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Neurosciences

et cognition
Pédagogies en développement

Collection dirigée par


Jean-Marie De Ketele
PÉDAGOGIES EN DÉVELOPPEMENT
Neurosciences
et cognition
Perspectives pour les sciences
de l’éducation

Éric Tardif
Pierre-André Doudin

2e édition
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de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

© De Boeck Supérieur s.a., 2022


rue du Bosquet, 7 – B1348 Louvain-la-Neuve

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Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par
photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une
banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque
manière que ce soit.

Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : mai 2022 ISSN 0777-5245
Bibliothèque Royale de Belgique, Bruxelles : 2022/13647/062 ISBN 978-2-8073-4196-8
S O M M A I R E

LISTE DES CONTRIBUTEURS .................................. 9

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
par Éric TARDIF et Pierre-André DOUDIN

CHAPITRE 1
Anatomie fonctionnelle du système nerveux................ 15
par Éric TARDIF

CHAPITRE 2
La rencontre entre sciences cognitives
et éducation : opportunités et pentes glissantes.
Le cas exemplaire des neuromythes............................... 47
par Elena PASQUINELLI

CHAPITRE 3
De l’utilité ambiguë des styles d’apprentissage
et des neuromythes ......................................................... 81
par Pierre-André DOUDIN, Éric TARDIF et Nicolas MEYLAN

CHAPITRE 4
Les mythes entourant le bilinguisme
chez les enfants ............................................................. 103
par Fred GENESEE et Audrey DELCENSERIE
6 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

CHAPITRE 5
Les neurosciences cognitives du développement
de la mémoire : implications pour les sciences
de l’éducation ................................................................ 135
par Patricia J. BAUER et Nicole L. VARGA

CHAPITRE 6
Mémoire de travail, développement cognitif
et performances scolaires ............................................. 165
par Anik de RIBAUPIERRE

CHAPITRE 7
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H)
de l’enfant et de l’adolescent : nouvelles
perspectives.................................................................... 189
par Michel BADER

CHAPITRE 8
Les bases neurologiques de la prise de risque
chez les adolescents : une revue critique .................... 221
par Vincent LALIBERTE, Daina CRAFA et Suparna CHOUDHURY

CHAPITRE 9
Que nous apprennent les neurosciences cognitives
sur le développement typique et atypique
des aptitudes numériques ? Une revue
de la littérature ............................................................. 253
par Stephan E. VOGEL et Daniel ANSARI

CHAPITRE 10
Anxiété et affect en mathématiques : perspectives
comportementales, neurocognitives et
développementales ....................................................... 287
par Alex M. MOORE et Mark H. ASHCRAFT

CHAPITRE 11
L’apprentissage de la lecture et ses troubles :
le point de vue des sciences cognitives
et des neurosciences...................................................... 319
par Pascal ZESIGER, Hélène TZIEROPOULOS et Marina LAGANARO
Sommaire 7

CHAPITRE 12
Neurosciences de la Musique ....................................... 351
par Clément FRANÇOIS et Daniele SCHÖN

INDEX DES AUTEURS 379

INDEX DES CONCEPTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 399

TABLE DES MATIÈRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 405


L I S T E D E S C O N T R I B U T E U R S

Ansari, Daniel, University of Western Ontario, London, Ontario, Canada.


Ashcraft, Marc, H., University of Las Vegas, USA.
Bader, Michel, Université de Lausanne, Centre hospitalier
universitaire vaudois, Lausanne, Suisse.
Bauer, Patricia, University of Atlanta, USA.
Choudhury, Suparna, University McGill, Montréal, QC, et Jewish General
Hospital, Montréal, QC, Canada.
de Ribaupierre, Anik, Université de Genève.
Doudin, Pierre-André, Université de Lausanne et Université de Fribourg, Suisse.
Delcenserie, Audrey, Université de Montréal, QC, Canada.
François, Clément, Universitat de Barcelona, Espagne.
Genesee, Fred, McGill University, Montréal, QC, Canada.
Laganaro, Marina, Université de Genève, Suisse.
Laliberté, Vincent, McGill University, Montréal, QC, Canada.
Crafa, Daina, McGill University, Montréal, QC, et Jewish General Hospital,
Montréal, QC, Canada.
Meylan, Nicolas, Université de Lausanne et Haute école pédagogique,
Vaud, Lausanne, Suisse.
Moore, Alex, M., Université de Las Vegas, USA.
10 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Pasquinelli, Elena, École normale supérieure Paris, France.


Schön, Danièle, Aix Marseille Université et INSERM, Marseille, France.
Tardif, Éric, Haute école pédagogique, Vaud, Lausanne, Suisse.
Tzieropoulos, Hélène, Université de Genève, Suisse
Vogel, Stephan, E., University of Graz Austria.
Zesiger, Pascal, Université de Genève, Suisse.
I N T R O D U C T I O N

Éric TARDIF et Pierre-André DOUDIN

L’objectif de cet ouvrage est d’offrir une revue compréhensive des


travaux récents effectués dans différents domaines qui intéressent tant les
spécialistes des sciences de l’éducation que les chercheurs en neurosciences
cognitives. Il peut à la fois offrir des informations pertinentes aux chercheurs
et aux étudiants qui effectuent des recherches dans ces domaines ainsi
qu’aux enseignants qui travaillent en classe auprès d’élèves au développe-
ment typique ou présentant des difficultés d’apprentissage.
Les neurosciences cognitives s’intéressent aux bases neurologiques
des fonctions supérieures telles le langage, la mémoire, l’apprentissage,
l’attention, le raisonnement, etc. Ces champs d’intérêt sont également par-
tagés par les sciences de l’éducation. La rencontre entre ces deux disciplines
donne lieu à de nombreux débats. Certains auteurs (e.g., Bruer, 1997) ont
soutenu que les neurosciences et les sciences de l’éducation devraient
demeurer séparées car les résultats en neurosciences ne peuvent être d’un
grand apport direct pour l’éducation. Plus récemment, d’autres auteurs (e.g.,
Ansari & Coch, 2006 ; Fischer, Goswami, & Geake, 2010 ; Tardif & Doudin,
2011) se montrent plus positifs quant à une rencontre entre ces deux dis-
ciplines et plusieurs sociétés ont été créées afin de promouvoir un dialogue
entre les spécialistes en neurosciences et les différents acteurs des sciences
de l’éducation. Bien que prometteuse, cette nouvelle approche comporte
toutefois plusieurs obstacles. Les neurosciences fascinent au point que l’on
parle parfois de neurophilie, mais cela ne va pas sans dangers : attentes
irréalistes (p. ex., que chacune des interventions de l’enseignant soit basée
sur des connaissances du fonctionnement cérébral) ; interprétations abu-
sives de résultats de recherche (p. ex., qu’il existe des élèves dits « cerveau
12 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

gauche » et d’autres dits « cerveau droit ») ; fausses croyances (p. ex., on


n’utilise que 10 % de notre cerveau ; les élèves apprennent mieux lorsque
l’information leur est transmise dans leur modalité préférée – visuelle, audi-
tive ou kinesthésique), etc. Ces fausses croyances ont profondément pénétré
le milieu des enseignants et des formateurs d’enseignants dans différents
pays (p. ex., Québec, Angleterre, Pays-Bas, Slovaquie, Suisse).
Le fonctionnement cérébral est d’une complexité extrême, à tel point
qu’il est difficile (voire parfois impossible) d’établir des liens de causalité
entre les éléments biologiques (p. ex., des gènes à l’activité neuronale) et
le comportement. De plus, la présence d’importantes différences intra- et
interindividuelles complique davantage la compréhension des phénomènes
qui nous intéressent. À l’heure actuelle, les neurosciences prises de façon
isolée apportent peu aux sciences de l’éducation. Par contre, prises dans
un contexte plus large, elles pourraient permettre une vue d’ensemble très
intéressante de certaines fonctions cognitives qui sont sollicitées en milieu
scolaire ainsi que de leur développement typique et atypique. C’est sans
doute une des raisons pour lesquelles un nombre croissant d’enseignants, de
psychologues, de chercheurs en éducation et en neurosciences souhaitent
collaborer afin de mieux connaître les liens récents qui unissent pédagogie
et cerveau.
Cette collaboration doit permettre le développement d’un esprit cri-
tique face aux différentes approches qui sont proposées. Des auteurs, notam-
ment nord-américains, français et suisses, ont développé une riche réflexion
sur la nécessité, la difficulté et les dangers d’une alliance de travail entre
ces différentes disciplines. La plupart de ces publications sont en anglais.
Le présent ouvrage rassemble en français des auteurs parmi les plus presti-
gieux afin de donner un aperçu général des résultats de recherches récentes
et fait le point sur de nouvelles avancées en neurosciences cognitives qui
pourraient s’avérer utiles dans le domaine de l’éducation, notamment en
lien avec les troubles de l’apprentissage. Il ne s’agit pas de prétendre que les
connaissances actuelles en neurosciences devraient guider l’enseignement,
mais plutôt d’informer le lecteur des recherches actuelles sur des théma-
tiques liées à certains processus cognitifs et leurs bases neurologiques qui
jouent un rôle en sciences de l’éducation. Il s’adresse à la fois aux experts
en neurosciences qui souhaitent approfondir certains domaines liés aux
sciences de l’éducation, aux étudiants en psychologie, aux enseignants et
aux professionnels du milieu de l’éducation.
Le présent ouvrage est formé de trois parties. Dans une première
partie portant sur la neuroanatomie fonctionnelle et les neuromythes, Éric
Tardif (ch. 1) traite des bases anatomiques et fonctionnelles du système
nerveux. Il permet notamment au lecteur novice d’en connaître davantage
sur les différentes régions cérébrales qui sont abordées dans les chapitres
Introduction 13

de l’ouvrage. Les trois chapitres suivants sont majoritairement consacrés aux


fausses croyances relatives au fonctionnement cérébral et à l’apprentissage.
Elena Pasquinelli (ch. 2) propose une réflexion sur les apports potentiels des
sciences cognitives au domaine de l’éducation ainsi que sur les différentes
dérives susceptibles d’entraver la collaboration entre ces deux disciplines.
Pierre-André Doudin, Éric Tardif et Nicolas Meylan (ch. 3) illustrent com-
ment certaines approches visant à expliquer les différences interindividuelles
du développement de l’intelligence ainsi que certains neuromythes bénéfi-
cient d’une grande popularité auprès des enseignants malgré leur manque
de support empirique. Les auteurs émettent des hypothèses pour expliquer
ce phénomène et font des propositions pour le prévenir. Fred Genesee et
Audrey Delcenserie (ch. 4) confrontent certaines idées populaires concer-
nant le bilinguisme (notamment l’apprentissage d’une langue seconde chez
l’enfant) avec des résultats de recherche qui, souvent, vont à l’encontre des
conceptions naïves à ce sujet.
La deuxième partie de cet ouvrage aborde les bases de fonctions
cognitives hautement sollicitées en milieu scolaire, soit les différents types
de mémoires et les processus attentionnels ainsi que certains aspects du
développement de l’enfant et de l’adolescent. Patricia Bauer et Nicole Varga
(ch. 5) passent en revue les travaux les plus récents portant sur le dévelop-
pement de la mémoire chez l’enfant, principalement en ce qui concerne la
mémoire de travail, la mémoire épisodique et la mémoire sémantique. Anik
de Ribaupierre (ch. 6) illustre les liens entre la mémoire de travail, les pro-
cessus attentionnels et différentes théories de l’intelligence. Michel Bader
(ch. 7) effectue une synthèse des recherches les plus récentes sur le trouble/
déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité et les différents traitements
qui peuvent être entrepris. Des méthodes sont proposées aux enseignants
afin de favoriser les apprentissages des élèves présentant ce trouble. Vincent
Laliberté, Daina Crafa et Suparna Choudhury (ch. 8) s’intéressent au déve-
loppement cérébral chez l’adolescent et offre une critique rigoureuse des
différents travaux visant à expliquer la prise de risque chez l’adolescent.
Finalement, la troisième partie porte sur les domaines d’apprentis-
sage, leurs difficultés et certaines pistes d’interventions. Stephan Vogel et
Daniel Ansari (ch. 9) décrivent les bases neurologiques de l’arithmétique
ainsi que les travaux les plus récents concernant la dyscalculie. Alex Moore
et Mark Ashcraft (ch. 10) illustrent la façon dont l’anxiété des mathéma-
tiques, des tests ainsi que la menace du stéréotype peuvent interférer avec la
mémoire de travail et diminuer les performances en mathématiques. Pascal
Zesiger, Hélène Tzieropoulos et Marina Laganaro (ch. 11) effectuent une
revue compréhensive des travaux en neurosciences cognitives qui s’inté-
ressent à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture ainsi que des troubles
qui leur sont associés (dyslexie/dysorthographie). Finalement, Clément
François et Daniele Schön (ch. 12) établissent des liens entre l’apprentissage
14 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

de la musique, la plasticité cérébrale et les effets potentiels de ces apprentis-


sages sur d’autres fonctions cognitives sollicitées en milieu scolaire.
L’association des neurosciences cognitives et des sciences de l’édu-
cation constitue un champ d’investigation prometteur mais complexe et
semé d’embûches, comme la propagation des neuromythes l’illustre bien.
Afin d’éviter de tels écueils, une étroite collaboration entre spécialistes des
neurosciences et spécialistes des sciences de l’éducation, ainsi que beaucoup
de patience sont nécessaires. Une telle alliance de travail devrait permettre
de déboucher sur des synergies et des applications possibles en classe.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ansari, D. & Coch, D. (2006). Bridges over troubled waters: Education and cognitive
neuroscience. Trends in Cognitive Sciences, 10(4), 146-151.
Bruer, J. (1997). Education and the brain: A bridge too far. Educational Researcher,
26(8), 4-16.
Fischer, K. W., Goswami, U., & Geake, J. (2010). The future of educational neurosci-
ence. Mind, Brain, and Education, 4(2), 68-80.
Tardif, E. & Doudin, P.-A. (2011). Neurosciences cognitives et éducation : le début
d’une collaboration. Formation et pratiques d’enseignement en questions, 12,
99-120.
Chapitre
Anatomie fonctionnelle
1
du système nerveux
Éric TARDIF

Les neurosciences comprennent tous les champs d’études qui


portent sur le système nerveux (SN). Ce chapitre vise à présenter au lecteur
les bases anatomiques et fonctionnelles du SN et plus spécifiquement du cer-
veau. Il s’adresse particulièrement au lecteur qui possède des connaissances
limitées du cerveau et de ses constituants et qui souhaite mieux comprendre
le fonctionnement de certaines régions cérébrales, notamment celles qui
seront abordées dans les différents chapitres de ce volume. Les premières
découvertes importantes en anatomie et en physiologie du SN ont été effec-
tuées par des chercheurs ayant des intérêts très variés, lesquels n’étaient pas
nécessairement tous limités au SN. Par exemple, Jan Evangelista Purkinje
(1787-1869) a non seulement mis en évidence les neurones du cervelet
(nommées cellules de Purkinje), les glandes sudoripares, les tubes sémini-
fères des testicules, mais il est aussi à l’origine de nombreux autres travaux,
notamment une thèse sur les empreintes digitales en 1823 ! Aujourd’hui, les
chercheurs sont généralement spécialisés dans quelques domaines précis et
de nombreux travaux sont régulièrement publiés en génétique, en biologie
cellulaire et moléculaire, en neurophysiologie, en imagerie fonctionnelle et
en psychologie du comportement. Ainsi, il devient difficile pour l’étudiant et
le chercheur d’avoir une idée globale (transdisciplinaire) du fonctionnement
du SN.
16 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

1. CONSTITUANTS DU SYSTÈME NERVEUX


1.1 Le neurone
Les neurones (ou cellules nerveuses) sont, avec les cellules gliales
(voir section 1.5), les principaux constituants du SN. Nous verrons dans la
section 2 de ce chapitre que le SN est divisé en plusieurs parties, les deux plus
grandes divisions étant le système nerveux central (SNC ; cerveau et moelle
épinière) et le système nerveux périphérique (SNP ; nerfs périphériques).
Avec le cervelet, le cerveau compte plus de 100 milliards de neurones. Ceux-ci
présentent une diversité remarquable par leurs formes, leurs tailles et leurs
propriétés. De façon générale, un neurone est formé d’un corps cellulaire
(aussi appelé soma), duquel émanent plusieurs dendrites et un axone (voir
figure 1.1). Toutefois, il existe plusieurs autres types de neurones, notamment
des neurones ne possédant qu’un axone (neurones unipolaires ; surtout chez
les invertébrés), un axone et un dendrite (neurones bipolaires) ou encore
des neurones avec un seul prolongement qui se divise rapidement en deux
parties (neurones pseudo-unipolaires). Les dendrites forment généralement
une arborisation, c’est-à-dire qu’une branche rattachée au corps cellulaire s’en
éloigne en formant d’autres embranchements. Par ailleurs, cette arborisation
dendritique ne franchit pas de très longues distances et demeure à proximité
relative du corps cellulaire. L’axone peut pour sa part franchir de très longues
distances. Le corps cellulaire comporte de nombreuses similarités avec les
autres cellules du corps : il contient un noyau dans lequel on retrouve le bagage
génétique de la cellule ainsi que de nombreux autres constituants appelés
organites. Ceux-ci ont de multiples fonctions, notamment la production des
protéines qui participent à la structure et au fonctionnement du neurone. Le
diamètre du corps cellulaire varie selon le type de neurone, les plus petits
ayant un diamètre d’environ 10 micromètres1 et les plus grands de 100 micro-
mètres. Les neurones se distinguent des autres cellules par la communication
intercellulaire. Ils produisent des potentiels d’actions (ou impulsions) qui se
propagent via l’axone (lequel varie en diamètre et peut atteindre 20 micro-
mètres chez les mammifères) et peuvent ainsi influencer l’activité de neurones
distants. C’est l’influx nerveux. Celui-ci voyage à une vitesse approximative
de 60 m/s pour les axones myélinisés, c’est-à-dire recouverts d’une couche
isolante appelée myéline. La vitesse relative de l’influx nerveux est essentiel-
lement influencée par deux paramètres : la présence de myéline qui augmente
la vitesse de transmission et le diamètre axonal (un diamètre plus large étant
associé à une vitesse plus rapide). Anatomiquement, un neurone dont le corps
cellulaire est situé dans l’hémisphère droit peut, par exemple, posséder un
axone se rendant dans une autre région du même hémisphère ou encore dans

1. Un micromètre équivaut à un millième de millimètre.


Anatomie fonctionnelle du système nerveux 17

une région de l’hémisphère opposé. Dans les deux cas, on parle de projections
(ou efférences) axonales distantes. Ainsi, un neurone peut, lorsqu’il émet des
impulsions, influencer l’activité de neurones distants. D’autres neurones, sou-
vent de petites tailles, vont exercer une influence sur des neurones situés très
près de leur propre corps cellulaire. On parle ainsi d’interneurones.

Figure 1.1. Le neurone. (1) Corps cellulaire. (2) Dendrite. (3) Axone.
(4) Noyau cellulaire. (5) Gaine de myéline. (6) Collatérale de l’axone.
(7) Terminaison nerveuse / synapse.

Illustration originale par Nicolas Christin

1.2 Matière grise et matière blanche


La matière grise du cerveau correspond à divers regroupements de
corps cellulaires qui prennent différentes formes. En observant la partie super-
ficielle du cerveau (c’est-à-dire ce qui est visible sans effectuer des coupes du
cerveau), on remarque le cortex cérébral (figure 1.2). Il s’agit d’une couche
de corps cellulaires, fortement plissée, qui varie en épaisseur (d’environ 1 mm
à 4.5 mm) et en organisation anatomique selon les différentes régions (au
niveau du cortex, on parle d’aires cérébrales ou corticales). D’autres structures
18 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

grises du cerveau sont situées à l’intérieur de celui-ci et sont donc uniquement


visibles sur des tranches du cerveau (figure 1.2). Ces amas de corps cellulaires
sont appelés noyaux2 et prennent diverses formes (p. ex., forme allongée, en
forme de « C », forme arrondie, forme sinusoïdale, etc.). Puisqu’ils sont situés
sous le cortex cérébral, ces noyaux font partie des structures dites sous-
corticales. Il est toutefois important de garder à l’esprit qu’un noyau, quelle
que soit sa forme, demeure un amas de corps cellulaire.

Figure 1.2. Gauche : Coupe coronale du cerveau. (1) Tête du noyau


caudé. (2) Thalamus. (3) Claustrum. (4) Putamen. (5) Globus pallidus.
(6) Hippocampe. (7) Sillon occipito-temporal. (8) Sillon temporal inférieur.
(9) Sillon temporal supérieur. (10) Fissure latérale (de Sylvius).
(11) Gyrus temporal supérieur. (12) Gyrus de Heschl. (13) Insula.
Droite : les différentes couches corticales du cortex cérébral.
MB : Matière blanche.

Illustration originale par Nicolas Christin

La matière blanche est, pour sa part, formée d’amas d’axones. On


la retrouve en grande quantité sous le cortex cérébral et entre les divers
noyaux sous-corticaux. De façon grossière, certaines régions cérébrales

2. Il ne faut pas confondre noyau cellulaire (à l’intérieur d’un corps cellulaire et contenant
le bagage génétique) et noyau (amas de corps cellulaires).
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 19

(noyaux ou aires corticales) contiennent des corps cellulaires qui vont proje-
ter leurs axones vers des cibles particulières. Ces amas d’axones partant d’un
point A vers un point B sont appelés faisceaux et forment la matière blanche.
Ainsi, on nommera un faisceau selon son origine et sa cible. Par exemple,
certains neurones situés dans le cortex cérébral projettent de longs axones
vers les neurones de la moelle épinière. On fait alors référence à un faisceau
corticospinal. Les chercheurs ont mis au point différentes techniques qui
permettent de savoir vers quelle(s) région(s) les corps cellulaires d’une
région du cerveau projettent leurs axones. Ainsi, on dira qu’une structure A
envoie des efférences (output) vers une structure B et que cette structure B
reçoit des afférences (input) de la structure A.

1.3 La synapse
Vers la fin du XIXe siècle, les chercheurs n’étaient pas unanimes sur la
façon dont les neurones pouvaient communiquer entre eux. La querelle la plus
célèbre opposait les partisans de la théorie du neurone et de la théorie réticu-
laire. Selon la première, soutenue notamment par Santiago Ramón y Cajal, les
neurones ne se touchent pas entre eux et il existe un espace entre la termi-
naison de l’axone et le second neurone. Selon la théorie réticulaire, soutenue
ardemment par Camillio Golgi, les neurones forment plutôt un réseau continu,
semblable à une toile d’araignée, à travers lequel les impulsions nerveuses
peuvent voyager en toute direction. Cajal et Golgi ont partagé le prix Nobel
en 1906 et Golgi n’a pas manqué d’attaquer la théorie du neurone lors de son
discours. Plusieurs dizaines d’années plus tard, la microscopie électronique
rendant possible la visualisation de l’espace qui sépare la terminaison du deu-
xième neurone (voir Rapport, 2005 pour un historique complet) donna raison
à Cajal. Cet espace est nommé espace synaptique. Trois éléments forment la
synapse (figure 1.3) : l’élément présynaptique, l’espace synaptique et l’élé-
ment post-synaptique. L’élément présynaptique est une terminaison axonale
tandis que l’élément post-synaptique est généralement une dendrite ou le
corps cellulaire d’un second neurone. Ce type de synapse est appelé « synapse
chimique » car elle implique un intermédiaire chimique, le neurotransmetteur,
qui, une fois relâché par l’élément présynaptique (terminaison axonale) dans
l’espace synaptique, peut se lier à des récepteurs au niveau post-synaptique
et ainsi exercer une influence sur un autre neurone3. Cette influence peut être
excitatrice ou inhibitrice. Une synapse excitatrice augmentera la probabilité
que le neurone post-synaptique émette à son tour une impulsion qui se pro-
pagera le long de l’axone. La synapse inhibitrice exerce un effet inverse : elle
diminue la probabilité que le neurone post-synaptique émette une impulsion.

3. Il existe également des synapses dites électriques, pour lesquelles des canaux ioniques
relient les éléments présynaptique et post-synaptique. Il n’y a donc pas d’espace synap-
tique proprement dit pour ce type de synapse.
20 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Afin d’obtenir une vue d’ensemble plus réaliste, il faut garder à l’esprit qu’un
seul neurone peut recevoir simultanément plusieurs milliers de synapses,
certaines étant excitatrices et d’autres inhibitrices. Donc, à chaque instant,
chaque neurone effectue la sommation des excitations et des inhibitions qu’il
subit et si, à ce moment précis, l’excitation atteint un certain seuil, le neurone
émettra une impulsion.

Figure 1.3. La synapse. (1) Élément présynaptique


(terminaison nerveuse). (A) Membrane axonale présynaptique.
(B) Membrane axonale postsynaptique. (C) Vésicule synaptique.
(D) Récepteur postsynaptique. (2) Espace synaptique.
(3) Transporteur membranaire (mécanisme de recapture).
(4) Liaison du neurotransmetteur sur un récepteur postsynaptique.

Illustration originale par Nicolas Christin

1.4 Les neurotransmetteurs


Les neurotransmetteurs sont des messagers chimiques emmagasi-
nés dans des vésicules synaptiques présents dans l’élément présynaptique
(figure 1.3). Lorsque l’influx nerveux atteint la terminaison nerveuse, une
série d’événements chimiques amènent les vésicules à fusionner avec la
membrane présynaptique de façon à ce que leur contenu (les neurotrans-
metteurs) soit relâché dans l’espace synaptique. Les neurotransmetteurs
peuvent se lier à des récepteurs post-synaptiques et exercer un effet
excitateur ou inhibiteur sur le neurone. Bien que la plupart des neurotrans-
metteurs soient associés à un type d’effet en particulier (excitateur ou inhibi-
teur), c’est plutôt le type de récepteur qui détermine l’effet post-synaptique.
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 21

Ainsi, un même neurotransmetteur peut être excitateur ou inhibiteur selon


le type de récepteur auquel il se lie. Pour certains neurotransmetteurs, il
existe également un mécanisme de récupération des neurotransmetteurs
présents dans l’espace synaptique. Ce mécanisme de recapture consiste en
un transporteur présent sur l’élément présynaptique qui récupère les neuro-
transmetteurs à l’intérieur de cet élément afin qu’ils puissent être réutilisés.
Il existe plus de 100 types d’éléments chimiques pouvant servir de
neurotransmetteurs. On peut toutefois regrouper les principaux neurotrans-
metteurs en certaines catégories. Le premier neurotransmetteur à avoir été
identifié est l’acétylcholine. Cette molécule est notamment présente à la
jonction neuromusculaire mais aussi dans le cerveau. Les monoamines com-
prennent la dopamine, la noradrénaline, l’adrénaline, la sérotonine et l’hista-
mine. Ces molécules possèdent des similarités chimiques et ont des actions
synaptiques comparables. Les acides aminés individuels tels que le glutamate
et le GABA (acide g-aminobutyrique) sont des neurotransmetteurs retrouvés
en très grande quantité dans le cortex cérébral, le glutamate étant associé
à un effet excitateur et le GABA à un effet inhibiteur. Finalement, les neu-
ropeptides sont de plus grosses molécules qui exercent généralement un
effet synaptique plus lent et ont surtout des rôles modulateurs.
La localisation de certains neurotransmetteurs (et des neurones qui
les utilisent) permet d’identifier divers réseaux neuronaux, lesquels peuvent
être définis par le type de neurotransmetteur utilisé. De façon générale,
des noyaux situés dans le tronc cérébral vont projeter vers des structures
du cerveau, formant ainsi des voies anatomiques parallèles mettant en jeu
différents types de neurotransmetteurs. Ces projections peuvent être rela-
tivement précises, c’est-à-dire vers des régions ciblées ou encore diffuses,
c’est-à-dire vers plusieurs régions cérébrales. Bien que certains neurotrans-
metteurs soient associés à différentes fonctions, il demeure très important
de nuancer cette affirmation. En effet, même si un type de neurotransmet-
teur en particulier peut être impliqué dans une fonction spécifique (p. ex.,
la mémoire) dans une pathologie ou dans un déficit, on ne peut réduire
ceux-ci à un type de neurotransmetteur. De plus, il faut garder à l’esprit
que ces déductions peuvent parfois venir de l’effet connu d’une substance
sur une fonction ou de son utilisation pharmaceutique pour traiter certaines
maladies ou déficits. Par exemple, on sait que le méthylphénidate (aussi
connu sous l’appellation commerciale Ritaline), fréquemment utilisé pour
le traitement du trouble/déficit d’attention avec ou sans hyperactivité (voir
Bader, chapitre 7 de ce volume), agit notamment en bloquant le mécanisme
de recapture de la dopamine. Même s’il existe plusieurs données conver-
gentes pour affirmer que les réseaux dopaminergiques sont impliqués dans
ce déficit, on ne peut le réduire à ces réseaux et encore moins à « la dopa-
mine ». En résumé, l’étude des neurotransmetteurs permet d’identifier des
réseaux qui peuvent être impliqués dans différentes fonctions (un réseau
22 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

particulier pouvant jouer des rôles dans de multiples fonctions), mais il


serait trop simpliste de réduire une fonction ou un déficit à un type de
neurotransmetteur.

1.5 Les cellules gliales


Les cellules gliales sont principalement des cellules de soutien :
elles ne participent pas directement au traitement de l’information neu-
ronale, mais elles peuvent influencer le fonctionnement des neurones. Il
existe plusieurs types de cellules gliales et celles-ci peuvent être divisées
en deux grandes catégories : les cellules de la microglie et de la macroglie.
Les cellules de la microglie remplissent essentiellement un rôle de « net-
toyage », dans le sens où elles éliminent les résidus cellulaires résultant
d’un processus normal ou suite à une lésion du tissu. Les cellules de la
macroglie jouent pour leur part différents rôles. Comme mentionné précé-
demment, plusieurs axones sont recouverts d’une couche lipidique favori-
sant une transmission plus rapide de l’influx nerveux, la myéline. En fait,
cette couche est formée par des cellules gliales, soit les oligodendrocytes
dans le SNC et les cellules de Schwann dans le SNP. Les astrocytes, pour
leur part, sont retrouvés en très grande quantité dans le SNC et participent
activement à créer un environnement chimique propice à la production
d’impulsions nerveuses par les neurones. Plus récemment, on attribue
notamment aux astrocytes des rôles de « fournisseurs d’énergie » aux
neurones ainsi qu’une implication dans la plasticité neuronale et dans les
résultats obtenus par imagerie fonctionnelle (voir Pellerin & Magistretti,
2012 pour une synthèse récente).

2. LES GRANDES DIVISIONS


DU SYSTÈME NERVEUX
Afin de mieux comprendre certains noms attribués aux structures
du SN (et autres structures du corps), il convient d’être familier avec la des-
cription du corps dans l’espace (l’avant et l’arrière, le dessous et le dessus,
etc.). La description du corps dans l’espace s’effectue selon trois axes : un
axe antéro-postérieur (ou rostrocaudal), un axe latéral-médian et un axe
supérieur-inférieur (ou dorso-ventral). Au niveau de la moelle et du tronc
cérébral, on distinguera les régions antérieures (p. ex., plus près du cerveau)
des régions postérieures (vers le bas du corps). Une structure sera dite dor-
sale si elle est située davantage vers le dos ou ventrale si elle est située vers le
ventre. Au niveau du cerveau, une région sera dite dorsale (ou supérieure) si
elle est davantage située vers le dessus de la tête et ventrale (ou inférieure)
si elle est située en direction opposée (c’est-à-dire vers le « dessous » du
cerveau). Dans le cerveau, l’axe antéro-postérieur (ou rostrocaudal) va de
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 23

l’avant du cerveau (au niveau du front) vers l’arrière de la tête. Quant à l’axe
latéral-médian, pour toutes les régions du SN, une région sera dite médiane
si elle est davantage située vers le milieu du corps et latérale si elle est vers
la direction opposée.
De façon générale, on subdivise le SN en deux grandes parties : le
SNC (cerveau et moelle épinière) et le SNP (nerfs périphériques). Certaines
structures ont une appellation différente selon qu’elles appartiennent au
SNC ou au SNP. Par exemple, un regroupement d’axones (qui transmettent
des informations vers une cible donnée) sera nommé voie (ou faisceau) s’il
se trouve dans le SNC alors qu’il sera nommé nerf s’il se trouve dans le SNP.
Aussi, un groupement de corps cellulaire sera appelé noyau dans le SNC alors
que dans le SNP on le nommera ganglion. Certaines exceptions existent tou-
tefois : par exemple, les ganglions de la base sont dans le cerveau et le nerf
optique fait partie du SNC. Le présent volume étant consacré aux fonctions
cognitives relevant du fonctionnement du cerveau, nous consacrerons davan-
tage d’attention à celui-ci et donnerons uniquement une vue d’ensemble de
la moelle épinière et des régions du tronc cérébral.

2.1 La moelle épinière


La moelle épinière présente une forme cylindrique de couleur
blanchâtre d’environ 1 cm à 1.5 cm de diamètre et une longueur d’environ
45 cm (figure 1.4). La moelle est symétrique, les parties gauche et droite
(ou hémi-moelles) étant séparées anatomiquement par le sillon médian
antérieur et le sillon médian postérieur. Lorsque l’on effectue une coupe
transversale de la moelle, on remarque une partie grise en forme de H
entourée d’une matière blanche. Comme dans le cerveau, la matière grise
de la moelle est essentiellement formée de corps cellulaires alors que la
matière blanche représente des axones ascendants (qui projettent vers
le cerveau) ou descendants (en provenance du cerveau). Les branches
ventrales du H (matière grise) sont appelées cornes antérieures tandis
que les branches dorsales sont appelées cornes postérieures. Concernant
la matière blanche, la partie dorsale est formée des cordons postérieurs,
la partie latérale des cordons latéraux et la partie ventrale des cordons
antérieurs. Les cordons postérieurs sont essentiellement sensoriels et
formés à leur tour de deux grandes voies (ou faisceaux) : le faisceau de
Goll (ou gracile) est responsable de la sensibilité des membres inférieurs
alors que le faisceau de Burdach (ou cunéiforme) est responsable de la
sensibilité des membres supérieurs. Les cordons latéraux contiennent à
la fois des voies sensorielles et motrices alors que les cordons antérieurs
contiennent essentiellement des voies motrices, c’est-à-dire les axones des
neurones dont les corps cellulaires sont situés dans les régions motrices
du cerveau et qui vont effectuer une synapse avec les motoneurones de la
moelle épinière.
24 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Figure 1.4. Coupe transversale de la moelle épinière.


(1) Méchanorécepteur (pression). (2) Terminaison libre
(douleur et température). (3) Jonction neuromusculaire. (4) Ganglion
de la racine dorsale. (5) Racine dorsale. (6) Racine ventrale. (7) Corne
ventrale. (8) Corne dorsale. (9) Cordon dorsal : faisceau gracile
(de Goll). (10) Cordon dorsal : faisceau cunéiforme (de Burdach).
(11) Vers le cerveau.

Illustration originale par Nicolas Christin

2.2 L’encéphale, le tronc cérébral et le cerveau


L’encéphale correspond à l’ensemble des structures nerveuses
situées à l’intérieur de la boîte crânienne. Le cerveau proprement dit est la
partie de l’encéphale située au-dessus du cervelet. Les structures nerveuses
situées entre le cerveau et la moelle épinière forment le tronc cérébral (le
cervelet étant une structure isolée qui partage de nombreux liens fonction-
nels avec les autres structures du SNC). Nous proposons de procéder de
façon hiérarchique, en commençant par les régions inférieures du tronc
cérébral jusqu’au cerveau.

2.2.1 Le myélencéphale
Le myélencéphale correspond à la continuité de la moelle épinière
(figure 1.5). Anatomiquement, on remarque à ce niveau l’émergence de
certains nerfs crâniens et la présence de renflements ventro-latéraux. Ceux-
ci correspondent aux olives inférieures qui sont impliquées dans diverses
fonctions motrices, notamment en exerçant une activité modulatrice sur les
neurones du cervelet. Dans la partie dorsale du myélencéphale, on remarque
également deux renflements qui correspondent aux noyaux de Goll (gracile)
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 25

et de Burdach (cunéiforme). Ces noyaux vont recevoir des afférences des


axones responsables du sens tactile, lesquels voyagent par les faisceaux de
Goll et de Burdach dans les cordons dorsaux de la moelle. Enfin, le myé-
lencéphale contient toutes les voies ascendantes et descendantes qui relient
les structures de l’encéphale vers la moelle épinière. C’est également à cet
endroit que les fibres (axones) motrices à l’origine du cortex moteur vont
décusser (c’est-à-dire traverser la ligne médiane pour voyager dans la partie
opposée du corps) pour se rendre vers les motoneurones de la moelle. Ainsi,
le système moteur responsable des mouvements volontaires est essentiel-
lement croisé : l’hémisphère droit contrôle la partie gauche du corps et
inversement. Finalement, on retrouve plusieurs noyaux à l’intérieur du myé-
lencéphale qui sont impliqués dans diverses fonctions. Ces noyaux vont faire
partie d’un regroupement de noyaux, pour la plupart médians, situés à divers
niveaux du tronc cérébral (myélencéphale, métencéphale, mésencéphale) et
du diencéphale. L’ensemble de ces noyaux compose la formation réticulée
(ou réticulaire). Celle-ci a d’abord été étudiée en lien avec sa participation
aux états de vigilance et aux cycles éveil-sommeil. Aujourd’hui, on conçoit
davantage la formation réticulée comme un ensemble de noyaux distincts
qui vont jouer des rôles dans différentes fonctions. Une caractéristique
importante des noyaux de la formation réticulée est qu’ils utilisent différents
neurotransmetteurs. Au niveau du myélencéphale, les noyaux de la forma-
tion réticulée sont entre autres impliqués dans des fonctions respiratoires
et cardiovasculaires.

Figure 1.5. Coupe sagittale médiane du cerveau. (1) Myélencéphale.


(2) Protubérance (métencéphale). (3) Cervelet (métencéphale).
(4) Collicules (ou tectum, mésencéphale). (5) Thalamus (diencéphale). (6)
Corps calleux. (7) Fissure calcarine (cortex visuel primaire). (8) Fissure
pariéto-occipitale. (9) Cingulum.

Illustration originale par Nicolas Christin


26 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

2.2.2 Le métencéphale
Immédiatement au-dessus du myélencéphale se trouve le métencé-
phale, essentiellement formé du cervelet et de la protubérance (aussi appelé
pont ou pont de Varole ; figure 1.5). La protubérance crée une nette démar-
cation avec le myélencéphale, car elle forme un important renflement ventral.
Au niveau externe, la protubérance présente de nombreuses fibres (axones)
qui se dirigent vers le cervelet, formant ainsi les pédoncules cérébelleux supé-
rieurs, moyens et inférieurs, voies par lesquelles les afférences et efférences
du cervelet vont voyager. À l’intérieur de la protubérance se trouvent de nom-
breux noyaux pontiques. De même, à l’intérieur du cervelet se trouvent des
noyaux cérébelleux. La connectivité du cervelet est complexe, mais peut se
résumer grossièrement de la façon suivante : le cervelet ne projette pas direc-
tement vers les circuits de la moelle qui sont responsables des mouvements
volontaires. Par ailleurs, le cervelet a une influence majeure sur la motricité
car 1) il reçoit des afférences du cortex moteur (via les noyaux pontiques)
et d’autres aires corticales et 2) il possède un cortex cérébelleux qui projette
(via les noyaux cérébelleux) vers des noyaux du thalamus (diencéphale) qui
projettent en retour vers le cortex moteur. Ainsi, les neurones du cervelet
font partie de circuits neuronaux (ou boucles) qui modulent l’activité motrice.
Finalement, il doit être mentionné que le cervelet, bien que traditionnelle-
ment associé à la modulation et la coordination motrice, pourrait aussi exer-
cer un rôle modulateur dans diverses fonctions cognitives et affectives (voir
Baillieux, De Smet, Paquier, De Deyn, & Mariën, 2008, pour une synthèse).
Enfin, plusieurs noyaux pontiques font partie de la formation réticulée et ont
notamment des fonctions prémotrices : elles reçoivent des afférences des
régions motrices supérieures et projettent par exemple sur des neurones
somatiques ou végétatifs. Le locus coeruleus, situé dans la partie dorsale
supérieure, utilise surtout la noradrénaline comme neurotransmetteur et
possède des projections vers de nombreuses structures. Il est notamment
impliqué dans les cycles éveil-sommeil, la transmission de la douleur, mais
aussi dans plusieurs autres fonctions cognitives et émotionnelles.

2.2.3 Le mésencéphale
La partie la plus supérieure du tronc cérébral située immédiate-
ment au-dessus de la protubérance et est appelée mésencéphale (cerveau
moyen). Le mésencéphale contient notamment les pédoncules cérébraux,
le tegmentum et le tectum (figure 1.5). Les pédoncules cérébraux sont une
masse d’axones dont les corps cellulaires se situent entre autres dans le cor-
tex cérébral. Par exemple, la voie motrice dite pyramidale débute au niveau
des neurones du cortex moteur et leurs axones passent par les pédoncules
cérébraux, puis par la partie ventrale de la moelle pour effectuer une synapse
au niveau de la corne antérieure de la moelle (et donc sur les motoneurones).
Le tegmentum, pour sa part, est davantage un « secteur » du tronc cérébral
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 27

qu’une région fonctionnelle proprement dite. C’est une région médiane du


tronc cérébral qui s’étend principalement du mésencéphale au myélencéphale
et c’est dans cette région que se retrouvent les petits amas de corps cellulaire
qui font partie de la formation réticulée4. Le mésencéphale constitue une
source majeure dans les réseaux neuronaux qui utilisent la dopamine comme
neurotransmetteur. Les deux principales régions du mésencéphale qui sont à
l’origine des réseaux dopaminergiques sont le tegmentum ventral et la subs-
tance noire. Ces noyaux vont notamment projeter des axones vers des régions
sous-corticales (p. ex., le striatum et le noyau accumbens) et corticales (p. ex.,
les régions préfrontales). Ces réseaux sont impliqués dans diverses fonctions
motrices et cognitives telles l’apprentissage, l’attention et la motivation. Le
tectum, pour sa part, est retrouvé dans la partie dorsale du mésencéphale
et se présente sous la forme de quatre renflements ovoïdes : deux situés au
niveau supérieur (les collicules supérieurs) et deux au niveau inférieur (les
collicules inférieurs). Cette région est également appelée plaque tectale ou
tubercules quadrijumeaux. Bien développée chez les espèces inférieures, elle
intervient dans différents rôles sensoriels. Les collicules supérieurs ont surtout
un rôle visuel et multisensoriel, notamment en ce qui concerne le contrôle des
mouvements oculaires, tandis que les collicules inférieurs représentent un
relai auditif (voir François & Schön, chapitre 12 de ce volume, concernant la
plasticité des collicules inférieurs et l’apprentissage de la musique).

2.2.4 Le diencéphale
Le diencéphale fait essentiellement référence au thalamus et à l’hy-
pothalamus. Le thalamus (figures 1.2 et 1.5) est une structure médiane qui
est formée de plusieurs noyaux. Il représente notamment un relais pour les
systèmes visuel, auditif et somesthésique. Ainsi, l’information visuelle véhi-
culée par le nerf optique sera filtrée et amplifiée par le corps genouillé latéral,
une structure thalamique dans laquelle les axones du nerf optique effec-
tuent des synapses. Ce sont alors les axones des neurones de cette région
thalamique qui formeront les radiations optiques avant d’atteindre la partie
visuelle du cortex cérébral. Les informations auditives et somesthésiques
seront respectivement transmises au corps genouillé médian et au noyau
ventro-postéro-latéral, respectivement. Certaines voies motrices émanant du
cerveau vont également effectuer une synapse dans des noyaux thalamiques
avant de poursuivre leur trajet vers les régions inférieures. D’autres régions
thalamiques ne reçoivent pas de projections sensorielles directes, mais plutôt
de la part d’autres noyaux thalamiques, de régions corticales ou des noyaux
du tronc (notamment ceux de la formation réticulée). Le thalamus est donc

4. Certaines régions du diencéphale comme l’hypothalamus, les noyaux septaux et cer-


tains noyaux thalamiques peuvent être considérés comme faisant partie de la forma-
tion réticulée.
28 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

impliqué dans diverses fonctions sensorielles et motrices, mais aussi dans des
fonctions cognitives comme l’attention (voir Bader, chapitre 7 de ce volume ;
Zesiger, Tzieropoulos, & Laganaro, chapitre 11 de ce volume).
Sous le thalamus se trouve l’hypothalamus, une région également
formée de différents noyaux. En dépit de sa petite taille, l’hypothalamus joue
des rôles très importants dans des fonctions extrêmement variées. Entre
autres, il joue un rôle déterminant dans l’homéostasie, en déclenchant des
réponses corporelles appropriées à une situation donnée. Par exemple, il
contient des neurones sensibles à la température interne du corps et ceux-
ci peuvent provoquer diverses réponses si l’organisme refroidi (p. ex., des
frissons visant à réchauffer les muscles) ou la transpiration (pour refroidir
l’organisme). Il joue également des rôles importants dans plusieurs aspects
de la régulation vasculaire (la pression sanguine, son niveau d’oxygène et
d’acidité, son taux de glucose, etc.), dans les sensations de faim et de soif,
dans les comportements sexuels et dans le stress et les émotions.

3. LE TÉLENCÉPHALE
Le télencéphale peut être divisé en trois grandes parties : le cortex
cérébral (figures 1.2, 1.5 et 1.6), les ganglions de la base (figure 1.2) et le
système limbique (figure 1.7). Le cortex cérébral est la structure la plus
évoluée du cerveau et forme une enveloppe qui constitue son aspect externe.
Le cortex cérébral présente de nombreux replis, les plus importants étant
appelés fissures (ou scissures) et les autres sillons. Malgré des différences
interindividuelles importantes, ces fissures et sillons permettent de délimiter
grossièrement des régions anatomiques, notamment les lobes du cerveau.
Les deux principales fissures sont la fissure latérale (ou fissure de Sylvius)
et la fissure centrale (ou fissure de Rolando), visible sur une vue latérale du
cerveau (figure 1.6). Tout le cortex antérieur à la fissure centrale et supé-
rieure à la fissure latérale forme le lobe frontal. Le lobe temporal est formé du
cortex cérébral inférieur à la fissure latérale, depuis le pôle temporal (partie
antérieure) jusqu’à la partie postérieure où l’on peut observer, au niveau infé-
rieur, un angle plus ou moins prononcé : il s’agit de la jonction entre le lobe
temporal et le lobe occipital, ce dernier étant le plus postérieur du cerveau.
Le lobe temporal contient également des structures sous-corticales (situées
à l’intérieur), notamment l’hippocampe et l’amygdale (figure 1.7). Le cortex
postérieur à la fissure centrale forme le lobe pariétal. Afin de délimiter la
jonction entre le lobe pariétal et le lobe occipital, il est plus aisé d’observer
le cerveau dans une vue médiane (figure 1.5). On remarque alors clairement
une fissure assez nette qui permet cette délimitation ; elle est ainsi nommée
fissure pariéto-occipitale. Finalement, la limite entre la partie postérieure du
lobe temporal et le lobe pariétal n’est pas nette et on fait parfois référence
à la région temporo-pariétale pour désigner cette limite.
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 29

Figure 1.6. Vue latérale du cerveau. (1) Fissure latérale (de Sylvius).
(2) Fissure centrale (de Rolando). (3) Sillon précentral.
(4) Sillon postcentral. (5) Gyrus précentral. (6) Gyrus postcentral.
(7) Gyrus frontal supérieur. (8) Gyrus frontal moyen. (9) Gyrus frontal
inférieur. (10) Gyrus temporal supérieur. (11) Sillon temporal supérieur.
(12) Gyrus temporal moyen (médian). (13) Sillon temporal inférieur.
(14) Gyrus temporal inférieur. (15) Cervelet. (16) Pôle occipital.
(17) Gyrus angulaire. (18) gyrus supramarginal. (19) Sillon intrapariétal.

Illustration originale par Nicolas Christin

Figure 1.7. Structures sous-cortiales du système limbique. (1) Amygdale.


(2) Hippocampe. (3) Fornix. (4) Commissure hippocampique.
(5) Corps mamillaires.

Illustration originale par Nicolas Christin


30 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

On appelle gyrus ou circonvolution le cortex cérébral localisé entre


deux fissures ou sillons (figure 1.6). Au niveau de la fissure centrale, on
remarque deux autres sillons parallèles à celle-ci, l’une étant antérieure
(et donc dans le lobe frontal) et l’autre postérieure (dans le lobe pariétal).
Il s’agit des sillons précentral (frontal) et postcentral (pariétal). Ainsi, le
cortex situé entre le sillon précentral et la fissure centrale forme le gyrus
précentral et le cortex situé entre la fissure centrale et le sillon postcentral
forme le gyrus postcentral. Le gyrus précentral constitue le cortex moteur
primaire alors que le gyrus postcentral constitue le cortex somesthésique
primaire. Au milieu du siècle dernier, le neurochirurgien Wilder Penfield
stimula électriquement différents endroits des gyrus précentral et postcen-
tral lors de chirurgies au cours desquelles le patient était éveillé. Il put ainsi
cartographier les régions du corps représentées tant au niveau moteur que
sensoriel. Lorsqu’il stimulait électriquement les régions du gyrus précentral,
le patient bougeait différentes régions du corps du côté opposé à l’hémis-
phère stimulé. De même, lors de stimulations dans le gyrus postcentral, le
patient rapportait des sensations à divers endroits du corps du côté opposé.
Ainsi, Penfield remarqua que différentes parties du corps étaient représen-
tées à des endroits relativement précis du cortex : le pied étant au niveau
supérieur, à l’intérieur de la fissure interhémisphérique alors que la bouche
est représentée dans la partie inférieure des gyri (Penfield & Rasmussen,
1950). Il remarqua également que la quantité de cortex dédiée aux diffé-
rentes parties du corps n’était pas liée à leur taille. Par exemple, la bouche et
la main sont surreprésentées, dans le sens qu’il y a beaucoup plus de cortex
dédié à ces régions par rapport à d’autres (p. ex., les bras et les jambes). La
représentation déformée du corps humain illustrant cette organisation est
appelée homonculus de Penfield.

3.1 Les noyaux gris centraux


Les noyaux gris centraux (NGC ; aussi appelés ganglions de la
base) comprennent plusieurs structures sous-corticales du télencéphale, du
diencéphale et du mésencéphale possédant de nombreuses connexions entre
elles ainsi qu’avec des aires corticales et d’autres régions sous-corticales. La
littérature concernant les NGC étant immense, nous nous contenterons ici de
décrire les principales structures qui en font partie, les principaux modèles
fonctionnels et les fonctions principales dans lesquelles ils interviennent.
Les principales structures sous-corticales qui forment les NGC
sont : le striatum (formé du putamen et du noyau caudé ; figure 1.2), le
globus pallidus (ou pallidum ; figure 1.2), le noyau accumbens et les noyaux
sous-thalamiques. Des études anatomiques chez les primates non humains
ont d’abord permis d’identifier des « boucles » qui forment des réseaux par-
tiellement parallèles (dans le sens qu’ils peuvent se « recouper » à certains
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 31

endroits) et qui sont impliquées dans différentes fonctions (e.g., Alexander


& Crutcher, 1990). Les différentes boucles sont déterminées par les aires
corticales impliquées, notamment les cortex sensoriel et moteur, les régions
préfrontales, le champ oculomoteur frontal et le cingulum antérieur. Cha-
cune de ces aires corticales va projeter des axones vers différentes régions
du striatum. Les neurones du striatum vont ensuite envoyer des projections
vers différentes régions du pallidum, lequel enverra à son tour des projec-
tions vers différentes régions thalamiques et, finalement, les neurones tha-
lamiques vont projeter des axones vers les régions corticales qui constituent
le « départ » de la boucle, formant ainsi des boucles dites « fermées » (mais
certains neurones thalamiques projettent vers d’autres régions corticales que
celles d’origine, formant ainsi des boucles dites « ouvertes »). Ce portrait
général du fonctionnement des NGC est complexifié entre autres par d’autres
connexions entre les structures qui les constituent (p. ex., des projections
de la substance noire vers le noyau accumbens et le striatum) mais aussi
par l’existence de « sous-réseaux » à l’intérieur même d’une boucle. De plus,
différents neurotransmetteurs interviennent au niveau des NGC, parmi les-
quels le glutamate, le GABA et la dopamine. Au niveau fonctionnel, les NGC
sont impliqués dans plusieurs fonctions dont les principales sont le contrôle
moteur, l’apprentissage procédural, le renforcement et la motivation.
Une des premières fonctions à avoir été associée aux NGC concerne
le contrôle moteur. En effet, des maladies neurodégénératives dans les-
quelles une mort neuronale survient dans les NGC entraînent notamment
des troubles moteurs importants. C’est par exemple le cas de la maladie de
Parkinson (dans laquelle les neurones de la substance noire dégénèrent) et
de la maladie de Huntington (qui montre notamment une dégénérescence
au niveau du striatum). Les NGC, et particulièrement le striatum, sont éga-
lement impliqués dans l’apprentissage de type procédural, c’est-à-dire un
apprentissage graduel qui permet l’acquisition (et le maintien) d’un savoir-
faire particulier. Ceci est confirmé par de nombreuses études animales et
humaines. Par exemple, certaines tâches ont été développées dans lesquelles
un sujet peut apprendre à prédire un événement sur la base d’indices, mais
sans avoir à mémoriser une information au niveau déclaratif. Des études
montrent notamment que des patients amnésiques comme le patient H.M.
(voir la section sur les lobes temporaux) sont capables de réussir cette
tâche sans pour autant bien se souvenir de l’avoir effectuée. D’autre part,
des patients parkinsoniens non déments montrent des résultats très faibles
à cette tâche malgré leur bon souvenir de l’avoir effectuée (Knowlton, Man-
gels, & Squire, 1996).
Le rôle des NGC dans le renforcement et la motivation ont éga-
lement été étudiés de façon exhaustive. Bien que de nombreuses struc-
tures cérébrales (corticales et sous-corticales) soient impliquées, le noyau
accumbens et le striatum demeurent des structures déterminantes dans les
32 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

comportements visant à obtenir une récompense et dans la motivation à


travailler pour les obtenir. Ces régions vont notamment être au centre des
modèles neurologiques visant à mieux comprendre les phénomènes d’addic-
tion aux drogues. Plus particulièrement, les projections dopaminergiques
du tegmentum ventral (mésencéphale) vers le noyau accumbens vont être
déterminantes dans ces comportements. Des drogues stimulantes comme la
cocaïne susceptible de provoquer l’addiction agissent d’ailleurs directement
sur ce réseau. Plus encore, des études animales montrent que d’autres
drogues qui agissent principalement sur d’autres systèmes (opiacés, alcool,
nicotine, etc.) vont quand même provoquer une hausse de dopamine dans le
noyau accumbens et dans le striatum (Di Chiara & Imperato, 1988). Aussi,
le noyau accumbens ainsi que d’autres régions vont être activés à l’annonce
d’un gain d’argent (Galvan et al., 2006).

3.2 Les régions frontales


Les lobes frontaux sont très développés chez l’humain et seuls les
grands primates montrent une telle prédominance frontale par rapport au
reste du cerveau (Semendeferi, Lu, Schenker, & Damasio, 2002). Outre les
fonctions motrices mentionnées plus haut, les régions frontales sont impli-
quées dans d’innombrables fonctions cognitives. Ainsi, des lésions frontales
peuvent engendrer des déficits très variés, allant des troubles moteurs à
l’altération de la personnalité d’un individu. Le célèbre cas de Phineas Gage
a été un des premiers exemples qui ont amené les chercheurs à s’intéresser
aux effets spectaculaires que peuvent provoquer des lésions frontales. En
travaillant avec des explosifs, Gage a subi la destruction d’une partie impor-
tante des régions frontales antérieures. Suite à cet accident, Gage n’était
plus lui-même, il devint irrévérencieux, grossier et intolérant alors qu’il
n’était pas du tout ce genre de personne avant son accident. L’étude de ce
patient ainsi que d’autres patients similaires montre l’importance des lobes
frontaux dans des processus aussi complexes que ceux qui sous-tendent
notre personnalité.
Un autre cas historique de patient présentant une lésion frontale
importante est celui du patient de Pierre-Paul Broca, le célèbre patient
Leborgne. Ce patient présentait une aphasie marquée : il n’arrivait à produire
aucun mot mis à part la syllabe « tan », ce qui lui valut le même surnom. Suite
au décès de Leborgne, Broca découvrit une lésion dans la partie inférieure
du lobe frontal de l’hémisphère gauche du patient. Quelques mois plus tard,
Broca reçut un autre patient qui arrivait à peine à prononcer quelques mots.
Encore une fois l’autopsie du patient révéla une lésion ischémique localisée
environ au même endroit que celle de Leborgne. En 1861, Broca publiait
la description de ces deux patients en insistant sur l’importance de cette
région de l’hémisphère gauche dans l’expression du langage. Bien que l’on
dénomme couramment cette région « région de Broca », il est à noter qu’en
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 33

1836, le médecin Marc Dax avait déjà émis l’hypothèse d’une spécialisation
de l’hémisphère gauche pour le langage par l’observation de patients devenus
aphasiques suite à des lésions cérébrales. Finalement, bien que la dominance
de l’hémisphère gauche pour les fonctions langagières se retrouve chez la
plupart des individus, certains peuvent montrer une dominance de l’hémis-
phère droit. De plus, il existe un lien entre la préférence manuelle (droitier et
gaucher) et la probabilité de présenter une dominance de l’hémisphère droit
dans le langage. Des études effectuées avec un échantillon de 326 sujets sug-
gèrent que 4 % des droitiers ont l’hémisphère droit dominant pour le langage
comparativement à 27 % chez les gauchers. Les individus ambidextres ont
également davantage de probabilité de montrer une dominance droite pour
le langage (15 %) par rapport aux droitiers (Knecht et al., 2000).
Les régions frontales sont également impliquées dans les fonctions
dites exécutives. Ces fonctions permettent à l’individu d’adopter un com-
portement adapté aux différentes situations qu’il rencontre afin d’atteindre
ses buts. Les fonctions exécutives sont multiples et impliquent notamment
l’initiation d’un comportement, sa planification et sa régulation ainsi que son
inhibition. De plus, il faut garder à l’esprit que des ressources attentionnelles
sont nécessaires à la réalisation des fonctions exécutives et que celles-ci sont
étroitement liées à la mémoire de travail (voir Bauer & Varga, chapitre 5 de
ce volume ; de Ribeaupierre, chapitre 6 de ce volume), à d’autres formes
de mémoires ainsi qu’à des aspects émotionnels. Il serait trop simpliste
de réduire les lobes frontaux à un « exécuteur » général et de réduire une
atteinte frontale à un syndrome dysexécutif unique. Ainsi, les modèles actuels
pointent davantage vers les différents rôles que pourraient jouer différentes
régions frontales dans les fonctions exécutives ainsi qu’aux liens complexes
qui existent entre ces régions et avec d’autres régions cérébrales. Il existe
plusieurs modèles visant à expliquer les liens entre les fonctions exécutives
et le fonctionnement des régions frontales (voir Godefroy, Jeannerod, Allain,
& Le Gall, 2008 pour une synthèse). Par exemple, Stuss et Alexander (2007)
ont mis en évidence que différentes fonctions attentionnelles et exécutives
peuvent être altérées suite à des lésions situées dans différentes régions
frontales. De tels corrélats anatomo-fonctionnels permettent d’apprécier la
complexité des fonctions exécutives et de préciser l’implication des aires
frontales dans des processus cognitifs particuliers.

3.3 Les régions temporales


Les régions temporales sont impliquées dans de nombreuses fonc-
tions, notamment auditives et langagières (e.g. Zesiger et al., chapitre 11 de
ce volume), mais également mnémoniques (e.g. Bauer & Varga, chapitre 5 de
ce volume) et émotionnelles (e.g. Laliberté, Crafa, & Choudhury, chapitre 8
de ce volume). L’organisation des fissures et des gyrus du lobe temporal est
relativement simple, car elle se compose principalement de fissures orientées
34 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

selon l’axe antéro-postérieur, relativement parallèles les unes aux autres, qui
vont délimiter une série de gyri. Ainsi, sur une vue latérale du cerveau et
suivant l’axe dorso-ventral, on distingue la fissure latérale, le gyrus temporal
supérieur, le sillon temporal supérieur, le gyrus temporal moyen, le sillon
temporal inférieur et le gyrus temporal inférieur (figure 1.6). Cette organi-
sation se poursuit au niveau des régions ventrales du lobe temporal. Afin de
visualiser ces régions, il faut observer une vue ventrale du cerveau, dépour-
vue du tronc cérébral et du cervelet. Après le gyrus temporal inférieur, on
peut ainsi observer les gyri fusiforme et parahippocampique.
Une fonction importante des lobes temporaux concerne l’analyse
des stimuli auditifs. Celle-ci s’effectue d’abord au niveau du gyrus de
Heschl, lequel est situé à l’intérieur de la fissure latérale et donc visible si
l’on ouvre cette fissure et que l’on observe une vue supérieure. Le gyrus de
Heschl (figure 1.2) constitue le cortex auditif primaire. Les neurones de ce
cortex reçoivent principalement des afférences du corps genouillé médian
du thalamus, lequel est le dernier relais des voies auditives qui sont parti-
culièrement complexes (par rapport aux voies visuelles, par exemple). Le
gyrus de Heschl contient une représentation tonotopique, c’est-à-dire que
les neurones forment des bandes dites d’isofréquences dans lesquelles les
neurones individuels sont sensibles à une étendue limitée de fréquences
auditives. Ainsi, les neurones sensibles aux basses fréquences sont situés
dans la partie antérieure du cortex auditif et ceux sensibles aux hautes fré-
quences dans la partie postérieure. Une autre région temporale importante
est celle située de façon postérieure au gyrus d’Heschl. Il s’agit du planum
temporale, une structure importante dans les fonctions langagières. Le gyrus
de Heschl et le planum temporale sont fréquemment sujets à d’importantes
asymétries anatomiques, parmi les plus frappantes du cerveau. Ainsi, il est
fréquent d’observer deux gyri d’Heschl à droite et un plus grand planum
temporale à gauche. Traditionnellement, on considère le planum temporale
gauche comme une partie importante de la région de Wernicke (partie pos-
térieure du gyrus temporal supérieur), qui joue un rôle déterminant dans
la compréhension du langage. Les asymétries du planum temporale et leurs
relations avec les aspects du langage sont également sujettes à d’importantes
différences interindividuelles (voir Shapleske, Rossell, Woodruff, & David,
1999 pour une synthèse).
Alors que les régions temporales supérieures sont connues pour
leur rôle dans les fonctions auditives et langagières, les régions tempo-
rales inférieures sont davantage associées à l’analyse des stimuli visuels
complexes et à la mémoire épisodique. En ce qui concerne les fonctions
visuelles des lobes temporaux, elles sont principalement vouées à la recon-
naissance des objets constituant la scène visuelle et à la reconnaissance des
visages. Ce sont surtout les régions temporales inférieures qui sont impli-
quées dans cette analyse. Ces régions temporales peuvent être considérées
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 35

comme la « continuation » des voies visuelles qui aboutissent d’abord dans


les lobes occipitaux (plus précisément la voie visuelle ventrale, voir la
section sur les lobes occipitaux). Contrairement aux neurones des régions
visuelles primaires des lobes occipitaux qui traitent individuellement une
partie relativement limitée du champ visuel (un neurone couvre environ
1 degré d’angle), les neurones visuels des régions temporales intègrent une
très grande partie de l’espace visuel (un neurone couvre plus de 10 degrés
d’angle). Ainsi, les neurones visuels du lobe temporal peuvent intégrer
des attributs de la scène visuelle telles les formes, la couleur, la taille,
etc., afin de créer une perception stable de la scène. En ce qui concerne
la perception et la reconnaissance des visages, de nombreuses études
montrent l’importance des régions temporales inférieures (surtout de
l’hémisphère droit) dans ce traitement. L’idée d’une « région des visages »
a même été avancée à plusieurs reprises ; celle-ci pointe vers une région du
gyrus fusiforme qui serait spécifiquement activée par la présentation des
visages (voir toutefois Weiner & Grill-Spector, 2012, pour un point de vue
plus nuancé). Certaines études d’imagerie cérébrale et des cas de patients
cérébro-lésés présentant une prosopagnosie (difficulté à reconnaître
les visages familiers) supportent l’implication des régions temporales
inférieures dans cette fonction.
Les régions temporales inférieures constituent également des struc-
tures clés pour l’encodage à long terme de la mémoire épisodique. Histori-
quement, le célèbre cas du patient H.M. a permis de mettre en évidence les
fonctions mnémoniques des régions temporales inférieures. Publiée pour la
première fois en 1957, cette étude révèle le cas d’un patient chez qui on a
retiré chirurgicalement une importante partie des régions temporales infé-
rieures bilatéralement afin de remédier à des troubles épileptiques graves.
Il est à noter que les lobes temporaux contiennent d’importantes struc-
tures sous-corticales, dont l’hippocampe et l’amygdale (figures 1.2 et 1.7),
lesquelles ont également été retirées chez H.M. Suite à cette opération, le
patient ne parvient plus à former de nouveaux souvenirs, un phénomène
appelé amnésie antérograde. Ainsi, bien qu’il se souvienne des événements
antérieurs à l’opération, tous les événements qu’il vit depuis « s’effacent »
de sa mémoire au fur et à mesure. Par exemple, il n’a jamais reconnu la
doctoresse Milner qui a pourtant travaillé avec lui presque quotidiennement
pendant plusieurs années. Au milieu des années 1980, alors qu’on lui deman-
dait l’année en cours, son estimation était de plus de 40 ans plus tôt. Le cas
de H.M. a notamment permis de dissocier la mémoire épisodique par rapport
à d’autres formes de mémoire et d’apprentissage. Par exemple, la mémoire à
court terme et la mémoire de travail de H.M. sont tout à fait normales. Aussi,
il peut apprendre une tâche visuo-spatiale et conserver cet apprentissage
au fil des jours. Par exemple, on lui fait tracer une forme d’étoile sur une
feuille en regardant sa main au travers un miroir. Initialement, cette tâche est
36 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

relativement difficile à effectuer en raison de l’aspect inversé de l’image per-


çue. Toutefois, comme les sujets contrôles, H.M. s’améliore considérablement
avec les essais. Encore plus intéressant, le lendemain, lorsqu’on lui demande
de refaire la tâche, il y parvient parfaitement dès le premier essai (un réap-
prentissage n’est pas nécessaire) alors qu’il affirme ne pas se souvenir d’avoir
déjà effectué cette tâche. Ceci a donc permis de mettre en évidence le rôle
déterminant des structures temporales inférieures (incluant l’hippocampe)
dans la consolidation de la mémoire épisodique (mais pas dans un appren-
tissage de type procédural).
Une autre région sous-corticale importante est l’amygdale
(figure 1.7), située tout près de la partie la plus antérieure de l’hippocampe.
Cette structure est connue pour son rôle dans les aspects émotionnels. Les
premières études à avoir mis en évidence le rôle de l’amygdale dans les
émotions sont notamment les travaux de Kluver et Bucy dans les années
1930. Ces chercheurs ont effectué des lésions chirurgicales bilatérales
des régions temporales, incluant l’amygdale chez des singes rhésus. Ces
animaux présentaient plusieurs changements dans leur comportement,
notamment une baisse considérable des réponses émotionnelles comme la
peur (ils manipulaient notamment des serpents alors qu’ils sont normale-
ment effrayés par ce genre de stimulus) et se montraient particulièrement
dociles. Chez l’humain, la stimulation électrique de l’amygdale peut pro-
voquer plusieurs états mentaux parmi lesquels un profond sentiment de
peur (e.g., Chapman et al., 1954). Des études avec des patients présentant
des lésions bilatérales des noyaux amygdaliens montrent notamment des
difficultés à reconnaître la peur sur des expressions faciales (Adolphs,
Tranel, Damasio, & Damasio, 1994).

3.4 Les régions pariétales


Outre le rôle du gyrus post-central dans la somesthésie, les régions
pariétales sont également impliquées dans de nombreuses fonctions, dont
la vision (plus particulièrement l’analyse visuo-spatiale), l’attention, l’inté-
gration des différentes modalités sensorielles, certains aspects moteurs et
le traitement arithmétique (e.g. Vogel & Ansari, chapitre 9 de ce volume).
Alors que les régions visuelles temporales sont surtout impliquées dans la
reconnaissance des éléments présents dans la scène visuelle (savoir ce que
c’est), les régions pariétales sont davantage impliquées dans l’analyse visuo-
spatiale (savoir où c’est). Des expériences chez le singe ont montré une
double dissociation entre des animaux présentant des lésions temporales
et pariétales. Alors que des lésions temporales affectent la reconnaissance
des objets, des lésions pariétales interfèrent avec des tâches spatiales.
Dans ce dernier type de tâche, le singe doit choisir entre deux récipients,
l’un contenant une récompense. Un cylindre est positionné aléatoirement
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 37

entre les deux récipients et le singe doit apprendre que le contenant avec la
récompense est celui qui est davantage à proximité du cylindre. Des lésions
pariétales empêchent la réalisation d’une telle tâche (Mishkin, Ungerleider,
& Macko, 1983).
Les régions pariétales sont également impliquées dans un vaste
réseau qui sous-tend différentes formes d’attention. Par exemple, des lésions
pariétales (le plus souvent dans l’hémisphère droit) provoquent fréquem-
ment l’héminégligence controlatérale gauche. Dans ce déficit, le patient ne
prête plus attention à l’hémi-espace gauche. Différents tests ou activités
quotidiennes peuvent révéler ce déficit. Par exemple, le patient ne se rase
qu’un côté du visage, ne met qu’une manche de son manteau, ne mange que
ce qui est à droite dans son assiette, etc. Si on lui demande de placer une
marque au milieu d’une ligne, le patient la positionnera beaucoup plus à
droite, c’est-à-dire au milieu de la moitié droite de la ligne. Les mécanismes
neuronaux exacts qui expliqueraient l’héminégligence ne sont pas connus,
mais les études convergent vers une atteinte d’un réseau contrôlant l’orien-
tation de l’attention dans l’espace.
Une autre fonction importante des régions pariétales concerne l’inté-
gration des différentes modalités sensorielles. Dans les régions sensorielles
dites « primaires » (p. ex., gyrus postcentral, gyrus de Heschl, régions occipi-
tales), les neurones sont généralement sensibles à une seule modalité (p. ex.,
toucher, audition et vision). Il existe dans le cortex pariétal (mais aussi
dans d’autres régions du cerveau) des neurones qui réagissent à plus d’une
modalité sensorielle. Notamment, plusieurs régions multisensorielles ont été
identifiées et sont distribuées au niveau du sillon intrapariétal. Ces régions
sont notamment impliquées dans des tâches qui requièrent une intégration
sensorielle et motrice. Par exemple, des régions précises ont été identifiées
comme jouant des rôles importants dans des tâches de préhension (p. ex.,
prendre un objet avec la main en se guidant par la vision).
L’intégrité de certaines régions pariétales est également nécessaire
à la réalisation de certains mouvements ou séquence de mouvements.
Une atteinte pariétale (notamment les gyri supramarginal et angulaire
qui forment le lobule pariétal inférieur) va fréquemment être associée à
différentes formes d’apraxies, c’est-à-dire l’incapacité à effectuer certains
mouvements ou séquences de mouvements. Parmi les nombreuses formes
d’apraxies associées à des lésions pariétales, notons l’apraxie idéomotrice
(le patient est incapable d’effectuer certains mouvements de façon volon-
taire bien qu’il puisse conserver certains mouvements automatiques),
l’apraxie constructive (p. ex., incapacité à recopier un dessin ou à aligner
des bâtonnets pour créer une forme particulière) et l’apraxie d’habillage
(le patient manipule ses vêtements de façon incohérente et montre des
difficultés à s’habiller).
38 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

3.5 Les régions occipitales


Le cortex des lobes occipitaux est surtout impliqué dans la vision.
Sur une vue médiane, on remarque la fissure calcarine qui constitue le cor-
tex visuel primaire (figure 1.5). Les neurones de cette région reçoivent les
afférences du corps genouillé latéral (voir la section 2.2.4 de ce chapitre)
et sont organisés de façon rétinotopique, c’est-à-dire qu’une représentation
de la rétine est présente au niveau de cette fissure. Plus spécifiquement,
la vision centrale (près du point de fixation) est représentée dans la partie
postérieure du lobe occipital tandis que la périphérie du champ visuel est
plus antérieure. De façon similaire, la partie supérieure de la fissure calcarine
représente la partie inférieure du champ visuel (et inversement). La partie
centrale du champ visuel est magnifiée dans le cortex visuel : il y a davantage
de cortex dédié à la vision centrale (pour laquelle nous avons une bonne
résolution spatiale) qu’à la vision périphérique. Des lésions occipitales au
niveau de la fissure calcarine vont entraîner des déficits visuels. Si l’entier
de la fissure calcarine est touché, une hémianopsie controlatérale homonyme
surviendra : le patient perd l’hémichamp visuel (c’est-à-dire la partie droite
ou gauche du champ visuel, par rapport au point de fixation) du côté opposé
à la lésion. Une telle perte de vision suite à des lésions occipitales est égale-
ment appelée « cécité corticale ».
Des lésions occipitales situées hors des régions primaires (et donc
plus éloignées de la fissure calcarine) et souvent étendues dans les régions
temporales (surtout inférieures) peuvent provoquer d’autres troubles visuels,
notamment l’agnosie visuelle. De façon générale, un patient atteint d’agno-
sie visuelle peut voir les stimuli visuels, mais ne peut pas les reconnaître.
Ainsi, lorsque l’on montre une image ou un objet, le patient ne parvient pas
à l’identifier ou à mentionner son usage. Toutefois, s’il touche à l’objet ou s’il
entend son bruit caractéristique, il parvient facilement à l’identifier. Dans
l’agnosie visuelle aperceptive, le patient n’arrive pas à recopier un dessin,
même une forme géométrique simple. Dans l’agnosie visuelle associative, le
patient est capable de recopier les dessins et peut réussir une tâche de dési-
gnation (on lui demande par exemple de montrer le crayon parmi plusieurs
objets), mais n’arrive pas à nommer un objet qu’on lui présente ou à apparier
ensemble des stimuli visuels appartenant à une même catégorie sémantique.
La prosopagnosie est pour sa part une difficulté à reconnaître les visages.
Lorsque certains indices sont éliminés (p. ex., une chevelure caractéristique
ou des bijoux ou vêtements particuliers sont cachés), la personne n’est pas
en mesure d’identifier des visages familiers (conjoint, parent, personnalités
connues, etc.).
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 39

4. LE RÔLE DU CORPS CALLEUX


DANS LE TRANSFERT INTERHÉMISPHÉRIQUE
Le corps calleux (figure 1.5) est la structure nerveuse qui relie les
deux hémisphères cérébraux. Lorsque l’on regarde le cerveau depuis une
vue dorsale (i.e., vue « du dessus ») et que l’on écarte les deux hémisphères,
on découvre le corps calleux, une structure blanche présente entre les deux
hémisphères. Plus précisément, le corps calleux représente un amas d’axones
(plusieurs centaines de millions) dont les corps cellulaires sont répartis dans
le cortex cérébral des hémisphères. Par exemple, un corps cellulaire situé
dans le cortex cérébral de l’hémisphère gauche peut projeter un axone (et
établir un contact synaptique) dans le cortex cérébral de l’hémisphère droit
et inversement. Ce sont tous ces axones qui forment le corps calleux. La
plupart des connexions calleuses relient des régions correspondantes entre
les deux hémisphères (p. ex., des connexions entre deux régions visuelles,
l’une à gauche et l’autre à droite).

4.1 Études de patients callosotomisés


La découverte du rôle fonctionnel du corps calleux dans les années
1960 a valu un prix Nobel au neurophysiologiste Roger Sperry (e.g. Gazza-
niga, Bogen, & Sperry, 1965). Inspiré par de précédentes études animales,
Sperry a étudié des patients qui avaient subi une callosotomie (une section
chirurgicale du corps calleux) afin de les soulager de troubles épileptiques.
Afin de bien comprendre ce type d’étude, il faut savoir que, chez la plu-
part des personnes (dont les patients étudiés par Sperry), les fonctions
langagières sont latéralisées dans l’hémisphère gauche (l’hémisphère droit
étant en quelque sorte « muet »). De plus, comme nous l’avons vu précé-
demment (section 2.2.1), le système moteur est essentiellement croisé au
niveau du myélencéphale (et n’est donc pas perturbé par la callosotomie) ;
l’hémisphère gauche contrôle la partie droite du corps et inversement. Fina-
lement, les chercheurs ont exploité le fait que le système visuel est lui aussi
croisé, dans le sens qu’un stimulus présenté à droite du point de fixation sera
d’abord analysé par les régions visuelles de l’hémisphère gauche et inverse-
ment5. Chez un sujet normal, cette information sera rapidement transférée
à l’autre hémisphère. Toutefois, chez un patient callosotomisé, ce transfert
est impossible puisque le corps calleux est sectionné. Les chercheurs ont
donc demandé au patient de fixer un point sur un écran et ont présenté

5. Chez l’humain, la rétine est divisée en deux hémirétines. L’une projette à l’hémisphère
opposé et l’autre à l’hémisphère ipsilatéral (c’est-à-dire du même côté). Ainsi, chaque
œil projette aux deux hémisphères. L’organisation anatomique du système visuel fait
en sorte qu’un stimulus présenté dans un hémichamp (à gauche ou à droite du point
de fixation, les deux yeux étant ouverts) sera d’abord traité par l’hémisphère opposé.
40 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

rapidement un stimulus (p. ex., une image) d’un côté ou de l’autre du point
de fixation. Ainsi, lorsque le stimulus est présenté à droite, le patient peut
aisément nommer ce qu’il voit puisque le stimulus est traité par l’hémisphère
gauche, dominant pour le langage. Par contre, lorsque le stimulus est pré-
senté à gauche du point de fixation, il est analysé par l’hémisphère droit et le
patient rapporte n’avoir rien vu. Il sera toutefois capable de choisir la bonne
image avec sa main gauche (contrôlée par l’hémisphère droit, lequel a bien
vu l’image) parmi une série d’images. Aussi, il sera en mesure de dessiner
avec sa main gauche un stimulus présenté à gauche (et donc analysé par
l’hémisphère droit, lequel contrôle la main gauche). D’autres études avec des
patients callosotomisés ont permis de mettre en évidence la spécialisation de
l’hémisphère droit dans certaines tâches visuo-spatiales. Ainsi, lorsque l’on
présente au patient une forme géométrique en deux dimensions et qu’on lui
demande de la reproduire avec la surface de blocs colorés, il est capable de
le faire avec sa main gauche, mais pas avec sa main droite.

4.2 Interprétations abusives


Ces expériences ainsi que d’autres recherches sur la spécialisation
hémisphérique ont donné lieu à de nombreuses interprétations abusives des
résultats obtenus. Par exemple, le fait que certaines fonctions soient davan-
tage latéralisées dans un hémisphère ou dans l’autre a été exagéré jusqu’au
point où certaines personnes seraient des « cerveaux gauches » et d’autres
des « cerveaux droits ». Plus encore, certaines approches pédagogiques pro-
posent de différencier son enseignement selon les prétendues préférences
hémisphériques des élèves. Or aucune étude empirique ne soutient le fait
que certaines personnes ont une réelle préférence hémisphérique. On parle
alors d’un neuromythe (voir Doudin, Tardif, & Meylan, chapitre 3 de ce
volume ; Pasquinelli, chapitre 2 de ce volume).

5. CONNECTIVITÉ FONCTIONNELLE
ENTRE LES RÉGIONS CORTICALES
Nous avons mentionné précédemment qu’une particularité fonda-
mentale des neurones est l’établissement de connexions (courtes ou lon-
gues) entre eux. Il s’agit d’une part de connexions anatomiques qui peuvent
être vues comme un réseau complexe de fils (les axones) entremêlés qui
relient différentes régions cérébrales entre elles. Il existe plusieurs façons
de mettre en évidence ces connexions. Chez l’animal, il est par exemple
possible d’injecter dans une région du cerveau un produit qui est absorbé
par les corps cellulaires, puis qui est transporté via leurs axones jusqu’aux
terminaisons nerveuses. On sacrifie ensuite l’animal et on peut visualiser
le lieu des terminaisons sur des tranches du cerveau et ainsi conclure que
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 41

les corps cellulaires de la région injectée projettent vers ce lieu. Ce type de


technique a permis d’obtenir une vision assez précise de la connectivité du
cerveau, notamment chez le primate, qui demeure une référence anatomique
importante. Chez l’humain, une technique non invasive6 permet également
de visualiser les trajets des axones dans le cerveau, mais la précision obtenue
est moindre qu’avec les techniques animales. Un point important qu’il faut
garder à l’esprit est que ces études anatomiques, bien qu’elles fournissent
une image importante du « squelette » du cerveau, ne révèlent pas directe-
ment ce qui se passe au niveau fonctionnel, c’est-à-dire lorsque le cerveau
est en activité. En d’autres termes, elles donnent une image « statique » de
la connectivité dite « structurelle » du cerveau. Or, lorsque le cerveau est en
activité, certaines régions sont plus ou moins activées au cours du temps, ce
que l’on ne peut observer avec des études uniquement structurelles.

5.1 Identification de réseaux corticaux


par résonance magnétique fonctionnelle
Plus récemment, des techniques d’imagerie comme la résonance
magnétique fonctionnelle (IRMf) permettent d’étudier les connexions pré-
sentes entre différentes régions cérébrales en termes d’activité neuronale
(voir Miéville & Curchod, 2010 pour un aperçu accessible des principes de
l’IRMf). Ces techniques variées et impliquant des analyses statistiques assez
complexes, nous tenterons ici de donner un bref aperçu de leurs applica-
tions, avec l’aide de quelques exemples.
L’IRMf peut être utilisée pour l’étude de l’activité cérébrale au repos,
c’est-à-dire lorsque le sujet n’effectue aucune tâche particulière. On nomme
ce type d’étude « IRMf au repos » (resting state). Le cerveau au repos
demeurant actif, cette technique permet d’observer qu’à différents moments
dans le temps, certaines régions sont davantage activées que d’autres. Évi-
demment, les connexions structurelles sous-tendent en partie cette activité
quasi simultanée : il n’est pas surprenant de constater que lorsqu’une région
est activée, une région plus distante recevant de nombreuses connexions
de la part de celle-ci soit également activée. Toutefois, les données recueil-
lies avec ce type de technique permettent d’aller au-delà de ce que nous
aurions pu imaginer avec des études structurelles. En effet, la majorité des
techniques animales de traçage des voies nerveuses permettent par exemple
d’indiquer des connexions entre deux régions. Mais que se passe-t-il après ?
L’énorme complexité des connexions cérébrales permet difficilement d’y
répondre sur l’unique base de la structure de ces connexions. L’IRMf per-
met donc d’observer la connectivité fonctionnelle entre les régions et ainsi

6. Cette technique, nommée imagerie du tenseur de diffusion, permet notamment de


visualiser les faisceaux de matière blanche présents dans le cerveau.
42 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

de définir des réseaux formés par différentes régions cérébrales qui ont
tendance à être activées de façon interdépendante. Ultimement, les cher-
cheurs souhaitent relier différents réseaux à certaines fonctions, notamment
les fonctions cognitives qui intéressent particulièrement le présent volume.
Une autre variante de l’IRMf, peut-être plus connue du grand public,
est l’utilisation de cette technique lorsque le sujet effectue une tâche don-
née. L’IRMf exploite le fait qu’une région cérébrale plus active consomme
davantage d’oxygène pendant un certain temps, ce qui peut être détecté
par l’appareil et ainsi fournir une image du cerveau illustrant l’activité plus
ou moins élevée de différentes régions au cours du temps. Cette technique
a permis d’identifier un nombre impressionnant de réseaux impliqués dans
différentes tâches. Alors que certaines régions étaient déjà connues pour
leur implication dans des fonctions particulières grâce à l’étude de patients
présentant des lésions cérébrales focalisées (p. ex., la région de Broca,
voir section 3.2 de ce chapitre), les études d’IRMf ont permis une avancée
remarquable dans la compréhension des bases neurologiques des fonctions
cognitives ainsi que des troubles qui peuvent les accompagner. Finalement,
des analyses particulières permettent maintenant l’étude des connexions
fonctionnelles liées à des tâches particulières. Afin d’illustrer ce genre
d’étude, nous proposons d’utiliser l’exemple de la lecture et de la dyslexie.
Il s’agit avant tout de donner au lecteur un exemple d’utilisation de l’IRMf
afin de mieux comprendre l’identification de réseaux qui sous-tendent une
fonction particulière (la question de la lecture, de son apprentissage et des
troubles dyslexiques sera traitée en détail par Zesiger et al., chapitre 11 de
ce volume).

5.2 Exemple de réseaux corticaux :


lecture et dyslexie
Plusieurs études d’activation (p. ex., en IRMf) montrent une activa-
tion de certaines régions lors de tâches associées à la lecture (p. ex., présen-
tation d’un mot, lecture de mots ou de pseudo-mots, tâches de rimes, etc.).
De façon générale, ces études ont identifié au moins trois grandes régions
de l’hémisphère gauche qui formeraient un réseau impliqué dans la lecture
(Shaywitz & Shaywitz, 2008 ; voir aussi Zesiger et al., chapitre 11 de ce
volume). Une première région est située à la jonction inférieure des lobes
occipital et temporal (i.e., le gyrus fusiforme gauche). Cette région est
notamment activée lors de la présentation visuelle de mots. Une autre région,
située à la jonction des lobes pariétale et temporale, serait impliquée dans
l’analyse phonologique et sémantique. Finalement, la région frontale infé-
rieure gauche (région de Broca) est également activée lors de la lecture. Il
est à noter que la plupart de ces régions avaient déjà été identifiées comme
jouant un rôle dans la lecture ou dans le langage vers la fin du XIXe siècle
Anatomie fonctionnelle du système nerveux 43

grâce à des patients cérébro-lésés. D’autres études suggèrent que les


troubles dyslexiques peuvent être liés à un dysfonctionnement de ce réseau.
Plus récemment, des études en IRMf se sont penchées sur la connectivité
fonctionnelle du cerveau entier afin de comparer des sujets normo-lecteurs
avec des sujets dyslexiques (Finn et al., 2014). Leurs résultats suggèrent
certaines différences de connectivité impliquant certaines régions précédem-
ment identifiées comme jouant un rôle important dans la lecture (p. ex., le
gyrus fusiforme gauche) entre les normo-lecteurs et les sujets dyslexiques.
Mais cette étude révèle également d’autres différences de connectivité entre
ces deux groupes de sujets dans des régions autres que les trois régions
mentionnées précédemment et également des différences de connectivité
de l’hémisphère droit avec les autres régions cérébrales. Par exemple, les
connexions entre certaines régions visuelles et les régions préfrontales
impliquées dans l’attention sont plus fortes chez les normo-lecteurs. De plus,
les analyses suggèrent que les différences de connectivité observées entre
les sujets (normo-lecteurs vs dyslexiques) ne sont pas identiques lorsque
l’on compare des sujets jeunes (9 ans) et plus âgés (21 ans). Notamment, la
connectivité dans le gyrus fusiforme gauche ne diffère pas entre les sujets
normo-lecteurs et dyslexiques jeunes alors qu’elle diffère entre les sujets
adultes. Cette étude de connectivité fonctionnelle permet donc une meil-
leure compréhension du trouble dyslexique, lequel présenterait des parti-
cularités dans d’autres réseaux que ceux précédemment identifiés.
Ces nouvelles techniques d’imagerie ainsi que les analyses de plus
en plus sophistiquées qui sont utilisées pour traiter les données constituent
vraisemblablement le futur des recherches en neurosciences cognitives
chez l’humain. Parallèlement, la diversité et la complexité des techniques
et des tâches utilisées peuvent parfois rendre difficiles l’interprétation et la
comparaison des résultats émanant de différents laboratoires qui travaillent
pourtant sur un sujet commun (Horwitz, 2003). En ce sens, l’étude du fonc-
tionnement cérébral reflète en partie la complexité de l’organe étudié.

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Chapitre
La rencontre entre sciences
2
cognitives et éducation :
opportunités et pentes glissantes.
Le cas exemplaire des neuromythes
Elena PASQUINELLI

Sciences cognitives et éducation ont à plusieurs reprises croisé leurs


chemins par le passé. Dès sa naissance « officielle » lors d’une conférence
tenue au MIT (Massachusetts Institute of Technology) en 1956, ce champ
de recherche a porté sur les problématiques de l’apprentissage et de l’édu-
cation (e.g., Bruner, 1960). Plus ancien encore est l’intérêt de la psychologie
pour l’éducation, et de l’éducation pour la psychologie. Déjà en 1899, le
psychologue William James avait donné une conférence aux enseignants
sur la psychologie en affirmant que la science de l’esprit doit aider les ensei-
gnants en leur donnant confiance dans les méthodes qu’ils pratiquent et en
fournissant une « vision stéréoscopique » des élèves, c’est-à-dire à la fois
intuitive et analytique. De plus, la psychologie a une valeur positive pour
la recherche en éducation puisque disposer d’une théorie sur la façon dont
fonctionne l’esprit limite la voie des expériences et des essais. Les termes
de James n’étaient cependant pas trop optimistes, et ceci pour deux raisons.
Premièrement, il doutait qu’il pourrait y avoir des éléments réellement nou-
veaux dans la science de son temps, à part la vieille psychologie, plus un peu
48 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

de physiologie du cerveau et de la perception et la théorie de l’évolution.


Avec Darwin, James était l’un des premiers à reconnaître le potentiel de la
théorie de l’évolution pour la compréhension du mental et du comportement.
Cependant, à cette époque, la biologie évolutionniste et la science du cerveau
étaient loin d’avoir apporté les révolutions plus récentes dont elles sont à
l’origine. Deuxièmement, la psychologie étant une science, et les sciences ne
générant pas des programmes scolaires ou d’autres applications, un esprit
inventif reste nécessaire pour créer de telles applications. Peu d’années
après, Edward Lee Thorndike, dont les recherches sur l’apprentissage ani-
mal ont ouvert la voie au béhaviorisme, soutenait que l’éducation dépend de
la science de l’esprit et du cerveau tout comme l’agriculture dépend de la
botanique et de la chimie (Thorndike, 1910). Cette équation sera reproposée
quatre-vingts ans plus tard, mais elle comprendra, d’une part, la biologie
et la médecine et d’autre part les sciences cognitives et l’éducation (voir
Bruer, 1993 ; Fischer, Daniel, Immordino-Yang, Stern, Battro, & Koizumi,
2007). Pour Thorndike, l’apport de la psychologie à l’éducation est double.
Premièrement, la psychologie dévoile les tendances encore méconnues de
l’esprit humain et produit des connaissances sur celui-ci et ses penchants
naturels. Cette connaissance est utile pour procéder à des choix éducatifs,
car elle offre aux enseignants une compréhension de ce qui peut être appris
naturellement par l’enfant de ce qui ne peut pas l’être, et qui doit donc être
enseigné. Deuxièmement, la psychologie est une science expérimentale
qui a développé des méthodes pour mesurer le comportement : grâce à ces
méthodes, il est possible de tester et de vérifier si les interventions éduca-
tives permettent d’obtenir les résultats qu’elles promettent en mesurant les
performances des élèves. En même temps, Thorndike était au courant des
contributions potentielles que l’association entre la psychologie et l’éduca-
tion peut apporter à la psychologie : en fournissant des conditions in vivo
pour l’étude des processus d’apprentissage, l’éducation offre une occasion
unique pour faire avancer les sciences cognitives. La rencontre entre l’édu-
cation et la psychologie est donc une relation réciproque.
Depuis l’époque de James et Thorndike, la théorie de l’évolution et
l’étude du cerveau ont contribué de façon significative à la psychologie ; de
nouvelles méthodes expérimentales se sont développées, ainsi que de nou-
velles théories explicatives. Que les sciences de l’esprit et du cerveau aient
atteint, aujourd’hui, la maturité nécessaire pour apporter une contribution
significative aux processus de l’éducation est encore un point controversé.
Cependant, la nécessité de favoriser leur rencontre semble être largement
reconnue, et les efforts se multiplient pour atteindre cet objectif. Depuis
2009, la prestigieuse revue Science a consacré quatre numéros spéciaux à
l’éducation, en remplissant le vœu de son éditeur en chef, Bruce Alberts,
d’une politique éducative plus largement inspirée des connaissances scien-
tifiques, et basée sur des faits (Alberts, 2010). Plusieurs articles proviennent
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 49

des sciences cognitives. Celles-ci sont donc appelées à faire partie du cercle
des sciences qui forment la base des connaissances de l’éducation. En 2007
a été fondé l’IMBES (International Mind, Brain and Education Society) ainsi
que son journal Mind, Brain and Education (Fisher et al., 2007). Cette
démarche est liée à un cours et à un programme de recherche de la Harvard
Graduate School of Education, et aussi à des séminaires et à des conférences
de dissémination qui ont démarré en 2003, à l’initiative de l’Accademia Vati-
cana, ainsi qu’à un long programme de rencontres de l’OECD-CERI, dédié à
la science de l’apprentissage (Battro, Fischer, & Léna, 2008 ; OECD, 2002,
2006). À ces occasions, des chercheurs de provenance internationale ont
initié un nouveau champ de recherche qui a donné lieu à bon nombre de
publications – y compris une nouvelle revue (Trends in Neuroscience and
Education) – et à de nombreuses initiatives aussi bien de recherche que de
formation des enseignants et de dialogue avec les décideurs. De telles initia-
tives ont eu lieu notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon, en
Chine, en Allemagne, en France. À titre d’exemple, nous pouvons mention-
ner deux symposiums sur les sciences cognitives et l’apprentissage organisés
respectivement par l’Académie des sciences en 2005 et par le Collège de
France en 2012 ; un cours universitaire sur « Éducation, cognition, cerveau »
à l’École normale supérieure ; des formations pour les professeurs des écoles
portant sur les sciences cognitives et l’apprentissage par la Fondation La
main à la pâte. D’autres coopérations internationales et nationales ont vu le
jour, parallèlement et avec les mêmes retombées : au Royaume-Uni, l’ESCR
(Economic and Social Research Council) et la Royal Society ont produit
plusieurs rapports concernant la neuroéducation (Frith & Blakemore, 2005 ;
Royal Society, 2011 ; Teaching and Learning Research Programme, TLRP,
2008) ; l’association européenne EARLI (European Association for Research
on Learning and Instruction) a créé un groupe d’intérêt spécifique sur ce
thème qui réunit chercheurs et enseignants tous les deux ans ; l’association
Neuroéducation Québec mène des recherches et a créé une revue.

1. QUE PEUVENT APPORTER LES SCIENCES


COGNITIVES À LA PRATIQUE
DE L’ÉDUCATION ?
Si les manifestations d’intérêt entre sciences cognitives et éducation
se multiplient, beaucoup de questions restent encore ouvertes concernant
la manière de favoriser une bonne collaboration. Comment « utiliser » ces
sciences ? Comment en faire profiter l’éducation de façon à ce qu’elle puisse
influencer la pratique éducative et ne pas se limiter à enrichir la complexité
théorique ? Comment faire en sorte qu’elles s’intègrent aux connaissances
produites par d’autres sciences – didactique, économétrie, éducation – et par
50 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

la pratique des enseignants ? Existe-t-il des risques de dérapage à prendre


en compte dans la rencontre entre sciences cognitives et éducation ?
D’abord, il faut préciser ce qu’on entend par sciences cognitives, et le
genre de contribution qu’elles peuvent, de manière réaliste, fournir à l’édu-
cation (Bruer, 1997 ; Goswami, 2008 ; Hirsh-Pasek & Bruer, 2007 ; Howard-
Jones, 2009 ; voir Willingham, 2008, pour une discussion d’ordre général).
Nous décrirons ensuite un cas exemplaire de dérapage : les neuromythes,
où la réalité scientifique se mêle à l’intuition, laquelle n’est pas toujours cor-
recte. On peut anticiper qu’il n’existe pas un algorithme infaillible pour que
les choses se déroulent convenablement, mais seulement la bonne volonté
des acteurs, le sentiment d’être informé du bien-fondé de l’entreprise et
l’éthique scientifique qui cherche à contribuer à l’éducation sans surévaluer
les capacités et possibilités de la science, sans prendre de raccourcis dans
l’application des savoirs scientifiques à l’éducation – avec réalisme et rigueur
scientifiques.
On entendra souvent répéter que les sciences cognitives sont
constituées d’une large variété de programmes de recherche, d’approches,
de méthodes, de niveaux d’analyse qui partagent un intérêt commun : com-
prendre la cognition. Il est cependant difficile de se faire une image réaliste
de cette variété pour ceux qui n’y sont pas immergés, surtout parce que
les programmes de recherche sont devenus très ambitieux au cours des
dernières années. Par exemple, une image courante des sciences cognitives
est celle de disciplines qui étudient les processus supérieurs de la pensée
(le raisonnement, les processus décisionnels, la résolution de problèmes,
l’inférence, le langage, l’imagination), mais aussi les processus élémentaires
(la perception, l’action, la mémoire). Tous ces aspects font certainement
partie du fonctionnement cognitif et donc des sciences cognitives, au
même titre que les émotions, la communication, l’apprentissage (du niveau
associatif le plus simple, à l’imitation et aux autres formes d’apprentissage
social), les mécanismes de la motivation et de la récompense, la capacité
d’enseigner, celle d’interpréter les pensées d’autrui, d’éprouver de l’empa-
thie et celle de coopérer. La fabrication et l’utilisation d’artefacts fait aussi
partie des sciences cognitives ; on parle même parfois d’artefacts cognitifs,
c’est-à-dire d’objets matériels ou immatériels qui permettent d’améliorer les
performances cognitives, par exemple un cahier de notes pour améliorer la
mémoire, un diagramme pour spatialiser la pensée, etc. Une classe d’école,
une cabine de pilotage d’avion, un navire peuvent alors être considérés
comme des systèmes cognitifs composés de plusieurs cerveaux et de dif-
férentes formes de soutiens externes. Le fonctionnement de ces systèmes
peut être analysé comme celui d’une unité composite et intégrée. Il faut
ajouter à ce tableau une extension dans le temps, vers le passé : les sciences
cognitives ne se contentent pas de décrire des fonctions et de chercher à
établir leurs relations réciproques, la manière dont elles s’expriment (ou pas)
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 51

en comportements, les conditions qui en déclenchent ou en réduisent


l’action et les bases neuronales dont elles sont l’expression. Elles cherchent
également à déterminer l’ontogenèse de ces fonctions – la manière dont
elles se développent dès la naissance et puis au cours de la vie des individus,
en relation avec l’environnement, l’apprentissage et la culture. Elles s’inté-
ressent aussi à l’origine phylogénique de ces fonctions : leur évolution, le rôle
qu’elles ont joué dans l’adaptation de l’espèce qui les possède, la manière
dont ce rôle se trouve reconfiguré ou mis en échec par de nouveaux écosys-
tèmes. Le programme des sciences cognitives vise en conclusion à instaurer
une approche scientifique, c’est-à-dire rigoureuse, objective, réglée par des
normes, afin de tenter de répondre à toutes ces questions, et d’autres encore
qui concernent le comportement et l’interaction d’un organisme avec son
environnement physique et social. Ceci a amené à établir des relations de
coopération entre les recherches sur la cognition et les savoirs et pratiques
en économie, en politique, dans le management et dans la justice. La relation
n’en est pas moins étroite avec l’éducation. Voici un aperçu, produit d’une
sélection inévitablement personnelle, de quelques contributions possibles.

1.1 Le cerveau qui apprend


L’apprentissage est une fonction cognitive omniprésente et naturelle
chez l’humain. Le bébé apprend à marcher, à parler, à reconnaître des objets,
à interpréter ce qui se passe dans la tête de ceux qui l’entourent, ceci sans
que personne n’ait à mettre en place des actions particulières pour favoriser
cet apprentissage. Des prédispositions existent dans son cerveau qui lui
permettent d’isoler certaines informations présentes dans l’environnement
et de les traiter ; ces prédispositions se transmettent d’une génération à
l’autre par une voie génétique, elles ont souvent une histoire ancienne,
ancrée dans notre passé évolutif. Elles ne peuvent devenir les fonctions
que l’on connaît chez l’enfant plus âgé et l’adulte que si l’environnement
de l’enfant contient les informations concernées. Parler d’inné et d’acquis
est donc une simplification inutile. Font partie de ces prédispositions (ou
« kit de départ » cognitif de l’enfant) nombre de mécanismes et outils qui
mènent à une compréhension de plus en plus fine du monde naturel et
social, et à une interaction de plus en plus riche avec ce dernier : extraction
de régularités statistiques dans l’environnement, association, exploration et
expérimentation, formes sociales d’apprentissage. L’apprentissage humain
a d’ailleurs quelque chose de particulier quand on le compare à celui de la
plupart des espèces animales. Non seulement les humains atteignent un
degré d’abstraction plus élevé et développent une variété plus étendue de
capacités complexes ; enfants et adultes s’appuient fortement sur des sys-
tèmes sociaux de transmission, à la fois des savoirs pour lesquels existent
des prédispositions (p. ex., le langage) et des savoirs pour lesquels cette pré-
disposition ne dépend que de notre culture. Depuis des dizaines de milliers
52 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

d’années, voire des centaines, nous apprenons des autres en observant leurs
productions, en les imitant, en suivant où se pose leur regard et en écoutant
leurs mots, leurs témoignages ; et depuis une poignée de milliers d’années en
lisant leurs traces écrites (Csibra, 2007 ; Tomasello, Kruger, & Ratner, 1993 ;
Whiten, 2008). Les sciences cognitives permettent d’étudier les différents
mécanismes naturels de l’apprentissage, y compris ceux de nature sociale,
les fonctions annexes (comme la motivation), les contraintes apposées par
l’architecture de notre cerveau et son développement, les connaissances
que l’enfant possède dans son « kit de départ » ou développe avec l’âge et
l’expérience.

1.2 Le cerveau qui enseigne


À la capacité d’apprendre des autres, de répandre le savoir par la voie
sociale, correspondent chez les êtres humains la capacité et la disposition à
enseigner aux autres. Tous les humains, apparemment, indépendamment de
leur culture, déploient une forme ou une autre de pédagogie volontaire face
aux membres plus jeunes de leur groupe ou famille (Csibra & Gergely, 2009).
Même les enfants enseigneraient spontanément, par exemple, les règles
d’un jeu à leurs camarades (Strauss, 2005). Comme le proposent Strauss et
Ziv (2012), enseigner pourrait être une de ces capacités qui viennent natu-
rellement à l’esprit humain. En d’autres termes, les humains seraient non
seulement prédisposés à apprendre des autres mais également à enseigner
aux autres. Et puisqu’enseigner permet de transmettre des savoirs et des
savoir-faire d’origine culturelle, l’enseignement peut être considéré comme
jouant une part importante dans l’évolution culturelle (Tomasello, 1999). Le
défi de transmettre des capacités, par exemple liées à l’utilisation de tech-
nologies, pourrait avoir créé une pression sélective suffisante à stabiliser des
mécanismes spéciaux pour l’enseignement/l’apprentissage par les autres. Ou
encore ces mécanismes seraient le produit secondaire du développement
simultané de capacités de communication, d’interprétation des pensées
d’autrui (mind reading, théorie de l’esprit) et d’intentions altruistes. La
compréhension du cerveau qui enseigne fait ses premiers pas mais repré-
sente l’un des axes de recherche les plus intéressants à la convergence des
études sur la cognition et sur l’éducation (Battro, 2010).

1.3 La cognition et l’éducation à la lumière


de l’évolution
Tous les apprentissages ne sont pas identiques pour notre appareil
cognitif (Pinker, 1997, 2002). Marcher, parler, socialiser sont des apprentis-
sages naturels. Apprendre à danser, à lire et à écrire, apprendre les mathé-
matiques sont des capacités qui, tout en ayant des précurseurs dans les
habiletés biologiquement primaires, ne s’acquièrent qu’avec effort et grâce
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 53

à des formes de transmission culturelle et sociale. Notre cerveau est donc


capable d’acquérir des connaissances et des compétences pour lesquelles il
n’est pas préparé. C’est le sens profond de la notion de plasticité cérébrale
– notion trop souvent évoquée pour laisser imaginer que le cerveau serait
une substance molle indéfiniment modelable. La transmission des habiletés
secondaires est plus difficile que celle des habiletés primaires, demandant en
plus d’un effort conscient, des stratégies et des techniques. L’éducation peut
être vue comme une technologie spécialement conçue pour la transmission
de ce qui ne vient pas naturellement à notre esprit, des habiletés biologi-
quement secondaires (Geary, 2002, 2007). Une approche évolutionniste de
l’apprentissage permet ainsi de reconnaître différentes modalités d’appren-
tissage qui font partie de la dotation naturelle de l’enfant et les marges
d’extension de cette dotation vers l’acquisition d’habiletés et d’expertises de
nature culturelle. Grâce à l’évocation des habiletés cognitives qui sont natu-
relles et celles qui ne le sont pas, cette approche permet aussi de fournir un
cadre explicatif à certaines difficultés d’apprentissage en dehors des troubles
proprement dits – qui constituent un autre domaine des études en sciences
cognitives. Enfin, cette approche évolutionniste met définitivement hors de
cause l’idée que le cerveau serait, à un moment ou à un autre de la vie, une
tabula rasa qui attend d’être formée : l’enfant vient au monde avec une
structure cérébrale qui implique des prédispositions prêtes à se développer
dans un environnement approprié.

2. PENTES GLISSANTES
L’enthousiasme pour les sciences de l’esprit, le cerveau et le compor-
tement peut être trompeur. Le chemin de la théorie à la pratique n’est pas
simple ; il contient en outre de nombreuses pentes glissantes qui doivent être
identifiées pour mieux les prévenir. Dans ce qui suit, je vais brièvement en
décrire dix, avant de m’arrêter plus longuement sur la dernière.

2.1 Qualité des preuves


Il semble trivial de rappeler que les sciences de l’éducation doivent
être fondées sur des preuves, notamment des preuves qu’une méthode est
plus efficace qu’une autre. Cependant, la production de preuves dûment
contrôlées n’est pas un exploit facile dans le domaine de l’éducation : la
formation aléatoire de groupes contrôle et expérimentaux se heurte à des
difficultés pratiques et éthiques. Les effets Hawthorne et Pygmalion sont
une menace majeure, très difficile à éliminer lorsque les enseignants sont
responsables de l’expérimentation. La récolte de données fiables peut alors
être frustrante. La médecine fondée sur les preuves a développé une attitude
pragmatique face à l’existence inévitable de différents types d’évidences
54 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

factuelles : une classification en niveau allant des méta-analyses effectuées


à partir des études expérimentales en double aveugle, réparties aléatoi-
rement et contrôlées jusqu’aux opinions des experts, sans évaluation de
leur validité, ou basées sur les connaissances de laboratoire concernant la
physiologie ou les principes du fonctionnement du corps humain (OCEBM,
2011). Bien que le premier niveau soit reconnu comme le plus fiable pour
guider les décisions des praticiens, les niveaux intermédiaires jusqu’au
dernier ne sont pas rejetés. Toutes les preuves disponibles sont utilisées de
façon pragmatique. Toutefois, ceux qui utilisent de telles preuves doivent
être conscients de leur niveau de fiabilité et alertés sur leurs failles. Une
classification analogue manque encore dans le domaine de l’éducation, en
dehors de rares exceptions.

