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Revue d'économie industrielle

156 | 4e trimestre 2016


L'économie numérique en question

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/rei/6433
DOI : 10.4000/rei.6433
ISSN : 1773-0198

Éditeur
De Boeck Supérieur

Édition imprimée
Date de publication : 31 décembre 2016
ISBN : 9782807390584
ISSN : 0154-3229

Référence électronique
Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016, « L'économie numérique en question » [En ligne],
mis en ligne le 31 décembre 2018, consulté le 02 juin 2022. URL : https://journals.openedition.org/rei/
6433 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rei.6433

Ce document a été généré automatiquement le 2 juin 2022.

© Revue d’économie industrielle


1

SOMMAIRE

Introduction. L’économie numérique en question


Marc Bourreau et Thierry Pénard

Questions à Anne Perrot, associée au cabinet MAPP


Anne Perrot

Le numérique transforme-t-il le lien entre territoire et innovation ? Une étude empirique sur
les PME
François Deltour, Sébastien Le Gall et Virginie Lethiais

Information asymmetry and 360-Degree Contracts in the Recorded Music Industry


Maya Bacache-Beauvallet, Marc Bourreau et François Moreau

Typologie et stratégies des plateformes de distribution en ligne des jeux vidéo : panorama et
enjeux concurrentiels
Myriam Davidovici-Nora

L’évolution des modèles d’affaires dans les industries créatives : l’exemple de la presse en
ligne en France (2004-2014)
Inna Lyubareva et Fabrice Rochelandet

M-payment use and remittances in developing countries: a theoretical analysis


Eric Darmon, Laetitia Chaix et Dominique Torre

Les donateurs et les contributeurs aux communautés épistémiques en ligne sont-ils les
mêmes? Le cas de Wikipédia
Godefroy Dang Nguyen, Nicolas Jullien et Myriam Le Goff-Pronost

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Introduction. L’économie
numérique en question
Marc Bourreau et Thierry Pénard

1 La révolution numérique est aujourd’hui une réalité dans tous les secteurs de
l’économie. Le numérique modifie en profondeur les manières de produire, d’échanger
et de consommer. Pour la plupart des entreprises, Internet est devenu un canal de
communication et de vente incontournable. Dans le tourisme, par exemple, aucun hôtel
ne peut se passer de TripAdvisor ou de Booking.com. Il est difficile aussi pour un
consommateur d’échapper à l’écosystème de services de Google, Facebook ou Apple
pour communiquer, se divertir, rechercher de l’information ou commander des
produits. L’ensemble de l’économie est désormais convertie au « numérique ». La
question est de comprendre comment le numérique va à court et moyen terme
transformer les marchés et les organisations, mais aussi l’espace et la société. Quels
seront les effets de ces transformations numériques sur la concurrence, l’innovation,
l’emploi, la croissance économique, le commerce international, le bien-être des
individus, etc. ?
2 La révolution numérique en cours repose sur trois piliers. Le premier est
technologique, à travers les capacités de transmission et de traitement de données
toujours plus massives, le développement de l’intelligence artificielle et des objets
connectés... L’appropriation de ces technologies par les entreprises permet des
innovations majeures à la fois sur les procédés (gains de productivité) et sur les
produits (nouveaux marchés, nouveaux produits ou services). Le second pilier est
économique, avec l’apparition d’acteurs économiques puissants (les GAFA) qui sont en
mesure de réorganiser les chaînes de valeur et d’imposer de nouveaux modèles
d’affaires et d’intermédiation. Dans tous les secteurs, les entreprises doivent s’adapter
pour mieux répondre aux attentes des consommateurs et à la concurrence de ces
nouveaux acteurs, en déployant des innovations organisationnelles et marketing. Enfin,
le dernier pilier de cette révolution numérique est social avec de nouveaux modes de
sociabilité et d’actions collectives. Le numérique stimule les innovations d’usages et de
consommation (consommation collaborative, co-production et diffusion de
connaissance, communautés). Mais il remet aussi en question les pouvoirs centralisés et

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la souveraineté des États, et appelle à de nouvelles formes de régulations économiques


et de gouvernance.
3 Les chercheurs en sciences humaines et sociales, et en premier lieu les économistes, ont
un rôle important à jouer pour mieux comprendre ces transformations en cours, pour
analyser et mesurer les effets socio-économiques des technologies, services et usages
numériques. Ces recherches de nature micro- et macro-économique, théorique et
empirique s’inscrivent dans un nouveau champ de la science économique, « l’économie
numérique ».
4 L’économie numérique est plus qu’un sous-domaine de l’économie industrielle. Il ne
s’agit pas seulement de revisiter des questions classiques de l’économie industrielle
comme la fixation des prix en ligne, les stratégies de différenciation entre les offres
physiques et en ligne, la régulation des marchés numériques ou l’effet de la publicité,
mais aussi d’aborder de nouvelles questions de recherche comme l’économie des
plateformes, des big data et de la vie privée (Einav et Levin, 2014). L’économie
numérique aborde aussi des questions propres à d’autres champs de l’économie comme
l’économie du travail (Autor, 2015 ; Agrawal et al., 2015) ou l’économie géographique
(Sinai et Waldfogel, 2004). L’économie numérique est enfin porteuse d’un nouveau
paradigme méthodologique lié à l’existence de traces et de données massives et variées
qui peuvent être collectées sur Internet ou via des objets connectés. Les chercheurs
peuvent aussi mettre en œuvre des expérimentations à grande échelle et observer des
comportements en temps réel. Selon Edelman (2012), « for researcher-collected data,
the Internet opens exceptional possibilities both by increasing the amount of
information available for researchers to gather and by lowering researchers’ costs of
collecting information ». Mais cette « révolution des données » comporte des coûts
d’entrée pour les chercheurs susceptibles de créer ou renforcer des fractures
numériques entre les équipes de recherche, selon qu’elles ont ou non accès à ces
données et les compétences pour les exploiter (Pénard et Rallet, 2014).
5 Ce numéro spécial sur l’économie numérique pose les jalons de ce nouveau champ de
recherche à travers 6 articles. Ces contributions théoriques et empiriques montrent
comment le numérique affecte l’organisation et la concurrence dans des secteurs
comme la presse, les jeux vidéo, la musique, le secteur bancaire, mais aussi modifie les
modèles d’innovation et de production de connaissance. Ces articles sont issus pour la
plupart de communications lors des écoles d’été d’économie numérique que nous avons
organisées depuis 2014 (à Paris, Rennes et Nice). Ce numéro spécial, ainsi que les écoles
d’été et les workshops doctoraux en économie numérique, témoignent du dynamisme
de la communauté des économistes francophones travaillant sur le numérique. La
prochaine étape est la création en 2017 d’une Association française des chercheurs en
économie numérique, qui institutionnalisera ce réseau et en fera un interlocuteur
académique de premier plan pour les pouvoirs publics et les acteurs socio-
économiques. Cette association apportera son expertise dans la définition des
politiques publiques adaptées à la nouvelle donne numérique et pourra activement
participer aux débats publics sur les enjeux sociétaux.
6 ***
7 Le numéro est introduit par un entretien avec Anne Perrot, ancienne vice-présidente
de l’Autorité de la concurrence, sur les enjeux de l’économie numérique en matière de
régulation et de politique de la concurrence. Il est suivi de l’article de Deltour, Le Gall et
Lethiais, qui questionne le rôle du numérique dans la capacité d’innovation des

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entreprises et teste l’existence d’effets différenciés des technologies numériques selon


la localisation des entreprises. À partir d’une enquête réalisée auprès de PME, les
auteurs montrent que la variété des outils numériques utilisée par l’entreprise ainsi
que de fortes compétences en interne dans l’utilisation de ces outils ont un impact
positif sur la capacité à innover en produits et en procédés, indépendamment de la
localisation de l’entreprise. Les entreprises en milieu rural ne sont donc pas moins
efficaces que les entreprises implantées dans de grandes villes pour transformer leurs
ressources numériques en innovation.
8 L’article de Bacache-Beauvallet, Bourreau et Moreau s’intéresse aux nouveaux modèles
économiques dans l’industrie musicale, en réponse au déclin des ventes de CD et à la
dématérialisation de la musique. Une des réponses a été la mise en place de nouveaux
arrangements contractuels entre les majors et leurs artistes, sous forme de contrats à
360 degrés qui intègrent toutes les sources de revenus de l’artiste (ventes de CD,
concerts, merchandising…). À partir d’une enquête auprès de musiciens français, les
auteurs identifient les facteurs favorisant la signature de ce type de contrats. Cet article
montre bien combien la « digitalisation » de l’industrie musicale affecte les modes de
création et de valorisation, ce qui n’est pas sans créer des tensions entre les différents
acteurs.
9 Davidovici s’intéresse à une autre industrie (les jeux vidéo), mais qui connaît des
transformations similaires à l’industrie musicale, avec la dématérialisation des jeux et
l’essor des plateformes de distribution en ligne. L’article propose une typologie des
modèles de distribution en ligne, selon l’activité principale des plateformes (producteur
de console, de smartphone, éditeur de jeux), leur degré d’intégration et d’ouverture.
Trois groupes stratégiques d’acteurs sont identifiés avec des différences dans les
stratégies de croissance, d’audience et de valorisation des effets de réseau.
10 L’article de Lyubareva et Rochelandet propose une analyse des modèles d’affaires de la
presse en ligne en France entre 2004 et 2014. Pendant cette période, les groupes de
presse ont dû faire face aux évolutions technologiques (le Web 2.0), à l’entrée de
nouveaux acteurs (les pure players), au tassement des revenus publicitaires et à
l’évolution des usages (importance croissante des smartphones et des tablettes dans la
consommation de la presse). Les auteurs s’appuient sur une base de données très riche
concernant 100 sites d’information en France. Ils montrent qu’un processus
isomorphique a été à l’œuvre, conduisant à l’émergence de quelques modèles
dominants parmi les acteurs de la presse en ligne. Au travers de l’exemple de la presse,
cet article montre comment la numérisation d’une industrie oblige les acteurs à
renouveler leurs modèles d’affaires.
11 Darmon, Chaix et Torre s’intéressent à l’impact du développement des paiements
mobiles dans les pays en développement sur les transferts monétaires provenant de la
population expatriée ou réalisés à l’intérieur du pays. Les auteurs proposent un modèle
théorique, qui rend compte du choix d’un ménage entre la monnaie mobile et les
espèces et de l’impact sur ce choix des sommes reçues des membres expatriés de la
famille. Ils montrent que la monnaie mobile stimule les transferts d’argent et augmente
le bien-être social. Cet article illustre le fait que le numérique (ici, sous la forme des
paiements mobiles) permet de réorganiser des marchés (ici, les marchés financiers ou
bancaires), en favorisant l’émergence de nouveaux usages.
12 Enfin, l’article de Dang Nguyen, Jullien et Le Goff-Pronost analyse les motivations à
contribuer à l’encyclopédie en ligne Wikipédia, soit par des dons monétaires, soit par la

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production de contenu. Les auteurs utilisent une base de données originale constituée
des réponses à un questionnaire de 16 000 utilisateurs français de Wikipédia en 2015. Ils
mettent en évidence les différences entre les individus qui contribuent à l’encyclopédie
par des dons monétaires et ceux qui le font en produisant du contenu, revisitant ainsi
les déterminants du don et des contributions volontaires à un bien commun. L’étude
montre plus généralement comment le numérique permet de créer de nouveaux
communs, ici de nouvelles formes de production collective.

BIBLIOGRAPHIE
AGRAWAL, A., HORTON, J., LACETERA, N., LYONS, E. (2015), « Digitization and the Contract Labor
Market: A Research Agenda », in A. Goldfarb, S. Greenstein, C. Tucker (eds.), Economic Analysis of
the Digital Economy (pp. 219-250), Chicago, IL: The University of Chicago Press.

AUTOR, D. (2015), « Why Are There Still So Many Jobs? The History and Future of Workplace
Automation », Journal of Economic Perspectives, 29, 3-30.

EINAV, L., LEVIN, J. (2014), « Economics in the age of Big Data », Science, 346, n° 6210.

EINAV, L., LEVIN, J. (2014), « The data revolution and economic analysis », in J. Lerner, S. Stern
(eds.), Innovation Policy and the Economy, vol. 14, pp. 1-24.

PÉNARD T., RALLET, A. (2014), « De l’économie des réseaux aux services en réseaux : nouveau
paradigme, nouvelles orientations », Réseaux, 184-185, 71-93.

SINAI, T., WALDFOGEL, J. (2004), « Geography and the Internet: Is the Internet a Substitute or a
Complement for Cities? », Journal of Urban Economics, 56, 1-24.

AUTEURS
MARC BOURREAU
Télécom ParisTech, Département Sciences économiques et sociales

THIERRY PÉNARD
Université de Rennes 1, CREM-CNRS

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Questions à Anne Perrot1, associée


au cabinet MAPP
Anne Perrot

1 Dans la note du Conseil d’analyse économique « Économie numérique » que tu as


rédigée avec N. Colin, A. Landier et P. Mohnen 2, quels étaient vos principaux
constats et recommandations en matière d’innovation, de concurrence et
d’emplois dans les secteurs de l’économie numérique ?
2 Réponse : Dans cette note, nous nous sommes attachés à donner des pistes sur ce que
devraient être, à notre sens, des politiques publiques adaptées à l’arrivée des nouveaux
modèles d’affaires numériques. Ainsi, il nous semble qu’il est vain de s’opposer à
l’arrivée de services numériques qui à la fois accroissent la qualité pour les
consommateurs, répondent à une demande et sont offerts à des prix plus bas que leurs
contreparties traditionnelles. On pense par exemple aux services procurés par les VTC
vis-à-vis des taxis classiques. Nos recommandations sont qu’il faut s’abstenir de créer
des réglementations propres aux plateformes ou à ces nouveaux services (par exemple
vouloir imposer la détention d’une agence physique aux auto-écoles numériques) parce
qu’on se prive alors des bénéfices de ces innovations. Il faut au contraire créer un
« level playing field » commun, dans lequel les plateformes numériques paient leurs
impôts, mais sont mises en concurrence avec leurs contreparties traditionnelles sur la
base de la qualité et des prix. Ceci n’interdit pas de se poser la question de la transition
pour les acteurs traditionnels et de la manière de prévenir un basculement trop brutal
des marchés vers ces nouveaux modèles.
3 Les plateformes numériques prennent une place de plus en plus importante dans nos
économies. La théorie des marchés biface suggère que l’analyse de certains problèmes
de concurrence, comme la prédation, les ventes liées ou les fusions, est différente en
présence de ces plateformes. Comment cela est-il aujourd’hui pris en compte par les
autorités de la concurrence ?
4 Réponse : Effectivement, les plateformes numériques mettent en œuvre des stratégies
qui selon les cas peuvent être pro- ou anticoncurrentielles. Mais en ce sens, l’analyse à
mettre en œuvre n’est pas vraiment différente de celle de tout abus de position

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dominante potentiel. Une même stratégie peut apparaître comme pro- ou anti
concurrentielle selon le contexte : l’analyse au cas par cas et l’approche par les effets
sont plus que jamais pertinentes. Par exemple, des plateformes de mise en relation
entre des vendeurs et des acheteurs peuvent conclure avec certains vendeurs des
contrats d’exclusivité. La présence de ces contrats peut être favorable à la concurrence
si elle empêche le basculement vers le monopole. En effet, dans ce cas, les acheteurs
doivent être raccordés à plusieurs plateformes s’ils veulent avoir accès à la totalité de
l’offre. Si le « multi-homing » n’est pas trop coûteux pour les consommateurs, alors une
telle situation, où les plateformes se différencient par les exclusivités qui leur sont
propres, est favorable à la concurrence. Mais si les contrats d’exclusivité sont trop
nombreux et mis en œuvre par un acteur dominant, ils peuvent au contraire empêcher
les rivaux de se développer. Du fait des effets de réseaux, les concurrents peuvent être
trop contraints dans leur développement et ne pas accéder à la taille critique. Dans ce
cas, l’effet défavorable des contrats d’exclusivité l’emporte et nuit au fonctionnement
concurrentiel des marchés. La tâche des autorités de concurrence et des entreprises
dans l’évaluation des dommages concurrentiels de telle ou telle stratégie est rendue
complexe par l’existence des externalités, dont l’appréhension n’est pas immédiate, ni
théoriquement ni empiriquement.
5 Ces plateformes numériques se nourrissent de données collectées auprès des
utilisateurs pour améliorer la qualité de services, cibler les publicités pour les rendre
plus efficaces, etc. Ces grandes masses de données peuvent-elles constituer un avantage
concurrentiel pour une firme leader dans son marché ? Si c’est le cas, quelle forme
d’intervention réglementaire ou concurrentielle serait nécessaire ?
6 Réponse : La question est celle de savoir si le fait de détenir, du fait de l’activité de
plateforme, de grandes masses de données sur les utilisateurs peut constituer une
barrière à l’entrée pour des concurrents voulant entrer sur le marché. Ce que suggère
l’observation de l’économie numérique est un processus différent. On voit en effet se
succéder les entrées d’acteurs, mais sur des activités numériques différentes les unes
des autres : Facebook est entré après Google, Booking n’a pas eu de difficulté à
s’imposer sur le marché des plateformes de réservation hôtelière et Uber ou Airbnb
non plus sur leurs secteurs respectifs. On peut donc penser que les données détenues
par les uns n’ont pas constitué une barrière à l’entrée des autres. En ce sens on ne voit
pas en quoi les données pourraient réellement constituer une infrastructure
essentielle, dont l’absence empêcherait un nouvel acteur d’entrer sur son marché avec
un modèle attractif. En revanche, on assiste bien à une domination de chacun des
segments d’activité par un acteur unique ou quasi unique, selon le principe du « winner
takes all ». Mais il semble que ceci soit plutôt dû aux effets de réseau, mécanisme
« naturel » dans le cas des plateformes qui pousse chaque agent à rejoindre la
plateforme qui lui offre le plus d’interactions, c’est-à-dire la plateforme de plus grande
taille, qu’à la détention des données à proprement parler. Lorsqu’un consommateur
cherche un hôtel, il a intérêt à se rendre sur la plateforme offrant le plus de choix,
d’autant que ces plateformes ont imposé pendant longtemps aux hôtels des clauses de
parité égalisant les prix des chambres sur tous les canaux de réservation. Ceci pousse à
la concentration des offreurs et des demandeurs sur la même plateforme, mais ce
mécanisme ne repose pas directement sur la détention des données. La détention des
données pose évidemment d’autres problèmes, comme celui de la protection de la vie
privée.

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7 Les évolutions que l’on voit aujourd’hui avec le numérique – la transition numérique
des marchés et des entreprises, la place croissante prise par les plateformes, le
foisonnement des start-up, etc. – appellent-elles une redéfinition de l’intervention de
l’État, de la politique industrielle, des politiques de protections sociales, de la
fiscalité… ?
8 Réponse : La transition numérique nous interpelle sur bien d’autres aspects que le strict
point de vue concurrentiel en effet. Les taxis ne sont pas les seuls professionnels, ni les
premiers, à être bousculés par l’irruption de nouveaux modèles d’affaires : après tout,
les disquaires ont disparu lors de l’avènement de la musique dématérialisée et personne
ne s’est demandé s’il fallait les indemniser. La différence cependant est que dans le cas
des taxis on a affaire à un secteur régulé antérieurement (nombre des licences, nature
des droits attachés à ces licences…). Leurs concurrents numériques, les VTC, posent au
droit du travail et de la protection sociale de nouvelles questions : le rattachement à
une plateforme fait-il d’eux des salariés ? Comment adapter nos systèmes de
protection, pensés pour les salariés des classes moyennes, à horaires fixes et liens de
subordination clairs, à des indépendants « multicartes » ? Il est clair que l’État doit
repenser l’ensemble de la protection qu’il offre, en s’attachant plus à protéger les
individus et moins, de manière formelle, des statuts qui ne concernent plus la totalité
de la population.
9 Tu as récemment publié une note au Conseil d’analyse économique, avec Yann Algan et
Maya Bacache, sur « l’administration numérique » 3. Quel rôle peut jouer le numérique
pour la réforme de l’État ?
10 Réponse : L’État, en France, a relativement tôt, et bien, pris le virage de la
dématérialisation de l’administration. La télédéclaration ou la possibilité d’accéder à de
nombreux services en ligne ont été proposées précocement et de manière efficace. Les
comparaisons internationales montrent toutefois plusieurs points faibles : d’une part,
l’usage qui est fait par les administrés des différentes possibilités qui leur sont offertes
est insuffisant. Et d’autre part, et surtout, la dématérialisation n’est qu’un aspect du
numérique. Dans la note du CAE écrite avec Yann Algan et Maya Bacache, nous
insistons sur la nécessité pour l’État de se redéfinir comme un « État plateforme »,
mettant à profit la contribution de la « multitude » pour proposer de nouveaux services
et de nouvelles manières de servir les citoyens.
11 Parmi les sujets que tu as été amenée à traiter récemment, dans tes activités de conseil,
vois-tu des thèmes qui nécessiteraient une réflexion ou une recherche plus
académique ? Considères-tu que l’économie industrielle est actuellement bien équipée
pour appréhender les évolutions ou transitions numériques en cours dans les
entreprises et sur les marchés ?
12 Réponse : Vous avez évoqué précédemment la question de l’évaluation par les autorités
de concurrence de certaines pratiques mises en œuvre par les plateformes. Au-delà de
la nécessité d’une approche par les effets, il faudrait que la recherche théorique et
empirique contribue à la définition de « tests » adaptés aux marchés bifaces. Par
exemple, on sait que l’accès gratuit à une plateforme, même dominante, par les
utilisateurs situés d’un côté du marché n’est pas synonyme de prédation, puisque la
tarification optimale d’une plateforme consiste à tenir compte des effets externes de
l’un des côtés sur l’autre : il est ainsi optimal de subventionner l’accès des agents qui
exercent la plus forte externalité sur l’autre côté du marché et qui, par ailleurs,
peuvent présenter une demande plus élastique. Mais ceci n’exclut pas tout

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comportement prédateur de la part de la plateforme : il faut encore que les coûts de son
fonctionnement soient couverts. Il se peut par exemple que ce soient les revenus
publicitaires qui assurent la couverture des coûts des opérations. Dans un marché à
externalités comme l’est une activité de plateforme, la définition de tests fondés
économiquement, mais opérationnels pour les autorités de concurrence et les
entreprises serait extrêmement précieuse. Une autre question épineuse tient au délai
de traitement par les Autorités des affaires concernant les marchés numériques, mais
elle n’est pas du ressort du monde académique. Dans le domaine numérique, une
grande partie de la structure concurrentielle qui va s’imposer pour longtemps dans un
secteur donné se joue très tôt, avec le développement des « effets boule de neige » déjà
évoqués. Si des pratiques anticoncurrentielles sont à l’œuvre, leur instruction puis leur
jugement et le coup d’arrêt qui leur sera porté risquent d’intervenir trop tard pour
empêcher la formation d’une entité difficile à contester pour les rivaux. Cet opérateur
se sera constitué avec l’aide des pratiques anticoncurrentielles qu’il aura mises en
œuvre mais le délai de traitement de ces pratiques peut se trouver incompatible avec la
vitesse à laquelle se développent les effets de réseaux.

NOTES
1. Elle a été vice-présidente de l’Autorité de la concurrence de 2004 à 2012, professeur de sciences
économiques à l’Université Paris I et à l’ENSAE et directeur du Laboratoire d’économie
industrielle du CREST.
2. Note du CAE, n° 26 (octobre, 2015), « Économie numérique », par Nicolas Colin, Augustin
Landier, Pierre Mohnen et Anne Perrot, http://www.cae-eco.fr/Economie-numerique.html.
3. Note du CAE, n° 34 (septembre 2016), « Administration numérique », par Yann Algan, Maya
Bacache et Anne Perrot, http://www.cae-eco.fr/Administration-numerique.html.

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Le numérique transforme-t-il le lien


entre territoire et innovation ? Une
étude empirique sur les PME
Does digitalization affect the link between territories and innovation? Evidence
from SMEs

François Deltour, Sébastien Le Gall et Virginie Lethiais

1. Introduction
1 Dans un contexte où l’innovation des entreprises est vue comme une « ardente
obligation » afin de gagner en compétitivité (Conseil d’analyse économique, 2010,
p. 32), les questionnements sur les déterminants de l’innovation demeurent d’actualité
(Mongo, 2013). Face à la numérisation croissante de l’économie, de nombreux travaux
se sont interrogés sur la contribution des TIC à l’innovation. Que ce soit parce que les
TIC permettent de favoriser la capitalisation des savoirs R&D de l’entreprise (Pavlou et
El Sawy, 2006), de mieux identifier les besoins émergents du marché (Tambe et al.,
2012), ou encore de faciliter la coordination (Banker et al., 2006), ces technologies sont
généralement perçues comme un levier de l’innovation (Deltour et Lethiais, 2014 ;
Higón, 2012).
2 Parallèlement, le rôle du territoire sur la capacité d’innovation a fait l’objet d’une large
littérature où le rôle de la proximité est largement discuté. La proximité géographique
aurait des vertus justifiant la concentration des activités innovantes au niveau local ou
régional (Audretsch et Feldman, 2003 ; Feldman et Kogler, 2010 ; Massard et Torre,
2004). Cependant, un fait nous semble établi : la proximité géographique ne fait pas
tout. Différents arguments peuvent être avancés. Tout d’abord, une localisation à
proximité ne se traduit pas nécessairement par de la coopération ; deux entreprises
peuvent être en situation de proximité et ne pas interagir (Torre, 2014). À l’inverse, la
coopération existe entre firmes distantes (Aguiléra et al., 2015 ; Ben Letaifa et Rabeau,
2013 ; Tanguy et al., 2015). Ensuite, le numérique apparaît comme un moyen d’échanger

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à distance, y compris des connaissances tacites, ce qui remet en question le rôle


déterminant de la proximité géographique dans les échanges entre entreprises
(Aguiléra et Lethiais, 2011 ; Doran et al., 2012). Enfin, les relations interentreprises
peuvent s’appuyer sur des formes temporaires de proximité spatiale (Bathelt et
Schuldt, 2008 ; Rychen et Zimmermann, 2008 ; Torre, 2014). Dès lors la colocalisation
n’apparaît plus comme une condition nécessaire à la coopération ou à l’émergence
d’innovations.
3 Pourtant, les différences persistantes entre territoires en matière d’innovation ont
conduit les chercheurs à s’interroger en termes d’accessibilité aux ressources et non
plus en termes de localisation de ces ressources (Mc Cann, 2007 ; Shearmur, 2011). Cette
approche en termes d’accessibilité aux ressources ramène la question du rôle du
numérique au centre du débat. Si les technologies contribuent à faciliter la mobilisation
de ressources situées à distance, leur utilisation devrait bénéficier tout
particulièrement aux entreprises localisées sur des territoires faiblement dotés en
ressources. Le numérique pourrait donc transformer le lien entre territoire et
innovation. Peu de travaux, pourtant, tentent de mesurer la manière dont les
technologies peuvent affecter la relation entre la capacité d’innovation des firmes et
leur localisation.
4 Dans cet article, nous cherchons tout d’abord à tester le rôle du numérique et de la
localisation des PME sur leur capacité d’innovation, mais nous nous interrogeons
également sur l’impact combiné de ces deux facteurs. Nous testons trois hypothèses. La
première avance que la capacité d’innovation de la firme dépend moins de sa
localisation que de ses caractéristiques propres. La deuxième souligne le rôle de levier
d’innovation joué par les ressources numériques. Enfin, nous testons l’hypothèse de
l’existence d’un effet différencié du numérique sur la capacité d’innovation de la firme
en fonction de sa localisation. Pour cela, nous mobilisons les données issues d’une
enquête réalisée en 2012 auprès d’un échantillon représentatif de 1 253 PME.
5 Dans la première partie de cet article, nous posons le cadre conceptuel de la recherche.
Les données et la méthodologie utilisées sont présentées dans un deuxième temps.
Enfin, les résultats sont analysés et discutés au regard de la littérature.

2. Les déterminants de l’innovation des PME


6 Dans cet article, nous adoptons une approche par les ressources, en questionnant celles
utilisées par l’entreprise pour innover. Parmi les ressources internes, celles liées à
l’usage du numérique à la fois comme ressources clés ou comme moyen d’activation
sont privilégiées. L’entreprise peut également mobiliser les ressources externes
présentes à proximité sur son territoire.
7 Parmi les facteurs déterminants dans la capacité des firmes à innover, le rôle de
l’environnement spatial et celui de l’utilisation du numérique a largement été traité
dans la littérature. Ces travaux nous conduisent à formuler trois hypothèses qui sont
ensuite testées dans la partie empirique.

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2.1. La contribution de l’environnement spatial à l’innovation

8 De nombreux travaux se sont intéressés au poids de la localisation des firmes dans leur
capacité à innover, au travers de leurs dépôts de brevets ou leurs dépenses en R&D
(Audretsch et Feldman, 2003 ; Autant-Bernard et Lesage, 2011). Les résultats de ces
travaux, qui relèvent de la géographie de l’innovation, attestent de l’existence de
disparités territoriales persistantes dans la capacité à innover. Dans la majorité des cas,
la localisation des firmes dans les zones urbaines ayant des structures sectorielles
diversifiées accroît leur propension à innover. Les principaux arguments avancés
reposent sur l’existence d’externalités de connaissance locales issues de la recherche
privée et publique, sur la présence d’infrastructures de services publics et privés, sur la
concentration spatiale du capital humain et sa faible mobilité (Almeida et Kogut, 1999),
ainsi que sur une intensité accrue de collaborations et de contacts en face-à-face
(Breschi et Lissoni, 2009).
9 L’ensemble de ces résultats souligne que le point clé pour innover est la capacité des
firmes à mobiliser les ressources dont elles ont besoin. La plupart de ces travaux font
implicitement l’hypothèse que les firmes mobilisent les ressources disponibles à
proximité ou bénéficient des externalités positives générées par l’environnement dans
lequel elles évoluent. Interroger les ressources clés du processus d’innovation est
l’objectif essentiel des travaux qui relèvent de la Resource-based View (Barney et Clark,
2007). Il s’agit pour la firme de mobiliser des ressources « valorisables, rares, non
imitables et non substituables (VRIN) » afin de développer un avantage concurrentiel
durable. Parmi les différentes ressources ayant ces caractéristiques, le courant de la
Knowledge-based View (Kogut et Zander, 1992) privilégie la connaissance. Deux formes de
connaissance sont distinguées : l’information et le savoir-faire. La première renvoie à la
connaissance qui peut être codifiée. La transmission de cette connaissance codifiée est
essentielle dans un processus d’innovation. Elle ne peut en revanche être une ressource
distinctive que si elle est traitée, comprise et assimilée par les acteurs du processus
d’innovation. La deuxième forme renvoie justement au savoir-faire, à la connaissance
tacite, qui ne peut être transférée que dans la durée, par le contact répété en face-à-
face des acteurs du processus d’innovation, dans le cadre d’une dynamique
d’apprentissage. Des mécanismes de coordination doivent alors être mis en place pour
garantir le développement du processus d’innovation.
10 La capacité de la firme à créer de nouvelles connaissances sera déterminante pour sa
capacité à innover. Selon Kogut (2000), la firme seule ne peut accéder à l’ensemble des
ressources critiques et se doit d’intégrer des réseaux. Cela est d’autant plus nécessaire
pour la PME qui souffre d’un handicap majeur : celui de ressources humaines et
financières limitées pour couvrir les coûts et les risques liés à l’innovation. La PME se
caractérise ainsi dans ses pratiques d’innovation par une inclination plus forte à
mobiliser les réseaux (Rogers, 2004) et par une insertion spécifique à son milieu local
(Julien, 1996).
11 Par sa localisation, la firme peut en effet chercher à mobiliser des ressources
« territoriales » dont elle ne peut bénéficier initialement en interne et/ou en recourant
à une simple logique marchande. Une ressource peut être qualifiée de territoriale si elle
vérifie deux caractéristiques. Elle doit être tout d’abord peu mobile. Dans l’hypothèse
inverse, si la ressource est parfaitement mobile, n’importe quelle localisation est
éligible pour la firme puisqu’il lui suffit de la faire venir à elle. Elle doit ensuite être

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


13

principalement de nature tacite. Pour le processus d’innovation, cela renvoie à la


distinction entre information et savoir-faire évoquée précédemment. Si une ressource
immatérielle clé repose par exemple sur un savoir ou un savoir-faire non codifiable
émanant des acteurs localisés sur un territoire, la mobiliser suppose pour la firme de
s’y implanter. La proximité géographique apparaît ainsi comme un catalyseur de
l’activation des ressources présentes sur le territoire.
12 Pour une PME soucieuse de développer sa capacité d’innovation, il y aurait donc un
bénéfice évident à se localiser sur les territoires denses bénéficiant d’un avantage
comparatif localisé, fortement dotés en ressources territoriales spécifiques.
13 Différents points nous conduisent à nuancer cette vision.
14 Une localisation au sein d’un cluster, idéal-type du territoire innovant, n’implique pas
un modèle unique de mobilisation des ressources qui s’appuierait principalement sur le
local (Torre, 2014). Une des raisons est que la proximité géographique ne facilite pas
nécessairement les relations interentreprises, qui peuvent en revanche bénéficier
d’autres formes de proximités (Aguiléra et al., 2015). Massard et Mehier (2010)
suggèrent de remplacer l’approche en termes d’externalités de connaissances par une
approche en termes d’accessibilité aux connaissances, qui fait nécessairement appel à
la notion de proximité non géographique (et en particulier relationnelle). C’est alors
moins la localisation de la firme sur un territoire dense, que la capacité de la firme à
accéder aux ressources qui devient la question clé (Mc Cann, 2007). Selon la nature des
activités d’innovation et donc le type d’innovation, la distance aux aires
métropolitaines peut donc être plus déterminante – ou à l’inverse moins
déterminante – que les caractéristiques propres du territoire dans la capacité
d’innovation des firmes ; quoi qu’il en soit, ces facteurs n’ont qu’un faible impact sur la
capacité d’innovation (Shearmur, 2011).
15 De plus, la majorité des travaux en économie ou en géographie de l’innovation qui
voient dans la proximité géographique une condition nécessaire à l’émergence
d’innovations mesurent l’innovation par le biais des dépôts de brevets et/ou
s’intéressent à des activités intensives en connaissance. C’est notamment le caractère
intensif en connaissances des activités d’innovation telles qu’elles sont définies par ces
auteurs qui, selon nous, justifie les comportements d’agglomération. Une autre
approche consiste à considérer l’innovation de manière plus large. C’est l’approche
suivie par le dispositif d’enquêtes CIS (Community Innovation Survey) 1, dans lequel une
innovation est définie comme « nouvelle pour l’entreprise mais pas nécessairement
pour le marché » et peut « avoir été développée à l’origine par l’entreprise ou par
d’autres entreprises ». Si les enquêtes CIS ont motivé de nombreux travaux sur les
déterminants de l’innovation (DGCIS, 20112), peu se sont intéressés spécifiquement aux
déterminants spatiaux. Parmi eux, les travaux de Galliano et al. (2014) et Magrini et
Galliano (2012) analysent l’impact des externalités spatiales sur la capacité d’innovation
des firmes industrielles françaises, en prenant en compte le profil spatial complet de la
firme constitué de l’ensemble de ses établissements. Ils contribuent notamment à
mettre en avant le rôle déterminant de la multilocalisation de la firme sur sa capacité
d’innovation et sa performance à l’innovation. À partir de ces mêmes enquêtes, des
travaux menés sur le secteur de l’agroalimentaire montrent que, si les réseaux
d’innovation ne se limitent pas à l’échelle locale, ils varient en fonction de la taille des
firmes (Tanguy et al., 2015). Toutes les entreprises, d’ailleurs, ne mobilisent pas de façon

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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identique les ressources disponibles sur le territoire dans leur processus d’innovation
(Galliano et al., 2013).
16 Plus généralement, le rôle que jouent les externalités locales et la mobilisation des
ressources disponibles localement et à distance sur le processus d’innovation des
entreprises dépend de nombreux facteurs (Feldman et Kogler, 2010), tels que la taille de
la firme, son secteur d’activité, son profil spatial, le type d’innovation considéré. Le lien
entre urbanisation et innovation, s’il a largement été démontré dans les travaux qui
portent sur les dépôts de brevets ou les dépenses de R&D et/ou sur les entreprises des
secteurs intensifs en connaissance, semble alors moins évident lorsque l’on adopte une
définition plus large de l’innovation et que l’on considère l’ensemble des secteurs
d’activité.
17 Nous testons donc dans un premier temps l’effet de la localisation de la firme sur la
capacité d’innovation des entreprises, notre hypothèse étant que la capacité
d’innovation, appréhendée au sens large, dépend moins de la localisation de la
firme que de ses caractéristiques propres.
18 Si l’on considère que c’est l’accessibilité aux ressources plus que la simple localisation
de la firme, qui est déterminante dans sa capacité d’innovation, il devient pertinent
d’intégrer le numérique, qui peut faciliter l’accès à certaines ressources (en particulier
aux connaissances) et leur mobilisation.

2.2. La contribution des ressources numériques à l’innovation

19 Le recours au numérique est devenu fréquent dans les activités innovantes des
entreprises (Cainelli et al., 2006), et notamment des PME (Deltour et Lethiais, 2014 ;
Higón, 2012). Ce recours est justifié par le fait que les TIC, en tant que dispositifs
numériques de collecte, de traitement, de stockage et de transmission d’information,
ont bénéficié ces dernières années de gains exponentiels quant à leurs performances
matérielles (capacités de calcul et de transmission…) et leurs performances socio-
économiques (développement des fonctionnalités, convergence des supports, coûts
réduits). Les travaux traitant du lien entre l’innovation dans les firmes et les ressources
numériques ont appréhendé ces dernières via des mesures agrégées (Kleis et al., 2012)
ou via différentes catégories de TIC plus ou moins détaillées (Deltour et Lethiais, 2014).
Du fait de leur caractère pervasif et polyvalent, les TIC sont perçues comme des
ressources clés de l’innovation mais également comme des moyens d’activation de
ressources clés internes ou de mobilisation de ressources externes pour l’innovation
(Cardona et al., 2013 ; Nambisan, 2013). Nombreuses sont les investigations montrant un
lien effectif entre l’usage ou l’investissement en TIC et les retombées positives obtenues
en termes d’innovation. C’est par exemple le cas de Cainelli et al. (2006) qui mobilisent
les données italiennes issues de l’enquête CIS (Community Innovation Survey) pour
analyser l’innovation dans le secteur des services. C’est également le cas de Martin et
Nguyen-Thi (2015) qui, à partir de ce même dispositif d’enquête, mettent en évidence
l’influence du niveau d’usage des TIC sur l’innovation des entreprises au Luxembourg.
De son côté, Higón (2012) analyse le lien entre TIC et innovation dans le contexte
spécifique des PME et montre, sur un large échantillon de PME britanniques, que les
TIC favorisent l’innovation, essentiellement en tant que technologies de réduction des
coûts et de renforcement de l’efficience.

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20 Afin d’éclairer les mécanismes qui lient numérique et innovation à l’intérieur des
firmes, Pavlou et El Sawy (2006) identifient trois usages des TIC favorisant le
développement de nouveaux produits : l’usage des systèmes de gestion de projet et
gestion des ressources ; l’usage des systèmes de gestion de connaissance ; l’usage des
systèmes de travail collaboratif. Concernant spécifiquement l’usage des systèmes
collaboratifs, Banker et al. (2006) montrent que l’utilisation des outils et logiciels
collaboratifs renforce effectivement la collaboration entre les personnes chargées de
l’innovation. En conséquence, cette utilisation réduit le cycle de développement, réduit
les coûts de développement, accroît les possibilités de réalisations différentes et les
réutilisations, et enfin améliore la qualité du produit conçu. Tambe et al. (2012)
analysent comment les pratiques de collecte externe d’information soutenues par le
numérique sont source d’innovation (de produit) et de productivité. Parallèlement,
Kmieciak et al. (2012) avancent l’idée que certaines catégories de TIC permettent une
meilleure compréhension du marché en facilitant les échanges avec les clients, qui
participent ainsi (via les e-mails, les forums de discussion, les réseaux sociaux) à
concevoir des produits répondant à leurs attentes. Même si cette ouverture aux clients
reste souvent limitée (Kuusisto et Riepula, 2011), elle peut être dans certains cas très
forte : il s’agit par exemple des pratiques de crowdsourcing dédiées à l’innovation ou
les pratiques d’open innovation qui s’appuient largement sur des supports numériques.
Enfin, les TIC sont largement reconnues dans la littérature pour leur contribution à
l’innovation de processus, car porteuses de transformation de l’organisation
(Brynjolfsson et Hitt, 2000, Brynjolfsson et Saunders, 2010).
21 En définitive, les travaux cités s’accordent sur l’idée que le numérique accroît la
capacité d’innovation des entreprises, notamment des PME. Ce soutien s’exerce dans
une diversité de situations d’innovation (développement de nouveaux produits,
adoption de nouveaux procédés…) et en mobilisant une large palette de technologies
(qu’elles soient génériques ou dédiées à l’innovation).
22 Conformément à ces travaux, nous formulons donc l’hypothèse qu’un niveau élevé de
ressources numériques au sein de l’entreprise affecte positivement sa capacité
d’innovation.

2.3. L’effet conjoint de la localisation et du numérique sur


l’innovation

23 Très peu de travaux traitent du rôle du numérique dans la relation entre le territoire et
l’innovation. Parmi eux, Feldman (2002), avance que les dimensions individuelles,
sociales et géographiques de l’innovation impliquent qu’Internet ne remettra pas en
cause les avantages géographiques associés à la concentration des ressources et aux
opportunités créées par la proximité géographique. Morgan (2004) considère que la
mondialisation et la digitalisation croissante des économies ne réduiront pas
l’importance de la proximité géographique pour l’innovation en avançant trois
arguments : la forte dimension sociale des échanges ; la nature des connaissances
échangées qui, pour les plus critiques, impose le face-à-face ; l’efficacité des systèmes
territoriaux d’innovation. Ces travaux viennent en contradiction des visions qui
associent à l’essor du numérique, le déclin des contraintes d’une gestion à distance
(Fujita et Thisse, 2003). Les échanges d’informations ou de connaissances via les TIC
seraient ainsi complémentaires plutôt que substituables aux échanges interpersonnels

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en face-à-face pour le processus d’innovation. Cet effet complémentaire/substituable


du numérique et de la proximité sur la capacité d’innover peut également être discutée
au regard du déroulement du processus d’innovation. Des travaux (Nooteboom, 2000 ;
Suire et Vicente, 2008) ont ainsi montré que selon les phases du processus d’innovation
(des phases d’exploration aux phases d’exploitation), la distance cognitive entre les
firmes collaborant et le besoin de proximité géographique sont variables : alors que la
distance cognitive entre partenaires est forte au début du processus et que le besoin de
proximité géographique peut s’avérer un facteur favorable, c’est le contraire lors des
dernières phases lorsque le risque d’appropriation des connaissances est très important
entre les partenaires. La colocalisation va ainsi s’imposer, mais seulement de façon
temporaire. Selon Torre (2014), la gestion de la proximité temporaire est précisément
réalisable grâce au développement du numérique. Les TIC accroissent les possibilités
d’interactions par rapport aux infrastructures de transport traditionnelles et
permettent une « multilocalisation en temps réel » (ibid., p. 58). Dans la continuité, la
capacité à innover dépendrait moins de l’activation par la PME des ressources du
territoire sur lequel elle est implantée que de l’accessibilité aux ressources clés, qui
peuvent être situées à distance (Shearmur, 2011). Dans ce contexte, le rôle du
numérique dans la capacité d’innovation devient déterminant car il facilite l’accès aux
ressources clés. Ce rôle serait de plus d’autant plus important que ces ressources clés
sont difficilement accessibles.
24 Finalement, nous testons l’hypothèse de l’existence d’un effet différencié des
ressources numériques sur la capacité d’innovation, conditionnel à la localisation de la
firme.

3. Méthodologie
25 Afin de tester les trois hypothèses formulées, nous mobilisons une enquête réalisée en
2012 auprès d’un échantillon représentatif de 1 253 PME, que nous avons complétée par
le recueil d’informations de localisation des firmes interrogées. Outre les statistiques
descriptives qui nous permettent de faire un état des lieux de l’innovation des PME,
nous utilisons les outils de l’économétrie afin d’identifier les déterminants de la
capacité d’innovation des entreprises de notre échantillon.

3.1. La collecte des données

26 L’enquête porte sur l’utilisation des outils numériques par les PME 3 de la région. Plus
précisément, cette enquête cible les entreprises de 10 à 250 salariés appartenant aux
secteurs de l’industrie, du commerce et des services (à l’exception de l’agriculture et
des services publics), localisées en région Bretagne. L’enquête repose sur un
questionnaire, qui interroge d’abord chaque PME sur son activité et sa situation
générale, et énumère ensuite une large palette d’équipements et leur utilisation
possible à l’intérieur de la firme, ou bien avec des partenaires extérieurs. Une série de
questions porte sur la politique d’innovation de l’entreprise.
27 Le questionnaire a été soumis à toutes les PME recensées dans les registres de la
Chambre de Commerce et de l’Industrie (CCI) de la région, soit 7 036 entreprises. Le
questionnaire était à remplir en ligne sur un site dédié. Afin d’augmenter le nombre de
répondants, une administration complémentaire a été réalisée par téléphone. En

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définitive, ce sont 1 253 questionnaires complets qui ont été collectés, ce qui représente
un taux de réponse de près de 18 %. Le répondant est, dans la majorité des cas, le
dirigeant de l’entreprise ou le responsable administratif ou/et financier. La méthode
des quotas a été utilisée afin d’obtenir un échantillon représentatif des PME bretonnes
selon le secteur d’activité, la CCI de rattachement et l’effectif salarial. Les statistiques
de l’échantillon suivant ces trois critères sont présentées en Annexe 1.
28 Partant de cette base de 1 253 entreprises, le recueil des informations géographiques a
été effectué via le recours à une base de données géographique de l’INSEE. Le degré
d’urbanisation de la commune sur laquelle est localisée chaque firme a été intégré dans
la base à partir du zonage en aire urbaine proposé par l’INSEE, selon les modalités
détaillées dans la section suivante.

3.2. Les variables retenues

29 L’enquête nous donne plusieurs types d’information concernant la stratégie des PME en
termes d’innovation. Nous adoptons, dans cet article, une définition proche de celle
utilisée dans les enquêtes CIS : une entreprise est considérée comme innovante si elle
s’est positionnée sur de nouveaux produits ou services ou si elle a introduit de
nouveaux procédés dans les deux dernières années. L’enquête nous renseigne
également sur la stratégie de la firme en termes de R&D collaborative ainsi que de
protection de ses innovations (et notamment de dépôt de brevets).
30 Les variables susceptibles d’influencer la capacité d’innovation des firmes sont de trois
types : son profil spatial, ses ressources numériques et ses caractéristiques propres.

Le profil spatial de la firme

31 Nous utilisons deux variables pour caractériser le profil spatial de la firme. La première
est la localisation de l’entreprise au sein de l’espace.
32 L’INSEE décompose l’espace en 9 catégories, qui permettent d’appréhender l’existence
de pôles urbains, mais aussi l’influence de ces pôles sur les communes périphériques 4.
Conformément à des travaux antérieurs (Magrini et Galliano, 2012), nous fusionnons
certaines de ces catégories afin d’adopter une décomposition en 3 modalités : les grands
pôles urbains (constitués des communes qui regroupent plus de 10 000 emplois), le
péri-urbain (qui regroupe l’ensemble des communes sous influence des grands pôles
urbains, par le fait que plus de 40 % de leur population travaille dans ces grands pôles)
et ce que nous appelons l’espace rural (qui rassemble les 6 autres catégories, soit
l’ensemble des communes situées en dehors des grandes aires urbaines, et qui ne
subissent pas l’influence de ces grandes aires). Cette décomposition s’appuie sur la
concentration des emplois, et constitue une bonne approximation du degré
d’urbanisation de l’espace et donc du niveau d’agglomération des ressources que
l’entreprise est susceptible de mobiliser et des externalités locales dont elle peut
bénéficier (Magrini et Galliano, 2012).
33 L’enquête étant à destination des entreprises (et non des établissements), seuls des
sièges sociaux ont été interrogés. C’est donc la localisation du siège de l’entreprise qui
est prise en compte. Cette approche est conforme à la majorité des travaux en
géographie de l’innovation, même si certains auteurs recommandent de prendre en
compte la localisation de l’ensemble des établissements de la firme (Galliano et al.,

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2014 ; Magrini et Galliano, 2012). Être localisée sur plusieurs sites peut en effet
permettre à une firme de bénéficier des externalités locales issues de ses multiples
localisations. Une multilocalisation peut traduire une volonté de localiser un ou
plusieurs sites de l’entreprise dans un environnement propice à son développement et
donc potentiellement favorable à l’innovation (Magrini et Galliano, 2012). L’enquête ne
nous permet pas d’identifier la localisation de chacun des sites de l’entreprise. Elle nous
informe en revanche sur le caractère multisites de la firme, que nous intégrerons dans
le modèle en complément de la localisation du siège.

