Août 2023 « Science sans conscience

n’est que ruine de l’âme »

Numéro #21 Rabelais

GRAND ENTRETIEN ENQUÊTE VRAI DU FAUX GRAND ANGLE COMBAT DE VIE

Mangez-vous du Médecine à trois Procès de En cas de future E. Amar : « Le
pétrole tous les vitesses : BioNTech, crise, on prend scandale des bébés
jours ? Sûrement. dans quel wagon Dr ChatGPT, les mêmes et on sans bras est un
(Pr Séralini) êtes-vous ? trafic d’organes... recommence ? déni sanitaire »
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Avez-vous envie de manger

du pétrole ? Pourtant, vous le
faites sûrement tous les jours !
Son nom est cité 56 000 fois dans les procès. Son « crime » ? Avoir mis en lui, poursuit son œuvre de vérité et de
Monsanto Papers. Pendant des années, lumière les failles de Monsanto, ses science. Quoi qu’il lui en coûte.
il a été décrédibilisé par les médias techniques de manigance et de manipu-
et les scientifiques, puis diffamé de lation pour que le monde entier s’entiche Expliquez-nous ce qu’est l’affaire
nombreuses fois et il a gagné ses sept du Roundup. Le Pr Gilles-Éric Séralini, Séralini.
Pr Gilles-Éric Séralini : Pour moi,
il n’y a pas d’affaire Séralini. Per-
© L’œil de Tesson

sonnellement, je l’appelle l’affaire

Monsanto. Dans les Monsanto Papers,
c’est-à-dire l’ensemble des documents
internes que Monsanto a été contraint
par la justice américaine de rendre
publics, je suis cité 56 000 fois !
Il est clairement écrit qu’ils veulent
transformer cette affaire en « l’affaire
Séralini » pour me décrédibiliser,
me faire passer pour un fraudeur.
Cette technique est usuelle chez eux –

Le chiffre

5 505
C’est le nombre d’écoles (sur les 15 000 recensées)
qui, 26 ans après son interdiction, présentent
encore des traces d’amiante, exposant plus de
700 000 enfants. Au ministère de l’Éducation, on
promet d’y travailler... un jour !
2 GRAND ENTRETIEN
ils passent par des agences de presse
et des journalistes mal informés –, et
s’applique à tous les scientifiques qui
« trouvent » quelque chose sur leurs
produits ou qui mettraient en doute leurs
résultats scientifiques.
Ce système est très complexe : c’est l’une
des premières affaires mondiales liées
aux pesticides. Lors de son procès en
2020, Monsanto a dû verser 10 milliards
de dollars1 à 100 000 personnes aux États-
Unis – 25 000 n’ont pas voulu signer
cet accord. J’ai été à ce titre conseiller
scientifique des avocats qui ont gagné
contre Monsanto. En 2019, Monsanto a
été racheté par Bayer : désormais, c’est
donc à Bayer d’assumer.
Qu’avez-vous découvert
de dérangeant justement ?
Pr Gilles-Éric Séralini : Le glypho-
sate seul n’est pas en réalité le plus
toxique ! Ce sont les formulations à
base de glyphosate ou même celles qui
n’en contiennent pas qui sont 1 000 fois
plus toxiques ! Pour rappel, depuis les
années 2000, sous l’effet de la pression
médiatique, Monsanto a développé des
Roundup sans glyphosate.
Ce que nous avons révélé, c’est que le
glyphosate est un leurre brevetable : c’est le
produit qui leur permet d’obtenir un brevet.
Mais nous sommes allés plus loin. Nous
avons trouvé que ce sont en fait des rési-
dus de pétrole (les HAP : hydrocarbures
aromatiques polycycliques) qui sont hau-
tement toxiques dans le Roundup – surtout
qu’ils sont présents à des concentrations
très élevées. On trouve également plu-
sieurs métaux lourds, comme l’arsenic, le
plomb, le mercure. Toutes les agences sont
unanimes pour reconnaître leur toxicité
et leur rôle cancérigène.
La contamination du monde au glypho-
sate et à tout ce qu’il contient est d’une
ampleur manifeste : on a même trouvé des
traces de glyphosate et d’arsenic chez les
pingouins de l’Antarctique. Comment se
fait-ce ? Les grands fleuves pollués par ces
pesticides traversent l’Amérique du Sud et
se jettent dans l’océan glacial Antarctique,
1. https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/06/25/roundup-bayer-va-verser-10-milliards-de-dollars-pour-faire-cesser-les-poursuites-mais-ne-reconnait-aucune-
faute_6044095_3234.html
contaminant les poissons, eux-mêmes
mangés par les pingouins. Imaginez ! Le
Roundup est surtout le pesticide le plus
utilisé au monde. Il en existe des cen-
taines de formulations, dont la plupart
à base de glyphosate – qui a servi à
breveter le produit en 1973.
Cela voudrait-il dire que
le glyphosate n’est pas dangereux
tout seul ? Étonnant !
Pr Gilles-Éric Séralini : C’est ce que
nous avons montré, en effet. Au niveau
agricole, il n’est JAMAIS utilisé seul.
Surtout, nous n’avons pas réussi à
démontrer ses propriétés herbicides à
des doses habituellement toxiques en
agriculture (soit 1 ou 2 % de dilution).
Selon nos études, le glyphosate devient
toxique seulement à partir de 10 % sur les
plantes, ce qui n’est pas habituel du tout.
En revanche, les HAP et les métaux
lourds seuls (sans glyphosate) sont de
puissants herbicides ! Problème : ces
fameux HAP ne sont pas brevetables.
C’est pourquoi il leur fallait ce leurre
qu’est le glyphosate pour commercialiser
leurs produits.
Monsanto ment et fraude depuis le
début. C’est d’ailleurs pour cette
raison précise que la firme a perdu
plusieurs procès aux États-Unis.
Ce que nous avons publié depuis 2005
a d’ailleurs servi d’appui scientifique
aux procès américains. Depuis cette date,
Monsanto nous poursuit...
Pourquoi parler de fraude ?
Pr Gilles-Éric Séralini : Parce que
Monsanto ne liste pas l’ensemble des
composants du Roundup. C’est à ce
titre que le jardinier Dewayne Johnson
a gagné son procès et a été indemnisé.
Mais le pire, c’est que Monsanto essaie
de faire croire que le Roundup, c’est
du glyphosate. Par exemple, en Amé-
rique latine, la formulation commerciale
du Roundup s’appelle Glyphosato !
Comment ne pas croire que c’est
du glyphosate seulement ? Même la
cheffe de la toxicologie de Monsanto,
Donna Farmer, joue de cette alternance
entre les termes de glyphosate et de
Roundup, y compris devant des juges.
L’idée est de semer la confusion dans
la tête des gens. Ils veulent faire croire
que le composé qu’ils ont breveté
est l’herbicide. C’est ce dont je vous
parlais : à 1 %, le glyphosate n’est pas
un herbicide !
On nage toujours dans le mythe de la
substance active, qui n’est rien d’autre
qu’une substance active déclarée.
Voilà pourquoi on sous-estime autant
la dangerosité de certains pesticides.
Lesquels par exemple ?
Pr Gilles-Éric Séralini : Nous l’avons
montré pour les néonicotinoïdes, mis
en cause sur les abeilles. Ce sont là
encore les résidus de pétrole, égale-
ment présents dans ces pesticides, qui
sont extrêmement toxiques. Pourtant,
les firmes se débrouillent toujours
pour parler des substances prétendu-
ment actives, plutôt que des marques
commerciales. C’est un problème
majeur de vocabulaire qui contribue
à créer de la confusion auprès du grand
public, mais aussi des journalistes. Les
principes déclarés actifs n’ont rien à
voir avec les principes actifs !
Expliquez-nous ce que sont
ces résidus de pétrole.
Pr Gilles-Éric Séralini : Ils proviennent
des « fonds de poubelle » issus de la
distillation du pétrole. Ces composés
intermédiaires ne sont pas revendus pour
le fioul, ni le kérozène. De plus, ils ne sont
pas brevetables. Par conséquent, il devient
intéressant de les valoriser dans d’autres
circuits, comme les pesticides mais aussi
dans les cosmétiques et les détergents
non biodégradables. Comme ils sont
huileux, ils solubilisent bien les pesticides
mais le problème majeur, c’est qu’ils sont
par eux-mêmes extrêmement toxiques.
D’ailleurs, les parabènes sont aussi des
résidus de pétrole. L’usine Lubrisol, en
France, vendait justement les résidus de
pétrole aux marques de cosmétiques ou
de détergents.

