusions d’œuvres (assorties lieu scolaire ? La question appelle de approches, un autre regard pour élargir
de sensibilisations) et actions culturelles multiples réponses, mais il en est une, « le champ des possibles ». Pour l’artiste,
proposées majoritairement aux élèves essentielle, qui mérite conviction et en- outre la mise à disposition d’un espace
du secondaire sur temps scolaire. Ce gagement : l’école est, par excellence, le de travail, c’est l’occasion de nourrir ce
travail en direction de la jeunesse est lieu d’émergence du désir et de l’appétit travail de recherche et de création au
étayé par une réflexion en amont menée pour la chose culturelle, en particulier. contact des jeunes. Pour l’établissement
au sein de la structure mais également Cependant le contexte scolaire peut enfin, le rôle fédérateur de la résidence
partagée, autour des actions mises en engendrer de la méfiance, notamment renforce le sentiment d’appartenance de
œuvre, lors de journées de réflexion (1) . dans le secondaire, aussi est-il impor- tous, y compris de l’environnement local
tant de favoriser les conditions de la (familles, éducateurs, commune…) à un
Globalement, il s’agit de réfléchir
rencontre entre les artistes et les jeunes, projet différent et fort !
ensemble aux enjeux de la culture pour
de dépasser les étiquettes en installant
tous et en particulier pour les jeunes.
un climat de complicité qui privilégie
Faire le pari d’une jeunesse créative.
sur la durée la dimension humaine de la Définir la place de chacun
Abandonner la posture du « sachant »,
relation.
sans renoncer pour autant à nos convic-
Le succès de l’entreprise tient à l’étroite
tions. Privilégier l’écoute et partager
collaboration entre tous les participants. Il
les expériences, les interrogations, les
Un cadre de rencontre idéal : est essentiel de déterminer clairement dès
grands succès et les petites défaites.
le départ le périmètre de l’action de cha-
Mobiliser largement pour réaffirmer le la résidence d’artiste
cun, et de préciser « d’où chacun parle »,
Le cadre idéal de cette rencontre est enseignant, artiste et partenaire culturel
celui de la résidence de création ou de afin d’éviter quiproquos et possibles
(1) Les actes de la dernière rencontre sont té-
léchargeables sur le site d’Itinéraires Bis http:// diffusion par laquelle un artiste est invité instrumentalisations. Il est également
www.itineraires-bis.org/fichiers/actualite/2012/ à venir travailler dans les murs d’un éta- nécessaire de prendre le temps de com-
echanges_reflexion/COLLOQUE-PASSAGES-2- prendre les enjeux de chacun. À l’artiste
web.pdf). Plus d’infos : www.itineraires-bis.org
blissement scolaire. Pour les élèves, c’est
la possibilité de découvrir le processus la création, à l’enseignant la pédagogie,
Des partenaires et des actions 39
L’« agri-culturel »
en Rhône-Alpes :
un exemple d’animation
et de développement
des territoires
Denise Menu
A été professeur d’éducation socioculturelle de 1971 à 1993. Dès 1984, elle assure un mi-temps « d’animation rurale ». Après une for-
mation de deux ans (gestion des entreprises culturelles, ARSEC Lyon ; échanges internationaux, Sciences po Lyon) elle est chargée en
septembre 1993 d’une mission d’ingénierie culturelle à la DRAF (1) Rhône-Alpes, dans le cadre des conventions Culture-Agriculture…
Denise MENU nous livre dans cet article les éléments significatifs de son parcours
dans l’animation de sa mission d’ingénierie culturelle à la DRAAF Rhône-Alpes, à
partir de 1993. Elle témoigne des réalisations fondatrices, effectuées auparavant dans
le cadre d’une mission « d’animation rurale » au lycée agricole de Cibeins, qui l’ont
orientée vers l’approche des territoires ruraux par le culturel. À ce titre, elle est à
l’origine, avec Jean-Claude Duclos, conservateur du musée Dauphinois de Grenoble,
du concept de patrimoine agri-culturel(2). Elle nous montre comment son travail a
consisté à tisser des liens, initier des dialogues, organiser des rencontres entre les
acteurs des territoires, dont les lycées agricoles, fédérés par un même projet. Projets
souvent conséquents, à l’échelle de la Région Rhône-Alpes, toujours en lien avec une
approche culturelle et artistique des patrimoines agricoles et ruraux.
(1) Direction Régionale de l’Agriculture et de la Forêt, devenue en décembre 2008, Direction régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF). Dans
ce texte les deux acronymes seront utilisés selon les périodes évoquées.
(2) Lire à ce sujet l’article de Denis Chevallier, directeur-adjoint du MUCEM : Portrait de Denise MENU, professeur d’éducation culturelle - avoir conscience de son
patrimoine - réalisé par Denis CHEVALLIER - Vives campagnes - Le patrimoine rural, projet de société – Paris - Ed.. Autrement- 2000 – Mutations n°194 - pp. 217-
220.
rural ». Lors de notre premier entretien Ils s’appuient sur la mémoire d’Olivier national et régional). Dans ce montage
relatif à la mission « d’ingénierie cultu- de Serres et mobilisent de nombreuses de projet culturel sur le territoire du
relle » qu’il souhaite installer à la DRAF, compétences et dispositifs pour la créa- Diois, la convention régionale prend
nous convenons ensemble de l’intérêt tion d’un espace culturel dédié aux ac- tout son sens et facilite réellement la
que celle-ci soit à la fois attachée au ser- tions « agri -culturelles ». Le montage de prise en compte au niveau local de cette
vice du développement rural de la DRAF ce projet est accompagné par la mission manifestation.
et au service de la formation et du déve- d’ingénierie culturelle de la DRAF.
Le comité de pilotage qui associe
loppement (SRFD).
C’est dans cet espace culturel Olivier la DRAF et la DRAC positionne bien ce
Il souhaite d’emblée que des corres- de Serres qu’eurent lieu les premières projet agri-culturel auprès des collecti-
pondants « culture-agriculture » soient rencontres régionales introduites par vités locales et des autres acteurs. Seuls
désignés au sein des DDAF(11) et prévoit Claude Gauthier (DRAF) et Abraham les professionnels de l’agriculture sont
également des concertations régulières Bengio (DRAC), intitulées « À propos du très réticents à voir une association
sur ces questions avec les directeurs des Patrimoine agri-culturel rhônalpin », pré- valoriser leur patrimoine, celui de la
lycées agricoles avec la bonne complicité cédant de nombreuses manifestations transhumance, qu’ils ont du mal à traiter
de son chef du SRFD, Michel Javaux. dans le cadre des agri-culturelles, orga- comme un bien commun (au sens d’An-
nisées par le lycée d’Aubenas et Alain dré Micoud (15)).
Interpelé par des demandes récurren-
Juton, responsable de l’espace culturel,
tes du monde agricole pour la création Aussi le directeur départemental
sous la responsabilité du proviseur Phi-
de musées, il lui apparaît alors urgent de l’agriculture et de la forêt, Claude
lippe Prévost et avec le soutien de la
de mener une réflexion sur cette forte Gauthier, qui deviendra DRAF, devra-t-il
convention Culture-Agriculture.
demande sociétale et me demande de user de tout son savoir- faire et de son
faire des propositions pour accompa- Nous sommes en 1997, et Robert autorité pour faire accepter cette mani-
gner certains de ces projets dont celui Duclos, ancien président de la chambre festation dite agri-culturelle auprès du
du domaine du Pradel annexé au lycée d’agriculture de la Loire, donne le cap syndicat des éleveurs. L’histoire a montré
agricole d’Aubenas, où Olivier de Ser- dans cette phrase introductive à son à quel point cette fête a joué un rôle
res (12) résida et écrivit son « Théâtre de intervention : « il faut parvenir à créer important dans le développement local
l’Agriculture ». un véritable réseau au niveau de la ré- et culturel du Diois.
gion de façon à ce qu’en permanence
Je choisis alors le Musée Dauphinois
les acteurs engagés dans les démarches
de Grenoble comme premier inter-
autour du patrimoine agricole puissent
locuteur pour réaliser un répertoire
des ressources des « patrimoines de
mettre en commun leur expérience… » Un réseau
l’agriculture ». Ces premières rencontres préfigu- « Culture-
raient de nombreuses actions de qualité
C’est avec Jean-Claude Duclos,
conservateur, que nous qualifierons
qui jouèrent incontestablement un Agriculture »
rôle dans le développement des terri-
ensemble ces patrimoines, de patri-
toires rhônalpins et dans leur lien avec
moines « agri-culturels », terminologie
l’agriculture. De 1995 à 2000 les Rencontres Ré-
contestée par certains ethnologues
gionales s’effectuent à un rythme pro-
mais largement usitée pour désigner ce - Ainsi le projet développé à Mieussy
portionnel à l’enthousiasme que suscite
qu’Isac Chiva (13) décrivit largement dans (74) par Paysalpes : ce centre d’interpré-
cette médiation entre les acteurs de la
son rapport sur le patrimoine rural : les tation de la montagne coopère étroite-
culture, de l’agriculture et ceux des terri-
patrimoines mobiliers, immatériels, fon- ment avec un réseau de producteurs,
toires ruraux.
gibles immobiliers et spatiaux (éléments opération exemplaire pour la qualité du
constitutifs des paysages). partenariat entre les acteurs de l’agricul- Ce sont d’abord les rencontres « À
ture et les responsables culturels de l’as- propos des paysages » organisées suc-
Les travaux de conception et de mise
sociation, qui valorisent un patrimoine cessivement au musée Dauphinois, au
en œuvre du nouveau centre de forma-
au service du lien social. (14) Château de Goutelas et au lycée agricole
tion agricole au Pradel s’inscrivent direc-
de Roanne qui fédèreront le plus les ac-
tement dans le cadre de la convention Notons que ce projet est accompa-
teurs, aussi différents que les Conseils
culture-agriculture, qui apporte un cadre gné à l’époque par le responsable du
d’Architecture, d’Urbanisme et de l’En-
de réflexion et de concertation sur les développement rural de la DDAF 74,
vironnement (CAUE), les DDAF, certains
orientations du site et sur les program- Jean Layes, impliqué dans la convention
parcs, des chercheurs, des représentants
mes culturels et scientifiques. « Culture-Agriculture » au niveau régio-
de l’agriculture (professionnels et lycées
nal, et par le conseiller à l’ethnologie de
agricoles) des agents de développement,
la DRAC.
du patrimoine mais aussi des artistes,
(11) Directions départementales de l’Agriculture et - Il en va de même avec l’association en particulier des photographes ou
de la Forêt devenues les DDT : directions dépar-
tementales des Territoires Drailles (26) dont le responsable André vidéastes.
(12) Olivier de Serres, agronome (1539-1619) Pitte initie et mène à bien le projet de
Elles sont mises en place à un
(13) Une politique pour le patrimoine culturel rural- « Fête de la Transhumance » qui fut
Rapport présenté par M. Isac CHIVA - directeur soutenu directement par les ministères
d’études à l’École des Hautes Etudes en Sciences
Sociales - à M. Jacques TOUBON - Ministre de la de l’agriculture et de la culture (niveau
(15) André Micoud : lire « Campagnes de tous nos
Culture et de la Francophonie - Rapporteurs du désirs, patrimoines et nouveaux usages so-
groupe de réflexion : Rolande Bonnain et Denis ciaux ». Ouvrage coll.. M. Rautenberg, A. Micoud,
Chevallier - Mission du Patrimoine ethnologi- (14) Cf. film Educagri- éditions réalisé avec le CRIPT L. Bérard, P. Marchenay. Publ. Mission du patri-
que : http://www.culture.fr/mpe) Rhône-Alpes culture qui propose la collection moine ethnologique. Paris. Ed.. de la maison des
« produits, producteurs, paysages ». sciences de l’homme.- 2000.
Des partenaires et des actions 43
moment où il est nécessaire d’évaluer dont les contenus étaient fournis par les
les paysages pour appliquer les mesures expériences de ces acteurs et de quel-
agro-environnementales, et seront l’oc- ques experts associés, sur des théma-
casion d’une grande prise de conscience tiques aussi variées que « les échanges
de l’enjeu que recouvre le maintien des ville-campagne », « l’ approche culturelle
pratiques agricoles dans l’aménagement de la Forêt », « la médiation culturelle
du territoire. dynamique des territoires », « Paysage,
Art-nature et Création », « Voyage
Les rencontres « Patrimoine rural
en jardins » ou encore « patrimoines
et développement touristique » se
revisités ».
déroulent au Lycée viticole de Bel Air :
elles sont le résultat d’une étude menée Cette première convention « Cultu-
La lettre Trait d’union Agri-Culture
pendant deux années par la DRAF et la Photo J.P. Menu
re-Agriculture » offre donc un bilan
DRAC, et une commission d’élus (dont le très positif tant au niveau de la qualité
président de la FACIM (16) , futur ministre Sentier Art-nature du Pra- de la coopération de ses
de l’agriculture) qui débouche sur la dif- del et celui de la vallée de La convention a responsables qu’à celui
fusion de guides méthodologiques pour la Drobie, mis en place par induit une meilleure des résultats obtenus sur
les acteurs des territoires de l’ensemble l’Association du sentier connaissance réci- le terrain et au niveau
des communes et intercommunalités régional. Elle a induit une
des Lauzes en présence proque des services,
rurales. meilleure connaissance
du conseiller « arts plasti- favorisé les opéra- réciproque des services,
Ces travaux inspireront largement la ques » du conseil général, tions dans le cadre favorisé les opérations
réalisation au niveau national des gui- membre actif de notre du contrat de plan
groupe. dans le cadre du contrat
des d’observation et de valorisation du et de la gestion des de plan et de la gestion
patrimoine rural diffusés en 2000 par C’est le président du crédits européens. des crédits européens. Ces
l’inspection générale du ministère de « sentier des Lauzes » crédits européens seront
l’Agriculture, à laquelle le DRAF Rhône- Martin Chénot, qui intro- souvent mobilisés, à côté de ceux de la
Alpes (que je représentai) est directe- duira peu après la lettre « trait d’union DRAC, et parfois de la DRAF, pour finan-
ment associé. Culture-Agriculture » sur la thématique cer de nombreuses réalisations.
Les conseillers à l’ethnologie (M. Rau- « Paysages, Art, Nature et Création » en
resituant les enjeux : «…Puisque le pay- La création de la maison du Théâtre
tenberg et F. Portet) et à l’action cultu-
sage est pour une bonne part le résultat à Jasseron (01), dans l’ancienne poste,
relle (B. Guillemont) pour la DRAC, les
de l’action de l’homme, la diversité des illustre bien cela :
responsables du développement rural
et moi-même pour la DRAF coopérions paysages dépend de la capacité humaine Une compagnie en résidence au Théâ-
activement pour la mise en œuvre de ces à inventer des façons d’aménager et tre de Bourg-en-Bresse souhaite prolon-
rencontres. La richesse des échanges et d’habiter des territoires et l’art, parce ger sa présence sur les territoires ruraux
l’engouement pour ces rencontres nous que c’est une de ses fonctions, peut per- du département.
amènent à constituer un « groupe de mettre de proposer de nouvelles pistes
pour l’innovation et la création paysagè- À la demande du conseiller au théâtre
réflexion culture-agriculture » qui de-
re avec cette nécessaire prise en compte de la DRAC, je la mets en contact avec
viendra au niveau régional un véritable
patrimoniale des paysages. » un grand nombre d’acteurs du déve-
réseau structuré.
loppement local, avec l’aide de la DDAF,
Nous organisons chaque année deux Le groupe composé d’une quarantaine puis je l’aide à monter un dossier dans
types de rencontres pour l’animer ; soit de membres issus de collectivités, d’as- le cadre des dispositifs « projet innovant
des journées à la DRAC, soit des rencon- sociations, d’organismes, de lycées agri- collectif » et projets transfrontaliers
tres sur le terrain en Rhône-Alpes. coles, tous impliqués dans le développe- « Interreg ».
ment local et culturel, était très réactif
Rappelons pour illustrer notre pro- aux propositions faites dans le cadre de Cette maison du théâtre, siège de la
pos, cette journée d’échanges avec les cette convention « Culture-Agriculture » compagnie Ariadne a un fort rayonne-
élus de Belledonne (38) sur leur projet devenue alors très vivante. ment qui dépasse le cadre de la com-
de territoire culturel (dans le cadre du mune en intégrant dans ses projets les
dispositif LEADER (17)) animé par l’associa- Et ce fut même lors d’un voyage territoires du département, mais aussi
tion Scènes obliques avec Antoine Cho- d’étude organisé en Lorraine (sur le des relations avec la Suisse et l’Italie.
plin, écrivain et responsable du Festival parcours « du Vent des Forêts ») et en
se rendant au festival « Scènes et terri- Outre sa vocation de rencontre entre
de l’Arpenteur ; ou encore ces deux jours
toires » que les échanges furent les plus la création théâtrale et le public rural,
passés au Pradel, accueillis par Alain Ju-
riches, le car étant devenu un lieu de elle devient un centre de ressources
ton, pour échanger avec les élus du dé-
conférences et de vidéo sur les projets actif, qui propose pour le théâtre ama-
partement sur ces questions de « culture
de chacun : festival du beaujolais, fêtes teur trois mille pièces du répertoire
et territoire ». Nous découvrirons à cette
caprines, ou encore association pour la contemporain, et un lieu de conseil pour
occasion successivement le remarquable
diffusion cinématographique de Haute- les communes sur le théâtre et l’action
Savoie… culturelle. Elle coopère également avec
(16) Fondation pour l’Action culturelle Internatio-
les lycées agricoles, dont celui de Bourg-
nale en Montagne On comprend aisément à quel point en-Bresse.
(17) LEADER : liaison entre actions de développe- ces journées nourrissaient la revue
ment de l’économie rurale. Dispositif de finan- « trait d’union culture-agriculture » pu- Ce qui est innovant c’est le dialogue
cement européen visant à engager des actions
bliée chaque année pendant neuf ans et qui se noue entre une compagnie, ses
sur les territoires ruraux.
