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L’égarée !

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Arlette Devalois

L’égarée !
Tragi-comédie en trois actes

Éditions EDILIVRE APARIS


75008 Paris – 2008

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www.edilivre.com

Edilivre Éditions APARIS


56, rue de Londres – 75008 Paris
Tel : 01 44 90 91 10 – Fax : 01 53 04 90 76 – mail : actualites@edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,


intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN : 978-2-8121-0423-7
Dépôt légal :Novembre 2008

© Edilivre Éditions APARIS, 2008

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À Darryl Klapp, mon fils
À David Roger Biyong
À Dieudonné
(Notre amour est comme un diamant,
il brillera pour toujours.)

Mes remerciements à Mr Abah Jean-Paul

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« Oh ! Que l’amour est cruel ! Il n’y a rien
à faire pour y échapper, lorsqu’on est pris
dans ses filets. »
(Deva, 1970-2005)

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Note d’intention

Le 19 octobre 1999, en arrivant au Grand-duché du


Luxembourg, je n’avais pas envisagé, que je devais
tout réapprendre : « Apprendre à parler, apprendre à
manger, apprendre à m’habiller, apprendre à marcher,
apprendre à séduire, apprendre à aimer ».
Non !
Je n’avais pas envisagé tout cela. Et pourtant,
j’étais majeure et vaccinée.
J’avais été heureuse, de partir de l’Afrique pour
l’Europe. Europe, synonyme d’une vie meilleure ;
mais dans le petit village de Junglinster où j’avais
atterri, pour la première fois de ma vie, je me sentais
de trop : « J’étais une minorité. »
Je ne comprenais pas ces regards inquisiteurs vis à
vis de ma personne et, ces volets fermés à longueur
de journée ; tout comme je n’en croyais pas mes
yeux, en voyant cette poudre blanche, tombée du
ciel : « La neige. »
– C’était un sentiment étrange.
– C’était l’automne, il faisait froid.
Quelques jours après mon arrivée, je n’avais
qu’une seule et ferme envie : « Rentrer. »

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Rentrer au Cameroun, leur dire : « Je reviens de
l’Europe. »
– Hélas ! je ne pouvais rentrer.
– « Pas comme cela. » Avait dit ma mère.
– « Pas les mains vides. »
– « Pas après deux semaines. »
– « Que vont dire les voisins, les amis, la
famille ? »
– « Ne m’inflige pas cette honte. » M’avait supplié
ma mère ; alors, j’étais restée.
Et, plus les journées d’isolement désespérées
augmentaient dans ma petite vie, plus je me
demandais, si j’avais eu tort ou raison, cependant, je
me devais de me faire une raison.
C’est ainsi, que j’entrepris donc, de retrouver ma
confiance et ma sérénité.
Je devais m’accommoder, peu à peu, m’adapter, et,
n’ayant pas de formation spécifique, j’enchaînai des
petits boulots, qui eurent sur moi : « Un grand effet ».
Je me sentais renaître.
Au bout de quelques années, j’avais certes retrouvé
ma confiance en moi, mais comment sortir de ce rêve,
mon rêve ?
Je croyais au bonheur avec un seul homme, je
croyais en l’amour sincère et véritable ; n’ayant pas
pu trouver cet amour, c’est alors, que j’entrepris
d’écrire cette histoire : « L’égarée ! »
Amicalement vôtre
Arlette Devalois

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PERSONNAGES

Éléonore, compagne de Daz


Daz, compagnon d’Éléonore
Josiane, épouse d’Ander et amie d’Éléonore
Ander, époux de Josiane et ami de Daz
Franz, père de Josiane
Eng Fra, narratrice

La scène est à Luxembourg

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CARACTERES ET COSTUMES
(Notes pour les acteurs et
les lecteurs.)

ENG FRA, (Narratrice)


(Eng Fra, célibataire et indépendante, ressemble à
ces femmes, qui ont une maîtrise parfaite des
hommes ; toujours souriante et réservée à la fois. Elle
est très agréable à regarder, quoi que, plus très
jeune. Elle parle avec beaucoup d’aisance en faisant
des gestes avec ses mains.)
(La personne chargée de ce rôle, doit avoir
beaucoup d’assurance, et doit savoir plaire par son
allure, tout en donnant beaucoup d’impact dans la
prononciation de son texte.)

ÉLÉONORE
(Éléonore, compagne de Daz, la trentaine
rayonnante, serveuse au chômage, elle est d’origine
Africaine. Incohérente mais sincère, susceptible et

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capricieuse, elle parle d’une voix calme et douce, et
passe la majeure partie de son temps à se morfondre.)
(Plus la personne chargée de ce rôle, fera preuve
de beaucoup de sincérité, mieux, elle s’en acquittera.)

DAZ
(Daz, compagnon d’Éléonore, la cinquantaine
grisonnante, il est chef d’entreprise dans une société
de la place. Charmeur et plutôt introverti, il est
d’origine Allemande et parle le français avec un fort
accent. Il porte des vêtements couleur sombre, ce qui
lui donne un charme particulier.)
(La personne chargée de ce rôle, doit avoir
beaucoup de classe et d’élégance.)

JOSIANE
(Josiane, épouse d’Ander, de père Luxembourgeois
et de mère Française ; c’est la coquette de petite ville,
la trentaine, de taille moyenne et rousse, plutôt jolie ;
elle n’occupe pas de fonction particulière. Anxieuse et
jalouse, elle possède tout, mais malheureuse malgré
tout. Elle parle haut et fort. (Chose désagréable chez
une femme.) On n’éprouve néanmoins à son encontre,
beaucoup de sympathie.)

ANDER
(Ander, époux de Josiane, agent immobilier, la
quarantaine bien épanouie, il est Luxembourgeois,
cheveux châtains, de taille moyenne ; c’est le
dragueur ambulant que l’on croise un peu partout,
surtout dans les bistrots. Il s’habille sportif chic ;
sans être ce que l’on pourrait qualifier de bel homme,
il sait plaire par son allure. Il affiche ses gadgets :

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« montre de luxe, mocassin, paquet de cigarillos à la
main » ; il parle avec beaucoup d’enthousiasme et de
volubilité.)
(La personne chargée de ce rôle, plutôt drôle, doit
être capable de faire rire l’assistance, sans en faire
des tonnes.)

FRANZ
(Franz, père de Josiane, Luxembourgeois, la
soixantaine, cheveux poivre sel, coiffés en carré, le
ventre bedonnant, il affiche la mine de ces hommes,
qui dans leur vie, ont tout réussi. Il se déplace en
traînant légèrement le pas, comme s’il portait en lui,
le poids de toute une vie. Il semble heureux et triste à
la fois. Il parle avec beaucoup d’aisance, d’une voix
calme et pleine d’assurance.)
(La personne chargée de ce rôle, doit être classe et
distinguée.)

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ACTE PREMIER

SCENE I

Eng Fra

(Dans une maison étrange et lugubre, une femme


parle seule.)

Eng Fra :
Dans ma petite maison du Kirchberg à
Luxembourg-ville, ma vie était assez monotone. Je
me levais le matin, j’avalais en toute hâte un café,
chez Isabelle à Gaspérich ; j’allais au travail, et vers
midi, je prenais un plat du jour, chez Jean Carlo, non
loin de la gare. À la fin de la journée, je rentrais
précipitamment à la maison. Je faisais parfois le
dîner, je passais du bon temps avec un frontalier :
Allemand, Belge ou Français, venu tromper sa
femme, et je m’endormais en me disant :
Quelle vie paisible.

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À Luxembourg-ville, la vie était assez monotone
pour quelques uns.
Éléonore et Daz se disputaient et se réconciliaient
sans cesse.
Ander semait la pagaille, Josiane s’angoissait,
Franz draguait, et moi, anxieuse et solitaire, je me
disais :
Quelle vie paisible.
Quelle ville agréable.

SCENE II

Éléonore et Josiane

(Éléonore erre dans une pièce (son appartement).


Arrive Josiane, son amie, venue lui raconter ses
déboires.)

Josiane :
Bonjour Éléonore, excuse-moi d’arriver chez toi à
l’improviste.
Je dépense l’argent de mon chéri Ander, et, passant
par-là, je me suis dit, que je pouvais m’arrêter,
papoter un petit peu.

Éléonore :
Bonjour Josiane, ma chérie, tu n’as pas à t’excuser,
sois la bienvenue.

Josiane :
Tu sais Éléonore, je m’ennuie tellement dans cette
grosse maison, que j’appelle : « Chez moi »

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J’ai pourtant l’impression de ne pas être chez moi.
Tout est toujours si propre, si bien rangé, et toutes ces
employées, qui éprouvent un plaisir à m’appeler :
« Madame », avec un mépris dissimulé.
C’est à croire, que c’est devenu une injure, d’être :
« Madame. »
Il y’a tant de haine, d’hostilité et un sentiment, de,
je ne sais quoi, dans les yeux de ces pauvres filles. Il
m’arrive de croire, que mon chéri Ander, a peut-être
des liaisons avec quelques-unes d’entre elles.

Éléonore :
Quelle chance tu as, Josiane ?
Quelle belle vie, tu as ?
Une grosse villa, aux frais de ton chéri.
Une jolie voiture, sport.
Une, des cartes bleues à disposition.
Allons !
C’est absurde d’imaginer en plus, que ton chéri
entretient une quelconque relation avec ces pauvres
filles.
C’est totalement insensé.
Changeons de sujet, veux-tu ?

Josiane :
Ma chère Éléonore, je ne comprends pas ce qui
m’arrive ces derniers temps.
J’ai tout pour être une femme comblée, c’est vrai ;
mais je trouve néanmoins du temps pour me plaindre.
Est-ce donc vrai, que les femmes sont d’éternelles
insatisfaites ?

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Éléonore :
De quoi te plains-tu Josiane ?
Tu es si heureuse avec Ander.
J’aimerais avoir la même chance.
Ander a l’air si adorable, si amoureux, si charmant,
si docile.
J’aimerais dire, sans craindre ta réaction :
– « Tu l’as bien dressé. »

Josiane :
C’est vrai Éléonore, je dois reconnaître, que j’ai
beaucoup de chance.
Moi, qui ne sais parler que de choses insignifiantes.
Moi, qu’on pourrait qualifier de stupide, sans que
je me plaigne.
Mais il est vrai, Ander m’offre tellement de
cadeaux, que cela m’inquiète.
J’ai l’impression, qu’il veut se pardonner de
quelque chose.

