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Résumé
Entre les acteurs publics et les citoyens, la révolution numérique a généré un déséquilibre
communicationnel et un réaménagement de pouvoir d’accès à l’espace média. Ne pouvant
plus bénéficier d’une rente communicationnelle comme avant, la communication publique est
appelée à se réinventer pour s’adapter au nouveau contexte, gagner en efficacité et tirer
avantage de ce qui reste de la puissance publique.
Le présent article tente de clarifier ces enjeux en prenant le cas d’un acteur public de
dimension territoriale duquel on attend, par une récente réforme visant à l’autonomiser et à
renforcer ses moyens, de fournir à ses usagers-clients un service d’intérêt général de qualité.
Mots clés : Communication publique, numérique, Big Data, territoire.
Abstract
Between public actors and citizens, the digital revolution has generated communication
imbalance and rearrangementpower in media space access. No longer able to get
communication rent as before, public communication is called upon to reinvent itself to adapt
to the new context, gain in efficiency and take advantage of what remains from public power.
This article attempts to clarify these challenges through the case of a public actor with a
territorial dimension from which we expect, by recent reform aimed at empowering and
strengthening its means, to provide its user-clients high quality public service.
Key words : Public communication-Digital-Big Data-Territory
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Revue Organisation et Territoires n°5, Octobre 2020 ISSN :2508-9188
Introduction
L’amélioration des relations entre l’administration et les citoyens est une préoccupation
ancienne. Toutefois, l’attitude de l’administration continue à être source d’interrogations,
voire d’incompréhensions pour les citoyens. Malgré le recul du monopole administratif face à
un administré qui bénéficie, depuis la fin des années 1990, de droits et de libertés de plus en
plus étendus, l’administration peine à mettre sur le marché un service organisé, cohérent, clair
et communicable sous la prédominance d’une culture de secret, de la rigueur administrative
mais aussi de manque d’information et de sensibilisation via la communication et la
médiatisation.
Au moment où le mouvement mondial de modernisation de l’administration publique, selon
les lignes directrices de la nouvelle gestion publique, semble davantage ouvert à la
transparence, et axé sur l’amélioration de la relation usager-administration et l’efficacité dans
l’action administrative, se développe actuellement une véritable révolution numérique
(Babinet, 2015) qui marque un tournant « post-digital » (Allard, 2015) de par le fait qu’elle
suppose une continuité de la connexion à des réseaux de communication entre physique et
numérique, entre humains et non-humains, entre administration et usager. Face à ces
mutations, l’administration ne peut qu’agir et réagir dans ce nouveau monde connecté et
gagnerait en s’inspirant de ses apports en termes de solutions et de concepts tels le big data et
l’open data.
Pour cela, en sus d’un survol d’expériences autour de cette thématique, nous nous
intéresserons au Centre Régional d’Investissement de la Région de Souss Massa comme cas
d’étude. Investie d’une mission d’incitation à l’investissement dans son territoire de
compétence respectif, cet acteur public présente la particularité d’être un catalyseur, un acteur
pilote et transversal dans le sens où il est appelé à coordonner entre les différentes
administrations déconcentrées ou décentralisées afin d’accompagner les investisseurs qu’ils
soient privés ou public dans la concrétisation et le développement de leurs projets. De ce fait,
les enjeux numériques du CRI dépassent les seules relations administrations-usagers et
nécessitent aussi d’inclure la coordination entre plusieurs acteurs territoriaux en perpétuelle
interaction.
Il ne s’agit pas d’appliquer un modèle pour juger les pratiques, mais d’observer les pratiques
pour identifier les conceptions et en trouver le cadre de référence pour une administration
numérique qui contribue à tous les aspects d’amélioration du service rendu à un citoyen de
confiance.
Le présent article tentera de démontrer dans quelle mesure la révolution numérique est
constitutive d’une opportunité pour une administration marocaine de dimension régionale en
quête de communication efficace et au moindre coût. Elle s’inscrit dans la perspective de
positionner un acteur public dans le contexte du succès retentissant de la révolution
numérique.