Que provoquent-ils sur notre santé ?
Pr Gilles-Éric Séralini : Ils
engendrent un stress oxydatif sur
notre organisme : ils agissent comme
du sable entre les communications
cellulaires. Pour le dire simplement,
nos cellules communiquent entre
elles grâce à des signaux électriques
(système nerveux) et chimiques
(système hormonal). Le but de ce
double système est que nous restions
organisés et que le dialogue entre nos
cellules soit harmonieux.
Or les HAP agissent comme des
grains de sable entre ces signaux,
des spams, qui brouillent la com-
munication. Au fur et à mesure,
ces déchets lourds s’accumulent –
nous avons peu d’enzymes pour les
éliminer. La première maladie de
cette communication brouillée, c’est
évidemment le cancer, mais il y a
aussi les maladies auto-immunes,
les malformations fœtales... qui sont
toutes ce que j’appelle des maladies
de la communication cellulaire.
Nos recherches ont également mis en
lumière que les perturbateurs endo-
criniens sont tous des perturbateurs
nerveux. On devrait donc parler de
perturbateurs endocriniens et ner-
veux, ce que j’appelle « les fins de
cycle de communication entre les
cellules ». Un peu comme si on avait
constamment un brouillage de notre
signal téléphonique : on ne pourrait
pas communiquer. C’est exactement
ce qui se passe dans nos cellules avec
ces résidus de pétrole.
Comment avez-vous fait
cette découverte ?
Pr Gilles-Éric Séralini : J’ai travaillé
sur les cellules de fœtus humain,
notamment ce qui était « collé » sur
leur ADN. On a découvert environ
400 polluants par cellule de fœtus
humain, et, parmi les dix premiers,
trois appartenaient à Monsanto. C’est
comme cela que j’ai commencé à
travailler sur le Roundup. Historique-
ment, cette chimie du pétrole vient de
l’industrie de guerre.
GRAND ENTRETIEN
Qu’entendez-vous par là ?
Pr Gilles-Éric Séralini : Le Zyklon B,
utilisé dans les camps de concentration
par les nazis, a été le premier insecticide
commercialisé en France. En réalité,
les PCB et le plastique, les nitrates
avec les engrais, les pesticides ont un
même fil rouge : ils dérivent tous d’une
politique de guerre. Après la guerre, on a
voulu recycler ces armes de destruction
massive à vitesse grand V. Pour moi,
il est clair que ces produits empoi-
sonnent massivement l’Europe et le
monde depuis soixante ans.
Les autorisations pour les pes-
ticides sont frauduleuses : leurs
composés toxiques sont non
déclarés et non testés selon
la Cour de justice de l’Union
européenne du 1/10/2019.
Surtout, les mêmes techniques de
manipulation de la recherche ont
servi à commercialiser ces produits.
Pour les PCB, que j’ai certes moins
étudiés, il a été démontré que les
responsables de Monsanto ont menti
et inventé de toutes pièces des tests
sur les rats (l’une de ces personnes
est même allée en prison !). C’est
cela qui a permis la commercialisa-
tion à bas prix de ces produits, sans
jamais penser ni au recyclage, ni à
leur effet sur le long terme. Cette
vaste fraude a créé les problèmes
environnementaux et sanitaires que
nous vivons aujourd’hui.
Où en sommes-nous en Europe
avec le Roundup justement ?
Pr Gilles-Éric Séralini : Aux États-
Unis, vous avez 100 000 personnes qui
touchent 10 milliards, mais, pendant
ce temps-là, en Europe, vous avez le
couple Macron-Merkel qui a permis
à Bayer de racheter Monsanto, grâce
à des subventions de 10 milliards,
pendant le Covid.
3
En France, l’agriculteur Paul François
est le seul à avoir été reconnu et
indemnisé comme « victime » de
Monsanto. Cette différence est
due aux systèmes judiciaires : aux
États-Unis, on peut faire une class
action et on n’a pas à avancer les
frais d’avocat avant le procès.
En Europe, on dédommage aussi moins
bien les victimes. Pourtant, il est clair
qu’il y a encore plus de victimes en
Europe qu’aux États-Unis. Bien sûr, il y
a les agriculteurs, qui sont en première
ligne (ils ont toujours une dérogation
pour continuer à utiliser le Roundup),
mais aussi tous les consommateurs.
Prenez le pain (non bio) : le blé est
séché au Roundup dans les grandes
exploitations. Donc, quand vous mangez
du pain, il y a de fortes chances pour
que vous vous intoxiquiez à petit feu.
Ce n’est donc pas étonnant que les mala-
dies comme les cancers, les maladies
auto-immunes, les maladies hormo-
nales ou nerveuses, les intolérances
ou les troubles digestifs explosent.
Je n’ai pas peur de dire que le Roundup
intoxique (et a intoxiqué) des millions
de personnes en Europe.
Pourtant, il est toujours commercialisé
en France, dans les jardineries, même si
le glyphosate a été remplacé par d’autres
substances plus « vertes »... Or, vous
l’avez compris : ces formulations sans
glyphosate contiennent elles aussi du
pétrole. C’est donc du pareil au même.
Qu’en est-il des OGM ?
Pr Gilles-Éric Séralini : Notre
fameuse étude de 2012, qui avait
créé la polémique, a été plusieurs fois
confirmée. Ce que j’ai étudié, ce sont
les OGM à base de Roundup, car les
OGM sont des éponges à pesticides,
ils en contiennent énormément. Sous
la pression de Monsanto, notre étude
a été rétractée en 2012, mais republiée
en 2014. Mais tout a été confirmé.
À la suite du reportage d’Envoyé spé-
cial en 2021, plusieurs journalistes
connus m’ont diffamé. Je suis tou-
jours en procès avec eux. Il faut dire
que des agences de communication
payées par Monsanto font des dossiers
4 GRAND ENTRETIEN

à destination des journalistes pour
décrédibiliser mon travail.
Deux personnes de l’Académie des
sciences témoigneront au procès à
venir pour montrer la bonne foi scien-
tifique de mon équipe, et surtout pour
rappeler qu’il n’y a eu aucun accord de
l’institution pour dénigrer nos travaux.
Quelques scientifiques avaient en effet
diffusé un communiqué de presse pour
le faire – sans surprise, ils étaient de
mèche avec Monsanto.
Quel est selon vous le prochain
scandale lié aux produits chimiques ?
Pr Gilles-Éric Séralini : Il faut savoir
que la politique agricole commune (la
PAC) est financée à hauteur de 30 %
par nos impôts. Or, à 98 %, la PAC
promeut l’agriculture intensive, et
donc les pesticides. Cela signifie que,
finalement, nous contribuons à acheter
les produits qui nous détruisent.
Le pire, c’est qu’en réalité aucun pes-
ticide commercialisé n’a bénéficié de
tests de toxicité à long terme sur les
rats, le Roundup pas plus que tous les
autres. Les agences qui les approuvent
se basent uniquement sur ceux fournis
par les industriels... C’est un problème
et un drame majeur.
Vous vous intéressez aussi aux solu-
tions de détoxification des produits
chimiques dans l’organisme. Parmi
vos récentes découvertes, le rôle de
certaines levures de notre micro-
biote. Expliquez-nous.
Pr Gilles-Éric Séralini : C’est une
découverte vraiment toute récente, qui
date de mai dernier. Quand on parle
de microbiote, nous oublions souvent
la présence de levures (qui font partie
du règne des champignons), à hauteur
de 1 % environ. Or nous avons montré
que certaines d’entre elles coordonnent
même des bactéries qui sont 100 fois plus
petites qu’elles. Surtout, elles sécrètent
des enzymes qui ont une action détoxi-
fiante pour « digérer » le plastique ou les
résidus de pétrole... Comme on appauvrit
notre microbiote, ces levures sont moins
nombreuses aujourd’hui et on se prive
d’une puissance détoxifiante.
Quelles autres solutions pou-
vons-nous mettre en œuvre pour
nous protéger ?
Pr Gilles-Éric Séralini : Je recommande
évidemment de manger le plus possible
bio, ou, même s’il n’y a pas de label,
de s’approvisionner chez des petits
producteurs dans cette démarche. Nous
avons publié une étude qui montre que
les produits bio sont 80 000 fois moins
contaminés que les produits non bio.
Cultivez donc un petit potager ! Par ail-
leurs, le vin fait partie des produits les
plus contaminés à table. Préférez donc
les vins bio ou nature, qui contiennent
moins de pesticides et plus de levures.
Surtout, à l’échelle collective, il faut
changer de paradigme : notre économie
date du 18e siècle alors que nous sommes
dans le monde du 21e siècle, dont on sait
que les ressources ne sont pas infinies.
Il faut faire autrement car nous rendons
notre monde vénéneux. ■
Gaspard Frey
— Pour aller plus loin
Son site : http://www.seralini.fr/
Pour agir : https://secretstoxiques.fr/
Ses livres : L’Affaire Roundup,
Le goût des pesticides dans le vin »,
Tous cobayes.

50
En chiffres

1 sur 10 Un enfant français sur 10, entre 3 et 11 ans,

souffrirait d’un trouble de santé mentale.
Troubles anxieux, comportements dépres-
sifs, troubles oppositionnels (désobéissance)
ou encore déficit de l’attention, les garçons
surtout seraient concernés.
Selon le ministre, c’est le nombre de médicaments qui
devraient à nouveau être produits sur le sol national
pour éviter une vulnérabilité d’approvisionnement.
Et si on soignait plutôt notre dépendance à la pharma ?

+46 %
Selon une récente étude, c’est le pourcentage de
risque de mourir aux urgences auquel vous êtes
exposé si vous avez plus de 75 ans et que vous
avez passé la nuit sur un brancard. Une surmor-
talité inquiétante autant qu’évitable...
99 %
Des plantes transgéniques cultivées dans
le monde sont des plantes « pesticides ».
Cela signifie qu’elles sont conçues pour
tolérer des herbicides ou pour produire
elles-mêmes une protéine insecticide...
Une belle manipulation du vivant !

