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Révolution haïtienne

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Révolution haïtienne

Informations générales
Date 22 août 1791-1er janvier 1804

Lieu Haïti

Victoire des rebelles haïtiens


Issue Indépendance d'Haïti,
massacre des Blancs

Belligérants
Esclaves noirs insurgés royalistes (1791-1793)

Grande-Bretagne(1799-1804)

Royaume d'Espagne(1793-1795)
Royaume de France, puis
Royalistes français
République française

Rebelles haïtiens (1802-1803)

Commandants
1791-1802 1791-1802
• Léger-Félicité Sonthonax • Dutty Boukman
• Étienne Polverel • Jean-François
• Étienne de Lavaux • Georges Biassou
• Toussaint Louverture(1794-1802)
• André Rigaud
• Jean-Jacques Dessalines(1794-1802)
• Gabriel d'Hédouville • Toussaint Louverture(1791-1794)
• Jean-Jacques Dessalines(1791-1794)

1802-1804
• Charles Leclerc † 1802-1804

• Donatien de Rochambeau • Toussaint Louverture †


• Jean-François Debelle † • Jean-Jacques Dessalines
• Edme Desfourneaux • Henri Christophe
• Jean Humbert • Alexandre Pétion
• Charles Dugua † • François Capois
• Alexandre Pétion (1801-1802) • Jacques Maurepas †
• Jean Hardy • Charles Belair †
• François Joseph Pamphile de Lacroix • John Duckworth
• Jean Boudet
• John Loring
• Jean-Baptiste Brunet
• François-Marie Perichou de Kerversau
• Jean-Louis Ferrand

Forces en présence
55 000 soldats réguliers
100 000 volontaires

60 000 soldats
86 navires de guerre

31 000 hommes1

Pertes
militaires :
militaires :
inconnues
57 000 morts
civiles :
(37 000 tués au combat
100 000 civils tués
20 000 tués par les fièvres)
civiles :
25 000 civils tués
23 000 morts1.

Guerres de la Révolution française


Batailles
Bois-Caïman · Croix-des-Bouquets · Morne Pelé ·1re La Tannerie · Port-au-Prince · Le Cap-
français ·Marmelade · Fort-Dauphin · 1re Tiburon · Acul ·La Bombarde · 2e Tiburon · Les Gonaïves ·Port-
Républicain · 1re Dondon · 2e La Tannerie ·Saint-Marc · Léogane · Saint-
Raphaël · Trutier ·3e Tiburon · 1re Verrettes · Grande-Rivière ·Las Cahobas · Mirebalais · 2e Verrettes ·Petite-
Rivière · 2e Dondon · 1re Les Irois · Jean-Rabel ·2e Les Irois · Jacmel
Expédition de Saint-Domingue
La Ravine-à-Couleuvres · Kellola · Plaisance ·La Crête à Pierrot · Port-au-Prince · Vertières

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La révolution haïtienne constitue la première révolte d’esclaves réussie du monde moderne. Les
historiens situent traditionnellement son départ lors de la cérémonie du Bois-Caïman2, une
cérémonie vaudoue en août 1791. Elle établit en 1804 Haïti en tant que première république noire
libre du monde, succédant à la colonie française de Saint-Domingue.
Sommaire

 1Origines
 2Les revendications des Blancs et des mulâtres
 3La révolte des Noirs et l'abolition de l'esclavage
 4Toussaint Louverture et la révolution noire
 5La reconquête française et la guerre d'indépendance
 6Les caractères fondateurs de la révolution haïtienne
 7Conclusion
 8Les conséquences dans la Caraïbe
 9Notes et références
 10Voir aussi
o 10.1Sources
o 10.2Œuvres de fiction
o 10.3Articles connexes
o 10.4Liens externes

Origines[modifier | modifier le code]

Couverture de l'ouvrage Saint-Domingue ou Histoire de ses révolutions, 1791-1804.

