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La guerre de la Guadeloupe

Conférence proposée par

Frédéric Régent
Président du comité national de la mémoire et de l'histoire de l'esclavage
Maître de conférences en Histoire Moderne
Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne
Institut d’histoire moderne et contemporaine (IHMC)
Institut d'Histoire de la Révolution Française
(IHRF, institut crée par Jean Zay en 1937)
Plan
• L’abolition de l’esclavage de 1794
• La politique réactionnaire de Bonaparte
• La guerre de la Guadeloupe
Les sources
• La correspondance administrative, ANOM série C7
• Le mémoire de Magloire Pélage, 1803.
• Auguste Lacour, histoire de la Guadeloupe, 1855-1860
L’abolition de l’esclavage de 1794

• Saint-Domingue
• Le 4 février 1794
• L’application en Guadeloupe (7 juillet 1794)
La politique réactionnaire de Bonaparte
• Le coup d’état de Bonaparte : Les colonies régies par des lois spéciales
• Lacrosse, l’envoyé de Bonaparte
• La réaction de l’armée de couleur
La rébellion de la Guadeloupe 1801-1802
• En octobre 1801, Delgrès est aide de camp de Lacrosse.
• Delgrès, alors à Basse-Terre, ne participe pas directement à l’insurrection
des troupes de couleur de Pointe-à-Pitre contre Lacrosse, le 21 octobre
1801. Il accompagne Lacrosse à Pointe-à-Pitre et se rallie aux rebelles, le 24
octobre, lorsque le capitaine général est emprisonné.
• Lacrosse. qualifie de sans-culotte, ce qui indique son profond engagement
révolutionnaire et sa proximité avec les idées jacobines.
• Il est nommé chef de la place de Basse-Terre par Pélage. Le 5 janvier 1802,
il destitue des fonctionnaires blancs, accusés de correspondre avec
Lacrosse. Deux jours plus tard, il devient chef de l'arrondissement de
Basse-Terre. Les 15-16 février, en collaboration avec Massoteau, il fait
arrêter des officiers blancs.
Les préparatifs de l’expédition Richepance
• 13 février 1802 : le général de brigade Sériziat chargé de remplacer
Béthencourt prend possession de Marie-Galante,
• .1Er avril: départ d’une flotte et de 3700 soldats commandés par
Richepance.
La guerre de Guadeloupe
• La révolte de Delgrès : mai 1802
• La poursuite du combat après la mort de Delgrès
• Le rétablissement de l’esclavage
La soirée du 6 mai 1802
• Le général en chef vint ensuite et les passa en revue et je les embarquai avec
leurs armes sous prétexte de les utiliser plus avantageusement ailleurs. La moitié
partit avec deux de mes officiers, je restai pour conduire l’autre, mais
malheureusement cette première moitié passa devant une partie de la division
Sériziat où étaient réunis quelques anciens officiers blancs de la Guadeloupe. Et
malgré mon ordre, malgré ceux du général dont mes officiers étaient porteurs,
on les désarma avec beaucoup d’humiliation avant de les embarquer.
J’accompagnai moi-même la seconde moitié jusqu’au quai et j’y restai jusqu’à son
embarquement pour empêcher qu’on en fit autant. Quatre chefs Massoteaux,
Palerme, Ignace et Corbet avec une centaine de noirs armés échappèrent à la
faveur de la nuit après les mauvais traitements qu’on leur avait fait éprouver (...)
nous manquâmes l’occasion de prévenir la guerre, nous pouvions arriver le 17 ou
le 18 à la Basse-Terre où l’on nous attendait avec les mêmes dispositions qu’à la
Pointe-à-Pitre (...) Il était possible avec un peu d’adresse et sans verser du sang, et
avec l’imposante masse de troupes arrivées d’Europe de remettre l’ordre et
réduire les nègres dans un esclavage aussi vigoureux que celui qui existe dans ce
moment
Delgrès : chef de l’opposition à Richepance
• A l’arrivée de l’expédition Richepance, le 6 mai 1802, Delgrès nomme
Trosseau, officier blanc qui se joint à une délégation envoyée par la
municipalité de Basse-Terre pour recevoir ses ordres de l’envoyé
Bonaparte. Informé des mauvais traitements qu’on subi les soldats de
couleur et craignant en outre que Richepance revienne en
Guadeloupe avec Lacrosse dans ses bagages, Delgrès exige l’ouverture
de négociations, dont le préalable est le rembarquement des troupes
de Richepance. Ce dernier refuse et les combats commencent le 10
mai 1802. Face aux 3.500 hommes de Richepance renforcés par les
Blancs de la garde nationale, Delgrès dispose d’un millier de soldats
réguliers.
Signature de Louis Delgrès
Une infériorité numérique
• Pour compléter son armée, il tente de soulever les cultivateurs.
• Delgrès semble avoir obtenu un soutien populaire très différencié. Si
de nombreux cultivateurs participent aux premiers combats de Baillif
ou rallient les camps de rebelles de Dolé et de Matouba. Pourtant,
dès que les troupes de Richepance montrent leur supériorité, la
masse des cultivateurs reste dans un attentisme prudent.
Le plan de campagne de Delgrès
Le plan de campagne suivi par Delgrès est celui prévu en cas d’attaque
anglaise. Victor Hugues a d’ailleurs dressé de nombreuses batteries le
long de la Rivière des Pères. Le plan de défense se déroule en quatre
phases : empêcher un débarquement, défendre la Rivière des Pères,
défendre le fort Saint-Charles et se réfugier au Matouba et attendre
que la fièvre jaune ravage le corps expéditionnaire.
L’encerclement de Basse-Terre
• 10 mai
Les troupes de Richepance débarquent à Baillif et atteignent la rive droite de
la Rivière des Pères après une lutte difficile.
Succès de Palerme et Jacquet contre le bataillon de Merlen, à Dolé. Merlen
se rend au plateau du Palmiste par les bois, dans la nuit du 10 au 11 .