44 Des partenaires et des actions
médiateurs et les acteurs des collecti- culturelle et artistique, regroupant ar- produit de terroir et ses caractéristi-
vités. De jeunes auteurs contemporains tistes et enseignants, que j’ai organisées ques, sous un angle patrimonial. Puis,
sont en résidence et créent à partir de dans le cadre de la convention régionale il s’agit ensuite de le restituer dans une
la mémoire des habitants. Pendant ce avec l’ARSEC(18) et Marie-Christine Bor- démarche créative, susceptible d’être
temps-là, la compagnie continue à créer deaux (19) , alors chargée de l’éducation partagée à l’échelle du territoire de
pour d’autres lieux, d’autres villes avec artistique au ministère de la Culture. l’établissement.
des textes contemporains de Roland Fi-
La réflexion conduite au sein des Ce projet fédéra trente réalisations
chet, d’Eugène Durif…
Rencontres et dans l’élaboration des mises en œuvre par dix-sept lycées :
La directrice de cette maison du théâ- lettres Trait d’union fait émerger les • Par exemple l’étude ethnologique de
tre, Anne Courel, metteur en scène de la problématiques liées à la confrontation la trufficulture donna lieu à un jeu de
compagnie Ariadne, nous dit ce qu’a ap- des logiques agricoles et culturelles, sur scénographie autour de la truffe, avec
porté la convention Culture/Agriculture : nos territoires, au regard des politiques le professeur d’ESC au lycée agricole de
en cours (exemple des mesures agroen- Romans, et à la création d’un film en
« Dans notre cas la convention Cultu-
vironnementales évoquées au début de Drôme des collines.
re/Agriculture représente un élément
l’article ou encore de la mise en œuvre • L’étude de la pomme des Bauges donna
fondateur à la fois en termes de finan-
des contrats territoriaux d’exploitations la matière à une création théâtrale
cement mais aussi en termes de suivi
ou bien encore des problèmes de société avec la compagnie L’arbre à roulettes
conceptuel. Sans la convention, la mai-
rencontrés lors des questions de traçabi- sur la mémoire collective autour des
son du théâtre n’aurait pu utiliser une
lité, notamment lors de la crise dite de la pratiques liées à cette culture, au lycée
réflexion alimentée par ce qui se faisait
« vache folle ».) agricole de la Motte-Servolex.
ailleurs. De cette manière, nous avons
• L’étude de l’élevage caprin donna lieu
bénéficié d’un soutien permanent lors D’une manière générale la demande
à un atelier d’écriture, à partir duquel
de l’élaboration de notre projet et plus des citadins en matière de connaissance
un film d’animation sur le « picodon »
particulièrement à propos de ses liens des patrimoines ruraux dans le proces-
fut réalisé avec FOLIMAGE (devenu
avec le territoire. Par exemple la place sus d’attractivité des territoires, et la
depuis l’Equipée) au lycée agricole de
qu’occupent les acteurs locaux dans la demande des ruraux et des néo-ruraux
Valence ; et également à une résidence
Maison du théâtre doit beaucoup aux en matière de prestations culturelles,
d’une compagnie théâtrale dans une
nombreux échanges avec les coordina- nous conduisent à initier des projets ré-
exploitation agricole, avec création
teurs régionaux de la Convention. » gionaux autour de grandes thématiques
d’un spectacle diffusé ensuite par la
ainsi : « patrimoine, paysage et création »
Comédie de Valence.
qui fédéra quatorze établissements
entre 1998 et 2000 ; « Mémoire et Créa- La restitution régionale se déroulera-
Et l’enseignement tion » qui en réunira une douzaine, resti- dans trois lieux de la Région avec, à cha-
tuant au Pradel en 2002 les réalisations. que fois, environ 200 élèves concernés
agricole dans ces venus présenter leurs projets et décou-
Le projet régional conduit entre 2002
vrir ceux des autres lycées. Ces manifes-
conventions et 2005, « Mémoire, saveurs et créa-
tations festives étaient associées à des
tion », mérite un développement, par
« culture- son originalité et son ampleur.
buffets gastronomiques élaborés avec
des produits AOC ou des productions
agriculture » ? Sa mise en œuvre est précédée de locales encadrées.
formations destinées d’une part, à des
La création « Peepshow dans les
équipes pluridisciplinaires composées de
Alpes » de Markus Köbeli, par Anne
Nous avons fait le choix, dans cet ar- chefs d’établissement, de gestionnaires,
Courel, mettra un point d’orgue à ces
ticle, de développer la mise en œuvre de de cuisiniers et de professeurs d’ESC,
rencontres.
la convention Culture-Agriculture pour et d’autre part à des artistes et des
les territoires rhônalpins, sans aborder ethnologues. Pour conclure citons ce petit inven-
la partie concernant l’enseignement taire à la Prévert que j’ai rédigé pour le
Le cahier des charges du projet im-
agricole pourtant très développée dans livret de restitution :
pose un partenariat avec un acteur du
notre région. territoire : parc régional, association de Un tourbillon de réunions,
Nous allons toutefois montrer par la profession agricole, réseau de produc- Une valise de contacts
quelques exemples, comment ce réseau teurs ou intercommunalité. L’objectif Et beaucoup de tacts
culture-agriculture va irriguer le contenu est de faire appréhender aux élèves un Des négociations
des actions culturelles de nos lycées en Aux kilos de convictions
œuvrant pour une éducation artisti- Un parcours de 30 mois
que riche et diversifiée au bénéfice des Sans ombrage
(18) Agence Rhône-Alpes des services aux entrepri-
élèves. Ni dommages
ses culturelles
(19) Voir le dernier ouvrage de MC. Bordeaux et
Mais un intérêt renouvelé
Dans ce contexte, il faut également F. Deschamps : Education artistique, l’éternel Pour le goût de nos terroirs :
signaler les formations à la médiation retour ? Éditions de l’Attribut ; Juillet 2013.
Des partenaires et des actions 45
Voyageons avec les fruits. Lycée Agricole La Roche/Foron. Classe 1ereS. Artiste : Arianne Theze
Photo Zahia Tehara
Extension du domaine
du devenir. Une autre façon
d’aborder la question du
genre
Entretiens réalisés par
Stéphane Billard
professeur d’éducation socioculturelle et chargé de l’animation du territoire à la DRAAF-SRFD de Basse-Normandie.
avec :
Christine Nogarède
professeure d’éducation socioculturelle au lycée agricole d’Alençon.
Marie-Anne Leclerc
chargée des actions culturelles à la scène nationale de l’Orne.
Éric Massé
comédien, metteur en scène, en résidence à la scène nationale de l’Orne
et aux territoires ». La scène nationale publiques de son spectacle ou lors de re- mais cela n’a pas posé de problème puis-
pour l’année 2013-14 est porteuse de 9 présentation comme à Valence. Lors de que il y avait une bonne convergence. Je
projets pédagogiques à destination de cette représentation, le public féminin, me suis, pour ma part, davantage ques-
différents publics. mais pas uniquement a été touché. Il va tionnée sur l’adaptation pédagogique du
le chercher. Il l’interpelle. projet.
Marie-Anne Leclerc : La scène natio-
nale de l’Orne s’est engagée dans ce Christine Nogarède : Il souhaite tra- De plus, ce qui intéresse Éric Massé
dispositif pour la quatrième année. Nous vailler sur la question de l’identité hom- dans cette démarche c’est de recueillir
avons de plus en plus de demandes. Tous me-femme, comme une sorte de flou le point de vue de jeunes de 18-20 ans
les projets sont pensés avec un seul ar- artistique, qu’est-ce qui les distingue, d’aujourd’hui. Lui, dans sa création, il
tiste ou une compagnie et l’intervention est-ce qu’il existe une réelle opposition ? n’a pas le même point de vue, le même
se fait sur une année ou sur un moment regard. De plus, comme Éric a répondu à
précis comme pour le lycée agricole, avec l’appel Projet Culture-Justice avec la Pri-
des artistes qui en ont l’envie. Tout cela Ne semble-t-il pourtant pas loin le son de Condé sur Sarthe, on a pensé que
est conçu comme un moment de média- temps de suffragettes ? les deux projets pouvaient se rencontrer.
tion parce qu’il s’agit avant tout d’une
Marie-Anne Leclerc : Oui, pourtant des Marie-Anne Leclerc : Les détenus
rencontre avec un artiste mais aussi de
inégalités subsistent. Ne serait-ce qu’au devraient faire quelque chose d’assez
découvrir une structure et d’accéder à
niveau du salaire. On peut avoir ten- similaire. Le lien reposera peut-être
une ouverture culturelle par le biais d’un
dance à les oublier quand on se sent bien sur la lecture des textes que les filles
parcours de spectacles. La finalité est
dans sa vie de femme, mais le sexisme ça auront produits dans le cadre de l’ate-
que les élèves finissent par venir d’eux-
existe dans une entreprise tout comme lier d’écriture qu’Éric Massé compte
mêmes même si évidemment c’est la
le harcèlement sexuel. mener. Ces témoignages seront donnés
partie la plus compliquée. C’est vrai pour
aux prisonniers qui eux-mêmes parti-
tous les publics concernés par ce type de Christine Nogarède : Il y a aussi la
ciperont à d’autres ateliers d’écriture. Il
projet. Il n’empêche que l’appréhension question de la formation des élèves.
pourrait s’agir davantage d’une forme de
du « lieu » théâtre est dépassée par ce Elles sont dans une filière « services à la
correspondance.
type de médiation. Un lien s’est tissé. On personne » où il n’y a que des filles. Il n’y
abolit les distances. Cela peut permet- a que trois garçons dans tout le lycée.
tre au public de se réapproprier sa ville, Ils ne sont pas forcément acceptés. Cela
Un projet multiple ?
d’élargir son territoire. peut aussi être une source de réflexion
à cette occasion. De la même façon, on Christine Nogarède : En effet, il y a
Ce type de projet est une mission im-
peut se poser la question de savoir pour- d’abord l’accès à la culture par le biais
portante des Scènes Nationales.
quoi dans les filières « service », il n’y a du théâtre, le travail sur les textes avec
que des filles. l’enseignant de Français. La question de
l’écriture est avant tout traitée par le
Un projet qui parle de la condition
biais de témoignages extérieurs, comme
féminine pour des jeunes filles, une
Comment s’est opérée la rencontre avec par exemple des femmes de leur propre
évidence ?
Éric Massé? famille. Le tout sera assemblé et décliné
Christine Nogarède : Nos élèves n’ont sous différentes formes à l’image du
Marie-Anne Leclerc : On savait, à ce
pas l’habitude d’aller vers des lieux choix des textes supports du spectacle :
moment-là, qu’il serait en résidence à la
comme la Scène Nationale, en dehors journaux, journaux intimes, romans,
Scène Nationale avec Femme Verticale,
de leur scolarité. Elles n’ont pas ce type plaidoirie, etc.. Elles auront le choix de la
un spectacle qui parle de la place de la
de réflexe culturel. Elles sont enfermées forme. Après cette phase, il y aura celles
femme dans la société et de son rôle et
sur elles-mêmes et sur leur univers pro- de la mise en voix et en images.
comme les élèves du site d’Alençon sont
che. Le lycée n’est pas en zone rurale
presque uniquement des jeunes filles… Marie-Anne Leclerc : Il y aura aussi
et a priori pas enclavé (ndlr : le lycée se
à l’intérieur du projet un travail sur la
situe à la sortie d’Alençon- préfecture de Christine Nogarède : Éric a réfléchi
vidéo, comme trace mais aussi outil
l’Orne) mais à cette exception près, c’est et a commencé à lancer des idées. Il a
d’expression et de mise en scène. La fin
presque pire. Elles sont obnubilées par le apporté le corpus de textes supports de
du projet sera menée sous une forme
supermarché qui est quasiment accolé son spectacle (Virginia Woolf, Simone
de stage. À son issue, elles connaîtront
au lycée. Parler d’elles, réfléchir sur elles- Veil, Simone de Beauvoir, Olympe de
l’univers d’Éric Massé, sa façon de tra-
mêmes, à la femme, à tout ce genre de Gouges, Anaïs Nin, Simone Weil, Cathe-
vailler. Quand elles iront voir le specta-
sujet ne semble pas envisageable. Or, rine Millet, Nelly Arcan, Virginie Despen-
cle, elles seront donc en terrain familier
elles en ont besoin dans leur construc- tes, NDLR). Ces textes ont été distribués
avec toutes les clefs pour appréhender
tion individuelle. Malgré un public quasi dès juin aux élèves pour que débute le
l’univers, les choix de mise en scène, là
uniquement féminin dans l’établisse- travail d’imprégnation.
où il a voulu en venir. Le projet Jumelage
ment, ces questions ne sont pas ou peu
Marie-Anne Leclerc : La place de l’ar- est un très bel outil de médiation entre
abordées. Au moment où j’ai présenté,
tiste est très importante dans un projet les scolaires et les artistes. Même au
en juin dernier, le projet aux élèves et
Jumelage. Beaucoup de choses viennent niveau de leur propre culture générale,
distribué le corpus de texte, il n’y a pas
de lui. Dans ce cas, ça a été très aisé les élèves vont faire des découvertes sur
eu de sentiment de rejet.
puisqu’Éric est très compétent dans ce cette thématique des femmes.
Marie-Anne Leclerc : Nous faisons volet et très organisé.
complètement confiance à l’artiste.
Que ce soit au moment de la résidence Christine Nogarède : La rencontre
Pour suivre le projet :
à la SN61 où il a fait des répétitions s’est effectuée après l’écriture du projet
www.draafbn.wordpress.com
Des partenaires et des actions 49
Effusion et rayonnement.
Projets artistiques
en Picardie
Dany Greuillet
professeur d’éducation socioculturelle au lycée agricole de la Baie de Somme – Abbeville
Odile Deraeve
professeure d’éducation socioculturelle et animatrice du réseau Picardismus
Rachel sekula
professeure d’éducation socioculturelle au lycée horticole de Ribécourt
Sylvain Guenard
professeur d’éducation socioculturelle au lycée agricole le Paraclet- Amiens
et un travail sur les rapports art-nature, Des rencontres sont organisées avec
Art, nature et plusieurs visites thématiques avec pour Laurent Cauchy, chargé de développe-
territoire en Baie fil conducteur les œuvres « in situ » ont
été organisées : l’exposi-
ment culturel de la ville et la chargée
de communication d’Ab-
de Somme tion « Dalecki » au centre
d’art le Safran à Amiens,
Les élèves ont alors beville, mais aussi des
réunions de travail avec
Dany Greuillet, professeur d’édu- ainsi que le parc Saint
préparé quatre pro- les services techniques,
cation socioculturelle au lycée Pierre et le quartier Saint jets, avec le soutien le service des espaces
agricole de la Baie de Somme Leu. Les élèves ont alors d’une équipe pluri- verts, le service du déve-
– Abbeville préparé quatre projets, disciplinaire d’ensei- loppement durable et du
avec le soutien d’une gnants d’éducation patrimoine…
équipe pluridisciplinaire socioculturelle,
Un projet qui allie art, nature, terri- La prise en compte des
d’enseignants d’édu- d’économie-gestion, enjeux et du mode de
toire et monde professionnel… une expé- cation socioculturelle, et d’aménagement, fonctionnement des par-
rience qui fait sens pour des apprenants. d’économie-gestion, et et ils ont présenté tenaires est déterminante
Suite à une commande du directeur d’aménagement, et ils ces projets devant la pour la réussite d’un pro-
ont présenté ces projets
des affaires culturelles de la ville d’Ab- commission « culture jet. L’équilibre des échan-
beville pour créer des installations ponc- devant la commission
« culture et patrimoine »
et patrimoine » de ges également.
tuelles dans les équipements culturels la Ville d’Abbeville »,
abbevillois, des élèves de bac profession- de la Ville d’Abbeville », Ces trois projets ont
sur le site du Carmel. sur le site du Carmel. été réalisés dans le cadre
nel « Gestion des milieux naturels et de
la faune », ont travaillé sur différents d’une convention de par-
À la rentrée, en sep-
projets d’aménagements naturels au tenariat entre le lycée agricole de la baie
tembre 2012, nous apprenons que trois
sein de plusieurs lieux : l’Espace Saint de Somme et la Ville d’Abbeville.
projets ont été retenus. Nous lançons
André, le Carmel, la Bibliothèque et le donc la phase de réflexion sur les La phase de chantier a été réalisée
parc d’Emonville et le Théâtre municipal. moyens techniques à mettre en œuvre entre février et avril 2013.
Après les visites des lieux en question, pour réaliser les aménagements.
50 Des partenaires et des actions
Paraclet, et l’association des élèves du Deux mois de prises de son en binô- Cela qui en fait un ensemble
lycée, une classe de seconde a arpenté me, deux mois de sélections et de com- complexe.
l’établissement durant deux mois, en pilation des sons et deux mois de réalisa-
Ce travail aux apparences théoriques
petits groupes. tion d’un montage de l’ensemble par les
était en fait une approche très concrète
élèves les plus motivés ont permis une
L’arme des élèves : un instrument de d’un territoire. Il a agi auprès des élèves
véritable réalisation originale.
prise de son numérique ; l’objectif : une comme un révélateur de l’importance
photographie sonore des recoins de Le travail a été présenté, en mai 2013, du son dans les médias, dans le cinéma,
l’établissement. dans l’amphithéâtre de l’établissement. dans la vie quotidienne…
Cette approche originale a surpris les Il sera aussi présenté sur la commune Ce partenariat, dernier en date des ac-
élèves mais aussi la communauté édu- de Cottenchy, partenaire du projet. tions DRAC-DRAAF en Picardie, a permis
cative avec des questions comme : « qui une réelle introduction au fait artistique
Ce partenariat a permis aux élèves de
sont ces élèves montés sur une chaise pour les élèves de seconde.
comprendre l’intérêt de la composante
qui tendent un micro vers un tuyau, une
« son » dans notre vie quotidienne. La Un projet réunissant concrètement
gouttière ? »
notion de bande-son, de travail sonore l’établissement, son territoire et la prati-
A l’issue du projet, une pièce sonore appliqué au paysage a, après l’effet de que artistique par et pour les élèves.
d’une quinzaine de minutes complè- surprise initial, permis aux élèves de
tement réalisée par les élèves a été découvrir que le paysage était appréhen-
réalisée. dable par la vue mais aussi par d’autres
sens.
Éléments de contexte pour C’est dans « la Grange », salle de Le réseau Picardismus, fédéra-
la mise en œuvre de la réunion de l’EPL de la Thiérache à teur régional.
convention Alimentation, Vervins avec toute sa symbolique agri- Éric Goës, chargé des moyens à
culturelle, que se sont réunis pour la
Agri-Culture en Picardie la Draaf-Srfd Picardie a contribué à
première fois autour d’une table, les fédérer les relations entre les diffé-
En 2002 une première signature enseignants d’ESC, des artistes et les rents acteurs institutionnels afin de
officialisait la collaboration naissante conseillers artistiques et culturels de la redémarrer un travail de partenariat
entre les deux institutions. DRAC en Picardie. au bénéfice des jeunes. C’est ainsi
Dany Greuillet, alors animateur du Un temps de flottement lié aux qu’Isabelle Lefebvre-Rosas, conseillère
réseau régional Picardismus, Philippe changements de personnes en DRAC, artistique à la Drac, Anne Romby, char-
Bera, conseiller en éducation artistique en DRAAF, mais également au niveau gée des projets éducatifs et culturels à
à la Drac Picardie et Allain Bremard, du réseau régional action culturelle, la région et la Draaf-Srfd Picardie ont
chef du SRFD, ont contribué à l’élan de a mis en veille la collaboration DRAC- renoué des liens de coopération pour
cette collaboration autour de projets DRAAF. Des projets étaient toujours une éducation artistique et culturelle
d’art plastique inter-établissements. soutenus par la DRAC, sans stratégie des apprenants. Comme le précise
Les enseignants d’ESC s’appuyaient commune. L’image de l’enseignement Isabelle Lefebvre-Rosas, pour la Drac
alors sur les dispositifs de finance- agricole en Picardie par le prisme des Picardie, « la convention agri-culturelle
ments de projets du Conseil régional. missions d’éducation socioculturelle et doit se décliner dans un esprit de ré-
Ce partenariat amenait du sens à nos de coopération internationale se déve- seau et de logique territoriale ».
recherches de moyens. loppait et préparait le terrain pour de
nouvelles rencontres.
