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PERTINENCES ET IMPERTINENCES DE

L’AGIR CULTUREL EN FRANCE

Bérangère BREGEAT

Travail d’Étude Personnel


Encadré par Guillaume Lurton

Soutenu le 11/02/19
Pour l’obtention du DE

Année scolaire 2018-2019


Le Pôle Aliénor n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
ce travail. Celles-ci devront être considérées comme propres à leur auteur.

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Sommaire

Sommaire ........................................................................................................................................................ ii

Remerciements ............................................................................................................................................... iii

Introduction .................................................................................................................................................... 1

Chapitre I : La démocratisation de la culture ................................................................................................ 3

Chapitre II : La Démocratie Culturelle .......................................................................................................... 8

Conclusion ..................................................................................................................................................... 12

Liste des entretiens........................................................................................................................................ 14

Bibliographie................................................................................................................................................. 15

Table des matières ........................................................................................................................................ 16

Résumé .......................................................................................................................................................... 17

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Remerciements

Je remercie Guillaume Lurton pour m'avoir guidée.

Sophie Bouteille, pour m'avoir emmenée à la bibliothèque universitaire.

Patrick Malet, Julie Desbordes, Marc Rampin et Raymond Dufournaud pour m'avoir inspirée.

Marion Desplas pour m'avoir répondu.

Ma sœur, pour m'avoir prêté son ordinateur.

Julia Goutorbe pour m'avoir aidée.

Lucie Keller, Pauline Morin, Alice Bloch, Antoine Aboyans-Billiet, Léa Bonnetaud et Mathilde
Dannière, pour m'avoir soutenue.

Et ma mère, pour m'avoir aidée et soutenue, à sa façon.

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Introduction

Les premières initiatives de l’agir culturel en France ont été mises en place après la Révolution,
la culture devenant de plus en plus centrale dans les politiques gouvernementales. Depuis, tout
au long de l’Histoire de la France, de nombreux projets et actions culturelles ont vu le jour,
portant différents objectifs. Il y a en effet autant de moyens et d’approches différentes en ce qui
concerne l’agir culturel qu’il y a de motivations. Pourtant, la principale semble évidente aux
yeux de nombreuses personnes : aider. Mais pourquoi, qui aider, comment, et avec quelle
culture ? Lorsqu’il s’agit de mettre en place ce genre de projet socioculturel, une réflexion
conséquente est indispensable, ces questions étant bien plus complexes qu’il n’y paraît.

Il suffit de se pencher ne serait-ce que légèrement sur ces questions pour se rendre compte des
enjeux qui se trouvent derrière l’agir culturel. Par exemple, si nous partons du principe que nous
voulons apporter une culture artistique dans des quartiers défavorisés d’une grande ville de
France, pré-supposons-nous que leurs habitants n’ont pas de culture ? Quelle culture voulons-
nous leur apporter et dans quel but ?

Pour pouvoir répondre à ces questions, il est nécessaire de prendre connaissance des pratiques
d’agir culturel, du moins en France, depuis l’apparition des actions socio-culturelles. Il faut
également savoir les analyser et y porter un regard critique. Rechercher de quelle manière les
porteurs de ces projets, notamment le ministère de la culture et de la communication, ont
répondu à ces interrogations.

La France, depuis la révolution, connaît deux approches concernant les actions socioculturelles.
La première à avoir été mise en place fut la “démocratisation de la culture”, ayant pour but de
lutter contre les inégalités d’accès à la culture, notamment savante. Ce fut l’un des objectifs de
la politique culturelle d’André Malraux, Ministre d'Etat des affaires culturelles de 1959 à 1969
sous la présidence de Charles de Gaulle.

La deuxième, émergeant dans les années 1960-1970, prend en compte la multi culturalité ainsi
que l’importance du rôle actif des publics lors des actions culturelles. Il s’agit de la “démocratie

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culturelle”. Ces deux approches, dans leurs différences, montrent la réflexion, tout au long de
l’histoire de l’agir culturel en France, présente auprès des politiques culturelles
gouvernementales.

