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197
L’HÉRITAGE IMPENSÉ
DES MALTAIS DE TUNISIE
Licence accordée à Michèle muscat michele.muscat66@gmail.com - ip:2.4.248.197
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56398-8
EAN : 9782296563988
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Michèle MUSCAT
L’HÉRITAGE IMPENSÉ
DES MALTAIS DE TUNISIE
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Préfaces
Habib Kazdaghli,
Professeur des Universités en Histoire contemporaine.
Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités
(Université de Tunis-Manouba)
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Nous sommes en présence d’un ouvrage rare : son auteure n’est pas une
chercheure comme les autres et, dans sa carrière, rien n’a jamais annoncé
qu’en son achèvement, elle ouvrait sur un travail de recherche scienti-
fique ; rare aussi parce que les études maltaises ne sont pas, en France,
aussi développées qu’elles devraient l’être : voici, en effet, un territoire
îlien, restreint dans son extension, mais combien vaste dans
l’extraordinaire originalité de sa civilisation et de son histoire ; et les
études maltaises sont encore plus pauvres — et c’est dommage — dans
leur appréhension de l’émigration / immigration de populations tuni-
siennes et maghrébines originaire de l’île, et devenues françaises et euro-
péennes à l’indépendance des sociétés de la rive sud de la « Mer du
milieu ».
Michèle MUSCAT est donc entrée en sociologie par la marge, à l’orée
d’une retraite et d’une sortie de profession qui lui ont permis, à mon sens
et de la manière dont je l’ai intuitivement perçue, de satisfaire une deman-
de profonde de résolution d’un conflit : un chercheur ne va jamais là où il
ou elle ne s’attend pas : nous sommes, dans nos terrains — et le nom
MUSCAT en île de Malte ne renvoie absolument pas aux fruits qu’en
France il désigne — et par effet différé, en recherche de l’Autre et de
l’Autre ous.
De ce point de vue, le travail qu’elle offre à lire s’enracine dans le
double mouvement d’une recherche de soi et, dans la saisie de cet ego,
dans le domaine qu’il territorialise par destination. En l’occurrence, le
domaine comme le terrain ne pouvaient pas ne pas être les Maltais de
Tunisie à travers leur héritage impensé. La raison n’est rien d’autre que le
constat, après coup, du résultat de la recherche qu’on va lire. C’est vrai
pour tout lecteur qui ne serait pas partie prenante de ce travail. La consé-
quence en est que ce dernier s’indique lui-même comme devant être lu en
dehors de tout dogmatisme strictement scientifique.
Je dois dire que je refuse la démagogie qui consiste, pour le préfacier,
exclusivement à illustrer, à distinguer l’ouvrage à publier, en allant plus
dans les laudes que dans une lecture objective. Avec celui de Michèle
Muscat, la question n’a pas été construite de cette façon : en dehors des
problèmes techniques et théoriques propres à une recherche en actes, s’est
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Introduction
« Mutato nomine de te fabula narratur » : « Le
nom étant changé, c’est de toi qu’il s’agit dans
cette histoire ».
Cité par Karl Marx, in Le Capital,
livre I, tome I, Éditions sociales, Paris, 1971, p. 2611.
Première partie
Le cadre de la recherche
et ses limites
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1. LE TERRAIN
otre étude nécessitait de définir les lieux et périodes étudiés, de
manière à cerner l’objet de la recherche ; en effet, l’émigration maltaise
en Tunisie eut lieu du milieu du XIXe siècle au début du XXe siècle, époque
à laquelle elle fut progressivement remplacée par une émigration vers
l’Australie. En outre, le milieu du XXe siècle fut marqué par la fin du pro-
tectorat français en Tunisie et l’accession de ce pays à l’indépendance.
Cette phase historique déterminante, pour les relations entre ces deux
pays, sera source d’une seconde émigration vers la France pour de nom-
breux descendants de Maltais installés depuis plusieurs générations en
Tunisie. Sur le plan historique, la recherche s’inscrivait donc des pre-
mières émigrations du XIXe siècle, jusqu’aux descendants de Maltais
vivant en France ou en Tunisie actuellement.
Par ailleurs, il fallait définir un cadre territorial dans la mesure où
notre parcours d’étude se situait dans trois pays différents : la Tunisie,
Malte et la France. En Tunisie, outre les recherches effectuées aux
Archives et à la Bibliothèque ationale, des contacts ont également été
établis auprès des différents consulats, maltais, anglais et français.
Cependant, compte tenu de l’éclatement du terrain, nous avons dû, pour
des raisons d’efficacité, limiter nos investigations aux principaux lieux
d’arrivée des premiers immigrés maltais ; il s’agit des villes portuaires de
Tunis, Ghar el Mehl (anciennement Porto-Farina), Sousse, Sfax et de l’île
de Djerba. Plusieurs voyages d’étude ont permis d’avoir, dans un second
temps, des entretiens tant avec des Maltais issus de l’immigration mais
demeurés en Tunisie, qu’avec des Tunisiens ayant le souvenir précis de
cette population.
Au début de nos recherches, un descendant de Maltais de Tunis, parta-
geant son temps entre la France et la Tunisie, nous avait affirmé qu’il ne
restait plus, en Tunisie, de Maltais de l’ancienne origine émigrée ; cette
assertion semblait confirmée par la plupart des personnes d’origine mal-
taise vivant en France8. Un doute subsistait toutefois dans la mesure où
d’autres contacts, en France, avaient émis l’hypothèse qu’il demeurait,
peut-être, quelques Maltais très âgés sur Tunis, Sousse et Djerba. Entrer
en relation avec ces témoins privilégiés, gardiens de la mémoire des
Maltais immigrés fut une entreprise longue et délicate.
Désireuse de nous entretenir avec ces Maltais résidant encore en
Tunisie, nous nous sommes dirigée vers d’autres sources d’informations
possibles. Compte tenu des premières relations établies en France et en
Tunisie, nous avions pu localiser les anciens quartiers maltais de Tunis ;
c’est pourquoi, suite au peu d’informations recueillies précédemment,
nous décidions alors d’orienter nos recherches vers ceux qui avaient pu
connaître les Maltais : c’est-à-dire, les Tunisiens demeurant actuellement
dans ces quartiers. En effet, « dans une entreprise d’étude de l’histoire des
communautés qui marquèrent par leur présence des quartiers et des
espaces, des noms de rues, des monuments, des souvenirs personnels, on
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ne peut faire l’économie du recours à toutes les traces qui peuvent l’aider
à reconstituer les événements du passé »9.
Ayant, d’autre part, relevé l’importance de la religion catholique chez
les Maltais, nous prenions également contact avec le responsable de la
paroisse de la cathédrale de Tunis où résidaient des prêtres, susceptibles
de nous procurer des informations sur la vie du groupe maltais ; non seu-
lement leur connaissance des Maltais fut un apport précieux, mais aussi
leur information sur le fait qu’il subsistait effectivement quelques Maltais
âgés, continuant de fréquenter les offices de la Cathédrale, lieu où nous
pourrions les rencontrer. De plus, ils nous indiquèrent la présence de
quelques-uns d’entre eux, dans deux maisons de retraite accueillant des
Européens : l’une à Radés10, l’autre à La Goulette11. ous constations
cependant que les contacts proposés excluaient la possibilité de connaître
des Maltais susceptibles de s’être intégrés à la société tunisienne, soit du
fait de leur conjoint, soit d’une prise de distance d’avec la pratique reli-
gieuse catholique. Compte tenu de nos dernières recherches, nous émet-
tons l’hypothèse que le nombre des Maltais, descendants des premiers
immigrés est, sans doute, plus important que celui des seules personnes
âgées, signalées au début de nos investigations ; cette appréciation diffé-
rente provient, de la prise en compte, de l’existence d’un petit nombre de
mariages mixtes Maltais-Tunisiens très difficilement répertoriables. La
possible existence de quelques autres personnes isolées et très âgées, nous
a aussi été signalée, dans d’autres secteurs géographiques, mais nous
n’avons pas pu vérifier ces indications.
2. RÉFLEXION MÉTHODOLOGIQUE
qui lui sont liés. En effet, tout individu est inscrit dans une histoire fami-
liale et générationnelle dont il ne peut s’abstraire. Les recherches effec-
tuées dans les différents territoires concernés, à savoir la Tunisie, Malte
et la France, allieront observation participative et entretiens le plus sou-
vent non-directifs, acceptant les inévitables digressions, imprécisions ;
notre attitude deviendra parfois cependant, semi-directive afin de favori-
ser l’émergence du passé. ous avons ainsi privilégié l’écoute à un ques-
tionnement réducteur, écoute de familles d’origine maltaise ou de
Tunisiens, habitants des anciens quartiers maltais, invités à évoquer la vie
de la société maltaise en Tunisie.
Saisir, au cours des entretiens avec les descendants, une part de cette
« mémoire archéologique [...] Récit d’une origine, temps de la vie
d’autrefois, inscription dans une histoire collective »14, constituera un de
nos objectifs ; puis, nous tenterons d’en démêler les fils enchevêtrés.
Interviendront aussi des notions d’étayage, familial et social maltais, où
« Le Moi-Peau15 » constituera un des aspects de la relation à la terre
d’accueil, pour les premiers immigrés maltais. Il s’agira d’une démarche
anthropologique permettant, non seulement de « saisir les flux et les ten-
sions les plus imperceptibles »16 mais aussi de mettre en relation des élé-
ments qui, dans une première approche, pourraient apparaître épars et de
saisir la nature du lien social, entre les différents groupes constitutifs, de
la « mosaïque tunisienne ». En effet, ces bribes de mémoire familiale,
confrontées à l’Histoire et aux traces territoriales et orales en Tunisie,
mises en relation avec les sources maltaises, nous ont permis d’approcher
la position paradoxale de ces émigrants, entre Orient et Occident, eu
égard aux aléas de la transmission.
À ce stade de la recherche, s’est posée une question d’éthique : avions-
nous le droit, au nom d’un travail universitaire, d’interroger ainsi le passé
de nos interlocuteurs ? En effet, « revivre est toujours dangereux, qu’il
s’agisse de ne pas arriver à retrouver ce que l’on voudrait revivre ou de
ne revivre que trop ce dont on a souffert »17 ; cependant ces éléments de
récits de vie, souvent réifiés, parfois inexacts ou bien transformés dans un
« présent-composé »18, sont irremplaçables car ils témoignent, non seule-
ment de l’aspect humain de l’Histoire mais aussi de la nature de la rela-
tion entre les hommes.
Deuxième partie
Correspondances méditerranéennes
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1. DONNÉES GÉOGRAPHIQUES
Malte, Malàt25, Melita autant de toponymes pour évoquer, dans les
temps antiques, cet archipel situé au cœur de la Méditerranée, « mer plu-
rielle [...] où se distinguent deux grands ensembles humains, une rive
ord (à l’ouest de Byzance) à dominante chrétienne, une rive orientale et
méridionale à dominante musulmane »26. Son originalité tient au fait qu’il
se trouve au croisement de deux routes : « celle qui d’Ouest en Est unit
Gibraltar au canal de Suez, c’est-à-dire l’Atlantique à l’Océan Indien ou
mieux encore l’Occident à l’Orient, la fameuse route des Indes. Et celle
qui, du ord au Sud, unit les rives du Golfe de Gênes ou du golfe adria-
tique aux côtes de Tunis ou de Tripoli »27.
Ramla
Bay GOZO
Inland Sea Xaghra
Archipel maltais
2. MALTE-TUNIS :
UNE HISTOIRE COMMUNE ET CONFLICTUELLE
Les îles maltaises sont indépendantes de l’empire britannique depuis
1964 et constituent une république depuis 1974. Les diverses migrations
d’une partie de leur population entre le XIXe et le début du XXe siècle nous
ont paru en relation avec une Histoire complexe où s’entrecroisent divers
conquérants, facteurs d’enracinement d’une culture aux multiples
racines. Antiquité, puis Moyen-Âge, verront se succéder sur les terres
maltaises : Phéniciens, Carthaginois, Grecs, Romains, Byzantins et
Arabes avant que n’interviennent les Chevaliers de l’ordre de Saint Jean.
Au cours des siècles, les relations entre la Tunisie et Malte seront faites
de liens privilégiés mais aussi de nombreux conflits au cours desquels des
populations vont transiter d’un territoire à l’autre. ous citerons donc,
pour mémoire, seulement certains événements, éléments de la trame qui a
permis le tissage de l’Histoire.
2.1. PRÉHISTOIRE
L’étude des données préhistoriques permet de situer l’établissement
possible de premières relations entre Malte et la Tunisie à la fin du
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VIe millénaire avant J.-C. ; cette période est aussi celle du peuplement ini-
tial des îles, à partir de la Sicile ou de la Calabre, par « des marins-
pêcheurs-agriculteurs qui prennent pied sur l’archipel »35. Ceux-ci impor-
tèrent sans doute du continent les productions alimentaires (blé, orge, len-
tilles) et l’élevage (bœufs, moutons, chèvres). Ils vivaient dans des grottes
telle celle de Ghar Dalam, précédemment citée, ou dans des villages de
huttes comme celui de Skorba. Durant cette période, Malte s’inscrit, selon
J. Guilaine, dans « les mouvements de diffusion agricole de la
Méditerranée centrale » qui s’étendent « de la Grèce occidentale à la
Sicile en comprenant l’Albanie côtière, le Monténégro, le sud de la Bosnie
et de la Croatie, l’Italie méridionale… Pantelleria et Lampedusa. Cette
dynamique permet d’envisager de probables liens, dès lors, avec la
Tunisie, ce que semble confirmer la découverte d’obsidienne de
Pantelleria dans le Maghreb oriental »36. On constate également
l’utilisation d’outils locaux importés des îles de Pantelleria et Lipari.
« L’étude en cours de 300 000 fragments humains récemment exhumés
près de Xhaghra, non loin des temples de Ggantija sur l’île de Gozo,
donne l’image d’une population typiquement méditerranéenne trapue, de
taille moyenne, en bonne santé »37.
On ne peut évoquer les temps préhistoriques de l’archipel sans men-
tionner la présence d’imposantes constructions mégalithiques datant de
la fin du IIIe millénaire av. J.-C. ; il s’agit des temples de : Ggantija,
Mnaidra, Hagar Quim, Hal Saflieni et Tarxien. Ces réalisations doivent
être resituées dans l’évolution des régions de la Méditerranée. Anthony
Bonanno38 suggère que ces temples « servaient de centres politiques et
économiques, de lieux de rassemblement et de redistribution des surplus
de production » et émet « l’hypothèse que cette hiérarchie sociale était
très certainement basée sur un pouvoir religieux exercé depuis ces struc-
tures étonnantes »39, différentes des autres constructions mégalithiques
connues en Europe. « Ces temples à fonction publique et religieuse étaient
perçus comme symbole identitaire et manifestation d’appropriation d’un
espace. Ils témoignent également de l’importance du culte des morts asso-
cié à celui d’une déesse
de la fertilité représen-
tée par la célèbre et
imposante “sleeping
lady” (la femme endor-
mie) »40.
À la fin du
IIIe millénaire av. J.-C.,
la civilisation des
temples s’effondre sans
que l’on puisse, pour le
moment, l’expliquer ;
de nombreuses hypo-
thèses sont émises à ce
Sleeping lady (la femme endormie) sujet : y a-t-il eu des
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doit de rester prudente car « les sources écrites sur Malte », concernant
cette période, « sont fragmentaires et parfois contradictoires »54.
le Saint Andrews ou Saint Julian’s. De création plus récente, ces deux der-
nières localités ne possèdent pas d’appellation en langue maltaise. Les
dénominations italiennes de Santa Lucia existent à la fois sur Malte et
Gozo : elles font référence à de très anciennes traditions chrétiennes de
l’archipel et rappellent l’importance de l’influence culturelle italienne au
XIXe siècle. Seule l’appellation de la capitale, La Valette, créée en 1566,
par le grand maître français Jean Parisot de La Valette, résonne de conso-
nance familière à des tympans français
France ou vers l’Angleterre. En effet, à Malte, une loi émise en 1948, inter-
disait le retour des descendants des émigrés « en raison des craintes de voir
revenir des milliers de Maltais d’Égypte, de Libye et des Balkans qui sou-
haitaient quitter leur pays d’accueil en raison de la situation politique »114.
Les départs de ces descendants des premiers Maltais s’échelonneront
des années 1956 à 1961, date de la crise de Bizerte, et se poursuivront jus-
qu’en 1964 lors des nationalisations des terres. Quelques Maltais reste-
ront cependant discrètement sur le sol tunisien constituant une minorité
que nous qualifierons d’ « oubliée de l’Histoire ».
5. L’ÉMIGRATION
ment pour les mêmes denrées mais aussi pour les armes et le tabac, une
contrebande importante. « Cela a déterminé la perception même “Maltais
contrebandier” auprès de l’opinion, vision qui a été largement véhiculée
par l’historiographie des époques coloniale et post-coloniale »129.
CONCLUSION
Un bref parcours géographique et historique a esquissé les contours
d’une Histoire conflictuelle, partagée entre Malte et la Tunisie, pays
d’accueil des émigrants maltais à la fin du XIXe et au début du XXe siècle ;
des correspondances ont été établies faisant apparaître des éléments de
culture communs à ces deux pays notamment dans le domaine linguis-
tique. Quelques aspects plus spécifiques, propres à chaque pays, ont été
abordés du fait de leur importance au regard de la problématique de
l’immigration maltaise ; il s’agit plus particulièrement pour l’archipel
maltais, de l’influence de l’Église catholique sur la société au XIXe siècle
et de la problématique concernant la question linguistique, les questions
directement liées à l’émigration faisant l’objet d’un point à part. Pour la
Tunisie, il nous a semblé indispensable de souligner l’influence du cardi-
nal Lavigerie et de commencer à évoquer les naturalisations des étran-
gers durant le protectorat français. En effet, traiter de la transmission
généalogique chez les descendants des Maltais de Tunisie, nécessitait
d’interroger l’Histoire avant de les accompagner dans leurs premières
migrations.
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44 Frendo Anthony J., Vella Nicholas C. « Les îles phéniciennes du milieu de la mer »,
Malte, Dossiers d’archéologie, n° 267, oct. 2001, p. 46.
45 Divinité punique dont l’origine du culte se situe à Tyr, ville du Liban (auj. Sour.)
46 Bonanno, A. « Malte antique », Le Carrefour Maltais, p. 45, op. cit.
47 M. Mario Buhagiar est Directeur du Département d’Art à la faculté d’arcitecture de
l’université de Malte.
48 Buhagiar, M. « Malte dans l’Antiquité tardive et à l’époque byzantine », Malte,
Dossiers d’Archéologie, pp.68-75, op. cit.
49 Île de Croatie située entre Korcula et Dubrovnik.
50 Buhagiar, M. « Malte dans l’Antiquité tardive et à l’époque byzantine », Malte, op.
cit.
51 Ibid.
52 Il s’agit d’adeptes de l’arianisme, doctrine issue de la chrétienté ; ses partisans
niaient la divinité de Jésus-Christ. L’arianisme fut condamné par le concile de Nicée
en 325. (Dict. Larousse)
53 Buhagiar, M. « Malte dans l’Antiquité tardive à l’époque byzantine », p. 70, op. cit.
54 Ibid.
55 Constantinople prendra le nom d’Istambul après sa prise par les Turcs.
56 Jusqu’au VIIIe siècle, la Tunisie dépend du Califat de Damas, puis de celui de
Bagdad.
57 La Geniza est le lieu de la synagogue où sont conservés les manuscrits ; il s’agit, ici,
de celle de la synagogue de Ben Ezra au Caire qui comprend plus de 200 000 manus-
crits.
58 Guichard P., Sénac P. Les relations des pays d’Islam avec le monde latin (milieu Xe
- milieu XIIIe.) Poitiers, CNED, Paris, SEDES, 2000, p. 45.
59 Redjala M. “L’archipel maltais dans la littérature historico-géographique
d’expression arabe à l’époque médiévale”, Actes du premier congrès international
des Cultures Méditerranéennes d’influence arabo-berbère, pp. 203-208. op. cit.
60 Buhagiar, M. « Malte dans l’Antiquité tardive et à l’époque byzantine », Malte,
Dossiers d’archéologie, p. 74, op. cit.
61 Redjala M. “L’archipel maltais dans la littérature historico-géographique
d’expression arabe à l’époque médiévale”, op. cit.
62 Ibid.
63 Ibid.
64 Buhagiar, M. « A l’ombre de St Paul », Ulysse, Malte, n° 56, p. 35.
65 Cutajar, N. « Arabes et Normands à Malte », Malte, Dossiers d’archéologie, pp. 76-
85, op. cit.
66 Guichard P., Sénac P., Les relations des pays d’Islam avec le monde latin, p. 279,
op. cit.
67 Ibid.
68 Bresc, H. « Sicile, Malte et Monde Musulman », Malta, a case Study in
International Crosscurrents, (First International Colloquium of the Central
Mediterranean, University of Malta, 13-17 December 1989), Malte, Fiorini S. and
Mallia Milanes V, 1991, p. 49.
69 Dornier, F. Les Catholiques en Tunisie au fil des ans, Tunis 2000, p. 33.
70 Lutrell, A. « L’effritement de l’islam 1091-1282 », Le Carrefour Maltais, pp. 49-58,
op. cit.
