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"Je quitte la maison quelques jours, et voilà le résultat !

"

Il va encore faire la tête, alors que c’était son idée !


Comme la fois, où il a voulu qu’on utilise des jouets et que je lui ai dit que les
vibrations du MagicWand étaient la meilleure chose que j’ai jamais eue.
Cette fois, c’était son idée de vendre des photos osées sur OF.
Les pieds au début, puis on m’a proposé plus d’argent, alors on a fait quelques
séances photos sur d’autres parties de mon corps. Les fans des pieds sont restés,
et ceux des fesses fermes et des petits seins sont arrivés. On m’a proposé encore
plus, alors on a acheté des masques de bal et on a pris des photos. Les fans de
pieds, de fesses et de seins sont restés, ceux des petites blondes vénitiennes aux
yeux verts perçants les ont rejoints.
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Je recevais beaucoup de messages. Des propositions indécentes, des inacceptables et
des envisageables. Des idées originales, un peu coquines ou très cru. Des
interlocuteurs occasionnels et des très réguliers. Il ne supportait pas.
Il a voulu marquer son territoire. On a fait une vidéo ensemble. Simple, banale,
pas forcément dans le ton de ce qu’on proposait.
Les fans n’ont pas apprécié. Ils l’ont fait savoir. Par l’une des caractéristiques
propres de l’humain, par la moquerie. En plus des dizaines de messages journaliers
assez descriptifs de sa performance, que je ne contredis pas, il y avait la perte
de revenu.
Comme une tension soudaine qui brise une chaine, une dispute éclata, après que j’ai
subtilement, légèrement, mais très volontaire abordé le sujet de cette vidéo si peu
rentable pour nous … et il fit ses valises pour rejoindre ses parents à la montagne
quelques jours.
Enfin seule avec moi-même, ma route, mes arbitrages.
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Je pus reprendre les photos classiques, mais efficaces pour des fans moins
nombreux, mais fidèle. Je passais mon temps à répondre à leurs messages. Surtout à
quelques accros, très impliqués. Surtout à un, très impliqué et généreux.
C’était l’un de ceux qui proposaient des idées originales parfois trop et qui me
faisaient céder avec les bons mots et les bons chiffres.
On discuta, il apprit ma situation à la fois financière et personnelle et je crois
qu’il sut saisir l’occasion.
« Avez-vous eu la chance exquise de profiter d’une expérience caudauliste ? » me
demandait-il.
Je répondais que non, avant d’aller chercher la signification du terme.
Rapidement, alors qu’il continuait à acheter mes photos, que je lui faisais entre
deux messages, il m’attira dans son univers, dans son fantasme ultime comme il
l’appelait.
« Puis-je vous en décrire les détails ? »
« Puis-je vous assurer de mon indéfectible sérieux ? »
« Puis-je vous montrer comme chaque seconde de cet instant rêvé est pour moi
l’organe d’un carillon, qu’en fin horloger j’ai confectionné ? Chaque pièce est
minutieusement choisie. Chaque assemblage se fait dans une cohérence et une
élégance rare. Et dont vous êtes l’échappement idéal. »
Je consentais à le lire.
A chacun de ses messages, j’avais des questions sur les zones d’ombres. A chaque
fois, le temps de formuler une question, il avait jeté le flambeau loin devant moi,
éclairant la trace, facilitant le chemin.
« Ils seraient 3. »
« Ils seraient forts, puissants, virils et respectueux »
« Ils seraient testés 48h avant, a maxima »
« Pour que la peur de l’inconnu ne fasse pas ses ravages, nous aurions des codes et
des minuteurs. Des informations personnelles en jeu, prêtes à être divulguées si
votre sécurité ou votre intégrité physique et morale était atteinte. »
« Je ne ferai que diriger et admirer. Vous ne feriez que profiter »
« Votre appartement parisien vous rend douce et chaude. Nous ne pouvons y renoncer
»
Je me permettais un commentaire à cela.
« Je suis à Lyon, désolée. »
Il sembla marquer l’arrêt. Était-il déçu ? Ou fâché ?
« Le premier train est à 5h47, dès demain. »
« Ophélie, parlons ouvertement ! Qu’est-ce qui nous empêche de faire rencontrer nos
envies et nos besoins ? »
Je marquais un temps d’arrêt. Le temps d’une douche, d’un temps à observer la rue
du haut de ma fenêtre. Le froid me faisant apparaitre hors de ma bouche la chaleur
de mon corps, comme une prostituée soufflant sa fumée tabagique la main sur un
panneau de signalisation.
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Le lendemain, j’avais reçu les consignes pour ma sécurité, d’abord. Puis les
consignes pour que tout soit parfait pour moi. Puis surtout les consignes pour que
tout soit parfait pour lui. Il accompagnait chacun de ses messages d’un avis de
virement différent, comme de peur de perdre la bête qu’il venait d’apprivoiser.
L’hygiène, l’épilation, la coiffure, la tenue, le maquillage, la posture, les mots,
les gestes. Même le ménage et le rangement étaient décrits dans ces exigences. Pour
la suite, il voulait simplement le vivre, le voir disait-il.

05h47, ils quittèrent leur ville.


08h13, ils débarquèrent dans la mienne.
08h21, ils s’installèrent dans un taxi, en gentlemans pressés.
08h56, ils atteignirent ma rue.
09h00, j’ouvrais d’une pression de bouton, le sas d’entrée de mon immeuble.
09h03, ils frappèrent à ma porte, au sixième étage.
09h05, nous firent connaissance sans faux semblants, ni honnêteté bruts.
09h13, ma tenue n’était que superficielle dans ce cérémonial.
09h19, malgré la masse, l’un se fit une place en lieu et place de ma langue.
09h28, une bouche pour trois. La pénurie est volontaire.

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10h11, Adrien rentre plus tôt de son voyage parental pour s’excuser et me demander
en mariage, la bague en main.

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