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La rhizosphère et les bactéries

rhizosphériques
Introduction
Les microorganismes représentent la majorité des organismes
vivants sur terre et constituent une part importante de la diversité
génétique de la planète
Diversité fonctionnelle très importante

Effet sur les cycles bio-géochimiques des principaux éléments


minéraux: N, C, P, S, Fe…

Effet sur l’acquisition des éléments nutritifs par les plantes

Impact sur la productivité et la diversité des plantes


1. La rhizosphère
C’est la partie du sol intimement liée aux racines (quelques mm), qui est
directement ou indirectement influencée par ces dernières et qui
présente une forte activité microbienne.
C’est un lieu d’interactions bénéfiques entre les plantes et les
microorganismes du sol, ayant un fort impact sur les cycles
biogéochimiques, éléments nutritifs, fertilité du sol, adaptation des
plantes à l'environnement.
a b

Microorganismes
dans la rhizosphère

c d

a | Mycorhize à arbuscules (AMF) sur une racine de mais.


b | Colonisation d’Arabidopsis thaliana par la bactérie phyto-bénéfique Bacillus subtilis FB17.
c | Bactéries sur les racines d’A. thaliana marquées par hybridation fluorescente in situ.
d | Rhizobactéries marquées par la GFP sur les racines d’A. thaliana.
Comment ce fait cette interaction ?
- Au niveau de la partie aérienne des plantes, la photosynthèse conduit
à une accumulation d’énergie d’origine solaire. Elle permet donc le
fonctionnement des écosystèmes en convertissant l’énergie lumineuse
et les éléments minéraux en matières organiques, qui sont utilisables
par les niveaux trophiques supérieurs (consommateurs C1, C2, …).
- Au niveau racinaire, la rhizosphère est caractérisée par l’abondance
des substrats énergétiques issus de la photosynthèse et émis par les
racines.
Ces substances font partie des rhizodépôts, qui peuvent être sous forme:
 d’exsudats (diffusion passive hors des cellules comme les sucres et
les acides aminés)
 de sécrétions et excrétions (processus actif consommant de
l’énergie, comme les enzymes ou des acides organiques)
 de cellules mortes et lysats (les cellules de la coiffe et du cortex
racinaires) et qui représentent un apport très important pour la
matière organique.
- Les rhizodépôts, représentent 5 à 40% des produits de la
photosynthèse (Nguyen, 2009), ce qui conduit à une modification
l’environnement rhizosphérique et plus particulièrement à une
richesse en microorganismes.
- Sous l’action des rhizodépots, la densité des populations de la
microflore associée aux racines est plus élevée dans la rhizosphère
que celle dans le sol nu.

Ces modifications quantitatives au niveau de la microflore,


s’accompagnent également de modifications qualitatives, à deux
niveaux:
 diversité génétique et structure des communautés
microbiennes dans la rhizosphère
 leur activité métabolique

Sont différentes de celles du sol nu


 La microflore rhizosphérique est naturellement constituée d’un
assemblage complexe de microorganismes procaryotes et
eucaryotes (bactéries, champignons, nématodes, protozoaires, …. )

 Ils ne sont pas forcément tous bénéfiques car les rhizodépôts


au niveau du sol sont susceptibles d’attirer aussi des
microorganismes pathogènes. Néanmoins, il existe des processus
régulant l’équilibre au sein des communautés rhizosphériques, à
travers l’échange de signaux moléculaires.

 Les rhizodépôts constituent donc un élément majeur de


perturbation de la microflore du sol, qui en retour influence la
croissance et la santé des plantes

Ils vont en particulier jouer un rôle actif dans la régulation des


interactions mutualistes et parasites/pathogènes entre les
plantes et ces microbes du sol
Quelques types de relations entre organismes:
Mutualisme : une relation entre deux organismes, qui
est mutuellement bénéfique
Parasitisme : une relation entre deux organismes dans
laquelle l’un profite et l'autre est lésé
Commensalisme : une relation entre deux organismes
dans laquelle l’un profite sans affecter l'autre
Symbiose : une relation biologique étroite entre deux ou
plusieurs individus de différentes espèces
 Certaines bactéries rhizosphériques sont capables de produire des
antibiotiques, et ainsi produire un antagonisme efficace pour réduire les
populations de pathogènes
Exemple: le genre Pseudomonas peut réduire les populations de
champignons pathogènes du genre Pythium.
 Le rôle des sidérophores dans les antagonismes entre les bactéries et
les champignons pathogènes de la rhizosphère a pu être démontré dans
le cas de maladies telles que la fusariose (Hinsinger, 2010).
2. Les bactéries rhizosphériques
Problème: 98% de ces microorganismes ne peuvent pas être
cultivés, d’où la difficulté de leur identification et
caractérisation ainsi que la description de leur rôle.
Le développement des techniques d’analyse des molécules
d'ADN et d'ARNr ont permis de révéler une diversité énorme
de la flore microbienne vivant dans la rhizosphère (Suzuki et
al., 2006) et qui peut varier de milliers à des millions de
microbes.
Le microbiome racinaire est composé des microorganismes:
- du microbiome rhizosphérique, dans l’espace qui entoure les racines
des plantes;
- du microbiome du rhizoplan, à l’interface racine–sol
- du microbiome intra-racinaire , càd les endophytes vivant à l’intérieur
des racines.
La communauté microbienne qui n’est pas influencée par les racines
constitue le microbiome non rhizosphérique (bulk soil).
Phylogénie des micro-organismes bénéfiques les plus étudiées
Facteurs influençant les populations rhizosphériques