2.2 Pointillisme empirique


Le recours aux preuves empiriques contrôlées et rigoureuses, bien
que souhaitable, n’est pas suffisant. En fait, c’est une caractéristique spéci-
fique aux essais contrôlés au moyen de groupes répartis aléatoirement de
créer des conditions particulières, dans lesquelles tout autre facteur, sauf
celui dont l’efficacité est testée, est mis sous contrôle. Cette propriété est
très utile : elle permet aux chercheurs (dans des situations in vitro ou in
vivo) d’isoler une variable et de comprendre si elle a un rôle causal dans
la situation observée, si elle peut favoriser un certain apprentissage, ou
si elle est uniquement un facteur associé. Néanmoins, une fois que nous
essayons de traduire les résultats de ce genre d’études à des situations
écologiques, réelles, de la classe, de nombreuses autres variables peuvent
avoir une incidence sur le résultat final, en plus de celui qui a été isolé dans
la situation contrôlée. Cela rend plus difficile de prévoir si l’efficacité d’une
certaine action éducative est généralisable à d’autres sujets (Cartwright,
2009). D’autres mesures ou stratégies sont alors nécessaires. L’une consiste
à multiplier la variabilité des populations qui sont soumises à des tests, ainsi
qu’à multiplier les tests en conditions écologiques, avec des variables diffé-
rentes. Dans d’autres situations, il peut y avoir de bonnes raisons de penser
que les mêmes résultats pourront être obtenus ailleurs parce qu’il n’y a
pas de facteurs qui peuvent affecter le résultat ou parce que les conditions
sont très semblables à celles réalisées au cours de l’essai. Chaque fois que
ces conditions changent, la capacité de prévisibilité diminue. Par exemple,
les manœuvres respiratoires sont efficaces dans un large éventail de cas,
parce que le corps humain a une structure prévisible et il n’y a pas d’autres
facteurs importants qui peuvent influer sur l’efficacité de ces manœuvres.
Néanmoins, chez les patients présentant des particularités anatomiques,
l’effet de ces manœuvres devient imprévisible (Cartwright, 2011). Afin de
parvenir à la généralisation des résultats et à une meilleure prévisibilité, les
études empiriques doivent faire partie d’une vision plus large. Elles doivent
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 55

s’appuyer sur un modèle du fonctionnement de la cognition humaine et du


cerveau, aussi bien que sur des modèles de plus en plus précis, relatifs aux
fonctions spécifiquement mises en jeu par l’action éducative. Ceci permet
aussi de restreindre l’espace des possibles : des actions éducatives qui ont
des chances d’être efficaces et donc d’être empiriquement testées dans des
conditions in vivo. Cette stratégie a été décrite dans le domaine de la méde-
cine translationnelle (définie comme l’effort pour combler les lacunes entre
les pratiques et les données probantes) pour faire face aux problèmes de
coûts et de temps qu’implique toute étude expérimentale clinique, conduite
avec des êtres humains (Lean, Mann, Hoeck, Elliot, & G. Schofield, 2008 ;
Marincola, 2004 ; Mankoff, Brander, Ferrone, & Marincola, 2004 ; Wehling,
2010).

2.3 Connaissances non pertinentes


L’éducation n’est pas une science théorique, mais appliquée : le
souci de l’éducation est lié à la conception d’actions pédagogiques, et la
connaissance que les sciences cognitives lui apportent doit être utile à ce
but (Simon, 1981). Trop souvent, les approches éducatives qui s’inspirent
des neurosciences sont au mieux des listes de faits scientifiques, utilisées
pour justifier de vieux adages ou des principes généraux insuffisants pour
guider des interventions éducatives. Le fait que le cerveau est un système
adaptatif et social complexe qui interprète, construit et donne du sens aux
informations sur la base des connaissances préalables fait consensus en
sciences cognitives, mais peut difficilement permettre de justifier le recours
à une action éducative plutôt qu’à une autre. Sans être fausse, cette liste
de faits est inutilisable. Dans un autre ordre d’idées, le savoir fourni par les
sciences cognitives peut être inutile à l’éducation car trop loin des préoc-
cupations réelles de ses acteurs. C’est le cas avec les études sur les jeunes
bébés qui sont pertinentes pour le développement des connaissances sur la
cognition humaine mais qui ne peuvent guère être directement utilisées par
les enseignants. Souvent, les enseignants se sentent comme ceux qui ont
reçu une belle peinture pour leur anniversaire, mais qui n’a pas sa place dans
leur maison. On pourrait l’appeler le « syndrome du cadeau non désiré ». Il
n’y a rien d’étonnant à cela : les préoccupations des chercheurs en sciences
cognitives ne sont pas les mêmes que celles des professionnels confrontés à
des problèmes spécifiques et concrets au cours de leur pratique quotidienne
(Li & Klahr, 2006). Cependant, il ne faut pas trop rapidement exclure une
utilité indirecte de ce genre de connaissances : celle de permettre aux édu-
cateurs de mieux comprendre le fonctionnement de la cognition et du cer-
veau, et ainsi de gagner un outil pour orienter leurs propres choix et actions.
Par exemple, en révélant certains obstacles à l’apprentissage, la recherche
en sciences cognitives fournit des éléments de réflexion pour les pratiques
éducatives, sans pour cela fournir des indications précises sur les actions à
56 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

entreprendre et celles à éviter. Alors qu’il est impensable et contre-productif


de demander aux scientifiques de produire seulement des connaissances
utiles pour certaines applications, il semble par ailleurs productif, même
pour l’avancement de la science fondamentale, d’encourager la collaboration
avec d’autres professionnels et le développement de champs de recherches
appliquées.

2.4 Résistance à l’adoption d’interventions


Un savoir peut être pertinent et valide mais n’être jamais adopté. Au
cours des vingt dernières années, plusieurs raisons ont été proposées dans
le domaine de la médecine pour expliquer la résistance à l’adoption d’inter-
ventions dont l’effet positif sur la santé a pourtant été prouvé (e.g., Davis &
Taylor-Vaisey, 1997 ; Lenfant, 2003 ; McCaughey & Bruning, 2010 ; Oxman,
Thomson, Davis, & Haynes, 1995). D’une part, le savoir peut rester indispo-
nible à ceux qu’il pourrait inspirer. Le courant de la médecine basée sur les
preuves a exemplairement abordé ce problème avec la création de la colla-
boration internationale Cochrane. 28 000 personnes de 100 pays élaborent
des réponses à des problèmes spécifiques relatifs à la pratique médicale, en
s’appuyant sur la production de méta-analyses des données disponibles et en
publiant ces réponses sur un site internet spécifique. Des efforts similaires
existent dans le domaine de l’éducation, mais ils ne sont pas conduits à un
niveau international (Slavin, 2002, 2004). Ce sont des exemples éloquents
de la manière dont les technologies numériques peuvent aider l’éducation et
ce d’une autre manière que les publications traditionnelles. D’autre part, les
conditions internes et externes pour l’adoption d’une intervention peuvent
ne pas être prises en compte dans la conception et le développement de la
recherche (Dearing, 2006 ; Dede, Dearing, Boisvert, McNeel, & Lesiecki,
2008). La médecine translationnelle a abordé ce problème en cherchant
à associer la médecine fondée sur les preuves avec les sciences sociales,
humaines et économiques (Fleming et al., 2008 ; Dearing, 2006). Il semble
en effet nécessaire de reconnaître que la logique rationnelle ne conduit
pas nécessairement à l’adoption de pratiques efficaces. C’est pourquoi les
sciences sociales ne peuvent être oubliées lors de la planification d’une bonne
rencontre entre l’étude de la cognition et l’éducation. Pourtant, le contexte
social n’est pas le seul obstacle, et d’autres obstacles internes doivent être
évalués également. Je me réfère à ces mécanismes cognitifs qui entravent
l’adoption d’interventions prouvées efficaces, et notamment aux difficultés
qui entravent la transformation des connaissances déclaratives en des formes
procédurales de connaissance, et la généralisation de la connaissance d’un
domaine à un autre (Gick & Holyoak, 1980 ; Green & Seifert, 2005). Mettre
en évidence ces obstacles internes est une forme, souvent ignorée, de
contribution que la recherche en sciences cognitives peut facilement appor-
ter à l’éducation, et plus généralement à la recherche translationnelle. Les
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 57

recherches sur les heuristiques et les biais du raisonnement en particulier


pourraient contribuer à résoudre ces résistances à l’adoption de nouvelles
interventions en éducation et ailleurs (e.g., Gilovich, Griffin, & Kahnemann,
2002 ; Kahnemann, 2011 ; Kahnemann, Slovic, & Tversky, 1982).

2.5 Illusion de compréhension


Un risque ultérieur lié à l’utilisation (abusive) du corpus de connais-
sances produit par les sciences cognitives et du cerveau consiste à se laisser
convaincre par le jargon neuroscientifique et par des images du cerveau que
nous avons une bonne explication d’un phénomène. Or tout ce que nous
avons vraiment est une description, une localisation ou une reformulation du
problème en termes biologiques. Ce phénomène a été décrit comme « l’allure
séduisante » des images neuroscientifiques et du jargon (Weisberg, 2008).
Notamment, Weisberg, Keil, Goodstein, Rawson et Gray (2008) montrent
que : (1) l’indication de la localisation cérébrale est souvent (à tort) consi-
dérée comme fournissant l’explication d’un certain phénomène mental ;
(2) les explications circulaires sur les phénomènes mentaux exprimées
dans le jargon des neurosciences sont plus souvent évaluées positivement
(comme étant de bonnes explications), en comparaison avec des explica-
tions circulaires qui ne font pas référence au cerveau ; (3) ce phénomène
ne se limite pas aux lecteurs naïfs, mais est présent aussi chez les étudiants
en psychologie (mais pas chez les experts, chercheurs et enseignants du
domaine des neurosciences). McCabe et Castel (2008) ont montré d’ailleurs
que les images morphologiques de l’activation du cerveau (où l’on voit une
silhouette du cerveau avec des « taches » colorées) rendent un texte plus
convaincant que la représentation par diagramme de ces mêmes activations
cérébrales, ou que l’absence d’images. Ces considérations évoquent des
préoccupations éthiques qui devraient être abordées chaque fois que les
sciences et la société interagissent.

2.6 Tromperie normative


On pourrait être tenté de prendre les connaissances scientifiques
comme des prescriptions de ce qu’il faut faire. Dans le domaine de l’épis-
témologie, cette erreur est proche de l’illusion normative, ou guillotine de
Hume, qui consiste à confondre le « tel qu’il est » avec le « tel qu’il devrait
être ». Par exemple, il est possible que les garçons et surtout les filles
apprennent mieux dans des classes séparées selon le genre, comme le sug-
gère une méta-analyse récente (Sullivan, Joshi, & Leonard, 2010). Est-ce une
raison suffisante pour favoriser les classes séparées ? Le résultat de cette
analyse de la littérature a été contesté notamment par Halpern et al. (2011).
Mais même si ce genre de virage brusque mérite davantage d’attention ce
n’est pas le sujet de l’illusion normative qui consiste à croire que la science
58 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

peut prendre des décisions à notre place. Le choix de la séparation à l’école


des filles et des garçons est en effet soumis à d’autres considérations qu’à
celle des bonnes notes : par exemple, on peut souhaiter que les filles et les
garçons apprennent à l’école à collaborer et à bien vivre ensemble, dans le
respect réciproque. Il s’agit en quelque sorte de valeurs, ou du moins de choi-
sir ses objectifs, et de les hiérarchiser. Cependant, la science ne décide pas
des valeurs et la connaissance de l’esprit humain peut éclairer la conception
d’actions éducatives seulement une fois que l’objectif des actions a été établi.
Un risque secondaire de prendre la science comme prescriptive est celui de
chercher à réduire la science au silence quand elle révèle des choses sur la
nature humaine que nous ne voulons pas mettre à l’agenda politique. Nous
tombons alors dans le « sophisme moraliste », c’est-à-dire la croyance erro-
née que ce que nous jugeons moralement bon de poursuivre doit également
être trouvé dans la nature (Pinker, 2002).

2.7 Un pont trop long


Penser que les connaissances théoriques sur l’esprit et le cerveau
sont immédiatement applicables telles quelles à l’éducation est une autre
forme d’utilisation abusive de la connaissance scientifique. Le philosophe
John Bruer a fait valoir que le passage des neurosciences à l’éducation ne
peut pas être direct : le pont entre les deux est trop long, et le traverser
sans des intermédiaires solides peut être catastrophique. La psychologie
cognitive représenterait pour Bruer le médiateur idéal car elle constitue le
niveau d’analyse intermédiaire entre la cellule et le comportement (Bruer,
1997). On pourrait même adopter une position plus radicale : la connais-
sance in vitro, c’est-à-dire les connaissances acquises dans les laboratoires
de science, y compris de psychologie cognitive, n’est jamais applicable tel
quel. En d’autres termes, le laboratoire et la salle de classe sont toujours
séparés par un pont trop long. La recherche sur la mémoire nous en donne
un exemple. Il existe un consensus sur le fait que la récupération répétée, et
en particulier, espacée, a des effets positifs sur la récupération des souvenirs
en mémoire (Karpicke & Roediger, 2007). Pouvons-nous affirmer pour autant
que la répétition espacée devrait être adoptée à l’école, hic et nunc ? Il est
en réalité possible que des variables qui ont été contrôlées ou absentes dans
le cadre du laboratoire fassent leur apparition dans des conditions in vivo.
Par exemple, la répétition pourrait entrer en conflit avec la motivation et l’im-
plication des élèves et éventuellement produire des performances inférieures
(Willingham, 2008). Par cet exemple, je ne veux pas dire que les études sur
la mémoire ne sont pas pertinentes pour l’éducation, mais qu’une hypothèse
scientifique, même lorsqu’elle a été dûment confirmée, n’est qu’une étape
dans la conception des applications éducatives, et non un produit final. Les
études in vitro sont préparatoires à celles in vivo réalisées en classe avec
les apprenants et les enseignants réels, dans des conditions écologiques, et
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 59

surtout, en relation avec la nature des tâches, les contenus et les conditions
réelles d’apprentissage. Entre les études in vivo et in vitro, une étape
cruciale est donc représentée par une forme d’ingénierie pédagogique qui
consiste en la conception d’interventions inspirées par la science et validée
dans des conditions écologiques (Hinton & Fischer, 2008).

2.8 Isoler les disciplines


Un autre risque qui menace les tentatives récentes pour construire
un nouveau domaine de recherche est le chauvinisme disciplinaire. Les
neurosciences en particulier risquent d’être artificiellement distinguées de
la famille, vaste et différenciée, des sciences cognitives, comprenant : la psy-
chologie cognitive, les sciences du comportement, l’intelligence artificielle, la
philosophie, la psychologie évolutionniste, la psychologie du développement,
la psychologie sociale, l’anthropologie et l’archéologie cognitive, etc. Cepen-
dant, individuellement, aucune de ces sciences ne peut prétendre à une
relation privilégiée avec l’éducation. En effet, chacune participe à différents
niveaux d’analyse et à travers différents outils et méthodes à améliorer notre
connaissance des processus d’apprentissage et d’enseignement, en tant que
capacités cognitives.

2.9 Chercher une voie unique


Le chauvinisme disciplinaire peut aussi prendre un autre aspect :
prendre une voie à sens unique allant de la recherche cognitive à l’éduca-
tion. Pour beaucoup de raisons, dont certaines ont été énumérées ci-dessus,
ce n’est pas le cas. L’éducation constitue un cadre idéal pour des études
in vivo, en situation écologique, pour intégrer et compléter le corpus de
connaissances que les neurosciences et les sciences du comportement pro-
duisent traditionnellement in vitro, en laboratoire (Dunbar & Blanchette,
2001). Par exemple, l’étude de la pensée scientifique dans des conditions
in vitro a révélé l’existence d’un certain nombre de résistances et de biais
de raisonnement. Cependant, de tels résultats pourraient être attribués au
fait que les expériences sont effectuées sur des sujets novices, qui n’ont
aucune connaissance du domaine. Des sujets experts pourraient ne pas être
enclins aux mêmes erreurs (Dunbar, 2001). La combinaison d’expériences
contrôlées avec des observations écologiques in vivo peut aider à révéler les
processus qui sont réellement en jeu dans l’acquisition de nouvelles notions
scientifiques et permettre d’identifier les processus cognitifs à développer.
Observer les processus d’apprentissage dans le cadre réel de l’éducation est
une source d’observation et d’inspiration pour de futures recherches dans les
laboratoires de sciences cognitives. En fait, le processus de l’éducation révèle
les obstacles à l’apprentissage et les limites de la connaissance, les compé-
tences et attitudes qui ne sont pas aussi apparentes dans les recherches de
60 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

laboratoire (Petitto & Dunbar, 2004). Nous devons alors reconnaître que la
rencontre entre l’éducation et les sciences cognitives ne profite pas à l’une
ou à l’autre mais aux deux. Il est aussi possible que cette même rencontre
puisse aider à résoudre le chauvinisme disciplinaire en permettant aux
sciences cognitives de trouver une configuration nouvelle qui soit véritable-
ment pluridisciplinaire.

2.10 Neuromythes
Il est établi qu’à plusieurs reprises les sciences cognitives et les
neurosciences ont été mal comprises et mal utilisées. Notamment, on a pu
constater la diffusion d’idées fausses ou trop simplifiées sur le fonctionne-
ment du cerveau (Dekker et al., 2012). Étant donné que ces idées concernent
la cognition, mais sont exprimées en jargon neuroscientifique (en se référant
au cerveau), et que, comme d’autres mythes, elles se répandent largement et
prennent racine facilement chez un grand nombre de personnes, ces idées
sont connues sous le terme de neuromythes (Doudin, Tardif, & Meylan,
chapitre 3 de ce volume ; Geake, 2008 ; Goswami, 2008 ; Howard-Jones,
2009 ; OECD, 2002 ; Tardif & Doudin, 2010 ; Waterhouse, 2006). La diffusion
de neuromythes peut être influencée par le type d’approche qu’on adopte
dans la rencontre entre sciences cognitives et éducation. Une approche
affirme par exemple que les études sur la cognition, le cerveau et l’éducation
devraient donner lieu à un nouveau champ interdisciplinaire de recherche
et permettre de mieux traduire les résultats de ces études en méthodes
pédagogiques efficaces (Fischer et al., 2007 ; Fischer, Goswami, Geake, &
the Task Forces for the Future of Educational Neuroscience, 2010). Une
autre approche qui existe actuellement consiste plutôt à utiliser les savoirs
scientifiques, notamment en neurosciences, de façon très simplifiée, voire
abusive afin de proposer des solutions faciles pour l’éducation (Dennison
& Dennison, 2010 ; Dunn & Dunn, 1978 ; Jensen, 1995). Le risque existe,
surtout dans cette deuxième approche, de favoriser la prolifération des
neuromythes. La suite de ce chapitre examine l’origine des neuromythes
et propose un cadre théorique pour expliquer leur persistance en dépit du
fait que les connaissances disponibles permettent d’affirmer qu’ils sont faux.

3. LE CAS DES NEUROMYTHES


En 1998, l’État de Floride adopte une loi pour que les écoles mater-
nelles diffusent de la musique classique aux enfants. La même année, et
après avoir lu que l’écoute de la musique de Mozart peut augmenter le
QI, le gouverneur de la Géorgie demande 105,000 $ pour la production et
la distribution de musique classique aux nouvelles mères afin qu’elles la
fassent écouter à leurs enfants. Ceci peut sembler trop beau pour être vrai.
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 61

Cette affirmation amplifiée par plusieurs journaux trouve son origine dans
une recherche en particulier. Rauscher, Shaw et Ky (1993) ont comparé les
effets cognitifs de trois situations : l’écoute d’une sonate de Mozart, d’une
musique relaxante et une situation silencieuse. Dans la « situation Mozart »,
les résultats montraient une augmentation de 8 à 9 points chez des adultes
à des tests de capacité spatiale extraits d’une vaste batterie de tests utilisés
pour mesurer le QI. Malheureusement, d’autres laboratoires n’ont pas été en
mesure de reproduire ces résultats et « l’effet Mozart » a ainsi été démysti-
fié (Chabris, 1999 ; Pietschnig, Voracek, & Formann 2010 ; Steele, Bass, &
Crook, 1999). Malgré l’absence de confirmation, en 2004, 80 % d’un échantil-
lon de 496 personnes interrogées en Californie et en Arizona étaient familiers
avec l’effet Mozart (Bangerter & Heath, 2004). Toujours selon ces auteurs,
les produits basés sur l’Effet Mozart (devenu une marque de fabrique) sont
vendus à des millions d’exemplaires. Il convient d’ajouter que l’étude publiée
à l’origine par Rauscher et al. (1993) ne mentionne aucunement les effets
potentiels sur les enfants ou la possibilité que l’effet mesuré en laboratoire
puisse donner lieu à des modifications à long terme de l’intelligence. L’effet
Mozart est un cas exemplaire qui illustre comment une idée fausse peut
affecter négativement le rapprochement entre recherche scientifique en
sciences cognitives et l’éducation.

3.1 La relation des neuromythes


avec le savoir scientifique
Les neuromythes peuvent entretenir des relations différentes avec
les connaissances produites par les chercheurs en sciences cognitives. Cer-
tains neuromythes émanent de distorsions de faits scientifiques, c’est-à-dire
qu’ils proviennent de simplifications excessives de résultats scientifiques. Par
exemple, la recherche sur la spécialisation hémisphérique a donné naissance
au mythe que les gens sont plutôt cerveau-droit ou cerveau-gauche, que
l’équilibre entre les deux est un effet souhaitable, mais pas acquis. Par consé-
quent, des exercices spécifiques devraient permettre au cerveau d’atteindre
cet équilibre (voir Geake, 2008 ; Goswami, 2008, pour une discussion de ce
neuromythe). Les neuromythes peuvent également être le fruit de résultats
d’expériences passées et de théories scientifiques « périmées », abandonnées
en raison de l’émergence de nouveaux résultats contredisant les premiers,
comme dans le cas de l’effet Mozart. Les mythes peuvent se développer à
partir de mauvaises interprétations de résultats expérimentaux. C’est le cas
pour le mythe des trois premières années de vie qui affirme que l’appren-
tissage dépend (seulement) de la prolifération des connexions entre les
neurones (les synapses) et qu’aucune autre période n’est aussi bonne que
les trois premières années de la vie pour toute forme d’apprentissage. Cette
conception ne tient pas compte du fait que le cerveau humain conserve une
certaine plasticité tout au long de la vie et que l’apprentissage continue à
62 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

avoir lieu grâce à la modification fonctionnelle des synapses incluant leur


modification anatomique (Bruer, 1997, 1999). Dans d’autres cas, il est plus
difficile de retracer la relation du mythe avec le discours scientifique. Par
exemple, le mythe selon lequel seule une fraction, à savoir 10 %, de notre
cerveau est actuellement utilisée provient peut-être de considérations sur
le potentiel inexploité de l’esprit humain (y compris des affirmations non
prouvées de la parapsychologie). Une autre hypothèse serait qu’il se réfère
à des considérations neuroanatomiques sur le rapport entre cellules gliales
et neurones dans le cerveau ou entre substance blanche et substance grise
(Della Sala, 1999, 2007 ; Lilienfeld, Linn, Ruscio, & Beyerstein, 2010). Ce qui
est sûr, c’est que le mythe des 10 % participe au mouvement qui voit l’intérêt
général pour les mystères de l’esprit humain se traduire dans un vocabulaire
neuroscientifique. Les neuromythes n’existeraient pas si les neurosciences
n’avaient pas violé le périmètre de la communauté scientifique et atteint les
novices par le biais des médias populaires. Dans ce sens, les neuromythes
semblent trouver un terrain favorable dans la neurophilie, c’est-à-dire
l’intérêt pour les avancées sur la connaissance du cerveau. Nous discutons
maintenant ce point.
Une autre caractéristique des neuromythes consiste dans le fait
qu’ils ont tendance à survivre à la circulation de l’information correcte,
et à être amplifiés par des communiqués de presse à sensation. Suite à
la démystification académique et publique de l’effet Mozart, et comme
le mentionnent Chabris et Simons (2009), l’enthousiasme pour les effets
positifs de la musique classique sur l’intelligence des adultes a diminué
dans la presse populaire, mais les allégations relatives à son efficacité sur
le développement des bébés sont devenues encore plus fréquentes. L’idée
de l’effet Mozart s’est répandue au point que le marché japonais propose
désormais des bananes cultivées avec l’aide de la musique de Mozart (les
bananes Mozart) et du saké brassé sur les notes de la musique classique
(Krieger, 2010). Les neuromythes semblent donc bénéficier de la même
résilience au changement qui affecte les illusions et les biais cognitifs ; aussi
bien que de la même capacité de diffusion et d’enracinement des légendes
urbaines (Brunvald, 1981) et d’autres idées qui survivent et même pros-
pèrent en dépit de leur absence de vérité ou d’utilité matérielle immédiate
(Sperber, 1985, 1996). Il est donc important, pour comprendre pourquoi les
neuromythes existent et persistent, de mobiliser à la fois : a) l’observation
du contexte social et culturel dans lequel ils se produisent, notamment
la manière dont les idées de science sont communiquées et médiatisées,
mais aussi, b) commercialisées ; c) la compréhension que nous avons du
fonctionnement cognitif des individus ; d) les théories qui s’attachent à
expliquer la circulation de l’information et de la désinformation, en termes
anthropologiques et cognitifs.
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 63

3.1.1 Des problèmes de communication et de médiatisation


La couverture médiatique des résultats de recherche portant sur
le cerveau est souvent déficiente. Trois principaux défauts susceptibles
d’alimenter les neuromythes peuvent être identifiés : la tendance à diffuser
des informations non pertinentes, le sensationnalisme et l’omission d’infor-
mations pertinentes.
Weisberg (2008) a, par exemple, soulevé le premier point par rap-
port à la couverture médiatique des localisations cérébrales. Parce que les
processus mentaux se déroulent de toute façon dans le cerveau, l’affirmation
selon laquelle un certain processus mental se déroule à un certain endroit
du cerveau n’est guère instructive pour le profane. Ajouter des informations
non pertinentes n’est pourtant pas sans conséquence. Langer, Blank et
Chanowitz (1978) ont montré que dire : « Excusez-moi, puis-je utiliser la
machine Xerox parce que je veux faire des copies ? », plutôt que son équi-
valent plus succinct : « Excusez-moi, puis-je utiliser la machine Xerox ? »
permet plus facilement d’éviter de faire la queue à une photocopieuse. Nous
avons vu plus haut, en discutant les pentes glissantes des neurosciences
que, lorsque l’information est enrobée dans le jargon des neurosciences (par
exemple, en la rapportant à l’activation de zones du cerveau) des explications
circulaires sont prises à tort pour correctes et que des images du cerveau
peuvent rendre l’information plus persuasive. Grâce à leur enracinement
dans la vision, les neuro-images nous apparaissent aussi convaincantes qu’un
témoin oculaire (Roskies, 2007, 2008) et surtout quand elles sont bien plus
facilement traitables que des graphiques (Trout, 2002, 2008). Si le jargon
neuroscientifique et les images du cerveau ont vraiment un pouvoir de per-
suasion (qu’ils soient pertinents ou non), ils pourraient affecter la capacité
d’évaluer la réelle valeur ajoutée des découvertes neuroscientifiques dans les
choix éducatifs (Willingham, 2008).
Le risque de surestimer la pertinence de l’application de résultats de
recherche est particulièrement présent lorsque des résultats sensationnels,
mais fraîchement issus de laboratoire, sont rendus publics avant d’avoir
reçu confirmation par d’autres expériences dans d’autres laboratoires.
C’est souvent le cas que des résultats « sensationnels » qui s’écartent des
connaissances actuelles, soient par la suite infirmés ou du moins relativisés
(ce phénomène s’appelle « régression vers la moyenne »). Pourtant, la presse
populaire a tendance à s’en emparer avant qu’ils ne soient confirmés par des
recherches plus poussées. Le sensationnalisme est particulièrement regret-
table compte tenu de la possibilité que, une fois stocké dans la mémoire, des
informations obsolètes continueront à être utilisées dans d’autres situations.
En voici un exemple : deux groupes de sujets (groupes expérimental et
contrôle) reçoivent des bulletins de nouvelles au sujet d’un incendie dans
un entrepôt ; le premier bulletin annonce que les sauveteurs ont trouvé des
64 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

matériaux inflammables ; un deuxième bulletin corrige cette information


(absence de matériaux inflammables entreposés dans le lieu), mais seule-
ment le groupe expérimental reçoit cette dernière information. On demande
aux deux groupes d’émettre une hypothèse sur la cause de l’incendie. Les
résultats montrent que les deux groupes sont autant susceptibles d’utiliser
la mauvaise information (présence de matières inflammables), même si le
groupe expérimental devrait pouvoir utiliser l’information qui contredit cette
hypothèse. De plus, cela semble être particulièrement le cas en l’absence
d’une explication causale de substitution (Seifert, 2002). Ces considérations
sur la persistance de l’information pourtant corrigée plaident en faveur d’une
divulgation prudente des résultats expérimentaux sensationnels et nou-
veaux. De plus, mettre en lumière de nouveaux résultats encore susceptibles
d’être ajustés ou infirmés (par exemple, l’effet Mozart) risque de donner la
fausse impression que les mythes sont indiscernables des faits, et que les
faits scientifiques sont aussi changeants que toute autre opinion (Ioannidis,
2005). Il faut tout simplement donner à la science le temps d’établir des
faits avérés grâce à la répétition et à la convergence de plusieurs résultats.
En même temps, la couverture médiatique concernant les études
sur le cerveau est susceptible d’omettre des informations pertinentes,
notamment celles sur la façon dont les résultats sont obtenus et les images
du cerveau produites. Au lieu d’images dynamiques du cerveau, les tech-
niques de neuro-imagerie fonctionnelle (IRMf, TEP, MEG) produisent des
images expertes qui représentent des preuves indirectes obtenues par des
mesures de flux sanguin de signaux statistiquement significatifs de l’activa-
tion neuronale (Dumit, 2004). L’aspect de l’image finale varie avec le type
d’analyse statistique conduite, le seuil de significativité adopté, le genre de
contrôle adopté, ainsi que la sensibilité du scanner utilisé. L’ignorance des
connaissances de base sur l’élaboration des images du cerveau peut induire
en erreur le profane en lui faisant croire que l’image qu’il voit du cerveau est
suffisante pour prouver l’existence d’un état d’esprit – une attitude décrite
comme « neuroréalisme » (Racine, Waidman, Rosenberg, & Illes, 2006). En
outre, parce que seules quelques taches apparaissent en couleur ou sont
mises en évidence dans les images issues des techniques d’imagerie céré-
brale, ces images peuvent renforcer le mythe selon lequel seule une partie
du cerveau est active lorsque nous parlons, lisons ou comptons, à savoir le
mythe que nous n’utilisons que 10 % (ou en tout cas un faible pourcentage)
de notre cerveau.

3.1.2 Neurophilie et commercialisation


Au cours des deux dernières décennies, les sciences cognitives et les
neurosciences ont suscité l’intérêt du grand public, ainsi que celui des déci-
deurs et des enseignants. L’intérêt pour les neurosciences (ou neurophilie)
a ostensiblement augmenté pendant et après les années 1990 appelées la
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 65

« décennie du cerveau » (Abi-Rached, 2008). La neurophilie se révèle


notamment dans la présence croissante d’images du cerveau dans la presse
populaire (Racine, Bar-Ilan, & Illes, 2006), dans la prolifération des neuro-
étiquettes pour les nouveaux domaines de recherche, comme neuro-éthique,
neuro-éducation, neuro-marketing… (Legrenzi, Umiltà, & Anderson,
2011), dans la multiplication de projets, rapports et études sur les implica-
tions sociales, économiques, politiques et éducatives des neurosciences.
La prolifération de méthodes éducatives se déclarant basées sur le
cerveau mais pseudo-scientifiques témoigne que la neurophilie a gagné
l’éducation d’une manière déconcertante, et qu’un effort est nécessaire pour
séparer le bon grain de l’ivraie (Howard-Jones, Franey, Mashmoushi, & Liao,
2009 ; Howard-Jones, Pickering, & Diack, 2007). Pour ne prendre qu’un
exemple, Brain Gym© (Dennison & Dennison, 2010) est une méthode com-
merciale basée sur l’idée que lorsque les différentes parties du cerveau ne
fonctionnent pas en coordination, l’apprentissage peut être troublé. Il faudrait
alors avoir recours à de courts exercices de gymnastiques qui stimuleraient
de manière croisée ou coordonnée les différentes parties du cerveau (gros-
sièrement divisées en antérieures/postérieures, droite/gauche, haut/bas) et
rétabliraient la bonne coordination. Celle-ci et d’autres affirmations de Brain
Gym© (boire de l’eau avant l’apprentissage, presser de fantomatiques bou-
tons du cerveau pour faire remonter le sang vers l’organe de la pensée) sont
en conflit avec des connaissances biologiques bien établies. Il n’y a par ailleurs
aucune preuve que les exercices proposés par cette méthode favorisent les
apprentissages. Néanmoins, Brain Gym© et d’autres méthodes miracles sont
globalement bien accueillies dans le domaine de l’éducation (Hyatt, 2007 ;
Spaulding, Mostert, & Beam, 2010). La même considération s’applique en
effet aux méthodes VAK (visuel, auditif, kinesthésique) basées sur les styles
d’apprentissage : suite à l’utilisation de questionnaires ad hoc, les apprenants
sont classés selon leur préférence dans un style d’apprentissage ou dans un
autre. Ce style est alors utilisé préférentiellement par les enseignants en
fonction du profil présumé de l’apprenant. À partir d’un principe douteux et
non prouvé selon lequel si on préfère une certaine modalité perceptive (et
même l’idée que cette préférence existe au-delà des questionnaires reste à
prouver), on apprendra mieux la matière déclinée dans cette modalité. Les
méta-analyses de la littérature ne permettent pas d’affirmer que ces méthodes
aient des effets positifs sur l’apprentissage (e.g., Pashler, McDaniel, Rohrer, &
Bjork, 2009). En général, il est rare que ces méthodes fassent l’objet d’études
empiriques mesurant de manière rigoureuse leur efficacité. Le plus souvent
leurs effets positifs sont vantés sur la base d’anecdotes ou d’études sans
groupe contrôle et donc sans comparaison.
Si l’acceptation des neuromythes contenus dans Brain Gym© et les
styles d’apprentissage de type VAK ne peut être attribuée à l’efficacité de
ces méthodes respectives, alors pourquoi ces neuromythes persistent-ils,
66 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

même face à des connaissances bien établies ? En d’autres termes : pourquoi


les neuromythes persistent indépendamment de leur fausseté et de leur
manque de valeur applicative ? Il est possible que les enseignants soient
sensibles à des solutions faciles pour des problèmes complexes, surtout
lorsque ces solutions sont présentées dans un jargon scientifique respectable
et sont vaguement inspirées des neurosciences (Hirsh-Pasek & Bruer, 2007).
De plus, les sciences cognitives et l’éducation ont des agendas différents :
dans le cas des premières, il s’agit de gagner une meilleure compréhension
(les connaissances pour les connaissances) ; dans le cas de l’éducation, bien
qu’elles puissent profiter de ces connaissances, elle est une forme de design
qui a pour but d’améliorer l’existant (Klahr & Li, 2005).
Quand la neurophilie et la nécessité d’opérationnaliser les connais-
sances se rencontrent, il y a risque de favoriser la prolifération de neuro-
mythes. C’est particulièrement le cas face à l’absence quasi généralisée
d’éducation aux sciences cognitives dans le cadre de la formation initiale et
continue des enseignants (Dubinski, 2010), ou d’accompagnement des ensei-
gnants dans la rencontre avec les sciences cognitives (Goswami, 2008). Le
monde de l’éducation et le monde de la recherche en sciences cognitives se
développent en effet encore en parallèle, avec des idées – mais plus rarement
des chercheurs – qui passent de l’un à l’autre. À l’heure actuelle, les scienti-
fiques ne collaborent pas avec les enseignants à la production commune de
pratiques éducatives inspirées par le fonctionnement cognitif du cerveau et
conformes aux objectifs éducatifs. Dans un tel cadre, on peut espérer que la
prolifération des neuromythes serait considérablement réduite.

3.1.3 Illusions et biais


Ce qui frappe dans les neuromythes, c’est qu’ils survivent aux
développements des connaissances, à l’absence de preuves en leur faveur
et à leur incohérence avec des connaissances bien établies. L’hypothèse
peut donc être avancée que le succès des neuromythes repose, du moins
en partie, sur l’existence d’illusions, heuristiques et biais du raisonnement
qui en favorisent l’existence et la persistance – par exemple en favorisant
la résilience des idées fausses. Les illusions sont en effet des phénomènes
communs, quoique surprenants, qui résistent à la connaissance (une illusion
persiste en dépit de la reconnaissance de l’erreur) et sont produites par
des configurations particulières du stimulus perceptif ou des informations à
prendre en compte cognitivement. Les heuristiques et biais sont des raccour-
cis, des règles rapides pour la prise de décision, qui fonctionnent de manière
automatique et peuvent, dans certaines conditions, produire des déviations
du raisonnement considéré comme rationnel.
Le « biais de confirmation », par exemple, consiste dans la tendance
à rechercher de manière privilégiée des informations qui s’accordent avec
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 67

nos idées ou à interpréter les nouvelles informations d’une manière qui


confirme nos croyances antérieures (Nickerson, 1998). Le biais de confirma-
tion a l’avantage, d’une part de nous aider à résoudre les conflits entre des
informations discordantes en nous réconfortant dans nos propres opinions,
et d’autre part de nous rendre plus aptes à défendre nos opinions et à pour-
suivre dans nos lignes de conduite. Ces avantages sont à double tranchant :
s’ils rendent nos idées plus stables, ils rendent aussi difficile d’évaluer correc-
tement celles des autres. S’il est vrai que le biais de confirmation influence le
succès perçu des méthodes d’apprentissage pseudo-scientifiques, nous pou-
vons avancer l’idée qu’une personne qui « croit » en Brain Gym© sera plus
encline à chercher des informations qui confirment son efficacité par rapport
à un sceptique et à en rejeter les critiques. Il sera également plus enclin à
accepter d’autres méthodes miracles. Cette hypothèse semble vérifiée dans
un domaine proche, celui de la médecine alternative et des croyances para-
normales : il semblerait en effet que ceux qui adhèrent à de telles idées aient
plutôt tendance à enregistrer les informations qui confirment l’existence des
effets espérés et à ne pas remarquer les données contraires, et donc à voir
plus de relations causales qu’il n’en existe réellement (Della Sala, 2007 ;
Goldacre, 2008).
La tendance à s’appuyer davantage sur les exemples disponibles
(biais de disponibilité) que sur les statistiques pour diriger ses choix futurs
ainsi que la tendance à oublier la source d’une information et sa validité
(amnésie des sources), pourraient en partie expliquer la force de persuasion
de ces méthodes indépendamment de leur valeur scientifique et pratique
(Tversky & Kahnemann, 1974 ; Schacter et al., 1984). L’enseignant qui a
adopté Brain Gym© ou une méthode analogue est prêt à livrer une histoire
riche d’émotion beaucoup plus mémorable que les statistiques négatives
tirées de méta-analyses.
Enfin, la résilience des idées fausses pourrait reposer sur un
ensemble complexe d’illusions métacognitives qui se traduisent par une
vision optimiste (surestimation) de nos capacités cognitives (McKay & Den-
nett, 2009). Le mythe de l’effet Mozart, ou celui selon lequel nous n’utilisons
que 10 % de notre cerveau, les promesses de solutions faciles à des troubles
d’apprentissage peuvent tous être mis en relation avec la vision optimiste
que notre cerveau a un grand potentiel qui est normalement non exprimé.
Les illusions optimistes pourraient même avoir en elles-mêmes une valeur
adaptative. Il a été montré en effet que ceux qui détiennent une vision de
l’intelligence comme étant fluide et dynamique réussissent mieux dans
l’apprentissage que ceux qui considèrent l’intelligence comme étant fixée
une fois pour toutes, indépendamment des efforts qu’on fait pour l’améliorer
(Dweck & Sorich, 1999). En raison de leur valeur adaptative intrinsèque,
les illusions cognitives optimistes pourraient alors être particulièrement
difficiles à combattre. Certains neuromythes semblent en plus remplir une
68 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

fonction « apaisante » (voir aussi Doudin, Tardif & Meylan, chapitre 3 de ce


volume). Bangerter et Heath (2004) ont montré que l’intérêt pour l’effet
Mozart (déduit à partir de la quantité d’articles de journaux consacrés au
phénomène) est positivement corrélé avec des situations où les enseignants
sont moins payés, où les scores aux tests nationaux d’évaluation des élèves
sont plus bas, par conséquent là où les enseignants sont en difficulté. Ceci
suggère que dans les pays où une amélioration de l’éducation est nécessaire,
les enseignants peuvent être des proies faciles aux légendes scientifiques
sur l’apprentissage.
D’autres illusions, liées à la « perception » de relations et notamment
de relations causales entre événements, peuvent induire à attribuer un effet
causal positif à des méthodes ou actions qui n’en ont pas (Matute, Yarritu,
& Vadillo, 2011). En l’absence d’évaluations objectives et rigoureuses des
effets de la méthode en question il est impossible d’établir si c’est le cas,
ou si l’effet est seulement dans le regard de celui qui l’observe. Seulement
certaines modalités d’évaluation permettent en outre de départager la ques-
tion si l’effet observé – quoique réel – soit vraiment à attribuer à la méthode
adoptée, ou plutôt à l’attitude de l’enseignant, sa motivation, la motivation
que par son attitude il induit chez l’élève (ce qu’on appelle effet Hawthorne
ou Pygmalion). Une recherche empirique importante serait nécessaire afin
de déterminer quels biais cognitifs et quelles illusions permettent effecti-
vement d’assurer la longévité des neuromythes. Cependant, une théorie
de la survie des idées quoique fausses ne saurait pas se passer d’un autre
genre d’approche, celle de la psychologie évolutionniste et de l’anthropologie
cognitive.

3.1.4 Une épidémiologie des idées


Les idées que nous avons, les croyances que nous entretenons
sont, dans beaucoup de cas, l’effet de transmission culturelle, de commu-
nication : nous les avons acquises par d’autres, qui nous en ont parlé. C’est
dans les mécanismes de cette transmission qu’il faudrait donc chercher
– selon les chercheurs qui ont adopté un regard cognitif et évolutionniste
sur la culture – les raisons qui font que certaines idées survivent et sont
« passées », et d’autres pas. Une possibilité, est que ces idées soient copiées
et leurs porteurs sélectionnés parce que mieux adaptés à survivre et à se
reproduire dans leur environnement, comme cela arrive avec les gènes.
On appellera alors ces idées des memes. Certains memes sont copiés plus
souvent que d’autres parce qu’ils apportent un avantage à leurs porteurs
– des idées dans ce cas (Dawkins, 1976). Ce serait le cas des idées porteuses
d’une vision optimiste (McKay & Dennett, 2009). Une autre possibilité est
que la communication soit particulièrement susceptible de transmettre des
« méconceptions » parce que – contrairement à l’hypothèse précédente – les
informations originales ne sont pas fidèlement copiées, mais transformées
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 69

à chaque tour de transmission. Les « méconceptions » que nous entretenons


(comme les neuromythes les plus tenaces) ne seraient pas le fruit d’erreurs
ou d’illusions individuelles, mais le produit de la transmission des idées
(Sperber, 2009). Cependant, la cognition individuelle joue un rôle dans ce
processus. L’organisation de la cognition humaine, fruit direct ou secondaire
de l’évolution, favorise certaines idées sur d’autres, en les rendant plus
mémorables, plus faciles à internaliser, à externaliser. Certaines idées, par
exemple des idées qui sont obscures, ou pour lesquelles nous manquons
de compétences afin de les évaluer, sont plus susceptibles de désinforma-
tion (par exemple des idées contre-intuitives). D’autres mécanismes et
dispositions cognitives nous amènent à faire confiance à certaines sources.
Une meilleure connaissance de la cognition humaine – de ses mécanismes
présents et de leur évolution – peut donc permettre de mieux comprendre
le succès des neuromythes, et de certains neuromythes sur d’autres. Vice
versa, l’étude de l’épidémiologie des neuromythes – lesquelles se stabilisent,
la manière dont ils circulent – peut permettre de gagner une meilleure com-
préhension de nos dispositions cognitives.

3.2 Questions éthiques


Doit-on se battre contre les neuromythes et leurs exploitations com-
merciales douteuses ou bien attendre qu’ils disparaissent sous la pression
de meilleures pratiques et de bonnes explications ? Certaines considérations
poussent à rejeter une attitude passive.
Pour commencer, les neuromythes peuvent nuire à l’application
des connaissances scientifiques à l’éducation. Même si boire de l’eau, en
faisant un peu d’exercice anaérobique, ou écouter Mozart, ne peut pas faire
de mal, il n’y a pas de preuve que ces pratiques favorisent l’apprentissage.
Chaque fois que ces méthodes sont adoptées, les contraintes de temps et de
budget risquent de nuire à l’adoption d’autres méthodes dont l’efficacité est
avérée. Le cas est analogue à celui de l’homéopathie en médecine : si aucun
mal direct ne peut venir de l’ingestion de mini-pilules de sucre, leur utilisa-
tion peut décourager les patients de suivre des traitements fondés sur des
preuves (Goldacre, 2008). C’est pour de telles raisons que les neuromythes
sont l’un des objets du champ récemment né de la neuroéthique : l’éthique
de l’utilisation des connaissances neuroscientifiques (Farah, 2002).
En outre, les méthodes basées sur des mythes interfèrent avec la
compréhension des processus réels et notamment des processus liés à l’effet
enseignant. Dans le cas de l’éducation, il est possible que le fait d’adopter
une nouvelle méthode, d’être formés à l’utiliser, de recevoir de l’attention
pour la réaliser rende les enseignants plus performants. De plus, le fait de
savoir que l’on fait l’objet d’une attention nouvelle et d’une méthode dite
efficace pourrait rendre les élèves plus efficaces dans leur apprentissage.
70 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Attribuer une hypothétique efficacité à une méthode plutôt qu’au contexte


et aux attitudes des enseignants et des élèves rend impossible l’étude et la
compréhension des retombées éducatives potentielles de l’effet enseignant.
Enfin, les neuromythes doivent être dissipés afin d’exploiter plei-
nement les connaissances scientifiques sur la cognition et le cerveau, car
les neuromythes sont de toute façon porteurs d’une vision erronée non
seulement dans leurs contenus mais aussi en ce qui concerne la science en
général. À moins que les enseignants et les décideurs soient convaincus que
le bon grain peut être séparé de l’ivraie, l’idée que la science et la pseudo-
science sont deux ensembles d’opinions équivalents risque de se développer.
En conclusion, même si les neuromythes ne mènent pas à des choix mortels,
ils menacent le programme d’une éducation reposant sur la science et fondée
sur des preuves.
Quelles mesures pouvons-nous prendre ? On peut espérer que les
neuromythes auraient moins de chances de se perpétuer dans une société
où l’évaluation critique des preuves et une culture scientifique plus large
font partie d’un projet éducatif général et d’une vue d’ensemble du monde.
Pourtant, aussi louable que soit l’entreprise de promouvoir le niveau de
l’enseignement scientifique, plusieurs études tempèrent notre optimisme :
apparemment, l’expertise, mais pas la familiarité, immunise contre la séduc-
tion des fausses explications bien enrobées dans le jargon scientifique (Weis-
berg et al., 2008 ; Standing & Huber, 2003). Or on ne peut pas demander
aux éducateurs de devenir tous des experts en sciences cognitives et en
neurosciences. Toutefois, il semble que l’enseignement explicite des mythes
soit utile pour réduire leur incidence (Kowalski & Taylor, 2009). Il semble
donc important que la formation des enseignants vise à la fois à développer
une meilleure connaissance de la nature de la science, ainsi que la discussion
des croyances et des intuitions.

3.3 Une satisfaisante philosophie de l’ignorance


Pour le novice et pour l’homme (ou femme) de la rue, les neuro-
mythes risquent de perdurer. D’autres considérations nous poussent en
effet vers une attitude réaliste quant à la possibilité de combattre les neu-
romythes.
Premièrement, il faut ajouter à cela que les sciences cognitives sont
encore jeunes. Leur savoir se développe mais est encore fragmentaire et
– dans plusieurs cas – peut inclure plusieurs explications possibles pour un
même phénomène observé (plusieurs théories qui coexistent) et donner lieu
à des révisions. Ceci crée une situation d’incertitude par rapport à laquelle
les éducateurs – et tous ceux qui s’intéressent aux sciences cognitives dans
un but pratique – se trouvent en difficulté : quelle théorie choisir ? Qui, parmi
les chercheurs, faut-il écouter ? Le problème est qu’il ne s’agit pas de faire
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 71

confiance à l’un ou à l’autre (ce qui relève d’un argument d’autorité), mais
de constater et accepter l’absence de consensus.
Deuxièmement, le problème est que scientifiques et éducateurs ne
partagent pas le même agenda : si pour les premiers ce qui compte est de
faire avancer la compréhension de la cognition et du cerveau, pour les deu-
xièmes la priorité est donnée à l’identification de solutions aux problèmes
pratiques qui se posent en classe, ou dans d’autres lieux de l’apprentissage.
L’avancement de la connaissance passe par l’acceptation de l’incertitude
et l’effort pour la réduire. Ce processus prend du temps et n’est pas assu-
jetti au besoin de répondre immédiatement aux besoins du quotidien. Une
convergence entre science et éducation existe, dans le sens où une meilleure
compréhension des processus et mécanismes d’apprentissage peut aider à
formuler des stratégies d’enseignement mieux adaptées au fonctionnement
de la cognition. Mais la connaissance scientifique du cerveau et de la cogni-
tion ne fournit pas – dans la plupart des cas – des solutions prêtes à l’emploi.
Plutôt, une boussole pour orienter l’ingénierie pédagogique, et des outils
pour en évaluer les résultats.
La nature même de la science (et pas que des sciences cognitives)
empêche de se tourner vers elle comme vers un livre de recettes. La science
consiste de manière essentielle dans l’acceptation de l’ignorance : le scienti-
fique a conscience de ne pas savoir, et ceci le pousse à chercher à en savoir
plus ; mais il sait accepter de ne pas savoir, ou de ne détenir qu’un savoir
incertain à différents degrés ; pour cette raison, il ne cherche pas à échanger
son savoir – incertain – avec des dogmes. Pour pouvoir profiter des connais-
sances produites par la recherche scientifique il faut donc connaître la nature
de la science, et accepter le fait de fonder ses décisions sur un savoir qui
– tout en étant plus solide, contrôlé et justifié par des intuitions quotidiennes
et par le sens commun – n’est pas certain, et peut évoluer.
Enfin, tout en soutenant l’effort de disséminer le plus possible et le
plus correctement possible le savoir produit par la science auprès du grand
public, il faut admettre que ce savoir est trop vaste, détaillé et complexe
pour pouvoir être maîtrisé, et il grandit tous les jours. Ainsi, ceux qui sont
plus à même de diagnostiquer les neuromythes seront dépourvus face aux
mythes concernant l’histoire, l’économie, ou la physique. Si on ne peut pas
espérer éliminer les moindres fausses croyances qui circulent autour de l’un
et de l’autre domaine du savoir, on peut tout de même se donner pour but de
favoriser une meilleure compréhension générale de la démarche des sciences
cognitives, de leurs principales lignes de recherche et de leurs acquis. On
pourra alors distinguer entre neuromythes au sens strict (comme le mythe
de l’effet Mozart, ou celui des trois premières années) et mécompréhensions
touchant les sciences cognitives, et la science plus en général. Font partie de
ces dernières : l’idée que le savoir sur le cerveau et la cognition peut trouver
72 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

une application immédiate en éducation ; celle que le savoir scientifique,


une fois établi, est immuable ; celle que le conflit entre théories explicatives
est le signe que la science ne diffère pas d’autres systèmes d’opinion et
de croyance. D’autres mécompréhensions concernent spécifiquement les
sciences cognitives. On pourra citer, parce que largement répandue, celle
selon laquelle la recherche qui permet de « naturaliser » la cognition, ses
processus et dysfonctionnements a pour effet de « justifier » l’existant et
d’empêcher de chercher à le modifier. Cette méconception s’applique tan-
tôt à l’étude des troubles de l’apprentissage, tantôt à l’étude de l’évolution
de certains traits cognitifs, et à l’étude des différences entre individus ou
groupes d’individus. On prend ainsi la science pour une entreprise normative,
alors que son but est descriptif.

4. POUR CONCLURE
Le risque représenté par les neuromythes ne doit pas entraver la
possibilité de forger une nouvelle façon de penser l’éducation. Il est donc
utile de résumer les différentes contributions que les sciences cognitives et
les neurosciences peuvent apporter à l’éducation : a) un corpus de connais-
sances sur les processus d’apprentissage et d’enseignement, les mécanismes,
les contraintes et les fonctions cognitives ; b) des modèles pour anticiper
l’efficacité d’une méthode ; c) des méthodes pour en vérifier l’efficacité ;
d) une meilleure compréhension de préjugés qui pourraient entraver l’adop-
tion d’innovation dont l’efficacité a été pourtant démontrée ; e) une vision
de l’éducation favorisant le développement de capacités et de connaissances
qui ne viennent pas naturellement à l’esprit. Ces contributions interviennent
à différentes étapes du processus d’enseignement. Certaines ont un impact
sur la prise de décision, d’autres sur la recherche en éducation, et d’autres
encore sur la pratique éducative. Cela signifie que, pour favoriser une bonne
collaboration entre les sciences cognitives et les sciences de l’éducation, des
stratégies différentes et complémentaires devraient être mises en place.
Une stratégie consiste dans l’ingénierie des interventions et des tech-
nologies pour l’éducation. Les études sur la cognition peuvent apporter avant
tout des connaissances théoriques, capables d’inspirer des interventions qui
s’accordent avec le fonctionnement du cerveau humain. Les méthodes utili-
sées en sciences cognitives peuvent permettre l’évaluation de l’efficacité des
interventions à mener dans les classes. Ceci pourrait permettre de valider
des instruments éducatifs grâce à leur conformité par rapport au fonction-
nement du cerveau qui apprend et du cerveau qui enseigne et à la preuve
empirique de leur efficacité à favoriser l’atteinte des objectifs. Ces outils sont
d’une grande utilité dans des cas où le but est bien défini et les variables
en cause sont limitées ou peuvent être prises en compte une à une dans la
résolution du problème spécifique. Les sciences cognitives et de l’éducation
La rencontre entre sciences cognitives et éducation 73

peuvent aussi servir de boussole pour orienter l’action quotidienne et la


pratique des enseignants grâce aux connaissances qu’elles mettent à dis-
position sur les mécanismes et les processus d’apprentissage, les fonctions
annexes à l’apprentissage, les mécanismes et les processus impliqués dans
l’enseignement. L’enseignant reste libre de ses choix, mais ceux-ci reposent
sur une compréhension à plusieurs niveaux : son expérience, ses intuitions
ainsi que les savoirs spécialisés issus des sciences qui permettent de corriger
ou de renforcer ces choix.
Cependant, le mariage entre la science et l’éducation soulève encore
des objections, des espoirs et des craintes mal placés. Nous devons éviter de
les nourrir et être pleinement conscients des risques d’une telle entreprise.
Favoriser un bon mariage signifie favoriser la naissance d’un nouveau champ
pluridisciplinaire de recherche appliquée et de nouvelles formes de dévelop-
pement professionnel. Il n’existe ni raccourci ni solution miracle.

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Chapitre
De l’utilité ambiguë des styles
3
d’apprentissage et des neuromythes
Pierre-André DOUDIN, Éric TARDIF et Nicolas MEYLAN

Les neurosciences appliquées à l’éducation semblent intéresser for-


tement des étudiants à l’enseignement, des enseignants et des formateurs
d’enseignants au point que certains auteurs (e.g., Trout, 2008) parlent
même de neurophilie. Cependant, cet intérêt ne va pas sans effets pervers
possibles, notamment la diffusion et l’adhésion du monde scolaire à des
neuromythes. Il faut entendre par là des fausses croyances sur le fonction-
nement du cerveau issues d’une mauvaise compréhension de faits établis
scientifiquement par des recherches et appliquées notamment à l’éducation,
plus particulièrement sur la façon dont les élèves apprendraient (Organisa-
tion for Economic Co-operation, and Development [OECD], 2002). Comme
le relève Howard-Jones (2014), il ne s’agit pas de fraudes scientifiques mais
d’interprétations naïves de la part de professionnels sincères qui sont les
victimes d’eux-mêmes. Parmi ces neuromythes, certains portent sur les
styles d’apprentissage des élèves (p. ex., la préférence hémisphérique et
la dominance des modalités sensorielles). Mais il faut relever que la notion
même de style d’apprentissage ainsi que son efficacité dans le domaine de
l’éducation sont remises fortement en question. Certains auteurs vont jusqu’à
considérer les styles d’apprentissage comme un mythe.
Face à l’hétérogénéité des élèves qui composent le groupe-classe
tant par rapport à leur développement intellectuel qu’à leur façon de traiter
l’information et d’apprendre, les travaux sur les styles cognitifs d’abord,
82 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

les styles d’apprentissage ensuite, ont tenté de mieux comprendre cette


hétérogénéité. Dans ce chapitre, nous procédons tout d’abord au rappel de
travaux qui ont montré l’hétérogénéité du développement de l’intelligence.
Nous verrons ensuite que les travaux sur les styles cognitifs ont tenté avec
de sérieuses limites d’expliquer cette hétérogénéité. Tombés alors dans une
relative désuétude, ce sont les travaux sur les styles d’apprentissage qui ont
pris le relais pour tenter d’expliquer l’hétérogénéité des modes d’apprentis-
sage. Les styles d’apprentissage sont alors devenus un élément important du
courant dit de la pédagogie différenciée (différenciation de l’enseignement
en fonction des caractéristiques des élèves et notamment de leur façon
d’apprendre). En effet, beaucoup d’enseignants affirment diversifier leurs
stratégies d’enseignement afin de tenir compte des styles préférentiels
d’apprentissage de leurs élèves (e.g., Snider, 2006 ; Snider & Roehl, 2007).
Cependant, nous verrons que deux consensus émergent parmi les travaux de
recherche : (1) l’efficacité de la prise en compte en général des styles d’ap-
prentissage des élèves dans l’enseignement n’est pas confirmée et les styles
d’apprentissage sont considérés par certains auteurs comme des mythes
ou des fausses croyances ; (2) des styles d’apprentissage issus de fausses
croyances sur le fonctionnement du cerveau (neuromythes) ont fortement
pénétré non seulement le milieu des enseignants dans différents pays,
mais aussi des étudiants à l’enseignement, des formateurs d’enseignants et
même semble-t-il chez des écoliers. Parmi ces neuromythes, la préférence
hémisphérique et la dominance des modalités sensorielles (visuel, auditif,
kinestésique – ou approche VAK) sont particulièrement prisées.
Bien que de nombreux travaux de recherche aient alerté le monde
enseignant depuis de nombreuses années sur l’inefficacité de la prise en
compte des styles d’apprentissage et plus particulièrement la fausseté des
idées qui fondent notamment ces deux neuromythes, nous pouvons nous
demander les raisons d’un tel engouement et de sa durabilité. Nous tenterons
d’apporter quelques éléments de réponse tout en discutant de la responsa-
bilité des institutions de formation des enseignants.

1. STYLES COGNITIFS ET DÉVELOPPEMENT


DE L’INTELLIGENCE : QUELQUES REPÈRES
HISTORIQUES
Dans sa visée épistémique, Piaget s’est intéressé à la recherche des
lois communes à tous les sujets permettant d’expliquer le développement de
l’intelligence et non pas les différences entre individus (Piaget, 1936/1990).
Pour ce faire, la méthode de recherche portait sur l’étude de notions diffé-
rentes sur des groupes d’enfants différents. Cette perspective a permis de
dégager sur un plan structurel (organisation générale de l’intelligence) une
De l’utilité ambiguë des styles d’apprentissage et des neuromythes 83

succession de stades de développement et certains isomorphismes de déve-


loppement de notions cognitives appartenant à des domaines différents de la
connaissance (p. ex., l’espace, le logico-mathématique, l’infralogique, etc.).
On en a déduit un peu rapidement que le développement de l’intelligence
était d’une part unidimensionnel, tous les sujets passant par des stades
identiques dans un ordre invariant, et d’autre part synchrone, un sujet
ayant le même niveau de développement dans les différents domaines de
l’intelligence. Tout écart à cette « norme » a été très vite interprété en psy-
chologie clinique comme la preuve d’une difficulté développementale, voire
d’une pathologie, tels par exemple les asynchronismes appelés également
dysharmonies de développement (e.g., Gibello, 1983). Dès les années 1970
et surtout au cours des années 1980, de nombreux travaux menés en psy-
chologie différentielle et conduits dans une perspective néopiagétienne ont
testé l’hypothèse du synchronisme d’acquisition à travers l’investigation des
mêmes sujets dans des domaines différents de l’intelligence. Ces recherches
(e.g., Rieben, de Ribaupierre, & Lautrey, 1983 ; de Ribaupierre & Rieben,
1988 ; Lautrey, de Ribaupierre, & Rieben, 1986 ; Doudin, 1992) ont permis de
mettre en évidence chez des enfants sans difficulté particulière, notamment
sur le plan scolaire, trois résultats importants : (1) une très grande variabilité
entre enfants relativement à l’âge d’accès pour une notion donnée (forte
variabilité interindividuelle du développement) ; (2) des asynchronismes de
développement, un enfant pouvant avoir un niveau de développement plus
élevé dans un domaine de l’intelligence que dans un autre (forte variabilité
intra-individuelle du développement) ; (3) une forte variabilité d’un enfant
à l’autre quant à la forme et à l’intensité des décalages entre domaines de
développement (p. ex., un enfant aura un niveau plus élevé dans le domaine
infralogique que logico-mathématique alors que ce sera le contraire pour
un autre enfant). Ces résultats ont remis en cause l’unidimensionnalité du
développement de l’intelligence postulée par la théorie de Piaget et implique-
raient que le développement peut prendre des formes différentes pour des
enfants différents. De l’ensemble de ces travaux, nous pouvons donc déduire
que la règle serait la pluridimensionnalité du développement de l’intelligence
plutôt que son uniformité.
Dès lors, comment expliquer cette pluridimensionnalité du dévelop-
pement de l’intelligence ? Une des explications possibles peut résider dans
les styles cognitifs, notion introduite déjà par Allport (1937) et qui se réfère
au mode habituel ou typique d’un individu de résoudre des problèmes, de
penser, de percevoir et de se souvenir. Cette notion a été reprise et déve-
loppée notamment par Klein et Schlesinger (1951) qui définissent les styles
cognitifs comme des dimensions stables et très larges caractérisant les
aspects cognitifs et parfois également socio-affectifs du fonctionnement du
sujet. Comme le précise Huteau (1987), ces dimensions se centrent avant
tout sur la forme de l’activité plutôt que sur son contenu. Il s’agit donc de
84 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

repérer au travers de différentes tâches de résolution de problème des


formes ou des patterns de fonctionnement suffisamment stables et généraux
pour que l’on puisse les formaliser en une typologie de styles cognitifs. Autre-
ment dit, et quels que soient le problème à résoudre ou la notion à assimiler,
l’enfant utiliserait une manière préférentielle de traiter l’information, voire
un mode préférentiel d’adaptation au monde extérieur (Klein, 1951). Selon
son style cognitif, un sujet serait alors avantagé dans un domaine intellectuel
et désavantagé dans un autre avec pour conséquence une variabilité intra-
individuelle plus ou moins importante.
Parmi les styles cognitifs, deux d’entre eux ont particulièrement
été étudiés. Il convient de mentionner premièrement la dichotomie propo-
sée par Witkin (1965 ; voir Wooldridge & Haimes-Bartolf, 2006, pour une
revue) entre dépendance versus indépendance à l’égard du champ visuel
qui renvoie à la primauté des référents internes (signe de l’indépendance)
ou externes (signe de la dépendance) dans des processus de résolution de
problème. Witkin (1965) a associé cette bipolarité cognitive à la dimension
socio-affective de différenciation moi/non-moi. Comme le relève Huteau
(1987), un sujet différencié des autres manifeste une forte autonomie dans
les relations sociales et sera plutôt indépendant à l’égard du champ visuel
privilégiant alors des référents internes. Au contraire, un sujet peu différen-
cié sera très dépendant de ce que pensent les autres et recourra plutôt à des
référents externes, signe de la dépendance.
Deuxièmement, Kagan, Rosman, Day, Albert et Phillips (1964) ont
proposé une dichotomie entre réflexivité versus impulsivité en prenant pour
critère la capacité du sujet à différer ou non sa réponse. Kagan et Kagan
(1970) expliquent ces deux types de fonctionnement par deux types d’an-
xiété. Les sujets réflexifs sont anxieux de commettre une erreur lors de la
résolution d’un problème mais ils pensent être compétents pour le résoudre ;
ils s’appliquent à ce but en prenant du temps pour trouver la résolution. Par
contre, les sujets impulsifs sont anxieux car ils pensent qu’ils ne sont pas
suffisamment compétents pour résoudre le problème ; ils tentent alors de
résoudre le problème au plus vite pour tarir la cause de l’anxiété.
Notons que des recherches (e.g., Messer, 1976) ont montré des
corrélations significatives entre ces deux styles, les réflexifs étant plus
indépendants à l’égard du champ et les impulsifs plus dépendants. Ceci
démontrerait un chevauchement entre ces deux construits. Ces deux styles
cognitifs illustrent bien l’espoir soulevé par ce champ d’étude : dépasser la
dichotomie entre la cognition et la personnalité avec l’espoir de décrire un
individu dans son entité holistique.
Les études sur les styles cognitifs sont généralement issues de
situations de laboratoire. Elles ont permis la construction d’instruments
de mesure permettant d’établir des typologies de style cognitif dont la
De l’utilité ambiguë des styles d’apprentissage et des neuromythes 85

cohérence interne et la validité ont été généralement évaluées comme satis-


faisantes (e.g., Chevrier, Fortin, Théberge, & Leblanc, 2000). Cependant,
des critiques majeures ont été faites à cette approche. Par exemple, la
conception dichotomique ou bipolaire du fonctionnement cognitif – même
si celui-ci peut se situer sur un continuum entre les deux pôles – véhiculée
par la plupart des styles cognitifs (tels ceux mentionnés ci-dessus) a été
vue comme trop molaire pour avoir une valeur heuristique. Pour la plupart,
les styles cognitifs ne font pas partie de théories générales du dévelop-
pement de l’intelligence ou du développement de la personnalité, ce qui
réduit également leur valeur heuristique. Ces différents construits peuvent
se chevaucher les uns aux autres montrant par là un manque de validité
discriminante. Ces limites importantes expliquent en partie la raréfaction
des études sur les styles cognitifs dès les années 1970. Comme le relèvent
Zhan et Sternberg (2005), « l’âge d’or » des études sur les styles cognitifs se
situe entre 1950 et 1970 et ce champ d’études est resté très fragmenté et
incomplet (Kozhevnikov, 2007).

2. STYLES D’APPRENTISSAGE
ET PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE
Plus les études sur les styles cognitifs se raréfiaient, plus les études
sur les styles d’apprentissage se développaient. Pour Chevrier et al. (2000),
les notions de styles cognitifs et de styles d’apprentissage sont étroitement
liées, le style cognitif étant le parent ou « l’ancêtre » de la notion de style
d’apprentissage. En effet, nous pouvons établir un parallélisme entre, d’une
part, les styles cognitifs qui contribuent à expliquer l’hétérogénéité du déve-
loppement de l’intelligence entre enfants établie par des travaux en psycho-
logie différentielle et, d’autre part, les styles d’apprentissage qui tentent de
rendre compte de l’hétérogénéité des modes d’apprentissage entre élèves
en classe et qui constitue un des fondements de la pédagogie différenciée.
Keefe (1979) définit les styles d’apprentissage comme étant com-
posés de dimensions cognitives, affectives et physiologiques permettant de
rendre compte de la manière relativement stable dont un sujet apprend.
Comme le relève Bourgeois (2003), styles cognitifs et styles d’apprentissage
partagent pour le moins un point commun : ils désignent des différences
relativement stables entre individus au niveau de leur mode préférentiel
de fonctionnement. Cependant, les premiers étudient le fonctionnement
intellectuel de l’enfant hors contexte d’apprentissage (du moins scolaire)
alors que les deuxièmes portent sur l’élève en situation d’apprentissage plus
particulièrement en classe. Ainsi, et contrairement aux styles cognitifs, les
styles d’apprentissage ont une visée explicitement pédagogique (Chevrier
et al., 2000).
86 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Comme le relèvent Rohrer et Pashler (2012) et Coffield, Moseley,


Hall et Ecclestone (2004), plus de 70 typologies de style d’apprentissage
ont été proposées (e.g., verbaliser-visualiser de Pavio, 1971 ; assimilateur-
explorateur de Kaufmann, 1979 ; adaptation-innovation de Kirton, 1994 ;
apprentissage de surface-apprentissage en profondeur de Entwistle &
Tait, 1995 ; pour leur revue, voire Cassidy, 2004). Cette profusion, voire
cette prolifération (Sadler-Smith, 2001), démontre l’intérêt de mieux
comprendre les différences individuelles entre apprenants afin d’en tenir
compte dans l’enseignement. Cependant, cette profusion révèle aussi une
polysémie du concept, voire un flou conceptuel (Bourgeois, 2003 ; Cassidy,
2004) et des confusions entre style d’apprentissage et style cognitif (utili-
sés de manière parfois interchangeable), préférences, habitudes, compé-
tences, habiletés, stratégies préférentielles mais aussi prédispositions. Sur
ce dernier point, deux conceptions s’opposent : une conception cristallisée
et une conception dynamique (Chevrier et al., 2000). Dans la première,
on considère que le style d’apprentissage est une prédisposition innée et
immuable, son origine étant psychophysiologique ou neuropsychologique
(par exemple des styles d’apprentissage basés sur la préférence hémis-
phérique : cerveau gauche/cerveau droite ou la dominance des modalités
sensorielle) ; l’apprenant ne peut modifier son style d’apprentissage et il
revient à l’enseignant d’adapter son enseignement aux caractéristiques des
styles d’apprentissage des différents élèves faisant partie du groupe-classe.
Dans la deuxième, on considère que le style d’apprentissage est modi-
fiable, son origine étant essentiellement acquise dans un contexte culturel
(familial et/ou scolaire) ; il revient à l’enseignant de diversifier sa manière
d’enseigner et d’amener ses élèves à développer une certaine flexibilité en
leur permettant de s’adapter et à utiliser différents styles d’apprentissage
selon les circonstances éducatives.

3. DIFFÉRENCIATION STRUCTURALE
OU PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE AVEC PRISE
EN COMPTE DES STYLES D’APPRENTISSAGE ?
L’idée semble bien établie que l’école fait face à une population
d’élèves de plus en plus hétérogène, ceci dès le début des années 1970,
de par notamment la massification de l’enseignement, les flux migratoires,
la volonté de démocratiser l’école et d’élever le niveau de qualification des
élèves. À cela il faut ajouter une cause plus récente. Afin de répondre aux
besoins spécifiques présentés par certains élèves (situation de handicaps,
difficultés plus ou moins importantes d’apprentissage et/ou de compor-
tement) de nombreux systèmes scolaires ont recouru à la différenciation
structurale, c’est-à-dire à la création d’un ou de plusieurs types de classes
De l’utilité ambiguë des styles d’apprentissage et des neuromythes 87

ou d’institutions spécialisées permettant de regrouper ces élèves et par


là également de les exclure de la classe ordinaire. Il s’agit d’une tentative
claire de réduire l’hétérogénéité des classes en séparant les élèves les plus
faibles. Des résultats de recherche concordants (pour une revue, voir Dou-
din & Lafortune, 2006 ; Katz & Mirenda, 2002a, 2002b) ont remis en cause
l’efficacité du recours à la différenciation structurale. Le maintien en classe
ordinaire de ces élèves leur permet, du moins pour une majorité d’entre eux,
de mieux développer leurs compétences scolaires et sociales que s’ils étaient
regroupés dans des classes ou des institutions spécialisées sans pour autant
péjorer les apprentissages des autres élèves de la classe. De plus, l’évolution
des représentations en lien avec la place des personnes handicapées (Orga-
nisation mondiale de la santé [OMS], 2001) ou de la personne présentant
des difficultés importantes dans la société ont profondément infléchi les
politiques éducatives en diminuant le recours à la différenciation structurale
et en promouvant des approches inclusives. Ainsi, l’élève ayant des besoins
spécifiques est scolarisé dès le début de son cursus scolaire dans l’école de
son quartier et en classe ordinaire. L’enseignant doit alors faire face à une
hétérogénéité accrue de la population scolaire et donc à une complexité plus
grande dans l’exercice de sa profession. Ceci ne va pas sans conséquences
possibles sur sa santé, car l’inclusion d’élèves en situation de handicap peut
augmenter les risques de burnout chez les enseignants de classe ordinaire
(Doudin, Curchod-Ruedi, & Lafortune, 2010).
Afin de tenter de gérer cette forte hétérogénéité, est-ce que la
prise en compte des styles d’apprentissage dans le cadre de la pédagogie
différenciée constitue une alternative à la différenciation structurale ? Afin
de répondre à cette question, nous passons en revue certains problèmes
soulevés par l’utilisation des styles d’apprentissage en classe :

1. diagnostic : il n’est pas possible pratiquement et déontologiquement


de faire passer systématiquement des tests aux élèves d’une classe
pour identifier leurs styles d’apprentissage. La centration par l’ensei-
gnant sur quelques observations anecdotiques pour catégoriser ses
élèves en fonction de leur prétendu style cognitif peut être considé-
rée comme subjective et peu pertinente ;
2. fiabilité : comme nous l’avons déjà mentionné, les caractéristiques
du traitement de l’information d’un élève doivent être relativement
stables sur une certaine période pour que l’on puisse parler de
style d’apprentissage. Par conséquent, les échelles permettant
d’identifier les styles cognitifs doivent être fiables, c’est-à-dire pro-
duire les mêmes résultats lorsqu’elles sont appliquées à nouveau.
Or Coffield et al. (2004) constatent que la plupart des échelles
censées identifier les styles d’apprentissage ne se caractérisent pas
par leur fiabilité ;
88 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

3. applicabilité : l’affirmation de Leopold (2012) que les enseignants


devraient diversifier leur pédagogie pour inclure tous les styles
d’apprentissage semble constituer une injonction irréaliste. Comme
nous l’avons déjà relevé, il existe plus de 70 styles d’apprentissage
répertoriés. Dès lors, il est impossible de maîtriser l’ensemble de ces
styles et de supposer qu’un enseignant puisse en tenir compte dans
son enseignement ;
4. efficacité des apprentissages des élèves : de nombreuses recherches
empiriques ont tenté d’évaluer si un enseignement qui tient compte
des styles d’apprentissage des élèves permet à ces derniers d’accé-
der à un niveau d’apprentissage plus élevé qu’un enseignement qui
n’en tiendrait pas compte. Tarver et Dawson (1978) ont passé en
revue une quinzaine de recherches et affirmaient déjà que les élèves
n’obtenaient pas de meilleures performances si leur enseignant
prenait en compte leur style d’apprentissage. Par la suite, Kavale et
Forness (1987) et Stahl (1999) ont également procédé à des revues
de recherches et concluent également qu’il n’y a aucune évidence
empirique que la prise en compte des styles d’apprentissage en appa-
riant les stratégies d’enseignement avec le style d’apprentissage de
l’élève améliorait le niveau des performances de ces derniers. Enfin,
dans une revue de synthèse plus récente, Dembo et Howard (2007)
arrivent aux mêmes conclusions. De plus, ces derniers relèvent que
la prise en compte des styles d’apprentissage ne conduit pas à une
augmentation de la concentration, de la mémoire, de la confiance
en soi et de la diminution de l’anxiété des élèves dans des situa-
tions d’apprentissage. Pashler, McDaniel, Rohrer et Bjork (2008)
ainsi que Rohrer et Pashler (2012) constatent que la plupart des
recherches qui testent l’hypothèse d’une plus grande efficacité
de la prise en compte des styles d’apprentissage des élèves dans
l’enseignement ne recourent pas à une méthodologie adéquate (petit
échantillon ; absence de groupe contrôle ; utilisation de test dont
les qualités psychométriques ne sont pas établies afin d’établir les
styles d’apprentissage des élèves, etc.). Rohrer et Pashler (2012)
répertorient néanmoins une vingtaine de recherches faisant appel
à une méthodologie adéquate et rigoureuse. Or, dans leur grande
majorité, ces études (e.g., Cook, Thompson, Tomas, & Tomas, 2009 ;
Constantinidou & Backer, 2002 ; Massa & Mayer, 2006) ne montrent
pas de différence de résultats chez les apprenants. Les auteurs en
déduisent qu’il n’y a aucune évidence empirique d’une plus grande
efficacité d’un enseignement basé sur les styles d’apprentissage.
Pashler et al. (2008) relèvent le contraste entre la popularité des
styles d’apprentissage dans le monde de l’éducation et le manque
d’évidence scientifique qui viendrait étayer leur efficacité.
De l’utilité ambiguë des styles d’apprentissage et des neuromythes 89

Nous pouvons en conclure que la prise en compte des styles d’ap-


prentissage dans le cadre de la pédagogie différenciée ne constitue pas une
alternative satisfaisante à la différenciation structurale et semble plutôt
relever, comme l’affirment Snider (2006) et Dembo et Howard (2007), d’un
des principaux mythes, ou fausses croyances, véhiculés par de nombreux
travaux en sciences de l’éducation. Si, d’une manière générale, les styles
d’apprentissage peuvent être considérés comme des mythes, parmi ceux-ci
plusieurs tentent d’inclure des dimensions neuropsychologiques et consti-
tueraient alors des neuromythes. C’est ce que nous allons développer dans
le point suivant en nous centrant sur deux neuromythes : la préférence
hémisphérique et la dominance de modalités sensorielles.

4. NEUROMYTHES
4.1 Préférence hémisphérique
L’origine du neuromythe concernant la préférence hémisphérique
relève du fait que certaines fonctions cognitives peuvent être davantage
latéralisées dans un des deux hémisphères. Historiquement, les études de
Broca (1861) ont mis en évidence des troubles aphasiques suite à une lésion
frontale inférieure gauche. Par la suite, des études avec des patients calloso-
tomisés ont permis de mieux comprendre la spécialisation hémisphérique et
le rôle du corps calleux dans le transfert interhémisphérique (voir Gazzaniga,
2005, pour une synthèse). À partir de ces observations, certaines approches
pédagogiques ont été proposées afin de différencier des élèves prétendus
« cerveau gauche » ou « cerveau droit » et d’adapter les méthodes d’ensei-
gnement afin de stimuler adéquatement les deux hémisphères du cerveau
(voir Lindell & Kidd, 2011, pour une synthèse). Toutefois, à l’exception de
rares cas pathologiques, il n’existe aucune évidence empirique pour soutenir
que certains individus utilisent davantage un hémisphère plutôt qu’un autre
et qu’une forme particulière d’enseignement peut activer un hémisphère
plutôt qu’un autre. De plus, des études récentes en imagerie par résonnance
magnétique ne confirment pas la distinction entre des personnes « cerveau
gauche » et « cerveau droit » (Nielsen, Zielinski, Ferguson, Lainhart, &
Anderson, 2013). Ainsi, plusieurs auteurs ont souligné les fausses croyances
relatives à la préférence hémisphérique dans le domaine de l’éducation
(OECD, 2002 ; Goswami, 2006 ; Ansari & Coch, 2006 ; Geake, 2008 ; Tardif
& Doudin, 2010 ; Lindell & Kidd, 2011 ; Pasquinelli, 2012, chapitre 2 de ce
volume).
90 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

4.2 Dominance de modalités sensorielles


L’origine du neuromythe concernant les dominances sensorielles
est beaucoup plus difficile à retracer. De façon générale, cette approche vise
à différencier les élèves selon leur profil VAK. Dans le milieu anglophone,
Sharp, Bowker et Byrne (2008) attribuent notamment cette approche aux
ouvrages de Alistair Smith (1996, 1998 ; Alistair Smith & Call, 1999, 2001).
Ce dernier auteur fait notamment référence aux méthodes proposées par
des praticiens en programmation neuro-linguistique (PNL) afin d’identifier la
dominance sensorielle des apprenants (Alistair Smith, 1998). Originalement
développés par Bandler et Grinder (1975 ; Brandler, Grinder, & Andreas,
1979), les principes de la PNL ont souvent été critiqués pour leur manque
de fondements empiriques (Elich, Thompson, & Miller, 1985 ; Sharpley, 1984,
1987). Dans un article de synthèse considérant 63 publications scientifiques
sur différents principes de la PNL, Witkowski (2010) conclut que les études
qui infirment les principes de la PNL sont plus nombreuses et méthodologi-
quement plus robustes que celles qui les supportent. Par exemple, certains
praticiens en PNL prétendent qu’il est possible de déterminer si une per-
sonne ment par l’observation des mouvements oculaires (e.g., Gray, 1991).
Or cette affirmation n’est pas supportée par des données expérimentales
(Wiseman et al., 2012). Dans le milieu francophone, bien que l’influence
de la PNL ne soit pas exclue comme technique permettant de différencier
les élèves selon leurs dominances sensorielles (e.g., Lépineux, Soleilhac, &
Zérah, 1993), d’autres auteurs semblent avoir une influence particulière.
Par exemple, dans le monde francophone, La Garanderie (1982) accorde
une grande importance au fait d’effectuer une telle différenciation sans pour
autant apporter un support empirique explicite (voir Tardif & Doudin, 2009,
pour plus de détails). Au Québec, Lafontaine et Lessoil (2012) affirment
clairement que certaines personnes sont auditives alors que d’autres sont
visuelles mais encore une fois, les bases qui soutiennent leurs affirmations
sont pauvres et même parfois particulièrement farfelues. Par exemple, les
auteurs mentionnent que « la femme enceinte visuelle : lorsqu’elle porte un
bébé visuel, augmentant ainsi son propre profil, la future mère se sent géné-
ralement plus belle, elle est plus vive dans ses réactions, plus stimulée pour
entretenir la maison » (p. 161). En France, Gaignard (2012), en se référant
à sa pratique auprès d’enfants présentant des difficultés d’apprentissage,
affirme que « si l’enfant est auditif, il lui suffit d’écouter pour comprendre
et retenir […]. Le visuel, c’est aussi celui qui regarde par la fenêtre quand il
est en cours, c’est un rêveur. Ses oreilles ne lui servent à rien […] » (p. 170).
De tels ouvrages sont destinés au milieu enseignant et peuvent jouer un rôle
important dans la dissémination de ces croyances en lien avec les styles
d’apprentissage.
À notre connaissance, il n’existe pas d’outils valides et fiables afin
de déterminer la dominance de modalités sensorielles (Coffield et al., 2004 ;
De l’utilité ambiguë des styles d’apprentissage et des neuromythes 91

Sharp et al., 2008). Bien que de nombreux individus affirment avoir une
préférence de modalité sensorielle (VAK) pour apprendre, les résultats
aux tests de mémoire visuelle, auditive et tactile ne sont pas corrélés avec
cette préférence (Kratzig & Arbuthnott, 2006). De plus, l’appariement des
méthodes d’enseignement aux dominances de modalités ne montre pas de
bénéfice apparent sur l’apprentissage (Coffield et al., 2004 ; Stahl, 1999 pour
des synthèses). Comme le relèvent Sharp et al. (2008), la dominance de
modalités est un « neurononsense » ! (p. 311).

5. NEUROMYTHES DANS LE MILIEU SCOLAIRE


Bien que la présence de neuromythes ait été relevée dans le champ
de l’éducation par différents auteurs (e.g., Ansari & Coch, 2006 ; Geake,
2008 ; Goswami, 2006 ; Lindell & Kidd, 2011 ; OECD, 2002 ; Pasquinelli,
2012 ; Pasquinelli, chapitre 2 de ce volume ; Tardif & Doudin, 2011), peu
d’études ont été menées afin de vérifier leur degré de pénétration dans le
milieu scolaire. Voyons plus attentivement leurs résultats.
Une des premières recherches menées sur ce phénomène est celle
de Arter et Jenkins (1977) qui montraient déjà que la quasi-totalité des
enseignants spécialisés interrogés adhèrent au point de vue que la modalité
préférentielle de traitement de l’information (visuel/auditif) est un facteur
important à prendre en compte dans l’enseignement auprès d’élèves présen-
tant des difficultés. Plus récemment, Dekker, Lee, Howard-Jones et Jolles
(2012) montrent que, parmi les fausses croyances d’enseignants d’Angleterre
et des Pays-Bas, deux neuromythes sont particulièrement présents : 91 %
des enseignants anglais interrogés versus 96 % des enseignants hollandais,
adhèrent au neuromythe de la dominance hémisphérique alors que 93 %
des enseignants anglais versus 96 % des enseignants hollandais, adhèrent
au point de vue que la prise en compte de la modalité sensorielle préférée
améliore les apprentissages. Cette forte adhésion se rencontre aussi bien chez
des enseignants des degrés primaires que secondaires. Les auteurs ont éga-
lement étudié le point de vue des enseignants relativement à l’origine géné-
tique versus environnementale de ces styles d’apprentissage. Les enseignants
hollandais attribuent plus fréquemment une origine génétique à la préférence
hémisphérique et à la dominance de modalités sensorielles, ce qui correspon-
drait à une conception cristallisée (voir ci-dessus) alors que les enseignants
anglais mettent plus d’emphase sur le contexte environnemental (famille et
école), c’est-à-dire une conception dynamique. Parmi les prédicteurs liés à
l’adhésion à ces deux neuromythes, les enseignants qui s’intéressent aux
recherches sur le cerveau et qui lisent des revues de vulgarisation scienti-
fique ont certes un meilleur niveau de connaissance en neurosciences mais
sont plus enclins à adhérer à des neuromythes. Simmonds (2014) rapporte
une étude menée sur un large échantillon d’enseignants du Royaume-Uni
92 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

relativement à l’utilisation de ces deux neuromythes dans leur pratique en


classe : 76 % affirment utiliser la dominance de modalités sensorielles et 35 %
la préférence hémisphérique. Parmi les nombreuses sources de connaissance
évoquées (e.g., autres enseignants, médias, journaux scientifiques, magazines
scientifiques de vulgarisation, etc.), c’est l’institution scolaire qui est princi-
palement mentionnée et ceci pour les deux neuromythes évoqués. Sharp
et al. (2008) ont également montré la popularité de l’approche VAK auprès
d’enseignants d’écoles primaires en Angleterre et au Pays de Galles. Dans un
échantillon limité de 76 enseignants, près de la moitié adhèrent et l’utilisent
dans leurs pratiques, seuls les responsables des établissements scolaires
montrent plus de scepticisme. Pour les auteurs, la propagation de ce modèle
se fait essentiellement de bouche à oreille entre enseignants. Les résultats
d’une étude menée au Portugal auprès d’enseignants vont dans le même sens.
Ainsi, Rato, Abreu et Castro-Caldas (2013) ont investigué l’adhésion d’ensei-
gnants portugais de tous les degrés de la scolarité obligatoire et postobliga-
toire à certains neuromythes. Plus de la moitié des enseignants adhèrent au
neuromythe de l’approche VAK et 45 % pensent que les deux hémisphères
fonctionnent de façon indépendante. Enfin Howard-Jones (2014) compare
des enseignants provenant de 5 pays (Royaume-Uni, Pays-Bas, Turquie,
Grèce, Chine). Selon les pays, entre 93 % et 97 % des enseignants interrogés
adhèrent au neuromythe de l’approche VAK alors qu’entre 71 % et 91 %
adhèrent au neuromythe de la dominance hémisphérique.
Pour notre part, nous avons voulu savoir si ces deux neuromythes
sont également répandus dans le milieu scolaire en Suisse francophone
(Tardif, Doudin, & Meylan, 2015 ; Tardif & Meylan, 2013). Outre l’intensité
de l’adhésion à ces deux neuromythes, nous souhaitions mieux comprendre
leur mode de transmission et leur utilisation. Pour ce faire, nous avons non
seulement interrogé des enseignants mais élargi notre échantillon à des
étudiants à l’enseignement venant de terminer leur premier semestre de
formation (formation d’une durée de 6 semestres au total) ainsi qu’à des
formateurs d’enseignants qui, pour la plupart, sont des enseignants de for-
mation. Les résultats montrent qu’une très forte proportion des 3 groupes
de sujets interrogés adhère à ces deux neuromythes et pense qu’ils sont
confirmés par des recherches sur le cerveau. De plus, ils pensent que ces
deux neuromythes ont un intérêt pédagogique. Cependant, les enseignants
affirment prendre en compte dans leur pratique les modalités de traitement
sensoriel plus fréquemment que la préférence hémisphérique.
En ce qui concerne le mode de transmission de la connaissance sur
la préférence hémisphérique, les enseignants et les formateurs mentionnent
principalement des lectures personnelles (41 %), les médias (40 %) et
l’institution de formation des enseignants (15 %), alors que pour les étu-
diants, ce sont les médias (26 %), l’école fréquentée lorsqu’ils étaient élèves
(19 %) et des lectures personnelles (15 %). Seulement 2 % des étudiants
De l’utilité ambiguë des styles d’apprentissage et des neuromythes 93

mentionnent l’institution de formation à l’enseignement comme source de


cette connaissance.
En ce qui concerne le mode de transmission de la dominance de
modalités sensorielles, les enseignants et les formateurs mentionnent princi-
palement des lectures personnelles (44 %), les médias (32 %) et l’institution
de formation à l’enseignement (29 %) alors que pour les étudiants ce sont
les médias (27 %), les amis et collègues (26 %), et à égalité les lectures per-
sonnelles et l’école lorsqu’ils étaient élèves (18 %). L’institution de formation
à l’enseignement n’est mentionnée que dans 9 % des cas.
L’adhésion des formateurs peut facilement s’expliquer dans la mesure
où, dans la population étudiée, les formateurs sont recrutés en grande par-
tie parmi les enseignants. Nous pourrions alors nous attendre à ce que les
étudiants évoquent comme source de connaissance leurs formateurs. Tel
n’est pas le cas puisque l’institution de formation n’est que marginalement
évoquée par les étudiants comme source de connaissance de la préférence
hémisphérique et de la dominance de modalités sensorielles. Les étudiants
évoquent d’autres sources, principalement les médias. Il faut rappeler ici que
les étudiants interrogés ont effectué un seul semestre d’étude sur les 6 que
comporte leur formation, ce qui peut encore expliquer la faible fréquence de
cette source de connaissance et laisser suggérer son accroissement au cours
de la formation. Cette transmission (encore) en grande partie hors cadre
institutionnel n’empêche en rien un large consensus entre enseignants, for-
mateurs et étudiants, la plupart adhérant à la scientificité et à l’efficacité de
ces styles d’apprentissage et les intégrant, en tant qu’enseignant à leurs pra-
tiques ou souhaitant, en tant qu’étudiant, les intégrer à leur future pratique.
Enfin, la seule étude qui, à notre connaissance, traite de l’adhésion
d’élèves à des neuromythes a été conduite en Suisse francophone par Barge
(2014). Cet auteur a interrogé des élèves âgés de 15 à 21 ans qui effectuent
leurs études postobligatoires (niveau maturité correspondant en France au
baccalauréat). En ce qui concerne la préférence hémisphérique, près de la
moitié des élèves adhèrent au point de vue que certaines personnes utilisent
davantage leur hémisphère gauche et d’autres le droit ; le tiers pense que
ce point de vue est soutenu par des études scientifiques. Relativement à la
dominance de modalités sensorielles, la grande majorité des élèves interrogés
soutiennent d’une part, que certaines personnes sont visuelles et d’autres audi-
tives et, d’autre part, que cela a été démontré par des études sur le cerveau.

6. DISCUSSION
Les travaux en psychologie différentielle des années 1980 ont montré
la forte variabilité inter- et intra-individuelle du développement de l’intelli-
gence. Le développement de l’intelligence ne peut donc plus être considéré
94 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

comme unidimensionnel, mais comme pluridimensionnel, l’intelligence


prenant des formes différentes entre enfants. Si nous tirons un parallèle
avec l’école, l’enseignant est non seulement confronté à l’hétérogénéité du
développement de l’intelligence des élèves du groupe-classe mais aussi à
l’hétérogénéité intrinsèque à chaque élève. La démocratisation des études, la
réduction du recours à la différenciation structurale, notamment au travers
de politiques scolaires plus inclusives, contribueraient à renforcer l’hétéro-
généité des classes et à complexifier encore plus l’enseignement au groupe
classe, au point que certains enseignants sont à haut risque d’épuisement
professionnel (Doudin et al., 2010). Dès lors, comment gérer cette hétéro-
généité sur le plan pédagogique ? Dans le cadre de la pédagogie différen-
ciée, les styles d’apprentissage – qui avaient pour prédécesseurs les styles
cognitifs – ont été vus comme une réponse possible à cette question et de
nombreux styles ont été proposés en sciences de l’éducation. Cependant, la
prise en compte des styles d’apprentissage des élèves par l’enseignant ne
semble pas améliorer le niveau des apprentissages et semble constituer un
mythe ou une fausse croyance en sciences de l’éducation. Plusieurs styles
d’apprentissage tentent d’inclure des dimensions neuropsychologiques,
telles la préférence hémisphérique et la dominance de modalités sensorielles
(VAK). Cependant, ils reposent sur une mauvaise compréhension de travaux
scientifiques relatifs au fonctionnement du cerveau et constituent alors des
neuromythes. Bien que de nombreuses recherches aient alerté le monde
de l’éducation sur ces fausses croyances et leur inefficacité en pédagogie,
des recherches ont montré leur forte implantation dans des populations
d’enseignants issus de différents pays (Arter & Jenkins, 1977 ; Sharp et
al., 2008 ; Dekker et al., 2012 ; Rato et al., 2014 ; Howard-Jones, 2014 ;
Simmonds, 2014 ; Tardif, Doudin, & Meylan, 2015 ; Tardif & Meylan, 2013).
L’extension d’études sur les neuromythes conduites en Suisse francophone
auprès d’étudiants à l’enseignement, de formateurs d’enseignants (Tardif et
al., 2015 ; Tardif & Meylan, 2013) et d’élèves de la scolarité postobligatoire
(Barge, 2014) montre également leur forte pénétration.
L’adhésion à ces deux neuromythes soulève plusieurs problèmes.
Dans les deux études conduites en Suisse francophone, nous constatons
une continuité dans la forte adhésion aux deux neuromythes investigués
allant des élèves aux formateurs d’enseignants en passant par les étudiants à
l’enseignement et les enseignants. Ce manque de rupture dans les croyances
en fonction des rôles et des générations est préoccupant. Des études ont
montré que les étudiants à l’enseignement commencent leur formation avec
des croyances préexistantes sur l’enseignement et sur les élèves (Doudin,
Pons, Martin, & Lafortune, 2003, pour une synthèse) et certains auteurs
(e.g., Pajares, 1992 ; Chant, 2002) s’accordent à dire que les enseignants
lorsqu’ils ont des choix pédagogiques à faire s’appuient davantage sur des
croyances ou théories naïves construites lorsqu’ils étaient élèves que sur des
De l’utilité ambiguë des styles d’apprentissage et des neuromythes 95

connaissances reposant sur une validité épistémique construite durant leur


formation à l’enseignement. Nous en aurions ainsi un exemple au travers
de la continuité dans l’adhésion à ces deux neuromythes. Pour certains
auteurs (e.g., Pajares, 1992), ces croyances sont difficiles, voire impossibles
à modifier, alors que pour d’autres la confrontation de ces croyances ou
théories naïves aux travaux scientifiques pourrait permettre de substituer
certaines croyances par des connaissances valides sur le plan épistémique
(Fenstermacher, 1979 ; Doudin et al., 2003). La responsabilité des institu-
tions de formation à l’enseignement est importante et leur vigilance à ne pas
diffuser des neuromythes basés sur de fausses croyances tant sur le fonc-
tionnement du cerveau que sur les stratégies d’apprentissage des élèves est
essentielle d’autant plus que dans de nombreux pays, notamment européens,
la formation des enseignants est maintenant dispensée dans des institutions
de niveau tertiaire ou en voie de le devenir. Or les résultats de Tardif et al.
(2015) et Tardif et Meylan (2013) montrent sur un échantillon limité que
les formateurs d’étudiants à l’enseignement adhèrent également fortement
à ces deux neuromythes. Ceci pose le problème de la formation suivie pour
devenir formateur qui ne semble pas avoir provoqué de rupture avec des
modèles théoriques dont la validité épistémique n’a pas été démontrée, tels
ces deux neuromythes. En fait, il y aurait une triple rupture épistémique
qui ne se fait pas : (1) lors du passage du statut d’élève à celui d’étudiant,
(2) de celui d’étudiant à celui d’enseignant et (3) de celui d’enseignant à
celui de formateur d’enseignant. Nous pensons, pour notre part, qu’il est de
la responsabilité des institutions de formation de diffuser des modèles qui
ont une validité épistémique afin de rompre ce cercle vicieux de la transmis-
sion intergénérationnelle de modèles véhiculant de fausses représentations
sur le fonctionnement du cerveau, sur les stratégies d’enseignement et
d’apprentissage et débouchant sur un étiquetage des élèves, étiquetage déjà
problématique en soi, mais de plus étiquetage erroné.
Mais ceci n’est pas simple dans la mesure où le développement de
l’intelligence ainsi que les manières d’apprendre des élèves au sein de la
classe sont très hétérogènes. La gestion de cette hétérogénéité est un facteur
de pénibilité important pour les enseignants pouvant compromettre leur
santé au travail. Or, à notre connaissance, il manque des réponses théoriques
valides pour gérer l’hétérogénéité de la classe. Nous pouvons alors émettre
l’hypothèse que classifier les élèves en « hémisphère gauche » ou « hémis-
phère droit », en « auditifs », « visuels » ou « kinestésiques », en leur attri-
buant, même faussement, des stratégies typiques d’apprentissage, contribue
à développer chez l’enseignant un sentiment de maîtrise. Autrement dit, face
au facteur de risque pour la santé de l’enseignant, plus particulièrement de
burnout, que représente la complexité de la gestion de l’hétérogénéité du
groupe-classe, la classification des élèves selon leur style d’apprentissage et
leur prise en compte dans l’enseignement serait un facteur de protection.
96 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Dans ce cas, il s’agirait donc d’une attitude défensive, inadaptée relativement


aux connaissances scientifiques mais adaptée relativement à la protection
de soi-même et à la nécessité de « durer » dans l’exercice de sa profession.
Ceci pouvant expliquer l’engouement du corps enseignant au mythe des
styles d’apprentissage en général et aux neuromythes de la préférence
hémisphérique et de la dominance de modalités sensorielles en particulier.
De nombreux enseignants semblent considérer le fonctionnement du
cerveau comme pertinent dans le contexte éducatif (Pickering & Howard-
Jones, 2007). Plusieurs auteurs ont alors souligné la pertinence d’inclure
dans les formations de base des étudiants à l’enseignement et dans la forma-
tion continue des enseignants des apports issus des neurosciences cognitives
(Ansari & Coch, 2006 ; Goswami, 2006 ; Tardif & Doudin, 2011). Cela pourrait
aider les futurs enseignants à mieux comprendre les résultats de la recherche
et à développer un point de vue plus critique sur les informations provenant
de multiples sources, notamment d’ouvrages de vulgarisation en sciences de
l’éducation largement diffusés mais véhiculant des idées erronées.
Cependant, les neurosciences doivent être considérées comme un
moyen de mieux comprendre un certain nombre de questions sur l’éducation
plutôt que comme un outil normatif pour les enseignants (Ansari & Coch,
2006). En outre, le domaine relativement nouveau des neurosciences en édu-
cation est confronté à certains problèmes, notamment à l’applicabilité des
recherches en neurosciences au domaine de l’éducation (e.g., Willingham,
2009 ; Tardif & Doudin, 2011). Cette application doit se construire très pro-
gressivement au travers d’un dialogue à double sens entre chercheurs et pra-
ticiens afin de soulever des questions de recherche pertinentes relativement
à des situations d’apprentissages multiples (Fischer, Goswami, & Geake,
2010). Si l’éducation sur le cerveau devait être développée, cela devrait cer-
tainement commencer par une sensibilisation particulière des enseignants
à évaluer de manière critique des approches pédagogiques et leur contexte
théorique et empirique sous-jacent. De notre point de vue, cela impliquerait
nécessairement une importante collaboration entre les scientifiques, les
chercheurs et les praticiens de l’enseignement.

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Chapitre
Les mythes entourant
4
le bilinguisme chez les enfants
Fred GENESEE et Audrey DELCENSERIE

Au cours des dernières années, la compétence dans deux ou plu-


sieurs langues a pris une valeur accrue pour plusieurs communautés et
pays autour du monde. Les raisons entourant ces changements sont locales,
nationales et de nature globale. À l’échelle locale, il y a plusieurs communau-
tés pour lesquelles le plurilinguisme est avantageux, notamment parce que
plus de deux langues sont utilisées de façon régulière par leurs résidents.
La connaissance de plus d’une langue au sein de ces communautés facilite
grandement les communications interpersonnelles, améliore les perspectives
d’emplois et enrichit la vie de leurs résidents. Par exemple, dans certaines
villes canadiennes, comme Montréal ou Ottawa, être compétent en anglais
et en français a plusieurs avantages personnels pratiques et immédiats
notamment en raison du statut bilingue de ces villes, mais également parce
que le Canada est un pays officiellement bilingue. La situation est similaire
dans des villes comme Genève, Bruxelles et New Delhi parce que plusieurs
langues officielles y sont parlées ou encore parce que de nombreux habitants
ont une langue seconde commune, comme l’anglais. De même, le bilinguisme
comporte de nombreux avantages pour les pays qui ont des communautés
linguistiques autochtones, comme la Suède, la Nouvelle-Zélande ou encore
le Canada. Ces pays abritent en effet un grand nombre de personnes parlant
une langue autochtone. Les locuteurs de langues autochtones sont sou-
vent motivés à apprendre la langue de la majorité. Cependant, ils tentent
104 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

également de maintenir et de revitaliser leur connaissance de leur langue


autochtone face à la langue parlée par la majorité dominante. Par exemple, la
communauté mohawk établie près de Montréal a développé des programmes
d’immersion dans le but de promouvoir l’acquisition du mohawk par les
enfants de cette communauté, mais aussi dans le but de s’assurer que ces
enfants soient en mesure de développer adéquatement le français et l’anglais
(Jacobs & Cross, 2001).
Le bilinguisme et, plus généralement, le multilinguisme peuvent
également représenter un avantage d’un point de vue national. Plusieurs
pays sont officiellement bilingues ou plurilingues. Dans ces pays, les avan-
tages entourant la connaissance de deux ou plusieurs langues officielles
sont personnels, éducatifs et économiques. Pour reprendre l’exemple du
Canada, où les langues officielles sont le français et l’anglais, la maîtrise des
langues officielles signifie davantage d’opportunités d’emplois. L’Europe est
un cas particulièrement intéressant et insolite où plusieurs pays sont unis
sur le plan politique et, par conséquent, ont des politiques communes. La
politique 1+2 de l’Union européenne (UE) encourage ses États membres à
soutenir l’acquisition de la langue nationale, l’acquisition d’une langue parlée
par un autre État membre de l’Union ainsi que l’acquisition d’une troisième
langue, permettant ainsi aux citoyens européens de voyager et de travailler
librement dans toute l’UE et, également, d’être plus compétitifs au niveau
mondial.
La valeur du bilinguisme et du plurilinguisme a aussi augmenté de
façon spectaculaire au cours des dernières décennies, en partie à cause
de la mondialisation. En effet, la mondialisation a influencé la vie des gens
dans de nombreux domaines. Par exemple, le développement d’Internet et
l’apparition de dispositifs de communication électronique ont transformé
la communication globale de sorte qu’elle est devenue simple et banale.
La mondialisation des économies et des entreprises du monde a attiré
l’attention sur l’interdépendance et l’interconnexion entre les nations ainsi
que sur les opportunités accrues en matière de voyages internationaux, de
travail et d’interactions (entre les scientifiques et autres professionnels,
par exemple).
L’anglais est incontestablement la langue dominante dans le monde
des affaires, la science et le tourisme (Crystal, 2003) et, par conséquent,
ceux qui parlent l’anglais peuvent bénéficier des aspects positifs de la mon-
dialisation. Cependant, l’anglais n’est pas unique. Il y a d’autres langues
mondiales importantes telles que le français, le chinois, le russe, l’arabe et
l’espagnol. À cet égard, on estime qu’il y a désormais davantage d’individus
pour qui l’anglais est une langue seconde que d’individus pour qui cette
langue est une langue maternelle (Crystal, 2003). Cela signifie que, bien que
connaître l’anglais soit un avantage parce que c’est une langue à caractère
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 105

mondial, maîtriser uniquement l’anglais est désormais insuffisant, car un


grand nombre de personnes parlant l’anglais parlent aussi une autre langue.
Ainsi, les unilingues anglophones sont désavantagés. Compte tenu de ces
influences mondiales, pour être responsables et pertinents, les programmes
d’éducation implantés à travers le monde se devront d’offrir à leurs élèves
des opportunités éducatives de grande qualité de manière précoce et per-
manente dans le but de leur permettre, à long terme, de maîtriser plus d’une
langue. Ainsi, lorsqu’ils quitteront leurs établissements scolaires, les élèves
seront compétitifs sur le marché mondial et pourront ainsi profiter de la
mondialisation et en retirer des bénéfices personnels.
Il y a encore d’autres avantages à apprendre et maîtriser plus d’une
langue. En effet, les études démontrent que les personnes bilingues béné-
ficient de certains avantages neurocognitifs lorsque comparées aux per-
sonnes unilingues. Il a d’ailleurs été démontré que les personnes bilingues
sont avantagées lorsqu’elles exécutent des tâches impliquant des habiletés
particulières, telles que l’attention sélective (e.g., Bialystok, 2001). Les avan-
tages que les bilingues démontrent lorsqu’ils exécutent ces tâches incluent
des habiletés cognitives liées à la concentration, l’inhibition et au transfert
d’attention durant la résolution de problèmes, par exemple. Collectivement,
ces habiletés cognitives sont appelées « processus de fonctions exécutives »
et dépendent des régions préfrontales du cerveau. Bialystok et Martin (2004)
ont fait valoir que l’expérience de l’apprentissage et de l’utilisation de deux
langues nécessite l’utilisation sélective de l’attention, ce qui favorise le déve-
loppement des processus de contrôle exécutif en général, pas seulement
dans des domaines linguistiques. Ces avantages en matière de contrôle des
fonctions exécutives sont évidents durant toute la vie, de l’enfance à l’âge
adulte avancé (Bialystok, Craik, Klein, & Viswanathan, 2004) et sont parti-
culièrement évidents chez les bilingues ayant atteint un niveau relativement
élevé de compétence dans leurs deux langues et qui utilisent ces dernières
activement et régulièrement. L’apparition de tels avantages est peu probable
chez les individus n’ayant suivi qu’un cours de langue étrangère, qui ne sont
que faiblement compétents dans cette langue et qui l’utilisent de façon peu
fréquente.
Malgré les avantages professionnels, personnels, sociaux et cognitifs
du bilinguisme et du plurilinguisme, les parents, les éducateurs, les décideurs
politiques et les professionnels de la santé expriment souvent de sérieuses
inquiétudes lorsqu’il s’agit d’élever ou d’éduquer les enfants bilingues
(e.g., Beardsmore, 2003). Ces peurs reposent souvent sur quatre mythes :
(1) le mythe du cerveau unilingue ; (2) le mythe du « temps sur la tâche » ;
(3) le mythe du bilinguisme et des troubles de langage ; et (4) le mythe des
enfants parlant une langue minoritaire. Ces mythes ont de sérieuses impli-
cations quant à la prise de décisions liées à l’éducation des enfants bilingues.
Il est donc important d’étudier scientifiquement ces mythes et de s’assurer
106 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

de leur validité. Dans cet article, nous expliquerons et nous examinerons les
résultats de recherche pertinents à chacun de ces mythes.
Les résultats passés en revue sont tirés de recherches ayant été
effectuées sur trois populations de jeunes apprenants : les enfants d’âge
préscolaire qui acquièrent deux langues simultanément, le plus souvent à
la maison ; les élèves qui parlent la langue de la majorité linguistique et qui
fréquentent des programmes d’immersion en langue seconde ou des pro-
grammes bilingues ; et les enfants qui acquièrent une langue minoritaire à la
maison et qui sont éduqués dans la langue de la majorité, comme les enfants
hispanophones qui fréquentent des établissements scolaires de langue
anglaise aux États-Unis. Nous ferons référence à ces groupes d’apprenants,
collectivement, comme étant des « enfants apprenant deux langues ». Bien
que la plupart des études auxquelles nous ferons référence aient été menées
au Canada, des études réalisées aux États-Unis et dans d’autres pays seront
également considérées, le cas échéant.