L’objet de la recherche a porté sur le Centre Régional d’investissement de la Région Souss
Massa (CRI-SM). C’est un acteur public dont la mission principale est de coordonner l’action
de plusieurs acteurs territoriaux en vue d’encourager les entreprises dans la création et le
développement de leurs projets d’investissement. Le Maroc compte au total douze institutions
du genre.
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Colloque international autour de la communication publique et politique, organisé annuellement par la Faculté des lettres et
des Sciences humaines Agdal Rabat en partenariat avec le ministère de la réforme administrative et de la fonction publique.
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flux et en temps réel ou quasi réel au fur et à mesure que les données sont produites en
streaming (aspect vélocité).
Cette évolution technologique a justifié aussi un besoin de perfection définitoire des concepts
liés au phénomène. En l’occurrence le concept « Data » ainsi que les objectifs qui viennent de
lui être adossés comme « Big », « open », « soft » etc.
Etymologiquement, le terme data dérive du verbe latin dare qui signifie donner. De ce point
de vue, la data a gardé le sens de tout élément donné ou accordé par un individu dans l’état
sans subir aucun traitement par celui-ci. Or d’un point de vue théorique, les données ne sont
pas quelque chose de donné mais plutôt quelques choses de capturé. Selon Kitchen (2014), la
data se réfère aux éléments qui sont pris ; extraits à travers les observations, les computations,
les expériences et les enregistrements.
Dans les années quatre-vingt-dix le concept Big data fut utilisé2 pour qualifier des grandes
collections de données qui peuvent être capturées sur internet et compilées dans des entrepôts
de données centralisés permettant aux analystes d’utiliser des méthodes puissantes pour les
examiner de manière détaillée. En rappelant le slogan des « 3V » (volume, vélocité et variété),
le qualificatif « Big » est en quelque sorte trompeur puisque les Big data sont caractérisées par
bien plus que leur volume. De nombreux acteurs des technologies d’information complètent le
slogan des 3V avec des « V » à l’inspiration de leur utilisation marketing. Ainsi IBM ajoute la
Véracité et Oracle cite Valeur pour qualifier ce que offre le Big Data comme possibiltés
d’extraction et d’analyse.
Pour définir le Big Data, Delort (2016) utilise une matrice à deux axes : volume et densité.
Pour lui, toute base de données (BdD) est constituée de tables, composée de lignes et de
colonnes dont l’intersection forme une cellule. Le volume des données est mesuré par le
nombre de cellules. La densité est établie par la masse d’information au sein de ces cellules.
La matrice de Delort distingue quatre catégories de bases de données :
● Les BdD Business à forte densité et à faible volume caractérisant les données des
systèmes d’information classique d’entreprise ;
● Les BdD des Courtiers de Données sont incarnés par des entreprises qui investissent
massivement pour avoir des données publiques et privées, sur des personnes ou des firmes,
en volume et en densité comme par exemple « données sur les héritiers potentiels » ou « foyer
orienté diabète » et que ces entreprises détentrices les proposent à la vente pour les besoins de
ciblage marketing surtout. Ces données sont constituées suivant un modèle préétabli ce qui les
éloigne des Big data qui elles sont constituées de façon libres et sans modèle préexistant.
2 Le terme est utilisé pour la première fois dans l’article d’Erik Larson publié en 1989 dans le Washington post.
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Volume
1 2
? BdD
Business
Densité
Figure n°1 : Matrice Volume x Densité
Source : Delort,2006.
Techniquement, les frontières entre ces quatre catégories des bases de données nous semblent
tenues. On peut s’interroger sur le fait que par procédé de compilation les bases de données du
cadran 1 et du cadran 2 se déplaceront au cadran 4.
Par ailleurs et d’un point de vue de démocratisation de la connaissance, les Big data se
distinguent sous certains aspects des « open data ». En effet, la naissance et le développement
d’internet et les nouvelles technologies de l’information et de la communication est
strictement lié à la culture du partage des connaissances ce qui a donné un nouveau crédit à
l’idée d’appliquer les principes des biens communs au domaine de la connaissance (Castells,
2001, cité par Severo et Romele, 2015). Ces biens informationnels sont, de point de vue
économique, non rivaux car, à la différence des biens publics, leur consommation ne les
épuise pas mais les enrichit au contraire.
