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Extrait du mémoire « La coopération culturelle intercommunale en

milieu rural : l’exemple du pays du Montreuillois » présenté par


Antoine LAMBLIN, DESS « Management du Spectacle Vivant »
pp.87-94

3.4. L’état du développement culturel dans le pays du


Montreuillois
Ces propos peuvent s’apparenter à une proposition de diagnostic, non
partagé bien entendu. Ils prennent leur base sur l’état des lieux ainsi que sur les
entretiens réalisés pendant l’enquête. Ils sont exposés ici en s’appuyant sur la
méthodologie proposée par Pierre Antoine LANDEL et Philippe TEILLET1.

a) Les dynamiques culturelles et les acteurs du territoire


Seuls les dynamiques les plus marquantes sont examinées ici. Elles sont
classées en trois parties : les forces, les faiblesses et les évolutions potentielles dans
l’hypothèse où rien n’est entrepris.

1. Les forces
Þ L’existence de deux théâtres. Les théâtres à l’Italienne de Montreuil et du
Touquet permettent l’accueil de pièces de théâtre et même de concerts dans de
bonnes conditions pour des jauges de 333 et 450 spectateurs.

Þ Le dynamisme des professionnels du patrimoine. Le service d’Animation


du Patrimoine et de Musées de Montreuil constitue une force de proposition pour
des projets d’avenir. Chacun des trois Musées de France du pays qui sont en
activité (Berck, Quentovic à Etaples, beaux-arts au Touquet)sont dirigés par un
cadre A issu de la filière culturelle de la fonction publique territoriale. Ils ont pris
l’initiative de se réunir au sein d’une association2 pour agir en concertation et aussi
préfigurer une coopération intercommunale qui sera pour eux la suite logique au
développement des musées.

Þ La qualité du projet de Passerelles et des Malins Plaisirs. Passerelles


(saison de septembre à juin) et les Malins Plaisirs (festival au mois d’août) sont les
deux seules structures professionnelles dans le champ du spectacle vivant. Leur
projet respectif, qui répondent chacun à une mission de service public sont conçus

1
Cf. infra, tableau p.70.
2
l’association Patrimoine et Musées en Pays du Montreuillois.

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par des personnes formées et compétentes. Ils s’inscrivent tous les deux dans une
réflexion particulière et répondent à une véritable logique d’action artistique et de
développement culturel. Ces structures sont les seules du spectacle vivant sur le
Montreuillois à être reconnues et soutenues par les institutions culturelles (DRAC,
Région, Département). Elles se sont investies dans des domaines par défaut laissés
pour compte par les communes :
- Passerelles qui proposent une diffusion de spectacles de Septembre à juin dans
près de 40 communes, ainsi qu’une offre de création pour des compagnies et une
offre de formation (théâtre, danse) par des artistes ;
- les Malins Plaisirs qui proposent un festival au mois d’août décentralisé dans 50
communes en 2004.
Ces deux structures sont les forces vives du spectacle vivant sur ce territoire et ont
une expérience de fait de coopération culturelle intercommunale.

Þ L’action des structures socioculturelles en direction des jeunes. Les deux


centres sociaux (Etaples et le Touquet) sont particulièrement actifs dans le domaine
culturel abordé par le côté social (ateliers pratiques et organisation d’événements
pour les jeunes) et remplissent bien leur rôle d’animation socioculturelle. Tous les
deux intéressent un public dépassant les frontières communales. En revanche, elles
n’ont pas vocation à se substituer au rôle des structures culturelles et à répondre à
une demande d’animation culturelle.

2. Les faiblesses

Þ Le manque d’une salle de spectacle communautaire. Si l’utilisation des


salles pluridisciplinaires est valable pour les activités culturelles et spectacles
d’amateurs, elle peut poser des problèmes d’accueil pour des spectacles plus
professionnels (qualités acoustiques notamment). Il n’y a pas de salle permettant
d’accueillir des spectacles de plus de 450 personnes dans des conditions
acoustiques suffisantes. Or il est difficile de rentabiliser des spectacles coûteux en
dessous de 500 personnes. Au-delà, les conditions d’accueil peuvent empêcher
certains spectacles d’avoir lieu ou limiter la qualité de ceux qui auront lieu. Par
ailleurs, le plateau des théâtres est trop étroit pour proposer certains spectacles, de
danse notamment. Cela dit, cela n’empêche d’autres formes de spectacle d’avoir
lieu.