1. LE MYTHE DU CERVEAU UNILINGUE


Dans cette section, nous nous concentrerons sur les enfants grandis-
sant en apprenant deux langues – une situation souvent appelée « l’acqui-
sition bilingue de premières langues » ou « le bilinguisme simultané ». Les
parents qui élèvent leurs enfants en les exposant à deux langues ou qui
planifient de le faire sont souvent concernés par le fait que leurs enfants
pourraient être confus et incapables de faire une distinction entre leurs
deux langues. Ils craignent par conséquent que cette situation n’entraîne des
délais dans le développement langagier de leurs enfants, voire un dévelop-
pement incomplet. Ces préoccupations sont motivées par la croyance que,
comparativement à l’acquisition d’une seule langue, l’apprentissage de deux
langues durant l’enfance met une charge supplémentaire sur le développe-
ment langagier des enfants. D’un point de vue neurocognitif, ces craintes
peuvent être interprétées comme reflétant la croyance que le cerveau des
enfants est essentiellement unilingue et qu’il traite l’apport (ou input) pro-
venant de deux langues comme de l’information issue d’une seule et unique
langue. En fait, les parents croient souvent que le mélange des codes de leurs
enfants est la preuve qu’ils sont incapables de séparer et différencier leurs
deux langues. En effet, la règle du « un parent – une langue », qui préconise
que chaque parent d’une famille bilingue ne doit utiliser que sa langue mater-
nelle pour communiquer avec son enfant, suppose que les enfants ont besoin
de marqueurs explicites dans chaque langue pour leur éviter d’être confus.
Les parents ne sont pas les seuls à avoir des craintes et à donner foi
à certaines croyances liées au cerveau unilingue. Il est commun pour les pro-
fessionnels qui travaillent avec des enfants bilingues qui ont des problèmes
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 107

de langage ou des difficultés scolaires d’exprimer des préoccupations simi-


laires, comme le suggère l’extrait suivant :

PSYCHOLOGUE SCOLAIRE (avril 2002)

… je suis un psychologue travaillant dans un établissement scolaire


anglophone situé dans un environnement francophone. Nous sommes
parfois interpellés par des cas d’enfants ayant reçu un diagnostic de trouble
spécifique du langage et qui proviennent de foyers unilingues francophones.
Ma connaissance de cette problématique me mène à croire que demander à
un enfant, qui a des difficultés à apprendre sa langue maternelle, de
maîtriser une langue additionnelle pourrait mettre trop de pression sur cet
enfant et ainsi entraîner son échec.

Similaires à ces préoccupations, les premières théories portant sur


l’acquisition bilingue simultanée ont fait valoir que les enfants exposés à deux
langues dès la naissance passent initialement par une phase durant laquelle
leurs deux langues sont fusionnées. L’une de ces théories, étant probable-
ment la plus largement citée, est celle de Volterra et Taeschner (1978). Dans
leur théorie, ces auteurs ont émis l’hypothèse que les enfants qui apprennent
deux langues dès la naissance auraient initialement des systèmes lexicaux
et morphosyntaxiques fusionnés ; une phase du développement qui serait
suivie par la séparation subséquente des lexiques de chaque langue, mais
dont les grammaires continueraient d’être fusionnées. Cette théorie soutient
également que ce ne serait qu’à partir de l’âge de trois ans que les enfants
auraient des systèmes lexicaux et morphosyntaxiques distincts. Ce ne serait
donc qu’à l’âge de trois ans que les enfants apprenant deux langues devien-
draient réellement bilingues.
Ce point de vue se reflète également dans le travail de Werner Leo-
pold (1949), l’un des pionniers de la recherche sur l’acquisition bilingue
simultanée. Leopold a effectué des recherches approfondies sur sa fille,
Hildegard, à qui il apprenait l’allemand alors que sa femme, une Américaine,
se chargeait de lui apprendre l’anglais. Leopold (1978) décrit le début de
leur apprentissage de la façon suivante : « Le mélange libre du vocabulaire
allemand et anglais dans plusieurs de ses phrases est une caractéristique
remarquable de son discours. Le fait qu’elle mélange des items lexicaux
prouve qu’il n’y a pas encore de réel bilinguisme » (p. 27).
Des recherches sur l’acquisition bilingue simultanée réfutent cepen-
dant ces premières théories (Genesee, 1989). Il existe des preuves provenant
de trois orientations distinctes de recherche qui indiquent que, par rapport
108 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

à l’acquisition d’une seule langue, l’acquisition bilingue est naturelle et ne


représente pas de fardeau supplémentaire. Ces preuves expérimentales
proviennent de recherches portant sur : a) les étapes du développement
et les modèles d’acquisition bilingue de premières langues ; b) l’utilisation
différente des deux langues dans le cadre d’une conversation ; c) sur les
contraintes grammaticales entourant le mélange de codes fait par les enfants
bilingues. Chacun de ses axes de recherche sera examiné brièvement dans
les sections suivantes.

1.1 Les étapes du développement


Le mythe du cerveau unilingue est réfuté par le fait que le dévelop-
pement langagier des enfants bilingues simultanés se fait au même rythme et
en suivant les mêmes étapes que celui des enfants unilingues. Ces faits sont
basés sur des études d’enfants qui apprennent deux langues dès la naissance.
Comme nous le verrons ci-après, ces travaux ont étudié le développement
bilingue simultané chez les enfants et, plus spécifiquement, l’acquisition de
la phonologie, du vocabulaire et de la grammaire.
Des enfants apprenant une variété de combinaisons de langues ont
été étudiés, incluant, entre autres, le français et l’anglais (Paradis & Genesee,
1996) ; l’inuktitut et l’anglais (Zwanziger, Allen, & Genesee, 2006) ; l’allemand
et le français (Meisel, 1990) ; le norvégien et l’anglais (Lanza, 1997), l’estonien
et l’anglais (Vihman, 1998), le cantonais et l’anglais (Yip & Matthews, 2000)
ainsi que plusieurs autres combinaisons (voir Paradis, Genesee, & Crago,
2011, pour une revue de la littérature). Les résultats de ces recherches
indiquent que, contrairement au mythe du cerveau unilingue, les jeunes
enfants bilingues acquièrent les propriétés spécifiques à chaque langue tôt
dans leur développement, mais également que ces propriétés correspondent,
pour la plupart, à celles présentes chez les enfants unilingues du même âge.
Les résultats indiquent également que le développement lexical et morpho-
syntaxique des enfants bilingues s’effectue au même rythme que celui des
enfants unilingues, du moins en ce qui a trait à leur langue dominante (voir
De Houwer, 2005 ; Nicoladis & Genesee, 1996 ; Paradis & Genesee, 1996).
En revanche, le développement phonologique des enfants bilingues
simultanés, en particulier leur perception précoce de la parole, s’effectue
parfois selon des modèles plus variables. Bien que le développement pho-
nologique des enfants bilingues simultanés ressemble parfois à celui des
enfants unilingues, il lui arrive également d’en différer (voir Genesee &
Nicoladis, 2006 ; Werker & Byers-Heinlein, 2008). La nature et les implica-
tions de ces résultats ne sont pas encore claires parce que cette ligne de
recherche est relativement récente. Toutefois, les différences qui semblent
exister en termes de développement phonologique entre enfants bilingues
et unilingues ont peu de chance d’avoir des effets à long terme, sachant qu’il
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 109

est généralement admis que les apprenants qui débutent leur acquisition
langagière de façon précoce ont plus de chance de développer des habiletés
phonologiques similaires à celles des unilingues.
Lorsque l’on étudie le développement langagier des enfants bilingues
simultanés, il est important de considérer la quantité d’exposition dont ils ont
pu bénéficier dans chaque langue. Les jeunes bilingues simultanés sont géné-
ralement plus compétents dans une langue que dans l’autre, et cela est proba-
blement en lien avec leur exposition langagière. En effet, les enfants bilingues
sont souvent plus compétents dans la langue du parent avec qui ils passent
le plus de temps. Notons que ce parent est souvent la mère. Dans une étude
réalisée à Miami auprès de 25 enfants bilingues espagnol-anglais, B. Z. Pear-
son et ses collègues ont trouvé une corrélation de 0.68 entre la quantité
d’exposition à l’espagnol et la taille du vocabulaire en espagnol (Pearson &
Fernandez, 1994 ; Pearson, Fernández, Lewedeg, & Oller, 1997). Un nombre
croissant de recherches révèlent que l’exposition des enfants à chacune de
leurs langues peut influencer leur compétence de différentes façons. Des
recherches menées par Paradis et ses collègues auprès de bilingues français-
anglais suggèrent que les effets de l’apport langagier sur le développement
grammatical peuvent s’avérer complexes (Paradis, Nicoladis, & Crago, 2007).
Dans une étude canadienne portant sur l’apprentissage de verbes conjugués
au passé par des enfants bilingues successifs et simultanés, Paradis et ses
collègues ont constaté que ces enfants bilingues français-anglais âgés de
4-5 ans performent mieux dans leur langue dominante que dans leur langue
non dominante lorsqu’ils utilisent des verbes dont la forme au passé est régu-
lière (p. ex., dance-danced), mais pas nécessairement lorsqu’ils utilisent des
verbes dont la conjugaison au passé est irrégulière (p. ex., sing-sang).
Nous avons encore beaucoup à apprendre à propos de la relation
qui unit exposition et compétence chez les enfants bilingues. Cependant,
malgré quelques lacunes en matière de recherche, il semble logique de croire
qu’une exposition langagière qui se situe sous un seuil critique minimal ne
peut que mener à une compétence se situant en deçà de celle des unilin-
gues. Par conséquent, les parents et les professionnels de la petite enfance
doivent s’assurer que les enfants exposés à deux langues, ou plus, ont des
expériences d’apprentissages enrichies. De plus, la recherche existante
suggère que, pour acquérir le même niveau de compétence, les enfants
bilingues n’ont pas besoin de deux fois plus d’exposition aux langues que
les enfants unilingues (Hoff et al., 2012 ; Thordardottir, 2011). Dans une
étude canadienne, Thordardottir (2011) a estimé que les enfants bilingues
français-anglais ont besoin de 40 % d’exposition à chacune de leurs langues
pour performer au niveau normalement atteint par les enfants unilingues à
un test de vocabulaire réceptif, mais que ces mêmes enfants bilingues ont
besoin de 50 % d’exposition pour atteindre un tel niveau de performance
à un test de vocabulaire expressif. La question de l’apport sera également
110 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

abordée dans la section sur le mythe du « temps sur la tâche » ainsi que
dans la conclusion.

1.2 Utilisation différenciée des deux langues


Si les enfants bilingues simultanés passent initialement par une
étape durant laquelle leurs deux langues sont représentées, dans le cerveau,
comme une seule langue, il faudrait s’attendre à ce que ces enfants aient de
la difficulté à utiliser leurs langues de façon appropriée. Plus précisément,
il faudrait s’attendre à ce que ces enfants utilisent chaque langue indistinc-
tement avec leurs interlocuteurs et ce, peu importe les compétences ou les
préférences de ces derniers. Cependant, des études méthodiques portant sur
cette question ont révélé que les jeunes enfants bilingues sont compétents
dans ce domaine. Plusieurs chercheurs ont démontré que même les enfants
bilingues dans la phase du « un mot » et au début de la phase des « deux
mots » sont capables d’utiliser leurs langues de façon distincte et appropriée
avec leurs interlocuteurs. Par exemple, dans une étude portant sur cette
question, Genesee, Nicoladis et Paradis (1995) ont étudié des enfants âgés
de deux ans acquérant le français et l’anglais simultanément et dont les
parents pratiquaient la règle du « un parent – une langue ». Ils ont trouvé
que, contrairement à ce qui est mis en avant par l’hypothèse du cerveau uni-
lingue, ces enfants sont tout à fait capables de séparer leurs deux langues. En
effet, les auteurs ont démontré que ces enfants utilisent davantage la langue
parlée par leur mère que la langue parlée par leur père lorsqu’ils parlent à
leur mère et, inversement, ils utilisent davantage la langue parlée par leur
père avec ce dernier que la langue que parle leur mère. Dans un suivi de
cette étude, mais avec un nouvel échantillon d’enfants bilingues simultanés,
Genesee, Boivin et Nicoladis (1996) ont conclu que les enfants sont capables
d’utiliser leurs langues de façon appropriée avec des étrangers avec qui ils
n’ont eu aucun contact préalable. De même, il a également été constaté que,
d’une séance d’observation à l’autre, les jeunes enfants bilingues peuvent
ajuster leur taux de mélange de codes à celui d’un interlocuteur étranger
(Comeau, Genesee, & Lapaquette, 2003). De toute évidence, les résultats
mentionnés sont difficiles à concilier avec le mythe du cerveau unilingue,
mythe qui prédit que les enfants bilingues sont incapables d’utiliser leurs
deux langues différemment et de façon appropriée avec les autres.

1.3 Contraintes grammaticales du mélange


des codes chez les enfants bilingues
Un test encore plus rigoureux de l’hypothèse du cerveau unilingue
est d’examiner directement le mélange des codes effectué par les enfants
bilingues pour voir s’ils peuvent coordonner leurs deux langues de façon
grammaticalement appropriée. Lorsque des individus utilisent des mots de
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 111

deux langues différentes dans la même phrase, mélangeant ainsi les codes
à l’intérieur d’un seul énoncé, ils courent le risque de violer les règles
grammaticales de l’une de ces langues, ou même des deux. Par exemple,
une personne bilingue français-anglais qui produirait l’énoncé suivant
violerait les règles du français et de l’anglais – « I le aime » (« I like it ») ;
en anglais le pronom objet devrait suivre le verbe tandis qu’en français, il
devrait précéder le verbe. Des recherches approfondies chez les adultes
bilingues ont permis de constater que ces derniers ne produisent jamais
ces types d’énoncés mélangés (e.g., Myers-Scotton, 1997). Si les jeunes
bilingues qui apprennent deux langues simultanément passent par une
phase où ils traitent leurs langues comme faisant partie d’un seul système,
il faut alors s’attendre à ce que ces enfants, dont les deux langues ne sont
pas séparées, produisent des énoncés aux codes mélangés contenant des
erreurs grammaticales. Les chercheurs ont examiné les règles gramma-
ticales régissant les énoncés contenant des mélanges de codes chez des
enfants bilingues d’âge préscolaire apprenant plusieurs paires de langues,
telles que : le français et l’allemand (Meisel, 1994), le français et l’anglais
(Paradis, Nicoladis, & Genesee, 2000 ; Sauve & Genesee, 2000), l’anglais
et le norvégien (Lanza, 1997), l’anglais et l’estonien (Vihman, 1998),
ainsi que l’inuktitut et l’anglais (S. E. M. Allen, Genesee, Fish, & Crago,
2002). Ces études ont démontré que le mélange des codes des enfants
bilingues suit, la plupart du temps, les règles grammaticales des langues
employées. Par exemple, dans un échantillon de 10 000 énoncés produits
par de jeunes bilingues français-anglais, Sauve et Genesee (2000) ont
trouvé que moins de 1 % de ces énoncés contenaient des erreurs gram-
maticales. Ces résultats sont intéressants pour deux raisons. D’abord, ils
indiquent que ces enfants ont acquis les règles grammaticales de chacune
de leurs deux langues, sinon, il ne serait pas possible d’expliquer qu’ils
aient pu produire autant d’énoncés grammaticaux. Ensuite, il est encore
plus intéressant de constater que ces enfants ont été en mesure d’activer
et d’accéder à leurs deux systèmes langagiers au même moment afin de
s’assurer que leurs énoncés, bien que contenant des mélanges de codes,
suivent les règles grammaticales de chaque langue. Les chercheurs ont
également signalé que les contraintes qui s’opèrent sur le mélange de
codes des enfants bilingues sont essentiellement les mêmes que celles
qui ont été rapportées chez les adultes (Paradis et al., 2000). En outre,
l’acquisition bilingue de premières langues ne semble pas comporter de
phase durant laquelle des règles grammaticales ne sont pas respectées,
même si la nature de ces règles change alors que la grammaire des enfants
évolue. Ces résultats renforcent ceux des études abordées plus tôt qui
indiquent que les enfants bilingues acquièrent leurs deux langues sépa-
rément très tôt dans leur développement. Ils indiquent également que
les enfants bilingues peuvent accéder aux règles grammaticales de leurs
deux langues simultanément lorsqu’ils mélangent des codes.
112 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

2. LE MYTHE DU « TEMPS SUR LA TÂCHE »


Une croyance tout aussi répandue qui concerne l’apprentissage du
langage, plus particulièrement l’apprentissage d’une seconde langue, veut que
plus on passe de temps à apprendre quelque chose, plus notre compétence
dans ce domaine augmente. Une croyance corollaire suggère que plus tôt
une personne débute son acquisition d’une langue seconde, meilleurs seront
ses résultats, sa performance. Ces croyances sont fondamentales pour une
grande partie de notre système éducatif. La quantité de temps consacrée à
l’enseignement de certaines matières scolaires est le reflet de l’importance
que nous accordons à ces matières, simplement parce que nous assumons que
plus nous passons de temps à apprendre un sujet, plus notre connaissance
de ce sujet sera grande. Notre propension à « débuter tôt » est une autre
manifestation de l’importance que nous attachons au mythe du « temps sur
la tâche ». Nous débutons l’enseignement des mathématiques et des sciences
au début de la scolarité d’un enfant parce que nous voulons qu’ils passent le
plus de temps possible à étudier ces sujets très importants ; nous assignons
même du temps d’étude supplémentaire pour ces sujets, le plus souvent sous
forme de « devoirs ». Les langues étrangères ne sont souvent pas enseignées
avant l’école secondaire et moins de temps d’instruction leur est consacré, car
elles sont perçues comme étant moins importantes que les mathématiques,
les sciences ou l’enseignement de la langue maternelle (ou majoritaire).
Un examen des résultats des recherches portant sur l’acquisition
d’une première et d’une seconde langue dans les écoles révèle que la relation
entre le temps et l’âge, d’une part, et l’apprentissage, d’autre part, est plutôt
complexe (Genesee, 2014). Il ne semble pas exister de corrélation simple
entre l’exposition d’un enfant à une langue seconde, à l’école ou à la maison,
et sa maîtrise de la langue. Un exemple de cette situation a déjà été exposé
dans la section précédente. Le lecteur se rappellera que, malgré le fait que
les bilingues simultanés doivent partager leur temps d’exposition langagière
en deux, ayant ainsi moins d’exposition à chaque langue, leur développe-
ment langagier est similaire à celui des unilingues. Les bilingues simultanés
parviennent donc aux mêmes étapes du développement langagier que les
unilingues et ce à des âges comparables. Il a cependant déjà été proposé,
de façon tout à fait logique, que les enfants bilingues simultanés ne peuvent
acquérir une compétence fonctionnelle complète dans leurs deux langues si
leur exposition à chaque langue est en deçà d’un seuil critique.
L’importance de l’exposition a été mise en avant de façon évidente par
les travaux de B. Z. Pearson et ses collègues portant sur le développement
du vocabulaire chez les enfants bilingues espagnol-anglais à Miami (voir la
section précédente ; Pearson & Fernandez, 1994 ; Pearson, Fernández, Lewe-
deg, & Oller, 1997). La recherche sur les enfants unilingues atteste également
de l’influence que peut avoir l’apport (ou input) sur le développement du
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 113

vocabulaire, mais d’une façon différente. Les enfants qui grandissent au sein
de familles avantagées par un statut socioéconomique élevé sont exposés à
davantage de mots différents et acquièrent des compétences de vocabulaire
plus vastes que les enfants issus de familles moins avantagées (Hart & Risley,
1995 ; Hoff, 2006). Ces résultats sont importants parce qu’ils indiquent que la
qualité de l’exposition langagière est aussi importante que la quantité d’expo-
sition langagière en ce qui à trait au développement langagier des enfants.

2.1 Variété des programmes d’immersion


La recherche sur les performances langagières des élèves anglo-
phones fréquentant des programmes d’immersion en français au Canada
démontre, de façon similaire, que l’influence du « temps sur la tâche »
est encore plus complexe que ce que nous imaginons. Les programmes
d’immersion sont une forme d’apprentissage intégré du contenu du langage
(Mehisto, Marsh, & Frigols, 2008). Des formes alternatives d’immersion en
français existent. Les formes varient en fonction de l’année scolaire durant
laquelle la langue seconde est intégrée au programme dans le but d’enseigner
du contenu académique, mais aussi en fonction de la quantité de contenu
académique qui est enseignée dans la langue seconde. Par « contenu acadé-
mique », nous entendons l’enseignement des matières prescrites dans le cur-
riculum de l’école et dont l’objectif principal n’est pas sur la langue, comme
les mathématiques, les sciences, l’histoire et la musique. Cela n’inclut donc
pas l’enseignement des langues, comme l’anglais et le français, bien que les
programmes d’immersion incluent généralement l’enseignement des « arts
du langage ». Au début de l’immersion totale, toutes les matières scolaires,
de la maternelle à la deuxième année du primaire, sont enseignées en fran-
çais. L’enseignement en anglais commence à la troisième année du primaire
et augmente à chaque année scolaire subséquente jusqu’à ce que 50 % de
l’enseignement soit dispensé dans la langue seconde et 50 % dans la langue
maternelle. Cet objectif est progressivement atteint à la fin de l’école élémen-
taire (12 ans). Dans les programmes d’« immersion partielle précoce » qui
débutent à la maternelle et se terminent à la fin du cycle primaire, environ
50 % de l’enseignement du contenu académique est dispensé dans chacune
des deux langues. En « immersion intermédiaire », l’utilisation de la langue
seconde pour l’enseignement du contenu est retardée jusqu’à la troisième
année. En « immersion tardive », la deuxième langue n’est pas utilisée pour
l’enseignement du contenu académique avant la 7e année (environ 12 ans),
année qui correspond à la première année de l’enseignement secondaire
au Canada (pour une description détaillée des programmes d’immersion
canadiens, voir Genesee, 2004 et Paradis et al., 2011). Durant les années
scolaires qui précèdent l’utilisation de la langue seconde pour l’enseignement
du contenu académique, les élèves inscrits aux programmes d’immersion
« intermédiaire » et « tardive » ont des cours de français langue seconde.
114 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Des graphiques résumant les trois modèles d’immersion les plus communs
au Canada sont présentés à la figure 4.1.

Figure 4.1. Description schématique des programmes d'immersion


canadiens
Programmes d’immersion totale précoce
% temps dans chaque langue

100%
90%
80%
70% anglais
60% français
50%
40%
30%
20%
10%
0%

Programmes d’immersion intermédiaire


100%
90%
% temps dans chaque langue

80%
70% anglais
60% français
50%
40%
30%
20%
10%
0%

Programmes d’immersion retardée (de deux ans, dans le présent exemple)


100%
% temps dans chaque langue

90%
80%
70% anglais
60%
français
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 115

2.2 Efficacité des programmes d’immersion


Les chercheurs canadiens qui ont évalué l’efficacité des différentes
formes d’immersion française ont découvert que, en général, les élèves qui
participent à des programmes qui consacrent plus de temps au français
surpassent les élèves des programmes d’immersion qui consacrent moins
de temps au français. Par exemple, Genesee (2004) a trouvé que les élèves
dans les programmes d’immersion totale précoce atteignent habituelle-
ment des niveaux de compétence en français plus élevés que les élèves
des programmes d’immersion partielle précoce, intermédiaire et tardive ;
l’immersion totale précoce accorde plus de temps dans la langue seconde au
primaire et au secondaire que ces autres options. Cependant, les chercheurs
canadiens ont également trouvé que peu ou pas de relations existent entre
la quantité d’exposition à l’anglais, la langue maternelle des élèves, et leur
niveau de réussite en anglais à plus long terme. De façon plus concrète, les
programmes d’immersion totale précoce qui ont été évalués par Genesee
(2004) n’ont débuté l’enseignement de l’anglais qu’à la troisième année
– année scolaire durant laquelle l’anglais a été enseigné approximativement
une heure par jour. Malgré cette exposition à l’anglais plutôt réduite, les
élèves du programme d’immersion totale précoce performent aussi bien
que les élèves des programmes d’immersion partielle, intermédiaire et
tardive, et ce malgré le fait que, dans ces trois types d’immersion, l’anglais
est enseigné dès la maternelle. Ces résultats ont été obtenus à des tests de
lecture, d’écriture, d’orthographe et de compétences linguistiques orales. Il
est important de mentionner que tous les élèves qui ont participé à ces éva-
luations étaient comparables en termes d’habiletés académiques générales
et de statut socio-économique. De plus, les élèves fréquentaient souvent les
mêmes écoles, les programmes d’immersion se retrouvant souvent au sein
d’établissements d’enseignement régulier. Ainsi, les facteurs principaux
pouvant avoir favorisé les élèves en immersion ont été éliminés et, donc, ne
peuvent expliquer les résultats.
Comment des élèves qui ont moins d’instruction dans leur langue
maternelle à l’école peuvent-ils performer aussi bien que des élèves qui sont
instruits uniquement dans leur langue maternelle ? Il y a au moins deux
explications possibles. Premièrement, l’exposition réduite à l’anglais dont
les élèves canadiens dans les programmes d’immersion font l’expérience
est compensée par leur immersion totale à l’anglais en dehors de l’école.
Comme l’anglais est une langue majoritaire bénéficiant d’un statut élevé,
les élèves en immersion ont d’innombrables occasions d’écouter, de parler
et d’écrire l’anglais en dehors des heures de cours. La motivation des élèves
à apprendre l’anglais est également très élevée. En résumé, les élèves en
immersion sont dans un environnement d’apprentissage bilingue additif qui
supporte l’acquisition de leur langue maternelle alors qu’ils apprennent une
langue additionnelle. Nous verrons plus tard que ce n’est pas le cas de tous
116 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

les élèves et, plus particulièrement, que ce n’est pas le cas des élèves immi-
grants qui parlent une langue minoritaire à la maison.
Le transfert peut également contribuer à expliquer pourquoi le
développement de la langue maternelle des élèves en immersion n’est pas
retardé. Un nombre croissant d’études suggère que certains types d’habile-
tés langagières peuvent être transférées d’une langue à l’autre (e.g., Riches
& Genesee, 2006 ; voir Cummins, 1981, pour une première discussion sur
cette question). Les meilleurs exemples sont les habiletés associées à la
lecture. Plusieurs études récentes portant sur l’acquisition de compétences
en lecture suggèrent que les élèves qui ont des habiletés de décodage bien
développées dans une langue peuvent transférer ces habiletés à l’autre
langue (voir August & Shanahan, 2006 ; Riches & Genesee, 2006, pour plus
de détails). De même, les élèves dont la compréhension de textes, comme
des histoires ou des manuels scolaires, est bien développée peuvent transfé-
rer ces habiletés à une autre langue, à condition de connaître la forme orale
de cette langue. Les compétences de prélittératie, comme la conscience
phonologique ou la connaissance des correspondances lettres et sons sont
particulièrement faciles à transférer d’une langue à une autre. Alors que les
élèves en immersion acquièrent des compétences de prélittératie, comme
le décodage de mots ou des habiletés de compréhension en français, leur
langue seconde, ils acquièrent également des habiletés qui peuvent être
appliquées à la lecture de l’anglais et, comme ils connaissent déjà l’anglais
dans sa forme orale, apprendre à lire en anglais est pour eux relativement
rapide. Les élèves en immersion sont également exposés à des formes
écrites de l’anglais en dehors de l’école. L’exposition aux formes écrites de
leur langue maternelle en dehors de l’école supporte l’acquisition de com-
pétences en littératie chez les élèves en immersion, et ce malgré le fait que
leur apprentissage de la lecture et de l’écriture se fasse en français. Comme
Cummins (1981) l’a soutenu, il y a interdépendance développementale en
ce qui a trait à l’acquisition des habiletés reliées à l’utilisation académique
du langage. Il est intéressant de noter que des résultats similaires ont été
trouvés par Lindholm-Leary & Borsato (2006) aux États-Unis, particulière-
ment en ce qui a trait à l’importance de la quantité d’exposition à une langue
majoritaire, comme l’anglais, à l’école et l’acquisition de cette langue. Ce
qui est intéressant à propos de cette recherche, c’est que, parmi les élèves
évalués, se trouvaient des locuteurs natifs de l’espagnol avec peu ou pas de
compétence en anglais au début de leur scolarité ; ces élèves sont souvent
désignés comme étant des « apprenants de langue anglaise », groupe auquel
nous nous référerons en utilisant l’acronyme ALA. Aux États-Unis, certains
ALA participent à des programmes bilingues dans lesquels l’enseignement
est dispensé en espagnol dès la maternelle. Dans certains cas, plus de 90 %
de l’enseignement primaire (de la maternelle à la deuxième année) est effec-
tué en espagnol alors que le reste est effectué en anglais. Cette tendance se
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 117

poursuit jusqu’à la troisième année, année au cours de laquelle la quantité


d’enseignement qui est effectué en anglais atteint 50 % et continue à 50 %
jusqu’à la fin de l’école élémentaire. Lindholm-Leary et Borsato (2006) ont
rapporté que, malgré leur exposition réduite à l’anglais, les ALA étudiant
dans des programmes bilingues performent aussi bien à des tests d’anglais
standardisés que les apprenants de langue anglaise fréquentant des pro-
grammes dont l’intégralité de l’enseignement est effectuée en anglais. Cette
parité avec les élèves fréquentant des programmes entièrement anglais n’est
pas atteinte immédiatement, mais devient évidente à la quatrième année du
primaire, ou plus tard, après plusieurs années passées dans leur programme
bilingue. Comme l’ont fait valoir Lindholm-Leary et Borsato (2006), et plu-
sieurs chercheurs canadiens, le statut élevé de l’anglais ainsi que l’exposition
élevée des élèves à l’anglais en dehors de l’école minimise les conséquences
potentiellement négatives de l’exposition réduite à l’anglais dans ces pro-
grammes bilingues.

2.3 Importance du contexte pédagogique


Il y a également un autre facteur qui permet d’expliquer pourquoi
il n’y a pas de relation simple entre la quantité de temps d’enseignement
et l’apprentissage d’une langue à l’école – à savoir, la qualité de l’environ-
nement d’apprentissage. Les recherches menées par Stevens (1983), par
exemple, soulignent l’importance des facteurs pédagogiques et, plus parti-
culièrement, la qualité de l’enseignement. Stevens a évalué les résultats en
français langue seconde de deux groupes d’élèves anglophones dans deux
différents programmes d’immersion tardive à Montréal. Les élèves dans ces
programmes ont reçu environ 45 minutes par jour d’enseignement en fran-
çais langue seconde depuis la maternelle (dès 5 ans). En septième année,
un groupe a passé 80 % de ses journées en immersion en français – toutes
les matières, mis à part l’anglais, ont été enseignées en français (programme
de journée complète). L’autre groupe a pour sa part passé la moitié de ce
temps (environ 40 % par jour) en français – les mathématiques, les sciences
et les langues ont été enseignées en français (programme de demi-journée).
Malgré leur exposition réduite au français, les élèves dans le programme de
demi-journée ont performé aussi bien, ou presque aussi bien, que l’autre
groupe lorsqu’évalués avec une variété de tests de français. Stevens (1983)
a attribué la performance impressionnante des élèves du programme de
demi-journée à l’approche pédagogique du programme. Le programme de
demi-journée a mis l’accent sur un apprentissage individualisé basé sur
des activités ainsi que sur un programme scolaire qui permet aux élèves de
choisir ce qu’ils veulent apprendre et comment ils pourront satisfaire aux
objectifs du programme. Plus particulièrement, l’enseignement des langues a
été intégré dans des activités et projets intéressants et engageants – comme
la construction de modèles de stations spatiales ou l’exploration de la vie
118 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

animale et végétale de parcs environnants. En revanche, le programme


d’une journée avait une approche centrée sur le groupe, ce qui signifie que la
matière scolaire portait sur des domaines spécifiques que les élèves devaient
retenir en vue des examens. Stevens a fait valoir que, malgré une plus faible
exposition à leur langue seconde dans des programmes basés sur des acti-
vités, ces élèves étaient très motivés à apprendre le français parce qu’ils
avaient choisi ce qu’ils voulaient apprendre, mais également parce qu’ils
ont eu l’opportunité d’utiliser leur langue seconde pour aborder des sujets
d’intérêt. Dans des programmes centrés sur l’enseignant, c’est à ce dernier
qu’incombe la tâche de parler et les élèves ont rarement l’opportunité d’utili-
ser leur langue seconde. Ces résultats sont importants parce qu’ils indiquent
que, bien qu’il soit important pour les élèves dans des programmes bilingues
d’avoir l’opportunité d’utiliser leur langue seconde afin de l’apprendre, cela
n’est pas suffisant. Ils doivent également avoir des opportunités intéressantes
d’utiliser leur langue dans des contextes stimulants sur le plan cognitif. En
effet, des études au Canada et aux États-Unis indiquent que l’enseignement
des langues dans des programmes scolaires dans lesquels le contenu est
enseigné dans une langue seconde, ou même une troisième langue, devrait
être : méthodique, planifiée, explicite et soigneusement liée aux besoins des
élèves en termes de communication (e.g., Echevarria, Vogt, & Short, 2008 ;
Lyster, 2007 ; Snow, Met, & Genesee, 1989 ; Swain, 1998).

3. LE MYTHE DU BILINGUISME
ET DES TROUBLES DU LANGAGE
Les enfants ayant des difficultés d’apprentissage des langues sont
souvent considérés comme de mauvais candidats pour l’apprentissage de
deux langues. Ces considérations sont fondées sur l’hypothèse qu’apprendre
deux langues simultanément ou successivement augmentera leur risque
d’avoir de faibles habiletés langagières, et ce davantage que s’ils n’apprennent
qu’une seule langue. Sont particulièrement préoccupants les enfants ayant
des troubles spécifiques du langage (TSL), aussi appelés enfants dyspha-
siques. Il est estimé que les TSL affectent de 5 % à 10 % des enfants. On
pense qu’il existe une composante génétique aux TSL parce que les enfants
concernés sont souvent plus susceptibles que les enfants sans TSL d’avoir un
membre de leur famille qui a également des difficultés langagières (Leonard,
1998). Les enfants ayant des TSL présentent des retards importants de déve-
loppement précoce du langage et leurs compétences linguistiques, durant
leur développement, sont sensiblement inférieures à celles de leurs pairs
du même âge. Cependant, les autres aspects du développement des enfants
avec TSL se développement de façon typique – ils n’ont aucun problème
perceptuo-moteur, neuro-cognitif ou socio-affectif qui pourraient expliquer
leurs difficultés langagières. Les enfants ayant des TSL peuvent présenter
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 119

des difficultés avec les aspects lexicaux, morpho-syntaxique et pragmatique


du langage (voir Leonard 1998, pour un examen de la recherche sur les
enfants unilingues avec TSL ; Paradis et al., 2011, pour un examen de la
recherche sur les enfants bilingues avec TSL). Les difficultés d’apprentissage
des aspects morpho-syntaxiques de la langue sont des indicateurs de TSL
particulièrement robustes et ce sont ces difficultés qui ont reçu beaucoup
d’attention de la part des chercheurs.

3.1 Le bilinguisme et les TSL


Malgré ces craintes, les recherches sur le développement du lan-
gage des enfants bilingues simultanés avec TSL indiquent qu’ils présentent
des difficultés morpho-syntaxiques dans leurs deux langues, mais que ces
difficultés sont les mêmes que celles des enfants unilingues avec TSL qui
apprennent les mêmes langues, autant en ce qui a trait aux difficultés
éprouvées dans chacune des langues, mais également en ce qui a trait à la
magnitude de leurs difficultés (voir Gutierrez-Clellen, Wagner, & Simón-
Cereijido, 2008 ; Paradis, Crago, Genesee, & Rice, 2003). En d’autres termes,
les difficultés d’apprentissage des langues qu’éprouvent les enfants bilingues
avec TSL ne semblent pas amplifier leurs difficultés, du moins lorsqu’ils sont
comparés aux enfants unilingues ayant des TSL. Les enfants bilingues avec
TSL ne sont cependant bilingues que dans les limites fixées par leur capa-
cité d’apprentissage. En d’autres termes, ces enfants peuvent acquérir des
compétences fonctionnelles dans deux langues en même temps, mais dans
les limites de leur déficit. Ces résultats réfutent l’idée que le bilinguisme
augmente les difficultés langagières des enfants avec des TSL.
Un mythe similaire associé aux enfants présentant des problèmes
d’apprentissage des langues concerne les enfants d’âge scolaire qui fré-
quentent des programmes bilingues/d’immersion. Dans le cas des apprenants
d’âge scolaire, on croit souvent que les élèves qui ont de faibles compétences
linguistiques dans leur langue maternelle, ou qui ont des TSL, seront plus à
risque dans un programme d’immersion/bilingue à cause de leurs difficultés
langagières. Exclure ces enfants des programmes bilingues peut avoir des
conséquences considérables à long terme, surtout pour des enfants qui
vivent au sein de familles bilingues ou dans des communautés où l’acquisi-
tion de deux langues est importante. Ce type de décision peut également
réduire, à la fin de leur scolarité, leurs opportunités de trouver des emplois
qui requièrent la maîtrise de plus d’une langue. Malgré l’importance de cette
question, il y a remarquablement peu de recherche portant sur la pertinence
des programmes d’immersion/bilingues pour les enfants avec des troubles du
langage, exception faite du travail de Maggie Bruck à Montréal. Afin d’étudier
cette question, Bruck (1978, 1982) a identifié des sous-groupes d’enfants
en troisième année du primaire fréquentant des programmes d’immersion
ou des programmes unilingues réguliers. Le développement de la langue
120 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

maternelle de ces enfants a été classé comme « normal » ou « altéré ».


Cette classification a été effectuée à l’aide de plusieurs indicateurs, dont la
performance des enfants à des tests de langage et des évaluations de leurs
enseignants. Lorsque Bruck a évalué la littératie et la réussite scolaire de ces
enfants de troisième année, elle a trouvé que les élèves en immersion ayant
de faibles capacités dans leur langue maternelle démontrent des niveaux
d’habiletés langagières en anglais et de réussite scolaire semblables à ceux
d’enfants présentant des difficultés similaires étudiant dans des programmes
unilingues anglais. En d’autres termes, la performance des élèves en immer-
sion n’était pas plus faible que celle des élèves de programmes unilingues
avec des difficultés langagières similaires. De plus, les élèves en immersion
présentant des difficultés ont pu acquérir une compétence langagière en
français significativement supérieure à celle des enfants ayant les mêmes
difficultés mais qui fréquentent le programme unilingue conventionnel d’ins-
truction en français langue seconde.

3.2 Éducation bilingue et autres particularités


Les inquiétudes quant à la pertinence des formes d’éducation
bilingue pour les élèves qui peuvent présenter des difficultés scolaires vont
au-delà de celles concernant les élèves ayant des difficultés langagières. Plus
précisément, on pense souvent que les élèves ayant une faible capacité aca-
démique, les élèves issus de familles défavorisées et les élèves appartenant
à des groupes ethniques minoritaires ne devraient pas participer à des pro-
grammes d’immersion/bilingues. Dans des programmes scolaires réguliers,
ces élèves performent souvent, mais pas toujours, plus faiblement que les
élèves ne présentant pas de telles particularités et, donc, on pense souvent
que leurs chances de réussite scolaire seront davantage compromises dans
des programmes bilingues. Des chercheurs canadiens ont examiné la perfor-
mance de ces types d’élèves au sein de programmes d’immersion en français
parce que ce sujet soulève des questions importantes en matière d’équité
et d’accès à des programmes particulièrement positifs (voir Genesee, 2004,
2007, pour des examens plus détaillés de ces études).
Les recherches menées par Genesee (1976) à Montréal auprès
d’élèves en immersion, à risque à l’école en raison de leurs faibles apti-
tudes scolaires, indiquent que la langue maternelle et le développement
académique de ces élèves ne sont pas affectés de façon différente lorsqu’ils
sont comparés à des élèves similaires qui évoluent dans des programmes
unilingues anglophones. Genesee a par ailleurs constaté que les élèves en
immersion aux habiletés sous la moyenne performent parfois aussi bien
que les élèves en immersion dont les habiletés sont dans la moyenne à des
tests de compréhension auditive et d’expression orale, mais qu’ils éprouvent
davantage de difficultés aux tests de lecture. De même, la recherche de
Bruck (1985) a constaté que les élèves en immersion qui ont des difficultés
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 121

scolaires et qui sont restés dans le programme malgré leurs difficultés ont
progressé au même rythme que des élèves aux habiletés similaires fré-
quentant des programmes unilingues en ce qui a trait à leur performance
académique ainsi qu’à leurs habiletés dans leur langue maternelle. Bruck
(1985) et Genesee (1976) ont également constaté que, chez les élèves ayant
des difficultés académiques, les programmes d’immersion leur ont permis
d’atteindre des niveaux plus élevés de compétence fonctionnelle en français.
Les études portant sur des élèves en immersion issus de milieux
socio-économiques relativement faibles indiquent que les participations à des
programmes d’immersion précoce n’augmentent pas leurs risques de déve-
lopper des difficultés langagières, des problèmes de littératie ou de dévelop-
pement académique que des élèves issus de milieux similaires fréquentant
des programmes exclusivement en anglais (e.g., Bruck, Tucker, & Jakimik,
1975 ; Holobow, Genesee, & Lambert, 1991). Comme on peut le déduire de
leur faible statut socio-économique, en tant que groupe, les enfants défavo-
risés en immersion performent significativement plus faiblement que leurs
homologues de classe moyenne, mais ne performent pas plus faiblement
que les enfants défavorisés fréquentant des programmes unilingues. En ce
qui concerne la compétence dans la langue seconde, il a été constaté que
les élèves en immersion issus de milieux économiquement défavorisés per-
forment généralement mieux que des élèves tout aussi défavorisés dans des
programmes de français langue seconde conventionnels, et ce à toutes les
mesures de compétence langagière.
Un autre facteur de risque à l’école est l’appartenance à une minorité
ethnique. Dans des écoles d’Amérique du Nord, les élèves issus de mino-
rités ethniques ont des taux disproportionnellement élevés de difficultés
et d’échec (e.g., Capps et al., 2005). Qu’en est-il de ces élèves lorsqu’ils
fréquentent des programmes bilingues/d’immersion ? Les évaluations des
programmes d’immersion aux États-Unis sont incluses ici dans le but d’élar-
gir notre base de connaissances. Des études pertinentes ont été réalisées
sur des programmes d’immersion mohawk pour les enfants anglophones
d’origine mohawk à Montréal (Jacobs & Cross, 2001) ; des programmes
d’immersion française en Ohio (Holobow, Genesee, Lambert, Gastright, &
Met, 1987) et en Louisiane (Caldas & Boudreaux, 1999) qui incluaient des
élèves afro-américains et des programmes d’immersion hawaïenne pour des
enfants anglophones d’origine hawaïenne aux États-Unis (Wilson & Kamana,
2011). Les élèves de ces programmes sont intéressants parce que, malgré
le fait qu’ils fréquentent des établissements anglophones, ils sont à risque
d’échec scolaire du fait qu’ils sont membres de groupes ethniques minori-
taires. De plus, comme les Afro-Américains, certains parlent une variété
non standard de la langue majoritaire (p. ex., les enfants hawaïens parlent
souvent de l’anglais créole hawaïen ou le pidgin). Ces enfants apprennent
donc leur langue maternelle, une forme non standard de la langue majoritaire
122 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

et, troisièmement, l’anglais dans sa forme standard. Les résultats de ces


recherches indiquent que le développement langagier, en anglais standard, et
la réussite scolaire des enfants issus de groupes minoritaires sont similaires,
qu’ils fréquentent ou non un programme d’immersion. Il est donc possible
de considérer que l’immersion constitue un avantage pour les élèves issus de
groupes ethniques minoritaires, car cela leur permet également d’atteindre
des niveaux élevés de compétence dans une langue seconde.

4. LE MYTHE DES ÉLÈVES DE LANGUE


MINORITAIRE
Le dernier mythe que nous allons considérer dans le présent chapitre
concerne les enfants qui parlent une langue minoritaire à la maison et qui
doivent apprendre, comme langue seconde, la langue dominante sociale-
ment. Plusieurs parents et éducateurs assument que ces enfants devraient
commencer à apprendre et à utiliser la langue majoritaire le plus rapidement
possible afin de réussir dans des établissements scolaires de langue majori-
taire et de s’intégrer dans la culture dominante. Cette croyance est liée, en
partie, au mythe du « temps sur la tâche », abordé plus tôt. Ce mythe fait en
sorte que les enfants de langue minoritaire débutent leur apprentissage de
la langue majoritaire plus tôt dans le but d’atteindre une meilleure compé-
tence dans cette langue et d’être mieux préparés à la scolarisation dans la
langue majoritaire. Ce mythe est également lié à l’hypothèse de la période
critique – hypothèse qui stipule que l’acquisition de langues secondes en bas
âge est plus avantageuse. Ce mythe est largement répandu, non seulement
par des locuteurs de la langue majoritaire, mais aussi par les parents parlant
une langue minoritaire qui se sentent obligés d’interrompre ou de limiter
l’utilisation de leur langue à la maison et de favoriser la langue majoritaire,
et ce même s’ils ont une connaissance limitée de la langue majoritaire (voir
Cummins, 2000, pour une discussion approfondie sur ce sujet et d’autres
questions connexes).

4.1 Influence des parents


Comme le mythe du « temps sur la tâche », la relation entre la
réussite des élèves de langue minoritaire dans les écoles de la majorité
linguistique et le maintien de la langue minoritaire est plus complexe qu’on
ne le réalise. D’une part, la compétence en anglais lors de l’entrée à l’école
est susceptible d’être un avantage pour les élèves qui grandissent dans des
foyers de langue minoritaire, surtout s’ils acquièrent des niveaux avancés
de compétence en anglais, car ils posséderont déjà une certaine maîtrise de
la langue d’enseignement (Reese, Garnier, Gallimore, & Goldenberg, 2000).
D’autre part, beaucoup de parents de langue minoritaire, particulièrement
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 123

les immigrants récents, ont une connaissance limitée de la langue de la majo-


rité et sont souvent incapables de lire et écrire cette langue. Ils ne sont donc
pas toujours en mesure de donner à leurs enfants un apport adéquat dans
la langue de la majorité pour vraiment les préparer à l’école. De plus, si les
parents de langue minoritaire essaient d’utiliser la langue majoritaire pour
éduquer leurs enfants, ces derniers n’auront pas l’opportunité d’acquérir leur
langue d’origine ou, du moins, des niveaux élevés de compétence dans cette
langue, en ce qui a trait à la littératie tout particulièrement. De plus, comme
Wong Fillmore (1991) l’a noté, les parents de langue minoritaire peuvent ne
pas être en mesure de former des liens affectifs forts avec leurs enfants ou de
socialiser leurs enfants adéquatement s’ils tentent d’utiliser une langue qu’ils
ne maîtrisent pas. En fait, la recherche tend à démontrer qu’être compétent
dans une langue minoritaire n’empêche pas nécessairement les enfants
d’acquérir la langue majoritaire. Au contraire, dans certains cas, une bonne
connaissance de la langue minoritaire peut faciliter l’acquisition de l’anglais
langue seconde. Deux examens approfondis de la recherche sur l’acquisi-
tion de compétences en littératie par des élèves de langue minoritaire ont
récemment été menés aux États-Unis (August & Shanahan, 2006 ; Genesee,
Lindholm-Leary, Saunders, & Christian, 2006). Beaucoup d’études qui ont
été menées par la suite ont aussi examiné le lien entre la littératie et d’autres
compétences linguistiques académiques chez les élèves qui connaissent deux
langues. Nous nous appuierons sur des études qui ont examiné l’acquisition
de l’anglais langue seconde au Canada et aux États-Unis pour ce domaine de
recherche, mais des études menées dans d’autres pays, comme les Pays-Bas
(Verhoeven, 2000), ont trouvé des résultats similaires.

4.2 Facilitations interlinguistiques


Des examens et des études menées aux États-Unis et au Canada four-
nissent des preuves convaincantes de la facilitation interlinguistique qui se
produit entre la langue parlée à la maison par les élèves de langue minoritaire
et la langue majoritaire. Notez que, comme la plupart des études qui suivent
ont été menées aux États-Unis et au Canada, la langue que nous considérerons
comme majoritaire est l’anglais. De solides compétences liées à la littératie
dans la langue minoritaire facilitent l’acquisition de compétences en littéra-
tie, la lecture en particulier, en anglais langue seconde (August & Shanahan,
2006 ; Genesee et al., 2006). Pour être plus spécifique, un examen fait par le
Centre de recherche sur l’éducation, la diversité et l’excellence (Genesee et
al., 2006) et un examen mené par le Comité national de la littératie chez les
enfants et les jeunes de langue minoritaire (August & Shanahan, 2006) ont
tous les deux conclu qu’il y a des corrélations positives entre les habiletés
de lecture en anglais langue seconde et la connaissance de la langue parlée
à la maison chez les élèves de langue minoritaire. Des corrélations positives
ont été trouvées en ce qui a trait au traitement phonologique (la conscience
124 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

phonologique en particulier), le décodage de mots et de pseudo-mots, le


vocabulaire avancé, la compréhension en lecture et certaines compétences
linguistiques orales. La preuve la plus évidente de la facilitation interlinguis-
tique dans l’acquisition de compétence en lecture en anglais provient de la
recherche qui a montré que les élèves des minorités linguistiques ayant des
compétences en littératie, émergentes ou bien développées, dans la langue
maternelle apprennent à lire l’anglais plus facilement que les élèves qui ne
possèdent pas ces compétences. La recherche indique également que les
élèves de langues minoritaires font souvent appel à des compétences et des
connaissances liées à la langue apprise à la maison pour effectuer des tâches
d’alphabétisation dans leur langue seconde, sans doute comme un moyen de
combler leurs lacunes en anglais avant de pouvoir pleinement maîtriser cette
langue (Riches & Genesee, 2006). Par exemple, les élèves hispanophones
qui sont instruits en anglais pourront utiliser leur connaissance du vocabu-
laire apparenté à ces deux langues pour découvrir le sens de mots qu’ils ne
connaissent pas ou ils pourront aussi traduire la matière de l’anglais à l’espa-
gnol dans le but de comprendre des textes plus complexes. Les influences
facilitatrices des compétences linguistiques dans la langue maternelle sont
particulièrement évidentes au cours des premiers stades de l’apprentissage
de la lecture, où l’accent est mis sur le décodage des mots, mais il est évident
même à un stade avancé lorsque les tâches sont complexes et difficiles (Lan-
ger, Barolome, Vasquez, & Lucas, 1990). Jimenez, Garcia et Pearson (1996)
ont constaté que les ALA qui ont de bonnes capacités de lecture en anglais
langue seconde utilisent les mêmes compétences et les mêmes stratégies
lorsqu’ils lisent dans leur langue maternelle ou en anglais, mais également
que ces élèves considèrent que leur langue maternelle est un outil utile pour
la lecture et l’écriture de l’anglais. En revanche, les ALA ayant de faibles
compétences en lecture ont indiqué que l’utilisation de leur langue mater-
nelle ne ferait qu’interférer avec leur apprentissage de l’écriture et la lecture
en anglais. Ainsi, tous les élèves de langues minoritaires ne semblent pas
être en mesure de capitaliser sur leur langue maternelle pour soutenir leur
apprentissage de la lecture et de l’écriture en anglais. En conséquence, une
méthode d’instruction qui attire l’attention des élèves de langue minoritaire
aux liens qui existent entre leur langue maternelle et la langue majoritaire
peut entraîner des bénéfices pour tous les apprenants de langue seconde.

4.3 Minorités linguistiques :


bénéfices des programmes bilingues
Une preuve supplémentaire que la langue maternelle peut être un
atout pour ces élèves provient d’évaluations entre des programmes bilingues
et des programmes uniquement anglophones destinés aux élèves de langue
minoritaire aux États-Unis. Des études ont en effet démontré que, généra-
lement, ces élèves atteignent des niveaux significativement plus faibles de
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 125

réussite à l’école que leurs camarades de la majorité linguistique ; que plu-


sieurs d’entre eux abandonnent l’école et qu’un nombre plus faible d’entre
eux poursuivent des études postsecondaires (Genesee & Lindholm-Leary,
2012, 2013). Il y a d’ailleurs une discussion, toujours en cours, à propos de
la meilleure façon d’éduquer les élèves de langue minoritaire de manière
à combler le fossé qui existe entre eux et les élèves de langue majoritaire.
Il a été proposé que les formes d’enseignement bilingues pourraient
être un bon moyen de soutenir les élèves des minorités linguistiques, car
cela leur permettrait d’être instruits dans leur langue maternelle tout en
apprenant l’anglais. Une variété de formes alternatives d’éducation bilingue
a été développée à cet effet. Ces programmes diffèrent en ce qui a trait à la
quantité d’enseignement qui est dispensé dans la langue minoritaire, quan-
tité qui fluctue entre 90 % et 50 %. Donc, dans les programmes 90:10, 90 %
de l’enseignement est dispensé dans leur langue minoritaire entre la mater-
nelle et la première ou la deuxième année tandis que 10 % de l’enseignement
se fait en anglais. Dans les programmes 50:50, 50 % de l’enseignement est
effectué dans chacune des langues, et ce tout au long des études élémen-
taires (voir Genesee, 1999, pour une description de l’alternative principale).
De nombreuses évaluations de ces programmes bilingues ont été effectuées
en comparaison aux programmes anglophones.
Dans une revue systématique de plusieurs de ces études, Lindholm-
Leary et Borsato (2006) ont conclu que « la plupart des études à long terme
signalent que les élèves (ALA) qui fréquentent ces programmes (bilingues)
le plus longtemps sont ceux dont les résultats académiques sont les plus
positifs. Ces résultats se vérifient que l’on examine les résultats en lecture
ou en mathématiques, le GPA (grade point average), la participation,
l’achèvement des études secondaires, ou encore les attitudes que les élèves
entretiennent envers l’école ou eux-mêmes » (Lindholm-Leary & Borsato,
2006, pp. 201-202).
Bien que les explications de ces résultats puissent paraître nom-
breuses et complexes, une semble davantage plausible et simple. Les élèves
de langue minoritaire à qui l’on enseigne d’abord dans la langue parlée à
la maison ont plus de facilité à acquérir des habiletés en littératie et des
connaissances académiques que les élèves de programmes uniquement
anglophones, car ils sont éduqués dans une langue qu’ils connaissent.
Alors qu’ils apprennent à lire et à écrire dans leur langue maternelle tout
en suivant le programme scolaire, ces élèves apprennent l’anglais afin de
pouvoir éventuellement être en mesure de suivre leurs cours en anglais.
Les ALA dans des programmes uniquement anglophones ont trois défis : ils
doivent maîtriser l’anglais, acquérir de nouvelles compétences en littératie et
d’autres compétences académiques, et s’intégrer socialement dans un nouvel
environnement. Enseigner dans la langue maternelle des élèves de langue
126 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

minoritaire permet également de capitaliser sur les effets interlinguistiques


mentionnés précédemment afin d’accélérer l’acquisition de compétences en
littératie dans la langue majoritaire.

5. CONCLUSIONS
Les résultats examinés dans les sections précédentes ont des
implications importantes pour les parents, les éducateurs et autres pro-
fessionnels, tels que des orthophonistes, qui travaillent avec les jeunes
apprenant deux langues. Des recherches approfondies sur l’acquisition
bilingue simultanée indiquent que l’apprentissage de deux langues est aussi
naturel que l’apprentissage d’une seule langue et que la plupart des enfants
bénéficiant d’un bon environnement d’apprentissage peuvent acquérir
simultanément deux langues au même rythme et de la même façon que
les enfants unilingues.
Les données recueillies sur les enfants ayant des troubles spécifiques
du langage, bien qu’encore relativement limitées, suggèrent que même ces
enfants peuvent acquérir des compétences fonctionnelles dans deux langues
en même temps, mais dans les limites de leur déficit. Par conséquent, les
enfants avec des troubles spécifiques du langage vivant dans des familles ou
des communautés où la connaissance de deux ou plusieurs langues est utile
et importante devraient avoir l’occasion d’acquérir deux langues. Cela inclut
les enfants de parents migrants, les enfants dans des familles qui parlent
une langue autochtone et les enfants dont certains membres de leur famille
parlent une autre langue. Les professionnels, y compris les orthophonistes,
les éducateurs et les médecins qui s’occupent d’enfants ne devraient pas
conseiller aux parents dont l’enfant a ou pourrait développer un problème
d’apprentissage des langues de limiter l’exposition de leur enfant à une seule
langue, puisque, à l’heure actuelle, aucune preuve ne peut justifier ce type
de conseil.
D’autre part, les parents et autres personnes qui s’occupent d’en-
fants bilingues doivent assumer d’importantes responsabilités ; ils doivent
s’assurer que ces enfants obtiennent une exposition adéquate à leurs deux
langues et de veiller à ce que celles-ci soient entièrement acquises. Nous
avons encore beaucoup à apprendre sur l’importance de l’exposition et sur
le bilinguisme simultané ; néanmoins, il semble raisonnable de conclure à
l’heure actuelle que les enfants ont besoin d’une quantité minimale d’expo-
sition, probablement au moins 40 %, pour acquérir des compétences dans
leurs deux langues qui soient comparables à celles des enfants unilingues.
Il semble également probable, bien que les preuves à ce sujet soient anec-
dotiques, que les enfants bilingues doivent bénéficier d’une exposition
continue et régulière à leurs deux langues pour les maîtriser adéquatement.
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 127

Des changements d’exposition brusques et/ou une exposition langagière


irrégulière devraient ainsi être évités.
Lorsqu’il s’agit de planifier l’environnement d’apprentissage langagier
des enfants, une attention particulière devrait être accordée aux enfants qui
parlent une langue minoritaire. Il est conseillé de prévoir une plus grande
exposition à la langue minoritaire qu’à la langue majoritaire à la maison afin
de compenser le manque d’exposition aux langues minoritaires au sein de la
communauté en général. Par exemple, les parents aux États-Unis qui élèvent
des enfants en anglais et en espagnol dans les communautés où l’espagnol
n’est pas largement parlé en dehors de la maison devraient favoriser l’expo-
sition à cette langue à la maison afin d’assurer à leur enfant une exposition
adéquate à cette langue. Il est hautement improbable que le fait de favo-
riser l’utilisation de langues minoritaires à la maison puisse sérieusement
compromettre l’acquisition d’une langue majoritaire chez les enfants si leur
éducation et toutes les expériences qu’ils vivent hors de la maison sont dans
la langue de la majorité. Il en va de même pour les enfants vivant dans des
foyers où une langue indigène est utilisée.
Il est important de noter que les résultats de nombreuses recherches
indiquent clairement que le mélange de codes chez les enfants bilingues
n’est pas un signe de confusion ou de difficulté à apprendre deux langues. Le
mélange des codes est une ressource que les enfants utilisent pour combler
les lacunes qu’ils peuvent avoir dans leurs langues qui sont encore en voie de
développement – le mélange des codes des jeunes bilingues est une démons-
tration de leur compétence grammaticale plutôt qu’un signe de confusion,
contrairement aux craintes et aux croyances exprimées par de nombreux
parents et éducateurs. Les parents, les éducateurs et autres professionnels
n’ont par conséquent pas à s’inquiéter lorsque les enfants mélangent des
codes et ils ne devraient pas non plus tenter de le réprimer. Les enfants
bilingues qui grandissent dans des communautés où deux langues sont
habituellement utilisées séparément apprendront à utiliser leurs deux
langues séparément ou à mélanger des codes lorsque cela est socialement
approprié – par exemple, les enfants bilingues, comme les adultes bilingues,
apprennent à mélanger les codes uniquement au cours de conversations
avec d’autres bilingues.
Quand il s’agit de l’éducation des enfants bilingues, les preuves
indiquent systématiquement que les enfants qui participent à des pro-
grammes d’immersion/bilingue et dont la langue maternelle est la langue de
la majorité atteignent des aptitudes similaires, ou plus élevées, que les élèves
dans des programmes unilingues en ce qui a trait à la langue maternelle et
à la réussite scolaire. En fait, il existe certaines preuves que les élèves des
programmes d’immersion enrichis surpassent les élèves des programmes
monolingues sur des essais dans la première langue, même si les deux
128 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

groupes sont assimilés à des facteurs intellectuels et socio-économiques


(Holobow et al., 1987).
De plus, les élèves des programmes d’immersion/bilingues acquièrent
des niveaux avancés de compétence fonctionnelle dans une langue seconde.
La recherche sur les programmes d’immersion au Canada (Genesee, 2007)
et aux États-Unis (Genesee & Lindholm-Leary, 2013) indique en outre
que l’immersion est appropriée et efficace pour un large éventail d’appre-
nants, y compris les élèves qui ont des difficultés scolaires – les enfants
ayant de faibles niveaux académiques, les enfants ayant de faibles niveaux
de compétence dans leur langue maternelle, les enfants issus de milieux
socio-économiques défavorisés et les enfants anglophones issus de groupes
ethniques minoritaires. À l’heure actuelle, très peu d’études portant sur
les enfants atteints de problèmes perceptuo-moteurs, sociaux et cognitifs
graves ont été effectuées et le nombre d’études portant sur l’apprentissage
des langues chez les enfants ayant des troubles du langage est très limité. Il
est à noter ici que les études portant sur les enfants atteints du syndrome
de Down ont révélé que ces enfants peuvent acquérir des compétences,
dans leurs deux langues, qui sont comparables à celles d’enfants unilingues
atteints du syndrome de Down (Kay-Raining Bird et al., 2005). En bref, nous
ne devrions pas sous-estimer la capacité des enfants à apprendre plusieurs
langues, même dans le cas d’enfants ayant une déficience génétique rendant
difficile l’apprentissage des langues
Il n’existe à l’heure actuelle aucun fait permettant d’exclure des
élèves des programmes d’immersion/bilingues, y compris les élèves qui pour-
raient être à risque de difficultés scolaires. De plus, et comme la recherche
sur l’acquisition bilingue simultanée l’a démontré, l’apprentissage d’une
deuxième langue par le biais d’établissements scolaires et l’apparition des
avantages liés à l’apprentissage de deux langues prennent du temps, environ
4 à 6 ans. L’immersion/l’éducation bilingue requiert un engagement à long
terme de la part des parents et ces derniers devraient s’abstenir de retirer
leurs enfants de ces programmes à moins d’avoir des preuves solides que
leur enfant sera plus compétent dans un programme unilingue.
Bien que plusieurs études aient révélé que les élèves en immersion
sont capables d’acquérir des niveaux avancés de compétence fonctionnelle
dans leur langue seconde, les résultats d’études canadiennes indiquent éga-
lement que, à certains égards, leur compétence est entièrement comparable
à celle des unilingues. Il est important de noter que la compétence des étu-
diants en immersion peut être améliorée si les enseignants se concentrent
sur les formes grammaticales de façon explicite et méthodique en même
temps qu’ils utilisent la langue pour l’enseignement et la communication
sociale. Les éducateurs et les parents qui veulent augmenter la compétence
langagière des élèves en immersion devraient aussi envisager de fournir
Les mythes entourant le bilinguisme chez les enfants 129

à ces enfants des opportunités d’apprentissage en dehors du cadre scolaire


– comme prendre des vacances dans des régions où la deuxième langue
est parlée, des programmes d’échange ou des activités qui augmenteront
l’exposition de ces enfants à la langue seconde en les faisant interagir avec
des enfants du même âge.
Finalement, les recherches portant sur les enfants qui parlent une
langue minoritaire à la maison et qui sont scolarisés dans une langue majo-
ritaire, comme l’anglais aux États-Unis, indiquent qu’ils ne seront pas désa-
vantagés s’ils maintiennent et continuent à apprendre leur langue d’origine,
ce malgré le mythe selon lequel le maintien de la langue minoritaire entrave
l’acquisition de la langue de la majorité linguistique. Au contraire, il y a plus
de résultats qui tendent à démontrer que des niveaux élevés de compétence
dans la langue d’origine, en particulier dans les domaines liés à la littératie
et à la scolarisation, confèrent à ces apprenants un avantage académique
comparativement aux enfants qui ne maîtrisent pas leur langue d’origine
adéquatement.
Les parents qui parlent exclusivement une langue minoritaire
devraient être encouragés à continuer d’utiliser cette langue à la maison avec
leurs enfants. Ces parents devraient tout particulièrement être encouragés
à utiliser la langue minoritaire pour aider leurs enfants à développer des
compétences de base liées à la littératie et aux compétences de la langue
académique. Dans certains cas, les parents peuvent avoir besoin d’une
supervision directe et détaillée pour savoir comment procéder. Il est impor-
tant de donner aux éducateurs et aux autres professionnels qui travaillent
avec ces élèves l’aide et le support dont ils ont besoin pour enseigner aux
élèves des minorités linguistiques comment s’appuyer sur les compétences
et les connaissances qu’ils possèdent dans leur langue maternelle dans le
but d’acquérir la littératie et des compétences académiques dans la langue
d’enseignement. On pourrait même soutenir que les écoles publiques
devraient fournir une éducation bilingue pour les élèves issus de grands
groupes de minorités ethnolinguistiques afin d’améliorer leur compétence
bilingue. Favoriser la connaissance des deux langues chez les élèves issus
de minorités linguistiques conférerait à ces élèves des bénéfices personnels
et professionnels, mais cela permettrait également aux communautés et aux
pays dans lesquels ils vivent à être plus compétitif sur le marché mondial.
Il y a encore beaucoup à apprendre sur l’acquisition bilingue lors
de la petite enfance. Cependant, les résultats des études mentionnées sont
suffisants pour dissiper certains des mythes et des peurs qu’entretiennent les
parents, les éducateurs et les professionnels quant à l’éducation des enfants
bilingues. Nous avons certainement des preuves suffisantes à l’heure actuelle
pour augmenter les efforts déployés par les familles, les communautés et les
écoles et ainsi permettre à davantage d’enfants de devenir bilingues.
130 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

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Chapitre
Les neurosciences
5
cognitives du développement
de la mémoire : implications
pour les sciences de l’éducation
Patricia J. BAUER et Nicole L. VARGA

Dans un ouvrage consacré à allier les neurosciences cognitives et


les sciences de l’éducation, un chapitre sur la mémoire constitue un choix
évident. Un des buts principaux de l’éducation est de favoriser l’apprentis-
sage. La mémoire est un des facteurs les plus importants dans l’apprentissage
et donc dans le développement des connaissances. Ceci étant, à moins que
toutes les connaissances ne soient construites dans l’organisme, elles doivent
être acquises, et ceci grâce à l’apprentissage. Ce dernier peut s’effectuer
de différentes façons (par l’observation, par l’étude, par la pratique, par un
enseignement direct, etc.) et il peut être volontaire ou involontaire. Quels
que soient la source de l’apprentissage et son objectif, afin que les produits
de l’apprentissage soient maintenus dans le temps, ils doivent être conservés
en mémoire. De plus, pour évaluer l’apprentissage, on teste la mémoire. Les
relations étroites entre la mémoire et l’apprentissage impliquent que, afin
de comprendre les processus d’apprentissage qui sont essentiels aux efforts
de l’éducation, nous devons comprendre les processus mnémoniques et la
façon dont ils évoluent durant le développement. Ainsi, l’objectif principal
136 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

de ce chapitre est de mettre en évidence quelques-uns des développements


majeurs des processus mnémoniques qui interviennent plus particulière-
ment durant la scolarité et de les mettre en parallèle avec les changements
cognitifs et neuronaux qui se produisent durant la première décennie de la
vie postnatale et même au-delà. Plus spécifiquement, nous aborderons la
mémoire de travail, la mémoire épisodique et la mémoire sémantique. Ces
trois types de mémoires subissent des changements importants au cours
du développement. Ces changements ont des implications tout aussi impor-
tantes pour l’éducation.

1. CHANGEMENTS DÉVELOPPEMENTAUX
DE LA MÉMOIRE
Bien que la « mémoire » soit un nom singulier, il existe différents
types de mémoire définis selon certaines dimensions : mémoire consciente
ou inconsciente, mémoire volontaire ou accidentelle, durée de conservation
d’une information en mémoire, etc. Étant donné l’importance des change-
ments développementaux des trois types de mémoire (mémoire de travail,
mémoire épisodique et mémoire sémantique) pour les apprentissages expli-
cites en classe, nous allons en effectuer une synthèse (pour une synthèse
des changements développementaux dans d’autres types de mémoire, se
référer à Bauer, 2013).

1.1 Mémoire de travail


La mémoire de travail implique le maintien temporaire (quelques
secondes) d’informations, ainsi que leur traitement (voir de Ribaupierre,
chapitre 6 de ce volume). Les tâches visant à évaluer la mémoire de travail
portent sur la capacité à encoder une partie de l’information et à la garder
à l’esprit pendant une courte période de temps avant de répondre. De
plus, durant cette courte période, l’individu doit traiter l’information d’une
certaine façon (Baddeley, 2000 ; Cowan, 2013). Par exemple, un test de
mémoire de travail fréquemment utilisé implique d’écouter une série de
nombres présentés par un examinateur (p. ex., 8-2-4-5-7-1) et par la suite de
répéter cette séquence dans l’ordre inverse, c’est-à-dire 1-7-5-4-2-8. D’autres
tâches qui mesurent le maintien et le traitement simultané d’informations
incluent notamment la tâche d’empan de lecture : les individus lisent une
série de phrases et tentent de mémoriser le dernier mot de chacune des
phrases (e.g., Daneman & Carpenter, 1980) ; et la tâche d’empan de comp-
tage : les individus comptent le nombre d’items dans une succession de séries
et doivent retenir les sommes (Case, Kurland, & Goldberg, 1982).
Au cours du développement, la mémoire de travail s’améliore systé-
matiquement. Comme le montre Cowan (2013) dans une revue de synthèse,
Les neurosciences cognitives du développement de la mémoire 137

lorsqu’aucun traitement de l’information encodée n’est requis, les enfants en


âge préscolaire sont capables de rappeler en moyenne deux à trois chiffres
ou autres items. Entre 3 et 8 ans, cette capacité augmente rapidement et
de façon linéaire pour atteindre 4 à 6 items à l’âge de 8 ans. Au-delà de
8 ans, l’amélioration de cette capacité est plus lente et atteint un maximum
de 6 à 7 items à l’âge adulte. Pour les tâches qui requièrent une surcharge
de traitements ou de traitement de l’information conservée, la période de
changement la plus importante est retardée. Elle survient entre 6 et 13 ans
et non pas entre 3 et 8 ans (Gathercole, 1999). Il est probable que les déve-
loppements de la mémoire de travail soient liés : (1) à la diminution de la
perte d’informations qui survient entre l’encodage d’une information et son
rappel ; (2) à l’augmentation de la capacité brute (l’espace disponible pour
conserver les items devient plus important) ; et (3) à l’augmentation de la
vitesse de traitement. Ces changements dans le traitement cognitif sont pro-
bablement associés aux développements neurologiques, ce qui sera discuté
dans une section ultérieure.

1.2 Mémoire épisodique


La mémoire épisodique implique la rétention d’informations relatives
à des événements uniques qui peuvent être localisés à un endroit particulier
et à un moment donné (Tulving, 1972, 1983). Elle peut être accidentelle ou
volontaire. Puisque la plupart des contextes éducatifs supposent des efforts
volontaires de la part des enfants pour apprendre, nous synthétisons cette
littérature uniquement (voir Bauer, 2013, pour une synthèse plus complète
des changements développementaux liés à la mémoire épisodique). Les
mémoires volontaires sont celles que nous travaillons constamment afin de
les conserver ; une mémoire volontaire efficace est associée à l’usage de
stratégies au moment de l’encodage, de la récupération ou des deux. Bien
qu’il y ait des évidences d’activité de la mémoire volontaire même durant la
petite enfance (pour une synthèse, voir Roebers, 2013), les changements
les plus frappants liés à l’âge surviennent à la fin des années préscolaires
et durant les premières années scolaires. Durant cette période, les enfants
deviennent plus stratégiques dans leurs comportements mnémoniques
employant un plus grand nombre et une plus grande variété de stratégies et
en tirant de plus grands bénéfices de celles-ci. L’étude du développement de
la mémorisation intentionnelle et de l’usage des stratégies mnémoniques a
commencé avec la publication princeps de Flavell, Beach et Chinsky (1966)
dans laquelle les auteurs remarquent que la répétition verbale (répétition
des noms, des figures à retenir) était plus fréquente chez les enfants plus
âgés que chez les plus jeunes. En effet, seuls 10 % des enfants de 5 ans effec-
tuaient la répétition, alors que 85 % des enfants de 10 ans s’engageaient dans
une telle démarche. Les enfants plus âgés montraient également une meil-
leure capacité mnémonique que les plus jeunes. Les études subséquentes
138 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

ont montré que, même lorsque les jeunes enfants répétaient, ils le faisaient
de façon moins efficace. Comme le montrent par exemple Guttentag, Orns-
tein, et Siemens (1987), les jeunes enfants sont plus susceptibles de répéter
uniquement une partie des stimuli qu’ils doivent retenir (la répétition dite
passive) par opposition aux enfants plus âgés qui répètent plus d’items dans
la liste (répétition dite active ou cumulative). Lorsque les jeunes enfants sont
entraînés à utiliser de manière plus efficace la répétition cumulative, leur
rappel s’améliore mais ils n’atteignent pas nécessairement le niveau observé
chez les enfants plus âgés (Cox, Ornstein, Naus, Maxfield, & Zimler, 1989).
Des tendances développementales similaires sont évidentes pour
d’autres stratégies. Une tâche fréquemment utilisée dans ce genre d’étude
consiste à présenter à l’enfant différents items (p. ex., des cartes avec des
images) en lui demandant de les mémoriser (phase dite d’étude). Après
un temps donné, on retire les items et on demande à l’enfant de nommer
le plus grand nombre d’items qui étaient présents (phase dite de rappel).
Deux des stratégies les plus fréquemment étudiées sont le tri lors de la phase
d’étude et le regroupement d’items lors de la phase de rappel. Par rapport
aux enfants plus âgés, les enfants plus jeunes sont moins susceptibles de
regrouper en catégorie des items similaires lorsqu’ils les étudient (p. ex.,
trier des images appartenant à une même catégorie comme les animaux)
et au moment du rappel, ils sont moins enclins à nommer successivement
les items appartenant à une même catégorie, par exemple chat, chien…
(Bjorklund, Coyle, & Gaultney, 1992 ; Bjorklund, Dukes, & Brown, 2009 ;
Roebers, 2013). Lorsque les enfants plus jeunes sont explicitement appelés
à trier, ils utilisent la stratégie et mémorisent ainsi un plus grand nombre
d’items (e.g., Lange & Pierce, 1992). Toutefois, même avec une consigne
explicite, ils ne mentionnent pas autant d’items que les enfants plus âgés
qui utilisent cette stratégie spontanément. De plus, ils ne transfèrent pas
immédiatement cette stratégie à de nouvelles listes d’items à retenir (e.g.,
Carr & Schneider, 1991).
Plus tard dans leur scolarité, le répertoire des stratégies utilisées
par les enfants s’est étendu de façon importante : ils utilisent les stratégies
spontanément et améliorent ainsi leurs résultats. Par exemple, pendant la
phase d’étude, les enfants de 10 ans nomment les catégories selon lesquelles
les items individuels sont regroupés, se donnant ainsi une stratégie organisa-
tionnelle (e.g., Coyle & Bjorklund, 1997), et ils utilisent leur temps d’étude
à meilleure escient en allouant davantage de temps aux items difficiles
(Dufresne & Kobasigawa, 1989). Pendant le délai entre la phase d’étude et
la phase de rappel, ils vont effectuer un autotest : ils portent leur regard hors
des items et vont se tester à pratiquer leur rappel (e.g., Coyle & Bjorklund,
1997). De plus, pendant la scolarité, les enfants utilisent de plus en plus des
stratégies multiples, par exemple dans une période d’étude donnée ils vont
utiliser le tri et également l’autotest. Plus ils utilisent de stratégies, meilleur
Les neurosciences cognitives du développement de la mémoire 139

sera leur niveau de rappel. Finalement, c’est seulement au début de l’ado-


lescence que les enfants utilisent spontanément la stratégie sophistiquée
qu’est « l’élaboration » (Pressley & Levin, 1977). L’élaboration implique
l’utilisation de connexions ou relation entre deux ou plusieurs items qui ne
sont par ailleurs pas reliés (p. ex., si on demande à l’enfant de retenir une
paire de mots, comme chat et pomme, l’enfant imaginera une situation dans
laquelle un chat mange une pomme). Même lorsque les enfants plus jeunes
utilisent des élaborations, ils ne semblent pas en bénéficier. Ceci illustre
« un déficit d’utilisation » (Miller, 1990) : générer et utiliser une stratégie
n’entraîne aucune amélioration de la mémoire. Comme il sera discuté dans
une prochaine section, l’amélioration liée à l’âge des capacités à retenir déli-
bérément et efficacement l’information épisodique a plusieurs implications
pour l’apprentissage et l’enseignement. La contribution du développement
de la mémoire sémantique est également pertinent. C’est ce que nous trai-
tons dans la partie suivante.

1.3 Mémoire sémantique


La mémoire sémantique constitue notre répertoire de connaissances
du monde (p. ex., à quoi sert un objet, la signification d’un mot, etc.). En plus
de ses fonctions de conservation et de récupération, la mémoire sémantique
montre une capacité frappante à s’accroître de façon à tirer des informations
et à les utiliser de manière productive. Ironiquement, l’apparente facilité avec
laquelle nous acquérons, organisons et développons spontanément notre
mémoire sémantique au cours du développement nous a amenés à sous-
estimer la complexité des processus impliqués et à relativement négliger
les changements développementaux de la mémoire sémantique. Toutefois,
une compréhension de la façon dont nous acquérons nos connaissances est
fondamentale afin de promouvoir l’apprentissage et l’enseignement. Cette
acquisition commence très tôt dans le développement (e.g., Mandler, Bauer,
& McDonough, 1991). Durant la première année de vie, les très jeunes
enfants font preuve d’une rétention à long terme d’objets explicitement
encodés et d’actions séquentielles indiquant un accès précoce aux repré-
sentations conservées (e.g., Carver & Bauer, 1999, 2001). Par exemple, un
examinateur met un jouet, telle une auto, sur un emplacement donné. En
appuyant sur un levier, l’auto se déplace ce qui va provoquer l’allumage
d’une ampoule. Cette séquence est répétée par l’examinateur avec un inter-
valle d’une semaine. Un enfant dès 9 mois peut retenir cette séquence et la
reproduire après un intervalle d’un mois. Pendant la seconde année de vie,
les enfants ont développé des structures de connaissances hiérarchiquement
organisées montrant des distinctions entre catégories taxonomiques tels les
animaux et les véhicules (Mandler et al., 1991), et des catégories contex-
tuelles, tels les instruments de cuisines et les objets de la salle de bain (e.g.,
Mandler & Bauer, 1988). Les jeunes enfants développent également leurs
140 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

connaissances spontanément en établissant de nouvelles connexions et des


compréhensions qui font sens. Ainsi, ils peuvent utiliser la flexibilité de leurs
connaissances existantes afin de former des généralisations à partir d’une
nouvelle information. Par exemple, ils déduisent qu’un nouvel animal (p. ex.,
un tatou) boit dans une écuelle à partir de la connaissance que des animaux
familiers, comme les chiens, ont ce comportement (Mandler & McDonough,
1996). Il est donc clair que notre réseau de mémoire sémantique fonctionne
comme un système hautement efficace afin de : (1) construire un sens à par-
tir de nos expériences ; (2) conserver une information en mémoire ; (3) utili-
ser des structures opérationnelles préexistantes comme base pour de futurs
apprentissages et de futures tâches. La mémoire sémantique, au contraire
de la mémoire épisodique, n’est pas limitée à l’encodage, à la conservation
et à la récupération d’informations obtenues directement de l’expérience.
De nombreuses études ont examiné comment les individus utilisent de
manière flexible l’information afin d’obtenir de nouvelles connaissances, ce
qui est communément appelé résolution de problème logique. Ces travaux
ont permis de mieux comprendre une variété de processus logiques qui sous-
tendent l’extension des connaissances au cours du développement (pour une
synthèse, voir Goswami, 2011). Par exemple, durant les années préscolaires,
les enfants effectuent des déductions, c’est-à-dire qu’ils raisonnent du plus
général au plus spécifique (Dias & Harris, 1988). Par exemple, lorsqu’ils
savent que tous les singes ont des queues, les enfants à qui l’on dit que Bango
est un singe vont en déduire avec succès que Bango a également une queue.
De plus, les enfants en âge préscolaire effectuent des raisonnements induc-
tifs, ce qui implique d’aller au-delà de ce qui est connu ou donné spécifique-
ment afin d’effectuer des généralisations, des inférences, ou des analogies
(e.g., Gelman & Coley, 1990 ; Goswami, 1996). La résolution de problèmes
logiques s’améliore en fonction de l’âge, tout au long des années scolaires et
même par la suite (pour une synthèse, voir Goswami, 2011).
La plupart des recherches sur la résolution de problèmes logiques
impliquent le traitement d’informations à partir d’une seule expérience. Encore
aujourd’hui, l’éducation formelle se base sur le traitement d’informations dans
le temps et dans différents contextes. De plus, l’information ne doit pas seu-
lement être acquise mais également organisée en une base de connaissances
accessibles. L’intégration sémantique est un moyen d’organiser l’information.
Celle-ci consiste à combiner deux traces d’information distinctes afin de géné-
rer une nouvelle compréhension. Les processus impliqués dans la construction
d’une nouvelle connaissance à partir de l’intégration d’épisodes précédents
d’apprentissage sont explorés depuis peu de temps (voir Bauer, 2009 ; 2012,
pour une discussion). Néanmoins, il semble qu’à l’instar d’autres formes de
raisonnement, l’intégration sémantique est importante dans la mesure où elle
joue un rôle fondamental dans la représentation de l’information sémantique,
relationnelle et inférentielle. Cette intégration est présente à l’intérieur et au
Les neurosciences cognitives du développement de la mémoire 141

travers d’épisodes d’apprentissage séparés. De plus, la capacité de générer


une connaissance à travers l’intégration augmente de l’âge préscolaire jusqu’à
la fin de l’âge scolaire (Bauer & San Souci, 2010). Par exemple, alors que des
enfants de 4 ans reconnaissent une information nouvelle à partir de l’intégra-
tion d’épisodes d’apprentissage distincts mais possédant des points communs,
les enfants de 6 ans génèrent la nouvelle information eux-mêmes en la testant.
Comme c’est le cas pour d’autres formes de résolution de problèmes logiques,
la création de nouvelles connaissances par l’intégration d’épisodes distincts
est influencée par une similarité d’apparence entre épisodes : la performance
est plus élevée lorsque les épisodes partagent davantage de points communs
(Bauer, King, Larkina, Varga, & White, 2012).
La performance est également plus élevée lorsque les enfants
obtiennent des « indices » sur le fait que des épisodes séparés possèdent des
liens entre eux (Bauer et al., 2012). Finalement, pour que la connaissance
autogénérée par l’intégration fasse sens sur le plan psychologique, cognitif
et éducatif, elle doit également persister dans le temps. Comme Varga et
Bauer (2013) l’ont mis en évidence, les connaissances nouvellement acquises
demeurent accessibles au rappel au moins durant une semaine. De façon géné-
rale, ce pattern de résultats va dans le sens que l’intégration sémantique sous-
tend le développement de connaissances plus complexes à travers le temps.

2. MÉMOIRE ET APPRENTISSAGE : PROCESSUS


COGNITIFS ET STRUCTURES NEURONALES
Plusieurs facteurs contribuent aux changements drastiques qui sur-
viennent au cours du développement de la mémoire de travail, de la mémoire
épisodique et de la mémoire sémantique. Une explication complète de ces
changements impliquerait de multiples niveaux d’analyse, depuis les événe-
ments cellulaires et moléculaires qui prennent place lorsque l’information est
encodée, jusqu’à l’influence des artefacts culturels qui déterminent la signi-
fication des faits qui doivent être appris et retenus. Dans ce chapitre, nous
allons mettre l’accent sur les processus cognitifs et les structures neuronales
impliquées dans la mémoire et l’apprentissage. Comme il deviendra apparent
dans cette section, ainsi que dans celle qui suit, ces processus changent au
cours du développement, tout comme les structures neuronales qui les sous-
tendent subissent des changements de développement postnatals.
Les connaissances relatives aux processus cognitifs impliqués dans la
mémoire et l’apprentissage proviennent des études du comportement et des
techniques tels les potentiels évoqués liés aux événements (PE, en anglais
ERPs pour Event-Related Potential ; des oscillations électriques enregis-
trées sur le cuir chevelu reflétant les processus neurologiques). Les connais-
sances relatives aux structures neurologiques impliquées proviennent de
142 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

diverses sources incluant des patients avec des lésions cérébrales spéci-
fiques, des modèles animaux qui permettent de mieux comprendre les mala-
dies et les effets de lésions cérébrales ainsi que les techniques d’imagerie,
telle la résonnance magnétique structurelle et fonctionnelle (IRM et IRMf).
Les résultats suggèrent notamment que le maintien temporaire et le traite-
ment d’information en mémoire de travail est dépendant d’un réseau fronto-
pariétal impliquant en particulier le cortex préfrontal dorso et ventrolatéral
ainsi que le cortex pariétal. Les représentations mnémoniques à long terme
(épisodiques et sémantiques) dépendent d’un réseau cortical temporal
impliquant les régions du gyrus temporal médian et du cortex préfrontal. Le
cortex préfrontal est impliqué dans la récupération d’éléments mnémoniques
conservés à long terme. Que l’information soit maintenue brièvement ou sur
une longue durée, les processus mnémoniques commencent avec l’acquisi-
tion d’une expérience initiale. Afin que les expériences persistent en tant
que représentations mnémoniques à long terme, un traitement subséquent
est nécessaire afin de consolider et conserver la représentation avant la
récupération. Nous décrivons ces processus l’un après l’autre.

2.1 Identification initiale


Au fur et à mesure que l’information et les événements sont encodés,
les expériences perceptuelles associées produisent l’excitation de multiples
aires corticales. Chacune d’entre elles est associée à une modalité spécifique,
c’est-à-dire la vision, l’audition et la somesthésie. Les aires sensorielles asso-
ciatives unimodales projettent à leur tour aux aires associatives polymodales
(ou multimodales) pariétale postérieure, préfrontal antérieure et temporale
limbique où les afférences de différentes modalités sensorielles sont inté-
grées donnant lieu à la prise de conscience de l’expérience. Des études chez
l’humain et chez les primates non humains ont montré que pendant de courts
intervalles (de l’ordre de quelques secondes), l’information relative aux objets
ou aux événements est maintenue dans les aires corticales associatives.
Lorsque le fonctionnement normal de ces aires corticales est perturbé par des
lésions ou une maladie, l’oubli survient après un délai de quelques secondes
(pour une synthèse voir Diamond, 2001 et Eichenbaum & Cohen, 2001). Des
processus additionnels sont requis afin que l’information soit disponible pour
le traitement (par exemple en mémoire de travail) ou pour la rétention à long
terme (par exemple dans les mémoires épisodique et sémantique).

2.2 Traitement d’information


temporairement activée
Le traitement de l’information entrante dépend des aires corticales
associatives pour l’activation temporaire ainsi que des structures parié-
tales. Plus spécifiquement, il semble que les aires ventrolatérales du cortex
Les neurosciences cognitives du développement de la mémoire 143

préfrontal sont impliquées dans le maintien de l’information, que les aires


pariétales sont impliquées dans le contrôle du focus attentionnel sur les
items les plus pertinents et que les aires dorsolatérales du cortex préfrontal
sont impliquées dans le traitement des items.

2.3 Transformation des structures temporaires


en représentations à long terme
Les processus de transformation des patterns temporaires d’acti-
vation en représentations mnémoniques à long terme exigent que les
expériences soient non seulement enregistrées dans le cerveau, mais aussi
consolidées et conservées pour une récupération ultérieure. Ces processus
dépendent d’un réseau neuronal à composantes multiples impliquant des
structures de la surface médiane du lobe temporal (c’est-à-dire les structures
médiotemporales) et les lobes frontaux. Au sein de ce réseau, les différentes
composantes de l’expérience sont consolidées dans une trace mnésique
durable. Sur le long terme, les souvenirs sont conservés dans les mêmes
aires corticales qui ont participé à l’enregistrement initial de l’expérience. La
transformation de patterns temporaires d’activations neuronales en mémoire
à long terme implique probablement deux processus qui se déroulent paral-
lèlement : (1) la stabilisation de la trace mnésique par la formation d’asso-
ciations entre les différents éléments d’expérience, et (2) l’intégration de
la trace mnésique dans les aires corticales associatives (e.g., Zola & Squire,
2000). La stabilisation de la trace mnésique commence lorsque les afférences
des aires associatives unimodales et polymodales sont transmises aux struc-
tures des lobes temporaux médians. Les codes neuronaux des représenta-
tions de ces afférences sont réunis dans les lobes temporaux médians où des
liens persistants entre les différents éléments d’expérience sont construits.
Même si la nouvelle information est traitée dans les lobes temporaux
médians, elle est associée à des informations anciennes dans les aires cor-
ticales de conservation. La base des associations consiste en des éléments
communs. Autrement dit, les éléments de l’expérience actuelle activent des
éléments identiques ou similaires conservés dans la mémoire à long terme
produisant ainsi une « convergence synchrone » : les neurones qui sont acti-
vés simultanément à plusieurs reprises ont tendance à être associés. Il en
résulte un pattern entier d’interconnexions entre de nouvelles informations
et des anciennes. Tout au long de la période de consolidation, le pattern est
régulièrement « rafraîchi » par des signaux neuronaux supplémentaires dans
l’hippocampe et le cortex sous-jacent, et entre les structures médiotemporales
et les aires associatives. Finalement, les connexions entre les neurones corti-
caux deviennent « cimentés », après quoi l’activité médiotemporale n’est plus
nécessaire pour le maintien de la représentation (Alvarez & Squire, 1994 ;
McClelland, McNaughton, & O’Reilly, 1995). La représentation mnésique est
144 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

alors conservée dans le néocortex. Selon certaines estimations, les processus


de consolidation et de conservation d’une trace mnésique continuent pendant
des heures, des jours, des mois, voire des années. Un point important est
que, tout au long de la période de consolidation, les traces mnésiques sont
vulnérables aux perturbations et aux interférences et donc susceptibles d’être
oubliées. Elles sont également disponibles pour de nouvelles combinaisons,
un élément essentiel dans l’extension de connaissances sémantiques que nous
avons décrites précédemment.

2.4 Récupération d’information


conservée à long terme
Pour que les représentations mnésiques soient « utilisées » à un
moment ultérieur, elles doivent être récupérées des aires de conservation
à long terme. La récupération implique une réactivation du réseau neuro-
nal représentant l’événement. Cette réactivation se produit parce qu’« un
stimulus interne ou externe, dont la représentation corticale fait partie du
réseau par une association préalable, va réactiver cette représentation et,
encore une fois par l’association, le reste du réseau » (Fuster, 1997, p. 455).
Des études avec des patients cérébrolésés (e.g., Janowsky, Shimamura,
& Squire, 1989) ainsi que des études d’imagerie (pour une synthèse, voir
Maguire, 2001) suggèrent que la récupération d’informations à partir d’aires
de conservation à long terme est réalisée par les circuits qui étaient impli-
qués dans l’encodage de l’expérience initiale, à savoir les aires associatives
en général, et le cortex préfrontal en particulier.

3. CHANGEMENT NEURO-DÉVELOPPEMENTAL
ET IMPLICATIONS POUR LE FONCTIONNEMENT
MNÉMONIQUE
Les réseaux corticaux fronto-temporo-pariétal qui soutiennent la
mémoire et l’apprentissage se développent tout au long de l’enfance. Dans
cette section, nous présentons quelques-uns des événements majeurs de
ce développement. Nous résumons ensuite les données qui établissent les
relations entre les développements neuronaux et les changements compor-
tementaux liés à l’âge.

3.1 Le développement des réseaux de mémoire


En termes de développement du cerveau en général, il y a des
changements à la fois dans la matière grise (neurones) et la matière blanche
(axones myélinisés) et ceci jusqu’à l’adolescence et même au-delà (e.g.,
Giedd et al., 1999 ; Sowell et al., 2004). À l’âge de 5 ans, le cerveau de
Les neurosciences cognitives du développement de la mémoire 145

l’enfant représente environ 90 % de volume de celui de l’adulte (Kennedy,


Makris, Herbert, Takahashi, & Caviness, 2002) avec une augmentation
progressive du volume jusqu’à l’âge d’environ 20 ans (Caviness, Kennedy,
Richelme, Rademacher, & Filipek, 1996). Au-delà de la puberté, le volume
de matière grise diminue possiblement en raison de l’élagage synaptique
(Gogtay et al., 2004 ; Huttenlocher, 1990 ; Jernigan, Trauner, Hesselink, &
Tallal, 1991). Contrairement à la matière grise qui montre un changement
de volume de type curvilinéaire (le volume du cortex cérébral dépassera
temporairement le niveau des adultes avant de diminuer), le volume de la
substance blanche augmente de façon linéaire avec l’âge (Giedd et al., 1999).
Les augmentations du volume de la substance blanche sont associées à une
plus grande connectivité entre les régions du cerveau et à des processus
de myélinisation qui continuent chez le jeune adulte (e.g., Johnson, 1997 ;
Klingberg, Vaidya, Gabrielli, Soseley, & Hedehus, 1999 ; Reiss, Abrams,
Singer, Ross, & Denckla, 1996 ; Schneider, Ilyasov, Hennig, & Martin, 2004).
Les différentes régions corticales se développent à des rythmes
différents (par exemple, Østby, Tamnes, Fjell, & Walhovd, 2011). Plus
précisément, les données longitudinales indiquent que les variations non
linéaires de la matière grise corticale surviennent plus tôt dans les pôles
frontaux et occipitaux, par rapport au reste du cortex cérébral. Ce dernier se
développe dans une direction pariéto-frontale. Le cortex temporal supérieur
est le dernier qui arrive à maturité (bien que les pôles temporaux arrivent
précocement à maturité ; Gogtay et al., 2004). Le cortex préfrontal suit un
développement particulièrement lent. Dans ces régions, le début de l’élagage
des synapses ne commence qu’à la fin de l’enfance et les niveaux adultes
ne sont atteints qu’à la fin de l’adolescence, voire au début de l’âge adulte
(Huttenlocher, 1979 ; Huttenlocher & Dabholkar, 1997). Ces diminutions du
volume de matière grise coïncident avec les processus de myélinisation qui
continuent durant l’adolescence jusqu’à l’âge adulte (e.g., Johnson, 1997 ;
Klingberg et al., 1999 ; Schneider et al., 2004). Des neurotransmetteurs, tels
que l’acétylcholine, n’atteignent par les niveaux adultes avant l’adolescence
(voir Benes, 2001, pour une discussion).
Certaines structures situées à l’intérieur des lobes temporaux se
développent également lentement. Chez les primates, une grande partie de
l’hippocampe arrive rapidement à maturité, avec des niveaux synaptiques et
une utilisation de glucose semblable à l’adulte dès l’âge de 6 mois (Serres,
2001). Le volume de l’hippocampe double durant la première année de vie
(Gilmore et al., 2012) et la cyto-architecture est semblable à celle de l’adulte.
Il y a des augmentations graduelles du volume de l’hippocampe durant l’ado-
lescence (e.g., Gogtay et al., 2004 ; Pfluger et al., 1999 ; Østby et al., 2009 ;
Utsunomiya, Takano, Okazaki, & Mitsudome, 1999). La myélinisation dans
la région de l’hippocampe se poursuit tout au long de l’enfance et de l’ado-
lescence (Arnold & Trojanowski, 1996 ; Benes, Turtle, Khan, & Farol, 1994 ;
146 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Schneider et al., 2004), avec différentes sous-régions de l’hippocampe qui


atteignent des niveaux matures de myélinisation dans la petite enfance
(p. ex., le fimbria), l’enfance (c’est-à-dire les champs CA1 et CA3), et après
la puberté (c’est-à-dire l’hilus du gyrus denté ; Abraham et al., 2010). De
plus, il y a des changements marqués dans la connectivité entre l’hippocampe
et d’autres régions cérébrales au cours du développement. Les connexions
sont formées entre : (a) l’hippocampe antérieur et le cortex préfrontal par
le faisceau unciné (e.g., Kier, Staib, Davis, & Bronen, 2004 ; Petrides & Pan-
dya, 1988 ; Schmahmann & Pandya, 2006) ; (b) l’hippocampe postérieur et
le gyrus parahippocampique postérieur ainsi que le gyrus cingulaire via le
faisceau cingulaire (Mufson & Pandya, 1984 ; Nezamzadeh et al., 2010) ;
(c) l’hippocampe avec des régions thalamiques, le télencéphale et les corps
mamillaires via le fornix (Amaral & Insausti, 1990).

3.2 Implications pour la fonction mnémonique


Le développement des neurosciences cognitives de la mémoire est
dans ses balbutiements. Il n’y a donc pas encore beaucoup de travaux qui
se rapportent directement au développement des structures et des réseaux
neuronaux avec les changements fonctionnels qui les accompagnent. Dans
cette section, nous résumons les principaux résultats publiés à ce jour.

3.2.1 La mémoire de travail


L’amélioration progressive de la mémoire de travail de l’enfance à
l’âge adulte a été attribuée à la lente maturation des lobes frontaux, ainsi qu’à
la formation des réseaux de matière blanche reliant les régions corticales
à l’intérieur du réseau fronto-pariétal. Des résultats suggèrent également
que le réseau neuronal fronto-pariétal exerce des fonctions différentes chez
l’enfant et l’adulte. Structurellement, le faisceau longitudinal supérieur est
la voie principale par laquelle les cortex pariétal et préfrontal latéral sont
connectés (Petrides & Pandya, 2006). Østby, Tamnes, Fjell et Walhovd
(2011) ont étudié les contributions de l’épaisseur corticale et de la matu-
ration de la matière blanche sur les performances en mémoire de travail.
L’amincissement cortical au sein du réseau fronto-pariétal de l’hémisphère
gauche est lié à la conservation de la mémoire de travail alors que le faisceau
longitudinal supérieur est lié à la mémoire de travail pour la conservation
et le traitement. De plus, sur le plan développemental, la relation entre le
faisceau longitudinal supérieur et la mémoire a été observée chez les jeunes
de 12 à 15 ans, alors que la relation entre l’épaisseur corticale et la mémoire
n’a été constatée que chez les jeunes de 16 à 19 ans.
Il y a aussi des preuves de changements développementaux dans
le fonctionnement du réseau fronto-pariétal. Par exemple, Scherf, Sweeney
et Luna (2006) ont testé des sujets âgés de 8 à 47 ans dans une tâche
Les neurosciences cognitives du développement de la mémoire 147

visuo-spatiale de la mémoire de travail, à savoir une tâche de réponse ocu-


lomotrice différée. Ils ont observé une activation plus limitée du cortex pré-
frontal dorsolatéral et des régions pariétales chez les enfants par rapport aux
adolescents et aux adultes. Les adolescents présentaient un réseau plus diffus,
c’est-à-dire qu’en plus des principales régions impliquées dans la mémoire de
travail, le cingulum et la partie antérieure de l’insula sont également recrutés.
Les activations les plus localisées ont été observées chez les adultes qui, en
plus des aires préfrontales dorso- et ventrolatérales, montrent des activations
d’une région du gyrus supramarginal, associée à une amélioration de la per-
formance. À partir de ce modèle, les auteurs ont conclu que le niveau des
performances de la mémoire de travail évolue en fonction de la localisation de
plus en plus précise des régions activées et de leur intégration avec les régions
qui permettent l’amélioration des performances. En résumé, des fonctions de
mémoire de travail de plus en plus complexes impliquent de multiples régions
neuronales organisées dans un réseau de plus en plus connecté et spécialisé
qui subit des variations prononcées du début jusqu’à la fin de l’adolescence.

3.2.2 La mémoire épisodique


Des développements du réseau cortical temporal sont impliqués
dans les changements fonctionnels de la mémoire épisodique. En termes
de structures neuronales, Østby et al. (2011) ont examiné la relation entre
le volume de l’hippocampe et l’épaisseur corticale sur les mémoires à court
terme et à long terme. Sans surprise, les individus âgés de 8 à 19 ans ont
montré de grandes différences dans la capacité de copier, d’organiser et
de conserver des informations visuelles sur une période de 30 minutes
à 1 semaine. Il faut toutefois noter un fait intéressant. Les enfants plus
jeunes ont moins bien réussi à l’encodage de l’information. Néanmoins, si
cet encodage est réussi, la rétention à long terme était comparable à celle
des adolescents plus âgés. Les résultats au rappel après 30 minutes étaient
associés à un cortex orbitofrontal gauche plus mince, alors que la rétention
après une 1 semaine des informations encodées avec succès était liée à une
augmentation du volume de l’hippocampe. Ces résultats sont importants
pour la cartographie des relations entre le cerveau et le comportement. Les
résultats de DeMaster, Pathman, Lee et Ghetti (2013) vont dans le même
sens. Ces auteurs ont observé les relations entre le volume de l’hippocampe
postérieur et le rappel chez les enfants de 8 à 11 ans. Prises ensemble, ces
données indiquent une dissociation entre les processus liés à l’encodage et
à la récupération (Petrides, 2007), lesquels sont soutenus par une réduction
de l’épaisseur du cortex frontal, tandis que la consolidation de la mémoire
semble être soutenue par des augmentations de volume hippocampique (voir
aussi Sowell, Delis, Stiles, & Jernigan, 2001).
Il existe des données limitées sur la fonction neuronale et le fonc-
tionnement de la mémoire épisodique. Des études d’activation effectuées
148 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

lors de tâche d’encodage indiquent des augmentations liées à l’âge en ce qui


concerne la sollicitation des aires préfrontales corticales pendant l’enfance.
Par exemple, une étude récente menée par Wendelken, Baym, Gazzaley et
Bunge (2011) a démontré que les enfants âgés de 8 à 13 ans mobilisent de
plus en plus le cortex préfrontal dorsolatéral lors de l’encodage des visages
et des scènes, lequel module à son tour la mémoire (voir aussi Ofen et al.,
2007). De plus, pour les jeunes adolescents, l’activation hippocampique liée
à l’encodage est corrélée avec le rappel mnémonique des détails des événe-
ments. Chez les enfants de 8 à 11 ans, on observe cette relation au niveau
du cortex préfrontal mais pas au niveau de l’hippocampe (Ghetti, DeMaster,
Yonelinas, & Bunge, 2010).
Des différences fonctionnelles dans l’activité du cortex préfrontal
et de l’hippocampe ont également été observées dans les études dévelop-
pementales en ce qui concerne les processus de récupération. En ce qui
concerne l’hippocampe, une dissociation développementale a été observée
entre les régions antérieures et postérieures. Ainsi, la récupération de l’infor-
mation épisodique entraîne des activations postérieures chez les enfants de
8 à 11 ans, alors qu’elle provoque des activations antérieures chez l’adulte
(DeMaster & Ghetti, 2013). Chez l’adulte, les études suggèrent que l’hippo-
campe antérieur, contrairement à la partie postérieure, est activé même s’il
n’y a pas de similitude perceptive entre l’encodage et la récupération (e.g.,
Giovanello, Schnyer, & Verfaellie, 2009). Ainsi, il est possible que l’augmen-
tation de l’utilisation de la région de l’hippocampe antérieur au cours du
développement améliore la flexibilité cognitive de façon générale, et plus
spécifiquement la récupération efficace (voir Ghetti & Lee, 2013, pour plus
de détails). De plus, DeMaster et Ghetti (2013) ont également constaté une
plus grande activation du cortex préfrontal rostrolateral chez l’adulte pour
des items présentés antérieurement par rapport à des items récemment pré-
sentés, alors qu’aucune différence n’a été observée chez l’enfant. Bien qu’il
reste encore beaucoup à apprendre sur les relations entre le cerveau et le
comportement modulé par le cortex préfrontal et le lobe temporal médian,
il est clair qu’au milieu de l’enfance, l’encodage de la mémoire épisodique
et la récupération des éléments mémorisés sont inextricablement liés à des
changements fonctionnels dans ces régions.