• 11 mai
Combats sanglants entre les troupes de Richepance et de Delgrès à la Rivière
des Pères. Selgrès repossé derrière la Rivière aux Herbes. Nouveau succès
de Palerme et Jacquet entre Dolé et Trois-Rivières. Echec de Palerme face à
Merlen au Palmiste. Les troupes de Richepance franchissent la Rivière des
Pères et atteignent la Rivière aux Herbes.
Le siège du fort
• 12 mai 1802: Delgrès repoussé dans le fort Saint-Charles.
• 13 mai 1802: Seriziat rejoint Merlen au Palmiste.
• 13 mai 1802 : lettre de Delgrès qui refuse de se rendre. « Vive
Bonaparte vivre libre ou mourir »
• 14 mai 1802: début du siège du Fort Saint-Charles
• Mi mai: 600 hommes de couleur mis à disposition par Pélage au
service de Richepance.
• 18 mai 1802 : échecs des contre attaque rebelles.
• 22 mai 1802 : évacuation du fort par Delgrès et Ignace
La défaite d’Ignace à Baimbridge
• Ignace franchit la Rivière Salée avec 1000 hommes.
• 26 mai 1802: défaite d’Ignace à Baimbridge. 675 rebelles tués et 250
prisonniers exécutés les jours suivantscontre 80 membres du corps
expéditionnaire. Ignace sur le point d’être fait prisonniers se tire une
balle dans la tête.
La mort de Louis Delgrès
• Delgrès se réfugie à Matouba (actuelle commune de Saint-Claude),
zone montagneuse protégée par des défenses naturelles imposantes.
Il se sert de l’habitation Danglemont comme camp retranché et y
rassemble une grande quantité de munitions.
• La défaite d’Ignace devant Pointe-à-Pitre, le 26 mai, permet aux
forces de Richepance de donner l’assaut final contre le camp
retranché de Delgrès.
• Encerclé par les forces de Richepance, beaucoup plus nombreuses,
Delgrès meurt après avoir ordonné l'explosion de l'habitation
Danglemont et meurt avec de 300 à 500 compagnons. « Point
d’esclavage, vive la mort ».
Exécution et déportation
• 1500 à 2000 morts dans les combats de mai 1802 dont 250 exécutés à
Fouillole
• Entre novembre et décembre 1802, 940 rebelles ont été tués.
• 2600 déportés.
• La plupart des Noirs et gens de couleur déportés par Richepance arrivent à
Brest, ils sont divisés en quatre catégories :
• ceux qu’il faut punir,
• ceux qui sont propres au travail,
• ceux à embarquer comme marins
• et ceux qui peuvent former un bataillon.
Pertes du corps expéditionnaire
• Sur 3520 hommes débarqués
• 1897 encore en vie en septembre 1802, dont 1000 malades.
• 589 hommes de couleur dont une centaine de malades.
La poursuite des combats
• Palerme dans les bois du Lamentin
• Jacquet dans les hauteurs de Dolé
• Le nombre des rebelles est évalué à 600, armés de fusils, piques et
coutelas, dirigés par Palerme, Jacques Jacquet, Fourne, Xavier, Noël
Corbet, Codou, Siméon, Hypolite Avril et Casimir.
• Le 12 septembre, Lacrosse dans une proclamation aux rebelles
propose une récompense de 100 moëdes pour la capture de Palerme
ou du mulâtre Fourne, mort ou vif, 25 pour celle des autres chefs et 2
pour tout individu pris armé.
La révolte de Sainte-Anne
• Le 28 septembre 1802, 50 rebelles vêtus de l’uniforme de l’armée
coloniale se présentent devant le fort Fleur-d’Epée et sont repoussés.
• Les 6 et 7 octobre 1802, un important soulèvement se déroule à
Sainte-Anne, des dizaines de Blancs sont massacrés. La révolte est
dirigée par des Blancs et des hommes de couleur. Un des chefs