Médecine à trois vitesses :
dans quel wagon êtes-vous ?
Dr Jean-Charles Gimbert
Médecin coordonateur en
Ehpad, spécialiste en micro-
nutrition et alimentation-
santé. Il est l’auteur de Médecins,
maltraitants et protégés et de
Thyroïde : arrêtons le massacre !
https://dr-gimbert.fr/
La ritournelle revient réguliè-
rement ici ou là : « Il faut en finir
avec la médecine à deux vitesses »,
« un fossé intolérable se creuse dans
l’accès aux soins », etc. Pourtant,
n’en déplaise à nos politiques, il
n’existe pas deux vitesses mais bien
trois ! Le Dr Jean-Charles Gimbert
vous explique pourquoi cette situa-
tion est particulièrement explosive...
et inégalitaire !
À l’heure où certains politiciens et
la plupart des sociologues annoncent
pour bientôt une médecine à deux
vitesses, j’affirme pour ma part que
ce stade est dépassé depuis long-
temps. Exit la dichotomie entre les
pauvres, qui n’avaient accès gra-
tuitement qu’aux soins de base, et
les riches, qui pouvaient s’offrir la
fine fleur des mandarins et le gratin
de la pharmacopée. Nous sommes
entrés désormais de plain-pied dans
une médecine à trois vitesses dans
laquelle les plus démunis sont pris en
charge, cette fois de façon correcte,
par la solidarité nationale, et les plus
aisés continuent à se soigner sans
difficulté. Mais une catégorie inter-
médiaire est apparue en matière de
santé publique, probablement la plus
nombreuse, constituée de la classe
moyenne et de la majorité des retrai-
tés. Et, pour cette population, sans
vouloir faire peur, l’avenir semble
assez sombre...
En préambule, afin que les choses
soient parfaitement claires, les lignes
qui suivent ne constituent en aucun
cas un jugement personnel, mais font
un simple constat, celui d’une situa-
tion bien réelle observée par les yeux
d’un omnipraticien, en l’occurrence
votre serviteur, ayant près d’un demi-
siècle d’expérience de la médecine de
terrain. J’ajoute que, pendant toute
cette période, je n’ai jamais renié une
phrase de mon serment d’Hippocrate
et que j’ai soigné les plus indigents
et ceux qui n’avaient pas de quoi me
payer avec autant d’empathie, sinon
plus encore, que les autres.
Merci pour votre contribution
à la Sécurité sociale...
Créée en 1945, la Sécurité sociale
« est la garantie donnée à chacun
qu’en toutes circonstances il dis-
posera des moyens nécessaires
pour assurer sa subsistance et celle
de sa famille dans des conditions
décentes ». Elle repose sur le principe
de solidarité promettant à chacun une
protection financière contre les aléas
de la vie. Elle protège l’ensemble
des résidents du territoire français,
c’est-à-dire toute personne résidant
ENQUÊTE 5
depuis au moins trois mois à une
adresse fixe. Composée de cinq
branches (famille, maladie, acci-
dents du travail, retraite, autonomie)
et d’une branche recouvrement
(Urssaf), la Sécurité sociale est
financée d’un côté par les cotisations
sociales des actifs et des entreprises,
et de l’autre par la CSG ainsi que les
impôts et autres taxes. Les entreprises
se voyant de plus en plus épargnées,
c’est l’autre partie, celle payée par
les ménages, qui a beaucoup aug-
menté, et singulièrement la CSG.
Les recettes représentent environ
500 milliards d’euros, soit le quart du
PIB national, tandis que les dépenses
sont telles que le déficit financier
par rapport aux rentrées se creuse
toujours plus. Appelé d’abord trou
de la sécu, puis gouffre, puis abîme,
il a atteint la profondeur abyssale
de 34 milliards d’euros en 2020 à
la suite de la pandémie et du « quoi
qu’il en coûte ».
Pour que l’étoile à cinq branches de
la Sécurité sociale puisse continuer
à briller, ce que tout le monde sou-
haite, il convient d’équilibrer ses
comptes. Or les deux plus gros postes
de dépenses du régime général sont
l’assurance-maladie et la retraite,
représentant respectivement 54 %
et 32 %. Comme il semble difficile
de réduire de façon drastique les
pensions de retraite, la seule alter-
native consiste à tirer à vue sur
l’assurance-maladie, en multipliant
les déremboursements, les franchises
et les contraintes de toutes sortes.
Ce que, depuis des décennies,
nos gouvernements successifs s’em-
ploient à réaliser avec des moyens
aussi radicaux qu’inefficaces,
créant délibérément une médecine
à plusieurs vitesses en creusant les
inégalités en matière de santé.
6 ENQUÊTE
Les plus précaires :
vitesse de croisière
Les chiffres indiqués ci-après ont été
volontairement arrondis pour faciliter
la compréhension du problème qui
nous occupe. Le salaire médian en
France, signifiant que la moitié des
salariés du pays gagnent moins et
l’autre moitié gagne plus, se monte
à peu près à 2 000 euros mensuels.
On établit le seuil de pauvreté à 60 %
de ce salaire médian.
Ainsi, toute personne seule per-
cevant des ressources confondues
inférieures à 1 200 euros par mois
peut bénéficier, soit gratuitement,
soit avec une faible participation, de
la CSS ou C2S. Ce sigle correspond
à la « complémentaire santé soli-
daire », qui a remplacé simultanément
en 2019 la complémentaire médicale
universelle, ex-CMU, et l’aide à
l’acquisition d’une complémentaire
santé ou ACS.
Vraiment rien à payer ?
Comme le rappelle l’Assurance-
maladie sur son site Ameli.fr, « avec
la complémentaire santé solidaire, on
n’a rien à payer dans la plupart des
cas, ni rien à remplir ou à envoyer à
sa caisse » (sic).
Ainsi, « on ne paye pas »
(re-sic) les consultations chez le
médecin, le dentiste, le masseur-
kinésithérapeute, l’infirmier ou
à l’hôpital ; les médicaments en
pharmacie ; les dispositifs médicaux,
comme les pansements, les lecteurs
de glycémie ou les fauteuils rou-
lants ; les transports sanitaires, les
analyses médicales, les examens de
radiologie ; les lunettes, les prothèses
dentaires, les aides auditives ; les soins
d’orthopédie dento-faciale.
Mais ce n’est pas tout, peut-on lire
également sur Ameli.fr, on béné-
ficie de tarifs sans dépassement
chez les médecins et la plupart des
autres professionnels de santé ;
en cas d’hospitalisation, le forfait
hôtelier, qui couvre normalement
l’hébergement et la nourriture est
remboursé ; la franchise médicale dis-
paraît, ce qui veut dire qu’il n’existe
plus aucune participation forfaitaire
d’un euro symbolique pour quoi
que ce soit ; le tiers-payant intégral
appliqué systématiquement permet
d’éviter l’avance des frais médicaux ;
sans oublier les réductions sur les
billets de train...
Pour accéder à ce panier garni en
forme d’inventaire à la Prévert, il
faut bien sûr ne pas dépasser un cer-
tain plafond de ressources, lequel
augmente proportionnellement au
nombre de personnes vivant sous
le même toit. Les bénéficiaires du
RSA, le revenu de solidarité active,
sont automatiquement affiliés à la
complémentaire santé solidaire,
sans avoir besoin d’effectuer la
moindre démarche.
Le site d’information Service-public.
fr ajoute deux conditions indispen-
sables à l’obtention de cette C2S.
D’une part, résider en France à
une adresse stable depuis au moins
trois mois, étant précisé toutefois
que les personnes sans habitat fixe
peuvent se faire domicilier auprès
d’un organisme agréé ou d’un centre
communal d’action sociale.
D’autre part, se trouver en situation
régulière par la possession d’une
carte nationale d’identité ou, dans le
cas d’un étranger, d’un titre de séjour.
Le même site Internet gouvernemen-
tal précise un point surprenant : « Si
vous êtes en situation irrégulière,
c’est-à-dire que nous n’avez pas de
papiers ou de droit d’être en France,
vous pouvez demander à bénéficier
de l’aide médicale de l’État (AME). »
Amusant exemple de dialectique de
la part d’une Administration que le
monde entier nous envie... et qui
régularise en une seule phrase para-
doxale toutes les situations illégales.
Une bombe sociale
à retardement ?
Si une société démocratique et huma-
niste ne peut que s’enorgueillir de
protéger ses compatriotes les plus
fragiles, il faut cependant se méfier
des dérives liées à une déresponsa-
bilisation de la population par des
mesures excessivement généreuses.
La solidarité, c’est bien ; l’assistanat
intégral, par contre, c’est extrême-
ment dangereux. Tout le monde le
sait mais personne n’ose en parler
ouvertement par peur du « qu’en
dira-t-on ». Si bien que les abus se
multiplient tant chez les malades
que, surtout, chez les professionnels
de santé.
Le bilan financier de l’opération
reste soigneusement occulté par les
pouvoirs publics. Le seul chiffre offi-
ciellement communiqué concerne le
nombre de personnes bénéficiaires
à un titre ou à un autre de la nou-
velle C2S, qui s’élève aujourd’hui à
près de 9 millions de personnes avec
l’objectif à court terme de l’étendre
à 12 millions.
Ce système solidaire n’est pas
indemne de critiques. D’abord, la
déresponsabilisation déjà évoquée
qui, quoi qu’on en dise, favorise
incontestablement la dépense, voire
la gabegie. La multiplication des
actes, le gaspillage médicamenteux,
les visites à domicile abusives, les
fausses urgences dominicales ou

