Vous êtes sur la page 1sur 6

GRENADE

Insigne ornant l'uniforme des troupes d'élite

Nombre de flammes : 9
Déterminant les troupes à pied,
 grenadiers à pied
 gendarmes à pied

COULEURS
 Or : Force et Constance
 Bleu-roi : Loyauté et Fidélité

FORME :
Au cours des âges, la grenade est stylisée, la bombe s'amenuise
et les flammes s'allongent symbolisant l'action.

Cet insigne était très recherché des soldats, puisqu'il a été instauré pour rehausser l’uniforme des
troupes d’élite.

Rapidement, par sa bravoure, la Gendarmerie napoléonienne a revendiqué cet ornement. Les


couleurs de ce parement étaient l’or, symbolisant la force et la constance, et le bleu roi représentant
la loyauté et la fidélité. Au cours des âges, la bombe s’amenuise, les flammes s’allongent,
symbolisant l’action.

La grenade orna les uniformes des gendarmes vaudois dès 1818. Cependant, cette pratique ne fut
légalisée qu’en 1836, par un décret datant du 26 novembre. Malheureusement, aucune description
n’était faite de cet ornement. Nous retraçons ici en quelques mots son histoire.

Proposition de l’Inspecteur de la Gendarmerie, le 10 octobre 1836:

1. des épaulettes de la couleur des revers ;


2. la grenade en remplacement de l’étoile sur les retroussis ;
3. les chevrons comme marque distinctive de l’ancienneté des services.

Les épaulettes et la grenade sont accordées à la Gendarmerie, comme distinction de corps d’élite,
parce que partout cette arme a le pas sur les autres.

Le 23 octobre 1836, le Commissaire des guerres déclarait :


«…Je partage en général la manière de voir de M.
l’Inspecteur, quant au changement proposé à l’uniforme,
quoique je ne pense pas que chez nous la Gendarmerie
puisse avoir le pas sur toutes les troupes; cela a lieu
effectivement dans les états où il existe des troupes
permanentes, parce que les gendarmes sont tirés de l’armée,
parmi les sous-officiers qui se sont le mieux conduits. Mais la
Garde nationale prend la droite sur la Gendarmerie et je crois
qu’il doit en être de même dans les milices.»

Cette décision fit l’objet d'un débat au grand Conseil, le mercredi 24 novembre 1836.

M. le député Gaudard:

«M. Gaudard fait lecture de son rapport sur le projet de décret concernant l’uniforme de la
Gendarmerie. Le Conseil d’Etat, se fondant sur ce que partout est considéré comme un corps d’élite,
propose d'ajouter à l’uniforme des sous-officiers et des soldats, des épaulettes de la couleur des
revers (bleu clair), et de remplacer sur les retroussis de l’uniforme les étoiles par des grenades. La
dépense résultant de ce changement serait couverte comme le prescrit la loi du 8 juin 1809. La
commission conseille, à l’unanimité, l’adoption de ce projet de décret. »

Article 1er
Le Conseil d'Etat est autorisé à apporter les changements ci-après, à la tenue que prescrit l’arrêté du
8 juin 1809, pour les sous-officiers et soldats du Corps de la Gendarmerie:

a) d'ajouter à l’uniforme des épaulettes de la couleur des revers (bleu clair);


b) des grenades en remplacement des étoiles sur les retroussis de l'uniforme.

2. Ces épaulettes seront payées comme il est prescrit à l’art. 10 de la Loi du 8 juin 1809, pour
l’habillement des sous-officiers et gendarmes.

3. Le Conseil d’Etat est chargé de l’exécution du présent décret.


Donné, sous le grand sceau de l’Etat, à Lausanne, le 26 novembre 1836.

Nous avons été intrigués par le port de la grenade sur les retroussis de l’uniforme des gendarmes
vaudois, dès 1818.

Le premier élément a été découvert dans une circulaire du registre du Pont, du 24 juin 1818.
Malheureusement, aucun autre indice n’était à ce moment-là disponible.

