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ISSN 2605-6496. Journal of the Geopolitics and Geostrategic Intelligence, Vol.

3, No°3,pp 319-336 March 2022

A l’ère de la digitalisation : Le Maroc, une smart nation en « loading »


Abdelghani BACHAR
Enseignant Chercheur
Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales, Université Chouaib Doukkali
Laboratoire de Recherche en Gestion Economie et Sciences Sociales
Maroc
abdelghani.bachar@gmail.com
Résumé :

Dans une période où le monde est de plus en plus connecté, le digital se révèle être un outil
indispensable au fonctionnement économique d’un pays. La crise sanitaire covid-19 démontre
plus que jamais que le digital permet de garantir une conservation minimale de la production
et des services économiques. A l’heure où 1,3 milliard de la population mondiale sont
confinés chez eux, les Etats moins desservis en réseau internet et en utilisation de matériel
informatique, ne peuvent répondre à la demande de production en télétravail, qui est
nécessaire pour soutenir à minima l’économie. Le présent article a pour objectif de mettre en
lumière le positionnement du Maroc en matière d’évolution digitale et de clarifier les
perspectives de développement du digital au Marocpour faire du pays une « Smart nation».

Mots-clefs : Digital – Réseau internet – matériel informatique – Evolution digitale – Smart


nation

Abstract:
At a time when the world is increasingly connected, digital technology is proving to be an
indispensable tool for the economic functioning of a country. The covid-19 health crisis
demonstrates more than ever that digital technology ensures minimal retention of economic
production and services. At a time when 1.3 billion of the world's population are confined to
their homes, states less served by internet network and the use of computer equipment cannot
meet the demand for telework production, which is necessary to support the economy at a
minimum. The aim of this article is to highlight Morocco's positioning in terms of digital
evolution and to clarify the prospects for digital development in Morocco to make the country
a "Smart Nation".

Keywords : Digital - Internet Network - Computer Hardware - Digital Evolution - Smart


Nation

319
Introduction :

Aujourd’hui, le Digital est identifié au niveau mondial comme la 4èmerévolutionindustrielle,


créatrice d’opportunités économiques et sociales majeures, mais apportant aussi des
changements sans précédent.

Avec l’avènement du digital, de nombreux pays ont adopté une stratégie visant à devenir une
« Smart Nation » afin d’accélérer leur vitesse de développement dans un contexte où la
technologie est désormais consubstantielle à toute tentative d’articulation d’une politique
publique.

Dans la majorité des cas, ce choix s’impose de lui-même, le risque de ne pas emprunter le
virage digital étant trop important. En effet, comme le relève très justement l’auteur et
spécialiste en Intelligence artificielle Stéphane Mallard dans son livre « Disruption -
Intelligence artificielle, fin du salariat, humanité augmentée »1: « Là où les institutions
échouent offrir la stabilité et la confiance nécessaire au développement d’un pays, la
technologie s’immisce partout où il y a des carences et permet aux individus de s’auto
organiser pour résoudre ensemble des problèmes qui auparavant relevaient de la puissance
publique ». En résumé, la stratégie - notamment publique- besoin de temps, mais les nations
ont des besoins urgent. Ces dernières utilisent donc l’épouvantable effet levier de la
technologie pour résoudre cette équation à priori insoluble. De ce fossé est née le besoin
impérieux de devenir des « nations digitales » pour plusieurs pays afin de pouvoir réguler,
contrôler, et fédérer les forces en présence.

En effet, au cours des 20 dernières années, le Maroc, a mis en place de nombreux programmes
nationaux afin de soutenir le développement du Digital. Néanmoins, des obstacles persistent
et freinent l’entrée de plein pied du Royaume dans l’ère digitale. Sous l’impulsion de Sa
Majesté, que Dieu Le glorifie, le Royaume du Maroc souhaite donner un nouvel élan à la
transformation numérique et promouvoir un développement volontariste et ambitieux des
secteurs technologiques.

