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di. tin ctc •nu~1,1, qt1 oi qt1 c; ; d c nd bas, et avec un soupir «O
Dit~" I q\u cl •appa~ I H
,<'S p~trolr.. 11H· ~lltpl'i rc11t , c l, quhtant rnon livre,je tachai,
t\\al~r{~ l:, l'ri\y<·\11' qui co1n1nc11çait à rne saisir, de preter un e
ore illc· :,ttc·ntivc .
N ,1\tc·ndan 1 plns ric n dan s rna chambre, je crus m'etre
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Rc-1ni sc uu pcu par cc~s paro les, je relève douc en1ent 1non
drap , Je vis qu'il ne s'agissa it que d'une déclara tion d'an1our,
c-t jc 1n<· ~nuvjn s quc j'en avais sou tenu p lus d'une avec fierté .
Jc u'ai p:u; }' fun e faib le, e t j c crus d'aill eurs n'avoir rien à
rcdout<· r d'un e- avc·nLure qui o n11ncnçait de cette sorte.
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SYLPHES ET SYLPHIDES
64 SYLPHES ET SYLT'I-IIDES
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vous en d1s1ez,1 n on cette venu farouche sie. , 1en1 quo1 que
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gnmace, mais celle que J''imagine et que . qui n en est que la
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· d . ' Je ne prns vous
i pem re, parce qucJe n'en ai pas encore tsouvé de cette sorte ...
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LE SYLPHE OU SONGE DE Mmc DE R*** 65
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- Qu' est-ce donc, lui demandai:ie, que les homm e s appellent
vertu? ,, . · ,..
- La résistance que vous opposez à leurs desirs, et qui n ai t
de votre attention sur vos devoirs.
_ Et quels sont-ils, repris-:je, ces devoirs ? .
_ Ils étaient immenses, répliqua-t-il. Mais camme vous le:
abrégez chaque jour, je crois qu'il ne vous en restera pl~s a
observer. Aujourd'hui, ils ne consistent plus que dans la bien-
séance, encore n' est-elle pas exactement suivie.
- Ce dérangement durera-t-il longtemps? lui demandai:ie ,
- Taµt, répondit-il, que les femmes croiront la vertu idéale e t
le plaisfr réel, etje ne vois pas d'apparence qu'elles changent de
façon de penser. D'ailleurs, il n'y a point de femme qui n 'ait
quelque faible_, et ce faible, quelque bien déguisé qu 'il soit,
n'échappe jamais à la recherche opiniatre de l'amant. L a volup-
tueuse se rend au plaisir des sens ; la délicate, au charrne de
sentir son ccelir occupé ; la curieuse, au désir d e s'instruire ; il
en couterait trop à l'indolente pour refuser ; la vaine perdrait
trop si ses ~ppas étaient ignorés, elle veut lire dans la fureur
des désirs d'un amant l'impression qu'elle peut faire sur les
hommes; l'avare cède au vil amour des présents; l 'ambi-
tieuse, aux conque tes éclatantes et la coquette, à l'habitude
de se rendre.
- Vous etes bien savant, lui dis:j e .
- C'est, répondit-il, que j'ai voyagé de bonne heure . Mais
ne commencez-vous pas à vous endormir ? Cette grande envie
de philosopher ne sied pas dans cette rencontre, etje suis sur
qu'attuellement vous me prenez pour un sylphe des plus
novices. Qui sait si mal profiter de moments aussi doux que
ceux qu e je passe auprès de vous, ne mérite pas qu'on les lui
donne. Un sylphe amoureux parler morale ! En bonn e foi me
pardonnerez-vous d 'avoir si mal employé mon temps?
- J e ne sais pas, repris-je, quel autre usage vous en voudriez
faire. Vous m'avez piquée, et je serai bien aise de vous prou-
ver qu'il y a de la vertu.
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66 SYLPHES ET SYLPHIDES
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LE SYLPHE OU SONCE DE Mmc DE R***
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- C' est-à-dire, interrompit-il
. ' que vous voud ·
perd 1sse un temps qui m, est pre,. . J . nez que je
c1eux. e ne su1s . f . ,
- Les ferrimes, sans doute n . point a1t a cela.
' e vous Y ont po1nt a ,.
- Non , assurémei1 t , r epnt-1
· .1. ccoutume.
- ;t vous avez plu partout où vous avez adressé vos vceux ì
- artout, non, répliqua-t-il. J'ai été souvent obligé de eh~ -
ger de forme pou f; · · n
,. . r me aire a1mer. La première p ersonne qui
me ~lut etait,u~e ~eune innocente ·qui avait encore peur des
espnt~. J ~ m av1sa1 d: l~i parler la nuit, je pensai la faire
moun__r.. J eus beaµ 1~1 dir~ que j'étais un esprit aérien, que
nous, enons beau~,. . b1en fans : 1'énumération que je lui fis de
n~~/ ~onn~s quahtes ne la rendit que plus craintive, et si je
n ava1s, pns la figu~e de son m~itre de musique, j'étais perdu.