À la veille de la Révolution française, la colonie de Saint-Domingue est d'une prospérité et d'une


richesse sans égale dans les Antilles. En 1789, elle est le premier producteur mondial de sucre et
de café — la colonie représente en effet la moitié de l'offre mondiale de café. Son commerce
extérieur représente plus du tiers de celui de la France métropolitaine et un Français sur huit en vit
directement ou indirectement[réf. souhaitée].
Le système mercantiliste de l'« Exclusif colonial », inventé par Jean-Baptiste Colbert, vise à enrichir
la métropole. Il repose sur le monopole commercial et l’interdiction de l’industrie locale.
La métropole fixe les prix. Les colons, très critiques, usent de contrebande et fomentent même des
troubles[réf. souhaitée].
La société des colons est très inégalitaire : aux riches planteurs, ou « grands Blancs »[réf. souhaitée] issus
de la noblesse ou de la bourgeoisie du grand négoce, répond la foule des petits fonctionnaires,
employés et ouvriers, appelés « petits Blancs »[réf. souhaitée].
Surtout, l'esclavage est particulièrement cruel. Le Code noir de 1685, pourtant édicté pour
l'« humaniser », punit ainsi de mort l'esclave qui aurait frappé son maître (art. 33), voire aurait
commis un vol (art. 35). L’esclave avait le statut juridique d’un bien meuble (art. 44). Encore, ce
code n’est-il pas respecté[réf. souhaitée]. L'obligation d'évangélisation est négligée[réf. souhaitée] ; le repos
obligatoire du dimanche, souvent reporté[réf. souhaitée]. À la peine capitale prévue, les décisions de
justice ajoute souvent des supplices pour leur caractère exemplaire[réf. souhaitée].
Enfin, alors que le Code ne connaît que deux catégories d'individus — les libres et les esclaves —
les gens de couleur libres (les mulâtres libres et les Nègres affranchis) se voient progressivement
refuser l'égalité avec les Blancs[réf. souhaitée] : ils ne peuvent hériter de titres de noblesse, certains
emplois leur sont interdits, ils doivent déférence aux Blancs, etc.[réf. souhaitée]
Or, l'évolution démographique est défavorable aux Blancs[réf. souhaitée], et plus particulièrement aux
grands planteurs. L'opulence de la colonie au XVIIIe siècle attire un nombre croissant de Français
modestes[réf. souhaitée], venant chercher fortune. La plupart restent dans la misère[réf. souhaitée]. Le nombre
de libres de couleur s'accroît encore plus rapidement : D’une poignée au début du siècle, leur
nombre avoisine celui des Blancs en 1788, soit environ 30 000[réf. souhaitée]. Quant aux esclaves, aussi
nombreux que les Blancs au XVIIe siècle, ils sont plus de 500 000[réf. souhaitée] à la veille de la Révolution,
tant la traite des Noirs s'amplifie. À la fin du XVIIIe siècle, plus de 30 000 Africains débarquent chaque
année dans les ports du Cap-Français ou de Port-au-Prince[réf. souhaitée].
Si on ajoute à ce tableau les rivalités régionales entre le Nord, le plus opulent, le Sud, et
l'Ouest séparés par des chaînes montagneuses, l'opposition entre les fonctionnaires et les
Blancs créoles (c'est-à-dire nés sur place) ainsi qu'entre les planteurs et les commerçants, le rôle
déstabilisateur de l'Espagne, possédant la partie est de l'île, ou de l'Angleterre, on comprend la
complexité du déroulement de la révolution de Saint-Domingue[réf. souhaitée].
De leur côté, les révolutionnaires français sont écartelés entre le principe d'égalité et le réalisme
économique[réf. souhaitée].