Comme pour titiller notre amour-propre, le sgtm Isabel nous fournissait une photographie prise au
Pillon, montrant une grenade gravée sur un rocher en 1883 et signé d’un gendarme Dupuis. Nous
avions la preuve que la grenade se composait de 9 flammes.

Suite à une interpellation du département, M. le lt col Chapuis, Inspecteur de la Gendarmerie,


effectua une enquête sur le pourquoi des grenades sur l’uniforme des gendarmes vaudois, sachant
qu'aucun règlement ne mentionnait cet ornement.

Le 22 mai 1818, cet inspecteur transmettait son rapport au Département militaire.

«Aux très honorés Messieurs les Conseillers d'Etat, Membres du Département militaire

Très honorés Messieurs,

Lorsque j’arrivai pour prendre l’inspection du Corps de la Gendarmerie, Monsieur le Capitaine de


Joffrey me fit part du désir qu’il avait de faire porter la grenade aux gendarmes sous ses ordres ; il
motivait cette demande sur ce que le règlement ne déterminant rien à cet égard, quelques
gendarmes portaient sur leurs retroussis des étoiles, d’autres des boutons, et plusieurs ni étoiles ni
boutons; sur ce qu’il y eût sur ce point comme sur les autres, de l’uniformité dans les tenues de
gendarmes.

Enfin, il choisissait la grenade comme la marque distinctive généralement adoptée par les troupes
d’élite et particulièrement pour la Gendarmerie.

Il pensait que l’honneur de porter la grenade influerait en bien sur l’esprit du Corps. J’approuvais
toutes ces raisons; mais j’engageais Monsieur de Joffrey à parler de ce projet à MM. Les Conseillers
d’Etat qu’il serait dans le cas de rencontrer avant de le mettre à exécution; aucun d’eux n’y ayant vu
d'inconvénient, Monsieur le Commandant a cru pouvoir faire porter la grenade à ses gendarmes qui
tous se soumettent avec empressement à la légère dépense que cela leur occasionne. Je partage
avec Monsieur de Joffrey le tort de n’avoir pas cru devoir faire de ce changement l’objet d’une
demande expresse au Département militaire. Daignez très honorés Messieurs pardonner et autorisez
par votre approbation le projet que nous avions provisoirement adopté.

Agréez Très honorés Messieurs les membres du Département militaire, l’hommage de mon respect.»

Le lt col Chapuis
Inspecteur de la Gendarmerie

Après enquête, M. l’Inspecteur général proposait donc au Département militaire d'adopter cette
modification.

Dans sa détermination du 23 mai 1818, le Département militaire demandait au Petit Conseil de


donner une suite favorable à cette affaire, en ces termes:

«Le Département ayant remarqué que les gendarmes portaient des grenades sur le retroussis de
leurs habits a demandé à M. l'Inspecteur de la Gendarmerie par qui ils avaient été autorisés à
introduire cette nouvelle décoration.

A quoi ayant satisfait par sa lettre du 22 mai 1818, le Département en soumet le contenu au Conseil
d’Etat en proposant que vu que la loi ne prescrit rien à cet égard d'autoriser les membres du Corps
de la Gendarmerie à porter la grenade sur le retroussis de leurs habits.»

Diverses déterminations furent rédigées les 4 et 18 juin 1818, mais sans qu’il soit possible de les
déchiffrer. Cependant, il semble que la proposition fut adoptée, au vu de la circulaire émise par le
commandant de Joffrey, le 24 juin 1818 à l’égard des grenades.

L’histoire pourrait s’arrêter là. Elle se poursuit par cette lettre du capitaine de Joffrey en avril 1819,
par laquelle le chef du Corps admet avoir acquis mille grenades au prix de 225 francs, en les payant
de sa poche, afin de rehausser l’uniforme des gendarmes. Ceux-ci s’acquittaient de cette modeste
dépense avec empressement.