71 Ibid.
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72 Bresc H. « Malte et l’Afrique 1282-1292 », Le Carrefour Maltais, pp. 63-73, op. cit.
73 Luttrell, A. « L’effritement de l’islam 1091-1282 », Le Carrefour maltais, pp.49-59,
op. cit.
74 Bresc, H. « Malte et l’Afrique, 1282-1492 », Le Carrefour maltais, p. 67, op. cit.
75 Ibid.
76 Godechot J., Histoire de Malte, p. 46, op. cit.
77 Sebag P. Tunis au XVIIe siècle, Histoire et Perspectives méditerranéennes, Paris,
L’Harmattan, 1989, p. 111.
78 Petiet, C. Ces messieurs de la religion. L’ordre de Malte au XVIIIe siècle ou le cré-
puscule d’une épopée, Paris, France-Empire, p. 154.
79 Ibid.
80 Pignon, J. “Aperçu sur les relations entre Malte et la côte orientale de Tunisie au
début du XVIIe siècle”, Les cahiers de Tunisie, Tome XII, n° 47-48, 1964, pp. 59-
87.
81 Sebag, P. Tunis au XVIIe siècle, p. 109, op. cit.
82 Sebag, P. La course tunisienne au XVIIIe siècle, Tunis, IBLA, 2001, pp. 40-41.
83 Petiet, C. Ces messieurs de la religion. L’ordre de Malte au XVIIIe siècle ou le cré-
puscule d’une épopée, pp.147-149, op. cit.
84 Blondy, A. L’Ordre de Malte au XVIIIe siècle, Des dernières splendeurs à la ruine,
Paris, 2002, p. 70.
85 Ibid. p. 80.
86 Fontenay, M. « Le développement urbain du port de Malte du XVIe au XVIIIe siècle
», Le Carrefour Maltais, pp. 91-107n op. cit.
87 Cassar Pullicino J. Some Considerations in Determining the Semitic Element in
Maltese Folklore, p. 45, op. cit.
88 Blondy, A. L’Ordre de Malte au XVIIIe siècle, p. 89, op. cit.
89 Ibid., p. 189.
90 Sebag, P. La Course Tunisienne au XVIIIe siècle, p. 59, op. cit.
91 Traité de Paris : 30 mars 1814
92 Sebag, P. La Course Tunisienne au XVIIIe siècle, p. 11, op. cit.
93 Speronare : simple barque maltaise qui, au départ, assurait la liaison entre Malte et
Gozo ; utilisée à Malte depuis le XVIE siècle d’après les archives ; peinte, le plus
souvent de couleurs vives, elle était protégée du mauvais œil, par l’œil d’Horus ou
d’Osiris. Disparue des eaux maltaises au début du XXe siècle, la speronare est le
prototype d’autres constructions navales maltaises telles que luzzu et dgħasa.
(D’après Joseph Muscat, historien maritime.)
94 Sebag, P. La Course Tunisienne au XVIIIe siècle, p. 19-20, op. cit.
95 Ibid., p. 66-68.
96 Date à laquelle Lord Exmouth menacera Tunis avec une flotte de guerre du fait du
non-respect des engagements pris.
97 Sebag, P. La Course tunisienne au XVIIIe siècle, p. 66-68, op. cit.
98 Godechot, J. Histoire de Malte, Paris, Que sais-je ? PUF, 3e éd, 1981, p. 22.
99 L’île de Gozo possède également une ville du nom de Rabat.
100 Wettinger, G. Place-ames of the Maltese Islands, 1300-1800, Malte, PEG publica-
tions, 2000, p. 367, (traduction)
101 Ibid., p. 537.
102 Ibid., p. 630.
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Mediterranean world, Journal of Mediterranean Studies, Vol. 10, op. citn (traduc-
tion).
131 Bernardie, N. Malte, parfum d’Europe, souffle d’Afrique p. 92, op. cit.
132 Larguèche, D. Territoire sans frontières, la contrebande et ses réseaux dans la
régence de Tunis au XIXe siècle, p. 119, op. cit.
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Troisième partie
Processus d’identification
en Tunisie
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1.1. DJERBA
La présence maltaise est effective sur l’île avant 1830 et semble s’être
concentrée principalement à Houmt-Souk, port principal de l’île. Les
documents que nous avons pu consulter, associés à quelques récits fami-
liaux ne donnent des précisions que sur les installations dans cette ville,
ou témoignent simplement de l’arrivée à Djerba. C’est le cas
d’« Alexandre Grima, maçon, qui envoyé en Égypte, débarque à Tripoli,
et de là passe à Sfax pour essayer de retourner à Malte et finalement
s’installe en 1822 à Djerba avec sa femme et son fils Félix âgé de quatre
mois »137, quelques années plus tard, en 1828, on note la venue des trois
frères Caruana (Vincent, Joseph, Publio) dont un lointain ancêtre (ou
homonyme), Jackinus Caruana est cité, en 1473, comme étant autorisé
par les chevaliers de l’Ordre « à partir en course en raison de la menace
sarrasine »138.
En outre, l’étude des Actes de catholicité, effectuée par Pierre
Soumille, permet de relever pour la paroisse de Djerba, de 1848 à 1882,
302 baptêmes maltais sur un total de 392 baptêmes ; les autres baptêmes
étaient majoritairement italiens. Ces chiffres, soulignant l’importance de
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XVIIe siècle et qu’elles y auraient été introduites par les femmes des
esclaves musulmans151.
D’autres aspects, comme la manière de se vêtir rapprochaient les
femmes des deux communautés ; ainsi les Maltaises portaient générale-
ment des pantalons mi-longs, proches du sarouel des Tunisiennes. Elles
fréquentaient les bains maures et se rendaient au domicile de leurs amies
tunisiennes leur racontant la vie extérieure : elles échangeaient sur la
mode et sur les futurs mariages prévus dans l’une ou l’autre des commu-
nautés.
La communication se faisait essentiellement en arabe avec des intona-
tions italiennes, souligne l’auteur de l’étude sur Porto-Farina, les Maltais
utilisant la langue maltaise seulement à l’intérieur du groupe. De nom-
breux échanges s’effectuaient ainsi avec les Tunisiens : les hommes se
rencontraient au café maure et y disputaient des parties de cartes appe-
lées « chkouba » (scopa italienne) ; comme leurs épouses, ils allaient au
bain maure et participaient à la discussion mais ils n’étaient pas reçus
dans les foyers. Ils écoutaient les conteurs tunisiens qui étaient admis
dans les foyers maltais afin que les femmes puissent les entendre ; souvent
à cette occasion, nourriture et café étaient offerts au conteur en remercie-
ment.
Dans cette ville vivaient également les premières familles de petits
fonctionnaires français ; il semble que, jusqu’en 1925, ces familles de
Français issues du monde rural, aient fréquenté les familles maltaises les
plus aisées ; puis, au cours du protectorat, remplacés par d’autres fonc-
tionnaires d’origine sociale différente, ces fonctionnaires se mêlèrent peu
aux Maltais. Ainsi, les relations entre Maltais et Français resteront dépen-
dantes du statut social des groupes en présence.
Caractérisée par un mode de vie proche du monde arabo-tunisien
durant ces années, la population maltaise de Porto-Farina sera stigmati-
sée dans le discours des Maltais interviewés, principalement lorsque la
relation entre le mode de vie de leurs ancêtres et celui des Tunisiens sera
évoquée. ous entendrons des remarques telles que « peut-être ceux de
Porto-farina vivaient comme cela » ou « à Porto-farina, c’était différent ».
Il est sans doute vrai que ce groupe s’est plus longtemps maintenu hors de
l’évolution vers un mode de vie français du fait de son isolement.
Cependant, ne s’agit-il pas plutôt pour nos interlocuteurs, d’un déni de la
reconnaissance d’une proximité culturelle d’avec un groupe social de cul-
ture arabo-musulmane ? Le rapprochement paraît accepté quand il s’agit
de l’autre, le Maltais dit « peu évolué » ou « de la campagne » ; ces expres-
sions, à connotation péjorative, pourraient correspondre à l’ancienne
image véhiculée à Malte au sujet des classes sociales défavorisées152.
1.3. SOUSSE
Quelques indications sur la vie des Maltais avant le protectorat nous
sont données dans l’ouvrage : « A la recherche du Sousse d’antan »153.
ous y apprenons les patronymes des premières familles, arrivées aux
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environs de 1820 ; ce sont les Balzan, Borg, Schembri, Vella, Rizzo, etc. Ils
s’installent, comme ailleurs, dans les fondouks, principalement ceux
d’entre eux exerçant le métier de cochers ; il s’agit au Sud, du fondouk
Berryana sur la place Bab Djedid et d’un second, situé dans l’actuelle rue
Ali Bach Hamba, aujourd’hui disparu. Quelques Maltais possédaient des
diligences, destinées aux liaisons entre les grandes villes, mais la plupart
étaient seulement postillons ; d’autres étaient cochers en ville et les
auteurs de cet ouvrage précisent que ces fiacres étaient de véritables «
œuvres d’art entourées par leurs propriétaires de tous les soins […]
pein ures vives sur les roues, clous de cuivre jaune et coquillages sur les
harnais, grelots, foulards et talismans sur la monture »154.
Une autre partie de la population maltaise vivait dans un quartier
proche de la Grande Mosquée et du Ribat : les toponymes, rue de Malte
et d’Angleterre, l’attestent encore aujourd’hui ; dans le même secteur,
existait, depuis 1836, une maison privée où se déroulait le culte catho-
lique ; par la suite, une petite chapelle, dédiée à Saint Félix, fut installée
dans ce même quartier, avec l’autorisation d’Ahmed Bey (1837-1855) ; il
est possible qu’elle ait été située entre les deux monuments précités mais
nous manquons d’indications suffisamment fiables, pour en être sûrs.
Cette chapelle fut remplacée en 1865, par l’église otre-Dame ; parmi les
bénévoles qui participèrent à l’élaboration des plans de l’édifice, nous
pouvons citer Laurent Mifsud dont le patronyme indique l’origine maltai-
se ; cette église fut rasée lors de l’aménagement du site autour du Ribat ;
d’après plusieurs témoignages d’habitants du quartier, son emplacement
pourrait correspondre à celui de l’actuel lycée.
1.4. SFAX
La présence des émigrés Maltais se situe autour de 1820 ; ils
s’installent dans le quartier franc, proche de l’église et non loin de la
médina ; cette localisation demeure un paramètre constant des divers
lieux d’implantation. H. Jamoussi, s’appuyant sur le relevé des registres
paroissiaux note en 1840, la présence de trente familles chrétiennes dont
une quinzaine de familles maltaises tels les « Farrugia, Abela, Agius et
Bussutil »155. La pause de la première pierre de l’église en 1841, sera
d’ailleurs relatée dans un journal publié à Malte : « Le portefeuille mal-
tais », et saluée par les coups de canon du brigantin maltais « La Regina
Vittoria » présent dans le port156. Différents articles de la revue « La
Diaspora Sfaxienne », viennent confirmer les premières installations mal-
taises à Sfax avant le protectorat; ainsi le numéro de juin 1993 rappelle
l’existence de fondouks chrétiens dans le quartier franc, et la présence des
Maltais dès 1820; celui d’octobre 1999 relate l’arrivée à Sfax, d’un nommé
Portelli dès 1869, « venu de Malte dans une balancelle chargée de coton-
nades. Devant le succès obtenu, il s’installa dans cette ville et devint fournis-
seur attitré des caravanes du Soudan et du Sahara qui venaient régulière-
ment dans cette ville ».
Villa Portelli
(Malte)
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L’insertion des Maltais semble avoir été liée sur ce territoire principa-
lement aux activités de contrebande. Il existait depuis le XVIIIe siècle un
commerce régulier entre la ville de Sfax et Malte concernant l’importation
de bétail, céréales et huiles, associé à l’exportation de poudre à fusil et de
vin. Ce commerce va très vite être doublé par une contrebande active
concernant les mêmes produits. J. Ganiage l’élève au rang d’institution en
ce qui concerne les Maltais. Dans ce domaine selon D. Larguèche157 une
grande complicité s’est établie entre Tunisiens, Maltais, Juifs, Italiens
impliqués dans les mêmes affaires du haut de l’échelle sociale au plus
petit des passeurs tel pour Sfax, Pietro Gili, que nous avons précédem-
ment cité158.
La correspondance consulaire de la fin du XIXe siècle montre un autre
aspect de l’étroite relation existant avant le protectorat, entre les Maltais
et les Tunisiens : il s’agit le plus souvent de plaintes concernant des vols
de moutons entre éleveurs maltais et tunisiens ; l’histoire est parfois com-
plexe, ainsi en avril 1868, 243 moutons sont volés par les Uled Freddo au
préjudice de Giuseppe Spiteri (qui en possède 110), Michele Grech,
Fortunato et Giuseppe Cutajar, Paolo Bussutil ; c’est une affaire grave, on
évoque la contrebande, le caïd est impliqué, les Maltais s’adressent à leur
consul par l’intermédiaire d’Eduardo Carleton pour recouvrer leur bien.
otons qu’à cette époque, un seul des plaignants sait signer, les autres
sont relayés par des concitoyens plus instruits. Cette correspondance
consulaire nous informe en outre sur les pratiques du métier de pêcheur,
commun aux Tunisiens et aux Siciliens ; ce sont généralement des requêtes
au sujet de différends concernant des zones de pêche, dans le secteur des
îles Kerkennah ; le courrier adressé à ce sujet en 1879 au consul Wood,
par le commissaire Francis Debono159, lui-même Maltais, au nom de
G. Bugeia et d’autres pêcheurs maltais, témoigne des problèmes existant
entre les divers groupes sociaux partageant le même territoire160.
H. Jamoussi signale, par ailleurs, l’existence, dès 1852, d’une école gra-
tuite pour les enfants de ces mêmes pêcheurs161. C’est aussi dès 1852
qu’une école religieuse pour les filles s’ouvre, accueillant principalement
des jeunes Maltaises.
« curieux voile noir qui, tendu sur la tête par de longues baleines,
recouvre le corps en cachant la moitié du visage : vestige du litham que
les femmes musulmanes mettent sur la face »167 reste présent jusque dans
les premières années du protectorat ; cet élément du costume féminin mal-
tais, nommé « ghonnella », ou « aunella » dans une variante simplifiée
plus courte, était encore porté par les femmes âgées au début du
XXe siècle sur l’archipel. Il existe différentes interprétations de l’origine
de ce voile, les unes le rapportent aux mantilles traditionnelles, les autres
à une tradition plus orientale. Ainsi Micheline Galley, dans l’étude sur
l’Imnarja, évoque à Malte, la réaction d’une informatrice qui « avait ten-
dance à éluder l’existence de la faldetta […] qui lui paraissait être trop
proche du voile arabe […] confrontée à des reproductions […] elle le
donna comme pur effet de coquetterie »168. Si l’éventuelle origine orienta-
le de la « aunella », n’était pas connue des Maltais émigrés, son utilisa-
tion ne pouvait pas être mise en relation avec le voile porté par les femmes
arabes, car cette sorte de « coiffe » était généralement revêtue pour se
rendre à l’église ; était-ce la seule raison de cette différenciation ?
Gravure ancienne
1.5. TUNIS
Après cet aperçu de la vie des Maltais dans quelques ports tunisiens, il
convient de s’arrêter sur Tunis où résidait une importante fraction de la
communauté maltaise. Les premières installations des Maltais se font à
l’intérieur des portes de la ville. Ainsi, dès 1850, des Européens sont ins-
tallés au début de la médina, non loin de la porte Bab el Bahr, près de
leurs consulats (Angleterre, Italie), et non loin du futur quartier franc.
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Plaque commémorative
du fondateur
Magasin de meubles
Tunis, rue Mongi Slim
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ou, à l’aide de camions à quatre roues, tirés par deux chevaux. Ils ont été
les premiers à conduire ces fiacres appelés “victorias” […]. Les Maltais
ne se limitaient pas aux métiers de chevrier, de charretier ou de cocher. Ils
fournissaient une main-d’œuvre appréciée […]. Dès qu’ils le pouvaient,
ils s’établissaient à leur compte pour exercer les professions de boucher,
épicier, cafetier ou bien menuisier, charron ou carrossier »180. J. Ganiage
précise, en outre, que cette population « ne se sentait pas supérieure aux
Tunisiens avec qui elle vivait en assez bons termes… et que la colonisa-
tion française de la Tunisie allait changer cet état de choses »181.
Les métiers exercés par les Maltais de Tunis figurent dans « Le Grand
Annuaire de l’Algérie et de la Tunisie » ; parmi les agents d’affaires sont
citées les familles Camilleri et Pisani ; les bouchers se nomment : Cassar,
Zhara et Agius, trente ans plus tard, cette profession « est entre les mains
des Maltais »182 ; les distilleries appartiennent aux : Borg, Cassar (homo-
nyme du premier cité) et Pisani ; parmi les épiciers, ferblantiers et cordon-
niers, nous pouvons relever les : Grima, Xuereb et Agius ; d’autres
Maltais pratiquent les métiers de pharmaciens184, représentants de com-
merce, peintres, tapissiers, ou imprimeurs ; ils sont aussi, patrons
d’entreprise de matériaux de construction, telles les familles : Zeraffa,
Muscat, Farrugia, Pace, Azzopardi, Camilleri et Bussutil. Soulignons que
souvent, plusieurs familles étaient associées dans ces entreprises et
employaient prioritairement comme ouvriers ou apprentis, leurs conci-
toyens maltais. Cette pratique s’est poursuivie dans la seconde moitié du
XX siècle ; ainsi J. Muscat était employé à l’imprimerie Bascone-Muscat.
Cet aperçu présente un aspect de la vie des Maltais à Tunis, au début du
protectorat, compte tenu des emplois occupés par la grande majorité.
À Tunis, comme dans les autres villes, les Maltais montrent par leur
participation aux événements religieux, l’importance de leur attachement
à la foi catholique ; cette question faisant l’objet d’un chapitre ultérieur185,
nous mentionnerons seulement l’existence de confréries telle celle du
Saint Sacrement dès 1847, et le pèlerinage à otre Dame de la Mellieha
au couvent des Carmélites de Carthage. Les Maltais célèbrent, par
ailleurs avec éclat, leur fête nationale, le 8 septembre.
Parmi les coutumes, le port de la faldetta (aunella) pour sortir dans la
rue, est noté dans tous les récits familiaux ; les hommes se rendaient à
l’église en djellaba et coiffés de la chéchia ; cependant, l’usage de la ché-
chia par les hommes ne semble pas significatif puisque les capucins la
portaient sur demande du Bey afin de passer dans la foule avec plus de
discrétion186. Par ailleurs, il était de bon ton dans la « haute société euro-
péenne » de se donner une teinte d’orientalisme en mettant la chéchia187.
Si certaines descriptions laissent à penser que le costume arabe était
porté par les seuls cochers, il ne faut pas oublier que les pantalons dits
« sirwâl mâlti » de couleur bleue, portés par les couches moyennes de la
population tunisienne dans la seconde moitié du XIXe siècle, étaient réa-
lisés en tissu importé de Malte, de même que les costumes des marins.
C. Sammut rapporte, qu’avant 1881, les Maltais s’habillaient avec des
vêtements tunisiens : « Les hommes portaient la qashshâbiya (sorte de
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CONCLUSION
Avant le protectorat français et au début de ce dernier, la plupart des
descendants de Maltais se différenciaient peu de la population tunisienne,
en raison de leur langue et de certains aspects de leur mode vie ;
C. Sammut, s’interrogeait déjà en 1972, sur les raisons pour lesquelles
ces premiers Maltais ne s’étaient pas fondus dans la population tunisien-
ne, en suivant le schéma classique de l’intégration progressive de
l’immigré au territoire d’accueil ; il émettait alors l’hypothèse selon
laquelle, les raisons de cette impossible intégration seraient dues essen-
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Les contacts avec les habitants des autres villages ont lieu principale-
ment lors de manifestations religieuses, telles que les fêtes de saints
patrons. Ces fêtes d’abord religieuses engendrent souvent des rivalités
entre partisans de dévotions différentes ; c’est à qui organisera la plus
belle et la plus bruyante fête lors des processions où les membres des
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Scouts maltais
britanniques
DEJJEM GHAMEL
IR-RELIGIO, n OSSERVA
IT-TGHALIM TAHHA
tique ; ainsi, pour les Maltais, Dieu se nomme « Alla », sans que pour
autant la majorité des émigrés ne fasse la relation entre ces termes et,
ceux concernant l’expression de la foi musulmane. Un linguiste mal-
tais, Joseph Aquilina, nous éclaire à ce sujet en proposant une classi-
fication du vocabulaire religieux suivant son origine : d’une part les
termes provenant des Arabes chrétiens d’Orient, d’autre part les mots
empruntés à l’Islam et adaptés au contexte chrétien et ceux d’origine
grecque venant du rite byzantin219. ’étant pas spécialiste des ques-
tions linguistiques, nous relèverons seulement quelques expressions et
mots encore en usage chez les Maltais de Tunisie au début du
XXe siècle. À titre d’exemple, les termes suivants paraissent être
d’origine chrétienne orientale : « Knissia » (église), « Milied » (nati-
vité), « maghmudia » (baptême), « zwieg » (mariage) et « Ghid il
Kbir » (Pâques) ; Charles Cortis citera l’expression : « Andek it sum
il djemma il kbira » (tu dois jeûner la semaine sainte). Parmi le voca-
bulaire d’origine arabe, connu de notre interlocuteur, le mot « ran-
dan» 220 me semble particulièrement intéressant dans la mesure où
dans un premier temps, il sera rejeté par son épouse : « On ne disait
pas ça » ; après hésitation, celle-ci admettra l’utilisation de ce terme
par les familles maltaises. Charles complétera ce propos en ajoutant
que sa grand-mère maternelle disait : « ma tishicch tghamel dan ouat
il randan », c’est-à-dire : « n’as-tu pas honte de faire ça pendant le
ramadan », (notre interlocuteur ne se souvient plus de l’objet de cette
remarque)221. L’emploi de cette expression est effectivement confirmé,
par son usage, comme titre d’article de la première page du journal
« Il Habib ta Tunes » : « Il Carnaval u Ras ir-Randan » (Le carnaval
et le début du Carême)222.