Comment, à la lumière des pratiques socioculturelles dans notre pays, agir socialement et
culturellement en France ?

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Chapitre I : La démocratisation de la culture

On peut considérer que les débuts de la démocratisation culturelle se font pendant le période de
l'industrialisation qui commence dans le premier quart du XXème siècle. Des activités
périscolaires et postscolaires sont alors mises en place pour l’éducation de la classe populaire.

La visée de la démocratisation culturelle est d'agrandir l’accès aux œuvres artistiques


consacrées par des experts, mais aussi de donner des éléments permettant de mieux comprendre
l'œuvre, par exemple par son contexte historique de création. Le but est donc de transmettre à
tous l’héritage du patrimoine culturel, ainsi que les créations contemporaines importantes pour
que ces dernières n’atteignent pas seulement un cercle restreint d’initiés. L'accent est mis sur
les moyens de diffusion utilisés, la communication. C'est ce qu'on appelle la médiation
culturelle.

La démocratisation culturelle fut l’approche principale du gouvernement français de cette


période d’industrialisation jusque dans les années 1970-1980 à l’apparition de la démocratie
culturelle. Cependant, un grand nombre d’initiatives socio-culturelles de nos jours s’inscrivent
toujours dans un système de démocratisation culturelle.

1. Rendre accessible la culture

André Malraux, Ministre de la Culture de 1959 à 1969, déclarait qu’une des premières missions
de la République française était de « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et
d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français et […] d’assurer la plus vaste
audience à notre patrimoine culturel ».

L'accessibilité des équipements culturels est en effet le premier enjeu de la démocratisation


culturelle. Le but est d'assurer une diffusion auprès de populations qui ne pourraient y accéder,
faute de moyens financiers ou de connaissances, afin de solliciter de nouveaux publics et
d’éviter les inégalités. Ce système peut s’observer sur plusieurs plans. Tout d’abord
l’équipement est rendu plus adapté aux personnes en situation de handicap, que ce soit dans la

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conception du lieu pour les personnes à mobilité réduite, ou par la mise en place de dispositifs
d’audio description pour les personnes non voyantes, d’abord dans les musées, mais aussi
maintenant jusque dans les opéras et théâtres, comme à Limoges ou du personnel est employé
pour décrire en direct les actions et décors des opéras et autres œuvres ayant une dimension
visuelle. Ensuite une meilleure communication auprès des publics, grâce à la médiation
culturelle, et enfin une politique tarifaire en faveur de l’inclusion. À plusieurs reprises ce
système a permis une décentralisation culturelle, une revitalisation urbaine et régionale.
Cependant, de vastes segments de population ne sont pas intégrés par ce système qui possède
certaines limites. En effet, bien qu’ayant apporté des changements, l'accessibilité de la culture
n’est qu’un début de solution qui ne se suffit pas à lui-même.

Prenons un exemple que nous avons tous croisé un jour dans un parc d'une ville : les boîtes à
livres, plus particulièrement celles du Lions Club. Le Lions Club est l'un des plus grand Club-
Service du monde, notion créée par l’existence du Lions Club, désignant un regroupement de
personnes avec des valeurs communes dans des organisations qui mènent des actions caritatives
et éducatives.

Le Lions Club est une organisation qui regroupe un très grand nombre de clubs locaux dans le
monde entier, et dont le mode d'action est la levée de fond pour soutenir et investir dans des
projets philanthropes.

Celui des boîtes à livre lancé à l’occasion du centenaire du Lions Club International, fait partie
de la campagne “Agir pour la lecture - Vaincre l'illettrisme”, initiative du club local d'Oak
Brook dans l'Illinois. C'est maintenant un projet mondial dont le principe est de faire circuler
des livres par l'intermédiaire de boîtes implantées dans des parcs en ville, où l’on peut emprunter
et laisser des livres gratuitement et de proposer un grand choix de lecture. Je précise que le
Lions Club n'est pas le seul à avoir mis en place ces boîtes, certaines municipalités et autres
lieux publics comme des hôpitaux prenant l'initiative indépendamment du Club-Service.