Les ressources numériques

34 Les ressources numériques des firmes sont caractérisées selon trois dimensions
complémentaires. Les deux premières sont notamment mises en avant par Aral et Weill
(2007) : les compétences informatiques internes et les actifs TIC. Les actifs TIC sont
appréhendés par la diversité des usages des TIC, qui peut prendre cinq modalités en
fonction du nombre d’outils numériques différents utilisés dans l’entreprise parmi une
liste de onze5. Les compétences informatiques internes à l’entreprise sont mesurées par
une variable qui peut prendre trois modalités suivant qu’il existe un service
informatique constitué dans l’entreprise, qu’au moins un salarié de l’entreprise est
diplômé du supérieur en informatique ou qu’aucune de ces compétences n’existe en
interne. Enfin, nous intégrons dans les modèles un troisième facteur, l’appropriation
d’Internet au sein de l’entreprise. Ce facteur a été identifié dans des travaux antérieurs
comme nécessaire à la numérisation des échanges dans les relations interentreprises
(Aguiléra et Lethiais, 2011 ; Aguiléra et al., 2015) et il peut donc affecter la capacité
d’innovation des firmes. Cette appropriation d’Internet est mesurée par la part des
salariés qui utilisent Internet tous les jours ou presque, codée en cinq modalités : tous,
plus de 50 %, entre 25 % et 50 %, moins de 25 %, et enfin aucun.

Les caractéristiques de la firme

35 Nous retenons plusieurs caractéristiques propres à la PME qui ont été identifiées dans
la littérature comme des déterminants classiques de la capacité d’innovation des
firmes : la taille, le secteur, le niveau de qualification des salariés et la part à l’export
(Mairesse et Mohnen, 2010 ; Mongo, 2013). L’ensemble de ces caractéristiques est
intégré dans les modèles comme variables de contrôle. La taille est mesurée par le
chiffre d’affaires de l’entreprise en quatre modalités (moins de 1 million, entre 1 et
2,5 millions, entre 2,5 et 5 millions, 5 millions et plus) 6. Le questionnaire ne nous
indique pas directement la part à l’export des entreprises, mais nous donne des
informations sur la localisation de la clientèle ; plus précisément, nous avons intégré
dans les modèles deux variables qui décrivent de manière plus complète l’étendue du
marché : la première variable qui nous indique si la PME réalise plus de 30 % de son
chiffre d’affaires au niveau local et plus de 30 % au niveau régional (ce qui traduit une
clientèle très majoritairement intrarégionale) et la seconde variable qui nous indique si
plus de 30 % du chiffre d’affaires est réalisé à l’échelle nationale et plus de 30 % à
l’échelle internationale (ce qui traduit une clientèle très majoritairement
extrarégionale). La qualification de la main-d’œuvre est mesurée par la part des salariés
de l’entreprise ayant un niveau d’étude supérieur au baccalauréat en trois modalités
(moins de 10 %, de 10 à 49 % et 50 % et plus). Le secteur d’activité est intégré dans les
modèles sous la forme de variables binomiales qui traduisent l’appartenance à chacune

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des huit catégories d’activité considérées : le commerce, le transport, l’hébergement et


la restauration, les activités immobilières financières et d’assurance, l’industrie
(manufacturière, extractive et autres industries), la construction, les activités
spécialisées scientifiques et techniques, information communication, et enfin les autres
services.
36 Les fréquences des variables retenues dans les modèles sont présentées en Annexe 2.

3.3. Le traitement des données

37 Dans un premier temps, nous présentons des statistiques descriptives issues de


l’enquête (section 3.1), qui nous permettent de faire un état des lieux de l’innovation
des PME et notamment de comparer les différentes mesures de l’innovation qui sont le
plus souvent utilisées dans la littérature, dans le cas particulier de notre population
d’entreprises.
38 Nous utilisons ensuite les outils de l’économétrie afin de tester l’influence du profil
spatial de la PME et de son utilisation du numérique sur sa capacité d’innovation
(sections 4.2 et 4.3). Nous utilisons un modèle Logit binomial : la variable expliquée est
égale à 1 si l’entreprise déclare avoir innové en produit ou en procédé au cours des
deux dernières années, et à 0 dans le cas contraire.
39 Nous testons l’effet de la localisation de la firme et l’effet du numérique sur la capacité
d’innovation, indépendamment l’un de l’autre. L’effet du numérique est évalué en
considérant alternativement trois mesures des ressources numériques au sein de
l’entreprise : une première mesure qui s’appuie sur l’appropriation d’Internet par les
salariés (modèle 1), une seconde mesure qui utilise la diversité des usages des TIC
(modèle 2) et une troisième mesure qui considère les compétences internes en
informatique (modèle 3).
40 La variable de localisation étant corrélée au fait d’être une entreprise multisites (la part
des entreprises multisites est plus importante au sein des grands pôles qu’au sein des
autres espaces), nous avons construit chacun des modèles en intégrant, dans un
premier temps, uniquement la variable de localisation et dans un second temps,
simultanément la variable de localisation et la variable multisites. Cela nous permet de
bien analyser le rôle de chacune de ces variables. Enfin, les variables de contrôle qui
caractérisent l’entreprise sont intégrées dans tous les modèles.
41 D’autres variables sont corrélées. En particulier, le niveau de qualification des salariés
est dépendant du secteur d’activité, du chiffre d’affaires ou de la localisation de la
firme. De même, la localisation n’est pas parfaitement indépendante du secteur
d’activité, ou encore des trois variables caractérisant les ressources numériques. Afin
de vérifier que la dépendance entre certaines des variables n’induit pas de biais
important dans les résultats que nous présentons, nous avons, lorsque deux variables
sont dépendantes, testé les modèles en intégrant isolément chacune des variables puis
en intégrant les deux. Lorsque l’introduction d’une variable se traduit par un
changement important du coefficient d’autres variables du modèle, nous le précisons
dans les résultats et les interprétons en conséquence.
42 Nous utilisons ensuite des modèles d’interactions, afin d’évaluer l’effet combiné de la
localisation de la firme et des actifs TIC sur sa capacité d’innovation (section 4.4). Ces
modèles nous permettent de tester notre hypothèse d’un effet du numérique sur la

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capacité d’innovation de la PME conditionnel à sa localisation. Les effets conditionnels


peuvent en effet être testés en utilisant des modèles d’interaction (Braumoeller, 2004 ;
Wright, 1976). Nous construisons deux modèles avec variable d’interaction. Dans le
premier (modèle 4), nous testons l’effet d’une interaction entre la localisation de la
firme et la diversité des outils numériques. Pour cela, nous construisons une variable à
deux modalités à partir de la mesure de diversité des usages (qui oppose des usages
nombreux et très nombreux d’une part à des usages peu nombreux d’autre part). Cette
variable est croisée avec la variable de localisation, elle-même en trois modalités selon
que l’entreprise est localisée dans un grand pôle urbain, dans l’espace péri-urbain ou
dans le rural. La variable d’interaction est intégrée dans le modèle ainsi que les deux
variables simples, ce qui nous permet de tester simultanément l’effet combiné mais
aussi les effets directs de l’utilisation du numérique et de la localisation. Enfin, le
dernier modèle (modèle 5) intègre une variable d’interaction qui croise les
compétences informatiques internes et la localisation. La variable de compétences
informatiques internes est recodée en deux modalités (la présence ou l’absence de
compétences informatiques au sein de l’entreprise) et croisée avec la variable de
localisation. La variable d’interaction et les deux variables simples sont intégrées dans
le
modèle 5.

4. Résultats et discussion
4.1. Des mesures divergentes de l’innovation

43 Le premier résultat mis en évidence par l’enquête que nous avons exploitée est la
présence d’un écart important entre la capacité d’innovation (telle que nous l’avons
définie précédemment), la protection des innovations (et en particulier les dépôts de
brevets) et enfin la collaboration en recherche et développement (R&D). En effet,
suivant la définition de l’innovation adoptée dans l’enquête que nous avons mobilisée,
près d’une PME sur deux déclare avoir innové en produit ou en procédé au cours des
deux dernières années (figure 1).

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


21

Figure 1. Pratiques d’innovation au cours des deux années passées (N=1253)

44 Parallèlement, d’après les résultats présentés dans le tableau 1, seules 15 % des


entreprises interrogées déclarent une activité de R&D collaborative. De même,
seulement 18 % des PME indiquent avoir utilisé une méthode de protection de leurs
innovations au cours des trois dernières années, les brevets ne concernant que 6 % des
entreprises interrogées
(tableau 2).

Tableau 1. Les partenaires de collaboration dans les activités de R&D des PME (N=1253)

Votre entreprise réalise-t-elle des activités Ne se


Oui Non
de R&D en collaboration avec… prononce pas

… des entreprises ? 12 % 64 % 24 %

… des centres de recherche publics ? 5% 71 % 24 %

… des universités ? 6% 70 % 24 %

… le centre d’innovation et de transfert


1% 74 % 25 %
technologique régional ?

… autres ? 1% 71 % 27 %

Total des activités de R&D collaboratives


15 % 61 % 24 %
(au moins une forme de collaboration)

Tableau 2. Les méthodes utilisées par les PME pour protéger l’innovation (N=1253)

Durant les 3 dernières années, votre entreprise a-t-elle utilisé une ou Ne se


Oui Non
plusieurs méthodes pour protéger ses innovations ? prononce pas

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22

– Les brevets 6% 63 % 31 %

– L’enregistrement de modèles de design 4% 64 % 32 %

– L’utilisation d’une marque de commerce 10 % 58 % 32 %

– Garder le secret 13 % 55 % 32 %

Total de protection des innovations


18 % 50 % 32 %
(par au moins une méthode, y compris le secret)

45 Ces premières statistiques nous confortent dans notre choix d’adopter, dans le cas des
PME, une définition large de l’innovation. Une approche en termes de R&D ou de
protection des innovations (qui utiliserait par exemple les dépôts de brevets), nous
conduirait en effet à passer sous silence des comportements d’innovation des PME qu’il
nous semble important de prendre en compte.

4.2. Le rôle du profil spatial de la PME sur sa capacité d’innovation

46 Les résultats des modèles 1-1 à 3-2, sont présentés dans le tableau 3. Afin de faciliter la
lecture, nous avons fait le choix de ne pas présenter les valeurs des coefficients estimés,
dont l’interprétation n’est pas directe dans les modèles Logit. En effet, dans un modèle
Logit, le coefficient estimé d’une variable explicative ne renseigne que sur le sens de la
relation qui existe entre cette variable et la variable expliquée. Il est alors usuel et
recommandé d’interpréter les rapports de cotes (ou odds ratios) pour juger de
l’influence de chaque variable explicative7. Nous avons donc présenté dans les tableaux
de résultats le signe du coefficient, le niveau de significativité de chaque variable ou
modalité de la variable (une étoile pour 10 %, deux pour 5 % et trois pour 1 %), et les
rapports de cote pour les variables ou modalités significatives. Pour les variables
multinomiales, la modalité de référence est notée « Réf ». Une variable ou modalité non
significative est indiquée par un « . ». Une case grisée indique que la variable ou
modalité n’a pas été intégrée dans ce modèle.

Tableau 3. Les modèles d’estimation de la probabilité d’innover des PME

Modèle Modèle Modèle Modèle Modèle Modèle


Variables explicatives
1-1 1-2 2-1 2-2 3-1 3-2

Profil spatial de la PME

Localisation du siège

Grands pôles urbains . . . . . .

Péri-urbain - ** (0.71) - ** (0.72) - ** (0.72) - ** (0.72) - ** (0.70) - ** (0.70)

Rural Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.

Multilocalisation

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23

+ *** + *** + ***


Entreprise multisites
(1.47) (1.43) (1.44)

Ressources numériques de la PME

Appropriation d’Internet

Tous . .

50 % et plus . .

Entre 25 et 50 % . .

Moins de 25 % Ref. Ref.

Aucun . .

Diversité des usages des TIC

+ *** + ***
Très nombreux
(2.19) (2.05)

+ *** + ***
Nombreux
(1.83) (1.76)

Moyens . .

Rares . .

Très rares Ref. Ref.

Compétences informatiques internes

+ *** + ***
Service constitué
(1.92) (1.85)

Salarié diplômé + ** (1.64) + ** (1.58)

Aucune Ref. Ref.

Caractéristiques propres de la PME

Secteur d’activité

- *** - *** - *** - ***


Commerce - ** (0.69) - ** (0.66)
(0.64) (0.62) (0.65) (0.62)

- *** - *** - *** - *** - *** - ***


Transport
(0.46) (0.42) (0.44) (0.41) (0.46) (0.43)

Hébergement et
. . . . . .
restauration

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AIFA8 . . - * (0.48) - * (0.42) . .

Industrie Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.

- *** - *** - *** - *** - *** - ***


Construction
(0.48) (0.47) (0.45) (0.46) (0.51) (0.51)

ASSTIC9 . . . . . .

Autres services . . . . . .

Qualification de la main-d’œuvre

- *** - *** - *** - *** - *** - ***


Peu qualifiée
(0.42) (0.42) (0.47) (0.48) (0.40) (0.41)

Qualifiée - * (0.72) - * (0.72) . . - ** (0.71) - * (0.72)

Très qualifiée Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.

Chiffre d’affaires en 2011

- *** - *** - *** - *** - *** - ***


Moins de 1 million
(0.45) (0.48) (0.53) (0.55) (0.48) (0.51)

Entre 1 et 2.5 millions - ** (0.71) . . . . .

Entre 2.5 et 5 millions . . . . . .

5 millions et plus Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.

Localisation de la clientèle

Majoritairement
. . . . . .
intrarégionale

Majoritairement + ***
+ ** (1.96) + ** (1.87) + ** (1.87) + ** (1.96) + ** (1.96)
extrarégionale (1.97)

% de concordance 67.8 68.4 69.5 70.0 68.4 69.0

Observations N=1253 N=1253 N=1253 N=1253 N=1253 N=1253

47 Le premier résultat notable issu du tableau 3 est l’absence d’effet sur la capacité
d’innovation d’une localisation dans un grand pôle urbain par rapport à une
localisation dans les espaces que nous qualifions de ruraux, qui regroupent l’ensemble
des communes situées en dehors des grandes aires urbaines, et qui ne subissent pas
l’influence de ces grandes aires urbaines. En effet, la modalité Grands pôles urbains de la
variable de localisation n’est significative dans aucun des modèles. En revanche, la
modalité Péri-urbain est significative avec un coefficient négatif dans les six modèles 10.
Le rapport de cotes reste stable entre 0.70 et 0.72 sur l’ensemble des modèles, indiquant
que la probabilité d’innover est 30 % moindre dans l’espace péri-urbain par rapport à

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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l’espace rural. Ce premier résultat est original, car il montre que la capacité
d’innovation des PME, telle que nous l’avons définie, n’est pas plus importante dans les
grands pôles urbains que dans les espaces ruraux. Elle est même plus faible dans les
espaces sous influence des grands pôles urbains que dans les espaces ruraux, qui ne
subissent pas l’influence de ces grands pôles. Afin de vérifier que ce résultat n’est pas
dû à un effet de construction de notre variable de localisation, nous avons testé les
modèles en construisant deux variables de localisation alternatives 11. Le résultat obtenu
dans les six modèles présentés dans le tableau 3, d’une absence d’effet de la localisation
dans les grands pôles urbains et d’un effet négatif d’une localisation dans le péri-urbain
par rapport à l’espace rural, est stable12.
48 Un autre résultat notable mis en évidence dans le tableau 3 est le rôle de la
multilocalisation sur la capacité d’innovation : la variable multisites est significative et
présente un coefficient positif dans les trois modèles testés. La multilocalisation
multiplie par 1,4 la capacité d’innovation des PME. Ce résultat va dans le sens de ceux
mis en évidence par Magrini et Galliano (2012) et Galliano et al. (2013) qui insistent sur
l’importance d’aller au-delà de la localisation du siège social afin de caractériser le
profil spatial de la firme. Même si nous ne sommes pas en mesure d’intégrer dans nos
travaux un profil spatial complet de la firme, le rôle que joue la multilocalisation de la
firme sur la capacité d’innovation des PME apparaît plus important que le rôle joué par
la localisation du siège.
49 Enfin, les variables de contrôle, qui décrivent les caractéristiques propres des PME
apparaissent déterminantes dans la capacité d’innovation. Les résultats traduisent tout
d’abord un effet sectoriel : les secteurs du commerce, du transport, ou encore de la
construction sont caractérisés par une moindre probabilité d’innovation que le secteur
industriel. Les entreprises employant des salariés plus qualifiés et dont le chiffre
d’affaires est plus important ont une plus forte probabilité d’innover. Enfin, le fait
d’avoir une clientèle majoritairement extrarégionale affecte positivement la probabilité
d’innovation. Ces résultats confirment, dans le cadre des PME, des effets déjà mis en
évidence dans la littérature (Mairesse et Mohnen, 2010 ; Mongo, 2013).
50 Cette première analyse des résultats de nos modèles permet de valider notre première
hypothèse d’une capacité d’innovation qui n’est pas nécessairement plus faible dans les
espaces ruraux que dans les grandes aires urbaines, mais qui dépend des
caractéristiques propres des PME. L’agglomération des ressources et externalités
locales qui caractérisent les espaces les plus urbanisés ne se traduit donc pas
systématiquement par une aptitude à l’innovation plus importante.
51 Concernant l’effet négatif d’une localisation dans l’espace péri-urbain sur la capacité
d’innovation, une interprétation possible est que d’éventuelles spécificités des
entreprises localisées dans ces espaces péri-urbains, qui ne seraient pas captées par les
variables de contrôle, généreraient une moindre capacité d’innovation. Une mesure
plus fine de certaines variables, en particulier le type d’activité, permettrait de creuser
cette piste.

4.3. Le rôle des ressources numériques de la PME sur sa capacité


d’innovation

52 Les modèles 2-1 et 2-2 font apparaître un effet positif de la diversité des usages
numériques sur la probabilité d’innovation, confirmant la contribution du numérique à

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l’innovation mise en avant dans la littérature (Cainelli et al., 2006 ; Martin et Nguyen-
Thi, 2015). En effet, la probabilité d’innover est multipliée par 1,8 si l’entreprise utilise
entre cinq et sept outils numériques différents et par 2,2 si l’entreprise utilise huit
outils ou plus, par rapport à une entreprise qui a adopté moins de trois outils parmi les
onze proposés dans le questionnaire.
53 De même, il ressort des modèles 3-1 et 3-2 que la présence de compétences en
informatique au sein de l’entreprise favorise l’innovation. En effet, la présence d’un
diplômé du supérieur en informatique dans l’entreprise multiplie par 1,6 la probabilité
d’avoir innové et la présence d’un service informatique constitué la double.
54 En revanche, l’appropriation d’Internet, mesurée par la part des salariés qui utilisent
Internet tous les jours ou presque n’est pas significative dans les modèles 1-1 et 1-2. Des
tests d’indépendance des variables explicatives du modèle (tests de Khi 2) mettent
cependant en évidence un lien entre la variable d’appropriation des TIC et deux des
autres variables explicatives du modèle : le chiffre d’affaires et la qualification des
salariés. Nous avons testé des modèles complémentaires en enlevant alternativement la
variable de CA et la variable de qualification de la main-d’œuvre du modèle 1-1. Dans
chacun de ces modèles complémentaires, la variable d’appropriation des TIC est
significative et une plus grande utilisation d’Internet au sein de l’entreprise joue
positivement sur la capacité d’innovation. Parallèlement, on observe dans les modèles
présentés dans le tableau 3, que l’effet des variables de CA et de qualification de la
main-d’œuvre reste stable quand on enlève la variable d’appropriation d’Internet pour
la remplacer par d’autres variables qui caractérisent les ressources numériques. Nous
en concluons que si l’appropriation d’Internet impacte positivement la capacité
d’innovation, c’est parce qu’elle est le plus souvent associée à des niveaux de
qualification plus importants des salariés ou à des chiffres d’affaires plus élevés. À
niveau de qualification (ou de CA) égal, une plus forte appropriation d’Internet ne
modifie pas la capacité d’innovation, alors qu’une plus grande diversité des outils TIC
utilisés ou la présence de compétences internes en informatique l’affecte positivement.
55 Le rôle des technologies dans la capacité d’innovation des PME est donc à nuancer. Ce
sont le recours à des outils numériques complexes et variés et la présence de salariés
compétents en informatique au sein même de l’entreprise (qui vont d’ailleurs souvent
de pair), plus que l’appropriation d’Internet par les salariés de l’entreprise, qui
affectent la capacité d’innovation. Ce résultat souligne que la construction d’une
compétence numérique favorable à l’innovation doit passer par des investissements et
des usages allant au-delà de la simple appropriation d’Internet. En ce sens, nous
rejoignons la vision d’Aral et Weill (2007) pour qui les ressources numériques passent
par la combinaison de compétences internes et d’actifs numériques dans lesquels
l’entreprise investit.

4.4. Le rôle combiné du numérique et de la localisation sur la


capacité d’innovation

56 Nous testons finalement l’hypothèse d’un effet différencié du numérique sur la


probabilité d’innover en fonction de la localisation de la firme. Les résultats des deux
modèles d’interaction sont présentés dans le tableau 4.

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Tableau 4. Les modèles d’estimation de la probabilité d’innover avec variables d’interaction

Variables explicatives Modèle 4 Modèle 5

Variables d’interaction

Localisation x diversité des usages

Grands pôles & Usages diversifiés .

Péri-urbain & Usages diversifiés .

Rural & Usages diversifiés Ref.

Localisation x compétences informatiques internes

Grands pôles & Compétences Internes .

Péri-urbain & Compétences Internes .

Rural & Compétences Internes Ref.

Profil spatial de la PME

Localisation du siège

Grands pôles urbains . .

Péri-urbain - ** (0.69)

Rural Ref. Ref.

Multilocalisation

Entreprise multisites + *** (1.42) + *** (1.44)

Ressources numériques de la PME

Diversité des usages

Usages diversifiés des TIC + *** (2.09) /

Compétences informatiques internes

Présence de compétences internes / + * (1.82)

Caractéristiques propres de la PME

Secteurs d’activité

Commerce - *** (0.63) - ** (0.66)

Transport - *** (0.41) - *** (0.43)

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Hébergement et restauration . .

AIFA13 - * (0.44) .

Industrie Ref. Ref.

Construction - *** (0.47) - *** (0.51)

ASSTIC14 . .

Autres services . .

Qualification de la main-d’œuvre

Peu qualifiée - *** (0.45) - *** (0.41)

Qualifiée . - * (0.73)

Très qualifiée Ref. Ref.

Chiffre d’affaires en 2011

Moins de 1 million - *** (0.53) - *** (0.50)

Entre 1 et 2,5 millions . .

Entre 2,5 et 5 millions . .

5 millions et plus Ref. Ref.

Localisation de la clientèle

Majoritairement intrarégionale . .

Majoritairement extrarégionale + ** (1.95) + ** (1.97)

% de concordance 69.6 69.0

Observations N=1253 N=1253

57 Les modèles 4 et 5 mettent en évidence un effet positif du numérique sur la probabilité


d’innover, qui n’est pas conditionnel à la localisation de la firme, et ce, que l’on mesure
les ressources TIC par l’intermédiaire de la diversité des outils utilisés dans l’entreprise
ou des compétences internes en informatique. En effet, dans chacun des modèles, la
variable d’interaction n’est pas significative, et la variable simple mesurant les actifs
numériques est significative avec un coefficient positif et un rapport de cote proche de
celui obtenu dans les modèles sans interaction. Ce résultat nous indique que, bien que
les technologies facilitent l’accès à des ressources distantes, leur adoption au sein des
entreprises n’affecte pas différemment la capacité d’innovation des PME en fonction de
leur localisation. Une interprétation de ce résultat nous est donnée par les résultats
obtenus dans une recherche récente (Deltour, Le Gall et Lethiais, 2016), dans laquelle
nous montrons que les PME localisées dans les grands pôles urbains mobilisent plus

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souvent des ressources distantes (et en particulier des partenaires de coopération


localisés à l’international) que les entreprises rurales. Dans ce contexte, les ressources
numériques, s’ils permettent aux entreprises localisées dans les espaces les moins
denses d’accéder à des ressources éloignées, favorisent également l’accès des
entreprises localisées dans les grands pôles urbains à des ressources lointaines,
notamment internationales.

5. Conclusion
58 Cet article discute du rôle du numérique et du territoire dans la capacité d’innovation
des entreprises. En mobilisant la littérature existante, nous avons formulé trois
hypothèses. La première est que, dès lors que l’on considère l’innovation au sens large,
la capacité d’innovation est moins déterminée par la localisation de la firme que par ses
caractéristiques propres. Dans la deuxième hypothèse, nous avançons que l’utilisation
du numérique a un impact positif sur la capacité d’innovation de l’entreprise. Enfin,
nous testons l’hypothèse d’un effet différencié du numérique sur la capacité
d’innovation de la firme en fonction de sa localisation. Ces trois hypothèses sont testées
sur un échantillon représentatif de 1 253 PME.
59 Tout d’abord, notre analyse met en évidence un écart très important entre l’innovation
mesurée par le dépôt de brevet ou plus généralement la protection des innovations, ou
encore par la R&D collaborative, et l’innovation mesurée de manière plus large par le
développement de nouveaux produits ou procédés. Ce premier résultat nous conforte
dans l’idée que l’innovation des PME doit également être étudiée à partir d’une mesure
large.
60 Un second résultat notable de cette étude est le peu d’effet de la localisation de la firme
sur sa capacité d’innovation. Nos résultats ne laissent pas transparaître de capacité
d’innovation plus importante dans les grands pôles urbains que dans l’espace rural. Ce
résultat implique que, lorsqu’on considère l’innovation au sens large et des PME qui
n’opèrent pas uniquement dans des secteurs intensifs en connaissance, la capacité
d’innovation des PME localisées dans les espaces ruraux n’est pas plus faible que celle
des PME localisées dans les espaces urbains. Ce résultat va dans le sens des résultats de
Shearmur (2011) : bien qu’il mette en évidence, sur un échantillon de PME québécoises,
une probabilité d’innover qui décroît avec la distance aux aires métropolitaines, au
moins pour certains types d’innovation, il relativise ce résultat en insistant sur le faible
pouvoir explicatif de la distance à une aire métropolitaine et du contexte local sur la
capacité d’innovation.
61 Un autre résultat notable de notre étude est le rôle joué par la multilocalisation : le
caractère multisites de la firme a un impact positif sur sa capacité d’innovation. Cet
effet tend à confirmer des travaux antérieurs (Galliano et al., 2014) mais mériterait
d’être creusé par des investigations complémentaires qui s’appuieraient sur une prise
en compte, non pas uniquement de la localisation du siège social de la firme, mais de
l’ensemble de ses sites, comme le suggèrent Magrini et Galliano (2012) et Galliano et al.
(2014).
62 Conformément à la littérature, nous mettons en évidence un effet positif du numérique
sur la capacité d’innovation. Nos résultats nous permettent en outre de nuancer cet
effet au regard des différentes mesures des actifs TIC que nous avons intégrés dans nos

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modèles. Alors que la variété des outils utilisés par l’entreprise ou les compétences
informatiques internes à l’entreprise impactent positivement la capacité d’innovation,
l’effet de l’appropriation d’Internet est absorbé par les variables de contrôle
(qualification de la main-d’œuvre et chiffre d’affaires). C’est donc plus la capacité à
mobiliser des outils variés et complexes, qui ne peut être possible que si l’entreprise
dispose des compétences adéquates, que l’utilisation d’Internet par le plus grand
nombre qui semble jouer sur la capacité de la firme à mettre en œuvre des nouveaux
produits ou procédés.
63 Un dernier résultat important de la recherche est le rejet de l’hypothèse d’un effet
différencié du numérique selon la localisation de la firme. L’effet compensateur du
numérique sur la capacité d’innovation des firmes localisées dans des territoires peu
denses n’est pas mis en évidence. Le numérique impacte favorablement l’innovation
des PME, et ce quelle que soit leur localisation. Les ressources numériques permettent
en effet aux firmes « rurales » d’accéder à des ressources qui ne sont pas disponibles
localement, mais aussi aux firmes « urbaines » de mobiliser des ressources situées au-
delà de l’échelle locale.
64 Ces résultats ne sont pas exempts de limites. La principale porte sur la mesure de
l’innovation que nous avons adoptée, qui, si elle nous permet de prendre en compte les
comportements d’innovation des PME sur une large échelle, ne nous fournit pas
d’indicateur d’intensité de cette innovation.
65 Les résultats de cette recherche plaident donc pour une poursuite de l’investigation des
comportements d’innovation des PME, d’une part en adoptant une mesure plus fine de
l’innovation qui pourrait conduire à nuancer certains de nos résultats, et d’autre part
en adoptant une approche en termes d’accessibilité aux ressources disponibles et de
mobilisation de ces ressources, préconisée par certains auteurs (Massard et Mehier,
2010 ;
Mc Cann, 2007 ; Shearmur, 2011). Il nous semble en effet nécessaire d’identifier non
seulement les ressources accessibles sur le territoire (capital humain, organismes de
recherche publique et privée, partenaires potentiels de coopérations, etc.), mais aussi
et surtout de mieux comprendre les stratégies des entreprises en termes de
mobilisation de ces ressources, et particulièrement le rôle du numérique dans cette
mobilisation. En effet, parce que l’innovation participe à garantir la pérennité de
l’activité dans les petites comme les grandes entreprises, il apparaît que la contribution
du numérique à l’activité d’innovation doit continuer à être investiguée.

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ANNEXES

Fréquence des variables utilisées pour construire


l’échantillon

Effectif

10 à 19 personnes 20 à 49 personnes 50 personnes et plus

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


34

665 (53,07 %) 410 (32,72 %) 178 (14,21 %)

CCI de rattachement

Côtes- Saint-Malo /
Brest Morbihan Morlaix Quimper Rennes
d’Armor Fougères

212 297 71 100 329 95


149 (11,89 %)
(16,92 %) (23,70 %) (5,67 %) (7,98 %) (26,26 %) (7,58 %)

Secteur d’activité

Autres
Commerce Transport Hébergement restauration AIFA15 Industrie Construction ASSTIC16
services

286 70 81 312 109 76


26 (2,08 %) 293 (23,38 %)
(22,83 %) (5,59 %) (6,46 %) (24,90 %) (8,70 %) (6,07 %)

Fréquence des variables utilisées dans le modèle


(N=1253)

Profil spatial de la PME

Localisation du siège

Grands pôles urbains Péri-urbain Rural

597 (47,65 %) 359 (28,65 %) 297 (23,70 %)

Multilocalisation

Entreprise monosite Entreprise multisites NR

890 (71,03 %) 346 (27,61 %) 17 (1,36 %)

Ressources numériques de la PME

Appropriation des TIC (part des salariés qui utilisent Internet tous les jours ou presque)

Entre 25 %
Tous 50 % et plus Moins de 25 % Aucun NR
et 50 %

163 193 223 648 15 11


(13,01 %) (15,40 %) (17,80 %) (51,72 %) (1,20 %) (0,88 %)

Diversité des usages

Très
Nombreux Moyens Rares Très rares NR
nombreux

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


35

223 319 409 166 131 5


(17,80 %) (25,46 %) (32,64 %) (13,25 %) (10,45 %) (0,40 %)

Compétences informatiques internes

Salarié diplômé
Service constitué Aucune
en informatique

147 (11,73 %) 106 (8,46 %) 1000 (79,81 %)

Caractéristiques propres de la PME

Secteur d’activité

Hébergement Autres
Commerce Transport AIFA17 Industrie Construction ASSTIC18
restauration services

286 70 81 312 293 109 76


26 (2,08 %)
(22,83 %) (5,59 %) (6,46 %) (24,90 %) (23,38 %) (8,70 %) (6,07 %)

Qualification de la main-d’œuvre

Peu qualifiée Qualifiée Très qualifiée NR

369 (29,45 %) 507 (40,46 %) 298 (23,78 %) 79 (6,30 %)

Chiffre d’affaires en 2011

Moins Entre 1 Entre 2.5


5 millions et plus NR
de 1 million et 2.5 millions et 5 millions

120
211 (16,84 %) 413 (32,96 %) 226 (18,04 %) 283 (22,59 %)
(9,58 %)

Clientèle majoritairement intrarégionale

Oui Non

413 (32,96 %) 840 (67,04 %)

Clientèle majoritairement extrarégionale

Oui Non

74 (5,91 %) 1179 (94,09 %)

NOTES
1. Les enquêtes CIS ont été mises en place au début des années 1990 par la Commission
européenne (Eurostat). Elles sont conduites de façon harmonisée au niveau européen et

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


36

interrogent les entreprises sur leur stratégie en termes d’innovation. En France, elles sont
conduites par l’INSEE et la plus récente date de 2014.
2. Un rapport de la DGCIS intitulé « L’innovation dans les entreprises : moteurs, moyen et
enjeux » présente quinze articles de recherche qui s’appuient sur les données des enquêtes CIS.
3. Nous utilisons le terme PME (Petites et Moyennes Entreprises) dans cet article, bien que les
entreprises interrogées ne répondent pas strictement à la définition de PME de l’INSEE, qui
comprend un critère de taille (10-250 salariés) mais aussi de chiffre d’affaires que nous n’avons
pas pris ici en considération.
4. Les 9 catégories du zonage en aires urbaines proposé par l’INSEE sont les suivantes : les grands
pôles (au moins 10 000 emplois), les couronnes des grands pôles, les communes multipolarisées
des grandes aires urbaines, les pôles moyens (de 5 000 à moins de 10 000 emplois), les couronnes
des pôles moyens, les petits pôles (de 1 500 à moins de 5 000 emplois), les couronnes des petits
pôles, les autres communes multipolarisées et enfin, les communes isolées, hors influence des
pôles.
5. Les 11 outils TIC ou usages des TIC considérés dans l’enquête sont les suivants : EDI (Échange
de Données Informatisées), intranet, listes de diffusion, agendas partagés, espaces de travail
partagés, logiciels de définition et de gestion des processus, logiciels métiers, certificats
électroniques, site Web, réseaux sociaux, visioconférence.
6. La taille de l’entreprise peut aussi être estimée par l’effectif salarié, que nous mesurons en
3 modalités (entre 10 et 19 salariés, entre 20 et 49 salariés, 50 à 250 salariés). Chacun des modèles
a été construit avec les deux variables alternativement ; le chiffre d’affaires étant plus souvent
significatif que les effectifs et les autres résultats restant inchangés, nous présentons uniquement
les résultats des modèles avec le chiffre d’affaires.
7. Un rapport de cotes égal à x implique que la probabilité que la firme innove est multipliée par
x pour la modalité considérée par rapport à la modalité de référence.
8. Activités immobilières financières et d’assurance.
9. Activités spécialisées scientifique et technique, information communication.
10. Afin de vérifier ce résultat, nous avons testé le modèle en modifiant uniquement la modalité
de référence de la variable de localisation. Lorsque la modalité de référence est péri-urbain, les
deux modalités grands pôles urbains et rural sont significatives avec un coefficient positif,
indiquant que la probabilité d’innover est plus importante dans les grands pôles urbains mais
aussi dans les espaces ruraux, que dans l’espace péri-urbain.
11. Deux variables de localisation ont été construites et intégrées dans les modèles :
– une variable en quatre modalités obtenue à partir du zonage en aires urbaines, qui consiste à
décomposer ce que nous avons qualifié d’espace rural en deux catégories plus fines : les petits et
moyens pôles et leurs couronnes d’une part, les autres communes multipolarisées et communes
isolées d’autre part ;
– une variable dans laquelle nous avons en particulier scindé les grands pôles urbains et leurs
couronnes en trois catégories, car la catégorie des grands pôles urbains rassemble des pôles de
grande importance au niveau régional mais aussi des pôles nettement plus petits, ce qui nous
semble peu homogène. La variable construite a donc sept modalités : les grands pôles de
200 000 habitants et plus et leurs couronnes / les grands pôles de 50 000 habitants et plus et leurs
couronnes / les grands pôles de moins de 50 000 habitants et leurs couronnes / les communes
multipolarisées des grands pôles / les moyens pôles et leurs couronnes / les petits pôles et leurs
couronnes / les autres communes multipolarisées et les communes
isolées.
12. Plus précisément, dans les trois modèles avec la variable de localisation en quatre modalités,
seule la modalité péri-urbain est significative, avec un coefficient négatif et un rapport de côte
proche de 0,7, confirmant les résultats des modèles 1-1, 2-1 et 3-1. Dans les trois modèles avec la
variable de localisation en sept modalités, seule la modalité correspondant aux communes

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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multipolarisées des grands pôles est significative, avec un coefficient négatif et un rapport de
côte d’environ 0,5, indiquant une probabilité d’innover deux fois moins importante dans ces
espaces que dans les espaces ruraux.
13. Activités immobilières financières et d’assurance.
14. Activités spécialisées scientifique et technique, information communication.
15. Activités immobilières financières et d’assurance.
16. Activités spécialisées scientifique et technique, information communication.
17. Activités immobilières financières et d’assurance.
18. Activités spécialisées scientifique et technique, information communication.

RÉSUMÉS
Cet article étudie le rôle du numérique et du territoire dans la capacité d’innovation des
entreprises. Plus précisément, nous nous interrogeons sur les déterminants de la capacité
d’innovation des PME, en mettant un accent particulier sur la localisation des firmes et leur
aptitude à mobiliser des outils numériques. L’étude empirique porte sur la capacité d’innovation
d’un échantillon représentatif de 1 253 PME, complété par des données de localisation issues du
zonage en aires urbaines. Nos données nous permettent de montrer que la capacité d’innovation
de la PME dépend moins de sa localisation que de ses caractéristiques propres, notamment son
caractère multisites et sa capacité à mobiliser les TIC. Nous testons ensuite l’hypothèse d’un effet
différencié de l’utilisation des ressources numériques sur la capacité d’innovation en fonction de
la localisation de la firme. Les résultats des modèles ne nous permettent pas de valider cette
dernière hypothèse.

This article studies the role of digitalization and territory on the innovativeness of firms. More
precisely, we investigate the factors determining the innovativeness of small and medium sized
enterprises (SMEs), stressing the firm’s location and its ability to use digital tools. The empirical
investigation focuses on the innovative capacity of a representative sample of 1.253 SMEs,
complemented by data concerning the location of the firms. Our data show that the firm’s
innovativeness is less dependent on the location of the firm than on its own characteristics.
Especially, multi-location and digitalization have a positive effect on the innovative capacity of
the firm. We then test the hypothesis of a differentiated effect of the digital resources of the firm
on its innovativeness, depending on its location. The results of the models do not validate this
hypothesis.

INDEX
Mots-clés : innovation, localisation, numérique, TIC, territoire, PME
Keywords : Innovation, Location, Digital, ICT, Territory, SME

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38

AUTEURS
FRANÇOIS DELTOUR
École des Mines de Nantes, LEMNA

SÉBASTIEN LE GALL
Université Bretagne Sud, LEGO, Marsouin

VIRGINIE LETHIAIS
Telecom Bretagne, LEGO, Marsouin

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


39

Information asymmetry and 360-


Degree Contracts in the Recorded
Music Industry
Maya Bacache-Beauvallet, Marc Bourreau and François Moreau

This research received financial support from the French National Research Agency (ANR-08-
CORD-018).

1. Introduction
1 Since the late 1990s, recorded music sales have collapsed, whereas other music
revenues such as performance rights (especially from radio and TV broadcasters),
synchronization rights (when recorded music is used in a movie for instance), and
above all concert revenues have increased. For instance, between 2006 and 2011,
worldwide live music revenues increased from $16.6 billion to $23.5 billion 1 (+ 42%),
while recorded music sales dropped from $22.4 billion to $16.6 billion 2 (– 26%).
2 Up to now, the record companies’ business model has relied mainly on recorded music
sales, which increased worldwide by 34.5% between 1991 and 2000. Record companies,
and especially the three “majors” (Universal/EMI, Sony, Warner), which account for
about 75% of worldwide music sales, used to view live music as useful only to the extent
that it increased recorded music sales.3 One reaction of record labels to the downturn
in music sales has been to try to change the contractual terms governing their
relationship with artists, and to obtain a share of the growing revenue streams usually
returned to artists (e.g., revenues from live music). This has given rise to so-called 360-
degree deals, also called “multiple rights deals” or “equity deals”, under which record
labels receive a percentage of the earnings not only from record sales but also from
concerts, merchandise sales, endorsement deals, etc. In exchange, the labels undertake
to fund and manage these activities and to develop new opportunities for the artists.
3 The British pop star Robbie Williams signed one of the first 360-degree contracts in
2002 with EMI. However, this model began to receive a lot of attention when Live

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


40

Nation signed a highly publicized $120 million deal with Madonna (Karubian, 2009, p.
422). In 2008, Warner Music Group CEO Edgar Bronfman announced that his label “now
requires all new artists to sign 360 deals, and about a third of their already-signed artists are
under such contracts.”4 Hence, whereas in early deals artists had the choice not to sign a
360-degree contract, and received massive advances for the assignment of their rights
(to compensate for the earnings in ancillary markets they signed away), most artists
signing 360-degree contracts today do not obtain much in the way of advances and are
often not given the choice of another type of deal.
4 Among the abundant academic literature devoted to the analysis of the impact of
digitization on the music industry5, a specific stream deals with the impact of music
piracy on ancillary markets, especially on the live music market. Gayer and Shy (2006),
Curien and Moreau (2009) and Dewenter et al. (2012) show that due to the existence of a
positive externality from the recorded music market to the live music market, 6 file-
sharing, while possibly hurting records sales, should enhance revenues from the live
music market by increasing the audience of artists.7 Likewise, 360-degree contracts
should be considered as profit-enhancing for both artists and record companies, since
they allow the internalization of market externalities between the recorded music
market and ancillary markets, especially the live music market. For an artist, releasing
an album with a record label is a necessary condition to obtain radio airplay and to
benefit from marketing expenses. This of course favors recorded music sales but in
turn it also helps the artist to find dates for live shows (producers of live concerts take
a signature with a record label as a signal of credibility) and to fill the concert venues
(thanks to airplays and marketing expenses). Craig Kallman, chairman of Atlantic
Records, sums up these market externalities as follows: “If we weren’t so mono-focused on
the selling of recorded music, we could actually take a really holistic approach to the
development of an artist brand.”8 However, a decade after their first appearance, 360-
degree contracts are still very far from representing a significant revenue stream for
the recorded music industry. According to the BPI (the trade organisation of the British
recorded music industry), equity deals generated extra revenue of £76 million for UK
record companies in 2011 (an increase of 14% on the previous year). However, they still
represent less than 8% of the total revenue of UK record labels, 9 and record companies
seem to encounter difficulties in implementing such 360-degree deals.
5 Our paper aims to investigate this paradox. What makes artists reluctant to sign
contracts that should theoretically be profit-enhancing for them? We argue that 360-
degree deals face a major obstacle to their development due to an information problem
that arises in the contractual relations between artists and their record companies.
Artists suffer from an information asymmetry on the actual revenue their recorded
music generates, allowing their record labels to increase their bargaining power in
terms of income-sharing. We argue that this makes artists reluctant to share all their
revenue with a label as required by 360-degree deals, and this prevents these efficient
contracts from being implemented.
6 As stressed by Dionne (2013), the empirical measurement of information problems is a
difficult task. Researchers are not privy to more information than decision-makers: the
information not observable for the uninformed agent is not observable for the
econometrician either. Two solutions have been adopted to overcome this difficulty: (1)
using confidential surveys, and (2) developing econometric strategies that can isolate
the desired effect. Our empirical strategy mixes these two solutions. From a survey, we

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41

obtained information on various characteristics of a representative sample of several


hundred music artists. Although information asymmetry is not directly observable, we
argue that we can use proxies to evaluate the effects of information asymmetry and
explain the attitude of artists towards 360-degree deals, conditional on a wide range of
observed characteristics. These proxies are based on the contractual situation of an
artist (allowing us to distinguish lesser and better informed artists) and on the extent
of his ancillary revenues (allowing us to approximate his opportunity cost).
7 The rest of the paper is organized as follows. Section 2 describes the way traditional
contracts are designed in the recorded music industry, presents 360-degree contracts,
and introduces our research hypotheses. The data are presented in Section 3, while
Section 4 is devoted to our empirical strategy and our estimation results. The results
are discussed in Section 5 and Section 6 concludes.

2. Contracts in the recorded music industry


8 In this section we describe how standard record contracts work in the music industry.
We show that they involve an information asymmetry between artists and record labels
that strengthens the latter’s bargaining power in income sharing. Whereas such
contracts should in theory be profit-enhancing for both parties, we argue that the fear
of being in a weak bargaining position for all of their revenue streams reduces the
willingness of artists to sign 360-degree contracts. We then propose two testable
hypotheses to explain this puzzle.

2.1. Standard record contracts

9 Releasing an album is a highly risky process. The “nobody knows” rule states that in
cultural industries, the success of a project is highly unpredictable (Caves, 2000). Due to
the nature of music as an experience good, the potential value of an album remains
unknown until it is released. Not surprisingly, the standard contract between a record
company and a music artist shares the risk between both parties. The artist receives a
percentage of record sales (royalties), while the record company funds the fixed costs
of releasing the album (mainly in the form of recording, promotion and distribution
costs). The record company may also pay the artist an “advance against royalties”
(which is recoupable) while recording the album (Krasilovsky and Shemel, 2003). This
sort of contract raises two potential issues. First, in its negotiation with the artist the
record company could take advantage of the information asymmetry on the actual
revenues an album generates. Second, these contracts turn out to be suboptimal, since
they do not take into account the positive externality between the recorded music
market and the live music market. We discuss these two issues in more detail below.

2.1.1. Bargaining power and income-sharing

10 A typical record contract generates a strong information asymmetry between the


record company and the artist. The amount of record sales, which determines the
artist’s royalties, remains unobservable to the artist, “because the label keeps the books
that determine the earnings remitted to the artist” (Caves, 2000, p. 65). For instance, “in a
long dispute between the Beatles and EMI and its U.S. subsidiary Capitol, undercounts of sales for
royalty calculation were alleged, as were transfers of ‘free’ promotional records to subsidiaries

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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that released them for commercial sale” (Caves, 2000, p. 65). This information asymmetry,
which provides music labels with a strong advantage in the bargaining for income
sharing, is well-documented by industry professionals. For instance, according to
George Howard, former president of Rykodisc (now a subsidiary of Warner Music
Group)10 “if you don’t believe this information asymmetry still exists, […] get your hands on a
royalty statement from most labels to artists. I defy you to make heads or tails out of it, even if
you’re an accountant and it’s your money.” He adds that “virtually every artist believes that
any agreement presented to them by a label/publisher is severely skewed in the favor of the
label. Whether this is true or not is irrelevant; it speaks to the lack of ethical fiber – based on
information asymmetry and lack of transparency – endemic to this business.”
11 Furthermore, the effective value of the nominal royalty rate is reduced by what
Passman (2003) calls a series of “cheats” that the labels include in the standard
contract. For instance, the royalty rate is reduced by an arbitrary “packaging charge”
or, until recently, by a breakage charge introduced in the 1950s when music was
recorded on fragile shellac records (Caves, 2000). Moreover, if the album is successful
enough for the artist’s share of the profits to exceed the advance, the artist will have to
reimburse the whole advance to the label. Music video production costs ($50,000 to
$100,000) and about half of marketing and promotion costs are also recoupable
(Karubian, 2009). Finally, most contracts specify that if the costs of one album remain
unrecouped, the deficit can be repaid from the excess earnings of a past or future
album. This is called “cross-collateralization”. Hence, incurring substantial costs in
recording one album could leave an artist in debt for the rest of his major label career
(Karubian, 2009).
12 How can we explain the persistence of such unfavorable – and possibly unfair 11 –
contractual terms that prevent artists from collecting a significant share of the
revenues their albums generate? The first explanation is that up to now artists did not
have any viable outside options. In an oligopoly such as the recorded music market,
controlled by a few major companies, not being signed by one of the majors means
being deprived of the benefit of significant promotion and marketing expenses and
(most of the time) radio airplay, which has long been the main driver of recorded music
sales (Peitz and Waelbroeck, 2005). Hence, until the 1990s, only low-potential artists
chose to self-release their albums (Burke, 1997). The second and probably the main
reason is that even if it produces no direct revenue for the artist, recording an album
generates positive externalities on ancillary markets, especially on the live music
market (see, among others, Gayer and Shy, 2006). This is why for an unsigned artist
“any deal is a good deal” (Karubian, 2009, p. 437). Radio airplay, video broadcasts,
advertising and media interviews, which are usually made possible by the release of an
album with a music label, are also very favorable to the live music careers of artists. It
is indeed on stage that most artists make the bulk of their revenues (Connolly and
Krueger, 2007).12

2.1.2. The suboptimality of standard record contracts

13 The existence of positive externalities between the recorded music market and the live
music market, in both directions, makes standard record contracts suboptimal because
these externalities are not internalized.13 360-degree deals (where the recording
company manages both activities) and self-releasing albums (where the artist manages
both activities) are two forms of vertical integration that allow these market

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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externalities to be internalized and that could lead to higher aggregate profits than
running each activity separately. Dewenter et al. (2012) show that under pervasive
piracy, the integration of record and concert management can lead to higher profits for
the label. In a theoretical setting with no market expansion, they show that significant
network effects from concert attendance on record sales lead labels to charge higher
prices in the concert ticket market. Stimulating record sales by reducing concert ticket
prices is less rewarding with pervasive piracy. Curien and Moreau (2009) also show in a
theoretical model that artists could benefit from sharing their ancillary revenues with
their record companies, which should lead to wider exposure through higher quality
releases. The artist then benefits from an increase in the demand for CDs, as well as for
live performances and ancillary goods.
14 Yet up to now, neither self-releasing nor 360-degree deals have been considered
relevant business models in the recorded music industry. As pointed out above, self-
releasing an album used to be a very risky strategy, since it often denies the artist
access to promotion channels and efficient distribution networks. Up until the early
2000s, record companies considered 360-degree deals to be of little interest, because
the cost of diversification exceeded the expected benefit. First, the key skills required
in the recorded music market are different from those in ancillary markets (including
live music market), and few labels possessed the necessary expertise in these business
areas.14 To acquire this expertise, music labels had to rely on costly mergers and
acquisitions. For example, in June 2007, Universal Music Group purchased Sanctuary
Group for about 88 million dollars. The most valuable assets of the target were not its
famous music labels but rather its artist career management, merchandising and live
music businesses.15 Second, in the early 2000s, the value of the live music market was
small compared with the recorded music market; in the US in 1999, the turnover of the
live music market only amounted to 10% of revenues from recorded music sales. 16

2.2. The rise of 360-degree deals

15 Over the period 1999-2010, the value of the live music market increased threefold,
while turnover in the recorded music market was reduced by half. In 2010 in the US,
the live music market was worth 61% of the recorded music market. This is why record
companies now show a much greater interest in 360-degree deals. However, although
360-degree deals can solve the suboptimality problem of record contracts, they do not
solve the problem of the weak bargaining power of artists, as we explain below. In this
respect, 360-degree deals can even present a major pitfall. The loss that the artist
suffers by sharing his tour revenues with his label is more certain than the potential
benefit. The former is clearly defined in the contract as a percentage of the various
revenues included in the deal17 (x% of tour revenues, y% of merchandise sales, etc.),
whereas the benefits are far more intangible. It is far from easy to define objective
criteria for the efficient management of an artist’s activities, new career opportunities,
or the benefits of the internalization of market externalities.
16 We argue that inequality in bargaining power in conventional recording contracts has
an impact on artists’ willingness to sign 360-degree contracts. Artists with large
ancillary revenues are better placed to secure a profitable 360-degree deal. 18 Yet they
may actually be more reluctant, because their high direct loss (due to a lower share of
the revenues from ancillary markets) may not be counterbalanced by the potential

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benefit (in terms of market expansion), which depends on their ability to secure a good
deal. By contrast, artists who are not currently under contract have no choice but to
accept such a deal. An unprofitable contract is better than no contract, because it
allows artists to release an album (without bearing the production costs) that will –
with a degree of luck – be widely distributed and benefit from promotion efforts by the
label.

