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AZDIMOUSA HASSAN
Professeur Habilité, ECOLE NATIONALE DE COMMERCE ET DE GESTION, Université Ibn Tofeil – Kenitra,
hassan.azdimousa@encgk.ma
Résumé.
Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont fortement influencé notre existence et créé
des défies et opportunités sans précédent dans le domaine de la politique (Vedel, 2011 ; Glassey et Leresche,
2012). De nombreux chercheurs soulignent dans leurs travaux, la capacité des mouvements sociaux à utiliser les
technologies numériques comme outil de diffusion d’information et de mobilisation (Webster, 2001 ; Donk,
Loader, Nixon et Rucht, 2004 ; Greffet, 2011). Des tendances de développement d’actions politiques nouvelles
par le biais d’Internet sont observées, soit en matière de partage d’information en ligne et hors ligne, soit en
matière de mobilisation de « communautés » de sympathisants venant en soutien des candidats et des partis.
D’où la nécessité de cet article qui a pour objectif de présenter en premier lieu les principales caractéristiques des
TIC, leur adoption et leur impact sur les pratiques politiques au Maroc et en deuxième lieu, de mettre en exergue
les potentialités offertes par les TIC, notamment la technologie « Internet » en considérant leur appropriation
concrète par les citoyens, et non seulement par les partis politiques.
Mots clés : Technologie de l’information et de communication ; pratiques politiques ; citoyen ; parti politique.
Abstract.
ICTs have strongly influenced our lives and created unprecedented challenges and opportunities in the field of
politics (Vedel 2011, Glassey and Leresche 2012). Many researchers emphasize in their work the ability of
social movements to use digital technologies as a tool for disseminating information and mobilization (Webster
2001, Donk, Loader, Nixon and Rucht 2004, Greffet 2011). Trends in the development of new political actions
via the Internet are observed, either in terms of online and offline information sharing, or in the mobilization of
"communities" of supporters supporting candidates and gone. Hence the need for this article whichaims to
present first the main characteristics of ICTs, their adoption and their impact on political practices in Morocco
and second, to highlight the potential offered by ICT, especially the "Internet" technology by considering their
concrete appropriation by the citizens, and not only by the political parties.
Keywords: Information and communication technology; political practices; citizen; political party.
Introduction
En essayant de répondre à cette problématique, nous avons estimé judicieux de présenter les
principales caractéristiques des TIC, leur adoption et leur impact sur les pratiques
politiques au Maroc, mais aussi de mettre en exergue les potentialités offertes par les TIC,
notamment la technologie « Internet » en considérant leur appropriation concrète par les
citoyens, et non seulement par les partis politiques.
Pour mieux comprendre les TIC, nous nous référons à l’approche de Martin et al (1999) (cité
par El Fidha et Charki, 2008) qui les indiquent comme étant « toutes les formes des
technologies utilisées pour créer, enregistrer, manipuler, communiquer, échanger, présenter et
utiliser les informations sous ses diverses formes (données, voix, images, présentations
multimédias) et toutes les autres formes incluant celles qui ne sont pas encore créées ».En
2017, les TIC sont les plus habilitées à répondre, au moins en partie à de grands paris
sociétaux comme ceux de l’embellissement de la qualité de vie à travers l’accès et l’échange
d’information, le développement durable (la restriction des déplacements grâce aux échanges
à distance), la conservation du patrimoine ou encore la mise en place d’outils permettant
d’accélérer le développement de nouveaux modèles politiques basés sur ce que Chadwick
(2007) qualifie «d’hybridité organisationnelle », autrement dit une diversification des
modalités de mobilisation par l’usage des techniques, au sein des partis politiques comme des
mouvements sociaux (Greffet 2011).
