Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
De Tizi-Ouzou
A
Beni-Mengallet
Par E. LAYER
ROUEN
IMPRIMERIE GAGNIARD (LÉON GY, SUCCESSEUR)
Rue des Basnage, 5.
1911
DE TIZI-OUZOU A BENI-MENGALLET
Tisseuses de burnous.
Route de Fort-National.
Pâtres kabyles.
Jeunes kabyles.
Chemin de Beni-Mengallet.
On passe, en se rendant à la Mission, devant l’hôpital de
Sainte-Eugénie ; la visite de cet établissement devait être le
grand attrait de l’après-midi. Les bâtiments de la station,
auxquels on accède par un chemin raviné, couronnent le
sommet de la crête.
Les néophytes exacts à l’heure de l’office arrivaient en hâte,
ils se pressaient dans la chapelle, un simple appartement,
devenu insuffisant, vu le nombre croissant des convertis. Les
fidèles se divisaient en deux groupes, les hommes avec les
Pères, à droite ; les femmes avec les Sœurs Blanches, à
gauche. Quelques élèves de l’école et des néophytes
occupaient le premier rang.
La messe commencée, à peine quelques petits enfants
troublèrent-ils le recueillement de la pieuse assistance. Après
l’évangile, le supérieur général des missions de Kabylie et de
l’Aurès, le R. P. Baldit, prit la parole en langue kabyle. Son
discours avait pour objet, m’a- t-il expliqué, de répondre aux
objections faites à des néophytes au sujet de l’union de la
nature divine à la nature humaine dans la personne du
Sauveur. Ces pauvres Kabyles qui ont su, avec l’aide de la
grâce, discerner l’étoile divine et la suivre, révélaient par leur
accent, en s’associant soit aux chants liturgiques, soit aux
cantiques français, de l’ardeur de leur foi. Au moment de la
communion, les hommes d’abord, à leur suite les femmes,
s’avancèrent vers l’autel avec une dignité d’attitude, une
ferveur émue, profondément impressionnantes.
La messe terminée, l’assistance se retira lentement; des
femmes s’arrêtèrent un instant, les jeunes discrètement
réservées, les vieilles auxquelles leur âge permettait plus de
liberté, très disposées à la causerie.
Les élèves de l’école, de gentils enfants à la physionomie
intelligente et gaie, s’étaient, pour la plupart, rendus dans la
cour de la mission où le Père Baldit, entouré du R. P.
Duvernois, supérieur de la mission de Beni-Mengallet, son
jeune et dévoué collaborateur, et de leurs confrères, reçut sous
le préau, ou mieux sous le cloître modeste, avec la plus
affectueuse bonne grâce, le visiteur recommandé par
Monseigneur Li- vinhac.
L’hospitalité de ces aimables religieux, leur simplicité
apostolique, ont fourni à leur hôte l’occasion de passer parmi
eux un des meilleurs dimanches qu’il lui ait été donné de
vivre.
Outre la jouissance d’avoir appris beaucoup par ce qu’il vit
et entendit, le visiteur éprouva celle plus grande encore de
pénétrer par une observation personnelle l’étendue de mérites
que l’humilité évangélique ne permettait pas de lui révéler.
C’est ainsi qu’il lui a été donné de prendre conscience de la
portée de l’œuvre civilisatrice poursuivie par les Pères avec le
double et exclusif appui de la grâce de Dieu et de la charité
chrétienne.
La présence des marabouts chrétiens n’a pas soulevé, chez
les populations musulmanes, les susceptibilités fanatiques
invoquées pour prohiber toute action chrétienne. Les religieux
ont obtenu, par leurs œuvres et leur caractère, respect et
sympathie ; l’enquête officielle en a fourni le témoignage. Par
le fait des sentiments qu’ils ont inspirés aux indigènes, nos
dévoués compatriotes, pacifiques conquérants des volontés,
ont servi efficacement et servent chaque jour l’évangélisation
et l’influence française.
Auprès des bâtiments de la mission, constructions très
simples, les Pères Blancs ont groupé un certain nombre de
familles. Les maisons en briques, couvertes en tuiles, premiers
éléments d’un village, abritent, comme tous les logis
indigènes, bon nombre d’habitants. Des ressources
insuffisantes ne permettent pas de former autant qu’il serait
désirable des groupes chrétiens et d’isoler les convertis de
leurs compatriotes dont ils ont à la fois abandonné les
croyances, les mœurs et les préjugés. Devenus chrétiens, les
Kabyles sont des Roumis, des Français; leur assimilation est
effective, sans qu'il soit même besoin de naturalisation
officielle.
Après la messe.
Village chrétien.
À la Mission.