Celle a laquelle Je m 'adressai ~ensuite était une dame de
gra..nde condition, fort ignorante, . qui ne comprit rien non
plus aux substances célestes, et qui ne voulut p as imaginer
que je pusse etre un corps solide. Cette idée me fit auprès
d'elle un tort considérable. Ne pouvant la vaincre malgré elle-
meme je crus qu'en prenant la ressemblance d'un fort
aimable homme qui l'aimait, je pourrais la ramener : je perdis
mon temps. Enfin, ne sachant plus que faire, je me mis à son
service et me travestis si bien qu'elle ne m'aurait jamais pris
pour un esprit élémentaire : et voyez la bizarrerie, je réussis !
En Espagne, je trouvai une fem1ne qui, après m ' avoir vu, ne
voulut pas de moi et me préféra son amant.Je n'ai pas encore
eu ce chagrin en France. Le détail de mes aventures serait
trop long. Je ne dois cependànt pas . oublier une fe1nme
savante, dont les !études avaient eu pour principal objet
l'astronomie e t la physique . J e la vis et lui dis qui j 'étais ) e ne
l'effrayai p as, mais, quoique avec des efforts incroyables, Je n ~
la persuadai point. « Comment, disait-elle, est-il possible, ~1 ~
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vous e tes d ans votre région, matièr e corporelle, que notre ai~ l . ~
vent peut dissoudre, à quoi pouvez-vo~s etre b_on ici ? >~ ~oin
de réfuter cet argument par des d1scours, Je la pna1 de
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n 'admettre aux preuves. Elle y consentit, déterminée sans
doute par le peu de risque qu'elle crut y c__ourir, ou, sup~osé
qu'il y en eut, par le plaisir d'avoir trouve dans la phys1que
élevée quelque chose d'extraordinaire que tout le monde ne
sut pas. Jessayai donc de la convaincre, mais dans le _temps
que je devais espérer qu'elle cédait à la force de me~ ra1s~ns:
«Ah! Dieu l quel songe ! » s' écria-t-elle. Avez-vous Jama1s vu .
d'incrédulité plus opiniatre? Je ne me rebutai pas d'abor8.
mais, voyant qu'à quelque heure et de quelque façon que je
lui parlasse, elle s'obstinait, ainsi que vous le ferez sans doute,
à rne traiter dc chimère et de songe, je tn'ennuyai de lui
donner matière à rever et la quittai, quoiqu' elle me fit espé-
rer une conversion prochaine. Mais vous, ajouta-t-il, ne seriez-
vous pas aussi incrédule ?
- Je ne serais pas du moins si curieuse, lui répondis-je. Je
suis persuadée que je reve, mais, contente du plaisir que ce
songe me donne,je ne veux pas savoir s'il pòurrait etre vérité.
Et moi, reprit l'esprit, je sens que tout devient trop vérité
auprès de vous. Je ne veux plus m'exposer au danger de voir
vos charmes. Je pars assez malheureux pour n'avoir pu me
faire ai:11er de _:1ous, je vais me dérober aux rigueurs que votre
cruaute me prepare.
- Que vous etes impatient ! Comment voulez-vous que Je
vous aime ? Sais-je seulernent ce que vous etes ?
Avez-vous eu, répliqua-t-il, la curiosité de le demander ?
- Hélas ! répondis-je, j'ai craint de vous facher en vous le
dem_and~nt. Cette ~eur et c~lle que vous ne fussiez pis qu 'un
es~:1t m ont contra1nte. Mais, puisque vous me le pern1 ettez,
qu etes-vous? .
- Vous, <lit-il, qui croyez-vous que je sois ?
- Je vous crois, ~epris-je, e_sprit, démon ou magicien. l\11ais,
sous quelque espece que Je vous imagine, je vous cro1s
quelque chose de fort aimable et de fort singulier.
E OU SONGE DE M'nc DE R** *
LE SYLPH
. ·-?réponditl'esprit. ,..
- Voudriez-vous n1e von . . Répondez , de grace' à ines
- Non, dis-je, il n'est pas temps.
questions, qu' etes-vous ?
- Je suis un sylphe. sylph e !
U sylphe \ in'écriai-je avec tran~por~, un ;>
- n L aimenez-vous .