2.3. Research hypotheses

17 Based on the insights above, we construct two research hypotheses. First, artists who
have had a contract in the past may have already experienced difficulties in obtaining
and securing a good deal with record companies. They are therefore less naive than
artists who have never had a contract with a record company. Hence, we can state our
first hypothesis:19
18 Hypothesis 1. Among the artists who are not currently under contract, those who have had a
contract with a record label in the past are more reluctant to sign a 360-degree deal.
19 Moreover, artists with large ancillary revenues have a high opportunity cost of signing
a 360-degree deal, because it means, in a negotiation in which they have a weak
bargaining power, giving up a share of large revenues to the label without tangible
benefits. To isolate the “weak bargaining power” effect we only compare the impact of
large ancillary revenues for artists who are or have been under contract with a record
label. We can therefore state the second hypothesis as follows:
20 Hypothesis 2. Artists who are or have been under contract and who earn large ancillary
revenues, i.e., who tour a lot, are more reluctant to accept 360-degree deals than artists in the
same contractual situation but with low ancillary revenues.

3. Data
21 Our dataset comes from a postal survey20 conducted during the autumn of 2008 among
French musicians who are members of Adami, the French organization for the
collective administration of performers’ rights. Adami, which collects the sums paid for
the use of artists’ recorded works, had over 9,000 musicans among its members in 2008.
Only musicians who have already participated in an album commercialized by main
retailers can join Adami. There are also strong incentives for professional musicians to
join, because Adami guarantees the collection of royalties on their music, especially
from radio airplay and TV broadcasts. We addressed a questionnaire survey to
approximately 4,000 musicians, randomly drawn from the 9,000 musicans who are
members of Adami. With a response rate of about 18%, we ended up with 710 artists in
our database.21 However, among them 206 artists did not answer to the question which
allows us to construct our dependent variable. The 504 remaining artists constitute the
sample we use in this paper.22

3.1. Dependent and explanatory variables

22 Our dependent variable (360DEAL) is binary and takes the value 1 if the artist answered
the following question in the affirmative: “Given your present situation, do you consider
that a 360-degree contract would be favorable to you?”23 It takes the value 0 if the artist

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45

answered that he considers that a 360-degree contract would be fairly or very


unfavorable to him.
23 To test our first hypothesis, among the artists not under contract at the time of the
survey, we distinguish between those who have previously had a contract with a record
company (CONTRACT_BEFORE = 1), and thus may have experienced their weak
bargaining power, and those who have not (CONTRACT_BEFORE = 0). In the regressions
below, as far as the contractual situation is concerned, the reference category
corresponds to the artists who are not and have never been under contract with a
record label.
24 The dummy variable LIVE takes the value 1 if the artist performed a lot on stage in 2007
(11 times or more), and the value 0 otherwise. We use LIVE as a proxy for the intensity
of the artist’s activity in ancillary markets.24 We also introduce two dummy variables to
distinguish, among artists under contract, between those who have a high level of live
activity (CONTRACT_LIVE) and those with a low level (CONTRACT_NOLIVE). We construct
the dummy variables CONTRACT_ BEFORE_LIVE and CONTRACT_BEFORE_NOLIVE in a
similar way.

3.2. Main control variables

25 Besides their weak bargaining power with a record company, there is another reason
why artists may be reluctant to sign 360-degree deals. In the digital age, their outside
option - self-releasing their music - became much more viable. Of course, self-release
strategies have existed for a long time. However, according to Burke (1997), up until the
2000s this practice mainly concerned musicians rejected by record labels. In the digital
age, lower entry barriers25 have led to a dramatic increase in the number of new artists
who record and distribute their music on their own. In May 2009, more than 5 million
rock, pop, hip-hop and punk musicians or bands were registered on MySpace (Ifpi,
2010). Digitization also allows “stars” to self-release their music - see for instance the
well-known example of the rock band Radiohead, who profitably self-released and self-
distributed their album In Rainbows online in 2007. The new opportunities offered by
the “do-it-yourself” (DIY) model should reduce the willingness to sign 360-degree deals
for the artists who feel able to follow such a path.
26 We therefore control for the entrepreneurial abilities of artists, through their self-
release experience. The dummy variable SELFRELEASE takes the value 1 if the artist is
not currently under contract but has self-released an album during the three years
preceding the survey, and the value 0 otherwise. We also take into account the fact that
artists who have already used digital technologies for production and/or promotion
may be more prone to choose the DIY model. For the recording stage, we use a dummy
variable reflecting the use of a homestudio (HOMESTUDIO). A homestudio is composed
of a computer, some relevant software and additional devices, and it allows artists to
record their music with almost professional quality. For the distribution/promotion
stage, we use a variable that reflects the extent to which artists use MySpace to
promote their music towards public or professionals (record companies, concert
promoters, etc.). MySpace is a social network founded in 2003, which was, at the time of
our survey, the main social network for musicians (it has now been superseded by
Facebook). In 2008, about 120 million users and 5 million musicians had a page on
MySpace. Usually, an artist’s page offered songs for download or streaming, photos,

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46

videos, a biography, tour dates, and a list of the artist’s friends. MySpace offered a free
promotion tool, and negotiations with local concert promoters were much easier when
the artist could boast of many “friends” on MySpace living in the region. In our survey,
artists were asked how frequently they updated their MySpace page: at least every
week (reference category), every month (MYSPACE2 = 1, 0 otherwise), or less frequently
(MYSPACE1 = 1, 0 otherwise). We also consider artists who had no MySpace page
(MYSPACE0 = 1, 0 otherwise).

3.3. Other control variables

27 Our main assumption is that an artist who has already experienced difficulties in
securing a good deal with a record label will be more reluctant to sign a 360-degree
deal. However, this reluctance may be mitigated for some artists. For instance, an
artist’s level of education could have a positive effect on his willingness to sign a 360-
degree deal: the more educated an artist is, the more able he is, or believes himself to
be, to bargain with a record label. We therefore introduce a dummy variable
(HIGHEDUCATION), which takes the value of 1 if the artist has at least a Master’s degree.
Likewise, successful artists should exhibit a higher bargaining power because they are
able to obtain a contract from several record companies. GOLD is a variable that reflects
the artist’s success; it takes the value 1 if the artist has already won a music award and/
or a gold record. We expect successful artists to be less reluctant to sign a 360-degree
deal. We also include the dummy variable MANAGER, which takes the value 1 if the
artist has a manager helping him to find and negociate commitments and business
opportunities, and in particular a 360-degree deal. Conversely, artists with managers
may be more aware of the pitfalls of record contracts and of the difficulties in avoiding
them, and they may therefore be more reluctant towards 360-degree deals. Thus, the
overall effect of the MANAGER variable is indeterminate.
28 We include as independent variables the artists’ ages (AGE1 to AGE5: from 25 years old
or less to 65 years old or more), whether they live outside the Paris area (NONPARIS),
and their gender (GENDER equals 1 if the artist is a female). We also control for other
characteristics that could affect the artists’ attitudes towards 360-degree deals. An
artist’s annual personal income (INCOME1 to INCOME5: from less than 9,000 euros to
more than 60,000 euros) could affect the way he views 360-degree contracts: the higher
his income, the lower his willingness to share his revenues with his label. We also
include a dummy variable to identify artists who perform “popular” genres of music
(POPULAR), that is to say a music that targets large audiences and mass distribution.
Since the first and highly-publicized 360-degree deals were signed by popular music
artists such as Robbie Williams and Madonna, this could positively influence the
opinion of other popular music artists about the opportuneness of signing such deals.
We also include a variable to account for a specificity of the French music market: the
intermittence system. This system allows artists who experience periods of
unemployment during a given year to receive benefits provided that they reach a
minimal threshold of activity within that year. INTERMITTENT is a dummy that takes
the value of 1 if the artist did receive such benefits during the previous year. An artist
who benefits from the intermittence system has to negotiate frequently with
professionals in the music industry, including record labels if he works as a session
musician. He is therefore probably more aware of the potential behaviour of music
labels and should be more reluctant towards 360-degree deals.

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47

29 Finally, we also consider the impact of the piracy issue on the willingness to sign a 360-
degree deal. Piracy may reduce the ability of a record company to internalize the
positive externalities that exist between the recorded music market and the live music
market. By reducing the value of the recorded music market, piracy reduces the
potential additional gain that 360-degree deals generate, and thus reduces the artists’
willingness to sign such deals. We therefore include the dummy variable PIRACY, which
takes the value of 1 if the artist thinks that digital piracy has a very negative or fairly
negative impact on his album sales, and 0 otherwise.
30 Descriptive statistics are given in Table 1 below and the contruction of the variables is
described in Table 5 in the Appendix.

Tableau 1. Descriptive statistics

Variable Obs Mean Std. Dev.

360DEAL 504 .464 .499

CONTRACT 504 .242 .429

LIVE 498 .524 .500

CONTRACT_LIVE 498 .165 .371

CONTRACT_NOLIVE 498 .077 .267

CONTRACT_BEFORE 484 .397 .490

CONTRACT_BEFORE_LIVE 478 .176 .381

CONTRACT_BEFORE_NOLIVE 478 .220 .414

SELFRELEASE 484 .385 .487

HOMESTUDIO 497 .644 .479

MYSPACE3 504 .244 .430

MYSPACE2 504 .149 .356

MYSPACE1 504 .163 .369

MYSPACE0 504 .425 .495

AGE1 504 .022 .146

AGE2 504 .119 .324

AGE3 504 .310 .463

AGE4 504 .319 .467

AGE5 504 .216 .412

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48

INCOME1 475 .234 .423

INCOME2 475 .223 .417

INCOME3 475 .324 .469

INCOME4 475 .185 .389

INCOME5 475 .034 .181

GENDER 503 .417 .494

HIGHEDUCATION 494 .496 .500

NONPARIS 504 .528 .500

POPULAR 504 .256 .437

INTERMITTENT 501 .445 .497

GOLD 504 .202 .402

MANAGER 500 .194 .396

PIRACY 490 .569 .496

Note: The number of observations varies across variables because of questions not
answered by some artists.

4. Empirical strategy and results


31 A basic descriptive analysis of our data supports our hypotheses. As shown in Table 2,
artists currently under contract or who have previously been signed by a music label –
and who are thus aware of the information asymmetry they suffer in their relationship
with their label – are less likely to consider a 360-degree deal as a favourable
opportunity for them (Hypothesis 1). Artists with large ancillary revenues are also less
interested by a 360-degree deal probably because their opportunity cost is higher
(Hypothesis 2).

Tableau 2. Descriptive analysis of our hypotheses

Consider a 360-degree deal as


Artist’s situation
favourable for him (360deal = 1)

Frequency (%)

Under contract 39.3

Not under contract but have had a contract previously 42.7

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49

Never under contract 55.3

Under contrat with an intensive live music activity 30.5

Not under contract but have had a contract previously


38.1
with an intensive live music activity
53.6
Never under contrat with an intensive live music activity

Whole population 46.4

32 These descriptive results should of course be confirmed by an econometric analysis.


Since our dependent variable (360DEAL) is binary, we estimate the following probit
model:
33 Pt = Pr (360DEAL = 1) = Φ(β0 + βXt)
34 where Pt is the probability that 360DEAL = 1 for observation t, X t is a vector of
explanatory variables (including control variables), and β is the parameter vector to be
estimated. All results presented below include robust standard-errors to encounter for
possible heteroscedasticity.

4.1. Main results

35 In our regressions, the reference category is the artists who do not have a contract and
never have had one. We compare the attitude towards 360-degree deals of this
subpopulation with the attitude of three other subpopulations: artists without a
current contract but who have had one in the past, artists under contract with
intensive live activity and artists under contract with no live activity. We first test
Hypothesis 1. Regression (1) in Table 3 allows us to check that ceteris paribus, artists
without a current contract but who have had one in the past (CONTRACT_BEFORE) are
significantly more reluctant to accept a 360-degree deal than artists who have never
had a contract (the reference category). Since both types of artists are not currently
under contract, the only difference that could explain their attitude towards 360-
degree deals is their past experience of record companies and the difficulties in
bargaining they have experienced.
36 Table 4 presents the marginal effects26. It shows that for artists not currently under
contract, previous experience of a contractual relationship with a music label reduces
the probability of considering 360-degree deals to be favorable by 12 percentage points,
compared with artists who have no such experience.
37 Regressions (1) and (2) in Table 3 validate our second hypothesis. The higher the
revenues that an artist under contract may have to share with his record label –
because he tours a lot (CONTRACT_LIVE) – the less likely he is to consider 360-degree
deals to be favorable. Being under contract and touring a lot reduces the probability
that an artist will consider 360-degree deals to be favorable by 22 percentage points,
compared with artists who have never had a contract. This is not the case for artists
under contract who perform little on stage (CONTRACT_NOLIVE). We obtain a similar
result, though to a lesser extent and less significantly, when CONTRACT_BEFORE and
LIVE are interacted. Artists without a current contract but who have had one in the past

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


50

are less willing to sign 360-degree deals when they perform a lot on stage. Note that
when the LIVE variable is not interacted, it turns out to be non-significant (see
regression (3)). Intensive live activity per se does not make an artist more reluctant to
sign a 360-degree deal. The reluctance actually comes from the combination of touring
a lot and having previous experience of a relationship with a record label.

Tableau 3. Main probit regressions27

360DEAL:
(1) (2) (3) (4)
Dependent variable

–0.407**
CONTRACT
(0.204)

–0.105
LIVE
(0.157)

–0.619*** –0.625*** –0.645***


CONTRACT_LIVE
(0.238) (0.239) (0.175)

–0.103 –0.092 0.027


CONTRACT_NOLIVE
(0.268) (0.268) (0.224)

–0.303** –0.314** –0.328**


CONTRACT_BEFORE
(0.152) (0.154) (0.134)

–0.377*
CONTRACT_BEFORE_LIVE
(0.199)

–0.238
CONTRACT_BEFORE_NOLIVE
(0.185)

–0.336** –0.333** –0.322**


SELFRELEASE
(0.162) (0.161) (0.161)

–0.340** –0.359** –0.353**


HOMESTUDIO
(0.147) (0.149) (0.149)

–0.274 –0.293 –0.283


MYSPACE0
(0.183) (0.185) (0.183)

–0.109 –0.118 –0.107


MYSPACE1
(0.199) (0.201) (0.201)

–0.315 –0.330 –0.316


MYSPACE2
(0.210) (0.211) (0.209)

MYSPACE 3 (reference category)

AGE 131 (reference category)

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51

0.095 0.092 0.052


AGE2
(0.474) (0.476) (0.474)

0.080 0.076 0.031


AGE3
(0.463) (0.465) (0.464)

0.154 0.147 0.122


AGE4
(0.465) (0.467) (0.467)

0.249 0.239 0.239


AGE5
(0.475) (0.476) (0.478)

(reference category)
INCOME1 0.183
0.166 (0.201)
INCOME2 (0.202)
(0.201)

–0.122 –0.104 –0.125


INCOME3
(0.197) (0.198) (0.197)

0.163 0.177 0.146


INCOME4
(0.231) (0.232) (0.233)

–1.000** –0.979** –0.982**


INCOME5
(0.432) (0.434) (0.433)

GENDER –0.135 –0.143 –0.127

(0.144) (0.144) (0.144)

0.365*** 0.360*** 0.356***


HIGHEDUCATION
(0.134) (0.134) (0.133)

–0.023 –0.027 –0.033


NONPARIS
(0.134) (0.134) (0.133)

0.370** 0.371** 0.360**


POPULAR
(0.159) (0.158) (0.157)

–0.264* –0.242* –0.265*


INTERMITTENT
(0.142) (0.146) (0.150)

0.070 0.085 0.100


GOLD
(0.168) (0.170) (0.168)

–0.360** –0.363** –0.405**


MANAGER
(0.183) (0.184) (0.182)

0.028 0.030 0.033


PIRACY
(0.134) (0.134) (0.134)

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52

0.417 0.426 0.521 0.135


CONSTANT
(0.486) (0.488) (0.493) (0.097)

N 424 424 424 478

Prob > chi2 0.000*** 0.000*** 0.000*** 0.001***

Pseudo-R2 0.105 0.105 0.100 0.026

chi2 59.861 59.786 56.745 16.527

* p < 0.1; ** p < 0.05; *** p < 0.01


Robust standard errors in parentheses.
Since some artists do not answer to questions used to construct our independent
variables, the sample used in our regressions (424 observations) is smaller than the
sample of artists who have answered to the question that allows us to build our
dependent variable (504 observations).

Tableau 4. Marginal effects

Variables Changes in probability (a)

(1) (2)

CONTRACT_LIVE –0.227*** –0.229**

CONTRACT_BEFORE –0.118**

CONTRACT_BEFORE_LIVE –0.143**

SELFRELEASE –0.131** –0.129**

HOMESTUDIO –0.134** –0.141**

INCOME5 –0.318** –0.313**

HIGHEDUCATION +0.142*** +0.141***

POPULAR +0.146** +0.147**

MANAGER –0.137** –0.138**

* p < 0.1; ** p < 0.05; *** p < 0.01


(a) changes in the probability that 360DEAL = 1 are for discrete changes of each explanatory dummy
variable from 0 to 1

38 As far as the main control variables are concerned, entrepreneurial experience, as well
as using digital tools at the production stage, have the expected effect on artists’
attitudes towards 360-degree deals. We find that artists not under contract but who
have self-released an album in the past three years, reflecting entrepreneurial abilities,
are less likely to consider 360-degree deals to be favorable than artists who have not
self-released an album (–13 percentage points in the probability of considering such a

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53

deal to be favorable). Likewise, artists who use a homestudio are less interested in 360-
degree contracts (–13 percentage points). However, digitization at the promotion level
has no impact on artists’ attitudes towards 360-degree deals. Artists who update their
MySpace page frequently are not significantly less willing to sign a 360-degree deal. We
might have expected that the more an artist is active on MySpace, the more he
considers himself able to self-promote. He should therefore be less willing to accept a
360-degree deal. This result is consistent with other work that shows that although
musicians are very active on social networks (posting videos on YouTube, tweeting,
etc.), this activity is not yet reflected in any significant increase in their audience
(Bourreau et al., 2014). Self-promotion online is probably more difficult than was
anticipated.
39 We also note that high income artists (INCOME5) are less likely to consider as favorable
a 360-degree deal that would entail sharing some of this income with his record label.
The marginal effect is 32 percentage points compared with artists belonging to the
lowest category of income. Most of the other control variables are also significant and
have the expected sign. The coefficient of POPULAR is positive and significant. Artists
who have at least degree-level education (HIGHEDUCATION) are also significantly more
favorable towards 360-degree deals. Finally, artists who hired a professional to help
them to manage their career (MANAGER) are significantly more reluctant to sign a 360-
degree deal. Conversely, digital piracy (PIRACY) does not seem to affect the willingness
of artists to sign a 360-degree deal and successful artists are not less reluctant to sign a
360-degree deal (GOLD is not significant). This suggests that these artists might also
encounter difficulties in negotiating with record labels (see the example of the Beatles/
EMI dispute on sub-section 2.1).

4.2. Robustness checks

40 A potential pitfall with our empirical estimation is the possible endogeneity of the
CONTRACT and LIVE variables. An unobserved variable might simultaneously affect both
the contractual situation or concert activities of an artist and his attitude towards 360-
degree deals. The celebrity and/or success of an artist, his bargaining power, or his
ability to secure a good deal could play such a role. Note that we already take into
account the success/fame of an artist in our regressions with the variable GOLD.
Likewise, we also include the variable MANAGER, which captures at least part of an
artist’s bargaining power and his ability to secure a good deal. However, we test for the
exogeneity of the two variables CONTRACT and LIVE (see Appendix 2 for an explanation
of the exogeneity test undertaken).
41 A second potential issue is that we are not observing the equation for the population as
a whole, since 29% of the artists in our sample did not answer the question on 360-
degree contracts. It is possible that only the artists who felt capable of or interested in
signing such a contract answered the question. When compared with the remaining
artists, the proportion of artists currently under contract is lower among these
206 artists. They also use digital tools less often to record their musical projects. Our
results might therefore suffer from a selection bias that the Heckman selection
estimation can solve by estimating the probability of being favorable to 360-degree
contracts, conditional on whether or not the artist answered the relevant question. We
ran such a Heckman selection estimation28. The first equation is a probit on a dummy

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54

variable that takes the value 1 if the artist answered the question on 360-degree
contracts (SELECTION). The second equation is our previous probit equation. We add to
the exogenous variables a dummy variable (BROADBAND) that takes the value 1 if the
artist has broadband Internet access at home. As required, this exogenous variable
affects the probability that the artists answer to the question on 360-degree contracts. 29
A simple probit between SELECTION and BROADBAND shows that such a correlation is
very significant (p < 0.000). We checked that the exclusion condition is verified by
estimating the main regression and adding the variable BROADBAND which is not
significant. Indeed there is no reason to believe that having a broadband Internet
access at home could directly affect the attitude towards 360-degree deal. 30 Table 8 in
Appendix 3 shows that our estimations do not suffer from a selection bias (formally we
cannot reject the independence of both equations, since we cannot reject the
hypothesis that ρ = 0).
42 We also made several other robustness checks.31 First of all, we checked that our results
are robust when we use sample weights that adjust for differences between our sample
and the full population of Adami members, according to gender, age, region of
residence, and amount of royalties the artist receives from Adami 32. In the survey,
artists were asked how many times they had performed on stage in the last twelve
months, and four answers were proposed: 0, 1 to 10, 11 to 50, and more than 50 times.
We aggregated the first two and the last two modes, since this configuration provides
more significant results. However, we also ran our regression with live concerts taken
as a continuous variable, without significant changes in our results. Likewise, four
answers were proposed for the question on 360-degree deals (“very favorable”/“fairly
favorable”/“fairly unfavorable”/“very unfavorable”). In our main regressions, we
constructed the binary variable 360DEAL by grouping together the first two and the last
two answers. Though this binary variable best fits our data, we also ran estimations
with an ordered probit with the four answers, and obtained similar qualitative results.
Our SELFRELEASE variable identifies artists who self-released an album in the past three
years and who are not currently under contract. We checked that our results remain
unchanged when we consider self-release behavior whatever the present contractual
situation of the artists. Finally, our database contains a few inactive artists, who could
have a biased opinion on 360-degree deals. We therefore ran our estimations on the
subsample of “active” artists, that is, artists who had either worked on recording
sessions or performed live at least once in the last twelve months. Our main results
remained unchanged.

5. Discussion
43 Our results confirm that the contractual experience of artists with record companies
reduces the willingness of the former to sign 360-degree deals. Without being currently
under contract, the mere experience of a past contractual relationship with a record
label is sufficient to make artists consider 360-degree deals to be unfavorable. In our
regressions, since we control for a large set of variables (age, musical genre, self-release
experience, use of digital technology, piracy, etc.) only this contractual experience –
and therefore the real experience of the difficulties encountered to secure a favorable
deal with a record label – seems able to explain the difference in attitudes. Interestingly
enough, artists who hired a manager – and are thus probably more aware of the

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


55

harshness of contractual relationships within the music industry – are more reluctant
towards 360-degree deals.
44 Artists under contract who play a lot of concerts are also less willing to sign such
contracts. They seem to fear that the benefits they can obtain by internalizing the
positive externality that recorded music generates for ancillary markets will be lower
than their opportunity cost. They are certain to lose a share of their high revenues
from live concerts but are not sure to be able to secure a good deal with their record
label. They tend to be therefore more reluctant to sign 360-degree deals.
45 Finally, our results explain the difficulties that recording labels encounter in
implementing profit-enhancing 360-degree deals and thus why they still represent a
small share of music industry revenues (see the introduction). The artists who are more
favorable to such contracts are the lesser-known artists, who are not, and never have
been, under contract. For them, “any deal is a good deal”, and their lack of experience
of a contractual relationship with a record label may lead them to underestimate the
opportunistic behavior of labels. However, artists not under contract but with
experience of self-releasing, and who therefore probably have some entrepreneurial
abilities, are less prone to sign 360-degree contracts. Likewise, the most profitable
artists, i.e., those under contract and who play a lot of concerts, are also reluctant to
sign 360-degree deals. They prefer to keep a traditional contract in which they manage
and retain most of the revenues from concerts. Finally, digitization, which is the raison
d’être of 360-degree contracts, also weakens them by enhancing the potential of the do-
it-yourself model.

6. Concluding remarks
46 The recorded music industry considers 360-degree deals as one way to counteract the
downturn in music sales they have experienced since the beginning of this century and
the rise of digital music. Such deals allow music labels to benefit from the growing
ancillary markets (including the live music market) whose growth comes at least partly
from the positive externality that recorded music (whether legally or illegally
consumed) generates for them. In the present paper, we have studied whether the
interests of music labels and artists are aligned in such deals. Theoretically they should
be, since the internalization of this externality increases the total surplus and should
allow record labels to improve their profits while maintaining at least stable revenues
for artists. Furthermore, the greater the market externality, the greater the benefits of
the internalization should be for both parties. Hence, the most successful artists should
be the most willing to sign 360-degree deals.
47 Yet 360-degree deals remain quite scarce, and mainly involve either stars (in exchange
for massive cash advances) or artists signing their first contract. In this paper we have
analyzed the incentives and pitfalls artists encounter in signing 360-degree deals. In
particular, we have investigated whether artists fear that their weaker bargaining
power relative to that of the record labels will prevent them from securing a good deal,
and whether this can explain why they are reluctant to let labels manage all of their
music-related activities.
48 Using a representative survey of professional musicians in France, our main findings
support the hypothesis that artists fear that signing a 360-degree contract will not be

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56

favorable for them. For artists currently without a contract, having had a contract in
the past reduces the willingness to sign a 360-degree deal, all other things being equal.
This suggests that these artists are aware of the difficulties inherent in contractual
relationships with record labels. Moreover, the greater the revenues an artist has to
share, i.e., the more he performs on stage, the more reluctant he will be to sign a 360-
degree deal. Finally, the artists who are the most willing to accept such deals are those
who do not have and never have had a contract with a record label. However, they are
also probably the least profitable artists for the record labels.

BIBLIOGRAPHY
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WOOLDRIDGE J. (2002). Econometric Analysis of Cross-Section and Panel Data. MIT Press, Cambridge,
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APPENDIXES

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


58

Appendix 1

Tableau 5. Description of the variables

Variable Description

takes the value 1 if the artist declared to be interested in signing a 360


360DEAL
degree deal, and 0 otherwise.

CONTRACT takes the value 1 if the artist is under contract, and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist performed more than 10 times on stage
LIVE
during the previous year, and 0 otherwise.

takes the value 1 if both CONTRACT and LIVE take the value 1, and 0
CONTRACT_LIVE
otherwise.

takes the value 1 if CONTRACT takes the value 1 and LIVE takes the
CONTRACT_NOLIVE
value 0, and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist is not under contract but has been under
CONTRACT_BEFORE
contract with a record label in the past, and 0 otherwise

takes the value 1 if both CONTRACT_BEFORE and LIVE take the value 1,
CONTRACT_BEFORE_LIVE
and 0 otherwise.

takes the value 1 if CONTRACT_BEFORE takes the value 1 and LIVE


CONTRACT_BEFORE_NOLIVE
takes the value 0, and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist is not currently under contract but had
SELFRELEASE self-released an album during the three years preceding the survey,
and 0 otherwise.

HOMESTUDIO takes the value 1 if the artist has a homestudio, and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist updates his MySpace page at least every
MYSPACE3
week, 0 otherwise

takes the value 1 if the artist updates his MySpace page at least every
MYSPACE2
month, 0 otherwise

takes the value 1 if the artist updates his MySpace page less frequently
MYSPACE1
than every month, 0 otherwise

takes the value 1 if the artist does not have a MySpace page, 0
MYSPACE0
otherwise

AGE1 takes the value 1 if the artist is less than 25 years old, 0 otherwise

takes the value 1 if the artist is between 25 and 34 years old, 0


AGE2
otherwise

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59

takes the value 1 if the artist is between 35 and 44 years old, 0


AGE3
otherwise

takes the value 1 if the artist is between 45 and 54 years old, 0


AGE4
otherwise

AGE5 takes the value 1 if the artist is more than 54 years old, 0 otherwise

takes the value 1 if the artist earned less than €9,000 in 2007, and 0
INCOME1
otherwise.

takes the value 1 if the artist earned between €9,000 and €15,000 in
INCOME2
2007, and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist earned between €15,000 and €30,000 in
INCOME3
2007, and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist earned between €30,000 and €60,000 in
INCOME4
2007, and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist earned more than €60,000 in 2007, and 0
INCOME5
otherwise.

GENDER takes the value 1 if the artist is a woman, and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist holds a Master’s degree (at least), and 0
HIGHEDUCATION
otherwise.

takes the value 1 if the artist does not live in Paris or in the «Ile de
NONPARIS
France» region (i.e., in the Paris area), and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist declares that his main musical genre, is
POPULAR
popular music, and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist receives a monetary compensation during


INTERMITTENT
the previous year from the intermittence system, and 0 otherwise

takes the value 1 if the artist has already won a music award and/or a
GOLD
gold record, and 0 otherwise.

MANAGER takes the value 1 if the artist has a manager, and 0 otherwise.

takes the value 1 if the artist considers that piracy hurts his own
PIRACY
recorded music sales.

Appendix 2
To test for the exogeneity of the CONTRACT variable, we use as instrumental variable
(IV) the variable WEBPAGE, which is a dummy variable that takes the value 1 if the artist
has a web page, and the value 0 otherwise. We argue that WEBPAGE satisfies exclusion
and inclusion restrictions. First, there is no reason to believe that having a web page

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


60

could have a direct effect on the dependent variable (the opinion on 360-degree deals).
A web page is indeed really different from a MySpace page and is often merely devoted
to an information role, not to an active promotion. Second, WEBPAGE is correlated with
CONTRACT (the p-value is lower than 0.01 in a simple probit model with CONTRACT as
dependent variable and WEBPAGE as independent variable). The inclusion restriction of
our IV is thus also satisfied. Since our potentially endogenous variable (CONTRACT) is
binary, we cannot use an IV procedure to test for the exogeneity of CONTRACT using
WEBPAGE as an instrumental variable. As suggested by Wooldridge (2002), we run a
bivariate probit with our structural probit, and a second probit using CONTRACT as the
dependent variable and including our IV in the covariates. A bivariate probit approach
provides a test of exogeneity. Under the exogeneity assumption, the error terms of
both corresponding underlying equations included in the bivariate probit are not
correlated, that is, the null hypothesis of exogeneity can be stated as ρ = 0. A likelihood
ratio test of the significance of ρ is thus a direct test of the exogeneity of CONTRACT. If
ρ ≠ 0, only the results of the bivariate probit have to be considered. But if ρ = 0, it is
appropriate to use the univariate probit model. In Table 5 below, columns 2 and 3
display the results of the bivariate probit. The second column corresponds to the
regression with CONTRACT as the dependent variable, and includes the IV. It confirms
that the instrumental variable WEBPAGE is correlated with CONTRACT. Table 6 also
reports that the estimated value for the parameter ρ is not significantly different from
zero. These results suggest that CONTRACT is indeed exogeneous (formally, we cannot
reject the exogeneity of CONTRACT, using WEBPAGE as an instrumental variable, since
we cannot reject the hypothesis that ρ = 0). Finally, for the same reasons, we could
imagine the LIVE variable is also endogenous. Talent or bargaining power could impact
both the success on stage of an artist and his or his willingness to sign a 360-degree
deal. Using WEBPAGE as an instrumental variable (which is positively correlated with
LIVE in a simple probit with p < 0.000), we find that we cannot reject the exogeneity of
LIVE (see Table 7).

Tableau 6. Biprobit to check for endogeneity of the CONTRACT variable

BIPROBIT

360DEAL CONTRACT

–0.674*
CONTRACT_LIVE
(0.378)

–0.238
CONTRACT_NOLIVE
(0.442)

0.439
LIVE
(0.312)

–0.340* –13.136***
CONTRACT_BEFORE
(0.182) (0.745)

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61

–0.353* –11.397***
SELFRELEASE
(0.199) (0.588)

–0.318** 0.707***
HOMESTUDIO
(0.150) (0.269)

–0.290 –1.254***
MYSPACE0
(0.189) (0.362)

–0.102 –0.468
MYSPACE1
(0.200) (0.367)

–0.283 –0.381
MYSPACE2
(0.208) (0.474)

0.047 –0.631
AGE2
(0.476) (0.912)

0.071 –1.061
AGE3
(0.462) (0.866)

0.155 –0.703
AGE4
(0.462) (0.862)

0.229 –0.458
AGE5
(0.472) (0.868)

0.135 –0.207
INCOME2
(0.201) (0.413)

–0.130 0.452
INCOME3
(0.195) (0.410)

0.132 –0.067
INCOME4
(0.230) (0.486)

–0.993** 6.394***
INCOME5
(0.436) (0.555)

–0.159 –0.711***
GENDER
(0.144) (0.266)

0.375*** 0.573**
HIGHEDUCATION
(0.133) (0.255)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


62

–0.027 0.182
NONPARIS
(0.133) (0.251)

0.368** –0.555*
VARIETY
(0.157) (0.308)

–0.258* –0.407
INTERMITTENT
(0.140) (0.342)

0.097 0.138
GOLD
(0.165) (0.309)

–0.349* 0.746**
MANAGER
(0.193) (0.366)

1.222***
WEBPAGE
(0.300)

0.488 0.101
CONSTANT
(0.507) (0.865)

0.095
ρ
(0.300)

N 428

P 0.000***

chi2 5113.36

LR test of ρ = 0: chi2(1) = 0.1007 Prob > chi2 = 0.7510

* p < 0.1; ** p < 0.05; *** p < 0.01

Tableau 7. Biprobit to check for endogeneity of the LIVE variable

BIPROBIT

360DEAL LIVE

–0.589**
CONTRACT_LIVE
(0.242)

–0.129
CONTRACT_NOLIVE
(0.283)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


63

0.286
CONTRACT
(0.225)

–0.310** –0.121
CONTRACT_BEFORE
(0.151) (0.171)

–0.318** 0.109
SELFRELEASE
(0.160) (0.179)

–0.330** –0.467***
HOMESTUDIO
(0.145) (0.173)

–0.273 –0.328
MYSPACE0
(0.182) (0.219)

–0.095 –0.394*
MYSPACE1
(0.199) (0.227)

–0.282 –0.307
MYSPACE2
(0.208) (0.223)

0.056 0.286
AGE2
(0.477) (0.512)

0.073 0.055
AGE3
(0.465) (0.510)

0.157 –0.155
AGE4
(0.465) (0.509)

0.227 –0.396
AGE5
(0.475) (0.519)

0.134 0.223
INCOME2
(0.200) (0.223)

–0.134 0.499**
INCOME3
(0.194) (0.213)

0.134 0.817***
INCOME4
(0.231) (0.258)

–1.015** 0.542
INCOME5
(0.430) (0.455)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


64

–0.152 –0.411***
GENDER
(0.142) (0.159)

0.373*** –0.137
HIGHEDUCATION
(0.133) (0.145)

–0.024 0.008
NONPARIS
(0.133) (0.148)

0.371** 0.106
VARIETY
(0.157) (0.177)

–0.253* 1.209***
INTERMITTENT
(0.141) (0.155)

0.091 0.584***
GOLD
(0.165) (0.191)

–0.367** 0.382*
MANAGER
(0.184) (0.206)

0.386**
WEBPAGE
(0.182)

0.437 –0.510
CONSTANT
(0.479) (0.534)

0.006
ρ
(0.100)

N 428

P 0.000***

chi2 219.473

LR test of ρ = 0: chi2(1) = 0.0037 Prob > chi2 = 0.9517

* p < 0.1; ** p < 0.05; *** p < 0.01

Appendix 3

Tableau 8. Heckman probit selection model

SELECTION 360DEAL

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


65

0.322 –0.622***
CONTRACT_LIVE
(0.236) (0.215)

1.231*** –0.380
CONTRACT_NOLIVE
(0.381) (0.273)

0.050 –0.275*
CONTRACT_BEFORE
(0.135) (0.143)

0.055 –0.313**
SELFRELEASE
(0.146) (0.148)

0.283** –0.362***
HOMESTUDIO
(0.137) (0.136)

–0.126 –0.169
MYSPACE0
(0.177) (0.183)

–0.126 –0.031
MYSPACE1
(0.202) (0.188)

–0.105 –0.206
MYSPACE2
(0.210) (0.200)

0.013 0.065
AGE2
(0.483) (0.450)

–0.200 0.123
AGE3
(0.461) (0.439)

–0.498 0.297
AGE4
(0.458) (0.439)

–0.353 0.331
AGE5
(0.467) (0.448)

–0.034 0.112
INCOME2
(0.179) (0.181)

0.123 –0.168
INCOME3
(0.178) (0.179)

0.236 –0.002
INCOME4
(0.223) (0.225)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


66

–0.388 –0.737
INCOME5
(0.349) (0.504)

–0.162 –0.093
GENDER
(0.135) (0.134)

0.192 0.250*
HIGHEDUCATION
(0.129) (0.145)

0.151 –0.061
NONPARIS
(0.127) (0.123)

0.033 0.289*
VARIETY
(0.153) (0.158)

0.151 –0.260**
INTERMITTENT
(0.133) (0.132)

0.269 0.004
GOLD
(0.172) (0.163)

0.209 –0.380**
MANAGER
(0.191) (0.171)

0.535**
BROADBAND
(0.217)

0.012 0.752
CONSTANT
(0.525) (0.461)

–1.083
artrho
(0.919)

–0.794
rho
(0.339)

N 567

chi2 54.04

LR test of ρ = 0: chi2(1) = 1.89 Prob > chi2 = 0.1695

* p < 0.1; ** p < 0.05; *** p < 0.01

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


67

NOTES
1. This figure includes concert tickets sales, tour merchandising, music event sponsorships and
other forms of concert-related revenues. Source: eMarketer (Global Music - Tuning Into New
Opportunities).
2. Source: International Federation of the Phonographic Industry (IFPI).
3. This is why they used to provide artists with tour support without expecting any return on
concert revenues.
4. http://techcrunch.com/2008/11/08/360-music-deals-become-mandatory-as-labels-prepare-
for-free-music/ (accessed January 19, 2015).
5. The bulk of this literature focuses on music piracy, from either a theoretical perspective (see
Belleflamme and Peitz (2012) for a survey) or an empirical perspective (see Waldfogel (2012) for a
survey).
6. The existence of such an externality from recorded music to live music consumption is
empiricaly validated by Montoro-Pons and Cuadrado-Garcia (2011). Note that Dewenter et al.
(2012) consider the positive externalities between live music and recorded music in both
directions.
7. Mortimer et al. (2012) provide empirical evidence that file-sharing does indeed increase live
music revenues, at least for the less well-known artists (for “stars”, the impact is negligible).
Using survey data, Bacache-Beauvallet et al. (2015) show that for artists under contract with a
record company, the more they perform on stage, the more tolerant towards file-sharing they
are.
8. http://www.nytimes.com/2007/11/11/arts/music/11leed.html?pagewanted=all&_r=0
(accessed June 8, 2016).
9. http://www.bpi.co.uk/media-centre/diversifying-income-streams-boost-2011-records-
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10. http://blog.tunecore.com/2011/07/information-asymmetry-in-the-recorded-music-
business.html (accessed January 19, 2015).
11. Klein (1980) emphasizes that some contractual provisions, “although voluntarily agreed upon
in the face of significant competition”, can be considered as unfair.
12. Concerts provide a much larger source of income for artists than record sales or publishing
royalties. Connolly and Krueger (2007) report that 73% of the average income for 35 top artists
who toured in 2002 came from live concerts, while less than 10% came from recording sales and
7% from publishing rights.
13. Only the positive externality from the live music market towards the recorded music market
was internalized to some extent, since in some contracts the record company provided the artist
with “tour support”. Performing live was considered to boost recorded music sales.
14. “The labels do not know how to do anything besides sell records. They don’t know how to sell
concert tickets or T-shirts. Why should I give them a chunk of my money unless they add
something? I’d rather share that money with a concert professional or a T-shirt specialist.” Peter
Paterno, Attorney for Dr. Dre, Pearl Jam, Metallica, etc. See: http://articles.latimes.com/2005/
sep/12/ business/fi-korn12 (accessed January 19, 2015).
15. See: http://articles.latimes.com/2007/jun/16/business/fi-universal16 (accessed January 19,
2015).
16. Source: Pollstar Magazine for the live music business; RIAA for recorded music sales.
17. Here is an extract from a 360-degree deal contract (Karubian, 2009, p. 460): “You hereby
irrevocably grant and assign to Label and Label is entitled to receive, collect, and keep for Label’s
own account throughout the Term an amount equal to ____ percent (__ %) of Artist’s Net Touring
Receipts.”

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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18. Karubian (2009, p. 442) states that “armed with statistics of their recent tours, merchandise
sales, and album sales, established artists and their managers can negotiate with labels to
arrange an exchange of relatively equitable assets: high upfront payments and favorable terms,
such as higher royalty rates, in return for interest in projected future revenue streams”.
19. Another possibility would be to test whether artists under contract (and thus now aware of
their weak bargaining power with record labels) are less willing to sign 360-degree deals than
unsigned artists. However, such a test is biased because, whatever the behavior of the record
label, the expected gain of an artist under contract is lower than the expected gain of an
unsigned artist (for the former, it is the profit arising from a 360-degree deal minus the profit
arising from a standard contract; for the latter, it is just the profit arising from a 360-degree
deal).
20. The survey was conducted through a specialized survey company, ISL.
21. The information available on the members of Adami allows us to compare our sample to the
full population in terms of gender, age, region of residence, and amount of royalties that the
artists receive from Adami. The comparison shows that the composition of our sample is
relatively close to that of the full population.
22. We deal with the possible sample selection issue in the robustness section.
23. We aggregate two positive answers: “very favorable” and “fairly favorable”. We discuss this
aggregation in the robustness section.
24. We have no information on other ancillary markets such as merchandising or sponsoring.
However, the live music market is the most important of these ancillary markets. See
footnote 16.
25. Byrne (2007) points out that with digitization, recording costs have sharply declined,
manufacturing and distribution costs approach zero and promotion costs are also much lower
(online promotion is almost free through Facebook, blogs, etc.).
26. The calculation of marginal effects in a Probit model can be tricky in the presence of
interaction terms (Norton et al., 2005). However, in our Probit model we don’t estimate joint
effect and single effect but only joint effect. Thus, we don’t face the problem expressed in Norton
et al. (2005).
27. Since only a few artists belong to the category AGE1, we also use as the reference category
AGE1 and AGE2 grouped together. This generates no change in our results.
28. We ran an estimation following Van de Ven and van Praag (1981) that adapt the standard
Heckman procedure to allow for a double probit selection.
29. Generally speaking, BROADBAND is also very significantly negatively correlated with the
number of questions non-answered in the survey.
30. Whereas using the social network Myspace could have affected this attitude – because
Myspace is a tool for self-promotion – having a broadband Internet access at home reflects more
widely familiarity of the artist with technological progress.
31. The regression results relating to these robustness checks are available upon request from
the authors.
32. Standard errors are relatively high (Table 1) and could be due to the relative small size of our
sample

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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ABSTRACTS
Digitization has given rise to a new type of contractual arrangement in the music industry–the
so-called “360-degree” or “equity” deal–which allows a firm (e.g., a record label) to manage all of
an artist’s activities, such as sales of recorded music, touring, merchandising, etc. Since these
contracts internalize the positive externalities that exist between the recorded music market and
the ancillary markets, it should be profit-enhancing for both record labels and artists to strike
such deals. However, very few equity deals have been signed in the music market so far. In this
paper we argue that artists who currently have a recording contract, or who have had one in the
past, are reluctant to sign a 360-degree deal because they fear their bargaining power will be
weaker in income-sharing with their record label. Using a representative survey of professional
musicians in France, we provide empirical evidence that past contractual experience with a
record label does indeed reduce the incentives to sign a 360-degree deal. Moreover, the more
artists perform on stage, the more reluctant they are enter into 360-degree deals.

L’émergence du numérique a entraîné l’apparition d’un nouveau type de contrat dans l’industrie
musicale – le contrat à 360 degrés – qui permet à une entreprise (un label musical par exemple)
de gérer l’ensemble des activités d’un artiste (musique enregistrée, concerts, produits dérives…).
Ce type de contrat permettant d’internaliser les effets externes existant entre le marché de la
musique enregistrée et ses marchés connexes, conclure un contrat à 360 degrés devrait être
bénéfique tant pour les labels que pour les artistes. Pourtant, ces contrats restent assez
minoritaires aujourd’hui. Dans cet article, nous avançons que les artistes ayant un contrat avec
un label, ou en ayant eu un par le passé, sont réticents à signer un tel contrat car ils redoutent les
conséquences de leur faible pouvoir de négociation dans le partage des revenus vis-à-vis de leur
label. À partir d’un échantillon représentatif de musiciens professionnels en France, nous
montrons empiriquement qu’une expérience contractuelle avec un label de musique réduit
effectivement l’incitation à signer un contrat à 360 degrés. De plus, cette incitation baisse
également avec l’intensité de l’activité scénique d’un artiste.

INDEX
Keywords: Information Asymmetry, Contracts, Recorded Music Industry, 360-Degree Deals

AUTHORS
MAYA BACACHE-BEAUVALLET
Telecom ParisTech, Department of Economics and Social Sciences, F-75013 Paris, France. E-mail:
maya.bacache@telecom-paristech.fr

MARC BOURREAU
Telecom ParisTech, Department of Economics and Social Sciences, F-75013 Paris, France. E-mail:
marc.bourreau@telecom-paristech.fr

FRANÇOIS MOREAU
University Paris 13, Sorbonne Paris Cité, CEPN (CNRS, UMR 7234) and Labex ICCA. F-93430
Villetaneuse, France. E-mail: francois.moreau@univ-paris13.fr [corresponding author]

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Typologie et stratégies
des plateformes de distribution
en ligne des jeux vidéo : panorama
et enjeux concurrentiels
Typology and Strategies of Online Distribution Platforms of Video Games:
Overview and Competitive

Myriam Davidovici-Nora

1. Introduction
1 Depuis 2014, la distribution numérique de jeux domine mondialement la distribution
physique1, 2. Aux États-Unis, les ventes en ligne sont passées de 34 % en 2013 à 52 % en
20143. Le marché mondial des jeux en téléchargement pesait 5,5 milliards de dollars en
octobre 20154 et passait par des plateformes de distribution. La transition de la
distribution physique à la distribution numérique présente des avantages évidents :
nouvelles opportunités de diffusion ou accès direct d’un producteur à sa base de
consommateurs dans le monde entier grâce à la suppression des intermédiaires.
2 L’analyse économique du développement des plateformes fait l’objet de la théorie des
plateformes développée dans les années 2000 (Evans, 2003 ; Parker et al., 2005 ;
Eisenmann et al., 2006 ; Rochet et Tirole, 2003, 2006 ; Hagiu, 2004). Cette théorie a déjà
été appliquée de façon complète et détaillée au marché physique des consoles de jeux
vidéo pour en comprendre sa dynamique concurrentielle5. Toutefois, la dynamique
concurrentielle de la distribution en ligne de jeux vidéo n’a pas été analysée sous
l’angle de cette théorie. Dans cet article, nous proposons de mener une analyse des
stratégies de développement des acteurs de la distribution en ligne des jeux vidéo pour
trouver des éléments d’explications de la variété des modèles observés en procédant de
la façon suivante.