nocturnes, cela existe. Je l’ai vécu
pendant plus de quatre décennies,
avant même la CMU, avec l’aide
médicale gratuite et son trafic
de bons de couleur jaune. Mais
le danger principal de la C2S est
d’introduire une discrimination, au
moins dans l’esprit des gens, entre
ceux qui cotisent mais ont souvent
d’énormes difficultés pour parvenir à
se soigner et ceux qui ne participent
pas au système mais qui, au bout
du compte, finissent par bénéficier
d’une meilleure prise en charge pour
eux et pour leur famille. Il s’agit
là incontestablement d’une bombe
sociale à retardement qui constitue
un territoire de chasse privilégié pour
certains partis politiques.
Pour quelques euros
de plus, passez à
la vitesse n°2
Il n’aura pas échappé à votre saga-
cité que, dans notre pays, le seuil de
pauvreté en dessous duquel l’accès
à la C2S devient automatique se
situe à un niveau à peine inférieur
de quelques dizaines d’euros au Smic
mensuel, lequel approche actuelle-
ment les 1 350 euros net.
Une personne seule pourrait, dès
lors, trouver plus intéressant dans ces
conditions de cesser ou au moins de
réduire son activité afin de profiter
d’aides sociales au titre de la solida-
rité, dont la complémentaire santé et
tous ses avantages. Je sais qu’il paraît
mal séant d’écrire cela, surtout en
tant que médecin, mais ma carrière
regorge d’exemples de personnes
qui passaient leurs journées devant
la télévision ou sur leur smartphone
et gagnaient davantage que leurs
voisins travailleurs salariés qu’ils
venaient narguer parfois jusque dans
ma salle d’attente.
Si certaines mesures n’encouragent
pas le travail, elles ne favorisent
pas non plus la natalité. Un foyer
standard constitué d’un couple
avec deux enfants recevant un
salaire moyen aura quelquefois des
difficultés à se payer une mutuelle
et devra renoncer à certains soins
particulièrement onéreux, pour ne
pas dire scandaleusement prohibi-
tifs, et pourtant indispensables à leur
progéniture, comme une prise en
charge ortho-odontologique, faute
de complémentaire santé efficiente.
Tandis que, pour d’autres, il sera
d’autant plus facile d’obtenir la C2S
que le nombre de personnes à charge
s’incrémentera, ce qui encourage
logiquement les naissances et le
rapprochement familial.
Cette situation explosive induite par
les deux premières vitesses de la
médecine engendre déjà des frictions
entre les deux populations, des dif-
ficultés majeures d’intégration, une
extension du communautarisme, une
multiplication des actes racistes... et
une récupération politicienne. Tout
simplement parce que dans toutes
les enquêtes d’opinion la santé vient
au premier rang des préoccupations
du peuple.
Il s’impose donc aux autorités de
tutelle de s’y intéresser. Des solutions
paraissent envisageables pour tenter
d’améliorer les choses tout en péren-
nisant le principe de solidarité... Une
nouvelle fois, je m’amuserai, sans le
ENQUÊTE 7
moindre espoir bien sûr d’être entendu,
à égrener ici quelques propositions
suggérées par ma longue pratique.
Des solutions
anti-frictions ?
D’abord, responsabiliser un peu plus
les bénéficiaires de la C2S en les faisant
participer un minimum et en proportion
raisonnable aux frais médicaux qu’ils
engendrent, par le rétablissement de
certaines franchises et le paiement de
quelques forfaits hors soins.
Ensuite, surveiller et sanctionner
sévèrement toute fraude ou tout abus,
d’où qu’ils émanent et de quelque
nature qu’ils soient. Rétablir l’aide à
l’acquisition d’une complémentaire
santé, supprimée malencontreusement
en novembre 2019, pour toutes les
personnes aux revenus modestes ou
aux salaires moyens.
Faire participer un peu plus les entre-
prises à la Sécurité sociale à travers
leurs cotisations salariales et patro-
nales, et un peu moins les ménages...
lesquels apportent près de la moitié
des recettes et ont vu leurs impôts,
taxes et autres CSG passer récemment
de 3 à 36 % ! Rembourser à nouveau
certains traitements peu coûteux
pour l’Assurance-maladie, comme
la phytothérapie ou l’homéopathie,
dont le déremboursement a provoqué
un transfert en forme de tsunami sur
les spécialités allopathiques vignet-
tées, pour le plus grand bonheur de
Big Pharma et le désespoir de
Madame La Caisse.
Et, pourquoi pas, faire sortir de la
Sécurité sociale sa branche retraite
afin de ne pas compenser le déficit
des pensions futures par des éco-
nomies draconiennes sur la santé.
Cela évitera de pénaliser encore plus
les personnes âgées, qui voient non
seulement leurs pensions de retraite
gelées mais se détériorer à la fois leur
santé et la prise en charge de celle-ci
avec des mutuelles qui triplent leurs
tarifs au-delà de 65 ans. Surtout à une
époque où l’on tergiverse pour passer
l’âge de la retraite de 62 à 64 ans et
8 ENQUÊTE

où la collectivité rembourse chaque
année sans barguigner le déficit
insondable des régimes spéciaux.
En tout cas, il est urgent d’agir avant
l’implosion du système et la guerre
civile qui s’ensuivra dès que les
chiffres fuiteront publiquement.
situation en plafonnant le rembourse-
ment des contrats en cours à 200 % du
tarif de la Sécurité sociale, ce qui ne
couvre plus certains frais comme les
dépassements d’honoraires, qui eux
n’ont pas été réduits pour autant.
présidentielle mais au prix d’un petit
avion de tourisme.
Si bien que seuls certains privilégiés
ont la possibilité de les financer, ce
qui dès à présent fait évoquer par
quelques sociologues la perspective
d’une quatrième vitesse...

Troisième vitesse : Pour ma part, j’en resterai à estimer

que les pouvoirs publics ont pro-
la santé gressivement mis en place au cours
en accès libre des dernières années une médecine à
triple vitesse divisant la population
Pour les Français aisés, pas de souci nationale en trois groupes distincts
pour accéder aux soins de qualité. d’assurés sociaux.
À eux les spécialistes les plus en
vogue, les médicaments les plus D’un côté ceux, environ 15 %, ayant
coûteux, les technologies les plus des ressources confondues inférieures
sophistiquées. Sûr que si l’on à 1 200 euros et qui bénéficient d’une
découvre un jour la fontaine de jou- gratuité absolue de tous les soins pris en
vence ou le secret de l’immortalité, charge par la Sécurité sociale, incluant
ce sera pour leur pomme. leur famille, avec renouvellement annuel.

En attendant, ces gens-là peuvent À l’opposé, les 15 % aussi de ceux

s’offrir les derniers progrès de la
médecine. Question remboursement,
qui ne constitue pas leur préoccu-
pation première, ils bénéficient le
plus souvent des « contrats 400 % »
souscrits par les entreprises pour
certaines catégories de personnel
dans le cadre de leur régime de
prévoyance, ou directement par les
commerçants et les membres des
professions libérales. Généralement,
les cadres retraités des grandes entre-
prises conservent le bénéfice de ces
contrats, en prenant la totalité de la
prime à leur charge.
Cependant, une décision de la ministre
de la Santé du gouvernement Hollande,
Marisol Touraine, a mis fin à cette
Les assureurs, dont on connaît la
capacité quasi animale à réagir, en
ont profité pour proposer à leurs
clients de les rétablir dans leurs droits
antérieurs en souscrivant une assu-
rance « surcomplémentaire » santé,
de 400 % ou de 500 %, aux mêmes
conditions que leur contrat de base,
sans questionnaire de santé, mais
taxée par l’État à 14 % au lieu de 7 %.
Ces contrats dits « non responsables »
assurent certes une protection
ayant un revenu supérieur à 2 800 euros
et qui peuvent se payer une mutuelle
complétant au moins à 100 % le rem-
boursement de l’Assurance-maladie,
avec la possibilité éventuelle de
prendre une surcomplémentaire.
Entre ces bornes très approxima-
tives, la masse des deux tiers de nos
concitoyens considérés comme des
« Français moyens », salariés, cotisants,
imposés et taxés, mais obligés parfois
de renoncer aux soins ou d’emprunter
pour financer les appareils orthodon-
tiques de leurs enfants. Ce système, à
force de se vouloir généreux et soli-
daire, est devenu absurde et fortement
inégalitaire. Il est urgent d’en prendre
conscience et d’y remédier. ■

Les portes tournantes...

donnent le tournis !
Vous connaissez l’expression des « revolving doors » : ce phénomène,
aussi appelé « pantouflage », consiste à passer du secteur public au privé,
ou l’inverse. Un très bon moyen de multiplier les conflits d’intérêts et
d’alimenter la déconnexion des élites déjà hors-sol. Surtout, il contribue
à entretenir le brouillage des frontières entre les intérêts privés et l’intérêt
général. Un seul exemple, en mars 2021, un conseiller au ministère de la
Santé demande à partir dans le privé... dans le groupe Korian, le géant
français des maisons de retraite. Pratique : il avait connaissance de tous
les rouages et politiques de santé ! Problème : la Haute Autorité pour la
transparence de la vie publique le lui a interdit. Une grande première...
et un trop rare cas qui confirme que la règle fonctionne la plupart du
temps. Disons que là... c’était un peu trop gros !