Éléonore :
De quoi exactement ?

Josiane :
Hum… Je ne saurais le dire.
Néanmoins, je suis persuadée qu’il me cache
quelque chose.
Son téléphone est toujours sur vibreur.
Et ces messages, qu’il envoie à tout moment.
Ces coups de fil, qu’il va passer dans le grenier,
lorsque j’ai l’œil fermé.

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Ces odeurs de parfum sur ses vêtements.
Il me dit : – Que c’est le parfum de sa secrétaire :
« Sylvia », comme si, je n’avais rien à craindre d’une
Sylvia.
Je connais Sylvia. Belle, Intelligente, Russe,
Polonaise, Roumaine, va donc savoir.
Tu sais toi-même, comment elles sont irrésistibles
et belles, ces filles venues de l’Est.

Éléonore :
Tu as déjà vu leur démarche ?

Josiane :
(Éclat de rire.)
On dirait qu’elles marchent sur des œufs.
Dès que j’élève la voix, il me traite d’hystérique, et
me fait des reproches sur mon attitude et mon allure.
Il dit de moi, que j’ai des réactions primaires.
Il dit aussi, que je devrais teindre mes cheveux
roux en blond ; je ne veux surtout pas avoir l’air
d’être tombé dans un fût à bière.
Il exige même, que je porte des chaussures à
talons ; soit disant, cela donne une démarche sexy, et
la silhouette est plus agréable à regarder.

Éléonore :
(Rires.)
Josiane, mon amie Josiane, c’est si bon de
t’entendre raconter tes tourments ; j’en viens à oublier
les peines de mon cœur, mon mal du pays, et mes
nombreux soucis.

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Josiane :
Éléonore, serais-tu souffrante, anxieuse, angoissée
ou autre mot stupide de la même famille ?
Partage aussi avec moi ta douleur, mon amie.
C’est si bon de se libérer de ses souffrances, en les
déversant dans une oreille, attentive ou non ; cela n’a
aucune importance.
Parle mon amie, je te tendrais mon oreille et même
les deux, si cela peut te faire plaisir !
– Nos oreilles, ne sont-elles pas là pour entendre ?
Comprendre, c’est tout autre chose.
Parle mon amie, et épargnes-toi une corvée
supplémentaire.
– Être ici bas, supporter les caprices de ces
hommes, n’est-ce pas déjà une trop grande corvée
pour nous ?

Éléonore :
Josiane, ma chère amie, j’aimerais tant parler.
J’aimerais tant te décrire les angoisses de mon
cœur.
Néanmoins, détresse, tristesse, joie, bonheur, sont
devenus pour moi, les mots d’une même famille au
même sens.
Pour être honnête, je veux ignorer tous ces mots,
plein de sens, qui perturbent mon âme et me poussent
à me remettre sans cesse en question.
Parle-moi plutôt de tes souffrances, cela me rendra
forte, et, je pourrais dormir en me disant : « Je ne suis
pas la seule. »
Parle mon amie, puisses-tu faire apaiser mes
tourments.

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Josiane :
Éléonore, ma chérie, j’ai beau me faire des
masques, coller des ongles américains, m’épiler à la
cire, porter des talons ; je me suis même mise au
yoga.
Il n’y a rien à faire.
Il y’a toujours ce sentiment étrange, ce doute, ce
petit hic et surtout, ces reproches sans cesse, qui me
font douter de moi.
Que faire, que croire, que devenir ?
Comment réagir ?
Ander ne me touche même plus, il n’est jamais
présent à l’heure du dîner ; il a toujours des excuses
bidons, accompagné d’un cadeau.
A-t-il cessé de m’aimer ?
– Ne dit-on pas : « Un amour qui s’éteint, n’a
jamais existé ? »

Éléonore :
Josiane, tu t’affoles sans doute pour rien, il ne doit
s’agir que d’une panne passagère.
Cela arrive chez certains hommes, alors, ils
s’éloignent pour ne pas montrer leur faiblesse.
Et, en ce qui concerne les fameuses odeurs de
parfum ; arrête de renifler ses vêtements et arrête de
l’épier.
– Serais-tu contente, s’il en faisait de même avec
toi ?
Et, si tu veux mon avis, vous vivez sans doute dans
le mensonge et les apparences ; ou alors, il s’agit
réellement d’une panne passagère.

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Josiane :
Qu’entends-tu par panne passagère, mon amie ?
– Éléonore, qu’est ce que c’est que cette panne
passagère ?
Je ne te parle pas de mécanique, moteur, tout ce
que tu veux ; je te parle de mon homme : « Ander »,
qui m’offre des cadeaux, me fuit, me faisant maintes
reproches.

Éléonore :
Sapristi. Nom d’un crocodile édenté.
Dois-je maintenant apprendre à un singe à faire des
grimaces ?
Dois-je appeler le chat par son nom, devant toute
cette foule ?
Dois-je apprendre à un chien à remuer sa queue ?
Dois-je dire tout haut, ce que l’on pense, tout bas ?
Apprend à connaître ton homme, apprend surtout à
connaître ses faiblesses, pour éviter qu’il te blesse.

Josiane :
J’ignorais que tu avais une telle connaissance des
hommes, Éléonore.
Derrière tes apparences de sainte nitouche, tu
caches bien ton jeu…
Je comprends maintenant, pourquoi il est si épris,
Daz.

Éléonore :
Josiane, mon amie, (fiasque) rentre à la maison, et
fait à ton homme : « Une bonne choucroute », son
plat préféré ; demain matin, fais lui sa tartine à la
cancoillotte.

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Le secret de l’homme réside : « Au niveau du
ventre et du bas-ventre. »
Homme insatisfait : « Homme infidèle. »

Josiane :
Éléonore, je veux bien rentrer et être gentille, trois
fois, s’il le faut.
Solitaire, perplexe, sceptique sont des mots que je
peux supporter, mais cocue, est de loin, le mot que je
ne peux concevoir de porter.
Mon amie, si tu apprends qu’il est arrivé malheur,
sache que, Ander a fait de moi, une femme cocue.
Tu le sais toi-même, combien il est facile, de
passer de l’amour à la haine, en faisant quelques
efforts, et en tenant compte des petits détails que
jusque là, on feignait d’ignorer.
Au revoir mon amie, sois forte et ne te laisse pas
abattre. Daz te reviendra, si c’est à cause de lui, que
tu te fais du souci.
Quand un homme est réellement amoureux, vieux,
con ou non, cela se voit, et, chez Daz, on le voit, on
voit qu’il est amoureux.
Il ne joue pas comme le mien.
Ander, ce fils d’incube.
Je finirais par le quitter pour aller vivre seule.

Éléonore :
Laisse-moi t’embrasser mon amie, va reste calme
et préserve ton foyer.
La vie d’une femme seule, cela n’a rien d’enviable.
Elle a sa liberté me diras-tu !

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Mais, qui dit liberté, dit aussi : « Solitude,
vulnérable. »
La vie d’une femme seule, n’est que tourments et
remise en question sans cesse.
Elle ne l’avouera pas, car elle dit avec beaucoup de
fierté, qu’elle est : « Indépendante et forte. »
La nuit, sa couche est couverte de larmes, le jour,
elle trompe les apparences et n’ose avouer qu’elle se
sent si seule.
Mon amie, réfléchis avant de vouloir te retrouver
seule. Car, dis-toi, que si tu pars, tu ne l’entendras plus
ronfler, tu n’entendras plus son ventre gargouiller, tu
ne pourras plus déverser ta colère sur lui au réveil, en
prétextant que tu t’es levé du pied gauche.

Josiane :
Ce ne sont que de petits détails.

Éléonore :
Des petits détails, certes, mais une fois seule, ils te
manqueront terriblement, ces petits détails.
La vie d’une femme seule, n’a rien d’enviable.
Songe à cela mon amie.
C’est une femme seule qui te parle ; une femme
seule et malheureuse. (À voix basse)

Josiane :
Dans ce cas, j’irais donc vivre à l’autre bout du
monde.

Éléonore :
Allons, Josiane.

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– Tu crois que je suis heureuse en vivant ici, loin
de mon pays, loin des miens ?
Tu sais, en vivant dans ce pays, j’ai compris que le
véritable bonheur, on ne le trouve que chez soi,
auprès des personnes qu’on n’aime et qui nous aime,
et qu’il ne sert à rien de courir le monde à la
recherche du bonheur.
– Qu’iras-tu faire à l’autre bout du monde ?
Là-bas, tu devras tout recommencer, tu devras tout
apprendre de nouveau : marcher dans la rue, parler,
manger, aimer et même haïr. Et, ne sais-tu pas, que
les hommes se bousculent à ta porte ici, aujourd’hui,
uniquement, parce qu’ils te savent avec Ander,
entretenue, épanouie, aimée, stable ?

Josiane :
Tu crois ?

Éléonore :
Josiane, certains disent : « Il n’y a rien de plus
excitant, que d’aller pêcher dans l’étang du voisin, en
attendant avec une certaine fébrilité, le moment où il
te surprendra. »
« Ce qui appartient à autrui est toujours attrayant. »

Josiane :
Éléonore, nous n’en sommes pas encore là, arrête
avec tes conseils, tu commences à parler comme ma
mère, au revoir mon amie.

Éléonore :
Au revoir Josiane.

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SCENE III

Ander et Daz

(Daz est dans une pièce, (son appartement) couché


sur un lit, arrive Ander son ami, venu le chercher,
afin qu’ils aillent danser. Daz n’a pas le cœur à la
fête, s’enchaîne alors une longue conversation.)

Ander :
Bonjour Daz, sort de ton lit ; nous sommes samedi,
et qui dit samedi, dit jour de chasse.
Non pas la chasse des êtres sur quatre pattes, qui
broutent, dévorent, rampent, volent, nagent ; non,
mais la chasse des êtres, qui parlent comme toi et
moi, et marchent sur leurs deux pieds.
On les rencontre un peu partout : « à la gare, au
café des arts, au cinéma, de toutes les races et de
toutes les tailles », des grandes, des petites, de tout.

