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Despre Unul
„Il y a de l’Un”
„Y’a de l’Un”
„Y’a d’l’Un”
„Y a d’l’Un”
„Yad’l’Un”
1
1972.03.15. …Ou pire. Leçon 7
Séminaire : Panthéon-Sorbonne
La dernière fois, je vous ai raconté quelque chose qui était centré
sur l’Autre.
Ce qui est plus commode que ce dont je vais parler aujourd’hui,
dont je vous ai déjà caractérisé ce qu’on pourrait appeler le rapport,
le rapport à l’Autre, très précisément en ceci qu’il n’est pas
inscriptible, ce qui ne rend pas les choses plus faciles.
Il s’agit de l’Un.
Je suis pas très sûr, je suis même sûr du contraire : je n’ai pas
inventé « l’unaire ».
Le trait unaire qu’en 62 j’ai cru pouvoir extraire de Freud qui
l’appelle einzig, en le traduisant ainsi.
Ce qui a paru à l’époque miraculeux à quelques-uns.
3
chaque fois que l’Un sera intéressé et qu’à le prendre ainsi, sous une
forme épithète,
ça vous rappellera ce que Freud... [lapsus]ce que Platon d’abord
promeut : c’est que de sa nature il a des pentes diverses.
Si elle n’était pas soutenue d’une autre figure, qui est très
précisément celle où échoue le rapport sexuel,
à savoir celle de l’Un et de « pas-un », c’est à savoir zéro, on voit mal
la fonction que pourrait tenir ce couple stupéfiant.
Il est de fait qu’il sert, il sert au profit d’un certain nombre de
malentendus, d’épinglages de la pulsion de mort,
ainsi dite à tort et à travers. Mais il est certain qu’en tout cas l’Un ne
saurait, dans ce discours sauvage qui s’institue
de la tentative d’énoncer le rapport sexuel, il est strictement
impossible de considérer la copulation de deux corps comme n’en
faisant qu’un.
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exactement celle qui précède celle que j’ai avancée tout à l’heure,
l’année 61-62
...c’est en 60-61 que j’ai pris Le Banquet pour terrain d’exercice
et je n’ai rien songé à en faire d’autre qu’à en fonder le transfert 1.
Le plus énorme, c’est qu’il n’apparaisse pas que celle qui couronne
tout le discours, la nommée Diotime,
ne joue pas un autre rôle puisque ce qu’elle enseigne, c’est que
l’amour ne tient qu’à ce que l’aimé
- qu’il soit homo ou hétéro - on n’y touche pas, qu’il n’y a que
l’Aphrodite Uranienne qui compte.
Ça n’est pas précisément dire que ce soit l’Un qui règne sur l’ Ἔρως
[Éros].
Ce serait déjà à soi tout seul une raison d’avancer quelques proposi-
tions - déjà frayées d’ailleurs - sur l’Un,
1
Cf. Séminaire 1960-61 : « Le transfert dans sa disparité subjective, sa
prétendue situation, ses excursions techniques ». Seuil 2001.
5
s’il n’y avait pas en outre ceci : c’est que dans l’expérience
analytique le premier pas c’est d’y introduire Un,
en analyste qu’on est, on lui fait faire le pas d’entrée.
L’écrire comme ça, vous allez le voir, ça a un certain intérêt qui n’est
pas sans justifier le choix de cet Unien de tout à l’heure. C’est
qu’« Yad’lun » écrit comme ça, ça met en valeur une chose propice
de la langue française,
et dont je ne sais pas si on peut tirer le même avantage du « there is »
ou du « es gibt ».
6
Je sais bien qu’il y a le there qui est une amorce de ce côté là, mais
c’est pas simple.
En Français on peut dire : Y’en a.
L’émergence historique...
tout ce qu’un dictionnaire comme le « Bloch et von Wartburg » est fait
pour vous donner
...l’émergence d’une formule aussi capitale que « il y a » qui veut dire
ça : « y en a ».
7
C’est bien en ça que le discours analytique peut représenter une
émergence et qu’il s’agirait peut-être que vous en fassiez quelque
chose, si tant est que dès ma disparition...
aux yeux de beaucoup d’esprits, bien sûr toujours présente comme
possible sinon imminente
...dès ma disparition on s’attend, dans le même champ, à la
véritable pluie d’ordures qui déjà s’annonce
parce qu’on croit que ça ne peut plus tarder. [Rires]
Parce qu’on passe son temps à me casser les pieds et les oreilles
avec le fait de savoir « le rapport du discours analytique avec
la révolution ». C’est peut-être justement lui qui porte le germe
d’aucune révolution possible, de ce qu’il faut pas confondre
la révolution avec le vague à l’âme qui peut vous prendre comme ça à
tout bout de champ sous cette étiquette.
C’est pas tout à fait la même chose.
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D’où est-ce que cet Un surgit ? C’est très précisément ce que dans
la première hypothèse, Platon essaie d’avancer,
à dire comme il peut, faute qu’il ait à sa disposition d’autres mots,
ἓν εἰ ἔστιν : s’il est Un ?
9
il est bien clair que comme dans tout dialogue, dans tout dialogue
platonicien, il y a pas trace d’interlocuteur.
Celui qui nous explique, comme dans tous les dialogues, comment c’est
arrivé que cette chose folle qui ne ressemble en rien
à quoi que ce soit qu’on puisse appeler « dialogue »...
c’est là que vraiment on peut le sentir si déjà on ne savait pas par le
commun de la vie
qu’on n’a jamais vu un dialogue aboutir à quoi que ce soit
...il s’agit dans ce qu’on appelle « dialogue », dans cette littérature qui
a sa date, justement de serrer quel est le réel
qui peut faire croire, qui donne l’illusion qu’on peut parvenir à
quelque chose en dialoguant avec quelqu’un.
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ben ça vaut la peine de regarder à quoi ça sert celui qui tient l’autre
crachoir, qui ne peut que dire des trucs comme ça :
« cher mignon allez-y, parlez cher petit Un, tout cela n’est que bavardage ».
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Le bavardage en question, il est certain que - il ne fait aucun doute -
comme c’est pas quelqu’un qui parle
mais que c’est l’Un, on peut voir là, à quel point c’est lié. Parce que
c’est très démonstratif.
Parce qu’il y avait déjà un pas franchi par Parménide dans ce milieu
où il s’agissait en somme de savoir ce qu’il en est du réel. Nous en
sommes toujours tous là.
Après qu’on ait dit que c’était l’air, l’eau, la terre, le feu, et qu’après ça
on n’avait plus qu’à recommencer,
il y a quelqu’un qui s’est avisé que le seul facteur commun de toute
cette substance dont il s’agissait, c’était d’être « dicible ». C’est ça le pas
de Parménide.
On ne sait pas si il se marre ou non, mais enfin il n’a pas attendu Hegel
pour nous faire « la dialectique du Maître et de l’Esclave »,
et je dois dire que ce qu’il en énonce est d’une autre assiette que ce
qu’avance toute la « Phénoménologie de l’Esprit ».
Non pas qu’il conclue, mais qu’il donne les éléments matériels.
Il est tout à fait clair que l’effort dont Hegel s’exténue au niveau de
la « Phénoménologie... » :
« la crainte de la mort », « la lutte à mort de pure prestance » ... et j’t’en
raconte, et j’t’en remets...
Moyennant quoi - c’est l’essentiel à obtenir - y a un esclave.
Mais, je le demande...
à tous ceux qui ont des frémissements comme ça de changer les
rôles
...je le demande : qu’est-ce qui peut faire - puisque l’esclave survit -
qu’il devienne pas tout de suite...
après « la lutte à mort de pure prestance », aujourd’hui, et « la crainte de la
mort »
...qu’il change de camp, que tout ça ne subsiste, n’a chance de
subsister qu’à condition qu’on voie très précisément
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ce que Platon écarte.
Bien sûr ceci ne survient, n’arrive, ne surgit, qu’à la fin d’une longue
élaboration de discours.
Dans la logique de Frege, celle qui s’inscrit dans les « Grundlagen der
Arithmetik »,
vous verrez à la fois l’insuffisance de toute déduction logique du 1,
puisqu’il faut qu’elle passe par le 0 dont on ne peut tout de même
pas dire que ce soit l’Un,
et pourtant tout se déroule : que c’est de ce 1 qui manque au niveau
du 0 que procède toute la suite arithmétique.
15
Alors que déjà, parce que déjà de 0 à 1 ça fait 2, dès lors ça en fera
3 parce qu’il y aura 0, 1, et 2 avant, et ainsi de suite.
Et ceci très précisément jusqu’au 1er des [ אaleph] qui, curieusement et
pas pour rien, qui ne peut se désigner que d’0[ אaleph zéro].
Oui ! Ça mérite bien d’être salué de cet ouille ! hein, puisque nous parlons
en langue d’ouille, je veux dire « hoc est ille » [c’est ainsi].
Si j’en avais mis moins, c’est quelque chose qui vous aurait porté à
travailler, à me dire que peut-être,
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que même il faudrait aussi que je compte les rapports de chacun à
l’ensemble.
Pourquoi je le fais pas ? C’est ce que je serai forcé d’attendre la
prochaine fois pour vous expliquer.
Parce que les rapports de chacun à l’ensemble ça n’élimine pas
justement que y a Un ensemble
et que de ce fait, ça veut dire que vous en remettez un.
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L’Un donc, ici précisément semble se perdre et porter à son
comble ce qu’il en est de l’existence jusqu’à confiner
à l’existence comme telle, en tant que surgissant du plus difficile à
atteindre, du plus fuyant dans l’énonçable,
et c’est ce qui m’a fait trouver...
à me reporter à cet εξαίφνης [ekxaifnés]
...dans Aristote lui-même, à m’apercevoir qu’en fin de compte il y a
eu émergence de ce terme d’« exister »
quelque part dans la « Physique » où vous pourrez le trouver...
où vous pourrez le trouver surtout si je vous le donne
...c’est quelque part au Livre IV de la « Physique » d’Aristote2...
je ne le vois pas ici dans mes papiers, mais à la vérité il doit y être
...Aristote le définit comme justement ce quelque chose qui...
ἀναίσ θήτω χρόνω [anais onto krono],
dans un temps qui ne peut pas être senti,
διὰ μικροτητα [dia microteta]
en raison de son extrême petitesse,
...est το ἐξτάν [to extan].
[24 : Τὸ δ’ἐξαίφνης τὸ ἐν ἀναισθήτῳ χρόνῳ διὰ μικρότητα ἐκστάν :
Tout à coup s’emploie pour exprimer que la chose survient par un dérangement
subit dans un temps qui, par sa petitesse, est imperceptible. (trad.
Barthélémy Saint-Hilaire)]
2
Aristote : « Physique », Livre IV : Le lieu, le vide, le temps, 222b (24).
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Quoiqu’il en soit, le « sistere » est déjà là l’être stable, être stable à
partir d’un dehors : το ἐξτάν [to extan], ce qui n’existe qu’à n’être pas,
c’est bien de cela qu’il s’agit, c’est cela que j’ai voulu ouvrir
aujourd’hui sous le chapitre général de l’Unien.
Et je vous en demande pardon, si j’ai choisi l’Unien,
pardonnez-moi, c’est que c’est l’anagramme d’ennui.
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1972.05.04. Le savoir du psychanalyste. Leçon 6
« Entretiens de Sainte-Anne »
C’est un drôle d’emploi du temps, mais enfin pourquoi pas : pendant
le week-end il m’arrive de vous écrire.
C’est une façon de parler, j’écris parce que je sais que dans la semaine
on se verra.
Enfin le week-end dernier, je vous ai écrit. Naturellement, dans
l’intervalle, j’ai eu tout à fait le temps d’oublier
cette écriture et je viens de la relire pendant le dîner hâtif que je fais
pour être là à l’heure. Je vais commencer par là.
J’y serai forcé, je le sais, mais enfin je ne peux pas me mettre tout de
suite à parler, sans ça je ne vous lirai jamais
ce que j’ai écrit. Peut-être que dans la suite, j’aurai à revenir sur cette
distinction dont je souligne qu’elle est d’horizon.
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Les articuler, je veux dire comme tels...
ça c’est une parenthèse, je l’ai pas écrit
...je veux dire les articuler dans chacun de ces deux horizons, c’est
donc...
ça, je l’ai écrit
...c’est donc procéder selon ces horizons eux-mêmes, puisque la
mention de leur « au-delà » - au-delà de l’horizon –
ne se soutient que de leur position...
quand ça vous ennuiera vous me le direz
et je vous raconterai les choses que j’ai à vous raconter ce
soir
...de leur position - écris-je - en un discours de fait.
23
Ces effets n’ont rien à faire avec la dimension qui se mesure de mon
fait,
c’est à savoir que c’est d’un discours qui n’est pas le mien propre que je
fais la dimension nécessaire.
C’est du discours analytique qui pour n’être pas encore - et pour cause !
- proprement institué,
se trouve avoir besoin de quelques frayages à quoi je m’emploie.
Á partir de quoi ? Seulement de ceci en fait que ma position en est
déterminée.
Quand vous lisez par exemple un texte sur la Théorie des Ensembles,
on vous explique ce qui constitue l’ensemble infini des nombres
entiers.
À la ligne suivante on vous dit quelque chose que vous comprenez,
parce que vous continuez de lire :
« Ne croyez pas que c’est parce que ça continue toujours qu’il est infini ».
24
Comme on vient de vous expliquer que c’est pour ça qu’il l’est, vous
sursautez.
Mais quand vous y regardez de près, vous trouvez le terme qui désigne
qu’il s’agit de « deem » [juger, estimer],
c’est-à-dire que ce n’est pas sur ça que vous devez juger, parce qu’ils
savent qu’elle ne s’arrête pas cette série des nombres entiers, qu’elle
est infinie, c’est pas parce qu’elle est indéfinie.
Dès que nous parlons - c’est un fait ! nous supposons quelque chose
à ce qui se parle,
ce quelque chose que nous imaginons pré-posé, encore qu’il soit sûr
que nous ne le supposions jamais qu’après-coup.
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C’est seulement au fait de parler que se rapporte, dans l’état actuel de
nos connaissances,
que puisse s’apercevoir que ce qui parle - quoi que ce soit - est ce qui
jouit de soi comme corps.
La psychanalyse, qu’est-ce ?
C’est le repérage de ce qui se comprend d’obscurci, de ce qui
s’obscurcit en compréhension,
du fait d’un signifiant qui a marqué un point du corps.
Voilà ce qui rend utile comme incidence, le point où j’en suis arrivé
cette année, n’ayant le choix que de ça « ...Ou pire »,
cette référence mathématique, ainsi appelée parce que c’est l’ordre où
règne le mathème,
c’est-à-dire ce qui produit un savoir qui, de n’être que produit, est lié
aux normes du plus-de-jouir, c’est-à-dire du mesurable.
Je lui ai dit qu’il était drôle, et puis comme je suis toujours assez
fatigué, j’ai rompu avec lui,
mais ça ne veut pas dire que je ne serai pas prêt, là-dessus, à lui faire
personnellement quelques confidences.
Ce que je voudrais alors plus librement dire, c’est que faisant allusion
dans cet écrit à ce en quoi,
à ce par quoi je me trouve en position, ce discours analytique, de le
frayer,
c’est bien évidemment en tant que je le considère comme
constituant, au moins en puissance, cette sorte de structure
que je désigne du terme de discours, c’est-à-dire ce par quoi, par l’effet
pur et simple du langage, se précipite un lien social.
C’est bien ainsi que j’entends ce que pour vous j’articule du discours de
la psychanalyse :
c’est que s’il n’y avait pas de pratique psychanalytique,
rien de ce que je puis en articuler n’aurait d’effets que je puisse
attendre.
Je sais bien que tout ça n’est pas facile et qu’il faut quand même...
ce dans la bonne tradition de ce que je fais ici
...que je vous dise des choses plus amusantes.
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Alors parlons de « L’analyste et l’amour ». L’amour dans l’analyse...
et bien entendu c’est du fait de la position de l’analyste
...l’amour on en parle. Toutes proportions gardées, on n’en parle pas plus
qu’ailleurs, puisqu’après tout l’amour c’est à ça que ça sert.
C’était pour moi - bien sûr, parce que je ne suis pas complètement né
des dernières pluies - une gageure.
J’espère que la personne dont il s’agit n’est pas là, j’en suis quasiment
sûr [Rires] !
J’ai pris quelqu’un, Dieu merci, que je savais d’avance avoir besoin
d’une psychanalyse, mais sur la base de cette demande...
vous vous rendez compte de ce que je peux faire comme
saloperies pour vérifier mes affirmations
...sur la base de ceci : qu’il fallait à tout prix qu’il ait le conjugo avec la
dame de son cœur.
Naturellement, bien sûr ça a raté - Dieu merci ! - dans les plus brefs
délais !
Bon, abrégeons, parce que tout ça ce sont des anecdotes.
C’est une autre histoire, mais comme ça, un jour où je serai en veine
et où je me risquerai à faire du La Bruyère,
31
je traiterai la question des rapports de l’amour avec le semblant.
Mais nous ne sommes pas là ce soir pour nous attarder à ces babioles
!
Je pense quand même là-dessus avoir frappé les oreilles, même les
plus sourdes,
par l’énoncé de ceci qui mérite d’être commenté : qu’il n’y a pas de
rapport sexuel.
Bien sûr cela mérite d’être articulé.
C’est pas parce que j’ai dit tout à l’heure que pour ce qui est de la
réussite d’un amour, l’aide de la psychanalyse est précaire, qu’il faut
croire que le psychanalyste s’en foute, si je puis m’exprimer ainsi.
Que le partenaire en question soit de l’autre sexe et que ce qui est en jeu
ce soit quelque chose qui ait rapport à sa jouissance, parle de l’autre, du
tiers, à propos duquel il est énoncé ce « parlage » autour de l’amour, l
32
e psychanalyste ne saurait y être indifférent, parce que celui qui n’est
pas là, pour lui c’est bien ça le réel.
33
que surtout depuis quelque temps, le sexe, nous avons vu ce que
c’était au microscope...
je ne parle pas des organes sexuels, je parle des gamètes
...rendez-vous compte qu’on manquait de ça jusqu’à Leeuwenhoek et
Swammerdam.
Pour ce qui est du sexe, on en était réduit à penser que le sexe c’était
partout : [55’...]
la nature, le νοῦς [nouss], tout le bastringue, tout ça c’était le sexe... et
les vautours femelles faisaient l’amour avec le vent.3
Le fait que nous sachions d’une façon certaine que le sexe ça se trouve
là :
dans deux petites cellules qui ne se ressemblent pas, de ceci et sous
prétexte du sexe...
bien sûr, depuis bien avant qu’on ait su qu’il y a deux
espèces de gamètes
...au nom de ça le psychanalyste croit qu’il y a rapport sexuel.
On a vu des psychanalystes...
dans la littérature, dans un domaine dont on ne peut pas
dire qu’il soit très filtré
...trouver dans l’intrusion du gamète mâle...
du « spermato » comme on dit, et « zoïde » encore
...dans l’enveloppe de l’ovule, trouver là le modèle de je ne sais quelle
effraction redoutable.
3
Cf. « Dictionnaire de la fable ou mythologie grecque, latine, égyptienne » par François-Joseph-Michel Noël
(1803) :
« Le vautour est employé pour désigner la mère, parce que selon les Égyptiens, il n’y a que des
vautours femelles. Voici, disent-ils, de quelle
manière cet oiseau est engendré : lorsqu’il est en amour, il ouvre au vent du nord les parties
génitales et en est comme fécondé pendant cinq
jours, durant lesquels il ne mange ni ne boit, tout occupé du soin de se reproduire. »
34
Comme s’il y avait le moindre rapport...
entre cette référence qui n’a pas le moindre rapport, si ce n’est
de la plus grossière métaphore,
avec ce dont il s’agit dans la copulation
...comme s’il pouvait y avoir là quoi que ce soit qui se réfère avec ce
qui entre en jeu dans les rapports dits « de l’amour », à savoir - comme
je l’ai dit et tout d’abord - beaucoup de paroles. C’est bien là toute la
question.
Et c’est bien là que l’évolution des formes du discours est pour vous
bien plus indicative dans ce dont il s’agit - c’est d’effets du discours -
bien plus indicative que toute référence à ce qui totalement, même
s’il est sûr que les sexes soient deux,à ce qui totalement reste en
suspens, c’est à savoir si ce que ce discours est capable d’articuler,
comprend
oui ou non, le rapport sexuel. C’est ça qui est digne d’être mis en
question.
Ceci nous montre assez à quel point le langage trace, dans sa gram-
maire même, les effets dits de sujet,
ceci recouvre assez ce qui s’est découvert d’abord de la logique, pour
que nous puissions dès maintenant nous attacher comme je le fais
depuis quelques-uns de ces appels que je fais, à l’audition d’un
signifiant,
pour que je puisse tenter d’y donner sens, car c’est le seul cas - et pour
cause - où ce terme « sens » soit justifié,
à l’énoncer : « y a d’l’Un ».
Parce qu’il y a une chose qui doit quand même vous apparaître,
c’est que s’il n’y a pas de rapport, c’est que - des deux - chacun reste
un.
L’inouï c’est que les psychanalystes, dont à plus ou moins juste titre
on dénonce la mythologie,
il est drôle que justement celle qu’on manque à dénoncer, soit la plus
à portée de la main.
36
...je ne dirai pas des débris de chacun d’eux, mais enfin un « chacun d’eux »
qui a lâché un certain nombre de débris.
37
Et il n’est pas vain à cet endroit, de nous servir de quelque chose
dont ce n’est pas par hasard que c’est venu au jour depuis quelques
temps. J’ai déjà introduit la dernière fois une considération sur ce qui
se repère comme la théorie des ensembles. Bien sûr, ne vous précipitez pas
comme ça !
Mais il est surgi quand même à propos de deux choses tout à fait
différentes :
à propos d’un certain usage des instruments de mesure,
et en même temps de quelque chose qui n’avait absolument aucun
rapport, à savoir de la fonction de l’individu.
Je ne vais pas revenir sur ce que j’ai énoncé la dernière fois, à savoir
sur le calcul différentiel,
les séries trigonométriques et, d’une façon générale, la conception du
nombre comme défini par une séquence.
Ce qui apparaît très clairement, c’est que la question est là posée tout
autrement de ce qu’il en est de l’Un,
parce qu’une séquence ça se caractérise de ceci : que c’est foutu
comme la suite des nombres entiers.
Il s’agit de rendre compte de ce que c’est que le nombre entier.
Je ne vais pas bien sûr vous faire d’énoncé de la théorie des ensembles. Je
veux simplement pointer ceci :
39
que premièrement il a fallu attendre assez tard, la fin du dernier
siècle, ça n’est pas depuis plus de cent ans qu’il
a été tenté de rendre compte de la fonction de l’Un,
qu’il est remarquable que « l’ensemble » se définisse d’une façon telle
que le premier aspect sous
lequel il apparaisse soit celui de « l’ensemble vide », et que d’autre
part ceci constitue un « ensemble », à
savoir celui dont le dit « ensemble vide » [Ø] est le seul élément : ça
fait un « ensemble à un élément ».
Tout ce qui s’est dit du nombre cardinal ressortit de ceci, c’est que si la
suite des nombres comporte toujours nécessairement un,
et un seul, successeur, si pour autant que ce que, dans le cardinal se réalise
- de l’ordre du nombre - ce dont il s’agit :
c’est proprement la suite cardinale en tant que commençant à zéro, elle va
jusqu’au nombre qui précède immédiatement le successeur.
En vous énonçant ainsi - d’une façon improvisée - j’ai fait dans mon
énoncé une petite faute :
celle par exemple de parler d’une suite comme si elle était d’ores et
déjà ordonnée.
40
Retirez ceci que je n’ai point affirmé : c’est simplement que chaque
nombre - cardinalement - correspond au cardinal
qui le précède en y ajoutant l’ensemble vide.
Par contre, dans ce qu’il en est de l’ensemble fini il est dit, comme étant
sa propriété majeure,
qu’il est propice à ce qui s’exerce dans le raisonnement proprement
mathématique...
c’est-à-dire dans le raisonnement qui s’en sert
...à ce qu’on appelle « l’induction ».
Il faut vous dire que cette « dénombrabilité des parties de l’ensemble », ils y
tiennent comme la tique à la peau du chien.
Néanmoins, je propose ceci qui a son petit intérêt, je vais droit là à
un but qui va laisser de côté
un point sur lequel j’aimerais finir après, mais je vais droit à un but
qui a son intérêt.
Son intérêt est ceci : c’est que, à substituer à la notion des « parties »
celle de la « partition », il est nécessaire…
de la même façon que nous avons admis que les parties de
l’ensemble infini, ce serait 2א0 c’est-à-dire le plus petit des
transfinis, celui constitué par l’ensemble, le cardinal de
l’ensemble des entiers[ ]
…au lieu d’avoir 2א0, nous avons : 2א0-1.
Je soupçonne que ceci - à quiconque - peut faire sentir ce qu’il y a
d’abusif à supposer la bipartition d’un ensemble infini.
45
J’y ajouterai quelque chose qui a bien son intérêt : c’est que א0, bien
sûr n’est qu’un index...
index qui n’est pas pris au hasard, et index forgé pour
désigner...
car il y en a toute la série des autres en principe admis, toute
la série des nombres entiers peuvent
servir d’index à ce qu’il en est de l’ensemble en tant qu’il
fonde le transfini
...néanmoins, à partir du moment où ce dont il s’agit c’est la fonction de
la puissance, et qu’il semble que nous ayons abusé de l’induction en nous
permettant d’y trouver test de la non-dénombrabilité des parties de
l’ensemble infini, est-ce que,
à y regarder de près, nous ne trouverions pas ici, à ce zéro, une autre
fonction, celui qu’il a dans la puissance exponentielle, c’est à savoir que
quelque nombre que ce soit, l’exposant zéro quant à ce qui est de la
puissance, l’égale à 1,
quel que soit ce nombre.
46
« le triangle de Pascal », de ce qu’il en est au niveau du cardinal des
monades, et que derrière les appuis ce que j’ai appelé...
je le dis pour les sourds qui se sont interrogés sur ce que
j’avais dit
...la « nade », c’est-à-dire le 1 en tant qu’il sort de l’ensemble vide, qu’il est
la réitération du manque.
Je souligne très précisément ceci que l’1 dont il s’agit, c’est très
proprement ce à quoi la théorie des ensembles
ne substitue comme réitération, que l’ensemble vide, ce en quoi elle
manifeste - elle, la théorie des ensembles -
la vraie nature de la « nade ».
Mais ce qui est dit, c’est très sûrement proprement ceci : que ce qui
est exclu...
donc dans l’appartenance à un ensemble comme élément
...c’est qu’un élément quelconque soit répété comme tel.
47
C’est donc en tant que distinct que subsiste quelque élément que ce soit d’un
ensemble.
S’il est vrai que nous n’avons comme nombre de partitions que le
nombre qui précédemment était affecté à l’ensemble (n-1),
à l’ensemble dont le nombre cardinal est inférieur d’une unité au
cardinal d’un ensemble, regardez comment, à engendrer à partir de ce
48
nombre qui correspond aux « présumées » parties de l’ensemble que nous
appellerons plus brièvement inférieur, inférieur d’1, comme élément,
pour trouver, comme le triangle de Pascal nous l’a déjà appris, les
parties qui vont composer...
elles se trouveront dans une bipartition
...qui vont composer comme partie, selon le premier énoncé,
l’ensemble supérieur,
nous avons à chaque fois à faire l’addition de ce qui correspond dans
la colonne de gauche aux 2 nombres qui sont situés :
[1)] immédiatement à gauche,
et [2)] au-dessus du premier,
pour obtenir dans l’occasion : ici le chiffre 10, ici le chiffre 4.
49
Nous avons dit que cet ensemble vide, quand il s’agira de faire
l’ensemble tétradique, cet ensemble vide viendra au rang
des monades du précédent, c’est-à-dire que pour le représenter comme
ceci, par un tétraèdre...
bien entendu, il ne s’agit pas de tétraèdre, il s’agit de
nombres
...si c’est désigné par les lettres grecques α, β, γ, nous aurons ici,
comme 4ème élément à « un élément » dans l’ordre de ces sous-ensembles,
nous aurons l’ensemble vide. Mais il n’en reste pas moins que l’ensemble
vide, au niveau de ce nouvel ensemble, il existe toujours, et que c’est
au niveau de ce nouvel ensemble que ce qui vient d’être extrait de
l’ensemble vide,
nous l’appellerons autrement, et puisque nous avons déjà α, β, γ,
nous l’appellerons δ.