Les revendications des Blancs et des mulâtres[modifier | modifier le code]


Les colons de Saint-Domingue considèrent la convocation aux états généraux de 1789 comme une
opportunité pour se défaire du système de l'Exclusif. Malgré le refus préalable du roi Louis XVI, ils
réussissent à faire accepter six députés à l'Assemblée constituante. Sur place, ils poussent, en le
menaçant, l'intendant Barbé de Marbois à regagner la métropole. Puis, fin 1789, ils élisent
des municipalités.
Mais la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 leur paraît dangereuse, d'autant que
la Société des amis des Noirs, fondée à Paris le 19 février 1788— qui compte entre autres
membres Brissot, Mirabeau, Condorcet, La Fayette et l'abbé Grégoire —, propose l'abolition
progressive de l'esclavage et l'égalité immédiate des libres de couleur.
Le 20 août 1789 est créé à Paris le Club de l'hôtel de Massiac, constitué principalement de planteurs
de Saint-Domingue. Leur meilleur avocat est le député Barnave. Le 28 mars 1790, celui-ci réussit à
faire voter un décret qui écarte les colonies du droit métropolitain et crée des assemblées coloniales
ouvertes aux propriétaires. Sans l'exprimer, la Constituante confirme ainsi l'esclavage. Condorcet a
ce commentaire : « Ajoutons un mot à l'article premier de la Déclaration des droits : Tous les
hommes « blancs » naissent libres et égaux en droits ! »
Les Blancs de Saint-Domingue vont cependant encore plus loin : ils élisent, sans les libres de
couleur, une assemblée qui se déclare supérieure au gouverneur général, entend remplacer les
régiments royaux par une garde nationale locale et vote même, le 28 mai 1790, une constitution. En
juillet, elle décrète la liberté du commerce. Devant cette sédition, les autorités réagissent en s'alliant
les libres. L'assemblée de planteurs est vite renversée. Mais la réaction des Blancs est sanglante :
quelques mois plus tard, le colonel de Mauduit, qui a dispersé l'assemblée, est lynché par la foule.
Les libres commencent alors à réclamer l'égalité avec véhémence. Plusieurs sont massacrés par la
population blanche. Notamment, le mulâtre Vincent Ogé, pourtant notable aisé, est condamné au
supplice de la roue en février 1791 pour avoir organisé une rébellion armée avec trois cents
partisans et pillé quelques habitations. Un autre mulâtre, Julien Raimond, mène le combat à Paris et
se lie en 1789 et 1790 à la Société des Amis des Noirs puis en 1791 au club des Jacobins 3.
L'Assemblée de Paris reste indécise quant au statut des libres de couleur. Après avoir confirmé
l'esclavage en lui donnant statut constitutionnel le 13 mai 1791 sur demande de Bertrand Barère,
elle accorde, le 15 mai, sur celle de Jean-François Rewbell l'égalité aux libres de couleur nés de
père et mère libres, soit moins de 5 % des intéressés. Mais cette évaluation historiographique très
répandue est désormais contestée de par le fait que dans les débats parlementaires, ou écrits
approbateurs du décret, seuls les Noirs affranchis trsè minoritaires sont discriminés par
l'amendement Rewbell 4. Seul au côté gauche de l'assemblée constitutante, Maximilien Robespierre,
condamna le décret du 13 mai et l'amendement Rewbell du 15 mai. Le décret limité du 15 mai sera
révoqué quelques mois plus tard, le 24 septembre 1791 sur demande de leurs adversaires Antoine
Barnave, d'Alexandre de Lameth, de Charles de Lameth, son frère, de Goupil de Prefeln, d'Adrien
Duport (ce dernier pourtant favorable en mai 1791 à la cause des hommes libres de couleur) 5. Tous
les cinq furent en réaction radiés le lendemain 25, du club des Jacobins sur requête d'Etienne
Polverel. L'antiesclavagisme y fait aussi son chemin. Ainsi peu avant au sein du club le même
Etienne Polverel participa à un jury, au côté d'Etienne Clavière, de Condorcet, de François
Lanthenas, de l'abbé Henri Grégoire (tous quatre membres de la Société des Amis des Noirs),
de Jean Dusaulx (un des futurs 73 girondins sauvés du TR par Robespierre en octobre 1793)
chargé de sélectionner le meilleur texte, défenseur de la constitution. Les six jurés choisirent, parmi
42 écrits proposés,l'Almanach du Père Gérard par Jean-Marie Collot d'Herbois, oeuvre dans
laquelle figure une condamnation générale sans équivoque des discriminations raciales et de
l'esclavage colonial 6. Egalement en septembre 1791 Olympe de Gouges qui avait depuis 1785
beaucoup milité contre l'esclavage et la traite des Noirs, hors de la Société des Amis des Noirs
comme du club des jacobins, par le théâtre ( Zamor et Mirza, Le marché des Noirs ) comme par les
essais ( Réflexions sur les hommes nègres, Réponse à un champion américain ), donne pour la
première fois un avis sur l'infériorisation des mulâtres par les Blancs dans le postambule de sa
fameuse déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
"Les Colons prétendent régner en despotes sur des hommes dont ils sont les pères et les frères ; et
méconnoissant les droits de la nature, ils en poursuivent la source jusque dans la plus petite teinte
de leur sang".
Elle défend les mulâtres, de par sa naissance illégitime et de sa foi dans le droit naturel. Elle
approuve le décret du 15 mai 1791, "dicté par la prudence et par la justice". Les Blancs de Saint-
Domingue refusent d'appliquer ce décret de mai 1791. Le 29 septembre 1791 dans l'Ami du
Peuple Jean-Paul Marat écrit : "A la différence des Parisiens, les hommes de couleur ne sont pas
des lâches. Ils ne se laisseront pas faire". De fait les libres se soulèvent dans plusieurs endroits de
l'Ouest et du Sud et remportent des victoires dès l'été 1791. Dirigés par Jacques Beauvais et André
Rigaud, les mulâtres prennent même la capitale Port-au-Prince, qui est en grande partie incendiée,
en novembre 1791.