Daz :
Bonjour Ander, il est vrai, nous sommes samedi ;
mais certaines de ces créatures qui marchent sur leurs
deux pieds, préfèrent aussi rester à l’abri. Loin des
regards, loin des tentations ; car, paraît-il, c’est la
meilleure façon, d’échapper aux prédateurs comme
toi.

Ander :
Cela est vrai, quelques unes de ces créatures,
préfèrent ne pas se montrer.
Toutefois, il y’a celles qui sortent le samedi ;
celles-là, sont plus vulnérables.

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Daz, lèves-toi, allons à la chasse. Samedi, c’est le
jour idéal pour appâter ces créatures et les apprivoiser.

Daz :
Si je comprends bien Ander, tu as déjà fait le tour
de toutes tes domestiques et collaboratrices de travail,
à présent, il te faut du nouveau, de la chair fraîche,
c’est cela ?

Ander :
Ces créatures de Satan commencent à rivaliser
entre elles, à être jalouses. Et, il n’y a rien de plus
dangereux, de plus redoutable qu’une femme jalouse.

Daz :
La femme est un être dangereux, jalouse ou non.

Ander :
Les femmes ! Elles ne sont pas que dangereuses,
elles sont nuisibles ; et lorsque la jalousie s’en mêle,
elles peuvent être capable de tout, surtout du pire.

Daz :
Ça craint chez toi alors ?
– Josiane est-elle au courant ?

Ander :
Tu sais, Josiane est naïve, ou alors, elle feint de
l’être.
Tu sais, ces bonnes femmes sont des sacrées
simulatrices ; crées pour nous berner et nous tenir en
laisse.
Néanmoins, j’ose espérer, qu’elle ne se doute de
rien.

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Josiane, tant que je la couvre de cadeaux, la vie est
belle.
Être marié à une femme jolie et stupide, cela n’a
que des avantages.
Celles qui prétendent être belles et intelligentes,
sont toujours les plus compliquées, les plus chiantes.
Elles sont toujours entrain de dire : « fais pas ci,
fais pas ça, touche pas ci, touche pas ça. »
Elles posent toujours trop de questions pour ceci,
pour cela, et ça, c’est très ennuyeux.
Il n’y a rien de plus humiliant et d’énervant pour
un homme, afin, du moins pour moi, que d’avoir
toujours à rendre compte à sa femme, sur les
moindres faits et gestes.
J’ai besoin de liberté, moi !
Je veux me changer les idées.
Sortons, allons danser, allons nous enivrer de
chair, et surtout, ne revenons pas bredouilles, si nous
ne voulons pas être stressé lundi matin !

Daz :
Ander, j’en ai assez de toutes ces conneries.
J’en ai assez de tous ces mensonges, et de cette
quête perpétuelle du bonheur.
Je ne veux plus vivre dans ce monde de souffrances
et d’illusions.

Ander :
Daz, arrête avec ces paroles empreintes de
désespoir.
– Pourquoi te lamentes-tu ainsi, mon ami ?
Réveilles-toi, et ne te laisse pas abattre.

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Oui, la vie n’est que quête perpétuelle du bonheur.
Oui, le monde n’est que souffrances et illusions.
C’est pourquoi, Dieu créa la femme.

Daz :
Ander, as-tu déjà connu bonheur avec une femme,
Ander ?
– As-tu déjà connu bonheur, avec une femme, dans
cette ville, sans titre, sans argent ?
Si tu tombes sur celles qui veulent les papiers,
c’est tout autre chose.
Celles-là, sont prêtes à tout, même à vous faire des
gosses.

Ander :
Oh. Oh. Oh ! Daz, mon ami, pas d’amalgame ; ne
te détourne pas du sujet, et ne cherche pas à changer
les choses, en leur donnant plus d’importance,
qu’elles ne devraient avoir.
Les femmes, avec ou sans papiers, sont là, pour
nous divertir, combler nos désirs et assouvir nos
fantasmes.

Daz :
Et l’amour ?

Ander :
Et l’amour ?
– Qui te parle d’amour, Daz ?
Elle te dira sans doute, qu’elle t’aime, cela fait
parti du jeu.

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Mais toi, tu t’en fous, laisse-la causer, apaise tes
désirs, enivres-toi de la chair, et les sentiments,
gardent les pour toi, mon ami.
Les femmes, mon ami, sont là pour nous honorer,
et nous aider à rester des hommes.
Amour, encore un mot inventé par les femmes,
pour essayer de nous amadouer, de nous influencer,
de nous impressionner ; et que sais-je encore !

Daz :
Ander, comment peux-tu parler ainsi ?
L’amour n’est pas un jeu.
Nous avons tous besoin d’aimer et d’être aimé.
Les femmes ne sont pas des objets ou des jouets ;
ce sont des êtres précieux, capricieux certes, mais
quand même, nous ne pouvons que les aimer.
Femme, berceau de l’humanité.

Ander :
Tu délires, Daz, ne te laisse pas mourir à cause de
bons sentiments.
Laisse, celle qui te cause du tort, qui te demande :
argent, titre, amour et prend une autre plus conciliante.
Et, crois-moi, il y’en a qui tuerait pour avoir un
homme sous leur couche, sans titre ni argent, juste
pour un peu de chaleur humaine.
– Et toi, dans ton cas, grand chef d’entreprise, beau
garçon, de quoi te plains-tu ?

Daz :
Ander, tu n’es jamais allé à la recherche de
l’amour, et je comprends, que l’amour n’est jamais
venu vers toi.

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Je crains qu’à force de t’écouter, je ne devienne
comme toi, futile et sans scrupules.
Tu recherches le plaisir, encore et encore, tu ne
sais même plus pourquoi.
À ces pauvres femmes, tu leur enlèves leur espoir,
leur plaisir, et qui sait, tu détruis leur rêve, leur vie.
Certes, certaines ont l’air si désespérées, si
désemparées, si seules.
– Comment dis-tu encore ?
Si vulnérables, si fragiles !
– Est-ce une raison, pour être autant cruel ?
Ander :
Daz, mon ami, tu as sûrement bu un verre de trop,
couches-toi et dort, si tel est ton désir.
Demain, sera un autre jour avec ses réalités et ses
contraintes, ses filles aussi.
Moi, je veux m’enivrer d’alcool et de chair, c’est
cela ma plus grande joie.
Daz :
Moi, je veux bien vivre dans l’ignorance, mais je
ne veux plus vivre dans la peur et l’angoisse.
Ander, mon ami, ne le prend pas pour toi, mais je
souffre, car, j’aime.
J’aime une femme, j’aime Éléonore.
Ma toute Éléonore, le comble de mon existence,
ma raison d’être.
Éléonore, Éléonore.
Ander :
Éléonore, avec ses origines douteuses, t’a sûrement
envoûté.

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– Qui sait, de quoi peuvent être capables ces
femmes, pour arriver à leur fin ?
– Elle t’enseigne, la fidélité et l’amour aujourd’hui,
qui sait, ce qu’elle t’enseignera demain ?
Moi, me condamné à vivre avec une seule femme,
serait me nuire.
M’empêcher d’être moi-même, cessé de me
divertir avec toutes ces jolies gonzesses, serait tout
simplement, me démolir.
Mon ami, continue de croire en l’amour, moi je
veux croire à la réalité.

Daz :
Une réalité, qui te recommande à varier ton
alimentation ?

Ander :
Exact.
Daz, la fidélité, mon ami, c’est un mot inventé par
tous ceux qui ont perdu l’instinct du chasseur.

Daz :
(Rires)
Instinct du…

Ander :
L’instinct du chasseur : « Tu repères ta proie, tu la
calcules et tu l’attrapes ; libre à toi de consommer ou
non. »
Eloignes-toi de cette Éléonore, si tu ne veux pas
vivre malheureux sur cette terre.

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Daz :
Ander, tu te souviens bien qu’à une époque, j’ai
éprouvé du plaisir à vivre ainsi :
« À papillonner, à me divertir, à essayer de faire
comme font les autres, comme toi ; à courir de
Bonnevoie à Esch-sur-Alzette, en passant par Remich,
j’arrivais même jusqu’à Thionville, Arlon, Trèves. »
Sais-tu la tristesse qui s’emparait de mon âme,
lorsque je restais seul chez moi ?
Au prix de quelques minutes de plaisir, je
m’abandonnais à des filles dont j’ignorais tout, même
le nom.
Sais-tu que cela me faisait souffrir, de mépriser
ainsi mon corps ?
Certaines m’offraient des cadeaux, de l’argent,
pour mieux m’humilier.
D’autres me traitaient : « De menteur, d’hypocrite,
de radin, d’imbécile, d’infidèle, d’égoïste, de gros
con »
Pour l’amour du sexe et de je ne sais quoi, j’étais
devenu : « L’ombre de moi-même. »
J’avais appris à me mentir, pour mieux mentir aux
autres.
Je vivais dans la peur et l’angoisse.
Je n’en veux plus de cette vie, et, en même temps,
j’ai si peur de me tromper.
À quel moment être sûr, que l’on a rencontré la
bonne, et qu’il ne faut plus craindre, et, ensemble,
bâtir ?

Ander :
Daz, tu es pathétique.

39
La bonne, mon ami, elle n’existe pas.
Elles sont toutes bonnes.
Différentes certes, mais à force, elles deviennent
toutes pareilles.
– D’aucuns disent : « Les blondes ne savent rien à
ces choses-là. »
– D’autres affirment : « Les brunes sont chaudes et
torrides »
Les rousses : « Excitantes et sensuelles. »
Les jaunes : « Erotiques et originales. »
When you touch black woman, never come back.
Elles t’ensorcèlent, paraît-il.
Il n’y a qu’à te regarder et t’écouter.
Cette Éléonore t’a ensorcelé mon pauvre ami, elle
t’a certainement fait le Vaudou.
Jaloux, possessif et infidèle, je suis.
Je baise donc je suis !
Toi, continue d’aimer, pour être !