Dans ce contexte, alors que le monde s’apprête à basculer vers la 5G, une évolution qui
entraînera un changement profond de notre manière de communiquer, de produire et
d’échanger - quel est le positionnement du Maroc à l’échelle internationale en matière

1
Stéphane M., (2018), « Disruption – Intelligence artificielle, fin du salariat, humanité augmentée », Edition
Dunod.

320
d’évolution digitale? Et quelles sont les perspectives de développement du digital au Maroc
pour faire du pays une « Smart nation» ?

1. Transformation Digitale et évolution des sociétés :


La transformation numérique, également dénommée digitalisation, est un concept encore
protéiforme, certains praticiens la caractérisent comme « les changements induits par les
technologies numériques dans tous les aspects de la vie humaine »2.

La notion de transformation numérique ou digitale nous questionne sur la nature des


évolutions rendues possibles par les derniers développements dans le domaine des TIC. Les
différentes vagues de développement technologique ont toutes, à des degrés divers, eu un
impact profond sur le développement socio-économique et celui des organisations. Garder à
l’esprit cette dimension historique est nécessaire pour ne pas tomber dans le piège de la
nouveauté. La transformation numérique n’est pas un phénomène nouveau : l’expression
(digital transformation) est apparue pour la première fois en 20003.

Reis et al identifient les aspects de la transformation digitale en trois classes distinctes 4 : Un


aspect technologique où la transformation digitale repose sur l’utilisation de nouvelles
technologies digitales telles que les réseaux sociaux, la technologie mobile, les outils
analytiques ou intégrés (Fitzgerald et al., 2013)5. Un aspect organisationnel où la
transformation digitale nécessite un changement des processus opérationnels ou la création de
nouveaux modèles d’affaire (Ross et al., 2016)6. Un dernier aspect social ou la transformation
digitale est un phénomène qui influence tous les aspects de la vie humaine (Matt et al., 2015)7.

2
Stolterman, E., & Fors, A. C. (2004),«Information technology and the good life. In Information, systems
research », Springer, Boston, MA.pp. 687-692.
3
Patel, K., & McCarthy, M. P. (2000). «Digital transformation: the essentials of e-business leadership. McGraw-
Hill Professional».
4
Reis, J., Amorim, M., Melão, N., & Matos, P. (2018, March). «Digital transformation: a literature review and
guidelines for future research». In World conference on information systems and technologies Springer, Cham.
pp. 411-421.

5
Fitzgerald, M., Kruschwitz, N., Bonnet, D., and Welch, M. (2013). Embracing Digital Technology, MIT Sloan
Management Review, pp. 1-12.
6
Ross, J.W., Sebastian, I.M., Beath, C., Mocker, M., Moloney, K., & Fonstad, N. (2016). Designing and
Executing Digital Strategies. ICIS.
7
Matt, Christian; Hess, Thomas; and Benlian, Alexander (2015). Digital Transformation Strategies, Business &
Information Systems Engineering: Vol. 57: Iss. 5, pp. 339-343.

321
L’évolution numérique atteint actuellement le niveau « 5.0 », volontairement choisi pour
intégrer la cinquième étape d’évolution de la Société humaine 8. Dans ce sens le rapport
Keidanren9, expose la nécessité d’abattre cinq murs pour pouvoir passer à la société 5.0.

L’évolution de la société peut être classée en cinq étapes de développement (Figure 1) :

 La société tribale : qui est une société primitive dans laquelle il n'y avait aucun outil
productif fabriqué par l'homme.
 La société agricole : dans laquelle quelques outils statiques étaient les moyens de
production les ressources uniques employées dépendaient du matériel utilisé et ne
permettant que des activités agricoles manuelles.

 La société industrielle : dans laquelle quelques outils de production dynamiques ont


été utilisés et dépendaient de l’énergie, soutenant les activités agricoles et industrielles
grâce à l’utilisation de ces outils (par exemple, des moteurs).

 La société de l’information : dans laquelle les outils intelligents sont les outils de
production typiques et les sources utilisées dépendent du matériel, de l’énergie et des
informations, en soutenant les activités agricoles, industrielles et d’information par
l'utilisation d'outils intelligents (ordinateurs et réseaux, par exemple).

