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LE PUY,—NOTRE-DAME.

Beauté de l’église. Histoire des Ceintures (le la Vierge et de celle


du Puy-Notre-Bame.

Sur cité,
petite un coteau de lelaPuy—Notre-Dame,
appelée fertile province du
d’Anjou est assise
mot celtique une l
Peuc/z

ou du latin Podium, hauteur, élévation de forme conique. Ses


rues étroites, ses maisons percées de croisées géminées, révè
lent l’ancienneté de son existence. Des haches celtiques, des
pierres taillées en coins, avec un tranchant effilé ; des voies
romaines, des tombeaux de tribuns militaires, des médailles
consulaires et impériales, des fragments de poteries romaines,
trouvés dans la campagne environnante, semblent indiquer que
ce pays eut, dans les temps reculés, une certaine importance.
On rencontre encore parfois quelques monnaies franques, pro
venant du séjour de Charlemagne et des anciens rois d’Aqui
taine dans le voisinage, àDoué-la-Fontaine. Une ferme, portant
le nom de Dagoberderie, rappelle l’affection que Dagobert avait
pour cette contrée. Au commencement du XI° siècle, les ducs
d’Aquitaine étaient les propriétaires de ce pays. Guillaume VI
bâtit sur le coteau du Puy, jolie position d’où l’on jouit d’un
horizon étendu, une maison de plaisance, défendue par des
tours. Des habitations se groupèrent autour, la ville se forma ;
uue muraille en entoure l’enceinte ; des tours protégèrent les
portes d’entrée. Le duc Guillaume VI ne se contenta pas d’avoir
créé la cité du Puy, que la célèbre Éléonore d’Aquitaine aimait
LE PUY-NOTBE-DABŒ. . 497
à habiter, il y établit encore un prieuré de moines bénédictins
lequel devint une source de prospérité pour la ville et ses
habitants. Le prieur prit le titre de seigneur temporel
du Puy ’.
Avec la fondation de ce prieuré commença l’établissement
du culte de Marie. « Il y a bien de l’apparence, « remarque
l’ancien auteur de Notre—Dame Angevine, « que les religieux qui
il furent envoyés du monastère de Montierneuf, dédié à Marie,
« en obédience au Puy, y bâtirent une chapelle en l’honneur
« de la sainte Vierge. Mais il n’y a aucune apparence qu’ils
« aient d’abord bâti une chapelle aussi grande, aussi magnifi
« que, qu’elle est présentement. Cette œuvre ne peut être que
a l’effet de la libéralité d’un souverain ou d’un très—grand sei—
«fgneur; il y abelles.»
« sont pasiaussi beaucoup de cathédrales
A défaut.d’acte en France
authentique de qui ne
l’église

du Puy, on trouve écrit en lettres gothiques sur la c0uverture


d’un vieux livre de chant de la paroisse, qu’elle fut construite,
en 1154, par Guillaume, duc d’Aquitaine et comte de Poitiers, v
que saint Bernard convertit, et qui fit le pèlerinage de la
Terre—Sainte. Elle est une des plus remarquables de l’Anjou.
Sa forme est une croix latine, avec trois nefs, séparées par
deux rangs de faisceaux de gracieuses colonnes soutenant les
voûtes. Elle a cinquante mètres de long sur quinze de large;
Deux tours élevées encadrent une façade majestueuse ; un clo
cher surmonte le centre du transept. En pénétrant dans l’inté
rieur, le visiteur est saisi d’admiration en voyant ces colonnettes
élégantes, ces chapiteaux artistement sculptés, ces voûtes
élancées, et cette belle harmonie qui montre que le monument
a été fait d’un seul jet. Quelle fut la cause de l’érection
d’une semblable église? Assurément elle fut noble et sainte.
, C’était l’usage chez les Juifs que toutes les filles portassent
une ceinture, dont elles faisaient hommage au Seigneur dans
le temple, lorsqu’étant mariées et enceintes, elles ne pouvaient
plus s’en servir. Après leurs couches, elles en reprenaient une
1 Bédouet, Pèlerinage de la Sainte-Ceinture au Puy-Notre-Dame, ch. I. Nous
prenons pour guide cet excellent ouvrage que l’auteur nous a offert.
1. 32
lL98 LE rur-xornn—mma.
autre, comme emblème de leur modestie et de leur pudeur. La
matière de ces ceintures était ordinairement précieuse : c’était
de la soie, de la laine, du fil, tissé avec art, parfois entremêlé
de fils d’or, d'argent ou de pourpre. Vers l’an 450, Juvénal,
patriarche de Jérusalem, ayant trouvé des ceintures de la Vierge
dans son tombeau, en fit présent à la princesse Pulchérie, qui
les déposa dans l’église des Blaquernes, à Constantinople. Dès
lors l’église grecque institua deux fêtes en l'honneur de ces
ceintures. «On ne saurait voir,» disait saint Germain, patriarche
de cette ville, « la vénérable ceinture de la Mère de Dieu, sans
« être comblé de joie et pénétré de dévotion. » «Nous hono
1‘ons, » écrivait le docte Enthyme, « la ceinture dont la Reine
« des cieux s’est ceinte. En présence de cette relique sacrée,
« les autels des faux Dieux se sont brisés, les temples des
« idoles se sont renversés. Et que de prodiges n’opère—t—elle pas
a sous nos yeux! » Au commencement du xrn" siècle, les
Français s’étant rendus maîtres de Constantinople, en rappor—
tèrent plusieurs reliques, entre autres, deux ceintures de la
sainte Vierge, dont l’une fut donnée à Notre—Dame du Puy en
Velay, l’autre à l’église de Bruges, en Flandre. Plusieurs croisés
en rapportèrent de Jérusalem, où elles étaient conservées par
les chrétiens. « En soixante—trois ans que la Mère de Dieu vécut
« en ce monde,» dit le Père Charron, dans son Calendrier
histors'al de la Vierge, «elle a porté plusieurs ceintures de
« diverses étoffes. Celle qu’on gardait à Constantinople était
« tissue de quelques fils de pourpre, au témoignage d’Enthyme.
« La ville de Rome est honorée de cette relique en deux de ses
« églises. Notre-Dame d’Aix-la-Chapelle, en Allemagne, en
« possède une en lin blanc, large d’un pouce, mise en plusieurs
« plis dans un reliquaire d’argent. Tongres, Maestricht en gar«
« dent une notable partie. L’église collégiale du Puy—Notre—
u Dame, en Anjou, en montre une entière. » On le voit,
certaines églises en possédaient d’entières, d’autres n’en avaient
que des fragments. '
Le duc d’Aquitaine, Guillaume VI, si l’on en croit la tradi—
tion du pays, étant de retour de la Palestine, vint continuer
LE PUY—NOTRE-DAME . 199
quelque temps, près du Puy, sa vie pénitente, dans un bois
que l’on nomme encore bois Guyou, ou bois Guillaume. Ce
prince, voyant que les peuples d’alentour venaient en foule
prier Marie et révérer son image dans la petite chapelle qui lui
était dédiée au Puy, fut inspiré d’y donner la Ceinture de la.
bienheureuse Vierge, que lui avait offerte le patriarche de
Jérusalem, et qu’il avait rapportée de cette ville. Afin de faire
honorer davantage cette précieuse relique, il fit construire une
magnifique église ‘. Dans un mémoire imprimé à Saumur
en 1777, il est dit : «La Ceinture de la sainte Vierge est
« gardée depuis longtemps dans l’église du Puy-Notre-Dame. »
Cette ceinture est longue d’environ cinq pieds, large de quatre
centimètres. C’est un tissu de lin et de soie, recouvert d’un
filet à mailles serrées. On l’a récemment recouverte d’une
moire d’argent, bordée de galons dorés, sur laquelle on a brodé
ces mots en lettres d’or : SAINTE CEINTURE DE LA SAINTE VIERGE.
En—de_ssous, se trouve une enveloppe en damas blanc, portant
la date de 1720; plus-un billet avec ces mots : « En ce papier
« sont deux morceaux de la ceinture de la Vierge, restitués
a par les mains des Pères capucins, auxquels par confession
«ils avaient été déposés; les coupables ayant avoué qu’ils
« n’avaient jamais eu de repos depuis qu’ils avaient pris cette
« sainte relique, rejointe à la sainte Ceinture. 1675. » Deux
ouvertures, munies de cristaux richement enchâssés, laissent
suffisamment apercevoir la ceinture, garnie aux extrémités
par le roi Louis X1 de fermails en or, portant d’un côté les
armes de France et celles du Puy ; de l’autre, la Salutation
angélique et la Nativité du divin Enfant. Dans les temps anté
rieurs à la grande Révolution, cette ceinture, déposée dans un
reliquaire en argent, était renfermée dans une armoire en bois
de chêne, fermant à dix clefs différentes, confiées à dix cha
noines, appelés pour cette raison les conclaves. Tous devaient
être présents pour ouvrir cette armoire’.

1 Grandet, Notre—Dame Angevine. — 2 Bédouet, Pèlerinage au Puy-Noire


Dame.
500 LE PUY-NOTRE-DAME.

Visites royales au Puy-Notre—Dame.