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3 À partir de la confrontation des éléments du contexte actuel de la distribution en ligne


des jeux vidéo aux éléments de la théorie économique des plateformes, nous
sélectionnerons les acteurs et les variables organisationnelles (économiques et
technologiques) pertinents pour segmenter le marché en groupes stratégiques dans
lesquels les plateformes suivent des stratégies globales proches. Nous préciserons
également les caractéristiques des différents types de plateformes observés au regard
de la théorie économique des plateformes (section 2). Dans la section 3, nous
chercherons à comprendre plus en détail les relations entre le type de plateforme de
distribution, les caractéristiques économiques des hardwares et des OS associés
(propriétaires, dédiés aux jeux vidéo) et l’intégration verticale dans la distribution ou
pas des acteurs. Nous en déduirons des éléments permettant de différencier les
stratégies de développement de ces plateformes au sein d’un même groupe stratégique.
Nous serons aussi en mesure de présenter les enjeux concurrentiels communs actuels à
tous les groupes stratégiques. Enfin, nous conclurons dans la section 4.

2. Segmentation du marché de la distribution en ligne


de jeux vidéo
4 L’accès en ligne grand public à un jeu n’est pas récent et remonte aux débuts d’Internet
dans les années 1990. Toutefois, mettre en place un site dédié à la distribution avec des
technologies, des outils et des services adaptés tant pour les producteurs de jeux que
pour les joueurs est plus récent et remonte à la diffusion d’Internet haut débit dans les
années 2000. Après une présentation des principales caractéristiques de la distribution
numérique, nous proposerons une classification des plateformes numériques des
principaux acteurs.

2.1. Le passage à la distribution numérique des jeux vidéo : des


éléments contextuels économiques

5 Nous allons montrer que le passage de la distribution physique à la distribution


numérique a induit plusieurs ruptures dans l’organisation industrielle du secteur : une
monopolisation accrue de la distribution par les producteurs de jeux vidéo ou de
hardware, des modèles organisationnels variés de la distribution numérique et une
extension massive du marché global des jeux vidéo grâce à la valorisation des petits
jeux indépendants ou « les jeux indies »6 qui y trouvent un canal de distribution viable
(en particulier sur les mobiles).
6 La distribution numérique permet certes de réduire les coûts de distribution
(suppression des intermédiaires et de la logistique, suppression de la gestion des stocks
pour les producteurs, suppression du coût de déplacement dans un magasin pour les
joueurs), mais le développement d’une plateforme de distribution est aussi un coût
d’investissement majeur tant sur le plan technologique (investissements en serveurs,
développement d’une plateforme logicielle avec des moyens de paiement en ligne,
sécurisation, mises à jour régulières…) que marketing (développer des offres, publicité,
attirer des joueurs…). Un producteur de jeu vidéo qui souhaite distribuer son jeu en
ligne fait ainsi face à un arbitrage de type « Make or Buy » : distribuer soi-même son jeu
ou utiliser les services de distribution numérique d’une plateforme tierce qui joue le
même rôle que les distributeurs physiques. Au-delà des moyens financiers et des

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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compétences technologiques, le choix dépendra aussi de la puissance marketing et de la


réputation établie des jeux (ou franchises) pour attirer massivement des joueurs sur la
plateforme, de la volonté de contrôler directement sa fonction commerciale et
d’animer une communauté de joueurs. Ces derniers critères expliquent sans doute
pourquoi la distribution numérique est le fait majoritairement de producteurs de jeux
qui se sont intégrés verticalement pour vendre leurs jeux ou d’acteurs très diversifiés
ayant des compétences en informatique (comme Facebook, Apple, Google,
Amazon.com). La composante « intégration verticale » apparaît essentielle dans ce
cadre.
7 Enfin, il y a de nombreux petits entrants, en particulier sur le PC, qui ne sont pas
intégrés verticalement et qui essaient de se positionner sur des offres spéciales rendues
possibles par la distribution numérique (jeux des petits indépendants, bouquets de
jeux, jeux rétro, etc.).
8 La distribution numérique est donc très fragmentée. Nous proposons de classer les
distributeurs en cinq groupes en fonction de leur provenance (industrie du jeu vidéo,
plateforme technologique), de leur intégration verticale (production, distribution) et de
leurs choix technologiques (production de hardware ou de jeux, hardware ou software
propriétaires ou pas et dédiés ou pas aux jeux) :
1. Un modèle d’intégration verticale dans la distribution par un producteur ou un éditeur de
jeux sur des hardwares non-propriétaires et non dédiés aux jeux vidéo (PC) : Valve (Steam,
2003), Electronic Arts (Origin, 2011), Ubisoft (Uplay, 2009), Blizzard (Battle.net, 2001), GOG 7
(GOG Limited, 2008).
2. Un modèle d’intégration verticale par des producteurs à la fois de hardwares et d’un OS
propriétaires dédiés aux jeux (consoles) : Microsoft (Xbox Games Store, 2002), Sony (PS
Store, 2006), Nintendo (Nintendo E-Shop, 2008).
3. Un modèle d’intégration verticale par des producteurs de hardwares et d’OS propriétaires
non dédiés aux jeux : Apple (Appstore, 2008).
4. Un modèle d’intégration verticale par des producteurs de logiciels non dédiés aux jeux (OS,
réseau social, plateforme généraliste d’e-commerce) : Google (Google PlayStore, 2008),
Facebook (2007) ou Amazon.com8,
5. Un modèle de distributeur pur incluant de multiples plateformes assez diverses mais
spécialisées dans le jeu vidéo : Humble Bundle (2010), Metaboli (2001) et Gamefly (2004),
Gamers Gate (2006), Green Man Gaming (GMG), etc.

9 Le passage à la distribution numérique a modifié la chaîne de valeur de la distribution


au-delà de la suppression des intermédiaires. Là où la chaîne de valeur de la
distribution physique de jeux vidéo était identique pour tous les acteurs avec une
relation linéaire depuis le producteur jusqu’au distributeur, nous constatons une
grande diversité des chaînes de valeur dans la distribution numérique (modèle
producteur, modèle revendeur ou modèle place de marché). Les relations
contractuelles entre les producteurs et les distributeurs deviennent spécifiques à
chaque plateforme avec des options de personnalisation de la commercialisation plus
ou moins vastes. Les plateformes technologiques qui supportent les jeux et qui
permettent aussi de segmenter le marché des jeux vidéo ajoutent un élément structurel
de différenciation notable sur la nature de la concurrence entre les plateformes de
distribution. Comme dans le modèle physique, un jeu est développé pour fonctionner
sur une plateforme particulière (consoles, mobiles, tablettes, PC). En conséquence, les
distributeurs qui détiennent des hardwares et des OS propriétaires sont en monopole

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de fait sur la distribution en ligne. Au final, il y a d’un côté des plateformes de


distribution en monopole sur chacun des hardwares/OS ou plateformes propriétaires
(consoles, iPhone9, Facebook) et, de l’autre, des plateformes de distribution en
concurrence sur les PC/Mac et les mobiles Android.
10 L’autre transformation importante de la chaîne de valeur est la possibilité d’autoéditer
directement son jeu sur la plateforme. Ce service permet à de nombreux et nouveaux
petits développeurs indépendants d’accéder à la distribution grand public pour
plusieurs raisons. L’accès à la distribution physique est coûteux : il faut signer avec un
éditeur qui demandera en général un partage à 50 % des revenus ou plus s’il a investi
dans le développement du jeu (Greenspan, 2013) et les distributeurs physiques
contraints par la taille des rayons favorisent davantage les grandes franchises qu’ils
rentabilisent rapidement. C’est pourquoi la plupart des petits jeux indépendants
restaient accessibles sur le PC sur des sites spécialisés mais sans réelle visibilité pour le
grand public. Avec la distribution numérique, ces deux barrières disparaissent.
11 Une autre conséquence de l’évolution de la chaîne de valeur est une nouvelle
répartition des revenus à l’avantage des développeurs. Il est très fréquent d’observer
un partage des recettes : 70 % pour le développeur et 30 % pour la plateforme 10. Le
pourcentage pris par Steam sur les recettes des développeurs est estimé à 30 % pour les
blockbusters du jeu vidéo (grands éditeurs), mais ce pourcentage est négocié contrat
par contrat et n’est pas officiel. Microsoft prend également 10 % à 30 %
supplémentaires de frais marketing pour placer le nouveau jeu sur la page d’accueil.
Enfin, d’autres sites comme Humble Bundle prennent 5 % de frais de traitement des
paiements, puis proposent un partage variable entre 75 %/15 %/10 % respectivement
pour les développeurs, pour la plateforme et pour des donations à des tiers. Notons que
la démocratisation de la distribution envers les petits éditeurs indépendants est
toujours le cheval de bataille de Steam qui les a toujours encouragés et qui sont aussi
aujourd’hui massivement présents sur cette plateforme. Le véritable déclencheur de
cette entrée massive a été dans un premier temps l’introduction des smartphones avec
leur modèle « Appstore ». Il est possible moyennant un coût d’entrée très bas (moins
d’une centaine d’euros) d’accéder à un SDK11 pour développer un jeu en se passant d’un
éditeur et en touchant rapidement presque tout le marché des joueurs potentiels. Ce
sont les mobiles qui ont introduit la notion d’autoédition qui a ensuite été reprise par
toutes les consoles qui se sont empressées d’ouvrir une branche dédiée aux petits
studios indépendants sur leur plateforme en baissant les coûts d’entrée. Sony a été le
premier à faire des efforts massifs pour attirer les petits studios indépendants en
offrant des outils d’aide à l’édition, en abaissant les frais de licences à 10 dollars par jeu
et en proposant des services marketing. Microsoft a ensuite réagi en allégeant la
procédure de soumission (fin de l’obligation de passer par un éditeur tiers), en
fournissant gratuitement des outils, en intégrant le SDK dans la XboxOne et en offrant
une interface pour autoéditer son jeu (ID@Xbox).
12 Dans un second temps, la croissance des jeux accessibles par téléchargement
numérique s’explique par l’usage des modèles économiques qui rendent obligatoire une
distribution numérique du jeu : le modèle Free-to-Play (l’accès au jeu est gratuit et le
développeur se rémunère par la vente de biens virtuels dans le jeu) ou aussi les modèles
d’abonnement à des bouquets de jeux (appelés aussi cloud gaming).

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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2.2. Typologie des plateformes et groupes stratégiques

13 La théorie économique des plateformes distingue trois grands modèles de plateformes


du plus fermé au plus ouvert : la plateforme producteur, la plateforme revendeur et la
plateforme multifaces ou place de marché (Hagiu et Wright, 2015a). Ces modèles se
différencient par la nature des relations entre l’offre et la demande et le degré
d’ouverture à des producteurs tiers.
14 Dans le modèle producteur, le distributeur vend sa propre production. Dans la
distribution en ligne des jeux vidéo, ce sont les sites de vente des grands éditeurs qui ne
vendent que leurs productions internes, comme Battle.net (Blizzard). Ces plateformes
ne sont pas ouvertes aux jeux tiers. Elles offrent des services comme des mises à jour,
une gestion du compte utilisateur permettant une protection antipiratage jusqu’à des
services très riches avec un système de promotions et de fidélisation. Une variante du
modèle producteur est le modèle éditeur, suivi par la plateforme GOG, qui se positionne
sur les jeux anciens pour lesquels il rachète une licence, les met à jour et les revend sur
son site en disposant d’une exclusivité sur ces jeux. GOG est aussi partiellement ouverte
aux petits jeux indépendants ce qui en fait une plateforme hybride « producteur-
revendeur ».
15 Dans le cas du modèle revendeur, le distributeur achète des produits à des tiers et les
revend en contrôlant la relation commerciale avec les consommateurs. Le producteur
n’a pas de contact direct avec les consommateurs. Le revendeur peut aussi revendre
sous sa marque comme le fait Metaboli.
16 Enfin, dans le modèle place de marché , les producteurs vendent directement aux
consommateurs en s’appuyant sur les ressources mises à disposition par la plateforme
pour faciliter les échanges. Selon Hagiu et Wright (2013, 2015a), les deux conditions
suffisantes pour avoir une place de marché sont l’existence 1) de relations
commerciales directes entre des producteurs tiers et des consommateurs (sur le prix, le
bouquet, le marketing, la qualité, le contact client et le service après-vente) et 2) de
coûts irrécupérables pour accéder à la plateforme (investissements spécifiques comme
acheter une console, passer du temps pour apprendre l’API pour faire un jeu sur
Appstore, acheter un SDK). L’avantage de la place de marché est de proposer un
catalogue très large et diversifié de produits car elle n’achète plus les produits en
amont. Elle n’intervient pas dans les transactions entre les deux côtés (une fois le
paiement effectué par le consommateur par l’intermédiaire de la plateforme, le
producteur ou fournisseur est responsable de la livraison du produit) et donc elle ne
supporte plus le risque de ne pas vendre certains produits ou de devoir stocker, car il
revient aux producteurs de gérer eux-mêmes leurs ventes et leur marketing.
17 Dans le cas de la distribution numérique des jeux vidéo, les critères théoriques de
distinction des plateformes proposés par Hagiu et Wright (2013, 2015a) ne sont
toutefois pas tous aussi pertinents. Tout d’abord, la distinction entre revendeur et place
de marché est moins évidente pour plusieurs raisons. En premier lieu, dans la mesure
où le téléchargement du jeu est instantané, les risques de stocks disparaissent mais
aussi les risques liés à la gestion des flux rapprochant ainsi les modèles revendeur et
place de marché. En second lieu, le producteur-éditeur du jeu tiers détient toujours les
droits de propriété intellectuelle sur son jeu et négocie donc (plus ou moins) les clauses
du contrat de distribution avec la plateforme selon les pouvoirs économiques respectifs
des deux acteurs. En particulier, le producteur du jeu a toujours le pouvoir de fixer le

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prix de vente de la version en téléchargement de son jeu et/ou de le négocier avec le


distributeur tout en pouvant le laisser gérer les soldes par exemple. Enfin, en troisième
lieu, les relations entre les clients et la plateforme peuvent être indirectes, même dans
le cas d’une plateforme revendeur12.
18 Nous proposons ainsi de distinguer les revendeurs des places de marché à partir des
critères suivants : le service clients qui est direct entre les joueurs et les producteurs, le
degré d’implication de la plateforme dans l’offre commerciale finale et enfin l’existence
d’outils (SDK) et de ressources informatiques (logiciels) qui facilitent l’intégration
automatique du jeu sur la plateforme avec la possibilité d’y ajouter des services à valeur
ajoutée offerts par la plateforme (sécurité, sauvegarde des données, gestion des
comptes clients, etc.). En général, un revendeur offrira un téléchargement basique de
jeu (c’est-à-dire une fonction e-commerce simple) sans service complémentaire et
pourra aussi intervenir explicitement sur l’offre commerciale en proposant des
bouquets, par exemple.
19 Nous observons également des plateformes hybrides : principalement entre des
modèles place de marché et producteur. Comme nous l’avons vu dans le paragraphe
précédent, les plateformes majeures de la distribution en ligne des jeux vidéo sont à
l’origine des producteurs qui se sont intégrés verticalement dans la distribution pour
vendre à la fois leurs jeux (FPP) et/ou leur hardware complémentaire et qui se sont
ouverts ou pas aux jeux tiers (TPP) (PSStore, XboxPlay, Nintendo E-shop, Appstore,
Google PlayStore, Steam, Origin, Blizzard, Uplay). À l’inverse, la plupart des petits
acteurs (Metaboli, GMG, Humble Bundle, etc.) sont des distributeurs purs qui ne
produisent pas de jeux en interne (à l’exception de GOG qui est éditeur de jeux rétro).
20 En combinant les critères sur les types de plateformes issus de la théorie des
plateformes avec les critères verticaux qui structurent l’industrie (choix
technologiques sur la nature du hardware et organisation verticale), nous pouvons
distinguer une segmentation plus fine des acteurs (cf. tableau 1). Nous pouvons déjà
remarquer que les acteurs détenteurs d’un hardware propriétaire sont en général aussi
propriétaire de l’OS et sont donc en mesure de développer leur propre plateforme de
distribution en ligne associée au hardware. Une seule exception est Google qui
développe l’OS mais pas le hardware13. Nous verrons que cela impacte différemment sur
sa stratégie de développement par rapport à Apple, par exemple.

Tableau 1. Les modèles de distribution en ligne des jeux vidéo14

IV2
IV1 IV3 IV4
Producteur D
Organisation Producteur Producteur Producteur-
verticale hardware et Distributeur
hardware et logiciel non Éditeur de
logiciel non pur
logiciel jeux jeux jeux
jeux

Activité Non jeux


Jeux vidéo Non jeux vidéo Jeux vidéo Jeux vidéo
principale vidéo

Mobiles
Nature Mobiles
Consoles Tablettes ou PC PC
du hardware Tablettes
PC

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Caractéristiques Hardware et Hardware et Hardware Hardware Hardware


du hardware OS OS non non non
(propriétaire/ propriétaire propriétaires propriétaire propriétaire propriétaire
dédié aux jeux) et dédié et non dédié et non dédié et non dédié et non dédié

Types de plateformes en ligne

– Battle.net
Producteur – Uplay
– GOG

– Metaboli &
Games Planet
– Gamers Gate
– Green Man
Revendeur – Amazon14
Gaming
– Gamefly
– Humble
Bundle

– PS Store
– Xbox Games – Google Play
– Steam
Place de Marché Store – Appstore Store
– Origin
– Nintendo E– – Facebook
shop

Source : auteur.

21 Ce tableau fait ressortir trois groupes stratégiques avec des positionnements


différenciés au sein des groupes que nous allons expliciter :
• Groupe 1 : Des distributeurs producteurs-éditeurs (en police gras) qui s’appuient sur la
réputation de leurs franchises ou sur des jeux ciblés et exclusifs qu’ils éditent pour
développer une activité de distribution plus ou moins diversifiée. Le groupe est hétérogène.
Il comprend des plateformes plutôt fermées comme Battle.net ou Uplay (même si Uplay est
légèrement ouverte à des éditeurs tiers par des liens vers Steam ou Origin). Il comprend
aussi des plateformes plutôt ouvertes aux jeux tiers comme Steam et Origin. Notons que
Steam détient aussi un actif technologique (son moteur de jeu Source) qu’il valorise pour
attirer des producteurs sur sa plateforme, laquelle reste son activité principale.
Contrairement à Uplay, Origin cherche à concurrencer Steam en proposant des ventes
directes en ligne de jeux tiers de grands éditeurs et des jeux de petits studios indépendants
ainsi que des liens vers Uplay. GOG est mise dans ce groupe car elle est spécialisée dans
l’édition de jeux rétro et a donc la particularité de détenir une propriété intellectuelle. Elle
s’est ouverte en 2012 aux petits jeux indépendants.
• Groupe 2 : Des plateformes propriétaires et ouvertes avec la détention d’un actif
stratégique (en police normale) portant soit sur le hardware et le logiciel (cas des consoles
et de l’iPhone), soit uniquement sur le logiciel (Android pour Google 15), soit sur une
plateforme logicielle de type réseau social (Facebook) ou de type e-commerce
(Amazon.com). Elles doivent intégrer la valorisation de cette propriété intellectuelle dans

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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leur stratégie de développement. Les consoles, et en particulier Nintendo, renforcent


également la valeur de leur hardware avec la réputation de leurs franchises de jeux vidéo.
L’originalité d’Amazon.com est de distribuer uniquement des clés d’activation de jeux sur les
autres plateformes (PS Store, Xbox Games Stores, Steam, Origin, Android). Elle introduit de
ce fait une concurrence potentielle avec les plateformes de distribution en ligne des
consoles, en monopole jusque-là.
• Groupe 3 : Des revendeurs en concurrence qui ne détiennent pas de propriété
intellectuelle (police en italique) en propre à valoriser et qui sont obligés de se
différencier pour survivre sur le segment PC qui est très concurrentiel. Dans ce groupe,
Humble Bundle s’est lancé récemment dans la vente d’applications Android dans ses
bouquets et vient donc concurrencer Google Play Store.
La segmentation du marché de la distribution en ligne proposée s’opère selon à la fois une
position technologique et/ou économique forte et une modalité de distribution (producteur,
revendeur ou place de marché). Elle permet, dans la prochaine partie, d’entrevoir les
positionnements stratégiques des groupes d’acteurs et les différences internes qu’ils
peuvent présenter à l’intérieur des groupes. Nous pouvons en déduire des éléments
d’explication de la variété observée des modèles de distribution numérique dans le secteur
des jeux vidéo.

3. Comparaison des stratégies des plateformes et


enjeux concurrentiels
22 En quoi les stratégies de lancement et de développement dans les groupes stratégiques
sont-elles identiques ou spécifiques selon le modèle de plateforme retenu ? Pour
répondre à cette question, nous allons affiner notre compréhension des stratégies et
montrer comment chaque acteur au sein de son groupe les applique pour se
développer. Nous serons en mesure d’expliquer les différences observées
empiriquement mais aussi les points communs entre ces plateformes pour faire face
aux enjeux concurrentiels actuels.

3.1. Analyse des stratégies dans les groupes et de la concurrence


dans le marché de la distribution numérique
• Groupe 1 : Des stratégies de maximisation et de pérennisation des effets de réseaux
sur des marchés à un ou deux versants pour les acteurs producteurs de jeux vidéo avec
une activité principale dans les jeux vidéo
23 Créé en 1996 par Blizzard, Battle.net est une plateforme fermée ne distribuant que les
jeux Blizzard. Elle pérennise ses effets de réseaux en développant des jeux de qualité
combinés à de nombreux services complémentaires destinés aux joueurs et qui se sont
étoffés avec le temps. Battle.net peut être considérée comme un précurseur des
services proposés par les autres plateformes : chat, voix sur IP, liste des jeux, échanges
avec les autres joueurs et possibilité de rejoindre une partie multijoueurs, système de
mise en relation pour trouver un partenaire, intégration avec Facebook, création d’un
profil du joueur, sécurisation et mises à jour automatiques. Plus récemment, Blizzard a
adopté une stratégie commerciale croisée entre les jeux ou entre ses produits pour
inciter les joueurs à essayer tous ses jeux16.

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24 Avec une plateforme plus récente et donc moins fournie, Ubisoft suit à peu près la
même stratégie avec un système de fidélisation (gain de points en faisant des actions
spéciales dans ses jeux, cadeaux de connexion) qui permet de débloquer diverses
récompenses et d’obtenir des réductions sur la plateforme (-20 %) 17. De son côté, Steam
applique la stratégie de Battle.net mais sur ses deux versants (étant une plateforme
ouverte). Steam n’était pas une place de marché biface à l’origine : créée au départ pour
simplifier la gestion des mises à jour et supprimer le piratage de ses jeux, Valve s’est
ouvert en 2005 aux producteurs tiers majeurs (id Software, Eidos Interactive and
Capcom) qui souhaitaient bénéficier des services Steam. Steam a dès lors axé sa
stratégie de développement sur la maximisation des effets de réseaux sur chaque
versant et entre les versants. Elle suit une stratégie d’innovation de services pour
maintenir ses effets de réseaux croisés et son leadership car presque la moitié de ses
revenus proviennent de Steam (soit 1,5 milliard de dollars en 2014, le reste étant issu de
ses propres jeux vendus sur Steam18). Valve cherche à améliorer l’expérience de jeu
tout en facilitant au maximum le travail des développeurs. Cette stratégie lui permet de
maximiser l’attraction et la fidélisation des utilisateurs sur les deux versants. La
plateforme propose un large éventail de services combinés à une approche
commerciale très développée (promotions massives et fréquentes de -50 % à -90 % à
durée limitée, systèmes de récompenses et de fidélisation). Steam maximise les effets
de réseaux croisés en facilitant l’accès aux développeurs tiers, en proposant des
services et des outils dédiés comme Steamworks pour gérer leur jeu sur la plateforme
en autonomie y compris les promotions en fonction des jeux placés sur les listes de
souhait des joueurs, la sécurité ou en faisant participer les joueurs aux versions bêta
des jeux. Steam cherche à augmenter les effets de réseau entre les joueurs en proposant
une place de marché au sein de la plateforme pour vendre les objets virtuels gagnés
dans certains jeux (Steam Market crée en 2012), la revente de tous les jeux liés à un
compte utilisateur ou encore un mode « famille » qui permet de partager un jeu avec
d’autres comptes de la famille (depuis 2013), un algorithme de suggestions, un accès
aux parties en cours de ses amis, etc. Dans cet objectif, Steam étend et améliore en
permanence son offre aux consommateurs de services dédiés aux producteurs tiers tant
majors qu’indies. La force de Steam réside dans tous ses services complémentaires et
son savoir-faire technologique pour développer et gérer une plateforme. Dans un
second temps, Valve renforce l’attraction des développeurs tout en valorisant son
moteur de jeu (Source Engine) : la nouvelle version Source 2 sortie en 2015 est
complètement gratuite à condition que le jeu soit ensuite en vente sur Steam (ce qui
accroît aussi les effets de réseaux croisés)19. Au final, Steam bénéficie d’un cercle
vertueux de croissance en phase de maturité : la masse de joueurs lui permet de fournir
des services qui bénéficient d’économies d’échelle et qui ne seraient pas rentables s’ils
étaient pris en charge par de petites structures. Il a aussi les moyens de réagir
rapidement face à la concurrence potentielle sur les services : par exemple, Origin avait
lancé sur sa plateforme la possibilité de se faire rembourser un jeu si on n’en était pas
satisfait dans un délai de 24 heures après l’achat. Face à cela, Steam a lancé la même
politique mais avec un délai bien plus important, jusqu’à 14 jours si le jeu n’avait pas
été utilisé plus de 2 heures. Steam est également présent dans la distribution physique
et sur les autres plateformes numériques en proposant aux éditeurs une clé Steam et
des cartes prépayées en ligne. Origin est en position intermédiaire entre Uplay et
Steam : il est actuellement proche d’Uplay par son offre de jeu tiers limitée (sur environ
500 jeux en vente en ligne, 405 jeux sont des jeux d’Electronic Arts et 31 sont des jeux

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d’Ubisoft)20. Mais Origin cherche à se rapprocher de Steam en développant les mêmes


services dont certains sont déjà opérationnels (sauvegarde sur le cloud, chat).
Aujourd’hui, son pouvoir d’attraction s’appuie essentiellement sur ses grandes licences
propriétaires qui sont en accès exclusifs sur son site avec des formules d’abonnement
(FIFA, jeux récents). Origin peut être considéré comme une place de marché naissante,
car elle ne capitalise pas encore sur les effets de réseaux croisés mais davantage sur ses
productions internes. De son côté, GOG est plutôt une plateforme « éditeur » qui
cherche à satisfaire sa base de joueurs tout en s’ouvrant ensuite aux petits jeux
indépendants tout en capitalisant sur son actif.
25 Au final, les acteurs qui sont fermés et qui détiennent leurs propres franchises
développent davantage de services pour fidéliser leur communauté de joueurs et
augmenter les effets de réseaux entre les joueurs qui jouent à leurs jeux (Uplay et
Battle.net). Les places de marché matures comme Steam suivent la même stratégie avec
en sus une stratégie d’encouragement des effets de réseaux croisés entre les
producteurs et les joueurs. Steam en profite pour valoriser son expertise dans les
services complémentaires aux jeux auprès des plateformes revendeur qui n’en ont pas.
• Groupe 2 : Des stratégies de valorisation d’actifs propriétaires de natures différentes
grâce aux jeux vidéo par des acteurs dont l’activité principale n’est pas dans les jeux
vidéo
26 Pour les acteurs de ce groupe, la distribution numérique de jeux vidéo est une activité
complémentaire à une autre activité principale qui peut être de différentes natures
(matérielle, logicielle, gestion de réseau social, e-commerce). Les jeux vidéo leur
permettent ainsi de valoriser davantage leur activité principale.
27 Les consoles occupent le segment le plus spécifique car le hardware est avant tout dédié
aux jeux vidéo même s’il permet aussi accessoirement de lire de la musique et des
vidéos. Le modèle de distribution numérique sur consoles est encore limité du fait du
poids important des distributeurs physiques dans la vente de consoles et de jeux pour
console21. Ceci expliquerait que le prix des jeux en téléchargement soit nettement plus
cher par rapport à un jeu en boîte (entre +100 % à +200 %). De plus, elles font face à des
contraintes technologiques qui limitent les téléchargements telles que la connexion de
la console à Internet qui peut avoir des latences pour les jeux exigeants et la faible
capacité de stockage de la console (surtout la WiiU). En conséquence, les consoles
cherchent plutôt à se différencier en ligne en vendant des contenus qui complètent les
jeux en vente dans les distributeurs physiques. Il s’agit de jeux d’anciens modèles de
consoles rendus rétrocompatibles, de contenus ou de niveaux complémentaires aux
jeux actuels et plus récemment d’abonnements ou de locations à des offres de jeux et de
connexions pour jouer en ligne (PlayStation Plus, Xbox Live Gold) et de petits jeux
indépendants. Depuis 2014, les consoles font des efforts pour attirer les petits studios
indépendants en réduisant les barrières à l’entrée sur leur console (baisse du prix du
SDK et programmes spécifiques tels que ID@Xbox et en proposant des outils de
développement (surtout pour la PS422). Elles n’arrivent toutefois pas au niveau de
liberté de Steam, car elles exigent en contrepartie une exclusivité temporaire. Au final,
comme les consoles sont dédiées et propriétaires, les producteurs de consoles
conservent en priorité une stratégie de valorisation de leur hardware et utilisent la
distribution numérique pour varier la source des effets de réseaux croisés entre les
joueurs et les producteurs de jeux.

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28 Apple est dans une situation technologique assez proche des consoles au sens où avec
son iPhone il détient le hardware et son OS et aussi la plateforme associée de
distribution en ligne, Appstore. Cependant, nous allons voir qu’il s’en détache
également. L’Appstore permet de personnaliser instantanément son smartphone en
ajoutant et en supprimant à la demande des micrologiciels ou applications (jeux,
utilitaires, etc.) en fonction de ses besoins. Apple doit donc à la fois attirer des
producteurs d’applications pour maximiser la variété des applications disponibles et
attirer les consommateurs. Il s’agit bien d’une place de marché. C’est pourquoi il a
ouvert au début son smartphone à des partenaires clés pour développer des
applications attractives (AOL, Cisco, Disney, EA, Epocrates, Genentech, Microsoft, Nike,
Salesforce.com et Sega)23. Les effets de réseaux croisés entre les développeurs et les
consommateurs ont fonctionné et ont été considérables grâce aux conditions d’accès
très peu contraignantes pour les développeurs comme nous les avons déjà précisées
(2 millions d’applications en juin 201624). À la différence des consoles qui pratiquent
une tarification asymétrique en faveur du hardware25, Apple la pratique en faveur du
logiciel : il accroît la valeur de son hardware (vendu à un prix élevé) grâce aux
multiples applications peu chères en vente sur l’Appstore. Nous expliquons cette
différence par le degré de spécificité du hardware. Là où les consommateurs sont
obligés d’acheter des jeux pour valoriser leur console, la valeur du smartphone ne
réside pas uniquement dans ses applications mais dans toutes les autres fonctionnalités
(écran tactile, vidéo, photo, ergonomie, agenda, etc.) et dans l’image de marque
d’Apple : le consommateur achète avant tout un produit Apple et sa satisfaction
augmente avec l’usage, augmentant sa fidélité à la marque 26. D’ailleurs, nous observons
que les jeux représentent une part très faible dans le chiffre d’affaires d’Apple (en 2014,
4 milliards de dollars soit 5 % de son chiffre d’affaires total de 74,6 milliards de dollars
dont 80 % proviennent de la vente d’hardwares27). Nous en déduisons qu’Apple suit une
stratégie de verrouillage technologique avec une valorisation de son hardware en
première instance. Bien que disposant d’une base de consommateurs fidèles à sa
marque, Apple veut maintenir son leadership et fait également des efforts pour
maintenir ses effets de réseaux croisés en améliorant les services pour les
consommateurs (amélioration du classement des jeux, algorithme de suggestions
personnalisé) et pour les producteurs (réduction des temps d’approbation des nouvelles
applications à 24 heures au lieu de 2 semaines pour la rentrée 2016 avec la possibilité de
proposer des abonnements)28.
29 Les principaux concurrents d’Apple sont Google et les producteurs de smartphones
Android. En tant que place de marché comme l’Appstore, Google Play Store s’est aussi
lancée en partenariat avec des développeurs (Concours Android Developer Challenge
lancé en 2008). Toutefois, ses caractéristiques sont en opposition avec celles de
l’Appstore : coût d’entrée plus bas (25 dollars d’accès payés une fois pour toutes),
procédure de vérification moins contraignante, possibilité de vendre en dehors de la
plateforme par Internet mais pas possible de rendre une application gratuite payante.
En voulant créer des smartphones et des tablettes concurrents à Apple, Google a adopté
un double marché biface : il capitalise sur son OS Android open source en favorisant
l’entrée de différents producteurs de smartphone (Samsung, LG…) et donc la
concurrence sur le hardware. Les téléphones sont moins chers, favorisant une diffusion
plus large que les iPhones, mais la variété des modèles de téléphones rend le
développement plus cher et les consommateurs Android sont connus pour avoir une
disposition à payer plus faible que les consommateurs Apple 29. Enfin, contrairement à

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Apple qui capitalise sur son hardware, Google capitalise sur ses services et ses
applications mobiles grand public et professionnelles. Nous voyons ici de façon claire
l’impact du type d’intégration verticale sur l’orientation des stratégies de valorisation
des places de marché entre Apple et Google.
30 Enfin, nous avons deux autres acteurs Amazon.com et Facebook qui partent d’actifs
généralistes déjà existants dans le commerce électronique ou les réseaux sociaux pour
augmenter les effets de réseaux sur leurs plateformes et qui vont engendrer des
revenus supplémentaires. Amazon.com est une plateforme d’e-commerce majeure qui
distribue déjà des jeux en boîte. Sa diversification dans le téléchargement de jeux en
revendant des liens vers des plateformes de distribution (telles que Steam, Xbox Play
Store et PS Store, Origin, Uplay) suit un processus dit de « platform envelopment » : la
plateforme capitalise sur sa base installée pour pénétrer un nouveau marché qui est
valorisé par ses utilisateurs et pour lequel il faut une masse critique de joueurs ou de
développeurs (Eisenmann et al., 2010). Il s’agit donc plutôt d’une simple stratégie de
diversification qui vient augmenter la valeur de sa plateforme d’e-commerce. De son
côté, Facebook a longtemps capitalisé sur les applications et sur les jeux sociaux,
comme Farmville. La stratégie de valorisation de Facebook consiste à lancer son service
Facebook Connect qui permet aux joueurs sur d’autres plateformes ou dans les jeux de
s’identifier avec Facebook (ce qui augmente l’audience de Facebook) et de se comparer
à ou d’inviter ses amis dans le jeu. Facebook Connect déjà largement installé sur
Appstore se développe aussi sur les plateformes de distribution de jeux avec son
intégration sur Battle.net depuis la rentrée 201630. Cette relation entre les plateformes
permet à Facebook d’accroître son audience et de cibler les joueurs pour leur faire des
offres dédiées de la part des producteurs de jeux ou des annonceurs. Facebook utilise
les jeux vidéo pour augmenter les effets de réseaux croisés sur son réseau social et
toucher des revenus complémentaires liés aux jeux ou à la publicité.
31 Nous constatons donc que la considération de la valorisation technologique, logicielle
ou de celle de plateformes généralistes en utilisant les jeux vidéo permet de
différencier les stratégies de lancement et de développement de ce groupe d’acteurs.
• Groupe 3 : Des stratégies de suiveurs avec des business model innovants pour les
revendeurs non producteurs de jeux vidéo avec une activité principale dans les jeux
vidéo
32 Contrairement aux autres groupes, ce groupe comprend tous les acteurs uniquement
présents dans la simple distribution de jeux vidéo. Ne détenant pas de propriété
intellectuelle matérielle ou logicielle en propre à valoriser, ils sont obligés de se
différencier par leur positionnement pour survivre face à des plateformes comme
Steam, Origin ou Uplay. Toutefois, la distribution numérique leur permet de faire des
propositions innovantes en business model pour cibler des niches de joueurs grâce à des
produits d’appel (discrimination de troisième degré). C’est un groupe hétérogène qui
comprend à la fois des petits distributeurs en B2C qui cassent les prix au travers
d’offres commerciales spécifiques (bouquet de jeux, jeux échangeables, etc.) et des
acteurs plus importants sur le marché du B2B (comme Metaboli qui fournit les FAI avec
des offres groupées de jeux en marque blanche).
33 Parmi eux, nous distinguons Humble Bundle qui a un positionnement original. Les
offres de bouquets de jeux de Humble Bundle sont très originales à plusieurs titres :
c’est le joueur qui en fixe le prix à partie de seuils fixes et croissants qui donnent accès
à des bouquets de plus en plus larges, le joueur peut aussi fabriquer son propre bouquet

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de jeux et enfin, le joueur doit reverser une partie de la vente parmi des institutions de
charité au choix. Humble Bundle s’est lancé récemment dans la vente d’applications
Android dans ses bouquets et vient donc concurrencer Google PlayStore. Même si
Humble Bundle est largement dédié aux petits jeux indépendants, il est fréquent
d’avoir des bouquets à prix cassés avec des jeux des grandes franchises. Ainsi le
bouquet « Electronic Arts », qui aurait engendré plus de 10 millions de dollars de
recettes et 2,1 millions de ventes, serait le bouquet qui a le plus rapporté de l’histoire
de Humble Bundle31. Il apparaît alors un réseau entre les plateformes de distribution
avec des relations de complémentarité entre les grandes plateformes et les plateformes
suiveuses plus petites. Donc le positionnement de ces plateformes de distribution pures
apparaît comme complémentaire aux plateformes dominantes en permettant d’offrir
aux jeux une « seconde vie ». Cela se traduit sur la très longue traîne par des pointes de
ventes liées à des promotions, des mises à jour, des offres commerciales jusqu’à parfois
12 mois après la sortie du jeu qui requalifie cette longue traîne en « stegosaurus tail » 32.
34 L’offre de Humble Bundle et plus généralement la distribution numérique permettent
d’allonger la longévité des jeux. Ces plateformes secondaires permettent aussi de
toucher une cible de joueurs qui n’est pas positionnée sur les principales plateformes.
Elles sont un moyen de promotion des jeux en accès anticipé en version bêta sur Steam
(par exemple, Crypt of the Necrodancer) mais aussi dans l’autre sens, de tester des jeux
encore au stade de prototype avant de les lancer sur Steam. Ainsi, ces plateformes
permettent d’accroître l’audience et les ventes des grandes franchises mais aussi des
petits jeux indépendants sur un marché où il est de plus en plus difficile d’être visible,
comme nous allons le voir dans la prochaine section.
35 Finalement, la concurrence dans la distribution en ligne de jeux vidéo apparaît très
segmentée et de nature monopolistique pour plusieurs raisons : en premier lieu,
comme le type de hardware et son OS contraignent le développement du jeu, les
plateformes sont en concurrence par type de hardware. En second lieu, certaines
plateformes de distribution sont en monopole sur leur hardware propriétaire (les
consoles, AppStore) obligeant l’utilisateur verrouillé sur le hardware à utiliser la
plateforme associée. Sur le segment du jeu PC, la concurrence peut paraître plus vive
car il existe plusieurs plateformes. Toutefois, nous avons vu que ce segment n’est pas
homogène : d’un côté, nous avons des plateformes producteur qui ont donc le
monopole de la vente de leurs jeux (Battle.net, Origin) qui cohabitent avec des
plateformes ouvertes aux producteurs tiers (Steam). L’avantage concurrentiel des
plateformes producteur est qu’elles ont une image de marque et de qualité de leurs jeux
ainsi qu’une communauté de joueurs attachée à ces jeux suffisantes pour être
indépendantes. Elles peuvent ainsi construire une relation client plus proche tout en ne
payant plus des frais d’intermédiation sur une plateforme tierce. C’est ainsi
qu’Electronic Arts qui utilisait Steam pour distribuer ses jeux a créé ensuite Origin pour
y vendre en exclusivité ses jeux. Récemment, Ubisoft, qui distribuait ses jeux sur Steam,
essaie de faire de même avec Uplay. Toutefois, la création d’une relation client directe
sur sa plateforme étant un investissement qui prend du temps, Ubisoft continue de
distribuer ses jeux sur Steam. Dans ce cadre, les consommateurs sont donc amenés à
être sur plusieurs plateformes selon leur contexte d’usage (mobilité, fixe) et selon les
jeux auxquels ils souhaitent jouer. En plus de la diversité des jeux, nous avons vu que
Steam a d’autres avantages concurrentiels liés à son savoir-faire technologique d’offres
de services sur sa plateforme, ses franchises et son moteur de jeu qu’il souhaite
diffuser. Les autres plateformes de distribution sur PC sont plutôt complémentaires à

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Steam, Origin ou Uplay : elles essaient de se différencier soit en permettant de toucher


une cible plus élastique au prix avec moins de services (pour les petits distributeurs
purs) ou plus généraliste (pour Amazon ou Facebook). Ainsi, la concurrence sur le
segment PC entre les grandes plateformes et les petits distributeurs n’est pas frontale.
Nous allons voir dans le prochain paragraphe que les principales plateformes ont
d’ailleurs intérêt à conquérir les autres segments technologiques ou les autres
plateformes complémentaires en recourant aux stratégies de cross-platform.

3.2. Les grandes tendances stratégiques communes et les


spécificités de la distribution en ligne

36 L’observation du secteur nous permet de faire émerger deux tendances majeures


actuelles partagées par tous les acteurs quel que soit leur type de plateforme.

3.2.1. Des stratégies de distribution « cross-platform » dites d’affiliation

37 Nous avons eu l’occasion à de multiples reprises de citer l’existence de liens entre les
différentes plateformes de distribution sous la forme d’affiliation. Elle consiste à mettre
son jeu en téléchargement sur une plateforme et de placer sur d’autres plateformes des
liens commerciaux vers cette plateforme de téléchargement. Le jeu est acheté sur une
plateforme tierce mais téléchargé sur la plateforme principale. Quel est son intérêt ?
Nous allons ici expliciter ces liens et leurs avantages en fonction des trois stratégies
d’affiliation observées.
38 La première stratégie d’affiliation s’opère entre une place de marché leader et une
plateforme de distribution suiveuse. Par exemple, un jeu affilié Steam qui est en vente sur
Humble Bundle bénéficie des prix du bouquet de la plateforme mais sera téléchargé
depuis Steam grâce à l’obtention d’un code d’activation. Humble Bundle ne vend au
joueur que le droit de télécharger sur Steam. L’avantage pour Humble Bundle (s’il vend
le code au producteur de jeu) est de pouvoir rassurer un producteur de jeu en lui
garantissant des services complémentaires liés à la gestion de son jeu qu’il ne peut lui
offrir en propre33. C’est avantageux pour le producteur du jeu car son jeu touche à
moindre coût une autre cible qui préfère acheter en bundle, par exemple. C’est
avantageux pour la plateforme d’origine (Steam) qui propose le lien car elle développe
son audience à moindre coût en se rémunérant sur la vente de services par
l’intermédiaire du code et par un pourcentage sur les ventes tout en accédant à une
audience qui ne viendrait pas naturellement sur son site34. C’est également intéressant
pour la plateforme affiliée Humble Bundle qui récupère un pourcentage sur la vente.
Certaines plateformes proposent aussi le jeu sans DRM et le même jeu via Steam
légèrement plus cher mais avec des protections et des services, ce qui laisse le choix au
consommateur. Il y a deux cas possibles : soit le producteur du jeu achète les codes pour
placer son jeu sur des plateformes qui n’offrent pas de services, soit la plateforme
achète ces codes et les propose aux producteurs de jeux qui viennent sur sa plateforme.
39 Un autre cas est celui d’Amazon.com qui ne distribue des jeux en ligne que par des
codes d’activation, ce qui lui permet d’être « multi-enseignes » (Steam, Origin, Uplay,
PSStore, XboxLive). Au final, cela permet aux places de marché leader et aux
développeurs de vendre plus de jeux (avec une marge un peu moindre) mais avec des
offres différenciées pour le même jeu (le jeu est vendu seul sur un site, il est loué à

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l’unité sur un autre, il est loué en bouquet sur un autre, etc.) et donc de toucher en
même temps des cibles différentes.
40 La seconde forme d’affiliation s’opère entre les principales plateformes leader sur un même
marché. Par exemple, Ubisoft vend son jeu sur sa plateforme Uplay mais aussi sur Origin
et sur Steam. C’est un moyen indirect pour la plateforme de récupérer une audience en
espérant qu’elle reviendra ensuite sur la plateforme de téléchargement du producteur
du jeu. Uplay et Origin ont aussi échangé des codes sur leurs franchises respectives
comme moyens de faire de la publicité « réciproque » pour leurs plateformes.
41 La troisième forme d’affiliation s’opère entre une plateforme de distribution sur une console
et une plateforme sur PC. Un exemple est l’affiliation d’un jeu Steam sur une console afin
de permettre aux communautés des deux types d’hardware (consoles et PC) de pouvoir
jouer ensemble à un jeu multijoueurs. C’est donc un moyen de fusionner des
communautés verrouillées sur leur hardware. Microsoft avec Windows 10 cherche aussi
à mettre en réseau sa communauté PC et sa communauté Xbox. Dans cette forme
d’affiliation, le coût pour le producteur va au-delà du code d’activation, car il faut
connecter physiquement les deux communautés à un même serveur spécifique et
développer le logiciel de jeu pour qu’il permette cette interaction cross-media.
42 Nous voyons que les liens d’affiliation sont présents entre toutes les plateformes sauf
sur Appstore qui interdit explicitement la vente d’applications en dehors de sa
plateforme. Selon la nature des acteurs, les objectifs visés par les liens d’affiliation sont
différents mais visent tous in fine à élargir le marché potentiel. Cette notion de
plateforme affiliée à une autre plateforme est très inattendue, car elle est inexistante
dans la théorie. En favorisant le cross-platform, elle contribue de plus à brouiller les
modèles des plateformes vus précédemment.

3.2.2. L’engorgement des jeux indies sur toutes les plateformes et la recherche de
solutions par les plateformes pour minimiser les effets de réseaux croisés
négatifs

43 Les petits jeux indépendants sont de plus en plus valorisés par les plateformes de
distribution pour différentes raisons. En premier lieu, ils sont potentiellement les
grands jeux de demain. Par exemple, parmi les jeux les plus populaires de ces dernières
années, nous pouvons citer DotA, Minecraft, Candy Crush ou League of Legends qui ont
tous été créés par de petits développeurs nouveaux entrants. En second lieu, attirer ces
nouveaux développeurs peut faire partie de la stratégie de croissance de l’éditeur.
Valve a ainsi construit ses franchises comme DotA ou Counter-Strike à partir de jeux
indépendants. En troisième lieu, pour les consoles, ces jeux indépendants sont un
moyen d’avoir une offre en ligne accessible économiquement compte tenu des
contraintes économiques et techniques qu’elles subissent actuellement sur les grandes
franchises. Enfin, ces petits jeux indépendants permettent d’élargir la variété de l’offre
en contribuant à la longue traîne de l’offre de la plateforme de distribution.
44 En conséquence, toutes les plateformes se font concurrence pour attirer les petits jeux
indépendants en abaissant régulièrement les barrières à l’entrée, en allégeant les
conditions d’accès et en augmentant l’offre de services qui leur est dédiée. Même sur
les plateformes mobiles et sur Facebook réputés faciles d’accès, les barrières à l’entrée
diminuent : Apple simplifie son langage de programmation pour le rendre plus
accessible (Swift) et propose de nouveaux outils pour tester les prototypes des

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applications, des architectures logicielles toutes prêtes (frameworks) ou des


technologies diverses pour gérer l’interface graphique (comme Metal). Google met des
tutoriels, des outils à disposition (android studio) et organise des chats tous les jeudis
soir. Les consoles (Xbox One, PS4 et WiiU) ouvrent des sections d’autoédition sur leur
boutique en ligne35 avec des conditions allégées, des outils gratuits et des procédures de
soumission raccourcies à une semaine36.
45 Mais toutes ces mesures incitatives ont été victimes de leur succès : elles ont engendré
une entrée massive des jeux indépendants débouchant sur une situation
d’engorgement sur toutes les plateformes37. Les plateformes Steam et Appstore, par
exemple, sont saturées de nouveaux jeux qui n’arrivent pas à être visibles au-delà des
cinq jeux stars les plus téléchargés qui apparaissent toujours sur la page d’accueil.
Comme le système de recherche de jeux est souvent fonction des téléchargements et
non de la qualité des jeux, cela biaise les classements et donc réduit l’intérêt des
joueurs. Le risque est donc de générer des effets de réseaux croisés négatifs qui
poussent les petits développeurs à baisser leur prix pour vendre à tout prix sans pour
autant être plus visibles en même temps que les joueurs se lassent de se voir proposer
toujours les mêmes jeux les plus téléchargés.
46 Les consoles subissent aussi ce phénomène : des milliers de jeux indépendants de
qualité très hétérogène sont venus sur la Xbox Live Indies Games (l’ancêtre de Xbox
Games Store) avec peu de chance de les rentabiliser. Nous pensons que ce phénomène
d’engorgement peut aussi expliquer l’émergence des plateformes suiveuses de
distribution et leur développement dans les petits jeux indépendants.
47 Les plateformes leaders réagissent en mettant en place de nouvelles procédures de
sélection et de gestion de leur plateforme pour faire face au flot de nouvelles
soumissions, mais également en développant des outils et des offres commerciales pour
que les jeux gagnent en visibilité. Par exemple, Microsoft favorise l’entrée des jeux
indépendants qui mettent en avant les propriétés de sa console avec une première
sélection par les petits développeurs indépendants déjà présents sur la console pour
juger la qualité technique du jeu. Sony sélectionne davantage à l’entrée en
encourageant les projets artistiques innovants. Steam a introduit Greenlight en 2012
pour sélectionner les jeux indépendants38. Il s’agit d’un processus qui organise
l’élection des jeux candidats à l’inscription au catalogue officiel permanent de Steam
avec une logique ouverte : ce sont les joueurs qui votent pour leur contenu préféré, ce
qui active en même temps les effets de réseaux croisés. L’avantage est la valorisation de
la communauté des joueurs en amont de la vente mais aussi pour les développeurs
d’avoir des retours et de minimiser le risque d’échec commercial. La soumission coûte
100 dollars, quel que soit le nombre de jeux soumis pour éviter les abus potentiels. Ils
sont reversés à une association caritative pour les enfants. Il est aussi possible de
soumettre des concepts de jeux gratuitement pour en estimer l’intérêt potentiel
(soumission dite en pré-alpha). Une fois les jeux sélectionnés, Steam aide gratuitement
son développeur à déterminer le prix ainsi que son développement marketing. Il est
possible de soumettre directement un jeu à Steam si le développeur a déjà un jeu en
vente sur Steam ou si le jeu a gagné des récompenses (prix, concours...).
48 Une fois les jeux admis sur les plateformes, celles-ci proposent des offres commerciales
diverses : promouvoir les jeux sur les réseaux sociaux et sur le blog de la PS4 avec une
section spéciale pour les jeux indépendants, changement hebdomadaire des titres sur la
page d’accueil des plateformes avec des promotions pour une durée limitée (l’effet

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volume compense largement l’effet prix dans la vente en ligne de jeux vidéo). Steam et
Apple ont aussi récemment modifié le système de référencement des titres et la mise en
avant des nouveaux jeux. Par exemple, Steam a créé des pages dédiées aux jeux qui
valorisent les meilleurs contenus créés par les joueurs et d’autres informations sur le
jeu (ce qui renforce les effets de réseaux croisés). L’Appstore a modifié les algorithmes
de classement qui intègrent maintenant aussi les désinstallations et les utilisateurs
actifs pour supprimer les pratiques visant à manipuler les classements 39. Depuis
juin 2015, Apple donne aussi plus de poids aux jeux dits « de référence » au-delà des
jeux gratuits avec un nouveau référencement : « Gorgeous Games », « Fantastic
Sounds », and « Big Screen, Big Fun », « Pay Once & Play ». Apple a lancé en
septembre 2015 un compte Twitter animé par les éditeurs de la boutique virtuelle, qui
permet des échanges joueurs/développeurs en rapport avec les jeux disponibles. Ce
compte propose également de manière régulière des aperçus vidéo, des astuces, des
défis, ainsi que des présentations des meilleurs joueurs du moment. En 2016, Apple va
introduire un système de classement des applications payant sur le modèle du moteur
de recherche de Google.
49 Toutes ces mesures montrent bien l’intérêt pour les plateformes de valoriser les petits
jeux indépendants au-delà des jeux superstars.