La révolte des Noirs et l'abolition de l'esclavage[modifier | modifier le


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Le marronnage, favorisé par le relief montagneux de Saint-Domingue qui offre refuge aux esclaves
en fuite, s'instaure dès le début de la traite. Les Noirs réussirent à vivre en groupes dans les forêts.
Ils y développent une religion syncrétique des croyances africaines, le vaudou. Le phénomène
perdure malgré la traque et la répression féroce. Ces marrons inquiètent les Blancs qu'ils
empoisonnent parfois et dont ils brûlent les champs.
Copie d'une lettre d'un capitaine français relatant les événements insurrectionnels au Cap François, 1791

Le 14 août 1791, à Bois-Caïman, dans la plaine du Nord, de nombreux esclaves décident la révolte,
sous l'autorité de Boukman, assisté de Jean-François et Biassou. Ce premier acte de la révolution
des esclaves aurait pris la forme d'une cérémonie vaudoue, où en présence de la mambo Cécile
Fatiman, un pacte de sang est signé dans le sacrifice d'un cochon noir créole. En quelques jours,
toutes les plantations du Nord sont en flammes, et un millier de Blancs massacrés. Malgré la
répression où Boukman est tué, des bandes d'esclaves armés persistent dans les campagnes et les
montagnes. Dans d'autres parties du pays, des révoltes plus spontanées s'ensuivent. Dès le début
de la révolution, les participants au grand soulèvement des esclaves, qui commence en 1791 à
Saint-Domingue, proclament leur loyauté au roi et à la religion7. La nuit du 22 au 23 août, les
esclaves prennent les armes. Les insurgés gagnent du terrain, mais la révolution se prolonge. Les
insurgés comptent de valeureux guerriers mais qui n'ont aucune expérience de l'exercice du
pouvoir.
Le soulèvement des esclaves entraîne de vifs débats à la nouvelle Assemblée législative de Paris.
Celle-ci, d'abord sensible aux arguments des colons, envoie des commissaires civils pour ramener à
l'ordre les libres et les esclaves. Alors que ces derniers sont demandeurs d'une paix honorable, la
raideur des colons ranime les révoltes. La Législative finit par se rallier aux arguments
des Girondins ou de leurs proches comme Brissot, Condorcet, Pierre Vergniaud, Élie
Guadet, Armand Gensonné, Jean-Francois Ducos et de Jean-Philippe Garran de Coulon. Ceux-ci
appellent à l'égalité de tous les hommes libres, quelle que soit leur couleur de peau. Leur objectif est
d'amener progressivement à l'abolition de l'esclavage. Le 24 mars 1792 est promulguée dans
l'enthousiasme par l'assemblée législative l'égalité des droits des hommes libres de couleur (colons
métis comme Noirs affranchis) et des Blancs. Ce décret sera sanctionné par le roi, Louis XVI, le 4
avril ; procédure imposée par la constitution de 1791. Le 25 mars 1792 dans La Chronique de
Paris, Condorcet demande timidement à ce qu'"au nom de l'Humanité les intêrets des Noirs
(esclaves) ne seront pas entièrement oubliés"8. Un petit nombre de députés ont soutenu résolument
l'insurrection d'esclaves, assimilée par eux à la prise de la Bastille par les Parisiens. Ainsi en est-il
début novembre 1791, de Merlin de Thionville, début décembre de Jacques Brival, puis juste après