Lorsque la ceinture de la sainte Vierge eut été installée dans


son magnifique sanctuaire, elle n’y resta pas sans honneur. Les
chrétiens de la province s’empressèrent de la vénérer; bientôt_
l’éclat des faveurs obtenues attira au Puy-Notre-Dame un grand
concours de pèlerins illustres. Quelques auteurs prétendent
que les rois Plantagenets d’Angleterre passèrent par le Puy,
en se rendant à l’abbaye royale de Fontevrault. Saint Louis,
quelques années avant son expédition d’Égypte, visitant,
accompagné de ses frères Robert et Alphonse, son beau comté
d’Anjou, se rendit, avec toute sa cour, dans la cité du Puy
Notre-Dame, afin d’y vénérer la précieuse relique. On. croit
généralement qu’il y vint une seconde fois, lorsqu’il fit le
siège de Montreuil en Anjou, pour enlever cette place forte au
comte de la Marche, révolté centre son autorité. Sous le règne
de Charles VI, en M20, Guérin, seigneur de Fontaines, ‘pro
fondément touché des malheurs de sa patrie, entreprit de
chasser les Anglais de l’Anjou. Il les attaqua près du Vieilbaugé,
les vainquit et tua de sa main le duc de Clarence, frère du roi
d’Angleterre. Après avoir fait un grand carnage de la noblesse
de cette nation, Guérin s’empara de la bannière du duc et alla
la déposer comme un glorieux trophée dans l’église du Puy
Notre-Dame, où, pendant plusieurs siècles, elle demeura sus
pendue à la voûte. ‘
Le sacre de Mlzr de Cherpaignes, nommé évêque de Poitiers,
amena au Puy-N0tre—Dame, le 28 mai 1440, dans l’auguste
sanctuaire choisi de préférence par le nouveau pontife, les
évêques d’Angers, de Seùlis et de Mure, au royaume de Naples,
ainsi que les principaux personnages de la province. Le grand
concours des peuples qui, tout le long de l’année, y venaient
LE PUY-NOTRE-DAME. 501
en pèlerinage; le récit des cures merveilleuses opérées à.
l’aide de la Sainte-Ceinture, engagèrent le roi Louis XI à se
placer sous la protection spéciale de la Vierge du Puy. Non
seulement il y vint en pèlerinage, mais il fit vœu d’y revenir
tous les cinq ans, Dans les deux visites qui suivirent cette
première, le roi offrit, chaque fois, une statue d’argent du poids
du Dauphin. Il fit, en outre, enchâsser la relique dans un ma
gnifique reliquaire en vermeil. Il établit en son honneur, en
1472, un corps de chapelains; et, en 1181, un Chapitre royal à
l’instar de celui de la Sainte-Chapelle de Paris. Pour que tout
fût magnifique dans le temple consacré à Marie, il y fit exé
cuter de belles stalles gothiques, pour les chanoines, y érigea
treize autels, et y établit une psallette ou maîtrise richement
dotée. Jaloux d’y avoir son oratoire particulier, Louis XI or—
donna la construction d’une chapelle au pied du clocher. Dési
reux enfin d’attirer les peuples vers la précieuse relique, il
fonda au Puy un collège royal, un marché tous les jeudis, et
une foire le jour de saint Louis. Charles VIII, fils et succes
séur de Louis XI, ne fut pas moins zélé que son père pour la
gloire du sanctuaire, il le visita et le dota de riches présents.
Louis XIII, après le siège de la Rochelle, y vint offrir, selon
son vœu, ses hommages de reconnaissance à Celle qui donne
le succès ’.
La Sainte-Ceinture comblait la cité et son sanctuaire de gloire
et de richesses; mais ces richesses et cette gloire faillirent
plus d’une fois causer leur ruine. La cupidité d’une part, l’hé—
résie et l’impiété de l’autre, ne voyaient pas, sans un sentiment
d’envie, tant de trésors accumulés, tant d’honneurs rendus.
Durant les guerres religieuses du xv1" siècle, le Puy eut à subir
plusieurs assauts. En 1562, les Huguenots, ayant à leur tête
le prince de Condé, dévastèrent les campagnés environnantes,
et prirent la ville d’assaut. Les chanoines, prévoyant cette
invasion, avaient porté la Sainte-Ceinture et les vases sacrés
au château de ’Brissac. Les hérétiques, trompés dans leur
1 Grandet, Notre—Dame Angevz‘ne.— Girardière, Notice sur le Puy—N0tre—Dume.
— Bédouet, Pèlerinage au Puy-N0tre—Dame, ch. m.
502 LE PUY—NOTRE-DAME.
espoir de trouver un riché butin, mirent le feu à l’église.
Mais les murailles et les voûtes résistèrent à l’incendie; il n’y
eut que la charpente de brûlée. Le trésor avait été transporté
au château du duc de Bourbon-Montpensier, à Champigny,
afin de le soustraire au pillage des armées protestantes. C’est
pourquoi, quand l’église fut-restaurée, « par ordonnance de
,« Messieurs les Conclaves, manants et habitants du Puy, le
,u sous—doyen, le procureur et un frère se rendirent à Champi—
‘« gny, vers Monseigneur le duc de Montpensier, pour lui faire
n la révérence, de la part de Messieurs du Puy, et le remercier
« de tant de grâces et infinis plaisirs que les habitants ont
,« reçus de lui pendant les guerres. » Les temps n’étaient pas
encore assez sûrs, vu que, par ordre des Conclaves, on acheta,
cette même année, pour dix livres tournois de poudre à canon,
pour repousser le capitaine Lesdigaux et ses complices qui
_ voulaient pénétrer dans la ville, à la faveur des ténèbres; le
trésor ne fut rapporté qu’en 1599. Un procès-verbal, dressé par
la Fabrique, constate que les reliques, calices, joyaux et autres
objets précieux, mentionnés dans l’inventaire de 1562, se
trouvaient dans leur intégrité. Durant ces guerres de religion,
les populations de Vaudelnay et des villages voisins se réfugié;
rent plusieurs fois au Puy, bien plus sous la protection de
Notre—Dame, que sous celle des faibles murailles de la ville’. V
En 1614, Messire de Salles, prieur, Caillin, seigneur du
Temple, Lebasde, seigneur de la Haye, allèrent supplier sa
Majesté très-chrétienne de vouloir octroyer a Messieurs les
doyen et chanoines le don des Dauphins et les joyaux promis
par le défunt roi Henri III. Les populations étaient pleines de
vénération pour la sainte relique du Puy. Les faveurs de Marie
ranimaient leur ferveur. Les femmes enceintes venaient avec
empressement ceindre la ceinture de Celle qui avait porté le
Sauveur dans son chaste sein, afin d’obtenir une heureuse
délivrance. On lit dans les registres de baptêmes de la paroisse:
« L’an 1614, le 14 mai, Demoiselle Rénée de la Bissière, épouse
.« de Charles Vaillence, seigneur de la Massonuière, en Poitou,
1 Ibid.
LE PUY—NOTRE-DAME. 503
« étant venue au Puy faire sa neuvaine devant l’autel de la
« sainte Vierge, et s’étant fait ceindre de la Sainte-Ceinture,
« accoucha heureusement en cette paroisse d’une fille qu’elle
« appela Louise. » « L’an 1651, le 27 novembre, Marguerite
u Savary, de la paroisse de Vernoy, étant venue au Puy se
« faire ceindre de la Sainte-Ceinture, accoucha d’une fille, dans
« l’hôtel de la Croix-Blanche. n
La renommée de la Ceinture de la Vierge, pour les heu—
reuses délivrances, s’était répandue jusqu’à la Cour de France.
Lorsque, après vingt-trois ans d’union, la grossesse d’Anne
d’Autriche fut déclarée, Louis XIII manifesta le- désir d’en
ceindre la reine, afin de placer sa délivrance sous la protection
de Notre—Dame. M. de Bernage, conseiller et aumônier du roi,
vint, de‘la part de sa Majesté, demander au Chapitre du Puy
la Sainte—Ceinture pour la reine Anne d’Autriche, et une neu—
vaine à son intention. Pendant neuf jours on exposa le Saint—
Sacrement sur le maître—autel, et la relique vénérée sur l’autel
de la sainte Vierge, afin d’engager le peuple à demander la
même grâce. Le premier jour, M. de Bernage offrit, au moment
de la consécration, un cierge blanc; les jours suivants, un
chanoine le remplaça pour l’ofi‘randc d’un cierge semblable;
La neuvaine terminée, quatre des plus notables de la cité;
dont deux délégués par le Chapitre et deux par la municipa=
lité, reçurent le précieux dépôt et partirent pour Paris, avec
l’aumônier de sa Majesté. Le roi, apprenant leur arrivée, les
fit recevoir par le cardinal de Richelieu, qui ordonna de les’
conduire en carrosse, en grande cérémonie au Louvre, où le
monarque les attendait pour les mener au château de Saint—
Germain-en-Laye où se trouvait la reine. « J’ai ouï dire, '»
rapporte l’auteur de Notre-Dame Angevine, « par M. de Saint
« Christophe qui eut l’honneur d’y aller et de porter la Sainte
“ Ceinture, qu’on dressa une chapelle dans la chambre de'la‘
« reine, et que lui—même eut l’honneur de lui ceindre la Cein-'
turc. n Leurs Majestés ne voulurent pas renvoyer sans récom—_
pense ces délégués. Non-seulement leur voyage fut largement
payé, mais on leur accorda l’exemption de l’impôt de guerre
504 LE PUY-NOTflE-DAME.
pour leur cité, et leiitre d’aumôniers de la reine pour les
membres du Chapitre.
Là ne se borna pas la munificence royale; deux mois après,
le Chapitre reçut la lettre suivante : «L’an 1638, le roi étant à
« Saint-Germain-en-Laye, ayant une confiance particulière en
« l’intercession de la glorieuse Vierge Marie, et désirant em
u ployer son assistance'sur la grossesse de la reine, à ce qu’il
a plaise à Dieu de lui faire porter heureusement son fruit; Sa
« Majesté ayant fait apporter de Notre—Dame du Puy, en Anjou,
q la Ceinture de la Vierge, qui y est depuis'longtemps gardée,
« pour l’appliquer sur le corps de la reine, et considérant que
(( l’on ne peut honorer et conserver assez dignement une si
d sainte relique, Sa Majesté a fait don à ladite église d’une
a châsse d’argent vermeil, dorée, à jour, ornée d’une image
« de la Vierge au haut d’icelle, pour y mettre la Sainte
«Ceinture et y être perpétuellement gardée à l’avenir. —
« signé : LOUIS. »
La population s’avança à la rencontre de l’émissaire royal,
qui fit son entrée solennelle dans la ville, le 3 mai, au son de
toutes les cloches. Après la messe du roi, célébrée chaque
jour dans la collégiale de Notre—Dame, le doyen du Chapitre,
entouré des chanoines, reçut de ses mains la châsse, la bénit
et y déposa dans la cassette en argent qu’elle renfermait, la
relique sacrée. Anne d’Autriche, sentant son terme approcher,
écrivit aux chanoines de lui envoyer de nouveau la Ceinture de
la Vierge, qu’elle désirait ceindre au moment de sa délivrance.
On la tira de la châsse pour la lui envoyer. Tout porte à croire
qu’elle figura avec honneur à la mémorable procession du
45 août, à Paris, par laquelle la France fut particulièrement
consacrée à Marie, en exécution du vœu de Louis XIII. Quel—
ques heures avant ses couches, la reine ceignit la précieuse
Ceinture, et mit heureusement au monde un fils, que par recon«
naissance elle appela Dieu-Donné, et que l’admiration des
peuples surnomma Louis-le-Grand.
Anne d’Autriche avait renvoyé la Ceinture au Puy-Notre
Dame, avec l’expression de sa reconnaissance, lorsque Se voyant
LE PUY-NOTRE-DAME. 505
une seconde fois enceinte, elle adressa au Chapitre de la collé
giale la lettre suivante : « A nos très-chers et bien-aimés les
« doyen, chanoines et Chapitre de la collégiale de Notre—Dame
« du Puy, en Anjou : très—chers et bien-aimés, le favorable
'« succès que nous rec_ûmes par la puissante intercession de la
c glorieuse Vierge, dont vous nous apportâtes la Ceinture, il y
« a deux ans, pour la naissance de notre fils le Dauphin, nous
il faisant espérer les mêmes grâces pour l’heureuse délivrance
« de l’enfant qu’il plaira à Dieu de nous donner, nous désirons
« que vous nous envoyiez cette sainte relique, pour la singu-
« lière dévotion que nous portons à la Mère de Dieu et la con
1! fiance que nous avons en ses prières. —-— Signé ANNE. » Deux
chanoines furent députés par le Œ1apitre pour porter la Cein
ture à la reine. Elle la passa autour de son corps et mit heu
reusement au monde son second fils, ,Philippe, duc d’0rléans.
En 1642, elle vint elle—même au Puy-Notre-Dame, avec le
Dauphin, et, présentant le jeune roi au chanoine qui lui avait
p0rté la Ceinture à ses premières couches : «Messire de Saint
u Christophé, » lui dit-elle, « Voici un des fruits de votre Ceinu
ture‘. »

