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Blockchain & Secteur Immobilier : une technologie adaptée et prometteuse

Xavier Pican, associé et Léa Puigmal, collaboratrice, du cabinet Osborne Clarke, analysent
les potentielles utilisations de la blockchain dans le secteur immobilier.

Le MIPIM 2020 a été annulé cette année en raison de la crise liée au Covid-19 ce qui ne
nous empêche pas de partager avec vous notre retour d’expérience sur l’utilisation de la
technologie Blockchain dans le secteur immobilier. Nous constatons que cette technologie
séduit de plus en plus tant les acteurs du secteur privé que du secteur public qui en
apprécient ses apports notamment en matière de gestion d’actifs immatériels, de
certification, d’horodatage et de création de contrat à exécution automatique, autrement
appelé « smart contrats ». Rappelons que la Blockchain ou technique de registre partagé
(Distributed Ledger Technology, DLT) est une technologie de stockage et de transmission
d’informations, transparente, sécurisée, irréversible, incorruptible et fonctionnant sans
organe central de contrôle1.

Elle permet la constitution de registres répliqués et distribués, structurés par des blocs liés
les uns aux autres, à intervalles de temps réguliers. Techniquement, aucun document n’est
réellement stocké via la Blockchain ; seule leur empreinte numérique y figure par la
technique du hachage dont l’intégrité et la fiabilité sont garanties par la cryptographie. Pour
le secteur immobilier, cette technologie semble particulièrement adaptée en ce qu’elle
apporte la décentralisation, l’automatisation contractuelle, la transparence, la facilitation de
la gestion des démarches administratives et notamment la gestion de l’approvisionnement
énergétique des logements, la traçabilité des échanges entre tous les protagonistes d’un
projet immobilier nécessaire sur un marché où la preuve et l’authenticité sont essentielles.

La technologie Blockchain présente ainsi des avantages prometteurs pour la gestion d’un
projet immobilier et ses différents protagonistes et conduit à une (r)évolution de toutes ses
étapes : (i) Conception & Construction & Exploitation, (ii) Contractualisation, (iii) Gestion
Administrative et (iv) Financière.

Phase Conception & Construction & Exploitation : une circulation sécurisée et encadrée des
informations

Traçabilité des flux de données et approche transversale


Les projets immobiliers ou de construction impliquent un flux important de données
(construction, plans, maquettes, entretien, autorisations administratives, consommation,
données environnementales ou météorologiques) entre l’ensemble des acteurs d’un projet
immobilier. La Blockchain favorise ainsi l’inter-professionnalité et le dialogue entre les
métiers (promoteur, maître d’ouvrage, architectes, bureaux de contrôles et d’études,
assureurs, investisseurs, architecte, notaire, avocat). Cette transversalité alliée à la
traçabilité des informations et des échanges en réduit les délais de traitement et les couts et
facilite la gestion des différentes étapes d’un projet immobilier. Nous constatons que le flux
de données est d’autant plus important aujourd’hui avec l’essor des objets connectés et la
multiplication des projets innovants, tels que les smart city ou les smart ports.

Transparence et renforcement de la confiance des acteurs


Si la combinaison de la Blockchain et du BIM - Building Information Modeling ou
Modélisation des Informations du Bâtiment » n’est pas encore démocratisée, elle pourrait
être gage de confiance pour les professionnels parties prenantes d’un projet immobilier2.

Le BIM se définit comme une technique de modélisation par maquette numérique


particulièrement utile dans la construction. Perçu comme une méthode de travail à part
entière, le BIM permet le partage d’information, de la conception à l’exploitation du bâtiment
finalisé et de réaliser des simulations notamment énergétiques, des contrôles (respect des
normes qui réglementent le secteur ou de budget) et des visualisations (maquette
numérique du projet en 3D qui permet la collaboration de tous les intervenants en temps
réel). La Tour Trinity, dans le quartier de la Défense à Paris, en est un parfait exemple en ce
qu’elle a été entièrement modélisée en BIM.

La fonction d’horodatage de la Blockchain constitue un élément prometteur pour renforcer la


confiance des différents acteurs d’un projet immobilier. Elle permet de tracer l’ensemble des
versions des plans ou des maquettes de manière certaine et de les attribuer à un acteur
déterminé. La confiance des parties prenantes en une infrastructure robuste que représente
la Blockchain permet sans aucun doute d’amorcer la transition digitale de l’immobilier.

Phase Administrative : vers un cadastre Blockchain ?

