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7 novembre 2020
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Serenissimae Principi Elisabethae

SERENISSIMAE PRINCIPI

ELISABETHAE,

FREDERICI BOHEMIAE REGIS,

COMITIS PALATINI ET ELECTORIS SACRI ROMANI IMPERII, FILIAE


NATU MAXIMAE

SERENISSIMA PRINCEPS,

Maximum fructum percepi scriptorum, quae antehac in lucem edidi, quòd ea perlegere
dignata sis ; quódque eorum occasione in notitiam tuam admissus, tales dotes tuas esse
cognoverim, ut è re gentis humanae esse putem, eas seculis in exemplum proponi. Non
deceret me vel adulari, vel aliquid non satis perspectum affirmare, praesertim hoc in loco,
in quo veritatis fundamenta jacere conaturus sum ; et scio non affectatum ac simplex
Philosophi judicium, generosae modestiae tuae gratius fore, quàm magis exornatas
blandiorum hominum laudationes. Quapropter ea tantùm scribam, quae vera esse ratione
vel experientiâ cognosco, et hîc in exordio eodem modo, ac in toto reliquo libro,
philosophabor. Magnum est discrimen inter veras et apparentes virtutes ; nec non etiam ex
veris inter illas quae ab accuratâ rerum cognitione deveniunt, et illas quae cum aliquâ
ignoratione conjunctae sunt. Per apparentes, intelligo vitia quaedam non valde frequentia,
vitiis aliis notioribus opposita, quae quoniam ab iis magis distant quàm intermediae
virtutes, idcirco magis solent celebrari. Sic quia plures inveniuntur qui pericula timidè
refugiunt, quàm qui se inconsideratè in ipsa conjiciant, vitio timiditatis temeritas tanquam
virtus opponitur, et magis quàm vera fortitudo vulgo aestimatur
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À la Sérénissime Princesse Elisabeth

À la Sérénissime Princesse Elisabeth,


Première Fille
de Frédéric Roi de Bohème,
Comte Palatin et prince-électeur de l’Empire.

A LA SÉRÉNISSIME PRINCESSE ÉLISABETH


Madame1,

Le principal fruit que j’ai reçu des écrits que j’ai ci-devant publiés a été qu’à
leur occasion j’ai eu l’honneur d’être connu de Votre Altesse, et de lui
pouvoir quelquefois parler, ce qui m’a donné moyen de remarquer en elle
des qualités si estimables, et si rares, que je crois que c’est rendre service au
public de les proposer à la postérité pour exemple. J’aurais mauvaise grâce
à flatter, ou bien à écrire des choses dont je n’aurais point de connaissance
certaine, principalement aux premières pages de ce livre, dans lequel je
tâcherai de mettre les principes de toutes les vérités que l’esprit humain
peut savoir. Et la généreuse modestie qui reluit en toutes les actions de
Votre Altesse m’assurent que les discours simples et francs d’un homme
qui n’écrit que ce qu’il croit, vous seront plus agréables que ne seraient les
louanges ornées de termes pompeux et recherchés par ceux qui ont étudié
l’art des compliments. C’est pourquoi je ne mettrai rien en cette lettre dont
l’expérience et la raison ne m’aient rendu certain ; et j’y écrirai en
philosophe ainsi que dans le reste du livre. Il y a beaucoup de différence
entre les vrais vertus et celles qui ne sont qu’apparentes ; et il y en a aussi
beaucoup entre les vraies qui procèdent d’une exacte connaissance de la
vérité, et celles qui sont accompagnées d’ignorance ou d’erreur. Les vertus
que je nomme apparentes ne sont, à proprement parler que des vices, qui,
n’étant pas si fréquents que d’autres vices qui leur sont contraires, ont
coutume d’être plus estimés que les vertus qui consistent en la médiocrité,
dont ces vices opposés sont les excès. Ainsi, à cause qu’il y a bien plus de
personnes qui craignent trop les dangers qu’il n’y en a qui les craignent
trop peu, on prend souvent la témérité pour une vertu ; et elle éclate bien
plus aux occasions que ne fait le vrai courage.
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Serenissimae Principi Elisabethae

sic saepe prodigi pluris fiunt quàm liberales ; sicque nulli facilius ad magnam pietatis
famam perveniunt, quàm superstitiosi vel hypocritae. Inter veras autem virtutes, multae non
à solâ recti cognitione, sed etiam ab errore aliquo nascuntur : sic saepe à simplicitate
bonitas, à metu pietas, à desperatione fortitudo exsurgit. Atque hae ab invicem diversae
sunt, ut etiam diversis nominibus designantur : sed illae purae et sincerae quae ex solâ recti
cognitione profluunt, unam et eandem omnes habent naturam, et sub uno sapientiae nomine
continentur. Quisquis enim firmam et efficacem habet voluntatem rectè semper utendi suâ
ratione quantum in se est, idque omne quod optimum esse cognoscit exsequendi, revera
sapiens est quantum ex naturâ suâ esse potest ; et per hoc unum justitiam, fortitudinem,
temperantiam, reliquasque omnes virtutes habet, sed ita inter se conjunctas, ut nullae supra
caeteras emineant : et idcirco, quamvis multò sint praestantiores iis quae aliquâ vitiorum
misturâ distinctae sunt, quia tamen multitudini minùs sunt notae, non tantis laudibus solent
extolli.

Praeterea cùm duo ad sapientiam ita descriptam requirantur, perceptio scilicet intellectûs et
propensio voluntatis ; ejus quidem quod à voluntate dependet nemo non est capax, sed
quidam aliis multò perspicaciorem habent intellectum. Et quamvis sufficere debeat iis qui
sunt naturâ tardiusculi, quòd etsi multa ignorent, modò tamen firmam et constantem
retineant voluntatem nihil omittendi, quo ad recti cognitionem perveniant, atque id omne
quod rectum judicabunt exsequendi, pro modulo suo sapientes et hoc nomine Deo
gratissimi esse possint : multò tamen praestantiores illi sunt, in quibus cum firmissimâ rectè
agendi voluntate, perspicacissimum ingenium et summa veritatis cognoscendae cura
reperitur. Summam autem esse in Celsitudine tuâ istam curam, ex eo perspicuum est, quòd
nec aulae avocamenta, nec consueta educatio quae puellas ad ignorantiam damnare solet,
impedire potuerint, quominus omnes bonas artes et scientias investigaris. Deinde summa
etiam et incomparabilis ingenii tui perspicacitas ex eo apparet, quòd omnia istarum
scientiarum arcana penitissimè inspexeris, ac brevissimo tempore accuratè cognoveris.
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À la Sérénissime Princesse Elisabeth
Ainsi les prodigues ont coutume d’être plus loués que les libéraux ; et ceux
qui sont véritablement gens de bien n’acquièrent point tant la réputation
d’être dévots que font les superstitieux et les hypocrites.Pour ce qui est des
vraies vertus, elles ne viennent pas toutes d’une vraie connaissance, mais il
y en a qui naissent quelquefois du défaut ou de l’erreur ; ainsi souvent la
simplicité est cause de la bonté, la peur donne de la dévotion et le désespoir
du courage. Or les vertus qui sont ainsi accompagnées de quelque imper-
fection sont différentes entre elles, et on leur a aussi donné divers noms.
Mais celles qui sont si pures et parfaites qu’elles ne viennent que de la seule
connais-sance du bien sont toutes de même nature, et peuvent être
comprises sous le seul nom de la sagesse. Car quiconque a une volonté
ferme et constante d’user toujours de la raison le mieux qu’il est en son
pouvoir, et de faire en toutes ses actions ce qu’il juge être le meilleur, est
véritablement sage autant que sa nature permet qu’il le soit ; et par cela seul
il est juste, courageux, modéré, et a toutes les autres vertus, mais tellement
jointes entre elles qu’il n’y en a aucune qui paraisse plus que les autres ;
c’est pourquoi, encore qu’elles soient beaucoup plus parfaites que celles
que le mélange de quelque défaut fait éclater, toutefois, à cause que le
commun des hommes les remarque moins, on n’a pas coutume de leur
donner tant de louanges.
Outre cela, de deux choses qui sont requises à la sagesse ainsi décrite, à
savoir, que l’entendement connaisse tout ce qui est bien et que la volonté
soit toujours disposée à le suivre, il n’y a que celle qui consiste en la volonté
que tous les hommes peuvent également avoir, d’autant que l’entendement
de quelques uns n’est pas si bon que celui des autres. Mais encore que ceux
qui n’ont pas le plus d’esprit puissent être aussi parfaitement sages que
leur nature le leur permet, et se rendre très agréables à Dieu par leur vertu,
si seulement ils ont tou-jours une ferme résolution de faire tout le bien
qu’ils sauront, et de n’omettre rien pour apprendre celui qu’ils ignorent ;
toutefois ceux qui, avec une constante volonté de bien faire et un soin très
particulier de s’instruire, ont aussi un très excellent esprit, arrivent sans
doute à un plus haut degré de sagesse que les autres. Et je vois que ces trois
choses se trouvent très parfaitement en Votre Altesse. Car, pour le soin
qu’elle a eu de s’instruire, il paraît assez de ce que ni les divertissements de
la cour, ni la façon dont les princesses ont coutume d’être nourries, qui les
détournent entièrement de la connaissance des lettres, n’ont pu empêcher
que vous n’ayez très diligemment étudié tout ce qu’il y a de meilleur dans
les sciences, et l’on connaît l’excellence de votre esprit en ce que vous les
avez parfaitement apprises en fort peu de temps.
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Serenissimae Principi Elisabethae
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À la Sérénissime Princesse Elisabeth

Majusque adhuc ejusdem rei habeo argumentum mihi peculiare, quòd te unam hactenus
invenerim, quae tractatus antehac à me vulgatos perfectè omnes intelligas.

Obscurissimi enim plerisque aliis, etiam maximè ingeniosis, et doctis, esse videntur ; et ferè
omnibus usu venit ut, si versati sint in Metaphysicis, à Geometricis abhorreant ; si verò
Geometriam excoluerint, quae de prima Philosophiâ scripsi non capiant : solum agnosco
ingenium tuum cui omnia aequè perspicua sunt, et quod meritò idcirco incomparabile
appello. Cúmque considero tam variam et perfectam rerum omnium cognitionem non esse
in aliquo Gymnosophista jam sene, qui multos annos ad contemplandum habuerit ; sed in
Principe puellâ, quae formâ et aetate non caesiam Minervam, aut aliquam ex Musis, sed
potiùs Charitem refert, non possum in summam admirationem non rapi. Denique non
tantùm ex parte cognitionis, sed etiam ex parte voluntatis nihil ad absolutam et sublimem
sapientiam requiri, quod non in moribus tuis eluceat, animadverto. Apparet enim in illis
eximia quaedam cum majestate benignitas et mansuetudo, perpetuis fortunae injuriis
lacessita, sed nunquam efferata nec fracta. Haecque ita me sibi devinxit, ut non modò
Philosophiam hanc meam Sapientiae, quam in Te suspiscio, dicandam et consecrandam
putem, (quia nempe ipsa nihil aliud est quàm studium sapientiae,) sed etiam non magis
Philosophus audire velim, quàm

Serenissimae Celsitudinis tuae Devotissimus cultor

DES-CARTES
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Serenissimae Principi Elisabethae

Mais j’en ai encore une autre preuve qui m’est particulière, en ce que je n’ai
jamais rencontré personne qui ait si généralement et si bien entendu tout ce
qui est contenu dans mes écrits.
Car il y en a plusieurs qui les trouvent très obscurs, même entre les
meilleurs esprits et les plus doctes ; et je remarque presque en tous, que
ceux qui conçoivent aisément les choses qui appartiennent aux
mathématiques ne sont nullement propres à entendre celles qui se
rapportent à la métaphysique, et au contraire que ceux à qui celles-ci sont
aisées ne peuvent compren-dre les autres ; en sorte que je puis dire avec
vérité que je n’ai jamais rencontré que le seul esprit de Votre Altesse auquel
l’un et l’autre fût également facile ; et que par conséquent j’ai juste raison
de l’estimer incomparable. Mais ce qui augmente le plus mon admiration,
c’est qu’une si parfaite et si diverse connaissance de toutes les sciences n’est
point en quelque vieux docteur qui ait employé beaucoup d’années à
s’instruire, mais en une princesse encore jeune et dont le visage représente
mieux celui que les poètes ont attribué aux Grâces que celui qu’ils
attribuent aux Muses ou à la savante Minerve. Enfin, je ne remarque pas
seulement en Votre Altesse tout ce qui est requis de la part de l’esprit à la
plus haute et plus excellente sagesse, mais aussi tout ce qui peut être requis
de la part de la volonté ou des mœurs, dans les-quelles on voit la
magnanimité et la douceur jointes ensemble avec un tel tempérament que,
quoique la fortune, en vous attaquant par de continuelles injures, semble
avoir fait tous ses efforts pour vous faire changer d’humeur, elle n’a jamais
pu tant soi peu ni vous irriter ni vous abaisser. Et cette si parfaite sagesse
m’oblige à tant de vénération, que non seulement je pense lui devoir ce
livre, puisqu’il traite de la philosophie qui en est l’étude, mais aussi je n’ai
pas plus de zèle à philosopher, c’est-à-dire à tâcher d’acquérir de la sagesse,
que j’en ai à être,

MADAME, DE VOTRE ALTESSE


Le très humble, très obéissant et très dévot serviteur,

DESCARTES
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

PRINCIPIORUM PHILOSOPHIAE.

PARS PRIMA

DE PRINCIPIIS COGNITIONIS HUMANAE

I, 1. Veritatem inquirenti, semel in uita de omnibus, quantum fieri potest, esse


dubitandum.

Quoniam infantes nati sumus, et uaria de rebus sensibilibus iudicia prius tulimus, quam
integrum nostrae rationis usum haberemus, multis praeiudiciis a ueri cognitione auertimur;
quibus non aliter uidemur posse liberari, quam si semel in uita de iis omnibus studeamus
dubitare, in quibus uel minimam incertitudinis suspicionem reperiemus.

I, 2. Dubia etiam pro falsis habenda.

Quin et illa etiam, de quibus dubitabimus, utile erit habere pro falsis, ut tanto clarius,
quidnam certissimum et cognitu facillimum sit, inueniamus.

I, 3. Hanc interim dubitationem ad usum uitae non esse referendam.

Sed haec interim dubitatio ad solam contemplationem ueritatis est restringenda. Nam
quantum ad usum uitae, quia persaepe rerum agendarum occasio praeteriret, antequam nos
dubiis nostris exsoluere possemus, non raro quod tantum est uerisimile cogimur amplecti;
uel etiam interdum, etsi e duobus unum altero uerisimilius non appareat, alterutrum tamen
eligere.

I, 4. Cur possimus dubitare de rebus sensibilibus.

Nunc itaque, cum tantum ueritati quaerendae incumbamus, dubitabimus inprimis, an ullae
res sensibiles aut imaginabiles existant: primo, quia deprehendimus interdum sensus errare,
ac prudentiae est, nunquam nimis fidere iis, qui nos uel semel deceperunt; deinde, quia
quotidie in somnis innumera uidemur sentire
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

Principes de la Philosophie (1644).

Première Partie.

DES PRINCIPES DE LA CONNAISSANCE HUMAINE

I, 1. À qui cherche la vérité il faut une fois dans la vie, autant que faire se peut,
douter de tout.
Puisque nous sommes nés non parlant et, qu’avant d’avoir le plein usage
de notre raison, nous avons porté des jugements variés sur les choses
perçues par les sens, de nombreux préjugés nous ont détournés de la vraie
connaissance ; et nous ne semblons pouvoir être libérés de ces préjugés pas
autrement qu’en prenant soin une fois dans la vie, de douter de tout ce en
quoi nous trouverions le moindre soupçon même d’incertitude.
I, 2. Le douteux doit même être tenu pour faux.
Que dis-je, il sera utile de tenir pour faux cela même dont nous doutons, de
sorte à trouver beaucoup plus clair ce qui est très certain et très facile à
connaître.
I, 3. En même temps, ce doute ne doit pas se rapporter à la vie courante.
Mais en même temps, ce doute doit se restreindre à la seule contemplation
de la vérité. Car pour ce qui concerne la vie courante, parce que le plus
souvent l’occasion des choses à faire passe avant que nous ayons pu nous
défaire de nos doutes, nous entreprenons de n’embrasser le plus souvent
que ce qui est vraisemblable ; ou aussi parfois, même si de deux doutes l’un
n’apparaît pas plus vraisemblable que l’autre, néanmoins d’en choisir un.
I, 4. Pourquoi nous pouvons douter des choses perçues par les sens.
C’est pourquoi maintenant, comme il nous incombe de rechercher
seulement la vérité, en premier lieu nous douterons si existent toutes les
choses perçues par les sens ou plutôt toutes les choses imaginables ;
d’abord parce que nous surprenons nos sensations conduire parfois à
l’aberration, et il est prudent de ne jamais se trop se fier à ces sensations qui
nous ont trompé, ne serait-ce
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

aut imaginari, quae nusquam sunt; nulla que sic dubitanti signa apparent, quibus somnum a
uigilia certo dignoscat.

I, 5. Cur etiam de Mathematicis demonstrationibus.

Dubitabimus etiam de reliquis, quae antea pro maxime certis habuimus; etiam de
Mathematicis demonstrationibus, etiam de iis principiis, quae hactenus putauimus esse per
se nota: tum quia uidimus aliquando nonnullos errasse in talibus, et quaedam pro
certissimis ac per se notis admisisse, quae nobis falsa uidebantur; tum maxime, quia
audiuimus esse Deum, qui potest omnia, et a quo sumus creati. Ignoramus enim, an forte
nos tales creare uoluerit, ut semper fallamur, etiam in iis quae nobis quam notissima
apparent; quia non minus hoc uidetur fieri potuisse, quam ut interdum fallamur, quod
contingere ante aduertimus. Atque si non a Deo potentissimo, sed uel a nobis ipsis, uel a
quouis alio, nos esse fingamus: quo minus potentem originis nostrae authorem
assignabimus, tanto magis erit credibile, nos tam imperfectos esse, ut semper fallamur.

I, 6. Nos habere liberum arbitrium, ad cohibendum assensum in dubiis, sicque ad errorem


uitandum.

Sed interim, a quocumque tandem simus, et quantumuis ille sit potens, quantumuis fallax,
hanc nihilominus in nobis libertatem esse experimur, ut semper ab iis credendis, quae non
plane certa sunt et explorata, possimus abstinere; atque ita cauere, ne unquam erremus.

I, 7. Non posse a nobis dubitari, quin existamus dum dubitamus ; atque hoc esse primum,
quod ordine philosophando cognoscimus.

Sic autem reiicientes illa omnia, de quibus aliquo modo possumus dubitare, ac etiam falsa
esse fingentes, facile quidem supponimus nullum esse Deum, nullum coelum, nulla
corpora; nosque etiam ipsos non habere manus, nec pedes, nec denique ullum corpus; non
autem ideo nos, qui talia cogitamus, nihil esse: repugnat enim, ut putemus id quod cogitat,
eo ipso tempore quo cogitat,
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
qu’une seule fois ; ensuite parce que tous les jours dans nos songes il nous
semble sentir ou imaginer d’innombrables choses qui ne sont nulle part ; et
ainsi aucun signe n’apparaît à celui qui doute d’où il reconnaîtrait de façon
certaine le songe de la veille.
I, 5. Pourquoi aussi nous pouvons douter des démonstrations mathématiques.
Nous douterons aussi de tout ce que nous tenions auparavant pour le plus
certain du monde ; même des démonstrations mathématiques, même des
principes de ces démonstrations que nous pensions jusque-là être connus
par soi ; tant parce que nous avons vu certains errer parfois en ces
principes, et en avoir admis quelques-uns pour très certains et connus par
soi, qui nous semblaient faux ; tant parce que, plus que tout, nous avons
entendu dire qu’il y a un Dieu qui peut tout, et par qui nous avons été
créés. Nous ignorons en effet s’il n’a pas voulu nous créer tels peut-être que
nous nous trompions toujours, même sur ce qui nous apparaît le plus
connu, parce que cela semble pas moins avoir pu se faire, que de nous
tromper parfois, ce que ci-dessus nous avons remarqué arriver. Et si nous
ne nous figurons pas exister par un Dieu très puissant, mais être par nous-
mêmes ou par quoi que ce soit d’autre, d’autant moins nous assignerons de
puissance à l’auteur de notre origine, d’autant plus nous pourrons croire
que nous sommes si peu parfaits que nous nous trompons toujours.
I, 6. Nous avons un libre arbitre pour retenir l’adhésion aux doutes et ainsi éviter
l’erreur.
Mais en même temps, de qui que ce soit que nous soyons à la fin, et
quelque puissant qu’il soit, quelque trompeur qu’il soit, nous savons
pourtant par expérience que nous avons cette liberté de toujours pouvoir
nous abstenir de croire à ce qui n’est pas entièrement certain et entièrement
exploré, et nous garder ainsi de jamais nous tromper.
I, 7. Nous ne pouvons pas, dans le même temps que nous doutons, mettre en doute
que nous existons ; et c’est la première chose que nous reconnaissons dans l’ordre
du philosopher.
Ainsi aussi en rejetant tout ce dont nous pouvons douter en quelque
manière, et aussi en nous représentant que c’est faux, facilement
assurément nous supposerons qu’il n’y a nul Dieu, nul ciel, nul corps ; et
que nous-mêmes aussi n’avons pas de mains, ni de pieds, ni enfin de
corps ; néanmoins nous qui pensons de telles choses ne sommes pas pour
cela, rien : car il répugne de penser, que ce qui pense, dans le même temps
qu’il pense,
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

non existere. Ac proinde haec cognitio: Ego cogito, ergo sum est omnium prima et
certissima, quae cuilibet ordine philosophanti occurrat.

I, 8. Distinctionem inter animam et corpus, siue inter rem cogitantem et corpoream, hinc
agnosci.

Haecque optima uia est ad mentis naturam, eiusque a corpore distinctionem, agnoscendam.
Examinantes enim quinam simus nos, qui omnia quae a nobis diuersa sunt supponimus
falsa esse, perspicue uidemus, nullam extensionem, nec figuram, nec motum localem, nec
quid simile, quod corpori sit tribuendum, ad naturam nostram pertinere, sed cogitationem
solam, quae proinde prius et certius quam ulla res corporea cognoscitur; hanc enim iam
percepimus, de aliis autem adhuc dubitamus.

I, 9. Quid sit cogitatio.

Cogitationis nomine, intelligo illa omnia, quae nobis consciis in nobis fiunt, quatenus
eorum in nobis conscientia est. Atque ita non modo intelligere, uelle, imaginari, sed etiam
sentire, idem est hic quod cogitare. Nam si dicam, ego uideo, uel ego ambulo, ergo sum; et
hoc intelligam de uisione, aut ambulatione, quae corpore peragitur, conclusio non est
absolute certa; quia, ut saepe fit in somnis, possum putare me uidere, uel ambulare,
quamuis oculos non aperiam, et loco non mouear, atque etiam forte, quamuis nullum
habeam corpus. Sed si intelligam de ipso sensu siue conscientia uidendi aut ambulandi,
quia tunc refertur ad mentem, quae sola sentit siue cogitat se uidere aut ambulare, est plane
certa.

I, 10. Quae simplicissima sunt et per se nota, definitionibus Logicis obscuriora reddi ; et
talia inter cognitiones studio acquisitas non esse numeranda.

Non hic explico alia multa nomina, quibus iam usus sum, uel utar in sequentibus, quia per
se satis nota mihi uidentur. Et saepe aduerti Philosophos in hoc errare, quod ea, quae
simplicissima erant ac per se nota, Logicis definitionibus explicare conarentur; ita enim ipsa
obscuriora reddebant.
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
n’existe pas. Et par suite cette connaissance, moi je pense, donc je suis, est,
de toutes, la première et la plus certaine qui arrive à chacun dans l’ordre du
philosopher.
I, 8. Par-là est reconnue la distinction entre l’âme et le corps autrement dit entre
une chose qui pense2 et une chose corporelle.
Et cette voie est la meilleure pour connaître la nature de l’esprit et la
distinction de l’esprit et du corps. Car en examinant qui donc nous
sommes, nous qui supposons que tout ce qui est différent de nous est faux,
nous voyons très clairement qu’aucune étendue, ni aucune figure, ni aucun
mouvement local, ni quoi que ce soit de semblable qui doit être attribué au
corps, n’appartiennent à notre nature, mais seule la pensée, qui par suite est
reconnue première et plus certaine qu’aucune chose corporelle ; car nous
percevons déjà cette pensée, du reste toutefois nous doutons encore.
I, 9. Ce qu’est la pensée.
Par le nom de pensée j’entends, nous conscients, tout ce qui se fait en nous
en tant que nous en avons conscience 3. Et ainsi non seulement comprendre,
vouloir, imaginer, mais encore sentir, est la même chose ici que penser. Car
si je dis, moi je vois, ou moi je marche, donc je suis, et que j’entends cela de
la vision ou de la marche qui sont entièrement conduites par le corps, la
conclusion n’est pas absolue ; parce que comme il se fait souvent dans le
songe, je peux penser que je vois, ou que je marche même si je n’ouvre pas
les yeux et ne me déplace pas dans un lieu ; même si je n’ai pas de corps.
Mais si je l’entends de cette sensation même, autrement dit de cette
conscience de voir, ou de marcher, parce qu'alors elle se rapporte à l’esprit,
qui seul sent, autrement dit pense qu’il voit ou qu’il marche, elle est
absolument certaine.
I, 10. Ce qui est très simple et connu par soi, est rendu obscur par les définitions
des Logiciens ; et de telles choses ne doivent pas être prises en compte, parmi les
connaissances acquises par l’étude.
Je n’explique pas ici beaucoup d’autres noms que j’ai déjà utilisés ou que
j’utiliserai par la suite parce qu'ils me semblent suffisamment connus par
soi. Et j’ai souvent remarqué que les philosophes errent en ce qu’ils essaient
d’expliquer ce qui est très simple, et connu par soi, par les définitions des
Logiciens ; ils le rendent ainsi en réalité plus obscurs.
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

Atque ubi dixi hanc propositionem: Ego cogito, ergo sum esse omnium primam et
certissimam, quae cuilibet ordine philosophanti occurrat, non ideo negaui quin ante ipsam
scire oporteat, quid sit cogitatio, quid existentia, quid certitudo; item, quod fieri non possit,
ut id quod cogitet non existat, et talia; sed quia hae sunt simplicissimae notiones, et quae
solae nullius rei existentis notitiam praebent, idcirco non censui esse numerandas.

I, 11. Quomodo mens nostra notior sit quam corpus.

Iam uero ut sciatur, mentem nostram non modo prius et certius, sed etiam euidentius quam
corpus cognosci, notandum est, lumine naturali esse notissimum, nihili nullas esse
affectiones siue qualitates; atque ideo ubicumque aliquas deprehendimus, ibi rem siue
substantiam, cuius illae sint, necessario inueniri; et quo plures in eadem re siue substantia
deprehendimus, tanto clarius nos illam cognoscere. Plura uero in mente nostra, quam in ulla
alia re a nobis deprehendi, ex hoc manifestum est, quod nihil plane efficiat, ut aliquid aliud
cognoscamus, quin idem etiam multo certius in mentis nostrae cognitionem nos adducat. Ut
si terram iudico existere, ex eo quod illam tangam uel uideam, certe ex hoc ipso adhuc
magis mihi iudicandum est mentem meam existere: fieri enim forsan potest, ut iudicem me
terram tangere, quamuis terra nulla existat; non autem, ut id iudicem, et mea mens quae id
iudicat nihil sit; atque ita de caeteris.

I, 12. Cur non omnibus aeque innotescat.

Nec aliam ob causam aliter uisum est iis, qui non ordine philosophati sunt, quam quia
mentem a corpore nunquam satis accurate distinxerunt. Et quamuis sibi certius esse
putarint, se ipsos existere, quam quidquam aliud, non tamen aduerterunt, per se ipsos,
mentes solas hoc in loco fuisse intelligendas; sed contra potius intellexerunt sola sua
corpora, quae oculis uidebant, et manibus palpabant, quibusque uim sentiendi perperam
tribuebant; hocque ipsos a mentis natura percipienda auocauit.
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
Et quand j’ai dit que cette proposition moi je pense, donc je suis, est la
première et la plus certaine de toutes qui arrive à chacun dans l’ordre du
philosopher, je n’ai pas nié pour cela qu’avant cette proposition même il
convenait de savoir ce qu’est la pensée, ce qu’est l’existence, ce qu’est la
certitude ; de même qu’il ne peut pas se faire que ce qui pense n’existe pas,
et choses telles ; mais parce que ces notions sont très simples et qu’isolées
elles ne fournissent la connaissance d’aucune chose qui existe, j’ai jugé pour
cette raison qu’elles ne devaient pas être prises en compte.
I, 11. Comment notre esprit se connaît mieux que notre corps.
Maintenant en vérité pour savoir que notre esprit est reconnu non
seulement premier et plus certain, mais encore plus évident, que notre
corps, il faut noter que la lumière naturelle fait parfaitement connaître
qu’au rien n’appartient aucune affection autrement dit qualité ; si bien que
partout où nous en saisissons quelqu’une, là se trouve nécessairement une
chose, autrement dit une substance à laquelle appartient cette affection ; et
plus nous saisissons d’affections de cette même chose ou encore substance,
plus nous la connaissons clairement. En vérité nous saisissons un plus
grand nombre de choses dans notre esprit que dans aucune autre chose ; de
là est manifeste qu’absolument rien ne se fait, pour connaître quelque autre
chose, sans que la même chose aussi ne nous conduise de façon beaucoup
plus certaine dans la connaissance de notre esprit. Comme si je juge que, de
ce que je la touche ou la vois, la terre existe, de cela même je dois davantage
encore juger que mon esprit existe ; car il peut se faire peut-être que je juge
toucher la terre, bien que nulle terre n’existe ; non toutefois, que moi qui
juge cela et que mon esprit qui juge cela, ne soient rien ; et ainsi du reste.
I, 12. Pourquoi l’esprit n’est pas pareillement connu par tous.
Et pour ceux qui n’ont pas philosophé dans l’ordre c’est, semble-t-il, pour
nulle autre raison que parce qu'ils n’ont jamais assez soigneusement
distingué l’esprit d’avec le corps. Et bien qu’ils aient pensé être plus
certains qu’eux-mêmes existaient que tout autre chose, néanmoins ils n’ont
pas remarqué que par eux-mêmes, ils devaient entendre à cet endroit, leurs
seuls esprits ; mais ils ont plutôt entendu au contraire leurs seuls corps,
qu’ils voyaient de leurs yeux et palpaient de leurs mains et auxquels ils
attribuaient une force inconsidérée de sentir ; et cela les a justement
éloignés de la nature qu’il leur fallait percevoir, de l’esprit.
287
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

I, 13. Quo sensu reliquarum rerum cognitio a Dei cognitione dependeat.

Cum autem mens, quae se ipsam nouit, et de aliis omnibus rebus adhuc dubitat, undiquaque
circumspicit, ut cognitionem suam ulterius extendat: primo quidem inuenit apud se
multarum rerum ideas, quas quamdiu tantum contemplatur, nihilque ipsis simile extra se
esse affirmat nec negat, falli non potest. Inuenit etiam communes quasdam notiones, et ex
his uarias demonstrationes componit, ad quas quamdiu attendit, omnino sibi persuadet esse
ueras. Sic, exempli causa, numerorum et figurarum ideas in se habet, habetque etiam inter
communes notiones, quod si aequalibus aequalia addas, quae inde exsurgent erunt aequalia,
et similes; ex quibus facile demonstratur, tres angulos trianguli aequales esse duobus rectis,
etc; ac proinde haec et talia sibi persuadet uera esse, quamdiu ad praemissas, ex quibus ea
deduxit, attendit. Sed quia non potest semper ad illas attendere, cum postea recordatur se
nondum scire, an forte talis naturae creata sit, ut fallatur etiam in iis quae ipsi euidentissima
apparent, uidet se merito de talibus dubitare, nec ullam habere posse certam scientiam,
priusquam suae authorem originis agnouerit.

I, 14. Ex eo quod existentia necessaria in nostro de Deo conceptu contineatur, recte


concludi Deum existere.

Considerans deinde inter diuersas ideas, quas apud se habet, unam esse entis summe
intelligentis, summe potentis et summe perfecti, quae omnium longe praecipua est, agnoscit
in ipsa existentiam, non possibilem et contingentem tantum, quemadmodum in ideis
aliarum omnium rerum, quas distincte percipit, sed omnino necessariam et aeternam. Atque
ut ex eo quod, exempli causa, percipiat in idea trianguli necessario contineri, tres eius
angulos aequales esse duobus rectis, plane sibi persuadet triangulum tres angulos habere
aequales duobus rectis: ita ex eo solo quod percipiat existentiam necessariam et aeternam in
entis summe perfecti idea contineri, plane concludere debet ens summe perfectum existere.
288
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
I, 13. En quel sens la connaissance du reste des choses dépend de la connaissance
de Dieu.
Et quand l’esprit qui se connaît lui-même et doute encore de toutes les
autres choses, regarde partout autour de lui pour étendre sa connaissance
plus avant, assurément il trouve en lui-même en premier les idées d’un très
grand nombre de choses ; et aussi longtemps qu’il contemple seulement ces
idées, et qu’il affirme ou nie que rien de semblable à ces idées ne se trouve
en réalité hors de lui, il ne peut se tromper. Il trouve aussi certaines notions
communes, et de celles-ci, aussi longtemps qu’il s’y applique, compose
diverses démonstrations dont il se persuade qu’elles sont absolument
vraies. Ainsi par exemple il a en lui les idées des nombres et des figures, et
il a aussi parmi les notions communes que si tu ajoutes des choses égales à
des choses égales, en naîtront des choses égales, et des choses semblables
d’où se démontre facilement que les trois angles d’un triangle sont égaux à
deux droits, etc. ; par suite il se persuade que cela, et les choses semblables,
sont vrais aussi longtemps qu’il prête attention aux prémisses dont il les a
déduits. Mais parce qu'il ne peut pas toujours être dans l’application de ces
démonstrations, quand plus tard il se rappelle ne pas savoir encore s’il n’a
pas été créé par hasard d’une nature telle à se tromper aussi en ce qui lui
paraît précisément le plus clair, à juste titre il lui semblera douter de telles
choses et ne pouvoir avoir aucune science certaine avant d’avoir connu
l’auteur de son origine.
I, 14. De ce que l’existence nécessaire est contenue dans notre concept de Dieu, se
conclut droitement que Dieu existe.
Considérant ensuite parmi les diverses idées qu’il a en lui, celle que se
trouve un étant suprêmement intelligent, suprêmement puissant et
suprêmement parfait, qui de loin est la principale de toutes, il reconnaît en
elle précisément, l’existence ; non l’existence possible et contingente
seulement, comme dans les idées de toutes les autres choses qu’il conçoit
distinctement, mais l’existence absolument nécessaire et éternelle. Et de la
même manière par exemple que de ce qu’il perçoit qu’est nécessairement
contenu dans l’idée du triangle que ses trois angles sont égaux à deux
droits, il se persuade pleinement qu’un triangle a trois angles égaux à deux
droits ; de même, de cela seul qu’il perçoit que l’existence nécessaire et
éternelle est contenue dans l’idée de l’étant suprêmement parfait, il doit
conclure absolument que l’étant suprêmement parfait existe.
289
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

I, 15. Non eodem modo in aliarum rerum conceptibus existentiam necessariam, sed
contingentem duntaxat contineri.

Magisque hoc credet, si attendat nullius alterius rei ideam apud se inueniri, in qua eodem
modo necessariam existentiam contineri animaduertat. Ex hoc enim intelliget, istam ideam
entis summe perfecti non esse a se effictam, nec exhibere chimericam quandam, sed ueram
et immutabilem naturam, quaeque non potest non existere, cum necessaria existentia in ea
contineatur.

I, 16. Praeiudicia impedire, quominus ista necessitas existentiae Dei ab omnibus clare
cognoscatur.

Hoc, inquam, facile credet mens nostra, si se prius omnino praeiudiciis liberarit. Sed quia
sumus assueti reliquis omnibus in rebus essentiam ab existentia distinguere, atque etiam
uarias ideas rerum, quae nusquam sunt, aut fuerunt, ad arbitrium effingere, facile contingit,
cum in entis summe perfecti contemplatione non sumus plane defixi, ut dubitemus an forte
eius idea una sit ex iis, quas ad arbitrium effinximus, aut saltem ad quarum essentiam
existentia non pertinet.

I, 17. Quo cuiusque ex nostris ideis obiectiua perfectio maior est, eo eius causam esse debere
maiorem.

Ulterius uero considerantes ideas quas in nobis habemus, uidemus quidem illas, quatenus
sunt quidam modi cogitandi, non multum a se mutuo differre, sed quatenus una unam rem,
alia aliam repraesentat, esse ualde diuersas; et quo plus perfectionis obiectiuae in se
continent, eo perfectiorem ipsarum causam esse debere. Nam quemadmodum, si quis in se
habet ideam alicuius machinae ualde artificiosae, merito quaeri potest quaenam sit causa a
qua illam habet: an nempe uiderit alicubi talem machinam ab alio factam; an mechanicas
scientias tam accurate didicerit, anue tanta sit in eo ingenii uis, ut ipsam nullibi unquam
uisam per se excogitare potuerit? Totum enim artificium quod in idea illa obiectiue tantum
siue tanquam in imagine continetur, debet in eius causa, qualiscumque
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
I, 15. L’existence nécessaire n’est pas contenue de la même manière dans les
concepts des autres choses, mais est contenue seulement une existence contingente.
Et il tiendra cela encore plus vrai s’il prête attention à ce qu’en lui ne se
trouve l’idée d’aucune autre chose où il reconnaît être contenue de la même
manière l’existence nécessaire. De là en effet il comprend que cette idée
d’un étant suprêmement parfait, n’est pas par soi une fiction, ni ne produit
quelque chimère mais une nature vraie et immuable, et il comprend qu’elle
ne peut pas ne pas exister, puisqu’en elle est contenue l’existence
nécessaire.
I, 16. Des préjugés empêchent que cette nécessité de l’existence de Dieu soit
clairement reconnue par tous.
Cela, dis-je, notre esprit le juge facilement vrai s’il se libère absolument au
préalable de ses préjugés. Mais parce que nous sommes accoutumés à
distinguer dans toutes les autres choses, l’essence de l’existence, et aussi à
nous figurer à plaisir des idées variées de choses qui ne sont nullement ou
n’ont jamais été, il peut facilement se faire, quand nous ne sommes pas
entièrement absorbés dans la contemplation de l’étant suprêmement
parfait, que nous nous demandions si l’idée que nous avons de lui ne serait
pas peut-être l’une de celles que nous nous figurons à plaisir, ou du moins
l’une de celles à l’essence desquelles n’appartient pas l’existence.
I, 17. Plus grande est la perfection objective de chacune de nos idées, plus grande
doit être sa cause.
En vérité en considérant plus avant les idées que nous avons en nous, nous
voyons certainement qu’en tant qu’elles sont des manières de penser elles
ne diffèrent pas beaucoup les unes des autres, mais c’est en tant que l’une
représente telle chose, l’autre telle autre chose, qu’elles sont fort
différentes ; et plus elles contiennent en elles de perfection objective plus
leur cause justement doit être parfaite. Car de même que si quelqu’un a en
lui l’idée de quelque machine fort ingénieuse, à juste titre il peut se
demander qu’elle est la cause d’où il tient cette idée n’est-ce pas : a-t-il vu
en quelque autre endroit une telle machine faite par quelqu’un d’autre ? a-
t-il appris les sciences mécaniques si soigneusement ? ou bien a-t-il un
génie d’une force si grande qu’il a pu la cogiter de lui-même en ne l’ayant
jamais vue nulle part ? Car tout l’artifice qui est contenu dans cette idée de
façon seulement objective, autrement dit comme en une image, doit être
contenu dans sa cause, quelle
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

tandem sit, non tantum obiectiue siue repraesentatiue, saltem in prima et praecipua, sed
reipsa formaliter aut eminenter contineri.

I, 18. Hinc rursus concludi Deum existere.

Sic, quia Dei siue entis summi ideam habemus in nobis, iure possumus examinare a
quanam causa illam habeamus; tantamque in ea immensitatem inueniemus, ut plane ex eo
simus certi, non posse illam nobis fuisse inditam, nisi a re in qua sit reuera omnium
perfectionum complementum, hoc est, nisi a Deo realiter existente. Est enim lumine
naturali notissimum, non modo a nihilo nihil fieri; nec id quod est perfectius ab eo quod est
minus perfectum, ut a causa efficiente et totali, produci; sed neque etiam in nobis ideam
siue imaginem ullius rei esse posse, cuius non alicubi, siue in nobis ipsis, siue extra nos,
Archetypus aliquis, omnes eius perfectiones reipsa continens, existat. Et quia summas illas
perfectiones, quarum ideam habemus, nullo modo in nobis reperimus, ex hoc ipso recte
concludimus eas in aliquo a nobis diuerso, nempe in Deo, esse, uel certe aliquando fuisse;
ex quo euidentissime sequitur, ipsas adhuc esse.

I, 19. Etsi Dei naturam non comprehendamus, eius tamen perfectiones omni alia re clarius
a nobis cognosci.

Hocque satis certum est et manifestum, iis qui Dei ideam contemplari summasque eius
perfectiones aduertere sunt assueti. Quamuis enim illas non comprehendamus, quia scilicet
est de natura infiniti ut a nobis, qui sumus finiti, non comprehendatur, nihilominus tamen
ipsas clarius et distinctius quam ullas res corporeas intelligere possumus, quia cogitationem
nostram magis implent, suntque simpliciores, nec limitationibus ullis obscurantur.
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
qu’elle soit finalement, non seulement de façon objective autrement dit
représentative, dans la première et principale au moins, mais réellement de
façon formelle ou éminente.
I, 18. De là une nouvelle fois se conclut que Dieu existe.
Ainsi parce que nous avons en nous l’idée de Dieu autrement dit de l’étant
suprême, nous pouvons de plein droit examiner par quelle cause en effet
nous avons cette idée ; et nous trouvons en elle une telle immensité, que de
là nous sommes absolument certains qu’elle ne peut avoir été mise en nous
que par une chose dans laquelle en vérité est la complétude de toutes les
perfections, c’est-à-dire par une chose qui existe réellement par Dieu. Car la
lumière naturelle fait parfaitement connaître, non seulement que rien ne se
fait depuis rien, et que ce qui est plus parfait ne peut pas se produire à
partir de ce qui est moins parfait comme par une cause efficiente et
complète, mais aussi qu’en nous ne peut être l’idée, autrement dit l’image,
d’aucune chose d’où n’existe quelque part, soit en nous mêmes, soit en
dehors de nous, quelque archétype contenant réellement toutes ses
perfections. Et parce qu’en aucune manière nous ne trouvons en nous ces
suprêmes perfections dont nous avons les idées, de cela même nous
concluons justement qu’elles ont été en quelque chose de différent de nous,
à savoir en Dieu, ou s’y sont certainement trouvées un jour ; d’où suit avec
la plus grande évidence qu’elles s’y trouvent en réalité encore.
I, 19. Même si nous ne saisissons pas la nature de Dieu, nous reconnaissons
néanmoins ses perfections plus clairement que toute autre chose.
Et cela est suffisamment certain et manifeste à ceux qui sont accoutumés à
contempler l’idée de Dieu et à observer ses plus hautes perfections. Car
même si nous ne saisissons pas ces perfections, parce qu’évidemment il
appartient à la nature de l’infini que nous, qui sommes finis, ne les
saisissions pas, néanmoins nous pouvons pourtant comprendre ces
perfections plus clairement et plus distinctement que toute autre chose
corporelle, parce qu’elles emplissent plus grandement notre pensée,
qu’elles sont assez simples, et qu’aucune limite ne les rend obscures.
293
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

I, 20. Nos non a nobis ipsis, sed a Deo factos, eumque proinde existere.

Quia uero non omnes hoc aduertunt, atque etiam quia non, quemadmodum habentes ideam
artificiosae alicuius machinae scire solent undenam illam acceperint, ita etiam recordamur
ideam Dei nobis aliquando a Deo aduenisse, utpote quam semper habuimus: quaerendum
adhuc est, a quonam simus nos ipsi, qui summarum Dei perfectionum ideam in nobis
habemus. Nam certe est lumine naturali notissimum, eam rem, quae nouit aliquid se
perfectius, a se non esse: dedisset enim ipsa sibi omnes perfectiones, quarum ideam in se
habet; nec proinde etiam posse ab ullo esse, qui non habeat in se omnes illas perfectiones,
hoc est, qui non sit Deus.

I, 21. Existentiae nostrae durationem sufficere, ad existentiam Dei demonstrandam.

Nihilque huius demonstrationis euidentiam potest obscurare, modo attendamus ad temporis


siue rerum durationis naturam; quae talis est, ut eius partes a se mutuo non pendeant, nec
unquam simul existant; atque ideo ex hoc quod iam simus, non sequitur nos in tempore
proxime sequenti etiam futuros, nisi aliqua causa, nempe eadem illa quae nos primum
produxit, continuo ueluti reproducat, hoc est, conseruet. Facile enim intelligimus nullam
uim esse in nobis, per quam nos ipsos conseruemus; illumque in quo tanta est uis, ut nos a
se diuersos conseruet, tanto magis etiam se ipsum conseruare, uel potius nulla ullius
conseruatione indigere, ac denique Deum esse.

I, 22. Ex nostro modo existentiam Dei cognoscendi, omnia eius attributa naturali ingenii
ui cognoscibilia simul cognosci.

Magna autem in hoc existentiam Dei probandi modo, per eius scilicet ideam, est
praerogatiua: quod simul quisnam sit, quantum naturae nostrae fert infirmitas, agnoscamus.
Nempe ad eius ideam nobis ingenitam respicientes, uidemus illum esse aeternum,
omniscium, omnipotentem, omnis bonitatis ueritatisque fontem, rerum omnium creatorem,
ac denique illa omnia in se habentem, in quibus
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
I, 20. Nous ne sommes pas faits par nous-mêmes mais par Dieu, et par suite lui-
même existe.
Parce qu’en vérité tous n’ont pas pris garde à cela, et aussi parce que, de
même qu’ayant l’idée d’une certaine machine très ingénieuse ils n’ont pas
l’habitude de savoir en effet d’où ils ont reçu cette idée, de même nous
aussi ayant l’idée de Dieu, nous ne souvenons pas qu’elle a été mise un jour
en nous par Dieu, vu que nous l’avons toujours eue ; il faut encore se
demander en effet d’où nous sommes, nous qui avons précisément en nous
l’idée des plus hautes perfections de Dieu. Car certainement la lumière
naturelle fait très bien reconnaître que, cette chose qui connaît quelque
chose de plus parfait que soi, n’est pas par soi ; car elle se donnerait sinon
toutes les perfections dont elle a en elle l’idée ; et par suite aussi elle ne
pourrait être par aucune chose qui n’ait pas en soi toutes ces perfections,
c’est-à-dire qui ne soit pas Dieu.
I, 21. La durée de notre existence suffit à démontrer l’existence de Dieu.
Rien ne peut obscurcir l’évidence de cette démonstration, pourvu que nous
prêtions attention à la nature du temps autrement dit de la durée des
choses ; et cette durée des choses est telle que ses parties ne dépendent pas
les unes des autres et que jamais elles n’existent ensemble ; si bien que de ce
que déjà nous sommes, ne suit pas que nous serons aussi dans le temps le
plus proche qui suit, à moins que quelque cause, savoir celle-là même qui
nous a produit en premier, nous reproduise pour ainsi dire continûment,
c’est-à-dire nous conserve. Facilement en effet nous comprenons que nulle
force n’est en nous qui nous conserverait nous précisément ; et celui en qui
la force est si grande qu’il nous conserve différents de lui, est d’autant plus
grand aussi qu’il se conserve lui-même, ou plutôt n’a nul besoin d’aucune
conservation en rien, et qui enfin est Dieu.
I, 22. Par notre manière de connaître l’existence de Dieu, tous ses attributs sont
reconnus en même temps connaissables par la force naturelle de sa vertu.
Cependant, dans cette manière de prouver l’existence de Dieu, savoir par
son idée, se trouve la grande prérogative pour nous, autant que le supporte
la faiblesse de notre nature, de savoir en même temps qui il est. En tournant
n’est-ce pas notre regard vers son idée qui est innée en nous, nous voyons
qu’il est éternel, tout sachant, tout puissant, source de toute bonté et de
toute vérité, créateur de toutes choses, et enfin qu’il a en lui tout ce en quoi
nous
295
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

aliquam perfectionem infinitam, siue nulla imperfectione terminatam, clare possumus


aduertere.

I, 23. Deum non esse corporeum, nec sentire ut nos, nec uelle malitiam peccati.

Nam sane multa sunt, in quibus etsi nonnihil perfectionis agnoscamus, aliquid tamen etiam
imperfectionis siue limitationis deprehendimus; ac proinde competere Deo non possunt. Ita
in natura corporea, quia simul cum locali extensione diuisibilitas includitur, estque
imperfectio esse diuisibilem, certum est, Deum non esse corpus. Et quamuis in nobis
perfectio quaedam sit, quod sentiamus, quia tamen in omni sensu passio est, et pati est ab
aliquo pendere, nullo modo Deum sentire putandum est, sed tantummodo intelligere et
uelle: neque hoc ipsum ut nos, per operationes quodammodo distinctas, sed ita ut, per
unicam, semperque eandem et simplicissimam actionem, omnia simul intelligat, uelit et
operetur. Omnia, inquam, hoc est, res omnes: neque enim uult malitiam peccati, quia non
est res.

I, 24. A Dei cognitione ad creaturarum cognitionem perueniri, recordando eum esse


infinitum, et nos finitos.

Iam uero, quia Deus solus omnium quae sunt aut esse possunt uera est causa, perspicuum
est optimam philosophandi uiam nos sequuturos, si ex ipsius Dei cognitione rerum ab eo
creatarum explicationem deducere conemur, ut ita scientiam perfectissimam, quae est
effectuum per causas, acquiramus. Quod ut satis tuto et sine errandi periculo aggrediamur,
ea nobis cautela est utendum, ut semper quam maxime recordemur, et Deum authorem
rerum esse infinitum, et nos omnino finitos.

I, 25. Credenda esse omnia quae a Deo reuelata sunt, quamuis captum nostrum excedant.

Ita si forte nobis Deus de se ipso uel aliis aliquid reuelet, quod naturales ingenii nostri uires
excedat, qualia iam sunt mysteria Incarnationis et Trinitatis, non recusabimus illa credere,
quamuis non clare intelligamus.
296
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
pouvons clairement observer une certaine perfection infinie, autrement dit
limitée par aucune imperfection.
I, 23. Dieu n’est pas corporel, ni ne sent comme nous, ni ne veut la malice du
péché.
Car sainement il y a beaucoup de choses dans lesquelles, même si nous
reconnaissons quelque perfection, nous saisissons pourtant aussi de
l’imperfection autrement dit de la délimitation ; et par conséquent elles ne
peuvent pas aboutir au même point que Dieu. Ainsi dans la nature
corporelle, parce que la divisibilité est incluse ensemble avec l’extension
locale, et qu’être divisible est une imperfection, il est certain que Dieu n’est
pas un corps. Et, bien qu’en nous se trouve quelque perfection et que cela
nous le sentions, toutefois parce qu’en chaque sensation se trouve une
passion et que pâtir c’est dépendre de quelque chose, en aucune manière il
ne faut penser que Dieu sent mais seulement qu’il comprend et veut, et cela
lui-même non comme nous par des opérations en quelque manière
distinctes, mais de telle sorte que par une action unique, toujours la même
et la plus simple qui soit, à la fois il comprend, veut et fait tout. Tout, dis-je,
c’est-à-dire toutes les choses ; car il ne veut pas la malice du péché, parce
que ce n’est pas une chose.
I, 24. De la connaissance de Dieu nous sommes parvenus à la connaissance des
créatures, en nous souvenant que lui est infini et nous finis.
Maintenant en vérité parce que Dieu seul est la vraie cause de tout ce qui
est, ou de tout ce qui peut être, il est très clair que pour philosopher nous
suivrons la meilleure voie si nous entreprenons de déduire, à partir de la
connaissance de Dieu même, l’explication des choses qu’il a créées, afin
d’acquérir ainsi la science la plus parfaite, qui est l’explication des effets par
les causes. Et pour l’aborder suffisamment en sécurité et sans risque de
nous égarer, il nous faut en user avec prudence de sorte à nous souvenir le
plus possible, et que Dieu auteur des choses est infini, et que nous nous
sommes absolument finis.
I, 25. Doit être tenu pour vrai tout ce qui est révélé par Dieu, même si cela excède
notre capacité.
Ainsi si Dieu par hasard nous révèle quelque chose de lui-même ou
d’autres choses, qui excèdent les forces naturelles de notre nature, tels sont
maintenant les mystères de l’incarnation et de la trinité, nous ne refuserons
pas de les croire, même si nous ne les comprenons pas clairement. Et en
297
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

Nec ullo modo mirabimur multa esse, tum in immensa eius natura, tum etiam in rebus ab eo
creatis, quae captum nostrum excedant.

I, 26. Nunquam disputandum esse de infinito, sed tantum ea in quibus nullos fines
aduertimus, qualia sunt extensio mundi, diuisibilitas partium materiae, numerus
stellarum, etc, pro indefinitis habenda.

Ita nullis unquam fatigabimur disputationibus de infinito. Nam sane, cum simus finiti,
absurdum esset nos aliquid de ipso determinare, atque sic illud quasi finire ac
comprehendere conari. Non igitur respondere curabimus iis, qui quaerunt an, si daretur
linea /15/ infinita, eius media pars esset etiam infinita; uel an numerus infinitus sit par anue
impar, et talia: quia de iis nulli uidentur debere cogitare, nisi qui mentem suam infinitam
esse arbitrantur. Nos autem illa omnia, in quibus sub aliqua consideratione nullum finem
poterimus inuenire, non quidem affirmabimus esse infinita, sed ut indefinita spectabimus.
Ita, quia non possumus imaginari extensionem tam magnam, quin intelligamus adhuc
maiorem esse posse, dicemus magnitudinem rerum possibilium esse indefinitam. Et quia
non potest diuidi aliquod corpus in tot partes, quin [&] singulae adhuc ex his partibus
diuisibiles intelligantur, putabimus quantitatem esse indefinite diuisibilem. Et quia non
potest fingi tantus stellarum numerus, quin plures adhuc a Deo creari potuisse credamus,
illarum etiam numerum indefinitum supponemus; atque ita de reliquis.

I, 27. Quae differentia sit inter indefinitum et infinitum.

Haecque indefinita dicemus potius quam infinita: tum ut nomen infiniti soli Deo
reseruemus, quia in eo solo omni ex parte, non modo nullos limites agnoscimus, sed etiam
positiue nullos esse intelligimus; tum etiam, quia non eodem modo positiue intelligimus
alias res aliqua ex parte limitibus carere, sed negatiue tantum earum limites, si quos
habeant, inueniri a nobis non posse confitemur.

I, 28. Non causas finales rerum creatarum, sed efficientes esse examinandas.

Ita denique nullas unquam rationes, circa res naturales


298
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
aucune façon nous ne nous étonnerons que les choses soient nombreuses à
excéder notre capacité, tant dans sa nature immense, tant aussi dans les
choses créées par lui.
I, 26. Jamais ne doit être disputé de l’infini, mais seulement de ce en quoi nous ne
remarquons aucune fin – tels, l’étendue du monde, la divisibilité des parties de la
matière, le nombre d’étoiles, etc. - qui doivent être tenus pour indéfinis.
Ainsi jamais nous ne nous fatiguerons en aucune dispute sur l’infini. Car
sainement, comme nous sommes finis, il serait absurde que nous
déterminions quelque chose sur cet infini même, et que nous nous
efforcions pour ainsi dire de l’embrasser et de le circonscrire. Nous
prendrons soin donc de ne pas répondre à ceux qui demandent, dans le cas
où serait donnée une ligne infinie, si sa moitié aussi est infinie, et si le
nombre infini est pair ou impair, et choses semblables ; parce que nul ne
semble devoir penser de telles choses, sinon ceux qui estiment que leur
pensée est infinie. Nous cependant toutes ces choses en lesquelles nous
n’aurons pu, sous quelque considération que ce soit, trouver aucune fin,
nous n’affirmerons certainement pas qu’elles sont infinies, mais les
considérerons comme indéfinies. Ainsi parce que nous ne pouvons
imaginer une extension si grande que nous n’entendions que puisse s’en
trouver encore une plus grande, nous dirons que la grandeur des choses
possibles est indéfinie. Et parce qu’un corps quelconque ne peut pas être
divisé en tant de parties que chacune de ces parties ne soit entendue être
encore divisible, nous penserons que la quantité est divisible indéfiniment.
Et parce que ne peut pas être imaginé un nombre si grand d’étoiles, que
nous ne tenions pour vrai qu’un nombre encore plus grand n’ait pu être
créé par Dieu, nous supposerons aussi leur nombre indéfini ; et ainsi du
reste.
I, 27. Quelle est la différence entre indéfini et infini.
Et nous dirons ces choses indéfinies plutôt qu’infinies ; tant pour réserver à
Dieu seul, le nom d’infini, parce qu’en lui seul, de toute part, non
seulement nous ne connaissons aucune limite, mais véritablement aussi
n’en comprenons aucune ; tant aussi parce que nous ne comprenons pas de
la même manière les autres choses manquer véritablement quelque part de
limites, mais avouons ne pouvoir trouver leurs limites, si tant est qu’elles
en ont, que négativement.
I, 28. Ce ne sont pas les causes finales des choses créées qu’il faut examiner, mais
les causes efficientes.
299
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
Ainsi enfin, nous n’accepterons jamais aucune raison sur les choses
300
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

a fine quem Deus aut natura in iis faciendis sibi proposuit, desumemus: quia non tantum
nobis debemus arrogare, ut eius consiliorum participes esse putemus. Sed ipsum ut causam
efficientem rerum omnium considerantes, uidebimus quidnam ex iis eius attributis, quorum
nos nonnullam notitiam uoluit habere, circa illos eius effectus qui sensibus nostris apparent,
lumen naturale, quod nobis indidit, concludendum esse ostendat; memores tamen, ut iam
dictum est, huic lumini naturali tamdiu tantum esse credendum, quandiu nihil contrarium a
Deo ipso reuelatur.

I, 29. Deum non esse errorum causam.

Primum Dei attributum quod hic uenit in considerationem, est, quod sit summe uerax, et
dator omnis luminis: adeo ut plane repugnet ut nos fallat, siue ut proprie ac positiue sit
causa errorum, quibus nos obnoxios esse experimur. Nam quamuis forte posse fallere
nonnullum ingenii argumentum apud nos homines esse uideatur, nunquam certe fallendi
uoluntas nisi ex malitia uel metu et imbecillitate procedit, nec proinde in Deum cadere
potest.

I, 30. Hinc sequi omnia quae clare percipimus, uera esse, ac tolli dubitationes ante
recensitas.

Atque hinc sequitur, lumen naturae, siue cognoscendi facultatem a Deo nobis datam,
nullum unquam obiectum posse attingere, quod non sit uerum, quatenus ab ipsa attingitur,
hoc est, quatenus clare et distincte percipitur. Merito enim deceptor esset dicendus, si
peruersam illam ac falsum pro uero sumentem nobis dedisset. Ita tollitur summa illa
dubitatio, quae ex eo petebatur, quod nesciremus an forte talis essemus naturae, ut
falleremur etiam in iis quae nobis euidentissima esse uidentur. Quin et aliae omnes
dubitandi causae, prius recensitae, facile ex hoc principio tollentur. Non enim amplius
Mathematicae ueritates nobis suspectae esse debent, quia sunt maxime perspicuae. Atque si
aduertamus quid in sensibus, quid in uigilia, quidue in somno clarum sit ac distinctum,
illudque ab eo quod confusum est et obscurum distinguamus, facile quid in qualibet re pro
uero habendum sit agnoscemus. Nec opus est ista pluribus uerbis hoc in loco persequi,
quoniam in Meditationibus Metaphysicis iam utcumque tractata sunt, et accuratior eorum
explicatio ex sequentium cognitione dependet.
301
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
naturelles, de la fin que Dieu ou encore la nature, s’est proposé pour faire
ces choses ; parce que nous devons moins nous l’approprier que penser
prendre part à ses conseils. Mais le considérant lui-même comme la cause
efficiente de toutes les choses, nous verrons ce que la lumière naturelle qu’il
nous a donnée, montre à partir de ses propres attributs dont il a voulu que
nous ayons une certaine connaissance, ce qu’il faut conclure sur ces propre
effets qui se font voir à nos sens ; il faut toutefois se souvenir, comme déjà il
a été dit, qu’il ne faut croire à cette lumière naturelle qu’aussi longtemps
que rien de contraire n’a été révélé par Dieu.
I, 29. Dieu n’est pas cause d’erreurs.
Le premier attribut de Dieu qui vient ici en considération est qu’il est
suprêmement vérace et donateur de toute lumière ; à ce point il répugne
qu’il nous trompe, autrement dit qu’il soit proprement et posément la cause
des erreurs dont nous savons par expérience être responsables. Car même
si à l’occasion, pouvoir tromper semble, chez nous les hommes, être une
preuve indéniable d’ingéniosité, certainement la volonté de tromper ne
procède jamais que de la malice, ou de la crainte, ou de l’imbécillité, et par
suite ne peut pas s’appliquer à Dieu.
I, 30. De la suit que tout ce que nous percevons clairement est vrai et ôte les doutes
recensés plus haut.
Et de là suit que jamais la lumière naturelle, autrement dit la faculté de
connaître, qui nous est donnée par Dieu, ne peut toucher un objet qui ne
soit pas vrai en tant qu’il est touché par cette lumière, c’est-à-dire en tant
qu’il est perçu clairement et distinctement. Car il faudrait dire à juste titre
que Dieu est trompeur, s’il nous avait donné cette faculté perverse de
prendre le faux pour le vrai. Ainsi est balayé ce doute suprême soulevé,
que nous ignorions si nous n’étions pas d’une nature telle, peut-être, que
nous nous tromperions aussi en ce qui nous semblait le plus évident. Que
dis-je, toutes les autres causes de douter recensées auparavant sont
facilement balayées par ce principe. Car elles ne doivent pas être davantage
suspectes pour nous que les vérités mathématiques, parce que ce sont les
plus évidentes. Et si nous remarquons quoi dans les sensations, quoi dans
la veille ou quoi dans le sommeil, est clair et distinct, et distinguons ce
quelque chose de ce qui est confus et obscur, facilement nous reconnaîtrons
ce qui doit être tenu pour vrai en toute chose. Et ce n’est pas la peine à cet
endroit de s’étendre plus longuement à ce sujet du moment que cela est
déjà traité dans les Méditations Métaphysiques et que leur explication plus
soignée dépend de la connaissance de ce qui suit.
302
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

I, 31. Errores nostros, si ad Deum referantur, esse tantum negationes ; si ad nos,


priuationes.

Quia uero, etsi Deus non sit deceptor, nihilominus tamen saepe contingit nos falli, ut
errorum nostrorum originem et causam inuestigemus, ipsosque praecauere discamus,
aduertendum est, non tam illos ab intellectu quam a uoluntate pendere; nec esse res, ad
quarum productionem realis Dei concursus requiratur: sed cum ad ipsum referuntur, esse
tantum negationes, et cum ad nos, priuationes.

I, 32. Duos tantum in nobis esse modos cogitandi, perceptionem scilicet intellectus, et
operationem uoluntatis.

Quippe omnes modi cogitandi, quos in nobis experimur, ad duos generales referri possunt:
quorum unus est perceptio, siue operatio intellectus; alius uero uolitio, siue operatio
uoluntatis. Nam sentire, imaginari, et pure intelligere, sunt tantum diuersi modi percipiendi;
ut et cupere, auersari, affirmare, negare, dubitare, sunt diuersi modi uolendi.

I, 33. Nos non errare, nisi cum de re non satis percepta iudicamus.

Cum autem aliquid percipimus, modo tantum nihil plane de ipso affirmemus uel negemus,
manifestum est nos non falli; ut neque etiam cum id tantum affirmamus aut negamus, quod
clare et distincte percipimus esse sic affirmandum aut negandum: sed tantummodo cum (ut
fit), etsi aliquid non recte percipiamus, de eo nihilominus iudicamus.

I, 34. Non solum intellectum, sed etiam uoluntatem requiri ad iudicandum.

Atque ad iudicandum requiritur quidem intellectus, quia de re, quam nullo modo
percipimus, nihil possumus iudicare; sed requiritur etiam uoluntas, ut rei aliquo modo
perceptae assensio praebeatur. Non autem requiritur (saltem ad quomodocumque
iudicandum) integra et omnimoda rei perceptio; multis enim possumus assentiri, quae
nonnisi perobscure et confuse cognoscimus.
303
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
I, 31. Nos erreurs, si elles sont rapportées à Dieu ne sont que des négations ; si
rapportées à nous, que des privations.
Parce qu'en vérité, même si Dieu n’est pas trompeur, néanmoins il nous
arrive pourtant souvent de nous tromper ; pour rechercher l’origine et la
cause de nos erreurs et apprendre justement à les prévenir, il faut prendre
garde qu’elles ne dépendent pas tant de l’intellect que de la volonté ; et
qu’elles ne sont pas des choses à la production desquelles est requis le
concours réel de Dieu ; mais quand elles sont rapportées à lui justement,
elles ne sont que des négations, et rapportées à nous, que des privations.
I, 32. Deux façons de penser seulement se trouvent en nous : la perception de
l’intellect, et l’opération de la volonté.
C’est pourquoi toutes les manières de pensée que nous connaissons en
nous peuvent être rapportées à deux générales, dont l’une est la perception,
autrement dit l’opération de l’intellect, l’autre en vérité la volition
autrement dit l’opération de la volonté. Car sentir, imaginer, et purement
comprendre, sont seulement diverses manières de percevoir ; comme aussi
désirer, avoir de l’aversion, affirmer, nier, douter, sont diverses manières
de vouloir.
I, 33. Nous ne nous trompons que lorsque nous jugeons une chose insuffisamment
perçue.
Néanmoins quand nous percevons quelque chose, il est manifeste que du
moment que nous n’affirmons ou ne nions rien, nous ne nous trompons
pas ; comme nous ne nous trompons pas non plus lorsque nous affirmons
au nions ce que nous percevons clairement et distinctement devoir être
affirmé ou nié de la sorte ; mais seulement (comme il arrive) lorsque, bien
que nous ne percevions pas quelque chose droitement, néanmoins nous le
jugeons.
I, 34. Pour juger, non seulement est requis l’intellect mais aussi la volonté.
Et pour juger, est certainement requis l’intellect, parce que sur une chose
que nous ne percevons en aucune manière nous ne pouvons porter quelque
jugement ; mais la volonté aussi est requise, pour que soit donnée
l’approbation à une chose perçue d’une certaine manière. Mais n’est pas
requise (du moins pour juger bien ou mal) une perception entière de la
chose et sous tous ses aspects ; car nous pouvons juger beaucoup de choses
que nous ne connaissons que très obscurément et très confusément.
304
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

I, 35. Hanc illo latius patere, errorumque causam inde esse.

Et quidem intellectus perceptio, non nisi ad ea pauca quae illi offeruntur, se extendit, estque
semper ualde finita. Voluntas uero infinita quodammodo dici potest, quia nihil unquam
aduertimus, quod alicuius alterius uoluntatis, uel immensae illius quae in Deo est, obiectum
esse possit, ad quod etiam nostra non se extendat: adeo ut facile illam, ultra ea quae clare
percipimus, extendamus; hocque cum facimus, haud mirum est quod contingat nos falli.

I, 36. Errores nostros Deo imputari non posse.

Neque tamen ullo modo Deus errorum nostrorum author fingi potest, propterea quod nobis
intellectum non dedit omniscium. Est enim de ratione intellectus creati, ut sit finitus; ac de
ratione intellectus finiti, ut non ad omnia se extendat.

I, 37. Summam esse hominis perfectionem, quod agat libere, siue per uoluntatem ; et per
hoc laude uel uituperio dignum reddi.

Quod uero latissime pateat uoluntas, hoc etiam ipsius naturae conuenit; ac summa quaedam
in homine perfectio est, quod agat per uoluntatem, hoc est libere, atque ita peculiari quodam
modo sit author suarum actionum, et ob ipsas laudem mereatur. Non enim laudantur
automata, quod motus omnes ad quos instituta sunt, accurate exhibeant, quia necessario
illos sic exhibent; laudatur autem eorum artifex, quod tam accurata fabricarit, quia non
necessario, sed libere ipsa fabricauit. Eademque ratione, magis profecto nobis tribuendum
est, quod uerum amplectamur, cum amplectimur, quia uoluntarie id agimus, quam si non
possemus non amplecti.

I, 38. Esse defectum in nostra actione, non in nostra natura, quod erremus ; et saepe
subditorum culpas aliis dominis, nunquam autem Deo tribui posse.

Quod autem in errores incidamus, defectus quidem est in nostra actione siue in usu
libertatis, sed non in nostra natura, utpote quae eadem est, cum non recte, quam cum recte
iudicamus.
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
I, 35. La volonté s’étend plus largement que l’intellect, et de là est la cause des
erreurs.
Et assurément la perception de l’intellect, s’étend seulement à ce peu qui lui
est offert, et est toujours très finie. La volonté en vérité peut, en quelque
sorte, être dite infinie, parce que jamais nous n’observons quoi que ce soit
qui puisse être l’objet d’une autre certaine volonté, ou de celle immense qui
est en Dieu, vers quoi ne s’étende aussi notre propre volonté ; à ce point
nous l’étendons facilement au-delà de ce que nous percevons clairement ; et
quand nous faisons cela, il n’est pas étonnant qu’arrive que nous nous
trompions.
I, 36. Nos erreurs ne peuvent pas être imputées à Dieu.
Et Dieu pourtant ne peut être imaginé en aucune manière être l’auteur de
nos erreurs, pour la raison qu’il ne nous a pas donné un intellect
omniscient. Il appartient en effet à la cause d’un intellect créé qu’il soit fini,
et à la cause d’un intellect fini qu’il ne s’étende pas à tout.
I, 37. La suprême perfection de l’homme est d’agir librement, autrement dit par la
volonté ; et par cela il est rendu digne de louange ou de blâme.
Que la volonté en vérité soit à l’évidence très vaste, cela aussi convient à la
nature de l’homme ; et une certaine suprême perfection en l’homme, est
qu’il agit par la volonté, c’est-à-dire librement, et ainsi il est, d’une certaine
manière particulière, l’auteur de ses actions et mérite pour ces actions
mêmes, la louange. Car les machines ne sont pas louées de ce qu’elles
produisent soigneusement tous les mouvements pour lesquels elles ont été
instituées, parce qu’elles les produisent tels nécessairement ; est loué en
revanche leur fabriquant qui les a fabriquées si soigneusement, parce qu’il
les a fabriquées en réalité non nécessairement, mais librement. Pour la
même raison, il faut certainement plus nous attribuer d’embrasser le vrai
quand nous l’embrassons, parce que nous le faisons volontairement, que si
nous ne pouvions pas, ne pas l’embrasser.
I, 38. Que nous nous trompions, est un défaut dans notre action non dans notre
nature ; et souvent les fautes des sujets peuvent être attribuées à d’autres maîtres,
jamais toutefois à Dieu.
Que nous tombions pourtant dans les erreurs est certainement un défaut
dans notre action autrement dit dans l’usage de la liberté, mais non dans
notre nature, vu qu’elle est la même quand nous nous jugeons droitement
306
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

Et quamuis tantam Deus perspicacitatem intellectui nostro dare potuisset, ut nunquam


falleremur, nullo tamen iure hoc ab ipso possumus exigere. Nec, quemadmodum inter nos
homines, si quis habeat potestatem aliquod malum impediendi, nec tamen impediat, ipsum
dicimus esse eius causam: ita etiam, quia Deus potuisset efficere ut nunquam falleremur,
ideo errorum nostrorum causa est putandus. Potestas enim, quam homines habent uni in
alios, ad hoc est instituta, ut ipsa utantur ad illos a malis reuocandos; ea autem, quam Deus
habet in omnes, est quam maxime absoluta et libera: ideoque summas quidem ipsi debemus
gratias, pro bonis quae nobis largitus est; sed nullo iure queri possumus, quod non omnia
largitus sit, quae agnoscimus largiri potuisse.

I, 39. Libertatem arbitrii esse per se notam.

Quod autem sit in nostra uoluntate libertas, et multis ad arbitrium uel assentiri uel non
assentiri possimus, adeo manifestum est, ut inter primas et maxime communes notiones,
quae nobis sunt innatae, sit recensendum. Patuitque hoc maxime paulo ante, cum de
omnibus dubitare studentes, eo usque sumus progressi, ut fingeremus aliquem
potentissimum nostrae originis authorem modis omnibus nos fallere conari; nihilominus
enim hanc in nobis libertatem esse experiebamur, ut possemus ab iis credendis abstinere,
quae non plane certa erant et explorata. Nec ulla magis per se nota et perspecta esse
possunt, quam quae tunc temporis non dubia uidebantur.

I, 40. Certum etiam omnia esse a Deo praeordinata.

Sed quia iam Deum agnoscentes, tam immensam in eo potestatem esse percipimus, ut nefas
esse putemus existimare, aliquid unquam a nobis fieri posse, quod non ante ab ipso fuerit
praeordinatum: facile possumus nos ipsos magnis difficultatibus intricare, si hanc Dei
praeordinationem cum arbitrii nostri libertate conciliare, atque utramque simul
comprehendere conemur.
307
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
que quand nous ne jugeons pas droitement. Et même si Dieu avait pu
donner à notre intellect une perspicacité si grande que nous ne nous
trompions jamais, néanmoins nous ne pouvons exiger cela de Dieu par
aucun privilège. Et de même que si parmi les hommes, quelqu’un a le
pouvoir d’empêcher un certain mal et néanmoins ne l’empêche pas, nous
ne disons pas qu’il est lui-même la cause de ce mal, de même aussi, il ne
faut pas dire que Dieu est la cause de nos erreurs parce qu’il aurait pu faire
que jamais nous ne nous trompions. Car le pouvoir que les hommes ont les
uns sur les autres est institué à cette fin, qu’ils utilisent ce pouvoir pour
s’éloigner eux-mêmes des malheurs ; en revanche celui que Dieu a sur tous,
est le plus absolu et le plus libre qui soit ; à ce point assurément nous
devons remercier Dieu au plus haut point pour les biens qu’il nous
distribue largement ; mais par aucun privilège nous pouvons nous plaindre
qu’il ne nous distribue pas tout ce que nous savons qu’il aurait pu nous
distribuer.
I, 39. La liberté de jugement est connue par soi.
Et que la liberté soit dans notre volonté, et que nous pouvons par notre
jugement consentir ou ne pas consentir à beaucoup de choses, est à ce point
manifeste que cela doit être recensé parmi les notions premières et au plus
haut point communes, qui sont innées en nous. Et cela a été très manifeste
un peu plus haut4 quand nous appliquant à douter de tout, nous avons
progressé jusqu’à nous figurer que quelque auteur très puissant de notre
origine, essayait de nous tromper de toutes les manières ; néanmoins nous
savions en effet qu’en nous était cette liberté de pouvoir nous abstenir de
croire à ce qui n’était pas entièrement certain et entièrement exploré. Et rien
ne peut par soi être davantage connu et distingué que ce qui à ce moment-
là ne semblait pas douteux.
I, 40. Il est certain aussi que tout a été préordonné par Dieu.
Mais parce que maintenant nous connaissons Dieu, nous percevons que sa
puissance est si immense, que nous pensons qu’il est sacrilège de penser
que nous ne pourrions jamais faire quelque chose que lui-même n’ait
préordonné auparavant ; et nous-mêmes nous pouvons facilement nous
empêtrer dans de grandes difficultés si nous essayons de concilier cette
préordination avec la liberté de notre jugement et d’embrasser l’une et
l’autre ensemble.
308
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

I, 41. Quomodo arbitrii nostri libertas et Dei praeordinatio simul concilientur.

Illis uero nos expediemus, si recordemur mentem nostram esse finitam; Dei autem
potentiam, per quam non tantum omnia, quae sunt aut esse possunt, ab aeterno praesciuit,
sed etiam uoluit ac praeordinauit, esse infinitam: ideoque hanc quidem a nobis satis attingi,
ut clare et distincte percipiamus ipsam in Deo esse; non autem satis comprehendi, ut
uideamus quo pacto liberas hominum actiones indeterminatas relinquat; libertatis autem et
indifferentiae, quae in nobis est, nos ita conscios esse, ut nihil sit quod euidentius et
perfectius comprehendamus. Absurdum enim esset, propterea quod non comprehendimus
unam rem, quam scimus ex natura sua nobis esse debere incomprehensibilem, de alia
dubitare, quam intime comprehendimus, atque apud nosmet ipsos experimur.

I, 42. Quomodo, quamuis nolimus falli, fallamur tamen per nostram uoluntatem.

Iam uero, cum sciamus errores omnes nostros a uoluntate pendere, mirum uideri potest,
quod unquam fallamur, quia nemo est qui uelit falli. Sed longe aliud est uelle falli, quam
uelle assentiri iis, in quibus contingit errorem reperiri. Et quamuis reuera nullus sit, qui
expresse uelit falli, uix tamen ullus est, qui non saepe uelit iis assentiri, in quibus error ipso
inscio continetur. Quin et ipsa ueritatis assequendae cupiditas persaepe efficit, ut ii qui non
recte sciunt qua ratione sit assequenda, de iis quae non percipiunt iudicium ferant, atque
idcirco ut errent.

I, 43. Nos nunquam falli, cum solis clare et distincte perceptis assentimur.

Certum autem est, nihil nos unquam falsum pro uero admissuros, si tantum iis assensum
praebeamus quae clare et distincte percipiemus. Certum, inquam, quia, cum Deus non sit
fallax, facultas percipiendi quam nobis dedit, non potest tendere in falsum; ut neque etiam
facultas assentiendi, cum tantum ad ea quae clare percipiuntur se extendit. Et quamuis hoc
nulla ratione probaretur, ita omnium animis a natura impressum est,
309
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
I, 41. Comment la liberté de notre jugement et la préordination de Dieu se
concilient ensemble.
En vérité nous nous en dépêtrerons si nous nous souvenons que notre
esprit est fini, et qu’est infinie la puissance de Dieu par laquelle, de toute
éternité, non seulement il a su par avance, mais aussi a voulu, et
préordonné tout ce qui est, ou qui peut être ; si bien que nous touchons
certainement assez cette puissance, pour percevoir clairement et
distinctement qu’elle-même est en Dieu ; et ne l’embrassons pas assez pour
voir comment elle laisse libres les actions indéterminées des hommes ; nous
sommes néanmoins tellement conscients de la liberté et de l’indifférence
qui sont en nous, qu’il n’est rien que nous n’embrassions plus clairement et
plus parfaitement. Car il serait absurde, pour la raison que nous
n’embrassons pas une chose que nous savons devoir être par sa nature
incompréhensible, de douter d’une autre chose que nous embrassons
intimement et que nous-mêmes précisément éprouvons en nous.
I, 42. Comment, bien que nous ne voulions pas nous tromper, néanmoins
nous nous trompons par notre volonté.
En vérité, maintenant que nous savons que toutes nos erreurs dépendent
de la volonté, il peut sembler étonnant qu’il arrive que nous nous
trompions, parce qu’il n’est personne qui veuille se tromper. Mais vouloir
se tromper est très différent de vouloir consentir à ce dans quoi arrive que
se trouve une erreur. Et bien qu’en vérité il n’est personne qui veuille
expressément se tromper, il n’est pourtant personne presque, qui refuse de
donner son consentement à des choses où souvent à sa propre insu se niche
une erreur. Bien plus le désir même de suivre la vérité fait que très souvent,
ceux qui ne savent pas droitement de quelle manière elle doit être
poursuivie, portent leur jugement sur ce qu’ils ne perçoivent pas, et pour
cette raison s’égarent.
I, 43. Nous ne nous trompons jamais quand nous consentons à ces seules
choses qui sont perçues clairement et distinctement.
Il est certain toutefois que nous ne tiendrons jamais rien de faux, pour vrai,
si nous prévoyons de consentir seulement à ce que nous percevons
clairement et distinctement. Certain, dis-je, parce que, comme Dieu n’est
pas trompeur, la faculté de percevoir qu’il nous a donnée, ne peut pas
tendre vers le faux ; comme non plus la faculté de consentir, quand elle
s’étend seulement à ce que nous percevons clairement et distinctement. Et
310
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
bien que cela ne soit prouvé en aucune façon, cela est tellement imprimé
dans les âmes
311
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

ut quoties aliquid clare percipimus, ei sponte assentiamur, et nullo modo possimus dubitare
quin sit uerum.

I, 44. Nos semper male iudicare, cum assentimur non clare perceptis, etsi casu incidamus
in ueritatem ; idque ex eo contingere, quod supponamus ea fuisse antea satis a nobis
perspecta.

Certum etiam est, cum assentimur alicui rationi quam non percipimus, uel nos falli, uel
casu tantum incidere in ueritatem, atque ita nescire nos non falli. Sed sane raro contingit, ut
assentiantur iis, quae aduertimus a nobis non esse percepta: quia lumen naturae nobis dictat,
nunquam nisi de re cognita esse iudicandum. In hoc autem frequentissime erramus, quod
multa putemus a nobis olim fuisse percepta, iisque, memoriae mandatis, tanquam omnino
perceptis assentiamur, quae tamen reuera nunquam percepimus.

I, 45. Quid sit perceptio clara, quid distincta.

Quin et permulti homines nihil plane in tota uita percipiunt satis recte, ad certum de eo
iudicium ferendum. Etenim ad perceptionem, cui certum et indubitatum iudicium possit
inniti, non modo requiritur ut sit clara, sed etiam ut sit distincta. Claram uoco illam, quae
menti attendenti praesens et aperta est: sicut ea clare a nobis uideri dicimus, quae, oculo
intuenti praesentia, satis fortiter et aperte illum mouent. Distinctam autem illam, quae, cum
clara sit, ab omnibus aliis ita seiuncta est et praecisa, ut nihil plane aliud, quam quod clarum
est, in se contineat.

I, 46. Exemplo doloris ostenditur, claram esse posse perceptionem, etsi non sit distincta ;
non autem distinctam, nisi sit clara.

Ita, dum quis magnum aliquem sentit dolorem, clarissima quidem in eo est ista perceptio
doloris, sed non semper est distincta; uulgo enim homines illam confundunt cum obscuro
suo iudicio de natura eius, quod putant esse in parte dolente simile sensui doloris, quem
solum clare percipiunt. Atque ita potest esse clara perceptio, quae non sit distincta;
312
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
de tous par la nature, que toutes les fois que nous percevons quelque chose
clairement, spontanément nous y consentons et ne pouvons douter en
aucune manière que ce ne soit vrai.
I, 44. Nous jugeons toujours mal quand nous consentons à ce qui n’est pas
clairement perçu, même si nous tombons dans la vérité par hasard ; et cela
arrive de ce que nous supposons l’avoir examinée préalablement avec assez
d’attention.
Il est certain aussi que, quand nous consentons à quelque raison que nous
ne percevons pas, ou nous nous trompons, ou nous tombons dans la vérité
seulement par hasard, et ainsi ne savons pas que nous ne nous trompons
pas. Mais, sainement, il arrive rarement que nous consentions à ce que nous
remarquons que nous ne percevons pas, parce que la lumière naturelle
nous dicte qu’il ne faut jamais juger que d’une chose connue. Cependant
nous nous égarons très souvent en ce que nous pensons avoir perçu
autrefois beaucoup de choses et que, lorsque nous nous souvenons de ces
choses, nous y consentons comme étant parfaitement perçues et pourtant
nous ne les percevons jamais véritablement.
I, 45. Ce qu’est une perception claire, et une perception distincte.
Que dis-je, un très grand nombre d’hommes ne perçoivent, dans toute leur
vie, absolument rien suffisamment droitement pour y porter un jugement
certain. Car la perception, sur laquelle peut s’appuyer un jugement certain
et indubitable, requiert non seulement qu’elle soit claire, mais aussi qu’elle
soit distincte. J’appelle claire celle qui est présente et ouverte à un esprit qui
prête attention ; comme nous disons être vu clairement, ce qui, présent à un
œil qui observe, se meut assez vivement et ouvertement. Distincte en
revanche celle, qui étant claire, est tellement disjointe de toutes les autres et
tellement précise, qu’elle ne contient en elle absolument rien d’autre que ce
qui est clair.
I, 46. Est montré par l’exemple de la souffrance qu’une perception peut être
claire sans être distincte ; non toutefois distincte, si elle n’est pas claire.
Ainsi dans le temps où quelqu’un ressent quelque grande souffrance, cette
perception assurément est très claire en lui, mais n’est pas toujours
distincte ; en effet les hommes confondent communément cette perception
avec leur jugement obscur sur la nature de ce qu’ils pensent être semblable,
dans la partie qui souffre, à la sensation de souffrance que seule ils
perçoivent clairement. Et ainsi une perception peut être claire et ne pas être
distincte ;
313
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
314
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

non autem ulla distincta, nisi sit clara.

I, 47. Ad primae aetatis praeiudicia emendanda, simplices notiones esse considerandas, et


quid in quaque sit clarum.

Et quidem in prima aetate mens ita corpori fuit immersa, ut quamuis multa clare, nihil
tamen unquam distincte perceperit; cumque tunc nihilominus de multis iudicarit, hinc multa
hausimus praeiudicia, quae a plerisque nunquam postea deponuntur. Ut autem nos iis
possimus liberare, summatim hic enumerabo simplices omnes notiones, ex quibus
cogitationes nostrae componuntur; et quid in unaquaque sit clarum, quidque obscurum, siue
in quo possimus falli, distinguam.

I, 48. Omnia quae sub perceptionem nostram cadunt, spectari ut res rerumue affectiones,
uel ut aeternas ueritates ; et rerum enumeratio.

Quaecumque sub perceptionem nostram cadunt, uel tanquam res, rerumue affectiones
quasdam, consideramus; uel tanquam aeternas ueritates, nullam existentiam extra
cogitationem nostram habentes. Ex iis quae tanquam res consideramus, maxime generalia
sunt substantia, duratio, ordo, numerus, et si quae alia sunt eiusmodi, quae ad omnia genera
rerum se extendunt. Non autem plura quam duo summa genera rerum agnosco: unum est
rerum intellectualium, siue cogitatiuarum, hoc est, ad mentem siue ad substantiam
cogitantem pertinentium; aliud rerum materialium, siue quae pertinent ad substantiam
extensam, hoc est, ad corpus. Perceptio, uolitio, omnesque modi tam percipiendi quam
uolendi, ad substantiam cogitantem referuntur; ad extensam autem, magnitudo, siue
ipsamet extensio in longum, latum et profundum, figura, motus, situs, partium ipsarum
diuisibilitas, et talia. Sed et alia quaedam in nobis experimur, quae nec ad solam mentem,
nec etiam ad solum corpus referri debent, quaeque, ut infra suo loco ostendetur, ab arcta et
intima mentis nostrae cum corpore unione proficiscuntur: nempe appetitus famis, sitis, etc;
itemque, commotiones, siue animi pathemata, quae non in sola cogitatione consistunt, ut
commotio ad iram, ad hilaritatem, ad tristitiam, ad amorem, etc; ac denique sensus omnes,
ut doloris, titillationis, lucis et colorum, sonorum, odorum, saporum,
315
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
toutefois nulle n’est distincte, qui ne soit claire.
I, 47. Pour purger les préjugés du premier âge il faut considérer des notions
simples, et en chacune ce qui est clair.
Et l’esprit, dans nos premières années de vie, a tellement été immergé dans
le corps que même s’il a abondamment perçu clairement, en revanche
jamais rien distinctement ; et comme il a néanmoins alors abondamment
jugé, de là sont nés beaucoup de préjugés que la plupart ne déposent jamais
par la suite. Pourtant pour que nous puissions nous libérer de ces préjugés,
j’énumérerai sommairement ici toutes les notions simples dont sont
composées nos pensées, et distinguerai en chacune ce qui est clair, et ce qui
est obscur, autrement dit ce en quoi nous pouvons nous tromper.
I, 48. Tout ce qui tombe sous notre perception est considéré comme étant
des choses ou des affections des choses, ou comme des vérités éternelles ; et
une énumération des choses.
Considérons tout ce qui tombe sous notre perception ou comme des choses
ou comme des affections quelconques des choses, ou bien comme des
vérités éternelles n’ayant aucune existence en dehors de notre pensée. Et de
ce que nous considérons comme des choses, le plus grand nombre sont des
substances générales, la durée, l’ordre, le nombre, même si certaines autres
sont leur manière d’être qui s’étendent à tout genre de choses. Je ne
reconnais cependant pas plus de deux genres de choses : l’un est le propre
des choses intellectuelles, autrement dit cogitatives, c’est-à-dire qui
appartiennent à l’esprit autrement dit à une substance qui pense ; l’autre est
le propre des choses matérielles autrement dit des choses qui appartiennent
à une substance étendue, c’est-à-dire aux corps. La perception, la volition et
toutes les manières tant de percevoir que de vouloir se rapportent à la
substance qui pense ; en revanche à celle étendue se rapportent la
grandeur, la largeur et la profondeur, la figure, le mouvement, la situation,
la divisibilité de leurs propres parties, et choses semblables. Mais nous
éprouvons aussi en nous certaines autres choses qui ne doivent pas être
rapportées à l’esprit seul, ni non plus au corps seul, et qui, comme il sera
montré plus loin en son lieu, prennent leur point de départ de l’union
étroite et intime de notre esprit avec le corps : le désir de manger n’est-ce
pas, de boire etc. : de même les commotions, autrement dit les pathèmes5 de
l’âme qui ne consistent pas dans la seule pensée, comme les commotions de
colère, d’allégresse, de tristesse, d’amour etc. ; et enfin toutes les sensations
comme celles de souffrance, de jouissance, de lumière et de couleurs, de
sons, d’odeurs, de saveurs, de
316
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

caloris, duritiei, aliarumque tactilium qualitatum.

I, 49. Aeternas ueritates non posse ita numerari, sed nec esse opus.

Atque haec omnia tanquam res, uel rerum qualitates seu modos, consideramus. Cum autem
agnoscimus fieri non posse, ut ex nihilo aliquid fiat, tunc propositio haec: Ex nihilo nihil fit,
non tanquam res aliqua existens, neque etiam ut rei modus consideratur, sed ut ueritas
quaedam aeterna, quae in mente nostra sedem habet, uocaturque communis notio, siue
axioma. Cuius generis sunt: Impossibile est idem simul esse et non esse: Quod factum est,
infectum esse nequit: Is qui cogitat, non potest non existere dum cogitat: et alia innumera,
quae quidem omnia recenseri facile non possunt, sed nec etiam ignorari, cum occurrit
occasio ut de iis cogitemus, et nullis praeiudiciis excaecamur.

I, 50. Eas clare percipi, sed non omnes ab omnibus, propter praeiudicia.

Et quidem, quantum ad has communes notiones, non dubium est quin clare ac distincte
percipi possint, alioqui enim communes notiones non essent dicendae: ut etiam reuera
quaedam ex ipsis non aeque apud omnes isto nomine dignae sunt, quia non aeque ab
omnibus percipiuntur. Non tamen, ut puto, quod unius hominis cognoscendi facultas latius
pateat quam alterius; sed quia forte communes istae notiones aduersantur praeiudicatis
opinionibus quorundam hominum, qui eas idcirco non facile capere possunt: etiamsi
nonnulli alii, qui praeiudiciis istis sunt liberi, euidentissime ipsas percipiant.

I, 51. Quid sit substantia, et quod istud nomen Deo et creaturis non conueniat uniuoce.

Quantum autem ad ea, quae tanquam res uel rerum modos spectamus, operae pretium est ut
singula seorsim consideremus. Per substantiam nihil aliud intelligere possumus, quam rem
quae ita existit, ut nulla alia re indigeat ad existendum. Et quidem substantia quae nulla
plane re indigeat, unica tantum potest intelligi, nempe Deus.
317
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
chaleur, de dureté et autres qualités tactiles.
I, 49. Les vérités éternelles ne peuvent pas se dénombrer ainsi, mais il n’en
est nul besoin.
Et considérons tout cela comme des choses, ou des qualités de choses
autrement dit des manières d’être des choses. Quand nous reconnaissons
cependant qu’il ne peut pas se faire que de rien, se fasse quelque chose,
alors cette proposition de rien, rien ne se fait, est considérée non comme
une certaine chose existant, ni non plus comme une manière d’être de
chose, mais comme une certaine vérité éternelle. De ce genre sont : il est
impossible qu’une même chose soit et en même temps ne soit pas ; ce qui
est fait ne peut pas être non fait ; ce qui pense, ne peut pas, au moment où il
pense, ne pas exister ; et d’innombrables autres de ce genre qui assurément
ne peuvent pas toutes se recenser facilement, mais ni non plus être ignorées
lorsque se présente l’occasion de penser à elles et ne sommes aveuglés par
aucun préjugé.
I, 50. Ces vérités éternelles sont clairement perçues, mais pas toutes par
tous, à cause de préjugés.
Et assurément, sur ces notions communes, il n’est pas douteux qu’elles
peuvent être perçues clairement et distinctement, sinon en effet elles ne
seraient pas dites notions communes ; comme en vérité aussi, certaines de
celles-ci ne sont pas également dignes de ce nom chez tous, parce qu’elles
ne sont pas également perçues par tous. Non cependant que, comme je le
pense, la faculté de connaître d’un même homme est plus largement
ouverte que celle d’un autre homme ; mais peut-être parce que ces notions
communes sont contraires aux opinions préjugées de certains hommes, qui
pour cette raison ne peuvent pas les saisir facilement, même si certains
autres hommes, qui sont libres de ces préjugés, les perçoivent en réalité
avec la plus grande évidence.
I, 51. Ce qu’est une substance, et que ce nom ne convient pas de façon
univoque à Dieu et aux créatures.
Quant à ce que nous considérons comme des choses, ou des manières d’être
des choses, il nous faut les considérer séparément comme des choses
singulières. Par substance nous ne pouvons entendre rien d’autre que la
chose qui existe de telle sorte qu’elle n’a besoin d’aucune autre chose pour
exister. Et certainement la substance qui n’a absolument besoin d’aucune
chose, ne peut être entendue qu’unique, Dieu n’est-ce pas. Nous ne
pouvons
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
319
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

Alias uero omnes, non nisi ope concursus Dei existere posse percipimus. Atque ideo nomen
substantiae non conuenit Deo et illis uniuoce, ut dici solet in Scholis, hoc est, nulla eius
nominis significatio potest distincte intelligi, quae Deo et creaturis sit communis.

I, 52. Quod menti et corpori uniuoce conueniat, et quomodo ipsa cognoscatur.

Possunt autem substantia corporea et mens, siue substantia cogitans, creata, sub hoc
communi conceptu intelligi, quod sint res, quae solo Dei concursu egent ad existendum.
Verumtamen non potest substantia primum animaduerti ex hoc solo, quod sit res existens,
quia hoc solum per se nos non afficit; sed facile ipsam agnoscimus ex quolibet eius
attributo, per communem illam notionem, quod nihili nulla sint attributa, nullaeue
proprietates aut qualitates. Ex hoc enim quod aliquod attributum adesse percipiamus,
concludimus aliquam rem existentem, siue substantiam, cui illud tribui possit, necessario
etiam adesse.

I, 53. Cuiusque substantiae unum esse praecipuum attributum, ut mentis cogitatio,


corporis extensio.

Et quidem ex quolibet attributo substantia cognoscitur; sed una tamen est cuiusque
substantiae praecipua proprietas, quae ipsius naturam essentiamque constituit, et ad quam
aliae omnes referuntur. Nempe extensio in longum, latum et profundum, substantiae
corporeae naturam constituit; et cogitatio constituit naturam substantiae cogitantis. Nam
omne aliud quod corpori tribui potest, extensionem praesupponit, estque tantum modus
quidam rei extensae; ut et omnia, quae in mente reperimus, sunt tantum diuersi modi
cogitandi. Sic, exempli causa, figura nonnisi in re extensa potest intelligi, nec motus nisi in
spatio extenso; nec imaginatio, uel sensus, uel uoluntas, nisi in re cogitante. Sed e contra
potest intelligi extensio sine figura uel motu, et cogitatio sine imaginatione uel sensu, et ita
de reliquis: ut cuilibet attendenti fit manifestum.

I, 54. Quomodo claras et distinctas notiones habere possimus, substantiae cogitantis, et


corporeae, item Dei.

Atque ita facile possumus duas claras et distinctas habere notiones,


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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
en vérité concevoir toutes les autres exister au moyen du concours de Dieu
seulement. Et pour cela le nom de substance ne convient pas univoquement
à Dieu et à ces choses, comme il est dit d’habitude dans les Écoles, c’est-à-
dire aucune signification de ce nom ne peut distinctement s’entendre, qui
soit commun à Dieu et aux créatures.
I, 52. Ce qui convient univoquement à l’esprit et au corps, et comment la
substance elle-même est connue.
Toutefois la substance corporelle et l’esprit, autrement dit la substance
créée qui pense, peut être comprise sous ce concept commun que sont les
choses qui ont besoin du seul concours de Dieu pour exister. Mais en vérité
une substance ne peut pas s’apercevoir en premier de ce qu’elle est une
chose qui existe, parce que cela ne peut pas nous affecter par soi seul ; mais
nous la reconnaissons facilement en réalité à partir d’un sien quelconque
attribut, par cette notion commune qu’au rien, n’appartient aucun attribut
ni aucune propriété ou qualité. Car de ce que nous percevons là être
quelque attribut, nous concluons qu’une certaine chose qui existe
autrement dit une substance à laquelle peut être attribué cet attribut, est là
nécessairement aussi.
I, 53. De chaque substance se trouve un unique attribut principal, comme
de l’esprit la pensée, du corps l’extension.
Et assurément une substance se reconnaît à partir de n’importe quel
attribut ; mais néanmoins de chaque substance, une unique propriété est la
principale, qui constitue la nature et l’essence de cette substance même, et à
laquelle se rapportent toutes les autres. L’étendue en longueur, largeur et
profondeur constitue, n’est-ce pas, la nature de la substance corporelle ; et
la pensée constitue la nature de la substance qui pense ; car tout ce qui peut
être attribué d’autre à un corps, présuppose l’étendue et n’est qu’une
certaine manière d’être de la chose étendue ; comme aussi tout ce que nous
trouvons dans l’esprit, n’est qu’une manière variée de penser. Ainsi par
exemple, une figure ne peut se comprendre que dans une chose étendue, et
le mouvement que dans un espace étendu ; et aussi l’imagination, ou les
sens, ou la volonté que dans une chose pensant. Mais à l’inverse l’extension
peut se comprendre sans figure ou sans mouvement, et la pensée sans
imagination ou sensation, et ainsi du reste ; comme il se fait manifeste à
quiconque prête attention.
I, 54. Comment nous pouvons avoir des notions claires et distinctes, d’une
substance pensant, d’une substance corporelle, et aussi de Dieu.
321
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
Et ainsi nous pouvons facilement avoir deux notions autrement dit idées
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

siue ideas, unam substantiae cogitantis creatae, aliam substantiae corporeae, si nempe
attributa omnia cogitationis ab attributis extensionis accurate distinguamus. Ut etiam habere
possumus ideam claram et distinctam substantiae cogitantis increatae et independentis, id
est Dei: modo ne illam adaequate omnia quae in Deo sunt exhibere supponamus, nec
quidquam etiam in ea esse fingamus, sed ea tantum aduertamus, quae reuera in ipsa
continentur, quaeque euidenter percipimus ad naturam entis summe perfecti pertinere. Nec
certe quisquam talem ideam Dei nobis inesse negare potest, nisi qui nullam plane Dei
notitiam in humanis mentibus esse arbitretur.

I, 55. Quomodo duratio, ordo, numerus etiam distincte intelligantur.

Duratio, ordo, et numerus, a nobis etiam distinctissime intelligentur, si nullum iis


substantiae conceptum affingamus, sed putemus durationem rei cuiusque esse tantum
modum, sub quo concipimus rem istam, quatenus esse perseuerat. Et similiter, nec ordinem
nec numerum esse quicquam diuersum a rebus ordinatis et numeratis, sed esse tantum
modos, sub quibus illas consideramus.

I, 56. Quid sint modi, qualitates, attributa.

Et quidem hic per modos plane idem intelligimus, quod alibi per attributa, uel qualitates.
Sed cum consideramus substantiam ab illis affici, uel uariari, uocamus modos; cum ab ista
uariatione talem posse denominari, uocamus qualitates; ac denique, cum generalius
spectamus tantum ea substantiae inesse, uocamus attributa. Ideoque in Deo non proprie
modos aut qualitates, sed attributa tantum esse dicimus, quia nulla in eo uariatio est
intelligenda. Et etiam in rebus creatis, ea quae nunquam in iis diuerso modo se habent, ut
existentia et duratio, in re existente et durante, non qualitates aut modi, sed attributa dici
debent.
323
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
claires et distinctes, l’une d’une substance créée qui pense, l’autre d’une
substance corporelle, à savoir si nous distinguons soigneusement tous les
attributs de la pensée des attributs de l’extension. Comme aussi, nous
pouvons avoir l’idée claire et distincte d’une substance pensant incréée et
indépendante, à savoir de Dieu, pourvu que nous ne supposions pas que
cette idée nous présente adéquatement tout ce qui est en Dieu, ni non plus
n’imaginions quoi que ce soit être en elle, mais ne prenions garde qu’à ce
qui est véritablement contenu en elle seule et que nous percevons avec
évidence appartenir à la nature de l’étant suprêmement parfait. Et
certainement personne ne peut nier qu’une telle idée de Dieu est en nous,
sinon celui qui estime que ne se trouve dans les esprits humains
absolument aucune connaissance de Dieu.
I, 55. Comment aussi la durée, l’ordre et le nombre se comprennent
distinctement.
Nous comprendrons distinctement aussi, la durée, l’ordre et le nombre, si
nous ne leur imputons aucun concept de substance, mais nous penserons la
durée d’une chose être seulement une façon d’être de cette chose sous
laquelle nous concevons la chose elle-même en tant qu’elle persévère
d’être. Et semblablement, ni l’ordre ni le nombre ne sont quelque chose de
différent des choses ordonnées et dénombrées mais ne sont que des façons
d’être sous lesquelles nous les considérons.
I, 56. Ce que sont les façons d’être, les qualités et les attributs.
Et certainement ici par façons d’être6 nous entendons entièrement la même
chose que ce que nous entendons ailleurs par attributs, ou par qualités.
Mais lorsque nous considérons la substance être affectée ou modifiée par
eux, nous les nommons manières d’être ; quand, par cette modification, elle
peut être nommée telle, nous les nommons qualités ; et enfin lorsque nous
regardons seulement ce qui est plus général dans la substance, nous les
nommons attributs. À ce point nous ne disons pas qu’en Dieu, il y a des
manières d’être ou mêmes des qualités, mais seulement des attributs parce
qu’il ne faut entendre en lui aucune variation. Et aussi ce qui ne se tient
jamais de manière différente dans les choses créées, comme l’existence et la
durée dans une chose qui existe et qui dure, ne doit pas être dit qualités ou
manières d’être, mais attributs.
324
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

I, 57. Quaedam attributa esse in rebus, alia in cogitatione. Et quid duratio et tempus.

Alia autem sunt in rebus ipsis, quarum attributa uel modi esse dicuntur; alia uero in nostra
tantum cogitatione. Ita, cum tempus a duratione generaliter sumpta distinguimus,
dicimusque esse numerum motus, est tantum modus cogitandi; neque enim profecto
intelligimus in motu aliam durationem quam in rebus non motis: ut patet ex eo quod, si duo
corpora, unum tarde, aliud celeriter per horam moueatur, non plus temporis in uno quam in
alio numeremus, etsi multo plus sit motus. Sed ut rerum omnium durationem metiamur,
comparamus illam cum duratione motuum illorum maximorum, et maxime aequabilium, a
quibus fiunt anni et dies; hancque durationem tempus uocamus. Quod proinde nihil, praeter
modum cogitandi, durationi generaliter sumptae superaddit.

I, 58. Numerum et uniuersalia omnia esse tantum modos cogitandi.

Ita etiam, cum numerus non in ullis rebus creatis, sed tantum in abstracto, siue in genere
consideratur, est modus cogitandi duntaxat; ut et alia omnia quae uniuersalia uocamus.

I, 58. Quomodo uniuersalia fiant ; et quae sint quinque uulgata : genus, species,
differentia, proprium, accidens.

Fiunt haec uniuersalia ex eo tantum, quod una et eadem idea utamur ad omnia indiuidua,
quae inter se similia sunt, cogitanda: ut etiam unum et idem nomen omnibus rebus per
ideam istam repraesentatis imponimus; quod nomen est uniuersale. Ita, cum uidemus duos
lapides, nec ad ipsorum naturam, sed ad hoc tantum quod duo sint attendimus, formamus
ideam eius numeri quem uocamus binarium; cumque postea duas aues, aut duas arbores
uidemus, nec etiam earum naturam, sed tantum quod duae sint consideramus, repetimus
eandem ideam quam prius, quae ideo est uniuersalis; ut et hunc numerum eodem uniuersali
nomine binarium appellamus. Eodemque modo, cum spectamus figuram tribus lineis
comprehensam, quandam eius ideam formamus, quam uocamus ideam trianguli; et eadem
postea ut uniuersali utimur ad omnes alias figuras tribus lineis comprehensas animo nostro
exhibendas.
325
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
I, 57. Certains attributs sont dans les choses, d’autres dans la pensée. Et ce
que sont la durée et le temps.
Certains attributs sont dans les choses mêmes dont ils sont dits attributs ou
manières d’être ; d’autres en vérité dans notre pensée. Ainsi, quand nous
distinguons le temps de la durée prise en général, et que nous le disons être
le nombre du mouvement, il est seulement une manière de penser ; car
nous n’entendons certainement pas une durée autre dans le mouvement
que dans les choses qui ne se meuvent pas ; comme cela est visible de ce
que si deux corps se meuvent en une heure, l’un plus lentement, l’autre
plus vélocement, nous ne comptons pas plus de temps dans l’un que dans
l’autre, même s’il s’y trouve beaucoup plus de mouvement. Mais pour
mesurer la durée de toutes les choses, nous la comparons avec la durée de
ces plus grands mouvements qui soient et les plus uniformes, qui font les
années et les jours ; et cette durée, nous la nommons le temps. Et par suite
celui-ci ne surajoute à la durée prise en général, rien d’autre qu’une
manière de penser.
I, 58. Le nombre et tous les universaux ne sont que des façons de penser.
Ainsi aussi le nombre, quand il n’est considéré en aucune chose créée mais
seulement de manière abstraite, autrement dit en général, n’est qu’une
manière de penser ; comme aussi toutes ces autres choses que nous
appelons des universaux.
I, 58. Comment se font les universaux, et les cinq universaux
traditionnels : le genre, l’espèce, la différence, le propre, l’accident.
Ces universaux se font seulement de ce que nous utilisons une seule et
même idée pour penser beaucoup d’individus qui sont semblables entre
eux ; comme aussi nous apposons un seul et même nom à toutes les choses
représentées par une même idée ; et ce nom est un universel. Ainsi, quand
nous voyons deux pierres, et ne prêtons pas attention à leur nature mais
seulement à ce qu’elles sont deux, nous formons l’idée de leur nombre que
nous appelons binaire ; et quand ensuite nous voyons deux oiseaux ou
deux arbres et ne considérons pas non plus leur nature, mais seulement
qu’ils sont deux, nous répétons la même idée qu’avant, qui pour cela est
universelle ; comme aussi nous appelons ce nombre, du même nom
universel de binaire. De la même manière quand nous considérons une
figure enfermée entre trois lignes, dont nous formons une certaine idée que
nous nommons triangle, et que nous utilisons par la suite cette même idée
326
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
comme universelle pour produire dans notre âme toutes ces autres figures
enfermées entre trois
327
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

Cumque aduertimus, ex triangulis alios esse habentes unum angulum rectum, alios non
habentes, formamus ideam uniuersalem trianguli rectanguli, quae relata ad praecedentem,
ut magis generalem, species uocatur. Et illa anguli rectitudo est differentia uniuersalis, qua
omnia triangula rectangula ab aliis distinguuntur. Et quod in iis basis potentia aequalis sit
potentiis laterum, est proprietas iis omnibus et solis conueniens. Ac denique, si supponamus
aliquos eiusmodi triangulos moueri, alios non moueri, hoc erit in iis accidens uniuersale.
Atque hoc pacto quinque uniuersalia uulgo numerantur: genus, species, differentia,
proprium, et accidens.

I, 60. De distinctionibus, ac primo de reali.

Numerus autem, in ipsis rebus, oritur ab earum distinctione: quae distinctio triplex est,
realis, modalis, et rationis. Realis proprie tantum est inter duas uel plures substantias: et has
percipimus a se mutuo realiter esse distinctas, ex hoc solo quod unam absque altera clare et
distincte intelligere possimus. Deum enim agnoscentes, certi sumus ipsum posse efficere
quidquid distincte intelligimus: adeo ut, exempli causa, ex hoc solo quod iam habeamus
ideam substantiae extensae siue corporeae, quamuis nondum certo sciamus ullam talem
reuera existere, certi tamen sumus illam posse existere; atque si existat, unamquamque eius
partem, a nobis cogitatione definitam, realiter ab aliis eiusdem substantiae partibus esse
distinctam. Itemque, ex hoc solo quod unusquisque intelligat se esse rem cogitantem, et
possit cogitatione excludere a se ipso omnem aliam substantiam, tam cogitantem quam
extensam, certum est unumquemque, sic spectatum, ab omni alia substantia cogitante atque
ab omni substantia corporea realiter distingui. Ac etiamsi supponamus, Deum alicui tali
substantiae cogitanti substantiam aliquam corpoream tam arcte coniunxisse, ut arctius iungi
non possint, et ita ex illis duabus unum quid conflauisse, manent nihilominus realiter
distinctae: quia, quantumuis arcte ipsas uniuerit, potentia, quam ante habebat ad eas
separandas, siue ad unam absque alia conseruandam, seipsum exuere non potuit, et quae uel
a Deo possunt separari, uel seiunctim conseruari, realiter sunt distincta.
328
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
lignes. Et quand parmi les triangles nous remarquons que les uns
comportent un angle droit, les autres non, nous formons l’idée universelle
de triangle rectangle, laquelle rapportée à la précédente, en tant que plus
générale, est nommée espèce. Et cet angle droit, est la différence universelle
par laquelle le triangle rectangle se distingue des autres triangles. Et que la
puissance de la base dans ces triangles soit égale aux puissances des côtés 7
est une propriété qui convient à eux tous, et à eux seuls. Et enfin si nous
supposons que certains triangles de ce type se meuvent, d’autres ne se
meuvent pas, cela dans ces triangles sera un accident universel. Et de cette
façon sont énumérés les cinq universaux traditionnels : le genre, l’espèce, la
différence, le propre, l’accident.
I, 60. Des distinctions, et d’abord du réel.
Et le nombre naît dans les choses de la distinction des choses, qui est triple :
réelle, par leur manière d’être et de raison. La réelle n’est proprement
qu’entre deux ou plusieurs substances ; et nous percevons ces substances
être distinctes l’une de l’autre, de cela seul que nous pouvons comprendre
clairement et distinctement l’une sans l’autre. Connaissant Dieu en effet,
nous sommes certains qu’il peut faire précisément tout ce que nous
comprenons distinctement ; si bien par exemple, que de cela seul que nous
ayons déjà l’idée de substance étendue autrement dit corporelle, même si
nous ne savons pas encore avec certitude qu’une telle substance existe
véritablement, nous sommes néanmoins certains qu’elle peut exister ; et si
elle existe, chacune de ses parties définie par notre pensée est réellement
distincte des autres parties de cette même substance. De même de cela seul
que chacun comprend qu’il est une chose qui pense et qu’il peut exclure de
lui-même par la pensée toute autre substance, tant qui pense qu’étendue, il
est certain que chacun considéré de la sorte se distingue réellement de tout
autre substance qui pense et de toute substance corporelle. Et même si nous
supposons que Dieu a joint à une certaine telle substance qui pense, une
certaine substance corporelle si étroitement ensemble qu’elles ne pourraient
être jointes plus étroitement, et fondu ainsi ces deux substances en une
seule, néanmoins elles resteront réellement distinctes ; parce qu’aussi
étroitement que tu voudras qu’il les ait unies en réalité, lui-même ne peut
pas renoncer à la puissance qu’il avait avant pour les séparer autrement dit
pour conserver l’une sans l’autre, et ce qui par Dieu même ne peut pas être
séparé ou être conservé séparément, est réellement distinct.
329
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

I, 61. De distinctione modali.

Distinctio modalis est duplex: alia scilicet inter modum proprie dictum, et substantiam
cuius est modus; alia inter duos modos eiusdem substantiae. Prior ex eo cognoscitur, quod
possimus quidem substantiam clare percipere absque modo quem ab illa differre dicimus,
sed non possimus, uiceuersa, modum illum intelligere sine ipsa. Ut figura et motus
distinguuntur modaliter a substantia corporea, cui insunt; ut etiam affirmatio et recordatio a
mente. Posterior uero cognoscitur ex eo, quod unum quidem modum absque alio possimus
agnoscere, ac uiceuersa; sed neutrum tamen sine eadem substantia cui insunt. Ut si lapis
moueatur et sit quadratus, possum quidem intelligere eius figuram quadratam sine motu; et
uiceuersa, eius motum sine figura quadrata; sed nec illum motum, nec illam figuram
possum intelligere sine lapidis substantia. Distinctio autem, qua modus unius substantiae
differt ab alia substantia uel a modo alterius substantiae, ut motus unius corporis ab alio
corpore uel a mente, atque ut motus a duratione, realis potius dicenda esse uidetur, quam
modalis: quia modi illi non clare intelliguntur sine substantiis realiter distinctis, quarum
sunt modi.

I, 62. De distinctione rationis.

Denique distinctio rationis est inter substantiam et aliquod eius attributum, sine quo ipsa
intelligi non potest, uel inter duo talia attributa eiusdem alicuius substantiae. Atque
agnoscitur ex eo, quod non possimus claram et distinctam istius substantiae ideam formare,
si ab ea illud attributum excludamus; uel non possimus unius ex eiusmodi attributis ideam
clare percipere, si illud ab alio separemus. Ut, quia substantia quaeuis, si cesset durare,
cessat etiam esse, ratione tantum a duratione sua distinguitur; et omnes modi cogitandi,
quos tanquam in obiectis consideramus, ratione tantum differunt, tum ab obiectis de quibus
cogitantur, tum a se mutuo in uno et eodem obiecto. Memini quidem me alibi hoc genus
distinctionis cum modali coniunxisse, nempe in fine responsionis ad primas obiectiones in
330
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
I, 61. De la distinction de la manière.
La distinction de la manière est double : à savoir l’une proprement dite
entre la manière et la substance dont elle est la manière ; l’autre entre deux
manières d’une même substance. La première se connaît de ce
qu’assurément nous pouvons percevoir clairement une substance sans ses
manières d’être que nous disons différer d’elle, mais inversement nous ne
pouvons pas comprendre une manière d’être sans une substance même.
Comme une figure et un mouvement se distinguent dans la modalité de la
substance corporelle dans laquelle ils sont ; comme aussi une affirmation et
un souvenir se distinguent de l’esprit. Ensuite la deuxième se reconnaît en
vérité de ce que certainement une manière d’être peut se connaître sans
l’autre, et vice versa ; mais ni l’une ni l’autre toutefois sans la même
substance dans laquelle elles sont. Comme nous pouvons, d’une pierre de
figure carrée qui se meut, certainement comprendre sa figure carrée sans
son mouvement, et inversement son mouvement sans sa figure carrée ;
mais nous ne pouvons comprendre ni ce mouvement ni cette figure carrée
sans la substance pierre. La distinction toutefois par laquelle une manière
d’être d’une même substance diffère d’une autre substance ou de la
manière d’être d’une autre substance, comme le mouvement d’un même
corps diffère du mouvement d’un autre corps ou d’une pensée, et comme le
mouvement diffère de la durée, semble plutôt devoir être dite une
distinction réelle que par la manière ; parce que ces manières ne se
comprennent pas clairement sans les substances réellement distinctes dont
elles sont les manières d’être.
I, 62. De la distinction de raison.
Enfin une distinction de raison se trouve entre une substance et un certain
sien attribut sans lequel elle-même ne peut pas se comprendre, ou bien
entre deux tels attributs de la même certaine substance. Et cette distinction
se reconnaît de ce que nous ne pouvons pas former une idée claire et
distincte de cette substance si nous en excluons cet attribut ; ou bien que ne
pouvons pas percevoir clairement l’idée de l’un des attributs de ce genre, si
nous le séparons d’un autre. Par ex., une substance quelconque ne se
distingue de sa durée que par la raison, parce que si elle cesse de durer, elle
cesse aussi d’être ; et toutes les manières de penser, que nous considérons
comme dans les objets, diffèrent seulement par la raison tantôt des objets
d’où elles sont pensées, tantôt l’une de l’autre dans un seul et même objet.
Je me souviens très bien avoir joint ailleurs ce genre de distinction avec la
331
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
manière d’être, n’est-ce pas, à la fin de la réponse aux Premières Objections
aux Méditations
332
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

Meditationes de prima Philosophia: sed ibi non erat occasio de ipsis accurate disserendi, et
sufficiebat ad meum institutum, quod utramque a reali distinguerem.

I, 63. Quomodo cogitatio et extensio distincte cognosci possint, ut constituentes naturam


mentis et corporis.

Cogitatio et extensio spectari possunt ut constituentes naturas substantiae intelligentis et


corporeae; tuncque non aliter concipi debent, quam ipsa substantia cogitans et substantia
extensa, hoc est, quam mens et corpus; quo pacto clarissime ac distinctissime intelliguntur.
Quin et facilius intelligimus substantiam extensam, uel substantiam cogitantem, quam
substantiam solam, omisso eo quod cogitet uel sit extensa. Nonnulla enim est difficultas, in
abstrahenda notione substantiae a notionibus cogitationis uel extensionis, quae scilicet ab
ipsa ratione tantum diuersae sunt; et non distinctior fit conceptus ex eo quod pauciora in eo
comprehendamus, sed tantum ex eo quod illa quae in ipso comprehendimus, ab omnibus
aliis accurate distinguamus.

I, 64. Quomodo etiam ut modi substantiae.

Cogitatio et extensio sumi etiam possunt pro modis substantiae, quatenus scilicet una et
eadem mens plures diuersas cogitationes habere potest; atque unum et idem corpus,
retinendo suam eandem quantitatem, pluribus diuersis modis potest extendi: nunc scilicet
magis secundum longitudinem, minusque secundum latitudinem uel profunditatem, ac
paulo post e contra magis secundum latitudinem, et minus secundum longitudinem.
Tuncque modaliter a substantia distinguuntur, et non minus clare ac distincte quam ipsa
possunt intelligi: modo non ut substantiae, siue res quaedam ab aliis separatae, sed
tantummodo ut modi rerum spectentur. Per hoc enim, quod ipsas in substantiis quarum sunt
modi consideramus, eas ab his substantiis distinguimus, et quales reuera sunt agnoscimus.
At e contra, si easdem absque substantiis, quibus insunt, uellemus considerare, hoc ipso
illas ut res subsistentes spectaremus, atque ita ideas modi et substantiae confunderemus.
333
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
de Philosophie Première ; mais ce n’était pas le moment à cet endroit d’en
disserter soigneusement en réalité, et il suffisait à mon dessein de
distinguer les deux de la distinction réelle.
I, 63. Comment la pensée et l’extension peuvent se connaître distinctement,
en tant que constituant la nature du corps et de l’esprit.
La pensée et l’extension peuvent se regarder comme constituant les
natures, d’une substance qui comprend, et d’une substance corporelle ; et
alors elles ne doivent pas se concevoir autrement que la substance même
qui pense et la substance étendue, c’est-à-dire que l’esprit et le corps ; de
cette façon elles se comprennent très clairement et très distinctement. Bien
plus, quand est mis de côté ce qui pense ou ce qui est étendu, nous
comprenons plus facilement une substance étendue ou une substance qui
pense, qu’une seule substance. Car la difficulté n’est pas nulle d’arracher à
la notion de substance les notions de pensée ou d’extension, à savoir qui
diffèrent seulement par la raison ; et un concept ne se fait pas plus distinct
de ce que nous embrassons moins de choses en lui, mais seulement de ce
que nous distinguons soigneusement ce que nous embrassons en lui-même
de tout le reste.
I, 64. Aussi comme en tant que constituant des manières d’une substance.
La pensée et l’extension peuvent aussi être prises pour des manières d’être
d’une substance, en tant évidemment qu’un seul et même esprit peut avoir
un très grand nombre de pensées différentes, et en tant qu’un seul et même
corps peut s’étendre, tout en conservant sa propre quantité, d’un très grand
nombre de manières différentes ; à savoir, maintenant plus grand selon la
longueur et moins selon la largeur ou la profondeur, et un peu plus tard au
contraire plus grand selon la largeur et moins selon la longueur. Et alors
pensée et extension se distinguent de la substance dans la modalité, et pas
moins clairement ni moins distinctement qu’elles peuvent se comprendre
par elle-même ; pourvu qu’elles ne soient pas regardées comme des
substances autrement dit certaines choses séparées des autres, mais
seulement comme des manières d’être des choses. Car par cela même que
nous les considérons justement dans les substances dont elles sont des
manières d’être, nous les distinguons de ces substances et reconnaissons
quelles elles sont vraiment. Mais au contraire si nous voulons les considérer
précisément sans les substances dans lesquelles elles sont, par cela même
nous les regarderons comme des choses qui subsistent et ainsi nous
confondrons les idées d’une manière et celles d’une substance.
334
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
335
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

I, 65. Quomodo ipsarum modi sint etiam cognoscendi.

Eadem ratione, diuersos cogitationum modos, ut intellectionem, imaginationem,


recordationem, uolitionem, etc; itemque diuersos modos extensionis siue ad extensionem
pertinentes, ut figuras omnes, et situs partium, et ipsarum motus, optime percipiemus, si
tantum ut modos rerum quibus insunt spectemus; et quantum ad motum, si de nullo nisi
locali cogitemus, ac de ui a qua excitatur (quam tamen suo loco explicare conabor) non
inquiramus.

I, 66. Quomodo sensus, affectus et appetitus, clare cognoscantur, quamuis saepe de iis male
iudicemus.

Supersunt sensus, affectus, et appetitus, qui quidem etiam clare percipi possunt, si accurate
caueamus, ne quid amplius de iis iudicemus, quam id praecise, quod in perceptione nostra
continetur, et cuius intime conscii sumus. Sed perdifficile est id obseruare, saltem circa
sensus: quia nemo nostrum est, qui non ab ineunte aetate iudicarit, ea omnia quae sentiebat,
esse res quasdam extra mentem suam existentes, et sensibus suis, hoc est, perceptionibus
quas de illis habebat, plane similes. Adeo ut uidentes, exempli gratia, colorem, putauerimus
nos uidere rem quandam extra nos positam, et plane similem ideae illi coloris, quam in
nobis tunc experiebamur; idque ob consuetudinem ita iudicandi, tam clare et distincte
uidere nobis uidebamur, ut pro certo et indubitato haberemus.

I, 67. In ipso de dolore iudicio saepe nos falli.

Idemque plane est de aliis omnibus quae sentiuntur, etiam de titillatione ac dolore. Quamuis
enim haec extra nos esse non putentur, non tamen ut in sola mente siue in perceptione
nostra solent spectari, sed ut in manu, aut in pede, aut quauis alia parte nostri corporis. Nec
sane magis certum est, cum, exempli causa, dolorem sentimus tanquam in pede, illum esse
quid extra nostram mentem, in pede existens, quam cum uidemus lumen
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
I, 65. Comment il faut reconnaître aussi la pensée et l’extension de leur fa-
çon d’être.
De la même façon nous percevons le mieux du monde des façons diverses
de pensées, comme l’intellection, l’imagination, le souvenir, la volition, etc.,
et de même, diverses manières de l’extension, autrement dit qui
appartiennent à l’extension, comme toutes les figures, ainsi que la situation
des parties et leurs mouvements mêmes, si nous les regardons seulement
comme des manières d’être des choses dans lesquelles elles sont, et en ce
qui concerne le mouvement, si nous pensons à nul autre que le local et en
outre ne cherchons pas à découvrir la force par laquelle il est excité (que je
m’efforcerai néanmoins d’expliquer en son lieu).
I, 66. Comment sont reconnus clairement les sensations, les affects et les
appétits, même si souvent nous ne les jugeons pas correctement.
Restent les sensations, les affects et les appétits qui assurément peuvent
aussi être perçus clairement, pourvu que nous prenions garde
soigneusement de ne pas leur porter quelque jugement plus précis que ce
qui est précisément contenu dans notre perception, et dont nous sommes
intimement conscients. Mais il est particulièrement difficile d’observer cette
règle, du moins pour les sensations, parce qu’il n’est personne parmi nous
qui ne juge que tout ce qu’il sent depuis l’entrée dans la vie, sont certaines
choses existant en dehors de l’esprit et parfaitement semblables à ses
propres sensations, c’est-à-dire aux perceptions qu’il a. Si bien que, par
exemple, voyant une couleur, nous pensons voir une certaine chose posée
en dehors de nous et parfaitement semblable à cette idée de couleur que
nous savons alors être en nous, et il nous semble voir si clairement et si
distinctement, ce qui est jugé ainsi par habitude, que nous le tenons pour
certain et indubitable.
I, 67. Dans le jugement même de souffrance souvent nous nous trompons.
Il en est de même de toutes autres les autres choses que nous sentons,
même de l’allégresse et de la souffrance. Car même si nous ne pensons pas
que ces choses sont hors de nous, néanmoins nous n’avons pas l’habitude
de les regarder dans notre seul esprit autrement dit dans notre seule
perception, mais comme étant dans la main, ou le pied ou n’importe quelle
autre partie de notre corps. Et sainement il n’est pas plus certain quand, par
exemple, nous ressentons une souffrance comme dans un pied, que cette
souffrance est quelque chose existant dans le pied en dehors de notre
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
esprit, que quand nous voyons la lumière comme étant dans le soleil, que
cette lumière existe
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

tanquam in Sole, illud lumen extra nos in Sole existere; sed utraque ista praeiudicia sunt
primae nostrae aetatis, ut infra clare apparebit.

I, 68. Quomodo in istis id, quod clare cognoscimus, ab eo in quo falli possumus, sit
distinguendum.

Ut autem hic quod clarum est ab eo quod obscurum distinguamus, diligentissime est
aduertendum, dolorem quidem et colorem, et reliqua eiusmodi, clare ac distincte percipi,
cum tantummodo ut sensus, siue cogitationes, spectantur. Cum autem res quaedam esse
iudicantur, extra mentem nostram existentes, nullo plane modo posse intelligi quaenam res
sint, sed idem plane esse, cum quis dicit se uidere in aliquo corpore colorem, uel sentire in
aliquo membro dolorem, ac si diceret se id ibi uidere uel sentire, quod quidnam sit plane
ignorat, hoc est, se nescire quid uideat aut sentiat. Etsi enim, minus attendendo, sibi facile
persuadeat se nonnullam eius habere notitiam, ex eo quod supponat esse quid simile sensui
illi coloris aut doloris, quem apud se experitur: si tamen examinet quidnam sit, quod iste
sensus coloris uel doloris, tanquam in corpore colorato uel in parte dolente existens,
repraesentet, omnino aduertet se id ignorare.

I, 69. Longe aliter cognosci magnitudinem figuram, etc, quam colores, dolores, etc.

Praesertim si consideret, se longe alio modo cognoscere, quidnam sit in uiso corpore
magnitudo, uel figura, uel motus (saltem localis: Philosophi enim, alios quosdam motus a
locali diuersos effingendo, naturam eius sibi minus intelligibilem reddiderunt), uel situs, uel
duratio, uel numerus, et similia, quae in corporibus clare percipi iam dictum est: quam quid
in eodem corpore sit color, uel dolor, uel odor, uel sapor, uel quid aliud ex iis, quae ad
sensus dixi esse referenda. Quamuis enim uidentes aliquod corpus, non magis certi simus
illud existere, quatenus apparet figuratum, quam quatenus apparet coloratum: longe tamen
euidentius agnoscimus, quid sit in eo esse figuratum, quam quid sit esse coloratum.
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
dans le soleil en dehors de nous ; mais l’un et l’autre de ces préjugés
existent depuis notre plus jeune âge comme il apparaîtra clairement par la
suite.
I, 68. Comment il faut distinguer dans ces sensations ce que nous
reconnaissons clairement de ce en quoi nous pouvons nous tromper.
Pour distinguer ici ce qui est clair de ce qui est obscur, il nous faut
remarquer avec le plus grand soin que la souffrance et la couleur, et les
autres choses de ce genre, sont certainement perçues clairement et
distinctement quand elles sont regardées seulement comme des sensations
autrement dit des pensées. Et quand elles sont jugées être certaines choses
existant en dehors de notre esprit, en absolument aucune manière ne peut
se comprendre quelles choses elles sont ; mais quand quelqu’un dit voir
une couleur en un certain corps, ou ressentir une souffrance en un membre,
c’est exactement la même chose que s’il dit voir ou sentir à cet endroit
quelque chose dont il ignore absolument ce que c’est, c’est-à-dire qu’il ne
sait pas ce qu’il voit ou ce qu’il sent. Car même si, prêtant moins
d’attention, il se persuade facilement avoir une certaine connaissance de ce
qu’il suppose être quelque chose de semblable à cette sensation de couleur
ou de souffrance qu’il connaît en lui, pourtant s’il examine ce que pourrait
être ce que représente en réalité cette sensation de couleur existant comme
dans un corps coloré, ou de souffrance comme dans une partie
douloureuse, il remarque qu’il l’ignore complétement.
I, 69. La grandeur, la figure, etc. sont de loin autrement connues que les
couleurs, les douleurs, etc.
Surtout s’il considère savoir de loin d’une autre manière ce qu’est dans un
corps le fait qu’il voit, la grandeur, ou la figure, ou le mouvement (du
moins le local, car les philosophes en inventant certains autres mouvements
différents du local se sont rendus la nature du mouvement, moins
intelligible) ou le lieu, ou la durée, ou le nombre, et choses semblables qui
ont déjà été dites être clairement perçues dans les corps, que de savoir ce
qu’est dans le même corps la couleur, ou l’odeur ou la saveur ou quoi que
ce soit d’autre que j’ai dit devoir être rapporté aux sensations. Car bien que
nous ne soyons pas plus certains en voyant un certain corps, qu’il existe en
tant qu’il apparaît figuré qu’en tant qu’il apparaît coloré, pourtant de loin
nous reconnaissons plus évident ce qu’est en lui être figuré, que ce qu’est
en lui être coloré.
340
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae

I, 70. Nos posse duobus modis de sensibilibus iudicium ferre, quorum uno errorem
praecauemus, alio in errorem incidimus.

Patet itaque in re idem esse, cum dicimus nos percipere colores in obiectis, ac si diceremus
nos percipere aliquid in obiectis, quod quidem quid sit ignoramus, sed a quo efficitur in
nobis ipsis sensus quidam ualde manifestus et perspicuus, qui uocatur sensus colorum. In
modo autem iudicandi permagna est diuersitas: nam quamdiu tantum iudicamus aliquid
esse in obiectis (hoc est, in rebus, qualescumque demum illae sint, a quibus sensus nobis
aduenit), quod quidnam sit ignoramus, tantum abest ut fallamur, quin potius in eo errorem
praecauemus, quod aduertentes nos aliquid ignorare, minus procliues simus ad temere de
ipso iudicandum. Cum uero putamus nos percipere colores in obiectis, etsi reuera
nesciamus quidnam sit, quod tunc nomine coloris appellamus, nec ullam similitudinem
intelligere possimus, inter colorem quem supponimus esse in obiectis, et illum quem
experimur esse in sensu: quia tamen hoc ipsum non aduertimus, et multa alia sunt, ut
magnitudo, figura, numerus, etc, quae clare percipimus non aliter a nobis sentiri uel
intelligi, quam ut sunt aut saltem esse possunt in obiectis: facile in eum errorem delabimur,
ut iudicemus id, quod in obiectis uocamus colorem, esse quid omnino simile colori quem
sentimus, atque ita ut id, quod nullo modo percipimus, a nobis clare percipi arbitremur.

I, 71. Praecipuam errorum causam a praeiudiciis infantiae procedere.

Hicque primam et praecipuam errorum omnium causam licet agnoscere. Nempe in prima
aetate, mens nostra tam arcte corpori erat alligata, ut non aliis cogitationibus uacaret, quam
iis solis, per quas ea sentiebat quae corpus afficiebant: necdum ipsas ad quidquam extra se
positum referebat, sed tantum ubi quid corpori incommodum occurrebat, sentiebat dolorem;
ubi quid commodum, sentiebat uoluptatem; et ubi sine magno commodo uel incommodo
corpus afficiebatur, pro diuersitate partium in quibus et modorum quibus afficiebatur,
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine
I, 70. Nous pouvons porter un jugement de deux manières sur les choses
perçues par les sens, dont, par l’une nous prévenons l’erreur, par l’autre
nous tombons dans l’erreur.
C’est pourquoi dans l’affaire il est évident que quand nous disons percevoir
des couleurs dans des objets c’est la même chose que si nous disions
percevoir dans des objets quelque chose, dont certes nous ne savons pas ce
que c’est, mais d’où se fait en nous en réalité une certaine sensation très
manifeste et très claire, appelée sensation des couleurs. Toutefois dans la
manière d’estimer, la différence est très grande ; car aussi longtemps que
nous estimons se trouver dans les objets (c’est-à-dire dans les choses d’où la
sensation advient à nous, quelles qu’elles soient en fait) quelque chose que
nous ignorons, tant s’en faut que nous nous trompions de prévenir
davantage l’erreur en cela, que d’être moins enclins à estimer quelque
chose au hasard, en remarquant ignorer cette chose. En vérité quand nous
pensons percevoir des couleurs dans des objets, même si nous ne savons
pas ce qu’est vraiment ce que nous nommons alors du nom de couleur, et
que nous ne pouvons saisir aucune similitude entre la couleur que nous
supposons être dans les objets et celle que nous savons être dans la
sensation, néanmoins parce que nous n’y faisons pas vraiment attention et
que se trouvent beaucoup d’autres choses dans les objets, comme la
grandeur, la figure, le nombre etc. que nous percevons clairement ne pas
sentir ou comprendre autrement que comme elles sont, ou du moins
peuvent être, dans les objets, alors facilement nous tomberons dans cette
erreur d’estimer que ce que nous appelons couleur dans les objets, est
quelque chose tout à fait semblable à la couleur que nous sentons, et ainsi
nous penserons percevoir clairement ce que nous ne percevons en aucune
façon clairement.
I, 71. La principale cause des erreurs provient des préjugés de l’enfance.
Et ici il est permis de reconnaître la première et principale cause de toutes
les erreurs. Dans le premier âge n’est-ce pas notre esprit est si étroitement
lié au corps qu’il n’est occupé par aucune pensée sinon les seules par
lesquelles il sent ce qui affecte le corps 8 ; et il ne rapporte pas encore ces
pensées à quelque chose de posé en dehors de lui mais il ressent seulement
une souffrance quand quelque chose d’incommode arrive au corps, du
plaisir quand quelque chose de commode ; et quand le corps est affecté
sans grande commodité ou incommodité, à proportion de la diversité des
parties dans lesquelles il est affecté et des manières dont il est affecté, il a
des
342
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
343
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

habebat diuersos quosdam sensus, illos scilicet quos uocamus sensus saporum, odorum,
sonorum, caloris, frigoris, luminis, colorum, et similium, quae nihil extra cogitationem
positum repraesentant. Simulque etiam percipiebat magnitudines, figuras, motus, et talia;
quae illi non ut sensus, sed ut res quaedam, uel rerum modi, extra cogitationem existentes,
aut saltem existendi capaces, exhibebantur, etsi hanc inter ista differentiam nondum notaret.

Ac deinde, cum corporis machinamentum, quod sic a natura fabricatum est ut propria sua ui
uariis modis moueri possit, hinc inde temere se contorquens, casu commodum quid
assequebatur aut fugiebat incommodum, mens illi adhaerens incipiebat aduertere id, quod
ita assequebatur aut fugiebat, extra se esse; nec tantum illi tribuebat magnitudines, figuras,
motus, et talia, quae ut res aut rerum modos percipiebat, sed etiam sapores, odores, et
reliqua, quorum in se sensum ab ipso effici aduertebat. Atque omnia tantum referens ad
utilitatem corporis, cui erat immersa, eo plus aut minus rei esse putabat in unoquoque
obiecto a quo afficiebatur, prout plus aut minus ab ipso afficiebatur. Unde factum est, ut
multo plus substantiae, seu corporeitatis, esse putaret in saxis aut metallis, quam in aqua uel
aëre, quia plus duritiei et ponderositatis in iis sentiebat. Quin et aërem, quandiu nullum in
eo uentum aut frigus aut calorem experiebatur, pro nihilo prorsus ducebat. Et quia non plus
luminis a stellis quam ab exiguis flammis lucernarum ipsi affulgebat, idcirco nullas stellas
flammis istis maiores sibi repraesentabat. Et quia nec terram in gyrum uerti, nec eius
superficiem in globum curuatam esse notabat, ideo procliuior erat ad putandum, et eam
immobilem, et eius superficiem planam esse. Milleque aliis eiusmodi praeiudiciis, a prima
infantia, mens nostra imbuta est; quae deinde in pueritia non recordabatur fuisse a se sine
sufficienti examine recepta, sed tanquam sensu cognita, uel a natura sibi indita, pro
uerissimis euidentissimisque admisit.
344
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
sensations diverses, à savoir celles que nous appelons saveur, odeur, son,
chaleur, froid, lumière, couleur, et choses semblables qui ne représentent
rien de posé en dehors de la pensée. Et en même temps aussi, il perçoit les
grandeurs, les figures, le mouvement et choses semblables, qui ne lui sont
pas présentés comme des sensations mais comme certaines choses ou
manières d’être des choses qui existent, ou du moins sont capables
d’exister, en dehors de la pensée, même s’il ne note pas encore cette
différence entre ces choses.
Puis, quand le mécanisme du corps, qui est fabriqué ainsi par la nature
qu’il peut se mouvoir de différentes manières par sa propre force, de là
ensuite, se tournant selon le cas de ci et de là, suivant ce qui est commode
ou fuyant ce qui est incommode, l’esprit qui lui est accroché commence à
remarquer que ce qui est ainsi suivi ou fui, est en dehors de soi ; et il
n’attribue pas seulement à cela les grandeurs, les figures le mouvement et
ces choses qu’il perçoit comme étant des choses, ou plutôt des manières
d’être des choses, mais aussi les saveurs, les odeurs et le reste dont il
remarque la sensation de cela-même se faire en lui. Et rapportant tout à la
seule utilité du corps dans lequel il est immergé, il pense de là que se
trouve, dans chaque objet par lequel il est affecté, plus ou moins le propre
de la chose même, suivant qu’il est plus ou moins affecté par cet objet. D’où
se fait qu’il pense se trouver beaucoup plus de substance ou encore de
corporéité dans les pierres et les métaux que dans l’eau et dans l’air, parce
qu’il y sent plus de dureté et de pesanteur. Bien plus, il traite l’air, aussi
longtemps qu’il n’éprouve aucun vent en lui ou froid ou chaleur, pour
absolument rien. Et parce que lui-même n’est pas frappé par plus de
lumière venue des étoiles que par celle venue des minuscules flammes des
chandelles, pour cela il ne se représente aucune étoile plus grande que ces
flammes minuscules. Et parce qu'il ne sait pas que la terre tourne sur son
axe9 ni que sa surface est courbée en une sphère, pour cela il est enclin à
penser qu’elle est immobile et que sa surface est plane. Et notre esprit est
imbibé depuis la petite enfance de mille autres préjugés de ce type qu’il ne
se souvient pas par la suite, sans un examen suffisant, avoir été reçus par
lui-même dans l’enfance, mais il les admet en tant que connus par la
sensation ou mis en lui par la nature, pour les plus vrais et les plus
évidents.
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

I, 72. Alteram errorum causam esse, quod praeiudiciorum obliuisci nequeamus.