52 Des partenaires et des actions
Gourmandises de la langue
Naissance d’un projet artistique
en questionnant le langage
Myriam TABOURY et Anouck MAUGRION
Professeures d’éducation socioculturelle au lycée agricole les Vaseix- Limoges.
Une carte
copieuse
18 photos, 39 portraits.
Dix-huit photos prennent au pied de
la lettre et dépoussièrent avec humour
et créativité des expressions métaphori-
ques sur le fait alimentaire, alors même
que trente-neuf portraits culinaires uti-
lisent le champ lexical de l’alimentation
pour composer un autoportrait singulier
et créatif.
Une exposition
qui circule
Une heureuse rencontre avec l’équipe
de Festin d’Auteurs a fait voyager l’ex-
position en avant-première. En Corrèze,
Beynat organisait son 2° salon du livre de
Les pieds dans le plat. Photo : Philippe Laurençon
cuisine « les Toqués du Miam ». Soixante
auteurs et plus de 2000 visiteurs. Pas si
mal pour une petite commune rurale. et les échanges éducatifs dans un es- Et, « cerise sur le gâteau », ce projet,
Et vif intérêt pour le projet artistique pace/temps privilégié. conduit avec deux classes, a provoqué
initié dans un lycée agricole de la région une fructueuse émulation chez les élè-
Limousin. Philippe Laurençon en parle ainsi :
ves et leurs enseignants et a renforcé
« les élèves ont eu la possibilité de se
Comme en écho, François Hamon, notre volonté de poursuivre le travail
confronter à l’inconnu tant dans la réali-
auteur d’un ouvrage « La saveur des engagé. Depuis quatre ans, en effet, un
sation d’une œuvre de l’esprit que dans
mots » n’affirme-t-il pas que « la France temps artistique avec les classes de STAV
les rapports avec un artiste pour affron-
possède au moins deux particularités : la nous promène du théâtre, au cirque en
ter leur propre avenir et avoir des atouts
richesse de sa cuisine et la difficulté de passant par le land art pour favoriser
supplémentaires pour se réaliser ».
son langage ». l’éducation et le développement sen-
Fort du soutien de la direction de sible, la création et la relation à notre
l’établissement, de la Direction régionale territoire.
des affaires culturelles et du Conseil ré-
Bel équilibre des gional du Limousin, le projet s’est inscrit
au cœur du patrimoine et d’un territoire
saveurs rural en reliant - dans une approche
pluridisciplinaire - des dimensions so-
Pour les élèves, le plat de résistance
ciétales : comment la notion de terroir
- le contexte scolaire du projet - s’est
questionne notre rapport à la nourriture,
ouvert sur d’autres découvertes : le stu-
notre alimentation est-elle tributaire des
dio de création, l’univers du photographe
modes ?...
De nouveaux
enjeux,
de nouvelles
médiations
Des préoccupations essentielles interrogent
aujourd’hui le monde rural et traversent la
société tout entière, le rapport au vivant, à
une éthique du développement, les nouvelles
mobilités, l’influence des pratiques numéri-
ques sur l’exercice de la citoyenneté. Face à
cette complexité, de nouvelles médiations se
font jour.
p.56 La vie rurale, c’est pas de la science
fiction !
Aurélie BEGOU
p.58 La prospective : levier de l’action
culturelle territoriale
Hélène CET TOLO
p.60 La résidence d’architectes : une nouvelle
façon d’appréhender les enjeux de la
qualité architecturale et paysagère en
milieu rural
Ariane LE CARPENTIER
et Elisabeth TAUDIERE
p.64 Culture et ressources du développement
local : ce que nous apprennent les
territoires ruraux
Vincent GUILLON et Pauline SCHERER
p.67 Créer un service public culturel en
milieu rural
Fabrice CREUX
p.70 Le patrimoine culturel immatériel
Christian HOT TIN
p.73 L’inventaire général : des méthodes et
des ressources pour mieux connaître la
richesse du monde rural
Philippe VERGAIN
p.74 L’art pour penser la complexité de
l’époque : l’exemple de Rurart, centre
d’art contemporain en milieu rural
Arnaud STINES
p.78 Pour une praxis des arts numériques
ouverte sur le monde, distanciation
critique et nouveaux usages
Sandra et Gaspard BEBIE-VALERIAN
p.82 Ruralité et interculturation
Patrick DENOUX
56 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
La Vie Rurale,
c’est pas de la
science-fiction !
Un festival pour mieux
comprendre l’avenir
de nos campagnes
Aurélie BEGOU
Chef de projet culture Pays Portes de Gascogne
Cinq territoires du sud-ouest de la France se sont réunis durant quatre mois, de jan-
vier à avril 2013, pour interroger les différentes dimensions de leur vie en milieu
rural. Des habitants, des associations, des organisations professionnelles, des col-
lectivités, des acteurs culturels et artistiques ont ainsi réfléchi à l’avenir de leur
campagne, accompagnés par des spectacles, des projections de films, des concerts ou
encore des balades botaniques ou paysagères, permettant d’éclairer ou de décaler les
réflexions et points de vue.
Vous êtes-vous déjà demandé à quoi Au programme : un peu de science- Les acteurs de cette aventure à la fois
ressemblerait la campagne où vous vivez fiction, du théâtre, de la danse, du cir- culturelle et réflexive, garderont une tra-
d’ici 2040 ? Et pour vous, le territoire que, du théâtre de rue, des lectures, des ce originale de ce festival puisque cinq
rêvé, c’est quoi ?... concerts, du cinéma, des expositions, jeunes auteurs du collectif toulousain
Cinq territoires de Midi-Pyrénées ont mais aussi des conférences et des ate- de bande-dessinée alternative « Indélé-
soulevé la question du devenir du mon- liers de travail avec pour fil conducteur : bile », qui ont également réalisé l’affiche
de rural et se sont projetés dans l’avenir comprendre les mutations à venir, ap- du festival, travaillent actuellement sur
tout au long du Festival « La Vie Rurale, porter des regards extérieurs, distanciés, une BD qui s’inspire des réflexions abor-
c’est pas de la science-fiction !» qui s’est rêvés, imaginés… dées tout au long de ces quatre mois. Le
déroulé du 13 janvier au 20 avril 2013. La réflexion globale du festival s’est ap- résultat devrait être surprenant et visible
Derrière ce titre, une pointe d’humour puyée sur le travail mené par la Datar et en novembre 2013.
certes, une interpellation aussi, mais ses scenarii Territoires 2040 (1) .
avant tout, une réelle réflexion sur l’ave-
nir portée par le Pays Portes de Gasco- La réflexion et les projets liés à l’ave-
gne, le Pays d’Auch dans le Gers, le Pays (1) 28 scénarios ont été imaginés dans le cadre de
nir des territoires ne se sont pas éteints
Midi-Quercy dans le Tarn et Garonne, le Territoires 2040. Ils ne sont, ni souhaités, ni avec la fin du festival mais trouvent
Pays Bourian et le Parc naturel régional redoutés ; ils ne mettent pas en scène un «dire encore des prolongements : le collectif
de l’Etat» sur le futur des territoires. Ils ques-
des Causses du Quercy dans le Lot. tionnent plus qu’ils n’affirment. Ils ouvrent un
« Indélébile » intégré au projet pédagogi-
Ils ont mobilisé pour l’occasion les asso- espace de débat pour les acteurs territoriaux. que du lycée agricole Beaulieu-Lavacant
Comment nos multiples territoires sont-ils d’Auch, ou bien encore « Route 124 »,
ciations, organisations professionnelles,
concernés par les problématiques identifiées ?
collectivités, acteurs de la société civile Comment et quels scénarios feront écho avec impulsé par le Pays Portes de Gascogne,
réunis au sein des conseils de dévelop- ce qui est pressenti localement comme phé- le Pays d’Auch, Circa pôle national des
pement pour quatre mois de program- nomènes émergents et évolutions probables ? arts du cirque, et l’Usine (pôle arts de
Retrouvez le document de présentation :
mation culturelle atypique et plus de 120 http://territoires2040-datar.com/IMG/pdf/ la rue) qui travaillent à la réalisation de
manifestations. presentationt2040_ juin2012_bd.pdf
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 57
teaser(2) un peu spéciaux à découvrir L’ensemble de ces rencontres a eu proposition, porteurs de réflexion, de
en 2014 sur la mobilité des jeunes. Ils pour ambition de contribuer à mieux sens, et de projets ambitieux pour nos
questionnent le lien rural/urbain entre le appréhender l’évolution des territoires territoires.
Pays Portes de Gascogne, le Pays d’Auch, ruraux en croisant les approches scien-
et l’agglomération toulousaine. Les tra- tifiques, sociologiques, culturelles et
Plus d’informations sur le projet et ses
vaux trouvent également un prolonge- artistiques.
120 manifestations et initiatives :
ment dans l’élaboration de la stratégie Les ateliers de réflexion accompagnés
http://lavierurale.fr/
2014/2020 du Pays Portes de Gascogne par le collectif ville/campagne ont
inspirée des ateliers de réflexion menés permis d’apporter un éclairage sur les
sur le festival. enjeux futurs d’une ruralité qui n’est pas
isolée et dont l’avenir est étroitement lié
aux villes.
L’enjeu primordial résidant dans nos
(2) Message de communication qui interpelle le capacités à dialoguer sur ce rapport
public par un contenu énigmatique qui l’invite à ville/campagne tout en étant forces de
s’intéresser à la suite de la communication
58 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
La prospective :
levier de l’action culturelle
territoriale
Hélène CETTOLO
Sociologue – Consultante
Membre du Conseil de développement du Pays Portes de Gascogne
Hélène Cettolo présente dans ce texte quelques pistes de réflexion inspirées par le
projet « La vie rurale, c’est pas de la science- fiction ! », notamment la place des pro-
cessus artistiques et de la culture,- non formatés - comme éléments structurants
d’une réflexion prospective sur ces territoires.
La résidence d’architectes :
une nouvelle façon
d’appréhender les enjeux de
la qualité architecturale et
paysagère en milieu rural
Ariane LE CARPENTIER
conseillère pour le développement culturel à la direction régionale des affaires culturelles de Basse-Normandie, (DRAC),
Elisabeth TAUDIERE
architecte, coordinatrice à la Maison de l’architecture en Basse-Normandie (MDA)
Cet entretien entre Ariane Le Carpentier, (Drac) et Elisabeth Taudière (Maison de l’ar-
chitecture en Basse-Normandie), explicite les objectifs, modalités et enjeux des rési-
dences d’architectes en milieu rural. Comment travaillent les équipes d’architectes ?
Quels objectifs doivent-elles atteindre alors même qu’elles ne construisent pas de
bâtiments ? Quelle part ont les habitants dans le déroulement du projet ? Quel type de
restitution est privilégié à l’issue de ce travail de résidence ? Trois années d’expérien-
ce en Basse-Normandie fournissent déjà quelques éléments de réponse.
Les résidences d’architectes sont au plan national par les résidences ALC : Pas de résidences d’architectes
apparues en 2010 en Basse-Normandie, d’architectes bas-normandes nous invi- sans candidats à la résidence : selon
à l’initiative de la direction régionale tent à partager le bilan de trois années quels critères s’effectue le recrutement
des affaires culturelles, et constituent d’expérience. des architectes?
depuis lors, une expérimentation unique
ET : Nous cherchons l’oiseau rare ! Il
et innovante conduite par la Maison de
faut que l’équipe d’architectes retenue
l’architecture. Conçu pour répondre à Ariane Le Carpentier (ALC) : Elisabeth,
ait à la fois de bonnes références en ma-
l’enjeu de la diffusion de la connaissance vous avez contribué depuis son origine
tière architecturale, mais attention, cela
et de la culture architecturale en direc- à la mise en œuvre du programme de
ne suffit pas, car les candidats ne sont
tion des territoires et des populations résidences d’architectes. Quelle défi-
pas appelés à construire des bâtiments
du milieu rural, ce dispositif a pour am- nition donneriez-vous de la résidence
sur la commune. Il faut donc qu’ils dé-
bition de renouveler dans leurs formes d’architecte en milieu rural, après 3 an-
montrent également un intérêt pour
et dans leurs contenus, les modalités de nées d’expérimentation ?
les démarches expérimentales, qu’ils
l’éducation artistique et culturelle dans
Elisabeth Taudière (ET): La résidence témoignent d’expérience en matière de
ce domaine. Les établissements de l’en-
d’architecte en milieu rural est un projet pédagogie ou de participation, qu’ils
seignement agricole, ainsi que d’autres
culturel et pédagogique. Mais pas seule- aient aussi de grandes capacités à déve-
acteurs du monde rural, en sont devenus
ment car ce dispositif est très transversal lopper des outils innovants et créatifs et
rapidement les alliés incontournables.
et permet de croiser différents champs surtout qu’ils n’aient pas peur de résider
Alors qu’en juillet 2013 paraît la cir- d’intervention et de compétences pro- dans une petite commune rurale mais
culaire « relative à la politique culturelle fessionnelles. Il est aussi très innovant aussi d’y travailler. Le temps de la rési-
de l’architecture et du cadre de vie en dans la démarche qu’il propose. dence, 6 semaines, est très court, et ce
région» du ministère de la Culture et de n’est pas des vacances !
la Communication, le succès rencontré
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 61
ALC : En quoi peut-on dire que ce dis- photographies, en passant par des per- ET : Une résidence coûte environ
positif induit une nouvelle façon de formances, des installations, l’écriture 25 000 euros. Le principal partenaire
s’adresser aux publics ou plutôt aux d’un conte, la construction d’un périsco- des résidences est la DRAC. Le conseil
populations du milieu rural? pe monumental...Ces outils réalisés par régional intervient également. La par-
les architectes avec les habitants sont ticipation des communes rurales ou
ET : Lors de la résidence, les architec-
des supports de médiation et de discus- des établissements scolaires est ainsi
tes amènent leur regard de profession-
sion accessibles et facilement appro- souvent réduite à l’accueil des archi-
nels, mais ont besoin de l’expertise de
priables par tous. Lors des restitutions tectes, valorisé comme contribution
ceux qui vivent sur place afin d’intégrer
finales, les architectes commentent leur en nature (hébergement, restauration,
à leur réflexion, leur vécu, leurs modes
travail et ces productions, mais bien mise à disposition d’un local). Le parc
de vie, leur lecture sensible des lieux.
souvent aussi les élèves ou les élus qui naturel régional des marais du Bessin et
Aussi nous avons imaginé le dispositif
ont suivi la démarche prennent le relais du Cotentin a dégagé des moyens sup-
des résidences avec un important volet
auprès des visiteurs. Ces expériences plémentaires destinés à la médiation en
participatif. Il s’agit de créer les condi-
nous confortent dans l’idée de poursui- direction des scolaires. Cet accompagne-
tions d’une véritable rencontre entre les
vre expérimentations et recherches en ment spécifique est réalisé par la Maison
habitants et les architectes. Le fait que
vue de diffuser largement la culture ar- de l’architecture en coordination avec les
les architectes soient installés dans la
chitecturale, urbaine et paysagère. architectes.
commune permet déjà des rencontres
dans le cadre d’activités quotidiennes : à
la boulangerie, dans un café, chez le kiné
ALC : Quel est l’impact attendu d’une ré- ALC : Comment la Maison de l’architec-
ou le garagiste, ce qui démystifie l’ar-
sidence à l’échelon du territoire? Avez- ture intègre-t-elle ce programme à son
chitecte et le rend plus accessible. Une
vous constaté d’autres retombées? projet associatif ? Comment le valorise-
relation de confiance se crée et s’installe
t-elle?
jour après jour donnant à la démarche ET : La résidence d’architectes est une
de sensibilisation tout son sens. Les aventure humaine et collective qui, pen- ET : La Maison de l’architecture de
architectes inventent ensuite de nom- dant 6 semaines, crée une dynamique Basse-Normandie a pour objectif de
breux outils (ateliers, chantiers ouverts, dans la commune rurale. Autour des ar- diffuser la culture architecturale, ur-
affichage, petit journal, blog,...) afin de chitectes, les habitants, les usagers, les baine et paysagère auprès de tous les
mobiliser les populations et les inviter partenaires se retrouvent, re-découvrent publics, aussi bien le grand public que
à rejoindre la démarche. Un important leur territoire et petit à petit prennent le jeune public, les maîtres d’ouvrage
volet en direction du jeune public est conscience de sa richesse, de son poten- (élus, collectivités locales, aménageurs,
développé avec l’école, le collège et/ tiel, et de problématiques particulières bailleurs...) que les professionnels (archi-
ou le lycée s’il y en a un. Les enfants et liées aux modes de vie d’aujourd’hui. tectes, urbanistes, paysagistes, bureau
les jeunes comme les adultes apportent Avec des outils et des moyens très sim- d’études territoriales...). Elle a de plus un
leurs contributions, et participent avec ples, les architectes montrent qu’il est rôle d’animateur du réseau des acteurs
les architectes à la réalisation de la resti- possible d’agir ensemble. A la suite d’une de l’acte de construire et de l’aména-
tution finale. des premières résidences, la commune gement du territoire, et développe plus
concernée s’est engagée dans une dé- particulièrement une réflexion sur la
marche de plan local d’urbanisme (PLU). thématique « architecture-urbanisme et
ALC : Vous avez mentionné les outils de L’équipe retenue pour cette étude nous prospective ».
restitution conçus par les équipes en a fait part, plus tard, des effets bénéfi- La Maison de l’architecture donne une
résidence ? A quel enjeu répondent-ils? ques de la résidence sur les élus, visible- visibilité aux résidences d’architectes
ment sensibilisés aux enjeux de leur ter- dans le cadre des actions qu’elle conduit
ET : Afin de permettre au plus grand
ritoire et ouverts aux échanges avec les comme le « Mois de l’architecture
nombre de suivre et comprendre la
professionnels. Le dialogue et l’écoute contemporaine en Normandie » en mars
démarche des architectes, nous leur
mis en place lors de la résidence posent chaque année, ou le « séminaire annuel
demandons de développer des outils
les bases d’un travail commun possible de restitution des résidences d’architec-
spécifiques, différents de ceux utilisés
sur le territoire qui ne demande qu’à être tes» et en participant à de nombreuses
habituellement par les professionnels,
poursuivi... opérations de communication telles que
pour exprimer et illustrer leur lecture
« la biennale d’architecture et d’urba-
du territoire. Lors des précédentes ré- ALC : Combien coûte une résidence ?
nisme de Caen », ou celles proposées par
sidences, ces outils ont pris des formes Quels en sont les partenaires au plan
le réseau des maisons de l’architecture,
très diverses : du court-métrage aux financier?
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 63
Culture et ressources du
développement local :
ce que nous apprennent
les territoires ruraux
Vincent Guillon et Pauline Scherer
V. Guillon est politologue, PACTE -IEP de Grenoble. P. Scherer est sociologue et coordinatrice de l’association M’Entends-Tu ? (Socio-
logie des actions collectives & projets socio-artistiques).