Daz :
Ander, je t’ai assez entendu pour aujourd’hui,
laisse moi seul.
Laisse-moi avec mes doutes, mes craintes, mes
espoirs, mes désespoirs, qu’importe.
Laisse-moi, je vais dormir maintenant.

Ander :
Tu ne fais que cela Daz : « Dormir, glander, jouer
du golf et insulter le système. »
Tu crains de faire faillite, tu redoutes de te
retrouver sans titre, sans argent.
– Où crois-tu qu’on discute des contrats ?

40
– Assis sur une chaise, derrière une table dans un
bureau ?
C’est autour d’un bonne table, avec les suggestions
du chef ; du bon vin, et entouré de jolies filles.
Dors mon ami, à un de ces jours.
Surtout, n’oublie pas mes conseils dans ton
sommeil.
Ramène-les à ton réveil et applique-les, sois un
homme.
Demain, c’est dimanche, je viendrais te chercher,
nous irons au Grund, écouter du piano au Café des
Artistes ; cela te changera les idées.
Nous croiserons peut-être Gilbert et Charles, ils te
convaincront et tu changeras sans doute d’avis ; si Guy
est avec eux ou encore Ferdy, nous nous éloignerons,
car, ces ceux-là, te dissuaderont sans doute, à
conserver tes nouveaux raisonnements : étranges et
bizarres.
On ne vit qu’une seule fois, Meng Freund (mon
ami) ; alors, vivons.

Daz :
Au revoir Meng Freund (mon ami), héritier des
agences immobilières de son père.
Va-t’en fils de riche.
Va retrouver ton petit cercle vicieux.
Je ne veux pas passer la soirée à vous entendre
écorcher ma langue, avec votre dialecte.
Va. Ander.
Va prêcher la parole de la perdition, ailleurs que
dans ces murs, et, ne reviens pas avant de recevoir
une invitation de moi.

41
J’espère que tu parviens à dormir la nuit, sans
craindre les foudres de toutes ces femmes délaissées,
avilies et en colère.
Au revoir mon ami, ne revient pas, tant que tu
n’auras pas de l’estime pour Éléonore.
Va t’en, et emportes avec toi, ta souillure.
Va t-en d’ici, Ander, que je ne t’entende plus, que
je ne te vois plus, va-t-en.

Ander :
Que le ciel me vienne en aide, et m’aide à oublier
le mot : « Ami » un mot dépourvu de sens à mes
yeux.
Que la nature même me pardonne, de ne plus
croire en l’amitié.

Daz :
Que la lune, le soleil et les étoiles illuminent mes
pensées, et accordent à mon esprit, un raisonnement
juste et bon.
Que je ne confonde point : « L’amour et l’amitié. »

Ander :
(Ton moqueur.)
Où qu’il se trouve, où qu’il se cache, qu’il vienne
aussi à moi, ce mot que l’on appelle : « Amour. »

42
ACTE DEUXIEME

SCENE 1

Eng Fra

(Dans une maison étrange et lugubre, une femme


parle seule.)

Eng Fra :
Par moments, j’aimerais tant être un homme. Je
ferais aux femmes, exactement la même chose que les
hommes me font.
Je dirais avec fierté à certaines femmes, que je ne
veux pas être leur sponsor.
En attendant d’être un homme, j’accepte d’être une
femme.
Cependant, j’aimerais comprendre, pourquoi je
n’attire que de vieux cons.
Ai-je donc l’air si désemparée ?
Ai-je donc l’air si désespérée ?

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Ai-je donc l’air si stupide ?
Ai-je donc l’air si naïf ?
Ai-je donc l’air si seul ?
Ces vieux cons ne viennent à moi, que dans le but
d’assouvir leur fantasme.
Ils m’emmènent dans des restaurants, me font
boire et manger.
– C’est cela la récompense, généreux, n’est-ce pas ?
Je rentre chez moi, ivre d’alcool, de paroles et de
gestes obscènes.
Je regarde avec tristesse : « Mes factures, mon
congélateur vide et mes rides sur le front »
Je ne peux me plaindre, j’ai trop honte de réclamer
quoi que ce soit.
Car, ils risqueront de penser, de dire : « Je ne suis
qu’une fille de joie ! »
– En acceptant ces repas et ces attouchements, qui
suis-je ?

SCENE II

Éléonore et Daz

(Éléonore est dans une pièce, (son appartement)


assise dans un sofa, un livre dans les mains ; arrive
Daz, son compagnon venu lui rendre visite après
plusieurs jours d’absence.)

Daz :
Bonjour ma chère Éléonore, tu es toujours aussi
ravissante et éblouissante.

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C’est un véritable régal pour les yeux que de te
voir.
– Comment vas-tu ma chérie ?
Éléonore :
Bonjour mon chéri.
– Mon cher Daz m’honore de sa visite ?
Quelle bonne surprise.
Cela fait plusieurs jours, que je n’ai pas eus de tes
nouvelles.
– Quel bon vent t’amène chez moi aujourd’hui,
Daz ?
Daz :
Drôle de façon d’accueillir là, son chéri.
J’avais envie de te voir avant d’aller jouer du golf.
Je voulais être près de ma douce chérie ; m’enivrer
de ton odeur, t’enlacer.
Viens dans mes bras, embrasse-moi ; serre-moi fort
tout contre toi.
Éléonore :
(Éléonore à Daz, sur un ton de reproche.)
Serre-moi fort tout contre toi, et puis quoi encore ?
– Tu disparais sans donner d’explications, tu
réapparais quand tu en as envie, et moi, je dois
tomber dans tes bras, telle une imbécile, telle une
conne ?
Il est vrai, je suis amoureuse et en manque de toi,
mais soit.
– Tu serais père de famille, serveur en coupure, je
comprendrais, que tu n’aies pas assez de temps à
m’accorder.

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Mais, si j’en crois tes dires, tu es chef d’entreprise,
et tu es célibataire sans enfant !
– Tu sais bien, je suis sans-emploi pour le moment,
et entièrement disponible pour toi, alors, pourquoi ne
viens-tu pas souvent ?

Daz :
(Daz, d’un ton énervé.)
Éléonore, c’est le genre d’attitude que tu as en ce
moment, vis à vis de moi, qui m’éloigne de toi.
Des critiques, des reproches sans cesse. J’en viens
à me sentir inférieur à toi.
De là où je viens, c’est l’homme qui parle fort, et
non l’inverse.
– Tu ne devrais pas porter que des pantalons, tu
devrais t’injecter aussi de la testostérone.

Éléonore :
Oui, il est vrai, l’homme parle fort de là où tu
viens, car, c’est lui qui ramène le pain à la maison.
On ne peut pas en dire autant de toi, dans notre
situation.
– Que m’apportes-tu, en dehors de ta présence ?
De toute façon, je ne te demande rien.

Daz :
– Éléonore, tu ne devrais pas me parler comme ça.
(Pause)
– Je suis vraiment amoureux de toi, tu sais ?
– C’est la première fois que je ressens ça.

46
Éléonore :
Excuse-moi, Daz, mon chéri, je ne voulais pas te
contrarier.
Tu sais, lorsqu’on n’a pas d’occupation particulière,
on a beaucoup de temps pour aimer, désirer l’autre, et
surtout, se morfondre, voire, tout confondre ; lorsque
tu n’es pas là, j’accumule le stress, et quand je te vois,
je suis si énervée, contente aussi, et, tellement troublée.
Pardonne-moi, mon attitude est effectivement
ridicule.

Daz :
– Tu es toute pardonnée ma chérie.
Toutefois, je remarque que tu as triste mine, et
cette tête de mort vivant, tu l’avais déjà, bien avant
d’entendre mes paroles, bien avant même de me voir.
– Veux-tu partager avec moi ta tristesse ?

Éléonore :
Mon cœur est triste, Daz. (Pause)
Ma vie n’est que souffrances et illusions.
Je me demande ce que je fais de ma vie.
Je ne parviens pas à trouver ma voie.
Je cherche mon chemin. (Pause)
J’ai le moral au plus bas.

Daz :
– Pourquoi ne retournes-tu pas travailler ?

Éléonore :
Je n’ai aucune envie de faire quoi que ce soit en ce
moment ; parfois, il est bon de se sentir malheureuse
en profitant du système.

47
Daz :
Oh. Éléonore, j’aimerais tant te réconforter, te dire
des mots qui te feront plaisir, mais ce ne serait que de
l’hypocrisie, du mensonge.
Quand on aime, il vaut mieux être franc.

Éléonore :
Daz, mon amour, parle, aucun des mots venant de
toi, ne peut me faire mal.
Parle en toute franchise, cela vaut mieux.
Il n’y a rien de pire que l’hypocrisie.

Daz :
– Viens plutôt dans mes bras Éléonore, et embrasse-
moi.
Si je dois être franc avec toi, je ne te dirais qu’une
phrase :
– « Sors de ton rêve, Éléonore. »
Dans la vie, il vaut mieux être réaliste et avoir
l’œil toujours ouvert, car, tu ne sais jamais, qui ou
quoi, te frappera, quand, où et comment.
« La vie est parsemée d’embûches, cette ville est
recouverte d’obstacles ; rares sont ceux qui s’y
échappent. »
Tu n’as aucune formation, retourne travailler dans
un café, fais les ménages ou cherche autre chose.

Éléonore :
Tu me demandes de retourner travailler dans un
café ?
C’est hors de question.
Je n’ai aucune envie de retourner travailler dans un
café ; à sourire à toutes ces gens, qui pensent, je ne

48
sais quoi, au fond d’eux, et qui, tantôt me
complimentent, tantôt me réprimandent.
Travailler plus de quarante huit heures par semaine,
salaire et pourboires compris ; une fois le loyer et les
factures payés, c’est à peine, si j’arrive à me nourrir
convenablement ; me vêtir, c’est tout autre chose ;
partir en vacance, cela n’est même pas envisageable.
Non !
Je ne retournerais pas travailler dans un café, à
sourire bêtement à tous ces clients, même lorsque j’ai
le cœur triste.
Non !
Et puis, j’en ai assez de tous ces ragots sur moi, et,
cette fumée de cigarette sur mes vêtements, mon
corps tout entier.
Non !
Je n’y retournerais pas.
Quand à faire les ménages, c’est hors de question,
dans mon pays, je suis une princesse ; et une princesse
ne fait pas les ménages.