3.2.3 La mémoire sémantique


De par le manque d’attention accordé aux changements développe-
mentaux de la mémoire sémantique, il y a relativement peu de recherches sur
les relations entre le cerveau et le développement de la mémoire sémantique.
En effet, à notre connaissance, il n’existe pas d’étude d’imagerie anatomique
ou fonctionnelle sur cette thématique (voir aussi Ghetti & Lee, 2013). Cepen-
dant, il existe des études électrophysiologiques (PE) qui analysent les pro-
cessus impliqués dans la transition de l’information sémantique nouvellement
Les neurosciences cognitives du développement de la mémoire 149

encodée à celles déjà connues. Les PE constituent une méthode appropriée


pour ce type d’étude en raison de leur bonne résolution temporelle. Ceci
permet l’observation en temps réel de ces processus à partir du moment où
une nouvelle information est spontanément intégrée jusqu’au moment où les
compréhensions sémantiques sont générées. Plus précisément, les PE sont
enregistrés à partir d’électrodes apposées sur le cuir chevelu et sont associés
à des potentiels post-synaptiques excitateurs et inhibiteurs. Ces PE sont liés
dans le temps à la présentation de stimuli spécifiques et sont censés refléter
le traitement de ces stimuli. Plusieurs composantes des PE sont sensibles au
traitement sémantique et peuvent ainsi révéler les mécanismes et le déroule-
ment dans le temps de l’intégration des connaissances. Une composante fiable
est la N400 (Kutas & Hillyard, 1980), une fluctuation négative de voltage qui
atteint une amplitude maximale entre 250 et 500 ms post-stimulus au niveau
de la région centro-pariétale du cuir chevelu (e.g., Federmeier & Laszlo, 2009 ;
Kutas & Federmeier, 2011). Comme le montrent Kuperberg, Sitnikova, Caplan,
et Holcomb (2003), lors du traitement d’un mot qui est sémantiquement incon-
gru dans son contexte (p. ex., « tous les matins au petit déjeuner les garçons
“plantent” »), l’amplitude est marquée par une déviation négative plus grande
comparée à la situation où le stimulus est prévu (p. ex., « tous les matins au
petit déjeuner les garçons mangent »). Les plus grandes amplitudes de l’onde
N400 en réponse aux anomalies sémantiques seraient liées au fait que davan-
tage de ressources sont nécessaires afin de traiter un stimulus incongruant
par rapport à son contexte (e.g., Kutas & Federmeier, 2000). À partir de ces
résultats, les chercheurs en déduisent que l’onde N400 reflète l’intégration ins-
tantanée du sens (p. ex., d’un mot) avec des contextes représentationnels (par
exemple, les mots précédents) et également avec notre connaissance générale
du monde qui détermine cette attente (par exemple la mémoire sémantique,
Brown & Hagoort, 1993 ; Hagoort, Baggio, & Willems, 2009).
L’onde N400 permet de mieux comprendre la façon dont le système
sémantique accède, intègre et construit rapidement le sens d’une information
entrante. En accord avec le début précoce du développement des connais-
sances et l’amélioration de la capacité à intégrer des informations séman-
tiques avec l’âge, les recherches développementales de la N400 indiquent un
déclenchement de cette composante du traitement sémantique dès l’âge de
19 mois (Friedrich & Friederici, 2006). De plus, des études développemen-
tales utilisant les PE ont montré que des changements développementaux
significatifs de l’onde N400 se produisent durant l’enfance et l’adolescence.
Plus spécifiquement, l’étude du traitement sémantique de phrases verbales
et d’informations non verbales significatives ont montré que l’amplitude et
la latence de l’onde N400 diminuent de façon linéaire de 5 à 16 ans (e.g.,
.
Cummings, Čeponiene, Dick, Saygin, & Townsend, 2008 ; Holcomb, Coffey,
& Neville, 1992). Ce modèle est compatible avec les changements cogni-
tifs et neuronaux importants discutés précédemment. Autrement dit, des
150 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

changements dans l’onde N400 en fonction de l’âge sont le reflet de l’augmen-


tation des capacités de traitement sémantique. À leur tour, celles-ci peuvent
être, au moins en partie, attribuées aux changements de l’architecture neu-
ronale qui soutient le développement de la mémoire sémantique.

4. IMPLICATIONS PÉDAGOGIQUES
DES DÉVELOPPEMENTS COGNITIFS
ET NEUROLOGIQUES
Dans le premier paragraphe de ce chapitre, nous avons affirmé le
truisme suivant : à moins que toute connaissance ne soit construite dans
l’organisme, celle-ci doit être acquise par l’expérience et au travers des
apprentissages. À leur tour, les résultats des apprentissages sont conservés
en mémoire. Chacun des types de mémoire présentés dans ce chapitre
– mémoire de travail, mémoire épisodique et mémoire sémantique – a des
implications importantes quant à l’efficacité avec laquelle l’apprentissage se
réalise et les types de mémoire se développent. Ces trois types de mémoire
sont discutés ci-après.

4.1 Mémoire de travail


La mémoire de travail permet de maintenir temporairement des
informations et de les traiter (voir de Ribeaupierre, chapitre 6 de ce volume).
Son importance est déterminante dans des contextes éducatifs où l’informa-
tion qui doit être maintenue et traitée par l’élève est fournie par une source
externe, tel l’enseignant. Elle joue également un rôle important lorsque l’infor-
mation est contrôlée par l’enfant lui-même, comme dans la lecture d’un texte :
il est fréquent que les informations lues précédemment dans une phrase ou
un paragraphe doivent être maintenues ou réutilisées de manière efficace afin
de comprendre l’information fournie plus loin dans le texte. En effet, comme
le soutiennent DeMarie et López (2013), les activités habituelles en classe
sollicitent grandement la mémoire de travail. Ces auteurs donnent l’exemple
d’un enfant qui copie l’information à partir d’un tableau noir. Pour accomplir
cette tâche, l’enfant doit lire et comprendre l’information, ce qui implique la
récupération des informations conservées à long terme et de l’appliquer à
la situation actuelle. En même temps, l’enfant doit maintenir en mémoire la
nouvelle information assez longtemps pour l’écrire. Afin d’obtenir un maxi-
mum d’efficacité, il doit mémoriser l’information avec ses propres mots, ce
qui exige des capacités encore plus élaborées de traitement.
La mémoire de travail est particulièrement sollicitée dans le domaine
de la compréhension en lecture, où elle est censée jouer un « rôle causal »
(St Clair-Thompson & Gathercole, 2006). Une bonne compréhension exige
Les neurosciences cognitives du développement de la mémoire 151

que les mots soient codés, que leurs significations soient accessibles, que le
sens des mots pris individuellement soit rassemblé afin de comprendre de
longs extraits ou des textes, que des déductions soient faites, et que le sens
littéral et son interprétation soient intégrés avec les informations conservées
dans la mémoire à long terme. Ces activités apparemment effectuées sans
effort requièrent en fait la mémoire de travail ; les enfants d’âge préscolaire
qui ont une meilleure mémoire de travail ont également un vocabulaire plus
élaboré (Gathercole & Baddeley, 1989), c’est aussi le cas pour des enfants
qui débutent leur scolarité (Gathercole, Willis, Emslie, & Baddeley, 1991).
La mémoire de travail continue de jouer un rôle important tout au
long de la scolarité. Par exemple, les travaux de Gathercole et Pickering
(2000), Gathercole, Pickering, Knight et Stegmann (2004) ont mis en évi-
dence des liens entre la mémoire de travail et les résultats aux tests des
programmes nationaux administrés en Angleterre à l’âge de 7, 11 et 14 ans.
À l’âge de 7 ans, les capacités de mémoire de travail des élèves étaient
directement liées à la performance aux tests nationaux d’anglais et de mathé-
matiques (Gathercole & Pickering, 2000). Le lien avec les mathématiques
(mais pas avec l’anglais) a même pu être établi à 14 ans (Gathercole et al.,
2004). En bref, la mémoire de travail, qui permet le recours à la conservation
et au traitement de l’information simultanément, a des implications sur les
performances tout au long de la scolarité.
Compte tenu de l’importance de la mémoire de travail pour la réus-
site scolaire, il convient d’examiner les moyens par lesquels nous pourrions
favoriser l’apprentissage chez les enfants (environ 15 % d’entre eux) qui ont
une mémoire de travail très limitée (Holmes, Gathercole, & Dunning, 2010).
DeMarie et López (2013) proposent deux moyens principaux afin de soutenir
l’apprentissage : (1) réduire les charges de conservation et de traitement
imposées aux jeunes apprenants plus particulièrement ; (2) encourager
l’utilisation des aides externes (voir aussi St Clair-Thompson & Gather-
cole, 2006). Les charges de conservation et de traitement de l’information
peuvent être réduites en segmentant les tâches en petites unités présentées
séquentiellement et non simultanément. Permettre aux enfants de terminer
l’une des composantes d’une tâche avant de fournir des instructions sur
la suivante sollicite la mémoire de travail dans une moindre mesure. Ceci
rend plus probable la réussite des enfants qui ont de faibles capacités de
mémoire de travail. De même, fournir des aides extérieures peut permettre
de décharger la mémoire de travail. Par exemple, lorsque les enfants sont
en train d’écrire une phrase, leur fournir une liste de mots peut réduire leur
effort à réfléchir sur l’orthographe correcte des mots tout en conservant
simultanément à l’esprit les idées qu’ils tentent d’écrire. Ces mesures simples
peuvent aider les enfants à surmonter les limites de leur capacité de mémoire
de travail, permettant ainsi aux ressources disponibles d’être consacrées à
l’apprentissage.
152 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

4.2 La mémoire épisodique


La mémoire épisodique permet un apprentissage rapide – même en
un seul essai – de nouvelles informations ainsi que le passage en mémoire
à long terme. Ainsi, elle fournit les éléments nécessaires au développement
cognitif tout au long de la vie. Son importance dans les états mentaux ne
peut être mieux illustrée que par le cas historique du patient H.M, qui, suite
à l’ablation chirurgicale des lobes temporaux médians, a perdu la capacité de
former de nouveaux souvenirs épisodiques (e.g., Corkin, 2002). En consé-
quence, il a été incapable de retenir de nouveaux faits ou autrement dit de
mettre à jour ses connaissances. Dans la littérature, on trouve également des
cas de déficits développementaux de la mémoire épisodique. L’exemple le
plus frappant est une population qui, durant l’enfance, a subi des dommages
aux structures du lobe temporal médian qui sous-tend la mémoire épiso-
dique. Sans exception, les individus de cette population appelés amnésiques
développementaux ont montré des déficits dans les tâches de mémoire
épisodique et, par conséquent, ont rencontré des difficultés d’apprentissage
à l’école (Gadian et al., 2000). La prématurité a également été associée à
des déficits de mémoire épisodique dans la petite enfance et tout au long
de l’enfance (pour une synthèse, voir Rose, Feldman, & Jankowski, 2013).
Les nourrissons prématurés tendent à avoir des résultats plus faibles à des
mesures de mémoire épisodique. En ce qui nous concerne, il est important
de mentionner que la performance en mémoire épisodique des enfants à
12 mois est un prédicteur important de leur QI à 11 ans (Rose et al., 2013).
Il existe également des liens entre l’utilisation de stratégies mnémo-
niques et le QI verbal tout au long de la scolarité (e.g., W. Schneider, Kron-
Sperl, & Hünnerkopf, 2009 ; pour une synthèse, voir Schneider, 2013). Les
raisons qui expliquent de tels liens sont évidentes. Ainsi, l’apprentissage peut
survenir spontanément, sans aucun effort manifeste. Cependant, pour la plu-
part des informations que les enfants doivent mémoriser dans des contextes
éducationnels, la répétition et l’élaboration sont bénéfiques. Compte tenu des
relations évidentes entre l’utilisation efficace des stratégies mnémoniques
et la réussite scolaire, il est surprenant que de telles stratégies soient aussi
rarement enseignées de manière explicite en classe (voir Larkina & Güler,
2013, et Schneider, 2013, pour des discussions). Par exemple, Moely et al.
(1992) ont observé à plusieurs reprises le comportement pédagogique des
enseignants. Ils ont constaté que des suggestions pour utiliser des straté-
gies spécifiques ont eu lieu dans moins de 3 % des cas, et la justification
de l’utilisation de stratégies spécifiques a été donnée dans moins de 1 %
des cas. Moely et al., (1992) ont également observé un pattern curviligne
des suggestions concernant l’utilisation de stratégies en fonction du degré
d’enseignement. Ainsi, les enseignants des deuxième et troisième degrés
effectuent davantage de suggestions comparativement aux enseignants des
degrés initiaux ainsi que ceux du quatrième au sixième degré.
Les neurosciences cognitives du développement de la mémoire 153

Moely et al. (1992) ont identifié des différences individuelles parmi


les enseignants selon qu’ils mettent plus ou moins d’emphase sur les stratégies
mnémoniques. Celles-ci sont rarement suggérées par les enseignants et 10 %
d’entre eux n’en suggèrent même jamais. Des différences similaires ont été
observées par Coffman, Ornstein, McCall et Curran (2008) et Ornstein, Gram-
mer, et Coffman (2010). Ces auteurs ont caractérisé les classes des ensei-
gnants du primaire comme étant « hautement mnémonique » ou « faiblement
mnémonique ». Dans les classes « hautement mnémoniques », les enseignants
du premier degré évoquent plus fréquemment la mémoire, fournissent des
stratégies mnémoniques et posent des questions sur le fonctionnement de la
mémoire (questions métamnésiques). La présence de discussion en lien avec
la mémoire influence positivement l’utilisation de stratégies chez les enfants.
Plus précisément, les enfants dans les classes « hautement mnémoniques »
tirent davantage de bénéfices de leur formation aux stratégies mnémoniques
par rapport aux enfants peu formés des classes « faiblement mnémoniques »
(Coffman et al., 2008). Les bénéfices d’un enseignant « hautement mnémo-
nique » en première année persistent au cours de la scolarité, même lorsque
les enfants changent d’enseignant (Ornstein et al., 2010). Par exemple, dans
une évaluation d’enfants fréquentant le quatrième degré, ceux qui avaient été
dans des classes « hautement mnémoniques » au premier degré ont montré
une plus grande utilisation de stratégies d’étude telles que l’auto-évaluation,
le soulignement et la prise de notes comparativement à ceux qui avaient été
dans des classes « faiblement mnémoniques ». Il est logique de penser que
les environnements éducatifs dans lesquels on parle beaucoup de la mémoire
seraient particulièrement bénéfiques pour les enfants dont les compétences
en mémoire épisodique sont moins bien développées (par exemple, pour
les jeunes enfants) et pour les enfants qui éprouvent des difficultés dans la
mobilisation des ressources cognitives nécessaires pour encoder, consolider
et récupérer plus tard les informations qu’ils reçoivent en classe (p. ex., des
enfants nés prématurément).

4.3 La mémoire sémantique


La mémoire sémantique fait référence à notre connaissance du
monde. Une grande partie des informations qui vont être intégrées dans
la mémoire sémantique est acquise au cours d’expériences, qu’elles soient
délibérément pédagogiques ou accidentelles. Toutefois, comme mentionné
précédemment, la mémoire sémantique présente également une profonde
capacité à se généraliser de telle sorte que le sujet peut abstraire des infor-
mations et les utiliser pour créer de nouvelles compréhensions. En effet, c’est
cet aspect de la mémoire sémantique qui est mis en évidence en pédagogie.
Par exemple, il y a déjà 350 ans, Comenius, un humaniste qui a influencé
la pensée éducative, a souligné que la compréhension et non la mémoire
devrait être l’objectif de l’enseignement (Broudy, 1963). En examinant les
154 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

fondements et les perspectives actuelles de la psychologie de l’éducation,


il est clair que la compréhension demeure une préoccupation essentielle
(voir Berliner, 2006, pour une revue). De plus, des recherches pédagogiques
plus récentes ont démontré que même des étudiants de niveau collégial
rencontrent des difficultés à maîtriser des compréhensions complexes. Par
conséquent, ces recherches mettent l’accent sur le soutien et le développe-
ment de cette compétence (Davis, 2000). Même si nous sommes loin d’une
compréhension complète du développement de la mémoire sémantique, la
recherche de Davis contribue à une meilleure compréhension du processus
par lequel nous autogénérons la connaissance et l’intégrons à travers des
épisodes distincts.
Les études sur l’extension de la connaissance sémantique grâce
à l’intégration d’épisodes distincts suggèrent que les enfants recherchent
naturellement les connaissances. Ainsi, avant même le début de la scolarité,
ils utilisent à la fois des connaissances nouvelles ou déjà existantes avec
flexibilité afin de continuellement développer et élargir leurs connaissances
de base (e.g., Bauer & San Souci, 2010 ; Varga & Bauer, 2013). Parce que
nous comptons beaucoup sur cette capacité cognitive d’acquérir et d’appro-
fondir les connaissances tout au long de la vie, il est très important que
nous comprenions non seulement comment augmenter les performances
mnémoniques, mais aussi comment promouvoir l’intégration d’informations
distinctes mais néanmoins reliées. Jusqu’à présent, les recherches ont révélé
différentes méthodes pour faciliter ce processus.
Premièrement, il est clair que l’augmentation de la similarité contex-
tuelle entre des informations connexes, telle que leur organisation en unités
similaires ou en d’autres catégories perceptuelles similaires, facilitera la
reconnaissance de ces liens par les enfants et, finalement, permettra une
intégration réussie. Ceci est très bien illustré par des différences de per-
formances lorsque des passages d’un texte qui doivent être intégrés ont
une grande similarité dans leur apparence. Par exemple, on raconte à un
enfant une histoire dans laquelle une coccinelle apprend que les dauphins
communiquent par sifflement. Dans une autre histoire, on lui raconte
qu’une coccinelle apprend qu’un groupe de dauphin s’appelle un banc. On
dira que l’enfant est capable d’intégrer les informations de deux épisodes
différents s’il est capable de répondre à la question : comment les bancs
communiquent-ils ? La capacité d’intégration est nettement supérieure si le
personnage (la coccinelle) est le même pour les deux passages par rapport
à une situation où il y a une faible similarité d’apparence (différents person-
nages sont impliqués dans des passages différents). Dans une situation de
grande similarité, les enfants de 6 ans vont intégrer les deux passages (et
donc acquérir une nouvelle connaissance) dans 67 % des essais et seulement
dans 37 % des essais dans une situation de faible similarité (Bauer & San
Souci, 2010 ; Bauer et al., 2012).
Les neurosciences cognitives du développement de la mémoire 155

Deuxièmement, des « indices » qui mettent en évidence la perti-


nence d’un passage du texte par rapport à un autre facilitent la perfor-
mance (p. ex., « pense aux différentes histoires que nous venons de lire
afin de t’aider à répondre à la question »). Ainsi, même quand l’apparente
similitude est faible, un « indice » stimulant la réflexion au sujet des
passages du texte avant de répondre aux questions montre un fort effet
facilitateur (78 % des essais sont alors réussis). Ces résultats suggèrent
que l’augmentation ou la diminution de la similarité contextuelle entre des
informations reliées peut grandement améliorer ou empêcher la capacité
d’intégrer. Peut-être plus important encore pour des enseignants, des
indices explicites permettent aux enfants d’âge scolaire de surmonter les
dissemblances contextuelles afin d’intégrer les informations présentées
dans ces différents contextes. Ainsi, chaque fois que possible, des indices
indiquant une relation entre les éléments d’information nouvellement
acquis devraient être fournis afin de diriger l’attention de l’apprenant sur
des connexions générales.
Troisièmement, exiger que les enfants retiennent les différentes
informations devant être intégrées augmente considérablement les perfor-
mances des enfants dès l’âge de 4 ans (Bauer & San Souci, 2010).
Sur le plan éducatif, il est important de relever que les enfants ne
semblent pas s’engager spontanément dans la production de nouvelles
connaissances grâce à l’intégration. Au contraire, ils le font en réponse à
des demandes explicites, comme les questions qui les obligent à intégrer.
Les résultats de notre étude (Varga & Bauer, 2013) vont dans ce sens. Trois
situations ont été testées : (1) après la présentation de deux passages d’un
texte pouvant faire l’objet d’une intégration, on pose sans délai une question
qui vérifie si l’intégration a bien été réalisée. Une semaine plus tard, on véri-
fie si cette intégration est maintenue ; (2) on présente un premier passage,
puis après un délai d’une semaine un autre passage ainsi qu’une question
qui vérifie si l’intégration a bien été réalisée ; (3) on présente deux passages
pouvant faire l’objet d’une intégration, mais on pose la question qui vérifie
si l’intégration a bien été réalisée seulement une semaine plus tard. Dans
la situation 1, les résultats montrent que les enfants de 6 ans génèrent et
retiennent les nouvelles connaissances avec succès dans 63 % des essais.
Au contraire, les situations 2 et 3 produisent des performances moindres,
respectivement 23 % et 21 % de réussite. Cette baisse de performance n’est
pas associée au délai en tant que tel mais au fait que l’on n’ait pas posé la
question après la présentation des deux passages. Cette différence impor-
tante de performance suggère que les enfants n’intègrent pas spontanément
les passages à moins qu’on ne leur pose une question immédiatement après
leur présentation. Par conséquent et afin de promouvoir de façon efficace la
construction de nouvelles connaissances, il convient de donner la consigne
aux enfants d’intégrer les informations si tôt après leur présentation.
156 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Cette façon de procéder peut non seulement faciliter la généralisation des


connaissances mais aussi la préservation des informations explicitement
enseignées (voir Varga & Bauer, 2013).

5. CONCLUSION
Il ne fait aucun doute que l’apprentissage et la mémoire sont étroite-
ment liés. La mémoire de travail sous-tend la fonction importante consistant
à retenir et à traiter temporairement de nouvelles informations. La mémoire
épisodique favorise l’apprentissage rapide de nouvelles informations ainsi
que leur consolidation et leur conservation en vue de leur récupération
ultérieure. La mémoire sémantique permet d’accéder aux résultats des
apprentissages et à la construction de nouvelles connaissances au travers
de la résolution de problèmes logiques et grâce à l’intégration d’épisodes
distincts. Les processus cognitifs et les substrats neuronaux sous-jacents
à chacun de ces systèmes mnémoniques se développent sur une longue
période. Ce développement lent donne lieu à des différences importantes
liées à l’âge lors de tâches mnémoniques.
Les développements et les changements liés à l’âge ont des impli-
cations importantes pour l’éducation et les apprentissages en classe. Pour
chaque type de mémoire, nous avons fourni des preuves de liens empiriques
entre le comportement de la mémoire et les performances en contextes
éducatifs. Nous avons également suggéré différentes façons permettant aux
enseignants d’aider les enfants à surmonter les limites inhérentes à leurs
systèmes mnémoniques imposées par le développement. Nous avons égale-
ment identifié des facteurs qui influencent l’utilisation et la généralisation des
connaissances conservées en mémoire. Cette synthèse montre clairement
que des avancées importantes ont été réalisées. Elles montrent que les chan-
gements cognitifs et neuronaux peuvent expliquer l’amélioration des per-
formances en fonction de l’âge tout au long du développement. Cependant,
de nouvelles recherches sont encore nécessaires avant de pouvoir affirmer
que nous avons une neuroscience du développement cognitif de la mémoire,
laquelle aurait des implications importantes pour l’éducation.

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Chapitre
Mémoire de travail, développement
6
cognitif et performances scolaires
Anik de RIBAUPIERRE

Les très nombreux travaux sur la mémoire ont établi qu’il existe
plusieurs systèmes de mémoire, dont une distinction, établie de longue date,
entre mémoire à long terme (mémoire épisodique, mémoire autobiogra-
phique, mémoire sémantique, mémoire implicite, etc.) et mémoire à court
terme (e.g., Tulving, 1985 ; Schacter & Tulving, 1994). Dans ce chapitre, nous
nous centrerons sur la mémoire de travail (MdT) que l’on considère comme
très proche, voire quelquefois synonyme de la mémoire à court terme, et
donc distincte de la mémoire à long terme ; nous tenterons d’affiner pro-
gressivement cette distinction.

1. DÉFINITIONS DE LA MÉMOIRE DE TRAVAIL


ET CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES
Il existe de nombreuses définitions de la MdT proposées dans dif-
férentes traditions de la psychologie cognitive, notamment les approches
expérimentales générales portant sur la cognition chez l’adulte, dévelop-
pementales, différentielles et neuropsychologiques. Si les objectifs de ces
différentes traditions varient, ainsi que les modèles proposés, il existe
néanmoins un consensus sur plusieurs points. Tout d’abord, et c’est certai-
nement important à souligner dans un contexte éducatif, l’aspect mnésique
166 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

est relativement peu important, au profit d’un aspect attentionnel ; il s’agit


de mémoire à court terme, et la plupart des éléments mémorisés ou à mémo-
riser ne sont pas conservés à long terme. Ainsi, la MdT consiste à conserver
« temporairement » un certain nombre d’informations importantes pour le
problème à traiter ou la consigne de la tâche à résoudre. Un deuxième point
donnant lieu à consensus est qu’il ne s’agit pas seulement de conservation
(storage), comme c’est le cas de la mémoire à court terme, mais aussi de
« traitement ». Troisièmement, l’information en MdT est traitée de façon
attentionnelle, ou « contrôlée » ; sans qu’on ne sache très bien définir ce que
sont des processus contrôlés, qu’on oppose à un traitement automatique.
D’ailleurs, Baddeley (1993, 1996) s’est demandé s’il ne convenait pas de par-
ler d’attention de travail (working attention) plutôt que de « mémoire » de
travail. Moscovitch (1992) a suggéré de parler de « travail avec la mémoire »
(working with memory). Mais l’habitude déjà bien installée du terme de
mémoire de travail l’a manifestement emporté, même si l’accent est d’abord
mis sur l’aspect attentionnel. Notons en passant que la distinction entre
court terme et long terme, ainsi que la forte composante attentionnelle
de la MdT, étaient déjà comprises dans la distinction proposée par William
James (dans ses Principles of psychology, 1890) entre mémoire primaire
(MdT) et mémoire secondaire (mémoire à long terme). La mémoire primaire
serait capable de retenir un nombre limité d’informations, immédiatement
présentes à l’esprit et donc « conscientes » et rapidement accessibles, alors
que la mémoire secondaire contiendrait un nombre pratiquement illimité de
connaissances mais lentes d’accès.
Enfin, la capacité de la MdT est « très limitée », peu d’éléments
peuvent être conservés ou traités simultanément. Suivant G. A. Miller
(1956), on a longtemps considéré que le maximum d’informations qui pou-
vaient être maintenues et/ou traitées simultanément était de sept (plus ou
moins 2) items (chunks d’information). Cette limitation dans le nombre
d’éléments impose clairement une borne à la complexité du traitement
qui peut être effectué. Elle a souvent été comparée, lorsque ces comparai-
sons étaient d’usage, avec la capacité de la mémoire vive d’un ordinateur
(mémoire RAM), que l’on ne peut pas augmenter sinon en ajoutant des
barrettes de mémoire, ce qui n’est évidemment pas possible avec l’être
humain ; la seule possibilité d’augmentation de la MdT chez l’être humain est
d’utiliser au mieux ces limites, par l’entraînement ou l’utilisation de stratégies
sophistiquées. Notons en passant que d’autres analogies avaient été établies
entre la mémoire à court terme ou la MdT et la mémoire vive d’un ordina-
teur, notamment sur son mode de fonctionnement, la mémoire à long terme
étant, elle, comparée au disque dur. L’existence de limites strictes en MdT a
d’ailleurs amené Klingberg (2009) à s’intéresser, dans un ouvrage consacré
à la MdT, à comment la capacité limitée de notre cerveau datant de l’âge de
pierre (stone age brain) peut répondre à la demande sans cesse croissante
Mémoire de travail, développement cognitif et performances scolaires 167

(excès d’information) des tâches auxquelles il doit faire face. Il est difficile
d’évaluer la capacité, et les méthodes d’analyse de la complexité des tâches
divergent largement. Nous y reviendrons plus bas, car ce point est crucial
d’un point de vue développemental.
J. T. E. Richardson (1996 ; voir aussi de Ribaupierre, 2000) a recensé
sept propositions théoriques qui reprennent et regroupent différentes théo-
risations de la MdT ; elles sont largement consensuelles et peu remises en
question depuis lors. Elles recoupent les quatre points énoncés ci-dessus
(aspect temporaire de la rétention, traitement plutôt que stockage, caracté-
ristique attentionnelle, capacité limitée) :

1. la MdT est un système complexe, responsable de stockage et de


traitement ;
2. la MdT est structuralement et fonctionnellement distincte d’autres
systèmes de mémoire (mémoire à long terme, mémoire épisodique,
etc.). Si ce postulat donnait encore lieu à débat au moment de la
publication de l’ouvrage coordonné par Richardson et al. (1996), cela
ne nous semble plus être le cas aujourd’hui ;
3. le contenu de la MdT est fait de représentations activées en mémoire
à long terme. J’argumenterais volontiers que le contenu de la MdT
consiste également en représentations de stimuli externes traités
simultanément à des éléments activés et récupérés de la mémoire
à long terme. Il ne semble pas nécessaire de définir une MdT à long
terme distincte, comme l’a fait Kintsch (e.g., Ericsson & Kintsch,
1995) ;
4. la capacité de la MdT est restreinte par la quantité d’activation qui
peut être distribuée et par des ressources attentionnelles limitées,
disponibles pour activer et maintenir l’information pertinente pour
la tâche en traitement, et pour inhiber (supprimer) l’information non
pertinente. Ce point marque très clairement, comme dans l’approche
de Engle (Engle, Conway, Tuholski, & Shisler, 1995) ou celle de
Pascual-Leone (1987) et des néo-piagétiens en général (voir plus
bas), la nature attentionnelle de l’activation et sa distinction d’une
activation plus automatique ;
5. le cœur de ce système est un processeur central impliqué dans
diverses fonctions exécutives ;
6. quelques-unes des tâches de stockage du central exécutif peuvent
être déléguées à des systèmes dits esclaves. Ce point se réfère plus
précisément au modèle de Baddeley (1986, 2000, 2012), qui fait
l’hypothèse que la MdT se compose d’un système exécutif (admi-
nistrateur central) et de trois systèmes qui lui sont subordonnés
(boucle articulatoire pour l’information verbale, boucle visuo-spatiale
pour l’information visuo-spatiale, et buffer épisodique qui permet de
168 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

faire le lien entre différents types d’information et avec la mémoire à


long terme). Dans le cadre d’une perspective plus générale, il suffit,
cependant, de mentionner que la MdT peut s’appuyer sur d’autres
processus de traitement et de stockage, ce qui permet d’augmenter
la quantité d’information qui peut être traitée ;
7. la MdT est fondamentale pour comprendre la performance cognitive,
tant en ce qui concerne des tâches de laboratoire que des tâches
quotidiennes. La relation entre MdT et intelligence telle que mesurée
par des tests psychométriques et des tests de raisonnement est bien
établie, ainsi d’ailleurs qu’avec des tâches de nature scolaire (voir
plus bas).

2. COMMENT MESURER LA MÉMOIRE


DE TRAVAIL ?
Il est important de disposer de bonnes mesures de la MdT, tout par-
ticulièrement lorsqu’on cherche à comprendre en quoi elle peut influencer
le fonctionnement cognitif dans d’autres tâches, ou pourquoi des individus à
empan relativement faible (des jeunes enfants par exemple) ne peuvent pas
réussir une tâche. Le plus souvent, des tâches de mémoire à court terme sont
utilisées. Elles peuvent cependant s’avérer problématiques, car certaines
d’entre elles peuvent donner lieu à des stratégies. Par exemple, lorsqu’un
adulte doit mémoriser une liste de chiffres (comme dans une épreuve
d’empan de chiffres), il est fort probable qu’il puisse en retenir un nombre
important grâce à une stratégie de regroupement (chunking), même si
l’ordre en est aléatoire ; il peut par exemple les regrouper par trois, comme
on le fait pour un numéro de téléphone. En conséquence, si la capacité de
la MdT est estimée sur la base du nombre d’éléments rappelés, elle sera
probablement surestimée puisqu’on comptera le nombre de chiffres et non
le nombre de triplets. Le résultat reflétera tant la capacité de la MdT que la
possibilité de l’individu d’appliquer des stratégies facilitantes ; celles-ci ne
sont, le plus souvent, pas accessibles à l’investigateur et peuvent grandement
différer selon les individus. Il en va de même pour des suites de lettres, par
exemple. Il n’y a pourtant pas d’autre moyen d’estimer la capacité de la MdT
que sur la base du nombre d’éléments rappelés.
La frontière entre tâches de mémoire à court terme et tâches de
mémoire de travail n’est pas clairement délimitée. Nous avons à plusieurs
reprises soutenu l’idée qu’une tâche peut être une bonne épreuve de MdT
chez l’enfant, qui n’est probablement pas encore suffisamment familier avec
le contenu pour avoir développé des stratégies facilitantes, mais pas forcé-
ment chez l’adulte. C’est typiquement le cas de tâches d’empan de chiffres
répétés dans l’ordre direct ou dans l’ordre inverse.
Mémoire de travail, développement cognitif et performances scolaires 169

Deux prérequis au moins sont à observer, pour permettre une esti-


mation plus fiable. Les tâches doivent requérir un traitement attentionnel,
et ne pas faciliter les regroupements d’items. C’est l’une des raisons pour
lesquelles, au moins dans le domaine verbal, on a pris l’habitude d’utiliser
des tâches duelles, qu’on appelle aussi tâches d’empan complexe, ou/et des
tâches qui comportent également des informations non pertinentes qu’il faut
pouvoir négliger. Par exemple, l’épreuve de l’Empan de lecture (Reading
span – Daneman & Carpenter, 1980 ; Case, Kurland, & Goldberg, 1982 ; de
Ribaupierre & Bailleux, 1995 ; Delaloye, Ludwig, Borella, Chicherio, & de
Ribaupierre, 2008) consiste à présenter des suites de phrases sur lesquelles
un traitement est demandé (p. ex., la phrase fait-elle du sens, ou est-elle
syntaxiquement correcte), tout en retenant le dernier mot. Par exemple, on
présente les trois phrases suivantes : « on peut manger de la moutarde »,
« les rats ont des clôtures », « on peut faire des crêpes », auxquelles il faut
répondre respectivement « oui, non, oui », puis à la fin de la série restituer
les trois derniers mots « moutarde, clôtures, crêpes ». Le rappel des derniers
mots se fera à la fin de la série, qui va souvent changer de longueur (dans
l’exemple, 3 phrases). Dans des séries longues, il devient quasiment impos-
sible de regrouper les mots tout en traitant les phrases et en mémorisant les
derniers mots. En conséquence, le nombre de mots correctement restitués
sera un bon indicateur du nombre d’items maximal qu’un individu peut rete-
nir. Engle (Cantor, Engle, & Hamilton, 1991 ; Engle, Kane, & Tuholski, 1999 ;
Engle, Tuholski, Laughlin, & Conway, 1999 ; Engle, 2002), par exemple, a
aussi proposé des épreuves d’Operation span, dans lesquelles, à la fin de
chaque phrase (dont il faut retenir le dernier mot), il faut effectuer une
opération arithmétique. Dans ces conditions, l’empan moyen d’un adulte ne
sera guère supérieur à 4 ou 5 éléments, et l’augmentation s’en fera progres-
sivement de l’âge scolaire à l’âge adulte.
Plus récemment, on a également utilisé des tâches de mise à jour :
retenir par exemple les 5 derniers mots d’une liste plus longue, les mots
étant présentés successivement. Il faut donc, dès le 6e mot, effacer pro-
gressivement les mots présentés en premier. Ou des tâches de n-back :
dans une liste de lettres présentées une à une, la lettre présentée à l’écran
est-elle identique à celle qui a été présentée 2 ou 3 positions antérieures.
Par exemple, dans une tâche 2-back, on présentera la séquence suivante de
lettres, présentées une par une « … M, h, m, C, h, c… ». Pour chaque lettre,
le sujet devra répondre (oui ou non) si la même lettre a été présentée deux
positions avant. Il répondra donc successivement « non, non, oui, non, non,
oui ». Des tâches équivalentes ont été développées aussi sur le plan visuel ou
spatial (nombre de positions à retenir, n-back spatial, rétention de lettres/
mots dans une position particulière).
170 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

3. MÉMOIRE DE TRAVAIL
ET PROCESSUS SOUS-JACENTS
Peu de modèles postulent l’existence d’un système cognitif spéci-
fique à la MdT, sinon peut-être le modèle original de Baddeley (Baddeley
& Hitch, 1974). Le modèle de Pascual-Leone (1970, 1987 ; de Ribaupierre,
1983) a, depuis longtemps, proposé que les épreuves de MdT font appel
aux mêmes processus que ceux qui sont à l’œuvre dans d’autres tâches
cognitives, notamment des processus d’activation et d’inhibition récursifs :
les éléments pertinents de la tâche sont activés attentionnellement, alors
que des éléments non pertinents doivent être inhibés. Ces suggestions sont
actuellement reprises, sous d’autres formes, en psychologie cognitive de
l’adulte, par exemple par Cowan (e.g., 2005) ou Oberauer et ses collabo-
rateurs (e.g., Süss, Oberauer, Wittmann, Wilhelm, & Schulze, 2002). On a
également montré que la performance dans des tâches de MdT est liée à la
vitesse de traitement. Nous avons proposé (e.g., de Ribaupierre, 2000) que
vitesse et quantité d’activation sont des concepts très proches l’un de l’autre,
du moins pour l’observateur : plus on est rapide, plus on arrivera à activer
des items d’information (presque) simultanément. Réciproquement, plus la
puissance d’activation est forte, c’est-à-dire plus le nombre d’éléments acti-
vés en même temps est important, plus rapide sera le traitement. Il parait
difficile à l’heure actuelle de départager ces hypothèses ; seules des données
neurobiologiques, mais dont nous sommes encore bien loin de disposer, per-
mettraient probablement de le faire. Activation (ou vitesse) et inhibition sont
couplées avec des schèmes exécutifs, qui, sur la base d’expériences précé-
dentes, consistent à « choisir » les éléments qui doivent être activés/inhibés.
Engle (Turner & Engle, 1989 ; Cantor & Engle, 1993 ; Conway &
Engle, 1996 ; Engle et al., 1999 ; Engle, 2002) s’est d’abord essentiellement
intéressé aux différences individuelles en MdT, et a comparé des individus
à faible empan à des individus à empan élevé dans de nombreuses études.
Il a proposé que ces différences puissent s’expliquer en termes de proces-
sus inhibiteurs plus efficaces chez les individus à empan élevé (resource-
inhibition hypothesis). Un lien entre inhibition et MdT a également été
proposé par d’autres auteurs, notamment dans une perspective dévelop-
pementale de l’adulte (Dempster, 1992 ; Hasher & Zacks, 1988 ; Hasher,
Stoltzfus, Zacks, & Rypma, 1991).
Un modèle très en vogue actuellement en psychologie cognitive est
celui de Nelson Cowan (Cowan et al., 2011 ; Cowan, AuBuchon, Gilchrist,
& Saults, 2011 ; Cowan, Chen, & Rouder, 2004 ; Cowan, 2005), qui parle
plutôt d’attention que de mémoire de travail. Mais, comme on l’a vu, ces
deux concepts sont très proches. Le « focus attentionnel » auquel s’intéresse
Cowan serait le résultat de plusieurs opérations cognitives qui s’exerceraient
Mémoire de travail, développement cognitif et performances scolaires 171

sur un sous-ensemble activé de la mémoire à long terme ; ces deux ensembles


d’éléments activés (éléments de la mémoire à long terme et contenu du
focus attentionnel) semblent isomorphes au champ d’activation et au champ
d’attention mentale dont parlait déjà Pascual-Leone en 1970 (voir aussi ci-
dessous). Cowan a même proposé que, chez l’adulte, le nombre d’items qui
peut résider simultanément dans ce faisceau attentionnel est invariant au tra-
vers des situations ; il serait de quatre. Cette métrique semble plus proche des
propositions de Halford (un autre auteur, considéré comme néo-piagétien,
qui s’est également intéressé aux limites du traitement de l’information ; e.g.,
Halford, 1993 ; Andrews & Halford, 2011 ; Dasen & de Ribaupierre, 1987 ; de
Ribaupierre, 2007) que de celles de Pascual-Leone, mais comme on l’a vu plus
haut, la métrique cognitive peut varier d’un auteur à l’autre. Plus intéressant
pour notre présent propos est le constat selon lequel on revient maintenant
en psychologie cognitive à l’hypothèse d’un nombre maximal d’items qui
peuvent être traités simultanément et qui serait invariant dans différentes
situations. C’est une hypothèse qui avait été écartée il y a de cela un certain
nombre d’années, probablement parce que les analyses de la complexité des
épreuves étaient trop centrées sur les items eux-mêmes plutôt que sur les
processus à l’œuvre et sur les chunks réalisés par les sujets. Le plus souvent,
toutefois, on se contente de supposer que la capacité de la mémoire de travail
est très limitée, sans chercher une quantification plus précise.

4. MÉMOIRE DE TRAVAIL ET DÉVELOPPEMENT


On sait depuis fort longtemps que l’empan mnésique augmente avec
l’âge chez l’enfant (voir Bauer, chapitre 5 de ce volume). On peut d’ailleurs
noter en passant que toutes les échelles d’intelligence majeures, en com-
mençant par l’échelle de Binet, comportent une épreuve de mémoire à court
terme, sous forme d’empan de chiffres. Comme on l’a vu, les néo-piagétiens,
et notamment Pascual-Leone, se sont intéressés à l’augmentation de la MdT
ou capacité attentionnelle chez l’enfant, et, surtout, ont suggéré que cette
augmentation rend compte du développement cognitif lui-même. Ainsi,
les limites dans la capacité attentionnelle imposent un plafond aux perfor-
mances cognitives dont les enfants sont capables, et l’élévation de ce plafond
permet des conduites de plus en plus complexes, telles que Piaget avait pu
en décrire le développement. Il devient donc encore plus important, dans le
cas du développement, de pouvoir mieux évaluer les limites de la MdT, et
ses changements. Pascual-Leone (1970, 1987) propose que l’augmentation
de la capacité de la MdT provient de l’augmentation, en majeure partie de
nature biologique, de la puissance M (pour « puissance d’activation men-
tale ») qui augmenterait régulièrement dès la naissance. Cette augmentation
permettrait d’activer une unité représentationnelle (un schème) tous les
deux ans entre 3 et 15 ans environ, le maximum de capacité étant alors de 7 ;
172 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

l’augmentation de la puissance M ne débute évidemment pas seulement à


l’âge de 3 ans, mais le décompte s’en ferait autrement durant les deux pre-
mières années de vie (Pascual-Leone & Johnson, 1991).
Deux autres facteurs sont également responsables de l’augmentation
de la capacité de la MdT, ou du moins du changement de performance dans
les épreuves de MdT : d’une part, l’augmentation de la puissance et de l’effi-
cacité d’un facteur d’inhibition I, particulièrement utile dans les situations
cognitives dites trompeuses, ces changements étant aussi de nature biolo-
gique ; d’autre part l’efficacité croissante des schèmes exécutifs, qui seraient
en quelque sorte les maîtres d’œuvre du traitement cognitif. Cette dernière
augmentation serait, elle, essentiellement liée à l’expérience. Ensemble, ces
trois facteurs (M, I et schèmes exécutifs) non seulement rendent compte
de l’augmentation de la puissance de traitement, mais, couplés à des méca-
nismes d’apprentissage, permettent de construire des schèmes cognitifs, ou
unités informationnelles, plus complexes (pour plus de détails, voir Pascual-
Leone, 1987 ; Pascual-Leone & Johnson, 2011 ; de Ribaupierre, 1983, 1987 ;
de Ribaupierre, Fagot, & Lecerf, 2011).
Pour Robbie Case (e.g., Case, 1985, 1992a, 1992b), l’augmentation
de la capacité attentionnelle provient surtout d’une meilleure efficacité dans
l’utilisation des ressources à disposition, au moins à l’intérieur de chaque
stade de développement, par une sorte de compensation (trade-off) entre
traitement et stockage. Il ne rejette pas l’hypothèse d’une croissance réelle
des ressources de traitement, mais n’a pas fait de propositions précises à ce
sujet dans ses derniers travaux.
Tant Pascual-Leone que Case ont mis l’accent sur la nécessité, pour
disposer d’épreuves de MdT (ou de capacité attentionnelle) relativement
« pures », d’adopter un certain nombre de critères, tels que ceux que nous
avons énumérés ci-dessus. Dans ces conditions, ils ont pu montrer que
l’augmentation des performances est très similaire au travers d’épreuves
différentes (e.g., Case, Marini, McKeough, Dennis, & Goldberg, 1986 ;
Case, Okamoto, Henderson, & McKeough, 1993 ; Pascual-Leone & Johnson,
2011). La cohérence des résultats s’avère impressionnante, surtout dans un
domaine, celui de la psychologie cognitive, dans lequel on insiste plutôt sur
la spécificité des processus.
Notre groupe s’est lui-même intéressé au développement de la MdT
dans plusieurs études. D’une part, nous avons mené une étude longitudinale
dans laquelle nous avons suivi quatre groupes d’enfants âgés initialement de
5, 6, 8, et 10 ans durant 5 ans, en les voyant une fois par année. Sans trouver
un développement par paliers, comme on aurait pu s’y attendre sur la base des
modèles néo-piagétiens décrits ci-dessus, la progression était néanmoins rela-
tivement semblable au travers de trois épreuves : deux versions de l’épreuve
de Monsieur Cacahuète adaptée de Case (e.g., Case, 1985 ; de Ribaupierre,
Mémoire de travail, développement cognitif et performances scolaires 173

Neirynck, & Spira, 1989 ; de Ribaupierre & Bailleux, 1995) et le Compound


Stimuli Visual Information Task (CSVI), adaptée de Pascual-Leone (1970).
La progression était régulière au travers des différentes passations et les
différences significatives en fonction de l’âge ; de plus, les tendances déve-
loppementales étaient très semblables d’une épreuve à l’autre.
D’autre part, dans deux études successives (e.g., de Ribaupierre,
2001 ; de Ribaupierre et al., 2011), nous avons cherché à déterminer si
l’augmentation avec l’âge dans les performances dans des épreuves de MdT
dépendait conjointement de la vitesse de traitement et de l’inhibition. Nous
avons pour ce faire utilisé un plan d’expérience multivarié, comprenant plu-
sieurs épreuves permettant de mesurer chacun de ces construits. Les résul-
tats ont montré que la vitesse de traitement jouait un rôle plus important que
l’inhibition pour rendre compte des performances en MdT. Plus précisément,
les différences liées à l’âge (variance liée à l’âge) en MdT, relativement à de
jeunes adultes, provenaient surtout des différences liées à l’âge en vitesse de
traitement ; les différences liées à l’âge en inhibition étaient beaucoup moins
marquées et moins liées aux différences observées en MdT. Il est intéres-
sant de relever, en passant, que ces deux études portaient sur la durée du
parcours de vie (lifespan), incluant également un échantillon de personnes
âgées de plus de 60 ans. Toujours en comparaison avec les jeunes adultes,
la vitesse jouait également un rôle important pour rendre compte des dif-
férences liées à l’âge (déclin cognitif), mais, cette fois, l’inhibition cognitive
rendait également compte d’une variance d’âge non négligeable.
Il est essentiel de relever aussi, pour ces trois études, que la variabi-
lité individuelle était très importante. Même si les différences moyennes liées
à l’âge (c’est-à-dire les différences entre groupes d’âge différents) étaient
très significatives, le recouvrement des distributions de chacun des groupes
d’âge était également considérable, ce qui est indicatif d’une forte variabilité
interindividuelle à l’intérieur de chaque groupe. De même, les trajectoires
développementales individuelles au travers des passations successives des
épreuves de MdT dans l’étude longitudinale variaient fortement d’un individu
à l’autre. L’importance des différences individuelles ne reçoit pas encore
suffisamment d’attention au sein de la psychologie développementale et/ou
cognitive. Elles sont pourtant essentielles d’un point de vue fondamental,
mais aussi dès lors que l’on s’intéresse à des questions d’apprentissage,
et bien entendu au sein de l’école. Nous souhaitons aussi plaider ici pour
une vision multidimensionnelle du développement. Il est plus que probable
que plusieurs facteurs soient responsables du développement ; on n’a donc
pas à opposer facteurs neurobiologiques et facteurs d’expérience, ni rôle
respectif de la mémoire de travail, des stratégies, des apprentissages préa-
lables, etc., comme on le fait encore trop souvent en psychologie cognitive
développementale. Ces différents facteurs se combinent. De plus, il est éga-
lement probable que leur poids respectif varie selon les individus.
174 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

5. MÉMOIRE DE TRAVAIL ET AUTRES


FONCTIONS COGNITIVES
De nombreux travaux se sont penchés sur la relation entre MdT et
d’autres fonctions cognitives, notamment l’intelligence, ou des compétences
telles que compréhension en lecture, performance arithmétique, etc. On peut
distinguer, globalement, deux traditions : une tradition développementale,
basée sur les travaux néo-piagétiens dont il a été question plus haut, et une
approche corrélationnelle (ou une comparaison de groupes) qui cherche à
établir si des différences individuelles en mémoire de travail sont liées aux
différences individuelles dans une autre compétence cognitive.
Comme cela a déjà été discuté, les modèles néo-piagétiens, et tout
particulièrement ceux de Pascual-Leone et de Case ont proposé d’expliquer
le développement de l’intelligence tel que décrit par Piaget et ses succes-
seurs par une augmentation de la capacité attentionnelle : plus l’enfant peut
traiter d’informations simultanément (dans une même opération mentale),
plus sa conduite cognitive peut être complexe. Un certain nombre de tra-
vaux empiriques ont été conduits dans ce sens, et ont clairement soutenu
cette hypothèse (pour une revue, voir Dasen & de Ribaupierre, 1987 ; de
Ribaupierre, 1997 ; de Ribaupierre, 2007). L’intérêt d’une telle approche,
relativement à l’approche corrélationnelle, est que les chercheurs ont visé,
par des analyses de tâches approfondies, à prédire à quel niveau de capacité
attentionnelle pouvait correspondre la réussite de telle ou telle tâche. On
analyse ainsi, tout d’abord, la complexité ou demande attentionnelle de la
tâche à résoudre (p. ex., une tâche piagétienne, mais il peut tout aussi bien
s’agir d’une tâche scolaire, arithmétique notamment). Cette demande atten-
tionnelle se définit par le nombre minimal d’informations qu’il faudra traiter
simultanément à un moment ou l’autre de la tâche. Si la demande attention-
nelle de la tâche est plus élevée que la capacité attentionnelle de l’individu,
la tâche sera échouée, au moins en partie. Cependant, on peut simplifier
la présentation de la tâche et donc diminuer sa complexité. Mais on peut
également définir, comme le faisaient les piagétiens, des niveaux intermé-
diaires. Rares sont en effet les tâches qui ne peuvent se solder qu’en réussite
complète ou en échec total. Il est d’ailleurs souvent plus riche de s’intéresser
aux erreurs commises par les enfants qu’aux réussites. On pourra donc ainsi
prévoir différents niveaux dans la performance à une même tâche (voir de
Ribaupierre, 1975, 2007 ; Thomas, Pons, & de Ribaupierre, 1996). Enfin, il
convient de souligner que, dans une telle approche, on pose une hypothèse
d’implication : la tâche ne peut être réussie que si la capacité attentionnelle
de l’individu est suffisante. Un certain niveau de capacité attentionnelle est
donc un prérequis pour réussir la tâche ou se situer à un niveau donné, mais
n’est pas forcément suffisant ; il ne garantit pas le succès. L’individu peut par
exemple ne pas disposer des schèmes exécutifs pertinents, voire même des
Mémoire de travail, développement cognitif et performances scolaires 175

stratégies utiles. Ce type d’analyse permettra également le développement


de méthodes d’entraînement (cf. Case, 1985) ; l’entraînement portera sur les
stratégies à mettre en œuvre, ou sur les schèmes exécutifs (« choisir » les
bons schèmes ou unités informationnelles) mais ne peut porter ses fruits,
à nouveau, que si la capacité attentionnelle est suffisante. La difficulté, en
revanche, de ce type d’approche, qui ne semble plus guère utilisée depuis
une dizaine d’années en psychologie développementale, est que les ana-
lyses de tâches qui doivent être conduites nécessitent un relativement haut
niveau d’inférence demandé quant aux éléments qui doivent être traités pour
résoudre un problème.
Ainsi, l’approche la plus commune est l’approche corrélationnelle,
souvent strictement empirique, qui consiste à déterminer si la variation
d’une variable est concomitante à celle de l’autre variable. On a ainsi montré
que la MdT corrélait avec toutes sortes de mesures d’intelligence, et tout
particulièrement avec l’intelligence fluide, ainsi qu’avec la lecture, la com-
préhension de textes, les performances mathématiques, etc. Pour un certain
nombre d’auteurs s’inscrivant dans une perspective psychométrique, il y a
presque recouvrement total entre MdT et intelligence fluide (e.g., Colom,
Flores-Mendoza, & Rebollo, 2003 ; Colom, Rebollo, Abad, & Shih, 2006).
Une approche alternative est celle d’une comparaison de groupes contras-
tés. Ainsi, Engle et collaborateurs ont comparé, dans de nombreuses études
(Engle et al., 1995, 1999b), des individus à empan élevé et à empan faible,
définis au sein d’une population d’étudiants universitaires, et ont proposé
que les épreuves de MdT reflètent l’efficacité des fonctions exécutives ; les
individus à empan élevé seraient plus efficaces que les individus à empan
faible dans la façon dont ils gèrent leurs processus attentionnels et exécutifs.
Cette approche en groupes contrastés a souvent été utilisée chez les enfants,
pour rendre compte notamment de difficultés dans les apprentissages sco-
laires (Siegel, 1994 ; Siegel & Ryan, 1989).
Dans l’une des études menées au travers du lifespan mentionnées
plus haut (de Ribaupierre et al., 2011), nous avons également utilisé une
épreuve d’intelligence fluide, les Matrices progressives (PM) de Raven, test
de référence pour ce type d’évaluation (Raven & Court, 2003), et avons
cherché à déterminer jusqu’à quel point les différences observées entre
les groupes d’âge dans cette épreuve étaient expliquées par les différences
liées à l’âge en MdT, vitesse de traitement ou/et inhibition. Nous avons ainsi
observé que la combinaison des trois variables âge, vitesse, et MdT rendait
compte d’un tiers de la variance totale aux PM. Les différences liées à l’âge
étaient, pour une bonne part expliquées (environ deux tiers de la variance)
par une combinaison de la vitesse et de la MdT, ce qui est considérable.
L’inhibition jouait un rôle mineur. Les résultats étaient similaires lorsqu’on
comparait adultes jeunes et âgés, mais l’inhibition jouait à nouveau un rôle
un peu plus important. On relève aussi que la part de la variance liée à l’âge
176 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

non expliquée était alors de 26 %, alors qu’elle n’était que de 16 % dans


l’échantillon Enfants-Adultes. Ceci montre qu’il subsistait chez les adultes
une part plus importante laissée aux différences individuelles dans d’autres
processus.
Certains de nos travaux ont également cherché à établir un pont
entre approche néo-piagétienne développementale et approche expérimen-
tale ou psychométrique de l’adulte. Ainsi, nous avons montré, en nous repo-
sant sur l’étude longitudinale déjà mentionnée de la MdT chez l’enfant, que
des épreuves de MdT rendaient bien compte des différences observées entre
les groupes d’âge dans des épreuves piagétiennes (telles que l’épreuve de la
Balance, bien connue ou l’épreuve des Iles ; Piaget, Inhelder, & Szeminska,
1948 ; Inhelder & Piaget, 1955). Près de la moitié de la variance totale
observée dans l’épreuve de la Balance était partagée avec des épreuves de
MdT. Plus impressionnant encore : les différences d’âge dans les épreuves
piagétiennes se recouvraient presque entièrement avec les différences d’âge
dans les épreuves de MdT (variance partagée de 80-92 %).
Engel de Abreu, Conway et Gathercole (2010) se sont intéressés
aux liens entre MdT (épreuves d’empan complexe), mémoire à court terme
(empans simples) et intelligence fluide (matrices progressives) chez l’enfant
dans une étude longitudinale de 3 ans. Les résultats ont montré que ces
trois variables entretenaient des liens étroits, sans se recouvrer complète-
ment cependant : la MdT conservait un lien significatif avec l’intelligence
fluide une fois la mémoire à court terme contrôlée, alors que la réciproque
n’était pas vraie. Ceci témoigne donc d’un lien plus fort avec l’intelligence
fluide pour la MdT que pour la mémoire à court terme, qui indique, pour les
auteurs, le fait que la MdT partage certains aspects cognitifs fondamentaux
avec l’intelligence fluide, et en particulier reflète une capacité de contrôle de
l’attention. Ces résultats, et notamment la différence entre MdT et mémoire
à court terme, vont bien dans le sens de ce qui a été proposé par Engle et al.
(La Pointe & Engle, 1990 ; Engle, Cantor, & Carullo, 1992 ; Conway & Engle,
1996 ; Engle et al., 1999) chez les adultes jeunes.

6. MÉMOIRE DE TRAVAIL
ET APPRENTISSAGES SCOLAIRES
Il a déjà été évoqué à plusieurs reprises que des relations fortes
ont été établies entre MdT et performances scolaires, notamment en ce qui
concerne la lecture, la compréhension (Borella, 2006) ou les performances
arithmétiques. Siegel (1994 ; Chiappe, Hasher, & Siegel, 2000) a montré
que les performances en MdT différaient entre bons et mauvais lecteurs
qu’il s’agisse d’enfants d’âge scolaire ou d’adultes (20-50 ans environ).
Gathercole & Alloway (2008 ; Gathercole, Pickering, Knight, & Stegmann,
Mémoire de travail, développement cognitif et performances scolaires 177

2004 ; Alloway, 2006) ont conduit plusieurs études chez des enfants d’âge
scolaire et systématiquement trouvé des différences en MdT selon le niveau
de performance scolaire atteint. Ainsi, des élèves de 6-7 ans classés en trois
groupes (niveau inférieur à la moyenne, moyen, supérieur à la moyenne) en
anglais ou en mathématiques différaient les uns des autres dans des épreuves
de mémoire à court terme ou de MdT, au désavantage des élèves dont les
performances scolaires étaient inférieures à la moyenne. Ces auteures ont
fait les mêmes observations chez des élèves de 4 à 15 ans identifiés comme
nécessitant un apport éducatif spécialisé (special educational need) dans
divers domaines.
Swanson (2011, 2004) a également mené de nombreuses études, y
incluses des études longitudinales, chez des élèves en scolarité primaire. Il
conclut d’une étude longitudinale de 3 ans, menée chez des élèves de la pre-
mière à la troisième année primaire que « Notre travail longitudinal conforte
l’idée selon laquelle la croissance de la MdT est un prédicteur important
de la résolution de problèmes chez l’enfant, au-delà de la contribution de
la lecture, du calcul et des différences individuelles en ce qui concerne le
traitement phonologique, l’inhibition, et la vitesse de traitement » (Swanson,
2011, p. 209). Comparant de bons élèves à des élèves avec des difficultés de
lecture seulement, de lecture et d’arithmétique, ou présentant un QI verbal
inférieur à la moyenne, il observe que les bons lecteurs se démarquent très
clairement des trois autres groupes en ce qui concerne la MdT.

7. MÉMOIRE DE TRAVAIL ET CERVEAU


Depuis le début des travaux sur la MdT chez l’adulte, en particu-
lier depuis que l’on a émis des hypothèses sur son lien avec les fonctions
exécutives, on a proposé qu’elle repose sur les lobes frontaux. Un nombre
important de travaux ont validé cette hypothèse chez l’adulte, sur la base
de paradigmes d’activation cognitive, en particulier avec des épreuves de
n-back (e.g., D’Esposito, 2001 ; D’Esposito et al., 1995 ; Osaka, Logie, &
D’Esposito, 2007 ; Awh et al., 1999 ; Jonides, Lacey, & Nee, 2005 ; Smith &
Jonides, 1998). Owen, McMillan, Laird, & Bullmore (2005) ont mené une
méta-analyse et montré que six régions corticales étaient activées systéma-
tiquement dans toutes les études, dont, en effet, le cortex préfrontal. Peu de
travaux ont été conduits chez l’enfant, mais des travaux récents tendraient
à montrer une augmentation de l’activation frontale avec l’âge, de l’enfant
au jeune adulte (Crone & Ridderinkhof, 2011). Ceci pourrait refléter deux
phénomènes complémentaires : d’une part, la maturation progressive de la
région frontale du cerveau, les lobes frontaux étant en effet les régions du
cerveau dont la maturation est la plus tardive, et d’autre part le fait que,
avec l’âge, les interactions entre différentes aires cérébrales (de plus en plus
spécialisées) se renforcent. On a souvent avancé l’hypothèse que les lobes
178 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

frontaux jouaient un peu le rôle de chef d’orchestre ; il s’agirait donc plutôt


d’un réseau dont la coordination serait assurée par les régions frontales
(e.g., de Ribaupierre, 2000). Cette dernière explication nous apparaît comme
congruente avec la proposition selon laquelle le développement consiste en
une augmentation du nombre d’éléments qui peuvent être activés simulta-
nément (voir plus haut). On a également montré que l’activation frontale est
plus forte dans des tâches plus complexes (p. ex., dans des conditions plus
complexes de l’épreuve du n-back). Dans les propositions néo-piagétiennes
discutées plus haut, et particulièrement dans le modèle de Pascual-Leone,
l’augmentation de la capacité attentionnelle est considérée comme liée à
la maturation biologique, qu’il s’agisse de l’activation M ou de l’inhibition.
Pascal-Leone lui-même (e.g., Pascual-Leone, 1987) mentionne l’importance
des régions frontales pour ces deux processus. Il est cependant préma-
turé, au vu des connaissances technologiques (et théoriques) actuelles, de
penser que l’on peut mesurer la capacité attentionnelle par voie d’imagerie
cérébrale. L’investigation des bases neurobiologiques de la MdT reste donc
encore de l’ordre de la recherche fondamentale et les résultats ne peuvent
certainement pas encore être transférés directement dans la classe ou appli-
qués à un individu donné.

8. PEUT-ON ENTRAÎNER LA MÉMOIRE


DE TRAVAIL ?
Le développement de la mémoire a été un thème d’importance en
psychologie développementale depuis une bonne quarantaine d’années, mais
les études des années 1970-1990 se sont surtout centrées sur la question du
développement et de l’entraînement de stratégies mnésiques et de ce qu’on
appelait la métamémoire, à savoir l’utilité, pour une meilleure mémorisation,
des connaissances que l’on peut avoir de son propre fonctionnement mné-
sique, voire de son fonctionnement cognitif, et de l’intérêt de recourir à des
stratégies. Si l’on a alors pu montrer que l’on pouvait entraîner des enfants
à l’utilisation de stratégies, on a également observé que cet entraînement
n’amenait pas ipso facto une amélioration de la mémorisation (e.g., Bjorklund
& Harnishfeger, 1987 ; Bjorklund & Schneider, 1996). On parlait peu, dans
cette tradition de recherche, de la MdT.
Les travaux sur l’entraînement possible de la MdT se sont essen-
tiellement développés ces dix à quinze dernières années, et foisonnent
actuellement. Ils ont d’ailleurs donné lieu à certains débats assez vifs entre
spécialistes (e.g., Redick et al., 2012 ; Shipstead, Redick, & Engle, 2012). Le
débat ne porte d’ailleurs pas tant sur l’entraînement de la MdT elle-même que
sur la durabilité des résultats positifs, et sur leur impact sur le fonctionnement
cognitif. Plusieurs programmes ont vu le jour, notamment pour l’enfant en
Mémoire de travail, développement cognitif et performances scolaires 179

difficultés scolaires, et l’espoir est important. Outre le fait qu’ils portent sur
la MdT, les travaux récents diffèrent sur au moins deux aspects des travaux
plus anciens. D’une part, l’accent est mis sur un entraînement des processus
plutôt que de contenus ou de stratégies (cf. Kliegel & Bürki, 2012) ; d’autre
part, on utilise des paradigmes adaptatifs, à savoir dont la difficulté varie en
fonction des réponses des participants. Compte tenu du rôle important joué
par la MdT dans le fonctionnement cognitif, on espère, par le biais d’une
amélioration de la MdT, améliorer du même coup le fonctionnement cognitif
et scolaire. Ainsi, dans le cadre de ses travaux sur l’hyperactivité (TDA-H,
voir Bader, chapitre 7 de ce volume), Klingberg a développé un programme
d’entraînement Cogmed (e.g., Klingberg, 2009 ; Klingberg et al., 2005), qui
touche à différents domaines cognitifs. Les premiers résultats étaient positifs,
à savoir que les enfants hyperactifs soumis à cet entraînement ont non seule-
ment progressé dans les tâches entraînées, mais ils ont aussi obtenu de meil-
leurs résultats dans d’autres tâches cognitives (généralisation). Cependant,
ces résultats n’ont pas tous été répliqués sur un échantillon d’enfants TDA-H
un peu plus important ; les effets positifs obtenus ne se sont pas non plus
maintenus sur un certain nombre de mois. Selon Klingberg, le programme
d’entraînement mènerait également à des modifications de la base neuronale
du fonctionnement, contribuant ainsi à la plasticité développementale. Les
données empiriques bien contrôlées manquent, néanmoins.
Ce type de résultats mixtes – amélioration dans les tâches entraînées,
mais peu d’effet de transfert à d’autres tâches (scolaires, de raisonnement),
et/ou peu de maintien des acquisitions positives réalisées –, se retrouve dans
presque toutes les études de ce type. Dans une revue de questions récente,
reposant sur une méta-analyse systématique, Melby-Lervåg & Hulme (2013)
passent en revue une trentaine de comparaisons de groupes, après avoir fait
passer pas loin de 200 références au crible de critères méthodologiques mini-
maux. Ils concluent que les différents programmes ont amené à des résultats
positifs, à court terme, dans les tâches de MdT elles-mêmes. Ces résultats se
sont rarement maintenus au-delà de quelques semaines, en tout cas en ce
qui concerne la MdT verbale, les résultats étant un peu plus positifs pour la
MdT visuo-spatiale. De plus, ils n’ont pu observer d’« évidence convaincante
de la généralisation de cet apprentissage de la MdT à d’autres compétences
(aptitude verbale ou non verbale, processus inhibiteurs dans l’attention,
décodage phonologique, arithmétique). » (Melby-Lerväg & Hulme, 2013,
p. 270). Ainsi, tout comme d’autres types d’entraînement dans le passé, les
progrès restent très spécifiques, et ne sont pas véritablement généralisables.
En ce qui concerne l’adulte, des conclusions semblables sont à tirer.
Un article de Jaeggi, Buschkuehl, Jonides, & Perrig (2008) a eu un grand
retentissement dans le domaine. Les auteurs y montraient qu’un appren-
tissage prolongé (18-20 sessions) à l’aide d’une tâche de n-back de nature
adaptative, chez des jeunes adultes, avait un effet très positif (certains jeunes
180 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

adultes allant jusqu’à réussir des items de type 10-back ou plus). Surtout,
l’apprentissage avait un effet sur l’intelligence fluide, résultat que tout cher-
cheur rêve d’obtenir, bien entendu. On doit noter toutefois que l’apprentis-
sage avec le n-back ne semble pas avoir eu d’effet sur l’empan dans d’autres
tâches de MdT. Surtout, les résultats ont été contestés par d’autres cher-
cheurs (e.g., Redick et al., 2012 ; Shipstead et al., 2012), pour des raisons
méthodologiques. Une étude extrêmement bien contrôlée, et comportant de
nombreuses épreuves et un nombre important de sessions d’apprentissage,
par Redick et al. (2012) démontre que s’il est relativement facile d’aug-
menter les performances dans les tâches entraînées, le transfert à d’autres
tâches cognitives est extrêmement difficile à obtenir, voire nul. D’autres
chercheurs ont également rapporté des résultats positifs, néanmoins, en
particulier chez la personne âgée (Dahlin, Nyberg, Bäckman, & Stigsdotter
Neely, 2008) ; dans notre propre laboratoire, en revanche, le travail de thèse
de Bürki (2012), sur des personnes âgées, est également allé dans le sens
d’un manque de transfert. À l’heure actuelle, on ne peut donc que conclure
à un soutien empirique mixte, et souscrire à chacune des propositions de
Shipstead et al. (2012) dans leur revue de questions que nous reprenons en
partie ici : « l’une des forces d’un entraînement de la MdT est qu’il repose sur
une méthode spécifique, théoriquement fondée, qui permettrait de stimuler
un changement cognitif plus large […]. Cependant, la littérature actuelle ne
fournit pas une évidence suffisante de l’efficacité d’un tel entraînement. Les
chercheurs devraient : a) inclure plusieurs mesures de chacune des variables
d’intérêt ; b) mesurer le transfert proche avec des tâches validées, évaluant
la capacité de la MdT et différant de la méthode d’apprentissage ; c) éliminer
l’utilisation de groupes de contrôle sans contact ; d) s’assurer, dès lors que
des mesures subjectives de changement sont aussi utilisées, que les juges
sont aveugles à la condition expérimentale » (2012, p. 647).

9. CONCLUSION
En résumé, de nombreux travaux confirment que la MdT est une
composante importante du fonctionnement cognitif, de portée générale dans
la mesure où elle entretient des liens forts avec d’autres variables et permet
un certain nombre de prédictions de la performance probable dans divers
domaines cognitifs. Il ne s’agit pas tant d’une variable mnésique que d’une
compétence attentionnelle. La MdT ne constitue sans doute pas un système
spécifique, ou une « aptitude » ou « compétence ». Il semble préférable de
parler de tâches de mémoire de travail qui font appel à un certain nombre
de processus de nature attentionnelle, processus qui sont certainement aussi
à l’œuvre dans d’autres tâches. C’est plutôt par commodité de langage que
l’on continue à parler de la mémoire de travail, y inclus d’ailleurs dans le
présent chapitre, comme s’il s’agissait d’une capacité unique ou d’un système
Mémoire de travail, développement cognitif et performances scolaires 181

singulier. Les tâches de MdT indexent la capacité de traitement de l’infor-


mation, pour autant qu’on arrive à éviter une contribution trop grande de
stratégies facilitantes. Cette capacité augmente avec l’âge jusqu’à l’âge adulte
(pour diminuer ensuite dans l’âge adulte avancé), et la raison principale
de ce changement serait de nature biologique. Cela ne veut pas dire pour
autant que les performances en MdT ne sont pas susceptibles d’être amé-
liorées grâce à l’expérience. Les travaux sur l’entraînement de la MdT ont
bien montré la possibilité d’améliorations considérables de la performance,
dans certaines tâches au moins. Surtout, chez l’enfant notamment, l’amélio-
ration peut porter sur une plus grande efficacité dans l’utilisation de cette
capacité : mieux « choisir » les unités d’information qu’il convient d’activer
attentionnellement, ne pas surcharger la MdT par des éléments superflus,
intégrer plus d’informations dans chaque unité traitée, ce qui dépend cer-
tainement d’apprentissages antérieurs, éventuellement automatiser certains
traitements en en déléguant la gestion à d’autres systèmes de traitement
(p. ex., dans des tâches de nature verbale), etc.
La MdT concerne-t-elle avant tout le chercheur en sciences cogni-
tives, ou est-elle d’intérêt pour le pédagogue, en classe notamment ? Si son
développement est dépendant de la maturation, et si les entraînements n’ont
d’effet que sur la performance dans des tâches de MdT et pas sur le fonc-
tionnement cognitif plus général, on peut se demander s’il faut simplement
attendre qu’elle se développe avant d’enseigner un contenu relativement
complexe. C’est évidemment une option, mais elle n’est probablement pas
la meilleure, et certainement pas conforme aux curricula scolaires. C’est
un vieux débat, qui est réveillé chaque fois que l’on suggère que les pos-
sibilités cognitives de l’enfant ne lui permettent pas d’assimiler certains
types de contenus. Faut-il attendre que le développement prenne place, ou
faut-il « forcer » ? La réponse est sans doute à trouver dans une position
intermédiaire. Il est important de comprendre qu’il existe des limites dites
« dures » (hard) de la capacité à traiter des informations complexes. Ces
limites seraient en bonne partie liées à des aspects neurobiologiques. Il ne
serait donc pas utile que de l’information trop complexe soit enseignée telle
quelle. Si l’on souhaite néanmoins faire passer un contenu difficile avant
que le niveau développemental correspondant ne soit atteint, il convient de
procéder à des analyses plus fines, de décomposer l’information à traiter en
plus d’étapes, plus simples, et d’aider, le cas échéant, l’élève à intégrer plus
d’informations dans une unité de traitement. Quelques psychologues (e.g.,
Gathercole & Alloway, 2008) se sont intéressés à introduire des interventions
en classe, sur la base des travaux portant sur la mémoire de travail. Le maître
mot est bien entendu de chercher à simplifier l’information. Il s’agit aussi de
pouvoir reconnaître, dans la performance d’un élève, ce qui pourrait relever
d’une difficulté de MdT, signifiant alors non pas qu’on va à tout prix chercher
à augmenter sa capacité de traitement, mais plutôt qu’on va faire des efforts
182 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

particuliers pour simplifier l’information pour cet élève, et lui apprendre à se


servir de stratégies simplificatrices. Quelquefois, il s’agit aussi de présenter
le contenu un peu différemment, pour diminuer les éléments non pertinents
qui ne feraient qu’encombrer la MdT.
Gathercole et Alloway (2008), après avoir mis au point une batterie
d’évaluation de la mémoire de travail, ont cherché à développer un pro-
gramme d’intervention scolaire, à disposition des enseignants. Sans entrer
dans les détails, cet ouvrage, qui se veut un manuel pratique, propose un
certain nombre de mesures qui paraissent peut-être simples, voire simplistes,
mais sont sans doute efficaces, pour aider l’enfant dont la MdT serait relati-
vement faible. Leurs propositions d’intervention reposent sur sept principes :
1) apprendre à reconnaître les ratés de la MdT (rappel incomplet, difficul-
tés à suivre des instructions, erreurs dans l’ordre des actions à effectuer,
abandon de la tâche) ; 2) suivre l’enfant de près dans l’exécution d’activités
complexes ; 3) évaluer la demande (complexité) d’activités d’apprentissage
(longueur, contenu peu familier, activité complexe) ; 4) réduire la charge
cognitive (diminuer la quantité de matériel, augmenter le sens et la familiarité
du matériel, simplifier le traitement, restructurer des tâches complexes) ;
5) se préparer à devoir répéter l’information ; 6) encourager le recours à
des aides mnésiques externes ; 7) enfin, développer l’utilisation de straté-
gies servant de soutien à la mémorisation. Ces propositions nous paraissent
constituer une élégante façon de commencer à transférer les connaissances
fondamentales dont nous disposons sur la MdT dans un contexte plus pra-
tique. On ne peut, à la lecture des recommandations de Gathercole et Alloway
(2008), que souhaiter plus de collaborations entre chercheurs et praticiens.

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Chapitre
Trouble du déficit d’attention-
7
hyperactivité (TDA-H) de l’enfant et
de l’adolescent : nouvelles perspectives
Michel BADER

Au fil des années, les évidences convergent confirmant la validité


du syndrome du déficit d’attention avec/sans hyperactivité et impulsivité
(TDA-H, en anglais ADHD), qui est décrit cliniquement depuis plus d’un
siècle. Le TDA-H est un trouble neurodéveloppemental concernant 5 % à 7 %
des enfants et des adolescents et qui a tendance à persister à l’âge adulte
dans environ deux tiers des cas, entraînant des difficultés importantes dans
plusieurs domaines de la vie (p. ex., scolarité, formation, relations familiales
et sociales, épanouissement personnel, conduites à risque, associations
fréquentes à des comorbidités comme des troubles émotionnels, comporte-
mentaux, addictions et troubles des apprentissages).
Les causes du TDA-H sont multiples et impliquent des facteurs
génétiques, neurobiologiques, familiaux et environnementaux. L’expérience
clinique et des recherches ont permis de définir des critères diagnostiques
pertinents ainsi que des prises en charge pluridisciplinaires (médication, psy-
chothérapies, coaching, interventions pédagogiques et psycho-sociales). Les
traitements médicamenteux et les approches comportementales améliorent
les symptômes centraux du TDA-H, mais leur efficacité a souvent tendance
à ne pas persister sur la durée (Chronis et al., 2004 ; Chronis, Pelham,
190 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Gnagy, Roberts, & Aronoff, 2003 ; Jensen et al., 2007 ; Molina et al., 2009).
Les patients avec un TDA-H nécessitent en général une prise en charge sur
plusieurs années qui est coûteuse en énergie et financièrement, et probléma-
tique sur le plan organisationnel. Il serait très utile de bénéficier d’approches
qui pourraient avoir des effets prolongés après les interventions actives.
Les données neurobiologiques permettent une meilleure compré-
hension des symptômes et de leurs impacts. Les recherches cliniques et
neurobiologiques récentes ont permis de préciser les points suivants : com-
plexité des facteurs génétiques et développementaux dans l’expression des
symptômes chez un sujet, présence de dysfonctionnements liés à des struc-
tures cérébrales, à des circuits neuronaux et à des dysfonctionnements des
fonctions exécutives, diversité des profils cliniques et neuropsychologiques
nécessitant à terme de nouveaux critères diagnostiques prenant aussi plus
en compte les composantes dimensionnelles des symptômes, recherche
d’endophénotypes pour préciser les caractéristiques des différents profils
cliniques (Sonuga-Barke & Halperin, 2010). Ces nouvelles connaissances
débouchent également sur le développement de nouvelles approches inté-
ressantes, comme les programmes informatisés de remédiation cognitive et
le neurofeedback. Mais des études scientifiques doivent encore confirmer
l’efficacité de ces approches neurocognitives chez les patients ayant un
TDA-H.

1. HISTORIQUE
Le syndrome du TDA-H n’est pas une nouveauté à la mode comme
le prétendent certains contradicteurs. La première description pertinente
des problèmes attentionnels a été faite en 1798 par Sir Alexander Crichton,
tandis que le comportement « bougillon » a été décrit en 1845 par le médecin
allemand Heinrich Hoffmann sous la forme de trois dessins dans l’histoire
de Zappel-Philipp. Les étapes suivantes de la tradition anglophone com-
portent en 1902 les descriptions des troubles de l’attention et hyperactifs
par le pédiatre anglais Sir Georges Still, puis les mises en relation entre les
symptômes du concept actuel de TDA-H avec les symptômes observés lors
de l’encéphalite épidémique de 1917-1918 qui a servi de point de repère
pour le développement progressif des hypothèses neurobiologiques. Dans
la tradition francophone, la première description clinique remonte à 1888
par Bourneville avec le concept d’instabilité qui a été décrit de manière plus
détaillée dans une lettre de 1896 publiée par Bourneville en 1897 (voir Bader
& Hadjikhani, 2013), puis en 1905 par Philippe et Paul-Boncour. Les travaux
de Dupré (1913), de Heuyer (1914) et de Wallon (1925) ont développé le
concept d’instabilité psychomotrice, qui continue à être une notion de réfé-
rence dans la pédopsychiatrie française, en insistant sur les relations entre
le comportement moteur et le fonctionnement mental. L’étape suivante a été
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H) de l’enfant 191

la prescription d’une amphétamine (Bradley, 1937) pour des enfants hyper-


actifs et impulsifs ayant des problèmes d’apprentissages scolaires, suivie à
partir des années 1960 par la reconnaissance de l’indication des psychosti-
mulants dans l’hyperactivité de l’enfant. Les points de repère conceptuels
ont ensuite été la notion du hyperkinetic behaviour syndrome (syndrome
hyperkinetique) de Laufer et Denhoff en 1957, puis les concepts de mini-
mal brain damage (dommage cérébral minime) dans les années 1950 et
de minimal brain dysfunction (dysfonctionnement cérébral minime)
dans les années 1960. Sous l’influence conjuguée de recherches cliniques,
pharmacologiques et neurobiologiques, les critères diagnostiques de ce
syndrome se sont affinés lors des différentes classifications internationales
pour aboutir actuellement aux critères du DSM-5 qui reste la référence des
études internationales (American Psychiatric Association, 2013). Le DSM-5
distingue trois sous-types de TDA-H selon la prédominance des symptômes :
un type mixte combinant déficit d’attention et hyperactivité ; un type où le
déficit d’attention est prédominant ; un type où l’hyperactivité et l’impulsivité
sont prédominantes. Mais l’expérience clinique et les études récentes (e.g.,
Chabernaud et al., 2012) montrent l’importance de prendre aussi en consi-
dération une compréhension dimensionnelle des troubles qui se distribuent
selon un continuum dans la population, car la distinction catégorielle entre
le normal et le pathologique a surtout une valeur pragmatique pour faciliter
les décisions cliniques.

2. FACTEURS GÉNÉTIQUES
ET NEUROBIOLOGIQUES
Le TDA-H de l’enfant et de l’adolescent est l’entité clinique la
plus fréquente en pédopsychiatrie avec une prévalence entre 3 % et 7 %
(Biederman & Faraone, 2005). La triade classique du TDA-H de l’enfant
et de l’adolescent – trouble de l’attention, hyperactivité et impulsivité –,
est souvent associée à des difficultés exécutives dans la vie quotidienne,
comme en particulier au niveau de la planification, de l’organisation, de la
temporalité, de la régulation attentionnelle et des réponses (Barkley, 2006).
Les troubles associés les plus fréquents sont ceux touchant les sphères
comportementales et émotionnelles, ainsi que les troubles de l’apprentissage
comme la dyslexie-dysorthographie ou la dyscalculie ainsi que les troubles
de la coordination.
Les études génétiques sur des jumeaux signalent une héritabilité
d’environ 75 % par rapport aux gènes impliqués dans l’étiologie du TDA-
H (Faraone & Biederman, 1998). Les études d’adoption indiquent aussi
la présence significative de facteurs génétiques chez les sujets ayant un
TDA-H (Faraone, 2005). Les études génétiques moléculaires supportent
192 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

aussi l’implication de gènes dans le TDA-H, comme les gènes des récepteurs
à la dopamine D5 (Lowe et al., 2004), à la sérotonine 1B (Hawi, 2001),
ou le gène du transporteur à la dopamine (Waldman, 2001). Mais même
si l’héritabilité est élevée (Rietveld, Hudziak, Bartels, Van Beijsterveldt, &
Boomsma, 2003), le TDA-H n’est pas un trouble génétique strictement dit
(Asherson, Kuntsi, & Taylor, 2005). Des études sur des gènes candidats et
des associations de génomes soutiennent l’hypothèse que plusieurs gènes
ayant peu d’effets sont impliqués dans le TDA-H (Faraone et al., 2005 ;
Lasky-Su et al., 2008). Les facteurs prénataux et périnataux semblent éga-
lement jouer un certain rôle dans les facteurs de risque (Taylor & Rogers,
2005), comme la nicotine, la consommation d’alcool ou/ et de drogue et le
stress durant la grossesse, un petit poids à la naissance et des complications
périnatales.
Les recherches conduites depuis plusieurs décennies mettent en
évidence le rôle important des circuits cérébraux sous-tendant les processus
cognitifs qui sont modulés de manière prépondérante par rapport au TDA-
H par la dopamine et la noradrénaline, et qui sont les cibles d’action des
médications qui agissent sur les symptômes classiques et sur les difficultés
neuropsychologiques associées au TDA-H (Sonuga-Barke & Halperin, 2010).
Des dysfonctionnements subtils des catécholamines cérébrales, touchant à
la fois la dopamine et la noradrénaline, sont préférentiellement impliqués
dans le TDA-H selon les connaissances actuelles (Heal, 2013). Des facteurs
liés à certaines structures cérébrales et à certains circuits cérébraux jouent
aussi un rôle important dans le TDA-H en relation avec des composantes
développementales.

3. LES TROUBLES NEUROPSYCHOLOGIQUES


DES ENFANTS ET DES ADULTES
AVEC UN TDA-H
Les études neuropsychologiques sur le TDA-H portent sur une large
palette de processus cognitifs qui seraient susceptibles d’être dysfonc-
tionnels, en particulier des difficultés exécutives, concernant par exemple
l’inhibition de réponse, la régulation attentionnelle et la mémoire de tra-
vail, et des dysfonctionnements concernant en particulier la motivation, la
récompense, la temporalité, la mémoire et la perception. Barkley (1997) a
proposé un modèle de compréhension du TDA-H intégrant les données cli-
niques et scientifiques dans lequel la défaillance du contrôle de l’inhibition
est le déficit central, qui s’accompagne des autres dysfonctions exécutives.
Une méta-analyse de 83 études portant sur 6700 sujets avec un TDA-H
(Willcutt, Doyle, Nigg, Faraone, & Pennington, 2005) a constaté une associa-
tion entre le TDA-H et plusieurs fonctions exécutives (p. ex., planification,
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H) de l’enfant 193

vigilance, changement d’action, mémoire de travail verbale et visuo-spatiale).


Cette méta-analyse a relevé des effets statistiques modérés et une absence
d’universalité des déficits des fonctions exécutives entre les sujets avec un
TDA-H, suggérant que les dysfonctions exécutives ne sont pas nécessaires
ni suffisantes pour expliquer tous les cas de TDA-H, même si elles jouent un
rôle important dans ce syndrome. Les données récentes mettent en évidence
l’hétérogénéité des TDA-H et débouchent sur des modèles conceptuels qui
établissent des liens entre les fonctions exécutives et d’autres processus,
comme la motivation et la temporalité, et qui prennent en compte plu-
sieurs composantes cérébrales et plusieurs circuits neuronaux (Castellanos,
Sonuga-Barke, Milham, & Tannock, 2006).
Un modèle particulièrement intéressant pour la clinique est celui des
fonctions exécutives hot et cool qui établit des liens entre les symptômes
d’inattention avec les fonctions exécutives cool, et les symptômes d’hyper-
activité et d’impulsivité avec les fonctions exécutives hot. Nous développe-
rons ce modèle des dysfonctionnements neuropsychologiques du TDA-H
ainsi que ceux qui intègrent les données récentes provenant des recherches
d’imagerie cérébrale plus loin dans ce texte.

4. LES ÉTUDES D’IMAGERIE CÉRÉBRALE :


IMPLICATION DES DIFFÉRENTES
RÉGIONS CÉRÉBRALES
Les études d’imagerie cérébrale représentent une voie d’explora-
tion intéressante par rapport au débat important relatif à la compréhen-
sion du TDA-H comme constituant une catégorie diagnostique distincte
par rapport à d’autres troubles, ou comme reflétant l’extrême d’un conti-
nuum dimensionnel de symptômes. Les recherches actuelles étudient en
particulier les dimensions développementales, les aspects structuraux,
les circuits cérébraux et les processus cognitifs impliqués dans les symp-
tômes cliniques et les difficultés des patients ayant un TDA-H. Le but
fondamental de ces recherches est de préciser les fondements neurophy-
siologiques du TDA-H et de préciser les spécificités phénotypiques liées
aux altérations du fonctionnement cérébral. Les données chez les enfants
sont en général plus consistantes que celles chez des patients adultes,
ces dernières étant limitées en général par des cohortes plus petites,
un impact des troubles associés probablement plus élevé, une prise pro-
longée de médicaments et des diagnostics rétrospectifs de TDA-H. Les
études cognitives, neuropsychologiques, neurochimiques et d’imageries
cérébrales mettent en évidence l’implication des différentes régions céré-
brales dans le TDA-H, que nous allons brièvement décrire (Bush, Valera,
& Seidman, 2005).
194 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

4.1 Cortex préfrontal


Les recherches neuropsychologiques et sur le rôle des circuits dopa-
minergiques et noradrénergiques ont signalé le rôle du cortex préfrontal
chez les patients ayant un TDA-H par rapport à l’attention, la cognition, aux
fonctions exécutives et à l’autorégulation comportementale. Les chercheurs
s’intéressent en particulier au DLPFC (dorsolateral prefrontal cortex ;
en français cortex préfrontal dorsolatéral) et au VLPFC (ventrolateral
prefrontal cortex ; en français, cortex préfrontal ventrolatéral) qui jouent
un rôle dans la vigilance, l’attention sélective et divisée, la planification, le
contrôle exécutif et la mémoire de travail (Duncan & Owen, 2000 ; Sergeant,
Geurts, & Oosterlaan, 2002). Le VLPFC est aussi en particulier associé avec
l’inhibition de réponse comme le signalent les études comportant une acti-
vation des tâches de stop-signal (Rubia et al., 1999).

4.2 Cortex cingulaire dorsal antérieur


Le cortex cingulaire dorsal antérieur moyen (daMCC) est situé sur
la surface médiane du lobe frontal et a des connexions importantes avec
le DLFPC, le cortex pariétal et le striatum. Le daMCC joue un rôle central
dans les processus cognitifs liés à l’attention, à la détection d’une cible, à la
modulation de la performance, à la prise de décision, à la motivation et à la
récompense (Bush, 2011). Les dysfonctions du dAMCC sont probablement
impliquées dans les symptômes centraux du TDA-H (inattention, impulsivité
et hyperactivité) et pourraient expliquer les capacités paradoxales des sujets
ayant un TDA-H de réussir certaines tâches en étant motivés, et d’avoir des
performances insuffisantes lorsqu’ils sont moins concernés.

4.3 Striatum
Le noyau caudé et le putamen sont impliqués dans plusieurs réseaux
cérébraux liés aux fonctions exécutives. Des recherches signalent des anor-
malités du striatum dans le TDA-H au niveau volumétrique, du transport de
la dopamine et dans des paradigmes d’imagerie fonctionnelle (Bush et al.,
2005) .

4.4 Autres régions cérébrales


D’autres régions cérébrales, en particulier le cortex pariétal, le gyrus
cingulaire, le thalamus, le corps calleux et, plus récemment, le cervelet,
semblent être aussi impliquées dans le TDA-H. Le cortex pariétal joue un
rôle important dans l’attention et les processus spatiaux. Plusieurs études
ont mis en évidence une activation atypique du gyrus cingulaire dans cer-
taines tâches attentionnelles (e.g., Bush et al., 1999) ainsi qu’au repos (e.g.,
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H) de l’enfant 195

Castellanos et al., 2008) chez les sujets TDA-H. En plus de son rôle dans
des tâches attentionnelles d’inhibition, cette région est également impli-
quée lors de la prise de perspective des états mentaux d’autrui (Jackson,
Brunet, Meltzoff & Decety, 2006). Le thalamus est un élément important
des circuits cortico-striato-thalamo-corticaux impliqués dans l’attention
soutenue et dans les fonctions exécutives ainsi que dans la régulation de la
vigilance et des compétences motrices. Le thalamus relie les informations
entre le striatum et les réseaux neuronaux corticaux (McFarland & Haber,
2002). Le cervelet est connecté avec le cortex préfrontal et le thalamus, en
étant impliqué dans la régulation motrice, le traitement des informations
temporelles, le attention shifting (déplacement de l’attention), la mémoire
de travail verbale, les fonctions exécutives et la régulation émotionnelle
(Mackie et al., 2007).

5. DIMENSIONS DÉVELOPPEMENTALES
Depuis les premières descriptions cliniques, le rôle des processus
développementaux dans l’expression des symptômes suscite des débats
dans la communauté scientifique. Plusieurs études longitudinales ont mon-
tré que les enfants avec un TDA-H présentent un retard de la maturation
cérébrale de 2 à 5 ans suivant les régions cérébrales. Une étude de référence
sur 152 enfants et adolescents présentant un TDA-H comparé à 139 sujets
contrôle (Castellanos et al., 2002) a mis en évidence des trajectoires déve-
loppementales pour toutes les structures cérébrales, à l’exception du noyau
caudé, durant l’enfance et l’adolescence. Cette recherche d’envergure réali-
sée de 1991 à 2001 a posé les jalons scientifiques signalant des différences
des processus de maturation cérébraux chez des enfants avec un TDA-H par
rapport à une population de sujets contrôle. Une seconde étude de référence
portant sur 223 enfants avec un TDA-H comparé à un groupe contrôle de
223 enfants observe un retard développemental en moyenne de 2 à 3 ans
avec une prédominance dans les régions préfrontales impliquées en parti-
culier dans les processus cognitifs d’attention et de planning moteur (Shaw
et al., 2007). Une autre recherche centrée sur les relations entre le degré
de maturation cérébrale corticale et l’intensité des symptômes centraux
du TDA-H, en utilisant le questionnaire de Conners (Goyette, Conners, &
Ulrich, 1978) auprès d’une cohorte de 197 enfants avec un TDA-H com-
parée à 193 sujets contrôles, signale une association du ralentissement de
l’épaisseur corticale durant l’adolescence chez les sujets cliniques avec le
diagnostic de TDA-H et la présence significative de symptômes d’hyper-
activité et d’impulsivité (Shaw et al., 2011). Une étude récente de ce groupe
de recherche sur 92 adultes avec un TDA-H (âge moyen 23.8 ans) observe
une association entre la présence élevée de symptômes liés au TDA-H, lors
de la présence d’une maturation cérébrale moins importante au niveau
196 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

des régions corticales, comme le cortex préfrontal médian droit et le gyrus


cingulaire (Shaw et al., 2013). D’autres études sont nécessaires pour inves-
tiguer l’impact des composantes développementales à l’âge adulte et leurs
implications par rapport aux différents profils cliniques.
Une étude longitudinale sur une durée de 4 ans concernant 43 ado-
lescents avec un TDA-H investigue les effets des traitements avec des
psychostimulants sur les processus de maturation cérébrale (Shaw et al.,
2009). Les 24 adolescents TDA-H avec un traitement de psychostimulants
par rapport aux 19 sans traitements médicamenteux présentent une matu-
ration cérébrale différente dans la région motrice droite, les gyrus frontaux
moyen et inférieur gauches et dans les régions pariéto-occipitales droites,
alors que les deux groupes ne présentent pas de différences de leurs évo-
lutions cliniques. Néanmoins, ces données ne comportent pas d’éléments
qui pourraient signaler que la prise de psychostimulants pourrait ralentir la
croissance cérébrale.
Sur le plan clinique, ces études apportent des pistes intéressantes
de compréhension sur les difficultés d’attention, de mémoire de travail,
d’organisation, de planification et de régulation de la motivation chez certains
préadolescents et adolescents avec un TDA-H, qui peuvent être en partie
liées à un retard dans l’élagage synaptique et dans la maturation cérébrale
de l’adolescence jusqu’à l’âge adulte.

6. IMAGERIES STRUCTURELLES
Les premières études d’imageries cérébrales quantitatives sur le
TDA-H remontent à une vingtaine d’années par le groupe de George Hynd
(e.g., Hynd et al., 1993). Cependant, leur puissance d’analyses était réduite
en raison des limites inhérentes aux premières générations de scanner de
résonance magnétique. Les progrès techniques et informatiques permettent
désormais des récoltes de données de plus en plus fines et précises.
Les revues des études d’imagerie cérébrale chez les enfants et les
adolescents avec un TDA-H en comparaison avec des groupes contrôles
appariés pour l’âge et le sexe (Ellison-Wright, Ellison-Wright, & Bullmore,
2008 ; Faraone & Biederman, 2004 ; Krain & Castellanos, 2006 ; Rubia,
2011 ; Valera, Faraone, Murray, & Seidman, 2007) signalent le plus souvent
la présence d’une diminution des volumes au niveau de plusieurs régions
du cortex frontal, de structures sous-corticales, comme le striatum, le gyrus
cingulaire postérieur, le splenium du corps calleux et le cervelet (en particu-
lier le vermis postérieur inférieur). Par exemple, une étude de référence sur
une cohorte de 152 sujets cliniques et 139 contrôles âgés entre 5 et 18 ans
montre que les enfants avec un TDA-H ont un volume cérébral plus petit
de 3,2 % que les contrôles (Castellanos et al., 2002). Les régions frontales,
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H) de l’enfant 197

pariétales, temporales et occipitales présentent des tendances similaires,


alors que le cortex préfrontal semble être principalement concerné. Mais les
données des études d’imagerie structurelle chez des patients TDA-H sont
relativement inconsistantes, notamment en raison d’un manque d’homogé-
néité des cohortes et des méthodologies. Les zones cérébrales présentant
les différences les plus importantes ne sont pas encore déterminées ni répli-
quées avec suffisamment de fiabilités selon les recherches.
Les études d’imagerie structurelle chez des adultes ayant un TDA-
H signalent en général des réductions de la matière grise et de l’épaisseur
corticale dans les régions similaires à celles observées chez les enfants, par
exemple le gyrus cingulaire antérieur, les ganglions de la base et le cervelet
(Seidman et al., 2011). Mais des recherches signalent des résultats négatifs
ou des différences de volume de matière grise ou du striatum (Ahrendts et
al., 2011 ; Amico, Stauber, Koutsouleris, & Frodl, 2011 ; Depue, Burgess,
Bidwell, Willcutt, & Banich, 2010), ce qui soulève la question de l’évolution
des anormalités cérébrales par rapport au processus développemental.
Des techniques plus sophistiquées ont récemment permis d’exami-
ner les particularités de la matière grise et blanche dans les populations avec
TDA-H. Des études d’imagerie utilisant la diffusion de tension observent
des anormalités dans des faisceaux de matière blanche du cingulum fronto-
striatal, fronto-parietal, fronto-cérébelleux et fronto-occipital chez des
enfants et des adultes avec un TDA-H (Konrad & Eickhoff, 2010), ce qui
suggère que les dysfonctionnements liés à des structures cérébrales chez
les TDA-H ne se limitent pas à des régions spécifiques, mais impliquent des
circuits cérébraux et des connexions entre les différentes régions cérébrales.
Afin de mieux comprendre les différences structurelles entre les
patients ayant un TDA-H et des sujets contrôles, plusieurs études exa-
minent les relations entre les volumes cérébraux de certaines régions et
le fonctionnement des sujets en prenant en considération des aspects cli-
niques par l’intermédiaire de questionnaires comportementaux reconnus et
de tests neuropsychologiques. Ces recherches signalent généralement que
les diminutions des volumes cérébraux sont associées avec la sévérité des
symptômes liés au TDA-H (Castellanos et al., 2001 ; Castellanos et al., 2002).
Des études signalent chez les enfants avec un TDA-H des correspondances
similaires avec des déficits des fonctions exécutives, comme l’inhibition de
réponse (Casey et al., 1997) et l’attention (p. ex., Continuous Perfomance
Task – CPT, voir Hill et al., 2003).
La question des effets des médications à long terme – en particulier
des psychostimulants actuellement – sur les modifications des structures
cérébrales chez les patients ayant un TDA-H reste ouverte dans l’attente
d’études longitudinales sur des cohortes importantes et randomisées. Les
études actuelles sur des petits groupes de patients montrent que les enfants
198 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

présentant un TDA-H et prenant un psychostimulant ne présentent pas de


différences avec ceux sans médication dans les régions cérébrales asso-
ciées au TDA-H : les régions frontales inférieures, prémotrices et pariétales
(Shaw et al., 2009), le vermis du cervelet (Bledsoe, Semrud-Clikeman,
& Pliszka, 2009), le gyrus cingulaire antérieur (Pliszka et al., 2006), le
noyau caudé (Semrud-Clikeman, Pliszka, Lancaster, & Liotti, 2006 ; Sobel
et al., 2010), et le thalamus (Ivanov et al., 2010). Des données observent
que les noyaux de la base pourraient être particulièrement impliqués dans
les modifications architecturales entraînées par la prise de longue durée de
psychostimulants, qui inhibent la recapture présynaptique de la dopamine
et dans une moindre mesure de la noradrénaline particulièrement dans ces
régions (Volkow et al., 2007). Une méta-analyse concernant 14 recherches
comprenant 378 patients avec un TDA-H et 344 contrôles signale que les
patients prenant une médication avec un psychostimulant sont corrélés
avec une augmentation « normale » des volumes de matière grise dans le
noyau caudé droit (Nakao, Radua, Rubia, & Mataix-Cols, 2011). Ces don-
nées doivent être confirmées par de nouvelles études longitudinales sur des
cohortes importantes et utilisant des méthodologies comparables.
Les connaissances actuelles vont dans le sens que le TDA-H est asso-
cié avec une diminution des volumes cérébraux. Ces différences de volumes
semblent représenter un déficit lié à des facteurs génétiques précoces et/ou
environnementaux. Les données de la littérature signalent que plusieurs
structures cérébrales sont impliquées dans les symptômes et les difficultés
des patients avec un TDA-H, en particulier le cortex frontal, les noyaux de la
base (p. ex., le noyau caudé), et la région du vermis du cervelet. De nouvelles
recherches sont indispensables pour préciser la validité de ces observations
et mieux comprendre les relations entre les structures cérébrales et les cir-
cuits cérébraux impliqués dans le TDA-H.

7. IMAGERIES FONCTIONNELLES
Les progrès rapides des neurosciences durant ces deux dernières
décennies permettent de préciser, en intégrant les données de neuro-
imagerie, neuropsychologiques, génétiques et neurochimiques, les compo-
santes cérébrales impliquées dans les TDA-H. Comme nous l’avons décrit
plus haut, les études développementales et structurelles précisent le repé-
rage des frontières entre les aspects liés à l’âge et les différences liées aux
spécificités du TDA-H, des structures et des réseaux neuronaux méritant
d’être investiguées par des techniques d’imagerie cérébrale. Les approches
d’imagerie fonctionnelle s’intéressent surtout aux régions cérébrales qui sont
impliquées dans l’attention soutenue ou divisée, les fonctions exécutives, la
mémoire de travail, le contrôle moteur, l’inhibition de réponse ou d’inter-
férence, la temporalité motrice, la discrimination ou la prévision temporelle,
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H) de l’enfant 199

la motivation, la récompense et la prise de décision (Bush et al., 2005 ;


Rubia, 2011). Les méthodologies utilisées varient selon les processus étudiés,
comme l’inhibition de réponse ou d’interférence, l’attention soutenue ou
divisée, la mémoire de travail, la temporalité motrice, la discrimination ou la
prévision temporelle, la motivation et la récompense.
Les modèles théoriques récents proposent de distinguer les systèmes
cérébraux suivants :

1. Un modèle concernant en particulier les troubles de l’attention chez


les patients avec un TDA-H signale le rôle du réseau attentionnel
cingulo-fronto-pariétal (CFP) qui intègre le système de l’attention,
comprenant trois sous-systèmes qui interagissent entre eux : orien-
tation, détection et alerte/vigilance (Petersen & Posner, 2012). Les
structures particulièrement impliquées sont les suivantes : le daMCC,
le DLPFC et le VLPFC et le cortex pariétal (Bush, 2010). Le stria-
tum, les aires prémotrices, le thalamus et probablement le cervelet
interagissent également en parallèle avec les circuits de l’attention
et de la cognition (Posner & Rothbart, 1998). Ces zones cérébrales
sont aussi impliquées dans d’autres processus comme nous l’avons
vu plus haut. Ce modèle permet une compréhension des structures
et des réseaux cérébraux impliqués dans l’attention ainsi qu’une
représentation des processus cérébraux impliqués dans l’une des
caractéristiques centrales du TDA-H.
2. Des hypothèses récentes proposent de mettre en relation les symp-
tômes d’inattention avec les déficits exécutifs cool, et les symptômes
d’hyperactivité et d’impulsivité avec les déficits exécutifs hot (Cas-
tellanos et al., 2006 ; Cubillo, Halari, Anna Smith, Taylor, & Rubia,
2012), qui concerneraient les circuits cérébraux suivants :
a. le circuit fronto-striato-cérébelleux, nommé le circuit exécutif
cool, implique en particulier le VLPFC et le DLPFC ainsi que
les réseaux fronto-strié, fronto-cérebelleux et fronto-pariétal.
Ce circuit est associé à des troubles de l’inhibition de réponse,
de l’attention, de la mémoire de travail, de l’organisation et
de la planification, et investigué par la plupart des tâches
exécutives, comme Stroop, Go/No-Go, Stop Task, CPT et
mémoire de travail ;
b. le circuit frontal-limbique, nommé le circuit exécutif hot,
concernant en particulier le cortex préfrontal médian et
orbital (OMPFC), le gyrus cingulaire antérieur, le striatum,
les structures fronto-limbiques ventro-médiannes (VMPFC)
et les circuits limbiques, est associé à des troubles du contrôle
émotionnel, de la motivation, de la récompense, d’hyperacti-
vité et d’impulsivité.
200 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

3. Les études récentes sur le resting brain activity (l’activité céré-


brale au repos) apportent de nouvelles informations sur les fonctions
de resting state (en état de repos) et de vigilance qui pourraient
altérer le système d’attention chez les sujets ayant un TDA-H
(Sonuga-Barke & Castellanos, 2007 ; Weissman, Roberts, Visscher,
& Woldorff, 2006).

Un modèle conceptuel a proposé d’associer les troubles de l’attention


avec une défaillance de supprimer les activités du « default-mode network »
(réseau cérébral par défaut) qui est un circuit cérébral impliquant le VMPFC,
le cortex cingulaire postérieur (PCC) et le precuneus impliqués dans des
processus qui se désactivent lorsqu’un sujet effectue une tâche, afin de gérer
de manière optimale des sollicitations cognitives (Raichle et al., 2001). Des
chercheurs suggèrent que la variabilité des performances des patients avec
un TDA-H pourrait être associée à une synchronisation dysfonctionnelle du
réseau par défaut, ou des interactions entre ce circuit cérébral et des régions
impliquées activement dans la réalisation de tâches, par exemple le gyrus
cingulaire antérieur dorsal (ACC) et le VMPFC (Castellanos et al., 2008 ;
Sonuga-Barke & Castellanos, 2007).
Les études d’imagerie cérébrale fonctionnelle investiguant les
modèles décrits ci-dessus chez des enfants, des adolescents et des adultes
avec un TDA-H sont trop nombreuses pour être décrites de manière détaillée
dans le présent texte. Ces modèles apportent des éclairages intéressants
par rapport aux symptômes et aux difficultés auxquels sont confrontés les
patients ayant un TDA-H.
Les stratégies des prises en charge, des interventions et des accom-
pagnements des sujets avec un TDA-H doivent prendre en compte ces spé-
cificités des TDA-H, tout en identifiant les particularités de chaque sujet,
les troubles associés, le contexte environnemental ainsi que les ressources
personnelles et de l’entourage. Les approches cognitivo-comportementales
comme les coaching des sujets avec un TDA-H et/ou de leur entourage, en
particulier leurs parents, se réfèrent aux dysfonctionnements cognitifs et
comportementaux dont la nature est précisée par les données neurobiolo-
giques et neuropsychologiques.