par la présentation d'un vaste plan d'abolition, de Mathieu Blanc-Gilli ; enfin entre août et novembre
1792 de Joseph Lequinio dans Les Préjugés Détruits9. Hors de l'assemblée la révolte d'esclaves est
soutenue avec ferveur par Chaumette dans Les Révolutions de Paris, dans une moindre mesure
par Jean-Paul Maratdans l'Ami du Peuple, par Millin et Francois Noel(ce dernier, ancien membre de
la Société des Amis des Noirs), dans La Chronique de Paris 10; ou encore par l'ancien
constituant, Dubois-Crancé, dans un portrait élogieux de son ancien collègue
antiesclavagiste, Pétion (Véritable Portrait de nos Législateurs)11. En revanche si radicale soit la
pensée démocratique de Maximilien Robespierre, en mai 1792 dans Le Défenseur de la
Constitution il salue inconditionnellement le combat colonial des Girondins. Il s'agit à ses yeux de
l'unique aspect positif de leur bilan législatif. A ce titre il regrette de ne pas les avoir vu manifester
autant de zèle pour "le peuple français" que pour "le peuple de Saint-Domingue", qu'il limite aux
26.000 colons métis et Noirs affranchis de la colonie insurgée.12 Seule Olympe de Gouges, qui
réussit enfin à faire éditer en mars 1792 une de ses pièces de théâtre antiesclavagistes, Zamor et
Mirza, grâce à l'élection en novembre 1791 à la mairie de Paris de Jérôme Pétion, condamne les
insurrections des deux peuples de Saint-Domingue au nom de la non-violence.
« C’est à vous, actuellement, esclaves, hommes de couleur, à qui je vais parler ; j’ai peut-être des
droits incontestables pour blâmer votre férocité : cruels, en imitant les tyrans, vous les justifiez (...)
Quelle cruauté, quelle inhumanité ! La plupart de vos maîtres étaient humains et bienfaisants et
dans votre aveugle rage vous ne distinguez pas les victimes innocentes de vos persécuteurs. Les
hommes n’étaient pas nés pour les fers et vous prouvez qu’ils sont nécessaires. Je ne me rétracte
point j’abhorre vos tyrans, vos cruautés me font horreur » 13.
Ces propos lui valent le persiflage par lettre en avril 1792 du Procureur Syndic de la Commune,
adjoint du maire Pétion, Pierre Louis Manuel :
« ... Mme de Gouges a voulu aussi concourir à la rédemption des Noirs ; elle pourra trouver des
esclaves qui ne veulent pas de leur liberté »14. Elle s'exprime peut-être en partie par haine absolue
de la violence. Ainsi le 15 avril dans Le bon sens français ou l'apologie des vrais nobles, dédié aux
Jacobins, elle donne raison à Robespierre dans son combat contre le bellicisme européen des
Girondins :
..."mais il faut convaincre, et rendre à chacun la liberté de délibérer sur le sort de son pays […] voilà
ma motion, et je m’oppose, comme M. Robespierre, au projet de la guerre pour cette décision."
Pour faire appliquer la loi du 4 avril 1792, de nouveaux commissaires civils, Léger-Félicité
Sonthonax et Étienne Polverel, sont envoyés à Saint-Domingue, appuyés de quatre mille volontaires
de la garde nationale. Après l'arrivée de la nouvelle du 10 août 1792, Biassou se nomme « vice-roi »
en attendant la libération du roi de France7. Les nouveaux commissaires civils débarquent
au Cap le 18 septembre 1792, à la veille de la proclamation de la République française. Sonthonax