Ce texte rend compte d’un travail de recherche réalisé en 2012 avec le soutien de l’IPA-
MAC(1) sur le thème de la culture et du développement des territoires ruraux, à partir
de la comparaison de quatre cas. Il met à jour et analyse les conditions dans lesquel-
les un projet culturel devient un projet de territoire socialement construit et partagé.
ressource
local. Ce premier mouvement de terri-
torialisation induit une posture profes-
Du projet culturel
sionnelle différente pour les artistes et au projet
les porteurs de projets, en ce sens que
L’étude des quatre projets culturels
précédemment mentionnés prend pour
leur légitimité à agir semble directement de territoire
liée à leur ancrage local. Le territoire
référence une série de travaux qui ont impacte fortement le projet, lui donnant
montré l’importance des ressources ter- Les quatre projets se présentent aussi
sa texture, déterminant des modes
ritoriales pour le développement local, comme des révélateurs d’attributs spé-
de fonctionnement et de coopération
c’est-à-dire des objets et des valeurs cifiques des territoires dans lesquels ils
spécifiques.
mobilisés par des acteurs dans la « pro- se déroulent, qu’il s’agisse de pratiques
duction » d’un territoire (3) . De ce point Les projets étudiés tendent aussi à sociales et économiques (le jardinage,
de vue, le développement local passe élargir le cercle des acteurs et des ins- le commerce itinérant, l’agriculture), de
par la capacité des territoires à valoriser titutions habituellement concernés par valeurs (la convivialité, la solidarité), de
leurs ressources locales, à transformer les questions culturelles. Ils proviennent paysages ou encore de situations démo-
des ressources latentes en ressources ici de multiples domaines d’activité et graphiques (le vieillissement de la popu-
actives. L’idée de ressource territoriale n’appartiennent pas nécessairement lation, la présence d’une communauté
se rapporte donc à une caractéristique au monde de la culture : éducation, d’immigrés). Ils témoignent d’une même
construite d’un territoire (4) . tourisme, coopération internationale, capacité à produire une série de prolon-
urbanisme, agriculture, action sociale, gements et à transformer ces spécifici-
Voix de Traverse repose, en partie, insertion, etc. Ce second mouvement de tés locales en véritables ressources ter-
sur l’utilisation de traits culturels locaux désectorialisation est directement lié au ritoriales. Le passage du projet culturel
empruntant à la musique et la langue premier, dans la mesure où la territoriali- au projet de territoire suppose que ces
Gasconnes. Le projet est fortement terri- sation de l’action semble ressources soient mobilisées également
torialisé, dans la mesure où il met en jeu en être un préalable. Dans dans d’autres domaines
des références, des symboles et des sa- le cas de l’association (…) comment la d’activités : éducation,
voir-faire étroitement liés à l’histoire de De l’Aire, par exemple, question de l’évo- coopération internatio-
ce territoire. Ces spécificités culturelles que reste-t-il du secteur lution de l’espace nale, urbanisme, inser-
ne sont pas pour autant figées puisqu’el- culturel tel que nous l’en- public et de la des- tion, économie sociale et
les sont invitées à se confondre avec tendons communément ? truction d’une barre solidaire, etc. Par exemple,
des cultures extérieures (Marocaine,
Galicienne). C’est dans cette confronta-
Il s’agit d’interventions d’habitation peut- le thème de la vieillesse
dans l’espace public ou elle être envisagée trouve une nouvelle ré-
tion de perspectives entre des individus au sein de bâtiments sonance dans plusieurs
porteurs d’identités culturelles différen- non seulement sous
collectifs, menés « en services locaux suite au
tes que se révèle d’ailleurs la force de la l’angle de l’urbaniste projet « les 80 ans de ma
coopération » par un col-
culture locale. La rencontre entre des ex- lectif d’architectes, des
et de l’expert, mais mère » du Théâtre Eprou-
pressions culturelles « d’ici et d’ailleurs » associations locales, un aussi du travailleur vette, et notamment dans
est également au fondement de la centre social, des profes- social, de l’artiste, la politique du Conseil
démarche du Théâtre Éprouvette. Ainsi sionnels de l’urbain, etc. de l’enseignant, du Général de la Nièvre. De
les équipes artistiques invitées doivent- Les architectes eux-mê- commerçant, etc. ? même, de multiples sec-
elles composer avec les caractéristiques mes travaillent à la marge teurs d’intervention (tou-
du lieu, qu’elles soient démographiques, de leur profession puisqu’ils abordent la risme, recherche scientifique, éducation,
sociales ou culturelles. Autour de la Terre question de la transformation urbaine et environnement, politique extérieure)
cherche, de son côté, à construire un de l’évolution des usages à travers des s’emparent de la question de l’immi-
dialogue entre la modernité et la tradi- procédés expérimentaux empruntant au gration marocaine dans la continuité
tion, sans mettre en opposition ville et bricolage, à l’animation socioculturelle, de Voix de Traverse. Pour l’association
campagne, mais en s’attachant notam- à la cuisine, au jeu, etc. La mise en avant Autour de la terre, les prolongements se
ment à valoriser des pratiques rurales de la dimension culturelle et artistique situent au niveau de l’impulsion d’une
novatrices (mouvement de la transition, contribue surtout à valider et à légitimer plateforme d’économie sociale et so-
agriculture biologique…). La genèse du une méthode, permettant de soustraire lidaire regroupant différentes filières
projet montre bien comment l’associa- le projet aux règles en vigueur dans (construction, bois, énergie). Ainsi, toute
tion territorialise progressivement son l’univers de la planification urbaine. On caractéristique construite d’un territoire
action, de son arrivée de Paris jusqu’à se situe dans le cadre d’une démarche semble pouvoir être une ressource, pour
transectorielle, consistant à intégrer un autant qu’elle renvoie à une représenta-
même problème dans plusieurs secteurs tion de ce territoire suffisamment par-
(3) LANDEL P.A. et PECQUEUR B. (2005), « La cul- d’intervention : comment la question tagée pour impliquer une diversité d’ac-
ture comme ressource territoriale spécifique », de l’évolution de l’espace public et de teurs et générer de l’action collective.
http://www.iga.ujf-grenoble.fr/territoires/
membres/chercheurs/Landel_publis.htm la destruction d’une barre d’habitation
(4) GUMUCHIAN H. et PECQUEUR B. (eds.) (2007), peut-elle être envisagée non seulement
La ressource territoriale, Paris, Economica. sous l’angle de l’urbaniste et de l’expert,
66 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
la pratique artistique de temps sociaux vent, en fait, être regardés sous autant
La ressource plus larges liés à la fête, à la tradition d’angles qu’il y a de types d’acteurs et de
territoriale : et à la vie quotidienne. Cette approche
induit plusieurs glissements quant au
domaines d’activités engagés.
sociale
teur artistique : pas de salles spéciali-
sées, mais l’espace social et les lieux non
L’indétermination
dédiés ; pas de distinction nette entre comme méthode
les artistes et les spectateurs, entre les
Ces processus sont le fait d’organi- professionnels et les amateurs, entre le
sations. Une ressource territoriale n’est temps de création et celui de la repré- Pour conclure, on insistera sur la large
pas donnée en soi, mais elle est une sentation. La production finale semble part d’indétermination de ces projets
construction sociale indissociable des moins importante que le processus qui culturels tout au long de leur processus
interactions entre acteurs et des formes mène à sa réalisation. Celle-ci n’a pas d’élaboration. Cette conception « en
de coopération à l’œuvre dans la pro- non plus vocation à être montrée en actes », au fur et à mesure, est sans
duction d’une action collective finalisée. dehors du cadre (un territoire) et de la doute difficile à articuler aux procédures
Autrement dit, elle doit être socialisée. configuration (sociale, culturelle, poli- et logiques institutionnelles des collec-
Cette idée n’est pas neutre lorsqu’on tique) qui ont prévalu à sa réalisation. tivités et établissements publics. Pour-
s’interroge sur les effets extrinsèques Dès lors, selon quels critères estimer la tant, l’utilisation de la culture comme
de l’art et de la culture : elle invite à valeur de ce qui est produit ? Cette ques- ressource du développement nécessite
dépasser la seule prise en compte des tion de l’évaluation est centrale, car elle d’être partiellement planifiée et aléa-
retombées et des impacts d’une activité rend compte de ce qui conventionnelle- toire, pour intégrer les spécificités et
culturelle – si difficiles à évaluer – pour ment est considéré comme digne d’inté- les temporalités propres à un lieu, être
mettre l’accent sur l’ensemble des éta- rêt ou ne l’est pas. Or, les critères domi- ouvert à ce qui n’est pas prévu, recon-
pes d’un processus, sur les acteurs, les nants qui fondent la valeur d’une œuvre naître les vertus du hasard et permettre
enchevêtrements, les articulations… sont majoritairement élaborés par les à chaque étape d’un processus de créer
C’est seulement dans ces conditions pairs en fonction de normes d’excellence les conditions propices et nécessaires à
qu’il est envisageable de comprendre artistique et de l’inscription dans des la suivante. C’est à ces conditions qu’il
de quelle manière un projet culturel est lieux consacrés (une salle de spectacle semble possible de considérer le « cercle
susceptible de nourrir un labellisée, un musée, un vertueux » d’un projet culturel sur un
projet de territoire. Ce On voit bien que se festival, une biennale…). territoire. Les articulations observées
sont les modes d’organi- pose ici un problème On voit bien que se pose entre projets culturels et projets de terri-
sation et de coopération toire appuient l’hypothèse selon laquelle
d’échelle et de dé- ici un problème d’échelle
qui confèrent aux améni- les politiques publiques et les stratégies
tés culturelles des vertus
finition de l’activité et de définition de l’ac-
territoriales se recomposent à la marge,
artistique pour les tivité artistique pour les
territoriales et non pas projets étudiés : d’un côté, ce qui met à l’épreuve les modes de gou-
leur simple qualité (le projets étudiés : d’un vernance locaux : d’une part, leur capa-
l’œuvre comme finalité
fait de faire un musée, côté, l’œuvre comme avec une portée symboli- cité à accepter et à intégrer ces espaces
d’organiser un festival, de finalité avec une que extrêmement forte ; d’expérimentation qui génèrent un sens,
créer des résidences d’ar- portée symbolique de l’autre, l’œuvre comme une temporalité et des règles qui leur
tistes…). Il s’agit donc de extrêmement forte ; pratique, c’est-à-dire sont propres ; d’autre part, leur aptitude
souligner que les effets de l’autre, l’œuvre comme processus de créa- à penser et à construire les liens entre
exogènes des activités comme pratique, tion situé. Cette dernière les marges et les cadres plus institués de
artistiques et culturelles c’est-à-dire comme conception de l’activité l’action publique.
ne résident pas dans le
processus de créa- artistique offre davantage
produit finalisé, mais
dans toutes les étapes
tion situé. de possibilités de ramifi-
cations avec d’autres acti-
qui ont conduit à sa réa- vités sociales, à partir du
lisation. Pour les responsables locaux, moment où celles-ci trouvent une place Notes bio
cela induit de dépasser le simple effet de dans le processus de création (5) . Mais la
légitimation de l’intervention culturelle Vincent Guillon, politologue (PAC-
multidimensionnalité des projets étudiés
publique par le développement local, TE - IEP de Grenoble) : ses travaux
– à la croisée de plusieurs secteurs et en-
pour se questionner plus en amont sur la jeux de territoires – complexifie encore de recherche portent sur les poli-
méthode d’élaboration des projets sou- tiques culturelles, la gouvernance
davantage la question de leur évalua- culturelle des territoires et les pra-
tenus, sur le sens et la pertinence de leur tion. En effet, à partir de quelle entrée
ancrage territorial. tiques culturelles. Il collabore aussi
choisir les critères qui permettront d’en régulièrement avec l’Observatoire
jauger l’intérêt : art, urbanisme, action national des politiques culturelles.
sociale et solidarité, éducation, tourisme,
La question développement économique, dialogue Pauline Scherer : sociologue de
formation, elle est actuellement
intergénérationnel ? Ces projets peu-
de l’évaluation coordinatrice de l’association
M’Entends-Tu ? dont l’action est
dirigée vers les enjeux de prise de
Les projets étudiés manifestent aussi (5) LIOT F. (eds) (2010), Projets culturels et partici-
parole dans l’espace public.
pation citoyenne. Le rôle de la médiation et de
une même volonté de ne pas séparer
l’animation en question, L’Harmattan, Paris.
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 67
La Bulle, montage
1/Vous dirigez l’ADDIM 70, association « sporadique » : absence d’équipements progressivement dépassé sa sphère tra-
départementale pour le développement culturels et de structures qualifiées et ditionnelle d’intervention, destinée à des
et l’initiative de la musique et de la organisées d’enseignement artistique, publics spécifiques, pour adopter une
danse en Haute-Saône. Quels sont les des pratiques artistiques peu qualifiées. posture plus ouverte en direction des
objectifs de cette association ? L’ADDIM 70 au cours de sa première dé- populations.
cennie d’existence s’est donc attachée
Créée en 1983 à l’initiative du Conseil 2/Quel sens donne l’ADDIM 70 à son
à apporter des réponses pérennes à ses
général de la Haute-Saône, l’ADDIM 70 action de développement culturel sur
besoins de structuration et de déve-
s’est d’abord positionnée comme un les territoires, particulièrement les ter-
loppement. À l’aube des années 2000,
outil de soutien et d’accompagnement ritoires ruraux ?
la naissance de l’intercommunalité et
de la vie musicale et chorégraphique (ac-
son développement sur le territoire dé- L’ADDIM 70 porte aujourd’hui de nou-
compagnement des pratiques en ama-
partemental a permis l’ouverture d’un velles démarches et expérimentations
teur, musique à l’école, développement
chantier totalement inédit en faveur en direction des populations rurales du
des enseignements artistiques). A cette
de l’accès à la culture des populations département, souvent éloignées des
époque, comme dans beaucoup de terri-
rurales. S’appuyant sur cette nouvelle lieux d’accès aux pratiques culturelles.
toires ruraux, la vie culturelle est plutôt
organisation territoriale, l’ADDIM 70 a
68 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
Ce processus principalement situé plusieurs orientations conjuguées : 4/La Bulle, scène gonflable itinérante a
dans une perspective de médiation • Expertise (évaluation des ressources été créée à l’initiative de l’ADDIM. Pou-
culturelle s’inscrit également dans le locales) et concertation (groupes vez-vous nous expliquer l’origine de ce
cadre de la rénovation des politiques d’action locale) projet et son rôle aujourd’hui ?
publiques et plus spécifiquement dans • Conception et conduite de projets
Inaugurée en octobre 2009, la Bulle,
le contexte de la réforme sur l’intercom- artistiques participatifs et innovants
scène gonflable itinérante, créée par
munalité en cours. à caractère expérimental
l’agence Scen & Act avec la complicité de
• Coordination culturelle et technique
La culture est un vecteur incontesta- l’architecte Hans-Walter Müller, a permis
• Médiation auprès des populations
ble de lien social entre les habitants d’un d’apporter une réponse spectaculaire
et des acteurs locaux
territoire. En ce sens, les projets culturels et particulièrement bien adaptée aux
doivent nécessairement impliquer les En effet, la plupart des établisse- besoins d’accès à la culture des zones
populations et les élus politiques des ments de coopération intercommunale rurales. « Pôle d’excellence rurale » en
territoires concernés. Il s’agit donc bien situés en zone rurale ne disposent pas 2006 et « Prix Territoria d’Or » en 2010,
d’un projet social où chacun tient une des moyens humains et techniques ce signal culturel en mouvement au
place importante. Les lieux de dialogues adaptés à la mise en œuvre d’un projet cœur de la ruralité, a montré rapidement
entre chaque acteur deviennent alors culturel clairement identifié. sa capacité à s’inscrire pleinement dans
très importants : avec l’ingénierie de les enjeux du développement local.
Aussi, l’action de l’Addim 70 consiste
projet, les projets territoriaux concer-
à apporter un soutien méthodologique, Il s’agissait de trouver une réponse à
nent le plus grand nombre d’habitants.
technique et artistique permettant, à l’absence d’équipements culturels adap-
La dimension culturelle est primordiale
partir des besoins expri- tés, en privilégiant une
dans le développement du territoire car
elle implique l’ensemble d’une popula-
més, d’intégrer la culture Il s’agissait (avec approche « éphémère »
tion dans un projet collectif. Cependant
dans le processus du dé- la Bulle. NDLR) de qui agisse comme un
veloppement local. À titre trouver une réponse véritable « symbole » !
un projet culturel nécessite beaucoup
d’exemple, nous venons à l’absence d’équi- Ainsi, la création d’un tel
de facteurs pour être réellement ouvert
d’accompagner la future équipement participe très
comme des besoins de formations pements culturels
communauté de commu- concrètement à la stra-
ou du soutien aux associations. Les
nes du Triangle Vert dans
adaptés, en privilé- tégie de développement
démarches envisagées croisent trois
l’élaboration de son pro- giant une approche culturel en milieu rural
problématiques :
jet culturel. Ce processus « éphémère » qui portée par l’ADDIM 70,
• De quelle manière la culture joue agisse comme un vé- comme une étape indis-
a mobilisé l’ensemble des
un rôle dans l’implication des popu- ritable « symbole » !
acteurs du territoire pen- pensable à la pérennité
lations lors de projets territoriaux ?
dant plusieurs semaines des actions engagées de-
Comment et dans quelles conditions
et s’incarne dès à présent dans la mise puis de nombreuses années au bénéfice
peut-elle créer du lien social et
en œuvre d’un projet artistique partici- des territoires ruraux.
s’inscrire véritablement comme un
patif (résidence chanson avec Laurent
service à la population ? Dans un contexte où la territoriali-
Madiot). L’Addim 70 dispose d’un savoir-
• Comment conjuguer développe- sation de l’action culturelle est particu-
faire adapté, qu’elle met à la disposition
ment culturel et développement lièrement manifeste, cette réalisation
des Communautés de communes parte-
local ? s’inscrit dans des enjeux essentiels, en
naires pour la mise en œuvre d’un projet
• Quelles actions artistiques peu- favorisant notamment l’émergence de
partagé. Ce processus a pour ambition
vent s’intégrer dans ce projet de projets artistiques en prise directe avec
de :
développement ? les besoins de la population, comme
• Créer un véritable service culturel en avec celles des artistes désireux de trou-
milieu rural : formation/diffusion/ ver de nouveaux espaces d’expression.