Devant quitter le corps, il demande si l’Etat ne peut prendre en charge cette dépense.

Dans sa détermination, le Département militaire estime ne pas pouvoir statuer et se borne à


transmettre cette demande au Petit Conseil, lequel refusa d’entrer en matière.
La grenade, un symbole pour l’élite.

La grenade reste, avec l’ancre et l’épée, un des symboles militaires


les plus connus du grand public. Cette arme de combat représentée sous
diverses formes n’a pas toujours appartenu au patrimoine de notre
institution, bien qu’elle en soit aujourd’hui le symbole le plus représenté et
le plus distinctif.

Prestigieuse devancière, la maréchaussée ne possédait pas la


grenade dans son patrimoine symbolique. La «bombe enflammée» va
timidement apparaître dans l’institution peu après la Révolution française.
La loi du 15 mai 1791 supprime la compagnie de la prévôté de l’Hôtel,
unité de la maréchaussée employée à la garde du roi et la police de la
cour, et la remplace par deux compagnies de grenadiers gendarmes
chargées du même type de mission auprès des autorités de la République.
Quand ces unités cesseront d’être rattachées à la gendarmerie, elles
légueront le symbole de la grenade à l’institution.
Cet attribut fera son apparition dans les textes réglementaires en 1798.
Celui-ci sera tout d’abord d’argent en cannetille ou en drap bleu selon les
grades sur les retroussis des uniformes. Par la suite, la grenade se
matérialisera de façons diverses sur les bonnets à poil de l’Empire, sur les
plaques de ceinturons des uniformes, sur les coiffures et les
passementeries. De nos jours, elle reste bien présente sur la tenue, sur

les documents de correspondance et certains matériels.


La Gendarmerie nationale va aussi, au fil de l’histoire, essaimer sa
symbolisque chez les gendarmeries « sœurs ». Ainsi, il est aisé de
constater les liens qui nous unissent aux institutions étrangères, tant la
grenade ou les aiguillettes sont présentes chez nos homologues belge,
luxembourgeois ou italien et plus recemment au sein de la nouvelle force
de gendarmerie européenne

Bien entendu, au fil du temps, la forme de cette grenade a évolué.


Elle est représentée avec un panache comprenant un nombre variable de
flammes et une bombe plus ou moins grosse. De nos jours, sa forme est
fixée réglementairement à huit flammes entrelacées pour la gendarmerie.
Elle est ainsi clairement identifiable au regard de celle de la légion
étrangère, de l’infanterie, des pompiers ou encore de l’administration des
douanes.
L’attribut que constitue la grenade est porteur d’un fort
symbolisme : il reste l’apanage des troupes d’élite. En effet, cette arme
était primitivement un projectile de forme ronde remplie de poudre noire
comportant une mèche à son sommet. Dès 1667, des soldats grenadiers
font leur apparition dans les rangs des troupes françaises. Ces soldats, de
robuste constitution, au caractère affirmé, étaient spécialisés dans la mise
en œuvre de ces bombes enflammées. Le poids de ces engins (1,9 kilos
au XVème siècle) et la rusticité du dispositif de mise à feu faisaient
prendre d’énormes risques à ces hommes, dont nombre perdait la vie
dans l’explosion de ces projectiles. Cet état de fait contribuera à mettre en
valeur le caractère élitiste de la fonction de grenadier. Les siècles suivants
verront l’attribution de cette appellation aux meilleures des troupes et la
grenade deviendra un symbole distinctif de la valeur d’une formation.
Progressivement, elle sera étendue à de nombreuses armes, spécialités ou
administrations sous réserve qu’elles mettent en œuvre de l’armement.

A la lumière de ces explications, il semble juste que cet attribut


figure sur les uniformes et équipements de la Gendarmerie nationale,
institution qui conserve l’honneur de défiler à la tête des armées et de
prendre place à la droite des troupes.

Vous aimerez peut-être aussi