4. Conclusion globale
50 Cette étude a permis d’étendre la théorie économique des plateformes à un nouveau
secteur, la distribution en ligne des jeux vidéo, afin d’en retirer une meilleure
compréhension de ses stratégies et de ses enjeux concurrentiels. Même si les
plateformes apparaissent comme le modèle dominant à l’ère de l’Internet haut débit,
elles revêtent, dans le secteur de la distribution dématérialisée des jeux vidéo, des
modèles organisationnels et des logiques économiques différentes que notre analyse a
tenté d’expliquer à l’aide de la théorie économique des plateformes. Nous avons pu en
particulier préciser le rôle et l’influence des variables de la théorie économique des
plateformes telles que les effets de réseaux croisés, les asymétries tarifaires, l’attraction
séquentielle des versants au lancement de la plateforme ou encore la théorie de
« l’enveloppement » pour se développer. Toutefois, nous avons montré que le secteur
de la distribution en ligne des jeux vidéo se démarque aussi de la théorie. Notre analyse
a permis de mettre en avant l’influence des actifs technologiques sources de propriété
intellectuelle (hardware, logiciel, jeux) et de leurs caractéristiques (propriétaire, dédié
aux jeux vidéo) sur l’orientation des comportements stratégiques. Nous avons donc pu
expliquer comment des plateformes aux modèles identiques (en particulier, les places
de marché) suivent des stratégies de développement différentes. Plus précisément, la
spécificité de l’organisation industrielle de la distribution en ligne de jeux vidéo est que
le modèle de plateforme retenu apparaît comme une variable qui soutient et qui est en
cohérence avec l’orientation stratégique technologique.
51 La nature de la concurrence entre ces plateformes de distribution est très singulière : la
concurrence a lieu en amont au moment de l’achat du hardware (pour les hardwares ou
OS propriétaires) ou du choix de la franchise en exclusivité (pour Uplay, Origin,
Battle.net, Steam). Par contre, nous avons vu que les plateformes ouvertes à plusieurs
éditeurs sont en concurrence directe sur le segment des petits jeux indépendants.
Finalement, la concurrence est plutôt cloisonnée et monopolistique sur chaque

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plateformes technologiques (PC/Mac, consoles, mobiles/tablettes) avec des


consommateurs qui peuvent être sur plusieurs plateformes en fonction de leurs usages.
Mais la concurrence est vive sur le versant des producteurs. Sur la plateforme PC/Mac,
nous observons un double niveau de concurrence sur le versant consommateur : une
concurrence monopolistique entre les plateformes des majors (les producteurs) des jeux
vidéo qui ont chacun des actifs uniques avec leurs franchises en exclusivité. Et en
parallèle de ce groupe dominant, il existe une frange concurrentielle qui rassemble les
petits distributeurs purs qui survivent sur des segments de niche sur la longue traîne.
Ces segments sont moins rentables mais nous avons vu qu’ils servent aussi à élargir la
diffusion des grandes franchises à une population qui ne va pas directement sur les
grandes plateformes de distribution des jeux vidéo. Ils permettent donc d’élargir la
diffusion des jeux, ce qui devrait augmenter le surplus collectif.
52 Nous avons montré que toutes les plateformes cherchent à maximiser leur audience en
s’appuyant sur des stratégies différentes (des stratégies de maximisation et de
pérennisation des effets de réseaux sur des marchés à un ou deux versants, des
stratégies de valorisation d’un actif propriétaire par la distribution de jeux vidéo, des
stratégies de suiveur avec des business model innovants). Certaines plateformes comme
Steam ou les plateformes de distribution sur les consoles développent en plus leur
réseau de distribution virtuellement en ayant recours à des stratégies d’affiliation dite de
cross-platform. Ces stratégies d’affiliation soulèvent des questions qui pourraient faire
l’objet de recherches ultérieures : est-ce que l’affiliation intensifie ou atténue la
concurrence entre les plateformes ? Y a-t-il vraiment concurrence ? Quelle est la nature
de la concurrence dans un réseau de plateformes de distribution affiliées sachant que
ces relations sont gagnant-gagnant ? Quel en est l’impact sur les effets de réseaux
croisés ? Quel est le surplus global et comment se répartit-il en situation d’affiliation ?
Quel est l’impact sur l’équilibre de la plateforme d’avoir des modalités concurrentielles
différentes sur ses deux versants ?

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NOTES
1.
B. Cashman, « 2014 in Video Games: The Year of Digital Acceptance », 3 janvier 2014, http://
www.gamasutra.com/blogs/BryanCashman/
20140103/207997/2014_in_Video_Games_The_Year_of_Digital_Acceptance.php
2. Nous considérons la distribution numérique comme la vente par téléchargement directement
depuis un site en ligne (et non la vente de jeux en boîte sur Internet).
3. Source : Superdata Research & Statista http://www.statista.com/statistics/190225/digital-and-
physical-game-sales-in-the-us-since-2009/
4. Source : www.superdataresearch/co
5. Une revue de la littérature complète est proposée par Lee (2012) et Davidovici-Nora et
Bourreau (2012).
6. À la différence des grands studios de jeux indépendants comme Activision ou Ubisoft, les
« indies » sont des petits développeurs indépendants (qui souvent se lancent).

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7. Nous plaçons GOG avec les éditeurs de jeux même s’il s’agit d’un acteur secondaire car il
réédite des jeux rétro.
8. Nous ne retenons pas Amazon Android Store qui vend surtout des livres numériques pour sa
tablette Kindle mais Amazon.com qui offre des bons d’achat pour les plateformes et depuis 2013
des codes d’activation de jeux sur ces mêmes plateformes.
9. Sur les iPhones, Apple interdit explicitement la vente d’applications en dehors de son Appstore
(par Safari par exemple) contrairement à Google qui autorise des ventes d’applications en dehors
de Google Play.
10. Par exemple sur Appstore, GooglePlay Store, Facebook, Xbox Games Store, PS Store, Nintendo
e-Shop.
11. « Software Development Kit » qui permet d’insérer des développements logiciels sur une
plateforme ou un jeu.
12. C’est le cas d’Amazon qui revend des codes d’activation des jeux, par exemple.
13. Le lancement début octobre 2016 de téléphones mobiles Pixel par Google rapproche
maintenant sa stratégie de celle d’Apple (voir « Goodbye, Nexus! Hello, Pixel Phones: Android 7
Nougat, Google Assistant & Daydream », http://www.knowyourmobile.com/mobile-phones/
android-n/23656/google-pixel-phone-launching-october-4-death-googles-nexus-brand
(5 octobre 2016).
14. Amazon comme plateforme de ventes de produits culturels est considéré comme une
plateforme revendeur (Hagiu et Wright, 2015b).
15. Bien que Google vienne de se lancer dans la production de smartphones, le lancement de sa
plateforme de distribution d’applications en ligne s’est fait avant et donc nous considérons son
positionnement stratégique dans la distribution en ligne comme n’étant pas impacté.
16. Par exemple, en achetant le dernier film de Blizzard, le joueur obtient des récompenses
cosmétiques pour les jeux Blizzard (mascottes, etc.).
17. « Ubisoft lance Ubisoft Club : service de récompenses parallèle à Uplay », 20 octobre 2015,
http://www.generation-nt.com/ubisoft-club-video-trailer-service-recompenses-uplay-
actualite-1920666.html (consulté le 5 janvier 2016).
18. C. Chapple, « Steam revenues hit $1.5bn in 2014, report claims », 27 juin 2015, http://
www.mcvuk.com/news/read/steam-revenues-hit-1-5bn-in-2014-report-claims/0153211
(consulté le 29 janvier 2016).
19. Usine Nouvelle (2015), « Unreal, Unity, Valve : trois moteurs de jeux vidéo, trois business
models », 5 mars 2015, http://www.usine-digitale.fr/editorial/unreal-unity-valve-trois-moteurs-
de-jeux-video-trois-business-models.N317270 (consulté le 15 juin 2015).
20. Source : www.origin.com (consulté le 2 juin 2016).
21. Eurogamer, « Sony explains PS4 digital game pricing », 28 novembre 2013, http://
www.eurogamer.net/articles/2013-11-28-sony-explains-ps4-digital-game-pricing (consulté le
5 juin 2016).
22. M. Rose, « How self-publishing on PlayStation has evolved in the last year, 8 juillet 2014,
http://www.gamasutra.com (consulté le 18 janvier 2016).
23. Source : http://www.apple.com/iphone/enterprise
24. Source : www.statista.com/statistics/276623/numlber-of-apps-available-in-leading-appstores
25. Pour plus d’explications, voir Lee (2012) et Davidovici-Nora et Bourreau (2012).
26. Une étude récente (sondage IDC de 2014) présente les 10 critères de choix du consommateur
lors de l’achat de son smartphone. Les jeux ne font pas partie des critères mais plutôt les
variables liées à la qualité de la plateforme hardware : autonomie, taille de l’écran, simplicité
d’utilisation, résolution de l’appareil photo (« L’autonomie, principal critère d’achat d’un
smartphone », Le Parisien, 14 mai 2014, http://www.leparisien.fr). Un sondage réalisé par Clubic
publié en mai 2014 montre que le choix d’une tablette se fait selon les mêmes critères
(autonomie, prix, taille ou résolution de l’écran).

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27. Les jeux demeurent la catégorie qui génère le plus de revenus (75 % pour iOS App Store)
source : http://fr.blog.appannie.com/app-annie-2015-retrospective-revenue-trends/
#sthash.eOzXKWbg.dpuf En novembre 2015, l’Appstore contenait presque 1,5 million
d’applications, dont 327 025 jeux. Les jeux représentent environ 22 % des applications, suivis par
les applications pour l’éducation (10 %) et par les applications pour le business (9,5 %) source :
http://www.statista.com/statistics/263795/number-of-available-apps-in-the-apple-app-store/
Pour information, le chiffre d’affaires de Nintendo sur la partie jeux en 2014 s’élevait à
2,4 milliards de dollars.
28. B. Sinclair, « Apple will allow subscriptions for games », 8 juin 2016, http://
www.gamesindustry.biz/articles/2016-06-08-apple-will-allow-subscriptions-for-games (consulté
le 15 juin 2016).
29. Selon une étude publiée dans le Wall Street Journal début 2015, Google Play Store aurait
enregistré 70 % de téléchargements de plus que l’AppStore durant le premier semestre de
l’année. En revanche, les revenus d’Apple sont supérieurs de 70 % à ceux de Google.
30. J. Gaudiosi, « Facebook Exec Explains Why More Game Companies Are Going ‘Live’ », 6 juin
2016, http://www.alistdaily.com/social/facebook-exec-explains-game-companies-going-live/
(consulté le 15 juin 2016).
31. D. Cowan, « Origin Bundle is the biggest seller in Humble Bundle’s history », 23 août 2013,
http://www.engadget.com/2013/08/23/origin-bundle-is-the-biggest-seller-in-humble-bundles-
history/
32. L. Doucet, « The Stegosaurus Tail: when “The Long Tail” grows spikes », 16 décembre 2013,
http://www.gamasutra.com/blogs/LarsDoucet/20131216/206916/The_Stegosaurus_
Tail_when_quotThe_Long_Tailquot_grows_spikes.php (consulté le 7 juin 2016).
33. Par exemple, il peut tout de même accéder aux services de Steam tel Steamworks qui propose
ses services de sécurisation du compte, le téléchargement de mises à jour ou la sauvegarde de
données sur le cloud.
34. Nous remarquons que les prix des jeux Ubisoft sont les mêmes sur Uplay et sur GamersGate.
Nous en déduisons que la marge des jeux d’Ubisoft est inférieure sur les plateformes affiliées.
35. T. Smith, « Indie developers and the future of game consoles », 12 juin 2013, https://
www.gameacademy.com/indie-developers-submitting-games-to-consoles/
36. P. Suddaby, « Making Indie Games on the Xbox One », 22 novembre 2013, http://
gamedevelopment.tutsplus.com/articles/making-indie-games-on-the-xbox-one-gamedev-13415
37. « La distribution numérique de jeux rassemble trop de titres pour peu de visibilité », Le
Monde, 9 janvier 2014, http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/01/08/la-distribution-
numerique-de-jeux-rassemble-trop-de-titres-pour-peu-de-visibilite_4344205_651865.html
(consulté le 6 juillet 2016).
38. Sur Steam Greenlight, nous avons comptabilisé 7905 jeux disponibles (le 4 janvier 2016).
39. Des éditeurs avaient recours à des mécanismes incitant artificiellement les utilisateurs à
télécharger leurs applications (en les rémunérant) pour doper leur position dans les classements
et gagner ainsi en notoriété et en visibilité.

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RÉSUMÉS
Aujourd’hui, la distribution en ligne des jeux vidéo devient le mode dominant de distribution.
Nous observons une multitude d’acteurs sur différents segments qui ont adopté des modèles de
distribution variés. Nous cherchons à expliquer ces positionnements en confrontant les
observations empiriques aux éléments d’analyse de la théorie économique des plateformes. Nous
observons que les choix technologiques (être producteur de hardware ou de logiciels, être
propriétaire de ces ressources technologiques, avoir des ressources technologiques dédiées aux
jeux vidéo ou généralistes) et le degré d’intégration verticale influencent les stratégies de
développement suivies par les principales plateformes et expliquent les différences en termes de
création et développement des effets de réseaux directs et croisés. Notre recherche permet donc
de comprendre le développement et l’évolution de la distribution en ligne des jeux vidéo tout en
relevant les principaux enjeux concurrentiels actuels.

Online video games distribution on platforms is today the dominant mode of distribution. In this
paper we apply the platform economic theory to the digital video game distribution platforms to
understand the current organizational and competitive challenges of this industry raised by
digitalization and the variety of strategies of the main platforms. We find that technological
choices (production of hardware and software resources, ownership or not of these resources
and whether or not resources are dedicated to video games) and vertical integration organization
are key factors for understanding the development strategies of these platforms and the ways
they create and grow direct and crossed network effects. Our paper also contributes to the
understanding of the birth and growth of the digital distribution of video games as well as its
main current issues.

INDEX
Keywords : Digital Platforms, Multisided Markets, Network Effects, Video Games, Distribution
Mots-clés : plateformes numériques, marchés bifaces, effets de réseaux, jeux vidéo, distribution

AUTEUR
MYRIAM DAVIDOVICI-NORA
SES-I3, CNRS, Télécom-ParisTech, Université Paris-Saclay, E-mail : myriam.davidovici@telecom-
paristech.fr

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L’évolution des modèles d’affaires


dans les industries créatives :
l’exemple de la presse en ligne
en France (2004-2014)
Evolution of the Business Models in Creative Industries: A Study of the French
Online Press

Inna Lyubareva et Fabrice Rochelandet

Les auteurs adressent leurs remerciements les plus chaleureux à tous les collègues qui les ont
aidés à réaliser ce travail : Sébastien Bigaret, Godefroy Denormandie, Jean-Michel Etienne,
Vincent Faron, Colas Hillion, Grazia Cecere et Fabrice Le Guel. Nous remercions également tous
les participants de l’École d’été d’économie numérique (3EN) et le Labex ICCA pour leur soutien.

1. Introduction
1 La diffusion massive des technologies numériques et de leurs usages contribue à la
transformation contemporaine de nombre d’activités économiques et sociales. Depuis
le milieu des années 2000, la deuxième génération du Web (les services de réseautage
social, les contenus produits par les individus…) a favorisé l’émergence d’innovations
radicales en matière de plateformes et de services en ligne. Parmi les premières
activités affectées par ces évolutions figurent les industries culturelles et de la
communication, en raison notamment de certaines pratiques culturelles comme le
partage illégal de fichiers, les commentaires en ligne et les recommandations entre
internautes, ainsi que l’apparition de nouveaux modèles d’affaires. L’industrie de la
presse est pleinement touchée par ce nouvel environnement dynamique. Les
entreprises cherchent à bénéficier des nouvelles opportunités en matière d’interactions
sociales avec leur lectorat, de sources inédites de revenus, etc. En même temps, elles
doivent faire face à de nouvelles formes de concurrence exercées par les monopoles de
l’Internet, les agrégateurs de contenus et les infomédiaires qui redéfinissent les

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frontières des marchés traditionnels et les caractéristiques des biens médiatiques. La


diversité grandissante des formes organisationnelles dans les industries de contenus
numériques se nourrit de la variété croissante de ces différentes mutations (Dagiral et
Parasie, 2010 ; Attias, 2007).
2 Un certain nombre de travaux se sont penchés sur les transformations de l’industrie de
la presse. Ont notamment été étudiés l’expérimentation de nouveaux modèles de
revenus et la profitabilité des sites de presse en ligne (Chyi, 2005, Mings et White,
2000) ; l’impact des paywalls face à l’échec des modèles payants et les baisses de revenus
publicitaires (Arrese, 2015 ; Pickard et William, 2014 ; Estok, 2011) ; l’évolution des
modèles d’affaires traditionnels dans l’industrie de la presse à l’ère numérique (Sonnac,
2009) ; le rôle de l’apprentissage organisationnel dans l’adaptation des modèles
d’affaires des journaux face à des innovations de rupture (Günzel et Holm, 2013) ; et la
relation entre les modèles socioéconomiques de l’information en ligne et le pluralisme
des médias (Rebillard, 2012 ; Sonnac, 2009). Bien que, dans les industries créatives,
l’innovation en matière de modèles d’affaires soit devenue un facteur déterminant de
leur évolution (Amit et Zott, 2012 ; Chesbrough, 2010), la dynamique des modèles
d’affaires dans ce domaine et ses déterminants n’ont pas fait l’objet de recherches
spécifiques. Or, appréhender l’aspect dynamique de ce type d’innovations nous semble
d’autant plus pertinent qu’elles touchent simultanément plusieurs éléments qui
peuvent concerner non seulement l’innovation de produit ou de service (la proposition
de valeur), mais également le modèle de revenu et d’investissement, la stratégie de
tarification, la coordination avec des partenaires extérieurs, la capacité à organiser les
relations de travail en interne et à mobiliser des ressources externes, etc.
3 Notre étude propose de combler cette lacune par une analyse dynamique de
l’émergence et de l’évolution des modèles d’affaires depuis 2004. Cette étude fait suite
au travail de Benghozi et Lyubareva (2014) qui identifient des catégories générales de
modèles d’affaires dans la presse en ligne en s’appuyant sur des approches
économiques et sociologiques.
4 Nous analysons précisément l’évolution des modèles d’affaires dans la presse en ligne
en France de 2004 à 2014. Durant cette période, de nombreux événements et de
multiples transformations ont fait évoluer les stratégies d’affaires des acteurs les
faisant évoluer progressivement de la presse écrite à l’information en ligne (Rebillard,
2012). Outre la création de nouveaux services et de fonctionnalités inédites suite à
l’apparition des outils du Web 2.0 à partir de 2004, on peut mentionner l’entrée sur le
marché de l’information des pure players autour de 2007-2008 ; les effets négatifs de la
crise de 2008 sur la profitabilité des journaux et magazines (notamment à travers le
tassement des revenus publicitaires en provenance des annonceurs) ; la réforme en
2009 de la loi française sur le statut d’éditeur d’informations ; et finalement l’utilisation
massive de terminaux mobiles comme les smartphones et les tablettes pour accéder à
l’information.
5 Dans ce contexte, il semble essentiel d’analyser la structure des évolutions en cours
pour comprendre la nature de ces transformations. Notre analyse s’appuie sur une base
de données originale constituée d’informations collectées durant l’automne 2014 et
portant sur les modèles d’affaires numériques d’un échantillon représentatif de
100 sites d’information en ligne en France. Il inclut un large spectre d’entreprises allant
du quotidien Le Figaro (presse quotidienne nationale) à La Dordogne Libre (presse
quotidienne régionale) en passant par Rue89 ( pure player) et Les Inrocks (presse

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magazine). Notre étude empirique montre que, malgré une grande disparité des formes
économiques, la dynamique d’évolution globale se caractérise par un processus
isomorphique, c’est-à-dire une réduction de la variété des modèles d’affaires qui
caractérisent l’activité de la presse en ligne. On observe ainsi une convergence en
matière de caractéristiques de ces modèles d’affaires vers un petit nombre
d’architectures dominantes (dominant designs). Plus précisément, ce processus de
changement aboutit à l’émergence et la structuration de trois catégories dominantes de
modèles d’affaires dans la presse en France : les « numériques a minima », les « pure
players » et les « leaders explorateurs ». Selon la littérature économique et
sociologique, un tel phénomène de convergence, observé dans certains secteurs
d’activité, est le résultat de conditions spécifiques de l’environnement institutionnel et
économique aboutissant souvent à des comportements d’imitation des entreprises
autour d’un nombre réduit de modèles organisationnels. Nous suggérons que cette
propension structurelle à l’isomorphisme institutionnel touche d’autant plus l’industrie
de la presse en France que les entreprises font face à une forte incertitude s’agissant de
la profitabilité de leurs stratégies numériques et de leur dépendance à l’égard de la
publicité en ligne.
6 La suite de notre article est organisée de la manière suivante. La deuxième section
consiste en une revue de littérature. La troisième section présente le contexte du
secteur de la presse et nos hypothèses. La quatrième section détaille notre méthode, en
particulier en proposant une définition du concept de modèle d’affaires parmi celles
utilisées dans la littérature et en détaillant les variables utilisées pour mettre en
évidence ces modèles. La cinquième section présente nos principaux résultats. Enfin la
dernière conclut en présentant les perspectives de recherche envisagées à partir des
résultats de la présente étude.

2. Revue de la littérature
7 Dans ce papier, nous mobilisons principalement deux champs de littérature. Le premier
regroupe des travaux en économie industrielle abordant la question de l’évolution des
industries et des marchés à travers les concepts de standard et de design dominant
(Katz et Shapiro, 1985 ; Arthur, 1989 ; Utterback et Abernathy, 1975 ; Klepper, 1996).
Toutefois, si ces travaux peuvent reconnaître l’importance des facteurs non
économiques, en particulier les spécificités de l’environnement institutionnel, ils
considèrent le processus d’évolution lui-même comme une boîte noire (Lee et al., 1995).
Un second type de travaux relevant de la sociologie économique traite plus
précisément de cet aspect à partir du concept d’isomorphisme développé dans le travail
fondateur de DiMaggio et Powell (1983).

2.1. Le processus de convergence industrielle et les designs


dominants

8 Les concepts de standards et de designs dominants renvoient à l’idée de cycle de vie des
produits et des industries. Au tout début de la phase d’émergence, des innovations de
rupture créent de l’incertitude (technologique, marchande…) en générant une diversité
de produits, services et standards concurrents. Les avancées technologiques sont à
l’origine d’une forme de rivalité entre les architectures alternatives qui en découlent,

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initiant ainsi une période de variations et de mutations des caractéristiques des


nouveaux produits, services, procédés, façons de faire… Ce processus de variation, de
sélection et de conservation aboutit à l’émergence d’un standard dominant le marché.
9 L’idée de design dominant renvoie à un ensemble de caractéristiques techniques et
d’usages autour d’une catégorie de produits qui ont obtenu une acceptation générale de
l’ensemble des acteurs du marché en tant que standard qu’il convient d’adopter pour
obtenir des parts de marché ou éviter d’être exclu du marché (Utterback, 1994 ;
Utterback et Abernathy, 1975). Toutefois, le design qui s’impose in fine n’est pas
toujours celui qui incorpore les meilleures caractéristiques et performances sur le plan
technologique, ergonomique, des usages… Les guerres de standards ont ainsi alimenté
d’importants débats à propos de l’efficience des standards victorieux (David, 1985 ;
Arthur, 1989 ; Liebowitz et Margolis, 1990) et du rôle des effets de réseaux et des coûts
de changement dans le verrouillage des utilisateurs sur des trajectoires d’adoption
inefficientes. En outre, plusieurs standards peuvent coexister et se concurrencer durant
des années sans qu’un produit ou un procédé émerge comme le design dominant
(Schilling, 2002).
10 Le design dominant marque la fin de la phase de variation et de sélection et le début
d’une phase d’innovations plus incrémentales. Cette nouvelle période présente de
nombreux avantages : l’exploitation d’économies d’échelle, la suppression des risques
d’un mauvais choix de standards (cf. les « angry orphans » de Paul David) et le début
d’une concurrence par les prix avec une innovation plus orientée vers les procédés de
production (Farrell et Saloner, 1988). L’apparition d’un design dominant initie
également un processus de shake-out au cours duquel les agents dont les modèles
s’avèrent inadaptés au nouvel environnement de marché ainsi créé sortent du secteur
ou font faillite (Utterback et Suarez, 1993).
11 Pour autant, si cette littérature compare les phases initiale et finale du processus
d’émergence d’un ou plusieurs designs dominants, elle ne s’intéresse pas au processus
lui-même qui demeure une « boîte noire » (Lee et al., 1995). Cette dynamique de
convergence demeure un ensemble complexe, mal connu, d’interactions entre des
facteurs technologiques et non technologiques. Ces transformations s’avèrent d’autant
plus difficiles à analyser que le design dominant n’est pas simplement un produit,
« mais une manière de faire les choses qui se manifeste en faisant des produits […] la
manière singulière de fournir un service ou des fonctions génériques qui ont atteint et
conservé le niveau le plus élevé d’acceptation par le marché pour une période de temps
significative1 » (Lee et al., 1995, p. 6). Dans cette perspective, les modèles d’affaires
peuvent être conçus comme tels : certains modèles liés à la création, l’appropriation et
le partage de la valeur d’un produit ou d’un service finissent par s’imposer.

2.2. Le concept socioéconomique d’isomorphisme

12 Le processus de convergence au sein d’une industrie peut s’expliquer par des facteurs
technologiques : le rythme des innovations dans une industrie (le nombre de solutions
alternatives à chaque moment du processus), leur nature (innovations de rupture ou
incrémentales), leur compatibilité et adaptabilité avec les solutions déjà en place sont
autant de facteurs générateurs d’incertitude affectant les choix stratégiques des
acteurs. Cependant, des facteurs non technologiques renforcent également la difficulté
pour les acteurs de prédire le succès d’une innovation, d’un nouveau projet et donc sa

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profitabilité. Les producteurs ne sont généralement pas capables de connaître à


l’avance les préférences et les choix de leurs clients et, en présence d’effets de réseaux,
de la manière dont ces préférences et ces décisions se propagent. Des facteurs
institutionnels comme les pressions politiques (un État peut pousser à l’adoption d’une
solution technologique), les réseaux de pouvoir (des dirigeants peuvent appartenir aux
mêmes cercles ou partager les mêmes valeurs) jouent aussi une influence majeure sur
les choix stratégiques lors du processus d’émergence des designs dominants.
13 Dans de tels environnements marqués par une incertitude très forte – à l’instar des
industries créatives dans lesquelles prévaut la règle du « nobody knows » (Caves,
2000) –, les comportements mimétiques peuvent être une solution visant à réduire les
coûts associés à la prise de décision (Ruckman et al., 2015) et le résultat des normes de
socialisation ou professionnelles (DiMaggio et Powell, 1983).
14 Les travaux en sociologie économique, tout comme ceux mentionnés plus haut en
économie, prédisent une convergence aboutissant à la domination de quelques formes
organisationnelles seulement. Malgré leurs hypothèses respectives en matière de
rationalité – mimétisme rationnel, rationalité limitée… –, ces différentes théories
s’accordent sur le fait que l’incertitude conduit à des comportements d’imitation 2. Pour
autant, pour certains sociologues, le mimétisme peut s’expliquer par des facteurs
autres que la recherche de l’efficience. Selon ces approches, seuls les précurseurs
(premiers adoptants d’une technologie par exemple) peuvent être motivés par le désir
d’améliorer leurs performances. Mais la majorité des acteurs choisissent d’imiter ces
agents précurseurs et leurs suiveurs, même lorsqu’ils sont incapables d’identifier et de
calculer les bénéfices inhérents à l’imitation. Lorsqu’une masse critique de précurseurs
ayant adopté une solution (un comportement, une technologie, etc.) est atteinte, les
entreprises suivantes décident de les imiter car la nouvelle forme organisationnelle, la
nouvelle méthode de management ou le nouveau produit est considéré comme légitimé
dans leur industrie, même si la relation entre les bénéfices et la décision d’imitation est
vague. Une forme de convention sociale, de compromis collectif se met ainsi en place
(Meyer et Rowan, 1977).
15 Les auteurs désignent ce processus comme un « isomorphisme institutionnel ». Dans ce
cadre, il s’agit d’un « processus contraignant qui pousse une unité dans une population
à ressembler aux autres unités qui ont à faire face au même ensemble de conditions
environnementales » (DiMaggio et Powell, 1983, p. 149). Lors des premières phases de
son cycle de vie, n’importe quelle « forme reconnue de vie institutionnelle »
(« recognized area of institutional life ») dans laquelle des services ou des produits
similaires sont créés – un marché, un secteur, un réseau social… – génère une large
diversité de stratégies d’affaires, d’approches innovantes, de structures
organisationnelles, etc. Mais « une fois qu’un champ s’avère bien établi, se met en place
un processus inexorable tendant vers une homogénéisation »3, à savoir une réduction
de la variation et la diversité des formes organisationnelles (DiMaggio et Powell, 1983,
p. 148).
16 Pour ces deux auteurs, certains secteurs économiques sont plus propices à de tels
processus d’homogénéisation. Afin de les identifier, ils proposent six indicateurs
caractérisant un champ organisationnel (un secteur4) et permettant de prédire un
changement isomorphique.
1. La dépendance du champ par rapport à l’accès à une ou plusieurs ressources jugées
essentielles : « La centralisation des ressources dans un champ engendre directement une

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homogénéisation en soumettant les organisations à des pressions similaires de la part des


fournisseurs de ces ressources tout en interagissant avec l’incertitude et l’ambiguïté des
objectifs pour accentuer leur impact5. »
2. La dépendance du champ envers l’État : « Plus l’intensité des transactions entre les
organisations dans un champ et les administrations publiques est forte, plus le degré
d’isomorphisme est élevé… [en raison de] la limitation par les règles et la rationalité
formelle, ainsi que l’attachement des acteurs gouvernementaux aux règles
institutionnelles6. »
3. Le nombre limité de modèles organisationnels alternatifs possibles : « Pour chaque
dimension clé des stratégies ou des structures organisationnelles dans un champ, il existe un
seuil ou un point critique au-delà duquel l’adoption d’une forme dominante aura lieu
beaucoup plus rapidement7. »
4. L’incertitude technologique et l’ambiguïté des objectifs : « Dans des champs caractérisés par
un degré élevé d’incertitude, les nouveaux entrants, qui pourraient servir de sources
d’innovation et de variation, vont chercher à surmonter le poids de la nouveauté en imitant
les pratiques établies dans ce champ8. »
5. La structuration et la concentration du champ organisationnel : « Les champs qui ont des
centres, des périphéries et des systèmes de statuts et de rôles stables et largement reconnus
ont tendance à s’homogénéiser à la fois à cause de la standardisation des normes de
diffusion des nouveaux modèles et en raison de la densité des interactions entre les
organisations dans le champ9. »
6. Le degré de professionnalisation du champ organisationnel : cela s’explique notamment par
les normes et les modèles d’éducation et d’apprentissage, notamment servant à définir les
méthodes de travail, ainsi que le processus de socialisation des dirigeants et des salariés
(réseaux professionnels, associations de métiers) sous-jacents aux programmes de
professionnalisation et par lesquels s’opère la diffusion des formes organisationnelles.

17 De nombreuses études empiriques ont été menées pour identifier les prédicteurs de
l’isomorphisme et tester les différentes hypothèses inhérentes en matière de ce
phénomène (voir par exemple Lieberman et Asaba, 2006). Dans la section suivante, nous
montrons que ces prédicteurs s’appliquent aussi au cas de la presse en France.

3. Secteur de la presse et hypothèses de l’analyse


18 L’impact de l’Internet sur le secteur de la presse est plus profond que la simple
dématérialisation et le changement des formes de monétisation (Attias, 2007). La
notion d’exemplaire disparaît avec la presse électronique ; les investissements requis
pour imprimer le titre sont remplacés par les investissements en solutions logicielles et
en personnel qualifié pour l’édition en ligne ; le rythme d’actualisation est
extrêmement élevé ; les procédures hiérarchiques de relecture et de vérification du
contenu par les rédacteurs sont de plus en plus sous le contrôle des journalistes ; une
évolution radicale des pratiques des lecteurs a eu lieu, associée à la variété des supports
et des moyens par lesquels ils accèdent à l’information.
19 L’incertitude environnementale à laquelle sont soumises les entreprises de presse est
d’autant plus forte qu’elles sont confrontées à une baisse de leurs revenus – le chiffre
d’affaires de la presse a ainsi diminué de 4,2 % en 2014 et de 6,5 % en 2013 (source :
DGMIC/ministère de la Culture) – en raison notamment de la baisse des revenus
publicitaires10 venant s’ajouter à une érosion de long terme de leur lectorat qui s’est
accéléré avec l’Internet d’abord (Chyi et Sylvie, 2000), puis avec les réseaux sociaux

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numériques11. Les acteurs de presse ont donc multiplié les innovations et les stratégies
numériques pour tenter d’inverser cette tendance, mais sans réel succès jusqu’à
présent. En France, ces transformations s’ajoutent au contexte global du secteur, en
difficulté depuis longtemps suite à ses caractéristiques structurelles traditionnelles :
une forte dépendance envers les aides de l’État, un réseau de distribution relativement
peu développé par rapport aux autres pays de l’OCDE, une informatisation retardée des
points de vente, ou encore des coûts élevés de distribution et de gestion de stocks
(Tessier et Baffert, 2007).
20 De manière plus générale, le secteur de la presse en France peut être caractérisé à
travers les six prédicteurs mentionnés plus haut. Le tableau 1 résume ce constat.

Tableau 1. Les prédicteurs d’isomorphisme appliqués à la presse en ligne en France

Prédicteurs d’isomorphisme Secteur de la presse en ligne

Poids des revenus publicitaires et des réseaux


Dépendance à une ressource
de distribution

Dépendance envers l’État Poids des aides directes et indirectes

Déclin des modes traditionnels de monétisation


Modèles alternatifs limités
et de distribution des contenus

Rythme rapide de l’innovation avec l’Internet


Incertitude/ambiguïté
et les outils du Web 2.0

Structuration Domination d’une poignée d’acteurs/groupes industriels

Professionnalisation Poids des syndicats et des grandes écoles

1. Au niveau de ses ressources, le secteur de la presse dépend traditionnellement des


annonceurs qui représentent une des trois principales sources de financement. Sur les
7,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires de la presse écrite en 2014, les recettes publicitaires
représentent 27,3 % (contre 35,2 % en 2000 suite au ralentissement de l’activité économique
et du marché publicitaire) ; les ventes au numéro 33 % et les abonnements 33,6 % (source :
DGMIC/ministère de la Culture). Ce secteur dépend également de quelques distributeurs
pour l’acheminement des journaux.
2. Le secteur de la presse bénéficie largement de l’intervention publique sous différentes
formes. Nombre de journaux et périodiques dépendent des financements publics, de
mesures fiscales favorables (TVA réduite par exemple), etc. Par exemple, le fonds
stratégique pour le développement de la presse (FSDP), créé en 2012, a attribué près de
23 millions d’euros pour 117 projets en 2014 pour soutenir les publications de presse et
services de presse en ligne d’information politique et générale, ainsi que les agences de
presse. Il existe par ailleurs d’autres types d’aides, directes et indirectes comme les aides à la
distribution, la compensation du tarif postal, etc. Des titres comme Le Figaro, Aujourd’hui en
France/Aujourd’hui Dimanche et Le Monde et Sud-Ouest figurent ainsi parmi les principaux
bénéficiaires des aides publiques avec respectivement environ 15, 14 et 13 millions d’euros
en 201412 (source : DGMIC/ministère de la Culture).
3. Dans l’industrie traditionnelle, produire le bien de presse implique six fonctions principales :
l’administration, la mise en forme et le maquettage, la rédaction du contenu, l’impression du

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titre et sa distribution. L’insertion des nouvelles technologies – telles que les outils de mise
en page et de correction électroniques, l’offset et la photocomposition, etc. – ont toujours
prédéterminé les formes organisationnelles employées par les éditeurs et rendu possible une
certaine diversification de ces formes. En adoptant une organisation plus ou moins
décentralisée dans la presse traditionnelle, les éditeurs décident de leurs structures de coûts
en choisissant d’externaliser ou pas les fonctions principales comme la rédaction (par
exemple, les journalistes indépendants), l’impression et la diffusion (par exemple, NMPP) et
la vente des espaces publicitaires qui peuvent être confiées aussi à des régies externes.
Malgré une certaine variété des formes organisationnelles, un aspect reste commun :
l’organisation de la presse traditionnelle a toujours reposé sur une agrégation des contenus
et des métiers/activités multiples en un package (par exemple, un journal) et sur une
commercialisation de ce package via les modèles économiques centenaires (entre la presse
gratuite financée entièrement par la publicité et les différents modes de payement), établis à
leur origine et restés inchangés dans leur principe (Mensing, 2007).
4. L’impact des technologies numériques est d’autant plus difficile à mesurer, notamment en
France, que la presse souffre de handicaps structurels spécifiques au niveau de sa
distribution et de sa fabrication. La comparaison avec les pays étrangers est à cet égard
éclatante : la modernisation de la presse française prend du retard et les réformes
structurelles sont sans cesse différées (Tessier & Baffert, 2007). Les technologies sont
marquées par une incertitude forte quant à leur adoption, le succès de leurs applications
auprès du lectorat, la fiabilité et l’exactitude des contenus, la soutenabilité et la viabilité des
formes de rémunération (Benghozi et Lyubareva, 2013). « Chacun a conscience que la presse
(au sens large) qu’il a connue ne reviendra pas et que le processus en cours est bien
l’invention d’un nouveau monde, un nouvel écosystème » (Charon, 2015, p. 12).
5. Le secteur de la presse est traditionnellement très concentré et structuré en grands groupes
qui contrôlent l’industrie (Furhoff, 1973 ; Le Floch et Sonnac, 2013) 13. Selon les formes de
propriété, trois catégories sont distinguées dans la littérature (Badillo et Lesourd, 2010). Les
acteurs les plus puissants sont composés de quelques groupes industriels multimédia qui ont
des positions fortes à la fois dans la télévision, la presse, l’édition et sont intégrés à des
groupes industriels en dehors du domaine des médias (e.g., Lagardère, Bouygues,
Dassault…). En deuxième position se trouvent les acteurs de taille moins importante : les
entreprises familiales ainsi que les entreprises appartenant aux investisseurs indépendants,
les fondations et les communautés religieuses (e.g., La Croix, Ouest-France, La Dépêche du Midi,
etc.). La troisième catégorie est représentée par les acteurs auparavant indépendants, qui
ont ouvert progressivement leur capital (e.g., Le Monde, Libération). Finalement, le paysage
médiatique français comprend des titres indépendants, par exemple Le Canard enchaîné,
Charlie Hebdo, Marianne et autres. Ensemble, ces différentes catégories d’acteurs forment un
système composé d’acteurs centraux et périphériques en matière de pouvoir du marché,
dont les interactions se sont amplifiées par les alliances entre les groupes, les rachats
massifs des titres, et les nouvelles ouvertures des capitaux à des groupes industriels ou à
ceux en voie de constitution.
6. Les associations professionnelles, peu nombreuses et structurées autour de catégories/
segments de marché, jouent un rôle fondamental dans le secteur de la presse.
Dans ces conditions, la proposition que nous cherchons à tester empiriquement est que
l’évolution des modèles d’affaires dans la presse en ligne aboutit à une réduction progressive
dans la diversité des formes organisationnelles mises en place. En raison des facteurs
environnementaux et de l’incertitude forte qui entoure l’adoption de nouveaux outils et
services numériques, les comportements mimétiques sont fort probables et conduisent alors
à la convergence des choix des opérateurs des sites d’information en ligne autour de
quelques modèles. Cette proposition générale nous apparaît d’autant plus probable que ce
secteur subit à la fois l’impact des TIC, un niveau très élevé d’incertitude et des contraintes

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spécifiques comme le retournement du marché publicitaire dont dépende une bonne part
des revenus des acteurs de la presse.

4. TIC et modèles d’affaires de la presse : données,


variables et méthodologie
21 Le rôle central des modèles d’affaires dans les évolutions associées aux TIC et les
stratégies innovantes correspondantes a été relevé assez tôt dans la littérature (Teece,
2010 ; Chesbrough, 2007 ; Benghozi, 2001 ; Mahadevan, 2000) qui en a progressivement
défini et spécifié la dimension stratégique et les caractéristiques (Shafer et al., 2005 ;
Zott et Amit, 2008, Osterwalder et Pigneur, 2010). Malgré certaines différences,
l’ensemble des travaux théoriques sur la définition du concept de modèle d’affaires
converge sur l’importance de trois éléments structuraux : la création, la captation et le
réseau de création de la valeur (Teece, 2010 ; Osterwalder et Pigneur, 2010 ; Shafer et al.,
2005). La « création » et la « captation » correspondent aux fonctions essentielles de
toute organisation et sont le résultat des ressources et du positionnement d’un acteur.
Le « réseau de création », incluant les fournisseurs, les partenaires, les consommateurs
et les canaux de distribution, est l’un des facteurs déterminant ces choix stratégiques,
car il permet d’élargir le champ de compétences d’une organisation.
22 Comme l’affirme le Livre vert publié à l’issue des États Généraux de la Presse (Spitz et
al., 2009), la presse est affectée de nos jours par d’importants facteurs d’incertitude
dont l’un des plus critiques est l’absence d’un modèle économique établi sur l’Internet.
Les travaux précédents (Benghozi et Lyubareva, 2013, 2014) ont mis en lumière la
manière dont les modèles d’affaires de la presse française étaient impactés par les
technologies numériques, selon les trois éléments définis ci-dessus.
23 S’agissant de la structure de l’offre, le numérique permet d’offrir sur le même support
des contenus gratuits et payants. L’offre évolue également en s’appuyant sur la
personnalisation des interfaces et des contenus. Ce faisant, les titres n’offrent plus un
support indivisible – le journal papier – agrégeant de manière unique les contenus
produits. Ils s’ouvrent désormais à de nouveaux services comme la navigation
personnalisée14 et les flux RSS thématiques permettant de proposer aux lecteurs les
contenus adaptés à leurs besoins et leurs goûts individuels. De plus, les lecteurs sont
souvent informés des choix et des intérêts des autres grâce aux dispositifs de
statistique des articles (articles les plus lus, les plus commentés, les plus partagés…).
Leurs pratiques évoluent également en profondeur avec la fréquence de publication en
continu : cette innovation importante amène les lecteurs à multiplier les contacts avec
le site d’un titre plutôt que de se contenter que d’un acte d’achat occasionnel (au mieux
journalier). Enfin, les titres de presse tendent à compléter leur offre en ligne par des
contenus extérieurs en provenance notamment de blogueurs invités (blogs
rédactionnels) et des lecteurs (commentaires à la suite des articles et blogs de lecteurs).
La contribution des lecteurs à la production du contenu (user-generated contents) ne se
réduit pas aux contenus écrits, mais s’étend à la création et la mise en ligne d’images,
de sons et de vidéos faisant souvent partie intégrante de l’offre.
24 L’évolution des interfaces proposées aux lecteurs et, par voie de conséquence, les
nouvelles structurations du lectorat constituent également un volet important. Le
numérique a rendu possible l’accès à une large gamme des dispositifs d’interaction avec
les lecteurs : des dispositifs d’évaluation des articles (« j’aime ») à une constitution d’un

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réseau social propre au titre de presse et réservé uniquement à ses lecteurs 15. De même,
la création d’une page sur un service de réseautage social ou d’un forum de discussion
représente autant d’options nouvelles permettant des interactions entre l’éditeur et ses
consommateurs.
25 Un autre phénomène important à souligner relève de la variabilité des formes de
monétisation des contenus. Outre la stratégie de tarification par abonnement ou
financement publicitaire, largement répandue dans la presse, une grande variété de
modes de tarification s’est développée avec les TIC. Ainsi, les articles et/ou les services
associés peuvent être vendus à l’unité ou être offerts gratuitement pendant une période
limitée (le numéro est accessible en ligne pendant 24 h selon une logique de « crédit-
temps ») ou pour un nombre d’articles limités (« crédit-quantité »). Les éditeurs
peuvent également employer le service de consommation hors ligne (articles au format
PDF) et l’accès aux archives numériques comme sources supplémentaires de revenu.
26 Enfin, de nouveaux canaux de distribution, auparavant inaccessibles aux acteurs de
l’industrie de la presse, se sont développés. À titre d’exemple, on peut citer les réseaux
sociaux numériques (par exemple, Facebook via la fonctionnalité de partage des
articles) ; et les kiosques numériques où le titre de presse est généralement disponible
en abonnement ou à l’unité sur plusieurs supports (ordinateurs, tablettes,
smartphones, papier).
27 Afin d’identifier la dynamique d’évolution des éléments structurants des modèles
d’affaires dans l’industrie de la presse, une base de données inédite de 100 sites web
français a été constituée. Le choix des acteurs a été effectué sur la base des typologies
définies par l’OJD pour les sites de presse16 afin d’avoir une bonne représentativité des
acteurs en termes de catégories institutionnelles et de fréquences de publication. Le
tableau 2 et la figure 1 présentent la liste des sites de presse sélectionnés et leur
répartition par catégories institutionnelles.