 La Société 5.0 ou « Super Smart Society » ou Société créative :Keidanren définit la


Société 5.0 comme une société « où la transformation numérique se combine avec
l’imagination et la créativité de diverses personnes pour résoudre les problèmes
sociaux et créer de la valeur ».10Derrière cela se cache l’idée que la société à
poursuivre dans la Société 5.0 n’est pas seulement une « société super intelligente »,
mais aussi une société dans laquelle n’importe qui, n’importe quand, n’importe où,
avec la tranquillité d’esprit, crée des valeurs tout en vivant en harmonie avec la nature
en utilisant des technologies innovantes.

8
Evolution 1 - Société de chasse, - Evolution 2 - Société agraire, - Evolution 3 - Société industrielle, - Evolution
4 - Société de l’Information, - Evolution 5 - La « Super Smart Society » ou Société 5.0.
9
Keindanren, Japan Business Federation (2016), (Date de consultation:10 Décembre 2020) The evolutionary
aspect of the Society 5.0 concept as introduced in the 5th Science and Technology Basic Plan (Keidanren). En
ligne: www.keidanren.or.jp/en/policy/2016/029_outline.pdf
10
Keindanren, Japan Business Federation (2019). (Date de consultation :10 Décembre 2020),Annual Repport. En
ligne https://www.keidanren.or.jp/en/profile/Keidanren_Annual_Report2019.pdf

322
Dans le but de créer une vie plus confortable et une société meilleure, la Société 5.0 met
l’accent sur la façon dont la transformation technologique et industrielle devrait être utilisée
pour atteindre le bonheur et une meilleure société.
En d’autres termes, la Société 5.0 est un concept qui vise une société inclusive et durable dans
laquelle les gens jouent un rôle de premier plan, avec une perspective large sur l’utilisation de
technologies innovantes11.
Figure 1. Evolution de la société humaine

Source: Report Society and SDGs (2020), The Evolution of ESG Investment, Realization of Society 5.0, and
Achievement of SDGs - Promotion of Investment in Problem - Solving Innovation. P: 11.

2. Nation digitale : De quoi il s’agit :

A l’ère de la digitalisation, plusieurs pays ont adopté une stratégie visant à devenir une «
Digital Nation » (Nation Digitale) pour accélérer leur vitesse de développement dans un
monde où la technologie est désormais inévitable à toute tentative d’articulation d’une
politique publique.

Dans ce sens et pour réussir ce projet de grande envergure, la communauté des experts
explique que le fait de savoir combiner les tissus économique et sociétaux dans le cadre d’une
gouvernance agile est l’un des facteurs clés de succès d’une « Digital Nation ». Ceci repose
d’une part sur des politiques de soutien ciblées et d’autre part sur des capacités
technologiques importantes en direction des institutions publiques ou privées impliquées,
ainsi que la présence de talents en effectif suffisant pour animer cette dynamique. En clair :
une « DigitalNation » doit pouvoir combiner de façon harmonieuse les éléments« Hard »

11
Report Society and SDGs (2020), (Date de consultation:11 Décembre 2020),The Evolution of ESG Investment,
Realization of Society 5.0, and Achievement of SDGs - Promotion of Investment in Problem - Solving
Innovation. En ligne https://www.gpif.go.jp/en/investment/Report_Society_and_SDGs_en.pdf

323
(Tuyaux, infrastructures, investissements) ainsi que les facteurs« Soft » (Éducation, contenu,
vision).

Dans ce cadre, on distingue quatre classes de pays selon le « Digital Evolution Index »
élaboré par la « Fletcher School » de l’université de Tufts12,considéré comme l’indice le plus
fiable en matière d’analyse de la progression digitale des pays. Cet index prend en compte à la
fois le niveau de digitalisation mais également la vitesse de progression des pays, ce qui
permet d’avoir une analyse dynamique de l’évolution probable13.

La première classe est celle des « Stand Out Nations », à savoir les leaders mondiaux, qui
disposent d’un côté un haut niveau de digitalisation et de l’autre côté une vitesse de
progression substantielle.