3/Dans le volet « arts vivants et terri-
pôle ressources
toires » du projet de l’ADDIM 70, il est Outil de développement culturel des
• Intégrer la culture comme un élé-
question « d’accompagner les nouveaux territoires ruraux, la mise en mouvement
ment à part entière et constitutif
territoires ». De quel type d’accompa- de la Bulle repose sur un projet artisti-
des projets locaux de développe-
gnement s’agit-il ? que et culturel conjuguant l’ensemble
ment durable
des thématiques artistiques et culturel-
L’ADDIM 70 traduit son engagement
En d’autres termes, il s’agit pour l’es- les portées au quotidien par l’ADDIM 70
en faveur de développement de l’in-
sentiel de parvenir à l’élaboration d’un (éveil et éducation artistique, musiques
tercommunalité culturelle sur la base
projet culturel « sur mesure » reposant actuelles, danse, enseignement musical
de contrats locaux de développement
sur une vision partagée des enjeux. spécialisé, pratiques en amateur).
culturel, en fondant son action autour de
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 69
La Bulle, intérieur
70 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
Le patrimoine culturel
immatériel
Christian Hottin
conservateur du patrimoine. Adjoint au département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique.
Direction générale des patrimoines. Ministère de la culture et de la communication.
Comment la
convention est-
elle mise en
pratique par la
France ?
En matière de sauvegarde du patri-
moine culturel immatériel, la France pos-
sède un grand nombre de réseaux d’ins-
titutions (centres de musiques et danses
traditionnels, parcs naturels régionaux,
musées de société ou d’agriculture,
services d’archives, ethnopôles, société
d’encouragement des métiers d’art) qui,
dans leur domaine et sur leur territoire,
participent déjà ou sont susceptibles de
participer à la sauvegarde de ce patri-
moine. Certaines peuvent devenir ONG
expertes auprès de l’UNESCO.
À toutes, la Convention, ses principes
et ses outils offrent un cadre fédérateur
pour mettre en place et coordonner des
projets, pour sensibiliser les pouvoirs
publics.
La Fédération des écomusées et des
musées de société a, par exemple, tenu
à faire du PCI le thème de ses dernières
rencontres professionnelles en mars
2011.
Depuis longtemps, l’État joue un rôle
important dans le soutien apporté à ces
Le savoir-faire de la dentelle au point d’Alençon. © Gilles Kervella, 2009 réseaux. Il s’implique également directe-
ment dans la sauvegarde, par exemple à
travers l’inscription comme monuments
patrimoine culturel immatériel de l’hu- Pour la liste dite « de sauvegarde ur-
historiques d’objets ou monuments
manité des éléments de leur patrimoine gente », qui concerne les éléments me-
supports de pratique du patrimoine im-
immatériel. L’une de ces listes, dite « re- nacés de disparition, un diagnostic des
matériel (arènes de bouvine), ou encore
présentative » a vocation à accueillir des périls encourus est nécessaire, assorti
à travers les ateliers conservatoire des
éléments représentatifs du patrimoine d’un plan de sauvegarde donnant des
dentelles du Puy ou d’Alençon.
immatériel des États. Le projet élaboré indications budgétaires et détaillant des
dans le cadre de la candidature doit projets de sauvegarde respectueux de la Afin de soutenir les actions en faveur
comporter un plan de gestion de l’élé- volonté des communautés, et soucieux du PCI dans la société et de favoriser
ment proposé pour inscription, avec un d’éviter toute folklorisation, muséifica- l’émergence d’un réseau d’acteurs im-
ensemble de mesures visant à entretenir tion ou marchandisation de la pratique. pliqués dans la sauvegarde, le ministre
ou améliorer la pratique de l’élément. de la Culture a désigné en 2011 la Maison
72 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
L’auteur fait part dans ce propos de l’apport souvent méconnu des services de l’inven-
taire général, à la connaissance du patrimoine culturel des territoires, notamment
ruraux. Il indique notamment quelques-unes des méthodes et ressources que l’inven-
taire met en œuvre dans de nombreuses démarches de diagnostics de territoires.
L’Inventaire général né en 1964 à l’ini- générale des patrimoines). se sont confrontés depuis 2007 comme
tiative de André Chastel et André Mal- le montrera le colloque organisé en
On sait moins le travail mené sur les
raux est, depuis la loi de 2004, et dans novembre 2014 à l’Institut National du
objets mobiliers et à travers eux sur les
les faits en 2007, décentralisé et consa- Patrimoine.
savoir-faire, on connaît encore mal les
cré au patrimoine culturel et non plus
approches novatrices en matière de pay- Mobilisation des connaissances dans
aux monuments et richesses artistiques
sages (en Bretagne avec le PNR d’Armo- des diagnostics, synthèses pour des aires
de la France. L’Etat a confié la charge des
rique (4) ou en PACA avec le Pays A3V(5) …) d’étude correspondant à des territoires
opérations d’Inventaire général du pa-
et les tentatives, plus récentes encore, de projets, stabilisation des vocabulai-
trimoine culturel aux Conseils régionaux
d’aborder les formes du périurbain… res et des thesaurus pour architecture
et à la Collectivité territoriale de Corse.
et objets mobiliers, généralisation du
Il conserve en revanche son rôle en ma- Dans le partenariat engagé avec
dossier électronique de production et
tière de méthodologie et de normes, le ministère de l’Agriculture, saluons
diffusion des données, ouverture de ré-
assure le système documentaire national l’association en amont des services de
flexions sur les paysages, les formes du
et exerce, au niveau central, le contrôle l’Inventaire général, par le moyen de la
périurbain, les territoires de l’eau (de la
scientifique et technique. connaissance du patrimoine culturel
rivière aménagée au littoral en passant
sous toutes ses formes, comme la ga-
On sait l’apport de l’Inventaire géné- par les canaux) sont autant d’atouts de
rantie d’une réussite des projets liés aux
ral à la connaissance des territoires ru- ces services à mettre au profit de cette
patrimoines. Cela a été la cas en Basse-
raux par l’étude du patrimoine bâti qu’il convention culture-agriculture.
Normandie autour des thématiques de
soit religieux ou civil y compris pour des
la construction (de la connaissance des Citons pour finir et rester dans l’ac-
constructions banales. Cette action a été
techniques traditionnelles de la Bauge tualité, la journée d’étude organisée à
particulièrement valorisée dans le par-
en marais du Cotentin-Bessin jusqu’à la Bordeaux par le Conseil régional (Service
tenariat déjà ancien avec les parcs natu-
création contemporaine répondant aux régional de l’inventaire) en octobre 2013
rels régionaux (voir actes du séminaire
exigences thermiques et climatiques) sur le sujet « bâtir pour le vin » (6) qui a
de formation dans le PNR de la Brenne
mais aussi dans le domaine des patri- permis de présenter les travaux menés
en 2010 dans le cadre de la convention
moines équestres. en Champagne, Bourgogne, Midi-Pyré-
avec la fédération des PNR, sur les sites
nées ou Languedoc-Roussillon…
internet du PNR de la Brenne (1) , de la À partir de 2014, les fonds européens
Fédération (2) et de la Mission (3) au sein seront gérés par les Conseils régionaux
du Service du patrimoine à la Direction et encourageront des approches globa-
les des territoires notamment ruraux, ce
à quoi les services de l’Inventaire général
(1) http://www.parc-naturel-brenne.fr/fr
(2) http://www.parcs-naturels-regionaux.tm.fr/fr/
accueil (4) http://www.pnr-armorique.fr
(3) http://www.inventaire.culture.gouv.fr (5) http://www.pays-a3v.net (6) http://inventaire.aquitaine.fr
74 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
Arnaud Stinès revient sur son expérience de directeur de Rurart en explicitant les
logiques artistiques et éducatives qui ont guidé sa programmation durant ces neuf
années : proposer des œuvres qui posent les termes d’une réflexion sur l’époque,
notamment le rapport au Vivant, et travailler la démarche de médiation, c’est-à-dire
les conditions d’une approche critique des œuvres et des questions soulevées par les
artistes sur le monde contemporain, notamment pour le public jeune.
Rurart est une structure unique en expositions : elles reposent sur l’idée que
France, qui regroupe un centre d’art L’art pour essayer l’art a vocation à questionner le monde.
contemporain, un espace multimédia
et le réseau régional de l’enseignement
de comprendre le À travers sa programmation, Rurart
s’empare ainsi des questions et des
agricole en Poitou-Charentes. Le carac-
tère atypique de cet équipement culturel
monde contradictions que portent la science,
l’économie, la biologie, l’organisation
vient de sa tutelle bien sûr – il peut sem- contemporain sociale, en invitant les artistes par leurs
bler curieux que le ministère de l’agricul- œuvres, par l’art, par l’esthétique, par
ture soit en charge de l’administration la poésie, par la pensée, à poser les ter-
d’un centre d’art contemporain, c’est là L’une des fonctions d’un centre d’art mes du débat, en fuyant toute forme de
l’héritage de la volonté politique qui a contemporain comme Rurart est de met- prosélytisme, condition essentielle pour
conduit à la mise en œuvre de l’éduca- tre en résonance les idées, les constats, favoriser à la fois l’appréhension par les
tion socioculturelle dans l’enseignement les contradictions qui interpellent l’épo- publics des enjeux de l’art d’aujourd’hui
agricole – mais surtout de sa localisa- que, qui éprouvent la complexité. La pro- et des questions qui habitent ce dé-
tion, au cœur du milieu rural, sur le site grammation artistique pose les termes but de siècle. La programmation fait
du lycée agricole de Venours, dans la d’une réflexion sur la place de l’homme ainsi une place importante à l’art dans
Vienne, à une trentaine de kilomètres de dans le monde. Elle questionne l’éthique. son rapport au Vivant : en ce début de
Poitiers. Cette géographie est essentielle Pour citer Edgar Morin, « La morale non XXIe siècle, les questions liées au Vivant
et ses conséquences imprègnent très complexe obéit à un code binaire bien/ sont nombreuses, elles couvrent un
fortement le projet artistique de Rurart mal, juste/injuste. L’éthique complexe vaste champ de préoccupations sociales
suivant deux grands axes : les choix de conçoit que le bien puisse contenir un et naturellement des artistes les inves-
programmation d’une part, la nature de mal, le mal un bien, le juste de l’injuste, tissent et en font la matière même de
la médiation de l’autre. Si la program- l’injuste du juste ». leurs œuvres.
mation fait la part belle à une réflexion
La programmation artistique de Ru- Ils s’emparent des questions soule-
autour de la question du vivant, la
rart véhicule des problématiques concer- vées par l’évolution des connaissances
médiation est la clé de voûte du projet
nant davantage le monde contempo- en matière de génétique par exemple,
artistique et conditionne sa pertinence,
rain que l’histoire de l’art. C’est là une des questions concernant le statut d’un
tant elle est constitutive de l’identité de
des clés pour la médiation autour des organisme vivant discutées dans le cadre
la structure.
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 75
des lois de bioéthique, des questions de fleurs, sélectionnées patiemment identitaire. Un monde travaillé par la
économiques à propos de la brevetabi- comme l’aurait fait tout horticulteur montée des communautarismes, où
lité du vivant, des questions environne- passionné, présentées par l’artiste l’individu peut être défini par son patri-
mentales découlant des préoccupations comme des œuvres d’art. Par la sélection moine génétique au même titre que par
sur le climat ou à la biodiversité, des des espèces pour produire une nouvelle sa culture.
questions d’agriculture et d’alimentation variété de Delphiniums, l’artiste mettait
Si art et sciences sont étroitement
autour de la place des OGM, des ques- en perspective la pensée eugéniste des
liés dans les œuvres et les démarches de
tions ontologique liées à la définition de années trente, alors que l’Europe était
nombreux artistes exposés ces dernières
l’homme par son ADN. Et peut-être sur- déjà sous la coulpe des totalitarismes.
années à Rurart (la liste complète se
tout des questions liées à l’hybridation, La douceur des fleurs contrastait avec la
trouve sur le site web (1) de la structure),
un champ de réflexion particulièrement violence de la pensée.
on ne saurait résumer le questionne-
important en ce qu’il implique un rap-
Manipuler le Vivant, quel que soit ment autour du Vivant à cette articula-
port à l’altérité et une remise en cause
le support, qu’il s’agisse de plantes, de tion dès lors qu’il est entendu qu’il porte
d’une conception anthropocentriste du
mammifères ou de bactéries, revient celui du devenir de l’Homme. Car l’ar-
monde. Il est d’ailleurs significatif et
pour les artistes à s’interroger sur l’évo- tiste n’a pas attendu le génie génétique
particulièrement éclairant de souligner
lution de l’humanité. Sans doute ces pour se préoccuper de sa destinée. C’est
que la première œuvre de bioart était
préoccupations sont-elles symptomati- même là la nature même des Vanités,
déjà une forme d’hybridation. Une hybri-
ques d’un monde dans lequel les progrès ces natures mortes, principalement du
dation végétale. En 1936, au musée d’art
scientifiques en matière de génie géné-
moderne de New York, le photographe
tique trouvent une application dans le
Edward STEICHEN faisait scandale en
domaine sécuritaire et dans le domaine
présentant des delphiniums. Il s’agissait (1) http://www.rurart.org
76 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
17e siècle, qui visent à rappeler à l’inexo- que tout peut être montré n’importe où, Il faut préciser ici que le centre d’art
rable condition humaine, le memento qu’il n’existe pas une programmation n’est pas visible de la route départe-
mori, souviens-toi que tu vas mourir. À spécifiquement dédiée au milieu rural, mentale ce qui signifie, conjugué à la
ce sujet, l’historien de l’art Jean-Pierre pas plus qu’à telle classe sociale ou tel faible densité de population du terri-
Néraudeau s’interrogeait sur l’intérêt groupe minoritaire. En revanche, si l’art toire, qu’aucun des quatre ou cinq mille
pour les Vanités au fil des siècles. Pour le est habité de ces problématiques qui tra- visiteurs annuels ne pousse la porte de
citer : « (…) le 18è siècle est trop peu re- versent l’époque, tout l’enjeu du travail Rurart au gré d’un détour ou d’une pro-
ligieux et trop attaché au bonheur pour de médiation est exactement inverse. La menade. Chacun est venu précisément
se faire peur avec ces représentations ; médiation est liée exclusi- pour voir une exposition
le 19e a d’autres soucis que la fragilité de vement aux composantes d’art contemporain, là, au
l’homme et d’autres moyens d’exprimer locales, au contexte dans
Autrement dit, si milieu des champs.
sa philosophie du temps et de la mort. Il lequel elle se déploie. une œuvre ou une
est significatif de l’inquiétude retrouvée Autrement dit, si une exposition peuvent Malheureusement le
être présentées à constat que l’art contem-
de l’humanité que le thème réapparaisse œuvre ou une exposition
porain pâtit toujours
au XXe siècle. » peuvent être présentées Rurart aussi bien que
d’une image d’hermé-
Au XXe siècle, et plus encore au 21e, ce
à Rurart aussi bien que n’importe où ailleurs, tisme au prétexte que
n’est plus tant le devenir de l’homme en
n’importe où ailleurs, leur leur accompagne- ses codes ne seraient
tant qu’individu qui préoccupe l’artiste
accompagnement devra ment devra être tout accessibles qu’aux seuls
être tout à fait spécifique, à fait spécifique,
mais le devenir de l’humanité. initiés, à mille lieux des
compte tenu de la géogra-
compte tenu de la réalités du monde, reste
phie du lieu et du public
géographie du lieu d’actualité. Les ensei-
qui le fréquente.
et du public qui le gnants et les éducateurs,
La médiation Localement, Rurart fréquente. confrontés aux difficultés
est situé sur le site d’un de la compréhension des
au plus près du lycée agricole, le long de esthétiques et, souvent,
territoire la D150, à mi-chemin entre deux villages, de leur difficulté à transmettre des
Rouillé et Lusignan. Ils appartiennent à connaissances dans ce champ particulier,
la communauté de communes du pays semblent parfois fragilisés lorsqu’il s’agit
mélusin, qui regroupe neuf communes d’aborder les créations artistiques en
Ces questionnement traversent da-
rurales et compte 10 795 habitants, dont dehors d’une historicité établie. Si l’art
vantage une époque qu’un territoire
23 % de – 20 ans, 54 % + 40 ans, 31 % de contemporain reste difficile à appréhen-
bien particulier. Ils découlent d’une idée
retraités (source INSEE, 2006). der, une démarche de médiation vise à
de l’universalité de l’art, de la certitude
offrir les clés d’une approche critique du
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 77
fait artistique et de son articulation avec fréquentation année après année, il ne dans l’espace public, premier lieu de ren-
les grandes questions qui traversent le faut pas perdre de vue que l’essentiel de contre avec les œuvres et les démarches
monde contemporain. L’enjeu est d’im- la population se tient éloigné des équi- artistiques. En s’appuyant également sur
portance : la moitié du public de Rurart pements culturels. Pour citer la récente sa mission d’animation du réseau régio-
est un public scolaire, principalement étude d’Olivier Donnat pour le ministère nal d’action culturelle de l’enseignement
composé de collégiens et de lycéens. Il de la Culture, consacrée aux pratiques agricole en Poitou-Charentes, et sur
s’agit de groupes accompagnés par des culturelles des français, il est significa- une convention passée avec la Région
enseignants, ainsi que des élèves du tif de relever que seulement 22 % de la Poitou-Charentes dès 2006, qui prévoit
lycée agricole de Poitiers-Venours qui population déclare fréquenter régulière- l’élargissement du champ de cette mis-
viennent volontiers spontanément dé- ment les équipements culturels (biblio- sion à l’ensemble des lycées de Poitou-
couvrir les expositions dans les semaines thèques, cinémas, lieux de spectacles, Charentes.
qui suivent les vernissages. L’autre moitié lieux d’expositions, lieux de patrimoine),
Ainsi, depuis 2009, Rurart a coordon-
est composée de visites individuelles ou contre 52 % qui ne les fréquentent ja-
né 45 résidences d’artistes dans les éta-
familiales, de personnes qui reçoivent les mais ou tout à fait exceptionnellement.
blissements scolaires de la région, avec
cartons d’invitation, la lettre d’informa- Autrement dit, après cinquante ans de
la volonté de considérer que la présence
tion numérique ou qui ont connaissance politiques de démocratisation culturelle,
des artistes au sein des lycées était cer-
de l’exposition par la presse ou par les un français sur deux reste loin de la
tes l’occasion d’un travail évident d’édu-
campagnes de communication, aussi culture. Il ne serait pas surprenant que
cation artistique auprès des jeunes, mais
modestes soient-elles. cette proportion soit encore plus élevée
aussi – et peut-être surtout – l’occasion
en milieu rural et malheureusement,
Il faut bien comprendre qu’aucun pour les établissements scolaires de
construire un centre d’art au milieu des
visiteur de Rurart ne franchit la porte du renforcer le rôle qu’ils pouvaient jouer
champs, sur le site d’un lycée, ne suffit
centre d’art par hasard, la géographie en matière d’animation culturelle des
pas à ce que la population alentours et
interdisant cette option. Cette spécificité territoires, et notamment des territoires
les lycéens se trouvent investis d’une
de la composition du public – moitié ruraux. Les partenariats ainsi initiés en-
passion invétérée pour les esthétiques
public scolaire et moitié public « mo- tre des lycées et d’autres équipements
contemporaines. L’effort de médiation
tivé »- implique un travail d’accompa- (centres sociaux, maisons de retraite,
doit donc s’inscrire dans une logique
gnement important car il est nécessaire équipements culturels) à partir de la pré-
territoriale, au-delà de la recherche de
pour Rurart d’aller chercher ses visiteurs sence des artistes en résidence ont été
développer les publics du centre d’art.
et de construire avec eux une relation très nombreux.
de confiance qui les amène à prendre Hélène Cettolo, dans sa thèse de
Rurart participe par ces diverses en-
l’habitude de parcourir les expositions. doctorat consacrée à l’action culturelle
trées au développement culturel des
Ce positionnement conduit à développer en milieu rural (Toulouse, 2000), remar-
territoires, et plus particulièrement des
une médiation très subtile, qui s’adapte quait que celle-ci était souvent menacée
territoires ruraux, par une ingénierie de
à chaque catégorie d’usagers du lieu, si par deux excès : une folklorisation hors
projets qui s’appuie sur l’art et la culture
ce n’est même parfois à chaque individu : temps, une standardisation hors sol : le
comme vecteurs de développement
c’est l’idée de favoriser une relation pri- refuge dans une culture folklorique est le
territorial.
vilégiée de chaque visiteur avec les œu- signe d’un repli du monde rural qui re-
vres et les artistes qui anime la politique pose sur le culte d’un âge d’or disparu et Quelles que soient les difficultés, je
de médiation de la structure. largement fantasmé. A l’opposé, la stan- pense qu’il faut encourager la présence
dardisation des propositions liée à l’ac- de l’artiste dans les établissements sco-
cès identique aux mêmes produits cultu- laires pour la simple raison (si l’on ne
rels et à la référence aux modèles de la devait en retenir qu’une !) que l’artiste
L’animation des civilisation urbaine occidentale conduit à questionne le monde dans lequel il vit,
la disparition de l’identité rurale. postulat sur lequel devrait reposer tout
territoires, projet éducatif. Et pour reprendre les
Entre ces polarités, à l’articulation
enjeu pour la de la tradition et de la modernité, de
propos de l’artiste américain Georges
Gessert(2) : « Dans la mesure où les arts
l’ici et de l’ailleurs, du local et du global,
démocratisation il convient de réinvestir le rôle de la
favorisent la prise de conscience, plus
nombreux seront les artistes franchis-
culture en milieu rural en interrogeant
culturelle la singularité et le sens que trouvent les
sant la limite, mieux cela vaudra. »
acteurs, les habitants, aux valeurs qui
animent leur territoire.
