Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
!"Français
#"English
#"Español
!"Partager
#"Facebook
#"Twitter
#"Google+
!"Accueil
!"Catalogue des 575 revues
OpenEdition Search
Tout OpenEdition
Français
!"English
!"Español
Cybergeo: European
Journal of Geography
Dossiers
1997
Colloque "les problèmes culturels des grandes villes", 8-11 décembre 1997
352
Entrées d’index
Mots-clés : service, culture, fonctions urbaines
Keywords : service, culture, urban function
Texte intégral
1 Il y a plusieurs façons de s´intéresser à l´expression de la culture dans les villes.
Pour l’approcher en tant qu’activité innovante, on peut s´intéresser aux formes de la
création artistique. Du côté du désir ou du besoin de culture, ou encore de sa
consommation, on peut se pencher sur les pratiques culturelles et sur les
fréquentations. En cherchant à identifier comment se construit l´identité culturelle
des villes, on peut également mener une analyse du discours des différents acteurs ou
une interprétation des signes dans le milieu urbain. Ici, nous essayons de cerner la
composante culturelle de la fonction urbaine, comme une activité de service en
pleine extension, en défrichant l´information dans ce qu´elle a de plus objectivable:
l´équipement culturel urbain, marque physique et visible de l´investissement (ou de
l´engagement) des villes en ce domaine.
urbain qui seraient organisés de façon hiérarchique comme le prévoit la théorie des
lieux centraux? Ou bien, au contraire, la culture représente-elle une nouvelle
dimension urbaine, une forme de spécialisation particulière selon ce type d’activités,
comme le revendiquent souvent les responsables des politiques culturelles
municipales, soucieux de différencier leur ville des autres villes, ou d´y imprimer une
marque particulière?
La polarisation parisienne
Figure 1
7 La répartition des professionnels de la culture constitue un autre exemple de cette
polarisation culturelle autour de Paris. Ces professionnels, recensés à l´échelle
régionale par l´INSEE à la demande du Département d´Etudes et de Prospective
(INSEE/DEP, 1990), constituent une catégorie d´actifs qui a particulièrement
augmenté par rapport à l´ensemble des autres catégories d´actifs (plus de 37% entre
1982 et 1990 contre 4% en moyenne pour les autres professions). Ils représentent
environ 125 000 personnes, soit 1,2% de la population active ayant un emploi. Ce
sont des professionnels du spectacle et de l´audiovisuel (chanteurs professionnels,
musiciens, danseurs, artistes de variété, gestionnaires de spectacles, assistants...), des
artistes plasticiens, des artisans ou des ouvriers d´art, des auteurs littéraires, des
journalistes, des cadres de la presse ou de l´édition, des bibliothécaires ou des
professionnels de la conservation ou encore des professeurs d´enseignement
artistique (hors établissement scolaire). Parmi ces professionnels, ceux qui sont liés à
l´écriture (les auteurs littéraires, les scénaristes et les dialoguistes) comptent 5600
personnes dont les deux tiers sont concentrés en Ile-de-France (figure 2). Les artistes
dramatiques et les danseurs, ou bien les cadres artistiques et techniques de la
réalisation de spectacles vivants et d´audiovisuels sont encore plus polarisés dans la
région capitale (de 70 à 76%). Certains professionnels de la culture sont légèrement
moins concentrés en Ile-de-France (de 25 à 37%) et peuvent trouver plus facilement
un emploi en dehors de la région francilienne et témoigner d´un ancrage territorial
spécifique (région d´origine bien souvent). C´est le cas des professeurs
d´enseignement artistique, des artisans d´art, des bibliothécaires, des archivistes et
des conservateurs, ou encore de gestionnaires indépendants de spectacles et de
services récréatifs (encadrant le plus souvent un petit effectif -moins de 10 salariés-).
On explique cette polarisation "francilienne" des artistes, outre par le poids de la plus
grande ville française, par le fait que les artistes se retrouvent plus nombreux là où ils
peuvent à la fois obtenir une reconnaissance de l´ensemble de la profession et là où
ils sont susceptibles de rencontrer un plus grand public. Le sociologue PM Menger
(1994) explique la concentration parisienne de ces professions culturelles par la
flexibilité, par le caractère intermittent et partiel de ces emplois, et enfin par une
situation spécifique de "surproduction" dans ce milieu de travail, qui est liée à
l´incertitude du succès et à la nécessité du renouvellement très rapide des produits
culturels.