Comme le met en avant Blockchain France, le « hub de la Blockchain en France », « la


Blockchain en tant que registre à la fois transparent et sécurisé, intéresse d’ores et déjà
plusieurs pays pour y héberger leur système de cadastre, document qui recense l’état de
propriété foncière sur le territoire ». En effet, la Blockchain en tant que registre infalsifiable
assure la sécurité nécessaire pour la tenue du cadastre. On observe plusieurs projets dans
le monde intégrant cette technologie pour la gestion des titres de propriété et des conflits
fonciers porté, notamment au Ghana par l’ONG Bitland ou en Géorgie dont le projet est
porté par le Gouvernement. En Suède, le Landmäteriet (le service national du cadastre)
utilise la technologie Blockchain pour l'enregistrement des titres de propriétés et des
terrains. Ce registre est consultable par différents acteurs (banques, agences immobilières,
propriétaires).

Phase Contractuelle : l’automatisation des transactions immobilières

La Blockchain apparait comme un vecteur prometteur d’automatisation des transactions


immobilières. En effet, elle permet de sécuriser et tracer les différentes étapes du processus
contractuel d’un contrat autrement appelé « smart contrat ». En pratique, il s’agit de la
programmation en code d’une chaîne d'évènements : début et fin d’un contrat, transfert de
fonds, remise de document, etc. L’utilisation de la Blockchain dans les transactions
immobilières en fournissant un cadre décentralisé et sécurisé aux échanges des documents
contractuels et de leurs versions en fonction des les étapes de l’opération immobilière
permet un gain detemps et de couts. Néanmoins, il est important de rappeler qu’en l’état du
droit positif en France, les smart contrats ne peuvent être considérés comme des contrats
per se.

Phase Financière : la tokenisation des actifs immobiliers


La tokenisation des actifs immobiliers redessine les contours de la propriété immobilière et
de la gestion des actifs immobiliers. Le contexte législatif français est d’ailleurs plutôt
favorable à ce développement en instaurant une règlementation relative à l’usage de
crypto-monnaies et l’utilisation de la Blockchain comme dispositif de transmission d’unité de
valeur telle que des crypto-monnaies ou tout autre actif sous forme numérique3.

A titre d’exemple, en juin 2019, la première transaction immobilière relative à un hôtel


particulier dit « AnnA » à Boulogne Billancourt a été réalisé via une Blockchain. Les parts de
propriété de l’hôtel ont fait l’objet d’un enregistrement sur Blockchain et ont été digitalisées
en « tokens » ou « jetons » ; le bien immoblier est dès lors « tokenisé ». Chaque token
détenait ainsi les conditions d’achats et de vente des titres. L'ensemble de ces parts émises
(actifs numériques) par le vendeur a ensuite été transféré via la Blockchain aux deux
promoteurs immobiliers constituant ainsi un le premier transfert d’un actif immobilier via la
technologie Blockchain. Le processus de transaction et les documents associés (acte
notarial, certificat de propriété, clés d’identification de l’acheteur ou du vendeur etc) sont
ainsi infalsifiables et accessibles sur la Blockchain.

En revanche, les opérations d’achat / vente en tant que telles ne peuvent être réalisées en
France que par la présence d’un notaire. Cette transaction a d’ailleurs fait l’objet de toutes
les diligences notariales traditionnelles (notamment l’acte notarié relatif à l’hôtel particulier et
la certification de l’enregistrement des titres de propriété sur la Blockchain). Sur ce dernier
point, il est intéressant de noter une évolution significative en réponse au confinement
instauré pour lutter contre le virus Covid-19. Il est désormais possible de réaliser un acte
notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire et de facto une vente immobilière à
distance ce qui ouvre des perspectives4.

Conclusion & Impact Business

La Blockchain présente des avantages prometteurs pour les professionnels de l’Immobilier :

- gestion transversale, sécurisée et transparente de toutes les étapes d’un projet immobilier ;

- réduction des couts et délais de traitement, de saisie ou de vérifications des documents qui
sont nombreux dans le cadre d’un projet immobilier ;

- confiance renforcée des acteurs en raison de la robustesse de cette technologie et son


caractère infalsifiable ;

- tokenisation des parts de propriété immobilière, fluidité et liquidité.

Si l’utilisation de la Blockchain semble particulièrement répondre aux besoins du secteur


immobilier, cette technologie est également prometteuse dans d’autres secteurs. La France
qualifiée de « Blockchain nation » entend être fédératrice dans ce domaine ; l’annonce de la
création d’une Fédération française des professionnelles de la Blockchain s’inscrit d’ailleurs
dans ce dynamisme qui ne peut être que salué.

Xavier Pican, associé et Léa Puigmal, collaboratrice, du cabinet Osborne Clarke

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