50
sauf à ce même niveau, où nous aurions trois sous-ensemble
...d’y ajouter les éléments seuls de l’ensemble, c’est-à-dire α, β, γ, δ,
comme non pris en un ensemble,
c’est-à-dire en tant que définis comme éléments ils ne sont pas des
ensembles,
mais qu’isolés de ce qui les inclut dans l’ensemble ils doivent être
comptés, pour que nous ayons notre compte de quatre,
à fournir la partie du chiffre 5 au niveau de l’ensemble à 5 éléments, il nous
faut faire intervenir les éléments au nombre de 4 comme simplement
juxtaposés, mais non pas pris en un ensemble, « sous-ensemble » à l’occa-
sion, c’est-à-dire quoi ?
Nous apercevoir de ceci, que dans la théorie des ensembles tout élément se
vaut.
Et c’est bien ainsi que peut en être engendrée l’unité.
C’est justement en ce qu’il est dit que le concept de « distinct » et de «
défini » en l’occasion représente ceci,
c’est que « distinct » ne veut dire que « différence radicale » puisque rien ne
peut se ressembler, il n’y a pas d’espèces.
Tout ce qui se distingue de la même façon est le même élément. C’est ceci
que ça veut dire.
Mais qu’est-ce que nous voyons ? Nous voyons ceci : qu’à ne prendre
l’élément que de pure différence, nous pouvons
le voir aussi comme mêmeté de cette différence, je veux dire pour
l’illustrer, qu’un élément dans la théorie des ensembles...
comme c’était déjà démontré à la deuxième ligne
...est tout à fait équivalent à un ensemble vide, puisque l’ensemble vide
peut aussi jouer comme élément.
Tout ce qui se définit comme élément est équivalent de l’ensemble vide.
51
et ceci non prise dans cette inclusion ensembliste, si je puis dire,
qui la ferait sous-ensemble
...ça veut dire que la mêmeté comme telle est, en un point, comptée !
Ce que nous voyons, c’est qu’il n’est pas du même niveau, et c’est à ça
que j’ai fait allusion dans mon dernier discours
du Panthéon, ce n’est pas au même niveau que l’idée de semblable
s’introduit.
La mêmeté des éléments de l’ensemble est comme telle comptée comme
jouant son rôle dans les parties de l’ensemble.
52
Ce qui se produit et ce que je désigne à l’étage dit du plus-de-jouir, c’est
S 1,
c’est-à-dire une production signifiante que je propose...
quitte à me donner le devoir de vous en faire sentir
l’incidence
...que je propose de reconnaître dans ce qu’il en est de quoi ?
C’est ceci sur lequel je voulais ce soir achever ce discours, outre que
l’heure et ma fatigue m’en pressent incidemment.
L’illustration de cette fonction du S1 telle que je l’ai mise dans la
formule statuante du discours analytique,
je la donnerai dans les séances qui viendront.
53
1972.05.10. …Ou pire. Leçon 9
Séminaire : Panthéon-Sorbonne
Il m’est difficile de vous frayer la voie dans un discours qui ne vous
intéresse pas tous.
Je vais dire comme « pas tous » et même j’ajoute : que comme « pas
tous ».
Une chose est évidente, c’est le caractère clé dans la pensée de
Freud, du « tous ».
Le trait unaire n’a rien à faire avec l’« Yad’lun » que j’essaie de serrer
cette année au titre qu’il n’y a pas mieux à faire,
ce que j’exprime par : …ou pire, dont ce n’est donc pas pour rien
que j’ai dit le dire adverbialement.
J’indique tout de suite, le trait unaire est ce dont se marque la répéti-
tion comme telle.
La répétition ne fonde aucun « tous » ni n’identifie rien, parce que
tautologiquement, si je puis dire, il ne peut pas y en avoir de 1ère.
54
Mais revenons à ce que j’essaie cette année de filer pour vous.
N’importe quoi - c’est vrai - peut servir à écrire l’ 1de répétition.
Ce n’est pas qu’il ne soit rien, c’est qu’il s’écrit avec n’importe quoi
pour peu que ça soit facile à répéter en figures.
Mais tout ce que j’ai dit, écrit, inscrit, dans les graphes, schématisé
dans le modèle optique à l’occasion,
où le sujet se réfléchit dans le trait unaire, et où c’est seulement à
partir de là qu’il se repère comme moi-idéal,
tout cela insiste justement sur ce que l’identification imaginaire s’opère
par une marque symbolique.
55
De sorte que, qui dénonce ce manichéisme : « le jugement de valeur, pouah
! », dans ma doctrine, démontre seulement ce qu’il est, pour m’avoir
entendu ainsi depuis le début de mon discours dont il est pourtant
contemporain.
Un porc, pour se dresser sur ses pattes et faire le porc debout, n’en
reste pas moins le porc qu’il était de souche,
mais il n’y a que lui pour s’imaginer qu’on s’en souvient.
C’est ainsi que Freud l’a pensé et c’est bien ainsi aussi que ceux qui
s’avèrent être les fruits de cette conception s’expriment pour -
même s’ils déclarent modeste ce noyau - s’en attirer la
considération.
Ce qui, du point où les choses en sont maintenant dans l’opinion,
est comique.
Il suffit pour le faire apparaître d’indiquer ce qu’implique cette
sorte de garant : une école de sagesse.
Voilà comment, de toujours, on aurait appelé ça. L’est-ce ? Point
d’interrogation.
56
La sagesse...
comme il apparaît du livre même de la patience…[lapsus] de la
sapience qu’est l’« Ecclésiaste »
...c’est quoi ? C’est, comme il est dit là clairement, c’est le savoir de la
jouissance.
57
non bien entendu sans qu’elle en ressente ce que Freud appelle
pudiquement son « malaise ».
5
Allusion aux mouvements féministes et particulièrement ici au MLF
(cf. « mais qui commencent toujours par M »)
58
Tout ce qui s’est produit en fait partie depuis le départ, et bien
entendu que les initiales elles-mêmes,
dont il était tout à l’heure question, y soient aussi depuis le départ,
ne se découvre que nachträdglich.
Je ne crois pas inutile de marquer ici que le « pas tous » vient de glisser
comme il est naturel en « pas toutes ». C’est fait pour ça.
Pourtant ceci ne veut pas dire qu’il ne soit pas calculable. À partir
de quoi ? De l’1 qu’on y trouve.
Seulement, il ne faut pas se tromper sur ce qu’on trouve d’1. Ce
n’est jamais celui qu’on cherche.
C’est pourquoi, comme je l’ai dit après un autre qui est dans mon
cas : « Je ne cherche pas - qu’il a dit - je trouve 6 »,
la manière, la seule, de ne pas se tromper c’est, à partir de la
trouvaille, de s’interroger sur ce qu’il y avait
- si on l’avait voulu - à chercher.
6
Pablo Picasso : « Le désir attrapé par la queue », Paris, Gallimard, 1995.
59
Il est clair que c’est le savoir qui est supposé et personne ne s’y est
jamais trompé. Supposé à qui ?
Certainement pas à l’analyste mais à sa position. Ce sur quoi on peut
consulter mes séminaires, car c’est bien ce qui frappe à les relire,
pas de bavures, à la différence de mes « Écrits ». Ouais c’est comme
ça ! C’est parce que j’écris vite.
Je me l’étais jamais dit. Mais je m’en suis aperçu parce qu’il est
arrivé que je parle récemment à quelqu’un.
60
Il est curieux qu’il m’ait fallu convoquer expressément quelqu’un
pour que de sa bouche je retrouve le bien-fondé
de ce qu’aussi la dernière fois j’ai énoncé, à savoir que ceci
comporte non pas seulement l’1 qui se produit du 0
mais un autre, que comme tel j’ai marqué repérable dans la chaîne,
du passage d’un nombre à l’autre
quand il s’agit de compter ses parties. C’est là-dessus que j’espère
conclure.
C’est pour ça qu’il y reste des bavures, parce que c’est un texte.
Un texte, comme le nom l’indique, ça ne peut se tisser qu’à faire des
nœuds.
Quand on fait des nœuds, il y a quelque chose qui reste et qui pend.
Je m’en excuse, je n’ai jamais écrit que pour les gens censés m’avoir
entendu et quand, par exception, j’écrivais d’abord
- le rapport du congrès par exemple - je n’y ai jamais donné qu’un
discours sur mon rapport. Qu’on consulte ce que j’ai dit
à Rome, pour le congrès ainsi nommé, j’ai fait le rapport écrit qu’on
sait et ça a été publié en son temps,
ce que j’ai dit je ne l’ai pas repris dans mon écrit mais on y sera
certainement plus à l’aise que dans le rapport lui-même.
61
dès qu’ils abandonnent la ligne critique qui en résulte, de ce travail,
pour retourner aux « êtres »...
dont je démontre précisément que ce discours doit s’abstenir
...pour retourner à ces « êtres » et en faire le support du discours de
l’analysant, ne font que revenir au bavardage.
C’est pourquoi ceux-là même qui ont pris le large de ce discours -
aussitôt dit, aussitôt fait ! -
en ont complètement perdu le sens.
C’est bien pourquoi, à propos de mon « sujet supposé savoir », il s’est
trouvé, enfin qu’ils émettent,
voire qu’ils impriment noir sur blanc, ce qui est plus fort...
justement à s’apercevoir de décoller de ce où je les conduisais, de la
ligne où je les maintenais
...qu’ils ne savaient plus rien. À partir de quoi je le répète, ils ont été
à dire qu’à le supposer ce savoir,
à la position de l’analyste, « c’est très vilain », parce que c’est dire que
l’analyste fait semblant.
Il n’y a à ça qu’une petite paille que j’ai déjà pointée tout à l’heure,
c’est que l’analyste ne fait pas semblant, il occupe...
il occupe avec quoi : c’est ce que je laisse à y revenir
...il occupe la position du semblant. Il l’occupe légitimement parce que,
par rapport à la jouissance...
à la jouissance telle qu’ils ont à la saisir dans les propos de celui qu’au
titre d’analysant,
ils cautionnent dans son énonciation de sujet
...il n’y a pas d’autre position tenable, qu’il n’y a que de là que s’aperçoit
jusqu’où la jouissance de cette énonciation autorisée, peut se mener
sans dégâts trop notoires.
62
...il donne, ce semblant, à autre chose que lui-même, son porte-voix
et justement de se montrer comme masque...
je dis ouvertement porté, comme dans la scène grecque
...le semblant prend effet d’être manifeste : quand l’acteur porte le
masque, son visage ne grimace pas, il n’est pas réaliste.
63
puisque je la définis par son mi-dire, par le fait qu’elle ne peut plus
que se mi-dire.
64
à partir du discours analytique dans la liste parfaitement finie des
pulsions.
Sa finitude est connexe de l’impossibilité qui se démontre dans le
questionnement véritable du rapport sexuel comme tel.
Plus exactement, c’est dans la pratique même du rapport sexuel que
s’affirme le lien que nous promouvons
- nous, comme êtres parlants - promouvons partout ailleurs, de
l’impossible et du réel.
À savoir que le réel n’a pas d’autre attestation.
65
que la seule chose qui nous intéresserait c’est l’étrangeté, et que si
ceci suffit à désigner tout ce qui s’en inscrit
dans le roman du XIXème siècle, pour tout ce qui est d’avant c’est le
contraire.
Il faut reconnaître qu’elle ne s’y est pas limitée, et ce qui lui en reste
de ce qu’elle a frayé d’abord d’exemplaire,
c’est ce modèle d’amour en tant qu’il est donné par les soins donnés
de la mère au fils,
à ce qui s’inscrit encore dans le caractère chinois hǎo, qui veut dire
« le bien », ou ce qui est bien.
C’est rien d’autre que ça : qui veut dire « le fils », tseu, et ça nǚ : qui
veut dire la femme.
好子女
hǎo tseu nǚ
Il faut bien sûr accentuer que c’est en tant que (a) que cette
position du semblant, il l’occupe.
L’analyste ne peut rien comprendre sinon au titre de ce que dit
l’analysant,
à savoir de se voir, non comme cause mais effet de ce discours, ce qui ne
l’empêche pas en droit de s’y reconnaître.
Et c’est pour cela qu’il vaut mieux qu’il soit passé par là, dans
l’analyse didactique,
qui ne peut être sûre qu’à n’avoir pas été engagée à ce titre.
Il y a une face du savoir sur la vérité qui prend sa force d’en négliger
totalement le contenu,
d’asséner que l’articulation signifiante est tellement son lieu et son
heure que quelque chose qui n’est rien que cette articulation, dont la
monstration au sens passif se trouve prendre un sens actif et
s’imposer comme démonstration à l’être,
à l’être parlant qui ne peut faire à cette occasion que de reconnaître
- le signifiant - non seulement l’habiter,
mais n’en être rien que la marque.
68
Mais ce qu’il indique, c’est que quand il faudrait qu’il y en ait 2, il
n’y en a jamais qu’1, et ça, c’est une vérité.
0 implique 1, le tout impliquant 1 [(0 → 1) → 1], est à prendre non
comme le faux impliquant le vrai, mais comme deux vrais, l’un
impliquant l’autre. Mais aussi d’affirmer que le vrai ne soit jamais
qu’à manquer de son partenaire.
Je vais pour terminer, vous le faire sentir, et sous une forme tout à
fait simple qui est celle-ci :
de ce qu’on peut dire quant à ce qu’il en est des entiers concernant
une propriété qui serait celle de l’accessibilité.
70
Définissons là de ceci : qu’un nombre est accessible de pouvoir être
produit
soit comme somme,
soit comme exponentiation,
des nombres qui sont plus petits que lui.
Avec 0 et 1, que vous les additionniez, ou que vous les mettiez l’un à l’autre
- voire l’un à lui-même - dans une relation exponentielle, jamais le 2 ne
s’atteint. Le nombre 2 au sens où je viens de le poser, qu’il puisse
d’une sommation ou d’une exponentiation s’engendrer des nombres
plus petits, le test s’avère négatif : il n’y a pas de 2 qui s’engendre au
moyen du 1 et du 0.
71
qu’on s’en serve à en faire l’addition indéfinie, voire avec tous ses
successeurs,
ni non plus à le porter à un exposant aussi grand que vous voudrez
...qui jamais accède à l’aleph.
Il est singulier...
et ceci est ce qu’aujourd’hui je dois laisser de côté,
quitte à le reprendre si ça intéresse quelques-uns, dans un cercle
plus étroit
...il est tout à fait frappant que de la construction de Cantor,
il résulte qu’il n’y a pas d’aleph qui, à partir de l’aleph zéro [0]א, ne
puisse être tenu pour accessible.
Il n’est pas moins vrai que, de l’avis de ceux qui ont fait progresser
cette difficulté de la théorie des ensembles,
c’est seulement de la supposition que dans ces aleph, il y en a
d’inaccessibles,
que peut se réintroduire dans ce qu’il en est des nombres entiers, ce
que j’appellerai la consistance.
73
1972.05.12. DU DISCOURS PSYCHANALYTIQUE
Discours de Jacques Lacan à l’Université de Milan le 12 mai 1972, paru dans
l’ouvrage bilingue : Lacan in Italia 1953-1978. En Italie Lacan, Milan,
La Salamandra, 1978, pp. 32-55.
(32)
Je remercie beaucoup M. Cesa Bianchi de nous avoir donné ces
quelques repères, ces quelques mots d’information qui étaient fort
exacts sur ce qui peut constituer un certain nombre d’étapes.
Donc, ce que j’ai fait au cours de ces années a mené à dire…
Mon embarras tient à ce que je ne sais pas… je ne peux pas
apprécier d’aucune façon le degré d’audition du français que
représente votre assemblée. Je suis très heureux d’y voir un très
grand nombre de figures jeunes puisque c’est sur… enfin, c’est dans
elles je veux dire, ces figures, que je mets mon espoir.
Je dois dire que je n’aime pas du tout parler français devant des
gens dont je sais qu’ils ne sont pas familiers avec cette langue. Alors,
j’espère que je vais sentir jusqu’où je peux aller dans cet ordre
d’émissions.
J’ai rappelé à déjeuner à quelques amis une expérience qui m’est
arrivée à John Hopkins University.
C’était tellement manifeste que mon assemblée n’entendrait rien si
je parlais français que, ayant pris d’abord, comme ça… à la prière
générale, la résolution de parler français, j’ai commencé par
m’excuser en anglais de ne pas pouvoir continuer, c’est-à-dire de
parler français, et puis cette excuse a duré une heure et demie, en
anglais bien sûr… C’est affreux quand on m’entend parler anglais.
Mais les américains sont si complaisants, on peut se permettre de
telles dérogations, n’est-ce pas ? … Je vois que vous comprenez le
français – bon – alors ça m’encourage.
Donc je ne continuerai pas à parler des américains : là je suis tout
à fait incapable de vous parler italien, c’est pour ça que je parle
français.
74
Alors, j’ai annoncé que je parlerais Du discours psychanalytique – ce
(33)
n’est pas un terme que j’ai avancé depuis longtemps, mais quand
même depuis trois ans.
Ce n’est pas commode, devant un auditoire qui n’est pas de mes
élèves, qui n’est pas formé, rompu à quelque chose… (vous voyez,
je commence à ouvrir des parenthèses)… qui n’est pas rompu à
quelque chose qui est mon enseignement, mon Séminaire comme on
appelle ça : ce n’est pas un séminaire du tout, puisque il n’y a que
moi qui parle.
Enfin, c’est devenu comme ça. Pendant des années j’ai fait parler
d’autres personnes à mon séminaire, ça me reposait, mais enfin peu
à peu, peut être parce que le temps presse, j’y ai renoncé.
Alors, cet enseignement qui dure depuis vingt ans, dont les
Écrits… – enfin, je suis bien forcé de parler des Écrits puisqu’ils
viennent de paraître, au moins un premier morceau – il y en aura
peut-être d’autres, ceci grâce à Giacomo Contri qui a bien voulu y
consacrer un très grand soin et un très grand temps.
Je suis bien forcé de parler un peu des Écrits qui, paraît-il, ne vous
paraissent pas faciles.
Ça c’est vrai : ils ne le sont pas, pas du tout même.
C’est qu’ils n’ont jamais été faits, ces fameux écrits… ils n’ont
jamais été faits pour remplacer mon enseignement.
Il y en a d’abord une bonne moitié qui ont été écrits avant que je
le commence, c’est-à-dire que ça n’est pas d’hier puisque je vous ai
dit qu’il y a vingt ans que je fais ce qu’on appelle mon séminaire.
Il y en a une bonne moitié qui sont d’avant, et en particulier ceux
dont beaucoup en sont encore à faire le pivot de ce que j’ai pu
apporter au discours psychanalytique, dont Le stade du miroir. Le stade
du miroir, c’était une communication que j’ai faite dans un congrès
aux temps où je faisais encore partie de ce qu’on appelle IPA –
International Psychanalytique Avouée - ou avouable, comme vous
voudrez. Enfin, c’est une façon de traduire ces mots.
Puis, la seconde partie de ces Écrits consiste dans une série
d’articles où je me suis trouvé, disons chaque année à partir d’un
75
certain moment, entre un certain moment et un autre… où je me
suis trouvé chaque année donner une sorte de repère, qui permettait
à ceux qui m’avaient entendu au séminaire de trouver là, enfin,
condensé, en somme concentré, ce que j’avais pu (34)apporter ou ce
que je croyais moi-même pouvoir repérer comme étant axial dans ce
que j’avais énoncé.
Ça n’empêche pas que c’est une très mauvaise façon, en somme,
de rassembler un public.
C’est très difficile d’abord, la notion de public. Je vais me risquer à
rappeler que lors de cette publication, je me suis livré au jeu de mots
de l’appeler poubellication – je vois qu’il y a des gens qui savent ce
que c’est le mot poubelle. Il y a une trop grande confusion en effet,
de nos jours, entre ce qui fait public et ce qui fait poubelle ! C’est
même pour ça que je refuse les interviews, parce que malgré tout, la
publication des confidences, c’est ça qui fait l’interview.
Ça consiste alors tout à fait à attaquer le public au niveau de la
poubelle.
Il ne faut pas confondre la poubelle avec le pubis – ce n’est pas du
tout pareil.
Le pubis a beaucoup de rapports avec la naissance du mot public.
C’est vrai, hein ?
Ça ne se discute pas, enfin… je pense.
C’était un temps où le public, ce n’était pas la même chose que le
déballage du privé, et où quand on passait au public on savait que
c’était un dévoilement, mais maintenant ça ne dévoile plus rien
puisque tout est dévoilé.
Enfin, évidemment je ne suis pas porté à vous faire des
confidences, et pourtant je suis forcé quand même de dire quelque
chose qui, étant donné que je ne vous verrai qu’une fois – enfin, ça
m’étonnerait de vous revoir d’ici peu – je suis forcé de vous dire
quelque chose tout de même qui est de l’ordre de cette confidence.
À savoir, comment je peux me sentir actuellement dans cette
position que j’occupe auprès de gens qui ne font pas partie de mon
auditoire.
76
Ce que je peux bien marquer, n’est-ce pas, c’est ce que j’ai dit
d’abord, c’est que les Écrits, ça me semble difficile que exportés,
comme ça, hors du contexte d’un certain effort que je fais et dont je
vais vous dire sur quoi il est centré, que les Écrits, enfin, ça suffise du
tout à ce qu’on puisse là dessus élucubrer quoi que ce soit qui
corresponde vraiment à mon discours.
L’auditoire et l’éditoire, si je peux m’exprimer ainsi, ce n’est pas du
tout du même niveau, vous le voyez.
Nous jouons enfin là, éditoire, comme ça… poubellication… ça
fait obscène et du même coup auditoire se contamine.
(35)
Tout ça, c’est une façon en somme de voir ce que je peux dire
et de vous introduire comme ça, tout doucement, à ce qui est très
important.
Ce que j’appellerai le jeu des signifiants.
Le jeu des signifiants, ça glisse au sens.
Mais l’important dans ce que j’énonce c’est que ça ne glisse jamais
qu’à la manière d’un dérapage.
Pour ceux qui sont tout à fait inaccoutumés à ces termes, je dis
simplement ceci : les signifiants ou le jeu des signifiants, c’est lié au
fait de la langue, du langage – ce n’est pas équivalent. La langue c’est
quelque chose d’assez spécifié pour chacun, c’est la langue
maternelle, l’italien pour la plupart d’entre vous.
C’est ça qui fait la langue.
Il se trouve qu’il y a quelque chose qu’on peut repérer, comme
étant déterminé vers une même fin, pour toutes les langues, et c’est
en généralisant, comme on s’exprime, qu’on parle du langage :
comme caractérisant l’homme.
(Rumore nell’aula)
Qu’est-ce qu’il y a ?… Je ne demanderais pas mieux que de laisser
la parole à quelqu’un, qui me prouverait par là que moi-même je ne
parle pas en vain…
Alors, le langage, on a le sentiment que ça définit un être, qu’on
appelle généralement l’homme, et après tout, en se contenant
strictement de le définir ainsi, pourquoi ?
77
Il est certain qu’il y a un animal sur qui le langage est descendu, si
je puis dire, et que cet animal en est vraiment marqué.
Il en est marqué au point que je ne sais pas jusqu’où je peux aller
pour bien le dire.
C’est pas seulement que la langue fasse partie de son monde, c’est
que c’est ça qui soutient son monde de bout en bout.
C’est pour ça que… N’essayez pas de chercher quelle est ma
Weltanschauung – je n’ai aucune Weltanschauung, pour la raison que ce
que je pourrais à la rigueur en avoir, ça consiste à dire que le Welt…
le monde, c’est bâti avec du langage.
Ce n’est pas une vue sur le monde, ça ne laisse place à aucune vue –
ce qu’on s’imagine être vu, être intuitif, est évidemment lié à quelque
chose qui est le fait que nous avons les yeux, et que le regard, c’est
vraiment une passion de l’homme.
La parole aussi, bien sûr. Il s’en aperçoit moins.
(36)
Puis il y a d’autres éléments qui sont tout à fait cause de son
désir.
Mais c’est un fait que la psychanalyse, la pratique psychanalytique
nous a montré le caractère radical de l’incidence signifiante dans
cette constitution du monde.
Je ne dis pas pour l’être qui parle, parce que ce que j’ai appelé tout
à l’heure ce dérapage, cette glissade qui se fait avec l’appareil du
signifiant… c’est ça qui détermine l’être chez celui qui parle. Le mot
d’être n’a aucun sens au dehors du langage.
On a fini quand même par s’apercevoir que ce n’est pas à méditer
sur l’être qu’on fera en rien le moindre pas.
On a fini par s’en apercevoir par la conséquence… conséquence
un peu poussée… les suites de cette pratique que j’ai appelée le
glissement avec le signifiant.
La façon qu’on a, plus ou moins savante, de déraper à la surface de
ce qu’on appelle les choses… de ce qu’on appelle les choses jusqu’au
moment où on commence à considérer que les choses, ce n’est pas
très sérieux.
78
On arrive vraiment à concentrer la puissance du signifiant d’une
façon telle qu’une part de ce monde finit par, simplement, s’écrire
dans une formule mathématique.
Formules mathématiques auxquelles, bien sûr pour les écoliers, on
essaye de conjoindre un sens.
En effet on y parvient : la formule d’Einstein et même
d’Heisenberg, enfin, sont des petits termes qui désignent la masse.
Et la masse, ça fait toujours de l’effet, n’est-ce pas, on s’imagine
qu’on sait ce que c’est. Et en effet on ne se l’imagine pas toujours –
quelques fois quand on a des notions physiques précises, on sait
comment ça se calcule, mais on aurait tort de croire que la masse
c’est ça ou ça… par le sentiment.
Ce n’est pas seulement parce que nous pesons un petit peu qu’on
peut s’imaginer qu’on sait ce que c’est que la notion de masse.
C’est seulement à partir du moment où l’on commence à faire
tourner quelque chose, que l’on voit que les corps ont une masse.
Mais ça reste toujours tellement contaminé par quelque chose qui
est lié au fait qu’il y a une corrélation entre la masse et le poids qu’en
réalité on fait mieux de ne pas chercher à comprendre, et simplement
de s’en tenir aux formules.
(37)
C’est en ça que la mathématique démontre vraiment quel est le
point de l’usage du signifiant. Bien sûr, nous sommes arrivés à… […]
… que de fait nous sommes déjà plongés dans le langage.
Vous le voyez, je ne dis pas : nous sommes des êtres parlants.
Nous sommes dans le langage, et je ne me crois pas du tout en
mesure de vous dire pourquoi nous y sommes, ni de dire comment
ça a commencé.
C’est même comme ça qu’on a pu commencer à dire sur le langage
quelque petite chose, débarrassés du préjugé que c’est essentiel que
ça ait un sens : ce n’est pas essentiel que ça ait un sens, et c’est même
là-dessus qu’est fondée cette nouvelle pratique qui s’appelle la
linguistique.
Ce qu’il faut – c’est là que la linguistique se centre bien – c’est se
centrer sur le signifiant en tant que tel.
79
Il ne faut pas croire que le signifié – qui bien entendu se produit
dans le sillage du signifiant – que ça soit là quelque chose d’aucune
façon premier ; et se dire que le langage est là pour qu’il permette
qu’il y ait la signification, c’est une démarche dont le moins qu’on
puisse dire c’est qu’elle est précipitée.
Il y a quelque chose de plus primaire que les effets de signification,
et c’est là que la recherche – si tant est que jamais on cherche quelque
chose, si on ne l’a pas d’abord trouvé, hein ? – c’est là que la
trouvaille est susceptible d’avoir d’effet.
Enfin voyez-vous, pour le signifiant, tout à l’heure j’y suis arrivé
avec ce que j’ai appelé le dérapage, l’effet de glissement…
Enfin, je serai porté à vous faire la métaphore que le signifiant,
c’est comme le style : c’est déjà pareil, c’est du style qu’on aurait déjà
là.
C’est peut-être possible que l’animal humain l’ait un jour
fabriqué… Nous n’avons pas la moindre trace de ce qui pourrait
s’appeler l’invention du langage… Aussi loin dans le passé que nous
le voyons fonctionner, c’est lui qui a le dessus du pavé.
Bon, alors, vous me direz, qu’est-ce que ça à faire avec la
psychanalyse ?