Splendeur des lacs. Dépouillement suecessll du trésor.


Pll.lage de l’église.

Après de si glorieux hommages, la sainte relique, replacée


dans sa châsse splendide, fut entourée plus que jamais du res
pect et de la vénération des peuples. Chaque jour, on l’exposait
sur l’autel, entre deux cierges de cire blanche. Chaque jour,
des prêtres étrangers venaient célébrer à cet autel les Saints
mystères; des pèlerins en grand nombre venaient former au—
tour de l’objet de leur pieuse admiration une couronne d’hon—.
neur. Toutes les paroisses environnantes s’inclinaient avec
'* Grandet, Notre-Dam Angevine.
506 ' LE PUY—NOTRE—DAME.
respect devant l’arche sacrée, devant le temple saint qui renfer—
mait la Ceinture que la Vierge d’Israël avait portée peut—être dans
le temple de Sion. Leurs habitants se signaient avec dévotion à
sa vue; ils s’arrêtaient dans leurs marches, dans leurs proces—
sions, pour saluer la Bonne-Dame du Puy, chantaient le Salve,
Regina, et formaient autour d’elle une ceinture de confiance et
d’amour. Du plus loin que les pèlerins apercevaient la cité de
Marie, construite comme celle de Sion sur une colline élevée,
ils se jetaient à genoux et récitaient la Salutation Angélique.
Cet endroit s’appelait le Salut de la Bonne—Dame.
Il faut renoncer à décrire la pompe des solennités où l’or et
l’argent étincelaient de toutes parts, où la lumière ruisselait
sur les chapes d’or, alors que les dignitaires du Chapitre royal
et du prieuré, les chapelains et les membres de la maîtrise
étaient réunis dans le vaste chœur pour célébrer l’office divin.
Quand, au milieu des vapeurs parfumées de l’encens, les voix
fraîches de la psallette alternaient avec les voix graves des cha—
noines, et que le grand orgue jetait sous les voûtes sonores
ses mélodieuses harmonies, et portait jusqu'au trône du Très
Haut les chants d’amour d’une nombreuse assistance, on avait
un avant—goût des concerts angéliques et des joies du ciel. La
fête de la Sainte-Ceinture, célébrée le 31 août, brillait d’un
éclat extraordinaire. On tirait du trésor tous les joyaux pour
en parer la basilique : la statue en pied de Louis XI, revêtu des
insignes de la royauté; les bustes des trois princes, ses fils;
le grand modèle en argent de la Sainte-Chapelle de Paris; une
poule en or, de grandeur naturelle, entourée de douze pous
sins : emblème, de Notre-Seigneur et des douze Apôtres; les
croix, les chandeliers en argent massif, les reliquaires. La ma—
gnificence des ornements se joignait à la pompe des cérémo
nies. Les maisons à plus d’une lieue à la ronde, étaient pleines
de visiteurs accourus à la solennité: les champs voisins se
transformaient en un vaste camp rempli de milliers de pèlerins.
Et toujours, à chacune de ces fêtes, le Chapitre du roi avait à
enregistrer quelque prodige nouveau. Ainsi, en 1682, les reli
gieuses du couvent de la Fougereuse, atteintes d’une maladie
LE PUY-NOTRE-DAME. 507
contagieuse, obtinrent leur guérison, et présentèrent à Notre
Dame une lampe d’argent, comme témoignage de leur recon
naissance ’. Plusieurs autres personnes, ayant obtenu leur
guérison à ces fêtes de la Sainte-Ceinture, entre autres la du
chesse de Brissac, suspendirent, devant l’autel de la sainte
Vierge, des lampes semblables. Le duc de la Trémouille ayant
abjuré, entre les mains de l’évêque d’Angers, les erreurs de
Calvin, vint au Puy—Notre-Dame en rendre grâces à Marie, à
qui il se croyait redevable de sa conversion. Un présent fut
l’expression de sa reconnaissance. '
Le trésor était gardé, la nuit, par un homme accompagné
d’un chien. Cet homme qui faisait le guet, recevait, en 1518,
de la Fabrique, douze boisseaux de seigle pour nourrir le chien
qui passait toutes les nuits dans l’église. Plus tard, un prêtre
et quatre hommes armés firent, chaque nuit, la garde du lieu
saint et du trésor. Hélas! ils ne purent le préserver de la cupi
dité de Louis XIV, dont les victoires couvraient la France de
gloire, mais coûtaient bien du sang et des sacrifices. Pour
subvenir aux dépenses de la guerre, ou obligea, en 1690, les
Fabriques des églises à envoyer aux hôtels des monnaies l’ar
genterie des trésors qui n’était pas nécessaire au culte. Celui
du Puy—Notre-Da‘me perdit alors sa table d’argent, son prie
Dieu de même métal, ses statues de Louis XI et des Dauphins,
et autres dons précieux qui furent portés à l’hôtel des monnaies
à Poitiers, et prôduisirent près de huit mille livres. Il restait
les calices, ciboires, croix, lampes encensoirs, châsses, reli
quaires, chandeliers, bassins, coupes, burettes, en argent
massif. En 1789, pour remédier au déficit des finances, épuisées
par la guerre pour l’indépendance des Etats-Unis, Louis XVI
demanda aux églises l’abandon volontaire du quart de leurs
biens et des objets précieux de leurs trésors. La Fabrique du
Puy—Notre-Dame dut, une seconde fois, se dessaisir de plu
sieurs de ses objets d’art. La Révolution française commençait.
En 1790, les membres du Comité procédèrent à l’inventaire des
meubles et des joyaux; et, peu après, tous les vases sacrés, les
1 Bédouet, Pèlerinage au Puy-Notre-Dqme. — Grandet, N.-D. Angevine.
508 LE PUY-NOTRE-DAMË.
croix, les chandeliers, les reliquaires, tous les objets d’or et
d’argent étaient enlevés. C’en était fini du riche trésor offert
à Notre-Dame par nos souverains, par la noblesse et la recon
naissance du peuple ‘.
Un décret de l’Assemhlée de Paris déclara les biens des
églises propriété nationale. Néanmoins, malgré l’indifférence
religieuse régnant alors, et les passions révolutionnaires qui
fermentaient dans les villes, en continua assez longtemps de
célébrer, matin et soir, l’office canonial. Quand fut imposée la
constitution civile du clergé, la plupart des chanoines, cédant
à la crainte, prêtèrent .un serment que réprouvait leur cons:
cience. Mais ils s’empressèrent de le rétracter plus tard, et en
firent une pénitence aussi humble qu’édifiante. Cependant il
se rencontra parmi eux trois confesseùrs de la foi : MM. Leroy,
Péan et Texier refusèrent courageusement le serment que leur
imposait la Constitution, préférant obéir au chef suprême de
l’Église qu’à la République française, impie et sacrilège. On
leur interdit l’exercice public de leur ministère à Notre—Dame.
Bientôt après, tous les chanoines furent dispersés et l’église
livrée au pillage. Le mobilier fut vendu à l’encan; la grille
dé fer qui fermait le chœur, fut arrachée; les tuyaux de l’orgue
furent fondus; les écussons furent brisés, et les statues muti
lées. L’un de ces vandales, acharné contre une statue dont il
voulait abattre la tête avec son fusil, reçut «à l’heure même
son châtiment. La tête, en tombant, lui fit une blessure mor
telle. Les démocrates brûlèrent les archives et les ornements
sacerdotaux, sur les marches de l’ancien calvaire de la Palaine,
aux cris de : Vive la liberté! Les cloches furent démontées et
fondues, à l’exception de la plus grosse et du timbre de l’hor‘
loge. Il ne resta que les stalles, le buffet d’orgue et la chaire.
Le sanctuaire de Marie, si célèbre durant tant de siècles, et
dans lequel s’étaient agenouillés plusieurs monarques, entourés
de leur Cour, fut converti en grange, où les gens du voisinage
venaient battre leurs grains. Aux fêtes du décadi, une ignoble