Et quamuis iam maturis annis, cum mens non amplius tota corpori seruit, nec omnia ad
illud refert, sed etiam de rerum, in se ipsis spectatarum, ueritate inquirit, permulta ex iis,
quae sic antea iudicauit, falsa esse deprehendat: non tamen ideo facile ipsa ex memoria sua
expungit, et quamdiu in ea haerent, uariorum errorum causae esse possunt. Ita, exempli
causa, quoniam a prima aetate stellas imaginati sumus perexiguas, etsi iam rationes
Astronomicae perspicue nobis ostendant ipsas esse quam maximas, tantum tamen
praeiudicata opinio adhuc ualet, ut nobis perdifficile sit, ipsas aliter quam prius imaginari.

I, 73. Tertiam causam esse, quod defatigemur, ad ea, quae sensibus praesentia non sunt,
attendendo ; et ideo assueti simus de illis, non ex praesenti perceptione, sed ex
praeconcepta opinione iudicare.

Praeterea mens nostra non sine aliqua difficultate ac defatigatione potest ad ullas res
attendere; omniumque difficillime ad illa attendit, quae nec sensibus, nec quidem
imaginationi praesentia sunt: siue quia talem, ex eo quod corpori coniuncta sit, habet
naturam; siue quia in primis annis, cum tantum circa sensus et imaginationes occuparetur,
maiorem de ipsis quam de caeteris rebus cogitandi usum et facilitatem acquisiuit. Hinc
autem fit, ut iam multi nullam substantiam intelligant, nisi imaginabilem, et corpoream, et
etiam sensibilem. Neque enim norunt ea sola esse imaginabilia, quae in extensione, motu et
figura consistunt, etsi alia multa intelligibilia sint; nec putant quidquam posse subsistere,
quod non sit corpus; nec denique ullum corpus non sensibile. Et quia reuera nullam rem,
qualis ipsa est, sensu solo percipimus, ut infra clare ostendetur, hinc accidit, ut plerique in
tota uita nihil nisi confuse percipiant.
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Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
I, 72. Une autre cause d’erreur est que nous ne savons pas nous débarrasser
des préjugés.
Et quoique dans les années de maturité, quand la totalité de l’esprit n’est
plus aussi largement esclave du corps et ne rapporte plus tout à lui
justement, mais cherche aussi la vérité des choses, regardées en elles-
mêmes, il s’aperçoit qu’une grande quantité de ce que le corps auparavant
lui indiquait ainsi est faux ; pourtant il ne l’efface précisément pas de sa
mémoire, et aussi longtemps que cela est fixé en elle, des causes d’erreurs
variées peuvent s’y trouver. Ainsi par exemple, quoique dans le premier
âge nous imaginions les étoiles toutes petites, même si très clairement
maintenant les calculs de l’astronomie nous les montrent elles-mêmes être
extrêmement grosses, seule pourtant prévaut encore l’opinion préalable, de
sorte qu’il nous est particulièrement difficile en réalité d’imaginer les
étoiles autrement que nous les imaginions avant.
I, 73. Une troisième cause est que nous nous fatiguons de prêter attention à
ce qui n’est pas présent dans les sensations ; et pour cela nous sommes
accoutumés à juger ces dernières non depuis la perception présente, mais
depuis une opinion préconçue.
En outre ce n’est pas sans quelque difficulté et fatigue, que notre esprit peut
prêter attention à une même chose, et il est très difficile de prêter attention
à tout ce qui n’est présent ni aux sens ni même à l’imagination ; soit parce
que l’esprit, de ce qu’il est étroitement joint au corps, a une nature telle, soit
parce que dans les premières années de vie, alors qu’il était seulement
occupé de sensations et d’imaginations, il a acquis une plus grande utilité,
et facilité pour penser à celles-ci en réalité, qu’au reste des choses. Et de là
se fait que beaucoup maintenant n’entendent une substance qu’imaginable
et corporelle, et aussi percevable par les sens. Car ils ne savent pas qu’est
seul imaginable ce qui dans l’extension consiste en mouvement et figure,
même s’il est beaucoup d’autres intelligibles ; et ils ne considèrent pas que
puisse subsister quelque chose qui ne soit pas corporel ; ni enfin qu’il n’est
pas de corps imperceptible aux sens. Et parce qu'en vérité par la seule
sensation, nous ne percevons aucune chose telle elle est précisément,
comme il sera montré clairement ci-après, de là arrive que la plupart des
hommes dans toute leur vie, perçoivent tout confusément.
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Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

I, 73. Quartam causam esse, quod conceptus nostros uerbis, quae rebus accurate non
respondent, alligemus.

Et denique, propter loquelae usum, conceptus omnes nostros uerbis, quibus eos
exprimimus, alligamus, nec eos nisi simul cum istis uerbis memoriae mandamus. Cumque
facilius postea uerborum quam rerum recordemur, uix unquam ullius rei conceptum
habemus tam distinctum, ut illum ab omni uerborum conceptu separemus, cogitationesque
hominum fere omnium circa uerba magis quam circa res uersantur: adeo ut persaepe
uocibus non intellectis praebeant assensum, quia putant se illas olim intellexisse, uel ab
aliis qui eas recte intelligebant accepisse. Quae omnia, quamuis accurate hic tradi non
possint, quia natura humani corporis nondum fuit exposita, necdum probatum est ullum
corpus existere, uidentur tamen satis posse intelligi, ut iuuent ad claros et distinctos
conceptus ab obscuris et confusis dignoscendos.

I, 75. Summa eorum quae obseruanda sunt, ad recte philosophandum.

Itaque ad serio philosophandum, ueritatemque omnium rerum cognoscibilium indagandam:


primo, omnia praeiudicia sunt deponenda, siue accurate est cauendum, ne ullis ex
opinionibus olim a nobis receptis fidem habeamus, nisi prius, iis ad nouum examen
reuocatis, ueras esse comperiamus. Deinde, ordine est attendendum ad notiones, quas
ipsimet in nobis habemus, eaeque omnes et solae, quas sic attendendo clare ac distincte
cognoscemus, iudicandae sunt uerae. Quod agentes, inprimis aduertemus nos existere,
quatenus sumus naturae cogitantis; et simul etiam, et esse Deum, et nos ab illo pendere, et
ex eius attributorum consideratione caeterarum rerum ueritatem posse indagari, quoniam
ille est ipsarum causa; et denique, praeter notiones Dei et mentis nostrae, esse etiam in
nobis notitiam multarum propositionum aeternae ueritatis, ut quod ex nihilo nihil fiat, etc;
itemque, naturae cuiusdam corporeae, siue extensae, diuisibilis, mobilis, etc; itemque,
sensuum quorundam qui nos afficiunt, ut doloris,
348
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
I, 73. Une quatrième cause est que nous lions les concepts à nos mots et que
ceux-ci ne répondent pas soigneusement aux choses.
Et enfin nous lions, à cause de l’usage de la parole, tous nos concepts aux
mots par lesquels nous les exprimons et nous ne les mandons à la mémoire
qu’ensemble avec ces mots mêmes. Et comme après nous nous souvenons
plus facilement des mots que des choses, nous avons difficilement d’une
certaine chose un concept à ce point distinct que nous le séparons de tout
concept de mots, et les pensées de tous les hommes peut-être, tournent plus
autour des mots qu’autour des choses ; si bien que la plupart du temps ils
donnent sens aux mots, non aux choses comprises, parce qu'ils pensent les
avoir comprises autrefois ou les avoir reçues d’autres qui les comprenaient
droitement. Et tout cela, bien que n’ait pas encore été exposée la nature du
corps humain, ni encore été prouvé qu’un corps existe, néanmoins semble
pouvoir être compris suffisamment pour aider à reconnaître les concepts
clairs et distincts, des obscurs et confus.
I, 75. Résumé de ce qui doit être observé pour philosopher droitement.
C’est pourquoi pour philosopher sérieusement, et rechercher minutieuse-
ment la vérité de toutes les choses connaissables, il faut premièrement
déposer tous les préjugés, autrement dit il faut soigneusement prendre
garde de n’avoir confiance en aucune des opinions que nous avons reçues
un jour, à moins d’apprendre avec certitude, après les avoir au préalable
révoquées à un nouvel examen, qu’elles sont vraies. Ensuite il faut, dans
l’ordre, prêter attention aux notions que nous avons nous-mêmes en nous,
et, leur prêtant ainsi attention, il faut juger être vraies toutes celles que nous
reconnaissons clairement et distinctement, et elles seules. Ce faisant, nous
constaterons premièrement que nous existons en tant que nous
appartenons à une nature qui pense ; et en même temps aussi, et que Dieu
est et que nous dépendons de lui, et que de la considération de ses attributs
nous pouvons chercher soigneusement la vérité du reste des choses,
puisque il en est lui-même la cause ; et enfin, outre les notions de Dieu et de
notre esprit, se trouvent aussi en nous la connaissance d’un grand nombre
de propositions d’une vérité éternelle comme le fait que de rien, rien ne se
fait, etc. ; et de même la connaissance d’une certaine nature corporelle
autrement dit étendue, divisible, mobile etc. ; et encore la connaissance de
certaines sensations qui nous affectent comme les sensations de souffrance,
de couleur, de saveur etc.
349
Première Partie. Des Principes de la Connaissance Humaine

colorum, saporum, etc, quamuis nondum sciamus quae sit causa, cur ita nos afficiant. Et
haec conferentes cum iis quae confusius antea cogitabamus, usum claros et distinctos
omnium rerum cognoscibilium conceptus formandi acquiremus. Atque in his paucis
praecipua cognitionis humanae principia contineri mihi uidentur.

I, 76. Autoritatem diuinam perceptioni nostrae esse praeferendam : sed ea seclusa non
decere philosophum aliis quam perceptis assentiri.

Praeter caetera autem, memoriae nostrae pro summa regula est infigendum, ea quae nobis a
Deo reuelata sunt, ut omnium certissima esse credenda. Et quamuis forte lumen rationis,
quam maxime clarum et euidens, aliud quid nobis suggerere uideretur, soli tamen
authoritati diuinae potius quam proprio nostro iudicio fidem esse adhibendam. Sed in iis, de
quibus fides diuina nihil nos docet, minime decere hominem philosophum aliquid pro uero
assumere, quod uerum esse nunquam perspexit; et magis fidere sensibus, hoc est,
inconsideratis infantiae suae iudiciis, quam maturae rationi.

__________________
350
Pars Prima De Principiis Cognitionis Humanae
même si nous ne savons pas encore qu’elle est la cause pourquoi elles nous
affectent ainsi. Et mettant celles-ci aux prises avec celles que nous pensions
plus confusément auparavant, nous acquerrons l’habitude de former des
concepts clairs et distincts de toutes les choses connaissables. Et en ce peu
me semblent être contenus les principes fondamentaux de la connaissance
humaine.
I, 76. L’autorité divine doit être préférée à notre perception ; mais, cela mis
à part, le philosophe montre ne donner son consentement à rien d’autre
qu’aux choses perçues.
Outre le reste toutefois, il nous faut graver dans la mémoire pour règle
suprême qu’il faut croire ce qui nous est révélé par Dieu comme plus
certain que tout. Et même si à l’occasion une étincelle de raison, la plus
claire et la plus évidente qui soit, semble nous suggérer quelque chose
d’autre, il faut néanmoins mettre notre confiance dans la seule autorité
divine plutôt que notre propre jugement. Mais dans ces choses dont la foi
divine ne nous enseigne rien, l’homme philosophe montre tenir le moins
du monde pour vrai quelque chose qu’il n’a jamais reconnu être vrai, et
montre le moins du monde faire plus confiance aux sensations c’est-à-dire
aux jugements inconsidérés de son enfance, qu’à la raison de la maturité.

__________________
351
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.

PRINCIPIORUM PHILOSOPHIAE

PARS SECUNDA

DE PRINCIPIIS RERUM MATERIALIUM

II, 1. Quibus rationibus rerum materialium existentia certo cognoscatur.

Etsi nemo non sibi satis persuadeat res materiales existere, quia tamen hoc a nobis paulo
ante in dubium reuocatum est, et inter primae nostrae aetatis praeiudicia numeratum, nunc
opus est ut rationes inuestigemus, per quas id certo cognoscatur. Nempe quicquid sentimus,
procul dubio nobis aduenit a re aliqua, quae a mente nostra diuersa est. Neque enim est in
nostra potestate efficere, ut unum potius quam aliud sentiamus; sed hoc a re illa quae sensus
nostros afficit, plane pendet. Quaeri quidem potest an res illa sit Deus, an quid a Deo
diuersum. Sed quia sentimus, siue potius a sensu impulsi clare ac distincte percipimus,
materiam quandam extensam in longum, latum et profundum, cuius uariae partes uariis
figuris praeditae sunt, ac uariis motibus cientur, ac etiam efficiunt ut uarios sensus
habeamus colorum, odorum, doloris, etc: si Deus immediate per se ipsum istius materiae
extensae ideam menti nostrae exhiberet, uel tantum si efficeret ut exhiberetur a re aliqua, in
qua nihil esset extensionis, nec figurae, nec motus: nulla ratio potest excogitari, cur non
deceptor esset putandus. Ipsam enim clare intelligimus tanquam rem a Deo et a nobis, siue
a mente nostra, plane diuersam; ac etiam clare uidere nobis uidemur, eius ideam a rebus
extra nos positis, quibus omnino similis est, aduenire; Dei autem naturae plane repugnare ut
sit deceptor, iam ante est animaduersum. Atque ideo hic omnino concludendum est, rem
quandam extensam in longum, latum et profundum, omnesque illas proprietates quas rei
extensae conuenire clare percipimus habentem, existere. Estque haec res extensa, quam
corpus siue materiam appellamus.
352
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

Deuxième Partie

DES PRINCIPES DES CHOSES MATÉRIELLES

II, 1. De quelles façons l’existence des choses matérielles est connue avec
certitude.
Bien que tout le monde soit suffisamment persuadé que les choses
matérielles existent, il faut maintenant rechercher les raisons par lesquelles
cela est connu avec certitude, puisqu’un peu plus haut10 nous l’avons
révoqué en doute et mis au nombre des préjugés de la première enfance.
Tout ce que nous sentons n’est-ce pas, nous advient sans aucun doute
d’une certaine chose qui est différente de notre esprit. Il est en effet en notre
pouvoir n’est-ce pas, de faire que nous sentions ceci plutôt que cela, mais
cela dépend absolument de cette chose qui affecte nos sens. On peut
sûrement se demander si cette chose est Dieu, ou si c’est quelque chose de
différent de Dieu. Mais parce que poussés par la sensation, nous sentons ou
plutôt nous percevons clairement et distinctement certaine matière étendue
en longueur, largeur et profondeur, dont les différentes parties sont dotées
de figures variées, qui sont ébranlées de divers mouvements, qui font aussi
que nous avons les sensations variées de couleur, odeur, souffrance, etc., si
Dieu présentait immédiatement par lui-même cette matière étendue à notre
esprit, ou s’il faisait seulement qu’elle soit présentée par une certaine chose
en laquelle rien n’appartiendrait à l’extension, ni à la figure ni au
mouvement, aucune raison ne pourrait s’extraire de la pensée pourquoi il
faudrait penser qu’il n’est pas trompeur. Car nous comprenons cette chose
même comme une chose complétement différente de Dieu et de nous,
autrement dit de notre esprit ; et aussi il nous semble voir clairement que
l’idée de cette chose advient depuis les choses posées hors de nous, dont
elle est absolument semblable ; et a déjà été remarqué que répugne
absolument à la nature de Dieu, qu’il soit trompeur. À ce point il faut
absolument conclure ici qu’existe une certaine chose étendue en longueur,
largeur et profondeur qui a toutes ces propriétés que nous percevons
convenir clairement à la chose étendue. Et cette chose étendue est ce que
nous nommons corps, autrement dit matière.
353
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.

II, 2. Quibus etiam cognoscatur corpus humanum menti esse arcte coniunctum.

Eadem ratione, menti nostrae corpus quoddam magis arcte, quam reliqua alia corpora,
coniunctum esse, concludi potest, ex eo quod perspicue aduertamus dolores aliosque sensus
nobis ex improuiso aduenire; quos mens est conscia non a se sola proficisci, nec ad se posse
pertinere ex eo solo quod sit res cogitans, sed tantum ex eo quod alteri cuidam rei extensae
ac mobili adiuncta sit, quae res humanum corpus appellatur. Sed accuratior eius rei
explicatio non est huius loci.

II, 3. Sensuum perceptiones, non quid reuera sit in rebus, sed quid humano composito
prosit uel obsit, docere.

Satis erit, si aduertamus sensuum perceptiones non referri, nisi ad istam corporis humani
cum mente coniunctionem, et nobis quidem ordinarie exhibere, quid ad illam externa
corpora prodesse possint aut nocere; non autem, nisi interdum et ex accidenti, nos docere,
qualia in seipsis existant. Ita enim sensuum praeiudicia facile deponemus, et solo intellectu,
ad ideas sibi a natura inditas diligenter attendente, hic utemur.

II, 4. Naturam corporis non in pondere, duritie, colore, aut similibus ; sed in sola
extensione consistere.

Quod agentes, percipiemus naturam materiae, siue corporis in uniuersum spectati, non
consistere in eo quod sit res dura, uel ponderosa, uel colorata, uel alio aliquo modo sensus
afficiens: sed tantum in eo quod sit res extensa in longum, latum et profundum. Nam,
quantum ad duritiem, nihil aliud de illa sensus nobis indicat, quam partes durorum
corporum resistere motui manuum nostrarum, cum in illas incurrunt. Si enim,
quotiescumque manus nostrae uersus aliquam partem mouentur, corpora omnia ibi
existentia recederent eadem celeritate qua illae accedunt, nullam unquam duritiem
sentiremus. Nec ullo modo potest intelligi, corpora quae sic recederent, idcirco naturam
corporis esse amissura; nec proinde ipsa in duritie consistit. Eademque ratione ostendi
potest, et pondus, et colorem, et alias omnes eiusmodi qualitates, quae in materia corporea
sentiuntur, ex ea tolli posse, ipsa integra remanente: unde sequitur, a nulla ex illis eius
naturam dependere.
354
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
II, 2. Et de cela se reconnaît aussi que le corps humain est étroitement joint
à l’esprit.
De la même manière, de ce que nous constatons très clairement nous
advenir à l’improviste des souffrances et autres sensations, peut se conclure
qu’un certain corps est plus étroitement uni à notre esprit que tout le reste
des autres corps ; et l’esprit est conscient que ces sensations ne prennent
pas leur départ en lui seul, et ne peuvent pas lui appartenir de cela seul
qu’il est une chose qui pense, mais seulement de ce qu’il est joint à une
certaine chose étendue et mobile, laquelle chose est appelée corps humain.
Mais ce n’est pas l’endroit d’une explication plus détaillée de cette chose.
II, 3. Les perceptions sensorielles enseignent non pas ce qui est
véritablement dans les choses, mais ce qui est utile ou nuisible à l’humain
convenablement disposé.
Il sera suffisant de remarquer que les perceptions des sens se rapportent
seulement à cette union du corps humain avec l’esprit, et assurément nous
présentent d’ordinaire ce en quoi les corps extérieurs peuvent être utiles ou
nuisibles à cette union, non toutefois tels ils existent en eux-mêmes, sinon
de temps en temps et par accident. Ainsi en effet nous déposerons
facilement les préjugés des sensations, et utiliserons ici l’intellect qui seul
prête diligemment attention aux idées mises en lui par la nature.
II, 4. La nature du corps consiste non pas dans la pesanteur, la dureté, la
couleur ou choses semblables, mais dans la seule extension.
Ce faisant, nous percevons que la nature de la matière autrement dit du
corps considéré en général, ne consiste pas en ce qu’il est une chose dure,
ou pesante, ou colorée ou tout autre manière qui affecte les sens, mais
seulement en ce qu’il est une chose étendue en longueur, largeur et
profondeur. Car pour ce qui est de la dureté, le sens ne nous indique rien
d’autre sur elle sinon que les parties des corps durs résistent au
mouvement de nos mains quand celles-ci vont à leur encontre. Car si toutes
les fois que nos mains se meuvent vers quelque partie, tous les corps
existant à cet endroit s’écartaient avec la même célérité avec laquelle les
mains s’approchent, nous ne sentirions jamais aucune dureté. Et en aucune
façon ne peut se comprendre que les corps qui s’écartent ainsi perdraient
pour cela la nature de corps ; et par conséquent cette nature précisément, ne
consiste pas dans la dureté. De la même manière peut être montré que, et la
pesanteur, et la couleur, et toutes les autres qualités de ce genre qui sont
ressenties dans la matière corporelle, peuvent en être séparées, elle-même
355
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
gardant son intégrité ; d’où suit que sa nature ne dépend d’aucune de ces
qualités.

II, 5. Praeiudicia de rarefactione et de uacuo, hanc corporis naturam obscuriorem facere.

Duae uero adhuc causae supersunt, ob quas potest dubitari, an uera natura corporis in sola
extensione consistat. Una est, quod multi existiment, pleraque corpora sic posse rarefieri ac
condensari, ut rarefacta plus habeant extensionis quam condensata; sintque etiam nonnulli
adeo subtiles, ut substantiam corporis ab eiusdem quantitate, atque ipsam quantitatem ab
extensione distinguant. Altera est, quod ubi nihil aliud esse intelligimus, quam extensionem
in longum, latum et profundum, non soleamus dicere ibi esse corpus, sed tantummodo
spatium, et quidem spatium inane, quod fere omnes sibi persuadent esse purum nihil.

II, 6. Quomodo fiat rarefactio.

Sed quantum ad rarefactionem et condensationem, quicumque ad cogitationes suas attendet,


ac nihil uolet admittere nisi quod clare percipiat, non putabit in ipsis aliud quidquam
contingere, quam figurae mutationem: ita scilicet, ut rara corpora illa sint, inter quorum
partes multa interualla existunt, corporibus aliis repleta; et per hoc tantum densiora
reddantur, quod ipsorum partes, ad inuicem accedentes, interualla ista imminuant uel plane
tollant: quod ultimum si aliquando contingat, tunc corpus tam densum euadit, ut repugnet
ipsum densius reddi posse. Atqui non ideo minus tunc extensum est, quam cum partes
habens a se mutuo dissitas, maius spatium amplectitur: quia quicquid extensionis in poris
siue interuallis a partibus eius relictis continetur, nullo modo ipsi tribui debet, sed aliis
quibusuis corporibus, a quibus interualla ista replentur. Ut cum uidemus spongiam, aqua
uel alio liquore turgentem, non putamus ipsam secundum singulas suas partes magis
extensam, quam cum compressa est et sicca; sed tantummodo poros habere magis patentes,
ac ideo per maius spatium esse diffusam.

II, 7. Eam non posse ullo alio modo intelligibili explicari.

Et sane non uideo, quid mouerit nonnullos, ut mallent dicere


356
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
II, 5. Les préjugés sur la dilatation (rarefactio)11 et le vide rendent plus
obscure cette nature du corps.
Il reste en vérité encore deux causes pour lesquelles peut être douté si la
vraie nature du corps consiste en la seule extension. L’une, est que
beaucoup estiment que la plupart des corps peuvent être dilatés (rarefieri) et
condensés, de telle sorte qu’ils auraient plus d’extension dilatés (rarefacta)
que condensés ; et pas peu aussi, sont à ce point subtils qu’ils distinguent la
substance d’un corps, de la quantité de ce même corps, et la quantité elle-
même de l’extension. L’autre, est que là où nous entendons n’être rien
d’autre qu’une extension en longueur, largeur et profondeur nous n’avons
pas l’habitude de dire qu’à cet endroit se trouve un corps mais seulement
un espace et assurément un espace vide que tous peut-être se persuadent
être un pur rien.
II, 6. Comment se fait la (rarefactio).
Mais quant à la dilatation et la condensation, quiconque prêtera attention à
ses pensées et ne voudra rien admettre qu’il ne perçoive clairement,
pensera que n’arrive en ces pensées, rien d’autre qu’un changement de
figure ; savoir, de telle sorte que sont dilatés (rara) ces corps entre les
parties desquels existent beaucoup d’intervalles remplis par d’autre corps ;
et ces corps sont rendus plus denses seulement de ce que leurs propres
parties s’approchant les unes des autres, restreignent ces intervalles ou les
suppriment complétement ; jusqu’à la fin, si cela arrive un jour, ou le corps
aboutit à une telle densité qu’il répugne pouvoir être rendu plus dense. Or
il n’est alors pas moins étendu pour cela que lorsqu’ayant des parties par
elles-mêmes espacées les unes des autres, il embrasse un espace plus
grand ; parce que tout ce qui est contenu d’extension dans les pores
autrement dit les intervalles abandonnés par ses parties, ne doit en aucune
manière lui être attribué en propre, mais à ces autres corps par lesquels ces
intervalles sont remplis. De la même manière que, quand nous voyons une
éponge gonflée d’eau ou d’un autre liquide, nous ne pensons pas qu’elle est
proprement plus étendue selon ses parties singulières, que quand elle est
comprimée et sèche, mais seulement qu’elle a des pores plus ouverts et que
pour cela elle se déploie à travers un espace plus grand.
II, 7. Elle ne peut être expliquée d’aucune autre façon intelligible.
Et sainement je ne vois pas ce qui pousse un si grand nombre, préférer
357
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.

rarefactionem fieri per augmentationem quantitatis, quam ipsam hoc spongiae exemplo
explicare. Nam etsi, cum aër aut aqua rarefiunt, non uideamus ullos ipsorum poros qui
ampliores reddantur, nec ullum nouum corpus, quod ad illos replendos accedat: non est
tamen rationi tam consentaneum, aliquid non intelligibile effingere, ad eorum rarefactionem
uerbotenus explicandam, quam ex hoc quod rarefiant, concludere in ipsis esse poros, siue
interualla quae ampliora redduntur, et nouum aliquod corpus accedere quod ipsa implet, etsi
hoc nouum corpus nullo sensu percipiamus. Nulla enim ratio nos cogit ad credendum,
corpora omnia quae existunt debere sensus nostros afficere. Ac rarefactionem perfacile hoc
modo, non autem ullo alio, fieri posse percipimus. Ac denique plane repugnat aliquid noua
quantitate uel noua extensione augeri, quin simul etiam noua substantia extensa, hoc est,
nouum corpus ei accedat. Neque enim ullum additamentum extensionis uel quantitatis, sine
additamento substantiae quae sit quanta et extensa, potest intelligi, ut ex sequentibus clarius
patebit.

II, 8. Quantitatem et numerum differre tantum ratione a re quanta et numerata.

Quippe quantitas a substantia extensa in re non differt, sed tantum ex parte nostri
conceptus, ut et numerus a re numerata. Ita scilicet ut totam naturam substantiae corporeae,
quae est in spatio decem pedum, possimus considerare, quamuis ad istam mensuram decem
pedum non attendamus: quia plane eadem intelligitur in qualibet istius spatii parte ac in
toto. Et uice uersa, potest intelligi numerus denarius, ut etiam quantitas continua decem
pedum, etsi ad istam determinatam substantiam non attendamus: quia plane idem est
conceptus numeri denarii, siue ad hanc mensuram decem pedum, siue ad quidlibet aliud
referatur; et quantitas continua decem pedum, etsi non possit intelligi sine aliqua substantia
extensa, cuius sit quantitas, potest tamen sine hac determinata. In re autem fieri non potest,
ut uel minimum quid ex ista quantitate aut extensione tollatur, quin tantundem etiam de
substantia detrahatur; nec uice uersa, ut tantillum de substantia detrahatur, quin tantundem
de quantitate ac extensione tollatur.
358
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
dire que la dilatation se fait par augmentation de la quantité plutôt que de
l’expliquer en réalité par cet exemple de l’éponge. Car même si, quand l’air
ou l’eau se dilatent, nous ne voyons aucun de leurs pores devenir en réalité
plus larges, ni ne voyons aucun nouveau corps venir les remplir, il n’est
pourtant pas plus consenti à la raison, pour expliquer leur dilatation, de se
figurer, par des mots seulement, quelque chose de non intelligible, que de
conclure qu’en ces corps se trouvent justement, de ce qu’ils se dilatent, des
pores, autrement dit des intervalles, qui deviennent plus larges et qu’un
nouveau corps arrive qui remplit ces intervalles, même si nous ne sentons
ce nouveau corps par aucun de nos sens. Car aucune raison ne nous
contraint à croire que tous les corps qui existent doivent affecter nos sens.
Et nous percevons que la dilatation peut très facilement se faire de cette
façon, et non par aucune autre. Et enfin il répugne absolument que quelque
chose soit augmenté d’une nouvelle quantité ou d’une nouvelle extension,
sans qu’en même temps aussi, une nouvelle substance étendue c’est-à-dire
un nouveau corps, ne lui parvienne. Et en effet, aucune addition
d’extension ou de quantité ne peut être entendue sans addition d’une
substance quantifiée et étendue, comme il sera visible plus clairement dans
ce qui suit.
II, 8. La quantité et le nombre diffèrent d’une chose quantifiée et dénombrée,
par la raison seulement.
C’est pourquoi la quantité ne diffère pas en fait de la substance étendue,
mais n’en diffère que par notre concept, comme le nombre diffère en fait de
la chose dénombrée. De même que nous pouvons considérer, par exemple,
toute la nature de la substance corporelle qui est dans un espace de dix
pieds, même si nous ne prêtons pas attention à cette mesure de dix pieds ;
parce que cette même substance est entièrement comprise en n’importe
quelle partie que dans le tout de cet espace. Et inversement peut se
comprendre le nombre dix, aussi comme une quantité continue de dix
pieds, même si nous ne prêtons pas attention à cette substance déterminée ;
parce que le concept du nombre dix est le même qu’il soit rapporté à cette
mesure de dix pieds ou à quoique que ce soit d’autre ; et une quantité
continue de dix pieds, même si elle ne peut pas se comprendre sans
quelque substance étendue dont elle est la quantité, peut néanmoins se
comprendre sans cette substance déterminée. Et en fait il ne peut pas se
faire que soit ôté quoi que ce soit de cette quantité ou extension, que ne soit
ôtée aussi la même quantité de substance ; ni inversement que soit ôté quoi
que ce soit de substance que ne soit ôté un tant soit peu de quantité ou
d’extension.
359
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
360
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

II, 9. Substantiam corpoream, cum a quantitate sua distinguitur, confuse concipi tanquam
incorpoream.

Et quamuis forte nonnulli aliud dicant, non puto tamen ipsos aliud ea de re percipere; sed
cum substantiam ab extensione aut quantitate distinguunt, uel nihil per nomen substantiae
intelligunt, uel confusam tantum substantiae incorporeae ideam habent, quam falso tribuunt
corporeae, huiusque substantiae corporeae ueram ideam extensioni relinquunt, quam tamen
accidens uocant, atque ita plane aliud efferunt uerbis, quam mente comprehendunt.

II, 10. Quid sit spatium, siue locus internus.

Non etiam in re differunt spatium, siue locus internus, et substantia corporea in eo contenta,
sed tantum in modo, quo a nobis concipi solent. Reuera enim extensio in longum, latum et
profundum, quae spatium constituit, eadem plane est cum illa quae constituit corpus. Sed in
hoc differentia est, quod ipsam in corpore ut singularem consideremus, et putemus semper
mutari quoties mutatur corpus: in spatio uero unitatem tantum genericam ipsi tribuamus,
adeo ut, mutato corpore quod spatium implet, non tamen extensio spatii mutari censeatur,
sed remanere una et eadem, quamdiu manet eiusdem magnitudinis ac figurae, seruatque
eundem situm inter externa quaedam corpora, per quae illud spatium determinamus.

II, 11. Quomodo in re non differat a substantia corporea.

Et quidem facile agnoscemus, eandem esse extensionem, quae naturam corporis et naturam
spatii constituit, nec magis haec duo a se mutuo differre, quam natura generis aut speciei
differt a natura indiuidui: si attendentes ad ideam quam habemus alicuius corporis, exempli
causa, lapidis, reiiciamus ab illa id omne quod ad corporis naturam non requiri
cognoscimus: nempe reiiciamus primo duritiem, quia si lapis liquefiat aut in puluisculos
quam minutissimos diuidatur, illam amittet, neque tamen ideo desinet esse corpus;
reiiciamus etiam colorem, quia uidimus saepe lapides adeo pellucidos, ut nullus in iis esset
color; reiiciamus grauitatem, quia quamuis ignis sit leuissimus, non ideo minus putatur esse
corpus; ac denique
361
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
II, 9. Une substance corporelle, quand elle se distingue de sa quantité, se
conçoit confusément comme incorporelle.
Et bien que beaucoup peut-être, disent autre chose, je ne pense pourtant
pas qu’eux-mêmes perçoivent autre chose sur ce point ; mais quand ils
distinguent la substance de l’extension ou de la quantité, ou bien par le
nom de substance ils ne comprennent rien, ou bien ils n’ont qu’une idée
confuse de la substance incorporelle qu’ils attribuent faussement à la
corporelle, et laissent la vraie idée de l’extension à cette substance
corporelle qu’ils nomment accident, et ainsi, par leurs mots, font paraître
complétement autre chose qu’ils n’embrassent par l’esprit.
II, 10. Ce qu’est l’espace autrement dit le lieu intérieur.
L’espace, autrement dit le lieu intérieur, ne diffère pas réellement non plus
de la substance corporelle contenue en lui, mais seulement par la manière
dont nous avons l’habitude de les concevoir. Car en vérité l’étendue en
longueur, largeur et profondeur qui constitue l’espace, est exactement la
même que celle qui constitue le corps. Mais la différence avec celui-ci est
que nous considérons l’étendue dans le corps comme singulière et pensons
toujours qu’elle change autant que change le corps ; mais nous n’attribuons
au corps dans l’espace qu’une unité générale, au point que si le corps qui
remplit l’espace change, néanmoins l’extension n’est pas censée changer
d’espace, mais rester la seule et même extension aussi longtemps qu’elle
reste de même grandeur que la figure et conserve le même site entre les
certains corps extérieurs par lesquels nous déterminons cet espace.
II, 11. Comment l’espace ne diffère pas en fait de la substance corporelle.
Et assurément nous reconnaîtrons facilement que c’est la même extension
qui constitue la nature du corps et la nature de l’espace, et que ces deux ne
diffèrent pas plus l’un de l’autre, que la nature du genre ou de l’espèce, ne
diffère de la nature de l’individu ; prêtons attention à l’idée que nous avons
d’un certain corps, d’une pierre par exemple, et rejetons de cette idée tout
ce que nous savons ne pas être requis à la nature d’un corps ; rejetons n’est-
ce pas d’abord la dureté, parce que si la pierre se liquéfie ou plutôt est
réduite en poussière aussi fine que possible, elle perdra sa dureté, et
pourtant ne cessera pas pour cela d’être un corps ; rejetons aussi la couleur,
parce que nous voyons souvent les pierres à ce point translucides qu’elles
n’ont plus aucune couleur ; rejetons la gravité parce que même si nous
voyons le feu être très léger, il n’est pas pensé pour cela être moins un
corps ; et enfin
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
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Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.

reiiciamus frigus et calorem, aliasque omnes qualitates, quia uel non considerantur in
lapide, uel iis mutatis, non ideo lapis corporis naturam amisisse existimatur. Ita enim
aduertemus, nihil plane in eius idea remanere, praeterquam quod sit quid extensum in
longum, latum et profundum: quod idem continetur in idea spatii, non modo corporibus
pleni, sed eius etiam quod uacuum appellatur.

II, 12. Quomodo ab eadem differat in modo, quo concipitur.

Est autem differentia in modo concipiendi; nam, sublato lapide ex spatio uel loco in quo
est, putamus etiam eius extensionem esse sublatam, utpote quam ut singularem et ab ipso
inseparabilem spectamus. Sed interim extensionem loci, in quo erat lapis, remanere
arbitramur, eandemque esse, quamuis iam ille locus lapidis a ligno, uel aqua, uel aëre, uel
alio quouis corpore occupetur, uel etiam uacuus esse credatur: quia ibi consideratur
extensio in genere, censeturque eadem esse lapidis, ligni, aquae, aêris, aliorumque
corporum, uel etiam ipsius uacui, si quod detur, modo tantum sit eiusdem magnitudinis ac
figurae, seruetque eundem situm inter corpora externa, quae spatium illud determinant.

II, 13. Quid sit locus externus.

Quippe nomina loci aut spatii non significant quicquam diuersum a corpore quod dicitur
esse in loco, sed tantum eius magnitudinem, figuram, et situm inter alia corpora designant.
Et quidem, ut ille situs determinetur, respicere debemus ad alia aliqua corpora, quae ut
immobilia spectemus; ac prout ad diuersa respicimus, dicere possumus eandem rem, eodem
tempore, locum mutare ac non mutare. Ut, cum nauis in mari prouehitur, qui sedet in puppi
manet semper uno in loco, si ratio habeatur partium nauis inter quas eundem situm seruat;
et ille idem assidue locum mutat, si ratio littorum habeatur, quoniam assidue ab unis recedit
et ad alia accedit. Ac praeterea, si putemus terram moueri, tantumque praecise procedere ab
Occidente uersus Orientem, quantum nauis interim ex Oriente in Occidentem promouetur,
364
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
rejetons le froid et la chaleur et toutes les autres qualités parce que ou bien
elles n’ont pas à être considérées dans une pierre ou bien qu’est estimé, que
la pierre ; si elles sont changées, ne perd pas pour cela la nature de corps.
Nous constaterons ainsi en effet que ne reste absolument rien de l’idée de la
pierre, sinon que la pierre est quelque chose d’étendue en longueur, largeur
et profondeur ; ce qui de même est contenu dans l’idée d’espace, non
seulement de l’espace plein de corps mais aussi de ce qui est appelé vide.
II, 12. Comment l’espace diffère de cette même substance corporelle selon la
manière dont il est conçu.
Il y a une différence toutefois dans la façon de concevoir ; car une fois ôtée
la pierre, ou l’espace, ou le lieu dans lequel elle était, nous pensons qu’est
ôtée aussi son extension, vu que nous regardons celle-ci comme singulière
et inséparable de la pierre même. Mais nous jugerons en même temps
demeurer et être la même, l’extension du lieu dans lequel était la pierre,
même si ce lieu de la pierre est déjà occupé par du feu, de l’eau ou de l’air
ou tout autre corps que l’on voudra, ou même est cru être vide ; parce que
l’extension à cet endroit est considérée en général, et censée être la même
que celle de la pierre, du feu, de l’eau, de l’air et d’autres corps, ou encore
du vide lui-même si quelque vide existait, pourvu seulement qu’elle soit de
même grandeur et figure et conserve le même site entre les corps extérieurs
qui déterminent cet espace.
II, 13. Ce qu’est le lieu extérieur.
C’est pourquoi les noms de lieu, ou encore d’espace, ne signifient pas
quelque chose qui diffère du corps qui est dit se trouver en un lieu, mais
signifient seulement sa grandeur, sa figure et sa situation entre d’autres
corps. Et assurément pour que ce lieu soit déterminé, nous devons porter le
regard vers les autres corps que nous considérons comme immobiles ; et
dans la mesure où nous regardons des corps variés, nous pouvons dire
qu’une même chose, au même moment, change ou ne change pas de lieu.
Comme quand un navire se déplace en mer, celui qui est assis à la poupe
reste toujours en un même lieu si l’on se rapporte aux parties du navire
entre lesquelles il conserve lui-même son site ; et lui-même change de lieu
incessamment si l’on tient compte des rives, puisque continuellement il
s’éloigne des unes et s’approche des autres. Et si nous pensons en outre,
que la terre se meut et fait précisément autant de chemin de l’occident vers
l’orient que le navire fait de chemin dans le même temps d’orient vers
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Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.

dicemus rursus illum qui sedet in puppi, locum suum non mutare: quia nempe loci
determinationem ab immotis quibusdam coeli punctis desumemus. Sed si tandem
cogitemus, nulla eiusmodi puncta uere immota in uniuerso reperiri, ut probabile esse infra
ostendetur, inde concludemus nullum esse permanentem ullius rei locum, nisi quatenus a
cogitatione nostra determinatur.

II, 14. In quo differant locus et spatium.

Differunt autem nomina loci et spatii, quia locus magis expresse designat situm quam
magnitudinem aut figuram, et e contra, magis ad has attendimus, cum loquimur de spatio.
Dicimus enim frequenter unam rem in locum alterius succedere, quamuis non sit accurate
eiusdem magnitudinis, nec figurae; sed tunc negamus illam idem spatium occupare; ac
semper, cum ille situs mutatur, dicimus locum mutari, quamuis eadem magnitudo ac figura
permaneat. Cumque dicimus rem esse in hoc loco, nihil aliud intelligimus, quam illam
obtinere hunc situm inter alias res; et cum addimus ipsam implere hoc spatium uel hunc
locum, intelligimus praeterea ipsam esse huius determinatae magnitudinis ac figurae.

II, 15. Quomodo locus externus pro superficie corporis ambientis recte sumatur.

Atque ita spatium quidem semper sumimus pro extensione in longum, latum et profundum.
Locum autem aliquando consideramus ut rei, quae in loco est, internum, et aliquando ut ipsi
externum. Et quidem internus idem plane est quod spatium; externus autem sumi potest pro
superficie quae proxime ambit locatum. Notandumque est, per superficiem non hic intelligi
ullam corporis ambientis partem, sed solum terminum, qui medius est inter ipsum corpus
ambiens et id quod ambitur, quique nihil aliud est quam modus: uel certe intelligi
superficiem in communi, quae non sit pars unius corporis magis quam alterius, sed eadem
semper esse censeatur, cum retinet eandem magnitudinem et figuram. Etsi enim omne
corpus ambiens cum sua superficie mutetur, non ideo res quam ambit locum mutare
existimatur, si eundem interim situm seruet inter illa externa, quae tanquam immobilia
spectantur.
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
l’occident, nous dirons une nouvelle fois que celui qui est assis à la poupe
ne change pas son lieu n’est-ce pas, parce que nous saisissons la
détermination du lieu depuis certains points immobiles du ciel. Mais si tou-
tefois nous pensons qu’aucun point de ce type ne se trouve vraiment
immobile dans l’univers, de là nous conclurons que ne se trouve aucun lieu
d’aucune chose immobile, sinon en tant que déterminé par notre pensée12.
II, 14. En quoi diffèrent le lieu et l’espace.
Toutefois les noms de lieu et d’espace diffèrent, parce que le lieu désigne
plus expressément le site que la grandeur ou aussi la figure, et que nous
prêtons plus attention au contraire à ces dernières quand nous parlons
d’espace. Car nous disons fréquemment qu’une chose succède à une autre
en un lieu, même si elle n’est pas exactement de même grandeur, ni de
même figure ; mais nous nions alors qu’elle occupe le même espace ; et
toujours, quand elle change de site, nous disons que le lieu est changé,
même si la grandeur et la figure sont inchangées. Et quand nous disons
qu’une chose est en tel lieu, nous n’entendons rien d’autre sinon qu’elle
occupe ce site entre d’autres choses ; et quand nous ajoutons qu’elle remplit
précisément cet espace ou ce lieu, nous entendons en outre que lui
appartiennent proprement ces grandeurs et figures déterminées.
II, 15. Comment le lieu extérieur est droitement pris pour la surface du
corps qui l’environne.
Et ainsi assurément l’espace est toujours pris pour l’extension en longueur,
largeur et profondeur. Et le lieu nous le considérons tantôt comme
l’intérieur de la chose qui est dans le lieu, tantôt comme l’extérieur de cette
chose même. Et certainement l’intérieur est entièrement la même chose que
l’espace ; l’extérieur toutefois peut être pris pour la surface qui entoure
immédiatement la chose localisée. Et il faut noter que par surface ici, ne
s’entend aucune partie du corps environnant, mais seulement la limite qui
se tient au milieu, entre le corps précisément qui environne et celui qui est
environné, et qui n’est rien d’autre qu’une manière d’être ; s’entend même
certainement la surface en commun, qui n’est pas plus une partie de l’un
des corps que de l’autre, mais qui est censée être toujours la même quand
elle conserve même grandeur et même figure. Car même si est changé tout
le corps environnant avec sa superficie, il n’est pas estimé pour cela que la
chose qui environne le lieu change, si elle conserve en même temps le
même site entre les corps extérieurs qui sont regardés comme immobiles.
Comme
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Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
368
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

Ut si nauim in unam partem a fluminis lapsu, et in contrariam a uento tam aequaliter impelli
supponamus, ut situm suum inter ripas non mutet, facile aliquis credet ipsam manere in
eodem loco, quamuis omnis superficies ambiens mutetur.

II, 16. Repugnare ut detur uacuum, siue in quo nulla plane sit res.

Vacuum autem philosophico more sumptum, hoc est, in quo nulla plane sit substantia, dari
non posse manifestum est, ex eo quod extensio spatii, uel loci interni, non differat ab
extensione corporis. Nam cum ex hoc solo quod corpus sit extensum in longum, latum et
profundum, recte concludamus illud esse substantiam,

quia omnino repugnat ut nihili sit aliqua extensio, idem etiam de spatio, quod uacuum
supponitur, est concludendum: quod nempe, cum in eo sit extensio, necessario etiam in ipso
sit substantia.

II, 17. Vacuum ex uulgi usu non excludere omne corpus.

Et quidem ex uulgi usu, per nomen uacui non solemus significare locum uel spatium in quo
nulla plane sit res, sed tantummodo locum in quo nulla sit ex iis rebus, quas in eo esse
debere cogitamus. Sic, quia urna facta est ad aquas continendas, uacua dicitur, cum aëre
tantum est plena. Sic nihil est in piscina, licet aquis abundet, si in ea desint pisces. Sic inane
est nauigium, quod comparatum erat ad uehendas merces, si solis arenis, quibus frangat
impetus uenti, sit onustum. Sic denique inane est spatium, in quo nihil est sensibile,
quamuis materia creata et per se subsistente plenum sit: quia non solemus considerare, nisi
eas res quae a sensibus attinguntur. Atqui si postea, non attendentes quid per nomina uacui
et nihili sit intelligendum, in spatio quod uacuum esse diximus, non modo nihil sensibile,
sed omnino nullam rem contineri existimemus: in eundem errorem incidemus, ac si ex eo
quod usitatum sit dicere urnam, in qua nihil est nisi aër, uacuam esse, ideo iudicaremus
aërem in ea contentum non esse rem subsistentem.
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Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
si nous supposons qu’un navire est poussé de façon si pareille d’un côté
par l’écoulement du fleuve et du côté opposé par le vent, qu’il ne change
pas son site entre les rives, facilement quelqu’un croira qu’il reste en réalité
dans le même lieu bien que change toute la surface qui l’environne.
II, 16. Il répugne que soit donné le vide, autrement dit en quoi ne se trouve
absolument aucune chose.
Il est manifeste cependant que le vide, pris de manière philosophique, c’est-
à-dire en quoi ne se trouve absolument aucune substance, est manifeste
qu’il ne peut pas se trouver, parce que l’extension d’un espace ou d’un lieu
intérieur, ne diffère pas de l’extension d’un corps. Car, comme nous
concluons droitement qu’un corps est une substance, de cela seul qu’il est
étendu en longueur, largeur et profondeur, il faut, parce que répugne
absolument qu’au rien appartienne quelque substance, conclure la même
chose aussi d’un espace qui est supposé vide, à savoir que quand se trouve
en cet espace l’extension, nécessairement aussi se trouve en lui précisément,
une substance.
II, 17. Le vide, selon l’usage commun, n’exclut pas tout corps.
Et selon l’usage commun, nous n’avons certes pas l’habitude de signifier
par le nom de vide, un lieu ou un espace, dans lequel ne se trouve
absolument aucune chose, mais seulement un lieu dans lequel ne se trouve
aucune de ces choses que nous pensons devoir y être. Ainsi parce qu’une
cruche a été faite pour contenir des liquides, elle est dite vide quand elle est
pleine d’air seulement. De même ne se trouve rien dans un bassin, encore
qu’il soit plein d’eau, si ne s’y trouvent pas des poissons. De même qu’est
vide un vaisseau destiné à transporter des marchandises s’il est chargé
seulement de sable pour briser l’impétuosité du vent. De même enfin, vide
est l’espace, dans lequel rien n’est perçu par les sens, même s’il est rempli
par une matière créée qui subsiste par soi, parce que nous avons l’habitude
de ne considérer que ces choses que nous atteignons par les sens. Or si par
la suite, ne prêtant pas attention à ce qu’il faut entendre par les noms de
vide et de rien, nous estimons n’être contenu dans un espace que nous
disons être vide, non seulement rien de perceptible par les sens mais
absolument aucune chose, nous tomberions dans la même erreur que si de
ce qu’il est d’usage de dire qu’une cruche dans laquelle il n'y a rien que de
l’air est vide, nous jugerions pour cela que l’air contenu dans la cruche n’est
pas une chose qui subsiste.
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

II, 18. Quomodo emendandum sit praeiudicium de vacuo absolute sumpto.

Lapsique sumus fere omnes a prima aetate in hunc errorem, propterea quod, non
aduertentes ullam esse inter uas et corpus in eo contentum necessariam coniunctionem, non
putauimus quicquam obstare, quominus saltem Deus efficiat, ut corpus, quod uas aliquod
replet, inde auferatur, et nullum aliud in eius locum succedat. Iam autem, ut errorem illum
emendemus, considerare oportet nullam quidem esse connexionem inter uas et hoc uel illud
corpus particulare quod in eo continetur, sed esse maximam, ac omnino necessariam, inter
uasis figuram concauam et extensionem in genere sumptam, quae in ea cauitate debet
contineri. Adeo ut non magis repugnet nos concipere montem sine ualle, quam intelligere
istam cauitatem absque extensione in ea contenta, uel hanc extensionem absque substantia
quae sit extensa: quia, ut saepe dictum est, nihili nulla potest esse extensio. Ac proinde, si
quaeratur quid fiet, si Deus auferat omne corpus quod in aliquo uase continetur, et nullum
aliud in ablati locum uenire permittat: respondendum est, uasis latera sibi inuicem hoc ipso
fore contigua. Cum enim inter duo corpora nihil interiacet, necesse est ut se mutuo tangant;
ac manifeste repugnat ut distent, siue ut inter ipsa sit distantia, et tamen ut ista distantia sit
nihil: quia omnis distantia est modus extensionis, et ideo sine substantia extensa esse non
potest.

II, 19. Ex his ea confirmari, quae de rarefactione dicta sunt.

Postquam sic aduertimus substantiae corporeae naturam in eo tantum consistere, quod sit
res extensa; eiusque extensionem non esse diuersam ab ea, quae spatio quantumuis inani
tribui solet: facile cognoscimus fieri non posse, ut aliqua eius pars plus spatii occupet una
uice quam alia, sicque aliter rarefiat, quam modo paullo ante explicato; uel ut plus sit
materiae, siue substantiae corporeae, in uase, cum plumbo, uel auro, uel alio quantumuis
graui ac duro corpore plenum est, quam cum aërem tantum continet, uacuumque
existimatur: quia partium materiae quantitas non pendet ab earum grauitate aut duritie, sed
a sola extensione, quae semper in eodem uase est aequalis.
371
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
II, 18. Comment il faut purger le préjugé sur le vide pris absolument.
Et peut-être sommes nous tous tombés dans cette erreur depuis le tout
jeune âge, pour cette raison que n’ayant pas pris garde qu’il n'y a aucun
lien entre le vase et le corps qu’il contient, nous n’avons pas pensé que
quelque chose au moins empêcherait Dieu de faire en sorte que le corps qui
remplit un certain vase soit emmené de là et nul autre ne lui succéde en ce
lieu. Maintenant il convient cependant, pour purger cette erreur, de
considérer que ne se trouve assurément aucun lien entre un vase et tel ou
tel corps particulier qu’il contient, mais qu’un lien est nécessaire au plus
haut point et absolument, entre la figure concave du vase et l’extension
prise en général, qui doit être contenue en cette cavité. Au point qu’il ne
répugne pas plus de concevoir une montagne sans vallée, que de
comprendre cette cavité sans extension contenue en elle, ou bien cette
extension sans une substance qui y soit étendue, parce que comme il a
souvent été dit, au rien ne peut appartenir aucune extension. Et par suite, si
était demandé ce qui ferait que Dieu emporte tout corps qui est contenu en
un certain vase et ne permette à aucun autre de venir dans le lieu laissé
vacant, il faut répondre que par cela même, il rendrait les côtés du vase
contigus les uns aux autres. Car quand rien n’est interposé entre deux corps
il est nécessaire que l’un l’autre se touchent ; et manifestement il répugne
qu’ils soient séparés, autrement dit qu’il y ait précisément entre eux une
distance, et néanmoins que cette distance ne soit rien, parce que toute
distance est une manière d’être de l’extension et pour cette raison ne peut
pas exister sans substance étendue.
II, 19. De là est confirmé ce qui a été dit sur la dilatation (rarefactio).
Après avoir ainsi remarqué que la nature de la substance corporelle
consiste seulement en ce qu’elle est chose étendue, et que son extension
n’est pas différente de celle qui a l’habitude d’être attribuée à l’espace, aussi
vide que l’on voudra, nous connaîtrons facilement que ne peut pas se faire
que quelque sienne partie occupe plus d’espace une fois qu’une autre, et
ainsi se dilate autrement qu’il a été expliqué un peu plus haut ; ou qu’il y
ait plus de matière autrement dit de substance corporelle dans un vase
quand il est plein de plomb, ou d’or, ou d’huile, quels que soient le poids et
la dureté du corps, que quand il contient seulement de l’air et qu’il est
estimé être vide ; parce que la quantité des parties de la matière ne dépend
pas de leur poids ou de leur dureté, mais de la seule extension qui, dans un
même vase, est toujours la même.
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
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Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.

II, 20. Ex his etiam demonstrari, nullas atomos dari posse.

Cognoscimus etiam fieri non posse ut aliquae atomi, siue materiae partes ex natura sua
indiuisibiles, existant. Cum enim, si quae sint, necessario debeant esse extensae,
quantumuis paruae fingantur, possumus adhuc unamquamque ex ipsis in duas aut plures
minores cogitatione diuidere, ac proinde agnoscere esse diuisibiles. Nihil enim possumus
cogitatione diuidere, quin hoc ipso cognoscamus esse diuisibile; atque ideo, si iudicaremus
id ipsum esse indiuisibile, iudicium nostrum a cognitione dissentiret. Quin etiam si
fingamus, Deum efficere uoluisse, ut aliqua materiae particula in alias minores diuidi non
possit, non tamen illa proprie indiuisibilis erit dicenda. Ut etenim effecerit eam a nullis
creaturis diuidi posse, non certe sibi ipsi eiusdem diuidendae facultatem potuit adimere:
quia fieri plane non potest, ut propriam suam potentiam imminuat, quemadmodum supra
notatum est. Atque ideo, absolute loquendo, illa diuisibilis remanebit, quoniam ex natura
sua est talis.

II, 21. Item mundum esse indefinite extensum.

Cognoscimus praeterea hunc mundum, siue substantiae corporeae uniuersitatem, nullos


extensionis suae fines habere. Ubicumque enim fines illos esse fingamus, semper ultra
ipsos aliqua spatia indefinite extensa non modo imaginamur, sed etiam uere imaginabilia,
hoc est, realia esse percipimus; ac proinde, etiam substantiam corpoream indefinite
extensam in iis contineri. Quia, ut iam fuse ostensum est, idea eius extensionis, quam in
spatio qualicumque concipimus, eadem plane est cum idea substantiae corporeae.

II, 22. Item unam et eandem esse materiam coeli et terrae ; ac plures mundos esse non
posse.

Hincque etiam colligi facile potest, non aliam esse materiam coeli quam terrae; atque
omnino, si mundi essent infiniti, non posse non illos omnes ex una et eadem materia
constare; nec proinde plures, sed unum tantum, esse posse: quia perspicue intelligimus
illam materiam, cuius natura
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
II, 20. De cela aussi se démontre que ne peut exister aucun atome.
Nous reconnaissons aussi qu’il ne peut pas se faire que certains atomes,
autrement dit des parties de la matière indivisibles par leur nature, existent.
Car si de telles parties existaient, comme elles devraient nécessairement
être étendues, aussi petites fussent-elles figurées, nous pouvons encore par
la pensée diviser chacune d’entre elles en deux ou un plus grand nombre
de parties plus petites, et par suite reconnaître qu’elles sont indivisibles.
Car nous ne pouvons rien diviser par la pensée sans par cela même avoir
connaissance que c’est divisible ; et par suite si nous jugions que cela même
est indivisible, notre jugement serait en désaccord avec la connaissance.
Bien plus, si nous nous figurons que Dieu a voulu faire qu’une certaine
particule de matière ne puisse pas être divisée en d’autres plus petites, ce
n’est pas pour autant qu’elle devra être dite proprement indivisible. Quand
il aurait fait en effet qu’elle ne puisse être divisée par aucune créature, il n’a
certainement pas pu s’enlever à lui-même la faculté de diviser cette même
particule, parce qu’il ne peut absolument pas se faire qu’il amoindrisse sa
propre puissance, comme il a été noté ci-dessus. À ce point, absolument
parlant, cette particule restera divisible, puisqu’elle est telle par sa nature.
II, 21. De même le monde est indéfiniment étendu.
Nous reconnaissons en outre que ce monde autrement dit cette universalité
de la substance corporelle n’a aucune fin de son extension. Car où que nous
nous figurions être de telles fins, non seulement nous imaginons toujours
au-delà de ces fins certains espaces indéfiniment étendus, mais nous les
imaginons aussi, vraiment imaginables, c’est-à-dire nous les percevons être
réels ; et par conséquent nous percevons aussi être contenue en eux la
substance corporelle indéfiniment étendue. Parce que, comme il a déjà été
montré abondamment, l’idée de cette extension que nous concevons dans
quelque espace que ce soit, est la même absolument que l’idée de la
substance corporelle.
II, 22. De même la matière du ciel et de la terre est une seule et la même ; et
aussi il ne peut pas y avoir plusieurs mondes.
Et de là aussi peut facilement se conclure que la matière du ciel n’est pas
autre que celle de la terre ; et absolument, que s’il y avait des mondes
infinis tous ces mondes ne pourraient pas ne pas être composés de la seule
et même matière ; et par suite il ne peut y avoir plusieurs mondes mais un
seul seulement ; parce que nous comprenons très clairement que cette
matière
375
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

in eo solo consistit quod sit substantia extensa, omnia omnino spatia imaginabilia, in quibus
alii isti mundi esse deberent, iam occupare: nec ullius alterius materiae ideam in nobis
reperimus.

II, 22. Omnem materiae uariationem, siue omnem eius formarum diuersitatem pendere a
motu.

Materia itaque in toto uniuerso una et eadem existit, utpote quae omnis per hoc unum
tantum agnoscitur, quod sit extensa. Omnesque proprietates, quas in ea clare percipimus, ad
hoc unum reducuntur, quod sit partibilis, et mobilis secundum partes, et proinde capax
illarum omnium affectionum, quas ex eius partium motu sequi posse percipimus. Partitio
enim, quae fit sola cogitatione, nihil mutat; sed omnis materiae uariatio, siue omnium eius
formarum diuersitas, pendet a motu. Quod passim etiam a Philosophis uidetur fuisse
animaduersum, quia dixerunt naturam esse principium motus et quietis. Tunc enim per
naturam intellexerunt id, per quod res omnes corporeae tales euadunt, quales ipsas esse
experimur.

II, 24. Quid sit motus iuxta uulgarem sensum.

Motus autem (scilicet localis, neque enim ullus alius sub cogitationem meam cadit; nec
ideo etiam ullum alium in rerum natura fingendum puto), motus, inquam, ut uulgo sumitur,
nihil aliud est quam actio, qua corpus aliquod ex uno loco in alium migrat. Et idcirco,
quemadmodum supra monuimus eandem rem eodem tempore dici posse locum mutare et
non mutare, ita eadem etiam dici potest moueri et non moueri. Ut qui sedet in naui, dum ea
soluit e portu, putat quidem se moueri, si respiciat ad littora eaque ut immota consideret;
non autem, si ad ipsam nauim, inter cuius partes eundem semper situm seruat. Quin etiam,
quatenus uulgo putamus in omni motu esse actionem, in quiete uero cessationem actionis,
magis proprie tunc dicitur quiescere quam moueri, quia nullam in se actionem sentit.
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Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
dont la nature consiste en cela seul qu’elle est la substance étendue, occupe
déjà absolument tous les espaces imaginables dans lesquels devraient être
ces autres mondes ; et nous ne trouvons en nous l’idée d’aucune autre
matière.
II, 23. Toute variation de la matière autrement dit toute diversité de ses
formes, dépend du mouvement.
C’est pourquoi la matière existe une et la même dans la totalité de l’univers,
étant donné qu’elle est entièrement connue par cette chose unique
seulement qu’est l’extension. Et toutes les propriétés que nous percevons
clairement en elle, se réduisent à cette chose unique, qu’elle est divisible et
mobile selon les parties, et par conséquent capable de toutes ces affections
que nous percevons en ses parties pouvoir suivre du mouvement. La
partition en effet qui se fait par la seule pensée ne change rien, mais toute la
variation de la matière autrement dit la diversité de toutes ses formes,
dépend du mouvement. Ce qui semble aussi avoir été partout remarqué
par les philosophes parce que ces derniers ont dit que la nature est le
principe du mouvement et du repos. Alors en effet ils ont entendu, par
nature, ce par quoi toutes les choses corporelles deviennent telles
précisément que nous les éprouvons.
II, 24. Ce qu’est le mouvement selon le sens commun.
Le mouvement cependant (local évidemment, car aucun autre mouvement
en effet ne tombe sous ma pensée, et pour cela aussi je ne pense pas m’en
figurer un autre dans la nature), le mouvement, dis-je, tel il est saisi
communément n’est rien d’autre qu’une action par laquelle un certain
corps passe d’un lieu dans un autre. Et pour cela, de la même manière que
nous avons averti ci-dessus qu’une même chose au même moment peut
être dite changer et ne pas changer de lieu, de même aussi la même chose
peut se mouvoir et ne pas se mouvoir. Comme celui assis dans un bateau,
qui, s’il regarde les rives au moment où le bateau quitte le port et les
considère comme immobiles, pense assurément que lui-même se meut, non
toutefois s’il regarde en réalité le bateau, entre les parties duquel lui-même
conserve toujours le même site. Que dis-je, en tant que nous pensons
communément, qu’en tout mouvement il y a une action et dans le repos
une cessation d’action, alors il est plus proprement dit garder le repos, que
se mouvoir, parce qu’il ne sent aucune action.
378
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

II, 25. Quid sit motus proprie sumptus.

Sed si non tam ex uulgi usu, quam ex rei ueritate, consideremus quid per motum debeat
intelligi, ut aliqua ei determinata natura tribuatur: dicere possumus esse translationem unius
partis materiae, siue unius corporis, ex uicinia eorum corporum, quae illud immediate
contingunt et tanquam quiescentia spectantur, in uiciniam aliorum. Ubi per unum corpus,
siue unam partem materiae, intelligo id omne quod simul transfertur; etsi rursus hoc ipsum
constare possit ex multis partibus, quae alios in se habeant motus. Et dico esse
translationem, non uim uel actionem quae transfert, ut ostendam illum semper esse in
mobili, non in mouente, quia haec duo non satis accurate solent distingui; ac esse duntaxat
eius modum, non rem aliquam subsistentem, sicut figura est modus rei figuratae, ac quies
rei quiescentis.

II, 26. Non plus actionis requiri ad motum quam ad quietem.

Quippe notandum est, magno nos, in hoc, praeiudicio laborare, quod plus actionis ad
motum requiri arbitremur, quam ad quietem. Hocque ideo nobis ab ineunte aetate
persuasimus, quod corpus nostrum soleat moueri a nostra uoluntate, cuius intime conscii
sumus, et quiescere ex hoc solo quod terrae adhaereat per grauitatem, cuius uim non
sentimus. Et quidem quia ista grauitas, aliaeque plures causae, a nobis non animaduersae,
motibus quos in membris nostris ciere uolumus resistunt, efficiuntque ut fatigemur,
putamus maiore actione, siue maiore ui opus esse ad motum ciendum, quam ad illum
sistendum: sumentes scilicet actionem pro conatu illo, quo utimur ad membra nostra et
illorum ope alia corpora permouenda. Quod tamen praeiudicium facile exuemus, si
consideremus, non modo conatu nobis opus esse ad mouenda corpora externa, sed saepe
etiam ad eorum motus sistendos, cum a grauitate aliaue causa non sistuntur. Ut, exempli
gratia, non maiori utimur actione ad nauigium in aqua stagnante quiescens impellendum,
quam ad idem, cum mouetur, subito retinendum: uel certe non multo maiori ; hinc enim
demenda est,
379
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
II, 25. Ce qu’est le mouvement proprement pris.
Mais si nous considérons, non tant d’après l’usage commun que d’après la
vérité de la chose, ce qui doit être entendu par mouvement, nous pouvons
dire pour lui attribuer une certaine nature déterminée, qu’il est la
translation d’une partie de la matière, autrement dit d’un même corps, depuis le
voisinage de ces corps qui lui sont immédiatement attenants et sont considérés
comme au repos, vers le voisinage d’autres corps. À cet endroit j’entends par
même corps autrement dit une même partie de matière, tout ce qui est
transféré en même temps, même si à son tour celui-ci en réalité peut se
composer de nombreuses parties qui ont d’autres mouvements entre elles.
Et je dis que c’est une translation et non la force ou l’action qui transporte,
de façon à montrer que le mouvement est toujours dans le mobile et non
dans ce qui meut, parce que d’habitude ces deux ne sont pas distingués
assez soigneusement ; et que c’est seulement une manière d’être de ce
mobile, non une certaine chose qui subsiste, tout comme une figure est une
manière d’être de la chose figurée, et le repos, d’une chose qui garde le
repos.
II, 26. Le mouvement ne requiert pas plus d’action que le repos.
C’est pourquoi il faut noter que nous sommes près de tomber dans un
puissant préjugé en ce que nous estimons que le mouvement requiert plus
d’action que le repos. C’est parce que nous sommes persuadés, depuis le
plus jeune âge, que d’habitude notre corps se meut par notre volonté, dont
nous sommes intimement conscients, et garde le repos de cela seul qu’il fait
corps avec la terre par la gravité dont nous sentons la force. Et assurément
parce que cette gravité, et beaucoup d’autres causes que nous ne
remarquons pas, empêchent les mouvements que nous voulons produire
dans nos membres et font que nous nous fatiguons, nous pensons qu’il faut
une action plus grande, autrement dit une force plus grande, pour produire
un mouvement que pour l’empêcher ; en prenant l’action, cela va sans dire,
pour cette ardeur que nous mettons en œuvre pour mouvoir nos membres,
et au moyen de ceux-ci d’autres corps. Et néanmoins nous nous
débarrasserons facilement de ce préjugé si nous considérons que non
seulement nous avons besoin de cette ardeur pour mouvoir les corps
extérieurs mais souvent aussi pour empêcher leurs mouvements, quand ils
ne sont pas retenus par la gravité ou d’autres causes. Comme par exemple,
nous n’employons pas une action plus grande pour pousser un bateau dans
une eau stagnante quiescente que pour arrêter brusquement ce même
380
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
bateau quand il se meut ; certainement pas beaucoup plus grande même,
car de là il faut soustraire le poids de l’eau
381
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
aquae ab eo subleuatae grauitas et eiusdem lentor, a quibus paulatim sisti posset.
II, 27. Motum et quietem esse tantum diuersos modos corporis moti.
Cum autem hic non agatur de illa actione, quae intelligitur esse in mouente, uel in eo qui
motum sistit, sed de sola translatione, ac translationis absentia, siue quiete: manifestum est
hanc translationem extra corpus motum esse non posse, atque hoc corpus alio modo se
habere, cum transfertur, et alio, cum non transfertur siue cum quiescit: adeo ut motus et
quies nihil aliud in eo sint, quam duo diuersi modi.
II, 28. Motum proprie sumtum non referri, nisi ad corpora contigua eius quod mouetur.
Addidi praeterea, translationem fieri ex uicinia corporum contiguorum in uiciniam aliorum,
non autem ex uno loco in alium: quia, ut supra explicui, loci acceptio uaria est, ac pendet a
nostra cogitatione: sed cum per motum intelligimus eam translationem quae fit ex uicinia
corporum contiguorum, quoniam una tantum corpora eodem temporis momento eiusdem
mobilis contigua esse possunt, non possumus isti mobili plures motus eodem tempore
tribuere, sed unum tantum.
II, 29. Nec referri nisi ad ea corpora contigua, quae tanquam quiescentia spectantur.
Fig. II-1.
Addidi denique,
translationem illam
fieri ex uicinia, non
quorumlibet
corporum conti-
guorum, sed eorum
duntaxat, quae
tanquam quiescentia
spectantur. Ipsa
enim translatio est
reciproca, nec potest
intelligi corpus AB
transferri ex uicinia
corporis CD, quin
simul etiam
intelligatur corpus
CD transferri ex
uicinia corporis AB:
ac plane eadem uis
et actio requiritur ex
una parte atque ex
altera. Quapropter si
omnino propriam, et non ad aliud relatam, naturam motui tribuere uellemus, cum duo
corpora contigua unum in unam, aliud in aliam partem transferuntur, sicque a se mutuo
separantur,
382
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
soulevée par le bateau et la propre viscosité de l’eau, qui pourraient peu à
peu l’arrêter.
II, 27. Le mouvement et le repos sont seulement diverses manières d’être,
du corps mû.
Cependant comme il n’est pas traité ici de cette action qui est comprise se
trouver dans le mouvement ou dans ce qui empêche le mouvement, mais
seulement de la translation, et de l’absence de translation autrement dit du
repos, il est manifeste que cette translation ne peut pas être en dehors du
corps mû et que ce corps ne peut pas se tenir d’une certaine manière quand
il est transporté, et d’une autre manière quand il n’est pas transporté
autrement dit qu’il garde le repos ; à tel point que le mouvement et le repos
ne sont rien d’autre que deux manières d’être différentes, en ce corps.
II, 28. Le mouvement, pris proprement, ne se rapporte qu’aux corps
contigus à celui qui se meut.
J’ai ajouté en outre que la translation se fait depuis le voisinage des corps
contigus vers le voisinage d’autres corps, non toutefois depuis un lieu vers
un autre, parce que comme j’ai expliqué plus haut, l’acception de lieu est
variable et dépend de notre pensée ; mais quand nous entendons par
mouvement cette translation qui se fait depuis le voisinage des corps qui
sont contigus, puisqu’un seul ensemble de corps peuvent être contigus au
même moment à ce même mobile, nous ne pouvons pas attribuer à ce
mobile même plusieurs mouvements dans le même temps, mais un seul
seulement.
II, 29. Et il ne se rapporte qu’à ces corps contigus qui sont regardés comme
au repos.
Figure II-1.13
J’ai ajouté enfin, que cette translation se fait depuis le voisinage, non pas de
n’importe quels corps contigus, mais de ceux seulement qui sont regardés
comme au repos. Cette translation en effet est réciproque ; et il ne peut pas
se comprendre que le corps AB soit transporté depuis le voisinage du corps
CD sans que se comprenne aussi en même temps que le corps CD soit
transporté depuis le voisinage du corps AB, et qu’exactement la même
force et la même action sont requises d’une part que de l’autre. Pour cette
raison si nous voulons attribuer au mouvement une nature propre, et non
une nature rapportée à autre chose, quand deux corps contigus sont
transportés l’un dans une partie l’autre dans une autre, et ainsi se séparent
l’un de
383
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
384
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

tantundem motus in uno quam in altero esse diceremus. Sed hoc a communi loquendi usu
nimium abhorreret: cum enim assueti simus stare in terra, eamque ut quiescentem
considerare, quamuis aliquas eius partes, aliis minoribus corporibus contiguas, ab eorum
uicinia transferri uideamus, non tamen ipsam ideo moueri putamus.

II, 30. Cur ex duobus corporibus contiguis quae separantur ab inuicem, unum potius
quam aliud moueri dicatur.

Huiusque rei praecipua ratio est, quod motus intelligatur esse totius corporis quod mouetur,
nec possit ita intelligi esse totius terrae, ob translationem quarundam eius partium ex uicinia
minorum corporum quibus contiguae sunt: quoniam saepe plures eiusmodi translationes,
sibi mutuo contrarias, in ipsa licet aduertere.

Ut si corpus EFGH sit terra, et supra ipsam eodem tempore corpus AB transferatur ab E
uersus F, ac CD ab H uersus G, quamuis hoc ipso partes terrae corpori AB contiguae a B
uersus A transferantur, neque minor uel alterius naturae actio in iis esse debeat, ad illam
translationem, quam in corpore AB: non ideo intelligimus terram moueri a B uersus A, siue
ab Occidente uersus Orientem, quia pari ratione ob id quod eius partes corpori CD
contiguae transferantur a C uersus D, intelligendum esset eam etiam in aliam partem
moueri, nempe ab Oriente in Occidentem; quae duo inter se pugnant. Ita ergo, ne nimium a
communi usu loquendi recedamus, non hic dicemus terram moueri, sed sola corpora AB et
CD; atque ita de reliquis. Sed interim recordabimur, id omne quod reale est ac positiuum in
corporibus quae mouentur, propter quod moueri dicuntur, reperiri etiam in aliis ipsorum
contiguis, quae tamen ut quiescentia tantum spectantur.

II, 31. Quomodo in eodem corpore innumeri diuersi motus esse possint.

Etsi autem unumquodque corpus habeat tantum unum motum sibi proprium, quoniam ab
unis tantum corporibus sibi contiguis et quiescentibus recedere intelligitur, participare
tamen etiam potest ex aliis innumeris,
385
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
l’autre, nous dirons qu’il y a autant de mouvement dans l’un que dans
l’autre. Mais cela fait trop horreur à l’usage commun de parler ; car comme
nous sommes accoutumés d’être sur la terre et de la considérer comme au
repos, même si nous voyons certaines des parties de la terre, contiguës à
d’autres corps plus petits, être transportées depuis le voisinage de ces
corps, nous ne pensons pas toutefois qu’elle-même se meut pour cela.
II, 30. Pourquoi de deux corps contigus qui se séparent l’un de l’autre, est
plus dit se mouvoir l’un que l’autre.
La principale raison de cette chose est que le mouvement se comprend être
de la totalité du corps et ne peut pas se comprendre être de la terre tout
entière, de ce qu’il y aurait quelque translation de ses parties depuis le
voisinage des tout petits corps auxquels ses parties sont contiguës, puisque
souvent il est permis d’observer en elle précisément, un grand nombre de
translations de ce type, qui se contrarient mutuellement. Supposons en effet
que le corps EFGH soit la terre et sur cette terre que le corps AB soit
transporté de E vers F et en même temps le corps CD transporté de H vers
G ; bien que par cela même les parties de la terre contiguës au corps AB se
déplacent de B vers A et qu’il ne doit pas y avoir en ces parties une action
moindre ou d’une autre nature pour cette translation que dans le corps AB,
nous n’entendons pas pour cela que la terre se meut de B vers A autrement
dit depuis l’Occident vers l’Orient, parce que par une raison identique à
cause de ce que ses parties contiguës au corps CD seraient transportées de
C vers D, il faudrait entendre qu’elle se meut aussi dans une autre partie,
n’est-ce pas, d’Orient vers l’Occident ; et ces deux mouvements se
combattent l’un l’autre. Ainsi pour ne pas trop nous éloigner de l’usage
commun de la langue donc nous ne dirons pas ici que la terre se meut mais
que seuls se meuvent les corps AB et CD ; et ainsi des autres. Mais en
même temps nous nous souviendrons que tout ce qui est réel et posé aussi
dans les corps qui se meuvent, pour la raison qu’ils sont dits se mouvoir,
est retrouvé aussi en réalité dans les autres corps contigus, qui ne sont
néanmoins considérés que comme quiescents.
II, 31. Comment en un même corps peuvent se trouver d’innombrables
mouvements différents.
Même si chaque corps a seulement un seul mouvement qui lui est propre,
quoiqu’il ne soit compris s’éloigner que des seuls corps qui lui sont
contigus et au repos, il peut néanmoins participer aussi à d’innombrables
autres
386
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
si nempe sit pars aliorum corporum alios motus habentium. Ut, si quis ambulans in naui
horologium in pera gestet, eius horologii rotulae unico tantum motu sibi proprio
mouebuntur, sed participabunt etiam ex alio, quatenus, adiunctae homini ambulanti, unam
cum illo materiae partem component, et ex alio quatenus erunt adiunctae nauigio in mari
fluctuanti, et ex alio quatenus adiunctae ipsi mari, et denique alio quatenus adiunctae ipsi
terrae, si quidem tota terra moueatur. Omnesque hi motus reuera erunt in rotulis istis; sed
quia non facile tam multi simul intelligi, nec etiam omnes agnosci possunt, sufficiet unicum
illum, qui proprius est cuiusque corporis, in ipso considerare.

II, 32. Quomodo etiam motus proprie sumptus, qui in quoque corpore unicus est, pro
pluribus sumi possit.

Ac praeterea ille unicus cuiusque corporis motus, qui ei proprius est, instar plurium potest
considerari: ut, cum in rotis curruum duos diuersos distinguimus, unum scilicet circularem
circa ipsarum axem, et alium rectum secundum longitudinem uiae per quam feruntur. Sed
quod ideo tales motus non sint reuera distincti, patet ex eo, quod unumquodque punctum
corporis quod mouetur, unam tantum aliquam lineam describat. Nec refert, quod ista linea
saepe sit ualde contorta, et ideo a pluribus diuersis motibus genita uideatur: quia possumus
imaginari, eodem modo quamcumque lineam, etiam rectam, quae omnium simplicissima
est, ex infinitis diuersis motibus ortam esse.
Fig. II – 2.

Ut si linea AB feratur uersus CD, et eodem tempore punctum


A feratur uersus B, linea recta AD, quam hoc punctum A
describet, non minus pendebit a duobus motibus rectis, ab A
in B et ab AB in CD, quam linea curua, quae a quouis rotae
puncto describitur, pendet a motu recto et circulari. Ac
proinde, quamuis saepe utile sit unum motum in plures partes
hoc pacto distinguere, ad faciliorem eius perceptionem,
absolute tamen loquendo, unus tantum in unoquoque corpore
est numerandus.
387
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
mouvements, n’est-ce pas, s’il est une partie d’autres corps qui ont d’autres
mouvements. Comme quelqu’un qui déambule sur un bateau avec une
montre dans la poche, les rouages de sa montre se mouvront seulement
d’un unique mouvement qui leur est propre, mais participeront aussi d’un
autre mouvement en tant qu’unis à l’homme qui déambule, composant
avec lui une même partie de matière ; et d’un autre en tant qu’ils seront
unis au bateau qui vogue sur la mer ; et d’un autre en tant qu’unies à la mer
même ; et d’un autre enfin en tant qu’unis à la terre elle-même, si bien sûr,
la terre tout entière se meut. Et tous ces mouvements seront dans les
rouages eux-mêmes. Mais parce qu'il n’est pas facile de comprendre en
même temps de si nombreux mouvements, ni non plus de pouvoir les
connaître tous, il suffira de considérer par lui-même l’unique mouvement
qui appartient en propre à chaque corps.
II, 32. Comment aussi le mouvement proprement dit, qui est unique en
chaque corps, peut être pris pour un plus grand nombre.
Et en outre cet unique mouvement de chaque corps qui lui est propre, peut
être considéré comme d’un plus grand nombre de mouvements ; comme
quand nous distinguons dans les roues d’un char deux mouvements
différents, à savoir l’un circulaire autour de leur axe propre, et l’autre
rectiligne selon la direction de la voie sur laquelle elles se portent. Mais que
pour cela, de tels mouvements ne soient pas véritablement distincts, est
visible de ce que chaque point du corps qui se meut ne décrit qu’une seule
certaine ligne. Et il importe peu que cette ligne soit souvent très tortueuse
et semble pour cela être engendrée par un très grand nombre de
mouvements divers, parce que nous pouvons de la même manière
imaginer n’importe quelle ligne, même la ligne droite, la plus simple de
toutes, naître d’infinis mouvements différents.
Figure II – 2.
Par exemple, si la ligne AB est portée vers CD et dans le même temps le
point A est porté vers B, la ligne AD que décrit ce point A, ne dépendra pas
moins des deux mouvements rectilignes de A vers B et de AB vers CD, que
la ligne courbe décrite par n’importe quel point d’une roue, dépendra d’un
mouvement rectiligne et d’un circulaire. Et par suite bien qu’il soit souvent
utile de distinguer de cette façon un même mouvement en un plus grand
nombre de parties pour le percevoir plus facilement, pourtant absolument
parlant, il ne faut en prendre en compte qu’un seul en chaque corps.
388
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
II, 33. Quomodo in omni motu integer circulus corporum simul moueatur.
Ex hoc autem quod supra fuerit animaduersum, loca omnia corporibus plena esse,
semperque easdem materiae partes aequalibus locis coaequari, sequitur nullum corpus
moueri posse nisi per circulum, ita scilicet ut aliud aliquod corpus ex loco quem ingreditur
expellat, hocque rursus aliud, et aliud, usque ad ultimum, quod in locum a primo
derelictum, eodem temporis momento quo derelictus est, ingrediatur.
Hocque facile intelligimus in circulo perfecto, quia uidemus nullum uacuum, nullamque
rarefactionem aut condensationem requiri, ut pars circuli A moueatur uersus B, modo
eodem tempore pars B moueatur uersus C, C uersus D, ac D uersus A. Sed idem intelligi
etiam potest in circulo non perfecto, et quantumlibet irregulari, modo aduertatur, quo pacto
omnes locorum inaequalitates inaequali motuum celeritate possint compensari.
Figure II – 3 & 4.

Sic tota materia contenta in spatio EFGH circulariter moueri potest absque ulla
condensatione uel uacuo, et eodem tempore eius pars quae est uersus E, transire uersus G,
ac ea quae est uersus G, transire uersus E: modo tantum, ut spatium in G supponitur esse
quadruplo latius quam in E, ac duplo quam in F et H, ita etiam quadruplo celerius moueatur
in E quam in G, ac duplo celerius quam in F uel H; atque ita reliquis omnibus in locis
motus celeritas angustiam loci compenset. Hoc enim pacto, in quouis determinato tempore,
tantundem materiae per unam istius circuli partem, quam per alteram transibit.
II, 34. Hinc sequi diuisionem materiae in particulas reuera indefinitas, quamuis eae nobis
sint incomprehensibiles.
Fatendum tamen est in motu isto aliquid reperiri, quod mens quidem nostra percipit esse
uerum, sed tamen, quo pacto fiat, non comprehendit: nempe diuisionem quarundam
particularum materiae in infinitum, siue indefinitam, atque in tot partes, ut nullam
cogitatione determinare possimus tam exiguam, quin intelligamus ipsam in alias adhuc
minores reipsa esse diuisam.
389
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
II, 33. Comment en tout mouvement se meut un cercle entier de corps
ensemble.
Et de ce qui a été remarqué ci-dessus, que tous les lieux sont pleins de corps
et que les mêmes parties de la matière sont toujours égales en des lieux
égaux, suit qu’aucun corps ne peut se mouvoir sinon par un cercle, de telle
sorte, il va sans dire, qu’il chasse quelque autre corps du lieu où il pénètre,
et celui-ci à son tour un autre, et un autre jusqu’à ce que le dernier entre
dans le lieu délaissé par le premier, dans le même temps que le lieu est
délaissé.
Figure II – 3. & Figure II – 4.
Et cela nous le comprenons facilement dans un cercle parfait, parce que
pour que la partie A du cercle se meuve vers B, nous ne voyons être requis
aucun vide, ni aucune dilatation (rarefactio) ou condensation, pourvu que
dans le même temps la partie B se meuve vers C, C vers D, et D vers A.
Mais la même chose aussi peut se comprendre dans un cercle imparfait et
aussi irrégulier que l’on voudra, pourvu que soit remarqué comment toutes
les inégalités des lieux peuvent être compensées par l’inégalité de vitesse
des mouvements. Ainsi toute la matière contenue dans l’espace EFGH peut
se mouvoir circulairement sans aucune condensation ou vide et dans le
même temps sa partie qui est vers E transiter vers G, et celle qui est vers G
transiter vers E, pourvu seulement que l’espace en G soit supposé être
quatre fois plus large qu’en E et deux fois plus grand qu’en F et H, et aussi
se meuve quatre fois plus vite en E qu’en G, et deux fois plus vite qu’en F
ou H ; et ainsi dans tous les autres lieux la vitesse du mouvement
compensera l’espace du lieu. De cette façon en effet dans le temps
déterminé que l’on voudra, autant de matière transitera par une même
partie de ce cercle, que par une autre.
II, 34. De là suit la division de la matière en particules en vérité indéfinies,
même si elles nous sont incompréhensibles.
Il faut néanmoins avouer qu’est retrouvé en ce mouvement quelque chose
que notre esprit perçoit certainement être vrai, mais toutefois ne comprend
pas de quelle façon cela se fait, à savoir la division à l’infini autrement dit
indéfinie de quelques petites parties de la matière, en tant de parties, que
nous ne pouvons en déterminer par la pensée aucune si petite, que nous
n’entendions elle-même se diviser en d’autres encore plus petites que la
390
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

Fieri enim non potest, ut materia quae iam implet spatium G, successiue impleat omnia
spatia innumeris gradibus minora, quae sunt inter G et E, nisi aliqua eius pars ad
innumerabiles illorum spatiorum mensuras figuram suam accommodet: quod ut fiat,
necesse est omnes imaginabiles eius particulas, quae sunt reuera innumerae, a se mutuo
aliquantulum remoueri, et talis quantulacumque remotio uera diuisio est.

II, 35. Quomodo fiat ista diuisio, et quod non sit dubitandum quin fiat, etsi non
comprehendatur.

Notandum autem me hic non loqui de tota materia, sed tantum de aliqua eius parte.
Quamuis enim supponamus duas aut tres eius partes esse in G tantae latitudinis quantae est
spatium E, itemque etiam plures alias minores, quae maneant indiuisae: nihilominus
intelligi potest eas moueri circulariter uersus E, modo quaedam aliae ipsis admistae sint,
quae se quomodolibet inflectant, et figuras suas sic mutent, ut iunctae istis figuras suas non
ita mutantibus, sed solam celeritatem motus ad rationem loci occupandi accommodantibus,
omnes angulos quos istae aliae non occupabunt, accurate compleant. Et quamuis, quomodo
fiat indefinita ista diuisio, cogitatione comprehendere nequeamus, non ideo tamen debemus
dubitare quin fiat: quia clare percipimus illam necessario sequi ex natura materiae nobis
euidentissime cognita, percipimusque etiam eam esse de genere eorum quae a mente nostra,
utpote finita, capi non possunt.

II, 36. Deum esse primariam motus causam : et eandem semper motus quantitatem in
uniuerso conseruare.

Motus natura sic animaduersa, considerare oportet eius causam, eamque duplicem: primo
scilicet uniuersalem et primariam, quae est causa generalis omnium motuum qui sunt in
mundo; ac deinde particularem, a qua fit ut singulae materiae partes motus, quos prius non
habuerunt, acquirant. Et generalem quod attinet, manifestum mihi uidetur illam non aliam
esse, quam Deum ipsum,
391
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
chose même. Car il ne peut pas se faire que la matière qui remplit l’espace
G maintenant, remplisse successivement tous les espaces plus petits à
d’innombrables degrés qui sont entre G et E, si une certaine sienne partie
n’accommode pas sa figure aux innombrables dimensions de ces espaces :
pour que cela se fasse, il est nécessaire que toutes ses petites parties
imaginables qui sont en vérité innombrables, s’écartent quelque peu
d’elles-mêmes mutuellement, et un tel écartement, quelque petit qu’il soit,
est la vraie division.
II, 35. Comment se fait cette division, et qu’il ne faut pas douter, même si
elle n’est pas comprise, qu’elle se fait.
Et il faut noter que je ne parle pas ici de la totalité de la matière mais
seulement d’une certaine sienne partie. Car bien que nous supposions se
trouver en G, deux ou trois parties aussi larges qu’est l’espace E, et de
même aussi un grand nombre d’autres parties plus petites qui restent
indivises, il peut néanmoins se comprendre qu’elles se meuvent
circulairement vers E, pourvu qu’à celles-ci mêmes soient mêlées certaines
autres qui s’infléchissent de quelque manière et changent leur figure de
telle sorte que, jointes à celles qui ne changent pas de même leurs figures
mais accommodent la seule vitesse de leur mouvement à proportion du
lieu qui doit être occupé, elles complètent exactement tous les angles que
ces autres n’occuperont pas. Et bien que nous ne puissions pas comprendre
par la pensée comment se fait cette division indéfinie, nous ne douterons
pas pour autant qu’elle se fasse, parce que nous percevons clairement
qu’elle suit nécessairement de la nature de la matière que nous connaissons
avec la plus grande évidence, et que nous percevons aussi qu’elle est du
genre de celles qui ne peuvent pas être saisies par notre esprit, vu qu’il est
fini.
II, 36. Dieu est la cause première du mouvement, et conserve toujours la
même quantité de mouvement dans l’univers.
Ayant ainsi remarqué la nature du mouvement il convient de considérer sa
cause, laquelle est double : d’abord, cela va de soi, la cause première et
universelle qui est la cause générale de tous les mouvements qui sont dans
le monde ; et ensuite la cause particulière par laquelle se fait que des parties
singulières de la matière acquièrent des mouvements qu’elles n’avaient pas
par auparavant. Et ce qui touche à la générale il me semble manifeste que
celle-ci n’est autre que Dieu lui-même, qui au commencement a créé la
392
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

qui materiam simul cum motu et quiete in principio creauit, iamque, per solum suum
concursum ordinarium, tantundem motus et quietis in ea tota quantum tunc posuit
conseruat. Nam quamuis ille motus nihil aliud sit in materia mota quam eius modus; certam
tamen et determinatam habet quantitatem, quam facile intelligimus eandem semper in tota
rerum uniuersitate esse posse, quamuis in singulis eius partibus mutetur. Ita scilicet ut
putemus, cum una pars materiae duplo celerius mouetur quam altera, et haec altera duplo
maior est quam prior, tantundem motus esse in minore quam in maiore; ac quanto motus
unius partis lentior fit, tanto motum alicuius alterius ipsi aequalis fieri celeriorem.
Intelligimus etiam perfectionem esse in Deo, non solum quod in se ipso sit immutabilis, sed
etiam quod modo quam maxime constanti et immutabili operetur: adeo ut, iis mutationibus
exceptis, quas euidens experientia uel diuina reuelatio certas reddit, quasque sine ulla in
creatore mutatione fieri percipimus aut credimus, nullas alias in eius operibus supponere
debeamus, ne qua inde inconstantia in ipso arguatur. Unde sequitur quam maxime rationi
esse consentaneum, ut putemus ex hoc solo, quod Deus diuersimode mouerit partes
materiae, cum primum illas creauit, iamque totam istam materiam conseruet eodem plane
modo eademque ratione qua prius creauit, eum etiam tantundem motus in ipsa semper
conseruare.

II, 37. Prima lex naturae : quod unaquaeque res, quantum in se est, semper in eodem statu
perseueret ; sicque quod semel mouetur, semper moueri pergat.

Atque ex hac eadem immutabilitate Dei, regulae quaedam siue leges naturae cognosci
possunt, quae sunt causae secundariae ac particulares diuersorum motuum, quos in singulis
corporibus aduertimus. Harum prima est, unamquamque rem, quatenus est simplex et
indiuisa, manere, quantum in se est, in eodem semper statu, nec unquam mutari nisi a
causis externis. Ita, si pars aliqua materiae sit quadrata, facile nobis persuademus illam
perpetuo mansuram esse quadratam, nisi quid aliunde adueniat quod eius figuram mutet. Si
quiescat, non credimus illam unquam incepturam moueri, nisi ab aliqua causa
393
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
matière en même temps que le mouvement et le repos, et maintenant
conserve en toute la matière, par son seul concours ordinaire, autant de
mouvement et repos qu’il en a alors déposé. Car bien que ce mouvement ne
soit rien d’autre dans la matière mue qu’une manière d’être de celle-ci, il en
tient néanmoins une quantité précise et déterminée que nous entendons
facilement pouvoir être toujours la même dans la totalité de l’univers,
même si elle change en ses parties singulières. De telle sorte, cela s’entend,
que quand une partie de la matière se meut deux fois plus vite qu’une
autre, et que cette autre est deux fois plus grande que la première, nous
penserons que se trouve autant de mouvement dans la plus petite que la
plus grande ; et autant le mouvement d’une même partie se fait plus lent,
autant le mouvement de quelque autre partie égale à celle-là se fait plus
rapide. Nous le comprenons aussi être une perfection en Dieu, non
seulement parce qu'il est immuable en lui-même, mais aussi parce qu'il fait
les choses de la manière la plus constante et immuable qui soit ; si bien que,
exceptés ces changements qu’une expérience évidente ou une révélation
divine rend certains, et que nous percevons ou croyons se faire sans aucun
changement dans le créateur, nous ne devons en supposer aucun autre en
ses œuvres, pour ne pas prétendre quelque inconstance en Dieu même.
D’où suit qu’est au plus haut point conforme à la raison, de cela seul que
nous pensons que Dieu a mû de diverses manières les parties de la matière
quand il les a créées au début et qu’il conserve maintenant la totalité de
cette matière absolument de la même manière qu’il l’a créée au début, qu’il
conserve aussi toujours autant de mouvement en cette matière même.
II, 37. Première loi de la nature : que chaque chose autant qu’il est en elle,
toujours persévère dans le même état ; et ainsi qu’elle soit mue une seule
fois et toujours elle continue à se mouvoir.
Et de cette même immutabilité de Dieu, certaines règles, autrement dit lois
de la nature peuvent être reconnues, qui sont les causes secondaires et
particulières des différents mouvements que nous constatons dans les
corps singuliers. De ces lois la première est que chaque chose, autant qu’il
est en elle, reste, en tant qu’elle est simple et indivise, toujours dans le
même état, et jamais ne change, sinon par des causes extérieures. Ainsi si
quelque partie de matière est carrée, facilement nous nous persuadons
qu’elle restera perpétuellement carrée, à moins que quelque chose advienne
de l’extérieur qui change sa figure. Si elle garde le repos, nous ne croyons
pas qu’elle commencera à se mouvoir un jour, si ce n’est depuis quelque
cause qui la
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
395
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.

ad id impellatur. Nec ulla maior ratio est, si moueatur, cur putemus ipsam unquam sua
sponte, et a nullo alio impeditam, motum illum suum esse intermissuram. Atque ideo
concludendum est, id quod mouetur, quantum in se est, semper moueri. Sed quia hic
uersamur circa terram, cuius constitutio talis est, ut motus omnes qui prope illam fiunt,
breui sistantur, et saepe ob causas quae sensus nostros latent: ideo ab ineunte aetate saepe
iudicauimus eos motus, qui sic a causis nobis ignotis sistebantur, sua sponte desinere.
Jamque proclives sumus ad illud de omnibus existimandum, quod videmur in multis esse
experti : nempe illos ex natura sua cessare, siue tendere ad quietem. Quod profecto legibus
naturae quam-maxime aduersatur: quies enim motui est contraria, nihilque ad suum
contrarium, siue ad destructionem sui ipsius, ex propria natura ferri potest.

II, 38. De motu proiectorum.

Et uero quotidiana experientia, in iis quae proiiciuntur, regulam nostram omnino confirmat.
Neque enim alia ratio est, cur proiecta perseuerent aliquandiu in motu, postquam a manu
iaciente separata sunt, quam quia semel mota pergunt moueri, donec ab obuiis corporibus
retardentur. Et manifestum est, ipsa solere ab aëre, aliisue quibuslibet fluidis corporibus in
quibus mouentur, paulatim retardari, atque ideo motum ipsorum diu durare non posse.
Aërem enim motibus aliorum corporum resistere, ipso sensu tactus possumus experiri, si
flabello ipsum percutiamus; idemque uolatus auium confirmat. Et nullus alius est liquor,
qui non manifestius adhuc, quam aër, motibus proiectorum resistat.

II, 39. Altera lex naturae : quod omnis motus ex se ipso sit rectus ; et ideo quae circulariter
mouentur, tendere semper ut recedant a centro circuli quem describunt.

Altera lex naturae est: unamquamque partem materiae, seorsim spectatam, non tendere
unquam ut secundum ullas lineas
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
pousse à cela. Et il n'y a pas plus de raison si elle se meut, pourquoi nous
penserions qu’elle-même, vienne spontanément un jour, freinée par rien
d’autre, interrompre son propre mouvement. À ce point il faut conclure
que ce qui se meut, se meut, autant qu’il est en lui, toujours. Mais parce que
nous sommes ici sur une terre dont la constitution est telle que tous les
mouvements qui se font à sa proximité subsistent peu de temps, et pour
des causes qui souvent échappent à nos sens, pour cela nous avons souvent
jugé depuis notre enfance que ces mouvements qui subsistaient de cette
façon par des causes inconnues de nous, cessaient d’eux-mêmes
spontanément. Et nous sommes enclins maintenant à penser cela de tous
les mouvements, parce qu'il nous semble avoir éprouvé en beaucoup n’est-
ce pas, qu’ils cessent autrement dit qu’ils tendent au repos 14, de leur propre
nature. Et cela assurément est on ne peut plus contraire aux lois de la
nature, car le repos est contraire au mouvement, et rien ne peut se porter
par sa propre nature vers son contraire, autrement dit sa propre
destruction.
II, 38. Du mouvement des choses projetées en avant.
Et en vérité l’expérience de tous les jours 15 dans les choses qui sont
projetées en avant confirme tout à fait notre règle. Car il n’est pas d’autre
raison pourquoi les choses projetées en avant persévèrent quelque temps
dans le mouvement après qu’elles sont séparées de la main qui les a jetées,
que parce qu’une fois mises en mouvement, elles continuent de se mouvoir
jusqu’à ce qu’elles soient arrêtées par des corps présents sur leur chemin. Et
il est manifeste qu’elles ont justement l’habitude d’être peu à peu arrêtées
par l’air, ou quelque autre corps fluide qui plaira, dans lequel elles se
meuvent, si bien que leur mouvement propre ne peut pas durer bien
longtemps. L’air en effet oppose une résistance aux mouvements des autres
corps, nous pouvons en faire l’expérience par le sens même du tact, si nous
le traversons avec un éventail ; et la même chose est confirmée par le vol
des oiseaux. Et les autres liquides résistent encore plus manifestement que
l’air aux mouvements des choses projetées.
II, 39. Autre loi de la nature : que tout mouvement est par soi-même en
ligne droite ; et pour cela ces corps qui se meuvent circulairement tendent
toujours à s’écarter du centre du cercle qu’ils décrivent.
Une autre loi de la nature est que chaque partie de la matière, regardée
en soi, ne tend jamais à continuer de se mouvoir selon quelque ligne
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Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
obliquas pergat moueri, sed tantummodo secundum rectas; etsi multae saepe cogantur
deflectere propter occursum aliarum, atque, ut paulo ante dictum est, in quolibet motu fiat
quodammodo circulus, ex omni materia simul mota. Causa huius regulae eadem est quae
praecedentis, nempe immutabilitas et simplicitas operationis, per quam Deus motum in
materia conseruat. Neque enim illum conseruat, nisi praecise qualis est eo ipso temporis
momento quo conseruat, nulla habita ratione eius qui forte fuit paulo ante. Ac quamuis
nullus motus fiat in instanti, manifestum tamen est omne id quod mouetur, in singulis
instantibus quae possunt designari dum mouetur, determinatum esse ad motum suum
continuandum uersus aliquam partem, secundum lineam rectam, non autem unquam
secundum ullam lineam curuam.
Fig. II – 5.
Ut, exempli causa, lapis A,
in funda EA per circulum
ABF rotatus, eo instanti,
quo est in puncto A,
determinatus quidem est ad
motum uersus aliquam
partem, nempe secundum
lineam rectam uersus C, ita
scilicet ut linea recta AC sit
tangens circuli. Non autem
fingi potest illum
determinatum esse ad
ullum motum curuum: etsi
enim prius uenerit ex L ad
A per lineam curuam, nihil
tamen istius curuitatis
intelligi potest in eo
remanere, dum est in
puncto A. Hocque etiam
experientia confirmatur,
quia si tunc e funda
egrediatur, non perget
moueri uersus B, sed uersus
C. Ex quo sequitur, omne
corpus quod circulariter mouetur, perpetuo tendere ut recedat a centro circuli quem
describit. Ut ipso manus sensu experimur in lapide, dum illum funda circumagimus. Et quia
consideratione ista in sequentibus saepe utemur, diligenter erit aduertenda, fusiusque infra
exponetur.
II, 40. Tertia lex : quodunum corpus, alteri fortiori occurrendo, nihil amittat de suo motu ;
occurrendo uero minus forti, tantum amittat, quantum in illud transfert.
Tertia lex naturae haec est: ubi corpus quod mouetur alteri occurrit, si minorem habeat uim
ad pergendum secundum
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
courbe que ce soit, mais seulement selon une ligne droite ; même si
beaucoup de ces parties sont souvent contraintes de fléchir leur
mouvement par la rencontre d’autres parties et que, comme il a été dit il y a
peu, par tout mouvement se fait, en quelque manière, un cercle à partir de
toute la matière qui se meut en même temps. La cause de cette règle est la
même que celle de la précédente, à savoir l’immutabilité et la simplicité de
l’opération à travers laquelle Dieu conserve le mouvement dans la matière.
Car il conserve le mouvement tel il est précisément au moment même où il
le conserve, sans tenir aucun compte du mouvement qui existait par hasard
peu avant. Et bien qu’aucun mouvement ne se fasse en un instant, il est
pourtant manifeste que tout ce qui se meut est déterminé, dans les
singuliers instants qui peuvent être désignés pendant qu’il se meut, à
continuer son mouvement vers une certaine partie selon une ligne droite,
jamais cependant selon quelque ligne courbe.
Figure II – 5.
Comme, par exemple, la pierre A qui tourne dans la fronde EA selon le
cercle ABF, assurément au moment même où elle est au point A, est
déterminée à un mouvement vers quelque partie, selon une ligne droite
n’est-ce pas, savoir vers C, de telle sorte, naturellement, que la ligne droite
AC soit tangente au cercle. On ne peut pas se représenter toutefois, qu’elle
soit déterminée à aucun mouvement courbe : car même si elle venait
auparavant de L vers A par l’intermédiaire d’une ligne courbe, rien
pourtant de cette ligne courbe ne peut se comprendre demeurer en elle au
moment où elle est au point A. Et cela aussi est confirmé par l’expérience
parce que si alors elle sort de la fronde elle ne continuera pas de se mouvoir
vers B mais vers C. De là suit que tout corps qui se meut circulairement
tend perpétuellement à s’écarter du centre du cercle qu’il décrit. Comme
nous en faisons l’expérience par la sensation même dans la main pendant
que la pierre tourne dans la fronde. Et parce que nous utiliserons cette
considération dans la suite, cela devra soigneusement être pris en
considération, et sera exposé plus amplement plus loin16.
II, 40. Troisième loi : qu’un même corps rencontrant un autre plus fort, ne
perd rien de son mouvement ; mais rencontrant un moins fort, en perd
autant qu’il lui en transmet.
La troisième loi de la nature est celle-ci : quand un corps qui se meut en
rencontre un autre, s’il a une force moins grande pour continuer selon une
399
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.

lineam rectam, quam hoc alterum ad ei resistendum, tunc deflectitur in aliam partem, et
motum suum retinendo solam motus determinationem amittit; si uero habeat maiorem, tunc
alterum corpus secum mouet, ac quantum ei dat de suo motu, tantundem perdit. Ita
experimur dura quaelibet corpora proiecta, cum in aliud durum corpus impingunt, non ideo
a motu cessare, sed uersus contrariam partem reflecti; contra uero, cum occurrunt corpori
molli, quia facile in illud motum omnem suum transmittunt, ideo statim ad quietem reduci.
Atque omnes causae particulares mutationum, quae corporibus accidunt, in hac tertia lege
continentur, saltem eae quae ipsae corporeae sunt; an enim, et qualem, mentes humanae uel
Angelicae uim habeant corpora mouendi, non iam inquirimus, sed ad tractationem de
homine reseruamus.

II, 41. Probatio prioris partis huius regulae.

Demonstratur autem prior pars huius legis, ex eo quod differentia sit inter motum in se
spectatum et ipsius determinationem uersus certam partem, qua fit ut ista determinatio
possit mutari, motu integro remanente. Cum enim, ut ante dictum est, unaquaeque res, non
composita, sed simplex, qualis est motus, semper esse perseueret, quamdiu a nulla causa
externa destruitur; et in occursu duri corporis, appareat quidem causa quae impediat, ne
motus alterius corporis, cui occurrit, maneat determinatus uersus eandem partem; non
autem ulla, quae motum ipsum tollat uel minuat, quia motus motui non est contrarius: hinc
sequitur illum idcirco minui non debere.

II, 42. Probatio posterioris partis.

Demonstratur etiam pars altera ex immutabilitate operationis Dei, mundum eadem actione,
qua olim creauit, continuo iam conseruantis. Cum enim omnia corporibus sint plena, et
nihilominus uniuscuiusque corporis motus tendat in lineam rectam, perspicuum est Deum
ab initio, mundum creando, non modo diuersas eius partes diuersimode mouisse, sed simul
etiam effecisse, ut unae alias impellerent motusque suos in illas transferrent: adeo ut iam,
ipsum conseruando
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
ligne droite que cet autre pour lui résister, alors il est détourné vers une
autre partie et, conservant son mouvement, perd la seule détermination 17
du mouvement ; si en vérité il a une force plus grande, alors il meut avec
lui précisément l’autre corps, et lui abandonne autant de mouvement qu’il
en perd. Ainsi nous faisons l’expérience que quels que soient les corps durs
projetés vers l’avant, quand ils frappent un autre corps dur, ils ne cèdent
pas de mouvement pour cela, mais sont réfléchis vers la partie opposée ;
mais au contraire quand ils rencontrent un corps mou, parce qu'ils lui
transmettent facilement tout leur mouvement, pour cela aussitôt ils sont
réduits au repos. Et toutes les causes particulières des changements qui
arrivent aux corps sont contenues dans cette troisième loi, du moins celles
qui sont elles-mêmes des causes corporelles ; car que les esprits humains,
ou angéliques, aient la force de mouvoir les corps, et laquelle, nous ne nous
le demandons pas maintenant mais le réservons au traité de l’homme18.
II, 41. Preuve de la première partie de cette règle.
Et la première partie de cette loi se démontre de la différence qui existe
entre le mouvement regardé en lui-même, et la détermination de ce
mouvement vers une certaine partie, qui fait que cette détermination peut
être changée, tandis que le mouvement reste entier. Puisqu’en effet, comme
il a été dit auparavant, chaque chose non composée mais simple, tel est le
mouvement, persévère toujours d’être, aussi longtemps qu’il n’est pas
renversé par quelque cause extérieure ; et qu’apparaît certainement, dans la
rencontre d’un corps dur, la cause qui empêche que le mouvement de cet
autre corps qu’il rencontre, reste déterminé vers la même partie, aucune
toutefois qui diminue ou supprime le mouvement lui-même, parce que le
mouvement n’est pas contraire au mouvement ; de là suit que pour cette
raison ce mouvement ne doit pas être diminué.
II, 42. Preuve de la deuxième partie.
L’autre partie se démontre aussi à partir de l’immutabilité de l’opération de
Dieu qui conserve continûment le monde maintenant, par la même action
par laquelle il l’a créé un jour. Car comme tout est plein de corps et que
néanmoins le mouvement de chaque corps tend vers la ligne droite, il est
limpide que Dieu créant le monde, du commencement non seulement a mû
ses différentes parties de différentes manières, mais a fait aussi en même
temps que les unes poussent les autres et transmettent leurs mouvements
aux autres ; si bien que maintenant, conservant le monde précisément par
la
401
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
402
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

eadem actione, ac cum iisdem legibus cum quibus creauit, motum, non iisdem materiae
partibus semper infixum, sed ex unis in alias prout sibi mutuo occurrunt transeuntem,
conseruet. Sicque haec ipsa creaturarum continua mutatio immutabilitatis Dei est
argumentum.

II, 43. In quo consistat uis cuiusque corporis ad agendum uel resistendum.

Hic uero diligenter aduertendum est, in quo consistat uis cuiusque corporis ad agendum in
aliud, uel ad actioni alterius resistendum: nempe in hoc uno, quod unaquaeque res tendat,
quantum in se est, ad permanendum in eodem statu in quo est, iuxta legem primo loco
positam. Hinc enim id quod alteri coniunctum est, uim habet nonnullam, ad impediendum
ne disiungatur; id quod disiunctum est, ad manendum disiunctum; id quod quiescit, ad
perseuerandum in sua quiete, atque ex consequenti ad resistendum iis omnibus quae illam
possunt mutare; id quod mouetur, ad perseuerandum in suo motu, hoc est, in motu eiusdem
celeritatis et uersus eandem partem. Visque illa debet aestimari tum a magnitudine corporis
in quo est, et superficiei secundum quam istud corpus ab alio disiungitur; tum a celeritate
motus, ac natura et contrarietate modi, quo diuersa corpora sibi mutuo occurrunt.

II, 44. Motum non esse motui contrarium, sed quieti ; et determinationem in unam
partem, determinationi in partem oppositam.

Atque notandum est, unum motum alteri motui aeque ueloci nullo modo esse contrarium,
sed proprie tantum duplicem hic inueniri contrarietatem. Unam inter motum et quietem, uel
etiam inter motus celeritatem et tarditatem, quatenus scilicet ista tarditas de quietis natura
participat. Alteram inter determinationem motus uersus aliquam partem, et occursum
corporis in illa parte quiescentis uel aliter moti; atque pro ratione partis in quam corpus
alteri occurrens mouetur, haec contrarietas est maior uel minor.

II, 45. Quomodo possit determinari, quantum cuiusque corporis motus mutetur propter
aliorum corporum occursum ; idque per regulas sequentes.

Ex quibus ut possimus determinare, quo pacto singula corpora motus suos augeant
403
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
même action et avec les mêmes lois avec lesquelles il l’a créé, il conserve le
mouvement, non toujours attaché à de mêmes parties de la matière, mais
passant des unes aux autres selon comment elles se rencontrent
mutuellement. Et ainsi ce changement continuel des créatures est lui-même
un argument de l’immutabilité de Dieu.
II, 43. En quoi consiste la force d’action, ou de résistance, de chaque corps.
Ici en vérité il faut remarquer soigneusement en quoi consiste la force de
chaque corps pour en pousser un autre, ou pour résister à l’action d’un
autre ; en cela seul, n’est-ce pas, que chaque chose tend, autant qu’il est en
elle, à demeurer dans le même état dans lequel elle est ; conformément à la
loi posée en premier lieu. De là en effet, ce qui est joint à autre chose, tient
une certaine force pour empêcher d’être disjoint ; ce qui est disjoint pour
demeurer disjoint ; ce qui garde le repos pour persévérer dans son repos et
en conséquence pour résister à tout ce qui peut changer ce repos ; ce qui se
meut, pour persévérer dans son mouvement c’est-à-dire dans un
mouvement de même vitesse et vers la même partie. Et cette force doit être
estimée tantôt d’après la grandeur du corps dans lequel elle est, et la
surface selon laquelle ce corps se distingue d’un autre corps, tantôt d’après
la vitesse du mouvement, et aussi la nature et la différence de la manière,
par lesquelles des corps différents se rencontrent les uns les autres.
II, 44. Le mouvement n’est pas contraire au mouvement, mais au repos, et
la détermination vers une partie à la détermination vers la partie opposée.
Et il faut noter qu’un même mouvement n’est en aucune manière contraire
à un autre mouvement d’égale vitesse, mais ici proprement se trouve
seulement une double contrariété. L’une entre le mouvement et le repos, ou
aussi entre la vitesse et la lenteur d’un mouvement, en tant n’est-ce pas que
cette lenteur participe de la nature du repos. L’autre entre la détermination
du mouvement vers quelque partie et la rencontre dans cette partie d’un
corps au repos, ou mû autrement ; et cette contrariété est plus ou moins
grande, suivant le rapport de la partie dans laquelle se meut le corps en
rencontrant un autre.
II, 45. Comment peut se déterminer de combien se change le mouvement de
chaque corps par sa rencontre avec d’autres corps ; et cela par les règles qui
suivent.
À partir de là, pour que nous puissions déterminer de quelle façon les
corps singuliers augmentent ou diminuent leurs mouvements, ou vers
quelles
404
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
uel minuant, uel in alias partes conuertant, ob aliorum corporum occursus: oportet tantum
calculo subducere, quantum in unoquoque sit uirium, siue ad mouendum, siue ad motui
resistendum; ac pro certo statuere, illud semper, quod ualentius est, sortiri suum effectum.
Hocque facile calculo subduci posset, si duo tantum corpora sibi mutuo occurrerent, eaque
essent perfecte dura, et a reliquis omnibus sic diuisa, ut eorum motus a nullis aliis
circumiacentibus impedirentur nec iuuarentur; ea enim regulas sequentes obseruarent.
II, 46. Prima.
Fig. II – 6.
Primo, si duo illa corpora, puta B
et C, essent plane aequalia, et
aeque uelociter mouerentur, B
quidem a dextra uersus sinistram,
et C illi in directum a sinistra
uersus dextram, cum sibi mutuo
occurrerent, reflecterentur, et
postea pergerent moueri, B uersus
dextram et C uersus sinistram,
nulla parte suae celeritatis amissa.
II, 47. Secunda.
Secundo, si B esset tantillo maius quam C, caeteris positis ut prius, tunc solum C
reflecteretur, et utrumque uersus sinistram eadem celeritate moueretur.

II, 48. Tertia.

Tertio, si mole essent aequalia, sed B tantillo celerius moueretur quam C, non tantum ambo
pergerent moueri uersus sinistram, sed etiam transferretur ex B in C media pars celeritatis
qua hoc ab illo excederetur: hoc est, si fuissent prius sex gradus celeritatis in B, et quatuor
tantum in C, post mutuum occursum unumquodque tenderet uersus sinistram, cum quinque
gradibus celeritatis.

II, 49. Quarta.

Quarto, si corpus C plane quiesceret, essetque paulo maius quam B, quacumque cum
celeritate B moueretur uersus C, nunquam ipsum C moueret; sed ab eo repelleretur in
contrariam partem: quia corpus quiescens magis resistit magnae celeritati quam paruae,
idque pro ratione excessus unius supra alteram; et idcirco semper maior esset uis in C ad
resistendum, quam in B ad impellendum.
405
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
parties ils sont détournés par la rencontre avec d’autres corps, il convient
seulement de soumettre au calcul combien en chacun se trouvent de forces,
soit pour se mouvoir soit pour résister au mouvement ; et statuer pour
certain que toujours celui qui est le plus fort partage son effet. Et cela peut
facilement être soumis au calcul, si deux corps seulement se rencontrent
mutuellement, s’ils sont parfaitement durs et à ce point séparés de tous les
autres que leurs mouvements ne sont entravés ni aidés par aucun corps les
entourant : ces corps observeraient en effet les règles suivantes.
II, 46. Première règle.
Figure II – 6.
Premièrement si deux tels corps, pense B et C, sont absolument égaux, et se
meuvent en ligne droite avec une vitesse égale, à savoir B de la droite vers
la gauche, et C de la gauche vers la droite ; quand ils se rencontrent l’un
l’autre, ils rétrogradent et continuent ensuite de se mouvoir, B vers la droite
et C vers la gauche, aucune partie de leur vitesse n’étant perdue.
II, 47. Deuxième règle.
Deuxièmement, si B est un peu plus grand que C, le reste posé comme
avant, alors seul C rétrograde et les deux se mouvront vers la gauche avec
la même vitesse.
II, 48. Troisième règle.
Troisièmement, s’ils sont de masse égale mais que B se meut un peu plus
vite que C, non seulement les deux continuent de se mouvoir vers la
gauche, mais est aussi transférée de B vers C la demie part de vitesse de B
excédant celle de C ; c’est-à-dire, si au départ il y a six degrés de vitesse en
B et quatre seulement en C, après la rencontre mutuelle, chacun tend vers
la gauche avec cinq degrés de vitesse.
II, 49. Quatrième règle.
Quatrièmement, si le corps C est entièrement au repos 19, et est un peu plus
grand que B, quelle que soit la vitesse avec laquelle B se meut vers C,
jamais B ne mettra C lui-même en mouvement, mais sera repoussé par lui
dans la partie opposée, parce qu’un corps au repos résiste davantage à une
vitesse grande qu’à une petite et cela à proportion de l’excès de l’une sur
l’autre ; et pour cela la force est plus grande en C pour résister, qu’en B
pour pousser.
406
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

II, 50. Quinta.

Quinto, si corpus quiescens C esset minus quam B, tunc, quantumuis tarde B uersus C
moueretur, illud secum moueret, partem scilicet sui motus ei talem transferendo, ut ambo
postea aeque celeriter mouerentur: nempe, si B esset duplo maius quam C, transferret ipsi
tertiam partem sui motus, quia una illa tertia pars tam celeriter moueret corpus C, quam
duae aliae residuae corpus B duplo maius. Et ita, postquam B ipsi C occurrisset, una tertia
parte tardius moueretur quam prius, hoc est, tantundem temporis requireret, ut moueretur
per spatium duorum pedum, quam prius ut moueretur per spatium trium. Eodem modo, si B
esset triplo maius quam C, transferret ipsi quartam partem sui motus; et sic de caeteris.

II, 51. Sexta.

Sexto, si corpus C quiescens esset accuratissime aequale corpori B uersus illud moto,
partim ab ipso impelleretur, et partim ipsum in contrariam partem repelleret: nempe, si B
ueniret uersus C cum quatuor gradibus celeritatis, communicaret ipsi C unum gradum, et
cum tribus residuis reflecteretur uersus partem aduersam.

II, 52. Septima.

Denique, si B et C uersus eandem partem mouerentur, C quidem tardius, B autem illud


insequens celerius, ita ut ipsum tandem attingeret, essetque C maius quam B, sed excessus
celeritatis in B esset maior, quam excessus magnitudinis in C: tunc B transferret tantum de
suo motu in C, ut ambo postea aeque celeriter et in easdem partes mouerentur. Si autem e
contra excessus celeritatis in B minor esset, quam excessus magnitudinis in C, B in
contrariam partem reflecteretur, et motum omnem suum retineret. Atque hi excessus ita
computantur: si C esset duplo maius quam B, et B non moueretur duplo celerius quam C,
ipsum non pelleret, sed in contrariam partem reflecteretur; si uero magis quam duplo
celerius moueretur, ipsum pelleret. Nempe, si C haberet tantum duos gradus celeritatis, et B
haberet quinque, demerentur duo gradus ex B, qui translati in C unum tantum gradum
efficerent, quia C est duplo maius quam B: quo fieret ut duo corpora B et C cum tribus
gradibus celeritatis postea mouerentur; et ita de caeteris est iudicandum. Nec ista egent
probatione, quia per se sunt manifesta.
407
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
II, 50. Cinquième règle.
Cinquièmement si le corps au repos C 20, est moins grand que B, alors autant
que l’on voudra B se mouvoir lentement vers C, il se mouvra avec C en lui
transférant, cela va de soi, une partie de son mouvement telle que tous
deux par la suite se mouvront avec une vitesse égale ; à savoir, si B est deux
fois plus grand que C, il lui transfère précisément un tiers de part de son
mouvement, parce que cette seule troisième part mouvra le corps C avec
autant de vitesse que les deux autres parts résiduelles mouvront le corps B
deux fois plus grand. Et ainsi, après que B a rencontré C en réalité, il se
meut un tiers de part plus lentement qu’avant, c’est-à-dire requiert autant
de temps pour se mouvoir à travers un espace de deux pieds, qu’avant à
travers un espace de trois. De la même manière, si B est trois fois plus
grand que C, il lui transfère précisément un quart de part de son
mouvement, et ainsi de suite.
II, 51. Sixième règle.
Sixièmement, si le corps C au repos21 est très exactement égal au corps B qui
se meut vers lui, en partie il est poussé par lui, en partie lui-même le
repousse dans la partie opposée ; à savoir si B vient vers C avec quatre
degrés de vitesse, il communiquera à C précisément un degré et se réfléchit
avec trois degrés vers la partie opposée.
II, 52. Septième règle.
Enfin, si B et C se meuvent vers une même partie, C certainement plus
lentement, et B qui le suit, plus rapidement de telle sorte qu’à la fin il
rejoigne C, et que C est plus grand que B, mais que l’excès de vitesse en B
est plus grand que l’excès de grandeur en C, alors B transfère autant de son
mouvement en C, pour que les deux ensuite se meuvent à vitesse égale, et
vers les mêmes parties. Cependant si l’excès de vitesse en B au contraire est
moins grand que l’excès de grandeur en C, B est réfléchi dans la partie
opposée et conserve tout son mouvement. Et ces excès se calculent ainsi : si
C, est deux fois plus grand que B, et B se meut moins de deux fois plus vite
que C, il ne le pousse pas mais rétrograde dans la partie opposée ; mais s’il
se meut plus que le double de vitesse, il le repousse. À savoir si C a deux
degrés de vitesse seulement et B cinq, deux degrés sont gagnés à partir de B
qui une fois transférés à C font un seul degré seulement parce que C est
deux fois plus grand que B ; d’où se fait qu’après les deux corps B et C se
meuvent avec trois degrés de vitesse ; et il faut juger de même du reste. Et
ceci fait preuve, parce que c’est manifeste par soi.
408
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

II, 53. Harum regularum usum esse difficilem, propterea quod unumquodque corpus a
multis simul tangatur.

Sed quia nulla in mundo corpora esse possunt a reliquis omnibus ita diuisa, et nulla circa
nos esse solent plane dura, ideo multo difficilius iniri potest calculus, ad determinandum
quantum cuiusque corporis motus ob aliorum occursum mutetur. Simul enim habenda est
ratio eorum omnium, quae illud circumquaque contingunt, eaque, quantum ad hoc, ualde
diuersos habent effectus, prout sunt dura uel fluida: quorum ideo diuersitas in quo consistat,
hic est quaerendum.

II, 54 Quae sint corpora dura, quae fluida.

Nempe, sensu teste, non aliam agnoscimus, quam quod fluidorum partes facile recedant ex
locis suis, atque ideo manibus nostris uersus illa se mouentibus non resistant; contra autem
durorum partes ita sibi mutuo cohaereant, ut non sine ui, quae sufficiat ad istam illorum
cohaerentiam superandam, seiungi possint. Et ulterius inuestigantes qui fiat ut quaedam
corpora sine ulla difficultate loca sua corporibus aliis relinquant, alia non item: facile
aduertimus ea quae iam sunt in motu, non impedire ne loca quae sponte deserunt ab aliis
occupentur; sed ea quae quiescunt, non sine aliqua ui ex locis suis extrudi posse. Unde licet
colligere, corpora diuisa in multas exiguas particulas, motibus a se mutuo diuersis agitatas,
esse fluida; ea uero, quorum omnes particulae iuxta se mutuo quiescunt, esse dura.

II, 55. Durorum partes nullo alio glutino simul iungi, quam earum quiete.

Neque profecto ullum glutinum possumus excogitare, quod particulas durorum corporum
firmius inter se coniungat, quam ipsarum quies. Quid enim esse posset glutinum istud? Non
substantia: quia, cum particulae istae sint substantiae, nulla ratio est cur per aliam
substantiam potius quam per se ipsas iungerentur. Non etiam est modus ullus diuersus a
quiete: nullus enim alius magis aduersari potest motui,
409
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
II, 53. L’utilisation de ces règles est difficile pour la raison que chaque corps
est en même temps au contact de beaucoup d’autres.
Mais parce que dans le monde il ne peut y avoir aucun corps si séparé des
autres, et aucun autour de nous qui ait l’habitude d’être absolument dur,
que pour cela le calcul pour déterminer de combien le mouvement de
chaque corps est changé de la rencontre des autres, peut être beaucoup plus
difficilement entrepris. Car il faut tenir compte en même temps de tous
ceux qui le touchent tout autour, et de combien pour cela ces corps ont des
effets si différents, selon qu’ils sont durs ou fluides ; c’est pourquoi doit être
recherché ici, en quoi consiste leur diversité.
II, 54. Lesquels sont des corps durs, lesquels fluides.
Par le sens du tact, n’est-ce pas, nous ne savons rien d’autre sinon que les
parties des fluides s’écartent facilement de leurs lieux, et pour cette raison
ne résistent pas à nos mains qui se déplacent vers eux ; et au contraire les
parties des corps durs, ont une telle cohésion entre elles qu’elles ne peuvent
pas être disjointes sans une force qui soit suffisante pour vaincre cette leur
cohésion. Et en investiguant plus loin ce qui fait que certains corps
abandonnent sans aucune difficulté leurs lieux à d’autres corps, d’autres
plus difficilement, nous remarquons facilement que ceux qui sont déjà en
mouvement, n’empêchent pas que les lieux qu’ils désertent soient occupés
par d’autres, et que ceux qui sont au repos ne peuvent pas être extraits de
leurs lieux sans quelque force. D’où il est permis de conclure que sont
fluides, les corps divisés en de nombreuses particules très petites par elles-
mêmes agitées de mouvements mutuellement variés ; sont durs en vérité
ceux dont toutes les particules, d’elles-mêmes sont mutuellement au repos.
II, 55. Les parties des corps durs ne sont jointes ensemble par aucune autre
colle que leur propre repos.
Et assurément nous ne pouvons cogiter aucune colle qui joigne ensemble
assez fermement entre elles les particules des corps durs, sinon leur propre
repos. Qu’elle pourrait-être en effet cette colle ? Pas une substance, parce
que, comme les particules sont le propre de cette substance, il n'y a aucune
raison pourquoi elles seraient jointes par une autre substance plutôt que
par elles-mêmes. Elle n’est pas non plus quelque manière d’être différente
du repos, car aucune autre manière de séparer ces particules ne peut être
plus
410
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
per quem istae particulae separentur, quam ipsarum quies. Atque praeter substantias et
earum modos, nullum aliud genus rerum agnoscimus.
II, 56. Fluidorum particulas aequali ui uersus omnes partes moueri. Et corpus durum in
fluido existens, a minima ui posse determinari ad motum.
Quantum autem ad fluida, etsi sensu non aduertamus ipsorum particulas moueri, quia sunt
nimis exiguae, facile tamen ex effectibus id colligitur, praecipue in aëre et aqua, ex eo quod
alia multa corpora corrumpant. Neque enim actio ulla corporea, qualis ista corruptio est,
sine motu locali esse potest; et causae ipsorum motus infra dicentur. Sed in eo est
difficultas, quod istae fluidorum particulae non possint omnes eodem tempore in
unamquamque partem ferri; quod tamen requiri uidetur, ut non impediant motum corporum
ex qualibet parte uenientium, quemadmodum uidemus illas eum non impedire.
Figu.II – 7.

Nam si, exempli causa, corpus durum B moueatur uersus C, ac quaedam ex partibus fluidi
intermedii D ferantur in contrarium a C uersus B, hae motum eius non iuuabunt, sed contra
magis impedient, quam si plane essent sine motu. Quae difficultas ut soluatur, recordandum
est, non motum, sed quietem esse motui contrariam; et motus determinationem uersus unam
partem esse contrariam eiusdem determinationi uersus partem oppositam, ut iam dictum
est; itemque omne id quod mouetur, tendere semper ut pergat moueri secundum lineam
rectam. Ex his enim patet: primo, corpus durum B, dum quiescit, magis opponi, sua illa
quiete, motibus particularum corporis fluidi D simul spectatis, quam iisdem opponeretur
suo motu, si moueretur. Ac deinde, quantum ad determinationem, uerum quidem est tot
esse ex particulis ipsius D, quae mouentur a C uersus B, quot sunt quae mouentur in
contrarium: quippe eaedem sunt quae, uenientes a C, impingunt in superficiem corporis B,
ac deinde retorquentur uersus C.
411
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
opposée au mouvement, que leur propre repos. Et outre les substances et
leurs manières d’être, nous ne reconnaissons aucun autre genre de choses.
II, 56. Les particules des fluides se meuvent d’une force égale vers toutes les
parties. Et les corps durs existant dans un fluide, peuvent être déterminés
au mouvement par une force minime.
Quant aux fluides toutefois, même si nous ne remarquons pas leurs
particules se mouvoir parce qu'elles sont trop petites, facilement pourtant
nous concluons ce mouvement à partir de leurs effets, principalement dans
l’air et dans l’eau, de ce qu’elles corrompent beaucoup d’autres corps. Car
aucune action corporelle, telle est cette corruption, ne peut être sans
mouvement local ; et les causes de ces mouvements seront envisagées plus
loin. Mais une difficulté tient à ce que ces particules des fluides ne peuvent
pas toutes se porter en même temps dans chaque partie ; et cela semble
pourtant requis pour qu’elles n’empêchent pas le mouvement des corps
venant de n’importe quelle partie, comme nous les voyons ne pas
l’empêcher.
Figure II – 7.
Car si par exemple, le corps dur B se meut vers C, et que certaines des
parties du fluide D interposé, se portent au contraire de C vers B, elles
n’aideront pas son mouvement, mais au contraire l’empêcheront plus que
si elles étaient absolument sans mouvement. Pour résoudre cette difficulté,
il faut se rappeler que ce n’est pas le mouvement qui est contraire au
mouvement, mais le repos ; et que c’est la détermination du mouvement
vers une partie qui est contraire à la détermination de ce même mouvement
vers la partie opposée, comme il a déjà été dit ; et de même que tout ce qui
se meut tend toujours à continuer de se mouvoir selon une ligne droite. De
là en effet est visible, premièrement, que le corps dur B, en même temps
qu’il garde le repos, s’oppose plus par ce sien repos aux mouvements des
particules du corps fluide D considérées ensemble, qu’il ne s’opposerait à
ces mêmes particules par son mouvement, s’il se mouvait. Et par suite,
concernant la détermination, il est certainement vrai qu’il y a autant de
particules du fluide D qui se meuvent de C vers B, qu’il y en a qui se
meuvent vers la partie opposée ; c’est pourquoi ce sont les mêmes qui
venant de C, frappent la surface du corps B, et ensuite s’en retournent vers
C.
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
Et quidem singulae ex istis seorsim spectatae, impingentes in B, pellunt ipsum uersus F,
atque ita magis impediunt, ne moueatur uersus C, quam si essent sine motu; sed, quia
totidem etiam ab F tendunt in B, illudque pellunt uersus C, idcirco, quantum ad hoc attinet,
B non magis pellitur uersus unam partem quam uersus alteram, et ideo, nisi quid aliud
accedat, manet immotum. Cuiuscumque enim figurae ipsum esse supponamus, semper
accurate a totidem particulis fluidi ex una parte pelletur quam ex altera; modo ne fluidum
ipsum in ullam partem magis feratur quam in reliquas. Et supponere debemus B omni ex
parte a fluido DF circumdari; atque si forte non tanta sit istius fluidi quantitas in F quam in
D, nihil refert: quia non agit in B se toto, sed duntaxat iis suis partibus quae superficiem
eius attingunt.
Hactenus uero spectauimus B ut immotum; iam si ponamus ipsum ab aliqua ui, aliunde
adueniente, impelli uersus C, haec uis (quantumuis exigua) sufficiet, non quidem ad ipsum
se sola mouendum, sed ad concurrendum cum particulis corporis fluidi FD, ipsasque
determinandas ad illud etiam pellendum uersus C, eique partem sui motus
communicandam.
II, 57. Eiusdem rei demonstratio.
Fig. II – 7bis.
Quod ut clarius
u y intelligatur,
fingamus primo,
corpus durum B
nondum esse in
fluido FD, sed
huius fluidi
o B a particulas a e i o
D a, dispositas in
C modum annuli,
F moueri
circulariter
secundum
i e ordinem notarum
a e i ; aliasque o u
y a o moueri
eodem modo
secundum
ordinem notarum
o u y. Ut enim
corpus aliquod sit fluidum, debent eius particulae moueri pluribus modis, ut iam dictum est.
Quiescat deinde corpus durum B in hoc fluido FD inter a et o: quid fiet? Nempe particulae
a e i o impedientur ab ipso, ne possint transire ab o uersus a, ut absoluant circulum sui
motus; itemque particulae o u y a impedientur ne pergant ab a uersus o; ac uenientes ab i
uersus o, pellent B uersus C; itemque uenientes ab y uersus a, ipsum tantundem repellent
uersus F: ideoque nullam solae habebunt uim ad illud mouendum, sed reflectentur ab o
uersus u, et ab a uersus e, fietque una circulatio ex duabus, secundum ordinem
413
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
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De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
Et certainement, parmi ces particules regardées séparément, des singulières
frappent B, le poussent précisément vers F, et ainsi l’empêchent plus de se
mouvoir vers C que si elles étaient sans mouvement ; mais parce que tout
autant de particules aussi tendent de F vers B, et poussent B vers C, pour
cela, sur ce plan-là, B n’est pas plus poussé vers une partie que vers une
autre et pour cette raison, si rien d’autre n’arrive, B reste immobile. Car de
quelque figure que nous supposons être B, il est toujours poussé par très
exactement autant de particules du fluide d’une partie, que d’une autre
partie ; pourvu que le fluide lui-même ne soit pas plus porté vers une partie
que vers d’autres. Et nous devons supposer que B est entouré de toute part
par le fluide DF ; et importe peu si la quantité de ce fluide se trouve, peut-
être, moindre en F qu’en D, parce que le fluide n’agit pas sur B tout entier
mais seulement sur ces siennes parties qui touchent sa surface.
Jusque-là en vérité nous avons considéré B comme immobile ; maintenant
si nous posons qu’il est en réalité poussé vers C par une certaine force
venant d’ailleurs, cette force (aussi infime que l’on voudra) ne suffira pas
assurément pour mouvoir B par soi seule, mais suffira pour concourir avec
les particules du corps fluide FD, pour déterminer ces particules à pousser
B vers C et lui communiquer une partie de leur mouvement.
II, 57. Démonstration de cette même chose22.
Figure II – 7bis.
Pour comprendre cela plus clairement, imaginons d’abord que le corps B
n’est pas encore dans le fluide FD, mais que les particules de ce fluide a e i o
a, disposées en manière d’anneau, se meuvent circulairement selon l’ordre
noté a e i ; et que les autres particules o u y a o, de la même manière se
meuvent selon l’ordre noté o u y. Pour qu’un corps soit fluide en effet, ses
particules doivent se mouvoir de très nombreuses manières, comme il a
déjà été dit. Puis imaginons que le corps dur B, garde le repos dans ce
fluide FD entre a et o : qu’arrive-t-il ? Les particules a e i o, n’est-ce pas,
empêchées par B, ne peuvent pas transiter de o vers a pour achever le cercle
de leur mouvement ; de même les particules o u y a sont empêchées de
continuer de a vers o ; et celles venant de i vers o, poussent B vers C, de
même celles venant de y vers a, repoussent autant B en réalité vers F ; c’est
pourquoi à elles seules, ces particules n’ont aucune force pour mouvoir B,
mais se réfléchissent de o vers u, et de a vers e, et des deux circulations s’en
fait une seule, selon l’ordre des
415
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.

notarum a e i o u y a. Et ita, propter occursum corporis B, non quidem sistetur ullo modo
ipsarum motus, sed mutabitur tantum determinatio, nec incedent per lineas tam rectas, uel
tam prope accedentes ad rectam, quam si in B non impingerent.

Tandem denique accedat noua aliqua uis, pellens B uersus C, haec uis, quantumuis exigua,
iuncta ei qua particulae fluidi, uenientes ab i uersus o, ipsum etiam pellunt uersus C,
superabit eam qua uenientes ab y uersus a illud in contrariam partem repellunt; atque ideo
sufficiet ad ipsarum determinationem mutandam, et efficiendum ut ferantur secundum
ordinem notarum ayuo, in quantum hoc requiritur ad motum corporis B non impediendum:
quia, cum duo corpora determinantur ad motum uersus partes plane contrarias et sibi mutuo
oppositas, illud in quo maior est uis, alterius determinationem debet mutare. Atque quod hic
dico de particulis aeiouy, de omnibus etiam aliis fluidi FD, quae in B impingunt, est
intelligendum: quod nempe singulae ex iis quae illud pellunt uersus C, oppositae sint
totidem aliis, id ipsum in contrariam partem pellentibus; quodque perexigua uis, illis
adiuncta, sufficiat ad harum determinationem mutandam; quodque, quamuis nullae forte
describant tales circulos, quales hic repraesentantur aeio et ouya, haud dubie tamen omnes
circulariter, et aliquibus modis huic aequipollentibus, moueantur.

II, 58. Si quae fluidi particulae tardius moueantur, quam corpus durum in eo existens,
illud hac in parte fluidi rationem non habere.