Les proverbes maltais, eux-mêmes, renvoient à la présence du reli-
gieux dans la vie de tous les jours ; parmi ceux courants à Malte, nous
pouvons citer, comme étant d’usage habituel en Tunisie : « Alla jaħ-
seb » (Dieu pourvoit), « Alla ta, hu, Alla ha : ni żżiħajr ‘l Alla » (Dieu
donne et Dieu prend, et merci à Dieu) ou bien encore « Għin ruħek
biex Alla jgħinek » (équivalent de l’ancien proverbe : « aide-toi, le
ciel t’aidera »)223.
Dans le même temps, le latin est la langue utilisée pour les offices reli-
gieux, seuls les sermons, généralement en italien, sont parfois en maltais
quand l’origine du prêtre l’autorise ; c’est notamment le cas pour la
semaine sainte. Selon le père F. Dornier, sermons et catéchisme, dispen-
sés par les Pères Blancs, auront lieu en arabe de 1891 à 1898 sur l’île de
Djerba et de 1887 à 1897 pour la ville de Porto-Farina ; par la suite, ils
seront en maltais224.
Ainsi, à la fois, détentrice du lien avec Malte et facteur de séparation
d’avec la terre d’accueil, l’Église catholique garde les émigrés maltais
dans un lien de filiation étroit avec l’île-mère mais les place aussi dans
l’impossibilité structurelle d’une véritable insertion territoriale.
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Tenue de croisé de M. B.
Livret du Congrès
Eucharistique : groupe de
500 tentes où sont logés des
ecclésiastiques du pèlerinage
français
3.1. HISTORIQUE
Il est maintenant clairement admis que le maltais est une langue
d’origine arabe, « proche vraisemblablement de celle des vieux dialectes
citadins de Tunisie »237 datant vraisemblablement de la prise de l’archipel
par les Arabes, principalement Aghlabides238 venus de Tunisie en 870.
Cette conquête, antérieure à l’invasion hilalienne du Maghreb, explique-
rait la classification de la langue maltaise, dans la catégorie des dialectes
pré-hilaliens239. Ensuite, à partir de 1090, se sont ajoutés à la structure de
la base arabe de la langue, des léxèmes italo-siciliens enrichis de ceux des
divers occupants240.
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secteurs de la vie culturelle et publique »252 maltaise. Deux ans plus tard,
en 1880, le problème linguistique devient élément majeur de la politique
maltaise avec la fondation du parti national de Fortunato Mizzi, défen-
seur de l’italianité de l’île. Le gouvernement britannique impose alors
l’égalité de l’anglais et de l’italien dans l’enseignement. En 1887, Lord
Strickland, secrétaire général du gouvernement, s’oppose au parti de
Mizzi et impose le maltais et l’anglais ; la question linguistique reste
durant cette période « matières réservées » dépendant du domaine de la
couronne ce qui interdit aux élus du parti national de Mizzi d’intervenir
dans ce domaine. Soutenus par la hiérarchie catholique, les Maltais du
parti nationaliste étaient pro-italiens ; ils considéraient la langue verna-
culaire maltaise comme « an embarrassing poor relative of arabic-tainted
with the stain of Black Africa and Islam » ou même « the curse of the
country »253 (c’est-à-dire, comme une parenté embarrassante, teintée d’un
arabe entaché de l’Afrique oire et de l’Islam et même la honte du pays).
La traduction littérale permet, ici, de souligner les aspects relevant des
théories « racialistes »254 en cours en Europe, à la fin du XIXe et au début
du XXe siècle. La question linguistique, liée à celle de l’identité nationa-
le, sera cause d’agitation politique durant une longue période.
otons que cette problématique ne semble pas avoir affecté le choix du
pays pour les émigrants puisque c’est, au contraire, à partir de 1881 que
se situent les plus importants flux d’immigration vers l’Afrique du ord.
Les historiens font habituellement le rapprochement avec l’installation du
protectorat français en Tunisie qui aurait rassuré les Maltais candidats au
départ. Par ailleurs, durant toute cette période d’immigration, le maltais
est encore au stade d’une langue de transmission orale puisque l’adoption
d’un alphabet en caractères latins ne date seulement que de 1921.
En 1911, il est décidé que le maltais remplacera l’italien dans les tri-
bunaux inférieurs, les cours criminelles ayant le choix entre Maltais et
Anglais. À ce stade, les pro-Italiens proclament que la langue maltaise
dérive de l’arabe pour la décrier ; or, « le souvenir de la domination arabe
était odieux aux Maltais parce qu’il leur rappelait l’esclavage de leurs
ancêtres »255. Par ailleurs, les partisans du maltais continuent en ce début
du XXe siècle à vouloir se rattacher aux glorieuses origines phéniciennes,
évoquées précédemment. L’agitation politique liée à cette question conti-
nuera jusqu’en 1934, date à laquelle le maltais devient langue officielle
de l’île ; cependant, l’italien restera jusque dans les années soixante la
langue des érudits maltais. Les années suivantes, l’anglais prendra la
place de l’italien dans les domaines scientifique et technologique.
langue n’a plus été, après le haut Moyen Âge, en contact avec le monde
arabe jusqu’en 1980, date à laquelle le gouvernement travailliste s’est
rapproché de la Libye256 ; toutefois, de nombreux liens commerciaux ont
toujours existé avec le Maghreb malgré les luttes entre Orient et
Occident ; ces luttes ont généré au temps de la Course en Méditerranée,
la présence d’esclaves originaires des côtes nord-africaines. ous avons
souligné, d’autre part, la relative continuité de l’enseignement de la
langue arabe sur le sol maltais. Ces différents éléments autorisent à
émettre l’hypothèse, non d’une véritable connaissance de la langue arabe
par les Maltais, mais sans doute d’une sensibilisation auditive aux pho-
nèmes du Maghreb. Par ailleurs, à la base linguistique arabe de la langue
maltaise se sont ajoutés des termes d’origines diverses : normands, ange-
vins, aragonais, siciliens et, plus récemment, anglais. C’est toutefois
l’italien qui domine dans ces apports. F. Krier énonce que c’est la « struc-
ture grammaticale du maltais qui permet de le qualifier de parlé
arabe »257. M. Vanhove émet le même type d’observation lorsqu’elle
explique par exemple, qu’en maltais « les suffixes de pluriel d’origine
arabe se retrouvent avec des noms provenant du sicilien, de l’italien ou de
l’anglais »258 ; elle ajoute que l’on peut trouver des constructions ita-
liennes avec des participes d’origine arabe comme dans la phrase :
«/ Yigi miktub/» (c’est-à-dire : il est écrit) ; il s’agit d’une expression cal-
quée sur la locution italienne : « Viene scritto »259. Ce bref aperçu du mel-
ting-pot de la langue maltaise témoigne de l’inscription des Maltais entre
Orient et Occident au cours de leur Histoire mouvementée. À ce propos,
F. Krier note que : « La situation insulaire de l’archipel a toujours empê-
ché le maltais d’être aspiré par une italianisation ou, ce qui est moins pro-
bable, une arabisation poussée. En outre, comme langue “mixte”, il fait
figure de pont linguistique, et vers l’Italie, et vers le Maghreb, car il faci-
lite l’apprentissage de l’italien et de l’arabe et sert par là à promouvoir
la compréhension interculturelle » ; elle relève cependant elle aussi, que
c’est l’anglais et non le maltais qui jouit de la faveur de la couche socia-
le aisée »260.
Cette réflexion sur l’emploi de l’anglais par rapport à celui du maltais
paraît s’inscrire dans un fait social paradoxal où coexistaient encore
récemment sur l’archipel, une mésestimation de la langue maltaise par
certains de ses locuteurs et l’affirmation : « ous sommes fiers de notre
langue »261. La remarque de Charles Cortis, « ils ne parlent même pas
maltais ou seulement à la campagne et encore »262, à la suite d’un premier
voyage à Malte dans les années quatre-vingt appuierait cette hypothè-
se. otre interlocuteur qui a conservé l’usage du maltais se montrait déçu
d’entendre principalement l’anglais qu’il ne pratiquait pas. Toutefois,
nous avons pu constater ces dernières années que le voyageur qui
découvre Malte entend davantage parler maltais, contrairement aux
années antérieures où les sonorités anglo-saxonnes dominaient effective-
ment à La Valette et dans les villes touristiques de la côte.
Dans le cadre de la valorisation de la langue maltaise, il est important
de souligner, qu’à partir de mai 2004, date de l’entrée de Malte dans
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adressées au consul, relatives à des jurons émis soit par des Tunisiens ou
des Juifs tunisiens à l’encontre des Maltais. Outre la proximité de vie avec
les Tunisiens, ces lettres indiquent une capacité de mutuelle compréhen-
sion linguistique ainsi que le niveau social des plaignants.
De même l’étude de C. Camilleri, à propos de Porto-Farina témoigne
de cette intercompréhension entre Maltais et Tunisiens à propos de
l’écoute des conteurs au domicile des Maltais267. Rappelons que dans ce
port ainsi qu’à Djerba, catéchisme et homélies avaient lieu en arabe pour
une population chrétienne principalement maltaise. Antérieurement, nous
ne possédons, pour Djerba, que peu d’éléments sur les langues utilisées
dans le domaine religieux. Cependant, dans un courrier adressé à sa
supérieure, une religieuse de l’ordre des Franciscaines missionnaires de
Marie écrit lors de son arrivée sur l’île en 1901 : « Il faut absolument
connaître l’italien, le maltais et l’arabe, plus le grec ; le curé parle toutes
ces langues » ; elle ajoute quelques lignes plus loin : « Le maltais res-
semble à l’arabe, il est aussi guttural »268.
ous soulignerons toutefois, que les différentes études ne signalent
jamais l’utilisation du maltais comme outil de communication avec les
Tunisiens, et encore moins son usage par les autochtones hormis le cocher
tunisien, cité précédemment. ous avons cependant pu constater que les
Tunisiens habitant les anciens quartiers maltais connaissaient encore des
expressions maltaises et citaient spontanément : « Malta hanina, bicha hobs
ou sardina »269 ; de même, l’expression italienne « Malta fior del mundo »
(Malte, fleur du monde), usitée pour tourner en dérision l’attachement des
Maltais à une île natale exiguë qu’ils avaient été contraints de quitter,
appartient au vocabulaire des diverses communautés.
Par ailleurs, H. Skik relève l’existence de quelques expressions et
constructions grammaticales empruntées à l’arabe tunisien dans le parler
des Maltais de Tunisie, telles que :
« Nnhar ssibt [samedi] pour nar ta ssbet, construction maltaise (le jour
du sabbat).
Mhabbin pour mahubin [aimés] ».
Ou bien encore :
« Sabbiela (tun. sabbala) pour vit tal lilma [robinet].
Hasilu, équivalent du dunque italien »270.
en 1911, R. Vadala, dans son étude sur « Les Maltais hors de Malte »,
nous livrait un aperçu de leurs diverses origines possibles : « Le meilleur
moyen de reconnaître si un individu donné est Maltais, c’est encore son
nom. Celui-ci est en général tiré de l’arabe et rentre dans un des types sui-
vants : Micallef, Farrugia, Busuthil, Xuereb, Cachia, Muscat, Schembri,
Caruana, Cassar, Xerri, etc. Les noms maltais ayant une origine latino-
italienne sont aussi très nombreux : Pace, Magro, Frendo, Galea,
Vassallo, Abela, Pisani, Debono, Grima, Camilleri, etc. 280
De nombreux noms spécifiquement maltais, courants en Tunisie, sont
gravés sur le monument aux morts de la dernière guerre à La Valette :
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Melita, 1915.
« Tous les Maltais qui ne s’étaient pas fait inscrire sur les
registres du Consulat ne comptaient pas comme sujets anglais.
— Que sont-ils alors ? demandais-je.
Se grattant la tête un des interlocuteurs, dit :
— Je ne sais pas ; je pense qu’ils sont comme les Arabes ; c’est le
bey qui s’en charge !
— Et quand ils ont des enfants : où vont-ils les inscrire ? dis-je.
— À l’Église seulement, me répondit-il, mais certains les inscri-
vent aussi à la mairie. Ce qui veut dire que s’ils ne vont pas au
consulat, ils perdent la sujétion (de sujet britannique). Certains de
nos concitoyens aimeraient savoir ce qu’il en est »289.
C’est-à-dire :
« Malte, orgueil des nations,
Malte, perle de la mer,
Malte, terre de mon enfance,
Mon cœur se languit sans cesse de toi ».
Il nous a d’autre part semblé, que les associations ayant leur siège à la
Salle Maltaise étaient pro-britanniques ; il s’agissait, en premier, d’une
société de secours mutuel : la « British Benevolent Society » ; les diffé-
rents comptes rendus des séances mentionnent les patronymes des
membres de la commission, destinée à aider les plus pauvres de la com-
munauté ; cette instance se réunit pour la première fois, le 12
décembre 1915 ; elle est composée de prêtres, d’avocats, de négociants et
de travailleurs maltais. Dans les mêmes locaux, existaient une troupe de
scouts britanniques (déjà citée), un groupe de théâtre et une société phil-
harmonique : « La Duke of Connaught’s », qui participent, à la fois, aux
processions et à des manifestations humanitaires comme la fête de la
Croix Rouge. « The Weekly Melita » relate également, la manifestation du
27 février 1916, où est jouée devant une importante assistance, avenue
Jules Ferry293 une marche composée pour la circonstance par son direc-
teur, G. Gatt ; le morceau est intitulé : « La triple Entente » car il s’inspire
des hymnes nationaux d’Angleterre, France et Russie294. Ainsi, ces publi-
cations suivaient de près les événements politiques de leur archipel
d’origine, et gardaient le souci, non seulement, d’informer mais aussi
d’instruire leurs concitoyens.
Ce journal rappelle le 12 mars 1916 que la Colonie anglaise (c’est-à-
dire les Maltais) est la seule exclue de l’aide municipale, qu’elle ne per-
çoit pas de subventions et qu’il serait souhaitable que femmes et enfants
puissent recevoir une aide (nourriture et diverses nécessités). Le consulat
anglais flatte, par ailleurs, les Maltais en invitant les Dames de la Colonie
à une rencontre à la Chambre de Commerce anglaise où elles participe-
ront à la vente de petits drapeaux anglais au profit des familles de sol-
dats ; rencontre que relate l’édition du 14 mai de la même année, en citant
les personnes présentes ; il s’agit de mesdames : « Arbib, Abeassis,
Bianchi, Bugeia, Cassar, Cohen, Diacono, Mifsud, Pisani, Xuereb et
Zammit ». Cependant, lorsqu’il s’agit de célébrer le second anniversaire
de la déclaration de guerre, les Maltais se voient refuser l’autorisation de
participer à cette manifestation malgré leur demande. Les autorités
anglaises auraient eu peur de troubles provenant de l’opposition entre
Maltais pro-français et Maltais pro-britanniques. En effet, les Maltais se
montraient divisés en raison de prises de position politique différentes à
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les fratries, lorsque les parents avaient omis soit volontairement, soit par
désintérêt pour les lois françaises, de faire inscrire leurs enfants sur les
listes du contrôle civil français. Ainsi, au sein d’une même famille, ceux
des enfants, nés après les décrets de naturalisation, rencontreront des dif-
ficultés lorsqu’ils voudront, plus tard, s’installer en France ou même seu-
lement y voyager ; ils seront, en effet, considérés comme déserteurs par les
autorités françaises, dans la mesure où ils n’ont pas accompli leur servi-
ce militaire.
La complexité des situations familiales provoquées par ces lois, ainsi
que leurs conséquences au niveau personnel identificatoire, transparais-
sent largement dans la presse maltaise de Tunisie. Des dissensions dues
aux naturalisations vont apparaître au sein de la communauté maltaise :
ainsi le journal « Melita », dans son édition du 5 février 1937, rappelle à
propos des œuvres de bienfaisance maltaises que « seules les personnes de
nationalité britannique pouvaient être admises ou secourues ». Le journa-
liste poursuit : « ce système fonctionnait à merveille dans la communauté
maltaise […] jusqu’au décret du 8 novembre 1921 qui admit systémati-
quement […] nos compatriotes dans la grande famille française […] et
notre colonie si unifiée auparavant, s’est trouvée divisée un beau jour en
deux clans : Les Maltais demeurés Britanniques et les Maltais devenus
Français ».
Les naturalisations, appuyées par le discours de l’Église catholique,
vont venir concrétiser le souci de normativité, de l’élite maltaise, parta-
gée entre ses affinités européennes qu’elles soient italiennes, britanniques
ou françaises. De plus, ces lois accentueront les différenciations d’avec le
monde arabe, initiées dès les premières années du protectorat, et contri-
bueront à la destruction symbolique de la culture maltaise en Tunisie.
Cependant choisir de rester britannique pourra correspondre au choix
de s’affirmer Maltais comme le fera une partie de ceux qui y étaient auto-
risés par la loi (nés avant novembre 1921) ; le document ci-dessous est
une réponse du consulat britannique à une demande de renonciation à la
nationalité française d’un Maltais de Tunis.
Document personnel
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Cet extrait a retenu notre attention car il souligne d’une part, pour les
Maltais catholiques, l’importance de ne plus dépendre des lois musul-
manes ; or, l’Histoire ne paraît pas dire qu’ils ont effectivement dépendu
de ces lois ; les termes de ce discours induisent donc la dualité, catho-
liques, musulmans ; d’autre part, une personnalité maltaise exprime la
reconnaissance des Maltais envers la France, au nom de l’ensemble de
ses concitoyens alors que son discours n’est pas représentatif de
l’ensemble de la communauté ; un détail l’indique : c’est la fanfare fran-
çaise qui accompagne la manifestation et non la « banda, Duke of
Connaught’s » maltaise. Le ministre résident général répondra, dans la
même veine patriotique de l’époque, en précisant que « ses nouveaux
compatriotes sont certains de voir respecter leurs coutumes et leur reli-
gion ». Un Te Deum sera, par ailleurs, célébré, le 4 décembre de la même
année, à la Cathédrale de Tunis, en présence des officiels.
Dans ce processus de naturalisation, les pouvoirs politique et religieux
ont fait cause commune pour obtenir l’adhésion de la population maltai-
se ; cette implication des autorités ecclésiastiques en faveur de
l’acquisition de la nationalité française fut sans doute, le facteur le plus
important, dans les décisions prises en faveur du choix de nationalité
française par les Maltais ; paradoxalement, ils avaient une piètre opinion
de la population française sur cette question et classaient souvent les
Français, du seul fait d’une pratique religieuse moins assidue que la leur,
dans la catégorie des mécréants.
Parfois, un rappel à l’ordre, quant à l’acquisition de la nationalité
française, sera effectué par les autorités religieuses en direction de l’un
ou l’autre de ses prêtres ; à ce sujet, Madame Vérié Cassar nous informe-
ra que l’un d’entre eux, d’origine maltaise, aurait été rétrogradé dans ses
fonctions pour avoir refusé de devenir Français. Par ailleurs, dès 1922,
entre le premier décret de naturalisation (1921) et la promulgation de la
loi (1923), des protestations s’élèvent parmi les Maltais ; ainsi C. Sammut
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Peut-on parler de vécu d’échec, dans leur pays d’origine, pour majo-
rité des premiers immigrés ? Est-ce la rudesse d’une vie orientée vers
l’unique subsistance matérielle associée au peu de communication fami-
liale qui a produit l’absence de « parole » sur Malte ? Les deuxièmes et
troisièmes générations, nées en Tunisie, n’ont-elles pas vécu une image
négative de la différence, de ce qui n’était pas « français » ? S’agit-il,
pour elles, de l’incorporation psychique, d’une hiérarchisation sociale,
différente de celle de Malte, induite par la colonisation ?
Les propos de M. Azzopardi339, en 1938, lors de sa conférence à la Salle
Maltaise, sur la « Splendeur des îles et la foi chrétienne » attestent de
cette absence de transmission ; le conférencier déplore le comportement
de la « colonie maltaise qui n’a fait aucun effort jusqu’ici pour faire
connaître à nos compatriotes la beauté de la terre qui vit naître nos
ancêtres »340. Sensible dans les journaux, l’exaltation d’un sentiment
national maltais est toujours associée à la présence française sans oublier
les références au monde britannique.