1 Grandet, Notre-Dame Angevz‘ne.— Bédoue‘t, Pèlerinage au Puy-Noîr‘e-Dame.


LE PUY-NOTRE-DAME. 509
femme, coitfée du bonnet rouge, célébrait, du haut de la
chaire, par le chant de la Marseillaise, le triomphe de l’impiété
révolutionnaire. Sur l’autel trônait la déesse Raison. L’oratoire
de Louis XI servait de corps-de-garde. ’
Il entrait dans les desseins de la Providence de nous con
server la Sainte-Ceinture. Un brave homme du Puy, nommé
Guillon, plein de foi et de courage, se trouvant dans l’église au
moment du pillage, comme pour avoir sa part du butin, eut
l’adresse de la dérober à l’impiété sauvage des dévastateurs.
Quand les jours de désordre furent passés, il découvrit à ses
compatriotes le trésor qu’il avait jusque-là tenu caché, et le
remit entre les mains de M. Gallais, curé de la paroisse, an
cien chanoine de la basilique. M. Texier, qui, grâce à sa famille,
était toujours resté au Puy, pour y exercer en secret le saint
ministère dans les demeures des catholiques, M. Péan et les
autres chanoines survivants en constatèrent l’authenticité. Ce
fut un spectacle bien édifiant pour les fidèles du Puy que celui
où les chanoines, rentrés de l’exil et reconnaissant leur faute,
vinrent, les uns après les autres, faire leur rétractation pu—
blique dans la chapelle de l’hôpital, en présence du délégué de
l’évêque ’.

Rétablissement du pèlerinage.

En 1802, l’église de Notre-Dame fut rendue au culte catho


lique, mais dans un état de délabrement et de pauvreté qui
contrastait péniblement avec la splendeur et les richesses dont
elle jouissait quelques années auparavant. Le temple saint,
dans sa nudité et son abandon, semblait pleurer en silence les
temps heureux où son enceinte retentissait de chants sublimes
en l’honneur de. la Reine des cieux. Le conseil de Fabrique
1 Bédouet, Pèlerinage au Puy-Notre-Dame, ch. Vl.
510 LE PUY—NOTRE-DAME .
constatait, dans une délibération, cette nudité : «Une des plus
« grandes, des plus belles églises du département, et la plus
« riche, a été dépouillée de tous ses revenus, rentes, meubles
« et argenterie, au point qu’il ne lui est pas même resté un
« calice, un ciboire, ni un ostensoir. On lui a enlevé plus de cent
« mares d’argenterie. Elle possédait plus de huit mille francs
« de revenus en biens—fonds, il ne lui est rien resté!» Si l’es—
prit s’attriste à la pensée d’un tel dénûment, la foi se console
par la conservation de l’objet plus précieux que tous les tré
sors : la Ceinture de la sainte Vierge.
La population chrétienne salua de ses acclamations sa réap-‘
parition dans l’église de Notre-Dame. M. Gallais l’exposa, à
certains jours, sur son ancienne crédence, creusée dans une
des parois du chœur. Les fidèles recommencèrent à la vénérer
et à s’en faire toucher. Les villes de Thouars, Cholet, Saumur,
Le Mans, Rennes et autres, envoyèrent des députations au
Puy-Notre-Dame. En 1846, M“ Paysan, évêque d’Angers, fit,
par d’actives démarches concertées avec M. Louvet, de San—
mur, classer l’église au nombre des monuments historiques
de France. Dès lors, le gouvernement en commença l’intelli
gente restauration qui s’achève en ce moment. La famille
Louvet, propriétaire du Lys, offrit, pour y renfermer la pré
cieuse relique, une belle châsse en cuivre doré. Les pèlerinages,
un moment interrompus, ont repris avec l’élan des anciens
jours. A la vue de la basilique, le chrétien s’arrête, dominé
par un sentiment de respect et d’admiration, en pensant que
cette magnifique église a été élevée en l’honneur de la pré
cieuse relique qu’elle renferme. Aussi, avec quelle ferveur il y
prie. , A '
M“ Angebault, évêque d’Angers, recommanda la dévotion à
Notre-Dame du Puy, il fut entendu; écoutez le récit d’une
jeune mère : « C'est à la fin de mai 1864, que ma petite Marie
« tomba malade. Elle fut trois jours sans prendre aucune nour—
u riture, et elle ne donnait plus aucun signe de vie. Alors une
« personne me dit dans sa visite : Vouez donc votre enfant à
« la Sainte-Ceinture du Puy, en a vu des miracles s’opérer.
LE PUY-NOTRE-DAME. ‘ 511
« De suite je promis d’y conduire ma petite Marie. Une demi
« heure après ma promesse, l’enfant ouvrit les yeux, me parla
« et me dit qu’elle voulait se lever. Elle était sauvée, sauvée
u par Marie ! Clémence "". Doué-la-Fontaine, le 31 août
« 1866. n
Depuis que le pèlerinage de la Sainte-Ceinture est rétabli,
on voit se réunir, pour la fête principale du Puy—Notre-Dame,
un nombre considérable d’étrangers de tous les pays. L’en
ceinte sept fois séculaire de la basilique, rajeunie par de fraî
ches bannières pavoisant ses colonnes, regorge de pèlerins, au
nombre de trois à quatre mille, qui se pressent autour du
trône de Marie. Au milieu du chœur apparaît, richement ex
posée, la châsse contenant la relique vénérée. La ville entière
est dans la joie, car c’est le 31 août, c’est la fête de la Ceinture
de la Vierge. On décore les façades des maisons, on tend des
guirlandes, on dresse des ares de triomphe. Bientôt la proces
sion s’avance entre deux haies de verdure; de jeunes lévites en
dalmatiques d’or portent la châsse qui étincelle aux rayons du
soleil, est entourée d'un nombreux clergé et suivie d’une foule
compacte, recueillie et silencieuse. Des chœurs de vierges chré
tiennes célèbrent les vertus de la Reine des vierges. Partout,
sur le passage de la sainte relique, les fronts s’inclinent, les
cœurs forment des vœux. Un salut solennel termine cette belle
journée. En voyant la nuit arriver, les pieux fidèles se redisent:
« Jour heureux! jour de vrai plaisir, faut—il te voir sitôt finir!»
Quand le soleil a disparu de l’horizon, les habitants allument
de nombreux feux de joie 1!
Une dernière fête avait lieu en 1872; nous en empruntons
les détails à l’Ec/zo Saumurois .' Il serait difficile de donner un
compte—rendu complet de la manifestation de dimanche, au
Puy-Notre-Dame. Jamais, croyons-nous, cette antique cité n’a
vait vu réunie en son enceinte une telle affluence : l’Anjou,
le Poitou, la Touraine, le Nantais même étaient représentés. Il
faut dire aussi que les habitants du Puy-Notre-Dame n’avaient

* Bédouet, Pèlerinage au Puy-Nolrc-Dame, ch. vu et vm.


512 LE PUY-NOTRE-DAME.
rien négligé pour faire bon accueil à tous ces pèlerins, et a
M‘" Freppel, leur premier pasteur, qui venait les visiter pour
la première fois. La municipalité s’est associée à cet élan gé- ,
néral, et, à l’exemple de bien d’autres, elle n’a pas voulu se
mettre à l’écart. La compagnie de pompiers était sous les armes
et formait l’escorte du cortège. Entrant dans la ville, sous un
arc de triomphe, le nouvel évêque d’Angers s’est dirigé vers
la magnifique église du Puy, que les touristes ne visitent pas
assez, et atraversé une foule compacte pieusement recueillie.
Mgr Freppel a officié pontificalement, entouré de Mgr Lamou—
roux, Mgr Bompois, M. Lambert, vicaire-général de la Réunion,
M. le supérieur du grand-séminaire de Strasbourg, M. l’abbé
Lavigne, vicaire-général de Nice, et d’un grand nombre de
chanoines.
Tout le clergé du pays avait pris part a cette manifestation,
et beaucoup étaient venus des points les plus reculés du dio‘
cèse. L’après—midi, la fête devait avoir plus d’éclat encore; le
nombre des pèlerins s’était accru, chaque localité avait envoyé
une députation. La musique de Doué était venue prêter son
concours. L’orphéon de Longué n’a pas craint la. distance, et
ses jeunes artistes sont arrivés à l’heure des vêpres, pendant
lesquelles ils se sont fait entendre. A l’issue des vêpres, Mon—
seigneur est monté en chaire. Il a parlé des dÎVcI‘SéS espèces de
reliques : des reliques religieuses, de leur rôle ici—bas, de
leur influence dans certaines circonstances de la vie. Il a rap
pelé ensuite le culte des reliques de la famille et celui des reli
ques de la patrie. Après ce discours, la procession s’est mise en
marche. La Ceinture de la sainte Vierge, renfermée dans un
reliquaire élégant, a été, suivant les usages anciens, portée
autour de la ville. A ce moment, la foi antique semblait s’être
ranimée; la foule suivait avec un profond recueillement la
relique vénérée, et s’associait aux prières que, chantait l’Eglise.
Le prélat multipliait ses bénédictions et appelait à lui les petits
enfants; Dieu sait en quel nombre ils se sont présentés! Au
retour de la procession, Monseigneur a donné une bénédiction
solennelle qui a terminé le pèlerinage.
NOTRE-DAME DES ARDILLIERS A SAUMUR.

L’église. La lontalne. La statue.