annonce à son arrivée qu'il entendait préserver l'esclavage. Mais c'est lui qui avait écrit un an plus
tôt : « Les terres de Saint-Domingue doivent appartenir aux Noirs. Ils les ont acquises à la sueur de
leur front » et il ne reçoit que défiance de la part des colons. Les commissaires s'allient aux mulâtres
pour s'imposer. Ils rencontrent du succès, notamment à Port-au-Prince. Le 21 juin 1793 au Cap-
Français, le nouveau gouverneur Galbaud s'allie aux colons pour renverser les commissaires.
Acculés, ceux-ci promettent la liberté à tout esclave qui se battrait pour la République. Des hordes
envahissent la ville, la pillent et l'incendient. Dix mille colons s’expatrient. De leur côté, l'Angleterre et
l'Espagne, qui avaient déclaré la guerre à la France, attaquent Cap-Français par la mer et par les
terres depuis la partie orientale de l'île, possession espagnole. Les Espagnols ont avec eux des
colons royalistes ainsi que des bandes d’esclaves révoltés, comme celle de Jean-François et de
Biassou, à qui ils ont promis la liberté. À l'été 1793, de nombreux ports et la plus grande partie du
pays sont occupés.
À la recherche d'alliés, Sonthonax proclame de son propre chef l'abolition de
l'esclavage le 29 août 1793 dans le Nord de l'île. Un mois plus tard, Polvérel fait de même dans le
reste du pays. Afin de faire avaliser cette décision, les commissaires civils choisissent trois députés,
l'un Blanc, l'autre mulâtre, le troisième Noir — Jean-Baptiste Belley — qu'ils envoient à Paris.
Devant le rapport de ces députés, la Convention vote, dans l'enthousiasme, le 4 février 1794, la fin
de l'esclavage sur l'ensemble de l'île de Saint-Domingue et l'étend aux autres colonies sur demande
de René Levasseur, de Jean-François Delacroix, de l'abbé Henri Grégoire, de Joseph Cambon et
de Georges Danton. Le soir du 16 Pluviôse an II, les trois députés de Saint-Domingue sont accueillis
au Club des Jacobins, présidé par Jacques Reverchon qui leur donne l'accolade, et où Saint-
Paul, Nicolas Maure, Philibert Simond, Antoine-François Momoro, Charles Duval débattent des
conditions d'inscription. Le 23 germinal an II-12 avril le comité de salut public nomma une
commission dans un décret signé par Barère, Collot d'Herbois, Carnot, Billaud-Varenne.
La Convention montagnarde ne s'en tient pas là. Le 17 ventôse an II-7 mars 1794 sur demande de
Dufay, Belley et Mills et par un décret signé Collot d'Herbois et Saint-Just, le Comité de Salut Public
fait arrêter deux colons blancs de Saint-Domingue, Page et Brulley qui intriguaient contre eux.
Toujours sur leur demande le 11 avril, au CSP Barère, Carnot, Collot
d'Herbois et Robespierre signent l'éviction d'un ami de Page et Brulley à la tête de la commission,
Simondes. Entretemps le 19 ventôse an II-9 mars tous les autres colons de Saint-Domingue sont
apréhendés par la Convention. Mais Page et Brulley gardaient à la Convention un autre allié en la
personne du député métis de la Martinique, Janvier Littée qu faisait distribuer un pamphlet contre la
députation de Saint-Domingue. En messidor an II-juin et juillet 1794 par l'intermédiaire de l'agent
Claude Guérin, Robespierre, Couthon, Jeanbon Saint-André le mirent sous surveillance.
Cependant Julien Raimond et Leborgne restaient en prison.