Ita ergo mutata determinatione particularum fluidi, quae impediebant ne corpus B


moueretur uersus C, hoc corpus B omnino incipiet moueri, et quidem eadem cum celeritate,
qua uis a fluido diuersa illud pellit, si supponamus in isto fluido nullas esse particulas, quae
non celerius, uel saltem aeque celeriter moueantur. Nam, si quae tardius agantur, quatenus
ex illis constat, rationem fluidi non habet, neque tunc sufficit minima quaeque uis ad corpus
durum in hoc fluido existens mouendum; sed tanta requiritur, ut superet resistentiam quae
oritur ab istarum fluidi particularum tarditate. Ac ideo saepe uidemus aërem, aquam et alia
fluida, multum resistere corporibus, quae in ipsis
416
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.
lettres notées a e i o u y a. Et ainsi, assurément leur mouvement ne s’arrêtera
en aucune façon, mais seule la détermination changera et les particules ne
s’avanceront pas selon des lignes aussi droites, ou s’approchant autant de
la ligne droite, que si elles ne frappaient pas le corps B.
Pour finir enfin, arrive une certaine nouvelle force, poussant B vers C, cette
force, aussi petite que l’on voudra, jointe à celle par laquelle les particules
du fluide venant de i vers o aussi poussent B vers C, surpassera celle par
laquelle les particules venant de y vers a repoussent B dans la partie
opposée ; et pour cela elle sera suffisante pour changer leur détermination
et faire qu’elles soient portées selon l’ordre noté a y u o, autant que cela est
requis pour ne pas faire obstacle au mouvement du corps B, parce que
quand deux corps sont déterminés à un mouvement vers des parties
absolument opposées et réciproquement opposées à l’un et à l’autre, celui
dans lequel la force est plus grande doit changer la détermination de
l’autre. Et ce que je dis ici des particules a e i o u y, doit s’entendre aussi de
toutes les autres particules du fluide FD qui frappent le corps B ; à savoir
que les particules singulières qui poussent B vers C, sont tout autant
opposées aux autres particules poussant B même, vers la partie opposée ; et
qu’une force minime jointe à ces particules suffit à changer leurs
déterminations. Et bien qu’aucune particule peut-être, ne décrive de tels
cercles, tels sont représentés ici a e i o et o u y a, aucun doute pourtant
qu’elles se meuvent toutes circulairement et par quelques autres manières
équivalentes à cela.
II, 58. Si certaines particules du fluide se meuvent plus lentement que le
corps dur existant en lui, le corps, dans cette partie, ne tient pas compte du
fluide.
Ainsi donc, changée la détermination des particules du fluide qui
empêchaient le corps B de se mouvoir vers C, assurément ce corps B
commencera à se mouvoir, et certainement avec la même vitesse dont le
pousse la force du fluide devenue différente, à condition que nous
supposions qu’en ce fluide ne se trouve aucune particule qui ne se meuve
plus vite, ou du moins aussi vite. Car si certaines ont une action plus lente,
le corps B en tant qu’il repose sur ces particules, n’a pas considération au
fluide, et alors une force minime ne suffit pas pour mouvoir le corps dur
qui est dans ce fluide, mais une plus grande est requise pour surmonter la
résistance qui naît de la lenteur de ces particules du fluide sur lesquelles il
repose. Et pour cela souvent nous voyons l’air, l’eau et d’autres fluides
fortement résister aux corps qui, en ces mêmes fluides, se meuvent à très
417
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
418
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

ualde celeriter aguntur, iisdemque sine ulla difficultate cedere, cum lentius procedunt.

II, 59. Corpus durum ab alio duro impulsum, non omnem suum motum ab eo mutuari, sed
partim etiam a fluido circumiacente.

Cum autem corpus B sic mouetur uersus C, non putandum est, illud accipere suum motum
a sola ui externa ipsum impellente, sed maxima ex parte a fluidi particulis; ita scilicet, ut
eae quae componunt circulos aeio et ayuo, tantum amittant de suo motu, quantum acquirent
eae particulae corporis duri B quae sunt inter o et a: quippe quae iam facient partem
motuum circularium aeioa et ayuoa: quamuis, prout ulterius procedent uersus C, nouis
semper fluidi particulis iungantur.

II, 60. Non posse tamen ab isto fluido maiorem celeritatem acquirere, quam habeat a duro,
a quo impulsum est.

Superest tantum hic explicadum, cur paulo ante non dixerim, mutari absolute
determinationem particularum ayuo, sed mutari in quantum hoc requiritur, ad motum
corporis B non impediendum. Quippe hoc corpus B non potest celerius moueri, quam a ui
aduentitia impulsum est, quamuis saepe omnes particulae fluidi FD multo plus habeant
agitationis. Hocque unum est ex iis, quae nobis inter philosophandum praecipue sunt
obseruanda, ut ne cui causae ullum effectum tribuamus, qui potentiam eius excedat. Ita
ponentes corpus durum B, in medio fluidi FD prius immotum, nunc ab externa aliqua ui,
exempli causa, a manu mea, tardo motu impelli: cum haec sola impulsio meae manus sit
causa cur moueatur, credi non debet ipsum celerius moueri quam impellitur; et quamuis
omnes fluidi particulae multo celerius moueantur, non putandum est eas determinari ad
motus circulares aeioa et ayuoa et similes, quae sint celeriores hac impulsione, sed ipsas,
quatenus celerius aguntur, in quaslibet alias partes, ut prius, ferri.
419
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
grande vitesse, et céder sans aucune difficulté à ces mêmes corps quand ils
se déplacent plus lentement.
II, 59. Quand un corps dur est poussé par un autre corps dur, son
mouvement n’est pas entièrement changé par ce corps, mais en partie aussi
par le fluide qui l’entoure.
Quand toutefois le corps B se meut ainsi vers C, il ne faut pas penser qu’il
reçoit son mouvement de la seule force extérieure qui le pousse justement,
mais il le reçoit en très grande partie des particules du fluide ; de telle sorte,
évidemment, que celles qui composent les cercles a e i o et a y u o, perdent
autant de leur mouvement qu’en acquièrent ces particules du corps dur B
qui sont entre o et a ; et assurément celles-ci maintenant font partie des
mouvements circulaires a e i o et a y u o, même si, dans la mesure où elles
progressent plus avant vers C, elles se joignent toujours à de nouvelles
particules du fluide.
II, 60. Il ne peut cependant pas acquérir de ce fluide une vitesse plus grande
qu’il ne tient du corps dur qui le pousse.
Il reste seulement qu’il faut expliquer ici, pourquoi je n’ai pas dit un peu
plus haut, que la détermination des particules a y u o n’est pas changée
absolument, mais n’est changée qu’autant est requis pour ne pas empêcher
le mouvement du corps B. En vérité ce corps B ne peut pas se mouvoir plus
vite qu’il n’est poussé par la force ajoutée, même si souvent toutes les
particules du fluide FD ont beaucoup plus d’agitation. Et cela uniquement
de ce qu’il nous faut principalement observer en philosophant de
n’attribuer à quelque cause, aucun effet qui excède la puissance de cette
cause. Ainsi posons le corps dur B, au milieu du fluide FD, d’abord
immobile, maintenant poussé d’un mouvement lent par une certaine force
extérieure, par exemple, par ma main ; comme cette seule impulsion de ma
main est la cause pourquoi il se meut, on ne doit pas croire qu’il se meut en
réalité plus vite qu’il n’est poussé ; et même si toutes les particules du
fluide se meuvent beaucoup plus vite, il ne faut pas penser qu’elles sont
déterminées à des mouvements circulaires a e i o a et a y u o a et semblables,
qui ont plus de vitesse que cette impulsion, mais ces particules
précisément, en tant qu’elles sont poussées plus vélocement, se portent,
comme avant, dans les autres parties que l’on voudra.
420
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

II, 61. Cum corpus fluidum totum simul uersus aliquam partem fertur, necessario secum
deferre corpus durum quod in se continet.

Atque ex his clare percipitur, corpus durum undique fluido cinctum, et in illo quiescens, ibi
tanquam in aequilibrio consistere; ac quantumuis sit magnum, semper tamen a minima ui
posse in hanc uel illam partem impelli: siue illa uis aliunde adueniat, siue in hoc sit sita,
quod fluidum istud, totum simul, uersus aliquem locum feratur, ut flumina feruntur uersus
mare, ac totus aër, Euro flante, fertur uersus Occidentem. Quod ubi contingit, omnino
necesse est, corpus durum, in tali fluido existens, simul cum ipso deferri; nec obstat regula
illa quarta, iuxta quam, ut paullo ante dictum est, corpus quiescens a nullo alio se minori,
quantumuis celeriter acto, potest ad motum impelli.

II, 62. Cum corpus durum a fluido sic defertur, non idcirco moueri.

Quinimo, si ad ueram et absolutam motus naturam attendamus, quae consistit in


translatione corporis moti ex uicinia corporum aliorum sibi contiguorum, et in utroque ex
corporibus, quae se mutuo contingunt, est aequalis, quamuis non eodem modo soleat
nominari: plane agnoscemus, non tam proprie moueri corpus durum, cum sic a fluido ipsum
continente defertur, quam si non ab eo deferretur, quia tunc nempe a uicinis istius fluidi
particulis minus recedit.

II, 63. Cur quaedam corpora tam dura sint, ut, quamuis parua, non facile manibus nostris
diuidantur.

Unum autem adhuc est, in quo experientia regulis motus, paullo ante traditis, ualde uidetur
aduersari: nempe quod uideamus multa corpora, manibus nostris longe minora, tam firmiter
sibi mutuo adhaerere, ut nulla earum ui seiungi possint. Si enim illorum partes nullo alio
glutino sibi inuicem adhaereant, quam quod singulae iuxta uicinas quiescant, et omne
corpus quod quiescit, ab alio se maiori quod mouetur, possit ad motum impelli: non apparet
prima fronte ratio, cur (exempli causa) clauus ferreus,
421
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
II, 61. Quand un corps fluide se porte tout ensemble vers quelque partie,
nécessairement il emporte avec lui le corps dur qu’il contient.
Et par là est clairement perçu qu’un corps dur entouré de toute part par un
fluide et gardant le repos en ce fluide, se maintient à cet endroit comme en
équilibre ; et aussi grand qu’il soit, il peut néanmoins toujours être poussé
par une très petite force vers telle ou telle partie ; que cette force vienne
d’ailleurs ou qu’elle soit située en ce que ce fluide soit porté en totalité
ensemble vers quelque lieu, comme les fleuves se portent vers la mer, et
l’air tout entier, quand souffle l’Eurus, se porte vers l’Occident. Et quand
cela arrive, il est absolument nécessaire que le corps dur qui existe dans un
tel fluide soit emporté en même temps que le fluide lui-même ; et à cela ne
s’oppose pas cette quatrième règle selon laquelle, comme il a été dit un peu
plus haut, un corps au repos ne peut être poussé à un mouvement par
aucun plus petit que lui, autant que l’on voudra qu’il le pousse vite.
II, 62. Quand un corps dur est ainsi emporté par un fluide, il ne se meut
pas pour cela.
Bien plus, si nous prêtons attention à la nature vraie et absolue du
mouvement, qui consiste dans la translation d’un corps mû depuis le
voisinage d’autres corps qui lui sont contigus, et qui est égal dans les deux
corps qui se touchent l’un l’autre, bien qu’ils ne soient pas désignés
d’habitude de la même manière, nous reconnaîtrons tout à fait que le corps
dur ne se meut pas aussi proprement, quand il est ainsi emporté par le
fluide le contenant, que s’il n’était pas emporté par ce fluide, n’est-ce pas,
parce qu’alors il s’écarte moins des particules voisines de ce fluide.
II, 63. Pourquoi certains corps sont si durs que, même petits, ils ne sont pas
facilement divisés par nos mains.
Il est encore un point sur lequel l’expérience semble radicalement en
opposition aux règles du mouvement énoncées il y a peu ; à savoir que
nous voyons beaucoup de corps, de loin plus petits que nos mains, être
attachés par soi si fermement les uns aux autres, qu’aucune force ne peut
les disjoindre. Si leurs parties en effet ne sont attachées les unes aux autres
par nulle autre colle sinon que chaque partie singulière garde le repos à
côté des parties voisines, et que tout corps au repos peut être poussé à se
mouvoir, par un autre plus grand que lui qui se meut on ne voit pas, au
premier regard, la raison pourquoi (par exemple) un clou en fer, ou un
autre corps
422
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

uel aliud quodlibet, non magnum, sed ualde durum corpus, sola ui manuum nostrarum in
duas partes diuidi non possit. Licet enim unamquamque mediam partem istius claui pro uno
corpore numerare; cumque ista media pars manu nostra sit minor, uidetur eius ui debere
posse moueri, atque sic ab alia media parte diuelli. Sed notandum est manus nostras esse
admodum molles, siue ad naturam corporum fluidorum magis quam durorum accedentes;
ideoque non totas simul agere solere in corpus ab iis mouendum, sed eam tantum ipsarum
partem, quae, corpus istud tangens, tota simul in illud incumbit. Quippe, sicuti media pars
claui ferrei, quatenus ab alia eius media parte est diuidenda, rationem habet unius corporis:
sic pars manus nostrae proxime illam tangens, et ipsa minor, quatenus a reliquis eiusdem
manus partibus seiungi potest, habet rationem alterius corporis. Et quia facilius a reliqua
manu potest separari quam pars claui a reliquo clauo, et ista separatio sine doloris sensu
fieri nequit, ideo clauum ferreum sola manu frangere non possumus; sed si illam malleo,
lima, forfice, alioue instrumento muniamus, ut ita eius uis ad partem corporis diuidendi,
minorem corpore quo utitur, ad illud diuidendum applicetur, quamlibet eius duritiem poterit
superare.

II, 64 Non alia principia in Physica, quam in Geometria, uel in Mathesi abstracta, a me
admitti, nec optari, quia sic omnia naturae phaenomena explicantur, et certae de iis
demonstrationes dari possunt.

Nihil hic addam de figuris, nec quomodo ex earum infinita uarietate motuum quoque
uarietates innumerae consequantur, quia satis ista per se patebunt, ubicumque usus ueniet ut
de ipsis agamus. Et suppono meos lectores uel prima elementa Geometriae iam nouisse, uel
saltem ingenium satis aptum habere ad Mathematicas demonstrationes intelligendas. Nam
plane profiteor me nullam aliam rerum corporearum materiam agnoscere, quam illam
omnimode diuisibilem, figurabilem et mobilem, quam Geometrae quantitatem uocant, et
pro obiecto suarum demonstrationum assumunt; ac nihil plane in ipsa considerare, praeter
istas diuisiones, figuras et motus; nihilque
423
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
quelconque, pas grand, mais très dur, ne puisse pas être divisé en deux
parties par la seule force de nos mains. Il est en effet permis de compter
chaque moitié de ce clou pour un même corps ; et comme cette moitié de
corps est plus petite que notre main, elle semble devoir pouvoir être mue
par la force de notre main, et ainsi être séparée de l’autre moitié. Mais il
faut noter que nos mains sont tout à fait molles, autrement dit s’approchent
plus de la nature des corps fluides que des durs ; si bien que d’habitude
toutes leurs parties ensemble n’agissent pas sur le corps qu’elles doivent
mouvoir, mais seulement celle de leurs parties qui touche ce corps, et qui
s’appuie tout entière en même temps sur lui. En vérité comme la moitié du
clou compte, en tant qu'il est séparé de l’autre moitié, pour un seul corps ;
de même aussi la partie de notre main qui touche au plus près cette moitié,
elle-même plus petite en tant qu’elle peut être séparée des autres parties de
la même main, compte pour un autre corps. Et parce qu’elle peut être
séparée du reste du clou, plus facilement du reste de la main que la partie
du clou, et que cette séparation ne peut pas se faire sans souffrance, pour
cela nous ne pouvons pas briser un clou en fer par la main seule ; mais si
nous munissons la main d’un marteau, d’une lime, de ciseaux ou d’un
autre instrument, de telle sorte que pour diviser le clou, la force de
l’instrument soit appliquée à une partie du corps à diviser plus petite que le
corps qui est utilisé, elle pourra être surpassée quelle que soit la dureté de
ce corps.
II, 64. Je n’admets, ni ne choisis, aucun autre principe en physique que ceux
extraits de la géométrie ou des mathématiques, parce que sont expliqués de
cette façon tous les phénomènes de la nature, et que leurs démonstrations
peuvent être données certaines.
Je n’ajouterai rien ici des figures, ni comment de leur infinie variété
s’ensuivent aussi d’innombrables variétés de mouvements, parce que cela
sera évident par soi, partout où viendra l’utilité justement d’en traiter. Et je
suppose mes lecteurs, ou bien avoir déjà connaissance des premiers
éléments de géométrie, ou bien au moins l’esprit assez apte à comprendre
les démonstrations mathématiques. Car j’avoue parfaitement ne connaître
aucune autre matière des choses corporelles que celle en toute façon
divisible, figurable et mobile, que les géomètres appellent quantité et
prennent pour objet de leurs démonstrations ; et ne rien considérer
absolument en cette matière sinon ces divisions, figures et mouvements,
424
De Principiis Rerum Materialium. Pars Secunda.

de ipsis ut uerum admittere, quod non ex communibus illis notionibus, de quarum ueritate
non possumus dubitare, tam euidenter deducatur, ut pro Mathematica demonstratione sit
habendum. Et quia sic omnia Naturae Phaenomena possunt explicari, ut in sequentibus
apparebit, nulla alia Physicae principia puto esse admittenda, nec alia etiam optanda.

_________________
425
Deuxième Partie. Des Principes des Choses Matérielles.
et ne rien en admettre comme vrai qui, à partir de leurs notions communes
dont nous ne pouvons douter de la vérité, ne soit déduit avec tant
d’évidence que ce ne soit tenu pour démonstration mathématique. Et parce
que tous les phénomènes de la nature peuvent s’expliquer ainsi, comme il
apparaîtra dans la suite, je pense que ne doit être admis aucun autre
principe de physique, ni n’en choisir aucun autre non plus.

__________________
426
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

PRINCIPIORUM PHILOSOPHIAE

PARS TERTIA.

DE MUNDO ADSPECTABILI

III, 1. Opera Dei nimis ampla cogitari non posse.

Inuentis iam quibusdam principiis rerum materialium, quae non a praeiudiciis sensuum, sed
a lumine rationis ita petita sunt, ut de ipsorum ueritate dubitare nequeamus, examinandum
est, an ex iis solis omnia naturae phaenomena possimus explicare. Incipiendumque ab iis
quae maxime uniuersalia sunt, et a quibus reliqua dependent: nempe a generali totius huius
mundi adspectabilis constructione. De qua ut recte philosophemur, duo sunt inprimis
obseruanda. Unum, ut attendentes ad infinitam Dei potentiam et bonitatem, ne uereamur
nimis ampla, et pulchra, et absoluta eius opera imaginari; sed e contra caueamus, ne si quos
forte limites, nobis non certo cognitos, in ipsis supponamus, non satis magnifice de
Creatoris potentia sentire uideamur.

III, 2. Cauendum esse, ne nimis superbe de nobis ipsis sentientes, fines quos Deus sibi
proposuit in creando mundo, a nobis intelligi supponamus.

Alterum, ut etiam caueamus, ne nimis superbe de nobis ipsis sentiamus. Quod fieret non
modo, si quos limites, nobis nulla cognitos ratione nec diuina reuelatione, mundo uellemus
affingere, tanquam si uis nostrae cogitationis, ultra id quod a Deo reuera factum est, ferri
posset; sed etiam maxime, si res omnes propter nos solos ab illo creatas esse fingeremus;
uel tantum, si fines quos sibi proposuit in creando uniuerso, ingenii nostri ui comprehendi
posse putaremus.

III, 3. Quo sensu dici possit omnia propter hominem facta esse.

Quamuis enim in Ethicis sit pium dicere, omnia a Deo propter nos facta esse, ut nempe
tanto magis ad agendas ei gratias impellamur, eiusque amore incendamur; ac quamuis etiam
suo sensu sit uerum, quatenus scilicet rebus omnibus uti possumus aliquo modo, saltem
427
Troisième Partie. Du Monde Visible.

Troisième Partie

DU MONDE VISIBLE

III, 1. Les œuvres de Dieu ne peuvent pas être pensées trop amples.
Ayant maintenant découvert certains principes des choses matérielles, qui
ont été recherchés, non par les préjugés des sens, mais par la lumière
naturelle, au point que nous ne pouvons douter de leur propre vérité, il
faut examiner si nous pouvons expliquer par eux seuls, tous les
phénomènes de la nature. Il faut commencer par ceux qui sont les plus
universels et desquels dépendent toutes les autres choses, à savoir la
construction générale de la totalité de ce monde visible. Et pour
philosopher droitement, de ces principes, deux principalement doivent être
observés. Un, ne pas craindre, en prêtant attention à l’infinie puissance et
infinie bonté de Dieu, d’imaginer que ses œuvres sont trop amples, trop
belles et trop absolues, mais prendre garde au contraire à ne pas sembler
supposer, si certaines limites peut-être ne nous sont pas connues avec
certitude, sentir assez fastueusement en elles la puissance du créateur.
III, 2. Il faut prendre garde, sentant de nous-mêmes trop
présomptueusement, de croire que nous comprenons les fins que Dieu s’est
proposées en créant le monde.
Deux. Prenons garde aussi de ne pas nous sentir trop présomptueux. Et
cela se fait non seulement en voulant appliquer au monde certaines limites,
non connues de nous par la raison ou la révélation divine, comme si la
force de notre pensée, pouvait se porter au-delà de ce qui est fait
véritablement par Dieu, mais aussi, plus que tout, en voulant nous figurer
qu’il a créé toutes les choses pour nous seuls, ou seulement penser, que
nous pouvons embrasser par la force de notre intelligence, les fins qu’il
s’est lui-même proposées en créant l’univers.
III, 3. En quel sens peut se dire que tout a été fait en vue de l’homme.
Car même s’il est pieux en morale de dire que Dieu a tout fait pour nous, à
savoir pour nous pousser le plus possible à faire les choses pour lui, lui
rendre grâce et enflammer notre amour envers lui, et bien que ce soit vrai
aussi en un certain sens, à savoir en tant que nous pouvons nous servir en
428
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
429
Troisième Partie. Du Monde Visible.

ad ingenium nostrum in iis considerandis exercendum, Deumque ob admiranda eius opera


suspiciendum: nequaquam tamen est uerisimile, sic omnia propter nos facta esse, ut nullus
alius sit eorum usus; essetque plane ridiculum et ineptum id in Physica consideratione
supponere; quia non dubitamus, quin multa existant, uel olim extiterint, iamque esse
desierint, quae nunquam ab ullo homine uisa sunt aut intellecta, nunquamque ullum usum
ulli praebuerunt.

III, 4. De phaenomenis, siue experimentis; et quis eorum usus ad philosophandum.

Principia autem quae iam inuenimus, tam uasta sunt et tam foecunda, ut multo plura ex iis
sequantur, quam in hoc mundo aspectabili contineri uideamus; ac etiam multo plura, quam
mens nostra cogitando perlustrare unquam possit. Sed iam breuem historiam praecipuorum
naturae phaenomenωn (quorum causae hic sunt inuestigandae), nobis ob oculos
proponemus; non quidem ut ipsis tanquam rationibus utamur ad aliquid probandum:
cupimus enim rationes effectuum a causis, non autem e contra causarum ab effectibus
deducere; sed tantum ut ex innumeris effectibus, quos ab iisdem causis produci posse
iudicamus, ad unos potius quam alios considerandos mentem nostram determinemus.

III, 5. Quae sit ratio distantiae et magnitudinis inter Solem, Terram et Lunam.

Nobis quidem, primo intuitu, Terra caeteris omnibus mundi corporibus multo maior esse
uidetur, et Sol et Luna caeteris stellis; sed uisus defectum indubitatis ratiociniis
emendantes, inprimis aduertimus Lunae a Terra distantiam circiter triginta Terrae diametros
aequare, Solis uero sexcentas aut septingentas. Quas distantias cum apparentibus Solis et
Lunae diametris conferentes, facile ex ipsis colligimus, Lunam quidem esse multo minorem
Terra, sed Solem esse multo maiorem.

III, 6. Quae sit distantia reliquorum planetarum a Sole.

Agnoscimus etiam, uisu ratione adiuto, Mercurium plus ducentis Terrae diametris a Sole
distare; Venerem plus quadringentis; Martem noningentis aut mille; Iouem tribus millibus
et amplius; ac Saturnum quinque aut sex millibus.
430
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
quelque façon de toutes les choses, au moins pour exercer notre intelligence
en les considérant et en élevant le regard vers Dieu pour admirer ses
œuvres, en aucune manière pourtant est vraisemblable que tout ait été fait
pour nous au point de n’avoir aucun autre usage ; et en physique il serait
complétement ridicule et inepte de prendre cela en considération, parce
que nous ne doutons pas que beaucoup de choses existent ou ont existé un
jour, et maintenant ont cessé d’exister, qui jamais n’ont été vues ou
comprises par aucun homme et n’ont jamais eu aucun usage.
III, 4. Des phénomènes et des expériences ; et de leur usage en philosophie.
Les principes que nous avons à présent découverts sont si amples et si
féconds, que s’ensuit beaucoup plus de choses que nous n’en voyons dans
ce monde visible, et même beaucoup plus que notre esprit ne pourra jamais
parcourir en pensant. Mais posons maintenant devant nos yeux une brève
histoire des principaux phénomènes (phaenomenωn) de la nature (dont il
faut ici investiguer les causes) non assurément pour les utiliser en réalité
comme des raisons pour prouver quelque chose ; car nous désirons déduire
les raisons des effets depuis les causes, et non au contraire les raisons des
causes depuis les effets ; mais uniquement pour déterminer notre esprit à
porter un jugement sur les innombrables effets qui peuvent être produits
par ces mêmes causes, en considérant certains effets plutôt que d’autres.
III, 5. Quel est le rapport de distance et de grandeur entre le soleil, la terre
et la lune.
Pour nous certes, intuitivement, la terre semble beaucoup plus grande que
tous les autres corps du monde, et le soleil et la lune que les autres étoiles ;
mais en rectifiant le défaut de notre vue par des raisonnements
indubitables, nous constatons d’abord que la lune est distante de la terre
d’environ trente diamètres terrestres, le soleil en vérité de six ou sept cents.
Et en rapportant ces distances aux diamètres apparents du soleil et de la
lune, facilement nous concluons par le raisonnement, que la lune est
certainement beaucoup plus petite que la terre, et le soleil beaucoup plus
grand.
III, 6. Quelle est la distance des autres planètes au soleil.
Nous savons aussi par la vue aidée du raisonnement, que Mercure est
distant du soleil de plus de deux cents diamètres terrestres, Vénus plus de
quatre cents, Mars neuf cents ou mille, Jupiter trois mille et plus, et Saturne
cinq ou six mille.
431
Troisième Partie. Du Monde Visible.

III, 7. Fixas non posse supponi nimis remotas.

Quantum autem ad Fixas, non permittunt quidem phaenomena, ut ipsas a Sole aut Terra
non magis quam Saturnum distare arbitremur; sed nulla obstant, quominus ad quantumlibet
immensam distantiam remotas esse supponamus: colligiturque ex motibus coeli infra
explicandis, eas a nobis esse adeo distantes, ut Saturnus ad ipsas comparatus uideatur
admodum propinquus.

III, 8. Terram e coelo conspectam, non apparituram esse, nisi ut Planetam, Ioue aut
Saturno minorem.

Ex quibus manifestum est, Lunam et Terram, si ex Ioue uel Saturno conspicerentur, multo
minores esse apparituras, quam appareant Iupiter et Saturnus e Terra conspecti; nec forte
etiam Solem maiorem uisum iri, si respiceretur ex Fixis, quam Fixae nobis e Terra uidentur:
atque idcirco, ut sine praeiudicio partes mundi aspectabilis inter se comparemus, cauendum
esse ne Lunam, uel Terram, uel Solem magnitudine Stellas superare arbitremur.

III, 9. Solem et Fixas propria luce fulgere.

Differunt autem inter se Stellae, non modo quod unae aliis sint maiores; sed etiam quod
quaedam propria luce fulgeant, aliae uero tantum aliena. Ut inprimis de Sole dubium esse
non potest, quin lucem qua oculos nostros perstringit, in se habeat: neque enim tantam ab
omnibus Fixis simul sumptis mutuari potest, cum ipsae tantam ad nos non mittant, nec
tamen a nobis magis distent quam a Sole; ac nullum aliud corpus apparet magis radiosum, a
quo illam accipiat: si quod autem esset, procul dubio appareret. Idem de omnibus Stellis
fixis facile credetur ab iis, qui considerabunt quam uiuidos radios uibrent, ac quantum a
nobis et a Sole sint remotae: si enim alicuius Stellae fixae tam uicini essemus quam Solis,
credibile est eam ipso non minorem, nec minus lucidam esse apparituram.

III, 10. Lunam et alios Planetas lucem a Sole mutuari.

Contra uero Lunam uidemus, ea tantum parte splendere quam Soli habet obuersam; unde
cognoscimus illam esse proprio lumine destitutam,
432
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
III, 7. Les étoiles fixes ne peuvent être supposées qu’extrêmement éloignées.
Quant aux étoiles fixes, les phénomènes certes ne nous permettent pas de
juger si elles sont en réalité plus distantes du soleil ou de la terre, que
Saturne ; mais rien ne s’oppose à ce que nous les supposions être éloignées
d’une distance aussi grande qu’il est permis ; et il est conclu des
mouvements du ciel, qu’il faudra expliquer ci-dessous, que Saturne est
extrêmement proche comparé aux étoiles.
III, 8. La terre vue du ciel n’apparaîtra que comme une planète, plus petite
que Jupiter ou Saturne.
De là est manifeste que la terre et la lune, si elles étaient vues depuis Jupiter
ou Saturne apparaîtraient beaucoup plus petites que n’apparaissent Jupiter
et Saturne vues de la terre ; et que le soleil aussi, peut-être, s’il était regardé
depuis les étoiles fixes, ne serait pas vu plus grand que les fixes ne nous
apparaissent depuis la terre ; et pour cela, afin de comparer entre elles sans
préjugé les parties du monde visible, il faut veiller à ne pas penser que la
lune ou la terre ou le soleil ont une taille supérieure à celle des étoiles.
III, 9. Le soleil et les fixes brillent de leur propre lumière.
Les étoiles cependant diffèrent entre elles non seulement de ce que les unes
sont plus grandes que les autres mais aussi de ce que certaines brillent de
leur propre lumière et les autres en vérité seulement de la lumière d’une
autre. Comme ne peut pas être mis en doute, en premier lieu, que le soleil
tient de lui-même la lumière par laquelle il nous éclaire et qu’il ne peut pas
emprunter autant de lumière à toutes les étoiles fixes prises ensemble,
puisqu’elles-mêmes ne nous en envoient pas autant et qu’elles ne sont
finalement pas plus distantes de nous qu’elles ne le sont du soleil, et nul
autre corps n’apparaît plus brillant d’où il recevrait cette lumière : s’il se
trouvait quelque chose de tel, cela se verrait de loin, sans aucun doute. La
même chose sera facilement pensée être vraie de toutes les étoiles fixes, par
ceux qui considérerons que leurs rayons lumineux vibrent, et combien elles
sont éloignées de nous et du soleil ; si nous étions en effet aussi proches
d’une étoile fixe que nous sommes du soleil, il est crédible qu’elle ne
paraîtrait ni plus petite ni moins brillante que lui en réalité.
III, 10. La lune et les autres planètes empruntent leur lumière au soleil.
Mais nous voyons au contraire la lune briller seulement dans sa partie
tournée vers le soleil, d’où nous savons qu’elle est dépourvue d’une
lumière
433
Troisième Partie. Du Monde Visible.
434
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

et tantum radios a Sole acceptos uersus oculos nostros reflectere. Quod idem etiam de
Venere perspicillorum ope obseruatur. Idemque de Mercurio, Marte, Ioue et Saturno non
difficulter persuadetur, ex eo quod eorum lumen obtusius siue placidius sit quam Fixarum,
et a Sole non adeo distent, quin possint ab ipso illuminari.

III, 11. Terram ratione luminis a Planetis non differre.

Denique idem de Terra experimur: conflata enim est ex opacis corporibus, quae Solis radios
excipientia, illos non minus ualide quam Luna reflectunt; quin etiam nubibus est inuoluta,
quae licet multo minus opacae sint, quam pleraeque aliae eius partes, saepe tamen ipsas
uidemus, cum a Sole illustrantur, non minus albicantes esse quam Lunam; adeo ut sit satis
manifestum, eam ratione luminis a Luna, Venere, Mercurio, aliisque Planetis non differre.

III, 12. Lunam, cum noua est, a Terra illuminari.

Quod etiam confirmatur, ex eo quod, Luna existente inter Solem et Terram, eius facies quae
a Sole non illustratur, debile quoddam lumen ostendat, quod facile conjicimus ad illam
peruenire a Terra, quae tunc radios a Sole receptos eam uersus reflectit; minuitur enim
paulatim, prout pars Terrae a Sole illuminata ab ea se auertit.

III, 13. Solem inter Fixas, et Terram inter Planetas posse numerari.

Atque omnino, si Terram ex Ioue respiceremus, minor quidem, sed forte non minus lucida
nobis appareret, quam hinc Iupiter appareat; ex uicinioribus autem Planetis, maior
uideretur; sed ex Fixis, propter nimiam earum distantiam, omnem conspectum effugeret. Ex
quibus sequitur ipsam inter Planetas, et Solem inter Stellas fixas posse numerari.

III, 14. Fixas eandem semper a se mutuo distantiam retinere, non autem Planetas.

Differunt etiam inter se Stellae in eo, quod illae quas Fixas uocamus, eandem semper a se
mutuo distantiam,
435
Troisième Partie. Du Monde Visible.
propre et ne reflète vers nos yeux que les rayons reçus du soleil. Et cela
s’observe, au moyen de lunettes de longue vue, aussi de Vénus. Et il n’est
pas très difficile d’être persuadé de la même chose de Mercure, Mars,
Jupiter et Saturne, de ce que leur lumière est plus émoussée autrement dit
plus calme que celle des étoiles fixes, et que ces astres ne sont pas éloignés
du soleil au point de ne pas pouvoir être illuminés par lui justement.
III, 11. La terre, quant à la lumière, ne diffère pas d’une planète.
Enfin nous éprouvons la même chose de la terre : elle est formée en effet de
corps impénétrables qui recevant les rayons du soleil ne les réfléchissent
pas moins vigoureusement que ne le fait la lune ; bien plus elle est
enveloppée de nuages que nous voyons souvent être pas moins blancs
quand ils sont éclairés par le soleil, que la lune, même s’ils sont beaucoup
moins impénétrables que la plupart des autres parties de la terre ; si bien
qu’il est assez manifeste que la terre quant à la lumière, ne diffère pas de la
lune, de Vénus, de Mercure et des autres planètes.
III, 12. La lune, quand elle est nouvelle, est illuminée par la terre.
Ce qui est confirmé aussi de ce que, quand la lune se tient entre la terre et le
soleil, sa face n’est pas éclairée par le soleil mais montre quelque faible
lueur que nous inférons lui parvenir depuis la terre qui réfléchit les rayons
du soleil qu’elle reçoit précisément à ce moment-là : cette lumière en effet,
diminue au fur et à mesure que la partie de la terre éclairée par le soleil se
détourne de la lune.
III, 13. Le soleil peut être mis au nombre des étoiles fixes, et la terre des
planètes.
Et absolument, si nous regardions la terre depuis Jupiter elle nous
apparaîtrait assurément plus petite, mais peut-être pas moins lumineuse,
que ne nous apparaît Jupiterd’ici, toutefois depuis les planètes plus
proches, elle semblerait plus grande ; mais vues depuis les étoiles fixes elle
échapperait, à cause de leur trop grande distance, à tout regard. De cela suit
que la terre peut être comptée parmi les planètes et le soleil parmi les fixes.
III, 14. Les étoiles fixes conservent, d’elles-mêmes, toujours la même
distance entre elles, non les planètes.
Les étoiles diffèrent aussi entre elles en ce que celles que nous appelons
fixes, conservent elles-mêmes toujours respectivement la même distance et
le
436
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

eundemque ordinem seruent; aliae autem assidue inter se situm mutent: unde Planetae siue
errantes appellantur.

III, 15. Easdem Planetarum apparentias per uarias hypotheses posse explicari.

Equidem, ut in medio mari, tempore tranquillo, cum quis ex una naui alias eminus respicit
inter se situm mutantes, saepe potest dubitare quibusnam ex illis, et annon etiam suae,
motus (a quo procedit ista situs uariatio) sit tribuendus: ita errores Planetarum, e Terra
conspecti, tales apparent, ut ex ipsis solis cognosci non possit, quibusnam corporibus sint
proprie tribuendi. Cumque sint ualde inaequales et implicati, non facile est illos explicare,
nisi ex uariis modis, quibus possunt intelligi, unum aliquem eligamus, secundum quem
ipsos fieri supponamus. In quem finem inuentae sunt ab Astronomis tres diuersae
hypotheses, hoc est, positiones, quae non ut uerae, sed tantum ut phaenomenis explicandis
idoneae, considerantur.

III, 16. Hypothesin Ptolemaei apparentiis non satisfacere.

Harum prima est Ptolemaei, quae quoniam multis phaenomenis aduersatur (ut inprimis
incremento et decremento luminis, quod in Venere sicut in Luna obseruatur), iam uulgo ab
omnibus Philosophis reiici solet, ideoque hic a me praetermittetur.

III, 17. Hypotheses Copernici et Tychonis non differre in quantum hypotheses.

Secunda est Copernici, et tertia Tychonis Brahe: quae duae, quatenus sunt tantum
hypotheses, eodem modo phaenomenis satisfaciunt, et non magna inter ipsas differentia est,
nisi quod illa Copernici aliquanto simplicior sit et clarior; adeo ut Tycho non habuerit
occasionem illam mutandi, nisi quia non hypothesin dumtaxat, sed ipsam rei ueritatem
explicare conabatur.

III, 18. Tychonem uerbo minus, sed re plus motus Terrae tribuere, quam Copernicum.

Quippe, cum Copernicus non dubitasset motum Terrae tribuere,


437
Troisième Partie. Du Monde Visible.
même ordre ; les autres toutefois changent constamment entre elles de site,
d’où elles sont appelées planètes, autrement dit étoiles errantes.
III, 15. Les mêmes apparences des planètes peuvent donner lieu à des
hypothèses différentes.
Assurément, de même que par temps tranquille au milieu de la mer, quand
quelqu’un regarde de loin depuis un navire, d’autres navires changeant de
site entre eux, souvent peut se demander à quel navire, sinon même au
sien, doit être attribué le mouvement d’où provient ce changement de site,
de même les errements des planètes regardés depuis la terre apparaissent
tels, que ne peut pas se reconnaître par elles-mêmes seules, à quels corps il
faut proprement attribuer ces errements. Et comme ces mouvements sont
très inégaux et intriqués il n’est pas facile de les expliquer sinon à choisir,
parmi diverses façons d’où ils peuvent se comprendre, l’une de ces façons
selon laquelle nous supposons se faire ces errements. À cette fin trois
différentes hypothèses, c’est-à-dire suppositions, ont été prises en
considération par les astronomes pour expliquer les phénomènes, non
comme étant des suppositions vraies, mais seulement comme pouvant
convenir.
III, 16. L’hypothèse de Ptolémée ne satisfait pas les apparences.
La première est celle de Ptolémée, contredite par de nombreux
phénomènes (comme, en premier lieu, l’augmentation et la diminution de
la lumière qui s’observent sur Vénus comme sur la Lune), a l’habitude
maintenant d’être rejetée par tous les philosophes, c’est pourquoi ici je la
passerai sous silence.
III, 17. Les hypothèses de Tycho et de Copernic, en tant qu’hypothèses, ne
sont pas différentes.
La deuxième est de Copernic, la troisième de Tycho Brahé ; et ces deux, en
tant qu’elles sont des hypothèses, satisfont de la même manière aux
phénomènes ; et il n'y a pas grande différence entre elles en réalité, si ce
n’est que celle de Copernic est quelque peu plus simple et plus claire ; si
bien que Tycho n’a pas eu de motif de la changer si ce n’est qu’il s’est
efforcé d’expliquer non seulement l’hypothèse mais la vérité même de la
chose.
III, 18. Tycho attribue moins de mouvement à la terre dans ses mots que
Copernic, mais plus dans les faits.
Assurément tandis que Copernic n’hésitait pas à attribuer un mouvement à
438
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
439
Troisième Partie. Du Monde Visible.

hoc Tycho tanquam in Physica ualde absurdum, atque a communi hominum sensu alienum,
uoluit emendare; sed, quia ueram motus naturam non satis considerauit, uerbo tantum
asseruit Terram quiescere, ac re ipsa plus motus ei concessit quam alter.

III, 19. Me accuratius quam Copernicum, et uerius quam Tychonem, Terrae motum
negare.

Quapropter ego, in hoc tantum ab utroque dissentiens, quod omnem motum uerius quam
Tycho, et curiosius quam Copernicus, sim terrae detracturus: illam hic proponam
hypothesin, quae omnium simplicissima, et tam ad phaenomena intelligenda, quam ad
eorum causas naturales inuestigandas accommodatissima esse uidetur: ipsamque tantum
pro hypothesi, non pro rei ueritate haberi uelim.

III, 20. Fixas supponendas esse a Saturno quammaxime distantes.

Primo, quia nondum certi sumus, quantum a nobis distent Stellae fixae, nec possumus eas
fingere tam remotas, ut hoc phaenomenis repugnet: ne simus contenti supponere ipsas esse
supra Saturnum, ut uulgo omnes admittunt, sed libertatem sumamus quantumlibet altiores
existimandi. Si enim earum altitudinem cum distantiis hic supra terram nobis notis
uellemus comparare, illa, quae iam iis ab omnibus conceditur, non esset minus incredibilis
quam quaeuis maior; si uero ad Dei creatoris omnipotentiam respiciamus, nulla potest
cogitari tam magna, ut ideo sit minus credibilis quam quaeuis minor. Atque non tantum ad
Planetarum, sed etiam ad Cometarum phaenomena commode explicanda, maximum
spatium inter illas et sphaeram Saturni ponendum esse, infra ostendam.

III, 21. Solem instar flammae ex materia quidem ualde mobili constare, sed non ideo ex uno
loco in alium migrare.

Secundo, quia Sol in hoc conuenit cum Fixis, et cum flamma, quod lumen a se ipso emittat:
440
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
la terre, Tycho voulut rectifier cela en tant qu’absolument absurde en
physique, et étranger au sens commun des hommes ; mais parce qu'il n’a
pas assez pris en considération la vraie nature du mouvement, il a gardé la
terre au repos par des mots seulement, alors qu’il lui a concédé en réalité
plus de mouvement que Copernic ne l’a fait.
III, 19. Quant à moi, avec plus de soin que Copernic et plus d’assurance que
Tycho, je nie que la terre se meut.
C’est pourquoi quant à moi, étant en désaccord avec l’un et l’autre sur ce
point précis, je supprimerai tout mouvement de la terre, avec plus de
certitude que Tycho et plus d’exactitude que ne l’a fait Copernic ; je vais
proposer ici cette hypothèse qui semble être la plus commode et la plus
simple de toutes, tant pour comprendre les phénomènes que pour
investiguer leurs causes naturelles ; et je veux la tenir précisément pour une
hypothèse seulement, non pour la vérité de la chose.
III, 20. Il faut supposer les étoiles fixes extrêmement éloignées de Saturne.
Premièrement, parce que nous ne sommes pas encore certains de combien
les étoiles sont éloignées de nous, et que nous ne pouvons pas nous les
figurer si éloignées au point que cela répugnerait aux phénomènes, et pour
ne pas nous contenter de supposer simplement, comme tous l’admettent
communément, qu’elles sont au-delà de Saturne, prenons la liberté de les
estimer aussi éloignées qu’il fera plaisir. Car si nous voulons comparer leur
hauteur avec les distances que nous connaissons ici sur terre, celle qui leur
est concédée maintenant par tous, ne serait pas moins incroyable que la
plus grande que l’on voudra ; en vérité si nous contemplons la toute-
puissance du Dieu créateur, aucune distance ne peut être pensée si grande
qu’elle serait pour cela moins crédible que la plus petite que l’on voudra. Et
pour expliquer commodément les phénomènes non seulement des planètes
mais aussi des comètes, je vais montrer ci-après qu’il faut poser un très
grand espace entre ces fixes et la sphère de Saturne.
III, 21. Le soleil assurément est composé, comme les flammes, à partir d’une
matière très mobile, mais ce n’est pas pour autant qu’il migre d’un lieu
dans un autre.
Deuxièmement parce que le soleil convient avec les fixes et la flamme, en ce
qu’il émet sa lumière par lui-même, nous pensons que dans le mouvement
et dans le site aussi, ce même soleil convient à la flamme et aux fixes. Nous
441
Troisième Partie. Du Monde Visible.

putemus eundem etiam in motu cum flamma, et in situ cum Fixis, conuenire. Nempe nihil
quidem hic supra terram uidemus esse mobilius flamma; nam et alia corpora, iuxta quae
posita est, nisi sint admodum solida et dura, particulatim dissoluit, ac secum mouet. Sed
tamen eius motus fit tantum secundum partes, et tota migrare non solet ex uno loco in
alium, nisi ab aliquo alio corpore, cui adhaereat, deferatur; qua ratione possumus etiam
existimare Solem constare quidem ex materia ualde fluida et mobili, quae omnes coeli
circumiacentis partes secum rapit; sed in hoc nihilominus Stellas fixas imitari, quod non ex
una coeli regione in aliam migret.

III, 22. Solem a flamma differre, quod non ita egeat alimento.

Neque incongrua uideri debet Solis cum flamma comparatio, ex eo quod nullam flammam
hic uideamus quae non continuo egeat alimento; quod idem de Sole non obseruatur. Ex
legibus enim naturae, non minus flamma, quam quoduis aliud corpus, ubi semel existit,
semper existere perseuerat, nisi ab aliqua causa externa destruatur; sed, quia constat materia
quammaxime fluida et mobili, assidue hic supra terram a materia circumiacente dissipatur;
atque ideo eget alimento, non ut eadem quae iam existit conseruetur, sed tantum ut, dum
ipsa extinguitur, semper alia noua in eius locum substituatur. Solem autem non ita destruunt
partes coeli ei uicinae, ideoque non ita eget alimento quo reparetur. Sed tamen etiam infra
ostendetur, nouam semper materiam in Solem ingredi, et aliam ex eo elabi.

III, 23. Fixas omnes in eadem sphaera non uersari, sed unamquamque uastum spatium
circa se habere, aliis Fixis destitutum.

Hicque notandum est, si Sol in situ non differat a Fixis, ipsas omnes in unius alicuius
sphaerae circumferentia non uersari, quemadmodum multi supponunt, quia ille in eadem
ista sphaerae circumferentia esse non potest. Sed, ut Sol uastum quoddam circa se spatium
habet, in quo nulla Stella fixa continetur: ita singulae Fixae ab omnibus aliis ualde remotae
esse debent,
442
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
ne voyons assurément rien ici sur terre n’est-ce pas, être plus mobile
qu’une flamme ; car elle désagrège en morceaux qu’elle emporte avec elle,
les autres corps jouxtant ceux sur lesquels elle est posée, à moins qu’ils ne
soient tout à fait solides et durs. Mais son mouvement finalement se fait
seulement selon ses parties, et la flamme n’a pas l’habitude de migrer d’un
lieu dans un autre, sinon emportée par quelque corps auquel elle adhère ;
pour cette raison nous pouvons penser aussi que le soleil se maintient en
une matière grandement fluide et mobile, qui emporte avec elle toutes les
parties du ciel projetées tout autour ; mais il imite cependant les étoiles
fixes, en ce qu’il ne migre pas d’une région du ciel dans une autre.
III, 22. Le soleil diffère de la flamme en ce qu’il ne manque pas de
combustible comme elle.
La comparaison du soleil avec la flamme ne doit pas sembler déplacée, de
ce qu’ici sur terre nous ne voyons nulle flamme qui n’ait continûment
besoin d’un combustible, et que la même chose n’est pas observée du soleil.
Car par les lois de la nature, pas moins la flamme que n’importe quel corps
que l’on voudra, qui, une fois qu’il existe, ne persévère toujours dans
l’exister, à moins d’être renversé par quelque cause extérieure ; mais parce
que la flamme se maintient en une matière extrêmement fluide et mobile,
elle est, ici sur terre, constamment dissipée par la matière qui l’entoure, si
bien qu’elle a besoin d’un combustible, non pour conserver la même
flamme qui existe maintenant, mais seulement pour qu’une nouvelle soit
toujours substituée en son lieu, jusqu’à ce qu’elle soit éteinte. Toutefois les
parties du ciel proches du soleil ne détruisent pas le soleil de cette
manière ; à ce point il n’a pas besoin de combustible pour se réparer. Mais
plus loin aussi sera toutefois montré que dans le soleil, entre toujours une
nouvelle matière et qu’une autre glisse hors de lui aussi.
III, 23. Les étoiles fixes ne sont pas toutes situées dans une même sphère,
mais chacune a autour d’elle un vaste espace, délaissé par les autres étoiles
fixes.
Et il faut noter ici que si le soleil ne diffère pas en son site des étoiles fixes,
celles-ci ne sont pas toutes situées sur la circonférence d’une seule même
sphère comme beaucoup le supposent, parce que le soleil précisément, ne
peut pas être sur cette même circonférence de la sphère. Mais de même que
le soleil a autour de lui quelque vaste espace dans lequel n’est contenue
aucune étoile fixe, de même les étoiles fixes doivent être grandement
443
Troisième Partie. Du Monde Visible.
Fig. III-1
et unae multo magis
quam aliae, a nobis et a
Sole distare.
Sic in hac figura, si S sit
Sol, F f erunt Stellae
fixae; atque aliae
innumerae, supra et infra,
et ultra huius figurae
planum, per omnes spatii
dimensiones sparsae
intelligentur.
III, 24. Coelos esse
fluidos.
Tertio, putandum est, non
tantum Solis et Fixarum,
sed totius etiam coeli
materiam fluidam esse,
siue liquidam: quod iam
uulgo omnes Astronomi
concedunt, quia uident
phaenomena Planetarum
uix aliter posse explicari.
III, 25. Coelos omnia
corpora in se contenta
secum deferre.
Sed in hoc multi mihi
uidentur errare, quod
fluiditatem coelo
tribuentes, illud tanquam
spatium plane uacuum imaginentur, ita ut motibus quidem aliorum corporum non resistat,
sed praeterea nullam habeat uim ad ipsa secum deferenda: neque enim in rerum natura
ullum tale uacuum esse potest, ac fluidis omnibus hoc est commune, ut ideo tantum non
resistant aliorum corporum motibus, quod in seipsis etiam habeant motum. Et quia hic
motus facile in omnes partes determinatur, eius ui, cum in unam aliquam partem est
determinatus, necessario secum deferunt alia omnia corpora in se contenta, quae a nulla
causa externa retinentur, quantumuis ipsa sint. solida et quiescentia et dura; ut ex ante dictis
est manifestum.
III, 26. Terram in coelo suo quiescere, sed nihilominus ab eo deferri.
Quarto, cum uideamus Terram nullis columnis suffultam, nullisque funibus appensam, sed
circumquaque fluidissimo tantum coelo cinctam esse, putemus quidem illam quiescere, ac
nullam habere propensionem ad motum, quandoquidem nullam aduertimus. Sed ne
putemus hoc obstare, quominus ab isto coelo deferatur,
444
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
éloignées de toutes les autres et les unes être à une distance beaucoup plus
grande de nous et du soleil, que les autres.
Figure III-1
Ainsi dans cette figure, si S est le soleil, F et f seront des étoiles fixes, et à
travers toutes les dimensions de l’espace, sont entendues s’éparpiller
d’autres étoiles fixes, innombrables au-dessus, au-dessous et au-delà du
plan de cette figure.
III, 24. Les cieux sont fluides.
Troisièmement, il faut penser qu’est fluide autrement dit liquide, non
seulement la matière du soleil et des fixes, mais de la totalité du ciel ; et cela
tous les astronomes le concèdent aussi, parce qu'ils voient que les
phénomènes des planètes ne peuvent s’expliquer que difficilement
autrement.
III, 25. Les cieux emportent avec eux tous les corps contenus en eux.
Mais en cela beaucoup me semblent s’égarer : parce qu’en attribuant la
fluidité au ciel, ils imaginent le ciel comme un espace entièrement vide, de
telle sorte qu’il ne résiste certainement pas aux mouvements des autres
corps, mais de plus qu’il n’a aucune force pour emporter ces corps avec lui ;
et parce que dans la nature en effet il ne peut y avoir aucun tel vide, et aussi
que tous les fluides ont cela en commun, qu’ils ne résistent pas aux
mouvements des autres corps, du fait qu’ils ont aussi le mouvement en
eux-mêmes. Et parce que ce mouvement est facilement déterminé dans
toutes les parties, quand il est déterminé en une même certaine partie, les
cieux, par la force de ce mouvement, emportent nécessairement avec eux
tous les autres corps qu’ils contiennent et qui ne sont retenus par aucune
cause extérieure ; autant que l’on voudra ces corps, solides, et au repos, et
durs ; comme il est manifeste de ce qui a été dit auparavant.
III, 26. La terre est au repos dans son ciel, mais néanmoins est emportée par
lui.
Quatrièmement, comme nous voyons la terre soutenue par aucune colonne
et appendue à aucun câble mais seulement entourée de toute part par un
ciel très fluide, nous pensons assurément qu’elle est au repos et n’a aucune
propension au mouvement, puisque nous ne remarquons aucune telle
propension. Mais pour ne pas penser que cela empêche qu’elle soit
emportée
445
Troisième Partie. Du Monde Visible.

et eius motibus immota obsequatur: ut nauis, nullis uentis nec remis impulsa, nullisque
anchoris alligata, in medio mari quiescit, etsi forte aquae ingens moles, occulto cursu
delabens, ipsam secum ferat.

III, 27. Idemque sentiendum esse de omnibus Planetis.

Et quemadmodum caeteri Planetae in hoc cum Terra conueniunt, quod sint opaci et radios
Solis reflectant, non immerito arbitrabimur illos etiam in hoc ei similes esse, quod
unusquisque quiescat in ea coeli regione in qua uersatur; quodque omnis uariatio situs quae
in illis obseruatur, ex eo tantum procedat, quod omnis materia coeli, quae illos continet,
moueatur.

III, 28. Terram, proprie loquendo, non moueri, nec ullos Planetas, quamuis a
coelotransferantur.

Hicque oportet eorum meminisse quae de natura motus supra dicta sunt: nempe illum
quidem (si proprie loquamur, et secundum rei ueritatem), esse tantum translationem unius
corporis ex uicinia eorum corporum, quae ipsum immediate contingunt et tanquam
quiescentia spectantur, in uiciniam aliorum. Sed saepe etiam ex usu uulgi actionem omnem,
qua corpus aliquod ex uno loco in alium migrat, motum uocari; et hoc sensu dici posse,
eandem rem eodem tempore moueri ac non moueri, prout eius locum uarie determinamus.
Unde sequitur nullum in Terra, nec etiam in aliis Planetis, motum proprie dictum reperiri:
quia non transferuntur ex uicinia partium coeli quae illos immediate contingunt, quatenus
istae partes coeli ut immotae considerantur. Ad hoc enim deberent ab omnibus simul
seiungi, quod non fit; sed quia materia coeli fluida est, nunc unae eius particulis, nunc aliae,
a Planeta quem contingunt remouentur, idque per motum qui illis tantum tribui debet, non
autem Planetae: quemadmodum partiales translationes aquae et aëris, quae in terrae
superficie fiunt, non tribui solent ipsi terrae, sed illis aquae et aëris partibus quae
transferuntur.

III, 29. Nullum etiam motum Terrae esse tribuendum, quamuis motus improprie iuxta
usum uulgi sumatur; sed tunc recte dici, alios Planetas moueri.
446
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
par ce ciel et ne suive immobile ses mouvements, comme un navire poussé
par aucun vent ni aucune rame, et mouillé par aucune ancre, garde le repos
au milieu de la mer, alors même que peut-être l’immense masse d’eau
descendant dans une course invisible, l’emporte en réalité avec elle.
III, 27. Et il faut sentir qu’il en est de même de toutes les planètes.
Et de la même manière que les autres planètes conviennent avec la terre en
ce qu’elles sont opaques et réfléchissent les rayons du soleil, nous jugeons
non sans raison qu’elles lui sont semblables en cela aussi que chacune
garde le repos dans cette région du ciel où elle se tourne ; et que tout
changement de site qui est observé dans ces planètes procède seulement de
ce que se meut toute la matière du ciel qui les contient.
III, 28. La terre à proprement parler ne se meut pas, ni aucune planète, bien
qu’elles soient portées par le ciel.
Ici il convient de se souvenir de ce qui a été dit plus haut sur la nature du
mouvement : à savoir que celui-ci assurément (si nous parlons proprement
et selon la vérité de la chose) est seulement le transfert d’un même corps
depuis le voisinage de ces corps qui lui sont proprement immédiatement
contigus et regardés comme au repos, dans le voisinage d’autres corps.
Mais souvent aussi est appelé mouvement, par l’usage commun, toute
action par laquelle un certain corps migre d’un lieu dans un autre ; et en ce
sens, peut se dire d’une même chose que dans le même temps elle se meut
et ne se meut pas, dans la mesure où nous déterminons différemment son
lieu. D’où suit que ne se trouve à proprement parler aucun mouvement en
la terre, ni non plus en les autres planètes, parce qu’elles ne sont pas
transférées du voisinage des parties du ciel qui leurs sont immédiatement
contiguës en tant que ces parties du ciel sont considérées comme
immobiles. Pour cela en effet elles devraient se disjoindre de toutes ces
parties en même temps, ce qui ne se fait pas ; mais parce que la matière du
ciel est fluide, tantôt certaines parties, tantôt les autres, sont éloignées des
planètes dont elles sont voisines par les particules de ce ciel, et cela par le
mouvement qui doit seulement être attribué à ces particules, non toutefois
à la planète ; de la même manière que les transports de parties d’eau et
d’air qui se font à la surface de la terre n’ont pas l’habitude d’être attribués
à la terre même, mais à ces parties d’eau et d’air qui sont transportées.
III, 29. Aucun mouvement ne doit non plus être attribué à la terre, même si
le mouvement est pris de façon impropre suivant l’usage commun ; mais
c’est droitement que l’on dit que les autres planètes se meuvent.
447
Troisième Partie. Du Monde Visible.

Motum autem sumendo iuxta usum uulgi, dicendum quidem est Planetas alios omnes
moueri, nec non etiam Solem et Fixas; sed non, nisi admodum incongrue, idem de Terra
dici potest. Vulgus enim a Terrae partibus, ut immobilibus spectatis, Stellarum loca
determinat; hasque eatenus moueri iudicat, quatenus a locis ita determinatis recedunt: quod
commodum est ad usum uitae, ideoque rationi consentaneum. Quin etiam omnes ab ineunte
aetate putauimus, Terram non esse globosam, sed planam, et in ea esse ubique idem sursum
et idem deorsum, eosdemque mundi cardines, Orientem, Occidentem, Meridiem, et
Septentrionem; quibus idcirco usi sumus ad reliquorum omnium corporum loca designanda.
Sed si quis philosophus, animaduertens Terram esse globum in coelo fluido et mobili
contentum, Solem autem et Stellas fixas eundem semper inter se situm seruare, his utatur ut
immotis ad illius locum determinandum, et ideo affirmet ipsam moueri, absque ratione
loquetur. Nam primo, iuxta philosophicum sensum, locus determinari non debet per corpora
ualde remota, quales sunt Fixae, sed per contigua eius quod dicitur moueri. Ac deinde, iuxta
usum uulgi, non est cur Fixas consideret ut immotas, potius quam Terram, nisi quod putet
ultra ipsas non esse ulla alia corpora, a quibus separentur, et quorum respectu dici possint
moueri, Terra autem quiescere, illo sensu quo dicit Terram moueri respectu Fixarum. Atqui
hoc putare a ratione est alienum: cum enim mens nostra sit talis naturae, ut nullos in mundo
limites agnoscat, quisquis ad immensitatem Dei et sensuum nostrorum infirmitatem
attendet, aequius esse iudicabit suspicari, ultra illas omnes Stellas fixas quas uidemus, forte
esse alia corpora, ad quae comparata Terra quiescere, ipsae autem omnes simul moueri dici
possint, quam suspicari nulla posse talia esse.

III, 30. Planetas omnes circa Solem a coelo deferri.

Sic itaque sublato omni scrupulo de Terrae motu, putemus totam materiam coeli in qua
Planetae uersantur, in modum cuiusdam uorticis, in cuius centro est Sol, assidue gyrare, ac
eius partes Soli uiciniores celerius moueri quam remotiores, Planetasque omnes (e quorum
numero est Terra)
448
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
Cependant en prenant le mouvement selon l’usage commun, certainement
il faut dire que toutes les autres planètes se meuvent, et même aussi le soleil
et les fixes ; mais la même chose ne peut pas être dit, sinon de façon tout à
fait incorrecte, de la terre. Le commun en effet détermine, depuis des
parties de la terre, les lieux des étoiles considérées comme immobiles ; et il
indique qu’elles se meuvent en tant qu’elles s’éloignent des lieux ainsi
déterminés ; et cela est commode pour l’usage courant et pour cela
conforme à la raison. Bien plus, tous dans l’enfance nous pensons que la
terre n’est pas ronde, mais plate et que partout, en elle, est le même haut et
le même bas, et les mêmes points cardinaux du monde, l’est, l’ouest, le sud
et le nord, que pour cette raison nous utilisons pour désigner les lieux de
tous les autres corps. Mais si quelque philosophe remarquant que la terre
est un globe contenu dans un ciel fluide et mobile et que le soleil et les
astres fixes conservent toujours entre eux un même site, s’en sert comme de
corps immobiles pour déterminer le lieu de la terre et que, pour cela, il
affirme que justement elle se meut, il parlera dépourvu de raison. Car
premièrement, le lieu, au sens philosophique, ne doit pas être déterminé à
travers les corps très éloignés, telles sont les étoiles fixes, mais à travers
ceux contigus au corps qui est dit se mouvoir. Et ensuite, conformément au
sens commun, il n'y a pas de raison de considérer les fixes comme
immobiles plutôt que la terre, sinon de penser qu’au-delà des étoiles ne se
trouve aucun corps dont elles se sépareraient et au regard desquels elles
pourraient être dites se mouvoir, et la terre être au repos en ce sens où est
dit que la terre se meut par rapport aux fixes. Or penser cela est étranger à
la raison : comme notre esprit est de nature telle qu’il ne reconnaît aucune
limite dans le monde, quiconque prêtera attention à l’immensité de Dieu et
à la faiblesse de nos sens, jugera être égal de considérer qu’au-delà de
toutes ces étoiles fixes que nous voyons, se trouvent peut-être d’autres
corps, pour lesquels la terre en comparaison est au repos, et qui eux-mêmes
pourraient être dits se mouvoir tous en même temps, ou de considérer que
ne se trouve peut être rien de tel.
III, 30. Toutes les planètes sont emportées par le ciel autour du soleil.
C’est pourquoi étant ainsi ôté tout scrupule sur le mouvement de la terre,
pensons que toute la matière du ciel dans laquelle se trouvent les planètes,
tourne constamment en une sorte de quelque tourbillon dont le centre est le
soleil et dont les parties voisines du soleil se meuvent plus vite que celles
éloignées, et que toutes les planètes (au nombre desquelles est la terre)
449
Troisième Partie. Du Monde Visible.
inter easdem istius coelestis materiae partes semper uersari. Ex quo solo, sine ullis
machinamentis, omnia ipsorum phaenomena facillime intelligentur. Ut enim in iis
fluminum locis, in quibus aqua in se ipsam contorta uorticem facit, si uariae festucae illi
aquae incumbant, uidebimus ipsas simul cum ea deferri, et nonnullas etiam circa propria
centra conuerti, et eo celerius integrum gyrum absoluere, quo centro uorticis erunt
uiciniores; et denique, quamuis semper motus circulares affectent, uix tamen unquam
circulos omnino perfectos describere, sed nonnihil in longitudinem et latitudinem aberrare:
ita eadem omnia de Planetis absque ulla difficultate possumus imaginari, et per hoc unum
cuncta eorum phaenomena explicantur.
[3.031] Quomodo singuli Planetae deferantur.
Fig. III-2.
Sit itaque S Sol, et
omnis materia coelestis
eum circumiacens ita
moueatur in easdem
partes, nempe ab
Occidente per Meridiem
uersus Orientem, siue
ab A per B uersus C,
supponendo polum
Borealem supra huius
figurae planum eminere:
ut ea quae est circa
Saturnum, impendat
fere annos triginta ad
eum per totum circulum
♄deferendum; ea uero
quae est circa Iouem,
intra annos 12 illum
cum eius asseclis
deferat per circulum♃;
sicque Mars duobus
annis, Terra cum Luna uno anno, Venus octo mensibus, et Mercurius tribus, circuitus suos
in circulis ♂, T ,♁, ☿, materia coeli eos deferente, absoluant.
III, 32. Quomodo etiam Solis maculae.
Nec non etiam corpora quaedam opaca, perspicillorum ope nobis conspicua, quae dicuntur
Solis maculae, ipsiusque superficiei contigua sunt, spatio uiginti sex dierum eum
circumeant.
III, 33. Quomodo etiam Terra circa proprium centrum, et Luna circa Terram uehatur.
Ac praeterea, ut saepe in aquarum uorticibus uidi contingere, in maiori illo coelestis
materiae uortice sint alii minores uortices, unus in cuius centro sit Iupiter, alter in cuius
centro sit Terra, qui in easdem partes ac maior uortex ferantur; et ille qui habet Iouem in
centro, deferat circa ipsum quatuor eius asseclas, tali celeritate, ut remotissimus diebus 16,
450
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
451
Troisième Partie. Du Monde Visible.
se trouvent toujours entre les mêmes parties de cette matière céleste. Et de
cela seul, sans aucun artifice, seront facilement compris tous les
phénomènes de ces planètes mêmes. Car quand en ces lieux des fleuves, où
l’eau agitée sur elle-même fait un tourbillon, si des brins d’herbe variés
tombent dans cette eau, nous les verrons eux-mêmes être emportés en
même temps avec elle, et certains aussi tourner autour de leurs propres
centres, et effectuer un tour entier d’autant plus vite qu’ils seront proches
du centre du tourbillon ; et enfin bien qu’ils fassent toujours des
mouvements circulaires, ils ne décrivent cependant presque jamais des
cercles tout à fait parfaits mais qui s’étendent quelques fois en longueur ou
en largeur ; ainsi tout cela même nous pouvons l’imaginer des planètes
sans aucune difficulté, et par ce seul phénomène sont expliqués tous leurs
phénomènes à la fois.
III, 31. Comment est emportée chaque planète.
Figure III-2.
Soit donc S le soleil et toute la matière céleste qui l’entoure, se mouvant
dans les mêmes parties, à savoir de l’ouest à l’est en passant par le sud
autrement dit de A vers C en passant par B, en supposant le pôle nord,
élevé au-dessus du plan de cette figure ; de sorte que cette matière qui
entoure Saturne, emploie environ trente années pour l’emporter à travers le
cercle complet♄; celle qui est autour de Jupiter emporte en vérité Jupiter
avec ses satellites en 12 années à travers le cercle ♃ ; et ainsi achèvent leurs
circuits, Mars en deux années, la Terre avec la Lune une année, Vénus huit
mois, et Mercure trois, emportées par la matière du ciel selon les cercles ♂,
T ,♁, ☿.

III, 32. Comment aussi sont emportées les taches du soleil.


Encore aussi certains corps opaques que nous voyons au moyen d’une
lunette, dits taches du soleil, et qui sont contiguës à sa surface, font le tour
du soleil en vingt-six jours.
III, 33. Comment aussi la terre est transportée autour de son propre centre,
et la lune autour de la terre.
Et en outre comme il arrive souvent de voir dans les tourbillons des eaux,
se trouvent dans ce plus grand tourbillon céleste d’autres tourbillons plus
petits, un au centre duquel est Jupiter, un autre au centre duquel est la
terre, qui sont portés dans les mêmes parties que le tourbillon plus grand ;
et celui qui a Jupiter au centre emporte autour de lui en réalité quatre
452
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
satellites, à une vitesse telle que le plus éloigné achève un même tour en 16
jours, le
453
Troisième Partie. Du Monde Visible.

sequens diebus 7, tertius horis 85, et centri proximus horis 42 unum circuitum perficiat;
sicque, dum semel in maiori circulo circa Solem ferentur, minores suos circulos circa
Iouem aliquoties percurrant. Eodemque modo uortex, qui habet Terram in centro, efficiat ut
Luna mensis spatio eam circumeat, ipsa autem Terra singulis diebus circa proprium axem
integrum gyrum absoluat; ita ut eodem tempore quo Terra et Luna circulum communem
semel peragrabunt, Terra 365 uicibus circa proprium centrum, et Luna duodecies circa
Terram uertatur.

III, 34. Motus coelorum non esse perfecte circulares.

Denique, ne putemus omnia centra Planetarum accurate in eodem plano semper consistere,
nec circulos quos describunt esse omnino perfectos; sed, ut in omnibus aliis rebus
naturalibus contingere uidemus, ista tantum praeterpropter talia esse, ac etiam labentibus
saeculis continuo mutari arbitremur.

III, 35. De aberratione Planetarum in latitudinem.

Nempe, si haec figura repraesentet planum, in quo centrum Terrae toto anno uersatur, quod
uocatur planum Eclipticae atque ope Fixarum in coelo determinatur, putandum est
unumquemque ex aliis Planetis in alio quodam plano uersari, ad hoc nonnihil inclinato, et
ipsum intersecante in linea quae transit per centrum Solis: ita ut Sol in omnibus istis planis
reperiatur. Exempli causa, orbita Saturni secat nunc Eclipticam in signis Cancri et
Capricorni, supra ipsam autem attollitur, hoc est, uersus Boream inclinatur in Libra, et infra
eandem uersus Austrum deprimitur in Ariete, angulusque ipsius inclinationis est circiter
graduum 2 1/2. Sicque aliorum Planetarum orbitae secant Eclipticam in aliis locis; sed
inclinatio in Ioue et Marte est minor, in Venere uno circiter gradu maior, et in Mercurio
maxima: est enim fere 7 graduum. Ac praeterea etiam Solis maculae (saltem si uerae sint
obseruationes Scheineri SI, post cuius diligentiam nihil circa istarum macularum
phaenomena desiderari posse uidetur), in planis 7 gradibus aut amplius ad Eclipticam
inclinatis, circa Solem uoluuntur; adeo ut earum motus hac in re non differat a motibus
Planetarum. Luna etiam circa Terram fertur, in plano quod 5 gradibus
454
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
suivant en 7 jours, le troisième en 85 heures et le plus proche du centre en
42 heures ; et ainsi, dans le même temps qu’ils sont portés dans le plus
grand cercle autour du soleil ils parcourent autant de fois leurs cercles plus
petits autour de Jupiter. Et de la même manière le tourbillon qui a la terre
en son centre fait que la lune tourne autour d’elle en l’espace d’un mois, et
la terre elle-même accomplit chaque jour un tour complet autour de son axe
propre ; de telle sorte que dans le même temps où la terre et la lune
parcourent une fois le cercle commun, la terre tourne 365 fois autour de son
propre centre et la lune douze fois autour de la terre.
III, 34. Les mouvements des cieux ne sont pas parfaitement circulaires.
Enfin ne pensons pas que tous les centres des planètes se tiennent
exactement dans un même plan, ni que les cercles qu’ils décrivent soient
absolument parfaits ; mais, comme nous voyons arriver dans toutes les
autres choses naturelles, cela n’est tel qu’approximativement, de la même
manière aussi que nous jugeons changer continuellement les siècles
instables.
III, 35. De l’éloignement des planètes en latitude.
Si cette figure, n’est-ce pas, représente le plan (appelé plan de l’écliptique)
dans lequel tourne le centre de la terre en une année entière et qui est
déterminé dans le ciel au moyen des fixes, il faut penser que chacune des
autres planètes tourne dans quelque autre plan quelque peu incliné sur
celui-ci et qui le coupe précisément sur une ligne qui passe par le centre du
soleil ; de telle sorte que le soleil se retrouve dans tous ces mêmes plans.
Par exemple l’orbite de Saturne coupe maintenant l’écliptique dans les
signes du Cancer et du Capricorne, et elle est élevée au-dessus de
l’écliptique, c’est-à-dire inclinée vers le nord, dans la Balance, et abaissée
en-dessous de l’écliptique vers le sud, dans le Bélier, et l’angle de sa propre
inclinaison est d’environ deux degrés et demi. Et ainsi les orbites des autres
planètes coupent l’écliptique en d’autres lieux ; mais l’inclinaison en Jupiter
et Mars est moindre, en Vénus d’un degré environ plus grande, et elle est
maximale en Mercure où elle atteint presque 7 degrés. Et en outre aussi les
taches solaires (du moins si sont vraies les observations du P. Scheiner 23, à
la diligence duquel rien ne semble plus pouvoir être désiré sur les
phénomènes de ces taches mêmes) tournent autour du soleil dans des plans
inclinés de sept degrés ou plus sur l’écliptique ; si bien que leur
mouvement en ce domaine ne diffère pas des mouvements des planètes. La
lune aussi est portée autour de la terre dans un plan qui s’écarte de cinq
degrés de
455
Troisième Partie. Du Monde Visible.
456
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

ab Ecliptica deflectit; et Terra circa proprium axem in plano Aequatoris 23 1/2 gradibus ab
Ecliptica deflectente; quod planum Aequatoris ipsa secum defert. Atque hae Planetarum
aberrationes ab Ecliptica uocantur motus in latitudinem.

III, 36. De motu in longitudinem.

Ipsorum autem circuitiones circa Solem uocantur motus in longitudinem. Hique etiam in eo
aberrant, quod non aequaliter ubique a Sole distent; sed hac aetate, Saturnus ab eo remotior
est in Sagittario quam in Geminis, uicesima circiter distantiae suae parte; Iupiter in Libra
remotior est quam in Ariete; sicque alii Planetae habent Aphelia et Perihelia sua aliis in
locis. Post aliquot autem saecula, haec omnia mutata esse deprehendentur; ac singuli
Planetae, nec non etiam Terra, planum in quo nunc est Ecliptica, diuersis in locis secabunt,
et paulo magis uel minus ab illa deflectent; et illorum maximae ac minimae a Sole
distantiae in aliis signis reperientur.

III, 37. Phaenomena omnia per hanc hypothesin facillime intelligi.

Iam uero non opus est ut ostendam, quo pacto ex hac hypothesi sequantur phaenomena diei
et noctis, aestatis et hyemis, siue accessus Solis ad Tropicos, et eiusdem recessus, phasium
Lunae, Eclipsium, stationum et retrogradationum quae apparent in Planetis, praecessionis
aequinoctiorum, uariationis in obliquitate Eclipticae, ac similia: facile enim ab illis, qui uel
prima elementa Astronomiae didicerunt, intelligentur.

III, 38. Iuxta Tychonis hypothesin dicendum esse, Terram mouericirca proprium centrum.

Sed breuiter adhuc dicam, quo pacto ex hypothesi Braheana, quam uulgo iam admittunt illi
omnes qui Copernicanam repudiant, plus motus Terrae quam per hanc tribuatur. Primo,
manente Terra iuxta eorum opinionem immobili, necesse est ut totum coelum, una cum
stellis, circa ipsam singulis diebus uoluatur:
457
Troisième Partie. Du Monde Visible.
l’écliptique ; et la terre autour de son propre axe dans le plan de l’équateur
qui s’écarte de vingt-trois degrés et demi de l’écliptique, plan équatorial qui
porte la terre en lui. Et ces éloignements sur l’écliptique sont appelées
mouvements en latitude.
III, 36. Du mouvement en longitude.
Leurs circuits toutefois autour du soleil sont appelés mouvements en
longitude. Et ceux-ci aussi s’écartent du chemin en ce qu’ils ne sont pas à
égale distance partout du soleil ; à cette époque, Saturne est plus éloigné du
soleil dans le Sagittaire que dans les Gémeaux, d’un vingtième de partie
environ de la distance qui les sépare ; Jupiter est plus éloigné dans la
Balance que dans le Bélier ; et ainsi les autres planètes ont leur aphélie et
périhélie en d’autres lieux. Cependant après quelques siècles tout cela sera
trouvé changé ; et chaque planète et même la terre couperont le plan dans
lequel maintenant est l’écliptique en des lieux différents, et s’écarteront de
celui-ci un peu plus, ou un peu moins ; et leurs distances maximales et
minimales au soleil, se trouveront dans d’autres signes.
III, 37. Tous ces phénomènes sont très facilement compris à travers cette
hypothèse.
Maintenant en vérité il n’est pas besoin de montrer de quelle façon suivent
de cette hypothèse les phénomènes du jour et de la nuit, de l’été et de
l’hiver autrement dit de l’approche et de l’éloignement du soleil des
tropiques, des phases de la lune, des éclipses, des stations et
rétrogradations qui apparaissent dans les planètes, de la précession des
équinoxes, de la variation de l’obliquité de l’écliptique et choses
semblables ; ces phénomènes seront en effet facilement compris par ceux
qui ont appris ne serait-ce que les premiers éléments d’astronomie.
III, 38. Selon l’hypothèse de Tycho, il faut dire que la terre se meut autour
d’un centre propre.
Mais je dirai rapidement encore de quelle façon par l’hypothèse de Brahé,
qu’admettent communément tous ceux qui aujourd’hui rejettent
l’hypothèse copernicienne, est plus attribué de mouvement à la terre que
par Copernic. Premièrement, la terre restant immobile, selon leur opinion,
il est nécessaire que chaque jour le ciel tout entier ensemble avec les étoiles
tourne autour d’elle justement ; et cela ne peut être compris que si est
compris se faire en
458
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

quod intelligi non potest, quin simul intelligatur fieri translationem omnium partium Terrae,
ex uicinia partium coeli quas tangunt in uiciniam aliarum; cumque haec translatio sit
reciproca, ut supra dictum est, et eadem plane uis siue actio ad illam requiratur in Terra
atque in coelo, nulla ratio est cur, propter ipsam, coelo potius quam Terrae motum
tribuamus. Quinimo, iuxta superius dicta, Terrae duntaxat est tribuendus: quia fit secundum
totam eius superficiem, non autem eodem modo secundum totam superficiem coeli, sed
tantum secundum partem concauam, Terrae contiguam, quae ad conuexam comparata
perexigua est. Nec refert si dicant, se non tantum putare concauam coeli stellati superficiem
a terra separari, sed simul etiam conuexam ab alio coelo illud ambiente, nempe a coelo
crystallino uel Empyreo; atque hanc esse rationem cur illum motum coelo potius tribuant
quam terrae. Nullum enim haberi potest argumentum, quo probetur fieri talem
separationem totius superficiei conuexae coeli stellati ab alio coelo ipsum ambiente; sed
plane ex arbitrio illam fingunt. Atque ita, iuxta ipsorum hypothesin, ratio cur motus sit
terrae tribuendus, est certa et euidens; ratio uero cur illum coelo tribuant, et Terrae quietem,
est incerta et a sola illorum imaginatione efficta.

III, 39. Ac etiam illam moueri circa Solem motu annuo.

Ex eadem Tychonis hypothesi, Sol motu annuo circa Terram gyrans, non modo Mercurium
et Venerem, sed etiam Martem, Iouem et Saturnum, qui ab eo remotiores sunt quam Terra,
secum ducit: quod intelligi non potest, praesertim in coelo fluido, quale illud supponunt,
quin tota coeli materia interiacens simul feratur, et interim Terra ui aliqua separetur a
partibus istius materiae sibi contiguis, atque in ea circulum describat. Quapropter haec
rursus separatio, quae est totius Terrae, ac peculiarem in ea actionem requirit, eius motus
erit dicendus.

III, 40. Terrae translationem nullam efficere aspectus diuersitatem in Fixis, propter
maximam ipsarum distantiam.

Unus autem adhuc in mea hypothesi scrupulus manet, ex eo quod, si Sol eundem semper
situm inter Fixas seruet, necesse sit Terram, quae circa illum fertur, ad ipsas accedere ac
recedere
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Troisième Partie. Du Monde Visible.
même temps, le transport de toutes les parties de la terre, du voisinage des
parties du ciel qu’elles touchent, dans le voisinage d’autres parties ; et
comme ce transport est réciproque, comme il est dit ci-dessus, et que la
même force autrement dit action, est entièrement requise dans la terre et
dans le ciel, il n'y a aucune raison que nous attribuions, à proximité de ce
transport même, plus le mouvement au ciel qu’à la terre. Ou plutôt, selon
ce qui a été dit plus haut, il faut justement l’attribuer à la terre ; parce qu’il
se fait selon la totalité de sa superficie et non de la même manière selon
l’entière superficie du ciel mais seulement selon sa partie concave contiguë
à la terre, qui est extrêmement petite comparée à la convexe. Et peu importe
s’ils disent penser que non seulement la superficie concave du ciel étoilé
mais qu’en même temps aussi la convexe est séparée de la terre par un
autre ciel qui l’environne, à savoir par le ciel cristallin ou par l’empyrée 24 ;
et c’est la raison pourquoi ils attribuent ce mouvement au ciel plutôt qu’à la
terre. Car aucun argument ne peut être tenu d’où serait prouvé se faire une
telle séparation de la totalité de la superficie convexe du ciel étoilé, par un
autre ciel qui justement l’environnerait ; mais ils se figurent cela de façon
tout à fait arbitraire. Et ainsi selon leur propre hypothèse, la raison
pourquoi le mouvement doit être attribué à la terre, est évidente et
certaine : la raison pourquoi ils l’attribuent au ciel, et le repos à la terre est
en vérité incertaine et ne se fait que dans leur imagination.
III, 39. Et celle-ci aussi se meut autour du soleil en un mouvement annuel.
De la même hypothèse de Tycho, le soleil tournant autour de la terre en un
mouvement annuel, conduit avec lui non seulement Mercure et Vénus mais
aussi Mars, Jupiter et Saturne qui sont plus éloignées de lui que la terre ; ce
qui ne peut être compris, notamment dans un ciel fluide tel ils le
supposent, que si la totalité de la matière du ciel interposée est emportée
ensemble, et la terre entre temps être séparée par quelque force des parties
de cette matière qui lui sont contiguës, et en cette matière décrire un cercle.
Pour cette raison cette séparation qui est de toute la terre et requiert en
cette matière une action particulière, devra être dite son mouvement.
III, 40. Le transport de la terre ne fait aucune différence visible dans les
fixes, à cause du très grand éloignement de ces étoiles.
Il reste cependant encore un écueil dans mon hypothèse, de ce que si le
soleil garde toujours le même site parmi les fixes, nécessairement la terre
qui est transportée autour de lui se rapproche et s’éloigne des étoiles fixes
de tout
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
461
Troisième Partie. Du Monde Visible.

toto suae orbitae interuallo: quod tamen ex phaenomenis non potuit hactenus deprehendi.
Sed hoc excusatur per immensam distantiam, quam inter nos et Fixas esse supponimus;
talem scilicet, ut totus ille circulus qui a Terra describitur circa Solem, si ad eam
comparetur, instar puncti sit habendus. Quod fateor incredibile uideri posse, magnalia Dei
considerare non assuetis, et Terram ut praecipuam partem uniuersi, ac domicilium hominis,
propter quem caetera omnia facta sint, spectantibus; sed Astronomis, qui iam omnes sciunt
illam ad coelum comparatam instar puncti esse, non ita mirum uideri debet.

III, 41. Hanc etiam Fixarum distantiam requiri ad motus Cometarum, quos iam constat
esse in coelo.

Ac praeterea Cometae, quos iam satis constat in nostro aëre non uersari, ut nimis rudis
antiquitas opinabatur, uastissimum istud spatium inter sphaeram Saturni et Fixas requirunt,
ad omnes suas excursiones absoluendas: adeo enim uariae sunt, adeo immanes, et a
Fixarum stabilitate atque a regulari Planetarum circa Solem circuitione adeo discrepantes,
ut absque eo ad nullas naturae leges reuocari posse uideantur. Neque nos mouere debet
quod Tycho et alii Astronomi, qui diligenter eorum parallaxes inuestigarunt, dixerint
tantum illos esse supra Lunam, uersus sphaeram Veneris aut Mercurii, non autem supra
ipsum Saturnum: hoc enim non minus recte ex suis calculis concludere potuissent, quam
illud. Sed cum disputarent contra ueteres, qui Cometas inter meteora sublunaria
numerabant, contenti fuerunt ostendere illos in coelo esse; nec ausi sunt omnem
altitudinem, quam calculo deprehendebant, iis tribuere, ne minus facile crederetur.

III, 42. Omnia quae hic in Terra uidemus, ad phaenomena etiam pertinere, sed non opus
esse initio ad cuncta respicere.

Praeter haec autem generaliora, possent adhuc particularia multa, non modo circa Solem,
Planetas, Cometas et Fixas, sed praecipue etiam circa Terram (nempe illa omnia quae in
eius superficie uidemus), inter phaenomena hic recenseri. Ut enim ueram huius mundi
aspectabilis naturam agnoscamus, non satis est aliquas causas inuenire, per quas ea quae in
coelo eminus aspicimus explicentur; sed ex iisdem etiam, illa omnia quae in Terra
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
l’intervalle de son orbite, et néanmoins cela n’a pas pu être prouvé à ce jour
par les phénomènes. Mais cela est excusé par l’immense distance que nous
supposons entre nous et les fixes ; à savoir telle, que ce cercle tout entier qui
est décrit par la terre autour du soleil doit être tenu, comparé à cette
immense distance, comme un point. Et je reconnais que cela peut sembler
incroyable à ceux qui ne sont pas accoutumés aux merveilles de Dieu et
regardent la terre comme la principale partie de l’univers et le domicile des
hommes pour qui tout le reste a été fait ; mais aux astronomes qui tous
savent déjà que comparée au ciel cette distance est comme un point, cela ne
doit pas sembler si extraordinaire.
III, 41. Cet éloignement des fixes est aussi requis pour le mouvement des
comètes qui sont, c’est maintenant établi, dans le ciel.
Et en outre les comètes, qui, c’est assez établi maintenant, ne tournent pas
dans notre air, comme le pensait l’antiquité trop inexpérimentée, requièrent
pour accomplir toutes leurs excursions, ce vaste espace entre la sphère de
Saturne et les fixes ; elles sont en effet à ce point différentes, à ce point
grandes, et à ce point en désaccord avec la stabilité des fixes et du circuit
régulier des planètes autour du soleil, que sans cela elles pourraient
sembler ne se rapporter à aucune loi de la nature. Et ne doit pas nous
étonner que Tycho et les autres astronomes qui ont diligemment investigué
leurs parallaxes ont seulement dit qu’elles étaient au-delà de la lune, vers la
sphère de Vénus ou de Mercure, non toutefois au-delà de Saturne en
réalité ; car ils auraient pu le conclure droitement de leurs calculs, l’un
comme l’autre. Mais comme ils disputaient contre les anciens qui
comptaient les comètes parmi les météores sublunaires, ils se sont contentés
de montrer qu’elles étaient dans le ciel ; et ils ne se sont pas aventurés à
leur attribuer toute l’altitude qu’ils saisissaient par le calcul, pour être crus
plus facilement.
III, 42. Tout ce que nous voyons ici sur terre appartient aussi aux
phénomènes mais il n’est pas besoin de tout prendre en considération.
Et outre ces choses générales, beaucoup de choses particulières encore, non
seulement concernant le soleil, les planètes, les comètes et les fixes, mais
concernant principalement aussi la terre (à savoir tout ce que nous voyons
à sa surface) pourraient être recensées ici parmi les phénomènes. Car il ne
suffit pas, pour connaître la vraie nature de ce monde visible, de trouver
certaines causes par lesquelles est expliqué ce que nous regardons loin dans
le ciel ; mais par ces mêmes causes doit aussi se déduire tout ce que nous
463
Troisième Partie. Du Monde Visible.
464
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

cominus intuemur, deduci debent. Atqui non opus est, ut illa omnia consideremus ad rerum
generaliorum causas determinandas; sed tum demum ipsas postea recte a nobis
determinatas fuisse cognoscemus, cum ex iisdem non ea dumtaxat ad quae respeximus, sed
alia etiam omnia, de quibus antea non cogitauimus, explicari aduertemus.

III, 43. Vix fieri posse quin causae, ex quibus omnia phaenomena clare deducuntur, sint
uerae.

Et certe, si nullis principiis utamur nisi euidentissime perspectis, si nihil nisi per
Mathematicas consequentias ex iis deducamus, et interim illa quae sic ex ipsis deducemus,
cum omnibus naturae phaenomenis accurate consentiant, iniuriam Deo facere uideremur, si
causas rerum, hoc pacto a nobis inuentas, falsas esse suspicaremur, tanquam si nos tam
imperfectos genuisset, ut ratione nostra recte utendo fallamur.

III, 44. Me tamen eas, quas hic exponam, pro hypothesibus tantum haberi uelle.

Verumtamen, ne etiam nimis arrogantes esse uideamur, si de tantis rebus philosophando,


genuinam earum ueritatem a nobis inuentam esse affirmemus, malim hoc in medio
relinquere, atque omnia quae deinceps sum scripturus tanquam hypothesin proponere. Quae
quamuis falsa esse existimetur, satis magnum operae pretium me fecisse arbitrabor, si
omnia quae ex ipsa deducentur cum experimentis consentiant: ita enim ex ea tantundem
utilitatis ad uitam, atque ex ipsius ueritatis cognitione, percipiemus.

III, 45. Meque etiam hic nonnullas assumpturum, quas constat falsas esse.

Quinimo etiam, ad res naturales melius explicandas, earum causas altius hic repetam, quam
ipsas unquam extitisse existimem. Non enim dubium est, quin mundus ab initio fuerit
creatus cum omni sua perfectione: ita ut in eo et Sol et Terra et Luna, et Stellae extiterint;
ac etiam in Terra non tantum fuerint semina plantarum, sed ipsae plantae; nec Adam et Eua
nati sint infantes, sed facti sint homines adulti. Hoc fides Christiana nos docet, hocque
etiam ratio naturalis plane persuadet.
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Troisième Partie. Du Monde Visible.
regardons de près sur terre. Or il n’est pas besoin de considérer tout cela
pour déterminer les causes des choses générales ; mais nous les
reconnaîtrons justement après les avoir correctement déterminées quand
nous reconnaîtrons par ces mêmes causes, être expliqué ce à quoi
précisément nous ne nous attendions pas, mais encore tout autre chose que
nous ignorions auparaavant.
III, 43. Il peut difficilement se faire que les causes d’où se déduisent
clairement tous les phénomènes, ne soient pas vraies.
Et certainement si nous n’utilisons aucun principe sinon ceux considérés
d’une très grande évidence, et n’en déduisons rien sinon à travers leurs
conséquences mathématiques, et en même temps que ce que nous
déduisons ainsi de ces principes mêmes soit parfaitement en accord avec
tous les phénomènes de la nature, nous semblerions faire injure à Dieu si
nous suspections être fausses les causes des choses trouvées par nous de
cette manière, comme s’il nous avait engendrés si imparfaits que nous nous
tromperions en utilisant droitement notre raison.
III, 44. Cependant celles que je vais exposer ici, je veux moi-même les tenir,
seulement pour des hypothèses.
Mais en vérité pour que nous ne pas sembler trop arrogant, en
philosophant sur des choses si importantes, en affirmant avoir découvert
leur vérité naturelle, je préfère ne pas me prononcer sur ce point et
proposer tout ce que j’écrirai dans la suite comme hypothèse. Et même si
cela est estimé être faux, j’estime que j’aurais fait œuvre grandement utile si
tout ce qui s’en déduit justement, consent avec l’expérience : car nous en
percevrons ainsi autant d’utilité pour la vie et pour la connaissance de la
vérité même.
III, 45. Et j’en assumerai quelques-unes ici qui sont établies être fausses.
Bien plus encore, pour mieux expliquer les choses naturelles, je
rechercherai ici leurs causes naturelles plus profondément que je ne les
estime en réalité avoir jamais existé. Car il ne fait aucun doute que le
monde a été créé du commencement avec toute sa perfection, de telle sorte
qu’en lui existent, et le Soleil, et la Terre, et la Lune et les Étoiles ; et aussi
que sur la Terre se trouvent non seulement les semences des plantes, mais
les plantes elles-mêmes ; et qu’Adam et Ève ne sont pas nés bébés mais ont
été faits hommes adultes. Cela cela nous l’enseigne la foi chrétienne et aussi
nous en persuade
466
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

Attendendo enim ad immensam Dei potentiam, non possumus existimare illum unquam
quidquam fecisse, quod non omnibus suis numeris fuerit absolutum. Sed nihilominus, ut ad
plantarum uel hominum naturas intelligendas, longe melius est considerare, quo pacto
paulatim ex seminibus nasci possint, quam quo pacto a Deo in prima mundi origine creati
sint: ita, si quae principia possimus excogitare, ualde simplicia et cognitu facilia, ex quibus
tanquam ex seminibus quibusdam, et sidera et Terram, et denique omnia quae in hoc
mundo aspectabili deprehendimus, oriri potuisse demonstremus, quamuis ipsa nunquam sic
orta esse probe sciamus, hoc pacto tamen eorum naturam longe melius exponemus, quam si
tantum, qualia iam sint, describeremus. Et quia talia principia mihi uideor inuenisse, ipsa
breuiter hic exponam.

III, 46. Quaenam sint ea, quae hic assumo ad phaenomena omnia explicanda.

Ex antedictis iam constat, omnium mundi corporum unam et eandem esse materiam, in
quaslibet partes diuisibilem, ac iam reipsa in multas diuisam, quae diuersimode mouentur,
motusque habent aliquo modo circulares, et semper eandem motuum quantitatem in
uniuerso conseruant. At quam magnae sint istae partes materiae, quam celeriter moueantur,
et quales circulos describant, non possumus sola ratione determinare: quia potuerunt ista
innumeris modis diuersis a Deo temperari, et quemnam prae caeteris elegerit, sola
experientia docere debet. Iamque idcirco nobis liberum est, quidlibet de illis assumere,
modo omnia, quae ex ipso consequentur, cum experientia consentiant. Itaque, si placet,
supponemus omnem illam materiam, ex qua hic mundus adspectabilis est compositus,
fuisse initio a Deo diuisam in particulas quam-proxime inter se aequales, et magnitudine
mediocres, siue medias inter illas omnes, ex quibus iam coeli atque astra componuntur;
easque omnes tantundem motus in se habuisse, quantum iam in mundo reperitur; et
aequaliter fuisse motas, tum singulas circa propria sua centra, et separatim a se mutuo, ita ut
corpus fluidum componerent, quale coelum esse putamus; tum etiam plures simul, circa alia
quaedam puncta
467
Troisième Partie. Du Monde Visible.
pleinement la raison naturelle. Prêtant attention en effet à l’immense
puissance de Dieu, nous ne pouvons pas estimer qu’il ait jamais fait quoi
que ce soit qui ne soit accompli en toutes ses parties. Mais néanmoins pour
comprendre la nature des plantes et des hommes, de loin il vaut mieux
considérer de quelle façon ils peuvent naître peu à peu à partir de
semences, que de quelle façon ils ont été créées par Dieu dans la première
origine du monde ; ainsi, si nous pouvons cogiter quelques principes d’où
nous démontrons avoir pu naître comme à partir de semences, et les astres,
et la Terre, et enfin tout ce que nous embrassons dans ce monde visible,
même si nous savons parfaitement qu’ils ne sont en réalité jamais nés ainsi,
de cette façon néanmoins nous exposerons de loin beaucoup mieux leur
nature, que si nous les décrivons seulement tels ils sont. Et parce qu’il me
semble avoir découvert de tels principes, je vais les exposer précisément ici
rapidement.
III, 46. Quels sont ces principes donc que j’assume ici pour expliquer les
phénomènes.
Cf. Figure III-1.
De ce qui a été déjà dit auparavant, est établi qu’il n’y a, pour tous les corps
du monde, qu’une seule et même matière divisible en autant de parties que
l’on voudra, et en réalité déjà divisée en beaucoup de parties qui se
meuvent de diverses manières, ont des mouvements en quelque façon
circulaires et conservent toujours la même quantité de mouvement dans
l’univers. Mais nous ne pouvons déterminer par la raison seule combien
sont grandes ces parties de la matière, combien elles se meuvent
rapidement, et quels cercles elles décrivent ; parce qu’elles ont pu être
organisées d’innombrables manières différentes par Dieu ; et laquelle il a
choisi en effet devant les autres, seule l’expérience doit l’enseigner. Et pour
cette raison, nous sommes maintenant libres d’adopter n’importe laquelle
de ces manières, pourvu que tout ce qui s’ensuit précisément, consente avec
l’expérience. C’est pourquoi supposons, s’il plait, que toute cette matière
dont est composé ce monde visible a été divisée par Dieu depuis le
commencement en globules le plus possible égaux entre eux, de grandeur
moyenne, autrement dit des petits globes, intermédiaires entre tous ceux
dont sont composés maintenant le ciel et les astres, et que tous ont eu en
eux autant de mouvement qu’est trouvé maintenant dans le monde, et ont
été mus pareillement, tantôt les uns autour de leurs propres centres et
mutuellement séparés les uns des autres, de telle sorte qu’ils composent le
corps fluide que nous pensons être le ciel, tantôt aussi, un plus grand
nombre ensemble autour de quelques autres points
468
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
469
Troisième Partie. Du Monde Visible.

aeque a se mutuo remota, et eodem modo disposita ac iam sunt centra Fixarum; nec non
etiam circa alia aliquanto plura, quae aequent numerum Planetarum. Ita scilicet ut illae
omnes, quae continebantur in spatio AEI, uerterentur circa punctum S, et quae
continebantur in spatio AEV, circa F, et ita de caeteris: sicque tot uarios uortices
componerent, quot iam astra sunt in mundo.

III, 47. Harum suppositionum falsitatem non impedire, quominus ea quae ex ipsis
deducentur, uera et certa esse possint.

Quae pauca sufficere mihi uidentur, ut ex iis tanquam causis omnes qui in hoc mundo
apparent effectus secundum leges naturae supra expositas oriantur. Et non puto alia
simpliciora, uel intellectu faciliora, uel etiam probabiliora rerum principia posse excogitari.
Etsi enim forte etiam ex Chao per leges naturae idem ille ordo qui iam est in rebus deduci
posset, idque olim susceperim explicandum: quia tamen confusio minus uidetur conuenire
cum summa Dei rerum creatoris perfectione, quam proportio uel ordo, et minus distincte
etiam a nobis percipi potest, nullaque proportio, nullusue ordo simplicior est, et cognitu
facilior, quam ille qui constat omnimoda aequalitate: idcirco hic suppono omnes materiae
particulas initio fuisse, tam in magnitudine quam in motu, inter se aequales, et nullam in
uniuerso inaequalitatem relinquo, praeter illam quae est in situ Fixarum, et quae unicuique
coelum noctu intuenti tam clare apparet, ut negari plane non possit. Atque omnino parum
refert, quid hoc pacto supponatur, quia postea iuxta leges naturae est mutandum. Et uix
aliquid supponi potest, ex quo non idem effectus (quanquam fortasse operosius) per easdem
naturae leges deduci possit: cum enim illarum ope materia formas omnes quarum est capax,
successiue assumat, si formas istas ordine consideremus, tandem ad illam quae est huius
mundi poterimus deuenire: adeo ut hic nihil erroris ex falsa suppositione sit timendum.

III, 48. Quomodo omnes coelestis materiae particulae factae sint sphaericae.

Itaque, ut naturae legum efficacitatem in proposita hypothesi ostendere


470
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
pareillement mutuellement éloignés les uns des autres, et disposés de la
même manière que le sont maintenant les centres des étoiles fixes, et autour
aussi d’un certain nombre d’autres points qui égalent le nombre des
planètes. À savoir de telle sorte que tous les globules qui sont contenus
dans l’espace AEI tournent autour du point S, ceux contenus dans l’espace
AEH autour du point F, et ainsi de suite, et composent ainsi autant de
tourbillons différents qu’il y a d’astres dans le monde maintenant.
III, 47. La fausseté de ces suppositions n’empêche pas que ce qui s’en déduit
précisément puisse être vrai et certain.
Cf. Figure III-1.
Et ce peu de suppositions me semble suffire, pour qu’à partir d’elles
naissent, comme à partir de causes, selon les lois de la nature exposées ci-
dessus, tous les effets qui apparaissent dans ce monde. Et je ne pense pas
que puissent être cogités d’autres principes plus simples des choses, ou
plus faciles à comprendre, ou même plus probables. Car même si par
hasard aussi, pouvait se déduire à partir du chaos par les lois de la nature
ce même ordre qui maintenant est dans les choses, je serais susceptible de
l’expliquer entièrement ; toutefois parce que la confusion semble moins
convenir à la suprême perfection de Dieu, créateur des choses, que le
rapport ou l’ordre, et peut moins distinctement encore, être perçue par
nous, aucun rapport et aucun ordre n’est plus simple et plus facile à
connaître que celui qui est établi par l’égalité de toutes les façon d’être des
choses ; pour cela je suppose ici égales entre elles, toutes les particules de la
matière qui furent du commencement, tant en grandeur qu’en mouvement,
et ne laisse aucune inégalité dans l’univers, excepté celle qui se situe dans
les étoiles fixes et qui apparaît si clairement à quiconque contemple le ciel
la nuit que cela ne peut absolument pas être nié. Et peu importe
absolument quoi est supposé de cette façon, parce qu’ensuite il se modifie
suivant les lois de la nature. Et l’on peut difficilement supposer quelque
chose d’où ne pourrait pas se déduire, par ces mêmes lois de la nature, le
même effet (quoique peut-être plus laborieusement) ; car comme la matière,
au moyen de ces lois, prend successivement toutes les formes dont elle est
capable, si nous considérons ces formes dans l’ordre, nous pourrons à la fin
parvenir à celle de ce monde qui est. À ce point ici aucune erreur n’est à
craindre d’une fausse supposition.
III, 48. Comment toutes les particules de la matière céleste sont faites
sphériques.
C’est pourquoi pour commencer à montrer, dans l’hypothèse proposée,
471
Troisième Partie. Du Monde Visible.

incipiamus, considerandum est illas particulas, in quas totam huius mundi materiam initio
diuisam fuisse supponimus, non potuisse quidem initio esse sphaericas, quia plures globuli,
simul iuncti, spatium continuum non replent; sed cuiuscumque figurae tunc fuerint, eas non
potuisse successu temporis non fieri rotundas, quandoquidem uarios habuerunt motus
circulares. Cum enim in principio satis magna ui motae fuerint, ut unae ab aliis
seiungerentur, eadem illa uis perseuerans, haud dubie satis magna etiam fuit, ad earum
omnes angulos, dum sibi mutuo postea occurrerunt, atterendos: ad hoc enim non tanta,
quam ad illud, requirebatur. Et ex hoc solo, quod alicuius corporis anguli sic atterantur,
facile intelligimus illud tandem fieri rotundum: quia hoc in loco nomen anguli ad omne id,
quod in tali corpore ultra figuram sphaericam prominet, est extendendum.

III, 49. Circa istas particulas sphaericas aliam esse debere materiam subtiliorem.

Cum autem nullibi spatia omni corpore uacua esse possint, cumque rotundae illae materiae
particulae, simul iunctae, perexigua quaedam interualla circa se relinquant: necesse est ista
interualla quibusdam aliis materiae ramentis minutissimis, figuras ad ipsa implenda aptas
habentibus, easque pro ratione loci occupandi perpetuo mutantibus, impleri. Nempe, dum
earum materiae particularum, quae fiunt rotundae, anguli paulatim atteruntur, id quod ex
ipsis eraditur adeo est minutum, et tantam celeritatem acquirit, ut sola ui sui motus in
ramenta innumerabilia diuidatur; sicque impleat omnes angulos, quos aliae materiae
particulae subingredi non possunt.

III, 50. Huius subtilioris materiae particulas facillime diuidi.

Notandum enim est, quo minora sunt ista particularum aliarum ramenta, eo facilius moueri,
atque in alia adhuc minutiora comminui posse: quia quo minora, eo plus habent superficiei,
pro ratione suae molis: et occurrunt aliis corporibus secundum superficiem, diuiduntur uero
secundum molem.
472
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
l’efficacité des lois de la nature, il faut considérer que ces particules dans
lesquelles nous supposons que toute la matière de ce monde a été divisée
au commencement, n’ont pas pu au début être sphériques, parce que
plusieurs globules joints ensemble n’emplissent pas un espace continu ;
mais ont été d’une figure telle alors, qu’ils n’ont pas pu, par la succession
du temps, puisqu’ils ont eu des mouvements circulaires variés, ne pas se
faire circulaires. Car comme ils ont été mis en mouvement au début par une
force suffisamment grande pour les disjoindre les uns des autres, cette
même force persévérant ensuite en même temps qu’ils se heurtaient les uns
les autres, fut sans aucun doute assez grande aussi pour user tous leurs
angles ; car n’était pas requise une force aussi grande pour cet effet que
pour le premier. Et de cela seul que les angles d’un certain corps sont usés,
nous comprenons facilement qu’à la fin ce corps se fasse rond ; parce qu’à
cet endroit le nom d’angle, dans un tel corps, s’étend à tout ce qui s’étend
au-delà de la figure sphérique.
III, 49. Autour de ces particules sphériques doit se trouver une autre
matière plus fine.
Néanmoins comme nulle part ne peut exister un seul espace vide de tout
corps, et comme les particules rondes de cette matière, jointes ensemble,
laissent autour d’elles certains intervalles très exigus, il est nécessaire que
ces intervalles soient remplis par quelques autres fragments de matière,
extrêmement menus, ayant des figures aptes à remplir ces mêmes
intervalles et qui changent perpétuellement selon lieu devant être occupé.
Dans le même temps, n’est-ce pas, que les angles de ces particules de
matière qui se font rondes sont progressivement rabotés, ce qui en est arasé
en réalité est à ce point menu et acquiert une vitesse telle que, par la seule
force de son mouvement, il se divise en fragments innombrables et remplit
ainsi tous les angles que les autres particules de matière ne peuvent pas
pénétrer.
III, 50. Les particules de cette matière plus fine se divisent très facilement.
Il faut noter en effet, que plus ces fragments des autres particules sont
petits, plus ils se meuvent facilement, et plus ils peuvent être amoindris en
d’autres encore plus petits ; parce que plus ils sont petits, plus ils ont une
surface étendue par rapport à leur masse, et ils rencontrent les autres corps
selon la superficie, mais se divisent selon la masse.
473
Troisième Partie. Du Monde Visible.

III, 51. Easdem celerrime moueri.

Notandum etiam est ipsa multo celerius agitari, quam alias materiae particulas, a quibus
tamen suam agitationem acquirunt: quia, dum hae per rectas et patentes uias feruntur,
expellunt ista per obliquas et angustas. Eadem ratione, qua uidemus ex folle, quamuis lente
claudatur, aërem tamen ualde celeriter egredi, propter angustiam uiae per quam transit.
Iamque supra demonstratum est, aliquam materiae portionem celerrime moueri, ac in partes
reipsa indefinitas diuidi debere, ut uarii motus circulares et inaequales sine rarefactione uel
uacuo fieri possint; nec ulla alia, praeter hanc, ad id apta reperitur.

III, 52. Tria esse huius mundi aspectabilis elementa.

Iam itaque duo habemus genera materiae ualde diuersa, quae duo prima elementa huius
mundi aspectabilis dici possunt. Primum est illius, quae tantam uim habet agitationis, ut
aliis corporibus occurrendo, in minutias indefinitae paruitatis diuidatur, et figuras suas ad
omnes angulorum ab iis relictorum angustias implendas accommodet. Alterum est eius,
quae diuisa est in particulas sphaericas, ualde quidem minutas, si cum iis corporibus, quae
oculis cernere possumus, comparentur; sed tamen certae ac determinatae quantitatis, et
diuisibiles in alias multo minores. Tertiumque paulo post inueniemus, constans partibus uel
magis crassis, uel figuras minus ad motum aptas habentibus. Et ex his tribus omnia huius
mundi aspectabilis corpora componi ostendemus: nempe Solem et Stellas fixas ex primo,
Coelos ex secundo, et Terram cum Planetis et Cometis ex tertio. Cum enim Sol et Fixae
lumen ex se emittant, Coeli illud transmittant, Terra, Planetae, ac Cometae remittant:
triplicem hanc differentiam in aspectum incurrentem, non male ad tria elementa referemus.

III, 53. Tres etiam in illo coelos distingui posse.

Non male etiam omnem materiam, in spatio AEI comprehensam, quae gyrat circa centrum
S, pro primo coelo sumemus; et omnem illam, quae circa centra F, f, innumerabiles alios
uortices componit,
474
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
III, 51. Ces mêmes particules se meuvent à très grande vitesse.
Il faut noter aussi que ces fragments sont agités beaucoup plus fortement
que les autres particules de matière, dont elles acquièrent pourtant
l’agitation ; parce que ces dernières, en même temps qu’elles sont
emportées selon des chemins rectilignes et ouverts, repoussent les plus
fines selon des chemins obliques et étroits. De la même façon que nous
voyons l’air d’un soufflet, bien que ce dernier soit refermé lentement, sortir
néanmoins avec une grande vitesse, à cause de l’étroitesse du chemin par
lequel il passe. Et plus haut a déjà été démontré qu’une certaine portion de
matière doit se mouvoir très vite et de ce fait se diviser en d’infinies parties,
pour que puissent se faire les différents mouvements circulaires et inégaux,
sans aucune dilatation (rarefactio) ni aucun vide ; et outre cette façon, ne
s’en retrouve aucune autre apte à cela.
III, 52. Il y a trois éléments dans ce monde visible.
C’est pourquoi maintenant nous tenons deux genres de matière très
différents qui peuvent être dits les deux éléments premiers de ce monde
visible. Le premier est cette matière qui a une telle force d’agitation qu’en
heurtant les autres corp,s elle se divise en poussière d’une indéfinie
petitesse, et accommode ses figures de façon à remplir tous les interstices
des recoins laissés par ces corps. L’autre est cette matière divisée en
particules sphériques, certainement très menues si on les compare avec ces
corps que nous pouvons discerner par la vue, mais néanmoins d’une
quantité précise et déterminée, et divisibles en d’autres beaucoup plus
petites. Et sous peu nous en trouverons un troisième élément, composé de
parties, ou plus volumineuses, ou ayant des figures moins aptes au
mouvement. Et nous montrerons que tous les corps de ce monde visible se
composent à partir de ces trois éléments : du premier, n’est-ce-pas, se
composent le soleil et les étoiles fixes, du second les cieux, et du troisième
la terre avec les planètes et les comètes. Car puisque le soleil et les étoiles
émettent par eux-mêmes leur lumière, les cieux la transmettent, la terre, les
planètes et les comètes la renvoient, cette triple différence que rencontre le
regard, nous la rapporterons assez bien aux trois éléments.
III, 53. On peut aussi distinguer trois ciels dans ce monde.
Cf. Figure III-1.
Assez bien aussi, nous prendrons pour premier ciel, toute la matière
embrassée dans l’espace AEI, qui tourne autour du centre S ; et pour
475
Troisième Partie. Du Monde Visible.
second, toute la matière qui compose les innombrables autres tourbillons
qui tour-

pro secundo; et denique quidquid ultra illos duos coelos reperitur, pro tertio.
Existimamusque hoc tertium, respectu secundi, esse immensum, et secundum, respectu
primi, permagnum. Sed tertii coeli consideratio non est huius loci: quia nullo modo a nobis
spectari potest in hac uita, et de mundo tantum aspectabili tractamus. Vortices autem,
quorum centra F, f, omnes simul pro uno tantum coelo numeramus, quia sub una et eadem
ratione a nobis considerantur; sed uorticem S, licet hic non appareat ab aliis diuersus, pro
peculiari tamen coelo, et quidem omnium primo, sumimus: quia Terram habitationem
nostram paulo post in illo inueniemus, ideoque multo plura in ipso habebimus spectanda
quam in reliquis, et nomina rebus, non propter ipsas, sed tantum ad nostras de iis
cogitationes explicandas, imponere solemus.

III, 54. Quomodo Sol et Fixae formatae sint.

Creuit autem initio paulatim materia primi elementi, ex eo quod particulae secundi assiduo
motu se inuicem magis ac magis attererent; cumque maior eius quantitas fuit in uniuerso,
quam necesse erat ad implenda exigua illa spatia, quae inter particulas sphaericas secundi
elementi sibi mutuo incumbentes reperiuntur, quidquid ex ea residui fuit, postquam spatia
ista impleta sunt, ad centra S, F, f, confluxit; ibique corpora quaedam sphaerica fluidissima
composuit: nempe Solem in centro S, ac Stellas fixas in aliis centris. Postquam enim
particulae secundi elementi fuerunt magis attritae, minus spatii occuparunt quam prius, nec
ideo ad centra usque se extenderunt, sed ab iis aequaliter omni ex parte recedentes, loca ibi
sphaerica reliquerunt, a materia primi elementi, ex omnibus circumiacentibus locis eo
affluente, replenda.

III, 55. Quid sit lux.

Ea enim est lex naturae, ut corpora omnia quae in orbem aguntur, quantum in se est, a
centris sui motus recedant. Atque hic illam uim, qua sic globuli secundi elementi, nec non
etiam materia primi circa centra S, F, congregata, recedere conantur ab istis centris, quam
potero accuratissime explicabo. In ea enim sola lucem consistere infra ostendetur; et ab
ipsius cognitione multa alia dependent.
476
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
nent autour des centres F, f ; et enfin pour troisième, ce qui se trouve au-
delà de ces deux ciels. Et nous estimons ce troisième ciel être immense, eu
respect au second, et le second extrêmement grand eu respect au premier.
Mais il ne sera pas question de ce troisième ciel à cet endroit, parce qu’en
aucune façon il ne peut être vu par nous dans cette vie et que nous traitons
du monde visible seulement. Cependant les tourbillons qui ont pour centre
F, f , nous les comptons tous ensemble pour un seul et même ciel parce que
nous les considérons sous un seul et même système ; toutefois nous
prenons le tourbillon S, même s’il n’apparaît pas ici différent des autres,
pour un ciel particulier, et certainement le premier de tous, parce que sous
peu nous trouverons en lui notre habitation la terre, si bien que nous
aurons beaucoup plus de choses à contempler en lui justement que dans les
autres et que nous avons l’habitude d’apposer les noms des choses non
pour elles-mêmes, mais seulement pour expliquer les pensées que nous en
avons.
III, 54. Comment se sont formés le ciel et les étoiles.
Cependant au commencement, la matière du premier élément s’est peu à
peu accrue, de ce que les globules du second se frottaient de plus en plus
les uns les autres d’un mouvement ininterrompu, et quand la quantité de
cette matière fut plus grande dans l’univers qu’il n’était nécessaire pour
remplir ces espaces exigus qui se trouvaient entre les particules sphériques
du deuxième élément qui se reposaient les unes sur les autres, tout ce qui
restait de cette matière après que furent remplis ces espaces, afflua vers les
centres S, F, f, et composa à cet endroit certains corps sphériques très
fluides, à savoir, au centre S le Soleil, et aux autres centres les Étoiles Fixes.
Car après que les particules du deuxième élément furent davantage
rabotées, elles occupaient moins d’espace qu’avant, et pour cette raison ne
s’étendaient pas jusqu’aux centres, mais s’en éloignant pareillement de
toute part, y laissaient des lieux sphériques devant être remplis par la
matière du premier élément affluant à cet endroit de tous les lieux
environnant.
III, 55. Ce qu’est la lumière.
Car c’est une loi de la nature que tous les corps qui se meuvent sur une
orbite, s’écartent, autant qu’il est en eux, de leur centre de mouvement. Et je
vais expliquer ici, le plus clairement possible, cette force par laquelle les
globules du second élément ainsi que la matière du premier agglomérée
autour des centres S, F, tendent à s’écarter de ces centres.
477
Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 56. Quis conatus ad motum in rebus inanimatis sit intelligendus.
Cum dico globulos secundi elementi recedere conari a centris circa quae uertuntur, non
putandum est idcirco me illis aliquam cogitationem affingere, ex qua procedat iste conatus;
sed tantum ipsos ita esse sitos, et ad motum incitatos, ut reuera sint eo uersus ituri, si a nulla
alia causa impediantur.
III, 57. Quomodo in eodem corpore conatus ad diuersos motus simul esse possint.
Quia uero frequenter multae causae diuersae agunt simul in idem corpus, atque unae
aliarum effectus impediunt, prout ad has uel illas respicimus, dicere possumus ipsum
eodem tempore tendere, siue ire conari, uersus diuersas partes.
Fig. III-3
Ut, exempli causa,
lapis A, in funda
EA, circa centrum
E rotatus, tendit
quidem ab A
uersus B, si omnes
causae, quae
occurrunt ad eius
motum
determinandum,
simul spectentur,
quia reuera eo
uersus fertur. Sed
si respiciamus ad
solam uim motus
quae in ipso est,
dicemus illum,
cum est in puncto
A, tendere uersus
C, iuxta legem
motus supra
expositam:
ponentes scilicet
lineam AC esse
rectam, quae tangit circulum in puncto A. Si enim lapis e funda egrederetur, eo temporis
momento, quo ueniendo ex L peruenit ad punctum A, reuera pergeret ab A uersus C, non
uersus B; ac quamuis funda hunc effectum impediat, non tamen impedit conatum. Si
denique non respiciamus ad totam istam uim motus, sed tantum ad illam eius partem quae a
funda impeditur, eam scilicet distinguentes ab alia eius parte quae sortitur suum effectum,
dicemus hunc lapidem, dum est in puncto A, tendere tantum uersus D, siue recedere conari
a centro E secundum lineam rectam EAD.
III, 58. Quomodo ea quae circulariter mouentur, conentur recedere a centro sui motus.
478
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
479
Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 56. Quel effort au mouvement faut-il comprendre dans les choses
inanimées.
Quand je dis que ces globules du deuxième élément s’efforcent de
s’éloigner des centres autour desquels ils tournent, il ne faut pas penser que
je leur attribue pour cela quelque pensée de laquelle procèderait cette
tendance, mais seulement qu’ils sont en réalité localisés, et incités au
mouvement, à un point tel qu’ils iraient en vérité, s’ils n’étaient empêchés
par quelque cause, vers ces centres.
III, 57. Comment dans un même corps peuvent coexister ensemble des
efforts vers des mouvements différents.
Parce qu’en vérité fréquemment beaucoup de causes différentes ont une
même action sur un même corps, et que les unes empêchent les effets des
autres, selon que nous portons le regard sur les unes ou sur les autres, nous
pouvons dire que dans le même temps ce corps, tend autrement dit
s’efforce d’aller vers des parties différentes.
Figure III-3
Comme par exemple la pierre A dans la fronde EA, en rotation autour du
centre E, assurément de A tend vers B, si toutes les causes qui concourent
pour déterminer ce mouvement sont regardées ensemble, parce qu’en
vérité la pierre est portée vers là. Mais si nous considérons la seule force du
mouvement qui est en elle seule, nous dirons que, conformément à la loi du
mouvement exposée ci-dessus, quand elle est au point A, elle tend vers C,
en posant, cela va sans dire, que la ligne AC, qui touche le cercle au point
C, est droite. Si la pierre en effet sort de la fronde, au moment même où,
venant de L, elle parvient au point A, elle continuera en vérité vers C, non
vers B ; et même si la fronde empêche cet effet elle n’empêche cependant
pas cet effort. Si enfin nous ne considérons pas la totalité de cette force de
mouvement, mais seulement cette sienne partie qui est empêchée par la
fronde, à savoir en la distinguant de l’autre sienne partie avec laquelle elle
partage son effet, nous dirons que cette pierre dans le même temps qu’elle
est au point A tend seulement vers D, autrement dit s’efforce seulement de
s’écarter du centre E selon la ligne droite EAD.
III, 58. Comment ce qui se meut circulairement s’efforce de s’écarter du
centre de son mouvement.
480
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
Fig. III-4
Quod ut clare intelligatur, conferamus
motum quo lapis, in puncto A existens,
ferretur uersus C, si a nulla alia ui
impediretur, cum motu quo formica, in
eodem puncto A existens, moueretur
etiam uersus C, si linea EY esset
baculus, supra quem recta incederet ab
A uersus Y, dum interim ipse baculus
uerteretur circa centrum E, ac eiusdem
baculi punctum A describeret circulum
ABF, essentque hi duo motus ita inter se
contemperati, ut formica perueniret ad
X cum baculus esset in C, et ad Y cum
baculus esset in G, atque ita ipsa semper existeret in linea recta ACG. Ac deinde
conferamus etiam eam uim, qua idem lapis, actus in funda secundum lineam circularem
ABF, recedere conatur a centro E, secundum lineas rectas AD, BC, FG, cum conatu qui
remaneret in formica, si uinculo uel glutino aliquo detineretur in puncto A supra baculum
EY, dum interim iste baculus eam deferret circa centrum E per lineam circularem ABF; ac
ipsa totis uiribus conaretur ire uersus Y, atque ita recedere a centro E secundum lineas
rectas EAY, EBY, et similes.
III, 59. Quanta sit uis istius conatus. Fig. III-5.
Scio quidem motum istius formicae fore
initio tardissimum, atque ideo eius
conatum, si tantum ad principium motus
referatur, non uideri magnum esse posse:
atqui profecto non plane nullus est, et
dum sortitur effectum, augetur, adeo ut
motus ex eo proueniens satis celer esse
possit. Nam, ut adhuc alio utamur
exemplo, si EY sit canalis, in quo
globulus A contineatur, primo quidem
temporis momento, quo iste canalis
agetur in gyrum circa centrum E,
globulus A motu tantum tardissimo
progredietur uersus Y; sed secundo
momento paulo celerius incedet: priorem
enim uim retinebit, ac praeterea nouam acquiret a nouo conatu recedendi a centro E: quia,
quandiu durat motus circularis, tamdiu ille conatus durat, et quasi renouatur singulis
momentis. Atque hoc experientia confirmat: si enim canalis EY ualde celeriter agatur circa
centrum E, breui globulus, in eo existens, ab A ad Y perueniet. Idemque etiam experimur in
funda: quo celerius enim lapis in ea rotatur, eo magis funis intenditur; atque ista tensio, a
sola ui qua lapis recedere conatur a centro sui motus exorta, exhibet nobis istius uis
quantitatem.
481
Troisième Partie. Du Monde Visible.
482
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
Figure III-4
Pour comprendre cela clairement, comparons le mouvement par lequel la
pierre qui se trouve au point A se porte vers C si elle n’est empêchée par
aucune autre force, avec le mouvement par lequel une fourmi se trouvant
au même point A aussi se meut vers C en marchant en ligne droite de A
vers Y sur le bâton EY, dans le même temps que le bâton lui-même tourne
autour du centre E, le point A du bâton décrivant le cercle ABF, et que ces
deux mouvements sont mêlés entre eux de telle sorte que la fourmi
parvient au point X quand le bâton est en C, et en Y quand le bâton est en
G : de la sorte la fourmi est toujours précisément sur la ligne droite ACG. Et
comparons ensuite aussi cette force par laquelle la même pierre
actuellement dans la fronde selon la ligne circulaire ABF s’efforce de
s’écarter du centre E, selon les lignes droites AD, BC, FG, avec l’effort qui
réside dans la fourmi si quelque lacet ou quelque colle la tient immobilisée
sur le bâton EY au point A, dans le même temps que ce bâton la porte
autour du centre E par la ligne circulaire ABF, et que cette fourmi tend de
toutes ses forces d’aller vers Y et de s’écarter ainsi du centre E selon les
lignes droites EAY, EBY et semblables.
III, 59. Quelle est la quantité de force de cet effort.
Je sais assurément qu’au début, le mouvement de cette fourmi sera très
lent, si bien que son effort, s’il est rapporté seulement au principe du
mouvement, ne semble pas pouvoir être grand ; de fait il ne peut
absolument pas être entièrement nul, et l’effet, dans le même temps qu’il se
produit, augmente, si bien que le mouvement qui en provient peut être
assez rapide.
Figure III-5.
Car, pour utiliser un autre exemple, si EY est un tuyau qui contient une
petite boule A, au premier moment où ce tuyau se meut en tournant autour
du centre E, certainement la boule A progressera vers Y d’un mouvement
extrêmement lent ; mais dans un deuxième temps avancera un peu plus
vite, parce que le mouvement circulaire dure autant que dure cet effort, et
se renouvelle à chaque instant singulier. Et l’expérience le confirme : car si
le tuyau EY se meut très vite autour du centre E, la boule qui se trouve en
lui, parviendra promptement de A en Y. Et de même nous en faisons
l’expérience dans la fronde : car plus la pierre tourne vite dans la fronde
plus la lanière est tendue ; et c’est cette tension, née de la seule force par
laquelle la pierre s’efforce de s’écarter du centre de son mouvement, qui
nous donne la quantité de cette force.
483
Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 60. Hunc conatum reperiri in materia coelorum.
Quod uero hic de lapide in funda, uel de globulo in canali circa centrum E rotato, dictum
est, facile intelligitur eodem modo de omnibus globulis secundi elementi: quod nempe
unusquisque satis magna ui recedere conetur a centro uorticis in quo gyratur: retinetur enim
hinc inde ab aliis globulis circumpositis, non aliter quam lapis a funda. Sed praeterea ista
uis in illis multum augetur, ex eo quod superiores ab inferioribus, et omnes simul a materia
primi elementi, in centro cuiusque uorticis congregata, premantur. Ac primo quidem, ut
accurate omnia distinguantur, de solis istis globulis hic agemus; nec ad materiam primi
elementi magis attendemus, quam si spatia omnia, quae ab illa occupantur, uacua essent,
hoc est, quam si plena essent materia, quae aliorum corporum motus nullo modo iuuaret,
nec impediret. Nullam enim aliam esse posse spatii uacui ueram ideam, ex antedictis est
manifestum.
III, 61. Ipsum efficere, ut corpora Solis et Fixarum sint rotunda. Fig. III-6.
Cum globuli omnes qui
uoluuntur circa S, in uortice
AEI, conentur recedere ab S,
ut iam demonstratum est, satis
patet illos, qui sunt in linea
recta SA, premere se mutuo
omnes uersus A; et illos, qui
sunt in linea recta SE, premere
se uersus E, atque ita de
caeteris: adeo ut, si non sint
satis multi ad occupandum
omne spatium inter S et
circumferentiam AEI, totum
quod non occupant, relinquatur
uersus S. Et quoniam ii qui sibi
mutuo incumbunt (exempli
causa, ii qui sunt in linea recta
SE), non omnes instar baculi
simul uertuntur, sed uni citius,
alii tardius circuitum suum
absoluunt, ut infra fusius
exponetur, spatium quod
relinquunt uersus S, non potest
non esse rotundum. Etsi enim
fingeremus plures globulos
initio fuisse in linea recta SE,
quam in SA uel SI, adeo ut
infimi lineae SE uiciniores
essent centro S, quam infimi lineae SI: quia tamen infimi illi citius circuitum absoluissent
quam superiores, nonnulli ex ipsis adiunxissent se statim extremitati lineae SI, ut sic tanto
magis recederent ab S; ideoque nunc omnes infimi istarum linearum aequaliter remoti sunt
a puncto S, et ita spatium BCD, quod circa illud relinquunt, est rotundum.
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
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Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 60. Cet effort est retrouvé dans la matière des cieux.
En vérité ce qui est dit ici de la pierre dans la fronde ou de la petite boule
dans le tuyau autour du centre E, se comprend facilement de la même
manière de tous les globules du second élément, à savoir que chacun
s’efforce de s’écarter avec une force assez grande du centre du tourbillon
dans lequel il tourne ; il est en effet retenu de ci de là par les autres globules
qui l’entourent, pas autrement que la pierre dans la fronde. Mais en outre
cette force s’accroît beaucoup en ces globules de ce que les plus éloignés du
centre sont pressés par les moins éloignés, et tous ensemble sont pressés
par la matière du premier élément agrégée dans le centre de chaque
tourbillon. Et ici, pour tout distinguer soigneusement, nous traiterons en
premier de ces seuls globules, et ne prêterons pas plus d’attention à la
matière du premier élément que si tous les espaces qu’elle occupe étaient
vides, c’est-à-dire étaient pleins de la matière qui n’aide en aucune manière
le mouvement des autres corps ni ne les empêche. Car il est manifeste de ce
qui a été dit préalablement qu’il ne peut y avoir nulle autre idée vraie du
vide,
III, 61. Cet effort fait que les corps du soleil et des étoiles sont ronds.
Figure III-6.
Quand tous les globules qui s’enroulent autour de S dans le tourbillon AEI
s’efforcent de s’écarter de S, il est assez évident, comme il a déjà été montré,
que ceux qui sont sur la ligne droite SA, se pressent tous les uns les autres
vers A ; et ceux qui sont sur la ligne droite SE, se pressent vers E, et ainsi de
suite ; à ce point s’ils ne sont pas assez nombreux pour occuper tout
l’espace entre S et la circonférence AEI, tout l’espace non occupé, est laissé
vers S. Et puisque ceux qui s’appuient les uns sur les autres (ceux par
exemple qui sont sur la ligne droite SA) ne tournent pas tous ensemble
comme un bâton, mais que les uns accomplissent leur circuit plus vite, les
autres plus lentement, comme cela va être exposé plus en détail, l’espace
qu’ils laissent vers S ne peut pas être rond. Car même si nous imaginons un
plus grand nombre de globules s’être trouvés au début sur la ligne droite
SE que sur SA ou SI, au point que les plus bas de la ligne SE seraient plus
voisins du centre S que les plus bas de la ligne SI, et enfin parce que ceux
qui sont les plus bas accomplissent plus vite le circuit que ceux qui sont
plus hauts, certains d’entre eux se réunissent aussitôt à l’extrémité de la
ligne SI, de sorte ainsi à s’écarter d’autant plus de S ; au point que
maintenant tous les plus bas de ces lignes sont éloignés à égalité du point S
et ainsi, l’espace BCD qu’ils laissent autour de ce point, est rond.
486
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
III, 62. Eundem efficere, ut materia coelestis ab omnibus punctis circumferentiae cuiusque
stellae uel Solis recedere conetur.
Praeterea notandum est, non modo globulos omnes qui sunt in linea recta SE, se inuicem
premere uersus E; sed etiam unumquemque ex ipsis premi ab omnibus aliis, qui continentur
inter lineas rectas ab illo ad circumferentiam BCD ductas, et ipsam tangentes. Ita, exempli
causa, globulus F premitur ab omnibus aliis, qui sunt intra lineas BF et DF, siue in spatio
triangulari BFD, non autem sic a reliquis: adeo ut, si locus F esset uacuus, uno et eodem
temporis momento, globuli omnes in spatio BFD contenti accederent, quantum possent, ad
illum replendum, non autem ulli alii. Nam, quemadmodum uidemus eandem uim grauitatis,
quae lapidem in libero aëre cadentem recta ducit ad centrum terrae, illum etiam oblique eo
deferre, cum impeditur eius motus rectus a plani alicuius decliuitate: ita non dubium est
quin eadem uis, qua globuli omnes in spatio BFD contenti recedere conantur a centro S
secundum lineas rectas ab illo centro eductas, sufficiat ad ipsos etiam inde remouendos, per
lineas a centro isto declinantes.
III, 63. Globulos materiae coelestis se mutuo non impedire in isto conatu.
Fig. III-7.

Hocque exemplum grauitatis rem aperte declarabit, si consideremus globos plumbeos in


uase BFD contentos, et sibi mutuo sic incumbentes, ut, foramine facto in fundo uasis F,
globus 1 ui grauitatis suae descendat; simul enim alii duo 2, 2, illum sequentur, et hos
subsequentur alii tres 3, 30, 3, et sic de caeteris; ita ut eodem temporis momento, quo
infimus 1 incipiet moueri, alii omnes, in spatio triangulari BFD contenti, simul descendant,
reliquis immotis. Ubi quidem notare licet duos globos 2, 2, postquam aliquantulum sequuti
sunt globum 1 descendentem, se mutuo impedire ne ulterius pergant. Sed idem in globulis
secundi elementi locum non habet: cum enim in perpetuo sint motu, quamuis aliquando
possit contingere, ut eodem plane modo sint dispositi ac globi plumbei
487
Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 62. Ce même effort fait que la matière céleste s’efforce de s’écarter de
tous les points de la circonférence de chaque d’étoile, ou du soleil.
Cg Figure III-6.
Il faut noter en outre que non seulement tous les globules qui sont sur la
ligne droite SE, se pressent les uns les autres, mais encore que chacun d’eux
est pressé par tous les autres qui sont contenus entre les lignes droites
menées de lui vers la circonférence BCD et tangentes à cette circonférence.
Ainsi par exemple le corpuscule sphérique F est pressé par tous ceux qui
sont entre les lignes BF et DF autrement dit qui sont dans l’espace
triangulaire BFD, toutefois il n’en est pas de même du restant ; si bien que
si le lieu F était vide en un seul et même moment, tous les globules
contenues dans l’espace BFD s’avanceraient autant qu’ils pourraient pour
le remplir, toutefois aucun autre globule. Car de la même manière que nous
voyons la même force de gravité conduire en droite ligne vers le centre de
la terre une pierre qui tombe dans l’air libre, et aussi la déporter
obliquement de ce centre quand son mouvement rectiligne est empêché par
quelque plan déclive, de même il ne fait aucun doute que la même force
par laquelle tous les globules contenus dans l’espace BFD s’efforcent de
s’écarter du centre S selon des lignes droites conduites depuis ce centre,
suffit aussi pour les rediriger en réalité à partir de là selon des lignes
inclinées depuis ce centre.
III, 63. Les globules de la matière céleste ne s’empêchent pas les uns les
autres dans cet effort.
Figure III-7.
Et cet exemple de la gravité éclairera ouvertement la chose si nous
considérons des billes de plomb contenues dans un vase BFD et reposant
les unes sur les autres de telle sorte que par l’orifice F, fait au fond du vase,
la boule numérotée 1 descende par la force de sa gravité, car en même
temps les deux autres numérotées 2 et 2, la suivent, et ainsi des autres ; de
telle sorte qu’au moment même où la bille la plus basse 1 commencera à se
mouvoir, toutes celles qui sont contenus dans l’espace triangulaire BFD
descendent en même temps, les autres restant immobiles. Là il est permis
assurément de noter que les deux billes 2, 2 après qu’elles ont suivi quelque
peu la boule 1 qui descend, s’empêchent l’une l’autre de continuer plus
loin. Mais la même chose n’a pas lieu pour les globules du second élément :
car comme ils sont en mouvement perpétuel, même s’il peut arriver
488
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
quelquefois qu’ils soient disposés exactement de la même manière que les
billes de plomb décrites
489
Troisième Partie. Du Monde Visible.

in hac figura depicti, hoc non nisi per minimum temporis punctum, quod instans uocant,
durare potest, et ideo continuitatem earum motus non interrumpit. Ac praeterea notandum
est uim luminis, non in aliqua motus duratione consistere, sed tantummodo in pressione
siue in prima praeparatione ad motum, etsi forte ex ea motus ipse non sequatur.

III, 64. Omnes lucis proprietates in isto conatu inueniri : adeo ut lux eius ope cerni posset
tanquam ex stellis manans, etsi nulla uis esset in ipsis stellis.

Ex quibus clare percipitur, quo pacto actio illa, quam pro luce accipio, a Solis uel cuiuslibet
Stellae fixae corpore in omnes partes aequaliter se diffundat; et in minimo temporis
momento ad quamlibet distantiam extendatur; et id quidem secundum lineas rectas, non a
solo corporis lucidi centro, sed etiam a quibuslibet aliis eius superficiei punctis eductas.
Unde reliquae omnes lucis proprietates deduci possunt. Quodque forte multis paradoxum
uidebitur, haec omnia ita se haberent in materia coelesti, etiamsi nulla plane esset uis in
Sole, alioue astro circa quod gyratur: adeo ut, si corpus Solis nihil aliud esset quam spatium
uacuum, nihilominus eius lumen, non quidem tam forte, sed quantum ad reliqua, non aliter
quam nunc cerneremus, saltem in circulo secundum quem materia coeli mouetur; nondum
enim hic omnes sphaerae dimensiones consideramus. Ut autem etiam possimus explicare,
quidnam sit in ipso Sole ac Stellis, quo ista uis luminis augeatur et secundum omnes
sphaerae dimensiones diffundatur, nonnulla de coelorum motu sunt praemittenda.

III, 65. Cuiusque uorticis coelorum polos, tangere partes aliorum uorticum ab eorum polis
remotas.

Quacumque ratione moti fuerint ab initio singuli eorum uortices, iam debent esse ita inter
se compositi, ut unusquisque in eam partem feratur, secundum quam reliquorum omnium
circumstantium motus minus illi aduersantur: quia tales sunt leges naturae, ut motus
cuiusque corporis alterius occursu facile possit inflecti. Quamobrem
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
dans cette figure, cela ne peut durer que l’espace de temps minimum que
l’on nomme instant, et n’interrompt pas pour cela la continuité de leur
mouvement. Et il faut noter en outre que la force de la lumière ne consiste
pas en une certaine durée de mouvement, mais seulement en une pression
autrement dit une préparation initiale au mouvement, même si peut-être le
mouvement lui-même ne s’ensuit pas.
III, 64. Toutes les propriétés de la lumière se trouvent dans cet effort : au
point que la lumière pourrait se comprendre au moyen de cet effort comme
émanant des étoiles, même si aucune force ne se trouvait dans les étoiles
elles-mêmes.
De là est perçu clairement de quelle façon cette action que je prends pour la
lumière, se diffuse de toutes parts de façon égale depuis le soleil ou de
quelque étoile fixe que l’on voudra, et s’étend dans le plus petit espace de
temps, vers la distance que l’on voudra ; et cela assurément selon des lignes
droites, conduites non depuis le seul centre du corps lumineux, mais aussi
depuis n’importe quel autre point de sa surface. De là peuvent se déduire la
totalité des autres propriétés de la lumière. Et cela peut-être, semblera à
beaucoup un paradoxe que tout se tienne ainsi dans la matière céleste,
même si ne se trouve absolument aucune force dans le soleil ou quelque
autre astre autour duquel tourne cette matière ; à ce point, si le corps du
soleil n’était rien d’autre qu’un espace vide, néanmoins nous discernerions
sa lumière, non assurément aussi fort, mais pas autrement, quant au reste,
que nous comprenons maintenant, au moins dans le cercle selon lequel se
meut la matière du ciel ; car nous ne considérons pas encore ici toutes les
dimensions de la sphère. Toutefois pour pouvoir aussi expliquer quoi donc
se trouve dans le soleil lui-même et les étoiles par où cette force de la
lumière est augmentée et diffusée selon toutes les dimensions de la sphère,
il faut exposer quelques éléments sur le mouvement des cieux.
III, 65. Les pôles de chaque tourbillon des cieux touchent les parties
éloignées des pôles des autres tourbillons.
Cf. Figure III-1. : De quelque façon que furent au début les mouvements
singuliers de leurs tourbillons, ils doivent maintenant s’agencer entre eux
de telle sorte que chacun est porté dans cette partie selon laquelle les
mouvements de toutes les autres circonstances s’opposent le moins à ce
mouvement-ci ; parce que les lois de la nature sont telles que le mouvement
de chaque corps peu facilement infléchir la course d’un autre. C’est
pourquoi
491
Troisième Partie. Du Monde Visible.
si ponamus primum uorticem, cuius centrum S, ferri ab A per E uersus I, alius uortex ei
uicinus, cuius centrum F, ferri debet ab A per E uersus V, si nulli alii circumiacentes
impediant: sic enim eorum motus optime inter se consentient. Eodemque modo tertius
uortex, cuius centrum non sit in plano SAFE, sed supra illud extans, cum centris S et F
triangulum constituat, et qui duobus aliis uorticibus AEI et AEV in linea AE iungatur, ferri
debet ab A per E sursum uersus.
Quo posito quartus uortex, cuius centrum f, ferri non potest ab E uersus I, ut eius motus
conueniat cum motu primi, quia sic aduersaretur motibus secundi et tertii; nec ab E uersus
V, quemadmodum secundus, quia repugnarent primus et tertius; nec denique ab E sursum
uersus, ut tertius, quia repugnarent primus et secundus: atque ideo superest, ut unum ex
polis suis habeat uersus E, aliumque in parte opposita uersus B, uertaturque circa axem EB,
ab I ad V.
III, 66. Motus istorum uorticum aliquo modo inflecti, ut inter se consentiant.
Fig. III-8.