Lorsque le voyageur, arrivé à Saumur, s’arrête sur le pont


jeté, au siècle dernier, sur la Loire, et étend son regard le
long du fleuve, il jouit d’une scène délicieuse. Un large lit
aux rives fleuries, dans lequel coule une onde toujours tran
quille; des îles mollement couchées au milieu des eaux, en
trecoupées de massifs d’arbres, de prairies et de mystérieux
rideaux de peupliers verts; des voiles blanches enflées par le
vent, qui se dessinent sur‘le feuillage des arbres et glissent.
doucement sur les flots : tel est le paysage qui le jette dans
l’admiration. A l’extrémité de la ville, il aperçoit une église
surmontée d’une coupole, se détachant sur le fond de verdure
du coteau. Elle est là, comme une sentinelle avancée, gar—
dienne vigilante de la cité, point central du paysage qu’elle
anime : c’est Notre—Dame des Ardilliers. ‘
Dirigeons nos pas vers ce sanctuaire, faisons ce court pèle
rinage : le pèlerinage est un abrégé de la vie humaine; l’un
et l’autre touchent bien vite à leur terme! Nous voici devant
l’Hôtel de Ville, monument gothique du xv" siècle, où se réu
nirent, au son de la cloche du beffroi, les habitants en assem—
blée générale, pour se placer sous la protection de la Vierge
que nous allons vénérer. Le château offre ensuite aux regards
son enceinte fortifiée, qui abrita quelque temps l’un des chefs
1. 33
NOTRE—DAME DES ARDILLIERS A SAUMUR.

des Huguenots. Duplessis—Mornay s’épuisa en vains efforts pour


détruire le culte de Marie; l’homme disparut avec sa secte, et la
gloire de la Vierge des Ardilliers demeure. Nous arrivons à son
sanctuaire. Le dôme développe ses belles dimensions égales à
celles du dôme des Invalides. La voûte est ornée de bas-reliefs
représentant les quatre évangélistes, et les quatre grands doc
teurs de l’Eglise, saint Léon pape, saint Augustin, saint Jérôme,
saint Ambroise. Madame de Montespan, fière et hautaine à la
Cour de Louis XIV; pleine de repentir et d’humilité, lorsqu’a
près.avoir quitté les splendeurs de Versailles et dit adieu aux
plaisirs mondains et dissolus, elle vécut dans une modeste de
meure, près de l’église de Notre-Dame, partageant son temps
entre l’étude, la prière et les exercices d’une sévère pénitence,
voulut laisser un éclatant témoignage de sa conversion, en
consacrant ses ressources à l’achèvement de ce dôme. A droite
et a gauche de l’enceinte, s’ouvrent six chapelles. Deux furent
construites par ordre et aux frais du cardinal de Richelieu, en
exécution d’un vœu fait par lui, au milieu d’une maladie grave,
lorsqu’il eut chassé les ennemis de l’Etat et pacifié le Langue
doc. La marquise de Brézé, sa sœur, épouse du haut et puis
sant seigneur Urbain de Maillé, gouverneur des châteaux,
villes et pays de Saumur et Calais, posa la première pierre de
ces chapelles, aux acclamati0ns poussées par le peuple de:
Vive le roi! Vive le duc de Richelieu qui gouverne la France
avec tant de gloire! en présence des autorités militaires et
judiciaires, et d’un grand nombre de membres de la noblesse
et du clergé ‘. La nef fut construite pareillement par le cardi
nal de Richelieu. Une autre chapelle le fut par Abel Servien,
comte de la Roche des Aubiers, ministre d’Etat et garde des
sceaux de sa Majesté Louis XIV. Fondateur du dôme qu’il
éleva à une certaine hauteur, il voulut, à. sa mort, reposer, à.
côté de son épouse, dans cette chapelle, près de l’autel de
Notre-Dame. Recueillons-nous au pied de cet autel en beau
marbre rouge, et pensons à toutes les générations qui ont pré—

! Extrait de l'inscription de la pierre commémorative.


NOTRE-DAME DES ARDILLIERS A SAUMUR.

cédêla nôtre devant la statue miraculeuse de Marie, à toutes


les prières répandues à ses pieds, aux douleurs soulagées, aux
maladies guéries, aux joies des cœurs, aux effusions de la re—
connaissance ‘. .
Au pied du coteau sur lequel est assis le château de Saumur,
existe une fontaine, dont les eaux merveilleuses et bénies du
ciel attirent un grand nombre de pèlerins sur ses bords. On
l’appelle la fontaine des Ardilliers, à cause de l’argile que l’on
trouve en cet endroit et que l’on nomme vulgairement ardille
dans le pays. Les chartes latines écrivent même indifférem
ment : Ecclesia argillz'ensis ou ardillz'ensis. Peut-être pourrait
on faire remonter aux temps du paganisme le concours du
peuple aux Ardilliers. Avant sa conversion au christianisme, le
peuple de cette partie des Gaules sacrifiait à ses divinités sur
les bords d’une fontaine, située aux Ardilliers, au milieu d’un
zbois sacré, dont il reste encore une portion, appelée le Bois
Dore’. Saint Florent, passant en cet endroit pour aller visiter
saint Mairtinà Tours, chassa du Bais-Doré un énorme serpent
qui désolait toute la contrée; évidente allégorie de l’ancien
serpent dont furent délivrées les populations d’alentour, par
leur conversion au culte de Celle qui lui a écrasé la tête. Dès'
lors ce ne fut plus l’eau de la fontaine que l’on adora, mais
bien la Fontaine des eaux vives, la source des grâces, l’auguste
Mère de Dieu. On vint chercher aux Ardilliers la guérison des
maux, parce que Marie communiquait aux eaux de la fontaine
une vertu surnaturelle. ‘
' On lit dans les archives de l’abbaye de Saint-Florent, fondée
à Saumur par Charlemagne, pour répandre dans cette région
la civilisation et la paix, que les Normands, après avoir pillé
Nantes, remontèrent la Loire, fondirent sur Saumur et détrui—
sirent cette abbaye, dont les moines s’étaient retirés dans la
ville de Teurnus, en Bourgogne, emportant avec eux leur
plus précieux trésor : les restes vénérés de saint Florent, leur
protecteur. L’orage passa; le moine Absalon, resté seul, re
vint avec les saintes reliques, mais trouvant le monastère
1 Desmé, Notice sur Notre—Dame des Ardilliers. Nous la prenons pour guide.
516., NOTRE-DAME mas ARDILLIERS A SAUM€UR.
ruiné, il se retira dans le petit bois des Ardilliers, purifié par
saint Florent. Là. il eut pour abri une grotte creusée dans le
rocher; pour se désaltérer, l’eau claire de la fontaine; pour
consolation une Madone qu’il installa dans son ermitage.
Dans le cours du xv° siècle, il était tellément reconnu que
les eaux de la fontaine des Ardilliers avaient une vertu mira-.
culeuse, qu’en 1446, la ville de Saumur prenait une délibéra
tion pour les amener dans son sein, à l’aide "un canal. Mais
ce projet ne reçut pas d’exécution. Huit ans plus tard, en 1454,
un cultivateur du faubourg de Fenet découvrit, en travaillant
près de la fontaine, une petite statue dela sainte Vierge.. C’est
un groupe sculpté dans une pierre fort dure, représentant la.
Mère des Douleurs avec le Christ mort, posé sur ses genoux;
un ange agenouillé soutient dans ses mains la tête du Sau—
veur. D’où provenait ce groupe? les uns pensent que c’était la.
Vierge qui consolait le moine Absalon dans sa solitude; et
c’est l’opinion la plus commune. Les autres croient, avec un
Père de l’Oratoire du dernier siècle, que c’est un reste précieux
de l’ancienne abbaye de Notre—Dame, située dans le voisinage
et détruite par les hordes normandes'.
Le cultivateur emporta chez lui la statue; mais le lende
main, de retour à son travail, il aperçut au même endroit,
près de la fontaine, une statue tout—à-fait semblableà la pre
mière. Il l’emporte à sa maison; mais, en y arrivant, il s’aper—
çut que la première avait disparu. Il enferma celle-ci avec
soin; mais une troisième fois il la retrouva près de la fontaine.
. C’était cette Image qui donnait aux eaux leur vertu surnatu—
relle; c’était près de la source que Marie voulait être honorée.
La statue fut posée sur un arceau en pierre, construit aux frais
de la commune, ainsi que le constatait le registre des délibé
rations. A dater de cette découverte, le concours des pèlerins ,
a la source miraculeuse devint plus grand que jamais. Pour
quoi ce concours? Ah! c’est que l’invention de la statue porte
avec soi tous les caractères de l’authenticité. Un cultivateur
vertueux et honnête se présente devant les. chefs d’une petite
_1 Archives de Saumur.
noms—mm mss anmruras A armes. '517
cité chrétienne, et, avec l’accent de la vérité, leur expose ce
qu‘ila vu, ce qu’il a fait. Les magistrats réfléchissent en
silence : cela leur paraît venir du ciel. Toute la ville, par leur
ordre, s’assemble, elle entend le récit du fait, y ajoute foi; et,
. en votant par acclamation l’érection d’un simple arceau de
pierres, elle se donne à elle et à la France un véritable trésor
spirituel; elle se crée, sans le savoir, les éléments les plus fé
couds de sa prospérité future : car les populations des villes et
des provinces voisines accourront en foule dans ses murs, et
depèlerinage développera une pieuse industrie, la fabrication
des chapelets, qui fera vivre la classe ouvrière. Cette industrie
qui a pris de si grands développements, n’a établi son siège à
Saumur, que par suite de la célébrité du pèlerinage de Notre
Dame des Ardilliers.
Marie possédait dans la cité d’Anjou un trône de miséricorde
sur lequel l’avait élevée les pieuses mains des Saumurois.
Mais ce modeste arc de triomphe ne mettait son Image nià
l’abri des injures de l’air, ni à couvert des pieux larcins des
passants. Chacun pouvait l’atteindre avec la main, et plusieurs
pèlerins, emportés par un zèle plein de foi, mais peu discret,
cherchèrent a l’enlever. Un paysan ont le premier cette mau
vaise pensée. Il prit la statue pour en doter l’église de sa pa—
roisse; mais notre homme demeura raide et immobile sur la
place, jusqu’à ce qu‘il eût demandé pardon de son attentat.
Quelque temps après, trois personnes des environs de Mire—
beau, retournant des plaids de Saumur, s’avisent de vouloir
emporter la statue. Ils la prennent donc, et la mettent dans
_un bissac, sur un de leurs chevaux, avec une pierre de l’autre
côté pour servir de contre—poids. Mais c’est en vain qu’ils veu
lent faire marcher le cheval; ils transportent la statue succes—
sivement sur les deux autres chevaux, qui aussitôt refusent
‘ d’avancer. Force est alors aux trois plaideurs de remettre en
place l’Image, afin de pouvoir regagner leur logis avant la
' nuit. Quelques jours après, ils témoignent dans un acte public
de la vérité du fait ’.
1 Histoire de l’origine de N.-D. des Ardilfiers, en Anjou.
,518 NOTRE-DAME DES ARDILLIERS A SAUMUR.