Le mouvement des Open data cherche à démocratiser l’accès et l’utilisation des bases de
données pour des raisons éthiques, politiques, économiques et sociales. Il déplore l’ouverture
des données détenues par les institutions publiques et non gouvernementales au profit des
citoyens afin d’encourager la participation de ces derniers à la chose publique. Les opens data
sont venus compléter le droit d’accès à l’information consacré par la plupart des démocraties.
Mais au-delà de cet enjeux politique, les open data présentent aussi un enjeu économique vu
leur intérêt pour la croissance économique et la création de la valeur grâce à la facilité de
réutilisation des données qu’ils permettent3. Les citoyens, les investisseurs, les chercheurs, les
bureaux d’études pourraient alors refaire les calculs, disposer de données au niveau local
plutôt que de se contenter d’agrégats et contester les décisions publiques avec les mêmes
données que l’administration.
Les opportunités économiques et les enjeux politiques ont pu cohabiter au sein de ce
mouvement à partir de 2007 date de la réunion d’activistes numériques à Sebastopol (en
Calfornie) où émergent le terme et les principes d’Open Gouvernement Data. Les principes de
Sebastopol défendent dans l’ensemble la libération des données publiques dès leur
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Les données diffusées par les administrations demeurent disponibles sous formats exploitables pour des études
avec des outils qui simplifient l’édition, le partage et la recherche.
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production, dans leur intégralité et telles qu’elles sont collectées afin de faire émerger un
empowerment du citoyen par la réduction des asymétries d’information entre celui-ci et
l’administration. Les principes de Sebastopol ont exercé une influence sur les politiques
numériques des Etats à travers le monde et ont été derrière la prolifération de portail de
« data.gouv » aux Etats-Unis en 2008, au Royaume Uni en 2009, en France et au Maroc en
2011. En 2013, le G8 a repris ces mêmes principes dans sa charte sur l’open data qui établit
que l’ouverture des données deviendra la pratique part défaut des administrations relevant des
gouvernements signataires.
2- Un tournant épistémologique ?
La question des Big data ou d’open data peut-être envisagée au gré de leur évolution selon
plusieurs approches technique, politique, économico-sociale et méthodologique. Dans la
perspective épistémologique nous retiendrons le concept Big data pour désigner les données
crées et libérées aussi bien par les administrations, que par les citoyens, et par les objets
connectés (notons que ces données se partagent toutes l’aspect de volume).
De par leurs impressionnantes propriétés techniques, le champ de la recherche scientifique ne
pouvait se passer des données des Big Data. On vante toujours des cas de succès comme
l’utilisation de Google flux pour suivre en temps record la propagation de la grippe aviaire
aux Etats Unis sur la base de la fréquence d’apparition de certains mots dans les requêtes
Google4, ou encore l’algorithme d’Amazon pour la recommandation de produits pour chaque
client sur la base des traces de celui-ci sur la toile5, traces à travers lesquelles l’intelligence
artificielle de la machine parvient à constituer son profil, à identifier ses goûts et ses
préférences ainsi que ses besoins du moment.
Du coup, la première vague d’études sur les grandes bases de données y voient un vrai
tournant épistémologique pour les sciences de la nature et les sciences humaines et sociales
(Lazer, 2014), voire un passage sans difficulté du monde académique à celui de l’industrie et
à celui du renseignement (Van Dijck, 2014). Cette première vague s’est montré très
enthousiaste quant à la capacité des Big data à permettre à l’approche inductive de surclasser
l’approche déductive. Autrement dit, le Big data consiste à créer en exploratoire et en
induction sur des masses de données à faible densité, des modèles à capacité prédictive
(approche par induction) au lieu d’effectuer une fouille de données sur la base des hypothèses
ou d’un modèle déjà avancé (approche hypothético-déductive). Les résultats de ces modèles à
capacité prédictive peuvent être exploités pour décision. A la place donc d’une approche
orientée hypothèse, nous pouvons utiliser une approche orientée données (Mayer-Schönberger
et Cukier, 2013).