Daz :
Une princesse.
Une princesse qui profite de l’argent des
contribuables.
Arrête de nous raconter des sornettes.
– Princesse, et puis quoi encore ?
– Quand tu ne recevras plus le chômage, que feras-
tu ?

Éléonore :
Je trouverais bien une solution.

49
Daz :
Princesse, pourquoi pas reine ?
« Les tonneaux vides font toujours trop de bruit. »

Éléonore :
C’est vrai, je ne suis peut-être pas une princesse
comme tu l’imagines, mais mon grand-père était un
grand chef de village ; le grand chef du village Ekali.

Daz :
(Rires)
Ekali.
– Qui connaît Ekali ici à Luxembourg, en dehors
de toi ?
(Daz fait mine de se diriger vers la sortie.)
Allons à la gare, demandons à n’importe quel
passant, s’il connaît Ekali.

Éléonore :
C’est cela, moques-toi de moi.

Daz :
Oublions tes histoires de princesse, parlons de la
réalité, de ton avenir.
– Que veux-tu faire Éléonore ?
– Dormir à longueur de journée, te morfondre,
refuser des offres d’emploi ?
Apprend au moins le Luxembourgeois, cela
t’ouvrira quelques portes ; les cours sont gratuits à la
commune.

50
Éléonore :
Tu me demandes d’apprendre le
Luxembourgeois ?
Tu sais bien qu’il en faut du courage pour
apprendre cette langue. (Pause)

Daz :
– Il est facile de tout refuser en bloc comme tu le
fais, d’accuser le système, mais quels étaient tes
projets en quittant ton pays ?
– En quittant Ekali, tu t’es dit que tu venais faire
quoi en Europe ?

Éléonore :
(Éléonore soupire.)
– En quittant Ekali, j’étais dans un état de confusion
total.
J’étais contente de partir pour l’Europe.
Quitter mon village Ekali, pour l’Europe, voulait
dire : « Accéder à une échelle supérieure.»
Je ne m’étais pas posée la question de savoir :
– « Comment ferais-je pour vivre ? »
J’avais une pensée folle et absurde, je me disais :
« Si Dieu nourrit les oiseaux du ciel, il me nourrira
aussi certainement. »

Daz :
– Tu n’es pas un oiseau, tu es un être vivant, qui,
pour avoir une place dans une société, doit la mériter.

Éléonore :
– À présent, que vais-je devenir ?
(Pause, pleurs.)

51
Daz :
– Reste calme, Éléonore.

Éléonore :
– Restez calme ?
– Tu me demandes de rester calme ?
Si tu savais Daz, le poids que je porte sur mes
épaules.
Toute ma famille à Ekali, espère et compte sur
moi, elle prie chaque jour, afin qu’il ne m’arrive rien.
– Et moi, que puis-je pour eux ?
– Qu’ puis je ?
– Comment leur dire, que seule, dans ce pays, avec
un salaire minimum, je ne peux pas grand-chose pour
eux ?
Avec quels mots, quelle intonation dans la voix, je
dirais à ma mère :
« Maman, c’est dur, j’ai du mal à m’en sortir. »
– Comment le lui dirais-je ?
– Comment dire à mes huit frères et sœurs, que je
ne peux pas leur envoyer grand chose pour Noël ?
Ils ont tous les yeux rivés sur moi, et toi, tu me
demandes de rester calme ?
Oh Daz ! Tu ne peux ni comprendre, ni même
imaginer le degré de ma souffrance.
Seul l’amour, ici, peut m’aider à oublier toutes ces
contraintes.
Et ça, tu ne peux le comprendre.

Daz :
– Oui. Éléonore, je ne peux ni te comprendre, ni
même imaginer le degré de ta souffrance ; car, toi

52
seule, tu sais ce que tu ressens au fond de ton cœur,
mais je peux compatir.
Ma famille n’a pas besoin de moi pour vivre.
« Ici, c’est chacun pour soi, Dieu pour tous ! »

Éléonore :
– Oh ! Daz. Nous sommes si différents.
Je ne veux pas te montrer mes larmes, nous n’avons
rien à faire ensemble.
Nous sommes trop différents. Je n’ai rien à t’offrir.
Je suis anéantie, totalement brisée, incapable même
d’aimer.
Tout se confond dans mon esprit.

Daz :
Ne te laisse pas abattre Éléonore.
Il y’a toujours une solution.
Ne te laisse pas morfondre, on s’en sort toujours,
quand on veut.
Il n’y a pas de fatalité.
Essaie seulement d’être moins exigeante.
Je sais que tu es forte et que tu peux y arriver.

Éléonore :
(Éléonore pleure la tête dans les mains.)
J’en ai assez d’être forte.
Laisse-moi seule avec ma tristesse, laisse-moi, va-
t-en, laisse-moi seule avec ma douleur.
Ma famille me manque, mes amis me manquent,
mon pays me manque.

53
Et cela fait si longtemps, que je n’ai pas vu un
cafard, un bon gros cafard tout noir, qui vole à travers
la maison ; ici tout est si propre, que j’en ai le cafard.
Va-t-en Daz, je veux être seule, laisse-moi seule.
Adieu.

Daz :
Adieu. Adieu.
C’est cela.
Je comprends que tu souffres : « Du mal du pays »
et de mille autres maux.
Et moi qui t’aime, tu y as pensé ? (Pause)
Et moi qui t’aime, Éléonore ?
Tu t’en fous. (Pause)
Les femmes, toutes des égoïstes.
Je t’aime Éléonore.
Je t’aime.
Hélas, tu as choisi de t’enfermer dans ton monde,
de ne rien comprendre, et de me perdre, alors, adieu.

Éléonore :
C’est toi qui ne comprends rien, Daz, et tu ne
comprendras jamais rien.
Nous n’avons pas la même vision de la vie.
Chez nous à Ekali, la famille, c’est la vie, et non,
chacun pour soi.
Nous n’avons pas non plus, la même notion du
mot : « Amour. »
Si pour toi, aimer, c’est parler, faire des câlins ;
pour moi, c’est tout autre chose.
C’est un sentiment bien plus profond, qu’on ne
peut exprimer avec des mots.

54
Tu ne peux pas le comprendre, et je ne peux pas
mieux te l’expliquer.
Adieu, Daz.
Daz :
Adieu Éléonore, mais sache que je t’aime.

SCENE III

Éléonore

(Daz s’éclipse, Éléonore reste seule dans son


appartement, se sert un verre de vin et divague.)
Éléonore :
Daz, mon amour, mon amour, ironie de ma vie.
Si et seulement, tu pouvais comprendre que c’est
de toi, dont j’ai besoin.
Si et seulement tu pouvais comprendre, que c’est
de ton argent, dont j’ai besoin.
Avec toi, à mes côtés, je pourrais aider ma famille.
Avec toi, dans ma vie, je pourrais me vanter, me
montrer.
– Mais sans toi, qu’est ma vie ?
– Qu’est ma vie, sans toi, ivre sous ce toit, crevant
de froid ?
– Qu’est la vie, qu’est ma vie, sans envies, si ce
n’est l’envie de toi, Daz, l’envie de tout ?
– Comment te le dire, Daz ?
– Est-ce donc vrai, que les femmes ne disent
jamais aux hommes, le fond de leur pensée ?
– Pourquoi ?

55
Oh Daz !
– Que fais-tu de moi, que fais-tu de ma vie ?
Daz, mon amour, mon amour, trouble de mon âme.
Daz, mon amour, j’ai le visage baigné de larmes.
Reviens mon amour.
Reviens avant que mes yeux baignés de larmes, ne
trouve le sommeil.
Reviens, je te dirais tout.
Je te dirais tout, je te dirais le fond de ma pensée,
dans le calme, avec des mots justes.
(Pleure tout doucement.)
Daz, oracle de mon sort, perturbateur de mes
pensées, agitateur de mes nuits.
Oh Daz !
– Est-ce donc comme ceci, qu’on devient folle ?
– Est-ce donc comme cela, qu’on perd la raison ?
Papa, maman, je suis anéantie.
(Éléonore s’écroule par terre, et sombre dans le
sommeil.)

SCENE IV

Daz et Éléonore

Changement de décors
(Éléonore erre dans une pièce, (son appartement)
arrive Daz, un bouquet de fleurs à la main.)

Daz :
Éléonore, ma chérie, je ne veux pas, je ne peux
vivre sans toi, je ne peux aimer que toi.

56
Aucun mot, dans aucune langue, sur cette terre ne
peut exprimer la profondeur de mes sentiments pour
toi.
Je t’aime ma douce Éléonore, je suis fou de toi,
totalement ADDICT…
Ma chérie, accepte ce bouquet de fleurs et
pardonne-moi.
Je voulais seulement être sincère.
J’avais oublié à quel point tu étais susceptible.
Si j’ai provoqué une quelconque douleur dans ton
cœur avec mes mots, pardonne-moi.
Pardonne-moi ma tendre et douce.
(Daz à genoux, tend le bouquet de fleurs.)
(Éléonore prise de compassion s’approche de Daz,
prend les fleurs et lui déclare son amour.)
Éléonore :
– Comment te pardonner, alors que je suis incapable
même de te haïr ?
Mon cœur ne bat que pour toi.
Je ne vis, que par et pour toi.
« J’ai mille fois dit : “Je t’aime”, et jamais le même.
J’ai mille fois pleuré, pour eux, pour moi, pour
tout, pour rien.
J’en venais à me convaincre, que cela me faisait du
bien.
Je t’attendais Daz.
Je ne t’ai pas cherché, j’ignore si tu t’en es douté.
J’avais simplement décidé, de ne plus être cette
jeune femme troublée.
Et voilà que tu arrivas, grand et beau, exactement
tout ce que mon cœur recherchait, et ceci, pour mon
plus grand bien.