La seconde classe les « StallOut Nations », les pays qui ont attient un haut niveau d’évolution
digitale mais qui risquent de régresser s’ils ne se remobilisent pas.

La troisième classe, à laquelle appartient le Royaume du Maroc, est celle des « Break Out
countries », les nations ayant une évolution digitale encore faible, mais qui progressent
rapidement et peuvent prétendre rapidement au statut de « Digital Nation ».

Enfin, la quatrième classe regroupe les pays qui sont à la traîne à la fois sur le plan
technologique mais aussi en matière d’évolution digitale. Ces derniers sont ceux qui doivent
fournir un effort colossal afin de sortir de cette zone de risque.

3. Historique de la digitalisation au Maroc :

Au cours des 20 dernières années, le secteur technologique a connu une évolution allant dans
le sens d’une volonté politique. Un bref aperçu historique des actions des pouvoirs publics en
faveur du développement du secteur technologique au Maroc peut se présenter comme suit14 :

1956 : Création du Ministère des Postes et des Télécommunications.

1984 : Création de l’Office Nationale des Postes et des Télécommunications(ONPT).

1995 : Introduction de l’internet au Maroc.

12
Ce rapport est élaboré en partenariat avec le géant de la Monétique Mastercard. Pour télécharger l’étude
complète : https://globalrisk. mastercard.com/wp-content/uploads/2017/07/
Mastercard_DigitalTrust_PDFPrint_FINAL_ AG.pdf
13
Policy Paper 2019,(Date de consultation :11 Décembre 2020), « Le Maroc, la future « Digital Nation »
Africaine ? - La Tribune Afrique en partenariat avec Mazars », En
ligne :https://www.mazars.ma/content/download/964351/50349967/version//file/le-maroc-la-future-digital-
nation-africaine.pdf

14
Agence belge de développement, « Dossier technique et financier renforcement des compétences des
fonctionnaires (femmes & hommes) au niveau central et local, maroc », 2018, P. 18.

324
1996 : Initiative « Maroc Compétitif », le plan d’action stratégique qui a proposé notamment
de développer des grappes émergentes (électronique, technologies de l'information)

1997 : Création en juin du Groupe de Technologies de l’Information par le Ministère du


commerce et de l’industrie et organisation du premier séminaire national sur
le“développement des télé-services au Maroc”.

1997 : Adoption de la loi 24-96 en août 1997 qui a permis de lancer une première étape de
libéralisation du secteur des télécommunications.

1998 : Création du secrétariat d’Etat auprès du premier ministre chargé de la Poste et des
Technologies des Télécommunication et de l’Information (SEPTTI).

1998 : Création en place du Comité public et privé de suivi des Technologie de


l’Information(CSTI).

1999 : Insertion dans le Plan Quinquennal 1999-2003 de la volonté d’inscrire le


développement des télécommunications et des TIC comme une priorité nationale et une
option stratégique du développement économique, industriel et social du Royaume.

1999 : Attribution d’une licence pour un 2ème réseau GSM pour 1,08 milliard US$.

2001 : Signature entre le Gouvernement et l’Association des professionnels des TIC,


l’APEBI, d’un contrat-progrès appelant à une “rupture positive”.

2001 : Publication de la Lettre de Politique Sectorielle présentant le “Programme de


développement des infrastructures de l’information” et organisation du Symposium national
sur la Société de l’Information.

2001 : Présentation du premier document ” Stratégie e-Maroc : propositions pour une mise en
oeuvre opérationnelle”.

2001 : Octroi de 8 licences satellitaires.

2003 : Instauration du Comité National e-Gov qui a produit le plan national de


l’administration électronique (2002-2007).

2004 : Le CSTI devient le Comité Stratégique des TIC organisé en plusieurs pôles.

2004 : Lancement du processus de libéralisation de l’Audiovisuel.

2004 : Nouvelle loi des télécommunications 55-01 modifiant et complétant la loi 24-96.