Atque hic etiam notari debet, nonnihil adhuc contrarietatis in istis motibus fore, si trium
priorum uorticum eclipticae, hoc est, circuli a polis remotissimi, sibi mutuo directe
occurrant in puncto E, in quo sit polus quarti uorticis.
Nam si, exempli causa, IVX sit illa eius pars, quae est circa polum E, uertiturque in orbem
secundum ordinem notarum IVX, primus uortex radet illam secundum lineam rectam EI,
aliasque ipsi parallelas, et secundus uortex eandem radet secundum lineam EV, et tertius
secundum lineam EX, qua ratione motui eius circulari nonnihil repugnabunt. Sed hoc facile
natura per leges motus emendat, trium priorum uorticum eclipticas nonnihil inflectendo in
eam partem, secundum quam uertitur quartus IVX; quo fit ut illi postea ipsum radant, non
secundum lineas rectas EI, EV, EX, sed secundum obliquas 1 I, 2 V, 3 X, et ita cum ipsius
motu plane consentiant.
492
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
si nous posons un premier tourbillon, dont le centre est S, se porter de A
vers I en passant par E, son autre tourbillon voisin, dont le centre est F, doit
se porter, si nulle autre circonstance ne l’empêche, de A vers V en passant
par E ; leurs mouvements seront ainsi en effet le mieux possible en accord
entre eux-mêmes. De la même manière un troisième tourbillon, dont le
centre est en dehors du plan SAFE, s’étendant au-dessus de ce plan,
constitue avec les centres S et F un triangle, et joint aux deux autres
tourbillons AEI et AEV sur la ligne AE, doit être porté de A vers le haut en
passant par E.
Cela posé, pour que le mouvement du quatrième tourbillon de centre f,
convienne avec le mouvement du premier, il ne peut pas se porter de E
vers I, parce qu’ainsi il s’opposerait aux mouvements du deuxième et du
troisième ; ni de E vers V, comme le deuxième, parce que le premier et le
troisième s’y opposeraient ; ni enfin de E vers le haut, comme le troisième,
parce que s’y opposeraient le premier et le deuxième ; si bien qu’il reste
qu’il tient l’un de ses pôles vers E et l’autre dans la partie opposée vers B, et
qu’il tourne sur l’axe EB, de I vers V.
III, 66. Les mouvements de ces tourbillons sont infléchis de certaine
manière, afin de s’harmoniser entre eux.
Figure III-8.
Et il faut noter ici aussi, qu’il y aura encore quelque peu de contrariété dans
ces mouvements si les écliptiques, c’est-à-dire les cercles les plus éloignés
des pôles, des trois premiers tourbillons se rencontraient les uns les autres,
directement au point E sur lequel se trouve le pôle du quatrième tourbillon.
Car si par exemple IVX est la partie de ce quatrième écliptique qui est près
du pôle E et tourne dans l’orbe selon l’ordre IVX, le premier tourbillon rase
cette écliptique selon la ligne droite EI et les autres qui lui sont parallèles, le
deuxième tourbillon rase cette même écliptique selon la ligne EV, et le
troisième selon la ligne EX, raison pour laquelle ils s’opposeront
partiellement à son mouvement circulaire. Mais la nature corrige cela
facilement par les lois du mouvement, en fléchissant partiellement les
écliptiques des trois premiers tourbillons dans cette partie, suivant cette
partie IVX où tourne le quatrième ; d’où se fait que ces trois par la suite
rasent le quatrième en réalité, non selon les lignes droites EI, EV, EX mais
selon les lignes courbes 1 I, 2 V, 3 X, et s’accordent ainsi parfaitement à leur
propre mouvement.
493
Troisième Partie. Du Monde Visible.

III, 67. Duorum uorticum polos se mutuo tangere non posse.

Nec sane ullus mihi uidetur excogitari posse alius modus, secundum quem uariorum
istorum uorticum motus sibi mutuo minus aduersentur. Si enim duorum polos se mutuo
tangere supponamus, uel ambo in easdem partes ferentur, et ita in unum uorticem
coalescent; uel in contrarias, et ita sibi mutuo quammaxime repugnabunt. Atque ideo,
quamuis non tantum mihi assumam, ut omnium coeli uorticum situs et motus ausim
determinare, puto tamen generaliter posse affirmari, atque hic satis esse demonstratum,
polos cuiusque uorticis non tam uicinos esse polis aliorum uorticum contiguorum, quam
partibus ab ipsorum polis ualde remotis.

III, 68. Vortices istos esse magnitudine inaequales.

Praeterea, inexplicabilis illa uarietas quae apparet in situ Fixarum, plane ostendere uidetur,
illos uortices qui circa ipsas uoluuntur, non esse inter se aequales. Quod autem nulla Stella
fixa esse possit, nisi in centro alicuius talis uorticis, ex ipsarum luce iudico esse
manifestum: lucem enim accuratissime per tales uortices, ac sine illis nulla alia ratione,
posse explicari, partim ex iam dictis, partim ex infra dicendis patebit. Et cum nihil plane
aliud in Fixis sensu percipiamus, praeter ipsarum lucem et apparentem situm, nullam
habemus rationem aliud iis tribuendi, quam quod ad haec duo explicanda requiri iudicamus.
At non magis requiritur ad lucem explicandam, ut uortices materiae coelestis circa ipsas
uoluantur, quam ad apparentem earum situm, ut isti uortices sint magnitudine inaequales.
Sed sane si sint inaequales, necesse est, ut quorundam partes a polis remotae tangant
aliorum partes polis uicinas: quia maiorum et minorum similes partes ad inuicem applicari
non possunt.

III, 69. Materiam primi elementi ex polis cuiusque uorticis fluere uersus centrum, et ex
centro uersus alias partes.

Ex his autem cognosci potest, materiam primi elementi fluere continuo uersus centrum
cuiusque uorticis, ex aliis circumiacentibus uorticibus, per partes eius polis uicinas; ac uice
uersa, ex ipso in alios circumiacentes uortices effluere, per partes ab eiusdem polis remotas.
494
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
III, 67. Les pôles de deux tourbillons ne peuvent pas se toucher l’un l’autre.
Et sainement rien ne me semble pouvoir être cogité d’une autre manière
que celle-ci, selon laquelle les mouvements de ces différents tourbillons
s’opposent le moins l’un à l’autre. Car si nous supposons que les pôles de
deux tourbillons se touchent l’un l’autre, ou bien les deux vont se porter
vers les mêmes parties et ainsi se fondre en un seul, ou bien vers des parties
opposées et vont ainsi s’opposer le plus possible entre eux. Si bien que
même si je ne prétends pas oser déterminer les sites et les mouvement de
tous les tourbillons du ciel, je pense pourtant pouvoir affirmer de façon
générale, et être assez bien démontré ici, que les pôles de chaque tourbillon
ne sont pas aussi voisins des pôles des autres tourbillons contigus, qu’ils ne
le sont des parties de ces tourbillons les plus éloignées des pôles.
III, 68. Ces tourbillons sont de grandeur inégale.
En outre cette variété inexplicable qui apparaît dans le site des étoiles fixes,
semble parfaitement montrer que ces tourbillons qui s’enroulent autour de
ces étoiles, ne sont pas égaux entre eux. Qu’aucune étoile fixe pourtant ne
peut être qu’au centre d’un certain tel tourbillon, je le juge être manifeste de
leur propre lumière : la lumière en effet peut être expliquée très
précisément par de tels tourbillons et d’aucune autre façon sans eux, d’une
part de ce qui a déjà été dit, et sera visible d’autre part de ce qui doit être
dit par la suite. Et comme nous ne percevons dans les étoiles absolument
rien d’autre par les sens que leur propre lumière et leur site apparent, nous
n’avons aucune raison de leur attribuer autre chose, sinon ce que nous
jugeons être requis pour expliquer ces deux effets. Mais n’est pas plus
requis pour expliquer la lumière que les tourbillons de matière céleste
s’enroulent autour des étoiles, que n’est requis pour expliquer leur site
apparent, que ces tourbillons soient de grandeur inégale. Mais sainement
s’ils sont inégaux il est nécessaire que les parties éloignées des pôles des
uns, touchent les parties voisines des pôles des autres, parce que les parties
semblables des plus grands et des plus petits ne peuvent pas s’appliquer les
unes sur les autres.
III, 69. La matière du premier élément afflue des pôles de chaque tourbillon
vers le centre, et du centre vers les autres parties.
Et de là on peut reconnaître que la matière du premier élément afflue
continûment vers le centre de chaque tourbillon depuis les autres
tourbillons qui l’entourent à travers les parties voisines des pôles, et
495
Troisième Partie. Du Monde Visible.
inversement, efflue de chaque tourbillon vers les autres tourbillons qui
l’entourent à travers ces mêmes parties éloignées des pôles.
496
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
Fig. III-9.
Nam si ponamus, exempli
causa, AYBM esse uorticem
primi coeli, in cuius centro
est Sol, eiusque polos esse A
australem, et B borealem,
circa quos totus gyrat;
quatuorque circumiacentes
uortices K, O, L, C, gyrare
circa axes TT, YY, ZZ, et
MM, ita ut ille tangat duos O
et C in ipsorum polis, et alios
duos K et L in partibus ab
eorum polis ualde remotis:
patet ex antedictis, omnem
eius materiam recedere
conari ab axe AB, atque ideo
maiori ui tendere uersus
partes Y et M, quam uersus
A et B. Cumque in Y et M
occurrat polis uorticum O et
C, in quibus non magna est
uis ad ei resistendum; et in A
et B occurrat partibus
uorticum K et L, quae ab
eorum polis sunt
remotissimae, ac proinde
maiorem habent uim ad
eundum ab L et K uersus S,
quam partes circumpolares
uorticis S ad eundum uersus
L et K: non dubium est, quin materia, quae est in K et L, progredi debeat uersus S, atque
illa, quae est in S, uersus O et C.
III, 70. Idem de materia secundi elementi non posse intelligi.
Atque id quidem non tantum de materia primi elementi, sed etiam de globulis secundi esset
intelligendum, si nullae causae peculiares horum motum eo uersus impedirent. Verum, quia
multo celerior est agitatio primi elementi quam secundi, semperque ipsi liber est transitus
per illos exiguos angulos, qui a globulis secundi occupari non possunt, etsi fingeremus
omnem materiam, tam primi quam secundi elementi, contentam in uortice L, uno et eodem
tempore a loco medio inter centra S et L progredi coepisse uersus S, intelligeremus tamen
illam primi elementi citius ad centrum S peruenire debuisse, quam illam secundi. Atqui
materia primi elementi, sic in spatium S ingressa, tanta ui protrudit globulos secundi, non
modo uersus eclipticam eg uel MY, sed maxime etiam uersus polos fd uel AB,
quemadmodum mox explicabo, ut hac ratione impediat, ne illi qui ueniunt ex uortice L,
497
Troisième Partie. Du Monde Visible.
propius accedant uersus S, quam usque ad certum aliquem terminum, qui hic litera B
notatus est. Idemque de uortice K, et aliis omnibus est iudicandum.
498
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
Figure III-9.
Car, posons par exemple AYBM le tourbillon du premier ciel dans lequel
est le Soleil, et A son pôle austral et B son pôle boréal autour desquels il
tourne ; les quatre tourbillons qui l’entourent, K, O, L, C, tournent autour
des axes TT, YY, ZZ et MM, de telle sorte que AYBM touche les deux
tourbillons O et C sur leurs pôles et les deux autres K et L dans les parties
les plus éloignées de leurs pôles : il est évident, par ce qui a été dit
auparavant, que toute la matière du tourbillon AYBM s’efforce de
s’éloigner de l’axe AB, au point qu’elle tend vers les parties Y et M avec une
force plus grande, que vers les parties A et B. Et puisque elle rencontre en Y
et M les tourbillons O et C dans lesquels la force de résistance est peu
grande, et rencontre en A et B les parties des tourbillons K et L qui sont les
plus éloignées de leurs propres pôles et par suite ont une force plus grande
pour aller de L et K, vers S, que les parties circumpolaires du tourbillon S
d’aller vers L et K, il ne fait aucun doute que la matière qui est en K et L,
doit aller vers S et celle qui est en S, vers O et C.
III, 70. Ne peut pas se comprendre la même chose de la matière du deuxième
élément.
Cf. Figure III-9. : Et certainement cela devrait se comprendre non seulement
de la matière du premier élément mais aussi des globules du second, si
aucune cause particulière n’empêchait leur mouvement vers là. En vérité
parce que l’agitation du premier élément est beaucoup plus grande que
celle du second et qu’est libre pour ce premier élément précisément, le
passage à travers ces recoins exigus qui ne peuvent pas être occupés par les
globules du second, même si nous imaginons toute la matière, tant du
premier que du deuxième élément, contenue dans le tourbillon L,
commencer à s’avancer en un seul et même temps depuis le lieu situé entre
les centres S et L, vers S, nous comprendrons finalement que la matière du
premier élément devrait parvenir plus vite au centre S, que celle du second.
Or la matière du premier élément ainsi entrée dans l’espace S, propulse
avec une grande force les globules du second élément, non seulement vers
l’écliptique eg ou MY, mais au plus haut point aussi vers les pôles fd ou
AB, comme je vais l’expliquer bientôt, de sorte que de cette façon elles ne
permettent à celles qui proviennent du tourbillon L de ne s’approcher de S
que jusqu’à quelque terme précis qui est noté ici par la lettre B. Et il faut
juger la même chose pour le tourbillon K et tous les autres.
499
Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 71. Quae sit ratio huius diuersitatis.

Praeterea etiam considerare oportet, particulas secundi elementi quae uoluuntur circa
centrum L, non solum habere uim recedendi ab isto centro, sed etiam perseuerandi in sua
celeritate; quae duo sibi quodammodo aduersantur: quia, dum gyrant in uortice L, a uicinis
aliis uorticibus, qui supra et infra planum huius figurae intelligendi sunt, intra certos
terminos cohibitae, non possunt euagari uersus B, quin tardius moueantur inter L et B,
quam inter L et alios uicinos uortices, extra planum huius figurae intelligendos; et quidem
tanto tardius, quanto spatium LB erit maius. Nam, cum circulariter moueantur, non possunt
plus temporis impendere in transeundo inter L et istos alios uortices, quam inter L et B.
Atque idcirco, uis quam habent ad recedendum a centro L, efficit quidem ut nonnihil
euagentur uersus B, quia ibi occurrunt partibus circumpolaribus uorticis S, quae non
difficulter ipsis cedunt; sed ex aduerso uis quam habent, ad retinendam celeritatem sui
motus, impedit ne usque adeo euagentur, ut ad S perueniant. Quod idem non habet locum in
materia primi elementi: etsi enim in hoc consentiat cum particulis secundi, quod simul cum
ipsis gyrando, recedere conetur a centris uorticum in quibus continetur; in eo tamen
maxime dissentit, quod non opus sit ut quidquam de sua celeritate remittat, cum ab istis
centris recedit, quia ubique fere aequales inuenit uias, ad motus suos continuandos: nempe
in angustiis angulorum, qui a globulis secundi elementi non implentur. Quamobrem non
dubium est, quin materia ista primi elementi continuo fluat uersus S, per partes polis A et B
uicinas, non modo ex uorticibus K et L, sed etiam ex pluribus aliis, qui non exhibentur in
hac figura; quia non omnes in eodem plano sunt intelligendi, nec uerum eorum situm, nec
magnitudinem, nec numerum possum determinare. Non etiam dubium est, quin eadem
materia effluat ex S uersus uortices O et C, ac etiam uersus plures, sed quorum nec situm,
nec magnitudinem, nec numerum definio. Ut neque definio, an eadem illa materia ex O et C
statim reuertatur ad K et L, an potius digrediatur ad multos alios uortices, a primo coelo
remotiores, antequam circulum sui motus absoluat.
500
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
III, 71. Quelle est la raison de cette diversité.
Cf. Figure III-9. : Il convient en outre aussi de considérer que les globules
du deuxième élément qui s’enroulent autour du centre L, non seulement
ont la force de s’éloigner de ce centre, mais aussi de persévérer dans leur
vitesse ; et ces deux en quelque façon s’opposent l’un l’autre ; parce que
dans le même temps qu’elles tournent dans le tourbillon L, contenues entre
certaines limites par les autres tourbillons voisins qui doivent se
comprendre au-dessus et au-dessous du plan de cette figure, elles ne
peuvent pas se propager vers B sans se mouvoir plus lentement entre L et B
qu’entre L et les autres tourbillons voisins, compris en dehors du plan de
cette figure ; et assurément d’autant plus lentement que l’espace LB sera
plus grand. Car, puisqu’elles se meuvent circulairement, elles ne peuvent
pas mettre plus de temps pour passer de L à ces autres tourbillons, que de
L à B. Et pour cette raison la force qu’elles ont pour s’écarter du centre L,
fait certainement qu’elles se propagent quelque peu vers B, parce qu’elles
rencontrent à cet endroit les parties qui entourent le pôle du tourbillon S,
qui leur cèdent en réalité sans difficulté ; mais à l’opposé la force qu’elles
ont pour maintenir la vitesse de leur mouvement, empêche qu’elles se
propagent jusqu’au point de parvenir à S. Et cela n’a pas lieu dans la
matière du premier élément ; car même si celle-ci s’accorde avec les
globules du second en ce que, tournant ensemble avec ces globules, elle
s’efforce de s’écarter du centre des tourbillons dans lesquelles elles sont
contenues, elle discorde cependant au plus haut point en ce qu’il n’est pas
besoin que cette matière perde quelque chose de sa vitesse quand elle
s’écarte de ces centres parce qu’elle trouve partout des chemins presque
égaux pour continuer ses mouvements, à savoir vers les interstices des
recoins qui ne sont pas remplis par les globules du second élément. C’est
pourquoi il ne fait aucun doute que cette matière du premier élément afflue
continûment vers S à travers les parties voisines des pôles A et B, non
seulement à partir des tourbillons K et L, mais aussi d’un plus grand
nombre d’autres tourbillons qui ne sont pas montrés dans cette figure parce
qu’ils ne doivent pas tous être compris dans le même plan et que ne
peuvent se déterminer en vérité ni leur site, ni leur grandeur, ni leur
nombre. Il ne fait pas de doute non plus que la même matière efflue de S
vers les tourbillons O et C, et aussi vers un plus grand nombre d’autres
tourbillons, dont je ne définis ni le site, ni la grandeur, ni le nombre.
Comme je ne définis pas si cette même matière retourne aussitôt de O et C,
vers K et L, ou si elle se disperse plutôt vers de nombreux autres
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Troisième Partie. Du Monde Visible.
tourbillons plus éloignés du premier ciel, avant d’achever le cercle de son
mouvement.
502
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

III, 72. Quomodo moueatur materia, quae Solem componit.

Sed paulo diligentius est considerandum, quomodo ipsa moueatur in spatio d e f g. Nempe
illa eius pars, quae uenit ab A, recta pergit usque ad d, ubi globulis secundi elementi
occurrens, illos uersus B propellit; eodemque modo alia pars, quae uenit a B, recta pergit
usque ad f, ubi occurrit globulis secundi elementi, quos repellit uersus A. Et statim tam
quae est uersus d, quam quae uersus f, reflectitur in omnes partes uersus eclipticam e g,
omnesque globulos secundi elementi circumiacentes aequaliter pellit; ac denique per
meatus, qui sunt inter istos globulos circa eclipticam e g, uersus M et Y elabitur. Praeterea,
dum ista materia primi elementi proprio motu sic recta fertur ab A et B uersus d et f, fertur
etiam circulariter motu totius uorticis circa axem AB, adeo ut singula eius ramenta lineas
spirales, siue in modum cochleae contortas, describant; quae spirales postea, cum ad d et f
peruenerunt, inde utrimque reflectuntur uersus eclipticam eg. Et quia spatium defg maius
est quam meatus, per quos materia primi elementi in illud ingreditur, uel ex ipso egreditur,
idcirco semper ibi aliqua eius materiae pars manet, corpusque fluidissimum componit, quod
perpetuo circa axem fd se ipsum rotat.

III, 73. Varias esse inaequalitates in situ corporis Solis.

Notandumque est in primis, hoc corpus sphaericum esse debere. Quamuis enim ob
inaequalitatem uorticum non putandum sit, omnino aequalem copiam materiae primi
elementi summitti uersus S, a uorticibus uicinis unius poli atque a uicinis alterius; nec etiam
istos uortices ita esse sitos, ut materiam illam in partes directe oppositas mittant; nec alios
uortices, primum coelum uersus eius eclipticam tangentes, certum aliquem ipsius circulum,
qui pro ecliptica sumi possit, eodem modo respicere, materiamque ex S per omnes partes
istius circuli, aliasque ipsi uicinas egredientem, pari facilitate in se admittere: non tamen
inde ullae inaequalitates in figura Solis argui possunt, sed tantum in eius situ, motu et
quantitate. Nempe si uis materiae primi elementi, uenientis a polo A uersus S, maior sit
quam uenientis a polo B, illa quidem materia priusquam alterius occursu repelli possit,
503
Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 72. Comment se meut la matière qui compose le soleil.
Cf. Figure III-9. : Mais il faut considérer un peu plus précisément comment
cette matière se meut dans l’espace d e f g. à savoir que cette sienne partie
qui vient de A continue en droite ligne jusqu’à d, où rencontrant les
globules du second élément, elle les repousse vers B ; de même l’autre
partie qui vient de B continue en ligne droite jusqu’à f, où elle rencontre les
globules du second élément qu’elle repousse vers A. Et aussitôt, tant celle
qui est vers d que celle qui est vers f, sont réfléchies dans toutes les parties
vers l’écliptique e g, et poussent également tous les globules du second
élément environnant, et s’échappent à la fin vers M et Y, à travers les pores
qui sont entre ces globules autour de l’écliptique e g. En outre, dans le
même temps que cette matière du premier élément est ainsi portée en ligne
droite par son propre mouvement de A et B vers d et f, elle est aussi portée
circulairement par le mouvement du tourbillon tout entier autour de l’axe
AB, si bien que ses singuliers fragments décrivent des lignes spirales
autrement dit contournées à la manière d’un limaçon ; et ces spirales après
qu’elles sont parvenues à d et à f, de là sont réfléchies de part et d’autre
vers l’écliptique eg. Et parce que l’espace d e f g est plus grand que les
pores par lesquels la matière du premier élément entre en cet espace, ou en
sort, pour cela toujours quelque partie de cette matière demeure à cet
endroit, qui compose un corps très fluide qui s’enroule perpétuellement
autour de l’axe fd.
III, 73. Des inégalités variées se trouvent dans le site du soleil.
Cf. Figure III-9. : Il faut noter tout d’abord que ce corps doit être sphérique.
Quoiqu’il ne faille absolument pas penser, à cause de l’inégalité des
tourbillons, qu’une égale abondance de matière du premier élément
parvient à S depuis les tourbillons voisins d’un même pôle et de ceux
voisins de l’autre, ni non plus que ces tourbillons sont situés de telle façon
qu’ils projettent cette matière dans des parties directement opposées, ni que
les autres tourbillons, touchant le premier ciel près de son écliptique, se
tournent de la même manière vers un certain cercle de ce ciel qui pourrait
être pris pour l’écliptique et admettent en eux avec une même facilité la
matière qui sort de S à travers toutes les parties de ce cercle et des parties
qui lui sont voisines ; néanmoins, de là aucune inégalité ne peut être
imputée à la figure du soleil, mais seulement à son site, son mouvement et
sa quantité. Si la force, n’est-ce pas, de la matière du premier élément
venant du pôle A et se dirigeant vers S, est plus grande que celle venant du
504
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
pôle B, cette matière assurément avant de pouvoir être repoussée par la
rencontre avec l’autre,
505
Troisième Partie. Du Monde Visible.

longius progredietur uersus B, quam haec altera uersus A; sed ita longius progrediendo,
eius uis minuetur; ac iuxta leges naturae, se mutuo tandem ambae repellent illo in loco, in
quo earum uires erunt inter se plane aequales, atque ibi corpus Solis constituent: quod
proinde remotius erit a polo A, quam a polo B. Sed non maiori ui pellentur globuli secundi
elementi, in eius circumferentiae parte d, quam in parte f, nec ideo circumferentia ista
minus erit rotunda. Item, si materia primi elementi facilius egrediatur ex S uersus O, quam
uersus C (illic scilicet liberius spatium inueniendo), hoc ipso corpus S nonnihil accedet
uersus O, et isto accessu spatium interiectum minuendo, ibi tandem sistetur, ubi uis erit
utrimque aequalis. Atque ita, quamuis ad solos quatuor uortices L, C, K, O, respiceremus,
modo tantum eos supponamus esse inter se inaequales, inde sequitur, Solem S, nec in spatio
medio inter O et C, nec etiam in medio inter L et K, esse debere. Maiorque adhuc in eius
situ inaequalitas potest intelligi ex eo, quod alii plures uortices ipsum circumstent.

III, 74. Varias etiam esse in eius materiae motu.

Praeterea, si materia primi elementi, ueniens ex uorticibus K et L, non secundum lineas tam
rectas feratur uersus S, quam uersus alias aliquas partes, exempli causa, quae uenit ex K
uersus e, quae autem ex L uersus g: hinc fiet ut poli fd, circa quos tota Solis materia
uertetur, non sint in lineis rectis a K et L ad S ductis, sed Australis f aliquanto magis uersus
e accedat, et Borealis d uersus g. Item, si linea recta SM, per quam materia primi elementi
facillime egreditur ab S uersus C, transeat per punctum circumferentiae fed, uicinius puncto
d quam puncto f; ac linea SY, per quam ista materia praecipue tendit ab S uersus O,
transeat per punctum circumferentiae fgd, uicinius puncto f quam puncto d: hinc fiet ut e g
Solis ecliptica, siue planum in quo mouetur illa eius materia, quae maximum circulum
describit, paulo magis inclinetur a parte e uersus polum d, quam uersus polum f, sed tamen
non tantum quam linea recta SM; atque ex parte g magis inclinetur uersus f quam uersus d,
sed etiam non tantum quam recta SY. Unde sequetur axem, circa quem tota Solis materia
uertitur, et cuius extremitates sunt poli fd, non esse lineam accurate rectam,
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
progressera plus loin vers B que cette autre vers A ; mais progressant ainsi
plus loin, sa force diminuera ; et conformément aux lois de la nature, les
deux à la fin se repousseront l’une l’autre en ce lieu où leurs forces sont
entre elles parfaitement égales, et constituent à cet endroit le corps du soleil
qui par suite sera plus éloigné du pôle A que du pôle B. Mais les globules
du second élément ne seront pas repoussés par une force plus grande, dans
la partie de sa circonférence d, que dans la partie f, et cette circonférence ne
sera pas moins ronde pour cela. De même si la matière du premier élément
sort plus facilement de S vers O, que vers C (y trouvant évidemment un
espace plus libre), le corps S s’approchera quelque peu de O, et, diminuant
par cet accès l’espace intercalé, s’arrêtera finalement à cet endroit où la
force sera égale de part et d’autre. Et ainsi même si nous regardons les seuls
quatre tourbillons L, C, K, O, pourvu que nous les supposions seulement
être inégaux entre eux, de là suit que le soleil S, ne doit être ni au milieu de
l’espace OC, ni non plus au milieu de LK. Et une plus grande inégalité peut
encore être comprise en ce site de ce qu’un plus grand nombre d’autres
tourbillons l’entourent en réalité.
III, 74. Des inégalités variées se trouvent aussi, par le mouvement, dans
cette matière.
Cf. Figure III-9. : En outre, si la matière du premier élément venant des
tourbillons K et L n’est pas portée selon des lignes aussi droites que vers
certaines autres parties - par exemple la matière qui vient de K vers e, et de
L vers g - de là se fera que les pôles f d, autour desquels tourne la totalité
de la matière du soleil ne sont pas sur les lignes droites menées de K et L
vers S, mais le pôle austral f s’approche un peu plus de e et le boréal d, un
peu plus de g. De même si la ligne droite SM par laquelle la matière du
premier élément sort très facilement de S vers C, passe par un point de la
circonférence fed, plus proche du point d que du point f, et que la ligne SY
par laquelle cette matière tend principalement de S vers O, passe par un
point de la circonférence fgd, plus proche du point f que du point d, de là
se fera que l’écliptique eg du soleil, autrement dit le plan dans lequel se
meut cette sienne matière qui décrit le cercle le plus grand, sera, depuis la
partie e, un peu plus inclinée vers le pôle d, que vers le pôle f, mais pas
autant toutefois que la ligne droite SM, et sera, depuis la partie g, un peu
plus inclinée vers f que vers d, mais là encore pas autant que la droite SY.
D’où suivra que l’axe autour duquel tourne la totalité de la matière du
soleil, et dont les extrémités sont les pôles fd, n’est pas parfaitement droit
mais
507
Troisième Partie. Du Monde Visible.
508
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

sed nonnihil curuam siue inflexam; materiamque istam aliquanto celerius gyrare inter e et
d, uel inter f et g, quam inter e et f, uel d et g; ac forte etiam, non omnino aequali celeritate
gyrare inter e et d, atque inter f et g.

III, 75. Eas tamen non impedire ne eius figura sit rotunda.

Quod tamen non potest impedire, ne ipsius corpus sit quam-proxime rotundum: quia
interim alius eius motus, a polis uersus eclipticam, inaequalitates istas compensat.
Eademque ratione, qua uidemus ampullam uitream ex eo solo fieri rotundam, quod aër in
eius materiam igne liquefactam per tubum ferreum immittatur; quia nempe iste aër non
maiori ui ab ampullae orificio in eius fundum tendit, quam inde in omnes alias partes
reflectitur, et aeque facile illas omnes pellit: ita materia primi elementi, corpus Solis per
eius polos ingressa, debet omnes globulos secundi elementi circumiacentes, aequaliter
undequaque repellere; non minus illos in quos oblique tantum reflectitur, quam illos in quos
directe impingit.

III, 76. De motu primi elementi, dum uersatur inter globulos secundi.

Notandum deinde materiam istam primi elementi, quamdiu uersatur inter globulos secundi,
habere quidem motum rectum, a polis AB ad Solem, et a Sole ad eclipticam YM, ac
circularem circa polos toti coelo AMBY communem; sed praeterea etiam, maximam et
praecipuam partem suae agitationis impendere in minutiarum suarum figuris assidue
mutandis, ut omnes exiguos angulos, per quos transit, accurate possit implere. Unde fit, ut
eius uis, ualde diuisa, debilior sit; ac singulae eius minutiae motibus globulorum secundi
elementi sibi uicinorum obsequantur, semperque paratae sint ad exeundum ex illis
angustiis, in quibus ad tam obliquos motus coguntur, atque ad recta pergendum uersus
quascumque partes. Eam autem materiam, quae est in corpore Solis coaceruata, ualde
multum uirium ibi habere, propter consensum suarum omnium partium in eosdem
celerrimos motus, omnesque illas suas uires impendere in globulis secundi elementi
circumiacentibus hinc inde propellendis.
509
Troisième Partie. Du Monde Visible.
quelque peu courbe autrement dit infléchi ; et cette matière tournera un
peu plus vite entre e et d, ou entre f et g, qu’entre e et f, ou d et g ; et aussi
ne tournera peut-être pas avec une vitesse tout à fait égale entre e et d, et
entre f et g.
III, 75. Ces inégalités toutefois n’empêchent pas que sa figure soit ronde.
Et cela pourtant ne peut pas empêcher que son propre corps soit aussi
proche que possible d’être rond ; parce qu’un autre sien mouvement, des
pôles vers l’écliptique, compense ces inégalités. Et de la même façon que
nous voyons un flacon de verre se faire rond de cela seul que de l’air est
soufflé à travers un tube en fer dans sa matière liquéfiée par le feu, parce
que cet air, n’est-ce pas, ne se répand pas de l’orifice du flacon vers son
fond, avec une force plus grande qu’il ne se réfléchit de là dans toutes les
autres parties, et ainsi les pousse toutes aussi facilement, de même la
matière du premier élément entrée dans le corps du soleil par ses pôles doit
repousser pareillement de toute part tous les globules environnants du
deuxième élément ; pas moins ceux dans lesquels elle est réfléchie
obliquement, que ceux qu’elle frappe directement.
III, 76. Du mouvement du premier élément pendant qu’il se trouve entre les
globules du second.
Cf. Figure III-9. : Il faut noter ensuite qu’aussi longtemps que cette matière
du premier élément se trouve entre les globules du second, elle a
assurément un mouvement rectiligne du pôle AB vers le soleil, et du soleil
vers l’écliptique YM, et un mouvement circulaire autour des pôles commun
à la totalité du ciel AMBY ; mais en outre aussi, elle emploie la plus grande
et principale partie de son agitation, pour changer continuellement les
figures de ses fines poussières, de façon à remplir tous les recoins exigus
par lesquels elle transite. D’où se fait que sa force très fortement divisée est
plus faible ; et que toutes ses poussières se règlent sur les mouvements des
globules du second élément qui leur sont voisins et sont toujours prêtes à
sortir de ces recoins dans lesquels elles sont contraintes à des mouvements
extrêmement obliques et à continuer en ligne droite vers des parties
quelconques. Cette matière cependant qui s’entasse dans le corps du soleil,
a énormément de forces à cet endroit, pour la raison que toutes ses parties
s’accordent dans les mêmes mouvements très rapides, et qu’elle emploie
ses forces ensuite pour propulser de ci et de là les globules environnants du
second élément.
510
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

III, 77. Quomodo Solis lumen non modo uersus Eclipticam, sed etiam uersus polos se
diffundat.

Atque ex his potest intelligi, quantum materia primi elementi conferat ad illam actionem, in
qua lucem consistere ante monuimus; et quomodo illa actio non modo uersus eclipticam,
sed etiam uersus polos in omnes partes se diffundat. Nam primo, si putemus esse aliquod
spatium in H, sola materia primi elementi repletum, et tamen satis magnum ad unum aut
plures ex globulis secundi recipiendos, non dubium est quin, uno et eodem temporis
momento, globuli omnes contenti in cono dHf, cuius basis est concauum hemisphaerium
def, uersus illud accedant.

III, 78. Quomodo uersus Eclipticam se diffundat.

Iamque id supra ostensum est de globulis contentis in triangulo, cuius basis erat
semicirculus eclipticae solaris, quamuis nondum ulla actio primi elementi spectaretur; sed
nunc hoc ipsum de iisdem, simulque etiam de reliquis in toto cono contentis, huius primi
elementi ope clarius patebit. Ea enim eius pars, quae corpus Solis componit, tam globulos
secundi elementi qui sunt uersus eclipticam e, quam etiam eos qui sunt uersus polos d, f, ac
denique omnes qui sunt in cono dHf, uersus H propellit; neque enim ipsa maiori ui mouetur
uersus e, quam uersus d et f, aliasque partes intermedias: illa uero quae iam supponitur esse
in H, tendit uersus C, unde per K et L uersus S tanquam in circulum regrediatur. Ideoque
non impedit ne globuli isti ad H accedant, et eorum accessu spatium quod prius ibi erat,
corpori Solis accrescat, impleaturque materia primi elementi, a centris K, L, et similibus eo
confluente.

III, 79. Quam facile ad motum unius exigui corporis, alia quammaxime ab eo remota
moueantur.

Quin ipsa potius ad hoc iuuat; cum enim omnis motus tendat in lineam rectam, materia
maxime agitata in H existens, magis propendet ad inde egrediendum quam ad remanendum:
quo enim spatium in quo uersatur est angustius, eo magis inflectere cogitur suos motus.
511
Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 77. Comment la lumière du soleil se diffuse non seulement vers
l’écliptique mais aussi vers les pôles.
Cf. Figure III-9. : Et de là peut se comprendre combien la matière du
premier élément contribue à cette action dont nous avons averti auparavant
consister la lumière, et comment cette action se diffuse dans toutes les
parties, non seulement vers l’écliptique, mais aussi vers les pôles. Car
premièrement, si nous pensons que se trouve quelque espace en H, rempli
de la seule matière du premier élément et néanmoins assez grand pour
recueillir un, ou un plus grand nombre de globules, il ne fait aucun doute
que dans un seul et même moment de temps, tous les globules contenus
dans le cône dHf, dont la base est l’hémisphère concave def, avancent vers
lui.
III, 78. Comment cette lumière se diffuse vers l’écliptique.
Cf. Figure III-9. : Et cela a déjà été montré ci-dessus sur les globules
contenus dans le triangle dont la base était l’écliptique semi circulaire du
soleil, même si encore nulle action du premier élément n’était prise en
considération ; mais maintenant cela même, de ces mêmes globules et en
même temps aussi des autres contenus dans le cône tout entier, sera
accessible plus clairement au moyen de ce premier élément. Car cette partie
de cet élément qui compose le corps du soleil, propulse vers H, tant les
globules du second élément qui sont vers l’écliptique e, que ceux aussi qui
sont vers les pôles d, f et enfin toutes ceux qui sont dans le cône dHf ; et
elle-même n’est pas mue par une force plus grande vers e, que vers d et f ,
et que les autres parties intermédiaires ; celle en vérité qui est maintenant
supposée être en H, tend vers C, d’où elle revient vers S comme dans un
cercle, par K et L. À ce point elle n’empêche pas que ces globules s’avancent
vers H, et l’espace qui était là auparavant, par leur accès se remplit de la
matière du premier élément qui conflue à cet endroit depuis les centres K,
L, et semblables, et accroît le corps du soleil.
III, 79. Combien facilement à l’approche du mouvement d’un même corps
exigu, se meuvent d’autres corps extrêmement éloignés de lui.
Cf. Figure III-9. : Bien plus, cette matière y aide plutôt ; comme en effet, tout
mouvement tend vers la ligne droite, la matière extrêmement agitée
existant en H, a une plus forte propension à sortir de là qu’à y rester ; car
plus l’espace dans lequel se trouve cette matière est étroit plus elle s’efforce
d’infléchir son
512
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

Et idcirco minime mirum esse debet, quod saepe, ad motum alicuius minutissimi corporis,
alia corpora, per quantumuis magna spatia diffusa, simul moueantur; nec proinde etiam, cur
non tantum Solis, sed et Stellarum quam-maxime remotarum, actio ad terram usque in
minimo temporis momento perueniat.

III, 80. Quomodo lumen Solis tendat uersus polos.

Si deinde putemus spatium N sola materia primi elementi plenum esse, facile intelligemus
omnes globulos secundi, qui continentur in cono gNe, a materia primi, quae, in Sole
existens, a d uersus f, simulque uersus totum hemisphaerium e f g, magna ui mouetur, eo
uersus pelli debere, quamuis ex se ipsis nullam forte habeant propensionem ad istum
motum; neque enim etiam ei repugnant, ut neque materia primi elementi, quae est in N; ipsa
enim paratissima est ad eundum uersus S, ibique spatium implendum, quod, ex eo quod
globuli hemisphaerii concaui efg uersus N ferentur, corpori Solis accrescet. Nec ulla est
difficultas, quod, uno et eodem tempore, globuli secundi elementi ab S uersus N, et materia
primi ab N uersus S, tanquam motibus contrariis debeant ferri: cum enim haec materia
primi non transeat nisi per illa angustissima interualla, quae globuli secundi non replent,
eius motus ab ipsis non impeditur; ut neque uidemus in illis horologiis, quibus
clepsydrarum loco nunc utimur, arenam ex uase superiori descendentem impedire
quominus aër ex inferiori per interstitia eius granulorum adscendat.

III, 81. An aequalis sit eius uis in polis et in ecliptica.

Quaeri tantum potest, an tanta ui pellantur globuli contenti in cono eN g uersus N, a sola
materia Solis, quam globuli fHd uersus H ab eadem materia Solis, ac simul a proprio motu;
quod non uidetur, si H et N ab S aequidistent. Sed quemadmodum, ut iam notatum est,
minor est distantia uersus polos, inter Solem et circumferentiam coeli quod illum ambit,
quam uersus eclipticam: ita tunc ad summum illa uis esse potest aequalis, cum eadem est
proportio inter lineas HS et NS, quae est inter MS et AS. Unumque tantum habemus in
natura phaenomenum,
513
Troisième Partie. Du Monde Visible.
mouvement. Et pour cela il faut le moins du monde s’étonner, que souvent,
à l’approche du mouvement d’un certain corps très menu, d’autres corps se
meuvent en même temps à travers des espaces diffus aussi grands que l’on
voudra ; et par suite aussi, pourquoi l’action, non seulement du soleil mais
aussi des étoiles extrêmement éloignées, parvient jusqu’à la terre en un
minimum de temps.
III, 80. Comment la lumière du soleil tend vers les pôles.
Cf. Figure III-9. : Si ensuite nous pensons l’espace N être plein de la seule
matière du premier élément, facilement nous comprendrons que tous les
globules du second qui sont contenus dans le cône gNe, doivent être
poussés par la matière du premier qui existe dans le soleil et se meut avec
une grande force de a vers f , et en même temps vers l’hémisphère efg tout
entier, même si par eux-mêmes ils n’ont peut-être aucune propension à ce
mouvement ; ils ne s’opposent en effet pas à ce mouvement, comme non
plus à la matière du premier élément qui est en N, car celle-ci même est très
disposée à aller vers S, et à remplir à cet endroit l’espace qui, de ce que les
globules de l’hémisphère concave efg sont portés vers N, accroît le corps du
soleil. Et il n'y a aucune difficulté à ce qu’en un seul et même temps, les
globules du second élément doivent se porter, comme par des mouvements
contraires, de S vers N, et la matière du premier de N vers S : comme cette
matière en effet ne passe qu’à travers ces intervalles très étroits qui ne sont
pas remplis par les globules du second, son mouvement ne peut pas être
empêché par ces derniers précisément ; comme nous voyons le sable dans
ces horloges que nous utilisons aujourd’hui à la place des clepsydres,
quand il tombe depuis le vase supérieur, ne pas être empêché par l’air qui
remonte du vase inférieur à travers les interstices des grains de sable du
sablier.
III, 81. Si sa force est égale aux pôles et à l’écliptique.
Cf. Figure III-9. : On peut seulement se demander si les globules contenus
dans le cône eNg sont poussés avec autant de force par la seule matière du
soleil que sont poussés, par cette même matière du soleil, les globules fHd,
vers H, et en même temps par leur propre mouvement ; ce qui ne semble
pas évident si H, et N sont équidistants de S. Mais puisque la distance,
comme cela a déjà été noté, entre le soleil et la circonférence du ciel qui
l’entoure est plus petite vers les pôles, que vers l’écliptique, alors ainsi cette
force peut être au plus haut point égale quand le rapport entre les lignes HS
et NS est le même qu’entre MS et AS. Et nous avons seulement un
phénomène dans
514
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
515
Troisième Partie. Du Monde Visible.

ex quo eius rei experimentum capi possit: nempe, cum forte aliquis Cometa tantam coeli
partem pererrat, ut primo uisus in ecliptica, uideatur deinde uersus unum ex polis, ac postea
rursus in ecliptica; tunc enim habita ratione eius distantiae, potest aestimari, an eius lumen
(quod a Sole esse infra ostendam), caeteris paribus, maius appareat uersus eclipticam quam
uersus polum.

III, 82. Globulos secundi elementi Soli uicinos minores esse, ac celerius moueri quam
remotiores, usque ad certam distantiam, ultra quam sunt omnes magnitudine aequales, et
eo celerius mouentur, quo sunt a Sole remotiores.

Superest adhuc notandum, circa globulos secundi elementi, eos qui proximi sunt centro
cuiusque uorticis, minores esse ac celerius moueri, quam illos qui paulo magis ab eo
distant, idque usque ad certum terminum, ultra quem superiores inferioribus celerius
mouentur, et quantum ad magnitudinem, sunt aequales. Ut hic, exempli causa, in primo
coelo putandum est, omnium minutissimos globulos secundi elementi esse iuxta
superficiem Solis defg, et paulo remotiores gradatim esse maiores, usque ad superficiem
sphaeroidis HNQR, ultra quam omnes sunt aequales; atque illos qui sunt in hac superficie
HNQR, omnium tardissime moueri; adeo ut forte globuli H, Q, triginta annos uel etiam
plures impendant in absoluendo uno circuitu circa polos A, B, superiores autem uersus M et
Y, itemque inferiores uersus e et g celerius moueantur, et tam supremi quam infimi,
circuitus suos intra paucas hebdomadas absoluant.

III, 83. Cur remotissimi celerius moueantur quam aliquanto minus remoti.

Et primo quidem, quod superiores uersus M et Y celerius ferri debeant, quam inferiores
uersus H et Q, facile demonstratur. Ex eo enim quod supposuerimus, omnes in principio
fuisse magnitudine aequales (ut par fuit, quia nullum habuimus ipsarum inaequalitatis
argumentum), et quod spatium in quo tanquam in uortice circulariter aguntur, non sit
accurate rotundum; tum quia alii uortices circumiacentes non sunt aequales, tum etiam quia
illud debet esse angustius, e regione centri
516
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
la nature d’où l’expérience de cette chose peut être saisie, n’est-ce pas,
quand à l’occasion quelque comète visite telle partie du ciel qu’elle semble
être vue d’abord dans l’écliptique, puis vers l’un des pôles et ensuite à
nouveau dans l’écliptique ; alors en effet, en tenant compte de sa distance,
peut être estimé que sa lumière (que je montrerai plus loin venir du soleil),
apparaît, le reste étant égal, plus intense vers l’écliptique que vers le pôle.
III, 82. Les globules du second élément proches du soleil sont plus petits et
se meuvent plus vite que les plus éloignés jusqu’à une certaine distance au-
delà de laquelle ils sont tous d’égale grandeur, et ils se meuvent d’autant
plus vite qu’ils sont plus éloignés du soleil.
Cf. Figure III-9. : Il reste encore qu’il faut noter, sur les globules du second
élément, que ceux qui sont les plus proches du centre de chaque tourbillon
sont plus petits et se meuvent plus vite que ceux qui sont quelque peu plus
distants de ce centre, et cela jusqu’à une certaine limite au-delà de laquelle
ceux du dessus se meuvent plus vite que ceux d’en dessous et sont égaux
quant à la grandeur. Comme ici par exemple, dans le premier ciel il faut
penser que les plus petits de tous les globules du second élément sont sur la
surface du soleil defg, et les plus éloignés sont graduellement plus grands
jusqu’à la surface du sphéroïde HNQR, au-delà de laquelle tous sont
égaux ; et ceux qui sont sur cette surface HNQR, se meuvent le plus
lentement de tous ; si bien que les globules H, Q, emploient peut-être trente
années ou même plus pour achever un même circuit autour des pôles A, B,
cependant que ceux du dessus vers M et Y, et de même ceux du dessous
vers e et g, se meuvent plus vite et, que tant ceux du dessus que ceux du
dessous, achèvent leurs circuits en peu de semaines.
III, 83. Pourquoi les plus éloignés se meuvent plus vite que ceux
passablement moins éloignés.
Et en premier est facilement démontré que ceux du dessus doivent être
emportés plus vite vers M et Y, que ceux du dessous vers H et Q. Car de ce
que nous avons supposé que tous au commencement étaient égaux en
grandeur (comme il était juste, parce que nous ne tenions en réalité aucun
argument de leur inégalité), et que l’espace dans lequel ils se meuvent,
comme dans un tourbillon, n’est pas tout à fait rond, d’une part parce que
les autres tourbillons adjacents tout autour ne sont pas égaux, et d’autre
part aussi parce qu’il doit être plus étroit dans la région du centre de
chacun de
517
Troisième Partie. Du Monde Visible.
cuiusque ex istis uorticibus uicinis, quam e regione aliarum eius partium: necesse est ut
aliquando quaedam ex ipsis celerius quam aliae moueantur, cum nempe ordinem debent
mutare, ut ex uia latiori transeant in angustiorem.
Fig. III-10.
Sic, exempli causa,
duo globi qui sunt
inter puncta A et B,
non possunt transire
inter duo uiciniora
C et D, nisi unus
alium praecedat; et
manifestum est eum
qui praecedit, altero
celerius moueri.
Deinde, quia omnes
globuli primi coeli
tota sua ui recedere
conantur a centro S,
statim atque aliquis
ex ipsis celerius
quam uicini
mouetur, ille, hoc
ipso maiorem habens uim, magis a centro illo recedit; et ita semper superiores illi sunt qui
celerius mouentur. Quanta autem sit ista eorum celeritas, sola experientia docere potest;
nullamque habemus eius experientiam, nisi in Cometis, quos ex uno coelo in aliud migrare
infra ostendam; ut neque possumus determinare tarditatem circuli HQ, nisi ex motu Saturni,
quem in illo uel infra illum esse demonstrabo.
III, 84. Cur solis proximi celerius etiam ferantur, quam paulo remotiores.
Quod uero, infra terminum HQ, globuli propiores centro S celerius circulum suum
absoluant quam remotiores, probatur ex circumuolutione materiae solaris, omnem illam
coeli partem sibi uicinam secum rapientis: neque enim potest dubitari, cum ipsa sit
celerrime agitata, et semper aliquid sui per angustos meatus, qui sunt inter globulos secundi
elementi, uersus eclipticam emittat et uersus polos recipiat, quin habeat uim secum rapiendi
globulos istos usque ad certam distantiam. Huiusque distantiae terminum designamus
ellipsi HNQR, non circulo: quamuis enim Sol sit sphaericus, ac non minori ui pellat
materiam coeli circumiacentem uersus polos quam uersus eclipticam, illa actione in qua
eius lucem consistere diximus, non potest tamen idem intelligi de hac altera actione, qua
istam coeli materiam secum in orbem rapit, quia pendet a solo eius motu circulari circa
suum axem; qui motus procul dubio
518
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
ces tourbillons voisins que dans la région de leurs autres parties, il est
nécessaire que parfois certains de ces globules se meuvent plus vite que
d’autres, à savoir quand ils doivent changer de rang, pour passer d’un
espace plus large, dans un plus étroit.
Figure III-10.
Ainsi par exemple le deux globules qui sont entre les points A et B ne
peuvent pas passer entre les deux plus proches C et D, à moins que l’un ne
précède l’autre ; et il est manifeste que celui qui précède se meut plus vite
que l’autre. Ensuite, parce que tous les globules du premier ciel s’efforcent
de s’écarter de toute leur force du centre S, aussitôt que l’un d’eux
justement se meut plus vite que ses voisins, par cela même qu’il tient une
force plus grande, il s’écarte plus de ce centre ; et ainsi ce sont toujours ceux
du dessus qui se meuvent le plus vite. De combien toutefois est cette vitesse
de ces corpuscules, seule l’expérience peut l’enseigner ; et nous n’avons
aucune expérience sinon dans les comètes, que je montrerai plus loin,
migrer d’un même ciel dans un autre ; comme nous ne pouvons pas non
plus déterminer la lenteur du cercle HQ, sinon par le mouvement de
Saturne que je démontrerai être dans, ou au-dessous de ce cercle.
III, 84. Pourquoi les plus proches du soleil sont portés aussi plus vite que
ceux qui sont un peu plus éloignés.
Mais qu’en dessous de la limite HQ, les globules plus proches du centre S
achèvent leur cercle plus vite que ceux plus éloignés, est prouvé par la
circonvolution de la matière solaire, emportant avec elle toute cette partie
du ciel qui lui est proche ; et, quand cette matière même, est agitée très
vivement, et qu’elle éjecte toujours vers l’écliptique et reçoit vers les pôles,
quelque chose d’elle-même à travers les pores très étroits qui se trouvent
entre les globules du second élément, ne peut pas être mis en doute qu’elle
a avec elle la force d’emporter ces globules jusqu’à une certaine distance. La
limite de cette distance, nous la désignons l’ellipse HNQR et non un cercle,
car bien que le soleil soit sphérique, et ne pousse pas la matière du ciel qui
l’encercle d’une force moindre vers les pôles que vers l’écliptique par cette
action en laquelle nous disons consister sa lumière, on ne peut cependant
pas comprendre la même chose de cette autre action par laquelle il emporte
avec lui en orbite cette matière du ciel, parce qu’elle dépend de son seul
mouvement circulaire autour de son axe ; mouvement qui, sans nul doute,
519
Troisième Partie. Du Monde Visible.

potentior est in ecliptica, quam uersus polos; et ideo hic H et Q magis distare debent ab S,
quam N et R. Atque hinc infra ratio reddetur, cur Cometarum caudae aliquando rectae,
aliquando curuae appareant.

III, 85. Cur iidem Solis proximi, sint remotioribus minores.

Cum autem hic, intra terminum HQ, inferiores globuli materiae coelestis celerius
moueantur quam superiores, debent etiam esse minores; si enim essent maiores uel
aequales, hoc ipso haberent plus uirium, ideoque superiores euaderent. Sed ubi semel
contingit, aliquem tanto esse minorem iis qui supra ipsum sunt, ut magis ab iis magnitudine
superetur, quam illos celeritate superet, semper postea illis inferior manere debet. Etsi uero
globulos istos in principio quam accuratissime aequales a Deo factos fuisse supponamus,
fieri tamen non potuit, lapsu temporis, ob inaequalitatem spatiorum quae percurrunt, et
inaequalitatem eorum motus inde ortam, ut paulo ante demonstratum est, quin aliqui aliis
minores euaderent, iique essent satis multi ad spatium HNQR implendum. Neque enim
consideramus hoc spatium, cum magnitudine totius uorticis AYBM comparatum, nisi
tanquam admodum paruum; ut etiam magnitudo Solis, ad ipsum comparata, perexigua est
intelligenda; quamuis ista eorum proportio non potuerit hic in figura exhiberi, quia nimis
uasta esse debuisset. Notandum etiam est uarias esse alias inaequalitates in motibus partium
coeli, praesertim earum quae sunt inter S et H uel Q, de quibus paulo post commodius
agetur.

III, 86. Globulos secundi elementi uariis modis simul moueri, quo fit ut plane sphaerici
reddantur.

Denique non est omittendum, materiam primi elementi, uenientem ex uorticibus K,L, et
similibus, praecipue quidem ferri uersus Solem, sed plurimas tamen etiam eius partes per
totum uorticem AYBM dispergi, atque inde ad alios C, O, et similes transire, ac fluendo
circa globulos secundi elementi, efficere ut ipsi tum circa propria centra, tum forte etiam
aliis modis moueantur. Cumque sic isti globuli non una tantum ratione,
520
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
est plus fort sur l’écliptique que vers les pôles ; et pour cela ici H et Q,
doivent être plus distants de S, que N et R. Et de là, pourquoi les queues
des comètes apparaissent parfois droites, parfois courbes ; la raison en sera
rendue plus loin.
III, 85. Pourquoi ces mêmes globules les plus proches du soleil sont plus
petits que les plus éloignés.
Comme toutefois ici en dessous de la limite HQ, les globules les plus bas de
la matière céleste se meuvent plus vite que les plus hauts, ils doivent aussi
être plus petits ; car s’ils étaient plus grands ou de taille égale, par cela
même ils auraient plus de forces, et pour cela finiraient par venir les plus
hauts. Mais une fois qu’il arrive que l’un d’eux est plus petit que ceux qui
sont en dessous de lui à tel point qu’il est plus surpassé par eux en
grandeur qu’il ne les surpasse en vitesse, il doit ensuite toujours rester au-
dessous d’eux. Même en vérité si nous supposons que du commencement
ces globules ont été faits le plus exactement possible égaux par Dieu, il n’a
pas pu se faire cependant, par le glissement du temps, à cause de l’inégalité
des espaces qu’ils parcourent, et de l’inégalité de leurs mouvements qui en
naît, comme il a été démontré peu auparavant, que certains ne finissent par
devenir plus petits que les autres et être assez nombreux pour remplir
l’espace HNQR. Et nous ne considérons en effet cet espace, comparé à la
grandeur du tourbillon AYBM tout entier, que comme extrêmement petit ;
comme aussi doit être comprise extrêmement exiguë, comparée à lui
précisément, la grandeur du soleil ; même si cette leur proportion n’a pas
pu être représentée dans la figure parce que la figure devrait être trop
grande. Il faut noter encore qu’il y a d’autres diverses inégalités, dans les
mouvements des parties du ciel, particulièrement de celles qui sont entre S
et H ou Q, dont il sera traité plus commodément sous peu.
III, 86. Les globules du second élément se meuvent ensemble de manières
variées, d’où se fait qu’ils se rendent parfaitement sphériques.
Mais il ne faut pas omettre que la matière du premier élément venant des
tourbillons K, L et semblables, se porte principalement vers le soleil, mais
qu’à la fin un plus grand nombre de parties aussi se dispersent à travers le
tourbillon AYBM tout entier, et de là passent vers les autres C, O, et
semblables, et autour, des globules du second élément affluant, font
qu’eux-mêmes se meuvent tantôt autour de leurs propres centres, tantôt
peut-être aussi d’autres manières. Et ainsi comme ces globules sont agités
non d’une
521
Troisième Partie. Du Monde Visible.
sed multis diuersis eodem tempore agitentur, hinc clare percipitur ipsos, cuiuscumque
figurae fuerint in principio, nunc debere esse plane sphaericos, non instar cylindri, aut
cuiusuis sphaeroidis, una tantum ex parte rotundos.
III, 87. Varios esse gradus celeritatis in minutiis primi elementi.
Postquam autem naturam primi et secundi elementi sic utcumque explicuimus, ut tandem
de tertio agere possimus, considerandum est, materiam primi non esse aequaliter agitatam
secundum omnes suas minutias, sed saepe in perexigua eius quantitate innumeros reperiri
diuersos gradus celeritatis. Quod perfacile demonstratur, tum ex modo quo eius
generationem supra descripsimus, tum etiam ex continuo eius usu: finximus enim eam
genitam esse ex eo, quod particulae secundi elementi, nondum sphaericae, sed angulosae,
ac totum spatium in quo erant implentes, moueri non potuerint, quin earum anguli
attererentur, ac minutiae, ab iis attritu isto separatae, figuras suas diuersimode mutarent, pro
ratione diuersi loci occupandi, sicque primi elementi formam assumerent; nuncque adhuc
eodem modo putamus, illud primum elementum inseruire implendis omnibus spatiorum
angustiis, quae circa alia corpora reperiuntur. Unde manifestum est unasquasque ex eius
minutiis maiores initio non fuisse quam anguli particularum ex quibus exscindebantur; siue
quam spatium, quod tres globuli, se mutuo contingentes, in medio sui relinquunt; atque ideo
quasdam ex ipsis plane
indiuisas manere potuisse,
dum aliae interim
egredientes ex angustis
spatiis, quorum figura
mutabatur magis et magis,
indefinite diuidi
debuerunt.
Sint, exempli causa, tres
globuli A, B, C, quorum
duo primi A et B, se
mutuo tangentes in G,
circa propria centra tantum
uertantur, dum interim
tertius C, tangens primum
in E, uoluetur supra ipsum
ab E uersus I, donec
puncto D tangat secundum
in puncto F: manifestum
est materiam primi
elementi, quae continetur
in spatio triangulari FGI,
siue ex pluribus ramentis
constet, siue tantum ex
uno, posse interim manere
immotam;
Fig. III-11.
522
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
523
Troisième Partie. Du Monde Visible.
seule façon mais de diverses manières dans le même temps, de là est
clairement perçu que ceux-ci mêmes, quelle qu’ait été leur figure au
commencement, doivent être maintenant entièrement sphériques, non
ronds en partie seulement comme des cylindres ou des sphéroïdes
quelconques,.
III, 87. Les degrés de vitesse dans les poussières du premier élément, sont
variés.
Et après avoir en quelque manière expliqué la nature du premier et du
second élément, il faut pour enfin pouvoir traiter du troisième, considérer
que la matière du premier n’est pas agitée pareillement selon toutes ses
fines poussières, mais que souvent se retrouvent, dans une très petite
quantité de cette matière, d’innombrables degrés de vitesse différents. Ce
qui est très facilement démontré tant par la manière dont nous avons décrit
ci-dessus sa production, tant aussi par son usage continu ; nous nous
sommes figurés en effet que cette matière était engendrée de ce que les
particules du second élément, n’étant pas encore sphériques mais
anguleuses, et l’espace tout entier dans lequel elles se trouvaient étant
plein, elles ne pouvaient pas se mouvoir sans raboter leurs angles ; et les
poussières séparés de ces particules par ce rabotage, changeaient leurs
figures de différentes manières selon les différents lieux devant être
occupés, et assuraient ainsi la forme du premier élément ; et maintenant
encore, de la même manière, nous pensons que ce premier élément sert à
remplir tous les interstices des espaces qui se trouvent autour des autres
corps. D’où est manifeste que toutes ses poussières n’ont pas été plus
grandes, au commencement, que les angles des particules d’où elles se
fragmentaient ; autrement dit plus grandes que l’espace que laissent entre
eux trois globules se touchant les uns les autres ; si bien que certains
fragments parmi eux ont pu rester entièrement indivisés pendant que
d’autres, sortant entre temps par des espaces étroits, et dont la figure se
changeait de plus en plus, ont dû se diviser indéfiniment.
Figure III-11.
Posons par exemple trois globules A, B, C dont les deux premiers qui se
touchent l’un l’autre en G, tournent seulement autour de leur propre
centre, pendant qu’entre-temps le troisième C, qui touche le premier en E,
roule sur lui-même de E vers I, jusqu’à toucher par le point D, le second
corpuscule au point F : il est manifeste que la matière du premier élément
contenue dans l’espace triangulaire FGI, qu’elle soit constituée d’un grand
524
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
nombre de fragments, qu’elle le soit seulement d’un seul, peut entre-temps
rester
525
Troisième Partie. Du Monde Visible.

sed illam quae est in spatio FIED necessario moueri, et nullum tam exiguum eius ramentum
inter puncta D et F posse designari, quod non sit maius eo quod inde aufertur singulis
momentis. Quia globulus C, accedendo ad B, efficit ut linea DF transeat per innumeros
diuersos gradus breuitatis.

III, 88. Eas eius minutias quae minimum habent celeritatis, facile id ipsum quod habent
aliis transferre, ac sibi mutuo adhaerere.

Sic igitur in materia primi elementi, quaedam sunt ramenta reliquis minus diuisa, et minus
celeriter agitata; quae cum supponantur excisa fuisse ex angulis particularum secundi, cum
nondum in globulos tornatae erant, et omnia spatia sola implebant, non possunt non habere
figuras ualde angulosas, et ad motum ineptas. Unde fit ut facile sibi mutuo adhaereant,
magnamque partem suae agitationis transferant in illa alia ramenta, quae minutissima sunt,
et celerrime agitantur. Quia, iuxta leges naturae, maiora corpora, caeteris paribus, facilius id
quod habent agitationis in minora transferunt, quam nouam ullam agitationem ab istis aliis
recipiant.

III, 89. Tales minutias sibi mutuo adhaerentes, praecipue inueniri in ea materia primi
elementi, quae a polis ad centra uorticum fertur.

Et quidem talia ramenta praecipue reperiuntur in ea materia primi elementi, quae a polis
uersus medium coeli secundum lineas rectas mouetur: eius enim partes quamminimum
agitatae sufficiunt ad istum motum rectum, non autem ad alios magis obliquos et uarios, qui
fiunt in aliis locis; ex quibus idcirco expelli solent in uiam istius motus recti, et ibi
congregantur in exiguas massas, quarum figuram hic uelim diligenter considerari.

III, 90. Qualis sit figura istarum minutiarum, quae particulae striatae deinceps uocabuntur.

Nempe, cum saepe transeant per angusta illa spatia triangularia, quae in medio trium
globulorum secundi elementi, se mutuo tangentium, reperiuntur,
526
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
immobile ; mais celle qui est dans l’espace FIED nécessairement se meut, et
aucun fragment, si exigu soit-il, entre les points D et F ne peut être désigné
qui ne soit plus grand que celui qui doit être emporté à chaque moment.
Parce que le corpuscule sphérique C, en arrivant en B, fait que la ligne DF
passe par d’innombrables degrés différents de petite dimension.
III, 88. Ces siennes poussières qui ont le moins de vitesse transfèrent
facilement ce qu’elles ont en réalité, à d’autres, et s’agrègent les unes aux
autres.
Ainsi donc dans la matière du premier élément, certains fragments sont
moins divisés que d’autres et agités moins rapidement ; et comme ils sont
supposés avoir été détachés des angles des particules du second élément
quand celles-ci n’avaient pas encore été tournées en globules et qu’ils
remplissaient seuls tous les espaces, ils ne peuvent qu’avoir des figures très
anguleuses et inappropriées au mouvement. D’où se fait que facilement ils
s’agrègent les uns aux autres et transfèrent une grande partie de leur
agitation en ces autres fragments qui sont les plus menus, et sont agités
avec une très grande vitesse. Parce que selon les lois de la nature, les plus
grands corps, le reste étant égal, transfèrent plus facilement ce qu’ils ont
d’agitation dans les plus petits qu’ils ne reçoivent de ces derniers quelque
autre agitation.
III, 89. De telles poussières s’agrégeant les unes aux autres, se trouvent
principalement dans cette matière du premier élément qui est emportée
depuis les pôles vers les centres des tourbillons.
Et assurément de tels fragments sont principalement retrouvés dans cette
matière du premier élément qui se meut depuis les pôles vers le milieu du
ciel selon des lignes droites : ses parties en effet les moins agitées possibles,
suffisent à ce mouvement rectiligne non toutefois à d’autres plus obliques
et variés, qui se font dans d’autres lieux, desquels elles ont l’habitude pour
cela d’être expulsées sur la voie de ce mouvement rectiligne, et à cet endroit
elles s’agrègent en masses exiguës dont je veux ici considérer la figure plus
soigneusement.
III, 90. Quelle est la figure de ces poussières, qui seront appelées par la suite
particules cannelées.
Comme elles passent souvent, n’est-ce pas, à travers ces espaces
triangulaires étroits qui se trouvent entre trois globules du second élément
qui se touchent
527
Troisième Partie. Du Monde Visible.
debent induere figuram in sua latitudine et profunditate triangularem. Quantum autem ad
longitudinem, non facile est ipsam determinare, quia non uidetur ab alia causa pendere,
quam a copia materiae ex qua istae massulae conflantur; sed sufficit illas concipere
tanquam exiguas columnas, tribus striis in modum cochlearum intortis excauatas, ita ut
gyrando transire possint per illos angustos meatus, figuram habentes trianguli curuilinei
FGI, qui semper inter tres globulos secundi elementi se mutuo tangentes reperiuntur.
Quippe ex eo quod sint oblongae, ac motu celerrimo transeant inter istos globulos secundi
elementi, dum interim ipsi alio motu circa polos coeli rotantur, clare intelligitur illarum
strias in modum cochlearum debere esse intortas; et quidem magis uel minus intortas, prout
transeunt per partes axi uorticis remotiores aut uiciniores: quia globuli secundi elementi
celerius in illis quam in istis rotantur, ut ante dictum est.
III, 91. Istas particulas ab oppositis polis uenientes, contrario modo esse intortas.
Ac etiam ex eo quod ipsae ueniant uersus medium coeli ex partibus contrariis, unae scilicet
ab Australi, aliae a Boreali, dum interim totus uortex circa suum axem in unas et easdem
partes mouetur: manifestum est illas quae ueniunt a polo Australi, non in easdem partes
debere intortas esse, ac illas quae ueniunt a polo Boreali, sed plane in contrarias. Quod
animaduersione ualde dignum puto, quia hinc uires magnetis infra explicandae praecipue
dependent.
III, 92. Tres tantum strias in ipsis esse.
Fig. III-12.
Sed ne quis forte
existimet, me sine
ratione affirmare, tres
tantum strias in istis
primi elementi
particulis esse posse,
cum tamen globuli
secundi non ita
semper omnes se
mutuo possint
contingere,
528
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
mutuellement, ils doivent produire, en sa largeur et profondeur, une figure
triangulaire. Quant à la longueur toutefois, il n’est pas facile de la
déterminer précisément, parce qu’elle ne semble pas dépendre d’une autre
cause que de la masse de matière d’où sont formés ces petits amas ; mais il
suffit de concevoir ces derniers comme des colonnes étroites striées de trois
cannelures torsadées à la manière d’un colimaçon, de telle sorte qu’elles
peuvent passer en tournant, à travers ces pores étroits, ayant la figure du
triangle curviligne FGI, qui se trouvent toujours entre trois globules du
second élément se touchant mutuellement. C’est pourquoi de ce qu’ils sont
oblongs et passent d’un mouvement très rapide entre ces globules du
second élément, dans le même temps en réalité qu’ils tournent d’un autre
mouvement autour des pôles du ciel, l’on comprend clairement que leurs
cannelures doivent se torsader à la manière d’un colimaçon, et elles sont
certainement plus ou moins torsadées selon qu’elles passent par des parties
du tourbillon plus éloignées ou plus proches de l’axe du tourbillon, parce
que les globules du second élément tournent plus vite en ceux-là qu’en
ceux-ci, comme il a été dit plus tôt.
III, 91. Ces particules qui viennent de pôles opposés se torsadent de façon
inverse.
Et aussi, de ce que ces particules viennent vers le milieu du ciel depuis des
parties opposées, à savoir les unes de la partie australe, les autres de la
boréale, dans le même temps que le tourbillon tout entier se meut autour
de son axe vers les unes et les autres parties, il est manifeste que celles qui
viennent du pôle austral ne doivent pas être torsadées dans le même sens
que celles qui viennent du pôle boréal, mais leur être parfaitement
opposées. Et je pense que cela est très digne d’être remarqué parce que de
là dépendent principalement les forces de l’aimant qui devront être
expliquées plus loin25.
III, 92. Il n'y a que trois cannelures en ces petites parcelles.
Figure III-12.
Mais pour que l’on n’aille pas penser que j’affirme sans raison qu’il ne peut
y avoir que trois cannelures dans ces particules du premier élément,
comme pourtant les globules du second élément ne peuvent pas toujours
tous se toucher mutuellement de façon à laisser entre eux seulement des
espaces triangulaires, je veux ici noter, que les autres lieux aussi amples
que l’on voudra, qui se retrouvent souvent entre ces globules, ont toujours
leurs
529
Troisième Partie. Du Monde Visible.
530
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

ut tantum triangularia spatia circa se relinquant, uelim hic notari, alia quaeuis loca
ampliora, quae inter globulos istos saepe reperiuntur, habere semper suos angulos plane
aequales iis trianguli FGI, ac, quantum ad caetera, esse in perpetua mutatione: adeo ut
particulae striatae primi elementi, per illa transeuntes, eam etiam figuram quam
descripsimus, debeant induere. Nam, exempli causa, quatuor globuli A, B, C, H, se
tangentes in punctis K, L, G, E, relinquunt in medio sui spatium quadrangulare, cuius
quisque angulus est omnino aequalis unicuique ex angulis trianguli FGI; cumque quatuor
isti globuli mouentur, spatium istud assidue figuram mutat, fitque nunc quadratum, nunc
oblongum, ac etiam interdum in duo alia spatia triangularia diuiditur; unde fit ut materia
primi elementi minus agitata, quae in eo exsistit, ad unum uel duos ex eius angulis debeat
confluere, ac residuum spatii relinquere materiae mobiliori, et figuras suas facilius mutanti,
ut eas ad omnes istorum globulorum motus accommodet. Atque si forte unum ex eius
ramentis, in uno ex istis angulis existens, extendat se ibi uersus partem illi angulo
oppositam, ultra spatium aequale triangulo FGI, debebit inde expelli, ac proinde imminui,
cum accidet ut tertius globulus tangat duos illos, qui angulum in quo uersatur conficiunt.
Nempe, si materia minus agitata, occupans angulum G, extendat se uersus D ultra lineam
FI, inde extrudetur a globulo C, atque eatenus minuetur, cum hic globulus C accedet ad B,
ut claudat triangulum GFI. Et quia particulae primi elementi, quae in eo maximae sunt, et
reliquis minus agitatae, per longos coeli tractus transeundo, non possunt non saepe ita
uersari inter tres globulos ad se inuicem accedentes, non uidentur posse induere ullam
figuram determinatam, et aliquandiu in ipsis permanentem, praeter illam quam
descripsimus.

III, 93. Inter particulas striatas, et omnium minutissimas, uarias esse aliarum
magnitudines in primo elemento.

Etsi autem hae particulae oblongae ac striatae ualde differant a reliqua materia primi
elementi, non tamen illas ab hac distinguimus, quandiu tantum inter globulos secundi
uersantur: tum quia nullum peculiarem earum effectum ibi aduertimus; tum etiam, quia
multas alias, non multo minores,
531
Troisième Partie. Du Monde Visible.
angles parfaitement égaux à ceux du triangles FGI, et sont, quant au reste,
en perpétuel changement, à ce point les particules cannelées du premier
élément, passant à travers ces espaces, doivent aussi avoir la figure que
nous avons décrite. Car, par exemple, quatre globules A, B, G, H, se
touchant aux points K, L, G, E, laissent en leur milieu un espace
quadrangulaire, dont chaque angle est exactement égal à chacun des angles
du triangle FGI ; et lorsque ces quatre globules se meuvent, cet espace
change continuellement et sa figure et se fait tantôt carrée, tantôt oblongue
et d’autrefois encore se sépare en deux espaces triangulaires différents ;
d’où se fait que la matière moins agitée du premier élément qui existe en
cet espace, doit confluer vers un ou deux de ses angles, et laisser un reste
d’espace à une matière plus mobile et changeant ses figures plus
facilement, de sorte à accommoder ces figures, à tous les mouvements de
ces globules. Et si à l’occasion, l’un de ces fragments qui se trouve dans un
de ces angles, s’étend à cet endroit vers la partie opposée à cet angle, au-
delà de l’espace égal au triangle FGI, il devra en être expulsé et par
conséquent, quand arrivera que le troisième corpuscule sphérique touche
les deux autres corpuscules qui composent l’angle où il se trouve, il sera
diminué. À savoir, si la matière moins agitée occupant l’angle G s’étend
vers D, au-delà de la ligne FI, elle sera chassée de cet endroit par le
corpuscule sphérique C, lorsque ce corpuscule C arrivera en B pour clore le
triangle GFI, et en cela elle sera diminuée. Et parce que les particules du
premier élément qui, en cet espace, sont les plus grandes et sont moins
agitées que les autres, ne peuvent pas en traversant les longues étendues
du ciel, ne pas se trouver souvent entre trois globules arrivant les uns
contre les autres, il ne semble pas qu’elles puissent produire quelque figure
déterminée et séjourner un certain temps en ces étendues, en dehors de
celle que nous avons décrite.
III, 93. Entre les particules cannelées et les plus petites de toutes les
particules, s’en trouvent d’autres, dans le premier élément, de grandeurs
variées.
Même si toutefois ces particules oblongues et cannelées diffèrent largement
du reste de la matière du premier élément, nous ne les distinguons
pourtant pas de cette matière tant qu’elles se trouvent seulement entre les
globules du second élément, tant parce que nous ne remarquons à cet
endroit aucun effet particulier de ces particules, tant aussi parce que nous
jugeons être contenues en cette matière beaucoup d’autres particules, pas
beaucoup plus petites, ni
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
533
Troisième Partie. Du Monde Visible.

nec celerius agitatas, in ea contineri arbitramur, ita ut inter omnium minutissimas et istas
striatas, innumeri sint aliarum gradus, ut facile ex inaequalitate uiarum quas perlabuntur,
agnosci potest.

III, 94. Quomodo ex iis maculae in Solis uel stellarum superficie generentur.

Sed quando materia ista primi elementi ad corpus Solis alteriusue sideris peruenit, ibi
omnes eius minutiae maxime agitatae, cum nullis globulorum secundi elementi obicibus
impediantur, in similes motus consentire laborant. Unde fit ut illae striatae, nec non etiam
aliae multae paulo minores, quae ob figuras nimis angulosas, molemue nimis magnam,
tantam agitationem refugiunt, ab aliis minutissimis separentur, ac sibi mutuo facile
adhaerentes, propter inaequalitatem suarum figurarum, moles aliquando permagnas
componant, quae, intimae coeli superficiei contiguae, sideri ex quo emerserunt adiunguntur,
et ibi resistentes illi actioni, in qua uim luminis consistere supra diximus, similes sunt illis
maculis quae in Solis superficie conspici solent. Eadem enim ratione, qua uidemus aquam
liquoresque alios quoscumque, cum igni admoti efferuescunt, atque aliquas particulas
diuersae a reliquis naturae ac minus ad motum aptas in se continent, densam spumam ex
particulis istis conflatam emittere, quae supra ipsorum superficiem natare, figurasque
admodum irregulares et mutabiles habere solet: ita perspicuum est materiam Solis,
utrimque ex eius polis uersus eclipticam ebullientem, debere particulas suas striatas,
aliasque omnes quae facile sibi mutuo adhaerent, ac difficulter communi ipsius motui
obsequuntur, ex se tanquam spumam expellere.

III, 95. Hinc cognosci praecipuas harum macularum proprietates.

Atque hinc facile est cognoscere, cur Solis maculae non soleant apparere circa eius polos,
sed potius in partibus eclipticae uicinis; et cur figuras habeant ualde uarias et incertas; et
denique cur in orbem circa Solis polos, si non tam celeriter quam eius substantia, saltem
simul cum ea parte coeli quae illi proxima est, moueantur.
534
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
agitées avec plus de vitesse, de telle sorte qu’entre les plus petites de toutes
et celles cannelées il y a d’innombrables degrés d’autres particules, comme
on peut facilement le reconnaître de l’inégalité des chemins qu’elles par-
courent.
III, 94. Comment à partir de ces particules cannelées, sont générées les
taches à la surface du soleil ou des étoiles.
Mais quand cette matière du premier élément parvient au corps du soleil
ou à un autre astre, là, toutes ses fines poussières très agitées cherchent à
s’accorder, puisqu’elles ne sont empêchées par aucun barrage de globules
du second élément, dans des mouvements semblables. D’où se fait que
celles cannelées, et aussi pas mal d’autres beaucoup plus petites, qui à
cause de leurs figures trop anguleuses et d’une masse trop grande
échappent à une telle agitation, sont séparées des autres très petites, et
s’agrègent facilement entre elles à cause de l’inégalité de leurs figures,
composant parfois de très grandes masses qui, étant contiguës à la surface
intime du ciel, se joignent à l’astre d’où elles émergent ; et là, résistant à
cette action dont nous avons dit ci-dessus consister la force de la lumière,
sont semblables à ces taches que l’on a l’habitude d’observer à la surface du
soleil. De la même façon en effet que nous voyons l’eau et d’autres liquides
quelconques, se mettre en effervescence quand ils sont mis sur le feu, et,
quand ils contiennent en eux certaines particules de nature différente et
moins aptes au mouvement que le reste, rejeter une écume dense qui nage
en surface, gonflée de ces particules qui ont l’habitude de prendre des
figures tout à fait irrégulières et changeantes ; de même il est évident que la
matière du soleil, bouillonnant de part et d’autre depuis ses pôles vers
l’écliptique, doit expulser d’elle-même comme une écume, ses particules
cannelées et toutes les autres qui s’agrègent facilement entre elles et se
conforment difficilement au mouvement commun du soleil.
III, 95. De là se reconnaissent les principales propriétés de ces taches.
Et de là il est facile de savoir pourquoi les taches du soleil n’ont pas
l’habitude d’apparaître autour de ses pôles mais plutôt dans les parties
voisines de l’écliptique, pourquoi elles ont des figures variées et
changeantes, et enfin pourquoi elles se meuvent dans l’orbe autour des
pôles du soleil, sinon avec une vitesse aussi grande que la substance du
soleil, du moins ensemble avec cette partie du ciel qui lui est la plus proche.
535
Troisième Partie. Du Monde Visible.

III, 96. Quomodo istae maculae dissoluantur, ac nouae generentur.

At uero, quemadmodum plerique liquores eandem spumam, quam initio efferuescendo


emittunt, rursus postea diutius ebulliendo resorbent et absumunt: ita putandum est, eadem
facilitate qua materia macularum e corpore Solis emergit, atque in eius superficie
cumulatur, paulo post etiam imminui, et partim in eius substantiam refundi, partimque per
coelum uicinum dispergi. (Non enim ex toto Solis corpore, sed tantum ex materia quae
recens in illum ingressa est, maculae istae formantur.) Ac reliqua materia quae diutius in eo
permansit, iamque, ut ita loquar, excocta est et defaecata, summa ui semper gyrans, partim
eas quae iam factae sunt abradit, dum interim alia in parte nouae generantur ex noua
materia Solem ingrediente: unde fit ut non omnes in iisdem locis appareant. Et sane tota
Solis superficies, partibus circumpolaribus exceptis, materia ex qua componuntur tegi solet.
Atqui maculae tantum esse dicuntur, ubi materia illa est tam densa et stipata, ut uim luminis
a Sole uenientis notabiliter obtundat.

III, 97. Cur in quarundam extremitate colores iridis appareant.

Praeterea potest contingere, ut maculae istae, cum sunt paulo crassiores et densiores, prius
in sua circumferentia quam in medio atterantur a puriore materia Solis eas circumfluente;
sicque ut extremitates earum circumferentiae, in acutum desinentes, eius lumini peruiae
sint: unde sequitur ipsas ibi Iridis coloribus pingi debere, ut antehac de prismate uitreo in
Meteoris, cap 8, explicui. Et tales aliquando colores in illis obseruantur.

III, 98. Quomodo maculae in faculas uertantur, uel contra.

Saepe etiam contingit, ut materia Solis, circa maculas istas fluendo, supra ipsarum
extremitates assurgat; tuncque, inter illas et coeli uicini superficiem intercepta, cogitur ad
motum solito celeriorem: eodem modo quo fluminum rapiditas semper est maior in locis
uadosis et angustis, quam in latis et profundis. Unde sequitur Solis lumen ibi aliquanto
fortius esse debere. Atque ita maculae in faculas conuerti solent,
536
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
III, 96. Comment ces taches se dissolvent et de nouvelles se génèrent.
Mais en vérité de la même manière que la plupart des liquides produisent
au début de leur effervescence cette même écume qu’ils résorbent et
absorbent ensuite en bouillant à leur tour plus longtemps, il faut penser de
même, de la matière des taches du corps du soleil qui émerge et s’accumule
avec la même facilité à sa surface et peu après aussi, diminue et se fond en
partie à nouveau dans sa substance et en partie se disperse à travers le ciel
voisin. (Ces taches ne se forment pas en effet à partir de la totalité du corps
du soleil mais seulement de la matière qui est entrée en lui récemment.) Et
le reste de la matière qui demeure en lui plus longtemps, et qui est
maintenant pour ainsi dire calcinée et expurgée, tournant toujours avec une
très grande force, arase en partie ces taches qui sont déjà faites pendant
qu’en sont générées de nouvelles dans une autre partie, par la nouvelle
matière entrant dans le soleil ; d’où se fait qu’elles n’apparaissent pas
toutes dans les mêmes lieux. Et sainement, la totalité de la surface du soleil,
si l’on excepte les parties circumpolaires, est couverte par la matière dont
elles se composent. Toutefois elles ne sont dites taches qu’à cet endroit où
cette matière est si dense et si drue qu’elle affaiblit notablement la force de
la lumière venant du soleil.
III, 97. Pourquoi à l’extrémité de certaines taches apparaissent les couleurs
de l’arc-en-ciel.
En outre il peut arriver que ces taches, quand elles sont un peu plus
épaisses et denses, soient, par la matière plus pure du soleil qui les entoure,
davantage usées en leur périphérie qu’en leur centre, et ainsi que les bords
de leur circonférence se terminent en s’amincissant et soient traversés par
sa lumière ; d’où suit que ces taches précisément à cet endroit doivent être
peintes des couleurs de l’arc-en-ciel comme je l’ai expliqué auparavant du
prisme en verre au Chapitre 8 des Météores. Et de telles couleurs sont
parfois observées en ces taches.
III, 98. Comment les taches se tournent en petites torches, ou l’inverse.
Souvent aussi il arrive que la matière du soleil coulant autour de ces taches,
s’élève au-dessus de leurs extrémités, et alors, bloquée entre elles et la
surface du ciel voisin, est contrainte à un mouvement plus rapide que
d’habitude, de la même manière que la vitesse des fleuves est toujours plus
grande dans les gués étroits qu’aux endroits larges et profonds. D’où suit
que la lumière du soleil doit parfois y être plus forte. Et ainsi les taches ont
l’habitude de se
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Troisième Partie. Du Monde Visible.
538
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

hoc est, quaedam solaris superficiei partes, quae prius aliis erant obscuriores, postea fiunt
lucidiores. Ac uice uersa faculae in maculas mutari uidentur, cum, his una ex parte in
subtiliorem Solis materiam demersis, magna copia nouae materiae alia ex parte ipsis accedit
et adhaeret.

III, 99. In quales particulas maculae dissoluantur.

Cum autem istae maculae dissoluuntur, non abeunt in minutias plane similes iis ex quibus
fuerant conflatae: sed partim in tenuiores, ac simul solidiores, siue figuras minus angulosas
habentes; quo nomine ad motum sunt aptiores, et ideo facile per meatus, qui sunt inter
globulos coeli circumiacentis, uersus alios uortices tendunt; partim in tenuissimas, quae ex
aliarum angulis erasae, uel in purissimam Solis substantiam conuertuntur, uel abeunt etiam
uersus coelum; partim denique in crassiores, quae ex pluribus striatis, aliisue simul iunctis
compositae, uersus coelum expelluntur, ubi, cum sint nimis magnae ad transeundum per
illos angustos meatus, quos globuli secundi elementi circa se relinquunt, ipsa etiam
globulorum istorum loca subingrediuntur, et quia figuras habent ualde irregulares et
ramosas, non tam facile ac illi globuli moueri possunt.

III, 100. Quomodo ex ipsis aether circa Solem et stellas generetur. Huncque aetherem et
istas maculas ad tertium elementum referri.

Sed sibi mutuo nonnihil adhaerentes, componunt ibi magnam quandam molem, rarissimam,
et aëri (siue potius aetheri) terrae circumfuso non absimilem, quae a sole circumquaque
forte usque ad sphaeram Mercurii, uel etiam ultra illam, se extendit. Nec tamen aether iste
in immensum crescere potest, etiamsi nouae semper particulae ex macularum dissolutione
ipsi accedant, quia globulorum secundi elementi per illud et circa illud continua agitatio
facile potest totidem alias dissoluere, ac rursus in materiam primi elementi conuertere.
Quippe omnes Solis aliorumque siderum maculas, ut et totum aetherem ipsis circumfusum,
quoniam eius partes ad motum minus aptae sunt quam globuli secundi elementi, ad tertium
elementum referimus.
539
Troisième Partie. Du Monde Visible.
convertir en petites torches, c’est-à-dire que certaines parties de la surface
du soleil qui étaient avant plus obscures que les autres, se font ensuite plus
brillantes. Et vice-versa les petites torches semblent se changer en taches
quand ces dernières s’enfonçant dans une partie plus fine de la matière du
soleil, arrive, d’une autre partie, une grande masse de matière nouvelle qui
s’agrège à ces torches.
III, 99. En quelles particules se dissolvent les taches.
Cependant quand ces petites torches se dissolvent, elles ne s’en vont pas en
poussières absolument semblables à celles dont elles étaient composées,
mais en partie en parcelles plus ténues et en même temps plus solides,
autrement dit ayant des figures moins anguleuses, en quoi elles sont plus
aptes au mouvement et pour cela tendent facilement vers les autres
tourbillons à travers les pores qui se trouvent entre les globules du ciel
environnant ; et en partie en petites parcelles très ténues qui, arasées par les
angles des autres, se transforment en la substance très pure du soleil, ou
encore s’en vont vers le ciel ; et en partie enfin en parcelles plus grosses qui,
composées d’un plus grand nombre de particules cannelées, ou jointes
ensemble à d’autres, sont expulsées vers le ciel où, étant trop grandes pour
passer à travers ces pores très étroits que laissent autour d’eux les globules
du second élément, elles s’insinuent précisément dans ces lieux aussi de ces
globules, et comme elles ont des figures très irrégulières et très ramifiées,
elles ne peuvent pas se mouvoir aussi facilement que ces corpuscules.
III, 100. Comment l’éther autour du soleil et des étoiles est généré par ces
particules. Et cet éther et ces taches sont rapportées au troisième élément.
Mais s’agrégeant quelque peu les unes aux autres, elles composent à cet
endroit une sorte de grande masse, très raréfiée et pas différente de l’air (ou
de l’éther plutôt) entourant la terre, qui s’étend de tout autour du soleil
jusqu’à la sphère de Mercure peut-être, ou même au-delà. Et néanmoins cet
éther ne peut pas s’accroître indéfiniment, même si de nouvelles particules
le pénètrent toujours en réalité à partir de la dissolution des taches, parce
qu’à travers lui et autour de lui, l’agitation continuelle des globules du
second élément, peut facilement en détruire tout autant et les convertir en
matière du premier élément. C’est pourquoi nous rapportons au troisième
élément toutes les taches du soleil et des autres étoiles, comme aussi l’éther
les environnant justement, puisque leurs parties sont moins aptes au
mouvement que les globules du second élément.
540
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

III, 101. Macularum productionem et dissolutionem a causis ualde incertis pendere.

Sed uero macularum productio uel dissolutio a tam minutis et tam incertis causis dependet,
ut minime sit mirandum, si quando nullae prorsus in Sole appareant, uel si e contra
nonnunquam sint tam multae, ut totum eius lumen obscurent. Ex hoc enim quod pauca
aliqua ex ramentis primi elementi sibi inuicem adhaerescant, fit unius maculae rudimentum,
cui facile postea plura alia iunguntur, quae, nisi in priora illa impingendo partem suae
agitationis amitterent, sibi mutuo non possent adhaerere.

III, 102. Quomodo eadem macula totum aliquod sidus tegere possit.

Notandumque est maculas istas, cum primum generantur, esse corpora mollissima et
rarissima, ideoque facile frangere impetum ramentorum primi elementi, quae in ipsas
impingunt, et illa sibi adiungere. Paulatim autem postea interiorem earum superficiem,
continuo motu substantiae solaris cui contigua est, non tantum abradi et perpoliri, sed etiam
condensari et indurari, alia interim earum superficie, quae coelo obuersa est, molli et rara
remanente. Ideoque ipsas non facile dissolui, ex eo quod materia Solis interiorem earum
superficiem lambat, nisi simul etiam earum oras circumfluat et transcendat, sed contra
potius semper augeri, quamdiu istae earum orae, supra Solis superficiem eminentes, eius
materiae occursu non densantur. Hincque potest contingere, ut aliquando una et eadem
macula supra totam superficiem alicuius sideris se extendat, ibique diu permaneat,
priusquam dissolui possit.

III, 103. Cur Sol aliquando uisus sit obscurior; et cur quarundam stellarum magnitudines
apparentes mutentur.

Sic referunt quidam historici, Solem aliquando per plures dies continuos, aliquando etiam
per integrum annum, solito pallidiorem, Lunae instar, sine radiis lucem tristem praebuisse.
Notarique potest multas stellas nunc minores maioresue apparere, quam olim ab
Astronomis descriptae sunt. Cuius non alia ratio esse uidetur, quam quod pluribus
paucioribusue maculis earum lux obtundatur.
541
Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 101. La production et la dissolution des taches dépend de causes très
incertaines
Mais en vérité la production ou la dissolution des taches dépend de causes
si ténues et si incertaines, qu’il faut s’émerveiller le moins du monde, si
parfois plus aucune n’apparaît dans le soleil, ou si parfois au contraire elles
sont si nombreuses qu’elles en obscurcissent toute sa lumière. Car de ce que
quelques uns des fragments du premier élément s’agrègent les uns les
autres, se fait le rudiment d’une même tache, à laquelle se joignent
facilement ensuite un plus grand nombre d’autres fragments qui, s’ils ne
perdaient une partie de leur agitation en frappant les premiers, ne
pourraient pas s’agréger les uns aux autres.
III, 102. Comment une même tache peut couvrir la totalité d’un seul astre.
Et il faut noter que ces taches au début, quand elles sont générées, sont des
corps très mous et très rares et pour cela brisent facilement l’élan des
fragments du premier élément qui les frappent en plein, et se les
adjoignent. Toutefois par la suite, peu à peu leur surface intérieure est non
seulement abrasée et polie par le mouvement continu de la substance
solaire dont elle est contiguë, mais aussi condensée et indurée, leur autre
surface tournée vers le ciel restant entre-temps molle et rare. À ce point les
taches elles-mêmes ne se dissolvent pas facilement de ce que la matière du
soleil lèche leur surface intérieure, à moins que cette matière en même
temps aussi coule autour de leurs bords et passe par-dessus ; mais au
contraire elles sont toujours plutôt augmentées, aussi longtemps que leurs
bords s’élevant au-dessus de la surface du soleil, ne sont pas enserrés par
l’arrivée de sa matière. Et de là peut arriver que parfois une seule et même
tache s’étende sur toute la surface de quelque astre, et demeure là
longtemps avant de pouvoir être dissoute.
III, 103. Pourquoi le soleil a semblé parfois plus obscur ; et pourquoi les
grandeurs apparentes de certaines étoiles changent.
Ainsi certains historiens rapportent que le soleil plus pâle que d’habitude, a
présenté une lumière, comme celle de la lune, blafarde et sans rayons,
parfois pendant plusieurs jours de suite, parfois même une année tout
entière. Et on peut noter que beaucoup d’étoiles apparaissent aujourd’hui
plus petites ou plus grandes qu’elles n’ont été décrites autrefois par les
astronomes. Il ne semble pas y avoir d’autre raison à cela que leur lumière
est obscurcie par un plus grand nombre ou un plus petit nombre de taches.
542
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
III, 104. Cur aliquae fixae dispareant, uel ex improuiso appareant.
Quinetiam fieri potest, ut aliquod sidus tot et tam densis maculis inuoluatur, ut uisum
nostrum prorsus effugiat: sicque olim Pleiades numeratae sunt septem, quae iam sex tantum
conspiciuntur. Itemque fieri potest, ut aliquod sidus, nobis antea non uisum, breuissimo
tempore atque ex improuiso, magna luce affulgeat. Nempe, si totum eius corpus ingenti et
crassa macula fuerit hactenus contectum, iamque accidat ut materia primi elementi, solito
copiosius ad illud affluens, supra exteriorem istius maculae superficiem se diffundat,
breuissimo tempore totam conteget; atque tunc istud sidus non minorem lucem ex se
emittet, quam si nulla plane macula inuolueretur. Potestque postea, uel diu aeque fulgidum
remanere, uel paulatim rursus obscurari. Sicque contigit, in fine anni 1 5 7 2, quandam
stellam, prius non uisam, in signo Cassiopeiae apparuisse, quae maximam initio habuit
lucem, et sensim postea obscurata, initio anni 1 5 7 4 disparuit. Ac etiam aliae nonnullae in
coelo iam lucent, quae olim non apparebant: quarum rerum causa hic fusius est explicanda.
III, 105. Multos esse meatus in maculis, per quos libere transeunt particulae striatae.
Fig. III-13.
Sit, exempli causa, sidus
I circumquaque tectum
macula defg, quae non
potest esse tam densa,
quin poros siue meatus
habeat permultos, per
quos omnis materia
primi elementi, etiam
illa quae constat
particulis striatis supra
descriptis, transire
possit. Cum enim in
principio suae
generationis fuerit
mollissima et rarissima,
tales pori facile in ipsa
formati sunt; cumque
postea densabatur,
particulae istae striatae,
aliaeque primi elementi,
continuo per illos
transeundo, non
permiserunt ut plane
clauderentur; sed tantum
eousque angustati sunt,
ut nullae materiae particulae, striatis primi elementi crassiores, uiam per ipsos habere
possint; ac etiam ut ii meatus, qui particulas striatas ab uno polo uenientes admittunt, non
aptae sint ad easdem, si regrederentur, nec etiam ad illas quae ueniunt ab alio polo et
contrario modo sunt intortae, recipiendas.
543
Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 104. Pourquoi certaines étoiles fixes disparaissent ou apparaissent
inopinément.
Bien plus encore, il peut se faire qu’un certain astre soit enveloppé de tant
de taches et si denses qu’il échappe tout à fait à notre vue ; ainsi autrefois
les Pléiades étaient au nombre de sept, dont six seulement sont maintenant
observées. Et de même peut se faire que quelque astre que nous ne voyions
pas avant, resplendisse en un temps très bref et inopiné d’une grande
lumière. Si, n’est-ce pas, tout son corps était recouvert jusque-là par une
tache immense et épaisse et qu’arrive maintenant, que la matière du
premier élément affluant vers lui plus copieusement que d’habitude se
répande au-dessus de la surface extérieure de cette tache, et la recouvre en
totalité en un temps très bref, alors cet astre de lui-même n’émettra pas
moins de lumière que s’il n’était enveloppé absolument par aucune tache.
Et après il peut, ou rester longtemps aussi lumineux, ou peu à peu
s’obscurcir à nouveau. Et ainsi est arrivé à la fin de l’année 1572 qu’une
étoile, non visible auparavant, est apparue dans le signe de Cassiopée qui
eut au début une lumière très vive et graduellement par la suite s’obscurcit
et disparut au début de l’année 1574. Et aussi quelques autres brillent
maintenant dans le ciel qui autrefois n’étaient pas visibles : la cause de ces
choses doit être expliquée plus largement ici.
III, 105. Il y a beaucoup de pores dans les taches par où passent librement
les particules cannelées.
Figure III-13.
Soit par exemple l’astre I entièrement couvert par la tache degf , lequel ne
peut pas être dense au point de ne pas avoir de nombreux pores ou encore
méats, par lesquels puisse passer toute la matière du premier élément, y
compris celle qui compose les particules cannelées décrites ci-dessus. Car
comme cette matière était au début de sa génération très molle et très
raréfiée, de tels pores se sont formés facilement, et quand par la suite elle
s’est densifiée, ces particules cannelées et les autres du premier élément
passant continûment par ces pores ont empêché qu’ils soient complétement
clos, mais ils se sont seulement rétrécis jusqu’au point où aucune particule
de matière du premier élément plus grosse que les particules cannelées
puissent passer en réalité par ces pores ; et aussi que ces pores qui
admettent les particules cannelées venant d’un pôle, ne soient pas aptes à
recevoir ces mêmes particules quand elles rétrogradent, ni non plus celles
qui viennent de l’autre pôle et qui sont torsadées en sens inverse.
544
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

III, 106. Quae sit dispositio istorum meatuum, et cur particulae striatae per illos retrogredi
non possint.

Nempe particulae striatae primi elementi, uenientes non ab uno aliquo puncto duntaxat, sed
a tota coeli regione quae est uersus polum A, et tendentes non uersus unicum punctum I,
sed uersus totum medium coeli HIQ, formant sibi meatus in macula defg, secundum lineas
rectas axi fd parallelas, uel nonnihil utrimque uersus d conuergentes, horumque meatuum
aditus in tota eius superficiei medietate efg sparsi sunt, et exitus in alia medietate edg: ita
scilicet ut particulae striatae, uenientes a parte A, facile quidem ipsos ingredi possint per
partem efg, et egredi per aduersam edg, non autem unquam regredi per hanc edg, nec egredi
per efg. Quia, cum tota ista macula non constet nisi ex ramentis primi elementi
minutissimis, quae, sibi mutuo adhaerentia, quosdam quasi ramulos componunt, particulae
striatae, uenientes a parte f, istorum ramulorum extremitates, sibi in meatibus istis
occurrentes, inflectere debuerunt uersus d; ideoque, si per eosdem meatus eis esset
regrediendum a d uersus f, istae ramulorum extremitates nonnihil assurgentes ipsarum
transitum impedirent. Eodemque modo particulae striatae, uenientes a parte B, meatus alios
sibi excauarunt, quorum ingressus in tota superficie edg sparsi sunt, et egressus in aduersa
efg.

III, 107. Cur etiam quae ueniunt ab uno polo, non transeant per eosdem meatus, quam
quae ueniunt ab alio.

Notandumque est istos etiam meatus cochlearum instar esse excauatos, ad formam
particularum striatarum quas admittunt, ideoque illos qui unis patent, non patere aliis a polo
opposito uenientibus, et contrario modo intortis.

III, 108. Quomodo materia primi elementi per istos meatus fluat.

Ita igitur materia primi elementi utrimque ex polis per istos meatus ad sidus I potest
peruenire; ac quia eius particulae striatae caeteris sunt crassiores, ideoque maiorem habent
uim ad pergendum secundum lineas rectas, non solent in eo manere, sed ingressae per f,
protinus egrediuntur per d, atque ibi occurrentes globulis secundi elementi, uel materiae
primi a B uenienti,
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Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 106. Quelle est la disposition de ces pores et pourquoi les particules
cannelées ne peuvent pas rétrograder à travers ces pores.
Les particules cannelées du premier élément n’est-ce pas, venant non d’un
seul point quelconque, mais de la totalité de la région du ciel qui se trouve
du côté du pôle A, et tendant non vers l’unique point I, mais vers tout le
milieu du ciel HIQ, se forment des méats dans la tache degf, selon des
lignes droites parallèles à l’axe fd ou des lignes convergeant de part et
d’autre quelque peu vers d, et que les entrées de ces méats sont répartis
dans l’entière moitié de sa surface efg, et les sorties dans l’autre moitié edg ;
de telle sorte, cela va sans dire, que les particules cannelées venant de la
partie A puissent assurément entrer facilement dans ces pores par la partie
efg et en sortir par cette partie edg, non toutefois par efg. Parce que, comme
la totalité de cette tache est constitué des seuls très menus fragments du
premier élément qui en s’agrégeant les uns aux autres, composent comme
des petits rameaux, les particules cannelées venant de la partie f, ont dû
infléchir vers d les extrémités de ces petits rameaux se rencontrant dans ces
méats ; si bien que si elles devaient rétrograder par les mêmes pores de d
vers f, les extrémités de ces petits rameaux, en se redressant, empêcheraient
leur passage. De la même manière les particules cannelées venant de la
partie B se sont excavées d’autres méats dont les entrées sont réparties dans
toute la surface edg et les sorties dans la partie opposée efg.
III, 107. Pourquoi aussi ceux qui viennent d’un même pôle ne transitent
pas par les mêmes méats que ceux qui viennent de l’autre pôle.
Il faut noter aussi que ces méats sont creusés comme des limaçons,
conformément à la forme des particules cannelées qu’ils admettent, si bien
que ceux qui s’ouvrent aux uns, ne s’ouvrent pas à ceux qui viennent du
pôle opposé, torsadés en sens inverse.
III, 108. Comment la matière du premier élément afflue par ces méats.
Ainsi donc la matière du premier élément peut, par ces méats, parvenir à
l’astre I depuis l’un et l’autre pôle; et parce que ses particules cannelées
sont plus grosses que les autres et pour cela ont une force assez grande
pour continuer selon des lignes droites, elles n’ont pas l’habitude de rester
en cet astre, mais entrant sans interruption par f sortent par d, et
rencontrant à cet endroit des particules cannelées du second élément, ou la
matière du
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

non possunt ulterius pergere secundum lineas rectas, sed, in omnes partes reflexae, per
aetherem circumfusum xx uersus hemisphaerium efg reuertuntur; et quotquot ingredi
possunt meatus maculae, uel macularum, quae ibi sidus istud tegunt, per illos rursus
progrediuntur ab f ad d; sicque assidue per medium sidus transeundo, et per aetherem
circumfusum redeundo, quendam ibi quasi uorticem componunt. Quae uero ab istis
meatibus capi non possunt, uel occursu particularum huius aetheris dissoluuntur, uel per
partes uicinas eclipticae QH in coelum abire coguntur. Quippe notandum est particulas
striatas, quae singulis momentis ad superficiem sideris I appellunt, non esse tam multas, ut
repleant omnes meatus ad mensuram suam excauatos in maculis efg: quia etiam in coelo
non replent omnia interualla, quae sunt inter globulos secundi elementi; sed magna copia
subtilioris materiae illis admixta esse debet, propter uarios istorum globulorum motus; quae
materia subtilior cum ipsis ingrederetur istos meatus, nisi particulae striatae, ab alio sideris
hemisphaerio reflexae, maiorem haberent uim ad illos occupandos. Quae uero hic de
particulis striatis per hemisphaerium efg ingredientibus sunt dicta, de iis etiam quae
ingrediuntur per hemisphaerium edg sunt intelligenda: quod nempe sibi alios meatus, a
prioribus plane diuersos, excauarint, per quos semper plurimae fluunt a d uersus f in sidere
I ac maculis ipsum circumdantibus; et deinde, in omnes partes reflexae, per aetherem xx
reuertuntur ad d, cum interim tot dissoluuntur, uel exeunt uersus eclipticam, quot nouae a
polo B accedunt.

III, 109. Quod alii etiam meatus illos decussatim intersecent.

Residuum autem materiae primi elementi, quod in spatio I continetur, circa axem fd
gyrando, semper inde recedere conatur; ideoque quosdam exiguos meatus sibi ab initio
formauit, semperque postea conseruat in macula defg, qui priores decussatim intersecant, et
per quos aliquid istius materiae solet effluere, quia semper aliquid per priores, simul cum
particulis striatis, ingreditur. Cum enim omnes maculae partes sibi inuicem adhaereant, non
potest circumferentia defg
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Troisième Partie. Du Monde Visible.
premier élément venant de B, ne peuvent pas continuer plus loin selon des
lignes droites, mais sont réfléchies de toutes parts et retournent par l’éther
environnant xx vers l’hémisphère efg ; et toutes ces particules autant qu’il
peut en entrer dans les méats de la tache - ou des taches - qui recouvre cet
astre à cet endroit, avancent à nouveau à travers ces méats de f vers d ; et
ainsi, transitant continuellement par le milieu de l’astre et revenant par
l’éther environnant, composent à cet endroit un quasi tourbillon. Celles qui
en vérité ne peuvent pas être prises par ces méats, ou bien sont dissoutes
par leur rencontre avec les particules de cet éther, ou bien sont contraintes
par les parties voisines de l’écliptique, de se dissiper dans le ciel. C’est
pourquoi il faut noter, que les particules cannelées qui abordent la surface
de l’astre I à des moments singuliers, ne sont pas si nombreuses qu’elles
rempliraient tous les pores à leur dimension, creusés dans la tache efg ;
parce qu’ils ne remplissent pas non plus dans le ciel tous les intervalles qui
se trouvent parmi les particules du second élément ; mais doit y être mêlée
une grande masse de matière plus fine qu’eux justement, à cause des
mouvements variés de ces globules ; et cette matière, plus fine en réalité,
entre avec eux dans ces pores, à moins que les particules cannelées
réfléchies depuis l’autre hémisphère de l’astre n’aient une force assez
grande pour les occuper. Et en vérité ce qui est dit ici de ces particules
cannelées entrant par l’hémisphère efg, doit aussi s’entendre de celles qui
entrent par l’hémisphère edg, à savoir qu’elles se sont creusées d’autres
pores tout à fait différents des premiers, à travers lesquels afflue toujours
un plus grand nombre de particules de d vers f , dans l’astre I et dans les
taches entourant l’astre lui-même ; et ensuite, étant réfléchies dans toutes
les parties, elles retournent vers d par l’éther xx, quand, entre temps, autant
sont dissoutes, ou sortent vers l’écliptique, que de nouvelles arrivent
depuis le pôle B.
III, 109. Que d’autres pores les croisent par dessus.
Cependant le résidu de matière du premier élément qui est contenu dans
l’espace I, tournant autour de l’axe fd, s’efforce toujours de s’écarter ; et
pour cela cette matière se forme depuis le commencement, quelques méats
exigus et conserve toujours par la suite dans la tache defg ceux qui croisent
les premiers par en-dessus, et par lesquels a l’habitude d’affluer quelque
chose de cette matière, parce que toujours par les premiers entre quelque
chose en même temps que les particules cannelées. Comme en effet toutes
les parties de la tache s’agrègent les unes aux autres, la circonférence defg
ne peut pas
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
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Troisième Partie. Du Monde Visible.

nunc maior fieri, nunc minor: ideoque semper aequalis quantitas materiae primi elementi
debet in sidere I contineri.

III, 110. Quod lumen stellae per maculam uix possit transire.

Et ideo etiam illa uis, in qua lumen consistere supra diximus, uel nulla prorsus in ipso, uel
non nisi admodum debilis esse potest. Nam, quatenus eius materia circa axem fd rotatur, uis
omnis qua recedere conatur ab isto axe, in macula frangitur, et ad globulos secundi elementi
non pertingit; nec etiam illa, qua eius particulae striatae, ab uno polo uenientes, recta uersus
alium tendunt, quicquam potest praestare: non modo quia istae particulae ualde exiguae
sunt, respectu globulorum coelestium in quos impingunt, ac etiam aliquanto tardius, quam
reliqua materia primi elementi, mouentur; sed praecipue quia illae quae ab uno polo
ueniunt, non magis istos globulos in unam partem propellunt, quam aliae, ex alio polo
uenientes, in aduersam.

III, 111. Descriptio stellae ex improuiso apparentis.

Materia autem coelestis in toto uortice, hoc sidus I circumiacente, comprehensa, suas
interim uires potest retinere, quamuis forte illae non sufficiant ad sensum luminis in oculis
nostris excitandum: fierique potest ut interim iste uortex praeualeat aliis uorticibus sibi
uicinis, et fortius illos premat quam ab ipsis prematur. Unde sequeretur sidus I augeri
debere, nisi macula defg, illud circumscribens, id impediret. Nam, si iam circumferentia
uorticis I sit AYBM, putandum est eius globulos, circumferentiae isti proximos, eandem
habere uim ad progrediendum ultra ipsam, uersus alios uortices circumpositos, ac globulos
horum uorticum ad progrediendum uersus I, non maiorem nec minorem: haec enim unica
ratio est, cur eius circumferentia ibi potius quam alibi terminetur. Si autem, caeteris
immutatis, contingat ut minuatur illa uis, qua, exempli causa, materia uorticis O tendit
uersus I (hocque uariis ex causis potest contingere, ut si eius materia in alios uortices
transeat, uel multae maculae circa sidus in O existens generentur, etc), necesse est, ex
legibus naturae, ut globuli uorticis I, qui sunt in circumferentia Y, ultra ipsam pergant
uersus P; et quia reliqui omnes, qui sunt inter I et Y,
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
être tantôt plus grande, tantôt plus petite, si bien que doit toujours être
contenue dans l’astre I, une même quantité de matière du premier élément.
III, 110. Que la lumière de l’étoile peut difficilement traverser la tache.
Et pour cela aussi cette force en laquelle nous avons dit ci-dessus consister
la lumière, ne peut en cet astre être qu’absolument nulle, ou
qu’extrêmement faible. Car en tant que cette matière tourne autour de l’axe
fd, toute la force par laquelle elle s’efforce de s’écarter de cet axe est brisée
dans la tache et ne parvient pas jusqu’aux globules du second élément ; ni
non plus, la force par laquelle ses particules cannelées venant d’un pôle
tendent en ligne droite vers l’autre pôle, ne peut faire quelque chose ; non
seulement parce que ces particules sont très exiguës eu respect aux globules
célestes contre lesquels ils se heurtent et aussi se meuvent notablement plus
lentement que le reste de la matière du premier élément, mais
principalement parce que les particules qui viennent d’un pôle ne
propulsent pas plus ces globules vers une partie, que les autres venant de
l’autre pôle ne les propulsent dans la partie opposée.
III, 111. Description d’une étoile apparaissant inopinément.
Cependant la matière céleste embrassée dans la totalité du tourbillon
entourant cet astre I peut entre-temps retenir ses forces, même si ces forces
ne suffisent peut-être pas pour exciter la sensation de lumière dans nos
yeux ; et il peut se faire entre-temps que ce tourbillon soit plus fort que les
autres tourbillons qui lui sont proches, et qu’il les presse plus qu’eux-
mêmes en réalité ne le pressent. D’où suivra que l’astre I va s’accroître, à
moins que la tache defg qui l’entoure ne l’en empêche. Car si la
circonférence du tourbillon I est maintenant AYBM, il faut penser que les
globules de ce tourbillon les plus proches de cette circonférence, ont la
même force pour progresser au-delà de cette circonférence vers les autres
tourbillons alentour, que les globules de ces tourbillons pour progresser
vers I ; pas plus grande, ni moins grande, car c’est l’unique raison pourquoi
sa circonférence se termine à cet endroit plutôt qu’ailleurs. Si néanmoins, le
reste étant inchangé, la matière par exemple du tourbillon O tend vers I (et
cela peut arriver par des causes variées, comme quand sa matière passe
dans d’autres tourbillons, ou quand beaucoup de taches sont générées
autour de l’astre qui existe en O, etc.), il est nécessaire, par les lois de la
nature, que les globules du tourbillon I qui se trouvent sur la circonférence
Y, continuent au-delà de cette circonférence vers P ; et parce que tous les
autres qui sont entre I et Y,
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Troisième Partie. Du Monde Visible.
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

eo uersus etiam tendunt, inde augeretur spatium in quo est sidus I, nisi macula defg ipsum
terminaret; sed quia haec macula non permittit illud augeri, globuli coelestes ei proximi
paulo maiora solito interualla circa se relinquent, et plus materiae primi elementi in iis
interuallis continebitur, quae, quandiu in ipsis erit dispersa, non magnas uires habere potest.

Si autem contingat particulas primi elementi, per poros maculae exeuntes et in globulos
illos impingentes, uel aliam quamuis causam, aliquos ex istis globulis a maculae superficie
seiungere, materia primi elementi, spatium intermedium statim replens, satis uirium habebit
ad alios globulos istis uicinos ab eadem maculae superficie seiungendos; et quo plures ab
illa ita seiunget, eo plus uirium acquiret: ideoque breuissimo tempore, ac tanquam in
momento, supra totam istam superficiem se diffundet; ibique non aliter gyrans, quam ea
quae intra maculam continetur, non minori ui pellet globulos coeli circumpositos, quam
eosdem pelleret ipsum sidus I, si nulla macula illud inuoluens eius actionem impediret:
atque ita magna luce ex improuiso fulgebit.

III, 112. Descriptio Stellae paulatim disparentis.

Iam uero, si forte contingat, istam maculam esse tam tenuem et raram, ut a materia primi
elementi, supra eius exteriorem superficiem sic effusa, dissoluatur, non facile postea sidus I
rursus disparebit: ad hoc enim opus esset, ut noua macula ipsum totum rursus inuolueret.
Sed si crassior sit quam ut ita queat dissolui, densabitur exterior eius superficies, ob
impulsum materiae ipsam circumfluentis: atque interim si mutentur causae, ob quas prius
minuta fuerat illa uis, qua materia uorticis O tendit uersus I, iamque e contra augeatur,
repelletur rursus materia uorticis I a P uersus Y, et hoc ipso materia primi elementi, supra
maculam defg diffusa, minuetur, et simul nouae maculae in eius superficie generabuntur,
quae paulatim ipsius lumen obtundent; et denique, si causa perseueret, plane tollent, atque
omnem locum istius materiae primi elementi occupabunt. Cum enim globuli uorticis I, qui
sunt in exteriori eius circumferentia APBM, magis solito prementur, magis etiam prement
illos, qui sunt in interiori circumferentia xx, quique
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Troisième Partie. Du Monde Visible.
y tendent aussi, de là l’espace dans lequel se trouve l’astre I, s’il n’est pas
délimité justement par la tache defg, s’accroît ; mais parce que cette tache
ne lui permet pas de s’accroître, les globules célestes qui lui sont les plus
proches, laissent un intervalle un peu plus grand autour de lui, et ces
intervalles contiennent davantage de matière du premier élément, qui,
aussi longtemps qu’elle y sera dispersée, ne peut pas avoir en réalité de
grandes forces. Et s’il arrive que les particules du premier élément qui
sortent de la tache par les pores et frappent ces globules, ou toute autre
cause que l’on voudra, disjoignent certains de ces globules de la surface de
la tache, la matière du premier élément qui aussitôt remplit l’espace
interposé, aura assez de forces pour disjoindre de la même surface de la
tache, les autres globules qui les avoisinent ; et plus elle disjoint ainsi de
cette surface, plus elle acquiert de force ; à ce point en un temps très bref, et
comme en un seul moment, elle se répandra sur la totalité de cette surface ;
et là, ne tournant pas autrement que celle qui est contenue dans la tache,
elle ne poussera pas les globules du ciel qui l’entourent avec une force
moindre que l’astre I lui-même ne poussera ces mêmes globules si aucune
tache l’entourant n’empêche son action ; et ainsi une grande lumière
resplendira brusquement.
III, 112. Description d’une étoile disparaissant progressivement.
Mais maintenant s’il arrive par hasard que cette tache soit ténue et raréfiée
au point que se dissolve la matière du premier élément répandue au-dessus
de sa surface extérieure, l’astre I par la suite ne disparaîtra pas à nouveau
facilement ; il faudrait pour cela qu’une nouvelle tache le recouvre
précisément à nouveau entièrement. Mais si elle est trop épaisse pour
pouvoir être dissoute, sa surface extérieure se fera plus dense à cause de la
poussée de la matière qui l’entoure justement ; et si entre-temps
changeaient les causes par lesquelles avait diminué cette première force qui
fait tendre la matière du tourbillon O vers I, et que maintenant au contraire
cette force augmente, à nouveau la matière du tourbillon I s’écartera de P
vers Y, et par cela même la matière du premier élément, présente au-dessus
de la tache defg, diminuera, et en même temps seront générées de
nouvelles taches sur sa surface qui peu à peu obscurciront sa propre
lumière ; et enfin si la cause persévère, elles l’éteindront complétement et
occuperont tout le lieu de cette matière du premier élément. Comme, en
effet, les globules du tourbillon I, qui sont sur sa surface extérieure APBM,
sont plus pressés que d’habitude, ils presseront plus aussi ceux qui sont sur
la surface intérieure xx, et ceux qui
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
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Troisième Partie. Du Monde Visible.

ita pressi, et ramosis particulis aetheris illius, quem circa sidera generari diximus, intertexti,
non facilem transitum praebebunt particulis striatis, aliisue non minutissimis materiae primi
elementi, supra maculam defg diffusae: unde fiet, ut ipsae ibi perfacile in maculas
congregentur.

III, 113. In omnibus maculis multos meatus a particulis striatis excauari.

Obiterque hic est notandum, particulas striatas in omnibus istis macularum corticibus
continuos sibi meatus excauare, ac per omnes simul, tanquam per unam solam maculam,
transire. Formantur enim istae maculae ex ipsa materia primi elementi, et ideo initio sunt
mollissimae, istisque striatis particulis facilem uiam praebent. Quod idem de aethere
circumfuso dici non potest; quamuis enim crassiores eius particulae nonnulla etiam istorum
meatuum uestigia retineant, quoniam ex macularum dissolutione genitae sunt: quia tamen
motui globulorum secundi elementi obsequuntur, non semper eundem situm seruant, nec
ideo particulas striatas recta pergentes, nisi admodum difficulter, admittunt.

III, 114. Eandem stellam posse per uices apparere ac disparere.

Sed facile fieri potest, ut eadem stella fixa per uices appareat et dispareat, singulisque
uicibus quibus disparebit, nouo cortice macularum inuoluatur. Talis enim alternatio est
naturae ualde familiaris, in corporibus quae mouentur: ita scilicet ut, cum ab aliqua causa
uersus certum terminum impulsa sunt, non in eo subsistant, sed ulterius pergant, donec
rursus ab alia causa uersus ipsum repellantur. Ita, dum pondus funi appensum, ui grauitatis
ab uno latere ad perpendiculum suum descendit, impetum acquirit, a quo ultra istud
perpendiculum in oppositum latus fertur, donec rursus grauitas, isto impetu superato, illud
uersus perpendiculum moueat, et inde nouus in eo impetus oriatur. Ita, uase semel moto,
liquor in eo contentus multoties it et redit, antequam ad quietem reducatur. Et ita, cum
omnes coelorum uortices in quodam aequilibrio consistant, ubi unius materia semel ab isto
aequilibrio recessit, potest multoties nunc in unam, nunc in aduersam partem excurrere,
antequam ab isto motu quiescat.

III, 115. Totum aliquando uorticem, in cuius centro est stella, destrui posse.
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
sont ainsi pressés et entremêlés avec les particules ramifiées de cet éther
que nous avons dit être généré autour des astres, ne laisseront pas un
passage facile aux particules cannelées ou celles assez grosses de la matière
du premier élément, répandues sur la tache defg ; d’où se fera qu’à cet
endroit elles s’agrègent très facilement aux taches.
III, 113. Les particules cannelées se creusent, dans toutes les taches, de
nombreux méats.
Et il faut noter ici, en passant, que les particules cannelées se creusent dans
toutes ces couches des taches, des méats continuels et toutes en même
temps passent à travers, comme à travers une seule tache. Ces taches en
effet sont formées par cette matière du premier élément et pour cela sont
très molles au début, et offrent une voie facile à ces particules cannelées. Et
cela ne peut pas être dit de l’éther alentour ; car même si ses particules
assez grosses conservent quelques traces de ces méats, puisqu’elles sont
générées par la dissolution des taches, néanmoins parce qu’elles se
conforment au mouvement des globules du second élément, elles ne restent
pas toujours sur le même site et pour cela ne laissent pas pénétrer les
particules cannelées continuant en ligne droite, sinon tout à fait
difficilement.
III, 114. Une même étoile peut tour à tour apparaître et disparaître.
Mais facilement peut se faire qu’une même étoile fixe, tour à tour
apparaisse et disparaisse, et s’enveloppe chaque fois qu’elle disparaît d’une
nouvelle couche de taches. Une telle alternance en effet est très familière à
la nature dans les corps qui se meuvent ; de sorte, cela s’entend, que quand
ils sont poussés par quelque cause vers une certaine limite, ils ne s’y
arrêtent pas mais continuent au-delà, jusqu’à ce qu’une autre cause à son
tour les repousse vers cette limite même. Ainsi aussi longtemps qu’un
poids suspendu à un fil descend depuis un côté vers sa perpendiculaire par
la force de la gravité, il acquiert un élan qui le porte du côté opposé au-delà
de cette perpendiculaire, jusqu’à ce qu’une fois dépassé cet élan, la gravité
le meuve à nouveau vers la perpendiculaire, et de là naît en lui un nouvel
élan. Ainsi quand un vase est mû une fois, le liquide qu’il contient, va et
vient de nombreuses fois avant d’être rendu au repos. Et ainsi comme tous
les tourbillons du ciel établissent un certain équilibre, quand à l’occasion la
matière de l’un rompt cet équilibre, elle peut se rendre un grand nombre de
fois tantôt dans une partie tantôt dans la partie opposée, avant de prendre,
par ce mouvement, le repos.
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Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 115. Un tourbillon au centre duquel se trouve une étoile, peut parfois
être détruit tout entier.
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Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
Fieri etiam potest ut totus uortex, in quo talis aliqua stella fixa continetur, ab aliis
circumiacentibus uorticibus absorbeatur, et eius stella, in aliquem ex istis uorticibus
abrepta, mutetur in Planetam uel Cometam. Nempe duas tantum causas supra inuenimus,
quae impediant ne uni uortices ab aliis destruantur; harumque una, quae consistit in eo,
quod materia unius uorticis obiectu uicinorum impediatur ne uersus alium quem possit
euagari, non potest in omnibus locum habere. Nam si, exempli causa, materia uorticis S a
uorticibus L et N ita utrimque prematur, ut hoc impediat ne uersus D ulterius progrediatur,
non potest eadem ratione impediri a uortice D, ne se diffundat uersus L et N, nec etiam ab
ullis aliis, nisi qui sint ei uiciniores, pro ratione suae magnitudinis; atque adeo in omnium
maxime uicinis non habet locum. Altera autem causa, quod nempe materia primi elementi,
in centro cuiusque uorticis sidus componens, globulos secundi circa illud existentes a se
repellat uersus alios uortices uicinos, locum quidem habet in omnibus iis uorticibus,
quorum sidera nullis maculis inuoluuntur; sed non dubium est, quin densiorum macularum
interuentus eam tollat; praesertim earum, quae plurium corticum instar sibi mutuo
incumbunt.
III, 116. Quomodo destrui
possit, antequam multae
maculae circa eius stellam
sint congregatae.
Fig. III-14.
Atque hinc patet non esse
quidem periculum, ne ullus
uortex ab aliis uicinis
destruatur, quamdiu sidus
quod in centro suo habet,
nullis maculis est inuolutum;
sed, cum illis tegitur et
obruitur, pendere tantum a
situ, quem iste uortex inter
alios obtinet, ut uel citius uel
tardius ab ipsis absorbeatur.
Nempe si talis sit eius situs,
ut uicinorum aliorum
uorticum cursui ualde
resistat, citius ab illis
destruetur, quam ut multi
macularum cortices circa
eius sidus densari possint;
sed si minori sit ipsis
impedimento, lente tantum
minuetur; interimque
maculae, sidus in eius medio
559
Troisième Partie. Du Monde Visible.
positum obsidentes, densiores fient, pluresque ac plures tam supra quam etiam intra illud
congregabuntur.
560
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
Cf. Figure III-9. : Il peut se faire aussi qu’un tourbillon tout entier dans
lequel est contenue telle certaine étoile fixe, soit absorbé par d’autres
tourbillons l’environnant, et son étoile emportée en l’un de ces tourbillons,
se change en planète ou comète. Nous n’avons trouvé n’est-ce pas ci-
dessus, que deux causes pour empêcher les tourbillons de se détruire les
uns les autres ; cette cause qui consiste en ce que la matière d’un tourbillon
soit empêchée par l’obstacle des voisins de pouvoir divaguer vers un autre,
ne peut avoir lieu en tous.
Car si par exemple la matière du tourbillon S est pressée par les tourbillons
L et N, il est ainsi pressé de part et d’autre, de sorte que cela empêche qu’il
aille plus loin vers D, par la même raison il ne peut pas être empêché par le
tourbillon D, de se répandre vers L et N, ni non plus par aucun autre, à
moins qu’ils ne lui soient plus proches à proportion de leur grandeur ; à ce
point cette cause n’a pas lieu dans les plus voisins de tous. Et l’autre cause,
à savoir que la matière du premier élément composant l’astre au centre de
chaque tourbillon, repousse loin d’elle les globules du second existant
autour du tourbillon vers les autres tourbillons voisins, a certainement lieu
dans tous ces tourbillons dont les astres ne sont recouverts par aucune
tache ; mais il ne fait pas de doute que l’interposition de taches assez
denses la supprime, surtout de ces taches qui se reposent les unes sur les
autres à l’instar de plusieurs couches.
III, 116. Comment un tourbillon peut être détruit avant que ne s’agrègent
de nombreuses taches en son étoile.
Figure III-14.
Et de là est parfaitement visible qu’aucun tourbillon ne peut être détruit
par ses voisins, aussi longtemps que l’étoile qu’il a en son centre n’est
entourée d’aucune tache, mais quand l’étoile est couverte et ensevelie par
ces taches, il ne dépend que du site que le tourbillon tient entre les autres
tourbillons, qu’il soit absorbé plus vite ou plus lentement. À savoir si son
site est tel qu’il résiste fortement à la course des autres tourbillons voisins,
il sera plus vite détruit par eux que ne pourront se condenser de
nombreuses couches de taches autour de son astre ; mais si l’empêchement
de ces tourbillons est moindre, il ne fera que s’amoindrir lentement, et
entre-temps les taches occupant l’astre posé en son milieu, se feront plus
denses et s’agrégeront toujours plus nombreuses, tant au-dessus qu’à
l’intérieur de l’astre.
561
Troisième Partie. Du Monde Visible.
Sic, exempli causa, uortex N ita situs est, ut aperte cursum uorticis S magis impediat quam
ulli alii uicini; quapropter facile ab hoc uortice S abripietur, statim atque aliquot maculis
illius sidus erit inuolutum: ita scilicet, ut circumferentia uorticis S, quae iam terminatur
linea OPQ, terminetur postea linea ORQ; totaque materia, quae continetur intra lineas OPQ
et ORQ, ei accedat, eiusque cursum sequatur, reliqua materia, quae est inter lineas ORQ et
OMQ, in alios uicinos uortices abeunte. Nihil enim aliud uorticem N in eo situ, in quo nunc
esse supponitur, potest conseruare, quam magna uis materiae primi elementi, in eius centro
existentis, quae globulos secundi circumquaque ita propellit, ut eius impulsui potius quam
motibus uicinorum uorticum obsequantur: quae uis interuentu macularum debilitatur et
frangitur.
III, 117. Quomodo permultae maculae circa aliquam stellam esse possint, antequam eius
uortex destruatur.
Fig. III-15.
Vortex autem C inter
quatuor S, F, G, H,
duosque alios M et N,
qui supra istos quatuor
intelligendi sunt, ita est
constitutus, ut quamuis
densae maculae circa
eius sidus congregentur,
nunquam tamen totus
possit euerti, quandiu isti
sex sunt uiribus inter se
aequale. Quippe suppono
uortices S, F, et tertium
M, ipsis incumbentem
supra punctum D, circa
propria centra gyrare a D
uersus C: itemque tres
alios G, H, et sextum N,
supra ipsos positum,
uerti ab E uersus C;
uorticem autem C ita
inter hos sex esse
constitutum, ut ipsos
solos tangat, et eius
centrum ab eorum sex centris aequidistet, axisque, circa quem gyratur, sit in linea DE. Qua
ratione istorum septem uorticum motus inter se optime conueniunt; et quantumuis multis
maculis sidus uorticis C obruatur, adeo ut perexiguas, uel etiam plane nullas habeat uires ad
globulos coeli circa se positos secum in orbem rapiendos, non tamen ulla est ratio, cur alii
sex illud e loco suo expellant, quamdiu inter se sunt aequales.
562
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
Ainsi par exemple le tourbillon N est situé de telle sorte qu’il empêche
ouvertement, la course du tourbillon S, plus qu’aucun autre tourbillon
voisin ; raison pour laquelle il sera facilement emporté par ce tourbillon
aussitôt que son astre sera entouré d’un certain nombre de taches, de telle
sorte n’est-ce pas, que la circonférence du tourbillon S qui est maintenant
délimitée par la ligne OPQ sera délimitée par la suite par la ligne ORQ ; et
toute la matière contenue entre les lignes OPQ et ORQ arrive à lui, et suit sa
propre course, le reste de la matière, entre les lignes ORQ et OMQ, allant
dans les autres tourbillons voisins. Car rien d’autre ne peut conserver le
tourbillon N dans ce site où il est maintenant, sinon la grande force de la
matière du premier élément existant en son centre qui propulse tout
alentour les globules du second élément, de telle sorte qu’ils se plient plus à
sa propre poussée qu’aux mouvements des tourbillons voisins ; et cette
force est affaiblie et brisée par l’interposition des taches.
III, 117. Comment un très grand nombre de taches peuvent être autour
d’une étoile avant que son tourbillon ne soit détruit.
Figure III-15.
Toutefois le tourbillon C, entre les quatre tourbillons S, F, G, H et les deux
autres M et N qui doivent se comprendre au-dessus de ces quatre, est
constitué de telle sorte que même si des taches denses s’agrègent autour de
son astre, jamais néanmoins il ne pourra être détruit tout entier, aussi
longtemps que ces six tourbillons sont égaux en forces entre eux. C’est
pourquoi je suppose les tourbillons S, F et le troisième M reposant sur ces
deux au point G, tourner autour de leur propre centre, de D vers C ; et de
même les trois tourbillons G, H, et le sixième N posé sur ces deux, tourner
de E vers C ; et le tourbillon C, entre ces six, est constitué de telle sorte, qu’il
touche ces seuls six tourbillons, que son centre est équidistant de leurs six
centres, et que son axe autour duquel il tourne est la ligne DE. Et de cette
façon le mouvement de ces sept tourbillons convient précisément le mieux
entre eux ; et autant que l’on voudra l’astre C être enseveli par de
nombreuses taches, au point qu’il ait des forces très faibles, ou même s’il
n’en a aucune pour emporter avec lui en son orbe les globules du ciel posés
autour de lui, il n'y a aucune raison toutefois que les six autres l’expulsent
de son lieu, aussi longtemps qu’ils sont égaux entre eux.
563
Troisième Partie. Du Monde Visible.

III, 118. Quomodo istae multae maculae generentur.

Sed ut sciamus quo pacto tam multae maculae circa illud generari potuerint, putemus ipsum
initio non minorem fuisse, quam unum ex aliis sex ei circumiacentibus, ita ut
circumferentiam suam usque ad puncta 1, 2, 3, 4 extenderet; sidusque permagnum in centro
suo habuisse, utpote quod componebatur ex materia primi elementi, quae per D ex tribus
uorticibus S, F, M, et per E ex tribus aliis G, H, N, uersus C recta tendebat, et inde non
regrediebatur, nisi in eosdem illos uortices uersus K et L; adeo ut istud sidus satis uirium
habere potuerit, ad totam materiam coeli 1 2 3 4 secum in gyrum agendam. Sed quia,
propter inaequalitatem et incommensurabilitatem quantitatum et motuum, quae in aliis
partibus uniuersi reperitur, nihil in perpetuo aequilibrio stare potest, ubi forte uortex C
minus uirium habere coepit quam alii circumiacentes, pars eius materiae in ipsos migrauit,
et quidem cum impetu; ita ut ea pars quae sic migrauit, fuerit maior quam ista inaequalitas
exigebat, ideoque rursus postea nonnihil materiae in ipsum ex aliis remigrauit, atque ita per
uices. Cumque interim multi macularum cortices circa eius sidus generarentur, magis ac
magis illius uires minuebantur, et idcirco, singulis uicibus, minus materiae in illum
regrediebatur quam ab ipso exiisset, donec tandem perexiguus euaserit, uel etiam totus
fuerit absorptus, solo eius sidere excepto, quod, multis maculis circumuallatum, in
materiam aliorum uorticum abire non potest, nec etiam ab istis aliis uorticibus e loco, in
quo est, extrudi, quamdiu isti uortices sunt inter se aequales. Sed interim eius maculae
magis ac magis densari debent, ac tandem, ubi unus aliquis ex uicinis uorticibus, aliis maior
et potentior euadet, ut si uortex H extendat suam superficiem usque ad lineam 5 6 7, tunc
facile uortex H totum sidus C, non hic amplius fluidum et lucidum, sed, Cometae uel
Planetae instar, durum et opacum, secum abducet.

III, 119. Quomodo Stella fixa mutetur in Cometam uel in Planetam.

Iam uero considerandum est, qua ratione debeat moueri talis globus opacus et durus, ex
multarum macularum congerie compositus, cum primum ab aliquo uortice sibi uicino
abreptus est. Nempe ita gyrat cum materia a qua abripitur,
564
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
III, 118. Comment sont générées ces nombreuses taches.
Mais pour savoir de quelle façon d’aussi nombreuses taches ont pu être
générées à son entour, pensons que lui-même depuis le commencement
n’est pas plus petit que chacun des six autres qui l’entourent, de sorte que
sa circonférence s’étend jusqu’aux points 1, 2, 3, 4 ; et qu’il a en son centre
un astre très grand, vu qu’il se compose par la matière du premier élément
qui tend en ligne droite vers C, à travers D depuis les trois autres
tourbillons S, F, M, et à travers E depuis les trois tourbillons G, H, N, et de
là ne retourne pas en arrière dans ces mêmes tourbillons, si ce n’est vers K
et L ; si bien que cet astre peut avoir assez de forces pour faire tourner toute
la matière du ciel 1 2 3 4 avec lui. Mais parce qu’en raison de l’inégalité et
de l’incommensurabilité des quantités et des mouvements qui se trouvent
dans les autres parties de l’univers, rien ne peut rester dans un perpétuel
équilibre, quand il arrive que le tourbillon C commence à avoir moins de
forces que les autres qui l’entourent, une partie de sa matière migre en eux
justement, et certainement avec impétuosité ; de telle sorte que cette partie
qui migre ainsi, est plus grande que n’exige cette inégalité ; à ce point par la
suite un peu de matière migre vers lui-même depuis les autres, et ainsi de
suite récipro-quement. Et comme entre temps de nombreuses couches de
taches sont générées autour de son astre, ses forces diminuent de plus en
plus, et pour cela moins de matière retourne vers lui depuis les autres
tourbillons qu’il n’en sort de lui-même, jusqu’à ce qu’à la fin il devient
extrêmement exigu ou même est complétement absorbé, excepté son astre
seul qui entouré de nombreuses taches ne peut s’abîmer dans la matière
des autres tourbillons ni non plus être expulsé par ces autres tourbillons du
lieu dans lequel il se trouve, aussi longtemps que les tourbillons sont égaux
entre eux. Mais dans le même temps, ses taches doivent devenir de plus en
plus denses, et finalement, quand l’un des tourbillons voisins finit par être
plus grand et plus fort, comme le tourbillon H s’il étend sa superficie
jusqu’à la ligne 5, 6 7, alors facilement le tourbillon H emportera avec lui la
totalité de l’astre C, ici non fluide et lumineux, mais dur et opaque, comme
une comète ou une planète.
III, 119. Comment une étoile fixe se change en comète ou en planète.
Mais maintenant il faut considérer de quelle façon doit se mouvoir un tel
globe opaque et dur, composé de nombreuses taches conglomérées, quand
il commence à être emporté par quelque tourbillon voisin. Il tourne, n’est-
ce pas, avec la matière par laquelle il est emporté, de telle sorte qu’aussi
565
Troisième Partie. Du Monde Visible.
566
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

ut quandiu minus habet agitationis quam ipsa, uersus centrum circa quod gyrat detrudatur.
Et quia omnes partes eiusdem uorticis non eadem celeritate mouentur, nec sunt eiusdem
magnitudinis; sed a circumferentia usque ad certum terminum earum motus gradatim fit
tardior, ac deinde ab isto termino usque ad centrum gradatim fit celerior, et ipsae sunt
minutiores, ut supra dictum est: si globus in illo uortice descendens adeo sit solidus, ut
priusquam peruenerit ad terminum in quo partes uorticis omnium tardissime mouentur,
acquirat agitationem aequalem agitationi earum partium, inter quas uersatur, non ulterius
descendit, sed ex illo uortice in alios transit, et est Cometa. Si uero minus habeat soliditatis,
atque idcirco infra terminum illum descendat, ibi postea ad certam distantiam a sidere, quod
illius uorticis centrum occupat, semper manens, circa ipsum rotatur, et est Planeta.