57
Je l’avoue humblement.
Doux, gentil, câlin, c’est toi.
– Que feras-tu de moi, Daz ?
En attendant, je ne peux que te dire : “Je t’aime
mon amour.”
Je t’aime Daz…. »
(Éléonore et Daz s’enlacent, Daz chante pour
savourer leur bonheur.)

Daz :
(Musique d’ambiance.)
Éléonore, et si c’était ça l’amour !
(Éléonore, de plus en plus euphorique, chante haut
et fort dans la maison.)
(Musique d’ambiance.)

Éléonore :
Daz, j’avais pourtant juré, que plus jamais je
n’aimerais.
C’est magique l’amour.
C’est si bon d’aimer, de se savoir aimer.
Il n’y a pas de bonheur comparable.

SCENE V

Daz et Éléonore

(Changement de décor et de costumes.)


(Daz et Éléonore se voient plus souvent dans
l’appartement d’Éléonore, Daz ne supporte plus

58
l’attitude hautaine d’Éléonore. À chaque visite de
Daz, la maison vit au rythme des disputes.)
Daz :
Éléonore, ton égoïsme m’effraie.
Ton dynamisme a disparu.
(Éléonore tente de se justifier.)
Éléonore :
Daz, j’ai toujours été ainsi.
Tu ne l’as jamais remarqué, c’est tout.
(Daz se sent malheureux et il se plaint, il se lamente
et n’a qu’une seule envie partir, quitter Éléonore.)

Daz :
Éléonore, tu provoques, tu te révoltes, tu te plains et
tu accuses les autres d’être à l’origine de ta détresse.
Tu es la seule et unique responsable de ce qui
t’arrive.
Ce n’est ni eux, ni moi, qui t’empêchons d’être
différente, heureuse.
Tu es la seule et unique responsable de tout ce qui
t’entoure.
Les autres, les autres.
Tu passes ton temps à juger, à critiquer.
Eh bien les autres, tu ne peux les changer, tu ne
peux que t’accommoder.
Si tu ne changes pas d’attitude, tu seras toujours
seule, murée dans ta hautaine solitude à jouer les
victimes.
(Éléonore se met en colère.)

59
Éléonore :
Et voilà, que le petit branleur se transforme en
moralisateur ?
– Tu souffres en silence, et tu n’oses pas riposter ?
Tu es devenu un faux cul pour survivre face à la
réalité.
Tu passes tes journées à sourire, à rire avec des
personnes que tu insultes et que tu méprises.
– Tout cela pourquoi ?
Pour quelques contrats, pour de l’argent, pour
appartenir à une élite.
– Es-tu seulement heureux ?
– Es-tu seulement encore toi-même, Daz ?
Tu as perdu ton identité, et même ta crédibilité.
Ceux que tu calomniais hier, mangent à ta table
aujourd’hui.
Et tu oses me faire la morale ?
Tu as même changé ta façon de parler.
Moi, j’ai ma dignité.
Que mes lèvres se ferment, et, que je ne dise plus
que je ne devrais, plus qu’il n’en faudrait.
Que la colère même, s’éloigne de moi, et ne brise
point mon amour.
(Daz se met à genoux et invoque les dieux.)

Daz :
Éléonore, si aimer c’est souffrir, alors, je ne veux
plus aimer.
– Pourquoi les choses doivent-elles toujours être
aussi compliquées avec toi ?

60
– Ne peut-on pas s’aimer sans disputes, sans cris,
ni violence ?
– Ne peut-on pas s’aimer, tout simplement ?
– Pourquoi t’aimer, est-il si compliqué ?
– Pourquoi ?
– Parce qu’aimer, c’est partagé ?
Je veux bien partager, mais pas les disputes chaque
jour.
Je préfère les câlins.
(La situation dégénère.)

Éléonore :
– L’amour et ses complications, c’est cela ?
– À qui parles-tu d’amour, Daz ?
– Tu t’imagines que je suis sotte, et ne voit rien à
ton petit jeu ?
– Tu crois peut-être, que je ne sais pas ce qui
t’attire chez moi ?
Ce ne sont que nos tendres moments, qui
t’intéressent.
– Si tu m’aimes vraiment, pourquoi ne m’épouses-
tu pas ?
– Si tu m’aimes vraiment, pourquoi, ne
m’emmènes-tu jamais avec toi, lorsque tu vas jouer
du golf ?
– Je ne suis pas celle qu’on présente dans ces
milieux là, c’est cela ?
La petite serveuse black, il ne faut surtout pas la
montrer.
On ne la rencontre qu’en cachette, à l’abri des
regards.

61
– Si tu m’aimes vraiment, pourquoi ne me
présentes-tu pas à ta mère ?
– Puisque tu m’aimes tant, pourquoi sommes-nous
toujours enfermés dans cet appartement, qui je te
signale, est mien.
À qui parles-tu d’amour, Daz ?
Veux-tu encore me coloniser au 21ème siècle ?
À qui parles-tu d’amour ?

Daz :
(Daz à voix basse, n’osant pas regarder Éléonore.)
Éléonore, si tu avais été laide et stupide, les choses
auraient sans doute été différentes.
Mais tu es si belle, si intelligente, je n’ose même
pas croire, qu’une princesse puisse être amoureuse
d’une crapule dans mon espèce.

Éléonore :
« Zamba, Zamba ya yop. » (Dieu du ciel.) Daz.
Va-t-en. Va-t-en de chez moi, va-t-en petit coquin.
À chaque fois c’est pareil, dès que j’évoque nos
vrais problèmes ; tu te détournes du sujet.
Vieux con, vicieux, pervers, va-t-en.

62
ACTE TROISIÈME

SCENE 1

Eng Fra

(Dans une maison étrange et lugubre, une femme


parle seule.)

Eng Fra :
Ce matin, alors que je prenais mon café, comme à
mon habitude, chez Isabelle, je me suis mise à
discuter avec ma copine Hélène, la serveuse.
Nous parlions de nos amours, bien évidemment !
Ne me regardez pas avec cet air ahuri, et, ne vous
esclaffer pas de la sorte.
De quoi pensez-vous, que les filles parlent entre
elles ?
De politique ? De foot ? De formule 1 ? De la chute
des actions ?

63
La plupart du temps, les filles parlent d’amour, ce
sont les hommes, qui parlent de sexe et de mille et
une choses stupides.

SCENE II

Josiane et Franz

(Josiane erre seule dans une pièce, (sa cuisine)


arrive Franz, son père, venu lui rendre visite.)

Josiane :
Serre-moi fort dans tes bras, Franz.
Je n’ai jamais eu autant besoin de la chaleur d’un
homme, fusse celle de mon père.

Franz :
Tu ne sais toujours pas, si tu dois m’appeler Franz
ou Papa ?
C’est si bon de te voir ma fille, de voir ton joli
visage, sans maquillage, sans ce regard que je sais
reconnaître chez certaines femmes.
Un regard qui dit tout, un regard mendiant, prêt à
tout pour quelques billets.
L’on disait que les vieux étaient tabous, précieux, à
présent, ils sont devenus des proies faciles pour ces
jeunes filles assoiffées de luxe et contraintes à la
luxure.
C’est à se demander : « Où va le monde ? »

64
Josiane :
Franz, cela te convient sans doute, dans le cas
contraire, tu resterais de marbre face à toutes ces
attractions.
Ces jeunes femmes viennent à toi, parce qu’elles te
savent disposer à les accueillir, alors, arrête de te
plaindre.

Franz :
Tu as sans doute raison, ma petite Josiane.
Même lorsqu’il me restera une dent, et tant que
j’aurais de l’argent, je continuerai de me distraire
avec ces pauvres filles.
Exigeant, je serais.
Mon argent devra se mériter.
Oublions cela, parle-moi de toi.
– Es-tu heureuse ma fille ?

Josiane :
Heureuse ?
– Moi, heureuse ?
Jalouse, veux-tu dire.
Je ne peux être heureuse, tant je suis jalouse.
– Lorsque l’amour fait souffrir, est-ce encore de
l’amour, papa ?
J’ai perdu la notion du temps, la notion du bien, la
notion du mal.
J’ai perdu le sens même de la réalité.
Je n’ose plus sortir, pour éviter je ne sais quoi.
Je reste des journées entières, la tête dans les mains,
espérant que je trouverai un élément de réponse, face à
toutes ces questions qui me perturbent.

65
Franz, j’aimerais savoir :
– « Si j’ai eu tort ou raison de me marier. »
– « Si j’ai eu tort ou raison de croire, que je
pouvais aimer Ander. »
Mais tout ceci, est-il affaire de tort ou de raison,
Papa ?
– C’est quoi aimer ?
– C’est quoi aimer, Papa ?
Mon cœur bouillonne au fond de moi, papa.
– Si c’est ça, aimer ?
Cela m’effraie, mon cœur bouillonne de mauvaises
intentions Papa.
Et, je suis sûre, je suis certaine que lorsque le cœur
bat si fort, ce n’est plus de l’amour, ce n’est non plus
de la haine, c’est tout autre chose, au-delà de la
raison.
Mon esprit s’élève, mes pensées m’effraient.
Je souffre à l’intérieur, Papa.
Franz, j’ai mal au cœur, j’ai mal tout au fond de
moi.
(Josiane éclate en sanglots et se jette dans les bras
de Franz.)

Franz :
Oh ! ma chérie, ton âme est meurtrie.
Ton âme est meurtrie.
Prie et demande à ton Dieu de te venir en aide.
C’est si beau d’aimer, il suffit d’ouvrir son cœur et
d’y croire.

Josiane :
Priez, priez, priez ?

66
J’ai tant prié mon Dieu papa, j’ai tant invoqué le
nature papa, j’ai tant demandé le chemin de
l’amour ; mais il m’arrive de douter, de perdre
espoir, de perdre le sourire, de perdre l’appétit, de
perdre même la foi.
Je suis désemparée papa, vidée, jusqu’au dernier
suc, anéantie, totalement détruite.
J’ai épousé Ander sans l’aimer.
J’avais lu dans un livre : « Qui se marie par amour,
devra vivre dans le tourment. »
J’ai épousé Ander, je ne sais si je l’aime, si je le
hais, toujours est-il, je vis dans la tourmente.
Ma vie n’est que tohu-bohu, confusion, désordre.
J’aimerais tant l’aimer, j’aimerais tant le haïr,
j’aimerais tant, tout ceci à la fois, alors, peut-être, je
souffrirais moins.
Je ne sais si je l’aime, si je le hais.
(Josiane éclate en sanglots.)

