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Lais
Marie
classiques
LAIS DE MARIE DE FRANCE
Paru dans Le Livre de Poche :
Le Lai de Lanval
Lais de
Marie de France
TRADUCTION DE LAURENCE HARF-LANCNER
LE LIVRE DE POCHE
Classiques
Ouvrage réalisé sous la direction de Michel Zink.
L. H.-L.
indications bibliographiques
TEXTES
- Marie de France
Marie de France, Lais, édition bilingue, trad. et
prés. L. Harf-Lancner (éd. K. Warnke), traduction
reprise dans ce volume, Paris, Le Livre de Poche,
Lettres gothiques, 1990.
Fables, éd. et trad. C. Brucker, Louvain, Peeters,
1991 et Fables du Moyen Âge (anthologie), trad.
J. M. Boivin et L. Harf-Lancner, Paris, GF-Flam-
marion, 1996.
Le Purgatoire de saint Patrice, éd. et trad. Y. de
Pontfarcy, Louvain, Peeters, 1995.
24 Indications bibliographiques
ÉTUDES
L’Amour et la merveille : les Lais de Marie de
France, éd. J. Dufoumet, Paris, Champion, coll.
Unichamp, 1995.
P. Ménard, Les Lais de Marie de France, Paris,
PUF, 1979, rééd. 1995.
L. Harf-Lancner, Les Fées au Moyen Âge, Paris,
Champion, 1984.
PROLOGUE
Quand Dieu vous a donné la science et un talent
de conteur, il ne faut pas se taire ni se cacher mais
se montrer sans hésitation. Lorsqu'un beau fait est
répété, il commence à fleurir, et quand les
auditeurs se répandent en louanges, alors les fleurs
s’épanouissent1 .
Les Anciens avaient coutume, comme en
témoigne Priscien, de s'exprimer dans leurs livres
avec beaucoup d’obscurité à l'intention de ceux
qui devaient venir après eux et apprendre leurs
œuvres : ils voulaient leur laisser la possibilité de
commenter le texte et d'y ajouter le surplus de
science qu'ils auraient. Les poètes anciens
savaient et comprenaient eux-mêmes que plus le
temps passerait, plus les hommes auraient l’esprit
subtil et plus ils seraient capables d'interpréter les
ouvrages antérieurs12.
1. La déesse Fortune qui tourne. les yeux bandés, une roue sur
laquelle les hommes sont placés tour à tour en haut et en bas. est un
thème; récurrent dans la littérature et l'iconographie du Moyen Âge.
44 Guigemar
belle. Il sait bien, quel que soit celui qui l'a laissée
dans ce navire, qu’elle est de noble naissance et se
prend pour elle d'un amour qu'il n’a jamais
éprouvé pour aucune femme. Il mène la dame à sa
jeune sœur, dans une fort belle chambre, et la lui
confie. La dame est bien servie et honorée, riche-
ment vêtue et parée ; mais toujours elle demeure
triste et sombre. Mériaduc s’entretient souvent
avec elle car il l'aime de tout son cœur. Il sollicite
son amour ; mais elle ne s’en soucie guère. Elle lui
montre la ceinture et lui explique qu'elle n'aimera
jamais que l’homme capable de l'ouvrir sans la
déchirer. Il lui répond alors, furieux : « Il y a aussi
dans ce pays un valeureux chevalier qui refuse de
prendre femme au nom d'une chemise, dont le pan
droit est plié : on ne peut la dénouer sans couteau
ou ciseaux. N'auriez-vous pas fait ce nœud vous-
même?» À ces mots, elle soupire et manque
s’évanouir. Mériaduc la reçoit dans ses bras et
coupe les lacets de sa robe; il voulait ouvrir la
ceinture, mais en vain. Plus tard il fit tenter
l’épreuve par tous les chevaliers du pays.
Le temps s’écoula ainsi jusqu'à un tournoi que
Mériaduc organisa pour y rencontrer son ennemi.
Il y convia bien des chevaliers et, en premier lieu,
Guigemar, son ami et son compagnon qui, en
échange de services rendus, lui devait bien aide et
assistance en ce besoin. Guigemar est donc venu,
en superbe équipage, avec plus de cent chevaliers.
Mériaduc lui offre une riche hospitalité dans son
donjon : il convoque sa sœur et lui fait dire par
deux chevaliers qu’elle se pare et se présente à lui,
48 Guigemar
1. Avalon, l’île des pommes, l'île des femmes, l’île de la fée Mor-
gane, est l’une des représentations de l'autre monde celtique.
6. LES DEUX AMANTS
Jadis survint en Normandie l'aventure souvent
contée de deux enfants qui s'aimèrent et mouru-
rent tous deux de cet amour. Les Bretons en firent
un lai qu'on appela Les Deux Amants.
Il est bien vrai qu’en Neustrie, que nous
appelons maintenant Normandie, se dresse une
montagne d’une hauteur prodigieuse : à son
sommet reposent les deux enfants. Près de cette
montagne, à l’écart, un roi qui était seigneur des
Pitrois avait fait bâtir avec le plus grand soin une
cité, qu’il avait nommée Pitres, du nom de ses
sujets : ce nom lui est resté, la ville et les maisons
existent encore et la contrée, chacun le sait, porte
encore le nom de val de Pîtres1.
Ce roi avait une fille, belle et courtoise demoi-
selle. C’était son seul enfant et il l’aimait et la
chérissait tendrement. De puissants seigneurs
avaient demandé sa main et l'auraient volontiers
épousée. Mais le roi ne voulait la donner à per-
1. Le sens de ces quelques vers n’est pas clair. Il semble que Marie
ironise sur le fait qu'on ne risque rien à courtiser toutes les femmes du
pays (qui sont compatissantes), alors qu'un fou ne se laisse pas sans
violence prendre son morceau de pain. Le fou tenant une micne de pain
est en effet une image courante dans les psautiers du Moyen Âge, pour
illustrer le psaume 53 (52), en particulier le cinquième verset : «Le
savent-ils, les malfaisants? Ils mangent mon peuple, voilà le pain qu’ils
mangent. »
150 Le Malheureux
1. Aux 12e et 13e siècles, le tournoi est un sport d’équipe qui oppose
deux camps : yoir G. Duby, Le Dimanche de Bouvines, Paris, Gallimard,
1973.
152 Le Malheureux
Introduction ................................................... 5
Indications bibliographiques ....................... 23
Prologue ...................................................... 25
1. Guigemar ............................................... 29
2. Equitan .................................................. 51
3. Le Frêne ................................................ 61
4. Bisclavrrt............................................. 75
5. Lanval ................................................... 85
6. Les Deux Amants ................................. 103
7. Yonec..................................................... 111
8. Le Rossignol......................................... 127
9. Milon ..................................................... 133
10. Le Malheureux..................................... 147
11. Le Chèvrefeuille.................................. 155
12. Eliduc .................................................... 161
PAPIER À BASE DE
FIBRES CERTIFIÉES
30/3148/1
texte intégral ISBN: 978-2-253-09845-4
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