1-Description La terre possède un champ magnétique produit par les déplacements de son noyau qui se comporte comme une gigantesque dynamo auto-entretenue dont les éléments seraient le noyau externe liquide et la graine solide, le noyau externe étant parcouru de courants de convection importants dus à la rotation de la planète. Le champ magnétique produit peut être comparé, en première approximation, à un aimant droit (dipôle) (fig.11). Figure 11a : Le champ magnétique terrestre. Les lignes de force du champ magnétique recoupent la surface terrestre suivant un angle qui varie avec la latitude. Par rapport à la surface terrestre, elles sont entrantes dans l’hémisphère Nord et sortantes dans l’hémisphère Sud. 2-Caractéristiques.
• Le champ magnétique terrestre est caractérisé
par son intensité, sa déclinaison, son inclinaison et sa direction. • La déclinaison (D) est l’angle entre la composante horizontale du champ magnétique terrestre total et le nord géographique. Il varie de 0 à 360°, une valeur comprise entre 0 et 180° signifie que la composante horizontale se situe à l’ouest du Nord géographique, une valeur entre 180 et 360° qu’elle se situe à l’est. • L’inclinaison (I) est l’angle entre la composante horizontale du champ et la direction du champ magnétique total. Il varie latitudinalement de 0 à l’équateur à 90 aux pôles. Il est positif si le Figure 11b : Les paramètres du vecteur champ magnétique s’enfonce dans le sol et négatif s’il en sort. champ magnétique terrestre
• L’intensité s’exprime en nannotesla (nT). Elle
est plus forte vers les pôles (environ 60 000 nT) qu’à l’équateur (environ 25 000 nT). 3-La fossilisation du champ magnétique terrestre
Il existe dans les roches un certain nombre de minéraux ferromagnésiens
qui, en présence d’un champ magnétique, peuvent acquérir une aimantation forte et surtout en garder mémoire (phénomène de rémanence). Lorsqu’un tel minéral est chauffé au dessus d’une certaine température, dite point de Curie, il perd ses propriétés magnétiques. Lorsque, par refroidissement, le minéral repasse son point de Curie, il retrouve ses propriétés magnétiques. Les principaux minéraux magnétiques rencontrés dans les roches sont des oxydes de fer et de titane (rutile TiO2, hématite Fe2O3, magnétite Fe3O4 et surtout titanomagnétite Fe2TiO4). Pour les roches deux cas son à considérer : -Celui des roches éruptives où l’aimantation rémanente est acquise durant le refroidissement (aimantation thermorémanente). Quand la température devient inférieure au point de Curie, les composés ferromagnésiens fixent alors le champ magnétique terrestre. • -Celui des roches sédimentaires où l’aimantation est d’origine détritique. Au moment du dépôt, des particules magnétiques détritiques, provenant principalement de l’érosion des roches endogènes, s’orientent sous l’action du champ magnétique de l’époque, comme le feraient une série de minuscules aiguilles aimantées. En théorie, cela suppose un milieu calme (lac ou milieu marin profond) où les courants ne perturbent pas l’orientation des particules mais, en fait, il semble que les particules n’acquièrent leur orientation définitive que lors de l’expulsion de l’eau des sédiments. • L’intensité de l’aimantation des roches sédimentaires est beaucoup plus faible que celle des roches éruptives. II-La magnétostratigraphie • La magnétostratigraphie est l’analyse de l’évolution des caractéristiques magnétiques naturelles dans une série stratifiée. Ces caractéristiques sont : la susceptibilité magnétique, l’intensité et la direction de l’aimantation rémanente naturelle. • La susceptibilité magnétique est la faculté d’un matériau à réagir à l’action d’un champ magnétique. La réaction est de deux types : apparition d’une force mécanique et aimantation du réseau. • La direction est mesurée d’une façon relativement facile à partir des roches. • L’aimantation rémanente naturelle (ARN) est le reflet de la direction du champ magnétique régnant au moment du dépôt du sédiment ou cristallisation d’une lave. • La collecte des échantillons se fait avec une maille de 5-10 cm, dépendant du taux de sédimentation, de la présence éventuelle de lacunes sédimentaires, et de la qualité d’affleurement. Les spécimens sont généralement extraits à l’aide d’une foreuse qui permet de récupérer des carottes de diamètre 2,5 cm. Il faut déterminer avec précision l’orientation du spécimen avant de prélever. Il est exceptionnel que l’ARN corresponde à l’aimantation primaire acquise lors de la formation de la roche (la seule qui permet de retrouver la direction du champ magnétique de l’époque). Des aimantations rémanentes secondaires viennent plus ou moins la masquer. Ces aimantations parasites peuvent être dues à la foudre, à l’action du champ magnétique actuel (aimantation rémanente visqueuse ou ARV) et à des cristallisations-recristallisations de minéraux magnétiques lors de la diagenèse. Par chance, ces aimantations parasites sont moins stables que l’aimantation primaire et l’on peut nettoyer les échantillons par chauffage progressif (dans une enceinte amagnétique) ou en les soumettant à des champs magnétiques alternatifs d’intensités variables. Dans de nombreux cas, il est en suite possible de mesurer l’aimantation primaire restante. Inversions du champ magnétique Le champ magnétique terrestre varie en fonction du temps : il est dit normal s’il est identique à l’actuel et inverse s’il est de sens opposé. L’inversion a lieu durant des périodes allant de la dizaine de milliers à de nombreux millions d’années. Cette succession de périodes de polarité positive et de polarité négative permet de distinguer des magnétozones (qui comprennent une partie normale et une partie inverse) et de dresser des échelles de polarité magnétique. La première succession de polarité a été décrite en 1929 par Matuyama sur les 4,5 derniers Ma et en couplant ces mesures paléomagnétiques aux mesures radiométriques (K/Ar), quatre zones principales ont été définies : Brunhes normale, Matuyama inverse, Gauss normale et Gilbert inverse (fig. 12 & 13).
Figure 12 : Principe de la magnétostratigraphie
Figure 13 : Principe de la magnétostratigraphie : succession de polarités normales (n) et inverse (r) au cours des temps géologiques. A l’échelle récente, B portion du Tertiaire. On notera qu’une magnétozone peut elle-même être subdivisée. Grâce au développement des campagnes de sondages océaniques et à l’étude d’un certain nombre de coupes pélagiques à terre, l’échelle magnétique a été développée jusque dans le Jurassique (fig.13 & 14) Ainsi, la magnétostratigraphie couplée à la datation absolue d’événements ponctuels s’est révélée très utile dans l’établissement d’une chronologie relative, car le signal magnétique est global, précis et indépendant du milieu. Figure 1 4 : L’échelle magnétostratigraphie du Jurassique à l’actuel. Noter l’existence de deux périodes de « calme magnétique » au Crétacé inférieur et au Jurassique supérieur (période « long-normal »). La datation fine des inversions dans le Jurassique est encore en grande partie hypothétique.