Folie morbide
Nous partagions dans notre dernier numéro
le combat de Laurence Dezélée pour que la
lumière soit faite sur le charnier Descartes.
À cette occasion, elle dénonçait le trafic qui sévit
aux États-Unis. Eh bien, les autorités améri-
caines viennent tout juste d’inculper le directeur
de la morgue de l’école de médecine de la
prestigieuse université américaine d’Harvard...
justement pour trafic d’organes et de restes
humains. Sa femme et quatre autres personnes
sont également concernées. Selon le procureur,
« certains crimes dépassent l’entendement ».
Ce petit groupe aurait appartenu à un réseau
qui achetait et vendait des restes humains
volés à Harvard. Comme au charnier Descartes,
la plupart de ces corps étaient des dons pour
la science et la recherche médicale. Odieuse
trahison et effarement pour des crimes qui
rappellent les bassesses de notre humanité.
« Je ne suis pas
un cas isolé »
En Allemagne, à Hambourg, s’est ouvert
juste avant l’été un procès hors norme :
celui de BioNTech, « pépite du secteur
des biotechnologies », qui s’est asso-
cié à Pfizer pour mettre au point le
fameux vaccin à ARNm. La plaignante
souffre de « douleurs, de gonflement des
extrémités, de fatigue, de troubles du
sommeil » depuis son vaccin. Elle n’est
plus capable de travailler comme avant
ni de pratiquer l’aviron comme elle le
faisait. Elle réclame 150 000 euros de
dommages et intérêts. Un procès qui
pourrait ouvrir la voie à d’autres car, rien
qu’en Allemagne, l’Institut Paul Ehrlich a
reçu plus de 338 857 signalements d’ef-
fets secondaires (dont 55 000 graves),
sur les 192 millions de doses. À la
mi-avril, plus de 8 000 recours admi-
nistratifs avaient été déposés en
Allemagne, pays qui prend l’affaire très
au sérieux. Ce qui a fait dire à Kathrin
K., 45 ans, qui a perdu 25 kg en dix jours
après l’injection : « Je déteste que l’on
me dise que je suis un cas isolé, car ce
n’est pas le cas ! »
VRAI DU FAUX 9
Ces médicaments doubleraient
le risque d’Alzheimer
Donnez des anticholinergiques à une personne sans démence, des médicaments
couramment prescrits contre l’incontinence urinaire, les pneumopathies chro-
niques, les allergies ou la dépression... et vous constaterez rapidement chez elle
des problèmes cognitifs ou de mémoire. C’est l’expérience qu’ont menée des
chercheurs de l’université de Californie, qui viennent de mettre en lumière cette
corrélation. Sur les 688 participants, sans aucun trouble, un tiers ont pris un
anticholinergique. Résultat des courses : + 47 % de risque de déficience cognitive
chez ces derniers par rapport à ceux qui n’en ont pas pris. Chez ceux ayant une
prédisposition génétique, le risque est multiplié par 2,5. En revanche, chez ceux
avec des biomarqueurs d’Alzheimer (dans le liquide céphalorachidien), sous
anticholinergique, le risque grimpe à 5 ! Autant dire qu’aucun médecin raisonnable
ne devrait prescrire ces médicaments sans questionnement approfondi... mais
qui pour le faire ?
Vous avez dit Dr Chat GPT ?
C’est le monde à l’envers : alors qu’on Les chercheurs ont également comparé
reproche au monde numérique et à l’in- 195 questions piochées au hasard sur
telligence artificielle d’être déshumanisés, un forum, puis évalué les réponses Chat
une récente étude a montré que Chat GPT, GPT/médecins. Dans 80 % des cas, l’in-
une IA, se montre plus empathique dans telligence artificielle a fourni des réponses
ses réponses... que certains médecins ! Et considérées comme « bonnes » ou « très
pas de peu : 45 % des réponses de Chat bonnes », contre seulement 22 % pour
GPT ont été considérées par les cher- les professionnels de santé. Sans vous
cheurs américains qui ont publié cette inciter à confier vos problèmes de santé à
étude comme « empathiques » voire « très un robot conversationnel, désolons-nous
empathiques »... contre 4,6 % pour les plutôt de ce qu’est devenue notre médecine.
médecins ! Voilà qui interroge à nouveau sur Et réfléchissons sérieusement, ensemble,
notre médecine humaine... déshumanisée ! à ce que nous voulons pour demain.
VENT D’ESPOIR
Des granules – aussi pour les plantes !
Depuis quelques années, de façon encore assez confidentielle hélas, émerge ce
qu’on appelle l’agro-homéopathie. En deux mots, il s’agit d’utiliser l’homéopathie en
agriculture au lieu de recourir aux engrais. Vous avez du mal à croire à son effica-
cité ? Pourtant, aucun des agriculteurs qui ont sauté le pas n’a fait marche arrière !
Lutte contre les parasites et les maladies, réparation des dommages liés à la météo ou à
un traumatisme, cette alternative est un véritable vent d’espoir pour notre santé et pour
l’environnement. Efficace, économique et sans effets secondaires, on comprend mieux
pourquoi l’homéopathie dérange autant. Faites donc le test chez vous ! Si vos plantes
ont souffert de la chaleur, donnez-leur Arsenicum 200 CH, ou de la grêle, Arnica 200 CH.
Si elles ont besoin d’un coup de pouce (régénération), pensez à Sulphur 200 CH.
Alors qu’on vient de découvrir avec certitude que 10 pesticides (4 insecticides, 3 fon-
gicides et 3 herbicides) très courants (et encore autorisés) causeraient la maladie de
Parkinson, il est vraiment plus qu’urgent de faire des choix courageux !
10 GRAND ANGLE
En cas de future crise, on prend
les mêmes et on recommence ?
Hélène Banoun
Pharmacienne biologiste.
Ancienne chargée de recher-
ches à l’Inserm, chercheuse
indépendante. Membre active
de RéinfoCovid et du CSI.
Officiellement, le Covid est terminé :
nous ne sommes plus en état d’ur-
gence. Pourtant, cette crise a ouvert
des vannes, notamment en termes
de gestion de crise. Et si tout ce
qui avait été fait pendant le Covid
devenait la règle pour la suite ?
Hélène Banoun pose la question
d’une nouvelle politique sanitaire...
qui n’a plus grand-chose à voir avec
la santé.
La biopolitique est un concept
élaboré par Michel Foucault à la
fin des années 1970 1. À la fin du
Moyen Âge, des États modernes se
sont formés en Europe de l’Ouest.
Certains penseurs de ces États en
formation se sont rendu compte que
la prospérité des nations provenait
surtout de la population et non pas du
territoire en tant que tel, aussi vaste
et riche soit-il. En effet, c’est bien la
population qui extrait les richesses
de la terre.
Dans cette logique, ils ont commencé
à vouloir régner sur les corps et sur
l’état de santé de cette population.
De la bonne santé de cette population
et de sa capacité à se reproduire
dépendait son efficacité à extraire
de la richesse de la terre et plus tard
à produire des biens manufacturés.
Un outil idéal
La vaccination est depuis longtemps
un moyen parmi d’autres de cette
biopolitique sanitaire. La vaccination
1. Toutes les sources de cet article sont à retrouver sur https://www.researchgate.net/publication/370300141_Que_revele_la_gestion_de_la_Covid‑19_sur_la_biopoli-
tique_au_XXIe_siecle_Comment_le_concept_de_biopolitique_peut_nous_aider_a_comprendre_la_politique_sanitaire_mondialisee
antivariolique a été promue et imposée
dans ce but.
On a présenté ses bénéfices
comme supérieurs aux risques
pourtant connus, comme l’ex-
pliquait Bernoulli en 1760 :
« Si on adopte l’inoculation, il en
résultera un gain de plusieurs mil-
liers de personnes pour la société
civile ; même si elle est meurtrière,
parce qu’elle tue les enfants au
berceau, elle est préférable à la
variole, qui fait périr des adultes
devenus utiles à la société... » Ber-
noulli concluait alors que, si l’on
néglige le point de vue de l’individu,
« il sera toujours géométriquement
vrai que l’intérêt des princes est de
favoriser l’inoculation ». Mais le
résultat de cette biopolitique s’éloigne
maintenant du but visé : elle aboutit
aujourd’hui à dégrader fortement la
santé des populations.
Les dérives du scientisme
La science, en tant que production
de connaissances objectives et donc
vérifiables, n’est pas en cause : elle ne
doit pas être confondue avec le scien-
tisme, qui consiste à prendre au pied
de la lettre le consensus décidé par
les spécialistes de chaque discipline.
Le fameux « consensus » accepté par
la « communauté scientifique » est
simplement l’état actuel des connais-
sances sur lequel se mettent d’accord
des leaders d’opinion.
Il est remis en question lorsque la
confrontation avec les données obser-
vées oblige à reconstruire la théorie,
comme l’a expliqué Thomas Kuhn
dans La Structure des révolutions
scientifiques. Ce consensus provisoire
est pris par les scientistes comme
une « vérité » révélée ; il est quasi-
ment impossible de le critiquer sans
être accusé et presque excommunié,
comme au temps de l’Inquisition.
Avec la crise sanitaire en cours, nous
sommes passés à un stade supérieur
de contrôle puisque le contrôle
des corps conduit au contrôle des
esprits par la terreur sanitaire.
La vaccination fait partie de cette
idéologie scientiste : la critiquer
exclut immédiatement de la « commu-
nauté scientifique ». La biopolitique
se focalise depuis les années 2000
sur la vaccination généralisée.
Il faut dire que les enjeux financiers
énormes pour l’industrie pharmaceu-
tique prennent maintenant le pas sur
l’aspect idéologique de cette « vac-
cinolâtrie » : les vaccins deviennent
plus rentables que les médicaments,
qui tombent de plus dans le domaine
public après la période de validité
de 20 ans des brevets. Même les
défenseurs des vaccins reconnaissent