Mais le travail en direction des pu-
blics ne saurait se limiter aux conditions C’est dans cet esprit que Rurart a
d’accueil qui leur sont proposés lorsqu’ils consacré une part de plus en plus impor-
franchissent les portes du centre d’art. tante de son activité au développement
Quelles que soient les satisfactions d’actions hors les murs. En produisant
que l’on peut tirer à l’observation de la par exemple des interventions d’artistes (2) Artiste contemporain américain considéré
comme une figure majeure du bio-art
78 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
Quels enjeux sociaux, éducatifs, citoyens, artistiques, porte aujourd’hui une éducation
aux arts numériques, notamment avec un public jeune ? Comment utiliser ces nouvelles
technologies pour questionner notre monde ? La cohabitation des techniques hightech
et des techniques lowtech dans un même projet a-t-elle un sens ? C’est le propos et la
démarche engagés depuis plusieurs années par Oudeis au sein des lycées agricoles en
Languedoc-Roussillon.
Lorsque nous pensons technologies de la région Languedoc-Roussillon s’as- d’expression les plus ouverts, certaine-
et réseaux, c’est le citadin que nous nous sociant à de régulières occasions avec le ment les moins formatés possibles. Il est
figurons, pris dans les transports, la tête Réseau d’Éducation Culturelle Régional nécessaire de leur proposer – et particu-
plongée dans son téléphone intelligent. de l’Enseignement Agricole (RÉCREA) lièrement à ceux qui auraient le plus de
Cette caricature est la suite logique de animé par les enseignants d’éducation difficultés à y accéder pour différentes
la ville comme lieu du progrès et de l’in- socio-culturelle en lycée agricole. raisons, qu’elles soient géographiques,
novation. Or, la vitesse de l’information sociales, culturelles – une
L’objet de nos interven- L’objet de nos in-
ainsi que les tendances et usages asso- approche des nouvelles
tions en milieu scolaire
ciés aux technologies de l’information et terventions en technologies qui soit à
vise l’appropriation des
de la communication viennent à se nor-
usages technologiques
milieu scolaire vise la fois créative, ouverte,
maliser. Ainsi, un adolescent, qu’il vive en
par la pratique artisti- l’appropriation des transversale, collective,
milieu rural ou en milieu urbain, restera usages technologi- fondée sur l’échange et le
que. L’art est proposé
connecté à son Facebook et pianotera ques par la pratique partage, visant la connais-
comme une entrée pour
avec la même ferveur sur son clavier. sance, la sensibilisation, le
une analyse et une cri- artistique. L’art est
Ceci est peut-être le signe le plus dis- développement de l’esprit
tinctif de l’emprise des technologies, de
tique constructives de proposé comme une critique, de l’imagination
manière générale, et indépendamment
ces outils qui offrent des entrée pour une ana- et de l’expression. Une
du territoire. Leurs enjeux ne se situent
potentiels de liberté mais lyse et une critique approche misant sur la
aussi, paradoxalement, constructives de ces
donc pas tant dans leur accessibilité valorisation et l’épanouis-
d’aliénation. Puisque les outils qui offrent des sement... Une approche
puisqu’elle est généralisée, par contre, ils
technologies participent
porteraient plutôt sur l’accès à la culture, potentiels de liberté humaniste en somme.
aux mutations sociales,
à la maîtrise, à la réappropriation voire
culturelles, économiques,
mais aussi, parado- Ce travail réclame
à la compréhension de ce qu’impliquent
politiques, il nous paraît xalement, d’aliéna- des compétences et des
ces usages technologiques. C’est aussi tion.
primordial d’accompa- connaissances précises,
là que se jouent les inégalités en termes
gner les jeunes dans une tant culturelles que tech-
de transmission, d’accompagnement et
réflexion citoyenne, de les informer et nologiques, d’autant plus diluées dans
d’autonomisation. C’est à partir de ce
de les former à des usages qui permet- les territoires ruraux que les infrastruc-
constat qu’Oudeis a engagé tout son
tent d’analyser, manipuler, détourner et tures et les communautés de spécialistes
travail de diffusion, de création et d’édu-
disséquer les outils. L’ambition d’Oudeis et d’amateurs sont moins répandues.
cation artistique toutes ces années.
est clairement d’encourager l’autonomi- Les actions d’éducation aux arts nu-
D’abord sur la ville du Vigan, dans un
sation des jeunes et trouver les modes mériques ont ainsi un enjeu multiple :
bassin rural en reconversion, puis au sein
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 79
communication et des outils technologi- article, d’un écrit analytique contextua- d’un objet très matériel (...)et qui per-
ques du quotidien, le champ d’action est lisé. Ouvert aux élèves, l’Atelier Nomade met, de plus, d’engager une réflexion de
très vaste et les points de confluences de Sérigraphie incluait toutes les possi- fond sur l’ensemble des technologies,
avec les jeunes étendus. bles interactions humaines. y compris numériques, de leurs usages,
de leurs rapports aux pouvoirs. Nous
Le second temps consistait en un
sommes plus attachés au processus de
travail complémentaire
production impliquant un
Nature sensible, de documentation par la
réalisation d’interviews, C’est un véritable ensemble d’outils et un
enjeu pédagogique esprit de collaboration,
le dispositif du de captations vidéos et
d’apprendre aux qu’à une finalité de pro-
photographiques. Cet
réseau des ensemble de données élèves que posséder
duction où le numérique
serait spectacularisé. Cela
fut compilé, rassemblé l’objet technologi-
établissements au sein d’un site internet que n’est pas une
est important et travailler
dans ce sens avec les élè-
spécifiquement dédié. De fin en soi et que sa
agricoles de façon cohérente, ce désir maîtrise, voire son
ves permet de modifier
leurs rapports aux nou-
Languedoc- de se réapproprier les
technologies se formule
épuisement par velles technologies, de
l’expérimentation, les émanciper de la fuite
Roussillon par la mise en place d’une
situation médiatique et apporte d’autres en avant vers le toujours
satisfactions. plus, vers le high-tech.
lowtech.
C’est un véritable enjeu
Le dispositif Nature Sensible, initié et Afin d’expliciter cette pédagogique d’apprendre
coordonné par le réseau RECRÉA, a per- dernière notion, il semble indispensable aux élèves que posséder l’objet techno-
mis à Oudeis de vérifier et de développer d’assumer l’idée que la sérigraphie est logique n’est pas une fin en soi et que
une approche pédagogique des arts nu- un paradigme technologique. Alors que sa maîtrise, voire son épuisement par
mériques respectant les principes énon- nous nous inscrivons dans le champ des l’expérimentation, apporte d’autres sa-
cés plus haut. Chaque année, des artis- arts numériques, nous soutenons aussi tisfactions. Au contraire, posséder sans
tes répondent à un appel à projet et sont les arts électroniques et médiatiques. En savoir utiliser se révèle déceptif. C’est un
invités durant trois à six semaines dans effet, le numérique n’est que la forme constat que nous pouvons faire au re-
les lycées agricoles de la région Lan- technologique la plus actuelle et les gard des usages que font les élèves des
guedoc-Roussillon. La saison 2012-2013 artistes ont toujours su s’emparer des ordinateurs fournis par les institutions :
a permis d’accueillir six artistes autour technologies de leur temps. Pour nous, il usages de loisir, matériel défectueux,
des pratiques numériques. L’une de ces n’est pas anachronique ou hors-champs manque d’accompagnement, l’outil
résidences a, cependant, la particularité de proposer la sérigraphie dans le cadre n’est pas valorisé et réciproquement, la
d’être itinérante et d’aller à la rencontre de pratiques numériques. Le numérique possession de ce matériel devient ba-
des autres artistes pour porter un regard n’est pas synonyme du tout virtuel, c’est nal. La sérigraphie semblait le medium
croisé et documenter ces temps de créa- un moyen qui peut aboutir à la création pertinent pour répondre à ce parti-pris.
tion. Temps hybride, oscillant entre la
captation, le ressenti et sa transcription
(graphique, textuelle ou sonore), l’artiste
itinérant a une visée double. Communi-
quer et créer.
C’est ainsi qu’Oudeis a investi cette
résidence avec l’Atelier Nomade de
Sérigraphie, mené par Gaspard Bébié-
Valérian. Cette résidence s’est opérée en
deux temps. Le premier a permis de re-
venir sur la production des artistes dans
les établissements concernés. À chacune
des étapes de sa résidence, une affiche
sérigraphiée fut réalisée par ses soins
et se rapportait aux projets accueillis
dans chaque établissement. L’ensemble
des affiches retraçait alors un parcours
correspondant aux différents établisse-
ments - par extension diverses démar-
ches et atmosphères - et faisait l’objet
d’une interprétation graphique ainsi
qu’une analyse prenant la forme d’un
Atelier Caviar Exquis, Sérigraphie. Lycée agricole F.G Lorca de Théza - BTS 1ère année Production Horticole
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 81
En l’occurrence, la sérigraphie est égale- Elle devient un usage pensé et manipulations graphiques.
ment un media. Elle se réfère à l’impres- responsable.
L’atelier s’est déroulé autour de la
sion. Elle véhicule de l’information, elle
Revenons maintenant sur une autre création d’un fanzine et comprenait
crée des supports de communication
expérience menée par Oudeis : « Caviar toutes les étapes propres à la réalisation
certes reproductibles mais soumis à
Exquis », un atelier réalisé auprès d’étu- d’une édition : une thématique collecti-
des variations et aléas. Qui visualise
diants de première année BTS produc- vement choisie ainsi que la fabrication
les Marylin d’Andy Warhol sait que la
tion horticole au lycée Federico Garcia de contenus à travers le photomontage,
reproductibilité offerte par la sérigra-
Lorca de Théza. Cet atelier se conclua par le détournement d’images, la sélection
phie n’est qu’imparfaite voire aléatoire.
la réalisation d’un fanzine, une édition des productions, la maquette et le che-
Certes, un propos, une image, une idée
limitée à 42 exemplaires faisant l’objet min de fer, enfin, l’impression puis le
peuvent être transmis mais l’encre qui
d’une couverture sérigraphiée mais sur- façonnage. De nombreuses étapes com-
sèche, qui bave, le papier qui gondole, la
tout d’un cahier central regroupant un prenant la création visuelle et textuelle,
variation des aplats, la force de raclage
assortiment de collages, textes, dessins le graphisme et infographie, enfin la séri-
créent de l’accident. Et c’est cet accident
et autres créations originales. Ce temps graphie, furent réalisées dans un laps de
qui donne toute sa force à la sérigraphie
de travail s’est focalisé autour de pro- temps de moins de 5 jours. Tout l’atelier
notamment en singularisant chacun
cédés d’expérimentations visuelles et a fait l’objet d’une documentation te-
des tirages. L’objet de communication
littéraires inspirées de l’écriture automa- nue par les élèves mêmes, ayant réalisé
devient alors un objet pictural, un objet
tique, du cadavre exquis, du caviardage, un blog spécialement à cette occasion
poétique, voire unique. La sérigraphie
du palindrome, du haïku, du cut-up, de et y intégrant quotidiennement des
représente l’appropriation d’un outil
la métagraphie, de l’association libre, vidéos et des photo-reportages. Ainsi,
médiatique avec des moyens rudimen-
du jeu du hasard. Un moyen de faire les étudiants ont pu s’impliquer dans
taires et accessibles à chacun. Le rapport
cohabiter les diversités, de transformer, une multitude d’étapes tout en réali-
à l’information, à la technologie, à la
détourner, créer à partir de matériaux sant un objet collectif. Ceci demandait
reproductibilité sont évidents mais par
existants. Comment jouer, transformer un engagement fort pour les étudiants
les effets d’altération et de transforma-
l’anodin, comment susciter l’intrigue, dont la conclusion fut récompensée
tion propres au medium, c’est un usage
induire de l’ambiguïté, de l’incongruité par l’attribution pour chacun des élèves
technologique renouvelé et intuitif qui
ou même provoquer le sourire, tout ceci d’un exemplaire finalisé du fanzine. Si
émerge.
à partir de journaux usagés, à partir de le résultat final bénéficie d’une certaine
Notre engagement vers le lowtech supports quelconques et pourtant omni- préciosité, la réussite se situe avant
permet cette visée. La technologie est présents dans notre quotidien ? Chacun tout dans l’aboutissement d’un projet
simplifiée, lisible, accessible. Elle n’est des participants a pu s’adonner au plaisir artistique avec des participants non fa-
pas abstraite, miniaturisée ni cadenas- de la juxtaposition, de la déchirure, du miliers à l’art contemporain. L’ouverture
sée, elle est facilement transformée et collage, du froissement, du bruissement, à d’autres activités, d’autres processus
permet de dépasser son usage comme du raturage, du feutrage, du bombage, et d’autres temps est permise. S’auto-
simple technologie. masquage, pliage, scotchage et autres riser de s’ouvrir à d’autres expériences,
d’autres usages est primordial et parti-
cipe à la visée d’autonomie qu’Oudeis
engage à travers les arts numériques,
électroniques et médiatiques.
Plus d’informations
• sur www.oudeis.fr
• Nature Sensible
Atelier Nomade de Sérigraphie
http://www.strikingly.com/
ns12-13
Atelier Caviar Exquis, Image finie. Lycée agricole F.G Lorca de Théza - BTS 1ère année Production Horticole
82 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
Ruralité et
Interculturation
Patrick Denoux
Professeur de Psychologie Interculturelle, Université de Toulouse-Le Mirail
Laboratoire Cliniques Pathologique et Interculturelle (LCPI), EA 4591.
Peut-on maintenir l’idée d’un milieu rural dans un contexte où la démarcation urbain/
rural s’estompe, où nombre d’études concluent à l’expansion du monde urbain, de ses
modèles et de ses représentations ?
En répondant positivement à cette question, Patrick Denoux, professeur de psychologie
interculturelle, nous convie à une réflexion à contre-pied, analysant ces transforma-
tions du milieu rural, nos difficultés à les intégrer et à les nommer (« la farandole de
concepts »), pour penser la ruralité d’aujourd’hui dans son hétérogénéité culturelle et
surtout, dans sa capacité inédite à faire advenir une autre forme de rapport à l’altérité.
Ma spécialité étant le contact cultu- que nous qualifiions, antérieurement, Bordeaux-Limoges : il compte une den-
rel, je tenterai de relire les mouvements de monde rural. Prenons maintenant le sité à peu près dix fois moindre.
affectant le monde rural et analysés point de vue inverse, le contre-pied : en
La différence importante de maillage
précédemment par nombre de cher- effet, personne ne nous dit de quel œil
nous indique que nous avons à choi-
cheurs, sous un angle à la fois psycholo- la campagne regarde ce mouvement.
sir entre deux « mondes ruraux », qui
gique et culturel (1) . La plupart s’accordent Pour ce faire, je commencerai par deux
d’ailleurs ne le sont déjà plus comme
pour constater que les démarcations constats peu originaux mais qu’il est
cela a été amplement souligné. S’agit-il
entre ville et campagne s’estompent, bon de rappeler.
de rural, d’urbain de rurbain ou pourquoi
au point que le rural, loin désormais de
pas d’ « urbral » ? De quel rural parlons-
pouvoir être réduit à l’essence même
nous ? Celui de la distinction presque
d’un lieu, se caractérise de plus en plus
par l’éphémère d’un passage (trajet Une agriculture totale entre des concentrations urbaines
et des espaces désertifiés ou bien, au
géographique, transition historique) :
la trajectoire entre le monde urbain et évanescente dans contraire, celui de la relative harmonie
entre les consistances propres de chacun
un univers qualifié d’extra-urbain. La
définition du rural devient celle d’une
une campagne de ces deux mondes rural et urbain ou
encore celui de leur confusion ? Premier
visée, d’une ruralité à atteindre ou à
quitter, d’un espace rural à construire,
introuvable constat : sur les décombres d’un anta-
gonisme désuet, la campagne semble
plutôt trajectoire que point fixe. Pour ma
s’être évanouie.
part, je maintiendrai néanmoins l’idée D’abord, pourquoi nous posons-nous
d’un milieu rural, nécessaire à l’inver- cette question de la relation entre ville Deuxième constat : nul ne doute de
sion du regard. Généralement, quant à et campagne ? Les campagnes seraient- l’effacement progressif de la dimension
la question urbain / rural, la tendance elles devenues introuvables ? Un simple agricole dans le monde rural, mais nous
consiste à adopter la perspective de l’ex- exemple : dans le triangle équilatéral le refusons. Ainsi, 22,2 % de la population
pansion du monde urbain, de l’effusion de 300 km de côté, Lille-Amsterdam- française peut être qualifiée de rurale
des modèles citadins, de la propagation Frankfort (45 000 km2), à cheval sur (cf. tab. 1), chiffre qui nous situe dans la
des représentations associées vers ce quatre pays (Belgique, France, Hollande moyenne établie par la FAO des régions
et Allemagne) et comportant de gran- dites développées et au 152ième rang
des métropoles comme La Haye, Anvers mondial.