Franz :
Ma fille, Josiane, ma fille, ressaisies-toi ma fille, et
ne dit pas des mots, qui dépasseront le fond de ta
pensée.
Reste brave et espère, tu finiras par avoir ce que
ton cœur désire de très fort.
Si c’est l’amour que tu désires, désire-le très fort, il
finira par venir à toi.
Dans ma jeunesse, j’ai désiré la richesse, je l’ai
désiré si fort qu’elle provoqua ma tristesse lorsqu’elle
vînt à moi, car, j’avais commencé à perdre espoir.
(Josiane se ressaisit peu à peu.)

67
Josiane :
Franz, à entendre ces paroles, j’ai l’impression
qu’il suffit de désirer quelque chose très fort pour
l’obtenir ; et ceci, à bout de patience ?
Cela semble si facile, si évident et difficile à la
fois.
Cela me paraît insensé d’avoir besoin de demander,
de réclamer, de souffrir pour recevoir des choses qui
doivent contribuer à notre bonheur.
– Pourquoi ne viennent-elles pas à nous
naturellement ?
Oh papa ! J’aimerais tant que tu sois fier de moi, et
j’ai si peur de mal faire.

Franz :
Tu n’as qu’à rester toi-même, ma fille.
Mon plus grand bonheur, ma plus grande joie c’est
de savoir, que tu te fais plaisir, sans te soucier de ce
que les autres vont dire ou penser.
Ne change pas dans le but de me plaire, se serait te
déplaire et te nuire.
Tu es mon enfant et je t’aime ainsi.

Josiane :
Franz, maman me manque, elle était si docile, si
soumise, si femme, si forte.
Maman était si forte et fragile à la fois.
Elle préférait ignorer tes escapades, tant que tu
rentrais à la maison chaque soir.
Elle préférait se taire, tant que tu lui apportais le
confort, dont elle avait besoin.
Maman t’aimait d’un amour inébranlable.

68
Elle nous disait souvent, qu’elle te laissait faire,
car il y’a sur terre, plus de femmes que d’hommes.
Elle disait avec beaucoup de douceur : – « Que
feraient toutes ces femmes célibataires, si nous,
épouses, décidions de ne pas céder nos époux de
temps en temps. »
Maman était persuadée qu’en ignorant tes
aventures, elle faisait une grande œuvre de charité.
J’aimerais tant avoir sa force et sa sagesse.

Franz :
Ta mère était une femme exceptionnelle, c’est pour
cette raison que je l’avais épousée.
Vois-tu, ma fille, toutes les femmes ne méritent
pas d’être des épouses, certaines, ne méritent même
pas d’être aimées.
J’aimais ta mère à ma manière, mais cela ne l’a pas
empêché d’aller vivre dans une île paradisiaque avec
un milliardaire.
Moi qui pensais, qu’elle n’était pas avide d’argent.
Elle m’avait bien caché son jeu.
(Josiane regarde la montre accrochée à son
poignet.)

Josiane :
– Je vais préparer le dîner papa, Ander ne va pas
tarder.
– Reste donc dîner avec nous.

Franz :
– Je ne peux rester ma fille, j’ai un rendez-vous
important ce soir.
– Prends bien soin de ton mari et surtout de toi.

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Josiane :
– Je fais de mon mieux Papa.

Franz :
– Au revoir ma fille.

Josiane :
– Au revoir Papa.

SCENE III

Daz et Ander

(Daz se confie à Ander, qu’il retrouve assis à la


terrasse d’un café.)

Daz :
Ander, je voulais juste l’aimer.

Ander :
Daz, je n’y comprends rien à ces gémissements, tu
as agi de la façon dont la plupart des hommes
agissent.
Ils croient toujours être amoureux.
De quoi te plains-tu ?
Pourquoi t’alarmes-tu ?
Elle s’en remettra.
Elles finissent toujours par s’en remettre.
Elles adorent jouer les victimes, les incomprises.
Elles nous traitent de cons, de ronfleurs, de
branleurs.

70
Daz :
Que pouvons-nous y faire, Ander ?

Ander :
Rien, rien de rien.
Les femmes, toutes pareilles.
Tu aurais été méchant, elle serait allée chercher un
gentil.
Les femmes cherchent toujours le contraire de ce
qu’elles possèdent.
Elles disent non, quand elles pensent oui, et c’est
toujours de notre faute.
Les femmes, des créatures étranges !
Elles ont l’art de nous tourner en bourrique.
Moi, je l’ai toujours dit : « Dieu, s’il existe, ne
peut être qu’une femme. »
Ce n’est pas possible autrement.

Daz :
Ander, je suis un con, un imbécile total, un idiot,
un bon à rien, je n’ai rien à faire sur cette terre, je ne
suis même pas digne d’exister.

Ander :
Comme tu peux être naïf, Daz.
Il n’y a rien de plus vicieux qu’une femme.
Elles sont plus rusées que toi et moi.
Elles s’arrangent toujours, pour que ce soit nous
les méchants.
Elles parviennent toujours à leur fin, et ne cherche
pas à comprendre comment.

71
Et, si tu cherches bien, cette Éléonore a sûrement
un plan derrière la tête.
Les femmes ne font jamais rien pour rien.
D’ailleurs, je me demande ce que Josiane a dans la
tête en ce moment.
Elle est si gentille, si docile, si obéissante.
Je trouve tout cela très, très suspect.
Il faut d’ailleurs que j’y aille, j’ai promis être
présent à l’heure du dîner.
Au revoir mon ami.

Daz :
– Au revoir Ander, je te trouve bien étrange.

Ander :
– Amour, quand tu nous tiens.

SCENE IV

Éléonore, Josiane, Franz, Daz

(Daz et Franz sont assis dans un bistrot, arrive


Éléonore, toujours en colère avec Daz.)

Éléonore :
Bonjour ! Franz, Daz.

Franz :
Bonjour Éléonore, toujours aussi ravissante,
dînons donc demain soir, si Daz n’y voit pas
d’inconvénient. Tu sais qu’il n’est pas bon de laisser
un vieil homme, tel que moi, tout seul Il risque avoir

72
des pensées obscures, et, que ferons-nous de tout cet
argent à dépenser ?

Daz :
Bonjour.
(Éléonore ignore les propos de Franz, et s’installe
à une table voisine.)
(Au même moment, arrive Josiane, en pleurs,
complètement désemparée, les yeux hagards, les
habits en lambeaux, les cheveux blonds et ébouriffés,
sous les regards surpris de Franz, Daz et Éléonore.)

Josiane :
Ma femme de ménage me frappe et me méprise.
Elle dit : « Que mon bien-aimé Ander et elle,
s’aiment ! »
Ma femme de ménage, me met à la rue, et s’installe
chez moi.
Je suis devenue une blonde pour plaire, (montrant
ses cheveux) je suis devenue une intruse, chez moi,
une femme cocue.
(Éléonore va à la rencontre de Josiane.)

Éléonore :
Qu’as-tu fait Josiane ?
– Qu’as-tu fait ?

Josiane :
Je les ai tués tous les deux, car, je ne pouvais
accepter le vilain mot : « Cocu ! »
Je ne pouvais tolérer pareille humiliation.

73
Éléonore :
Non !
Josiane, tu n’as pas pu faire une chose pareille.
Le diable n’a pas pu s’emparer de ton esprit,
Josiane.
Non !
Je ne peux le croire.

Josiane :
(Josiane d’un ton énervé.)
Arrêtez toujours d’accuser le diable à tort.
Oui, je les ai tués, je les ai découpés en petits
morceaux, ce fils d’incube et son succube.
Je les ai rôtis au four et je les ai mangés.
Que dans mon ventre, (tenant son ventre avec les
deux mains) ils continuent de forniquer et de s’aimer.
Qu’ils soient prisonniers dans ma chair pour
toujours, au nom de l’amour.

Éléonore :
– Non, Josiane, tu n’as pas pu le faire, toi qui es si
douce et bonne.

Josiane :
– Assez d’être douce et bonne, gentille et conne,
l’heure de la vengeance a sonné, le moment de régler
mes comptes est venu.
(Josiane s’interrompt et sort délicatement une lettre
de sa poche.)

Éléonore :
– Qu’est-ce cela ?

74
– Une lettre, Josiane ?
– Ander aurait-il laissé une lettre ?

Josiane :
(Josiane brandit la lettre.)
Oui.
Une lettre, écrite non pas par Ander, mais par toi,
pour Ander.
– Éléonore, toi, ma meilleure amie, comment as-tu
pu me faire cela ?
Toi, qui as toujours été comme une sœur pour moi.
– Comment as-tu pu me faire une chose pareille ?
Éléonore, toi, une liaison avec mon homme !
– Tu voulais ma place, c’est cela ?
Ander et toi, j’ai du mal à y croire.

Éléonore :
– Je ne sais pas de quoi tu parles, Josiane.
Je suis innocente.

Josiane :
(Josiane lit un passage de la lettre.)
(Je t’aime d’un fol amour, je t’aime comme on
aime à trente ans, pleins d’espoir et de peur ; peur
de ne pas vieillir seule et, heureuse de plaire et de
séduire encore, avant que tout ne meure…)
– C’est ça !
Innocente.
Tout de suite les gros mots.
Les coupables disent toujours qu’ils sont innocents.
Petite vicieuse.

75
Panne passagère, choucroute, cancoillotte, tes
conseils de grand-mère, pour mieux attendrir mon
homme.
– Comment as-tu osé ?
– Comment ?
Je t’épargne, seule avec ta conscience, tu règleras
tes comptes.
Seule, tu feras le bilan de ta misérable vie.
Je t’épargne, Dieu lui-même, s’occupera de ton
cas.
(Josiane s’interrompt, regarde autour d’elle avec
une moue pleine de mépris et d’un geste brusque, se
fait hara-kiri avec une lame de rasoir dissimulée dans
l’une de ses mains.)

