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Master 1/ GSTC 414 Cours de Pétrologie Année 2022

GSTC 4143 : NOTIONS DE BASE DE LA GEOCHIMIE Dr A. NDIAYE

Chapitre 1 : Introduction à la Géochimie


1. Définition
C’est une discipline des géosciences qui applique les principes de la chimie à l'explication
des processus géologiques, passés et présents, qui affectent les enveloppes terrestres
internes (noyau, manteau, croûtes) et externes (hydrosphère, atmosphère, biosphère).
Le Glossary of Geology and Related Sciences, publié en 1960, définit la géochimie comme
« la science qui traite :
 de l'abondance absolue et relative des éléments et des isotopes sur la Terre entière,
 de leur distribution et de leurs migrations, en vue d'aboutir à des lois générales du
comportement de la matière à l'échelle planétaire ».
2. Historique
Quelques-uns des premiers scientifiques ayant contribué à la naissance de la
géochimie :
 Boece de Boodt (1550-1632) un des premiers à étudier les fluides géochimiques ;
 Glauber, J. R. (1604-1668) découvre le sulfate de sodium ;
 Robert Hooke (1635-1703) scientifique pluridisciplinaire.
La génération qui suit comporte quelques grands noms :
 En France, Rouelle, G. F. (1703-1770), procède aux premières analyses sur les
collections de la Galerie de Minéralogie ;
 Et Lavoisier (1743-1794), travaille sur le gypse du bassin de Paris et est le premier
à analyser les eaux de la ville de Paris ; il analyse aussi l'eau de mer à Dieppe et celle
de la Mer Morte. Il est, avec Vauquelin (1763-1829) l'un des fondateurs de ce qu'on
nomme aujourd'hui l'hydrochimie et l'océanographie chimique, précédés par l'Italien
de Marsili, A. (1658-1730) ;
 L'Anglais Priestley, P. (1733-1804), découvre l'oxygène et s'intéresse, entre autres,
aux relations entre la composition chimique des végétaux et des roches et sols sur
lesquels ils poussent ;

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 Le Suédois Scheele, C. W. (1742-1786), analyste du salpêtre, découvre de
nombreux éléments chimiques et de leurs composés ;
 Bergman, T. O. (1735-1784), un des fondateurs de la géochimie, se distingue par
l'étude chimique des carbonates et une classification des minéraux utilisant des
critères chimiques (1773).

L’étape de développement de la géochimie, étape qui recouvre la plus grande partie du


dix-neuvième siècle. Les connaissances de base de la géochimie sont établies, les mesures
quantitatives sont devenues fiables. Les réactifs permettant d'analyser les roches les plus
coriaces existent désormais. Les catalogues d'analyses s'allongent et se précisent. On trouve
à cette époque de nombreux géochimistes spécialistes des cycles, des adeptes d’une
globalité géochimique :
 Bunsen (1811=1899) et Kirschoff (1824-1887) étudient la géochimie des éléments
alcalins et alcalino-terreux ;
 Liebig (1803-1873), Allemand, est le premier à réaliser une synthèse intégrée des
cycles du carbone et de l'azote ;
 Mendeleïev, D. I. (1834-1907) fournit la classification périodique des éléments,
base essentielle de la chimie ;
 Schönbein (1799-1868), chimiste germano-suisse, créé en 1838 le mot
"Géochimie"
Puis la fin du dix-neuvième siècle et le début du vingtième voient la géochimie disposer
d'un catalogue étoffé de données quantitatives, d'outils théoriques pour les interpréter, mais
aussi d'une base géologique désormais solide. Les géologues, et surtout les pétrographes,
ont assimilé la géochimie :
 Goldschmidt, V. (1888-1947), norvégien, publie d'innombrables travaux surtout sur
la géochimie des roches éruptives et métamorphiques, étendant les connaissances
aux éléments mineurs ou traces et à l’altérabilité des minéraux ;
 Vernadsky (1863-1945), russe, est le premier à systématiser la géochimie comme
"la distribution dans le temps et dans l'espace des éléments chimiques dans l'écorce
terrestre, et autant qu'il est possible, dans le globe terrestre". Il insiste fortement sur

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l'aspect évolutif de la géochimie, donc sur la notion de "cycle" : cycles longs, comme
celui du silicium, cycles courts, comme celui de l'iode. Ainsi, il permet à la
géochimie de s'intégrer complètement dans la géologie historique, dont elle est
devenue depuis, un élément essentiel. Il n'oublie pas d'évoquer dans ses livres une
branche encore balbutiante de la géochimie, celle des éléments radioactifs et les
conséquences qu'elle devait avoir sur le bilan thermique terrestre.