III, 120. Quo feratur talis Stella, cum primum desinit fixa esse.

Putemus, exempli causa, materiam uorticis AEIO, nunc primum secum abripere sidus N, et
consideremus uersus quam partem illud feret. Nempe cum omnis ista materia gyret circa
centrum S, ideoque inde recedere conetur, ut supra explicui, non dubium est quin ea quae
iam uersatur in O, pergendo per R ad Q, detrudat hoc sidus secundum lineam rectam uersus
S: atque ex natura grauitatis infra explicanda, intelligetur istum motum sideris N, alteriusue
cuiusuis corporis, uersus centrum uorticis in quo uersatur, dici posse eius descensum. Sic,
inquam, ipsum detrudit initio, cum nondum intelligimus in eo esse alium motum; sed statim
etiam illud circumquaque ambiendo, secum defert motu circulari ab N uersus A; cumque
hic motus circularis ei det uim recedendi a centro S, pendet tantum ab eius soliditate, ut uel
multum descendat uersus S, nempe si perexigua sit eius soliditas; uel contra, si magna sit,
ab S recedat.

III, 121. Quid per corporum soliditatem, et quid per eorum agitationem intelligamus.

Per soliditatem hic intelligo quantitatem materiae tertii elementi, ex qua maculae hoc sidus
inuoluentes componuntur, cum eius mole et superficie comparatam.
567
Troisième Partie. Du Monde Visible.
longtemps qu’il a moins d’agitation qu’elle-même, il est précipité vers le
centre autour duquel il tourne. Et parce que toutes les parties de ce même
tourbillon ne se meuvent pas à la même vitesse et ne sont pas de même
grandeur, mais que leur mouvement depuis la circonférence se fait
graduellement plus lent jusqu’à une certaine limite, et ensuite de cette
même limite se fait graduellement plus rapide jusqu’au centre, et que ces
parties sont plus petites comme il a été dit ci-dessus, si le globe qui descend
dans ce tourbillon est à ce point solide qu’avant de parvenir à la limite où
les parties du tourbillon se meuvent le plus lentement de toutes, il acquiert
une agitation égale à l’agitation des parties de ce tourbillon dans lesquelles
il se meut, et ne descend pas plus loin, mais passe de ce tourbillon en
d’autres, il est une comète. Si en vérité il a moins de solidité, et pour cela
descend en dessous de cette limite, quand par la suite en restant toujours à
quelque distance de l’astre qui occupe le centre de ce tourbillon, il tourne
autour de cet astre, il est une planète.
III, 120. Où est portée une telle étoile quand elle cesse d’être fixe.
Pensons par exemple que la matière du tourbillon AEIO emporte
maintenant avec elle d’abord l’astre N, et considérons vers quelle partie cet
astre se porte. Quand toute cette matière, n’est-ce pas, tourne autour du
centre S, elle s’efforce par cette rotation de s’écarter de ce centre, comme j’ai
expliqué ci-dessus, et il ne fait aucun doute que cette matière qui se meut
maintenant en O et continue vers Q en passant par R, repousse cet astre
selon une ligne droite vers S, et par la nature de la gravité qu’il faudra
expliquer plus tard, se comprend que ce mouvement de l’astre N, ou de
quelque autre corps, se tourne vers le centre du tourbillon, selon ce qui
peut être dit son chemin de descente. Ainsi, dis-je, au début quand nous
entendons qu’il n’a pas encore d’autre mouvement, la matière le repousse ;
mais aussitôt aussi, l’entourant tout autour, elle l’emporte avec elle d’un
mouvement circulaire de N vers A ; et comme ici le mouvement circulaire
lui donne la force de s’écarter du centre S, dépend seulement de sa solidité,
ou qu’il descende beaucoup vers S, savoir si sa solidité est faible, ou au
contraire qu’il s’écarte de S, si elle est grande.
III, 121. Qu’entendons-nous par solidité des corps, et quoi par agitation des
corps.
Par solidité j’entends ici la quantité de matière du troisième élément
dont sont composées les taches enveloppant cet astre, comparée à sa
568
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

Quippe uis, qua materia uorticis AEIO id defert circulariter circa centrum S, aestimanda est
a magnitudine superficiei, secundum quam ipsi occurrit; quia quo maior est ista superficies,
eo plus materiae in hoc agit. Vis autem, qua ista materia uersus idem centrum S ipsum
pellit, aestimanda est a magnitudine spatii quod ab eo occupatur. Quamuis enim omnis illa
materia, quae est in uortice AEIO, conetur recedere ab S, non tamen omnis agit in sidus N,
sed tantum ea eius pars, quae reipsa inde recedit, cum hoc accedit; haecque est aequalis
spatio quod ab eo fuit occupatum. Denique uis quam idem sidus N a proprio suo motu
acquirit ad perseuerandum in eodem illo motu, quam ipsius agitationem uoco, non
aestimanda est ab eius superficie, nec a tota eius mole, sed tantum ab ea eius molis parte,
quae constat materia tertii elementi, hoc est, particulis materiae sibi mutuo adhaerentibus,
ex quibus maculae ipsum inuoluentes componuntur. Quantum enim ad materiam primi, uel
etiam secundi elementi, quae in eo est, cum assidue ex ipso egrediatur, et noua redeat in
locum exeuntis, non potest noua ista materia accedens uim retinere quae priori iam egressae
fuit impressa, et praeterea uix ulla ei fuit impressa, sed tantum motus, qui aliunde in ea erat,
determinatus est uersus certam partem; atque haec determinatio a uariis causis assidue
potest mutari.

III, 122. Soliditatem non a sola materia, sed etiam a magnitudine ac figura pendere.

Sic uidemus hic supra terram aurum, plumbum et alia metalla, cum semel mota sunt,
maiorem agitationem siue maiorem uim ad perseuerandum in suo motu retinere, quam ligna
et lapides eiusdem magnitudinis et figurae; ac etiam idcirco magis solida esse putantur, siue
plus habere in se materiae tertii elementi, ac pauciores poros qui materia primi et secundi
replentur. Sed auri globulus esse potest tam minutus, ut non tantam uim habiturus sit, ad
motum sibi impressum retinendum,
569
Troisième Partie. Du Monde Visible.
masse et sa superficie. Assurément la force par laquelle la matière du
tourbillon AEIO emporte cet astre circulairement autour du centre S, doit
être estimée par la grandeur de la surface suivant laquelle elle rencontre
l’astre lui-même, parce que plus cette surface est grande, d’autant plus de
matière agit sur lui. Toutefois la force par laquelle précisément cette
matière pousse l’astre vers ce même centre S, doit être estimée par la
grandeur de l’espace que l’astre occupe. Car même si toute cette matière
qui est dans le tourbillon AEIO s’efforce de s’éloigner de S, toute pourtant
n’agit pas sur l’astre N, mais seulement cette sienne partie, en fait, qui
s’écarte de ce centre quand elle s’adjoint à lui ; et cette partie est égale à
l’espace que l’astre occupe. Enfin la force qu’acquiert par son propre
mouvement ce même astre N pour persévérer dans ce même mouvement
que j’appelle en réalité son agitation, ne doit pas être estimée par sa surface
ni par la totalité de sa masse, mais seulement par la partie de sa masse
composée par la matière du troisième élément, c’est-à-dire par les
particules de matière s’agrégeant les unes aux autres, d’où se composent les
taches qui l’entourent. Quant à la matière du premier élément en effet qui
est en lui, ou aussi du second, comme elle sort de l’astre continûment et
qu’une nouvelle revient à la place de celle qui sort, cette nouvelle matière
qui arrive ne peut pas conserver la force déjà imprimée auparavant à celle
sortie, et aucune force après cela ne lui a été imprimée, mais est seulement
déterminé ce mouvement qui était en elle d’un autre lieu vers certaine
partie ; et cette détermination peut changer continuellement par des causes
variées.
III, 122. La solidité26 ne dépend pas de la seule matière mais aussi de la
grandeur et de la figure.
Ainsi nous voyons ici sur terre l’or, le plomb et les autres métaux, une fois
mis en mouvement, conserver une agitation plus grande autrement dit une
force plus grande pour persévérer dans leur mouvement, que les morceaux
de bois et les pierres de même grandeur et figure ; et c’est pour cela aussi
que l’on pense qu’ils ont plus de solidité autrement dit qu’ils ont en eux
plus de matière du troisième élément et moins de pores remplis de matière
du second et troisième élément. Mais un corpuscule sphérique d’or, peut
être si petit qu’il n’aura pas autant de force pour conserver le mouvement
qui lui a été imprimé, qu’un corpuscule sphérique de bois ou de pierre,
beaucoup plus grand. Et aussi, qu’une masse d’or peut revêtir telle et telle
figure, de sorte à être capable d’une agitation plus grande que celle qu’a un
corpuscule
570
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
571
Troisième Partie. Du Monde Visible.

quam globus lapideus uel ligneus multo maior. Potestque etiam massa auri tales figuras
induere, ut globus ligneus ipsa minor maioris agitationis sit capax: nempe si extendatur in
fila aut bracteas, aut spongiae instar multis minutis foraminibus excauetur, aut quocumque
alio modo plus superficiei acquirat, pro ratione suae materiae et molis, quam ille ligneus
globus.

III, 123. Quomodo globuli caelestes integro aliquo sidere solidiores esse possint.

Atque ita fieri potest ut sidus N, quamuis mole permagnum, et satis multis macularum
corticibus inuolutum, minus tamen habeat soliditatis, siue minus aptitudinis ad motus suos
retinendos, quam globuli materiae secundi elementi ipsum circumiacentes. Hi enim globuli,
pro ratione suae magnitudinis, sunt omnium solidissimi qui esse possint, quia nullos in ipsis
meatus, alia materia solidiori repletos, intelligimus; et figuram obtinent sphaericam, quae
omnium minimum habet superficiei, pro ratione molis sub se contentae, ut Geometris est
satis notum. Et praeterea, quamuis sit permagna disparitas inter ipsorum exiguitatem et
magnitudinem alicuius sideris, haec tamen ex parte compensatur, eo quod non uires
singulorum ex istis globulis, sed plurium simul, istius sideris uiribus opponantur. Cum enim
illi cum aliquo sidere circa centrum S rotantur, tenduntque omnes, nec non etiam istud
sidus, ut ab S recedant, si uis inde recedendi, quae est in sidere, superet uires simul iunctas,
quae sunt in tot ex istis globulis, quot requiruntur ad spatium quod sidus occupat
replendum: tunc ipsum recedet ab S, efficietque ut isti globuli in locum suum descendant;
et contra, si illi plus habeant uirium, ipsum uersus S expellent.

III, 124. Quomodo etiam esse possint minus solidi.

Fieri enim etiam facile potest, ut sidus N multo plus habeat uirium ad perseuerandum in suo
motu secundum lineas rectas, quam globuli materiae coelestis ipsum circumiacentes,
etiamsi minus materiae tertii elementi in eo contineatur, quam secundi, in tot ex istis
globulis, quot requiruntur ad spatium ipsi aequale occupandum. Quia cum sint a se mutuo
disiuncti, et uarios habeant motus, quamuis iunctis uiribus in illud agant, non possunt tamen
omnes suas uires ita simul iungere, ut nulla earum pars inutilis fiat: contra autem omnis
materia tertii elementi,
572
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
sphérique de bois plus petit que ce bloc même ; à savoir s’il est étiré en fils,
ou en feuilles, ou s’il est perforé, comme une éponge, de très nombreux
petits trous, ou s’il acquiert de quelque autre manière plus de surface eu
rapport à sa matière et sa masse, que ce corpuscule sphérique de bois.
III, 123. Comment les globules célestes peuvent être plus solides que
quelque astre entier.
Et il peut de même se faire que l’astre N, même d’une masse très grande et
suffisamment enveloppée de nombreuses couches de taches, ait pourtant
moins de solidité autrement dit moins d’aptitude à conserver ses
mouvements, que les globules de matière du second élément qui
l’entourent précisément. Car ces globules sont, eu rapport à leur grandeur,
les plus solides de tous ceux qui peuvent être, parce que nous entendons
qu’aucun n’est plein d’une autre matière plus solide dans ses propres
méats, et qu’ils obtiennent la figure de la sphère, qui de toutes, a la plus
petite surface eu rapport à la masse qu’elle contient, comme c’est assez
connu des géomètres. Et en outre, même si la disparité est très grande entre
leur petitesse et la grandeur d’un astre quelconque, néanmoins cette
disparité est compensée en partie, de ce qu’aux forces de cet astre ne
s’opposent pas les forces d’un seul de ces globules, mais de plusieurs
ensemble. Comme ils tournent en effet avec un astre autour du centre S, et
que tous tendent, comme tend cet astre aussi, à s’écarter de S, si la force de
s’en écarter qui est dans l’astre, dépasse les forces jointes ensemble qui sont
en autant de ces globules qu’autant de ces corpuscules sont requis pour
remplir l’espace qu’occupe l’astre, alors lui-même s’écarte de S et fait que
ces globules descendent en son lieu, et s’ils ont plus de forces, au contraire
c’est lui-même qu’ils expulsent.
III, 124. Comment aussi ils peuvent être moins solides.
Il peut aussi se faire facilement en effet que l’astre N ait beaucoup plus de
forces pour persévérer en son mouvement selon des lignes droites, que les
globules de la matière céleste qui l’entourent lui-même ; même s’il contient
moins de matière du troisième élément que du second, dans autant de ces
globules que sont requis pour occuper l’espace égal à l’astre même. Parce
que, comme ces corpuscules se disjoignent les uns des autres et ont des
mouvements variés, même si en joignant leurs forces ils poussent l’astre, ils
ne peuvent toutefois pas joindre toutes leurs forces ensemble à un point tel
qu’aucune de leurs parties ne se ferait inutile ; et au contraire toute la
matière
573
Troisième Partie. Du Monde Visible.
574
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

ex qua maculae hoc sidus inuoluentes aërque ipsum ambiens componuntur, unam tantum
massam facit, quae cum tota simul moueatur, tota etiam uis, quam habet ad perseuerandum
in suo motu, uersus easdem partes tendit. Similemque ob causam, uidere licet in fluminibus
fragmenta glaciei, uel ligna quae aquae innatant, maiori ui persequi cursum suum,
secundum lineas rectas, quam ipsam aquam, et ideo solere multo fortius in riparum sinus
impingere, quamuis minus materiae tertii elementi in iis contineatur, quam in mole aquae
ipsis aequali.

III, 125. Quomodo quidam sint aliquo sidere magis solidi, alii minus.

Denique fieri potest, ut idem sidus minus habeat soliditatis, quam quidam globuli coelestes,
et magis quam alii paulo minores; tum propter iam dictam rationem, tum etiam quia, licet
non magis nec minus sit materiae secundi elementi in istis globulis minoribus simul
sumptis, quam in maioribus, cum aequale spatium occupant, est tamen in ipsis multo plus
superficiei; et propter hoc a materia primi elementi, quae angulos iis interiectos replet, nec
non etiam a quibuslibet aliis corporibus, facilius a cursu suo reuocantur, atque uersus alias
partes deflectuntur, quam alii maiores.

III, 126. De principio motus Cometae.

Iam itaque, si ponamus sidus N plus habere soliditatis quam globulos secundi elementi,
satis remotos a centro uorticis S, quos supponimus omnes esse inter se aequales, poterit
quidem initio in uarias partes ferri, et magis uel minus accedere uersus S, pro uaria
dispositione aliorum uorticum, a quorum uicinia discedet; potest enim diuersimode ab ipsis
retineri uel impelli; ac etiam pro ratione suae soliditatis, quae quo maior est, eo magis
impedit ne aliae causae postea ipsum deflectant de ea parte in quam primum directum est.
Verumtamen non ualde magna ui potest impelli a uicinis uorticibus, quia supponitur iuxta
illos prius quieuisse; nec ideo etiam ferri contra motum uorticis AEIO, uersus eas partes
575
Troisième Partie. Du Monde Visible.
du troisième élément qui compose les taches qui enveloppent cet astre et
l’air qui l’entoure complétement, ne fait qu’une seule masse dont toute la
force aussi qu’elle a pour persévérer dans son mouvement tend vers les
mêmes parties, puisqu’elle se meut toute ensemble. Et par une cause
semblable, il est permis de voir sur les fleuves les morceaux de glace ou les
pièces de bois qui flottent sur l’eau, poursuivre leur course selon des lignes
droites avec une force plus grande que l’eau même, et avoir l’habitude pour
cela de heurter beaucoup plus fort les sinuosités des rivages, même s’ils
contiennent moins de matière du troisième élément que n’en contient la
masse d’eau qui leur est égale.
III, 125. Comment certains sont plus solides que certains astres, d’autres
moins.
Enfin il peut se faire qu’un même astre ait moins de solidité que certains
globules célestes, et plus que d’autres, un peu plus petits ; tant pour la
raison déjà dite, tant aussi parce que, encore qu’il n’y ait ni plus ni moins
de matière du second élément dans ces plus petits globules pris ensemble,
que dans les plus grands, néanmoins, puisqu’ils occupent un espace égal,
ils ont en réalité beaucoup plus de surface ; et à cause de cela ils sont plus
facilement détournés de leur course et infléchis vers d’autres parties par la
matière du premier élément qui remplit les recoins intercalés entre ces
corpuscules, et aussi par quelque autre corps que l’on voudra, que les
autres plus grands.
III, 126. Sur le commencement du mouvement d’une comète.
Cf. Figure III-14. : C’est pourquoi si nous posons maintenant que l’astre N,
a plus de solidité que les globules du second élément suffisamment
éloignés du centre S du tourbillon, que nous supposons tous égaux entre
eux, il pourra certainement se faire au début, en diverses parties, qu’il
s’approche plus ou moins de S à proportion de la disposition variée des
autres tourbillons dont il rompt le voisinage, car il peut être retenu ou
poussé de diverses manières par ces tourbillons ; et aussi à proportion de sa
solidité, qui plus elle est grande, plus elle empêche que d’autres causes par
la suite le détournent lui-même de cette partie dans laquelle il se dirige en
premier. En vérité il ne peut pas être poussé avec une grande force par les
tourbillons voisins, parce qu'il est supposé au début être au repos auprès
d’eux ; ni pour cela non plus se porter à l’encontre du mouvement du
tourbillon AEIO vers
576
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

quae sunt inter I et S, sed tantum uersus illas quae sunt inter A et S; ubi tandem debet
peruenire ad aliquod punctum, in quo linea quam motu suo describit, tangat unum ex iis
circulis, secundum quos materia coelestis circa centrum S gyrat; et postquam eo peruenit,
ita cursum suum ulterius persequitur, ut semper magis ac magis recedat a centro S, donec
ex uortice AEIO in alium migret. Ut si moueatur initio secundum lineam NC, postquam
peruenit ad C, ubi haec linea curua NC tangit circulum, qui ibi describitur a globulis
secundi elementi circa centrum S: non potest non statim recedere ab S per lineam curuam C
2, sitam inter hunc circulum, et rectam eum in puncto C tangentem. Cum enim delatum sit
ad C, a materia secundi elementi magis remota ab S quam ea quae est in C, ac proinde
celerius acta, sitque ipsa solidius, ut supponimus: non potest non habere maiorem uim ad
perseuerandum in suo motu secundum lineam rectam tangentem istum circulum; sed statim
atque recessit a puncto C, occurrit materiae secundi elementi celerius motae, quae illum
nonnihil auertit a linea recta, simulque augendo eius celeritatem efficit ut ulterius ascendat
secundum lineam curuam C 2, quae eo minus distat a recta tangente, quo hoc sidus solidus
est, et quo maiori cum celeritate delatum est ab N ad C.

III, 127. De continuatione motus Cometae per diuersos uortices.

Cum autem per hunc uorticem AEIO hac ratione progreditur, tantam uim agitationis
acquirit, ut facile inde in alios uortices migret, atque ex his in alios. Notandumque est, cum
peruenit ad 2, egrediturque limites uorticis in quo est, ipsum adhuc aliquandiu retinere eius
materiam circa se fluentem, nec plane ab ea liberari, donec satis alte in alium uorticem
AEV penetrarit: nempe donec peruenerit ad 3. Eodemque modo ducit secum materiam
huius secundi uorticis uersus 4 in fines tertii, et huius tertii uersus 8 in fines quarti; sicque
semper idem facit, quoties ex uno uortice in alium migrat. Et linea quam motu suo
describit, diuersimode incuruatur, pro diuerso motu materiae uorticum per quos transit. Ita
eius pars 2 3 4 plane alio modo inflexa est quam praecedens NC 2: quia materia uorticis F
uertitur ab A per E uersus V, et materia uorticis S ab A per E uersus I; istius autem lineae
pars 5 6 7 8
577
Troisième Partie. Du Monde Visible.
ces parties qui sont entre I et S, mais seulement vers celles qui sont entre A
et S ; là enfin il doit parvenir en quelque point où la ligne que décrit son
mouvement, touche l’un de ces cercles dont la matière céleste tourne
autour du centre S, et après qu’il y parvient, il poursuit sa course ultérieure
de telle sorte qu’il s’écarte toujours plus du centre S, jusqu’à migrer du
tourbillon AEIO dans un autre. Par ex. si l’astre N se meut au début selon
la ligne courbe NC ; après qu’il est parvenu au point C où cette ligne
courbe NC touche le cercle qui est décrit à cet endroit par les globules du
second élément autour du centre S, il ne peut pas aussitôt, ne pas s’écarter
de S par la ligne courbe C2 située entre ce cercle et la droite tangente au
point C. Comme il est emporté en effet vers C par la matière du second
élément plus éloignée de S que celle qui est en C, et par conséquent qui se
meut plus vite et, comme nous le supposons, est plus solide que cette
dernière, il ne peut pas, ne pas avoir une force plus grande pour persévérer
dans son mouvement selon la ligne droite qui touche ce cercle ; mais
aussitôt qu’il s’écarte du point S, arrive la matière du second élément mue
avec une plus grande vitesse, qui le détourne quelque peu de la ligne droite
et en même temps, augmentant sa vitesse, fait qu’il monte par la suite selon
la ligne courbe C2, qui s’éloigne d’autant moins de la tangente, que cet
astre est plus solide et s’écarte de N vers C avec une plus grande vitesse.
III, 127. De la continuation du mouvement d’une comète à travers divers
tourbillons.
Cf. Figure III-14. : Cependant quand il progresse de cette façon à travers ce
tourbillon, il acquiert une si grande force d’agitation que facilement de là il
migre vers d’autres tourbillons, et de ceux-ci vers d’autres. Et il faut noter
que quand il parvient en 2, et sort des limites du tourbillon dans lequel il
est, lui-même retient encore quelque temps sa matière affluant autour de
lui, et ne se libère de cette matière qu’après avoir pénétré assez loin dans
l’autre tourbillon AEV, à savoir être parvenu en 3. Et de la même manière il
emmène avec lui la matière de ce second tourbillon vers 4, aux limites du
troisième, et de ce troisième vers 8, aux limites du quatrième ; et fait ainsi
toujours de même, chaque fois qu’il migre d’un tourbillon en un autre. Et la
ligne que décrit son mouvement s’incurve de diverse manière selon les
divers mouvements de la matière des tourbillons par lesquels il transite.
Ainsi sa partie 2 3 4 est infléchie de manière entièrement différente de la
précédente NC2, parce qu’en E, la matière du tourbillon F tourne de A vers
F, et la matière du tourbillon S de A vers I ; toutefois la partie 5 6 7 8 de
cette ligne
578
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
579
Troisième Partie. Du Monde Visible.

est fere recta, quia materia uorticis in quo est, supponitur gyrare circa axem XX. Et sidera
ex unis uorticibus in alios hoc pacto migrantia sunt Cometae: ipsorumque omnia
phaenomena hic explicare conabor.

III, 128. Phaenomena Cometarum.

In primis obseruatur illos, sine ulla regula nobis nota, unum per hanc, alium per illam coeli
regionem transmeare, ac intra paucos menses aut dies a conspectu nostro abire, nec unquam
plus, aut certe non multo plus, sed saepe multo minus quam mediam coeli partem
percurrere. Ac quidem cum primum apparere incipiunt, solere satis magnos uideri, nec
postea ualde augeri, nisi cum ualde magnam coeli partem percurrunt; cum autem desinunt,
gradatim semper imminui; atque initio, uel saltem circa initia sui motus, uideri celerrime
moueri, sub finem autem lentissime. Ac de uno duntaxat memini me legisse* quod circiter
mediam coeli partem peragrarit: de illo scilicet qui dicitur anno 1475, primo tenui capite ac
tardi motus, inter stellas Virginis apparuisse, ac paulo post mirae magnitudinis factus, per
polum Borealem tam celeriter incessisse, ut portionem circuli magni triginta uel
quadraginta graduum, una die, descripserit; ac tandem prope stellas Piscis septentrionalis,
siue in signo Arietis paulatim uideri desiisse.

*[Apud Lotharium Sarsium, sive Horatium Grassium in librâ Astronomicâ, ubi tanquam de
duobus Cometis loquitur ; sed judico unicum fuisse, cujus historiam à duobus auctoribus
habet, Regiomontano et Pontano.]

III, 129. Horum phaenomenωn explicatio.

Quae omnia hic facile intelliguntur. Videmus enim eundem Cometam, aliam coeli partem
in uortice F, aliamque in uortice Y permeare, ac nullam esse per quam non possit hoc pacto
aliquando transire. Putandumque est ipsum fere eandem celeritatem semper retinere: illam
scilicet quam acquirit transeundo per uorticum extremitates, ubi materia coelestis tam cito
mouetur, ut intra paucos menses integrum gyrum absoluat, quemadmodum supra dictum
est.
580
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
est presque droite, parce que la matière du tourbillon dans lequel elle est,
est supposée tourner autour de l’axe XX. Et les astres qui migrent de cette
façon d’un de ces tourbillons en d’autres, sont des comètes ; et je vais
m’efforcer ici d’expliquer tous leurs phénomènes.
III, 128. Phénomènes des comètes.
En premier, on observe que les comètes, sans aucune règle connue de nous,
traversent le ciel, l’une à travers une région, l’autre à travers une autre
région, disparaissent de notre vue en peu de mois ou jours, et ne
parcourent jamais plus que la moitié de la partie du ciel, ou certainement
pas beaucoup plus, et souvent beaucoup moins. Et assurément quand elles
commencent à apparaître, elles ont l’habitude d’être vues assez grandes,
puis ne plus beaucoup s’accroître, sauf quand elles parcourent une très
grande partie du ciel ; toutefois quand elles disparaissent, elles diminuent
toujours graduellement ; et au début de leur mouvement, ou du moins près
du début, elles semblent se mouvoir très vite, cependant sur la fin, très
lentement. Et, je me souviens avoir lu* d’une même comète, à savoir celle
que l’on dit être apparue en l’an 1475, qu’elle a pérégriné dans la moitié du
ciel environ vers les étoiles de la Vierge, avec une tète petite et un
mouvement lent, et peu après faite d’une merveilleuse grandeur, s’est
avancée par le pôle boréal avec une si grande vitesse qu’elle décrivit en un
jour une arc de cercle de trente ou quarante degrés ; et finalement sembla
s’éteindre progressivement près des étoiles du Poisson septentrional
autrement dit dans le signe du Bélier.
* [Chez Lotharius Sarsius autrement dit Horatius Grassius 27 dans le Libra Astronomica, où
est parlé comme de deux comètes ; mais j’estime qu’il n’y en eu qu’une, dont l’histoire tient
à deux auteurs, Regiomontanus28 et Pontanus29.]

III, 129. Explication de leurs phénomènes (phaenomenωn).


Cf. Figure III-14. Et tout cela se comprend facilement ici. Nous voyons en
effet la même comète traverser telle partie du ciel dans le tourbillon F, et
traverser complétement telle autre partie du tourbillon Y, et ne se trouve
aucune autre partie qu’elle ne puisse parfois traverser de cette façon. Et il
faut penser qu’elle-même conserve, peut-être, toujours la même vitesse, à
savoir celle qu’elle acquiert en passant aux extrémités des tourbillons, là où
la matière céleste se meut si vite qu’elle achève un tour complet en peu de
mois, comme il a été dit ci-dessus. Et parce que cette comète parcourt
581
Troisième Partie. Du Monde Visible.

Et quia hic Cometa in uortice Y mediam tantum partem istius gyri, et multo minus in
uortice F, nunquamque in ullo multo plus percurrit: idcirco tantum per paucos menses in
eodem uortice manere potest. Atque si consideremus illum a nobis uideri non posse, nisi
quamdiu est in illo uortice, prope cuius centrum uersamur; atque etiam non prius ibi
apparere, quam materia alterius uorticis, ex quo uenit, ipsum sequi et circumfluere plane
desierit: cognoscemus quo pacto, quamuis idem Cometa maneat semper eiusdem
magnitudinis et fere semper aeque celeriter moueatur, debeat tamen uideri maior et celerior,
initio sui cursus apparentis, quam in fine; ac interdum in medio maximus et celerrimus
putari. Nam si putemus oculum spectatoris esse prope centrum F, Cometa illi multo maior
et celerior apparebit in 3, ubi primum uideri incipiet, quam in 4 ubi desinet: quia linea F 3
multo breuior est quam F 4, et angulus F 4 3 acutior quam angulus F 3 4. Si autem spectator
sit uersus Y, Cometa quidem illi aliquanto maior et celerior apparebit in 5, ubi uideri
incipiet, quam in 8, ubi desinet; sed maximus et celerrimus apparebit, dum erit inter 6 et 7,
ubi erit spectatori proximus. Adeo ut, dum erit in 5, apparere possit inter stellas Virginis;
dum inter 6 et 7, prope polum Borealem, et ibi una die triginta uel quadraginta gradus
percurrere; ac tandem occultari in 8, prope stellas Piscis septentrionalis: eodem modo atque
ille mirabilis Cometa anni 1475, qui dicitur a Regiomontano obseruatus.

III, 130. Quomodo fixarum lumen ad Terram usque perueniat.

Quaeri quidem potest cur Cometae non appareant, nisi cum in nostro coelo uersantur, cum
tamen Fixae conspicuae sint, licet ab ipso longissime distent. Sed in eo differentia est, quod
Fixae, lumen a se ipsis emittentes, multo fortius illud uibrent quam Cometae, qui tantum
illud, quod a Sole mutuantur, ad nos reflectunt. Et quidem, aduertendo lumen cuiusque
stellae esse actionem illam, qua tota materia uorticis in quo uersatur, ab ea recedere conatur,
secundum lineas rectas ab omnibus eius superficiei punctis eductas, sicque omnem
materiam uorticum circumiacentium premit, secundum easdem lineas rectas uel alias
aequipollentes: (cum nempe istae lineae, per alia corpora oblique transeuntes, in ipsis
refringuntur, ut in Dioptrica explicui),
582
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
seulement la moitié de ce tour dans le tourbillon Y, beaucoup moins dans le
tourbillon F, et jamais beaucoup plus dans aucun autre, pour cela elle ne
peut rester que peu de mois dans un même tourbillon. Et si nous
considérons que nous ne pouvons voir la comète qu’aussi longtemps
qu’elle se trouve dans ce tourbillon près du centre duquel nous nous
tenons, et aussi qu’elle n’y apparaît pas avant que la matière de ce
tourbillon d’où elle vient, ait complétement cessé de la suivre et de
l’entourer, nous saurons de quelle façon pourtant elle doit sembler, bien
qu’elle reste toujours de même grandeur et se meuve toujours peut-être à la
même vitesse, plus grande et plus rapide au début de sa course apparente
qu’à la fin, et de temps en temps être estimée plus grande et plus rapide au
milieu. Car si nous pensons que l’œil de l’observateur est proche du centre
F, cette comète paraîtra beaucoup plus grande et plus rapide en 3, où elle
commencera à être vue, qu’en 4 où elle disparaîtra, parce que la ligne F 3
est beaucoup plus courte que la ligne F 4, et l’angle F 4 3 plus aigu que
l’angle F 3 4. Cependant si l’observateur est vers Y, la comète lui paraîtra
certainement un peu plus grande et plus rapide en 5, où elle commencera à
être vue, qu’en 8 où elle disparaîtra ; mais elle paraîtra la plus grande et la
plus rapide quand elle sera entre 6 et 7, où elle sera la plus proche de
l’observateur. Au point que quand elle sera en 5, elle peut paraître entre les
étoiles de la Vierge, entre 6 et 7 proche du pôle Boréal, et parcourir à cet
endroit trente ou quarante degrés d’angle en un jour, et enfin disparaître en
8, près des étoiles du Poisson septentrional, de la même manière que cette
merveilleuse comète de l’an 1475, que l’on dit avoir été observée par
Regiomontanus.
III, 130. Comment la lumière des fixes parvient jusqu’à la terre.
Cf. Figure III-14. : On peut certes se demander pourquoi les comètes
n’apparaissent que lorsqu’elles tournent dans notre ciel, quand pourtant les
étoiles sont vues fixes, bien qu’elles soient très éloignées de ce ciel. Mais la
différence tient à ce que les fixes émettent leur propre lumière et font vibrer
le ciel plus fort que les comètes qui ne nous réfléchissent que celle qu’elles
empruntent au soleil. Et certainement, en remarquant que la lumière de
chaque étoile fixe est cette action par laquelle la matière tout entière du
tourbillon dans lequel elle se trouve, s’efforce de s’en écarter selon les
lignes droites conduites depuis tous les points de sa surface, et ainsi
s’efforce de presser toute la matière des tourbillons alentour selon ces
mêmes lignes droites ou d’autres équivalentes (à savoir quand ces lignes se
réfractent en traversant obliquement d’autres corps, comme j’ai expliqué
dans la
583
Troisième Partie. Du Monde Visible.
584
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

facile credi potest non modo lumen proximarum stellarum, ut F et f, sed etiam remotiorum,
ut Y, uim habere mouendi oculos incolarum terrae, qui putandi sunt non longe abesse a
centro S. Cum enim illarum, simulque uorticum ipsas circumiacentium uires, in perpetuo
aequilibrio uersentur, uis radiorum ab F uenientium uersus S minuitur quidem a materia
uorticis AEIO ipsis renitente, sed tamen non tota deletur, nisi in centro S; ideoque nonnulla
peruenire potest usque ad terram, quae aliquantulum distat ab isto centro. Itemque, radii ab
Y ad terram uenientes, transeundo per uorticem AEV, nihil in eo suarum uirium amittunt,
nisi ratione distantiae; non enim eorum uim magis minuit materia huius uorticis, ex eo quod
ab F recedere conetur, uersus partem suae circumferentiae VX, quam auget ex eo quod
etiam tendat ab F uersus aliam partem circumferentiae AE: atque ita de caeteris.

III, 131. An Fixae in ueris locis uideantur: et quid sit Firmamentum.

Hicque obiter est aduertendum, radios ab Y ad terram uenientes, oblique incidere in lineas
AE et VX, quae designant superficies, in quibus uortices isti terminantur, et ideo in ipsis
refringi. Unde sequitur, stellas fixas non uideri omnes ex terra, tanquam in locis in quibus
reuera exsistunt, sed tanquam si essent in locis superficiei uorticis AEIO, per quae transeunt
illi earum radii, qui perueniunt ad terram, siue ad uiciniam Solis; ac forte etiam unam et
eandem stellam in duobus aut pluribus eiusmodi locis apparere. Quae loca cum non
deprehendantur fuisse mutata, ex quo ab Astronomis notata sunt, non puto aliud quam istas
superficies per nomen Firmamenti esse intelligendum.

III, 132. Cur Cometae a nobis non uideantur, cum sunt extra nostrum coelum: et obiter,
cur carbones sint nigri, et cineres albi.

Cometarum autem lumen, cum sit multo debilius quam Fixarum, non satis habet uirium ad
oculos nostros
585
Troisième Partie. Du Monde Visible.
Dioptrique), on peut facilement tenir pour vrai que non seulement la
lumière des étoiles assez proches comme F et f, mais aussi d’étoiles plus
éloignées comme Y, ont la force de toucher les yeux des habitants de la
terre, qu’il faut imaginer proches du centre S. Comme leurs forces en effet,
et en même temps celles des tourbillons alentour, tournent en perpétuel
équilibre, la force des rayons venant de F et se dirigeant vers S, est
certainement diminuée par la matière du tourbillon AEIO qui leur résiste,
mais toutefois n’est pas complétement annulée, si ce n’est au centre S ; au
point que peut parvenir un peu de ces rayons jusqu’à la terre qui est
quelque peu à distance de ce centre même. Et de même les rayons venant
de Y vers la terre, en traversant le tourbillon AEV, n’y perdent rien de leur
force si ce n’est en fonction de l’éloignement ; car leur force, n’est pas plus
diminuée pas la matière de ce tourbillon, quand il s’efforce de s’écarter de F
vers la partie VX de sa circonférence, qu’elle n’est augmentée quand il tend
aussi de F vers l’autre partie AE de sa circonférence, et ainsi du reste.
III, 131. Est-ce que les étoiles fixes sont vues dans leurs vrais lieux ; et quid
du firmament.
Cf. Figure III-14. : Et ici il faut remarquer, en passant, que les rayons venant
de Y vers la terre, tombent obliquement sur les lignes AE et VX, qui
désignent les surfaces où sont délimités ces tourbillons, et pour cette raison
ils s’y réfractent justement. D’où suit que les étoiles fixes ne paraissent pas
toutes, depuis la terre, comme dans les lieux dans lesquels elles existent en
vérité, mais comme si elles étaient dans des lieux de la surface du
tourbillon AEIO, à travers lequel passent leurs propres rayons qui
parviennent à la terre, autrement dit au voisinage du soleil ; et peut-être
aussi une seule et même étoile apparaît de cette manière en deux ou
plusieurs lieux. Et comme ces lieux ne sont pas reconnus se changer,
d’après ce qu’ont noté les astronomes, je ne pense pas qu’il faille
comprendre par le nom de firmament, autre chose que ces surfaces.
III, 132. Pourquoi nous ne voyons pas les comètes quand elles sont en
dehors de notre ciel, et, sans insister, pourquoi le charbon est noir et les
cendres blanches.
Cf. Figure III-14. : Et comme la lumière des comètes est beaucoup plus
faible que celle des fixes, elle n’a pas assez de forces pour toucher nos
586
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

mouendos, nisi sub angulo satis magno uideantur, et ideo ratione distantiae non apparent,
cum a coelo nostro sunt nimis remoti; notum enim est, quo magis aliquod corpus a nobis
remotum est, eo sub minori angulo uideri. Cum autem ad ipsum propius accedunt, uariae
esse possunt rationes, ob quas priusquam in illud ingrediantur, conspicui non sint: quarum
quaenam sit praecipua, non facile est definire. Nam, exempli caussa, si oculus spectatoris
sit uersus F, nondum uidebit Cometam in 2, quia ibi cingetur adhuc materia uorticis ex quo
egreditur; et tamen uidebit illum in 4, ubi erit remotior. Cuius rei ratio esse potest, quod
radii sideris F tendentes uersus 2, ibi refringantur in superficie conuexa materiae uorticis
AEIO, quae Cometam adhuc inuoluit, et refractio illa ipsos remoueat a perpendiculari, iuxta
ea quae in Dioptrica explicui: quia nempe radii isti multo difficilius transeunt per hanc
materiam uorticis AEIO, quam per illam uorticis AEVX: unde fit, ut longe pauciores
perueniant ad Cometam, quam si refractio ista non fieret; hique pauciores, inde ad oculum
reflexi, possunt esse nimis debiles ad eum mouendum. Alia uero ratio est, quod ualde sit
credibile, quemadmodum eadem semper Lunae facies terram respicit, ita semper eandem
cuiusque Cometae partem uersus centrum uorticis in quo uersatur, conuerti, eamque solam
radiis reflectendis aptam esse. Sic nempe, cum Cometa est in 2, illa eius pars quae radios
potest remittere, opposita est centro S, nec ideo uideri potest ab iis qui sunt iuxta F; sed
progrediendo a 2 ad 3, inuertit se breui tempore uersus F, atque ideo ibi tunc incipit uideri.
Nam rationi ualde consentaneum est, primo, ut putemus, dum Cometa transit ab N per C
uersus 2, illam eius partem quae sideri S obuersa est, magis agitari et rarefieri propter
actionem istius sideris, quam aliam partem ab eo auersam. Secundo, ut putemus agitatione
ista, tenuiores et (ut ita loquar) molliores particulas tertii elementi, quae sunt in eius
superficie, ab ea separari: unde fit ut radiis reflectendis aptior euadat, quam superficies
alterius partis. Quemadmodum ex iis quae de igne infra dicuntur, poterit intelligi, rationem
ob quam carbones extincti uidentur nigri, non aliam esse quam quod omnis eorum
superficies, tam interna quam externa, particulis istis tertii elementi mollioribus contecta sit;
quae particulae molliores
587
Troisième Partie. Du Monde Visible.
yeux, si ces fixes ne sont pas vus sous un angle assez grand ; et pour cela
quand elles sont trop éloignées de notre ciel elles ne sont pas visibles, en
raison de l’éloignement ; car il est bien connu que plus un certain corps est
loin de nous plus il est vu sous un angle petit. Et quand les comètes
approchent plus près de ce ciel, nombreuses peuvent être les raisons pour
lesquelles elles ne sont pas visibles avant d’y pénétrer, et il n’est pas facile
de définir quelles sont les principales d’entre elles. Car si par exemple l’œil
de l’observateur est vers F, il ne verra pas encore la comète qui est en 2,
parce qu’à cet endroit elle est encore ceinte par la matière du tourbillon
duquel elle provient, et néanmoins elle sera vue en 4, où elle est plus
éloignée. De cette chose la raison peut être que les rayons de l’astre F
tendant vers 2, se réfractent à cet endroit sur la surface convexe de la
matière du tourbillon AEIO, qui enveloppe la comète, et cette réfraction
détourne les rayons de la perpendiculaire, conformément à ce que j’ai
expliqué dans la Dioptrique ; parce que, n’est-ce pas, ces rayons transitent
beaucoup plus difficilement par cette matière du tourbillon AEIO que par
celle du tourbillon AEVX ; d’où se fait qu’ils parviennent à la comète
beaucoup moins nombreux que si cette réfraction ne se faisait pas ; et ces
peu nombreux rayons réfléchis de là vers l’œil, peuvent être trop faibles
pour le toucher. Mais une autre raison très crédible est de même que c’est
toujours la même face de la lune qui regarde la terre, ainsi une même partie
de la comète est tournée vers le centre du tourbillon dans lequel elle se
meut, et seule cette partie est apte à réfléchir les rayons. Ainsi quand la
comète est en 2, n’est-ce pas, sa partie qui peut renvoyer les rayons est
opposée au centre S, et pour cela ne peut pas être vue par ceux qui sont à
côté de F ; mais progressant de 2 vers 3, elle se retourne en un bref moment,
et pour cela elle commence alors à être vue.
Car consent largement avec la raison, premièrement, de penser que
pendant que la comète transite de N vers 2, par C, cette sienne partie qui est
tournée face à l’astre S, est plus agitée et plus dilatée par l’action de cet
astre, que l’autre partie opposée. Deuxièmement de penser que par cette
agitation les plus faibles et (pour ainsi dire) plus molles, particules du
troisième élément qui sont à sa surface, se séparent de la comète ; d’où se
fait que cette surface sort plus apte à réfléchir les rayons que celle de l’autre
partie. De la même manière, pourra se comprendre par ce qui a été dit sur
le feu, que la raison pour laquelle les charbons éteints semblent noirs, n’est
pas autre que leurs surfaces, tant intérieure qu’extérieure, sont recouvertes
de ces particules plus molles du troisième élément, et lorsque ces particules
plus molles, sont
588
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
589
Troisième Partie. Du Monde Visible.

cum ignis ui a reliquis separantur, carbones, qui nigri erant, in cineres, non nisi ex duris et
solidis particulis conflatos atque ideo albos, mutantur; et nulla sunt corpora reflectendis
radiis magis apta quam alba, nulla minus quam nigra. Tertio, ut putemus partem illam
rariorem Cometae, alia minus aptam esse ad motum, et ideo, iuxta leges Mechanicae,
debere semper esse in concaua parte lineae curuae, quam Cometa motu suo describit: quia
sic alia paulo tardius incedit, et cum lineae istius cauitas semper respiciat centrum uorticis
in quo est Cometa (ut hic cauitas eius partis NC 2 respicit centrum S, cauitas partis 2 3 4
respicit F etc), ideo illum ex uno uortice in alium transeundo conuerti. Ut uidemus in
sagittis per aërem uolantibus, pennatam earum partem esse semper alia inferiorem cum
ascendunt, et superiorem cum descendunt. Denique plures aliae rationes dari possent, cur
Cometae a nobis non uideantur, nisi quamdiu transeunt per nostrum coelum: ex minimis
enim momentis pendet, ut idem corpus radiis reflectendis aptum sit uel ineptum: et de
eiusmodi particularibus effectis, de quibus satis multa experimenta non habemus, sufficere
debent uerisimiles causae, licet eae forte non sint uerae.

III, 133. De cometarum coma, et uariis eius phaenomenis.

Praeter haec autem, obseruatur etiam circa Cometas, longam radiorum ueluti comam
fulgere, a qua nomen suum acceperunt; atque istam comam semper in parte a Sole
praeterpropter auersa uideri: adeo ut si Terra stet in linea recta inter Cometam et Solem,
crines in omnes partes dispersi circa illum appareant. Et Cometa anni 1 4 7 5, cum primum
uisus est, comam praeferebat; in fine autem suae apparitionis, quia in opposita coeli regione
uersabatur, comam post se trahebat. Haec etiam coma longior est uel breuior: tum ratione
magnitudinis Cometae, in minoribus enim nulla apparet, nec etiam in magnis, cum a nostro
aspectu recedentes perexigui esse uidentur; tum etiam ratione loci, caeteris enim paribus,
quo terra remotior est a linea recta, quae duci potest a Cometa ad Solem, eo ipsius coma
longior est; et interdum latente Cometa sub radiis Solis, eius comae extremitas instar trabis
igneae sola conspicitur. Ac denique coma ista interdum paullo latior est, interdum
590
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
séparées du reste par la force du feu, les charbons qui étaient noirs, se
changent en cendres, attisées seulement par des particules dures et solides,
et pour cela blanches ; et nul corps n’est plus apte à réfléchir les rayons que
les corps blancs, aucun moins que les noirs. Troisièmement de penser que
cette partie dilatée de la comète soit moins apte que l’autre au mouvement
et pour cela doive toujours, selon les lois de la mécanique, être dans la
partie concave de la ligne courbe que décrit la comète dans son
mouvement ; parce qu’ainsi elle avance un peu plus lentement que l’autre,
et comme la cavité de cette ligne regarde toujours le centre du tourbillon
dans lequel est la comète (comme, sur la figure, la cavité de cette partie NC
2 regarde le centre S, la cavité de la partie 2 3 4 regarde F, etc.), pour cela la
comète se retourne en passant d’un tourbillon dans un autre. Comme nous
voyons dans les flèches qui volent en l’air, leur partie empennée être
toujours plus basse que l’autre quand elles montent, et plus haute quand
elles descendent. Enfin un plus grand nombre d’autres raisons peuvent
exister pourquoi nous ne voyons les comètes que lorsqu’elles traversent
notre ciel : il dépend des plus petits impondérables en effet, qu’un même
corps soit apte, ou inapte, à réfléchir les rayons ; et d’effets particuliers de
ce genre dont nous n’avons pas assez l’expérience, des causes
vraisemblables doivent suffire, même si elles ne sont peut-être pas vraies.
III, 133. De la chevelure des comètes et de ses phénomènes variés.
Et outre cela, on observe aussi autour des comètes resplendir comme une
longue chevelure de rayons, de laquelle elles reçoivent leur nom 30 ; et cette
chevelure est toujours vue approximativement dans la partie opposée au
soleil ; si bien que si la terre se tient en droite ligne entre la comète et le
soleil, les cheveux paraissent dispersés dans toutes les parties autour de la
comète. Et quand a été vue la comète de l’an 1475, au commencement elle
précédait sa chevelure, et à la fin de son apparition, parce qu'elle se trouvait
dans la région opposée du ciel, elle traînait sa chevelure derrière elle. Et
cette chevelure est plus longue ou plus courte ; d’une part en fonction de la
grandeur de la comète : aucune chevelure en effet n’apparaît dans les plus
petites comètes, ni non plus dans les grandes quand, s’éloignant de notre
vue, elles paraissent minuscules ; d’autre part aussi en fonction du lieu :
plus la terre, le reste étant égal, est éloignée de la ligne droite qui peut être
conduite de la comète au soleil, plus sa chevelure justement est longue ; et
parfois, lorsque la comète est cachée sous les rayons du soleil, seule est vue
l’extrémité de sa chevelure comme une torche en feu. Et enfin cette
chevelure
591
Troisième Partie. Du Monde Visible.
angustior; interdum recta, interdum curua; et interdum a Sole directe auersa, interdum non
ita praecise.
III, 134. De quadam refractione, a qua ista coma dependet.
Quorum omnium rationes ut intelligantur, nouum quoddam genus refractionis, de quo in
Dioptrica non actum est, quia in corporibus terrestribus non notatur, hic est considerandum.
Nempe, ex eo quod globuli coelestes non sint omnes inter se aequales, sed paullatim
minuantur a certo termino, intra quem continetur sphaera Saturni, usque ad Solem, sequitur
radios luminis, qui per maiores ex istis globulis communicantur, cum ad minores deueniunt,
non modo secundum lineas rectas progredi debere, sed etiam ex parte ad latera refringi et
dispergi.
III, 135. Explicatio istius refractionis.
Fig. III-16.
Consideremus, exempli
caussa, hanc figuram, in qua
multis globulis perexiguis
incumbunt alii multo maiores,
putemusque ipsos esse omnes
in continuo motu,
quemadmodum globulos
secundi elementi supra
descripsimus: adeo ut, si unus
ex ipsis uersus aliquam partem
pellatur, exempli causa, A
uersus B, eius actio aliis
omnibus qui reperientur in
linea recta, ab ipso uersus
illam partem protensa, sine
mora communicetur. Ubi
notandum est, actionem
quidem istam ab A usque ad C
integram peruenire, sed aliquam tamen eius partem a C ad B transire posse, ac residuum
uersus D et E dispergi. Globus enim C non potest pellere globulum 2 uersus B, quin simul
etiam pellat globulos 1 et 3 uersus D et E. Neque est par ratio, cum globus A pellit duos
globos 4 et 5 uersus C; quamuis enim haec eius actio a duobus illis globis 4 et 5 ita
excipiatur, ut uideatur etiam deflecti uersus D et E, recta tamen tendit ad C: tum quia globi
isti 4 et 5, aequaliter utrimque ab aliis sibi uicinis suffulti, totam illam restituunt globo 6;
tum etiam quia continuus eorum motus efficit, ut nunquam per ullam temporis moram haec
actio a duobus simul excipiatur, sed tantum, ut successiue nunc ab uno et mox ab altero
transmittatur. Cum autem globus C pellit tres simul 1, 2, 3 uersus B, non ita potest eius
actio ab illis ad unum aliquem remitti; et, quantumuis moueantur, semper aliqui ex ipsis
actionem illam oblique excipiunt; ideoque, quamuis
592
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
tantôt est un peu plus large tantôt plus étroite, tantôt droite tantôt courbe,
et tantôt directement détournée du soleil tantôt pas aussi précisément.
III, 134. Sur la réfraction dont dépend cette chevelure.
Pour comprendre les raisons de tout cela, il faut considérer ici un certain
nouveau genre de réfraction dont il n’a pas été traité dans la Dioptrique
parce qu’il n’est pas connu dans les corps terrestres. À savoir de ce que les
globules célestes ne sont pas tous égaux entre eux, mais diminuent peu à
peu depuis une certaine limite à l’intérieur de laquelle est contenue la
sphère de Saturne jusqu’au soleil, suit que les rayons de lumière qui
communiquent par les plus grands de ces globules doivent, quand ils
deviennent plus petits, non seulement progresser selon des lignes droites,
mais aussi en partie être réfractés et dispersés vers les côtés.
III, 135. Explication de cette réfraction.
Figure III-16. Considérons par exemple cette figure31 où, sur de nombreux
très petits globules reposent d’autres beaucoup plus grands, et pensons
qu’eux tous sont en mouvement continu, de la même manière dont nous
avons décrit plus haut les globules du second élément ; au point que si l’un
d’eux est poussé vers quelque partie, par exemple A vers B, son action sera
communiquée, sans retard, à tous les autres qui se trouvent sur la ligne
droite tendue depuis lui-même, vers cette partie. Là il faut noter que, certes,
cette action parvient intégralement de A jusqu’à C, mais néanmoins
quelque sienne partie peut passer de C vers B, et le reste se disperser vers D
et E. La boule C en effet ne peut pas pousser le corpuscule sphérique 2 vers
B, sans pousser en même temps aussi les globules 1 et 3 vers D et E. Mais il
n’en est pas de même quand la boule A, pousse les deux boules 4 et 5 vers
C ; car quoique cette action de A soit reçue par ces deux boules 4 et 5 de
telle sorte qu’elle semble aussi se fléchir vers D et E, néanmoins elle tend en
ligne droite vers C : soit que ces boules 4 et 5, soutenues pareillement de
part et d’autre par les autres qui leurs sont voisines, restituent en totalité
cette action à la boule 6 ; soit aussi que leur mouvement continu fait que
cette action n’est jamais reçue sans quelque délai de temps par les deux à la
fois, mais n’est transmise que successivement, maintenant par l’une et
bientôt par l’autre. Et quand la boule C pousse en même temps les trois
globules 1, 2, 3 vers B, de même son action ne peut pas être renvoyée de ces
trois corpuscules vers un seul, et de quelque façon qu’ils se meuvent,
certains d’entre eux reçoivent
593
Troisième Partie. Du Monde Visible.
praecipuum eius radium recta uersus B deducant, innumeros tamen alios debiliores
utrimque uersus D et E dispergunt. Eodemque modo, si pellatur globus F uersus G, cum
eius actio peruenit ad H, ibi communicatur globulis 7, 8, 9, qui praecipuum quidem eius
radium mittunt ad G, sed alios etiam uersus D et B dispergunt. Hicque notanda est
differentia, quae oritur ex obliquitate incidentiae istarum actionum in circulum CH: actio
enim ab A ad C, cum perpendiculariter incidat in illum circulum, radios suos aequaliter
utrimque dispergit uersus D et E; actio autem ab F ad H, quae in eundem oblique incidit,
non dispergit suos nisi uersus ipsius centrum, saltem si obliquitas incidentiae supponatur
esse graduum 9 0; si uero supponatur minor, nonnulli quidem eius actionis radii etiam in
aliam partem mittentur, sed aliis multo debiliores, et ideo uix sensibiles, nisi cum ista
obliquitas est ualde parua: contra autem radii, qui uersus centrum circuli oblique
sparguntur, eo sunt fortiores, quod ista obliquitas est maior.
III, 136. Explicatio apparitionis comae.
Fig. III-17.
Quorum omnium demonstratione percepta,
facile est illam transferre ad globulos
coelestes: quamuis enim nullus sit locus, in
quo sic maiusculi ex istis globulis alios multo
minores tangant, quia tamen ipsi gradatim
sunt minores et minores, a certo termino
usque ad Solem, ut dictum est, facile credi
potest non minorem esse differentiam, inter
illos qui sunt supra orbitam Saturni, et illos
qui sunt iuxta orbitam Terrae, quam inter
maiores et minores mox descriptos: atque
inde intelligi effectum istius inaequalitatis
non alium esse debere in hac Terrae orbita,
quam si minimi maiusculis immediate
succederent; nec alium etiam in locis
intermediis, nisi quod lineae secundum quas
isti radii disperguntur, non sint rectae, sed
paulatim inflexae. Nempe, si S sit Sol, 2 3 4
5 orbita per quam Terra anni spatio defertur
secundum ordinem notarum 2, 3, 4, DEFG
terminus ille a quo globuli coelestes incipiunt
gradatim esse minores et minores usque ad
Solem (quem terminum supra diximus non
habere figuram sphaerae perfectae, sed
sphaeroidis irregularis, uersus polos multo
depressioris, quam uersus eclipticam), et C
sit Cometa in nostro coelo existens
594
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
toujours obliquement cette action ; à ce point, mêmes s’ils ramènent leur
principal rayon en droite ligne vers B, néanmoins ils en dispersent
d’innombrables autres plus faibles de part et d’autre vers D et E. et de la
même manière si la boule F est poussée vers G, quand son action parvient à
H, là elle se communique aux globules 7, 8, 9, qui certes émettent leur
principal rayon vers G, mais en dispersent aussi d’autres vers D et B. Et ici
doit être notée la différence qui naît de l’obliquité de l’incidence de ces
actions sur le cercle CH, car l’action de A vers C, lorsqu’elle tombe
perpendiculairement sur ce cercle, disperse pareillement ses rayons de part
et d’autre vers D et E ; toutefois l’action de F vers H, qui tombe
obliquement sur ce même cercle ne disperse pas les siens, sinon vers son
propre centre, du moins si l’obliquité du rayon incident est supposée à 90
degrés ; mais si l’obliquité est supposée moindre, certains rayons de cette
action aussi sont émis dans une autre partie, mais beaucoup plus faibles
que les autres et pour cela à peine sensibles, si ce n’est quand cette obliquité
est très faible ; et au contraire les rayons qui se répandent obliquement vers
le centre du cercle sont d’autant plus forts que cette obliquité est plus
grande.
III, 136. Explication de l’apparition de la chevelure.
Figure III-17.
Ayant perçu la démonstration de tout cela il est facile de la reporter sur les
globules célestes ; car même si pourtant ne se trouve aucun lieu où de cette
manière les plus grands de ces globules en touchent d’autres beaucoup
plus petits, parce qu’ils sont en réalité graduellement de plus en plus petits
depuis une certaine limite jusqu’au soleil, comme il a été dit, on peut
facilement penser que la différence n’est pas moindre entre ceux qui se
trouvent au-dessus de l’orbite de Saturne et ceux qui se trouvent près de
l’orbite de la terre, qu’entre les plus grands et les plus petits décrits à
l’instant ; et de là se comprend que l’effet de cette inégalité ne doit pas être
autre dans cette orbite de la terre, que si les plus petits succédaient
immédiatement aux plus grands ; ni autre non plus dans les lieux
intermédiaires si ce n’est que les lignes selon lesquelles se dispersent ces
rayons, ne sont pas droites mais peu à peu infléchies. À savoir, si S est le
soleil, 2 3 4 5 l’orbite par laquelle la terre est transportée en un an suivant
l’ordre 2, 3, 4, DEFG cette limite où les globules célestes commencent
graduellement à être de plus en plus petits jusqu’au soleil (limite que nous
avons dit ci-dessus ne pas avoir la figure parfaite d’une sphère mais de
sphéroïde irrégulier, beaucoup plus aplatie vers les pôles que vers
l’écliptique) et C, est une comète existant dans notre
595
Troisième Partie. Du Monde Visible.
596
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

putandum est radios Solis in hunc Cometam impingentes, ita inde reflecti uersus omnes
partes sphaeroidis DEFGH, ut ii qui perpendiculariter incidunt in F, maxima quidem ex
parte, recta pergant usque ad 3, sed tamen etiam nonnulli ex ipsis hinc inde spargantur; et
qui oblique incidunt in G, non tantum recta pergant uersus 4, sed etiam ex parte
refrangantur uersus 3; et denique qui incidunt in H, recta non perueniant ad orbitam Terrae,
sed tantum reflexi uersus 4 et 5, sicque de caeteris. Unde patet, si Terra sit in orbitae suae
parte 3, hunc Cometam ex ea uisum iri cum coma in omnes partes dispersa; quod genus
Cometae Rosam uocant: radii enim directi a C ad 3, eius caput; alii autem debiliores, qui ex
E et G uersus 3 reflectuntur, eius crines exhibebunt. Si uero Terra sit in 4, idem Cometa ex
ea uidebitur per radios rectos CG 4, et eius coma, siue potius cauda, uersus unam tantum
partem protensa, per radios ex H et aliis locis, quae sunt inter G et H, uersus 4 reflexos.
Eodemque modo, si Terra sit in 2, Cometa ex ea uidebitur ope radiorum rectorum CE 2, et
eius coma ope obliquorum qui sunt inter CE 2 et CD 2, nec alia erit differentia, nisi quod,
oculo existente in 2, Cometa mane uidebitur, et coma ipsum praecedet; oculo autem
existente in 4, Cometa uidebitur uesperi, et caudam suam post se trahet.

III, 137. Quomodo etiam trabes appareant.

Denique, si oculus sit uersus punctum S, impedietur a radiis Solis ne Cometam ipsum
uidere possit, sed uidebit tantum eius comae partem, instar igneae trabis, quae apparebit uel
uesperi uel mane, prout oculus propior erit puncto 4 uel puncto 2; atque forte una mane et
alia uesperi poterit apparere, si oculus in ipso puncto medio 5 exsistat.

III, 138. Cur Cometarum cauda, non semper in parte a Sole directe auersa, nec semper
recta uideatur.

Et quidem haec coma uel cauda interdum recta, interdum nonnihil incurua esse debet;
interdumque in recta linea, quae transit per centra Cometae et Solis, interdum nonnihil ab
ea deflectens; ac denique interdum latior, interdum angustior, uel etiam lucidior, cum
nempe radii laterales uersus oculum conuergunt. Haec enim omnia sequuntur ab
irregularitate
597
Troisième Partie. Du Monde Visible.
ciel ; il faut penser que les rayons du soleil qui frappent cette comète, se
réfléchissent de là vers toutes les parties du sphéroïde DEFGH, de telle
sorte que ceux qui tombent perpendiculairement sur F, continuent
certainement en très grande partie en ligne droite vers 3, mais toutefois
aussi de là certains d’entre eux se dispersent, et ceux qui tombent
obliquement sur G, non seulement continuent en ligne droite vers 4, mais
aussi en partie se réfractent vers 3 ; et enfin ceux qui tombent sur H, ne
parviennent pas en ligne droite vers l’orbite de la terre mais sont seulement
réfléchis vers 4 et 5, et ainsi du reste. D’où est évident, que si la terre est au
point 3 de son orbite, cette comète y sera vue comme une chevelure irradiée
de toutes parts, genre de comète que l’on nomme une rose, car les rayons
directs de C vers 3 font voir sa tête et les autres rayons plus faibles qui se
réfléchissent de E et G vers 3, sa chevelure. Mais si la terre est en 4, la même
comète y sera vue par ses rayons directs CG 4, et sa chevelure ou plutôt sa
queue, étendue d’un même côté seulement, par les rayons réfléchis de H et
des autres lieux situés entre G et H, vers 4. Et de la même manière si la terre
est en 2, la comète sera vue au moyen des rayons directs CE2, et sa
chevelure au moyen des obliques qui sont entre CE2 et CD2, et il n’y aura
pas d’autre différence, sinon que la comète sera vue par l’œil se trouvant en
2 le matin, et sera précédée de sa chevelure, et la comète sera vue par l’œil
se trouvant en 4 le soir, et traînera sa queue derrière elle.
III, 137. Comment aussi apparaît la torche en feu.
Enfin, si l’œil est vers le point S, les rayons du soleil empêcheront qu’il
puisse voir la comète elle-même, mais il ne verra qu’une partie de cette
comète, qui, comme une torche en feu, apparaîtra ou le soir ou le matin
selon que l’œil sera plus proche du point 4 ou du point 2 ; et elle pourra
peut-être apparaître une fois le matin une autre fois le soir si l’œil se trouve
précisément au point 5 médian.
III, 138. Pourquoi la queue des comètes n’est pas toujours dans la partie
directement opposée au soleil ni ne semble toujours droite.
Et certainement cette chevelure ou queue doit parfois être droite, parfois
quelque peu incurvée ; parfois sur la ligne droite qui passe par le centre de
la comète et le soleil, parfois s’en écarte quelque peu ; et enfin parfois plus
large, parfois plus étroite ou aussi plus lumineuse, quand, n’est-ce pas, les
rayons latéraux convergent vers l’œil. Car tout cela suit de l’irrégularité
598
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

sphaeroidis DEFGH: quippe uersus polos, ubi eius figura depressior est, caudas Cometarum
exhibere debet magis rectas et latas; in flexu qui est inter polos et eclipticam, magis curuas,
et a Solis opposito deflectentes; et secundum istius flexus longitudinem, magis lucidas et
angustas. Nec puto quicquam hactenus circa Cometas fuisse obseruatum, saltem quod nec
pro fabula, nec pro miraculo sit habendum, cuius causa hic non habeatur.

III, 139. Cur tales comae circa Fixas aut Planetas non appareant.

Quaeri tantum potest, cur non etiam comae circa stellas fixas, ac circa altiores planetas
Iouem et Saturnum, appareant. Sed facilis responsio est. Primo, ex eo quod non soleant
uideri in Cometis, cum eorum diameter apparens non est maior quam fixarum, quia tunc isti
radii secundarii non habent satis uirium ad oculos mouendos. Ac deinde, quantum ad fixas,
quia cum lumen a Sole non mutuentur, sed illud ex se ipsis emittant, ista earum coma, si
quae sit, hinc inde in omnes partes spargi debet, atque esse perbreuis; iamque reuera circa
ipsas talis coma esse uidetur: neque enim uniformi linea circumscriptae, sed uagis radiis
undique cinctae apparent; et non male forsan earum etiam scintillationem (cuius tamen
plures aliae causae esse possunt) huc referemus. Quantum autem ad Iouem et Saturnum,
non dubito quin, ubi aër est admodum purus, breues etiam interdum comae, in partem a
Sole auersam protensae, circa ipsos uideantur; et scio me tale quid alicubi olim legisse,
quamuis auctoris non recorder. Quodque ait Aristoteles, I Meteorologia cap 6, de Fixis, eas
etiam ab Aegyptiis comatas nonnunquam uisas fuisse, puto de his planetis potius esse
intelligendum; quod autem refert de coma cuiusdam ex stellis quae sunt in femore Canis, a
se conspecta, uel ab aliqua in aëre ualde obliqua refractione, uel potius ab illius oculorum
uitio processit: addit enim minus fuisse conspicuam, cum oculorum aciem in ipsam
intendebat, quam cum remittebat.

III, 140. De principio motus Planetae.

Nunc uero, expositis iis omnibus quae ad Cometas spectant,


599
Troisième Partie. Du Monde Visible.
du sphéroïde DEFGH : assurément vers les pôles, où sa figure est plus
aplatie, il doit faire voir les queues des comètes plus droites et plus larges ;
dans la flexion qui est entre les pôles et l’écliptique, plus courbes et
s’écartant à l’opposé du soleil ; et selon la longueur de cette flexion, plus
lumineuses et plus étroites. Et je ne pense pas qu’ait été observé quelque
chose jusque-là sur les comètes, à moins de les prendre pour des fables ou
des miracles, dont la cause n’ait été prise en compte ici.
III, 139. Pourquoi de telles chevelures n’apparaissent pas autour des étoiles
fixes ou des planètes.
On peut seulement se demander pourquoi n’apparaissent pas de
chevelures autour des étoiles fixes et autour des autres planètes Jupiter et
Saturne. Mais la réponse est aisée. Premièrement de ce que, dans les
comètes, les chevelures n’ont pas l’habitude d’être vues quand leur
diamètre apparent n’est pas plus grand que celui des fixes, parce que ces
rayons secondaires n’ont alors pas assez de forces pour toucher les yeux. Et
ensuite, en ce qui concerne les étoiles fixes, parce que, comme elles
n’empruntent pas leur lumière au soleil, mais l’émettent d’elles-mêmes
seules, leurs propres chevelures, si elles en ont, doit se diffuser ci et là dans
toutes les parties, et être extrêmement courtes ; et maintenant, il semble
bien y avoir une telle chevelure autour de ces étoiles : car les étoiles ne sont
pas cerclées par une ligne uniforme, mais paraissent de toute part ceintes
par des rayons agités ; et peut-être aussi pouvons-nous assez bien rapporter
leur scintillement à cela (dont toutefois il peut y avoir plusieurs autres
causes). Cependant, concernant Jupiter et Saturne, je ne doute pas quand
l’air est absolument pur, que parfois aussi de courtes chevelures étendues
dans la partie opposée au soleil, soient vues autour de ces deux planètes ; et
je sais avoir lu une fois quelque chose de tel quelque part, bien que je ne me
souvienne pas de l’auteur. Et, ce que dit Aristote en Météores I chapitre 6
sur les fixes, que ces chevelures ont été vues aussi quelques fois par les
Égyptiens, je pense qu’il faut plutôt l’entendre de ces planètes, et ce qu’il
rapporte sur une certaine chevelure qu’il aurait vue à partir des étoiles qui
sont dans le fémur du Chien, provient ou bien de quelque réfraction très
oblique dans l’air, ou plutôt d’un défaut de ses yeux, il ajoute en effet
qu’elle était moins visible quand il tendait son regard acéré vers elle
précisément, que quand il le relâchait.
III, 140. Début du mouvement d’une planète.
Cf. Figure III-14. : Mais maintenant, après avoir exposé tout ce qui
concerne
600
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
601
Troisième Partie. Du Monde Visible.

reuertamur ad Planetas, putemusque sidus N minoris agitationis esse capax, siue minus
habere soliditatis, quam globulos secundi elementi qui sunt uersus circumferentiam nostri
coeli, sed tamen aliquanto plus habere, quam aliquos ex iis qui sunt uersus Solem. Unde
intelligemus illud, statim atque a uortice Solis abreptum est, continuo uersus eius centrum
descendere debere, donec deuenerit ad eos globulos coelestes, quibus in soliditate, siue in
aptitudine ad perseuerandum in suo motu per lineas rectas, est aequale. Cumque tandem ibi
erit, non amplius ad Solem magis accedet, nec etiam ab eo recedet, nisi quatenus ab
aliquibus aliis caussis nonnihil hinc inde propelletur; sed inter istos globulos coelestes
libratum, circa Solem assidue gyrabit, et erit Planeta. Quippe si propius accederet uersus
Solem, ibi uersaretur inter globulos coelestes paullo minores, ac proinde quos superaret ui
ad recedendum a centro circa quod gyrat; et celerius motos, ac proinde a quibus ista eius uis
simul cum agitatione augeretur, sicque inde rursus regredi deberet. Si uero a Sole magis
recederet, ei occurrerent globuli coelestes aliquanto minus celeriter moti, ac proinde qui
eius agitationem minuerent; et paullo maiores, ac proinde qui uim haberent ipsum uersus
Solem repellendi.

III, 141. Causae, a quibus eius errores pendent. Prima.

Aliae autem caussae, quae Planetam circa Solem ita libratum nonnihil hinc inde propellunt,
sunt: primo, quod spatium, in quo simul cum tota materia coeli rotatur, non sit perfecte
sphaericum; necesse est enim, ubi hoc spatium latius est, ut ista materia coeli lentius fluat,
quam ubi angustius.

III, 142. Secunda.

Secundo, quod materia primi elementi, ex quibusdam uicinis uorticibus uersus centrum
primi coeli fluendo, et inde ad quosdam alios refluendo, tum globulos secundi elementi,
tum etiam Planetam inter ipsos libratum, diuersimode possit commouere.

III, 143. Tertia.

Tertio, quod meatus qui sunt in corpore istius Planetae,


602
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
les comètes, reportons-nous vers les planètes et pensons que l’astre N est
capable de moins d’agitation autrement dit de moins de solidité que les
globules du second élément qui se trouvent vers la circonférence de notre
ciel, mais toutefois un peu plus que certains de ceux qui se trouvent vers le
soleil. De là nous comprenons que cet astre aussitôt qu’il est emporté par le
tourbillon du soleil, doit descendre continûment vers son centre, jusqu’à
parvenir vers ces globules célestes qu’il égale en solidité, autrement dit en
aptitude à persévérer dans son propre mouvement selon des lignes droites.
Et à la fin quand il y sera, il ne s’approchera pas plus amplement du soleil,
ni ne s’en écartera non plus, sinon quelque peu poussé de ci de là par
quelque autre cause ; mais en équilibre entre ces globules célestes, il
tournera sans cesse autour du soleil, et sera une planète. Assurément s’il
approche plus du soleil, il tourne parmi des globules célestes un peu plus
petits, et par conséquent il les surpassera en force pour s’écarter du centre
autour duquel il tourne, et qui se meuvent plus vite ; et par conséquent par
eux il augmentera cette sienne force en même temps que son agitation, et
ainsi à nouveau il devra s’écarter. Mais s’il s’écarte plus du soleil, lui
arrivent des globules célestes qui se meuvent quelque peu moins vite, et
qui par conséquent diminueront son agitation, et un peu plus grands, et qui
par conséquent auront la force de le repousser vers le soleil.
III, 141. Causes dont dépendent leurs errements. Première cause.
Les autres causes qui poussent ainsi, un peu de ci, un peu de là, une planète
en équilibre autour du soleil sont : premièrement, que l’espace dans lequel
la planète tourne en même temps que la totalité de la matière du ciel, n’est
pas parfaitement sphérique ; il est en effet nécessaire que cette matière du
ciel coule plus lentement là où cet espace est plus large, que là où il est plus
étroit.
III, 142. Deuxième cause.
Deuxièmement que la matière du premier élément en s’écoulant de certains
tourbillons voisins vers le centre du premier ciel et de là refluant vers
certains autres, peut mouvoir ensemble de diverse manière tantôt les
globules du second élément tantôt aussi la planète en équilibre parmi ces
corpuscules mêmes.
III, 143. Troisième cause.
Troisièmement, que les méats qui se trouvent dans le corps de cette planète
603
Troisième Partie. Du Monde Visible.

aptiores esse possint ad particulas striatas, aliasue primi elementi quae ex certis coeli
partibus ueniunt, quam ad reliquas, recipiendas: unde fit, ut istorum meatuum orificia, quae
circa polos macularum sidera inuoluentium formari supra diximus, uersus istas coeli partes
potius quam uersus alias obuertantur.

III, 144. Quarta.

Quarto, quod iam ante aliqui motus in isto Planeta esse potuerint, qui diutissime in eo
perseuerant, licet aliae caussae repugnent. Ut enim uidemus turbinem, ab hoc solo quod
semel a puero intorqueatur, satis uirium acquirere ad perseuerandum in suo motu per
aliquot horae minuta, interimque aliquot millia gyrorum absoluere, quamuis mole sit
exiguus, et tum aër circumiacens, tum etiam terra, cui insistit, eius motui aduersentur: ita
facile credi potest, ex hoc solo quod aliquis Planeta, cum primum factus est, fuerit motus,
eum a prima mundi origine ad hoc usque tempus, absque ulla notabili imminutione
celeritatis, circuitus suos continuare potuisse: quia multo breuius est tempus quinque uel
sex millium annorum, a quibus mundus stetit, si cum magnitudine alicuius Planetae
comparetur, quam tempus unius horae minuti cum exigui turbinis mole collatum.

III, 145. Quinta.

Quinto denique, quod uis ita perseuerandi in suo motu sit multo firmior et constantior in
Planeta, quam in materia coelesti eum circumiacente; ac etiam firmior in magno Planeta
quam in minore. Quippe ista uis in materia coelesti pendet ex eo, quod eius globuli simul
conspirent in eundem motum; cumque sint a se mutuo disiuncti, paruis ex momentis fieri
potest, ut modo plures, modo pauciores ita simul conspirent. Unde sequitur Planetam
nunquam tam celeriter moueri, quam globulos coelestes eum circumiacentes: etsi enim
aequet illum eorum motum, quo simul cum ipsis fertur, illi interim habent alios plures,
quatenus a se mutuo disiuncti sunt. Inde etiam sequitur, cum horum globulorum coelestium
motus acceleratur, uel tardatur, uel inflectitur, non tantopere, nec tam cito accelerari, uel
tardari, uel inflecti motum Planetae inter ipsos uersantis.
604
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
peuvent être plus aptes à recevoir les particules cannelées, ou d’autres du
premier élément, qui viennent de certaines parties du ciel, que d’autres
parties : d’où se fait que les orifices de ces méats que nous avons dit plus
haut se former autour des pôles des taches enveloppant les astres, se
tournent vers ces parties du ciel plutôt que vers les autres.
III, 144. Quatrième cause.
Quatrièmement, que d’autres mouvements ont déjà pu se trouver
auparavant dans cette planète qui persévèrent très longtemps en elle,
encore que les autres causes les combattent. Comme nous voyons en effet
une toupie de cela seul qu’elle a été lancée un coup par un enfant, acquérir
assez de forces pour persévérer dans son mouvement quelques minutes, et
entre temps achever quelques milliers de tours, bien que sa taille soit toute
petite et que son mouvement soit contrarié tant par l’air environnant, que
par la terre, qui lui résistent ; ainsi peut facilement être tenu pour vrai, de
cela seul qu’une certaine planète ait été mue quand elle a été faite au
commencement, et ait pu continuer ses circuits de la première origine du
monde jusqu’à ce moment, sans aucune diminution notable de vitesse,
parce que beaucoup plus bref est le temps de cinq ou six mille ans depuis
que le monde existe, comparé à la grandeur d’une planète, que le temps
d’une minute comparé à la petite masse d’une toupie.
III, 145. Cinquième cause.
La cinquième enfin, que la force de persévérer ainsi dans son mouvement
est beaucoup plus stable et constante dans une planète, que dans la matière
céleste qui l’entoure ; et aussi plus stable dans une grande planète, que
dans une plus petite. Certainement cette force dans la matière céleste
dépend de ce que ses globules concourent dans un même mouvement ; et
comme ils sont par eux-mêmes disjoints les uns des autres, il peut se faire
en peu de temps, qu’ils concourent ainsi ensemble tantôt plus nombreux,
tantôt moins nombreux. D’où suit que la planète ne se meut jamais aussi
vite que les globules célestes qui l’entourent, car même si elle égale le
mouvement de ces corpuscules par lequel elle est portée ensemble avec
eux-mêmes, ceux-ci entre temps ont un plus grand nombre d’autre
mouvements en tant qu’ils sont par eux-mêmes distincts les uns des autres.
De là aussi suit que quand le mouvement de ces globules célestes s’accélère
ou se ralentit ou s’infléchit, le mouvement de la planète qui tourne parmi
eux, n’est pas autant, ni aussi vite, accéléré ou ralenti ou infléchi.
605
Troisième Partie. Du Monde Visible.

III, 146. De prima productione omnium Planetarum.

Quae omnia si considerentur, nihil occurret circa phaenomena Planetarum, quod non plane
conueniat cum legibus naturae a nobis expositis, cuiusque ratio ex iam dictis non facile
reddatur. Nihil enim uetat quominus arbitremur, uastissimum illud spatium in quo iam
unicus uortex primi coeli continetur, initio in quatuordecim pluresue uortices fuisse
diuisum, eosque ita fuisse dispositos, ut sidera quae in centris suis habebant, multis
paulatim maculis tegerentur, et deinde isti uortices uni ab aliis destruerentur, modo iam a
nobis descripto: unus citius, alius tardius, pro diuerso eorum situ. Adeo ut, cum illi tres, in
quorum centris erant Sol, Iupiter et Saturnus, coeteris essent maiores, sidera, quae in centris
quatuor minorum Iouem circumstantium uersabantur, uersus Iouem delapsa sint; et quae in
centris duorum aliorum Saturno uicinorum, uersus Saturnum (saltem si uerum est duos iam
Planetas circa ipsum uersari); et Mercurius, Venus, Terra, Luna et Mars (quae sidera etiam
singula suum uorticem prius habuerunt), uersus Solem; ac tandem etiam Iupiter et Saturnus,
una cum minoribus sideribus iis adiunctis, confluxerint uersus eundem Solem, ipsis multo
maiorem, postquam eorum uortices fuerunt absumpti; Sidera autem reliquorum uorticum, si
unquam plura fuerint quam quatuordecim in hoc spatio, in Cometas abierint.

III, 147. Cur quidam Planetae sint aliis a Sole remotiores: idque ab eorum magnitudine
sola non pendere.

Sicque iam uidentes primarios Planetas, Mercurium, Venerem, Terram, Martem, Iouem et
Saturnum, ad diuersas distantias circa Solem deferri, iudicabimus id ex eo contingere, quod
eorum qui Soli uiciniores sunt, soliditas sit minor quam remotiorum. Nec mirabimur
Martem, Terra minorem, ipsa tamen magis a Sole distare, quia solidior nihilominus esse
potest, cum soliditas a sola magnitudine non pendeat.

III, 148. Cur Soli uiciniores celerius aliis moueantur; et tamen eius maculae sint
tardissimae.

Et uidentes inferiores ex istis Planetis, altioribus celerius in orbem ferri,


606
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
III, 146. De la première production de toutes les planètes.
Si tout cela est pris en considération, rien n’arrive sur les phénomènes des
planètes qui ne convienne entièrement avec les lois de la nature que nous
avons exposées, et dont il ne soit facilement rendu compte par ce qui a déjà
été dit. Car rien n’interdit de penser que ce très vaste espace dans lequel
maintenant est contenu l’unique tourbillon du premier ciel, n’ait été
initialement divisé en quatorze tourbillons, ou un plus grand nombre, et
disposés de telle sorte que les astres qu’ils avaient en leurs centres, se sont
peu à peu couverts de nombreuses taches, et que ces tourbillons se soient
ensuite détruits les uns les autres de la manière que nous avons décrite,
l’un plus vite l’autre plus lentement, eu rapport à leur site. Si bien que,
comme ces trois tourbillons au centre desquels étaient le soleil, Jupiter et
Saturne, étaient plus grands que les autres, les astres qui se trouvaient au
centre des quatre plus petits tourbillons entourant Jupiter sont tombés vers
Jupiter, et les deux qui se trouvaient aux centres des deux autres voisins de
Saturne, vers Saturne (du moins s’il est vrai que deux planètes tournent
autour de Saturne) ; et Mercure, Vénus, la Lune et Mars (car ces astres
singuliers aussi ont eu leur tourbillon au début), vers le Soleil ; et enfin
aussi Jupiter et Saturne, ensemble avec les astres plus petits joints à eux, ont
conflué vers ce même Soleil beaucoup plus grand qu’eux en réalité après
que leurs tourbillons ont été engloutis ; les astres des autres tourbillons, si
jamais il y en eut un plus grand nombre que quatorze dans cet espace, sont
devenus des comètes.
III, 147. Pourquoi certaines planètes sont plus éloignées du soleil que
d’autres ; et que cela ne dépend pas de leur seule grandeur.
Et ainsi, voyant maintenant que les principales planètes Mercure, Vénus,
Terre, Mars, Jupiter et Saturne sont emportées à des distances différentes
du Soleil, nous jugerons que cela vient de ce que la solidité de celles qui
sont plus voisines du soleil est moindre que celle des plus éloignées. Et
nous ne nous émerveillerons pas que Mars, plus petit que la terre, soit
pourtant à une distance plus grande du soleil que ne l’est la terre, parce
qu’il peut néanmoins être plus solide, puisque la solidité ne dépend pas de
la seule grandeur.
III, 148. Pourquoi les plus proches du soleil se meuvent plus vite que les
autres ; et enfin que leurs taches sont très lentes.
Et voyant que les planètes inférieures sont emportées plus vite sur leur
607
Troisième Partie. Du Monde Visible.
putabimus id ex eo fieri, quod materia primi elementi, quae Solem componit, celerrime
gyrando, uiciniores coeli partes magis secum abripiat quam remotiores. Nec interim
mirabimur, quod maculae quae in eius superficie apparent, multo tardius ferantur quam
ullus Planeta: (quippe in breuissimo suo circuitu uiginti sex dies impendunt, Mercurius
autem in suo plusquam sexagies maiori, uix tres menses, et Saturnus in suo forte bis millies
maiori, annos tantum triginta; qui nisi celerius ipsis moueretur, plus centum deberet
impendere). Hoc enim putabimus accidere ex eo, quod particulae tertii elementi, ortae a
continua macularum dissolutione, congregatae sint circa Solem, atque ibi magnam
quandam molem aëris siue aetheris componant, forte usque ad sphaeram Mercurii uel etiam
ulterius extensam; cuius aetheris particulae, cum sint ualde irregulares et ramosae, sibi
inuicem sic adhaerent, ut non disiunctim concitentur, quemadmodum globuli materiae
coelestis, sed omnes simul a Sole rapiantur, et cum ipsis tum maculae solares, tum etiam
pars coeli Mercurio uicina: unde fit, ut non multo plures circuitus quam Mercurius, eodem
tempore absoluant, nec proinde tam cito moueantur.
III, 149. Cur Luna circa Terram gyret.
Fig. III, 18.
Deinde, uidentes
Lunam non modo
circa Solem, sed
simul etiam circa
Terram gyrare,
iudicabimus id uel ex
eo contingere, quod,
ut Iouis Planetae
uersus Iouem, sic
ipsa uersus Terram
confluxerit,
priusquam haec circa
Solem ferretur; uel
potius quod, cum non
minorem habeat uim
agitationis quam
Terra, in eadem
sphaera circa Solem
debeat uersari; et,
cum mole sit minor,
aequalem habens uim
agitationis, celerius
debeat ferri. Nam, Terra existente circa Solem S, in circulo NTZ, cum quo defertur ab N
per T uersus Z, si Luna celerius acta eodem deueniat, in quacumque parte circuli NZ eam
initio esse contingat, breui accedet ad A, ubi a uicinia Terrae impedita ne recta ulterius
pergat, deflectet cursum suum uersus B: dico uersus B, potius quam uersus D,
608
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
orbe que les planètes supérieures nous penserons que cela se fait de ce que
la matière du premier élément, qui compose le soleil, tournant
extrêmement vite, entraîne plus vite avec elle, les parties du ciel plus
proches que celles plus éloignées. Et dans le même temps nous ne serons
pas émerveillés que les taches qui apparaissent à sa surface soient
emportées beaucoup plus lentement qu’aucune planète (elles effectuent
leur très bref circuit en effet en vingt-six jours ; Mercure dans le sien, plus
que soixante fois plus grand, à peine trois mois ; et Saturne dans le sien,
peut-être deux mille fois plus grand, trente ans seulement, alors qu’il
devrait, s’il ne se mouvait pas plus vite que ces taches, en employer plus de
cent). Nous penserons en effet, que cela arrive de ce que les particules du
troisième élément nées de la dissolution continue des taches, s’agrègent
autour du soleil et composent à cet endroit une certaine grande masse d’air,
autrement dit un éther qui s’étend peut-être jusqu’à la sphère de Mercure,
ou même plus loin ; comme les particules de cet éther sont très irrégulières
et ramifiées, elles s’agrègent ainsi les unes aux autres, de façon à ne pas être
agitées séparément, comme les globules de la matière céleste, mais être
emportées toutes ensemble par le soleil, et avec elles précisément, tant les
taches solaires, tant aussi la partie du ciel voisine de Mercure ; d’où se fait
que dans le même temps, elles n’achèvent pas un beaucoup plus grand
nombre de circuits que Mercure, ni par conséquent ne se meuvent aussi
vite.
III, 149. Pourquoi la lune tourne autour de la terre.
Ensuite, voyant que la lune non seulement tourne autour du soleil mais en
même temps aussi autour de la terre, nous jugerons que cela arrive de ce
que comme les planètes de Jupiter ont conflué vers Jupiter, de même la
lune vers la terre, avant que celle-ci soit emportée autour du soleil ; ou
plutôt que, comme elle n’a pas une force d’agitation moindre que la terre,
elle doit tourner dans la même sphère autour du soleil ; et comme sa masse
est moindre, ayant une force d’agitation égale, elle doit être portée plus
vite.
Figure III, 18.
Car la terre existant autour du soleil S dans le cercle NTZ, avec lequel elle
est emportée de N vers Z en passant par T, si la lune qui se meut plus vite,
arrive dans ce même lieu, en quelque partie du cercle Z qu’il lui arrive
d’être au début, rapidement elle sera en A où empêchée par le voisinage de
la terre de continuer plus loin en ligne droite, elle fléchira sa course vers B ;
609
Troisième Partie. Du Monde Visible.
je dis vers B plutôt que vers D parce que de cette manière elle s’écartera
moins de la
610
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

quia sic a linea recta minus deflectet. Dum autem ita perget ab A uersus B, omnis materia
coelestis contenta in spatio ABCD, quae ipsam defert, contorquebitur in modum uorticis
circa centrum T; sicque etiam efficiet ut Terra circa suum axem gyret, dum interim haec
omnia simul per circulum NTZ circa centrum S ferentur.

III, 150. Cur Terra circa suum axem uertatur.

Quanquam aliae praeterea sint caussae, cur Terra circa proprium axem uertatur: si enim
antea fuerit sidus lucidum, in alicuius uorticis centro consistens, ibi procul dubio sic
gyrabat; et nunc materia primi elementi, in eius centro congregata, similes adhuc motus
habet, ipsamque impellit.

III, 151. Cur Luna celerius feratur quam Terra.

Nec mirabimur, hanc Terram fere tricies circa suum axem conuolui, dum Luna tantum
semel circumferentiam circuli ABCD percurrit. Cum enim haec circumferentia ABCD sit
circiter sexagies maior Terrae ambitu, sic Luna duplo celerius adhuc fertur quam Terra; et
cum ambae agantur ab eadem materia coelesti, quam credibile est non minus celeriter
moueri prope Terram quam prope Lunam, non uidetur alia causa esse maioris in Luna
celeritatis, quam quod minor sit quam Terra.

III, 152. Cur semper Lunae facies, quamproxime eadem sit Terrae obuersa.

Non etiam mirabimur, quod semper eadem pars Lunae sit Terrae obuersa, uel certe non
multum ab ea deflectat; facile enim iudicabimus id ex eo contingere, quod alia eius pars
aliquanto sit solidior, et ideo Terram circumeundo maiorem ambitum debeat percurrere; ad
exemplum eius quod paulo ante notatum est de Cometis. Et certe innumerae illae
inaequalitates instar montium et uallium, quae in eius facie obuersa perspicillorum ope
deprehenduntur, minorem ipsius soliditatem uidentur arguere; huiusque minoris soliditatis
causa esse potest, quod alia eius facies, quae nunquam in conspectum nostrum uenit, solum
lumen directe a Sole missum excipiat, haec autem etiam illud quod ex terra reflectitur.
611
Troisième Partie. Du Monde Visible.
ligne droite. Cependant pendant qu’elle continue ainsi de A vers B, toute la
matière céleste contenue dans l’espace ABCD qui l’emporte précisément,
s’enroulera dans une manière de tourbillon autour du centre T, et fera ainsi
que la terre aussi tourne autour de son axe, pendant qu’entre-temps le tout
sera emporté ensemble par le cercle NTZ, autour du centre S.
III, 150. Pourquoi la terre tourne autour de son axe.
Quoiqu’il y ait, en outre, d’autres causes pourquoi la terre tourne autour de
son axe propre : car si elle était avant un astre lumineux au centre de
quelque tourbillon, là elle tournait sans aucun doute de cette façon, et
maintenant la matière du premier élément agrégée en son centre a encore
un mouvement semblable, et lui fournit précisément son impulsion.
III, 151. Pourquoi la lune est portée plus vite que la terre.
Cf. Figure III, 18. : Et nous ne nous émerveillerons pas que cette terre
s’enroule trente fois autour de son axe pendant que la lune ne parcourt
qu’une seule fois la circonférence du cercle ABCD. Comme cette
circonférence ABCD est, en effet, environ soixante fois plus grande que le
mouvement circulaire de la terre, la lune est portée encore deux fois plus
vite que la terre ; et comme les deux sont faites de la même matière céleste,
dont il est vraisemblable qu’elle ne se meuve pas moins vite près de la terre
que près de la lune, il ne semble pas y avoir d’autre cause de la plus grande
vitesse de la lune, sinon qu’elle est plus petite que la terre.
III, 152. Pourquoi à peu de chose près, est toujours vue de la terre la même
face de la lune.
Nous ne nous émerveillerons pas non plus que c’est toujours la même
partie de la lune qui fait face à la terre, ou assurément ne s’en détourne pas
beaucoup ; car nous jugerons facilement que cela arrive de ce que son autre
partie est quelque peu plu solide et doit pour cela, en tournant autour de la
terre, parcourir un circuit plus grand ; à l’exemple de ce qui a été noté
précédemment sur les comètes. Et certainement les innombrables
montagnes et vallées qui s’observent au moyen de lunettes sur sa face
tournée vers nous, semblent montrer justement sa moindre solidité ; la
cause de cette moindre solidité pourrait être que la face qui ne tombe
jamais sous notre vue, reçoit seulement la lumière émise directement par le
soleil, et que la visible reçoit aussi la lumière réfléchie par la terre.
612
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

III, 153. Cur Luna celerius incedat, et a suo motu medio minus aberret in coniunctionibus,
quam in quadris; et cur eius coelum non sit rotundum.

Neque magis mirabimur, quod Luna uideatur aliquanto celerius moueri, et in omnes partes
a cursu suo minus aberrare, cum plena est uel noua, quam cum dimidia tantum apparet; siue
cum est uersus partes coeli B uel D, quam cum est uersus A uel C. Quia cum globuli
coelestes, qui continentur in spatio ABCD, ratione magnitudinis et motus diuersi sint, tam
ab iis qui sunt infra D uersus K, quam ab iis qui sunt supra B uersus L, iis autem qui sunt
uersus N et Z sint similes, liberius se diffundunt uersus A et C, quam uersus B et D. Unde
sequitur ambitum ABCD non esse circulum perfectum, sed magis ad ellipsis figuram
accedere; ac materiam coeli lentius ferri inter C et A, quam inter B et D; ideoque Lunam,
quae ab ista materia coeli defertur, et propius accedere debere uersus Terram, si sit in motu
ad accedendum, et magis remoueri, si sit in motu ad recedendum, cum ipsam contingit esse
uersus A uel C, quam cum est uersus B uel D.

III, 154. Cur secundarii Planetae qui sunt circa Iouem, tam celeriter; qui uero sunt circa
Saturnum, tam tarde uel nullo modo moueantur.

Neque mirabimur quod Planetae, qui iuxta Saturnum esse dicuntur, lentissimo uel nullo
motu circa ipsum ferantur, contra autem qui sunt iuxta Iouem, circa illum gyrent, et quisque
tanto celerius quanto Ioui est uicinior. Huius enim diuersitatis causa esse potest, quod
Iupiter, ut Sol et Terra, circa proprium axem agatur; Saturnus autem, ut Luna et Cometae,
semper eandem sui partem conuertat uersus centrum uorticis in quo continetur.

III, 155. Cur poli Aequatoris et Eclipticae multum distent ab inuicem.

Praeterea non mirabimur, quod axis, circa quem Terra diei spatio conuoluitur, non sit
perpendiculariter erectus supra planum eclipticae, in quo anni spatio circa Solem rotatur,
sed plusquam uiginti tribus gradibus a perpendiculo declinet: unde oritur diuersitas aestatis
et hyemis in terra.
613
Troisième Partie. Du Monde Visible.
III, 153. Pourquoi la lune tombe plus vite et erre moins par son mouvement
moyen dans les conjonctions32 que dans les quartiers ; et pourquoi son ciel
n’est pas rond.
Cf. Figure III, 18. : Nous ne nous émerveillerons pas davantage que la lune
semble parfois se mouvoir plus vite, et moins errer de toutes parts dans sa
course, quand elle est pleine ou nouvelle, que quand elle apparaît
seulement à moitié ; autrement dit quand elle est vers les parties du ciel B
ou D, que quand elle est vers A ou C. Parce que, comme les globules
célestes qui sont contenus dans l’espace ABCD, différent en fonction de la
grandeur et du mouvement, tant de ceux qui sont en dessous de D vers K
que ceux qui sont au-dessus de B vers L, et sont semblables à ceux qui sont
vers N et Z, ils s’épandent plus librement vers A et C que vers B et D. D’où
suit que le circuit ABCD n’est pas un cercle parfait, mais s’approche plus de
la figure de l’ellipse, et que la matière du ciel est portée plus lentement
entre C et A qu’entre B et D ; à ce point la lune qui est emportée par cette
matière du ciel doit plus pouvoir s’approcher de la terre si elle est dans un
mouvement ascendant, et plus s’en écarter si elle est dans un mouvement
descendant, c’est-à-dire quand il arrive que la lune est vers A ou C que
quand elle est vers B ou D.
III, 154. Pourquoi les planètes secondaires qui sont autour de Jupiter se
meuvent si vite, et celles qui sont autour de Saturne si lentement ou
nullement.
Ni nous ne nous émerveillerons que les planètes que l’on dit être près de
Saturne33, soient portées par un mouvement très lent autour de lui, ou
même aucun, et au contraire celles qui sont près de Jupiter tournent, autour
de lui, chacune d’autant plus vite qu’elle en est plus proche. La cause de
cette diversité pourrait être, que Jupiter, comme le soleil et la terre,
tournent autour d’un axe propre, et Saturne, comme la lune et les comètes,
tourne toujours la même partie de lui-même vers le centre du tourbillon qui
le contient.
III, 155. Pourquoi les pôles de l’équateur et les pôles de l’écliptique sont très
à distance les uns des autres.
En outre nous ne nous émerveillerons pas que l’axe autour duquel
s’enroule la terre l’espace d’un jour, ne soit pas érigé perpendiculairement
au-dessus du plan de l’écliptique où elle tourne en l’espace d’un an autour
du soleil, mais soit incliné de plus de vingt-trois degrés sur la
perpendiculaire ; d’où
614
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
615
Troisième Partie. Du Monde Visible.

Nam motus annuus Terrae in ecliptica praecipue determinatur a consensu totius materiae
coelestis circa Solem gyrantis, ut patet ex eo, quod omnes Planetae in eo quamproxime
consentiant; directio autem eius axis, circa quem fit motus diurnus, magis pendet a partibus
coeli, a quibus materia primi elementi uersus ipsam fluit. Quippe cum imaginemur omne
spatium, quod iam a primo coelo occupatur, fuisse olim diuisum in quatuordecim pluresue
uortices, in quorum centris erant illa sidera, quae nunc conuersa sunt in Planetas, fingere
non possumus illorum omnium siderum axes uersus easdem partes fuisse conuersos; hoc
enim cum legibus naturae non conueniret. Sed ualde credibile est materiam primi elementi,
quae in Terrae sidus confluebat, ex iisdem fere partibus firmamenti uenisse, quas nunc
adhuc eius poli respiciunt; atque dum multi macularum cortices supra hoc sidus paulatim
generabantur, particulas striatas istius materiae primi elementi multos sibi meatus in his
corticibus efformasse, ipsosque ad magnitudinem et figuram suam sic aptasse, ut uel
nullum uel non nisi difficilem transitum praebere possint particulis striatis, quae ex aliis
firmamenti partibus accedunt: sicque illas, quae sibi aptos meatus per globum Terrae
secundum eius axem efformarunt, cum nunc adhuc per ipsum perpetuo fluant, efficere, ut
eius poli uersus easdem partes coeli a quibus ueniunt, dirigantur.

III, 156. Cur paullatim ad inuicem accedant.

Interim tamen, quia duae conuersiones Terrae, annua scilicet et diurna, commodius
peragerentur, si fierent circa axes parallelos, caussae hoc impedientes paulatim utrimque
immutantur; unde fit, ut successu temporis declinatio Eclipticae ab Aequatore minuatur.

III, 157. Ultima et maxime generalis causa omnium inaequalitatum, quae in motibus
corporum mundanorum reperiuntur.

Denique non mirabimur, quod omnes Planetae, quamuis motus circulares semper affectent,
nullos tamen circulos perfectos unquam describant, sed modis omnibus, tam in
longitudinem quam in latitudinem, semper aliquantulum aberrent. Cum enim omnia
corpora, quae sunt in uniuerso, contigua sint,
616
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.
naît sur terre, la diversité de l’été et de l’hiver. Car le mouvement annuel de
la terre sur l’écliptique est principalement déterminé par l’union de la
totalité de la matière céleste tournant autour du soleil, comme cela est
visible de ce que toutes les planètes s’unissent en cela le mieux qui soit ;
toutefois la direction de cet axe autour duquel se fait le mouvement diurne,
dépend plus des parties du ciel d’où coule la matière du premier élément,
vers la terre. Assurément quand nous imaginons que tout l’espace
maintenant occupé par le premier ciel a été autrefois divisé en quatorze
tourbillons, ou plus, dont les centres étaient ces astres qui sont maintenant
convertis en planètes, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que les axes
de tous ces astres soient dirigés vers les mêmes parties ; car cela ne convient
pas avec les lois de la nature. Mais est parfaitement crédible que la matière
du premier élément qui affluait dans l’astre de la terre, soit peut-être venue
depuis les mêmes parties du firmament que regardent encore maintenant
ses pôles ; et que pendant que de nombreuses couches de taches étaient
générées peu à peu au-dessus de cet astre, les particules cannelées de cette
matière du premier élément se soient formées beaucoup de méats dans ces
couches mêmes, et que ces méats aient ainsi adaptés leur grandeur et figure
de telle sorte qu’ils ne puissent offrir aucun passage, ou seulement un
passage difficile, aux particules cannelées qui arrivent des autres parties du
firmament ; et ainsi celles qui ont formé leurs méats adaptés à travers le
globe de la terre selon son axe, comme elles affluent maintenant encore
perpétuellement à travers cet axe, font que ses pôles sont dirigés vers ces
mêmes parties du ciel d’où elles viennent.
III, 156. Pourquoi ils s’approchent peu à peu les uns des autres.
En même temps cependant parce que les deux rotations de la terre, savoir
l’annuelle et la diurne, se feraient bien plus commodément si elles se
faisaient autour d’axes parallèles, les causes empêchant cela se modifient
peu à peu dans les deux, d’où se fait que, le temps passant, la déclinaison
de l’écliptique sur l’équateur, diminue.
III, 157. Ultime et plus importante cause générale de toutes les inégalités
qui se trouvent dans les mouvements des corps du monde.
Enfin nous ne nous émerveillerons pas que toutes les planètes, bien qu’elles
affichent toujours des mouvements circulaires, ne décrivent jamais aucun
cercle parfait, mais errent toujours quelque peu tant en longitude qu’en
latitude. Comme tous les corps en effet qui sont dans l’univers sont
contigus et se poussent les uns les autres, le mouvement de chacun dépend
du
617
Troisième Partie. Du Monde Visible.
618
Pars Tertia. De Mundo Adspectabili.

atque in se mutuo agant, motus uniuscuiusque a motibus aliorum omnium dependet, atque
ideo innumeris modis uariatur. Nec ullum plane phaenomenum in coelis eminus conspectis
obseruatur, quod non putem hic satis fuisse explicatum. Superest, ut deinceps agamus de
illis, quae cominus supra Terram uidemus.

_______________________
619
Troisième Partie. Du Monde Visible.
mouvement de tous les autres et pour cela changent d’innombrables
manières. Et parmi tous les phénomènes observés au fond des cieux, il n’en
est aucun que je ne pense avoir suffisamment expliqué ici. Il nous reste à
traiter dans la suite des phénomènes que nous voyons à la surface de la
terre.

__________________
620
Pars Quarta. De Terra.

PRINCIPIORUM PHILOSOPHIAE

PARS QUARTA.

DE TERRA

IV, I. Falsam hypothesim, qua iam ante usi sumus, esse retinendam, ad ueras rerum naturas
explicandas.

Etsi credi nolim, corpora huius mundi adspectabilis genita unquam fuisse illo modo qui
supra descriptus est, ut iam satis praemonui, debeo tamen eandem hypothesim adhuc
retinere, ad ea quae supra Terram apparent explicanda; ut tandem si, quemadmodum spero,
clare ostendam causas omnium rerum naturalium hac uia, non autem ulla alia, dari posse,
inde merito concludatur, non aliam esse earum naturam, quam si tali modo genitae essent.

IV, 2. Quae sit generatio Terrae, secundum istam hypothesim.

Fingamus itaque Terram hanc, quam incolimus, fuisse olim ex sola materia primi elementi
conflatam, instar Solis, quamuis ipso esset multo minor; et uastum uorticem circa se
habuisse, in cuius centro consistebat: sed, cum particulae striatae, aliaeque non omnium
minutissimae minutiae istius materiae primi elementi, sibi mutuo adhaererent, sicque in
materiam tertii elementi uerterentur, ex iis primo maculas opacas in Terrae superficie
genitas esse, similes iis quas uidemus circa Solem assidue generari ac dissolui. Deinde
particulas tertii elementi, quae ex continua istarum macularum dissolutione remanebant, per
coelum uicinum diffusas, magnam ibi molem aëris, siue aetheris, successu temporis
composuisse; ac denique, postquam iste aether ualde magnus fuit, densiores maculas, circa
Terram genitas, eam totam contexisse atque obtenebrasse. Cumque ipsae non possent
amplius dissolui, ac forte permultae sibi mutuo incumberent,
621
Quatrième Partie. De la Terre.

Quatrième Partie

DE LA TERRE.

IV, I. Il faut, pour expliquer les vraies natures des choses, retenir la fausse
hypothèse que nous avons déjà utilisée.
Bien que je ne voudrais pas que l’on puisse croire que les corps de ce
monde visible aient un jour été engendrés de cette manière qui a été décrite
ci-dessus, comme j’ai déjà suffisamment prévenu, je dois néanmoins, pour
expliquer ce qui est vu sur terre, retenir encore la même hypothèse ; de
sorte que finalement si, comme je l’espère, je peux montrer clairement que
par cette voie et par aucune autre, peuvent être données les causes de
toutes les choses naturelles, de là soit conclu à bon droit que leur nature
n’est pas autre que si elles avaient été engendrées de cette façon.
IV, 2. Quelle serait la génération de la terre selon cette hypothèse.
C’est pourquoi imaginons que cette terre que nous habitons, a été autrefois
composée, comme le soleil bien qu’elle fût beaucoup plus petite que ce
dernier, de la seule matière du premier élément, et a eu autour d’elle un
vaste tourbillon dont elle occupait le centre ; mais que quand les particules
cannelées et les autres poussières de cette matière du premier élément, mais
non les plus fines de toutes, se sont agrégées les unes aux autres, et ont
tourné ainsi dans la matière du troisième élément, à partir d’elles se sont
engendrées au commencement à la surface de la terre, des taches opaques
semblables à celles que nous voyons continuellement se générer et se
dissoudre autour du soleil ; ensuite que les particules du troisième élément
qui persistaient de la dissolution continue de ces taches ont diffusé à
travers le ciel voisin et ont composé avec le temps à cet endroit une grande
masse d’air autrement dit d’éther ; et enfin qu’après que cet éther a été
extrêmement grand, les taches plus denses engendrées autour de la terre,
l’ont tout entière enveloppée et couverte de ténèbres ; et que lorsque ces
taches mêmes, n’ont plus pu se dissoudre davantage et que peut-être un
très grand nombre se
622
Pars Quarta. De Terra.
simulque uis uorticis Terram continentis minueretur, tandem ipsam, una cum maculis et
toto aëre quo inuoluebatur, in alium maiorem uorticem, in cuius centro est Sol, delapsam
esse.
IV, 3. Distinctio Terrae in tres regiones: et primae descriptio.
Fig. IV-1.
Nunc uero, si
consideremus illam
nondum ita uersus
Solem delapsam,
sed paulo post
delapsuram, tres in
ea regiones ualde
diuersas
dignoscemus.
Harum prima et
intima I continere
tantum uidetur
materiam primi
elementi, se ibi non
alia ratione quam
in Sole
commouentis, nec
alterius naturae,
nisi quod forte sit
minus pura; quia
quod assidue ex
Sole in maculas abit, non ita potest ex ea expurgari. Et sane idcirco mihi facile
persuaderem, iam totum spatium I sola fere materia tertii elementi plenum esse, nisi inde
sequi uideretur, corpus Terrae non posse manere tam uicinum Soli, quam nunc est, propter
nimiam suam soliditatem.
IV, 4. Descriptio secundae.
Media regio M tota occupatur a corpore ualde opaco et denso: cum enim hoc corpus factum
sit ex particulis minutissimis (utpote quae prius ad primum elementum pertinebant), sibi
inuicem adiunctis, nulli uidentur in eo meatus relicti esse, nisi tam exigui, ut solis illis
particulis striatis supra descriptis, ac reliquae materiae primi elementi, transitum praebere
possint. Hocque experientia testatur in maculis Solis, quae cum sint eiusdem naturae atque
hoc corpus M, nisi quod sint multo tenuiores et rariores, transitum tamen luminis
impediunt; quod uix possent, si earum meatus essent satis lati ad globulos secundi elementi
admittendos. Cum enim isti meatus initio in materia fluida uel molli formati sint, haud
dubie essent etiam satis recti et laeues ad actionem luminis non impediendam.
IV, 5. Descriptio tertiae.
Sed istae duae interiores Terrae regiones parum ad nos spectant, quia nemo unquam ad
ipsas uiuus accessit. Sola tertia superest,
623
Quatrième Partie. De la Terre.
sont reposées les unes sur les autres, et que diminuait en même temps la
force du tourbillon contenant la terre, à la fin, ensemble avec les taches et la
totalité de l’éther qui l’enveloppaient, elle est tombée dans l’autre
tourbillon au centre duquel est le soleil IV, 3.
IV, 4. Distinction de la terre en trois régions, et description de la première.
Figure IV-1.
Maintenant en vérité si nous la considérons pas encore tombée ainsi vers le
soleil, mais juste avant qu’elle ne tombe, nous reconnaîtrons trois régions
très différentes. La première et la plus interne I, semble contenir
uniquement de la matière du premier élément, ne se mouvant pas d’une
autre façon à cet endroit que dans le soleil, ni étant d’une autre nature
sinon peut-être moins pure, parce que ce qui est continuellement expurgé
par le soleil dans les taches, ne peut pas l’être de la même manière par la
terre. Et sainement pour cette raison je me persuaderais facilement que tout
l’espace I est plein maintenant de la seule matière presque du troisième
élément, si de là ne semblait pas suivre que le corps de la terre, à cause de
son excessive solidité, ne pourrait pas demeurer si proche du soleil qu’il
n’est maintenant.
IV, 4. Description de la deuxième région.
La région moyenne M, est tout entière occupée par un corps très opaque et
très dense ; comme ce corps en effet a été fait de particules très petites (dans
la mesure où elles appartenaient auparavant au premier élément) qui se
sont jointes les unes aux autres, et ne semblent avoir laissé en ce corps que
des pores si exigus qu’ils ne peuvent laisser le passage qu’aux seules
particules cannelées décrites plus haut et au reste de la matière du premier
élément. Et cela, l’expérience en témoigne dans les taches du soleil, qui,
comme elles sont de même nature que ce corps M, si ce n’est qu’elles sont
beaucoup plus ténues et raréfiées, empêchent cependant le passage de la
lumière, ce qu’elles pourraient difficilement faire si leurs pores étaient
assez larges pour laisser passer les globules du second élément. Comme en
effet ces pores se sont formés au début dans une matière fluide ou molle,
sans aucun doute aussi ils étaient suffisamment rectilignes et unis pour ne
pas empêcher l’action de la lumière.
IV, 5. Description de la troisième région.
Mais ces deux régions de la terre nous regardent peu parce que jamais
homme vivant ne les a atteintes en réalité. Reste la seule troisième d’où
624
Pars Quarta. De Terra.
625
Quatrième Partie. De la Terre.

ex qua omnia corpora quae hic circa nos reperiuntur, oriri posse deinceps ostendemus.
Nunc autem nihil adhuc aliud in ipsa esse supponimus, quam magnam congeriem
particularum tertii elementi, multum materiae coelestis circa se habentium, quarum intima
natura ex modo, quo genitae sunt, potest agnosci.

IV, 6. Particulas tertii elementi, quae sunt in hac tertia regione, esse debere satis magnas.

Nempe, cum ortae sint ex dissolutione macularum, quae minutissimis primi elementi
ramentis, sibi mutuo adiunctis, constabant: unaquaeque ex plurimis istiusmodi ramentis
componi debet, atque esse satis magna, ut impetum globulorum secundi elementi, circa se
motorum, sustineat; quia quaecumque id non potuerunt, rursus in primum uel in secundum
elementum sint resolutae.

IV, 7. Ipsas a primo et secundo elemento posse immutari.

Verumenimuero, quamuis illae globulis secundi elementi totae resistant, quia tamen singula
ramenta ex quibus sunt conflatae ipsis cedunt, semper eorum occursu nonnihil possunt
immutari.

IV, 8. Esse maiores globulis secundi elementi, sed iisdem esse minus solidas et minus
agitatas.

Cumque ramenta ista primi elementi uarias habeant figuras, non potuerunt plurima simul
tam apte coniungi, ad unamquamque ex istis particulis tertii elementi componendam, quin
multos angustissimos meatus, soli subtilissimae materiae eiusdem primi elementi
permeabiles, in illa relinquerent; unde sit, ut quamuis hae particulae sint multo maiores
quam globuli coelestes, non possint tamen esse tam solidae, nec tantae agitationis capaces.
Ad quod etiam facit, quod figuras habeant ualde irregulares, et ad motum minus aptas,
quam sint sphaericae istorum globulorum. Cum enim ramenta ex quibus componuntur,
innumeris modis diuersis coniuncta sint, inde sequitur ipsas et magnitudine et soliditate et
figuris plurimum ab inuicem differre, ac fere omnes earum figuras esse admodum
irregulares.
626
Pars Quarta. De Terra.
peuvent naître, comme nous montrerons par la suite, tous les corps qui se
trouvent ici autour de nous. Cependant nous ne supposons maintenant être
en cette terre rien d’autre encore qu’un grand amas de particules du
troisième élément, ayant beaucoup de matière céleste autour d’elles, dont la
nature intime peut se reconnaître de la manière dont elles ont été générées.
IV, 6. Les particules du troisième élément qui sont dans cette troisième
région doivent être assez grandes.
Comme elles sont nées, n’est-ce pas, de la dissolution de taches constituées
de fragments très menus du premier élément, joints les uns aux autres,
chacune doit être composé d’un très grand nombre de fragments de ce type
et être assez grande pour soutenir l’élan des globules du second élément
qui se meuvent autour d’elle ; parce que toutes celles qui n’ont pas pu le
soutenir se sont désagrégées à nouveau dans le premier ou le second
élément.
IV, 7. Elles-mêmes peuvent être changées par le premier et le second
éléments.
Mais en vérité, même si toutes ces particules du troisième élément résistent
aux globules du second, néanmoins parce que les singuliers fragments d’où
elles sont produites leur cèdent justement, elles peuvent toujours quelque
peu se transformer à leur rencontre.
IV, 8. Elles sont plus grandes que les globules du second élément mais
moins solides et moins agitées que ces mêmes globules.
Et comme ces fragments du premier élément ont des figures variées, un très
grand nombre n’a pas pu se joindre si étroitement ensemble, pour
composer chacune de ces particules du troisième élément, sans laisser en la
matière très fine du premier élément de nombreux pores très étroits, seuls
perméables à cette même matière du premier élément ; d’où se trouve que
même si ces particules sont beaucoup plus grandes que les globules
célestes, néanmoins elles ne peuvent pas être si grandes, ni être capables de
tant d’agitation. À cela fait aussi qu’elles ont des figures très irrégulières et
moins aptes au mouvement que ne le sont les sphères de ces globules.
Comme en effet les fragments dont elles sont composées, se joignent en
d’innombrables manières différentes, de là suit que le plus souvent elles
diffèrent précisément les unes des autres en grandeur, solidité et figure, et
que presque toutes leurs figures sont absolument irrégulières.
627
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 9. Eas ab initio sibi mutuo incubuisse circa Terram.

Hicque notandum est, quandiu Terra instar fixarum in peculiari suo uortice uersata est,
necdum uersus Solem delapsa erat, istas particulas tertii elementi, quae ipsam inuoluebant,
quamuis a se inuicem essent disiunctae, non tamen hinc inde per coelum temere sparsas
fuisse, sed omnes circa sphaeram M conglobatas, unas aliis incubuisse; quia pellebantur
uersus centrum I a globulis secundi elementi, qui, maiorem ipsis uim agitationis habentes,
ab eo centro recedere conabantur.

IV, 10. Varia circa ipsas interualla materiae primi et secundi elementi relicta esse.

Notandum etiam, quamuis sibi mutuo sic incumberent, non tam apte tamen simul iunctas
fuisse, quin permulta interualla circa se relinquerent, quae non modo a materia primi
elementi, sed etiam a globulis secundi occupabantur: hoc enim sequi debuit ex eo, quod
figuras haberent ualde irregulares ac diuersas, et sine ordine unae aliis adiunctae essent.

IV, 11. Globulos secundi elementi, eo minores initio fuisse, quo centro Terrae uiciniores.

Notandum praeterea inferiores ex globulis, qui particulis istis immisti erant, paullo minores
fuisse quam superiores: eodem modo quo supra ostensum est, eos qui prope Solem
uersantur, gradatim esse minores, prout ei sunt uiciniores. Ac etiam istos omnes globulos
non maiores fuisse, quam iam illi sint qui reperiuntur circa Solem, infra sphaeram Mercurii;
sed forte fuisse minores, quia Sol maior est, quam fuerit unquam Terra; et proinde ipsos
minores etiam fuisse, quam nunc ii sint, qui hic circa nos uersantur. Hi enim superant illos,
qui sunt infra sphaeram Mercurii, quoniam a Sole sunt remotiores.

IV, 12. Meatusque inter ipsas habuisse angustiores.

Et notandum istos globulos, uias sibi retinuisse inter particulas


628
Pars Quarta. De Terra.
IV, 9. Ces particules du troisième élément s’appuient les unes sur les autres
depuis le commencement autour de la terre.
Cf. Figure IV-1. : Et il faut noter ici, qu’aussi longtemps que la terre, comme
les fixes, tournait dans son propre tourbillon et n’était pas encore tombée
vers le soleil, ces particules du troisième élément qui l’enveloppaient en
réalité, même si elles s’étaient disjointes les unes des autres, n’étaient pas
pour autant éparpillées au hasard de ci de là à travers le ciel, mais étaient
toutes conglomérées autour de la sphère M et s’appuyaient les unes sur les
autres, parce qu'elles étaient poussées vers le centre I par les globules du
second élément qui avaient une force d’agitation plus grande qu’elles en
réalité, et qui s’efforçaient de s’écarter de ce centre.

IV, 10. Des intervalles variés de matière du premier et du second élément ont
été laissés autour de ces particules.
Il faut noter aussi que même si elles se sont appuyées ainsi les unes sur les
autres, elles n’ont toutefois pas été jointes si étroitement qu’elles n’ont pas
laissé autour d’elles de très nombreux intervalles qui étaient occupés non
seulement par la matière du premier élément mais aussi par des globules
du second ; cela a dû suivre en effet de ce qu’elles avaient des figures très
irrégulières et très variées et que les unes étaient jointes aux autres sans
aucun ordre.

IV, 11. Les globules du second élément ont été, depuis le début, d’autant plus
petits qu’ils étaient plus proches du centre de la terre.
Il faut noter en outre que les plus bas situés de ces globules, qui se mêlaient
à ces particules, étaient quelque peu plus petits que ceux situés plus haut,
de la même manière que nous avons montré ci-dessus que ceux qui se
trouvent près du soleil sont graduellement plus petits dans la mesure où ils
sont plus proches du soleil. Et aussi tous ces globules n’étaient pas plus
grands que ne le sont maintenant ceux qui se trouvent autour du soleil à
l’intérieur de la sphère de Mercure ; mais ils étaient peut-être plus petits,
parce que le soleil est plus grand que la terre n’a jamais été ; et par
conséquent ils étaient précisément plus petits que ne les sont maintenant
ceux qui se trouvent autour de nous. Car ceux-ci surpassent ceux qui sont
sous la sphère de Mercure, puisqu’ils sont plus éloignés du soleil.

IV, 12. Et ils ont eu, entre ces particules, des pores plus étroits.
Et il faut noter que ces globules se sont ménagés entre les particules du
629
Quatrième Partie. De la Terre.
630
Pars Quarta. De Terra.

tertii elementi, ad mensuram suae magnitudinis accommodatas: ita ut non tam facile alii
globuli paullo maiores per easdem transire possent.

IV, 13. Non semper crassiores, tenuioribus inferiores fuisse.

Notandum denique tunc frequenter accidisse, ut maiores et solidiores ex istis particulis tertii
elementi, alias minores et tenuiores sub se haberent, quia, cum uniformi tantum motu circa
Terrae axem uoluerentur, atque ob irregularitates suarum figurarum sibi mutuo facile
adhaererent, etsi unaquaeque, quo solidior et crassior erat, eo maiori ui a globulis secundi
elementi circumiacentibus uersus centrum pelleretur, non tamen semper poterant solidiores
se a minus solidis ita extricare, ut infra ipsas descenderent; sed non raro eundem ordinem,
quem cum primum formarentur obtinuerant, retinebant.

IV, 14. De prima formatione diuersorum corporum, in tertia Terrae regione.

Cum autem postea globus Terrae, in tres istas regiones distinctus, uersus Solem deuolutus
est (uortice scilicet in quo antea erat absumto), non magna quidem mutatio in intima et
media eius regione potuit inde oriri; sed quantum ad exteriorem, primum duo, deinde tria,
postmodum quatuor, et plura alia corpora diuersa, in ea distingui debuerunt.

IV, 15. De actionibus, quarum ope ista corpora genita sunt; ac primo de generali
globulorum coelestium motu.

Quorum corporum productionem paullo post explicabo; sed priusquam hoc aggrediar, tres
quatuorue praecipuae actiones, a quibus pendet, hic sunt considerandae. Prima est
globulorum coelestium motus, generaliter spectatus. Secunda, grauitas. Tertia, lumen. Et
quarta, calor. Per globulorum coelestium generalem motum, intelligo continuam eorum
agitationem, quae tanta est, ut non modo sufficiat ad ipsos motu annuo circa Solem et
diurno circa Terram deferendos, sed etiam ad eosdem interea modis aliis quamplurimis
agendos.
631
Quatrième Partie. De la Terre.
troisième élément, des chemins accommodés à la mesure de leur grosseur,
de telle sorte que les autres globules un peu plus grands ne pouvaient pas
passer aussi facilement par ces mêmes voies.

IV, 13. Les plus gros globules du second élément n’ont pas toujours été plus
bas que les plus ténus.
Il faut noter enfin qu’il arrivait fréquemment alors que les plus grandes et
les plus solides de ces particules du troisième élément tenaient en dessous
d’elles d’autre particules plus petites et plus ténues, parce que, comme elles
tournaient d’un seul mouvement uniforme autour de l’axe de la terre, et
qu’à cause des irrégularités de leurs figures elles s’agrégeaient facilement
les unes aux autres, même si chacune était d’autant plus solide et plus
grosse qu’elle était poussée par une force plus grande par les globules du
second élément qui les entouraient, néanmoins les plus solides ne
pouvaient pas toujours se dégager des moins solides au point de descendre
plus bas qu’elles en réalité ; mais assez souvent elles conservaient ce même
ordre qu’elles avaient obtenu quand elles s’étaient formées au début.

IV, 14. De la première formation de divers corps dans la troisième région de la


terre.
Et quand, après que le globe de la terre, composé de ces trois régions fut
descendu vers le soleil (à savoir quand le tourbillon dans lequel il se
trouvait auparavant fut détruit), assurément de là ne put pas naître un
grand changement dans la région la plus interne et la région moyenne ;
quant à la plus externe, ont dû se distinguer à cet endroit, d’abord deux,
puis trois, puis quatre et ensuite un plus grand nombre d’autres corps
différents.

IV, 15. Des actions au moyen desquelles ont été engendrés ces corps ; et
d’abord du mouvement général des globules célestes.
Je vais quelque peu expliquer la production de ces corps ; mais avant d’en
venir à cela, il me faut considérer ici les trois ou quatre principales actions
dont dépend cette production. La première est le mouvement des globules
célestes, considéré en général. La deuxième, la gravité. La troisième, la
lumière. Et la quatrième, la chaleur. Par mouvement général des globules
célestes j’entends leur agitation continue qui est si grande que non
seulement elle suffit à les emporter précisément d’un mouvement annuel
autour du soleil, et journalier autour de la terre, mais avec cela, à mouvoir
aussi ces mêmes globules d’un très grand nombre d’autres manières. Et
parce qu’ils
632
Pars Quarta. De Terra.
633
Quatrième Partie. De la Terre.

Et quia, in quamcumque partem ita moueri coeperint, pergunt postea quantum possunt,
secundum lineas rectas, uel a rectis quam-minimum deflectentes: hinc fit ut hi globuli
coelestes, particulis tertii elementi, corpora omnia tertiae Terrae regionis componentibus,
immisti, uarios in iis effectus producant, quorum tres praecipuos hic notabo.

IV, 16. De primo huius primae actionis effectu, quod reddat corpora pellucida.

Primus est, quod pellucida reddant ea omnia corpora terrestria quae liquida sunt, et constant
particulis tertii elementi tam tenuibus, ut globuli isti circa ipsas in omnes partes ferantur.
Cum enim per istorum corporum meatus hinc inde assidue moueantur, uimque habeant
eorum particulas situ mutandi, facile sibi uias rectas, siue rectis aequipollentes, et proinde
transferendae actioni luminis idoneas, in illis efformant. Sicque omnino experimur, nullum
esse in Terra liquorem purum, et tenuibus particulis constantem, qui non sit pellucidus.
Quantum enim ad argentum uiuum, crassiores sunt eius particulae, quam ut globulos
secundi elementi ubique circa se admittant; quantum uero ad atramentum, lac, sanguinem,
et talia, non sunt liquores puri, sed plurimis puluisculis durorum corporum inspersi. Et
quantum ad corpora dura, obseruari potest ea omnia esse pellucida, quae dum formabantur
et adhuc liquida erant, pellucida fuerunt, quorumque partes retinent eundem situm, in quo
positae sunt a globulis materiae coelestis, dum circa ipsas nondum sibi mutuo adhaerentes
mouebantur. Contra uero illa omnia esse opaca, quorum particulae simul iunctae et
connexae sunt a ui aliqua externa, motui globulorum coelestium ipsis immistorum non
obsequente: quamuis enim multi meatus in his etiam corporibus relicti sint, per quos globuli
coelestes hinc inde assidue discurrunt, quia tamen hi meatus uariis in locis sunt interrupti et
interclusi, transmittendae actioni luminis, quae nonnisi per uias rectas uel rectis
aequipollentes defertur, idonei esse non possunt.

IV, 17. Quomodo corpus solidum et durum satis multos meatus habere possit, ad radios
luminis transmittendos.
634
Pars Quarta. De Terra.
ont commencé à se mouvoir ainsi de toute part, ils continuent ensuite
autant qu’ils peuvent selon des lignes droites, ou en s’écartant le moins
possible de lignes droites ; de là se fait que ces globules célestes, mélangés
aux particules du troisième élément, en composant tous les corps de la
troisième région de la terre, ont produit dans ces corps des effets variés
dont je noterai ici les trois principaux.

IV, 16. Du premier effet de cette première action ; ce qui rend les corps
transparents.
Le premier effet est qu’ils rendent transparents tous ces corps qui sont
liquides et composés de particules du troisième élément à ce point ténues,
que ces globules célestes sont emportés de toute part autour de ces
particules mêmes. Car comme ils se meuvent continuellement de ci de là à
travers les pores de ces corps et qu’ils ont la force de changer le lieu de
leurs particules, se forment facilement, en ces corps, des chemins rectilignes
ou équivalents à des droites, et par conséquent propres à transférer l’action
de la lumière. Et ainsi nous faisons assurément l’expérience que sur terre ne
se trouve aucun liquide pur et composé de particules ténues, qui ne soit
transparent. Car en ce qui concerne l’argent vif, ses particules sont trop
grosses pour admettre partout autour d’elles les globules du second
élément ; et quant à l’encre, au lait, au sang et semblables, ce ne sont pas
des liquides purs mais parsemés d’un très grand nombre de fines
poussières de corps durs. Et quant aux corps durs, on peut observer que
sont transparents tous ceux qui au moment où ils se formaient étaient
encore liquides et transparents, et tous ceux dont les parties conservent le
même site dans lequel elles ont été posées par les globules de la matière
céleste, dans le temps où ils se mouvaient autour de ces parties justement
qui ne s’agrégeaient pas encore les unes aux autres. Mais sont opaques au
contraire tous ceux dont les particules ont été jointes et enchaînées
ensemble par une force extérieure ne cédant pas au mouvement des
globules célestes mêlés en réalité à ces particules ; car même si un grand
nombre de pores aussi ont été laissés dans ces corps, à travers lesquels les
globules célestes passent continuellement de ci et de là, parce que ces pores
finalement sont interrompus et occlus en des lieux variés, ils ne peuvent
pas être adaptés à transmettre l’action de la lumière, qui n’est portée que
par des chemins rectilignes ou équivalents à des lignes droites.

IV, 17. Comment un corps solide et dur peut avoir des pores assez nombreux
pour transmettre les rayons de la lumière.
635
Quatrième Partie. De la Terre.

Utque hic intelligatur, quomodo corpora dura satis multos meatus habere possint, ad
transitum praebendum radiis luminis, ex quauis parte uenientibus, poma, uel alii quiuis
globi satis magni, et quorum superficies sit laeuis, reticulo includantur, eoque arcte
constricto, ita ut ista poma, sibi mutuo adhaerentia, unicum quasi corpus componant: in
quamcumque partem hoc corpus conuertetur, meatus in se continebit, per quos globuli
plumbei supra ipsum iniecti, uersus centrum terrae, ui grauitatis suae facile descendent,
secundum lineas rectis aequipollentes; sicque speciem corporis pellucidi, solidi et duri
exhibebit. Non enim opus est ut globuli coelestes, magis rectos et plures meatus inueniant
in corporibus terrestribus, per quae radios luminis transmittunt, quam sint ii per quos
globuli plumbei inter poma ista descendunt.

IV, 18. De secundo istius primae actionis effectu: quod una corpora ab aliis secernat, et
liquores expurget.

Secundus effectus est, quod cum particulae duorum uel plurium corporum terrestrium,
praesertim liquidorum, confuse simul iunctae sunt, globuli coelestes quasdam ex ipsis unas
ab aliis soleant separare, sicque in uaria corpora distinguere; quasdam autem alias
accuratius permiscere, ipsasque ita disponere, ut unaquaeque guttula liquoris ex iis conflati,
caeteris omnibus eiusdem liquoris guttulis omnino similis exsistat. Quippe, cum globuli
coelestes mouentur in meatibus corporum terrestrium liquidorum, particulas tertii elementi
sibi obuias assidue loco expellunt, donec eas inter aliquas alias ita disposuerint et
ordinarint, ut non magis quam istae aliae ipsorum motibus obsistant, uel, cum ita disponi
non possunt, donec eas a reliquis segregarint. Sic uidemus ex musto faeces quasdam, non
modo sursum et deorsum (quod grauitati et leuitati tribui posset), sed etiam uersus uasis
latera expelli, uinumque postea defaecatum, quamuis adhuc ex uariis particulis constans,
esse pellucidum, et non densius aut crassius in imo quam in summo apparere. Idemque de
caeteris liquoribus puris est existimandum.
636
Pars Quarta. De Terra.
Et pour comprendre ici, comment des corps durs peuvent avoir des pores
assez nombreux pour offrir le passage aux rayons de la lumière, de
quelques parties qu’ils viennent, prenons des pommes - ou tout autre globe
que l’on voudra assez grand et dont la surface est lisse - incluses dans un
filet, et si étroitement enserrées en ce filet que ces pommes s’agrégent les
unes aux autres et composent pour ainsi dire un corps unique ; en quelque
partie que ce corps sera retourné, il contiendra en lui des pores à travers
lesquels de petites billes de plomb jetées sur lui, descendront facilement par
leur force de gravité vers le centre de la terre, selon des lignes équivalentes
à des droites ; et se produira ainsi une espèce de corps transparent, solide et
dur. Car il n’est pas besoin que les globules célestes trouvent dans les corps
terrestres des pores plus rectilignes et plus nombreux par lesquels ils
transmettent la lumière, que ceux à travers lesquels les petites billes de
plomb descendent entre ces pommes.

IV, 18. Du deuxième effet de cette première action ; qu’à la fois il sépare les
corps d’autres corps et qu’il nettoie les liquides.
Le deuxième effet est que quand les particules de deux, ou un plus grand
nombre de corps terrestres, principalement des liquides, se joignent
ensemble pêle-mêle, les globules célestes ont l’habitude de séparer
certaines particules des autres et ainsi de les séparer en corps différents ; et
néanmoins d’en mélanger certaines autres particules plus soigneusement et
de les disposer en réalité de telle sorte que chaque goutte du liquide
produit par ces particules, sort absolument semblable à toutes les autres
gouttes de ce même liquide. Assurément quand les globules célestes se
meuvent dans les pores des corps terrestres liquides, ils expulsent
continuellement les particules du troisième élément qui sont sur le lieu de
leur passage, jusqu’à ce qu’ils les aient disposées et ordonnées entre
certaines autres, au point qu’elles ne résistent pas plus par leurs
mouvements, que ces autres, ou, lorsqu’elles ne sont pas disposées ainsi,
jusqu’à ce qu’ils les aient isolées des autres. Ainsi nous voyons dans le
moût du vin certains déchets, non seulement être repoussés vers le haut et
vers le bas (ce qui peut être attribué à la lourdeur et la légèreté), mais aussi
vers les côtés du récipient, et ensuite, le vin, quoiqu’encore composé de
particules variées, être transparent, et ne pas paraître plus dense ou plus
épais dans le fond que vers le haut. Et la même chose doit être jugée pour
les autres liquides purs.
637
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 19. De tertio effectu: quod liquorum guttas reddat rotundas.

Tertius effectus globulorum coelestium est, quod aquae aliorumue liquorum guttas in aëre,
alioue liquore ab iis diuerso, pendentes, reddant rotundas, ut iam in Meteoris explicui. Cum
enim isti globuli coelestes longe alias habeant uias in aquae gutta quam in aëre
circumiacente, semperque quantum possunt secundum lineas rectas, uel ad rectas quam-
proxime accedentes, moueantur: manifestum est illos qui sunt in aëre, obiectu aqueae guttae
minus impediri a motibus suis, secundum lineas a rectis quam-minimum deflectentes,
continuandis, si ea sit perfecte sphaerica, quam si quamcumque aliam figuram sortiatur. Si
quae enim sit pars in superficie istius guttae, quae ultra figuram sphaericam promineat,
maiori ui globuli coelestes per aërem discurrentes in illam impingent, quam in caeteras,
ideoque ipsam uersus centrum guttae protrudent; ac si quae pars eius, superficiei centro
uicinior sit quam reliquae, globuli coelestes, in ipsa gutta contenti, maiori ui eam a centro
expellent; atque ita omnes ad guttam sphaericam faciendam concurrent. Et cum angulus
contingentiae, quo solo linea circularis a recta distat, omni angulo rectilineo sit minor, et in
nulla linea curua praeterquam in circulari sit ubique aequalis: certum est, lineam rectam
nunquam posse magis aequaliter, et minus in unoquoque ex suis punctis inflecti, quam cum
degenerat in circularem.

IV, 20. Explicatio secundae actionis, quae grauitas uocatur.

Vis grauitatis a tertia ista globulorum coelestium actione non multum differt. Ut enim illi
globuli per solum suum motum, quo sine discrimine quaquauersus feruntur, omnes
cuiusque guttae particulas uersus eius centrum aequaliter premunt, sicque ipsam guttam
faciunt rotundam: ita per eundem motum, totius molis terrae occursu impediti, ne secundum
lineas rectas ferantur, omnes eius partes uersus medium propellunt: atque in hoc grauitas
corporum terrestrium consistit.

IV, 21. Omnes Terrae partes, si solae spectentur, non esse graues, sed leues.

Cuius natura ut perfecte intelligatur, notandum est primo, si omnia spatia circa Terram,
quae ab ipsius Terrae materia non occupantur,
638
Pars Quarta. De Terra.

IV, 19. Du troisième effet: qu’il rend rondes les gouttes des liquides.
Le troisième effet des globules célestes est qu’ils rendent rondes les gouttes
d’eau, ou de tout autre liquide, suspendues dans l’air ou dans un autre
liquide différent de ces gouttes, comme je l’ai déjà expliqué dans les
Météores34. Comme en effet ces globules célestes ont de loin d’autres
chemins dans une goutte d’eau que dans l’air alentour, et se meuvent
toujours autant qu’ils peuvent selon des lignes droites ou s’approchant le
plus possible de lignes droites, il est manifeste que ces globules qui sont
dans l’air, sont moins empêchés de continuer leurs mouvements selon des
lignes s’écartant le moins possible de lignes droites, par l’obstacle d’une
goutte d’eau si cette goutte est parfaitement sphérique que si elle a une
quelconque autre figure. Car s’il est quelque partie à la surface de cette
goutte qui fait saillie sur la surface de la figure sphérique, les globules
célestes parcourant l’air autour d’elle heurteront cette partie avec une force
plus grande que les autres parties, si bien qu’ils la pousseront vers le centre
de la goutte ; et si quelque sienne partie est plus proche du centre que de la
surface, les globules célestes contenus dans cette goutte la repousseront du
centre avec une force plus grande ; et ainsi tous les globules célestes
concourent à faire la goutte sphérique. Et comme l’angle de la tangente au
cercle, par lequel seul la ligne circulaire diffère de la droite, est plus petit
que tout angle rectiligne, et n’est égal partout en aucune ligne courbe plus
que le cercle, il est certain qu’une ligne droite, en chacun de ses points
fléchi, ne peut jamais avoir plus d’égalité et moins d’égalité, que quand elle
dégénère en cercle.

IV, 20. Explication de la deuxième action qui est appelée gravité.


La force de gravité ne diffère pas beaucoup de cette troisième action des
globules célestes. Car de même que ces globules par leur seul mouvement
qui sans discrimination les porte de toute part, pressent toutes les
particules de cette goutte vers son centre et ainsi font ronde cette goutte
même ; de même par le même mouvement, étant empêché par la rencontre
de la masse tout entière de la terre d’être portés selon des lignes droites, ils
poussent toutes les parties de celle-ci vers le milieu ; et en cela consiste la
gravité des corps terrestres.

IV, 21. Toutes les parties de la terre, si elles sont regardées isolées, ne sont pas
pesantes mais sont sans poids.
Pour comprendre parfaitement la nature de la gravité, il faut noter
premièrement que si tous les espaces autour de la terre non occupés par la
639
Quatrième Partie. De la Terre.
640
Pars Quarta. De Terra.

uacua essent, hoc est, si nihil continerent nisi corpus, quod motus aliorum corporum nulla
ratione impediret nec iuuaret (sic enim tantum intelligi potest uacui nomen), et interim haec
terra circa suum axem, spatio uiginti quatuor horarum, proprio motu uolueretur, fore ut illae
omnes eius partes, quae sibi mutuo non essent ualde firmiter alligatae, hinc inde uersus
coelum dissilirent: eodem modo, quo uidere licet, dum turbo gyrat, si arena supra ipsum
coniiciatur, eam statim ab illo recedere atque in omnes partes dispergi; et ita Terra non
grauis, sed contra potius leuis esse dicenda.

IV, 22. In quo consistat leuitas materiae coelestis.