Þ Le manque de lieux de création du spectacle vivant. Il n’y a pas de lieu de


création pour le spectacle, en dehors du théâtre de Montreuil qui accueille des
compagnies en résidence.

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Þ L’absence d’une action publique culturelle cohérente. Il n’y a pas de
service communal ou intercommunal d’action culturelle. Il existe des structures
publiques qui organisent des événements, mais il n’y a pas de structure réellement
fédératrice des actions menées par les différents acteurs culturels. Il n’y a
quasiment pas de professionnels de la culture ayant une formation initiale dans le
domaine culturel, de même qu’il n’y a pas de programme d’action culturelle à
l’échelon communal, mettant en œuvre une réflexion sur ce que peut être l’action
publique culturelle.

Þ Le manque de professionnels de la lecture publique. Les bibliothèques


municipales employant des professionnels sont peu nombreuses au regard de la
population. Seule la bibliothèque de Berck emploie un cadre A filière culturelle,
conservateur. Comme s’il y avait un lien de causalité avec ce manque de
professionnels qualifiés, on observe que les bibliothèques travaillent peu ou pas en
réseaux sur le territoire et avec la Bibliothèque Départementale de Prêt - antenne de
Wimereux. Aucun projet structurant ne peut être monté dans ces conditions.

Þ L’inégalité de l’offre d’enseignement musical. Diplômés ou non, les


professeurs des écoles de musique et harmonies ont avant tout vocation à donner à
leurs élèves le moyens de pratiquer la musique en amateur, dans la tradition des
harmonies, batteries et fanfares. Par ailleurs, les écoles cherchent presque toujours
à recruter des élèves pour rejoindre l’harmonie qui est toujours couplées avec
l’école. Il ressort de l’enquête sur ces structures que :
- toutes les communes du pays n’ont pas accès à un enseignement musical à
proximité ;
- il est de plus en plus difficile d’intéresser les jeunes à l’harmonie
traditionnelle ;
- les harmonies ont vocation à rester du ressort de leur commune, parce
qu’elles contribuent fortement à son identité, notamment avec les parades pour les
fêtes nationales ;
- les directeurs des école ne sont pas toujours favorables à l’idée d’une école
intercommunale parce qu’ils redoutent de voir partir les participants de leur
harmonie communale dans une autre formation plus attrayante dans la commune
de l’école de musique
- les professeurs sont vacataires dans de nombreux cas et ils enseignent
souvent dans plusieurs écoles du pays.

Þ Le manque de fédération de la vie associative. Il existe un bon nombre


d’associations proposant des activités culturelles ponctuellement ou même
régulièrement. On peut regretter que ces associations fonctionnement peu en

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réseau, même si elles n’ont pas toutes vocation à organiser des partenariats. Il
manquerait un outil pour informer, mettre en réseau et fédérer les associations qui
en auraient le besoin.

Þ L’offre d’événementiel culturel d’abord conçu pour l’attrait touristique


estival. Il y a encore peu d’événements culturels en dehors de l’été.

Þ Le manque de coordination des programmations. Les différentes


structures qui programment des événements culturels sont peu informées des
autres programmations sur le territoire, ce qui conduit parfois à la concurrence
entre deux événements au même moment.

3. Hypothèse d’évolution si rien n’est entrepris


Þ La faiblesse et l’hétérogénéité de l’offre de spectacles. Si aucune salle n’est
construite, des spectacles de petite forme pourront continuer d’avoir lieu,
intéressant un petit nombre de public. Les publics déjà avertis continueront de se
déplacer à l’extérieur du pays pour assister à quelques spectacles. Les spectacles
aux théâtres continueront d’être peu rentables et donc très ponctuels. Les publics
ruraux continueront d’être mis à l’écart de formes plus importantes de spectacle
vivant. Par ailleurs, le manque de lieux de création pour le spectacle vivant conforte
la faiblesse de la présence artistique.