La première chapelle. Manifestations de piété des villes. Secours


accordés par Notre-Dame.

Ces deux événements firent naître chez les habitants de San—


mur la pensée} de construire une chapelle pour y abriter la
statue. Le procureur du roi fit valoir auprès du lieutenant—gé—
néral qu’il venait un grand nombre de pèlerins à la fontaine
-des Ardilliers, afin d’ofi‘rir leurs vœux à Marie; que le lieu
demeurant exposé aux injures de l’air. et devenant inaccessible
à cause du mauvais état des chemins, il était à craindre que la
dévotion envers la Mère de Dieu ne diminuât,'au grand dom
mage du peuple. A cette époque, on le voit, les‘ magistrats et
les dépositaires de l’autorité ne s’occupaient pas seulement,des
intérêts matériels des populations, mais aussi de leurs intérêts
\moraux et religieux. Ils mettaient en pratique cette maxime
donnée un siècle plus tard par Bossuet : « Les gouvernements
« n’ont rempli tous leurs devoirs envers les peuples, que lors—
« qu’ils ont fait assez pour leurs besoins, peu pour leurs plai
V « sirs, tout pour leurs vertus. » Le peuple avait par son cou—
_ cours fondé le pèlerinage;-un homme du peuple avait découvert
la statue; l’argent du peuple servit à construire la chapelle.
V Les fondations avaient été jetées en 1534, par ordre de
M. Maingon, lieutenant-général de François I“; la dédicace
solennelle en fut faite, le 30 juillet 1553, par M“ Bouvery,
évêque d’Angers. .
Cette chapelle ayant été dans la suite agrandie, M. Hardré
porta, un soir, la statue sur l’autel principal; mais quelle ne
fut pas sa surprise de la retrouver le lendemain sous l’arceau
qu’on avait conservé dans la construction. A l’occasion de ce
miracle, cénstaté dans un acte public, les paroisses de la ville
firent une procession générale aux Ardilliers. Le duc de Ven—
NOTRE-DAME DES ARDILLIERS A SAUMUR.

dôme, pour la commodité des nombreux prêtres arrivant, cha


que semaine, de tous les points de la province, afin d’y célébrer
les divins mystères, ordonna de bâtir à ses frais une sacristie
derrière l’arceau. Puis vint la construction des chapelles par
le cardinal de Richelieu, et du dôme par le comte de Servien,
ministre d’Etat. Le maréchal marquis d’Effiat de Cinq-Mars
ajouta à ces constructions successives une habitation vaste pour
loger les religieux de l’0ratoire, auxquels fut confiée la direc—
tion de la chapelle et du pèlerinage. Un manuscrit, conservé à
la Mairie de la ville, s’exprime ainsi à ce sujet : « La chapelle
« de Notre-Dame des Ardilliers étant devenue une des plus
« célèbres et des plus fréquentées du royaume, Messieurs de la
« ville de Saumur délibérèrent et jugèrent qu’ils ne pouvaient
« mettre cette chapelle en meilleures mains qu’en celles des
« prêtres de l’0ratoire, qui commençaient alors à donner des
« marques de leur zèle et de leur piété. Louis XIII agréa la re- '
« quête et accorda des lettres patentes, portant que la chapelle
« de Notre—Dame des Ardilliers était octroyée à perpétuité aux
« prêtres de l’Oratoire, avec les maisons, terres, rentes, posses—
« sions, meubles, ornements, argent, biens, offrandes qui lui
« appartenaient. Sa Majesté se déclarait en même temps fonda—
« teur de ladite maison et église des Ardilliers. » L’Abbé du '
‘ monastère de Saint—Florent, qui avait des droits à exercer sur
' ce territoire, ratifie. la donation, à la condition qu’une messe
haute serait célébrée, tous les ans, dans la chapelle, en la fête -
de saint Florent, et que les religieux de l’abbaye pourraient
chanter la messe au maître—autel, quand ils se rendraient pro
cessionnellement à Notre-Dame. Les Oratoriens entrèrent en
possession en 1619, et restèrent aux Ardilliers jusqu’en 1789.
Louis XIII leur donna le Bois-Doré qui couronne le coteau. La
ville de Saumur leur confia la direction de son collège. Le
célèbre Père Thomassin y professa la théologie. Notre-Dame le
compta au nombre de ses plus dévots serviteurs. Dans ses
loisirs, le docte professeur se plaisait à cultiver fila piété dans le '
jardin de Marie, et les plantes dans un jardin par lui garni
, d’arbustes.
520 NOTRE-DAME mas MILLIERS A SAUMUR.
Les villes de la province avaient une grande dévotion à
Notre—Dame des Ardilliers. Mais celle qui se distinguait entre
toutes était la ville même de Saumur. Une assemblée générale
eut lieu, en 1615, au palais royal, le vœu suivant y fut signé
par la population entière : « Considérant que de temps immé
« morial les habitants de Saumur ont été portés à_ une dévo
< tion particulière envers la Vierge Marie; que l’église principale
de la ville est dédiée en son honneur; qu’elle y a fait reluire
ses grâces et fait une infinité de miracles, lesquels elle a con
firmés en la chapelle de la fontaine des Ardilliers, en sorte
qu’on peut dire qu’elle a pris Saumur sous sa protection et sa
sauvegarde spéciale; considérant que nos prédécesseurs, par
voeu solennel fait en la maison de ville, ont accoutumé de
faire brùlerun cierge, jour et nuit, devant l’Image de Notre
Dame, les habitants ont décidé par vœu solennel aussi de se
placer, eux et leur ville, sous sa sauvegarde et protection, à
l'exemple de leurs pieux ancêtres et de tant de cités qui ont
eu cette Vierge pour dame et maîtresse, la suppliant de,les
prendre sous sa tutelle et sa défense. Les officiers du roi,
nobles, bourgeois, et habitants de Saumur, ayant fait l’expé
rience de sa bonté de mère, par les fréquents miracles et les
grandes merveilles qu’elle multiplie et continue journellement
dans l'église de la fontaine des Ardilliers, reconnaissent que si
jamais ville a porté le nom de la Vierge, celle—ci le devrait
porter à plus juste titre, pour tant de bienfaits et de prodiges.
C’est pourquoi, mus par une ferveur nouvelle, ils se placent,
eux et leur cité, sous la tutelle de Marie, la reconnaissent pour
leur dame et leur patronne, à l’exemple de tant d’autres villes
.et même de plusieurs royaumes, qui se sont mis sous sa sau
vegarde. Elle leur avait tendu la main du haut du ciel, pour
les sauver d’un naufrage et les retirer d’un grand déluge
d’eau, dont les menaçait le débordement de la Loire. Qu’elle
reçoive donc ce vœu solennel comme l’expression de leur re
connaissance pour toutes ces faveurs signalées‘.

1 Extrait du Registre des délibérations, aux archives de la mairie de Saumur.


- noms-nm nus ARDILLIERS A sacrum. 5521
Voilà la manifestation de foi et de piété envers Marie de la
population saumumise, en face des efforts du Calvinisme pour
arracher des cœurs le culte de la Mère de Dieu, au moment
où les Huguenots occupaient la forteresse de la ville et avaient
établi une académie pour mieux implanter l’erreur. Plusieurs
cités suivirent ce bel exemple. Voici un extrait de la délibéra—
tion prise par la ville de Montmorillon : «Aujourd’hui 29 juin
1631, en l’assemblée des officiers et habitants de la ville de
Montmorillon, il a été arrêté et conclu, vu les grandes adversi«
tés et maladies contagieuses dont il plaît à Dieu de nous affli
ger, et pour la délivrance d’icelles, que quatre personnes de la
ville iront annuellement et perpétuellement offrir en son nom
leurs vœux à la chapelle de Notre-Dame des Ardilliers, à San—
mur; elles feront ce voyage avec les aumônes des habitants. »
Les villes de Celles et de Saint-Aignan, dans la province du
Berry, envoyèrent chacune un tableau, comme gage de leur
consécration à Notre—Dame des Ardilliers. Celui de Saint-Ai
gnan représente la cité offerte à la sainte Vierge par ses deux
patrons saint Prisque et saint Aignan. Au bas sont quatre vers
latins dont voici le sens : « Saint-Aignan se voue par ses pro
tecteurs à sa Mère chérie, recevez-la, Marie! » Riom, alors
capitale de l’Auvergne, fit présent d’un portrait de son patron,
saint Amable, brodé en relief d’argent, avec cette inscription
au bas: «Les habitants de Riom, capitale de l’Auvergne,
offrent dans le temple de la Mère 'de Dieu, à Saumur, cette
image de saint Amable, pour l’extinction des fièvres malignes
qui désolent leur ville et la contrée d’alentour. Le 17 des ca—
lendes de juillet 1631. »
L’an de grâce 1636 eût été une année de rigueur pour tout
le Berry, mais particulièrement pour la capitale de cette pro
vince, par une peste dangereuse, laquelle infectant la cité en
tière, menaçait le pays, si par un effet de sa miséricordieuse
bonté, la sainte Vierge n’en avait arrêté le cours. Déjà précé—
demment la province avait été envahie par ce fléau, et elle
avait trouvé un prompt remède dans le recours à la Mère de
Compassion, au lieu qui lui est dédié sous ce titre aux Ardil—
.
522 - NOTRE-DAME nns ARDILLIERS A SAUMUR.
liers. Comme les bienfaits reçus nous avertissent que nous
pouvons en attendre de nouveaux de la même main libérale,
dont nous les tenons une première fois, les habitants de Bourges
espérèrent de l’intercession de la sainte Vierge la guérison de
la même épidémie. Leur attente ne fut point vaine. La pro
messe de venir rendre de publics hommages, dans une cha—
pelle illustrée par tant de prodiges, n’eut pas plus tôt été
formulée par la bouche de ses magistrats, que, par une inter—
vention manifeste qui fit succéder la joie à la tristesse, la
Reine des anges les délivra du redoutable fléau et leur apprit
une fois de plus quelle confiance ils devaient placer en elle.
Les délégués de Bourges vinrent s’acquitter aux Ardilliers, le
29 mars 1637, du vœu précédemment émis en ces termes par
la population: « Glorieuse Vierge, tutrice et protectrice de
cette ville de Bourges, nous sommes ici prosternés aux pieds
de votre Grandeur, p0ur réitérer les annuelles actions de grâces
que nous sommes obligés de vous rendre pour le signalé bien
fait que, par votre entremise, nous avons obtenu, d’être déli
vrés de la contagion générale qui nous affligeait. Aujourd’hui
nous sommes vexés d’un pareil mal et menacés peut-être d’un
plus grand; nous vous supplions d’être notre avocate auprès
de votre cher Fils, justement irrité par nos offenses, et de
retenir sa main; nous vous promettons en présence de l’ado—
rable sacrement de son précieux corps, qu’aussitôt qu’il aura
abaissé sur notre cité un regard de miséricorde, deux des
échevins ici présents se transporteront à Notre-Dame des Ardil—
liers pour y rendre leurs actions de grâces. » Vient ensuite
l’acte d'accomplissement et de constatation du miracle de
Notre-Dame : « Nous maire et échevins de-la ville de Bourges,
étant partis pour accomplir le vœu fait, le 1"r juin dernier,
pour la conservation de Bourges, affligée par une maladie
contagieuse, certifions que la ville en fut grandement soula
gée, et que la maladie qui semblait devoir augmenter, diminue
merveilleusement‘. »