Ça a à faire de la façon la plus étroite, parce que si on ne part pas
de ce niveau qui est le niveau de départ, on ne peut absolument rien
faire de plus dans l’expérience psychanalytique… on ne peut rien
faire de plus que (38)de faire de la bonne psychothérapie…
C’est à dire, comme aussi bien les psychanalystes l’avouent… ils
avouent tout, ils déballent tout…
Il y a eu un jour… Claudel… comme ça, qui a imaginé que le
châtiment de Ponce Pilate, enfin, ça devait être ceci : parce qu’il avait
demandé, très mal à propos : Qu’est-ce que la vérité ? – que chaque
fois qu’il parlait devant une idole, l’idole ouvrait son ventre, et qu’est-
ce qu’il en sortait ? C’était un formidable déballage de sous de
l’époque, des trucs qu’on mettait dans la tirelire…
80
Les psychanalystes sont comme ça, ils vous avouent tout… ils
avouent tout… et tout ce qu’ils racontent prouve qu’évidemment ils
sont des très bonnes personnes.
C’est fou ce qu’ils aiment l’être humain, qu’ils veulent son bien, sa
normalité – c’est inouï, enfin, n’est-ce pas, c’est inouï la folie de
guérir, de guérir de quoi ? C’est justement ça qu’il faut jamais mettre
en question…
Au nom de quoi est-ce qu’on se considère comme malade ? En
quoi est-ce qu’un névrosé est plus malade qu’un être normal, dit
normal ? Si Freud a apporté quelque chose, c’est justement pour
démontrer que la névrose, enfin, est strictement insérée quelque part
dans une faille qu’il nomme, qu’il désigne parfaitement, qu’il appelle
sexualité, et il en parle d’une telle façon que ce qui est clair, c’est
justement… c’est ce dans quoi l’homme n’est pas du tout à son aise.
L’homme, bien sûr, appelé au sens large, la femme non plus ; enfin,
il n’y a rien qui aille si mal que les rapports de l’homme et de la
femme.
C’est ça, ce qu’il y a d’admirable, c’est qu’il y a des gens ici qui ont
l’air d’entendre ça pour la première fois. C’est absolument sublime,
comme si vous n’étiez pas nés là dedans… À savoir que pour vous
baiser avec une fille, ça ne marche jamais. Pour la fille c’est la même
chose… et depuis que le monde est monde, il y a toute une
littérature, il y a la littérature qui ne sert qu’à dire ça.
Alors, Freud un jour parle de sexualité [in falsetto] et il suffit que ce mot
sucré soit sorti de sa bouche pour que tout le monde croie que c’est pour résoudre
la question.
C’est-à-dire qu’à partir du moment, comme je vous l’ai dit tout à
l’heure, que si l’on pose une question, c’est qu’il y a déjà la réponse,
donc s’il pose la question c’est (39)qu’il a la réponse – c’est-à-dire
qu’avec ça, ça doit marcher.
Ce qui supposerait que Freud ait l’idée de l’accord sexuel.
Or, enfin, il suffit de lire, d’ouvrir son œuvre pour voir que jusqu’à
la fin, lui, parce qu’il était homme, enfin, il est resté là.
81
Et il le dit, il l’écrit, il l’étale, enfin, à se demander : une femme,
qu’est-ce que ça peut bien vouloir ? [risa]
Il n’y a pas besoin pour ça de faire allusion à la biographie de Freud,
parce que c’est toujours comme ça qu’on rétrécit la question,
d’autant plus qu’il était névrosé comme tout le monde, puis il avait
une femme qui était une emmerdeuse… Enfin, ça c’est connu… La
vieille Madame Freud…
C’est vraiment rapetisser la question.
C’est justement pour ça que je ne me mettrais jamais à faire la
psychanalyse de Freud, d’autant plus que c’est une personne que je
n’ai pas connue.
Ce qui est dit par Freud c’est ça, ce que je viens de dire. C’est ce
dérapage du signifiant dont je parlais tout à l’heure, qui fait qu’au
nom du fait qu’il a dépeint ça* « sexualité », on suppose qu’il savait
ce que ça voulait dire : sexualité.
Mais justement ce qu’il nous explique c’est qu’il ne le sait pas.
Il ne le sait pas. La raison pour laquelle il ne le sait pas, justement,
c’est ce qui lui a fait découvrir l’inconscient.
C’est-à-dire, s’apercevoir que les effets du langage jouent à cette
place où le mot « sexualité » pourrait avoir un sens.
Si la sexualité chez l’être parlant, ça fonctionnait autrement qu’à
s’empêtrer dans ces effets du langage…
Je ne suis pas en train de vous dire que le langage est venu là pour
remplir le trou – je ne sais pas si le trou est primitif ou s’il est second :
à savoir si c’est le langage qui a tout détraqué.
Je m’étonnerais que le langage soit là pour tout détraquer.
Il y a des champs où ça réussit… mais où ça ne réussit jamais que
pour faire partage de ce qui paraît aller bien chez les animaux – à
savoir qu’ils ont l’air de baiser d’une façon bien polie.
Parce que c’est vrai, chez les animaux ça a l’air –
*
Ce mot est bien orthographié ainsi.
82
Qu’on dise comme fait reste oublié derrière ce qui est dit dans ce
qui s’entend.
Cet énoncé qui est assertif par sa forme, appartient au modal pour
ce qu’il émet d’existence.
(41)
c’est ce qui nous frappe par contraste – ça a l’air de se passer
gracieusement.
Il y a la parade. Il y a toutes sortes d’approches charmantes, et puis
ça a l’air de tourner rond jusqu’à la fin. Il n’y a pas d’apparence, chez
les animaux, ni de viols, ni non plus de toutes ces complications, tout
ce baratin qu’on fait autour.
Ça se passe chez eux d’une façon pour tout dire civilisée [risa].
Chez l’homme, ça fait ce qu’on appelle des drames […]. Par quoi
bien sûr tout le malentendu […].
Plût au ciel que les hommes fassent l’amour comme les animaux,
ça serait agréable.
Je me laisse un petit peu, comme ça, entraîner à quelque chose…
enfin, de tellement patent.
Il faut quand même bien le rappeler […] quelque chose qui est
quand même ce qui est de l’expérience du psychanalyste.
Qu’il fasse comme s’il n’en savait rien, ça tient à une nécessité de
discours qui est là écrite au tableau.
83
Il faut bien quand même que je m’en serve, puisque je suis venu
un quart d’heure à l’avance pour l’écrire au tableau.
Ça tient les caractères-clefs dans tout discours de ce point que
j’appelle le semblant.
Mon dernier séminaire – ou appelez-le comme vous voudrez, mais
ce n’est pas le dernier puisque le dernier est celui que je suis en train
de finir – mon dernier séminaire donc, celui d’avant, s’appelait : D’un
discours qui ne serait pas du semblant.
J’ai passé mon année à démontrer que c’est un discours tout à fait
exclu.
Il n’y a aucun discours possible qui ne serait pas du semblant.
Ça c’est du semblant, hein ?
Bon, alors c’est tout à fait admissible à un certain niveau que le
psychanalyste fasse semblant, comme s’il était là pour que les choses
marchent sur le plan du sexuel. L’ennuyeux c’est qu’il finit par le
croire, et alors ça le fige lui-même, complètement.
C’est-à-dire, pour appeler les choses par leur nom, il en devient
imbécile.
Je crois qu’il était, à une certaine date, nécessaire – pour lui
permettre de faire un peu de gymnastique, pour, (42)dans une
expérience telle qu’elle est instituée, qu’il puisse y faire quelque pas
de plus – qu’il fallait au moins lui rappeler ce qu’il fait : à savoir,
malgré tout, que c’est de faire parler quelqu’un en lui expliquant
comment il faut faire, c’est-à-dire pas n’importe quoi. Lui expliquer
la règle : dire à une personne comment il faut qu’elle parle… Et que
ça arrive à donner quelque chose, qu’il s’agit de comprendre
pourquoi quelque chose qui se fait avec cet appareil que j’appelle le
signifiant, ça peut avoir des effets.
Qu’il y ait un décollage nécessaire, qui consiste justement… à ne
pas comprendre trop vite, c’est ça que j’ai essayé de produire.
À une certaine époque… évidemment ce n’était pas une époque
très bien choisie, mais je n’avais pas le choix… Je suis entré dans la
psychanalyse, comme ça, un peu sur le tard. En effet jusqu’à ce
moment-là… en neurologie un beau jour… qu’est ce qu’il a pu me
84
prendre ?… j’ai eu le tort de voir ce que ça peut être ce qu’on appelle
un psychotique.
J’ai fait ma thèse là-dessus : De la psychose paranoïaque – oh
scandale ! – dans ses rapports avec la personnalité.
Personnalité, vous pensez, ce n’est pas moi qui n’en ferais jamais
des gorges chaudes.
Mais enfin, à cette époque ça représentait pour moi, comme ça,
une nébuleuse, enfin, quelque chose… qui était déjà bien
suffisamment scandaleux pour l’époque, je veux dire que ça a fait un
véritable effet d’horreur.
Enfin, ça m’a mené à faire l’expérience de la psychanalyse moi-
même. Après ça il y a eu la guerre, pendant laquelle j’ai poursuivi
cette expérience. Au sortir de la guerre j’ai commencé à dire que je
pourrais peut-être en dire un peu quelque chose.
« Surtout pas – m’a-t-on dit – personne n’y comprendrait rien…
on vous connaît, on vous a repéré déjà depuis un moment ».
Enfin, bref, il a fallu pour ça une espèce de crise, de crise politique,
politique intérieure… le micmac entre psychanalystes, pour que je
me sois trouvé dans une position extraite.
Et comme il y en avait qui avaient l’air de vouloir que je fasse
quelque chose pour eux…
(43)
Je n’aurais commencé que, comme on dit, très sur le tard : mais
moi je n’ai jamais été ennuyé d’être tard… je n’éprouvais aucun
besoin, après tout, de forcer les gens.
Pour ne pas les forcer j’ai commencé à raconter les choses au
niveau où je les avais vues.
Retour à Freud : on m’a naturellement mis cette étiquette, que je
mérite bien, parce que c’est comme ça que je l’ai d’abord moi-même
produite.
Je m’en fous de toi Freud. Simplement, c’était le procédé pour que
les psychanalystes s’aperçoivent que ce que j’étais en train de leur
dire, c’était déjà dans Freud.
85
À savoir, qu’il suffit qu’on analyse un rêve pour voir qu’il ne s’agit
que de signifiant. Et de signifiant dans toute cette ambiguïté que j’ai
appelée tout à l’heure la fonction de déparage7.
À savoir, qu’il n’y a pas un signifiant dont la signification serait
assurée. Elle peut toujours être autre chose, et même elle passe son
temps à glisser aussi loin qu’on veut dans la signification.
Tellement sensible dans La Traumdeutung, ça ne l’était pas moins
dans la La psychopathologie de la vie quotidienne… ça l’est encore plus
dans Le mot d’esprit.
Ça me paraît essentiel, c’est essentiel.
La chose qui me frappe c’est…
[Il discorso si interrompe per il cambio del nastro]
… cette priorité du signifiant.
Maintenant tout le monde est à la page. Ce que vous trouverez
dans une revue d’avant-garde, ou même pas d’avant-garde, de
n’importe quoi, quant à ce signifiant… on nous en rabat les oreilles.
Quand je pense qu’au moment où j’ai commencé, nous étions sous
le règne de l’existentialisme, et maintenant… je ne sais pas… Je ne
voudrais pas avoir l’air, enfin, d’attenter au style, à la hauteur d’un
écrivain dont j’ai la plus grande admiration : il s’agit de Sartre.
Et même Sartre… enfin, maintenant le signifiant est entré dans son
vocabulaire.
Tout le monde, enfin, sait que signifiant signifie lacanisation.
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Ouais.
De temps en temps je m’imagine que j’y suis pour quelque chose,
et dans ce cas là, c’est bien ça qui m’a fait…
… j’ai retrouvé dans mes notes, comme ça, que (44)j’avais écrit
quelque chose le 11 avril 1956, dans un séminaire recueilli… c’est
vrai que bien avant que ce soit devenu absolument… enfin, mon
œuvre maintenant connue, bien sûr, il était tout autre…
7
. Est-ce un lapsus ? …
86
… il n’en est pas moins vrai que ce que je suis en train de dire
maintenant – qui lui bien sûr sera exploité dans vingt ans – ce que je
suis en train de vous dire maintenant, quand c’est aux structures de
la logique mathématique que je recours pour définir de quoi il s’agit
dans ce que j’appelle discours psychanalytique, je peux très bien
m’apercevoir qu’il y a des choses drôles : vous comprenez par
exemple, que si je vous ai dit, bien sûr, que de mes Écrits il ne fallait
pas vous fatiguer… mais quand même, à l’avant-dernier paragraphe
de mon « Intervention sur le transfert » il est écrit : « Le cas de Dora
paraît privilégié pour notre démonstration en ce que, s’agissant d’une
hystérique, l’écran du moi y est assez transparent pour que nulle part,
comme l’a dit Freud, ne soit plus bas le seuil entre l’inconscient et le
conscient, ou pour mieux dire, entre le discours analytique et le mot
du symptôme ».
Évidemment, c’est en 51, le discours analytique : j’ai évidemment
mis du temps à lui donner sa place. Mais enfin, je n’écris jamais les
mots au hasard, et le discours analytique c’est tout de même ce jour-
là, n’est-ce pas, que je l’ai produit.
Enfin, cinq ans plus tard, lorsque j’avais commencé mon
enseignement, la structure… la structure, écris-je alors… parce que
maintenant je ferai attention, je ne voudrais pas me rallier ou paraître
me rallier à cette salade qu’on appelle le structuralisme.
Mais enfin, la structure, j’en parlais alors parce que personne ne
connaissait ce mot. Enfin, la structure est une chose qui se présente
d’abord comme un groupe d’éléments, formant un ensemble co-
variant.
Je suis maintenant à me repérer sur quelque chose qui s’appelle
précisément la Théorie des ensembles.
Je parle tout de suite après de structures closes et de structures
ouvertes, ce qui est également tout à fait à la page de ce que j’énonce
maintenant.
Et spécialement… nous y voyons des relations de groupe fondées
sur la notion d’ensemble, je souligne : relations ouvertes ou fermées.
87
À l’époque… je ne peux pas m’exprimer autrement (45)qu’à dire que
dégager une loi naturelle, c’est dégager une formule signifiante pure.
Moins elle signifie quelque chose, plus nous pouvons la mettre du
point de vue scientifique…
Je fais remarquer […] que le pas scientifique, ça consiste justement
en ça : à couper les choses, strictement, au niveau dit signatura
rerum… […] du signifiant serait là arrangé – arrangé, bien sûr, par
qui ? par Dieu, parce que la signatura rerum c’est de Jakob Böhme… –
pour signifier quelque chose. La démarche scientifique, c’est ça.
C’est, bien sûr, ponctuer le monde de signifiants mathématiques…
mais s’arrêter justement à ceci… que ce soit pour signifier… Car
c’était bien ce qui jusque là avait empêtré toutes les terres, et ce qu’on
appelle improprement le finalisme.
Nous sommes aussi finalistes que tout ce qui a existé avant le
discours de la science.
Il est tout à fait clair que rien dans aucune loi n’est là pour autre
chose que pour aboutir à un certain point, bien sûr.
Le discours scientifique est finaliste, tout à fait, au sens du
fonctionnement […] nous ne nous rendons pas compte que ce
finalisme, ça serait le finalisme… que ce soit fait pour nous enseigner
quelque chose, par exemple pour nous inciter à la vertu, pour nous
amuser simplement […] dans un monde qui peut être tout à fait
structuré sur des causes finales… il serait facile de démontrer que la
physique moderne est parfaitement finaliste.
L’idée même de la conservation de l’énergie est une idée finaliste…
celle aussi de l’entropie, puisque justement, ce qu’elle montre, c’est
vers quel frein ça va, et ça va nécessairement.
Ce qu’il y a de changé, c’est qu’il n’y a pas de finalisme, justement
pour ça : que ça n’a aucune espèce de sens.
[…]
[…] faire décoller le sens qui est donné couramment au subjectif
et à l’objectif… le subjectif est quelque chose que nous rencontrons
dans le réel.
88
Non pas que le subjectif soit donné au sens que nous entendons
habituellement pour « réel », c’est-à-dire qui implique l’objectivité :
la confusion est sans cesse faite dans les écrits analytiques.
(46)
Il apparaît dans le réel en tant que le subjectif suppose que nous
avons en face de nous un sujet qui est capable de se servir du
signifiant comme tel… et de se servir du signifiant comme nous nous
en servons, se servir du jeu du signifiant non pas pour signifier
quelque chose, mais précisément pour nous tromper sur ce qu’il y a
à signifier… se servir du fait que le signifiant est autre chose que la
signification, pour nous présenter un signifiant trompeur.
Bref, comme vous le voyez, enfin, c’est pas d’hier.
J’insiste sur ce biais-clé.
C’est très curieux que la position d’analyste ne permette pas de s’y
soutenir indéfiniment.
Ce n’est pas seulement parce que ce qu’on appelle… ce qu’on
appelait tout à l’heure l’Internationale… pour des raisons tout à fait
contingentes, y a fait obstacle.
Et même des hommes, enfin, que j’avais formés à un moment, ils
[…].
Ce que en somme j’ai essayé d’en instituer a abouti à ce que j’ai
appelé quelque part, noir sur blanc, un échec.
Ce n’est pas là l’essentiel, parce qu’un échec, nous savons très bien
par l’expérience analytique ce que c’est : c’est une des formes de la
réussite.
On ne peut pas dire que, en fin de compte, je n’ai pas réussi
quelque chose… j’ai réussi à ce que quelques analystes se
préoccupent de ce biais que j’ai essayé de vous expliquer : quel est le
clivage entre le discours analytique et les autres.
Et puis je dirais que tout le monde depuis quelques années y est
intéressé.
Tout le monde y est intéressé au nom de ceci : qu’il y a quelque
chose qui ne tourne plus rond.
Il y a quelque part, du côté de ce qu’on appelle si gentiment, si
tendrement, la jeunesse… comme si c’était une caractéristique… au
89
niveau de la jeunesse il y a quelque chose qui ne marche plus du côté
d’un certain discours… du discours universitaire, par exemple… Je
n’aurais probablement pas le temps de vous le commenter, le
discours universitaire…
Celui-là, c’est le discours éternel, le discours fondamental.
L’homme est quand même un drôle d’animal, n’est-ce pas ? Où, dans
le règne animal, y a-t-il le discours du maître ? Où est-ce que dans le
règne animal y a-t-il un maître ?…
(47)
S’il ne vous saute pas aux yeux tout de suite, à la première
appréhension, que s’il n’y avait pas de langage il n’y aurait pas de
maître, que le maître ne se donne jamais par force ou simplement
parce qu’il commande, et que comme le langage existe vous obéissez.
Et même que ça vous rend malades, que ça ne continue pas comme
ça.
Tout ce qui se passe au niveau, comme ça, de ce qu’on appelle la
jeunesse, est très sensible parce que ce que je pense c’est que si le
discours analytique avait pris corps… ils sauraient mieux ce qu’il y a
à faire pour faire le révolution.
Naturellement il ne faut pas se tromper, hein ? Faire la révolution,
je pense que quand même, enfin, vous autres, vous qui êtes là et à
qui je m’adresse le plus… vous devez quand même avoir compris ce
que ça signifie… que ça signifie… revenir au point de départ.
C’est même parce que vous vous apercevez que c’est démontré
historiquement : à savoir qu’il n’y a pas de discours du maître plus
vache que à l’endroit où l’on a fait la révolution…
Vous voudriez que ça se passe autrement. Évidemment ça pourrait
être mieux. Ce qu’il faudrait, c’est arriver à ce que le discours du
maître soit un peu moins primaire, et pour tout dire un peu moins
con.
… [risa nel pubblico]…
… comme vous savez le français, hein ?… c’est merveilleux.
Et en effet, si vous regardez là mes petites formules tournantes,
vous devez voir que la façon dont, ce discours analytique, je le
structure… c’est exactement à l’opposé de ça qu’est le discours du
90
maître… à savoir qu’au niveau du discours du maître, ce que je vous
ai appelé tout à l’heure le signifiant-maître, c’est ça, c’est ce dont je
m’occupe pour l’instant : il y a de l’Un.
Le signifiant, c’est ce qui a introduit dans le monde l’Un, et il suffit
qu’il y ait de l’Un pour que ça… ça commence, ça… [indica le formule
alla lavagna]… ça commande à S2.
… c’est-à-dire au signifiant qui vient après… après que l’Un
fonctionne : il obéit.
Ce qu’il y a de merveilleux, c’est que pour obéir il faut qu’il sache
quelque chose.
Le propre de l’esclave, comme s’exprimait Hegel, c’est de savoir
quelque chose.
(46)
S’il ne savait rien, on ne prendrait même pas la peine de le
commander, quoi que ce soit.
Mais par ce seul privilège, cette seule primarité, cette seule
existence inaugurale qui fait le signifiant… du fait qu’il y a le langage,
le discours du maître ça marche. C’est tout ce qu’il lui faut d’ailleurs,
au maître, c’est que ça marche.
Alors, pour en savoir un peu plus sur les effets justement du
langage, pour savoir comment ça détermine ce que j’ai appelé d’un
nom qui n’est pas tout à fait celui de l’usage reçu : le sujet…
… s’il y avait eu un travail, un certain travail fait à temps dans la
ligne de Freud, il y aurait peut être eu… à cette place… à cette place
qu’il désigne, dans ce support fondamental qui est soutenu de ces
termes : le semblant, la vérité, la jouissance, le plus-de-jouir… il y
aurait peut être eu… au niveau de la production, car le plus-de-jouir
c’est ce que produit cet effet de langage… il y aurait peut être eu ce
qui s’implique du discours analytique, à savoir un tout petit peu
meilleur usage du signifiant comme Un.
Il y aurait peut être eu… mais d’ailleurs, il n’y aura pas… parce que
maintenant c’est trop tard…
… la crise, non pas du discours du maître, mais du discours
capitaliste, qui en est le substitut, est ouverte.
91
C’est pas du tout que je vous dise que le discours capitaliste ce soit
moche, c’est au contraire quelque chose de follement astucieux,
hein ?
De follement astucieux, mais voué à la crevaison.
Enfin, c’est après tout ce qu’on a fait de plus astucieux comme
discours. Ça n’en est pas moins voué à la crevaison. C’est que c’est
intenable. C’est intenable… dans un truc que je pourrais vous
expliquer… parce que, le discours capitaliste est là, vous le voyez…
[indica la formula alla lavagna]… une toute petite inversion simplement
entre le S1 et le S… qui est le sujet… ça suffit à ce que ça marche
comme sur des roulettes, ça ne peut pas marcher mieux, mais
justement ça marche trop vite, ça se consomme, ça se consomme si
bien que ça se consume.
Maintenant vous êtes embarqués… vous êtes embarqués,… mais
il y a peu de chances que quoi que ce soit se passe de sérieux au fil
du discours analytique, sauf comme ça, bon, au hasard.
À la vérité je crois qu’on ne parlera pas du (49)psychanalyste dans la
descendance, si je puis dire, de mon discours… mon discours
analytique. Quelque chose d’autre apparaîtra qui, bien sûr, doit
maintenir la position du semblant, mais quand même ça sera… mais
ça s’appellera peut être le discours PS. Un PS et puis un T, ça sera
d’ailleurs tout à fait conforme à la façon dont on énonce que Freud
voyait l’importation du discours psychanalytique en Amérique… ça
sera le discours PST. Ajoutez un E, ça fait PESTE.
Un discours qui serait enfin vraiment pesteux, tout entier voué,
enfin, au service du discours capitaliste.
Ça pourra peut être un jour servir à quelque chose, si, bien sûr,
toute l’affaire ne lâche pas totalement, avant.
Bref, il est huit heures moins le quart et ça fait une heure et demie
que je parle. Je ne vous ai dit, bien entendu, que le quart de ce que
j’avais ce soir à vous dire. Mais il n’est peut être pas impensable qu’à
partir de ce que je vous ai indiqué, de la structure du discours
capitaliste et du discours psychanalytique, que quelqu’un me pose
quelques questions.
92
[…]
De très braves gens, mais tout à fait inconscients de ce que disait
Marx lui-même… s’en marrent… sans Marx.
Et voilà que Marx leur apprend que ce dont il s’agit c’est
uniquement de la plus-value.
La plus-value c’est ça… c’est le plus-de-jouir… hein ?
[rumore nella sala]
Mais qu’est-ce que ces gens ont compris, c’est merveilleux… Ils se
sont dit : « Bien, voilà, c’est vrai ! ».
Il n’y a que ça qui fait fonctionner le système. C’est la plus-value.
Le capitalisme en a reçu enfin ce bond… ce coup d’ailes qui fait
qu’actuellement […].
C’est quelque chose, comme ça, d’un petit peu analogue, mais pas
du même sens, que je dirais qu’ils auraient pu faire si vraiment les
gens travaillaient un peu, si vraiment ils interrogeaient le signifiant,
le fonctionnement du langage. S’ils l’interrogeaient de la même façon
que l’interroge un analysant, comme je l’appelle, c’est-à-dire pas un
analysé, puisque c’est lui qui fait le travail : le type qui est en
analyse…
… s’il l’interrogeait de la même façon, peut être qu’il en sortirait
quelque chose.
(50)
C’est ça la règle analytique. Ça ne lui était jamais arrivé qu’on
[…] pas simplement le type qui a une velléité. On le force à dire
quelque chose, et là, c’est là qu’on l’attrape, parce que quand même
l’interprétation analytique, même quand elle est faite par un imbécile,
ça joue quand même sur quelque chose, au niveau de l’interprétation.
On lui montre quelques effets logiques de ce qu’il dit, qui se contredit
à la fois. Se contredire ce n’est pas de tout le monde.
Mais on ne peut pas se contredire de n’importe quelle façon. Il y a
des contradictions sur lesquelles on peut construire quelque chose,
et puis d’autres sur lesquelles on ne peut rien construire du tout.
C’est tel le discours analytique. On dit ce quelque chose, très
précisément au niveau où le signifiant est l’Un, la racine même du
93
signifiant. Ce qui fait que le signifiant, ça fonctionne, parce que c’est
là qu’on attrape l’Un, c’est là qu’il y a de l’Un.
[La trascrizione, per difetti di registrazione, subirà in alcuni punti un
andamento frammentario. Il tratto perduto sarà indicato […] ]
Nous en sommes, par ailleurs, tout de même arrivés à quelques
petites cogitations qui ne nous paraissent pas complètement
superflues du côté de l’interrogation des nombres entiers – parce que
quand même la théorie des ensembles, Cantor et tout le reste, ça
consiste juste à se demander pourquoi il y a de l’Un. C’est pas autre
chose.
Et peut-être, avec un peu d’effort, on arriverait à s’apercevoir que
les nombres entiers, qu’on appelle naturels, ils ne sont pas si naturels
que ça… comme le reste des nombres.
Bref, il y a quelque chose qui devrait survenir à un certain niveau,
qui est celui de la structure.
Ces trois-quarts de siècle, qui sont maintenant écoulés depuis que
Freud a sorti cette fabuleuse subversion de tout ce qu’il en est… il y
a une autre chose qui a cavalé, et rudement bien, qui s’appelle rien
de moins que le discours de la science, qui pour l’instant mène le
jeu… même le jeu jusqu’à ce qu’on en voie la limite : et si il y a
quelque chose qui est corrélatif de cette issue du discours de la
science, quelque chose dont il n’y avait aucune chance que ça ne
parût avant le triomphe du discours de la science, c’est le discours
analytique.
Freud est absolument impensable avant l’émergence, non
seulement du discours de la science, mais aussi de (51)ses effets, de
ses effets qui sont, bien entendu, toujours plus évidents, toujours
plus patents, toujours plus critiques, et dont après tout on peut
considérer […] on ne l’a pas encore fait, peut-être un jour il y aura
un discours appelé, comme ça : « le mal de la jeunesse ».
Mais il y a quelque chose qui crie… et une nouvelle fonction qui
ne manquera pas de surgir, n’est-ce pas, d’aborder peut-être, sauf
accident, un re-départ dans l’instauration de ce qui est… de ce que
j’appelle discours.
94
J’ai à peine dit ce que c’est qu’un discours.
Le discours c’est quoi ? C’est ce qui, dans l’ordre… dans
l’ordonnance de ce qui peut se produire par l’existence du langage,
fait fonction de lien social. Il y a peut-être un bain social, comme ça,
naturel, c’est là que se partagent, éternellement, les sociologues…
mais personnellement, je n’en crois rien.