Cependant, la littérature la plus récente cite les limites et même les dangers de cet
enthousiasme initial. Des auteurs comme Boyd et Crawford argumentent leur position en
disant que l’histoire des sciences avec les données a commencé bien avant la révolution Big
Data et que à chaque fois des technologies spécifiques ont été inventées pour traiter « les
surcharges d’informations ». Et d’ajouter que, certains aspects de la recherche comme le
regard critique du chercheur, ses interprétations, la formulation de ses hypothèses devraient
être intégrée au parcours de traitement des grandes bases de données.
4
Quarante-cinq termes de recherches ont été identifiés comme fortement corrélés au taux d’américains grippés
5
Des traces telles ses achats précédents, les musiques et vidéos téléchargées, ses informations sur son profil,
données sur d’autres sites tels sites de rencontres, réseaux sociaux etc.
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Même les auteurs enthousiastes au départ comme Lazer et Latour sont aujourd’hui plus
prudents sur l’apport des Big Data pour les sciences sociales. Ces auteurs concluent que les
Big Data ne parlent pas de tout par elles-mêmes et la marge de manœuvre du chercheur ou du
décideur reste importante.
3- Les données pour les administrations publiques
Le déluge de ces nouveaux types de données générées par les technologies numériques
s’impose comme une réalité qui pousse à renouveler la façon de gérer et de communiquer des
administrations publiques, et plus encore des entités administratives à l’échelle des territoires
où les problèmes sont plus spécifiques, plus contextualisés, plus ressentis et donc plus
interpelant.
Traditionnellement, les études et les décisions publiques territorialisées se basent sur l’analyse
de ce qui peut être qualifié de données « Hard », à savoir les statistiques officielles et plus
généralement les données produites par l’administration publique à différents échelles (local,
national, international). Soumises à des contrôles rigoureux, ces données sont d’une fiabilité
et d’une structure qui les rendent solides et d’une valeur ajoutée exceptionnelle pour l’action
des décideurs publics. Parallèlement, et dans des flux d’information de sens inverse la
communication des administrations vers le citoyen utilisent les médias classiques à des degrés
de diffusion plus ou moins larges (Affichage, radio, presse, bouche à oreille, etc.)
Or, face au phénomène des Big Data, ces dernières années, les data « classiques » ont révélé
certaines limites :
- Les processus de contrôle techniques et parfois politique sur ces données impliquent
que les délais d’attente de publication sont trop longs ;
- Les sujets abordés ne sont pas contextualisés et la liberté d’expression est limitée par
l’objet préalablement établi. De même, Certains sujets comme les perceptions des citoyens
des actions publiques ne sont pas faciles à représenter et pour ce, ils font souvent objets
d’enquêtes nationales avec un lien faible avec l’espace. La couverture des données hard et de
la communication classique est donc insuffisante.
- Avec les enjeux du développement durable, les problèmes du développement se
contextualisent de plus en plus au niveau local. L’intelligence territoriale qui trace à chaque
territoire sa propre vision grâce à la mise en présence des acteurs du territoire de divers
milieux socio-économiques n’est pas appropriée intégralement par ces data « classiques ». Un
territoire est avant tout un construit social (Benko, 2007, Cité par Joyal A., 2014) et la
dynamique territoriale nécessite un mécanisme adéquat de gouvernance dans le partage de la
connaissance et la participation à la prise de décision ainsi que des outils et méthodes mis à la
disposition des acteurs en vue de la définition, la réalisation, le suivi et l’évaluation des
projets du territoire.
Aucune de ces critiques n’était abordable il y a des années tant que les données officielles
étaient la principale source des chercheurs, des décideurs et des citoyens et tant que les
médias classiques étaient seuls disponibles. Aujourd’hui les Big data permettent non
seulement de remédier à ces limites mais aussi d’offrir un avantage considérable qui est celui
de générer des données participatives qui ne peuvent être ignorées par les décideurs publics
(Guermond, 2011), et de diffuser une communication personnalisée, contextualisée et donc
efficace.