2004 : Vision de développement du secteur des télécommunications 2004-2008.

325
2005 : Elaboration et lancement de la Cyber-Stratégie nationale e-Maroc 2010. Elle vise le
développement de la Société de l’Information et l’Economie du Savoir et a pu bénéficier du
consensus des différents acteurs intervenant dans le secteur des TIC (départements
gouvernementaux, comités en place, secteur privé et société civile).

2007 : Maroc Connect qui était créé en 1999 en tant que deuxième fournisseur d’accès à
Internet au Maroc devient le troisième opérateur à devenir global.

2009 : Wana obtient la 3ème licence 2G (GSM) devenant ainsi un opérateur de


télécommunications global.

2009 : Lancement du programme « Maroc Numeric 2013 ». Doté de 5,2 milliards de dirhams
pour développer la technologie numérique.

En février 2014, la cours des comptes publie un rapport d’évaluation de cette stratégie. Il
pointe du doigt le retard considérable par rapport aux objectifs prédéfinis et fait état de
l’atteinte du 1/3 des objectifs fixés.

En juillet 2016, le nouveau gouvernement via le ministère de l’Industrie, du Commerce, de


l’Investissement et de l’Economie numérique a présenté les grandes lignes de la stratégie
digitale 2020. L’ambition de cette stratégie est d’ancrer le Maroc de manière décisive dans
l’émergence numérique via les résultats suivants :

Une des premières actions mises en œuvre dans cette stratégie, est la création d’une agence
gouvernementale dédiée au digital. En effet, promulguée par le Dahir n°1-17-27 et publiée au
Bulletin Officiel n°6604 le 14 Septembre 2017, la loi 61-16 portant création de l'Agence de
Développement du Digital (ADD)a vu le jour.

En janvier 2019, le chef du gouvernement a confié à l’Agence de Développement du Digital


la mission d’élaborer une note pour proposer au gouvernement des orientations pour le
développement du digital à l'horizon 2025.

4. Positionnement du Maroc selon quelques indicateurs digitaux :


4.1. L’indice de Compétitivité digitale (Digital Riser Index) :

Le rapport sur l'engagement digital(Digital Risers 2020) a pour objectif de mettre en lumière
l'importance des chefs d'Etat et de gouvernement dans la transformation digitale de leur pays,
ainsi que l'étude des sujets de numérisation dans lesquels les décideurs sont engagés.

326
Le rapport, souligne que pour conduire cette transformation numérique essentielle, surtout
dans le contexte actuel marqué par la pandémie du Covid-19, deux dimensions revêtent une
importance particulière :l'écosystème numérique et l'état d'esprit de chaque pays. Ce n'est que
si ces deux dimensions sont largement développées que la transformation réussira.

Le rapport qui compare le progrès numérique de 140 pays de différentes régions de la planète
souligne que le Maroc et l'Arabie saoudite se sont le plus améliorés respectivement dans les
dimensions de l'écosystème numérique et de l'état d'esprit.

Source : Digital Risers Report 2020. P :12.

Sur la base de la compétitivité numérique globale, et au sein du groupe du Moyen-Orient et de


l'Afrique du Nord (Mena),le Maroc est classé 4 èmeavec 99 points : il suit ainsi, l’Egypte (114
points) et précède le Koweït (91 points).

En termes d’écosystème numérique, le Royaume est à la tête du classement de la région avec


63 points et est suivi de l'Arabie saoudite (38 points).

Enfin, concernant l’état d’esprit, le Maroc est classé 6èmeavec 36 points, juste avant le Qatar
(25 points) et après les Emirats arabes unis (47 points).
4.2. L’indice de Qualité de vie numérique (Digital Quality of Life Index) :

L’indice de qualité de vie numérique est publié chaque année sur la base d’une étude menée
par l’entreprise de protection de la vie privée Surfshark. L’édition de cette année
2020compare la qualité de vie numérique dans 85 pays, représentant 81 % de la population
mondiale, soit 6,3 milliards d’individus. Elle prend en compte cinq indicateurs à savoir
l’abordabilité de l’Internet, la qualité du réseau, la cybersécurité, les infrastructures
numériques et l’administration électronique (ou e-gouvernement)15.