Et il n’y en a pas trente-six possibles, il n’y en a même que quatre…
Des signifiants, il faut au moins qu’il y en ait deux.
Ça veut dire, le signifiant en tant qu’il fonctionne comme élément,
ce qu’on appelle élément justement dans la théorie des ensembles :
le signifiant en tant que c’est le mode dont se structure le monde, le
monde de l’être parlant, c’est-à-dire tout le savoir.
Il y a donc S1 et S2 – c’est d’où il faut partir pour cette définition
que […] le signifiant, c’est ce qui représente un sujet pour un autre
signifiant.
Ce sujet, ce n’est pas ce que nous croyons, ce n’est pas le rêve,
l’illusion […] c’est tout ce qu’il y a de déterminé par cet effet de
signifiant. Et ça va beaucoup plus loin que ce dont quiconque est
conscient… soit connivent.
C’est ça, la découverte de Freud : c’est que, les effets du signifiant,
il y en a toute une part qui échappe totalement à ce que nous
appelons couramment le sujet. C’est, notons-le bien, le sujet,
déterminé jusque dans tous ses détails par les effets du signifiant […].
Nous savons ce que produit le langage : il produit quoi ? Ce que j’ai
appelé là le plus-de-jouir, parce que c’est le terme qui est appliqué à
ce niveau, que nous connaissons bien, qui s’appelle le désir.
Plus exactement, il produit la cause du désir. Et c’est ça qui
s’appelle l’objet petit a.
(52)
L’objet petit a, c’est le vrai support de tout ce que nous avons
vu fonctionner et qui fonctionne de façon de plus en plus pure pour
spécifier chacun dans son désir.
Ce dont l’expérience analytique donne le catalogue sous le terme
de pulsion […] pulsion qu’on appelle orale […] un très bel objet, un
95
objet lié à ceci […] dès qu’il a pris l’habitude de sucer […]. Il y en a
qui sucent comme ça toute leur vie.
Mais pourquoi suceraient-ils toute leur vie si ce n’était pas dans
l’interstice, dans l’intervalle des effets de langage ? L’effet de langage
en tant qu’il est appris en même temps, sauf à qui reste
complètement idiot, n’est-ce pas ?…
C’est ça qui donne son essence… et son essence tellement
essentielle que c’est ça, la personnalité : c’est la façon dont quelqu’un
subsiste face à cet objet petit a… Il y en a d’autres et j’ai essayé de
dire lesquels.
Mais là-dessus la psychanalyse, autant que Freud, jamais plus que
Freud, jamais plus ni mieux que Freud… On a ajouté, bien sûr, des
détails, une structure, un statut, sur cette fonction de l’objet petit a…
Mélanie Klein a apporté largement sa contribution, et quelques
autres aussi, Winnicott… l’objet transitionnel…
C’est ça, c’est ça la véritable âme… la nouvelle subjectivité, au sens
ancien…
C’est ça, ce que nous apprend l’expérience analytique.
C’est donc là que beaucoup de psychanalystes… C’est le rôle qu’ils
jouent au niveau du semblant.
C’est ça qui les accable, c’est la cause du désir, dans celui auquel ils
ouvrent la carrière de l’analysant.
C’est de là que pourrait… pourrait peut être sortir autre chose…
quelque chose qui devrait faire un pas vers une autre construction…
C’est à savoir que ce dont il s’agit après tout, en fin de compte,
c’est que l’expérience tourne aussi court que possible – c’est-à-dire
que le sujet avec quelques interprétations s’en tient quitte et trouve
une forme de malentendu dans laquelle il puisse subsister.
Quelle est l’autre personne qui m’a posé une autre question ?
96
L – Je l’ai quand même indiquée tout à l’heure, j’ai (53)parlé latin, la
chanson de toujours n’est-ce pas, entre le sujet et le S1. Si vous
voulez nous en parlerons à la fin, en plus petit comité, mais je l’ai
indiqué.
99
1972.05.17. …Ou pire. Leçon 10
Séminaire : Panthéon-Sorbonne
[Au tableau ]
Il n’y a pas d’autre existence de l’Un que l’existence mathématique
Voilà ! Ça tourne autour de ce que l’analyse nous conduit à for-
muler cette fonction !,
de ce par rapport à quoi il s’agit de savoir s’il existe, s’il existe un X
qui satisfasse à la fonction [:!].
Alors, naturellement, ça suppose d’articuler ce que ça peut être que
l’existence.
Alors vous voyez que toute l’astuce est sur le subjonctif qui
appartient à la fois au verbe « fonder » et au verbe « fondre ».
D’eux n’est pas fondu en Un, ni 1 fondé par 2. C’est ce que dit
Aristophane dans une très jolie petite fabulette du Banquet :
100
Ils ont été séparés en deux, ils étaient d’abord en forme de « bête à deux dos »,
ou de bête à dos d’eux.
Quoi ?!
Mais là il y avait une pointe dans cette coupure de courant qui avait
une signification d’une grève,
c’est que c’était justement l’heure où, tout comme à moi, qui
préparais ma cuisine, pour vous parler maintenant,
qu’est-ce que ça devait pouvoir enquiquiner celle qui...
malgré tout, étant à l’occasion la femme du travailleur
...s’appelle, de la bouche même du travailleur, qui - quand même,
j’en fréquente ! - s’appelle « la bourgeoise » !
C’est vrai qu’ils les appellent comme ça !
102
C’est tout de même bien parce qu’ils préfèrent encore ça à
l’exploitation sexuelle de la bourgeoise !
Voilà, ça c’est pire, c’est le …ou pire.
C’est pas sérieux, c’est pas sérieux quoiqu’on voit bien que c’est là que
devrait aller « un discours qui ne serait pas du semblant », mais c’est un
discours qui finirait mal. Ça serait pas du tout un lien social, comme
c’est ce qu’il faut que soit un discours.
103
C’est pas pour ça que je dis ça, que j’insiste sur le fait que l’objet(a)
doive tenir la position du semblant,
c’est pas pour leur foutre de l’angoisse, je préférerais même qu’ils
n’en aient pas.
Enfin, c’est pas un mauvais signe que ça la leur donne, parce que ça
veut dire que mon discours n’est pas complètement superflu, qu’il
peut prendre un sens. Mais ça ne suffit pas, ça n’assure absolument
rien qu’un discours ait un sens,
parce qu’il faut au moins que ce sens, on puisse le repérer, n’est-ce
pas.
104
de ce sens qui fait qu’aussi bien je ne peux pas obtenir d’autre effet
que l’angoisse là où c’est pas du tout ma visée.
C’est en ça que nous intéresse que soit ancré ce réel, ce réel que je dis
- pas pour rien - être mathématique,
parce que, somme toute, à l’expérience de ce qu’il s’agit, de ce qui se
formule, de ce qui s’écrit à l’occasion, nous voyons, nous pouvons
toucher du doigt que là, il y a quelque chose qui résiste, je veux dire
dont on ne peut pas dire n’importe quoi. On ne peut pas donner au
réel mathématique n’importe quel sens.
Il est même tout à fait frappant que ceux qui se sont en somme,
dans une époque récente,
approchés de ce réel avec l’idée préconçue de lui faire rendre
compte de son sens à partir du vrai...
Il y avait comme ça un immense farfelu, que vous connaissez bien
sûr de réputation,
parce qu’il a fait son petit bruit dans le monde, qui s’appelait
Bertrand Russell,
qui est au cœur de cette aventure et c’est quand même lui qui a
formulé quelque chose comme ceci :
« que la mathématique, c’est quelque chose qui s’articule d’une façon telle
qu’en fin de compte on ne sait même pas si c’est vrai ce qui s’articule, ni si ça a
un sens ».
L’Un, ça se pense pas, même tout seul, mais ça dit quelque chose, c’est
même ça qui le distingue, et il n’a pas attendu que
des gens se posent à son propos, à propos de ses rapports, la
question de ce que ça veut dire du point de vue de la vérité.
Il n’a pas attendu même la logique. Car c’est ça la logique. La logique
c’est de repérer dans la grammaire
ce qui prend forme de la position de vérité, ce qui dans le langage le
rend adéquat à faire vérité. Adéquat, ça veut pas dire qu’il réussira
toujours, alors à bien rechercher ses formes on croit approcher ce
qu’il en est de la vérité.
Il n’y a personne, parmi les personnes qui font la cuisine du savoir, qui ne
se sente pas à chaque fois en prendre un bon coup. Ça casse le
verre à dents ! C’est bien pour ça qu’après tout...
107
encore que certains aient mis une certaine bonne volonté, un
certain courage à dire :
« qu’après tout ça peut s’admettre quoique ce soit un peu tiré par les cheveux »
...on n’en est pas encore venu à bout de cette chose qui était pour-
tant simple : de s’apercevoir que l’Un,
quand il est véridique, quand il dit ce qu’il a à dire, on voit où ça va : en
tout cas à la totale récusation d’aucun rapport à l’être.
Il n’y a qu’une chose qui en ressorte quand il s’articule, c’est très exac-
tement ceci : il y en a pas deux. Je vous l’ai dit, c’est un dire.
Et même vous, pouvez y trouver, comme ça, à la portée de la main, la
confirmation de ce que moi je dis, quand je dis que
Au lieu qu’il est arrivé autre chose qui rend tout à fait clair...
108
si bien sûr on s’obstine un peu, si on s’y rompt, si on s’y brise,
même
...qui rend tout à fait claire la distinction qu’il y a
d’un réel qui est un réel mathématique,
avec quoi que ce soit de ces badinages qui partent de ce « je ne sais
quoi »,
qui est notre position nauséeuse qui s’appelle « le vrai » ou « le sens ».
110
Puis il y a qu’à le voir quand même dans des positions que nous
appellerons nullement primitives,
mais c’est pas parce qu’on en rencontre dans le tiers monde...
qui est « le monde de Monsieur Thiers », n’est-ce pas ?
...que c’est pas évident que dans la vie normale...
je parle pas bien sûr naturellement des types du « Gaz et de
l’Électricité de France »
qui eux ont pris leur distance, qui se sont rués dans le travail
...mais dans une vie comme ça, appelons-la simplement ce qu’elle
est, ce qu’elle est partout...
sauf quand il y a eu une grande subversion chrétienne, notre grande
subversion chrétienne
...l’homme il se les roule, la femme elle moud, elle broie, elle coud,
elle fait les courses et elle trouve le moyen encore,
dans ces solides civilisations qui ne sont pas perdues, elle trouve
encore le moyen de tortiller du derrière après pour...
je parle d’une danse bien sûr, hein !
...pour la satisfaction jubilatoire du type qui est là!
Pour le paysan...
c’est pas forcément un homme, hein, le paysan, quoiqu’on en dise
...pour le paysan, le gibier ça se rabat : pan ! pan ! On lui ramène
tout ça. C’est pas ça du tout la chasse !
La chasse quand elle existe, il y a qu’à voir dans quelles transes ça
les mettait, ça, parce qu’on le sait,
enfin on en a eu des petites traces de tout ce qu’ils offraient de propi-
tiatoire à la chose - quoi ! -qui pourtant n’était plus là.
Vous comprenez ils étaient quand même pas plus dingues que
nous, une bête tuée est une bête tuée.
Seulement, s’ils avaient pas pu tuer la bête, c’est parce qu’ils
s’étaient si bien soumis à tout ce qui est de sa démarche,
de sa trace, de ses limites, de son territoire, de ses préoccupations
sexuelles, pour s’être justement, eux, substitués
à ce qui n’est pas tout ça, à la non-défense, à la non-clôture, aux
non-limites de la bête, à la vie il faut dire le mot.
Et que quand cette vie ils avaient dû la soustraire, après y être
devenus tellement, eux, cette vie même,
que ça se comprend bien sûr, qu’ils aient trouvé que non seulement
ça faisait moche mais que c’était dangereux.
Que ça pouvait bien, à eux, leur arriver aussi.
Ça pourrait être de ces choses qui ont même fait penser, comme ça,
quelques-uns, parce que ces choses-là quand même, ça continue à
se sentir, et j’ai entendu ça, moi, formulé d’une façon curieuse par
quelqu’un d’excessivement intelligent,
un mathématicien : que...
mais alors là il extrapole le gars quand même, mais enfin je vous le
fournis parce que c’est excitant
112
...que le système nerveux dans un organisme, c’était peut-être bien pas autre
chose que ce qui résulte d’une identification à la proie, hein ?
Bon, je vous lâche l’idée comme ça, je vous la donne, vous en ferez
ce que vous voudrez, bien sûr,
mais on peut déconner là-dessus une nouvelle théorie de l’évolution qui
sera un tout petit peu plus drôle que les précédentes.
Je vous la donne d’autant plus volontiers :
d’abord, [parce] qu’elle n’est pas à moi, à moi aussi on me l’a
refilée,
mais je suis sûr que ça excitera les cervelles ontologiques.
C’est vrai bien sûr aussi pour le pêcheur. Enfin dans tout ce par
quoi l’homme est femme.
Parce que la façon dont un pêcheur passe la main sous le ventre de
la truite qui est sous son rocher - faut qu’il y ait ici
un pêcheur de truite, quand même il y a des chances, il doit savoir
ce que je dis là - ça, c’est quelque chose !
Enfin tout ça ne nous met pas sur le sujet de l’actif et du passif, dans
une répartition bien claire.
Alors je ne vais pas m’étendre parce qu’il suffit que je confronte
chacun de ces couples habituels
avec un essai de répartition bisexuelle quelconque pour arriver à
des résultats aussi bouffons.
Alors qu’est-ce que ça pourrait bien être ?
114
...ça ne suffit pas du tout à motiver le rapport sexuel, qu’ils aillent
un par un.
C’est quand même drôle que vous l’ayez vu, qu’il y ait là une espèce
d’impureté de la théorie des ensembles
autour de cette idée de la correspondance biunivoque, on voit bien
en quoi là l’ensemble se rattache à la classe
et que la classe, comme tout ce qui s’épingle d’un attribut, c’est
quelque chose qui a affaire avec le rapport sexuel.
Mais c’est assez amusant ceci, c’est que le sex-ratio, il y a des gens
qui se sont posé le problème en tant que tel :
y a-t-il autant de mâles que de femelles ?
Et il y a eu une littérature là-dessus, qui est vraiment très piquante,
très amusante, parce que ce problème
115
est en somme un problème qui est résolu le plus fréquemment par
ce que nous appellerons la sélection chromosomique.
Le cas le plus fréquent est évidemment la répartition des deux sexes
en une quantité d’individus reproduits
égaux dans chaque sexe, égaux en nombre.
Mais c’est vraiment très joli qu’on se soit posé la question de ce qui
arrive si un déséquilibre commence à se produire.
On peut très facilement démontrer que dans certains cas de ce
déséquilibre, ça ne peut aller qu’en s’accroissant ce déséquilibre, si on
s’en tient à la sélection chromosomique, que nous n’appellerons
pas de hasard puisqu’il s’agit d’une répartition.
Mais alors la solution tellement élégante qu’on y a donnée, c’est que
dans ce cas ça doit être compensé par la sélection naturelle. La
« sélection naturelle » on la voit, là, se montrer à nu.
Je veux dire que ça se résume à dire ceci : que les plus forts sont
forcément les moins nombreux
et que comme ils sont les plus forts, ils prospèrent et que donc ils
vont rejoindre les autres en nombre.
La connexion de cette idée de la sélection naturelle avec justement
le rapport sexuel,
est un des cas où se montre bien que ce qu’on risque à tout abord
du rapport sexuel, c’est de rester dans le mot d’esprit.
117
L’1 en tant que différence pure est ce qui distingue la notion de
l’élément.
118
Le « 1 de différence », non seulement est comptable, mais doit être
compté dans les parties de l’ensemble.
120
1972.06.01. Le savoir du psychanalyste. Leçon 7
« Entretiens de Sainte-Anne »
Vous le savez, ici je dis ce que je pense.
C’est une position féminine, parce qu’en fin de compte, penser c’est très
particulier.
121
ça, c’est la place de la vérité - pour ceux qui viennent pour la première
fois.
ça, celle du semblant,
ça, celle de la jouissance [de parler],
et ça, du plus-de-jouir, ce que j’écris en abrégé ainsi : « + de jouir ».
Pour la jouissance, nous mettrons un J.
C’est son rapport au savoir qui est difficile, non - bien sûr - à ce que je
dis,
puisque dans l’ensemble du no man’land psychanalytique on ne sait
pas que je le dis.
Ça ne veut pas dire que de ce que je dis, on n’en sache rien, puisque
ça sort de l’expérience [i.e. analytique].
122
et donc que je peux encore appeler, parce que c’est rare,
comme ça, que je revienne
...de ce que j’ai appelé « mon échec » dans Scilicet, me domine. Voilà...
Oui... ils savent ! Je rappelle ça parce que le titre de ce que j’ai à traiter
ici c’est Le savoir du psychanalyste.
« Du » dans ce cas-là, ça évoque le « le », article défini en français,
enfin c’est ce qu’on appelle défini.
Oui ! Pourquoi pas« des psychanalystes », après ce que je viens de vous
dire ?
Ça serait plus conforme à mon thème de cette année, c’est-à-dire « y a
d’l’un ».
« Y en a des » qui se disent tels.
La passe...
c’est toujours dans Scilicet que tout ça traîne, c’est plutôt
l’endroit indiqué [Scilicet : « à savoir »]
...quand je dis que « la passe » est manquée, ça ne veut pas dire qu’ils
ne se sont pas offerts à l’expérience de la passe.
123
Comme je l’ai souvent marqué, cette expérience de « la passe » est
simplement ce que je propose
à ceux qui sont assez dévoués pour s’y exposer, à de seules fins
d’information sur un point très délicat,
et qui consiste à... en somme ce qui s’affirme de la façon la plus sûre
c’est que :
c’est tout à fait (a)normal - objet(a) normal - que quelqu’un qui fait une
psychanalyse veuille être psychanalyste.
Il faut vraiment une sorte d’aberration qui vaut, qui valait la peine
d’être offerte à tout ce qu’on pouvait recueillir
de témoignage. C’est bien en ça que j’ai institué provisoirement cet
essai de recueil pour savoir pourquoi
quelqu’un qui sait ce que c’est que la psychanalyse par sa didactique,
peut encore vouloir être analyste.
Alors je n’en dirai pas plus sur ce qu’il en est de leur position, sim-
plement parce que j’ai choisi cette année
Le savoir du psychanalyste comme étant ce que je proposais pour mon
retour à Sainte Anne. C’est pas pour ménager du tout les
psychanalystes, ils n’ont pas besoin de moi pour avoir le vertige de leur
position, mais je ne l’augmenterai pas à le leur dire.
124
Là je ne parle que du savoir et je remarque qu’il ne s’agit pas de la
« vérité sur le savoir », mais du « savoir sur la vérité »,
et que ceci « le savoir sur la vérité », ça s’articule de la pointe de ce que
j’avance cette année sur le « Y a d’l’un ! »,
« Y a d’l’un » et rien de plus : c’est un Un très particulier celui qui
sépare le Un de Deux, et que c’est un abîme.
Eh ben, comme il est tout à fait bien vu, il a tout fait pour ça, il a
réussi à se faire entendre dans des endroits très bien placés de ce qu’on
appelle l’I.P.A. - l’Institution Psychanalytique Avouée, je traduirais - donc
il a réussi à se faire entendre.
Mais ce qu’il y a de très curieux, c’est qu’on ne le publie pas !
125
On ne le publie pas en disant : « Vous comprenez, personne ne comprendra !
».
Je dois dire que je suis surpris parce que, en somme, du « Lacan »,
entre guillemets bien sûr,
enfin des choses de la veine que je suis censé représenter auprès des
incompétents d’une certaine linguistique,
on est plutôt pressé d’en bourrer l’International journal.
Mais il est évident que, comme celui que je viens, non pas de nom-
mer...
parce que vous ignorez profondément son nom, il n’a
encore rien réussi à publier
...est parfaitement repérable, je ne désespère pas que, à la suite de ce
qui filtrera de mes propos aujourd’hui...
et surtout si on sait que je ne l’ai pas nommé
...on le publiera [Rires]. Vraiment, ça a l’air de lui tenir assez à cœur
pour que je l’aide à ça volontiers.
Si ça ne vient pas, je vous en parlerai un peu plus !
Revenons au temps.
Le psychanalyste a donc un rapport à ce qu’il sait, complexe. Il le
renie, il le « réprime »...
pour employer le terme dont en anglais se traduit le
refoulement, la Verdrängung
...et même il lui arrive de n’en rien vouloir savoir.
126
Et pourquoi pas ?
Qui est-ce que ça pourrait épater ?
La psychanalyse - me direz-vous - alors quoi ?
Pourquoi le savoir...
celui dont je dis qu’a dimension tout psychanalyste
...pourquoi le savoir serait-il, comme je disais tout à l’heure, « avoué » ?
C’est de cette question que Freud a pris en somme la Verwerfung, il
l’appelle :
« un jugement qui dans le choix rejette ». Il ajoute « qui condamne », mais je
le condense.
Ce n’est pas parce que la Verwerfung rend fou un sujet, quand elle se
produit dans l’inconscient, qu’elle ne règne pas...
la même et du même nom d’où Freud l’emprunte
...qu’elle ne règne pas sur le monde comme un pouvoir
rationnellement justifié.
Pour se préférer, on n’a jamais fait mieux, sauf les saints - les saints
(s.a.i.n.t.s)...
Oui, on vous parle tellement des autres [Rires] que je
précise, parce que les autres... enfin, passons
127
...les saints (s.a.i.n.t.s) ils se préfèrent eux-aussi, ils ne pensent même
qu’à ça, ils se consument de trouver la meilleure façon de se préférer,
alors qu’il y en a de si simples, comme le montrent les « méde-saints »,
eux aussi [Rires].
Enfin, ceux-là ne sont pas des saints. Ça, ça va de soi...
128
contre laquelle est dirigé un article exprès de Freud sur la
Laïernanalyse 8
...grâce à cette conjuration qui a pu se produire peu après la guerre,
j’avais déjà perdu la partie avant de l’avoir engagée.
Le seul ennui - mais il n’est que pour moi - c’est que ça ne vous laisse
pas très libre,
je dis ça en passant pour la personne qui m’a...
il y a je ne sais pas quoi, le 2ème séminaire avant
...qui m’a interrogé sur le fait si je croyais ou non à la liberté.
8
S. Freud : « Psychanalyse et médecine », ou « La question de l’analyse
profane » (1925), Gallimard 1985.
129
après tout je n’étais pas si malin, j’ai peut-être cru qu’il fallait
foncer
et que je foutrais en l’air l’Internationale Psychanalytique Avouée
...et là personne ne peut dire le contraire de ce que je vais dire :
c’est que je n’ai jamais lâché aucune des personnes que je savais
devoir me quitter, avant qu’elles s’en aillent elles-mêmes.
131
d’un coup sec, comme ça. Enfin c’est uniquement pour ceux qui ont
à y engager leur descendance,
je leur conseille la prudence.
Si on savait tout de suite que quelqu’un qui vient vous demander une
psychanalyse didactique est une canaille, mais on lui dirait :
« pas de psychanalyse pour vous, mon cher ! Vous en deviendrez bête comme
chou ».
Mais on ne le sait pas !
Enfin tout ce qu’on risque c’est d’avoir des psychanalystes bêtes. Mais
c’est, comme je viens de vous le dire, en fin de compte sans
inconvénient, parce que quand même, l’objet(a) à la place du semblant,
c’est une position qui peut se tenir.
Voilà ! On peut être bête d’origine aussi. C’est très important à
distinguer.
Bon ! Alors je n’ai rien trouvé de mieux, quant à moi, je n’ai rien
trouvé de mieux que ce que j’appelle « le mathème »
pour approcher quelque chose concernant le savoir sur la vérité, puisque
c’est là en somme,
qu’on a réussi à lui donner une portée fonctionnelle.
133
C’est beaucoup mieux quand c’est Pierce qui s’en occupe, il met les
fonctions 0 et 1 qui sont les deux valeurs de vérité.
Il ne s’imagine pas, par contre, qu’on peut écrire V ou F pour
désigner la vérité et le faux. J’ai déjà indiqué ça,
comme ça en quelques phrases, j’ai déjà indiqué ça au Panthéon, c’est
à savoir qu’autour du Y’a d’l’un, il y a deux étapes :
le « Parménide »,
et puis ensuite il a fallu arriver à la théorie des ensembles,
…pour que la question d’un tel savoir, qui prend la vérité comme
simple fonction et qui est loin de s’en contenter,
qui comporte un réel qui avec la vérité n’a rien à faire - ce sont les
mathématiques - néanmoins pendant des siècles
il faut croire que la mathématique se passait là-dessus de toute
question, puisque c’est sur le tard et par l’intermédiaire d’une
interrogation logique, qu’elle a fait faire un pas à cette question qui est
centrale pour ce qui est de la vérité, à savoir : comment et pourquoi « Y a
d’l’un » - vous m’excuserez, je suis pas le seul ! - « Y a d’l’un » :
autour de cet Un tourne la question de l’existence.
9
ἐξίστημι (à la voix moyenne ἐξίσταμαι) : je suis différent, je
m’écarte...
134
Pourtant c’est là que commence quelque chose qui puisse nous
intéresser : il s’agit de savoir ce qui existe.
Il n’existe que de l’Un...
avec ce qui se presse autour de nous, je suis forcé aussi
également de me presser -
...la théorie des ensembles, c’est l’interrogation : pourquoi « Y a d’l’un » ?
L’Un ça ne court pas les rues, quoi que vous en pensiez, y compris
cette certitude tout à fait illusoire,
et illusoire depuis très longtemps - ça n’empêche pas qu’on y tienne -
que vous en êtes Un, vous aussi.
Vous en êtes Un, il suffit que vous essayiez même de lever le petit
doigt pour vous apercevoir
que non seulement vous n’êtes pas Un, mais que vous êtes, hélas,
innombrables, innombrables chacun pour vous.
135
Il y a quelqu’un de très gentil que j’espère bien voir tout à l’heure
pour m’excuser de ne pas lui avoir apporté ce soir
un livre que j’ai tout fait pour trouver et qui est épuisé, qu’il m’a
passé la dernière fois, et qui s’appelle « Cantor a tort » 10.
C’est un très bon livre.
C’est évident que Cantor a tort d’un certain point de vue, mais il a
incontestablement raison pour le seul fait
que ce qu’il a avancé a eu une innombrable descendance dans la
mathématique,
et que tout ce dont il s’agit c’est ça, c’est que ce qui fait avancer la
mathématique, ça suffit à ce que ça se défende.
C’est repris par des philosophes, et ce n’est pas parce que ça nous est
parvenu par le « Théétète »
qu’il faut croire que les mathématiciens de l’époque n’étaient pas à la
hauteur et incapables de répondre,
que justement de s’apercevoir que de ce que l’incommensurable exis-
tait,
on commençait à se poser la question de ce que c’était que le nombre.
10
Georges Antoniadès Métrios : « Cantor a tort », éd. Sival-Presse, 1968.
136
Je ne vais pas vous faire toute cette histoire !
Bref, plus se fait d’objections à ce qu’il en est de cette entrée par l’Un,
c’est-à-dire par le nombre entier,
plus il se démontre que c’est justement de l’impossible qu’en
mathématique s’engendre le Réel.
C’est justement de ce que, par Cantor, ait pu être engendré quelque
chose...
qui n’est rien de moins que toute l’œuvre de Russell,
voire infiniment d’autres points qui ont été extrêmement
féconds dans la théorie des fonctions
...il est certain que, au regard du Réel, c’est Cantor qui est dans le droit
fil de ce dont il s’agit.
11
Paul-Jean Toulet : « Contrerimes » :
Il est clair qu’à cet égard, le pathos de pensée qui peut pour vous
résulter d’une courte initiation...
encore qu’il faut pas non plus qu’elle soit trop brève
...à la théorie des ensembles, est quelque chose bien de nature à vous faire
réfléchir sur des notions comme l’existence, par exemple.
Il est clair qu’il n’y a qu’à partir d’une certaine réflexion sur les
mathématiques, que l’existence a pris son sens.
Tout ce qu’on a pu dire avant, par une sorte de pressentiment...
religieux notamment, à savoir : que Dieu existe
...n’a strictement de sens qu’en ceci : qu’à mettre l’accent...
je dois y mettre l’accent parce qu’il y a des gens qui me
prennent pour un « maître à penser »
...sur ceci : que vous y croyiez ou pas...
gardez ça dans votre petit creux d’oreille :
moi je n’y crois pas mais on s’en fout,
ceux qui y croient c’est la même chose
...que vous y croyiez ou pas à Dieu, dites-vous bien qu’avec Dieu dans tous
les cas, qu’on y croit ou qu’on n’y croit pas, il faut compter.