8. LES APPROCHES PLURIDISCIPLINAIRES


DU TDA-H
Les traitements médicamenteux occupent certes une place impor-
tante dans les prises en charge des patients avec un TDA-H, mais leur efficacité
et leur tolérance sur le long terme représentent des problèmes fréquents dans
la pratique clinique (Wigal et al., 2006) ainsi que la fréquence non négligeable
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H) de l’enfant 201

de parents qui préfèrent ne pas donner une médication à leur enfant. Les
approches psychothérapeutiques cognitivo-comportementales des enfants
et des adolescents TDA-H ont été la seconde étape avec le développement
progressif de stratégies spécifiques prenant en compte les caractéristiques du
TDA-H, liées à la triade classique inattention/hyperactivité/impulsivité, ainsi
que les problèmes exécutifs dans la vie quotidienne. Malgré leur efficacité
initiale, les traitements cognitivo-comportementaux ont aussi des limitations
importantes. Les enfants avec un TDA-H ont tendance sur la durée à pré-
senter des symptômes persistants (Swanson et al., 2001), et des difficultés
relationnelles avec leurs pairs (Hoza et al., 2005). Par ailleurs, les traitements
médicamenteux et les interventions cognitivo-comportementales ont tendance
à ne pas entraîner une disparition des difficultés sous-jacentes et ne pas être
poursuivies sur la durée (Chronis et al., 2004 ; Chronis et al., 2003).
Des interventions psycho-éducatives concernant des enfants ayant
un TDA-H, des parents et des enseignants, se sont développées depuis la fin
des années 1970 sous la forme de programmes d’entraînement ou de coa-
ching parental, puis d’interventions centrées sur les enfants et ensuite sur
les adolescents avec un TDA-H (Barkley, 2006). Des études qualitatives vont
dans le sens de l’expérience clinique selon laquelle ces approches entraînent
souvent une amélioration significative des comportements parentaux, des
relations familiales et du fonctionnement psychosocial de l’enfant souffrant
avec un TDA-H (Pelham, Jr. & Fabiano, 2008).
Le TDA-H est une affection comportant une chronicité dans une
proportion importante de situations, et qui nécessite des interventions
pluridisciplinaires agissant sur les différents domaines concernés par ce
syndrome – neurobiologiques, neuropsychologiques, comportementales,
environnementales et relationnelles –, tout en identifiant les particularités
de chaque sujet, les troubles associés ainsi que les ressources personnelles
et de l’entourage.
Les données provenant des études d’imagerie cérébrale et neuro-
psychologiques permettent de préciser les dysfonctionnements cognitifs et
comportementaux spécifiques au TDA-H et de les intégrer dans les stratégies
des prises en charge, des interventions et des accompagnements des sujets
avec un TDA-H. Nous allons nous intéresser à leurs applications cliniques
et pédagogiques.

9. STRATÉGIES PÉDAGOGIQUES
LIÉES AU TDA-H
Durant les années 1990, les stratégies d’intervention ont privilégié
les approches médicamenteuses et cognitivo-comportementales qui ont été
au centre de la MTA Study (Multimodal Treatment of ADHD) du National
202 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Institute of Mental Health (MTA Cooperative Group, 1999). L’impact négatif


des TDA-H sur la scolarité a été signalé déjà dans les années 1970 (Willis &
Lovaas, 1977) et a été signalé par de nombreuses études (Hinshaw, 1992 ;
Mash & Barkley, 2003 ; Zentall, 1993). Le rôle des difficultés exécutives et
de l’autorégulation qui sont associés aux troubles spécifiques du TDA-H ont
été mis en évidence vers les années 1990 (Barkley, 1997 ; Douglas, 1988).
Les troubles de l’attention, l’hyperactivité, l’impulsivité et les difficultés
exécutives sont les axes des stratégies pédagogiques développées par des
spécialistes du TDA-H, comme Douglas, Parry, Marton et Garson (1976),
Barkley (2006), DuPaul et Eckert (1997), DuPaul, Weyandt, O’Dell et
Varejao (2009) et Pelham, Gnagy, Greiner et Hoza (2005), en comportant
des modalités d’interventions influencées par les approches cognitivo-
comportementales (Raggi & Chronis, 2006).
Les stratégies proposées par Barkley (2006) et Honsberger et
Bader (2013) comportent tout d’abord des recommandations générales, par
exemple : limiter la charge totale de travail scolaire ; segmenter le temps
fixé pour une tâche donnée ; prévoir une organisation structurée du bureau
sur lequel l’enfant travaille ; limiter les devoirs à la maison s’ils n’ont pas été
terminés en classe (la maison n’étant pas le « lieu de performance » pour
les devoirs scolaires) ; donner à l’avance des plans hebdomadaires pour les
devoirs à faire à la maison de façon à ce que les parents puissent mieux
organiser leur réalisation ; organiser des appuis en dehors des heures de
classe ; utiliser de consignes claires ; des supports informatiques ou pédago-
giques bien préparés. La gestion de la classe comporte des règles comme :
permettre des espaces de décharge motrice dans la classe ou en dehors de
la classe ; utiliser des méthodes pédagogiques interactives durant le cours en
faisant participer activement les élèves ; ne pas demander qui va répondre le
plus vite (gérer la frustration) ; planifier les sujets les plus difficiles durant la
matinée ; alterner entre les activités faisant appel à des stimulations faibles
et élevées ; optimiser la lisibilité et la visibilité des documents transmis.
Les tâches posant en particulier des problèmes aux élèves TDA-H
sont par exemple celles portant sur un nouveau contenu, ayant peu de
liens – ou pas – avec des connaissances ou des compétences antérieures
(p. ex., concepts mathématiques), ou comportant des processus langagiers
complexes et longs (p. ex., texte d’information comportant des termes tech-
niques). Les tâches cognitives complexes et contraignantes (p. ex., activité
cognitive nécessitant l’intégration d’informations nouvelles et en même
temps le maintien en mémoire de plusieurs idées).
Les stratégies pédagogiques prennent en compte en particulier la
gestion de l’attention, les oublis, l’organisation, la planification, la gestion du
temps, la capacité de décision, la persévérance et la capacité à mener des
projets à leur terme. Les difficultés à gérer l’autorégulation émotionnelle,
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H) de l’enfant 203

la motivation, la frustration ainsi que la fragilité de l’estime de soi sont égale-


ment des points importants qui sont pris en considération dans les approches
pédagogiques des TDA-H. DuPaul et son équipe ont aussi développé des
interventions dans le cadre scolaire pour aider les enseignants à identifier les
facteurs problématiques présents chez les élèves avec un TDA-H, et à agir
dans la classe en intervenant sur les aspects pédagogiques décrits plus hauts
(DuPaul & Stoner, 1994 ; Ervin, DuPaul, Kern, & Friman, 1998)
Le parrainage par les pairs possède des effets positifs sur les compor-
tements en classe et sur les capacités des apprentissages scolaires (DuPaul,
Ervin, Hook, & McGoey, 1998 ; Greenwood, Delquatri, & Carla, 1988). Des
tâches ayant un effet de stimulation, comme l’utilisation de couleurs, ont
des effets positifs sur les capacités cognitives et motrices des enfants et des
adolescents avec un TDA-H (Zentall, 1986). Des interventions concernant
les prises de notes pour des enfants ayant un TDA-H ont aussi un impact
positif sur les processus d’apprentissage et sur les méthodes de mémorisa-
tion (Evans, Axelrod, & Langberg, 2004 ; Evans, Langberg, Raggi, Allen, &
Buvinger, 2005). Des études sur les devoirs scolaires à domicile signalent
le rôle important des parents d’enfants avec un TDA-H, concernant en
particulier la définition des objectifs, des priorités et des étapes (Anesko &
O’Leary, 1983 ; Miller & Kelley, 1994 ; Weiner, Sheridan, & Jenson, 1998).
Une approche de coaching parental centré sur l’encadrement des devoirs
semble être intéressante dans l’attente d’études évaluant son efficacité
(Habboushe et al., 2001).
Comme le mentionnent Raggi et Chronis (2006), ces approches
pédagogiques nécessitent un engagement actif de la part des élèves ayant un
TDA-H afin d’obtenir un impact sur les capacités d’attention et les fonctions
exécutives. Ces interventions agissent aussi sur la motivation, la gestion de
la frustration et de la récompense ainsi que sur l’estime de soi.
Les progrès de nos connaissances sur le TDA-H et des technologies
informatiques apportent de nouvelles possibilités d’intervention sur les
capacités cognitives des sujets ayant un TDA-H. Nous allons développer ce
point dans le passage suivant.

10. LES APPROCHES NEUROCOGNITIVES


DU TDA-H
Durant la dernière décennie, le TDA-H est de plus en plus appré-
hendé comme reflétant une trajectoire développementale (Sonuga-Barke &
Halperin, 2010), associée à des facteurs liés à plusieurs circuits cérébraux
qui contribuent à l’apparition des troubles depuis la petite enfance (Nigg,
Willcutt, Doyle, & Sonuga-Barke, 2005). Le rôle du développement neuronal,
qui est non linéaire et qui se déroule de manière différente suivant les régions
204 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

cérébrales, fait intervenir des facteurs génétiques et environnementaux.


De nombreuses études animales (Halperin & Healey, 2011) montrent les
effets des modifications de l’environnement, par exemple sur le volume des
synapses, les connexions des dendrites, la densité synaptique et les neuro-
transmetteurs, comme sur les stimuli sociaux, cognitifs et moteurs.
Durant ces dernières années, les approches neurocognitives chez les
enfants avec un TDA-H ont suscité un intérêt croissant avec pour objectif
de proposer des interventions non pharmacologiques et de développer des
traitements agissant plus spécifiquement sur les composantes neurobiolo-
giques de ce trouble (Toplak, Connors, Shuster, Knezevic, & Parks, 2008).
Deux approches neurocognitives sont particulièrement intéressantes : les
entraînements cognitifs et le neurofeedback. Notre propos nous amène à
nous intéresser seulement aux entraînements cognitifs.
Comme le relèvent Halperin et Healey, (2011), l’hypothèse de base
de ces approches est qu’une remédiation des domaines impliqués dans le
TDA-H entraînerait une diminution des troubles. La majorité de ces nou-
velles interventions concernent des entraînements cognitifs centrés sur
l’attention ou la mémoire de travail. Ces approches sont centrées sur les
déficits neuropsychologiques qui sont des facteurs aggravants du TDA-H,
sans être directement un traitement effectif des symptômes liés au TDA-H
(Sonuga-Barke, Brandeis, Holtmann, & Cortese, 2014).
La première étude de référence sur la question de l’entraînement des
capacités attentionnelles a utilisé un programme de 18 semaines centré sur
l’attention visuelle et auditive chez des enfants TDA-H (Semrud-Clikeman
et al., 1999). Cet entraînement a été associé avec une amélioration des
capacités d’attention visuelle et auditive sur des tâches qui n’ont pas été
entraînées, mais l’impact de ce programme sur les enfants dans la classe n’a
pas été investigué.
Une étude chez des enfants ayant accompli un entraînement de
l’attention (Pay Attention!), utilisant des procédures auditives et visuelles
visant à mobiliser différents types d’attention, indique des améliorations
cognitives par rapport aux contrôles, mais avec des effets minimes au
niveau des comportements liés au TDA-H (Kerns, Eso, & Thomson, 1999).
Une recherche récente utilisant un entraînement progressif informatisé de
l’attention (Computerized progresive attention trainging – CPAT) chez
20 enfants ayant un TDA-H signale une amélioration de tests académiques
(p. ex., compréhension de la lecture, vitesse de la copie), et une diminution
des symptômes d’inattention dans le cadre familial selon les parents (Shalev,
Tsal, & Mevorach, 2007). Une autre étude randomisée utilise un training
de l’attention informatisé (Computer Attention Training – CAT) et un
programme d’instruction sur l’attention informatisé (Computer Assisted
Instruction – CAI) chez 77 collégiens présentant des troubles de l’attention
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H) de l’enfant 205

(Rabiner, Murray, Skinner, & Malone, 2010). Les résultats signalent une
diminution des problèmes d’attention selon les enseignants, une améliora-
tion de la fluence de la lecture et des performances scolaires. La persistance
des problèmes d’attention est associée à des résultats scolaires faibles dans
différents domaines.
Les trainings informatisés sont devenus ces dernières années l’enjeu
de marchés commerciaux très importants. Le Dr Kawashima’s Brain
Training commercialisé par Nintendo est un succès commercial mondial.
Des programmes comme Mindsparke (2011), Lumosity (2011), Jungle
Memory (2011) et Captain’s Log (Sanford & Brown, 1988) mentionnent
une augmentation des capacités intellectuelles. Le programme Cogmed
concernant en particulier la mémoire de travail développé sous l’impulsion
de Klingberg et al. (2005) a été développé initialement pour des enfants
ayant un TDA-H, et il fait l’objet de publications scientifiques sur son effi-
cacité. Pour ces raisons, nous ne présenterons pas dans ce texte d’autres
entraînements informatisés.
Ces programmes cognitifs informatisés sont intéressants, mais ils
sont contraignants et nécessitent une motivation importante des sujets et
un cadre parental permettant leur réalisation jusqu’à leur terme. À titre
d’exemple, le programme Cogmed comprend 25 séances d’entraînement
d’une durée de 30’ à 45’ selon le niveau de difficulté des tâches cognitives.
Les sujets doivent en principe faire 5 séances d’entraînement par semaine
sur une durée de 5 semaines. L’expérience clinique et les données actuelles
signalent l’utilité de poursuivre cet entraînement sur une période prolongée,
par exemple 6 mois, voire 1 an, mais ceci de manière intermittente.
Ce training a été conçu en tenant compte de la longueur et du degré
de complexité des exercices à effectuer, de la présentation et de la variabilité
des stimuli. Les explications des exercices sont clairement présentées dans
un langage adapté à l’âge des sujets. Les participants sont confrontés à des
exercices qui augmentent progressivement en difficulté au fur et à mesure
que les sujets les réussissent. Mais leur niveau de difficulté diminue rapide-
ment dès qu’un sujet se trouve confronté à plusieurs échecs. Le but est de
favoriser les efforts du participant pour trouver des stratégies personnelles
qui lui permettent de progresser dans la difficulté des exercices et de main-
tenir la motivation de poursuivre le training jusqu’à la fin. Un jeu est aussi
proposé comme récompense immédiate en tenant compte des difficultés des
enfants ayant un TDA-H de maintenir une motivation et un engagement lors
de récompenses différées dans le temps.
Un autre volet important est la participation durant tout ce proces-
sus d’un clinicien ou d’un coach expérimenté dans le TDA-H qui investigue
tout d’abord si le sujet a effectivement un TDA-H et des difficultés exé-
cutives, en particulier des problèmes de mémoire de travail. Le professionnel
206 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

présente le programme de remédiation cognitive en décrivant ses buts et ses


contraintes. Les participants sont ensuite suivis sous la forme de téléphones
hebdomadaires et de courriels afin de suivre la progression, de discuter des
difficultés et de réfléchir avec les sujets à des stratégies possibles et de leur
permettre aussi de mieux identifier leurs problèmes, mais aussi leurs poten-
tialités. La fin du training est ponctuée par une consultation de bilan et de
réflexions sur la suite de la prise en charge du sujet.
Plusieurs études signalent que le programme Cogmed de remédia-
tion cognitive améliore de manière significative les capacités de mémoire
de travail et une réduction des problèmes liés au TDA-H selon plusieurs
études (Holmes, Gathercole, & Dunning, 2009 ; Klingberg et al., 2005 ; Kling-
berg, Forssberg, & Westerberg, 2002). Les améliorations des performances
cognitives concernent la mémoire de travail visuo-spatiale et verbale, un
raisonnement complexe non verbal (Matrices progressives de Raven) et
l’inhibition de réponse (Klingberg et al., 2005). Ces modifications persistent
de manière notable après trois mois d’après les évaluations des parents,
mais pas des enseignants. Deux études récentes chez des adolescents avec
un TDA-H (Gibson et al., 2011) et des adolescents contrôles (Gibson et al.,
2012) signalent que l’entraînement développé par Cogmed agit sur les com-
posantes de l’attention et de la mémoire primaire de la mémoire de travail,
mais pas suffisamment sur la composante secondaire de la mémoire, ce qui
nécessiterait selon ces auteurs des modifications de ce programme.
L’hypothèse de la plasticité cérébrale induite par un programme
de remédiation cognitive est étayée par les premières études d’imagerie
cérébrale. Une étude d’imagerie cérébrale chez des adultes avec un TDA-
H utilisant le programme Cogmed signale une augmentation des activités
cérébrales dans les régions pariétales et frontales par rapport à la mémoire
de travail (Olesen, Westerberg, & Klingberg, 2004). Une autre étude chez
des sujets adultes contrôles montre une modification des récepteurs D1 de
la dopamine dans les régions préfrontales et pariétales (McNab et al., 2009).
Ces recherches suggèrent la présence de mécanismes de plasticité cérébrale
et de processus neurochimiques potentiels (Klingberg, 2010). L’étape sui-
vante est l’étude des mécanismes spécifiques cognitifs et cérébraux qui sont
impliqués afin de mieux comprendre la nature de ces changements en tenant
compte des spécificités de chaque sujet et des différentes composantes
impliquées dans la mémoire de travail (Gibson et al., 2012).
La durée de l’impact des modifications induites par ce training cogni-
tif sur la mémoire de travail, l’attention, l’impulsivité et la mémoire à court
terme et épisodique reste une question ouverte, comme d’ailleurs le degré
d’effets de ces programmes informatisés sur d’autres domaines cognitifs. Des
auteurs remettent de leur côté en question l’efficacité de ces entraînements
cérébraux informatisés, comme celui développé par Cogmed, en mettant
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H) de l’enfant 207

en avant des problèmes conceptuels par rapport à la mémoire de travail et


aux transferts de compétences cognitives, et méthodologiques en particulier
par rapport à la constitution des groupes contrôles et aux mesures cognitives
étudiées (Hulme & Melby-Lervåg, 2012 ; Jaeggi, Buschkuehl, Jonides, &
Shah, 2012 ; Shipstead, Hicks, & Engle, 2012). Des auteurs ont des doutes
sur l’impact effectif de ce training sur les symptômes liés au TDA-H et sur
la mémoire de travail (Shipstead et al., 2012 ; Morrisson & Chein, 2012).
D’autres auteurs relèvent son intérêt tout en proposant des pistes pour
améliorer sa pertinence et son efficacité, par exemple de prendre davantage
en compte les composantes mnésiques de la mémoire de travail (Gibson et
al., 2012).
Une autre question centrale est celle du transfert de compétences
cognitives chez les sujets contrôles et chez les patients. Des études utilisant
un entraînement de mémoire de travail (n-back) chez des sujets contrôles
signalent un effet sur l’intelligence fluide (Jaeggi, Buschkuehl, Jonides, &
Perrig, 2008 ; Jaeggi, Buschkuehl, Jonides, & Shah, 2011 ; Jaeggi et al.,
2010), d’autres ne le confirment pas (Chooi & Thompson, 2012 ; Colom et
al., 2010). Les effets de transfert sur l’attention sont à ce jour moins probants
(Morrison & Chein, 2011).
De nouvelles recherches indépendantes sur des groupes contrôles
et des cohortes cliniques ayant des problématiques rigoureusement définies
sont indispensables pour déterminer l’impact sur la durée des trainings
cognitifs et sur la présence de transferts de compétences cognitives. La
nature des tâches cognitives investiguées et la non-connaissance des groupes
chez les investigateurs sont des aspects méthodologiques également impor-
tants devant être pris en considération (Shipstead, Redick, & Engle, 2012).
Des études sont aussi nécessaires pour mieux comprendre les processus
cognitifs impliqués afin de développer des méthodes spécifiques selon les
troubles, comme le TDA-H. Elles devraient également s’intéresser aux méca-
nismes neuronaux sous-jacents afin d’identifier des stratégies d’interventions
plus efficaces (Jaeggi et al., 2012).
Pour ces différentes raisons, d’autres recherches sont nécessaires
pour préciser les effets spécifiques de ces entraînements sur le plan cognitif
et par rapport aux symptômes liés au TDA-H avant de les généraliser dans
des programmes pluridisciplinaires d’intervention chez les enfants et les
adolescents avec ce trouble (Sonuga-Barke et al., 2014).

11. LES ASPECTS CLINIQUES


La pratique clinique avec des patients ayant un TDA-H montre
aussi l’importance d’associer à ce programme informatisé une dimension
de remédiation métacognitive, comme lors de séances de groupes centrés
208 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

sur les fonctions exécutives (Giroux, Parent, & Guay, 2010) en réfléchissant
avec le sujet sur ses propres processus cognitifs à partir de ses expériences
durant le training, et en les mettant en perspective avec son fonctionnement
dans la vie quotidienne. La conjonction de ces deux formes de remédiation
cognitive permet au sujet de prendre plus conscience de ses difficultés, mais
aussi de ses ressources personnelles et des stratégies qui lui correspondent.
Cette dynamique permet de mettre en avant les expériences de motiva-
tion et de persévérance en relation avec les délais de renforcement et de
récompense qui sont souvent plus courts dans le TDA-H (Sonuga-Barke &
Halperin, 2010).
Notre pratique clinique nous montre que les enfants ayant un
TDA-H peuvent souvent faire différentes expériences positives. D’une
part, ils se confrontent dans un contexte non scolaire à des expériences
d’échec qui peuvent être dépassées en utilisant d’autres stratégies cogni-
tives, ou qui persistent malgré des efforts en ne comportant pas de consé-
quences dramatiques. Ils prennent ainsi plus conscience des effets de la
réflexion et de la persévérance, et aussi des limites personnelles propres
à la condition humaine. Les enfants font aussi une expérience positive
d’autonomie par rapport aux parents et se rendent souvent compte qu’ils
ont des capacités cognitives qui ne sont pas assez mises en évidence dans
le cadre scolaire.
Les adolescents peuvent également observer des améliorations de
leurs capacités d’attention, une diminution des problèmes quotidiens liés en
grande partie au TDA-H (p. ex., oublis d’affaires ou de matériels scolaires),
ainsi qu’une augmentation de leur motivation à entreprendre des activités
et de leur confiance en eux. Ces observations cliniques sont aussi souvent
décrites par les parents sur leur enfant et rejoignent les informations recueil-
lies dans certaines études comme celle du groupe de Rosemary Tannock
(Gropper, Gotlieb, Kronitz, & Tannock, 2014). Mais il est important de rele-
ver que ces effets positifs observés cliniquement ne sont pas nécessairement
liés directement à un training cognitif, comme celui de Cogmed, et reflètent
aussi des effets non spécifiques induits par le contexte relationnel entre le
patient, ses parents et le clinicien, ainsi que par des aspects liés à l’investis-
sement des parents et des participants à ce type d’approche.
Notre expérience clinique nous montre qu’un entraînement cogni-
tif informatisé, comme Cogmed, met également en évidence le rôle de la
clarté des instructions, de l’adéquation des tâches avec les spécificités du
TDA-H, de l’expérience des réussites et des échecs, de la persévérance et
de l’évaluation des moments de pause ou de différer la tâche à un moment
plus approprié. Ces différents aspects se retrouvent aussi dans la pédagogie
et dans les apprentissages scolaires et professionnels des sujets ayant un
TDA-H.
Trouble du déficit d’attention-hyperactivité (TDA-H) de l’enfant 209

12. CONCLUSIONS
Le TDA-H est le trouble pédopsychiatrique et développemental
le plus fréquent de l’enfance et de l’adolescence. La convergence des
données scientifiques provenant des dimensions génétiques, neurobio-
logiques, neuropsychologiques et cliniques signale le rôle des facteurs
neuro-développementaux dans l’émergence et la nature des symptômes
caractéristiques. Les recherches neurobiologiques récentes en particu-
lier d’imagerie cérébrale apportent de nouvelles pistes de compréhen-
sion très intéressantes sur la nature des difficultés des sujets ayant un
TDA-H, et sur l’intrication entre les symptômes classiques de la triade
« inattention-hyperactivité-impulsivité », les difficultés exécutives, la
motivation, la sensibilité aux récompenses immédiates et les prises de
décisions impulsives. Les progrès de nos connaissances sur le TDA-H
permettent de mieux cibler les approches pédagogiques en agissant à
la fois sur les symptômes liés à cette triade et sur les difficultés exécu-
tives. Ces interventions nécessitent une compréhension profonde des
spécificités des TDA-H et des stratégies favorisant aussi la participation
des élèves ayant un TDA-H, en tenant compte des besoins individuels et
de la dynamique de la classe. Ces pratiques pédagogiques possèdent un
impact à la fois sur les problématiques spécifiques liées au TDA-H et sur
la motivation, la gestion de la frustration et de la récompense ainsi que
sur l’estime de soi.
Dans l’attente de nouvelles données scientifiques, les entraînements
cognitifs représentent une piste intéressante en complément des approches
habituelles chez les patients ayant un TDA-H (p. ex., médication, psycho-
thérapies, coaching). Notre expérience clinique nous montre qu’un entraî-
nement cognitif informatisé comportant des tâches cognitives complexes,
comme Cogmed, peut apporter une aide positive à des enfants et des ado-
lescents avec un TDA-H en leur permettant d’améliorer leur fonctionnement
exécutif dans la vie quotidienne et de prendre plus confiance dans leurs
potentiels cognitifs. Ce type d’entraînement nous montre aussi le rôle de la
clarté des instructions, de l’adéquation des tâches avec les spécificités du
TDA-H, de l’expérience des réussites et des échecs, de la persévérance et
de l’évaluation des moments de pause ou de différer la tâche à un moment
plus approprié. Ces différents aspects se retrouvent aussi dans la pédagogie
et dans les apprentissages scolaires et professionnels des sujets ayant un
TDA-H. Des recherches sont encore nécessaires pour préciser les effets
spécifiques de ces entraînements cognitifs et pour préciser les indications
chez certains groupes de patients, comme en particulier ceux qui présentent
un TDA-H.
210 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

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Chapitre
Les bases neurologiques de la prise
8
de risque chez les adolescents :
une revue critique
Vincent LALIBERTÉ, Daina CRAFA et Suparna CHOUDHURY

Au cours des dernières années, les adolescents ont reçu une


attention croissante de la part des responsables de politiques sociales, des
éducateurs et des chercheurs en neurosciences cognitives. Les décideurs,
les parents et les adolescents eux-mêmes se sont récemment tournés vers
les neurosciences pour comprendre comment le cerveau peut expliquer les
comportements typiquement associés à la période de l’adolescence. Les
comportements à risque ont été l’objet d’une attention particulière, dans le
cadre du « modèle du double système » dans le cerveau pour expliquer la
tendance plus élevée chez les jeunes gens de ce groupe d’âge à manifester
des comportements à risque. Le statut actuel et l’impact des neurosciences
dans la culture populaire en général et chez les responsables de politiques
sociales incitent à faire le point sur l’état des études dans ce domaine. Dans
ce chapitre, nous analyserons la littérature récente traitant de la recherche
en neuro-imagerie sur le développement du cerveau et la relation avec la
prise de risque. En nous référant aux données et aux interprétations issues
de ces recherches, mais aussi en considérant d’autres domaines, nous abor-
dons la question de la spécificité et de la cohérence des données neuro-
scientifiques, ainsi que leurs conséquences sociales et culturelles concernant
la relation entre le cerveau et les comportements à risque chez les jeunes.
222 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Les neurosciences cognitives ont fait des progrès impressionnants


au cours des vingt dernières années, apportant un éclairage nouveau sur
notre compréhension du développement humain, de l’enfance à l’âge adulte.
L’adolescence a fait l’objet d’une attention particulière car de nombreuses
transformations ont lieu durant cette période : des changements physiques,
mais également cognitifs et socio-émotionnels (Braams, Van Leijenhorst,
& Crone, 2014). Du fait de ces changements, l’adolescence a été décrite
comme une période de vulnérabilité. Les comportements à risque et impul-
sifs, tels que le fait de conduire imprudemment, la prise de drogues, les
comportements d’ordre criminel ou les rapports sexuels non protégés sont
plus courants pendant cette période de la vie, ce qui expliquerait un taux de
mortalité plus élevé (Burnett, Bault, Coricelli, & Blakemore, 2010 ; Eaton et
al., 2008 ; Patton et al., 2009). Les responsables de politiques sociales, les
éducateurs et les parents se tournent de plus en plus vers les chercheurs
en neurosciences cognitives développementales et les psychiatres pour les
aider à comprendre comment intervenir dans le cadre de ce problème de
santé publique, car les chercheurs pensent que l’explication se trouve dans
les différences structurelles et fonctionnelles observées dans le cerveau des
adolescents comparé au cerveau de l’adulte ou de l’enfant. Cette recherche
met en avant un modèle prédominant pour expliquer les comportements à
risque chez les adolescents : le modèle du double système (dual system
model – DS). Pour résumer, ce modèle propose que les zones du cerveau
responsables du traitement des émotions se développent avant les zones du
cerveau qui sont responsables de la régulation de ces émotions (Steinberg,
2008). Ce modèle de la prise de risque pendant l’adolescence a été assez
facilement adopté dans d’autres domaines de la société, telles que la justice
(Aronson, 2007 ; Pacheco, 2014 ; Rosen, 2007 ; Steinberg, 2013), la clinique
(Harvard Health Publication, 2005), et l’éducation (Cozolino, 2013). Ce
modèle a été largement véhiculé par les médias (Blakemore & Robins, 2012).
Dans la mesure où ce modèle a eu une grande influence et qu’il
atteint de nombreuses cibles, y compris les adolescents eux-mêmes, nous
pensons que le modèle neurologique de la prise de risque mérite une atten-
tion particulière. Ce chapitre présente un état des recherches récentes sur
les bases neurologiques de la prise de risque chez l’adolescent, puis se réfère
à la littérature anthropologique sur la jeunesse et à la philosophie, mais aussi
largement à la littérature issue des neurosciences cognitives elles-mêmes,
pour soulever des questions concernant la validité de ce modèle explicatif
très répandu du comportement des adolescents. Nous traiterons des incer-
titudes et de la complexité des modèles du cerveau en développement des
adolescents qui mettent en lien le développement structurel et fonctionnel
du cerveau et les comportements considérés comme étant à risque. Des
interprétations alternatives des données issues des neurosciences cogni-
tives pourraient apporter un éclairage de l’adolescence plus complexe et
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 223

possiblement moins stéréotypé et stigmatisant (Choudhury, McKinney,


& Merten, 2012). De plus, les comportements et les émotions se manifestent
toujours dans le cadre d’un contexte social qui doit être pris en compte pour
avoir une compréhension plus complète du phénomène de la prise de risque.
Le statut actuel ainsi que l’impact des neurosciences dans la culture
populaire en général et chez les responsables de politiques sociales en par-
ticulier incitent à faire le point sur l’état de la recherche dans ce domaine.
En effet, des sondages récents ainsi que l’opinion populaire véhiculée dans
les médias montrent qu’une image plus nuancée des comportements des
adolescents est nécessaire. Par exemple, un rapport établi par le labora-
toire d’idées Demos concernant les jeunes âgés de 14 à 17 ans en Grande-
Bretagne montre que, contrairement aux stéréotypes négatifs qui prévalent
sur les adolescents, la génération actuelle d’adolescents se sent concernée
par les politiques sociales et gouvernementales, et prend volontiers part à
des activités bénévoles (Cosslett, 2014). De plus, le taux de consommation
de drogues et d’alcool est en fait plus faible que ce qui était observé avec la
génération précédente (Cosslett, 2014). Une majorité d’adolescents consi-
dère que l’image négative d’eux-mêmes qui est véhiculée par les médias
a un effet négatif sur leur employabilité d’une part et sur leur estime de
soi d’autre part (BBCNews, 2014). Dans la première partie de ce chapitre,
nous présentons une brève vue d’ensemble de la recherche récente sur le
développement du cerveau de l’adolescent depuis les débuts de la neuro-
imagerie. Nous décrirons ensuite le modèle prédominant dans le domaine de
la prise de risque chez l’adolescent en neurosciences, en référence au DS.
Puis nous traiterons de questions concernant la spécificité et la cohérence
de ces données neuroscientifiques, ainsi que des implications sociales et
culturelles de leurs conclusions concernant la relation entre le cerveau et
les comportements à risque chez les jeunes.

1. LE CERVEAU DE L’ADOLESCENT :
ÉTAT DE LA RECHERCHE
L’idée que le cerveau des adolescents continue de se développer
pendant cette période est relativement récente. Auparavant, il était plus ou
moins accepté que la maturation du cerveau était relativement terminée à
la puberté. Dans les années 1970, en se basant sur des études post mortem,
des chercheurs ont trouvé que le cerveau poursuit son développement tout
au long de l’adolescence (Huttenlocher, 1979). Les progrès réalisés dans le
domaine des technologies de neuro-imagerie non invasives, en particulier
avec l’Imagerie à résonnance magnétique (IRM), ont entraîné un essor des
recherches sur le cerveau des adolescents au cours des vingt dernières
années. L’IRM offre la possibilité d’obtenir des images de la structure du
224 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

cerveau à un moment donné, alors que l’IRMf (IRM fonctionnelle) enregistre


l’activité du cerveau pendant la réalisation d’une tâche cognitive, en se basant
sur le signal BOLD (dépendant du niveau d’oxygène sanguin) (Logothetis,
Pauls, Augath, Trinath, & Oeltermann, 2001). La neuro-imagerie a permis
d’étudier de larges cohortes d’enfants et d’adolescents, en bonne santé ou
présentant des pathologies neuropsychiatriques, à différents âges, de façon
transversale et longitudinale, afin d’améliorer la connaissance du cerveau et
du développement cognitive depuis l’enfance jusqu’à la transition vers l’âge
adulte (Giedd, 2010). Ces études ont montré que le cerveau est sujet à des
modifications morphologiques importantes au cours de son développement
de l’enfance à l’âge adulte (Arain et al., 2013 ; Giedd, 2010). Les chercheurs
en neurosciences proposent l’hypothèse que les changements cognitifs en
termes de fonction exécutive (Crone, 2009), de cognition sociale (Burnett,
Sebastian, Cohen-Kadosh, & Blakemore, 2014) et de traitement des émotions
(Vink, Derks, Hoogendam, Hillegers, & Kahn, 2014) pendant cette période
du développement pourraient être expliqués par cette maturation structu-
relle (voir Walhovd, Tamnes, & Fjell, 2014 pour une revue de la question).
Les fonctions exécutives ainsi que les compétences intellectuelles en général
sont corrélées avec le développement des réseaux cérébraux, y compris les
zones frontales, temporales, le gyrus cingulaire, la zone du précuneus ainsi
qu’avec les zones visuelles (Walhovd et al., 2014).

2. NEUROSCIENCES ET COMPORTEMENT
À RISQUE CHEZ L’ADOLESCENT :
LE MODÈLE DU DOUBLE SYSTÈME
Le DS (Steinberg, Albert, Cauffman, Banich, Graham, & Woolard,
2008) propose que les adolescents sont enclins à prendre des décisions
impulsives du fait d’un décalage dans le processus de maturation entre les
structures frontales et sous-corticales du cerveau au cours de son dévelop-
pement (Somerville, Hare, & Casey, 2011). Les structures sous-corticales,
qui seraient impliquées dans le traitement des émotions, se développent au
début de l’adolescence alors que le cortex préfrontal, associé avec le raison-
nement et l’inhibition des pulsions se développe plus lentement. Ce modèle
propose que les adolescents seraient submergés par des poussées d’émotions
gratifiantes ou aversives qu’ils ne sont pas encore en mesure de réguler.
Trois structures du cerveau ont été largement étudiées et joueraient un rôle
important dans ce modèle : le cortex préfrontal (CPF) lié à la régulation et
au raisonnement, ainsi que l’amygdale et le striatum ventral (SV) liés respec-
tivement aux comportements de répulsion et d’approche. Une métaphore a
souvent été employée par des chercheurs éminents dans le domaine tels Lau-
rence Steinberg, et Ronald Dahl pour illustrer le modèle (Dahl, 2001). Cette
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 225

métaphore, qui est également utilisée par les médias grand public, compare
les adolescents à de grosses voitures pleines de carburant (amygdale et
structures du SV) mais n’étant pas équipées de système de freinage ou d’un
conducteur expérimenté (CPF), selon les versions (Payne, 2011). Deux
autres modèles de la prise de risque ont été proposés pour rendre compte
du comportement des adolescents, mais ils ont eu beaucoup moins d’impact
dans la littérature scientifique (Braams et al., 2014) et auprès du public en
général (Park, 2008). Le premier est le « modèle triadique» décrit par Ernst,
Pine et Hardin (2006), qui met l’accent sur l’équilibre fragile entre ces trois
mêmes structures pendant l’adolescence, sans insister sur le développement
chronologique (Braams et al., 2014). Le second, le « modèle du traitement
des informations sociales », proposé par Nelson, Leibenluft, McClure, et
Pine (2005), est plus complexe et a le mérite d’intégrer des éléments de
l’environnement social dans lequel les comportements sont exprimés, ainsi
que les modifications hormonales qui prennent place pendant l’adolescence.
Il prend également en compte d’autres zones du cerveau telles que le gyrus
fusiforme et le sillon temporal supérieur qui feraient partie des « noyaux
interconnectés » et s’influenceraient mutuellement au cours de la période
développementale (Braams et al., 2014).
Deux résultats largement établis à partir des recherches sur les
structures du cerveau en développement sont impliqués dans l’explication
neurologique de la prise de risque, et le développement cognitif en général,
au cours de l’adolescence. Le premier concerne des modifications dans la
proportion des matières grise et blanche dans le cerveau. La matière grise,
correspondant à la densité synaptique, augmente (les synapses prolifèrent
vers la fin de l’enfance) et est suivie d’un processus d’élagage synaptique, ce
qui se traduit sur l’IRM par une réduction de la matière grise (Giedd et al.,
1999). L’hypothèse est que le cerveau se reconfigure en réponse à l’environ-
nement : les connexions non utilisées sont détruites de manière sélective
permettant au final une augmentation globale de l’efficacité (Huttenlocher,
1979 ; Sowell, Thompson, Tessner, & Toga, 2004 ; Spear, 2000). Au cours
de ces années, la myélinisation (un processus de densification de la matière
blanche) intervient, permettant aux régions spécialisées de se connecter
plus rapidement entre elles et de façon plus intégrée (Dosenbach et al.,
2010). En d’autres termes, alors que la densification de la matière blanche
témoigne d’une augmentation de la connectivité structurelle entre les
régions du cerveau, l’élagage de la matière grise reflète un affinement des
connexions neuronales (Giorgio et al., 2010), et ce processus se poursuit
durant l’adolescence jusqu’au début de l’âge adulte (Arain et al., 2013). Le
deuxième résultat important mis en évidence par les recherches sur le cer-
veau concerne le fait que ces modifications morphologiques ne se déroulent
pas de façon simultanée dans les différentes régions du cerveau (Gogtay
et al., 2004). Plus précisément, le développement adopte une trajectoire
226 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

allant de l’arrière à l’avant du cerveau, les dernières zones à se développer


étant les lobes frontaux (Arain et al., 2013). Autrement dit, alors que les
régions sous-corticales présentent des schémas de transformation linéaire
se déroulant rapidement au cours du développement, il a été montré que
des régions d’ordre supérieur, tel que le CPF, présentent des trajectoires
non linéaires et que leur maturation est plus lente (Pfeifer & Allen, 2012).
Concernant la relation avec la prise de risque en particulier, la maturation
du cerveau correspond à un processus d’élagage de la matière grise et le
développement de la matière blanche est observé dans les zones du cer-
veau associées avec les émotions avant qu’il n’atteigne les zones du cerveau
concernées par le raisonnement.
Comme mentionné précédemment, le DS repose sur l’hypothèse qu’il
existe deux systèmes neurologiques proéminents : le système « émotionnel »
et le système de « contrôle cognitif ». Le système « émotionnel » est généra-
lement associé au traitement de la récompense (Pfeifer & Allen, 2012) alors
que le système de « contrôle cognitif » est plus impliqué dans la prise de déci-
sion (Chein, Albert, O’Brien, Uckert, & Steinberg, 2011 ; Steinberg, 2010).
Au cours de l’adolescence, ces deux systèmes neurologiques semblent se
développer à des rythmes différents, le système émotionnel se développant
plus rapidement que le système de contrôle cognitif. Certains chercheurs ont
suggéré que les différences observées dans le rythme de développement de
ces systèmes pourraient expliquer la tendance à prendre des risques pendant
l’adolescence (Casey, Getz, & Galvan, 2008 ; Steinberg et al., 2008). Deux
structures sous-corticales, situées dans ce que l’on appelle le système émo-
tionnel ventral, joueraient un rôle clé dans nos réactions émotionnelles de
base : le SV est impliqué dans les comportements d’approche et l’amygdale
est impliquée dans l’évitement. De nombreuses études d’IRMf montrent une
activité plus importante dans ces deux structures lors d’épisodes de menace
et de récompense au cours de l’adolescence. L’implication de l’amygdale
dans les réactions de crainte et d’anxiété a été mise en évidence (LeDoux,
2007). En fait, plusieurs études semblent montrer une augmentation de la
réponse de l’amygdale lorsque l’on est confronté à des stimuli menaçants
(Guyer et al., 2008 ; Hare et al., 2008 ; Kilgore, Oki, & Yugelum-Todd, 2001 ;
McRae et al., 2012 ; Monk et al., 2003 ; Pfeifer et al., 2011 ; Pitskel, Bolling,
Kaiser, Crowley, & Pelphrey 2011 ; Vasa et al., 2011 ; William et al., 2006).
Concernant le SV, la littérature propose généralement qu’il est impliqué dans
la sensibilité à la récompense et aux comportements d’approche (Delgado,
Nystrom, Fissel, Noll, & Fiez, 2000 ; Knuston, Westdorp, Kaiser, & Hommer,
2000 ; O’Doherty, 2004 ; O’Doherty, Davan, Friston, Critchley, & Dolan,
2003), et que la comparaison entre les enfants, les adultes, et les adolescents
montre une augmentation de l’activité striatale (Chein et al., 2011 ; Chris-
takou, Brammer, & Rubia, 2011 ; Ernst et al., 2005 ; Galvan, 2010 ; Geier,
Terwilliger, Teslovich, Velanova, & Luna, 2010 ; Van Leijenhorst et al., 2010).
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 227

Le modèle de la prise de risque chez les adolescents proposé par


les neurosciences a dépassé le cadre des laboratoires et a désormais des
répercussions dans d’autres domaines de la société, notamment au travers
de stratégies développées pour intervenir auprès des adolescents visant à
les protéger d’eux-mêmes pendant cette période de vulnérabilité. Ainsi, la
question mérite une attention particulière : ce modèle de la prise de risque
pendant l’adolescence proposé par les neurosciences est-il étayé de façon
constante et cohérente par les données neuroscientifiques elles-mêmes ?

3. CÂBLÉS POUR LA PRISE DE RISQUE ?


Dans les sociétés occidentales, les adolescents passent par une
période transitionnelle prolongée entre l’enfance et l’âge adulte (Reiss, 1995).
Bien que cette période de transition soit observée chez la plupart des jeunes
dans la plupart des sociétés, sa définition exacte peut varier en fonction
de l’appartenance à une culture ou une classe sociale donnée (Choudhury,
2009). En dépit de nombreuses données contraires, le modèle de l’adolescent
« tempête et passion » présenté dans le livre de G. Stanley Hall en 1904, Ado-
lescence, comme étant émotionnellement labile, enclin à la délinquance, à la
recherche de sensations intenses, enclin à faire des expériences sexuelles,
à prendre de l’alcool, focalisé sur ses pairs et en conflit avec ses parents
(Arnett, 2006) continue d’être véhiculé dans le discours moderne des socié-
tés occidentales. Les recherches récentes en neurosciences reformulent ces
tendances, les présentant comme étant des limitations naturelles résultant
du développement asynchrone du cerveau, des hormones et des comporte-
ments durant la puberté et l’adolescence. La description que Hall proposait
des « jeunes » était influencée par le contexte historique particulier de son
époque qui correspondait à une période d’industrialisation, de craintes face
à l’immigration de masse, et des projets coloniaux, que Hall interprétait au
travers du filtre de la doctrine de la « récapitulation ». Cette dernière postu-
lait que les adolescents traversaient une récapitulation biologique des étapes
de l’évolution humaine avant de devenir finalement des adultes (Choudhury,
2009 ; Epstein, 2007a ; Lesko, 1996). Au regard de l’histoire de la recherche
sur l’adolescence, il est important de situer les études scientifiques contempo-
raines dans leur contexte social et culturel et de s’intéresser aux contingences
sur lesquelles reposent les données récentes.
Différents auteurs ont souligné que ce modèle du risque ou de la
vulnérabilité des adolescents ne serait pas basé uniquement sur les progrès
scientifiques. Par exemple, Johnson, Blum, et Giedd (2009) expliquent que
les neurosciences sont utilisées pour « valider » de nombreuses assertions
concernant l’adolescence alors que, dans les faits, il existe très peu d’études
qui cherchent vraiment à anticiper les comportements des adolescents sur la
base des données neuroscientifiques sur le cerveau. Ces soi-disant preuves
228 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

sur « l’immaturité » du cerveau chez l’adolescent sont alors exploitées par


les responsables des politiques sociales pour légitimer leurs décisions, même
si la validité scientifique de leurs affirmations n’est pas avérée (Johnson et
al., 2009). Une étude qualitative réalisée auprès des adolescents a montré
que ces derniers n’adhéraient pas vraiment à l’explication neuroscientifique
de leurs comportements (Choudhury et al., 2012). D’après les jeunes gens
interrogés, d’autres facteurs tels que les relations interpersonnelles et le
contexte familial jouent un rôle bien plus prépondérant dans la façon dont
ils réagissent. Dans cette étude, les adolescents mentionnaient également
fréquemment l’importance de leur sens des responsabilités concernant leur
prise de décision, ce qui n’est pas pris en compte par l’approche neuroscien-
tifique (Choudhury et al., 2012). Enfin, bien que les métaphores souvent
utilisées au sujet des adolescents, telles que celle de la voiture « pleine de
carburant mais sans freins » ne soient effectivement que des métaphores,
leur impact sur les représentations symboliques partagées est néanmoins
bien réel (Payne, 2011). Payne (2011) suggère que la conséquence directe
du modèle pourrait en fait être la raison même de son existence: si les ado-
lescents doivent être protégés d’eux-mêmes du fait de l’immaturité de leur
cerveau, alors une plus grande attention de la part des adultes est justifiée.

3.1 Revue critique du modèle neuroscientifique


de la prise de risque chez l’adolescent
vue de l’intérieur
Récemment, des chercheurs travaillant dans le domaine des neu-
rosciences cognitives ont commencé à questionner le modèle de la prise de
risque chez les adolescents en exploitant des données issues des neurosciences
elles-mêmes. Les auteurs d’articles critiques montrent que le DS, aussi appelée
théorie de « l’immaturité frontale relative » n’est pas étayée de façon systéma-
tique par les données issues des neurosciences cognitives (Crone & Dahl, 2012 ;
Pfeifer & Allen, 2012). En fait, ces données semblent montrer qu’il y a plus de
complexité entre les structures et le fonctionnement du cerveau d’un côté,
et les comportements pendant l’adolescence de l’autre, et qui plus est, que le
contexte dans lequel ces comportements sont exprimés a une grande influence
sur les résultats. Dans la section suivante, nous présentons certaines des raisons
qui justifient de reconsidérer la notion issue des neurosciences qui proposent
que les adolescents sont nécessairement câblés pour la prise de risque.

3.1.1 Données d’imagerie structurelle : questionner


la spécificité en analysant des explications alternatives
Les chercheurs en neurosciences qui expriment des réserves à
propos du modèle neurologique de la prise de risque pendant l’adolescence
ne contestent nullement le fait bien établi que le cerveau traverse des
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 229

modifications spécifiques et mesurables au cours de son développement.


Ils s’interrogent plutôt sur les conséquences de ces transformations sur les
comportements des adolescents qui sont extrapolées à partir de ces études
en neurosciences cognitives. Par exemple, dans une recherche réalisée par
Berns, Moore et Capra (2009), le niveau de myélinisation de la matière
blanche dans le cerveau des adolescents était mesuré et mis en corrélation
avec les résultats du Questionnaire de Risque chez l’Adolescent qui évalue
la tendance qu’aura une personne à se livrer à des activités dangereuses.
Contrairement à ce que le DS pourrait prédire, les résultats suggèrent que
la plus grande densité de matière blanche est associée à une plus grande
tendance à prendre des risques (Berns et al., 2009). Ces résultats ont amené
ces chercheurs à proposer que les adolescents qui ont les cerveaux les plus
matures prendraient plus de risques comparés à leurs pairs qui en prennent
moins. Les auteurs avancent l’hypothèse d’un « décalage de maturité » pour
expliquer la présence de la prise de risque chez ces jeunes qui chercheraient
en fait à gagner plus d’autonomie dans une société au sein de laquelle les
droits et les responsabilités sont accordés en fonction de l’âge (Berns et
al., 2009). Une étude longitudinale vise à établir des corrélations entre des
modifications structurelles dans certaines zones du cerveau impliquées dans
le système de récompense, plus précisément le noyau accumbens (NAcc)
lié au SV, et le cortex orbito-frontal, et des modifications comportementales
mesurées avec un questionnaire d’auto-évaluation sur la sensibilité à la
récompense et aux menaces (Urosevic, Collins, Muetzel, Lim, & Luciana,
2012). L’étude a montré que le volume du SV ne présente pas le schéma
attendu d’une décroissance linéaire suivant une poussée au début de l’ado-
lescence. Ce qui est observé est en fait un pic tardif dans l’adolescence suivi
par une décroissance, ce qui correspond à un élagage de la matière grise
d’environ 8 % se poursuivant jusqu’au début de l’âge adulte. Ce résultat tend
également à montrer une plus grande complexité que le DS ne le suggère,
étant donné que, d’après ce modèle, la prise de risque chez les adolescents
serait due à une « maturation précoce » du système ventral affectif au tout
début de l’adolescence (Pfeifer & Allen, 2012).

3.1.2 Données issues de l’imagerie fonctionnelle :


la question de la cohérence des résultats
Une recherche intéressante menée par Pfeifer et al. (2011) a tenté
de mettre en évidence la relation entre le cerveau et le contexte social des
adolescents en termes de risque. Cette étude longitudinale comportait deux
expériences principales réalisées auprès d’enfants de 10 ans qui étaient
suivis jusqu’au début de l’adolescence à 13 ans. La première expérience, uti-
lisant un scanner, étudiait quelles étaient les régions du cerveau qui étaient
activées lorsque les participants se voyaient présenter des visages exprimant
différentes émotions. La deuxième expérience consistait en la passation
230 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

de questionnaires d’auto-évaluation mesurant la tendance des participants


à présenter des comportements à risque dans la vraie vie (indicateurs de
comportements à risque et de délinquance) ainsi que la capacité à résister à
la pression de leurs pairs (résistance à l’influence des pairs). Les auteurs ont
alors analysé les patterns d’activation du cerveau observés avec le scanner
lors de la présentation d’expressions faciales, et ont cherché à mettre en
évidence des corrélations avec les scores obtenus pour les comportements
à risque des mêmes participants (Pfeifer et al., 2011).
Conformément aux données rapportées dans la littérature, la pre-
mière expérience a montré que l’activation du SV, du PCF ventromédian, du
lobe temporal et de l’amygdale est liée aux stimuli visuels des expressions
faciales présentées. La nature longitudinale de l’étude a démontré que,
comparés aux enfants de 10 ans, ceux de 13 ans présentaient une plus
grande activation du SV et du CPF ventromedian en réaction à des visages
exprimant des émotions, alors que l’activation de l’amygdale restait stable. La
deuxième partie de la recherche s’est avérée particulièrement intéressante.
Les chercheurs ont montré que contrairement à l’interprétation couramment
admise, une augmentation de l’activation du SV est corrélée avec une plus
grande capacité à résister à la pression des pairs, et une tendance moins
élevée à présenter des comportements à risque.
« Contrairement aux interprétations post hoc qui ont pu être émises
suggérant que l’augmentation de l’activité du SV pendant l’adolescence
représente un facteur de risque important, les résultats actuels apportent
des preuves empiriques suggérant que la plus grande activité du SV au cours
de l’adolescence n’est pas nécessairement un facteur de risque, mais serait
plutôt en lien avec la relativement meilleure capacité à résister à la pression
des pairs, ainsi qu’avec une diminution des comportements à risque et délin-
quants » (Pfeifer et al., 2011, p. 1033).
En bref, l’activité du SV peut être une alternative pour une régula-
tion émotionnelle efficace (Masten et al., 2009 ; Pfeifer et al., 2011 ; Wager,
Davidson, Hughes, Lindquist, & Ochsner, 2008). Plus précisément, l’activa-
tion du SV pourrait servir de tampon lorsque l’amygdale devient hyperactive,
un élément de régulation pour le SV qui pourrait être important pendant
l’adolescence (Pfeifer et al., 2011). Masten et al. (2009) ont également
démontré qu’une augmentation d’activité dans le SV était liée à une réduc-
tion des affects négatifs. Dans leur expérience, la participante était exclue
d’un jeu vidéo dans lequel elle pensait jouer avec deux autres adolescents,
alors qu’en réalité elle jouait uniquement contre l’ordinateur. D’autres
études ont montré que le SV aurait un rôle régulateur plus important pour
les réponses de l’amygdale aux expressions de joie et de tristesse au début
de l’adolescence que pendant l’enfance. Certains auteurs suggèrent que ce
résultat pourrait être mis en lien avec une meilleure capacité à résister à la
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 231

pression des pairs dans des situations de la vraie vie (Baird, Silver, & Veague,
2010 ; Schlicht, Shimojo, Camerer, Battaglia, & Nakayama, 2010). De plus,
Forbes et al. (2009, 2010) ont montré que des réponses striatales plus faibles
observées lors de situations de récompense étaient associées à des affects
positifs moins nombreux au quotidien et à des états plus dépressifs. Ceci a
amené Kuppens, Allen et Sheeber (2010) à suggérer que, contrairement à
ce que l’on pensait, la réactivité et la variabilité émotionnelle pourraient être
associées à des ajustements positifs.
Cependant, d’autres recherches en neurosciences cognitives
remettent en question l’idée que les adolescents présentent une suractivation
de la partie du cerveau associée à la récompense, ce qui impliquerait que le
centre du plaisir ou « hédoniste » du cerveau n’est pas limité par un contrôle
cognitif plus mature. En fait, une augmentation de l’activation de différentes
parties du système ventral affectif au cours d’une tâche donnée peut donner
lieu à différentes interprétations. Premièrement, il a été montré que le SV ne
répond pas uniquement à des stimuli positifs, mais également à des stimuli
aversifs, saillants ou nouveaux (Guitart-Masip, Bunzeck, Stephan, Dolan, &
Düzel, 2010 ; Levita et al., 2009 ; Rich et al., 2006). En d’autres termes, la
spécificité n’est pas aussi forte qu’on le pense, ce qui limite les inférences
qui peuvent être établies concernant l’activation du SV pendant la réalisation
d’une tâche. De plus, il a également été montré que, dans certaines condi-
tions, les adolescents peuvent présenter une hypoactivité, et pas de diffé-
rences, comparés aux adultes dans les réponses du VS lors de comportements
impliquant des récompenses (Bjork, Smith, Chen, & Hommer, 2010 ; Geier et
al., 2010 ; Van Leijenhorst et al., 2010). Certains auteurs ont suggéré que ces
résultats pourraient être liés à la phase de récompense concernée par l’étude:
son anticipation, ou le fait de la recevoir. Plus précisément, c’est au cours de
la phase de réception de la récompense que l’activation du striatum est aug-
mentée pendant l’adolescence (Bjork et al., 2004 ; Bjork et al., 2010 ; Geier et
al., 2010). Les résultats concernant la phase anticipatoire de la récompense
sont mitigés, ce qui suggère que le DS proposé par Somerville et al. (2011)
ne suffit pas à expliquer entièrement ces incohérences.
Ces différents résultats tendent à montrer que le DS est trop sim-
pliste pour capturer la complexité du phénomène étudié. L’implication du
SV dans la régulation émotionnelle contredit le DS dans la mesure où le
‘frein’, dans la métaphore de la voiture, n’est pas supposé correspondre aux
structures sous-corticales du cerveau mais plutôt aux lobes frontaux qui se
développent plus tardivement. Par ailleurs, une plus grande activation de
la partie sous-corticale du cerveau pourrait être liée à la tâche spécifique
utilisée plutôt qu’à l’âge des participants. Enfin, d’autres facteurs qui ne sont
pas pris en compte dans ce modèle, tels que des facteurs hormonaux ou des
aspects sociaux (Braams et al., 2014), pourraient avoir un rôle médiateur
sur les effets observés.
232 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

3.1.3 Analyse critique de deux systèmes neurologiques


Le rôle de la deuxième partie du DS relative à la prise de risque
chez les adolescents, c’est-à-dire, les zones du cerveau associées au contrôle
cognitif, a également été remis en cause récemment. Le « système de
contrôle cognitif » implique des processus tels que la mémoire, l’attention, le
langage, la résolution de problèmes et la planification (Pessoa, 2008). Il est
accepté que le cortex préfrontal (CPF), ainsi que les cortex pariétaux, sont
des parties du cerveau qui jouent un rôle central dans le contrôle cognitif
(Corbetta & Shulman, 2002 ; Kastner & Ungerleider, 2000 ; Miller & Cohen,
2001 ; Pessoa & Ungerleider, 2004, cités par Pessoa, 2008), et concernent
également des compétences comme le contrôle, l’inhibition et la régulation
des émotions. En d’autres termes, pour reprendre la métaphore de la voi-
ture, un CPF mature permet d’avoir un « conducteur compétent ». Il est
communément admis que la période de l’adolescence est caractérisée par un
contrôle cognitif accru, ce qui est nécessaire pour réussir dans les appren-
tissages et les adaptations (Asato, Terwilliger, Woo, & Luna, 2010 ; Case
1992 ; Huizinga, Dolan, & Van der Molen, 2006 ; Zelazo, 2004 ; Zelazo, Craik,
& Booth, 2004). Cependant, certains chercheurs remettent en question le
fait que l’amélioration du contrôle cognitif soit corrélée avec une activation
progressive du CPF, et que par conséquent, plus le CPF est actif durant
l’adolescence, plus les émotions et les pulsions devraient être maîtrisées, et
donc que l’on devrait observer moins de comportements de prise de risque
(Crone & Dahl, 2012 ; Pfeifer & Allen, 2012).
Les résultats des études dans ce domaine révèlent un certain manque
de cohérence. D’une part, certaines recherches ont montré une augmentation
de l’activation du CPF avec l’âge lors de la réalisation de tâches cognitives
(Bunge & Wright, 2007 ; Durston et al., 2006 ; Eshel, Nelson, Blair, Pine,
& Ernst, 2007, cités par Pfeifer & Allen, 2012) ; et de nombreuses études
tendent à montrer que les régions du cerveau impliquées dans le contrôle
cognitif s’actualisent progressivement avec l’âge (Crone & Dahl, 2012).
D’autre part, Pfeifer et Allen (2012) se réfèrent à des études récentes qui
indiquent le contraire (Luna, Padmanabhan, & O’Hearn, 2010 ; McRae et al.,
2012 ; Pitskel et al., 2011) avec des patterns de développement qui sont non
linéaires (Geier & Luna, 2009 ; Scherf, Sweeney, & Luna, 2006 ; Somerville et
al., 2011). Pour compliquer encore plus les choses, d’autres recherches ont
montré que le CPF et le cortex pariétal peuvent présenter certaines zones
dans lesquelles on observe une augmentation ou une diminution de l’activité
en fonction de la tâche spécifique réalisée (Astle & Scerif, 2009 ; Crone et
al., 2012 ; Luna et al, 2010 ; Poldrack, 2010). Une étude nous semble parti-
culièrement intéressante car pour deux tâches très similaires elle établit une
fois une corrélation avec une augmentation dans le CPF, et une fois avec une
diminution de l’activité (Velanova, Wheeler, & Luna, 2009). De plus, la dimi-
nution avec l’âge de l’activation du CPF au cours de l’adolescence au regard
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 233

de certaines fonctions cognitives de base à également été décrite (Booth et


al., 2003 ; Brahmbhatt, Mc Auley, & Barch, 2008 ; Bunge, Dudukovic, Tho-
mason, Vaidya, & Gabrieli, 2002 ; Cohen et al., 2010 ; Durston et al., 2006 ;
Geier & Luna, 2009 ; Konrad et al., 2005 ; Libertus, Brannon, & Pelphrey,
2009 ; Morton, Bosma, & Ansari, 2009 ; Tamn, Menon, & Reis, 2002 ; Velanova
et al., 2009). Pour expliquer ce phénomène, les auteurs ont proposé que si
l’activation observée est moindre, ce serait parce que le cerveau devient plus
efficace, et nécessite un flux sanguin moins important pour accomplir une
tâche donnée. Ceci montre un certain niveau de flexibilité interprétative des
données dans la mesure où des conclusions opposées peuvent être tirées à
partir des mêmes résultats (Carp, 2012 ; Choudhury & McKinney, 2013 ; Vul,
Harris, Winkielman, & Pashler, 2009). De plus, les différences d’activation du
cerveau observées au cours d’une tâche réalisée dans un appareil de neuro-
imagerie ne correspondent peut-être pas aux performances qui seraient
observées dans la vraie vie (Crone & Dahl, 2012).
« Dans l’ensemble, il est difficile d’expliquer comment ce niveau de
variabilité des résultats de la neuro-imagerie concernant le développement
du contrôle de base des fonctions cognitives peut étayer le modèle “d’imma-
turité corticale frontale” de la théorie “du développement linéaire du CPF”.
[…] Nos méta-analyses suggèrent qu’un modèle aussi simple de l’augmen-
tation d’activité du CPF peut difficilement rendre compte des transitions
développementales dans le contrôle cognitif de base qui sont observées
pendant l’adolescence » (Crone & Dahl, 2012, p. 639).
Les résultats concernant les fonctions cognitives complexes impli-
quant une combinaison de fonctions de base (Miyake et al., 2000) qui
comprennent le suivi des performances, l’apprentissage par feed-back et le
raisonnement relationnel, vont dans le même sens (Crone & Dahl, 2012).
Le CPF et le cortex pariétal présentent des schémas non linéaires qui ne
correspondent pas à l’hypothèse d’une augmentation progressive du CPF
corrélée avec un meilleur contrôle cognitif. La grande diversité des résultats
observés pendant l’adolescence peut être interprétée comme étant due à une
plus grande flexibilité de la structure du cerveau pendant cette période, qui
pourrait varier significativement en fonction de la pertinence motivationnelle
du contexte (Crone & Dahl, 2012).
Les nombreuses études qui remettent en question ou contredisent
le DS ne sont pas surprenantes étant donné la complexité du cerveau qui
peut difficilement s’accommoder d’une division aussi claire et nette. De
plus, d’après Pessoa (2008), cette division est biaisée dès le départ car
en fait il n’existe pas de structures distinctes qui soient responsables les
unes de la cognition et les autres des émotions. Bien que les philosophes
aient très certainement de bonnes raisons pour faire la distinction entre
passion et raison, le cerveau semble fonctionner de façon beaucoup plus
234 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

intégrée. Par exemple, Pessoa (2008) a montré que même l’amygdale, la


structure des émotions « par excellence », jouerait un rôle dans la cogni-
tion en orientant les processus attentionnels sur des aspects pertinents de
la réalité. Quant au cortex préfrontal, ce dernier jouerait un rôle central
dans les émotions. Cet auteur propose qu’une façon plus complète de
caractériser le cerveau serait de parler de hubs (centres), des zones spé-
cifiques du cerveau présentant une forte connectivité et où les réactions
cognitives-affectives seraient traitées.

3.1.4 Intégrer le contexte affectif


dans les études expérimentales
D’après la littérature, les chercheurs reconnaissent que pour inter-
préter les données issues des études sur le cerveau concernant des concepts
aussi importants que la prise de risque, il est nécessaire de prendre en
compte le contexte affectif et social de la prise de décision (Braams et al.,
2014). Bien que les données publiées par les services publics concernant
la prévalence de la prise de risque chez les adolescents puissent paraître
impressionnantes, Braams et al. (2014), notent qu’il est difficile de repro-
duire ces résultats en laboratoire. La forme curvilinéaire prédite par le
modèle, impliquant un pic de comportements à risque durant la période de
l’adolescence, n’a pas été reproduite. En fait, il a été observé que « la prise de
décision chez l’adolescent est plutôt mature et comparable au processus de
décision des adultes » (Braams et al., 2014, p. 76). Ainsi, si les adolescents
sont plus enclins à prendre des risques dans la vraie vie, la raison serait à
chercher du côté du contexte dans lequel ces décisions sont prises. Une
perspective de recherche intéressante indique que le contexte précis pour-
rait avoir un impact et influencer les adolescents à prendre des décisions qui
impliquent plus de risques.
Ce serait dans le cadre de contextes « chauds », chargés émotion-
nellement, que les adolescents seraient plus enclins à prendre des risques,
comparativement à des contextes « froids » ou émotionnellement neutres
(Braams et al., 2014). Un des facteurs principaux affectant la charge émo-
tionnelle serait la présence ou non de pairs. De fait, des études en neuros-
ciences cognitives suggèrent que les comportements à risque tels que le fait
de conduire imprudemment, la consommation de drogues et les actes de
délinquance semblent se produire plus souvent en la présence de pairs chez
les adolescents que chez les adultes (Chein et al., 2011). Pour aborder ce
phénomène, Chein et al. (2011) ont mis au point une expérience de simula-
tion de conduite. La Tâche de Conduite est l’une des tâches go/no-go les plus
fréquemment utilisées pour étudier l’impulsivité chez les adolescents. Elle
nécessite que les participants prennent des décisions concernant la vitesse à
laquelle ils doivent rouler et à quel moment ils doivent d’arrêter. Chein et al.
(2011) ont observé la performance de conduite des adolescents lorsqu’ils
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 235

étaient seuls ou lorsqu’ils étaient avec des pairs, et ont analysé en temps réel
les données de neuro-imagerie obtenues par l’IRMf. Cette étude a montré
une augmentation de l’activité du système de récompense du cerveau – le
SV et le cortex orbito-frontal (OFC) – lorsque les adolescents conduisaient
en étant observés par les pairs. Le même groupe de chercheurs, avec Chein
et Steinberg (2014) ont réalisé récemment une autre étude qui montre que
la tendance à prendre plus de risques se manifeste même en présence d’un
observateur inconnu, du même sexe et du même âge que le participant
(Weigard, Chein, Albert, Ashley Smith, & Steinberg, 2014).
Sur la base des expériences impliquant la présence ou non de pairs,
ces auteurs concluent que les adolescents sont plus enclins que les adultes
à présenter des comportements à risques. Ce fait serait à mettre en lien
avec une activation plus importante des régions impliquées dans le système
de récompense (Chein et al., 2011). Ces auteurs ont observé que pendant
la prise de risque les régions du cerveau associées avec le contrôle cognitif
étaient moins actives chez les adolescents que chez les adultes. Conformé-
ment au DS et à la prise de risque pendant l’adolescence, l’interprétation de
ces résultats serait que « la présence de pairs pourrait amorcer le système
de traitement de la récompense afin que ce dernier réagisse à des indices
signalant les récompenses potentielles des comportements à risque » (Chein
et al., 2011, p. F2). Les auteurs expliquent que « l’effet d’encouragement
à prendre des risques induit par la présence de pairs chez les adolescents
pourrait être lié à une “vulnérabilité” neurologique qui émerge du fait de la
maturation dysharmonique des systèmes du cerveau responsables de la prise
de décision3 » (Chein et al., 2011, p. F7).
L’introduction d’éléments du contexte social dans les études expé-
rimentales est sans aucun doute une étape importante pour mieux appré-
hender les phénomènes étudiés. Cependant, il semble que cela induit une
tendance à un retour en arrière lors de l’interprétation des résultats. De
plus, l’environnement du laboratoire est possiblement assez éloigné de
l’environnement habituel des jeunes participants. La grande majorité des
études abordant les réactions des adolescents face aux récompenses et
aux menaces ont utilisé des motivateurs financiers. C’est-à-dire la même
motivation que pour des études menées avec des adultes, en dépit du fait
que cette notion abstraite puisse paraître moins importante pour des jeunes
(Crone & Dahl, 2012). En revanche, il est possible que le contexte le plus
pertinent en termes de récompense/menace chez les adolescents soit le rejet
d’un groupe social, ou une déception amoureuse, plutôt qu’une prise de
décision financière. Finalement, Romer et al. (2011) remettent en question
l’idée que l’adolescence soit marquée par une diminution relative des fonc-
tions cognitives par rapport à ce qui est observé à l’âge adulte. Ces auteurs
ont montré qu’il n’y avait pas de déficit au niveau des fonctions exécutives
pendant cette période. Cependant, ils mettent également en évidence des
236 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

différences interindividuelles importantes entre les adolescents qui ont pris


part à leur étude. Par conséquent, considérer que les adolescents forment
un seul et unique groupe homogène peut s’avérer problématique du point
de vue méthodologique.

3.1.5 Flexibilité interprétative : le risque en tant qu’immaturité,


adaptivité ou flexibilité ?
Les résultats qui sont présentés sont souvent accompagnés d’un
parti pris envers la prise de risque chez l’adolescent, qui peut être positif
ou négatif. En effet, les résultats sont parfois interprétés comme étant une
preuve d’impulsivité et d’immaturité alors que d’autres auteurs les inter-
prètent comme démontrant une adaptabilité et une faculté d’apprentissage.
Par exemple, Casey, Hare et Galvan (2011) soulignent que la prise de déci-
sion est « non optimale » et décrivent le cerveau de l’adolescent comme étant
« immature » et caractérisé par « un déséquilibre » (p. 21). Au contraire,
Blakemore et Mills (2013) par exemple, abordent les résultats plutôt en
termes d’« adaptation à l’environnement social » (p. 9). Une majorité de
recherches récentes sur la prise de risque chez les adolescents adoptent l’un
ou l’autre de ces partis pris, seuls quelques-unes ont une approche neutre
et relativement objective.
Dans l’article déjà mentionné, Pfeifer et Allen (2012) questionnent
la légitimité du parti pris (négatif/positif) dans l’interprétation des résultats.
Ils soulignent que l’activation du système affectif est souvent interprétée
comme étant une mauvaise adaptation alors que l’activation du système de
contrôle cognitif est perçue comme étant adaptive. De plus, comme nous
l’avons vu, peu d’études abordent l’activité pour les deux systèmes et beau-
coup d’entre elles ont une validité écologique relativement faible. Strang,
Chein et Steinberg (2013) répondent à cette critique et défendent le DS
en affirmant qu’il y a bien une cohérence des données obtenues dans les
recherches. Ils expliquent « qu’en l’absence d’une alternative théorique, le
modèle du DS (double-système) apporte une heuristique utile pour formu-
ler des hypothèses qui peuvent être testées » (p. 1). Bien que l’heuristique
puisse être utile pour proposer des hypothèses, les résultats de la recherche
actuelle ne sont pas aussi homogènes que le suggèrent Strang et al. (2013).
Concernant la recherche sur le DS, les résultats sont rarement présentés
pour l’ensemble des deux parties du système, mais concernent souvent
des régions discrètes et localisées du cerveau, et sont alors discutés dans
le cadre plus général du modèle du DS. Cette approche donne une illusion
de cohérence, même si les résultats varient. Par exemple, de nombreuses
études ont démontré des modifications dans l’activité du VS, OFC, et CPF,
mais cette activité ne concerne pas toujours la même partie de la région du
cerveau et ne va pas forcément dans le même sens.
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 237

Bien que le SV soit fréquemment associé à des comportements de


recherche de récompense (Casey & Caudle, 2013 ; Somerville et al., 2011 ;
Steinberg, 2008), cela pourrait concerner les récompenses sociales plus que
les risques asociaux, et pourrait ainsi être interprété comme étant bénéfique
à l’apprentissage social (Blakemore & Robbins, 2012 ; Pfeifer & Allen, 2012 ;
Telzer, Fuligni, Lieberman, & Galvan, 2012) plutôt que comme étant respon-
sable de comportements irresponsables (Casey & Caudle, 2013 ; Somerville et
al., 2011 ; Steinberg, 2008). Les données issues de l’IRM structurelle étayent
l’hypothèse que l’apprentissage social pourrait être lié au risque. Selon la théo-
rie, la densification de la matière blanche, par exemple, serait le reflet d’une
plus grande sociabilité (Chou, Cheng, Chen, Lin, & Chu, 2011). Comme nous
l’avons mentionné, il a été montré qu’une augmentation de matière blanche
est associée avec des prises de risques plus nombreuses, ce qui suggère que
les adolescents qui sont plus matures socialement pourraient également être
plus enclins à prendre certains risques (Berns et al., 2009). De même, le
cortex orbitofrontal (OFC) est souvent associé aux comportements de prise
de risque importants. Cependant, les conséquences de la prise de risque, par
exemple dans un jeu d’argent, pourraient être « positifs » (gagner de l’argent)
ou « négatifs » (tout perdre ; Peper, Koolschijn, & Crone, 2013). Interpréter
l’activité de l’OFC comme étant liée à des risques dangereux tels que la prise
de drogues (e.g., Whelan et al., 2012) pourrait refléter l’a priori négatif de
l’expérience elle-même plutôt qu’une représentation objective des données.
S’écartant de l’acceptation courante qui considère que le cerveau
adolescent est immature, certains chercheurs proposent la notion de flexi-
bilité. Cette flexibilité serait présente jusqu’au niveau de la structure du
cerveau, où se produit une réorganisation structurelle de la matière grise et
blanche. Utilisant des analyses en état de repos (resting-state analysis), les
modifications fonctionnelles ont été décrites comme un affaiblissement de
la connectivité fonctionnelle proche, correspondant à une ségrégation des
zones fonctionnelles avoisinantes, ainsi qu’un renforcement de la connecti-
vité fonctionnelle distante, correspondant à l’intégration de régions distantes
au sein des réseaux fonctionnels (Dosenbach et al., 2010). Cette flexibilité
structurelle et fonctionnelle du cerveau conférerait une certaine adaptabilité
aux comportements des adolescents qui doivent réagir à des environne-
ments qui changent rapidement. Des études ont également montré que les
adolescents intègrent souvent plus facilement les changements sociaux ou
l’introduction de nouvelles technologies (Crone & Dahl, 2012). Un article
récent montre qu’une forme particulière de créativité, « le raisonnement
visuospatial divergent », était plus efficace vers le milieu de l’adolescence que
pendant l’enfance ou à l’âge adulte (Kleibeuker, De Dreu, & Crone, 2012),
voir aussi Epstein (2007a). Une telle revue des données modifie la concep-
tion de l’adolescence, passant d’une période de danger et d’immaturité à une
période de flexibilité et de potentiel.
238 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

3.2 Données épidémiologiques allant à l’encontre


de la notion de l’adolescent à risque
Le sociologue Michael Males soulève une question qui remet en
cause tous les efforts visant à trouver une explication neurologique des
comportements de prise de risque pendant l’adolescence. Cet auteur montre
que les études épidémiologiques ne confirment pas le fait que l’adolescence
explique un taux plus élevé de comportements à risque (Males, 2009). L’un
des arguments avancés par le sociologue est qu’il y a effectivement plus de
prise de risque pour certaines variables qui ont un intérêt du point de vue
de la santé publique, mais que cette augmentation est rarement observée
chez les adolescents qui sont généralement recrutés pour représenter l’ado-
lescence dans les études de neuro-imagerie. La prise de risque est plutôt
observée chez les jeunes adultes âgés de 19 à 24 ans. Ce résultat remet en
question le DS car selon ce dernier, les comportements à risque devraient
diminuer au fur et à mesure de la maturation du cortex préfrontal (voir
Willoughby, Good, Adachi, Hamza, & Tavernier, 2013, pour une revue de
la question). Males (2009) questionne l’intégrité intellectuelle des études
qui regroupent la population des jeunes adultes avec celle des 13-18 ans et
qui les considèrent tous sous l’étiquette d’adolescents. Les chercheurs en
neurosciences répondront sans doute que la notion même d’adolescence
doit être étendue car le cerveau continue de se développer pendant cette
période. Cependant, le fait qu’il n’existe pas de définition claire de ce qu’est
l’adolescence laisse beaucoup de place au flou interprétatif et aux conclusions
a posteriori. Males (2009) explique également qu’une analyse attentive des
données révèle que si l’on contrôle le lien entre l’âge et les comportements
à risque en utilisant une autre variable, la pauvreté, les liens disparaissent
complètement. La pauvreté en elle-même est associée bien plus fortement
avec des comportements de conduite imprudente, de prise de drogues et de
délinquance, et ce quelle que soit la catégorie d’âge prise en compte.

3.3 Aspects sociaux et culturels de l’adolescence


Les anthropologues et les historiens suggèrent que le discours
scientifique tend à considérer cette période comme étant « naturelle »
et due à des changements biologiques, alors que dans les faits elle est en
grande partie construite et sa description en tant que catégorie provient
d’une certaine période de l’histoire. De ce fait, beaucoup des éléments
considérés comme des faits avérés pour cette période peuvent être remis en
question. Premièrement, comme mentionné ci-dessus, il y a la notion qu’il
existe une « chose » ou une catégorie appelée adolescence, que l’on peut
alors étudier scientifiquement en tant que groupe homogène en mettant
de côté l’étude de la construction de l’adolescence elle-même et les incer-
titudes quant à sa définition. Les historiens et les sociologues de l’enfance
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 239

et de l’adolescence ont étudié comment le phénomène de l’adolescence en


tant que tel, est apparu ainsi que ses liens avec les notions de classe, de
colonisation et de système éducatif (voir Lesko, 1996, pour une revue de la
question). En d’autres termes, l’adolescence n’est pas une catégorie neutre
en termes de valeurs, mais plutôt le résultat d’un certain nombre de problé-
matiques liées à l’ordre social émanant d’une période spécifique de l’histoire.
Les caractérisations utilisées pour mettre au point les expériences sont ainsi
souvent empreintes de stéréotypes qui portent leur propre héritage, au
lieu d’être le résultat de découvertes objectives basées sur des méthodolo-
gies exemplaires. Deuxièmement, comment l’adolescence devrait-elle être
définie chronologiquement ? Sur la base de données issue d’études d’IRM,
plusieurs chercheurs considèrent maintenant que l’adolescence s’étend de
l’âge de 10 à 24 ans (Arain et al., 2013), étendant cette période liminale
jusqu’au début de l’âge adulte. À l’heure actuelle, les études présentant des
comportements qui culminent ou décroissent pendant « l’adolescence »
se basent sur des participants appartenant à différents groupes d’âge et
les regroupent de façon très différente d’une étude à l’autre. Alors que la
plupart des chercheurs en neurosciences considèrent que l’adolescence
commence au moment de la puberté et se termine lorsque la personne
occupe un rôle stable au sein de la société, les données expérimentales
doivent être interprétées avec prudence, étant donné que les différences
de groupe observées sont issues d’un groupe d’âge très hétérogène selon les
études. L’anthropologie de la jeunesse nous rappelle également que l’ado-
lescence peut être caractérisée différemment selon le contexte historique
et culturel. Certaines cultures confèrent des responsabilités adultes à une
jeune personne une fois que la puberté est atteinte, court-circuitant de nom-
breux ensembles de comportements et de notions d’adolescence prolongée
souvent associés avec cette période dans les cultures euro-américaines
contemporaines (Moshman, 2009 ; Choudhury, 2009). L’idée que les adoles-
cents sont naturellement susceptibles à l’influence de leurs pairs fournit un
autre exemple qui oublie de prendre en compte la structure sociale qui les
isole du monde adulte et les amène à passer beaucoup de temps ensemble
(Lesko, 1996). Certains auteurs vont jusqu’à proposer de supprimer la
notion d’adolescence, la décrivant comme un modèle infantilisant qui peut
être néfaste au développement des enfants (Epstein, 2007b). Cette position
est adoptée par plusieurs chercheurs, notamment parce que les adolescents
ne s’en sortent pas aussi mal que ce que rapportent parfois les médias, ou la
littérature en neurosciences cognitives (Epstein, 2007b ; Moshman, 2009).
La plupart des personnes traversent cette phase de la vie sans rencontrer de
difficultés majeures ou de problèmes émotionnels (Schlegel & Barry, 1991).
Les anthropologues ont suggéré que l’une des raisons qui expliqueraient
la prise de risque chez les adolescents serait un décalage entre la matu-
rité physique qui est atteinte au début de l’adolescence et les restrictions
imposées par la société qui cherche à garder les adolescents sous contrôle
240 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

pour de nombreuses années après (Schlegel & Barry, 1991). Les adolescents
sont soumis aux contradictions de multiples discours, du point de vue légal,
scientifique et social, qui limitent leur autonomie du fait de leur jeune âge
tout en les décrivant en des termes qui leur confèrent ou retirent diverses
responsabilités.

3.4 Le rôle du genre


Le rôle du genre est également hétérogène dans les recherches
concernant le DS. De nombreuses études ont mis en évidence des dif-
férences entre les hommes et les femmes. Par exemple, des recherches
ont montré que les adolescents sont plus enclins que les adolescentes à
prendre des risques dans des tâches impliquant des paris (Harris, Jenkins,
& Glaser, 2006 ; Steinberg et al., 2008 ; Van Leijenhorst, Westenberg, &
Crone, 2008). D’autres études suggèrent que ces résultats occultent les
différences liées au genre, qui seraient mieux décrites en formulant que les
hommes et les femmes prennent différents types de risques (voir Peper et
al. 2013). Au contraire, un certain nombre d’autres études proposent qu’il
n’existe pas de différences liées au genre. Dans une revue de la littérature
récente, Steinberg et al. (2008) notent que l’écart entre les sexes « semble
se réduire » (p. 88).

4. CONCLUSION
Dans ce chapitre, nous avons présenté une revue de la recherche en
neurosciences cognitives sur le sujet de la prise de risque chez les adoles-
cents. Nous avons mis en évidence la diversité, la complexité et la flexibilité
interprétative des données qui amènent à questionner l’a priori négatif qui
caractérise la recherche contemporaine sur l’adolescence, un thème qui
remonte aux premières études menées sur le sujet par G. Stanley Hall au
début du XXe siècle. Comme l’explique le philosophe scientifique Ian Hacking
(e.g., 1996), lorsqu’un groupe est affublé d’une étiquette et d’un discours
scientifique, cela peut avoir des effets transformatifs jusqu’au niveau biolo-
gique au travers d’« effets de boucle » (looping effects). Étant donné que ces
modèles sont maintenant connus bien au-delà du contexte du laboratoire, y
compris par les adolescents eux-mêmes, nous avons suggéré que le modèle
mérite qu’on lui prête une attention toute particulière (Choudhury, 2009).
La tendance qu’ont les adolescents à repousser leurs limites en explorant,
et parfois même en prenant des risques, a été réduite à des problématiques
de santé publique qui sont simplifiées comme étant le résultat de cerveaux
immatures dans le cadre de certaines recherches et surtout dans leur vul-
garisation. Nous avons abordé essentiellement l’approche qui considère que
les comportements des adolescents peuvent s’expliquer par une immaturité
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 241

du cerveau, en particulier par un décalage entre le développement du cortex


préfrontal au regard des structures plus « primitives » et profondes dans le
cerveau qui sont associées au traitement des émotions.
Des études récentes en neurosciences cognitives vont au-delà du
modèle simpliste de la prise de risque pendant l’adolescence pour tenter
d’appréhender la plus grande complexité du phénomène cognitif en labo-
ratoire. Par exemple, Whelan et al. (2012) ont identifié des réseaux neu-
ronaux qui sont associés à l’impulsivité, en tenant compte de l’impact de
facteurs environnementaux, tels que la prise de drogues, sur ces réseaux.
Dans une autre recherche récente, Peper et al. (2013), ont mis en lien la
prise de risque avec le taux de testostérone chez des garçons et des filles
et ont étudié son impact sur une structure spécifique du cerveau, le cortex
orbitofrontal. Leurs résultats suggèrent que les modifications hormonales et
celles observées dans le cortex orbitofrontal diffèrent en fonction du sexe,
et peuvent avoir un effet médiateur sur la prise de risque (Peper et al.,
2013). Cependant, une autre étude semble venir compliquer les conclusions
que l’on peut tirer des études sur la prise de risque. En effet, Congdon et al.
(2013) notent que les expériences qui utilisent un paradigme de « risque
financier » n’ont peut-être qu’un rapport lointain avec la prise de risque
dans la réalité. Ce paradigme serait toutefois utilisé couramment car il est
plus facile à décomposer en « parties » cognitives. Les auteurs démontrent
que l’activité du cerveau lors de tâches de paris varie en fonction des para-
mètres de la tâche, tels que le degré d’ambiguïté ou des pertes fluctuantes
(Congdon et al., 2013). Une étude réalisée par Telzer et al. (2012) étaye
l’hypothèse que des paramètres changeants peuvent affecter les résultats
de façon significative. En utilisant une tâche de pari inversé, ces auteurs
ont montré que l’activité du SV augmentait avec des stimuli prosociaux
et présentait une relation inverse avec la prise de risque. Ces résultats
contredisent les résultats des études go/no-go, et suggèrent que le choix
des paradigmes peut affecter les résultats plus globalement. Ces articles
récents, ainsi que la revue de la littérature présentée ici, indiquent la grande
complexité qu’il y a pour tirer des conclusions concernant les relations
causales entre ce qui se passe dans le cerveau humain en développement
et les comportements que nous observons dans le cadre de l’écosystème
naturel des adolescents.
La tendance persistante à expliquer les comportements des jeunes
en termes de structures et de fonctions du cerveau, et à séparer le cognitif du
social, est peut-être due à des habitudes tenaces à penser en termes carté-
siens. Comme les philosophes et les anthropologues, ainsi que les chercheurs
en neurosciences cognitives le soulignent désormais, les comportements et
les émotions telles que la colère, la honte et la pitié sont fondamentalement
sociaux (Gross, 2007). Par exemple, la colère se manifeste lorsqu’il y a un
déséquilibre de pouvoir entre des individus, toujours du côté de ceux qui
242 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

sont en position d’autorité. Une émotion comme la honte apparaît unique-


ment si la personne est en présence d’une autre personne dont l’opinion
est importante. La même intrication sociale existe, d’après nous, pour les
comportements qui sont regroupés et caractérisés comme de la « prise de
risque », et qui doivent être appréhendés au regard des contextes social,
politique, économique et de leurs interactions avec les processus cognitifs.
Conformément à l’approche de l’anthropologue LeBreton, la prise de risque
chez l’adolescent est peut-être une manière pour les jeunes de créer leur
propre « rite de passage » dans une société qui ne leur en offre pas. Des
comportements qui sont perçus comme des « comportements à risque »
aux yeux des « adultes responsables » peuvent en fait être motivés par des
raisons sociales qui ne peuvent pas être réduites à une incapacité à inhiber
le centre du plaisir du cerveau. Trouver des manières d’opérationnaliser
le contexte social dans les expériences en neurosciences représente un
pas dans la bonne direction, mais n’apportera qu’un éclairage limité si le
cerveau adolescent continue d’être perçu comme étant séparé du monde
social, plutôt que comme un organe intégré dans l’environnement social et
en constante interaction avec ce dernier.
De plus, en tant que chercheurs le risque que nous courons en
localisant les comportements des jeunes dans le cerveau, ou en mettant
trop l’accent sur le rôle du cerveau, est de dépolitiser des comportements
qui ont des origines et des contextes clairement ancrés socialement, éco-
nomiquement et politiquement, bien qu’ils soient possiblement médiatisés
par les processus du cerveau. Dans un article récent, le philosophe Olivier
Clain (2013) a analysé les manifestations étudiantes contre l’augmentation
des frais de scolarité qui ont eu lieu dans la province canadienne du Québec
mais également des mouvements étudiants similaires qui se sont déroulés
dans le monde, en Angleterre, au Chili, au Mexique, en Colombie, au Pérou,
en Irlande, en Italie et en Allemagne. Il note que les autres manifestations et
même les révolutions qui se sont déroulées dans différents endroits dans le
monde, comme par exemple en Égypte ou en Grèce étaient essentiellement
le fait de jeunes adultes, qui étaient sans emploi, et que ces événements
ont joué un rôle important dans l’imaginaire des différents mouvements
étudiants. L’analyse de Clain souligne que le fait de placer l’accent sur des
explications biologiques risque au final de détourner l’attention de pro-
blèmes réels et croissants dans nos sociétés, tels que la profonde inégalité
économique qui affecte les jeunes, tout en décrivant dans le même temps
la population même qui possède l’imagination et le potentiel pour amener
le changement social comme étant biologiquement vulnérable et ayant
besoin d’aide.
Les bases neurologiques de la prise de risque chez les adolescents 243

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Chapitre
Que nous apprennent
9
les neurosciences cognitives
sur le développement typique
et atypique des aptitudes numériques ?
Une revue de la littérature
Stephan E. VOGEL et Daniel ANSARI

Les chiffres jouent un rôle essentiel dans la vie de tous les jours.
La plupart du temps, nous traitons les informations numériques avec tant
d’aisance que nous ne nous en rendons même pas compte. À part leur rôle
évident pour les apprentissages, nous utilisons en permanence les chiffres
pour guider nos comportements et nos décisions dans de nombreux aspects
de notre vie. Par exemple, lorsque vous vous levez le matin et que vous
jetez un œil à votre réveil, vous traitez des chiffres, lorsque vous regardez
la météo pour savoir comment vous allez vous habiller, vous utilisez des
chiffres pour guider votre décision, quand vous regardez les résultats de
votre équipe préférée, vous utilisez également des chiffres pour donner du
sens à ces informations. Ces exemples illustrent à quel point les chiffres
sont partie intégrante de nos sociétés modernes et le fait que nous traitons
une quantité phénoménale d’informations numériques au cours de notre vie.
Mais au-delà de leur pertinence dans notre vie quotidienne, des difficultés
254 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

dans le domaine des mathématiques peuvent avoir un impact important sur


la santé, mais aussi sur les aspects économiques de la société. Certaines
recherches ont montré que de faibles aptitudes en calcul peuvent être
associées à des difficultés à appréhender les risques en termes de santé
(Schwartz, Woloshin, Black, & Welch, 1997), à comprendre des informations
risque-bénéfice (Bruine de Bruin & Carman, 2012 ; Peters, Hibbard, Slovic, &
Dieckmann, 2007) et sont souvent associées à des troubles psychiques tels
que la dépression (Parsons & Bynner, 2005).
Au regard du rôle crucial que jouent les chiffres dans notre société,
il semble important de chercher à mieux cerner la façon dont notre cerveau
traite les informations numériques et comment les aptitudes numériques
fondamentales évoluent au cours du développement et des apprentis-
sages. Mieux comprendre les processus cognitifs associés au traitement
des chiffres permettra d’apporter un éclairage nouveau sur la façon dont
l’enseignement et les apprentissages affectent le développement typique
et atypique des compétences numériques. Aujourd’hui, les chercheurs
s’efforcent de mieux comprendre les questions clés : existe-t-il dans le
cerveau des circuits spécialisés dans la représentation et le traitement
d’informations numériques ? Comment les représentations des chiffres
évoluent-elles au cours du développement et comment les différences inte-
rindividuelles dans le traitement des informations numériques se reflètent-
elles dans les différences interindividuelles en termes de compétences en
mathématiques ?
Les premières recherches s’intéressant aux régions cérébrales
impliquées dans le traitement des chiffres ont été réalisées au début du
e
XX siècle. Des études en neuropsychologie menées sur des patients souf-
frant de lésions cérébrales suite à un accident vasculaire cérébral (AVC),
ou un problème médical similaire ont fourni un premier aperçu des régions
spécifiques du cerveau impliquées dans l’arithmétique (cf. Henschen, 1919).
Plus précisément, des patients souffrant de lésions du lobe pariétal présen-
taient de grandes difficultés pour résoudre des calculs simples tels qu’une
addition ou une soustraction à un chiffre (voir figure 9.1). Ces résultats
ont fourni les premières indications que les opérations mathématiques et
arithmétiques, en particulier, reposent sur des circuits spécifiques au sein
du cerveau et que des lésions affectant ces régions peuvent entraîner une
acalculie, un trouble spécifique des mathématiques qui survient à la suite de
lésions dans le cortex pariétal. Depuis ces premières recherches, de nom-
breux rapports neuropsychologiques ont fait état de patients qui présen-
taient des troubles des aptitudes de traitement numérique et mathématique
à la suite de lésions cérébrales. Ces études ont mis en évidence un lien entre
le lobe pariétal et les difficultés en mathématiques (e.g., Ashkenazi, Henik,
Ifergane, & Shelef, 2008 ; Cipolotti, Butterworth, & Denes, 1991 ; Dehaene
& Cohen, 1991).
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 255

Le développement des techniques de neuro-imagerie fonctionnelle


qui permettent d’explorer le fonctionnement et la structure du cerveau
chez des sujets sains a permis de nouvelles avancées et une meilleure
compréhension de la façon dont le cerveau humain traite les informations
numériques.

Figure 9.1. Localisation anatomique du lobe pariétal


sur une reconstruction du cerveau humain

Ce chapitre aborde essentiellement les mécanismes mis au jour


récemment qui sous-tendent les aspects fondateurs de la cognition numé-
rique et sur la base desquels les aptitudes de traitement plus complexes telles
que l’arithmétique sont construites. Plus précisément, le chapitre présente
une revue des connaissances actuelles concernant la façon dont les ordres
de grandeur numériques (nombre d’items contenus dans un ensemble) sont
représentés dans le cerveau adulte et comment la représentation des ordres
de grandeur numériques non symboliques (p. ex., ensembles de points) et
symboliques (p. ex., chiffres arabes) évolue avec les apprentissages et au
cours du développement. Après une revue des résultats classiques dans
le domaine, nous aborderons différents sujets et hypothèses de recherche
concernant les efforts en cours pour mieux appréhender le développement
typique et atypique de la représentation numérique symbolique et non
symbolique.

1. ORDRE DE GRANDEUR NUMÉRIQUE


Un nombre croissant de données scientifiques a récemment mis en
évidence des aptitudes qualitativement similaires au traitement des repré-
sentations non symboliques d’ordres de grandeur numériques chez certains
animaux (e.g., Brannon, 2006). La capacité à discriminer des ordres de
grandeur numériques non symboliques a été montrée chez les primates non
humains (Boysen, Bernston, Hannan, & Cacioppo, 1996 ; Brannon & Terrace,
1998 ; Cantlon & Brannon, 2006), chez les amphibiens (Krusche, Uller, &
Dicke, 2010), chez les oiseaux (Honig & Stewart, 1989 ; Pepperberg & Carey,
256 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

2012 ; Pepperberg, 2006, 2012) et même chez les poissons (Agrillo, Dadda,
Serena, & Bisazza, 2009). Des aptitudes numériques non symboliques rudi-
mentaires ont été mises en évidence chez les bébés (Feigenson, Carey, &
Spelke, 2002 ; Xu & Spelke, 2000 ; Xu, Spelke, & Goddard, 2005) et chez les
enfants (Halberda & Feigenson, 2008 ; Halberda, Mazzocco, & Feigenson,
2008). Au regard des observations convergentes notées chez les différentes
espèces ainsi qu’au cours du développement, il a été suggéré que la repré-
sentation des ordres de grandeur numériques non symboliques a une longue
histoire en termes d’évolution et que les humains seraient nés avec un « sens
de l’ordre de grandeur numérique » (Dehaene, 1997, p. 294). D’après de
nombreux chercheurs dans le domaine, le « sens du nombre » apporterait
la base sur laquelle les aptitudes numériques symboliques se construisent,
fournissant ainsi un support pour les opérations numériques plus complexes.
Une tâche expérimentale qui est couramment utilisée pour étu-
dier la représentation de l’ordre de grandeur numérique chez les animaux
comme chez les humains est la comparaison des chiffres (voir figures 9.2a
et 9.2b). Dans une étude novatrice, Moyer et Landauer (1967) ont présenté
une série de paires de nombres à un chiffre à des sujets adultes et leur
ont demandé de décider avec le plus de précision et aussi rapidement que
possible lequel des deux nombres était numériquement supérieur. L’ana-
lyse des temps de réaction a montré une relation inverse caractéristique
entre la distance numérique entre les chiffres et le temps nécessaire pour
discriminer entre les deux nombres (voir figure 9.3a). En d’autres termes,
les participants étaient plus lents et faisaient plus d’erreurs lorsque la dis-
tance numérique entre les chiffres était relativement petite (p. ex., 1 vs 2,
Distance Numérique = 1) comparé à des paires pour lesquelles la distance
numérique était plus grande (p. ex., 1 vs 8, Distance Numérique = 7). Ces
résultats ont depuis été répétés et confirmés par différents laboratoires.
L’hypothèse proposée à l’heure actuelle est que l’effet de « distance numé-
rique » (numerical distance effect, NDE) est indicatif de la façon dont
les êtres humains représentent les ordres de grandeur numériques. Plus
particulièrement, le NDE serait indicatif d’une représentation analogue
interne de l’ordre de grandeur numérique dans laquelle les chiffres qui
sont proches les uns des autres (distance numérique relativement faible)
partagent plus en commun du point de vue représentationnel que les
chiffres plus éloignés (pour des hypothèses alternatives sur les origines
du NDE et du ratio numérique voir Verguts & Van Opstal, 2005 ; Zorzi &
Butterworth, 1999). De ce fait, les chiffres qui sont plus proches les uns
des autres seraient plus difficiles à discriminer comparés aux chiffres qui
sont plus éloignés, ce qui est une caractéristique partagée avec d’autres
dimensions de grandeurs non numériques telles que la longueur et le temps
(Walsh, 2003).
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 257

Figure 9.2. Exemples de stimuli utilisés dans une tâche de comparaison


a) symbolique et b) non symbolique
a) b)

2 8

En plus du NDE, un autre effet peut être mesuré lorsqu’on demande


à des sujets de discriminer entre deux chiffres : l’effet de grandeur numé-
rique ou effet de ratio (numerical ratio effect, NRE). Au lieu d’utiliser la
distance entre les deux chiffres pour prédire la réponse comportementale,
il est possible d’utiliser le rapport de proportion entre ces chiffres. Par
exemple, les comparaisons dans lesquelles on compare (a) les chiffres 8 et
9 et (b) les chiffres 1 et 2. Dans les deux cas, les deux paires de chiffres ont
une distance numérique de 1, mais la proportion numérique est différente
pour les deux exemples. Alors que pour l’exemple (a) la proportion numé-
rique est de 0,89 (8/9 = 0,89), l’exemple (b) donne une proportion numé-
rique de 0,5 (1/2 = 0,5) ; ce qui fait qu’il est plus difficile de décider si 9 est
plus grand que 8, comparé à la décision de savoir si 2 est plus grand que 1
(voir figure 9.3b). Un effet de distance numérique prédirait donc des temps
de réponse similaires pour les deux paires (exemples a et b), alors que le
NRE prédit des temps de réaction plus élevés pour 8 vs 9 comparativement
à 1 vs 2. Conformément à la loi de Weber, le NRE tient compte de la taille
relative des ordres de grandeur qui sont comparés (voir figure 9.3), ce qui
permet une estimation plus précise de la performance comportementale
pour des tâches de comparaison de chiffres.

Figure 9.3. Temps de réactions observés pour a) l’effet de distance


numérique (NDE) et b) l’effet de ratio (NRE)
258 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

La tâche de comparaison de chiffres est couramment utilisée pour


étudier la représentation des ordres de grandeur numérique symboliques et
non symboliques chez les adultes (Moyer & Landauer, 1967 ; Verguts & Van
Opstal, 2005), les bébés (Xu & Spelke, 2000 ; Xu et al., 2005), les enfants
(Bugden & Ansari, 2010 ; Holloway & Ansari, 2009 ; Sekuler & Mierkiewicz,
1977 ; Vogel, Remark, & Ansari, 2015) et les primates non humains (Brannon
& Terrace, 1998 ; Cantlon & Brannon, 2006).