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millions. Les applications de messagerie, les IPTV et le digital façonnent les habitudes des
ménages et des entreprises. En témoignent les statistiques sur le chiffre d’affaires du premier
opérateur télécom au Maroc (société Maroc télécom, première capitalisation boursière du
pays) à partir desquelles on relève que les services du mobile sortant data tendent à surclasser
ceux du mobile sortant voix (CfL’Economistedu 29 Janvier 2019).
Et d’ajouter que la même tendance haussière marque l’activité e-commerce avec la
transformation digitale dans le secteur public et privé ayant créée le besoin du recours à
l’utilisation des moyens de paiement électroniques. En effet, le volume des transactions a
bondi de plus de 25% rien qu’entre 2017 et 2018 dont la plupart ont été concrétisées par une
carte bancaire marocaine (98% des transactions)7.
Les sites marchands marocains – qui doivent être affiliés au Centre monétique interbancaire-
ont vu leur nombre s’accroitre de plus de 17% entre 2017 et 2018 pour afficher un effectif de
945 sites actifs classés par ordre d’importance comme suit : Les opérateurs télécoms, les
compagnies aériennes, les régies de distribution d’eau et d’électricité et les services
gouvernementaux.
Selon le rapport de Hootsuite (2018), Internet pour le marocains est surtout Facebook. Avec
16 millions d’utilisateurs actifs en janvier 2018 et une progression de 14% par rapport à 2017,
le Maroc est en cinquième position en Afrique derrière l’Egypte (37 millions), l’Algérie (20
millions), le Nigéria (18 millions) et l’Afrique du Sud (17 millions)8.
Au niveau du profil des abonnés, la majeur partie des utilisateurs sont des jeunes ( 67% ont un
âge compris entre 18 et 34 ans) avec une domination du sexe masculin (64% d’hommes
contre 36% de femmes) ce qui reflète la structure jeune de la société marocaine et son
caractère patriarcal (Hootsuite, 2018).
Au Maroc, la force de pénétration de Facebook laisse à la traîne les autres médias sociaux
comme Twiter, Instagram ou Linkedin. La force Facebook réside dans l’effectif de ses
utilisateurs. Il est convoité par le citoyen lambda à l’affut de la simplicité dans la production
du contenu et dans sa diffusion. Les marques commerciales ont aussi investi ce réseau ce qui
n’est pas sans conséquence sur le comportement des utilisateurs et sur la consécration de
l’hégémonie de ce réseau.
En revanche, Instagram reste assez marginal. Bien que le Maroc soit classé sur cette
application en troisième position en Afrique, seuls 1,9 millions de Marocains l’ont utilisé en
2016, soit 5,7% de la population (étude Medianet). Le caractère artistique rechantant le
Polaroïd d'Instagram, et la présence des marocains en masse sur Facebook qui ne souhaitent
pas de redondance de partage de leurs photos et vidéo est un frein à l’utilisation d’Instagram.
Pareil pour Twiter : Ce média très présent en occident, n’est malheureusement accessible au
Maroc qu’à une poignée d’initiés face à des citoyens peu habitués à l’écriture ce qui
représente un manque à gagner communicationnel et informationnel considérable pour le
Maroc.
La diffusion de la connectivité et des réseaux sociaux ont profondément impacté le
comportement des marocains. Le législateur marocain a tenté à travers un arsenal législatif
d’accompagner ces mutations et asseoir les bases nécessaires à leur développement, prévenir
leurs dérives et parer aux risques de transgression de la vie privée des citoyens. Ainsi fût
7
Source :Centre Monétique Interbancaire (CMI),2019.
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CNDP : Commission nationale de protection des données à caractère personnelles.
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article 6 de la loi 09.08
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Collectivités
territoriales
Services
déconcentrés
des Ministères
investisseurs
CRI opérationnels et
potentiels/nationaux
et étrangers
Chambres
professionnelles
......