Pourtant, bien souvent les bibliothèques et médiathèques sont financièrement très peu
coûteuses, alors qu'apporte de plus cette initiative ? Tout d'abord, certaines personnes n'ont pas
le réflexe, où le temps, où tout simplement l'envie de se rendre dans une de ces structures.

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L'aspect inhabituel de la boîte à livre peut attirer par curiosité, donner l'envie par une autre
approche, provoquer une autre forme de convivialité chez les lecteurs. De plus, il n'y a rien de
plus simple que de prendre un livre dans une boîte au beau milieu du milieu urbain, sans avoir
à s'inscrire où à enregistrer quoi que ce soit.

Mais bien que permettant à un grand nombre de personnes dans le monde d'accéder et de
découvrir une littérature variée, ce système a ses limites. En effet le but de ce projet est d'agir
pour la lecture et vaincre l'illettrisme. Or, apprendre à lire sans autres outils que des livres eux-
mêmes, accessibles dans la rue, paraît compliqué. Il en va de même pour l'objectif d'éveiller le
goût pour la littérature. Cela est comparable aux efforts d'accessibilité aux concerts et aux
spectacles, si ces initiatives ne sont pas combinées avec d'autres projets à caractère
pédagogique, l'impact sera moindre, voire pratiquement nul.

Heureusement, cette solution a été adoptée maintes fois pour un grand nombre de projets de
sensibilisation et d'éducation, y compris celui du Lions Club pour la lecture. En effet, les actions
dans le cadre de la lutte contre l'illettrisme comprennent également l'organisation de dictées, de
brunchs littéraires, d'ateliers d'écriture, et même d'ateliers de remise à niveau de personnes en
situation d'illettrisme. Cependant, l'opération des boîtes à livres du Lions Club reste la plus
répandue et la plus visible parmi les initiatives de la campagne contre l'illettrisme, servant de
support d'image du Lions Club, notamment pour son centenaire. Elle a pour volonté de mettre
en évidence l'importance donnée à la culture par le Club-Service. Cela conduit à se poser la
question du but premier des actions de démocratisation culturelle, est-ce la plus grande visibilité
de la culture pour les populations défavorisées, où l'image des acteurs culturels ?

2. Quelle culture démocratiser ?

L’objet de ces actions de démocratisation vise une culture considérée légitime par des experts,
selon des critères des “canons occidentaux”. Ce sont des œuvres jugées majeures de l’humanité,
par la culture occidentale. En musique, cela désigne souvent la musique dite “savante”, terme
général utilisé pour désigner la musique classique occidentale dans son sens large.

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Cependant, avec sa volonté de diffusion de cette culture unique, la démocratisation de la culture
prend le risque de contribuer à la hiérarchisation des cultures. Et effet, en voulant faire un geste
social et éducatif par la diffusion d'une culture unique, on admet une supériorité de la culture
dite “savante” sur la culture dite “populaire”.

Claude Grignon et Jean-Claude Passeron observent, dans leur livre Le Savant et le Populaire,
l’existence d’une opposition entre une culture dominée et une culture dominante. La culture
dominée est associée avec les terme populaire et prolétarien, tandis que la culture savante est
qualifiée de bourgeoise, savante, lettrée, légitime. Ces catégorisations et qualifications, tout
comme celle des œuvres d’art, se font par des gens issus de la culture dominante. Or, les critères
permettant cette hiérarchisation sont-ils valables, lorsque les experts évaluants la légitimité de
ces pratiques culturelles sont issus de la culture “savante” ?

Avec la diffusion d'une culture unique jugée légitime par ses pratiquants, la démocratisation
culturelle s’expose au risque d’un certain ethnocentrisme. Ce terme a été introduit par le
sociologue William Graham Sumner (1840-1910). C’est un concept qui signifie “voir le monde
et sa diversité à travers le prisme privilégié et plus ou moins exclusif des idées, des intérêts et
des archétypes de notre communauté d'origine, sans regards critiques sur celle-ci” (Pierre-
André Taguieff (dir.), Dictionnaire historique et critique du racisme, PUF, 2013).