1.1 Comment le cerveau représente les ordres


de grandeur numériques
Au vu des résultats présentés ci-dessus, il n’est pas étonnant que
l’essentiel des premières recherches en neuro-imagerie ait eu recours à
des paradigmes de comparaison de chiffres pour étudier les bases neuro-
logiques du traitement de l’ordre de grandeur numérique. Les premières
recherches sur le traitement de l’ordre de grandeur numérique dans le
cerveau adulte ont utilisé l’électroencéphalographie (EEG) pour étudier
les potentiels évoqués liés aux événements (event-related potentials,
ERPs). Les ERPs sont des mesures spécifiques d’EEG qui relient la réponse
neurologique du cerveau estimée à l’observation d’un événement lié à une
tâche spécifique, par exemple la présentation de deux chiffres différents
en termes de distance/proportion numérique. Cette mesure apporte une
information temporelle précise concernant le moment auquel des calculs,
associés à une tâche spécifique, sont effectués dans le cerveau. Bien qu’ils
fournissent des indices temporels très précis, les ERPs ne permettent pas
d’obtenir une bonne résolution spatiale ce qui rend difficile toute inférence
concernant la localisation de l’activation au sein du cerveau. Dans une des
premières études utilisant les ERPs, Dehaene (1996) a utilisé des chiffres
arabes et des chiffres en toutes lettres, présentés visuellement sur un
écran, pour déterminer si l’effet de distance numérique se produit indépen-
damment du format de présentation (chiffres arabes ou chiffres en toutes
lettres) et au même moment au cours du traitement. Pour répondre à ces
questions, Dehaene a proposé à des adultes en bonne santé de participer
à cette étude menée dans son laboratoire. L’activité électrique EEG était
mesurée, et il leur était demandé de décider si le chiffre arabe ou chiffre
en toutes lettres présenté était plus ou moins grand que le chiffre stan-
dard 5. Le signal ERP a permis d’identifier plusieurs étapes de traitement
temporellement distinctes lors de la comparaison d’ordres de grandeur
numériques. Plus exactement, Dehaene a mis en évidence une première
différence liée au format de présentation entre les chiffres (p. ex., « 8 »)
et les chiffres écrits en lettres (p. ex., « huit ») au niveau des composantes
précoces des ERPs, lesquelles pourraient être grossièrement associées,
en localisant leur source, aux zones visuelles du cerveau. Cependant,
ces composantes n’étaient pas sensibles à l’effet de distance numérique,
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 259

par conséquent elles étaient probablement le reflet d’une identification


visuelle plutôt que d’un traitement sémantique (ordre de grandeur numé-
rique). Cette composante précoce fut suivie par une composante ERP qui
était modulée par la distance numérique. L’effet de distance numérique
se manifestait au niveau d’électrodes situées sur les zones bilatérales du
cortex pariétal entre 170-200 ms après l’envoi du stimulus. De plus, l’effet
distance numérique pour cette dernière composante ne différait pas entre
les chiffres et les chiffres lettres, indiquant que les deux formats font
appel à des opérations cognitives similaires, possiblement une représenta-
tion abstraite d’ordre de grandeur numérique indépendante du format de
présentation, pour traiter le sens sémantique des chiffres et des chiffres
lettres. Un autre effet ERP a également été observé avec des différences
d’activation liées à la latéralisation dans l’exécution de la réponse (p. ex.,
presser sur bouton gauche ou droit).
Ces résultats ERP sont importants à plusieurs titres. En premier
lieu, ils indiquent que le traitement des ordres de grandeur numériques est
indépendant de la nature visuelle des représentations numériques, ce qui est
illustré par le fait que l’effet distance numérique est indépendant du format
de notation. En d’autres termes, les résultats suggèrent que l’effet distance
numérique indiquerait un traitement du sens sémantique des symboles
numériques qui est indépendant de l’apparence visuelle du format (par ex.,
chiffres arabes ou en toutes lettres) et indépendant de l’exécution motrice.
Deuxièmement, comme il a été montré chez des patients souffrant de lésions
cérébrales, l’analyse de localisation de sources présentée dans cette étude
montre que les zones du cortex pariétal jouent un rôle essentiel dans la
représentation de l’information sémantique, l’ordre de grandeur numérique,
des chiffres.
Cependant, étant donné les limites de résolution spatiale des
études EEG, une localisation précise des régions du cerveau impliquées
dans les différentes étapes du traitement n’est pas possible. Les résultats de
l’étude ERP abordée ci-dessus sont par conséquent limités dans la mesure
où il n’est pas possible d’affirmer avec certitude que le cortex pariétal est
bien le locus principal de la représentation de l’ordre de grandeur numé-
rique. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) est un
outil de neuro-imagerie qui possède une résolution spatiale relativement
élevée et qui permet donc de vérifier cette hypothèse. En utilisant une
tâche de comparaison de chiffres tout en scannant l’activité de cerveau
de sujets adultes, Pinel et al. (1999) furent parmi les premiers à étudier
la localisation précise de l’effet de distance numérique. Leurs résultats
ont montré qu’une région spécifique du cerveau chez l’adulte, les sillons
intrapariétaux (intraparietal sulcus, IPS, voir figure 9.4), était modulée
par la distance numérique.
260 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Figure 9.4. Illustration 3D du cerveau humain montrant la localisation


des sillons intrapariétaux (IPS) en vert

En d’autres termes, le niveau d’activation du cerveau dans cette


zone spécifique est plus élevé lorsque la distance entre les chiffres est faible
comparé à lorsque la distance entre les chiffres est plus grande. Ces résultats
sont similaires à l’effet de distance numérique comportementale observé
sur le plan neuronal. Ils concordent avec la littérature abordée jusqu’ici
concernant le lobe pariétal et en particulier avec le fait que les IPS semblent
jouer un rôle central dans le traitement des ordres de grandeur numériques.
Ces résultats ont depuis été reproduits de nombreuses fois dans différents
laboratoires (voir Ansari, Garcia, Lucas, Hamon, & Dhital, 2005 ; Pinel,
Dehaene, Rivière, & LeBihan, 2001 ; Kaufmann et al., 2006). La plupart des
chercheurs s’accordent sur le fait que le lobe pariétal est impliqué dans le
traitement des informations numériques.
Comme nous l’avons vu, la littérature sur le cerveau adulte souligne
qu’au sein du cortex pariétal les IPS encodent une représentation abstraite
et par conséquent indépendante du format (chiffres arabes ou en toutes
lettres) de l’ordre de grandeur numérique (Dehaene, Dehaene-Lambertz,
& Cohen, 1998). Cependant, plus récemment, des recherches en neuro-
imagerie se sont intéressées aux aspects communs et aux différences entre
des formats de représentation différents, en particulier entre le traitement
des ordres de grandeur numériques symboliques (chiffres arabes) et non
symboliques (ensembles de points).
Dans l’une de ces études, Piazza, Pinel, Le Bihan et Dehaene (2007)
ont utilisé la méthode d’IRMf-Adaptée (IRMf-A) pour chercher à déterminer
si l’activation du cerveau dans les IPS était identique lors de la présentation
de chiffres et d’ensembles de points similaires. Conformément aux hypo-
thèses des auteurs, les résultats ont montré une adaptation inter-format
entre les stimuli symboliques et non symboliques. Plus précisément, indé-
pendamment du format de présentation à l’écran, points ou chiffres arabes,
les IPS présentaient une sensibilité à la distance numérique (modification de
l’activité cérébrale liée à la distance numérique). En d’autres termes, les IPS
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 261

ne discriminaient pas entre les présentations de points ou de chiffres, mais


réagissent surtout à la distance numérique entre les chiffres et ensembles
de points présentés. Ce résultat montrant un effet d’adaptation indépendant
du format de présentation (symboles numériques ou ensembles de points)
est considéré comme une preuve tangible que les IPS sont le siège d’une
représentation commune et indépendante du format de notation des ordres
de grandeur numériques symboliques et non symboliques. De nouvelles don-
nées empiriques ont cependant récemment remis en cause cette hypothèse
restrictive, et un nombre croissant d’études a cherché à mieux comprendre la
ségrégation et l’intégration des fonctions cérébrales impliquées dans le trai-
tement des ordres de grandeur numériques symboliques et non symboliques.
Par exemple, une étude en IRMf réalisée par Holloway, Price et Ansari
(2010) cherchait à comprendre dans quelle mesure des zones distinctes et
communes du cerveau humain traitent l’ordre de grandeur numérique sym-
bolique et non symbolique chez les adultes. Dans cette étude, 19 adultes sans
pathologie devaient réaliser une tâche de comparaison de chiffres avec des
chiffres arabes ainsi qu’avec différents ensembles de points. Conformément
aux résultats de précédentes recherches, cette étude d’imagerie a montré
que les deux formats de présentation (chiffres et points) provoquaient un
chevauchement important dans l’activation de régions du lobe pariétal, ce
qui est en faveur de l’hypothèse d’une représentation commune des ordres
de grandeur numériques symboliques et non symboliques qui est indépen-
dante du format. Cependant, ces auteurs sont également parvenus à mettre
en évidence des effets spécifiques au format pour le traitement des stimuli
symboliques et non symboliques. Plus précisément, les formats non symbo-
liques activaient des zones du lobe occipital et du lobe pariétal postérieur
supérieur plus fortement que les stimuli symboliques. Le lobe occipital est
essentiellement associé aux processus visuels, ce qui indique une demande
visuelle plus importante dans la condition non symbolique. Il est possible
que la plus grande mobilisation des aires visuelles reflète l’individuation et
la sommation des carrés que les participants devaient comparer. L’activa-
tion du lobe pariétal supérieur dans la condition non symbolique pourrait
indiquer que des calculs neuronaux supplémentaires sont nécessaires pour
quantifier les ordres de grandeur numériques non symboliques. Par rapport
aux stimuli non symboliques, la comparaison des « chiffres symboles » mon-
trait une plus grande activation des régions du gyrus angulaire et du gyrus
temporal supérieur de l’hémisphère gauche. Le gyrus angulaire est souvent
impliqué dans les fonctions de calcul et d’accès aux données. Son activation
lors de tâches de comparaison de chiffres suggère un rôle plus étendu de
cette région dans le traitement des chiffres symboliques. Une des hypo-
thèses avancées par les auteurs serait l’implication de ces régions dans le
traitement des connexions ou des associations entre les symboles et l’ordre
de grandeur concerné (Holloway et al., 2010). Par conséquent, ces travaux
262 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

complètent les recherches précédentes en montrant qu’il existe des réseaux


à la fois communs et différents pour le traitement des ordres de grandeur
numériques symboliques et non symboliques.
Pour résumer, les études se basant sur des outils de neuro-imagerie
tels que l’IRMf et EEG ont montré que le cerveau humain représente les
ordres de grandeur numériques dans une région délimitée du lobe pariétal
(l’IPS). Alors qu’un nombre croissant d’études ont montré que la représen-
tation de l’ordre de grandeur numérique pourrait être abstraite et indépen-
dante du format de notation, des recherches plus récentes questionnent
cette hypothèse et montrent que des réseaux communs et des réseaux
spécifiques au format coexistent dans le cerveau, et qu’ils pourraient (ou
pas) jouer un rôle essentiel dans le traitement de différents types d’ordres
de grandeur numérique (voir aussi Cohen Kadosh & Walsh, 2009). Cette
question reste ouverte.
En plus des données montrant que les IPS sont activés lors de tâches
de comparaison de chiffres, de nombreux éléments indiquent que ces régions
sont activées plus généralement lors de traitement d’ordres de grandeur
numériques. L’une des tâches utilisées pour étudier le traitement de l’ordre
de grandeur chez les enfants et les adultes est la tâche de ligne de chiffres
(Siegler & Opfer, 2003). Dans cette condition, le traitement de l’ordre de
grandeur numérique est étendu au contexte spatial – la ligne de chiffres qui
est couramment utilisée dans un cadre scolaire. Dans ce paradigme expé-
rimental, les participants doivent estimer la position spatiale d’un chiffre
donné (p. ex., 67) sur une ligne de chiffres. Par exemple, on présente une
ligne de chiffres où seul le 0 à gauche et le 100 tout à droite sont indiqués ;
les participants doivent alors marquer l’emplacement correct du chiffre 67
sur cette ligne. Cette tâche implique la construction d’une représentation
interne de l’ordre de grandeur numérique pour ensuite la retranscrire dans
un cadre de référence spatial. Des études comportementales utilisant la
tâche des chiffres en ligne ont montré que les performances des enfants
(précision avec laquelle ils plaçaient les chiffres) augmentaient en fonction
de leur âge (Siegler & Booth, 2004 ; Siegler & Opfer, 2003). De plus, un lien
significatif a été démontré entre les différences interindividuelles lors de
la tâche des chiffres en ligne et les aptitudes en mathématiques (Booth &
Siegler, 2006 ; Schneider et al., 2008 ; Schneider, Grabner, & Paetsch, 2009 ;
Thompson & Siegler, 2010). Qui plus est, des programmes éducatifs visant
à aider les enfants à améliorer la précision de leurs réponses à cette tâche
ont également permis d’améliorer leurs aptitudes en arithmétique (Booth
& Siegler, 2008 ; Siegler & Ramani, 2009). D’un point de vue éducatif, ce
domaine de recherche montre ainsi la pertinence qu’il y a à retranscrire
la représentation de l’ordre de grandeur numérique dans un cadre spatial
culturellement transmissible. Utilisant une tâche de chiffres en ligne Vogel,
Grabner, Schneider, Siegler et Ansari (2013) ont récemment montré que
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 263

l’activation des IPS chez les adultes était plus grande lorsque les ordres de
grandeur numériques étaient retranscrits sur le plan spatial, ce qui indique
que les IPS ne s’activent pas uniquement lorsque des ordres de grandeur
numériques sont comparés. Les résultats de cette étude suggèrent que les
IPS sont également des zones clés pour la retranscription des chiffres en
termes spatiaux.
Bien qu’il soit important de comprendre comment le cerveau adulte
représente les ordres de grandeur numériques, il est raisonnable de penser
que chez l’adulte cette représentation est le résultat d’un parcours déve-
loppemental et est lié à l’apprentissage et à l’expérience transmis par la
culture et l’enseignement. Par conséquent, il semble important d’étudier la
façon dont les corrélats neurologiques associés au traitement des ordres de
grandeur numérique évoluent au cours du développement ainsi que leur lien
avec les aptitudes mathématiques.

1.2 Le développement neurocognitif


de la représentation d’ordre
de grandeur numérique
La plupart des recherches neurocognitives sur la cognition numé-
rique se sont intéressées aux adultes. La façon dont l’apprentissage et l’expé-
rience modulent les circuits qui sous-tendent la représentation des ordres de
grandeur numériques au cours du développement a reçu peu d’attention de
la part des chercheurs. Au cours des dernières années, un nombre croissant
d’études utilisant l’imagerie se sont intéressées aux différences ainsi qu’aux
similarités des substrats neurologiques du traitement des ordres de grandeur
numérique symboliques et non symboliques chez les bébés et les enfants.
Ces études ont apporté des éléments en faveur d’un ensemble de processus
dynamiques pour rendre compte de la façon dont le cerveau des enfants
représente les ordres de grandeur numériques au cours du développement.
De plus, les données actuelles pointent également vers des points communs
entre enfants et adultes au regard des zones du cerveau qui sont sollicitées
lors du traitement des ordres de grandeur numériques.
Une des premières études s’est intéressée aux différences dévelop-
pementales en termes de substrats neurologiques associés avec l’effet de
distance numérique symbolique chez des enfants et des adultes (Ansari et
al., 2005). Les participants devaient réaliser la même tâche consistant à dire
lequel de deux chiffres présentés à l’écran était le plus grand. Une analyse
de l’activité cérébrale a révélé une différence significative dans la façon dont
le cerveau des 9-12 ans, comparé à celui des adultes, traite les ordres de
grandeur numériques symboliques. Plus précisément, chez les enfants une
analyse globale du cerveau a montré que l’activité du cortex frontal droit
(gyrus frontaux moyen et inférieur droits) était modulée significativement
264 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

par la distance numérique. Par contre, chez les adultes ce sont les régions
du lobe pariétal qui étaient essentiellement activées. Ce résultat apporte
des éléments en faveur de modifications liées à l’âge dans la façon dont le
cerveau humain représente les ordres de grandeur numériques symboliques
au cours du développement. Les résultats de cette recherche suggèrent qu’il
existe une modulation dynamique dans la façon dont le cerveau humain
traite les informations sémantiques des symboles numériques. Au départ,
les enfants sollicitent plus les régions préfrontales que les adultes. L’activa-
tion des régions frontales diminue au cours du développement et une plus
grande spécialisation du cortex pariétal est observée (voir aussi Kaufmann
et al., 2005, 2006 pour des résultats similaires). Bien que l’étude de Ansari
et al. (2005) ait mis en évidence des modifications dynamiques générales de
l’activité cérébrale survenant entre l’enfance et l’âge adulte, les mécanismes
ontogénétiques qui sous-tendent ces changements ne sont pas connus.
La plus grande sollicitation des régions préfrontales chez les enfants a été
interprétée comme étant le reflet d’une mobilisation de ressources cognitives
supplémentaires telles que le contrôle cognitif ou la mémoire de travail. L’hy-
pothèse étant que les enfants n’ont pas encore développé le même niveau
d’automatisation que les adultes. De ce fait, les enfants doivent mobiliser des
ressources complémentaires afin de gérer la concurrence entre différentes
représentations des ordres de grandeur numériques.
Les résultats de ces recherches indiquent des modifications dyna-
miques dans la façon dont le cerveau humain représente l’ordre de grandeur
numérique des symboles. Étant donné que l’utilisation efficace de symboles
numériques est l’un des résultats de l’apprentissage et de l’expérience, l’on
peut s’attendre à observer des modifications dynamiques du cerveau reflé-
tant ce processus. Cependant, une autre question est de savoir si l’activité
cérébrale évolue en fonction de l’âge lorsqu’il s’agit de traiter des ordres de
grandeurs numériques non symboliques, ces derniers étant peut-être moins
influencés par l’apprentissage et l’expérience. Pour répondre à cette ques-
tion, Ansari et Dhital (2006) ont recueilli des données de neuro-imagerie
d’une tâche de comparaison numérique non symbolique chez des enfants
et des adultes. À la différence de l’étude discutée ci-dessus, les enfants et
les adultes devaient indiquer la matrice qui contenait le plus grand nombre
de carrés. Les résultats de cette étude ont mis en évidence de grandes
similitudes dans la façon dont l’activation cérébrale change en fonction de
l’âge lors du traitement d’ordres de grandeur numériques non symboliques
et lors du traitement d’ordres de grandeur numériques symboliques. Plus
précisément, les données de cette étude d’imagerie ont montré une augmen-
tation significative de l’activation au niveau du lobe pariétal, en particulier
des IPS, en fonction de l’âge. En d’autres termes, les adultes présentaient
un effet de distance significativement plus grand (plus d’activation pour les
distances réduites que pour des distances plus grandes) dans les régions
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 265

de l’IPS gauche comparé aux enfants. Par contre, chez les enfants, on
observait une activation liée à la distance dans les zones frontales droites.
La ressemblance entre les modifications développementales de l’activation
pour le traitement des ordres de grandeur numériques non symboliques et
symboliques indique qu’un mécanisme cognitif similaire, indépendant du
format, pourrait changer au fur et à mesure que les enfants deviennent plus
efficaces dans le traitement des ordres de grandeur numériques. Considé-
rées ensemble, les données issues des comparaisons d’ordres de grandeur
numériques symboliques et non symboliques ont été interprétées comme
indiquant une spécialisation progressive avec l’âge du cortex pariétal dans
la représentation des ordres de grandeur numériques à la fois symboliques
et non symboliques.
Bien que ces études révèlent des modifications dynamiques liées
à l’âge en termes d’activité cérébrale pour le traitement des ordres de
grandeur numériques symboliques et non symboliques, il ne sera possible
d’apporter des preuves empiriques directes concernant les modifications
développementales d’une représentation abstraite (indépendante du for-
mat de notation) de l’ordre de grandeur numérique qu’avec des études
qui suivent les modifications développementales du traitement des ordres
de grandeurs numériques symboliques et non symboliques chez un même
individu. Afin d’explorer les différences et les similitudes du traitement
des ordres de grandeurs numériques symboliques et non symboliques du
point de vue développemental, Holloway et Ansari (2010) ont recueilli des
données de neuro-imagerie issues d’un échantillon d’enfants et d’adultes à
qui on demandait de réaliser une tâche de comparaison numérique symbo-
lique et non symbolique. Le fait de disposer de données de neuro-imagerie
pour les deux formats de notation a permis d’analyser directement si les
représentations des ordres de grandeur numériques non symboliques et
symboliques présentaient une trajectoire développementale commune. Les
résultats ont montré que des zones du cortex pariétal droit présentaient
une activité significativement plus élevée chez les adultes, à la fois pour
la tâche de comparaison symbolique et non symbolique. Ces observations
sont cohérentes avec les résultats présentés précédemment dans la mesure
où elles indiquent qu’au cours du développement des régions spécifiques
situées dans le cortex pariétal de l’hémisphère droit se spécialisent dans la
représentation abstraite des ordres de grandeur numériques. Il est important
de noter toutefois que l’activité cérébrale observée dans cette étude n’était
pas modulée par l’effet de distance numérique au niveau du cerveau pris
dans son ensemble. Cependant, des analyses post hoc sur ces régions ont
néanmoins mis en évidence un effet de distance numérique pour les deux
conditions, indiquant que le chevauchement d’activation était effectivement
bien lié au traitement des informations sémantiques véhiculées par les deux
formats de notation.
266 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Dans l’ensemble, les recherches discutées ci-dessus ont servi à


identifier des différences globales dans les mécanismes qui sous-tendent le
traitement des ordres de grandeur numériques symboliques et non symbo-
liques chez les enfants et les adultes. Plus précisément, une spécialisation
dynamique des IPS, liée à l’âge, a été mise en évidence pour le traitement des
ordres de grandeur numériques symboliques et non symboliques à travers
ces différents travaux.
Un des mécanismes possibles sous-tendant les modifications ontogé-
nétiques de l’activité cérébrale dans les IPS est l’augmentation au cours du
développement du lien entre les symboles numériques et la représentation
sémantique sous-jacente qu’ils représentent. En d’autres termes, le degré
d’automatisation avec lequel les informations numériques sont extraites
des symboles change en fonction de l’expérience et des apprentissages, et
devient plus efficace au cours du développement. L’augmentation de l’activité
pariétale dans les IPS pourrait refléter ce mécanisme. Cependant, afin de
mieux caractériser les mécanismes précis impliqués dans les modifications
développementales de l’activation cérébrale des études de neuro-imagerie
complémentaires sont nécessaires pour apporter une image plus détaillée de
la façon dont les substrats neurologiques de la représentation des ordres de
grandeur numériques changent au cours du développement, ainsi que leur
lien avec les mesures comportementales. Récemment, les premiers travaux
développementaux utilisant la neuro-imagerie ont cherché à répondre à
cette question en étudiant les modifications développementales au niveau
des substrats neurologiques de la représentation de l’ordre de grandeur
numérique chez des échantillons d’enfants d’âges différents ou apparte-
nant à différents groupes d’âge spécifiques pour étudier les différences
individuelles en termes d’activation cérébrale ainsi que leur lien sur le plan
comportemental.
Par exemple, Vogel, Celia et Ansari (2015) se sont récemment
intéressés aux modifications développementales dans la représentation
corticale de l’ordre de grandeur numérique symbolique en fonction de l’âge
chronologique. À la différence des travaux précédents qui concernaient des
comparaisons approximatives entre les enfants et les adultes, cette étude
de neuro-imagerie a recueilli des données pour des enfants âgés de 6 à
14 ans. En utilisant l’âge comme variable prédictive, l’étude a pu apporter
une image plus précise de la façon dont la représentation de l’ordre de
grandeur numérique symbolique se développe chez les enfants. Les auteurs
ont utilisé un dispositif d’IRMf-A. Dans leur expérience un chiffre arabe était
présenté de façon répétée sur un écran afin d’habituer la réponse du cerveau
à ce chiffre. Après cette phase d’habituation, un autre chiffre, différent du
chiffre d’adaptation en termes de proportion numérique, était présenté et
la réponse du cerveau était analysée en termes de rémission neuronale au
regard de la proportion numérique. Les analyses effectuées lors de cette
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 267

étude IRMf-A ont mis en évidence qu’une seule région du cerveau présentait
une augmentation de l’activité en fonction de l’âge : l’IPS gauche. De plus,
une zone de l’IPS droit présentait un effet lié à la proportion numérique
pour l’ensemble du groupe d’âge étudié. Contrairement à certaines études
précédentes, aucune diminution du niveau d’activation n’a été observée
dans le cortex frontal. Les résultats de cette étude mettent en évidence
que des régions spécifiques du lobe pariétal, l’IPS gauche en particulier, se
spécialisent du point du vue fonctionnel au cours du développement pour
représenter les ordres de grandeur numérique symboliques. Conformément
aux travaux menés sur les adultes (Holloway, Battista, Vogel, & Ansari, 2012 ;
Notebaert, Nelis, & Reynvoet, 2011), cette étude a montré que l’hémisphère
gauche du cortex pariétal se spécialise dans la représentation symbolique
des ordres de grandeur numériques au cours du développement. La latérali-
sation hémisphérique au cours du développement a été récemment mise en
évidence dans d’autres domaines cognitifs telle que la lecture (Nuñez et al.,
2011 ; Spironelli & Angrilli, 2009), ce qui indique que l’éducation et la culture
influencent la façon dont le cerveau se structure (Dehaene et al., 2010).
L’étude de Vogel et al. (2015) suggère que l’IPS gauche se spécia-
lise avec l’âge afin de permettre la représentation des ordres de grandeur
numériques symboliques. Cette spécialisation fonctionnelle de l’IPS gauche
en termes de représentation des chiffres arabes au cours du développement
pourrait être liée à l’apprentissage des contenus sémantiques véhiculés par
des symboles numériques particuliers.
Si la représentation corticale de l’ordre de grandeur numérique
symbolique dans l’IPS gauche est liée à l’éducation et à l’expérience, on peut
s’attendre à ce qu’il existe un lien entre l’activité des IPS et les mesures com-
portementales des performances en mathématiques. Des études précédentes
ont mis en évidence un tel lien au niveau comportemental. Par exemple, Hol-
loway et Ansari (2009) ont analysé des données de temps de réaction d’un
certain nombre de tâches de comparaison ainsi que les scores obtenus lors
d’un test de performances en mathématiques pour un groupe d’enfants âgés
de 6 à 8 ans. Une analyse de corrélation sur ces deux mesures a révélé une
relation linéaire significative entre les différences interindividuelles au regard
de la taille de l’effet de distance et les scores au test de mathématiques. En
d’autres termes, les enfants qui présentaient un effet de distance relative-
ment faible (plus proche de celui des adultes) réussissaient mieux au test
de performances mathématiques comparé aux enfants chez qui on observait
un effet de distance plus grand (différent des adultes). Cependant, ce lien
n’était significatif que pour la tâche de comparaison des ordres de grandeur
numériques symboliques et non pour les comparaisons d’ordres de gran-
deur numériques non symboliques, ce qui indique que la représentation des
ordres de grandeur numériques symboliques joue un rôle très important dans
les performances mathématiques. Alors que d’autres études ont montré un
268 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

lien entre le traitement des ordres de grandeur numériques non symboliques


et la performance en mathématiques (Halberda et al., 2008 ; Libertus, Odic,
& Halberda, 2012), le lien entre les scores standardisés et le traitement des
ordres de grandeurs numériques symboliques semble être plus constant sur
l’ensemble des études réalisées (De Smedt, Noël, Gilmore, & Ansari, 2013).
Une étude en IRMf récente menée par Bugden, Price, McLean
et Ansari (2012) s’est intéressée au lien entre les différences interindivi-
duelles en termes de magnitude de l’effet de distance symbolique et les
performances en mathématiques d’enfants de 9 ans. Plus précisément, les
auteurs ont recueilli des données d’imagerie fonctionnelle pendant une
tâche de comparaison de chiffres symboliques, ainsi que diverses mesures
standardisées, y compris celles de tests spécifiques aux performances en
mathématiques. Conformément aux résultats d’études comportementales
s’intéressant aux liens entre les NDE/NRE et la performance en mathéma-
tiques du point de vue comportemental (Bugden & Ansari, 2010 ; Holloway
& Ansari, 2009 ; Vogel, Remark, & Ansari, 2015), les auteurs ont mis en évi-
dence un lien significatif entre NRE et les performances en mathématiques
dans l’IPS gauche. Ce résultat montre que l’activité cérébrale de l’IPS gauche,
impliquée dans les comparaisons de chiffres symboliques, est liée à la perfor-
mance comportementale lors de tests standardisés en mathématiques. Ces
résultats indiquent également que l’IPS gauche joue un rôle central dans la
mise en lien entre les résultats des apprentissages (p. ex., performance aux
tests standardisés en arithmétique) et l’activation cérébrale. La nature et le
sens de ce lien devront cependant être précisés par de futures recherches.
Il est intéressant de noter que les éléments les plus probants à ce jour
pointent vers une spécialisation du cortex pariétal dans le traitement des
ordres de grandeur numériques indépendamment du format de présentation
(symbolique ou non symbolique) au cours du développement. Le fait que les
zones frontales sont plus sollicitées chez les enfants lors du traitement des
ordres de grandeur numériques à la fois symboliques et non symboliques est
moins bien compris.
Les résultats discutés ci-dessus ont montré le développement des
corrélats neuronaux liés aux ordres de grandeur numériques spécifiques
à la représentation des ordres de grandeur numériques symboliques chez
les enfants. Une autre voie de recherche a montré que certaines régions du
cerveau sont sensibles aux ordres de grandeur numériques très tôt au cours
du développement et que ces régions sont fortement similaires aux régions
impliquées dans le cerveau adulte. Par exemple, une recherche utilisant
l’IRMf-A pour étudier un groupe d’enfants de 4 ans et un groupe d’adultes
a montré que l’IPS droit répondait aux variantes numériques non symbo-
liques (ensembles de points) de façon comparable pour les deux groupes.
Ce résultat indique que chez des enfants aussi jeunes que 4 ans, le cortex
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 269

pariétal répond de la même façon aux ordres de grandeur numériques non


symboliques que le cortex pariétal des adultes. D’autres éléments suggérant
une sensibilité précoce du lobe pariétal à moduler son activité en réponse à
des ordres de grandeur numériques non symboliques proviennent d’études
utilisant les ERPs avec des enfants en bas âge, associés avec la localisation de
leur source des signaux. Les résultats de ces études montrent que les régions
pariétales du cerveau sont modulées par les ordres de grandeur numériques
chez les jeunes et très jeunes enfants (Izard, Dehaene-Lambertz, & Dehaene,
2008 ; Libertus & Brannon, 2009) et que l’IPS droit pourrait être la zone qui
traite les ordres de grandeurs numériques non symboliques (Hyde, Boas,
Blair, & Carey, 2010). Dans l’ensemble, ces études indiquent que les régions
pariétales du cerveau, en particulier l’IPS droit, sont sensibles à des manipu-
lations d’ordres de grandeur numériques très tôt au cours du développement.
Ces résultats sont surprenants dans la mesure où ils pourraient suggérer que
les représentations des ordres de grandeur numériques symboliques et non
symboliques font l’objet de trajectoires développementales divergentes au
niveau du cerveau.

2. LA BASE NEURONALE
DE LA DYSCALCULIE DÉVELOPPEMENTALE
Jusqu’ici, ce chapitre s’est intéressé aux circuits neuronaux impli-
qués dans le traitement des ordres de grandeur numériques symboliques
et non symboliques chez des enfants et des adultes présentant un dévelop-
pement typique. La revue a abordé la façon dont différents mécanismes du
cerveau changent dynamiquement au cours du développement et comment
certaines régions spécifiques du cerveau se recoupent d’un point de vue
fonctionnel chez les enfants et les adultes. Cependant, une question impor-
tante dans ce domaine concerne la mesure dans laquelle ces mécanismes se
développent de façon atypique chez les enfants qui présentent des difficul-
tés en mathématiques. Il est estimé qu’environ 5 % de la population souffre
de dyscalculie développementale (DD) – un trouble de l’apprentissage
spécifique aux mathématiques (Butterworth, Varma, & Laurillard, 2011 ;
Shalev & Gross-Tsur, 2001). Malgré ce pourcentage relativement élevé, peu
de travaux se sont intéressés à ce trouble spécifique de l’apprentissage et
son existence même est bien moins connue comparée à des troubles de
l’apprentissage de la lecture par exemple (dyslexie développementale). Ce
n’est que très récemment que la recherche s’est penchée sur l’étude des
mécanismes cognitifs sous-jacents à la DD. Les personnes qui souffrent
de DD doivent faire face à un ensemble de difficultés en mathématiques,
en particulier en arithmétique pour réaliser des opérations telles que les
soustractions, additions, divisions et multiplications. Une bonne maîtrise
de l’arithmétique repose très probablement sur de bonnes connaissances
270 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

fondamentales des ordres de grandeur numériques. Le fait d’éprouver des


difficultés à développer un « sens des chiffres » pourrait alors être lié à des
problèmes en mathématiques. Cependant, les mécanismes exacts ne sont pas
encore connus. Il est également important de noter que la DD n’est pas liée
au statut socio-économique ni à un manque d’éducation dans le domaine des
mathématiques. Les enfants et les adultes souffrant de ce trouble obtiennent
la plupart du temps des scores dans la moyenne normale aux tests de mesure
de l’intelligence (QI). Toutefois, il est à noter que la dyslexie (difficultés
en lecture) et le Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité
(TDA-H) sont également souvent présents en plus de la DD. En plus du
stress émotionnel que cela implique pour les personnes souffrant de DD et
leur entourage, les répercussions économiques de ces faibles aptitudes en
calcul sont loin d’être négligeables (Butterworth et al., 2011 ; Parsons &
Bynner, 2005). Au regard de ces conséquences, il semble évident qu’il est
urgent de mieux comprendre les origines de la DD et son développement
afin de proposer de meilleurs outils de diagnostic ainsi que des programmes
de soutien. Alors que les études se sont intéressées essentiellement sur les
aspects comportementaux de la DD, des éléments récents suggèrent que des
fonctions spécifiques du cerveau ainsi que certaines structures du cerveau
de développent de façon atypique chez les enfants souffrant de DD. De ce
fait, un nombre croissant de recherches en neuro-imagerie semblent montrer
une base neurobiologique de la DD.
L’une des premières études d’imagerie du cerveau à étudier les
différences entre les personnes éprouvant des difficultés en mathématiques
et celles n’éprouvant pas de difficultés, s’est intéressée à la structure du
cerveau d’adolescents nés avec un très faible poids de naissance (Isaacs,
Edmonds, Lucas, & Gadian, 2001). Le groupe expérimental était composé de
personnes souffrant de troubles spécifiques du calcul. Les sujets du groupe
contrôle avaient le même poids de naissance mais ne présentaient pas de
difficultés en calcul. En utilisant une analyse spécifique pour quantifier le
volume de matière blanche et de matière grise dans le cerveau (morpho-
métrie basée sur voxel), les auteurs ont trouvé un volume de matière grise
significativement moindre dans l’IPS de l’hémisphère gauche pour le groupe
ayant un faible poids de naissance et présentant des difficultés en calcul.
Cette étude de neuro-imagerie structurelle apporte les premiers éléments
montrant que des différences neuro-anatomiques existent au niveau du
cerveau entre les individus qui éprouvent des difficultés en mathématiques
et ceux qui n’en éprouvent pas.
D’autres données sont venues confirmer ces résultats par la suite.
Une étude clinique s’est intéressée aux différences en termes de fonctions
et de structures cérébrales chez des femmes souffrant du Syndrome de
Turner (ST ; Molko et al., 2003). Les personnes souffrant du ST éprouvent
souvent des difficultés en mathématiques ainsi que dans d’autres domaines
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 271

cognitifs impliquant par exemple les fonctions visuospatiales et exécutives


(Hong, Kent, & Kesler, 2009). En analysant les données de neuro-imagerie
fonctionnelle et structurelle de femmes souffrant du ST et celles de femmes
ne souffrant pas du ST, Molko et al. (2003) ont trouvé que les personnes
atteintes du ST présentaient des anomalies structurelles spécifiques du lobe
pariétal, en particulier au niveau de l’IPS. De plus, les femmes souffrant du
ST présentaient également une activation atypique au niveau du lobe parié-
tal pendant les tâches de calcul. Globalement, ces études réalisées avec des
populations spécifiques ont montré que le lobe pariétal, et en particulier
l’IPS, présente des configurations fonctionnelles et structurelles atypiques
chez des personnes éprouvant des difficultés en mathématiques.
En plus des études sur les enfants éprouvant des difficultés en
mathématiques associées avec des conditions cliniques telles que le ST,
d’autres recherches se sont intéressées à la structure et aux fonctions céré-
brales chez des enfants présentant des difficultés spécifiques avec les chiffres
en l’absence de pathologie (enfants souffrant de DD). Dans une première
étude de neuro-imagerie fonctionnelle sur la DD, des enfants avec et sans DD
devaient réaliser des tâches de calculs exactes et approximatives (la tâche
d’approximation consistait à dire laquelle parmi deux réponses incorrectes
était la plus proche de la réponse correcte), ainsi qu’une tâche de comparai-
son d’ordres de grandeur numériques non symboliques (les enfants devaient
comparer le nombre de fruits ou de légumes dans des images ; Kucian et
al., 2006). Lorsque les auteurs ont effectué des analyses pour chercher
des différences entre les enfants avec et sans DD, ils ont trouvé des profils
d’activation très similaires pour les deux groupes. Cependant, une analyse
réalisée sur une autre région d’intérêt a montré que les enfants avec DD
présentaient une activation plus faible de l’IPS comparé à leurs pairs sans
DD. Similaires aux résultats obtenus avec les populations cliniques vues pré-
cédemment, les résultats de cette étude d’IRMf suggèrent un recrutement
fonctionnel atypique de l’IPS chez les enfants présentant des difficultés en
mathématiques lors de la réalisation de tâches d’arithmétique de base et de
traitement d’ordre de grandeur numérique.
Une autre étude d’IRMf a confirmé le fait que les enfants avec DD
recrutent certaines régions du lobe pariétal de façon atypique. Dans cette
recherche des enfants avec et sans DD devaient effectuer une variante de
la tâche de comparaison d’ordres de grandeur numériques non symboliques
dans laquelle on présentait aux enfants des photos de deux mains qui avaient
un nombre de doigts différents levés (Kaufmann et al., 2009). L’activation
neuronale, mesurée pendant que les enfants jugeaient si c’était la main
droite ou la main gauche qui montrait le plus de doigts, a montré que les
enfants avec et sans DD présentaient des différences significatives en termes
d’activation au niveau du cortex pariétal inférieur gauche et droit. Plus
précisément, les enfants avec DD présentaient une activation relativement
272 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

plus forte de l’IPS comparé à leurs pairs. Cette configuration d’activation


contraste avec les profils d’activation identifiés dans les études précédentes,
qui montraient eux une activation moindre dans cette zone chez les enfants
avec DD. Les auteurs ont interprété cette configuration d’activation comme
étant un possible mécanisme d’activation compensatoire qui permettrait aux
enfants avec DD de résoudre des tâches numériques simples sur le même
plan comportemental que leurs pairs sans DD (les temps de réaction et taux
de précision ne différaient pas pour les deux groupes). Les résultats de
cette étude montrent que, comparés à leurs pairs, les enfants avec DD ont
peut-être besoin d’activer des zones associées au traitement des chiffres de
façon plus importante pour pouvoir réaliser des tâches de traitement numé-
riques de base et obtenir un niveau de réussite équivalent à celui de leurs
pairs. Dans l’ensemble, ces recherches apportent des éléments en faveur
d’une activité neuronale atypique de l’IPS chez les enfants présentant une
DD. Cependant, leurs conclusions divergent significativement. L’une des
études montre une activation cérébrale moindre chez des enfants avec DD
(Kucian et al., 2006), alors que l’autre montre une activation plus importante
(Kaufmann et al., 2009). Le fait que ces différences d’activation puissent être
liées à des différences entre les tâches expérimentales, ou à des différences
en termes des mécanismes de traitement (activation compensatoire ou insuf-
fisance) reste incertain. Dans les deux recherches, l’effet de distance n’était
pas abordé alors qu’il pourrait fournir une image plus précise de la façon
dont le traitement des ordres de grandeur numériques est lié aux difficultés
éprouvées en termes d’aptitudes numériques de base.
Les études présentées ci-dessus ont montré des profils d’activation
différents au niveau des IPS lors de tâches d’ordres de grandeur numériques
non symboliques chez des enfants avec et sans DD. Cependant, l’effet de
distance numérique, une mesure de la représentation des ordres de grandeur
numériques, n’était pas abordé dans ces études. Par conséquent, il est difficile
d’identifier les mécanismes neurocognitifs précis impliqués dans la DD. En
d’autres termes, des différences d’activation pourraient être liées à des diffé-
rences dans les mécanismes compensatoires, des déficits dans le traitement
ou autres dimensions non numériques tels que la sélection de réponses. Pour
mieux cerner les mécanismes neurocognitifs liés à la DD, Price, Holloway,
Räsänen, Vesterinen et Ansari (2007) ont étudié l’effet de distance dans
une tâche de comparaison numérique non symbolique chez des enfants
éprouvant des difficultés en mathématiques ou non. Plus précisément, les
enfants devaient dire lequel de deux ensembles de carrés (les dimensions
non numériques telles que la superficie étaient contrôlées) contenait le plus
grand nombre de carrés. La distance numérique entre les ensembles de car-
rés présentés était modifiée systématiquement. Une analyse d’imagerie de
l’ensemble du cerveau a été réalisée pour comparer l’effet de distance numé-
rique non symbolique chez des enfants avec et sans DD. Les résultats de cette
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 273

étude d’IRMf ont montré que les enfants n’éprouvant pas de difficultés en
mathématiques présentaient un effet de distance typique au niveau de l’IPS
droit (activation plus forte pour les arrangements de carrés séparés par une
relativement faible distance numérique comparativement à ceux séparés par
une distance plus grande). Les enfants avec DD, au contraire, présentaient
une activation significativement moindre dans l’ensemble au sein du lobe
pariétal. Qui plus est, les enfants éprouvant des difficultés en mathématiques
ne présentaient pas d’effet de distance numérique non symbolique au niveau
de l’IPS. Les résultats de Price et al. (2007) apportent des éléments probants
montrant que le traitement/représentation des ordres de grandeur numé-
riques, en lien avec l’IPS, pourrait être affecté chez des enfants souffrant de
DD. Les enfants avec DD ne différencient pas les ordres de grandeur numé-
riques aussi efficacement que les enfants ne présentant pas de difficultés en
mathématiques. Au vu de ces résultats, on peut émettre l’hypothèse que les
enfants avec DD ne parviennent pas à spécialiser les circuits neuronaux parié-
taux, en particulier ceux de l’IPS, afin de former des représentations riches
des ordres de grandeur numériques, ce qui entraîne une moindre efficacité à
discriminer entre des ordres de grandeur numériques de valeurs différentes.
Il est important de noter cependant que les mécanismes causaux ne sont pas
encore compris et que de plus amples recherches sont nécessaires afin de
comprendre la dynamique développementale qui mène à la représentation
atypique des ordres de grandeur numériques.
La revue de la littérature présentée jusqu’ici s’est intéressée à la
façon dont les ordres de grandeur numériques non symboliques sont traités
chez des enfants avec et sans DD. Est-ce que les enfants souffrant de DD pré-
sentent également des configurations d’activation atypiques lorsqu’on leur
demande de comparer des chiffres (chiffres arabes) au lieu d’arrangements
de points ? Si les enfants avec DD présentent un déficit, en particulier un
déficit pour représenter les ordres de grandeur numériques indépendam-
ment du format de notation, alors l’activation atypique observée chez les
enfants avec DD devrait être généralisée aux tâches numériques non symbo-
liques et symboliques. Une étude menée par Mussolin et al. (2010) a utilisé
une tâche de comparaison d’ordres de grandeur numériques symboliques
pour étudier les corrélats neuraux de l’effet de distance numérique chez des
enfants avec et sans difficultés mathématiques. Conformément aux résultats
de Price et al. (2007) et à l’hypothèse que les difficultés pourraient être liées
à un déficit dans la représentation des ordres de grandeur numériques, les
résultats de cette étude ont montré un effet de distance numérique symbo-
lique plus faible au niveau de l’IPS des enfants avec DD comparé à leurs pairs.
Les différences d’activation observées entre les études de comparaisons
d’ordres de grandeur numériques symboliques et non symboliques indiquent
qu’un système d’ordre de grandeur numérique, indépendant du format de
notation, pourrait être déficient chez les enfants souffrant de DD.
274 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Bien qu’une telle interprétation soit intéressante, il est important de


noter qu’à notre connaissance, aucune étude n’a encore comparé l’activation
observée lors du traitement d’ordres de grandeur numériques symboliques
et non symboliques chez un même groupe d’enfants présentant une DD. Par
conséquent, il n’existe pas de données probantes pour confirmer l’hypothèse
d’un déficit chez les enfants avec DD. La recherche dans ce domaine est
encore à ses tout débuts, et nous ne comprenons pas encore les mécanismes
neuraux exacts qui sous-tendent ces résultats. De ce fait, il serait prématuré
de conclure que la DD est due à une déficience au niveau de la représen-
tation des ordres de grandeur numériques. D’autres hypothèses proposent
par exemple que les difficultés en mathématiques seraient le résultat d’une
« déconnexion ». Celle-ci empêcherait d’accéder efficacement à un module
intact de représentation des ordres de grandeur numériques (hypothèse d’un
déficit d’accès ; Mussolin, Mejias, & Noël, 2010). Ces hypothèses doivent être
prises en considération et devront faire l’objet de recherches à venir.
Que savons-nous des anomalies structurelles cérébrales chez les
enfants souffrant de DD ? Certains des résultats que nous avons présentés
suggèrent que les enfants ayant un très faible poids à la naissance, ainsi que
les personnes souffrant du ST, présentent des différences structurelles au
niveau des régions pariétales du cerveau. Cependant, ces données ont été
obtenues avec des populations cliniques, il n’est donc pas possible de tirer
des conclusions permettant de dire que les enfants souffrant de DD pré-
sentent des structures cérébrales atypiques comparativement aux enfants
qui ne souffrent pas de DD. Pour répondre à cette question, Rotzer et al.
(2008) ont estimé le volume de matière grise et de matière blanche chez des
populations non cliniques et ont comparé ces mesures avec celles obtenues
chez des enfants avec et sans DD. Les résultats de cette étude d’IRM structu-
relle ont montré que les enfants avec DD présentent des structures atypiques
dans différentes régions du cerveau. Les enfants avec DD présentaient des
volumes de matière grise plus faibles dans le lobe pariétal droit, en particu-
lier dans l’IPS, ainsi que dans certaines régions du cortex frontal. De plus,
les enfants avec DD avaient également un volume de matière blanche moins
important que leurs pairs dans les régions frontales gauches et dans le gyrus
parahippocampique. Concordant avec les données d’imagerie fonctionnelle,
cette étude montre que les enfants avec DD présentent un développement
structurel atypique de l’IPS. Les conséquences exactes de ces anomalies
structurelles ne sont pas connues. Cependant, on peut faire l’hypothèse
que les différences structurelles au niveau de l’IPS sont liées à l’activation
atypique souvent observée entre les enfants avec et sans DD. Par exemple,
les différences en termes de volume de matière dans les IPS pourraient
être directement liées à un développement atypique de la représentation
des ordres de grandeur numériques au niveau fonctionnel. La pertinence
structurelle et fonctionnelle d’autres régions de cerveau, essentiellement
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 275

préfrontales, qui diffèrent également significativement en termes de volume


et de fonction, est encore inconnue et reste matière à spéculation. Des
recherches complémentaires sont nécessaires pour mieux appréhender le
lien entre le développement atypique des structures et fonctions cérébrales
et leur possible rôle dans la DD.
Pour résumer, un ensemble de données croissant montre que les
enfants éprouvant des difficultés mathématiques, du fait d’un poids de nais-
sance faible, d’anomalies génétiques ou de DD, présentent des anomalies
neuronales, à la fois au niveau structurel et fonctionnel. Certains des résul-
tats discutés ci-avant pointent vers une fonction et une structure atypiques
de l’IPS chez les enfants souffrant de DD. D’après la revue de la littérature
sur le développement des enfants typiques, les IPS du lobe pariétal jouent un
rôle important dans la représentation et le traitement des ordres de grandeur
numériques. Il est alors possible que la représentation de l’ordre de grandeur
numérique se développe de façon atypique chez les enfants souffrant de DD.
Cependant, le peu d’éléments disponibles à ce jour suggère que le
tableau est bien plus complexe. En effet, la structure et la fonction atypique
des IPS ne peuvent caractériser à eux seuls les difficultés rencontrées
par certaines personnes lors du traitement d’informations numériques et
mathématiques. Certains résultats apportent peu d’éléments en faveur d’un
déficit spécifique des fonctions cérébrales pariétales (Kaufmann et al., 2009 ;
Kucian et al., 2006). De plus, chez des personnes souffrant de DD, les don-
nées structurelles présentées ci-avant pointent vers des anomalies de struc-
tures cérébrales qui s’étendent au-delà du cortex pariétal et qui impliquent
d’autres zones du cerveau telles que le cortex frontal. Par conséquent,
aucune image précise concernant les corrélats neuraux de la DD n’existe
à ce jour. Des efforts plus concertés sont nécessaires entre les études qui
s’intéressent à la DD. Par exemple, les études à venir doivent prendre en
compte différents critères de diagnostic (tel le niveau de déficit des enfants
lors de tests d’aptitudes en mathématiques) et leur impact sur les données
fonctionnelles et structurelles. De plus, des recherches complémentaires
sont nécessaires pour étudier plus en détail les corrélats neuraux liés à
l’hétérogénéité des profils cognitifs associés à la DD ainsi que la comorbidité
entre la DD et d’autres difficultés, telles que la dyslexie développementale
(Rubinsten & Henik, 2009).

3. IMPLICATIONS POUR L’ENSEIGNEMENT


Ce chapitre a présenté une revue des recherches récentes s’intéres-
sant au développement typique et atypique des aptitudes numériques dans le
cerveau humain. Des données récentes issues des neurosciences cognitives
ont apporté un éclairage sur les mécanismes neuronaux qui sous-tendent
276 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

la mise en place des aptitudes numériques de base chez les enfants et les
adultes. Cette revue a montré que le cerveau humain possède un réseau de
régions particulières qui sont activées lors du traitement d’ordres de gran-
deur numériques symboliques et non symboliques. Ces régions présentent
une trajectoire développementale explicite et identifiable, témoignant d’une
spécialisation fonctionnelle, liée à l’âge, de certaines zones du cerveau dans
la représentation des ordres de grandeur numériques. Des différences inter-
individuelles de l’activation neuronale correspondent à des différences en
termes de performance en mathématiques, et une activation atypique de ces
régions est associée avec la DD.
Dans leur ensemble, les résultats présentés ci-dessus indiquent que
le développement d’une représentation d’ordre de grandeur numérique pré-
cise est essentiel pour assurer une bonne efficacité en mathématiques. Ceci
est particulièrement vrai pour les représentations d’ordre de grandeur numé-
rique véhiculées par les symboles de chiffres, pour lesquels un lien fiable et
cohérent avec les performances en mathématiques a été démontré dans les
différentes recherches. Par conséquent, la littérature actuelle met en avant le
fait qu’il est important de développer une connexion forte entre les formats
de représentation numériques symboliques et non symboliques, surtout très
tôt pendant l’enfance. L’importance de développer des représentations riches
des ordres de grandeur numériques symboliques a des implications directes
pour l’enseignement. Cela démontre qu’une bonne base de connaissances
numériques doit être établie avant que l’on commence à enseigner des
compétences numériques et arithmétiques avancées à l’école. Encourager le
développement des connaissances numériques de base, en particulier celles
liées à la compréhension de la symbolique numérique, et adapter le cursus
de l’enseignement primaire en conséquence semble important pour faciliter
l’apprentissage des mathématiques et prévenir l’apparition de difficultés.
S’intéresser au développement des aptitudes de base est particulière-
ment important pour les enfants qui ont des difficultés à établir des liens cor-
rects entre les ordres de grandeur numériques et les symboles qui s’y réfèrent.
Cette revue de la littérature met en évidence un corrélat neurobiologique
chez des enfants souffrant de DD. Les enfants éprouvant des difficultés en
mathématiques présentent des configurations d’activation atypiques dans des
régions spécifiques du cerveau associées au traitement des ordres de grandeur
numériques. Il est important de noter cependant que ces résultats ne per-
mettent pas d’inférer que les configurations d’activation atypiques observées
chez les enfants avec DD sont immuables au sens déterministe du terme, et
qu’il ne serait pas possible d’agir afin de prévenir ces difficultés en mathéma-
tiques. Au contraire, de nombreuses données suggèrent aujourd’hui que le
cerveau humain reste malléable tout au long de la vie. Par exemple, un nombre
croissant d’études montre que les programmes d’accompagnement conçus
pour pallier des difficultés d’apprentissage spécifiques, peuvent modifier l’acti-
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 277

vité cérébrale dans certaines régions qui présentent une activation atypique.
Des données particulièrement prometteuses ont été obtenues avec des enfants
qui souffrent de difficultés sévères en lecture ou de dyslexie. Par exemple,
Temple et al. (2003) ont recueilli des données d’imagerie fonctionnelle avant
et après un programme de remédiation pour la lecture qui visait à améliorer
les associations lettres-paroles et les sons. Les résultats d’imagerie de cette
étude ont montré que les régions du cerveau qui présentaient une activation
atypique chez des enfants avec dyslexie voyaient leur activité se normaliser
au cours du programme de remédiation. Cette étude révèle une amélioration
des fonctions cérébrales qui étaient affectées chez des enfants avec dyslexie,
donnant ainsi une idée de la façon dont des programmes de remédiation spé-
cifiques visant des mécanismes déficients du cerveau peuvent contrecarrer un
développement atypique de certaines régions.
De plus, une autre étude de neuro-imagerie a récemment montré
que des mesures fonctionnelles et structurelles du cerveau d’enfants dys-
lexiques permettent de prédire les améliorations futures à long terme des
performances en lecture mieux que les mesures comportementales. En
d’autres termes, les auteurs ont pu montrer que les variations individuelles
en termes de fonction et de structure cérébrales apportent des informations
complémentaires concernant des améliorations dans la performance en lec-
ture des enfants souffrant de dyslexie, ce qui suggère que les mesures céré-
brales sont de bons prédicteurs du développement futur des compétences
cognitives. Des données empiriques, telles que celles présentées ci-avant,
apportent des éléments prometteurs montrant que les fonctions cérébrales
des enfants avec et sans problèmes d’apprentissage sont malléables. D’autres
recherches ont montré que les programmes de remédiation, mais également
les programmes scolaires, peuvent être adaptés afin d’améliorer des méca-
nismes spécifiques et modifier l’organisation fonctionnelle et structurelle du
cerveau. De plus, les résultats montrent que des données empiriques issues
des neurosciences cognitives peuvent apporter un niveau de description
supplémentaire pour les mécanismes d’apprentissage et ainsi nous permettre
de mieux comprendre comment les programmes scolaires et les programmes
de remédiation pourraient être conçus afin d’encourager le développement
des processus cognitifs de façon plus efficace.
Afin d’atteindre ces buts, des efforts plus concertés sont nécessaires,
en particulier au niveau des études qui s’intéressent à l’efficacité de certains
programmes de remédiation. Les connaissances que pourront apporter ces
études seront utiles pour mieux comprendre les mécanismes neurocognitifs
sous-jacents aux troubles de l’apprentissage et la façon de remédier à ces
troubles. Beaucoup de travaux ont été réalisés avec des enfants souffrant
de dyslexie, cependant, à ce jour, très peu de données sont disponibles
concernant l’efficacité des programmes de remédiation au niveau du cerveau
d’enfants souffrant de dyscalculie. Il semble donc que beaucoup de travail
278 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

reste à faire pour mieux appréhender les mécanismes neurocognitifs sous-


jacents et comprendre comment rendre les mécanismes cérébraux plus
efficaces chez les enfants souffrant de DD.

4. CONCLUSIONS ET FUTURES RECHERCHES


Le but du présent chapitre était de présenter une vue d’ensemble
des progrès scientifiques réalisés au cours des dernières années afin de
mieux comprendre les mécanismes neuronaux du cerveau humain servant
à représenter les ordres de grandeur numériques, ainsi que la façon dont
les corrélats neuronaux émergent au cours du développement et comment
le développement de difficultés en mathématiques peut avoir une base neu-
robiologique. Comme nous l’avons vu, le domaine a dépassé le stade de la
simple documentation décrivant quelles régions du cerveau sont impliquées
dans le traitement des ordres de grandeur numériques pour s’intéresser à la
caractérisation plus approfondie des mécanismes exécutés par les régions
cérébrales qui sont activées lors de la réalisation de tâches numériques de
base. Les questions abordées concernaient la spécificité des représentations
des ordres de grandeur numériques symboliques et non symboliques au
niveau du cortex pariétal chez les adultes et la façon dont ces représenta-
tions se construisent au cours du développement. Les résultats des études
suggèrent que l’apprentissage et l’expérience peuvent induire des modifica-
tions des représentations corticales des symboles numériques, ce qui permet
alors de mettre en lien les résultats issus des neurosciences cognitives avec
des données pertinentes du point de vue scolaire et éducatif. De même,
des progrès importants ont été réalisés dans la description des mécanismes
neuronaux qui sous-tendent le développement atypique de troubles de
l’apprentissage tels que la DD. Ces recherches ont apporté une meilleure
compréhension des processus en jeu, ce qui permettra de développer des
outils de diagnostic plus efficaces pour identifier les enfants souffrant de
DD d’une part et développer de meilleurs outils pour mettre en place des
programmes de remédiation précoces.
Bien que les progrès réalisés récemment soient importants, beaucoup
de questions restent en suspens et devront faire l’objet d’études à venir.
Certains de ces points ont été abordés ci-dessus, mais l’une des questions
essentielles concerne le besoin de mieux comprendre la façon dont les cor-
rélats neuronaux du traitement des ordres de grandeur symboliques et non
symboliques interagissent au cours du développement et en fonction des
apprentissages. Plus précisément, une hypothèse souvent avancée concerne
le fait que les représentations culturelles de l’ordre de grandeur numérique
(chiffres arabes et nombres-mots) sont transposées sur des représentations
non symboliques précoces (voire même innées). Comment cette transposition
est-elle réalisée au niveau neuronal et comment ce processus est affecté
Que nous apprennent les neurosciences cognitives 279

par l’apprentissage et l’éducation reste encore à étudier. Afin de mieux


comprendre comment les systèmes de base de la représentation des ordres
de grandeur numériques interagissent avec les systèmes qui résultent de
processus d’enculturation, tel que l’enseignement, il est nécessaire de mieux
comprendre le processus de transposition (mapping).
De plus, un nombre croissant de données montrent que la transposi-
tion entre les représentations d’ordres de grandeur numériques symboliques
et non symboliques ne serait pas le seul facteur responsable du dévelop-
pement d’une compréhension symbolique avancée des ordres de grandeur
numériques. Des résultats récents ont montré que les connaissances ayant
trait à la structure ordinale, le fait de savoir que les symboles font partie d’une
séquence et qu’un chiffre symbole particulier à un successeur et un prédéces-
seur, est également important pour le développement d’une représentation
symbolique des chiffres. Par exemple, des études récentes montrent que les
associations entre les connaissances des nombres symboliques ordinaux et
les performances en mathématiques, et entre les connaissances des ordres
de grandeur symboliques numériques et les performances en mathématiques
changent au cours du développement. Le lien entre le traitement des ordres
de grandeur numériques symboliques et les compétences en mathématiques
est plus fort chez les enfants les plus jeunes et diminue par la suite. Par
contre, le lien entre le traitement ordinal symbolique et les compétences en
mathématiques est inexistant au cours des premières années mais augmente
avec l’âge (Lyons, Price, Vaessen, Blomert, & Ansari, 2014 ; Vogel et al., 2015).
En d’autres termes, l’importance des connaissances ordinales et leur relation
avec la réussite en mathématiques évoluent au cours du développement, ce
qui montre que d’autres mécanismes que la transposition (mapping) entre
les symboles numériques et les quantités sont également importants pour
pouvoir développer des représentations symboliques des chiffres. Ceci est
étayé par le fait que les connaissances ordinales diffèrent entre le traitement
des chiffres symboliques et non symboliques chez l’adulte (Lyons & Beilock,
2013). Cette nouvelle voie de recherche apporte des éléments nouveaux et
importants concernant les différents mécanismes qui sont essentiels pour le
développement des compétences en mathématiques et sur la façon dont ces
mécanismes évoluent en fonction de l’âge. L’éclairage apporté par de telles
études pourrait également consolider notre compréhension de la manière
dont se développent les difficultés d’apprentissage en mathématiques.
Au regard de ces considérations, nous pensons que l’un des princi-
paux enjeux pour les recherches à venir sera de mieux cerner les interactions
entre les mécanismes neuronaux qui sous-tendent la représentation des
ordres de grandeur numériques ainsi que leur rapport avec l’enseignement et
les apprentissages. De telles études permettront alors de mieux appréhender
les relations intrinsèques qui existent entre les domaines des neurosciences,
de l’enseignement et des apprentissages.
280 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

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Chapitre
Anxiété et affect
10
en mathématiques : perspectives
comportementales, neurocognitives
et développementales
Alex M. MOORE et Mark H. ASHCRAFT

Nous commencerons ce chapitre en citant un extrait d’Alice au pays


des merveilles, une œuvre écrite en 1865 par le romancier et mathématicien
Lewis Carroll (1987) :

« Je ne savais pas si je devais organiser une réception ou pas », dit


Alice, « mais si c’est le cas, alors je pense que je devrais envoyer des
invitations. »
« Nous vous avons donné l’occasion de le faire », remarqua la Reine
Rouge, « mais il semblerait que vous n’ayez pas reçu beaucoup de
leçons de manières ? »
« Les manières ne sont pas enseignées dans les leçons », dit Alice. « Les
leçons vous apprennent à faire des additions et des choses comme ça. »
« Vous savez faire des additions ? », demanda la Reine Blanche. « Que
font un plus un plus un plus un plus un plus un plus un plus un plus
un plus un plus un ? »
« Je ne sais pas », dit Alice. « J’ai perdu le fil. »
288 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

« Elle ne sait pas faire les additions », interrompit la Reine Rouge.


« Savez-vous faire des soustractions ? Combien font huit moins neuf. »
« Huit moins neuf, je ne sais pas vous savez », répondit Alice, « mais – »
« Elle ne sait pas faire les soustractions », dit la Reine Blanche. « Savez-
vous faire des divisions ? Divisez une miche de pain par un couteau
– quelle est la réponse ? »
« Je suppose – », commença Alice, mais la Reine Rouge répondit à sa
place. « Du pain et du beurre, bien sûr. Essayez une autre soustraction.
Retirez un os à un chien : que restera-t-il ? »
Alice réfléchit. « Il ne resterait pas l’os bien sûr, si je le prenais – et le
chien ne resterait pas non plus : il viendrait me mordre – et moi je ne
resterais pas non plus, j’en suis sûre ! »
« Vous pensez alors qu’il ne resterait rien ? », dit la Reine Rouge.
« Je pense que c’est la réponse. »
« C’est faux, comme d’habitude », dit la Reine Rouge : « Il resterait
l’humeur du chien. »
« Mais, je ne vois pas comment. »

Bien que les mathématiques discutées par les deux Reines nous
paraissent peu conventionnelles, nous pensons que le dialogue entre des
enseignants en mathématiques et des étudiants avancés resterait essen-
tiellement inchangé si on remplaçait la division d’une miche de pain par un
couteau avec des équations à inconnues ou des fractions. En effet, pour
certains étudiants, l’apprentissage de procédures complexes et des relations
mathématiques semble aussi fantaisiste et illogique que les questions posées
à Alice par les Reines Rouge et Blanche.
Cette réalité implique des conséquences importantes et potentiel-
lement négatives pour les élèves. De nombreuses études suggèrent que les
élèves qui ont de faibles compétences en mathématiques risquent d’avoir des
résultats négatifs sur le plan scolaire pendant l’enfance (Ma, 1999) mais aussi
plus tard en tant qu’adultes (Hembree, 1990). De plus, cette faiblesse en
compréhension des mathématiques est liée à un ensemble de conséquences
négatives telles que le manque relatif de perspectives de carrière compara-
tivement à des pairs plus qualifiés (Hudson, Price, & Gross, 2009 ; Rivera-
Batiz, 1992). En effet, les personnes qui ont une moindre compréhension des
mathématiques ont souvent moins d’opportunités de carrière que celles qui
éprouvent des difficultés de lecture (Bynner & Parsons, 1997). Ainsi, il est
évident que la compréhension des mathématiques représente une compo-
sante essentielle du potentiel de réussite d’une personne tout au long de sa
vie. De ce fait, les facteurs qui inhibent ou qui facilitent le développement
des compétences en mathématiques méritent de recevoir une attention par-
ticulière à la fois de la part des enseignants et des chercheurs.
Anxiété et affect en mathématiques 289

Le but de ce chapitre est de décrire les facteurs attitudinaux, situa-


tionnels et émotionnels qui sont réputés affecter le développement et l’effi-
cacité des compétences en mathématiques. Nous aborderons la littérature
traitant de deux obstacles situationnels à l’efficacité, à savoir la perte de ses
moyens face à la pression et la menace du stéréotype, et des mécanismes au
travers desquels les déficits associés opèrent. Nous proposerons également
une discussion détaillée concernant les associations comportementales,
neurophysiologiques et développementales avec l’anxiété à l’égard des
mathématiques (AM). Cependant, avant d’aborder ces sujets, nous com-
mencerons notre analyse par une discussion des attitudes et des croyances
que les élèves peuvent avoir, et le rôle important que ces dernières jouent
dans le développement des compétences en mathématiques tout au long de
leur cursus scolaire.

1. ATTITUDES ET CROYANCES
Dès la petite enfance, la plupart des enfants sont confrontés à une
tâche des plus intimidantes. En effet, dès l’âge de trois ou quatre ans, les
enfants s’engagent pour une dizaine d’années de scolarisation qui ont pour
but de leur enseigner les compétences et les aptitudes qui les guideront tout
au long de leur carrière scolaire et de leur future carrière professionnelle. Il
ne fait aucun doute que ce marathon éducatif est important pour le dévelop-
pement de l’enfant, mais imaginons un instant quelle serait la compréhension
des mathématiques des enfants sans cela.
Les Mundurukú, une tribu indigène d’Amazonie, d’une part n’ad-
hèrent pas aux pratiques éducatives formelles et, d’autre part, possèdent un
langage des nombres relativement primitif, seuls les chiffres 1-5 ont un nom
(Pica, Lemer, Izard, & Dehaene, 2004). Ceci attire des chercheurs du monde
entier qui entendent étudier le traitement cognitif en l’absence de toute
influence éducative. Ces limitations en termes d’éducation et de langage
permettent aux chercheurs d’aborder des questions liées à la numération
innée, ou à l’étendue de la capacité de l’être humain à se représenter les
nombres sans la médiation d’une éducation formalisée.
En résumé, les résultats de ces recherches (e.g., Dehaene, Izard,
Spelke, & Pica, 2008 ; Pica et al., 2004) mettent en évidence ce que Geary
(1995, 2000) appelle les facultés biologiques primaires des nombres, c’est-
à-dire des aptitudes qui semblent être présentes dès la naissance, que l’on
retrouve sous une forme similaire partout dans le monde, et qui ne sont pas
le résultat d’un apprentissage formalisé. Dans l’ensemble, les Mundurukú ne
diffèrent pas d’un groupe contrôle de sujets français pour des tâches qui font
appel au système d’approximation des nombres, par exemple pour indiquer
lequel parmi deux ensembles de points (de 20 à 80 au total) est le plus grand
290 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

(Dehaene, 2009). Cependant, lorsque les deux groupes réalisent des tâches
nécessitant le recours à des concepts numériques précis, les Mundurukú
obtiennent des performances bien inférieures à celles du groupe contrôle,
probablement parce que le système langagier utilisé par la tribu ne permet
pas de faciliter une telle précision.
Pour Geary (1995, 2000), l’absence de compétence numérique
précise au sein de la tribu souligne l’importance des facultés biologiques
secondaires, des compétences qui incluent le traitement de chiffres élevés,
l’algèbre et au-delà. Ces aptitudes ne se retrouvent pas de façon universelle
à travers le monde, dans la mesure où leur développement implique un effort
d’entraînement et d’apprentissage, nécessitant parfois plusieurs années.
De ce fait, même la tâche de soustraction exacte, simple en apparence, ne
peut être accomplie correctement sans le bénéfice de cet effort (Pica et al.,
2004).
Ceci entraîne des difficultés pour certains élèves. Bien que des
aptitudes mathématiques soient évidentes pour la plupart des personnes,
la maîtrise des compétences plus pointues nécessite de l’éducation et de la
pratique. Il ne fait pas de doute que les élèves traverseront des moments
de confusion et de frustration, qu’ils devront persévérer malgré les échecs,
et qu’ils devront entraîner leurs compétences biologiques secondaires. Bien
entendu, ces étapes demanderont beaucoup d’efforts et de discipline pour
acquérir une bonne maîtrise. Dans cette partie, nous décrirons comment
les attitudes d’intérêt, de motivation et d’auto-efficacité pourraient aider
les élèves à réagir à l’apprentissage des mathématiques de façon positive,
productive, et significative.

1.1 Intérêt pour les mathématiques, motivation,


et auto-efficacité
Comme c’est le cas avec de nombreux domaines cognitifs, les
attitudes directement liées aux efforts que les élèves sont prêts à investir
pour apprendre les mathématiques sont de forts prédicteurs du niveau de
succès futur dans le domaine. Les mathématiques peuvent être caractéri-
sées comme étant un domaine constitué de principes de difficultés crois-
santes et cumulatives. Ainsi, des facteurs tels que l’intérêt, la motivation et
l’auto-efficacité dans le domaine concerné jouent des rôles importants dans
l’apprentissage effectif de la matière. Il n’est pas surprenant de constater
que plus les élèves expriment des sentiments positifs, plus ils progresseront
aisément et meilleure sera leur réussite en mathématiques.
Au tout début de l’enseignement des mathématiques, la majorité des
élèves (72 %) du cycle élémentaire expriment des sentiments positifs envers
le domaine (Stevenson et al., 1990 ; voir aussi Ashcraft & Moore, 2009).
Anxiété et affect en mathématiques 291

Cependant, cette majorité diminue au fur et à mesure que les élèves pro-
gressent vers les niveaux d’enseignement plus avancés, probablement
du fait de la plus grande complexité de la matière. Il est intéressant de
noter que, même si elles sont moins prédominantes, les attitudes positives
continuent de prédire la réussite en mathématiques. Par exemple, sur un
large échantillon d’élèves (~600) âgés de 13 à 17 ans interrogés en 7e, 10e
et 12e année scolaire (gymnase allemand), ceux qui ont rapporté avoir un
niveau élevé d’intérêt ont mieux réussi dans les cours plus avancés que ceux
qui rapportent avoir peu d’intérêt pour les mathématiques (Köller, Bau-
mert, & Schnabel, 2001). De façon similaire, un haut niveau de motivation
vis-à-vis des mathématiques est associé à des résultats positifs ; une forte
motivation envers les mathématiques est un bon prédicteur des matières
principales choisies par les étudiants pour leurs études supérieures et, par
conséquent, du choix de carrière des jeunes adultes (Leuwerke, Robbins,
Sawyer, & Hovland, 2004).
En fait, Simpkins, Davis-Kean et Eccles (2006) ont montré que,
comparée à des pairs qui ont une moins grande motivation, une forte moti-
vation envers les mathématiques est associée à la perception de l’importance
de la matière, au fait de réussir un plus grand nombre de cours de mathé-
matiques, et à de meilleures notes. Ces résultats semblent assez évidents,
dans la mesure où la motivation envers les mathématiques est associée à
des performances de réussite relativement plus élevées (r = .31), et qu’elle
est fortement et négativement associée (r = –.72) à l’AM (Zakaria & Nordin,
2008). Cependant, l’hypothèse essentielle ici est que les élèves possèdent
une motivation intrinsèque et non pas extrinsèque. La raison étant que la
motivation intrinsèque refléterait la perception des élèves de l’importance
du domaine, qu’elle est liée à l’intérêt envers l’apprentissage de concepts
mathématiques, et à une plus grande persévérance dans cette matière. Au
contraire, les élèves dont la motivation est extrinsèque cherchent à réussir
pour s’assurer la reconnaissance positive de la part de leurs enseignants et
de leurs parents, ils sollicitent moins d’aide, et évitent les situations dans
lesquelles l’échec est perçu comme étant une issue possible (National Mathe-
matics Advisory Panel, 2008 ; Ryan & Pintrich, 1997).
Ces études illustrent le fait que l’intérêt pour le sujet et la motivation
intrinsèque œuvrent ensemble pour aider les élèves à aborder les mathé-
matiques de façon productive et efficace. Les élèves qui présentent ces
attitudes sont prêts à s’investir, à s’entraîner avec la matière et à persévérer
face aux échecs. Ce sont des attitudes comportementales qui contribuent au
succès dans la matière. Dans une étude sur le rôle de la motivation envers
les mathématiques et sa relation à l’auto-efficacité en mathématiques chez
des élèves de 9e (élèves âgés de 14 à 15 ans, selon le système scolaire des
États-Unis) Berger et Karabenick (2011) présentent un exemple probant
des avantages liés à ces attitudes.
292 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Pour résumer, Ashcraft et Rudig (2012) définissent l’auto-efficacité


en mathématiques comme étant « la confiance qu’une personne a dans sa
capacité à réussir en mathématiques » (p. 249 ; adapté de Bandura, 1977).
Cette confiance a un impact direct sur le choix de s’engager dans cette
matière, de fournir les efforts nécessaires et de persévérer en mathéma-
tiques. Cette définition souligne le fait que l’auto-efficacité en mathématiques
est l’un des critères qui déterminent le choix d’opter pour cette matière,
de poursuivre et de persévérer dans le domaine. L’exemple de Berger et
Karabenick (2011) illustre clairement ce fait. Ces auteurs montrent que
les élèves présentant une motivation et une auto-efficacité fortes avaient
une plus grande probabilité de percevoir les mathématiques comme ayant
une valeur intrinsèque plus élevée, mais également que ces élèves avaient
de meilleures performances dans cette matière en général. C’est-à-dire que
les élèves présentant une motivation et une auto-efficacité forte utilisaient
l’élaboration comme technique pour étudier, contrairement aux élèves
présentant une motivation et une auto-efficacité faibles qui avaient plutôt
recours à des techniques de répétition et de mémorisation pour apprendre
la matière. Ainsi, il semble que ceux qui sont intrinsèquement motivés pour
réussir en mathématiques sont également plus motivés pour apprendre les
principes et les procédures, et sont plus volontaires pour appliquer leurs
efforts de façon constructive et productive. Étant donné cette confiance éle-
vée vis-à-vis de la matière et la motivation pour réussir, il n’est pas étonnant
que l’auto-efficacité et la performance en mathématiques soient corrélées à
.42, alors que l’AM et l’auto-efficacité sont inversement corrélées à –.65 (Lee,
2009). De plus, ces corrélations ont été calculées sur la base de données
recueillies auprès de 250 000 élèves âgés de 15 ans, dans 41 pays, ce qui
illustre la stabilité et la robustesse de ces relations (voir également Cooper
& Robinson, 1991).
Un dernier exemple que nous citerons ici est proposé par Pietsch,
Walker et Chapman (2003) qui ont testé la nature prédictive de l’auto-
efficacité des élèves. Les auteurs ont recueilli des mesures d’autoconcepts
généraux en mathématiques, d’auto-efficacité générale en mathématiques et
d’auto-efficacité spécifique au contenu (par exemple la confiance pour calcu-
ler des pourcentages lors d’un examen) sur un échantillon de 416 élèves de
9e (âgés de 13 à 16 ans, selon le système scolaire australien). Les résultats
montrent que les scores d’auto-efficacité générale prédisent mieux les scores
en mathématiques aux examens de fin d’année que les mesures d’autocon-
cept général, mais également que la mesure d’auto-efficacité spécifique au
contenu prédit le mieux la performance. Ces résultats sont importants dans
la mesure où ils consolident les fortes implications qui sont attribuées à
l’auto-efficacité, mais aussi parce qu’ils indiquent que les élèves sont parfai-
tement conscients de leurs propres compétences et qu’ils sont précis dans
l’évaluation de leur niveau de compétences en mathématiques.
Anxiété et affect en mathématiques 293

En résumé, la littérature identifie une motivation à apprendre les


informations mathématiques, une volonté de s’investir dans le processus
d’apprentissage, et une persévérance dans les apprentissages (même face
aux échecs) chez les élèves qui déclarent avoir un haut niveau d’intérêt, de
motivation, et d’auto-efficacité envers les mathématiques. Ces caractéris-
tiques sont essentielles pour l’apprentissage des compétences biologiques
secondaires en mathématiques, dans la mesure où les facultés nécessaires à
une compréhension efficace ne sont pas évidentes d’emblée, et que leur maî-
trise exige des efforts conséquents. Par conséquent, nous avons regroupé les
niveaux élevés de ces caractéristiques dans ce que nous appelons l’approche
de « constellation de facteurs » (Ashcraft & Moore, 2009 ; Moore, Rudig, &
Ashcraft, 2015).
Si, au contraire, les élèves présentent des niveaux faibles pour ces
caractéristiques, alors nous associons leurs attitudes et leurs croyances à la
« constellation d’évitement ». Cette dernière reflète la tendance de ces élèves
à se désinvestir vis-à-vis de la matière, à fournir peu d’efforts pour apprendre
les concepts et principes inhérents aux mathématiques et à faire preuve de
peu de persévérance dans l’apprentissage des aspects plus complexes. Il
semble important de noter que les élèves qui présentent des associations
négatives avec ces caractéristiques ont également une forte probabilité de
présenter des niveaux élevés d’anxiété envers les mathématiques, ce qui ne
fait qu’exacerber les effets de ces attitudes et croyances négatives.
La littérature décrit l’AM comme ayant une forte influence agissant
dans le même sens que les attitudes décrites ci-dessus et qui éloigne les
élèves de cette matière. Il n’est pas étonnant dès lors que cette influence
soit liée à un ensemble de conséquences scolaires négatives en lien avec
la réussite en mathématiques. Les éléments qui illustrent la plupart de ces
relations émanent de deux méta-analyses sur le sujet (Hembree, 1990 ; Ma,
1999) et justifient le fait de placer cette condition dans la constellation des
facteurs d’évitement. Il est important de noter que les élèves qui présentent
un niveau élevé d’anxiété envers les mathématiques ont tendance : à moins
apprécier la matière avant (–.75) et pendant l’enseignement supérieur
(–.47) ; à moins percevoir leur utilité (–.37) ; à déclarer moins d’intention de
poursuivre l’étude des mathématiques ou d’y exceller (–.64) ; à déclarer avoir
eu une moins bonne auto-efficacité en mathématiques avant (–.82) et pen-
dant (–.65) leur enseignement supérieur, ce qui se traduit par le lien négatif
entre une moins bonne réussite en mathématiques dans leur scolarité pré-
enseignement supérieur (–.34) et leurs notes dans le secondaire (–.30). En
effet, ces tendances persistent jusque dans la réussite dans l’enseignement
supérieur (–.31) et dans les notes qu’ils y ont obtenues (–.27).
Les efforts fournis et la persévérance dans la matière sont essentiels
pour favoriser l’acquisition des compétences en mathématiques. Ces efforts
294 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

peuvent revêtir plusieurs formes, par exemple : le fait de consacrer des


heures à maîtriser un concept si nécessaire ; le fait de demander de l’aide aux
enseignants ou aux parents ; plus important encore, la disposition à fournir
l’effort cognitif requis pour pratiquer et entraîner les principes et procédures
complexes. C’est cette composante cognitive qui semble souffrir des effets
négatifs associés avec les trois obstacles à la performance. Nous souhaitons
décrire brièvement ici un élément essentiel de la résolution de problèmes
en mathématiques : la mémoire de travail. La discussion ci-après aborde les
trois principaux obstacles qui affectent les performances en mathématiques :
1) sensation de perdre ses moyens face à la pression ; 2) menace du stéréo-
type ; 3) anxiété envers les mathématiques.

2. CALCULS MATHÉMATIQUES
ET MÉMOIRE DE TRAVAIL
Rappelez-vous de la simple addition qui est posée à Alice au tout
début de ce chapitre, « Que font un plus un plus un plus un plus un plus
un plus un plus un plus un plus un ? » En dépit du fait que cette « addi-
tion » consiste simplement à maintenir une séquence de comptage, sa réso-
lution est une tâche compliquée si l’on n’est pas conscient qu’il est nécessaire
d’amorcer un comptage ou si l’on est distrait pendant ce comptage. Dans
l’exemple, il aurait été nécessaire pour Alice d’avoir accès (de mémoire)
au nombre de fois que le chiffre « un » a été prononcé avant de se rendre
compte qu’un comptage aurait dû être amorcé, elle aurait du prendre ce
chiffre comme point de départ de la séquence de comptage, maintenir en
mémoire le nombre de fois que le chiffre « un » était prononcé, tout en
comptant le nombre de fois que la Reine prononçait le mot « un » par la suite.
Au vu de cette description, il semble raisonnable de dire que les facultés de
mémoire à court terme d’Alice, ou ses ressources en mémoire de travail,
étaient fortement sollicitées, à un tel point qu’elle admet ne pas connaître le
résultat car elle a perdu le compte. Cet exemple illustre le fait que les mathé-
matiques, même pour un simple comptage (voir Camos & Barrouillet, 2004),
nécessitent le recours efficace aux ressources de la mémoire de travail.
Le concept de mémoire de travail décrit le système cognitif qui est
utilisé pour intégrer, maintenir, et manipuler les informations qui sont pré-
sentées à une personne (Miyake & Shah, 1999). Ses ressources sont limitées
et sont utilisées ou consommées pour traiter les informations couvrant de
nombreuses aptitudes mentales, y compris la mémoire, l’apprentissage et les
mathématiques (Ashcraft, 1995 ; DeStefano & LeFevre, 2004 ; Engle, 2002 ;
Miyake & Shah, 1999 ; Raghubar, Barnes, & Hecht, 2010). En lien avec ce
chapitre, il a été montré que l’utilisation des ressources de la mémoire de
travail est omniprésente dans le traitement mathématique, par exemple pour
Anxiété et affect en mathématiques 295

aider dans le processus de comptage (Camos & Barrouillet, 2004 ; Hecht,


2002), incrémenter les sommes d’additions consécutives (Logie, Gilhooly, &
Wynn, 1994), et résoudre des problèmes grâce à des opérations mathéma-
tiques telles que la soustraction (voir Seyler, Kirk, & Ashcraft, 2003) et les
multiplications (Seitz & Schumann-Hengsteler, 2000 ; 2002). Il est également
important de noter que la demande en mémoire de travail augmente en
fonction de la difficulté croissante des problèmes de mathématiques afin de
maintenir et de manipuler les informations complexes (par exemple Imbo,
Vandierendonck, & Vergauewe, 2007). Pour une revue de la littérature sur
la mémoire de travail voir de Ribaupierre (chapitre 6 de ce volume).
L’importance de la mémoire de travail dans les processus de calcul
n’est pas étayée uniquement dans la littérature décrite ci-avant. En effet,
certains éléments suggèrent que cette fonction cognitive est sujette à une
interférence affective au cours du traitement numérique. La littérature qui
décrit le rôle des trois obstacles principaux à l’efficience en mathématiques
– la perte de ses moyens face à la pression, la menace du stéréotype, et
l’AM – souligne que la mémoire de travail est comme un mécanisme pri-
maire au travers duquel les effets agissent, et que c’est la relation entre
ces concepts qui influencerait principalement les difficultés des individus
relativement au traitement des informations mathématiques. Nous décrivons
ici ces relations et présentons une discussion de la littérature cognitive,
neurocognitive et développementale qui traite des réactions situationnelles
et affectives envers les mathématiques.

3. OBSTACLES SITUATIONNELS
À LA PERFORMANCE
3.1 Perte de ses moyens face à la pression
Un des événements qui survient fréquemment au cours de la sco-
larité des élèves est l’examen ou le concours qui porte des enjeux élevés.
Les évaluations de niveau, les examens de passage et les concours d’entrée
à l’Université figurent parmi les nombreuses situations dans lesquelles les
élèves sont confrontés à une situation d’examen qui peut avoir des consé-
quences importantes et qui peut potentiellement changer leur vie. Il est
possible que certains élèves se soient bien préparés pour ces examens, qu’ils
réussissent bien en cours et qu’ils s’attendent raisonnablement à réussir.
Cependant, il est également possible que ces mêmes élèves soient sujets à
perdre leurs moyens face à la pression, auquel cas leur performance sera
décevante au mieux.
La perte de ses moyens survient lorsque les attentes qui pèsent
sur un élève lors d’un examen avec des enjeux élevés sont si fortes que ce
296 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

dernier réussit beaucoup moins bien que dans une situation dans laquelle
les conséquences sont moins importantes. Il est intéressant de noter que cet
effet est observé chez les élèves qui ont le plus fort potentiel et le plus fort
désir de réussir. En fait, il est possible que ces caractéristiques rendent plus
probable le déclenchement des déficits de performance.
Cet effet a été observé dans des situations de laboratoire avec des
tâches d’arithmétique modulaire (Beilock & Carr, 2005 ; Beilock, Kulp,
Holt, & Carr, 2004 ; DeCaro, Rotar, Kendra, & Beilock, 2010). Résoudre ces
problèmes nécessite le recours à de l’arithmétique en plusieurs étapes et le
maintien des résultats intermédiaires, tout en effectuant des soustractions
et des divisions (Gauss, 1966). Il est important de noter que la résolution
de ces problèmes implique un coût relativement aux ressources en mémoire
de travail.
Le choking paradigm (le paradigme de la perte de ses moyens face
à la pression) est construit selon un plan en deux phases. La première partie
sert d’entraînement pour les participants, et la deuxième partie comprend
deux situations. Une moitié du groupe de participants accomplit les tâches
normalement, dans un contexte avec une pression faible. Cependant, pour
l’autre moitié on leur fait croire qu’ils font chacun partie d’une équipe de
deux personnes, et que leur coéquipier (hypothétique) a déjà passé le test.
De plus, on leur explique qu’étant donné la performance moyenne réalisée
par leur coéquipier, ils doivent améliorer leur propre performance de 20 %
entre la phase 1 et la phase 2 pour que les deux membres puissent recevoir
une récompense financière. On leur précise également que leur performance
pour la phase 2 sera filmée et utilisée par les autres élèves et les enseignants.
Ce paradigme a permis de montrer que la performance est moins
bonne dans la condition engendrant de la pression que dans la phase d’entraî-
nement. Il est intéressant de noter que le groupe sans pression améliore ses
performances, probablement grâce à l’effet de l’entraînement. Une analyse
plus fine permet de montrer que les moins bonnes performances obser-
vées pour la deuxième phase sont dues à un épuisement des ressources
en mémoire de travail. La performance aux tâches nécessitant de grandes
quantités de traitement en mémoire de travail, telles que celles impliquant des
grands nombres et des retenues, est affectée dans des situations de pression,
alors que la performance aux problèmes qui demandent peu de traitement est
relativement peu affectée. Ces résultats suggèrent que la perte de ses moyens
face à la pression agit en interférant avec le fonctionnement de la mémoire de
travail. Par conséquent, les personnes qui ont des attentes de réussite élevées
doivent aborder les tâches avec une mémoire de travail moins efficace.
Comme nous l’avons mentionné, cet obstacle à la performance lié à
la situation affecterait surtout les personnes qui seraient considérées comme
étant les plus capables d’accomplir les tâches avec succès. Les éléments
Anxiété et affect en mathématiques 297

en faveur de cette hypothèse émanent de deux études par Beilock et Carr


(2005) et Beilock et DeCaro (2007). La première s’est intéressée à la per-
formance en lien avec la mémoire de travail des participants, un facteur qui
est mesuré indépendamment du choking paradigm. Étant donné le coût
variable en termes de ressources inhérentes à la tâche d’arithmétique modu-
laire, l’objectif était de tester l’hypothèse postulant que les sujets présentant
des capacités en mémoire de travail élevées présenteraient des réactions
différenciées face à la pression par rapport aux sujets présentant de moins
bonnes capacités. Lors des essais de la première phase, où il n’y avait pas
de pression, les sujets ayant de fortes capacités ont mieux réussi que ceux
ayant des capacités plus faibles, leur meilleur potentiel de traitement leur
ayant permis d’être plus efficaces dans les calculs. Il est intéressant de noter
que dans la condition qui induit de la pression, c’est le groupe qui présentait
les capacités les plus élevées qui a le plus souffert dans la résolution des
problèmes, à un tel point que leurs résultats étaient similaires à celles du
groupe présentant des capacités moins élevées.
De tels résultats ont permis d’émettre l’hypothèse que les parti-
cipants avec un potentiel élevé résolvent les problèmes à des niveaux de
complexité différents comparés à des participants présentant un potentiel
moins élevé. Cette hypothèse a été confirmée ultérieurement par Beilock
et DeCaro (2007). Leurs résultats ont montré que, dans un contexte de
pression induite, les participants présentant un potentiel moins élevé uti-
lisaient généralement des stratégies de résolution qui ne reposaient pas
fortement sur les ressources de la mémoire de travail et que les participants
présentant un potentiel plus élevé, qui utilisent d’habitude des stratégies
plus gourmandes en ressources, se repliaient sur des stratégies de type
« heuristiques » utilisées par les participants présentant un potentiel moins
élevé (voir aussi Beilock & Ramirez, 2011).

3.2 Menace du stéréotype


Similaire à la perte de ses moyens face à la pression, la menace du
stéréotype est un obstacle qui est dépendant du contexte et qui affecte
des personnes qui pensent qu’un certain aspect de leur identité (l’identité
sexuelle par exemple) sera jugé au regard de leurs performances à une tâche
donnée. En d’autres termes, si une personne pense que sa performance à
une certaine tâche pourrait donner une mauvaise image de l’un des aspects
de son identité, ou d’un aspect auquel elle s’identifie, cela engendre la
crainte qu’un stéréotype négatif soit confirmé, avec pour conséquence une
moins bonne performance. Ce phénomène fut initialement mis en évidence
dans des matières autres que les mathématiques. Cependant, les mathéma-
tiques sont plutôt efficaces pour induire une anxiété liée à une menace du
stéréotype et produisent des résultats constants, probablement en raison
de la nature des stéréotypes associés aux performances en mathématiques.
298 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Indépendamment du domaine concerné, la méthodologie utilisée


pour tester cet effet implique généralement la manipulation inter-sujets des
consignes des différentes tâches. Par exemple, Steele et Aronson (1995) ont
testé des étudiants universitaires afro-américains et euro-américains dans
une tâche de résolution de problèmes verbaux. Les consignes neutres don-
nées au groupe-contrôle décrivaient la tâche sans mentionner explicitement
l’origine ethnique des groupes et ne faisaient pas appel à des concepts de
différences ethniques. Par contre, les consignes visant à induire une menace
du stéréotype (groupe expérimental) mentionnaient que la tâche cherchait
à mesurer les capacités intellectuelles. Les résultats du groupe-contrôle
ne montraient pas de différences entre les sujets afro-américains et euro-
américains qui le composaient. Au contraire, les sujets afro-américains ont
obtenu de moins bons résultats avec les consignes induisant la menace du
stéréotype, que ce soit comparés aux sujets euro-américains de leur groupe
ou comparés aux sujets afro-américains du groupe contrôle. Les auteurs
suggèrent que les consignes décrivant la tâche comme étant une mesure
des capacités intellectuelles induisaient de l’anxiété chez les sujets afro-
américains, probablement en générant des pensées négatives et intrusives
concernant les stéréotypes de différences ethniques en termes de potentiel
intellectuel. Cette étude a également montré que l’un des aspects importants
de cet obstacle contextuel à la performance est que presque tout le monde
est sensible à ses effets, étant donné la forte identification avec le groupe
stéréotypé (Schmader, 2002) et le domaine testé en lien avec ce stéréotype
(e.g., domaine d’identité, Spencer, Steele, & Quinn, 1999). En effet, la force
de l’effet semble fortement liée à l’identité sociale des sujets. Comme nous
allons le voir ci-après, des études ont montré que si le stéréotype est cadré
positivement, les participants améliorent leurs performances (Schmader,
Johns, & Forbes, 2008 ; Wraga, Helt, Jacobs, & Sullivan, 2007). Lorsque
l’identité de groupe est moins forte, l’effet est moins prononcé.
S’agissant du domaine des mathématiques, certains chercheurs ont
montré les effets négatifs de la menace du stéréotype dans des situations
impliquant à la fois l’origine ethnique (Aronson et al., 1999) et le genre (Bei-
lock, Rydell, & McConnell, 2007). Concernant l’origine ethnique, Aronson
et al. (1999) ont trouvé de moins bonnes performances chez des sujets de
type caucasien lorsque les consignes insistaient sur les différences stéréoty-
piques entre ces derniers et des sujets asiatiques, induisant la crainte qu’ils
confirment, en fait, le stéréotype.
Dans une recherche sur la menace du stéréotype liée au genre,
Beilock et al. (2007) ont expliqué aux participants du groupe-contrôle que
le but de leur expérience était d’étudier la résolution de problèmes, et au
groupe expérimental (menace du stéréotype) que le but était de comprendre
pourquoi les femmes étaient moins bonnes que les hommes en mathéma-
tiques. Les participants qui avaient reçu les consignes neutres ont amélioré
Anxiété et affect en mathématiques 299

leurs performances grâce à l’effet de l’entraînement, ce qui est un résultat


normal, avec une précision améliorée de 86 % à 92 % entre la phase 1 et la
phase 2. Par contre, le groupe qui avait reçu les consignes contenant une
menace du stéréotype a obtenu une précision inférieure de 10 % entre la
phase 1 (89 %) et la phase 2 (79 %), ce qui démontre les effets négatifs de
la seule présence du stéréotype dans les consignes. Il est intéressant de
noter que, tout comme dans le choking paradigm, Beilock et al. (2007)
ont trouvé que la moins bonne performance observée pour le groupe menacé
était spécifique aux problèmes les plus complexes, ce qui montre que la
mémoire de travail est bien le mécanisme au travers duquel la menace du
stéréotype agit.
Krendl, Richeson, Kelley et Heatherton (2008) ont permis d’appro-
fondir notre compréhension de ce mécanisme en utilisant la neuro-imagerie.
Ces auteurs ont induit une menace du stéréotype liée au genre dans le cadre
d’une étude basée sur l’imagerie à résonnance magnétique fonctionnelle
(IRMf). Les tâches de mathématiques utilisées impliquaient la vérification
d’énoncés assez complexes (par exemple : est-ce que 19 x 6 – 62 = 78 ?) ainsi
que des exercices d’arithmétique modulaire.
Après avoir complété deux séries de problèmes, le groupe contrôle a
obtenu des performances en hausse en lien avec l’effet d’entraînement. Sur le
plan comportemental, la précision et les temps de réaction des participants
étaient également meilleurs. L’activité neurologique des sujets montrait la
même augmentation d’activité des zones préfrontales et pariétales dans la
seconde série.
Plus précisément les structures spécifiques affectées par l’aug-
mentation d’activité étaient le cortex préfrontal inférieur gauche, le cortex
pariétal inférieur gauche, et le gyrus angulaire bilatéralement. Il est impor-
tant de souligner que certains auteurs suggèrent que ce réseau de régions
du cerveau reflète la pensée mathématique et une plus grande expertise
dans la manipulation des données numériques (Dehaene, Spelke, Pinel,
Stanescu, & Tsivkin, 1999 ; Delazer et al., 2003 ; Menon, Rivera, White,
Glover, & Reiss, 2000).
Par contre, les participants du groupe expérimental (sous la menace
du stéréotype) n’ont pas amélioré leurs performances malgré l’entraînement,
leur précision a diminué entre les deux séries et leur temps de réaction
est resté inchangé. Les données de l’imagerie révèlent une configuration
d’activation intéressante liée à ces résultats comportementaux. Au lieu de
présenter une augmentation d’activité des réseaux neuronaux associés à la
pensée mathématique et à son entraînement, le groupe expérimental affiche
une augmentation d’activité au niveau du cortex cingulaire ventral antérieur
(vACC), une région qui correspond au caractère émotionnel des stimuli
et qui joue un rôle dans la régulation des émotions (Bush, Luu, & Posner,
300 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

2000 ; LeDoux, 2000). Il est également intéressant de noter que cette région
devient active dans le cadre de l’évaluation de feed-back social, en particulier
concernant le rejet social (Somerville, Heatherton, & Kelley, 2006).
Ces résultats témoignent de l’attitude des deux groupes au cours
de la réalisation des tâches. Les données à la fois comportementales et neu-
rologiques suggèrent que le groupe contrôle s’investit dans la matière, qu’il
est capable d’apprendre de ses erreurs et d’améliorer ses performances, ce
qui s’accompagne d’une augmentation de l’activité neurologique suggérant
une augmentation de l’expertise à réaliser la tâche. Par contre, le groupe
expérimental présente un léger recul en termes de performances et une
activité qui suggère que les participants se concentrent plus sur les émotions
provoquées par le stéréotype négatif que sur la tâche mathématique (pour
plus de données à ce sujet, voir aussi Mangels, Good, Whiteman, Maniscalo,
& Dweck, 2012 ; Wraga et al., 2007).

4. ANXIÉTÉ DES MATHÉMATIQUES


Décrite comme « une sensation de tension et d’anxiété qui interfère
avec la manipulation des chiffres et la résolution de problèmes mathéma-
tiques dans un large éventail de situations de la vie courante et scolaire »
(Richardson & Suinn, 1972, p. 551), l’AM est un état qui peut affecter de
nombreux aspects de la vie. Cet état est négativement associé aux attitudes
décrites précédemment (intérêt pour les mathématiques, la motivation et
l’auto-efficacité), mais est également associé à des obstacles à la réussite
en mathématiques et par conséquent aux résultats en mathématiques.
Les situations qui semblent affectées par l’AM vont du banal calcul d’un
pourboire sur une addition ou le calcul de bonnes affaires dans un magasin
(Jones, Childers, & Jiang, 2012), à des procédures d’addition, de soustrac-
tion, de multiplication et de division, concernant ainsi un grand nombre
d’activités scolaires et non scolaires (voir Ashcraft, 1995 et 2002 pour une
revue). Les résultats de ces études montrent que les participants présentant
une anxiété élevée face aux mathématiques sont désavantagés en termes de
traitement numérique par rapport à leurs pairs qui présentent peu d’anxiété
vis-à-vis des mathématiques. C’est-à-dire qu’il s’agisse simplement de comp-
ter (Maloney, Risko, Ansari, & Fugelsang, 2010) ou d’exécuter des opérations
arithmétiques (par exemple Ashcraft & Faust, 1994), les personnes souffrant
d’anxiété face aux mathématiques ont tendance à présenter soit des temps
de résolution plus lents ou plus d’erreurs de calcul, voire les deux. Il est
important de noter ici que des études ont montré que ce désavantage est
essentiellement lié au fait que la mémoire de travail est affectée. Ci-après,
nous abordons les données reliant l’AM avec une mémoire de travail moins
efficiente ainsi que les recherches récentes concernant la neurophysiologie
et le développement de cet état.
Anxiété et affect en mathématiques 301

4.1 La baisse des performances


liée aux aspects affectifs
Notre travail initial sur ce sujet a porté sur des études exploratoires
qui cherchaient à déterminer si l’AM affecte le traitement cognitif lors de
tâches numériques, et si oui à quel point. Afin de tester cette hypothèse,
nous avons conçu des tâches de vérifications simples pour les quatre opé-
rations arithmétiques de base dans une situation chronométrée (Ashcraft
& Faust, 1994 ; Faust, 1988 ; Faust, Ashcraft, & Fleck, 1996 ; voir Ashcraft,
1995 et 2002 pour une revue). Ces études ont révélé quatre ensembles de
résultats qui sont caractéristiques de l’influence que l’AM peut avoir sur la
performance dans de telles tâches cognitives.
Le premier de ces ensembles de résultats montre que les personnes
anxieuses et celles non anxieuses face aux mathématiques ne présentaient
pas de différences dans le traitement lors de la résolution d’additions ou
de multiplications de base. Par contre, des différences importantes ont été
observées entre les groupes lorsque les problèmes impliquaient des nombres
plus élevés. Il nous semble que la résolution de problèmes à une seule opé-
ration (par exemple 4 + 2 ou 6 x 3) repose plus sur un accès à la mémoire
que sur des procédures actives de calcul telles que celles qui sont requises
pour les problèmes impliquant des nombres plus élevés. De plus, nous avons
trouvé que la performance moindre des participants anxieux concernait
spécifiquement la précision des résultats. En d’autres termes, nous avons
trouvé que les deux groupes répondaient rapidement aux problèmes et que
le groupe des participants les moins anxieux répondaient également de
façon précise. Au contraire, les participants anxieux semblaient répondre
dans le but de mettre fin à la session expérimentale et à leur participation
à cette étude, et ce au détriment de la précision des réponses. Les partici-
pants anxieux ont opté pour un compromis vitesse/précision, en répondant
rapidement mais avec peu de précision.
Il est intéressant de mentionner que d’autres résultats obtenus
dans ces études font allusion à une intuition du nombre, ou le « sens des
nombres » des participants (Dehaene, 1997). Lors de tâches de vérification,
les participants devaient dire pour chaque problème présenté si ce dernier
était correct ou faux. Les deux groupes, peu anxieux et fortement anxieux
face aux mathématiques, ont présenté des patterns de réponses assez diffé-
rents face à des sommes erronées. Dans l’ensemble, les réponses tendaient à
diminuer en termes de latence et d’erreurs au fur et à mesure que la somme
incorrecte s’écartait de la somme correcte, indiquant peut-être que la somme
incorrecte induit de moins en moins d’interférence au fur et à mesure que la
différence entre les sommes correctes et erronées augmente (voir Ashcraft
& Stazyk, 1981). Le groupe faiblement anxieux a présenté cette tendance,
avec des erreurs sur les sommes proches du résultat correct de l’ordre de
302 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

8 %, tombant à 2 % pour les sommes incorrectes plus éloignées du résul-


tat exact. Par contre, pour les participants anxieux, non seulement leur
taux d’erreurs était globalement plus élevé que celui du groupe faiblement
anxieux, mais ce taux est resté élevé (7 % à 13 %) lorsque l’écart par rap-
port à la somme correcte grandissait, même dans les situations où cet écart
était de 20 ou plus (p. ex., 6 + 7 = 36). Ces résultats, en particulier ceux
concernant les sommes erronées très éloignées de la somme correcte, sug-
gèrent que les participants fortement anxieux à l’égard des mathématiques
étaient incapables de juger de l’éloignement de leurs résultats par rapport à
la somme correcte, ce qui est possiblement en lien avec un défaut dans le rai-
sonnement numérique de niveau élémentaire. Cette possibilité a été étudiée
plus récemment, montrant que les personnes anxieuses des mathématiques
comptent plus lentement (Maloney et al., 2010) et prennent plus de temps
pour effectuer des comparaisons d’ordre de grandeur entre des nombres à
un seul chiffre (Maloney, Ansari, & Fugelsang, 2011). En complément de nos
précédents travaux sur l’arithmétique, ces résultats mettent en évidence la
nécessité de s’intéresser à l’hypothèse d’un déficit du raisonnement numé-
rique de niveau élémentaire dans de futures recherches.
La dernière caractéristique que nous avons observée est directement
liée à la mémoire de travail. Lorsqu’ils devaient réaliser des opérations com-
plexes telles que des additions à deux colonnes, les participants fortement
anxieux à l’égard des mathématiques étaient plus lents et faisaient plus
d’erreurs que les participants peu anxieux, et cette différence était nette-
ment plus marquée lorsque l’addition à effectuer comportait une retenue.
C’est-à-dire que la performance des participants anxieux diminuait à mesure
que les opérations devenaient plus complexes et sollicitaient les ressources
de la mémoire de travail.
L’interaction entre la difficulté des problèmes et l’AM nous amène à
penser que les affects ressentis par les sujets fortement anxieux pourraient
interférer avec le bon fonctionnement de la mémoire de travail, ce qui
nous oriente vers les travaux de Eysenck et de ses collègues (Processing
Efficiency Theory: Eysenck & Calvo, 1992 ; Eysenck, Derakshan, Santos,
& Calvo, 2007). Cette théorie postule que chez des personnes souffrant
d’une anxiété généralisée, la performance dans des tâches cognitives est
perturbée par l’inquiétude et les ruminations négatives qui découlent de
l’anxiété ressentie. Les fonctions cognitives sont péjorées par ces réac-
tions d’anxiété du fait d’une augmentation de la charge en mémoire de
travail, laissant ainsi moins de ressources disponibles à cette fonction pour
effectuer la tâche demandée. Dans la mesure où cette théorie est centrée
sur l’attribution des ressources de la mémoire de travail, les tâches qui
nécessitent peu de traitement cognitif ne seraient pas sujettes aux effets
négatifs de l’anxiété, car leur réalisation ne ferait pas appel au traitement
en mémoire de travail.
Anxiété et affect en mathématiques 303

Étant donné que l’anxiété généralisée et l’AM présentent des caracté-


ristiques proches, nous proposons que leur fonctionnement doit être proche
également. Ainsi, confrontés à une tâche mathématique, les participants
fortement anxieux à l’égard des mathématiques devraient présenter des
performances similaires à celles de leurs pairs peu anxieux dans la mesure
où la tâche concernée ne nécessite pas le recours à la mémoire de travail.
Par contre, les groupes devraient présenter des écarts de performance de
plus en plus conséquents au fur et à mesure que le besoin en ressources de
mémoire de travail augmente.
Nous avons testé cette hypothèse avec une tâche d’addition à deux
colonnes qui demandait aux participants de dire à voix haute les résultats
de chaque calcul ; certaines additions comprenaient des retenues et d’autres
non. De plus, nous avons inclus cette tâche dans un double contexte de façon
à ce que les calculs soient réalisés pendant que le participant maintenait en
mémoire deux ou six lettres de l’alphabet pour rappel ultérieur. Ce test nous
a permis d’évaluer les déficits associés de l’AM en réponse au recours plus ou
moins significatif à la mémoire de travail (Ashcraft & Kirk, 2001).
Les résultats de cette étude ont confirmé nos hypothèses concer-
nant les déficits en ligne associés à l’AM. En bref, tous les participants ont
rapporté que les conditions de test avec 6 lettres à retenir ainsi que des
additions à retenues étaient particulièrement difficiles, ce qui s’est traduit
par un nombre d’erreurs plus élevé et des temps de réaction plus longs. De
plus, les participants fortement anxieux à l’égard des mathématiques présen-
taient un déficit amplifié dans ces conditions comparés aux participants peu
anxieux. Nous faisons l’hypothèse que, dans la mesure où les participants
fortement anxieux à l’égard des mathématiques étaient déjà désavantagés en
termes de traitement comparé aux participants peu anxieux dès le commen-
cement de la tâche de mathématiques, leurs ressources relativement limitées
en mémoire de travail ont rapidement été surchargées par les additions à
retenue ; et la consigne de retenir en même temps 6 lettres en mémoire de
travail n’a fait qu’amplifier cette demande. Par la suite, nous avons désigné
cet effet comme étant une « chute affective » des performances ; résultant
d’une triple compétition pour les ressources de la mémoire de travail : calculs
mathématiques exigeants, rappel de lettres, et l’inquiétude associée à l’AM
(Ashcraft & Moore, 2009 ; Moore et al., in press).

4.2 Corrélations neurologiques


Depuis ces premières recherches, plusieurs études se sont inté-
ressées aux dimensions importantes de cette affection, telles que ses liens
avec les aspects physiologiques, neurophysiologiques, et développementaux.
Par exemple, Mattarella-Micke, Mateo, Kozak, Foster et Beilock (2011) ont
étudié le marqueur physiologique du cortisol salivaire en lien avec l’AM.
304 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Ces auteurs se sont inspirés d’études montrant que la concentration en


cortisol affecte la mémoire de travail chez l’humain (voir Elzinga & Roelofs,
2005) et que l’hormone animale correspondante (corticostérone) est liée à
des performances moindres lors de tâches mesurant la mémoire de travail
chez l’animal (T-maze : Roozendaal, McReynolds, & McGaugh, 2004).
Les auteurs ont demandé à des participants de réaliser une tâche
d’arithmétique modulaire ; la capacité de leur mémoire de travail et leur
niveau d’anxiété à l’égard des mathématiques étaient également mesurés.
Leur salive était prélevée une première fois avant la tâche d’arithmétique
et une deuxième fois immédiatement après. Afin d’étudier les liens entre
anxiété à l’égard des mathématiques, mémoire de travail et concentration en
cortisol, des analyses de régression ont été réalisées sur les valeurs recueil-
lies afin de déterminer leur lien avec les performances.
Globalement, les auteurs ont trouvé que les participants fortement
anxieux à l’égard des mathématiques présentaient des performances d’au-
tant moins bonnes que la concentration en cortisol augmentait. Au contraire,
les participants peu anxieux amélioraient de fait leurs performances lorsque
la concentration en hormone augmentait. Ceci suggère que l’interprétation
de la stimulation émotionnelle est un facteur clé pour expliquer la différence
entre les deux groupes d’anxiété. De plus, les résultats ont montré une inter-
action entre le taux de cortisol, la mémoire de travail, et l’AM. Plus précisé-
ment, ils ont trouvé que l’AM et la concentration en cortisol n’affectaient pas
la performance pour les tâches peu exigeantes en ressources de mémoire
de travail, ni chez les participants présentant des capacités de mémoire de
travail plus faibles. Cependant, concernant les problèmes qui demandaient
plus de ressources et chez les participants présentant de meilleures capa-
cités de mémoire, ils ont trouvé que ceux qui étaient fortement anxieux à
l’égard des mathématiques avaient tendance à moins bien réussir en fonction
de l’augmentation du taux de cortisol, alors que ceux faiblement anxieux à
l’égard des mathématiques présentaient globalement une amélioration de
leurs performances.
Matterella-Micke et al. (2011) introduisent l’idée que l’amygdale
basolatérale peut jouer un rôle important dans la régulation émotionnelle
chez les personnes fortement anxieuses à l’égard des mathématiques. Chez
le rat, son ablation réduit les déficits associés avec des taux élevés de corti-
costérone. Les auteurs suggèrent que ces résultats pourraient illustrer l’une
des façons dont l’AM affecte certains déficits dans le comportement humain,
avec le cortisol comme composante influente. Cette notion est étayée par la
première recherche neuro-développementale sur l’AM.
Young, Wu et Menon (2012) ont effectué un grand pas en avant dans
notre compréhension de l’AM en étudiant des données de neuro-imagerie
en lien avec l’AM chez des enfants âgés de 7 à 9 ans. Ils ont enregistré des
Anxiété et affect en mathématiques 305

données d’IRMf pendant que les enfants réalisaient une tâche de vérification
d’additions et de soustractions. Une mesure de l’AM adaptée à leur âge a
également été réalisée.
Les résultats de cette étude montrent que, comparés aux enfants
présentant une faible AM, ceux ayant une forte anxiété présentaient une
activation plus forte de l’amygdale gauche, avec une activation concentrée
sur le noyau basolatéral, un site qui est impliqué dans la réponse de peur
acquise dans les paradigmes de conditionnement classique chez des sujets
adultes. De plus, chez ces enfants la connectivité fonctionnelle était plus
grande entre l’amygdale et le cortex préfrontal ventromédian, un circuit qui
serait activé lors d’épisodes de régulation d’émotions négatives (Phelps, Del-
gado, Nearing, & LeDoux, 2004), alors que l’activation des zones pariétales
possiblement impliquées dans le traitement des informations mathématiques
était réduite.
Ces deux études suggèrent que l’un des mécanismes au travers des-
quels l’AM agirait consisterait en un détournement du traitement efficace des
calculs en mémoire de travail vers des réseaux qui sont impliqués dans la
régulation émotionnelle des réponses. En effet, Lyons et Beilock (2012a) ont
montré que même le fait d’anticiper la réalisation d’une tâche mathématique
suffit à initier une réponse neurologique équivalente à une menace physique
imminente chez les sujets à forte anxiété à l’égard des mathématiques, ce
qui suggère que « l’anxiété à l’égard des mathématiques par anticipation
serait associée à la simulation d’une menace viscérale, voire de la douleur »
(p. 6). Les auteurs proposent également que ces résultats pourraient contri-
buer à expliquer les caractéristiques d’évitement de l’AM. Entre autres, les
élèves fortement anxieux aux mathématiques s’abstiendraient de s’inscrire
à des cours avancés en mathématiques car leur anticipation serait neuro-
logiquement enregistrée comme associée à de la douleur. Heureusement,
des travaux récents ont montré que certains élèves sont de fait capables
de gérer les émotions négatives produites par l’anticipation d’une tâche de
mathématiques.
Lyons et Beilock (2012b) ont conçu une tâche dans laquelle un
indice était présenté avant chaque essai pour indiquer que les participants
auraient à réaliser une tâche mathématique ou une tâche de mots. La tâche
mathématique consistait à vérifier des énoncés arithmétiques à plusieurs
étapes, et présentait deux niveaux de difficulté (la tâche de mots reflétait
les niveaux de difficulté des tâches mathématiques). Des données d’IRMf
étaient recueillies pendant le temps de présentation de l’indice et pendant
la présentation des essais.
L’analyse des données comportementales a montré que le groupe
anxieux à l’égard des mathématiques ne présentait pas de différences
de performance pour les problèmes faciles dans les deux conditions
306 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

(mots vs mathématiques). Cependant, des différences étaient observées


sur l’aspect précision lors des problèmes difficiles, mais uniquement pour
les problèmes mathématiques. Les anxieux à l’égard des mathématiques fai-
saient plus d’erreurs dans les tâches difficiles en mathématiques que dans les
problèmes de mots, et plus d’erreurs dans ces problèmes que le groupe peu
anxieux à l’égard des mathématiques (aucune différence de performance
n’était observée entre les groupes pour les problèmes de mots).
Comme les auteurs ont noté que les déficits observés chez les sujets
fortement anxieux variaient, les données neurologiques ont été analysées en
détail afin d’examiner les configurations d’activation chez les sujets anxieux
à l’égard des mathématiques. En particulier, ils ont étudié la possibilité que
l’activation enregistrée lors de la présentation de l’indice annonçant la tâche
de math pourrait être liée aux performances dans la réalisation de cette
tâche. De plus, les auteurs ont cherché à déterminer si l’activation pendant
la résolution de tâche pourrait médiatiser cette relation.
Concernant la relation entre l’activation liée à l’indice tâche de
mathématiques-tâche mots et les déficits en mathématiques (erreurs en
mathématiques-erreurs mots), ils ont trouvé que plus ils observaient d’activa-
tion dans plusieurs zones fronto-pariétales, plus les déficits en mathématiques
diminuaient. Les zones du cerveau impliquées dans ces relations incluaient
la jonction frontale bilatérale inférieure, le lobe pariétal bilatéral inférieur, et
le gyrus frontal inférieur antérieur gauche, indiquant possiblement une aug-
mentation anticipative du contrôle cognitif afin de gérer l’AM du sujet et le
problème à venir (Brass, Derrfuss, Forstmann, & von Cramon, 2005).
De plus, l’activation en réponse à l’indice était liée à l’activité enre-
gistrée pendant la résolution de problème (noyau caudé droit et hippocampe
gauche), et cette activation spécifique à la tâche servirait à médiatiser
la relation entre l’activation liée à l’indice et le déficit observé en mathé-
matiques comparée à la résolution de la tâche mots. Les résultats de ces
auteurs apportent des éléments en faveur de l’hypothèse que les déficits liés
à l’AM sont partiellement dus aux processus coûteux qui visent à réguler les
émotions négatives induites par des tâches de mathématiques, et au degré
d’efficacité de ce processus pour amortir l’influence négative.