Figure 2: Le CRI est un acteur transversal qui interagit avec son entourage dans un système d’échange
complexe.
Vu l’importance de cette mission, le législateur vient d’introduire une réforme sur les CRI au
Maroc visant essentiellement à renforcer leurs moyens et à autonomiser leurs dirigeants 11.
Autant, cette réforme crée une opportunité pour cette institution, autant elle crée un défi et une
responsabilité pour sa direction et ses collaborateurs. La réussite de la mission du CRI est
fortement corrélée à sa capacité à gouverner les acteurs afin de donner un service de qualité
aux usagers. Sur ce volet, nous considérons que la data et la communication en particulier par
le numérique devraient advenir un facteur clés de succès et devraient figurer à ce titre au
centre des préoccupations de l’équipe dirigeante.
4-2-1 : L’offre numérique du CRI de Souss Massa
Aujourd’hui, l’application du numérique au fonctionnement administratif du CRI Souss
Massa au regard de ses missions stratégiques consiste en une orientation progressive des
canaux de contact de tous les publics (clients, citoyens, partenaires …) vers les outils à
distance par la diffusion des informations et la publication des données d ‘une part, et par la
dématérialisation des services offerts aux usagers d’autre part.
Le CRI SM a pris un certain nombre de mesures et a déployé des solutions afin de
communiquer avec l’extérieur à travers le numérique, par le renouvellement du site web
www.agadirinvest.com et par la dématérialisation de certains services. Le CRI SM affiche
pour de telles initiatives une volonté de se moderniser avec ce que cela implique de nécessité
pour la relation et le feed back.
11
Dahir n° 1-19-18 du 13 février 2019 portant promulgation de la loi n° 47-18 portant réforme des centres
régionaux d’investissement et création des commissions régionales unifiées d’investissement.
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Des chiffres renvoyant à l’état d’évolution du secteur de la communication média au Maroc ont été publiés par
le quotidien les Eco du 30 janvier 2019 dans l’article intitulé « Marché publicitaire. 2018, une année à oublier » ;
et par le quotidien Aujourd’hui le Maroc du 14-02-2013 dans l’article intitulé « Recettes publicitaires dans les
médias : Très mauvaise année 2012 ».
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La diffusion d’une newsletter en pièce jointe téléchargeable sous format PDF est déconseillée. Fréquemment,
l’internaute préfère survoler rapidement la lettre sur l’écran au lieu d’aller plus loin pour ouvrir un lecteur PDF et
probablement imprimer la lettre pour la lire.
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fils RSS. Pour ce, le CRI SM peut proposer sur son site des flux RSS provenant d’autres sites
sources d’actualités liées à son domaine de compétence, et qui peuvent intéresser les usagers
de cette institution et leur éviter de fastidieuses recherches sur le web.
Mais au delà d’un accès à l’information, nous suggérons que le site propose des fonctions
vivantes, des outils pratiques et donc un réel service client ouvert 24h/24.
On remarque donc qu’en agissant sur les fonctionnalités offertes aujourd’hui par le Web, des
actions d’amélioration sont capables d’enrichir l’offre du portail du CRI-SM en tant que
tribune de communication. Autant dire que l’utilité du numérique dans ce domaine ne s’arrête
pas au stade de la communication directe. L’enjeu en effet réside aussi dans le lien entretenu
en permanence avec l’internaute. Dans cette perspective, la communication numérique du
CRI-SM est sollicitée pour susciter la réactivité des usagers. L’interactivité qui en résulterait
ainsi est nécessaire à la gestion de la relation client et à l’évaluation des retombées des actions
et des décisions déjà prises.
Techniquement, le CRI-SM peut créer cette interaction en proposant aux usagers des
fonctionnalités dédiées soit sur le portail lui-même ou à travers des plateformes plus
appropriées tels que les blogs et les réseaux sociaux.
La plupart du temps le blog institutionnel est crée par le Directeur lui même pour publier
régulièrement des billets. Le contenu ainsi publié peut être commenté par les visiteurs
auxquels il peut répondre dans la sincérité sans crainte de se tromper ou d’être contredit.