15
Digital Quality of Life Index 2020, P:3. In: https://surfshark.com/dql2020-slides.pdf

327
Outre le Maroc, cinq autres pays africains figurent dans la nouvelle édition à savoir l’Afrique
du Sud, la Tunisie, le Kenya, le Nigeria et l’Algérie. Le Royaume est classé en 70 ème position
au niveau mondial avec un score de 0,43 point le positionnant au 3èmerangsur le plan africain.

Pour le royaume et selon la même source, les meilleures performances s’observent au niveau
des critères cybersécurité (0,41 point, 63èmemondial), infrastructure électronique (0,57 point,
70èmemondial), qualité internet (0,57 point, 71èmemondial), par ailleurs, le Maroc gagne 0,02
point en matière d’abordabilité d’internet (71ᵉ mondial) et enfin, e-gouvernement (0,59 point
et 72ᵉ mondial). Le Maroc est devancé par l’Afrique du Sud et la Tunisie.

L’étude a également mis l’accent sur l’impact significatif qu’a eu la pandémie de la Covid-19
sur la stabilité d’Internet. 44 pays sur 85 ont connu des baisses de la vitesse du haut débit en
raison du paramètre WFHet49de la vitesse du mobile.

4.3. L’indice de préparation numérique (Digital Readiness Index ) :

Le géant mondial du domaine des TIC, Cisco,a publié en janvier 2020, le « Digital Readiness
Index 2019 ». Cet indice évalue la disposition et la préparation au numérique, respectivement
l’avancement numérique de 141 pays à travers le monde, et ceci selon sept catégories : les
besoins élémentaires, les investissements publics et privés, les facilités au développement
commercial, le capital humain, l’environnement des start-up, l’appropriation technologique et
l’infrastructure technologique. Le Digital Readiness Index est fondé sur des données
provenant d’institutions mondiales renommées, comme par exemple le Forum Économique
Mondial, la Banque mondiale, les Nations Unies, l’Organisation mondiale de la Santé ou
encore l’Organisation internationale du Travail.

Dans le classement général le Maroc occupe la 86 èmeposition avec un (score de 10.87point)les


besoins élémentaires(3.36 point), les investissements publics et privés(1.24point), les facilités
au développement commercial(2.47 point), le capital humain(1.41point), l’environnement des
start-up(0.29point), l’appropriation technologique(1.09point) et l’infrastructure
technologique(1.01point), le positionnant au 4ème rang an niveau continental derrière la
Maurice (46ème position), le Botswana(76ème position) et l’Afrique du sud (78 ème position) et
devant la Tunisie (87ème position) et l’Algérie (95ème position)16.

4.4. L’indice d’évolution digitale (Digital Evolution Index) :

16
Cisco Global Digital Readiness Index 2019. P: 11. In
https://www.cisco.com/c/dam/en_us/about/csr/reports/global-digital-readiness-index.pdf

328
L’étude sur l’évolution digitale des pays est pilotée par Mastercard et la Fletcher School. Elle
a couvert 60 pays et s’est basée sur quatre critères pour établir le classement : la fourniture
réseaux, l’intérêt des consommateurs pour les technologies numériques, l’environnement
institutionnel et l’innovation.

Le Maroc occupe la 50ème place dans le classement général, et la 2ème place sur le plan africain
derrière l’Afrique du sud17.

L’étude a également pris en considération 170 indicateurs pour mesurer la transformation


numérique des pays. C’est ainsi que le Royaume s’est illustré dans la classe des
« challengers », c’est-à- dire des pays qui enregistrent des niveaux de progression
relativement faibles en matière du digital mais qui mettent en œuvre tous les moyens
nécessaires pour combler leur retard.