En plus du contenu spécifique des exsudats racinaires, la


diversité et la composition de la communauté microbienne
de la rhizosphère sont sous l’influence de différents autres
facteurs:
- la colonisation, la nature et le stade de développement
des plantes,
- le type de sol
- un certain nombre de facteurs abiotiques/biotiques
(Broeckling et al., 2008).
Facteurs environnementaux majeurs Interactions plantes -microorganismes

Facteurs influençant sur la communauté microbienne de la rhizosphère et


sélection des communautés microbiennes à partir du sol par les exsudats
racinaires et leur compétence rhizosphérique
Exemple : Evolution des populations bactériennes en fonction de l’âge de la plante

Semis Tallage Montaison Floraison


Abondance relative (%) des phylums bactériens majoritaires présents dans
la communauté rhizosphérique à chaque stade de développement des
plantes d’Arabidopsis thaliana
3. Rhizobactéries bénéfiques pour les plantes:

Nutrition minérale: Solubilisation des phosphates inorganiques


de potassium, fixation libre de l’azote, production de sidérophores
Stimulation de la croissance: production d’auxine, gibbérelline
et cytokinine
Suppression de pathogènes: production d’antibiotiques,
fongicides, …
Bioprotection contre les pathogènes: stimulation de la
résistance de la plante

Deux types de PGPR:


 Vivent à l’état libre dans la rhizosphère : exophytes
 Vivent à l’intérieur des tissus des plantes vivantes: endophytes
3.1. Les bactéries endophytes
Pratiquement toutes les plantes sont habitées par diverses bactéries
endophytes, qui sont détectables à un moment particulier de leur cycle de vie
dans les tissus des plantes hôtes, apparemment en bonne santé.

La plupart des endophytes colonisent différents compartiments de l'apoplaste


végétale, y compris les espaces intercellulaires des parois cellulaires et les
vaisseaux du xylème. Certains d'entre eux sont capables de coloniser des organes
reproducteurs, par exemple les fleurs, les fruits et les graines.

A l'intérieur d'une plante, ces bactéries:


- ne causent pas de changements morphologiques importants comme les
nodules des racines induits par les bactéries symbiotiques (ex. rhizobium),
- ne provoquent pas de symptômes pathologiques, contrairement aux bactéries
phytopathogènes.

De nombreuses bactéries endophytes possèdent in vitro des activités biologiques


bénéfiques aux plantes; quelques-unes en présentent aussi in planta, mais dans
des conditions agricoles seul un petit nombre c’est avéré être très efficace en
favorisant la croissance plantes et / ou en tant qu’agent de lutte biologique.
Les principales voies de colonisation des plantes par les bactéries endophytiques.
Elles peuvent pénétrer au niveau des trois zones de la racine.
Ensuite elles peuvent :
- soit rester au niveau du site d’entrée (indiqué en bleu)
- se déplacer en profondeur pour occuper des espaces intercellulaires du cortex et
des vaisseaux de xylème (indiqué en vert).
- Soit rester à l’extérieur car incapables de coloniser les tissus des plantes (rouges
et jaunes).
Localisation de bactéries endophytiques par hybridation fluorescente in situ
combinée avec la microscopie confocale à balayage laser:
(A) Colonisation des espaces hyalins des cellules foliaires (phyllosphère) de
gamétophytes de la mousse Sphagnum fallax par des bactéries (rouge)
et des Alphaproteobacteria (jaune)
(B) Colonisation des cellules racinaires de Lolium perenne par des bactéries
(rouge), des Alphaproteobacteria (rose) et des Gammaproteobacteria
(jaune)
3.2. Mode d’action des PGPR

Mode d’action

Directe Indirecte

Amélioration Protection
de la de la
croissance plante

Rhizoremédiation et tolérance aux stress


Activités biologiques bénéfiques des PGPR
Amélioration de Protection de
la croissance la plante