Conformément à « l’enquête de collecte des indicateurs TIC auprès des ménages et des
individus au titre de l’année 2015 », réalisée par l’Agence Nationale de Réglementation des
Télécommunications(ANRT), afin de suivre l’évolution du niveau d’équipement et d’usage
des TIC au Maroc. Le taux d’équipement des ménages en ordinateur (y compris la tablette)
s’élève à 54,8% en 2015 contre 47% en 2013.Il s’agit d’un taux d’équipement cinq fois plus
élevé que celui observé 11 ans auparavant (11% en 2004).Cette proportion varie entre milieu
urbain et milieu rural, avec respectivement près de 7 ménages sur 10 équipés en milieu urbain
contre un peu plus du quart en milieu rural. L’équipement des ménages en tablette continue sa
progression de 9 points par rapport à 2014.Ainsi, 20,8% des ménages sont équipés en 2015
(contre 11,8% en 2014).
Cela dit, 66,5% des ménages sont équipés d’un accès Internet en 2015 (contre 25% en 2010)
avec un net avantage pour l’Internet mobile qui équipe désormais 65% des ménages au
moment où seulement 16,3% des ménages sont équipés d’un accès Internet fixe. En 2015, la
proportion des internautes (5 ans et plus) s’élève à 57,1%, soit l’équivalent de 17,8 millions.
Le manque de connaissance ou de compétence, le coût de l’équipement, le coût du service et
l’absence de besoin sont les principales raisons de non équipement des ménages en accès
Internet.
Principalement, 82,1% des internautes accèdent à Internet afin de participer aux réseaux
sociaux, 67,3% pour visionner et télécharger des contenus multimédias, 58,9% pour
télécharger des logiciels et des applications et 42,9% pour utiliser la messagerie électronique.
Mais très peu (2,2 %) utilisent Internet pour participer à des consultations ou des votes en
ligne concernant des questions civiques ou politiques.
D’après Wolton (1999), il est évident que les évolutions technologiques affecteront en
permanence le jeu politique. L’apparition de la presse écrite, puis de la radio et de la
télévision a engendré de nouvelles façons de mener des campagnes et de rencontrer de
nouveaux électeurs; chaque média a suscité à son tour des espoirs de refondation de la
démocratie. Toutefois, Internet – tout comme le téléphone portable –, du fait de sa puissance
et de sa diffusion mondiale, permet une accélération, une intensification et une massification
inédites de la production et de la diffusion d’informations aux citoyens (Vedel 2011). Pour
Lévy (2002), ces technologies annoncent l’avènement d’une démocratie généralisée se basant
sur une véritable société civile planétaire et peut-être de nouvelles formes d’État. La
«Cyberdémocratie», dont les notions sont évoquées par Poupa (1998), symbolise une synthèse
visionnaire des transformations que la montée de l’Internet provoquerait dans la vie
démocratique.
Selon Vedel (2011), « Internet est aujourd’hui devenu un objet pour la science politique. Au
cours de la dernière décennie, les acteurs politiques – organes gouvernementaux, partis et
groupes d’intérêt – ont mis en place des sites web et intégré internet dans leurs stratégies de
communication, depuis la simple publicisation de leurs activités grâce à ce nouveau canal
jusqu’à la coproduction de contenu avec les internautes. Si les campagnes électorales
continuent à se mener à la télévision ou sur les marchés, elles se déroulent désormais
également sur l’espace du web, notamment par le biais de communautés constituées en ligne,
qui poursuivent la lutte politique sur cet espace. Ainsi, au-delà de l’utilisation purement
instrumentale de réseaux de télécommunication et d’applications informatiques pour fluidifier
et accélérer les communications entre individus, le développement d’internet modifie les
formes et les lieux de la compétition politique et interroge le fonctionnement des systèmes
En prenant comme exemple les campagnes de Barak Obama, ancien Président des États Unis,
lesdites campagnes synthétisaient les différents recours à toutes les évolutions technologiques
en matière d’information et de communication qui étaient apparues de façon plus ou moins
claire dans les quinze années précédentes, particulièrement en termes de mobilisation, de
contestation et de micro-ciblage (Boussaid, Azdimousa 2017). D’ailleurs Vergniolle (2011)
l’illustre bien dans ses recherches. « En 2007, Barack Obama n’était qu’un jeune sénateur de
l’Illinois qui avait peu de chances de contrer Hillary Clinton, candidate anticipée par les
observateurs. Or c’est lui qui obtint la nomination, après des primaires très serrées, en juin
2008. La suite de l’élection a confirmé la place nouvelle de l’internet en politique. Le site de
campagne my.barackobama.com a permis de recruter plus de 8 millions de bénévoles et
d’organiser plus de 30 000 évènements dans l’ensemble des 50 États. La sophistication
technologique de l’équipe Obama est allée jusqu’à lancer une « application » pour les iPhones
quelques semaines avant le scrutin ». Nous pouvons constater que sa réussite repose
essentiellement sur l’exploitation des technologies numériques et médiatiques. Cependant, le
succès qu’a connu Obama provient surtout de sa faculté à mobiliser sa base électorale qui,
elle, a bénéficié du recours systématique à Internet et spécifiquement au Web
2.0 (Nocetti2011).