Ainsi, le journal « Melita », mettra en exergue le sentiment national
maltais, en proclamant, dans un article du 20 février 1938 : « ous
Maltais, nous devons être fiers de pouvoir clamer le nom sacré de notre
terre, de notre Patrie » ; l’auteur explique que le peuple maltais doit
prendre exemple sur le peuple juif qui, lui, est fier de ses racines. Cette
remarque est peut-être due au statut des Juifs livournais qui, en Tunisie,
possédaient un statut social relativement élevé. Ces prises de position doi-
vent être resituées dans le contexte historique de cette période où les
nationalismes étaient exacerbés ; l’élite lettrée maltaise devait être, du fait
de sa proximité avec les Italiens, sensible à ces options nationalistes. Le
journal incite, par ailleurs, les Maltais à se rendre à Malte : « Un voyage
que tout Maltais doit faire une fois dans sa vie » 341, et organise une croi-
sière à cet effet.
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Toutefois, dans les années 1920, quelques Maltais ont encore un niveau
de vie misérable ; dans la région de Monastir, ils sont ainsi décrits : « Au
bord de la mer… vit une population des plus misérables, celle des pauvres
marins, des pauvres pêcheurs arabes et maltais… Les Maltais… sont
extrêmement religieux. Le dimanche, ils vont à l’église, même s’ils n’ont
rien à manger ; et si pendant la semaine, ils portent des vêtements mal-
propres ou déchirés, ils ont alors, par contre, un col blanc et des souliers
vernis. » L’auteur poursuit : « Ils sont honnêtes… modestes et ne
s’occupent que de leurs affaires342. » Ce portrait insiste sur une pauvreté,
à la fois, « honnête » et « résignée » associée à la pratique religieuse
quelles que soient les difficultés ; il souligne ainsi la différence d’avec les
mêmes travailleurs arabes qui, eux, sont décrits, quelques lignes plus loin,
certes pauvres mais portés à l’alcoolisme. Ce type de récit continue
d’étayer une position ethnocentrique coloniale plaçant, le bon pauvre,
Maltais, travailleur et catholique, du côté des Européens.
Cependant quelques Maltais ont, dès cette époque, des petites entre-
prises artisanales florissantes ; les annonces parues dans Melita témoi-
gnent d’une certaine élévation de leur niveau de vie ; nous ne pouvons
tous les citer mais si les entreprises Licari et Bondin, anciennement
connues, apparaissent le plus souvent dans les écrits, la société de trans-
port franco-maltaise Vella, les établissements L. Et G. Galea (bois et
acier), la briqueterie Mangani ainsi que la société Camilleri « agent
exclusif pour le whisky », ont aussi pignon sur rue à Tunis343.
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Les Maltais sont, par ailleurs, fiers de recevoir des décorations, même
si ce sont celles décernées par le bey de Tunis ; c’est ainsi que les jour-
naux rapportent fidèlement ce palmarès ; quelques décorations, reçues au
titre de services rendus à la France, figurent aussi dans ce palmarès :
Ainsi, le 20 janvier 1937, Marie Bugeja reçoit « la médaille vermeille
du gouvernement français pour services rendus à la langue en dehors de
la métropole. »
Le mois suivant Pascal Tanti est fait chevalier de la légion d’honneur,
il a par ailleurs le grade de Commandeur du « ichan al Iftikhar »344, est
officier d’Académie, titulaire du mérite agricole, et de la médaille de la
Mutualité.
Albert Bondin (cité ci-dessus), président de société maltaise de bienfai-
sance et de l’association sportive est promu commandeur de la décoration
beylicale.
D’autres familles, parmi celles interviewées, tels les Xuereb et les
amura seront, eux aussi, fiers de nous informer qu’un de leurs ancêtres
a reçu cette même décoration. Tous les événements tendant à mettre en
exergue les sentiments de fierté nationale sont relatés fidèlement dans
les journaux maltais ; leur consultation nous apprend ainsi l’accession
de quelques Maltais à des postes élevés au niveau de la représentation
administrative anglaise ; c’est le cas d’Edouard Cachia de Sousse,
nommé pro-consul de sa Majesté britannique. Un autre article fait part
du « triomphe de l’Écurie Licari à [l’hippodrome] de Kassar Said »,
célébré par une fête, le soir, à la Salle Maltaise ; il s’agit d’un événe-
ment important car les Maltais sont, depuis toujours, de grands ama-
teurs de courses de chevaux. Le journal cite également l’exposition de
peinture, à Tunis, de Gaétan Mifsud comprenant quarante toiles aux
thèmes tunisiens et français.
Sur le plan professionnel, l’évolution sera souvent associée à des chan-
gements de lieu d’habitation tel le passage du fondouk à l’habitat réservé
à une seule famille ; les générations suivantes vivront l’acquisition
d’appartement dans le quartier européen à l’instar des Psaïla345 ; ces
déplacements territoriaux, effectués dans la même ville, vont induire des
modifications de frontières non seulement territoriales mais aussi, intério-
risées par les Maltais, des modifications plus profondes de leur identité.
Ascension sociale et déplacement territorial urbain confirmeront, alors,
les Maltais dans un sentiment d’appartenance français associé à une dis-
tanciation, certes inconsciente, de leurs propres origines.
Rappelons que la scolarité est, dans ces années, principalement fran-
çaise et qu’elle aussi introduit une dévalorisation de la culture maltaise,
dès le plus jeune âge. En effet, mis à part la brève existence, dès 1830,
d’une école anglaise où les enfants étaient censés apprendre maltais et
anglais, il n’existait que des écoles soit italiennes, soit françaises ;
Charles Cortis346 raconte que son père, artisan forgeron, comptait tou-
jours en italien, du fait de quelques années de scolarité effectuées dans
une école italienne. Il n’a pu nous indiquer la localisation de cette école
dans le quartier de Bab el Khadra où son père avait vécu enfant ; il peut
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toutefois s’agir, chez notre interlocuteur, d’une confusion avec l’école des
Frères de la rue de la Casbah où, les premières années, l’enseignement se
faisait en italien, français et arabe ; assez rapidement, la seule langue
française aura cours dans cet établissement. D’ailleurs, dans toutes les
écoles, les parents seront d’ailleurs fortement incités à s’exprimer en fran-
çais avec leurs enfants ; la spécificité culturelle maltaise sera totalement
ignorée des enseignants français qui assimilaient le maltais à de l’arabe.
Cette remarque de notre interlocuteur s’inscrit dans une échelle de diffé-
renciation sociale au bas de laquelle était assignée, dans l’opinion
publique française, une grande partie de ce qui se rapportait au monde
arabe ; les niveaux sociaux des Français étaient, certes divers, et même
parfois, teintés d’une pointe d’orientalisme parmi les plus aisés, mais il
fallait, pour les Maltais, se démarquer davantage.
Le regard colonial va effectivement pointer de manière défavorable
les éléments culturels proches du monde arabe symbolisés tout particu-
lièrement par la langue. Porteur « d’un reliquat d’identité qui ne peut
disparaître » le Maltais émigré en Tunisie « se trouve dans
l’impossibilité d’unifier, en lui, terre et langue natale aux terres et
langues d’accueil »347, du fait même de la parenté linguistique de ces
langues. Dévalorisé partiellement dans son appartenance culturelle, il
ne pourra réaliser le « contrat narcissique », qu’en s’absentant d’une
partie de lui-même, par une totale identification à l’univers français
proposé. e s’agit-il pas, comme le souligne Lévi-Strauss, d’une « adhé-
sion au genre de vie occidental, ou à certains de ses aspects […] loin
d’être aussi spontanée que les occidentaux aimeraient le croire. » et qui
« résulte moins d’une adhésion libre que d’une absence de choix »348.
Des frontières invisibles vont se développer, dans le psychisme des
Maltais, rendant difficile un regard objectif sur le colonialisme français
et, pratiquement impossible l’idée même de possibles éléments de cultu-
re communs entre Malte et Tunis.
Si les Maltais ont été perçus, au départ, comme semi-européens, popu-
lation intermédiaire qu’on ne savait trop où classer ; l’évolution se fera,
en partie par intérêt politique français, vers une assimilation française,
sans doute inéluctable, en raison d’une profonde identification à la reli-
gion catholique associée à la colonisation ; cependant, durant de nom-
breuses années après les lois de naturalisation, beaucoup de Maltais ne
se sentaient pas sur un pied d’égalité avec les Français. D’autres élé-
ments d’appréciation de ces situations complexes nous sont apportés par
les récits des descendants des Maltais dans la revue de « La Diaspora
Sfaxienne »349 ; un des correspondants relate le récit de Pauline Genevoix,
« J’avais quinze ans » où l’auteur rappelle d’une part, les félicitations
reçues par son professeur de français, du fait de sa nouvelle nationalité
mais aussi, d’autre part, le rejet exprimé par une de ses camarades : « les
Maltais sont des chevriers, des cochers, mes parents ne les fréquentent
pas. ». Cette histoire, souvent citée, souligne toute l’ambiguïté de la situa-
tion des Maltais devenus Français mais, dans un premier temps,
« Français de deuxième zone » ou « Français sfaccés », c’est-à-dire
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CONCLUSION
Inséré de manière obligatoire dans une culture différente et dominatri-
ce, étrangère à celle de la terre d’accueil, le migrant maltais vivra dans
son histoire personnelle un double paradoxe, à savoir celui d’une impos-
sibilité structurelle de s’insérer en raison de la différenciation religieuse,
de la colonisation et de la dévalorisation de leur propre culture. Les
Maltais devront alors, du fait de la toute puissance de l’Occident chrétien,
« se distinguer du plus proche tout en opérant une projection de ce qu’ils
ne voulaient pas savoir d’eux-mêmes » 352 ; dès le début du protectorat, ils
seront confrontés à une incitation à entrer dans un personnage fran-
çais fantasmatique associé à une possibilité d’ascension sociale dont la
contrepartie s’avérait liée à une distanciation d’avec Malte et, subsé-
quemment, d’avec la société tunisienne. Les Maltais ne vont-ils pas, alors,
se trouver pris, dans un processus culturel paradoxal où « le monde mal-
tais » réduit à l’intrafamilial pourra être difficilement objet de transmis-
sion ?
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152 Cf. Sixième partie, Attitude des élites maltaises en Tunisie, p.219
153 À la recherche du Sousse d’antan, collectif, S.A.S., 1985. (Épuisé)
154 Ibid.
155 Jamoussi, H. Juifs et chretiens en Tunisie au XIXe siecle. Essai d’une etude socio-
culturelle des communautes non-musulmanes (1815-1881), these, Doctorat en
Histoire, Tunis I, Faculte des Sciences Humaines et Sociales, 1998, pp. 365-366.
156 Ibid
157 Larguèche, D. Territoire sans frontières, La contrebande et ses réseaux dans la
régence de Tunis au XIXe siècle, p. 160, op. cit.
158 Cf. p.50.
159 La famille Debono appartient à une très ancienne famille maltaise de Sfax, arrivée
en 1876, dont certains membres ont eu d’importantes responsabilités locales ; nous
avons pu rencontrer un de leurs descendants, encore présent en Tunisie, qui nous a
aimablement permis de consulter l’histoire de la famille.
160 Fonds du protectorat série E, carton 248, dossier 667/2. N° 162.
161 Jamoussi, H. op. cit.
162 Smith, Andrea, L. The colonial in postcolonial Europe : the social memory of
Maltese-origin Pieds-oirs, Department of anthropology, these, University of
Tucson (Arizona), 1998.
163 « La Diaspora Sfaxienne », octobre 1999, n° 33.
164 Ganiage, J. Les origines du protectorat français en Tunisie, p. 47, op. cit.
165 Dans cette partie, seule l’initiale du patronyme de mes interlocuteurs est utilisée, de
manière à respecter leur anonymat tout en préservant l’authenticité du document.
166 Lallemand, C. « Sfax à la fin du XIXe siècle, La Tunisie », Paris, 1892, cité dans La
Diaspora Sfaxienne, n° 33, oct. 99. p. 48.
167 Godechot, J. Histoire de Malte, Paris : PUF, Que sais-je ? 1981, p. 7.
168 Galley, M. L’Imnarja, la fête des lumières à Malte, Littérature arabo-berbère, n° 14,
fascicule II, p. 213, note 6.
169 Soumille, P. Le Cimetière européen de Bab El Khadra, in Cahiers de Tunisie,
tome XIX, 1971, n° 75-76, pp. 129-182.
170 Dessort, C.H. L’histoire de la ville de Tunis, Alger : E. Pfister, 1924.
171 Dornier, F. Les catholiques en Tunisie au fil des ans, p. 167, op. cit. (À l’époque de
la Course, treize bagnes existaient à Tunis : chacun possédait une chapelle destinée
aux esclaves chrétiens.)
172 Notons à quelques lignes d’intervalle dans ce texte les variantes orthographiques du
même patronyme : Farrugia puis Farugia.
173 Dessort, Ch. R. L’histoire de la ville de Tunis, op. cit. pp. 165-169.
174 Entretien, Maltaise du Sud de la France (70 ans), sept. 2000.
175 Sebag, P. Tunis au XVIIe siècle, p. 130, op. cit.
176 Entretien mars 2002. (Cet entretien s’est effectué en français et en arabe avec l’aide
de notre témoin-relais,Carmel.)
177 Colloque du Cercle Vassalli, Paris, mars 2007.
178 Sammut, C. “Mariages maltais à Tunis, Le récit d’Antoinette Schembri (1895-
1988)”, Littérature arabo-berbère, n° 25, CNRS, 1997, pp.159-200.
179 Souquet, H. Journal d’un lycéen de Tunis, 1891, p. 71. (Épuisé)
180 Sebag, P. Tunis, histoire d’une ville, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 332.
181 Ganiage, J. Les origines du protectorat français en Tunisie, p. 171, op. cit.
182 Dessort, Ch. R. L’histoire de la ville de Tunis, pp. 165-169, op. cit.
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182 À cette époque, il ne s’agit pas de pharmacien dans l’acception actuelle du terme
mais plutôt de boutiques proches de l’herboristerie.
183 Cf. Troisième partie : Processus d’identification en Tunisie, Église catholique et
Maltais émigrés : une situation paradoxale, p. 79.
184 Dornier, P. Les catholiques en Tunisie au fil des ans, p. 43, op. cit.
185 Dunant, H. La Régence de Tunis, p. 35, op. cit.
186 Sammut, C. La minorité maltaise de Tunisie : ethnie arabe ou européenne? Actes du
premier Congrès international des Cultures Méditerranéennes d’influence arabo-
berbère, op. cit.
187 Vérié Cassar, A. Minigazette, Les Amis de Malte, Toulouse, Midi Pyrénées, n° 52.
188 Buhagiar, M. « Malte dans l’Antiquité tardive et à l’époque byzantine », Malte,
Dossiers d’Archéologie, n° 267, oct. 2001, pp.68-75.
189 Bresc, H. “Sicile, Malte et monde musulman”, Malta, A case Study in International
Cross-Currents, p, 71, op. cit.
190 Galley, M. L’Imnarja, la fête des lumières à Malte, Littérature arabo-berbère, n° 14,
fascicule II, p. 230, note 64.
191 Sammut, C. The Maltese Peasantry, 1880-1930, Université de Malte, (B.A. Hons.)
May 1999, pp. 10-13. (Traduction - Il s’agit du mémoire d’un étudiant maltais,
homonyme de M. Carmel Sammut, sociologue et, descendant des Maltais de
Tunisie.)
192 Cortis, O. Town Development and social life in Haz-Zebbug during the 19 th centu-
ry, B. A. Hons. History, Malta, 2000, (traduction).
193 Il s’agit des anciens jardins d’été du Grand Maître de l’Ordre.
194 Dornier, F. Les catholiques en Tunisie au fil des ans, p. 177, op. cit.
195 Mellieha : petite ville des environs de La Valette où se trouve une chapelle dont la
crypte renferme une fresque de la Vierge du XIVe siècle, avec une inscription en
grec ; la tradition populaire a attribué la composition de cette fresque à saint Luc.
196 Dornier, F. Les catholiques en Tunisie au fil des ans, p. 294, op. cit.
197 Camilleri, C. Une communauté maltaise en Tunisie entre les groupes arabo-berbères
et français, Actes du premier Congrès des Cultures Méditerranéennes, Malte, op.
cit.
198 Un terrain avait été concédé en 1660, par le gouvernement local, aux chrétiens pour
enterrer leurs morts.
199 Soumille, P. “Le Cimetière européen de Bab El Khadra”, Les Cahiers de Tunisie,
tome XIX, 1971 n°75-76, pp. 129-182.
200 Ibid.
201 Archives des sœurs franciscaines de Marie., série C, Afrique Tunisie ; île de Djerba,
annales 1901. (Photocopie de l’original aimablement donnée par les religieuses pré-
sentes sur l’île en 2003.)
202 Ganiage, J. “Étude démographique sur les Européens de Tunisie”, Les Cahiers de
Tunisie, 1957, pp. 168-197.
203 Darmon, R. La situation des Cultes en Tunisie, Paris, 1930, Rousseau et Cie, p. 5.
204 Terme d’origine arabe utilisé par les Européens pour désigner les prêtres.
205 Soumille, P. Le cimetière européen de Bab el Khadra à Tunis. Étude historique et
sociale, , Les Cahiers de Tunisie, tome XIX, 1971 n°75-76, op. cit.
206 Darmon R., Déformation des cultes en Tunisie, Tunis, 1930, S.A.P.I., p. 76.
207 Abela, R. À, Zammit, A. M. Les Français de souche maltaise, tome II, p. 236, op.
cit.
208 Dornier, F. Les catholiques en Tunisie au fil des ans, p. 173.
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209 Cette statue de la Vierge représente celle qui aurait été soustraite aux Turcs lors du
siège de Famagouste (Chypre).
210 Darmon, R. Déformation des cultes en Tunisie, pp. 78- 85.
211 Darmon, R. La situation des Cultes en Tunisie, p. 77, Tunis, 1930, s.a.p.i. op. cit.
212 Traduction de l’article en maltais accompagnant la photo.
213 « Melita », 25 juin 1916.
214 Mgr. Gounot (1884-1953) est nommé évêque coadjuteur de Mgr Lemaître le 14 août
1937.
215 « Melita », Sousse, 20 juillet 1938.
216 Jamoussi, H. Juifs et chrétiens en Tunisie au XIXe siècle. Essai d’une étude socio-
culturelle des communautés non-musulmanes (1815-1881), p. 250, op. cit.
217 Audisio Gabriel (1900-1978) : poète, écrivain, ancien directeur du théâtre d’Alger
218 Dornier, F. Les catholiques en Tunisie au fil des ans, p. 169, op. cit.
219 Aquilina, J. Maltese Christian words of Arabic origin, Actes du premier Congrès
international d’Études des Cultures Méditerranéennes d’influence arabo-berbère,
pp.70-74, op. cit.
220 Le mot « Randan » semble être un terme datant du temps où chrétienté et islam
coexistaient à Malte ; il date du temps où la commémoration de la passion était plus
rigoureuse qu’aujourd’hui et, en quelque sorte, comparable au jeûne islamique.
(D’après, Aquilina, J. “Maltese Christian words of Arabic origin” op. cit.)
221 Entretien mai 2003.
222 Il Habib ta Tunes, n° 4.
223 Ces proverbes ont été relevés par Carmel, notre témoin-relais. Ils sont cités dans
l’étude susnommée de J. Aquilina
224 Dornier, F. Les catholiques en Tunisie au fil des ans, p. 294, op. cit.
225 Les capucins italiens étaient installés en Tunisie depuis 1843, date à laquelle le Pape
Grégoire XVI leur avait confié l’administration du vicariat de Tunis. (Supérieur
Mgr. : Sutter 1843-1881)
226 Il s’agit vraisemblablement de Siciliens aussi pauvres que les Maltais : ces deux
populations entraient souvent en rivalité, les Sicilo-Italiens cherchant à se prévaloir
d’une supériorité nationale.
227 Aujourd’hui, des feux d’artifice ont lieu les jours de procession.
228 Vadala, R. Les Maltais hors de Malte, p. 76, op. cit.
229 Dornier, F. Les catholiques en Tunisie au fil des ans, p. 407, op cit.
230 Ibid., p. 559.
231 Cette particularité de l’enseignement public résultait de conditions propres à la
Tunisie.
232 Une observation identique peut être faite à propos des langues régionales en France
à la même époque.
233 C’est du moins ce qu’affirmeront presque tous nos interlocuteurs.
234 Belhaj, Y.E. Boubaker, S. « La Méditerranée tunisienne », Les représentations de la
Méditerranée, Paris, Maisonneuve et Larose, 2000, p. 27.
235 D’après Jean Marcillac, Le printemps de Carthage, (ouvrage, hors commerce,
consulté à Tunis, Bibliothèque de Sidi Saber), p 68.
236 Darmon, R. Déformation des cultes en Tunisie, op. cit.
237 Vanhove, M. « La langue maltaise, un carrefour linguistique » in Le carrefour mal-
tais, p. 168, op. cit.
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238 Aglhabides : dynastie arabe qui régna sur la partie orientale de l’Afrique du Nord
(800-909) ; leur capitale était Kairouan (Tunisie).