C’est un repère ! C’est un repère, bien entendu qui ne tient pas même
un instant, qui n’est d’aucune façon enseignant
ni enseignable, si nous ne le conjoignons pas à cette inscription
quantificatrice des 4 autres termes, à savoir :
le quanteur dit universel : ; !, c’est-à-dire le point d’où il peut être
dit, comme cela s’énonce dans la doctrine freudienne,
qu’il n’y a de désir, de libido - c’est la même chose - que masculine.
C’est à la vérité une erreur.
Il n’en reste pas moins que c’est une erreur qui a tout son prix de
repère.
139
Que les trois autres formules, à savoir :
il n’existe pas cet X [/ §], pour dire qu’il n’est pas vrai que la
fonction phallique soit ce qui domine le rapport sexuel,
et que d’autre part nous devions - je ne dis pas nous puissions écrire -
qu’à un niveau complémentaire de ces 3 termes nous devions écrire
la fonction du « pas-tout » [.] comme étant essentielle à un certain type
de rapport à la fonction phallique en tant qu’elle fonde le rapport
sexuel, c’est là évidemment ce qui fait de ces quatre inscriptions
un ensemble.
140
et depuis assez à l’origine pour qu’on puisse dire
qu’on est absolument confondu que Freud l’ait ignoré
...:négation de ! à savoir cet au-moins-Un, cet Un tout seul qui se
détermine d’être l’effet du dire que non à la fonction phallique, c’est très
précisément le point sous lequel il faut que nous mettions tout ce qui
s’est dit jusqu’à présent de l’œdipe,
pour que l’œdipe soit autre chose qu’un mythe.
Il s’agit de structure.
Qu’on puisse parler de « Tout-homme » comme étant sujet à la cas-
tration [; !],
c’est ce pourquoi, de la façon la plus patente, le mythe d’Œdipe est
fait.
141
...quelque chose d’humain : après tout pourquoi ne pas voir le père du
meurtre primitif comme un orang-outang, beaucoup de choses qui
coïncident dans la tradition...
la tradition d’où tout de même il faut dire que la psycha-
nalyse surgit : de la tradition judaïque
...dans la tradition judaïque, comme j’ai pu l’énoncer l’année où je n’ai
pas voulu faire plus que mon premier séminaire sur Les Noms du Père,
j’ai quand même eu le temps d’y accentuer que dans le sacrifice
d’Abraham,
ce qui est sacrifié c’est effectivement le père, lequel n’est autre qu’un
bélier.
J’aurai pu vous en dire plus sur le fait que le chasseur aime son gibier.
Tels les fils, dans l’évènement dit « primordial » dans la mythologie
freudienne : ils ont tué le père...
comme ceux dont vous voyez les traces sur les grottes de Lascaux
...ils l’ont tué - mon Dieu - parce qu’ils l’aimaient bien sûr, comme la
suite l’a prouvé, la suite est triste.
La suite est très précisément que tous les hommes, ;, que l’universalité des
hommes est sujette à la castration.
Qu’il y ait « Une exception », nous ne l’appellerons pas, du point d’où
nous parlons, « mythique ».
Cette exception c’est la fonction inclusive : quoi énoncer de l’universel
[; !],
12
Cf. « ...Ou pire », Séance du 17 mai 1972.
142
sinon que l’universel soit enclos, enclos précisément par la possibilité
négative [: §].
Très exactement, l’existence ici joue le rôle du complément, ou pour
parler plus mathématiquement, du bord.
C’est très précisément ce qui fait que ce soit dans l’autre colonne...
et avec un type de rapport qui est fondamental,
que puisse s’articuler quelque chose...
dans quoi se range, puisse se ranger pour quiconque sache
penser avec ces symboles
...au titre de la femme.
Rien que de l’articuler ainsi, ceci nous fait sentir qu’il y a quelque
chose de remarquable, de remarquable pour vous,
que ce qui s’en énonce, c’est qu’il n’y en a pas une qui dans l’énoncé...
dans l’énoncé qu’il n’est pas vrai que la fonction phallique
domine ce qu’il en est du rapport sexuel
...s’inscrive en faux [/ §].
143
Vous savez que Freud en fait état : le tabou de la virginité etc., et
d’autres histoires follement folkloriques
autour de cette affaire, et le fait qu’autrefois les vierges étaient baisées
pas par n’importe qui,
il fallait au moins un grand prêtre ou un petit seigneur, enfin
qu’importe, l’important n’est pas ça.
Là par contre, si l’homme est tout ce que vous voulez dans le genre :
virtuose, vire à bâbord, parer à virer, vire ce que tu veux, le viril c’est du
côté de la femme, c’est la seule à y croire !
Elle pense ! C’est même ce qui la caractérise.
Un cercle vicieux, mes bon amis, mais pourquoi pas ! Plus un cercle
est vicieux, plus il est drôle,
surtout si on peut en faire sortir quelque chose comme ce petit
oiseau qui s’appelle le non-dénombrable,
qui est bien une des choses les plus éminentes, les plus astucieuses,
les plus collant au Réel du nombre,
qui ait jamais été inventeés. Enfin, laissons !
145
Les « onze mille Vierges », comme il se dit dans La Légende Dorée 14,
c’est la façon d’exprimer le non-dénombrable.
Parce que les onze mille, vous comprenez, c’est un chiffre énorme,
c’est surtout un chiffre énorme pour des Vierges, et pas
seulement par les temps qui courent ! Donc, nous avons pointé ces
faits.
Le mode de la pensée...
pour autant qu’il est, si je puis dire, « subverti » par le
manque du rapport sexuel
...pense et ne pense qu’au moyen de l’Un.
14
La Légende dorée (Legenda aurea), œuvre de Jacques De Voragine
rédigée de 1261 à 1266 qui décrit la vie de 180 saints, saintes et martyrs
chrétiens.
146
L’ensemble c’est la façon dont, à un tournant de l’histoire, les gens les
moins faits pour mettre au jour ce qu’il en est du sujet,
s’y sont trouvés si l’on peut dire nécessités. « L’ensemble » n’est rien d’autre
que le sujet.
C’est bien pour cela qu’il ne saurait même se manier sans l’addition
de l’ensemble vide.
Ce qui fait le « Pas-Tout » [.], si je puis dire et je le dirai pour aller vite,
c’est ceci, c’est que...
147
contrairement à l’inclusion dans :§
« il existe le Père dont le dire-non le situe par rapport à la fonction
phallique »
...inversement, c’est en tant qu’il y a le vide, le manque, l’absence de
quoi que ce soit qui dénie la fonction phallique
au niveau de la femme, qu’inversement il n’y a rien d’autre que ce
quelque chose que le « Pas-Tout » formule
dans la position de la femme à l’endroit de la fonction phallique. Elle
est en effet pour elle, « Pas-Toute ».
Ce qui ne veut pas dire que, sous quelque incidence que ce soit, elle
le nie. Je ne dirai pas qu’elle est autre, parce que
très précisément le mode sous lequel elle n’existe pas dans cette
fonction - de la nier - ce qui est très précisément
ce mode, c’est qu’elle est ce qui dans mon graphe s’inscrit du
signifiant de ceci : que l’Autre est barré : S(A).
La femme n’est pas le lieu de l’Autre, et plus encore elle s’inscrit très
précisément comme n’étant pas l’Autre
dans la fonction que je donne au grand A, à savoir comme étant le
lieu de la vérité.
148
Il me reste - puisqu’après tout vous avez la patience à une heure qui
est déjà onze,
de continuer à m’entendre - à pointer ceci qui est capital...
dans ce qu’après tout ici - pour vous - je force
à la fin de l’année, un certain nombre de thèmes qui sont des
thèmes cristallisants
...c’est de dénoter la béance qui sépare chacun de ces termes en tant
qu’ils sont énoncés.
Quand Aristote fait état des propositions particulières pour les opposer aux
universelles,
c’est entre une particulière positive par rapport à une universelle négative
qu’il institue la contradiction.
Ici, c’est le contraire : c’est la particulière qui est négative et c’est
l’universelle qui est positive.
149
Ici, ce que nous avons entre ce / §, qui est la négation d’aucune
universalité,
et ce . ! ce que nous avons, je ne fais ici que vous l’indiquer,
je le justifierai par la suite, c’est l’indécidable :
Pour ça, il faut s’interroger sur le mode dont sont posés ces quatre
termes :
151
J’insiste un peu. J’insiste parce que je n’ai pas pu ce soir - on a été
dérangés - vous raconter toutes les gentillesses
que j’aurai voulu vous dire à ce propos. Mais j’en avais une bien
bonne et puisqu’on me taquine,
je m’en vais vous la sortir quand même : c’est la fonction de l’é-Pater.
J’ai déjà marqué que ce n’était pas l’œdipe, que c’était foutu, que si le
père était un législateur,
ça donnait le Président Schreber comme enfant. Rien de plus.
Sur n’importe quel plan, le père c’est celui qui doit épater la famille.
Vous voyez comme la langue française peut servir à bien des choses.
Je vous ai déjà expliqué ça la dernière fois,
j’avais commencé par un truc : fondre ou fonder d’eux un Un, au
subjonctif c’est le même truc, pour fonder il faut fondre.
Il y a des choses qui ne peuvent s’exprimer que dans la langue
française, c’est justement pour ça qu’il y a l’inconscient. Parce que ce
sont les équivoques qui fondent, dans les deux sens du mot, il n’y a
même que ça...
152
Si vous vous interrogez sur le « Tous » en cherchant comment c’est
exprimé en chaque langue,
vous trouverez des tas de trucs, des trucs absolument sensationnels.
Personnellement je me suis beaucoup enquis
du Chinois parce que je ne peux pas faire un catalogue des langues
du monde entier.
15
Cf. le séminaire 1961-62 : « L’identification » séance du 17-01-1962.
154
...l’alternance de la nécessité, du contingent, du possible et de l’impossible ne
sont pas dans l’ordre qu’Aristote donne.
Car ici c’est de l’impossible qu’il s’agit, c’est-à-dire en fin de compte du
réel.
Alors suivez bien ce petit chemin, parce qu’il nous servira par la
suite, vous en verrez quelque chose.
Voilà ! Il faudrait indiquer les 4 triangles dans les coins comme ça, la
direction des flèches est également indiquée.
Vous y êtes ? Voilà !
X - On n’entend pas !
X - On n’entend rien !
Lacan
155
Vous entendrez la suite dans presque quinze jours, puisque c’est le 14
que je ferai mon prochain séminaire au Panthéon.
156
1972.12.19. Encore, Leçon 2
Il paraît difficile de ne pas parler bêtement du langage. C’est pourtant,
Jakobson, puisque tu es là...
vous me permettrez de le tutoyer puisque nous avons vécu déjà
un certain nombre de choses ensemble
...c’est pourtant Jakobson ce que tu réussis à faire. Et une fois de plus
dans ces entretiens que Jakobson nous a donnés [Conférences au Collège
de France, Fév. et Déc. 1972], j’ai pu l’admirer assez pour lui en faire
maintenant l’hommage.
Il faut pourtant, il faut pourtant nourrir la bêtise. Non pas parce que
tous ceux qu’on nourrit soient « bêtes », si je puis dire d’un terme sur
quoi cette année nous aurons à revenir essentiellement, c’est-à-dire parce
qu’il soutient leur forme,
mais plutôt parce qu’il est démontré que se nourrir fait partie de la
bêtise. Dois-je ré-évoquer devant cette salle,
où l’on est en somme au restaurant et où l’on croit d’ailleurs, on
s’imagine, qu’on se nourrit parce qu’on n’est pas
au restaurant universitaire, mais cette dimension imaginative c’est
justement en ça qu’on se nourrit.
157
et qui demande à être nourri de jouissances (jouissances phalliques à répétition
visant S1 mais n’atteignant que (a), « jouissances de l’idiot » etc.) encore et
encore...]
16
R. Jakobson : Essais de linguistique générale, Paris, éd. de Minuit, 1973,
pp. 209-248, et conférences de Fév. et Déc.1972 au Collège de France.
158
aux linguistes, non sans expliquer tant de fois que des linguistes je ne
subisse, je n’éprouve - et après tout allègrement de la part de tant de
linguistes -
plus d’une remontrance.
159
dans ce qui va paraître, développé dans le prochain numéro de mon
bien connu « a-périodique » [Scilicet n° 4],
avec pour titre « L’Étourdit » : d.i.t 17.
J’y reprends, j’y pars de la phrase que j’ai, l’année dernière, à plusieurs
reprises écrite au tableau18
sans jamais lui donner de développement, parce que j’ai trouvé que
j’avais mieux à faire,
c’est-à-dire à entendre quelqu’un qui après avoir bien voulu prendre
la parole ici,
nommément ce Récanati que vous avez entendu une fois de plus la
dernière fois,
et grâce à quoi je peux relever la légitimité du titre de « séminaire »,
grâce à lui donc je n’ai pas donné suite à ceci que :
17
L’Étourdit in Scilicet 4, Paris, Seuil, Le champ freudien, 1973, pp. 5-52.
18
Cf. les débuts des séances des 14 et 21 Juin 1972 : « Qu’on dise, comme
fait, reste oublié derrière ce qui est dit, dans ce qui s’entend ».
160
« le dire est justement ce qui reste oublié derrière ce qui est dit dans ce
qu’on entend ».
C’est pourtant aux conséquences du dit que se juge le dire [le dire → le
dit → l’entendu : l’univocité du sens qui masque le dire].
Mais ce qu’on en fait du dire, reste ouvert : on peut faire des tas de
choses avec les meubles à partir du moment,
par exemple, où on a « essuyé » un siège ou un bombardement [→ nombreuses
équivoques].
Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la
nouvelle harmonie.
Un pas de toi, c’est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche.
Ta tête se détourne : le nouvel amour !
Ta tête se retourne, - le nouvel amour !
« Change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps », te chantent
ces enfants.
« Élève n’importe où la substance de nos fortunes et de nos vœux » on t’en
prie.
Arrivée de toujours, qui t’en iras partout.
19
Cf. séminaire 1969-70 : L’Envers de la psychanalyse, séance du 17-12-
1969, Seuil, 1991, p.31.
162
que le dernier à prendre ce déploiement qui m’a permis de les faire 4...
mais ils n’existent 4 que sur le fondement de ce discours
psychanalytique que j’articule de 4 places,
et sur chacune, de la prise de quelque effet de signifiant
stipulé comme tel
...ce discours psychanalytique, y’en a toujours quelque émergence à chaque passage
d’un discours à un autre.
[chacun des discours H,U,M commence par soutenir la possibilité d’un rapport
sexuel (jouissance phallique) pour aboutir à l’aporie, à l’impuissance du « Plus-
de-jouir »
à atteindre la Vérité (la jouissance du corps de l’Autre). Le discours A interroge
la jouissance de l’Autre (a → S → S1 ◊ S2), il y a donc « émergence » du discours
A,
163
et demande d’amour, chaque fois qu’on change de discours quand on vient buter
sur la faille, sur l’impuissance du « Plus-de-jouir » à réaliser la jouissance du
corps de l’Autre
→ quand l’Autre répond « Ce n’est pas ça ! ».]
L’amour tient-il dans le fait que ce qui apparaît ce n’est rien d’autre,
ce n’est rien de plus que le signe ?
C’est ici que La logique de Port-Royal, l’autre jour évoquée [François
Récanati, 12 déc.1972 ], viendrait nous prêter aide.
Le signe...
avance-t-elle cette logique, et on s’émerveille toujours de ces dires
qui prennent un poids quelquefois bien longtemps après
...le signe c’est ce qui ne se définit que de la disjonction de 2 substances qui
n’auraient aucune « partie commune »,
ce que de nos jours nous appelons « intersection ». Ceci va nous
conduire à des réponses, tout à l’heure.
J’ai beau dire que cette notion de « discours » est à prendre comme lien
social...
comme tel fondé sur le langage et différenciant ses fonctions à propos
de cet usage du langage [comme lien social],
il semble donc comme tel n’être pas sans rapport avec ce qui dans la
linguistique se spécifie comme grammaire
...rien ne semble s’en modifier : cet usage instituant, nul ne le soulève,
du moins à ce qui apparaît.
165
Est-ce qu’à prendre le langage dans la linguisterie...
la notion qui semble promue comme appareil aisé, propice à
faire fonctionner le langage dans la linguistique d’une façon pas
bête, celle qui impliquait codes et messages, transmission, sujet donc,
et aussi bien espace, distance
...est-ce que malgré le succès foudroyant de cette fonction d’information,
succès tel qu’on peut dire
que la science toute entière vient à s’en infiltrer...
nous en sommes au niveau de l’information moléculaire, du gène
et des enroulements des nucléoprotéines autour des tiges
d’ADN, elles-mêmes enroulées l’une autour de l’autre, et tout
cela est lié par des liens hormonaux, ce sont messages qui
s’envoient, qui s’enregistrent.
Qu’est-ce à dire, puisqu’aussi bien le succès de cette formule
prend sa source incontestable
dans une linguistique qui n’est pas seulement immanente mais bel
et bien formulée. Bref la notion
qui va à s’étendre jusqu’aux fondements mêmes de la pensée
scientifique,
à s’articuler comme néguentropique
...est-ce qu’il y a là quelque chose qui ne peut pas nous faire poser
question,
si c’est bien ce que d’ailleurs : de ma linguisterie, je recueille - et
légitimement - quand je me sers de la fonction du signifiant ?
166
n’est pas spécifiquement saussurienne 20, elle remonte bien plus
haut...
ce n’est pas moi qui l’ai découvert 21
...jusqu’aux Stoïciens22, elle se reflète chez Saint-Augustin 23, elle est à
structurer en termes topologiques.
20
Ferdinand de Saussure : Cours de linguistique générale, Paris, Payot,
2006.
21
Lacan fait référence à Jakobson.
22
Cf. Marc Baratin : L’identité de la pensée et de la parole dans l’ancien
stoïcisme, in Langages,1982, Volume 16, N°65, pp. 9-21.
Cf. Jacques Brunschwig : Remarques sur la théorie stoïcienne du nom
propre, in Histoire, Épistémologie, Langage, 1984,Volume 6, N° 6-1 pp. 3-
19.
23
Cf. séminaire 1953-54 : Les écrits techniques de Freud, séance du 23-06-
54.
167
c’est-à-dire en parler comme de quelque chose qui se totalise.
[l’essence du signifiant étant d’être « pure différence » d’avec tous les autres,
il n’y a aucun prédicat qui permette de tous les réunir en une collection]
24
Jean Paulhan, « L’expérience du proverbe » (1925), éd. L’Échoppe,
1993. Cf. notamment pp.61-66 l’histoire de Ra-Chrysalide.
168
qui lui a semblé jouer un rôle tout à fait spécifique.
Alors qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que c’est que cette signifiance ? [ni le
mot, ni la phrase, ni le proverbe, ni la locution…]
Au niveau où nous sommes, c’est ce qui a des effets de signifié.
169
c’était pour bien marquer que cette distance, qu’on a à tort qualifiée
de fondement de l’arbitraire...
c’est comme s’exprime - probablement contre son cœur -
Saussure.
Il avait affaire - comme ça arrive n’est-ce pas ? [sic] - à des
imbéciles, il pensait bien autre chose,
bien plus près du texte du Cratyle 25 quand on voit ce qu’il a
dans ses tiroirs :
des histoires d’anagrammes 26
...ce qui passe pour de l’arbitraire c’est que les effets de signifié, eux, sont
bien plus difficiles à soupeser.
C’est vrai qu’ils ont l’air de n’avoir rien à faire avec ce qui les cause.
Mais s’ils n’ont rien à faire avec ce qui les cause, c’est parce qu’on
s’attend à ce que ce qui les cause
ait un certain rapport avec du réel. Je parle : avec du réel sérieux.
25
Platon : Cratyle ou De la rectitude des mots, in Œuvres complètes T.1,
p.613, Paris, Gallimard, Pléiade, 1950.
26
Ferdinand de Saussure : Anagrammes homériques, présentés et édités par
Pierre-Yves Testenoire , éd. Lambert-Lucas, 2013.
- Jean Starobinski : Les mots sous les mots. Les anagrammes de
Ferdinand de Saussure, Paris, Gallimard, 1971.
- Francis Gandon : De dangereux édifices, Saussure lecteur de
Lucrèce, éd. Peters 2002.
- Michel Arrivé : À la recherche de Ferdinand de Saussure, P.U.F.
2007.
- Federico Bravo : Anagrammes – Sur une hypothèse de Ferdinand de
Saussure, éd. Lambert-Lucas, Limoge, 2011.
170
pour s’apercevoir que le sérieux ça ne peut être que le sériel, il faut un
peu avoir suivi mes séminaires27.
En attendant, ce qu’on veut dire par là c’est que les référents, les
choses à quoi ça sert, ce signifié, à en approcher...
Eh ben justement elles restent approximatives, elles restent
macroscopiques par exemple.
C’est pourtant pas ça qui est important, c’est pas que ce soit
imaginaire, parce qu’après tout ça suffirait déjà très bien
si le signifiant nous permettait de pointer cette image qu’il nous faut
pour être heureux. Seulement c’est pas le cas.
27
Cf. Séminaire 1966-67 : La logique du fantasme, séances du 22-02 au
14-06 : la série de Fibonacci, comme forme de l'incommensurabilité de (a) à
1.
171
[le signifié ne permet pas d’accéder au réel, sinon par la série qui ne l’approche
« qu’après un très long temps d’extraction » (cf. série de Fibonacci) et de façon
« approximative »
→ le collimateur ne fonctionne pas. Cf. supra : « ...après tout ça suffirait déjà très
bien si le signifiant nous permettait de pointer cette image qu’il nous faut pour être
heureux »]
172
C’est même là la seule justification - vous savez - de la semonce
pascalienne 28, c’est sa seule justification.
Si l’ange a un sourire si bête c’est parce qu’il nage dans le signifiant
suprême,
se retrouver un peu au sec ça lui ferait du bien, peut-être qu’il ne
sourirait plus.
J’aurais pu aborder les choses d’une autre façon, j’aurais pu vous dire
comment on fait pour venir me demander une analyse
par exemple. Je voudrais pas toucher à cette fraîcheur, il y en a qui se
reconnaîtraient, et Dieu sait ce qu’ils penseraient, ce qu’ils
s’imagineraient de ce que je pense. Peut-être qu’ils croiraient que je
les crois bêtes, ce qui est vraiment la dernière idée qui pourrait me
venir dans un tel cas, il n’est pas question - mais pas du tout ! - de la
bêtise de tel ou tel.
Car après tout dès qu’on substantive [un adjectif ] c’est pour supposer
une substance [potentielle, sub-posée, subjectum :
ὑποχείμενον (upokeimenon)], et les substances - mon Dieu - de nos
jours, nous n’en n’avons pas à la pelle :
d’abord « la substance pensante »,
et « la substance étendue ».
[ces 2 substances sont voisines de la substance prédicative et de la substance
potentielle de la logique de Port-Royal (à Port-Royal on défend Descartes et on
s’inspire d’Aristote)]
174
Il conviendrait peut-être d’interroger à partir de là, où peut bien se
caser de « la dimension substantielle »,
qui justement, quelque distante qu’elle soit de nous, et jusqu’à
maintenant ne nous faisant que signe,
quel peut bien être ce à quoi nous pourrions accrocher cette substance
en exercice, cette dimension...
qu’il faudrait écrire d.i.t., trait d’union, mention [« dit-mention »,
voire « dit-mansion »]
...à quoi la fonction du langage est d’abord ce qui y veille, avant tout
usage meilleur et plus rigoureux.
Je sais qu’il est tard et parce que je ne veux pas fatiguer celui dont je
me considère en l’occasion comme l’hôte,
à savoir Jakobson, je sais que je n’arriverai pas aujourd’hui à dépasser
un certain champ.
175
Néanmoins si je parle du « pas tout »...
ce qui tracasse beaucoup de monde
...si je l’ai mis au premier plan pour être la visée de cette année de
mon discours,
c’est bien là l’occasion de l’appliquer : on ne peut « pas tout » dire, mais
qu’on puisse dire des bêtises, tout est là.
C’est avec ça que nous allons faire l’analyse et que nous entrons dans
le nouveau sujet qui est celui de l’inconscient.
C’est justement dans la mesure où il veut bien ne plus penser, le
bonhomme, qu’on en saura peut-être un petit peu plus long
et qu’on tirera quelques conséquences des dits, des dits justement dont
on ne peut pas se dédire, c’est ça qui est
la règle du jeu [au-delà du discours courant : l’irruption d’un « dire », d’un
Autre discours].
176
beaucoup c’est que Parménide29, je parle de Parménide : de ce que
nous en avons encore de ses dires, enfin de ce que la tradition
philosophique en extrait, de ce d’où part par exemple mon maître
Kojève :
c’est la pure position de l’être.
[au discours philosophique sur l’être, tel que le reprend Kojève de
Parménide : « l’être est, le non être n’est pas »,
Lacan oppose un être fondé sur rien (zéro) qui ex-siste et qui fonde la série
par la nomination :
le zéro porte « un nom comme 1 », premier élément, puis le 1 porte un nom
comme « 2 », etc. (cf. la fondation par Frege des entiers naturels) ]
Enfin c’est bien parce qu’il était poète que Parménide dit en somme
ce qu’il a à nous dire, de la façon la moins bête.
Mais autrement « que l’être soit et que le non-être ne soit pas », je ne sais pas
ce que ça vous dit à vous, mais moi je trouve ça bête.
Il faut pas croire que ça m’amuse de le dire, c’est fatigant parce que
quand même nous aurons cette année besoin de l’être, de quelque
chose que - Dieu merci - j’ai déjà avancé : le signifiant « Un », pour
lequel je vous ai, l’année dernière, suffisamment semble-t-il, frayé la
29
Parménide : Le Poème, Les Présocratiques, Paris, Gallimard, La pléiade,
1988, pp. 231- 272.
177
voie à dire : y’a d’l’Un. C’est de là que ça part le sérieux, si bête que ça
en ait l’air ça aussi.
C’est même pour cela qu’on en est réduit simplement à une petite
étreinte comme ça, un avant-bras
ou n’importe quoi d’autre [Rires]. Et que jouir a cette propriété
fondamentale que c’est en somme le corps de l’un
30
Cf. « Kant avec Sade », in Écrits, Paris, Seuil, Le champ freudien, 1966,
pp. 765-790.
179
qui jouit d’une part du corps de l’autre. Qu’elle - cette part - peut jouir
aussi, ça agrée à l’autre plus ou moins,
mais enfin c’est un fait qu’il ne peut pas y rester indifférent.
Bien sûr il n’y a là qu’un niveau qui est bien localisé, le plus
élémentaire dans ce qu’il en est de la jouissance,
de la jouissance au sens où la dernière fois j’ai promu « qu’elle n’était pas
un signe de l’amour ».
C’est ce qui sera à soutenir, et bien sûr que cela nous mène de là,
du niveau de la jouissance phallique [jouissance de l’idiot, jouissance de
l’organe, jouissance immédiate, sadienne, jouir d’un objet partiel ],
à ce que j’appelle proprement la jouissance de l’Autre, en tant qu’elle
n’est ici que symbolisée, c’est encore
toute autre chose, à savoir ce « pas tout » que j’aurai à articuler.
Et après avoir pris ainsi ce que j’appellerai la cause matérielle, j’irai tout
droit - ceci sera plus tard repris, commenté -
à la cause finale, « finale » dans tous les sens du terme, proprement en
ceci qu’elle en est le terme [la fin] :
L’autre pôle du signifiant, le coup d’arrêt est là, aussi à l’origine que
peut l’être le vocatif du commandement.
Et l’efficience dont Aristote nous fait la 3ème forme de la cause, n’est
rien enfin que ce projet dont se limite la jouissance.
Ce n’est pas pour rien que « Pierre bat Paul » est au principe des
premiers exemples de grammaire,
ni que Pierre - pourquoi ne pas le dire comme ça - « Pierre et paule »
donne l’exemple de la conjonction,
à ceci près qu’il faut se demander après : qui épaule l’autre. [Rires]
J’ai déjà joué là-dessus depuis vingt ans. On peut même dire que le
verbe ne se définit que de ceci :
c’est d’être un signifiant pas si bête - il faut écrire ça en un mot -
passibête que les autres sans doute,
mais aussi qui fait le passage d’un sujet, d’un sujet justement à sa
propre division dans la jouissance,
et qu’il l’est encore moins qu’il devient signe, quand cette division il la
détermine en disjonction.