Ceci dit, le cas « Obama » n’est pas un cas isolé, les sondages aux États Unis indiquent que
les deux partis politiques dominants, à savoir, le parti démocrate et le parti républicain sont
présent sur la toile à peu près en proportions égales. Cependant, les sites politiques des
Démocrates sont deux fois plus visités par les internautes que ceux des républicains
(Vergniolle2011). D’après le même chercheur, l’apport d’Internet sur la scène publique
américaine se résume par le fait qu’elle permet de rationaliser des pratiques politiques
traditionnelles, accède au moindre coût aux électeurs indécis, mais surtout elle joue un rôle
majeur dans la mobilisation des sympathisants et des électeurs les plus engagés, et l’accès à
des conditions de financement des campagnes plus élargis.
Selon l’étude effectuée depuis juillet 2015 par « SMART Owl », le premier outil marocain de
collecte et de traitement de données sociales, le web marocain avec ses 16 millions
d’internautes, 8,2 millions d’utilisateurs Facebook dont 71% sont âgés de 18 à 34 ans, 76 700
utilisateurs Twitter et ses 877 230 utilisateurs marocain sur le réseau professionnel Linkedin,
présente des opportunités accrues. Chaque internaute en âge de voter est un électeur potentiel
pour les partis politiques marocains.
Avec une population de 8 millions d’utilisateurs actifs sur 16 millions d’internautes Facebook
est le réseau social au plus fort taux de pénétration au Maroc. Cela dit, Avec 76 700
utilisateurs marocains Twitter ne permet pas le même travail de sondage que Facebook mais il
demeure néanmoins utile pour cibler les influenceurs et autres « early-adopters » des réseaux
sociaux.
D’après les résultats obtenus par la même étude sur la communication digitale des partis
politiques marocains, le PJD est le premier parti à tenir compte de l’importance des réseaux
sociaux dans la mobilisation des militants. Ledit parti est le mieux représenté sur les
emplacements sociaux en 2015. Il dispose d’une base de Fans Actifs sur sa page Facebook, à
hauteur de 106% avant les élections communales de 2015 et de 75% après juillet 2015. Ceci
est dû grâce à la constance et la qualité des publications générées par ses « Communities
Managers » (CM). Quant aux autres partis politiques, la tendance des Fans Actifs chez le parti
Istiqlal (PI) est de 26%, 23% pour l’USFP, 18% pour le MP et 10% pour le PPS. L’interaction
enligne entre le PJD et l’audience se démarque par un nombre élevé de publications (19 543
publications). En conséquent, l’impact et la diffusion de l’information sur les réseaux sociaux
s’avèrent assez importants (62,39 commentaires et 1124 mentions « J’aime » en moyenne par
publication). Ces statistiques démontrent la grande capacité du PJD à entretenir l’attention des
adhérents aux pages sociales.