239 Il s’agit de dialectes préexistants à l’invasion du Maghreb au XIe siècle par la tribu
d’Hilal, venue d’Arabie Centrale.
240 Krier F. « À propos du trilinguisme “stabilisé” à Malte » in Langues du Maghreb et
du Sud Méditerranéen, Cahiers de socio-linguistique n° 4, Rennes, P.U.R., 1999,
pp.129-134.
241 Monsieur Godfrey Wettinger, professeur de l’Université de Malte est particulière-
ment connu pour ses travaux sur l’Histoire médiévale des Îles maltaises.
242 Ce sont les textes bilingues phénicien-grec, trouvés sur deux cippes a Malte, qui per-
mirent de déchiffrer l’écriture phénicienne.
243 Cutajar, N. « Arabes et ormands à Malte » Malte, p. 78, op. cit.
244 Vanhove, M. « La langue maltaise, un carrefour linguistique » in Le carrefour mal-
tais, p. 167, op. cit.
245 Ibid.
246 Wettinger, G. Studies of its Heritage and History, Malta, Mid-Med Bank, 1986,
pp.87-104. (traduction)
247 Bresc, H. « Sicile, Malte et monde musulman », Malta A Case Study in
International Cross-Currents, p. 52, op. cit.
248 Fenech, E. Malta’s Contribution Towards Arabic Studies, in Actes du premier
Congrès international d’Études des Cultures Méditerranéennes d’influence arabo-
berbère, pp. 256-260 op. cit. (traduction).
249 Luttrell, T. A. Girolamo Manduca and Gian Francesco Abela : Tradition and invention in
Maltese Historiography, Melita Historica, 7 (1977), pp. 105-132. (traduction)
250 Godechot, J. Histoire de Malte, pp. 94-95, op. cit.
251 Ibid.
252 Sanguy, P. « Une vision de l’émigration maltaise au début du XXe siècle, Les nou-
velles ‘ Nord-Africaines’ de Sir Temi Zammit », Le départ et le retour dans le
monde anglophone, Paris, A3, 2000, pp.43-79.
253 Attard Bezzina, L. Maltese and Hebrew, two cases of cultural survival, article dis-
ponible sur : http:/aboutmalta.com
254 Todorov, T. ous et les autres, Paris : Le seuil, 1989, pp. 133-140.
255 Godechot, J. Histoire de Malte, p. 99, op. cit. (Il semble qu’il soit fait référence ici,
à la période de la Course en Méditerranée).
256 Krier, F. « À propos du trilinguisme “stabilisé” à Malte, langues du Maghreb et du
Sud Méditerranéen », Cahiers de socio-linguistique, n°4, op. cit.
257 Ibid.
258 Vanhove, M. « La langue maltaise, un carrefour linguistique » in Le carrefour mal-
tais, pp. 167-181, op. cit.
259 Ibid.
260 Krier, F. « À propos du trilinguisme “stabilisé” à Malte », Langues du Maghreb et
du Sud Méditerranéen, Cahiers de socio-linguistique n°4, op. cit.
261 Ibid.
262 Ce descendant de Maltais, appartenant à la troisième génération, née en Tunisie,
réside actuellement dans le Sud de la France ; nous aurons avec lui et son conjoint,
plusieurs entretiens durant les années 2002-2005.
263 La législation linguistique est décrite dans la Constitution, dans la Judicial
Proceedings Act, dans l’Education Act de 1999 et dans la Loi sur la langue maltai-
se (Maltese Language Act) de 2003 : « Le maltais est la langue de Malte et un élé-
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323 Bertrand, L. Le sang des races, (cité par Patrice Sanguy, in “Une vision de
l’émigration maltaise au début du XXe siècle”, Les nouvelles ‘Nord-Africaines’ de
Sir Temi Zammit, Le départ et le retour dans le monde anglophone, p. 16, op. cit.)
324 Atlas-Géographie, cours supérieur. Paris-Lyon : librairie catholique Emmanuel
Vitte, 1909, p. 14.
325 Ibid.
326 Il s’agit d’un émigré qui revient de Sousse.
327 Le mot « returnee » signifie : celui qui est revenu à Malte après une période
d’émigration.
328 Sanguy, P. “Une vision de l’émigration maltaise au début du XXe siècle, Les nou-
velles “Nord-Africaines” de Sir Temi Zammit”, Le départ et le retour dans le monde
anglophone, p. 16, op. cit.
329 Todorov, T. ous et les autres, Paris, Seuil, 1999, p. 134.
330 Larguèche, D. Territoire sans frontières, La contrebande et ses réseaux dans la
régence de Tunis au XIXe siècle, p. 105-107.
331 Galley, M. “L’Imnarja, la fête des lumières à Malte”, Littérature arabo-berbère,
n°14, note 6, p. 212, op. cit.
332 Smith, L.A. « Les Maltais en Tunisie à la veille du protectorat : une population inter-
médiaire »,La Tunisie mosaïque, Toulouse, PUM, 2000, p. 117.
333 Dessort, C.R. L’histoire de la ville de Tunis, p. op. cit.
334 Entretien 2003, Mm Vérié-Cassar.
335 Terme employé en 2003, dans un écrit sur ses souvenirs, par un Maltais de la troi-
sième génération, née en Tunisie.
336 Vadala, R. “L’émigration maltaise en pays musulman”. Revue du monde musulman,
1911, vol. XIV, n° IV, p. 59.
337 Ibid. p. 7.
338 Ménéchal, J. Le risque de l’étranger, soin psychique et politique, p. 63, op. cit.
339 Le conférencier vient de Malte.
340 « Melita », Sousse, 5 février 1937.
341 Ibid., 24 juin 1938.
342 Monastir, Terre de Tunisie, Guido Médina, 1940. (L’auteur raconte « il y a 20 ans »)
343 Melita, Sousse, 5 janvier 1937.
344 Ordre de l’honneur, décoration attribuée par le bey de Tunis
345 Cf. Quatrième partie, De l’Algérie à la Tunisie : une évolution inscrite dans un ter-
ritoire, p. 149.
346 Entretien octobre 2004.
347 Ménéchal, J. Le risque de l’étranger, Soin psychique et politique, p. 17, op. cit.
348 Lévi-Strauss C., Race et Histoire/Race et Culture, Albin Michel/Unesco, déc. 2001.
pp. 83-84.
349 D. S. n° 27, juin 1993, p. 198.
350 Entretien téléphonique Madame Vérié Cassar, septembre 2003.
351 Memmi, A. La terre intérieure, Paris, Gallimard, 1976, p. 54.
352 Mihai, C. « Identité nominales et langagières dans la Roumanie actuelle. Les pro-
verbes-images », Groupes minorisés et ethnies discriminées. Des processus de
nomination et de désignation de l’autre, Esprit Critique, 2004, Vol.06, n° 01, p. 20.
Disponible sur : http://www.espritcritique.org
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Quatrième Partie
1. TRAJECTOIRES FAMILIALES
Ces histoires particulières sont des récits familiaux avec ce que cela
comporte d’interprétation de la mémoire familiale, d’oublis dûs quelque-
fois à une mémoire défaillante mais aussi à une relative déformation de la
réalité, de censure et d’autocensure, d’incohérences historiques. Souvent
la représentation du passé sera recontextualisée par les émigrants, deve-
nus Français ou Anglais, de par leur nouvelle émigration soit en métro-
pole, soit en Grande Bretagne, du fait d’une nouvelle migration après
l’indépendance de la Tunisie. La relation au contexte historique nous per-
mettra de resituer et d’analyser concrètement les changements intervenus.
Obtenir ces récits n’est pas chose aisée car les descendants de Maltais
s’expriment souvent, peu, à propos d’un passé qu’ils connaissent souvent
mal353.
Le choix de quelques trajectoires, parmi l’ensemble des personnes
interviewées, s’est effectué suivant des critères d’ordre historique, social,
et territorial particuliers ; nous rappellerons que, pour des raisons de
confidentialité, noms et prénoms des intéressés ont été modifiés sauf dans
les cas où les récits familiaux appartiennent au domaine public, du fait de
leur parution soit en librairie, soit dans les revues des associations.
ous avons pu nous entretenir, lors d’un voyage d’études à Malte, avec
un couple de leurs cousins, Jeanne et Félix Bartolo355. Ils nous confirme-
ront qu’il s’agissait d’une émigration familiale, en Tunisie, étendue aux
collatéraux, oncles et tantes accompagnés de leurs enfants. ous appren-
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drons ainsi que les parents de Madame Bartolo ont émigré tardivement,
en Tunisie dans les années 1920, alors qu’elle-même, était encore enfant.
« La Tunisie, c’était l’Amérique pour eux », nous dira son conjoint. Ils
rejoignent alors les membres de la famille déjà installés. Le père et les
oncles de notre interlocutrice travaillent alors pour les usines Peugeot.
C’est en Tunisie que Jeanne épousera un Maltais, enfant, lui aussi,
d’immigrés ; cependant, les parents de Madame Bartolo, commençant à
être âgés, rentreront à Malte tandis qu’un de ses oncles se dirigera vers
l’Angleterre. Quelques années plus tard, M. et Mme Bartolo rejoindront
l’archipel, afin de s’occuper de leurs parents. Les relations seront conser-
vées entre les membres dispersés de cette famille, notamment de manière
épistolaire ; toutefois des possibilités de voyages, moins onéreux, favori-
seront des rencontres tardives ; ainsi la mère de Jacqueline Cortis a pu,
dans les années soixante-dix, retrouver sa sœur qu’elle n’avait pas vue
depuis quarante ans ; de même, Monsieur Bartolo nous racontera qu’il a
fait la connaissance de ses cousins anglais, seulement à l’âge de soixante
ans.
sien et d’italien dans le cercle familial, recréant ainsi le mode de vie anté-
rieur ; de même la conservation du métier exercé en Tunisie, tel celui de
serrurier, laisse apparaître une certaine nostalgie et l’on voit fleurir au
milieu des villas anglaises de superbes balcons en fer forgé dont le bleu,
caractéristique de Sidi Bou Saïd, vient rappeler le ciel tunisien dans la
grisaille londonienne.
Ce mode de vie, intermédiaire entre diverses cultures, va être à
l’origine d’un va-et-vient entre la France et l’Angleterre, au cours de la
vie de quelques-uns de ces émigrés. Ainsi, après une vie professionnelle
en Angleterre, Victor Cortis et son épouse, également maltaise de Tunisie,
rejoindront la France lors de leur retraite. Cependant, se trouvant loin de
leurs enfants, mariés à des Anglaises, ils reviendront de nouveau en
Angleterre pour vivre auprès de leurs trois fils. Ils y resteront quelques
années puis rejoindront la France avec leur plus jeune fils, célibataire.
Les deux aînés, arrivés enfants, en Angleterre, resteront dans ce pays, et
deviendront, respectivement, enseignant et directeur d’une importante
imprimerie ; cependant, à l’image de ses parents, Paul, le second des
enfants, à quelques années de la retraite, s’installera en France alors
qu’il n’a jamais vécu antérieurement dans ce pays, et que ses propres
enfants sont demeurés en Angleterre. Dans cette situation, le lien avec la
France paraît d’ordre affectif et culturel ; comme ses parents, Paul dit
« apprécier la vie en France » ; il a d’ailleurs conservé l’usage de la
langue française mais ne connaît que quelques mots de maltais. Une
représentation mythique de la France paraît s’être transmise dans cette
famille aux dépens de la transmission d’éléments culturels maltais ; Paul
tiendra, cependant, à faire découvrir à ses enfants, devenus adultes, la
Tunisie et Malte, terre de leurs origines ; ainsi le fil ténu d’une transmis-
sion, tunisienne et maltaise, se poursuit malgré une apparente quasi-
inexistence.
percevait les taxes, dues par les grossistes ; il contrôlait aussi l’arrivée des
bateaux de pêche. Il décédera jeune à trente-sept ans. Dans cette inter-
view, C. Bartolone parle également de son enfance à Tunis et de la com-
munauté maltaise et italienne, en évoquant ce melting-pot culturel dans
lequel ils vivaient, chaque communauté ayant ses plats, ses coutumes et
dialectes. Son oncle nous livre quelques détails complémentaires sur cette
vie : scolarisé enfant chez les Frères, il rejoignait ses copains tunisiens et
juifs pour écouter derrière la porte, l’enseignement de la mosquée ou
celui de la synagogue. Les différentes communautés étaient très liées tout
en gardant chacune leur spécificité. Ainsi les fêtes de oël, de la fin du
Ramadan, de la Torah, étaient l’occasion pour chaque groupe d’échanger
des pâtisseries. À d’autres occasions, il rendait service à ses voisins juifs
en venant « appuyer sur le bouton électrique le samedi. » Ces petits évé-
nements de la vie familiale se retrouvent dans les écrits de R. Darmon :
ainsi le samedi « on fera tourner le commutateur de la lumière électrique
par un “Sabbat Goï”, un gentil du Sabbat »362.
otre interlocuteur explique, par ailleurs, que les filles étaient peu sco-
larisées et restaient à la maison avec les femmes du groupe familial ; elles
sortaient cependant soit pour les achats, soit pour les offices religieux et
les promenades en famille dont le but était très souvent la visite aux
grands-parents. Selon l’expression d’une autre Maltaise cette « vie en
couleur » s’arrêtera pour celle en « noir et blanc » de la capitale françai-
se en 1960.
Ainsi C. Bartolone rappelle, dans l’article du journal, qu’à l’époque de
l’arrivée au pouvoir de H. Bourguiba, son père, petit propriétaire vitico-
le, en désaccord avec les nouvelles orientations de l’économie tunisienne,
décide très rapidement de rejoindre la France. Le parcours migratoire de
cette famille suit le même processus d’évolution que celui des familles pré-
cédemment évoquées, à savoir une immigration de l’un des trisaïeuls ou
bisaïeuls de Malte vers la Tunisie, au milieu du XIXe siècle. Ces données
sont confirmées, à la fois, par les registres de catholicité de l’église Ste
Croix que nous avons pu consulter et par les études précédemment effec-
tuées (J. Ganiage évoque la présence de six à sept mille Maltais en Tunisie
au milieu du XIXe siècle.) La même concordance, entre études antérieures
et familles interviewées, existe en ce qui concerne les mariages conclus à
l’intérieur de la communauté maltaise, jusqu’à la deuxième génération
née en Tunisie, autrement dit à partir de 1930. C’est cette même généra-
tion qui effectuera une nouvelle migration liée à l’évolution politique de
la Tunisie.
Lors de l’entretien réalisé avec Jean, l’un de ses enfants (trente ans),
quelques nouveaux éléments seront apportés, quant à la connaissance du
parcours familial : originaire de Gozo, son bisaïeul, immigrant d’abord
en Algérie, aurait exercé, par la suite, le métier de maquignon. Était-ce la
profession de son père et le lien avec l’archipel était-il gardé à cette
époque ? Rien ne nous autorise à l’envisager si ce n’est l’habitude, dans
les familles, de poursuivre une tradition professionnelle de père en fils et
le lien particulier des Maltais à tout ce qui se rapporte soit aux courses
de chevaux soit au métier de cocher.
C’est effectivement Louis, né en Tunisie en 1910, qui nous introduira
plus précisément dans le parcours familial. Il resituera l’émigration de
son arrière-grand-père paternel, Ernest, vers l’Algérie, sans autre indica-
tion connue ; il complétera le récit de son fils, Jacques, en évoquant le
mariage de son propre père, Antoine, avec une Maltaise, petite-fille d’un
gouverneur d’Égypte ; cette mention est importante car, nous dit-on, la
mère s’exprimait, de préférence, avec ses enfants, en italien et en français
plutôt qu’en maltais. La famille partira pour la Tunisie avant le protecto-
rat.
é en Algérie, puis venu en Tunisie, Louis fréquentera comme beau-
coup d’enfants maltais, l’école des Frères, rue de la Casbah où nous rap-
pelons que, les premières années, l’enseignement était donné en italien
puis en français ; pour des motifs familiaux et scolaires, l’enfant
n’apprendra que ces deux dernières langues. La vie familiale est proche
du monde français ; la nourriture, nous expliquera, Louis, était internatio-
nale : « grecque, française, italienne, maltaise : beignets sucrés frits, au
petit-déjeuner (bambalone), raviolis, figollis »368.
Par ailleurs, l’élément religieux est souvent relevé au cours de
l’entretien : participation aux sorties et à la troupe de théâtre, organisés
dans le cadre d’un patronage catholique ; notre interlocuteur souligne
l’importance de la confirmation faite à treize ou quatorze ans et, tout par-
ticulièrement, celle du parrain de confirmation, le plus souvent maltais,
même dans le cas de cette famille, très ouverte sur la culture française ;
en effet « le parrain considère le jeune confirmé, comme son propre fils ».
otre interlocuteur évoque également les processions effectuées à otre
Dame de Tunis, petite église située en haut du Belvédère369 et surtout celle
de otre Dame de Trapani où pour le 15 août, la statue était portée dans
les rues ; il tient à nous en décrire l’itinéraire : départ de la cathédrale
puis l’avenue Jules Ferry (actuelle avenue Habib Bourguiba), le secteur
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Price, Ch.A. Malta and the Maltese. À study in ineteenth Century Migration
Melbourne : Georgian House, 1954, p. 59
2.1. ALGÉRIE
En ce qui concerne cette émigration, nous nous référerons principale-
ment au travail de M. Donato, historien, né lui-même en Algérie. ous
compléterons ces données par l’apport de diverses sources d’études, mal-
taises et étrangères, sur ce sujet.
Les premiers Maltais arrivent en Algérie dès la prise d’Alger en 1830.
Le mode d’immigration est, le plus souvent, une traversée aléatoire en
barque vers le port de La Goulette en Tunisie. Plus rarement, quelques-
uns rejoindront directement le port de la Calle, proche de Bône, n’étant
pas toujours fixés sur le but définitif de leur future territorialisation, cer-
tains resteront en Tunisie, plus proche géographiquement, ou feront des
allers et retours entre les différents territoires du pourtour de la
Méditerranée.
En Algérie comme en Tunisie, les Maltais exercent au départ de petits
métiers artisanaux : bouchers, forgerons, transporteurs, etc. Peu de
pêcheurs parmi eux, par contre le monde agricole sera, lui, beaucoup plus
représenté qu’en Tunisie, mis à part la région de Sfax ; les Maltais seront
chevriers, jardiniers ou encore journaliers ; plus tard, quelques-uns déve-
lopperont l’élevage du porc alors que d’autres réussiront dans le commer-
ce d’importation de chevaux. L’opinion française ne leur est guère favo-
rable en ce début de XIXe siècle. Il faut dire que certains justiciables mal-
tais avaient été envoyés en Algérie contre une remise de peine ; Marc
Donato reprend, à leur propos, outre les descriptions dévalorisantes des
voyageurs de l’époque384, celles contenues dans les rapports des autorités
locales où l’on parle de la nécessité « d’organiser l’ordre au milieu des
Maltais, des indigènes, des fainéants et des voleurs » ; on dit les Maltais :
« doués d’un tempérament où le sang africain domine, dégradés par la
misère, dépourvus d’instruction et sans éducation morale ; considérés à
peine comme des Européens, on leur accorde cependant d’être des
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fesseurs) rapporte, Jacques Arbib, lors d’un entretien avec l’écrivain mal-
tais Adrian Grima 403. Ayant fréquenté par la suite le lycée italien, Jacques
Arbib précise qu’il s’y est fait par la suite des amis maltais : « Ils venaient
de riches familles maltaises, comme les Debono, les Mallis, les Aquilina ».
L’histoire de l’émigration maltaise retenant principalement les histoires
de ceux qui ont réussi socialement, le narrateur cite à titre d’exemple :
« Ricardo Cassar qui investit dans un moulin (à huile) et construit un
ensemble d’immeubles » ou bien encore les Carabot et Aquilina (quin-
cailliers), Taliana et Salinos (constructions) parmi d’autres »404 ; cepen-
dant beaucoup de Maltais étaient seulement employés ou pêcheurs et, de
ce fait, plus proches des Grecs et des classes pauvres.
Cependant, malgré un fort impact italien, dû non seulement à la domi-
nation italienne en Libye mais aussi à la tendance pro-italienne des
classes aisées maltaises, une vie sociale et culturelle spécifiquement mal-
taise semble avoir été conservée sur ce territoire. Ainsi, existaient à
Tripoli des clubs maltais et un dancing du nom de « Quadriglia » ; vers la
fin du XIXe siècle, orchestres et chanteurs venaient d’ailleurs directement
de Malte ; beaucoup de Maltais jouaient eux-mêmes d’un instrument de
musique ; la « banda » (fanfare) maltaise du nom de « ta Ndri »405 se pro-
duisait seulement pour les mariages, à la différence de celle de Tunis.
L’existence d’une « Malta House » est mentionnée dans les différentes
sources : la Salle Maltaise était, comme en Tunisie, à la fois siège de
l’organisation de la communauté maltaise et lieu de la vie sociale. Les
Maltais fêtaient, en grande solennité, la victoire du Grand Siège de Malte
et, pendant quelque temps, un tournoi commémoratif eut lieu le long d’un
ancien chemin de fortification où se trouvait une mosquée dédiée à
Dragut, corsaire connu pour avoir participé au Grand Siège de Malte ;
R. Cini souligne le fait que les habitants turcs de Tripoli ne connaissaient
pas la relation entre la fête nationale maltaise et la victoire sur les Turcs.