l’influence des super-profits du sec-
teur pharmaceutique sur la politique
sanitaire. Conclusion : l’industrie
pharmaceutique devient dangereuse
pour la santé.
Gestion crise Covid :
la règle pour demain ?
D’après Francis Boyle, professeur de
droit, le futur traité sur les pandémies
de l’OMS instaurera un État poli-
cier médical et scientifique : l’OMS
pourra ainsi dicter quels sont les
soins primaires à dispenser par les
médecins, ordonner des confine-
ments, des masques et des vaccins.
Ce traité devait être adopté en mai 2023
mais la discussion en a été reportée en
septembre 2023. Mais un règlement
européen est entré en vigueur en cati-
mini en novembre 2022 sur les menaces
transfrontières graves pour la santé.
Il institutionnalise tout ce qui a été
fait lors de la pandémie de Covid pour
les prochaines pandémies. Il faut noter
qu’une maladie émergente sans critère
de gravité est désormais considérée
comme une menace transfrontière grave !
La surveillance numérique des popu-
lations, les exercices de simulation
de pandémies, l’achat groupé de
« contre-mesures médicales », c’est-
à-dire de médicaments et de vaccins,
sont ainsi pérennisés.
L’enjeu des gains
de fonction
De la même manière que les États
cherchent à anticiper les crises éco-
nomiques avec des tests de résistance
des banques, les États lancent des pro-
grammes de recherche pour anticiper
et prévenir l’émergence de nouveaux
virus et protéger les populations avec
des médicaments et des vaccins.
Il est maintenant établi que le
virus du Covid‑19 provient bien
d’expériences de gain de fonction,
c’est-à-dire d’une recherche visant
à augmenter le pouvoir pathogène
d’un virus par des manipulations
génétiques. Ces expériences sont
à l’origine de la pandémie de
Covid‑19 : les scientifiques qui réa-
lisent ces expériences ont oublié le
danger qu’elles représentent.
Les autorités américaines étaient tou-
tefois conscientes du danger : elles
ont autorisé puis cessé de financer
puis à nouveau financé au moins trois
projets concernant des pathogènes
potentiellement pandémiques (grippe,
Mers et Sars) entre 2014 et 2019.
Il se pourrait aussi que le Sars-CoV
de 2002-2003 soit le résultat d’une
fuite de laboratoire : les Américains
travaillaient sur ce genre de virus par
méthode génétique, selon un docu-
ment déclassifié de l’année précédant
l’épidémie.
Vers un monde libre ?
(de catastrophes)
Les États et les ONG internatio-
nales prévoient des plans de grande
envergure pour développer toujours
plus de vaccins pour la prochaine
pandémie. En octobre 2022, dans le
but de « créer un monde libre d’inci-
dents biologiques catastrophiques »,
la Maison Blanche lance une stra-
tégie nationale de biodéfense de 88
milliards de dollars. Il s’agit de la pro-
duction et de la distribution rapides
de vaccins et de tests de diagnostic,
GRAND ANGLE 11
ainsi que du renforcement de la
sécurité sanitaire mondiale.
Le plan prévoit de développer des
vaccins dans un délai de 100 jours,
de produire une quantité suffisante
du nouveau vaccin pour l’ensemble
de la population américaine dans
les 130 jours et « pour la population
mondiale à haut risque » dans les
200 jours et de développer de nou-
veaux traitements dans un délai de
180 jours. Les virus ciblés sont les
coronavirus, à l’origine du Sars et
du Mers, les filovirus, dont Ebola
et sa souche soudanaise, qui se pro-
page actuellement en Ouganda, ou
les orthopoxvirus, auxquels appar-
tiennent la variole et la variole
du singe.
La folie ARNm :
encore et encore !
Déjà avant la pandémie de Covid, les
ARNm étaient considérés comme la
plateforme d’avenir pour les vaccins.
En octobre 2019, lors d’un sommet
sur la santé du futur, au cours d’une
réunion concernant les vaccins grip-
paux, les intervenants (en particulier
Anthony Fauci et Margaret Hamburg,
secrétaire pour l’étranger de
l’Académie nationale de médecine
américaine, proposaient à demi-mot
de contourner les essais cliniques de
vaccins à ARNm et, avec l’aide d’une
crise perturbatrice, de les lancer sur
le marché sans avoir besoin de dix
ans de tests. Cette « crise perturba-
trice » est tombée à point nommé
deux mois plus tard !
Les vaccins pour animaux sont en
avance sur les vaccins humains,
comme toujours : il existe déjà des
vaccins à ARNm pour les porcs et les
volailles domestiques. Il est question
de fabriquer des vaccins à ARNm
auto-disséminants contre la fièvre
africaine du porc : il suffit avec cette
technologie de vacciner quelques
animaux et le vaccin se diffusera
de lui-même aux autres animaux
de l’élevage. Un vaccin à ARNm
contre la diarrhée épidémique porcine
a déjà été commercialisé en 2014
12 GRAND ANGLE

ainsi qu’un vaccin à ARNm contre
la grippe porcine et la grippe aviaire.
Concernant les vaccins humains, les
industriels prévoient de remplacer
certains vaccins « classiques » par
des vaccins à ARNm en commen-
çant par les vaccins grippaux. Sanofi
lance l’essai clinique du premier
candidat vaccin contre la grippe sai-
sonnière à base d’ARNm. Moderna
a de nombreux vaccins à ARNm
en phase d’essai clinique (Covid,
grippe, metapneumovirus humain,
parainfluenzae, VRS, HCoV, CMV,
EBV, HSV, varicelle, Herpès, HIV,
Zika, Nipah).
De nouvelles voies d’administration
sont envisagées : inhalation par exemple
bien que le danger d’inhaler des nano-
particules à haute dose ait été signalé.
Et pourtant, dès avant la pandémie
de Covid, concernant les maladies
infectieuses, deux essais de vaccins
à ARNm encapsulés dans des LNP
ont montré des effets indésirables
notables. Un essai de vaccin à ARNm
contre la rage a montré de nombreux
effets indésirables supérieurs à ceux
du vaccin classique. Un essai de vac-
cin antigrippal a montré des effets
indésirables graves chez l’homme.
Les auteurs d’un essai de vaccin
contre le sida écrivent que la réponse
est inexplicablement incomplète chez
certains patients.
Sans parler des vaccins à ARNm
contre le cancer. Les résultats sont
décevants et inquiétants : la plupart
des essais cliniques déclarés n’ont
pas donné lieu à publication (donc
on peut supposer que les résultats
étaient négatifs).
Les résultats publiés montrent en tout
cas une absence d’efficacité et des effets
indésirables notoires.
Le Covid‑19 peut sembler derrière
nous, mais le biopouvoir continue
à mener ses projets de vaccination
généralisée et de « préparation » aux
pandémies futures. Il est urgent d’en-
tamer un débat public sur les gains
de fonction et autres expériences
dangereuses financées par les États.
Il faut aussi poser la question de la
réglementation des produits géniques
à ARNm : ces produits et leur formu-
lation posent d’importants problèmes
de sécurité et d’efficacité2. ■

2. Voir aussi : « ARNm : vaccins ou thérapie génique ? Les enjeux de sécurité de la règlementation. » https://www.researchgate.net/publication/371867560_ARNm_vac-
cins_ou_therapie_genique_les_enjeux_de_securite_de_la_reglementation_Traduction_de_Banoun_H_mRNA_Vaccine_or_Gene_Therapy_The_Safety_Regulatory_Is-
sues_Int_J_Mol_Sci_2023_24_10514_httpsdoiorg103

2
En chiffres

160 €
C’est le prix sur le marché noir de la boîte
de Prégabaline, un médicament habituelle-
C’est le nombre d’avertisse-
ments et 1 mise à pied qu’a
subis la lanceuse d’alerte qui
a dénoncé le scandale des
centres dentaires low-cost.
Cette ancienne employée
de Dentexelans avait tiré
ment prescrit pour l’épilepsie et les douleurs publiquement la son-
neuropathiques. Un détournement à visée nette d’alarme sur ces
de « défonce » qui inquiète sérieusement les pratiques dès 2022.
autorités. Alors drogue ou médicament ?

3 ,7
C’est le taux de mortalité infantile pour 1 000 naissances,
en France, en 2021, soit 2 700 enfants de moins d’1 an qui sont
décédés. Il reste plus élevé qu’en Europe, où il est de 3,3 pour
1 000 naissances... Il serait temps de s’emparer du sujet !
167
C’est le nombre d’études qu’il aura fallu pour démontrer
l’inefficacité du masque en population générale. Pire,
il pourrait même augmenter le niveau de CO2 de façon
néfaste, notamment pour les enfants.