Toutefois, depuis les dernières élections communales en 2015, l’usage des réseaux sociaux
s’est démocratisé au niveau de la scène politique national. Si le PJD représentait 80% des
mentions « J’aime » en 2015, les rapports se sont équilibrés en 2016. Nous constatons
l’émergence du Parti Authenticité et modernité (PAM) à hauteur de 29% et celui du PPS à
hauteur de 10%. Néanmoins, la présence enligne des autres partis politiques demeure
modeste.
L’engouement initial pour les pratiques politiques usant des TIC et spécifiquement d’Internet,
débutant il y a une quinzaine d’années, a conduit bon nombre de chercheurs dans les pièges
du déterminisme technologique, de la généralisation hâtive et des comparaisons prématurées,
ou encore d’une conception trop étroite du politique (Chaput 2008). Néanmoins, plusieurs
chercheurs ont été amenés à revisiter le potentiel politique de l’Internet et du mobile (Ward et
Vedel, 2006 ; Grossetti, 2014).
Dans un champ de politique se caractérisant de plus en plus par une implication en déclin du
citoyen-électeur, une mauvaise circulation d’informations et un scepticisme élevé sur les
politiciens et les institutions politiques traditionnelles (Lusoli et al., 2006), l’intérêt souhaité
par l’adoption des TIC est de pouvoir stimuler l’engagement politique chez ses utilisateurs,
faire évoluer leur comportement politique et faciliter leur mobilisation (Ward et Vedel, 2006).
du privé et du public se trouvent sans cesse redéfinies (Jouët, 2009), ou bien de prédire que la
participation politique pourrait se manifester aussi dans des pratiques numériques aussi
disparates que le partage de photos sur Facebook, des tweets ou bien des vidéos sur Youtube
(Monnoyer-Smith et Wojcik, 2014).
Si, à ses débuts, Internet était principalement utilisé comme un moyen de diffusion
d’informations à travers des sites qui apparaissaient souvent comme une réplique électronique
du matériel de propagande traditionnel, ses usages se sont aujourd’hui diversifiés (Greffet et
Vedel 2011). L’élection présidentielle française de 2017 témoigne d’un élargissement et
d’une évolution des formes d’activité politique en ligne. Depuis 2009, le développement des
réseaux sociaux en ligne et des applications de ce qu’il est convenu d’appeler le web 2.0
semble ouvrir une nouvelle phase des net-campagnes électorales (Greffet 2011).
Selon Marc Abélès (2011), « le discours politique dans le cadre d’une campagne électorale
était fondé sur une relation asymétrique entre l’émetteur (le leader, son parti) et les récepteurs
(le peuple) ». Il stipule que, dès les années 60, les candidats trouvaient leur véritable audience
grâce aux médias audiovisuels. « John F. Kennedy, puis Charles de Gaulle, montrèrent tout le
parti qu’on pouvait tirer d’un média de masse (la télévision) pour convaincre des millions
d’électeurs. Depuis lors, la mise en spectacle sur le petit écran est devenue la condition
indispensable de la conquête et de l’exercice du pouvoir : l’exemple de François Mitterrand
qui, après y avoir été longtemps rétif, devint un adepte de la performance télévisuelle est tout
à fait révélateur. »
L’entrée en scène d’Internet depuis 1990 (Vedel 2003), puis le développement du web 2.0
(Millerand, Proulx et al., 2010 ) comme nouveau média de la politique (Ward et Vedel,
2006), constitue sans aucun doute l’une des innovations du référendum constitutionnel
marocain de 2011. Tandis que les grands médias audiovisuels avaient visiblement pris fait et
cause pour le oui, de même que les principaux partiset syndicats, les partisans du « non »,
exclusivement des partis, syndicats de gauche radicale et le mouvement du 20 février, ont
investi les réseaux sociaux en ligne pour communiquer leur choix de recourir au boycott. Les
dispositifs des forums de discussions en ligne, puis les blogs et les vidéos de podcasting sur
Youtube ont décortiqué le projet constitutionnel et ont pu permettre des expressions publiques
des opinions. Ces dimensions constitutives de la parole politique sur les réseaux sociaux en
ligne, ont rendu visibles et audibles des groupes émergents dépourvus de porte-parole
officiels (Benvegnu et Brugidou, 2008), sur la scène politique au Maroc.