J’ai joué un jour autour d’un lapsus littéral, « calami » qu’on appelle ça.
182
J’ai fait toute une de mes conférences de l’année dernière31 sur le
lapsus orthographique que j’avais fait :
On m’a fait remarquer depuis, que pris comme lapsus, cela voulait
peut-être dire que j’étais homosexuel.
Mais ce que j’ai articulé l’année dernière c’est que, quand on aime, il
ne s’agit pas de sexe.
31
Cf. séminaire 1971-72 : « ...Ou pire », séance du 09-02-72.
183
1973.02.20. Encore. Leçon 7
Je peux bien vous avouer que j’espérais que les vacances dites
« scolaires » auraient éclairci votre assistance.
Il y a trop longtemps que... que je désirerais vous parler comme ça,
en me promenant un petit peu entre vous,
ça faciliterait certaines choses me semble-t-il. Mais enfin, puisque
cette satisfaction m’est refusée
j’en reviens à ce dont je suis parti la dernière fois de ce que j’ai appelé
« une autre satisfaction », satisfaction de la parole.
184
que j’ai fait là une sorte de contournement, de contournement qui
était pour éviter le mot de « prosdiorisme » 32
qui désigne justement ce « tout », ce « quelque » à l’occasion, qui ne
manquent dans aucune langue.
32
Lacan introduit le prosdiorisme dans la séance du 12-1-72 de « ...Ou
pire ». Il s’agit des premiers « quantificateurs » tels que le « un », le
« quelque »,
le « tous ». Cf. La philosophie du langage exposée d'après Aristote, M.
Séguier, 1838.
185
ce livre s’appelle « Le titre de la lettre » 33, il est paru aux éditions
Galilée, collection « À la Lettre ».
Ce livre écrit en somme dans les plus mauvaises intentions, comme vous
pourrez le constater à la trentaine de dernières pages, est quand
même un livre dont je ne saurais trop encourager la diffusion.
Je peux dire d’une certaine façon que s’il s’agit de lire, je n’ai jamais
été si bien lu,
au point de pouvoir dire que d’un certain côté je pourrais dire « avec
tellement d’amour ».
Bien sûr, comme il s’avère par la chute du livre, c’est un amour dont
le moins qu’on puisse dire
est que sa doublure habituelle dans la théorie analytique n’est pas
sans pouvoir être évoquée...
33
Philippe Lacoue-Labarthe, Jean-Luc Nancy : « Le titre de la lettre. Une
lecture de Lacan », Paris, Galilée, 1973 et 1990.
186
C’est un modèle de bonne lecture. Au point que je peux dire que je
regrette de n’avoir obtenu,
de ceux qui me sont proches, jamais rien qui à mes yeux, soit
équivalent.
Les auteurs, puisqu’il faut bien tout de même que je les désigne, ont
cru devoir se limiter...
et mon Dieu pourquoi ne pas les en complimenter, puisque la
condition d’une lecture
c’est évidemment qu’elle soit en place, qu’elle s’impose à elle-
même des limites
...et ils se sont attachés à mon article, à cet article recueilli dans mes
Écrits qui s’appelle « L’instance de la lettre » 34.
À cette impasse qui est bien celle que je désigne concernant ce qu’il en
est dans le discours, dans le discours analytique,
de l’abord de la vérité et de ses paradoxes. C’est là sans doute quelque
chose où à la fin, je ne sais quoi...
et je n’ai pas autrement à le sonder
...je ne sais quoi échappe à ceux qui se sont imposés cet
extraordinaire travail,
tout se passant donc comme si ce soit justement à l’impasse où tout
mon discours est fait pour les mener,
34
L'instance de la lettre dans l'inconscient ou la raison depuis Freud, in
Écrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 493-528.
187
qu’ils se tiennent quittes, qu’ils se déclarent ou me déclarent...
ce qui revient au même au point où ils en parviennent
...être quinauds35.
Mais justement c’est là où je trouve tout à fait indiqué que vous vous
affrontiez vous-mêmes - je le souligne -
jusqu’aux conclusions dont vous verrez que, somme toute, on peut
les qualifier de sans-gêne.
Jusqu’à ces conclusions, le travail se poursuit d’une façon où moi je
ne puis reconnaître qu’une valeur d’éclaircissement, de lumière, tout à
fait saisissant.
Si cela pouvait par hasard, enfin, éclaircir un petit peu vos rangs étant
donné ce par quoi j’ai commencé,
je n’y verrais pour moi qu’avantage. Mais après tout je ne suis pas sûr
parce que, pourquoi...
puisque vous êtes toujours ici aussi nombreux
...ne pas vous faire confiance : que rien enfin ne vous rebute
assurément [Rires].
35
Quinaud : penaud, confus, honteux.
188
...de ce que j’ai cru devoir énoncer de ce qu’il y a entre les sexes, entre les
sexes chez l’être parlant, qui de rapport ne fasse pas,
et comment en somme c’est à partir de là seulement que se puisse
énoncer ce qui à ce rapport supplée.
Il y a longtemps que là-dessus j’ai scandé d’un certain « Y’a d’l’Un »36
ce qui fait le premier pas dans cette démarche.
Ce « Y’a d’l’Un », c’est le cas de le dire, ça n’est pas simple.
Moyennant quoi comme il est clair que même, tous tant que vous
êtes ici multitude assurément,
non seulement vous ne faites pas qu’Un mais n’avez aucune chance,
fût-ce à communier, comme on, dit dans ma parole, d’y parvenir
comme il ne se démontre que trop et tous les jours.
Il faut bien que Freud fasse surgir cet autre facteur, qui doit bien faire
obstacle à cet ἔρως universel,
sous la forme du Θάνατος [Tanathos], de la réduction à la
poussière.
36
Cette formule apparait dans la séance du 15-3-72 du séminaire « ...Ou
pire » .
189
spermatozoïde dont grossièrement l’on pourrait dire que c’est de leur
fusion que s’engendre – quoi ? –
un nouvel être, et aussi bien à se limiter à deux éléments qui se
conjoignent.
À ceci près qu’il est bien clair qu’à regarder les choses de plus près, la
chose ne va pas sans une méiose,
sans une soustraction tout à fait manifeste, au moins pour l’un des
deux, je veux dire juste d’avant le moment même
où la conjonction se produit, la soustraction de certains éléments qui
bien sûr ne sont pas pour rien dans l’opération finale.
Et pourquoi pas ? Pourquoi pas, s’il s’avère que ce doit être là, la
condition de ce que j’ai appelé « la lecture » ?
191
Que sais-je après tout, que puis-je présumer de ce que savait Aristote
? Peut-être mieux je le lirai,
à mesure que ce savoir je le lui suppose moins. Telle est la condition
d’une stricte mise à l’épreuve de « la lecture ».
Et c’est là celle dont en somme je ne m’esquive pas.
Il est certes difficile, il serait peu conforme à ce qu’en fait, il nous est
offert de lire par ce qui du langage existe,
à savoir ce qui vient à se tramer d’effets de son ravinement, vous savez
que c’est ainsi que j’en définis l’écrit [Cf. Lituraterre].
Mais je pense que vu le genre de têtes, enfin que je vois ici faire
flocon, vous devez quand même avoir entendu parler
que du côté de la philosophie, l’amour de Dieu, dans cette affaire a
tenu une certaine place et qu’il y a là un fait massif, dont, au moins
latéralement, le discours analytique ne peut pas ne pas tenir compte.
192
...des personnes bien intentionnées se sont trouvées en somme surprises
d’avoir écho, ce n’était qu’un écho,
mais comme ces personnes étaient...
mon Dieu, il faut bien le dire
...de la pure tradition philosophique, et de celle qui se réclame...
c’est bien en ça que je la dis « pure »
...il n’y a rien de plus philosophique que le matérialisme, et le
matérialisme se croit obligé...
Dieu sait pourquoi, c’est le cas de le dire
...d’être en garde contre ce Dieu dont j’ai dit qu’il a dominé, dans la
philosophie, tout le débat de l’amour.
Pour moi il me paraît sensible que pour ce qui est du « bon vieux
Dieu », cet Autre, cet Autre avancé alors...
alors au temps de « L’instance de la lettre »
...cet Autre avancé alors comme lieu où la parole ne peut s’inscrire
qu’en vérité,
cet Autre était quand même bien une façon, je ne peux même pas
dire de laïciser, d’exorciser ce « bon vieux Dieu ».
Mais qu’importe ! Après tout, qui sait ? Il y a bien des gens qui me
font compliment,
dans je ne sais quel des derniers ou avant-derniers séminaires, d’avoir
su poser enfin que Dieu n’existait pas.
193
Évidemment ils entendent, ils entendent mais hélas ils comprennent, et ce
qu’ils comprennent est un peu précipité.
Bien sûr je passe sur ceci, enfin que pour ce qui est des matérialistes,
ça serait une magnifique façon...
enfin au lieu d’être là à flotter sur le paradoxe que ce soit
apparu à l’époque féodale,
de voir au contraire comment sans ça, ça s’enracine,
194
comment c’est du discours de la féalité,
de la fidélité à la personne, et pour tout dire : au dernier
terme de ce qu’est toujours « la personne »,
à savoir le discours du maître
...ce serait la plus splendide façon de voir combien était nécessaire...
à l’homme dont la Dame était entièrement - au sens le plus
servile - asservie, l’« assujette »
...comment c’était la seule façon de s’en tirer avec élégance
concernant ce dont il s’agit et qui est le fondement,
à savoir : l’absence du rapport sexuel.
[l’amour courtois reste dans le discours du maître(:§), mais c’est de
la Dame idéalisée que l’on est le « féal » → « la Dame » devient l’exception du
:§]
195
...oui, ils ont été jusqu’à découvrir l’ἔνστασις [ènstasis], l’obstacle
logique aristotélicien
que j’avais gardé pour la bonne bouche, pour cette « Instance de la
lettre » [Rires].
Il est vrai qu’ils ne voient pas le rapport, ils ne le mettent qu’en note,
mais ils sont tellement bien habitués à travailler, surtout quand
quelque chose les anime, le désir par exemple de décrocher une
maîtrise, c’est le cas de le dire plus que jamais, et bien ils ont aussi sorti ça,
la note de je ne sais plus quelle page, à laquelle je vous prie de vous
reporter, comme ça,
ça vous permettra de consulter Aristote et vous saurez tout quand
j’aborderai enfin cette histoire de l’ἔνστασις.
[la note rappelle que « Benveniste avait proposé le concept d’instance du discours
pour désigner les actes discrets et chaque fois uniques par lesquels la langue est
actualisée en parole par un locuteur » → le locuteur se place à l’extérieur de la
langue(→ex-siste) pour produire sa propre parole→ là aussi : : §]
196
Oui ! Enfin pourquoi les matérialistes, comme on dit, s’indigneraient-ils
que, comme de toujours,
je mette même - pourquoi pas ? - Dieu en tiers dans l’affaire de
l’amour humain ?
Je suppose que même les matérialistes, il leur arrive quand même
d’en connaître un bout sur le ménage à trois, non ?
Eh bien, pour moi, disons qu’il ne peut pas être ambigu que, au
moins pour ce que j’ai articulé dans les dernières années, cet « être »
tel qu’il se soutient dans la tradition philosophique, c’est-à-dire qui
s’assoit dans le « penser » lui-même,
censé en être le corrélat, bon, qu’à ceci très précisément j’oppose :
197
que dans cette affaire même, nous sommes joués par la jouissance,
que la pensée est jouissance,
que ce qu’apporte le discours analytique c’est ceci qui était déjà
amorcé dans « la philosophie... - entre guillemets -
...de l’être », à savoir qu’il y a jouissance de l’être.
Qu’en aimant Dieu, pour tout dire, c’est nous-mêmes que nous
aimons.
Et qu’à nous aimer d’abord nous-mêmes...
charité bien ordonnée, comme on dit
...nous faisons à Dieu l’hommage qui convient.
37
Pierre Rousselot : Pour l’histoire du problème de l’amour au Moyen-Âge,
Thèse présentée en Sorbonne, 1908. (Vrin, 1981). Il s’agit ici
de l’abbé Pierre Rousselot (1878-1915) théologien jésuite, dont la thèse en
Sorbonne portait sur « L’histoire du problème de l’amour au moyen-âge »,
qui a consacré ses recherches à l’intellectualisme thomiste et à la
philosophie de l’amour, et non de l’abbé Jean-Pierre Rousselot (1846-1924),
célèbre linguiste, fondateur de la phonétique, dont la thèse en Sorbonne
portait sur « Les limites des dialectes d’oc et d’oïl en Charente... ».
198
À ceci, ce que j’oppose comme être c’est...
si l’on veut à tout prix que je me serve de ce terme ce que...
ce dont témoigne dès... ce dont est forcé de témoigner dès
ses premières pages de lecture - simplement lecture - ce
petit volume
...c’est à savoir l’être de la signifiance.
200
parce qu’à cet égard les convictions dont je parlais la dernière fois, les
convictions ne manquent pas.
201
À ceci près que « La femme » ...
mettons lui un grand L pendant que nous y sommes, ça sera
gentil [Rires]
...à ceci près que La femme, ça ne peut s’écrire qu’à barrer « ».
De sorte que pour accentuer quelque chose dont je vois mes élèves
beaucoup moins attachés à ma lecture
- n’est-ce pas ? - que le moindre sous-fifre quand il est animé par le
désir d’avoir une maîtrise [Rires].
Il n’y a pas un seul de mes élèves qui n’ait fait je ne sais quel
cafouillage sur... sur je ne sais pas quoi :
le manque de signifiant,
le signifiant du manque de signifiant [Rires],
et autres bafouillages à propos du phallus.
202
de ceci que ce est « Le » signifiant dont le propre est que il est le seul
qui ne peut rien signifier [S1], mais ceci seulement : de fonder le
statut de femme dans ceci qu’elle n’est « pas toute », ce qui ne permet
pas de parler de « La femme ».
Mais par contre, s’il n’y a de femme - si je puis dire - qu’exclue, dans la
nature des choses qui est la nature des mots...
il faut bien dire, hein, que ce que j’avance là, quand même ça
peut se dire, parce que s’il y a quelque chose dont
elles-mêmes se plaignent assez pour l’instant, c’est bien de ça,
hein ! bon !
Simplement elles ne savent pas ce qu’elles disent ! C’est toute la
différence entre elles et moi [Rires]
...s’il n’y a donc de femme qu’exclue par la nature des choses comme
femme,
il n’en reste pas moins que si elle est exclue par la nature des choses
c’est justement
de ceci : que d’être « pas toute » elle s’assure comme « femme »,
de ceci : que par rapport à ce que désigne de jouissance la fonction
phallique, elles
ont - si je puis dire - une jouissance supplémentaire.
Vous remarquerez que j’ai dit « supplémentaire » parce que si j’avais dit
« complémentaire », où nous en serions ?
On retomberait dans le tout. Ouais... Elles ne s’en tiennent - aucune
s’en tient - d’être « pas toute », à la jouissance de...
dont il s’agit quand même, et mon Dieu, d’une façon générale quoi,
on aurait bien tort quand même de ne pas voir
que, contrairement à ce qui se dit, c’est quand même les femmes qui
possèdent les hommes.
Elle y est pas « pas du tout », elle y est à plein, mais y’a quelque chose
en plus...
cet « en plus », hein, faites attention, gardez-vous enfin d’en
prendre trop vite les échos,
je peux pas le désigner mieux ni autrement parce qu’il faut
que je tranche et que j’aille vite
...il y a une jouissance...
puisque nous nous en tenons à la jouissance, jouissance du
corps
...il y a une jouissance qui est...
38
Rabelais : Le Tiers Livre, chap. VIII, « Comment la braguette est la pièce
principale de l’armure pour les hommes de guerre » :
Celle qui vit son mari tout armé, sauf la braguette, aller en escarmouche,
lui dit : « Ami, de peur qu’on ne vous touche, Armez cela, qui est le plus
aimé. »
204
si je puis m’exprimer ainsi, parce qu’après tout pourquoi pas
en faire un titre de livre,
c’est pour le prochain de la collection Galilée : « Au-delà du
phallus » [Rires], ça serait mignon ça - hein ? - et puis ça
donnerait une autre consistance au MLF. [Rires]
...une jouissance au-delà du phallus, hein !
39
Oscar Bloch et Walther Von Wartburg : Dictionnaire étymologique de la
langue française, PUF, 1986 (7ème édition), p. 581 :
« Secouer : Réfection, qui date du XVIème siècle, de l’ancien secourre
[...] qui survit encore dans les parlers de l’Est et du Nord-Est. »
205
Il y a une jouissance - disons le mot - à « elle », à cette « elle » qui n’existe
pas, qui ne signifie rien.
Il y a une jouissance, il y a une jouissance à « elle » dont peut-être elle-même
ne sait rien, sinon qu’elle l’éprouve, ça elle le sait. Elle le sait bien sûr
quand ça arrive. Ça leur arrive pas à toutes.
Mais enfin sur le sujet de la prétendue frigidité, après tout faut faire la
part :
de la mode aussi, [Rires]
et des rapports entre les hommes et les femmes.
[la prétendue « frigidité » est la réponse féminine : / § à la
prétendue jouissance phallique (:§) (→ ce n’est pas ça)]
C’est très important, puisque bien entendu tout ça, comme dans
l’amour courtois,
est dans le discours - hélas - de Freud, recouvert par... recouvert
comme ça par de menues considérations [rire de Lacan]
qui ont exercé leurs ravages [sic], tout comme l’amour courtois, toutes
sortes de menues considérations sur la...
sur la jouissance clitoridienne, sur la jouissance qu’on appelle comme on
peut : « l’autre » justement,
celle que je suis, comme ça en train d’essayer de vous faire aborder
par la voie logique,
parce que jusqu’à nouvel ordre il n’y en a pas d’autre.
206
On n’a jamais rien pu en tirer. Alors on appelle ça comme on peut :
« vaginale »,
le... le, le, le, le, le pôle postérieur du museau de l’utérus [Rires] et
autres conneries [Rires], c’est le cas de le dire.
Mais après tout, si simplement elle l’éprouvait et si elle n’en savait
rien,
ça permettrait aussi de jeter beaucoup de doute, là du côté de la
fameuse frigidité dont je parlais tout à l’heure,
n’est-ce pas, qui est aussi un thème, un thème littéraire, enfin, n’est-ce
pas.
207
Enfin je comprends que Gilson40 ne l’aie pas trouvée très bonne cette
opposition,
il a trouvé que peut-être Rousselot avait fait là une découverte qui
n’en était pas une,
que ça faisait partie du problème, que l’amour est aussi extatique dans
Aristote que dans Saint Bernard,
à condition qu’on sache lire les chapitres sur la φιλία [philia], sur
l’amitié.
40
Étienne Gilson : La Théologie mystique de Saint Bernard (1934), Paris,
Vrin, 2000.
41
Denis de Rougemont : L’Amour et l’Occident, Paris, Plon 10/18, 1991.
42
Anders Nygren (1890-1978) : Éros et Agapé, Aubier Montaigne, 1992.
208
Ah ! Il faut que je l’écrive parce que sans ça, ça ne vous servira à rien
et vous ne l’achèterez pas.
D’ailleurs vous l’achèterez moins facilement que le livre qui vient de
paraître sur moi.
Vous l’achèterez moins facilement parce que je crois qu’il est épuisé.
Mais enfin vous arriverez peut-être à le trouver.
On s’est donné beaucoup de mal pour me l’apporter à moi, cette
Hadewijch d’Anvers43.
Il y a des hommes qui sont aussi bien que les femmes - ça arrive ! - et
qui du même coup s’en trouvent aussi bien :
ils entrevoient, disons malgré... enfin je n’ai pas dit malgré leur phallus -
malgré ce qui les encombre à ce titre [Rires],
ils éprouvent l’idée enfin que quelque part il pourrait y avoir une
jouissance qui soit au-delà.
Ouais... C’est ce qu’on appelle « des mystiques ».
43
Hadewijch d’Anvers : Amour est tout, poèmes strophiques, Paris, éd.
Téqui. Livre d’or des écrits mystiques 2000,
Écrits mystiques des béguines, Paris, Seuil, Coll.
Points Sagesses 2008.
209
Et si vous lisez cette Hadewijch...
dont je sais pas comment prononcer son nom, mais enfin
quelqu’un qui est ici
et qui saura le néerlandais me l’expliquera j’espère tout à l’heure
si vous lisez cette Hadewijch...
Enfin, j’ai déjà parlé d’autres gens qui n’étaient pas si mal non plus
du côté mystique, mais qui se situaient plutôt
du côté-là, de ce que je disais tout à l’heure, à savoir du côté de la
fonction phallique [; !] : Angelus Silesius,
tout de même, malgré tout, enfin à force de confondre son œil
contemplatif avec l’œil dont Dieu le regarde,
c’est quand même un peu drôle, ça doit quand même faire partie de
la jouissance perverse.
Et de quoi jouit-elle ?
Il est clair que le témoignage essentiel de la mystique c’est justement
de dire ça :
qu’ils l’éprouvent mais qu’ils n’en savent rien.
Alors ici, comme ça, pour terminer, enfin ce que je vous propose, ce
que je vous propose c’est que grâce à ce petit frayage, celui que j’essaie
44
Le Bernin : « Extase de Sainte Thérèse », église Santa Maria della
Vittoria, Rome.
210
de faire aujourd’hui, quelque chose soit fructueux, réussisse - tout
juste, hein ? –
de ce qui se tentait à la fin du siècle dernier, au temps de Freud
justement.
211
...une face de Dieu comme supportée par la jouissance féminine,
hein ?
Comme tout ça se produit n’est-ce-pas, grâce à l’être de la signifiance,
et que cet être n’a d’autre lieu que ce lieu de l’Autre que je désigne du
grand A, on voit la biglerie de ce qui se produit : c’est comme cela
aussi, enfin, que s’inscrit la fonction du père en tant que c’est à elle
que se rapporte la castration,
alors... alors on... on voit que ça fait pas deux « Dieu », mais que ça
n’en fait pas non plus un seul.
En d’autres termes, c’est pas par hasard que Kierkegaard 45a
découvert l’ex-sistence dans une petite aventure de séducteur,
c’est à se castrer, c’est à renoncer à l’amour n’est-ce pas, qu’il pense y
accéder.
Mais peut-être qu’après tout - pourquoi pas ? - Régine elle aussi peut-
être ex-sistait ?
Ce désir d’un bien, au second degré...
qui n’est pas causé par un petit(a) celui-là
...c’est peut-être par l’intermédiaire de Régine qu’il en avait la
dimension.
Voilà j’en ai assez raconté pour aujourd’hui...
Extase de Sainte Thérèse
45
S. Kierkegaard : La Reprise, Paris, Flammarion, 1990.
212
1973.05.15. Encore. Leçon 12
On m’a averti ce matin pendant que je travaillais...
comme toujours pour tout le monde : au dernier moment
que je travaille
...on m’a averti que le 12 juin...
le 12 juin qui n’est pas, bien que ce soit le second mardi, qui
n’est pas
en principe celui auquel j’espérais vous donner rendez-vous
...on m’a averti que le 12 juin la salle serait occuppée par ce qu’on
appelle des examens oraux,
et que dès lors on ne pouvait pas me répondre de ceci qu’elle serait
libre à telle ou telle heure,
étant donné que les examens oraux on ne sait pas comment ça
s’étend, comment ça se termine, ni quand.
Il est évident que, comme c’est ce matin même qu’on m’en a averti,
je n’ai pas pu mijoter les choses d’une façon telle
que je fasse aujourd’hui ma conclusion, si tant est qu’à aucune de mes
années il y ait à proprement parler une conclusion, puisque
213
forcément ce que je vous énonce ne peut toujours que rester jusqu’à
un certain point ouvert,
ce nest pas mon privilège, les choses, comme chaque année, restent
ouvertes sur un certain nombre de points en suspens.
Ce sera d’ailleurs ce sur quoi aujourd’hui j’aurai amplement à
m’étendre.
J’avais rêvé cette nuit que quand je venais ici, il y avait personne
[Rires]. C’est où se confirme le caractère de vœu du rêve. Malgré, bien
entendu, que j’étais...
puisque j’avais déjà travaillé dans la nuit
...j’étais assez outré, puisque je me souvenais aussi dans mon rêve que
j’avais travaillé à quatre heures et demie du matin, j’étais assez outré
que tout ça ne doive servir à rien, mais c’était quand même la
satisfaction d’un vœu,
à savoir que dès lors, je n’avais plus qu’à me les rouler. Voilà !
[ce qui remplit la salle c’est un dire, ce qui viderait la salle c’est que « tout » ait
été dit, que le dit de Lacan se soit clos → vœu du rêve]
Je vais dire...
Je vais dire, c’est ma fonction...
Je vais le dire une fois de plus, je me répète...
Je vais dire une fois de plus ce qui est de mon dire, et qui s’énonce « il
n’y a pas de métalangage ».
La formalisation mathématique...
215
qui est notre but, notre idéal - pourquoi ? - parce que seule
elle, est mathème,
c’est-à-dire capable de se transmettre intégralement
...la formalisation mathématique c’est de l’écrit, et c’est là dedans que
je vais essayer d’avancer aujourd’hui.
Or elle ne subsiste, cette formalisation mathématique, que si
j’emploie à la présenter, la langue dont j’use.
C’est là qu’est l’objection [au métalangage] : nulle formalisation de la langue
n’est transmissible sans l’usage de la langue elle-même.
216
L’esssentiel, je vous l’ai rappelé encore une fois à propos de
l’inconscient : l’inconscient se distingue...
entre tout ce qui a été produit jusqu’alors de discours
...en ce qu’il énonce ceci, qui est l’os de mon enseignement, que :
Je parle sans le savoir.
Je parle avec mon corps et ceci sans le savoir.
Je dis donc toujours plus que je n’en sais.
C’est là que j’arrive au sens du mot « sujet » dans cet autre discours
[discours A] :
ce qui parle sans le savoir me fait « je », « sujet » [sujet → assujetti], sujet du
verbe [être] certes, mais ça ne suffit pas à me faire « être ».
Ça n’a rien à faire avec ce que je suis forcé de mettre dans l’être
suffisamment de savoir pour se tenir,
mais pas une goutte de plus. Et c’est ce que jusqu’alors on a appelé
« la forme ».
Dans Platon, la forme c’est ce savoir qui remplit l’être.
La forme n’en sait pas plus qu’elle ne dit. [identité de l’être à lui-même
(consistance) → « tout peut être dit »]
Elle est réelle - viens-je de dire - en ce sens qu’elle tient l’être dans sa
coupe, mais à ras bord [rien ne se perd : pas de reste].
Elle est le savoir de l’être. Le discours de l’être [Parménide] suppose que
l’être sait, et c’est ce qui le tient [discours M : S2 tient a].
Il y a du rapport d’être qui ne peut pas se savoir, c’est lui dont, dans
mon enseignement,
j’interroge la structure en tant que ce savoir - je viens de le dire
- impossible, est par là « inter-dit ».
[discours A : les S1, signifiants asémantiques, sont coupés du savoir : S1◊
S2]
217
Et c’est ici que je joue de l’équivoque, de l’équivoque qui de ce savoir
impossible nous dit qu’il est « censuré », « défendu ».
Il ne l’est pas [censuré, défendu], si vous écrivez convenablement cet
inter-dit, d’un trait d’union entre l’inter et le dit,
c’est qu’il est dit « entre » les mots [ex-sistence], entre les lignes, et que
c’est ça qu’il s’agit d’énoncer :
à quelle sorte de réel il nous permet l’accès.
C’est ainsi que s’ouvre cette sorte de vérité, la seule qui nous soit
accessible [à l’analyste], et qui porte par exemple
sur le non-savoir-faire. Je sais pas comment m’y prendre - pourquoi pas
le dire - avec la vérité pas plus qu’avec la femme, puisque j’ai dit que
l’une et l’autre, au moins pour l’homme, c’était la même chose, ça fait
le même embarras.
Il se trouve - c’est accident - que j’ai du goût aussi bien pour l’une
que pour l’autre, malgré tout ce qu’on en dit [Rires].
Cette discordance du savoir et de l’être [discours A : S1◊ S2], c’est ce qui
est notre sujet.
218
et c’est par là que ce jeu d’« en-corps » se mène, non pas qu’à en savoir
plus il nous mènerait mieux,
mais peut-être qu’il y aurait meilleure jouissance, accord de la jouis-
sance et de sa fin.