Þ La mise à l’écart du développement culturel. Sans réflexion culturelle


d’ensemble à l’échelle publique des communes et des communautés de communes,
les professionnels de la culture sur ce territoire et les partenaires à l’extérieur de ce
territoire s’essoufflent et finissent par le laisser à l’écart du développement culturel.
L’attractivité de ce territoire en souffre : pour les touristes et surtout pour
d’éventuels nouveaux résidents déjà demandeur d’activités et d’animations
artistiques et culturelles de qualité.
Le manque de projets structurants maintient hors du pays du Montreuillois
les financements des institutions.

Þ L’absence d’enseignements artistiques accessibles à tous. L’enseignement


musical classique (harmonie - batterie - fanfare) se sclérose. Il est délaissé par les
jeunes qui se replient sur l’offre des structures socioculturelles, dont la vocation
première est sociale. Cette offre n’est pas toujours adaptée et la qualité des

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enseignements n’est pas garantie par des critères institutionnels. Tous les jeunes
n’ont pas accès à l’enseignement musical.

Þ La rivalité entre les acteurs culturels. Le manque de concertation entre les


acteurs culturels conduit à une concurrence entre eux, alors qu’ils pourraient
gagner à organiser leur complémentarité.

b) Positionnement du territoire : la spécificité du tourisme


L’une des enjeux économiques majeurs sur le littoral est le tourisme. Ainsi le
développement culturel devra concerner tant la population locale que touristique.
Un écueil à éviter serait de construire une offre qui ne serait accessible que pour les
touristes et qui laisserait à l’écart la population locale. Pour cela, il conviendrait de
répartir les programmations d’événements sur toute l’année ; cela permettrait par
ailleurs de poursuivre le concept de station des 4 saisons développé au Touquet. En
outre, il serait intéressant de surveiller les tarifs des activités culturelles de façon à
ce qu’ils concilient les coûts de l’organisation à l’accès pour toutes les catégories
socioprofessionnelles.
Les ressources particulières de ce territoire qui peuvent intéresser le
développement culturel sont le patrimoine (essentiellement à Montreuil) et la nature
à l’intérieur des terres ainsi que la mer. Il serait bénéfique d’investir ces espaces
ponctuellement pour diffuser des spectacles : concerts dans les églises,
performances de tous types dans des granges, sur la plage…

c) Diagnostic stratégique
Pierre Antoine LANDEL et Philippe TEILLET conçoivent différentes
dynamiques susceptibles d’être repérées dans les cas de projets culturels de pays
mis en œuvre par leurs EPCI3. Cette modélisation a été établie à partir des
séminaires et entretiens qu’ils ont menés. Il peut être intéressant de rapprocher
cette modélisation des formes que pourra prendre le développement culturel dans le
pays du Montreuillois :

3
Pierre Antoine LANDEL et Philippe TEILLET, La place de la culture dans la recomposition des territoires -
Le cas des Pays issus de la loi Voynet, op. Cit., p.52

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Hypothèse 1
Le projet de territoire propose un nouvel habillage d’une stratégie
et de projets culturels déjà développés sur le territoire
Le maintien de l’existant

Hypothèse 2 E.P.C.I. 2
Développement d’actions et
services E.P.C.I. ayant une
compétence culturelle
La rencontre positive forte
E.P.C.I. 3
Développement d’actions et
services

Hypothèse 3
E.P.C.I. 2
frein au E.P.C.I. sans
Le frein au développement développement compétence culturelle

E.P.C.I. 3

Hypothèse 4
E.P.CI. 2
Spectacle vivant E.P.C.I. 1
Lecture publique
La construction de
complémentarités
E.P.C.I. 3
Patrimoine

Hypothèse 5 Agglomération
« équipements culturels
structurants »

La construction de rapports avec


des pôles extérieurs
Territoires (Pays,
GAL leader)
Projet culturel

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Les différentes hypothèses peuvent se combiner dans une plus ou moins
grande mesure. D’abord, il est peu probable que le projet de pays ne constitue que
l’habillage des projets déjà développés, parce que ceux-ci attendent du pays un
apport de cohérence.