Toussaint Louverture et la révolution noire[modifier | modifier le code]


La Convention Montagnarde n'avait pas accèdé à la demande de Bourdon de l'Oise d'abroger son
décret de mise en accusation de Sonthonax et de Polverel voté le 16 juillet 1793 ce jour là après
intervention de Billaud-Varenne. Ce fut Jean-Jacques Bréard qui les fit réhabiliter le 25 octobre 1795
par la Convention Thermidorienne 15. Le décret du 16 Pluviôse an II fut sans doute la seule mesure
votée par la Convention montagnarde, qu'après juillet 1794 les Thermidoriens, puis le Directoire ne
mirent pas en cause. Parmi les tombeurs montagnards de Robespeirre nombre d'entre eux étaient
des antiesclavagistes déclarés : Dubois-Crancé, Merlin de Thionville, Collot d'Herbois, Brival,
Bourdon de l'Oise, Cambon, Charles Duval, Carnot, Barère, Billaud-Varenne ; et même parmi les
plus farouches ennemis de Robespierre, les représentants en mission Tallien et Fouché qu'il avait
fait rappeler de Bordeaux et de Lyon pour leurs crimes et rapines 16. Le décret fut même inscrit en
1795 dans la constitution de l'an III : les colonies devenaient des départements. Dans un rapport sur
les colonies Boissy d'Anglas salua l'unique mesure positive à ses yeux prise par "la tyrannie". Et en
1799 Garran-Coulon rendit un hommage similaire au rôle de Danton, que pourtant les thermidoriens
s'étaient refusés en 1795 à réhabiliter comme victime de Robespierre. Dans cette opitique en 1796
fut créée par Lanthenas, Grégoire, Garran-Coulon, Charles Duval une deuxième société des Amis
des Noirs, La Société des Amis des Noirs et des Colonies qui avait pour but la consolidation du
décret philanthropique et de la départementalisation de Saint-Domingue. 17. Mais dans un souci de
concorde à l'instar de Julien Raimond et de Leborgne les colons esclavagistes de Saint-Domingue
furent libérés après Thermidor.
Le général Toussaint Louverture.