(1) Pour partie, cet article repose sur la conférence
introductive à la Journée d’étude de l’Académie
ou Bruxelles, la densité (2) est de 450 Rappelons que 49,4 % de la popula-
d’Agriculture de France. Denoux, P. (2012). La habitants au km2. Prenons maintenant tion mondiale est encore rurale (don-
ruralité un laboratoire interculturel. Conférence le triangle de même surface Toulouse- nées 2011). En stabilisation relative, notre
introductive à la Journée d’étude de l’Académie
d’Agriculture de France, Villes et campagnes à la pays connaît, au fil des ans une décrue
croisée de nouveaux chemins. Vers un nouveau régulière de cette population évaluée à
contrat villes-campagnes. (2) FAO, 2004.
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 83
Population
Population totale rurale
en milliers en pourcentage
Total 1980 1995 2010 1980 1995 2010
en plus une sorte de fantasmagorie de en voie de déréliction. La densification aux divinités du planning familial….
l’origine, en voie de totémisation. La des zones rurales, la multifonctionnalité Nous persistons à sacrifier la ruralité
campagne nous est désormais propo- croissante des espaces de faible densité, sur l’autel paysan, alors même qu’une
sée comme espace originel dans une l’extension des zones périurbaines, la question se pose très crûment : celle
virtualité entretenue par un marketing conurbation…, nombre de phénomènes de l’intégration des agriculteurs dans
avide. Emblématique, l’exemple de cet contredisent le couple ville-campagne, le nouveau paysage rural. Ce, au même
enfant des banlieues qui, à l’occasion allant même jusqu’à invalider toute titre que peut se poser l’intégration
d’une séance éducative dans une ferme, application mécanique du critère de den- d’un immigré à ceci près que le paysan a
demande à une agricultrice à voir… sité de population. Nous redécouvrons fondé historiquement l’univers dont il se
« l’arbre à frites » (3) , le produit fini a été qu’en Afrique existait une ruralité sans voit peu à peu expulsé. La question n’est
naturalisé, la pomme de terre, elle, reste ville et qu’en Grèce antique régnait une plus seulement de spécifier la place de
vaguement en arrière fond de la repré- urbanité sans ruralité. l’agriculteur dans la ruralité contempo-
sentation comme une sorte de fruit. raine mais d’en préserver une.
Eh bien, plongés dans la vacuité des
Qu’en est-il de l’incorporation ? Si la anciennes représentations, nous gar- Son activité générique n’est plus
campagne a servi de réservoir mytho- dons le sentiment confus que, pourtant, ni décisive pour l’activité économique
logique d’une alimentation supposée urbanité et ruralité ne sont pas de même globale ni organisatrice de la vie rurale.
naturelle, elle s’est maintenant trans- nature, sans pouvoir réellement parvenir Troisième conséquence : bien qu’elle
formée en une boîte de Pandore des à les définir. Les migrations massives des ne représente plus qu’une très faible
pires craintes d’empoisonnement (OGM, campagnes vers les villes se tarissent. part du PIB, à mesure que son incidence
pesticides, vache folle, grippe aviaire, Les migrations, plus relatives, des villes productive décroît nous observons que
etc.). Dans le même temps, excusez le vers les campagnes, elles aussi. Elles ont son impact symbolique augmente. Cette
double oxymore, se « reconstruisent » de laissé la place à une situation où urba- proportionnalité inversée est caracté-
nouvelles coutumes, se « réinventent » nité comme ruralité peuvent alternative- ristique du dilemme paysan actuel en
d’authentiques traditions culinaires… qui ment devenir soit origine, soit aboutisse- proie aux multiples idéologisations. Le
sont supposées apaiser notre soif d’ap- ment d’un mouvement, y grand Récit agreste et
partenance. Qu’en est-il de la nature ? compris à l’échelle d’une A ce titre pour le psy- bucolique, se perpétue
Naturalisée, artificiellement patrimo- vie individuelle. A ce titre chologue intercul- indépendamment des
nialisée, elle ne nous est jamais apparue pour le psychologue in- turel tous les sujets conditions objectives.
aussi peu « naturelle » que depuis qu’on terculturel tous les sujets sont à la fois ruraux D’un point de vue psycho-
l’embarrasse de traditions préfabriquées. sont à la fois ruraux et et urbains car tous se logique et symbolique,
urbains car tous se défi- les interrogations portées
définissent par une
nissent par une trajectoire par l’agriculture, l’origine,
réelle ou imaginaire qui
trajectoire réelle ou l’alimentation, l’environ-
La farandole des concepts imaginaire qui inclut nement deviennent de
inclut les deux termes
Alors, non seulement les représenta- avec pour chacun une les deux termes avec plus en plus saillantes.
tions de la campagne sont en décalage fonction spécifique de pour chacun une Alors même que son ac-
avec les réalités économiques, sociales pays d’origine ou de pays fonction spécifique tivité perd de la valeur,
et démographiques mais, peu à peu, d’accueil. Autant dire qu’à de pays d’origine ou l’agriculture devient une
l’ancien socle représentationnel s’effon- la superposition croissan- de pays d’accueil. valeur. Economiquement
dre. Deuxième conséquence : nous ob- te des espaces répond le négligeable, symbolique-
servons une vacuité des représentations nomadisme grandissant ment indispensable.
y compris dans le domaine des sciences des sujets. Rural ou urbain mais en tous
humaines. Combien de fois, au volant cas nomade.
de votre véhicule, ne vous êtes vous Le désarroi du paysan et la
pas interrogé (ne serait-ce que pour les recomposition rurale
limitations de vitesse), est-on sorti de Le décalage culturel
telle ville, suis-je entré dans telle autre ? Quatrième conséquence : un des ef-
Tous, nous multiplions les contorsions Le fond de la toile étant dressé, je vou- fets de ce paradoxe est le réel désarroi
pour essayer de redéfinir un couple ville- drais passer à un constat davantage psy- paysan. Pour le psychologue, le suicide
campagne à travers une farandole de choculturel. Pour ce qui concerne l’objet est un critère de la désespérance d’une
concepts : rurbains, néo-urbains, périur- « ruralité » ne serions-nous pas, dans catégorie socioprofessionnelle. Chez les
bain, néorural, conurbain etc… dont cer- une situation de culture lag, de décalage agriculteurs, le risque relatif de suicide,
tains apparaissent comme des tentatives culturel qui se caractérise par un retard RR (4) , est de 3,3 et de 2,2 chez les agri-
de consolidation d’ensembles théoriques considérable de l’univers représentation- cultrices. Cela signifie que, dans notre
nel sur l’évolution brusque du contexte
objectif ? Tel cet Hindou qui perpétue le
culte aux déesses de la fécondité dans (4) RR : le risque relatif est le risque présenté par
(3) Mer, R. (2003). La réalité de l’arbre à frites In une population soumise à un facteur, relative-
Imaginaire et agriculture. Images et imaginaires un contexte d’explosion démographique ment à une population qui n’y est pas soumise.
au cœur des échanges entre agriculture et société, qui requerrait davantage qu’il le vouât 0, 5 : le facteur protège ; 1 : le facteur n’a pas
Université d’été de l’Innovation Rurale. Marciac. d’incidence ; 2 : le facteur double le risque.
De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations 85
pays, un agriculteur a trois fois plus de indispensable. Les bases culturelles, sous gestion (7) . Du point de vue de la gestion
chances de se suicider qu’un homme de la pression des transformations doivent, de la différence culturelle, une distinc-
n’importe quelle autre CSP. Chez les fem- elles aussi, être régénérées. tion simple pourrait être faite entre
mes, en comparaison avec les secteurs ville et campagne actuelles. L’urbanité
Comment ne pas
non marchands, le secteur agricole et a développé des formes
céder à l’inclination de Fondamentalement, stigmatisées favorables
celui des biens d’équipement présentent
lire comme un naufrage
une surmortalité par suicide (5) . Certains la réalité actuelle à toutes sortes de com-
personnel ce qui relève
arguent que les tentatives de suicides d’une commune ru- munautarisme, d’irréden-
pour partie d’une incu-
sont de moins en moins nombreuses
rie politique. Pour les
rale appelle indiscu- tismes, de répartitions
(0,4 % des hommes, 4,1 % des femmes).
agriculteurs, il faut dès tablement le constat spatiales de masses,
Effectivement mais en réalité, elles le d’une hétérogénéité d’indépendance forte des
maintenant accorder les
sont parce que les suicides sont tous culturelle croissante groupes, etc. La ruralité
idéaux de notre société
quasiment réussis (un par jour) (6) …
aux processus concrets et l’interpellation de met en œuvre un système
de différences propice à
Revenons sur l’exemple de cet agricul- de leur reconnaissance et sa gestion la création de compromis
teur du Lot qui s’est supprimé dans son créer les espaces locaux
: la contiguïté forcée, l’in-
champ laissant à ses pieds un tract ap- de résolution faisant
terdépendance contrainte sur un espace
pelant à un rassemblement pique-nique appel à l’intelligence collective. Bien
restreint, la coopération inconditionnée.
anti-OGM sur la parcelle où il cultivait sûr, comme l’ont proposé de nombreux
Sur fond général d’individualisme, l’urba-
secrètement du MON810. Secrètement, responsables, pourquoi ne pas ausculter
nité contemporaine produit, à partir de
jusqu’au jour où certains, l’ayant décou- le suicide paysan par un Observatoire,
la différence culturelle, de la régression
vert, ont appelé au rassemblement. Cet répondre au mal être paysan par des dis-
communautaire, là où la ruralité contem-
agriculteur n’a pas supporté la honte positifs d’écoute spécifiques, sensibiliser
poraine peut générer de la construction
qu’il ressentait d’avoir cultivé des OGM. les acteurs sociaux etc… Mais toutes ces
interculturelle.
La question principale n’est pas tant l’or- mesures, fondées en soi par de notoires
ganisation ayant suscité cette manifes- bonnes intentions, sont surtout tardives
tation, mais le fait que le paysan ait pu et désormais totalement insuffisantes.
avoir honte. Pourquoi la dissimulation, La nécessité de
Fondamentalement, la réintégration l’interculturation
puis la honte ? L’incapacité de mettre en
de l’agriculteur dans l’espace rural et
place les conditions réelles d’un débat
social global est un enjeu majeur qu’il Lorsque les agriculteurs parlent de
public authentique fait des ravages.
faut engager avant que pour la première leur terre, ils sont beaucoup moins dans
Comme nous venons de le voir précé-
fois de notre histoire il n’en devienne la libido d’appartenance que ne l’est
demment, la population s’accorde à pen-
l’étranger. n’importe quel habitant d’un quartier
ser que la production agricole est vitale
périphérique d’une cité. Ils parlent moins
et, dans le même temps, sa valeur mar-
de la propriété d’un territoire que d’un
chande se trouve dépréciée. Pour n’im-
Le déni de l’hétérogénéité attachement. La ruralité inverse l’appar-
porte quel paysan, la tentation est gran-
culturelle tenance. Pour l’agriculteur, nous n’en-
de de trouver l’interprétation d’une telle
tendons pas « cette terre m’appartient »,
contradiction dans son échec personnel
Le pivot représentationnel qu’a été mais « j’appartiens à cette terre ». Nous
et de succomber à l’autodévalorisation
l’agriculture pour le monde rural, lui n’entendons pas « je façonne ce pay-
qui en découle. A cet endroit, l’histoire
donnant sa consistance monoculturelle, sage », mais « ce paysage me fait » ou
collective rejoint le drame individuel. Le
a sauté. Par quoi se caractérisent de plus mieux, comme le disait magnifiquement
décalage est tel entre ce qui nous est
en plus les villages ? Par l’intercommuna- Michel Serres, « j’enchante ce paysage
dit de l’importance de l’agriculture et ce
lité transfrontalière, par l’internationali- qui me fait ».
qu’il en est fait concrètement qu’effec-
sation des populations rurales (tourisme,
tivement, la question de la reconnais- Sixième conséquence : du point de
migrations, événements internationaux,
sance se pose entièrement. Au double vue de la reconstruction des rapports
etc.), par la soumission croissante de la
sens, l’activité agricole, idéalisée et non villes-campagnes, je pense que l’enjeu
ruralité aux flux des normes et des stan-
reconnue, n’a pas de prix. Pour cela une fondamental est l’installation de la
dards internationaux (les marchés…), par
redéfinition de la ruralité à partir des re- multiréférentialité dans la tradition.
la confrontation aux cultures technocra-
compositions déjà en cours est devenue Paradoxe de la re-création de ruralité en
tiques (l’Europe, la réglementation), par
sortant de la stricte logique d’opposition
l’arrivée des néoruraux, par l’extension
du terroir aux influences exogènes, pour
urbaine… Et, point le plus important,
(5) Cohidon,C., Santin, G., Geoffroy Perez, B., Imber- entrer dans une logique d’intercultura-
non, E. (2010). Suicide et activité professionnelle cinquième conséquence, nous refusons
en France. Revue d’épidémiologie et de santé d’admettre cette démultiplication des
publique, 58, 2, 139-50.
différences culturelles. Fondamenta-
(6) Cosmop, Cohorte pour la surveillance de la mor-
talité par profession (2006). Enquête réalisée lement, la réalité actuelle d’une com-
par l’Institut de veille sanitaire (InVs). Analyse mune rurale appelle indiscutablement
de la mortalité et des causes de décès par secteur
le constat d’une hétérogénéité cultu-
d’activité de 1968 à 1999 à partir de l’échantillon (7) Les villages composés de plus de 50% d’extrana-
démographique permanent. relle croissante et l’interpellation de sa tionaux ne sont plus de rares exceptions.
86 De nouveaux enjeux, de nouvelles médiations
tion (8) , de co-construction interculturelleraccommodée et répliquée à maints que j’y achetais, était rédigé par un
singulière. endroits (la sarabande des velours cô- Anglais, habitant l’endroit. L’altérité est
telés, houe sur l’épaule et rencontres la question fondamentale qui se pose
Cette réponse ne peut être appor-
énamourées avec les vieilles charrues). aujourd’hui dans nos campagnes. L’es-
tée que dans la mesure où est prise en
Ou bien une marqueterie de villages qui pace urbain a réglé cette question par
compte la diversité des éléments qui
chacun compose à sa façon un ensemble la ségrégation, l’espace rural pourrait la
composent aujourd’hui la réalité natio-
original de différences culturelles, com- dépasser par l’interculturation.
nale, européenne et internationale du
binant de l’art, des structures sanitaires
monde agricole et de l’alimentation. Contrairement à la détermination
et sociales, de l’agriculture, du tourisme,
La diversité doit être mobilisée pour du rural par l’urbain que suggère l’op-
de l’industrie, des services, des relations
construire une réalité position urbanité/extra-urbanité (9) je
internationales etc. Tout
capable de prendre en pense qu’à maints endroits, de nouvelles
compte des éléments
La diversité doit ceci existe déjà. Tout
formes de ruralité pouvant faire modèle
culturels co-présents, être mobilisée pour ceci est l’atelier vivant
pour l’urbain émergent, ménageant
construire une des prochains rapports
même ceux qui, a priori, aux agriculteurs une place honorable,
entre ruralité et urbanité.
ne sont pas « compatibles réalité capable de certes redéfinie au regard d’activités et
Alors, pour répondre à la
» entre eux : culture locale prendre en compte d’identités inédites, mais humaine. A
question « en quoi la cam-
/ mondialisation, bio / des éléments cultu- pagne et son agriculture
beaucoup plus long terme, il se pourrait
ogm, exploitation indus- rels co-présents, sont-elles une compo-
qu’une partie de la nouvelle ruralité se
trielle/ petit producteur même ceux qui, a sante inséparable des vil-
construise comme littoral de l’urbanité.
local... Cette co-construc- priori, ne sont pas « Le déploiement de mégalopoles confère
les ? », je dirais en ce que,
tion qui repose pour la compatibles » entre déjà dans plusieurs régions du globe
justement, la ruralité est
psychologie intercultu- un statut liminaire à ce monde rural-là.
eux : culture locale / le laboratoire de l’inter-
relle sur le processus d’in- Mais il n’est pas écrit dans quel sens
terculturation, est obli-
mondialisation, bio culturation où s’élaborent
joueront les déterminations.
gatoire avec les multiples / ogm, exploitation les nouveaux équilibres
industrielle/ petit indispensables aux zones Raison de plus pour puiser dans la
acteurs qui représentent
producteur local... intermédiaires. sagesse ilienne, si familière des litto-
pleinement ces éléments
raux. Une petite chanson traditionnelle
de réalité. Elle exigera des
hawaïenne très ancienne inverse com-
dispositifs capables d’interculturaliser
plètement le rapport inquiet à l’irruption
des sujets représentant des visions dif-
férentes plutôt que de juxtaposer des
Tradition massive de la différence culturelle dans
les univers monoculturels qu’ont long-
dispositifs qui représentent chacun des et altérité temps été les campagnes françaises. Elle
intérêts spécifiques. Ce dispositif impli-
dit ceci :
querait que le décideur admette le jeu
des différences entre les symboliques Gérer, signifier les représentations, « Les étrangers appartiennent à la mer,
portées par les différents groupes, qu’il voilà le nouveau contrat ville-campagne. Ils viennent et se croisent avec ceux de
déploie des dispositifs aptes à les déco- Cela implique certes d’accepter que les la terre,
der et à générer une co-construction. campagnes ne soient plus simplement Les rameaux font la nouvelle génération,
Mais tout cela suppose d’abord que cha- caractérisées par leur dimension agricole La nouvelle génération fonde la
cun considère cet ensemble de différen- mais aussi de reconnaître l’hétérogé- tradition. »
ces non comme un obstacle rédhibitoire néité culturelle qui introduit la nécessité
mais bel et bien comme la condition d’admettre la différence culturelle et de L’étranger à l’origine de la tradition…
d’un dépassement. faire advenir une autre forme de rapport Puissions-nous manifester autant de
Plusieurs possibilités s’offrent à à l’altérité civilisation !
nous : il y a évidemment de grandes Je suis issu d’un petit village du Nord
différences entre le chapelet de villages, Lot-et-Garonne, une de ces bastides
où chacun cultive ce qu’il croit être son à la frontière du Périgord, construites
originalité dans une sorte de tradition par Alphonse de Poitiers pour contenir
l’occupation anglaise en Aquitaine.
Celle-ci fêtait récemment son 750ième
(8) « Pour les individus et les groupes appartenant anniversaire. Quelle n’a pas été ma stu-
à deux ou plusieurs ensembles culturels, se
réclamant de cultures différentes ou pouvant
péfaction de constater, moi qui avait été
y être référés, nous appelons interculturation élevé dans la haine transgénérationnelle
les processus par lesquels dans les interactions de la perfide Albion, qu’au milieu des
qu’ils développent, ils engagent implicitement
ou explicitement la différence culturelle qu’ils festivités le stand présentant un grand
tendent à métaboliser ». Denoux, P. (1994). Pour nombre de travaux historiques sur le (9) Viard, J. (2012). Il n’y a plus de césure ville/cam-
une nouvelle définition de l’interculturation. village était tenu par des personnes au pagne. Journée d’étude de l’Académie d’Agricul-
In J. Blomart & B. Krewer (Ed.). Perspectives de ture de France, Villes et campagnes à la croisée
l’interculturel (pp.67-81). Paris : Ec. Norm. Sup. de fort accent anglais… L’ouvrage historique de nouveaux chemins. Vers un nouveau contrat
St Cloud/L’Harmattan. villes-campagnes.