5. Les orientations 2020-2025 pour le développement du digital au


Maroc :

Malgré les avancées et la dynamique que le programme « Maroc Numeric 2013 » a permis,
les concepteurs de la note d'orientations générales pour le développement du digital au
Royaumeà l'horizon 2025, relèvent que sa mise en œuvre a été marquée par des difficultés et
des défis majeurs :
 Une absence de vision intégrée de la transformation digitale,
 Des barrières réglementaires ne permettant pas la mise en œuvre effective et l’usage à
grande échelle des plateformes digitales,
 Une infrastructure digitale à améliorer en raison des zones blanches restantes à
couvrir, du faible débit de données et de la faible utilisation des data centers,
 Une pénurie des profils spécialisés dans les métiers du digital,
 Une culture et des usages digitaux encore limités chez les citoyens, les entreprises et
les administrations publiques,
 Un système de gouvernance qui n’a pas permis un pilotage efficace de la mise en
œuvre des programmes digitaux.

Partant de ces constats, l’ADD a défini les perspectives de développement du digital au


Maroc avec 3 principaux défis 18:

17
Bhaskar Chakravorti and Ravi Shankar Chaturvedi, digital planet 2017, “ how competitiveness and trust in
digital economies vary across the world the fletcher school, tufts university”, P. 21.
18
Royaume du Maroc, « Note d’Orientations Générales pour du Digital au Maroc à horizon 2025 », Mars 2020,
P.P. 6-14.

329
 L’amélioration de la qualité des services publics,
 L’amélioration de la productivité et de la compétitivité de l’économie nationale
 Et la réduction des inégalités sociales.

Chacun de ces défis a donné lieu à une des orientations majeures retenues par l’ADD. Ainsi,
pour accélérer la transformation digitale, l’ADD ambitionne de mettre en place à l'horizon
2025 :

5.1. Une administration digitale au service des citoyens et des entreprises


Selon la dite note, les Marocains passent en moyenne 50 heures par an à interagir avec les
différentes administrations publiques. Les entreprises, de leur part, passent en moyenne 200
heures par année en contact avec les services publics.
L’objectif de l’ADD est de « réduire le taux d’insatisfaction des citoyens / entreprises de 85-
90% à moins de 20% via la transformation des interactions avec l’administration publique à
travers la digitalisation de bout en bout des parcours citoyens/entreprises ».
Pour remédier à cette problématique, l’ADD propose à l’Etat d’intervenir dans trois domaines
clés :
 Mise en place d’un cadre global d’interopérabilité effectif des administrations (cloud
mutualisé, services partagés, …) et des prérequis fondamentaux (identifiant unique,
signature électronique, …)
 Création d’un laboratoire d’innovation permettant à la fois d’accélérer les
transformations digitales des services publics et de développer des initiatives digitales
structurantes de la digitalisation au Maroc.
 Digitalisation de bout en bout des parcours de services publics.
5.2. Une économie compétitive grâce aux gains de performance amenés par un
écosystème digital et innovation
Selon la note d’orientation, la croissance des années 2000-2015 s’est réalisée principalement
grâce à l’accumulation de capital fixe. Il devient donc primordial de chercher des gains de
productivité pour maintenir et accélérer la croissance de notre économie. L’ADD estime que
le digit peut être ce levier créateur de richesse.
Concrètement, cela se traduit par un objectif « d’ériger le Maroc en tant que Hub Digital et
Technologique au niveau africain, via une évolution dans le classement Online Service Index
des Nations unies pour être dans le top 3 africain et dans le top 40 mondial et l’installation
d’un tissu de plus de 2.500 startups au cours des cinq prochaines années ».

5.3. Une société inclusive grâce au digital :

330
Pour l’ADD, la numérisation peut ouvrir de nouvelles perspectives en permettant à des
populations moins favorisées d’accéder à l’information, aux services de soin, à l’éducation, et
aux bénéfices sociaux,
Elle donne pour exemple, les classes numériques dans les écoles marocaines situées dans des
zones reculées. Ou encore la télémédecine pour redessiner la carte sanitaire et opérer un
rééquilibrage territorial en faveur des zones à faible densité médicale.
Ainsi, il est proposé d’intégrer le numérique dans au moins trois principaux volets définis
comme suit :
 Education et jeunesse avec l’utilisation des nouvelles technologies pour développer
l’accès à l’éducation et à la formation sur tout le territoire du pays et sensibiliser au
numérique les jeunes.
 Santé : amélioration de la prise en charge des patients via, par exemple, le
développement du dossier médical électronique pour faciliter le partage d’information
et le suivi médical des patients.
 Amélioration de l’accès aux aides sociales et de l’inclusion financière des populations
fragiles, et notamment non bancarisées.