Bien sûr, la hiérarchisation des cultures, l’ethnocentrisme ou même le dogmatisme sont loin
d’être un résultat systématique, mais il est important de connaître les risques de ces initiatives,
aussi bienveillantes soit-elles, lors, par exemple, d’un fonctionnement poussé à l'extrême. En
effet, il ne faut pas oublier que l’agir culturel et la démocratisation culturelle, comme l’explique
Lionel Arnaud dans son livre Agir par la Culture, sont nés entre autres d'une volonté de
diffusion de normes et de valeurs, de “moralisation populaire”, à l’image des organisations
missionnaires chrétiennes durant la période coloniale, époque représentant parfaitement la
hiérarchisation culturelle et l'ethnocentrisme. Visant à envoyer des missionnaires dans d’autres
pays pour enseigner l’évangile et convertir les populations, pouvant être dans un but
d’éducation et d’émancipation, ces actions avaient pour but notamment d'introduire les intérêts
occidentaux et de légitimer les interventions militaires et politiques.

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Dans la démocratisation de la culture, la culture savante est donc mise au centre, et le but est de
la faire reconnaître par une éducation accessible à tous. C'est très souvent l'approche privilégiée
des institutions culturelles, qui pour cela font appel à la médiation culturelle. Cette médiation
est une forme de diffusion culturelle qui se veut la plus performante possible, pour pouvoir
engendrer un changement social à l’aide d’une connaissance des goûts et des profils des
différents publics à viser.

Cette pratique déclenche beaucoup de réflexions et de collaborations entre plusieurs domaines.


En effet, elle demande une polyvalence des entrepreneurs de culture, car elle fait appel à des
compétences d'éducation, d'animation et de médiation. Il s'agit d'articuler des projets à caractère
tout d'abord artistique avec des enjeux qui peuvent être urbains, touristiques, financiers,
électoraux, sociaux, scolaires et médiatiques. La médiation culturelle est également un outil
utilisé par le système de démocratie culturelle.

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Chapitre II : La Démocratie Culturelle

L'approche de la démocratie culturelle naît à partir des années 1970, grâce aux différents
mouvements de contre-culture qui apparaissent avant et pendant cette période (Hippies,
Rockers, Punks, Rastas…). La musique joue un grand rôle en tant que signes d'appartenance de
ces différents mouvements, qui expriment une opposition entre autres à la guerre, au racisme,
aux violences policières, etc. Ils furent les vecteurs de grands changements sociaux, comme les
mobilisations contre la guerre du Vietnam, et de révolutions culturelles.

Le développement extrêmement rapide de ces nouveaux comportements et pratiques culturelles


dépassant les pouvoirs publics, des débats sur les hiérarchies culturelles et l'agir culturel sont
apparus, notamment dans des instances intergouvernementales comme celles de l’Unesco et du
Conseil de l’Europe, opposant démocratisation et Démocratie culturelle.

Les principales directions de la démocratie culturelle sont : favoriser la formation des choix de
l'individu dans un but d’épanouissement, valoriser la participation active du public (qu’il ne soit
plus consommateur mais acteur de culture), et permettre la rencontre de différentes formes
culturelles. Ce dernier point provient du relativisme culturel qui soutient que chaque culture à
sa valeur, qu'elle ne peut être comprise et analysée correctement que par les propriétaires de
cette culture. C'est le point de vue opposé à celui de l'ethnocentrisme.

1. Mettre l'individu au centre

Un des mouvements culturels qui a déclenché la méthode de démocratie culturelle, le


mouvement punk, est une très bonne illustration du changement de regard sur l’individu,
notamment dans l’agir culturel. Le genre musical punk, apparu au milieu des années 1970,
exprime une rébellion anti-autoritariste, mais pas seulement. Le mouvement punk consiste
généralement en une contestation de l’ordre social, une recherche d’un style de vie différent des
normes, adoptant ainsi le “Do It Yourself” (Fais-le toi-même). Il s'agit de l’autodétermination,
une volonté de créer par soi-même, de ne pas être objet mais sujet, de ne pas subir mais d’agir.
Cette idéologie est comparable à celle d’autres mouvements de contre-culture, comme le
mouvement Hippie, et ce changement de mentalité, cette remise en question de la vision de
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l’individu, notamment par l’intermédiaire artistique, rappelle la volonté de se centrer sur
l’individu avec son libre arbitre ; du courant Romantique, qui est également celle du système
de démocratie culturelle.