De plus, les Maltais organisaient un grand carnaval. D’après, l’auteur de
ces lignes, ces divertissements étaient bien vus d’une population cosmo-
polite ; qu’en pensaient les autochtones ? ous n’avons actuellement, pas
d’éléments de réponse à cette question.
Cette communauté semble avoir davantage préservé une identité cultu-
relle maltaise à la différence des Maltais installés en Algérie et Tunisie.
Doit-on attribuer cette différence au seul fait colonial français et à sa
politique d’assimilation ? D’autres aspects liés au contexte historique et à
l’influence italienne restent à étudier pour ces Maltais, devenus pour une
grande partie d’entre eux, Australiens.
2.3. ÉGYPTE
La première immigration de Maltais en Égypte renvoie à l’expédition
de Bonaparte, immédiatement après la prise de Malte en 1798 ; lorsque
apoléon quitte Malte pour l’Égypte, ce sont environ 2 000 Maltais qui le
suivent, engagés ou enrôlés, dans ce qu’on appellera plus tard La Légion
maltaise. Celle-ci fut presque entièrement décimée, et la plupart des sur-
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çants, ils vivaient dans le quartier de Galata, non loin de l’église Saint
Peter ; ils eurent même un journal : le « levant Herald ». À Smyrne (Izmir),
les Maltais étaient au nombre d’environ 1800, ils travaillaient principale-
ment comme ouvriers portuaires ou étaient également commerçants.
Cette population, semble-t-il assez pauvre, fut obligée de se réfugier à
Malte lors de la prise du pouvoir par Atatürk, ceux qui restèrent furent
massacrés. ous possédons très peu d’informations sur cette immigra-
tion ; il est seulement souligné que les réfugiés, lors de leur retour à Malte,
ne parlaient ni maltais, ni anglais ; y aurait-il eu acculturation du moins
sur le plan linguistique ? Une relative misère aurait-elle engendré une
plus grande acculturation ? Que devient dans cette hypothèse l’imaginaire
collectif maltais de rejet et de crainte du monde turc ?
CONCLUSION
Au cours de cette brève étude comparative nous avons pu relever des
caractères communs aux différentes territorialisations des Maltais en
pays musulman, à savoir une implantation urbaine autour des lieux de
culte catholique, une scolarisation et des institutions culturelles, le plus
souvent en lien avec l’Église ; ces éléments reproduisaient en territoire
étranger, l’organisation sociale de l’archipel maltais durant la même
période. Par contre, le domaine linguistique, eu égard à la transmis-
sion de la langue maternelle, présente des différences dans les terri-
toires sous domination française ; en effet, la pratique de la langue
française s’est rapidement imposée comme unique voie d’une possible
évolution dans la société ; à ce processus s’est ajouté celui de la déva-
lorisation d’une culture différente, renforcée par les décrets de natura-
lisation412. La conjugaison de ces facteurs pourrait à elle seule expli-
quer l’acculturation précoce des Maltais d’Algérie suivie en partie par
ceux de Tunisie. En effet, à la suite des changements politiques surve-
nus lors des accessions à l’indépendance, les Maltais, de ces deux ter-
ritoires, se dirigeront, majoritairement, vers la France parachevant
ainsi leur acculturation ; par contre, les descendants des Maltais, émi-
grés dans les autres pays susnommés, s’orienteront, soit vers
l’Angleterre, soit vers un pays dépendant du Commonwealth, principa-
lement l’Australie ; cette nouvelle terre de peuplement autorisera
conservation et transmission de l’identité maltaise comme en témoi-
gnent les nombreuses associations maltaises de ce pays. Conservation
et transmission d’un patrimoine culturel différent de celui du pays
d’accueil sont-ils des paramètres compatibles avec une politique
d’assimilation qui « continue » aujourd’hui, encore « à être magnifiée
comme une vertu prioritairement française… garde-fou contre la dis-
crimination essentialiste (par nature, donc raciste) »413 ? Comment
répondre à cette problématique sans tomber dans l’écueil du commu-
nautarisme ? Le cadre de notre étude ne nous permet, ici, que l’ébauche
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401 Donato, M. Rue des Maltais, La vie de la colonie maltaise de Tunisie, p. 128, op.
cit.
402 Lafi, N. « Les relations de Malte et de Tripoli de Barbarie », Le Carrefour Maltais,
Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée, pp.127-142.
403 « Juifs et Maltais de Tripoli » (extrait d’un échange entre Adrian Grima et Jacques
Arbib, disponible sur : www.babelmed.net ; Adrian Grima est conférencier en litté-
rature maltaise à l’Université de Malte et responsable du comité scientifique au
Conseil National pour la langue maltaise.
404 Ibid.
405 Il n’a pas été possible de traduire exactement cette expression.
406 Attard, Fr. L.E. « Great Exodus » (Le Grand Exode), op. cit.
407 De 1882 à 1922, les Anglais exercent une grande influence en Égypte.
408 Price, Ch. Malta and the Maltese : A Study in nineteenth Century Migration, pp.
135-137.
409 Bernardie, N. Malte, parfum d’Europe, souffle d’Afrique p. 104, op. cit.
410 Vadala, R. L’émigration maltaise en pays musulman. Revue du monde musulman,
volume XIV, 1911, p. 39, op. cit. (Khédive est le titre porté par le vice-roi d’Egypte
de 1867 à 1914.)
411 Magri-Overend, I. Président de l’association des Communautés Maltaises
d’Egypte : « Association des Communautés Maltaises d’Égypte. » disponible sur :
http://www.maltamigration.com
412 Nous n’envisagerons pas ici la question des naturalisations italiennes, contraintes en
Libye, durant la période fasciste. Une partie des descendants de ces émigrés choisi-
ra l’Italie comme pays d’accueil après l’indépendance de la Libye.
413 Sayad, A. La double absence, Des illusions de l’émigré aux souffrances de
l’immigré, p. 311 op. cit.
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CINQUIÈME PARTIE
C’est-à-dire :
« Je veux retourner à Malte ».
après, ils sont pratiquement tous partis alors qu’ils auraient pu rester
sans problème ».
Entendant nos propos, un troisième Tunisien se joindra au groupe pour
donner des informations complémentaires :
« J’ai connu un parent de C. Camilleri, du nom de Fredo Camilleri qui
travaillait à la minoterie ; cette famille est ensuite partie à Tunis »427.
Il nous désignera ensuite la maison des derniers Maltais de Porto-
Farina : « Lise Scotto et son frère Joseph » ; ce dernier serait décédé, en
1998, quelques années après sa sœur ; le père de notre témoin les aurait
bien connus. Ce témoin nous dit qu’ils ont été inhumés au cimetière euro-
péen de Tunis. Constatant que cette dernière information ne correspondait
pas, tout à fait, à l’affirmation de C. Camilleri concernant la totale dispa-
rition de la communauté maltaise de cette ville, nous essaierons d’avoir
confirmation de ces éléments. Aucune de nos investigations ultérieures ne
pourra nous apporter de réponse. ous ne retrouverons aucune trace de
cette famille ni au cimetière européen du Borgel à Tunis, ni auprès de la
paroisse catholique de Bizerte, secteur catholique comprenant Porto-
Farina (Ghar el Mehl)428 ; seul Michel Cordina, Maltais vivant en France,
a un vague souvenir d’un concitoyen du nom de Joseph Scotto mais il le
situe à Tunis ; il décrit un personnage peu communicatif et pense qu’il a,
peut-être, vécu quelque temps à Tunis avec sa sœur, avant de retourner à
Porto-Farina ; cependant, ce témoin nous dit ne pas être sûr qu’il s’agisse
effectivement, de ces personnes, vu l’importance de l’homonymie des
familles maltaises.
passé maltais encore présent tels la rue des Maltais, qui existe toujours à
l’intérieur de la médina, entre l’emplacement de l’ancienne église otre
Dame et le Ribat. Dans ce quartier de la ville, nous avons pu interviewer,
sur le souvenir des Maltais, deux Tunisiens âgés, assis sur le pas de leur
porte ; sans hésiter, ils nous indiqueront la maison où demeurait, au pre-
mier étage, Madalena, guérisseuse maltaise : « Elle guérissait avec l’or
(bijoux, alliances), touchait les yeux (des malades). »
Le président tunisien de l’A.R.E.M.S.433, S. Hamadi Melloulhi, évoque-
ra, lui aussi, ce personnage en précisant que Madalena n’était pas seule-
ment guérisseuse, elle remplissait, en outre, les fonctions de marieuse et
d’intermédiaire dans les prêts. Il ajoutera qu’une autre maltaise était
davantage réputée pour sa qualité de guérisseuse : « elle soignait le tra-
chome en mettant des gouttes de bleu (de méthylène) dans les yeux ou met-
tait des alliances au-dessus des malades ; ses soins étaient gratuits. »
Complétant nos diverses informations, M. Hamadi Melhoulhi rappelle-
ra les métiers des premiers Maltais de Sousse, le plus souvent, chevriers,
cochers ou pêcheurs ; ces derniers habitaient près de la mer, dans des
cabanes au pied des remparts, comme les Tunisiens et les Siciliens, exer-
çant les mêmes métiers434. otre informateur citera également différentes
familles maltaises qu’il a connues, tels les Vella, Cachia, Fenech, Checa
ou Herrero ; ils étaient artisans, commerçants ou fonctionnaires.
M. Hamadi Melhouli hésitera cependant sur certains patronymes ne
sachant s’ils sont Juifs ou Maltais du fait, selon lui, de la présence à
Sousse, de Juifs maltais venus d’Italie435.
« Le Grand Annuaire de l’Algérie et de la Tunisie (1886-1887) », puis
le journal « Melita » de 1938 confirment et complètent les données de nos
informateurs ; nous pouvons ainsi noter dès 1886, l’existence du café-res-
taurant Camilleri, de la pharmacie Bezzina436, de la banque Costa ;
W. Galea et F. Psaïla sont à cette époque, respectivement, vice-consul et
conseiller municipal. Cinquante ans plus tard, les entreprises maltaises se
développent et les pages d’annonces de « Melita » mentionnent : l’atelier
de mécanique S. Attard, les entreprises Galea (Bois, acier, métaux), Tanti
et Belhano, l’imprimerie L. Attard, les transports Vella. Quelques Maltais
ont accédé à des fonctions plus importantes comme proconsul britannique
ou vice-consul tels E. et L. Cachia, C. Galea et L. Caruana. Cette fonction
est cependant quelque peu décriée ; ainsi dans son étude sur la Régence
de Tunis, G. Finotti précise que l’agent consulaire, respecté en tant que
personne par les Maltais, « n’est que l’ombre du pouvoir » et que cette
charge est « tournée en dérision », par les Maltais eux-mêmes437. Cet
aspect peut éventuellement s’expliquer du fait de l’importance d’une
contrebande où toutes les communautés et les couches de la société
étaient impliquées438. Les agents consulaires de ces villes se révélaient, le
plus souvent, effectivement, impuissants à contrôler efficacement ces tra-
fics et les faire cesser.
Dans cette ville, le fondouk Berryana, le café « Zokhra » sis place du
monument aux martyrs où se retrouvaient les charretiers et le hammam
Sidi Bouraoui439 nous seront indiqués comme édifices maltais. Par
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Immeuble Spiteri.
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4. HISTOIRES DE FAMILLES
Au cours de nos différents entretiens avec des Maltais demeurés en
Tunisie, nos interlocuteurs maltais avaient, comme nous l’avons précé-
demment relevé, invoqué des raisons économiques comme motif principal
de leur maintien en Tunisie après l’Indépendance ; nous constaterons tou-
tefois, chez nos témoins oubliés, une grande diversité de situations
sociales, notamment en ce qui concerne les alliances matrimoniales, ce
qui introduit un questionnement au niveau de leur influence sur les choix
territoriaux de ces familles et leur rapport au monde tunisien.
Ainsi, un de nos interlocuteurs, entrepreneur, nous racontera qu’il se
fait souvent passer volontairement pour Tunisien auprès de ses ouvriers ;
il relate une anecdote à ce propos :
« Quelqu’un voulait le voir et a demandé où se trouvait un Européen
sur le chantier ; les ouvriers ont répondu qu’il n’y en avait pas ; l’autre l’a
reconnu et a dit aux ouvriers : c’est celui-là là-bas, en le désignant. »
Il commentera son attitude en expliquant la nécessité, pour lui, de se
fondre dans le milieu tunisien en s’habillant comme un simple ouvrier afin
de pouvoir travailler et se faire respecter. Ce qui est, pour notre témoin,
une simple anecdote révèle son ambivalence vis-à-vis des Tunisiens. Il se
trouve, en effet, dans une position d’intégration d’esprit colonial : la
situation de ce Tunisien est celle de l’ouvrier que, lui-même, ne dédaigne
pas être éventuellement ; cependant, dans le même temps, il pointe sa fier-
té d’être reconnu par l’autre (l’Européen) comme étant, lui-même,
Européen même si son apparence vestimentaire pouvait, de prime abord,
le désigner comme Tunisien. De plus, nous soulignerons que, pour les
deux protagonistes, le Tunisien ne peut être effectivement qu’un ouvrier
plus que modestement vêtu. Cette histoire, que notre interlocuteur situe
dans les années précédentes, montre la persistance de la pensée colonia-
le dominatrice, bien au-delà de son existence historique.
À la crainte d’identification avec le monde immigré arabe, en résonan-
ce inconsciente avec la situation intermédiaire des premiers immigrés
maltais en Tunisie et les non-dits de l’Histoire, est associée l’évocation de
relations idylliques entre les différents groupes ethniques présents en
Tunisie ; or, si les relations étaient effectives du fait de la proximité de rési-
dence ou du travail, le point commun du souvenir omet les aspects conflic-
tuels, notamment au sujet des mariages.
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la nationalité française, de par ses parents qui l’avaient choisie pour leurs
enfants ; leur père, lui, avait conservé la nationalité britannique. Rita et
ses frères et sœurs furent un temps Français, du fait des lois de naturali-
sation, d’ailleurs un de ses frères a conservé la nationalité française ; pré-
sent à la fin de l’entretien, il s’exprimera peu mais soulignera son admi-
ration pour ce pays « C’est beau la France » ; il la connaît, seulement, au
travers des récits de cousins installés dans le ord. L’émigration du côté
paternel étant plus récente, leur père a pu, par la suite, obtenir, pour lui-
même, la nationalité maltaise dès l’indépendance de Malte en 1964 ; ceux
de ses enfants qui le désiraient ont pu, ainsi, obtenir un passeport maltais
qu’ils seront fiers de nous montrer.
Conservant les traditions familiales, le plus jeune des frères effectuera,
lui aussi, le voyage à Malte dans le but de trouver une épouse ; ici,
s’ajoute à l’attachement au pays d’origine, le fait qu’il n’existe plus de
population européenne féminine, jeune, correspondant à leur mode de vie.
Cette démarche n’ayant pas abouti, nous apprendrons à la fin de
l’entretien qu’il est marié, depuis peu de temps, à une Tunisienne et qu’il
n’habite plus à la ferme ; il y travaille cependant toujours. ous n’aurons
pas d’indications sur les représentations familiales liées à cette union.
La famille garde, par ailleurs, quelques coutumes maltaises sur le plan
culinaire ; elles sont liées aux fêtes religieuses : agneau pascal et confec-
tion de « figolli » à cette occasion ; pour oël, oreillettes, makroud tuni-
siens (gâteaux au miel et aux figues) ; s’y ajoutent « fenech » (lapin), che-
vreau farci, tourte à la ricotta et « caldis » (sorte de chaussons fourrés de
petits pois). Les traditions d’origine culturelle diverses, en usage chez les
Grima, les rendent proches des habitudes maltaises sous le protectorat.
La pratique religieuse paraît être conservée mais semble désormais
appartenir, pour eux, à un univers qui n’est plus le leur : « le samedi, à la
messe, il y a des étrangers » ; est-ce seulement une constatation due à la
réduction de la communauté maltaise, ou à l’existence d’un mode de vie
qui les situerait, insérés dans le monde tunisien, et vivant comme diffé-
rents des autres Européens ? Position d’écartèlement entre Europe et
Afrique qui pourrait être difficilement vécue si cette famille ne possédait
pas un double ancrage terrien et maltais.
Les raisons du maintien de l’identité maltaise proviennent, pour les
Grima, de la permanence de leurs liens avec Malte où ils allaient réguliè-
rement rencontrer grands-parents paternels, tante et cousins. Une de nos
interlocutrices, nous confiera : « L’année dernière, je suis allée à Malte,
c’est pauvre Malte dans la campagne ». Elle évoquera, par ailleurs, une
procession à laquelle, elle a pu assister : « C’est resté toujours la même
chose, ils sortent les statues, c’est très joli ». Les Grima conservent enco-
re ces relations familiales.
Sachant que nous devons nous rendre à Malte, ils nous donneront les
coordonnées de leur famille à Gozo. ous pourrons effectivement rencon-
trer, quelque mois plus tard, à Malte, un de leurs cousins, religieux éru-
dit ; il nous confirmera la permanence de relations commerciales entre
Malte et la Tunisie au XIXe siècle, principalement avec les ports de Sfax
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et de Sousse ; il ajoutera que, pour lui « les Maltais n’ont pas peur des
Arabes »…malgré leur réputation « de venir voler des jeunes filles » ; à ce
propos, il nous racontera un épisode de l’histoire familiale qu’il situe
approximativement vers 1870. Le récit suivant lui a été transmis par sa
mère : « Une de ses grandes tantes a été enlevée par des Arabes de
Tunisie ; ses neveux sont alors partis pour la Tunisie ; ils l’ont trouvée et
sont restés avec elle pour la protéger ». Ce fait rappelle, outre les histoires
de razzias du temps de la Course, la complexité des causes de
l’émigration maltaise en Tunisie.
Insérée dans le tissu social tunisien, la famille Grima peut, effective-
ment, être présentée comme « spécifiquement maltaise » non du fait d’un
statut social dévalorisé, comme l’avait laissé entendre notre interlocuteur,
mais plutôt en raison de la conservation de la langue et de coutumes mal-
taises et de la permanence de liens réguliers avec Malte.
Sousse, calèche maltaise du XIXe, (rénovée, elle est utilisée pour les touristes)
il est fier, de ses enfants qui portent tous des prénoms tunisiens et tient à
nous les présenter ; les aînés comprennent relativement bien le français ;
il est également fier de sa réussite matérielle : il possède effectivement un
élevage important de vaches laitières et quelques chevaux. ous ne serons
pas invités, cependant, à rentrer chez lui ni à rencontrer son épouse tuni-
sienne.
Quel sens donner à cet entretien accepté par Luigi-Youssef, mais dont
il a déterminé le cadre, celui de sa réussite matérielle ; ce même entretien
aurait-il pu avoir lieu dans l’espace privé, intrafamilial de la maison,
symbole de son choix matrimonial qu’il se contentera de présenter comme
un fait objectif ? Il a cependant tenu à la présence de ses fils pour tenir un
discours sur leurs ancêtres maltais. e peut-on, alors, penser que cet
entretien leur était autant destiné qu’à nous-mêmes et lui donner valeur
de transmission des origines maltaises familiales ?
CONCLUSION
Ainsi, les Maltais, restés en Tunisie, paraissent avoir conservé la plu-
part des caractéristiques propres à la société maltaise de Tunisie, avant
l’indépendance de ce pays ; en effet, presque tous pratiquent plusieurs
langues à savoir : maltais, français, italien et tunisien même s’ils ne les
possèdent pas parfaitement. Leur point de repère semble toujours l’Église
catholique ; si la fréquentation est plus distanciée, pour quelques-uns uns,
tous connaissent les prêtres de la Cathédrale de Tunis ou ceux des villes
évoquées ; d’ailleurs nos correspondants savent souvent, de manière assez
exacte, les horaires des principaux offices sans que ce soit pour autant,
une quelconque référence à une réelle pratique religieuse . e formant
pas un véritable groupe, ils se connaissent, cependant tous, en tant que
Maltais. Leur histoire familiale s’articule sur celle évoquée précédem-
ment : petits métiers pour la première génération ; la deuxième génération
voit une évolution vers l’artisanat, le commerce ou pour quelques-uns, la
fonction publique. Ces témoins « oubliés » sont souvent restés pour
s’occuper de parents âgés ou plus simplement parce qu’ils appréciaient la
vie en Tunisie tandis que les fratries ont progressivement émigré vers la
France, la Grande Bretagne ou l’Italie. D’autres n’ont pas émigré, de
manière à conserver leurs biens immobiliers.
Dans la majorité des situations rencontrées, la transmission familiale
reste pauvre quant aux origines maltaises ; désireux de se fondre dans
l’anonymat, ces Maltais restés en Tunisie demeurent tous très discrets sur
leur parcours et sont peu à peu devenus effectivement, jusqu’à ces der-
nières années, des « oubliés de l’Histoire ». ous apprendrons ultérieure-
ment, par un de nos informateurs en Tunisie, que fin 2005, le nouvel
ambassadeur de Malte à Tunis, son excellence Madame Tanya Vella, a fait
paraître dans la presse tunisienne, un article demandant aux personnes
d’origine maltaise de se faire connaître auprès de l’ambassade. Selon cet
informateur, il y eut peu de réponses à cette sollicitation, mis à part celles
de Maltais ayant acquis une notoriété dans le monde tunisien, du fait de
leur réussite économique ou de leur statut social ; de même, seuls
quelques anciens Maltais auraient participé à une réception organisée
par l’ambassade pour l’ensemble des Maltais de Tunisie468. Comment ces
« Maltais oubliés », souvent naturalisés français ou devenus parfois
Tunisiens, vivent-ils cette nouvelle « maltéité », soudain reconnue, après
ces années d’oubli ?