En plus de ces trois axes stratégiques, l’ADD a défini des piliers transverses :

 Génération digitale : Il est important pour le Maroc de se doter d’un plan national de
formation en mesure de relever le défi du capital humain.
 Infrastructure digitale : Pour lutter contre la fracture digitale, le Maroc devra
poursuivre la mise à niveau des infrastructures technologiques existantes et mise en
place d’infrastructures avancées (très haut débit, 5G, cloud gouvernemental, data
centers régionaux, …)
 Cadre réglementaire : élaborer un cadre réglementaire portant à la fois les aspects
juridico-techniques intrinsèques au développement des échanges et transactions
électroniques et la protection des libertés individuelles et la lutte contre la
cybercriminalité.
 Confiance et culture du digital : créer une dynamique d’adhésion autour des projets
digitaux et mettre en œuvre les actions ad hoc qui permettront de faire évoluer
significativement les modes de fonctionnement et les comportements, gage d’un
changement durable.

331
Conclusion :
La vague du digital requière de nombreuses adaptations au niveau de nos sociétés et en
particulier au niveau des politiques menées afin de bénéficier de ses bienfaits.

Ainsi, de nombreux États ont, au cours des deux dernières décennies, mis à profit la vague du
Digital pour transformer en profondeur leurs administrations publiques et mettre en place un
cadre et des leviers incitatifs, accélérant ainsi l’accès à la digitalisation au niveau de la société
et des entreprises. Ces programmes nationaux menés par les États leur ont permis d’avoir un
impact significatif en matière de développement économique et social.

Le Maroc n’a pas fait exception à cette transformation profonde de la marche du monde.
Plusieurs initiatives stratégiques ont été lancées en vue d’accélérer la transformation
numérique du pays et d’inscrire le Royaume dans une démarche de « Nation Digitale ». A
date, selon la plupart des experts du secteur, le bilan semble mitigé, certaines initiatives ayant
échoué ou ont été carrément abandonnées.

Ainsi, l’on constate une prise de conscience de l’impact considérable que peut avoir le digital
sur l’économie nationale et sa compétitivité à l’échelle internationale en créant l’Agence de
Développement du Digital (ADD) en décembre 2017 comme « organe d’exécution de la
stratégie du gouvernement dans l’application de la stratégie Maroc Digital ».Cependant, les
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retards accumulés par les plans stratégiques précédents ont creusé le « fossé numérique », qui
reste encore substantiel au Maroc et qui entraine une baisse progressive dans les classements
internationaux comme nous l’avons montré dans notre étude.

Toutefois, de manière globale, la puissance publique apparaît volontariste. Ainsi, pour pallier
aux limites des plans précédents, qui n’auront pas été à la hauteur de ses ambitions retards pris
sur plusieurs projets, problèmes identifiés au niveau de la gouvernance et du pilotage, la note
d’orientations générales pour le développement du Digital au Maroc à l’horizon
2025approuvée par l’Agence de développement du digital a pris le relai afin d’assurer la
continuité de l’impulsion créée par les précédents projets.

Cependant, la mise en œuvre réussie du développement du Digital au Maroc requière le


développement d’une architecture digitale intégrée. Cette architecture, incluant de nombreux
acteurs de l’écosystème, exigera un modèle de gouvernance clair, doté d’outils de pilotage
performants, avec des choix d’infrastructure structurants effectués de façon coordonnée.

Enfin, pour assurer le développement du digital dans tous les secteurs, il sera nécessaire
d’intégrer une perspective sectorielle et régionale, en intégrant une perspective participative et
centrée sur l’usager.

333
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