C’est une approche différente en beaucoup de points de celle la démocratisation de la culture.


Cette opposition commence par une vision opposée de l’art entre les deux systèmes. Du côté de
la démocratisation de la culture, la valeur de l'œuvre est jugée par des critères, des normes
institutionnalisées ; tandis que pour la démocratie culturelle, la valeur d'une œuvre est fondée
sur la réaction du public, les émotions qu'elle procure. Ce n'est donc plus l'œuvre mais l'individu
qui est le centre des actions culturelles, un des buts étant de laisser la place à l’expression de
soi et de donner à chacun l'opportunité d’exploiter son potentiel.

Le but de la démocratie culturelle va au-delà d’une volonté éducative. Il s’agit également d’une
politique de développement social et culturel. Augustin Girard fut le Directeur pendant 30 ans
de la cellule d’études et de recherches au Ministère des Affaires Culturelles qu’il créa en 1963,
appelée Département d’Etudes de la Prospective et des Statistiques (DEPS) depuis 2004. Il fut
initiateur et participant à d'importants débats sur l’agir culturel, et son opinion y avait beaucoup
de poids. Dans son livre Développement culturel expériences et politiques, édité en 1982 chez
Dalloz, il explique : “proposer à la jeunesse des raisons de vivre, voilà enfin une finalité à
l’action culturelle qui résume toutes les autres” ; “la culture n’est pas l’acquisition et la diffusion
des beaux-arts, elle est, par nécessité, une attitude face à la vie”. La Démocratie Culturelle
s’inscrit dans cette pensée dans le sens où la culture joue un rôle non seulement d’inclusion
sociale et de loisir, mais aussi un moyen d’expression, de militantisme, de développement
personnel.

Une grande importance est donnée à la participation de l’individu dans les dispositifs d’agir
culturels. Cette nouvelle manière de diffusion culturelle adapte ses moyens d’intervention en
fonction des différents publics et réinvente les formes d’agir en libérant l’individu d’un
maximum de contraintes matérielles et symboliques, en faisant découvrir de nouveaux horizons
culturel, ou encore en donnant des moyens de faire entendre sa propre culture, ses propres
créations.

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Akwaba, une SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif) basée sur le territoire du pays des
Sorgues et des Monts de Vaucluse, est un bon exemple de l’agir culturel dans la philosophie de
la démocratie culturelle. Ses actions sont élaborées en lien étroit avec des structures telles que
Centres Sociaux, établissements scolaires, écoles de musique, foyers ruraux, bibliothèques,
associations, instituts médicaux éducatifs, et centres pénitentiaires. Un des derniers projets
d’Akwaba, en novembre 2018, fut l’organisation d’ateliers d'écriture en direction des détenus
du centre pénitentiaire de Salon de Provence. Il s’agit de quatre jours d'écriture encadrés par le
collectif de rappeur Bob Lunet. Il a eu pour finalité l'enregistrement d'un album, donnant un
moyen d’expression aux détenus. Cet atelier complète une série de concerts du groupe de rap
l'Animalerie organisés pour la Fête de la Musique cette année dans plusieurs prisons.

2. Les limites de la médiation culturelle

La démocratie culturelle, à l’instar de la démocratisation, fait appel à la médiation culturelle.


Cette dernière va dans le sens de la philosophie centrée sur l’individu de la démocratie
culturelle. Elle fait appel à des études sociologiques pour mieux connaître les publics afin de
pouvoir toucher efficacement le plus grand nombre de personnes et d’explorer différentes
méthodes de diffusion du savoir. Cependant ces études peuvent rappeler les techniques de
repérage, constitution puis fidélisation de publics, méthodes propres aux méthodes de
marketing. Or, “En dressant le portrait des besoins et des goûts culturels des populations qui ne
fréquentent pas les équipements culturels, les médiateurs identifient autant de citoyens à
émanciper que de marchés à conquérir.” Citation p.48 de Participation et médiation(s).