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434 Il n’a pas été possible de déterminer la période précise de ce mode d’habitation.
435 Il s’agit peut-être d’une confusion avec les « Grana », juifs aisés venus d’Italie mais
l’existence de juifs maltais à Malte permet aussi d’envisager l’émigration, de cer-
tains d’entre eux, vers la Tunisie ; nous n’avons actuellement aucune information à
ce sujet.
436 Les pharmacies ne correspondaient cependant pas à la dénomination actuelle : il
s’agissait plutôt d’une sorte d’herboristerie.
437 Finotti, G. La Reggenza di Tunisi, 1856, pp.108-109.
438 Larguèche, D. Territoires sans frontières la contrebande et ses réseaux dans la
régence de Tunis au XIXe siècle.
439 Actuelle dénomination.
440 Actuellement l’emplacement est occupé par la banque S.T.B.C., avenue
Mohamed V.
441 Il s’agit d’une passion habituelle des Maltais : ainsi, pour le 15 août, se déroule à
Gozo des courses de chevaux dans les rues de Vittoriosa, la ville principale de cette
île.
442 Cf. Troisième partie, Djerba, p. 52.
443 Il s’agit, le plus souvent des prêtres des paroisses catholiques existant à ce jour, en
Tunisie.
444 Ces chiffres prennent en compte les seuls Maltais descendants des premiers émi-
grés ; ils ne tiennent compte ni des religieux, ni des fonctionnaires dépendant des
corps diplomatiques, installés récemment en Tunisie. Il serait intéressant de savoir
si d’autres nationaux maltais (commerçants par exemple) s’implantent actuellement
en Tunisie.
445 Il s’agit de la famille de l’ancien ministre Pisani
446 Kozakaï Toshiaki, L’étranger, l’identité, Essai sur l’intégration culturelle, Paris,
Payot & Rivages, 2000, p. 157.
447 Pour ces descendants de Maltais, les coopérants ne sont pas considérés comme
appartenant à leur monde.
448 Il est possible que ces fondouks aient été aussi italiens.
449 Leitmotiv présent dans la majorité des entretiens réalisés en Tunisie.
450 Cet entretien, réalisé en 2004, s’est effectué au magasin de notre interlocuteur et, de
ce fait, les questions ont été limitées.
451 Entretien Tunis 2003, commerçant très âgé.
452 Ce fait semble peu vraisemblable car les évêques sont nommés par le Pape.
453 Entretien Tunis 2002, Maltais, la cinquantaine.
454 Ce mode de complément de ressources sera utilisé également en Angleterre, par les
immigrés Maltais, après leur départ de la Tunisie.
455 Il s’agit de la cause fasciste.
456 Ces paroisses seront le plus souvent notre premier contact dans la mesure où elles
tenaient les registres d’état civil ; en outre, nous avons pu constater que les descen-
dants des Maltais gardaient un lien avec l’Église catholique.
457 Entretien Tunisie, 2003.
458 Par souci de respecter l’anonymat de ces personnes, nous ne communiquerons
aucun lieu ni élément d’état civil ; la moyenne d’âge de nos interlocuteurs se situe
entre 30 et 45 ans.
459 Était-ce tellement différent du mode de vie dans les fermes françaises ? Une étude
comparative pourrait apporter un éclairage complémentaire.
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Sixième partie
Un processus de transmission
de l’ordre du négatif
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pourrait être alors pensée comme conflit entre projet de vie (Éros) et mort
psychologique lente des origines (Thanatos), à moins que de solides bases
n’aient ancré symboliquement le sujet dans son histoire générationnelle et
territoriale, principalement lorsque le discours des ancêtres sur Malte a
pu être à la fois présent et positif sur le plan symbolique. Ainsi, malgré les
difficultés du temps de la colonisation française, une conservation en
Tunisie de la langue maltaise, par ceux de la deuxième génération, ou
transmise aux enfants ou dépourvue d’affects négatifs, autorise continui-
té et transmission psychique intergénérationnelle. Dans ces conditions,
une transmission psychique de « fragments, non élaborés du passé »479,
liée au traumatisme de l’émigration des générations antérieures, pourra
être épargnée aux générations suivantes.
aille au marché central faire quelques courses, c’était souvent mon père
qui rapportait des provisions au retour de son travail ; le dimanche nous
allions à la messe à l’église sainte Croix, puis l’après-midi nous rendions
visite au grand-père paternel, souvent nous y retrouvions nos cousins.
Parfois, la promenade nous conduisait au Jardin du Belvédère ou encore
au cimetière de Bab El Khadra486 où notre famille possédait un caveau.
Ces sorties constituaient une sorte d’épreuve pour notre mère car nous
étions nombreux et elle devait bien nous habiller pour la circonstance. »
Il s’agit ici d’une enfance centrée sur les relations familiales intégrant,
dès le plus jeune âge, la participation aux cérémonies chrétiennes dans la
continuité de la tradition maltaise. La sortie dominicale au cimetière
s’inscrit tout naturellement dans la vie sociale car celui-ci est lieu de ren-
contre et d’échanges pour les familles et leurs enfants dont les jeux ne sont
pas proscrits ; ainsi, le culte des morts est aussi élément de vie, comme
dans toute société de culture méditerranéenne.
En outre, la personnalité de l’enfant sera marquée par l’habitat fami-
lial et notamment par sa localisation dans l’espace urbain : quartier des
cochers de Bab el Khadra, abords immédiats de la médina ou bien enco-
re quartier européen. De nombreux Maltais ont vécu ce passage d’un
quartier à un autre plus aisé au cours des générations ; ainsi dans la
famille Saliba, les grands parents vivaient à Bab el Khadra, et, eux-
mêmes, dans un immeuble à l’entrée de la médina ; quelque temps avant
leur nouvelle émigration en France, ils vinrent habiter dans un immeuble
du quartier européen. Claude Rizzo, dans son roman autobiographique
« Le Maltais de Bab el Khadra »487, fait allusion à cette problématique
dans la mesure où le jeune Gaétan Vella, accède finalement au lycée488
grâce à l’enseignement, complémentaire et original, d’une tante qui
demeure au début du secteur européen. Il découlera du changement spa-
tial de l’habitat, lié à une élévation du statut social, une ouverture plus
grande des familles en direction du milieu européen. Ainsi notre informa-
trice, Madame Vérié Cassar, témoignera d’un vécu plus proche des
Français et des Anglais. En contrepartie, elle tiendra à souligner
l’importance de l’espace intra-familial, gardien de l’identité maltaise, du
fait de la pratique de la langue maternelle et de l’importance de la reli-
gion catholique, facteurs prioritaires d’identification maltaise ; dans ce
cadre protecteur de la petite enfance, les codes familiaux ne seront pas
remis en question et le contenu infra-verbal, de la communication paren-
tale concernant l’héritage culturel maltais, tiendra lieu de transmission.
Plus tard, la scolarisation va, tout en introduisant l’enfant à un monde
multiculturel, lui faire davantage prendre conscience de ses origines.
Toutefois, dès 1830, les Anglais avaient déjà ouvert une école. « Mais
lorsque les frères des écoles chrétiennes inaugurèrent leurs écoles […],
les Anglais aidèrent les missionnaires pour l’instruction des Maltais. Ces
derniers, en effet, considéraient l’école de la rue des Maltais, comme leur
école à eux et c’est pour cette raison que les Anglais n’eurent plus
d’école »489. Cependant, F. Arnoulet note la création en 1856, rue des
Potiers490, d’une école d’obédience anglicane, par la société anglo-mal-
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aussi celle de l’enracinement sur une terre dont le jeune enfant garde la
trace, constitutive d’un « moi-peau »494, fait des brûlures du soleil, du
contact avec la mer. Un de nos interlocuteurs se souvient : « Ce dont je
me rappelle, ce sont les brûlures du soleil, mes frères et moi nous en étions
malades ; on ne se protégeait pas du soleil et nos jeux sur la terrasse
accompagnés de baignades en étaient la cause » ; sa mémoire sensorielle
rejoint, ici, celle d’Albert Memmi : « J’ai noté quelque part que lorsque je
faisais allusion au soleil, malgré moi je suggère une forme dangereuse,
qui donne migraines et méningites […] et non ces rayons totalement
agréables dont les Occidentaux sont si friands »495.
Inscrit dans une identité maltaise, l’enfant de la troisième génération
grandit parallèlement dans un environnement multiculturel ; souvent, le
statut social de la famille a progressé et il n’habite plus spécifiquement
dans le quartier maltais. Il va donc côtoyer davantage la population fran-
çaise sans cesser de fréquenter pour autant les associations spécifique-
ment maltaises telle la salle des fêtes de la rue de Grèce. Cette ouverture
a, elle-même, été préparée par la scolarité primaire, voire secondaire
dans les écoles françaises.
Ainsi le Maltais, né dans les années trente, se trouve porteur d’une
identité peu valorisée hors de son groupe d’appartenance ; il n’en discer-
ne pas bien les contours et les limites mais perçoit dès son enfance le dis-
cours implicite familial et groupal concernant notamment la réservation à
l’intra-groupal de sa langue maternelle, parallèlement à la pauvreté des
informations sur ses propres ancêtres et leur pays. Le silence de l’origine
ne va-t-il pas laisser la place à l’imaginaire, favorisant l’installation d’un
mythe français dans les mentalités maltaises ?
la seule culture est, bien sûr, la culture française qu’il a reçue durant sa
scolarité française en Tunisie.
Un autre interlocuteur, évoquant ses concitoyens en Tunisie, nous
dira : « On ne les voyait pas » ; mais souhaitaient-ils être vus, désignés en
tant que Maltais, comme étaient vus les Juifs et les Tunisiens, sous-enten-
du par les Français ? ’étaient-ils pas plus à l’aise dans une identité euro-
péenne imprécise hors du contexte intrafamilial et groupal maltais ? Ces
remarques n’introduisent-elles pas une forme de négativité dans la repré-
sentation chez les Maltais, de leur propre identité, eu égard aux autres
composants de la « Mosaïque tunisienne » ?
CONCLUSION
Porteur d’une enveloppe généalogique dépouillée de son histoire,
transformée en fonction de mythes maltais et coloniaux, associée à un
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2. PROCESSUS DE CONSTRUCTION
D’UN MYTHE FRANÇAIS EN TUNISIE
La question de l’impact de la colonisation française sur « les commu-
nautés maltaises de Tunisie, vivant en France », déjà étudié par
C. Sammut sous l’angle de « l’acculturation coloniale », me semble un
point essentiel dans la compréhension des processus de transmission.
Comment cette représentation d’une France mythique a-t-elle pu jouer un
rôle de fascination majeure sur la population maltaise au point de leur
faire « oublier » leur propre culture ? En effet, « le mythe ne relève pas
seulement d’un grand récit antique ou d’une célébration du sacré, il
s’inscrit dans la culture au quotidien »519.
Selon C. Sammut, « les migrants maltais avaient leur propre culture
d’origine qu’ils ont défendue ou nié dans une situation coloniale où se
développait une hiérarchisation des valeurs culturelles en fonction de
groupes ethniques sociaux qui étaient ainsi partagés entre une culture
française dominante et une culture tunisienne dominée »520. Les entretiens
que nous avons pu avoir personnellement avec des familles maltaises
confirment cette première hypothèse. Ainsi, le « territoire valorisé » de
Tunis, équivalent des grands boulevards parisiens, nous dit-on, commen-
çait à « Bab el Bhar » (porte de la mer), rebaptisée Porte de France, avec
à son début la statue du cardinal Lavigerie dressant une croix vers la
médina ; il se poursuivait par l’avenue de France où se trouvait la tombe
du soldat inconnu, pour s’achever sur l’avenue dominée par la statue de
Jules Ferry521. Tout semble, d’ailleurs, se passer à cette époque comme si
les Français voulaient ignorer l’existence des Maltais, en tant que peuple
ayant des racines, une histoire, une culture.
Le facteur principal d’entrée dans le mythe français sera effectivement
celui de la scolarisation. Elle s’effectue, comme nous l’avons déjà évoqué,
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acquérir un statut social plus aisé, voire connaître une réussite certaine ;
ainsi à Tunis, les entreprises des liqueurs Licari et des cafés Bondin conti-
nuent de se développer ; l’enseigne de ce café témoigne toujours de son
importance.
Enseigne du café
Bondin
chez les migrants est plus durable que celle d’autres caractéristiques cul-
turelles, comme la pratique religieuse ou l’usage de la langue maternel-
le » ; en outre, « certaines études suggèrent que les pratiques alimentaires
seraient les dernières à disparaître lors de l’acculturation »550.
Un de nos interlocuteurs, Philippe Schembri, soulèvera la probléma-
tique de l’absence de racines, en France, pour ses enfants adolescents ; en
effet, « lorsqu’on ne s’inscrit pas dans un circuit d’appartenance, le sen-
timent d’être soi reste flou : l’univers ne se structure pas, on n’acquiert
pas la notion du temps, ni l’idée que les générations se succèdent »531. Il
évoquera, à ce propos, la question des ancêtres inhumés en Tunisie et, par
là, une des difficultés de l’ancrage générationnel. En outre, certains de
ces lieux de mémoire que constituent les cimetières européens de Tunisie,
n’existent plus en raison de l’extension urbaine. C’est notamment le cas à
Tunis, de celui de Bab el Khadra, lieu d’inhumation des Maltais jusqu’en
1966 ; cependant quelques monuments, dédiés aux défunts maltais, ont été
transférés au nouveau cimetière européen, situé l’extérieur de la ville,
dans le quartier dit du Borgel ; d’autres n’ont pu être conservés par les
descendants et auraient disparu de la mémoire collective sans le travail
de l’historien P. Soumille.
Lors de la seconde émigration vers la France, il y aura reproduction
de la rupture vécue par les premiers émigrants maltais, vis-à-vis de leurs
ancêtres ; ainsi, C. Camilleri, évoquant l’état d’abandon du cimetière
chrétien de Porto-Farina, suite au départ des Maltais, résumait cet état de
fait par une phrase lapidaire : « Pour bien mourir à eux-mêmes, ils
avaient consenti à tuer leurs morts »552. S’agissait-il alors d’un travail de
deuil impossible ? Cette absence d’enracinement pourra-t-il être compen-
sé, au cours des générations, ou restera-t-il dans la catégorie du manque
et de l’absence malgré les voyages en Tunisie et à Malte de quelques-uns ?
et que quelques-uns uns s’y installèrent tandis que les autres se rendirent
en Afrique du ord »565.
otre interlocuteur, qui a sans doute eu connaissance de certains de
ces récits, les transforme car leur contenu est inacceptable pour lui ; dans
sa version, les Ouled Saïd ont une origine maltaise et donc chrétienne
alors que dans la légende tunisienne, cette tribu, tunisienne et musulma-
ne, aurait été à l’origine d’une partie de la population de Malte. Cette
modification du récit pourrait correspondre également au mythe berbère
présent dans une société coloniale qui, « par-delà plusieurs siècles
d’islam, imagina qu’elle renouait avec la tradition perdue d’une Afrique
latine et chrétienne »566.
Suite à son récit sur les « Ouled Saïd », Pierre donnera son point de
vue sur l’origine des différentes populations de « la mosaïque tunisien-
ne » ; il affirmera : « À Sfax, il y a des descendants de Bretons parce qu’ils
ont les yeux bleus ; à Tabarka, ce sont des Génois ; à Sousse, des Sardes
qui venaient comme domestiques dans les familles françaises, puis ils se
sont mariés avec des Espagnols et des Maltais ».
Ce qui importe ici, ce ne sont pas les éléments de réalité concernant
une population portuaire d’origine cosmopolite mais, plutôt les références
uniquement européennes ; notre interlocuteur a intégré un enseignement
de l’Histoire où, même dans les territoires colonisés, les ancêtres étaient
censés être des Gaulois aux yeux bleus. Pierre Grech conclura, cet entre-
tien, sur le fait que lui-même est Africain puisque né sur la terre d’Afrique
et que « les Maltais sont venus en Tunisie à cause de la peste transportée
par les marins du fait de la guerre de 1870 en France ». Cette affirmation,
au sujet des causes de l’immigration maltaise bien qu’inexacte, n’est pas
entièrement gratuite puisqu’il y eut effectivement des épidémies dévasta-
trices à Malte en 1815 (peste) et en 1837 (choléra). La caractéristique
principale de cette émigration qualifiée d’« émigration de la misère » se
trouve, ainsi, déplacée par notre témoin ; or, Pierre est suffisamment cul-
tivé pour connaître les causes de l’émigration de ses concitoyens sans
parler de celle ses propres ancêtres. Il tient cependant à nous présenter
l’histoire des Maltais en Tunisie, dans un « présent passé-recomposé » et
même plus, nous l’enseigner.
Malte est une femme berbère et un esclave turc. Ces légendes ne parais-
sent pas avoir été ignorées des migrants puisqu’elles ont été recueillies
auprès de Maltais de Tunisie. Comment les interprétaient-ils ? Vaste ques-
tion à laquelle nous ne pouvons répondre aujourd’hui sur la seule base de
la transformation d’une de ces légendes par Pierre, l’un de nos informa-
teurs.
Ces mythes, relatifs à l’origine, vont devenir « impensables » pour les
Maltais du fait de leur propre mythe fondateur catholique associé à celui
de la lutte contre l’envahisseur turc musulman. Ils sont pourtant connus et
même racontés par les émigrants maltais du début du XXe siècle ; sommes-
nous dans le paradoxe ? ous ne le pensons pas car il s’agit de récits
populaires et, nous avons à différentes reprises, souligné la proximité cul-
turelle des premiers immigrés avec le monde tunisien ; il faut certes exclu-
re de cette analyse la position des quelques familles de migrants aisés.
C’est donc, progressivement que ces mythes vont donc être refoulés, ou
transformés, comme dans la version de Pierre, pour devenir acceptables.
Ainsi, mythes et légendes à la fois proches et différents de l’Histoire sont,
eux aussi, fondateurs d’une culture aux sources mêlées et entrecroisées où
la Méditerranée reste sans doute, le principal élément fédérateur.
de Maltais pour pouvoir figurer ici. Dans ce cadre, nous pouvons citer une
association culturelle pluri-ethnique, celle de la Diaspora Sfaxienne qui
comptabilisait six cent vingt-cinq adhérents en 1993 ; ils sont, actuelle-
ment, pour la région Midi Pyrénées, au nombre de soixante-dix dont une
cinquantaine de membres participent régulièrement aux activités propo-
sées. « Les Sfaxiens », comme ils se nomment, forment un groupe différent
dans l’esprit ; partie des anciens élèves du collège de Sfax, à l’initiative
d’un de leurs professeurs Marcel Regui, cette association est ouverte à
tous les Sfaxiens, anciens ou actuels, « sans distinction de nationalité, de
religion, de milieu social, d’opinion politique » ; elle suit, en cela, les
objectifs de son fondateur.
Une mention particulière pour la revue éditée par « Les Sfaxiens » sous
le titre : « La Diaspora sfaxienne » dont les parutions mériteraient une
étude particulière ; une analyse de cette publication a antérieurement été
effectuée par P. Soumille en 1995, elle portait sur les 28 numéros parus
entre 1967 et 1994 ; « cet exercice délicat » [avait été] « voulu par les res-
ponsables de l’association et accepté par la plupart de ses membres »572.
Cette association continue actuellement ses activités en publiant un bulle-
tin semestriel et en proposant à ses membres des voyages culturels en
Tunisie et à Malte.
Quelques autres associations présentent un caractère plus spécifique-
ment en relation avec la religion catholique. Ainsi, celle de la Fraternité
Sainte Perpétue commémore, notamment à îmes et Vierzon573, le marty-
re de deux saintes, Félicité et Perpétue, dans l’amphithéâtre de Carthage
en 203 après J.-C. ; l’association, fondée par le père Pelloquin, ancien
curé de Tebourba dans les années d’après guerre (1945), propose princi-
palement des pèlerinages ou des cérémonies religieuses commémora-
tives ; elle publie également un bulletin trimestriel intitulé : « Échos de
sainte Perpétue ».
Un autre groupe rassemble les anciens de « La manécanterie des
Sables », chorale d’enfants de la cathédrale de Tunis, autour de son fon-
dateur M. Petit. La particularité de ce groupe, qui comprend de nombreux
descendants de Maltais, est que ses adhérents se retrouvent une fois par
an, dans une ville d’Europe où ont émigré d’anciens choristes. C’est ainsi
qu’en 2007, l’association s’est réunie à Rome à l’initiative des anciens
Italiens de Tunisie, membres de la chorale ; pour l’un de nos correspon-
dants qui participe régulièrement à ces rassemblements, ce groupe reste
le seul lien valorisé de son vécu en Tunisie.