4.3 Progrès développementaux


Une avancée récente dans la littérature vient de l’étude de l’AM
d’un point de vue développemental. On ne saurait insister suffisamment
sur l’importance de cette approche. L’identification des caractéristiques et
antécédents développementaux de l’AM permettront de développer des
aides efficaces et de mieux comprendre le développement des compétences
en mathématiques en général. Nous présentons ci-après un bref résumé de
la littérature sur ce sujet.
Anxiété et affect en mathématiques 307

Ramirez, Gunderson, Levine, et Beilock (2013) ont étudié les per-


formances en mathématiques d’un échantillon d’élèves de 5 à 10 ans (sui-
vant l’école élémentaire selon le système scolaire des États-Unis) dans la
résolution de tâches verbales dont le contenu mathématique augmentait en
difficulté (allant de dire l’heure à la résolution de problèmes d’arithmétique
à deux chiffres et de fractions). Un test de lecture servait de tâche contrôle
et la capacité de la mémoire de travail était également mesurée. Enfin, l’AM
était aussi mesurée grâce à une échelle adaptée à l’âge élaborée par les
auteurs.
Afin d’analyser la relation entre les performances en mathéma-
tiques, la mémoire de travail et l’AM, les auteurs ont effectué des analyses
de régression, utilisant le score d’anxiété de chaque élève, son empan de
mémoire de travail et l’interaction anxiété à l’égard des mathématiques ×
mémoire de travail comme variables indépendantes, et la performance en
mathématiques comme variable dépendante. Le niveau scolaire était utilisé
comme covariable. Les résultats ont révélé des effets principaux du niveau
scolaire et de la mémoire de travail, ainsi qu’une interaction AM × mémoire
de travail. L’interaction montrait que les enfants présentant les meilleures
capacités de mémoire de travail étaient ceux qui étaient les plus affectés par
l’AM. Étant donné les résultats parallèles observés avec d’autres paradigmes
(voir Beilock & Carr, 2005), les auteurs ont fait l’hypothèse que l’interaction
serait spécifique à la résolution des problèmes difficiles du fait de la demande
accrue en termes de ressources de la mémoire de travail.
C’est précisément ce qu’ils ont trouvé lorsqu’ils ont analysé les pro-
blèmes séparément en fonction du niveau de difficulté. Pour l’essentiel, ils
n’ont pas observé d’obstacles liés à l’AM pour les problèmes faciles, alors
que l’interaction anxiété à l’égard des mathématiques × mémoire de travail
s’est avérée significative uniquement lorsque les problèmes plus importants
étaient pris en compte. Dans ce cas également, les résultats ont montré que
les sujets disposant de meilleures capacités de mémoire de travail étaient les
plus vulnérables aux déficits associés à l’AM. Il est important de noter que
cet effet n’était pas reproduit dans l’analyse des compétences en lecture,
ce qui indique que les relations mises en évidence étaient spécifiques aux
informations numériques et ne pouvaient donc pas être attribuées à d’autres
facteurs telle que l’anxiété induite par la situation de test.
Vukovic, Kieffer, Bailey et Harari (2013) apportent également des
éléments en faveur de l’interaction anxiété à l’égard des mathématiques
× mémoire de travail dans une étude longitudinale qui s’intéresse aux
performances d’élèves de deuxième année élémentaire (âgés en moyenne
de 7 ans, selon le système scolaire des États-Unis) et à l’AM pour prédire
les performances en troisième année élémentaire. Les enfants devaient
réaliser trois tâches de mathématiques : une concernant des additions
308 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

et soustractions, des applications mathématiques (problèmes de mots,


interprétation de tableaux de données, et des phrases numériques par
exemple « Six plus combien égal dix. Pointe le chiffre qui manque »), et
des tâches de géométrie (ex : relations taille et forme). Les enfants ont
passé ces tests une fois en seconde élémentaire et une seconde fois en
troisième élémentaire. La tâche de lecture était la même que celle utilisée
par Ramirez et al. (2013) et la mémoire de travail a été mesurée avec une
tâche visuelle. De plus, un test d’aptitudes en calcul a été utilisé comme
contrôle. L’AM a été mesurée avec une échelle adaptée à l’âge des enfants
élaborée par les auteurs.
Des modèles de régression ont été calculés pour déterminer si l’AM
et son interaction avec la mémoire de travail pourraient expliquer la variance
unique dans la prédiction de la performance dans la tâche mathématique. Les
scores d’aptitude à la lecture, au calcul et en mémoire de travail ont été utili-
sés comme variables indépendantes dans les modèles initiaux, et les modèles
suivants intégraient également l’AM et son interaction avec la mémoire de
travail successivement afin d’évaluer les changements dans l’ajustement
au modèle. Des modèles de régression ont été construits séparément pour
les trois mesures de performance en mathématiques. De plus, des analyses
testant la performance des élèves de troisième élémentaire incluaient les
mesures de performances de seconde élémentaire dans le modèle initial,
servant ainsi de contrôle par rapport aux compétences préalables.
Les analyses sur les données recueillies lors de la première session
de tests ont montré que les scores d’anxiété à l’égard des mathématiques
rendaient compte de la variance unique pour la prédiction des compétences
de calcul et d’application, mais pas pour celles en géométrie. Les coefficients
de régression pour ces facteurs étaient négatifs, indiquant que plus l’AM
augmentait, plus les performances aux tâches de calcul et d’application
diminuaient. Il est intéressant de noter que l’interaction anxiété à l’égard des
mathématiques × mémoire de travail ne rendait pas compte de la variance
unique concernant la prédiction des variables de performance en mathéma-
tiques.
Concernant la prédiction de la performance en mathématiques en
troisième élémentaire, les analyses ont montré que les scores d’anxiété
recueillis en deuxième élémentaire ne rendaient pas compte de la variance
unique concernant la prédiction des variables de performance en mathéma-
tiques prises séparément, alors que l’interaction anxiété à l’égard des mathé-
matiques en deuxième élémentaire x mémoire de travail rendait compte
de cette variance, mais seulement pour les performances en applications
mathématiques après un an.
En complément de l’étude de Young et al. (2012), ces résultats
montrent clairement que l’AM est présente chez les très jeunes enfants,
Anxiété et affect en mathématiques 309

qu’elle peut être mesurée de façon fiable, et qu’elle est associée à des déficits
de performances en mathématiques à un moment donné mais aussi longi-
tudinaux. Cependant, dans la mesure où ce domaine de recherche est très
récent, la nature exacte de l’AM chez l’enfant reste peu connue. Les éléments
existants suggèrent que sa présence est associée à des performances moins
précises et moins efficaces dans les calculs. De plus, il semblerait que les
enfants qui possèdent des capacités de mémoire de travail supérieures sont
plus susceptibles d’être affectés par ce phénomène, ce qui est un aspect qui
mérite d’être étudié plus en détail.

5. PERSPECTIVES FUTURES ET CONCLUSIONS


Une des perspectives de recherche importantes dans ce domaine
serait de déterminer la cause de l’AM à un âge aussi jeune. En effet, l’expé-
rience que les enfants de cet âge (environ 7 ans) ont à l’égard des mathé-
matiques ne représente qu’un petit échantillon du monde mathématique à
venir. L’une des hypothèses rapportées dans la littérature est que les déficits
mineurs dans la compréhension à l’égard des mathématiques pourraient
être à l’origine de son développement (Maloney et al., 2010, 2011). L’idée
étant que les compétences en mathématiques spécifiques (voire même les
compétences menant à la pensée mathématique) seraient insuffisantes chez
certaines personnes, et le fait de faire face à cette insuffisance de façon
répétée pourrait engendrer un sentiment de frustration lors de la résolution
de problèmes, ce qui à terme entraîne des sentiments d’anxiété envers cette
matière en général (voir aussi Rubinsten & Tannock, 2010).
Les zones neurologiques spécifiques observées par Young et al.
(2012) qui étaient activées en lien avec l’AM apportent des éléments de
réponse quant au développement de cette dernière. En effet, il a été montré
que le noyau basolatéral de l’amygdale gauche est impliqué dans la réponse
à la peur acquise chez des sujets adultes (Phelps et al., 2004) ; ainsi, son
implication dans l’AM suggère que les enfants ont appris à craindre cette
matière. Si cela est vrai pour l’AM chez les enfants, où auraient-ils acquis
cette crainte ? Beilock, Gunderson, Ramirez et Levine (2010) proposent
qu’une des sources possibles, tout du moins pour les filles, provient de leurs
propres enseignants.
Aux États-Unis, les enseignants des cours élémentaires sont essen-
tiellement des femmes (~90 %) et parmi elles une forte proportion admet
être sujet à l’AM (Hembree, 1990). Beilock et al. (2010) se sont intéressés
à une possible relation entre ces facteurs et les performances en mathé-
matiques dans les cours élémentaires étant donné la tendance des enfants
de cet âge à adopter les comportements d’adultes du même genre (Bussey
& Bandura, 1984 ; Perry & Bussey, 1979). Leur recherche a montré que,
310 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

malgré des scores équivalents en début d’année, plus l’enseignante était


anxieuse à l’égard des mathématiques, plus les scores de réussite en mathé-
matiques des filles en première et deuxième élémentaire (élèves âgés de
6 à 7 ans selon le système scolaire des États-Unis) étaient péjorés au test
de fin d’année. Cette relation interagissait également avec les croyances
concernant les compétences liées au genre, plus l’enseignante était anxieuse
à l’égard des mathématiques, plus les filles tendaient à être d’accord avec
des affirmations telles que « les mathématiques c’est pour les garçons et la
lecture pour les filles », et plus les résultats en math étaient péjorés. Il est
important de noter ici que les filles qui adoptaient les croyances stéréotypées
liées au genre présentaient des résultats moins bons que les garçons de leur
classe dont les comportements et les résultats n’étaient pas liés à l’AM de
leur enseignante.
Bien que relativement alarmants, ces résultats témoignent du rôle
important que la perception de la matière peut avoir sur le développement
mathématique des élèves (voir aussi Tooke & Lindstrom, 1998). Le fait que
l’AM (probablement non verbalisée) d’une enseignante puisse être associée
à ces effets ne fait que renforcer les craintes que d’autres influences, telles
que les parents, les amis, et les stéréotypes culturels pourraient renforcer
ces perceptions négatives du domaine et influencer, en partie du moins, le
développement de l’AM.
Nous concluons notre revue en rapportant des études qui démontrent
que l’on peut réduire les effets associés aux obstacles à la performance.
Concernant la menace du stéréotype par exemple, Johns, Schmader et Mar-
tens (2005) ont analysé les performances de trois groupes d’étudiants en
statistiques : un groupe a reçu des consignes neutres (groupe contrôle) ; un
groupe (groupe expérimental 1) a reçu des consignes induisant une menace,
alors qu’un groupe (groupe expérimental 2) a reçu également les consignes
induisant une menace, mais avec une annexe précisant aux sujets féminins
que l’anxiété ressentie est probablement due au stéréotype qui n’a aucun
effet sur leurs capacités réelles. Les participants devaient alors résoudre
des problèmes de mathématiques extraits du Graduate Record Examination
(GRE, examen d’entrée pour l’enseignement supérieur).
Les résultats ont montré un effet classique de la menace du stéréo-
type. Les performances des étudiantes du groupe contrôle étaient identiques
à celles de leurs homologues masculins du même groupe, alors que les étu-
diantes du groupe expérimental 1 (ayant reçu une consigne introduisant une
menace) réussissaient significativement moins bien que les étudiants de leur
groupe. Cependant, il est très intéressant de constater que les étudiantes du
groupe expérimental 2 (ayant reçu une menace mais avec l’annexe) réussis-
saient aussi bien que les étudiants de leur groupe et que les étudiantes du
groupe contrôle. Elles réussissaient également mieux que les étudiantes du
Anxiété et affect en mathématiques 311

groupe expérimental 1 (ayant reçu une menace). Ceci suggère que le simple
fait d’informer les étudiantes du stéréotype lié au genre et de leur expliquer
que ce dernier est erroné leur a donné les moyens d’obtenir le même niveau
de réussite que leurs homologues masculins.
De même, cherchant à réduire la probabilité de perdre ses moyens
face à la pression, Ramirez et Beilock (2011) ont mené une série d’études
en laboratoire et sur le terrain afin d’analyser les bénéfices qu’il y aurait à
faire rédiger un texte portant sur le ressenti émotionnel (expressive wri-
ting) face à un test à venir. Ils ont testé en laboratoire des étudiants dans
des tâches d’arithmétique modulaire en utilisant classiquement le choking
paradigm. Un groupe restait simplement assis pendant 10 minutes avant
le test, alors qu’un autre groupe devait rédiger un texte portant sur leur
ressenti concernant le test de mathématiques à venir. De plus une étude
sur le terrain effectuée avec des étudiants en biologie (âgés en moyenne
de 22 ans et fréquentant une université aux États-Unis) a tenté de vérifier
l’efficacité d’une rédaction écrite au cours de leur examen de fin d’année,
situation qui génère beaucoup de stress. Avant l’examen, la moitié des
élèves devait penser à un sujet qui ne ferait pas partie de l’examen final,
alors que l’autre moitié devait noter par écrit leur ressenti concernant cet
examen final. Tous les élèves biologie devaient également passer un test de
mesure de l’anxiété.
Pour résumer les résultats de ces deux études, les étudiants (qui
sont tous soumis à une forte pression) ont mieux réussi que leurs pairs
lorsqu’ils avaient rédigé un texte portant sur leur ressenti, c’est-à-dire qu’ils
ont obtenu de meilleures performances que s’ils avaient écrit sur, ou pensé
à, un thème qui n’était pas lié à l’examen. De plus, les auteurs ont également
trouvé que les étudiants fortement anxieux vis-à-vis du test étaient ceux qui
bénéficiaient le plus de la rédaction d’un texte sur leur ressenti car ils obte-
naient des résultats similaires aux élèves peu anxieux dans les différentes
conditions expérimentales.
Ces deux techniques représentent des outils efficaces et peu oné-
reux qui peuvent être utilisés par les enseignants et soulignent le fait que
la menace du stéréotype et la sensation d’étouffement face à la pression
n’affectent pas uniquement les élèves qui sont moins en mesure de bien réus-
sir. Ces résultats mettent également en évidence le fait que ces baisses de
performance sont le résultat d’une interférence émotionnelle, et ne sont pas
liés à un manque de compétences ou à autre déficit. Pour terminer, notons
qu’il n’a pas encore été démontré que ces techniques pourraient contrecarrer
la baisse des performances liée à l’AM.
312 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

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Chapitre
L’apprentissage de la lecture
11
et ses troubles : le point de vue des
sciences cognitives et des neurosciences
Pascal ZESIGER, Hélène TZIEROPOULOS et Marina LAGANARO

Dans nos sociétés, la littératie, définie comme l’« aptitude à com-


prendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison,
au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et
d’étendre ses connaissances et ses capacités » (OCDE, 2000, p. X), joue un
rôle fondamental dans l’intégration scolaire, professionnelle et sociale. Cette
capacité est multidimensionnelle et repose sur un ensemble de mécanismes
cognitifs qui dépassent largement le cadre des compétences de lecture dont
il sera question dans ce chapitre. Toutefois, la lecture, elle-même définie
comme l’aptitude à comprendre un texte écrit, constitue un pilier essentiel
de la littératie. Dans les pages qui suivent, nous tenterons de donner un
aperçu de la littérature scientifique portant sur les processus impliqués
dans la lecture ainsi que sur leurs bases neurobiologiques. Dans chaque
partie, nous nous intéresserons successivement à l’enfant normo-lecteur,
puis à l’enfant présentant des difficultés d’apprentissage de la lecture.
Nous conclurons ce chapitre en évoquant les principales implications de
ces recherches pour l’enseignement de la lecture et la prise en charge des
difficultés d’apprentissage.
320 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

1. APPORT DES SCIENCES COGNITIVES


À L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE
ET SES TROUBLES
C’est principalement à partir des années 1970 que les psychologues se
sont intéressés aux processus impliqués dans la lecture et dans son apprentis-
sage. Cet intérêt pour la lecture est issu de deux courants de recherche : un
premier articulant psychologie cognitive et neuropsychologie, et qui a forte-
ment contribué à l’avènement de la neuropsychologie cognitive. Ce courant,
initialement anglais, s’est fondé autour de travaux visant à interpréter les
performances d’adultes cérébrolésés en fonction de modèles de type « boîtes
et flèches » représentant les processus (les boîtes) impliqués dans une tâche
spécifique et leurs interrelations (les flèches). C’est la description de patients
présentant des troubles très spécifiques (déficit dans la lecture de mots irré-
guliers, ou de mots nouveaux par exemple) qui a interpellé les (neuro)psy-
chologues, et qui les a incités à élaborer des modèles permettant de rendre
compte de ces dissociations. Le second courant s’est focalisé sur l’analyse
du comportement de l’apprenti-lecteur et sur les facteurs qui contribuent à
l’acquisition du langage écrit. La centration initiale de ces deux courants sur
les processus de reconnaissance des mots écrits a peu à peu fait place à une
appréhension plus globale de la lecture et de son apprentissage. Grâce aux
centaines de travaux réalisés de par le monde sur l’apprentissage de la lecture
dans des langues diverses, utilisant des systèmes d’écriture très différents
les uns des autres, ce champ de recherches s’est progressivement structuré
pour donner lieu aujourd’hui à une littérature colossale et à une communauté
de recherche extrêmement active. Compte tenu des objectifs de ce chapitre,
nous nous limiterons ici à présenter brièvement l’état de la question quant
aux connaissances sur l’apprentissage de la lecture, avant d’aborder la ques-
tion des difficultés ou troubles d’apprentissage de cette habileté.

1.1 L’apprentissage de la lecture


À l’heure actuelle, il existe un large consensus quant au fait que la
compréhension d’un texte écrit repose sur deux grands ensembles de pro-
cessus : les mécanismes d’identification (ou reconnaissance) de mots écrits
et ceux de compréhension de phrases et de textes (Hoover & Gough, 1990 ;
Oakhill, Cain, & Bryant, 2003). Les premiers sont considérés comme étant
spécifiques à l’activité de lecture, dans le sens où ils ne sont pas nécessaires
à la compréhension d’un message véhiculé par voie orale : c’est le propre de
l’activité de lecture que de devoir décoder les mots présentés visuellement
pour accéder à leur sens ainsi qu’à leur prononciation. C’est également
cette dimension que l’écolier devra apprendre à maîtriser pour entrer dans
le monde de l’écrit. Les seconds mécanismes en revanche font appel à des
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 321

ressources qui sont partagées par toutes les situations de réception d’un
message verbal, qu’il soit oral ou écrit : au-delà de l’accès au sens de chacun
des mots qui forment une phrase, il est nécessaire de comprendre le statut
du mot (p. ex., un nom) et les relations qu’il entretient avec les autres mots
de la phrase (p. ex., fait partie du groupe sujet). Qui plus est, la compré-
hension de chaque énoncé d’un texte ne garantit pas une compréhension
plus globale de son sens, celle-ci étant tributaire de l’intégration des diffé-
rents énoncés dans une représentation globale cohérente que le lecteur se
construit au fur et à mesure de sa lecture. L’élaboration de ce schéma repose
sur la compréhension des relations entre les énoncés, sur l’activation de
connaissances dans le domaine et sur la complétion d’éléments qui ne sont
pas explicitement mentionnés dans le texte (les inférences).
La distinction entre processus d’identification de mots écrits et pro-
cessus de compréhension est souvent résumée par l’équation initialement
proposée par Hoover et Gough (1990) dans leur modèle appelé Simple view
of reading, L = I * C, ou L représente la finalité de l’activité de lecture, la
compréhension du texte écrit, I l’identification de mots écrits et C la compo-
sante de compréhension. L’astérisque qui figure comme opérateur est utilisé
dans ce cadre pour traduire le fait qu’il existe des interactions subtiles entre
ces deux ensembles de processus, qu’il convient de ne pas réduire à une
simple addition de compétences.
Les modèles actuels relatifs à l’apprentissage de l’identification de
mots écrits décrivent la mise en place de deux procédures ou stratégies
principales. La première vise à établir des correspondances entre les lettres
et les sons. Elle est généralement dénommée « procédure d’assemblage »,
« voie phonologique » ou « stratégie de médiation phonologique ». Elle pré-
suppose donc que l’enfant mémorise progressivement la forme des lettres
et soit capable d’évoquer leur son/nom. Il faut pour cela que l’enfant soit
capable de mettre en relation les éléments discrets formés par l’ensemble
des lettres, avec les sons qu’ils représentent. Si cela semble aisé à effectuer
pour des adultes ayant appris à lire et à écrire dans un système alphabétique,
c’est en revanche un véritable défi pour l’enfant apprenti-lecteur. En effet,
celui-ci possède des compétences d’analyse de la parole limitées (ce qu’on
appelle plus généralement la conscience phonologique – CP, comme nous le
verrons plus bas). Il est en mesure de comprendre que le mot « maman »
est formé de deux morceaux, les syllabes, et est capable de les identifier.
En revanche, il n’a pas encore développé les outils nécessaires pour réaliser
que la syllabe « ma » pouvait à son tour être décomposée en segments plus
petits, les phonèmes /m/ et /a/. Pour entrer véritablement dans l’écrit au
sein d’un système alphabétique, l’enfant devra donc effectuer cette prise de
conscience que les mots peuvent être segmentés en phonèmes, et établir le
jeu de correspondances entre ces phonèmes et les lettres (ou graphèmes)
qui le représentent à l’écrit. Ce travail sera plus ou moins difficile selon les
322 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

caractéristiques du système orthographique auquel il est confronté. Plus ce


système est consistant, c’est-à-dire plus il s’approche d’une correspondance
univoque entre sons et lettres (langues transparentes comme l’italien et
l’allemand), plus l’apprentissage sera aisé. Les systèmes dans lesquels il y a
de multiples correspondances qui dépendent à la fois de facteurs contextuels
(lettres précédentes/suivantes), étymologiques et morphologiques (langues
opaques comme l’anglais et, dans une moindre mesure, le français) sont
connus pour prendre plus de temps à maîtriser (Seymour, 2005).
La seconde procédure d’identification de mots écrits que l’enfant doit
mettre en place nécessite une certaine expérience avec la lecture. Selon les
modèles, les termes de « procédure d’adressage », de « voie lexicale » ou de
« stratégie orthographique » sont utilisés. En effet, la répétition des tenta-
tives de décodage des mêmes mots permettra progressivement à l’enfant
de cristalliser des formes stables, des chaînes de caractères qui se répètent
souvent, pour ne pas avoir à les décoder à chaque nouvelle rencontre. Il s’agit
de représentations orthographiques codant les lettres et leur ordre au sein
du mot, ainsi que d’autres informations telles que le statut consonne/voyelle
de ces lettres. Contrairement à ce qui est parfois avancé, le codage des mots
écrits en mémoire ne serait pas visuel, dans le sens où ces représentations
spécifieraient l’identité abstraite des lettres (les graphèmes), et non de leur
forme, qui peut varier selon la casse (minuscule vs majuscule) et le type
d’écriture (cursive vs imprimée). La mise en place de cette seconde procé-
dure semble être tributaire de la stratégie de correspondance entre lettres
et sons, seule procédure qui soit véritablement générative ; elle permet de
décoder tous les mots rencontrés, et qui permet un auto-apprentissage ou
un apprentissage auto-alimenté (Share, 2011).
Un large consensus existe également quant aux facteurs qui contri-
buent à l’apprentissage de la lecture chez l’enfant, tant sur le versant de
l’identification de mots que sur celui de la compréhension. Ces facteurs
sont conçus comme étant responsables des différences interindividuelles
considérables qui sont observées dans cet apprentissage, puisque certains
enfants semblent parvenir à entrer rapidement et sans effort particulier
dans le monde de l’écrit, alors que d’autres sont confrontés à des difficultés
de nature et de sévérité variables, qui peuvent être persistantes. Nous y
reviendrons plus bas. Ainsi, les différences interindividuelles observées dans
l’apprentissage de l’identification de mots écrits sont principalement impu-
tées à trois types d’habiletés : la CP, la mémoire à court terme phonologique
(MCTP), et la dénomination rapide automatisée (DRA). Nous détaillerons
ces trois variables ci-dessous. Relevons auparavant que les différences inter-
individuelles observées dans l’apprentissage de la compréhension sont liées à
d’autres facteurs (Cain & Oakhill, 2007 ; Snyder & Downey, 1991), notamment
aux compétences lexicales (richesse du vocabulaire), morphologiques et
grammaticales (connaissances de la structure de la langue), aux compétences
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 323

métalinguistiques (capacités de réflexion sur sa propre activité de lecture),


ainsi qu’aux compétences discursives (inférences, intégration des éléments
dans une représentation globale, connaissances sur la structure des textes).

1.1.1 Les variables affectant l’identification de mots


Dans cette section, nous reprenons en plus de détails les variables
connues pour affecter l’apprentissage de l’identification de mots et qui,
comme nous le verrons plus bas, sont également celles qui sont évoquées
pour expliquer la dyslexie développementale.
La CP se réfère à la capacité d’identifier et de manipuler les segments
de la parole. Ces segments peuvent être de taille variable et correspondre
à des syllabes, des unités subsyllabiques comme les attaques et les rimes
(/gl/ et /as/ dans « glace »), ou à des phonèmes (/g/-/l/-/a/-/s/). La CP peut être
évaluée au moyen de nombreuses tâches de complexité variable, incluant
notamment des tâches de monitoring de segments (est-ce qu’on entend /ta/
[ou /t/] dans « tapis » ?), des jugements de similarité (est-ce que « tapis » et
« talus »/« dépit » commencent/finissent avec les mêmes sons ?), et des tâches
qui requièrent une manipulation explicite des segments : soustraction de syl-
labes ou de phonèmes (que reste-t-il si on enlève « la » de « lapin » ?), inver-
sion de segments (vélo lové), contrepèteries (lundi matin mundi latin), etc. Les
travaux montrent qu’en marge du type d’unité, le degré de difficulté des tâches
est déterminé par la charge cognitive/mnésique qu’elles nécessitent, ainsi que
par la position des unités dans le mot (Lecocq, 1993). La notion de CP a donné
lieu à une littérature très abondante, pas uniquement directement en lien avec
l’apprentissage de la lecture. Ces travaux montrent notamment que la CP se
développe dès l’âge de 3-4 ans (Gombert, 1990). Ce développement spontané
permet à l’enfant d’accéder à la prise de conscience que la parole est formée
d’unités sonores enchaînées (Morais, Alegria, & Content, 1987) et à identifier
les syllabes, unités particulièrement saillantes en termes à la fois perceptifs
et articulatoires. En revanche, seuls les individus qui apprennent à lire et à
écrire dans un système alphabétique semblent développer des compétences
de conscience phonémique. La question de la direction du lien de causalité
entre apprentissage du langage écrit et conscience phonémique a fait couler
beaucoup d’encre. Ce débat s’est conclu sur une position partagée par de
nombreux chercheurs selon laquelle il existe une causalité réciproque entre
les deux domaines : les compétences de CP initiales facilitent l’apprentissage
des correspondances sons-lettres, cet apprentissage permettant d’accéder à la
conscience phonémique, qui en retour facilitera le décodage, etc. Il s’agit donc
ici d’un phénomène de co-construction des deux compétences.
Une seconde variable souvent associée à l’apprentissage de l’iden-
tification de mots est la MCTP. Ce stock à court terme maintient temporai-
rement l’information verbale dans un format phonologique (par exemple
324 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

un numéro de téléphone le temps de le composer sur le clavier de l’appa-


reil). L’information contenue dans ce stock se dégrade rapidement (après
1-2 secondes), à moins qu’elle ne soit rafraîchie au moyen de la récapitulation
articulatoire rendue possible par la boucle phonologique (se répéter subvo-
calement le numéro de téléphone). La MCTP est généralement évaluée par
le biais d’épreuves dans lesquelles on demande au participant de répéter des
items (syllabes sans signification, mots, chiffres) en faisant varier leurs carac-
téristiques (i.e. longueur, complexité et similarité phonologique) ainsi que les
contraintes de la tâche (notamment avec ou sans suppression articulatoire,
c’est-à-dire en demandant au participant de répéter « blabla » pour empêcher
le recours à la récapitulation articulatoire). Plusieurs travaux ont montré que
les performances des enfants dans les tâches de répétition de ce type avant
l’apprentissage de la lecture permettent de prédire leur niveau ultérieur en
identification de mots (e.g., Baddeley & Gathercole, 1992). Compte tenu
du fait que l’activité de décodage des mots écrits fait intervenir la MCTP de
manière intensive, en tout cas dans la phase pendant laquelle l’enfant effec-
tue laborieusement la conversion de lettres en sons, l’apprentissage de la
lecture constitue un facteur de développement de ce stock (Nation & Hulme,
2011). On peut donc penser qu’il existe pour cette variable également une
relation de causalité réciproque entre décodage et MCTP.
Une troisième variable est très souvent décrite comme ayant des
rapports étroits avec l’apprentissage de l’identification de mots. Il s’agit de
la DRA. Ce facteur n’est ainsi pas décrit sous la forme d’un processus ou
composant cognitif comme les deux variables précédentes, mais sous la
forme d’une tâche, ce qui est assez révélateur des questions qui se posent
encore quant à l’interprétation cognitive de cette activité. Dans la version
standard de la tâche, on demande au participant de dénommer le plus rapi-
dement possible un nombre limité (4-6) d’items familiers (objets, couleurs,
chiffres, lettres) qui sont présentés de manière répétée dans un ordre aléa-
toire. Typiquement, la présentation revêt la forme d’une matrice de 40 à 60
items. De nombreuses études montrent que la rapidité à la tâche DRA est
un prédicteur des performances de lecture concurrentes et/ou ultérieures
chez l’enfant (et chez l’adulte d’ailleurs ; Denckla & Cutting, 1999 ; Norton
& Wolf, 2012 ; Wolf, Bowers, & Biddle, 2000). Dans la plupart des études,
les performances des enfants dans les tâches de DRA utilisant des items
alphanumériques (dénomination de lettres ou de chiffres) constituent des
prédicteurs plus forts que ne le sont les performances dans les tâches de
DRA utilisant des objets ou des couleurs (Savage, Pillay, & Melidona, 2007 ;
Schatschneider, Fletcher, Francis, Carlson, & Foorman, 2004). Toutefois,
des corrélations significatives entre les performances aux tâches DRA avec
objets/couleur et celles à des tests de lecture ont également été observées
(Albuquerque, 2012 ; Caravolas et al., 2012 ; Pauly et al., 2011), et dans
quelques études, la DRA avec des objets s’avère même plus prédictive que
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 325

la DRA avec des items alphanumériques (Arnell, Joanisse, Klein, Busseri, &
Tannock, 2009).
La puissance prédictive respective de la DRA, de la CP (et, dans
une moindre mesure, de la MCTP) sur les compétences de lecture a été
comparée à maintes reprises. Ces comparaisons ont abouti à un ensemble
de résultats complexes indiquant que leur impact sur la maîtrise du langage
écrit est modulé par plusieurs facteurs, dont :

– la modalité (lecture vs écriture) et le type d’habiletés évalués (par


exemple fluence de lecture vs compréhension de texte) ;
– les propriétés des tâches (par exemple, présentation discrète vs
sérielle des stimuli) ;
– le type de mesures (vitesse vs précision) ;
– l’empan d’âge des participants ou, plus exactement, leur degré de
maîtrise de la littératie ;
– les caractéristiques des systèmes d’écriture en jeu (en termes de
consistance orthographique notamment).
Ainsi, il a été démontré que, dans les langues consistantes (finnois,
allemand, italien, portugais, turc), la DRA prédit la fluence de lecture à la
fois pour les mots et les pseudo-mots (mieux que ne le fait la CP), alors que
la CP est un prédicteur plus puissant de l’orthographe (Albuquerque, 2012 ;
Babayigit & Stainthorp, 2011 ; Landerl & Wimmer, 2008 ; Torppa, Georgiou,
Salmi, Eklund, & Lyytinen, 2012). Les résultats concernant les langues peu
consistantes (p. ex., anglais, français) sont moins clairs : certaines études
suggèrent qu’en anglais, la CP prédit les performances d’identification de
mots et de compréhension, et que la CP et la DRA prédisent les perfor-
mances d’orthographe (e.g., Savage et al., 2005), alors que d’autres mettent
en évidence un lien plus étroit entre DRA et lecture d’une part, et entre CP
et orthographe de l’autre tant dans des langues inconsistantes que dans des
langues consistantes (Furnes & Samuelsson, 2011). En dépit de ces résultats
apparemment contradictoires, l’idée qui prévaut est que, dans toutes les lan-
gues alphabétiques, la DRA et la CP contribuent toutes les deux de manière
unique aux habiletés de littératie, bien qu’une part de variance expliquée
pourrait également être partagée (de Jong, 2011). Cette conclusion est sou-
tenue par les résultats d’études à large échelle mettant en évidence une forte
corrélation entre CP et MCTP, mais des corrélations beaucoup plus modérées
entre ces deux variables et la DRA (Wagner, Torgesen, & Rashotte, 1994 ;
Powell, Stainthorp, Stuart, Garwood, & Quinlan, 2007).
Il n’en reste pas moins que l’interprétation de la DRA demeure
ouverte. Deux interprétations majeures sont proposées, parfois sous les éti-
quettes « phonologique » et « orthographique » (de Jong, 2011). Selon l’inter-
prétation phonologique, la DRA est intimement liée à l’identification de mots
326 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

car les deux tâches « font appel à la vitesse à laquelle des représentations
phonologiques peuvent être récupérées de la mémoire à long terme » (Lervag
& Hulme, 2009, p. 1040, traduction libre). Ces auteurs suggèrent également
que la tâche de DRA activerait des circuits de l’hémisphère gauche impliqués
dans la reconnaissance et la dénomination d’objets, circuits qui seraient
également recrutés lorsque l’enfant apprend à lire. La démonstration que
la récupération de mots évaluée au moyen d’autres tâches que la DRA (par
exemple récupérer un mot sur la base d’un indice sémantique) est également
liée aux habiletés de littératie constitue un argument supplémentaire en
faveur de l’hypothèse du rôle prédominant joué par la récupération de mots
dans la relation entre DRA et littératie (Penney, Hann, & Power, 1999). En
revanche, selon l’interprétation orthographique, « la vitesse de dénomination
est conceptualisée sous la forme d’un ensemble complexe de sous-processus
attentionnels, perceptifs, mnésiques, phonologiques, sémantiques et moteurs
qui mettent fortement en exergue les exigences de timing à l’intérieur de
chaque composant et à travers tous les composants » (Wolf et al., 2000,
p. 395, traduction libre). Dans ce cas, le lien étroit entre lecture et DRA
serait dû à la similarité des multiples processus partagés par les deux tâches.

1.2 Les troubles d’apprentissage de la lecture


Au sens strict, les troubles d’apprentissage décrits dans les classifica-
tions internationales concernent les difficultés à acquérir soit la lecture, soit
l’expression écrite, soit encore le domaine des mathématiques. Ces troubles
peuvent se présenter de manière isolée – encore qu’il existe un lien fort entre
trouble de l’identification et de la production des mots écrits – ou se cumuler
chez le même individu. Pour ce qui est de la lecture, l’équation évoquée ci-
dessus dans laquelle la compréhension d’un texte écrit est dépendante à la
fois de processus d’identification de mots écrits et d’autres processus liés à la
compréhension de phrases et de textes suggère que des enfants peuvent avoir
des problèmes dans l’acquisition de la lecture parce qu’ils ont des difficultés
à mettre en place soit les processus d’identification de mots écrits, soit les
processus de compréhension de phrases et de textes, soit éventuellement
les deux. De fait, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
(DSM-5) évoque pour les troubles de la lecture d’une part une « identification
de mots imprécise ou lente et laborieuse » et d’autre part une « difficulté à
comprendre la signification de ce qui est lu » (American Psychiatric Asso-
ciation, 2013, p. 66, traduction libre). Toutefois, ce qu’on appelle la dyslexie
développementale concerne spécifiquement les troubles de l’identification de
mots écrits. Elle est actuellement définie comme étant un trouble limité à des
difficultés dans la reconnaissance exacte et/ou fluente de mots écrits, ainsi
que par une orthographe des mots et des capacités de décodage limitées. Ces
difficultés résultent typiquement d’un déficit dans la composante phonolo-
gique du langage qui est souvent inattendu par rapport aux autres capacités
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 327

cognitives de l’enfant et à l’enseignement dispensé dans sa classe. Les consé-


quences secondaires peuvent inclure des problèmes dans la compréhension
en lecture. Cela peut entraîner une expérience réduite dans la lecture qui
pourrait empêcher la croissance du vocabulaire de l’enfant et ses connais-
sances générales (Lyon, Shaywitz, & Shaywitz, 2003, p. 2, traduction libre).
Les troubles de la compréhension sont eux plus larges, et affectent
les individus non seulement dans le langage écrit, mais également dans
le langage oral. Ces troubles sont souvent associés à d’autres diagnostics,
tels que les troubles spécifiques du langage (la dysphasie), les troubles du
spectre autistique, les troubles d’attention et/ou de mémoire, ou encore
dans le cadre de la déficience intellectuelle (p. ex., syndrome de Down). Les
troubles de compréhension sont de nature assez variable, et peuvent toucher
les processus d’inférence et d’intégration, de contrôle de la compréhension
(monitoring), ou encore ceux liés à la connaissance de la structure textuelle
(voir Cain & Oakhill, 2007).
Compte tenu de l’indépendance des processus d’identification de
mots écrits et de ceux de compréhension de phrases et de textes, les com-
pétences de lecture des individus peuvent être situées dans un espace formé
par un système d’axes représentant chacun une des dimensions de la lecture
(voir figure 11.1). Chaque lecteur peut ainsi être placé dans un des 4 qua-
drants en fonction de ses performances en identification de mots écrits et en
compréhension de textes. Typiquement, les enfants présentant une dyslexie
développementale se situent dans le quadrant supérieur gauche.

Figure 11.1. Schéma représentant les compétences


de compréhension écrite en fonction des deux principaux ensembles
de processus impliqués dans la lecture
328 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

1.2.1 La dyslexie développementale et ses causes


La définition présentée ci-dessus fait directement référence à une
cause liée à un « déficit dans la composante phonologique du langage » (Lyon
et al., 2003, p. 2, traduction libre). C’est actuellement l’hypothèse partagée
par les principaux modèles de la dyslexie. Pour certains auteurs, le déficit
phonologique constitue une cause nécessaire et suffisante. Pour d’autres,
elle serait la cause principale, mais pas la seule. L’hypothèse phonologique
concerne très exactement les processus qui ont été présentés ci-dessus
comme étant les principaux facteurs de prédiction de l’apprentissage de la
lecture : CP, MCTP, et DRA. Elle est cependant déclinée de manière diffé-
rente selon les chercheurs. Pour les uns, il s’agirait d’un trouble affectant
les représentations phonologiques en tant que telles. Par exemple, pour
Serniclaes, Van Heghe, Mousty, Carré et Sprenger-Charolles (2004), ce défi-
cit serait dû à un problème de perception catégorielle : les frontières entre
phonèmes seraient floues ou mal placées, ce qui aurait des conséquences
dans la réalisation des tâches de nature phonologique et donc dans l’appren-
tissage de la lecture. Pour d’autres, il n’y aurait pas réellement de déficit des
représentations phonologiques, mais plutôt un problème d’accès aux repré-
sentations phonologiques (Ramus & Szenkovits, 2008 ; Boets et al., 2013).
Pour d’autres encore, tels que les tenants de l’hypothèse du « double déficit »
(Wolf & Bowers, 1999), la dyslexie développementale est potentiellement
causée par deux déficits indépendants, soit un déficit de CP, soit un déficit
de DRA. Les deux déficits pourraient par ailleurs se combiner, donnant lieu
à une dyslexie plus sévère. Les résultats de la littérature à propos de cette
hypothèse ne sont toutefois pas univoques. Ainsi, Wimmer et Mayringer
(2002) ont réalisé deux études à large échelle démontrant l’existence en
allemand d’un sous-groupe d’enfants présentant un déficit de la fluence
de lecture sans trouble de l’orthographe. Les enfants de ce sous-groupe se
caractérisent par une lenteur en DRA, mais n’ont pas de déficits dans des
tâches de CP ou de MCTP. Un autre sous-groupe d’enfants présente un
déficit limité à l’orthographe. Ce sous-groupe se caractérise par un déficit
affectant la CP et la MCTP, sans déficit de DRA. Des résultats similaires
ont été rapportés ultérieurement par Powell et al. (2007), qui ont confirmé
auprès d’un échantillon anglophone l’existence de trois profils d’enfants
correspondant aux deux formes de déficit isolé (de la CP ou de la DRA) et
à la forme combinée (déficit de CP et de DRA). En italien, Brizzolara et al.
(2006) ont obtenu des résultats un peu différents : dans leur échantillon
d’enfants et d’adolescents dyslexiques, ils ont montré que tous avaient un
déficit de DRA, alors que seuls ceux ayant présenté un retard de langage
dans la petite enfance avaient un déficit de CP associé à un déficit de MCTP.
À l’âge scolaire, les deux sous-groupes ne se différenciaient cependant pas
dans leurs performances en identification et en production de mots écrits.
Dans la même perspective, Vandewalle, Boets, Ghesquière et Zink (2010)
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 329

ont montré que la CP et la MCTP ne semblent pas prédire la présence de


troubles de lecture chez des enfants néerlandophones avec un trouble spéci-
fique du langage, alors que la DRA mesurée à l’âge préscolaire est fortement
corrélée avec les performances ultérieures de lecture et d’orthographe.
Enfin, une revue de question portant sur les études (principalement en
anglais) ayant pour objectif de tester l’hypothèse du double déficit publiée il
y a quelques années (Vukovic & Siegel, 2006) indique que dans beaucoup de
ces études, on observe une corrélation positive entre les performances de CP
et celles de DRA, ce qui va à l’encontre de l’hypothèse d’une indépendance
(en tout cas totale) entre ces deux habiletés. Les auteurs soulignent par ail-
leurs que plusieurs études incluses dans cette méta-analyse ne mettent pas
en évidence de déficit isolé de la DRA chez des dyslexiques. Des recherches
supplémentaires seront nécessaires pour mieux comprendre les raisons de
ces divergences dans la littérature scientifique.
Relevons encore que certains autres auteurs ont développé des
variantes de l’hypothèse phonologique. Ainsi, selon le modèle Phonological-
core variable orthographic differences de van der Leij et Morfidi (2006),
il y aurait des contributions indépendantes des compétences phonologiques
et orthographiques dans la fluence de lecture et dans l’orthographe. Dans
ce modèle, tous les dyslexiques auraient un déficit phonologique, qui serait
plus perceptible dans le recodage phonologique (lecture de pseudo-mots)
que dans la CP ou la DRA (Bekebrede, van der Leij, & Share, 2009). En
revanche, il existerait une grande variabilité des compétences orthogra-
phiques parmi les dyslexiques, celles-ci étant mesurées par des tests de
choix orthographique (p. ex., demander laquelle parmi ces trois séquences
de lettres correspond à l’orthographe conventionnelle du français : fassilité
– facilité – facillité). Un autre modèle repose sur l’hypothèse que le déficit
central des dyslexiques ne se situe pas tant dans la phonologie en tant que
telle, mais plutôt dans la connectivité entre phonologie et orthographe
(Wimmer & Schurz, 2010).
En marge de ces variantes de l’hypothèse phonologique, d’autres
hypothèses continuent à être explorées soit comme compléments à l’hypo-
thèse phonologique, soit comme alternatives à celle-ci. Parmi ces hypothèses,
on trouve notamment :

– les hypothèses « sensorielles » selon lesquelles il existerait des


troubles du traitement visuel ou auditif sous-jacents à la dyslexie
(ou aux déficits phonologiques) ;
– l’hypothèse visuo-attentionnelle, qui attribue certaines formes de
dyslexie à des troubles de l’attention visuelle (taille de la « fenêtre
attentionnelle » visuelle) ;
– l’hypothèse cérébelleuse, selon laquelle certaines dyslexies seraient
consécutives à des troubles du cervelet, partie du système nerveux
330 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

central largement impliquée dans le contrôle de la motricité et dans


le phénomène d’automatisation des conduites ;
– l’hypothèse « magno-cellulaire » mettant en cause une mauvaise
organisation des différents systèmes magnocellulaires du cerveau
(en particulier dans les noyaux thalamiques qui assurent le relais
des informations de nature sensorielle au niveau sous-cortical) pour
expliquer la dyslexie. Ce dysfonctionnement empêcherait notam-
ment le traitement adéquat d’information de très courte durée quelle
que soit la modalité sensorielle, information cruciale dès lors qu’il
s’agit de distinguer certains sons proches (comme « ba » et « pa »)
en modalité auditive.
En résumé, les travaux effectués sur les processus impliqués dans
l’apprentissage de la lecture et ses difficultés dans les langues utilisant un
système d’écriture à base alphabétique soulignent le rôle fondamental joué
par les mécanismes de traitement des sons de la parole (la phonologie). Il
reste bien évidemment un important travail de recherche à effectuer pour
spécifier encore davantage les processus en jeu – phonologiques et autres –
et pour comprendre les raisons pour lesquelles on observe parfois des résul-
tats contradictoires dans cette littérature.

2. APPORT DES NEUROSCIENCES


À L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE
ET SES TROUBLES
Dans cette partie sera présenté d’abord un aperçu des connaissances
actuelles sur les bases cérébrales de la lecture experte et de l’apprentissage
de la lecture pour ensuite exposer les particularités observées chez les lec-
teurs dyslexiques. La littérature en neuro-imagerie de la lecture et de ses
troubles est tout aussi vaste que la littérature sur les sciences cognitives :
cette section n’a pas pour but d’en présenter un compte rendu exhaustif,
mais uniquement de résumer les aspects saillants dans l’état actuel des
connaissances qui permettent de rendre compte de certaines caractéris-
tiques des troubles de l’apprentissage de la lecture.

2.1 Corrélats neurofonctionnels de la lecture


et de son apprentissage
Alors que l’explosion des techniques modernes de neuro-imagerie
et des études qui s’en sont servies a commencé dans les années 1970, les
régions cérébrales impliquées dans la lecture ont été décrites bien avant
grâce à l’autopsie effectuée sur les cerveaux de patients dyslexiques. En
particulier les autopsies de cerveaux de personnes adultes qui avaient perdu
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 331

la capacité de lire suite à une lésion cérébrale ont fourni des indications sur
les régions impliquées dans le processus de lecture. Ainsi, Déjerine (1895)
a décrit le cas d’un commerçant cultivé, qui ne pouvait plus lire (tout en
parlant et écrivant normalement) dont l’autopsie a révélé des lésions dans la
région occipitale gauche (cf. figure 11.2). D’après la description de Déjerine
cette lésion a causé l’apparition des difficultés de lecture chez ce patient ce
qui permet d’inférer que cette région spécifique du cerveau est impliquée
dans les processus de lecture.

Figure 11.2. Représentation schématique des lobes et des principales


régions cérébrales de l’hémisphère gauche impliquées dans la lecture

Cette observation a ensuite été confirmée par les études en neuro-


imagerie fonctionnelle, c’est-à-dire utilisant des techniques permettant
d’identifier les régions cérébrales qui sont engagées durant la lecture. Il est
opportun de souligner ici que la grande majorité de ces études a analysé
la lecture (ou l’identification) de mots isolés et qu’une minorité d’études a
porté sur la lecture et la compréhension de phrases et de textes. Comme
nous l’avons vu plus haut, il est néanmoins reconnu que la capacité (et
rapidité) de lecture de mots isolés (de même que la rapidité de lecture de
textes) corrèle avec la compréhension écrite (Eason, Sabatini, Goldberg,
Bruce, & Cutting, 2013), mais que la compréhension implique un ensemble
de processus cognitifs (langagiers, mnésiques, exécutifs) qui dépassent les
processus de lecture.
Les études en neuro-imagerie portant sur la lecture de stimuli
écrits isolés ont ainsi confirmé qu’une région temporo-occipitale inférieure
332 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

de l’hémisphère gauche (appelée forme visuelle des mots ou Visual Word


Form Area, VWFA) répond automatiquement à la présentation visuelle de
mots. Cette aire cérébrale serait ainsi impliquée dans les processus les plus
précoces de la lecture, c’est-à-dire le traitement du code écrit (Salmelin,
Kiesilä, Uutela, Service, & Salonen, 1996 ; Cohen et al., 2000 ; Cohen &
Dehaene 2004 ; Brem et al., 2006 ; Vinckier et al., 2007). Les études élec-
trophysiologiques ont ensuite permis de déterminer le décours temporel de
l’activation de la VWFA, c’est-à-dire le délai entre la fixation d’un stimulus
visuel (un mot écrit par exemple) et l’activation de la VWFA. En combinant
des techniques d’électroencéphalographies (EEG), qui permettent l’enregis-
trement de potentiels évoqués en réponse aux événements (ERP) particu-
lièrement sensibles aux aspects temporels des activations cérébrales, avec
une technique moins précise au niveau temporel mais plus précise au niveau
de la localisation des activations cérébrales (la résonance magnétique céré-
brale fonctionnelle, IRMf), Brem et al. (2006) ont pu confirmer la relation
entre l’activité métabolique de la VWFA et une composante ERP appelée N1
qui apparaît entre 140 et 220 ms après la présentation du stimulus. Cette
composante N1 avait déjà été décrite comme étant la première composante
à différencier les mots présentés visuellement d’autres types de stimuli
(Bentin, Mouchetant-Rostaing, Giard, Echallier, & Pernier, 1999), ce qui
indique que le cerveau traite l’information orthographique dès 140-200 ms
après leur affichage.
Au-delà de cette aire temporo-occipitale gauche, un ensemble
d’autres réseaux cérébraux sous-tend la lecture. Ce vaste réseau reflète
l’ensemble des processus mis en œuvre en lecture, c’est-à-dire aussi bien les
processus spécifiques à la lecture (le décodage du code orthographique), que
les processus langagiers et attentionnels impliqués dans la lecture et dans
la compréhension de l’écrit. Des régions pariétales (gyrus supramarginal,
gyrus angulaire), frontales inférieures et temporales gauches (cf. figure 11.2)
connues pour être impliquées dans le traitement phonologique et séman-
tique sont ainsi également impliquées dans la lecture (Turkeltaub, Eden,
Jones, & Zeffiro, 2002 ; Vigneau et al., 2006).
Les techniques de neuro-imagerie ont également été utilisées pour
essayer de dissocier les réseaux cérébraux associés aux deux processus
d’identification des mots décrits plus haut, à savoir l’assemblage et l’adres-
sage. Par exemple, Paulesu et al. (2000) ont montré des différences dans
les réseaux neuronaux impliqués dans la lecture d’une langue à ortho-
graphe opaque et impliquant prioritairement les processus d’assemblage
(l’anglais) par rapport à une langue transparente comme l’italien, impli-
quant davantage les processus d’adressage. Dans cette étude des régions
temporales postérieures inférieures gauches et frontales antérieures
sont impliquées surtout lors de la lecture en anglais alors que la lecture
en italien active davantage des régions temporales supérieures gauches,
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 333

traditionnellement associées avec les processus phonologiques. D’autres


études ont abouti à des résultats similaires en comparant la lecture de
mots irréguliers (i.e. contenant des correspondances lettres-sons ambiguës
ou exceptionnelles – femme, tabac, yacht, etc. – et nécessitant ainsi une
identification par la voie lexicale ou d’adressage) à la lecture de mots régu-
liers (papa, animal, etc.) et de pseudo-mots (tropal, faroume, etc, lecture
par la voie phonologique ou assemblage). Mechelli et al. (2005) ont décrit
des activations plus importantes dans la région occipito-temporale et dans
le cortex frontal inférieur gauche lors de la lecture de mots irréguliers
par rapport à la lecture de mots réguliers et de pseudo-mots. Néanmoins
d’autres études ont également montré l’implication de régions du cortex
frontal inférieur gauche dans la lecture par la voie phonologique (Fiebach,
Friederici, Müller, & von Cramon, 2002 ; Heim et al., 2005). Ce qui semble
ressortir de ces études est ainsi un réseau impliquant davantage les aires
langagières associées aux processus sémantiques pour la lecture par voie
d’adressage et un réseau impliquant prioritairement les aires associées au
traitement phonologique pour la conversion grapho-phonémique (Price &
Mechelli, 2005).
En ce qui concerne le décours temporel des divers processus impli-
qués dans la lecture, les études comparant la lecture de mots irréguliers à la
lecture de pseudo-mots ont mis en évidence des différences dans l’activité
électrophysiologique entre la lecture par la voie lexicale (mots) et par la voie
phonologique (pseudo-mots) autour des 200-250 ms après la présentation de
stimuli écrits (Bentin et al., 1999 ; Hauk, Coutout, Holden, & Chen, 2012).
Une autre composante électrophysiologique apparaissant un peu plus tardi-
vement, approximativement 400 ms après la présentation d’un mot (appelée
N400), a été associée à l’intégration du sens du mot, car elle est sensible à la
manipulation de la congruence sémantique du mot par rapport au contexte
de la phrase (Kutas & Federmeier, 2000).
En résumé, la lecture d’un mot active en premier lieu (durant les
premières 200 ms) les aires visuelles et le VWFA, pour ensuite s’étendre
vers un réseau temporo-frontal avec une différence entre la lecture par voie
lexicale et par voie phonologique commençant autour des 250 ms après la
présentation des stimuli. Les études qui ont analysé les aires cérébrales
impliquées dans la compréhension écrite ont identifié un vaste réseau
comprenant l’activation d’aires temporales moyennes et supérieures et
frontales inférieures bilatérales (droites et gauches) en plus des aires déjà
décrites pour la lecture de mots isolés (Cooke et al., 2002 ; Jobard, Vigneau,
Mazoyer, & Tzourio-Mazoyer, 2007 ; Vigneau et al., 2006). Les études en
neuro-imagerie mentionnées ci-dessus ont été menées avec des participants
adultes ne présentant pas de difficulté de lecture. Il faut noter néanmoins
qu’il existe une certaine variabilité même parmi les adultes normo-lecteurs
(sans difficulté de lecture). Cette variabilité a été analysée par Seghier,
334 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Lee, T. Schofield, Ellis et Price (2008) qui ont séparé leurs participants
en deux groupes en fonction de la rapidité de lecture. Ils ont observé que
ceux présentant une lecture plus rapide activaient davantage les aires
temporo-occipitales postérieures et pariétales, alors que les lecteurs plus
lents activaient davantage les régions frontales inférieures associées avec
le traitement du réseau sémantique. En plus de montrer des variabilités
interindividuelles liées aux performances en lecture, ces résultats sug-
gèrent que cette variabilité pourrait être sous-tendue par des différences
interindividuelles dans l’implication des voies respectivement lexicale et
phonologique durant la lecture.
En ce qui concerne l’acquisition de la lecture, il a été montré que
les deux voies associées aux processus d’assemblage et d’adressage chez les
lecteurs adultes deviennent progressivement actives chez l’enfant apprenti-
lecteur (Schlaggar et al., 2002 ; Turkeltaub, Gareau, Flowers, Zeffiro, &
Eden, 2003). Cette spécialisation se reflète par une activation de plus en
plus latéralisée dans l’hémisphère gauche avec l’avancement dans l’acqui-
sition de la lecture. La même observation a été faite pour l’activation de
la VWFA, dont le degré d’activation corrèle avec l’acquisition de la lecture
(Shaywitz et al., 2007). Il est intéressant de noter que la spécialisation de
la composante N1 associée au traitement orthographique dans la VWFA
peut être obtenue par un entraînement de l’association entre des lettres et
les sons avant l’apprentissage de la lecture (Brem et al., 2010) et qu’elle
s’observe également chez des adultes apprenant un nouveau code écrit
(Brem et al., 2006).
Pour résumer, les études en neuro-imagerie ont identifié les réseaux
corticaux impliqués dans les processus spécifiques à la lecture ainsi que leur
décours temporel. Durant l’acquisition, l’activation de ces aires s’accroît
au fur et à mesure qu’augmente la performance du lecteur alors que les
amplitudes des potentiels évoqués électriques diminuent (Holcomb, Coffey,
& Neville, 1992 ; Kok & Rooijakkers, 1985), reflétant une automatisation
progressive des processus.

2.2 Différences interindividuelles


entre normo-lecteurs et lecteurs dyslexiques
Comme pour les bases cérébrales de la lecture décrites dans la
section précédente, les premières études analysant les particularités neu-
roanatomiques de personnes dyslexiques se sont fondées sur des autopsies
de cerveaux d’adultes qui ont présenté une dyslexie développementale au
cours de leur vie (Galaburda & Kemper, 1979 ; Galaburda, Sherman, Rosen,
Aboitiz, & Geschwind, 1985). Ces analyses ont mis en évidence des malfor-
mations corticales dans les régions frontales et temporales gauches ainsi
que la réduction de l’asymétrie du planum temporal (une structure du lobe
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 335

temporal normalement plus étendue à gauche qu’à droite) en comparaison


avec des cerveaux d’adultes non dyslexiques.
Plusieurs études de neuro-imagerie et d’électrophysiologie ont
ensuite porté sur les corrélats cérébraux de la dyslexie, tentant de déter-
miner dans quelle mesure les enfants souffrant de difficultés de lecture
diffèrent des enfants normo-lecteurs sur les plans neurofonctionnel et neu-
roanatomique. Les études comparant des groupes de lecteurs typiques et
atypiques ont recherché des différences liées soit au traitement de stimuli
visuels soit au traitement de stimuli auditif, soit encore dans les processus
attentionnels. Nous nous limiterons à présenter ci-dessous un résumé des
résultats des études comparant les groupes dans le traitement visuel (stimuli
écrits) et auditif (mots ou autres stimuli présentés à l’oral), avec une centra-
tion particulière sur les études ayant utilisé des mots écrits.

2.2.1 Modalité visuelle


Comme nous l’avons déjà souligné plus haut, les études comparant
normo-lecteurs et lecteurs dyslexiques ont analysé principalement la lecture
de stimuli (mots ou séquences de lettres) isolés. Shaywitz et al. (2002) ont
ainsi décrit des anomalies dans l’activation cérébrale des régions temporo-
pariétales et temporo-occipitales postérieures gauches durant la lecture de
mots isolés chez des enfants dyslexiques, mais également chez des adultes
dyslexiques développementaux (Shaywitz et al., 2003 ; van der Mark et al.,
2009 ; voir Richlan, Kronbichler, & Wimmer, 2009 pour une méta-analyse
récente). Le corrélat électrophysiologique correspondant à l’activation de la
VWFA (la composante appelée N1, apparaissant environ 200 ms après la pré-
sentation des stimuli visuels, cf. section 3.1) semble également différer entre
normo-lecteurs et lecteurs dyslexiques (Araujo, Bramão, Faísca, Petersson,
& Reis, 2012 ; Kast, Elmer, Jäncke, & Meyer, 2010 ; Maurer et al., 2007 ; Sal-
melin, Helenius, & Service, 2000). Par exemple, Salmelin et al. (2000) ont
décrit des modulations du signal MEG environ 200 ms après la présentation
d’un mot écrit chez des adultes dyslexiques comparés à un groupe contrôle.
Chez des enfants de 8 à 12 ans, Kast et al. (2010) ont également décrit des
potentiels évoqués de plus grande amplitude chez les normo-lecteurs compa-
rés au groupe de lecteurs dyslexiques en réponse à la présentation de mots
et de pseudo-mots dans l’intervalle temporel correspondant à l’activation
de la WVFA. Une étude longitudinale de Maurer et al. (2007) comparant
les enfants avant et après l’apprentissage de la lecture (entre 6 et 8 ans) a
également rapporté des différences dans les composantes électrophysiolo-
giques reflétant l’activité de la VWFA entre des enfants avec ou sans risques
de développer une dyslexie (évaluée en fonction de la présence de dyslexie
dans la famille de premier degré). Alors que cette aire se spécialise dans le
traitement des lettres durant la période initiale d’apprentissage de la lecture
chez les enfants typiques, cette spécialisation est moindre chez les enfants
336 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

dyslexiques. Ce même groupe d’enfants a été suivi et étudié à nouveau à l’âge


de 11 ans (Maurer et al., 2011). La différence entre les groupes a totalement
disparu en termes de processus électrophysiologiques, ce qui permet de
penser qu’il existe dans la dyslexie un retard développemental dans les
processus de traitement des stimuli écrits plutôt qu’un déficit permanent.
Cependant, cette hypothèse du simple retard développemental n’est pas
appuyée par toutes les recherches, car la persistance de différences entre
groupes a également été observée (Araujo et al., 2012).
La sous-activation de ces aires de l’hémisphère gauche chez les
lecteurs en difficulté a été identifiée par plusieurs études et dans plusieurs
langues, mais avec quelques différences inter-langues probablement liées
aux propriétés orthographiques. Paulesu et al. (2001) ont décrit des activités
réduites dans les régions temporales et occipitales gauches chez des adultes
dyslexiques en Italie, France, et Angleterre, c’est-à-dire chez des personnes
en difficulté de lecture d’un code orthographique transparent (l’italien),
opaque (l’anglais) et intermédiaire (le français). Néanmoins, lorsque les
études ont été menées auprès d’enfants dyslexiques en chinois (avec un
système d’écriture logographique), les différences avec les bons lecteurs
ont été identifiées dans le gyrus frontal moyen gauche (Siok, Perfetti, Jin, &
Tan, 2004). Ces différences entre les langues sont à mettre en relation avec
les différences entre les systèmes orthographiques et les voies de lecture.
Des différences dans les potentiels évoqués tardifs (apparaissant
après le complexe P1-N1, cf. section 3.1 ci-dessus) en fonction du niveau de
lecture ont également été rapportées. Par exemple, Schulz et al. (2008) ont
comparé des enfants dyslexiques à un groupe contrôle apparié en âge mais
aussi à un groupe d’enfants plus jeunes appariés à leur niveau de lecture.
Leurs résultats montrent que la modulation de la N400, une composante
du signal EEG/ERP apparaissant environ 400 ms après la présentation du
mot qui reflète l’intégration sémantique (le sens) du mot, est similaire pour
le groupe dyslexique et pour le groupe apparié en niveau de lecture, alors
qu’elle est différente dans le groupe apparié en âge. Ainsi, tout comme
pour les résultats observés sur la N1 et la VWFA, ces données soutiennent
l’hypothèse d’un retard développemental dans la dyslexie également lors de
l’intégration du sens des mots écrits, à l’instar de ce qui avait été rapporté
dans d’autres études portant sur la dyslexie (Brandeis, Vitacco, & Steinhau-
sen, 1994 ; Schulz et al., 2008).
Lorsque des groupes de normo-lecteurs et de lecteurs atypiques sont
comparés dans des tâches de lecture de textes, les études ont montré des
activations plus importantes dans les réseaux cérébraux sous-tendant les
processus linguistiques et attentionnels de la compréhension écrite (Rimrodt
et al., 2008), signe probable d’un effort accru chez les dyslexiques pour
parvenir à une compréhension du texte écrit.
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 337

Pour résumer, la vaste littérature en neuro-imagerie comparant les


bons lecteurs aux lecteurs dyslexiques dans des orthographes alphabétiques
a mis généralement en évidence des variations neuroanatomiques et neuro-
physiologiques associées à des différences lors du traitement précoce des sti-
muli visuels, mais aussi lors de leur intégration sémantique. Ces différences
sont interprétées comme un simple retard développemental par les cher-
cheurs qui ont observé qu’elles disparaissent sur le long terme ; elles sont
attribuées à des différences plus fondamentales et intrinsèques lorsque les
différences persistent dans les études longitudinales. L’interprétation de l’ori-
gine des différences au niveau des activités cérébrales entre normo-lecteurs
et lecteurs dyslexiques doit toutefois être considérée avec précaution ; en
effet, ces anomalies qui sont souvent interprétées comme étant la cause de
la dyslexie pourraient aussi être la conséquence de la dyslexie, puisqu’on
sait actuellement que les activations et les structures cérébrales se modifient
avec l’expertise et la pratique (Maguire et al., 2000 ; Draganski et al., 2004).

2.2.2 Modalité auditive


Le rôle des processus phonologiques identifiés dans les études
cognitives sur la dyslexie résumées plus haut a été également étudié en
neuro-imagerie. Ces études ont analysé essentiellement des composantes
de potentiels évoqués auditifs connues pour indexer des processus cognitifs
bien particuliers. Ainsi, la Mismatch Negativity (MMN) apparaissant environ
150-250 ms après la présentation d’un stimulus auditif déviant (oddball) dans
une série de stimuli similaires (p. ex., pa-pa-pa-ba-pa-pa), indique que le cer-
veau a identifié la différence. La recherche sur la MMN a conduit à une série
d’observations sur les populations dyslexiques exposées à des stimuli verbaux
(voir Schulte-Körne & Bruder, 2010, et Hämäläinen, Salminen, & Leppänen,
2013, pour des revues récentes). Par exemple, il a été démontré que dès l’âge
de 17 mois, des enfants à risque familial de développer une dyslexie diffèrent
d’une population sans risque en ne montrant aucune MMN aux stimuli déviants
dans une tâche oddball classique (van Zuijen et al., 2012). D’autres études ont
rapporté une réponse MMN diminuée chez des enfants plus âgés à risque fami-
lial de dyslexie (e.g., des enfants de 6 ans dans l’étude de Noordenbos, Segers,
Serniclaes, Mitterer, & Verhoeven, 2012). En parallèle, il a également été
observé que des modulations de cette réduction de la MMN étaient possibles
après un entraînement de trois heures sur la CP chez un groupe d’enfants
de 6 ans présentant des difficultés de lecture (Lovio, Halttunen, Lyytinen,
Näätänen, & Kujala, 2012). Il semblerait donc qu’un entraînement, même de
courte durée, peut offrir une réelle amélioration chez les enfants dyslexiques.
338 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

2.3 Rôle des facteurs génétiques


Si l’on se place du point de vue de l’évolution de l’espèce humaine,
le langage écrit est une invention culturelle récente (environ 6 000 ans pour
les véritables systèmes d’écriture), dont l’usage a longtemps été réservé à
une petite minorité d’individus. L’idée qu’il pourrait y avoir un « gène de
la lecture » comme on peut parfois le lire dans la presse non spécialisée
est tout à fait farfelue. Toutefois, la facilité ou la difficulté avec laquelle
les individus apprennent à lire et à écrire pourrait être influencée par des
facteurs génétiques. En effet, un nombre important d’études ont été réa-
lisées dans le but de comparer les performances de jumeaux homozygotes
(100 % du patrimoine génétique commun) et celles de jumeaux dizygotes
(50 % des gènes polymorphes en commun), une méthode classique visant
à quantifier les contributions respectives des facteurs génétiques et envi-
ronnementaux. Ces études ont pour les unes porté sur des enfants et
adolescents normo-lecteurs, et pour les autres sur des individus présen-
tant des troubles d’apprentissage du langage écrit. Les résultats pointent
tous dans la même direction : la part de variance jouée par les facteurs
génétiques dans l’explication des différences interindividuelles en matière
d’apprentissage de la lecture est élevée, s’échelonnant selon les études
et les composants cognitifs examinés entre 40 et 70 %. Dans ces mêmes
études, l’environnement partagé n’explique en moyenne que 30 % de la
variance (Grigorenko, 2004).
L’intérêt pour ce domaine est particulièrement vif du côté de la
dyslexie, par rapport à laquelle l’hypothèse d’une transmission familiale
remonte déjà à plus de 100 ans. Actuellement, on parle de prédisposi-
tion ou de susceptibilité à la dyslexie, cette prédisposition s’actualisant
de manière différente selon les environnements. Ainsi, il est bien connu
que la prévalence des difficultés de lecture varie selon les milieux socio-
économiques, cette prévalence étant jusqu’à 5 fois plus élevée dans les
milieux défavorisés que dans les milieux favorisés (Fluss et al., 2009).
Il s’agit là d’une démonstration particulièrement éloquente du rôle que
jouent les stimulations de l’environnement et l’accompagnement offert à
l’apprenti-lecteur.
Les études de génétique moléculaire ont permis d’établir des liens
entre la dyslexie et plusieurs sites localisés sur au moins 7 chromosomes (1,
2, 3, 6, 7, 15 et 18). Il faut toutefois rester prudent à propos de l’interpréta-
tion de ce lien pour deux raisons. Premièrement, les études effectuées dans
le domaine aboutissent pour la plupart à la mise en évidence d’un nouveau
site plutôt que de confirmer les sites identifiés dans les études précédentes
portant sur des échantillons différents. Secondement, à une exception près,
la fonction des quelques gènes identifiés n’est pas clairement établie à ce
jour (voir Grigorenko & Naples, 2009).
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 339

3. IMPLICATIONS PÉDAGOGIQUES /
CONSÉQUENCES POUR L’ENSEIGNEMENT
Pour ce qui est de l’enseignement de la lecture et de la prise en
charge des difficultés de lecture, il semble se dégager un certain consen-
sus dans la littérature scientifique concernant une approche en 3 niveaux
ou vagues (Griffiths & Stuart, 2013 ; Snowling & Hulme, 2012) selon une
approche appelée « réponse à l’intervention » :

– le premier niveau concerne les « bonnes pratiques » à promouvoir


en matière d’enseignement initial de la lecture au sein de la classe.
Ces bonnes pratiques devraient viser à renforcer les compétences de
langage oral sur lesquelles s’appuie l’apprentissage du langage écrit.
Pour l’identification de mots écrits, les études actuelles démontrent
clairement le rôle causal joué par les connaissances du code (nom/
son des lettres) et les compétences phonologiques. Ces deux types
d’habiletés devraient donc être spécifiquement et explicitement tra-
vaillés avec les élèves. Par ailleurs, un travail complémentaire devrait
viser à renforcer les compétences sous-jacentes à la compréhension
orale et écrite et à élaborer des stratégies de compréhension écrite ;
– le deuxième niveau devrait être mis en place quelques mois après
le début de l’enseignement formel de la lecture et de l’écriture
et concerne spécifiquement les élèves qui n’atteignent pas les
objectifs d’apprentissage à la fin du premier semestre ou de la
première année selon les études. L’approche « réponse à l’interven-
tion » suggère d’effectuer avec ce sous-groupe d’enfants identifiés
comme étant « à risque » pour l’apprentissage de la lecture une
intervention supplémentaire par petit groupe ou individuellement.
Les études montrent que la plus grande efficacité est obtenue par
l’entraînement systématique et structuré des correspondances
graphèmes-phonèmes incluant un travail de manipulation des sons
(segmentation, fusion, etc.). Les bénéfices semblent plus élevés
encore si cette intervention ciblée sur la dimension phonologique
est insérée dans un contexte plus large d’exercices de lecture de
mots, de phrases et de textes et de production écrite. Cette inter-
vention est généralement effectuée pendant une période limitée
(typiquement 10-20 semaines). Les études montrent que les enfants
répondent de manière différenciée à de telles interventions, et que
la manière dont ils répondent à cet entraînement spécifique est très
prédictif de leur niveau ultérieur de lecture, y compris des années
plus tard (e.g., Vellutino, Fletcher, Snowling, & Scanlon, 2004). En
effet, certains enfants bénéficient de ce soutien temporaire au point
de rejoindre le niveau moyen des enfants de la classe. Ces enfants
340 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

semblent poursuivre sur cette lancée, et gardent un niveau de lec-


ture dans la moyenne au cours de la suite de leur scolarité. À l’autre
extrême, les enfants qui, malgré l’entraînement spécifique proposé,
ne réalisent que peu de progrès sont ceux qui risquent de conserver
un niveau de lecture insuffisant par la suite, et qui nécessiteront une
prise en charge de 3e niveau ;
– le troisième niveau est celui dans lequel doivent intervenir d’autres
spécialistes pour effectuer un bilan plus détaillé sur le plan du déve-
loppement de l’enfant. Sur la base de ce bilan et du diagnostic qui
pourra être éventuellement posé, un programme personnalisé devra
être mis en place avec des mesures spéciales adaptées aux besoins
de l’enfant en fonction de ses forces et de ses faiblesses. C’est ce que
nous nous proposons de développer en plus de détails ci-dessous.

Prise en charge des dyslexies


Lorsqu’un diagnostic de dyslexie a été posé ou lorsque des difficul-
tés d’apprentissage de la lecture sont observées, une prise en charge est
généralement proposée. Celle-ci peut avoir des formes diverses qui vont des
adaptations pédagogiques à la prise en charge logopédique/orthophonique
en passant par les mesures d’adaptation. Le but de ces interventions est de
diminuer le décalage dans les capacités de lecture et ses conséquences sur
les apprentissages à court et à long terme. Alors que les mesures d’adapta-
tion à l’école visent à mettre l’apprenant avec des difficultés de lecture dans
des conditions qui ne le pénalisent pas par rapport à ses camarades lecteurs
typiques dans des situations pédagogiques ou d’évaluation (par exemple en
leur allouant davantage de temps lors des exercices ou des évaluations),
les adaptations pédagogiques et les prises en charge logopédique/orthopho-
niques s’appuient sur des méthodes pédagogiques/éducatives qui s’inspirent
souvent des théories cognitives de la lecture exposées ci-dessus. Elles pro-
posent par exemple des prises en charge centrées sur les associations entre
lettres et phonèmes (rééducations « phoniques »), des prises en charge
centrées sur les compétences phonologiques et métaphonologiques, et des
rééducations basées sur les compétences en perception auditive ou visuelle.
Quelle que soit l’approche de la prise en charge se pose la question
de son efficacité, c’est-à-dire la question de savoir si la méthode proposée est
en effet en mesure d’aider l’enfant à récupérer son retard dans l’acquisition
de la lecture et à diminuer les conséquences de ce retard sur les apprentis-
sages. Toutes les méthodes de rééducation proposées en cas de dyslexies
n’ont pas fait l’objet d’une validation systématique. Pour évaluer l’efficacité
d’une méthode de rééducation, il faudrait en effet pouvoir prouver que les
améliorations observées lorsqu’un enfant bénéficie d’une prise en charge
sont attribuables à l’approche proposée et ne sont pas le résultat de la matu-
L’apprentissage de la lecture et ses troubles 341

ration et de l’évolution naturelle de l’enfant. Dans ce qui suit, nous proposons


une synthèse des principales approches de rééducation ayant fait l’objet
d’une validation systématique et de méta-analyses récentes.
Il existe pour la plupart de ces approches plusieurs études sur leur
efficacité qui n’aboutissent pas toujours aux mêmes résultats. Par exemple,
des programmes de rééducation basés sur l’entraînement de la perception
auditive des sons de parole ont été proposés dans le cadre du courant théo-
rique selon lequel les dyslexies seraient sous-tendues par des troubles du
traitement auditif (Tallal, 1980). Cette approche fondée sur des programmes
informatisés et commercialisés (« Fast ForWord ») a été validée par cer-
taines études (e.g., Tallal, 2004) et a été largement utilisée avec des enfants
présentant des troubles du langage ainsi qu’avec des enfants dyslexiques sur
le continent nord-américain. Néanmoins, toutes les études visant à déter-
miner l’efficacité de l’approche Fast ForWord n’ont pas abouti aux mêmes
résultats que les auteurs du programme. Une méta-analyse récente (Strong,
Torgerson, D. Torgerson, & Hulme, 2010) incluant une série d’études métho-
dologiquement rigoureuses conclut à une absence de preuves sur l’efficacité
de cette approche lorsqu’elle est comparée à d’autres approches ou à des
groupes d’enfants sans rééducation.
Il existe également un nombre important d’études analysant l’effi-
cacité des méthodes « phoniques ». Dans ces approches, la rééducation des
enfants faibles lecteurs ou dyslexiques propose un entraînement intensif des
associations graphèmes-phonèmes, parfois à l’aide de programmes informa-
tisés et parfois en association avec d’autres approches, en particulier avec
l’entraînement de la CP. Une méta-analyse incluant uniquement des études
évaluant les progrès après rééducation de type phonique pure (non associée
à d’autres rééducations) comparativement à d’autres approches (McArthur
et al., 2012) conclut à un effet positif des thérapies phoniques. Les effets
d’une telle intervention s’observent essentiellement dans l’amélioration de
la capacité de lecture de pseudo-mots, moyennement dans l’amélioration de
la lecture de mots, et ils semblent beaucoup plus limités sur la fluidité de
lecture et sur la compréhension de textes.
Rappelons ici qu’une modulation neurofonctionnelle (la spécialisa-
tion de la composante ERP associée au traitement orthographique) a été
observée suite à un entraînement de type phonique chez des enfants pré-
lecteurs (Brem et al., 2010) et chez des adultes apprenant un nouveau code
écrit (Brem et al., 2006, cf. § 3.1).
Il est à noter également que les études incluses dans les méta-
analyses mentionnées ci-dessus ont examiné les résultats suite à la réédu-
cation chez des groupes importants de participants soumis au même type
de prise en charge. Ces participants ont généralement été sélectionnés en
fonction de la présence de difficultés de lecture, mais les groupes peuvent
342 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

se composer de participants avec des profils hétérogènes. Une approche


plus individualisée est par contre généralement mise en place dans la réé-
ducation logopédique/orthophonique. Dans ce cas le choix des approches
de rééducation peut-être guidé par le profil individuel issu d’une évaluation
détaillée des compétences en lecture en fonction des théories cognitives
ainsi que des autres capacités cognitives (p. ex., phonologiques, auditives,
visuelles). Malheureusement les études dans ce contexte de prise en
charge individualisée sont très peu nombreuses et seules les références
aux études de groupe permettent pour le moment une vision de l’efficacité
des approches.

REMERCIEMENTS
Ce chapitre a été écrit dans le cadre du subside du Fonds national
suisse de la recherche scientifique n° 100014_149595 Rapid naming and
reading skills in school-aged children : A behavioral and ERP approach
to the contribution of the lexical-phonological processes.

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Chapitre 12
Neurosciences de la Musique
Clément FRANÇOIS et Daniele SCHÖN

Depuis déjà de nombreuses années, les progrès de la recherche dans


le domaine des neurosciences, de la psychologie et des sciences cognitives
ont permis de mieux appréhender le fonctionnement du cerveau. Ces pro-
grès considérables permettent aujourd’hui et permettront demain une meil-
leure détection et prise en charge ainsi qu’un meilleur traitement de sérieux
problèmes de santé publique tels que les troubles neuro-développementaux
résultant souvent en de difficiles troubles de l’apprentissage. Récemment,
tout un pan de recherche s’est développé et vise à utiliser la musique comme
outil pour étudier la plasticité cérébrale, notamment afin de développer cer-
taines compétences qui sont cruciales pour un développement linguistique
et cognitif optimal. Grâce à ses propriétés multisensorielles, hédoniques,
structurelles et sociales, la pratique de la musique a certainement un rôle
important à jouer dans le développement et la progression des sciences de
l’éducation. Nous reportons dans ce chapitre les bases développementales
de la perception du langage et de la musique chez le bébé, qui plus tard est
susceptible de devenir musicien et de voir ainsi son cerveau modifié par la
pratique de la musique. Grâce à une forte demande de la musique exercée
sur l’ensemble du réseau audio-moteur, le musicien présente ainsi des par-
ticularités anatomo-fonctionnelles qui lui confèrent une sensibilité accrue
pour différents paramètres du signal de parole l’avantageant ainsi dans diffé-
rents apprentissages. La plasticité induite par la pratique musicale est l’objet
de la seconde partie. Nous concluons ce chapitre en reportant un exemple
d’application d’utilisation de la pratique musicale en vue de pallier certains
352 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

problèmes rencontrés dans la dyslexie et décrivons les études s’intéressant


au lien entre musique et intelligence.

1. LANGAGE ET MUSIQUE :
DES COMPÉTENCES PERCEPTIVES
QUI SE DÉVELOPPENT TRÈS TÔT
1.1 Avant la naissance
Déjà quelques mois avant la naissance, alors que le système
visuel n’est pas encore mature, le système auditif humain est quant à
lui tout à fait fonctionnel (Chelli & Chanoufi, 2008). Le futur nourrisson
perçoit bien les sons de l’environnement, principalement les sons de
basses fréquences portant la mélodie du langage, la prosodie. Le fœtus
se développe au rythme des battements cardiaques de la mère agissant
tel un métronome et constituant sa première expérience avec le rythme.
Dès le 3e mois de grossesse, il apprend à connaître, reconnaître la voix
de sa mère et arrive même à mémoriser les berceuses qu’elle lui chante
(Sansavini, Bertoncini, & Giovanelli, 1997 ; Kisilevsky et al., 2003 ;
Kisilevsky et al., 2009 ; Granier-Deferre, Ribeiro, Jacquet, & Bassereau,
2011). L’activité magnétique cérébrale (reflétant l’activité synchronisée
de milliers de neurones corticaux) peut d’ores et déjà être mesurée
avant la naissance grâce à la Magnéto-Encéphalographie fœtale. Ainsi, le
fœtus de 3 mois détecte des changements de fréquence (Draganova et
al., 2005 ; Huotilainen et al., 2005) et manifeste déjà la réponse corticale
dite de négativité de discordance ou MMN (pour Mismatch Negativity)
bien connue chez l’adulte et le nouveau-né et qui indique la présence
d’une trace mnésique, générée d’une manière automatique, de régula-
rités physiques ou abstraites. Une fois né et propulsé dans un nouvel
environnement très bruyant, dans lequel l’oreille change de mode de
fonctionnement, passant d’une conduction liquidienne à une conduction
aérienne, le nouveau-né est ainsi déjà doté de grandes compétences dans
le domaine auditif, lesquelles sont désormais plus facilement observables,
accessibles et quantifiables. Il est du coup possible de constater qu’au
cours de la première année de vie, le bébé va connaître un raffinement
progressif de sa sensibilité auditive, tant pour les sons linguistiques que
pour les sons musicaux avec une spécialisation de la perception pour les
contrastes auxquels le bébé est exposé, et une réduction de la sensibilité
aux contrastes moins familiers.
Neurosciences de la Musique 353

1.2 Pendant la première année de vie


Durant les 6 premiers mois de sa vie, le bébé est souvent considéré
comme un citoyen du monde. En effet, du point de vue musical il est sen-
sible à différents styles musicaux tout en étant, du point de vue linguistique,
sensible aux sons de toutes les langues. Il arrive ainsi à percevoir des modifi-
cations de hauteur dans des mélodies issues du système musical dans lequel
il est immergé mais également issues d’un système musical différent (e.g.,
musique javanaise, Lynch, Eilers, Oller, & Urbano, 1990). Il se produit sen-
siblement le même phénomène vis-à-vis de la perception du rythme : avant
6 mois, le bébé arrive à détecter des changements dans des structures ryth-
miques complexes qui ne sont que très peu présentes dans le système musi-
cal dans lequel il est immergé (Hannon & Trehub, 2005). Sous l’influence
de son environnement culturel, il va progressivement perdre la sensibilité
pour ces différents paramètres jusqu’à ce que son oreille « s’accorde » à la
musique de son environnement. Ainsi, à 12 mois le bébé se comporte comme
un adulte et ne détecte plus les fausses notes dans des mélodies issues d’un
système musical étranger (Lynch & Eilers, 1992).
Du point de vue linguistique, avant ses 6 mois, le bébé est sensible aux
contrastes phonétiques de toutes les langues alors que l’adulte, sauf dans le cas
du bilinguisme, a perdu cette sensibilité et ne perçoit plus que les phonèmes
de sa langue maternelle (Cheour et al., 1998 ; Kuhl, 2004). La perception
catégorielle des phonèmes a été étudiée chez des bébés japonais et américains
à 6-8 mois et 10-12 mois. Alors qu’à 6-8 mois les bébés japonais et américains
catégorisent de la même manière le contraste phonétique « ra »/« la », à
10-12 mois les bébés japonais ne catégorisent plus ces deux contrastes comme
étant différents alors que les bébés américains font la différence. Les petits
Japonais ont donc perdu la sensibilité à ce contraste phonologique entre 6-8
et 10-12 mois, contraste phonologique qui n’est pas signifiant en japonais alors
qu’il l’est en anglais. Ainsi, jusqu’aux alentours de 10 mois, le bébé différencie
les consonnes de différentes langues mais il a déjà perdu cette sensibilité pour
les voyelles entre 6 et 8 mois (Polka & Werker, 1994 ; Werker & Tees, 1984).
Aux alentours de 9 mois, le bébé reconnaît les patrons rythmiques de sa langue
maternelle alors qu’il ne reconnaît plus ceux de différentes langues étrangères
(Jusczyk, 2000). Il apparaît ainsi intéressant de constater que la sensibilité
pour les différents paramètres de la musique et du langage suivent un déve-
loppement relativement comparable chez le tout petit et que la diminution de
cette sensibilité ne se fait quasiment que grâce à l’immersion dans un monde
aux propriétés culturelles linguistiques et musicales bien spécifiques modelant
et accordant le cerveau du bébé à son environnement.
354 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

2. L’ACQUISITION DU LANGAGE
ET DE LA MUSIQUE. EXTRAIRE LES MOTS
DE LA PAROLE ET LEUR ATTRIBUER DU SENS :
LES PROBLÈMES DE SEGMENTATION ET
D’ASSOCIATION MOT-IMAGE CHEZ LE BÉBÉ
Déjà avant le babillage, période pendant laquelle il produit inlassa-
blement les mêmes phonèmes de manière répétée, le tout petit reconnaît
vite certains mots familiers et arrive à segmenter un flot continu de paroles.
Cette capacité à segmenter et extraire les mots du signal continu de paroles
est considérée comme une étape fondamentale dans l’acquisition du lan-
gage, elle est un prérequis obligatoire pour un développement linguistique
de bonne qualité. En effet, des études ont montré un lien fort entre cette
capacité de segmentation et les compétences linguistiques (mesurées par la
taille du lexique productif et perceptif) à l’âge de 24 mois (Newman, Ratner,
Jusczyk, Jusczyk, & Dow, 2006 ; Singh Reznick, & Xuehua, 2012). De plus,
cette compétence est souvent déficitaire chez les grands prématurés (Bosch,
2012) qui présentent généralement plus tard un développement linguistique
altéré entre 30 et 40 mois (Sansavini et al., 2010). Il est d’ailleurs assez facile
de mesurer la difficulté de cette étape lorsqu’on écoute pour la première fois
de sa vie une langue étrangère très éloignée de la sienne. Pourtant, là encore,
cette capacité se développe de manière automatique et serait notamment
dépendante des propriétés structurelles des séquences de phonèmes. En
se basant sur l’observation que l’organisation structurelle des phonèmes
est une dimension importante du signal de parole (Hayes & Clark, 1970),
Saffran, Aslin et Newport (1996) ont étudié la capacité de segmentation
chez le bébé de 6 mois dans une configuration de laboratoire à l’aide d’un
langage artificiel miniature régi par des règles statistiques. L’idée est que les
deux syllabes « jo » et « li » par exemple, soient entendues l’une après l’autre
fréquemment, d’ailleurs « joli » est un vrai mot français qui sera entendu
suivi de mots qui la plupart du temps sont tous différents. Ainsi, de manière
générale, les syllabes qui se trouvent à l’intérieur des mots, et donc qui for-
ment les vrais mots du langage, apparaissent plus souvent ensemble (et donc
présentent une forte probabilité d’occurrence) que les syllabes se trouvant
aux frontières des mots, à cheval entre deux mots (qui présentent elles une
faible probabilité d’occurrence). Ainsi, des bébés de 6 mois arrivent à recon-
naître et donc à segmenter les mots du langage après seulement 2 minutes
d’écoute de ce flux continu de syllabes synthétiques sur la seule base des
propriétés statistiques. De manière intéressante, les bébés présentent une
sensibilité similaire pour des séquences de sons musicaux suggérant que ce
type d’apprentissage est commun à l’acquisition du langage et de la musique
(Saffran, Johnson, Aslin, & Newport, 1999).
Neurosciences de la Musique 355

Pour autant, hormis ces indices statistiques, de nombreux indices


acoustiques sont présents dans le signal de parole naturelle et permettent tout
de même de faciliter la bonne extraction des mots d’une phrase. Ces indices
acoustiques tels que les changements de contour prosodiques par exemple,
vont former la mélodie du langage et donc permettre de différencier une phrase
affirmative d’une phrase interrogative. En effet, les phrases interrogatives sont
caractérisées par une augmentation de la hauteur en fin de phrase alors que
les phrases affirmatives sont plutôt caractérisées par une diminution de la
hauteur (Liberman & Pierrehumbert, 1984). Ces variations prosodiques sont
importantes pour l’acquisition du langage chez les bébés et là aussi, les grands
prématurés semblent présenter un déficit du traitement de l’information pro-
sodique pendant les 6 premiers mois de vie (Herold, Höhle, Walch, Weber, &
Obladen, 2008). Lorsque l’on parle à un nouveau-né, même pour la première
fois et même si ce n’est pas le sien, on parle avec une intonation particulière
en utilisant une prosodie exagérée appelée Infant Directed Speech (IDS, ou
motherese ou parler bébé). En comparaison avec le discours dirigé vers l’adulte
(Adult Directed Speech, ADS), l’IDS se caractérise par un débit de parole plus
faible, de plus grandes variations de hauteur et de contour, des pauses plus
grandes, des structures de phrases plus simples (Fernald, 1992). Ainsi, les
nouveau-nés segmentent mieux un discours prononcé avec une prosodie de
type IDS qu’un discours prononcé avec une prosodie de type ADS (Thiessen,
Hill, & Saffran, 2005). Dans la même veine, l’IDS facilite la segmentation des
derniers mots dans une phrase (Aslin, 2000). Dans la mesure où l’enfant ne
comprend pas encore les mots du langage, l’exagération des variations pro-
sodiques aurait une fonction émotionnelle, attentionnelle et linguistique dont
les régularités de contour prosodique seraient utilisées pour segmenter le flux
de paroles (Trainor, Austin, & Desjardins, 2000). De manière intéressante, ces
auteurs ont également montré que les nouveau-nés préféraient le chant de leur
mère plutôt que le discours parlé de leur mère (Trainor, 1996).
Le bénéfice apporté par la dimension mélodique contenu dans un
signal de parole chantée sur la capacité de segmentation a ainsi été démontré
récemment. Dans cette étude, Schön et al. (2008) ont utilisé une procédure
similaire à celle décrite précédemment chez le bébé et ont testé 3 groupes
de jeunes adultes avec trois langages différents. L’un était parlé, l’autre était
chanté synchronisé (i.e. les structures statistiques syllabiques et mélodiques
étaient totalement superposées et en phase), et le dernier était chanté
désynchronisé (i.e. les structures statistiques syllabiques et mélodiques
étaient décalées et donc plus en phase). Alors que le groupe exposé au
langage parlé répondait au hasard dans le test, le groupe exposé au langage
chanté présentait des performances supérieures au hasard et le troisième
groupe des performances intermédiaires. Ces résultats montrent là encore
l’apport bénéfique de la dimension structurelle de la musique sur une des
premières étapes fondamentales de l’acquisition du langage. Ce bénéfice est
356 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

également suggéré pour une étape ultérieure de l’acquisition du langage :


l’étape d’association du mot à l’image (word to world mapping). Une fois
les mots segmentés, le tout petit va devoir associer par exemple la forme
auditive « maison » à l’objet ou au concept qu’elle représente pour nous.
Shukla, White et Aslin (2011) ont montré que des bébés de 6 mois arrivaient
à segmenter des nouveaux mots bisyllabiques prononcés dans une courte
phrase tout en l’associant à une image lorsque ce mot coïncide avec la fron-
tière prosodique contenue dans la phrase alors qu’ils n’arrivent pas à associer
l’image aux mots tombant au milieu d’une frontière prosodique. Ce dernier
résultat est important pour plusieurs raisons, d’une part ils montrent que les
bébés reconnaissent et associent des formes auditives plus facilement grâce
à l’information prosodique, d’autre part, ils montrent que cette capacité déjà
révélée chez l’adulte est déjà présente chez le bébé.
Ainsi, l’ensemble de ces résultats montre que durant leur première
année de vie, les bébés présentent une facilité d’apprentissage du langage
et de la musique. Les sensibilités aux différents paramètres du langage et
de la musique sont étroitement liées et présentent des trajectoires dévelop-
pementales comparables. Les propriétés motivationnelles, émotionnelles et
structurelles de la musique et du chant semblent être ainsi de bonnes cibles
afin d’optimiser les trajectoires développementales chez l’enfant.

3. PRATIQUE MUSICALE
ET PLASTICITÉ CÉRÉBRALE
Durant toute la vie, les interactions avec l’environnement modifient
les connexions entre neurones existants via la synaptogenèse. Lorsqu’une
interaction se répète assez souvent, les nouvelles synapses se renforcent
et se stabilisent, ce qui permet de consolider les nouveaux acquis. Si l’inte-
raction n’a plus lieu, les nouvelles synapses se dégradent, et on oublie. Ces
mécanismes de plasticité sur lesquels nous allons revenir sont aussi à l’œuvre
dans la pratique musicale.
Il existe plusieurs façons d’étudier la plasticité cérébrale. On peut
suivre le développement de l’enfant, en même temps que les changements
cérébraux liés à l’âge et à l’expérience, la pratique musicale, qui nous inté-
resse ici. Une deuxième méthode consiste à comparer le fonctionnement du
cerveau entre deux groupes, un dit expert, c’est-à-dire des musiciens, et un
groupe de contrôle (des non-musiciens).

3.1 Qu’est-ce qu’un musicien ?


On pourrait dire que nous sommes tous musiciens car nous pouvons
tous reconnaître et apprécier une musique (sauf quelques rares cas d’amusie
Neurosciences de la Musique 357

congénitale, cf. plus bas). Cependant nous allons choisir une définition plus
opérationnelle de ce que signifie être musicien, qui implique la pratique
d’un instrument (y compris la voix bien sûr), car notre position vis-à-vis de
la plasticité nous amène à privilégier une vision active de la musique par
rapport à une vision d’écoute passive. Nous reviendrons là-dessus. Pour
l’instant, contentons-nous de constater que la quantité d’heures passées par
un musicien à jouer d’un instrument est souvent supérieure à 1 000 heures
par an. Le musicien commence souvent très jeune – entre cinq et dix ans –,
ce qui fait qu’un jeune adulte musicien d’orchestre et âgé de 20 ans peut
avoir déjà 10 000 heures de pratique instrumentale à son actif. Pendant
toutes ces heures de pratique, le musicien développe des compétences
motrices (rapidité, précision), de coordination motrice (p. ex., synchronisa-
tion et indépendance manuelle) et visuo-motrices (lecture de la partition),
des compétences dans le domaine auditif (p. ex., justesse, qualité timbrale
du son), mais aussi des compétences plus générales telles que la mémoire,
l’orientation de l’attention dans le temps et dans l’espace, la synchronisation
avec l’autre, et bien d’autres que nous verrons plus tard. Ces compétences
reposent sur des modifications des substrats neuronaux sous-jacents, c’est-
à-dire à l’intérieur des aires cérébrales impliquées. Les neurosciences de la
musique se sont beaucoup intéressées à démontrer quels sont les circuits
cérébraux qui permettent ces changements.

3.2 Des sorties et des entrées


À l’origine de notre société, la musique était (et reste en partie) très
fortement reliée à la dance, au théâtre (p. ex., en Grèce), aux cérémonies
et à la société en général. Dans ce contexte, la musique n’est pas une simple
série de notes qui sortent d’un casque audio ou d’un autoradio, mais elle est
tout d’abord, mouvement organisé. Ce mouvement, produit par les musi-
ciens, nécessite souvent une grande précision (au mm près sur un violon)
et une grande rapidité (un pianiste professionnel peut jouer plus de 1 000
notes par minute).
Il n’est donc pas surprenant qu’historiquement, les neurosciences se
soient d’abord intéressées à la plasticité induite par la pratique musicale au
niveau du système moteur. On sait désormais que, dans le cortex moteur,
l’aire correspondant aux mouvements de la main est plus développée chez
les pianistes que chez des sujets contrôles. Qui plus est, alors que chez les
pianistes les deux mains nécessitent un contrôle moteur fin des doigts, chez
les violonistes l’utilisation des deux mains est asymétrique : les doigts de la
main gauche doivent réaliser des mouvements très rapides et précis, tandis
que ceux de la main droite, qui tiennent l’archet, sont bien moins indépen-
dants. Schlaug, Jäncke, Huang et Steinmetz (1995) ont comparé l’anatomie
du cortex moteur de pianistes, de violonistes et de non-musiciens. Ils ont
358 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

constaté un plus grand volume cortical dans les zones qui commandent le
mouvement des doigts et de la main chez les musiciens par rapport aux
sujets contrôles. Cette augmentation de volume se réalisant dans un volume
fixe, celui du crâne, le cortex se replie sur lui même, se traduisant par un
renforcement des plis du sillon central et des gyri pré- et post-centraux.
En effet, alors que l’aire de la main peut parfois évoquer la lettre grecque
oméga, l’imagerie structurelle (IRM) révèle que ce signe oméga est plus
développé chez les musiciens que chez les non-musiciens. Cette augmenta-
tion est visible dans les cortex moteurs gauche et droit chez les pianistes,
alors qu’elle n’est visible que dans le cortex moteur droit (qui contrôle la
main gauche) chez les violonistes. Ainsi, l’ampleur du signe oméga peut être
interprétée comme une mesure indirecte du volume de l’aire de la main ; la
marque va d’un oméga à peine visible à un oméga bien visible, voire à un
double oméga (qui devient presque un epsilon).
Ces modifications au sein du cortex moteur existent aussi au sein
du cortex somatosensoriel, celui qui, par exemple, nous permet, quand nous
avons les yeux fermés, de reconnaître la forme et la texture d’un objet. Celui-
là même qui permet aux musiciens d’avoir un retour sensoriel sur le déplace-
ment de la main, sur la qualité du touché chez le pianiste et du vibrato chez
le violoniste. On peut ainsi étudier l’activation du cortex somatosensoriel en
stimulant les doigts les uns après les autres avec des trains de vibrations. La
réponse cérébrale déclenchée par de telles stimulations est plus importante
chez les musiciens que chez les non-musiciens et plus ample à droite (cor-
respondant à la main gauche, rappelons-le) pour les violonistes. Cela indique
une sensibilité tactile accrue chez les musiciens (Elbert, Pantev, Wienbruch,
Rockstroh, & Taub, 1995).
Si le contrôle moteur est d’une importance extrême pour les musi-
ciens professionnels, la coordination des processus sensoriels et moteurs des
doigts et des mains est également primordiale. La coordination des mains
nécessite une transmission d’informations massive d’un hémisphère à l’autre,
puisque chaque main est contrôlée par l’hémisphère opposé. Différentes
études ont mis en évidence que le volume des fibres axonales (« matière
blanche ») qui connectent les deux hémisphères chez les musiciens est
supérieur à celui observé chez les non-musiciens au niveau du corps calleux
(dans sa partie antérieure).
Cette modification de structure a des conséquences sur le plan fonc-
tionnel : davantage de fibres connectant les deux hémisphères permettent
une transmission plus rapide de l’information entre les deux cortex moteurs,
ceci est indispensable pour bien coordonner les mouvements des deux
mains. Ce renforcement des connexions interhémisphériques s’accompagne
d’une réduction de l’inhibition interhémisphérique des aires motrices des
mains (Ridding, Brouwer, & Nordstrom, 2000). En effet, souvent lorsque
Neurosciences de la Musique 359

l’on accomplit un geste (on écrit, on épluche une pomme de terre, etc.), on
privilégie l’une des deux mains, l’autre étant inhibée. Au contraire, chez les
instrumentistes, les deux mains sont nécessaires, et l’inhibition qu’exerce
normalement une main sur l’autre est levée. Ceci refléterait l’indépendance
du contrôle des mains acquis par les instrumentistes.
Alors que certains lecteurs auront été surpris par notre définition
de musique en tant que mouvement organisé, une définition en tant que
son organisé semblera moins surprenante, car de nos jours il arrive souvent
d’écouter simplement de la musique, hors contexte social à proprement
parler. Mais il est vrai aussi que ces sons organisés peuvent nous évoquer
de fortes émotions, rien qu’à l’écoute. Là encore, le musicien présente une
écoute particulièrement développée grâce à toutes ces années passées à
chercher d’abord la justesse, ensuite la couleur (timbre) appropriée à un
contexte musical, le vibrato, le phrasé, l’équilibre des voix dans un quatuor
à cordes ou dans un groupe de pop.
Le résultat est visible sur presque toute la voie auditive qui va de la
cochlée au cortex auditif. En effet, déjà au niveau du faisceau olivocochléaire
efférent médian qui contrôle la micromécanique cochléaire, des différences
sont visibles entre musiciens et non-musiciens, avec les premiers ayant un
contrôle plus important du complexe olivaire sur la cochlée, leur permet-
tant une meilleure protection vis-à-vis des traumatismes acoustiques, une
meilleure perception dans le bruit et une attention sélective accrue (Perrot
& Collet, 2014).
Si l’on remonte le long des voies auditives en direction du cortex,
on trouve une petite structure nommée colliculus inférieur. Depuis une
dizaine d’années, le groupe de Nina Kraus a publié un nombre important
de recherches qui montrent que l’activité de cette structure serait forte-
ment modifiée par la pratique musicale. Puisque l’activité du colliculus
reflète d’assez près les caractéristiques acoustiques du stimulus auditif, il
est possible de mesurer le degré de ressemblance (corrélation) entre ces
deux signaux. Il s’avère qu’une telle corrélation est plus importante pour les
musiciens que les non-musiciens, ce qui montrerait une plus grande fidélité
et précision de la réponse du colliculus induite par la pratique musicale, et
cela indépendamment du fait que le stimulus soit un stimulus musical ou
langagier (Musacchia, Sams, Skoe, & Kraus, 2007). De façon surprenante,
lorsque l’on présente le stimulus en présence d’un bruit d’environnement
(comme c’est par exemple le cas en salle de classe ou en amphithéâtre avant
le début du cours), la corrélation entre stimulus et réponse neuronale décroît
dramatiquement chez les non-musiciens alors que ce n’est pas le cas chez
les musiciens qui montrent donc une résistance plus importante au bruit
(Parbery-Clark, Skoe, & Kraus, 2009 ; Bidelman & Krishnan, 2010). De plus,
sur la base de la réponse du colliculus inférieur, il est possible de distinguer
360 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

des phonèmes tels que « ba », « da » et « ga », mais uniquement chez les


musiciens (Parbery-Clark, Tierney, Strait, & Kraus, 2012). Cela ne veut pas
dire que les non-musiciens n’entendent pas la différence entre « ba » et
« da », mais plutôt que cette différence est traitée d’une manière plus fine,
robuste et consistante chez les musiciens (Kraus & Chandrasekaran, 2010).
In fine, la pratique musicale pendant l’enfance, semble maintenir son effet
sur le fonctionnement du colliculus car des adultes ayant eu une pratique
musicale au cours de leur enfance présentent une réponse aux sons plus
marquée et précise que des non-musiciens (Strait, O’Connell, Parbery-Clark,
& Kraus, 2013).
Lorsque l’on s’intéresse à l’éducation, le problème de la perception
de la parole se pose, et notamment dans le contexte de la classe. On sait
bien que les classes ne sont pas un lieu acoustique idéal pour l’instruction :
le bruit excède souvent les limites recommandées (Knecht, Nelson, Whi-
telaw, & Feth, 2002) et des niveaux élevés de bruit sont souvent liés à des
performances dégradées dans des tests généraux standardisés (Shield &
Dockrell, 2008). La perception de la parole dans le bruit devient donc une
compétence indispensable qui permet à l’enfant de comprendre ce qui se
dit dans la classe. Alors que le bruit retarde la réponse neurale à la parole,
une étude récente à mis en évidence que deux ans de pratique musicale en
milieu scolaire (chez des adolescents) ont pour effet de réduire la latence
de la réponse sous corticale. Ces résultats montrent que l’éducation de la
musique au sein même de la classe peut être une cause de la perception
améliorée de la parole observée chez les musiciens. Cette étude est d’autant
plus importante que les bénéfices ne sont pas limités à un contexte de cours
de musique particuliers, difficile d’accès et souvent onéreux, mais peuvent
être obtenus pendant l’adolescence, et certainement encore plus pendant
l’enfance, à un coût relativement convenable et dans une configuration de
pratique en groupe (Tierney, Krizman, Skoe, Johnston, & Kraus, 2013).
Quand on s’intéresse au cortex auditif, il n’est ainsi plus très éton-
nant de trouver des différences reliées à la pratique musicale, car ces diffé-
rences existent déjà bien en amont. Au niveau du cortex, la représentation
du signal sonore est plus abstraite, donc moins fidèle au stimulus. Ceci est dû
au fait que notre système perceptif doit être capable de catégoriser les sons
en différentes classes, ce qui nous permet de reconnaître le mot « maison »
lorsqu’il est prononcé par une femme, un homme ou un enfant. Donc des
signaux très différents sur le plan acoustique sont perçus de la même façon
et catégorisés, car in fine, le langage doit faire du sens.
Des mesures directes de l’activité neuronale ont mis en évidence que
l’activité du cortex auditif en réponse à des sons de piano est plus importante
chez les pianistes que chez un groupe de non-musiciens. Ces modifications
des représentations des sons sont très sensibles à l’instrument joué par le
Neurosciences de la Musique 361

musicien. Chez un violoniste par exemple, l’activité corticale déclenchée


par le son d’un violon sera supérieure à celle déclenchée par le son d’une
trompette (et vice-versa). Cette sensibilité au timbre serait due, d’une
part, à la plus grande familiarité qu’un musicien possède avec le son de son
propre instrument et, d’autre part, à l’attention qu’il porte sur la qualité du
son produit : les populations de neurones très sollicités se réorganisent et
deviennent plus efficaces. Ces différences entre musiciens et non-musiciens
ont été montrées chez l’adulte tout comme chez l’enfant (Pantev et al., 1998 ;
Koelsch, Schröger, & Tervaniemi, 1999 ; Trainor, Shahin, & Roberts, 2003 ;
Shahin, Bosnyak, Trainor, & Roberts, 2003 ; Shahin, Roberts, & Trainor,
2004). Alors que la sensibilité au son de l’instrument pratiqué augmente
notablement, des différences fonctionnelles ont aussi été observées en
utilisant des voyelles et des consonnes (Reinke, He, Wang, & Alain, 2003 ;
Chobert, Marie, François, Schön, & Besson, 2011). Elles suggèrent donc que
les différences observées dans l’analyse du signal de parole au niveau du col-
liculus, continuent à exister et se propagent au niveau d’une représentation
catégorielle plus abstraite du signal de parole. Ces résultats vont aussi nous
fournir une explication pour les résultats d’autres études montrant une forte
corrélation entre compétences musicales et phonologiques (Anvari, Trainor,
Woodside, & Levy, 2002 ; Slevc & Miyake, 2006).
Les différences fonctionnelles et structurelles étant étroitement
liées, les musiciens ont une plus haute densité de matière grise que les non-
musiciens dans une région (la partie antérieure du gyrus de Heschl) qui
correspond à l’aire auditive primaire, la première étape du traitement du
son dans le cortex, après son traitement par le système auditif sous-cortical
(Schneider et al., 2005).
Une question qui est souvent posée est de savoir si les modifications
du cortex, exposées précédemment, sont le résultat d’une pratique intensive
de la musique, ou seraient simplement dues à des prédispositions génétiques.
Si effectivement il ne suffit pas de jouer du violoncelle pendant 8 heures
pas jour pour devenir Pablo Casals ou d’étudier la composition pendant des
années pour devenir Jean-Sébastien Bach, la plupart des résultats confirment
l’importance de la pratique de la musique. En effet il existe un lien très fort
entre d’une part l’ampleur des modifications cérébrales observées au niveau
du colliculus, des cortex auditif et somatosensoriel, et d’autre part l’âge
auquel l’enfant commence à apprendre un instrument et donc le nombre
d’années de pratique. Plus l’enfant commence à jouer tôt, plus la pratique est
longue et plus le cerveau se modifie. En tout les cas, s’il existe certainement
des prédispositions génétiques pour la musique, la pratique musicale suffit à
modifier le fonctionnement d’un cerveau normal. En effet, plusieurs études
récentes ont démontré l’effet causal (et pas simplement corrélationnel) de
la pratique musicale sur les fonctions et structures cérébrales. Par exemple,
Hyde et al. (2009) ont montré que 15 mois de pratique instrumentale
362 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

suffisaient pour observer des modifications du cortex moteur, auditif et du


corps calleux, et que ces modifications vont de pair avec une amélioration
des compétences motrices, rythmiques et mélodiques.
Ainsi, la pratique musicale agit sur les circuits cérébraux impliqués
dans la musique. Cela paraît presque banal et sans intérêt si l’on considère
la musique comme un monde à part, un art divin réservé à une élite et avec
peu de choses partagées avec le monde des communs mortels. Cette vision
est erronée et la musique partage plusieurs processus perceptifs, moteurs et
cognitifs avec d’autres fonctions complexes, en particulier avec le langage.