Fixation Compétition
d’azote pour les
nutriments
Solubilisation
de phosphate Induction de la
résistance
Production de systémique
sidérophores
Composés
allélochimiques
Production
d’hormones de
croissance: AIA, Chitinases,
Rhizoremédiation et
cytokinine, Antibiotiques,
tolérance aux stress
gibbérellines,…. enzymes lytiques
Dégradation et
immobilisation de
polluants, ACC
deaminase
3.2.1.1 Solubilisation du phosphate inorganique
 Le phosphore est le deuxième élément le plus important pour la
croissance des plantes, après l’azote.
 La disponibilité du P est le facteur limitant du rendement des cultures
dans 40% des terres cultivables du monde
 La concentration moyenne de P libre dans la solution du sol est très
faible: 1 µM, alors que le P immobilisé est le plus abondant dans de
nombreux sols (constitue 95 à 99 % du P total), souvent sous forme
de phosphates insolubles de fer, d'aluminium et de calcium.
 Le P insoluble n’est pas utilisable par les plantes, qui n’absorbent que
l’anion orthophosphate monovalent (H2PO4) et divalent (HPO4)
 Les microorganismes solubilisateurs (PSM) peuvent aider le processus
de libération du P insoluble principalement à travers la sécrétion
d’acides organiques: ac. formique, glucoronique, acétique, lactique,
oxalique
Différents genres bactériens sont impliqués: Pseudomonas, Bacillus,
Burkholderia, Enterobacter, Pantoea, Citrobacter et Azotobacter et
certains champignons comme Aspergillus et Penicillium.
 L’utilisation des PSB (Bactéries Solubilisant le Phosphate) dans les
pratiques agricoles permettrait:
- de diminuer l’application généralisée d’engrais chimiques
(prés de 50% des engrais phosphatés pourraient ainsi être
remplacés par des engrais biologiques et organiques).
- de compenser les coûts élevés des engrais phosphatés,
- de mobiliser le P insoluble présent dans les sols et celui des
engrais (amélioration de l’efficacité d’utilisation des doses de
phosphore recommandées dans les engrais) ,
- de diminuer la pollution de l’environnement.
3.2.1.2 Production de phytohormones: cas de l’auxine

• La production de phytohormones est maintenant considérée


comme l'un des outils les plus importants de promotion de la
croissance des plantes par plusieurs rhizobactéries
• Il s’agit de la production d'auxines (acide indole-acétique), des
gibbérellines et des cytokinines, ou la régulation des niveaux
élevés de l'éthylène endogène dans la plante.
• Ces substances agissent à des concentrations extrêmement faibles
sur un grand nombre de processus biochimiques, physiologiques
et morphologiques chez les plantes.

Exemple: L’auxine joue un rôle crucial dans de nombreux


mécanismes physiologiques et développementaux: développement
de l’embryon et du fruit, organogenèse, différenciation du système
vasculaire, mise en place de l’architecture racinaire, élongation
cellulaire, tropismes et dominance apicale, biosynthèse de
métabolites, formation des pigments, etc
Les différents rôles de l’auxine dans la plante (Khan et al., 2009)
La majorité des bactéries bénéfiques (Rhizobium, Bradyrhizobium, Azospirillum)
synthétisent l’AIA à travers la voie acide indole-3-pyruvique (IPyA). Tandis que
certaines bactéries pathogènes (Pseudomonas syringae, Agrobacterium
tumefaciens et Erwinia herbicola) le font par la voie indole-3-acetamide (IAM).
3.2.1.3 Production de sidérophores
- Le fer est, quantitativement, le quatrième élément minéral de la couche
superficielle terrestre et de la biosphère qui s'y rattache.
- Il est très peu soluble et donc peu ou pas disponible
- Présent sous forme d'hydroxydes de fer (hématite Fe2O3 (70% de fer) et
magnétite Fe3O4), de silicates et de carbonates.
Les plantes et les microorganismes, possèdent des mécanismes de dissolution qui
favorisent la biodisponibilité du fer: production de composés acidifiants et/ou
chélatants.
Les chélateurs de fer produits par les champignons, les algues et de nombreuses
bactéries sont appelés sidérophores. Ce sont des métabolites secondaires de
faible poids moléculaire (200 à 2000 daltons) et de structure variable.
Leur rôle est de solubiliser, de chélater et d’extraire le fer ferrique de nombreux
complexes minéraux ou organiques et de le rendre ainsi accessible aux
microorganismes. C’est le principal système d’acquisition du fer chez les bactéries.
Les bactéries productrices de sidérophores jouent un rôle important dans la
suppression des maladies en entrant en concurrence avec le pathogène pour le
fer.
Exemples de structures des sidérophores (Miethke and Marahiel, 2007)
3.2.1.4 Activité ACC deaminsae
Certaines PGPR stimulent la croissance des plantes grâce à l'activité de
l'enzyme aminocyclopropane-l-carboxylate désaminase (ACC deaminase) qui
peut dégrader l'ACC en α-cétobutyrate et en ammonium, ce qui permet
d’abaisser le niveau de l’éthylène, qui est une hormone qui réprime la
croissance racinaire sous conditions de stress (hydrique, salin, métaux lourd,
..). Les produits de cette hydrolyse, sont utilisés par la bactérie dégradant l’ACC
comme sources d'azote et de carbone