Qui sait si le fait que nous pouvons lire ces ruisseaux que je regardais,
au retour du Japon, sur la Sibérie [cf. 12-05-1971]
comme trace métaphorique de l’écriture, n’est pas lié...
« lier » et « lire », c’est les mêmes lettres, faites-y attention
219
...n’est pas lié à quelque chose qui va au-delà de l’effet de pluie, dont il
n’y a aucune chance que l’animal le lise comme tel ?
Bien plutôt est-il lié à cette forme d’« idéalisme » [fiction de mots] que je
voudrais vous faire entrer dans la tête :
non pas certes celui dont parle Berkeley, à vivre dans un temps où
le sujet avait pris son indépendance [discours M→ H],
non pas que tout ce que nous connaissons soit représentation,
C’est par là [l’objet(a)] que se fait l’ouverture par quoi c’est « le monde »
qui vient à nous faire son partenaire.
C’est le corps parlant en tant qu’il ne peut réussir à se reproduire que
grâce à un malentendu sur sa jouissance,
et cela c’est dire qu’il ne se reproduit que grâce à un ratage de ce qu’il
veut dire.
Car ce qu’il veut dire [i.e. attrapper, saisir par la parole le corps parlant de
l’objet(a), cette « chose de jouissance » (perdue) hétérogène à tout langage],
comme le dit bien le français : son sens, est sa jouissance effective, et c’est
à la rater, c’est-à-dire à baiser,
car c’est justement ça qu’il ne veut pas faire, en fin de compte [cf. aussi
« l’amour courtois »].
Notamment...
ceci est dans Freud parfaitement sensible,
bien sûr ce n’est qu’un bafouillage mais nous ne pouvons
pas faire mieux
...il ne sait pas si ce qui le reproduit, c’est la vie [« l’être de jouissance » :
existence] ou la mort [« l’être du symbolique » (écriture) : ex-sistence].
J’ai pas dit : « ce qu’il... », q.u. apostrophe i.l., j’ai dit : « ce qui le » q.u.i.
l.e., mots séparés.
221
C’est bien pour ça que les deux autres passions sont celles qui
s’appellent :
et la haine, qui est bien ce qui a le plus de rapports avec l’être, ce qui
s’en approche le plus, que j’appelle l’ex-sister. Rien
ne concentre plus de haine que ce « dire » où se situe ce que j’appelle l’ex-
sistence.
222
Alors quand vous gribouillez, ma foi, comme on dit c’est toujours sur
une page et c’est avec des lignes.
Et nous voilà plongés tout de suite dans l’histoire des dimensions.
Comme ce que coupe la ligne c’est une surface, la surface sera définie
d’en avoir 2.
Seulement c’est là que prend sa valeur le petit signe que j’ai écrit au
tableau.
Je veux dire celui qu’il faut que je distingue de celui que j’ai écrit au
dessous, ils sont séparés.
Vous pouvez remarquer que c’est une chose qui ait tous les
caractères d’écriture, ça pourrait aussi bien être une lettre. Seulement,
comme vous écrivez cursivement, il vous vient pas à l’idée d’arrêter
la ligne avant qu’elle en rencontre
une autre, pour la faire passer dessous, la supposer passer dessous,
parce qu’il s’agit dans l’écriture de tout autre chose
223
que de l’espace à 3 dimensions. Cette ligne coupée ici, ai-je dit, veut
dire qu’elle passe sous l’autre,
ici c’est au-dessus, parce que c’est l’autre qui s’interrompt.
C’est ce qui produit - encore qu’il n’y ait ici qu’une ligne - cette chose
qui se distingue de ce que serait un simple rond,
un rond de ficelle si ça existait, ça s’en distingue en ce sens que quoiqu’il
n’y ait qu’une seule ficelle, ça fait un nœud.
C’est quand même tout autre chose - cette ligne - que la définition
que nous en avons donnée tout à l’heure
au regard de l’espace, c’est-à-dire en somme une coupure : ce qui fait
un trou, un intérieur, un extérieur de la ligne.
Cette autre ligne, cette ficelle comme je l’ai appelée, ça ne s’incarne pas si
facilement dans l’espace.
La preuve, c’est que la ficelle idéale, la plus simple, ça serait un tore.
Il ne s’agit pas de couper le tore, car quoi que vous fassiez avec la
surface d’un tore, vous ne ferez pas un nœud.
Mais par contre, avec le lieu du tore, comme ceci vous le démontre,
vous pouvez faire un nœud.
C’est en quoi, permettez-moi de vous le dire : le tore c’est la raison
[Rires], c’est ce qui permet le nœud.
224
C’est bien en quoi ce que je vous montre, ce tore tortillé, c’est l’image,
aussi simple, aussi sec que je peux vous la donner, que j’ai évoquée
l’autre jour comme la trinité : 1 et 3 d’un seul jet.
Il n’en reste pas moins que c’est à en refaire trois tores, par le petit truc
que je vous ai déjà montré sous le nom
de « nœud borroméen », que nous allons pouvoir opérer, dire quelque
chose sur ce qu’il en est de l’usage du premier nœud.
225
Bon, enfin, malgré tout j’ai essayé ces jours-ci d’en prendre l’habitude
[Rires], et il y a rien de plus facile que de le rater [Rires]. Voilà ! [Rires et
applaudissements]
Le problème qui est posé par le nœud borroméen est celui-ci : comment
faire, quand vous avez fait vos ronds de ficelle,
pour que... pour que quelque chose dans le genre de ce que vous
voyez dans le haut, à savoir un nœud,
pour que ces trois ronds de ficelle tiennent ensemble et de façon
telle, de façon telle que si vous en coupez un,
ils soient tous libres, je veux dire les trois ?
Les trois, ce qui n’est rien, car le problème c’est de faire qu’avec un
nombre quelconque, quelconque de ronds de ficelle, quand vous en
coupez un, tous les autres, sans exception, soient désormais libres,
indépendants.
Voici par exemple le cas. J’ai déjà, l’année dernière, mis ça au tableau.
Naturellement, j’ai fait une petite faute [Rires]...
Ce n’est pas tout à fait satisfaisant mais ça va le devenir, rien n’est
plus facile dans cet ordre que de faire une faute. Encore une faute...
Tel que vous le voyez là, tel que vous le voyez là inscrit, il vous est
facile de voir
que comme ces deux ronds de ficelle sont construits de telle sorte qu’ils
sont pas noués l’un à l’autre,
c’est uniquement par le 3ème qu’ils se tiennent.
226
C’est ce que curieusement, je ne suis pas arrivé à reproduire avec mes
ronds de ficelle [Rires]. Mais Dieu merci,
j’ai quand même un autre moyen de le faire que de reproduire ce que
j’ai fait au tableau, à savoir de le manquer.
Je vais tout de suite vous donner le moyen, de façon complètement
rationnelle et compréhensible...
Voilà ! Voilà donc un rond de ficelle. En voilà un autre.
Vous passez le second rond dans le premier, et vous le pliez comme
ça :
Il suffira dès lors que, d’un troisième rond vous preniez le second,
pour que ces trois soient noués, et noués de telle sorte qu’il suffit
bien évidemment que vous sectionniez un des trois pour que les
deux autres soient libres. [Rires]
Non seulement ceci, ne croyez pas, vous savez, que ce soit inutile,
n’est-ce pas, tous ces petits cafouillages,
ce n’est pas si familier que la façon dont je suis arrivé à l’expliquer,
avec des ratages justement,
227
ne soit pas ce qui peut vous le faire entrer dans la tête, car il faut que
je vous le montre parce qu’après tout,
il n’y a que comme ça que ça peut entrer !
228
La solution est donc absolument générale. Cela ne veut pas dire que
pour un nombre quelquonque de ronds de ficelles,
on pourra faire une disposition aussi... enfin, relativement élégante
par sa relative symétrie, que celle que j’ai faite
au tableau, à savoir que ces trois ronds soient strictement, les uns par
rapport aux autres d’une forme équivalente,
ça sera certainement plus compliqué - et ceci dès qu’on sera arrivé à
quatre, cela nous montrera bien souvent
les effets de torsion qui ne nous permettent pas de les maintenir à l’état
de rond.
L’objet(a) c’est ce que suppose de vide une demande dont en fin de compte
ce n’est qu’à la définir comme située par la métonymie, c’est-à-dire par
la pure continuité assurée du commencement au début de la phrase,
229
que nous pouvons imaginer ce qu’il peut en être d’un désir qu’aucun être
ne supporte,
je veux dire qui est sans autre substance que celle qui s’assure des
nœuds mêmes.
La réciprocité, pour tout dire, entre le sujet et l’objet(a) est totale. Pour tout
être parlant, la cause de son désir est strictement, quant à la structure,
équivalente si je puis dire à sa pliure, à ce que j’ai appelé sa division de
sujet.
Et c’est bien ce qui nous explique que si longtemps le sujet a pu
croire que le monde en savait autant que lui,
c’est qu’il est symétrique, c’est que le monde, ce que j’ai appelé la dernière
fois la pensée,
c’est l’équivalent, c’est l’image en miroir de la pensée.
C’est bien pourquoi le sujet pour autant qu’il fantasme, il n’y a...
jusqu’à l’avènement de la science la plus moderne
...il n’y a rien eu que fantasme quant à la connaissance.
Et c’est bien ce qui a permis cette « échelle d’êtres », grâce à quoi était
supposé dans un être, dit « être suprême »,
231
ce qui était « le bien de tous ».
Ce qui est aussi bien l’équivalent, l’équivalent de ceci, que l’objet(a)
peut être dit - comme son nom l’indique :
écrivez le a entre parenthèses : (a),
mettez sexué après : (a)sexué,
et vous avez que l’Autre ne se présente pour le sujet que sous une
forme (a)sexuée.
Est-ce que nous ne pouvons pas pourtant par cette voie, cette voie
de ce que j’ai distingué comme l’Un à prendre comme tel, en ce sens
qu’il n’y a rien d’autre dans cette figure du rond de ficelle, qui a pourtant
son intérêt de nous offrir,
de nous offrir le quelque chose que rejoint sans doute l’écriture.
Quelle est cette exigence que j’ai énoncée sous le nom de nœud
borroméen ?
232
C’est très précisément ceci qui distingue ce que nous trouvons dans
le langage, dans la langue courante,
et qui supporte la métaphore très répandue de « la chaîne ».
Contrairement aux ronds de ficelle, des éléments de chaîne ça se forge.
[La chaîne : chaque anneau vient remplir le vide de l’anneau qui le précède
et donc combler le trou par « un objet du monde ».
Le nœud borroméen : les trois anneaux se nouent sans qu’aucun ne vienne
combler le trou, mais le nœud se noue]
234
Vous aurez donc eu l’évanouissement de l’Autre, mais au prix de la
surgescence de quelque chose qui est le huit intérieur
et qui - comme vous le savez - est ce dans quoi je supporte la bande de
Mœbius, Autrement dit ce en quoi
- dans un strict support de cette voie que j’essaie pour vous de frayer
de la fonction du nœud - s’exprime par le huit intérieur.
À quoi peut nous servir cette exigence d’une phrase quelle qu’elle -
soit, qui soit telle qu’ayant sectionné l’Un,
c’est à dire retiré l’Un de chacun de ses chaînons, tous les autres du
même coup soient libres. Est-ce que ce n’est pas là
le meilleur support que nous puissions donner de ce par quoi
procède ce langage que j’ai appelé « mathématique » ?
235
Le propre du langage mathématique, une fois qu’il est suffisamment
resserré quant à ses exigences de pure démonstration, est très
précisément ceci que tout ce qui s’en avance...
s’en avance non pas tant dans le commentaire parlé, mais dans le
maniement des lettres
...suppose ceci : qu’il suffit qu’une ne tienne pas pour que tout le
reste, tout le reste des autres lettres,
non seulement ne constituent par leur agencement rien de valable,
mais se dispersent.
236
Comment alors quelque part mettre comme telle la fonction de
l’Autre, comment...
si jusqu’à un certain point c’est simplement des nœuds de l’Un
que se supporte ce qui reste - quand ça s’écrit - de tout langage
...comment poser une différence ? Car il est clair que l’Autre ne
s’additionne pas à l’Un, l’Autre seulement s’en différencie.
S’il y a quelque chose par quoi il [l’Autre] participe à l’Un c’est que
bien loin qu’il s’additionne,
ce dont il s’agit concernant l’Autre c’est...
comme je l’ai dit déjà, mais il n’est pas sûr que vous l’ayez
entendu
...c’est que l’Autre c’est l’Un en moins.
C’est pour ça que dans tout rapport de l’homme avec une femme, celle qui
est en cause c’est sous l’angle de l’Une en moins qu’elle doit être
prise. Je vous avais déjà indiqué ça un petit peu à propos de Don
Juan, mais bien entendu
il n’y a qu’une seule personne, je crois - ma fille nommément - qui
s’en soit aperçu.
237
en dehors de quelques petites fabrications, de petits exemples
tels que ceux que je vous ai montrés
...de prévoir qu’une solution, celle que je viens de donner, n’est pas
simplement une solution ex-sistante,
mais qu’elle est nécessaire, qu’elle ne cesse pas - comme je le dis
pour définir le nécessaire - qu’elle ne cesse pas de s’écrire.
Or il suffit que tout de suite je vous montre quelque chose que bien
sûr je n’ai pas pu écrire au tableau,
parce que vous savez pas le tintouin que ça me donne de mettre tout ça
sur le papier d’une façon que je tiens à votre disposition, qui sera
aussi bien photographié dans un prochain article, mais qui en
demande un certain [tintouin].
Peu importe qu’il soit face à face avec le 1er ou qu’il soit strictement
dans la file, c’est-à-dire que ce qui passe devant, passe devant
également le suivant - je peux en faire un nombre infini et même
fermer le cercle que cela fera,
le fermer simplement pour le dernier.
Il n’en restera pas moins que voilà une autre solution tout aussi
valable que la 1ère,
car que je sectionne un quelconque de ceux que j’aurai agencés
ainsi, tous les autres du même coup seront libres,
et pourtant ce ne sera pas la même sorte de nœud.
Que vous écriviez que quelque chose, que vous écriviez que
quelque chose, que l’énergie ce soit 1/2 mv2.
Qu’est que ça veut dire ? Ça veut dire que quelque soit le nombre
d’Uns que vous mettiez sous chacune de ces lettres, vous êtes
soumis à un certain nombre de lois qui sont des lois de groupe
telles que l’addition, la multiplication...
240
Voilà la question que j’ouvre et qui est faite pour vous annoncer -
s’il se peut, ce que j’espère -
ce que je peux éventuellement vous transmettre concernant ce qui
s’écrit.
Ce qui s’écrit, en somme - qu’est-ce que ça serait ? - les conditions de
la jouissance, [la lettre]
et ce qui se compte - qu’est-ce que ça serait ? - les résidus de la jouissance
! [(a)]
Car aussi bien cet a, a-sexué, est-ce que ce n’est pas de le conjoindre
avec ce qu’elle a de plus de jouir, étant l’Autre...
de ne pouvoir être dite qu’Autre
...que la femme l’offre sous l’espèce de l’objet(a) ?
241
et c’est en quoi c’est compatible avec notre discours,
discours analytique,
...un réel qui précisément s’évade [ex-siste], qui n’a rien à faire avec ce
que la connaissance traditionnelle a supporté,
c’est-à-dire non pas ce qu’elle croit : la réalité, mais bien le fantasme.
242
1973.06.26. Encore. Leçon 13
Grâce à quelqu’un qui veut bien se consacrer, comme ça, au brossage
de ce que je vous raconte - il est là au premier rang -
j’ai eu il y a quatre, cinq jours, la truffe brossée de mes élocutions ici,
je parle de celles de cette année. Ça m’intéressait parce qu’après tout,
sous ce titre d’Encore, je n’étais pas sûr d’être dans le champ que j’ai
déblayé pendant vingt ans, puisque justement ce que ça disait c’était
que ça pouvait durer encore longtemps.
244
je prends là les choses par le tout petit bout de l’étude
scientifique du langage
...le langage c’est l’effort fait pour « rendre compte » de quelque
chose qui n’a rien à faire avec la communication,
et qui est ce que j’appelle lalangue. [cf. le séminaire sur La lettre volée,
l’« Introduction » : la combinatoire générée par les α, β, γ, δ, et le « caput
mortum »]
245
des choses dont j’ai entendu parler depuis bien longtemps
...j’ai donc eu sous la main le travail, un livre important d’un
nommé Bateson 46 dont on m’avait rebattu les oreilles, assez pour
m’agacer un peu, parce qu’à vrai dire ça venait de quelqu’un qui
avait été touché de la grâce
d’un certain texte de moi et qui l’avait traduit, traduit en ajoutant
autour quelques commentaires,
et qui avait cru, dans le Bateson en question, trouver quelque chose
qui allait sensiblement plus loin que ce que j’avais... j’avais cru devoir
énoncer concernant l’inconscient : l’inconscient - ai-je dit - structuré
comme un langage.
Mais il faut dire qu’il y a des choses qu’il a forgées dans de très jolis
artifices, et qu’il appelle lui-même des « métalogues ». C’est pas mal...
c’est pas mal pour autant que, comme il le dit lui-même, ces métalogues
comporteraient, s’il faut l’en croire, quelque sorte de progrès, interne,
dialectique, qui consisterait justement à ne se produire
que d’interroger l’évolution du sens d’un terme.
46
Gregory Bateson : Perceval le fou, Payot, 2002.
246
...c’est-à-dire à faire dire par l’interlocuteur supposé, tout ce qui en
somme motive la question même du locuteur,
c’est à savoir à incarner dans l’autre la réponse qui est déjà là.
Si j’ai dit que le langage c’est ce comme quoi l’inconscient est structuré, c’est
bien parce que le langage, d’abord ça n’existe pas.
Le langage c’est ce qu’on essaie de savoir concernant la fonction de
lalangue.
C’est bien ainsi que le discours scientifique l’aborde, à ceci près que
ce qui lui est difficile c’est de le réaliser pleinement,
car l’inconscient c’est le témoignage, le témoignage d’un savoir...
en tant qu’il échappe pour une grande part à l’être
...qui donne l’occasion de s’apercevoir jusqu’où vont les effets de
lalangue.
C’est en « effets » - c’est vrai - c’est en « effets » que cet être rend
compte, par toutes sortes d’affects qui restent énigmatiques,
de ce qui résulte de cette présence de lalangue, en tant que de savoir elle
articule des choses qui vont beaucoup plus loin
que tout ce que lui-même, à titre de savoir énoncé, il supporte.
[« caput mortum » du « séminaire sur La lettre volée »]
Le langage sans doute est fait de lalangue, c’est une élucubration de savoir
sur lalangue elle-même,
mais l’inconscient est un savoir, un savoir-faire avec lalangue.
Et si l’on peut dire que l’inconscient est structuré par... comme un langage,
c’est très précisément en ceci que ces « effets » de lalangue, déjà là
comme savoir, comme savoir qui n’a rien à faire, va bien au-delà de
tout ce que l’être - l’être qui parle - est susceptible d’articuler comme
tel, c’est bien en ça que l’inconscient...
en tant qu’ici je le supporte de son déchiffrage [i.e.
l’inconscient-langage, ≠ de l’inconscient réel]
...que l’inconscient ne peut que se structurer comme un langage, comme
un langage toujours hypothétique
au regard de ce qui le soutient, à savoir lalangue, à savoir ceci même
qui fait que tout à l’heure j’ai pu de mon S2 faire une question et
demander : est-ce bien d’eux en effet qu’il s’agit dans le langage,
autrement dit le langage est-il seulement communication ?
248
puisque la limite - je l’ai posée d’abord - est faite de ceci qu’il y a des
êtres qui parlent,
on se demande ce que peut bien être le savoir de ceux qui ne parlent
pas.
On se le demande, on ne sait pas pourquoi on se le demande, mais
on se le demande quand même...
Et on fait, pour des rats, un petit labyrinthe grâce à quoi on espère
être sur le chemin de ce que c’est qu’un savoir.
On avait élucubré toute une hiérarchie, toute une échelle des corps,
et on était parti – mon Dieu – de cette notion
que chacun devait bien savoir ce qui le maintenait à l’être. Autrement
dit, on n’était pas allé plus loin
que cette idée qu’il y était maintenu par quelque chose qui devait être
« son Bien », qui devait lui faire plaisir.
249
Mais comment se fait-il, qu’est-ce qu’il y a eu comme changement
dans le discours pour que tout d’un coup on interroge cet être sur le
moyen qu’il aurait de se dépasser, à savoir d’en apprendre plus qu’il
n’en a besoin dans son être
pour survivre comme corps ?
Est-ce qu’un rat, non plus considéré dans son être mais dans son
unité...
car tout va aboutir au pressage du bouton
...c’est la même chose s’il s’agit de la reconnaissance de quelque trait auquel
on concevra qu’alors l’être est susceptible de réagir...
qu’il s’agisse d’un trait lumineux ou d’un trait de couleur
...et l’on constatera qu’après une série d’essais et erreurs...
« trials and errors », comme vous savez, ça s’appelle : on a
laissé la chose en anglais
vu ceux qui se sont trouvés frayer cette voie concernant le
savoir
...on va voir si le taux des trials and errors, combien de temps ce taux
va se mettre à diminuer assez
pour que s’enregistre que l’unité ratière est capable d’apprendre
quelque chose.
Il est clair que la question a été si peu posée - quoi qu’elle l’ait été,
bien sûr - qu’on n’a même pas songé
à interroger la différence qu’il y a, selon que celui qui apprend à
apprendre au rat en question,
selon que celui-ci est ou non le même expérimentateur.
En d’autres termes, ce qui est laissé de côté c’est ceci, c’est que ce
qu’on propose au rat comme thème pour démontrer ses facultés
d’apprendre, si ça surgit de la même source ou de deux sources
différentes.
Car si nous nous reportons à ceci, que l’expérimentateur il est bien
évident que c’est lui qui là-dedans sait quelque chose, c’est même
avec ce qu’il sait qu’il invente le montage du labyrinthe, des boutons
et des clapets.
S’il n’était pas quelqu’un pour qui le rapport au savoir est fondé sur
un certain rapport qui est...
je l’ai dit, pourquoi ne pas le répéter
...d’habitation ou de cohabitation avec lalangue, il est clair qu’il n’y
aurait pas ce montage,
251
et que tout ce que l’unité ratière apprend en cette occasion c’est à
donner un signe, un signe de sa présence d’unité.
252
Mais l’intérêt de cet exemple ne se limite pas à ce fait, à ce fait
d’interrogation qui laisse entièrement intacts et différents ce qu’il en
est du savoir et ce qu’il en est de l’apprentissage.
[le savoir renvoie à lalangue : le rapport de S1 à S2 et l’éviction de a (H :
S→ S1→/S2 ◊a) , tandis que l’apprentissage renvoie à ce qui soutient l’être : a]
253
[dans le rapport S1→S2 toute production de savoir (S2) place S1 en hypothèse, en
supposé : S1←S2 en subjectum, sujet sub-posé, ὑποχείμενον
[upokeimenon]
→toute « connaissance » produit un sujet supposé, d’où la question : dans
l’inconscient pas de connaissance, mais un savoir sans sujet ?]
254
La seule preuve que nous en ayons est ceci : que le sujet se confonde
avec cette hypothèse et que ce soit l’individu, l’individu parlant qui le
supporte, c’est que le signifiant devienne signe.
Le signifiant en lui-même n’est rien d’autre de définissable qu’une
différence, une différence avec un autre signifiant.
C’est l’introduction comme telle de la différence dans le champ qui
permet d’extraire de lalangue ce qu’il en est du signifiant.
C’est en cela qu’il est, et seulement pour l’être parlant, qu’il se trouve
être comme étant,
c’est à dire quelque chose dont l’être est toujours ailleurs, comme le
montre le prédicat.
[on n’est que « quelque chose » (signe ou thing, → prédicat) → ex-sistence de
l’être de l’étant. Le discours du maître est discours du « m’être » par production
du (a)].
C’est ici que nous devons revenir à ceci : qu’après tout, par un choix
dont on ne sait pas ce qui l’a guidé,
255
Aristote a pris le parti de ne donner pas d’autre définition de l’individu
que le corps.
Le corps en tant qu’organisme, en tant que ce qui se maintient
comme Un, et non pas en tant que ce qui se reproduit.
Car c’est bien là ce dont il s’agit dans toute tentative de chimie dite
moléculaire,
c’est à savoir comment il se fait qu’en combinant un certain nombre
de choses dans un bain unique,
quelque chose va se précipiter qui fera qu’une bactérie par exemple
se reproduira comme telle.
256
Qu’est-ce que veut dire y’a d’l’Un ? Ce que veut dire y’a d’l’Un est
ceci, que permet de repérer l’articulation signifiante :
que d’ 1 entre autres...
et il s’agit de savoir si c’est « quel qu’il soit »
...se lève un S1, un essaim de signifiants, un essaim bourdonnant lié à
ceci que ce 1 de chaque signifiant...
avec la question de « est-ce d’eux que je parle ? » [S1→ S2 : cet
essaim est-ce d’eux ?]
...ce S1 que je peux écrire d’abord de sa relation avec S2, eh bien c’est
ça qui est l’essaim.
Vous pouvez en mettre ici autant que vous voudrez, c’est l’essaim
dont je parle.
Le signifiant comme maître, à savoir en tant qu’il assure l’unité, l’unité
de cette copulation du sujet avec le savoir,
c’est cela le signifiant maître, et c’est uniquement dans lalangue, en tant
qu’elle est interrogée comme langage,
que se dégage – et pas ailleurs – que se dégage l’ex-sistence de ce dont
257
du S1 avec le S2, à savoir relation de représentation, le S1 serait en
relation avec le S2 pour autant qu’il représente un sujet.
La question de savoir si cette relation est asymétrique, antisymétrique,
transitive ou autre, à savoir si le sujet se transfère du S2
à un S3 et ainsi de suite, c’est une question qui est à reprendre, à
reprendre à partir du schème que j’en donne ici.
Le Un incarné dans lalangue est quelque chose qui justement reste indécis
entre le phonème, le mot, la phrase, voire toute la pensée, c’est bien ce dont il
s’agit dans ce que j’appelle « signifiant maître », c’est le signifiant Un [S1],
et ce n’est pas pour rien que l’avant-dernière de nos rencontres, j’ai
amené ici pour l’illustrer le bout de ficelle,
le bout de ficelle en tant qu’il fait ce rond, ce rond dont j’ai
commencé d’interroger le nœud possible avec un autre.
Le symptôme alors, ce n’est plus de l’ICS langage, mais de l’ICSR,
devenu réel, hors sens. Le Un du symptôme c’est dans tous les cas du
Un de jouissance, le vrai signifiant maître dont parle Lacan à la fin de
Encore. Je dis dans tous les cas, qu’il y a plusieurs cas, au moins 2.
En effet, quand il dit que ce Un va du phonème à toute la pensée, ce
qu’il faut saisir c’est que toute la pensée, qui pourtant est une chaîne, vaut
pour du Un, aussi bien que l’élément phonème. Je pourrais dire du
Un holophrasé. Dans les deux cas, que ce soit le Un de l’élément
ou de l’Une-pensée,
c’est lui, ce Un, qui pour chacun assoit son unité, son « unarité » de
jouissance, et qui le condamne à l’Un dire qui se sait tout seul.
(C. Soler, 2013 Symptômes énigmatiques)
258
L’important, pour virer, faire tourner ici le volet, l’important de ce
qu’a révélé le discours psychanalytique
consiste en ceci, ceci dont on s’étonne qu’on ne voie pas la fibre
partout, c’est que
ce « savoir », qui structure d’une cohabitation spécifique ce qu’il en
est de l’être qui parle,
ce « savoir » a le plus grand rapport avec l’amour.
Car ce dont se supporte tout amour est très précisément ceci, d’un
certain rapport entre 2 savoirs inconscients.
Si j’ai énoncé que le transfert c’est le sujet supposé savoir qui le motive [le
S1 ex-sistant, supposé au savoir S2],
ce n’est là que point d’application tout à fait particulier, spécifié, de
ce qui est là d’expérience,
et je vous prie de vous rapporter au texte de ce que j’ai énoncé ici sur
le choix de l’amour.
C’est au milieu de cette année que je l’ai fait [cf. fin de séance du 16-01-
1973].