En revanche, sur les réseaux sociaux, il est plus facile de mesurer la perception des
internautes, de mieux connaître les profils et donc mieux identifier la ou les cibles avant de
communiquer et d’interagir avec. Le réseau professionnel le plus vaste et à dimension
internationale demeure LinkedIn. En France, Viadeo reste le réseau de référence.
S’agissant du réseau social le plus puissant au Maroc en l’occurrence Facebook, force est
d’admettre que malgré son pouvoir de pénétration, ce réseau reste d’abord un outil B to C peu
utilisé en communication institutionnelle. Néanmoins Il peut offrir au CRI-SM les services
d’une régie publicitaire aux réglages de cible particulièrement performant. On regrette
cependant, le faible recours des marocains aux Twitter, mais cela n’empêche une présence du
CRI-SM sur ce média qui s’adresse prioritairement à une population technophile et
particulièrement jeune ainsi qu’aux journalistes. Il peut ainsi jouer le rôle de média tactique
qui permettrait à cette institution d’agir en temps réel et en appui des autres médias sociaux et
du site Web.
4-2-3 : La question des moyens
Le numérique a besoin de moyens pour générer de la valeur ajoutée informationnelle et
communicationnelle. Au-delà du budget, la question des ressources humaines se pose aussi.
Les données numériques sont souvent manipulées par les data analyst et les data scientist,
tandis que la gestion de la relation sur les réseaux sociaux nécessite l’appel à un community
manager. De même, le poste du responsable de communication exige désormais des
compétences nouvelles pour mener à bien les nouvelles missions dont il est sollicité après
l’avènement et la montée en puissance des médias sociaux.
Cependant, et face à la contraction des budgets de l’Etat, la question des moyens face aux
enjeux du numérique peut être surmontée par le CRI SM par la mobilisation de l’ensemble
des collaborateurs : dans la mesure où le numérique interpelle tous les départements, tout
collaborateur est appelé à s’approprier les solutions numériques et d’en faire un usage au
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quotidien. Ceci est autant possible que les solutions sont de plus en plus rendues faciles à
utiliser par leurs développeurs. Cependant pour parer aux dérapages et maintenir une
cohérence et un minima de sécurité, il est suggéré à ce que la hiérarchie intervienne pour jouer
le rôle d’aiguillage et maintenir ainsi le cap dans la direction de la stratégie définie par
l’institution.
L’autre solution moins contraignante financièrement réside dans la coopération avec les start-
up du numérique plutôt que le développement des applications par ses propres moyens. Le
CRI-SM peut s’appuyer sur le foisonnement d’applications toujours plus performantes et plus
innovantes dont les start-up peuvent être capables de proposer. Ces dernières peuvent être
intéressées par des partenariats à nouer avec des organismes comme les CRI dans le but de
tester et d’éprouver une nouvelle solution et développer leur marché. Dans ce cadre le CRI-
SM aura de sa part un rôle à jouer notamment en facilitant l’accès aux bases de données qu’il
détient. D’autre part il peut jouer le rôle d’un tiers de confiance et de référence auprès des
autres partenaires clients potentiels de ces start-up.
Une autre alternative consiste dans la mutualisation des coûts de développement et de mise en
place de tels systèmes d’information et de communication. Dans la mesure où ces projets
peuvent s’avérer couteux et donc difficilement supportables pour l’institution du CRI dont
l’unique ressource est la dotation annuelle de l’Etat, la mutualisation des outils entre les douze
CRI du Maroc apparaît alors comme une piste à explorer pour optimiser les dépenses à
l’échelon régional. Cette approche mutualisée est indispensable pour créer une plateforme
unifiée pour la promotion d’une offre globale et intégrée autour des potentialités
d’investissement au Maroc, ainsi qu’une plateforme Open Data commune aux CRI dont les
données seront rendues disponibles sous format et structures communs de façon à permettre
aux usagers de les récupérer et de les traiter entièrement sans difficultés de compatibilité.