Cum autem nullum sit tale uacuum, nec Terra proprio motu cieatur, sed a materia coelesti,
eam ambiente, omnesque eius poros peruadente, deferatur, ipsa habet rationem corporis
quiescentis; materia autem coelestis, quatenus tota consentit in illum motum quo Terram
defert, nullam habet uim grauitatis, nec leuitatis; sed quatenus eius partes plus habent
agitationis quam in hoc impendant, ideoque semper terrae occursu a motibus suis secundum
lineas rectas persequendis impediuntur, semper ab ea quantum possunt recedunt, et in hoc
earum leuitas consistit.

IV, 23. Quomodo partes omnes Terrae, ab ista materia coelesti deorsum pellantur, et ita
fiant graues.

Notandum deinde, uim quam habent singulae partes materiae coelestis ad recedendum a
Terra, suum effectum sortiri non posse, nisi, dum illae ascendunt, aliquas partes terrestres
in quarum locum succedunt, infra se deprimant et propellant. Cum enim omnia spatia quae
sunt circa Terram, uel a particulis corporum terrestrium, uel a materia coelesti occupentur;
atque omnes globuli huius materiae coelestis aequalem habeant propensionem ad se ab ea
remouendos, nullam singuli habent uim, ad alios sui similes loco pellendos. Sed cum talis
propensio non sit tanta in particulis corporum terrestrium, quoties aliquas ex ipsis supra se
habent, omnino in eas uim istam suam debent exercere. Atque ita grauitas cuiusque
corporis terrestris non proprie efficitur ab omni materia coelesti illud circumfluente,
641
Quatrième Partie. De la Terre.
matière de cette terre étaient vides, c’est-à-dire ne contenaient rien qu’un
corps qui n’empêcherait, ni n’aiderait, en aucune façon, les mouvements
des autres corps (c’est seulement ainsi en effet que peut se comprendre le
mot vide), et que cette terre en même temps tourne de son propre
mouvement autour de son axe en l’espace de vingt-quatre heures, il se fera
que toutes ses siennes parties qui ne se seront pas liées les unes aux autres
très fermement, se dissiperont çà et là vers le ciel ; de la même manière qu’il
est permis de voir quand du sable est projeté dans une trombe d’air qui
tourne, qu’aussitôt la trombe écarte d’elle le sable et le disperse de toutes
parts ; et ainsi la terre ne doit pas être dite pesante mais au contraire plutôt
sans poids.

IV, 22. En quoi consiste la légèreté de la matière céleste.


Et comme aucun tel vide n’existe et que la terre n’est pas animée par son
propre mouvement, mais est emportée par la matière céleste qui l’entoure
et pénètre tous ses pores, elle-même se tient à la façon d’un corps au repos ;
cependant la matière céleste en tant qu’elle s’accorde tout entière avec ce
mouvement par lequel elle porte la terre, n’a aucune force de gravité ni de
légèreté ; mais en tant que ses parties ont plus d’agitation qu’elles ne
dépensent en cette action, et comme elles sont empêchées par la rencontre
de la terre de poursuivre leurs mouvements selon des lignes droites, elles
s’en écartent toujours autant qu’elles peuvent ; et en cela consiste leur
légèreté.

IV, 23. Comment toutes les parties de la terre sont poussées vers le bas par
cette matière céleste et ainsi se font pesantes.
Cf. Figure IV-1. : Il faut noter ensuite que la force qu’ont les parties
singulières de la matière céleste pour s’écarter de la terre, ne peut produire
son effet que si dans le même temps qu’elles s’élèvent, elles enfoncent sous
elles et poussent en avant certaines autres dans ce lieu où elles leur
succèdent. Comme tous les espaces qui sont autour de la terre sont en effet
occupés, ou par les particules des corps terrestres, ou par la matière céleste,
et que tous les globules de cette matière céleste ont par eux-mêmes une
égale propension à s’écarter de la terre, chaque globule singulier ne tient
aucune force pour écarter de leur place les autres semblables à lui. Mais
comme une telle propension n’est pas si grande dans les particules des
corps terrestres, chaque fois qu’elles en ont certaines au-dessus d’elles jus-
tement, elles doivent certainement exercer sur celles-si cette force qui leur
est propre. Et ainsi la gravité de chaque corps terrestre ne s’effectue pas
642
Pars Quarta. De Terra.
proprement par toute la matière céleste s’écoulant autour de lui mais
précisément seulement
643
Quatrième Partie. De la Terre.

sed praecise tantum ab ea ipsius parte, quae, si corpus istud descendat, in eius locum
immediate ascendit, ac proinde quae est illi magnitudine plane aequalis. Sit, exempli
caussa, B corpus terrestre in medio aëre exsistens, et constans pluribus particulis tertii
elementi, quam moles aëris ipsi aequalis, ac proinde pauciores uel angustiores habens
poros, in quibus materia coelestis contineatur: manifestum est, si hoc corpus B uersus I
descendat, molem aëris ei aequalem in eius locum ascensuram. Et quia in ista mole aëris,
plus materiae coelestis quam in eo continetur, manifestum etiam est, in ipsa esse uim ad
illud deprimendum.

IV, 24. Quanta sit in quoque corpore grauitas.

Atque ut hic calculus recte ineatur, considerandum est, in meatibus istius corporis B esse
etiam aliquid materiae coelestis, quae opponitur aequali quantitati similis materiae
coelestis, quae in aëris mole continetur, eamque reddit otiosam; itemque in mole aëris esse
aliquas partes terrestres, quae opponuntur totidem aliis partibus terrestribus corporis B,
nihilque in eas efficiunt. His autem utrimque detractis, quod reliquum est materiae coelestis
in ista mole aëris, agere in id quod reliquum est partium terrestrium in corpore B; atque in
hoc uno eius grauitatem consistere.

IV. 25. Eius quantitatem non respondere quantitati materiae cuiusque corporis.

Utque nihil omittatur, aduertendum etiam est, per materiam coelestem non hic intelligi
solos globulos secundi elementi, sed etiam materiam primi iis admistam, et ad ipsam
quoque esse referendas illas particulas terrestres, quae cursum eius sequutae, caeteris
celerius mouentur, quales sunt eae omnes quae aërem componunt. Aduertendum praeterea,
materiam primi elementi, caeteris paribus, maiorem uim habere ad corpora terrestria
deorsum pellenda, quam globulos secundi, quia plus habet agitationis; et hos maiorem,
quam particulas terrestres aëris quas secum mouent, ob similem rationem. Unde fit, ut ex
sola grauitate non facile possit aestimari, quantum in quoque corpore materiae terrestris
contineatur. Et fieri potest, ut quamuis, exempli caussa, massa auri uicies plus ponderet,
quam moles aquae ipsi aequalis, non tamen quadruplo uel quintuplo plus materiae terrestris
contineat: tum, quia tantundem ab utraque subducendum est, propter aërem
644
Pars Quarta. De Terra.
par cette partie de cette matière qui, si ce corps descend, monte
immédiatement en son lieu, et qui par suite est absolument égale à cette
grandeur. Soit B par exemple un corps terrestre se tenant au milieu de l’air
et composé d’un plus grand nombre de particules du troisième élément que
la masse d’air qui lui est juste égale, et par conséquent qui a moins de pores
où est contenue la matière céleste, ou des pores plus étroits ; il est manifeste
que si le corps B descend vers I, la masse d’air qui lui est égale montera en
son lieu. Et parce que dans cette masse d’air est contenue plus de matière
céleste qu’en lui, il est manifeste aussi qu’en elle en réalité se trouve la force
d’enfoncer ce corps.

IV, 24. De combien est la gravité en chaque corps.


Et pour que soit commencé droitement ce calcul, il faut considérer que dans
les méats de ce corps B, se trouve aussi quelque quantité de matière céleste
qui s’oppose à une égale quantité de matière céleste semblable contenue
dans la masse d’air, et qui la neutralise ; et de même dans la masse d’air, se
trouvent certaines parties terrestres qui s’opposent tout autant à d’autres
parties terrestres du corps B et qui en ces dernières ne font rien. Et cela
éliminé de part et d’autre, ce qui reste de matière céleste dans cette masse
d’air, agit sur ce qui reste des parties terrestres dans le corps B ; et en cela
seul consiste cette gravité.

IV. 25. La quantité de gravité ne répond pas à la quantité de matière de chaque


corps.
Et pour ne rien laisser de côté, il faut aussi souligner que par matière céleste
je n’entends pas ici les seuls globules du second élément, mais aussi la
matière du premier élément qui lui est mêlée, et doivent aussi lui être
rapportées en réalité, ces particules terrestres qui ayant suivi sa course se
meuvent plus vite que les autres, telles sont toutes celles qui composent
l’air. Il faut souligner de plus, que, le reste étant égal, la matière du premier
élément a une force plus grande pour pousser les corps terrestres vers le
bas que les globules du second, parce qu'elle a plus d’agitation ; et ceux-ci
une force plus grande que les particules terrestres de l’air qu’ils meuvent
avec eux, pour une raison semblable. D’où se fait que de la seule gravité ne
peut pas être estimé facilement combien de matière céleste est contenue en
chaque corps. Et il peut se faire par exemple que bien qu’une masse d’or
pèse vingt fois plus que la quantité d’eau qui lui est précisément égale, elle
ne contient pourtant pas quatre ou cinq fois plus de matière terrestre, tant
parce qu’il faut soustraire une même quantité à l’une et à l’autre à cause de
l’air dans
645
Quatrième Partie. De la Terre.
in quo ponderantur; tum etiam, quia in ipsa aqua, ut et in omnibus aliis liquidis corporibus,
propter suarum particularum motum, inest leuitas, respectu corporum durorum.
IV, 26. Cur corpora non grauitent in locis suis naturalibus.
Considerandum etiam, in omni motu esse circulum corporum quae simul mouentur, ut iam
supra ostensum est, nullumque corpus a grauitate sua deorsum ferri, nisi eodem temporis
momento aliud corpus magnitudine ipsi aequale, ac minus habens grauitatis, sursum feratur.
Unde fit, ut in uase, quantumuis profundo et lato, inferiores aquae alteriusue liquoris guttae,
a superioribus non premantur; nec etiam premantur singulae partes fundi, nisi a totidem
guttis, quot ipsis perpendiculariter incumbunt.
Fig. IV-2.
Nam, exempli caussa, in uase
ABC, aquae gutta 1 non premitur
ab aliis 2, 3, 4, supra ipsam
existentibus, quia si haec deorsum
ferrentur, deberent aliae guttae, 5,
6, 7, aut similes, in earum locum
ascendere; quae, cum sint aeque
graues, illarum descensum
impediunt. Hae autem guttae 1, 2,
3, 4, iunctis uiribus, premunt
partem fundi B; quia, si efficiant
ut descendat, descendent etiam
ipsae, ac in earum locum partes
aëris 8, 9, quae sunt ipsis leuiores,
ascendent. Sed eandem uasis
partem B non plures guttae premunt quam haec 1, 2, 3, 4, uel aliae ipsis aequipollentes;
quia eo temporis momento, quo haec pars B potest descendere, non plures eam sequi
possunt. Atque hinc innumera experimenta circa corporum grauitatem, uel potius, si sic
loqui licet, grauitationem, quae male philosophantibus mira uidentur, perfacile est
explicare.
IV, 27. Grauitatem corpora deprimere uersus centrum Terrae.
Notandum denique, quamuis particulae materiae coelestis eodem tempore multis diuersis
motibus cieantur, omnes tamen earum actiones ita simul conspirare, ac tanquam in
aequipondio consistere, unasque aliis opponi,
646
Pars Quarta. De Terra.
lequel ils sont pesés, tant aussi parce qu’à cause du mouvement de leurs
particules, se trouve dans cette eau précisément, la légèreté, comme aussi
en tous les autres corps liquides, eu égard aux corps durs.

IV, 26. Pourquoi les corps n’ont pas de gravité dans leurs lieux naturels.
Il faut considérer aussi qu’en tout mouvement, est le cercle des corps qui se
meuvent ensemble, comme nous l’avons déjà montré plus haut, et
qu’aucun corps n’est porté par sa gravité vers le bas, si n’est pas porté dans
le même temps vers le haut, un autre corps égal en grandeur et ayant moins
de gravité que lui-même. D’où se fait que dans un récipient, aussi profond
et large que l’on voudra, les gouttes d’eau les plus basses, ou d’un autre
liquide, ne sont pas pressées par les plus hautes ; ni non plus ne sont
pressées les parties singulières du fond si ce n’est par ce même nombre de
gouttes qui s’appuie perpendiculairement sur ces singulières parties.
Figure IV-2.
Car dans le récipient ABC, par exemple, la goutte d’eau 1 n’est pas pressée
par les autres 2, 3, 4 se trouvant juste au-dessus d’elle, parce que si ces
dernières étaient portées vers le bas d’autres gouttes, 5, 6, 7 ou semblables
devraient monter en leurs places ; et comme elles sont pareillement
pesantes, elles empêchent leur descente. Cependant ces gouttes 1, 2, 3, 4,
pressent en joignant leurs forces, la partie du fond B, parce que si se faisait
qu’elles descendent, elles descendraient elles-mêmes aussi, et en leur place
monteraient les parties d’air 8, 9 qui sont plus légères qu’elles-mêmes. Mais
cette même partie B du récipient, n’est pas pressée par un plus grand
nombre de gouttes que ces 1, 2, 3, 4 ou que les autres verticalement
équivalentes, parce que dans ce moment où cette partie B peut descendre,
ne peut pas la suivre un plus grand nombre. Et de là il est très facile
d’expliquer les innombrables expériences autour de la gravité des corps, ou
plutôt, s’il est permis de parler ainsi, de la gravitation, qui semblent
émerveiller ceux qui philosophent mal.

IV, 27. La gravité des corps fait descendre vers le centre de la terre.
Il faut noter enfin que même si les particules de matière céleste sont, au
même moment, agitées d’un grand nombre de mouvements divers, toutes
leurs actions cependant concourent ensemble et se maintiennent comme en
équilibre, et s’opposent les unes aux autres, de telle sorte que de cela seul
647
Quatrième Partie. De la Terre.
ut ex hoc solo quod terrae moles obiectu suo earum motibus aduersetur, quaquauersus
aequaliter propendeant ad se ab eius uicinia, et tanquam ab eius centro, remouendas; nisi
forte aliqua exterior caussa diuersitatem hac in re constituat. Talesque aliquot caussae
possunt excogitari; sed an earum effectus sit tantus, ut sensu deprehendatur, nondum mihi
compertum est.
IV, 28. De tertia actione, quae est lumen; quomodo particulas aëris commoueat.
Vis luminis, quatenus a Sole ac stellis in omnes coeli partes se diffundit, iam satis supra fuit
explicata: superest tantum ut hic notemus, eius radios a Sole delapsos, Terrae particulas
diuersimode agitare. Quippe, quamuis in se spectata, nihil aliud sit quam pressio quaedam,
quae fit secundum lineas rectas, a Sole in Terram extensas: quia tamen ista pressio non
aequaliter omnibus particulis tertii elementi, quae supremam terrae regionem componunt,
sed nunc unis, nunc aliis, ac etiam, nunc uni eiusdem particulae extremitati, nunc alteri
applicatur: facile potest intelligi, quo pacto ex ipsa uariae motiones in particulis istis
excitentur.
Figu. IV-3.
Exempli caussa, si AB sit una
ex particulis tertii elementi,
supremam terrae regionem
componentibus, quae incumbat
alteri particulae C, atque inter
ipsam et Solem aliae multae
interiaceant, ut D, E, F: hae
interiacentes nunc impedient,
ne radii Solis G, G, premant
extremitatem B, non autem ne
premant A: sicque extremitas
A deprimetur, atque alia B
attolletur. Et quia istae
particulae assidue situm
mutant, paullo post opponentur
radiis Solis tendentibus uersus
A, non autem aliis tendentibus
uersus B, sicque extremitas A
rursus attolletur, et B
deprimetur. Quod idem in
omnibus terrae particulis, ad
quas Solis radii pertingunt,
habet locum; et ideo omnes a Solis lumine agitantur.
IV, 29. De quarta, quae est calor; quid sit, et quomodo sublato lumine perseueret.
Haec autem particularum terrestrium agitatio, siue orta sit a lumine, siue ab alia quauis
caussa, calor uocatur; praesertim cum est maior solito
648
Pars Quarta. De Terra.
que la masse de la terre fait obstacle et s’oppose à leurs mouvements, elles
ont une propension à s’écarter de son voisinage pareillement dans toutes
les directions, et comme depuis son centre ; à moins peut-être que quelque
cause extérieure n’établisse la diversité de cette façon. Et un certain nombre
de telles causes peuvent être cogitées ; mais si leur effet est tel à pouvoir
être embrassé par les sens, je ne le sais pas avec exactitude.

IV, 28. De la troisième action, qui est la lumière ; comment elle meut les
particules d’air.
La force de la lumière en tant qu’elle se répand du soleil et des étoiles dans
toutes les parties du ciel a déjà été suffisamment expliquée plus haut ; il
reste seulement à noter ici que, tombés du soleil, ses rayons agitent de
diverses manières les particules de la terre. Car quoique regardée en soi, la
lumière ne soit rien d’autre qu’une certaine pression qui se fait selon des
lignes droites étendues depuis le soleil vers la terre, parce que toutefois
cette pression ne s’applique pas pareillement à toutes les particules du
troisième élément qui composent la région supérieure de la terre, mais
tantôt aux unes, tantôt aux autres, tantôt à l’extrémité d’une même
particule, tantôt à l’autre, facilement peut se comprendre de quelle façon
elle provoque en réalité des mouvements variés dans ces particules.
Figure IV-3.
Par exemple si AB est une de ces particules du troisième élément
composant la partie supérieure de la terre, qui s’appuie sur l’autre particule
C, et que beaucoup d’autres s’interposent entre elle-même et le soleil,
comme D, E, F ; ces particules interposées empêchent maintenant les
rayons du soleil G, G de presser l’extrémité B, non toutefois de presser A ;
et ainsi l’extrémité A s’enfonce, et l’autre B s’élève. Et parce que ces
particules changent continuellement de site, peu après elles feront obstacle
aux rayons du soleil tendus vers A, non toutefois aux autres tendus vers B,
et ainsi l’extrémité A s’élèvera à son tour, et B s’enfoncera. Et cela a lieu de
même dans toutes les particules de la terre vers lesquelles tendent les
rayons du soleil ; et toutes pour cela sont agitées par la lumière du soleil.

IV, 29. De la quatrième, qui est la chaleur ; ce qu’elle est, et comment elle
persévère quand est supprimée la lumière.
Et cette agitation des particules terrestres, qu’elle naisse de la lumière ou de
toute autre cause, est appelée chaleur ; surtout quand elle est plus grande
649
Quatrième Partie. De la Terre.
et mouet sensum; caloris enim denominatio ad sensum tactus refertur. Notandumque est
unamquamque ex particulis terrestribus sic agitatam, perseuerare postea in suo motu iuxta
leges naturae, donec ab aliqua alia caussa sistatur; atque ideo calorem a lumine ortum,
semper aliquamdiu post sublatum lumen remanere.
IV, 30. Cur altius penetret, quam lumen.
Notandum praeterea particulas terrestres, a radiis Solis sic impulsas, alias sibi uicinas, ad
quas isti radii non perueniunt, agitare; hasque rursus alias, et sic consequenter. Cumque
semper tota Terrae medietas a Sole illustretur, tot eiusmodi particulas simul commoueri, ut
quamuis lumen in prima opaca superficie subsistat, calor tamen ab eo genitus usque ad
intimas partes mediae Terrae regionis debeat peruenire.
IV, 31. Cur corpora fere omnia rarefaciat.
Notandum denique istas particulas terrestres, cum a calore plus solito agitantur, in tam
angusto spatio uulgo non posse contineri, quam cum quiescunt uel minus mouentur; quia
figuras habent irregulares, quae minus loci occupant, cum certo aliquo modo iunctae
quiescunt, quam cum assiduo motu disiunguntur. Unde fit, ut calor omnia fere corpora
terrestria rarefaciat, sed una magis, alia minus, pro uario situ et figura particularum, ex
quibus constant.
IV, 32. Quomodo suprema Terrae regio, in duo diuersa corpora fuerit primum diuisa.
Fig. IV-4.
His uariis
actionibus
animaduersis, si
rursus
consideremus
Terram, iam
primum ad
uiciniam Solis
accedentem, et
cuius suprema
regio constat
particulis tertii
elementi, sibi
mutuo non
firmiter annexis,
quibus immisti
sunt globuli
coelestes,
aliquanto minores iis, qui reperiuntur in ea coeli parte per quam transit, uel etiam in ea ad
quam uenit: facile intelligemus minores istos globulos, maiusculis qui eam
circumplectuntur, loca sua relinquere, hosque maiusculos, in illa cum impetu ruentes,
650
Pars Quarta. De Terra.
que d’habitude et provoque une sensation ; car la dénomination de chaleur
est rapportée au sens du tact. Et il faut noter que chacune des particules
terrestres ainsi agitée, persévère par la suite dans son mouvement suivant
les lois de la nature, jusqu’à ce que quelque autre cause ne l’arrête ; si bien
que la chaleur née de la lumière, persistera toujours quelque temps après
que la lumière a été supprimée.

IV, 30. Pourquoi elle pénètre plus profondément que la lumière.


Il faut noter en outre que les particules terrestres ainsi poussées par les
rayons du soleil, agitent les autres qui leur sont voisines, auxquelles ces
rayons ne parviennent pas, et celles-ci d’autres à leur tour, et ainsi de suite.
Et comme une entière moitié de la terre est éclairée par le soleil, tant de
particules sont mues ensemble de cette manière que bien que la lumière
s’arrête à la première surface opaque, néanmoins la chaleur que le soleil
engendre doit parvenir jusqu’aux parties les plus basses de la région
médiane de la terre.

IV, 31. Pourquoi elle dilate presque tous les corps.


Il faut noter enfin que comme ces particules terrestres sont agitées plus que
d’habitude par la chaleur, elles ne peuvent pas être contenues dans un
espace commun aussi étroit que quand elles sont au repos ou se meuvent
moins ; parce qu’elles ont des figures irrégulières qui tiennent moins de
place quand elles se joignent au repos d’une certaine manière précise, que
quand elles sont disjointes par un mouvement continu. D’où se fait que la
chaleur dilate presque tous les corps terrestres, mais plus les uns, moins les
autres, selon la variété du site et de la figure des particules dont sont
constitués ces corps.

IV, 32. Comment la région supérieure de la terre a été divisée au


commencement en deux corps différents.
Figure IV-4.
Ces différentes actions étant observées, si nous considérons à nouveau la
terre avant qu’elle n’arrive au voisinage du soleil, dont la région supérieure
est constituée par des particules du troisième élément non liées solidement
les unes aux autres, auxquelles se mêlent des globules célestes un peu plus
petits qu’elle, qui se trouvent dans cette partie du ciel qu’elle traverse ou
encore vers laquelle elle va ; nous comprendrons facilement que ces plus
petits globules laissent leurs places aux plus grands qui l’entourent, et ces
plus grands se ruant sur la terre avec force se heurtent à de nombreuses
651
Quatrième Partie. De la Terre.
652
Pars Quarta. De Terra.

in multas tertii elementi particulas impingere, praesertim in crassiores, ipsasque infra


caeteras detrudere, iuuante etiam ad hoc ui grauitatis, atque ita efficere ut istae crassiores
infra caeteras depulsae, figurasque habentes irregulares et uarias, arctius inter se nectantur
quam superiores, et motus globulorum coelestium interrumpant. Quo fit, ut suprema Terrae
regio, qualis hic exhibetur uersus A, in duo corpora ualde diuersa distinguatur, qualia
exhibentur uersus B et C: quorum superius B est rarum, fluidum et pellucidum, inferius
autem C est aliquatenus densum, durum et opacum.

IV, 33. Distinctio particularum terrestrium in tria summa genera.

Deinde ex eo quod existimemus corpus C a corpore B distinctum fuisse per hoc solum,
quod eius partes a globulis coelestibus deorsum pressae, sibi inuicem adhaererent,
intelligemus etiam aliud adhuc corpus, quale est D, inter ista duo debere postea generari.
Etenim figurae particularum tertii elementi, ex quibus constant corpora B et C, admodum
uariae sunt, ut supra notatum est, ipsasque hic in tria praecipua genera licet distinguere.
Nempe quaedam sunt in uaria quasi brachia diuisae, atque hinc inde expansae tanquam
rami arborum, et alia id genus; atque hae sunt potissimum, quae a materia coelesti deorsum
expulsae, sibi mutuo adhaerescunt, et corpus C componunt. Aliae sunt solidiores,
figurasque habent, non quidem omnes globi uel cubi, sed etiam cuiuslibet ruderis angulosi;
atque hae, si maiusculae sint, infra caeteras ui grauitatis descendunt; si autem sint
minusculae, manent prioribus immistae, occupantque interualla quae ab ipsis relinquuntur.
Aliae denique sunt oblongae, ac ramis destitutae, instar bacillorum; atque hae prioribus
etiam se interserunt, cum satis magna inter ipsas interualla reperiunt, sed non illis facile
annectuntur.

IV, 34. Quomodo tertium corpus inter duo priora factum sit.

Quibus animaduersis, rationi consentaneum est ut credamus, cum primum particulae


ramosae corporis C sibi mutuo coeperunt implicari, plerasque ex oblongis fuisse ipsis
interiectas, easque postea, dum ramosae illae, magis et magis pressae, paullatim arctius
iungebantur, supra ipsas ascendisse uersus D, atque ibi simul congregatas fuisse,
653
Quatrième Partie. De la Terre.
particules du troisième élément, les plus grosses surtout, et les chassent
violemment sous les autres, la force de gravité aidant aussi en cela, et font
ainsi en telle sorte que ces plus grands poussés sous les autres et ayant des
figures irrégulières et variées, se lient plus étroitement entre eux que ceux
plus haut situés, et interrompent le mouvement des globules célestes. D’où
se fait que la région supérieure de la terre qui est ici représentée en A, se
distingue en deux corps très différents, représentés en B et C ; et de ces
corps le supérieur B est raréfié, fluide et transparent, et l’inférieur C,
jusqu’à un certain point, dense, dur et opaque.

IV, 33. Distinction des particules terrestres en trois genres supérieurs.


Cf. Figure IV-4. : Ensuite de ce que nous estimons que le corps C se
distingue du corps B de cela seul que ses parties pressées vers le bas par les
globules célestes s’agrègent les unes aux autres, nous comprendrons aussi
qu’un autre corps encore, tel le corps D, doit ensuite être généré entre ces
deux. En effet les figures des particules du troisième élément dont sont
composés les corps B et C, sont extrêmement diverses, comme il a été noté
plus haut, et il est permis ici de les distinguer elles-mêmes en trois genres
principaux. À savoir certaines sont divisées en, pour ainsi dire, des
ramifications variées, et s’étendent de ci de là comme des branches d’arbres
et tout autre de ce genre ; ce sont celles-ci qui expulsées le plus violemment
vers le bas par la matière céleste, s’agrègent les unes aux autres et
composent le corps C. D’autres sont plus solides et n’ont certainement pas
toutes les figures d’un globe ou d’un cube, mais aussi d’un angle grossier
quelconque ; et si elles sont plus grandes, elles descendent, par la force de
la gravité, sous les autres, et si elles sont plus petites, restent mélangées aux
premières et occupent les intervalles précisément qu’elles laissent. D’autres
enfin sont oblongues et dépourvues de ramifications comme des bâtons ; et
celles-ci aussi s’intercalent parmi les premières quand elles trouvent des
espaces libres assez grands, mais ne se lient pas facilement à elles.

IV, 34. Comment le troisième corps a été fait entre les deux premiers.
Figure IV-4. : Cela noté, il consent avec la raison que nous tenions pour vrai
que, quand les particules ramifiées du corps C ont d’abord commencé à
s’entrelacer les unes les autres et qu’un très grand nombre parmi les
oblongues se sont intercalées entre elles, et qu’ensuite pendant que les
ramifiées, de plus en plus comprimées, se sont jointes peu à peu plus
étroitement, elles sont montées en réalité vers D, et là se sont agrégées
654
Pars Quarta. De Terra.

in corpus a duobus aliis B et C ualde diuersum. Eadem ratione qua uidemus in paludosis
locis, terram calcando, aquam ex ea exprimi, quae postea ipsius superficiem tegit. Nec
dubium etiam, quin interim aliae plures ex corpore B delapsae sint, quae duorum
inferiorum corporum C et D molem auxerunt.

IV, 35. Particulas tantum unius generis in isto corpore contineri.

Quamuis autem initio, non solae istae particulae oblongae ramosis interiectae fuerint, sed
aliae etiam, quae tanquam rudera aut fragmenta lapidum solidae erant, notandum tamen has
solidiores non tam facile supra ramosas ascendisse, quam illas oblongas; uel, si quae
ascenderint, facilius postea infra ipsas rursus descendisse: oblongae enim, caeteris paribus,
plus habent superficiei pro ratione suae molis; atque ideo a materia coelesti per meatus
corporis C fluente, facilius expelluntur: et postquam ad D peruenerunt, ibi transuersim
iacentes supra superficiem istius corporis C, non facile meatibus occurrunt, per quos in
ipsum regredi possint.

IV, 36. Duas tantum in eo esse species istarum particularum.

Sic itaque multae oblongae particulae tertii elementi uersus D congregatae sunt; et quamuis
initio non fuerint inter se perfecte aequales, nec similes, hoc tamen commune habuerunt,
quod nec sibi mutuo, nec aliis tertii elementi particulis facile possent adhaerere, quodque a
materia coelesti ipsas circumfluente mouerentur; propter hanc enim proprietatem a corpore
C excesserunt, atque in D sunt simul collectae; cumque ibi materia coelestis assidue circa
illas fluat, efficiatque ut uariis motibus cieantur, et unae in aliarum loca transmigrent,
successu temporis fieri debuerunt laeues et teretes, et quam-proxime inter se aequales,
atque ad duas tantum species reduci. Nempe, quae fuerunt satis tenues, ut ab illo solo
impetu, quo a materia coelesti agebantur, flecti possent, circa alias paullo crassires, quae sic
flecti non poterant, conuolutae, ipsas secum detulerunt. Atque hae duae particularum
species, flexilium scilicet atque inflexilium, sic iunctae facilius perseuerarunt in suo motu,
quam solae flexiles, uel solae inflexiles potuissent: unde factum est, ut ambae in corpore D
655
Quatrième Partie. De la Terre.
ensemble en un corps très différent des deux autres corps B et C. De la
même façon que nous voyons en piétinant le sol dans les lieux marécageux,
en être exprimée l’eau qui ensuite couvre la surface du sol lui-même. Et il
ne fait aucun doute aussi que de B sont tombés en même temps plusieurs
autres corps, qui ont augmenté la masse des deux corps C et D, plus bas
situés.

IV, 35. Dans ce corps ne sont contenues que des particules d’un genre unique.
Figure IV-4. : t quoiqu’au début ne se sont pas intercalées ces seules
particules oblongues entre les particules ramifiées, mais d’autres encore qui
étaient solides comme des gravas ou des fragments de pierre, il faut noter
cependant que ces particules plus solides ne sont pas montées au-dessus
des ramifiées aussi facilement que les oblongues, et même si certaines ont
ascensionné, elles sont par la suite redescendues plus facilement au-
dessous, car les oblongues, le reste étant égal, ont plus de surface eu
rapport à leur masse, si bien qu’elles sont plus facilement expulsées à
travers les méats du corps C qui s’écoule, et après qu’elles sont parvenues
vers D, là, en gisant en travers à la surface de ce corps C, elles ne
rencontrent pas facilement des méats par lesquels elles pourraient
retourner en arrière en lui.

IV, 36. Ne se trouvent en lui que deux espèces de ces particules.


Figure IV-4. : Et ainsi beaucoup de particules oblongues du troisième
élément se sont conglomérées vers D ; et bien qu’au début elles n’étaient
pas parfaitement égales entre elles, ni semblables, elles ont eu cela en
commun de ne pas pouvoir s’agréger facilement, ni entre elles, ni aux
autres particules du troisième élément, et d’être mises en mouvement par la
matière céleste s’écoulant autour d’elles ; car à cause de ces propriétés elles
sont sorties du corps C et se sont assemblées ensemble en D ; et comme à
cet endroit la matière céleste s’écoule continuellement autour d’elles et fait
qu’elles sont animées de mouvements variés, et que les unes émigrent dans
les lieux des autres, elles durent se faire, avec la succession du temps, lisses
et bien tournées, et le plus possible égales entre elles, et se sont réduites à
deux espèces seulement. À savoir, celles assez ténues pour se fléchir sous la
seule pulsion par laquelle la matière céleste les avaient mises en
mouvement, entrelacées avec d’autres un peu plus grosses, ne pouvant pas
être fléchies de la même manière, qu’elles ont emporté avec elles. Et ces
deux espèces de particules, savoir les flexibles et les inflexibles, jointes de
cette manière ont persévéré plus facilement dans leur mouvement que les
656
Pars Quarta. De Terra.
seules flexibles, ou les seules inflexibles ; d’où s’est fait que les deux sont
restées dans le corps
657
Quatrième Partie. De la Terre.

remanserint; atque etiam ut illae quae initio circa alias flecti potuerunt, postea successu
temporis, assiduo usu se inflectendi, magis et magis flexiles redderentur, fierentque instar
anguillarum aut breuium funiculorum; aliae autem, cum nunquam flecterentur, si quam ante
flexilitatem habuerint, eam paullatim amitterent, ac telorum instar rigidae manerent.

IV, 37. Quomodo infimum corpus C, in plura alia fuerit diuisum.

Praeterea putandum est corpus D prius distingui coepisse a duobus aliis B et C, quam haec
duo perfecte formata essent, hoc est, priusquam C esset tam durum, ut non amplius possent
eius particulae arctius connecti, et inferius expelli a motu materiae coelestis, ac priusquam
particulae corporis B ita essent omnes ordinatae, ut isti materiae coelesti faciles et aequales
uias undique circa se praeberent: ideoque postea multas particulas tertii elementi fuisse
adhuc a corpore B uersus C expulsas. Atque hae particulae, si solidiores fuerint iis quae
congregatae erant in D, infra ipsas descendentes corpori C se adiunxerunt, ac pro diuersa
ratione suarum figurarum, uel in eius superficie manserunt, uel infra ipsam penetrarunt:
sicque hoc unum corpus C in plura alia diuisum est; ac etiam forte in aliqua sua regione
totum fluidum euasit, iis particulis ibi congregatis, quarum figurae impediebant ne sibi
mutuo facile adhaererent. Sed omnia hic explicari non possunt.

IV, 38. De formatione alterius quarti corporis supra tertium.

Ubi autem etiam particulae, minus solidae iis quae corpus D componebant, ex B deorsum
lapsae sunt, haeserunt in superficie huius corporis D; ac quia pleraeque ex ipsis fuerunt
ramosae, paullatim sibi mutuo annexae, corpus durum E, a duobus B et D, quae sunt fluida,
ualde diuersum, composuerunt. Atque hoc corpus E initio admodum tenue erat, instar
crustae uel corticis superficiem corporis D contegentis: sed cum tempore crassius euasit,
nouis particulis ex corpore B se illi adiungentibus; nec non etiam ex D, quia, cum reliquis
eiusdem corporis D plane similes non essent,
658
Pars Quarta. De Terra.
D ; et aussi que celles qui au début ont pu se fléchir autour des autres,
ensuite, avec la succession du temps, par l’usage continu d’être fléchies, se
sont rendues de plus en plus flexibles et se firent comme des anguilles ou
de courtes ficelles ; et les autres comme elles n’ont jamais été fléchies, et si
elles ont eu précédemment quelque flexibilité elles l’ont perdue peu à peu
et sont restées rigides comme des traits.

IV, 37. Comment le corps C le plus bas a été divisé en un grand nombre
d’autres.
Figure IV-4. : En outre il faut penser que le corps D s’est distingué des deux
autres B et C, avant que ces deux corps ne soient parfaitement formés, c’est-
à-dire avant que C soit dur au point que ses particules ne puissent plus se
lier davantage serrées, et ne puissent plus être poussées davantage vers le
bas par le mouvement de la matière céleste, et avant que les particules du
corps B soient toutes ordonnées au point d’offrir partout autour d’elles à
cette matière céleste, des chemins faciles et égaux ; et pour cela par la suite
encore beaucoup de particules du troisième élément ont été expulsées du
corps B vers le corps C. Et ces particules si elles étaient plus solides que
celles conglomérées en D, en descendant en dessous de celles-ci mêmes, se
sont jointes au corps C, et, selon la proportion variée de leurs figures, ou
bien sont restées à sa surface, ou bien ont pénétrée en dessous de cette
surface même ; et ainsi cet unique corps C a été divisé en un plus grand
nombre d’autres ; et il a peut-être aussi fini par devenir en quelque sienne
région, entièrement fluide, étant conglomérées à cet endroit ces particules
empêchées par leurs figures de s’agréger facilement les unes aux autres.
Mais tout ne peut pas être expliqué ici.

IV, 38. De la formation d’un quatrième autre corps au-dessus du troisième.


Figure IV-4. : Cependant encore, quand les particules moins solides que
celles qui composaient le corps D, tombaient de B vers le bas, elles restaient
fixées à la surface de ce corps D ; et parce qu’un grand nombre d’entre elles
étaient ramifiées, elles ont composé, en s’étant peu à peu accrochées les
unes les autres, le corps dur E, très différent des deux corps B et D qui sont
fluides. Et ce corps E au début était extrêmement fin, comme une croûte ou
une couche recouvrant la surface du corps D ; mais avec le temps, de
nouvelles particules s’étant jointes à lui depuis le corps B, il finit par
devenir plus épais ; certaines particules de D aussi étaient expulsées par le
mouvement des globules célestes, parce que non absolument semblables
aux autres
659
Quatrième Partie. De la Terre.
660
Pars Quarta. De Terra.

motu globulorum coelestium expellebantur, ut mox dicam. Et quia istae particulae aliter
disponebantur, in iis partibus terrae ubi dies erat uel aestas, quam in iis ubi erat nox uel
hyems, propter diuersas actiones luminis et caloris, quod huic corpori accedebat in una die,
uel in una aestate, aliquo modo distinguebatur ab eo, quod eidem accedebat in die uel
aestate sequenti; sicque ex uariis quasi crustis uel corticibus, sibi mutuo superinductis, fuit
conflatum.

IV, 39. De huius quarti corporis accretione, et tertii expurgatione.

Et quidem non longo tempore opus fuit, ut Terrae suprema regio A in duo corpora B et C
distingueretur; nec etiam ut multae particulae oblongae coaceruarentur uersus D; nec
denique, ut prima interior crusta corporis E formaretur. Sed non nisi spatio plurium
annorum particulae corporis D ad duas species paullo ante descriptas reduci, atque omnes
crustae corporis E formari potuerunt. Neque enim initio ratio fuit, cur particulae quae
confluebant uersus D, non essent unae aliis paullo crassiores et longiores, nec etiam cur
essent plane laeues et teretes, sed aliquid adhuc scabritiei habere potuerint, quamuis non
tantum haberent, ut ideo ramosis annecterentur; potueruntque etiam secundum
longitudinem planae esse uel angulosae, ac crassiores in una extremitate quam in altera.
Cum autem sibi mutuo non adhaererent, ideoque materia coelestis assidue circumfluens,
uim haberet ipsas mouendi, pleraeque paullatim mutuo attritu laeues et teretes euaserunt,
atque inter se aequales et secundum longitudinem aequaliter crassae; propterea quod per
easdem uias transibant, et aliae in aliarum loca succedebant, quae loca non poterant maiores
recipere, nec a minoribus tota impleri. Sed pleraeque etiam, cum ad communem aliarum
normam reduci non possent, paullatim motu globulorum coelestium ex hoc corpore D
eiectae sunt; et harum quidem nonnullae se corpori C adiunxerunt, sed maxima pars sursum
ascendit uersus E et B, materiamque augendo corpori E subministrauit.

IV, 40. Quomodo hoc tertium corpus fuerit mole imminutum, et spatium aliquod inter se et
quartum reliquerit.

Quippe tempore diei et aestatis, cum Sol unam medietatem corporis D


661
Quatrième Partie. De la Terre.
particules de ce même corps D, comme je le dirai bientôt. Et parce que ces
particules étaient disposées autrement dans ces parties de la terre exposées
au jour, ou pendant l’été, que dans ces parties exposées à la nuit ou
pendant l’hiver, à cause des actions différentes de la lumière et de la
chaleur qui arrivait à ce corps un même jour, ou été, il était en quelque
manière différent le jour ou l’été suivants, précisément par ce qui lui
arrivait ; et ainsi il fut formé, pour ainsi dire, par assemblage de diverses
croûtes ou couches superposées les unes sur les autres.

IV, 39. De l’accrétion du quatrième corps et de la purge du troisième.


Et assurément il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que la région
supérieure A de la terre se distingue en les deux corps B et C, ni non plus
que beaucoup de particules oblongues s’accumulent vers D, ni enfin que se
forme la première croûte intérieure du corps E. Mais ce n’est qu’en
plusieurs années que les particules du corps D se sont réduites en les deux
espèces décrites ci-dessus, et que se sont formées toutes les croûtes du
corps E. Car au début il n'y eut aucune raison pourquoi les particules qui
affluaient vers D n’étaient pas un peu plus grosses ou plus longues, ni non
plus pourquoi elles n’étaient pas absolument lisses et bien tournées, mais
ont pu avoir encore quelque chose de rugueux, même si assez peu, pour
s’attacher aux particules ramifiées ; et elles ont pu aussi être planes selon la
longueur, ou anguleuses et plus grosses à une extrémité qu’à l’autre.
Cependant comme elles ne s’agrégeaient pas les unes aux autres, pour cela,
la matière céleste s’écoulant autour d’elles, eut la force en réalité de les
mouvoir, et un grand nombre ont fini par devenir peu à peu, par un
frottement réciproque, lisses, bien tournées et égales entre elles, et
pareillement grosses selon la longueur ; pour cette raison qu’elles
transitaient par les mêmes chemins, et que les unes succédaient aux autres
dans leurs lieux, lesquels lieux ne pouvaient pas accepter de plus grandes,
ni être remplis totalement par de plus petites. Mais comme la plus grande
partie aussi ne pouvait pas s’aligner à l’équerre commune des autres, elles
ont peu à peu été rejetées de ce corps D par le mouvement des globules
célestes et certaines de celles-ci se sont jointes au corps C, mais la plus
grande partie est monté vers E et B et a fourni la matière pour augmenter le
corps E.

IV, 40. Comment ce troisième corps a vu sa masse se réduire et se créer un


certain espace entre lui et le quatrième.
Assurément dans le temps d’un jour et d’un été, quand le soleil dilatait par
la force de la lumière et de la chaleur une même moitié du corps D, toute
662
Pars Quarta. De Terra.
ui luminis et caloris rarefaciebat, non poterat omnis materia istius medietatis inter duo
corpora uicina C et E contineri; neque haec corpora uicina, quae dura erant, locis expellere,
atque ideo pleraeque eius materiae particulae per poros corporis E uersus B ascendebant,
quae deinde tempore noctis et hyemis, cessante ista rarefactione, ob grauitatem suam rursus
descendebant. Multae autem caussae erant, propter quas particulae tertii elementi, quae sic
ex corpore D egrediebantur, non poterant omnes postea in illud reuerti. Nam maiore impetu
exibant, quam redibant; quia maior est uis dilatationis a calore ortae, quam grauitatis. Et
idcirco multae per angustos meatus corporis E sibi uiam faciebant ad ascendendum, quae
postea nullam inuenientes ad reuertendum, in eius superficie consistebant; ac etiam
nonnullae, meatibus istis impactae, ulterius ascendere non ualentes, aliis descensuris uias
occludebant. Praeterea quaecumque caeteris erant tenuiores, et a figura laeui et tereti magis
distabant, solo globulorum coelestium motu extra corpus D pellebantur, ideoque primae se
offerebant ad ascendendum uersus E et B; atque horum corporum particulis occurrendo,
non raro figuras suas mutabant, et uel illis adhaerebant, uel saltem desinebant aptae esse ad
reuertendum uersus D. Unde sequi debuit post multos dies et annos, ut magna pars huius
corporis D esset absumpta, et nullae amplius in eo particulae reperirentur, nisi duarum
specierum ante descriptarum; ac etiam ut corpus E esset satis densum et crassum, quia fere
omnes particulae quae ex D recesserant, uel eius poris impactae densius illud effecerant, uel
occursu particularum corporis B mutatae, illisque annexae, uersus E relapsae erant, sicque
crassitiem eius auxerant; ac denique ut spatium satis amplum F, inter D et F relinqueretur;
quod non alia materia potuit impleri, quam ea ex qua conflatur corpus B; cuius scilicet
particulae tenuissimae per meatus corporis E facile transierunt in loca quae ab aliis paullo
crassioribus ex D exeuntibus relinquebantur.
Fig. IV-5.
663
Quatrième Partie. De la Terre.
la matière de cette moitié ne pouvait pas se maintenir entre les deux corps
voisins C et E, et ne pouvait pas non plus expulser de leur lieux ces corps
voisins qui étaient durs ; pour cela la plus grande partie des particules de
cette matière montait vers le corps B à travers les pores du corps E et, une
fois cette dilatation terminée, redescendait ensuite dans le temps de la nuit
et de l’hiver par sa gravité. Néanmoins il y avait beaucoup de causes pour
lesquelles les particules du troisième élément qui sortaient ainsi du corps D
ne pouvaient plus ensuite, toutes y revenir. Car l’impulsion était plus
grande quand elles sortaient que quand elles revenaient, parce que la force
de dilatation née de la chaleur est plus grande que celle de la gravité. Et
pour cela beaucoup se frayaient un chemin à travers les méats du corps E
pour monter, et ensuite, n’en trouvant aucun pour revenir, s’arrêtaient à sa
surface ; et aussi certaines jetées contre ces méats n’ayant pas la force de
monter plus haut bouchaient les chemins à celles qui descendaient.
En outre toutes celles qui étaient plus ténues que les autres et étaient plus
éloignées d’une figure lisse et bien tournée, étaient poussées, par le seul
mouvement des globules célestes, en dehors du corps D, et ainsi se
présentaient les premières pour monter vers E et B ; et en rencontrant les
particules de ces corps assez souvent changeaient leurs figures, et ou elles
adhéraient à ces particules, ou du moins elles cessaient d’être aptes à
retourner vers D. D’où dut suivre après de nombreux jours et années que la
plus grande partie de ce corps D se soit dissipée et que ne soient plus
retrouvées d’autres particules en lui, que les deux espèces décrites
précédemment ; et aussi que le corps E soit assez dense et épais parce que
presque toutes les particules qui s’éloignaient de D, ou le faisaient plus
dense après avoir percuté ses pores, ou après s’être transformées par la
rencontre avec les particules du corps B, se sont liées à elles et ont été
repoussées vers E, et ainsi augmentaient son épaisseur ; et enfin elles ont
laissé un espace assez ample, F, entre D et E, qui ne put être remplie par
nulle autre matière que celle qui compose le corps B ; à savoir dont les
particules très ténues ont facilement transité par les méats du corps E dans
les lieux qui avaient été délaissés par les autres un peu plus grosses sortant
de D.
Figure IV-5.
664
Pars Quarta. De Terra.

IV, 41. Quomodo multae fissurae in quarto factae sint.

Ita corpus E, quamuis grauius et densius quam F, ac forte etiam quam D, aliquandiu tamen
ob suam duritiem, fornicis instar, supra D et F suspensum mansit. Sed notandum est ipsum,
cum primum formari coepit, meatus habuisse quam-plurimos, ad mensuram corporis D
excauatos. Cum enim eius superficiei tunc incumberet, non poterat non praebere transitum
istis particulis quae quotidie, ui caloris motae, interdiu uersus B ascendebant, ac noctu
rursus descendebant, semperque se mutuo consequentes, istos meatus implebant. Cum
autem postea, corpore D mole imminuto, non amplius eius particulae omnes meatus
corporis E occuparunt, aliae minores particulae, ex B uenientes, in earum loca successerunt;
cumque hae istos meatus corporis E non satis implerent, et uacuum in natura non detur,
materia coelestis, qua sola omnia exigua interualla, quae circa particulas corporum
terrestrium reperiuntur, impleri possunt, in illos ruens, eorum figuras immutabat,
impetumque faciebat ad quosdam ita diducendos, ut hoc ipso alii uicini angustiores
redderentur. Unde facile contingebat, ut, quibusdam partibus corporis E a se mutuo
disiunctis, in eo fierent fissurae, quae postea successu temporis maiores et maiores
euaserunt. Eadem plane ratione, qua uidemus aestate in terra multas rimas aperiri, dum a
Sole siccatur, eamque magis et magis hiare quo diutius siccitas perseuerat.

IV, 42. Quomodo ipsum in uarias partes sit confractum.

Cum autem multae tales rimae essent in corpore E, atque ipsae semper augerentur, tandem
eius partes tam parum sibi mutuo adhaeserunt, ut non amplius in modum fornicis inter F et
B posset sustineri, et ideo totum confractum, in superficiem corporis C grauitate sua
delapsum est. Cumque haec superficies satis lata non esset, ad omnia illius fragmenta sibi
mutuo adiacentia, et situm quem prius habuerant seruantia, recipienda, quaedam ex ipsis in
latus inclinari atque una in alia recumbere debuerunt.
665
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 41. Comment se sont faites beaucoup de fissures dans le quatrième.


Ainsi le corps E bien que plus lourd et plus dense que F, et peut-être que D,
demeura suspendu quelque temps à cause de sa dureté au-dessus de D et
F, comme une voûte. Mais il faut noter que quand il commença à se former,
ce corps E a eu au début un très grand nombre de méats creusés à la
mesure du corps D. Car comme il s’appuyait alors sur sa surface, il ne
pouvait pas ne pas offrir le passage à ces particules qui, mues chaque jour
par la force de la chaleur, montaient vers B la journée, et descendaient à
nouveau la nuit et remplissaient toujours ces méats, en se suivant les unes
les autres. Et quand plus tard, une fois réduite la masse du corps D, toutes
ses particules n’ont plus tant occupé les méats du corps E, d’autres
particules plus petites venant de B leur ont succédé en leurs lieux ; et
comme celles-ci ne remplissaient pas assez les méats du corps E, et que le
vide ne se trouve pas dans la nature, la matière céleste de laquelle seule
peuvent être remplis tous les intervalles exigus qui se trouvent autour des
particules des corps terrestres changeait, en se ruant sur ces méats, leurs
figures et donnait l’impulsion pour en dilater certains au point que les
autres voisins étaient, par cela même, rendus plus étroits. D’où arriva
facilement que certaines parties du corps E s’étant disjointes les unes des
autres, se firent en lui des fissures, qui avec la succession du temps, se
firent de plus en plus grandes. De la même façon que nous voyons l’été
s’ouvrir dans la terre, quand elle est séchée par le soleil, beaucoup de
crevasses, et se fendre d’autant plus que la sécheresse persévère plus
longtemps.

IV, 42. Comment ce quatrième corps s’est fracturé en diverses parties.


Cependant comme il y avait beaucoup de telles crevasses dans le corps E et
qu’elles augmentaient toujours plus, à la fin ses parties étaient si peu
accrochées entre elles que le corps E ne pouvait plus se maintenir
davantage à la manière d’une voûte entre F et B, et pour cela, par sa
gravité, il est tombé tout disloqué à la surface du corps C. Et comme cette
surface n’était pas assez large pour recevoir tous ces fragments se touchant
les uns les autres en conservant le site qu’ils avaient eu auparavant, certains
d’entre eux ont dû s’incliner sur le côté et se coucher les uns sur les autres.
666
Pars Quarta. De Terra.
Fig. IV-6 a & b.
Nempe, si ex gr in eo tractu
corporis E, quem haec
figura repraesentat,
praecipuae fissurae ita
fuerint dispositae in locis 1,
2, 3, 4, 5, 6, 7, ut duo
fragmenta 2 3 et 6 7 paullo
prius quam reliqua
coeperint delabi; et aliorum
quatuor fragmentorum
extremitates 2, 3, 5, et 6
prius quam oppositae 1, 4
et V; itemque extremitas 5
fragmenti 4 5 aliquanto
prius delapsa sit, quam
extremitas V fragmenti V:
non dubium est, quin ipsa
iam debeant eo modo esse
disposita, supra
superficiem corporis C,
quo hic depicta sunt; ita
scilicet, ut fragmenta 2 3 et
6 7 proxime iungantur
corpori C, alia autem
quatuor in latus sint reclinata, et una in alia recumbant, etc.
IV, 43. Quomodo tertium corpus supra quartum ex parte ascenderit, et ex parte infra
remanserit.
Nec dubium etiam, quin corpus D, quod fluidum est et minus graue quam fragmenta
corporis E, occupet quidem, quantum potest, inferiores omnes cauitates sub istis fragmentis
relictas, nec non eorum rimas et meatus; sed praeterea etiam, quia totum in illis contineri
non potest, quin supra inferiora ex istis fragmentis, ut 2 3 et 6 7, ascendat.
IV, 44. Inde in superficie Terrae ortos esse montes, campos, maria, etc.
Iamque si consideremus, hic per corpus B et F aërem intelligi; per C, quandam terrae
crustam interiorem crassissimam, ex qua metalla oriuntur; per D, aquam; ac denique per
corpus E, terram exteriorem, quae ex lapidibus, argilla, arena et limo est conflata: facile
etiam per aquam, supra fragmenta 2 3 et 6 7 eminentem, maria; per alia fragmenta molliter
tantum inclinata, et nullis aquis tecta, ut 8 9, et VX, camporum planities; ac per alia magis
erecta, ut 1 2 et 9 4 V, montes intelligemus. Et denique aduertemus, cum fragmenta ista ui
propriae grauitatis hoc pacto delapsa sunt, eorum extremitates, sibi mutuo fortiter allisas, in
alia multa minora fragmenta dissiluisse, quae saxa in quibusdam litoribus maris, ut in 1, et
multiplicia montium iuga, partim altissima ut in 4, partim remissiora ut in 9 et V, ac etiam
scopulos in mari, ut in 3 et 6, composuerunt.
667
Quatrième Partie. De la Terre.
Figure IV-6 a & b.
À savoir, par ex. dans la figure IV-6 a, sur le large trait qui représente le
corps E, ont été disposées les principales fissures aux points 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7,
comme les deux fragments 2-3 et 6-7 peu avant qu’ils ne commencent à se
détacher du reste, les extrémités 2, 3, 5 et 6 des quatre autres fragments
avant qu’elles ne commencent à se détacher des extrémités opposées 1, 4 et
V, et de même l’extrémité 5 du fragment 4-5 un peu avant qu’elle ne se
détache de l’extrémité V du fragment V : il ne fait aucun doute que ces
fragments doivent être disposés maintenant sur la surface du corps C, de
cette manière qu’ils ont été dessinés sur la figure-b, à savoir de telle sorte
que les fragments 2-3 et 6-7 soient joints à proximité du corps C, et les
quatre autres inclinés sur le côté et couchés les uns sur les autres, etc.

IV, 43. Comment le troisième corps en partie est monté sur le quatrième et en
partie est resté dessous.
Il ne fait pas de doute non plus que le corps D, qui est fluide et moins lourd
que les fragments du corps E occupera assurément autant qu’il peut toutes
les cavités les plus basses laissées sous ces fragments et occupera
certainement leurs crevasses et méats ; mais en outre aussi parce qu’il ne
peut pas être contenu tout entier en ces cavités, sans monter au-dessus des
plus bas de ces fragments, comme en 2-3 et 6-7.

IV, 44. De là sont nés sur terre les montagnes, les plaines, les mers etc.
Cf. Figure IV-6. : Et maintenant si nous considérons, être compris ici par les
corps B et F, l’air, par le corps C, quelque croûte interne très épaisse de
laquelle naissent les métaux, par le corps D, l’eau, et enfin par le corps E, la
terre extérieure formée de l’assemblage de pierres, d’argile, de sable et de
limon ; nous comprenons facilement aussi, par l’eau s’élevant au-dessus
des fragments 2-3 et 6-7, les mers, par les autres fragments seulement
légèrement inclinés et recouverts d’aucune eau, comme 8-9 et VX, l’étendue
des plaines, et par d’autres plus redressées, comme 1-2 et 9-4 V, les
montagnes. Et enfin nous remarquerons quand ces fragments tombent de
cette façon par la force de leur propre gravité, que leurs extrémités, s’étant
violemment heurtées les unes les autres, se sont morcelées en de nombreux
autres fragments plus petits, qui ont composé les rochers de certains
rivages des mers, comme en 1, et les multiples chaînes de montagnes, les
unes très hautes comme en 1 et 4, d’autres plus basses comme en 9 et V, et
aussi des écueils dans la mer comme en 3 et 6.
668
Pars Quarta. De Terra.

IV, 45. Quae sit aëris natura

Atque intimae horum omnium naturae ex iam dictis erui possunt. Nam primo ex iis
cognoscimus, aërem nihil aliud esse debere, quam congeriem particularum tertii elementi,
tam tenuium et a se mutuo disiunctarum, ut quibuslibet motibus globulorum coelestium
obsequantur; ideoque illum esse corpus ualde rarum, fluidum et pellucidum, et ex minutiis
cuiuslibet figurae posse componi. Quippe, nisi eius particulae a se mutuo essent plane
disiunctae, iamdudum adhaesissent corpori E; cumque disiunctae sint, unaquaeque mouetur
independenter a uicinis, occupatque totam illam exiguam sphaeram, quam ad motum
circularem circa proprium suum centrum requirit, et ex ea uicinas omnes expellit.
Quamobrem nihil refert, cuiusnam sint figurae.

IV, 46. Cur facile rarefiat et densetur.

Aër autem frigore facile densatur, et rarefit calore: cum enim eius particulae fere omnes sint
flexiles, instar mollium plumularum, uel tenuium funiculorum, quo celerius aguntur, eo
latius se extendunt, et idcirco maiorem spatii sphaeram ad motum suum requirunt; atque
notum est ex dictis, per calorem nihil hic aliud quam accelerationem motus in istis
particulis, et per frigus eiusdem imminutionem debere intelligi.

IV, 47. De uiolenta eius compressione in quibusdam machinis.

Denique aër, in uase aliquo uiolenter compressus, uim habet resiliendi, ac per ampliorem
locum se protinus extendendi. Unde fiunt machinae, quae ope solius aëris, aquas sursum
uersus, instar fontium; et aliae quae tela cum magno impetu, arcuum instar, iaculantur.
Huiusque caussa est, quod aëre ita compresso, unaquaeque eius particula sphaericum illud
spatiolum, quod ad motum suum requirit, sibi soli non habeat, sed aliae uicinae in ipsum
ingrediantur; cumque interim idem calor, siue eadem agitatio istarum particularum,
conseruetur a motu globulorum coelestium, assidue circa ipsas fluentium, eae suis
extremitatibus se mutuo uerberent et loco expellant, sicque omnes simul impetum faciant ad
maius spatium occupandum.
669
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 45. Quelle est la nature de l’air.


Et de ce qui a déjà été dit, peuvent maintenant être extraites les natures
intimes de toutes ces choses. Car premièrement nous reconnaîtrons de cela,
que l’air n’est rien d’autre qu’un conglomérat de particules du troisième
élément tellement ténues et s’étant tellement disjointes les unes des autres,
qu’elles suivent n’importe quel mouvement des globules du troisième
élément ; et il est pour cela un corps très raréfié, fluide et transparent et
peut se composer de très fines particules de n’importe quelle figure. Bien
sûr, si ses particules ne s’étaient pas entièrement disjointes les unes des
autres, elles adhéreraient déjà depuis longtemps au corps E ; et comme elles
sont disjointes, chacune se meut indépendamment de ses voisines et occupe
entièrement cette sphère exiguë qu’elle requiert pour un mouvement
circulaire autour de son propre centre, et elle expulse de cette sphère toutes
les voisines. Peu importe quelle est leur figure.

IV, 46. Pourquoi il se dilate et se condense facilement.


Cependant l’air se condense avec le froid et se dilate avec la chaleur :
comme en effet presque toutes ses particules sont flexibles, comme des
duvets souples ou des fils très fins, plus elles se meuvent vite, plus elles
s’étendent en largeur et requièrent pour cela une plus grande sphère
spatiale pour leur mouvement ; et il est noté de ce qui a été dit, que par
chaleur, ne doit être compris ici rien d’autre que l’accélération du
mouvement dans ces particules, et par froid la diminution de ce même
mouvement.
IV, 47. De sa compression violente en certaines machines.
Enfin, l’air violemment compressé dans un vase clos a une force de
résilience, et immédiatement après, se dilate dans un espace plus grand.
D’où se font les machines qui lancent au moyen d’air seul, les eaux vers le
haut, à la manière de fontaines, et d’autres qui lancent des traits avec une
forte impulsion, à la manière des arcs. La cause de cette chose est que dans
l’air ainsi comprimé, chacune de ses propres particules n’a pas pour soi
seule ce petit espace sphérique qu’elle requiert pour son mouvement, mais
les autres voisines en réalité entrent dans cet espace ; et comme entre temps
se conserve la même chaleur, autrement dit la même agitation de ces
particules par l’effet du mouvement des globules célestes qui s’écoulent
continûment autour d’elles-mêmes, elles se cognent les unes aux autres à
leurs extrémités et s’expulsent de leur lieu ; et ainsi elles donnent toutes
ensemble une impulsion pour occuper une espace plus grand.
670
Pars Quarta. De Terra.
IV, 48. De aquae natura: et cur facile modo in aërem, modo in glaciem uertatur.
Quantum ad aquam, iam ostendi cur duae tantum particularum species in ea reperiantur,
quarum unae sunt flexiles, aliae inflexiles; atque si ab inuicem separentur, hae salem, illae
aquam dulcem componunt. Et quia iam omnes proprietates, cum salis tum aquae dulcis, ex
hoc uno fundamento deductas, fuse in Meteoris explicui, non opus est ut plura de ipsis hic
scribam. Sed tantum notari uelim, quam apte omnia inter se cohaereant, et quomodo ex tali
generatione aquae sequatur, etiam eam esse debere proportionem, inter eius particularum
crassitiem et crassitiem particularum aëris; itemque inter ipsas, et uim qua globuli secundi
elementi eas mouent, ut cum isti globuli paullo minus solito agunt, aquam in glaciem
mutent, et particulas aëris in aquam; cum autem agunt paullo fortius, tenuiores aquae
particulas, eas nempe quae sunt flexiles, in aërem uertant.
IV, 49. De fluxu et refluxu maris.
Explicui etiam in Meteoris caussas uentorum, a quibus mare uariis irregularibus modis
agitatur. Sed superest alius regularis eius motus, quo bis in die singulis in locis attollitur et
deprimitur, interimque semper ab Oriente in Occidentem fluit. Ad cuius motus caussam
explicandam, ponamus nobis ob oculos exiguum illum coeli uorticem, qui Terram
Fig. IV-7.
pro centro habet,
quique cum illa et
cum Luna in maiori
uortice circa Solem
fertur. Sitque ABCD
ille exiguus uortex;
EFGH Terra; 1 2 3 4
superficies maris, a
quo, maioris
perspicuitatis caussa,
Terram ubique tegi
supponimus; et 5 6 7
8 superficies aëris
mare ambientis.
Iamque conside-
remus, si nulla in isto
uortice Luna esset,
punctum T, quod est
centrum Terrae, fore
in puncto M, quod est
uorticis centrum; sed
Luna ☾ exsistente uersus B, hoc centrum T esse debere inter M et D: quia, cum materia
coelestis huius uorticis aliquanto celerius moueatur quam Luna uel Terra, quas secum
defert, nisi punctum T aliquanto magis distaret a B quam a D, Lunae praesentia impediret,
ne illa tam libere fluere posset inter B et T, quam inter T et D; cumque locus Terrae in isto
uortice non determinetur, nisi ab aequalitate uirium materiae coelestis eam circumfluentis,
671
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 48. De la nature de l’eau, et pourquoi elle se tourne tantôt en air tantôt en
glace.
Quant à l’eau j’ai déjà montré pourquoi ne se retrouvent en elle que deux
espèces de particules, dont les unes sont flexibles, les autres inflexibles ; et
si elles se séparent les unes des autres, les inflexibles composent le sel les
flexibles l’eau douce. Et parce que j’ai déjà expliqué plus abondamment
dans les Météores35 que toutes ces propriétés, tant du sel que de l’eau
douce, sont déduites de ce seul fondement, il n’est pas besoin que j’écrive
plus à ce sujet. Mais je voudrais seulement que soit noté que tout est
parfaitement cohérent et comment, d’une telle génération, de l’eau
s’ensuit ; aussi qu’elle doit être cette proportion entres la grosseur de ses
particules, et la grosseur des particules d’air ; et de même entre celles-ci
mêmes et la force par laquelle les globules du second élément les meuvent,
de sorte que quand ces globules les meuvent un peu moins que d’habitude
ils changent l’eau en glace et les particules d’air en eau ; et quand ils les
meuvent un peu plus fort, tournent les particules d’eau très ténues, en air,
celles, n’est-ce pas, qui son flexibles.
IV, 49. Du flux et reflux de la mer.
J’ai expliqué aussi dans les Météores 36 les causes des vents qui agitent la
mer de diverses manières irrégulières. Mais il reste un autre sien
mouvement régulier par lequel en des lieux singuliers elle s’élève et
s’abaisse deux fois par jour, et en même temps qu’elle s’écoule toujours de
l’Orient vers l’Occident. Pour expliquer la cause de ce mouvement, posons
devant nos yeux ce petit tourbillon qui a la terre pour centre et qui est porté
avec elle et la lune, dans un tourbillon plus grand autour du soleil.
Figure IV-7.
Et soit ABCD ce petit tourbillon, EFGH la terre, 1 2 3 4 la surface de la mer
dont nous supposons pour plus de clarté la terre être recouverte de partout,
et 5 6 7 8 la surface de l’air entourant la mer. Et maintenant considérons,
dans le cas où aucune lune ne se trouve dans ce tourbillon, que le point T
centre de la terre, se trouve au point M centre du tourbillon ; mais la lune ☾
existant vers B, ce centre T doit être entre M et D, parce que, comme la
matière de ce tourbillon se meut un peu plus vite que la lune ou la terre
qu’elle emporte avec elle, si le point T n’était pas un peu plus distant de B
que de D, cette matière serait empêchée par la lune de pouvoir couler aussi
librement entre B et T qu’entre T et D ; et comme le lieu de la terre dans ce
672
Pars Quarta. De Terra.
tourbillon n’est déterminé que par l’égalité des forces de la matière céleste
coulant autour
673
Quatrième Partie. De la Terre.

euidens est ipsam idcirco nonnihil accedere debere uersus D. Atque eodem modo, cum
Luna erit in C, Terrae centrum esse debebit inter M et A: sicque semper Terra nonnihil a
Luna recedit. Praeterea, quoniam hoc pacto, ex eo quod Luna sit uersus B, non modo
spatium per quod materia coelestis fluit inter B et T, sed etiam illud per quod fluit inter T et
D, redditur angustius: inde sequitur istam materiam coelestem ibi celerius fluere, atque ideo
magis premere, tum superficiem aëris in 6 et 8, tum superficiem aquae in 2 et 4, quam si
Luna non esset in uorticis diametro BD; cumque corpora aëris et aquae sint fluida, et facile
pressioni isti obsequantur, ipsa minus alta esse debere supra Terrae partes F et H, quam si
Luna esset extra hanc diametrum BD; ac e contra esse altiora uersus G et E, adeo ut
superficies aquae 1, 3, et aëris 5, 7, ibi protuberent.

IV, 50. Cur aqua horis 6 1/5 ascendat, et horis 6 1/5 descendat.

Iam uero, quia pars Terrae quae nunc est in F, e regione puncti B, ubi mare est quam-
minime altum, post sex horas erit in G, e regione puncti C, ubi est altissimum, et post sex
alias horas in H, e regione puncti D, atque ita consequenter; uel potius, quia Luna etiam
interim nonnihil progreditur a B uersus C, utpote quae mensis spatio circulum ABCD
percurrit, pars Terrae quae nunc est in F, e regione corporis Lunae, post sex horas cum 1 2
minutis, praeterpropter, erit ultra punctum G, in ea diametro uorticis ABCD, quae illam
eiusdem uorticis diametrum, in qua tunc Luna erit, ad angulos rectos intersecat; tuncque
aqua erit ibi altissima; et post sex alias horas cum duodecim minutis, erit ultra punctum H,
in loco ubi aqua erit quamminime alta, etc. Unde clare intelligitur aquam maris, singulis
duodecim horis cum 2 4 minutis, in uno et eodem loco fluere ac refluere debere.

IV, 51. Cur aestus maris sint maiores, cum Luna plena est uel noua.

Notandum est hunc uorticem ABCD non esse accurate rotundum, sed eam eius diametrum,
in qua Luna uersatur cum est noua uel plena, breuiorem esse illa quae ipsam secat ad
angulos rectos, ut in superiore parte ostensum est; unde sequitur fluxus et refluxus maris
debere esse maiores, cum Luna noua est uel plena, quam in temporibus intermediis.
674
Pars Quarta. De Terra.
d’elle il est évident que pour cela, elle-même doit s’approcher un peu de D.
Et de la même manière, quand la lune sera en C, le centre de la terre devra
être entre M et A, et ainsi la terre s’éloigne un peu de la lune. En outre
puisque de cette façon, de ce que la lune est vers B, non seulement l’espace
à travers lequel la matière céleste coule entre B et T est rendu plus étroit,
mais aussi celui à travers lequel elle coule entre T et D ; de là suit que cette
matière céleste coule plus vite à cet endroit, et pour cela comprime
davantage, tantôt la surface de l’air en 6 et 8, tantôt la surface de l’eau en 2
et 4, que si la lune n’était pas dans le diamètre BD du tourbillon ; et comme
les corps de l’air et de l’eau sont fluides et cèdent facilement à cette
pression, ils doivent en réalité être moins élevés au-dessus des parties F et
H, que si la lune était en dehors de ce diamètre BD ; et au contraire être
plus élevés vers G et E, si bien que les surfaces de l’eau 1, 3 et de l’air 5, 7
sont à cet endroit bombées vers le haut.

IV, 50. Pourquoi l’eau monte pendant 6 heures un quart et descend pendant 6
heures un quart.
Mais maintenant parce que la partie de la terre qui est actuellement en F, en
face de la région du point B, où la mer est absolument la moins haute, sera
après 6 heures en G, en face de la région du point C, où elle est la plus
haute, et après 6 autre heures en H, en face de la région du point D, et ainsi
de suite ; ou plutôt parce que la lune aussi entre-temps progresse quelque
peu de B vers A, puisqu’elle parcourt en l’espace d’un mois le cercle ABCD,
la partie de la terre qui est maintenant en F, en face du corps de la lune,
après six heures et douze minutes, sera pour cette raison au-delà du point
G, dans ce diamètre du tourbillon ABCD qui coupe à angle droit, le
diamètre du même tourbillon dans lequel sera à ce moment-là la lune ; et
après six autres heures et douze minutes elle sera au-delà du point H dans
le lieu où l’eau sera la moins haute possible, etc. D’où se comprend
clairement que l’eau de la mer chaque douze heures et vingt-quatre
minutes, doit fluer et refluer en un seul et même lieu.

IV, 51. Pourquoi les marées sont plus fortes à la pleine, ou la nouvelle lune.
Il faut noter que ce tourbillon ABCD n’est pas absolument rond mais ce
sien diamètre dans lequel se trouve la lune quand elle est nouvelle ou
pleine est plus court que celui qui le coupe précisément à angles droits,
comme montré plus haut dans cette partie ; d’où suit que le flux et le reflux
de la mer doivent être plus grands quand la lune est nouvelle ou pleine,
que dans les périodes intermédiaires.
675
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 52. Cur in aequinoctiis sint maximi.

Notandum etiam, Lunam semper esse in plano Eclipticae uicino, Terram autem motu
diurno secundum planum aequatoris conuerti; quae duo plana in aequinoctiis se intersecant,
in solstitiis autem multum ab inuicem distant: unde sequitur, maximos aestus maris esse
debere circa initia Veris et Autumni.

IV, 53. Cur aër et aqua semper ab Oriente ad Occidentem fluant.

Praeterea notandum est, dum Terra fertur ab E per F uersus G, siue ab Occidente in
Orientem, aquae tumorem 4 1 2, itemque aëris tumorem 8 5 6, qui nunc parti Terrae E
incumbunt, paullatim ad alias eius partes magis Occidentales migrare; ita ut post sex horas
incumbant parti Terrae H, et post horas duodecim parti Terrae G. Idemque etiam de
tumoribus aquae et aëris 2 3 4 et 6 7 8 est intelligendum. Unde fit, ut aqua et aër ab
Orientalibus Terrae partibus, in eiusdem partes Occidentales fluxu continuo ferantur.

IV, 54. Cur in eadem poli altitudine, regiones quae mare habent ad Orientem, sint aliis
magis temperatae.

Qui fluxus, licet non admodum celer, manifeste tamen deprehenditur ex eo quod magnae
nauigationes sint multo tardiores et difficiliores uersus partes Orientales quam uersus
Occidentales; et quod in quibusdam maris angustiis, aqua semper fluat uersus occasum; et
denique quod, caeteris paribus, eae regiones quae mare habent in Oriente, ut Brasilia, non
tantum Solis calorem sentiant, quam eae quae longos terrae tractus habent ad Orientem et
mare ad Occidentem, ut Guinea; quoniam aër qui a mari uenit, frigidior est, quam qui a
Terra.

IV, 55. Cur nullus sit fluxus nec refluxus in lacubus et stagnis: aut cur in uariis litoribus
uariis horis fiat.

Notandum denique, totam quidem Terram mari non tegi, ut paullo ante assumpsimus; sed
tamen, quia Oceanus per omnem eius ambitum se diffundit, idem de illo, quantum ad
generalem aquarum motum, esse intelligendum, ac si totam inuolueret. Lacus autem et
stagna, quorum aquae ab Oceano sunt disiunctae, nullos eiusmodi motus patiuntur: quia
eorum superficies tam latae non sunt, ut multo magis in una parte quam in alia,
676
Pars Quarta. De Terra.

IV, 52. Pourquoi elles sont plus fortes aux équinoxes.


Il faut noter aussi que la lune est toujours dans le plan proche de
l’écliptique, et que la terre tourne d’un mouvement diurne selon le plan de
l’équateur ; et ces deux plans se coupent aux équinoxes, et sont davantage
distants l’un de l’autre aux solstices ; d’où suit que les plus fortes marées
doivent être autour du début du printemps et de l’automne.

IV, 53. Pourquoi l’air et l’eau coulent toujours de l’orient vers l’occident.
Il faut noter en outre que dans le temps où la terre est portée de E vers G en
passant par F autrement dit de l’occident vers l’orient, le gonflement de
l’eau 4 1 2, et pareillement le gonflement de l’air 8 5 6, qui s’appuient
maintenant sur la partie de la terre E, migrent peu à peu vers les autres
parties plus occidentales ; de telle sorte qu’après six heures elles s’appuient
sur la partie H de la terre, et après douze heures sur la partie G de la terre.
Et il faut entendre la même chose aussi des gonflements 2 3 4 et 6 7 8 de
l’eau et de l’air. D’où se fait que l’eau et l’air sont portés dans un flux
continu, des parties orientales de la terre vers ses parties occidentales.

IV, 54. Pourquoi à une même hauteur du pôle les régions qui ont une mer à
l’orient sont plus tempérées que les autres.
Et ce flux, encore qu’il ne soit pas du tout rapide, est saisi pourtant
manifestement de ce que les grandes navigations sont beaucoup plus lentes
et difficiles vers les parties orientales que vers les parties occidentales ; et
que dans certaines bras de mer, l’eau coule toujours vers le couchant ; et
enfin que, le reste étant égal, ces régions qui ont une mer à l’orient comme
le Brésil, ne sentent pas autant la chaleur du soleil que celles qui ont de
longues bandes de terre à l’orient et la mer à l’occident, comme la Guinée ;
puisque l’air qui vient de la mer est plus froid que celui qui vient de la
terre.

IV, 55. Pourquoi il n'y a pas de flux et de reflux dans les lacs et les étangs, ou
encore pourquoi il se fait à des heures différentes en des lieux différents.
Il faut noter enfin que la terre, n’est évidemment, pas toute recouverte de
mer, comme nous venons de supposer ; néanmoins parce que l’océan se
répand sur tout son pourtour, il faut entendre de celui-ci la même chose,
quant au mouvement général des eaux, que s’il enveloppait la terre en
totalité. Les lacs et les étangs toutefois, dont les eaux sont disjointes de
l’océan ne souffrent aucun mouvement de ce genre, parce que leurs
677
Quatrième Partie. De la Terre.
surfaces ne sont pas larges au point d’être plus comprimées par la matière
céleste, à
678
Pars Quarta. De Terra.

ob Lunae praesentiam, a materia coelesti premantur. Atque propter inaequalitatem sinuum


et anfractuum, quibus cingitur Oceanus, eius aquarum incrementa et decrementa diuersis
horis ad diuersa litora perueniunt, unde innumerae eorum uarietates oriuntur.

IV, 56. Quomodo eius caussae particulares, in singulis litoribus sint inuestigandae.

Quarum omnium uarietatum causae particulares deduci poterunt ex dictis, si consideremus


aquas Oceani, cum Luna noua est uel plena, in locis a litoribus remotis uersus Eclipticam et
Aequatorem hora sexta, tam matutina quam uespertina, esse altissimas, et ideo uersus litora
fluere; hora autem duodecima, esse maxime depressas, et ideo a litoribus ad illa loca
refluere: ac prout litora sunt uicina uel remota, prout aquae ad ipsa tendunt per uias magis
rectas uel obliquas, latas uel angustas, profundas uel uadosas, ad ipsa citius aut tardius, et in
maiore aut minore copia deferri. Ac etiam, propter admodum uarios et inaequales eorum
anfractus, saepe contingere ut aquae uersus unum littus tendentes, iis quae ab alio litore
ueniunt occurrant, utque ita earum cursus diuersimode mutetur. Ac denique uarios uentos,
et quorum nonnulli quibusdam in locis ordinarii sunt, istas aquas diuersis modis impellere.
Nihil enim puto ullibi obseruari circa fluxum et refluxum maris, cuius caussae in his paucis
non contineantur.

IV, 57. De natura Terrae interioris.

Circa terram interiorem C, notare licet eam constare particulis cuiusuis figurae, ac tam
crassis, ut globuli secundi elementi ordinario suo motu eas secum non abripiant, sed tantum
deorsum premendo graues reddant, ac per meatus, qui plurimi inter ipsas reperiuntur,
transeundo, nonnihil commoueant. Quod etiam facit materia primi elementi, eos ex istis
meatibus, qui angustissimi sunt, replens; ac idem faciunt particulae terrestres superiorum
corporum D et E, quae saepe in eos qui sunt omnium latissimi descendunt, atque inde
nonnullas ex crassis huius corporis particulis secum abducunt. Quippe credibile est,
superiorem eius superficiem constare partibus ramosis, sibi quidem mutuo ualde firmiter
annexis;
679
Quatrième Partie. De la Terre.
cause de la présence de la lune, dans une partie que dans une autre. Et à
cause de l’inégalité des golfes et des sinuosités qui bordent l’océan, les
soulèvements et abaissements de ses eaux surviennent à des heures
différentes à des endroits différents, d’où naissent leurs innombrables
variétés.

IV, 56. Comment il faut investiguer les causes particulières du flux et reflux en
chaque littoral.
De toutes ces variations les causes particulières peuvent se déduire de ce
qui a été dit : si nous considérons que, quand la lune est nouvelle ou pleine,
les eaux de l’océan dans les lieux éloignés des littoraux, vers l’écliptique et
l’équateur, sont les plus hautes à six heures, tant du matin que du soir, et
qu’elles affluent pour cela vers les littoraux ; cependant à douze heures
elles y sont au plus bas et pour cette raison les eaux refluent des littoraux
vers ces lieux ; et selon que les littoraux sont proches ou éloignés, selon que
les eaux tendent vers ces littoraux par des chemins plus directs ou plus
obliques, plus larges ou plus étroits, plus profonds ou moins, elles s’y
portent plus vite ou plus lentement, et en plus ou moins grande quantité. Et
aussi à cause de la sinuosité tout à fait variée et inégale des littoraux, il
arrive souvent que les eaux qui tendent vers un même rivage rencontrent
celles qui viennent d’un autre rivage et qu’ainsi leur course soit changée de
différentes manières. Et enfin que des vents variés, et quelques-uns d’entre
eux sont habituels en certains lieux, poussent ces eaux de manières
diverses. Je pense en effet que rien ne peut être observé en quelque lieu sur
le flux et reflux de la mer, dont les causes ne soient pas contenues dans ce
peu de choses.

IV, 57. De la nature de la terre interne.


Concernant la terre interne C, il est permis de noter qu’elle est constituée de
particules de la figure que l’on voudra, si grosses que les globules du
second élément, par leur mouvement ordinaire, ne les emportent pas avec
eux, mais les rendent seulement plus pesantes en les comprimant vers le
bas et les meuvent quelque peu, en passant à travers les méats qui se
trouvent en très grande quantité parmi ces particules. Ce que fait aussi la
matière du premier élément en remplissant ceux de ces méats qui sont les
plus étroits ; et font la même chose, les particules terrestres des corps
supérieurs D et E qui souvent descendent par les méats les plus larges de
tous, et de là entraînent avec elles certaines des larges particules de ce corps
singulier. Il est tout à fait crédible que sa surface supérieure soit constituée
de parties ramifiées s’étant très
680
Pars Quarta. De Terra.
681
Quatrième Partie. De la Terre.

utpote quae, dum hoc corpus formaretur, impetum globulorum coelestium per corpora B et
D discurrentium, primae sustinuerunt et fregerunt; sed inter quas nihilominus permulta sunt
interualla satis lata, ut per ipsa particulae aquae dulcis, et salis, nec non etiam aliae
angulosae aut ramosae, ex corpore E delapsae, transire possint.

IV, 58. De natura argenti uiui.

Verum infra istam superficiem, partes corporis C minus arcte sibi mutuo adhaerent; ac
etiam forte in quadam ab ipsa distantia, multae simul sunt congregatae, quae figuras habent
tam teretes et tam laeues, ut, quamuis ob grauitatem suam sibi mutuo incumbant, nec,
quemadmodum aquae partes, globulos secundi elementi undique circa se fluere permittant,
facile tamen agitentur, tum a minutioribus ex istis globulis, qui nonnulla etiam spatia inter
ipsas inueniunt, tum praecipue a materia primi elementi, quae omnes angustissimos angulos
ibi relictos replet. Atque ideo liquorem componunt ualde ponderosum et minime
pellucidum, cuiusmodi est argentum uiuum.

IV, 59. De inaequalitate caloris interiorem Terram peruadentis.

Praeterea, quemadmodum uidemus eas maculas, quae quotidie circa Solem generantur,
figuras habere admodum irregulares et uarias, ita existimandum est mediam Terrae
regionem M, quae ex materia istis maculis simili conflata est, non ubique esse aequaliter
densam; et ideo quibusdam in locis transitum praebere maiori copiae primi elementi, quam
in reliquis; atque hanc materiam primi elementi, per corpus C transeuntem, eius partes
quibusdam in locis fortius quam in aliis commouere, sicuti etiam calor a Solis radiis
excitatus, atque, ut supra dictum est, usque ad intima Terrae pertingens, non uniformiter
agit in hoc corpus C, quia facilius ei communicatur per fragmenta corporis E, quam per
aquam D: atque altitudo montium efficit, ut quaedam Terrae partes Soli obuersae, multo
magis incalescant, quam ab illo auersae: ac denique aliter incalescunt uersus Aequatorem,
aliter uersus polos, calorque iste per uices uariatur propter uicissitudinem tum diei et noctis,
tum praecipue aestatis et hyemis.
682
Pars Quarta. De Terra.
fermement attachées entre elles, dans la mesure où elles ont les premières,
pendant que ce corps se formait, soutenu et brisé l’élan des globules
célestes parcourant les corps B et D ; mais néanmoins se trouvent entre elles
en réalité un très grand nombre d’intervalles suffisamment larges pour que
puissent y transiter précisément, les particules d’eau douce et de sel et
certainement aussi des particules anguleuses ou ramifiées, sorties du corps
E.

IV, 58. De la nature de l’argent vif.


En vérité, sous cette surface, les parties du corps C s’agrègent moins
étroitement entre elles, et peut-être beaucoup aussi s’agglomèrent
ensemble, à une certaine distance de cette surface, et ont des figures si bien
tournées et si lisses que, même si elles se couchent les unes sur les autres
par leur gravité, et ne permettent pas, comme le font les parties d’eau, que
les globules du second élément affluent de partout autour d’elles, elles sont
cependant facilement agitées tantôt par les plus petits de ces globules qui
trouvent un peu d’espace entre elles, tantôt principalement par la matière
du premier élément qui remplit tous les recoins très étroits laissés à cet
endroit. Et pour cela elles composent un liquide très pesant et le moins du
monde transparent ; de ce type est l’argent vif.

IV, 59. De l’inégalité de la chaleur qui traverse la terre interne.


En outre de la même manière que nous voyons ces taches qui sont générées
tous les jours autour du soleil avoir des figures tout à fait irrégulières et
variées, de même il faut juger que la région moyenne M de la terre qui est
formée par une matière semblable à ces taches, n’est pas également dense
partout, et pour cela offre le passage à une plus grande quantité du premier
élément en certains lieux qu’en d’autres ; et cette matière du premier
élément qui transite par le corps C, meut plus fortement ses parties en
certains lieux qu’en d’autres ; comme aussi, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la
chaleur générée par les rayons du soleil qui parvient jusqu’aux profondeurs
de la terre n’agit pas uniformément sur ce corps C, parce qu’elle lui est plus
facilement communiquée par les fragments du corps E, que par l’eau D ; et
la hauteur des montagnes fait que certaines parties de la terre faisant face
au soleil sont beaucoup plus chauffées que celles qui tournent le dos au
soleil ; et enfin que ses parties se chauffent, autrement vers l’équateur,
autrement vers les pôles, et qu’à son tour cette chaleur varie par la
vicissitude tant du jour et de la nuit, tant surtout de l’été et de l’hiver.
683
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 60. De istius caloris actione.

Unde fit, ut omnes particulae huius terrae interioris C semper aliquantulum, et modo plus
modo minus moueantur; non eae solum quae uicinis non annexae sunt, ut particulae argenti
uiui, et salis, et aquae dulcis, et aliae quaeuis in maioribus eius meatibus contentae; sed
etiam eae quae sunt omnium durissimae, ac sibi mutuo quam-firmissime adhaerent. Non
quidem quod hae ab inuicem plane separentur; sed eodem modo quo uidemus arborum
ramos uentis impulsos agitari, et eorum interualla nunc maiora reddi, nunc minora, quamuis
istae arbores idcirco radicibus suis non euellantur: ita putandum est crassas et ramosas
corporis C particulas ita connexas esse atque implexas, ut non soleant ui caloris ab inuicem
plane disiungi, sed aliquantulum duntaxat concutiantur, et meatus circa se relictos modo
magis modo minus aperiant. Cumque duriores sint aliis particulis, ex superioribus
corporibus D et E in meatus istos delapsis, ipsas facile motu isto suo contundunt et
comminuunt, sicque ad duo genera figurarum reducunt, quae hic sunt consideranda.

IV, 61. De succis acribus et acidis, ex quibus fiunt atramentum sutorium, alumen, etc.

Nempe particulae quarum materia paullo solidior est, quales sunt salis, meatibus istis
interceptae atque contusae, ex teretibus et rigidis planae ac flexiles redduntur: non aliter
quam ferri candentis uirga rotunda crebris malleorum ictibus in laminam oblongam potest
complanari. Cumque interim hae particulae, ui caloris actae, hinc inde per meatus istos
serpant, duris eorum parietibus allisae atque affrictae, gladiolorum instar acuuntur, sicque
in succos quosdam acres, acidos, erodentes uertuntur: qui succi postea cum metallica
materia concrescentes, atramentum sutorium; cum lapidea, alumen; et sic alia multa
componunt.

IV, 62. De materia oleaginea bituminis, sulphuris, etc.

Particulae autem molliores, quales sunt pleraeque ex terra exteriori E delapsae, nec non
etiam eae aquae dulcis, ibi penitus elisae, tam tenues euadunt, ut motu materiae primi
elementi discerpantur, atque in multos minutissimos
684
Pars Quarta. De Terra.

IV, 60. De l’action de cette chaleur.


D’où se fait que toutes les particules de cette terre interne C se meuvent un
peu, et tantôt plus tantôt moins ; non seulement celles qui ne sont pas liées,
comme les particules d’argent vif, du sel et de l’eau douce, et de n’importe
quelle autre contenue dans les plus grands de ses méats, mais aussi celles
qui sont les plus dures de toutes, et celles qui s’agrègent entre elles le plus
fermement possible. Non assurément qu’elles soient complétement
séparées les unes des autres ; mais de la même manière que nous voyons
les branches des arbres s’agiter aux souffles du vent, et leurs intervalles être
rendus tantôt plus grands, tantôt plus petits, sans que les arbres pour cela
soient déracinés, de même il faut penser que les grosses particules du corps
C, et les ramifiées, sont à ce point liées et entrelacées, qu’elles n’ont pas
l’habitude d’être disjointes les unes des autres par la force de la chaleur,
mais seulement un peu ébranlées, et les méats laissés autour d’elles
s’ouvrent tantôt plus, tantôt moins. Et comme elles sont plus dures que les
autres particules tombées dans ces méats depuis les corps supérieurs D et
E, facilement par leur propre mouvement elles les écrasent, et les brisent en
réalité, et se réduisent ainsi à deux genres de figure qu’il faut maintenant
considérer.

IV, 61. Des sucs âpres et acides desquels se font l’encre des cordonniers, l’alun 37
etc.
Les particules dont la matière est un peu plus solide, n’est-ce pas, telles
celles du sel, encastrées et broyées dans ces méats, de bien tournées et
rigides, se rendent plates et flexibles, pas autrement qu’une barre ronde de
fer incandescent peut être, par de nombreux coups de marteau, aplanie en
une lame oblongue. Comme entre temps ces particules, conduites par la
force de la chaleur s’insinuent de ci de là par ces méats, elles deviennent,
percutées et frottées contre leurs parois dures, pointues comme des
poignards et se tournent ainsi en certains sucs acres, acides, corrosifs ; et ces
sucs en s’accroissant avec une matière métallique composent l’encre de
cordonniers, en s’accroissant avec des pierres de l’alun, et ainsi beaucoup
d’autres choses.

IV, 62. De la matière huileuse du bitume, du soufre, etc.


Cependant les particules plus molles dont le plus grand nombre est tombé
depuis la terre extérieure E, certainement aussi celles d’eau douce,
profondément broyées à cet endroit, finissent par devenir si ténues qu’elles
sont, par le mouvement de la matière du premier élément, dispersées et
685
Quatrième Partie. De la Terre.
686
Pars Quarta. De Terra.

et quam-maxime flexiles ramulos diuidantur: qui ramuli, terrestribus aliis particulis


adhaerentes, componunt sulphur, bitumen, et alia omnia pinguia siue oleaginea, quae in
fodinis reperiuntur.

IV, 63. De Chymicorum principiis; et quomodo metalla in fodinas ascendant.

Atque sic tria hic habemus, quae pro tribus uulgatis Chymicorum principiis, sale, sulphure
ac Mercurio, sumi possunt: sumendo scilicet succum acrem pro sale, mollissimos ramulos
oleagineae materiae pro sulphure, ipsumque argentum uiuum pro illorum Mercurio.
Credique potest omnia metalla ideo tantum ad nos peruenire, quod acres succi, per meatus
corporis C fluentes, quasdam eius particulas ab iis disiungant, quae deinde materia
oleaginea inuolutae atque uestitae, facile ab argento uiuo calore rarefacto sursum rapiuntur,
et pro diuersis suis magnitudinibus ac figuris, diuersa metalla constituunt. Quae fortasse
singula descripsissem hoc in loco, si uaria experimenta, quae ad certam eorum cognitionem
requiruntur, facere hactenus licuisset.

IV, 64. De Terra exteriore, et de origine fontium.

Iam uero consideremus Terram exteriorem E, cuius fragmenta quaedam sub mari
delitescunt, alia in campos extenduntur, alia in montes attolluntur. Et notemus inprimis,
quam facile in ea possit intelligi, quo pacto fontes et flumina oriantur; et quamuis semper in
mare fluant, nunquam tamen ipsorum aqua deficiat, nec mare augeatur aut dulcescat.
Quippe, cum infra campos et montes magnae sint cauitates aquis plenae, non dubium est,
quin multi quotidie uapores, hoc est, aquae particulae ui caloris ab inuicem disiunctae ac
celeriter motae, usque ad exteriorem camporum superficiem atque ad summa montium iuga
perueniant; uidemus enim etiam plerosque istiusmodi uapores ulterius usque ad nubes
attolli, ac facilius per terrae meatus ascendunt, ab eius particulis suffulti, quam per aërem,
cuius fluidae ac mobiles particulae ipsos ita fulcire non possunt. Postquam autem isti
uapores sic ascenderunt, frigore succedente torpescunt, et amissa uaporis forma rursus in
aquam uertuntur; quae aqua descendere non potest per eosdem illos meatus,
687
Quatrième Partie. De la Terre.
divisées en brindilles les plus menues et les plus flexibles possibles ; et ces
petits brins s’agrégeant aux autres particules terrestres, composent le
souffre, le bitume et tous les autres corps graisseux autrement dit huileux
qui se retrouvent dans les mines.

IV, 63. Des principes des chimistes, et comment les métaux s’élèvent dans les
mines.
Et ainsi nous tenons ici trois corps, qui peuvent être pris pour les trois
principes habituels des chimistes, le sel, le soufre et le mercure ; à savoir en
prenant le suc acre pour leur sel, les petits brins les plus mous de la matière
huileuse pour leur soufre et l’argent vif lui-même pour leur mercure. Et on
peut tenir pour vrai que tous les métaux nous parviennent pour cette seule
raison que les sucs acres en coulant à travers les méats du corps C, en
séparent certaines particules, qui ensuite, enveloppées et revêtues de
matière huileuse sont facilement emportées par l’argent vif dilaté par la
chaleur, et constituent, eu rapport à leur diverses grandeurs et figures, les
différents métaux. Et j’aurais peut-être décrit chacun de ces métaux en ce
lieu s’il m’avait été permis de faire les diverses expériences requises pour
leur connaissance précise.

IV, 64. De la terre extérieure, et de l’origine des sources.


Mais considérons maintenant la terre extérieure E, dont certains fragments
sont dissimulés sous la mer, d’autres s’étendent en plaines, d’autres
s’élèvent en montagnes. Et notons en premier combien il est facile de
comprendre de quelle façon y naissent les sources et les fleuves, et
pourquoi, bien qu’ils se jettent toujours dans la mer, jamais cependant leur
eau ne fait défaut, ni ils n’accroissent la mer, ni ne l’adoucissent.
Assurément, comme se trouvent sous les plaines et les montagnes, de
grandes cavités pleines d’eau, il ne fait pas de doute que tous les jours des
vapeurs, c’est-à-dire des particules d’eau disjointes les unes des autres,
mues à grande vitesse par la force de la chaleur, parviennent à la surface
externe des plaines et aux plus hautes crêtes des montagnes ; car nous
voyons aussi que la plus grande partie des vapeurs de ce type s’élèvent
plus haut, jusqu’aux nuages, et montent plus facilement à travers les méats
de la terre, soutenues par ses particules, que par l’air, dont les particules
fluides et mobiles ne peuvent pas les soutenir en réalité de la même façon.
Et après que ces vapeurs sont montées ainsi, quand le froid survient, elles
s’engourdissent, perdent la forme de vapeur et se tournent à nouveau en
eau ; et cette eau ne peut pas descendre à travers les mêmes
688
Pars Quarta. De Terra.
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Quatrième Partie. De la Terre.

per quos uapor ascendit, quia sunt nimis angusti; sed aliquanto latiores uias inuenit, in
interuallis crustarum siue corticum, quibus tota exterior terra conflata est; quae uiae ipsam
oblique secundum uallium et camporum decliuitatem deducunt. Atque ubi istae
subterraneae aquarum uiae in superficie montis, uel uallis, uel campi terminantur, ibi fontes
scaturiunt, quorum riui multi simul congregati flumina componunt, et per decliuiores
exterioris terrae superficiei partes in mare labuntur.

IV, 65. Cur mare non augeatur ex eo, quod flumina in illud fluant.

Quamuis autem assidue multae aquae ex montibus uersus mare fluant, nunquam tamen
idcirco cauitates ex quibus ascendunt, possunt exhauriri, nec mare augeri. Haec enim terra
exterior non potuit modo paullo ante descripto generari, nempe ex fragmentis corporis E in
superficiem corporis C cadentibus, quin aqua D multos sibi patentissimos meatus sub istis
fragmentis retinuerit: per quos tanta semper eius quantitas a mari uersus radices montium
redit, quanta ex montibus egreditur. Atque ita, ut animalium sanguis in eorum uenis et
arteriis, sic aqua in terrae uenis et in fluuiis circulariter fluit.

IV, 66. Cur fontes non sint salsi, nec mare dulcescat.

Et quamuis mare sit salsum, solae tamen aquae dulcis particulae in fontes ascendunt, quia
nempe sunt tenues ac flexiles, particulae autem salis, cum sint rigidae ac durae, nec facile in
uapores mutari, nec ullo modo per obliquos terrae meatus transire possunt. Et quamuis
assidue ista aqua dulcis in mare per flumina reuertatur, non ideo mare dulcescit, quia
semper aequalis quantitas salis in eo manet.

IV, 67. Cur in quibusdam puteis aqua sit salsa.

Sed tamen non ualde mirabimur, si forte in quibusdam puteis, a mari ualde remotis, multum
salis reperiatur. Cum enim terra multis rimis fatiscat, fieri facile potest, ut aqua salsa non
percolata usque ad illos puteos perueniat:
690
Pars Quarta. De Terra.
méats par lesquels est montée la vapeur, parce que ceux-ci sont trop
étroits ; mais elle trouve des chemins un peu plus larges dans les intervalles
des croûtes, autrement dit des couches qui composent la terre extérieure
tout entière ; et ces chemins la conduisent en réalité obliquement, selon la
pente des vallées et des plaines. Et là où ces cheminements souterrains des
eaux se terminent, sourdent en surface d’une montagne, d’une vallée,
d’une plaine, les sources dont les ruisseaux réunis nombreux ensemble
composent les fleuves qui, par les parties les plus déclives de la surface
externe de la terre, s’écoulent dans la mer.

IV, 65. Pourquoi la mer, de ce que les fleuves affluent en elle, ne s’accroît pas.
Cependant bien que de grandes quantités d’eau coulent continuellement
des montagnes vers la mer, jamais pourtant pour cela les cavités d’où elles
viennent ne peuvent se tarir ni la mer être augmentée. Car cette terre
extérieure n’a pas pu être générée de la façon décrite il y a peu, n’est-ce pas,
par des fragments du corps E tombant à la surface du corps C, sans que
l’eau D ne se soit conservée beaucoup de méats très ouverts sous ces
fragments ; et toujours par ces méats, se rend de la mer vers les racines des
montagnes, une quantité de matière aussi grande qu’il en sort des
montagnes. Et de la même manière que le sang des animaux coule dans
leurs veines et artères, de même l’eau coule circulairement dans les veines
de la terre et dans les fleuves.

IV, 66. Pourquoi les sources ne sont pas salées, ni la mer ne s’adoucit.
Et même si la mer est salée, seules toutefois les particules d’eau douce
montent dans les sources, parce que, n’est-ce pas, elles sont ténues et
flexibles, et comme les particules de sel, sont rigides et dures elles ne
peuvent ni se changer en vapeurs, ni ne peuvent en aucune façon passer à
travers les méats obliques de la terre. Et bien que cette eau retourne
continuellement dans la mer par les fleuves, ce n’est pas pour cela que la
mer s’adoucit, parce que la même quantité de sel demeure toujours en elle.

IV, 67. Pourquoi dans certains puits, l’eau est salée.


Mais néanmoins nous ne devons pas beaucoup nous émerveiller qu’à
l’occasion dans certains puits très éloignés de la mer, se trouve beaucoup
de sel. Comme la terre en effet est fendue de nombreuses failles, il peut
facilement se faire, qu’une eau salée non filtrée parvienne jusqu’à ces puits,
691
Quatrième Partie. De la Terre.
siue quia maris superficies aeque alta est atque ipsorum fundus; siue etiam quia, ubi uiae
sunt satis latae, facile salis particulae a particulis aquae dulcis per corporis duri decliuitatem
sursum attolluntur.
Fig. IV-8.
Ut experiri licet in
uase, cuius labra
nonnihil sint repanda,
quale est ABC: dum
enim aqua salsa in eo
euaporatur, omnes
eius orae salis crusta
uestiri solent.
IV, 68. Cur etiam ex
quibusdam montibus
sal effodiatur.
Atque hinc etiam
potest intelligi, quo
pacto in montibus
nonnullis, magnae
salis moles instar
lapidum concreuerint. Quippe, aqua maris eo ascendente, ac particulis flexilibus aquae
dulcis ulterius pergentibus, solum sal in cauitatibus, quae casu ibi fuerunt, remansit,
ipsasque impleuit.
IV, 69. De nitro aliisque salibus, a sale marino diuersis.
Sed et aliquando salis particulae nonnullos satis angustos terrae meatus peruadunt, atque ibi
nonnihil de figura et quantitate sua deperdentes, in nitrum, uel sal ammoniacum, uel quid
simile mutantur. Quinetiam plurimae terrae particulae oblongae, non ramosae, ac satis
rigidae, ab origine sua nitri et aliorum salium formas habuerunt. Neque enim in alio sitae
sunt eae formae, quam quod illorum particulae sint oblongae, non flexiles, nec ramosae, ac
prout de caetero uariae sunt, uarias salis species componunt.
IV, 70. De uaporibus, spiritibus, et exhalationibus a terra interiore ad exteriorem
ascendentibus.
Praeter uapores ex aquis sub terra latentibus eductos, multi etiam spiritus acres, et
oleagineae exhalationes, nec non uapores argenti uiui, aliorum metallorum particulas secum
uehentes, ex terra interiori ad exteriorem ascendunt: atque ex diuersis eorum misturis omnia
fossilia componuntur. Per spiritus acres intelligo particulas succorum acrium, nec non etiam
salium uolatilium, ab inuicem seiunctas, et tam celeriter se commouentes, ut uis qua in
omnes partes moueri perseuerant, praeualeat eorum grauitati.
692
Pars Quarta. De Terra.
soit parce que la surface de la mer est aussi haute que leurs fond, soit aussi
parce que quand les chemins sont assez larges les particules de sel sont
facilement soulevées vers le haut à travers la déclivité du corps dur par les
particules d’eau douce.
Figure IV-8.
Comme il est permis d’en faire l’expérience dans un récipient dont les
lèvres sont légèrement élargies tel ABC ; car pendant que l’eau salée
s’évapore, tous les bords du récipient ont l’habitude de se recouvrir de
croûtes de sel.

IV, 68. Pourquoi aussi du sel est extrait de certaines montagnes.


Et de là peut aussi se comprendre de quelle façon se sont agglomérées dans
certaines montagnes de grandes masses de sel, comme des pierres.
Assurément, l’eau de mer montant en ce lieu, et les particules flexibles
d’eau douce continuant plus loin, seul le sel est resté par accident dans les
cavités qui se trouvaient là, et les a seul remplies.

IV, 69. Du salpêtre et des autres sels différents du sel marin.


Mais aussi parfois certaines particules de sel passent à travers certains
méats assez étroits de la terre et perdant à cet endroit quelque peu de leur
figure et de leur quantité, se changent en salpêtre ou sel ammoniac, ou
quelque chose de semblable. Bien plus, un très grand nombre de particules
oblongues de terre, non ramifiées et assez rigides ont eu depuis leur origine
des formes de salpêtre ou d’autres sels. Car ces formes ne consistent en rien
d’autre sinon que leurs particules sont oblongues, non flexibles et ne sont
pas ramifiées, et comme elles sont différentes du reste elles composent des
espèces de sel variées.

IV, 70. Des vapeurs, des esprits et des exhalaisons montant de la terre
intérieure vers l’extérieure.
Outre les vapeurs qui s’élèvent des eaux enfouies sous terre, beaucoup
d’esprits acres et d’exhalaisons huileuses, et certainement des vapeurs de
vif argent véhiculant des particules d’autres métaux, montent aussi de la
terre intérieure vers la terre extérieure ; et de leurs divers mélanges se
compose tout ce qui est tiré de la terre. Par esprits acres j’entends les
particules des sucs acres et sûrement aussi des sels volatiles, disjointes les
unes des autres et qui se meuvent si rapidement, que la force par laquelle
toutes les parties persévèrent dans leur mouvement, prévaut sur leur
gravité. Et par
693
Quatrième Partie. De la Terre.
694
Pars Quarta. De Terra.

Per exhalationes autem intelligo particulas ramosas, tenuissimas, oleagineae materiae, sic
etiam motas. Quippe in aquis, et aliis succis, et oleis, particulae tantum repunt; sed in
uaporibus, spiritibus, et exhalationibus, uolant.

IV, 71. Quomodo ex uaria eorum mistura, uaria lapidum, aliorumque fossilium genera
oriantur.

Et quidem spiritus maiori ui sic uolant, et facilius angustos quosque terrae meatus
peruadunt, atque ipsis intercepti firmius haerent, et ideo duriora corpora efficiunt, quam
exhalationes aut uapores. Cumque permagna inter haec tria sit diuersitas, pro diuersitate
particularum ex quibus constant, multa etiam ex ipsis lapidum, aliorumque fossilium non
transparentium genera oriuntur, cum in angustis terrae meatibus inclusa haerent, ipsiusque
particulis permiscentur; et multa genera fossilium transparentium, atque gemmarum, cum in
rimis et cauitatibus terrae primum in succos colliguntur, et deinde paulatim, maxime
lubricis et fluidis eorum particulis abeuntibus, reliquae sibi mutuo adhaerescunt.

IV, 72. Quomodo metalla ex terra interiore ad exteriorem perueniant, et quomodo minium
fiat.

Sic etiam uapores argenti uiui, terrae rimulas et maiusculos meatus perreptando, particulas
aliorum metallorum sibi admistas in iis relinquunt, et ita illam auro, argento, plumbo,
aliisque impraegnant; ipsique deinde ob eximiam suam lubricitatem ulterius pergunt, aut
deorsum relabuntur; aut etiam aliquando ibi haerent, cum meatus per quos regredi possent,
sulphureis exhalationibus impediuntur. Atque tunc ipsae argenti uiui particulae,
minutissima istarum exhalationum quasi lanugine uestitae, minium componunt. Ac denique
spiritus et exhalationes, nonnulla etiam metalla, ut aes, ferrum, stibium, ex terra interiore ad
exteriorem adducunt.

IV, 73. Cur non in omnibus terrae locis metalla inueniantur.

Notandumque est, ista metalla fere tantum ascendere ex iis partibus terrae interioris, quibus
fragmenta exterioris immediate coniuncta sunt. Ut ex gr in hac figura, ex 5 uersus V,
695
Quatrième Partie. De la Terre.
exhalaisons j’entends les particules ramifiées, très ténues, de matière
huileuse, mues aussi de cette façon. Bien sûr dans les eaux et les autres sucs
ainsi que dans les huiles, les particules ne font que ramper ; mais dans les
vapeurs, les esprits et les exhalaisons, elles voltigent.

IV, 71. Comment de leurs mélanges variés naissent des genres variés de
pierres, et d’autres choses tirées de la terre.
Et certainement les esprits, par une force plus grande, voltigent de cette
façon, pénètrent plus facilement certains méats étroits de la terre et une fois
arrêtés s’y accrochent en réalité plus fermement, et pour cela font des corps
plus durs que ne font les exhalaisons ou les vapeurs. Et comme la diversité
entre ces trois corps est très grande, quand, étant inclus dans les étroits
méats de la terre ils s’accrochent et se mélangent à leurs propres particules,
en naissent, à proportion de la diversité, des particules dont se composent
beaucoup de genres de pierres et d’autres fossiles non transparents de la
terre, quand ces corps se recueillent d’abord en sucs dans les fissures et les
cavités de la terre, et de nombreux genres de minéraux transparents et de
gemmes quand ensuite peu à peu leurs particules les plus glissantes et les
plus fluides s’en vont et que les autres s’agrègent les unes aux autres.

IV, 72. Comment les métaux parviennent de la terre intérieure vers la terre
extérieure et comment se fait le minium38.
Ainsi aussi les vapeurs d’argent vif, en s’insinuant dans les fines fissures de
la terre et les méats plus grands, y laissent les particules d’autres métaux
s’étant mélangées à elles, et ainsi imprègnent la terre d’or, d’argent, de
plomb et autres ; et ces vapeurs ensuite à cause de leur extrême aptitude à
glisser, poursuivent plus loin ou refluent vers le bas ; ou parfois encore
s’accrochent dans ces fissures, quand les méats par où elles pourraient
revenir en arrière sont obstrués par des exhalaisons sulfureuses. Et alors les
particules d’argent vif elles-mêmes, enveloppées par ces exhalaisons
comme par un très fin duvet, composent le minium. Et finalement les
esprits et les exhalaisons, et certains métaux aussi, comme le cuivre, le fer,
l’antimoine, sont conduits de la terre intérieure vers la terre extérieure.

IV, 73. Pourquoi on ne trouve pas des métaux dans tous les lieux de la terre.
Cf. Fig. IV-6 : Et il faut noter que ces métaux, peut-être, montent
seulement de ces parties de la terre intérieure dont les fragments sont joints
immédiatement à la terre extérieure. Comme par ex. dans cette figure de 5
696
Pars Quarta. De Terra.

quia per aquas euehi non possunt. Unde fit, ut non passim omnibus in locis metalla
reperiantur.

IV, 74. Cur potissimum inueniantur in radicibus montium, uersus Meridiem et Orientem.

Notamdum etiam, haec metalla per terrae uenas uersus radices montium solere attolli, ut hic
uersus V, ibique potissimum congregari, quia ibidem terra pluribus rimis quam in aliis locis
fatiscit; et quidem in iis montium partibus, quae Soli meridiano uel Orienti obuersae sunt,
magis quam in aliis congregari, quia maior ibi est calor, cuius ui attolluntur. Et ideo etiam
in illis praesertim locis a fossoribus quaeri solent.

IV, 75. Fodinas omnes esse in terra exteriore; nex posse unquam ad interiorem fodiendo
perueniri.

Neque putandum est, ulla unquam fodiendi pertinacia, usque ad interiorem terram posse
perueniri: tum quia exterior nimis est crassa, si ad hominum uires comparetur; tum
praecipue propter aquas intermedias, quae eo maiore cum impetu salirent, quo profundior
esset locus in quo primum aperirentur earum uenae, fossoresque omnes obruerent.

IV, 76. De sulphure, bitumine, argilla, oleo.

Exhalationum particulae tenuissimae, quales paullo ante descriptae sunt, nihil nisi purum
aërem solae componunt, sed tenuioribus spirituum particulis facile annectuntur, illasque ex
laeuibus et lubricis ramosas reddunt; ac deinde hae ramosae, succis acribus ac metallicis
quibusdam particulis admistae, sulphur constituunt; et admistae particulis terrae, multis
etiam eiusmodi succis grauidae, faciunt bitumen; et cum solis particulis terrae coniunctae,
faciunt argillam; et denique solae, in oleum uertuntur, cum earum motus ita languescit, ut
sibi mutuo plane incumbant.

IV, 77. Quomodo fiat terrae motus.

Sed cum celerius agitantur, quam ut ita in oleum uerti possint,


697
Quatrième Partie. De la Terre.
vers V, parce qu'ils ne peuvent pas être transportés à travers les eaux. D’où
se fait que les métaux ne se retrouvent pas partout dans tous les lieux.

IV, 74. Pourquoi ils sont surtout trouvés au pied des montagnes, vers le midi et
l’orient.
Il faut noter aussi que ces métaux ont l’habitude de s’élever, le long des
veines de la terre, vers le pied des montagnes, comme vers V, et se
rassemblent principalement à cet endroit, parce qu’à cet endroit
précisément la terre se fend d’un plus grand nombre de crevasses que dans
les autres lieux ; et certainement ils s’accumulent plus dans ces parties des
montagnes qui sont tournées vers le soleil de midi ou vers le levant, que
dans les autres, parce que la force de la chaleur qui les élèvent, y est plus
grande. Et c’est pour cela aussi que les mineurs ont l’habitude de les
chercher surtout en ces lieux.

IV, 75. Toutes les mines sont dans la terre extérieure, et on ne peut jamais
parvenir à la terre intérieure en creusant.
Et il ne faut pas penser que par quelque obstination de creuser, l’on puisse
un jour parvenir à la terre intérieure ; tant parce que l’extérieure est trop
épaisse comparée aux forces des hommes ; tant principalement à cause des
eaux intermédiaires qui montent avec d’autant plus d’impétuosité qu’est
profond le lieu où commencent à s’ouvrir leurs veines et où elles
enseveliraient tous les mineurs.

IV, 76. Du soufre, du bitume, de l’argile, de l’huile minérale.


Les particules très ténues des exhalaisons, telles elles ont été un peu
décrites précédemment, ne composent, isolées, qu’un air pur, mais elles
s’annexent facilement les particules assez ténues des esprits, et de lisses et
glissantes, les rendent ramifiées ; et ensuite ces particules ramifiées,
mélangées à des sucs acres et à certaines particules métalliques, constituent
le soufre ; et mélangées à des particules de terre et pleines de beaucoup de
sucs de ce type, font le bitume ; et quand elles se joignent à des particules
de terre seulement, font l’argile ; et enfin seules, elles se tournent en huile
minérale quand leur mouvement perd tellement de sa force qu’elles se
couchent entièrement les unes sur les autres.

IV, 77. Comment se fait l’ébranlement de la terre.


Mais quand elles sont agitées trop vite pour pouvoir se tourner en huile
698
Pars Quarta. De Terra.

si forte in rimas et cauitates terrae magna copia affluant, pingues ibi et crassos fumos
componunt, non absimiles iis qui ex candela recens exstincta egrediuntur; ac deinde, si
quae forte ignis scintilla in istis cauitatibus excitetur, illi fumi protinus accenduntur, atque
subito rarefacti, omnes carceris sui parietes magna ui concutiunt, praesertim cum multi
spiritus ipsis sunt admisti: et ita oriuntur terrae motus.

IV, 78. Cur ex quibusdam montibus ignis erumpat.

Contingit etiam aliquando, cum hi motus fiunt, ut parte terrae disiecta et aperta, flamma per
iuga montium coelum uersus erumpat. Idque ibi potius fit, quam in humilioribus locis: tum
quia sub montibus plures sunt cauitates, tum etiam, quia magna illa fragmenta, quibus
constat terra exterior, in se inuicem reclinata, faciliorem ibi praebent exitum flammae,
quam in ullis aliis locis. Et quamuis claudatur terrae hiatus, simul ac flamma hoc pacto ex
eo erupit, fieri potest, ut tanta sulphuris aut bituminis copia ex montis uisceribus ad eius
summitatem expulsa sit, ut ibi longo incendio sufficiat. Nouique fumi postea in iisdem
cauitatibus rursus collecti, et accensi, facile per eundem hiatum erumpunt; unde fit, ut
montes nonnulli crebris eiusmodi incendiis sint infames, ut Aetna Siciliae, Vesuuius
Campaniae, Hecla Islandiae, etc.

IV, 79. Cur plures concussiones fieri soleant in terrae motu: sicque per aliquot horas aut
dies interdum duret.

Denique, durat aliquando terrae-motus per aliquot horas, aut dies; quia non una tantum
continua cauitas esse solet, in qua pingues et inflammabiles fumi colliguntur, sed plures
diuersae, terra multo sulphure aut bitumine satura disiunctae; cumque exhalatio in unis
accensa terram semel concussit, aliqua mora intercedit, priusquam flamma, per meatus
sulphure oppletos, ad alias possit peruenire.

IV, 80. De natura ignis, eiusque ab aëre diuersitate.

Sed hic superest ut dicam, quo pacto in istis cauitatibus flamma possit accendi, simulque
699
Quatrième Partie. De la Terre.
minérale, si elles affluent incidemment en grande quantité dans les fissures
et les cavités de la terre, elles y composent des fumées grasses et épaisses,
peu différentes de celles qui sort d’une bougie qui vient d’être éteinte ; et
par la suite si par hasard quelque étincelle met le feu dans ces cavités, ces
fumées s’enflamment aussitôt et, brusquement dilatées, heurtent avec une
grande force toutes les parois de leurs cellules, surtout quand elles-mêmes
sont mélangées à de nombreux esprits ; et ainsi naît l’ébranlement de la
terre.

IV, 78. Pourquoi le feu surgit de certaines montagnes.


Il arrive aussi parfois quand se font ces ébranlements qu’une partie de la
terre s’étant rompue et ouverte, s’élance, au sommet des montagnes, une
flamme vers le ciel. Et cela arrive plus à cet endroit qu’en des lieux plus bas
situés, tant parce que sous les montagnes il y a un plus grand nombre de
cavités, tant aussi parce que ces grands fragments qui constituent la terre
extérieure, étant couchés les uns contre les autres, offrent plus facilement à
cet endroit une sortie aux flammes que dans aucun autre lieu. Et bien que
se ferme l’ouverture de la terre, que de là en même temps s’élance une
flamme de cette façon, il peut se faire qu’une telle quantité de soufre et de
bitume soit expulsée des entrailles de la montagnes vers son sommet
qu’elle suffit pour un long incendie à cet endroit. Et après qu’une nouvelle
fois de nouvelles fumées se sont accumulées et enflammées dans ces
mêmes cavités, facilement elles s’élancent par la même ouverture ; d’où se
fait que certaines montagnes ont mauvaise réputation par la répétition
d’incendies de ce type, comme l’Etna en Sicile, le Vésuve en Campanie,
l’Hecla en Islande etc.

IV, 79. Pourquoi une assez grande quantité de secousses ont l’habitude de se
faire dans un tremblement de terre, et qu’ainsi il dure de nombreuses heures ou
jours.
Et enfin parfois un tremblement de terre dure un certain nombre d’heures
ou de jours ; parce qu’habituellement il n y a pas qu’une seule cavité où se
collectent les fumées grasses et inflammables, mais plusieurs différentes,
séparées par une terre saturée de beaucoup de soufre ou de bitume ; et
quand dans une de ces cavités, une exhalaison enflammée ébranle une fois
la terre, elle prend un peu de retard avant que la flamme ne puisse parvenir
à d’autres cavités par les méats saturés de soufre.

IV, 80. De la nature du feu et de sa diversité par l’effet de l’air.


Mais il me reste à dire ici de quelle façon une flamme peut être allumée
700
Pars Quarta. De Terra.
701
Quatrième Partie. De la Terre.

ut explicem ignis naturam. Particulae terrestres, cuiuscumque sint magnitudinis aut figurae,
cum singulae seorsim primi elementi motum sequuntur, ignis formam habent; ut etiam
habent aëris formam, cum inter globulos secundi elementi uolitantes, eorum agitationem
imitantur. Sicque prima et praecipua inter aërem et ignem differentia est, quod multo
celerius huius quam illius particulae agitentur. Iam enim supra satis ostensum est, motum
materiae primi elementi multo celeriorem esse quam secundi. Sed alia etiam est permagna
differentia, quod etsi crassiores tertii elementi particulae, quales sunt eae quibus constant
uapores argenti uiui, possint aëris formam induere, non tamen ad eius conseruationem sint
necessariae, ac contra ille purior sit, minusque corruptioni obnoxius, cum solis minutissimis
particulis constat. Crassiores enim, nisi calore continuo agitentur, pondere suo deorsum
labentes, sponte exuunt eius formam. Ignis autem, sine crassiusculis corporum terrestrium
particulis, quibus alatur et renouetur, esse non potest.

IV, 81. Quomodo primum excitetur.

Cum enim globuli secundi elementi occupent omnia interualla circa Terram, quae satis
magna sunt ad illos capiendos, et sibi mutuo omnes ita incumbant, ut uni absque aliis
moueri non possint (nisi forte circulariter circa proprium axem), quamuis materia primi
elementi, omnes exiguos angulos a globulis istis relictos replens, in ipsis quam-celerrime
moueatur, si tamen non habeat plus spatii, quam quod in istis angulis continetur, non potest
ibi habere satis uirium ad particulas terrestres, quae omnes a se mutuo et a globulis secundi
elementi sustinentur, secum rapiendas, nec proinde ad ignem generandum. Sed ut ignis
alicubi primum excitetur, debent aliqua ui expelli globuli coelestes, ab interuallis
nonnullarum particularum terrestrium, quae deinde ab inuicem disiunctae, atque in sola
materia primi elementi natantes, celerrimo eius motu rapiantur et quaquauersus impellantur.

IV, 82. Quomodo conseruetur.

Utque ille ignis conseruetur,


702
Pars Quarta. De Terra.
dans ces cavités et en même temps expliquer la nature du feu. Les
particules terrestres quelle que soit leur grandeur ou figure, quand chacune
suit séparément le mouvement du premier élément, ont la forme du feu ;
comme aussi elles ont la forme de l’air, quand elles volent entre les globules
du second élément et imitent leur agitation. Et ainsi la première et
principale différence entre l’air et le feu est que les particules du feu sont
agitées beaucoup plus vite que celles de l’air. Il a maintenant été
suffisamment montré plus haut que le mouvement de la matière du
premier élément est beaucoup plus rapide que du celle du second. Mais il
est une autre très grande différence : même si les particules plus grosses du
troisième élément, telles celles composant les vapeurs du vif argent,
peuvent revêtir la forme de l’air, elles ne sont cependant pas nécessaires à
sa conservation ; et au contraire l’air est plus pur et moins exposé à la
corruption quand il est composé de seules particules très ténues. Les plus
grosses en effet si elles ne sont pas agitées par une chaleur continuelle,
descendent par leur poids vers le bas, et perdent spontanément leur forme.
Le feu en revanche, ne peut pas exister sans des particules de corps
terrestres plus grosses, dont il se nourrit et se renouvelle.

IV, 81. Comment il s’enflamme au début.


Car quand les globules du second élément occupent autour de la terre tous
les intervalles assez grands pour les recevoir, et s’entassent tous les uns sur
les autres, au point de ne pas pouvoir se mouvoir les uns sans les autres
(sauf peut-être circulairement autour d’un axe propre), bien que la matière
du premier élément qui remplit tous les recoins exigus laissés par ces
globules, se meuve le plus vite possible à l’intérieur de ces intervalles, elle
ne peut toutefois pas avoir assez de forces à cet endroit, si elle n’a pas plus
d’espace que celui contenus dans ces recoins, pour emporter avec elle les
particules terrestres qui se soutiennent toutes mutuellement par elles-
mêmes et par les globules du second élément, ni par conséquent pour
générer du feu. Mais quand le feu a commencé à prendre quelque part, les
globules célestes doivent être chassés, par quelque force, des intervalles
situés entre certaines particules terrestres et celles-ci ensuite se séparent les
unes des autres, flottent dans la seule matière du premier élément et sont
emportées par son mouvement très rapide et poussées dans toutes les
directions.

IV, 82. Comment il se conserve.


Et pour que ce feu se conserve, ces particules terrestres doivent être assez
703
Quatrième Partie. De la Terre.
debent istae particulae terrestres esse satis crassae, solidae, atque ad motum aptae, ut a
materia primi elementi sic impulsae, uim habeant globulos coelestes, a loco illo in quo est
ignis, et in quem redire parati sunt, repellendi; atque ita impediendi ne globuli isti rursus ibi
occupent interualla primo elemento relicta, sicque uires eius frangendo ignem exstinguant.
IV, 83. Cur egeat alimento.
Ac praeterea particulae terrestres, in globulos istos impingentes, non possunt ab iis
impediri, ne ulterius pergant, et egrediendo ex eo loco in quo primum elementum suas uires
exercet, ignis formam amittant, abeantque in fumum. Quapropter nullus ibi ignis diu
remaneret, nisi eodem tempore aliquae ex istis particulis terrestribus, in aliquod corpus aëre
crassius impingendo, alias satis solidas particulas ab eo disiungerent, quae prioribus
succedentes, et a materia primi elementi abreptae, nouum ignem continuo generarent.
[4.084] Quomodo ex silicibus excutiatur.
Fig. IV-9.
Sed ut haec accuratius
intelligantur, consideremus
primo uarios modos quibus
ignis generatur, deinde omnia
quae ad eius conseruationem
requiruntur, ac denique, quales
sint eius effectus. Nihil
usitatius est, quam ut ex
silicibus ignis excutiatur;
hocque ex eo fieri existimo,
quod silices sint satis duri et
rigidi, simulque satis friabiles.
Ex hoc enim quod sint duri et
rigidi, si percutiantur ab aliquo
corpore etiam duro, spatia quae
multas eorum particulas
interiacent, et a globulis
secundi elementi solent
occupari, solito fiunt
angustiora, et ideo isti globuli
exsilire coacti, nihil praeter
solam materiam primi elementi
circa illas relinquunt; deinde ex
eo quod sint friabiles, simul ac istae silicum particulae non amplius ictu premuntur, ab
inuicem dissiliunt, sicque materiae primi elementi, quae sola circa ipsas reperitur,
innatantes, ignem componunt. Ita, si A sit silex, inter cuius anteriores particulas globuli
secundi elementi conspicui sunt, B repraesentabit eundem silicem, cum ab aliquo corpore
duro percutitur, et eius meatus angustiores facti, nihil amplius nisi materiam primi elementi
possunt continere; C uero eundem iam percussum, cum quaedam eius particulae ab eo
separatae, ac solam materiam primi elementi
704
Pars Quarta. De Terra.
grosses, solides et aptes au mouvement, de sorte à avoir la force, une fois
poussées ainsi par la matière du premier élément, de repousser les globules
célestes du lieu dans lequel est le feu et dans lequel ils sont prêts à revenir ;
et d’empêcher ainsi qu’une nouvelle fois à cet endroit ces globules occupent
les intervalles laissés par le premier élément, et ainsi n’éteignent le feu en
brisant sa force.

IV, 83. Pourquoi il a besoin d’être alimenté.


Et en outre, les particules terrestres en heurtant ces globules ne peuvent pas
être empêchés par eux de poursuivre plus loin, et sortant de ce lieu dans
lequel le premier élément exerce ses forces, elles rejettent la forme du feu et
s’en vont en fumée. Pour cette raison aucun feu ne demeurera à cet endroit
plus longtemps si dans le même temps certaines de ces particules terrestres
frappant contre quelque corps aérien plus épais n’en séparent d’autres
particules assez solides qui, succédant aux premières et emportées par la
matière du premier élément, génèrent continûment un nouveau feu.

IV, 84. Comment il est provoqué par des silex.


Mais pour que cela soit compris plus clairement, considérons d’abord les
différentes manières par lesquelles est généré le feu, ensuite tout ce qui est
requis à sa conservation, et enfin quels sont ses effets. Rien n’est plus utile
qu’allumer un feu avec des silex ; et j’estime que cela se fait de ce que les
silex sont assez durs et rigides et en même temps assez friables. De ce qu’ils
sont durs et rigides en effet, s’ils sont percutés par quelque corps aussi dur,
les espaces qui sont placés entre leurs nombreuses particules et sont
occupés habituellement par des globules du second élément, se font plus
étroits que d’habitude, et pour cela ces globules, contraints de s’élancer
dehors, ne laissent rien d’autre autour de ces particules, que la seule
matière du premier élément ; de ce qu’ils sont friables, ensuite, en même
temps que ces particules des silex ne sont plus comprimées davantage par
le choc, elles s’écartent vivement les unes des autres, et flottant ainsi dans la
matière du premier élément qui seule en réalité est retrouvée autour d’elles,
composent le feu.
Figure IV-9.
Ainsi si A est un silex, à la surface duquel sont visibles à l’avant, des
particules du second élément ; B le même silex quand il est percuté par
quelque corps dur : ses méats s’étant faits plus étroits, ne peuvent rien
contenir sinon la matière du premier élément ; et C, le même corps à
705
Quatrième Partie. De la Terre.
l’instant percuté, quand certaines de ses particules séparées de lui et
entourées de la
706
Pars Quarta. De Terra.

circa se habentes, in ignis scintillas sunt conuersae.

IV, 85. Quomodo ex lignis siccis.

Si lignum, quantumuis siccum, hoc pacto percutiatur, non idcirco scintillas ita emittet, quia
cum non adeo durum sit, prima eius pars quae corpori percutienti occurrit, flectitur uersus
secundam, eamque attingit, priusquam haec secunda flecti incipiat uersus tertiam. Sicque
globuli secundi elementi non eodem tempore ex multis eorum interuallis, sed successiue
nunc ex uno, nunc ex alio discedunt. Atqui si hoc lignum aliquandiu et satis ualide fricetur,
inaequalis eius particularum agitatio et uibratio, quae oritur ex ista frictione, potest ex
pluribus earum interuallis globulos secundi elementi excutere, simulque ipsas ab inuicem
disiungere, atque ita in ignem mutare.

IV, 86. Quomodo ex collectione radiorum Solis.

Accenditur etiam ignis ope speculi concaui, uel uitri conuexi, multos Solis radios uersus
eundem aliquem locum dirigentis. Quamuis enim istorum radiorum actio globulos secundi
elementi pro subiecto suo habeat, multo tamen concitatior est ordinario eorum motu, et cum
procedat a materia primi elementi, ex qua Sol est conflatus, satis habet celeritatis ad ignem
excitandum, radiique tam multi simul colligi possunt, ut satis etiam habeant uirium, ad
particulas corporum terrestrium eadem ista celeritate agitandas.

IV, 87. Quomodo a solo motu ualde uiolento.

Quippe nihil refert, a qua caussa particulae terrestres celerrime moueri primum incipiant.
Sed quamuis antea fuerint sine motu, si tantum innatent materiae primi elementi, ex hoc
solo protinus celerrimam agitationem acquirunt: eadem ratione qua nauis, nullis funibus
alligata, in aqua torrente esse non potest, quin simul cum ipsa feratur. Et quamuis eae
terrestres particulae nondum primo elemento sic innatent, si tantum a qualibet alia causa
satis celeriter agitentur, hoc ipso se mutuo, et globulos secundi elementi circa se positos, ita
excutient,
707
Quatrième Partie. De la Terre.
seule matière du premier élément, sont transformées en étincelles de feu.

IV, 85. Comment il est provoqué par des bois secs.


Si du bois, aussi sec que l’on voudra, est percuté de cette façon, il n’émettra
pas de même pour cela des étincelles, parce qu’il n’est pas dur au point que
sa première partie, qui fait face au corps percutant, ne soit pas fléchie vers
la seconde et atteigne cette seconde avant qu’elle ne commence à se fléchir
vers la troisième. Et ainsi les globules du second élément ne se séparent pas
au même moment de leurs nombreux intervalles, mais successivement,
maintenant de l’un, maintenant de l’autre. Or si ce bois est frotté assez
vigoureusement un certain temps, l’agitation et la vibration inégales de ses
particules qui naissent de cette friction, peuvent expulser les globules du
second élément d’un grand nombre de ces intervalles, et en même temps
disjoindre ses propres particules les unes des autres, et ainsi les convertir
en feu.

IV, 86. Comment le feu est provoqué par la concentration des rayons du soleil.
Le feu s’allume au moyen d’un miroir concave, ou d’une lentille convexe,
qui dirige un grand nombre de rayons du soleil vers un même certain lieu.
Car bien que l’action de ces rayons ait pour son sujet les globules du second
élément, elle est néanmoins beaucoup plus excitée par leur mouvement
ordinaire, et comme elle procède de la matière du premier élément qui
embrase le soleil, elle a assez de vélocité pour allumer un feu, et les rayons
peuvent être réunis si nombreux ensemble qu’ils ont assez de forces pour
agiter, par cette même vélocité les particules des corps terrestres.

IV, 87. Comment le feu est provoqué par un seul mouvement très violent.
Peu importe, bien sûr, par quelle cause les particules terrestres commencent
à se mouvoir très vite au début. Mais même si elles n’avaient
précédemment aucun mouvement, de cela seul qu’elles flottent dans la
matière du premier élément, elles acquièrent immédiatement une agitation
très vive ; de la même façon qu’un bateau retenu par aucun cordage ne
peut se trouver dans une eau courante, sans être en même temps emportée
par cette eau. Et bien que ces particules terrestres ne flottent pas encore de
cette façon dans le premier élément, si seulement elles sont agitées assez
vélocement par une cause quelconque, par cela même elles se repoussent
les unes les autres et repoussent les globules du second élément posées
autour d’elles, à tel point
708
Pars Quarta. De Terra.

ut statim ei innatare incipiant; et porro ab illo in motu suo conseruabuntur. Quamobrem


omnis motus ualde concitatus sufficit ad ignem excitandum. Et talis in fulmine ac
turbinibus solet reperiri, cum scilicet nubes excelsa, in aliam humiliorem ruens, aërem
interceptum explodit, ut in Meteoris explicui.

IV, 88. Quomodo a diuersorum corporum mistura.

Quanquam sane uix unquam iste solus motus ibi est ignis caussa; nam fere semper aëri
admiscentur exhalationes, quarum talis est natura, ut facile uel in flammam, uel saltem in
corpus lucidum uertantur. Atque hinc ignes fatui circa Terram, et fulgetrae in nubibus, et
stellae traiicientes et cadentes in alto aëre excitantur. Quippe iam dictum est exhalationes
constare particulis tenuissimis, et in multos quasi ramulos diuisis, quibus inuolutae sunt
aliae paullo crassiores, ex succis acribus aut salibus uolatilibus eductae. Notandumque est
hos ramulos solere esse tam minutos et confertos, ut nihil per illorum interstitia, praeter
materiam primi elementi transire possit; inter particulas autem istis ramulis uestitas, esse
quidem alia maiora interualla, quae globulis secundi elementi solent impleri, tuncque
exhalatio non ignescit; sed interdum etiam accidere, ut occupentur a particulis alterius
exhalationis aut spiritus, quae inde secundum elementum expellentes, primo duntaxat
locum relinquunt, eiusque motu protinus abreptae flammam componunt.

IV, 89. In fulmine, in stellis traiicientibus.

Et quidem in fulmine, uel fulgetris, caussa quae plures exhalationes simul compingit,
manifesta est, propter unius nubis in aliam lapsum. In aëre autem tranquillo, una
exhalatione frigore densata et quiescente, facile alia, ex loco calidiore adueniens, aut
particulis ad motum aptioribus constans, aut etiam aliquo leni uento impulsa, in eius poros
impetum facit, atque ex iis secundum elementum expellit; cumque particulae prioris
exhalationis nondum tam arcte simul iunctae sunt, quin hoc aliarum impetu disiungi
possint, hoc ipso in flammam erumpunt: qua ratione stellas traiicientes accendi puto.
709
Quatrième Partie. De la Terre.
qu’elles commencent immédiatement à flotter en lui ; et de plus il les
conservera dans leur mouvement. De la même manière, tout mouvement
très violent suffit à allumer un feu. Et un tel mouvement se trouve
d’habitude dans la foudre et dans les trombes d’air, à savoir quand un
nuage élevé se rue sur un autre plus bas et expulse l’air interposé, comme
j’ai expliqué dans Les Météores.

IV, 88. Comment le feu est provoqué par un mélange de corps divers.
Il est vrai, sainement, que jamais peut-être ce seul mouvement n’a été à cet
endroit, cause d’un feu ; car presque toujours sont mélangées à l’air des
exhalaisons, dont la nature est telle qu’elles se tournent facilement en
flamme ou du moins en corps transparent. Et de là se font les feux follets
autour de la terre, les éclairs dans les nuages, et les étoiles filant et tombant
dans l’air élevé. Il a déjà été dit, en effet, que les exhalaisons sont
constituées de particules très ténues et divisées, pour ainsi dire, en
beaucoup de petites branches enveloppées par d’autres particules un peu
plus grosses emmenées par des sucs acres ou des sels volatiles. Et il faut
noter que ces petites ramifications sont d’habitude si menues et si serrées
que rien ne peut passer par leurs interstices, exceptée la matière du premier
élément ; cependant entre les particules vêtues de ces petites ramifications,
se trouvent certainement d’autres intervalles plus grands qui ont l’habitude
d’être emplis de globules du second élément, et alors l’exhalaison ne
s’enflamme pas ; mais quelques fois aussi, il arrive qu’ils soient occupés par
des particules d’une autre exhalaison, ou d’un autre esprit qui en expulsant
le second élément de là laissent le lieu seulement au premier et composent,
immédiatement emportées par son mouvement, une flamme.

IV, 89. Comment le feu est provoqué dans la foudre, dans les étoiles traversant
le ciel.
Et certainement dans la foudre ou les éclairs, la cause qui joint ensemble un
plus grand nombre d’exhalaisons, est manifeste : à cause d’un nuage qui
tombe sur un autre. Dans l’air tranquille cependant, quand une seule
exhalaison est condensée par le froid et garde le repos, facilement une autre
venant d’un lieu plus chaud, ou constituée de particules plus aptes au
mouvement, ou encore poussée par quelque vent léger, fait impulsion dans
ses pores et en expulse le second élément ; et quand les particules de la
première exhalaison ne sont pas encore jointes ensemble si étroitement
qu’elles ne puissent plus être disjointes par cette impulsion des autres, par
cela même elles éclatent en flamme ; de la même façon je pense sont
enflammées les étoiles traversant le ciel.
710
Pars Quarta. De Terra.

IV, 90. In iis quae lucent et non urunt: ut in stellis cadentibus.

Cum autem exhalationis particulae in corpus tam crassum et uiscidum coaluerunt, ut non ita
disiungantur, lucem duntaxat aliquam emittunt, similem illi quae in lignis putridis, in
piscibus sale conditis, in guttis aquae marinae, et similibus solet apparere. Ex hoc enim
solo, quod globuli secundi elementi a materia primi pellantur, fit lumen, ut ex supra dictis
satis patet. Cumque plurium particularum terrestrium simul iunctarum interualla tam
angusta sunt, ut soli primo elemento locum dent, etsi forte hoc primum elementum non satis
habeat uirium ad ipsas disiungendas, facile tamen habet satis ad globulos secundi elementi
circumiacentes, actione illa quam pro lumine sumendam esse diximus, impellendos. Et tales
puto esse stellas cadentes; saepe enim earum materia humi delapsa, uiscida et tenax esse
deprehenditur: quanquam sane non sit certum, fuisse illam ipsam uiscidam materiam, quae
habuit lucem: potuit enim esse aliqua tenuis flamma ei adhaerens.

IV, 91. In guttis aquae marinae, in lignis putridis, et similibus.