Cela dit, si l’utilisation des TIC en politique avait pour objectif à court terme d’attirer de
nouveaux participants jeunes et moins jeunes dans le monde politique, son but à long terme
serait de réduire considérablement les coûts de diffusion de l’information, de mobilisation et
de participation dans le processus électorale et politique en générale (Ward et Vedel, 2006).
Norris et Curtice (2004) le soulignent bien dans leur ouvrage «even if the Internet does not
result in more people becoming politically active, it could still have important consequences if
it makes the political activity that does take place more effective»
D’une part, en offrant la capacité de localiser à l’échelle mondiale des individus partageant
avec eux les mêmes valeurs et principes et rentrer en contact avec des personnes ayant des
intérêts ou des préoccupations communes. D’autre part, en favorisant et soutenant des réseaux
sociaux en ligne qui étaient auparavant difficiles à créer, à cause des clivages géographiques,
et en rendant l’information de plus en plus accessible quantitativement et qualitativement à
ceux qui ont accès à Internet. Sans aucun doute, Les technologies numériques pourraient créer
davantage de socialisation et stimuler une activité politique supplémentaire (Norris, 2000).
L’idée d’une « politique participative » médiatisée par Internet semble rendre secondaires les
médiations politiques, y compris les partis. Il s’agit plutôt d’opérer des choix individuels,
comme le ferait un consommateur sur un marché. Le citoyen et le consommateur convergeant
dans un individu souverain qui sera invité à émettre des avis et prendre des décisions. Ainsi,
Internet incarnerait une démocratie décentralisée, marquée par la multiplication des formes de
coopération et de participation de citoyens actifs et critiques, peu enclins à s’affilier à une
organisation partisane (Greffet, 2011). En effet, Internet a contribué à une fragmentation
accrue des médias offrant ainsi au citoyen plus de choix. Cela signifie qu'il peut choisir de ne
pas être exposé à la politique (Sunstein, 2001). Avec les portails Web et les programmes de
télévision numérique, les citoyens peuvent facilement ignorer la politique. Alors que, avec la
radiodiffusion terrestre traditionnelle, le public est régulièrement exposé à des nouvelles
politiques, même si ce n'est que des consommateurs passifs (Ward et Vedel, 2006).
L'engagement des citoyens à l'égard de la politique a évolué grâce à la divergence des médias
audiovisuels qui sont de plus en plus disponibles et accessibles mais aussi grâce à la montée
en puissance des médias sociaux, en particulier Facebook et Twitter. De nos jours, les
articulations hybrides et les recombinaisons des médias par les citoyens pour accéder à
l’information, sont devenues des actions très répandues (Vaccari, Chadwick and O'Loughlin,
2015).
Les élections en ligne, le vote en ligne ou même la signature des pétitions en ligne pourront
considérablement aider à faire parvenir le citoyen à se gouverner tout en contournant les
institutions et organisations médiatiques traditionnelles telles que les partis, les groupes de
pression et les parlements. Cependant, les nouvelles technologies ne sont pas utilisées
simplement que pour les scrutins, les sondages ou les consultations irrégulières, mais ils
servent aussi à fonder une démocratie dialogique (Benvegnu 2007) et une discussion
délibérative entre les citoyens et leurs représentants, où les citoyens sont engagés dans le
processus politique comme égaux (Ward et Vedel, 2006) et non seulement comme des
récepteurs passifs (Abélès, 2011).