Conclusion
Le digital est venu chambouler le domaine de la communication du moment où il a rendu
l’espace média accessible à toute personne ayant accès à internet. Avec le numérique,
l’information n’a jamais été aussi importante qu’elle se trouve partout. Celui-ci vient de créer
un espace ultra concurrentiel dans les fonds et dans les formes où le citoyen consomme à la
demande.
Pour les organisations publiques, les enjeux du numérique sont énormes. En perdant beaucoup
de son privilège sur l’espace média, la communication publique n’est plus en mesure de
garder une attitude indifférente et a besoin de s’approprier l’outil numérique pour pouvoir se
réinventer. Dans la relation administration-usager « client », la communication est aujourd’hui
incontestablement un levier de compétitivité si et seulement si elle est bien faite.
Le processus décisionnel dans la communication publique numérique commence par la veille
sur les messages libérés et relayés par les utilisateurs en lien avec leurs expériences ou leurs
centres d’intérêt. Ces « Big Data » ainsi alimentées en flux continus interpellent la
communication publique à plus d’un titre. Bien qu’elle ne saurait prétendre être dans les
normes scientifiques des « Hard Data », Les Big Data permettent grâce aux outils de
l’intelligence économique 2.0 de générer et d’exploiter des « soft data » et des « open data »
dans le but de mieux appréhender les attentes et les problèmes des usagers, d’agir
efficacement sur la relation client et de piloter la réputation.
Le Maroc figure en bonne position dans l’accessibilité de ses citoyens à internet et en
conséquence, les marques et les acteurs publics se sont précipités pour y communiquer avec
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leurs cibles et digitaliser leurs offres respectives. En suivant la tendance, le Centre Régional
d’Investissement de la région Souss Massa a entrepris quelques actions afin de communiquer
avec son environnement via le numérique notamment à travers son portail institutionnel. Nous
avons pu formuler certaines remarques sur la communication numérique de cet acteur public
territorial avant de proposer quelques pistes d’amélioration de son offre avec des moyens et
des coûts à la portée.
La communication publique numérique ne peut être résumée dans le portail qui relaye une
information de prescription et à sens unique. L’efficacité du numérique ne réside pas
uniquement dans la forme et les fonctions ludiques permises par l’informatique et l’internet,
c’est avant tout la richesse du contenu produit, le service apporté ainsi que l’impérieuse
nécessité de la relation et du feedback. Les outils de veille sur les Big Data sont des supports
d’intelligence collaborative qui peuvent servir à mieux cerner l’évolution des problématiques
publiques liées au champs d’intervention de l’institution concernée, ou encore de mieux
appréhender sa e-réputation. Ils peuvent de ce fait devenir des outils d’aide à la décision pour
la formulation d’un contenu, l’introduction d’une action corrective ou l’annonce d’une prise
de position « publique » face à un Buzz négatif, et d’une manière générale sur la gestion de la
relation client.
Cependant, l’importance de la data et de la communication numérique comme leviers de
compétitivité des organisations ne doit pas occulter le risque des biais qu’ils peuvent
comporter. La data et la communication « classique » gardent toujours une place de choix.
De la même manière que les Big Data ne sauraient surclasser les données « hard » plus
rigoureuses scientifiquement, l’intelligence économique par les Big Data est complémentaire
des dispositifs traditionnels des enquêtes. De même que si aujourd’hui la crédibilité de
l’information non sourcée peut être mise en cause, nous soulignons l’opportunité du maintien
de la communication sur les médias classiques car ceux-ci jouissent de l’autorité en tant que
garant d’une information de qualité, sourcée et croisée.
Dans tous les cas, et peu importe l’outil qu’il soit numérique ou classique, ou encore que l’un
complète l’autre le cadre d’un plan de communication intégrée, c’est in fine dans la crédibilité
de l’émetteur et dans la cohérence entre le discours et la réalité des actes que la
communication se taillera son rôle et induira la bonne ou moins bonne réputation.
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Revue Organisation et Territoires n°5, Octobre 2020 ISSN :2508-9188
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