ANNEXE
Les conventions et protocoles
Culture/Agriculture
88 Annexe
Annexe 89
90 Annexe
Annexe 91
92 Annexe
Annexe 93
94 Annexe
Annexe 95
Le milieu rural est devenu un lieu de vie autant qu'un espace de production. Ces territoires qui se réin
ventent au prix de mutations souvent difficiles, s’organisent pour faire face aux enjeux essentiels qui
concernent la société dans son ensemble: maintien d’une forte cohésion sociale qui seule donne sens
à la notion de «vivre ensemble», connaissance et préservation de l’environnement et du cadre de vie,
qualité de l’alimentation et originalité des terroirs.
De nouvelles mobilités se font jour : des populations plus jeunes et plus urbaines apparaissent avec
des modes de vie différents, tandis que s’installent en milieu rural de plus en plus de résidents venus
d'horizons les plus divers.
L’attrait qu’exercent aujourd’hui ces espaces implique qu’ils soient en mesure d’offrir un accueil et des
services à la hauteur de l’attente qu’ils suscitent auprès des populations. Une présence culturelle de
qualité participe de cette attractivité et répond aux enjeux de démocratie culturelle.
96 Annexe
L'action culturelle sur les territoires ruraux a considérablement évolué depuis la première convention
signée entre les ministères chargés de la Culture et de l’Agriculture le 17 juillet 1990. La progression
de l’intercommunalité, l’émergence et la structuration des divers territoires de projets que sont les
pays, les parcs naturels régionaux, les pôles d’excellence rurale, offrent aux communes de nouvelles
opportunités : création d’une médiathèque, saison culturelle, centre d’interprétation de l'architecture
et du patrimoine, musées, lieux de création…
Cependant, la démarche de développement culturel demeure complexe à mettre en œuvre, le plus sou
vent faute d’ingénierie et de moyens, elle doit donc, impérativement, se connecter avec un projet de
territoire appuyé sur des ressources locales bien référencées et des professionnels formés aux diffé
rentes pratiques de l’action culturelle et artistique. Elle doit surtout être comprise comme un choix col
lectif, riche de perspectives partagées par tous les acteurs.
Cette nouvelle convention se propose de dresser le cadre d’une collaboration innovante et transversale
dans tous les domaines relevant des compétences respectives des deux ministères. Elle a pour ambition,
à partir des missions confiées à leurs directions générales, établissements publics et services décon
centrés, d’aider, en lien avec les collectivités territoriales, les autorités locales et les acteurs, à élaborer
une stratégie partagée de développement durable incluant l'aspect culturel.
Pour atteindre cet objectif, et en articulation avec le plan d’action pour le développement culturel des terri
toires ruraux porté par le ministère de la culture et de la communication, les deux ministères s’engagent à:
— développer et renforcer l’éducation et les pratiques artistiques et culturelles dans le quotidien des
habitants en soutenant les actions visant à former les publics jeunes et adultes, accompagner leurs
pratiques et encourager les mises en réseaux,
— encourager les nouvelles médiations qui interrogent le rapport au vivant , garantissent le dialogue
entre nature et culture et valorisent les pratiques relatives aux arts du goût et au patrimoine gastro
nomique,
— favoriser la prise de conscience collective des enjeux liés aux problématiques des patrimoines, depuis
la connaissance et la conservation jusqu'à la mise en valeur. Cette démarche est essentielle à la
construction positive de l’identité des jeunes citoyens et à la compréhension des territoires dans
lesquels ils vivent,
— soutenir les initiatives locales permettant l’émergence de la création, de la professionnalisation des
artistes et contribuant à un meilleur équilibre territorial dépassant les frontières urbain/rural dans
le domaine de la diffusion de toutes les formes artistiques. Le réseau institutionnel, auquel sont
confiées des missions territoriales et les équipes ou groupes indépendants représentent un maillage
sur lequel pourront naître des projets adaptés aux situations locales,
— accompagner les initiatives structurantes pour l’économie des territoires ruraux notamment dans le
domaine des technologies numériques, du tourisme culturel, de la librairie et de l’édition, en prenant
appui, autant que de besoin, sur le réseau des médiathèques, des centres d'archives, des musées,
des monuments historiques, comme des centres d'interprétation de l'architecture et du patrimoine,
des pays d'art et d'histoire et en mettant en œuvre les pratiques de l'inventaire général,
— promouvoir la qualité architecturale et paysagère, et sensibiliser les populations rurales à une dé
marche intégrée de développement durable sur la base d'expériences pilotes notamment celles des
Agendas 21 de la culture.
Annexe 97
L'éducation artistique et culturelle dans le cadre scolaire demeure la première expérience de nombre
de jeunes ruraux. Pour l'enseignement agricole ce processus a été formalisé par la circulaire intermi
nistérielle du 28 avril 2008 et le protocole de coopération pour l'éducation artistique et culturelle du
15 avril 2002. Il s'agit maintenant d'assurer pour l'ensemble de la population rurale un accès facilité
aux ressources culturelles en liaison avec les fédérations d'éducation populaire et le monde associatif.
98 Annexe
Le patrimoine alimentaire et culinaire français est fait d’éléments matériels et immatériels: la diversité
des produits agricoles, l'excellence des pratiques et des savoirfaire développés par les professionnels
du secteur, sont le reflet des terroirs. L’histoire et la notoriété de notre alimentation, notre attachement
collectif au repas, les pratiques sociales et représentations symboliques relatives à l’alimentation, sont
autant de valeurs immatérielles qui s’attachent aussi à ce patrimoine.
Dans cet esprit, le programme national pour l'alimentation, inscrit dans la loi de modernisation de l'agri
culture et de la pêche, vise notamment à mobiliser les consommateurs autour du lien entre l'alimentation
et le patrimoine culturel.
Une approche pluridisciplinaire prenant en compte toute la complexité des objets sociaux doit s’inscrire
dans une visée durable du développement. Les ministères signataires conscients de leurs responsabi
lités s'engagent à soutenir les initiatives qui ouvriront de telles rencontres.
Annexe 99
La connaissance des éléments matériels ou immatériels, mis en perspective dans leur contexte, doit
pouvoir contribuer aux diagnostics de ces territoires. Elle permet ainsi la mise en place d'un processus
d'appropriation sensible capable d'assurer une prise de conscience collective des enjeux liés à leur
préservation et à leur valorisation.
Les ples d’excellence rurale ont permis, depuis , de soutenir de nombreux projets tendant à va
loriser le patrimoine rural sous toutes ses formes et plus globalement le tourisme et la culture, favorisant
un important effet d'ancrage territorial. La démarche pilote des Parcs naturels régionaux témoigne de
ce lien entre connaissance, protection et développement en associant culture et nature.
Sont notamment encouragées les démarches de projets qui valorisent les spécificités des territoires
ruraux :
arantissent la connaissance, la conservation et la mise en valeur des patrimoines tant matériel
qu'immatériel (immeubles et objets mobiliers protégés au titre des monuments historiques, patri
moine bti et mobilier non protégé, patrimoines paysagers et forestiers, patrimoine hydraulique, pa
trimoine matériel liés aux traditions et dévotions locales, aux industries rurales, savoirfaire,
gastronomie, traditions et pratiques locales, langues régionales et métiers d'art),
roposent aux populations, notamment aux jeunes, de développer leurs connaissances et d'acquérir
un point de vue sur l’architecture, l’urbanisme, l'histoire de l'art, l'histoire locale et le cadre de vie
favorisant ainsi l'appropriation du patrimoine,
assurent le lien avec les histoires des territoires en relation avec la notion de paysages culturels qui
se propose d'identifier l'ensemble des éléments qui constituent la ressource culturelle d'un terri
toire.
Pour parvenir à atteindre l'objectif visé de développement durable des territoires ruraux en prenant no
tamment appui sur le patrimoine, les paysages culturels et l'architecture, les deux ministères soutien
dront conjointement au niveau national et régional, les démarches propres à favoriser la recherche
d’une bonne cohésion territoriale et d'une complémentarité villes/campagnes dans les projets prenant
appui sur la ressource culturelle dans toutes ses dimensions.
100 Annexe
Une politique de valorisation économique des atouts du monde rural sera confortée par le développe
ment des partenariats et des dispositifs existants : collaboration avec les Services Territoriaux de l'Ar
chitecture et du Patrimoine (STAP), Conseils en Architecture, Urbanisme et Environnement (CAUE), les
Centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine (CIAP) des Villes et Pays d'art et d'histoire
(VPAH) mais aussi les Parcs naturels régionaux (PNR), les pôles d'excellence rurale (PER), les réseaux
( monde rural, les écomusées, les maisons paysannes de rance, l'Institut national des métiers d'art
INMA) etc.
Les démarches de mécénats seront favorisées pour soutenir des projets structurants portés notamment
par les très petites entreprises (TPE).
Il s'agit d'investir avec plus de détermination l'espace rural en accompagnant les initiatives innovantes
et l'expérimentation de nouvelles pratiques de développement culturel durable, en lien avec la mise en
œuvre des Agendas 21 de la culture. Dans cet esprit seront favorisés les projets permettant :
la création d'une continuité territoriale entre territoires urbains et ruraux,
le développement d'une expertise architecturale, urbaine et paysagère auprès des particuliers et
des petites communes,
la constitution d'une ingénierie culturelle locale par la formation et la sensibilisation des élus et res
ponsables locaux,
l'émergence d'initiatives de tourisme culturel articulées avec une offre diversifiée d'hébergement
(gîtes , fermes) favorisant l'information culturelle sur les territoires par des services numériques in
novants.
Parallèlement une collaboration entre les deux ministères sera recherchée pour évaluer en amont les
impacts des textes réglementaires, des mesures d'incitations financières ou des normes, sur la qualité
architecturale et des espaces, la préservation du patrimoine ainsi que sur la préservation des terres
agricoles et le maintien de la vie économique des territoires ruraux.
Par ailleurs, de nouveaux équipements de qualité sont venus compléter utilement le maillage du territoire
national, contribuant à la professionnalisation des acteurs, ainsi qu'au maintien de l'emploi et au ren
forcement de la cohésion sociale.
Afin de poursuivre l'effort de rééquilibrage culturel en faveur des zones rurales, seront mis en place un
certain nombre d'outils, qui visent à privilégier une approche dynamique des territoires.
Par ailleurs et conformément aux directives nationales les services déconcentrés des deux ministères,
en lien avec les collectivités territoriales partenaires, seront attentifs à :
favoriser un meilleur équilibre territorial en dépassant les frontières urbainrural à partir des missions
territoriales et au développement d'actions hors les murs qui incombent aux institutions labellisées
et aux réseaux nationaux ainsi qu'aux autres lieux de création, de mémoire et de diffusion soutenus
par le MCC,
Annexe 101
favoriser la présence des artistes et équipes professionnelles en s'appuyant sur les nombreuses
compagnies artistiques indépendantes qui choisissent de s'installer ou de rayonner dans ces terri
toires spécifiques, les ensembles musicaux et vocaux aidés dans le cadre de la procédure nsem
bles Musicaux Professionnels»,
promouvoir les résidences d'artistes et d'écrivains en milieu rural et prendre appui sur des projets
intégrant une dimension de participation ou une cocréation des populations.
utiliser, pour chacune des disciplines artistiques, les réseaux structurants qui assurent la vitalité d'un
territoire et créent des synergies entre les acteurs locaux à savoir : les foyers ruraux, les parcs na
turels régionaux, la coordination des associations musicales de pratiques en amateur, les dixsept
centres culturels de rencontre qui associent patrimoine et création dans des monuments, ainsi que
les radios associatives.
favoriser la formation des publics résidents et soutenir les pratiques artistiques en amateurs en col
laboration avec les collectivités territoriales, afin d'offrir des cadres de travail, d'expression ainsi que
des temps de formation réguliers aux populations en s'appuyant notamment sur le réseau spécialisé
des écoles de musique, de danse, de théâtre et les écoles d'art.
favoriser les démarches itinérantes en soutenant le développement ou l'adaptation numérique des
équipements mobiles,
s'appuyer sur le dispositif des Portes du temps qui combine connaissance des sites patrimoniaux,
situés notamment en zones rurales, et création artistique sur la base de projets de médiation
construits avec des artistes et des professionnels de la culture, privilégiant les modes d'expression
artistique et culturelle locales.
102 Annexe
Les deux ministères désignent chacun, en leur sein, un chargé de mission qui veille à la bonne exécution
de la convention, prépare les travaux du comité national, coordonne l'animation du réseau des référents
et correspondants régionaux et organise, en lien avec les partenaires, les forums nationaux.
Dans le cadre de leur mission, ils mettront en place un nouveau comité de rédaction pour concevoir et
développer conjointement la revue "champs culturels".
Les ministères chargés de l'agriculture et de la culture ont pour objectif de promouvoir au plan national
les actions favorisant le rayonnement et la visibilité de la thématique «culture et monde rural» par des
actions de formation et de recherche, des manifestations et colloques et un soutien aux associations
et réseaux concourant au développement culturel des territoires ruraux au bénéfice de leurs popula
tions.
Les ministères signataires mobilisent l'ensemble des acteurs et développent le partage d'expériences
et de bonnes pratiques pour initier et développer l'émergence de projets intégrés à l'échelle des terri
toires et renforcer les synergies entre leurs services respectifs tant au niveau national que régional.
Au niveau national
Un comité national de suivi et de coordination de la présente convention est constitué.
Le comité national de suivi pourra, le cas échéant, s'élargir aux représentants des collectivités territo
riales, universités, grandes écoles et établissements publics sous tutelle des deux ministères, associa
tions et fédérations partenaires pour constituer un collège de réflexion et de propositions sur les
problématiques de recherche et de prospective concernant le développement culturel des territoires
ruraux.
Annexe 103
Au niveau régional
Cette convention sera déclinée au plan régional par les services déconcentrés des deux ministères
dans le cadre d’une stratégie conjointe de développement culturel de leurs territoires ruraux, appuyée
sur un diagnostic partagé, en prenant en compte les documents cadres qui définissent l’action publique
de chacun des ministères.
Pour les actions qui relèvent de l'alimentation, le lieu d'élaboration de projets communs pourra être le
comité régional de l'alimentation (CRALM) chargé de la définition de la politique régionale de l'alimen
tation en cohérence avec les orientations stratégiques de la politique nationale de l'alimentation.
Pour assurer le suivi des actions entreprises dans le cadre de cette nouvelle collaboration avec le mi
nistère de la culture et de la communication, le Ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture, de la Pêche
de la Ruralité et de l'Aménagement du Territoire dispose de coordinateurs régionaux d'animation et de
développement culturel, dont les fonctions seront directement liées au développement des différents
axes de cette convention.
104 Annexe
Contact
Coordination Alsace Corse Nord Pas de Calais
Claire LATIL Sabine DUCASTEL DRAAF-SRFD DRAAF-SRFD
Correspondants régionaux
Chargée de mission réseau Legtpa de Rouffach Le Solférino Francis BOURBIER
« animation et développement 8 aux remparts 8 cours Napoléon Chargé de la formation et des
culturel » 68250 ROUFFACH 20176 AJACCIO missions
DGER Tel : 03 89 78 73 00 Tel : 04 95 51 86 77 Cité Adm BP 505
S/D des Politiques de Formation sabine.ducastel@educagri.fr 59022 LILLE Cédex
et d’Éducation Tel : 03 20 96 42 20
Champagne-Ardenne francis.bourbier@educagri.fr
Bureau de la vie scolaire, étu- Aquitaine
diante et de l’insertion Marie-Luce CLERC
EPL du Tarn Martine HAUTHIER LEGTA d’Avize Basse-Normandie
Site d’Albi CRARC – DRAAF/SRFD 51190 AVIZE
Route de Toulouse Legta de Bergerac Tel : 03 26 57 50 42 Stéphane BILLARD
81000 ALBI Domaine de la Brie marie-luce.clerc@educagri.fr LEGTA de Sées
Tel : 05 63 49 43 75 24240 MONBAZILLAC Rue du 11 novembre 1918
claire.latil@educagri.fr Tel : 05.53.24.69.37 61500 SEES
martine.hauthier@educagri.fr Franche-Comté Tel : 02 33 8 74 00
stephane.billard@educagri.fr
Contact DGER Dominique DEON
Auvergne
Françoise ROSSI Michèle LISION Haute-Normandie
S/D des Politiques de Formation DRAAF-SRFD Legtpa de Besançon
et d’Éducation Catherine HERITIER 2 rue des Chanets Marion GIRAT-QUIBEL
Bureau de la vie scolaire, étudi- Site de Marmilhat - BP45 25410 DANNEMARIE SUR CRETE Lycée du Bois
ante et de l’insertion 63370 LEMPDES Tel : 03 81 58 61 41 Rue du Général de Gaulle
1 ter, avenue de Lowendal Tél : 04 73 42 27 70 dominique.deon@educagri.fr 76630 ENVERMEU
75700 PARIS 07 SP catherine.heritier@educagri.fr michele.lision@educagri.fr Tel : 02 32 06 30 40
francoise.rossi@educagri.fr marion. girat-quibel@educagri.fr
Bourgogne
Contact ENFA Île de France Pays de la Loire
Raphaël MORETTO
Joël N. TOREAU DRAAF/SRFD Bourgogne DRIAAF/SRFD Emmanuel DEVINEAU
ENFA – BP 22687 22D Bld Churchill Jean-Charles Cothenet LEGTA La Roche sur Yon
31326 CASTANET CEDEX BP 87865 18 avenue Carnot 85035 LA ROCHE SUR YON CEDEX
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Ministère de la Culture et Picardie
Bretagne James CHAIGNEAUD
de la Communication DRAAF/SRFD Montpellier Odile DERAEVE
Claudie LE MOUEL Place A. Chaptal LPA de la Baie de Somme
Isabelle DUFOUR-FERRY
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Chargée de mission tourisme et
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monde rural
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Secrétariat général
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politiques culturelles et de
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La revue Champs culturels est distribuée dans tous les établissements. Elle geraldine.janer@educagri.fr
est donc consultable dans les CDI des établissements agricoles publics.
Elle est par ailleurs diffusée dans les DRAC, les DRAAF, les DRJS, les mis-
sions culturelles des rectorats, les associations conventionnées par le Mi-
nistère de l’Agriculture. Elle n’est ni vendue, ni diffusée par abonnement.
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le web consacré à l’éducation artistique et culturelle, où Champs Culturels
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Directrice de la publication :
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Directrice générale de l’enseignement et de la
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Responsable de la rédaction :
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ment Culturel
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