Les formes d'implication des citoyens sont très diverses et variées et vont des simples
pratiques pour s’informer à l'engagement actif dans les questions politiques. Les citoyens
s’approprient concrètement les TIC en politique, de différentes manières. Le degré
d’utilisation des technologies numériques par les militants en ligne et les experts en
politiques diffère de celui du citoyen averti en politique ou d’un utilisateur passif (Jöuet,
2009). Selon Lewis Friedland, Thomas Hove et Hernando Rojas (2006) : « Life on line’ is
more than a metaphor for thoseunder 35 (and many over). It is a new form of life that
influences coreforms of intersubjective communication and sociation ».
Des espaces de discussions en ligne s’ouvrent de plus en plus pour les citoyens-internautes, y
compris les forums créés par les institutions politiques sur leurs sites web ou sur les réseaux
sociaux en ligne. Les partis politiques se sont appropriés de plus en plus activement lesdits
espaces durant ces dix dernières années. « Les stratégies d’action se sont diversifiées et
modifiées grâce à l’appropriation des nouveaux outils et applications apparus sur le web. Les
sites web partisans, qui étaient souvent une réplique électronique des brochures et des tracts à
la fin des années 1990, se sont sophistiqués sur le plan technique, notamment en intégrant des
fonctionnalités de vidéo ou de personnalisation » (Greffet et Vedel, 2011).
La présence partisane s’est diversifiée dans l’espace numérique. Les partis politiques
souhaitant renforcer leur présence en ligne, ont créé autour de leur site web principal une
Gersende Blanchard (2011) identifie dans ses recherches le forum du site web du parti
politique comme un espace où se poursuit le travail de promotion et de valorisation de la
structure politique ou de ses représentants tout en permettant au citoyen-internaute de
s’exprimer librement sur ce support de communication électronique officiel. Il démontre
d’une part que « le forum se révèle comme une « place de marché virtuelle » où les militants
affichent leur soutien, font la promotion du journal du parti et portent la parole de celui-ci et
de ses représentants », s’inscrivant donc dans une stratégie de publicité démonstrative selon la
conception habermassienne de l’espace public comme lieu fondamental du politique (Vedel,
2003). En d’autre part, « le forum de discussion du site partisan se présente donc comme «
une vitrine » où sont exposées des opinions en désaccord avec celles du parti ». Ce qu’il
amène à supposer d’envisager que « la présence de la critique du parti et celle de discours de
ses opposants sur son propre forum puissent également servir à la valorisation du parti, à la
construction de l’image qu’il veut donner de lui-même, c’est-à-dire l’image d’un acteur qui
accepte la contradiction et les règles du jeu du débat démocratique ».
Conclusion
De par le monde, les organisations politiques ont fortement investi les différents outils des
TIC au cours de la dernière décennie y compris l’exploitation d’Internet. Les partis politiques
au Maroc, malgré un recours indolent aux services des TIC, ont pu assimiler l’intérêt de
l’adoption de ces pratiques technologiques et palper leur impact par rapport au renforcement
de la relation et l’amélioration en conséquence du niveau d’engagement (Morgan et Hunt
1994).
Ainsi, conformément aux travaux de Flichy (2008), Internet est un espace ouvert, offrant la
possibilité de produire l’information facilement et où les barrières à l’entrée sont moindres.
Selon ledit chercheur « De nombreuses opinions s’expriment sur Internet et qui n’ont pas
trouvé ou difficilement trouvé des espaces d’expression dans les médias classiques… Internet
favorise le débat public ». Elle favorise aussi la participation des citoyens dans une forme de
démocratie dialogique (Benvegnu 2007).
En effet, les retombées positives des TIC en terme de qualité de la relation politique entre
candidat et électeur dans le contexte américain (Nocetti, 2011 ; Vergniolle, 2011), britannique
(Gibson et Ward 2011), français (Bousquet, 2011), chinois (Benvegnu, 2007) ou bien même
tunisien (Ben m'barek et al, 2015)devraient encourager les acteurs politiques marocains à
s’investir davantage dans l’utilisation desdits technologies afin de faire évoluer les pratiques
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