4. TRANSFERT D’APPRENTISSAGE
Sur un plan sonore, musique et langage utilisent la hauteur tonale, le
timbre et des structures temporelles précises pour véhiculer l’information.
Sur un plan plus cognitif, musique et langage nécessitent des compétences
mnésiques et attentionnelles similaires, mais également la capacité d’intégrer
des événements dans une structure temporelle, tout en prenant en compte
des règles « syntaxiques », c’est-à-dire une grammaire. Les neuroscienti-
fiques ont abordé la comparaison de la musique et du langage de deux façons
différentes : d’une part, en comparant le traitement des processus communs
au langage et à la musique en parallèle et d’autre part, en cherchant à savoir
si un entraînement musical pourrait avoir des effets bénéfiques sur le traite-
ment du langage (aux niveaux perceptuel et cognitif).
Une des premières questions posées a été de voir si le fait d’avoir
une perception fine de la hauteur tonale, nécessaire à la justesse en musique,
pouvait avoir un effet sur la perception de la prosodie du langage et plus pré-
cisément sur la perception de l’intonation du langage oral. Une série d’études
a montré que les enfants et les adultes avec une pratique instrumentale
sont plus sensibles aux patrons prosodiques de la parole par rapport aux
participants sans « parcours » de pratique musicale. Ces résultats obtenus
chez l’adulte (Schön, Magne, & Besson, 2004) et l’enfant (Magne, Schön, &
Besson, 2006) ont pu être confirmés dans une étude longitudinale (Moreno
et al. 2009). L’approche longitudinale est importante, car comme l’on vient
de le dire, elle permet de faire des inférences causales et pas simplement
corrélationnelles. Un groupe d’enfant est donc testé avant l’apprentissage
et ensuite divisé en deux sous-groupes, l’un faisant de la musique, l’autre
une activité contrôle, ludique et artistique (en général peinture ou théâtre).
Tandis que les enfants ne présentaient pas de différence avant la phase
d’entraînement, les enfants avec entraînement musical étaient plus sensibles
aux fines modifications des hauteurs (pour la musique et la parole) que les
enfants qui avaient suivi des cours de peinture (Moreno et al., 2009). De
plus, ce transfert semble avoir lieu indépendamment des connaissances de la
Neurosciences de la Musique 363

langue. En effet, les musiciens arrivent mieux à percevoir des modifications


de la hauteur dans leur langue maternelle mais aussi dans une langue qu’ils
ne connaissent pas, ce qui pourrait leur faciliter l’apprentissage d’une langue
étrangère (Marques, Moreno, Castro, & Besson, 2007 ; Slevc & Miyake,
2006).
Si l’on reconsidère les données décrites ci-dessus concernant la
plasticité du colliculus inférieur et du cortex auditif, on voit bien que le fait
d’avoir une représentation du son plus précise et plus résistante au bruit au
niveau sous-cortical permet d’avoir une représentation plus fidèle de l’into-
nation dans la parole. Un tel effet de la pratique musicale ne se limite pas
à l’intonation, mais semble jouer un rôle sur d’autres aspects de la parole,
tels que les formants vocaliques, les transitoires rapides qui permettent de
distinguer les consonnes (p. ex., « da », « ta ») et également sur la sélection
(filtrage attentionnel) de l’information pertinente (Kraus & Chandrasekaran,
2010 ; Parbery-Clark, Strait, & Kraus, 2011). Au niveau du cortex auditif, des
différences fonctionnelles ont été observées en utilisant des sons musicaux,
des voyelles et des consonnes (Reinke et al., 2003 ; Chobert et al., 2011).
De plus, il semble y avoir un chevauchement important des réseaux impli-
qués dans le traitement des phonèmes et des mélodies au niveau du cortex
temporal (gauche et droit, Schön et al., 2010), ce qui explique assez bien
les résultats montrant une forte corrélation entre compétences musicales et
traitement phonologique (Anvari et al., 2002 ; Slevc & Miyake, 2006).
Le transfert de la musique au langage ne semble pas se limiter à la
perception des sons. Patel (2003) a proposé un parallèle entre structures
harmoniques dans la musique et structures syntaxiques dans le langage.
Bien que les règles soient différentes, la mise en œuvre d’une structure
temporelle permettant de créer des liens entre les différents évènements
successifs (notes d’un côté et mots de l’autre) serait très similaire. Plu-
sieurs recherches ont étudié la perception des structures syntaxiques en
comparant des structures correctes respectant les règles du système à des
structures qui les transgressent. La présentation du début d’une phrase ou
d’une mélodie permettait à l’auditeur de développer des attentes percep-
tives sur les types d’événements qui devraient suivre afin de respecter les
structures du système. Ainsi, des études en neurophysiologie ont montré
que les transgressions de structures linguistiques et musicales évoquent des
composantes électrophysiologiques similaires (Friederici, Wang, Herrmann,
Maess, & Oertel, 2000 ; Koelsch Gunter, Friederici, & Schröger, 2000). Ces
marqueurs électrophysiologiques semblent être générés au niveau du cortex
frontal inférieur (l’aire de Broca et son homologue à droite, Koelsch, Fritz,
Schulze, Alsop, & Schlaug, 2005 ; Koelsch, & Mulder, 2002 ; Maess, Koelsch,
Gunter, & Friederici, 2001 ; Tillmann, Janata, & Bharucha, 2003 ; Tillmann
et al., 2006). Une manipulation des structures musicales évoque une acti-
vation du cortex frontal inférieur plus forte pour un accord inattendu qu’un
364 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

accord attendu (Koelsch & Mulder, 2002 ; Koelsch et al., 2005 ; Tillmann et
al., 2003), un résultat similaire à ce qui a été observé pour des mots syn-
taxiquement inattendus (e.g., Kotz, Frisch, von Cramon, & Friederici, 2003).
Les régions frontales inférieures sont elles-mêmes intégrées dans un réseau
neuronal plus large comprenant les régions temporales et pariétales. Pour le
traitement du langage, un réseau neuronal comparable a été décrit (Friede-
rici, 2002, pour une revue). Le parallèle des deux systèmes neuronaux pour
le traitement de la musique et du langage (Besson & Schön, 2003 ; Patel,
Gibson, Ratner, Besson, & Holcomb, 1998) peut être interprété sur la base
de leurs similarités structurelles. Le recouvrement des corrélats neuronaux
semblerait refléter des processus nécessaires pour l’intégration structurelle,
notamment au cours du temps. Cette hypothèse a été testée par des études
qui analysaient l’interférence entre les structures musicales et linguistiques
lorsque les participants devaient traiter les deux informations simultanément
(Slevc, Rosenberg, & Patel, 2009 ; Hoch, Poulin-Charronnat, & Tillmann,
2011). Elle a reçu également du soutien supplémentaire par des études mon-
trant d’une part une amélioration du traitement des structures linguistiques
pour des enfants musiciens (Jentschke & Koelsch, 2009 ; Fitzroy & Sanders,
2013), d’autre part un déficit du traitement des structures musicales pour
des patients aphasiques et des patients dysphasiques (Patel, Iversen, Was-
senaar, & Hagoort, 2008 ; Jentschke, Koelsch, Sallat, & Friederici, 2008).
Musique et langage partagent aussi certaines structures temporelles.
Bien que la musique soit plus régulière et rythmée, la parole a aussi son
rythme qui pourrait être défini comme étant l’organisation temporelle des
accents, et sa métrique, l’alternance entre les syllabes accentuées et non
accentuées. Si ces aspects rythmiques de la langue peuvent paraître mar-
ginaux, il a été montré que les bébés sont déjà capables de discriminer des
langues avec des rythmes différents de leur langue (Nazzi & Ramus, 2003).
De plus, ces aspects sont fortement liés et influencent d’autres niveaux du
traitement du langage, tels que la sémantique (Magne et al., 2007) et la
syntaxe (Schmidt-Kassow & Kotz, 2009).
Port (2003) a proposé qu’il existe dans la parole, une synchronie
entre oscillateurs internes (neuronaux) et les structures rythmiques voca-
liques. Dans ce modèle, les ressources attentionnelles seraient préférentiel-
lement allouées aux instants où les syllabes accentuées sont attendues. Il
existe en effet une régularité temporelle dans la parole qui facilite la percep-
tion (Pitt & Samuel, 1990 ; Quené & Port, 2005) et la production (Cummins
& Port, 1998). L’hypothèse serait donc que la perception de la métrique et
plus généralement l’attention temporelle pourrait dépendre de mécanismes
similaires pour le traitement de la musique et du langage (Cason & Schön,
2012). Une telle hypothèse de transfert d’apprentissage de la musique aux
aspects métriques de la parole via des réseaux cérébraux communs a été
testée et validée en montrant que les musiciens traitent la structure métrique
Neurosciences de la Musique 365

des mots mieux que les non-musiciens (Marie, Magne, & Besson, 2011). Ces
meilleures compétences rythmiques sont aussi probablement à l’origine des
meilleures compétences de segmentation de la parole chez les musiciens
(François & Schön, 2011). En effet, les musiciens, quand ils écoutent une
langue qu’ils n’ont jamais entendue, arrivent à segmenter (i.e., extraire)
les mots contenus dans le flot de paroles plus rapidement et précisément
que les non-musiciens. Après seulement un an de pratique musicale, les
enfants améliorent ce type de compétences (François, Chobert, Besson, &
Schön, 2012). Cette habilité de segmentation, savoir où un mot se termine
et où l’autre commence, est primordiale dans l’apprentissage de la langue
maternelle chez le bébé (Saffran et al., 1996) mais aussi dans l’apprentissage
d’une langue étrangère chez l’adulte et l’enfant. Pour finir, la musique semble
améliorer l’extraction des émotions d’un discours. En effet, des enfants de
sept ans ayant suivi un an de cours de piano reconnaissent mieux les émo-
tions exprimées dans des phrases que des enfants qui n’ont pas eu de cours
de musique (Thompson, Schellenberg, & Husain, 2004).

4.1 Les conditions du transfert


Comment expliquer les modifications induites par la pratique musi-
cale sur les processus perceptifs et cognitifs ? Patel (2011) émet l’hypo-
thèse selon laquelle l’apprentissage de la musique conduirait à des effets
de plasticité touchant la parole et le langage dès lors que 5 conditions sont
réunies. Ces conditions sont : 1) Le chevauchement ou recouvrement de
ressources (Overlap ; il y a chevauchement anatomique des réseaux qui
traitent l’information musicale et langagière) ; 2) Précision : la musique
repose sur une plus forte demande de ces réseaux en comparaison avec la
parole, particulièrement en termes de précision (traitement de la durée, de
la hauteur et du timbre) ; 3) Émotion : l’activité musicale qui repose sur ces
réseaux engendre de fortes émotions positives qui permettent en retour de
faciliter les phénomènes de plasticité synaptique (Shepard, Kilgard, & Liu,
2013) ; 4) Répétition : les gestes musicaux activant ces réseaux sont hau-
tement répétés ; 5) Attention : les activités musicales qui reposent sur ces
réseaux sont associées à une attention focalisée. Ceci donne lieu à l’hypo-
thèse OPERA : dès lors que ces cinq conditions sont réunies, la plasticité
cérébrale amène les réseaux en question à fonctionner avec une précision
plus importante que pour la parole ordinaire et le traitement de la parole en
bénéficie puisque les réseaux sont partagés. Émotion, répétition et attention
ont souvent été associées à une augmentation de la libération de neurotrans-
metteurs tels que la dopamine, l’acétylcholine, et la norépinephrine (égale-
ment la sérotonine), qui contribuent tous d’une manière ou d’une autre à la
plasticité cérébrale. Pour résumer, l’hypothèse OPERA propose qu’une plus
forte demande de ressources induite par la pratique musicale sur certains
processus sensoriels et cognitifs partagés avec la parole soit à l’origine des
366 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

améliorations de son traitement. Dès lors que cette demande de ressources


est associée à une récompense émotionnelle, une répétition intensive et
une attention focalisée, ces modifications ont lieu via des mécanismes de
plasticité neurale dépendants de l’expérience.
Parmi ces aspects, les aspects émotionnels et stimulants de la
musique semblent jouer un rôle clef. Schellenberg (2003, 2006) a proposé
que la musique puisse engendrer un état émotionnel propice au bon fonc-
tionnement global du cerveau, et de cette manière agir sur les capacités
cognitives. Cette proposition est née après la parution d’une étude très
controversée ayant montré un effet positif produit par la simple écoute de
Mozart sur le QI (l’effet Mozart : Rauscher, Shaw, & Ky, 1993 ; voir égale-
ment Pasquinelli, chapitre 2 de ce volume). Dans cette étude initiale, après
l’écoute de la Sonate pour deux pianos en Ré majeur de Mozart, des enfants
présentaient une amélioration de leurs habiletés de raisonnement visuo-
spatial. Schellenberg et collaborateurs ont par la suite montré que cet effet
n’était pas spécifique à la musique de Mozart, mais qu’il est reproductible
avec des morceaux dynamiques et à valence positive (joyeux), ce qui aug-
menterait le niveau d’éveil, mais n’est pas reproductible avec une musique
à valence négative (triste) (Schellenberg, Nakata, Hunter, & Tamoto, 2007).
L’effet facilitateur induit par l’écoute d’une musique agréable a été démontré
pour différentes compétences cognitives (pour une revue, voir Latendresse,
Larivée, & Miranda, 2006). La musique semble ainsi agir sur les composantes
neurophysiologiques associées à l’état de stress en diminuant le taux de
cortisol (Khalfa, Bella, Roy, Peretz, & Lupien, 2003) et peut aussi entraîner
la libération de dopamine (Salimpoor, Benovoy, Larcher, Dagher, & Zatorre,
2011). Certains auteurs proposent même que les modifications neurophysio-
logiques liées à l’écoute musicale puissent favoriser la neurogenèse, la régé-
nération et la réparation des neurones et circuits neuronaux via l’ajustement
des sécrétions hormonales (comme le cortisol, la testostérone et l’œstrogène,
Fukui & Toyoshima, 2008).

5. MUSIQUE ET STIMULATION COGNITIVE


Les recherches montrant des ressources neuronales partagées
entre le traitement de la musique et du langage, les liens observés entre
l’entraînement musical et les performances sur un ensemble de tâches lin-
guistiques (voir Besson, Chobert, & Marie, 2011 ; Kraus & Chandrasekaran,
2010 ; Herholz & Zatorre, 2012) ainsi que l’hypothèse OPERA amènent à
penser qu’il est possible d’utiliser la musique afin de stimuler le traitement
de processus sensoriels et cognitifs et en particulier les processus langagiers.
Alors que le monde de l’éducation semble encore sourd à ces découvertes
et ces faits, tout du moins au niveau de ses hauts dirigeants, le monde de
la rééducation, sans doute plus proche de celui de la recherche, a déjà
Neurosciences de la Musique 367

commencé à réagir. Un exemple assez proche du monde de l’éducation est


celui de la dyslexie.

5.1 Musique et dyslexie


Overy (2000, 2003) a été la première à proposer un programme
d’entraînement musical rythmique à court terme à des enfants dyslexiques.
Bien que l’étude ait été réalisée sur un petit échantillon d’enfants, elle a
montré une amélioration des performances phonologiques connues pour
être déficitaires chez l’enfant dyslexique. En effet, il est également connu
que les enfants dyslexiques et dysphasiques sont déficitaires dans des tâches
rythmiques et métriques (Huss, Verney, Fosker, Mead, & Goswami, 2011).
L’hypothèse est que ces déficits rythmiques pourraient entraîner des difficul-
tés à traiter certains indices acoustiques de la parole tels que le voisement
nécessaire à distinguer un « ba » d’un « pa », mais aussi des difficultés à uti-
liser des indices plus intégrés permettant par exemple d’extraire des syllabes
et des mots d’un flot de paroles (Corriveau & Goswami, 2009 ; Thomson &
Goswami, 2008). Ceci a amené plusieurs chercheurs à émettre l’hypothèse
selon laquelle le déficit de la lecture observé chez les dyslexiques serait
principalement dû à un déficit de l’élaboration temporelle, c’est-à-dire de par
un système perceptif fonctionnant avec une résolution temporelle trop faible
pour traiter l’information langagière (Huss et al., 2011). L’amélioration des
compétences rythmiques via la pratique de la musique pourrait donc avoir
un rôle bénéfique causal sur le développement des compétences phonolo-
giques du langage (Corriveau & Goswami, 2009). Plusieurs études récentes
vont dans cette direction : corrélation entre compétences musicales et
phonologiques (Slevc & Miyake, 2006), meilleure discrimination de syllabes
par les musiciens (Chobert, François, Velay, & Besson, 2012 ; Zuk, Andrade,
Andrade, Gardiner, & Gaab, 2013), effet bénéfique de la pratique musicale
sur les compétences de segmentation de la parole et de lecture chez l’enfant
normo-lecteur en âge scolaire (François et al., 2012 ; Moreno et al., 2009)
et préscolaire (Degé & Schwarzer, 2011), jusqu’aux études récentes avec
des enfants dyslexiques sans groupe de contrôle (Cogo-Moreira, Brandão
de Ávila, Ploubidis, & Mari, 2013) et avec groupe de contrôle (Flaugnacco
et al., en révision). Tous ces résultats sont donc très prometteurs particu-
lièrement pour une population d’enfants dyslexiques qui ont des difficultés
de discrimination de phonèmes, de segmentation de parole et de lecture.
La stimulation rythmique semble avoir un effet bénéfique également
sur le traitement syntaxique des enfants présentant des troubles développe-
mentaux du langage (Przybylski et al., 2013). Dans cette étude, des amorces
musicales (de brefs extraits de musique joués par des percussions) étaient
construites de telle façon que l’extraction métrique (donc la perception
d’une régularité temporelle sous-jacente) était facile ou difficile. L’amorce
368 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

musicale était suivie par une phase de test dans laquelle des phrases présen-
tées oralement et pour lesquelles il fallait juger de la grammaticalité ou pas
de la phrase. L’hypothèse est que la rythmicité de l’amorce musicale pour-
rait influencer l’attention temporelle des participants (via des oscillateurs
internes neuronaux) et que cette influence pourrait perdurer dans le temps,
améliorant ainsi les performances dans la tâche de grammaticalité après les
amorces faciles et pas après les amorces difficiles (en renforçant des proces-
sus liés au traitement phonologique, la segmentation et le traitement de la
syntaxe). Les résultats des enfants dysphasiques et dyslexiques confirment
cette hypothèse : les performances des enfants sont meilleures après les
amorces faciles, régulières qu’après les amorces difficiles, irrégulières.
L’ensemble de ces résultats ainsi que ceux d’autres programmes
d’entraînement musical (e.g., Overy, 2000) sont encourageants et devraient
motiver le monde de la recherche en neuroscience et en éducation à mener
plus d’études sur l’influence d’une stimulation rythmique sur le traitement
du langage. L’observation d’effets inter-domaines au cours du temps (voir
aussi Cason & Schön, 2012) suggère également les bénéfices de l’utilisation
de la stimulation musicale rythmique dans des programmes d’entraînement,
en plus de l’accentuation directe des structures rythmiques dans un matériel
linguistique (comme dans la poésie, par exemple). Ainsi, il serait possible
d’exploiter aussi les avantages motivationnels et hédoniques qu’un matériel
musical pourrait apporter dans une situation de réhabilitation.

5.2 Musique, intelligence et fonctions exécutives


À la lumière du bénéfice de la pratique musicale sur des fonctions
très complexes (p. ex., la lecture), on peut se poser la question de savoir si
la musique pourrait avoir un effet bénéfique sur l’intelligence en général et
sur les fonctions exécutives en particulier. Schellenberg (2004) a ainsi étu-
dié trois groupes d’enfants qui ont suivi des cours de musique ou de théâtre
ainsi qu’un groupe de contrôle sans activité extrascolaire. Les enfants ayant
suivi les cours de musique ont montré une augmentation plus importante
du quotient intellectuel (QI) sur l’échelle Wechsler. Depuis cette étude
princeps, un certain nombre de chercheurs se sont intéressés aux effets de
la pratique musicale sur les fonctions exécutives, terme englobant mémoire
de travail, attention, planification ou inhibition de la réponse, solution de
problème (problem solving), flexibilité et changement de tâche (task swit-
ching). En particulier, compte tenu du fait que les capacités attentionnelles
sont un bon prédicteur du QI et d’autres comportements complexes, elle a
fait l’objet de nombreuses études (Schweizer et al., 2000 ; Stankov, Roberts,
& Spilsbury, 1994). Certaines études montrent ainsi une amélioration de
la mémoire verbale chez les musiciens, mais pas des aspects visuels de la
mémoire de travail (Tierney, Bergeson-Dana, & Pisoni, 2008 ; Parbery-Clark,
Neurosciences de la Musique 369

Skoe, Lam, & Kraus, 2009 ; Strait, Krauss, Parbery-Clark, & Ashley, 2010).
D’autres études suggèrent que l’effet bénéfique de la pratique musicale ne
se cantonne pas au domaine auditif et ont révélé que les musiciens ont une
mémoire accrue aussi bien pour des tâches auditives que visuelles (George
& Coch, 2011 ; Bidelman, Hutka, & Moreno, 2013).
Une autre composante des fonctions exécutives ayant reçu un cer-
tain intérêt est l’attention et les processus d’inhibition de l’information non
pertinente. Cela a ainsi été étudié avec des tâches de type Stroop, dans
lesquelles un stimulus porteur de deux types d’informations (p. ex., le mot
« rouge » écrit en jaune ou le mot « aigu » prononcé avec une fréquence
grave) doit être traité en ignorant l’information non pertinente qui change
en fonction des consignes. Les musiciens sont ainsi meilleurs dans ce genre
de tâche car arriveraient à mieux inhiber l’une ou l’autre dimension du sti-
mulus (Bialystok & Depape, 2009). Ce type de bénéfice a aussi été montré
chez l’enfant après un seul mois de pratique de la musique (Moreno et al.,
2011). D’autres travaux renforcent encore un peu plus ces résultats en sou-
tenant l’idée que certains aspects des fonctions exécutives, en particulier
la régulation des ressources attentionnelles, jouent un rôle important dans
la médiation entre apprentissage de la musique, plasticité auditive et les
fonctions cognitives complexes accrues chez le musicien (e.g., l’intelligence,
Degé & Schwarzer, 2011). En effet une optimisation des ressources atten-
tionnelles pourrait avoir des effets top-down. Ceci veut dire littéralement
« du haut vers le bas », et indique le fait que le traitement d’un stimulus
perçu est influencé par les connaissances et les expériences passées. En
d’autres termes, le traitement d’un stimulus auditif, même au niveau sous-
cortical, serait modulé par la voie corticofugale descendante, qui, dans sa
partie corticale, ne se limiterait pas au cortex auditif primaire, mais impli-
querait un réseau plus vaste touchant par exemple l’attention (auditive) et
les modifications de mémoire induites par nos expériences multisensorielles
avec les sons.
Ceci est particulièrement évident lorsque l’on s’intéresse à la per-
ception catégorielle des phonèmes. En effet, deux phonèmes appartenant
à deux catégories différentes (p. ex., « b » et « p ») seront perçus comme
étant bien différents l’un de l’autre alors que deux autres phonèmes d’une
même catégorie (p. ex., un « t1 » et un « t2 ») seront perçus comme étant
très similaires, indépendamment du fait que dans les deux cas, les pho-
nèmes sont à la même distance dans un espace acoustique. Ce phénomène
repose sur l’amélioration sélective de discrimination de contrastes inter-
catégoriels, induit via l’exposition à la langue maternelle (long terme)
ou via des expositions plus courtes dans des contexte d’apprentissage,
probablement influencé par l’activité du cortex préfrontal sur le système
auditif (Myers & Swan, 2012). D’une manière similaire, on peut imaginer
que la pratique de la musique pourrait exercer une influence positive sur le
370 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

traitement de la parole grâce à un contrôle accru des fonctions exécutives


sur le système auditif.
Pour conclure, en ces temps où la refonte du système éducatif
français est recommandée par le rapport PISA (2012) montrant que le
niveau scolaire des élèves de 15 ans est en train de chuter drastiquement
par rapport à PISA (2003), nous espérons vous avoir un peu plus sensibilisé
au bénéfice de la musique et de sa pratique en reportant tout un ensemble
de preuves montrant que la pratique musicale développe des capacités
cognitives et perceptives non spécifiques à la musique : les enfants et les
jeunes adultes qui ont joué d’un instrument ont une meilleure représenta-
tion de l’intonation de leur langue, un vocabulaire plus riche, lisent mieux et
apprennent eux aussi plus facilement une langue étrangère. L’apprentissage
de la musique facilite aussi la perception de la parole dans le bruit, tâche
qui requiert notamment de savoir discriminer différentes sources sonores et
d’avoir une bonne attention sélective. Pour autant, nous avons passé sous
silence les aspects socioculturels liés à la pratique instrumentale : on joue
avec d’autres, on joue pour soi, mais aussi pour les autres. Cet aspect social
de la musique est sans doute primordial dans l’éducation en général. Tous
ces résultats devraient inciter le monde de l’éducation à accorder un rôle
beaucoup plus important à l’enseignement de la musique. La musique devrait
cesser d’être une discipline négligée dans le cursus scolaire. Sans bouleverser
les emplois du temps des élèves et à peu de frais, il pourrait être envisageable
de favoriser cette activité sociale et ludique qui, en même temps qu’elle crée
des millions de nouvelles connexions dans le cerveau, renforce les liens (et
des liens de qualité) entre les hommes.

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Index des auteurs

A Ansari, D. 11, 13, 36, 89, 91, 96, 233, 258,


260-268, 272, 279, 300, 302
Abad, F. J. 175 Anvari, S. 361, 363
Abi-Rached, J. 65 Arain, M. 224-225, 239
Aboitiz, F. 334 Araujo, S. 335
Abrams, M. T. 145 Arbuthnott, K. 91
Abreu, A. M. 92 Arnell, K. M. 325
Adachi, P. J. 238 Arnett, J. J. 227
Adolphs, R. 36 Arnold, L. E. 145
Agrillo, C. 256 Arnold, S. E. 145
Ahrendts, J. 197 Aronoff, H. R. 190
Alain, C. 361 Aronson, J. 222, 298
Albert, D. 224, 226, 235 Arter, J. A. 91, 94
Albert, J. 84 Asato, M. R. 232
Alberts, B. 48 Ashcraft, M. H. 13, 290, 292-294, 300-
Albuquerque, C. P. 324-325 301, 303
Alegria, J. 323 Asherson, P. 192
Alexander, G. E. 31 Ashkenazi, S. 254
Alexander, M. P. 33 Ashley, R. 235, 369
Allain, P. 33 Aslin, R. N. 354-356
Allen, J. 203 Astle, D. E. 232
Allen, N. B. 226, 228-229, 231-232, AuBuchon, A. M. 170
236-237 Augath, M. 224
Allen, S. E. M. 108, 111 August, D. 116, 123
Alloway, T. P. 176, 181-182 Austin, C. M. 355
Allport, G. W. 83 Awh, E. 177
Alsop, D. C. 363 Axelrod, J. 203
Alvarez, P. 143
Amaral, D. G. 146
American Psychiatric Association 326 B
Amico, F. 197
Babayigit, S. 325
Anderson, F. 65
Backer, S. 88
Anderson, J. S. 89
Bäckman, L. 180
Andrade, O. V. 367
Baddeley, A. D. 136, 151, 166-167, 170,
Andrade, P. E. 367
324
Andreas, S. 90
Bader, M. 13, 21, 28, 179, 190, 202
Andrews, G. 171
Baggio, G. 149
Anesko, K. M. 203
Bailey, S. P. 307
Angrilli, A. 267
Bailleux, C. 169, 173
380 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Baillieux, H. 26 Bisazza, A. 256


Baird, A. A. 231 Bjork, J. M. 88, 231
Bandler, R. 90 Bjork, R. 65, 88, 231
Bandura, A. 292, 309 Bjorklund, D. F. 138, 178
Bangerter, A. 61, 68 Black, W. C. 254
Banich, M. T. 197, 224 Blair, C. 269
Barch, D. M. 233 Blair, R. J. 232
Barge, J. 93-94 Blakemore, S.-J. 49, 222, 224, 236-237
Bar-Ilan, O. 65 Blanchette, I. 59
Barkley, R. A. 191-192, 201-202 Blank, A. 63
Barnes, M. A. 294 Bledsoe, J. 198
Barolome, L. 124 Blomert, L. 279
Barrouillet, P. 294-295 Blum, R. W. 227
Barry, H. III. 239 Boas, D. A. 269
Bartels, M. 192 Boets, B. 328
Bass K. E. 61 Bogen, J. E. 39
Bassereau, S. 352 Boisvert, D. 56
Battaglia, P. 231 Boivin, I. 110
Battista, C. 267 Bolling, D. Z. 226
Battro, A. M. 48-49, 52 Boomsma, D. I. 192
Bauer, P. 33 Booth, J. L. 262
Bauer, P. J. 13, 136-137, 139-141, 154- Booth, J. R. 233
155, 171 Booth, L. 232, 262
Bault, N. 222 Borella, E. 169, 176
Baumert, J. 291 Borsato, G. 116, 125
Baym, C. L. 148 Bosch, L. 354
Beach, D. R. 137 Bosma, R. 233
Beam, A. P. 65 Bosnyak, D. J. 361
Beardsmore, H. B. 105 Boudreaux, N. 121
Beilock, S. L. 279, 296-298, 303, 305, Bourgeois, E. 85-86
307, 309, 311 Bourneville, D. M. 190
Bekebrede, J. 329 Bowers, P. G. 324, 328
Bella, S. D. 366 Bowker, R. 90
Benes, F. M. 145 Boysen, S. T. 255
Benovoy, M. 366 Braams, B. R. 222, 225, 231, 234
Bentin, S. 332-333 Bradley, C. 191
Berger, J. L. 291-292 Brahmbhatt, S. B. 233
Bergeson-Dana, T. R. 368 Bramão, I. 335
Berliner, D. C. 154 Brammer, M. 226
Berns, G. S. 229, 237 Brandão de Ávila, C. R. 367
Bernston, G. G. 255 Brandeis, D. 204, 336
Bertoncini, J. 352 Brander, C. 55
Besson, M. 361-362, 364-367 Brannon, E. M. 233, 255, 258, 269
Beyerstein, B. L. 62 Brass, M. 306
Bharucha, J. J. 363 Brem, S. 332, 334, 341
Bialystok, E. 105, 369 Brizzolara, D. 328
Biddle, K. 324 Broca, P. 32, 89, 363
Bidelman, G. M. 359, 369 Bronen, R. A. 146
Bidwell, L. C. 197 Broudy, H. S. 153
Biederman, J. 191, 196 Brouwer, B. 358
Index des auteurs 381

Brown, C. 149 Carman, K. G. 254


Brown, R. D. 138 Carp, J. 233
Brown, R. J. 205 Carpenter, P. A. 136, 169
Bruce, K. M. 48, 331 Carr, M. 138
Bruck, M. 119-121 Carr, T. H. 296-297, 307
Bruder, J. 337 Carré, R. 328
Bruer, J. T. 11, 48, 50, 58, 62, 66 Carroll, L. 287
Bruine de Bruin, W. 254 Cartwright, N. 54
Bruner, J. S. 47 Carullo, J. J. 176
Brunet, E. 195 Carver, L. J. 139
Bruning, N. S. 56 Case, R. 136, 169, 172, 174, 232
Brunvald, J. H. 62 Casey, B. J. 197, 224, 226, 236-237
Bryant, P. E. 320 Cason, N. 364, 368
Bucy, P. C. 36 Cassidy, S. 86
Bugden, S. 258, 268 Castel, A. D. 57
Bullmore, E. T. 177, 196 Castellanos, F. X. 193, 195-197, 199-
Bunge, S. A. 148, 232 200
Bunzeck, N. 231 Castro, S. L. 363
Burgess, G. C. 197 Castro-Caldas, A. 92
Bürki, C. 179-180 Caudle, K. 237
Burnett, S. 222, 224 Cauffman, E. 224
Buschkuehl, M. 179, 207 Caviness, V. S. 145
Bush, G. 193-194, 199, 299 Celia, G. 266
Busseri, M. A. 325 Čeponienė, R. 149
Bussey, K. 309 Chabernaud, C. 191
Butterworth, B. 254, 256, 269 Chabris, C. F. 61-62
Buvinger, E. 203 Chandrasekaran, B. 360, 363, 366
Byers-Heinlein, K. 108 Chanoufi, B. 352
Bynner, J. 254, 270, 288 Chanowitz, B. 63
Byrne, J. 90 Chant, R. H. 94
Chapman, E. 292
Chapman, W. P. 36
C Chein, J. M. 207, 226, 234-236
Chelli, D. 352
Cacioppo, J. T. 255 Chen, G. 231
Cain, K. K. 320, 322, 327 Chen, I.-Y. 237
Caldas, S. J. 121 Chen, Y. 333
Call, N. 90 Chen, Z. 170
Calvo, M. G. 302 Cheng, Y. 237
Camerer, C. F. 231 Cheour, M. 353
Camos, V. 294-295 Chevrier, J. 85-86
Cantlon, J. F. 255, 258 Chiappe, P. 176
Cantor, J. 169-170, 176 Chicherio, C. 169
Caplan, D. 149 Childers, T. L. 300
Capps, R. 121 Chinsky, J. H. 137
Capra, C. M. 229 Chobert, J. 361, 363, 365-367
Caravolas, M. 324 Chooi, W. H. 207
Carey, S. 255, 269 Chou, K.-H. 237
Carla, J. J. 203 Choudhury, S. 13, 33, 223, 227-228,
Carlson, C. D. 324 233, 239-240
382 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Christakou, A. 226 Crone, E. A. 177, 222, 224, 228, 232-


Christian, D. 123 233, 235, 237, 240
Chronis, A. M. 189, 201-203 Crook, M. D. 61
Chu, W.-C. 237 Cross, A. 104, 121
Cipolotti, L. 254 Crowley, M. J. 226
Clain, O. 242 Crutcher, M. D. 31
Clark, H. H. 354 Crystal, D. 104
Coch, D. 11, 89, 91, 96, 369 Csibra, G. 52
Coffey, S. A. 149, 334 Cubillo, A. 199
Coffield, F. 86-87, 90 Cummings, A. 149
Coffman, J. L. 153 Cummins, F. 364
Cogo-Moreira, H. 367 Cummins, J. 116, 122
Cohen, J. D. 232 Curchod, B. 41
Cohen, J. R. 233 Curchod-Ruedi, D. 87
Cohen Kadosh, R. 262 Curran, P. J. 153
Cohen-Kadosh, K. 224 Cutting, L. E. 324, 331
Cohen, L. 254, 260, 332
Cohen, N. J. 142
Coley, J. D. 140 D
Collet, L. 359 Dabholkar, A. S. 145
Collins, P. 229 Dadda, M. 256
Colom, R. 175, 207 Dagher, A. 366
Comeau, L. 110 Dahl, R. E. 224, 228, 232-233, 235, 237
Congdon, E. 241 Dahlin, E. 180
Conners, C. K. 195 Damasio, A. 32, 36
Connors, L. 204 Damasio, H. 36
Constantinidou, F. 88 Daneman, M. 136, 169
Content, A. 323 Daniel, D. B. 13, 48
Conway, A. R. A. 167, 169-170, 176 Dasen, P. R. 171, 174
Cook, D. A. 88 Davan, P. 226
Cooke, A. 333 David, A. S. 34
Cooper, S. E. 292 Davidson, M. L. 230
Corbetta, M. 232 Davis, D. A. 56
Coricelli, G. 222 Davis, E. A. 154
Corkin, S. 152 Davis, L.M. 146
Corriveau, K. H. 367 Davis-Kean, P. E. 291
Cortese, S. 204 Dawkins, R. 68
Cosslett, R. L. 223 Dawson, M. M. 88
Court, J. H. 175 Day, D. 84
Coutout, C. 333 De Deyn, P. P. 26
Cowan, N. 136, 170 De Dreu, C. K. 237
Cox, B. D. 138 De Houwer, A. 108
Coyle, T. R. 138 de Jong, P. F. 325
Cozolino, L. 222 de Ribaupierre, A. 13, 83, 136, 167,
Crafa, D. 33 169-175, 178, 295
Crago, M. B. C. 108-109, 111, 119 De Smedt, B. 268
Craik, F. I. 105, 232 De Smet, H. J. 26
Crichton, A. 190 Dearing, J. W. 56
Critchley, H. 226 DeCaro, M. S. 296-297
Index des auteurs 383

Decety, J. 195 Doyle, A. E. 192, 203


Dede, C. 56 Draganova, R. 352
Degé, F. 367, 369 Draganski, B. 337
Dehaene, S. 254, 256, 258, 260, 267, Dubinski, J. M. 66
269, 289, 299, 301 Dudukovic, N. M. 233
Dehaene-Lambertz, G. 260, 269 Dufresne, A. 138
Déjerine, J. 331 Dukes, C. 138
Dekker, S. 60, 91, 94 Dumit, J. 64
Delaloye, C. 169 Dunbar, K. 59
Delazer, M. 299 Duncan, J. 194
Delcenserie, A. 13 Dunn, K. 60
Delgado, M. R. 226, 305 Dunn, R. 60
Delis, D. 147 Dunning, D. L. 151, 206
Della Sala, S. 62, 67 DuPaul, G. J. 202-203
Delquatri, J. 203 Dupré, E. 190
DeMarie, D. 151 Durston, S. 232
DeMaster, D. 147-148 Düzel, E. 231
Dembo, M. 88-89 Dweck, C. S. 67, 300
Dempster, F. N. 170
Denckla, M. B. 145, 324
Denes, G. 254 E
Denhoff, E. 191
Dennett, D. C. 67-68 Eason, S. H. 331
Dennis, S. 172 Eaton, K. E. 222
Dennison, G. 60, 65 Eccles, J. S. 291
Dennison, P. 60, 65 Ecclestone, L. 86
Depape, A. M. 369 Echallier, J. F. 332
Depue, B. E. 197 Echevarria, J. 118
Derakshan, N. 302 Eckert, T. L. 202
Derks, J. M. 224 Eden, G. F. 332, 334
Derrfuss, J. 306 Edmonds, C. J. 270
Desjardins, N. 355 Eichenbaum, H. 142
DeStefano, D. 294 Eickhoff, S. B. 197
Dhital, B. 260, 264 Eilers, R. E. 353
Di Chiara, G. 32 Eklund, K. 325
Diack, A. 65 Elbert, T. 358
Diamond, A. 142 Elich, M. 90
Dias, M. G. 140 Elliot, R. M. 55
Dick, F. 149 Ellis, C. L. 334
Dicke, U. 255 Ellison-Wright, I. 196
Dieckmann, N. 254 Ellison-Wright, Z. 196
Dockrell, J. E. 360 Elmer, S. 335
Dolan, C. V. 232 Elzinga, B. M. 304
Dolan, R. J. 226, 231 Emslie, H. 151
Dosenbach, N. U. 225, 237 Engel de Abreu, P. M. J. 176
Doudin, P.-A. 11, 13, 40, 60, 68, 83, 87, Engle, R. W. 167, 169-170, 175-176,
89-92, 94, 96 178, 207, 294
Douglas, V. I. 202 Entwistle, N. J. 86
Dow, K. A. 354 Epstein, R. 227, 237, 239
Downey, D. M. 322 Éricsson, K. A. 167
384 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Ernst, M. 225-226, 232 Forstmann, B. 306


Ervin, R. A. 203 Fortin, G. 85
Eshel, N. 232 Fosker, T. 367
Eso, K. 204 Foster, K. 303
Evans, S. W. 203 Francis, D. J. 324
Eysenck, M. W. 302 François, C. 13, 27, 361, 365, 367
Franey, L. 65
Friederici, A. D. 149, 333, 363
F Friedrich, M. 149
Frigols, M. J. 113
Fabiano, G. A. 201
Friman, P. C. 203
Fagot, D. 172
Frisch, S. 364
Faísca, L. 335
Friston, K. J. 226
Farah, M. J. 69
Frith, U. 49
Faraone, S. V. 191-192, 196
Fritz, T. 363
Farol, P. 145
Frodl, T. 197
Faust, M. W. 300-301
Fugelsang, J. A. 300, 302
Federmeier, K. D. 149, 333
Fukui, H. 366
Feigenson, L. 256
Fuligni, A. J. 237
Feldman, J. F. 152
Furnes, B. 325
Fenstermacher, G. 95
Fuster, J. M. 144
Ferguson, M. A. 89
Fernald, A. 355
Fernandez, S. C. 109, 112
G
Ferrone, S. 55
Feth, L. L. 360 Gaab, N. 367
Fiebach, C. J. 333 Gabrieli, J. D. E. 233
Fiez, J. A. 226 Gabrielli, J. D. 145
Filipek, P. A. 145 Gadian, D. G. 152, 270
Finn, E. S. 43 Gaignard, A.-M. 90
Fischer, K. W. 11, 48-49, 59-60, 96 Galaburda, A. M. 334
Fish, S. A. 111 Gallimore, R. 122
Fisher, P. M. 49 Galvan, A. 32, 226, 236-237
Fissel, C. 226 Garcia, G. E. 124
Fitzroy, A. B. 364 Garcia, N. 260
Fjell, A. M. 145-146, 224 Gardiner, M. 367
Flaugnacco, E. 367 Gareau, L. 334
Flavell, J. H. 137 Garnier, H. 122
Fleck, D. E. 301 Garson, C. 202
Fleming, E. S. 56 Garwood, H. 325
Fletcher, J. M. 324, 339 Gastright, J. 121
Flores-Mendoza, C. 175 Gathercole, S. E. 137, 150-151, 176,
Flowers, D. L. 334 181-182, 206, 324
Fluss, J. 338 Gaultney, J. F. 138
Foorman, B. R. 324 Gauss, C. F. 296
Forbes, C. 231, 298 Gazzaley, A. 148
Forbes, E. E. 231, 298 Gazzaniga, M. S. 39, 89
Formann, A. K. 61 Geake, J. 11, 60-61, 89, 91, 96
Forness, S. R. 88 Geary, D. C. 53, 289-290
Forssberg, H. 206 Geier, C. F. 226, 231-232
Index des auteurs 385

Gelman, S. A. 140 Green, L. 56


Genesee, F. H. 13, 107-108, 110-113, Greenwood, C. R. 203
115-116, 118-121, 123, 125, 128 Greiner, A. R. 202
George, E. M. 196, 369 Griffin, D. 57
Georgiou, G. 325 Griffiths, Y. 339
Gergely, G. 52 Grigorenko, E. L. 338
Geschwind, N. 334 Grill-Spector, K. 35
Getz, S. 226 Grinder, J. 90
Geurts, H. 194 Gropper, R. J. 208
Ghesquière, P. 328 Gross, D. M. 241
Ghetti, S. 147-148 Gross, J. 288
Giard, M. H. 332 Gross-Tsur, V. 269
Gibello, B. 83 Guay, M.-C. 208
Gibson, B. S. 206-207 Guitart-Masip, M. 231
Gibson, E. 364 Güler, O. E. 152
Gick, M. L. 56 Gunderson, E. A. 307, 309
Giedd, J. N. 144, 224-225, 227 Gunter, T. C. 363
Gilchrist, A. L. 170 Gutierrez-Clellen, V. F. 119
Gilhooly, K. J. 295 Guttentag, R. E. 138
Gilmore, C. 268 Guyer, A. E. 226
Gilmore, J. H. 145
Gilovich, T. 57
Giorgio, A. 225 H
Giovanelli, G. 352
Giovanello, K. S. 148 Habboushe, D. F. 203
Giroux, S. 208 Haber, S. N. 195
Glaser, D. 240 Hacking, I. 240
Glover, G. H. 299 Hadjikhani, N. 190
Gnagy, E. M. 190, 202 Hagoort, P. 149, 364
Goddard, S. 256 Haimes-Bartolf, M. 84
Godefroy, O. 33 Halari, R. 199
Goldacre, B. 67, 69 Halberda, J. 256, 268
Goldberg, J. 136, 169, 172 Halford, G. S. 171
Goldberg, L. F. 331 Hall, E. 86, 227, 240
Goldenberg, C. 122 Halperin, J. M. 190, 192, 203-204, 208
Gombert, J. E. 323 Halpern, D. F. 57
Good, C. 300 Halttunen, A. 337
Good, M. 238 Hämäläinen, J. A. 337
Goodstein, J. 57 Hamilton, G. 169
Goswami, U. 11, 50, 60-61, 66, 89, 91, Hamon, K. 260
96, 140, 367 Hamza, C. 238
Gotlieb, H. 208 Hann, P. 326
Gough, P. B. 320-321 Hannan, M. B. 255
Goyette, C. H. 195 Hannon, E. E. 353
Grabner, R. H. 262 Harari, R. R. 307
Graham, S. 224 Hardin, M. 225
Grammer, J. K. 153 Hare, T. A. 224, 226, 236
Granier-Deferre, C. 352 Harnishfeger, K. K. 178
Gray, J. 57 Harris, C. R. 233, 240
Gray, R. 90 Harris, P. L. 140
386 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Hart, B. 113 Hommer, D. W. 226, 231


Hasher, L. 170, 176 Hong, D. 271
Hauk, O. 333 Honig, W. K. 255
Hawi, Z. 192 Honsberger, M. 202
Hayes, J. R. 354 Hoogendam, J. M. 224
Haynes, R. B. 56 Hook, C. L. 203
He, Y. 361 Hoover, W. A. 320-321
Heal, D. 192 Horwitz, B. 43
Healey, D. M. 204 Hovland, M. 291
Heath, C. 61, 68 Howard, K. 88-89
Heatherton, T. F. 299-300 Howard-Jones, P. A. 50, 60, 65, 81,
Hecht, S. A. 294 91-92, 94, 96
Hedehus, M. 145 Hoza, B. 201-202
Heim, S. 333 Huang, Y. 357
Helenius, P. 335
Huber, H. 70
Helt, M. 298
Hudson, C. 288
Hembree, R. 288, 293, 309
Hudziak, J. J. 192
Henderson, B. 172
Hughes, B. L. 230
Henik, A. 254, 275
Huizinga, M. 232
Hennig, J. 145
Henschen, S. E. 254 Hulme, C. 179, 207, 324, 326, 339, 341
Herbert, M. R. 145 Hünnerkopf, M. 152
Herholz, S. C. 366 Hunter, P. G. 366
Herold, B. 355 Huotilainen, M. 352
Herrmann, C. S. 363 Husain, G. 365
Hesselink, J. R. 145 Huss, M. 367
Heuyer, G. 190 Huteau, M. 83-84
Hibbard, J. 254 Hutka, S. 369
Hicks, K. L. 207 Huttenlocher, P. R. 145, 223, 225
Hill, D. E. 197 Hyatt, K. J. 65
Hill, E. 355 Hyde, D. C. 269
Hillegers, M. 224 Hyde, K. L. 361
Hillyard, S. A. 149 Hynd, G. W. 196
Hinshaw, S. P. 202
Hinton, C. 59
Hirsh-Pasek, K. 50, 66 I
Hitch, G. J. 170
Hoch, L. 364 Ifergane, G. 254
Hoff, E. 109, 113 Illes, J. 64-65
Hoffmann, H. 190 Ilyasov, K. A. 145
Höhle, B. 355 Imbo, I. 295
Holcomb, P. J. 149, 334, 364 Immordino-Yang, M. E. 48
Holden, A. 333 Imperato, A. 32
Holloway, I. D. 258, 261, 265, 267-268, Inhelder, B. 176
272 Insausti, R. 146
Holmes, J. 151, 206 Ioannidis, J. P. A. 64
Holobow, N. E. 121, 128 Isaacs, E. B. 270
Holt, L. E. 296 Ivanov, I. 198
Holtmann M. 204 Iversen, J. R. 364
Holyoak, K. J. 56 Izard, V. 269, 289
Index des auteurs 387

J Karabenick, S. A. 291-292
Karpicke, J. D. 58
Jackson, P. L. 195 Kast, M. 335
Jacobs, E. 298 Kastner, S. 232
Jacobs, K. 104, 121 Katz, J. 87
Jacquet, A. Y. 352 Kaufmann, G. 86
Jaeggi, S. M. 179, 207 Kaufmann, L. 260, 264, 271, 275
Jakimik, J. 121 Kavale, K. A. 88
James, W. 47-48, 166 Kay-Raining Bird, E. 128
Janata, P. 363 Keefe, J. W. 85
Jäncke, L. 335, 357 Keil, F. C. 57
Jankowski, J. J. 152 Kelley, M. L. 203
Janowsky, J. S. 144 Kelley, W. M. 299-300
Jeannerod, M. 33 Kemper, T. L. 334
Jenkins, J. R. 91, 94 Kendra, M. S. 296
Jenkins, M. 240 Kennedy, D. N. 145
Jensen, E. 60 Kent, J. S. 271
Jensen, P. S. 190 Kern, L. 203
Jenson, W. R. 203 Kerns, K. 204
Jentschke, S. 364 Kesler, S. 271
Jernigan, T. L. 145, 147 Khalfa, S. 366
Jiang, Y. 300 Khan, Y. 145
Jimenez, R. 124 Kidd, E. 89, 91
Jin, Z. 336 Kieffer, M. J. 307
Joanisse, M. F. 325 Kier, E.L. 146
Jobard, G. 333 Kiesilä, P. 332
Johns, M. 298, 310 Kilgard, M. P. 365
Johnson, E. 354 Kilgore, W. D. S. 226
Johnson, J. 172 King, J. E. 141
Johnson, M. H. 145 Kintsch, W. 167
Johnson, S. B. 227 Kirk, E. P. 295, 303
Johnston, K. 360 Kirton, M. J. 86
Jolles, J. 91 Kisilevsky, B. S. 352
Jones, K. M. 300, 332 Klahr, D. 55, 66
Jonides, J. 177, 179, 207 Kleibeuker, S. W. 237
Joshi, H. 57 Klein, G. S. 83
Jusczyk, A. M. 354 Klein, R. M. 105, 325
Jusczyk, P. W. 353-354 Kliegel, M. 179
Klingberg, T. 145, 166, 179, 205-206
Kluver, H. 36
K Knecht, H. A. 360
Knetch, S. 33
Kagan, J. 84 Knezevic, B. 204
Kagan, N. 84 Knight, C. 151, 176
Kahn, R. S. 224 Knowlton, B. J. 31
Kahnemann, K. 57, 67 Knuston, B. 226
Kaiser, E. 226 Kobasigawa, A. 138
Kaiser, M. D. 226 Koelsch, S. 361, 363
Kamana, K. 121 Koizumi, H. 48
Kane, M. J. 169 Kok, A. 334
388 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Köller, O. 291 Langer, E. J. 63


Konrad, K. 197, 233 Langer, J. A. 124
Koolschijn, P. C. 237 Lanza, E. 108, 111
Kotz, S. A. 364 Lapaquette, L. 110
Koutsouleris, N. 197 Larcher, K. 366
Kowalski, P. 70 Larivée, S. 366
Kozak, M. N. 303 Larkina, M. 141, 152
Kozhevnikov, M. 85 Lasky-Su, J. 192
Krain, A. L. 196 Laszlo, S. 149
Kratzig, G. 91 Latendresse, C. 366
Kraus, N. 359-360, 363, 366, 369 Laufer, M. W. 191
Krendl, A. C. 299 Laughlin, J. E. 169
Krieger, D. 62 Laurillard, D. 269
Krishnan, A. 359 Lautrey, J. 83
Krizman, J. 360 Le Bihan, D. 260
Kronbichler, M. 335 Le Gall, D. 33
Kronitz, R. 208 Lean, M. E. J. 55
Kron-Sperl, V. 152 LeBihan, D. 260
Kruger, A. C. 52 Leblanc, R. 85
Krusche, P. 255 Lecerf, T. 172
Kucian, K. 271-272, 275 Lecocq, P. 323
Kuhl, P. K. 353 LeDoux, J. 226, 300, 305
Kujala, T. 337 Lee, H. L. 334
Kulp, C. A. 296 Lee, J. 292
Kuntsi, J. 192 Lee, J. K. 147-148
Kuperberg, G. R. 149 Lee, N. C. 91
Kuppens, P. 231 LeFevre, J. 294
Kurland, D. M. 136, 169 Legrenzi, P. 65
Kutas, M. 149, 333 Leibenluft, E. 225
Ky, K. N. 61, 366 Lemer, C. 289
Léna, P. J. 49
Lenfant, C. 56
L Leonard, D. 57
Leonard, L. 118
La Garanderie, A. 90 Leopold, L. 88
La Pointe, L. B. 176 Leopold, W. F. 107
Lacey, S. C. 177 Lépineux, R. 90
Lafontaine, R. 90 Leppänen, P. H. 337
Lafortune, L. 87, 94 Lervag, A. 326
Laganaro, M. 13, 28 Lesiecki, M. 56
Lainhart, J. E. 89 Lesko, N. 227, 239
Laird, A. R. 177 Lessoil, B. 90
Laliberté, V. 33 Leuwerke, W. C. 291
Lam, C. 369 Levin, J. R. 139
Lambert, W. E. 121 Levine, S. C. 307, 309
Lancaster, J. 198 Levita, L. 231
Landauer, T. K. 256, 258 Levy, B. 361
Landerl, K. 325 Lewedeg, V. 109, 112
Langberg, J. M. 203 Li, J. 55, 66
Lange, G. 138 Liao, Y.-C. 65
Index des auteurs 389

Liberman, M. 355 Maniscalo, B. 300


Libertus, M. E. 233, 268-269 Mankoff, S. P. 55
Lieberman, M. D. 237 Mann, J. I. 55
Lilienfeld, S. 62 Mari, J. J. 367
Lim, K. 229 Marie, C. 361, 365-366
Lin, C.-P. 237 Mariën, P. 26
Lindell, A. K. 89, 91 Marincola, F. M. 55
Lindholm-Leary, K. 116, 123, 125, 128 Marini, Z. 172
Lindquist, M. A. 230 Marques, C. 363
Lindstrom, L. C. 310 Marsh, D. 113
Linn, S. J. 62 Martens, A. 310
Liotti, M. 198 Martin, D. 94
Liu, R. C. 365 Martin, E. 145
Logie, R. H. 177, 295 Martin, M. 105
Logothetis, N. K. 224 Marton, P. 202
López, L. M. 150-151 Mash, J. 202
Lovaas, O. I. 202 Mashmoushi, R. 65
Lovio, R. 337 Massa, L. J. 88
Lowe, N. 192 Masten, C. L. 230
Lu, A. 32 Mataix-Cols, D. 198
Lucas, A. 270 Mateo, J. 303
Lucas, E. 260 Mattarella-Micke, A. 303
Lucas, T. 124 Matthews, S. 108
Luciana, M. 229 Matute, H. 68
Ludwig, C. 169 Maurer, U. 335
Luna, B. 146, 226, 232 Maxfield, D. 138
Lupien, S. J. 366 Mayer, R. E. 88
Luu, P. 299 Mayringer, H. 328
Lynch, M. P. 353 Mazoyer, B. 333
Lyon, G. 327-328 Mazzocco, M. M. M. 256
Lyons, I. M. 279, 305 McArthur, G. 341
Lyster, R. 118 McCabe, D. P. 57
Lyytinen, H. 325, 337 McCall, L. E. 153
McCaughey, D. 56
McClelland, J. L. 143
M McClure, E. B. 225
McConnell, A. R. 298
Ma, X. 288, 293 McDaniel, M. 65, 88
Mackie, S. 195 McDonough, L. 139
Macko, K. A. 37 McFarland, N. R. 195
Maess, B. 363 McGaugh, J. L. 304
Magistretti, P. J. 22 McGoey, K. E. 203
Magne, C. 362, 364-365 McKay, R. T. 67-68
Maguire, E. A. 144, 337 McKeough, A. 172
Makris, N. 145 McKinney, K. A. 223, 233
Males, M. 238 McLean, D. A. 268
Malone, P. S. 205 McMillan, K. M. 177
Maloney, E. A. 300, 302, 309 McNab, F. 206
Mandler, J. M. 139 McNaughton, B. L. 143
Mangels, J. A. 31, 300 McNeel, D. 56
390 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

McRae, K. 226, 232 MTA Cooperative Group 202


McReynolds, J. R. 304 Muetzel, R. 229
Mead, N. 367 Mufson, E. 146
Mechelli, A. 333 Mulder, J. 363
Mehisto, P. 113 Müller, K. 333
Meisel, J. M. 108, 111 Murray, D. W. 205
Mejias, S. 274 Murray, K. E. 196
Melby-Lervåg, M. 179, 207 Musacchia, G. 359
Melidona, S. 324 Mussolin, C. 273-274
Meltzoff, A. N. 195 Myers, E. B. 369
Menon, V. 233, 299, 304 Myers-Scotton, C. 111
Merten, M. 223
Messer, S. B. 84
Met, M. 118, 121 N
Mevorach, C. 204
Meyer, M. 335 Näätänen, R. 337
Meylan, N. 13, 40, 60, 68, 92, 94-95 Nakao, T. 198
Mierkiewicz, D. 258 Nakata, T. 366
Miéville, P. 41 Nakayama, K. 231
Milham, M. P. 193 Naples, A. 338
Miller, D. L. 203 Nation, K. 324
Miller, E. K. 232 National Mathematics Advisory Panel
Miller, G. A. 166 291
Miller, L. 90 Naus, M. J. 138
Miller, P. H. 139 Nazzi, T. 364
Mills, K. L. 236 Nearing, K. I. 305
Miranda, D. 366 Nee, D. E. 177
Mirenda, P. 87 Neirynck, I. 173
Mishkin, M. 37 Nelis, S. 267
Mitsudome, A. 145 Nelson, E. E. 225, 232
Mitterer, H. 337
Nelson, P. B. 360
Miyake, A. 233, 294, 361, 363, 367
Neville, H. J. 149, 334
Moely, B. E. 152-153
Newman, R. 354
Molina, B. S. 190
Newport, E. L. 354
Molko, N. 270
Nezamzadeh, M. 146
Monk, C. S. 226
Moore, A. M. 13, 290, 293, 303 Nickerson, R. S. 67
Moore, S. 229 Nicoladis, E. 108-111
Morais, J. 323 Nielsen, J. A. 89
Moreno, S. 362, 367, 369 Nigg, J. T. 192, 203
Morfidi, E. 329 Noël, M.-P. 268, 274
Morrison, A. B. 207 Noll, D. C. 226
Morton, J. B. 233 Noordenbos, M. W. 337
Moscovitch, M. 166 Nordin, N. M. 291
Moseley, D. 86 Nordstrom, M. A. 358
Moshman, D. 239 Norton, E. S. 324
Mostert, M. P. 65 Notebaert, K. 267
Mouchetant-Rostaing, Y. 332 Nuñez, S. C. 267
Mousty, P. 328 Nyberg, L. 180
Moyer, R. S. 256, 258 Nystrom, L. E. 226
Index des auteurs 391

O Pascual-Leone, J. 167, 170-174, 178


Pashler, H. 65, 86, 88, 233
Oakhill, J. V. 320, 322, 327 Pasquinelli, E. 13, 40, 89, 91, 366
Oberauer, K. 170 Patel, A. D. 363, 365
Obladen, M. 355 Pathman, T. 147
O’Brien, L. 226 Patton, G. C. 222
OCDE 319 Paul-Boncour, G. 190
OCEBM 54 Paulesu, E. 332, 336
Ochsner, K. N. 230 Pauls, J. 224
O’Connell, S. 360 Pauly, H. 324
O’Dell, S. M. 202 Pavio, A. 86
Odic, D. 268 Payne, M. A. 225, 228
O’Doherty, J. P. 226 Pearson, B. Z. 109, 112
OECD 49, 60, 81, 89, 91 Pearson, D. 124
Oeltermann, A. 224 Pelham, W. E. 189, 201-202
Oertel, U. 363 Pellerin, L. 22
Ofen, N. 148 Pelphrey, K. A. 226, 233
O’Hearn, K. 232 Penfield, W. 30
Okamoto, Y. 172 Penney, C. G. 326
Okazaki, M. 145 Pennington, B. F. 192
Oki, M. 226 Peper, J. S. 237, 240-241
Olesen, P. J. 206 Pepperberg, I. M. 255
Oller, K. 109, 112, 353 Peretz, I. 366
OMS 87 Perfetti, C. A. 336
Oosterlaan, J. 194 Pernier, J. 332
Opfer, J. E. 262 Perrig, W. J. 179, 207
O’Reilly, R. C. 143 Perrot, X. 359
Ornstein, P. A. 138, 153 Perry, D. G. 309
Osaka, N. 177 Pessoa, L. 232-233
Østby, Y. 145-147 Peters, E. 254
Overy, K. 367-368 Petersen, S. E. 199
Owen, A. M. 177, 194 Petersson, K. M. 335
Oxman, A. D. 56 Petitto, L. A. 60
Petrides, M. 146-147
Pfeifer, J. H. 226, 228-230, 232, 236-
P 237
Pfluger, T. 145
Padmanabhan, A. 232 Phelps, E. A. 305, 309
Paetsch, J. 262 Philippe, J. 190
Pajares, M. F. 94 Phillips, W. 84
Pandya, D.N. 146 Piaget, J. 82, 171, 174, 176
Pantev, C. 358, 361 Piazza, M. 260
Paquier, P. F. 26 Pica, P. 289-290
Paradis, J. 108-111, 113, 119 Pickering, S. J. 65, 96, 151, 176
Parbery-Clark, A. 359, 363, 368 Pierce, S. H. 138
Parent, V. 208 Pierrehumbert, J. 355
Park, A. 225 Pietsch, J. 292
Parks, S. 204 Pietschnig, J. 61
Parry, P. 202 Pillay, V. 324
Parsons, S. 254, 270, 288 Pine, D. S. 225, 232
392 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Pinel, P. 259-260, 299 Raven, J. 175, 206


Pinker, S. 52, 58 Rawson, E. 57
Pintrich, P. R. 291 Rebollo, I. 175
Pisoni, D. B. 368 Redick, T. S. 178, 180, 207
Pitskel, N. B. 226, 232 Reese, L. 122
Pitt, M. A. 364 Reinke, K. S. 361, 363
Pliszka, S. R. 198 Reis, A. 233, 335
Ploubidis, G. B. 367 Reiss, A. L. 145, 227, 299
Poldrack, R. A. 232 Remark, A. 258, 268
Polka, L. 353 Reynvoet, B. 267
Pons, F. 94, 174 Reznick, J. S. 354
Port, R. F. 364 Ribeiro, A. 352
Posner, M. I. 199, 299 Rice, M. 119
Poulin-Charronnat, B. 364 Rich, B. A. 231
Powell, D. 325, 328 Richardson, F. C. 300
Power, B. 326 Richardson, J. T. E. 167
Pressley, M. 139 Richelme, C. 145
Price, C. J. 333-334 Riches, C. 116, 124
Price, D. 288 Richeson, J. A. 299
Price, G. R. 261, 268, 272-273, 279 Richlan, F. 335
Przybylski, L. 367 Ridderinkhof, K. R. 177
Ridding, M. C. 358
Rieben L. 83
Q Rietveld, M. J. 192
Rimrodt, S. L. 336
Quené, H. 364
Risko, E. F. 300
Quinlan, P. 325
Risley, T. R. 113
Quinn, D. M. 298
Rivera, S. M. 299
Rivera-Batiz, F. 288
Rivière, D. 260
R Robbins, S. 291
Rabiner, D. L. 205 Robbins, T. W. 237
Racine, E. 64-65 Roberts, J. E. 190
Rademacher, J. 145 Roberts, K. C. 200
Radua, J. 198 Roberts, L. E. 361
Raggi, V. L. 202-203 Roberts, R. 368
Raghubar, K. P. 294 Robinson, D. A. 292
Raichle, M. E. 200 Rockstroh, B. 358
Ramani, G. B. 262 Roebers, C. M. 137-138
Ramirez, G. 297, 307-309, 311 Roediger III, H. L. 58
Ramus, F. 328, 364 Roehl, R. 82
Rapport, R. L. 19 Roelofs, K. 304
Räsänen, P. 272 Rogers, J. W. 192
Rashotte, C. A. 325 Rohrer, D. 65, 86, 88
Rasmussen, T. 30 Romer, D. 235
Ratner, H. 52 Rooijakkers, J. A. 334
Ratner, J. 364 Roozendaal, B. 304
Ratner, N. B. 354 Rose, S. A. 152
Rato, J. R. 92, 94 Rosen, G. D. 334
Rauscher, F. H. 61, 366 Rosen, J. 222
Index des auteurs 393

Rosenberg, J. C. 64, 364 Schellenberg, E. G. 365-366, 368


Roskies, A. L. 63 Schenker, N. 32
Rosman, B. L. 84 Scherf, K. S. 146, 232
Ross, J. L. 145 Schlaggar, B. L. 334
Rossell, S. L. 34 Schlaug, G. 357, 363
Rotar, K. E. 296 Schlegel, A. 239
Rothbart, M. K. 199 Schlesinger, H. J. 83
Rotzer, S. 274 Schlicht, E. J. 231
Rouder, J. N. 170 Schmader, T. 298, 310
Roy, M. 366 Schmahmann, J. D. 146
Royal Society 49 Schmidt-Kassow, M. 364
Rubia, K. 194, 196, 198-199, 226 Schnabel, K. 291
Rubinsten, O. 275, 309 Schneider, J. F. L. 145-146
Rudig, N. O. 292-293 Schneider, M. 262
Ruscio, J. 62 Schneider, P. 361
Ryan, A. M. 291 Schneider, W. 138, 152, 178
Ryan, E. B. 175 Schnyer, D. 148
Rydell, R. J. 298 Schofield, G. 55
Rypma, B. 170 Schofield, T. 334
Schön, D. 13, 27, 355, 361-364, 368
Schröger, E. 361, 363
S Schulte-Körne, G. 337
Schulz, E. 336
Sabatini, J. P. 331 Schulze, K. 363
Sadler-Smith, E. 86 Schulze, R. 170
Saffran, J. R. 354-355, 365 Schumann-Hengsteler, R. 295
Salimpoor, V. N. 366 Schurz, M. 329
Sallat, S. 364 Schwartz, L. M. 254
Salmelin, R. 332, 335 Schwarzer, G. 367, 369
Salmi, P. 325 Schweizer, K. 368
Salminen, H. K. 337 Sebastian, C. 224
Salonen, O. 332 Segers, E. 337
Sams, M. 359 Seghier, M. L. 333
Samuel, A. G. 364 Seidman, L. J. 193, 196-197
Samuelsson, S. 325 Seifert, C. M. 56, 64
San Souci, P. 141, 154-155 Seitz, K. 295
Sanders, L. D. 364 Sekuler, R. 258
Sanford, J. A. 205 Semendeferi, K. 32
Sansavini, A. 352, 354 Semrud-Clikeman, M. 198, 204
Santos, R. 302 Serena, G. 256
Saults, J. S. 170 Sergeant, J. A. 194
Saunders, W. M. 123 Serniclaes, W. 328, 337
Sauve, D. 111 Serres, L. 145
Savage, R. S. 324-325 Service, E. 332, 335
Sawyer, R. 291 Seyler, D. J. 295
Saygin, A. P. 149 Seymour, K. G. 322
Scanlon, D. M. 339 Shah, P. 207, 294
Scerif, G. 232 Shahin, A. 361
Schacter, D. L. 67, 165 Shalev, L. 204
Schatschneider, C. 324 Shalev, R. S. 269
394 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Shanahan, T. 116, 123 Snyder, L. S. 322


Shapleske, J. 34 Sobel, L. J. 198
Share, D. L. 322, 329 Soleilhac, N. 90
Sharp, J. 90-92, 94 Somerville, L. H. 224, 231-232, 237,
Sharpley, C. F. 90 300
Shaw, G. L. 61, 366 Sonuga-Barke, E. J. 190, 192-193, 200,
Shaw, P. 195-196, 198 203-204, 207-208
Shaywitz, B. A. 42, 327, 334-335 Sorich, L. 67
Shaywitz, S. E. 42, 327, 335 Soseley, M. E. 145
Sheeber, L. B. 231 Sowell, E. R. 144, 147, 225
Shelef, I. 254 Spaulding, L. S. 65
Shepard, K. N. 365 Spear, L. P. 225
Sheridan, S. M. 203 Spelke, E. S. 256, 258, 289, 299
Sherman, G. F. 334 Spencer, S. J. 298
Shield, B. M. 360 Sperber, D. 62, 69
Shih, P. C. 175 Sperry, R. W. 39
Shimamura, A. P. 144 Spilsbury, G. 368
Shimojo, S. 231 Spira, A. 173
Shipstead, Z. 178, 180, 207 Spironelli, C. 267
Shisler, R. J. 167 Sprenger-Charolles, L. 328
Short, D. 118 Squire, L. R. 31, 143-144
Shukla, M. 356 St Clair-Thompson, H. L. 150-151
Shulman, G. L. 232 Stahl, S.A. 88, 91
Shuster, J. 204 Staib, L.H. 146
Siegel, L. S. 175-176, 329 Stainthorp, R. 325
Siegler, R. S. 262 Standing, L. G. 70
Siemens, L. 138 Stanescu, R. 299
Silver, S. H. 231 Stankov, L. 368
Simmonds, A. 91, 94 Stauber, J. 197
Simon, H. 55 Stazyk, E. H. 301
Simón-Cereijido, G. 119 Steele, C. M. 298
Simons, D. J. 62 Steele, K. M. 61
Simpkins, S. D. 291 Stegmann, Z. 151, 176
Singer, H. S. 145 Steinberg, L. 222, 224, 226, 235-237,
Singh, L. 354 240
Siok, W. T. 336 Steinhausen, H. C. 336
Sitnikova, T. 149 Steinmetz, H. 357
Skinner, A. T. 205 Stephan, K. E. 231
Skoe, E. 359-360, 369 Stern, E. 48
Slavin, R. E. 56 Sternberg, R. J. 85
Slevc, L. R. 361, 363-364, 367 Stevens, F. 117
Slovic, P. 57, 254 Stevenson, H. W. 290
Smith, A. R. 231 Stewart, K. E. 255
Smith, Alistair 90 Stigsdotter Neely, A. 180
Smith, Anna 199 Stiles, J. 147
Smith, Ashley 235 Still, G. 190
Smith, E. E. 177 Stoltzfus, E. R. 170
Snider, V. E. 82, 89 Stoner, G. 203
Snow, A. 118 Strait, D. L. 360, 363, 369
Snowling, M. J. 339 Strang, N. M. 236
Index des auteurs 395

Strauss, S. 52 Thompson, L. A. 207


Strong, G. K. 341 Thompson, P. M. 225
Stuart, M. 325, 339 Thompson, R. W. 90
Stuss, D. T. 33 Thompson, W. F. 365
Suinn, R. M. 300 Thompson, W. G. 88
Sullivan, A. 57 Thomson, J. 204
Sullivan, K. 298 Thomson, J. M. 367
Süss, H. M. 170 Thomson, M. A, 56
Swain, M. 118 Thordardottir, E. 109
Swan, K. 369 Thorndike, E. 48
Swanson, H. L. 177, 201 Tierney, A. 360, 368
Swanson, J. M. 177, 201 Tillmann, B. 363
Sweeney, J. A. 146, 232 TLRP 49
Szeminska, A. 176 Toga, A. W. 225
Szenkovits, G. 328 Tomas, K. G. 88
Tomas, M. R. 88
Tomasello, M. 52
T Tooke, D. J. 310
Toplak, M. E. 204
Taeschner, T. 107
Torgerson, C. J. 341
Tait, H. 86
Torgerson, D. 341
Takahashi, T. 145
Torgesen, J. K. 325
Takano, K. 145
Torppa, M. 325
Tallal, P. A. 145, 341
Townsend, J. 149
Tamn, L. 233
Toyoshima, K. 366
Tamnes, C. K. 145-146, 224
Trainor, L. J. 355, 361
Tamoto, S. 366
Tranel, D. 36
Tan, L. H. 336
Trauner, D. A. 145
Tannock, R. 193, 208, 309, 325
Trehub, S. E. 353
Tardif, E. 11-12, 40, 60, 68, 89-92,
Trinath, T. 224
94-96
Trojanowski, J. Q. 145
Tarver, S. G. 88
Trout, J. D. 63, 81
Taub, E. 358
Tsal, Y. 204
Tavernier, R. 238
Tsivkin, S. 299
Taylor, A.K. 70
Tucker, G. R. 121
Taylor, E. 192, 199
Tuholski, S. W. 167, 169
Taylor-Vaisey, A. 56
Tulving, E. 137, 165
Tees, R. 353
Turkeltaub, P. E. 332, 334
Telzer, E. H. 237, 241
Turner, M. L. 170, 270
Temple, E. 277
Turtle, M. 145
Terrace, H. S. 255, 258
Tversky, A. 57, 67
Tervaniemi, M. 361
Tzieropoulos, H. 13, 28
Terwilliger, R. 226, 232
Tzourio-Mazoyer, N. 333
Teslovich, T. 226
Tessner, K. D. 225
Théberge, M. 85
U
Thiessen, E. D. 355
Thomas, L. 174 Uckert, K. 226
Thomason, M. E. 233 Uller, C. 255
Thompson, C. A. 262 Ulrich, R. F. 195
396 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Umiltà, C. 65 von Cramon, D. Y. 306, 333, 364


Ungerleider, L. G. 37, 232 Voracek, M. 61
Urbano, R. C. 353 Vukovic, R. K. 307, 329
Urosevic, S. 229 Vul, E. 233
Utsunomiya, H. 145
Uutela, K. 332
W
V Wager, T. D. 230
Wagner, R. K. 325
Vadillo, M. A. 68 Waidman, S. 64
Vaessen, A. 279 Walch, E. 355
Vaidya, C. J. 145, 233 Waldman, I. 192
Valera, E. M. 193, 196 Walhovd, K. B. 145-146, 224
Van Beijsterveldt, C. E. 192 Walker, R. 292
van der Leij, A. 329 Wallon, H. 190
van der Mark, S. 335 Walsh, V. 256, 262
Van der Molen, M. W. 232 Wang, C. 361
Van Heghe, S. 328 Wang, Y. 363
Van Leijenhorst, L. 222, 226, 231, 240 Wassenaar, M. 364
Van Opstal, F. 256, 258 Waterhouse, L. 60
van Zuijen, T. L. 337 Weber, T. 355
Vandewalle, E. 328
Wehling, U. 55
Varejao, M. 202
Weiner, K. S. 35
Varga, N. 33
Weisberg, D. S. 57, 63, 70
Varga, N. L. 13, 141, 154-155
Weissman, D. H. 200
Varma, S. 269
Welch, H. G. 254
Vasa, R. 226
Wendelken, C. 148
Vasquez, O. 124
Werker, J. F. 108, 353
Veague, H. B. 231
Velanova, K. 226, 232 Westdorp, A. 226
Velay, J. L. 367 Westenberg, P. M. 240
Vellutino, F. R. 339 Westerberg, H. 206
Verfaellie, M. 148 Weyandt, L. L. 202
Verguts, T. 258 Whelan, R. 237, 241
Verhoeven, L. 123, 337 Whilloughby, T. 238
Verney, J. P. 367 White, C. D. 299
Vesterinen, M. 272 White, E. A. 141
Vigneau, M. 332-333 White, K. S. 356
Vihman, M. 108, 111 Whitelaw, G. M 360
Vinckier, F. 332 Whiteman, R. C. 300
Vink, M. 224 Whiten, A. 52
Visscher, K. M. 200 Wienbruch, C. 358
Viswanathan, M. 105 Wigal, T. 200
Vitacco, D. 336 Wilhelm, O. 170
Vogel, S. E. 13, 36, 258, 262, 266-268, Willcutt, E. G. 192, 197, 203
279 Willems, R. M. 149
Vogt, E. 118 William, L. M. 226
Volkow, N. D. 198 Willingham, D. 50, 58, 63, 96
Volterra, V. 107 Willis, C. 151
Index des auteurs 397

Willis, T. H. 202 Y
Wilson, W. 121
Wimmer, H. 325, 328-329, 335 Yarritu, I. 68
Winkielman, P. 233 Yip, V. 108
Wiseman, R. 90 Yonelinas, A. P. 148
Young, C. B. 304, 308-309
Witkin, H. A. 84
Yugelum-Todd, D. A. 226
Wittmann, W. K. 170
Woldorff, M. G. 200
Wolf, M. 324, 326, 328
Z
Woloshin, S. 254
Wong Fillmore, L. 123 Zacks, R. T. 170
Woo, J. 232 Zakaria, E. 291
Woodruff, P. W. R. 34 Zatorre, R. J. 366
Woodside, J. 361 Zeffiro, T. A. 332, 334
Woolard, J. 224 Zelazo, P. D. 232
Wooldrige, B. 84 Zentall, S. S. 202-203
Wraga, M. 298, 300 Zérah, A. 90
Wu, S. S. 304 Zesiger, P. 13, 28, 33, 42-43
Wynn, V. 295 Zhan, L. 85
Zink, I. 328
Ziv, M. 52
X Zola, S. M. 143
Zorzi, M. 256
Xu, F. 256 Zuk, J. 367
Xuehua, L. 354 Zwanziger, E. 108
Index de concepts

A Bilinguisme 13, 103-107, 118-119, 126,


353
Acalculie 254 Bilinguisme simultané 106, 126
Acquisition bilingue simultanée 107, Boucle articulatoire 167
126, 128 Boucle visuo-spatiale 167
Administrateur central 167 Buffer épisodique 167
Adolescence 139, 144-145, 147, 149,
195-196, 209, 221-235, 237-238,
240-241, 360 C
Amygdale 28, 35-36, 224, 226, 230, Callosotomie 39
234, 304-305, 309 Capacité attentionnelle (voir aussi
Anxiété 13, 84, 88, 226, 287, 289, 293- ressources attentionnelles) 171-
294, 297-298, 300, 302-305, 307-311 172, 174, 178
Anxiété des mathématiques (AM) 13, Cellules gliales 22, 62
289, 291-293, 295, 300-311 Cervelet 15-16, 24, 26, 34, 194, 196-
Apprentissage 11, 13, 27, 47, 49-55, 59, 199, 329
61, 65, 67, 69, 71-73, 86, 88, 90-91, Champ visuel 84
105-107, 109, 112-113, 115-117, 122, Choking paradigm (voir aussi perte de
124, 126-129, 135, 139-141, 144, ses moyens face à la pression) 296-
150-152, 156, 172-173, 179, 182, 297, 299, 311
203, 233, 236-237, 263-264, 267, Cingulum (voir aussi cortex cingulaire,
276, 278-279, 288-291, 293-294, gyrus cingulaire) 147, 197
319-324, 328, 330, 334-335, 338-339, Coaching 189, 200-201, 203, 209
354, 356, 362, 365, 369-370 Cogmed (programme) 179, 205-206,
Apraxie 37 208-209
Attention 11, 27-28, 36-37, 43, 57, 69, Cognitivo-comportementales
105, 124, 155, 166, 170, 176, 179, (interventions) 200-201
190-191, 194-200, 202-204, 206-208, Collicules (voir aussi colliculus, tectum)
232, 263, 270, 327, 329, 357, 359, 27
361, 364-365, 368-370 Colliculus (voir aussi collicules, tectum)
Autoconcept 292 359, 361, 363
Auto-efficacité 290-293 Compétences en mathématiques 254, 279,
Axone 16, 18-19, 22-23, 25-27, 31, 288-289, 292-293, 306, 309
39-40 Compétences linguistiques 115, 118-
119, 123-124, 354
B Comportement à risque 189, 221-224,
230, 234-235, 238, 242
Béhaviorisme 48 Compréhension en lecture 116, 120,
Biais de confirmation 66 124, 140, 150, 153, 174-176, 196,
400 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

204, 320-322, 325-327, 331-333, 336, E


339, 341
Conscience phonémique 323 Effet de distance numérique (NDE)
Conscience phonologique (CP) 116, 257-260, 263, 265, 272-273
124, 321-323, 325, 328-329, 337, 341 Effet de grandeur numérique (NRE)
257
Conservation (mémoire) 136, 139, 143-
Effet Mozart 61-62, 64, 67, 71, 366
144, 146, 151, 156, 166
Élagage synaptique 145, 196, 225
Consolidation (mémoire) 36, 143, 147,
Émotion 28, 36, 50, 67, 222-224, 226,
156
229-230, 232-233, 241, 299-300,
Contrôle cognitif 226, 231-233, 235-
305-306, 359, 365
236, 264, 306
Empan (mémoire) 136, 168-171, 175-
Contrôle exécutif (voir aussi fonctions
176, 180, 307, 325
exécutives) 105, 194 Encodage (mémoire) 35, 137, 140, 144,
Convergence synchrone 143 147-148
Corps calleux 39, 89, 194, 196, 358, Enseignants 11-13, 47, 49-50, 53, 55,
362 57-58, 64-66, 68-70, 73, 81-82, 87-88,
Corps cellulaire 16-17, 19, 23, 26-27, 91-96, 120, 128, 152-153, 155-156,
39-40 182, 201, 203, 205-206, 288, 291, 294,
Cortex cérébral 17-19, 21, 26-28, 30, 296, 309, 311
39, 145 Entraînement 166, 175, 178-181, 201,
Cortex cingulaire (voir aussi cingulum, 204-209, 334, 337, 339, 341
gyrus cingulaire) 194, 200, 299
Cortex orbitofrontal 147, 237, 241
Cortex préfrontal dorsolatéral 147-148, F
194
Facteurs génétiques 189-191, 198, 204,
Cortex préfrontal ventrolatéral 194
338
Cortisol 303-304, 366
Fibres axonales (voir aussi axone) 358
Croyances 12-13, 58, 67-68, 70-71,
Fluence (lecture) 205, 325, 328-329
81-82, 89-91, 94, 106, 112, 122, 127,
Fonctions exécutives (voir aussi
289, 293, 310 contrôle exécutif) 33, 105, 167,
175, 177, 190, 192-195, 197-198,
203, 208, 224, 235, 368-370
D Formateurs d’enseignants 12, 81-82,
Dépression (voir aussi états dépressifs) 92, 94
254 Formation des enseignants 49, 70, 82,
Diencéphale 25-27, 30 92, 95
Différences interindividuelles 13, 236, Forme visuel des mots (VWFA) 332-
254, 262, 267-268, 276, 322, 334, 336
338 Fornix 146
Différenciation structurale 86-87, 89,
94
Double système (théorie) 221-222, 224
G
Dyscalculie dévelopementale (DD) 13, GABA (acide γ-aminobutyrique) 21, 31
191, 269, 271-278 Ganglions de la base (voir aussi noyaux
Dyslexie 13, 42, 269, 275, 277, 323, gris centraux) 23, 28, 30, 197
326-330, 334-338, 340, 352, 367 Grammaire 108, 111, 362
Index de concepts 401

Gyrus (anatomie) 142, 146-147, 194, L


196-200, 224-225, 261, 263, 274,
299, 306, 332, 336, 361 Langue dominante 104, 108-109, 122
Gyrus angulaire 37, 261, 299, 332 Latéralisation hémisphérique (voir aussi
spécialisation hémisphérique) 267
Gyrus cingulaire (voir aussi cingulum,
Lobe frontal (voir aussi cortex frontal,
cortex cingulaire) 31, 146, 194,
régions frontales) 28, 30, 32, 143,
196-200, 224
146, 177, 194, 226, 231
Gyrus denté 146 Lobe occipital (voir aussi cortex
Gyrus frontal inférieur 306 occipital, région occipitale) 28, 38,
Gyrus frontal moyen 336 145, 261
Gyrus fusiforme 35, 42-43, 225 Lobe pariétal (voir aussi cortex pariétal,
Gyrus parahippocampique 146, 274 régions pariétales) 28, 30, 254-255,
Gyrus postcentral 30, 37 260-262, 264, 267, 269, 271, 273-
Gyrus précentral 30 275, 306
Gyrus supramarginal 147, 332 Lobe temporal (voir aussi cortex
Gyrus temporal inférieur 34 temporal, régions temporales) 28,
Gyrus temporal médian 142 33-35, 143, 145, 148, 152, 230, 335
Gyrus temporal moyen 34
Gyrus temporal supérieur 34, 261
M
Matière blanche 17-19, 23, 144, 146,
H 197, 225, 229, 237, 270, 274, 358
Hippocampe 28, 35-36, 143, 145, 147- Matière grise 17, 23, 144-145, 197-198,
148, 306 225, 229, 237, 270, 274, 361
Matrices progressives (de Raven) 175-
H.M. (patient amnésique) 31, 35-36
176, 206
Hot et Cool (fonctions exécutives) 193,
Mémoire 11, 13, 21, 33-35, 50, 58, 63,
199
88, 91, 135-137, 139, 141-144, 146-
148, 150-153, 156, 165-168, 170-171,
173-174, 176-178, 180-182, 192,
I 194-196, 198-199, 202, 204-207, 232,
Identification des mots 321-323, 325- 264, 294-297, 299-305, 307-309, 322,
327, 332, 339 326-327, 357, 368-369
Immersion (bilinguisme) 104, 106, 113, Mémoire à court terme 165-166, 168,
115-117, 119-121, 127-128, 353 171, 176-177, 206, 294
Impulsivité 84, 189, 191, 193-195, 199, Mémoire à long terme 143, 151-152,
165-168, 171, 326
201-202, 206, 234, 236, 241
Mémoire de travail (MdT) 13, 33, 35,
Inhibition 20, 33, 105, 170, 172-173,
136, 141-142, 146-147, 150-151, 156,
175, 177-178, 192, 194-195, 197-199,
165-166, 168, 170-171, 173-174,
206, 224, 232, 358, 368-369 176-178, 180-182, 192, 194-196,
Instabilité psychomotrice 190 198-199, 204-207, 264, 294-297,
Insula 147 299-300, 302-305, 307-309, 368
Intégration sémantique 140-141, 336- Mémoire épisodique 13, 35-36, 136-
337 137, 140-141, 147-148, 150, 152-153,
Intelligence 13, 59, 61-62, 67, 82-83, 156, 165, 167
85, 93, 95, 168, 171, 174-176, 180, Mémoire sémantique 13, 136, 139, 141,
207, 270, 352, 368-369 148, 150, 153, 156, 165
402 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Mémoire volontaire 136-137 P


Menace du stéréotype 13, 289, 294-
295, 297-299, 310-311 Pédagogie différenciée 82, 85-87, 89,
Mésencéphale 25-26, 30, 32 94
Métencéphale 25-26 Performance scolaire 165, 176, 205
Milieux socio-économiques 121, 128, Performances en mathématiques 13,
338 267-268, 276, 279, 294, 297, 307,
Modèle de Baddeley 167 309
Modèle triadique (adolescence) 225 Perte de ses moyens face à la pression
Moelle épinière 16, 19, 23-26 (voir aussi choking paradigm)
Motivation 50, 52, 58, 68, 115, 192, 289, 295-297
194, 196, 199, 203, 205, 208-209, Phonologie 108, 329-330
235, 290-293, 300 Planification 56, 191-192, 194, 196,
Motivation intrinsèque 291 199, 202, 232, 368
Musique 14, 27, 60, 62, 113, 351-357, Planum temporal 34, 334
359-370 Plasticité 14, 22, 27, 53, 61, 179, 206,
Myélencéphale 24, 26-27, 39 351, 356-357, 363, 365, 369
Mythe des enfants parlant une langue Plurilinguisme 103-105
minoritaire 105-106, 116, 122-125, Potentiels évoqués liés aux événements
127, 129 (PE, ERP) 141, 148-149, 258-259,
Mythe du bilinguisme et des troubles de 332, 336, 341-342
langage 105, 118 Pratiques éducatives 49, 55, 66, 72, 289
Mythe du cerveau unilingue 105-106, Pré littératie 116
108, 110 Précuneus 224
Pression (voir aussi choking
paradigm, perdre ses moyens sous
N la pression) 52, 69, 230-231, 289,
294-297, 311
N400 (onde) 149, 333, 336 Processus mnémonique (voir aussi
n-back (tache de) 169, 177, 179, 207 mémoire) 135, 142
Neurofeedback 190, 204 Psychologie différentielle 83, 85, 93
Neuroimagerie (voir aussi résonnance Psychostimulants 191, 196-197
magnétique) 198, 221, 223, 233, Puberté 145-146, 223, 227, 239
235, 238, 255, 258-260, 270, 299, Puissance d’activation mentale
304, 330-335, 337 (puissance M) 171
Neuromythes 12, 14, 40, 47, 50, 60-63,
65-72, 81-82, 89, 91-94, 96
Neurophilie 11, 62, 64-66, 81 R
Neurotransmetteur 19-22, 25-27, 31,
Récupération (mémoire) 58, 137, 139,
145
142-144, 147-148, 150, 156, 326
Noyau accumbens 27, 30-32, 229
Rééducation 340-341, 366
Noyaux gris centraux (voir aussi
Régions frontales (voir aussi cortex
ganglions de la base) 30
frontal) 32-33, 178, 196, 198, 206,
224, 264-265, 268, 274, 332-334, 364
Régions pariétales (voir aussi cortex
O
pariétal) 142, 147, 197-198, 206,
Ordre de grandeur numérique 255-256, 269, 274-275, 299, 305, 332, 334,
258-267, 269, 271, 273, 275-276, 278 364
Index de concepts 403

Régions temporales (voir aussi cortex Système nerveux 12, 15-16, 22, 329
temporal) 33-36, 38, 197, 224, 332- Système ventral affectif 229, 231
334, 336, 364 Système visuel 39, 352
Règles grammaticales 111 Systèmes lexicaux 107
Régulation émotionnelle 195, 230-231,
304-305
Réseau fronto-pariétal 142 T
Résonnance magnétique (IRM, voir aussi
neuroimagerie) 41, 89, 142, 223, 225, Tectum (voir aussi collicules, colliculus)
237, 239, 274, 299, 358 26-27
Ressources attentionnelles (voir aussi Tegmentum 26
capacité attentionnelle) 33, 167, Télencéphale 28, 30, 146
364, 369 Thalamus 26-28, 34, 194, 198-199
The Task Forces for the Future of
Educational Neuroscience 60
S Théorie du neurone 19
Schèmes exécutifs 170, 172, 174 Théorie réticulaire 19
Sciences cognitives 13, 47, 49-50, Transfert d’apprentissage 362, 364
52-53, 55-57, 59-61, 64, 66, 70-72, Transposition 278-279
181, 319-320, 330, 351 Trouble déficit d’attention avec ou sans
Sens des nombres 301 hyperactivité (TDA-H) 13, 21, 179,
Sérotonine 192, 365 189-209, 270
Sillon intrapariétal (IPS) 37, 259-260,
Troubles d’apprentissage (voir aussi
262, 264, 266-268, 270-275
Spécialisation hémisphérique (voir aussi difficulté d’apprentissage) 67, 320,
latéralisation hémisphérique) 40, 326, 338
61, 89 Troubles spécifiques du langage (TSL)
Stéréotype (voir aussi menace 118-119, 126, 327
du stéréotype) 13, 289, 294-295,
297-300, 310-311
Stockage (mémoire) 167, 172 V
Stratégies mnémoniques 137, 152-153
Striatum 27, 30-31, 194-197, 199, 224, VAK (méthode) 65, 82, 90-92, 94
231 Variabilité interindividuelle (voir aussi
Style cognitif 81-87, 94 différences interindividuelles) 83,
Style d’apprentissage 65, 81-82, 85-91, 173
93-95 Variabilité intraindividuelle 83-84
Synapse 19, 23, 26-27, 61, 145, 204,
Vigilance 25, 95, 193-195, 199-200
225, 356
Vitesse de traitement 137, 170, 173,
Synaptogenèse 356
Système auditif 352, 361, 369 175, 177
Système d’approximation des nombres Vocabulaire 62, 107-109, 112, 124, 151,
(ANS) 289 322, 327, 370
Système moteur 25, 39, 357 Vulnérabilité 222, 227, 235
Table des matières

Sommaire 5

Liste des contributeurs 9

Introduction 11
Références bibliographiques 14

Chapitre 1. Anatomie fonctionnelle du système nerveux 15


1. Constituants du système nerveux 16
1.1. Le neurone 16
1.2. Matière grise et matière blanche 17
1.3. La synapse 19
1.4. Les neurotransmetteurs 20
1.5. Les cellules gliales 22
2. Les grandes divisions du système nerveux 22
2.1. La moelle épinière 23
2.2. L’encéphale, le tronc cérébral et le cerveau 24
2.2.1. Le myélencéphale 24
2.2.2. Le métencéphale 26
2.2.3. Le mésencéphale 26
2.2.4. Le diencéphale 27
3. Le télencéphale 28
3.1. Les noyaux gris centraux 30
3.2. Les régions frontales 32
3.3. Les régions temporales 33
3.4. Les régions pariétales 36
3.5. Les régions occipitales 38
4. Le rôle du corps calleux
dans le transfert interhémisphérique 39
406 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

4.1. Études de patients callosotomisés 39


4.2. Interprétations abusives 40
5. Connectivité fonctionnelle entre les régions corticales 40
5.1. Identification de réseaux corticaux par résonance
magnétique fonctionnelle 41
5.2. Exemple de réseaux corticaux : lecture et dyslexie 42
Références bibliographiques 43

Chapitre 2. La rencontre entre sciences cognitives et éducation :


opportunités et pentes glissantes. Le cas exemplaire
des neuromythes 47
1. Que peuvent apporter les sciences cognitives à la pratique
de l’éducation ? 49
1.1. Le cerveau qui apprend 51
1.2. Le cerveau qui enseigne 52
1.3. La cognition et l’éducation à la lumière de l’évolution 52
2. Pentes glissantes 53
2.1. Qualité des preuves 53
2.2. Pointillisme empirique 54
2.3. Connaissances non pertinentes 55
2.4. Résistance à l’adoption d’interventions 56
2.5. Illusion de compréhension 57
2.6. Tromperie normative 57
2.7. Un pont trop long 58
2.8. Isoler les disciplines 59
2.9. Chercher une voie unique 59
2.10. Neuromythes 60
3. Le cas des neuromythes 60
3.1. La relation des neuromythes avec le savoir scientifique 61
3.1.1. Des problèmes de communication
et de médiatisation 63
3.1.2. Neurophilie et commercialisation 64
3.1.3. Illusions et biais 66
3.1.4. Une épidémiologie des idées 68
3.2. Questions éthiques 69
3.3. Une satisfaisante philosophie de l’ignorance 70
4. Pour conclure 72
Références bibliographiques 73
Table des matières 407

Chapitre 3. De l’utilité ambiguë des styles d’apprentissage


et des neuromythes 81
1. Styles cognitifs et développement de l’intelligence :
quelques repères historiques 82
2. Styles d’apprentissage et pédagogie différenciée 85
3. Différenciation structurale ou pédagogie différenciée
avec prise en compte des styles d’apprentissage ? 86
4. Neuromythes 89
4.1. Préférence hémisphérique 89
4.2. Dominance de modalités sensorielles 90
5. Neuromythes dans le milieu scolaire 91
6. Discussion 93
Références bibliographiques 96

Chapitre 4. Les mythes entourant le bilinguisme


chez les enfants 103
1. Le mythe du cerveau unilingue 106
1.1. Les étapes du développement 108
1.2. Utilisation différenciée des deux langues 110
1.3. Contraintes grammaticales du mélange des codes
chez les enfants bilingues 110
2. Le mythe du « temps sur la tâche » 112
2.1. Variété des programmes d’immersion 113
2.2. Efficacité des programmes d’immersion 115
2.3. Importance du contexte pédagogique 117
3. Le mythe du bilinguisme et des troubles du langage 118
3.1. Le bilinguisme et les TSL 119
3.2. Éducation bilingue et autres particularités 120
4. Le mythe des élèves de langue minoritaire 122
4.1. Influence des parents 122
4.2. Facilitations interlinguistiques 123
4.3. Minorités linguistiques : bénéfices des programmes
bilingues 124
5. Conclusions 126
Références bibliographiques 130
408 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Chapitre 5. Les neurosciences cognitives du développement


de la mémoire : implications pour les sciences
de l’éducation 135
1. Changements développementaux de la mémoire 136
1.1. Mémoire de travail 136
1.2. Mémoire épisodique 137
1.3. Mémoire sémantique 139
2. Mémoire et apprentissage : processus cognitifs et structures
neuronales 137
2.1. Identification initiale 142
2.2. Traitement d’information temporairement activée 142
2.3. Transformation des structures temporaires
en représentations à long terme 143
2.4. Récupération d’information conservée à long terme 144
3. Changement neuro-développemental
et implications pour le fonctionnement mnémonique 144
3.1. Le développement des réseaux de mémoire 144
3.2. Implications pour la fonction mnémonique 146
3.2.1. La mémoire de travail 146
3.2.2. La mémoire épisodique 147
3.2.3. La mémoire sémantique 148
4. Implications pédagogiques des développements cognitifs
et neurologiques 150
4.1. Mémoire de travail 150
4.2. La mémoire épisodique 152
4.3. La mémoire sémantique 153
5. Conclusion 156
Références bibliographiques 156

Chapitre 6. Mémoire de travail, développement cognitif


et performances scolaires 165
1. Définitions de la mémoire de travail et considérations théoriques 165
2. Comment mesurer la mémoire de travail ? 168
3. Mémoire de travail et processus sous-jacents 170
4. Mémoire de travail et développement 171
5. Mémoire de travail et autres fonctions cognitives 174
6. Mémoire de travail et apprentissages scolaires 176
Table des matières 409

7. Mémoire de travail et cerveau 177


8. Peut-on entraîner la mémoire de travail ? 178
9. Conclusion 180
Références bibliographiques 182

Chapitre 7. Trouble du déficit d’attention-hyperactivité


(TDA-H) de l’enfant et de l’adolescent :
nouvelles perspectives 189
1. Historique 190
2. Facteurs génétiques et neurobiologiques 191
3. Les troubles neuropsychologiques des enfants et des adultes
avec un TDA-H 192
4. Les études d’imagerie cérébrale : implication des différentes
régions cérébrales 193
4.1. Cortex préfrontal 194
4.2. Cortex cingulaire dorsal antérieur 194
4.3. Striatum 194
4.4. Autres régions cérébrales 194
5. Dimensions développementales 195
6. Imageries structurelles 196
7. Imageries fonctionnelles 198
8. Les approches pluridisciplinaires du TDA-H 200
9. Stratégies pédagogiques liées au TDA-H 201
10. Les approches neurocognitives du TDA-H 203
11. Les aspects cliniques 207
12. Conclusions 209
Références bibliographiques 210

Chapitre 8. Les bases neurologiques de la prise de risque


chez les adolescents : une revue critique 221
1. Le cerveau de l’adolescent : état de la recherche 223
2. Neurosciences et comportement à risque chez l’adolescent :
le modèle du double système 224
3. Câblés pour la prise de risque ? 227
3.1. Revue critique du modèle neuroscientifique
de la prise de risque chez l’adolescent
vue de l’intérieur 228
410 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

3.1.1. Données d’imagerie structurelle : questionner


la spécificité en analysant des explications
alternatives 228
3.1.2. Données issues de l’imagerie fonctionnelle :
la question de la cohérence des résultats 229
3.1.3. Analyse critique de deux systèmes
neurologiques 232
3.1.4. Intégrer le contexte affectif
dans les études expérimentales 234
3.1.5. Flexibilité interprétative : le risque
en tant qu’immaturité, adaptivité
ou flexibilité ? 236
3.2. Données épidémiologiques allant à l’encontre
de la notion de l’adolescent à risque 238
3.3. Aspects sociaux et culturels de l’adolescence 238
3.4. Le rôle du genre 240
4. Conclusion 240
Références bibliographiques 243

Chapitre 9. Que nous apprennent les neurosciences cognitives


sur le développement typique et atypique
des aptitudes numériques ? Une revue
de la littérature 253
1. Ordre de grandeur numérique 255
1.1. Comment le cerveau représente les ordres
de grandeur numériques 258
1.2. Le développement neurocognitif de la représentation
d’ordre de grandeur numérique 263
2. La base neuronale de la dyscalculie développementale 269
3. Implications pour l’enseignement 275
4. Conclusions et futures recherches 278
Références bibliographiques 280

Chapitre 10. Anxiété et affect en mathématiques :


perspectives comportementales, neurocognitives
et développementales 287
1. Attitudes et croyances 289
1.1. Intérêt pour les mathématiques, motivation,
et auto-efficacité 290
Table des matières 411

2. Calculs mathématiques et mémoire de travail 294


3. Obstacles situationnels
à la performance 295
3.1. Perte de ses moyens face à la pression 295
3.2. Menace du stéréotype 297
4. Anxiété des mathématiques 300
4.1. La baisse des performances liée aux aspects affectifs 301
4.2. Corrélations neurologiques 303
4.3. Progrès développementaux 306
5. Perspectives futures et conclusions 309
Références bibliographiques 312

Chapitre 11. L’apprentissage de la lecture et ses troubles :


le point de vue des sciences cognitives
et des neurosciences 319
1. Apport des sciences cognitives à l’apprentissage de la lecture
et ses troubles 320
1.1. L’apprentissage de la lecture 320
1.1.1. Les variables affectant l’identification
de mots 323
1.2. Les troubles d’apprentissage de la lecture 326
1.2.1. La dyslexie développementale et ses causes 328
2. Apport des neurosciences à l’apprentissage de la lecture
et ses troubles 330
2.1. Corrélats neurofonctionnels de la lecture
et de son apprentissage 330
2.2. Différences interindividuelles entre normo-lecteurs
et lecteurs dyslexiques 334
2.2.1. Modalité visuelle 335
2.2.2. Modalité auditive 337
2.3. Rôle des facteurs génétiques 338
3. Implications pédagogiques / conséquences
pour l’enseignement 339
Prise en charge des dyslexies 340
Remerciements 342
Références bibliographiques 342
412 Neurosciences et cognition : perspectives pour les sciences de l’éducation

Chapitre 12. Neurosciences de la Musique 351


1. Langage et musique : des compétences perceptives
qui se développent très tôt 352
1.1. Avant la naissance 352
1.2. Pendant la première année de vie 353
2. L’acquisition du langage et de la musique. Extraire les mots
de la parole et leur attribuer du sens : les problèmes
de segmentation et d’association mot-image chez le bébé 354
3. Pratique musicale et plasticité cérébrale 356
3.1. Qu’est-ce qu’un musicien ? 356
3.2. Des sorties et des entrées 357
4. Transfert d’apprentissage 362
4.1. Les conditions du transfert 365
5. Musique et stimulation cognitive 366
5.1. Musique et dyslexie 367
5.2. Musique, intelligence et fonctions exécutives 368
Références bibliographiques 370

Index des auteurs 379

Index des concepts 399

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