Tableau 2. Liste des titres de presse analysés

20 minutes Subaqua Charlie Hebdo Atlantico

L’Écho du Pas-de-Calais L’Itinérant Le Canard enchaîné Arrêt sur Image

La Revue des
France Soir Le Monde libertaire France Net Infos
montres

Le Nouvel
La Provence Lutte ouvrière Jolpress
Observateur

Logic Immo.com L’Express Minute M ta ville

Télex Le Point Le Monde diplomatique Huffington Post

Du côté de chez vous Marianne La Tribune Médiapart

Alternatives
TV Magazine Côté ciné Les Nouvelles News
économiques

Version fémina Cahiers du cinéma Ouest-France Owni

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Les Dernières Nouvelles


Télé Z Télérama Quoi.Info
d’Alsace

Dossier familial Stylist Sud-Ouest Rue89

Télé Star Les Inrocks La Voix du Nord Slate

Télé Loisirs L’Expansion Le Dauphiné Libéré Street Press

Direct Matin édition Paris


Gala Le Télégramme Purepeople
Île-de-France

Télé 2 semaines Le Figaro Corse Matin planete.fr

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Femme Actuelle Libération La Manche Libre fluctuat.premiere

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Paris Match L’Humanité Bien-être & Santé Journal du net

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générale cauchois

Le Courrier de la
Famille chrétienne Paris Turf Causeur
Mayenne

Camping-car magazine À Nous Paris La Vie corrézienne Corse net infos

Courrier Les Infos-Pays de Le Journal des


Philosophie Magazine
international Ploërmel femmes

Golf européen Valeurs actuelles L’Internaute Doctissimo

MetroNews Paris Le JDD Agora Vox Bscnews.fr

Figure 1. Catégories institutionnelles et fréquence de publication dans l’échantillon

28 Notre analyse suit une démarche originale par rapport à la plupart des recherches
portant sur l’économie de la presse en ligne. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’envisager
celle-ci à partir des sites de distribution ou d’agrégation, comme l’ont fait

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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traditionnellement les travaux portant sur les secteurs de la musique et des médias.
Nous avons plutôt cherché à étudier l’économie des producteurs de contenus, en
envisageant donc aussi la manière dont les modèles d’affaires s’ancrent dans
l’organisation de cette production.
29 À l’aide de Wayback Machine17, nous avons collecté pour chaque site web des données en
panel pour la période 2006-2014 sur les trois volets des modèles d’affaires : création de
la valeur, captation de la valeur et réseau de la valeur (tableau 3). Chacun de ces volets
a été traduit en une variable binaire (1 signifiant la présence d’une caractéristique
donnée, 0 son absence).

Tableau 3. Les composantes du modèle d’affaires et variables

Composantes du BM VARIABLES

1 Création de la valeur

Services offerts Contenus gratuits sur le site web

Flux RSS

Newsletter

Navigation personnalisée

Statistiques sur les articles


Autres services (BD, livre, formations…)

Interaction avec lectorat Commentaires après les articles

Forums de discussion

Évaluation des articles

Animation des réseaux sociaux (Facebook, Twitter)

Conditions d’exploitation Consommation hors ligne

Disponibilité des archives

Version mobile/application

Version papier

2 Captation de la valeur

Stratégies de tarification Abonnement en ligne (version numérique)

Différentes formules d’abonnement en ligne

Ventes à l’unité (articles)

Crédit temps/crédit quantité

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Liens sponsorisés

Donations

Canaux de distribution Site web

Kiosques numériques pour la version en ligne

Partage via réseaux sociaux

3 Réseaux de création de la valeur

Flux entre fournisseurs de contenus Accès aux contenus d’autres médias presse

Contenus des agences nationales

Blogs rédactionnels

Blogs lecteurs
Flux entre fournisseurs
et consommateurs Contenus UGC
(différents des contenus principaux)

30 Ensuite, une démarche statistique exploratoire multidimensionnelle a été mobilisée


pour une caractérisation de l’évolution des modèles d’affaires, année par année, soit
10 années d’observations pour chaque site de notre échantillon. Nous avons choisi
d’effectuer une analyse de correspondances multiples, suivie ensuite par une
classification hiérarchique ascendante (Greenacre, 1984 ; Clausen, 2008 ; Hair et al.,
1995). Pour chaque année, nous avons utilisé les données de dix ou onze dimensions
pour inclure, en fonction de l’année, au moins 60 % de la variété des caractéristiques
dans l’échantillon. Prenant en compte la taille de l’échantillon et le nombre de
variables, un tel pourcentage représente la structure significative des données (Husson
et al., 2011).
31 Cette méthodologie a déjà été précédemment testée avec succès, à titre exploratoire,
dans le cadre de travaux portant sur les sites web audiovisuels (Lyubareva et al., 2014).
Ils confirment la fertilité de la démarche et la possibilité de caractériser des modèles
d’affaires par des grappes de caractéristiques formelles observables.

5. Résultats : apparition de nouveaux modèles


dominants
32 Comme le montre la figure 2, jusqu’à 2007, les stratégies économiques des acteurs de la
presse correspondent à une multiplicité d’approches individuelles sans aucune
structure particulière. Ce résultat est conforme aux études précédentes sur les étapes
initiales du développement du marché de la presse numérique (Dagiral et Parasie,
2010 ; Attias, 2007).

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Figure 2. La dynamique d’évolution des modèles d’affaires

33 Ce schéma d’évolution montre qu’une structuration des modèles d’affaires démarre


durant l’année 2007. À cette époque, deux clusters principaux sont clairement visibles :
le premier se caractérise par une offre de services en ligne très pauvre et l’absence de
stratégies de tarification spécifiquement numériques ; le second, au contraire, réunit
un large spectre de formes de monétisation originales (par exemple, crédit-temps/
quantité et formes d’abonnements aux supports diversifiés). Le tableau 4 résume ces
résultats.

Tableau 4. Les premiers clusters (2007)

Futures
Future « Numérique « Pure Players » et
p.value v.test p.value v.test
a minima » « Leaders
Explorateurs »

Pas de formules
d’abonnement web/ 2.106332e-09 5.989387 Abonnement 4.545866e-07 5.044551
web+

Pas d’abonnement 1.512748e-07 5.251001 Crédit temps/quantité 4.419717e-05 4.084367

Pas de consommation Consommation offline


1.318881e-06 4.836887 4.419717e-05 4.084367
offline gratuite payante

Pas de consommation Différentes formules


1.661548e-06 4.790755 2.848262e-04 3.628723
offline payante d’abonnement

Pas de crédit temps/ Accès aux archives


7.366196e-05 3.964137 1.440689e-03 3.186373
crédit quantité numériques

Pas d’accès aux Abonnement


9.304366e-04 3.310758 1.680475e-03 3.141565
archives numériques web+papier

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Uniquement les
contenus éditoriaux 2.018719e-03 3.087465 Vente d’article à l’unité 1.680475e-03 3.141565
(pas d’agences)

Pas de vente d’article à Vente de numéro à


2.291556e-03 3.049588 6.024679e-03 2.746435
l’unité l’unité

Variation du
Pas de vente de numéro
5.135225e-03 2.798427 prix des différents 7.547895e-03 2.671652
à l’unité
abonnements web

Pas d’abonnements
7.014169e-03 2.696171 Contenu payant 9.166226e-03 2.605791
web+papier

Pas de contenu payant 4.124802e-02 2.041028

34 Entre 2007 et 2010, une structure à trois clusters commence à émerger (cf. tableau 5).
Ces transformations s’accompagnent d’innovations sur les différentes composantes des
modèles d’affaires. Les nouveaux services incluent la version mobile, des flux RSS
thématiques permettant de proposer aux lecteurs le contenu individuellement adapté à
leurs besoins et leurs goûts, des statistiques sur les articles pour indiquer les contenus
les plus lus, les plus commentés, etc. On constate également une prolifération de
nouveaux mécanismes d’interaction avec le lectorat via des systèmes de commentaires,
des réseaux sociaux, des forums de discussion et l’évaluation des contenus. Le réseau de
création de la valeur dans ces nouvelles formes s’élargit non seulement aux contenus
des autres médias, mais inclut de plus en plus les blogs rédactionnels invités par les
rédactions et les blogs de lecteurs.

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Tableau 5. Caractéristiques des clusters en 2010

35 En 2010, les pure players de la presse, qui organisent leur activité autour du numérique
et n’ont pas de version papier dans leur offre, commencent à se séparer des autres
acteurs en formant un cluster distinct. Celui-ci se fonde clairement sur les nouveaux
mécanismes d’interaction avec le lectorat et un élargissement du réseau de production
de la valeur. Contrairement à deux autres clusters, il intègre les blogs rédactionnels et
les blogs de lecteurs. Il est remarquable que les titres de presse dans ce cluster
choisissent souvent de ne pas monétiser l’offre très riche des services innovants.
36 En parallèle, un autre cluster, précédemment confondu avec les pure players, continue à
multiplier et affiner les nouvelles formes de tarification des contenus et la
commercialisation des services associés : crédit-temps/quantité, abonnements en ligne
complétés par des offres mobile et tablette (Web+), ventes d’articles à l’unité et
monétisation des services. L’interaction avec les lecteurs via les réseaux sociaux
constitue aussi une caractéristique de ce cluster. Néanmoins, contrairement aux pure
players, l’implication des lecteurs n’y concerne pas forcément le processus de
production des contenus principaux, demeurant souvent très centralisé.
37 Comme le montre la figure 2, ces deux clusters se confondent à nouveau entre 2010
et 2012 mais finissent par se séparer à partir de 2012, en marquant leurs périmètres
respectifs par les mêmes caractéristiques des modèles d’affaires : modes de production
participatifs versus interactions autour des contenus de la rédaction ; gratuité versus
sophistication et variété des stratégies de tarification.
38 Quant au dernier cluster, s’avérant le moins développé en matière de stratégie en ligne,
son évolution est principalement liée à l’absence des caractéristiques innovantes se
développant dans le secteur : réseaux sociaux, nouvelles formes d’interaction avec le
lectorat, enrichissement des contenus rédactionnels, etc.

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108

39 L’année 2012 est marquée par l’éclatement de tous les clusters et le début de
stabilisation des clusters finals (tels qu’on les retrouve en 2014). Cette année,
particulièrement importante pour la structuration des modèles économiques dans la
presse, s’avère l’année charnière pour tous les médias en France selon l’AFP 18. Elle est
caractérisée par les élections présidentielles et le retour de la gauche à l’Élysée après
17 années d’absence ; l’explosion des médias sociaux avec le réseau Facebook qui a
franchi le milliard d’utilisateurs ; la démission du président de l’Audiovisuel extérieur
de la France (AEF) et le changement de la direction de la holding chapeautant France 24
et RFI. Cette même année, on constate également la prolifération inédite des
smartphones sur le marché avec 60 % des jeunes équipés par ces appareils (source :
Médiamétrie19).
40 De 2012 à 2014, on constate un processus de stabilisation autour des trois clusters
majeurs que nous désignons par « Numérique a minima », « Pure Players » et « Leaders
Explorateurs » grâce à leurs caractéristiques intrinsèques (tableau 6).

Tableau 6. Caractéristiques des clusters en 2014

Le modèle « Numérique
a minima », 26 % de notre échantillon, regroupe des titres pour lesquels l’ouverture à
l’Internet apparaît relativement faible ou, en tout cas, ne repose pas sur l’exploitation
de toutes les opportunités. Parmi les titres représentatifs de ce cluster figurent Golf
Européen, Les Cahiers du cinéma, Le Canard enchaîné, Lutte Ouvrière, Le Courrier Cauchois,
Camping-car magazine, Pure Saint-Tropez et M ta ville. Il est principalement constitué par
la presse gratuite (35 %) et la presse magazine (31 %). Contrairement aux acteurs
s’efforçant de tirer tout le potentiel possible de l’Internet pour construire leur
audience, structurer une communauté de lecteurs en se positionnant comme portail de
référence dans leur domaine, les titres présents dans ce cluster se limitent à une
utilisation minimale des innovations numériques donnant parfois lieu à des sites très
pauvres, simples vitrines. L’interaction avec les lecteurs demeure faible. Il n’est pas

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étonnant, dans ce contexte, que la part d’audience20 de ce cluster est relativement faible
et correspond à seulement 1,6 % (contre 45,6 et 52,7 % de deux autres clusters). Ces
différents constats montrent, et c’est le sens de l’appellation retenue, que cette classe
de modèles d’affaires est d’abord mue par la forte volonté de protéger un modèle
économique traditionnel, rentable et adapté. Les titres craignent en effet de le voir
remis en cause et cannibalisé par la mise en ligne. Les titres en questions ne se lancent
sur l’Internet que par suivisme et obligation, mais ils apparaissent les moins concernés
par les innovations numériques. Ils se lancent sur l’Internet de manière parfois très
claire et volontariste, mais en s’efforçant de conserver leur modèle historique, et sans
pour autant chercher à trop développer les services et les fonctionnalités associés.
41 Le deuxième cluster, le modèle « Pure Players », regroupe 31 % des titres de
l’échantillon et est constitué pour 55 % de pure players. L’objectif de ces nouveaux
acteurs de la presse est de construire des modèles économiques originaux et cohérents,
à même de leur permettre de construire une position originale et stable. Parmi les
titres les plus représentatifs, on peut citer France Net Info, Atlantico, Slate, Quoi.info et
Rue89. Ce cluster se distingue par la richesse des contenus principaux offerts
gratuitement et par une forte implication des lecteurs dans la construction de l’offre
éditoriale. Son succès auprès du lectorat se prouve par la part d’audience très
significative de 45,6 %. La dimension prégnante de gratuité ne tient pas ici uniquement
à l’usage des liens sponsorisés, mais s’articule également avec la commercialisation de
produits et de services indépendants des contenus principaux (articles de presse) :
livres, BD, soutien scolaire, dictionnaires, etc. À côté des pure players, la presse
magazine représente une autre catégorie faisant partie de ce cluster (29 % des titres),
principalement hebdomadaires, comme Version Fémina, Paris Match, Télérama, etc.
L’adoption large du modèle économique « Pure Players » par les magazines s’avère un
phénomène assez récent. En effet, en 2012, très peu de titres de cette catégorie
institutionnelle appartenaient au cluster similaire (Benghozi et Lyubareva, 2014). Cela
s’explique car, au cours de développement du marché en ligne, les magazines, qui
réussissaient majoritairement à préserver leur diffusion grâce au ciblage des publics,
souffraient principalement d’un manque de réactivité par rapport aux autres contenus
en ligne, ce qui ralentissait leur adaptation au nouveau contexte. On assiste donc après
2012 à un changement assez radical dans l’offre commerciale de ces acteurs et d’une
distinction explicite entre leurs offres papier et numérique.
42 Le dernier cluster (43 % de population), que nous avons appelé « Leaders
explorateurs », est constitué de 30 % par la presse quotidienne nationale, représentée
par les grands titres – leaders en matière de diffusion : L’Équipe, La Croix, L’Humanité, La
Libération, Le Figaro et Libération.

Tableau 7. Les plus fortes diffusions en 2015

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43 Leur souci principal sur le marché en ligne est de protéger leur position de leader. Pour
ce faire, ils explorent systématiquement les nouvelles configurations ouvertes sur
l’Internet. Pour ces raisons mêmes, les titres de ce cluster restent très fortement
dépendants des modes traditionnels de rémunération qu’ils doivent donc préserver (ou
tout au moins d’éviter d’accélérer la chute des revenus papier) lorsqu’ils s’efforcent de
générer de nouveaux revenus. Deux autres catégories institutionnelles sont bien
représentées dans ce modèle : la presse magazine et la presse régionale avec 28 % et
23 % respectivement. À partir de 2012, un nombre croissant des pure players se retrouve
dans ce cluster : 16 % en 2014 contre 8 % en 2010 (et 9 % en 2012).
44 De manière typique, plusieurs sites de presse de ce cluster expérimentent le modèle
Freemium. Le site propose de manière gratuite une partie seulement de son offre, de
qualité réduite (contenus low cost ou avec une qualité technique bridée) ou avec une
fourniture restreinte des contenus (extraits de contenus, limitation artificielle des
performances ou du débit…), afin de drainer les consommateurs vers des produits
payants à haute valeur ajoutée, la gratuité servant de produit d’appel. Cette logique de
recherche de revenus directs s’étoffe également par rapport aux années 2010 et 2012
avec les modèles de financement par donation et la distribution de l’offre en ligne via
les kiosques numériques qui deviennent des caractéristiques pertinentes de ce cluster
en 2014. La forte interaction avec les lecteurs est contrastée, comme les années
précédentes, par leur faible implication dans la création des contenus et l’absence des
blogs de lecteurs ou d’autres formes d’UGC.
45 La figure 3 illustre les migrations des titres de presse entre les différents clusters. Il
apparaît que, lorsqu’ils arrivent sur le marché de la presse en ligne, les acteurs ne
commencent pas forcément par le cluster le moins développé (« Numériques a
minima ») en proposant dès le début de leur trajectoire l’offre en ligne assez
développée. Parmi les acteurs commençant par ce cluster, certains le quittent très
rapidement, par exemple Le Figaro ou Le NouvelObs, alors que les autres y restent
longtemps sans développer leurs offres en ligne.

Figure 3. La dynamique des migrations entre les clusters (modèles d’affaires)

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46 Enfin, certains acteurs de la presse poursuivent, au moins temporairement, des


trajectoires atypiques en dehors des clusters dominants. Parmi ces parcours
individuels, le cas de Médiapart est très représentatif. Dès sa création en 2008, ce pure
player a choisi un modèle payant tout en préservant la forte interaction avec les
lecteurs et leur forte implication dans la création des contenus si caractéristiques pour
les autres titres de sa catégorie institutionnelle. En 2013, suite à une stabilisation du
cluster « Leaders Explorateurs » et son modèle payant, Médiapart a rejoint ce cluster
tout en restant, néanmoins, éloigné de son centre.

6. Conclusion
47 Cette étude met en lumière le processus d’évolution des modèles économiques de la
presse en ligne et leur convergence vers trois designs dominants – « Numérique a
minima », « Pure Players » et « Leaders Explorateurs ». Les contributions principales de
cette analyse sont de deux ordres.
48 Premièrement, elle illustre l’importance de l’aspect dynamique du modèle d’affaires
conçu comme l’articulation entre ses différentes composantes – innovation du produit,
du modèle de revenu, et du réseau de partenaires. Cela permet non seulement d’avoir
une vision rétrospective des périodes de stabilisation du marché (qui prennent, selon
nos résultats, deux à trois années) mais aussi de proposer des scénarii de ses futures
transformations. Par exemple, le cluster « Pure Players » semble être actuellement en
cours de restructuration : d’un côté, les médias traditionnels comme les magazines
explorent de plus en plus ce modèle économique en complétant leur offre
traditionnelle ; d’un autre côté, de plus en plus de médias purement numériques
évoluent vers le modèle « Leaders Explorateurs ». À titre d’exemple, nous pouvons citer
Atlantico qui a changé sa démarche de façon radicale en 2014. Ainsi, si nos intuitions
sont avérées, des restructurations importantes pourront être observées d’ici peu.
49 Deuxièmement, notre contribution est d’ordre méthodologique. La démarche proposée
dans cet article permet de décomposer un choix stratégique des acteurs en plusieurs
composantes et d’analyser leur articulation et leur coévolution. Grâce à cette approche,
nous pouvons observer, par exemple, comment un éclatement en deux clusters – « Pure
Players » et « Leaders Explorateurs » – s’accompagne d’une différenciation en matière
de réseaux de production des contenus et de modèles de revenu adoptés. L’utilisation
des données directement observables sur les sites Internet rencontre, certes, des
limites (par exemple, le manque d’informations sur les coûts associés aux différents
choix économiques ou les formes concrètes de partenariats établis par les acteurs).
Néanmoins, elle permet d’avoir des résultats riches d’enseignement sur la structuration
globale des modèles économiques et de leurs trajectoires d’évolution. Cette approche
est d’autant plus justifiée que, lorsque l’on parle de la démarche en ligne, ce sont ces
mêmes caractéristiques des modèles d’affaires qu’un acteur peut observer chez ses
concurrents en faisant son choix stratégique. Finalement, l’approche appliquée dans
cette analyse au secteur de la presse pourrait être généralisée aux autres plateformes
numériques valorisant des contenus créatifs.
50 Parmi les futures extensions de cette analyse, une étude des facteurs poussant les
acteurs de la presse choisir les mêmes modèles d’affaires nous semble indispensable.
Cette analyse doit comprendre deux volets : (1) les comportements d’imitation dans le
secteur et (2) les caractéristiques contextuelles à l’origine de ces comportements. Pour

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112

le premier volet, il s’agit d’identifier les différentes formes que le comportement


d’imitation peut prendre – par exemple une imitation rationnelle ou locale versus une
imitation globale (Garcia-Pont et Nohria, 2002) – et les comparer avec un
comportement rationnel de recherche d’une meilleure performance économique 21. Le
deuxième volet fait le lien entre les comportements d’imitation, d’un côté, et
l’organisation interne de l’entreprise et sa direction, d’un autre. En particulier, certains
auteurs ont analysé la stratégie d’organisations liées entre elles au sein de réseaux et de
la sorte, disposant d’informations plus détaillées les unes par rapport aux autres. Cela
peut être le cas d’entreprises avec des dirigeants impliqués dans les mêmes structures
(Davis, 1991 ; Haunschild, 1993) ou d’unités combinées au sein d’un même groupe
(Greve, 1996). Dans de telles situations, les organisations ont une probabilité plus forte
d’adopter des comportements mimétiques.

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NOTES
1. « A dominant design is not a product, but a way of doing things which is manifested in doing
products […] the distinctive way of providing a generic service or function that has achieved and
maintained the highest level of market acceptance for a significant amount of time. » (Toutes les
traductions ont été réalisées par les auteurs.)
2. Keynes (1936) identifie une forme similaire d’incertitude sur les marchés financiers et montre
que les agents négligent leurs informations privées en préférant imiter les comportements des
agents les précédant. Voir également Orléan (2001).
3. « Once a field becomes well established […], there is an inexorable push towards
homogenization. »
4. Le champ institutionnel correspond à un réseau d’organisations et d’acteurs partageant le
même contexte et interagissant pour définir des règles, valeurs et relations stables (DiMaggio et
Powell, 1983).
5. « The centralization of resources within a field both directly causes homogenization by placing
organizations under similar pressures from resources suppliers, and interacts with uncertainty
and goal ambiguity to increase their impact. »
6. « The greater the extent to which the organizations in a field transact with agencies of the
state, the greater the extent of isomorphism… [because of] rule-boundedness and formal
rationality, and the emphasis of government actors on institutional rules. »
7. « For any relevant dimension of organizational strategies or structure in an organizational
field there will be a threshold level, or a tipping point, beyond which adoption of the dominant
form will proceed with increasing speed. »
8. « In fields characterized by a high degree of uncertainty, new entrants, which could serve as
sources of innovation and variation, will seek to overcome the liability of newness by imitating
established practices within the field. »
9. « Fields that have stable and broadly acknowledged centers, peripheries, and status orders will
be more homogeneous both because the diffusion structure for new models and norms is more
routine and because the level of interaction among organizations in the field is higher. »
10. Ainsi, les revenus de la publicité commerciale pour la presse nationale d’information générale
et politique ont diminué en moyenne annuelle de 5,6 % entre 2004 et 2014 (calcul effectué à partir
des données de la DGMIC).
11. Toutes les catégories de presse ne subissent pas pour autant cette diminution du chiffre
d’affaires de la même manière. La presse quotidienne nationale a ainsi subi une baisse des
revenus entre 2013 et 2014 deux fois plus importante que la presse quotidienne régionale.
12. Les 200 premiers titres de presse en France ont ainsi perçu près de 227 millions d’euros
d’aides directes et indirectes en 2014.

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13. Cet aspect nous semble particulièrement pertinent dans l’environnement numérique si l’on
considère le changement stratégique des annonceurs ayant migré des médias écrits à l’Internet
en préférant les publicités interactives et le marketing en ligne jugés plus performants.
14. C’est-à-dire la possibilité pour l’utilisateur de gérer les thématiques qu’il a envie de voir
apparaître sur la page d’accueil du site (par exemple, http://news.google.fr/)
15. Les lecteurs peuvent fédérer un groupe d’individus autour d’un thème ou d’un travail
commun comme dans le cas de www.lesinrocks.com.
16. Source : http://www.acpm.fr/ L’ODJ, organisme de mesure et de certification des données de
diffusion et de distribution de la presse, est devenu depuis 2015 l’Alliance pour les Chiffres de la
Presse et des Médias (ACPM).
17. Outil d’archivage des contenus de l’Internet disponible sur https://archive.org/web.
18. www.afp.com
19. www.mediametrie.fr/
20. Pour chaque site d’information, nous avons collecté les données journalières Alexa et créé un
indicateur agrégé d’audience (le nombre total de visites des pages pour chacun des sites Internet,
donc son audience globale pour chaque période) qui nous permet de comparer les clusters entre
eux.
21. Dans une autre étude, nous analysons les facteurs microéconomiques, à l’échelle des
organisations, de ce processus isomorphique. Cf. Lyubareva, Rochelandet, Etienne, « Business
Models, Diffusion of Innovation and Imitation: The Case of Online Press », World Media
Economics and Management Conference, 2016.

RÉSUMÉS
La diffusion massive des technologies numériques et de leurs usages a largement transformé les
modèles économiques et les pratiques de consommation dans les industries créatives et
culturelles. Cette étude vise précisément à analyser la dynamique de l’innovation dans le cas des
modèles d’affaires de la presse en ligne. Nous montrons qu’en raison de l’incertitude générée par
ces transformations, mais également de traits institutionnels du secteur de la presse en France,
un processus isomorphique a abouti entre 2007 et 2014 à la réduction de la diversité des modèles
d’affaires et à l’émergence de trois designs dominants : les « numériques a minima », les « pure
players » et les « leaders explorateurs ». Cette analyse s’appuie sur la construction et
l’exploitation statistique d’une base de données originale portant sur un échantillon
représentatif de 100 sites d’information en ligne en France et retraçant leur évolution entre 2006
et 2014.

Massive diffusion of digital technologies and their use has significantly transformed the scope of
economic models and users’ practices in creative industries. The purpose of this paper is to
analyze the dynamics of business model innovation in the online press sector. It substantiates
that under the impact of high uncertainty and institutional characteristics of the French press
industry, some isomorphic processes occurred during the 2006-2014 period and resulted in the
emergence of three dominant business models: “Minimal Digital”, “Pure Players” and “Exploring
Leaders”. This study relies on an original data set of 100 information websites in France and
follows their evolution from 2006 to 2014.

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


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INDEX
Keywords : Online Press Media, Business Model, Dominant Design, Isomorphism
Mots-clés : presse en ligne, modèles d’affaires, design dominant, isomorphisme

AUTEURS
INNA LYUBAREVA
IMT Atlantique

FABRICE ROCHELANDET
Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3

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M-payment use and remittances in


developing countries: a theoretical
analysis
Transferts monétaires des migrants et paiement mobile dans les pays en
développement : une contribution théorique

Eric Darmon, Laetitia Chaix and Dominique Torre

1. Introduction
1 According to the World Bank (2014)1, “there should be a strong relationship between
remittance flows and financial inclusion. A key reason is that remittances are usually
regular and predict able flows, which should, in principle, make remittance recipients
relatively more inclined to join the formal financial sector”.
2 It has been claimed also that remittances represent the most important financial
transactions for people with limited access to banking services. These claims are based
on two stylized facts observed in many developing countries, namely relatively low
access to banking services, and relatively high levels of remittance flows.
3 In 2014, more than 2.5 billion people lacked a bank account, with the banking service
penetration rates observed in developing countries.2 This number decreased by 20%
between 2011 and 2014 (Demirguc-Kunt, Klapper, Singer, Van Oudheusden, 2014),
despite multiple costs incurred by opening and holding a bank account: transport costs
(e.g. in countries with poor infrastructure), administrative costs ( i.e. the level of
paperwork especially in countries with low levels of literacy); and service costs
(charges associated with regular or exceptional banking operations). The poor
development of banking services is due to demand-side factors such as lack of users’
skills, and users’ attitudes and behaviors. It is due also to supply-side factors such as
the high barriers to entry and low profitability associated with setting up a dense
network of bank subsidiaries in rural and sparsely populated areas.

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119

4 In such context, the diffusion of mobile payment or M-payment services (further M-


payment) has been promoted to overcome some of these challenges. M-payments are
payments for goods, services, bills and invoices via a mobile device, such as a mobile
phone, smart-phone, or PDA (personal digital assistant), exploiting mobile
telecommunications networks or close technologies (Dahlberg et al., 2008). The M-pesa
experience in Kenya is often cited as an example of the successful diffusion of M-
payment (Jack and Suri, 2011). The M-pesa service was launched in 2007 by the
operator Safaricom. It allows M-transfers, M-payments (e.g., airtime purchase, mobile
ticketing, bulk payments) and M-banking services (e.g., micro-savings, Automated
Teller Machine withdrawals). It is used by more than 70% of Kenyan adults
(Andrianaivo and Kpodar, 2011) and by 50% of poor, unbanked and rural populations
(Alexander, 2010).
5 According to the World Bank’s Global Findex Index (Demigurc-Kunt et al., 2014), in
“Sub-Saharan Africa, [...] mobile money accounts drove the growth in overall account
penetration from 24 percent in 2011 to 34 percent in 2014” (Demigurc-Kunt et al., 2014,
p. 13). The same Word Bank report points out that in this region, between 2011 and
2014, more than 10% of the population chose to open a mobile money account managed
by a non financial institution either alone or in collaboration with a financial
institution. In these countries, mobile money could be a key driver of the observed
growing financial inclusion.
6 Anecdotal evidence suggests that the use of mobile services is particularly widespread
in countries that are characterized by low levels of banking facilities. The intuition is
that M-payment services alleviate both supply and demand constraints. On the one
hand, the equipment required by users to implement M-payment exchanges is minimal
for users since most people are equipped with mobile phones and are familiar with
their use. Sometimes described as a “frugal innovation” (see Bhatti et al. 2013), this
feature of M-payment services lowers user adoption costs. On the other hand, the
technologies used to implement M-payment rest on wireless communication networks
and exhibit strong characteristics of ubiquity. From a supply-side perspective, this
reduces the geographical constraints especially since the network investment required
to supply mobile telecommunication services and M-payment services are
complementary service.
7 The second stylized fact in many developing countries refers to the role played by
remittance flows for domestic economies. In October 2015, the World Bank counted
579,809 million remittance flows worldwide (with an annual 4% increase). 3 According to
the World Bank Group Factbook (2016), between 2006 and 2014 remittance flows to
developing countries increased by 77.7%.4 232 million people (3.2% of the world’s
population) live and work outside their home countries and the number of
international remittances in 2014 reached 528 billion, of which 72% (378 billion) went
to low and middle income countries (World Bank Group, 2016).
8 Remittance flows are generated mainly by high migration, satisfy several economic
objectives (consumption, investment, insurance), and can have diverse economic
impacts on home countries (Martinez, Cumming, and Vaaler, 2015). On the basis of
these trends, the World Bank suggests the existence of a positive relationship between
remittance flows and financial inclusion on the one hand, and between M-payment use
and financial inclusion on the other. However, to the best of our knowledge, no
theoretical analysis has attempted to delve deeper into this general claim. At the

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macroeconomic level, it has been argued that the increase in remittance incomes might
be explained by the reduced transaction costs caused by technological improvements
(Giuliano and Ruiz-Arranz, 2009). However, the theoretical literature makes no explicit
link between M-payment use for internal transactions and that of remittance flows.
This paper tries to fill this gap by elaborating two original features.
9 First, we focus on the use and impact of M-payment for consumption purposes. We
consider the introduction of an M-payment service to achieve within-country, distant
person-to-person transactions. We hypothesize that the introduction of M-payment
generates new consumption opportunities for the remittance receiver in the home
country. Previous work (Aker and Mbitti, 2010, Jack and Suri 2011, Aker et al., 2014,
Flood et alli, 2013) shows that the use of M-payment services reduces spatial constraints
by enabling distant payments which in turn, generates new consumption and
investment opportunities. Prior to the introduction of M-payment, such trades were
possible but were limited in scope due to their high intermediation costs and poorly
developed banking sectors. Thus, the ubiquity of M-payment services reduces
geographical constraints by allowing more secure and efficient financial exchanges.
10 Second, we propose an integrated framework which endogenizes the remittance
decision of the remitter located outside the home country. In our model, remittances
are used for consumption, from which the remittance receivers derive utility. We
assume also that the decision to send a remittance to a domestic household is altruistic:
the remittance sender takes into account in his/her utility the utility gained by the
remittance receiver when he/she uses the remittance.
11 These two features are introduced in a two-step game in which first migrant agents
decide on the level of the remittance sent to the domestic agents, and second, the
domestic agents decide to spend this remittance using M-payment or cash. We confirm
theoretically the empirical microeconomic findings in Munyegera and Matsumoto
(2016) which find a positive effect of mobile payment on household welfare and explain
that domestic agents receive remittances more frequently withe a total value higher
than that of non-user agents. We also find two sets of macroeconomic results. First, we
show that introducing M-payment has a positive effect on aggregate remittance flows,
and on welfare. We observe no crowding out effects in the form of lower levels of
remittances due to their improved use allowed by M-payment. Second, we analyze the
role of two key parameters (cost of use of cash, cost of M-payment services) on the
outcome with M-payment. The cash cost-of-use has expected impacts in terms of
diffusion of M-payment and welfare. However, the impact of the M-payment services
cost is ambiguous. We find that an increase in their price has two opposite effects. First,
it lowers the equilibrium adoption rate of M-payment; second, individual remittances
sent by migrant agents increase, providing a kind of “compensation” effect.
12 Section 2 summarizes the relevant literature. Section 3 presents the theoretical
framework, and section 4 presents the results. Section 5 concludes.

2. Related literature
13 Our research topic is related to two bodies of literature dedicated respectively to
remittances and M-payment. The economic literature on remittances analyzes both the
motives for sending a remittance, and the economic impact of remittances. First, the
motivations for sending remittances can be diverse (Yang, 2011). Lucas and Stark’s

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(1985) seminal study indicates that these motivations range from altruism to self
interest with various mixes of the two motivations also possible. Frequently, migrant
agents send money home to increase the quality of life of their origin families (Al
Mamun et al., 2015). They “derive a positive utility from the well-being or consumption
level of the famil[ies] left behind” (Piracha and Saraogi, 2011). In this paper, we focus
on this motive but other motives have also been considered. For instance, Agarwal and
Horowitz (2002) add an insurance motive: for the domestic family the remittance
becomes an insurance tool to protect against income shocks by diversifying its sources
of income (Yang and Choi, 2007). In other cases, remittances are used to invest in the
home country: the migrant agent and his/her family can use them to accumulate
savings, or to acquire financial or more frequently, physical assets (Bounie, Diminescu,
Francis, 2013). In this case, it is more difficult to distinguish altruism from self interest
in the migrant agent.
14 There is also a stream of literature on the economic effects of remittances (Chami et al.,
2008a, Guha, 2013) positioning the macroeconomic relationship between remittances
and economic growth as central (Goschin, 2014, Jouini, 2015). In most cases,
remittances are shown to promote economic growth (Chami et al., 2008b). According to
Yaseen (2012), remittances impact on growth through two channels: financial
development, and institutions. The remittances received relieve credit and insurance
constraints and increase household income (Atamanov, Van Den Berg, 2012).
Remittances contribute to financial development which may interact with growth
(Gupta, et al., 2009, Le, 2011, Imaia, Gaihab, Alia, Kaicker, 2014, Kumar, 2013). According
to Ziesemer (2012), remittances have a positive effect not only on the level and growth
of per capita GDP but also on savings rates and public expenditure on education, while
decreasing tax revenues and emigration. However, this positive effect on growth has
been disputed (Jouini, 2015). For instance, Chami et al. (2008a) find a significant
negative influence on economic growth, reasoning that remittances might allow
domestic families to remain inactive which would slow the development of human
capital in the home country. Remittances also accelerate financial inclusion
(Anzoategui et al., 2014) and have a positive effect – at least in the short term – on both
poverty and financial development (Gupta et al., 2009).
15 The second body of literature refers to the economics of mobile money that include
both issues in monetary economics and industrial organization. From a theoretical
perspective, it makes reference to the literature dealing with the choice between cash
and other types of assets without supposing any cash-in-advanced constraint
(Whitesell, 1989, Arango, Bouhdaoui, Bounie, Eschelbach and Hernandez 2016, Alvarez
and Lippi, 2015). An original feature of the choice of mobile money against other means
of payment is that, like the type of money use in search based models, M-payment can
only be used if both partners agree on acceptance and use of it. Put differently, as the
use of M-payment is not generalized, the choice to adopt it is then mainly determined
by the choice of other agents to use it.
16 The diffusion of mobile money has likely enabled millions of people who otherwise
would have been excluded from the formal financial system, to perform financial
transactions. In countries with low levels of penetration of banking facilities, M-
payment can compensate partially by providing secure, simple, and rapid banking
services (Chaix, Torre, 2015). It has been documented that the banking industry faces
huge difficulties when expanding to developing countries with largely unbanked rural

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populations (Assadi, Cudi, 2011). In those countries, development of a retail network


(subsidiaries, money transport) entails high fixed costs which can deter entry to some
areas (De Sousa, 2010). Mobile telecommunication networks provide an alternative and
cheaper way to implement banking transactions (Granata et al., 2014). To enhance
success, governments and policy need to introduce light regulation to increase the
supply of mobile money, while also imposing rules enforcing a certain level of
interoperability (Evans, Pirchio, 2015, Ky, 2015).
17 To our knowledge, the only paper which considers both remittances and M-payment is
Munyegera and Matsumoto (2016). They propose an empirical analysis of the effects of
use of mobile money services on household welfare in developing countries. They use
household survey panel data from rural Uganda for the 2009-2014 period. They apply a
combination of household fixed effects, instrumental variables, and propensity score
matching methods. They find a positive and significant effect of access to mobile
money on household welfare, as measured by real per capita consumption. The
mechanism driving this impact is the facilitation of remittance: households using
mobile money services are more likely to receive remittances, to receive more frequent
remittances, and to receive higher value remittances than non-user households do.
18 Our paper contributes to this body of work by considering the interplay between
remittances and use of new payment services in the receiver country, an issue which so
far has not been studied theoretically. In our framework, the level of the individual
remittance depends on the subsequent consumption opportunities which in turn, are
influenced by the available payment technology. Among the various motivations for
sending a remittance, we focus on the role of altruism since this appears to be a central
motivation if the remittance is used for consumption. We contribute also to the
literature on adoption of M-payment: our model captures, in a simple way, the change
in consumption decisions enabled by M-payment technology, and analyze how the use
of M-payment can drive the switch from trades implemented at the local scale to trades
implemented on a wider scale. Another original feature of our model is that we
consider the decisions of both remitters and receivers, and evaluate the welfare of
remitters’/receivers’ families in this context, prior to and after the introduction of M-
payments.

3. The theoretical setting


19 To analyze the impact of M-payment use on the remittance and consumption decisions,
we build an original framework which accounts for both the remittance decision and
the use of the remittance for consumption, with M-payment or with traditional
exchange means (i.e. cash).
20 We consider the choices made by n households. Each household i is composed of
domestic agents i.e., family/relatives located in the domestic country (referred to as
domestic agents) and of migrant agents i.e., the network of family/relatives living
outside the country (referred to as migrant agents). Migrant (resp. domestic) agents are
remitters (resp. receivers).
21 In a first step, the migrant agents of household i(i= 1…n) send a remittance r i(ri ≥ 0) to
domestic agents i. In a second step, the domestic agents i of household i receive this

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remittance and face various consumption opportunities depending on use of M-


payment.5 This defines a two step game which is solved by backward induction. 6

3.1. Step 2 (domestic agents): M-payment use and consumption


opportunities
3.1.1. Consumption opportunities

22 At step 2, the domestic agents i receive a remittance ri(ri ≥ 0) and face two potential
consumption opportunities.7 Domestic agents i can consume goods bought either
distantly or locally. Distant consumption opportunities relate to all transactions that
cannot be implemented without a previous physical cash transfer. For instance,
consider a person-to-person trade. If this trade is local (e.g., the two persons live in the
same geographical area and there are no transportation costs stricto sensu), the
transaction and the payment are simultaneous, and cash is sufficient. However, if these
two persons are physically distant, there is a need to secure the transaction before the
good is produced or exchanged, and use of cash might inhibit such transactions. 8 The
transaction costs are usually so high as to discourage cash transactions in such cases.
23 For simplicity, we assume linear preferences: for each unit of expense, domestic
households obtain a utility level kl (resp. kd) from consumption of goods bought locally
(resp. distantly). Starting from a situation in which exchanges essentially are local
because of lack of payment means to achieve distant trade, goods bought distantly are a
way for households to diversify their consumption set compared to a locally-
constrained basket set. Thus, we assume kd > kl.

3.1.2. Payment systems

24 Domestic agents can use two alternative payment systems. The traditional payment
system (cash, denoted C) is subject to payment of a per transaction cost (denoted t, 0 < t
< 1).
25 When receiving a remittance ri, domestic agents using cash obtain ri (1 – t) from this
remittance. Using cash provides access only to local exchanges. Thus, domestic agents
that receive ri, derive utility uC,i from use of cash:
uC,i = klri (1 – t) (1)
26 The mobile payment system (denoted M) is proposed by a mobile operator. In
accordance with the practices common to many countries, this operator supplies the
payment system with a flat rate subscription scheme p9 Hence, domestic agents
receiving ri and using the M-payment system eventually obtain (ri – p).
27 Using the mobile payment system provides access to both distant and local
consumption opportunities while cash provides access only to local consumption
opportunities through local exchanges. Thus, when using the M-payment system,
domestic agents obtain the utility level in Equation 2:

(2)

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In equation (2), me is the expected number of domestic agents using M-payment and
me / n is the overall adoption rate of M-payment among the whole population of
domestic agents. The first term captures the utility derived from distant exchanges.
Consider a person-to-person exchanges. Each of these distant exchanges provides
utility kd. However, implementation of an exchange is conditional on other trader
adopting the M-payment service. We account for that by considering that
implementation of a distant exchange depends on the expected M-payment adoption

rate . This generates a network externality for M-payment use which we assume
to be linear. This externality does not apply to cash since by definition, all agents

accept cash. Other exchanges ( ) are implemented locally and each provides
utility kl. Last, because of the flat rate nature of the transaction cost incurred when
using M-Payment, the available purchasing power is given by (r i – p) as M-payment is
used, even for a small proportion of transactions. This explains that the whole
parenthesis is multiplied by (ri – p) in equation (2).
At step 2, domestic agents i need to choose among exclusive use of cash (C) or mixed
use of M-payment (M) and cash in order to maximize utility and obtain

. To differentiate from those agents that only use cash,


we denote those agents that use cash and M-payment as M-payment users by
convenience. However, in accordance with actual payment systems, recall that those
users always use both payment exchange systems since M-payment cannot substitute
for all possible transactions.

3.2. Step 1 (migrant agents): remittance decision

28 Migrant agents i, (i= 1,…n) are endowed with a revenue w i derived from their own
production activities (e.g., wages). Because these activities potentially originate from
various countries and various sectors, it is essential to consider some heterogeneity
among migrant agents. This revenue is used for distribution to the domestic household
ri and for personal consumption ci. The preferences of the migrant agent i can be
depicted by an indirect utility function which includes both a personal and an
“altruistic” components. We consider the simplest form of this function in equation (3).

(3)
29 The first term depicts the utility from distribution to the domestic household. The
second term depicts the utility from the migrant agents’ own consumption. Thus,
parameter α (α > 0) is an inverse measure of the migrant agents’ propensity for
altruism.
30 At step 1, the objective of the migrant agent is to maximize (3) with respect to r i. To do
this, we make two technical assumptions. First, we assume perfect a fit between the
preferences of the domestic agents and those of the migrant agent i.e., there is no
difference between the perceptions of the utility of domestic agents by migrant agents
(equation (3)) and the domestic agents’ actual utility (equations (1) and (2)). Second, we

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consider an equilibrium with perfect expectations in the sense that the actual number
of receivers adopting m-payment is equal to the expected number (m e= m*).10

3.3. Benchmark

31 To analyze the economic impacts of the introduction of M-payment, we define the


benchmark as the situation prior to its introduction. Thus, in the benchmark case,
domestic agents can only use cash and are restricted to local exchanges.
Lemma 1. At step 2 of the benchmark case, all domestic agents use cash and m *= 0. At Step 1 of

the benchmark case, the equilibrium individual remittance is and

total equilibrium remittance flows amount to .


32 Proof. See Appendix ■
33 As stated in Lemma 1, an increase in wi influences the level of individual remittance
positively. This is true also at the aggregate level: an increase in the upper bound of the
revenue distribution (̄w) influences total remittances positively. Note however, that an
increase in the cost of using the cash system (t) has no direct impact on individual (and
thus total) remittances but has a negative impact on domestic and migrant agents’
surpluses. Finally, note that an increase in α (i.e. less altruistic migrant agents) has a
negative impact on the individual and aggregate levels of remittances.
34 From the equilibrium remittance values, we deduce the aggregate surplus of domestic
and migrant agents.
Lemma 2. In the benchmark case, the equilibrium surplus of domestic agents (DoS) amounts to

. The equilibrium surplus of migrant agents (MiS)

amounts to . Total equilibrium welfare amounts

to .
35 Proof. See Appendix ■
36 Then these values are compared to those in the equilibrium with M-payment.

4. Results
37 Section 4.1 characterizes the equilibrium outcome with M-payment adoption and uses
comparative statics to analyze the impact of key parameters. Section 4.2 compares the
two equilibrium outcomes to derive the impact of M-payment introduction on
aggregate economic variables.

4.1. Equilibrium outcome with M-payment

38 We focus here on interior outcomes i.e., outcomes where some domestic agents use only
cash and others make use of M-payment. A sufficient condition for this type of outcome

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to occur is that the price of access to M-payment services is not too high (p<p̂). 11 By
convenience, we drop the ‘M’ subscript defining the equilibrium values at equilibrium
with M-payment.

Lemma 3. In the equilibrium with M-payment, domestic agents that receive use

cash only (see definition of ͠ r in Appendix). Those that receive use M-payment. The

individual remittance sent to cash users amounts to . The individual

remittance sent to M-payment users amounts to .


39 Proof. See Appendix ■

Lemma 3 defines the minimal individual remittance level ( ) required for the
domestic agents to adopt M-payment at step 2 at equilibrium. From this definition, we
can compute the equilibrium with M-payment and derive the following propositions.
40 Proposition 1. In the equilibrium with M-payment, the proportion of M-payment services
users is m*/n = (r̅ – ͠r) / (w̅ - w). The number of M-payment users increases with t and kd
and decreases with p and kl.
41 Proof. See Appendix ■
As stated in Lemma 3, the domestic agents that use cash only are those that receive
lower amounts of remittances. For those agents, the level of remittances sent is the
same as that in the benchmark case. Those domestic agents that receive higher levels of
remittances use M-payment. In doing so, these agents receive a higher individual

remittance at equilibrium ( ).
Simple comparative statics provide insights on the impact of the cost of using cash t: as
previously, an increase in t has no direct impact on the remittance sent to cash users.
However, this increase generates some substitution effects: as stated in Proposition 1,
because of this increase, some agents switch to use of M-payment. While the level of
remittances received when using M-payment is independent of t, those agents that
switch to M-payment benefit indirectly from this increase in t because they receive a

higher amount of remittances (since ).


42 The effects of the price of the M-payment service p provide some interesting results. On
the one hand, an increase in p is found to deter some domestic agents from using M-
payment (proposition 1). This can be interpreted as a classical substitution effect since
it is similar to an increase in the relative cost of M-payment vs. cash. However, the
same increase in p generates a “compensation” effect at step 1 since for those domestic
agents who continue using M-payment, an increase in p generates a higher level of
individual remittance sent by migrant agents (proposition 1). This effect is based on the
combination of the flat rate nature of the price access to M-payment and of the
altruism of migrant agents towards domestic ones. Note however, that as p increases
this compensation effect applies to a decreasing number of domestic agents.
Proposition 2. In the equilibrium with M-payment, aggregate equilibrium remittance flows

received by cash users decrease with t and kd and increase with p and k l. The aggregate

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remittance flows received by M-payment users increase with t and kd and decrease with

kl. The effect of p on is ambiguous. Total remittance flows amounts to

. It increases with t and kd and decreases with kl.


43 Proof. See Appendix ■
44 The effects of p and t on the individual remittance have an impact also on aggregate
remittances as shown by Proposition 2. An increase in the cost of using cash generates
unambiguous impacts: this increase has a negative impact on those domestic agents
that only use cash because they benefit from identical levels of individual remittances
but both the number of cash users and the utility of cash users decrease. However, as t
increases, M-payment users benefit from identical levels of individual remittances
while the number of such users increases. Also, given the higher network externality
generated by more numerous M-payment users, the utility level of these users also
increases. This change in the distribution of cash vs. M-payment users increases
remittances as t increases, since use of remittances now becomes more “efficient”.
45 The price of M-payment services generates more ambiguous impacts. Similar to the
reasoning above, although an increase in p has no impact on the individual remittances
sent to cash users, it generates an increase in the number of cash users. This generates
in turn an increase in the total remittance flows received by cash users. In the case of
M-payment users, an increase in p has ambiguous effects on the total remittance flows
received by M-payment: on the one hand, it decreases the number of M-payment users;
on the other hand, it increases the level of the individual remittances sent to these
users. The overall effect of these two effects combined is ambiguous. Specifically, the
aggregate effect depends on a complex set of parameters (namely k l, kd, t and α) among
which it is difficult to identify the role played by certain factors. Since aggregate
remittance flows are composed of two flows as described above, the same ambiguity
arises when considering the impact of the price of M-payment services on total
remittance flows.
46 Proposition 3. In the equilibrium with M-payment, the aggregate surplus of cash users
increases with p and kl and decreases with t and kd. The aggregate surplus of M-payment users
increases with kd.
47 Proof. See Appendix ■
48 In the case of propositions 1 and 2, the impacts of p and t on the aggregate surplus of
cash users are mostly as expected: since a higher t (or lower p) deters some domestic
agents from using cash, and since those agents benefit from higher individual
remittances, the aggregate surplus of cash users decreases. However, the effect of other
variables (p, kl and t) on the aggregate surplus of M-payment user is ambiguous.
Consider an increase in p: as previously stated, this has two opposite effect (lower
adoption rate of M-payment, higher individual remittances). So, the overall effect
cannot be determined.