Oui charmartte com tesse . es ·1 1 'en
- .. , . d Dieu I Mais vous me tro1npez, I r
- S1Je les a1m~ , gran ,· les mortels peuvent
est point, ou s'1l en es.t, qu est-ce que . . céleste
pour votre bonheur, et comment une essence auss1 ;>
que la v6tre peut-elle descendre au ~ommerce des hommes . -
_ Notre félicité, dit-il, nous ennu1e quand nous ne la parta
georis avec personne, et tout notre soin est de chercher
quelque objet aimable qui mérite de nous attac~er. / . .
_ Mais, interrompis-:je, j'ai lu que les sylph1des eta1ent s1
belles. Pourquoi ...
_ Je vous entends, dit-il, pourquoi ne nous pas attacher
C:onstamment à elles ? Nous_ ne les touchons pas assez , elles
nous voient trbp et ce n'estjamais que par raison et pour ne
pas laisser perdre la race des sylphes qu' elles nous accorden t
quelques faveurs. La meme considération nous détermine, et,
comme vous voyez, cela ne doit pas former entre n o us des
liens fort tendres: c'est à peu près agir com1ne vo u s autres
humains quand vous etes mariés.
Nous cherch ons des femmes qui nous tirent de notre
léthargie, ca mme elles cherchent de leur c6té d es hommes
qui les dédommagent de l'ennui que nous leur causons.
Toutes ces ch oses son t réglées entre n ous, e t n ous n ous lais-
sons de part et d' autre aller à notre p enchant sans jalou sie et
sans mauvaise humeur. Vous revez, ajouta-t-il : avo u ez qu e
c'est une ch ose gracieuse que d'avoir un sylphe pou r am an t.
Il n'est point, camm e j e vou s l' ai dit, de fantaisie qu e n ous ne
satisfassions, d e biens do nt n ous n e comblion s ce qu e nous
aimons. Plus esclaves qu' amants, nous sommes soun1is à
toutes ses volontés, incommod es dans un point seul em ent.. .
- Quel est-il ? demandai-je brusqu em ent.
70 SYLPHES ET SYLPHIDES
sYLPHES ET sYLPHIDES
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, f . t et ce serait assez pour m' empecher
· perpetuels anguen , , . . .
s01ns , . 1 certitude de ne vous desirer Jama1s
de vous desirer que a
vainement. · . . · ·1 · d t
Ce sen'timent est assei s1nguher, repartlt-1 , et Je o~ e
qu'il soit vrai. Croyez qu'avec nous on n'a pas le temps de faire
ces réflexions : vous devenez sylphides par no~e comm,erce,
et, participant à notre substance, le soin de rep~n~re a nos
empressements devient aussi léger pour votis qu 11 1 est pour
elles. . ,.,
_ Vous savez lever toutes les difficultés, lui dis-je. Mais,
quand vous quittez une femme, lui reste-t-il quelque essence
de vous?
- Quelquefois, par bonté, répondit-il, nous lui en enlevons
une partie; par malice souvent nous la lui laissons tout
entière.
- Ce procédé n'est pas bon, repris-je.
- Je conviens, dit-il, que nous pourrions nous dispenser de
' .' laisser après nous des désirs que nous seuls pouvons éteindre
'· mais nous ne connaissons que cela pour etre regrettés, et
c'est un plaisir qui nous touche. Vous revez !
- Il est vrai, dis-je, je reve que je connais dans le monde
nombre de femmes sylphides.
- Oh I vraiment, me d,it..il, comme_c' est à la cour que nous
faisons nos plus grands coups, il n'est pas difficile d'y n~con-
naitre nos traces mais il me semble que cette espèce de
malice ne vous effraye pas tant que la mort sur laquelle vous
vous etes tantot técriée. Elle a pourtant des inconvénients.
- ]e les crains, mais je puis les éviter .
. - En, ne m'~imant . ?~s, dit le sylphe; vous n'y gagnerez
nen : e est auss1 la pun1non de celles qui nous résistent.
- Eh_! grand Dieu, m' écriai-je, de quel coté fuir ?
I. - La1ssons tout ce badinage, reprit le sylphe.
I _- ~hl as~urément, nous le laisserons, me récriai:je tout
effrayee. Pomt de commerce, monsieur le démon. Si vous
vouhez m'engager à vous donner l'immortalité, il fallait me
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LE S"'r'LPHE OU SONGE DE Mme DE R*** '73
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SYLPHES ET SYLPHIDES
ce que les financiers sont parmi lesh:tes. Ils sont p~rmi nous
que votre sexe considère le m . Tmmes, e~ ce n est pasce
nous enlèvent nos sylphides. o1ns. ous les JOurs meme ils
1. Comprendre : elles acceptent des cadeaux des gnomes pour les donner à
le urs a mants.
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