Le Cercle Vassalli fondé en décembre 1999 correspond à une catégo-
rie différente d’association : il a « pour vocation de rassembler les per-
sonnes résidant en France, qu’elles soient maltaises, d’ascendance mal-
taise ou simplement amies de Malte, qui… contribuent par leur action
personnelle ou professionnelle, leurs recherches ou leurs travaux à une
meilleure connaissance de Malte, ceci afin de resserrer les liens entre
Malte et la France, notamment dans les domaines économiques et cultu-
rels »574. Il s’agit, donc, d’une association de coopération culturelle et
économique, différente des précédentes ; tournée vers l’avenir, elle se
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Tunis : tourisme-pèlerinage
Abordables sur un plan financier, les voyages en Tunisie demandent
une capacité de distanciation des vécus familiaux antérieurs pour les
anciens descendants de Maltais ; ils s’effectuent parfois de manière indi-
viduelle ou familiale afin de faire découvrir, par exemple à son conjoint,
Français de souche ou à ses enfants, le pays où ont vécu leurs ancêtres.
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Café CORDIA
DEBO Import-Export
Francisco FEECH Granite Works
CASSAR Bros. Merchants
PORTELLI BRICAT Ldt
BARTOLO Import-Export
CAMILLERI Hadware Products
ZAMMIT Florist
VELLA General Stores
BUSUTIL Antique Jewelry
AZZOPARDI Fisheries
GAUCI Versailles Antiques
MUSCAT Household Stores
BUTTIGIEG Insurances Ldt.
PACE Avokat
MICALLEF Swimming Pools
Borg OLIVIER utar
SCICLUA’S Hiring Service
l’arabe et de l’italien) alors que tu n’en sais qu’une »602. De même, une de
ses filles, Anne, qui avait, au collège, eu honte de son nom maltais, du fait
de sa consonance arabe, me dira : « maintenant je suis fière d’être mal-
taise ».
S’inscrivant dans une démarche bien actuelle, les descendants des
Maltais essaient au travers de recherches généalogiques de retrouver leur
histoire familiale. En effet, la dispersion des familles, autant que les
modes de vie contemporains, incite les personnes à trouver des repères
dont ils n’éprouvaient pas le besoin notamment dans les anciennes
familles patriarcales maltaises de Tunisie ; ainsi, de jeunes Français se
disent fiers de leur ascendance maltaise et effectuent des recherches
généalogiques. Madame Vérié Cassar s’est trouvée en contact, il y a
quelques années, avec un petit nombre de ces jeunes afin de les aider dans
leur démarche de réappropriation de leurs racines. D’autres utilisent des
sites Internet de généalogie603 où ils publient leur arbre familial ; nous
avons pu, ainsi, retrouver, sur ce site, les patronymes de la majorité de nos
correspondants sans pouvoir, toutefois, établir, avec exactitude, les liens
de parenté avec les personnes connues, du fait de l’occurrence des mêmes
prénoms et patronymes ; ces recherches se révèlent donc complexes, pour
les descendants des Maltais, pour les années antérieures à l’immigration
en Tunisie604.
La généalogie, en compensant une impossible transmission matérielle,
concrétise, effectivement, l’articulation avec les générations précédentes ;
de ce fait, elle autorise à penser l’acte de transmettre. C. Sammut conce-
vait ces recherches, lors d’un récent colloque du Cercle Vassalli605, comme
la manifestation d’un retour virtuel vers la terre d’origine sur le mode
symbolique ; peut-on cependant, envisager cette démarche comme un
retour, même symbolique, dans la mesure où trois générations d’émigrants
en Tunisie ont distancié l’ancrage territorial maltais lui préférant un
ancrage symbolique français ? S’agit-il seulement de restaurer le mailla-
ge de la chaîne des générations par une démarche psychologique permet-
tant une réassurance des origines maltaises et de l’histoire familiale
migratoire parallèlement à un vécu dit, « entièrement français », pour ces
descendants de Maltais, parfaitement intégrés en France mais coupés de
leur propre histoire ? Ainsi Carmel, notre témon-relais, découvrait au
cours d’entretiens qu’un de ses condisciples du secondaire avait une
ascendance maternelle maltaise ; le père de ce jeune étant français, son
patronyme n’indiquait pas, a priori, l’existence d’une branche familiale
maltaise ; les raisons du non-dit enfantin se situent, peut-être, du côté
d’une valorisation familiale de la branche française, en adéquation avec
le discours des enseignants français ; il se peut aussi que le contexte de
dévalorisation eu égard aux « non Français de souche » n’ait pas favori-
sé le partage de cette commune origine.
D’autres, parmi nos correspondants, exprimeront également le regret
d’une coupure des racines mise en parallèle avec une parfaite intégra-
tion ; s’agit-il seulement d’un problème psychologique individuel ? Certes,
l’individu en tant que sujet singulier est concerné mais cette probléma-
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Conclusion
Un bref parcours à la fois géographique et historique a permis, dans
un premier temps, d’approcher l’histoire de deux pays souvent « frères
ennemis » : Malte et la Tunisie. Après le temps des échanges de popula-
tion, notamment d’esclaves à l’époque de la Course, est venu celui, pour
les Maltais, de l’émigration. En effet, au XIXe siècle, les problèmes démo-
graphiques et économiques de l’archipel maltais rendaient impossible la
survie de nombreuses familles. L’émigration était la seule solution envi-
sagée, tant par les Anglais que par les Maltais eux-mêmes. La Tunisie est
alors devenue une des terres d’accueil pour ces Maltais qui tenaient à
marquer leur différence d’avec les autochtones par leur appartenance à
la chrétienté. La parenté linguistique entre ces deux territoires, du fait de
l’origine pré-hilalienne de la langue maltaise, a été soulignée ainsi que
l’importance des querelles linguistiques, sur l’archipel maltais au
XIXe siècle ; ces dernières ont été mises en relation avec les différentes
périodes de l’Histoire de Malte où, conquérants ou esclaves, des popula-
tions d’origine arabe, ont vécu sur l’archipel.
os recherches se sont appuyées à la fois sur la consultation
d’ouvrages de référence, d’archives et de documents dans les pays
concernés. La confrontation avec la mémoire des descendants nous a
introduite dans le vécu ordinaire de ces premiers immigrants, confrontés
à des similitudes culturelles, notamment linguistiques, sur le territoire
d’immigration. Les premiers immigrés dont le mode de vie et la langue
restaient proches des autochtones, avaient effectivement leur place, dans
le melting-pot tunisien où les Français n’étaient pas majoritaires ; ils
constituaient une communauté parmi d’autres. ous avons également
relevé le fait que, durant les premiers temps de l’immigration, les Maltais
avaient pu garder un lien avec leurs origines maltaises, non seulement
grâce aux allers-retours de quelques-uns uns, mais aussi en raison de la
conservation de légendes et de coutumes, parfois communes à celles du
pays d’accueil. Ainsi, ces premiers émigrés paraissaient avoir été recon-
nus, acceptés, dans leur différence et leur proximité par les Tunisiens et
les autres communautés migrantes ; leur religion, certes, divergeait de
celle des autochtones mais elle n’était pas synonyme d’exclusion, compte
tenu des relations entre les divers groupes de population présents en
Tunisie ; l’émigré maltais ne remettait pas en cause la culture du territoi-
re d’accueil.
En outre, les témoignages apportés par les Tunisiens ont permis, non
seulement, de compléter nos informations sur la vie des Maltais, mais
aussi de mieux saisir les relations entre les communautés. Le suivi migra-
toire de quelques familles, au cours des générations, a révélé la corréla-
tion entre histoire familiale et Histoire collective en soulignant
l’importance pour l’immigré, d’une insertion sociale réussie. ous avions
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485 Réflexions écjrites de Philippe Cortis, frère de Charles Cortis, cité précédemment.
486 Actuellement, le cimetière de Bab el Khadra n’existe plus ; il a été transféré, de
même que le cimetière juif, au Borgel où ils sont mitoyens.
487 Rizzo, C. Le Maltais de Bab el Khadra, Paris : Lafond, 2003.
488 Il s’agit du Lycée Carnot de Tunis.
489 Dessort, C.R. L‘histoire de la ville de Tunis, p. 167, op. cit.
490 Il existe toujours une école à cette adresse.
491 Cité par Habib Jamoussi (Juifs et chrétiens de Tunisie au XIXe siècle, p. 304, op.
cit.)
492 Actuellement avenue Habib Bourguiba.
493 Salammbô petite ville balnéaire de la banlieue de Tunis ; proche de Carthage, elle
fut rendue célèbre par le roman de Flaubert intitulé « Salammbô » en 1862.
494 Anzieu, D. Le Moi-Peau, Paris, Dunod, 1985.
495 Memmi, A. La terre intérieure, p. 225, op. cit.
496 Adonis : « dieu phénicien de la Végétation, honoré dans le monde gréco-romain. Le
mythe de sa mort et de sa résurrection est le symbole du cycle annuel de la végéta-
tion. » Larousse.
497 Cassar Pullicino, J. Studies in Maltese Folklore, p. 20, op. cit. (L’auteur signale la
présence de cette coutume en en Sicile, Calabre et Sardaigne.)
498 Darmon, R. Déformation des Cultes en Tunisie, p. 12, op. cit.
499 Nous pensons également à la légende des Sept dormants d’Éphèse.
500 Dornier, F. Les catholiques en Tunisie au fil des ans, p. 172, op. cit.
501 Darmon, R. Déformation des Cultes en Tunisie, p. 64, op. cit.
502 « Figolli » : il s’agit d’un gâteau de massepain en forme de poisson, colombe ou
panier garni d’un œuf en son milieu ; ces friandises étaient destinées aux enfants, (cf.
Porto- Farina, p.), « Pastizzi » : pâte feuilletée farcie de ricotta et de petits pois.
503 Cette coutume est encore en usage à Malte dans un grand nombre de familles. On
présente actuellement à l’enfant des jouets, censés représenter une activité adulte,
tel un jeu de construction par exemple.
504 Flash, Bulletin de l’Église catholique de Tunisie, déc. 2003.
505 Sanguy, P. « Une vision de l’émigration maltaise au début du XXe siècle », Le
départ et le retour dans le monde anglophone, op. cit.
506 Ibid.
507 Horus : « Dieu solaire de l’ancienne Égypte, symbolisé par un faucon ou par un
soleil ailé » (Dict. Larousse).
508 Courrier de Madame Vérié Cassar.
509 D’autres légendes se sont transmises, les premières années de l’immigration, notam-
ment par le père Manwel Magri.
510 Cassar Pullicino, Some Considerations in Determining the Semitic Element in
Maltese Folklore, Actes du premier Congrès international d’Études des Cultures
Méditerranéennes d’influence arabo-berbère, p. 52, op. cit., (traduction).
511 Légende datant du Moyen-Âge et racontant l’histoire d’un monstre dévoreur
d’enfants en catalogne Nord à Rivesaltes.
512 La légende du Babau, ville de Rivesaltes (66), bulletin de l’Office d’Animation et
de Tourisme. Annexes
513 La défaite des Italiens lors de la guerre de 39-40 sera également une des causes de
ces changements.
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514 La situation semble la même en France, aujourd’hui, vis-à-vis des diverses popula-
tions immigrées.
515 Galley, M. L’Imnarja, la fête des lumières à Malte, littérature arabo-berbère,n°14,
p. 213 (note 6), op. cit.
516 Calvet, J-L. « Diffusion et évolution des langues », Qu’est-ce que transmettre ?
Sciences Humaines, 2002, n° 36, p. 35.
517 Camilleri, C. Psychologie et culture, concepts et méthodes, Paris, A. Colin, 1995,
p. 59-60.
518 Ibid.
519 Fabre, T. Petites et grandes mythologies méditerranéennes. p. 14, op. cit.
520 Sammut, C. « Les communautés migrantes maltaises de Tunisie installées en
France, un cas d’acculturation coloniale », Le cuisinier et le philosophe, hommage
à Maxime Rodinson, op. cit.
521 Cf. p. 151
522 Qu’en était-il alors de la langue arabe dans le système colonial français ?
523 Sammut, C. Les communautés migrantes maltaises de Tunisie installées en
France un cas d’acculturation colonial, Le cuisinier et le philosophe, hommage à
Maxime Rodinson, op. cit.
524 Abela R.A., Zammit A.M. Les Français de souche maltaise, p. 236- 237, op. cit.
525 Ibid.
526 Cette représentation des peuples arabes ne continue-t-elle pas de se transmettreœ
527 Vilain-Gandossi, C. « Médianité de l’Archipel Maltais » in Le Carrefour Maltais,
p. 8, op. cit.
528 La Grande Encyclopédie Larousse, « Paris ».
529 Ibid. « Bretagne ».
530 Camilleri, C. Chocs de cultures, Paris, l’Harmattan, 1989, p. 258.
531 Cf. Annexe, p. 273.
532 Vadala, R. Les Maltais hors de Malte, p. 67-77, op. cit.
533 Ibid.
534 Abela R. À, Zammit A. M. Les français de souche maltaise, p. 78, op. cit.
535 Cf. Accord Curzon, Annexe, p. 276.
536 Skik, H. Les Maltais en Tunisie, Actes du premier Congrès international d’Études
des Cultures Méditerranéennes d’influence arabo-berbère, op. cit.
537 Nous limiterons cette partie de notre étude aux familles installées en France.
538 La situation des Maltais ayant rejoint l’Angleterre présente des aspects différents,
du fait de l’ancienne situation coloniale maltaise.
539 Les blasons des familles maltaises sont disponibles sur le site :
http://www.searchmalta.com
540 Cf. Troisième partie, Place et sens des patronymes maltais, p. 103.
541 Sanguy, P. Les cahiers Vassalli, n° 3, 2000, p. 22-23.
542 Ibid.
543 Réflexions entendues lors de différents voyages à Malte : en 2003 lors d’une
réunion de famille regroupant des « Maltais-Français » et des « Maltais Anglais »,
originaires de Tunisie ; puis, en 2006, avec des anciens Maltais de Tunisie et
d’Algérie, originaires du Sud de la France.
544 En Tunisie, les minorités culturelles utilisaient de manière fréquente le « sabir »,
mélange d’italien, français, tunisien, maltais comme mode d’expression.
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545 Cf. Troisième partie, Église catholique et Maltais émigrés : une situation paradoxa-
le, Partie, p. 79.
546 Notre informatrice possède cependant une parfaite maîtrise du maltais, écrit et oral.
547 Guillaumin, J. Théorie du négatif ou pensée du négatif en psychanalyse in Le néga-
tif-Travail et pensée. L’esprit du temps, perspectives psychanalytiques, Paris, P.U.F.
1995, p. 142.
548 De nombreuses coutumes sont effectivement communes à l’ensemble des rives de
la Méditerranée.
549 Melouklia plat arabe à base de poudre de corète (variété d’épinards), il possède une
odeur caractéristique. Mekbouba plat juif à base de poivrons et de pommes de terre.
550 Calvo, M. Migration et alimentation, Information sur les sciences sociales, 21,
1982, pp. 383-446, cité par Kotzakaï, T. L’étranger, l’identité, Essai sur
l’intégration culturelle, Paris : Payot & Rivages, 2000, note 1, p. 227.
551 Cyrulnik, B.Les ourritures affectives, Paris, Odile Jacob, 1993, p. 83, (cité par
Mohamed Ahmed in Langues et Identité, les jeunes maghrébins de l’immigration,
SIDES 2003, p. 164.)
552 Camilleri, C. Une communauté maltaise en Tunisie entre les groupes arabo-berbères
et français, Actes du premier congrès des cultures méditerranéennes, Malte, op. cit.
553 La situation sera différente pour ceux des Maltais de Tunisie qui émigreront en
Australie après l’indépendance de la Tunisie.
554 Homère, L’Odyssée. Paris : Cercle du Bibliophile, Chant IX p. 146.
555 On peut également faire le rapprochement avec les migrants du XXe siècle.
556 Témine, E. Ulysse, ou l’homme mythifié. Petites et grandes mythologies méditerra-
néennes, La pensée de midi, 2007, n° 22, p. 25.
557 Langues sémitiques : « ensemble de langues parlées dans un vaste domaine de
l’Asie occidentale à l’Afrique du Nord (arabe, hébreu). Dictionnaire Larousse,
1980.
558 Granjon, E. « Mythopoièse et souffrance familiale, in revue de thérapie familiale
psychanalytique », Divan familial, n°4, p. 13-14, op. cit.
559 Cazalis, A-M. La Tunisie par-ci, par-là, p. 63, op. cit.
560 Galley, M. Imnarja, La fête des lumières à Malte, littérature arabo-berbèren n°14,
pp, 163-164, op. cit.
561 Sanguy, P. « Une vision de l’émigration maltaise au début du XXe siècle, Les nou-
velles “Nord-Africaines” de Sir Temi Zammit » Le départ et le retour dans le monde
anglophone, op. cit. (La persécution des musulmans maltais dont il est question, eut
lieu au milieu du XIIe siècle… cette histoire est d’origine plus tardive.)
562 Région des tables de Jugurtha (roi de Numidie, 118-105 av. J.-C.)
563 Servonnet J., Lafitte F. « Le golfe de Gabès en 1888. » (Document aimablement pro-
curé par un jeune étudiant franco-tunisien, Ahmed Choukri)
564 Excursions en Tunisie, livret guide du Centre, Sousse, 1904-1905, propriété exclu-
sive de l’imprimerie, librairie française à Sousse, (ce livre dit « de réserve » est
interdit de photocopie ; il contient un plan de Sousse, non accessible, et de nom-
breuses photos d’époque.)
565 Cassar Pullicino J. Some Considerations in Determining the Semitic Element in
Maltese Folklore, Actes du premier Congrès international d’Études des Cultures
Méditerranéennes d’influence arabo-berbèren op. cit. (Traduction)
566 Courbage, Y/Fargues, P. Chrétiens et Juifs dans l’Islam arabe et turc, Paris : Payot
& Rivages, 1997, p. 118.
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596 Petite ville rurale située au centre de Malte (voir carte p. 27) Actuellement urbani-
sée et développée, cette ville est le siège d’une importante foire agricole.
597 Cf., p. 194.
598 Les relevés actuels concernant ces plantations ne permettent pas de distinguer le
pays d’immigration, en Afrique du Nord, de ces familles ; en effet, seules les
adresses des demandeurs sont relevées ; de nombreux arbres ont été plantés par les
Maltais ayant émigré en Australie.
599 Je ne reviens pas, ici, sur la problématique des Maltais, restés britanniques.
600 Kozakaï, K. L’étranger, l’identité, p. 71, op. cit.
601 Granjon, E. « Traces sans mémoire et liens généalogiques dans la constitution du
groupe familial », Le couple et la famille, Dialogue, Paris, 1987, n° 98.
602 Entretiens familiaux, 2002.
603 Geneanet : www.geneanet.org
604 Les recherches généalogiques à Malte sont basées sur deux relevés bénévoles : la
collection Adami pour Malte et la collection Zammit pour Gozo (1600 à 1820) ; ces
relevés peuvent présenter des erreurs compte tenu de la fréquence de patronymes
identiques et de libellés orthographiques variables. De plus les années 1820 à 1863
sont absentes de ces relevés ; or ces dernières années correspondent à celles des
immigrations vers l’Afrique du Nord.
605 Colloque d’avril 2007.
606 Assoun, P.-L. « La transmission et son envers inconscient », Envers et revers de la
transmission, Ethnologie française, Paris : PUF, 2000, n° 3, p. 339.
607 Depuis 2008, le principe de la double nationalité est accepté par Malte et peut favo-
riser pour quelques-uns, cette acquisition.
608 Textes de lois : annexes p. 273.
609 Assoun, P. L. “La transmission et son envers inconscient” Envers et revers de la
transmission, p. 244, op. cit.
610 Il s’agit de la France, de l’Espagne, de l’Italie et du Maroc.
611 Henry, J.-R. La Méditerranée nouvelle frontière européenne, Sciences Humaines :
1996-1997, hors série, n° 15, p. 46.
612 Dugas, G. Vie et mort d’une littérature de l’immigration : La littérature Italo-
Maltaise en Tunisie, Études littéraires maghrébines, n° 7, disponible sur :
http://www.limag.refer.org/
613 Rizzo, C. Le Maltais de Bab el Khadra, Paris : Lafond, 2003 ; Lacour Galea, J. En
fermant les yeux, Je vois, Là-bas, Le champ des cadets, 1996 ; cette liste d’auteurs
n’est certes pas exhaustive.
614 Ciccone, A. La transmission psychique inconsciente, Paris : Dunod, 1999, p. 183.
615 Ibid., p. 182.
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Archives Tunisie
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Série historique : Grande Bretagne, Correspondance, Missions tunisiennes
à Londres et à Malte, (1814-1883).
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Journaux maltais.
Il Habib ta Tunes (19 février 1916-4 novembre 1916).
Melita (25 avril 1915, 23 janvier 1916), The weekly Melita (30 janvier
1916, 21 janvier 1917).
Melita, Sousse (janvier 1937, août 1939).
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Littérature
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Rizzo, C. Le Maltais de Bab el Khadra, Paris : Lafon, 2003.
Annexes
Textes législatifs
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(00224) 60 20 85 08
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(00237) 99 76 61 66
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