4.2. Effects of M-payment introduction

49 To formally evaluate the macro-impact of the introduction of M-payment,


propositions 4 and 5 refer to comparison of the equilibrium macroeconomic variables

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in the benchmark case (i.e., prior to M-payment introduction) as stated in lemmas 1


and 2, to the macroeconomic variables defined in the case with M-payment
(propositions 1 to 3).
50 Proposition 4. The level of aggregate remittances in the equilibrium with M-payment is
always higher than that in the equilibrium with no M-payment (benchmark).
51 Proof. See Appendix ■
52 Proposition 4 highlights the macroeconomic positive effect of using M-payment for
internal exchanges on remittance flows. For a developing country, this provides some
rationale for promoting use of M-payment in order to attract larger amounts of
remittances. Note however, that other effects might prevail at the micro- and macro-
economic levels. One of these can be described as a “crowding out effect”: because use
of M-payment generates new and more favorable consumption opportunities for
domestic agents, remitters could decide to decease remittances once M-payment is
introduced. This effect is not generated in our model and it is interesting to stress that
this is independent of the level of altruism of migrant agents (measured inversely by α).
Second, note that the result of Proposition 4 holds for non-use of M-payment services
for the transfer of remittances from emitters to receivers (“remittance channel”). As
previously stated, in some countries, M-payment services can be used also for
transferring cash across countries (i.e. as a remittance channel). It might be expected
from that the general results raised by Propositions 4 would be reinforced by the
introduction of M-payment as an international transfer service. However, to confirm
this would require precise knowledge about the implementation of an international
transfer service (e.g., price scheme, compatibility/incompatibility with the internal
service).
53 Proposition 5. The level of surplus of domestic agents (resp. level of welfare i.e. surplus of
domestic and of migrant agents) in the equilibrium with M-payment is always higher than the
level of surplus of domestic agents (resp. welfare) in the equilibrium with no M-payment
(benchmark).
54 Proof. See Appendix ■
55 According to proposition 5, the surplus of domestic agents always increases with the
introduction of M-payment. There are two explanations for this result. First, M-
payments enable exchanges that generate higher utility. Then, with identical
remittance levels, those agents that adopt M-payments benefit from a higher level of
surplus. However, crowding out effects might produce the opposite result.
Proposition 4 predicts that individual remittances levels are always higher after the
introduction of M-payment; we do not observe any crowding out effects here, meaning
that the two effects are reinforcing. In turn, this supports proposition 4 on the benefits
to a developing country in promoting the diffusion of M-payment services. This holds
also for ‘welfare’ defined as the sum of the surplus of domestic and migrant agents.
However, note that this is a domestic and not a global measure of welfare since it does
not account for losses in terms of revenue/consumption incurred by the host country
of the migrant agents when those agents increase their remittance flows.
56 An obvious corollary of propositions 4 and 5 is that the introduction of M-payment
alters the “geography of trade” in the domestic country by increasing trade between
distant areas relative to trade within a given area. In our model, this result is induced
by the fact that cash can be used only for local trades while M-payment is ubiquitous.

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57 However, it is clear that some developing countries have developed other means to
exchange money across two distant areas (e.g., through a fragmented banking system,
or networks of physical intermediaries) so there are other channels allowing for distant
trading. In this case, our model provides a rough simplification of actual practices; the
introduction of such alternative would not qualitatively change the results tough since
a widespread use of M-payment would stimulate trade across areas because of the
ubiquitous nature of M-payment.

5. Conclusion
58 The model provides other interesting findings on the role played by the price of the M-
payment service and the cost of using cash. A decrease in the cash cost-of-use (caused
by e.g., public investments in physical security, and in the road or financial
infrastructures) might increase the use of cash and deter use of M-payment. However,
the overall effect on aggregate remittances would be negative. In addition, the effect of
a decrease in the price of M-payment services cannot be determined unambiguously.
While intuitively we would suggest that such a decrease would be positive for the
economy, our model shows that this effect is not easily predictable since it induces
more domestic agents to switch to M-payment use while at the same time, lowering the
level of individual remittances sent by migrant agents.
59 Our framework is designed to apply to consumption decisions. To what extent the
model can be applied to remittances for production motives remains an open question
whose resolution would require deeper knowledge about the motives for sending
remittances for other purposes such as e.g. investment, and the possible uses of
remittances for these purposes. Also, this paper focused on the adoption of M-payment
services for internal uses. Anecdotal evidence suggests that diffusion of M-payment
services might be clustered geographically and this effect could be enhanced by cross-
border operators, or by interoperability strategies adopted by operators in neighbor
countries. This suggests that M-payment services could be used by remitters/receivers
of remittances for international trades (Della Peruta, 2015). There is a need for a more
complete empirical identification of these practices, and if they are confirmed, a
precise analysis of their economic implications. This points to directions for future
research.

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APPENDIXES

Benchmark equilibrium: proofs of lemmas 1 and 2


Proof of lemma 1

Consider first the case of a domestic agent i. In the benchmark equilibrium, only use of
cash is possible and agent i obtains the utility level defined by equation (1). Since u c,i>0
for all possible parameter sets, the participation constraint of domestic agents for step
2 is always fulfilled, and in the benchmark equilibrium, all agents receive utility
ui=uc,i=klri(1-t). At step 1, knowing that domestic agents only use cash, migrant agents

maximize Ui=uc,i(wi – ri)α w.r.t. ri for any . From FOC, we derive that

. It can be easily checked that since α > 0, this optimum

is always interior (i.e., ) and SOC are always filled. That proves
Lemma 1.

Proof of lemma 2

Since optimal remittance is a strictly increasing function of wi, this defines the
remittance distribution as a uniform distribution over the interval

. Aggregate remittance flows in the

benchmark equilibrium are defined as .

The domestic agents’ surplus at the benchmark equilibrium ( ) amounts to

. The migrant agents’

surplus at the benchmark equilibrium ( ) amounts to

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133

. The total

surplus at the benchmark equilibrium amounts to .


That proves Lemma 2.

Equilibrium outcome with M-payment: proofs of


lemma 3, propositions 1, 2, and 3
Proof of lemma 3

Consider an equilibrium outcome with uses of both M and C at step 2. Consider first the
case of domestic agents i at step 2. Those agents have to decide between use of C or M in
order to maximize their indirect utility. Comparing (2) and (1), it can be observed that
the domestic agents that will use C are characterized by the lower levels of individual
remittances. Thus, the decision about M vs. C depends on the individual remittance r i
received at step 1. If ͠r is the minimal remittance level for M-payment use, ͠r corresponds
to the remittances of a domestic agent indifferent at step 2 about use of C or use of M. ͠r
is such that if the domestic agent i receives ͠r, uC,i = uM,i. For those domestic users that

choose cash at step 2, optimal remittance decision at Step 1 is the same as that in

the benchmark case (i.e., , by derivation of Ui=uC,i(wi–ri)α w.r.t.


ri). For those domestic users that choose M at step 2, the migrant agents need to
maximize Ui=uM,i(wi–ri)α according to equation (3) w.r.t. ri. From FOC, we can deduce the

optimal level of remittances sent by migrants


agents to domestic agents that use M. Note that the condition for an interior outcome

solution is that . The positivity condition is always fulfilled, and

is equivalent to p<wi. Computation of SOC comes to the same condition


p<wi. Hence, it is necessary for the price of M-payment to be small enough for this
interior outcome to occur. Assuming that p < w this is sufficient for all user potentially
to adopt M-payment. A less strong assumption would be that only those agents that
actually use M-payment fulfill this condition. This must be true for the domestic agents
that adopt M-payment and receive the lowest individual remittance (r͠). These domestic
agents correspond migrant agents endowed with w͠ (see below for the definition of r͠ at

equilibrium). Hence, we need to check with

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Inside the range of definition, individual optimal remittance levels and are
both increasing functions of wi. So lower (resp. higher) income levels are associated
with lower (resp. higher) remittance levels allowing use of C (resp. M). From that, we
can deduce the lower ( ) and upper ( ) bounds of the remittance distribution at an
equilibrium with M-payment : r=w/(1+α) and r̅=(̅w+pα)/(1+α).
For an outcome with both M and C occurring at step 2, we thus need r<͠r<̅r. By

definition, the mass of M-payment users amounts to ) and we can


replace r and ̅r by their values hence ͠m=n(͠r(1+α))/(w̅+pα-w). In an equilibrium with
perfect expectations, agents refer to this value of to estimate the mass of M-
payment adopters at Step 2 and this value is used to assess the utility from M in
equation (2). From that, we derive the marginal agents by solving u C,i=uM,i with respect
to r͠ There are two potential roots (͠r1 and ͠r2) and one of which satisfies the condition
r<͠r<̅r. Thus there is a unique equilibrium characterized by

This proves lemma 3.

Proof of proposition 1

Equilibrium values with M-payment are derived by replacing. ͠r* into the M-payment
adoption rate, the aggregate remittance levels, and the aggregate surplus levels. The
effects of t, p, kl and km are obtained by simple derivation of optimal equilibrium values.
That proves Proposition 1.

Proof of proposition 2

The equilibrium M-payment adoption rate ͠m* amounts to . The aggregate

level of remittances sent to M-payment users amounts to . The

aggregate level of remittances sent to cash users amounts to .

The aggregate remittances amount to . The effect of parameters t,

kd, and kl on , and can be deduced from comparative statics


analysis on these three expressions. That proves Proposition 2.

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Proof of proposition 3

The aggregate level of the surplus of domestic users using M-payment amounts to

. The aggregate level of surplus of migrant agents


associated with domestic agents using M-payment amounts to

The aggregate surplus amounts to . The effect of

parameters t, kd, and kl on , and can be deduced from comparative


statics analysis on these three expressions. This proves proposition 3.

M-Payment equilibrium/Benchmark comparison:


proofs of propositions 4 and 5
Proof of proposition 4

In the equilibrium with M-payment, domestic agents using cash receive the same

individual amounts of remittances ( ) as those received in the benchmark


equilibrium (see lemma 2). M-payment users receive an amount of individual

remittance equal to as defined by lemma 3 rather than in the benchmark. As

for all positive value of p, , individual remittance levels increase with the
introduction of M-payment for M-payment users. Thus, the aggregate level of the
remittances received increases. That proves Proposition 4.

Proof of proposition 5

Because individual remittances are unchanged, the utility of the domestic agents using
cash in the equilibrium with M-payments is unchanged compared to the benchmark
equilibrium. Domestic agents using M-payments at the M-payment equilibrium prefer
this to using cash only, so their level of utility increases with the introduction of M-
payments. Then, at the global level, aggregate utility is larger in the equilibrium with M
payments compared to the benchmark equilibrium.
Now let us compare the utility of migrant agents in the benchmark and the M-
payments equilibria. Those migrant agents that send remittances to cash users provide
the same level of individual remittances and also have the same level of utility.
Consider the case of domestic agents that send remittances to M-payment users. Given
the optimal levels of individual remittances in the two cases, once M-payment is
introduced, the domestic agent will continue to consider cash payment as the more
suitable solution based on its own utility, and the migrant agent will provide

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136

remittances equal to and not . Consequently, the utility level of these agents
remains unchanged, and the utility of the associated domestic agents does not
decrease. When i continues to increase, the situations remains the same until i ** such

that . From i** and

for values of i greater than i**, the remittances sent by migrant agents increases to
which increases the migrant agents’ level of utility. As the net utility of corresponding
domestic agents also increases, the utility of the migrant agents increases for all values
of i from i**. Then the aggregate utility of households also increases. That proves
Proposition 5.

NOTES
1. Global Financial Development Report 2014 : Financial Inclusion
2. Data available at http://datatopics.worldbank.org/financialinclusion/
3. Sources: October and April 2015 versions of World Bank Bilateral Remittance Estimates for
2013 using Migrant Stocks, Host Country Incomes, and Origin Country Incomes.
4. http://siteresources.worldbank.org/INTPROSPECTS/Resources/
334934-1199807908806/4549025-1450455807487/Factbookpart1.pdf
5. Note that we here focus on internal uses of M-payment. Thus, we do not consider here the
channel through which the remittance is sent (see e.g. Kosse and Vermeulen (2014) and Siegel
and Lücke (2013) on this issue)
6. A practical implication of the structure of the game is that migrant agents are aware of the
subsequent level of the domestic agents’ utilily enabled by their remittances. This can be done
either informally or by use of communication devices that allows for information exchange.
7. Since the model focuses on the interplay between M-payment use and remittances, we do not
need to consider other sources of revenue for domestic households.
8. For the sake of simplicity, and as remittances mainly concern low revenue receivers, we
exclude the possibility of distant B2C payments online using or mobile technologies via Paypal or
equivalent payment services.
9. This is for instance the pricing model actually used in Tanzania, (see e.g. Jang and Park 2016).
Other countries often associate an entry cost (in our model, qualitatively similar to a flat rate in
our model) and some proportional fees. If there is a positive fixed fee and if the proportional fee
is sufficiently low, introducing a proportional fee would not change the results qualitatively.
Thus, we do not integrate these costs explicitly.
10. This assumption is quite reasonable since we focus here on long term outcomes. However,
actual adoption rates during the adoption process of M-payment is not always public knowledge.
Analysis of medium-run outcomes would require a specific dynamical setting.
11. See Appendix for the definition of p̂.

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ABSTRACTS
Many developing countries are characterized by high levels of remittances and low levels of
financial inclusion. In this context, introduction of M-payment services can be seen as a means of
improving both financial inclusion and remittance levels. To our knowledge, M-payments and
remittances so far have been studied separately ; in this paper, we investigate their interplay by
analyzing how domestic use of M-payment services alters individual remittance decisions, and
thus impact on aggregate remittance flows and welfare. We consider a theoretical model which
accounts for both the decision to send a remittance and the remittance receivers’ use thereof. We
find that M-payment use has a positive effect on aggregate remittance flows and also a favorable
impact on welfare. However, we find that once introduced, the price of M-payment services can
have unpredictable effects.

De nombreux pays en développement sont caractérisés par des niveaux de transferts élevés en
provenance de leur population expatriée et un faible niveau d’inclusion financière. L’utilisation
du paiement mobile pourrait alors contribuer à la fois à accroître le niveau d’inclusion financière
et le volume des transferts. Ces deux effets ont été à ce jour étudiés séparément. Nous étudions
dans cet article leur interaction en analysant la façon dont l’adoption du paiement mobile dans le
pays bénéficiaire des transferts influe sur la décision relative à la détermination des transferts,
modifie le montant des transferts effectués et impacte en définitive sur le niveau du bien-être.
Nous construisons à cet effet un modèle théorique qui intègre à la fois la décision de transfert des
émetteurs et les choix de consommation effectués par les bénéficiaires, sans et avec la possibilité
de recourir au moins partiellement au paiement mobile. Les résultats de ce modèle mettent en
évidence un effet positif du paiement mobile sur les flux de transferts et son impact favorable sur
le bien-être. Le prix des services de paiement mobile a en revanche une incidence non
prédictible.

INDEX
Mots-clés: paiement mobile, M-paiement, transferts monétaires
Keywords: mobile-payment, M-payment, remittance flows

AUTHORS
ERIC DARMON
University of Rennes 1 – CREM – CNRS, Campus centre CS 86514, 7 Place Hoche, 35065 Rennes
Cedex. E-mail: eric.darmon@univ-rennes1.fr

LAETITIA CHAIX
Université Côte d’Azur – GREDEG – CNRS, 250 rue Albert Einstein, 06560 Valbonne, France, Tel:
0033493954361. E-mail: laetitia.chaix@gredeg.cnrs.fr

DOMINIQUE TORRE
Université Côte d’Azur – GREDEG – CNRS, 250 rue Albert Einstein, 06560 Valbonne, France, Tel :
0033493954361. E-mail : dominique.torre@gredeg.cnrs.fr

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Les donateurs et les contributeurs


aux communautés épistémiques en
ligne sont-ils les mêmes? Le cas de
Wikipédia
Are Donors and Contributors to Online Epistemic Communities One and the
Same? The Case of Wikipedia

Godefroy Dang Nguyen, Nicolas Jullien et Myriam Le Goff-Pronost

Ce travail est soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche (Projet Capacity). Nous remercions
les deux évaluateurs de l’article qui nous ont permis de grandement améliorer une première
version de ce travail. Nous remercions aussi les éditeurs du numéro pour leur constant soutien
tout au long du processus d’amélioration.

1. Introduction
1 Les projets de production de connaissances en ligne peuvent, en première approche,
être considérés comme des biens publics. Fondés sur une production sous forme
numérique, ils induisent une consommation largement non rivale et, dans le cas des
projets ouverts, non exclusive (l’évolution des produits culturels numérisés comme la
musique et les films montre qu’il est difficile d’en rendre la consommation exclusive
par des procédés légaux ou techniques, voir Curien et Moreau, 2006).
2 Penser, cependant, que ces productions de connaissances en ligne sont des biens
publics purs serait méconnaître la réalité de leur production et de leur distribution. Il
est complexe (et coûteux) de garantir une qualité de service sur les temps d’accès en
ligne (bande passante et capacités de serveurs) et de garantir, du côté utilisateur,
l’accès sur tous les terminaux (ordinateurs hier, smartphones et tablettes aujourd’hui).
3 La maintenance du logiciel de production, les serveurs, et la bande passante ont coûté,
sur l’année 2014-2015, environ 21 millions de dollars à la Wikimedia Foundation, la

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fondation de droit étasunien qui gère Wikipédia1. Dans ces conditions, si l’usage des
contenus peut apparaître non rival, l’accès à ces contenus, lui, est source de rivalité et
de coûts. Si ces coûts peuvent paraître encore comme raisonnables, la multiplication
des contenus fortement consommateurs de bande passante (photos mais aussi, dans un
futur plus ou moins proche, vidéos) devrait les faire augmenter rapidement.
Actuellement, ils sont essentiellement couverts par des dons, principalement
d’entreprises privées, comme Google. Mais il y a également des dons de personnes
physiques, à la suite de sollicitation de la Wikimedia Foundation 2. La question du don
est donc très actuelle, même s’il n’est pas toujours très clair, dans l’esprit des
donateurs, d’identifier à quoi sert l’argent3.
4 Cependant, ce qui constitue le cœur de l’encyclopédie, c’est bien son contenu, dont
l’élaboration n’est pas attribuée statutairement à certains, mais est fondée sur la
contribution volontaire et coordonnée de la multitude (Hardt et Negri, 2005). Par
conséquent, le volontariat est l’élément déterminant de la viabilité du projet, et c’est
celui sur lequel s’est concentré l’essentiel de la littérature scientifique concernant
Wikipédia (Jullien, 2012).
5 Les deux problèmes sont liés. Si les contenus sont abondants et de qualité, il y a fort à
parier que la demande d’accès sera importante. En somme, Wikipédia fournit à ses
utilisateurs, en s’appuyant sur les dons et les contributions, deux produits joints, l’accès
et les contenus. Si l’on se place maintenant du point de vue des individus, se montrer
pro-social en participant sous forme de dons ou de contributions à ce projet collectif,
est-il le fait de personnes particulières ? Et si l’on a décidé de participer au projet,
comment choisir: en finançant l’accès (être donateur) ou en contribuant bénévolement
au contenu (être contributeur), ou les deux ? Avoir des éléments de réponse à ces
questions peut aider la Wikimedia Foundation à garantir la pérennité de son bien
public en équilibrant la fourniture de ses deux produits joints.
6 Du point de vue du chercheur, comprendre les déterminants d’une attitude pro-sociale,
ainsi que l’arbitrage entre engagement en nature (bénévolat contributif) et engagement
en argent est au cœur de la réflexion micro-économique sur la philanthropie
(Andreoni, 2006). Ce papier veut contribuer à cette réflexion par une enquête en ligne
auprès des utilisateurs de la version française de l’encyclopédie. À partir des réponses à
l’enquête, nous proposons d’explorer deux thématiques associées:
1. Qui sont les wikipédiens qui donnent et/ou contribuent ?
2. Effectuent-ils, éventuellement, l’arbitrage entre don et contribution, et si oui comment ?

7 Le texte s’organise comme suit. Dans la section suivante nous passons d’abord en revue
la littérature concernant les motivations et les caractéristiques traditionnelles des
donateurs et des bénévoles (ce que l’on pourrait appeler l’économie de la charité). Nous
présentons également l’articulation entre ces deux formes et esquissons nos questions
de recherche. Puis nous décrivons le questionnaire, les données et les méthodes de
collecte (section 3). Dans la section 4, nous donnons les résultats des tests
économétriques, que nous discutons dans la section 5, avant de conclure.

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2. Revue de la littérature
2.1. Qu’est-ce qui détermine un comportement pro-social ?

8 Selon l’observatoire de la Fondation de France et le Cerphi (2015) 4, le don moyen d’un


Français est de 400 € par an (aux États-Unis il était de 1000 $ en 1995, selon Andreoni,
2006).
9 Selon cette même étude, en France, les donateurs appartiennent à la classe moyenne
supérieure et sont plus âgés, ce qui correspond aux résultats de la littérature: le don
financier est croissant avec l’âge (Newman, 2000; Chrenka et al., 2003; Smith, 1994), le
niveau d’éducation (Schlegelmilch et Tynan, 1989; Yavas et Riecken, 1985), et le revenu
(Radley et Kennedy, 1995; Schlegelmilch et al., 1997; Smith et al., 1995). Les femmes
donnent plus (Brunel et Nelson, 2000; Chrenka et al., 2003; Newman, 2000;
Schlegelmilch et Tynan, 1989; Wymer, 1998), ainsi que ceux qui ont des enfants
(Barnett, 2007).
10 Dans le même ordre d’idées, une étude de l’association « France bénévolat » sur la
situation du bénévolat en France en 20165, montrait qu’il y avait à cette époque environ
20,5 millions de bénévoles en France (contre 18,3 millions en 2010), c’est-à-dire près
d’un Français sur 3, tous âges confondus. Le taux d’engagement dans le bénévolat était
plus fort chez les femmes que chez les hommes, avec un engagement croissant des
jeunes (+ 33,6 % entre 2010 et 2016). L’étude permettait aussi de montrer que les moins
diplômés étaient de plus en plus engagés dans le bénévolat, même si le bénévolat
associatif demeurait l’apanage des plus diplômés. Cependant les études empiriques sur
le bénévolat sont moins nombreuses que sur le don.
11 La philanthropie sous toutes ses formes est donc un authentique fait social dont on
peut évaluer les déterminants socio-culturels. Un premier travail descriptif consistera
donc à examiner si les donateurs et les contributeurs à Wikipédia ont des profils
similaires à ceux qui adoptent des comportements pro-sociaux dans d’autres contextes.
12 Mais l’attitude pro-sociale, si elle est conditionnée par le contexte socio-économique
dans lequel évolue chaque individu, reste malgré tout un choix éminemment
personnel. Si la philanthropie n’est pas aisément compatible avec le postulat d’égoïsme
calculateur que pose la théorie micro-économique standard, Andreoni (1990) a mis en
avant le concept de « warm glow », forme d’altruisme impur qui fait passer l’acte (et le
niveau) de don dans la fonction d’utilité de l’individu. Andreoni n’explique pas
pourquoi il en est ainsi, mais il indique que cette attitude se renforce si elle est exposée
au regard des autres, car la gratification est alors immédiate. Cependant, comme le
reconnaissent Andreoni et al. (2010), dissocier un altruisme pur du warm glow, est en
pratique extrêmement difficile.
13 Bénabou et Tirole (2006) fondent alternativement leur analyse du comportement
philanthropique sur une attitude égoïste de signal, où montrer qu’on est pro-social
permet d’obtenir l’estime des autres, et ils placent donc d’emblée l’attitude individuelle
dans un contexte collectif. Dans leur modèle, le don s’assimile à un investissement dans
un capital social (la réputation d’être pro-social). Mais on peut aussi soutenir l’idée d’un
comportement purement altruiste (c’est-à-dire fondamentalement en contradiction
avec l’égoïsme), pour des motifs moraux, ou coopératifs (suivant l’approche de Gintis et
al. (2003) du restituteur fort).

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141

14 En résumé, Meier (2006) classe en trois grandes familles les déterminants de la


philanthropie: les préférences pro-sociales fondées sur le résultat (dans lequel il inclut
l’altruisme pur et le warm glow mais où on peut aussi inclure la recherche de
réputation), l’attente de réciprocité et la coopération conditionnelle, et enfin ce qu’il
appelle l’identité c’est-à-dire le comportement normé (ou conformiste, Akerlof et
Kranton 2000), qui pousse à faire ce qui est attendu.
15 Pour tester empiriquement la validité respective de ces approches, on procède en
général à des tests d’économie expérimentale (Andreoni et al., 2010, par exemple) ou si
on le peut, à des expériences de terrain. La principale limite de cette méthode est
qu’elle mobilise souvent des échantillons réduits et que les résultats ne sont pas
toujours reproductibles. Nous proposons ici une méthode alternative qui consiste à
corréler le comportement pro-social à expliquer (l’engagement envers à la
communauté Wikipédia) avec d’autres comportements pro-sociaux et des éléments de
contexte lié à Wikipédia, que l’on a pu enregistrer par l’intermédiaire d’une enquête
quantitative. Nous distinguons le don et la contribution comme formes de
participation.

2.2. Donner ou contribuer?

16 Une fois la décision prise d’avoir une action pro-sociale, il faut déterminer la forme de
cette action, don financier (le don, dans la suite) ou le don en nature (la contribution).
Ce choix a été traité par la littérature aussi bien empiriquement que théoriquement
(Menchik et Weisbrod, 1987 ; Brown et Lankford, 1992 ; Duncan, 1999).
17 Dans les papiers cités, on se place dans le paradigme standard de la micro-économie, où
il existe un équilibre avec une action philanthropique d’une partie de la population
(Bergstrom et al., 1986; Andreoni, 2006) et on étend le modèle en intégrant un arbitrage
loisir/travail (Duncan, 1999). Contribution en monnaie et en nature seraient donc
substituables.
18 Plusieurs variables peuvent cependant influencer cet arbitrage, en premier lieu les
revenus et le temps disponibles.
19 Les compétences mobilisées peuvent jouer aussi: si la tâche de bénévolat est (trop)
simple, une personne qualifiée peut préférer favoriser son travail et augmenter ses
propres revenus, et en contrepartie proposer un don financier plus élevé. Inversement,
un bénévolat exigeant des compétences (trop) élevées peut faire qu’une personne peu
qualifiée ne soit pas en situation de pouvoir réellement arbitrer. Dans le contexte de
Wikipédia, il est possible que, pour une partie de la population, la capacité de
contribution en nature soit réduite compte tenu de la faible appétence pour l’écrit ou
de la difficulté à maîtriser les interfaces logicielles relativement complexes d’un Wiki.
Cela les inciterait alors à donner.
20 Brown et Lankford (1992) ont considéré un modèle où don en argent et en temps
étaient évalués simultanément. Leur conclusion est que le don en argent conditionne le
don en nature (plutôt que l’inverse), ce qui en fait aussi des compléments. Plus
récemment, Cappellari et al. (2011) ont aussi montré, sur un échantillon de 22.000
personnes, une complémentarité plutôt qu’une substituabilité entre les deux.
21 À l’inverse Freeman (1996) et Duncan (1999) suggèrent que don en temps et don en
argent sont des substituts. C’est ce que suggère aussi l’étude empirique de Menchik et

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Weisbrod (1987), qui a montré que le montant du don était négativement corrélé au
volontariat. Ainsi, il n’y a pas consensus dans la littérature sur le caractère
complémentaire ou substituable du don et du bénévolat.
22 La difficulté à valider empiriquement la substituabilité entre don et contribution invite
à chercher à compléter les variables d’influence de l’arbitrage temps/revenu. Une
tentative intéressante en ce sens est l’approche de Melnik et Zimmermann (2015), pour
qui la volonté de contribuer à un bien public peut être indépendante de la volonté de
donner, car fondée sur d’autres motifs, et notamment la préoccupation des donateurs
sur la qualité privée du bien public produit par leur don. Leur argument est que le don
est la participation au bien public, alors que la contribution augmenterait la valeur
privée du bien du fait d’un meilleur ajustement à leur propre besoin. Ce mécanisme est
particulièrement présent dans Wikipédia où les producteurs de contenu peuvent
vouloir donner leur propre interprétation d’un phénomène physique, psychologique ou
social, ou simplement exposer la façon qu’ils considèrent la plus pédagogique
d’expliquer une notion. Par contre, si la contribution se borne à corriger des fautes, à
éditer des documents, cette explication par la valeur privée de la contribution ne tient
pas. Dans cette analyse, le don pourrait être expliqué par la contribution, car les
personnes qui contribuent voudraient maximiser la portée du bien privé. Cela nous
amène à reformuler l’objectif de l’article, en posant les hypothèses suivantes.

2.3. Hypothèses

23 Les deux premières hypothèses sont des hypothèses classiques, de description du profil
des participants ayant un comportement pro-social. Elle se base sur les variables socio-
économiques et sur les éléments pouvant entrer dans l’arbitrage don/contribution, à
savoir le temps et le revenu disponibles. Le cœur de l’étude porte sur les liens entre don
et contribution, sur leur éventuelle corrélation et sur l’hypothèse que les contributeurs
sont tentés de maximiser la valeur privée du bien (issue de leur contribution) en
donnant.

2.3.1. Le profil socio-économique des participants (H1)

24 À la suite de la revue de littérature, et considérant en premier lieu que don et


contribution sont deux éléments représentatifs d’une attitude pro-sociale, nous faisons
l’hypothèse H1, descriptive, que les personnes s’engageant pour Wikipédia ont les
mêmes profils socio-économiques que les individus décrits par les études antérieures
sur le don et le volontariat. Plus exactement :
25 H1.1. Profil socio-économique. Le niveau de diplôme, l’âge et le sexe sont des
variables explicatives du don et de la contribution à Wikipédia. Plus exactement, et
toutes choses étant égales par ailleurs, la probabilité de s’engager (donner ou
contribuer) augmente avec l’âge et le diplôme. Les femmes ont une probabilité plus
élevée de participer que les hommes.
26 Comme l’a suggéré Andreoni (1990), mais aussi, dans notre cas d’étude, von Hippel
(1988) avec sa théorie de l’utilisateur innovateur, l’usage privé de Wikipédia peut
inciter à s’engager, soit en soutenant son accès, soit en participant à sa création.
27 H1.2. Valeur du bien privé. La probabilité de s’engager vis-à-vis de Wikipédia (donner
ou contribuer) augmente avec l’intensité d’usage de Wikipédia.

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28 Finalement, la philosophie du projet, l’importance qu’on porte à la création d’une


encyclopédie pour tous, la valeur que l’on donne à l’existence du bien public est aussi
un élément explicatif de l’engagement.
29 H1.3. Valeur du bien public. La probabilité de s’engager (donner ou contribuer)
augmente avec l’attachement à Wikipédia.

2.3.2. Les éléments qui contraignent la capacité de donner et de contribuer (H2)

30 Si la littérature ne distingue pas les profils socio-économiques du donateur et du


contributeur, elle met en avant des facteurs limitant l’un ou l’autre, notamment au
travers des modèles d’arbitrage temps/revenu. On peut contester le fait que les agents
peuvent diminuer sans contrainte leur temps libre pour augmenter leur revenu, ou
inversement. Mais l’idée sous-jacente que si on a beaucoup de temps libre, il est moins
coûteux d’en consacrer une partie à contribuer, et que si l’on a beaucoup d’argent, faire
un don est plus facile, mérite d’être testée.
31 H2.1. Contraintes de temps et de revenu. Avoir du temps libre augmente la
probabilité de contribuer, tandis que disposer de revenus élevés augmente celle de
donner. S’il y a substitution entre don et contribution, avoir beaucoup d’argent devrait
diminuer la probabilité de contribuer et avoir beaucoup de temps la probabilité de
donner.
32 Enfin, comme expliqué, il faut contrôler les résultats obtenus par la capacité de
contribution des participants. Il y a une difficulté à maîtriser les outils (la rédaction,
l’informatique) nécessaires pour le faire. S’il y a substitution entre don et contribution,
une faible compétence devrait inciter à donner, d’où l’hypothèse suivante:
33 H2.2. Contraintes des compétences. Être à l’aise dans la manipulation de document,
avoir des compétences informatiques augmente la probabilité de contribuer à
Wikipédia. Avoir de faibles compétences augmente celle de donner.

2.3.3. Complémentarité ou substitution entre don et contribution (H3) ?

34 Enfin, sur la complémentarité entre don et contribution, considérant les résultats


contradictoires de la littérature, et le cas spécifique d’une encyclopédie qui propose
d’exposer au plus grand nombre les écrits des contributeurs, suivant l’argument de
Melnik et Zimmermann (2015), nous supposons que :
35 H3. La contribution implique le don. L’idée défendue est que les contributeurs
veulent maximiser l’exposition de leur contribution, et donc cherchent à s’assurer de la
qualité et de l’universalité de l’accès en donnant pour financer l’accès à cette
contribution.

3. Données
3.1. Collecte et données

36 Dans Wikipédia, les compétences des contributeurs, leurs caractéristiques


sociologiques ou leurs motivations sont, en général, mal documentées. Lam et al. (2011)
rapportent que seulement 6,5 % des éditeurs de la Wikipédia anglophone ont renseigné
leur genre sur leur page personnelle. Cela est encore plus vrai pour les lecteurs, dont on

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n’a aucune information. Concernant le don, certains sont anonymes, et la Wikimedia


Foundation ne diffuse pas la liste complète des donateurs 6. Ainsi, à la suite d’Amichai-
Hamburger et al. (2008) et Yang et Lai (2010), qui ont interrogé les contributeurs
(anglophones), et de Dejean et Jullien (2015), qui ont interrogé les utilisateurs
francophones, nous avons réalisé un questionnaire en ligne. Nous avons interrogé les
utilisateurs du Wikipédia francophone sur leurs usages de Wikipédia, leur attachement
à ce site, les dons et les contributions qu’ils ont faits.
37 L’enquête a été créée en étroite collaboration avec l’association Wikimédia France et les
administrateurs francophones du site français notamment, pour définir les différents
niveaux d’implication et les pratiques de don/financement de la plateforme. La version
finale a été publiée en ligne, et, grâce aux membres de Wikimédia France et aux
administrateurs du site, elle a été annoncée via une bannière sur les pages Wikipédia
(de la même façon que l’appel au don), du 1er au 28 mars 2015. Chaque utilisateur du site
pouvait être redirigé vers une page expliquant les objectifs de l’enquête et l’adresse du
questionnaire. Cette méthode de collecte de données nous a permis de construire un
échantillon non probabiliste d’utilisateurs francophones Wikipédia (contenant des
contributeurs).
38 Pendant ces quatre semaines, plus de 36.000 utilisateurs de Wikipédia ont ouvert le
questionnaire, 19.727 l’ont commencé (sont allés au-delà de la première page), et 16.879
l’ont terminé. Après nettoyage nous avons conservé 16.612 réponses. Bien qu’il soit
difficile d’évaluer un taux de réponse, le nombre de pages vues par heure au cours de
cette période est d’environ 800.000, pour environ vingt millions de visiteurs uniques
par mois en avril 2015, d’après l’estimation de Médiamétrie pour la France 7, soit un
taux de réponse d’environ un pour 2000. Le nombre de contributeurs inscrits, qui ont
fait au moins une édition, est d’environ 15.800, et le nombre de wikipédiens actifs
(wikipédiens qui ont contribué 5 fois ou plus dans le mois), autour de 5700. Comme
nous avons récolté un peu plus de 800 réponses provenant de contributeurs réguliers,
mais aussi 1500 qui contribuent parfois (et donc, pour une partie qui a fait plus de cinq
éditions lors de ce mois particulier), nous estimons que nous avons les réponses
d’environ 20 % des wikipédiens actifs pendant le mois d’enquête. Il y a donc un biais de
réponse en faveur des plus concernés par Wikipédia, et sans doute des plus gros
utilisateurs, ce qui est compréhensible au regard du thème de l’enquête.
39 Afin d’analyser la problématique relative aux dons et à la contribution, nous n’avons
considéré que les personnes ayant une connaissance du fait que Wikipédia accepte les
dons, soit 13.988 personnes (84 % de la population répondante).

3.2. Présentation des variables

40 Les variables que nous cherchons à expliquer sont le don et la contribution. Les
variables explicatives représentent le contexte socio-économique des répondants et
leurs relations avec le projet Wikipédia.

3.2.1. Les variables expliquées

41 Les variables expliquées sont décrites dans le tableau 1.


42 Le don. Les enquêtés ont été interrogés sur leur connaissance des campagnes d’appel
au don, et sur le fait qu’ils avaient déjà donné. Les questions étaient les suivantes

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« Parfois, Wikipédia fait appel au don pour financer son fonctionnement. Le saviez-
vous? (réponse oui/non) » et, pour ceux qui le savaient, « Avez-vous déjà versé un don à
Wikipédia? (Oui, une fois, Oui, plusieurs fois, Non, vous n’avez pas réussi (problème
technique, problème paiement...), Non) ». Nous leur demandions ensuite le montant
total du ou des dons. Dans la suite de l’article, et comme indiqué précédemment, nous
n’avons tenu compte que des individus qui savaient qu’on pouvait donner. Ont été
considérés comme donateurs ceux qui avaient affirmé avoir donné et qui nous avaient
donné un montant non nul.
43 La contribution. Il est nécessaire de distinguer les personnes qui ont essayé de
contribuer et ceux qui sont des contributeurs réguliers. Nous avons donc quatre
niveaux de contribution: lecteur (n’a jamais essayé de contribuer), curieux (a essayé
une ou deux fois), collaborateur occasionnel, contributeur régulier. Cela a évité la
définition d’une frontière précise, mais a augmenté le risque de mauvaise affectation
entre les catégories de contributeurs réguliers et occasionnels. Pour vérifier ce point,
nous avons demandé aux gens d’estimer le temps passé par semaine à contribuer à
Wikipédia comme l’ont fait Nov (2007) et Dejean et Jullien (2015). Nous obtenons une
bonne segmentation, puisque plus de 94 % des collaborateurs occasionnels passent
moins d’une heure par semaine à contribuer à Wikipédia, et plus de 80 % des
contributeurs réguliers plus d’une heure par semaine8. Ainsi, notre stratégie d’auto-
affectation apparaît solide.
44 Dans la suite de l’article, sont considérées comme contributeurs les personnes qui sont
au moins contributrices occasionnelles, celles qui ont essayé une ou deux fois
paraissant plutôt curieuses que voulant réellement faire don de leurs connaissances à
Wikipédia.

3.2.2. Les variables explicatives

45 Conformément à notre discussion du paragraphe précédent, nous cherchons d’abord à


caractériser les déterminants socio-économiques de l’engagement envers Wikipédia.
Considérant la revue de la littérature présentée dans la section précédente, nous avons
considéré trois grands types de facteurs explicatifs: la relation avec le bien public en
question, usage et capacités, et les variables socio-économiques, y compris les
contraintes de temps et de revenu.
46 Les variables expliquées sont décrites dans le tableau 5.
47 Les variables socio-économiques. Les déterminants socio-économiques classiques de
la littérature, âge, genre, niveau d’étude, font partie des variables de contrôle. Nous
n’avons pas retenu la catégorie socio-professionnelle, car trop corrélée au niveau
d’étude, à l’âge, et au revenu. Pour le niveau de revenu, nous avons privilégié le
sentiment financier plutôt qu’une valeur déclarée, qui est souvent moins bien
renseignée (question posée: « Si l’on considère l’ensemble de vos ressources financières
(ou celles de vos parents), vous diriez que: vous avez une vie très confortable, vie
confortable, vous vous en sortez ou vous trouvez la vie difficile ») 9.
48 Pour tester la contrainte de temps, qui peut intervenir dans le choix de la participation,
et de la même manière que pour le revenu nous avons posé la question suivante:
« considérant les contraintes professionnelles, scolaires, et familiales », avez-vous « pas
du tout de temps libre », « un peu de temps libre », « pas mal de temps libre »,
« beaucoup de temps libre ». On peut faire l’hypothèse que le manque de temps libre

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peut expliquer le manque de contribution, mais aussi, éventuellement de manière


négative, le don, par effet de substitution.
49 La relation avec le projet. La possibilité de contribuer n’est pas simplement du temps
de volontariat consacré à un bien public. L’expertise nécessaire à la contribution, liée
au contenu lui-même, est en partie contrôlée par le niveau d’études. Mais elle implique
aussi la maîtrise de l’écriture sur ordinateur, dans un wiki, qui exige un peu de
compétences. Trois variables ont été utilisées pour décrire ces compétences: nous
avons demandé aux personnes d’évaluer leur capacité à « élaborer un document
complexe avec un traitement de texte », « évaluer la pertinence, la véracité d’une
information », et « maîtriser leur identité numérique », avec les modalités « ne sait pas
faire », « pas très à l’aise », « moyennement à l’aise », « plutôt à l’aise », et « très à
l’aise ». À première vue, ces variables ne devraient pas être liées et n’être explicatives
que de la contribution, sauf si des effets de substitution jouent (je ne peux pas
contribuer alors je donne).
50 Compte tenu de son caractère un peu utopique, Wikipédia peut susciter des passions. Le
postulat de l’encyclopédie ouverte est que la production du savoir peut être
démocratique, et non pas réservée à une élite d’experts. Il peut justifier que des
personnes y soient fortement attachées et par conséquent donnent ou contribuent. Une
variable a été construite qui est une approximation de l’attachement à Wikipédia, perçu
grâce à la question suivante: « Si Wikipédia disparaissait, ça serait, pour vous? Un
désastre/une perte certaine/nocif, mais pas tant que cela ». Si cet attachement est
associé à la volonté de participer à Wikipédia, on peut l’interpréter comme une
motivation d’altruisme (pur ou impur) mais aussi comme une adhésion à une norme
sociale au sens où il faut montrer son attachement en donnant ou en contribuant.
51 Mais nous ne pouvons pas exclure le fait que les personnes considèrent simplement
Wikipédia comme un objet utile pour leurs pratiques. C’est pourquoi nous avons aussi
mesuré l’usage de l’encyclopédie. Nous avons donc demandé, pour deux types d’usage
(professionnel et personnel), si les personnes utilisaient Wikipédia « jamais, rarement,
de temps en temps, ou souvent », et ce, « pour vérifier un point/avoir une définition
d’une notion/découvrir de nouvelles choses/approfondir leurs connaissances ». Ceci
nous a permis de construire un score d’usage, que nous avons recodé en niveau
d’intensité. Dans ce cas, une corrélation éventuelle entre usage et participation à
Wikipédia (en don ou contribution) peut refléter une attitude de réciprocité: je donne
ou je contribue à l’encyclopédie car j’en suis un gros utilisateur et j’exprime ma volonté
de coopération par mon attitude pro-sociale de participation à Wikipédia.

4. Résultats
4.1. Statistiques descriptives
4.1.1. Variables expliquées

52 La distribution des variables expliquées est donnée dans le tableau 1: les donateurs
réels (ceux qui ont indiqué la somme donnée), les contributeurs réels (ceux qui ont
contribué plus qu’une ou deux fois), et les contributeurs réguliers. On constate que les
donateurs sont plus nombreux, mais, comme déjà indiqué, nous avons aussi beaucoup

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de contributeurs dans notre échantillon (par rapport au ratio contributeur/lecteur),


même s’il s’agit principalement de contributeurs occasionnels.
53 Tout cela n’est pas en contradiction avec ce que l’on connaît de la distribution des
contributions dans Wikipédia.
54 La population totale de ceux qui ont fait un geste pour Wikipédia dans notre
échantillon (donner, contribuer, ou les deux) est de 4391 individus. Ils se répartissent
de la façon suivante: donateurs simples (2280, soit 51,9 % de ceux qui ont fait un geste),
contributeurs simples (1464, 33,3 %), et donateurs-contributeurs (647, 14,7 %).

Tableau 1. Description des variables expliquées des modèles

Variables Nombre Pourcentage

Oui 2927 20.93


Donateur réel
Non 11061 79.07

Oui 2111 15.09


Variables expliquées Contributeur réel
Non 11877 84.91

Oui 724 5.18


Contributeur régulier
Non 13264 94.82

Nb: les personnes n’ayant contribué qu’une ou deux fois (les curieux) sont au nombre de 2886 (20,6 %
de nos répondants) et par conséquent, les simples lecteurs, au nombre de 8991 (64,3 % de nos
répondants).

Tableau 2. Statistiques simples sur les variables explicatives

Écart-
Variable N Moyenne Minimum Maximum
type

Genre 13988 0.35 0 (homme) 1 (femme)

Niveau de Diplôme 13781 2.74225 1.14774 1 (infbac) 4 (sup. à licence)

1 (moins de
Âge 13963 3.78314 2.04612 8 (60 ans et plus)
20 ans)

Situation avec le revenu 1 (très 4 (difficile ou très


13787 2.46928 0.82221
actuel confortable) difficile)

Temps libre disponible 13813 2.44335 0.77393 1 (pas du tout) 4 (beaucoup)

Volume d’usage personnel


13988 3.41321 1.50083 1 (très peu) 5 (énormément)
de Wikipédia

Volume d’usage
13988 2.53117 1.22132 0 (pas du tout) 4 (énormément)
professionnel de Wikipédia

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Impact disparition 3 (nocif, mais pas tant


13917 1.74528 0.61865 1 (un désastre)
Wikipédia que cela)

Capacité à 1 (pas très à


13988 3.03281 0.83208 4 (très à l’aise)
évaluer une information l’aise)

Capacité à élaborer un 1 (pas très à


13988 2.99006 0.97658 4 (très à l’aise)
document complexe l’aise)

Capacité à maîtriser son 1 (pas très à


13988 2.92158 0.97978 4 (très à l’aise)
identité numérique l’aise)

4.1.2. Variables explicatives

55 Le tableau 5, en annexe, présente le détail des variables explicatives, qui sont résumées
dans le tableau 2.
56 Les coefficients de corrélation de Pearson entre les variables ordonnées (tableau 6, en
annexe) sont en général inférieurs à 10 % en valeurs absolues, sauf pour les capacités,
qui sont assez liées entre elles (coefficient autour de 40 %). Mais même si les variables
« capacité à évaluer une information » et « capacité à élaborer un document complexe »
sont assez liées au diplôme (coefficient autour de 20 %), cela reste faible. Comme reste
faible l’intensité de la relation entre la variable de l’impact de la disparition de
Wikipédia et les variables d’usages (coefficient de corrélation de Pearson autour de
20 %), ce qui permet de défendre l’idée que nos variables mesurent bien deux choses
différentes (l’attachement au projet, d’une part, son importance pour l’utilisateur,
d’autre part).
57 Cela permet l’utilisation commune de ces variables dans nos régressions linéaires.

4.2. Discussion des hypothèses

58 Les résultats sont obtenus par des modèles économétriques de type Probit.
Nous proposons d’abord de tester les éléments explicatifs de la participation
(hypothèses H1 et H2), puisque la littérature s’accorde pour dire que contribuer ou
donner relèvent de la même intention, même si l’un peut, parfois, expliquer l’autre, en
comparant les variables expliquant le don et celles expliquant la contribution. Dans un
deuxième temps, nous testerons l’hypothèse H3 que la contribution peut expliquer le
don, en utilisant la méthode de la variable instrumentale.

4.2.1. Profil des donateurs et des contributeurs

59 Nous utilisons deux modélisations à base de modèle Probit: la modélisation du don,


d’une part, de la contribution d’autre part, basées sur un modèle à équations
simultanées, car ces décisions (donner ou contribuer) ne sont pas, a priori,
indépendantes.
60 La régression simultanée du don et de la contribution est présentée dans les colonnes 1
(don) et 2 (contribution) du tableau 3. La colonne 3 présente la modélisation (Probit
simple) du fait d’être un contributeur régulier10.

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149

Tableau 3. L’explication du don et de la contribution, modèle complet

Être un
(donner et contribuer
Donner Contribuer contributeur
régressés simultanément)
régulier

-0.137756*** -0.620954*** -0.580894***


Femme
(0.029471) (0.034845) (0.054158)
Genre

Homme ref. ref. ref.

-1.160507*** 0.194323*** -0.227046***


moins de 20 ans
(0.053835) (0.060157) (0.08484)

-0.670702*** 0.19149*** -0.06897


de 20 à 30 ans
(0.0445) (0.052349) (0.068925)

Âge -0.330015*** 0.352856*** 0.210535***


de 30 à 50 ans
(0.044201) (0.052257) (0.06669)

-0.059161 0.255996*** 0.179557**


de 50 à 60 ans
(0.049682) (0.060938) (0.077253)

Plus de 60 ans ref. ref. ref.

-0.344382*** -0.364052*** -0.226494***


infbac
(0.050163) (0.053309) (0.075921)

-0.165648*** -0.369478*** -0.325619***


bac
(0.047472) (0.052578) (0.07592)
Niveau diplôme

-0.100576*** -0.249227*** -0.223061***


Bac à licence
(0.032779) (0.036158) (0.049386)

Sup à licence ref. ref. ref.