blancs, Barsse, est fermier et craint de perdre la location de son
habitation.
Les négociations avec les derniers rebelles
• Au début d’octobre 1802, une première négociation avec Palerme, Fourne,
débouche sur une scission entre rebelles. Les mulâtres Noël Corbet, Codou
et Siméon, chefs subalternes, se soumettent. Plusieurs chefs demandent à
s’embarquer pour la Côte ferme ou la Nouvelle-Angleterre. Ménard
accepte à condition qu’ils remettent un fusil avant leur embarquement.
• Jacques Jacquet se rend au début de décembre 1802 3. Jacquet obtient un
passeport pour quitter la colonie. Dans une lettre du 17 février 1803,
Lacrosse affirme que 200 brigands sont arrêtés, d’autres se sont
volontairement rendus, seuls Fourne et Palerme continuent de résister.
• Selon Pélage, Palerme bénéficiera d’un passeport pour quitter la colonie.
D’après Lacour, en décembre 1805, Fourne, le dernier chef des rebelles, est
capturé, gracié par Ernouf ; il devient chasseur de marrons.
Le rétablissement de l’esclavage et du préjugé
de couleur
• 16 juillet 1802: arrêté consulaire rétablissant l’esclavage en
Guadeloupe
• 17 juillet 1802: arrêté Richepance supprime la citoyenneté pour les
hommes de couleur.
• Deuxième quinzaine de juillet reprise des ventes d’esclaves.
• 14 mai 1803: proclamation officielle du rétablissement de l’esclavage.
Projet d'arrêté pour le rétablissement de
l'esclavage en Guadeloupe (juillet 1802)
• La Loi du 16 Pluviose an 2, qui accorde la liberté aux noirs à la Guadeloupe, n’y a
produit que des effets désastreux.
• Cette île […] s’est […] déteriorée chaque jour par la substitution de la fainéantise
au travail, de la divagation à l’Esprit domiciliaire, de l’impunité à la discipline, de
l’extrême licence au bon ordre, de la misère enfin, à la reproduction de l’espèce
et à celle des richesses territoriales…
• que l’Exemple des Colonies voisines où l’esclavage subsiste, offre un Contraste
frappant de prospérité, de tranquillité intérieure…
• Considérant surtout l’affreux usage que les noirs de la Guadeloupe ont fait de la
liberté, en armant leurs bras parricides contre le gouvernement de la métropole
[…]
• Voulant que le sang des braves soldats français qui a coulé avec gloire et succès
dans cette Colonie couverte de crimes, reçoive l’expiation qui lui est due, par un
entier rétablissement de l’obéissance envers le Gouvernement….
Arrêté du général Richepance restreignant le titre
de citoyens aux seuls Blancs. Basse-Terre, 17
juillet 1802.

Considérant que les colonies ne sont autre chose que des


établissements formés par les Européens, qui y ont amené des Noirs
comme les seuls individus propres à l'exploitation de ces pays; qu'entre
ces deux classes fondamentales des colons et de leurs Noirs, se sont
formés des races de sang mêlé, toujours distinctes des Blancs qui ont
formé les établissements;
Considérant que ceux-ci seuls sont les indigènes de la nation française
et doivent en exercer les prérogatives ;
• Art. 1er. Jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, le titre de citoyen
français ne sera porté, dans l'étendue de cette colonie et dépendances,
que par les Blancs.
Les ouvrages de Frédéric Régent
Pour mieux connaître mai 1802

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