C’est à partir 2ème moitié du 20ème siècle (des années 1950), avec le développement de

nouvelles techniques d’analyses, permettant notamment de mesurer des concentrations


élémentaires ou des rapports isotopiques, que cette science a pris son essor. Aujourd'hui,
la géochimie est la source de multiples découvertes et avancées de premier ordre comme
la géochronologie absolue (datation d'objets géologiques), la paléoclimatologie (étude du
climat passé), le traçage (suivi) de flux de matière entre des ensembles géologiques (cycles
des éléments chimiques alternativement en surface et en profondeur au sein de la Terre), la
pétrographie, la minéralogie, l’hydrochimie...
3. Les grands principes
Pour un type de matériau et/ou d'unité géologique considérés, les mesures et études des
divers éléments chimiques, et les informations qu'ils peuvent apporter, sont fortement liés
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à leur abondance relative, ce que l'on appelle la composition chimique du matériau :
 Les éléments plus abondants, qui forment en général à quelques-uns les 95 à 99 %
du matériau, sont appelés éléments majeurs. Cette étude est alors le plus souvent
menée à l'interface avec la minéralogie, du fait de la tendance de ces éléments à
s'organiser en minéraux Si, Al, Ca, Mg, Na, K, Ti, Fe, Mn et P.
 Les éléments chimiques moins abondants, de l'ordre du % et appelés éléments
mineurs, forment des minéraux accessoires.
 Le reste des éléments chimiques, présents en très petites à infimes quantités, sont les
éléments-traces.
4. Les principales branches de la géochimie
4.1- Géochimie élémentaire : est l’étude de la concentration en un élément déterminé dans
un échantillon donné, à l'aide de techniques spectrométriques.
La variabilité chimique naturelle des objets géologiques (manteau, croûte, océan, roche)
résulte de deux effets antagonistes : le fractionnement chimique dû aux changements de
phase (fusion des magmas, cristallisation des minéraux sédimentaires, ségrégation du
noyau), et le mélange imposé par la dynamique géologique, telles la convection
thermohaline dans l'océan et la convection magmatique du manteau. La géochimie
élémentaire permet de comprendre les phénomènes de fusion et de cristallisation des
magmas. Ces processus induisent une répartition inégale des éléments entre solide et
liquide. L'analyse de la teneur en éléments majeurs et en éléments traces (par exemple les
terres rares) permet par exemple d'identifier la roche mère du magma et la nature des
processus de fusion. De même, la composition d'une eau minérale permet de se faire une
bonne idée de la géologie des terrains qu'elle a traversés avant de jaillir en surface.

4.2- Géochimie isotopique : est une discipline fondée sur la mesure et l'interprétation des
compositions isotopiques des éléments chimiques constituant les divers milieux naturels.
4.3- Biogéochimie : est l’étude du rôle des systèmes biologiques sur les conditions physico-
chimiques régnant à la surface de notre planète.
4.4- Géochimie organique : a pour but de reconstituer les caractères de la matière
biologique fossile et son origine, à déterminer les processus de diagenèse de celle-ci. Elle

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est en grande partie axée sur la genèse des hydrocarbures.
4.5- Géochimie des eaux : elle traite de l'abondance absolue et relative des éléments et des
isotopes dans l'eau, ainsi que de l'évolution de leur concentration en fonction des conditions
physico-chimiques rencontrées par l'eau pendant son cycle ou son emmagasinement dans
le réservoir.
4.6- Géochimie environnementale : utilise les données de la géochimie pour l'étude de
l'environnement.
4.7- Géochimie appliquée (ou prospection géochimique) : utilise les données de la
géochimie fondamentale pour découvrir, recenser et estimer les ressources minérales.
4.8- Géochimie marine : étude des principes qui régissent la répartition des éléments, des
isotopes et composants et les lois de leur comportement chimique dans le milieu marin.
4.9- Cosmochimie : quand la géochimie s'applique aux planètes ou aux météorites et
poussières cométaires, on parle de Cosmochimie. Elle étudie la répartition, l'origine et
l'histoire des éléments dans l'Univers, et dans le Système solaire en particulier.
5. Les méthodes d’analyses
L'analyse des roches, minéraux et autres géomatériaux fait appel à de nombreux types
d'analyses physico-chimiques. En voici quelques-unes :
5.1- La micrographie : préparation d'une lame mince de roche et observation au
microscope optique, notamment à la lumière polarisée puis détermination des éléments
chimiques ;
5.2- L'analyse chimique élémentaire sert à déterminer la composition en éléments d'une
roche. Elle consiste à indiquer les proportions d'atomes de chaque élément chimique
présent dans la composition d'une substance ou d’un produit. Les éléments chimiques à
interpréter par analyse chimique élémentaire peuvent appartenir à différentes catégories :
 Les éléments organiques, constitués sur la base du carbone (azote, oxygène,
hydrogène, soufre, phosphore…).
 Les alliages métalliques, mélange de différents éléments métalliques.
 Les métaux lourds (mercure, plomb…)
Chaque catégorie d’élément peut être déterminée à l’aide d’une technique d’analyse
chimique élémentaire spécifique, permettant de décomposer la structure d’une substance
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5.3- L'analyse de phase par diffraction de rayons X : cette méthode utilise un faisceau
de rayons X qui, rencontrant un cristal, est renvoyé dans des directions spécifiques
déterminées par la longueur d’onde des rayons X et par les dimensions et l'orientation du
réseau cristallin. On a ainsi accès à la structure cristalline des composants, et l'on peut donc
déterminer la nature des phases, par exemple reconnaître les différentes formes de
cristallisation de la silice ou bien savoir si le calcium est présent sous forme de CaO ou de
CaCO3
5.4- L'analyse par spectrométrie, depuis le début du XXe siècle, elle a permis par les
méthodes physiques globales, les mesures chimiques élémentaires par la spectrométrie de
fluorescence des rayons X donnant la concentration en tous les éléments. L'extension aux
mesures isotopiques par la spectrométrie de masse à source gazeuse, plasma ou solide à
partir d’un champ magnétique qui permet de séparer les isotopes d’un élément selon leur
masse permet grâce au rapport isotopique de l’échantillon, de retracer les modifications
subies au cours des temps géologiques ou de donner son âge.

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