Pour l’instant, on n’identifie pas d’EPCI ayant une compétence forte, parce
que les compétences culturelles sont encore récentes et de ce fait, l’intérêt
communautaire n’a pas été établi définitivement dans toutes les communautés de
communes. L’hypothèse de la rencontre positive est donc peu probable. En
revanche, un EPCI sans compétence culturelle peut représenter un frein au
développement. C’est le risque encouru si la Communauté de Communes de Mer et
Terres d’Opale ne fait pas ce choix.

Outre cela, l’hypothèse de la construction des complémentarités pourrait à


long terme être envisageable, dans une certaine mesure : la mise en valeur du
patrimoine pourrait relever de la compétence exclusive de la Communauté de
Commune du Montreuillois ; le développement de la lecture publique relever de la
compétence exclusive d’Opale Sud si son projet de bibliothèque – médiathèque
engendre une réelle dynamique structurante… Les autres EPCI pourraient ou non
développer des spécificités. Cette hypothèse bien que rationnellement fondée et
pertinente nécessiterait toutefois une grande maturité des mentalités et une réelle
confiance réciproque dans l’intérêt de la coopération culturelle intercommunale.
Elle semble donc peu évidente dans l’immédiat.

Dans tous les cas, il peut être bénéfique de développer l’hypothèse de la


construction de rapports avec des pôles extérieurs : en élaborant des partenariats
avec des équipements structurants de diffusion et de création (Scènes Nationales),
ou de formation (Ecoles d’Etat d’enseignements artistiques). Par exemple, une
politique de transports pourrait être mise en place pour rendre accessible à la
population locale des équipements culturels qui ne le sont pas toujours ; tous les
habitants du pays du Montreuillois n’ont pas toujours les moyens de se déplacer ou
de conduire leurs enfants à Boulogne pour leur leçon de musique.

d) Propositions
Il est nécessaire d’enrayer la désorganisation de la vie culturelle et d’offrir
aux acteurs culturels du Pays du Montreuillois un outil qui leur permettrait de se
concerter, d’organiser leur complémentarité et de profiter de moyens d’action en
commun. Ce travail doit être mis en œuvre par des professionnels qualifiés dans le
domaine culturel travaillant en réseau.

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En outre, le pays du Montreuillois se situe sur un territoire rural, l’un des
derniers de la région à bénéficier de l’aide des institutions. On peut associer cela à
un manque de projet culturel structurant, lui-même engendré par le manque de
professionnels de la culture sur ce territoire. Pourtant, si l’on en croit les Schémas
de Service Collectifs culturels4, le pays du Montreuillois doit constituer un territoire
prioritaire d’intervention.

Une solution envisageable pourrait être la création d’un EPCC de type


« agence de coopération culturelle » composé de professionnels et associant au sein
d’un conseil d’administration les quatre communautés de communes, les
institutions et les principaux acteurs culturels intéressés.

Le rôle de cet EPCC serait de :

- coordonner dans un réseau permanent les acteurs de la vie culturelle, les


politiques des structures culturelles, les programmations et les événements, afin
d’éviter les télescopages d’événements et d’organiser au mieux la complémentarité ;
- palier à l’absence de l’action culturelle des communes ;
- informer les acteurs culturels entre eux et à l’extérieur (communication
publique) ;
- gérer un parc de matériel ;
- employer des personnels communs aux membres de l’EPCI, qui ne seraient
pas rentables s’ils étaient employés séparément : professeurs de musique
intercommunaux, un attaché de presse commun aux structures, technicien...

4
Cf. infra, p.25.

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