Josiane :
Je meurs, je meurs au nom de l’amour…
(Josiane s’écroule, Éléonore s’effondre en pleurs.)

Éléonore :
Josiane est perdue.
Josiane s’est égarée.
Josiane s’est fait hara-kiri.
Oh ! Mon Dieu !
Oh ! Josiane !
(Franz et Daz se précipitent vers Josiane ; Franz
prend Josiane dans ses bras et pleure.)

Franz :
Josiane, mon amour, ma petite fille chérie, ma
raison de vivre, Josiane.

76
Tu ne devais pas les tuer, tu ne devais pas te tuer,
tu n’avais qu’à partir, partir avec un autre, à l’autre
bout du monde, comme ta mère.
Oh ! Josiane !
Que l’au-delà m’accueille et m’accorde une
meilleure existence.
L’amour existe, il suffit d’y croire !
(Franz s’écroule avec le corps de Josiane, comme
soudain pris d’un malaise. Franz est mort.)
(Éléonore éclate en sanglots.)

Éléonore :
La mort a encore gagné, la mort a encore frappé
sans même prévenir, ni rien dire.
Quel mystère, ce mot qu’est la mort !
Quelle grande puissance, ce mot qu’est la mort !
Personne ne lui résiste, les grands, les petits, les
vieux, les jeunes, les gros, les minces ; tous les êtres
vivants y passent : les riches, les pauvres, les moins
pauvres.
Quelle grande force, ce mot qu’est la mort !
La mort a emporté ma meilleure amie et son père.
La mort a emporté ton meilleur ami, Ander.
La mort a emmené au loin nos amis, nous laissant
seuls, face à ce monde.
(Daz vient vers Éléonore et essaie de la
réconforter.)

Daz :
Tu n’es pas seule ma bien-aimée, je suis là pour
toi, je serais toujours là pour toi.

77
Éléonore :
(Éléonore repousse Daz.)
– Non Daz, ne t’approche pas de moi.
(Éléonore éclate de nouveau en sanglots.)

Daz :
(Daz se rapproche de nouveau d’Éléonore.)
– Et cette lettre à Ander ?

Éléonore :
(Éléonore dissimule la lettre au fond de sa poche.)
Voilà que toi aussi tu m’accuses, moi, qui n’aime
que toi, moi qui n’ai toujours aimé que toi.
Cette lettre t’était destinée, et Ander devait te la
remettre.
Je souffrais de ne plus te voir.
Malgré mes coups de fil répétés, tu restais sourd,
alors, j’ai eu l’idée de t’écrire cette lettre ; je l’ai
remise à Ander, qui m’a juré devant la lune et les
étoiles, de faire tout son possible, pour nous remettre
ensemble.
Je regrette de n’avoir pas eu le temps de l’expliquer
à Josiane.
Elle était si en colère.
Je m’en veux de n’avoir rien pu faire.
(Éléonore se met à sangloter.)

Daz :
Je te crois, ne pleure plus ma douce chérie, plus
jamais, tu ne seras seule, plus jamais, tu ne seras

78
triste, plus jamais, tu n’auras besoin d’écrire des
lettres, je serai toujours là.
Tu es ma destinée, tu es mon doux bonheur.
Je t’aime, je t’aime comme je n’avais jamais aimé,
essuie tes larmes, éloigne tes peurs, ma douce chérie,
nous serons ensemble dans la douleur et dans la joie.
La mort t’a prise ton amie, elle a pris mon ami,
mais elle t’a donné en ce jour, un mari.
Éléonore, je t’aime.

Éléonore :
(Éléonore pleure de plus en plus.)
Tu m’aimes !
Que ma souffrance n’affaiblisse pas mes espoirs !
Que la triste réalité de ce monde, ne m’affecte,
plus que je ne pourrais supporter !
Que mon cœur s’affermisse, et que je reste sereine
vis à vis du chemin que je me suis tracé !
Ma meilleure amie me laisse seule, dans cette ville
où je ne connais personne.
Quoi qu’il advienne, je veux continuer de croire et
de vivre pour l’amour.
Demain est ma plus grande peur, tant le jour en
lui-même, que ceux du futur !
Aujourd’hui, allons au bout du monde et savourons
notre bonheur.
Daz, si tu m’aimes, comme tu le dis, allons nous-
en, avant que la mort ne nous surprenne.
Éloignons-nous de cette souffrance, et tirons des
conclusions.
Et si c’était ça l’amour !

79
Daz :
Une éternelle remise en question ?
Une succession de questions sans réponses ?
Une réalité atroce et amère, pour nous amener à
prendre conscience ?
Allons-y et savourons notre amour.

Éléonore :
Disputons-nous de temps à autre, s’il le faut, cela
nous stimulera.

Daz :
Connais-tu un couple dans cette ville, qui n’à point
de disputes ?
– Connais-tu un endroit sur cette terre, où il n’y a
point de haine, point de souffrance, point de misère,
point de mort ?
– Le connais-tu cet endroit ?
Moi je l’ignore.

Éléonore :
Cet endroit, nous le chercherons et nous le
trouverons, nous le chercherons sans relâche, et nous
ne reviendrons pas avant de l’avoir trouver. Je laisse
l’amour me guider, je fais parler mon cœur, je
m’éloigne de ce monde cupide et futile.

Daz :
Éléonore, ma douce chérie : « Je veux t’aimer et te
chérir jusqu’à ce que la mort nous sépare. »
J’ai pris conscience du sens profond de ces mots.

80
Éléonore :
Seul le temps nous dira, si j’ai eu tort ou raison, de
laisser grandir cet amour qui pousse en moi.

Daz :
Je me débarrasse de mon passé obscur et
ténébreux, je viens vers toi avec des vêtements et un
cœur neufs. Malgré ton âge, malgré le mien, peu
importe tes origines, peu m’importe ta condition,
l’amour m’a complètement transformé.
Oui. L’amour existe, il suffit d’y croire.

Éléonore :
Je brise les tabous, je détache les liens qui
m’enserrent, je veux vivre cette vie sans être jugée sur
ce qui devrait ou ne devrait pas être. Je refuse de
vivre dans le mensonge, je ne veux pas me mentir, je
ne veux pas te mentir, je ne veux pas leur mentir ; je
veux être moi, je veux t’aimer sans te juger Daz ; je
veux te faire vivre l’amour.

Daz :
Ne traînons pas ma bien-aimée, partons, courons,
allons à la recherche du bonheur, de notre bonheur.
Que l’amour soit notre guide, et qu’il ne nous égare
pas en chemin, qu’il ne s’égare pas en chemin.

Éléonore :
Oui, ne traînons pas, allons-nous en, mon amour.

Daz :
Tu n’oublies rien ?

81
Éléonore :
Quoi donc ?

Daz :
Un baiser.

Éléonore :
Tant que je vivrais, je te donnerais autant de
baisers, que mon corps peut contenir.

Daz :
– Oh ! Éléonore, ma princesse, je t’aime.

Éléonore :
(Éléonore et Daz s’enlacent.)
Oh ! Daz, tant que je vivrais, je t’aimerais.

SCENE V

Eng Fra

(Dans une maison étrange et lugubre, une femme


parle seule.)

Eng Fra :
Les années s’étaient écoulées, j’étais restée dans
mon appartement du Kirchberg à Luxembourg-ville.
Je priais chaque jour, et j’espérais rencontrer à mon
tour, l’amour.
J’aimais tellement ma petite vie, mes frontaliers,
qu’il m’était impossible de m’imaginer ailleurs, que

82
dans cette ville. Avec ou sans l’amour, la tranquillité
et la sérénité de cette ville étaient pour moi, bien plus
indispensables.
Certains disaient de moi, que je n’avais plus tous
mes esprits.
Une façon gentille de ne pas me dire en face, que
j’étais peut-être : « une folle, une égarée »
Ils m’appelaient : « Eng Fra », qui veut dire en
Luxembourgeois : « Une femme » car, ils ne savaient
plus mon nom.
Qu’importe, je suis et je reste une femme.
Éléonore et Daz étaient partis.
Où étaient-ils allés ?
Pas très loin, affirmaient quelques uns.
D’autres prétendaient qu’ils habitaient à Belair.
L’air devait y être agréable.
Moi, je ne saurais le dire.
On disait aussi, qu’ils étaient des égarés, qu’ils
étaient fous ; fous de croire en l’amour.
Fous de croire, que l’on pouvait vivre dans ce
monde, sans se mentir à soi-même, et surtout mentir
aux autres.
On disait aussi : « Qu’ils s’étaient égarés de la
réalité »
Et moi alors, que dirais-je ?
Et vous, que diriez-vous ?
– « Ne sommes-nous pas tous des égarés, sur ce
large labyrinthe qu’est la terre ?

83
SCENE VI

Éléonore

Quelques mois plus tard.


(Éléonore est assise sur un banc, totalement
transformée, le visage amaigri, la mine triste.)

Éléonore :
Je marchais dans l’espoir de te revoir.
Je courais le long des sentiers, avec une seule
envie, te retrouver.
Daz, mon génial amant, mon Allemand.
J’ai fait des milliers d’allées, des milliards de va-
et-vient.
Mais rien, pas d’ombre de toi.
Pas de pourquoi.
Pas de retrouvaille inattendue.
Daz, depuis ce jour-là, que je t’ai perdu de vue.
Je me suis assise sur un banc, sur ce banc ;
regardant autour de moi, le temps.
Il va bientôt neiger, le froid est entrain de me
frigorifier.
Aucune envie de me lever, juste ces envies, te
retrouver, en toi, me noyer, me dévergonder,
m’abandonner.
Me laisser emporter par les quatre saisons.
Daz, tu étais toutes mes dévotions.
Je te pense jour et nuit.

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Pour toi, je deviens salope, stupide, canaille, je
suis l’égarée.
« Oh ! Que l’amour est cruel ! Il n’y a rien à faire
pour y échapper, lorsqu’on est pris dans ses filets. »

FIN

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Cet ouvrage a été composé par Edilivre
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Imprimé en France, 2008


Dépôt légal : Novembre 2008

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