S’il est vrai qu’il n’y a pas de rapport sexuel parce que simplement la
jouissance, la jouissance de l’Autre prise comme corps, que
cette jouissance est toujours inadéquate :
– « perverse » d’un côté, en tant que l’Autre se réduit à l’objet(a) [le
fantasme : S ◊ a, dans les formules ♂ de la sexuation : : §],
– je dirai « folle » de l’autre [côté], pour autant que ce dont il s’agit
c’est la façon énigmatique
dont se pose cette jouissance de l’Autre comme telle.
259
Est-ce que ce n’est pas de l’affrontement à cette impasse, à cette
impossibilité définissant comme tel un Réel,
qu’est mis à l’épreuve l’amour, en tant que du partenaire il ne peut
réaliser que ce que j’ai appelé...
par une sorte de poésie pour me faire entendre
...ce que j’ai appelé « le courage au regard de ce destin fatal ».
[courage de soutenir la fonction phallique par l’exception :§ alors
même qu’« il n’y a pas de rapport sexuel », et donc « ce qui ne cesse pas de
ne pas s’écrire » → par l’amour : « ce qui cesse de ne pas de s’écrire »
(contingence de Φ)]
Ce « cesser de ne pas s’écrire », vous le voyez, c’est pas formule que j’ai
avancée au hasard.
Si je me suis complu au nécessaire comme à « ce qui ne cesse pas de ne pas
s’écrire » [lapsus]...
pardon : qui ne cesse pas, ne cesse pas de s’écrire47 en l’occasion,
« le nécessaire » n’est pas « le réel » [ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire], c’est
« ce qui ne cesse pas de s’écrire ». [le nécessaire ne cesse...]
Mais que veut dire... que veut dire de le nier ? [:§→ maintenir le
rapport fantasmé à une Altérité réduite alors aux objets partiels prégénitaux]
Y a-t-il d’aucune façon légitimité de substituer une négation à
l’appréhension éprouvée de l’inexistence ?
C’est là aussi une question qu’il s’agira pour nous d’amorcer.
Le mot « interdiction » veut-il plus dire, est-il plus permis, c’est ce qui
non plus ne saurait dans l’immédiat, être tranché.
À savoir que :
...quelque chose non seulement s’articule mais s’inscrive, s’inscrive dans la
destinée de chacun, par quoi pendant un temps...
un temps de suspension,
261
...ce quelque chose...
qui serait le rapport,
...ce quelque chose trouve...
chez l’être qui parle
...ce quelque chose trouve sa trace et sa voie de mirage.
Tel est en effet le substitut qui, par la voie de l’existence, non pas du
rapport sexuel mais de l’inconscient qui en diffère, qui par cette voie
fait la destinée et aussi le drame de l’amour.
Je ne pousserai pas les choses plus loin sauf à indiquer que ce que j’ai
dit de la haine
est quelque chose qui ne relève pas du même plan dont s’articule la
prise du savoir inconscient,
262
mais qui, dans ce qu’il en est du sujet, du sujet dont, vous le
remarquez, il ne se peut pas qu’il ne désire pas
ne pas trop en savoir sur ce qu’il en est de cette rencontre
éminemment contingente,
qu’il en sache un peu plus, que de ce sujet il aille à l’être qui y est pris,
le rapport de l’être, de l’être à l’être,
bien loin qu’il soit ce rapport d’harmonie que depuis toujours...
on ne sait trop pourquoi
...nous ménage, nous arrange, une tradition dont il est très curieux de
constater la convergence :
La rencontre de l’être comme tel, c’est bien là que par la voie du sujet,
l’amour vient à aborder, quand il aborde...
J’ai posé expressément la question : est-ce que ce n’est pas là que
surgit ce qui fait de l’être,
précisément quelque chose qui ne se soutient que de se « rater » ?
Alors, comme après tout ces 20 ans, enfin j’en ai bouclé le cycle :
Est-ce que ça voudra dire que ceux qui auront deviné juste, ceux-là
m’aiment ?
[Applaudissements]
265
1976.01.13. Le Sinthome. Leçon 4
On n’est responsable que dans la mesure de son savoir-faire.
Qu’est-ce que c’est que le savoir-faire ?
Disons que c’est l’art, l’artifice, ce qui donne à l’art - à l’art dont on
est capable - une valeur remarquable.
Remarquable en quoi ?
Puisqu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre pour opérer le Jugement
Dernier, du moins est-ce moi qui l’énonce ainsi.
Ceci veut dire qu’il y a quelque chose dont nous ne pouvons jouir.
Appelons ça la jouissance de Dieu, avec le sens inclus là-dedans de
jouissance sexuelle.
Non pas bien sûr que dans l’intervalle qui nous a séparés...
depuis quelque chose comme maintenant plus de 3
semaines
...non pas que je n’aie pas travaillé. J’ai travaillé à des trucs dont
vous voyez là, sur le tableau, un échantillon :
266
Ceci, comme vous pouvez le voir, est un nœud borroméen :
...il n’en diffère que de quelque chose qui n’est pas négligeable, c’est
que celui-ci peut se distendre
de façon telle qu’il y ait deux extrêmes comme rond, et que ce soit
celui qui est dans le milieu qui fasse le joint :
Mais reprenons le ron-ron des vérités dites premières... dites par moi
comme telles.
Il est clair que l’ébauche même de ce qu’on appelle la pensée...
tout ce qui fait sens dès que ça montre le bout de son nez
...comporte une référence, une gravitation à l’acte sexuel, si peu
évident que soit cet acte.
Le mot même d’« acte » implique la polarité : active-passive. Ce qui
déjà est s’engager dans un faux-sens.
268
C’est ce qu’on appelle « la connaissance », avec cette ambiguïté que
l’actif c’est ce que nous connaissons,
mais que nous nous imaginons que - faisant effort pour connaître –
nous sommes actifs.
La connaissance donc, dès le départ se montre ce qu’elle est :
trompeuse.
C’est bien en quoi tout doit être repris au départ, à partir de
l’opacité sexuelle.
c’est que 1èrement nous ne nous apercevons pas que du sexuel ne fonde
en rien quelque rapport que ce soit. Ceci
implique, au gré de la pensée, qu’il n’y a de responsabilité...
en ce sens où « responsabilité » ça veut dire non réponse, ou
réponse à côté
...il n’y a de responsabilité que sexuelle. Ce dont tout le monde
en fin de compte a le sentiment.
Mais par contre, que ce que j’ai appelé le « savoir-faire » va bien au-delà
et y ajoute l’artifice que
nous imputons à Dieu tout à fait gratuitement, comme Joyce...
comme Joyce y insiste, parce que
c’est un truc qui lui a chatouillé quelque part ce qu’on appelle la pensée.
Alors que si vous creusez ce que je veux dire par cette notion du réel,
il apparaît que c’est pour autant que il n’a pas de sens...
qu’il exclut le sens, ou plus exactement qu’il se dépose d’en être exclu
...que le réel se fonde.
J’ai là un bouquin qui s’appelle Surface and Symbol 48 qui ajoute que
c’est une étude...
48
Robert Martin Adams : Surface and Symbol, The Consistency of James
Joyce’s Ulysses, Oxford University Press, 1967.
270
faut bien le savoir, car sans ce sous-titre comment le saurait-
on ?
...qui ajoute The Consistency of James Joyce’s Ulysses, par R - Robert - M.
Adams.
Ça veut dire ce qui tient ensemble. Et c’est bien pour ça que c’est
symbolisé, dans l’occasion, par la surface.
Parce que, pauvres de nous, nous n’avons idée de consistance que de
ce qui fait sac ou torchon.
C’est la première idée que nous en avons.
Même le corps, c’est comme peau retenant dans son sac un tas
d’organes, que nous le sentons.
En d’autres termes, cette consistance montre la corde.
Ce n’est pas pour rien. Je veux dire ce n’est pas sans cause cachée
que j’ai dû - pour ce nœud y ménager un accès - commencer par la
chaîne où il y a des éléments qui sont distincts.
Éléments qui consistent alors en quelque forme de la corde, c’est-à-
dire :
ou bien en tant que c’est une droite que nous devons supposer infinie
pour que le nœud ne se dénoue pas,
Un nœud donc, ça peut se faire. C’est bien pour ça que j’en ai pris
le cheminement, de raboutages élémentaires.
J’ai procédé comme ça parce que il m’a semblé que c’était le plus
didactique.
Vu la mentalité - y a pas besoin de dire plus - la senti-mentalité
propre au parlêtre,
la mentalité en tant que, puisqu’il la sent, il en sent le fardeau. La
mentalité en tant qu’il ment. C’est un fait !
Qu’est-ce qu’un fait ? C’est justement lui qui le fait : il n’y a de fait
que du fait que le parlêtre le dise.
Il n’y a pas d’autres faits que ceux que le parlêtre reconnaît comme
tels en les disant.
Il n’y a de fait que d’artifice. Et c’est un fait qu’il ment ! C’est-à-dire
qu’il instaure dans la reconnaissance de faux faits.
272
Ceci parce qu’il a de la mentalité, c’est-à-dire de l’amour propre. C’est le
principe de l’imagination : il adore son corps.
Il l’adore parce qu’il croit qu’il l’a !
En réalité il l’a pas - mais son corps est sa seule consistance : mentale
bien entendu - son corps fout le camp à tout instant.
Ce qui n’est vrai que pour le corps considéré comme tel, je veux
dire adoré, puisque c’est le seul rapport que le parlêtre
a à son corps. Au point, que quand il en adore un autre - un autre
corps - c’est toujours suspect,
car cela comporte le même mépris véritable, puisqu’il s’agit de
vérité.
273
« Qu’est-ce que la vérité » comme disait l’autre ? Qu’est-ce que « dire...
comme pendant le début du temps que je déconnais, on me
reprochait de ne pas le dire
...qu’est-ce que « dire le vrai sur le vrai » ? C’est faire rien de plus que
ce que j’ai fait effectivement : suivre à la trace le réel.
Le réel qui ne consiste et qui n’ex-siste que dans le nœud.
J’ai déjà parlé, dans un temps, de l’énigme. J’ai écrit ça grand E indice
petit e : Ee. Il s’agit de l’énonciation et de l’énoncé.
Une énigme, comme le nom l’indique, est une énonciation telle qu’on
n’en trouve pas l’énoncé.
Alors là, dans ce R.M. Adams, vous y trouverez quelque chose qui
a son prix.
C’est à savoir que dans les premiers chapitres de Ulysses, quand il va
professer auprès de ce menu peuple qui constitue une classe, si
mon souvenir est bon, à Trinity Collège, Joyce...
c’est-à-dire, non pas Joyce, mais Stephen
...Stephen c’est-à-dire le Joyce qu’il imagine et - comme Joyce n’est
pas un sot - qu’il n’adore pas, bien loin de là,
il suffit qu’il parle de Stephen pour ricaner. C’est pas très loin de
ma position quand même, quand je parle de moi. Quand je parle en
tout cas de ce que je vous jaspine.
275
Alors, en quoi consiste l’énigme ?
Je me suis mis comme ça à rêver, et je dois dire que tout ce que j’ai
pu consommer d’histoire de l’écriture,
voire de théorie de l’écriture...
il y a un nommé Février qui a fait l’Histoire de l’écriture 49,
il y en a un autre qui s’appelle Gelb qui a fait une théorie de l’écriture 50
...l’écriture ça m’intéresse puisque je pense, comme ça...
qu’historiquement, historiquement c’est par des petits bouts d’écriture
qu’on est rentré dans le réel, à savoir qu’on a
cessé d’imaginer,
que l’écriture des petites lettres, des petites lettres mathématiques, c’est
ça qui supporte le réel.
49
James G. Février : Histoire de l'écriture, Payot, 1948.
50
Ignace Jay Gelb : Pour une théorie de l'écriture, Flammarion, 1973.
276
Ça donne déjà un S, c’est-à-dire quelque chose qui a tout de même
beaucoup de rapport avec L’instance de la Lettre,
telle que je la supporte. Et puis ça donne un corps, un corps
vraisemblable à la beauté.
Parce qu’il faut dire que il y avait un nommé Hogarth qui s’était
beaucoup interrogé sur la beauté,
et qui pensait que la beauté, ça avait toujours quelque chose à faire
avec cette double inflexion :
277
Il y a Old Father, 27 Avril, c’est la dernière phrase du Portrait of an
Artist - of the Artist ! - vous voyez, j’ai fait le lapsus, hein !
Portrait d’un Artiste, as a Young Man, alors qu’il se croyait The Artist
...« Old father, old artificer, stand me now and ever in good stead » 51: « Tenez-
moi au chaud d’alors et de maintenant ».
C’est à son père qu’il adresse cette prière.
Son père qui justement se distingue d’être - bof - ce que nous
pouvons appeler un père indigne, un père carent,
celui que dans tout Ulysses il se mettra à chercher sous des espèces
où il le trouve à aucun degré.
Mais enfin, il est singulier qu’il y ait cette gravitation entre les
pensées de Bloom et de Stephen qui se poursuivent
pendant tout le roman, et même au point que le Adams...
dont le nom respire plus de juiverie que Broom [lapsus]...
que Bloom [rires]
...que le Adams... que le Adams soit très frappé... soit très frappé de
certains petits indices qu’il découvre,
qu’il découvre singulièrement comme étant par trop
invraisemblable d’attribuer à Bloom
une connaissance de Shakespeare que manifestement il n’a pas.
51
April 27 : « Old father, old artificer, stand me now and ever in good
stead ». Dublin 1904, Trieste 1914
278
Quoique ce soit celle que Stephen ait. Parce que c’est supposer à
Shakespeare des relations avec un certain herboriste
qui habitait dans le même coin que Shakespeare à Londres. Et que
malgré tout, ça c’est vraiment pure supposition.
Freud quand même n’a fait là-dessus que des articles, et des articles
limités, n’est-ce pas...
D’ailleurs, mis à part Dostoïevski, il n’a pas - à proprement parler -
analysé de roman.
Il a fait une petite allusion à Rosmersholm d’Ibsen, mais enfin il s’est
contenu.
Qu’est-ce que ça peut avoir comme écho pour, je ne dirai pas bien
sûr pour les gens qui sont dans cette enceinte,
mais pour ceux qui sont analystes ? C’est que l’analyse, c’est ça !
C’est la réponse à une énigme.
Et une réponse - il faut bien le dire, par cet exemple - tout à fait
spécialement conne.
C’est bien pour ça que... il faut garder la corde. Je veux dire que si
on n’a pas l’idée de où ça aboutit, la corde,
au nœud du non-rapport sexuel, on risque de... on risque de bafouiller.
282
il faut bien que nous fassions la suture quelque part. Ici
nommément : entre ce symbolique qui seul s’étend là,
et cet imaginaire qui est ici. Bien sûr, ici, le (a), la cause du désir.
Ouais...
283
C’est la même chose que d’ouïr un sens. C’est de suture et d’épissure
qu’il s’agit dans l’analyse.
Mais il faut dire que les instances, nous devons les considérer
comme séparées réellement :
imaginaire, symbolique et réel ne se confondent pas.
Il est temps que nous nous séparions, mais la prochaine fois, étant
donné ce que j’ai entendu de lui...
puisqu’il a eu la bonté de m’appeler vendredi par téléphone
...étant donné ce que j’ai entendu de lui, je crois qu’il pourra, sur ce
qu’il en est du Bloom en question...
à savoir - mon Dieu - de quelqu’un qui n’est pas plus mal placé
qu’un autre
pour piger quelque chose à l’analyse, puisque c’est un juif
...que sur ce Bloom, et sur la façon dont est ressentie la suspension,
entre les sexes, celle qui fait que le nommé Bloom
ne peut que s’interroger s’il est un père ou une mère, c’est quelque
chose qui fait le texte de Joyce.
284
il a les sentiments d’une mère, il croit la porter dans son ventre et
que c’est bien là, somme toute,
le pire égarement de ce qu’on peut éprouver vis-à-vis de quelqu’un
qu’on aime.
C’est là-dessus que je vous quitte, et que j’espère que pour cette
séance d’entrée, vous n’avez pas été trop déçus.
285
1976.04.13. Le Sinthome. Leçon 10
D’habitude, j’ai quelque chose à vous dire. Mais je souhaiterais
comme ça, aujourd’hui...
je souhaiterais parce que j’ai une occasion : c’est le jour de mon
anniversaire [applaudissements]
...je souhaiterais que je puisse vérifier si je sais ce que je dis. Malgré
tout, dire, ça vise à être entendu.
Je voudrais vérifier, en somme, si je ne me contente pas de parler
pour moi. Comme tout le monde le fait, bien sûr.
Si l’inconscient a un sens, c’est bien ça. Je dis : « si l’inconscient a un
sens... »
286
C’est ça qui consiste à appeler un de ces trois : Réel. Ça veut dire là
qu’il y a trois éléments.
Et que ces trois éléments, en somme, tels qu’ils sont dits noués - en
réalité enchaînés - font métaphore.
287
Que ceci ne vous empêche pas quand même, d’essayer dans un
instant de me poser une question qui me récompense.
Qui me récompense non pas de l’effort que je fais pour l’instant
parce que, justement ce que je pense pour l’instant,
c’est que ce que je vous dis, pour l’instant, n’a pas beaucoup de
chance d’obtenir une réponse.
C’est pas une idée qui se soutienne parce que c’est en somme là
qu’on touche que l’idée, l’idée qui vient comme ça, l’idée qui vient
quand on est couché, parce qu’en fin de compte c’est ça l’idée - au
moins réduite à sa valeur analytique - c’est une idée qui vous vient
quand on est couché. Qu’on soit couché ou debout, l’effet de
chaîne qu’on obtient par l’écriture ne se pense pas aisément.
Je veux dire que, à mon expérience tout au moins, il n’est pas du
tout aisé de dire comment une chaîne, une chaîne composée d’un
certain nombre d’éléments - même à les réduire à trois - ça ne
s’imagine pas facilement, ça ne s’écrit pas facilement.
Et il vaut mieux y être rompu d’avance pour être sûr de réussir à en
donner l’écriture.
C’est très exactement ce dont vous avez eu mille fois le témoignage
par moi-même, dans des erreurs - les lapsus de plume –
que j’ai faites cent fois devant vous en essayant de faire - quoi ? - de
faire une écriture qui symbolise cette chaîne.
Ce n’est pas non plus que ce soit quelque chose de tout à fait
étranger. Je dirai même plus, c’est ça qui rend sensible,
qui fait toucher du doigt - mais de façon tout à fait illusoire - ce que
peut être ce qu’on appelle « la réminiscence ».
289
bien sûr que ces réseaux, c’est peut-être ce qui m’a incité à leur
donner une nouvelle forme plus rigoureuse,
c’est-à-dire à faire de ces réseaux quelque chose qui s’enchaîne, au
lieu de simplement se tresser.
290
Mais ce qui fonctionne vraiment n’a rien à faire avec ce que je
désigne du Réel.
292
Ceci suppose, implique qu’on choisit de parler la langue qu’on parle
effectivement. En fait, on ne fait que s’imaginer la choisir.
Et ce qui résout la chose, c’est que cette langue, en fin de compte
on la crée.
On crée une langue pour autant qu’à tout instant on lui donne sens.
Il n’est pas réservé aux phases où la langue se crée : à tout instant
on donne un petit coup de pouce,
sans quoi la langue serait pas vivante, elle est vivante pour autant
qu’à chaque instant on la crée.
C’est en cela qu’il n’y a pas d’inconscient collectif, qu’il n’y a que
des inconscients particuliers,
pour autant que chacun, à chaque instant, donne un petit coup de
pouce à la langue qu’il parle.
Mais on sent bien à tout instant que c’est une exigence, si on peut
dire, préétablie.
C’est-à-dire que... il faut qu’on obtienne la constante. Et que c’est ça
qui constitue en soi l’énergétique.
C’est que, il faut trouver un truc pour trouver la constante.
293
Le truc convenable, celui qui réussit, est supposé conforme à ce
qu’on appelle la réalité.
Le Réel dont il s’agit est illustré par ce nœud mis à plat, est illustré
du fait que dans ce nœud mis à plat,
j’y montre un champ comme essentiellement distinct du Réel, qui
est le champ du sens.
À cet égard, on peut dire que le Réel a et n’a pas un sens au regard de
ceci : c’est que le champ en est distinct.
Que le Réel n’ait pas de sens, c’est ce qui est figuré par ceci :
c’est que le sens est là, et que le Réel est là, et qu’ils ne sont pas...
qu’ils sont distincts comme champs notamment.
Voilà !
295
QUESTIONS
Question I
Question II
« Si selon la Genèse...
je vous lis les choses qu’on a eu la bonté de m’écrire, ce qui
n’est pas plus mal qu’autre chose,
étant donné ce que j’ai dit : que le Réel tient à l’écriture
Si selon la Genèse, traduite par André Chouraqui, Dieu créa - à l’homme -
une aide, une aide contre lui,
qu’en est-il du psychanalyste comme « aide contre » ?
298
Question III
« Chaque acte de parole, coup de force d’un Inconscient particulier, n’est-il pas
- me pose-t-on la question - n’est-il pas collectivisation de l’Inconscient ? »
Mais c’est que si chaque acte de parole est un coup de force d’un
Inconscient particulier, il est tout à fait clair que
- comme nous en avons la théorie - chaque acte de parole peut
espérer être un dire. Et le dire aboutit à ce dont il y a la théorie,
la théorie qui est le support de toute espèce de révolution, enfin,
c’est une théorie de la contradiction. On peut dire des choses
très diverses, chacune étant à l’occasion contradictoire, et que de là
il sorte une réalité qu’on présume être révolutionnaire.
Question IV
Ça, c’est une très bonne question. Ça n’est pas parce que la droite
est infinie qu’elle n’a pas de limite, car la question continue par :
299
Il est certain que le statut de la droite mérite réflexion.
Qu’une droite coupée soit assurément finie, comme ayant des
limites, ne dit pas pour autant qu’une droite infinie soit sans limite.
C’est pas parce que le fini a des limites qu’une droite infinie...
puisqu’elle peut être supposée comme ayant ce qu’on appelle un
point à l’infini, c’est-à-dire en somme faisant cercle
...ça n’est pas pour autant que la droite suffise à métaphoriser
l’infini.
Lacan
301
Yad’lun. Il est certain que cet Un m’embarrasse fort. Je ne sais qu’en
faire, puisque, comme chacun sait, l’Un n’est pas un nombre.
Et même qu’à l’occasion je le souligne. Je parle du Réel comme
impossible dans la mesure où je crois justement que le Réel...
enfin... « je crois » : si c’est mon symptôme, dites-le moi
...où je crois que le Réel est, il faut bien le dire, sans loi.
Question VI
Question VII
« Le point se définit de l’intersection de trois plans. Peut-on dire qu’il est réel ?
L’écriture de traits, en tant qu’alignement de points... l’écriture, le trait en
tant qu’alignement de points sont-ils réels, au sens - je suppose que ça doit
être écrit : au sens où vous l’entendez ? »
C’est écrit : « au sens que vous l’entendez ». [Rires] Non, y a pas de quoi
rire.
Il est certain que c’est une question qui vaut tout à fait la peine
d’être posée :
que le point se définit de l’intersection de trois plans, et avec la
question qui est posée à son terme : « peut-on dire qu’il est réel ? ».
302
Comme certainement l’implication de ce que j’appelle la chaîne
borroméenne est qu’il n’y ait entre tout ce qui est consistant
dans cette chaîne, qu’il n’y ait à proprement parler aucun point
commun, exclut certainement le point comme tel, du Réel.
Parce que, qu’une figuration du Réel ne puisse se supporter que de
cette hypothèse qu’il n’y ait aucun point commun,
qu’il n’y ait aucun branchement, aucun « Y » dans l’écriture,
implique certes que le Réel ne comporte pas le point comme tel.
Question IX
303
Lacan - Sûrement pas !
Question X
« Quel peut être le statut d’une réponse faite à une élucubration à partir de laquelle
elle se définirait comme sinthome ? »
C’est que je réduisais le sinthome qui est ici à quelque chose qui
réponde, non pas à l’élucubration de l’Inconscient,
mais à la réalité de l’Inconscient. Il est certain que même sous cette
forme, ceci implique un 3ème terme.
Un 3ème terme qui - ces 2 ronds - pour les appeler de leur nom : les
ronds de ficelle - les maintiennent séparés.
304
tout ce qui tient séparés les deux, l’ensemble que j’ai constitué ici
par le nœud du symptôme et du Symbolique.
Question XI
Lacan
Certainement ! Certainement !
Mon cigare tordu a le plus étroit rapport avec la question que j’ai
posée sur la droite, également tordue, du même nom.
305
1977.05.10. L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre.
Leçon 11
Je me casse la tête, ce qui est déjà embêtant, parce que je me la
casse sérieusement,
mais le plus embêtant c’est que je ne sais pas sur quoi je me casse la
tête.
Il y a quelqu’un qui - un nommé Gödel [1906-78] - qui vit en
Amérique et qui a énoncé le nom d’« indécidable ».
Ce qu’il y a de solide dans cet énoncé, c’est qu’il démontre qu’il y a
de l’indécidable.
C’est tout au moins ce qui résulte du fait que le mental est tissé de
mots, entre quoi...
c’est expressément - me semble-t-il - la définition qu’en
donne Freud
...entre quoi il y a des bévues toujours possibles. D’où mon énoncé,
que de Réel il n’y a que l’impossible.
306
C’est bien là que j’achoppe : le Réel est-il impossible à penser ?
Tout ce qui est mental, en fin de compte, est ce que j’écris du nom
de « sinthome »(s.i.n.t.h.o.m.e.) c’est-à-dire signe.
Qu’est-ce que veut dire être signe ? C’est là-dessus que je me casse la
tête.
Est-ce qu’on peut dire que la négation soit un signe ?
J’ai autrefois essayé de poser ce qu’il en est de L’instance de la lettre.
Est-ce que c’est tout dire que de dire que le signe de la négation,
qui s’écrit comme ça : ┐n’a pas à être écrit ?
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Dans l’analyse, on peut sûrement dire que le Vrai mente.
L’analyse est un long cheminement - on le retrouve partout - que le
chemine-ne-mente, c’est quelque chose
qui ne peut à l’occasion que nous signaler que - comme dans le fil
du téléphone - nous nous prenons les pieds.
Et alors, qu’on puisse avancer des choses pareilles pose la question
de ce que c’est que le sens.
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Et ma pratique - puisque pratique il y a, pratique sur quoi je
m’interroge - c’est que je me glisse, j’ai à me glisser...
parce que c’est comme ça que c’est foutu
...j’ai à me glisser entre le transfert qu’on appelle - je ne sais pourquoi -
négatif, mais c’est un fait qu’on l’appelle comme ça,
on l’appelle négatif parce qu’on sent bien qu’il y a quelque chose...
On ne sait toujours pas ce que c’est que le transfert positif, le
transfert positif, c’est ce que j’ai essayé de définir sous le nom du
sujet supposé savoir.
Y’a de l’Un, je l’ai répété tout à l’heure pour dire qu’il y a de l’Un et
rien d’autre.
Y’a de l’Un mais ça veut dire qu’il y a quand même du sentiment.
Ce sentiment que j’ai appelé - selon les unarités - que j’ai appelé le
support,
le support de ce qu’il faut bien que je reconnaisse : la haine, en tant
que cette haine est parente de l’amour.
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que j’ai marqué, c’est que, de ce tétraèdre, il y a toujours une de ses
liaisons qui est rompue :
c’est à savoir que le S indice 1 [S1] ne représente pas le sujet auprès
du S indice 2 [S2], à savoir de l’Autre.
Le S indice 1 [S1] et le S indice 2 [S2], c’est très précisément ce que
je désigne par le A divisé
dont je fais lui-même un signifiant : S(A).
Il ne représente...
j’ai parlé tout à l’heure des paradoxes comme étant
représentables, à savoir dessinables
...il n’y a pas de dessin possible de l’inconscient.
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si ce n’est vous, que j’examinerai moi-même et que peut-être
j’interrogerai
dans l’espoir que quelque chose passe, passe de ce que je dis.
Au revoir !
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Colette Soler, après Lacan,
avait insisté sur le fait que la répétition n’a rien d’un
commandement du passé
Mais qu’elle est au présent. Elle est « le présent perpétué du réel ».
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Bien sûr, dans le passage d’un nombre à un autre il y a répétition du
1 mais surtout réitération du manque,
car cette répétition du 1 n’entraîne aucune totalisation.
« c’est que la suite des nombres ne représente rien d’autre dans le transfini
que l’inaccessibilité qui commence au deux,
par quoi d’eux se constitue l’énumérable à l’infini ». («
L’étourdit »)
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