S Adenosyl Methionine

AminoCyclopropane-l-Carboxylate

Modèle décrivant le rôle de l’ ACC deaminase bactérienne dans la promotion de


l’élongation racinaire
Pathway of ethylene biosynthesis from the methionine cycle in higher plants.
Modified figure adapted from the source ref Li (1999).
3.2.2 Mécanismes d’action indirecte
3.2.2.1 La résistance systémique induite (ISR)

Les PGPR peuvent conférer à la plante une capacité de défense efficace


contre un large spectre de maladies d’origine fongique, bactérienne et virale
à l'aide d'un phénomène connu sous le nom de résistance systémique induite
(ISR), qui est déclenchée par les PGPR au moyen de molécules appelés
éliciteurs.
Cette réaction de défense est dépendante de la signalisation de l'éthylène et
de l'acide jasmonique dans la plante. La protection est maintenue pendant
des périodes prolongées après induction. Elle se traduit par:
- des modifications au niveau des parois cellulaires végétales avec des
dépôts de callose (polyglucoside insoluble dans l’eau)
- des changements physiologiques qui conduisent à la synthèse de composés
impliqués dans les mécanismes de défense des plantes en particuliers
l'accumulation de composés phénoliques au niveau du site attaqué par
l'agent pathogène
Les lipopolysaccharides, les sidérophores et l'acide salicylique sont des
déterminants majeurs utilisés par les PGPR comme médiateur de résistance
systémique induite.
3.2.2.2 La compétition pour les éléments nutritifs
Compétition pour le carbone ou pour le fer (sidérophores)

3.2.2.3 L’antagonisme microbien


Production d’antibiotiques, de fongicides, d’enzymes et de métabolites
secondaires allélochimiques
Substances allélochimiques: métabolites secondaires tels les acides
phénoliques, les flavonoïdes, les terpénoides et les alcaloïdes. Ce sont des
substances utiles au biocontrôle, qui peuvent réduire l’utilisation d’herbicides, de
fongicides et d’insecticides et ainsi diminuer la détérioration de l’environnement

L´antibiose est le mécanisme le plus connu et le plus important utilisé par les
PGPR pour limiter l´invasion de pathogènes dans les tissus de la plante hôte. Il
consiste en une inhibition directe de la croissance du pathogène via la
production de métabolites aux propriétés antifongiques et/ou antibiotiques, ce
qui permet aux antagonistes de coloniser l’espace rhizosphérique libéré.
Les souches de Bacillus subtilis produisent une variété de métabolites
antifongiques puissants: la zwittermycine-A, la kanosamine, des lipopeptides
(surfactine, iturine et fengycine), en plus des enzymes hydrolytiques (β-1,3-
glucanase) qui peuvent dégrader les parois cellulaires fongiques.

Les microorganismes producteurs de chitinases sont aussi importants dans la


lutte contre les champignons pathogènes. La chitine étant le constituant
principal de la paroi fongique, les enzymes dégradant la chitine sont capables
donc de limiter la croissance des champignons.
Chez Pseudomonas d´autres molécules antifongiques impliquées dans le
biocontrôle ont été identifiées: l’HCN, la viscosamide, le 2,4-
diacetylphloroglucinol (DAPG), la pyrrolnitrine, les phenazines et les
butyrolactones.
3.2.2.4 Interférence avec les systèmes de quorum sensing (QS)
Le QS est définie comme une régulation de l'expression des gènes bactériens
en réponse aux changements de leur densité de population. Cette régulation
est réalisée par l’intermédiaire de petites molécules de signalisation diffusibles
comme les AHL (N-Acyl Homoserine Lactones).
Ce système active la synthèse de facteurs de virulence tels que la formation de
biofilm, la production de toxine et d’exopolysaccharides, le transfert de
plasmides et la motilité.
Certaines PGPR produisent des acylases ou lactonases, enzymes qui dégradent
les AHL, évitant ainsi la production de facteurs de virulence, qui sont essentiels
pour la mise en place réussie d'une relation pathogène avec les hôtes
eucaryotes.

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