At in guttis aquae marinae, cuius naturam supra explicuimus, facile est uidere quo pacto lux
excitetur: nempe, dum illae earum particulae quae sunt flexiles, sibi mutuo manent
implexae, aliae quae sunt rigidae ac laeues, ui tempestatis, alteriusue cuiuslibet motus, ex
gutta excutiuntur, et spiculorum instar uibratae, facile ex eius uicinia globulos secundi
elementi expellunt, sicque lucem producunt. In lignis autem putridis, et piscibus qui siccari
incipiunt, et talibus, non aliunde lucem oriri puto, quam quod in iis dum sic lucent, multi
sint meatus tam angusti, ut solum primum elementum admittant.

IV, 92. In iis quae incalescunt et non lucent: ut in foeno incluso.

Quod uero alicuius spiritus aut liquoris particulae, meatus corporis duri, uel etiam liquidi,
subeundo, ignem aliquando possint excitare,
711
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 90. Comment le feu est provoqué dans les corps qui brillent et ne brûlent
pas ; comment dans les étoiles qui tombent.
Toutefois quand les particules d’une exhalaison sont liées en un corps si
gras et si visqueux qu’elles ne peuvent pas se disjoindre de cette façon, elles
émettent seulement une certaine lumière semblable à celle qui a l’habitude
d’apparaître dans les bois putrescents, les poissons assaisonnés de sel, dans
les gouttes d’eau de mer, et choses semblables. Car la lumière se fait, de
cela seul que les globules du second élément sont poussé par la matière du
premier, comme il est assez clair de ce qui a été dit ci-dessus. Et quand les
intervalles d’un grand nombre de particules terrestres jointes ensemble,
sont si étroits qu’ils font place au seul premier élément, même si peut-être
ce premier élément n’a pas assez de forces pour les disjoindre en réalité,
néanmoins facilement il en a assez pour pousser les globules du second
élément alentour, par cette action que nous avons dit qu’il faut prendre
pour la lumière. Et telles sont je pense les étoiles qui tombent ; car souvent
leur matière tombée par terre est découverte visqueuse et collante ; bien
qu’il ne soit pas certain, sainement, que ce soit cette matière visqueuse elle-
même qui ait eu la lumière ; car il a pu s’agir de quelque flamme ténue
adhérant à cette matière.

IV, 91. Comment le feu est provoqué dans les gouttes d’eau de mer, dans les
bois putrescents et choses semblables.
Mais dans les gouttes d’eau de mer, dont nous avons expliqué la nature ci-
dessus, il est facile de voir comment la lumière est produite, n’est-ce pas,
pendant que les particules flexibles de ces gouttes restent enlacées les unes
dans les autres, celles qui sont rigides et lisses sont secouées par la force de
la tempête ou de tout autre mouvement que l’on voudra, et frappées
comme par des aiguillons, elles expulsent facilement de leur voisinage les
globules du second élément, et produisent ainsi la lumière. En revanche
dans le bois putrescent et les poissons qui commencent à sécher, et choses
semblables, je pense que la lumière ne naît de nul autre endroit sinon qu’en
eux, pendant qu’ils brillent, se trouvent un grand nombre de méats si
étroits qu’ils n’admettent que le seul premier élément.

IV, 92. Comment le feu est provoqué dans ce qui s’échauffe et n’éclaire pas :
comme dans le foin stocké.
Qu’en vérité les particules d’un certain esprit ou liquide, pénétrant dans
les méats d’un corps dur ou même liquide, peuvent parfois déclarer un
712
Pars Quarta. De Terra.
ostendunt foenum madidum alicubi conclusum, calx aqua aspersa, fermentationes omnes,
liquoresque non pauci Chymicis noti, qui dum inter se permiscentur, incalescunt, ac etiam
aliquando inflammantur. Non enim alia ratio est cur foenum recens, si recondatur antequam
sit siccum, paullatim incalescat, flammamque sponte concipiat, quam quod multi spiritus
uel succi, per herbarum uiridium poros ab earum radicibus uersus summitates fluere assueti,
atque ibi uias ad mensuram suam accommodatas habentes, maneant aliquandiu in herbis
excisis; quae, si interim angusto loco includantur, particulae istorum succorum ex unis
herbis in alias migrantes, multos meatus in ipsis iam siccari incipientibus inueniunt, paullo
angustiores quam ut illos simul cum globulis secundi elementi subire possint; ideoque per
illos fluentes, sola materia primi elementi circumdantur, a qua celerrime impulsae, ignis
agitationem acquirunt. Ita, exempli causa, si spatium quod est inter duo corpora B et C,
repraesentet unum ex meatibus alicuius herbae uirentis, ac funiculi 1, 2, 3, exiguis orbiculis
circumdati, sumantur pro particulis succorum siue spirituum, a globulis secundi elementi
per eiusmodi meatus uehi solitis;
Fig. IV-10.
spatium autem inter
corpora D et E sit alius
meatus angustior
herbae siccescentis,
quem subeuntes
eaedem particulae 1, 2,
3, non amplius
secundum elementum,
sed primum duntaxat
circa se habere possint:
perspicuum est ipsas
inter B et C motum
moderatum secundi
elementi, sed inter D et
E motum celerrimum
primi, sequi debere.
Nec refert, quod
perexigua tantum
quantitas istius primi
elementi circa ipsas
reperiatur. Satis enim
est, quod ipsi totae
innatent:
quemadmodum uidemus nauem secundo flumine delabentem, non minus facile ipsius
cursum sequi, ubi tam angustum est ut eius ripas utrimque fere attingat, quam ubi est
latissimum. Sic autem celeriter motae, multo plus habent uirium ad particulas corporum
circumiacentium concutiendas, quam ipsum primum elementum: ut nauis etiam in pontem
aliumue obicem impingens, fortius illum quatit quam aqua fluminis a quo defertur. Et
idcirco in duriores foeni particulas irruendo, facile ipsas separant ab inuicem, praesertim
cum
713
Quatrième Partie. De la Terre.
714
Pars Quarta. De Terra.
feu, le montrent le foin humide stocké en quelque endroit, la chaux
aspergée d’eau, toutes les fermentations, et de nombreux liquides connus
des chimistes, qui dans le même temps qu’ils se mélangent, s’échauffent et
parfois aussi s’enflamment. Il n'y a pas d’autre raison pourquoi le foin qui
vient d’être fauché, s’il est mis en réserve avant d’être sec, peu à peu
s’échauffe et engendre spontanément des flammes, sinon que de nombreux
esprits ou sucs ont l’habitude d’affluer par les pores des herbes vertes, de
leurs racines vers les cimes, et ayant à cet endroit des chemins adaptés à
leur mesure, elles demeurent quelque temps dans les herbes coupées ; et si
ces herbes sont entre temps enfermées dans un lieu étroit, les particules de
ces sucs migrent d’une herbe dans l’autres, et trouvent dans ces herbes qui
commencent maintenant à sécher, de nombreux méats un peu trop étroits
pour pouvoir supporter avec eux les globules du second élément ; et pour
cette raison, en affluant à travers ces méats, ces sucs s’entourent de la seule
matière du premier élément qui les pousse à très grande vitesse, et en
acquièrent l’agitation du feu. Ainsi par exemple, l’espace entre les deux
corps B et C représente un des méats de quelque herbe verte ; et les brins 1,
2, 3, entourés de petits ronds représentent les particules d’un suc ou d’un
esprit, véhiculées d’habitude à travers ces méats, par les globules du
second élément ; et l’espace entre les corps D et E, un autre méat plus étroit
de l’herbe qui sèche, dans lequel les mêmes particules 1, 2, 3 qui pénètrent
en lui, ne peuvent plus tenir autour d’elles le second élément, mais
seulement le premier ;
Figure IV-10.
Il est clair que ces particules doivent suivre entre B et C le mouvement
modéré du second élément, mais entre D et E le mouvement très rapide du
premier élément. Et il importe peu que se trouve autour de ces particules,
seulement une très faible quantité de ce premier élément. Car il est assez
que toutes flottent en lui en réalité : de la même manière que nous voyons
un navire descendant le cours d’un fleuve, suivre le fleuve pas moins
facilement quand celui-ci est si étroit que ses rives se touchent presque
l’une l’autre, que quand il est très large. Et mues de la sorte extrêmement
vite, elles ont beaucoup plus de forces pour secouer les particules des corps
environnant, que le premier élément lui-même ; comme le navire aussi
frappant un pont ou un autre obstacle, l’ébranle beaucoup plus violemment
que l’eau du fleuve qui le porte. Et pour cela, quand elles se précipitent sur
les particules dures du foin, elles les séparent facilement les unes des
autres, surtout quand
715
Quatrième Partie. De la Terre.
716
Pars Quarta. De Terra.

plures simul a diuersis partibus in eandem ruunt; cumque satis multas hoc pacto disiungunt
secumque abducunt, sit ignis; cum autem concutiunt duntaxat, nondumque habent uim
multas simul ab inuicem disiungendi, lente tantum foenum calefaciunt et corrumpunt.

IV, 93. In calce aqua aspersa, et reliquis.

Eadem ratione credere licet, cum lapis excoquitur in calcem, multos eius meatus, solis antea
globulis secundi elementi peruios, adeo laxari, ut aquae particulas, sed primo tantum
elemento cinctas, admittant. Atque, ut hic omnia simul complectar, quoties aliquod corpus
durum admistione liquoris alicuius incalescit, existimo id ex eo fieri, quod multi eius
meatus sint talis mensurae, ut istius liquoris particulas, sola materia primi elementi cinctas,
admittant. Nec disparem rationem esse puto, cum unus liquor alteri liquori affunditur:
semper enim alteruter constat particulis ramosis, aliquo modo implexis et nexis, atque ita
corporis duri uicem subit: ut de ipsis exhalationibus paullo ante intellectum est.

IV, 94. Quomodo in cauitatibus terrae ignis accendatur.

His autem omnibus modis, non tantum in terrae superficie, sed etiam in eius cauitatibus,
ignis potest accendi. Nam ibi spiritus acres crassarum exhalationum meatus ita possunt
peruadere, ut in iis flammam accendant; et saxorum uel silicum fragmenta, secreto aquarum
lapsu aliisue causis exesa, ex cauitatum fornicibus in substratum solum decidendo, tum
aërem interceptum magna ui possunt explodere, tum etiam silicum collisione ignem
excitare; atque ubi semel unum corpus flammam concepit, facile ipsam etiam aliis uicinis
corporibus, ad eam recipiendam aptis, communicat. Flammae enim particulae, istorum
corporum particulis occurrentes, ipsas mouent et secum abducunt. Sed hoc non tam spectat
ad ignis generationem, quam ad eius conseruationem; de qua deinceps est agendum.
717
Quatrième Partie. De la Terre.
un grand nombre ensemble venues de différents endroits se ruent vers une
même partie ; et quand elles en disjoignent beaucoup de cette façon, et les
emmènent avec elles, se produit le feu ; et quand elles les secouent
seulement et n’ont pas encore la force d’en disjoindre beaucoup les unes
des autres en même temps, elles échauffent seulement le foin et le
pourrissent.

IV, 93. Comment le feu est provoqué dans la chaux aspergée d’eau, et le reste.
De la même façon, il est permis de croire que quand une pierre est cuite en
chaux, beaucoup de ses méats, parcourus avant des seuls globules du
second élément, s’élargissent au point d’admettre des particules d’eau,
mais seulement celles entourées du premier élément. Et pour tout
considérer ici en même temps, j’estime que chaque fois qu’un certain corps
dur s’échauffe par le mélange de quelque liquide, cela se fait de ce que
beaucoup de ses méats ont une dimension telle qu’ils admettent des
particules de ce liquide entourées seulement de la matière du premier
élément. Et je pense que la raison n’est pas différente quand un liquide est
versé sur un autre liquide : car toujours l’un des deux est constitué de
particules ramifiées entrelacées et liées en quelque manière, et fait ainsi
office de corps dur ; comme cela a été compris un peu plus tôt des
exhalaisons.

IV, 94. Comment le feu s’allume dans les cavités de la terre.


Le feu toutefois peut être allumé de toutes ces manières non seulement à la
surface de la terre, mais aussi dans ses cavités. Car là les esprits acres
peuvent parcourir les méats des exhalaisons grasses au point d’y allumer
une flamme ; et les fragments des pierres ou des silex, rongés par
l’écoulement occulte des eaux ou d’autres causes, en tombant des voûtes
des cavités sur le sol étendu au-dessous, peuvent tantôt expulser avec une
grande force l’air interposé, tantôt aussi allumer le feu par la collision des
silex ; et une fois qu’un même corps a produit une flamme, facilement aussi
il communique cette flamme aux autres corps voisins. Car les particules de
la flamme rencontrent les particules de ces corps, les meuvent précisément
et les emmènent avec elles. Mais cela ne regarde pas tant la génération du
feu que sa conservation ; dont il faut traiter dans la suite.
718
Pars Quarta. De Terra.
IV, 95. Quomodo candela ardeat.
Fig. IV-11.
Consideremus, exempli causa, candelam
accensam AB, putemusque in omni spatio CDE,
per quod eius flamma se extendit, multas
quidem uolitare particulas cerae, uel cuiuslibet
alterius materiae oleagineae, ex qua haec
candela conflata est, multosque etiam globulos
secundi elementi, sed tam hos quam illos
materiae primi elementi sic innatare, ut eius
motu rapiantur; et quamuis se mutuo saepe
tangant et impellant, non tamen omni ex parte
suffulciant, quemadmodum solent aliis in locis,
ubi nullus est ignis.
IV, 96. Quomodo ignis in ea conseruetur.
Materia autem primi elementi, quae magna
copia in hac flamma reperitur, semper conatur
egredi ex loco in quo est, quia celerrime
mouetur; et quidem egredi sursum uersus, hoc
est, se remoueat a centro Terrae, quia, ut supra
dictum est, ipsis globulis coelestibus, aëris
meatus occupantibus, est leuior; et tum hi
globuli, tum omnes particulae terrestres aëris
circumiacentis, descendere conantur in eius
locum, ideoque protinus flammam suffocarent,
si solo primo elemento constaret. Sed particulae
terrestres, ab ellychnio FG assidue egredientes,
statim atque primo elemento immersae sunt,
eius cursum sequuntur, et occurrentes iis aëris
particulis, quae paratae erant ad descendendum
in locum flammae, ipsas repellunt, sicque ignem conseruant.
IV, 97. Cur eius flamma fit acuminata, et fumus ex ea egrediatur.
Cum autem hae sursum uersus praecipue tendant, hinc fit, ut flamma soleat esse acuminata.
Et quia multo celerius aguntur quam istae particulae aëris quas sic repellunt, non possunt ab
iis impediri, quominus ulterius pergant uersus H, ubi paullatim agitationem suam deponunt,
sicque uertuntur in fumum.
IV, 98. Quomodo aër et alia corpora flammam alant.
Qui fumus nullum in toto aëre locum reperiret, quia nullibi uacuum est, nisi, prout egreditur
ex flamma, tantundem aëris uersus ipsam circulari motu regrederetur. Nempe,
719
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 95. Comment brûle une bougie.


Figure IV-11.
Considérons par exemple la bougie allumée AB, et pensons que dans tout
l’espace CDE où s’étend cette flamme, voltigent beaucoup de particules de
cire, ou de tout autre matière huileuse que l’on voudra, dont cette bougie
est constituée, et aussi beaucoup de globules du second élément, mais que
tant ces particules que ces globules, flottent dans la matière du premier
élément de telle sorte qu’ils sont emportés par son mouvement ; et bien
qu’ils se touchent et se poussent mutuellement, ils ne se soutiennent
cependant pas de toute part, de la manière qu’ils ont d’habitude en d’autres
lieux où il n'y a pas le feu.

IV, 96. Comment le feu se conserve en cette bougie.


La matière du premier élément qui se trouve en grande quantité dans cette
flamme, s’efforce toujours de sortir du lieu dans lequel elle est, parce
qu'elle se meut à très grande vitesse ; et assurément elle sort vers le haut,
c’est-à-dire s’éloigne du centre de la terre, parce que comme nous l’avons
dit plus haut, elle est plus légère que les globules célestes qui occupent les
méats de l’air ; et tant ces globules que toutes les particules terrestres de
l’air environnant, s’efforceraient de descendre en ce lieu et pour cela
étoufferaient immédiatement la flamme si elle était constituée du seul
premier élément. Mais les particules terrestres qui sortent continuellement
de la mèche FG, aussitôt qu’elles sont plongées dans le premier élément,
suivent sa course, rencontrent ces particules d’air qui sont prêtes à
descendre dans le lieu de la flamme et les repoussent en réalité, et ainsi
conservent le feu.

IV, 97. Pourquoi sa flamme se fait pointue et de celle-ci sort une fumée.
Et comme elles tendent principalement vers le haut, de là se fait que la
flamme a l’habitude d’être pointue. Et parce qu’elles sont agitées beaucoup
plus vivement que ces particules d’air qu’elles repoussent de la sorte, ces
dernières ne peuvent pas les empêcher de continuer plus loin, vers H, où
peu à peu elles perdent leur agitation, et ainsi se tournent en fumée.

IV, 98. Comment l’air et les autres corps alimentent la flamme.


Et cette fumée, parce que nulle part ne se trouve de vide, ne trouverait
aucun lieu dans la totalité de l’air si la même quantité d’air qui sort de la
720
Pars Quarta. De Terra.
flamme ne retournait pas vers cette flamme par un mouvement circulaire.
À savoir,
721
Quatrième Partie. De la Terre.

dum fumus ascendit ad H, pellit inde aërem uersus I et K, qui aër, lambendo summitatem
candelae B ac radices ellychnii F, ad flammam accedit, eique alendae inseruit. Sed ad hoc
non sufficeret, propter partium suarum tenuitatem, nisi multas cerae particulas, calore ignis
agitatas, per ellychnium secum adduceret. Atque ita flamma debet assidue renouari ut
conseruetur, et non magis eadem manet, quam flumen ad quod nouae semper aquae
accedunt.

IV, 99. De motu aëris uersus ignem.

Motum autem circularem aëris et fumi licet experiri, quoties magnus ignis in cubiculo
aliquo excitatur. Si enim cubiculum ita sit clausum, ut praeter tubum camini per quem
fumus exit, unum tantum aliquod foramen sit apertum, sentietur continuo magnus uentus,
per hoc foramen ad focum tendens, in locum fumi abeuntis.

IV, 100. De iis quae ignem exstinguunt.

Atque ex his patet, ad ignis conseruationem duo requiri: primum, ut in eo sint particulae
terrestres, quae, a primo elemento impulsae, uim habeant impediendi, ne ab aëre aliisue
liquoribus supra ipsum positis suffocetur. Loquor tantum de liquoribus supra ignem positis:
quia, cum sola sua grauitate uersus illum ferantur, nullum periculum est, ne ab iis qui infra
ipsum sunt, possit extingui. Sic flamma candelae inuersae obruitur a liquore qui alias eam
conseruat; et contra, ignes alii fieri possunt, in quibus sint particulae terrestres tam solidae,
tam multae, ac tanto cum impetu uibratae, ut ipsam aquam affusam repellant, et ab ea
exstingui non possint.

IV, 101. Quid requiratur, ut aliquod corpus alendo igni aptum sit.

Alterum quod ad ignis conseruationem requiritur, est, ut adhaereat alicui corpori, ex quo
noua materia possit ad illum accedere, in locum fumi abeuntis: ideoque istud corpus debet
in se habere multas particulas satis tenues, pro ratione ignis conseruandi; easque inter se,
uel etiam aliis crassioribus, ita iunctas, ut impulsu particularum illius ignis, cum ab
inuicem, tum etiam a uicinis secundi elementi globulis seiungi possint, sicque in ignem
conuerti.
722
Pars Quarta. De Terra.
pendant que la fumée monte vers H, elle en chasse l’air vers I et K, lequel
air léchant le haut de la bougie B et le bas de la mèche F, rejoint la flamme
et sert à la nourrir. Mais à cause de la petitesse de ses parties, cet air n’y
suffirait pas s’il n’emmenait avec lui le long de la mèche de nombreuses
particules de cire agitées par la chaleur du feu. Et ainsi la flamme doit
continuellement se renouveler pour se conserver, et elle ne subsiste pas
plus elle-même, qu’un fleuve où arrivent toujours de nouvelles eaux.

IV, 99. Du mouvement de l’air vers le feu.


Et il est permis de faire l’expérience du mouvement circulaire de l’air et de
la fumée, chaque fois qu’un grand feu est allumé en quelque chambre. Si la
chambre en effet est close de telle sorte qu’outre le tube de la cheminée par
lequel sort la fumée, est réalisée seulement une seule ouverture, un grand
vent se fera sentir qui tend continûment à travers cette ouverture vers le
foyer, à la place de la fumée qui sort.

IV, 100. De ce qui éteint le feu.


Et de là est évident que deux corps sont requis pour la conservation du
feu ; le premier tel qu’en lui se trouvent des particules terrestres poussées
par le premier élément, qui aient la force d’empêcher que le feu ne soit
étouffé par l’air ou les autres liquides déposés juste au-dessus de lui ; je dis,
les liquides seulement déposés juste au-dessus du feu, parce que comme
ces liquides sont portés vers lui par leur seule gravité, il n'y a aucun risque
qu’il puisse être éteint en réalité par ceux qui sont au-dessous de lui. Ainsi
la flamme d’une bougie retournée, est détruite par le liquide qui autrement
la conserve ; et à l’inverse peuvent se faire d’autres feux dans lesquels les
particules terrestres sont si solides, si nombreuses, et ébranlées avec une si
forte impulsion qu’elles repoussent l’eau versée par-dessus précisément, et
ces feux ne peuvent pas être éteints par l’eau.

IV, 101. Qu’est-il requis pour qu’un certain corps soit apte à nourrir le feu.
Le deuxième corps requis à la conservation du feu est tel, qu’il adhère à un
certain corps d’où une nouvelle matière puisse atteindre le feu à la place de
la fumée qui s’en va ; et pour cela ce corps doit avoir en lui de nombreuses
particules suffisamment ténues, en accord avec la conservation du feu, et
celles-ci jointes entre elles, ou jointes encore à d’autres plus grosses, de telle
sorte que par l’impulsion des particules de ce feu, non seulement elles
puissent se séparer les unes des autres mais surtout se séparer des globules
proches du second élément, et ainsi se convertir en feu.
723
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 102. Cur flamma ex spiritu uini linteum non urat.

Dico particulas istius corporis esse debere satis tenues, pro ratione ignis conseruandi; nam,
exempli causa, si uini spiritus linteo aspersus flammam conceperit, depascet quidem haec
flamma tenuissima totum istum uini spiritum, sed linteum, quod alius ignis facile
combureret, non attinget: quoniam eius particulae non sunt satis tenues, ut ab ea moueri
possint.

IV, 103. Cur spiritus uini facillime ardeat.

Et quidem spiritus uini facillime alit flammam, quia non constat, nisi particulis ualde
tenuibus, et quia in iis ramuli quidam sunt, tam breues quidem et flexiles, ut sibi mutuo non
adhaereant: tunc enim spiritus in oleum uerteretur; sed tales ut multa perexigua spatia circa
se relinquant, quae non a globulis secundi elementi, sed a sola materia primi possint
occupari.

IV, 104. Cur aqua difficillime.

Contra autem aqua uidetur igni ualde aduersa, quia particulis constat non modo
crassiusculis, sed etiam laeuibus et glabris: quo fit, ut nihil obstet, quominus globuli
secundi elementi undique illas cingant et sequantur; atque insuper flexilibus, quo fit, ut
facile subeat meatus corporum quae uruntur, et ex iis ignis particulas arcendo, impediat ne
aliae ignescant.

IV, 105. Cur uis magnorum ignium ab aqua aut salibus iniectis augeatur.

Sed tamen nonnulla corpora talia sunt, ut aquae particulae eorum meatibus immissae ignem
iuuent; quia inde cum impetu resilientes, ipsae ignescunt. Ideo fabri carbones fossiles aqua
aspergunt. Et aquae parua copia, ingentibus flammis iniecta, ipsas auget. Quod etiam salia
potentius praestant: cum enim eorum particulae rigidae sint et oblongae, spiculorum instar
in flamma uibrantur, et in alia corpora impingentes magnam uim habent ad ipsorum
minutias concutiendas: unde fit, ut metallis liquefaciendis soleant adiungi.
724
Pars Quarta. De Terra.

IV, 102. Pourquoi la flamme d’esprit de vin ne brûle pas le linge.


Je dis que les particules de ce corps doivent être suffisamment ténues, en
rapport avec la conservation du feu ; car si par exemple l’esprit de vin jeté
sur du linge engendre une flamme, cette flamme très ténue dévorera
assurément cet esprit de vin mais ne touchera pas le linge, qu’un autre feu
brûlerait facilement, puisque les particules de ce linge ne sont pas assez
ténues pour pouvoir être mises en mouvement par cette flamme.

IV, 103. Pourquoi l’esprit de vin brûle très facilement.


Et assurément l’esprit de vin nourrit très facilement la flamme, parce qu'il
est seulement constitué de particules très ténues et parce que dans ces
dernières se trouvent des ramifications certainement si courtes et si
flexibles qu’elles ne se lient pas facilement les unes aux autres, l’esprit en
effet se tournerait alors en huile, mais elles sont telles qu’elles laissent
autour d’elles de nombreux espaces exigus qui ne peuvent pas être occupés
par les globules du second élément mais ne peuvent l’être que par la seule
matière du premier.

IV, 104. Pourquoi l’eau brûle très difficilement.


En revanche l’eau semble très adverse au feu, parce qu’elle est constituée
de particules non seulement relativement grosses mais aussi, lisses, et sans
ramifications, d’où se fait que rien ne fait obstacle à ce que les globules du
second élément les entoure de toute part et les suivent ; de plus elles sont
flexibles, d’où se fait qu’elle pénètre facilement les méats des corps qui
brûlent, et en tenant éloignées leurs particules du feu, empêche que les
autres s’enflamment.

IV, 105. Pourquoi la force des grands feus est augmentée par l’eau ou les sels
déversés.
Mais pourtant quelques corps sont tels que les particules d’eau introduites
dans leurs méats aident le feu ; parce qu’en rejaillissant de là avec élan,
elles-mêmes s’enflamment. Pour cela les ouvriers aspergent d’eau les
charbons tirés de la terre. Et une petite quantité d’eau versée sur des
flammes immenses, en réalité les augmente. Ce que produisent plus
puissamment encore les sels : car, comme leurs particules sont rigides et
oblongues, elles vibrent dans la flamme comme des dards et en frappant
d’autres corps ont une grande force pour ébranler leurs poussières mêmes ;
d’où se fait qu’ils ont l’habitude d’être ajoutés aux métaux en fusion.
725
Quatrième Partie. De la Terre.
726
Pars Quarta. De Terra.

IV, 106. Qualia sint corpora quae facile uruntur.

Illa autem quae alendo igni communiter adhibentur, ut ligna et similia, constant uariis
particulis, quarum quaedam sunt tenuissimae, aliae paullo crassiores, et gradatim aliae
crassiores, et pleraeque sunt ramosae, magnique meatus ipsas interiacent: quo fit ut ignis
particulae, meatus istos ingressae, primo quidem tenuissimas, ac deinde etiam mediocres, et
earum ope crassiores celerrime commoueant; sicque globulos coelestes, primo ex
angustioribus interuallis, ac deinde etiam ex reliquis excutiant; ipsasque omnes (solis
crassissimis exceptis, ex quibus cineres fiunt) secum abripiant.

IV, 107. Cur quaedam inflammentur, alia non.

Et cum eiusmodi particulae, quae ex corpore, quod uritur, simul egrediuntur, sunt tam
multae ut uim habeant globulos coelestes ex aliquo aëris uicini spatio expellendi, spatium
illud flamma implent. Si uero sint pauciores, fit ignis sine flamma, qui uel paulatim per
fomitis sui meatus serpit, cum materiam quam possit depascere, ibi nanciscitur: ut in istis
funibus siue ellychniis quorum usus est in bello ad tormentorum puluerem incendendum.

IV, 108. Cur ignis aliquandiu in prunis se conseruet.

Vel certe, si nullam talem materiam circa se habet, non conseruatur, nisi quatenus inclusus
poris corporis cui inhaeret, tempore aliquo eget ad omnes eius particulas ita dissoluendas,
ut se ab iis possit liberare. Hocque uidere est in carbonibus accensis, qui cineribus tecti, per
multas horas ignem retinent, propter hoc solum, quod ille ignis insit quibusdam particulis
tenuibus et ramosis, quae aliis crassioribus implicatae, quamuis celerrime agitentur, non
tamen nisi unae post alias egredi possunt; ac forte priusquam ita egrediantur, longo motu
deteri, et singulae in plures alias diuidi debent.

IV, 109. De puluere tormentario ex sulphure, nitro et carbone confecto; ac primo de


sulphure.

Nihil uero celerius ignem concipit, nec minus diu illum conseruat, quam puluis
tormentarius, ex sulphure, nitro,
727
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 106. Quels sont les corps qui brûlent facilement.


Ces corps cependant qui sont communément employés pour nourrir le feu,
comme le bois et autres, sont constitués de particules variées dont certaines
sont très ténues, d’autres un peu plus grosses, d’autres graduellement plus
grosses et un très grand nombre sont ramifiées ; de grands méats infiltrent
ces particules, d’où se fait que les particules du feu entrées dans ces méats
mettent en mouvement très rapide, certainement d’abord les particules les
plus ténues, puis les moyennes et par leur moyen les plus grosses, et
chassent ainsi les globules célestes, d’abord des intervalles les plus étroits,
puis aussi des autres ; et elles emmènent en réalité avec elles toutes ces
particules (excepté les plus grosses qui font les cendres).

IV, 107. Pourquoi certaines s’enflamment, d’autres non.


Et quand les particules de ce genre qui sortent ensemble d’un corps qui
brûle, sont si nombreuses qu’elles ont la force d’expulser en quelque espace
de l’air voisin les globules célestes, elles remplissent cet espace par la
flamme. En vérité si elles sont moins nombreuses, le feu se fait sans
flamme, et même celui-ci s’inflitre peu à peu par les méats des brindilles
qui le nourrissent, quand il rencontre à cet endroit une matière qui peut
l’alimenter ; comme dans ces ficelles ou encore ces mèches dont on fait
usage à la guerre pour mettre le feu à la poudre des canons.

IV, 108. Pourquoi le feu se conserve quelques temps dans les braises.
Ou bien, certainement s’il n’a aucune telle matière autour de lui, il ne se
conserve qu’en tant qu’il est reclus dans les pores du corps auquel il est lié,
le temps dont il a besoin pour désagréger toutes ses particules afin de
pouvoir s’en libérer. Et cela est à voir dans les charbons brûlés qui, couverts
de cendres, conservent le feu de nombreuses heures, à cause de cela seul
que ce feu est à l’intérieur de certaines particules ténues et ramifiées qui
entrelacées avec d’autres plus grosses, bien qu’elles soient agitées très
vivement, ne peuvent sortir pourtant que l’une après l’autre ; et peut-être,
avant de sortir ainsi, doivent être usées par de longs frottements et chacune
être divisée en plusieurs autres.

IV, 109. De la poudre à canon confectionnée avec du soufre, du salpêtre et du


charbon ; et d’abord du soufre.
En vérité rien ne prend plus vite feu, ni ne le conserve moins longtemps
que la poudre à canon confectionnée avec du soufre, du salpêtre et du
728
Pars Quarta. De Terra.
et carbone confectus. Quippe uel solum sulphur quam-maxime inflammabile est, quia
constat particulis succorum acrium, quae tam tenuibus et spissis materiae oleagineae
ramulis sunt inuolutae, ut permulti meatus inter istos ramulos soli primo elemento pateant.
Unde fit, ut etiam ad usum medicinae sulphur calidissimum censeatur.
IV, 110. De nitro.
Nitrum autem constat particulis oblongis et rigidis, sed in hoc a sale communi diuersis,
quod in una extremitate sint crassiores, quam in alia: ut uel ex eo patet, quod aqua solutum,
non ut sal commune, figura quadrata in eius superficie concrescat, sed uasis fundo et
lateribus adhaereat.
IV, 111. De sulphuris et nitri coniunctione.
Et quantum ad magnitudinem particularum, putandum est talem esse inter illas
proportionem, ut eae succorum acrium, quae sunt in sulphure, a primo elemento commotae,
facillime globulos secundi ex interuallis ramulorum materiae oleagineae excutiant,
simulque nitri particulas, quae ipsis sunt crassiores, exagitent.
IV, 112. De motu particularum nitri.
Fig. IV-12.

Atque hae nitri particulae, qua parte sunt crassiores, grauitate sua deorsum tendunt,
earumque ideo praecipuus motus est in parte acutiore, quae sursum erecta, ut in B, agitur in
gyrum, primo exiguum, ut in C; sed qui (nisi quid impediat) statim fit maior, ut in D; cum
interim sulphuris particulae, celerrime uersus omnes partes latae, ad alias nitri particulas
breuissimo tempore perueniunt.
IV, 113. Cur flamma huius pulueris ualde dilatetur, et praecipue agat uersus superiora.
Et quoniam harum nitri particularum singulae multum spatii exigunt, ad circulos sui motus
describendos, hinc sit, ut huius pulueris flamma plurimum dilatetur; et quia circulos istos
describunt ea cuspide, quae sursum uersus erecta est, hinc tota eius uis tendit ad superiora;
et cum ualde siccus et subtilis est, innoxie in manu potest accendi.
729
Quatrième Partie. De la Terre.
charbon. Certainement seul le soufre est inflammable au plus haut point
parce qu'il est constitué de particules de sucs acres qui sont si ténues et
enveloppées de ramifications de matière huileuse si drues que beaucoup de
méats entre ces ramifications ne s’ouvrent qu’au seul premier élément.
D’où se fait aussi que le soufre à l’usage de la médecine, est estimé être très
chaud.

IV, 110. Du salpêtre.


Le salpêtre en revanche est constitué de particules oblongues et rigides
mais différentes du sel commun en ce qu’elles sont plus grosses à une
extrémité qu’à l’autre ; quand cela même est visible de ce que, dissout dans
l’eau, il ne s’agrège pas à sa surface en figure carrée 39, comme le sel
commun, mais adhère au fond et aux côtés du récipient.

IV, 111. De la liaison du soufre et du salpêtre.


Et, quant à la grandeur des particules, il faut penser que la proportion entre
elles est telle que celles des sucs acres qui se trouvent dans le soufre, mues
par le premier élément, chassent très facilement les globules du second
élément des interstices des ramifications de la matière huileuse, et en même
temps agitent les particules du salpêtre qui sont plus grosses, qu’elles-
mêmes ne sont.

IV, 112. Du mouvement des particules du salpêtre.


Figure IV-12.
Et ces particules de salpêtre, tendent vers le bas par leur gravité, par la
partie où elles sont plus grosses, et pour cela leur mouvement principal est
dans la partie la plus pointue, qui érigée vers le haut comme en B, tourne
en rond, d’abord un petit rond, comme en C, mais qui aussitôt (à moins
d’être empêché par quelque chose) se fait plus grand, comme en D ; quand
entre temps les particules de soufre parviennent aux autres particules du
salpêtre, portées à très grande vitesse vers toutes les parties.

IV, 113. Pourquoi la flamme de cette poudre se dilate violemment et tend


principalement vers le haut.
Et puisque chacune de ces particules de salpêtre demande beaucoup
d’espace pour décrire les cercles de leur mouvement, de là est que la
flamme de cette poudre se dilate énormément ; et parce qu'elles décrivent
ces cercles par leur pointe qui est érigée vers le haut, de là toute leur force
730
Pars Quarta. De Terra.
tend vers le haut, et quand le salpêtre est très sec et très fin il peut être
allumé dans la main sans dommage.

IV, 114. De carbone.

Sulphuri autem et nitro carbo admiscetur, atque ex hac mistura, humore aliquo aspersa,
granula siue pilulae fiunt, quae deinde exsiccantur. Quippe in carbone multi sunt meatus:
tum quia plurimi antea fuerunt in corporibus, quorum ustione factus est, tum etiam quia,
cum corpora ista urebantur, multum fumi ex iis euolauit. Et duo particularum genera
duntaxat in eo reperiuntur: unum est crassiuscularum, quae, cum solae sunt, cineres
componunt; aliud tenuiorum, quae facile quidem ignescunt, quia iam ante ignis ui fuerunt
commotae, sed longis et multiplicibus ramis implexae, non sine aliqua ui disiungi possunt:
ut patet ex eo, quod aliis in fumum praecedente ustione abeuntibus, ipsae ultimae
remanserunt.

IV, 115. De granis huius pulueris, et in quo praecipua ipsius uis consistat.

Itaque facile sulphur et nitrum latos carbonis meatus ingrediuntur, et ramosis eius particulis
inuoluuntur atque constringuntur; praesertim cum humore aliquo madefacta, et in grana, uel
exiguas pilulas, compacta, postea siccantur. Huiusque rei usus est, ad efficiendum ut nitri
particulae, non tantum unae post alias, sed multae simul uno et eodem temporis momento
incendantur. Etenim cum primum ignis aliunde admotus grani alicuius superficiem tangit,
non statim illud inflammat et dissoluit, sed tempore quodam illi opus est, ut ab ista grani
superficie ad interiores eius partes perueniat; ibique sulphure prius incenso, paullatim etiam
nitri particulas exagitet, ut tandem ipsae uiribus assumtis, et maius spatium ad gyros suos
describendos exigentes, carbonis uincula discerpant, totumque granum confringant. Et
quamuis hoc tempus sit admodum breue, si ad horas aut dies referatur, notandum tamen
esse satis longum, si comparetur cum summa illa celeritate, qua granum ita dissiliens
flammam suam per totum aërem uicinum spargit. Nam cum, exempli causa, in bellico
tormento, pauca quaedam pulueris grana, ellychnii, alteriusue fomitis igne contacta, prima
omnium accenduntur, flamma ex iis erumpens, in minimo temporis momento, per omnia
granorum circumiacentium interualla dispergitur; ac deinde, quamuis non tam subito ad
interiores ipsorum partes possit penetrare, quia tamen eodem tempore multa attingit, efficit
ut multa simul incendantur et dilatentur,
731
Quatrième Partie. De la Terre.
732
Pars Quarta. De Terra.

IV, 114. Du charbon.


Toutefois quand du charbon40 est mélangé à du soufre et du salpêtre et que
quelque liquide est aspergé sur ce mélange, se font des granules, autrement
dit des pilules qui sont ensuite séchées. Certainement il y a dans le charbon
de nombreux méats, soit parce qu’il y en avait beaucoup auparavant dans
les corps d’où il a été produit par combustion, soit aussi parce que, quand
ces corps se consumaient, beaucoup de fumée s’en échappait. Et s’y
trouvent deux genres de particules seulement ; l’un, des particules
relativement grosses qui, quand elles sont seules, composent les cendres ;
l’autre, des particules plus ténues qui certainement brûlent facilement
parce qu’elles ont déjà auparavant été excitées par la force du feu, mais
entrelacées à des ramifications longues et multiples, ne peuvent pas se
disjoindre sans quelque force ; comme il est évident de ce qu’elles sont
restées les dernières, les autres étant parties en fumée lors de la précédente
combustion.

IV, 115. Des grains de cette poudre ; et en quoi consiste sa principale force.
C’est pourquoi le soufre et le salpêtre pénètrent facilement les larges méats
du charbon, et sont enveloppés et enserrés par ses particules ramifiées,
surtout quand le tout, arrosé par quelque liquide, est ensuite séché et
compacté en grains ou en petites pilules. L’utilité de cette chose est de faire
que les particules de salpêtre s’enflamment, non pas les unes après les
autres, mais nombreuses ensemble et au même moment. En effet, quand le
feu venu au début de quelque part, touche la surface de quelque grain, il ne
l’enflamme pas et ne le détruit pas aussitôt, mais a besoin d’un certain
temps pour parvenir depuis la surface de ce grain à ses parties intérieures ;
et là, le soufre étant enflammé en premier, peu à peu le feu agite aussi les
particules de salpêtre, de sorte qu’à la fin celles-ci mêmes, qui ont pris des
forces et qui exigent un espace plus grand pour décrire leurs ronds,
déchirent les liens du charbon et détruisent le grain tout entier. Et même si
ce temps, rapporté à des heures ou des jours, est tout à fait bref, il faut
néanmoins noter qu’il est assez long comparé à la très grande vitesse avec
laquelle le grain, en se brisant ainsi, disperse sa flamme à travers tout l’air
voisin. Quand par exemple dans une arme à feu, quelques rares grains de
poudre, touchés par la flamme de la mèche ou une autre étincelle, prennent
feu en premier, la flamme qui en surgit se disperse en un temps
extrêmement bref par tous les intervalles des grains alentour ; et ensuite,
même si elle ne peut pas pénétrer aussi vite à l’intérieur de leurs parties,
733
Quatrième Partie. De la Terre.
néanmoins parce qu’elle en touche beaucoup en même temps, elle fait que
beaucoup de grains sont enflammés
734
Pars Quarta. De Terra.

sicque magna ui tormentum explodant. Ita carbonis resistentia ualde auget celeritatem, qua
nitri particulae in flammam erumpunt; et granorum distinctio necessaria est, ut satis magnos
circa se habeant meatus, per quos flamma pulueris primum accensi ad multas pulueris
residui partes libere accedat.

IV, 116. De lucernis diutissime ardentibus.

Post illum ignem, qui omnium minime durabilis est, consideremus an dari possit aliquis
alius, qui e contra sine ullo alimento diutissime perseueret: ut narratur de lucernis
quibusdam, quae aliquando in hypogaeis, ubi mortuorum corpora seruabantur, post multos
annos inuentae sunt accensae. Nempe in loco subterraneo et arctissime clauso, ubi nullis uel
minimis uentis aër unquam commouebatur, potuit fortasse contingere, ut multae ramosae
fuliginis particulae circa flammam lucernae colligerentur, quae sibi mutuo incumbentes
manerent immotae, atque ita exiguum quasi fornicem componentes, sufficerent ad
impediendum, ne aër circumiacens istam flammam obrueret ac suffocaret; nec non etiam ad
eiusdem flammae uim sic frangendam et obtundendam, ut nullas amplius olei uel ellychnii
particulas, si quae adhuc residuae erant, posset inflammare. Quo fiebat, ut materia primi
elementi, sola ibi remanens, et tanquam in exigua quadam stella celerrime semper gyrans,
undique a se repelleret globulos secundi, quibus solis, inter particulas circumpositae
fuliginis, transitus adhuc patebat, sicque lumen per totum conditorium diffunderet: exiguum
quidem et subobscurum, sed quod externi aëris motu, cum locus aperiretur, facile uires
posset resumere, ac fuligine discussa lucernam ardentem exhibere.

IV, 117. De reliquis ignis effectibus.

Nunc ueniamus ad eos ignis effectus, qui nondum ex modis quibus oritur et conseruatur,
potuerunt agnosci. Quippe iam ex dictis patet, quomodo luceat, quomodo calefaciat,
quomodo corpora omnia, quibus alitur, in multas particulas dissoluat; nec non etiam,
quomodo ex istis corporibus primo loco maxime tenues et lubricae, deinde aliae non
quidem forte prioribus crassiores, sed magis ramosae atque implexae particulae egrediantur,
eae scilicet quae, caminorum parietibus adhaerentes,
735
Quatrième Partie. De la Terre.
et dilatés en même temps, et ainsi poussent avec une grande force le
projectile. Ainsi la résistance du charbon augmente grandement la vitesse
avec laquelle les particules de salpêtre éclatent en flamme ; et la distinction
des grains est nécessaire pour qu’ils aient autour d’eux des méats assez
grands par lesquels la flamme de poudre allumée en premier, puisse aller
librement vers les nombreuses parties de la poudre restante.

IV, 116. Des lampes qui brûlent très longtemps.


Après ce feu qui dure le moins longtemps de tous, considérons s’il peut
s’en trouver quelque autre qui au contraire persévère très longtemps sans
être alimenté ; comme il est rapporté de certaines lampes qui sont parfois
retrouvées allumées après de nombreuses années dans les hypogées où
sont conservés les corps des morts. Dans un lieu souterrain, n’est-ce pas, et
hermétiquement clos, où ne pénètre jamais aucun souffle d’air serait-ce le
plus infime, il peut se faire, à l’occasion, que de nombreuses particules
ramifiées de suie se collectent autour de la flamme d’une lampe, s’empilent
les unes sur les autres, s’immobilisent, et composent ainsi comme une
coque qui est suffisante pour empêcher l’air alentour de se ruer sur cette
flamme et de l’étouffer ; suffisante certainement aussi pour affaiblir et
briser la force de cette même flamme de sorte qu’elle ne puisse plus
enflammer davantage aucune autre particule, d’huile, ou de la mèche, s’il
en est encore de résiduelles. D’où se fait que la matière du premier élément
qui seule reste à cet endroit et tourne en rond à très grande vitesse, comme
dans une petite étoile, repousse d’elle de tous côtés les globules du second
élément auxquels seuls est encore ouvert un chemin entre les particules de
suie disposées alentour, et ainsi répand une lumière à travers tout le
caveau, faible certes et sépulcrale, mais qui, par le mouvement d’air
extérieur quand le lieu s’ouvre, peut facilement reprendre des forces et, une
fois la suie disparue, faire voir une lampe allumée.

IV, 117. Des autres effets du feu.


Venons-en maintenant à ces effets du feu qui n’ont pas pu encore être
reconnus de la manière dont il naît et se conserve. Bien sûr de ce qui a déjà
été dit, est maintenant évident, comment il brille, comment il réchauffe,
comment il disperse les nombreuses particules de tous les corps dont il
s’alimente ; assurément aussi comment de ces corps sortent leurs particules,
d’abord les plus ténues et les plus mobiles puis d’autres certes peut-être
pas plus grosses, mais plus ramifiées et plus entrelacées, à savoir celles qui
736
Pars Quarta. De Terra.

fuliginem componunt; solaeque omnium crassissimae in cineres remaneant. Sed superest ut


breuiter ostendamus, quo pacto eiusdem ignis ui, quaedam ex corporibus quibus non alitur,
liquescunt et bulliunt, alia siccantur et durescunt, alia exhalantur, alia in calcem, alia in
uitrum conuertuntur.

IV, 118. Quaenam corpora illi admota liquescant et bulliant.

Corpora omnia dura, conflata ex particulis, quae non multo difficilius unae quam aliae a
uicinis suis separantur, et aliqua ignis ui possunt disiungi, dum istam uim patiuntur,
liquescunt. Nihil enim aliud est liquidum esse, quam constare particulis a se mutuo
disiunctis, et quae in aliquo sint motu. Cumque tantus est istarum particularum motus, ut
quaedam ex ipsis in aërem uel ignem uertantur, sicque solito plus spatii ad motum suum
exigentes, alias expellant, corpora ista liquida efferuescunt et bulliunt.

IV, 119. Quaenam siccentur et durescant.

Corpora autem quibus insunt multae particulae tenues, flexiles, lubricae, aliis crassioribus
aut ramosis intertextae, sed non ualde firmiter annexae, igni admota illas exhalant, hocque
ipso siccantur. Nihil enim aliud est siccum esse, quam carere fluidis illis particulis, quae,
cum simul sunt congregatae, aquam aliumue liquorem componunt. Atque hae fluidae
particulae, durorum corporum meatibus inclusae, illos dilatant, aliasque ipsorum particulas
motu suo concutiunt: quod eorum duritiem tollit, uel saltem imminuit; sed iis exhalatis,
aliae quae remanent, arctius iungi et firmius necti solent, sicque corpora durescunt.

IV, 120. De aquis ardentibus, insipidis, acidis.

Et quidem particulae, quae sic exhalantur, in uaria genera distinguuntur. Nam primo, ut eas
omittam quae sunt adeo mobiles et tenues, ut solae nullum corpus praeter aërem conflare
possint, post ipsas omnium tenuissimae, quaeque facillime exhalantur, sunt illae quae
Chymicorum uasis undique accurate clausis exceptae, ac simul collectae, componunt aquas
ardentes, siue spiritus,.
737
Quatrième Partie. De la Terre.
adhérent aux parois des cheminées et composent la suie ; et seules les plus
grosses de toutes restent dans les cendres. Mais il nous reste à montrer
rapidement de quelle façon par la force de ce même feu, certains des corps
dont il ne s’alimente pas, se liquéfient et bouillent, d’autres sèchent et
durcissent, d’autres s’évaporent, d’autres sont transformés en chaux et
d’autres en verre.

IV, 118. Quels corps, à sa proximité, fondent et bouillent.


Tous les corps durs formés par assemblage de particules, dont les unes ne
se séparent pas plus difficilement de leurs voisines que les autres, et qui
peuvent être disjointes par quelque force du feu, dans le temps même où
elles subissent cette force, se liquéfient. Être liquide en effet n’est rien
d’autre sinon être constitué de particules par elles-mêmes disjointes les
unes des autres, et en certain mouvement. Et quand le mouvement de ces
particules est si grand que certaines parmi elles se changent en air ou en
feu, et exigent ainsi un espace plus grand pour leur mouvement, elles
expulsent les autres, et ces corps liquides bouillonnent et bouillent.

IV, 119. Lesquels sèchent et durcissent.


Les corps toutefois, dans lesquels se trouvent beaucoup de particules
ténues, flexibles, glissantes, et intriquées à d’autres plus grosses ou
ramifiées mais non liées à elles très fermement, exhalent lorsqu’ils sont
approchés du feu ces particules et par cela même sèchent. Être sec en effet
n’est rien d’autre sinon que manquer de ces particules fluides qui quand
elles sont regroupées ensemble composent l’eau ou un autre liquide. Et ces
particules fluides encloses dans les méats des corps durs les dilatent et
ébranlent en réalité leurs autres particules par leur mouvement ; et cela
supprime leur dureté ou du moins la diminue ; mais celles-ci évaporées, les
autres qui restent ont l’habitude de se joindre plus étroitement et de se lier
plus fermement, et ainsi les corps durcissent.

IV, 120. Des eaux vives, insipides et acides.


Et assurément les particules qui s’évaporent ainsi se distinguent en
différents types. Car en premier, pour laisser de côté celles qui sont
tellement mobiles et ténues qu’elles ne peuvent seules s’assembler en
aucun corps à part l’air, après elles les plus ténues de toutes qui
s’évaporent très facilement, sont celles que les chimistes soutirent et
collectent en même temps dans des vases soigneusement fermés de toute
part, et qui composent les eaux vives
738
Pars Quarta. De Terra.
739
Quatrième Partie. De la Terre.

quales ex uino, tritico, aliisque multis corporibus elici solent Sequuntur deinde aquae dulces
siue insipidae, quales sunt eae quae ex plantis aliisue corporibus destillantur. Tertio loco
sunt aquae erodentes et acidae, siue succi acres; qui ex salibus non sine magna ignis ui
educuntur.

IV, 121. De sublimatis et oleis.

Quaedam etiam particulae crassiores, quales sunt eae argenti uiui, et salium, quae, uasorum
summitati adhaerentes, in corpora dura concrescunt, satis magna ui opus habent, ut in
sublime attollantur. Sed olea omnium difficillime ex duris et siccis corporibus exhalantur;
idque non tam ignis ui, quam arte quadam perfici debet. Cum enim eorum particulae tenues
sint et ramosae, magna uis eas frangeret atque discerperet, priusquam ex istorum corporum
meatibus educi possent. Sed iis affunditur aqua copiosa, cuius particulae laeues et lubricae,
meatus istos peruadentes, paullatim illas integras eliciunt ac secum abripiunt.

IV, 122. Quod mutato ignis gradu mutetur eius effectus.

Atque in his omnibus ignis gradus est obseruandus: eo enim uariato, semper aliquo modo
effectus uariatur. Ita multa corpora, lento primum igni, ac deinde gradatim fortiori, admota,
siccantur, et uarias particulas exhalant: quales non emitterent, sed potius tota liquescerent,
si ab initio ualidis ignibus torquerentur.

IV, 123. De calce.

Modus etiam ignem applicandi, uariat eius effectum. Sic quaedam, si tota simul incalescant,
liquefiunt; sed si ualida flamma ipsorum superficiem lambat, illam in calcem conuertit.
Quippe corpora omnia dura, quae sola ignis actione in puluerem minutissimum reducuntur,
fractis scilicet uel expulsis tenuioribus quibusdam eorum particulis, quae reliquas simul
iungebant, uulgo apud Chymicos dicuntur in calcem uerti. Nec alia inter cineres et calcem
differentia est, quam quod cineres sint reliquiae eorum corporum, quorum magna pars igne
consumta est, calx uero sit eorum, quae fere tota post absolutam ustionem manent.
740
Pars Quarta. De Terra.
autrement dit les esprits, tels ils ont l’habitude d’être distillés à partir du
vin, du froment et de nombreux autres corps. Suivent ensuite les eaux
douces, autrement dit insipides, telles celles qui sont distillées à partir des
plantes ou d’autres corps. En troisième lieu sont les eaux érosives et acides
autrement dit les sucs acres, qui sont extraits des sels non sans une grande
force du feu.

IV, 121. Des sublimés et des huiles.


Certaines particules plus grosses encore, telles sont celles de l’argent vif et
des sels qui adhérent au sommet des vases et qui s’accroissent en corps
durs, ont besoin d’une force assez grande pour s’élever en sublimé. Mais
les corps huileux s’évaporent, depuis les corps durs et secs, le plus
difficilement de tous, et cela doit s’accomplir non tant par la force du feu
que par le savoir-faire. Comme en effet leurs particules sont ténues et
ramifiées, une grande force les briserait et les morcellerait, avant qu’elles ne
puissent être extraites des méats de ces corps. Mais on verse sur ces corps
une eau abondante, dont les particules lisses et glissantes parcourent leurs
méats et extraient peu à peu les particules huileuses intègres, et les
emportent avec elles.

IV, 122. Ce qui est changé de l’effet du feu, quand est changé son degré.
Et en tout cela il faut observer le degré du feu : car celui-ci changé, toujours
en quelque manière est changé son effet. Ainsi de nombreux corps
approchés d’un feu d’abord bas, puis progressivement plus fort, sèchent et
exhalent des particules variées ; et ces particules, si elles étaient mises à
l’épreuve dès le début à des feux vigoureux, ne s’évaporeraient pas, mais
seraient plutôt liquéfiées.

IV, 123. De la chaux.


La manière aussi d’appliquer le feu, change son effet. Ainsi certains corps,
s’ils sont chauffés en totalité ensemble, se liquéfient, mais si la flamme lèche
leur surface, elle la transforme en chaux. Certainement tous les corps durs
qui sont réduits en poudre très menue par la seule action du feu, à savoir
que certaines de leurs particules assez ténues qui joignaient ensemble les
autres, sont brisées ou expulsées, sont dits communément chez les
chimistes convertis en chaux. Et il n'y a pas d’autre différence entres les
cendres et la chaux sinon que les cendres sont les restes de ces corps dont la
plus grande part a été consumée, mais la chaux, de ceux qui subsistent
presqu’en totalité après la combustion.
741
Quatrième Partie. De la Terre.
IV, 124. De uitro, quomodo fiat.
Ultimus ignis effectus, est calcis et cinerum in uitrum conuersio. Postquam enim ex
corporibus, quae uruntur, tenuiores omnes particulae euulsae ac reiectae sunt, caeterae,
quae pro calce uel cineribus manent, tam solidae sunt et crassae, ut ignis ui sursum attolli
non possint; figurasque habent ut plurimum irregulares et angulosas: unde sit, ut unae aliis
incumbentes, sibi mutuo non adhaereant, nec etiam, nisi forte in minutissimis quibusdam
punctis, se contingant. Cum autem postea ualidus et diuturnus ignis pergit in illas uim suam
exercere, hoc est, cum tenuiores particulae tertii elementi, una cum globulis secundi a
materia primi abreptae, celerrime circa ipsas in omnes partes moueri pergunt, paullatim
earum anguli atteruntur, et superficies laeuigantur, et forte etiam nonnullae ex ipsis
inflectuntur, sicque unae super alias repentes et fluentes, non punctis duntaxat, sed exiguis
quibusdam superficiebus se contingunt, et hoc pacto simul connexae uitrum componunt.
IV, 125. Quomodo eius particulae simul iungantur.
Quippe notandum est, cum duo corpora, quorum superficies aliquam latitudinem habent,
sibi mutuo secundum lineam rectam occurrunt, ipsa non posse tam prope ad inuicem
accedere, quin spatium aliquod intercedat, quod a globulis secundi elementi occupetur; cum
autem unum supra aliud oblique ducitur uel repit, ea multo arctius iungi posse.
Fig. IV-13.

Nam, exempli causa, si corpora B et C sibi inuicem occurrant secundum lineam AD,
globuli coelestes, eorum superficiebus intercepti, contactum immediatum impediunt. Si
autem corpus G hinc inde moueatur supra corpus H, secundum lineam rectam EF, nihil
impediet quominus immediate ipsum tangat: saltem si utriusque superficies sint laeues et
planae; si autem sint rudes et inaequales, paullatim hoc ipso motu laeuigantur et
explanantur. Itaque putandum est, calcis et cinerum particulas ab inuicem disiunctas, hic
exhiberi per corpora B et C; particulas autem uitri simul iunctas, per corpora G et H. Atque
ex hac sola diuersitate,
742
Pars Quarta. De Terra.

IV, 124. Du verre ; comment il se fait.


Le dernier effet du feu est la transformation de la chaux et des cendres en
verre. Après en effet que, depuis les corps qui ont brûlé, ont été arrachées et
rejetées toutes les particules les plus ténues, les autres qui restent en tant
que chaux ou cendres, sont si solides et si grosses qu’elles ne peuvent pas
être élevées vers le haut par la force du feu ; et elles ont des figures le plus
souvent comme irrégulières et anguleuses, d’où se fait que se couchant les
unes sur les autres, elles n’adhèrent pas entre elles, ni non plus ne se
touchent, sinon peut-être en certains points extrêmement réduits. Et quand
par la suite un feu intense et prolongé continue d’exercer sa force sur elles,
c’est-à-dire, quand les particules plus ténues du troisième élément,
ensemble avec les globules du second emportés par la matière du premier,
continuent de se mouvoir de toute part à très grande vitesse précisément
autour d’elles, peu à peu leurs angles s’usent, leurs surfaces se polissent et
peut-être même certaines parmi elles se fléchissent, et ainsi, glissant et
coulant les unes sur les autres, non seulement elles se touchent en certains
points mais aussi en certaines petites surfaces, et composent, liées ensemble
de cette façon, du verre.

IV, 125. Comment ses particules se joignent ensemble.


Il faut certainement noter que quand deux corps dont les surfaces ont
quelque largeur, se rencontrent l’un l’autre selon une ligne droite, ces deux
corps ne peuvent pas s’approcher si près l’un vers l’autre, qu’entre eux ne
s’intercale quelque espace occupé par les globules du second élément ;
cependant quand l’un traîne, ou glisse, obliquement sur l’autre, ils peuvent
se joindre beaucoup plus étroitement.
Figure IV-13.
Car si les corps B et C, par exemple, se rencontrent l’un l’autre selon la ligne
droite AD, les globules célestes intercalés entre leurs surfaces, empêchent
un contact immédiat. Si de là toutefois, le corps G se meut sur le corps H
selon la ligne droite EF, rien n’empêchera qu’il le touche précisément
immédiatement, du moins si les surfaces de l’un et l’autre sont lisses et
planes ; en revanche si elles sont grossières et inégales, peu à peu par ce
même mouvement, elles se polissent et s’aplatissent. C’est pourquoi il faut
penser que les particules de chaux et de cendres, disjointes les unes des
autres, sont ici représentées par les corps B et C, et les particules de verre
jointes ensemble, par les corps G et H. Et par cette seule différence, dont il
743
Quatrième Partie. De la Terre.
744
Pars Quarta. De Terra.

quam perspicuum est in illas, per uehementem et diuturnam ignis actionem, debere induci,
omnes uitri proprietates acquirunt.

IV, 126. Cur sit liquidum cum candet, omnesque figuras facile induat.

Vitrum enim, cum adhuc candet, liquidum est, quia eius particulae facile mouentur illa
ignis ui, qua iam ante fuerunt laeuigatae atque inflexae. Cum uero incipit refrigerari,
quaslibet figuras potest induere. Hocque omnibus corporibus igne liquefactis est commune;
dum enim adhuc liquida sunt, ipsorum particulae non aegre se accommodant ad quaslibet
figuras, et cum postea frigore concrescunt, easdem retinent, quas ultimo induerunt. Potest
etiam in fila capillorum instar tenuia extendi, quia eius particulae, iam concrescere
incipientes, facilius unae supra alias fluunt quam ab inuicem disiungantur.

IV, 127. Cur, cum frigidum est, sit ualde durum.

Cum deinde uitrum plane refriguit, est ualde durum, sed simul etiam ualde fragile, atque eo
fragilius quo citius refriguit. Nempe duritiei caussa est, quod constet tantum particulis satis
crassis et inflexilibus, quae non ramulorum intextu, sed immediato contactu sibi inuicem
adhaerent. Alia enim pleraque corpora ideo mollia sunt, quod eorum particulae sint flexiles,
uel certe desinant in ramulos quosdam flexiles, qui sibi mutuo annexi eas iungunt. Nulla
autem duorum corporum firmior adhaesio esse potest, quam ea quae oritur ex ipsorum
immediato contactu; cum scilicet ita se inuicem tangunt, ut neutrum sit in motu ad se ab
alio seiungendum; quod accidit uitri particulis, statim atque ab igne remotae sunt: quia
earum crassities, et contiguitas, et figurae inaequalitas impediunt, ne possint ab aëre
circumiacente in eo motu, quo ab inuicem disiungebantur, conseruari.

IV, 128. Cur ualde fragile.

At nihilominus uitrum est ualde fragile, quia superficies secundum quas eius particulae se
inuicem tangunt, sunt admodum exiguae ac paucae.
745
Quatrième Partie. De la Terre.
est clair qu’elle doit être induite en ces particules par l’action véhémente et
prolongée du feu, elles acquièrent toutes les propriétés du verre.

IV, 126. Pourquoi il est liquide quand il est embrasé et revêt facilement toutes
les figures.
Le verre en effet, quand il est encore embrasé est liquide, parce que ses
particules se meuvent facilement par cette force du feu qui déjà auparavant
les avait polies et fléchies. Mais quand il commence à se refroidir, il peut
revêtir n’importe quelle figure. Et cela est commun à tous les feux liquéfiés
par le feu : car pendant qu’ils sont encore liquides, leurs particules
s’accommodent sans peine à quelque figure que l’on voudra, et quand
ensuite elles durcissent par le froid, elles retiennent cette même figure
qu’elles ont revêtue en dernier. Cette figure peut même être étendue en fils
fins comme des cheveux, parce que ses particules qui commencent
maintenant à durcir, coulent plus facilement l’une sur l’autre qu’elles ne se
disjoignent l’une de l’autre.

IV, 127. Pourquoi il est très dur quand il fait froid.


Quand ensuite le verre est complétement refroidi il est très dur et en même
temps très cassant et d’autant plus cassant qu’il se refroidit plus vite. La
cause de la dureté, n’est-ce pas, est qu’il est constitué seulement de
particules assez grosses et inflexibles qui s’agrègent les unes aux autres,
non par entrelacement de leurs ramifications, mais par contact immédiat.
La plupart des autres corps pour cela sont mous, parce que leurs particules
sont flexibles, ou, certainement, se terminent en quelques ramifications
flexibles qui se lient les unes aux autres et les unissent. Aucune adhésion
toutefois ne peut être plus solide entre deux corps, que celle qui naît de leur
contact immédiat ; à savoir quand ils se touchent l’un l’autre à tel point que
ni l’un ni l’autre n’est en mouvement pour se séparer lui-même de l’autre ;
ce qui arrive aux particules du verre aussitôt qu’elles sont écartées du feu,
parce que leur grosseur, leur contiguïté et l’inégalité de leur figure
empêchent qu’elles puissent être maintenues, par l’air environnant, dans ce
mouvement qui les séparaient les unes des autres.

IV, 128. Pourquoi il est très cassant.


Et néanmoins le verre est très cassant parce que les surfaces selon lesquelles
ses particules se touchent les unes les autres sont tout à fait exiguës et peu
746
Pars Quarta. De Terra.

Multaque alia corpora molliora difficilius franguntur, quia eorum partes ita sunt intertextae,
ut separari non possint, quin ipsarum multi ramuli rumpantur et euellantur.

IV, 129. Cur eius fragilitas minuatur, si lente refrigeretur.

Est etiam fragilius cum celeriter, quam cum lente, refriguit; eius enim meatus sunt satis laxi
dum candet, quia tunc multa materia primi elementi, simul cum globulis secundi, ac etiam
forte cum nonnullis ex tenuioribus tertii particulis, per illos transit. Cum autem refrigeratur
sponte, redduntur angustiores; quia soli globuli secundi elementi, per ipsos transeuntes,
minus spatii requirunt; atque si refrigeratio nimis celeriter fiat, uitrum prius est durum,
quam eius meatus ita potuerint arctari: quo fit, ut globuli isti semper postea impetum faciant
ad eius particulas ab inuicem disiungendas; cumque hae particulae solo contactu suo
iunctae sint, non potest una tantillum ab alia separari, quin statim aliae plures, ei uicinae
secundum eam superficiem in qua ista separatio fieri coepit, etiam separentur, atque ita
uitrum plane frangatur. Quam ob caussam, qui uitrea uasa conficiunt, ea gradatim ex
fornacibus remouent, ut lente refrigerentur. Atque si uitrum frigidum igni apponatur, ita ut
in una parte multo magis quam in aliis uicinis calefiat, hoc ipso in illa parte frangetur: quia
non possunt eius meatus calore dilatari, meatibus uicinarum partium immutatis, quin illa ab
istis disiungatur. Sed si uitrum lento primum igni, ac deinde gradatim uehementiori
admoueatur, et secundum omnes partes aequaliter incalescat, non frangetur: quia omnes
eius meatus aequaliter et eodem tempore laxabuntur.

IV, 130. Cur sit pellucidum.

Praeterea uitrum est pellucidum, quia, dum generatur, liquidum est, et materia ignis,
undique circa eius particulas fluens, innumeros ibi meatus sibi excauat, per quos postea
globuli secundi elementi libere transeuntes, actionem luminis in omnes partes secundum
lineas rectas transferre possunt. Neque enim ad hoc necesse est, ut sint accurate recti, sed
tantum
747
Quatrième Partie. De la Terre.
nombreuses. Et beaucoup d’autres corps plus mous se brisent très
difficilement parce que leurs parties sont tellement entremêlées qu’elles ne
peuvent être séparées sans que leurs nombreuses ramifications ne soient
rompues et arrachées.

IV, 129. Pourquoi il devient moins cassant s’il est refroidi lentement.
Il est aussi plus cassant quand il refroidit vite que quand il refroidit
lentement ; car quand il est incandescent, ses méats sont assez larges, parce
qu’ils sont alors parcourus par beaucoup de matière du premier élément
avec en même temps des globules du second et peut-être aussi quelques
particules plus ténues du troisième. Néanmoins quand il se refroidit
spontanément, ses méats sont rendus plus étroits, parce que seuls transitent
par ces méats les globules du second élément qui requièrent justement
moins d’espace ; et si le refroidissement se fait trop vite le verre durcit
avant que ses méats ne puissent se resserrer de la sorte ; d’où se fait que par
la suite ces globules donnent toujours une impulsion pour séparer ses
particules les unes des autres ; et comme ces particules sont jointes par leur
seul contact, l’une ne peut pas être un tant soit peu séparée de l’autre,
qu’aussitôt un grand nombre d’autres, à son voisinage, ne se séparent
suivant cette surface où a commencé à se faire cette séparation, et ainsi le
verre se brise complétement. Pour cette raison ceux qui fabriquent des
vases en verre, les retirent lentement des fours pour qu’ils refroidissent
lentement. Et si du verre froid est mis au feu de telle sorte qu’il chauffe
beaucoup plus dans une partie que dans les autres voisines, par cela même
il se brise dans cette partie ; parce que ses méats ne peuvent pas se dilater à
la chaleur, quand les méats des parties voisines restent inchangés, sans que
cette partie ne se sépare des autres. Mais si le verre est mis d’abord à un feu
bas, puis graduellement plus véhément, et brûle pareillement selon toutes
les parties, il ne se brisera pas, parce que tous ses méats se dilateront
pareillement et dans le même temps.

IV, 130. Pourquoi il est transparent.


En outre le verre est transparent parce qu’il est liquide pendant qu’il est
généré, et que la matière du feu coulant partout autour de ses particules,
s’y creuse d’innombrables méats à travers lesquels, par la suite, les globules
du second élément transitent librement et peuvent transporter ainsi de
toutes parts, selon des lignes droites, l’action de la lumière. Et il n’est pas
nécessaire en effet qu’elles soient parfaitement droites mais seulement
qu’elles ne
748
Pars Quarta. De Terra.
749
Quatrième Partie. De la Terre.

ut nullibi sint interrupti: adeo ut si, exempli causa, fingamus uitrum constare particulis
accurate sphaericis et aequalibus, sed tam crassis, ut globuli secundi elementi transire
possint per spatium illud triangulare, quod inter tres se mutuo tangentes manere debet,
uitrum illud erit plane pellucidum, quamuis sit multo solidius omni eo, quod nunc habetur.

IV, 131. Quomodo fiat coloratum.

Cum autem materiae ex qua fit uitrum, metalla uel alia corpora permiscentur, quorum
particulae magis igni resistunt, et non tam facile laeuigantur, quam aliae quae ipsum
componunt: hoc ipso fit minus pellucidum, et uarios induit colores, prout istae duriores
particulae meatus eius magis, aut minus, et uariis modis, intercludunt.

IV, 132. Cur sit rigidum instar arcus; et generaliter, cur rigida, cum inflexa sunt, sponte
redeant ad priorem figuram.

Denique uitrum est rigidum: ita scilicet, ut nonnihil quidem a ui externa flecti possit absque
fractura, sed postea cum impetu resiliat, arcus instar, et redeat ad priorem figuram: ut
euidenter apparet, cum in fila ualde tenuia ductum est. Atque proprietas hoc pacto
resiliendi, generaliter habet locum in omnibus corporibus duris, quorum particulae
immediato contactu, non ramulorum intextu, sunt coniunctae. Cum enim innumeros
habeant meatus, per quos aliqua semper materia mouetur, quia nullibi uacuum est, et
quorum figurae aptae sunt ad liberum isti materiae transitum praebendum, quia eius ope
antea formati fuerunt, talia corpora nullo modo flecti possunt, quin istorum meatuum figura
nonnihil uarietur: quo fit, ut particulae materiae, per illos transire assuetae, uias ibi solito
minus commodas inuenientes, impetum faciant in eorum parietes, ad priorem figuram ipsis
reddendam. Nempe si, exempli causa, in arcu laxo, meatus, per quos transire solent globuli
secundi elementi, sint circulares, putandum est eosdem, in arcu intenso siue inflexo, esse
ellipticos, et globulos, per ipsos transire laborantes, impingere in eorum parietes secundum
minores diametros istarum ellipsium, sicque uim habere illis figuram
750
Pars Quarta. De Terra.
s’interrompent nulle part ; si bien que si nous nous figurons par exemple
un verre être constitué de particules parfaitement sphériques et égales,
mais si grosses que les globules du second élément puissent transiter par
cet espace triangulaire qui doit demeurer entre trois particules se touchant
réciproquement, ce verre sera absolument transparent, même s’il est
beaucoup plus solide que tout ce qui est tenu maintenant.

IV, 131. Comment il se fait coloré.


Pourtant quand sont mélangés, à la matière d’où est fait le verre, des
métaux au d’autres corps dont les particules résistent plus au feu et ne se
lissent pas aussi facilement que celles qui composent le verre même, par
cela même il se fait moins transparent et revêt diverses couleurs selon que
ces particules plus dures bouchent plus ou moins, et de manières variées,
ses méats.

IV, 132. Pourquoi il est rigide comme un arc ; et généralement, pourquoi les
verres qui sont rigides, reviennent spontanément à leur première figure quand
ils sont fléchis.
Le verre enfin est rigide : de telle sorte évidemment qu’il peut certainement
être quelque peu fléchi par une force extérieure mais après il rebondit en
arrière avec force, comme un arc, et revient à la première figure ; comme il
apparaît avec évidence quand il est étiré en fils très fins. Et la propriété de
rebondir en arrière de cette façon, a généralement lieu dans tous les corps
durs dont les particules sont jointes par contact immédiat, et non par
entrelacement de leurs ramifications. Comme ils ont en effet
d’innombrables méats par lesquels peut toujours se mouvoir une certaine
matière, parce que nulle part il n'y a le vide, et que les figures de ces méats
sont aptes à offrir un passage à cette matière parce que c’est par son moyen
qu’ils ont été formés précédemment, de tels corps ne peuvent en aucune
manière être fléchis, sans que la figure de ces méats ne soit quelque peu
changée ; d’où se fait que les particules de matière accoutumées à transiter
par eux, trouvant à cet endroit des chemins moins commodes que
d’habitude, font impulsion contre leurs parois, pour leur rendre
précisément leur première figure. À savoir si par exemple dans un arc
relâché, les méats par lesquels ont l’habitude de transiter les globules du
second élément, sont circulaires, il faut penser que ces mêmes méats dans
un arc bandé autrement dit fléchi, sont elliptiques, et que les globules
transitant en réalité avec peine par ces méats, frappent leurs parois selon les
plus petits diamètres de ces ellipses et ont ainsi la force de
751
Quatrième Partie. De la Terre.
752
Pars Quarta. De Terra.

circularem restituendi. Et quamuis ista uis in singulis globulis secundi elementi exigua sit,
quia tamen assidue quamplurimi per eiusdem arcus quamplurimos poros meare conantur,
illorum omnium uires simul iunctae, atque in hoc conspirantes, ut arcum reducant, satis
magnae esse possunt. Arcus autem diu intentus, praesertim si sit ex ligno aliaue materia non
admodum dura, uim resiliendi paullatim amittit: quia eius meatum figurae, longo attritu
particularum materiae per ipsos transeuntis, sensim ad earum mensuram magis et magis
aptantur.

IV, 133. De magnete. Repetitio eorum ex ante dictis, quae ad eius explicationem
requiruntur.

Hactenus naturas aëris, aquae, terrae, et ignis, quae huius globi, quem incolimus, elementa
uulgo censentur, simulque praecipuas eorum uires et qualitates explicare conatus sum;
sequitur nunc, ut etiam agam de magnete. Cum enim eius uis per totum hunc Terrae
globum sit diffusa, non dubium est, quin ad generalem eius considerationem pertineat. Iam
itaque reuocemus nobis in memoriam, particulas illas striatas primi elementi, quae supra in
tertiae partis articulo 87, et sequentibus, satis accurate descriptae sunt. Atque id omne, quod
ibi ab articulo 105 ad 109 de sidere I dictum est, de Terra hic intelligentes, putemus esse
multos meatus in media eius regione, axi parallelos, per quos particulae striatae, ab uno
polo uenientes, libere ad alium pergant, eosque ad illarum mensuram ita esse excauatos, ut
ii qui recipiunt particulas striatas a polo Australi uenientes, nullo modo possint recipere
alias quae ueniunt a polo Boreali; nec contra, qui recipiunt Boreales, Australes admittant:
quia scilicet in modum cochlearum intortae sunt, unae in unam partem, aliae in oppositam.
Ac praeterea etiam easdem particulas per unam tantum partem istorum meatuum ingredi
posse, non autem regredi per aduersam, propter tenuissimas quasdam ramulorum
extremitates in spiris istorum meatuum inflexas uersus eam partem, secundum quam
progredi solent, et ita in aduersam partem assurgentes, ut ipsarum regressum impediant.
Unde fit, ut postquam istae particulae striatae per totam mediam Terram, secundum lineas
rectas, uel rectis aequipollentes,
753
Quatrième Partie. De la Terre.
leur rendre une figure circulaire. Et bien que cette force soit, en un globule
singulier du second élément, infime, néanmoins parce que le plus grand
nombre possible de globules s’efforcent continuellement de passer par le
plus grand nombre possible de méats de ce même arc, les forces jointes
ensemble de tous les globules qui conspirent pour ramener l’arc, peuvent
être assez grandes. En revanche un arc tendu longtemps, surtout s’il est en
bois, ou en une autre matière pas tout à fait dure, perd peu à peu sa force
de résilience, parce que les figures de ses méats, par le long frottement de la
matière des particules transitant à travers ces méats mêmes, s’adaptent
insensiblement de mieux en mieux aux mensurations des particules
mêmes.

IV, 133. De l’aimant. Répétition de ce qui a déjà été dit, qui est requis à son
explication.
Jusqu’ici je me suis efforcé d’expliquer la nature de l’air, de l’eau, de la terre
et du feu qui sont les éléments de ce globe recensés par le commun, que
nous cultivons, et en même temps leurs principales forces et qualités ; suit
maintenant que je vais traiter aussi de l’aimant. Comme en effet la force de
l’aimant est diffuse en tout ce globe de la terre, il n’est aucun doute qu’elle
appartient à la considération générale de la terre. Rappelons-nous donc
maintenant ces particules cannelées du premier élément, décrites avec
assez de soin plus haut dans la Troisième Partie, article 87 et suivants. Et,
tout ce qui a été dit sur l’astre I, de l’article 105 à l’article 109 ; en
comprenant cela ici sur terre, nous penserons que dans sa région moyenne
se trouvent un grand nombre de méats, parallèles à son axe, par lesquels les
particules cannelées venant d’un pôle continuent librement vers l’autre
pôle, et que ces méats sont creusés aux mensuration de ces particules
cannelées, de telle sorte que ceux qui reçoivent celles venant du pôle
Austral, en aucune manière ne peuvent recevoir les autres qui viennent du
pôle Boréal ; et inversement ceux qui reçoivent les Boréales n’admettent pas
les Australes, parce que, évidemment, elles sont torsadées à la manière de
limaçons, les unes dans un sens, les autres dans le sens opposé.
Et en outre aussi ces mêmes particules peuvent seulement entrer par une
même partie de ces méats, cependant elles ne peuvent pas revenir par la
partie opposée, à cause dans les spires de ces méats, de certaines extrémités
ramifiées très ténues, fléchies selon cette partie selon laquelle les particules
cannelées ont l’habitude d’avancer, qui empêchent ainsi en se redressant
vers la partie opposée, le retour en arrière des particules cannelées. D’où se
fait que, après que ces particules cannelées ont transité d’un même
754
Pars Quarta. De Terra.
755
Quatrième Partie. De la Terre.

eius axi parallelas, ab uno hemisphaerio ad aliud transiuerunt, ipsae per aetherem
circumfusum reuertantur ad illud idem hemisphaerium, per quod prius Terram ingressae
sunt, atque ita rursus illam permeantes, quendam ibi quasi uorticem componant.

IV, 134. Nullos in aëre nec in aqua esse meatus recipiendis particulis striatis idoneos.

Et quoniam ex illo aethere, per quem particulas striatas ab uno polo ad alium reuerti
dixeramus, quatuor diuersa corpora genita esse posse ostendimus: nempe Terrae crustam
interiorem siue metallicam, aquam, terram exteriorem, et aërem; notauimusque, articulo
113 tertiae partis, nulla, nisi in crassioribus istius aetheris particulis, meatuum ad mensuram
particularum striatarum efformatorum uestigia manere potuisse: aduertendum est hoc in
loco, istas omnes crassiores particulas ad interiorem Terrae crustam initio confluxisse,
nullasque in aqua nec in aëre esse posse: tum quia nullae ibi particulae satis crassae; tum
etiam quia, cum ista corpora fluida sint, ipsorum particulae assidue situm mutant, et
proinde, si qui olim in iis fuissent tales meatus, cum certum et determinatum situm
requirant, iamdudum ista mutatione corrupti essent.

IV, 135. Nullos etiam esse in ullis corporibus terrae exterioris praeterquam in ferro.

Ac praeterea, cum supra dictum sit, Terrae crustam interiorem constare partim ramosis
particulis sibi mutuo annexis, partim aliis quae per ramosarum interualla hinc inde
mouentur, isti etiam meatus in his mobilioribus esse non possunt, propter rationem mox
allatam, sed in ramosis duntaxat. Et quantum ad terram exteriorem, nulli quidem etiam in ea
tales meatus initio fuerunt, quoniam inter aquam et aërem formata est: sed cum postea uaria
metalla ex terra interiore ad hanc exteriorem ascenderint, quamuis ea omnia, quae ex
mobilioribus et solidioribus illius particulis conflata sunt, eiusmodi meatus habere non
debeant, certe illud quod ex ramosis et crassis, sed non adeo solidis particulis constat, non
potest iis esse destitutum. Et ualde rationi consentaneum est, ut credamus ferrum tale esse.
756
Pars Quarta. De Terra.
hémisphère vers l’autre, à travers toute la partie centrale de la terre, selon
des lignes droites parallèles à son axe ou équivalentes à des droites, elles
retournent en réalité par l’éther alentour vers ce même hémisphère par
lequel elles sont précédemment entrées sur terre et ainsi la traversent une
nouvelle fois et composent à cet endroit comme un tourbillon.

IV, 134. Il n'y a aucun méat dans l’air ni dans l’eau susceptible de recevoir les
particules cannelées.
Et après que de cet éther, à travers lequel nous avons que dit les particules
cannelées reviennent d’un pôle à l’autre, nous avons montré pouvoir se
générer quatre corps différents, n’est-ce pas, la croûte interne autrement dit
métallique de la terre, l’eau, la terre extérieure, et l’air ; et que nous avons
noté à l’article 113 de la troisième partie que ne pouvait rester aucun
vestige des méats formés à la taille des particules cannelées, sinon dans les
particules assez grosses de cet éther ; il faut remarquer à cet endroit que
toutes ces particules assez grosses ont conflué au commencement vers la
croûte intérieure de la terre, et qu’aucune ne peut se trouver dans l’eau ni
dans l’air, tant parce qu’il n’y a là aucune particule assez grosse, tant aussi
parce que, comme ces corps sont fluides, leurs propres particules changent
continuellement de site et par conséquent si s’étaient trouvés autrefois en
eux de tels méats, comme ces derniers requièrent un site précis et
déterminé, ces sites seraient depuis longtemps anéantis par ce changement.

IV, 135. Il ne s’en trouve aucun non plus dans aucun corps de la terre
extérieure, excepté dans le fer.
Et en outre, comme il a été dit ci-dessus, la croûte intérieure de la terre est
constituée en partie par des particules ramifiées qui se lient les unes aux
autres, en partie par d’autres qui se meuvent de ci de là à travers les
intervalles des ramifiées, ces méats aussi, pour la raison bientôt apportée,
ne peuvent pas se trouver dans ces particules assez mobiles, mais
seulement dans les ramifiées. Et quant à la terre extérieure, assurément
aucun méat non plus ne se trouve en elle du commencement, puisque elle
s’est formée entre l’eau et l’air ; mais comme ensuite des métaux variés sont
montés de la terre intérieure vers l’extérieure, même si tout ce qui de celle-
là a été formé par assemblage des particules assez mobiles, et solides, n’a
pas dû avoir des méats de ce type, certainement ne peut en être privé ce qui
est constitué de particules ramifiées et grosses, mais non pour cela solides.
Et consent largement à la raison que nous estimions être vrai que tel est le
fer.
757
Quatrième Partie. De la Terre.
758
Pars Quarta. De Terra.

IV, 136. Cur tales meatus sint in ferro.

Nullum enim aliud metallum tam difficulter malleo flectitur, uel igne liquescit, nec ullum
etiam adeo durum sine alterius corporis mistura reddi potest: quae tria indicio sunt, eius
ramenta magis ramosa siue angulosa esse, quam caeterorum, et ideo sibi inuicem firmius
annecti. Nec obstat quod nonnullae eius glebae satis facile prima uice igni liquescant; tunc
enim earum ramenta, nondum sibi mutuo annexa, sed una ab aliis disiuncta sunt, et ideo
caloris ui facile agitantur. Praeterea, quamuis ferrum sit aliis metallis durius et minus fusile,
est tamen etiam unum ex minime ponderosis, et facile rubigine corrumpitur, aut aquis
fortibus eroditur: quae omnia indicio sunt, eius particulas non esse aliorum metallorum
particulis solidiores, ut sunt crassiores, sed multos in iis meatus contineri.

IV, 137. Qua ratione etiam sint in singulis eius ramentis.

Nolo tamen hic affirmare, in singulis ferri ramentis esse integra foramina, in modum
cochlearum intorta, per quae transeant particulae striatae; ut etiam nolo negare, quin talia
multa in ipsis reperiantur: sed hic sufficiet, si putemus istiusmodi foraminum medietates in
singulorum ramentorum superficiebus ita esse insculptas, ut, cum istae superficies apte
iunguntur, foramina integra componant. Et facile credi potest, crassiores illas ramosas et
foraminosas interioris terrae particulas, ex quibus fit ferrum, ui spirituum siue succorum
acrium, illam permeantium, ita fuisse diuisas, ut dimidiata ista foramina, in superficiebus
ramentorum quae ab ipsis separabantur, remanerent; atque haec ramenta postea per uenas
terrae exterioris, tum ab istis spiritibus, tum etiam ab exhalationibus et uaporibus protrusa,
paullatim in fodinas ascendisse.

IV, 138. Quomodo isti meatus apti reddantur, ad particulas striatas ab utrauis parte
uenientes, admittendas.

Notandumque est ipsa sic ascendendo, non semper in easdem partes conuerti posse, quia
sunt angulosa, et diuersas inaequalitates in terrae uenis offendunt; atque cum particulae
striatae, quae a terra interiore cum impetu uenientes,
759
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 136. Pourquoi de tels méats se trouvent dans le fer.


Nul autre métal en effet ne se fléchit au marteau ou ne se liquéfie au feu,
aussi difficilement, et nul autre encore ne peut être rendu aussi dur, sans le
mélange d’un autre corps ; et ces trois caractéristiques sont un indice que
ses limailles sont plus ramifiées autrement dit plus anguleuses que celles
des autres métaux, et pour cela s’attachent plus fermement les unes aux
autres. Et ne fait pas obstacle, que beaucoup de ses minerais se liquéfient la
première fois assez facilement au feu ; car alors, leurs limailles ne sont pas
encore attachées entre elles, mais sont disjointes les unes des autres et sont
pour cela facilement agitées par la force de la chaleur. En outre, bien que le
fer soit plus dur que les autres métaux et moins fusible, il est toutefois aussi
l’un des moins lourds, se corrompt facilement en rouille et se dissout par
les eaux fortes ; et tout cela est un indice que ses particules ne sont pas plus
solides que celles des autres métaux, comme aussi qu’elles sont plus
grosses, mais qu’elles contiennent en elles de nombreux de méats.

IV, 137. Pour quelle raison il y en a dans chacune de ses ramifications.


Néanmoins je ne veux pas affirmer ici qu’il y a dans une singulière limaille
de fer des conduits complets spiralés, à la manière des limaçons, par
lesquels transitent les particules cannelées ; comme aussi je ne veux pas
nier que s’en trouvent beaucoup de tels en réalité ; mais il nous suffira ici
de penser que des moitiés de conduits de ce type sont sculptées à la surface
d’une singulière limaille de telle sorte que quand ces surfaces sont jointes
de façon appropriée, elles composent des conduits complets. Et l’on peut
facilement estimer être vrai que ces particules ramifiées de la terre
intérieure, assez grosses et poreuses, dont se fait le fer, ont été divisées en la
traversant par la force des esprits, autrement dit la force des sucs acres, de
telle sorte que les moitiés de ces conduits persistent sur les surfaces des
limailles, séparées par ces sucs ; et par la suite ces limailles sont peu à peu
montées dans les mines, le long des veines de la terre extérieure, tantôt
chassées par ces esprits, tantôt aussi par des exhalaisons et des vapeurs.

IV, 138. Comment ces méats sont rendus aptes à admettre les particules
cannelées venant de l’une et l’autre partie.
Et il faut noter que ces limailles remontant de la sorte, ne peuvent pas
toujours se tourner entièrement vers les mêmes parties, parce qu’elles sont
anguleuses et rencontrent diverses inégalités dans les veines de la terre ; et
quand les particules cannelées qui, en venant avec impétuosité de la terre
760
Pars Quarta. De Terra.
761
Quatrième Partie. De la Terre.

per totam exteriorem sibi uias quaerunt, istorum ramentorum meatus ita sitos inueniunt, ut,
ad motum suum secundum lineas rectas continuandum, per illa eorum orificia, per quae
prius egredi consueuerant, ingredi conentur, ipsas ibi occurrere perexiguis istis ramulorum
extremitatibus, quas inter meatuum spiras eminere, ac regressuris particulis striatis
assurgere, supra dictum est; hasque ramulorum extremitates initio quidem illis resistere, sed
ab ipsis saepe saepius impulsas, successu temporis omnes in contrariam partem flecti, aut
etiam nonnullas frangi; cumque postea isti meatus, ramentorum quibus insunt situ mutato,
alia sua orificia particulis striatis obuertunt, has rursus occurrere extremitatibus ramulorum
in meatibus assurgentium, ipsasque paullatim in aliam partem inflectere, et quo saepius
atque diutius hoc iteratur, eo ramulorum istorum in utramque partem inflexionem
faciliorem euadere.

IV, 139. Quae sit natura magnetis.

Et quidem ea ramenta, quae saepe hoc pacto per exterioris terrae uenas ascendendo, modo
in unam, modo in aliam partem conuersa fuere, siue sola simul collecta sint, siue aliorum
corporum meatibus impacta, glebam ferri componunt. Ea uero quae uel semper eundem
situm retinuerunt, uel certe, si ut ad fodinas peruenirent, illum aliquoties mutare coacta
fuerint, saltem ibi postea, lapidis alteriusue corporis meatibus firmiter impacta, per multos
annos immota remanserunt, faciunt magnetem. Atque ita uix ulla est ferri gleba, quae non
aliquo modo ad magnetis naturam accedat, et nullus omnino est magnes, in quo non aliquid
ferri contineatur; etsi forte aliquando istud ferrum aliquibus aliis corporibus tam arcte
adhaereat, ut facilius igne corrumpi, quam ab iis educi possit.

IV, 140. Quomodo fusione fiat chalybs, et quoduis ferrum.

Cum autem ferri glebae igni admotae liquefiunt, ut in ferrum aut chalybem uertantur, earum
ramenta ui caloris agitata, et ab heterogeneis corporibus disiuncta, hinc inde se contorquent,
,
762
Pars Quarta. De Terra.
intérieure, se cherchent des chemins à travers toute la terre extérieure,
rencontrent les sites des méats de ces limailles, de telle sorte qu’elles sont
contraintes, pour continuer leur mouvement selon des lignes droites,
d’entrer par les orifices des conduits par lesquels elles avaient coutume
précédemment de sortir, il a été dit plus haut, qu’à cet endroit elles
rencontrent justement ces extrémités très petites des ramifications qui se
dressent entre les spirales des conduits, et se redressent contre les
particules cannelées, et celles-ci reviendront en arrière ; et au début
assurément ces extrémités des ramifications leur résistent, mais poussées
souvent et souvent par elles-mêmes, toutes avec la succession du temps se
fléchissent dans la partie opposée, ou même quelques-unes sont brisées ; et
quand dans la suite ces méats, une fois changé le site des limailles où ils se
trouvent, tournent leurs autres orifices vers les particules cannelées, celles-
ci une nouvelle fois rencontrent les extrémités des ramifications qui se
dressent dans les méats, et peu à peu les fléchissent en réalité dans l’autre
partie, et plus cela est répété souvent et longtemps, plus elles aboutissent
facilement à l’inflexion de ces ramifications dans l’une ou l’autre partie.

IV, 139. Quelle est la nature de l’aimant.


Et certainement ces limailles qui en montant de cette façon par les veines de
la terre extérieure, ont souvent été retournées tantôt vers une partie, tantôt
vers une autre, composent, soit rassemblées ensemble seules, soit rabattues
dans les méats d’autres corps, le minerai de fer. En vérité les limailles qui
ont toujours conservé le même site, certainement même si elles ont été
contraintes parfois d’en changer pour parvenir aux mines, du moins là
après qu’elles sont restées immobiles de nombreuses années, fermement
rabattues dans les méats d’une pierre ou d’un autre corps, font un aimant.
Et ainsi il n’est presqu’aucun minerai de fer qui n’accède en quelque
manière à la nature de l’aimant, et il n’est absolument aucun aimant dans
lequel ne soit contenu quelque peu de fer ; même si peut-être parfois ce fer
est si étroitement attachés à certains autres corps qu’il peut plus facilement
être détérioré par le feu qu’être extrait de ces corps.

IV, 140. Comment par fusion se fait l’acier, et le fer que l’on voudra.
Et quand les minerais de fer sont fondus au contact du feu, pour être
convertis en fer ou en acier, leurs limailles, agitées par la force de la chaleur
et séparées des corps hétérogènes, se retournent de ci de là jusqu’à être
763
Quatrième Partie. De la Terre.

donec applicent se una aliis, secundum eas superficies in quibus dimidiatos meatus,
recipiendis particulis striatis idoneos, insculptos esse paullo ante dictum est; ac etiam donec
istorum meatuum medietates tam apte congruant, ut integros meatus efforment. Quod ubi
accidit, statim particulae striatae, quae non minus in igne quam in aliis corporibus
reperiuntur, per illos liberius quam per alia loca fluentes, impediunt ne exiguae superficies,
ex quarum apto situ et coniunctione exsurgunt, tam facile quam prius situm mutent; et
ipsarum contiguitas, uel saltem uis grauitatis, quae ramenta omnia deorsum premit, impedit
ne facile disiungantur. Cumque interim ramenta ipsa propter agitationem ignis pergant
moueri, multa simul in eundem motum conspirant, et totus liquor ex iis conflatus in uarias
quasi guttulas aut grumulos distinguitur: ita scilicet, ut omnia illa ramenta quae simul
mouentur, unam quasi guttam conficiant, quae gutta suam superficiem motu suo statim
laeuigat et perpolit. Occursu enim aliarum guttarum, quidquid est rude atque angulosum in
ramentis, ex quibus constat, ab eius superficie ad partes interiores detruditur, atque ita
omnes cuiusque guttulae partes quam-arctissime simul iunguntur.

IV, 141. Cur chalybs sit ualde durus, rigidus, et fragilis.

Et totus liquor, hoc pacto in guttulas siue grumulos distinctus, si celeriter frigescat,
concrescit in chalybem admodum durum, rigidum et fragilem, fere ut uitrum. Quippe durus
est, quia constat ramentis sibi mutuo arctissime coniunctis; et rigidus, hoc est, talis ut, si
flectatur, sponte redeat ad priorem figuram, quia flexione ista eius ramentorum exiguae
superficies non disiunguntur, sed soli meatus figuras mutant, ut supra de uitro dictum est;
denique est fragilis, quia guttulae, siue grumuli, quibus constat, sibi mutuo non adhaerent,
nisi per superficierum suarum contactum; atque hic contactus non nisi in paucissimis et
perexiguis locis immediatus esse potest.
764
Pars Quarta. De Terra.
plaquées les unes sur les autres selon ces surfaces où sont sculptés les
demis méats aptes à recevoir les particules cannelées dont il a été question
il y a peu, et aussi jusqu’à ce que les moitiés de ces méats se rencontrent si
convenablement qu’ils forment des méats complets.
Et quand cela arrive aussitôt les particules cannelées qui se retrouvent
autant dans le feu que dans les autres corps, en s’écoulant plus librement
par ces méats que par d’autres lieux, empêchent que les surfaces exiguës,
d’où elles s’élèvent de par leur site et conjonction convenables, changent
aussi facilement de site qu’auparavant ; et leur contiguïté, ou au moins la
force de gravité qui presse toutes les limailles vers le bas, empêche que ces
méats ne se disjoignent facilement. Et quand entre temps les limailles à
cause de l’agitation justement, continuent de se mouvoir, beaucoup se
réunissent ensemble dans un même mouvement, et tout le liquide formé
par leur assemblage se sépare, pour ainsi dire, en des gouttelettes ou des
petits grumeaux, variés ; à savoir de telle sorte que toutes ces limailles qui
se meuvent ensemble confectionnent comme une goutte, laquelle goutte
aussitôt lisse et polit complétement par son propre mouvement sa propre
surface. Par la rencontre avec d’autres gouttes en effet, tout ce qui est
rugueux et anguleux dans les limailles dont est constituée cette goutte,
s’enfonce de sa surface vers les parties intérieures et ainsi toutes les parties
de chaque goutte se joignent ensemble le plus étroitement qui soit.

IV, 141. Pourquoi l’acier est très dur, rigide et cassant.


Et tout le liquide divisé de cette façon, en gouttelettes, autrement dit en
grumeaux, se condense, s’il refroidit rapidement, en acier tout à fait dur,
rigide et cassant, un peu comme le verre. Assurément il est dur, parce qu'il
est constitué de limailles qui se sont jointes très étroitement les unes aux
autres ; et il est rigide, c’est-à-dire tel que, s’il est fléchi, il revient
spontanément à sa première figure, parce que par cette flexion les surfaces
exiguës de ses limailles ne se disjoignent pas, mais seuls les méats changent
leurs figures comme il a été dit ci-dessus du verre ; et enfin il est cassant,
parce que les gouttelettes autrement dit les grumeaux dont il est constitué,
ne s’agrègent pas les uns aux autres si ce n’est par le contact de leurs
surfaces ; et ce contact ne peut être immédiat qu’en des lieux très rares et
très exigus.
765
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 142. Quae sit differentia inter chalybem, et aliud ferrum.

Non autem omnes glebae aeque aptae sunt, ut in chalybem uertantur; ac etiam illae eaedem,
ex quibus optimus et durissimus chalybs fieri solet, uile tantum ferrum dant, cum igne non
conuenienti funduntur. Nam, si glebae ramenta sint adeo angulosa et confragosa, ut sibi
mutuo prius adhaereant, quam superficies suas apte possint ad inuicem applicare, atque in
guttulas distingui; uel si ignis non sit satis fortis ad liquorem ita in guttulas distinguendum,
et ramenta ipsas componentia simul constringenda; uel contra, si sit tam fortis, ut istorum
ramentorum aptum situm disturbet: non chalybs, sed ferrum minus durum et magis flexile
habetur.

IV, 143. Quomodo chalybs temperetur.

Ac etiam chalybs iam factus, si rursus igni admoueatur, etsi non facile liquescat, quia eius
grumuli nimis crassi sunt et solidi ut ab igne integri moueantur, et ramenta quibus
unusquisque grumulus constat, nimis arcte compacta, ut locis suis plane extrudi possint:
mollitur tamen, quia omnes eius particulae calore concutiuntur; et postea si lente
refrigeretur, non resumit priorem duritiem, nec rigorem, nec fragilitatem, sed fit flexile
instar ferri uilioris. Dum enim hoc pacto refrigeratur, ramenta angulosa et confragosa, quae
ex grumulorum superficiebus ad interiores eorum partes ui caloris protrusa erant, foras se
exserunt, et una aliis implicata, tanquam uncis quibusdam perexiguis, unos grumulos aliis
annectunt: quo fit, ut ramenta ista non amplius tam arcte in grumulis suis compacta sint,
atque ut grumuli non amplius immediato contactu, sed tanquam hamis uel uncis quibusdam
alligati, sibi mutuo adhaereant; et ideo chalybs non admodum durus, nec rigidus, nec
fragilis, sed mollis et flexilis euadat. In quo non differt a ferro communi, nisi quod chalybi
iterum candefacto, et deinde celeriter refrigerato, prior durities et rigiditas reddatur, non
autem ferro, saltem tanta. Cuius ratio est, quod ramenta in chalybe non tam longe absint a
situ ad maximam diuritiem conuenienti, quin facile illum ignis ui resumant, et in celerrima
refrigeratione retineant: cum autem
766
Pars Quarta. De Terra.

IV, 142. Quelle est la différence entre l’acier et un autre fer.


Pourtant tous les minerais ne sont pas également aptes à être transformés
en acier ; et même, ces mêmes minerais dont on fait d’habitude le meilleur
et le plus dur acier, ne donnent, quand ils sont fondus par un feu non
convenable, qu’un fer de peu de valeur. Car si les limailles du minerai sont
à ce point anguleuses et inégales, qu’elles s’agrègent les unes aux autres
avant que leurs surfaces ne puissent être aptes à se plaquer les unes sur les
autres et à se diviser en gouttelettes, ou bien si le feu n’est pas assez fort
pour diviser ainsi le liquide en gouttelettes et à maintenir ensemble les
limailles composant ces gouttelettes précisément, ou bien au contraire s’il
est si fort, qu’il trouble le site approprié de ces limailles, ce n’est pas de
l’acier que l’on obtient mais un fer moins dur et plus flexible.

IV, 143. Comment est trempé l’acier.


Et même l’acier déjà fait, s’il est mis au feu une nouvelle fois, bien qu’il ne
se liquéfie pas facilement parce que ses grumeaux sont trop gros et trop
solides pour être mis entiers en mouvement par le feu, et que les limailles
dont est constitué chaque grumeau, soient assemblées trop étroitement,
pour pouvoir être entièrement chassées de leurs lieux, néanmoins il se
ramollit, parce que toutes ses particules sont secouées par la chaleur ; et
après, s’il se refroidit lentement, il ne reprend pas la dureté, ni la rigidité, ni
la fragilité d’avant, mais se fait flexible comme du fer de moindre valeur.
Car pendant qu’il se refroidit de cette façon, les limailles anguleuses et
inégales qui avaient été chassées des surfaces des grumeaux vers leurs
parties internes par la force de la chaleur, sortent à l’extérieur, et
entrelacées les unes aux autres comme par quelques crochets très exigus,
attachent les grumeaux les uns aux autres ; d’où se fait que ces limailles ne
sont plus si étroitement assemblées dans leurs grumeaux, et que les
grumeaux s’agrègent les uns aux autres non plus par contact immédiat,
mais reliés comme par quelque hameçon ou crochet ; et pour cela l’acier
finit par devenir moins dur, moins rigide et moins cassant qu’il n’était, et
devient mou et flexible. En quoi il ne diffère pas du fer commun sinon que
présenté une nouvelle fois au feu puis refroidi rapidement, la dureté et la
rigidité premières sont rendues à l’acier, toutefois pas au fer, du moins pas
autant.
La raison en est que, dans l’acier, les limailles ne sont pas si éloignées du
site convenant à la plus grande dureté qu’elles n’y reviennent facilement
767
Quatrième Partie. De la Terre.
par la force du feu, et ne la conservent par un refroidissement très rapide ;
alors
768
Pars Quarta. De Terra.

in ferro talem situm nunquam habuerint, nunquam etiam illum resumunt. Et quidem, ut ita
chalybs aut ferrum candens celerrime refrigeretur, in aquam aliosue liquores frigidos mergi
solet; ac contra in oleum uel alia pinguia, ut lentius frigescat. Et quia, quo durior et rigidior,
eo etiam fragilior euadit, ut gladii, serrae, limae, aliaue instrumenta ex eo fiant, non semper
in frigidissimis liquoribus exstingui debet, sed in temperatis, prout in unoquoque ex istis
instrumentis magis minusue fragilitas est uitanda quam durities optanda; et ideo dum certis
liquoribus ita mergitur, non immerito dicitur temperari.

IV, 144. Quae sit differentia inter meatus magnetis, chalybis, et ferri.

Quantum autem ad meatus recipiendis particulis striatis idoneos, satis quidem patet ex
dictis, permultos tam in chalybe quam in ferro esse debere; ac etiam eos esse in chalybe
magis integros et perfectos, ramulorumque extremitates in ipsorum spiris eminentes, cum
semel in unam partem flexae sunt, non tam facile in contrariam posse inflecti, quanquam
etiam in hoc facilius, quam in magnete flectantur; ac denique omnes istos meatus, non in
chalybe aut alio ferro, ut in magnete, orificia sua recipiendis particulis striatis ab Austro
uenientibus idonea, in unam partem, et idonea recipiendis aliis a Borea uenientibus, in
contrariam conuertere; sed eorum situm uarium atque incertum esse debere, propterea quod
ignis agitatione turbatur. Et in breuissima illa mora, qua haec ignis agitatio frigore sistitur,
tot tantum ex istis meatibus uersus Austrum et Boream conuerti possunt, quot particulae
striatae, a polis Terrae uenientes, sibi tunc temporis per illos uiam quaerunt. Et quia istae
particulae striatae omnibus ferri meatibus multitudine non respondent, omne quidem ferrum
aliquam uim magneticam accepit ab eo situ, quem habuit respectu partium terrae, cum
ultimo candefactum refriguit, uel etiam ab eo in quo diu immotum stetit, si diu in eodem
situ steterit immotum; sed pro multitudine meatuum quos in se continet, potest habere
adhuc maiorem.
769
Quatrième Partie. De la Terre.
que dans le fer, comme jamais elles n’ont eu un tel site, jamais non plus
elles n’y reviennent. Et il est vrai que l’habitude pour refroidir très
rapidement l’acier ou le fer incandescents, est de les plonger dans l’eau
froide, ou d’autres liquides froids, et pour les refroidir plus lentement au
contraire, dans l’huile ou d’autres liquides graisseux. Et parce que plus il
devient dur et rigide, plus aussi il est cassant, pour faire des glaives, des
scies, des limes ou d’autres instruments, il ne doit pas toujours être éteint
dans des liquides très froids mais dans des liquides proportionnés
convenablement, selon que dans chacun de ces instruments doit être plus
ou moins évitée la fragilité que recherchée la dureté ; et pour cela quand il
est ainsi immergé dans des liquides déterminés l’acier est dit être trempé
dans les justes proportions.

IV, 144. Quelle est la différence entre les méats de l’aimant, de l’acier et du fer.
Et quant aux méats aptes à recevoir les particules cannelées, il est assez
évident assurément, de ce qui a été dit, que doit s’en trouver un très grand
nombre tant dans l’acier que dans le fer ; et aussi qu’ils sont dans l’acier,
plus achevés et plus parfaits, et que quand les extrémités des ramifications
qui pointent dans leurs propres spirales, ont été fléchies une fois dans une
partie, elles ne peuvent pas aussi facilement être fléchies dans la partie
opposée, quoiqu’elles soient aussi plus facilement fléchies en l’acier qu’en
l’aimant ; et enfin tous ces méats, ne tournent pas entièrement dans l’acier
ou le fer, leurs orifices aptes à recevoir les particules cannelées venant du
pôle austral vers une partie et ceux aptes à recevoir les autres venant dans
la partie opposée du pôle boréal, comme ils les tournent entièrement dans
l’aimant ; mais leur position doit être variée et incertaine, pour la raison
qu’elle est perturbée par l’agitation du feu. Et dans ce très bref moment
pendant lequel cette agitation du feu est arrêtée par le froid, ne peuvent pas
se tourner entièrement vers les pôle austral et boréal autant de ces méats
que de particules cannelées viennent au même moment des pôles de la
terre et se cherchent un chemin à travers eux. Et parce que ces particules
cannelées ne répondent pas par leur multitude à tous les méats du fer,
assurément tout fer reçoit une certaine force magnétique selon cette
position qu’il avait par rapport aux parties de la terre quand chauffé à
blanc il s’est ultimement refroidi, ou encore selon cette position où il est
resté longtemps immobile, s’il est resté longtemps immobile dans une
même position ; mais il peut avoir une plus grande force encore à
proportion de la multitude des méats qu’il contient.
770
Pars Quarta. De Terra.

IV, 145. Enumeratio proprietatum uirtutis magneticae.


Quae omnia ex principiis Naturae supra expositis ita sequuntur, ut quamuis non respicerem
ad illas magneticas proprietates, quas hic explicandas suscepi, ea tamen non aliter se habere
iudicarem. Deinceps autem uidebimus, horum ope tam apte et perspicue omnium istarum
proprietatum dari rationem, ut hoc etiam uideatur sufficere, ad persuadendum ea uera esse,
quamuis ex Naturae principiis sequi nesciremus. Et quidem magneticae proprietates, quae
ab ipsarum admiratoribus notari solent, ad haec capita possunt referri.
1. Quod in magnete duo sint poli, quorum unus ubique locorum uersus Terrae polum
Borealem, alius uersus Australem se conuertit.
2. Quod isti magnetis poli, pro diuersis Terrae locis quibus insistunt, diuersimode uersus
eius centrum se inclinent.
3. Quod si duo magnetes sint sphaerici, unus uersus alium eodem modo se conuertat, ac
quilibet ex ipsis uersus Terram.
4. Quod postquam sunt ita conuersi, ad inuicem accedant.
5. Quod si in contrario situ detineantur, se mutuo refugiant.
6. Quod si magnes diuidatur plano, lineae per suos polos ductae parallelo, partes
segmentorum, quae prius iunctae erant, se mutuo etiam refugiant.
7. Quod si diuidatur plano, lineam per polos ductam ad angulos rectos secante, duo puncta
prius contigua fiant poli diuersae uirtutis, unus in uno, alius in alio segmento.
8. Quod, quamuis in uno magnete sint tantum duo poli, unus Australis, alius Borealis, in
unoquoque tamen ex ipsius fragmentis duo etiam similes poli reperiantur; adeo ut eius uis,
quatenus ratione polorum diuersa uidetur, eadem sit in quauis parte ac in toto.
9. Quod ferrum a magnete istam uim recipiat, cum tantum ei admouetur.
10. Quod pro uariis modis quibus ei admouetur, eam diuersimode recipiat.
11. Quod ferrum oblongum, quomodocumque magneti admotum, illam semper secundum
suam longitudinem recipiat.
12. Quod magnes de ui sua nihil amittat, quamuis eam ferro communicet.
13. Quod ipsa breuissimo quidem tempore ferro communicetur, sed temporis diuturnitate
magis et magis in eo confirmetur.
771
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 145. Énumération des propriétés de la vertu magnétique.


Et tout cela suit des principes de la nature exposés précédemment, de telle
sorte que même si je ne prenais pas en considération ces propriétés
magnétiques que j’ai assumé expliquer ici, je jugerais pourtant qu’il ne s’en
tient pas autrement. Nous verrons cependant par la suite, qu’au moyen de
ces principes est donnée une raison si appropriée et si claire de toutes ces
propriétés que cela semble suffire aussi à persuader que cela est vrai ; ne
saurions-nous pas même que cela suit des principes de la nature. Et
certainement les propriétés magnétiques qui ont l’habitude d’être notées
par les admirateurs de ces propriétés mêmes, peuvent se rapporter aux
points suivants :
1°) que dans un aimant il y a deux pôles dont, de quelque lieu que ce soit,
l’un est tourné vers le pôle boréal, l’autre vers le pôle austral, de la terre.
2°) que ces pôles de l’aimant s’inclinent, selon les lieux de la terre où ils
sont placés, de différente façon vers le centre de celle-ci.
3°) que si deux aimants sont sphériques, l’un se tourne vers l’autre de la
même manière qu’ils se tournent l’un et l’autre vers la terre.
4°) qu’après qu’ils se sont tournés de la sorte, ils s’approchent l’un de
l’autre.
5°) que s’ils sont tenus dans la position contraire, ils se fuient l’un l’autre.
6°) que si un aimant est divisé par un plan parallèle à une ligne passant par
ses deux pôles, les parties des segments qui étaient jointes précédemment
aussi se fuient l’une l’autre.
7°) que s’il est divisé par un plan qui coupe à angle droit la ligne conduite
par les pôles, deux points précédemment contigus se font deux pôles de
vertu opposée, l’un dans un segment, l’autre dans l’autre.
8°) que bien que dans un même aimant il n’y ait que deux pôles, l’un
austral, l’autre boréal, pourtant dans chacun de ses fragments se trouvent
aussi deux pôles semblables ; au point que sa force en tant qu’elle semble
différente en fonction des pôles, est la même dans n’importe quelle partie
que dans le tout.
9°) que le fer ne prend possession de cette force de l’aimant que lorsqu’il
s’en approche.
10°) que selon les manières différentes dont il s’en approche, il en prend
possession de manière différente.
11°) qu’un fer oblong, de quelque manière qu’il soit approché de l’aimant,
en prend toujours possession selon sa longueur.
12°) que l’aimant ne cède rien de sa force bien qu’il la communique au fer.
772
Pars Quarta. De Terra.
13°) il la communiquera en réalité au fer en un temps assurément très bref,
mais elle s’y confirmera de plus en plus avec la durée prolongée du temps.
773
Quatrième Partie. De la Terre.

14. Quod chalybs durissimus eam maiorem recipiat, et receptam constantius seruet, quam
uilius ferrum.
15. Quod maior ei communicetur a perfectiore magnete, quam a minus perfecto.
16. Quod ipsa etiam Terra sit magnes, et nonnihil de sua ui ferro communicet.
17. Quod haec uis in Terra, maximo magnete, minus fortis appareat, quam in plerisque aliis
minoribus.
18. Quod acus a magnete tactae suas extremitates eodem modo uersus Terram conuertant,
ac magnes suos polos.
19. Quod eas non accurate uersus Terrae polos conuertant, sed uarie uariis in locis ab iis
declinent.
20. Quod ista declinatio cum tempore mutari possit.
21. Quod nulla sit, ut quidam aiunt, uel forte quod non eadem nec tanta sit, in magnete
supra unum ex suis polis perpendiculariter erecto, quam in eo cuius poli aequaliter a Terra
distant.
22. Quod magnes trahat ferrum.
23. Quod magnes armatus multo plus ferri sustineat, quam nudus.
24. Quod eius poli, quamuis contrarii, se inuicem iuuent ad idem ferrum sustinendum.
25. Quod rotulae ferreae, magneti appensae, gyratio in utramuis partem a ui magnetica non
impediatur.
26. Quod uis unius magnetis uarie possit augeri uel minui, uaria magnetis alterius aut ferri
ad ipsum applicatione.
27. Quod magnes, quantumuis fortis, ferrum a se distans, ab alterius debilioris magnetis
contactu retrahere non possit.
28. Quod contra magnes debilis, aut exiguum ferrum, saepe aliud ferrum sibi contiguum
separet a magnete fortiore.
29. Quod polus magnetis, quem dicimus Australem, plus ferri sustineat in his Borealibus
regionibus, quam ille quem dicimus Borealem.
30. Quod limatura ferri circa unum, aut plures magnetes, certis quibusdam modis se
disponat.
31. Quod lamina ferrea, polo magnetis adiuncta, eius uim trahendi uel conuertendi ferri
deflectat.
32. Quod eandem nullius alterius corporis interpositio impediat.
774
Pars Quarta. De Terra.
14°) que l’acier très dur la reçoit plus grande que le fer ordinaire, et l’ayant
reçue la conservera plus constante.
15°) qu’elle lui sera communiquée plus grande par un aimant plus parfait,
que par un moins parfait.
16°) que la terre elle-même est un aimant et qu’elle communique un peu de
sa force au fer.
17°) que cette force apparaît moins grande dans la terre, le plus grand
aimant qui soit, que dans la plupart des autres plus petits.
18°) que les pointes d’un aimant, une fois touchées, tournent leurs
extrémités de la même manière vers la terre, que les aimants tournent leurs
pôles vers elle.
19°) que les aimants ne tournent pas exactement ces pointes vers les pôles
de la terre mais avec une déclinaison variée dans des lieux variés.
20°) que cette déclinaison peut changer avec le temps.
21°) qu’il n'y en a aucune, comme affirment certains, ou peut-être pas la
même ni aussi grande, dans un aimant érigé perpendiculairement au-
dessus de l’un de ses pôles que dans celui dont les pôles sont également
distants de la terre.
22°) que l’aimant entraîne le fer.
23°) qu’un aimant armé soutient beaucoup plus de fer, que nu.
24°) que ses pôles, bien que contraires, s’aident mutuellement à soutenir un
même fer.
25°) que la force magnétique n’empêche pas la rotation dans l’une ou
l’autre partie, d’une petite roue de fer appendue à un aimant.
26°) que la force d’un même aimant peut diversement être augmentée ou
diminuée, par des applications diverses vers cet aimant d’un autre aimant
ou d’un fer.
27°) qu’un aimant de la force que l’on voudra, ne peut pas faire revenir en
arrière, à distance de lui, un fer au contact d’un autre aimant plus faible.
28°) qu’au contraire un aimant faible, ou un fer exigu, séparent souvent,
d’un aimant plus fort, un autre fer quand ils le touchent.
29°) que le pôle d’un aimant que nous disons austral, soutient plus de fer
dans ses régions boréales que celui que nous disons boréal.
30°) qu’autour d’un même aimant ou de plusieurs, la limaille de fer se
dispose de certaines manières précises.
31°) qu’une lame de fer, adjointe au pôle d’un aimant, détourne sa force
d’entraîner ou de faire tourner le fer.
32°) que l’interposition d’aucun autre corps n’empêche cette même force.
775
Quatrième Partie. De la Terre.
33. Quod magnes ad Terram aliosue uicinos magnetes aliter conuersus manens, quam
sponte se conuerteret, si nihil eius motui obstaret, successu temporis suam uim amittat.
34. Quod denique ista uis etiam rubigine, humiditate et situ minuatur, atque igne tollatur;
non autem ulla alia nobis cognita ratione.
IV, 146. Quomodo particulae striatae per Terrae meatus fluant.
Fig. IV-14.
Ad quarum
proprietatum
caussas
intelligendas,
proponamus
nobis ob
oculos
Terram AB,
cuius A est
polus
Australis, et
B Borealis;
notemusque,
particulas
striatas, ab
Australi
coeli parte E
uenientes,
alio plane
modo
intortas esse,
quam
uenientes a
Boreali F: quo fit, ut unae aliarum meatus ingredi plane non possint. Notemus etiam,
Australes quidem recta pergere ab A uersus B per mediam Terram, ac deinde per aërem ei
circumfusum reuerti a B uersus A; eodemque tempore Boreales transire a B ad A per
mediam Terram, et reuerti ab A ad B per aërem circumfusum: quia meatus, per quos ab una
parte ad aliam uenerant, sunt tales, ut per ipsos regredi non possint.
IV, 147. Quod difficilius transeant per aërem, aquam, et terram exteriorem, quam per
interiorem.
Interim uero, quot nouae semper accedunt a partibus coeli E et F, tot per alias partes coeli G
et H abscedunt, uel in itinere dissipantur, et figuras suas amittunt; non quidem transeundo
per mediam Terrae regionem: quia ibi meatus habent ad mensuram suam excauatos, per
quos sine ullo offendiculo celerrime fluunt; sed redeundo per aërem, aquam et alia corpora
terrae exterioris, in quibus nullos eiusmodi meatus habentes, multo difficilius mouentur,
particulisque secundi et tertii elementi assidue occurrunt, quas cum loco expellere laborant,
interdum ab ipsis comminuuntur.
776
Pars Quarta. De Terra.
33°) qu’un aimant qui reste tourné vers la terre ou d’autres aimants voisins,
autrement qu’il ne se tourne spontanément, perd sa force avec le temps si
rien ne fait obstacle à son mouvement.
34°) qu’enfin cette force est affaiblie aussi par la rouille et l’humidité, et
détruite par le feu ; toutefois par nulle autre cause connue de nous

IV, 146. Comment les particules cannelées affluent par les méats de la terre.
Figure IV-14. (NB. les lettres minuscules a et b concernant les petits aimants circulaires
N, L, M, K, I) sont difficiles à discerner, sur l’image reproduite .

Pour comprendre les causes de ces propriétés ; posons devant nos yeux la
terre AB dont le pôle austral est A, le boréal, B ; et notons que les particules
cannelées venant de la partie E du ciel austral sont spiralées de manière
tout à fait opposée à celles venant de la partie F du pôle boréal ; d’où se fait
que les unes ne peuvent nullement pénétrer les méats des autres. Notons
aussi que certainement les australes continuent en ligne droite de A vers B,
par le milieu de la terre, puis retournent de B vers A, par l’air qui l’entoure ;
et dans le même temps les boréales transitent de B vers A par le milieu de
la terre, et retournent de A vers B, par l’air environnant ; parce que les
méats par lesquels elles sont venues d’une partie vers une autre partie sont
tels qu’elles ne peuvent pas revenir par ces méats mêmes.
IV, 147. Qu’elles transitent plus difficilement par l’air, l’eau et la terre
extérieure, que par l’intérieure.
Cf. Figure IV-14.
En vérité entre temps autant de nouvelles particules cannelées arrivent des
parties E et F du ciel que s’en vont par les autres parties G et F du ciel, ou se
dispersent en chemin et perdent leurs figures ; mais non assurément quand
elles traversent la moitié de la terre, parce que là elles ont des méats creusés
à leur dimension par lesquels elles s’écoulent très vite sans aucun
empêchement ; mais quand elles reviennent par l’air, l’eau et les autres
corps de la terre extérieure, dans lesquels elles n’ont aucun méat de ce
genre, elles se meuvent beaucoup plus difficilement et trouvent
continuellement sur leur passage des particules du second et du troisième
élément, et quand elles travaillent à les expulser du lieu, parfois elles sont
brisées par ces particules mêmes.
777
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 148. Quod facilius transeant per magnetem, quam per alia corpora huius terrae
exterioris.

Iam uero, si forte istae particulae striatae magnetem ibi offendant, cum in eo inueniant
meatus ad suam figuram conformatos, eodemque modo dispositos ac meatus terrae
interioris, ut paullo ante diximus, non dubium est, quin multo facilius per illum transeant,
quam per aërem uel alia corpora terrae exterioris: saltem cum iste magnes ita situs est, ut
habeat suorum meatuum orificia conuersa uersus eas Terrae partes, a quibus ueniunt eae
particulae striatae, quae per illa libere ingredi possunt.

IV, 149. Qui sint poli magnetis.

Et quemadmodum in Terra, sic in magnete, punctum medium eius partis, in qua sunt
orificia meatuum, per quae ingrediuntur particulae striatae uenientes ab Australi coeli parte,
dicemus polum Australem; punctum autem medium alterius partis, per quam hae particulae
striatae egrediuntur, et aliae uenientes a Septentrione ingrediuntur, dicemus polum,
Borealem. Nec moramur, quod uulgo alii polum, quem uocamus Australem, uocent
Borealem; neque enim ea de re uulgus, cui soli ius competit nomina rebus male
conuenientia frequenti usu approbandi, loqui solet.

IV, 150. Cur isti poli se conuertant uersus polos Terrae.

Cum autem hi poli magnetis non respiciunt eas Terrae partes, a quibus ueniunt eae
particulae striatae, quibus liberum transitum praebere possunt, tunc istae particulae striatae
oblique in magnetis meatus irruentes, illum impellunt ea ui quam habent, ad perseuerandum
in suo motu secundum lineas rectas, donec ipsum ad naturalem situm reduxerint: sicque
quoties a nulla externa ui retinetur, efficiunt, ut eius polus Australis uersus polum Terrae
Borealem conuertatur, et Borealis uersus Australem: quoniam eae quae a Terrae polo
Boreali per aërem ad Austrum tendunt, uenere prius ab Australi coeli parte per mediam
Terram, et uenere a Boreali quae ad Boream reuertuntur.

IV, 151. Cur etiam certa ratione uersus eius centrum se reclinent.

Efficiunt etiam ut magnes, pro diuersis terrae locis quibus insistit,


778
Pars Quarta. De Terra.

IV, 148. Qu’elles transitent plus facilement à travers un aimant qu’à travers
d’autres corps de cette terre extérieure.
Cf. Figure IV-14. : Mais maintenant dans le cas où ces particules cannelées
heurtent à cet endroit un aimant, quand elles y trouvent des méats
conformes à leur figure et disposés de la même façon que les méats de la
terre intérieure, comme nous l’avons dit à l’instant, il ne fait aucun doute
qu’elles traversent cet aimant beaucoup plus facilement que l’air ou les
autres corps de la terre extérieure, du moins quand il est situé de telle sorte
que les orifices de ses propres méats soient tournés vers ces parties de la
terre d’où viennent ces particules cannelées qui peuvent librement y entrer.

IV, 149. Quels sont les pôles d’un aimant.


Cf. Figure IV-14. : Et dans un aimant, comme pour la terre, le point au
milieu de cette partie où se trouvent les méats par lesquels entrent les
particules cannelées venant de la partie australe du ciel, nous le dirons pôle
austral ; et le point au milieu de l’autre partie à travers laquelle sortent ces
particules cannelées et entrent les autres venant de la région septentrionale,
nous le dirons pôle boréal. Et je ne m’attarde pas au fait que le commun
appelle boréal, l’autre le pôle que nous appelons austral, car le commun, à
qui seul revient le droit d’approuver par un usage fréquent des noms
convenant mal aux choses, n’a pas l’habitude de parler de cette façon.

IV, 150. Pourquoi ces pôles se tournent vers les pôles de la terre.
Cependant quand ces pôles de l’aimant ne regardent pas ces parties de la
terre d’où viennent ces particules cannelées auxquelles ils peuvent offrir un
libre transit, alors ces particules cannelées se ruant obliquement dans les
méats de l’aimant, le poussent, par cette force qu’elles ont à persévérer
dans leur mouvement selon des lignes droites, jusqu’à le conduire
précisément à sa situation naturelle ; et ainsi, chaque fois que l’aimant n’est
pas maintenu par quelque force extérieure, elles font que son pôle austral
se tourne vers le pôle boréal de la terre, et le boréal vers l’austral ; puisque
celles qui tendent à travers l’air du pôle boréal de la terre vers l’austral,
sont d’abord venues de la partie australe du ciel par le milieu de la terre, et
sont venues de la partie boréale celles qui retournent par l’air vers la
boréale.
779
Quatrième Partie. De la Terre.
IV, 151. Pourquoi aussi elles s’inclinent d’une certaine façon vers son centre.
Cf. Figure IV-14. : Les particules cannelées font aussi que selon les
différents lieux de la terre où se trouve un aimant, il incline vers la terre
plus ou moins
780
Pars Quarta. De Terra.

unum ex polis suis altero magis aut minus uersus illam inclinet. Nempe in AEquatore
quidem a, polus Australis magnetis L, uersus B Borealem Terrae; et b, Borealis eiusdem
magnetis, uersus Australem Terrae dirigitur; ac neuter altero magis deprimitur, quia
particulae striatae cum aequali ui ab utraque parte ad illos accedunt. Sed in polo Terrae
Boreali polus a magnetis N omnino deprimitur, et b ad perpendiculum erigitur. In locis
autem intermediis, magnes M polum suum b magis aut minus erigit, et polum a magis aut
minus deprimit, prout magis aut minus uicinus est polo Terrae B. Quorum caussa est, quod
Australes particulae striatae, magnetem N ingressurae, ab interioribus Terrae partibus per
polum B secundum lineas rectas surgant; Boreales uero, ab hemisphaerio Terrae DAC,
circumquaque per aërem uersus eundem magnetem N uenientes, non magis oblique
progredi debeant, ut ad eius superiorem partem, quam ut ad inferiorem accedant: Australes
uero ingressurae magnetem M, a toto Terrae tractu qui est inter B et M ascendentes, uim
habeant eius polum a oblique deprimendi, nec a Borealibus, quae a tractu Terrae AC ad
alium ipsius polum b non minus facile accedunt, cum erectus est, quam cum depressus,
impediantur.

IV, 152. Cur unus magnes ad alium se conuertat et inclinet, eodem modo atque ad terram.

Cum autem istae particulae striatae per singulos magnetes eodem plane modo ac per
Terram fluant, non aliter duos magnetes sphaericos unum ad alium, quam ad totam Terram
debent conuertere. Notandum enim ipsas circa unumquemque magnetem multo maiore
copia semper esse congregatas, quam in aëre inde remoto: quia nempe in magnete habent
meatus, per quos multo facilius fluunt quam per aërem circumiacentem, a quo idcirco iuxta
magnetem retinentur; ut etiam, propter meatus quos habent in Terra interiore, maior est
earum copia in toto aëre, aliisque corporibus Terram ambientibus, quam in coelo. Et ita,
quantum ad uim magneticam, eadem plane omnia putanda sunt de uno magnete, respectu
alterius magnetis, ac de Terra, quae ipsa maximus magnes dici potest.
781
Quatrième Partie. De la Terre.
l’un de ses pôles, que l’autre. En l’équateur a n’est-ce, pas le pôle austral de
l’aimant L, est certainement dirigé vers le pôle boréal B de la terre, et b, le
pôle boréal du même aimant vers l’austral de la terre ; et ni l’un ni l’autre
n’est plus abaissé que l’autre, parce que les particules cannelées arrivent
vers eux avec une force égale de l’une et l’autre partie. Mais le pôle a de
l’aimant N est, au pôle boréal de la terre, complétement abaissé, et son pôle
b érigé à la perpendiculaire. Toutefois dans les lieux intermédiaires le pôle
b de l’aimant M est plus ou moins érigé, et son pôle a plus ou moins
abaissé, selon que l’aimant est plus ou moins proche du pôle B de la terre.
Et la cause de cela est que les particules cannelées australes qui entrent
dans l’aimant N, surgissent des parties intérieures de la terre à travers le
pôle B, selon des lignes droites ; les boréales en vérité venant de
l’hémisphère DAC de la terre vers le même aimant N par l’air tout
alentour, ne doivent pas progresser plus obliquement pour accéder à sa
partie supérieure que pour accéder à sa partie inférieure ; mais dans
l’aimant M, les australes qui entrent en montant depuis tout l’espace de la
terre qui se trouve entre B et M, ont la force d’abaisser obliquement son
pôle a, et ne sont pas empêchées par les boréales qui arrivent de l’espace de
la terre AC vers son autre pôle b aussi facilement en réalité quand il est
érigé, que quand il est abaissé.

IV, 152. Pourquoi un même aimant se tourne et s’incline vers un autre aimant
de la même manière que vers la terre.
Toutefois comme ces particules cannelées affluent vers un aimant singulier
exactement de la même manière qu’elles affluent vers la terre, elles ne
doivent pas faire tourner l’un des deux aimants sphériques vers l’autre,
autrement que vers la terre tout entière. Il faut noter en effet qu’elles sont
en réalité toujours rassemblées en beaucoup plus grande quantité autour de
chaque aimant que dans l’air plus éloigné de là, parce qu’elles ont dans
l’aimant, n’est-ce pas, des méats à travers lesquels elles affluent beaucoup
plus facilement que par l’air alentour, lequel air pour cela les maintient près
de l’aimant ; comme aussi leur quantité est plus grande dans la totalité de
l’air et dans les autres corps entourant la terre que dans le ciel, à cause des
méats qu’elles ont dans la terre intérieure. Et ainsi, concernant la force
magnétique, il faut absolument tout penser pareillement d’un même
aimant eu respect à un autre aimant, que de la terre, qui elle-même peut
être dite le plus grand aimant.
782
Pars Quarta. De Terra.
IV, 153. Cur duo magnetes ad inuicem accedant, et quae sit cuiusque sphaera actiuitatis.
Fig. IV-15.

Neque uero duo magnetes se tantum ad inuicem conuertunt, donec polus Borealis unius
polum Australem alterius respiciat; sed praeterea postquam sunt ita conuersi, ad inuicem
accedunt, donec se mutuo contingant, si nihil ipsorum motum impediat. Notandum enim est
particulas striatas celerrime moueri, quamdiu uersantur in meatibus magnetum, quia ibi
feruntur impetu primi elementi ad quod pertinent; cumque inde egrediuntur, occurrere
particulis aliorum corporum, easque propellere, quoniam hae, ad secundum aut tertium
elementum pertinentes, non tantum habent celeritatis.
Ita illae quae transeunt per magnetem O, celeritate qua feruntur ab A ad B, atque a B ad A,
uim acquirunt ulterius progrediendi secundum lineas rectas uersus R et S, donec ibi tam
multis particulis secundi aut tertii elementi occurrerint, ut ab ipsis utrimque reflectantur
uersus V. Totumque spatium RVS per quod ita sparguntur, uocatur sphaera uirtutis, siue
actiuitatis, huius magnetis O; quam patet eo maiorem esse debere, quo magnes est maior,
praesertim quo longior secundum lineam AB, quia particulae striatae longius per illum
progredientes maiorem agitationem acquirunt. Ita etiam quae transeunt per magnetem P,
recta utrimque pergunt uersus S et T, atque inde reflectuntur uersus X, totumque aërem in
sphaera suae actiuitatis contentum propellunt; sed non ideo expellunt, si nullum habeat
locum quo possit recedere, ut nullum habet, cum istorum magnetum sphaerae uirtutis sunt
ab inuicem disiunctae. Sed cum in unam coalescunt, tunc primo facilius est particulis
striatis, quae ueniunt ab O uersus S, recta pergere usque ad P in locum earum quae ex T per
X ad S et b reuertebantur, quam reflecti uersus V et R, quo non difficulter pergunt uenientes
ab X; faciliusque est uenientibus a P ad S pergere usque ad O, quam reflecti uersus X, quo
etiam non difficulter pergunt uenientes ab V; sicque istae particulae striatae non aliter
transeunt
783
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 153. Pourquoi deux aimants s’approchent l’un de l’autre ; et qu’elle est la
sphère d’activité de chacun.
Et en vérité deux aimants ne se tournent l’un vers l’autre que jusqu’à ce que
le pôle boréal de l’un regarde le pôle austral de l’autre ; en outre, après être
tournés ainsi, si rien n’empêche leur propre mouvement, ils approchent
l’un de l’autre jusqu’à se toucher réciproquement. Il faut en effet noter que
les particules cannelées se meuvent très vite tant qu’elles se trouvent dans
les méats de l’aimant, parce que là elles sont portées par la poussée du
premier élément auquel elles appartiennent ; et quand elles sortent de ces
méats elles trouvent sur leur passage des particules d’autres corps qu’elles
repoussent devant elles puisqu’elles appartiennent au second et troisième
élément et n’ont pas une vitesse aussi grande.
Figure IV-15.
Ainsi celles qui traversent par l’aimant O, acquièrent, par la vitesse avec
laquelle elles sont emportées de A vers B et de B vers A, la force d’aller plus
loin vers R et S, selon des lignes droites, jusqu’à ce qu’elles trouvent sur
leur passage à cet endroit tellement de particules du deuxième ou du
troisième élément qu’elles sont réfléchies, par ces particules mêmes, de part
et d’autre vers V. Et la totalité de l’espace RVS à travers lequel elles se
répartissent ainsi, est appelé sphère de vertu autrement dit d’activité, de cet
aimant O ; dont il est évident qu’elle doit être d’autant plus grande que
l’aimant est plus grand, surtout plus long suivant la ligne AB, parce que les
particules progressant plus longuement à travers ce long espace acquièrent
une plus grande agitation. Ainsi aussi celles qui traversent par l’aimant P,
poursuivent de part et d’autre par des droites vers S et T, et de là sont
réfléchies vers X, et poussent devant elles la totalité de l’air contenu dans la
sphère d’activité de cet aimant ; mais pour cela elles ne poussent pas l’air,
s’il n’a aucun lieu où il puisse revenir, comme il n’en a aucun en réalité,
quand les sphères de vertu de ces aimants sont disjointes l’une de l’autre.
Mais quand elles se réunissent en une seule, alors premièrement, il est plus
facile aux particules cannelées qui viennent de O vers B, de continuer en
ligne droite jusqu’à P dans le lieu de celles qui sont revenues par X de T
vers S et b, que d’être réfléchies vers V et R, où elles continuent sans
difficulté en venant de X ; et il est plus facile à celles venant de P vers S, de
continuer jusqu’à O, que d’être réfléchies vers X, où poursuivent aussi sans
difficulté celles venant de V ; et ainsi ces particules cannelées ne transitent
par ces deux
784
Pars Quarta. De Terra.
per hos duos magnetes O et P, quam si unicus esset. Deinde facilius est particulis striatis,
recta pergentibus ab O ad P, atque a P ad O, aërem intermedium expellere ab S uersus R et
T in locum magnetum O et P, sicque efficere, ut hi magnetes ad inuicem accedant, donec se
contingant in S, quam per totum istum aërem eniti ab A ad b, atque ab V ad X; quae duae
uiae breuiores fiunt, cum hi duo magnetes ad inuicem accedunt, uel, si unus retineatur, cum
saltem alter ad ipsum uenit.
IV, 154. Cur interdum se inuicem refugiant.
Poli autem cognomines duorum magnetum, non sic ad inuicem accedunt, sed contra potius,
si nimis prope admoueantur, recedunt. Particulae enim striatae ab eo unius magnetis polo,
qui alteri magneti obuersus est, uenientes, cum hunc alterum ingredi non possint, spatium
aliquod exigunt inter istos duos magnetes quo transeant, ut ad alium magnetis ex quo
egressae sunt polum reuertantur. Nempe egredientes ab O per polum A, cum ingredi non
possint in P per eius polum a, spatium aliquod exigunt inter A et a, per quod transeant
uersus V et B, atque ui, qua motae sunt a B ad A, pellunt magnetem P; sicque egredientes a
P pellunt magnetem O: saltem cum eorum axes BA et ab sunt in eadem linea recta. Sed
cum tantillo magis in unam partem quam in aliam inflexi sunt, tunc isti magnetes se
conuertunt, modo paullo ante explicato; uel si haec eorum conuersio impediatur, non autem
motus rectus, tunc rursus unus magnes alium fugat secundum lineam rectam.
Fig. IV-16.
Ita si magnes O,
exiguae cymbae
impositus, aquae sic
innatet, ut semper
eius axis maneat ad
perpendiculum
erectus, et magnes P,
cuius polus Australis
Australi alterius
obuersus est, manu
moueatur uersus Y,
hinc fiet, ut magnes
O recedat uersus Z,
antequam a magnete
P tangatur. In
quamcumque enim
partem cymba se
conuertat, requiritur semper aliquod spatium inter istos duos magnetes, ut particulae
striatae, ex iis per polos A et a egredientes, uersus V et X transire possint.
IV, 155. Cur segmentorum magnetis partes, quae ante sectionem iunctae erant, se mutuo
etiam refugiant.
Et ex his facillime intelligitur, cur si magnes secetur
785
Quatrième Partie. De la Terre.
aimants O et P, pas autrement que si c’était un seul aimant. Deuxièmement
il est plus facile aux particules cannelées continuant en ligne droite de O
vers P et de P vers O, de chasser l’air intermédiaire de S vers R et T dans le
lieu des aimants O et P, et faire ainsi que ces aimants s’approchent l’un de
l’autre jusqu’à se toucher en S, plutôt que de traverser avec difficulté la
totalité de cet air de A vers b et de V vers X ; et ces deux chemins se font
plus courts quand ces deux aimants s’approchent l’un de l’autre, ou au
moins si l’un est maintenu, quand l’autre vient vers lui-même.

IV, 154. Pourquoi ils s’écartent parfois l’un de l’autre.