1 Histoire de l’origine de Notre-Dame des Ardilliers.


NOTRE-DAME DES ARDILLIERS A SAUMUR. 523

Les princes, les princeses, les illustrations du siècle aux


Ardillier. Leurs présents splendides. '

Vers la même époque, se formait aux Ardilliers une association


dont les membres se vouaient plus spécialement au culte de
Marie ; elle comptait parmi ses premiers associés Louis XI] I et
Anne d’Autriche. Le roi avait fait un premier pèlerinage à
Notre-Dame, en 1621, il y revint en 1628, après la prise de la
Rochelle. Attribuant à la Vierge de la fontaine ce succès, le
pieux monarque voulut lui en témoigner sa reconnaissance
par un splendide présent. Il offrit à la chapelle des Ardilliers
deux candélabres en argent massif, d’une hauteur de six pieds.
Notre-Dame des Ardilliers voyait en ces temps s’agenouiller
dans son enceinte : Louise de Lorraine, douairière de Lorraine
et de Pologne; Marie de Médicis, mère du roi; la fille de
Henri IV, qui fit dans la chapelle sa première communion.
C’est la célèbre Henriette d’Angleterre, dont les malheurset
le courage ont été immortalisés par l’oraison funèbre de
Bossuet. Henri de Bourbon, père du grand Condé, écrivait lui
même cet acte de consécration à la Vierge de la fontaine :
« Sainte Vierge Marie, qui es particulièrement révérée à la
« dévote chapelle des Ardilliers où, par la fréquence des mi
« rades qui s’y font, tu fais, tous les jours, connaître ta puis—
« sauce aux fidèles catholiques, je Henry de Bourbon, prince de
« Condé, premier prince du sang de France, ayant depuis peu
« ressenti tes grâces, par la délivrance d’une grande maladie
« en laquelle m’étant voué à ce saint lieu, Dieu m’a renvoyé
« ma santé, te prends et t’invite à mon aide et protection spé
« ciale, te supplie dorénavant d’intercéder pour moi, afin que
« je sois fortifié d’un esprit principal, qu’il te plaise me con
' « seiller au maintien de la paix, qu’il te plaiséme garder de
524 NOTRE-DAME uns ARBILLIEKS A ssnnnn.
« mort subite, et que je puisse, avant ma mort, faire pénitence
« de mes péchés et mourir en la sainte foi catholique, avec
« la réception des sacrements et obtenir le salut. En témoin
« de quoi j’ai signé le présent acte, le 29 mai 1616. HENRY DE
(( BOURBON’. »
Dans cette première moitié du dix-septième siècle, la douai
rière de Brézé, Jacqueline de Jevalle, se vouait, elle et son fils
' Urbain de Maillé, Maréchal de France, à Notre-Dame des Ardil
fiers. M” de Sourches s’enrôlai‘t sous la bannière de Marie avec
le seigneur de Sourches et ses enfants. La Marquise de Rufl’ec,
la baronne de Saint-Brice, Jeanne d’Erbrée, les seigneurs de
Beauregard et de la Maison—Neuve se consacraient avec leurs
familles à Notre—Dame des Douleurs,'dans son sanctuaire de
Saumur. En même temps que tous les grands personnages
inscrivaient par leurs hauts faits leurs noms dans les fastes de
l’histoire, ils tenaient à honneur de les tracer sur l’humble
registre de la confrérie des Ardilliers. Leur gloire, leur
fortune, leur naissance illustre, tout a disparu. Cet acte
de piété seul est resté pour leur récompense éternelle.’
L’église était toute resplendissante des dons offerts par les asso
ciés. Une figure en argent représentant Louise de Lorraine, en
voyée par cette princesse ; une grande croix d’argent, donnée par
-la duchesse de Mercœur; un portrait en argent de M‘"° la du
chesse de Montpensier, offert par elle; un calice en argent de
grand poids, présent du Maréchal d’Ornano; un calice en ver
meil ciselé, enrichi de pierreries, don du Maréchal de la Châtre;
une couronne d'or, garnie de diamants et de pierres précieuses,
offerte par la duchesse de ,Savoie, Christine de France; une
couronne d’or émaillée, présent du duc d’0rléans, Gaston, fils
de France, frère du roi; une autre couronne d’or émaillé,
donnée par la marquise de Brézé, pour une grâce reçue; un
ciboire d’agate, garni d’argent, envoyé par la Reine; un cœur
en or adressé par la reine—mère, Anne d’Autriche, afin que la
Mère de Dieu prit possession du cœur du roi; une statue de

1 Extrait de l‘original, encore existant aux archives.


NOTRE—DAME uns ABDILLIERS A saunmn. 525
Notre-Dame, offerte par Éléonore de Bourbon, grand’tante de
sa Majesté et abbesse de Fontevrault; une lampe en argent
ciselé, suspendue devant la statue de Notre—Dame par la reine
mère; une autre semblable par le marquis d’Effiat, gouverneur
de la Touraine et surintendant des finances; une autre encore
par le duc de Brissac; une quatrième par la marquise de la
Vieuvflle; une barque en argent, suspendue par M“ de Cassé,
en reconnaissance du secours miraculeux prêté par la sainte
, Vierge à. M. de Cassé, son mari, premier président du Parle
ment de Bretagne; un navire en argent, envoyé par M. le
commandeur de Neuchèze, amiral de la flotte du roi, en accom—
plissement d’un vœu fait dans un péril extrême ; deux chande
liers ciselés, déposés sur l’autel par M. le président Baillet; un
grand tableau en argent ciselé, représentant la chapelle des
Ardilliers et la sainte Image, donné par M. de Chandenier pour
une grâce reçue : tels étaient les présents offerts dans le cours
du dix-septième siècle seulement, par les princes et la noblesse
à,Notre-Dame des Ardilliers. Peu de sanctuaires étaient aussi
magnifiquement dotés. Il semblait que les plus illustres per
sonnages du royaume mettaient leur bonheur à l’embellir,
et que la Vierge saumuroise mettait de son côté, sa gloire à
les combler de ses plus précieuses faveurs’.
Marie, que l’Église invoque contre le fléau des hérésies, ne
Pouvait pas refuser son intercession pour de pauvres frères
égarés qu’on lui recommandait dans l’église des Ardilliers. Sa
grâce toucha leurs cœurs; un certain nombre de protestants,
parmi lesquels le chevalier, de Querleau, baron de l’Isle, du
diocèse de Tréguier, et l’écuyer de I’Enfernal, seigneur de la
Jacminerie, abjurèrent leurs erreurs au pied de son autel.
Deux étudiants calvinistes, ayant, en 1631, après une soirée
de débauches’, profané, à la messe de minuit à la Noël, la sainte
eùcharistie par une communion sacrilège, furent condamnés
par la Cour de Paris au bannissement, et à mille livres tournois,
pour l’achat et l’entretien d’une lampe devant le Saint-Sacré

! Desmé, Notice sur N.-D. des Ardilliers.


NOTRE-DAME DES ABDILLIERS A SAUMUR.

ment, dans l’église des Ardilliers. Ils entendirent leur sentence


à genoux, nu-tête, et durent demander publiquement pardon
à Dieu et au roi‘. '

Autorité des miracles. Prodiges authentiques aux Ardilliers.