Figure 2
Figure3
9 Les salles de cinéma et les bibliothèques publiques municipales sont des
équipements ubiquistes pour les villes considérées. Ces structures ont une desserte
maximale puisque qu´elles sont présentes parmi toutes les villes. Les bibliothèques
sont des équipements largement diffusés sur le territoire, et dont le seuil
d´apparition se situe d’ailleurs bien en dessous du niveau des villes de 50 000
habitants (figure 4). Les bibliothèques municipales publiques couvrent le territoire
français selon un réseau dense. On en dénombre en France près de 1400 dans les
communes de plus de 5000 habitants. De plus, quelque 1360 bibliothèques
desservent des communes plus petites. Le tissu dense et régulier des bibliothèques
sur le territoire national peut s´expliquer par une volonté politique à divers échelons
territoriaux (national, municipal, départemental...) visant à faciliter l´accès au livre.
Les bibliothèques représentent donc un exemple de service culturel de proximité. Par
ailleurs, parallèlement à leur diffusion, elles ont diversifié leur champ d´action. Par
exemple, elles ont créé des branches phonothèque ou médiathèque, pour répondre
aux nouvelles attentes de services demandés par les citadins (prêt de disques, CD,
cassettes, vidéo-cassettes...).
Figure 4
10 Un deuxième exemple d´équipement bien diffusé dans l´ensemble des villes est
celui des écoles de musique et de danse agréées par le Ministère de la Culture et de la
Communication. La diffusion des écoles de musique et de danse sur le territoire
national a été assez rapide en 20 ans (figures 5.a et 5.b). Elles touchent de façon
homogène l´ensemble des régions françaises. Les futurs professionnels et les
amateurs sont les principaux clients de ces structures de formation qui délivrent un
enseignement codifié par le Ministère de la Culture et de la Communication, avec des
disciplines obligatoires, et qui suit un schéma de formation découpé en cycles. Il
existe au plus haut niveau de ces structures d´enseignement deux conservatoires
nationaux supérieurs de musique, un à Paris et l´autre à Lyon. Par ailleurs, de
nombreuses écoles privées, ne relevant pas d´un agrément du Ministère de la Culture
et de la Communication, couvrent également le territoire national selon un réseau
dense.
Figure 5
11 Des équipements culturels plus rares apparaissent dans des villes plus grandes ou
des métropoles régionales. Les grandes villes regroupent une grande quantité et une
large variété d´équipements culturels, ceux qui sont les plus banals mais aussi des
équipements plus rares. Des équipements culturels qualifiés de rares, de haut niveau,
y apparaissent, comme les théâtres lyriques, les orchestres, les théâtres et scènes
dramatiques, les écoles d´art (nationales, régionales ou municipales agréées par le
Ministère de la Culture et de la Communication). Ces équipements présents dans
moins d´une ville sur quatre, contribuent à identifier un niveau spécifique de la
fonction culturelle pour ces villes d´importance régionale (figure 3). Par exemple, les
structures d´art dramatique (figure 6) et plus encore, les théâtres et scènes lyriques
(figure 7) apparaissent dans des villes pourvues d´une plus large gamme
d´équipements culturels, par conséquent de plus grande taille (on retrouve Lyon,
Lille, Marseille, Strasbourg, Bordeaux, Rennes, Nantes, Montpellier, Toulouse...).