Emmanuelle Amar :
« Le scandale des bébés
sans bras est un déni sanitaire »
Sans la ténacité de cette épidémio-
logiste, le scandale des bébés sans
bras aurait été étouffé. Devant un
cluster aussi flagrant (8 cas dans un
rayon de 17 km dans l’Ain), la direc-
trice du registre des malformations,
Emmanuelle Amar, n’a
pas pu se taire. Pourtant,
les autorités sanitaires
ont tout fait pour nier
l’existence même du
problème.
Quel est votre parcours et comment
vous êtes-vous retrouvée lanceuse
d’alerte en 2016 ?
Emmanuelle Amar : Infirmière, j’ai tra-
vaillé en réanimation, en bloc opératoire,
infectieux, gynéco-maternité et pour une
ONG à Haïti. En 1994, j’ai repris mes
études à Lyon en santé publique, option
épidémiologie. Cela m’a amenée à réussir
un concours de la fonction publique d’État.
Je me suis retrouvée à Tahiti, où j’ai décou-
vert l’épidémiologie de terrain, appliquée
en quelque sorte.
En 2003, j’ai pris un poste à Lyon pour
réaliser une étude conjointe Inserm
et registre des malformations à Lyon
(il existait depuis 1973). Pendant trois ans,
j’ai étudié le lien entre les malformations et
les incinérateurs d’ordures ménagères. Quand
le 1er registre français des malformations a
été fermé fin 2006, faute de financements,
sa directrice (elle avait découvert en 1982
les effets tératogènes de la Dépakine) m’a
proposé de reprendre la suite. C’est ainsi
qu’est né le registre Remera, en 2007.
Je n’avais aucune vocation à être lanceuse
d’alerte, mon métier est plutôt un métier
de l’ombre, de petite main, qui fournit de
l’information, des données ultra précieuses,
qui sont indispensables à la compréhension
du phénomène que l’on veut étudier.
COMBAT DE VIE 13
Une BD est sortie récemment pour des malformations et des troubles neurodé-
revenir sur ce scandale. Pourquoi veloppementaux. On le sait depuis 1982.
ce sous-titre de « déni sanitaire » ? Le plus terrible de l’affaire n’est pas tant
qu’un laboratoire, structure privée à but
Emmanuelle Amar: Il faut interroger Méla-
lucratif, ait développé et commercialisé un
nie Déchalotte et Pierrick Juin. Qu’est-ce
médicament qui s’est avéré tératogène. Le
qui est le plus dramatique dans une société
pire, c’est que le gendarme du médicament,
telle que la nôtre, qui a mis en place des
censé protéger les populations, payé sur
garde-fous, une administration, une législa-
des deniers publics, ait fermé les yeux.
tion visant à protéger les plus vulnérables :
C’est ça le scandale. Être responsable,
qu’un accident survienne ou que des autorités
c’est littéralement, avoir à « répondre de ».
chargées de la prévention, qui plus est bien
informées du risque, ne fassent rien pour le
prévenir ? Rien pour informer la population Comment l’affaire des bébés
et les professionnels de santé ? Les anomalies sans bras a-t-elle débuté ?
congénitales concernent 4 % des naissances,
Emmanuelle Amar : En 2010, le Dr Laurin,
parmi celles-ci, certaines sont évitables. Mais
un médecin de famille, m’appelle pour me
le pire, c’est que 50 % de ces malformations
signaler trois naissances de bébés sans bras,
ont une cause inconnue car la recherche n’a
une agénésie transverse. Cette malforma-
absolument pas progressé depuis cinquante
tion est très, très rare (1 naissance au plus
ans. C’est le cas des malformations que l’on
pour 10 000). On sait qu’un phénomène de
retrouve en excès, concentrées sur un petit
disruption vasculaire, un accident ischémique
territoire. En France, une agence a justement
qui oblitère un vaisseau sanguin au moment
été créée pour surveiller la morbidité à des
de la formation du bras et de la main, est
fins de prévention et d’aide à la décision
certainement à l’origine de ces agénésies.
(traitements, infrastructures, organisation
sanitaire, etc.). La question : pourquoi cet accident ?
Lorsque les cas sont groupés dans un
Mais il existe des dérives propres aux agences
environnement, alors l’environnement
de santé : pour qui travaillent-elles ? Pour pro-
doit être étudié. C’est ce qu’a refusé
téger la population ? Le gouvernement ? Pour
de faire Santé publique France.
elles-mêmes ? Elles ont fermé les
Il se peut qu’un facteur envi-
yeux, mis sous cloche nos dif-
ronnemental, auquel la mère
férents signalements : elles
aurait été exposée au cours
n’ont clairement pas joué
du 1er trimestre de gros-
leur rôle, ni pris leurs
sesse, ait favorisé cet
responsabilités.
accident vasculaire.
Mais comme les fœtus
Votre prédécesseuse
de toutes les femmes
au registre a découvert
enceintes exposées
le scandale de la Dépa-
n’ont pas souffert d’agé-
kine... Racontez-nous !
nésie, on peut se dire que
Emmanuelle Amar : La l’on n’est pas égaux
Dépakine est un médica- devant les
ment qui provoque tératogènes.
14 COMBAT DE VIE
Dès 2010, j’ai fait des signalements auprès
des autorités plusieurs fois par an... sans
que personne ne diligente aucune enquête.
Il a fallu qu’un deuxième cluster soit
signalé en Loire-Atlantique (trois enfants
sans bras) pour que Santé publique France
s’intéresse à ce problème. Malgré tout, ils
n’ont jamais daigné reconnaître l’exis-
tence de celui de l’Ain, me faisant passer
pour une incompétente.
Dès 2016, vous publiez dans la revue
Environnement, risques et santé que
la probabilité que ces cas de l’Ain
soient dus au hasard est « infime ».
Emmanuelle Amar: La question du hasard,
en soi, est passionnante. Déjà, on ne peut pas
statuer sur le hasard a posteriori. Dans tous
les cas, quand on dit d’une chose qu’elle est
survenue « par hasard », cela ne signifie pas
qu’elle n’a pas de cause. Cela signifie juste
que, parmi la somme des causes possibles,
il est impossible d’en extraire une seule
comme déterminante. On a donc calculé la
part du hasard, et elle était infime. On n’a
cependant pas calculé la probabilité de trou-
ver, au cours des cinquante dernières années,
trois clusters avérés de malformations qui
se trouvent être identiques, survenus sur la
même période, chacun ignorant l’existence
de l’autre, tout aussi infime sûrement. En
2021, la réalité du cluster de l’Ain a été
démontrée dans une publication scientifique.
Y en a-t-il eu d’autres en Europe ?
Emmanuelle Amar : Oui, tout à fait.
Entre les années 1980 et 1990, 18 enfants
sont nés porteurs de malformations (dont
l’absence de bras) dans la ville industrielle
de Corby en Angleterre. Ils ont porté
plainte et leur requête a abouti : la ville a
été condamnée à les indemniser. Il existait
des indices flagrants de l’imputabilité du
rôle des métaux lourds dans leurs malfor-
mations. En France, il faut des preuves
quasiment impossibles à démontrer, ce qui
est pratique pour éviter de faire condam-
ner qui que ce soit... Il y a eu un autre
cluster, en Allemagne, à Gelsenkirchen,
durant l’été 2019, mais les Allemands ont
beaucoup de réticences à constituer des
registres. L’affaire est en cours.
1. https://www.remera.fr/wp-content/uploads/2019/04/Cluster-ATMS_méthodologie-de-recherche-des-causes-V3-10042019-B.pdf
Quand vous avez fait le lien, quelle
a été la réponse de vos supérieurs :
indifférence ? incompétence ? incurie ?
Emmanuelle Amar : Dans un premier
temps, incompétence et donc indifférence.
Puis, en 2016, le conseil scientifique du
registre, composé de praticiens hospitaliers,
de professeurs d’université, s’est résolu à
saisir l’agence Santé publique France. Nous
avons alors observé encore de l’incompé-
tence mais doublée d’agressivité. On s’est
dit alors que les attaques de Santé publique
France constituaient leur seule défense...
Après l’article de 2016, la Région, puis
l’Inserm ont cessé de financer le registre.
Finalement, en 2018, la petite équipe que
nous formions au sein des Hospices civils
de Lyon a reçu une lettre de licenciement
pour motif économique (annulé depuis). J’ai
vraiment le sentiment que les autorités sont
prêtes à financer les registres seulement dans
la mesure où ils ne trouvent rien. En cas de
scandale, tout est mis en œuvre pour l’étouf-
fer et ça passe par l’étouffement financier.
Avez-vous été empêchée de parler
ou intimidée ?
Emmanuelle Amar: Intimidée, oui. Diffamée,
beaucoup. Plutôt que de s’attaquer au fond, à
la question des clusters, j’ai personnellement
été accusée de tous les maux par une personne
qui participe à tous les comités d’éthique et de
bonnes pratiques qu’on peut imaginer et contre
qui j’ai dû déposer plainte. La diffamation a été
reconnue. Ce scandale me laisse un sentiment
amer : je n’ai fait que mon devoir de signaler
ces cas, par conscience professionnelle, et
finalement je me sens trahie par certains de
mes pairs. Mais il était impossible que je me
taise et j’ai été énormément soutenue par nos
collègues hospitaliers notamment.
Quelles ont été les pistes mises en avant
dès le début ? Et aujourd’hui, que sait-on
exactement des causes ?
Emmanuelle Amar : On a pris les points
communs aux cas (ruralité, maïs, tournesol...)
pour tenter de formuler des hypothèses. Mais
notre rôle est d’écarter les causes connues, les
facteurs de risque susceptibles d’être présents
et, une fois ceux-ci écartés, nous devons
« passer la main » aux toxicologues, embryo-
logistes, spécialistes de l’environnement, etc.
C’est ce qui n’a pas été possible de faire.
Les pesticides sont en effet une des causes
probables. Le problème, c’est qu’il n’y a
pas eu et qu’il n’y aura pas d’investigations
dans l’Ain. Pourquoi une telle omerta ? Pour
protéger des intérêts, qui peuvent être sordide-
ment petits : garder son poste, économiser son
énergie, ne pas dépenser un budget important
pour quelque chose auquel on ne croit pas...
Parmi les différentes hypothèses1 : toutes
les familles concernées étaient en « bout
de réseau » d’eau. Il a donc pu y avoir une
défaillance à plusieurs niveaux (pompage,
captage, traitement, distribution...). Parmi les
autres causes potentielles: l’usage de pesticides
tératogènes, un mésusage d’une substance,
une contamination des eaux par des rejets
industriels (comme à Corby en Angleterre),
des cocktails de pesticides (quand ils sont
utilisés ensemble, la toxicité est multipliée),
des contrefaçons de produits phytosanitaires,
un phénomène infectieux ou encore des tests
de produits phytosanitaires autorisés pendant
120 jours par une AMM.
En 2022, une famille a déposé plainte...
classée sans suite par le parquet de Mar-
seille. Pourquoi un tel déni de justice ?
Emmanuelle Amar : Je n’ai pas les com-
pétences, ni les éléments pour en juger.
En revanche, je n’ai jamais été entendue
par la justice dans cette affaire alors que
nous détenons des éléments de preuve.
Toutes ces familles sont dépitées, écœurées,
abattues et surtout découragées par les
mensonges éhontés des autorités sanitaires,
qui ont affirmé publiquement qu’il n’y avait
pas de cluster dans l’Ain !
La surveillance des malformations et des
anomalies congénitales est-elle
satisfaisante en France ?
Emmanuelle Amar : Non et archi non. Il
faut un grand registre national des malfor-
mations, à l’instar des pays scandinaves.
Nous en avons sept en France, le nôtre est
moribond. Et surtout, ils ne couvrent que
15 % du territoire français ! ■
Gaspard Frey
 TRIBUNE 15