0.603141*** -0.076245 0.084462


Très confortable
(0.058161) (0.061182) (0.083576)

0.386954*** -0.040266 0.023846


confortable
(0.045866) (0.046977) (0.066888)
Situation avec le revenu actuel
vous vous en 0.204462*** -0.053314 0.028187
sortez (0.047054) (0.048315) (0.068812)

c’est difficile ou
ref. ref. ref.
très difficile

Temps libre Pas du tout de -0.104688 -0.291277*** -0.514353***


temps libre (0.066821) (0.070291) (0.107438)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


150

Un peu de -0.017642 -0.227641*** -0.249695***


temps libre (0.045083) (0.048483) (0.064232)

Pas mal de -0.035308 -0.131717*** -0.021918


temps libre (0.045653) (0.049571) (0.064039)

Beaucoup de
ref. ref. ref.
temps libre

-0.151601*** -0.326468*** -0.272855***


Utilise très peu
(0.045739) (0.048882) (0.07149)

-0.151416*** -0.178096*** -0.251441***


Utilise peu
(0.048437) (0.051045) (0.075326)

-0.073329* -0.151953*** -0.139734**


Volume d’usage perso Wikipédia Utilise moyen
(0.039208) (0.042535) (0.058844)

0.025175 0.010745 -0.032563


Utilise beaucoup
(0.037986) (0.040481) (0.05541)

Utilise
ref. ref. ref.
énormément

-0.04969 -0.114342* 0.006372


N’utilise pas
(0.0549) (0.069434) (0.088573)

-0.122276*** 0.180166*** 0.289961***


Utilise peu
(0.047325) (0.048181) (0.064196)

-0.056058 0.084963** 0.109695*


Volume d’usage pro Wikipédia Utilise moyen
(0.041176) (0.042864) (0.059832)

0.026926 -0.034516 -0.032658


Utilise beaucoup
(0.036592) (0.039306) (0.05553)

Utilise
ref. ref. ref.
énormément

0.938328*** 0.307723*** 0.403731***


un désastre
(0.064928) (0.05728) (0.085845)

Impact disparition Wikipédia une perte 0.578123*** 0.019357 0.063971


pour la personne certaine (0.062915) (0.05526) (0.084086)

nocif, mais pas


ref. ref. ref.
tant que cela

Capacité à évaluer info. 0.049832 0.073854 0.028123


pas très à l’aise
(véracité, pertinence) (0.077521) (0.08401) (0.118765)

moyennement à -0.014009 -0.362866*** -0.385864***


l’aise (0.047068) (0.053878) (0.080284)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


151

0.012931 -0.133632*** -0.165432***


plutôt à l’aise
(0.032787) (0.033666) (0.046382)

très à l’aise ref. ref. ref.

-0.11082** -0.413298*** -0.432376***


pas très à l’aise
(0.056511) (0.067162) (0.101103)

moyennement à 0.017281 -0.256242*** -0.251878***


Capacité à élaborer
doc l’aise (0.043439) (0.04758) (0.069094)
complexe avec traitement texte
0.034333 -0.100214*** -0.07696
plutôt à l’aise
(0.032809) (0.034121) (0.047395)

très à l’aise ref. ref. ref.

-0.035834 -0.242079*** -0.0014


pas très à l’aise
(0.054502) (0.064506) (0.087436)

moyennement à -0.081841** -0.174086*** -0.044202


Capacité à maîtriser identité
l’aise (0.040697) (0.044133) (0.062745)
num (sécuriser mot de passe,
contrôles les infos perso....)
-0.064579* -0.069921** 0.019093
plutôt à l’aise
(0.033923) (0.034635) (0.048595)

très à l’aise ref. ref. ref.

-0.992958*** -0.447867*** -1.196592***


Constante
(0.09246) (0.091482) (0.128181)

Rho 0.101602*** (0.020019)

Observations

Écarts-types entre parenthèses *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1

61 Si, pour le don, l’âge agit comme attendu (plus on est âgé, plus la probabilité de donner
est importante), il est un frein à la contribution. La colonne des contributeurs réguliers
donne une partie de l’explication: les jeunes sont des contributeurs occasionnels, mais
peu réguliers (moins que les personnes âgées de plus de 60 ans, la référence), et ce sont
les personnes entre 30 et 50 ans qui sont les plus susceptibles de participer. Ces
résultats sont conformes aux autres études sur les contributeurs à Wikipédia (Dejean et
Jullien, 2015), et pointent qu’au-delà du diplôme et des compétences en informatique,
sur lesquelles nous reviendrons, la capacité (et l’envie) de transférer des connaissances
sur un support informatique jouent.
62 Concernant le genre, et selon la littérature, les femmes donnent plus facilement que les
hommes, ce qui n’est pas vérifié ici. Andreoni et Vesterlund (2001) ont montré que
quand il s’agit de faibles sommes, comme ici, les hommes donnaient plus facilement
(que les femmes). Et lorsque les femmes s’engagent, la notion de « care », de
compassion, mais aussi de sociabilité est un élément important. Ces sentiments sont
peut-être moins mobilisés pour Wikipédia, qui est moins relié à leurs préoccupations.

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


152

C’est ce que semblent indiquer aussi les études sur le genre et la contribution (Amichai-
Hamburger et al., 2008), mais aussi les études sur d’autres technologies numériques (par
exemple Glynn et al., 2012, sur Facebook).
63 H1.1 est partiellement vérifiée. Les variables socio-économiques expliquent bien le
don et la contribution, mais avec des variations par rapport aux résultats classiques,
qui s’expliquent par le contexte, comme pour d’autres activités pro-sociales (Elster,
1989a). Les résultats des tests des deux hypothèses sur l’usage et l’attachement
confirment cela.
64 H1.2 est vérifiée: l’usage personnel augmente la probabilité de participer à
Wikipédia. Par contre des effets contradictoires existent pour l’usage professionnel:
avoir un faible usage professionnel diminue significativement la probabilité de donner
(par rapport à un usage moyen ou plus), mais pas le fait de ne pas en avoir du tout.
Avoir un usage faible ou moyen augmente la probabilité de contribuer (et d’être un
contributeur régulier), alors que, par comparaison entre la colonne contributeur et
contributeur régulier, ne pas avoir d’usage professionnel diminue la probabilité de
contribuer (de temps en temps) puisque cela n’augmente pas la probabilité (par rapport
à un usage professionnel intensif) d’être un contributeur régulier. On peut proposer
comme explication que l’engagement est plus dû à des motivations intrinsèques qu’à
des motivations extrinsèques: je retire une satisfaction de l’usage de Wikipédia, cela
m’incite à aider le projet (sous forme de don ou contribution). Par contre, si mon usage
est trop lié à une demande externe (le travail), cela m’inciterait moins à aider.
65 H1.3 est vérifiée: être attaché à Wikipédia augmente la probabilité de donner et
de contribuer. La contribution (occasionnelle et régulière) est surtout liée à un
attachement fort, quand le don est lié à un attachement fort ou moyen 11.
Si l’on considère maintenant les variables de capacité (revenu, temps libre et capacités
techniques), on trouve l’effet explicatif attendu.
On a les résultats suivants:
66 H2.1 est vérifiée: les personnes à revenu plus élevé sont plus enclines à donner,
celles disposant de temps libre contribuent plus. Par contre les personnes à revenu
élevé ne contribuent pas plus à l’encyclopédie que les autres, et les personnes disposant
de temps libre n’ont pas une plus grande probabilité de donner à Wikipédia que les
autres.
67 H2.2 est vérifiée: avoir des capacités informatiques faibles diminue la probabilité
de contribuer, mais les capacités ne sont pas liées au don (pas d’effet positif de
capacités faibles sur la probabilité de donner).
68 Cette spécialisation ne semble donc pas refléter un arbitrage revenu/temps libre. En
effet, s’il en était ainsi, les personnes qui gagnent mieux leur vie contribueraient moins,
tandis que les personnes qui disposent de temps libre donneraient moins. Inversement,
les personnes qui ont de faibles capacités devraient compenser en donnant plus. Or ce
n’est pas le cas: le revenu est corrélé négativement à la contribution mais ce n’est pas
significatif, et avoir du temps libre n’est pas corrélé négativement à la probabilité de
donner. Tout se passe comme si les personnes se déterminaient indépendamment vis-à-
vis du don et de la contribution: certaines, parce qu’elles disposent de revenus
soutiennent financièrement Wikipédia, d’autres, parce qu’elles ont du temps libre et de
bonnes connaissances en informatique, contribuent.

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


153

69 Cela ne veut pas dire que ces décisions sont prises indépendamment: on constate que le
Rho est positif et significatif, ce qui veut dire que ces comportements sont liés, ou plus
exactement qu’un certain nombre de variables inobservées expliquent le don et la
contribution.

4.2.2. Arbitrage don/contribution

70 On peut trouver une confirmation de cette conclusion avec le test d’hypothèse de


complémentarité H3. Pour ce faire, nous avons cherché à expliquer le don par la
contribution en utilisant une variable instrumentale, la capacité à maîtriser les outils
informatiques. L’idée est que si le modèle de Melnik et Zimmermann (2015) est
empiriquement vérifié, alors la valeur privée de Wikipédia (qui se traduit par la volonté
de contribuer) entraîne sa valeur publique, mesurée par les dons.
71 Nous considérons la variable endogène liée à la contribution dans le système
d’équations suivant:
don = α2 + X2 + contributeur + ε2
contributeur = α1 + X1 + ε1
où X2 est le vecteur des variables socio-économiques (modèle 1), puis de celles-ci et des
variables d’usage et d’attachement à Wikipédia. X1 contient toutes les variables de X 2
plus l’instrument « capacité à élaborer des documents complexes ». On a déjà constaté
que cette variable expliquait la contribution, mais pas le don. Ces résultats sont
présentés dans le tableau 7, en annexe.
Le test nous conduit à ne pas valider l’hypothèse de causalité entre contribuer et
donner.
72 H3 n’est pas vérifiée : il n’y a pas de causalité entre contribution et don. Pourtant,
si on regarde le tableau croisé entre don et contribution, parmi ceux qui ont fait un
geste (tableau 4), il y a bien une corrélation (test du Chi² positif).

Tableau 4. Tableau croisé don-contribution avec intensités don‑contribution

niveau de contribution
niveau de don Total
jamais 1 ou 2 fois de tps en tps régulièrement gros

Fréquence 0 0 964 347 153 1464

Attendu 537.15 219.48 464.77 170.56 72.044


Pas de don
Écart -537.1 -219.5 499.23 176.44 80.956

Khi-2/cell. 537.15 219.48 536.25 182.52 90.971

Fréquence 122 51 19 2 0 194

Attendu 71.179 29.084 61.588 22.602 9.5468


moins de 2 euros
Écart 50.821 21.916 -42.59 -20.6 -9.547

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


154

Khi-2/cell. 36.285 16.514 29.45 18.778 9.5468

Fréquence 240 128 60 15 0 443

Attendu 162.54 66.415 140.64 51.611 21.8


de 2 à 5 euros
Écart 77.462 61.585 -80.64 -36.61 -21.8

Khi-2/cell. 36.917 57.108 46.234 25.97 21.8

Fréquence 434 147 96 26 5 708

Attendu 259.77 106.14 224.76 82.484 34.841


de 5 à 10 euros
Écart 174.23 40.857 -128.8 -56.48 -29.84

Khi-2/cell. 116.86 15.727 73.767 38.679 25.558

Fréquence 349 145 99 29 12 634

Attendu 232.62 95.049 201.27 73.863 31.199


de 10 à 20 euros
Écart 116.38 49.951 -102.3 -44.86 -19.2

Khi-2/cell. 58.229 26.25 51.967 27.249 11.815

Fréquence 303 126 83 43 16 571

Attendu 209.5 85.604 181.27 66.523 28.099


de 20 à 50 euros
Écart 93.498 40.396 -98.27 -23.52 -12.1

Khi-2/cell. 41.727 19.062 53.276 8.3179 5.2097

Fréquence 155 58 66 47 29 355

Attendu 130.25 53.222 112.7 41.358 17.47


50 euros
et plus
Écart 24.749 4.7784 -46.7 5.6416 11.53

Khi-2/cell. 4.7027 0.429 19.351 0.7695 7.6102

valeur 1603 655 1387 509 215 4369


Total
% 36.69 14.99 31.75 11.65 4.92 100

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


155

73 Le détail des différentes cases est à ce sujet instructif. Il y a effectivement une


surreprésentation de ceux qui ne donnent pas parmi les contributeurs (qu’ils soient
contributeurs de temps en temps, réguliers, ou gros), mais aussi, de ceux qui donnent
peu. Cela va de pair avec une surreprésentation des gros donateurs parmi ces mêmes
contributeurs.
74 On peut faire l’hypothèse que les contributeurs sont composés de deux populations,
l’une relativement indifférente à l’impact public de Wikipédia, l’autre qui se comporte
comme supposé par Melnik et Zimmermann (2015), c’est-à-dire qui donne pour
renforcer son investissement privé (ou qui donne et contribue pour soutenir le projet).

5. Discussion
5.1. Sur l’arbitrage don/contribution, temps/revenu

75 Cet article propose une comparaison des deux modes d’engagement vis-à-vis d’un
projet de production de connaissances accessible à tous : le don pour financer l’accès, et
la contribution pour financer le contenu. Dans la discussion théorique sur un arbitrage
temps/revenu, don/contribution, plusieurs tests sur notre échantillon (impact des
revenus et du temps libre, impact des compétences, pas d’impact de la contribution sur
le fait de donner moins) infirment l’hypothèse d’une substituabilité.
76 Mais cela ne nous permet pas pour autant de confirmer les conclusions avancées par le
modèle théorique de Melnik et Zimmermann (2015) qui prévoient une forme de
complémentarité entre don et volontariat pour la fourniture d’un bien public, fondée
sur la valeur à la fois privée et publique qu’aurait l’engagement vis-à-vis de Wikipédia.
Contribuer aiderait à orienter les contenus dans un sens privé ; donner permettrait la
diffusion des contenus de connaissance, de la philosophie qu’on défend par sa
contribution. Même si deux populations semblent exister chez les contributeurs (une
qui ne donne rien et l’autre qui donne beaucoup), il n’est pas sûr que le don s’explique
par la volonté de renforcer la visibilité de cette contribution. Si l’on régresse, dans la
population des contributeurs, le don par les variables explicatives déjà utilisées plus les
types de contributions réalisées, production de contenu signifiant (rédaction d’un
article ou création d’un nouvel article), ou polissage de la forme (ajout de références,
corrections sur l’orthographe), aucune variable n’explique significativement le don
(tableau 8, colonnes 1 et 2, en annexe). De même, la volonté d’entreposer ses notes
quelque part, de participer à un projet de création de connaissances expliquent bien la
contribution (tableau 9, en annexe), mais pas le don chez les contributeurs (tableau 8,
colonne 3).
77 Cela ne tranche pas la discussion théorique, mais renforce le courant de la littérature
qui affirme que les comportements (sociaux) sont situés, dépendants du contexte
(Akerlof et Kranton, 2000 ; Elster, 1989a). Ainsi, si l’on cherche à expliquer la prise de
responsabilité dans une association ou le don du sang avec les mêmes variables, dans la
même population, l’effet genre disparaît quand les autres variables socio-économiques
agissent comme attendu (tableau 10, en annexe).

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


156

5.2. Limites et futures recherches

78 Quelques limites méthodologiques doivent être mentionnées. Tout d’abord, le protocole


(questionnaire) introduit sans doute un biais en faveur des réponses d’individus pro-
sociaux qui ont accepté de donner vingt minutes de leur temps en faveur de Wikipédia.
Cependant, il n’y a pas de raison que cela joue plus pour le don que pour la
contribution. Ensuite, cette étude n’a été faite que sur des utilisateurs de Wikipédia (le
projet francophone). Il faudrait la confirmer pour d’autres langues pour assurer sa
portée sur les encyclopédies, mais aussi sur d’autres projets de communs en ligne. Mais
le test sur le don du sang et sur la prise de responsabilité montre que la population qui
a répondu n’est pas si différente de la population française en termes de comportement
pro-social sur des actions classiques.

6. Conclusion
79 Les résultats obtenus ici démontrent que l’utilité retirée de Wikipédia (à la fois en
termes d’usage et d’attachement émotionnel) conduit les wikipédiens à contribuer à la
fois sous forme monétaire et de temps.
80 Concernant le modèle économique de Wikipédia, cette première enquête française sur
le profil des donateurs et des contributeurs permet de dire que les dons semblent
provenir des utilisateurs, de façon générale, et suivre le modèle classique des dons aux
associations « d’utilité publique », sauf en ce qui concerne le genre. C’est sans doute que
les valeurs de ce projet, technologique, et qui demande des dons faibles, parlent moins
aux femmes. Par contre, les contributeurs sont des personnes attirées par le défi
intellectuel, et ne semblent pas tous sensibles à garantir l’accès pour tous à ces
productions (c’est le sens du tableau 9 qui montre qu’une des explications du fait d’être
un contributeur régulier parmi les contributeurs est l’amusement, et une autre le fait
de pouvoir entreposer ses notes quelque part). La théorie micro-économique de
l’arbitrage travail/loisir comme principe de choix entre donner et contribuer n’est pas
confirmée par nos données. Il semble bien qu’il s’agisse de deux publics qui réagissent à
des incitations différentes et que d’un point de vue managérial, il faille bien distinguer
le financement de l’accès (par le don), de la création de contenu (par la contribution).
81 Il faut se garder de généraliser ces résultats car, comme nous l’avons souligné à la suite
d’Andreoni et Vesterlund (2001) ou d’Elster (1989a), ces résultats soulignent le
caractère situé de l’engagement (don ou contribution) et probablement aussi des effets
de substitution.
82 Nous soulignerons simplement le caractère singulier des contributeurs, encore plus
marqué quand on caractérise les contributeurs réguliers vis-à-vis des contributeurs
occasionnels. Le marché ne serait pas la seule institution où opère une « main
invisible »: bien que les personnes y recherchent leur intérêt personnel, c’est l’intérêt
général (en l’espèce la production d’un commun de connaissance) qui se trouve ainsi
favorisé. Comme pour le marché, c’est une main invisible très visible, car toute
l’infrastructure socio-technique, les règles et les instruments de surveillance,
notamment les robots, ou bots, contraignent et encadrent fortement la contribution
(Joud et al., 2016). Et cet intérêt général est favorisé à condition que d’autres individus

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


157

acceptent de financer par leurs dons la mise à disposition de ce bien, ce qui ne semble
pas être forcément l’objectif premier de ceux qui l’ont créé !

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ANNEXES

Tableau 5. Description des variables explicatives des modèles

Variables Nombre Pourcentage

Variables Femme 4826 34.5


explicatives Genre
Homme 9162 65.5
socio-éco

Moins 20 4481 32.09

20-30 3300 23.63

Âge 30-50 2808 20.11

50-60 1303 9.33

Plus 60 2071 14.83

scolaire 3219 23.12

étudiant 3095 22.23

Situation « professionnelle »
en emploi 4534 32.57
(variable non
utilisée dans les régressions)
recherche
1278 9.18
emploi/inactif

retraité 1796 12.9

infbac 3152 22.87

bac 1854 13.45


Niveau diplôme
Bac à licence 4169 30.25

Sup à licence 4606 33.42

Situation avec le revenu actuel Très confortable 1307 9.48

confortable 6339 45.98

vous vous en
4505 32.68
sortez

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


160

c’est difficile 1103 8

C’est très difficile 533 3.87

Pas du tout de
955 6.91
temps libre

Un peu de temps
7256 52.53
libre
Temps libre
« disponible »
Pas mal de temps
4125 29.86
libre

Beaucoup de
1477 10.69
temps libre

pas très à l’aise 769 5.5

moyennement à
2313 16.54
Capacité à évaluer la pertinence la l’aise
véracité d’une information
plutôt à l’aise 6596 47.15

très à l’aise 4310 30.81

pas très à l’aise 1471 10.52

moyennement à
Capacité à élaborer un doc. 2327 16.64
Capacités l’aise
complexe avec un traitement de
« numériques »
texte
plutôt à l’aise 5060 36.17

très à l’aise 5130 36.67

pas très à l’aise 1478 10.57

Capacité à maîtriser son identité moyennement à


2871 20.52
numérique l’aise
(sécuriser un mot de passe contrôler
infos perso Web...) plutôt à l’aise 4909 35.09

très à l’aise 4730 33.81

Importance de N’utilise pas 1025 7.33


Wikipédia
Utilise peu 1944 13.9

Utilise moyen 3266 23.35


Vol Usage pro Wikipédia

Utilise beaucoup 4082 29.18

Utilise
3671 26.24
énormément

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


161

Utilise très peu 2474 17.69

Utilise peu 1639 11.72

Utilise moyen 2504 17.9


Vol Usage perso Wikipédia

Utilise beaucoup 2375 16.98

Utilise
4996 35.72
énormément

un désastre 4887 35.12

une perte
7688 55.24
Impact disparition Wikipédia certaine

nocif, mais pas


1342 9.64
tant que cela

Tableau 6. Matrice des corrélations des variables explicatives ordonnées (coefficient de


corrélation de Pearson)

Usage
Situation Temps Usage pro Disparition Évaluer Élaborer
Diplôme Âge perso
revenu libre Wikipédia Wikipédia information doc.
Wikipédia

Diplôme 1

Âge 0.44913 1

Situation
-0.06212 0.04135 1
revenu

Temps
-0.03426 0.23793 -0.04335 1
libre

Usage
perso 0.11759 0.1738 0.03728 0.09327 1
Wikipédia

Usage pro
0.04316 -0.13987 -0.00053 -0.10383 0.24724 1
Wikipédia

Disparition
-0.01123 0.03183 0.01722 -0.01874 -0.24193 -0.2408 1
Wikipédia

Évaluer
0.23041 0.04239 -0.04375 -0.03252 0.11584 0.13235 -0.06306 1
information

Élaborer
0.2996 0.02104 -0.09651 -0.07668 0.04661 0.12131 -0.04634 0.4478 1
doc.

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


162

Maîtriser
-0.00297 -0.13206 -0.05481 -0.04917 0.05107 0.1089 -0.08678 0.44743 0.35605
id num

Tableau 7. L’explication du don par les variables explicatives et la contribution (méthode de la


variable instrumentale)

variables socio- (1) + variables d’usage et


économique (1) d’attachement

donner contribuer donner contribuer

-0.191496*** -0.688587*** -0.164826*** -0.647654***


Femme
(0.039917) (0.033907) (0.042618) (0.034438)
Genre

Homme ref. ref. ref. ref.

moins de 20 -1.08783*** 0.267701*** -1.12821*** 0.220615***


ans (0.0528) (0.056217) (0.058657) (0.059669)

-0.596862*** 0.305349*** -0.642857*** 0.225058***


de 20 à 30 ans
(0.045338) (0.049298) (0.048766) (0.051863)

Âge -0.295493*** 0.466305*** -0.300519*** 0.396439***


de 30 à 50 ans
(0.049163) (0.049746) (0.052033) (0.051672)

-0.062664 0.299601*** -0.04443 0.266273***


de 50 à 60 ans
(0.050327) (0.059206) (0.051905) (0.06053)

Plus de 60 ans ref. ref. ref. ref.

-0.356946*** -0.373727*** -0.370243*** -0.356893***


infbac
(0.052426) (0.051703) (0.054086) (0.05256)

-0.169598*** -0.361959*** -0.183698*** -0.368228***


bac
(0.050379) (0.0514) (0.052521) (0.052242)
Niveau diplôme

-0.091153*** -0.243314*** -0.110158*** -0.245082***


Bac à licence
(0.034736) (0.035276) (0.036146) (0.035806)

Sup à licence ref. ref. ref. ref.

Très 0.59157*** -0.060179 0.609454*** -0.058314


confortable (0.056885) (0.060241) (0.058072) (0.060934)

0.361729*** -0.055768 0.391377*** -0.036878


confortable
(0.04487) (0.046101) (0.045771) (0.046725)
Situation avec le revenu
actuel
vous vous en 0.177059*** -0.074388 0.205235*** -0.054408
sortez (0.046174) (0.047381) (0.047042) (0.04802)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


163

difficile ou
ref. ref. ref. ref.
plus

-0.118377* -0.313012*** -0.111186 -0.286016***


Pas du tout
(0.066549) (0.068811) (0.068114) (0.06989)

-0.029382 -0.246736*** -0.021704 -0.233713***


Un peu
(0.045078) (0.04735) (0.046592) (0.048235)
Temps libre

-0.041335 -0.146978*** -0.036641 -0.138084***


Pas mal
(0.044944) (0.04853) (0.04599) (0.049335)

Beaucoup ref. ref. ref. ref.

-0.161011*** -0.337256***
très peu
(0.048606) (0.048501)

-0.157921*** -0.194745***
peu
(0.049226) (0.050697)

Volume d’usage perso


-0.080249** -0.157721***
Wikipédia moyen
(0.039958) (0.042263)

0.02545 0.000509
beaucoup
(0.03782) (0.040227)

énormément ref. ref.

-0.065237 -0.147805**
N’utilise pas
(0.054942) (0.068971)

-0.123098** 0.158489***
peu
(0.047949) (0.047792)

Volume d’usage pro


-0.056916 0.069504
Wikipédia moyen
(0.041127) (0.042509)

0.02308 -0.048477
beaucoup
(0.036562) (0.039037)

énormément ref. ref.

0.948352*** 0.301243***
un désastre
(0.065568) (0.056866)

Impact
une perte 0.57547*** 0.001643
disparition Wikipédia
certaine (0.062807) (0.054789)
pour la personne

nocif, mais pas


ref. ref.
tant

0.091279 -0.127654
non
(0.193558) (0.220033)
Contribuer

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


164

oui ref. ref.

pas très à -0.56286*** -0.538366***


l’aise (0.060265) (0.061097)

moyennement -0.39466*** -0.366724***


Élaborer doc complexe à l’aise (0.04468) (0.045171)
avec traitement texte
-0.208328*** -0.192663***
plutôt à l’aise
(0.03168) (0.032064)

très à l’aise ref. ref.

-0.514792** -0.523335*** -0.874179*** -0.560526***


Constante
(0.248954) (0.066781) (0.294986) (0.089478)

Rho 0.089305 (0.10892) 0.174976 (0.125889)

Observations 13489 13426

Écarts-types entre parenthèses *** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1

Tableau 8. Modélisation du fait de donner (dans la population des contributeurs)

Donner Donner Donner


Logit simple (modèle de (1 + types de (1 + raisons
base) (1) contribution) contribution)

0.027938 0.037509 0.034529


Femme
(0.027736) (0.028902) (0.028416)
Genre

Homme ref. ref. ref.

moins de 20 -0.339345*** -0.356527*** -0.363452***


ans (0.043003) (0.045416) (0.045183)

-0.200822*** -0.224413*** -0.238778***


de 20 à 30 ans
(0.036232) (0.038495) (0.038362)

Âge -0.104831*** -0.115137*** -0.14086***


de 30 à 50 ans
(0.035378) (0.037443) (0.037527)

-0.019386 -0.025885 -0.048074


de 50 à 60 ans
(0.042137) (0.044638) (0.04417)

Plus de 60 ans ref. ref. ref.

Niveau diplôme -0.085678** -0.089215** -0.092426**


infbac
(0.038123) (0.039369) (0.039278)

-0.018243 -0.024298 -0.038148


bac
(0.03673) (0.037841) (0.037642)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


165

-0.035332 -0.043089* -0.04164*


Bac à licence
(0.023675) (0.024284) (0.024148)

Sup à licence ref. ref. ref.

Très 0.222088*** 0.221634*** 0.208732***


confortable (0.040528) (0.041452) (0.041488)

0.119582*** 0.112398*** 0.110641***


confortable
(0.031672) (0.03257) (0.032484)
Situation avec le revenu actuel
vous vous en 0.022405 0.018081 0.017823
sortez (0.032955) (0.033845) (0.033683)

difficile ou
ref. ref. ref.
plus

-0.023583 -0.032468 -0.016792


Pas du tout
(0.04699) (0.04833) (0.048015)

0.073108** 0.079286** 0.078911**


Un peu
(0.031623) (0.032513) (0.032505)
Temps libre

0.020152 0.02656 0.021111


Pas mal
(0.032532) (0.03349) (0.033539)

Beaucoup ref. ref. ref.

0.024282 0.021115 0.014371


très peu
(0.036014) (0.037411) (0.037163)

-0.070021** -0.087808** -0.075997**


peu
(0.035329) (0.036137) (0.036313)

Volume d’usage perso


-0.017836 -0.02849 -0.020761
Wikipédia moyen
(0.029033) (0.029713) (0.029584)

-0.020642 -0.020695 -0.027951


beaucoup
(0.026346) (0.027051) (0.026876)

énormément ref. ref. ref.

-0.055698 -0.067105 -0.086784


N’utilise pas
(0.051028) (0.054143) (0.052912)

-0.087124*** -0.084053*** -0.084607***


peu
(0.031603) (0.032358) (0.032511)

Volume d’usage pro Wikipédia -0.051611* -0.048416* -0.053272*


moyen
(0.028449) (0.029092) (0.028889)

0.007708 0.00163 0.003847


beaucoup
(0.026227) (0.026856) (0.026769)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


166

énormément ref. ref. ref.

0.267423*** 0.256721*** 0.270297***


un désastre
(0.041943) (0.042959) (0.043128)

Impact disparition Wikipédia une perte 0.164931*** 0.150977*** 0.165506***


pour la personne certaine (0.041181) (0.042191) (0.042257)

nocif, mais
ref. ref. ref.
pas tant

0.01273
avis différent
(0.021096)

Contribution pour mettre à 0.026824


d’accord
disposition vos connaissances (0.033418)

tout à fait
ref.
d’accord

-0.007854
d’accord
(0.029643)

-0.039882
ne sait pas
Contribution pour entreposer (0.025874)
vos notes, vos références
quelque part -0.036983
pas d’accord
(0.029201)

pas d’accord
ref.
du tout

0.042843
pas d’accord
(0.030307)

0.008573
ne sait pas
(0.031948)
Contribution pour vous amuser
-0.004566
d’accord
(0.033759)

tout à fait
ref.
d’accord

-0.009464
jamais
(0.033339)

0.004007
rarement
Corrections orthographe (0.028879)
grammaire
0.037076
de tps en tps
(0.024827)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


167

souvent ref.

0.025565
jamais
(0.037143)

0.068587*
rarement
(0.036245)
Ajout références

0.031947
de tps en tps
(0.034454)

souvent ref.

0.044375
jamais
(0.036713)

0.023469
rarement
(0.032838)
Reformulation

0.038026
de tps en tps
(0.030229)

souvent ref.

0.009255
jamais
(0.038306)

0.047347
Écriture ou rarement
(0.038933)
traduction
article
0.01923
de tps en tps
(0.03666)

souvent ref.

0.057142
jamais
(0.043451)

0.016856
rarement
(0.044527)
Création articles

-0.003862
de tps en tps
(0.042685)

souvent ref.

1.189711*** 1.099744*** 1.225875***


Constante
(0.062559) (0.074911) (0.072646)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


168

Observations 2053 1944 1973

Nb: les capacités ont été retirées car pour certaines modalités, surtout sur les niveaux de capacité
faibles ou moyens, la taille de l’échantillon devenait trop petite (< 30, et parfois < 20)
Écarts-types entre parenthèses *** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1

Tableau 9. Modélisation du fait d’être un contributeur régulier (dans la population des


contributeurs)

Être un contributeur
Être un contributeur régulier
régulier (modèle de (modèle de base plus les
base) raisons pour
contribuer)

Femme -0.071889** (0.029473) -0.079737*** (0.02897)


Genre
Homme ref. ref.

moins de 20
-0.232809*** (0.045697) -0.300797*** (0.046064)
ans

de 20 à 30 ans -0.158425*** (0.038501) -0.19318*** (0.03911)

Âge
de 30 à 50 ans -0.062419* (0.037594) -0.096525** (0.038258)

de 50 à 60 ans -0.022616 (0.044777) -0.026986 (0.04503)

Plus de 60 ans ref. ref.

infbac 0.012848 (0.040511) 0.010661 (0.040044)

bac -0.06738* (0.03903) -0.027979 (0.038375)


Niveau diplôme
Bac à licence -0.048686* (0.025157) -0.031592 (0.024619)

Sup à licence ref. ref.

Très
0.083446* (0.043066) 0.074655* (0.042297)
confortable

confortable 0.024962 (0.033655) 0.017552 (0.033117)

Situation avec le revenu actuel


vous vous en
0.032881 (0.035019) 0.039013 (0.034339)
sortez

difficile ou
ref. ref.
plus

Temps libre Pas du tout -0.153026*** (0.049934) -0.140905*** (0.04895)

Un peu -0.051506 (0.033604) -0.051068 (0.033138)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


169

Pas mal 0.041037 (0.034569) 0.033738 (0.034192)

Beaucoup ref. ref.

très peu -0.055804 (0.038269) 0.005683 (0.037887)

peu -0.088429** (0.037542) -0.051522 (0.037021)

Volume d’usage perso


moyen -0.030064 (0.030851) 0.003674 (0.030161)
Wikipédia

beaucoup -0.038228 (0.027996) -0.018282 (0.0274)

énormément ref. ref.

N’utilise pas 0.098258* (0.054224) 0.127425** (0.053944)

peu 0.112516*** (0.033582) 0.136792*** (0.033145)

Volume d’usage pro Wikipédia moyen 0.040732 (0.030231) 0.049532* (0.029452)

beaucoup -0.000501 (0.02787) 0.033717 (0.02729)

énormément ref. ref.

un désastre 0.114437** (0.04457) 0.081738* (0.043968)

une perte
Impact disparition Wikipédia 0.037174 (0.04376) 0.03445 (0.04308)
certaine
pour la personne

nocif, mais pas


ref. ref.
tant

avis différent -0.064806*** (0.021507)

Contribution pour mettre à d’accord -0.078656** (0.034069)


disposition vos connaissances
tout à fait
ref.
d’accord

d’accord 0.176154*** (0.03022)

ne sait pas 0.030544 (0.026378)


Contribution pour entreposer
vos notes, vos références
pas d’accord 0.054836* (0.02977)
quelque part

pas d’accord
ref.
du tout

pas d’accord -0.183929*** (0.030897)

ne sait pas -0.256616*** (0.03257)

Contribution pour vous amuser


d’accord -0.320371*** (0.034417)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


170

tout à fait
ref.
d’accord

Constante 1.396238*** (0.066478) 1.615795*** (0.074061)

Observations 2053 1973

Nb: les capacités ont été retirées car pour certaines modalités, surtout sur les niveaux de capacité
faibles ou moyens, la taille de l’échantillon devenait trop petite (< 30, et parfois < 20)
Écarts-types entre parenthèses *** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1

Tableau 10. L’explication du don du sang et de prise de responsabilité dans une association,
modèle complet

Prendre
Donner son
responsabilité dans
sang (1)
association (2)

-0.031094
Femme -0.012459 (0.02444)
(0.025733)
Genre

Homme ref. ref.

-1.339758*** -0.948735***
moins de 20 ans
(0.048038) (0.046847)

-0.554504*** -0.744116***
de 20 à 30 ans
(0.041369) (0.042538)

Âge -0.317947*** -0.557983***


de 30 à 50 ans
(0.041928) (0.043137)

-0.159091*** -0.170835***
de 50 à 60 ans
(0.048142) (0.050003)

Plus de 60 ans ref. ref.

-0.548591*** -0.416346***
infbac
(0.044237) (0.041185)

-0.162969*** -0.25006***
bac
(0.041811) (0.040621)
Niveau diplôme

0.017773 -0.115384***
Bac à licence
(0.029675) (0.029837)

Sup à licence ref. ref.

Situation avec le revenu actuel 0.236724***


Très confortable 0.059491 (0.050264)
(0.051911)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


171

0.057783
confortable -0.013779 (0.037511)
(0.038479)

vous vous en 0.055109


-0.01413 (0.038168)
sortez (0.03905)

c’est difficile ou
ref. ref.
très difficile

Pas du tout de 0.165545*** 0.162549***


temps libre (0.058927) (0.057422)

Un peu de temps 0.097713**


0.099856** (0.041167)
libre (0.042065)
Temps libre
Pas mal de temps 0.014235
0.061386 (0.041999)
libre (0.042841)

Beaucoup de
ref. ref.
temps libre

-0.048538
Utilise très peu 0.014755 (0.036868)
(0.039424)

0.043792
Utilise peu 0.058621 (0.040286)
(0.041956)

0.055084
Volume d’usage perso Wikipédia Utilise moyen 0.049325 (0.034196)
(0.035346)

0.010094
Utilise beaucoup 0.011235 (0.034066)
(0.035213)

Utilise
ref. ref.
énormément

0.025932
N’utilise pas -0.07092 (0.052123)
(0.051761)

-0.062215
Utilise peu -0.066817* (0.039978)
(0.041541)

-0.037165
Volume d’usage pro Wikipédia Utilise moyen -0.036502 (0.035196)
(0.036775)

-0.020182
Utilise beaucoup -0.050633 (0.032139)
(0.033534)

Utilise
ref. ref.
énormément

Impact disparition Wikipédia pour la -0.069709 -0.126827***


un désastre
personne (0.046032) (0.043304)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


172

une perte -0.031646 -0.096999**


certaine (0.042976) (0.040484)

nocif, mais pas


ref. ref.
tant que cela

0.047405
pas très à l’aise -0.114077* (0.063863)
(0.06847)

moyennement à -0.004884 -0.181872***


Capacité à évaluer info. (véracité, l’aise (0.041632) (0.039281)
pertinence)
0.015515 -0.078913***
plutôt à l’aise
(0.02957) (0.028468)

très à l’aise ref. ref.

0.039934 -0.382582***
pas très à l’aise
(0.04915) (0.046601)

moyennement à 0.024022 -0.322857***


Capacité à élaborer doc complexe l’aise (0.03867) (0.036621)
avec traitement texte
0.005324 -0.145383***
plutôt à l’aise
(0.029489) (0.028232)

très à l’aise ref. ref.

0.005433
pas très à l’aise 0.074779 (0.046797)
(0.048791)

moyennement à 0.053699
Capacité à maîtriser identité num 0.074764** (0.034596)
l’aise (0.036143)
(sécuriser mot de passe, contrôles les
infos perso....)
0.014938
plutôt à l’aise -0.010813 (0.028929)
(0.030455)

très à l’aise ref. ref.

0.337024***
Constante 0.986915*** (0.07414)
(0.075464)

Rho 0.174118*** (0.014855)

Observations 13426

Écarts-types entre parenthèses *** p < 0.01, ** p < 0.05, * p < 0.1

Tableau 11. L’explication du don et de la contribution, introduction successive des variables

Probit bivarié (donner et contribuer


Donner Contribuer
régressés simultanément)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


173

-0.204716*** -0.146932*** -0.137756*** -0.682192*** -0.640325*** -0.620954***


Femme
Genre (0.028388) (0.029152) (0.029471) (0.033594) (0.034156) (0.034845)

Homme ref. ref. ref. ref. ref. ref.

-1.077874*** -1.140821*** -1.160507*** 0.31607*** 0.252644*** 0.194323***


- de 20 ans
(0.049182) (0.053374) (0.053835) (0.055438) (0.059136) (0.060157)

-0.587185*** -0.65419*** -0.670702*** 0.364101*** 0.271553*** 0.19149***


de 20 à 30
ans
(0.040968) (0.043947) (0.0445) (0.048641) (0.051364) (0.052349)

Âge -0.282546*** -0.316378*** -0.330015*** 0.520616*** 0.440932*** 0.352856***


de 30 à 50
ans
(0.041306) (0.043612) (0.044201) (0.049162) (0.051203) (0.052257)

-0.055223 -0.053439 -0.059161 0.334137*** 0.290504*** 0.255996***


de 50 à 60
ans
(0.047915) (0.0495) (0.049682) (0.058595) (0.060088) (0.060938)

+ de 60 ans ref. ref. ref. ref. ref. ref.

-0.367583*** -0.356192*** -0.344382*** -0.509918*** -0.479281*** -0.364052***


Inf. au bac
(0.047115) (0.048531) (0.050163) (0.049916) (0.051037) (0.053309)

-0.179944*** -0.169904*** -0.165648*** -0.459808*** -0.45483*** -0.369478***


Bac
(0.045573) (0.046689) (0.047472) (0.050275) (0.051215) (0.052578)
Niveau diplôme

-0.098256*** -0.100822*** -0.100576*** -0.303733*** -0.298563*** -0.249227***


Bac à
licence
(0.031429) (0.03227) (0.032779) (0.034663) (0.035285) (0.036158)

Sup à
ref. ref. ref. ref. ref. ref.
licence

0.590016*** 0.611895*** 0.603141*** -0.002694 -0.000703 -0.076245


Très
confor.
(0.056765) (0.057912) (0.058161) (0.059697) (0.060405) (0.061182)

0.360134*** 0.392768*** 0.386954*** -0.024547 -0.003491 -0.040266


Confortable
Situation avec le (0.04474) (0.045736) (0.045866) (0.045721) (0.046391) (0.046977)
revenu actuel
0.175086*** 0.207146*** 0.204462*** -0.063158 -0.04071 -0.053314
Vous vous
en sortez
(0.045971) (0.046976) (0.047054) (0.047029) (0.04774) (0.048315)

Difficile ou
ref. ref. ref. ref. ref. ref.
+

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


174

-0.125244* -0.103092 -0.104688 -0.284842*** -0.263772*** -0.291277***


Pas tps
libre
(0.064962) (0.066712) (0.066821) (0.068252) (0.069485) (0.070291)

-0.035087 -0.014785 -0.017642 -0.238501*** -0.227901*** -0.227641***


Un peu
(0.043587) (0.044978) (0.045083) (0.046937) (0.047926) (0.048483)
Temps libre

-0.044792 -0.032834 -0.035308 -0.14642*** -0.138946*** -0.131717***


Pas mal
(0.044402) (0.045552) (0.045653) (0.048091) (0.049) (0.049571)

Bcp tps
ref. ref. ref. ref. ref. ref.
libre

-0.151342*** -0.151601*** -0.337418*** -0.326468***


très peu
(0.045646) (0.045739) (0.048241) (0.048882)

-0.152237*** -0.151416*** -0.191705*** -0.178096***


peu
(0.04834) (0.048437) (0.05034) (0.051045)

Volume d’usage perso


-0.075486* -0.073329* -0.16245*** -0.151953***
Wikipédia
moyen
(0.039135) (0.039208) (0.041964) (0.042535)

0.025348 0.025175 0.003513 0.010745


bcp
(0.037908) (0.037986) (0.03995) (0.040481)

énormt ref. ref. ref. ref.

-0.060558 -0.04969 -0.208148*** -0.114342*


n’utilise
pas
(0.054447) (0.0549) (0.067984) (0.069434)

-0.128119*** -0.122276*** 0.131603*** 0.180166***


peu
(0.047148) (0.047325) (0.047409) (0.048181)

Volume d’usage pro


-0.059126 -0.056058 0.054078 0.084963**
Wikipédia
moyen
(0.041038) (0.041176) (0.042218) (0.042864)

0.024937 0.026926 -0.054306 -0.034516


bcp
(0.036501) (0.036592) (0.038816) (0.039306)

énormt ref. ref. ref. ref.

Impact disp. Wikipédia 0.940977*** 0.938328*** 0.300736*** 0.307723***


un désastre
(0.06485) (0.064928) (0.056395) (0.05728)

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


175

0.577139*** 578123*** -0.012064 0.019357


une perte
(0.062807) 0. (0.062915) (0.054363) (0.05526)

nocif, pas + ref. ref. ref. ref.

0.049832 0.073854
pas à l’aise
(0.077521) (0.08401)

-0.014009 -0.362866***
Capacité à évaluer moyen
info. (0.047068) (0.053878)
(véracité, pertinence)
0.012931 -0.133632***
à l’aise
(0.032787) (0.033666)

très à l’aise ref. ref.

-0.11082** -0.413298***
pas à l’aise
(0.056511) (0.067162)

0.017281 -0.256242***
Capacité moyen
à élaborer doc (0.043439) (0.04758)
complexe
0.034333 -0.100214***
plutôt à
l’aise
(0.032809) (0.034121)

très à l’aise ref. ref.

-0.035834 -0.242079***
pas à l’aise
(0.054502) (0.064506)

0.081841** -0.174086***
moyen
Capacité à
- (0.040697) (0.044133)
maîtriser identité
numérique
-0.064579* 069921**

à l’aise
-0.
(0.033923)
(0.034635)

très à l’aise ref. ref.

-0.400077*** -1.035426*** -0.992958*** -0.717551*** -0.718201*** -0.447867***


Constante
(0.059054) (0.089479) (0.09246) (0.064094) (0.087642) (0.091482)

141437*** 0.102312*** 0.101602*** 0.141437*** 0.102312*** 0.101602***


Rho

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


176

0. (0.019089) (0.019799) (0.020019) (0.019089) (0.019799) (0.020019)

NOTES
1. Voir : http://upload.wikimedia.org/
Wikip\unhbox\voidb@x\bgroup\let\unhbox\voidb@x\setbox\@tempboxa\hbox{e\global\mathchardef\accent@spacefactor\spacefac
\accent19e\egroup\spacefactor\accent@spacefactordia/foundation/e/
e0/2014-15_Wikimedia_Foundation_Plan.pdf
2. Des campagnes sont réalisées en affichant un insert, ou bannière, sur toutes les pages du site.
Ces inserts sont, le plus souvent, un message du fondateur de Wikipédia, Jimmy Wales.
3. Voir, par exemple, la discussion à ce sujet de Bastien Guerry, qui a travaillé pour l’association
Wikimédia France, dont le but est de promouvoir l’usage de Wikipédia.
4. https://www.fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/
la_france_qui_donne_dec_2015.pdf
5. http://www.francebenevolat.org/accueil/presse/enquete-france-benevolat-ifop-credit-
mutuel-recherches-solidarites
6. https://wikimediafoundation.org/wiki/Benefactors
7. http://fr.slideshare.net/RFONNIER/laudience-de-linternet-en-france-avril-2015-mediametrie
8. Cependant, les contributeurs réguliers qui disent passer moins d’une heure par semaine sur
Wikipédia, ne font pas nécessairement une mauvaise estimation de leur implication.
L’importance de l’implication et la quantité de la contribution ne sont pas parfaitement
corrélées, et les contributeurs peuvent alterner des périodes de forte contribution avec une
participation plus sporadique, tout en se considérant comme des contributeurs réguliers quand
même.
9. Dans l’enquête figurent également le niveau de revenu et la taille du foyer. Plus de
1400 personnes n’ont pas renseigné la variable revenu (10 % de notre échantillon). Sur les
personnes ayant répondu, la corrélation entre niveau de revenu et la satisfaction est très forte
pour les niveaux de vie difficile, un peu moins pour les niveaux de vie facile : un étudiant avec
800 € par mois peut estimer avoir un niveau de vie confortable, par exemple.
10. L’introduction successive des variables (socio-économiques, puis d’attachement, puis de
capacité), présentée dans le tableau 11, en annexe, n’a pas d’impact sur la significativité des
variables.
11. Celui-ci pourrait avoir été développé par la fréquentation de la communauté des
contributeurs, pour les contributeurs réguliers. Ce serait la contribution qui expliquerait
l’attachement. Mais les contributeurs occasionnels, qui n’ont pas cette fréquentation, ont le
même profil. Il est plus probable que notre variable soit bien le signal de l’attachement au projet,
explicatif des deux faits, à savoir que la disparition de Wikipédia serait un drame et que les
personnes contribuent.

RÉSUMÉS
Le numérique, en permettant le développement de projets collaboratifs de production de
connaissance, a renouvelé l’analyse économique du fonctionnement des communs

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016


177

(informationnels). Si la motivation des contributeurs à participer à ces communs fait l’objet


d’une littérature abondante, les réflexions sur l’accès de tous (contributeurs ou non) à ces biens,
sur le financement de cet accès (les dons monétaires), ainsi que sur la relation entre donner en
argent et donner en produisant du contenu, sont moins nombreuses. Cet article contribue à
combler ce manque. Nous nous appuyons sur un questionnaire auprès des utilisateurs de la
version française de Wikipédia, et leurs 16.000 réponses exploitables. Nous montrons que
contribuer et donner ne sont pas le fait des mêmes types d’individus. Les donateurs sont des
personnes pour qui donner à l’encyclopédie prolonge des pratiques de générosité. Contribuer
reflète plutôt un intérêt intrinsèque pour le projet. Contributeurs et donateurs se rejoignent
cependant dans leur attachement au projet lui-même.

By allowing the development of large collaborative projects of knowledge production, the digital
world has renewed the economic analysis of the (informational) commons. While there is an
abundant literature on the motivation(s) of the contributors to join the production of these
commons, research on the universal access to these goods, on the financing of this access
(monetary donations), and on the relationship between donating (money) and contributing
(content), is scarce. The objective of this article is to help bridge this gap. We rely on a survey
administered to the users of the French version of Wikipedia, and their 16,000 usable responses.
Our analyses show that contributing and giving are not performed by the same types of people.
Giving to the encyclopedia seems to be an extension of usual generosity practices. Contributing,
appears to reflect more an intrinsic interest in the project and its intellectual challenges.
Contributors and donors, however, unite in their commitment to the project itself.

INDEX
Keywords : Wikipedia, Giving, Contributing, Arbitrage, Survey
Mots-clés : Wikipédia, don financier, contribution, arbitrage, questionnaire

AUTEURS
GODEFROY DANG NGUYEN
IMT Atlantique (Télécom Bretagne-UBL), LEGO, M@rsouin, Godefroy.DangNguyen@telecom-
bretgne.eu

NICOLAS JULLIEN

IMT Atlantique (Télécom Bretagne-UBL), LEGO, M@rsouin, Nicolas.Jullien@ŧelecom-bretagne.eu

MYRIAM LE GOFF-PRONOST
IMT Atlantique (Télécom Bretagne-UBL), LEGO, M@rsouin, Myriam.Legoff@telecom-bretagne.eu

Revue d'économie industrielle, 156 | 4e trimestre 2016

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