Figure 6
Figure 7
Figure 8
15 Un autre réseau culturel s´est inscrit plus récemment dans le territoire français.
Les festivals culturels se sont multipliés et diffusés dans les villes et même dans les
villages depuis vingt ans (figure 9). On parle aujourd´hui d´une culture de la "fête"
qui se développe comme une mode, et qui touche l´ensemble des villes et plus
généralement la France entière. Les festivals sont des activités culturelles
temporaires et saisonnières. La saisonnalité de ces manifestations, surtout estivales,
donne un net avantage à la moitié sud du pays, et plus particulièrement à la Provence
(figure 9). A l´échelon des grandes villes, ce phénomène suit également la répartition
de la population en été. Quelques grandes villes n´organisent pas de festivals. En
considérant le nombre total de festivals, tous genres confondus, les villes les plus
festivalières sont, par ordre décroissant après Paris, des villes du sud de la France: la
conurbation méditerranéenne Grasse-Cannes-Antibes, Bayonne, Marseille, Avignon.
Puis on trouve Nantes et Dijon, et de nouveau des villes méditerranéennes
(Martigues, Montpellier, Nice). La localisation d´un festival est d´autant plus
probable que les villes sont à la fois grandes et accueillantes pour les migrations de
retraites, ou riches d´un patrimoine monumental, ou de troupes d´artistes locaux.
L’activité festivalière s’est en même temps largement développée spatialement, et elle
touche de nombreux domaines. Ces dernières années, la musique est le domaine
festivalier le plus fréquent (musique ancienne, classique, sacrée, contemporaine,
traditionnelle, art lyrique, jazz, variétés), suivie par les festivals pluridisciplinaires
(associant plusieurs genres sans se spécialiser dans aucun), puis par l´art dramatique
(théâtre, marionnettes, cafés-théâtre, mimes), par le cinéma et l´audiovisuel, par la
photographie, par les nouvelles technologies de l´image et du son, par la littérature.
Les festivals de danse, d´humour, ou les reconstitutions historiques sont moins
nombreux.
Figure 9
Conclusion
16 Il est couramment admis que la culture contribue à marquer chaque ville d’une
spécificité, d’une identité, que beaucoup voudraient fortes. Les exigences de qualité
de vie, le souci du développement local, les besoins de repères individuels et
collectifs, tendraient à multiplier les types d’images urbaines appuyées sur les
initiatives et les symboles culturels locaux. Par delà ce niveau symbolique des
représentations individuelles et collectives, présent dans les discours des
responsables politiques locaux et des habitants, il existe un rapport entre la ville et
l’activité culturelle.
17 La culture est ainsi devenue, sous de multiples aspects, un bien de consommation,
un service urbain d’usage courant, dont les citadins attendent qu’ils satisfassent leur
demande croissante. L’étude de la localisation d’une trentaine d’équipements et de
services culturels parmi les plus importants dénombrés dans les agglomérations
urbaines françaises est à ce titre exemplaire. Cette fonction se distribue comme une
composante ordinaire de la centralité selon différents niveaux de rareté, en fonction
de la taille des villes. L’équipement culturel urbain constitue en effet pour l’essentiel
une activité banale de la ville? qui se localise près du consommateur final (Beguin,
1990) et qui est liée à la densité géographique de la demande. On peut distinguer des
degrés d´intensité variés pour cette fonction, fréquents pour certains équipements
culturels comme les bibliothèques publiques, plus rares pour d´autres comme les
théâtres lyriques. La diffusion récente de la fonction culturelle en France, mais plus
encore son rôle prestigieux, traditionnellement administré au niveau de l’Etat jusqu’à
une période récente, explique sa très forte concentration dans l’agglomération
parisienne. D’après les indicateurs étudiés, ce n’est que marginalement, par le poids
de l’histoire et par l’initiative locale, que la fonction culturelle peut retrouver à
l’échelle des villes, le rôle distinctif que les sociologues lui reconnaissent au niveau
individuel.
Tableau 3
18 En dehors de l´effet manifeste de la taille de la ville, la répartition des équipements
culturels ne s´explique que modestement par la composition sociale et économique
des villes (tableau 3). Il est ainsi vrai que l’on note une forte concurrence dans les
villes entre la présence d’orchestres ou de maisons d´édition et la surreprésentation
de cadres et professions libérales, de diplômés de l’enseignement supérieur.