Toutefois les pôles de même nom de deux aimants, ne s’approchent pas
l’un de l’autre, mais au contraire, s’ils sont approchés trop près, se
repoussent. Car comme les particules cannelées qui viennent de ce pôle
d’un même aimant qui est face à l’autre aimant ne peuvent pas entrer dans
cet autre, elles réclament, pour pouvoir retourner vers l’aimant dont elles
ont quitté le pôle, quelque espace par où transiter entre les deux aimants. À
savoir, comme elles ne peuvent pas, sortant de O par le pôle A, entrer dans
P par son pôle a, elles réclament quelque espace entre A et a, par où
transiter vers V et vers B, et elles poussent l’aimant P par la force qui les
meut de B vers A ; et de même, elles poussent l’aimant O en sortant de P,
du moins quand leurs axes BA et ab sont sur une même ligne droite. Mais
quand elles sont un peu plus fléchies dans une partie que dans une autre,
alors ces aimants se retournent, de la manière expliquée il y a peu ; mais si
leur retournement est empêché, non toutefois le mouvement rectiligne,
alors à nouveau l’un des aimants se détourne de l’autre suivant une ligne
droite.
Figure IV-16.
Ainsi si l’aimant O, posé dans un petit esquif flotte sur l’eau de telle sorte
que son axe reste toujours érigé, et que l’aimant P, dont le pôle austral est
face au pôle austral de O, est mû par la main vers Y, de là se fera que
l’aimant O recule vers Z avant d’être touché par l’aimant P. Car en quelque
partie que l’esquif se retourne, toujours est requis un certain espace entres
ces deux aimants, de sorte que les particules cannelées sortant de ces
aimants par les pôles A et a

IV, 155. Pourquoi les parties des segments d’un aimant qui étaient jointes
avant leur séparation, se repoussent aussi l’une l’autre.
Et par là se comprend facilement pourquoi, si un aimant est coupé dans un
786
Pars Quarta. De Terra.
plano parallelo lineae per eius polos ductae, segmentumque libere suspendatur supra
magnetem ex quo resectum est, sponte se conuertat, et situm contrarium eius quem prius
habuerat, affectet;
Fig. IV-17.
ita ut, si partes A et a prius iunctae fuerint,
itemque B et b, postea b uertat se uersus A, et a
uersus B: quia nempe antea pars Australis unius
Australi alterius iuncta erat, et Borealis Boreali,
post diuisionem uero particulae striatae per
Australem partem unius egressae, per Borealem
alterius ingredi debent; et egressae per Borealem,
ingredi per Australem.

IV, 156. Cur duo puncta, quae prius in uno


magnete contigua erant, in eius fragmentis sint
poli diuersae uirtutis.
Manifestum etiam est, cur si magnes diuidatur
plano, lineam per polos ductam ad angulos
rectos secante, poli segmentorum, quae ante
sectionem se mutuo tangebant, ut b et a, sint
contrariae uirtutis: quia particulae striatae, quae
per unum ex istis polis egrediuntur, per alium
ingredi debent.
IV, 157. Cur eadem sit uis in quauis magnetis
parte, ac in toto.

Fig. IV-18.
Nec minus manifestum est, eandem esse uim in quauis magnetis parte ac in toto: neque
enim ista uis alia est in polis, quam in reliquis partibus, sed tantum maior uidetur, quia per
illos egrediuntur particulae striatae, quae per longissimos magnetis meatus transierunt, et
quae inter omnes ab eadem parte uenientes mediae sunt: saltem in magnete sphaerico, ad
cuius exemplum in reliquis ibi poli esse censentur, ubi maxima uis apparet. Nec etiam ista
uis alia est in uno polo quam in alio, nisi quatenus particulae striatae, per unum ingressae,
per alium egrediuntur: atqui nulla est tantilla pars magnetis, in qua, si habent ingressum,
non habeant etiam egressum.
IV, 158. Cur magnes suam uim ferro sibi admoto communicet.
Nec mirum est, quod ferrum, magneti admotum,
787
Quatrième Partie. De la Terre.
plan parallèle à la ligne menée par ses pôles, et que l’un des segments est
librement suspendu au-dessus de l’aimant dont il a été coupé,
spontanément il se retourne et cherchera à atteindre le site opposé de celui
qu’il a tenu précédemment ; de telle sorte, Figure IV-17, que si les parties A
et a étaient jointes précédemment, et de même B et b, par la suite b se tourne
vers A, et a vers B ; parce qu’avant la séparation, n’est-ce pas, la partie
australe de l’un était jointe à la partie australe de l’autre, et la boréale à la
boréale, après en vérité, les particules cannelées sorties par la partie
australe de l’un, doivent entrer par la boréale de l’autre ; et celles sorties par
la boréale, entrer par l’australe.

IV, 156. Pourquoi deux points, qui avant étaient contigus dans un même
aimant, sont de vertu différente dans ses fragments des pôles.
Figure IV-18.
Est manifeste aussi pourquoi, si un aimant est divisé par un plan qui coupe
à angle droit la ligne menée par ses pôles, les pôles des segments qui se
touchaient l’un l’autre avant la section, comme b et a, sont de vertu
contraire, parce que les particules cannelées qui sortent par l’un de ces
pôles doivent entrer par l’autre.

IV, 157. Pourquoi dans n’importe quelle partie d’un aimant, il y a la même
force que dans l’aimant tout entier.
Et n’est pas moins manifeste, qu’en quelque partie que ce soit d’un aimant,
il y a la même force que dans l’aimant tout entier ; car cette force n’est pas
autre aux pôles que dans le reste des parties, mais semble seulement plus
grande ; parce que, sortent par les pôles les particules cannelées qui ont
transité par les plus longs méats de l’aimant, et qui sont au milieu de tous
ceux qui viennent d’une même partie ; du moins dans un aimant sphérique,
à l’exemple de celui-ci ; dans les autres, les pôles sont estimés là où la force
paraît la plus grande. Et cette force aussi n’est pas autre dans un pôle que
dans l’autre, si ce n’est en tant que les particules cannelées entrent par l’un
et sortent par l’autre ; or il n'y a aucune partie de l’aimant à ce point petite,
que si elles y ont une entrée elles n’aient aussi une sortie.

IV, 158. Pourquoi un aimant communique sa force au fer mû vers lui.


Et n’est pas moins merveilleux que le fer approché d’un aimant, acquière
de
788
Pars Quarta. De Terra.
uim magneticam ab illo acquirat. Iam enim habet meatus recipiendis particulis striatis
idoneos, nihilque ipsi deest ad istam uim acquirendam, nisi quod exiguae quaedam
ramulorum, ex quibus eius ramenta constant, extremitates hinc inde in istis meatibus
promineant; quae omnes uersus unam et eandem partem flecti debent, in iis meatibus per
quos transire possunt particulae striatae ab Austro uenientes, et uersus oppositam in aliis.
Atqui, magnete admoto, particulae striatae, magna ui et magna copia, torrentis instar, in
ferri meatus irruentes, istas ramulorum extremitates hoc pacto inflectunt; ac proinde ipsi
dant id omne, quod in eo ad uim magneticam desiderabatur.
IV, 159. Cur ferrum pro uariis modis, quibus magneti admouetur, ipsam diuersimode
recipiat.
Et quidem pro uariis partibus magnetis, ad quas ferrum applicatur, uarie accipit istam uim.
Fig. IV-19.
Sic pars R
ferri RST, si
applicetur polo
Boreali
magnetis P,
fiet polus
Australis ferri,
quia per illam
ingredientur
particulae
striatae ab
Austro
uenientes, et
per partem T
ingredientur
Boreales, ex
polo A per
aërem
reflexae.
Eadem pars R, si iacet supra aequatorem magnetis, et respiciat eius polum Borealem, ut in
C, fiet rursus polus Australis ferri; sed si inuertatur et respiciat polum Australem, ut in D,
tunc amittet uim poli Australis, et fiet polus Borealis. Denique, si S pars media istius ferri
tangat polum magnetis A, particulae striatae Boreales, illud ingressae per S, utrimque
egredientur per R et T, sicque in utraque extremitate recipiet uim poli Australis, et in medio
uim poli Borealis.
IV, 160. Cur ferrum oblongum eam non recipiat, nisi secundum suam longitudinem.
Quaeri tantum potest, cur istae particulae striatae, ex magnetis polo A ferri partem S
ingredientes, non recta pergant uersus E, sed potius hinc inde reflectantur uersus R et T;
sicque hoc ferrum secundum suam longitudinem, potius quam secundum latitudinem, uim
magneticam recipiat. Sed facilis responsio est, quia multo magis apertas et faciles uias
inueniunt in ferro, quam in aëre, a quo idcirco uersus ferrum reflectuntur.
789
Quatrième Partie. De la Terre.
790
Pars Quarta. De Terra.
cet aimant une force magnétique. Car il a déjà les méats aptes à recevoir les
particules cannelées et rien ne lui manque en réalité pour acquérir cette
force, sinon que certaines extrémités exiguës des ramifications dont sont
constituées ses parcelles, font saillie de ci et de là dans ces méats ; et toutes
doivent se fléchir vers une seule et même partie dans ces méats par où
peuvent transiter les particules cannelées qui viennent de la partie australe,
et se fléchir vers la partie opposée dans les autres. Or quand un aimant est
approché, les particules cannelées qui se ruent dans les méats du fer, avec
grande force et grande quantité, comme un torrent, fléchissent de cette
façon ces extrémités des ramifications ; et par conséquent donnent au fer
même, tout ce qui était désiré en lui pour la force magnétique.

IV, 159. Pourquoi le fer, à proportion des différentes manières dont il est mû
par l’aimant, la reçoit précisément de manière différente.
Et assurément le fer reçoit cette force de façon variée à proportion des
différentes parties de l’aimant vers lesquelles il est approché.
Figure IV-19.
Ainsi, si la partie R du fer RST, est approchée du pôle boréal de l’aimant P,
elle se fera pôle austral du fer, parce que par elle entrent les particules
cannelées ab venant de la région australe, et par la partie T entrent les
boréales, ramenées depuis le pôle A par l’air. Si la même partie R repose
sur l’équateur de l’aimant et regarde son pôle boréal comme en C, elle se
fera à nouveau pôle austral du fer ; mais si elle est retournée et regarde le
pôle austral comme en D, alors elle perdra la force de pôle austral et se fera
pôle boréal. Et enfin si la partie médiane S de ce fer touche le pôle A de
l’aimant, les particules cannelées boréales entrées en lui par S sortiront de
part et d’autre, par R et T, et ainsi le fer recevra à chaque extrémité la force
de pôle austral, et au milieu la force de pôle boréal.

IV, 160. Pourquoi un fer oblong ne reçoit cette force que selon sa longueur.
On peut seulement se demander pourquoi ces particules cannelées entrant
dans la partie S du fer depuis le pôle A de l’aimant, ne continuent pas en
ligne droite vers E, mais se détournent plutôt de ci de là vers R et vers T ; et
ainsi ce fer reçoit la force magnétique selon sa longueur plutôt que selon sa
largeur. Mais la réponse est aisée : parce qu’elles trouvent des chemins
beaucoup plus ouverts et faciles dans le fer que dans l’air, lequel pour cela
les ramène vers le fer.
791
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 161. Cur magnes nihil amittat de sua ui, quamuis eam ferro communicet.

Facilis etiam responsio est, si quaeratur cur magnes nihil amittat de sua ui, cum eam ferro
communicat. Nulla enim in magnete mutatio fit, propterea quod particulae striatae, ex eo
egredientes, ferrum potius quam quoduis aliud corpus ingrediuntur: nisi forsan quod,
liberius per ferrum quam per alia corpora transeundo, copiosius etiam ex magnete, cum
ferrum ei adiunctum est, egrediantur; quo tantum abest, ut eius uis minuatur, quin potius
augetur.

IV, 162. Cur haec uis celerrime ferro communicetur, sed diuturnitate temporis in eo
confirmetur.

Et breuissimo tempore ista uis ferro accedit, quia particulae striatae celerrime per ipsum
fluunt; sed longa mora in eo confirmatur, quia quo diutius ramulorum extremitates in unam
partem flexae manserunt, eo difficilius in contrariam reflectuntur.

IV, 163. Cur chalybs ad eam recipiendam aptior sit, quam uilius ferrum.

Et chalybs istam uim maiorem accipit quam uilius ferrum, quia plures et perfectiores habet
meatus, particulis striatis recipiendis idoneos. Eamque constantius seruat, quia ramulorum
in iis meatibus prominentium extremitates habet minus flexiles.

IV, 164. Cur maior ei communicetur a perfectiore magnete quam a minus perfecto.

Et maior ei communicatur a maiore et perfectiore magnete: tum quia particulae striatae,


maiori cum impetu in eius meatus irruentes, ramulorum in iis prominentium extremitates
magis inflectunt; tum etiam quia plures simul eo ruentes, plures eiusmodi meatus sibi
aperiunt. Notandum enim est, plures esse tales meatus in chalybe, qui scilicet ex solis ferri
ramentis constat, quam in magnete, in quo multum est materiae lapideae, cui ferri ramenta
infixa sunt;
792
Pars Quarta. De Terra.

IV, 161. Pourquoi l’aimant ne perd rien de sa force, bien qu’il la communique
au fer.
La réponse aussi est facile si l’on demande pourquoi l’aimant ne perd rien
de sa force quand il la communique au fer. Car de ce que les particules
cannelées qui sortent de l’aimant, entrent plutôt dans le fer que dans
n’importe quel autre corps, dans l’aimant ne se fait aucun changement, si ce
n’est peut-être que transitant plus librement par le fer que par tout autre
corps, elles sortent aussi plus copieusement de l’aimant quand le fer s’en
approche ; d’où bien loin que sa force soit diminuée, elle est plutôt
augmentée.

IV, 162. Pourquoi cette force est communiquée très vite au fer mais est
confirmée en lui une longue durée de temps.
Et cette force s’ajoute au fer en un temps très bref parce que les particules
cannelées coulent très vite à travers lui justement ; mais elle s’y affermit un
long espace de temps, parce que plus les extrémités des ramifications
restent fléchies longtemps dans une partie plus il est difficiles qu’elles
retournent en arrière dans la partie opposée.

IV, 163. Pourquoi l’acier est plus apte à recevoir cette force que le fer commun.
Et l’acier reçoit une force plus grande que le fer commun, parce que ses
méats capables de recevoir les particules cannelées sont plus nombreux et
plus parfaits. Et il la conserve de façon plus constante parce que les
extrémités des ramifications qui font saillie dans ses méats, sont moins
flexibles.

IV, 164. Pourquoi une force plus grande lui est communiquée par un aimant
plus parfait que par un moins parfait.
Et une force plus grande lui est communiquée par un aimant plus grand et
plus parfait ; tant parce que les particules cannelées, en se ruant en ses
méats avec une plus forte impulsion, infléchissent davantage les extrémités
des ramifications qui font saillie en eux ; tant aussi parce qu’un plus grand
nombre de particules cannelées, en se ruant ensemble, s’ouvrent un plus
grand nombre de méats de ce type. Car il faut noter qu’il y a un plus grand
nombre de tels méats dans l’acier, qui évidemment est constitué de seules
limailles de fer, que dans un aimant dans lequel se trouve beaucoup de
matière pierreuse dans laquelle sont enfoncées les limailles de fer ; si bien
793
Quatrième Partie. De la Terre.

atque ideo, cum paucae tantum particulae striatae ex magnete debili ferrum ingrediantur,
non omnes eius meatus aperiunt, sed paucos tantum, et quidem illos, qui extremitatibus
ramulorum quam-maxime flexilibus claudebantur.

IV, 165. Cur ipsa etiam terra uim magneticam ferro tribuat.

Unde fit, ut etiam uile ferrum, in quo scilicet istae ramulorum extremitates sunt ualde
flexiles, ab ipsa Terra, magnete quidem maximo, sed admodum debili, nonnullam uim
magneticam breuissimo tempore possit accipere. Nempe si sit oblongum, nulla tali ui adhuc
imbutum, et una sua extremitate uersus Terram inclinetur, protinus ex hoc solo acquiret, in
ista extremitate uersus Terram inclinata, uim poli Australis in his Borealibus regionibus; et
momento illam amittet, ac plane contrariam acquiret, si eadem eius extremitas attollatur, et
opposita deprimatur.

IV, 166. Cur uis magnetica in Terra debilior sit, quam in paruis magnetibus.

Sed si quaeratur, cur ista uis in Terra, maximo magnete, debilior sit quam in aliis
minoribus, respondeo, me non putare illam esse debiliorem, sed potius multo fortiorem, in
media illa Terrae regione, quam totam particulis striatis peruiam esse supra dictum est;
uerum istas particulas striatas, ab ipsa egressas, maxima ex parte reuerti per interiorem
illam superioris Terrae regionis crustam, ex qua metalla oriuntur, et in qua sunt etiam multi
meatus iis recipiendis idonei; atque idcirco perpaucas usque ad nos peruenire. Iudico enim
istos meatus, tum in illa crusta interiore, tum etiam in magnetibus, et ferri ramentis, quae in
uenis huius exterioris continentur, plane alio modo conuersos esse, quam meatus mediae
regionis: ita ut particulae striatae, quae per hanc mediam regionem ab Austro ad Boream
fluunt, reuertantur a Borea ad Austrum per omnes quidem superioris partes, sed praecipue
per eius crustam interiorem, itemque per magnetes et ferrum exterioris; quo cum maxima
earum pars se conferat, paucae supersunt quae per hunc nostrum aërem, et alia
circumiacentia corpora, meatibus idoneis destituta, sibi uiam quaerant. Quae si recte
coniicio,
794
Pars Quarta. De Terra.
que comme seulement peu de particules cannelées d’un aimant faible
entrent dans le fer, elles n’ouvrent pas tous ses méats, mais un petit nombre
seulement et certainement pas ceux qui sont barrés par les extrémités les
plus flexibles des ramifications.

IV, 165. Pourquoi la terre elle-même aussi attribue une force magnétique au
fer.
D’où se fait que le fer commun aussi, dans lequel, évidemment, les
extrémités des ramifications sont très flexibles, peut recevoir de la terre
elle-même, sûrement le plus grand des aimants mais extrêmement faible,
une force magnétique non nulle en un très bref espace de temps. À savoir,
si un fer oblong, encore imprégné d’aucune force de ce type, est incliné à
l’une de ses extrémités vers la terre, de cela seul il acquiert instantanément
dans cette extrémité inclinée vers la terre, dans ces régions boréales, une
force de pole austral ; et il la perd aussitôt et acquiert la force opposée, si
cette même extrémité du fer est élevée et l’opposée abaissée.

IV, 166. Pourquoi la force magnétique est plus faible dans la terre que dans les
petits aimants.
Mais si l’on demande pourquoi cette force est plus faible dans le plus grand
des aimants, la terre, que dans les autres plus petits, je réponds que je ne
pense pas qu’elle soit plus faible, mais qu’elle est plutôt beaucoup plus
forte au milieu de cette région de la terre dont il a été dit plus haut qu’elle
est tout entière accessible aux particules cannelées ; en vérité ces particules
qui en sortent, retournent, pour la plus grande part, par cette croûte
intérieure de la région supérieure de la terre d’où naissent les métaux et où
se trouvent un grand nombre de méats aptes à les recevoir ; et pour cela
très peu parviennent jusqu’à nous. Je pense en effet que ces méats, soit dans
cette croûte intérieure, soit aussi dans les aimants et les ramifications du fer
qui sont contenues dans les veines de la croûte extérieure, sont tournés
d’une manière absolument autre que les méats de la région centrale ; de
telle sorte que les particules cannelées qui affluent par cette région centrale
de l’australe vers la boréale, retournent certes, de la boréale vers l’australe
par toutes les parties de la croûte supérieure, mais surtout par sa croûte
intérieure et de même par les aimants et le fer de la croûte extérieure ; et
comme la plus grande part des particules cannelées se réfugie à cet endroit,
il en reste peu qui se cherchent un chemin par cet air qui est le nôtre et les
autres corps alentour dépourvus des méats aptes à les recevoir. Et par là, si
ma conjecture
795
Quatrième Partie. De la Terre.
796
Pars Quarta. De Terra.

magnes e terra excisus, et in cymba super aquam libere collocatus, eandem illam faciem,
qua semper antea, dum terrae haerebat, Septentriones spectauit, debet adhuc in
Septentriones conuertere: ut Gilbertus, uirtutis magneticae praecipuus indagator, et eius
quae in Terra est primus inuentor, expertum se esse affirmat. Nec moror quod alii
contrarium putent se uidisse; forsan enim iis imposuit, quod cum illa ipsa pars terrae, ex
qua magnetem excidi curauerant, esset magnes, poli magnetis excisi ad eam se
conuerterent: ut paullo ante dictum est, unius magnetis fragmentum ad aliud conuerti.

IV, 167. Cur acus magnete tactae semper suae uirtutis polos in extremitatibus suis habeant.

Iam uero, cum ista uirtus magnetica non communicetur ferro oblongo, nisi secundum eius
longitudinem: certum est acum ipsa imbutam suas semper extremitates uersus easdem
terrae partes debere conuertere, uersus quas magnes sphaericus polos suos conuertit; et
semper eiusmodi acus suae magneticae uirtutis polos in extremitatibus istis praecise habere.

IV, 168. Cur poli magneticae uirtutis non semper accurate uersus Terrae polos dirigantur,
sed ab iis uarie declinent.

Et quia facilius earum extremitates a reliquis partibus dignosci possunt, quam poli
magnetis, ipsarum ope notatum est, magneticae uirtutis polos non ubique Terrae polos
accurate respicere, sed uarie uariis in locis ab iis declinare. Cuius declinationis caussa, ut
iam ante Gilbertus animaduertit, ad solas inaequalitates quae sunt in hac terrae superficie,
referri debet. Manifestum enim est, in unis huius exterioris terrae partibus, multo plura ferri
ramenta, pluresque magnetes reperiri, quam in aliis: quo fit, ut particulae striatae, a terra
interiori egredientes, maiori copia uersus quaedam loca fluant, quam uersus alia, sicque ab
itineribus suis saepe deflectant. Et quia polorum magnetis, uel extremitatum acus, conuersio
pendet a solo cursu istarum particularum, omnes earum inflectiones sequi debet. Huiusque
rei experimentum facere licet in magnete, cuius figura non sit sphaerica:
797
Quatrième Partie. De la Terre.
est bonne, un aimant extrait de la terre et placé dans un esquif libre sur
l’eau, cette même face qui avant, quand il était immobilisé en terre, toujours
regardait les contrées septentrionales, doit encore se tourner vers les
contrées septentrionales ; comme Gilbert41, principal chercheur en vertu
magnétique et qui le premier a découvert cette vertu dans la terre, affirme
en avoir fait l’expérience. Et je ne m’attarde pas sur le fait que d’autres
pensent avoir vu le contraire : peut-être en effet ont-ils été abusés de ce que
comme cette partie de la terre d’où ils ont pris soin d’extraire l’aimant, était
précisément un aimant, les pôles de l’aimant extrait, se sont tournés vers
elle ; comme il a été dit il y a peu, d’un fragment d’un même aimant qui se
tourne vers l’autre.

IV, 167. Pourquoi les pointes touchées par un aimant ont toujours les pôles de
la vertu de cet aimant dans leurs extrémités.
En vérité maintenant, comme cette vertu magnétique ne se communique à
un fer oblong que selon sa longueur, il est certain qu’une aiguille aimantée
doit d’elle-même tourner ses extrémités vers les mêmes parties de la terre
vers lesquelles un aimant sphérique tourne ses pôles ; et une aiguille de ce
type tient toujours les pôles de sa vertu magnétique précisément dans ces
extrémités.

IV, 168. Pourquoi les pôles de la vertu magnétique ne se dirigent pas toujours
précisément vers les pôles de la terre, mais avec une déclinaison variable par
rapport à ces pôles.
Et parce que les extrémités de ces aiguilles peuvent plus facilement être
reconnues du reste des parties, que les pôles de l’aimant, par leur moyen a
été noté que les pôles de la vertu magnétique ne regardent pas de partout
exactement les pôles de la terre, mais avec, par rapport à ceux-ci, une
déclinaison variable en des lieux variés. La cause de cette déclinaison
comme l’a déjà remarqué précédemment Gilbert, doit être rapportée aux
seules inégalités qui se trouvent dans cette surface de la terre. Car il est
manifeste que se trouvent beaucoup plus de limailles de fer et un plus
grand nombre d’aimants dans certaines parties de cette terre extérieure,
que dans d’autres ; d’où se fait que les particules cannelées sortant de la
terre intérieure affluent en plus grande quantité vers certains lieux que vers
d’autres, et ainsi se détournent souvent de leurs trajectoires. Et parce que la
disposition des pôles de l’aimant ou des pointes des aiguilles dépend de la
seule rencontre avec ces particules, elle doit suivre toutes leurs inflexions.
De cette chose il est permis d’en faire l’expérience dans un aimant dont la
figure n’est pas
798
Pars Quarta. De Terra.
799
Quatrième Partie. De la Terre.

nam si acus exigua supra diuersas eius partes collocetur, non semper eodem plane modo ad
eius polos se conuertet, sed saepe ab ipsis aliquantum declinabit. Nec putandum est in eo
disparem esse rationem, quod inaequalitates, quae sunt in extima terrae superficie, ad totam
eius molem comparatae, perexiguae sint; non enim cum ipsa, sed cum acubus et
magnetibus in quibus declinatio sit, sunt comparandae, sicque satis magnas esse apparet.

IV, 169. Cur etiam interdum ista declinatio cum tempore mutetur.

Sunt qui dicunt, istam declinationem non semper in iisdem terrae locis eandem manere, sed
cum tempore mutari. Quod minime mirum uideri debet: non modo quia ferrum quotidie ex
unis terrae partibus in alias ab hominibus transfertur, sed etiam quia eius glebae, quae sunt
in hac terra exteriore, quibusdam in locis cum tempore corrumpi possunt, et aliae in aliis
generari, siue ab interiore terra submitti.

IV, 170. Cur in magnete supra unum ex suis polis erecto minor esse possit, quam cum eius
poli aequaliter a Terra distant.

Sunt etiam qui dicunt, istam declinationem nullam esse in magnete sphaerico, supra polum
suum Australem in his Borealibus regionibus, uel supra Borealem in Australibus,
perpendiculariter stante, illumque hoc pacto cymbae impositum, quandam aequatoris sui
partem semper accurate eandem uersus Boream, et oppositam uersus Austrum conuertere.
Quod an uerum sit, nullo mihi adhuc experimento compertum est. Sed facile mihi
persuadeo non omnino eandem, nec forte etiam tantam esse declinationem, in magnete ita
constituto, quam in eo cuius poli aequaliter a Terra distant. Nam particulae striatae, in hac
superiore Terrae regione, non modo per lineas aequaliter ab eius centro distantes ab uno
polo ad alium reuertuntur, sed etiam ubique (praeterquam sub aequatore) nonnullae ab
interioribus eius partibus ascendunt: et magnetis supra polos erecti conuersio ab his ultimis,
declinatio uero a prioribus praecipue dependet.

IV, 171. Cur magnes trahat ferrum.

Praeterea magnes trahit ferrum, siue potius magnes et ferrum ad inuicem accedunt; neque
enim ulla ibi tractio est, sed statim atque ferrum est
800
Pars Quarta. De Terra.
sphérique ; car si une pointe très petite est placée sur les diverses parties de
cet aimant, elle ne se tournera pas toujours exactement de la même manière
vers ses pôles, mais souvent présentera quelque déclinaison vers ces pôles
mêmes. Et il ne faut pas penser qu’il en va différemment de ce que les
irrégularités qui sont sur la surface la plus éloignée de la terre sont très
petites comparées à sa masse tout entière ; car il ne faut pas comparer ces
irrégularités avec la terre elle-même, mais avec les aiguilles et les aimants
où est la déclinaison, et ainsi apparaîtra qu’elles sont suffisamment
grandes.

IV, 169. Pourquoi aussi cette déclinaison change parfois avec le temps.
Certains disent que cette déclinaison ne reste pas toujours la même en des
mêmes lieux de la terre, mais change avec le temps. Ce qui doit le moins du
monde sembler extraordinaire ; non seulement parce que tous les jours, du
fer est transporté de certaines parties de la terre en d’autres, mais aussi
parce que des mottes de ce fer qui sont dans cette terre extérieure peuvent
se corrompre en certains lieux avec le temps, et d’autres se générer en
d’autres lieux autrement dit se produire depuis la terre intérieure.

IV, 170. Pourquoi cette déclinaison peut être moindre dans un aimant érigé sur
l’un de ses pôles que quand ses pôles sont pareillement distants de la terre.
Certains disent aussi que cette déclinaison est nulle dans un aimant
sphérique qui se tient perpendiculaire sur son pôle austral dans ces régions
boréales, ou sur le boréal dans ces australes, et que posé de cette façon sur
un esquif flottant il tourne une certaine partie de son équateur, toujours
exactement la même, vers Borée, et l’opposée vers Auster. Cependant
aucune expérience ne m’a encore convaincu que cela soit vrai. Mais je me
persuade facilement que la déclinaison n’est pas tout à fait la même, ni
peut-être aussi grande, dans un aimant disposé de la sorte que dans celui
dont les pôles sont à égale distance de la terre. Car les particules cannelées
dans cette région supérieure de la terre non seulement retournent d’un pôle
vers l’autre par des lignes à égale distance de son centre, mais aussi partout
(excepté sous l’équateur) certaines ascensionnent depuis ses parties
intérieures ; et le retournement de l’aimant érigé sur les pôles dépend de
ces dernières, la déclinaison en vérité principalement des premières.

IV, 171. Pourquoi un aimant entraîne le fer.


En outre l’aimant entraîne le fer, ou plutôt, l’aimant et le fer s’approchent
l’un de l’autre ; il n'y a là en effet aucune attraction, mais aussitôt que le fer
801
Quatrième Partie. De la Terre.
802
Pars Quarta. De Terra.

intra sphaeram actiuitatis magnetis, uim ab eo mutuatur, et particulae striatae, ab utroque


egredientes, aërem intermedium expellunt: quo fit, ut ambo ad inuicem non aliter quam duo
magnetes accedant. Imo etiam ferrum liberius mouetur quam magnes, quia constat iis
tantum ramentis, in quibus particulae striatae suos habent meatus, magnes autem multa
materia lapidea grauatur.

IV, 172. Cur magnes armatus, multo plus ferri sustineat, quam nudus.

Sed multi mirantur magnetem armatum, siue laminam ferream magneti adiunctam, plus
ferri posse sustinere, quam solum magnetem. Cuius tamen ratio detegi potest ex eo, quod
etiamsi plus sibi appensi ferri sustineat, non tamen idcirco plus ad se alliciat, si uel
minimum ab eo remoueatur; nec etiam plus sustineat, si corpus aliquod, quantumuis tenue,
interiaceat: hinc enim apparet, istam maiorem eius uim ex sola differentia contactus oriri:
quod nempe laminae ferreae meatus aptissime congruant cum meatibus ferri ipsi appensi, et
ideo particulae striatae, per hos meatus ex uno ferro in aliud transeuntes, omnem aërem
intermedium expellant, efficiantque ut eorum superficies, se inuicem immediate
contingentes, difficillime disiungantur: iamque supra ostensum est, nullo glutino duo
corpora melius ad inuicem posse alligari, quam immediato contactu. Meatus autem
magnetis non ita congruunt cum meatibus ferri, propter materiam lapideam quae in eo est;
hincque fit, ut semper aliquantulum spatii inter magnetem et ferrum debeat remanere, per
quod particulae striatae ex unius meatibus ad meatus alterius perueniant.

IV, 173. Cur eius poli, quamuis contrarii, se inuicem iuuent ad ferrum sustinendum.

Mirantur etiam nonnulli, quod quamuis poli magnetis contrariae uirtutis esse uideantur, se
tamen inuicem iuuent ad ferrum sustinendum: ita ut, si ambo laminis ferreis armentur,
possint fere duplo plus ferri simul sustinere, quam unus solus.
803
Quatrième Partie. De la Terre.
est dans la sphère d’activité de l’aimant, il lui emprunte sa force et les
particules cannelées sortant de l’un et l’autre expulsent l’air interposé ; d’où
se fait que les deux s’approchent l’un de l’autre pas autrement que deux
aimants. Bien plus même, le fer se meut plus librement que l’aimant parce
qu’il est seulement constitué de ces limailles dans lesquelles les particules
cannelées ont leurs méats, l’aimant toutefois est alourdi de beaucoup de
matière pierreuse.

IV, 172. Pourquoi un aimant armé soutient beaucoup plus de fer, que nu.
Mais beaucoup s’émerveillent qu’un aimant armé, c’est-à-dire une lame de
fer étant adjointe à l’aimant, puisse soutenir plus de fer qu’un aimant seul.
Et la raison de cela peut se découvrir de ce que, même s’il soutient plus de
fer appendu à lui, ce n’est pas pour cela que, s’il en est éloigné même très
peu, il en attire plus à lui ; ni encore qu’il en soutient plus si est interposé
quelque corps, aussi ténu que l’on voudra ; de là apparaît en effet que cette
sienne plus grande force, naît de la seule différence de contact ; à savoir que
les méats de la lame de fer s’ajustent très parfaitement avec les méats du fer
qui lui est précisément appendu, et pour cela les particules cannelées
transitant par ces méats d’un fer dans l’autre, expulsent tout l’air
intermédiaire, et font que leurs surfaces se touchent immédiatement l’une
l’autre et se disjoignent très difficilement ; et il a déjà été montré plus haut
que deux corps ne peuvent être attachés l’un à l’autre par aucun meilleur
ciment que le contact immédiat. Cependant les méats de l’aimant ne
s’ajustent pas aussi parfaitement avec les méats du fer, à cause de la
matière pierreuse qui est en lui ; et de là se fait que doit toujours rester un
peu d’espace entre l’aimant et le fer que les particules cannelées doivent
traverser pour parvenir des méats de l’un aux méats de l’autre.

IV, 173. Pourquoi ses pôles, bien que contraires, s’aident mutuellement pour
soutenir le fer.
Certains aussi s’émerveillent que, bien que les pôles d’un aimant semblent
être de vertu contraire, néanmoins ils s’aident l’un l’autre pour soutenir le
fer ; de telle sorte que si les deux sont armés d’une lame de fer, ils peuvent
ensemble soutenir presque deux fois plus de fer, qu’un seul.
804
Pars Quarta. De Terra.
Fig. IV-20.
Nempe, si AB est
magnes, cuius polis
adiunctae sunt laminae
CD et EF, ita utrimque
prominentes, ut ferrum
GH iis applicatum
superficie satis lata
ipsas tangat: hoc
ferrum GH duplo fere
grauius esse potest,
quam si ab una tantum
ex istis laminis
sustineretur. Sed huius
rei ratio euidens est,
ex motu particularum
striatarum iam
explicato: quamuis
enim in eo contrariae
sint, quod quae per unum polum ingrediuntur, non possint etiam ingredi per alium, hoc non
impedit quominus in sustinendo ferro consentiant; quia uenientes ab Australi magnetis polo
A, per laminam chalybeam CD reflexae, ingrediuntur unam ferri partem b, in qua faciunt
eius polum Borealem; atque inde fluentes usque ad Australem a, occurrunt alii laminae
chalybeae FE, per quam ascendunt ad B, polum magnetis Borealem; et uice uersa egressae
ex B, per armaturam EF, ferrum appensum HG, aliamque armaturam DC, reuertuntur ad A.
IV, 174. Cur gyratio rotulae ferrae, a ui magnetis cui appensa est, non impediatur.
Hic autem motus particularum striatarum per magnetem et ferrum non ita uidetur consentire
cum motu circulari ferrearum rotularum, quae, turbinis instar contortae, diutius gyrant e
magnete pendentes, quam cum ab eo remotae terrae insistunt. Et sane, si particulae striatae
motu tantum recto agerentur, et singulos ferri meatus per quos ingredi debent, e regione
meatuum magnetis ex quibus egrediuntur, offenderent, iudicarem eas sistere debere
gyrationem istarum rotularum. Sed quia semper ipsaemet gyrant, unae in unam partem,
aliae in contrariam, et oblique transire debent ex meatibus magnetis in meatus ferri,
quomodocumque rotula uertatur, aeque facile in eius meatus ingrediuntur, ac si esset
immota, minusque ipsius motus impeditur a contactu magnetis, cum ei sic appensa gyratur,
quam a contactu Terrae, cum suo pondere illam premit.
IV, 175. Quomodo et quare uis unius magnetis augeat uel minuat uim alterius.
Variis modis uis unius magnetis augetur uel minuitur, alterius magnetis aut ferri accessu.
805
Quatrième Partie. De la Terre.
Figure IV-20.
Si AB, n’est-ce pas, est un aimant aux pôles duquel sont adjointes les deux
lames CD et EF, qui débordent des deux côtés de telle sorte que le fer GH
plaqué contre elles, les touche précisément par une surface assez large : ce
fer GH peut peser presque deux fois plus que s’il était soutenu par une
seule de ces lames. Mais la raison de cette chose est évidente par le
mouvement déjà expliqué des particules cannelées ; car même si les
particules sont contraires en ce que celles qui sortent par un pôle ne
peuvent pas aussi entrer par l’autre, cela ne les empêche pas de s’accorder
pour soutenir le fer ; parce qu’en venant du pôle austral A de l’aimant,
détournées par la lame d’acier CD, elles entrent dans la même partie b du
fer, dans laquelle elles font son pôle boréal ; et s’écoulant de là jusqu’au
pôle austral a, elles rencontrent l’autre lame d’acier FE par laquelle elles
montent vers B, le pôle boréal de l’aimant ; et vice-versa, sorties de B par
l’armature EF, le fer suspendu HG, et l’autre armature DC, elles retournent
vers A.

IV, 174. Pourquoi la rotation d’une petite roue de fer n’est pas empêchée par la
force de l’aimant auquel elle est appendue.
Toutefois ce mouvement des particules cannelées à travers l’aimant et le
fer, ne semble pas de la sorte être en accord avec le mouvement circulaire
des petites roues de fer lancées comme des toupies, qui tournent plus
longtemps suspendues à un aimant que posées sur terre loin de cet aimant.
Et, vraiment, si les particules cannelées ne se mouvaient que d’un
mouvement rectiligne et se heurtaient aux singuliers méats du fer par
lesquels elles doivent entrer conformément à la région des méats de
l’aimant par lesquels elles sortent, je pense qu’elles devraient arrêter la
rotation de ces petites roues. Mais parce que les particules elles-mêmes
tournent toujours, les unes dans une partie, les autres dans la partie
contraire, et doivent transiter obliquement des méats de l’aimant dans les
méats du fer, de quelque manière que tourne la petite roue, elles entrent
aussi facilement dans ses méats que si elle était immobile, et son propre
mouvement est moins empêché par le contact de l’aimant quand elle lui est
appendue de la sorte, que par le contact de la terre quand elle presse celle-
ci de son poids.

IV, 175. Comment et pourquoi la force d’un même aimant augmente ou


diminue la force d’un autre aimant.
La force d’un même aimant est augmentée ou diminuée de différentes
manières par l’approche d’un autre aimant ou d’un fer. Mais en cela est une
806
Pars Quarta. De Terra.
Sed una in hoc generalis regula est, quod quoties ita siti sunt isti magnetes, ut unus in alium
particulas striatas mittat, se inuicem iuuent; contra autem, si unus ab alio eas abducat, sibi
obstent. Quia quo celerius et copiosius istae particulae per unumquemque magnetem fluunt,
eo maior in eo est uirtus, et magis agitatae, ac plures, ab uno magnete uel ferro in alium
mitti possunt, quam eo absente ab aëre, alioue ullo corpore in eius locum constituto. Sic
non modo, cum polus Australis unius magnetis polo Boreali alterius coniunctus est, se
inuicem iuuant ad ferrum aliis suis polis appensum sustinendum; sed etiam cum disiuncti
sunt, et ferrum inter utrumque collocatur. Fig. IV-21.

Exempli gratia, magnes C iuuatur a magnete F, ad ferrum DE sibi coniunctum retinendum;


et uice uersa, magnes F iuuatur a magnete C, ad huius ferri extremitatem E in aëre
sustinendam: potest enim esse tam grauis, ut ab eo solo sic sustineri non posset, si alia
extremitas D alteri corpori quam magneti C inniteretur.
IV, 176. Cur magnes quantumuis fortis, ferrum sibi non contiguum, a magnete debiliore
attrahere non possit.
Sed interim quaedam uis magnetis F impeditur a magnete C, nempe illa quam habet ad
ferrum DE ad se alliciendum. Notandum enim est hoc ferrum, quamdiu tangit magnetem C,
attrahi non posse a magnete F quem non tangit, etiamsi hunc illo multo potentiorem esse
supponamus. Cuius ratio est, quod particulae striatae per hos duos magnetes, et per hoc
ferrum, tanquam per unicum magnetem, modo supra explicato transeuntes, aequalem fere
habeant uim in toto spatio quod est inter C et F, nec ideo possint ferrum DE, non sola ista ui
magnetica, sed insuper contactu suo magneti C alligatum, uersus F adducere.
IV, 177. Cur magnes debilis, aut ferrum, a magnete fortiori ferrum sibi contiguum possit
detrahere.
Atque hinc patet, cur saepe magnes debilis, aut exiguum ferrum, detrahat aliud ferrum a
magnete fortiore. Notandum enim est hoc nunquam fieri, nisi cum magnes debilior tangit
illud ferrum, quod detrahit a magnete fortiori. Quippe, cum duo magnetes
807
Quatrième Partie. De la Terre.
seule règle générale, que chaque fois que ces aimants sont placés de telle
sorte que l’un émet des particules cannelées dans l’autre, ils s’aident l’un
l’autre ; et au contraire si l’un les détourne de l’autre, ils s’opposent. Parce
que plus ces particules affluent vite et en abondance par chaque aimant,
plus la vertu est grande en cet aimant, et plus elles peuvent être émises
agitées et nombreuses d’un même aimant ou fer dans un autre, que, quand
cet aimant est absent, de l’air ou de quelque autre corps constitué en son
lieu. Ainsi non seulement, quand le pôle austral de l’un se joint au pôle
boréal de l’autre, ils s’aident mutuellement à soutenir le fer appendu à leurs
autres pôles, mais aussi, quand ils sont disjoints, à soutenir le fer placé
entre l’un et l’autre.
Figure IV-21.
L’aimant C par exemple est aidé par l’aimant F à maintenir le fer DE
conjoint à lui, et vice-versa, l’aimant F est aidé par l’aimant C à maintenir
en l’air l’extrémité E de ce fer ; car ce fer pourrait être si lourd qu’il ne
pourrait être maintenu ainsi par cet aimant seul si l’extrémité D était
appuyée sur un corps autre que l’aimant C.

IV, 176. Pourquoi un aimant aussi fort que l’on voudra ne peut pas attirer à
lui, depuis un aimant plus faible, un fer qui ne lui est pas contigu.
Mais en même temps une certaine force de l’aimant F est empêchée par
l’aimant C, celle qu’elle a, n’est-ce pas, pour attirer à soi le fer DE. Il faut en
effet noter que ce fer aussi longtemps qu’il touche l’aimant C, ne peut pas
être entraîné par l’aimant F qu’il ne touche pas, même si nous supposons
l’aimant F être beaucoup plus puissant que l’aimant C. La raison de cela est
que les particules cannelées transitant par ces deux aimants et par ce fer,
comme par un aimant unique, de la manière expliquée ci-dessus, ont une
force presque égale dans tout l’espace qui est entre C et F, et pour cela elles
ne peuvent pas attirer vers F le fer DE qui est lié à l’aimant C, non par cette
seule force magnétique, mais en outre par son propre contact.

IV, 177. Pourquoi un aimant faible ou un fer, peut détacher d’un aimant plus
fort un fer contigu à lui.
Et de là est clair pourquoi souvent un aimant faible, ou même un fer exigu,
détache un autre fer d’un aimant plus fort. Car il faut noter que jamais cela
ne peut se faire qu’un aimant plus faible détache un fer d’un aimant plus
fort, à moins qu’il ne touche ce fer. Assurément quand deux aimants
808
Pars Quarta. De Terra.

ferrum oblongum polis dissimilibus tangunt, unus in una extremitate, alius in alia, et deinde
isti duo magnetes ab inuicem remouentur, ferrum intermedium non semper debiliori, nec
etiam semper fortiori, sed modo uni, modo alteri adhaeret: nullamque puto esse rationem,
cur uni potius quam alteri adhaereat, nisi quod eum cui adhaeret, in maiori superficie quam
alium tangat.

IV, 178. Cur in his Borealibus regionibus, polus Australis magnetis sit fortior Boreali.

Ex eo uero, quod magnes F iuuet magnetem C ad ferrum DE sustinendum, manifestum est


cur ille polus magnetis, qui a nobis uocatur Australis, plus ferri sustineat quam alter, in his
Borealibus regionibus: etenim a Terra maximo magnete iuuatur, eodem plane modo ac
magnes C a magnete F; contra autem alius polus, propter situm non conuenientem, a Terra
impeditur.

IV, 179. De iis quae obseruari possunt in ferri limatura circa magnetem sparsa.

Si paullo curiosius consideremus, quo pacto limatura ferri circa magnetem se disponat,
multa eius ope aduertemus, quae hactenus dicta confirmabunt. Nam in primis notare licet,
eius puluisculos non confuse coaceruari, sed unos aliis incumbendo, quosdam quasi tubulos
componere, per quos particulae striatae liberius quam per aërem fluunt, quique idcirco
earum uias designant. Quae uiae ut clare ipsis oculis cerni possint, spargatur aliquid istius
limaturae supra planum, in quo sit foramen cui magnes sphaericus ita immissus sit, ut polis
suis utrimque planum tangat, eo modo quo Astronomorum globi Horizontis circulo immitti
solent, ut sphaeram rectam repraesentent, et limatura ibi sparsa disponet se in tubulos, qui
flexus particularum striatarum circa magnetem, siue etiam circa globum Terrae, a nobis
supra descriptos exhibebunt. Deinde, si alius magnes eodem modo isti plano iuxta priorem
inseratur, et polus Australis unius Borealem alterius respiciat, limatura circumsparsa
ostendet etiam, quo pacto particulae striatae per istos duos magnetes tanquam per unicum
moueantur.
809
Quatrième Partie. De la Terre.
touchent un fer oblong par leurs pôles opposés, l’un à une extrémité, l’autre
à l’autre, et qu’ensuite ces deux aimants sont éloignés l’un de l’autre, le fer
interposé n’est pas toujours attiré par le plus faible, ni non plus toujours
par le plus fort, mais tantôt par l’un, tantôt par l’autre ; et je pense qu’il y a
aucune raison qu’il adhère plutôt à l’un qu’à l’autre, si ce n’est qu’il touche
celui auquel il adhère en une surface plus grande que l’autre.

IV, 178. Pourquoi dans nos régions boréales le pôle austral d’un aimant est
plus fort que le boréal.
En vérité de ce que l’aimant F aide l’aimant C à soutenir le fer DE, est
manifeste pourquoi ce pôle de l’aimant que nous appelons austral soutient,
dans ces régions boréales, plus de fer que l’autre ; car il est aidé par la terre,
le plus grand aimant, exactement de la même manière que l’aimant C est
aidé par l’aimant F ; et au contraire l’autre pôle est empêché par la terre, à
cause du site qui ne s’accorde pas.

IV, 179. Sur ce qui peut être observé dans la limaille de fer épandue autour
d’un aimant.
Si nous considérons un peu plus précisément de quelle façon la limaille de
fer se dispose autour d’un aimant, nous remarquerons par ce moyen
beaucoup de choses qui vont confirmer ce qui a été dit jusqu’ici. Car il est
permis de noter en premier, que ses poussières ne s’entassent pas
confusément, mais composent, en se couchant les unes sur les autres,
comme des tubules par où les particules cannelées s’écoulent plus
librement que par l’air, et qui pour cela désignent leurs chemins. Et pour
que ces chemins puissent clairement se distinguer par les yeux mêmes, est
épandue quelque peu de cette limaille sur un plan, dans lequel est
confectionné un trou où l’on introduit un aimant sphérique, de telle sorte
qu’il touche le plan, de part et d’autre, par ses pôles - de cette manière
qu’ont l’habitude d’être introduits les globes des astronomes sur le cercle
de l’horizon pour représenter la sphère droite - et la limaille épandue se
dispose à cet endroit en tubules qui feront voir autour de l’aimant, ou
même autour du globe de la terre, les flexions des particules cannelées que
nous avons décrites plus haut. Ensuite si dans ce plan est inséré un autre
aimant de la même manière à côté du premier et que le pôle austral de l’un
regarde le boréal de l’autre, la limaille épandue tout autour montrera aussi
de quelle façon les particules cannelées se meuvent à travers ces deux
aimants, comme à travers un unique aimant.
810
Pars Quarta. De Terra.
Fig. IV-22.
Eius enim tubuli, qui ab uno ex polis se mutuo respicientibus ad alium porrigentur, erunt

omnino recti; alii uero, qui ab uno ex aduersis polis ad alium pertingent, erunt circa
magnetes inflexi: ut hic sunt lineae BRVXT.
Notari etiam potest, cum aliquid limaturae ferri ex polo, ex gr Australi, unius magnetis
pendet, si polus Australis alterius magnetis infra positi uersus illam conuertatur, et
paullatim ei appropinquetur, quo pacto tubuli ex ea confecti primo sursum se retrahunt et
inflectunt: quia scilicet eae particulae striatae, quae per illos fluunt, repelluntur ab aliis quae
ueniunt a magnete inferiore. Ac deinde, si iste inferior magnes multo potentior sit superiore,
tubuli isti dissoluuntur, et limatura decidit in inferiorem: quia scilicet particulae striatae ex
hoc inferiori ascendentes, impetum faciunt in singulos istius limaturae puluisculos, quos
cum ingredi non possint, nisi per easdem illorum superficies quibus magneti superiori
adhaerent, eos ab hoc superiore disiungunt. Contra uero, si polo Australi superioris
magnetis, cui limatura ferri adhaeret, polus Borealis inferioris obuertatur, haec limatura
tubulos suos recta uersus inferiorem dirigit, et quantum potest producit: quia utrimque
particulis striatis, ab uno magnete in alium transeuntibus, uiam praebent; sed non ideo a
superiori separatur, nisi prius inferiorem tetigerit, propter uim contactus, de qua egimus
paullo ante. Atque propter istam eandem uim, si limatura, magneti quantumuis forti
adhaerens, tangatur ab alio debiliori magnete, uel tantum a ferreo aliquo bacillo, nonnullae
eius partes fortiorem magnetem relinquent, et debiliorem, siue ferreum bacillum, sequentur:
illae scilicet, quae maiori superficie hunc quam illum tangent. Cum enim exiguae istae
superficies uariae sint et inaequales, semper accidit, ut quasdam limaturae particulas uni
magneti uel ferro, alias alteri firmius iungant.
811
Quatrième Partie. De la Terre.
Ses tubules en effet qui se dirigent de l’un vers l’autre des pôles qui se
regardent réciproquement, seront tout à fait droits ; mais les autres qui
s’étendent de l’un vers l’autre des pôles opposés, seront infléchis autour
des aimants ; comme le sont ici les lignes BRVXT.
Figure IV-22.
Peut être noté aussi, quand quelque peu de limaille de fer est suspendue au
pôle, par ex. austral, d’un même aimant, si progressivement s’en rapproche
le pôle austral d’un autre aimant placé en dessous et tourné vers cette
limaille, cela étant fait, les tubules formés en premier par cette limaille se
rétractent et s’infléchissent vers le haut ; parce que, cela va de soi, ces
particules cannelées qui affluent par ces tubules, sont repoussées par les
autres particules qui viennent de l’aimant inférieur. Et par suite si cet
aimant inférieur est beaucoup plus fort que le supérieur, ces tubules se
dissolvent, et la limaille tombe dans l’inférieur ; parce que, cela va sans
dire, les particules cannelées qui montent de cet aimant inférieur, donnent
une impulsion aux poussières singulières de cette limailles dans lesquelles
elles ne peuvent entrer que par leurs surfaces mêmes par où celles-ci
adhèrent à l’aimant supérieur, et elles les disjoignent de cet aimant
supérieur. Mais au contraire si face au pôle austral de l’aimant supérieur
auquel adhère la limaille de fer, est tourné le pôle boréal de l’aimant
inférieur, cette limaille oriente ses tubules en ligne droite vers l’inférieur et
en étend autant qu’elle peut, parce qu’ils offrent un chemin aux particules
cannelées qui transitent de part et d’autre d’un aimant vers l’autre ; mais
pour cela la limaille ne se sépare pas de l’aimant supérieur, sauf si au
préalable elle touche l’inférieur, à cause de la force de contact dont nous
avons traité un peu plus haut. Et à cause de cette même force, si la limaille
qui adhère à un aimant aussi fort que l’on voudra, est touchée par un autre
aimant plus faible, ou seulement par quelque bâtonnet de fer, certaines
siennes parties abandonneront l’aimant plus fort et suivront le plus faible
ou le bâtonnet de fer ; celles, évidemment, qui touchent par une plus
grande surface l’un que l’autre. Comme en effet ces surfaces exiguës sont
variées et inégales, il arrive toujours que les unes joignent plus fermement
certaines particules de la limaille à l’aimant ou au fer, les autres les joignent
plus fermement à l’autre.
812
Pars Quarta. De Terra.
IV, 180. Cur lamina ferrea polo magnetis coniuncta, eius uim trahendi uel conuertendi ferri
impediat. Fig. IV-23

Lamina ferrea, quae, polo magnetis admota, eius uim sustinendi ferri multum auget, ut ante
dictum est, impedit eiusdem uim ferri ad se alliciendi aut conuertendi.
Nempe lamina DCD impedit ne magnes AB, cuius polo adiuncta est, acum EF ad se alliciat
aut conuertat. Iam enim aduertimus particulas striatas, quae progrederentur a B uersus EF
absque hac lamina, in ea reflecti ex C uersus extremitates DD, propterea quod liberius per
ipsam quam per aërem fluunt, sicque uix ullae ad acum EF perueniunt. Eodem modo quo
supra diximus, paucas a media Terrae regione ad nos peruenire, quia maxima earum pars,
per interiorem crustam superioris Terrae regionis, ab uno polo ad alium reuertitur; unde fit,
ut debilis tantum uis magnetica totius Terrae hic apud nos sentiatur.
IV, 181. Cur eandem nullius alterius corporis interpositio impediat.
Sed praeter ferrum aut magnetem, nullum aliud corpus in locum laminae CD poni potest, a
quo magnes AB impediatur, ne uim suam in acum EF exerceat. Nullum enim habemus, in
hac exteriore terra, quantumuis solidum et durum, in quo non sint plurimi meatus: non
quidem ad mensuram particularum striatarum efformati, sed multo maiores, utpote qui
etiam globulos secundi elementi recipiunt, et per quos idcirco istae particulae striatae non
minus libere transire possunt quam per aërem, in quo istos etiam globulos secundi elementi
obuios habent.
IV, 182. Cur magnetis positio non conueniens eius uires paullatim imminuat.
Si ferrum aut magnes diu detineatur aliter conuersus ad Terram aliosue uicinos magnetes,
quam sponte se conuerteret si nihil eius motum impediret, hoc ipso uires suas paullatim
amittit: quia tunc particulae striatae, ex Terra uel aliis magnetibus uicinis aduenientes,
oblique uel auerse ipsius meatibus occurrendo, paullatim eorum figuras mutant et
corrumpunt.
813
Quatrième Partie. De la Terre.
814
Pars Quarta. De Terra.

IV, 180. Pourquoi une lame de fer jointe au pôle d’un aimant empêche la force
de cet aimant d’entraîner ou de faire tourner du fer.
Une lame de fer voisine du pôle d’un aimant qui augmente beaucoup la
force de cet aimant de soutenir du fer, comme il a été dit auparavant,
empêche la force de ce même aimant d’attirer à soi ou de faire tourner du
fer.
Figure IV-23
À savoir la lame DCD empêche que l’aimant AB, au pôle duquel elle est
plaquée, attire ou fasse se tourner vers lui l’aiguille EF. Car nous avons déjà
remarqué que les particules cannelées qui, sans cette lame, avanceraient de
B vers EF, s’en retournent en elle de C vers les extrémités DD ; pour la
raison qu’elles s’écoulent plus librement en elle en réalité, que par l’air, et
ainsi à peine quelques unes parviennent à l’aiguille EF. De la même
manière que nous avons dit ci-dessus nous en parvenir peu de la région
centrale de la terre parce que leur plus grande part retourne d’un pôle vers
l’autre par la croûte intérieure de la région supérieure de la terre ; d’où se
fait que nous ne ressentions ici chez nous qu’une faible force magnétique
de la totalité de la terre.

IV, 181. Pourquoi l’interposition d’aucun autre corps n’empêche cette même
force.
Mais excepté un fer ou un aimant, aucun autre corps ne peut être posé à la
place de la lame CD par lequel l’aimant AB serait empêché d’exercer sa
force sur l’aiguille EF. Nous n’en avons en effet aucun en cette terre
extérieure, aussi solide et dur que l’on voudra, dans lequel ne soient un
plus grand nombre de méats ; non certes formés à la mesure des particules
cannelées, mais beaucoup plus grands, vu qu’ils reçoivent aussi des
globules du second élément et par lesquels pour cela ces particules
cannelées peuvent transiter pas moins librement que par l’air, où ils ont sur
leur chemin aussi ces globules du second élément.

IV, 182. Pourquoi la position non adaptée d’un aimant, peu à peu diminue ses
forces.
Si un fer ou un aimant est tenu longtemps tourné vers la terre ou vers
d’autres aimants proches, autrement qu’il se tournerait spontanément si
rien n’empêchait son mouvement, par cela même peu à peu il perd de ses
forces ; parce que les particules cannelées provenant alors de la terre ou
815
Quatrième Partie. De la Terre.
d’autres aimants proches, affrontent obliquement ou à contre sens ces
méats mêmes, et peu à peu changent et corrompent leurs figures.
816
Pars Quarta. De Terra.

IV, 183. Cur rubigo, humiditas et situs, eas etiam imminuat, et uehemens ignis plane tollat.

Denique uis magnetica humiditate, rubigine, ac situ ualde minuitur; et ualido igne plane
deletur. Rubigo enim, ex ferri ramentis efflorescens, meatuum orificia occludit; idemque
praestat aëris humiditas et situs, quia rubiginis initia sunt. Ignis autem agitatio istorum
ramentorum positionem plane disturbat. Nihilque puto hactenus circa magnetem uere ac pro
certo fuisse obseruatum, cuius ratio, ex iis quae explicui, non facile intelligatur.

IV, 184. De ui attractionis in succino, cera, resina, et similibus.

Hic autem occasione magnetis qui trahit ferrum, aliquid addendum est de succino, gagate,
cera, resina, uitro et similibus, quae omnia minuta corpora etiam trahunt. Quamuis enim
mei non sit instituti, particularia ulla explicare, nisi quatenus requiruntur ad generaliora, de
quibus egi, confirmanda; nec examinare possim istam uim in gagate uel succino, nisi prius
ex uariis experimentis plures alias eorum proprietates deducam, et ita intimam ipsorum
naturam inuestigem: quia tamen eadem uis in uitro etiam est, de quo mihi paullo ante fuit
agendum ad ignis effectus demonstrandos, nisi eam explicarem, alia forsan quae de illo
scripsi, possent in dubium reuocari. Praesertim quia forte nonnulli, uidentes istam uim in
succino, cera, resina, et oleagineis fere omnibus reperiri, putabunt ipsam in eo consistere,
quod tenues quaedam et ramosae istorum corporum particulae, frictione commotae (frictio
enim ad illam uim excitandam requiri solet), per aërem uicinum se diffundant, ac sibi
mutuo adhaerescentes protinus reuertantur, et minuta corpora quae in itinere offendunt,
secum trahant. Quemadmodum uidemus eiusmodi pinguium liquefactorum guttas, bacillo
appensas, leui motu ita excuti posse, ut una earum parte bacillo adhaerente, alia pars ad
aliquam distantiam ab eo recedat, statimque reuertatur, nec non festucas,
817
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 183. Pourquoi la rouille l’humidité et l’abandon diminuent aussi ses forces,
et un feu véhément les supprime complétement.
Et enfin la force magnétique est grandement diminuée par l’humidité, la
rouille et l’abandon ; et complétement détruite par un feu vigoureux. Car la
rouille qui fleurit des parcelles de fer, bouche les orifices des méats ; et
l’humidité de l’air et l’abandon font la même chose, parce qu’ils sont à
l’origine de la rouille. L’agitation du feu toutefois désorganise
complétement la position de ces parcelles.
Et je pense que rien n’a été observé sur l’aimant à ce jour, de vrai ou tenu
pour certain, dont la raison ne soit facilement comprise par ce que j’ai
expliqué.

IV, 184. De la force d’attraction de l’ambre, de la cire, de la résine et des choses


semblables.
Et ici, à l’occasion de l’aimant qui entraîne le fer, il faut ajouter quelque
chose sur l’ambre, le jais, la cire, la résine, le verre et choses semblables qui
aussi entraînent de tout petits corps. Bien que ne soit pas mon intention
d’expliquer chaque cas en particulier, sinon en tant qu’il est requis pour
confirmer les plus généraux dont j’ai traité, et que je ne pourrais pas
examiner cette force dans le jais ou l’ambre, si je ne déduisais auparavant
par différentes expériences un assez grand nombre de leurs autres
propriétés et n’investiguais ainsi leur nature intime, toutefois parce que la
même force se trouve aussi dans le verre, dont j’ai dû traiter un peu plus
haut pour démontrer les effets du feu, si je n’expliquais pas cette force, les
autres choses que j’ai écrites sur lui pourraient peut-être, être révoquées en
doute.
Principalement parce que certains, voyant cette force dans l’ambre, la cire,
la résine et presque tous les oléagineux, penseront peut-être qu’elle consiste
précisément en ce que certaines particules ténues et ramifiées de ces corps,
agitées par la friction (la friction a l’habitude en effet d’être requise pour
exciter cette force) se répandent dans l’air voisin et, en s’agrégeant les unes
aux autres, aussitôt reviennent en arrière et entraînent avec elles les très
petits corps qu’elles rencontrent en chemin. De la même manière que nous
voyons les gouttes des liquides gras de ce type, appendues à un bâtonnet,
pouvoir être secouées par un léger mouvement de telle sorte qu’une de
leurs parties adhère au bâtonnet, l’autre partie s’en éloigne à quelque
distance et revient aussitôt en arrière, emmenant avec elle quelque fétu ou
autre corpus-
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Pars Quarta. De Terra.
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Quatrième Partie. De la Terre.

aliaue obuia corpuscula secum adducat. Nihil enim tale in uitro licet imaginari, saltem si
natura eius sit talis, qualem eam supra descripsimus; ac proinde in ipso alia istius
attractionis caussa est assignanda.

IV, 185. Quae sit causa istius attractionis in uitro.

Nempe ex modo quo illud generari dictum est, facile colligitur, praeter illa maiuscula
interualla, per quae globuli secundi elementi uersus omnes partes transire possunt, multas
etiam rimulas oblongas inter eius particulas reperiri; quae cum sint angustiores, quam ut
istos globulos recipiant, soli materiae primi elementi transitum praebent; putandumque est,
hanc materiam primi elementi, omnium meatuum quos ingreditur figuras induere assuetam,
per rimulas istas transeundo, in quasdam quasi fasciolas tenues, latas, et oblongas
efformari, quae, cum similes rimulas in aëre circumiacente non inueniant, intra uitrum se
continent, uel certe ab eo non multum euagantur, et circa eius particulas conuolutae, motu
quodam circulari, ex unis eius rimulis in alias fluunt. Quamuis enim materia primi elementi
fluidissima sit, quia tamen constat minutiis inaequaliter agitatis, ut in tertiae partis art. 87 et
88 explicui, rationi consentaneum est, ut credamus multas quidem ex maxime concitatis
eius minutiis a uitro in aërem assidue migrare, aliasque ab aëre in uitrum earum loco
reuerti; sed, cum eae quae reuertuntur, non sint omnes aeque concitatae, illas quae
minimum habent agitationis, uersus rimulas, quibus nulli meatus in aëre correspondent,
expelli, atque ibi unas aliis adhaerentes, fasciolas istas componere; quae fasciolae idcirco
successu temporis figuras acquirunt determinatas, quas non facile mutare possunt. Unde fit,
ut si uitrum satis ualide fricetur, ita ut nonnihil incalescat, ipsae hoc motu foras excussae,
per aërem quidem uicinum se dispergant, aliorumque etiam corporum uicinorum meatus
ingrediantur; sed quia non tam faciles ibi uias inueniunt, statim ad uitrum reuoluantur, et
minutiora corpora, quorum meatibus sunt implicitae, secum adducant.
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Pars Quarta. De Terra.
cule rencontré au passage. Rien de tel ne peut en effet être imaginé dans le
verre, du moins si sa nature est telle que nous l’avons décrite ci-dessus ; et
par conséquent une autre cause doit lui être précisément assignée pour
cette attraction.

IV, 185. Quelle est la cause de cette attraction dans le verre.


De la manière dont a été dit qu’est généré le verre, est facilement conclu
n’est-ce pas que, outre ces assez grands intervalles par lesquels les globules
du second élément peuvent transiter vers toutes les parties, sont aussi
retrouvées entre ses particules, de nombreuses petites fentes oblongues, qui
sont trop étroites pour recevoir ces globules et qui offrent un transit à la
seule matière du premier élément ; et il faut penser que cette matière du
premier élément, accoutumée à revêtir les figures de tous les méats dans
lesquels elle entre, forme en certaines, en transitant par ces petites fentes,
comme des bandelettes minces, larges et oblongues qui ne trouvant pas de
semblables fentes dans l’air alentour, sont contenues dans le verre ou
certainement ne s’en éloignent pas beaucoup, et enroulées autour de ses
particules affluent, par quelque mouvement circulaire de certaines de ces
petites fentes, en d’autres. Et bien que cette matière du premier élément soit
très fluide, toutefois parce qu’elle est constituée de menues parcelles
inégalement agitées, comme j’ai expliqué dans la troisième partie aux
articles 87 et 88, il consent parfaitement avec la raison que nous tenions
pour vrai assurément, que beaucoup de ses parcelles les plus agitées
migrent continuellement du verre dans l’air et que d’autres retournent de
l’air dans le verre en leur place ; mais comme celles qui retournent ne sont
pas toutes pareillement agitées, celles qui ont le moins d’agitation sont
expulsées vers les petites fentes auxquelles ne correspondent aucun méat
dans l’air, et là les unes s’agrégeant aux autres, composent ces bandelettes ;
et avec le temps, pour cette raison, ces bandelettes acquièrent des figures
déterminées dont elles ne peuvent pas facilement changer. D’où se fait que
si le verre est frotté assez vigoureuse-ment, jusqu’à s’échauffer quelque
peu, celles qui justement sont rejetées à l’extérieur par ce mouvement, se
répandent bien sûr dans l’air voisin et entrent aussi dans les méats des
autres corps voisins ; mais parce qu’elles ne trouvent pas si facilement un
chemin à cet endroit, aussitôt elles s’en retournent vers le verre et
emmènent avec elles des corps assez petits dans les méats desquels elles
sont entrelacées.
821
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 186. Eandem ipsius caussam in reliquis etiam uideri.

Quod autem hic de uitro notauimus, de plerisque aliis corporibus etiam credi debet: nempe
quod interstitia quaedam inter eorum particulas reperiantur, quae, cum nimis angusta sint ad
globulos secundi elementi admittendos, solam materiam primi recipiunt, et cum sint maiora
iis quae in aëre circumiacente soli isti materiae primi elementi etiam patent, implentur
minus agitatis eius minutiis; quae sibi mutuo adiunctae, particulas componunt, diuersas
quidem habentes figuras, iuxta diuersitatem istorum interstitiorum, sed maxima ex parte
fasciolarum instar tenues, latas et oblongas: ita ut, circa particulas corporum quibus insunt
se conuoluendo, assidue moueri possint. Interstitia enim a quibus figuram suam mutuantur,
cum debeant esse ualde angusta, ut globulos secundi elementi non admittant, nisi essent
oblonga rimarum instar, uix possent esse maiora iis, quae inter aëris particulas a globulis
eiusdem secundi elementi non occupantur. Quapropter, etsi non negem, aliam caussam
attractionis ante expositam in aliquibus forte corporibus locum habere posse, quia tamen
non est ita generalis, et attractio ista in ualde multis corporibus obseruatur, non aliam puto
in illis, uel saltem in maxima illorum parte, quam in uitro esse quaerendam.

IV, 187. Ex dictis intelligi, quaenam caussae esse possint reliquorum omnium mirabilium
effectuum, qui ad occultas qualitates referri solent.

Caeterum hic notari uelim, particulas istas in meatibus corporum terrestrium, ex materia
primi elementi efformatas, non modo uariarum attractionum, quales sunt in electro et in
magnete, sed et aliorum innumerabilium et admirandorum effectuum caussas esse posse.
Quae enim in unoquoque corpore formantur, aliquid singulare habent in sua figura, quo
differunt a reliquis omnibus, in aliis corporibus formatis; cumque retineant maximam
agitationem primi elementi, cuius sunt partes, minimas ob caussas fieri potest, ut uel extra
corpus in quo sunt non euagentur, sed tantum in eius meatibus hinc inde discurrant; uel
contra celerrime ab eo discedant,
822
Pars Quarta. De Terra.

IV, 186. De cette attraction, semble se trouver la même cause aussi dans les
autres corps.
Et ce que nous avons noté ici sur le verre doit être tenu pour vrai aussi dans
un plus grand nombre d’autres corps ; à savoir qu’entre leurs particules
doivent se retrouver certains interstices qui, étant trop étroits pour
admettre les globules du second élément, reçoivent la seule matière du
premier, et qui, étant plus grands que ceux qui dans l’air alentour s’ouvrent
aussi aux seuls globules de la matière du premier élément, se remplissent
des moins agitées des particelles du premier élément ; et celles-ci, se
joignant les unes aux autres, composent des particules qui certes ont des
figures diverses ajustées à la diversité de ces interstices, mais en plus
grande part des figures ténues, larges et oblongues à l’instar des
bandelettes ; de telle sorte que s’enroulant autour des particules des corps
dans lesquels elles sont, elles peuvent se mouvoir continuellement. Car les
interstices où elles changent leurs figures, doivent être très étroits puisqu’ils
n’admettent les globules du second élément que s’ils sont oblongs comme
les fissures, et peuvent à peine être plus grands que ceux qui, dans les
particules d’air, ne sont pas occupés par les globules de ce même second
élément. Pour cette raison même si je ne nie pas que l’autre cause
d’attraction exposée précédemment puisse peut-être avoir lieu en certains
corps, néanmoins parce qu’elle n’est pas aussi générale, et que cette
attraction s’observe en un très grand nombre de corps, je ne pense pas qu’il
faille rechercher une autre cause en ces corps ou du moins en la plus
grande part de ces corps, que dans le verre.

IV, 187. De ce qui a été dit se comprend quelles peuvent être les causes des
autres effets de toutes les choses merveilleuses qui ont l’habitude d’être
rapportées à des qualités occultes.
Du reste je voudrais noter ici que non seulement ces particules formées par
la matière du premier élément dans les méats des corps terrestres peuvent
être cause des effets des différentes attractions, telles celles de la boule
d’ambre et de l’ aimant, mais d’autres innombrables effets qu’il faut
admirer. Car ces particules qui se forment en chaque corps ont quelque
chose de singulier dans leur figure, en quoi elles diffèrent de toutes les
autres particules formées dans les autres corps ; et comme elles retiennent
la plus grande agitation du premier élément dont elles sont partie, il peut se
faire par une cause infime, ou qu’elles accourent ici et là dans les méats du
corps où elles se trouvent sans s’éloigner hors de lui, ou au contraire
qu’elles s’en
823
Quatrième Partie. De la Terre.
824
Pars Quarta. De Terra.

et alia omnia corpora terrestria peruadentes, ad loca quantumlibet remota breuissimo


tempore perueniant, ibique materiam suae actioni recipiendae idoneam inuenientes, raros
aliquos effectus producant. Et sane quisquis considerabit, quam mirae sint magnetis et ignis
proprietates, ac quam diuersae ab iis quas uulgo in aliis corporibus obseruamus; quam
ingens flamma ex minima scintilla momento temporis possit accendi, quam magna sit eius
uis; ad quam immanem distantiam stellae fixae lumen suum circumquaque diffundant; et
reliqua, quorum caussas, meo iudicio, satis euidentes, ex principiis omnibus notis et ab
omnibus admissis, figura scilicet, magnitudine, situ et motu particularum materiae, in hoc
scripto deduxi: facile sibi persuadebit, nullas esse uires in lapidibus aut plantis tam
occultas, nulla sympathiae uel antipathiae miracula tam stupenda, nihil denique in natura
uniuersa, quod ad caussas tantum corporales, siue mente et cogitatione destitutas, debeat
referri, cuius ratio ex iisdem illis principiis deduci non possit: adeo ut aliqua alia ipsis
adiungere non sit necesse.

IV, 188. De iis, quae ex tractationibus de animali et de homine, ad rerum materialium


cognitionem mutuanda sunt.

Plura non adderem in hac quarta Principiorum Philosophiae parte, si (quemadmodum mihi
antehac in animo fuit) duas adhuc alias, quintam scilicet de uiuentibus, siue de animalibus
et plantis, ac sextam de homine essem scripturus. Sed quia nondum omnia, de quibus in iis
agere uellem, mihi plane perspecta sunt, nec scio an satis unquam otii habiturus sim ad
ipsas absoluendas, ne priores idcirco diutius retineam, uel quid in iis desideretur, quod ad
alias reseruarim, pauca quaedam de sensuum obiectis hic subiungam. Quippe hactenus hanc
Terram, totumque adeo hunc mundum aspectabilem, instar machinae descripsi, nihil praeter
figuras et motus in eo considerans; sensus autem nostri multa alia nobis exhibent, colores
scilicet, odores, sonos et similia, de quibus si plane tacerem, praecipuam explicationis
rerum naturalium partem uiderer omisisse.

IV, 189. Quid sit sensus, et quomodo fiat.

Sciendum itaque humanam animam, etsi totum corpus informet, praecipuam tamen sedem
suam habere in cerebro,
825
Quatrième Partie. De la Terre.
éloignent et s’insinuent dans tous les autres corps terrestres pour parvenir
en un temps extrêmement bref dans des lieux aussi éloignés que permis, et
qu’elles rencontrent à cet endroit la matière apte à recevoir leur action et y
produisent quelques effets rares. Et sainement, chacun considérera combien
sont merveilleuses les propriétés de l’aimant et du feu, et combien
différentes elles sont de celles que nous observons communément dans les
autres corps ; combien immense peut être la flamme allumée en un instant
par une minuscule étincelle, combien grande est sa force ; combien énorme
est la distance à laquelle les étoiles fixes répandent de toute part leur
lumière ; et le reste dont j’ai déduit dans cet écrit les causes assez évidentes,
à mon avis, par des principes connus de tous et admis par tous à savoir la
figure, la grandeur, la situation et le mouvement, facilement chacun se
persuadera qu’il n'y a aucune force dans les pierres ou les plantes si
occulte, aucun miracle de sympathie ou d’antipathie tellement stupéfiant,
et rien enfin dans la nature universelle devant se rapporter à des causes
seulement corporelles autrement dit dépourvues d’esprit et de pensée, dont
la raison ne puisse se déduire de ces mêmes principes ; à ce point il n’est
pas nécessaire de leur en ajouter quelqu’autre.

IV, 188. De ce qui doit être changé, sur les choses ayant été traitées sur
l’animal et sur l’homme, pour la connaissance des choses matérielles.
Je n’ajouterais pas grand chose dans cette quatrième partie des Principes de
la Philosophie si (comme ce fut mon intention initiale) je devais écrire
encore les deux autres parties, à savoir une cinquième sur les vivants,
autrement dit sur les animaux et les plantes, et une sixième sur l’homme.
Mais parce que je n’ai pas encore tout approfondi ce que je voulais traiter
dans ces parties et ne sais pas si j’aurai en réalité assez de loisir pour y
parvenir, pour ne pas retarder pour cela plus longtemps les premières, ou
ce qui est désiré en elles, j’ajouterai ici quelque peu de ce que j’avais réservé
aux autres, sur les objets des sens. Assurément j’ai décrit jusque là cette
terre et à ce point la totalité de ce monde visible, à l’instar d’une machine,
n’y considérant rien sinon les figures et les mouvements ; néanmoins nos
sens nous en font saisir beaucoup d’autres comme les couleurs, les odeurs,
les sons et choses semblables dont je semblerai si je n’en parlais pas du tout,
laisser de côté la principale partie de l’explication des choses naturelles.

IV, 189. Ce qu’est la sensation et comment elle se fait.


C’est pourquoi il faut savoir que l’âme humaine, même si elle informe le
corps tout entier, tient toutefois son siège principal dans le cerveau, dans
826
Pars Quarta. De Terra.

in quo solo non modo intelligit et imaginatur, sed etiam sentit: hocque opere neruorum, qui,
filorum instar, a cerebro ad omnia reliqua membra protenduntur, iisque sic annexi sunt, ut
uix ulla pars humani corporis tangi possit, quin hoc ipso moueantur aliquot neruorum
extremitates per ipsam sparsae, atque earum motus ad alias eorum neruorum extremitates,
in cerebro circa sedem animae collectas, transferatur, ut in Dioptricae capite quarto satis
fuse explicui. Motus autem qui sic in cerebro a neruis excitantur, animam siue mentem
intime cerebro coniunctam diuersimode afficiunt, prout ipsi sunt diuersi. Atque hae
diuersae mentis affectiones, siue cogitationes, ex istis motibus immediate consequentes,
sensuum perceptiones, siue, ut uulgo loquimur, sensus appellantur.

IV, 190. De sensuum distinctione: ac primo de internis, hoc est, de animi affectibus, et de
appetitibus naturalibus.

Horum sensuum diversitates, primò ab ipsorum nervorum diversitate, ac deinde à


diversitate motuum, qui in singulis nervis fiunt, dependent. Neque tamen singuli nervi,
faciunt singulos sensus à reliquis diversos, sed septem tantùm praecipuas differentias in iis
notare licet, quarum duae pertinent ad sensus internos, aliae quinque ad externos. Nempe
nervi qui ad ventriculum, oesophagum, fauces, aliasque interiores partes, explendis
naturalibus desideriis destinatas, protenduntur, faciunt unum ex sensibus internis, qui
appetitus naturalis vocatur ; Nervuli verò qui ad cor et praecordia, quamvis perexigui sint,
faciunt alium sensum internum, in quo consistunt omnes animi commotiones, sive
pathemata, et affectus, ut laetitiae, tristitiae, amoris, odii, et similium. Nam, exempli caussâ,
sanguis ritè temperatus, facilè ac plus solito in corde se dilatans, nervulos circa orificia
sparsos ita laxat et movet, ut inde alius motus in cerebo sequatur, qui naturali quodam sensu
hilaritatis afficit mentem : ac etiam aliae quaevis caussae, nervulos istos eodem modo
moventes, eundem illum laetitiae sensum dant. Ita imaginatio fruitionis alicujus boni, non
ipsa sensum laetitiae in se habet, sed spiritus ex cerebro ad musculos, quibus illi nervi
inserti sunt, mittit, eorumque ope orificia cordis expanduntur,
827
Quatrième Partie. De la Terre.
lequel seul, non seulement elle comprend et imagine, mais aussi sent ; et
cela au moyen des nerfs qui s’étendent, comme des fils, du cerveau à tout
les autres membres, et leurs sont tellement attachés que l’on peut à peine
toucher une partie du corps humain sans que ne se meuvent pour cela,
quelques unes des extrémités des nerfs réparties en elle, et ne soient
transportés leurs mouvements vers les autres extrémités de ces nerfs qui se
réunissent dans le cerveau autour du siège de l’âme, comme j’ai expliqué
assez largement dans le quatrième chapitre de la Dioptrique. Et les
mouvements qui sont ainsi excités dans le cerveau par les nerfs, affectent
l’âme autrement dit l’esprit intimement joint au cerveau, de diverses
manières, dans la mesure où eux-mêmes sont divers. Et ces diverses
affections de l’esprit autrement dit ces pensées qui suivent immédiatement
ces mouvements, sont appelés perceptions des sens ou encore pour parler
communément, sensations.

IV, 190. De la distinction des sens ; et d’abord des sens intérieurs c’est-à-dire
des affects de l’âme et des appétits naturels.
La diversité de ces sensations dépend premièrement de la diversité des
nerfs eux-mêmes, et par conséquent de la diversité des mouvements qui se
font dans les nerfs singuliers. Cependant les nerfs singuliers ne font pas des
sens singuliers différents des autres, mais il est permis de noter en eux sept
différences principales seulement, dont deux appartiennent aux sens
intérieurs et les cinq autres aux sens extérieurs. Les nerfs n’est-ce pas qui
s’étendent vers le ventre, l’œsophage, la gorge et les autres parties
intérieures destinées à satisfaire les désirs naturels, font un seul des sens
intérieurs, qui est appelé appétit naturel ; mais les petits nerfs qui se
tendent vers le cœur et la région précordiale, bien qu’ils soient très exigus,
font l’autre sens intérieur en lequel consistent toutes les commotions de
l’âme autrement dit les pathèmes et les affects, comme la joie, la tristesse,
l’amour, la haine et semblables. Car par exemple, un sang bien tempéré, qui
se dilate facilement et plus que d’habitude dans le cœur, relâche et meut les
petits nerfs autour de ses orifices de telle sorte que dans le cerveau suit un
autre mouvement qui affecte l’esprit d’un certain sens naturel
d’allégresse42 ; et les autres causes que l’on voudra qui meuvent aussi ces
petits nerfs de la même manière, donnent cette même sensation de joie.
Ainsi l’imagination de la jouissance de quelque bien, n’a pas elle-même la
sensation de joie en soi, mais envoie les souffles vitaux depuis le cerveau
vers les muscles où sont insérés ces nerfs, au moyen desquels ils se
propagent aux orifices du cœur et
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Pars Quarta. De Terra.
829
Quatrième Partie. De la Terre.

et ejus nervuli moventur eo motu ex quo sequi debet ille sensus. Ita audito grato nuncio,
mens primùm de ipso judicat, et gaudet gaudio illo intellectuali, quod sine ullâ corporis
commotione habetur, quódque idcirco Stoici dixerunt cadere posse in sapientem ; deinde
cùm illud imaginatur, spiritus ex cerebro ad praecordiorum musculos fluunt, et ibi nervulos
movent, quorum ope alium in cerebro motum excitant, qui mentem afficit laetitiae animalis
sensu. Eâdem ratione sanguis nimis crassus, malignè in cordis ventriculos fluens, et non
satis ibi se dilatans, alium quendam motum, in iisdem praecordiorum nervulis facit, qui
cerebro communicatus, sensum tristitiae ponit in mente, quamvis ipsa fortè nesciat cur
tristetur : aliaeque plures caussae idem praestare possunt. Atque alii motus istorum
nervulorum, efficiunt alios affectus, ut amoris, odii, metûs, irae, etc. quatenus sunt tantùm
affectus, sive animi pathemata, hoc est, quatenus sunt confusae quaedam cogitationes, quas
mens non habet à se solâ, sed ab eo quòd à corpore, cui intimè conjuncta est, aliquid
patiatur. Nam distinctae cogitationes, quas habemus de iis quae amplectenda sunt, vel
optanda, vel fugienda, etc. toto genere ab istis affectibus distinguuntur. Non alia ratio est
appetituum naturalium, ut famis, sitis, etc. qui à nervis ventriculi, faucium, etc. pendent,
suntque à voluntate comedendi, bibendi, etc. planè diversi, sed, quia ut plurimum, ista
voluntas sive appetitio eos comitatur, idcirco dicuntur appetitus.

IV, 191. De sensibus externis : ac primò de tactu.

Quantum ad sensus externos, quinque vulgò numerantur, propter quinque diversa


objectorum genera, nervos iis servientes moventia, et totidem genera cogitationum
confusarum, quae ab istis motibus in animâ excitantur. Nam primò nervi in universi
corporis cutem desinentes, illâ mediante à quibuslibet terrenis corporibus tangi possunt, et
ab illis integris moveri, uno modo ab illorum duritie, alio à gravitate, alio à calore, alio ab
humiditate, etc. quotque diversis modis vel moventur, vel à motu suo ordinario
impediuntur, tot in mente diversos sensus excitant, ex quibus tot tactiles qualitates
denominantur.
830
Pars Quarta. De Terra.
meuvent les petits nerfs du cœur de ce mouvement dont doit suivre cette
sensation. Ainsi, une fois entendue une bonne nouvelle, l’esprit juge
d’abord de celle-ci même, et se réjouit de cette joie intellectuelle qu’il a, sans
aucune émotion du corps, et que les Stoïciens pour cela ont dit pouvoir
tomber chez le sage ; ensuite pendant qu’il imagine cela, les esprits affluent
du cerveau vers les muscles précordiaux et là meuvent les petits nerfs au
moyen desquels ils excitent d’autres mouvements dans le cerveau lequel
affecte l’esprit d’une sensation de joie vivifiante.
De la même façon un sang trop épais qui afflue insuffisamment dans les
ventricules du cœur et ne s’y dilate pas assez, fait quelque autre
mouvement dans ces mêmes nerfs précordiaux, qui communiqué au
cerveau, dépose une sensation de tristesse dans l’esprit, même si lui-même
peut-être ne sait pas pourquoi il est triste ; et d’autres causes plus
nombreuses peuvent offrir une même sensation. Et d’autres mouvements
de ces petits nerfs font en réalité d’autres affects comme l’amour, la haine,
la crainte, la colère etc. en tant qu’ils sont seulement des affects de l’âme,
autrement dit des pathèmes, c’est-à-dire en tant qu’ils sont certaines
pensées confuses que l’esprit n’a pas par soi seul, mais de ce qu’il subit
quelque chose du corps auquel il est joint intimement. Car les pensées
distinctes que nous avons de ce qu’il faut embrasser, ou souhaiter, ou fuir
etc. se distinguent par la totalité du genre de ces affects. La raison des
appétits naturels, comme la faim, la soif, etc. qui dépendent des nerfs du
ventre, de la gorge, etc. et sont complétement différents de la volonté de
manger, de boire, etc., n’est pas autre, mais parce que la plupart du temps
les accompagne cette volonté, autrement dit cet appétit, pour cela ils sont
dits des appétits.

IV, 191. Des sensations extérieures, et d’abord du tact.


Quant aux sens extérieurs ils sont communément au nombre de cinq, à
cause des cinq genres différents d’objets qui meuvent les nerfs qui leur sont
subordonnés ; et tout autant de pensées confuses sont attisées par ces
mouvements dans l’âme. En premier lieu en effet, les nerfs qui se terminent
dans la peau du corps entier, peuvent par son intermédiaire être touchés
par n’importe quel corps terrestre, et être mis en mouvement par ce
nouveau corps, d’une certaine manière par la dureté de ces corps, d’une
autre manière par leur poids, d’une autre par leur chaleur, d’une autre par
leur humidité, etc., et ils sont ou mis en mouvement, ou empêchés par leur
propre mouvement ordinaire, d’autant de manières différentes qu’ils
831
Quatrième Partie. De la Terre.
attisent dans l’esprit de sensations différentes ; d’où sont dénommées
autant de qualités
832
Pars Quarta. De Terra.

Ac praeterea cùm isti nervi solito vehementiùs agitantur, sed ita tamen, ut nulla laesio in
corpore inde sequatur, hinc fit sensus titillationis, menti naturaliter gratus, quia vires
corporis, cui arctè conjuncta est, ei testatur ; si verò aliqua laesio inde sequatur, fit sensus
doloris. Atque hinc patet, cur corporea voluptas et dolor tam parum distent ab invicem in
objecto, quamvis in sensu contrarii sint.

IV, 192. De gustu.

Deinde alii nervi, per linguam et partes ei vicinas sparsi, ab eorundem corporum particulis,
ab invicem disjunctis, et simul cum salivâ in ore natantibus, diversimodè moventur, prout
ipsorum figurae sunt diversae, sicque diversorum saporum sensus efficiunt.

IV, 193. De odoratu.

Tertiò, duo etiam nervi, sive cerebri appendices extra calvariam non exsertae, moventur ab
eorundem corporum particulis disjunctis, et in aëre volantibus, non quidem quibuslibet, sed
iis quae satis subtiles ac simul satis vividae sunt, ut in nares attractae per ossis spongiosi
meatus, usque ad illos nervos perveniant, et à diversis eorum motibus fiunt diversorum
odorum sensus.

IV, 194. De Auditu.

Quartò, duo alii nervi, in intimis aurium cavernis reconditi, excipiunt tremulos et vibratos
totius aëris circumjacentis motus. Aër enim membranulam tympani concutiens, subjunctam
trium ossiculorum catenulam, cui isti nervi adhaerent, simul quatit ; atque ab horum
motuum diversitate, diversorum sonorum sensus oriuntur.

IV, 195. De Visu.

Denique nervorum opticorum extremitates, tunicam, retinam dictam, in oculis


componentes, non ab aëre nec à terrenis ullis corporibus ibi moventur, sed à solis globulis
secundi elementi, unde habetur sensus luminis et colorum : ut jam satis in Dioptrica et
Meteoris explicui.
833
Quatrième Partie. De la Terre.
tactiles. Et en outre lorsque ces nerfs sont ébranlés plus véhémentement
que d’habitude, mais de telle sorte toutefois qu’aucune lésion ne s’ensuive
dans le corps, de là se fait la sensation de jouissance 43, naturellement
agréable à l’esprit parce qu’elle lui témoigne des forces du corps auquel il
est étroitement conjoint ; mais si quelque lésion s’ensuit, se fait la
souffrance44. Et de là est visible pourquoi la volupté 45 et la souffrance du
corps sont si proches l’une de l’autre, bien qu’elles soient contraires dans la
sensation.

IV, 192. Du goût.


Ensuite, les autres nerfs répartis dans la langue et ses parties voisines sont
mus de diverses manières selon leurs diverses figures, par les particules de
ces mêmes corps, disjointes les unes des autres et baignant ensemble avec
la salive dans la bouche, et ainsi font les sensations des diverses saveurs.

IV, 193. De l’odorat.


Troisièmement, deux nerfs encore, autrement dit deux appendices du
cerveau, ne faisant pas saillie hors du crâne, sont mus par les particules
disjointes de ces mêmes corps, pas n’importe lesquelles certes mais celles
assez subtiles et en même temps assez vives qui voltigeant en l’air dans les
narines, attirées à travers les méats de l’os spongieux, parviennent jusqu’à
ces nerfs, et par leurs divers mouvements se font les diverses sensations des
odeurs.

IV, 194. De l’audition.


Quatrièmement, deux autres nerfs, enfouis dans les profondes cavernes des
oreilles, recueillent les mouvements tremblants et vibrants de tout l’air
environnant. L’air en effet en secouant la petite membrane du tympan,
ébranle en même temps une chaînette attelée de trois osselets, à laquelle
adhèrent ces nerfs ; et de la diversité de ces mouvements, naissent les
sensations des divers sons.

IV, 195. De la vision.


Et enfin les extrémités des nerfs optiques, qui dans les yeux composent une
membrane, dite rétine, qui est mue à cet endroit non par l’air ni par aucun
corps terrestre, mais par les seuls globules du second élément, d’où se tient
la sensation de la lumière et des couleurs ; comme déjà j’ai expliqué
suffisamment dans la Dioptrique et les Météores.
834
Pars Quarta. De Terra.

IV, 196. Animam non sentire, nisi quatenus est in cerebro.

Probatur autem evidenter, animam non quatenus est in singulis membris, sed tantùm
quatenus est in cerebro, ea quae corpori accidunt in singulis membris nervorum ope
sentire : primò ex eo quòd morbi varii, solum cerebrum afficientes, omnem sensum tollant,
vel perturbent ; ut et ipse somnus, qui est in solo cerebro, quotidie nobis magnâ ex parte
adimit sentiendi facultatem, quam postmodùm vigilia restituit. Deinde ex eo quòd cerebro
illaeso, si tantùm viae, per quas nervi, à membris externis ad illud porriguntur obstructę
sint, hoc ipso illorum membrorum sensus etiam perit. Ac denique ex eo quòd dolor
aliquando sentiatur, tanquam in quibusdam membris, in quibus nulla tamen est doloris
caussa, sed in aliis per quae transeunt nervi, qui ab illis ad cerebrum protenduntur. Quod
ultimum innumeris experimentis ostendi potest, sed unum hîc ponere sufficiet. Cùm puellae
cuidam, manum gravi morbo affectam habenti, velarentur oculi quoties Chirurgus
accedebat, ne curationis apparatu turbaretur, eique post aliquot dies brachium ad cubitum
usque, ob gangraenam in eo serpentem fuisset amputatum, et panni in ejus locum ita
substituti, ut eo se privatam esse planè ignoraret, ipsa interim varios dolores, nunc in uno
ejus manûs quae abscissa erat digito, nunc in alio se sentire querebatur : quod sanè aliunde
contingere non poterat, quàm ex eo, quòd nervi qui priùs ex cerebro ad manum
descendebant, tuncque in brachio juxta cubitum terminabantur, eodem modo ibi
moverentur, ac priùs moveri debuissent in manu, ad sensum hujus vel illius digiti dolentis,
animae in cerebro residenti imprimendum.

IV, 197. Mentem esse talis naturae, ut à solo corporis motu varii sensus in eâ possint
excitari.

Probatur deinde talem esse nostrae mentis naturam, ut ex eo solo quòd quidam motus in
corpore fiant, ad quaslibet cogitationes, nullam istorum motuum imaginem referentes,
possit impelli ; et speciatim ad illas confusas, quae sensus, sive sensationes, dicuntur. Nam
videmus verba, sive ore prolata, sive tantùm scripta, quaslibet
835
Quatrième Partie. De la Terre.

IV, 196. L’âme ne sent qu’en tant qu’elle est dans le cerveau.
Est reconnu avec évidence toutefois que l’âme, au moyen des nerfs, sent ce
qui arrive dans les membres singuliers du corps, non en tant qu’elle est
dans les membres singuliers mais seulement en tant qu’elle est dans le
cerveau ; d’abord de ce que des maladies variées affectant le cerveau seul,
suppriment ou perturbent toute sensation ; comme aussi le sommeil lui-
même qui est dans le seul cerveau, nous retire chaque jour en grande partie
la faculté de sentir, que la veille nous restitue par la suite. Ensuite de ce
que, le cerveau étant indemne, si sont interrompues seulement les voies de
cheminement des nerfs des membres extérieurs vers lui, par cela même est
supprimée aussi la sensation de ces membres. Et enfin de ce qu’est sentie
quelque souffrance comme étant dans certains membres dans lesquels
pourtant n’est aucune souffrance, mais en d’autres par lesquels passent les
nerfs qui se prolongent de ces derniers vers le cerveau. Et ce dernier point
peut se montrer par d’innombrables expériences, mais il suffira d’en
exposer une.
Une jeune fille ayant la main affectée d’une grave maladie se faisait bander
les yeux chaque fois que venait le chirurgien pour ne pas être effrayée par
la préparation du soin ; après de nombreux jours, à cause de la gangrène
rampante, le bras fut amputé jusqu’au coude ; des bandages furent
substitués à la place du membre manquant de telle sorte qu’elle ignorait
complétement avoir été privée de son bras, néanmoins elle se plaignait de
sentir des douleurs variées au niveau de sa main amputée, tantôt dans un
doigt, tantôt dans un autre ; et sainement cela ne peut pas venir d’autre
chose que de ce que les nerfs qui avant descendaient du cerveau vers la
main, se terminaient alors dans le bras au niveau du coude, et se mouvaient
de la même manière à cet endroit qu’ils avaient dû se mouvoir auparavant
dans la main, pour imprimer la sensation de tel ou tel doigt souffrant, à
l’âme résidant dans le cerveau.

IV, 197. L’esprit est de nature telle que du seul mouvement du corps peuvent
s’éveiller en lui des sensations variées.
Est reconnu ensuite que la nature de notre esprit est telle que de cela seul
que se font certains mouvements dans le corps, il peut être poussé à tous
types de pensées ne se rapportant à aucune image de ces mouvements, et
particulièrement à ces pensées confuses qui sont dites des façons de sentir
autrement dit des sentiments46. Car nous voyons les mots, qu’ils soient
rapportés par la bouche ou seulement par écrit, éveiller n’importe quelles
836
Pars Quarta. De Terra.
837
Quatrième Partie. De la Terre.

in animis nostris cogitationes et commotiones excitare. In eadem chartâ, cùm eodem


calamo et atramento, si tantùm calami extremitas certo modo supra chartam ducatur, literas
exarabit, quae cogitationes praeliorum, tempestatum, furiarum, affectusque indignationis et
tristitiae in lectorum animis concitabunt ; si verò alio modo ferè simili calamus moveatur,
cogitationes valde diversas, tranquillitatis, pacis, amoenitatis, affectusque planè contrarios
amoris et laetitiae efficiet. Respondebitur fortasse, scripturam vel loquelam nullos affectus,
nullasque rerum à se diversarum imaginationes immediatè in mente excitare, sed
tantummodo diversas intellectiones ; quarum deinde occasione anima ipsa variarum rerum
imagines in se efformat. Quid autem dicetur de sensu doloris et titillationis ? Gladius
corpori nostro admovetur, illud scindit, ex hoc solo sequitur dolor, qui sanè non minùs
diversus est à gladii, vel corporis quod scinditur locali motu, quàm color, vel sonus, vel
odor, vel sapor. Atque ideò cùm clarè videamus, doloris sensum in nobis excitari ab eo
solo, quòd aliquae corporis nostri partes contactu alicujus alterius corporis localiter
moveantur, concludere licet, mentem nostram esse talis naturae, ut ab aliquibus etiam
motibus localibus, omnium aliorum sensuum affectiones pati possit.

IV, 198. Nihil à nobis in objectis externis sensu deprehendi, praeter ipsorum figuras,
magnitudines et motus.

Praeterea non deprehendimus ullam differentiam inter nervos, ex quâ liceat judicare, aliud
quid per unos quàm per alios, ab organis sensuum externorum ad cerebrum pervenire, vel
omnino quicquam eò pervenire praeter ipsorum nervorum motum localem. Videmusque
hunc motum localem, non modò sensum titillationis, vel doloris exhibere, sed etiam luminis
et sonorum. Nam si quis in oculo percutiatur, ita ut ictûs vibratio ad retinam usque
perveniat, hoc ipso videbit plurimas scintillas luminis fulgurantis, quod lumen extra ejus
oculum non erit : Atque si quis aurem suam digito obturet, tremulum quoddam murmur
audiet, quod à solo motu aëris in eâ inclusi procedet. Denique saepe advertimus calorem,
aliasve sensiles qualitates, quatenus sunt in objectis, nec non etiam formas rerum purè
materialium, ut ex. gr.
838
Pars Quarta. De Terra.
pensées et émotions dans nos âmes. Sur une même feuille de papier, avec la
même plume et la même encre, si est seulement conduite l’extrémité de la
plume d’une certaine manière sur le papier, elle tracera des lettres qui
soulèveront dans les âmes des lecteurs des pensées de batailles, de
tempêtes, de furies et des affects d’indignation et de tristesse ; mais si la
plume est mue d’une autre manière peu différente, elle produira des
pensées extrêmement différentes, de tranquillité, de paix, de douceur et des
affects entièrement opposés d’amour et de joie. On répondra peut-être que
l’écriture ou la parole n’éveille immédiatement dans l’esprit aucun affect ni
aucune imagination de choses différentes de lui, mais seulement des
intellections différentes, à l’occasion desquelles ensuite l’âme elle-même
forme en elle les images de diverses choses. Que sera-t-il dit toutefois sur la
sensation de souffrance et de jouissance ? Un glaive appliqué contre notre
corps, le déchire ; de cela seul suit une souffrance qui, sainement, n’est pas
moins différente du mouvement local du glaive ou du corps qui se déchire,
que ne l’est une couleur, ou un son, ou une odeur, ou une saveur. Et pour
cela comme nous voyons clairement, que la sensation de souffrance est
éveillée en nous de cela seul que certaines parties de notre corps sont mues
par le contact d’un certain autre corps, il est permis de conclure que notre
esprit est de nature telle qu’à partir de certains mouvements locaux aussi, il
peut être atteint des affections de toutes les autres sensations.

IV, 198. Nous n’embrassons rien par la sensation dans les objets extérieurs, en
dehors de leurs figures, leurs grandeurs et leurs mouvements.
En outre nous ne saisissons aucune différence dans les nerfs d’où il serait
permis de juger que quelque chose parvient au cerveau par certains
organes des sens extérieurs, autre chose par les autres, ou que lui parvient
absolument quoi que ce soit en dehors du mouvement local des nerfs eux-
mêmes. Et nous voyons que ce mouvement local produit non seulement la
sensation de jouissance ou de souffrance, mais aussi la sensation de lumière
et des sons. Car si quelqu’un reçoit un coup sur un œil de telle sorte que
l’ébranlement du coup parvienne jusqu’à la rétine, par cela même il verra
une multitude d’étincelles fulgurantes de lumière, laquelle lumière ne sera
pas en dehors de son œil ; et s’il se bouche l’oreille avec un doigt, il
entendra en certain bourdonnement ronronnant qui provient du seul
mouvement de l’air enfermé en elle. Enfin souvent nous remarquons que la
chaleur ou d’autres qualités sensibles, en tant qu’elles sont dans les objets,
et certainement aussi les formes des choses purement matérielles, comme
par
839
Quatrième Partie. De la Terre.
840
Pars Quarta. De Terra.

formam ignis, à motu locali quorundam corporum oriri, atque ipsas deinde alios motus
locales, in aliis corporibus efficere. Et optimè comprehendimus quo pacto à variâ
magnitudine, figurâ et motu particularum unius corporis, varii motus locales in alio corpore
excitentur ; nullo autem modo possumus intelligere, quo pacto ab iisdem (magnitudine
scilicet, figurâ et motu) aliquid aliud producatur, omnino diversae ab ipsis naturae, quales
sunt illae formae substantiales et qualitates reales, quas in rebus esse multi supponunt ; nec
etiam quo pacto postea istae qualitates aut formae, vim habeant in aliis corporibus motus
locales excitandi.

Quae cùm ita sint, et sciamus eam esse animae nostrae naturam, ut diversi motus locales
sufficiant, ad omnes sensus in eâ excitandos ; experiamurque illos reipsâ varios sensus in eâ
excitare, non autem deprehendamus quicquam aliud, praeter ejusmodi motus, à sensuum
externorum organis ad cerebrum transire, omnino concludendum est, non etiam à nobis
animadverti ea, quae in objectis externis, luminis, coloris, odoris, saporis, soni, caloris,
frigoris et aliarum tactilium qualitatum, vel etiam formarum substantialium nominibus
indigitamus, quicquam aliud esse quàm istorum objectorum varias dispositiones, quae
efficiunt ut nervos nostros variis modis movere possint.

IV, 199. Nullae naturae phaenomena in hac tractatione fuisse praetermissa.

Atque ita facili enumeratione colligitur, nulla naturae phaenomena fuisse à me in hâc
tractatione praetermissa. Nihil enim inter naturae phaenomena est recensendum, nisi quod
sensu deprehenditur. Atqui exceptis magnitudine, figurâ et motu, quae qualia sint in
unoquoque corpore explicui, nihil extra nos positum sentitur, nisi lumen, color, odor, sapor,
sonus, et tactiles qualitates ; quae nihil aliud esse, vel saltem à nobis non deprehendi
quicquam aliud esse in objectis, quàm dispositiones quasdam in magnitudine, figurâ et
motu consistentes, hactenus est demonstratum.

IV, 200. Nullis me in ea principiis usum esse, quae non ab omnibus recipiantur ; hancque
Philosophiam non esse novam, sed maximè antiquam et vulgarem.

Sed velim etiam notari, me hîc universam rerum materialium naturam


841
Quatrième Partie. De la Terre.
ex. la forme du feu, naissent d’un mouvement local de certains corps et
qu’elles-mêmes ensuite produisent d’autres mouvements locaux dans
d’autres corps. Et nous comprenons parfaitement de cette façon que par la
diversité de grandeur, de figure et du mouvement des particules d’un
même corps, sont excités divers mouvements locaux dans un autre corps ;
en aucune manière toutefois nous pouvons comprendre de quelle façon
ceux-ci mêmes (à savoir la grandeur, la figure et le mouvement) produisent
quelque autre chose de nature tout à fait différente de la leur propre, telles
sont ces formes substantielle et qualités réelles que beaucoup supposent se
trouver dans les choses ; ni non plus de quelle façon ensuite ces qualités ou
ces formes auraient la force d’exciter des mouvements locaux dans les
autres corps. Et comme il en est ainsi, et que nous savons que cette nature
de notre âme est telle que divers mouvements locaux suffisent pour éveiller
en elle toutes les sensations, et que d’expérience nous savons que ces
mouvements éveillent réellement des sensations variées en elle, qu’en
revanche nous ne saisissons pas que quelque chose d’autre transitent des
organes des sens extérieurs vers le cerveau sinon les mouvements de ce
genre, il faut absolument conclure que nous ne prenons pas garde non plus,
que ce dont nous sommes privés dans les objets extérieurs aux noms de
lumière, de couleur, d’odeur, de saveur, de son, de chaleur, de froid et des
autres qualités tactiles ou même des formes substantielles, ne sont rien
d’autre que les dispositions variées de ces objets qui font que nos nerfs
peuvent être mus de manières variées.

IV, 199. Les phénomènes d’aucune nature n’ont été négligés dans ce traité.
Et ainsi de cette facile énumération, est conclu que je n’ai négligé dans ce
traité aucun phénomène de la nature. Car rien parmi les phénomènes de la
nature ne doit être passé en revue qui ne soit saisi par la sensation. Or
excepté la grandeur, la figure et le mouvement, tels je les ai expliqués être
en chaque corps, rien n’est senti posé hors de nous sinon la lumière, la
couleur, l’odeur, la saveur, le son et les qualités tactiles, qu’il a été
démontré jusqu’à présent n’être rien d’autre dans les objets sinon certaines
dispositions consistant en la grandeur, la figure et le mouvement, ou du
moins que nous ne saisissons être rien d’autre dans les objets.

IV, 200. Je n’ai utilisé dans ce traité aucun principe qui ne soit reçu de tous ; et
cette philosophie n’est pas nouvelle, mais la plus antique et la plus commune
du monde.
Mais je voudrais noter aussi, que je me suis efforcé d’expliquer ici la nature
842
Pars Quarta. De Terra.

ita conatum esse explicare, ut nullo planè principio ad hoc usus sim, quod non ab
Aristotele, omnibusque aliis omnium seculorum Philosophis fuerit admissum : adeò ut haec
Philosophia non sit nova, sed omnium maximè antiqua et vulgaris. Nempe figuras et motus,
et magnitudines corporum consideravi, atque secundùm leges Mechanicae, certis et
quotidianis experimentis confirmatas, quidnam ex istorum corporum mutuo concursu sequi
debeat, examinavi. Quis autem unquam dubitavit, quin corpora moveantur, variasque
habeant magnitudines et figuras, pro quarum diversitate ipsorum etiam motus varientur,
atque ex mutuâ collisione, quae majuscula sunt in multa minora dividantur, et figuras
mutent ? Hoc non uno tantùm sensu, sed pluribus, visu, tactu, auditu deprehendimus ; hoc
etiam distinctè imaginamur et intelligimus : quod de reliquis, ut de coloribus, de sonis et
caeteris, quae non ope plurium sensuum, sed singulorum duntaxat percipiuntur, dici non
potest : semper enim eorum imagines in cogitatione nostra sunt confusae, nec quidnam illa
sint scimus.

IV, 201. Dari particulas corporum insensiles.

At multas in singulis corporibus particulas considero, quae nullo sensu percipiuntur : quod
illi fortasse non probant, qui sensus suos pro mensurâ cognoscibilium sumunt. Quis autem
potest dubitare, quin multa corpora sint tam minuta, ut ea nullo sensu deprehendamus, si
tantùm consideret, quidnam singulis horis adjiciatur iis quae lentè augentur, vel quid
detrahatur ex iis quae minuuntur ? Crescit arbor quotidie, nec potest intelligi majorem illam
reddi, quàm prius fuit, nisi simul intelligatur aliquod corpus ei adjungi. Quis autem unquam
sensu deprehendit, quaenam sint illa corpuscula, quae in unâ die arbori crescenti
accesserunt. Atque saltem illi, qui agnoscunt quantitatem esse indefinitè divisibilem, fateri
debent ejus partes reddi posse tam exiguas, ut nullo sensu percipiantur. Et sanè mirum esse
non debet, quòd valde minuta corpora sentire nequeamus ; cùm ipsi nostri nervi, qui moveri
debent ab objectis, ad sensum efficiendum, non sint minutissimi, sed funiculorum instar, ex
multis particulis se minoribus conflati ; nec proinde à minutissimis corporibus moveri
possint.
843
Quatrième Partie. De la Terre.
universelle des choses matérielles, de sorte à n’utiliser absolument aucun
principe pour cela qui n’ait été admis par Aristote et tous les autres
philosophes de tous les époques ; à ce point cette philosophie n’est pas
nouvelle mais la plus ancienne et la plus commune de toutes. J’ai considéré
n’est-ce pas les figures, les mouvements et les grandeurs des corps, et j’ai
examiné ce qui doit suivre de la rencontre mutuelle de ces corps selon les
lois de la mécanique confirmées par ses expériences certaines, et de tous les
jours. Et qui jamais a douté que les corps se meuvent et ont des grandeurs
et figures variées, que par leur diversité, leurs propres mouvements aussi
varient, et que par leur mutuelle collision les plus grands se divisent en de
nombreux plus petits et changent leurs figures ? Cela nous le saisissons non
par un même sens seulement, mais par plusieurs, la vision, le tact,
l’audition ; cela aussi nous l’imaginons et le comprenons distinctement ; ce
qui ne peut pas se dire du reste comme des couleurs, des sons et autres qui
ne sont pas perçus au moyen d’un plus grand nombre de sens mais
seulement de sens singuliers ; leurs images en effet sont toujours confuses
dans notre pensée et nous ne savons pas ce qu’elles sont.

IV, 201. Sont données des particules insensibles des corps.


Mais je prends en considération beaucoup de particules dans les corps
singuliers qui ne sont perçues par aucun sens ; ce que n’approuvent peut-
être pas ceux qui prennent leurs sens pour la mesure des connaissables. Qui
peut douter pourtant, qu’existent de nombreux corps si menus que nous ne
pouvons les saisir par aucun sens : qu’il considère seulement ce qui est
ajouté chaque heure aux corps qui s’accroissent lentement, ou ce qui est
soustrait à ceux qui se réduisent ? Un arbre s’accroît chaque jour, et on ne
peut pas comprendre qu’il se rende plus grand qu’il n’était avant, si en
même temps n’est pas compris que certain corps lui est ajouté. Qui
toutefois un jour a saisi quels sont ces corpuscules qui s’ajoutent à un arbre
qui s’accroît en une même journée. Et du moins ceux qui reconnaissent que
la quantité est indéfiniment divisible doivent avouer que ses parties
peuvent être rendues si exiguës qu’elles ne sont perçues par aucun sens. Et,
sainement, ne doit pas être prodigieux que nous ne puissions pas sentir les
corps extrêmement menus, quand nos nerfs eux-mêmes, qui doivent être
mis en mouvement par des objets pour produire une sensation, ne sont pas
extrêmement fins, mais comme des filaments, composés par assemblage de
nombreuses particules plus petites qu’eux ; et par conséquent ils ne
peuvent pas être mis en
844
Pars Quarta. De Terra.

Nec puto quemquam ratione utentem negaturum, quin longè meliùs sit, ad exemplum
eorum quae in magnis corporibus accidere sensu percipimus, judicare de iis quae accidunt
in minutis corpusculis, ob solam suam parvitatem sensum effugientibus, quàm ad haec
explicanda, novas res nescio quas, nullam cum iis quae sentiuntur similitudinem habentes,
excogitare.

IV, 202. Democriti Philosophiam non minùs differre à nostrâ, quàm à vulgari.

At Democritus etiam corpuscula quaedam imaginabatur, varias figuras, magnitudines et


motus habentia, ex quorum coacervatione mutuisque concursibus, omnia sensilia corpora
exsurgerent ; et tamen ejus philosophandi ratio vulgò ab omnibus rejici solet. Verùm nemo
unquam illam rejecit, propterea quòd in ea considerarentur quaedam corpora tam minuta, ut
sensum effugerent, quae varias magnitudines, figuras et motus habere dicerentur ; quia
nemo potest dubitare, quin multa revera talia sint, ut modò ostensum est. Sed rejecta est,
primò quia illa corpuscula indivisibilia supponebat, quo nomine etiam ego illam rejicio :
deinde quia vacuum circa ipsa esse fingebat, quod ego nullum dari posse demonstro : tertiò
quia gravitatem iisdem tribuebat, quam ego nullam in ullo corpore cùm solum spectatur,
sed tantùm quatenus ab aliorum corporum situ et motu dependet, atque ad illa refertur,
intelligo : Ac denique quia non ostendebat, quo pacto res singulae, ex solo corpusculorum
concursu orirentur, vel si de aliquibus id ostenderet, non omnes ejus rationes inter se
cohaerebant ; saltem quantum judicare licet ex iis, quae de ipsius opinionibus memoriae
prodita sunt. An autem ea quae hactenus de Philosophiâ scripsi, satis cohaereant, aliis
judicandum relinquo.

IV, 203. Quomodo figuras et motus particularum insensilium cognoscamus.

At insensilibus corporum particulis, determinatas figuras et magnitudines et motus assigno,


tanquam si eas vidissem, et tamen fateor esse insensiles ; atque ideò quaerent fortasse
nonnulli, unde ergo quales sint agnoscam. Quibus respondeo, me primò quidem ex
simplicissimis et maximè notis principiis, quorum cognitio mentibus nostris à natura indita
est,
845
Quatrième Partie. De la Terre.
mouvement par des corps très petits. Et je ne pense pas que quiconque
usant de la raison niera qu’il soit de loin meilleur de juger ce qui arrive
dans les petits corpuscules qui échappent à la sensation à cause de leur
seule petitesse, à l’exemple de ce que nous percevons arriver dans les
grands corps, plutôt que d’excogiter pour expliquer cela, je ne sais quelles
nouvelles choses n’ayant aucune similitude avec ce que nous sentons.

IV, 202. La philosophie de Démocrite ne diffère pas moins de la nôtre que de la


philosophie commune.
Mais Démocrite aussi a imaginé certains corpuscules ayant des figures, des
grandeurs et des mouvements variés, par l’amoncellement et les
nombreuses rencontres desquels, croîtraient tous les corps sensibles ; et
néanmoins communément sa façon de philosopher a l’habitude d’être
rejetée par tous. En vérité personne n’a jamais rejeté cette façon de
philosopher pour la raison qu’elle considère certains corps si menus qu’ils
échappent à la sensation et que l’on dit avoir des grandeurs, des figures et
des mouvements variés ; parce que personne ne peut douter qu’ils sont en
réalité tels qu’il vient d’être montré. Mais elle est rejetée d’abord parce
qu’elle suppose ces corps indivisibles, au nom de quoi je la rejette moi
aussi ; ensuite parce qu’elle imagine que se trouve le vide autour de ces
corps, dont je démontre qu’il ne peut pas exister ; troisièmement parce
qu’elle attribue la gravité à ces mêmes corps, que moi je comprends être
nulle en chaque corps quand il est considéré seul, mais dépendre seulement
de la situation et du mouvement des autres corps, et être rapportés à ces
autres corps ; et enfin parce qu’elle ne montre pas de quelle façon les choses
singulières naissent de la seule rencontre des corpuscules, ou s’il montre
cela de certaines, toutes ses raisons ne sont pas cohérentes entre elles ; du
moins autant qu’il est permis de juger de ce qui nous a été transmis de ses
opinions. Et si ce que j’ai écrit jusque là sur la philosophie est suffisamment
cohérent, je laisse les autres en juger.

IV, 203. Comment nous reconnaissons les figures et les mouvements des
particules insensibles.
Mais j’assigne aux particules insensibles des corps, des figures, des
grandeurs et des mouvements déterminés, comme si je les voyais, et
néanmoins j’accorde qu’elles ne sont pas perceptibles par les sens ; si bien
que certains peut-être demanderont d’où donc je sais qu’elles sont telles. À
quoi je réponds premièrement que j’ai considéré de façon générale,
certainement à partir de principes simplissimes, connus au plus haut degré
846
Pars Quarta. De Terra.
847
Quatrième Partie. De la Terre.

generaliter considerâsse, quaenam praecipuae differentiae inter magnitudines et figuras et


situs corporum, ob solam exiguitatem suam insensilium esse possent, et quinam sensiles
effectus, ex variis eorum concursibus sequerentur. Ac deinde cùm similes aliquos effectus
in rebus sensibilibus animadverti, eas ex simili talium corporum concursu ortas
existimâsse ; praesertim cùm nullus alius ipsas explicandi modus excogitari posse
videbatur. Atque ad hoc arte facta non parum me adjuverunt : nullum enim aliud, inter ipsa
et corpora naturalia discrimen agnosco, nisi quod arte factorum operationes, ut plurimum
peraguntur instrumentis adeò magnis, ut sensu facilè percipi possint : hoc enim requiritur,
ut ab hominibus fabricari queant. Contrà autem naturales effectus, ferè semper dependent
ab aliquibus organis adeò minutis, ut omnem sensum effugiant. Et sanè nullae sunt in
Mechanicâ rationes, quae non etiam ad Physicam, cujus pars vel species est, pertineant :
nec minùs naturale est horologio, ex his vel illis rotis composito, ut horas indicet, quàm
arbori ex hoc vel illo semine ortae, ut tales fructus producat. Quamobrem ut ii qui in
considerandis automatis sunt exercitati, cùm alicujus machinae usum sciunt, et nonnullas
ejus partes aspiciunt, facilè ex istis, quo modo aliae quas non vident sint factae, conjiciunt ;
ita ex sensilibus effectibus, et partibus corporum naturalium, quales sint eorum caussae et
particulae insensiles, investigare conatus sum.

IV, 204. Sufficere si de insensibilibus qualia esse possint, explicuerim, etsi fortè non talia
sint.

At quamvis fortè hoc pacto intelligatur, quomodo res omnes naturales fieri potuerint, non
tamen ideò concludi debet, ipsas revera sic factas esse. Nam quemadmodum ab eodem
artifice, duo horologia fieri possunt, quae quamvis horas aequè bene indicent, et extrinsecus
omnino similia sint, intus tamen ex valde dissimili rotularum compage constant ; ita non
dubium est, quin summus rerum opifex, omnia illa, quae videmus, pluribus diversis modis
potuerit efficere. Quod equidem verum esse libentissimè concedo,
848
Pars Quarta. De Terra.
de tous, et dont la connaissance a été fichée dans nos esprits par la nature,
quelles pouvaient être, de la seule exiguïté des choses imperceptibles par
les sens, les principales différences entre les grandeurs, les figures et les
sites des corps, et quels effets perceptibles par les sens suivaient de leurs
rencontrent variées.
Et ensuite quand j’ai observé certains effets semblables dans les choses
perceptibles par les sens, j’ai estimé qu’elles naissaient de la rencontre de
tels corps semblables ; surtout quand aucune autre manière d’expliquer ces
effets ne semblait pouvoir être cogitée. Et à cela, les choses produites par le
savoir-faire, m’ont été grandement utiles : je ne reconnais en effet aucune
autre discrimination entre ces choses et les corps naturels, sinon que les
opérations de ce qui est produit par le savoir-faire sont faites, la plupart du
temps, avec des instruments si grands qu’elles peuvent facilement être
perçues par les sens ; cela est en effet requis pour que les hommes puissent
les fabriquer. Et au contraire les effets naturels dépendent presque toujours
de certains organes si petits qu’ils échappent à toute sensation. Et,
sainement, il n'y a aucune théorie en mécanique qui n’appartienne non plus
à la physique dont elle est une partie ou une espèce ; et n’est pas moins
naturel à une horloge d’être composée de tel ou tel rouage pour indiquer
l’heure, qu’à un arbre né de telle ou telle semence, de produire tel ou tel
fruit. De la même manière ceux qui sont exercés à considérer les automates,
quand ils connaissent l’usage d’une certaine machine et regardent certaines
de ses parties, font facilement à partir de celles-ci la conjoncture de la
manière dont sont faites celles qu’ils ne voient pas ; je me suis ainsi efforcé
d’investiguer à partir des effets perceptibles par les sens et des parties des
corps naturels, quelles sont leurs causes et particules perceptibles par les
sens.

IV, 204. Est suffisant si j’explique sur les choses imperceptibles par les sens,
quels ils peuvent être, même s’ils ne sont peut-être pas tels .
Mais même si de cette façon se comprend comment toutes les choses
naturelles ont pu se faire, il ne faut toutefois pas conclure pour cela
qu’elles-mêmes ont été faites réellement ainsi. Car de la même manière
qu’un même artisan peut faire deux horloges qui indiquent pareillement
bien toutes les heures, et paraissent de l’extérieur parfaitement semblables,
et faire qu’elles se composent à l’intérieur d’un assemblage de rouages très
différent, de même il ne fait aucun doute que le suprême artisan des choses,
a pu faire toutes celles que nous voyons d’un très grand nombre de
849
Quatrième Partie. De la Terre.
manières différentes. Ce que quant à moi je concède très volontiers être
vrai, et je
850
Pars Quarta. De Terra.

satisque à me praestitum esse putabo, si tantùm ea quae scripsi talia sint, ut omnibus
naturae phaenomenis accuratè respondeant. Hocque etiam ad usum vitae sufficiet, quia et
Medicina, et Mechanica, et caeterae artes omnes, quae ope Physicae perfici possunt, ea
tantùm quae sensilia sunt, ac proinde inter naturae phaenomena numeranda, pro fine
habent. Et ne quis fortè sibi persuadeat, Aristotelem aliquid ampliùs praestitisse, aut
praestare voluisse, ipsemet in primo Meteorologicorum, initio capitis septimi expressè
testatur, de iis quae sensui non sunt manifesta, se putare sufficientes rationes et
demonstrationes afferre, si tantùm ostendat ea ita fieri posse, ut à se explicantur.

IV, 205. Ea tamen quae explicui, videri saltem moraliter certa.

Sed tamen ne qua hîc veritati fraus fiat, considerandum est quaedam esse quae habentur
certa moraliter, hoc est, quantum sufficit ad usum vitae, quamvis si ad absolutam Dei
potentiam referantur, sint incerta. Ut ex. gr. si quis legere velit epistolam, Latinis quidem
literis, sed non in verâ significatione positis, scriptam, et conjiciens ubicunque in eâ est A,
legendum esse B, ubi B legendum C, atque ita pro unaquaque literâ proximè sequentem
esse substituendam, inveniat hoc pacto Latina quaedam verba ex iis componi, non dubitabit
quin illius epistolae verus sensus in istis verbis contineatur, etsi hoc solâ conjecturâ
cognoscat, et fieri forsan possit, ut qui eam scripsit, non literas proximè sequentes, sed
aliquas alias loco verarum posuerit ; atque sic alium in eâ sensum occultaverit : hoc enim
tam difficulter potest contingere, ut non credibile videatur. Sed qui advertent, quàm multa
de magnete, de igne, de totius Mundi fabricâ, ex paucis quibusdam principiis hîc deducta
sint, quamvis ista principia tantùm casu et sine ratione à me assumpta esse putarent, fortè
tamen agnoscent, vix potuisse contingere, ut tam multa simul cohaererent, si falsa essent.

IV, 206. Imò plusquam moraliter.

Praeterea quaedam sunt, etiam in rebus naturalibus, quae absolutè ac plusquam moraliter
certa existimamus, hoc scilicet innixi
851
Quatrième Partie. De la Terre.
penserai qu’il suffit à mon dessein si seulement ce que j’ai écrit est tel que
cela répond soigneusement à tous les phénomènes de la nature.
Et cela suffira aussi à l’usage de la vie, parce que, et la médecine, et la
mécanique, et le reste de tous les arts qui peuvent être parfaits au moyen de
la physique ont pour fin, seulement ce qui est perceptible par les sens, et
par conséquent doit être mis au nombre des phénomènes de la nature. Et
pour que personne ne se persuade qu’Aristote ait présenté ou voulut
présenter quelque chose plus amplement, il déclare en personne au début
du chapitre sept des Météorologiques qu’il pense, sur ce qui n’est pas
manifeste aux sens, apporter des raisons et des démonstrations suffisantes
s’il montre seulement que cela peut être fait comme il l’explique.

IV, 205. Toutefois ce que j’ai expliqué semble certain, au moins vis-à-vis des
mœurs.
Mais néanmoins, pour ne pas faire ici affront à la vérité, il faut considérer
certaines choses qui sont tenues certaines vis-à-vis des mœurs, c’est-à-dire
combien suffit à l’usage de la vie, même si, rapporté à la puissance absolue
de Dieu, c’est incertain. Comme par ex., si quelqu’un veut lire une lettre,
assurément écrite en caractères latins, mais non placés dans la vraie
signification, et fait la conjecture que chaque fois que s’y trouve un A il faut
lire un B, quand il y a un B, lire un C, et qu’il faille ainsi à chaque lettre
substituer la plus proche qui suit, et qu’il trouve de cette façon être
composés par ces lettres certains mots latins, il ne doutera pas que le vrai
sens de cette lettre est contenu dans ces mots, même s’il ne sait cela que de
cette seule conjecture, et qu’il pourrait se faire peut-être, que celui qui a
écrit cette lettre, n’ait pas mis à la place des vraies lettres, celles suivant
immédiatement, mais quelques autres, et aurait ainsi dissimulé en cette
lettre un autre sens ; cela en effet pourrait si difficilement arriver, que ça ne
semblerait pas croyable. Mais ceux qui remarquent combien nombreuses
sont les choses sur l’aimant, le feu, la fabrique de la totalité du monde qui
ont été déduites ici de quelques principes peu nombreux, même s’ils
pensent que j’ai eu recours à ces principes par hasard et sans raison,
néanmoins reconnaîtront peut-être qu’il a pu difficilement se faire qu’un si
grand nombre de choses soient cohérentes entre elles, si elles étaient
fausses.
852
Pars Quarta. De Terra.
IV, 206. Que dis-je, plus que vis-à-vis des mœurs.
En outre il y a certaines choses même dans les naturelles, que nous
estimons certaines absolument, et plus que moralement, à savoir ce qui
s’appuie sur
853
Quatrième Partie. De la Terre.

Metaphysico fundamento, quòd Deus sit summè bonus et minimè fallax, atque ideò facultas
quam nobis dedit ad verum à falso dijudicandum, quoties eâ recte utimur, et quid ejus ope
distinctè percipimus, errare non possit. Tales sunt Mathematicae demonstrationes : talis est
cognitio quòd res materiales exsistant ; et talia sunt evidentia omnia ratiocinia, quae de ipsis
fiunt. In quorum numerum fortassis etiam haec nostra recipientur ab iis, qui considerabunt,
quo pacto ex primis et maximè simplicibus cognitionis humanae principiis, continuâ serie
deducta sint. Praesertim si satis intelligant, nulla nos objecta externa sentire posse, nisi ab
iis aliquis motus localis in nervis nostris excitetur ; talémque motum excitari non posse à
stellis fixis, longissimè hinc distantibus, nisi fiat etiam aliquis motus in illis, et in toto coelo
interjacente : his enim admissis, caetera omnia, saltem generaliora quae de Mundo et Terrâ
scripsi, vix aliter quàm à me explicata sunt, intelligi posse videntur.

IV, 207. Sed me omnia mea Ecclesiae auctoritati submittere.

At nihilominus memor meae tenuitatis, nihil affirmo : sed haec omnia tum Ecclesiae
Catholicae auctoritari, tum prudentiorum judiciis submitto ; nihilque ab ullo credi velim,
nisi quod ipsi evidens et invicta ratio persuadebit.

FINIS.
854
Pars Quarta. De Terra.
le fondement métaphysique que Dieu est suprêmement bon et le moins du
monde trompeur ; à ce point, chaque fois que nous utilisons droitement la
faculté qu’il nous a donnée de distinguer le vrai du faux, et que par son
moyen nous percevons distinctement, il ne peut pas nous tromper. Telles
sont les démonstrations mathématiques ; telle est la connaissance de
l’existence des choses matérielles ; et tels sont tous les raisonnements
évidents qui se font sur ces choses mêmes. Dans ce nombre seront peut-être
reçus aussi nos propres raisonnements par ceux qui considéreront de quelle
façon ils ont été déduits en une série continue, depuis les premiers
principes de la connaissance humaine, les plus simples qui soient. Surtout
s’ils comprennent suffisamment que nous ne pouvons sentir aucun objet
extérieur si cet objet n’excite pas nos nerfs par quelque mouvement local ;
et un tel mouvement ne peut pas être excité par les étoiles fixes,
extrêmement éloignées d’ici, si ne se fait aussi quelque mouvement en elles
et dans la totalité du ciel interposé ; cela admis en effet tout le reste, du
moins ce que j’ai écrit de plus général sur le monde et la terre, semble
difficilement pouvoir être compris autrement que je l’ai expliqué.

IV, 207. Mais je soumets tout ce qui est mien à l’autorité de l’Église.
Mais néanmoins j’ai en mémoire ma petitesse, je n’affirme rien ; mais je
soumets tout cela tant à l’autorité de l’Église Catholique qu’aux jugements
des sages ; et je voudrais que personne ne crois rien, si ce n’est ce dont la
raison évidente et toute puissante le persuadera intimement.

FIN.
855
Notes.

Notes
1
Lettre de Descartes à la Princesse Elisabeth, qui sert d’introduction à l’ouvrage, nous reproduisons l’élégante traduction de
l’abbé Picot de 1647, revue par Descartes.
2
Rem cogitantem : « la chose pensant, la chose qui pense », non « la chose pensante » : nous comprenons cogitans comme
participe présent du verbe cogito et non comme un adjectif ; l’on peut sentir une différence entre une femme pensante, et
une femme pensant ; cette dernière accomplit une action, l’action de penser, la première est songeuse. Ou encore plus bas
dans le texte en IV, 88, la différence qui pourrait se trouver entre « des étoiles filant et tombant dans l’air élevé » et « des
étoiles filantes et tombantes dans l’air élevé ». Dans le Compendium de Grammaire de la Langue Hébraïque, Spinoza note
la tendance qu’ont les participes des verbes à dégénérer en adjectif [Chapitre XXXIII. Du nom participe].
3
Dans l’édition en français revue par Descartes, le texte est celui-ci : « Par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en
nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes ; » [(Descartes 1996) p. 95.]
4
Article 6.
5
« Pathema » Latin médiéval : pathema animi = morbus, aegrotatio animi : pathème de l’âme = maladie, chagrin de l’âme.
Il y a du pathos, du pathologique, du maladif dans le mot. Cf. Éthique III, Définition Générale des Affects.
6
Modos : la traduction traditionnelle de ce terme est « modes », terme technique philosophique que nous trouvons abstrait et
hermétique. Le texte français, révisée par Descartes, dit à cet endroit : « Lorsque je dis ici façon ou mode, je n’entends rien
d’autre que ce que je nomme ailleurs attribut ou qualité ». Cette traduction, prend la précaution de donner une alternative
plus concrète à mode, savoir « façon », l’on pourrait tout aussi bien dire « manière » qui est la traduction usuelle du latin
classique modus ; mais les mots façon ou manière utilisés isolément, pour nous restent abstraits : il nous semble que lorsque
le terme est utilisé isolément il devient plus concret et plus compréhensible en rajoutant « d’être », à savoir façon d’être,
manière d’être sans trahir le concept de la chose, tout en permettant une utilisation concrète du terme en situation : façon de
penser, manière de penser…
7
Nous respectons le langage mathématique de l’époque, qui rapporte ici le théorème de Pythagore (le carré de l’hypoténuse
est égal à la somme des carrés des côtés de l’angle droit)
8
Spinoza Éthique III, 32 scolie : « Les enfants en effet parce que leur corps est continuellement comme en équilibre, rient
ou pleurent de cela seul qu’ils voient les autres rire ou pleurer, nous en faisons l’expérience, et qu’en outre tout ce qu’ils
voient les autres faire, aussitôt ils désirent l’imiter, et enfin veulent pour eux, tout ce par quoi ils imaginent les autres se ré -
jouir ; assurément parce que les images des choses, comme nous l’avons dit, sont les affections mêmes du corps humain au-
trement dit les manières dont le corps humain est affecté par les causes extérieures et disposé à faire ceci ou à faire cela. »
9
Alquié fait remarquer que Descartes avait pris garde jusqu’ici, à la suite de la condamnation de Galilée, de ne pas procla -
mer ouvertement le mouvement de la terre [(Descartes 1996) p. 141, note 1.]
10
Principes I, 4.
11
Rarefactio : n’appartient pas au latin classique, la rarefactio est opposée à la condensatio : rarefactio selon la définition
qu’en donne Descartes dans l’article suivant correspond mieux à « dilatation » qu’à « raréfaction ».
12
Principe de relativité aperçu par Galilée clairement défini ici pour la première fois.
13
Les figures pour des raisons pratiques sont exposées sur la page latine de gauche.
14
Dans la physique aristotélicienne le repos est l’état naturel des corps.
15
Il est intéressant de noter que dans la version originale latine ce qui deviendra le principe d’inertie est « tiré de l’expé-
rience ». La version française revue par Descartes est plus équivoque qui dit : « Nous voyons tous les jours la preuve de
cette première règle dans les choses qu’on a poussées au loin. »
16
Bien entendu le mouvement en ligne droite est un mouvement de raison théorique, la pierre sortie de la fronde (où que ce
soit dans l’univers) entreprend immédiatement une autre courbe sur un autre cercle ou tourbillon : le frondeur doit viser haut
pour atteindre sa cible.
17
Détermination : à savoir détermination vers une partie.
18
Cela ne sera jamais écrit par Descartes, il ne s’agit rien moins que de savoir comment l’esprit peut mouvoir le corps.
19
Ce terme mérite une explication, Descartes en donne deux, la première dans le texte de la traduction française de Clerse -
lier revue et enrichie par Descartes dans ce même article 49 {sensiblement plus détaillé dans le texte français que dans le
texte latin}, à savoir : « que C fût entièrement au repos, c’est-à-dire que non seulement il n’eût point de mouvement appa-
rent, mais aussi qu’il ne fût point environné d’air, ni d’aucun autres corps liquide, lesquels, comme je dirai ci-après, dis-
posent les corps durs qu’ils environnent à pouvoir être mus fort aisément… » : cette précision est interprétée à tort par Al-
quié et autres commentateurs semble-t-il comme voulant signifier que le corps C « serait situé dans le vide » [voir (Des-
cartes 1996) p. 198-199 note 3], et a conduit à considérer cette loi comme inexacte ; mais Descartes niant le vide, cette inter-
prétation semble absurde. Une deuxième explication est donnée par Descartes dans sa lettre à Clerselier du 17 février 1645
(lettre 487) : « par un corps qui est sans mouvement j’entends un corps qui n’est point en action pour séparer sa superficie
de celle des autres corps qui l’environnent, et par conséquent qui fait partie d’un autre corps dur qui est plus grand » [(Des-
cartes et al. 2009) p. 1982]. Pour nous, outre les conséquences sur la compréhension de la physique de Descartes, il faut no -
ter que rien ne s’oppose à ce que ces précisions aient été connues de Spinoza, ces lettres ayant été très tôt publiées dans la
république des lettres.
20
Cf. la note 18.
21
Cf. la note 18.
22
Nous reproduisons le schéma de Descartes simplifié pour suivre le raisonnement.
23
Galilée et Scheiner se sont disputés la priorité de la découverte des taches solaires, découvertes en réalité et très bien dé -
crites par un étudiant, Johannes Fabricius, le 9 Mars 1611 à Leyde.
24
Le ciel cristallin : chacun des cieux transparents et concentriques qui, suivant Ptolémée, enveloppent la terre au-delà des
cercles des planètes : le premier cristallin, le second etc. ; l’empyrée est la sphère la plus élevée, le onzième ciel ;
25
Cf. Partie IV, article 133.
26
Rappelons que l’équivalence masse pesante - masse inerte sera établie plus tard par Newton.
27
Horatius Grassius : Orazio Grassi, jésuite italien ; publie en 1619 sous le pseudonyme de Lotario Sarsi Sigenzano (ana-
gramme de son nom), le traité « Libra Astronomica ac Philosophica qua Galilaei Galilaei Opiniones de Cometis », Galilée
lui répond en 1623 dans « Il Saggiatore ».
28
Regiomontanus : Jean Muller astronome allemand ; « De Cometa anni » 1475.
29
Pontanus : Giovanni Pontano, homme politique et humaniste italien ; « Meteororum Libri » 1490.
30
De l’adjectif grec κομήτης : qui porte de longs cheveux ; κομήτης ἀστήρ : astre chevelu = comète.
31
Nous avons surimprimé sur la figure les lettres et chiffres qui sinon sont mal lisibles.
32
La nouvelle lune correspond à sa conjonction avec le Soleil, elle est obscure presque invisible ; les quartiers corres-
pondent à un quart de lune ; entre la nouvelle lune et les quartiers, la lune se présente en croissants.
33
Cf. Lettre XIII (26 Gebhardt) de Spinoza à Oldenburg, Mai 1665 « À ce propos je ne pourrais jamais assez m’étonner de
la précipitation de Descartes qui dit que la cause pourquoi les planètes autour de Saturne (il pensait en effet que ses anses
étaient des planètes, sans doute parce qu’il n’avait pas observé qu’elles touchaient Saturne) ne se meuvent pas, pouvait être
que Saturne ne tournait pas autour de son axe, non seulement cela convenait peu avec ses principes, mais surtout il aurait pu
très facilement expliquer la cause des anneaux à partir de ses principes mêmes, s’il n’avait était mis en peine par un préju -
gé. »
34
Météores : Discours V, des Nues.
35
Météores Discours III et V.
36
Météores Discours IV.
37
Alun : sulfate double formé d'un sulfate de métal trivalent et d'un sulfate de métal monovalent, utilisé en médecine, en
teinturerie, peausserie, etc. (TLF)
38
Minium : pigment d’oxyde de plomb, et par extension d’autres métaux : fer, aluminium…
39
Cf. Les Météores Discours III, et la Lettre VI sur le Nitre (§ 11), de Spinoza à Oldenburg de novembre 1661/juillet 1662.
[le Nitre est le nom chimique du Salpêtre]
40
Au XVII° siècle on utilise le charbon de bois.
41
William Gilbert (Gylberde) 1544-1603, médecin de la reine Élisabeth I, distingue les lois du magnétisme et de l’électricité
en comparant les différences d’attraction de l’aimant et de l’ambre frotté (dont il sera question un peu plus loin) : De
magnete (1600), De Mundo nostro sublunari philosophia nova (1651 – posthume)
42
Hilaritas : allégresse (Descartes = joie) ; nous traduisons autant que possible les noms des affects de la même façon que
nous les traduisons dans l’Éthique ; entre parenthèse la traduction qui a reçu l’approbation de Descartes dans la traduction
du XVII° siècle.
43
Titillatio : jouissance (Descartes = chatouillement)
44
Dolor : souffrance (Descartes = douleur)
45
Voluptas ne se trouve pas dans l’Éthique.
46
Sensationes : n’appartient pas au latin classique, nous traduisons comme Descartes lui-même par « Sentiments ».

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