Ce qui recommandait la chapelle des Ardilliers à la dévotion


des fidèles, c’étaient les nombreux miracles qui venaient s’im
poser à la raison: car nier les miracles, ce serait nier que Dieu,
qui a fait les lois par lesquelles le monde est régi, puisse y
déroger ; ce serait nier son pouvoir et sa divinité. Jésus mani
.festa sa puissance à Cana par le miracle, et ses disciples cru
rent en lui. Les Apôtres profivèrent la divinité du Christianisme
par les miracles, et le monde se convertit à la foi du Christ.
Marie appela, à l’aide des miracles, les hommes dans les sanc
tuaires où elle voulait être honorée et répandre ses bienfaits,
et les fidèles les remplirent et y établirent des pèlerinages. Les
grands de la terre y coudoyaient les artisans; les puissants du .
siècle y mêlaient leur chant d’amour au cantique de louange
de l’indigent. Toutes les classes, tous les rangs de la société
s’y confondaient dans un même sentiment de reconnaissance
et de piété. Une mère, entourée de ses petits enfants, venait les
y former à la vertu; elle leur montrait la statue de la Mère du
petit Jésus, elle joignait leurs mains innocentes et mettait sur
leurs lèvres l’expression de la foi qu’elle avait au fond de son
cœur. Ces jeunes suppliants répétaient le nom de Marie, et atti—
raient sur leur mère les bénédictions célestes. Cette scène
fixait l’attention d’une jeune femme que le ciel allait rendre
mère pour la première fois. Elle s’attendrissait et cachait sa
tête dans ses mains. A la ferveur de sa prière on devinait
sa demande : elle priait la sainte Vierge qui fut mère aussi, '
1 Histoire de l’origine de N.-D. des Ardilliers. .
NOTRE-DAME DES ARDILLIEBS A SAUMUR. 527 ‘
de lui obtenir un fils soumis, obéissant et chrétien; elle
promettait à Marie de l’élever dans son amour et dans celui
de Jésus.
Voyez s’avancer vers le sanctuaire cet h0mme dont les traits
altérés annoncent une peine intérieure. Voué à Notre—Dame
dès son enfance, il accomplit pour la cinquième fois le pèleri—
nage des Ardilliers, afin d’obtenir l’usage de la parole dont il
est privé depuis 35 ans. Il place devant l’autel de Marie un
cierge allumé, symbole de sa foi ardente; il se contente à ses
repas de pain et d’eau ; il passe ses nuits couché sur le plancher
de sa chambre, et ses jours prosterné à deux genoux sur le
pavé de la chapelle. Après sa neuvaine, il repart plein de con
fiance, se jette, eu rentrant au bourg de Doix, au cou de son
vieux père, pousse un cri de joie et prononce distinctement
les noms de Jésus et Marie : Pierre Cardin a la langue déliée ;
il s’en sert, comme le sourd—muet de l’Évangile, pour glorifier
le Seigneur. L’évêque fait faire une enquête et donne la décla—
tion suivante, en 1642 : Henri, par la grâce de Dieu, et du
Saint—Siège apostolique, évêque et seigneur de Maillezais, à
tous ceux qui ces présentes verront, salut en Notre Seigneur.
Vu les informations faites, contenant que Pierre Cardin, âgé
de 35 ans, muet de naissance, aurait, au retour d’un pèleri
nage fait à Notre—Dame des Ardilliers de Saumur, obtenu de
Dieu, par l’intercession de la sainte Vierge le libre usage de la
parole ; vu le procès-verbal de la visite faite à Pierre Cardin
par M. Marchand, docteur en médecine, le rapport de M. Chai
gneau, maître chirurgien, et les avis de personnes doctes et
considérables; nous avons déclaré que le fait arrivé à Pierre
Cardin, muet de naissance, ayant à présent l’usage de la
parole, surpassait les forces de la nature et était un vrai mi—
racle. En foi de quoi nous avons signé ces présentes et
scellé du grand Sceau de nos armes. HENRI, évêque de
Maillezais. '
Marie Lebrun, demeurant à Poitiers, fit, à 22 ans, une dan
gereuse maladie qui lui laissa le côté droit paralysé. Aban—
donnée des médecins, elle se fit transporter à Notre—Dame des
528 NOTRE-DAME DES ARDILLŒRS A saumon
Ardilliers, où elle adressa des prières si ferventes qu’elle édifie
tous les assistants. On la regardait avec admiration, et onne
pouvait s’empêcher de se dire en soi-même avec saint Augus—
tin : « Seigneur, quelles prières exaucerez—vous, si vous
n’exaucez pas celles—ci? » L’humble fille, pour se rendre plus
digne d’être exaucée, s’était confessée et avait communié, le
jour de la Fête-Dieu, 1676. Pendant la messe d’action de grâces,
elle demandait instamment au Seigneur sa guérison, quand
tout-à-coup, sentant que la vie circulait dans tous ses membres,
elle se leva et s’écria avec des transports de joie : « Je suis
guérie! je suis guérie! » Les assistants émerveillés crièrent ;
« Miracle! Miracle!» On fit venir les bateliers qui l’avaient
amenée, et vingt passagers : tous déclarèrent que sa paralysie
avait excité leur pitié. L’enquête que l’on fit faire à Poitiers,
confirma ces attestations. Alors l’évêque d’Angers approuva le
miracle en ces termes : «Vu l‘information, nous avons reconnu
que la guérison subite de Marie Lebrun est un effet de la
toute-puissance de Dieu, par l’intercession de la sainte Vierge
et nous l’avons approuvée comme un miracle, que nous
ordonnons être publié dans notre diocèse. HENRY, évêque
d’Angers.
Au mois de mars 1679, une maladie contagieuse frappa la
paroisse de Saint-Sulpice, en Anjou; trente-cinq chefs de
famille furent conduits au tombeau; tout le village était dans la
consternation. Cependant le mal poursuivait ses ravages. Un
dimanche, le curé monte en chaire et propose un vœu à Notre—
Dame des Ardilliers. Le jour de l’Ascension, un membre de
chaque famille communie, puis le curé promet, au nom des
habitants, de faire un pèlerinage à la chapelle de la fontaine.
Apeine le vœu est-il prononcé, que trois agonisants se trou—
Vent hors de danger. Aucun autre habitant ne tombe malade.
Le pasteun à la tête de 63 paroissiens, vient proce5sionnel
lement remercier Notre-Dame; M“r Arnaud, évêque d’Angers,
autorise la Publication du fait comme vraiment miraculeux.
Catherine, appelée la petite Limousine, était sourde et muette
de naissance, l’organe de la langue ne s’était jamais développé .
NOTRE—DAME DES ARDILLIERS A SAUMUR.

chez elle. Non—seulement ce triste état l’empêchait de parler,


mais elle éprouvait les plus grandes difficultés pour prendre de
la nourriture, et elle était réduite à ne manger que du pain
détrempé ou du laitage. La pauvre enfant allait de ville en ville
mendier son pain, accompagnée de sa tante. Celle-ci, passant
par Saumur en 1697, la conduisit en pèlerinage aux Ardilliers.
Après avoir prié quelque temps, la petite Limousine éprouve.
une violente douleur à la gorge qui lui arracha des larmes.
Sa tante voulut regagner Bressuire, leur domicile. Chemin fai—
sant, elles trouvèrent sur leur route l’église du Puy-Notre-Dame
et y entrèrent pour vénérer la Ceinture de la Vierge. On célé
brait l’office, Catherine entendit parfaitement le chant; sa
langue s’était subitement développée, elle articulait des sons.
A la suite d’une information juridique, Mgr de la Frézelière,
évêque de la Rochelle, déclara que « la jeune fille revint à
Bressuire, parlant et entendant, »,et ajouta : Nous permettons
de publier le miracle opéré par l’intercession de la sainte
Vierge. » ' '
Voici encore quelques autres attestations épiscopales :
«Nous François de Baglion, évêque de Poitiers, avons reconnu '
que la guérison de la demoiselle Jeanne Trichet, paralytique,
est due à l’intercession de la sainte Vierge, et l’avons approu
vée comme miraculeuse. Donné à. Poitiers, en notre palais épiS
copal, le 30 août 1697. » « Nous, évêque de Poitiers, vu l’en
quête faite sur la guérison de demoiselle Ilortense du Jeu de
Chassigny, obtenue par l’intercessîon de la sainte Vierge, per
mettons de la publier comme miraculeuse. Octobre 1712. Jean
Claude, évêque de Poitiers. » La première, paralysée des jambes
et abandonnée des médecins, s’étant fait transporter à la cha—
pelle desArdilliers, avait senti, pendant la messe, ses membres
se développer; elle s’était jetée à genoux pour remercier
Notre—Dame de sa guérison. La seconde, également paralysée
des deux jambes, avait fait vœu d’aller aux Ardilliers, et, après
la communion reçue dans sa chambre, s’était trouvée complè
tement guérie. L’épouse de M. de la Rousselière, conseiller au
présidial d’Angers, ne pouvait ni étendre la jambe, ni s’appuyer
I. 34
530 NOTRE-DAME nus ARDILI.IIZRS A SAUMUR.
dessus, parce que les muscles s’étaient raccourcis. Elle fit une
neuvaine à la chapelle de Saumur, et recouvra instantanément
l’usage de ce membre. « Tout considéré et le saint Nom de
Dieu invoqué, » dit l’évêque d’Angers, «nous permettons la
publication du miracle comme un effet de la puissance de
Dieu par l’intercession de la sainte Vierge. Donné à Angers,
dans notre palais, le 9 janvier 1‘715. » ' '
Le xvn" siècle avait amené au sanctuaire de hauts person—
nages; le xvm° y amena un grand serviteur de Dieu. Le véné—
rable Grignon de Montfort, prosterné devant la Vierge de la
fontaine, lui recommanda l’institut des Sœurs-Grises ou de la
Sagesse, qu’il allait fonder, et plaça ses missions apostoliques
sous sa protection‘. Le xvn" siècle avait pompté plus de cent
miracles dûment constatés ; le xvme en compta aussi un grand
nombre. Notre-Dame ne permit pas que cette église, longtemps
le siège de ses miséricordes, fût démolie pendant la Révolu—
tion. Un décret de la Convention, du 26 messidor an 4, (1796)
concéda le bâtiment des Oratoriens,précédemment expulsés,
et l’église à l’administration des hospices. En 1849, on com—y
mença la restauration du monument, à. l’aide de souscriptions.
Plus de cinquante mille francs furent dépensés. Pour rempla
cer les objets précieux, pillés aux jours mauvais, Mgr Angebault,
évêque d’Angers, fit hommage d’un superbe diadème en ar—
gent, d’un riche travail. Le 1" mai 1855, il inaugura, par une
fête splendide, l’antique église rajeunie. Le pèlerinage reprend
avec une ferveur nouvelle.

1 Vie de Grignon de Montfort.

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