Toutefois, la présence de bibliothèques publiques, d’archives municipales ou de salles
de cinéma est d´autant plus probable que les populations des villes sont peu
qualifiées (plus " ouvrières ") et peu diplômées. Les autres types d´équipements
culturels ne présentent aucune relation systématique avec les caractéristiques
sociales et économiques des villes ou les niveaux de diplôme des populations
urbaines: c´est le cas des écoles de musique et de danse, des éco-musées, des cafés-
musique, des sites archéologiques, des écoles d´art, des radios. Leur répartition
traduit alors la marge de liberté importante laissée à l´initiative locale pour la
localisation de l’activité culturelle. C’est donc plutôt la variété de l’équipement
culturel de la ville qui s’explique par un niveau de formation des habitants plus élevé,
de façon plus efficace d’ailleurs que par la seule composition sociale. En définitive, il
existe une relation relativement forte entre d’une part la composition socio-
professionnelle des villes et les niveaux de formation des habitants, et, d’autre part la
variété des équipements culturels.
19 L´activité culturelle des villes, appréhendée par l´équipement culturel urbain, ne
se calque donc pas totalement sur une ou deux dimensions urbaines. Si cette activité
apparaît bien comme un service à la population, elle conserve toutefois une logique
de fonctionnement originale, complexe, essentiellement liée aux ressources
spécifiques que chaque collectivité locale est prête à mobiliser. En cela, l´activité
culturelle constitue une ouverture, un espace de liberté important pour les villes et
plus généralement pour les collectivités territoriales, pour s’affranchir des contraintes
liées à la hiérarchie urbaine et aux inégalités territoriales d’origine socio-économique.
Bibliographie
Beguin (H), 1992, La localisation des activités banales, in Bailly A., Ferras R., Pumain D. (dir.),
Encyclopédie de Géographie, Paris, Economica, 514-531.
Cardona (J), Lacroix (C), 1997, Chiffres-clés 1996, Statistiques de la culture, Département
d´Etudes et de Prospective du Ministère de la Culture et de la Communication.
Champion (JB), 1996, Les équipements culturels et de loisirs dans les quartiers, in Pumain D.
Godard F. (eds) Données Urbaines, 1, 101-114.
DEP, 1992, 1980-1990, Une offre croissante de services culturels. Développement culturel, 92,
janv 1992.
Heilbrun (J), 1992, Art and culture as central place functions. Urban Studies, vol 29, 2,
205-215.
Lucchini (F), 1998, Les équipements culturels des villes françaises, Université Paris I
Panthéon-Sorbonne, thèse de doctorat de géographie.
Menger (PM), 1994, L´offre culturelle française: une concentration dictée par le marché de
l´emploi. Problèmes économiques, 2.381.
INSEE, Recensement Général de la Popoulation 1990, Professions culturelles et salariés des
activités culturelles, Département d´Etudes et de Prospective du Ministère de la Culture et dela
Communication.
Notes
1 Nous tenons à remercier Mr Marc Nicolas et Mme Lacroix qui nous ont permis de rassembler
et d´utiliser ces données.
2 La fréquence d´apparition d´un musée par exemple ne tient pas compte du nombre total de
musées dans la ville mais de la présence ou de l´absence de musée: une variable est dite
équipée si elle en possède au moins un.
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image
URL /4988/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 176k
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image
URL /4988/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 140k
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image
URL /4988/img-3.png
Fichier image/png, 14k
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image
URL /4988/img-4.png
Fichier image/png, 14k
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image
URL /4988/img-5.png
Fichier image/png, 11k
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image
URL /4988/img-6.png
Fichier image/png, 16k
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image
URL /4988/img-7.png
Fichier image/png, 32k
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image
URL /4988/img-8.png
Fichier image/png, 10k
Titre Figure 6
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image
URL /4988/img-9.png
Fichier image/png, 8,8k
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/4988/img-
URL 10.png
Fichier image/png, 22k
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/4988/img-
URL 11.png
Fichier image/png, 15k
http://journals.openedition.org/cybergeo/docannexe/image/4988/img-
URL 12.png
Fichier image/png, 9,2k
Auteur
Françoise Lucchini
UMR Géographie-cités CNRS, Equipe P.A.R.I.S., Université Paris I, France
Droits d’auteur
Licence Creative Commons
La revue Cybergeo est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons
Attribution 4.0 International.