Tenons bon !
Je suis Florence, je vis dans la
Creuse depuis un an et demi.
Pour revenir à ceux qui râlent, je
pense qu’il est nécessaire d’avoir
toutes ces infos et que chacun est
suffisamment intelligent pour faire
la part des choses pour pouvoir les
utiliser au mieux en fonction de
chacun et de nos besoins...
Tout est bon à prendre en infos.
Après, chacun est libre de s’en ser-
vir ou pas mais il est parfaitement
inutile de juger et de critiquer...
Pour ma part je continue à vous
lire et, si j’ai des doutes, je me
renseigne ou je pars mais je ne
dégoûte pas les autres...
C’est du travail de réunir tous ces
éléments... Alors oui, la réalité fait
mal ou peur... Dans ce cas, qu’ils
retournent aux BD !
Ne lâchez rien, il y aura des jours
meilleurs !
Une lectrice parmi tant d’autres...
Florence
Encore !
Une critique positive ? Je ne suis
pas la seule, en tant qu’adulte res-
ponsable, à faire face à la réalité et
donc à apprécier votre franc-parler.
Merci de continuer ainsi à tra-
vailler pour nous, à éveiller nos
consciences. Bon courage !
Simone
Qui défendre ?
Bonjour, lutter contre quelque chose
donne du pouvoir à ce quelque chose.
Il convient mieux d’œuvrer à ce qui
vous tient à cœur. C’est comme ça,
lutter contre Big Pharma donne du
pouvoir à Big Pharma. Œuvrer pour
les médecines naturelles donne du
pouvoir à votre Œuvre.
Cordialement
Anne-Marie
Science, vous avez
dit science ?
Merci une fois de plus pour ces
infos passionnantes qui nous per-
mettent de mieux comprendre ce
qui se passe autour de nous.
Le scientisme... dérive totalitaire
et réductrice de la science. Dérive
meurtrière quand elle aboutit à
priver des malades de soins par
excès de précautions scientifiques.
Il faudrait qu’on précise la notion de
science, et parler de « science appli-
quée à la médecine ». La science
médicale ne peut pas se passer
d’une démarche de tâtonnement
expérimental, qu’il faut accepter.
Jean
Retour au bon sens
Je me souviens de l’époque où
la médecine avait pour objet de
ramener de la façon la plus natu-
relle possible la santé. Depuis le
début de la terre, cette façon de
procéder était pour la majorité
du monde médical la seule façon
d’opérer. Je suis née en 1952, et si
depuis 10 000 ans, c’est ainsi qu’on
faisait, depuis les grandes guerres,
les choses ont changé.
La nourriture chimique est apparue
pour allonger la vie des aliments
pour les soldats loin de leur pays,
et Big Pharma a étalé ses ailes...
et a pris le contrôle de la santé au
niveau pharmaceutique, hospitalier,
médical, et il ne reste plus rien de
tout ce qui était bon depuis le début
de la terre. Tout cela en 70 ans
seulement !
Maintenant, les génocides au
moyen de guerres bactériologiques,
virales et au moyen de venins sont
devenus mondiaux, et la terre a
oublié le serment d’Hippocrate de
ne faire aucun mal. Tout est axé sur
empêcher le client de guérir, et le
maintenir en dépendance aux pro-
duits chimiques pharmaceutiques,
parce qu’on ne guérit pas la vache
à lait. On a perdu le contrôle sur
la terre, sur notre vie, et je suis
extrêmement triste de voir que
notre monde, qui aurait pu devenir
un paradis terrestre, est contrôlé
par des personnes égoïstes que
l’appétit sans fin pour le pouvoir
et l’argent rend cruelles et sans
pitié. Je vous laisse là-dessus, et
vous souhaite un avenir plus positif
et lumineux.
Lise
Écrivez-nous
Votre opinion nous intéresse.
Envoyez votre lettre à
courrier@sante-libre.com
Le texte doit être concis (maximum
1 000 signes, espaces compris),
signé, et comporter une adresse
électronique, une adresse postale
complète et un numéro de télé-
phone. Il doit réagir à un article
publié dans nos colonnes ou
participer à un débat d’actualité.
La publication se fait à l’entière
discrétion de Santé Libre.
La rédaction se réserve le droit de
choisir les titres et de réduire les
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16 EN BREF

Épidémies. Covid 19. L’Homme

Vrais dangers et Les dossiers qui répare
fausses alertes dangereux les femmes
Pr Didier Raoult – Philippe Aimar – Colette Braeckman –
Michel Lafon Poche, 6,60 € Le Jardin des livres, 22 € Renaissance du livre, 8,90 €
La dernière en date a atteint un certain Saviez-vous que Bill Gates aurait financé Depuis plus de quinze ans, le
sommet. Pourtant, preuves à l’appui, non seulement la presse américaine et Dr Denis Mukwege, gynécologue, par-
le Pr Raoult enfonce le clou : toutes européenne... mais aussi chinoise ? court le monde pour soigner les femmes
les épidémies ont toujours fait vendre. Et aussi les recherches sur les mala- victimes de violences sexuelles, aux
Exagérations médiatiques, mauvaise dies infectieuses... y compris en Chine. vagins détruits et aux âmes mortes.
gestion politique, affolement des Le journaliste d’investigation Philippe Ce médecin exceptionnel n’a de cesse
populations... Éton- Aimar a remonté le de dénoncer les viols
namment, à chaque fil de ces activités massifs et l’utilisa-
épidémie, le même douteuses... pour tion des femmes
scénario impla- mettre en lumière comme armes de
cable revient. Le ces liens étranges, guerre. Prix Nobel de
Pr Raoult décrypte ces ONG déguisées la paix en 2018, son
le phénomène avec et ces manipulations combat a même été
la verve qu’on lui cachées. Une enquête porté à l’écran dans
connaît. de haute volée ! un documentaire.

Notez bien ! Et si...

Nous avons un système de santé qui
1 personne sur 2...
est solide et nous avons des services ... ne sait pas qu’elle est hypertendue !
d’urgence qui ont montré leurs Pas de panique pour autant, il existe
capacités à faire face aux difficultés. une myriade de solutions non
chimiques pour la réguler ! Parmi eux,
le régime méditerranéen est l’axe n°1 !
Essayez, vous verrez !
C’est ce qu’assurait notre ministre de la Santé, François Braun.
Faut-il rire ou pleurer d’un tel déni ?
On essayait l’hypnosédation ?
Pour éviter les risques et les
effets induits par une anesthésie
générale, de plus en plus d’hôpi-
taux pratiquent l’hypnosédation.
Si une intervention est prévue,
renseignez-vous auprès de votre
chirurgien si cela est possible !

Ce numéro est parti chez l’imprimeur le 10 juillet dernier. L’actualité étant particulièrement sujette à changements,
nous vous prions de nous excuser d’éventuelles mises à jour qui seraient intervenues après notre bouclage.

Crédits photos : ©DR