Aussi, cette poursuite des profils et des goûts des publics peut conduire à la “dictature de
l’audimat” et à un certain populisme. C’est à dire à faire passer le besoin de popularité de l’objet
culturel avant sa valeur esthétique et intellectuelle. Le populisme, au lieu de mettre toutes les
populations sur un pied d’égalité, creuse les clivages entre le peuple et le pouvoir politique et
économique, ce dernier se considérant comme “l’élite intellectuelle”. La culture devient alors
un produit de consommation, ainsi qu’une forme cachée de mépris et non plus un moyen
d’action sociale.

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On retrouve aussi des cas où l’art sert avant tout à valoriser l’impact de la créativité des
industries culturelles et de loisirs ou encore l’attractivité et l’image des villes, bien plus que
l’agir culturel et la justice sociale. C’est une mobilisation de la culture à des fins de marketing
territorial que l’on appelle le “Cultural Washing”. On peut observer quelque chose de similaire
avec l’écologie du nom de “Green Washing”. La culture peut donc être instrumentalisée à des
fins qui semblent sociales, mais qui peuvent cacher d’autres motivations, et fait de l'art et de la
culture un moyen de médiatisation plus que de médiation.

Aussi, on peut se poser la question de la légitimité du médiateur culturel lorsqu’il s’agit de


mettre en place des actions permettant de pratiquer sa propre culture. En effet, quelle légitimité
avons-nous si nous sommes étrangers aux cultures sur lesquelles nous voulons agir ? Certes, il
est possible de les étudier et de les intégrer afin de mieux les transmettre, mais est-il bien
adéquat de vouloir se mettre en position de sachant auprès de communautés lorsqu’il s’agit de
leur propre culture et non pas de la nôtre ? La solution serait non pas de vouloir jouer un rôle
d’instructeur mais plutôt de médiateur, d’animateur, d’organisateur.

On peut aussi tout simplement donner une opportunité, grâce à des outils, à des plateformes,
d’exprimer ses convictions et sa culture. Comme par exemple avec le programme éducatif
Éloquentia, créé en 2012 à l’université Paris VIII qui permet de s’exprimer et de s’affirmer à
travers un concours d’éloquence. Il comprend des formations à la prise de parole. L’initiative
est née d’une volonté de démonter l’image négative du département Seine-Saint-Denis. Elle se
développe maintenant dans les universités de Paris-Nanterre, de Grenoble et de Limoges.

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Conclusion

Le système de démocratisation culturelle et celui de démocratie culturelle ont tous les deux des
effets extrêmement positifs mais des limites. Bien que pouvant posséder une vision restreinte,
la démocratisation de la culture possède des aspects qui peuvent être bénéfiques aux initiatives
de la démocratie culturelle.

En ce qui concerne le choix de la culture que nous souhaitons diffuser, cette dualité d’approches
peut être comparée aux options pédagogiques que nous avons en tant que professeur de
musique. Notre objectif est-il de transmettre strictement le répertoire de l’instrument que nous
enseignons, au risque de perdre la motivation de l’élève ? Où faudrait-il, au contraire utiliser et
adapter la culture et les intérêts de l’élève, au risque d’échouer à ouvrir les horizons de l’élève
et de le priver du patrimoine culturel de son instrument ?

Une solution serait de trouver un équilibre correspondant à l’élève. Faire des liens avec sa
culture, ses goûts, et notre propre cours, afin qu’il se sente concerné dans sa pratique. Il est aussi
important, en tant qu’interprète de notre instrument, d’apporter une nouvelle culture : la nôtre,
propre à notre statut d’artiste professionnel. Le cours apparaît alors comme un échange, un pas
fait l’un vers l’autre. Il en est de même pour les pratiques d’agir culturel. Il n’est absolument
pas nécessaire, pour faire découvrir et pratiquer une culture, de placer cette dernière en pratique
supérieure.

Cependant il faut prendre en compte le rôle de ces actions sociales et culturelles. Depuis
l’apparition de la démocratie culturelle, on ne peut plus ignorer la fonction d’intégration sociale
et d’épanouissement personnel de l’agir culturel. C’est ce que l’on peut constater avec les
orchestres d’El Sistema, DEMOS, et tous les orchestres à l’école. Chacune de ces initiatives
permettent à des enfants d’apprendre pratiquement gratuitement un instrument de musique par
la pratique collective, dans un but de développement social et d’apprentissage de valeurs telles
que la solidarité, la discipline ou encore la bienveillance.

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On constate que l’agir social peut alors être un mélange d’éducation culturelle, de transmission
de valeurs, d'opportunités d'épanouissements. Finalement, la sensibilisation à d’autres cultures,
les opportunités d’apprentissages sociaux et le développement personnel, ainsi que
l’accessibilité à la culture sont autant de solutions qui se complètent pour agir culturellement
en France ainsi que dans le reste du monde.

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Liste des entretiens

Marion Desplas, chargée de l’action culturelle et jeune public d'Akwaba.

Patrick Malet, Directeur artistique du jeune chœur du Limousin, chargée de l'action culturelle
du Conservatoire à Rayonnement Régional de Limoges.

Raymond Dufournaud, Directeur de l'école de musique municipale de Bellac, initiateur de


l'orchestre à l'école de Bellac.

Julie Desbordes, directrice artistique du Queer Urban Orchestra.

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Bibliographie

Arnaud L. (2018). Agir par la culture. Toulouse : Editions de l’Attribut.

Girard A. (1982). Développement culturel expériences et politiques. Paris : Dalloz.

Taguieff P-A. (dir.). (2013) Dictionnaire historique et critique du racisme. Paris : PUF.

Pailler D. & Urbain C. (dir.). (2016). Participation et Médiation(s). Paris : L’Harmattan.

Rizzardo R. (1997). Populisme et politique culturelle. Vingtième Siècle (56) p 99-104.

Moulinier P. (2012). Histoire des politiques de « démocratisation culturelle ». PDF disponible


sur www.culture.gouv.fr.

Passeron J-C. & Grignon C. (1989). Le Savant Et Le Populaire - Misérabilisme Et Populisme


En Sociologie Et En Littérature. Paris : Gallimard, Le Seuil.

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Table des matières

Sommaire ........................................................................................................................................................ ii

Remerciements ............................................................................................................................................... iii

Introduction .................................................................................................................................................... 1

Chapitre I : La démocratisation de la culture ................................................................................................ 3

1. Rendre accessible la culture ..................................................................................................................... 3

2. Quelle culture démocratiser ? .................................................................................................................. 5

Chapitre II : La Démocratie Culturelle .......................................................................................................... 8

1. Mettre l'individu au centre ........................................................................................................................ 8

2. Les limites de la médiation culturelle ..................................................................................................... 10

Conclusion ..................................................................................................................................................... 12

Liste des entretiens........................................................................................................................................ 14

Bibliographie................................................................................................................................................. 15

Table des matières ........................................................................................................................................ 16

Résumé .......................................................................................................................................................... 17

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Résumé

Dans ce Travail d’Etudes Personnelles, il est question d’analyser les politiques et pratiques de
l’agir socioculturel en France depuis le premier quart du XIXème siècle. Il y a tout d’abord la
Démocratie Culturelle, à partir de la révolution industrielle, et de moins en moins à partir des
années 1960-1970, ayant pour but de lutter contre les inégalités d’accès à la culture, notamment
savante. Puis à partir des années 1960, apparait la Démocratie de la Culture, davantage ciblée
sur le rôle actif du public et sur l’individu.

Le but de ces recherches et de ces analyses est de répondre à la question suivante : Comment,
à la lumière des pratiques socioculturelles dans notre pays, agir socialement et culturellement
en France ?

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