Avant comme après Thermidor on pensa à l'intégration linguistique de la colonie. Le 16 Prairial an II-
4 juin 1794 Grégoire avait inséré dans son célèbre rapport sur l'anéantissement des
patois l'émancipation linguistique coloniale qu'imposait la langage infinitif des Noirs :
« Les nègres de nos colonies dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d'idiome pauvre
comme celui des Hottentots, comme la langue franque qui dans tous les verbes ne connaît guère
que l'infinitif».
L'affranchi Toussaint Bréda — du nom de la plantation au Haut-du-Cap où il est né en 1743 —
exerce, malgré sa petite taille, un ascendant, tant par ses origines africainesqu'on dit royales
d'Allada que par ses qualités de lettré, de cavalier et de médecin par les plantes (docteur feuilles).
Il devient aide de camp de Georges Biassou, l'un des successeurs de Boukman, qui se rallie
aux Espagnols de l'Est de l'île en 1793, afin de combattre les colons. Initié à l'art de la guerre, il
remporte plusieurs victoires audacieuses qui lui valent le surnom de « L'Ouverture ».
L'abolition de l'esclavage par les commissaires civils le fait réfléchir. Après un échange de courriers
avec le général républicain Étienne Lavaux, il change brutalement de camp en mai 1794. En
quelques mois, il refoule les Espagnols à la frontière orientale de l'île et bat les troupes de ses
anciens chefs qui leur sont restés fidèles. En 1795, il libère l'intérieur des terres.
La Convention l'élève au grade de général en juillet. En mars 1796, le gouverneur Laveaux, qu'il a
délivré d'une révolte au Cap, le nomme lieutenant-général de Saint-Domingue.
À mesure de ses victoires, Toussaint confirme l'émancipation des esclaves. Grâce aux renforts
arrivés de métropole en mai 1796, il reprend la lutte contre les Anglais qui tiennent de nombreux
ports. Lassés d'un combat sans espoir, ceux-ci finissent par négocier directement avec lui et
abandonnent Saint-Domingue le 31 août 1798.
Toussaint a, en effet, éloigné les représentants de l'autorité métropolitaine, y compris Lavaux en
octobre 1796, et Sonthonax en août 1797, pourtant revenu comme commissaire civil. Il a habilement
fait élire ces derniers députés de Saint-Domingue à Paris. Le dernier commissaire envoyé par
le Directoire, le général Hédouville, embarque en octobre 1798, après avoir constaté que l'armée
n'obéit qu'à Toussaint. A Paris, en février 1796 se créé une deuxième Société des Amis des Noirs la
Société des Amis des Noirs et des Colonies, chargée de consolider le décret de Pluviôse an II.
Garran-Coulon, Lanthenas et l'abbé Grégoire en sont les principaux fondateurs.
Les mulâtres, menés par le général André Rigaud, sont les derniers à discuter son autorité. Ils
tiennent le Sud du pays. Avec l'aide de ses lieutenants Christophe et Dessalines, Toussaint les bat
en août 1800 après une guerre civile sanglante d'un an. Rigaud embarque pour la France.
Enfin, après avoir envahi en un mois la partie espagnole de Saint-Domingue, en janvier 1801, il
établit son autorité sur toute l'île.
Toussaint organise la remise en marche de l'économie en invitant les colons à revenir, y compris
ceux qui ont choisi le parti contre-révolutionnaire. Il publie, le 12 octobre 1800, un règlement de
culture obligeant les Noirs à reprendre le travail sur les plantations. Ce travail forcé est mal perçu
par la population. En novembre 1801, une révolte éclate dans les ateliers du Nord. Il la mate et fait
fusiller treize meneurs, dont son neveu adoptif, le général Moyse.
Le 3 juillet 1801, il promulgue une constitution autonomiste (Constitution de Saint-Domingue de
1801) qui lui donne les pleins pouvoirs à vie.

La reconquête française et la guerre d'indépendance[modifier | modifier


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Article détaillé : Expédition de Saint-Domingue.

Le siège de la Crête à Pierrot en 1802, par A. Raffet, gravure Hébert, 1839

En représailles, Napoléon Bonaparte, qui signe avec l'Angleterre les préliminaires de la paix
d'Amiens le 18 octobre 1801, charge une expédition militaire de reprendre le contrôle de l'île.
Composée de plusieurs escadres, réunissant au total trente et un mille hommes à bord de quatre-
vingt-six vaisseaux, elle est menée par le général Leclerc, beau-frère de Napoléon.
Jean-Jacques Dessalines.

Toussaint arrête une stratégie de défense de marronnage : lorsque Leclerc arrive au port du Cap en
février 1802, il donne un ultimatum de vingt-quatre heures au général Henri Christophe pour lui
rendre la ville. Christophe lui répond alors ainsi : « Je ne vous livrerai la ville que lorsqu'elle sera en
cendre et sur ces mêmes cendres je combattrai encore ». Les villes sont incendiées et les troupes
locales se retirent sur les hauteurs pour pratiquer une guerre d'usure. Les Français investissent le
plus souvent des villes en ruines, comme au Cap. Les Noirs résistent, mais reculent devant la
puissance de l'armée de Leclerc. À la fin avril, au prix de cinq mille morts et autant de malades ou
blessés, les Français tiennent toute la côte.
Les généraux de Toussaint Louverture, dont Henri Christophe (en avril) et Jean-Jacques
Dessalines, lors du siège de la Crête à Pierrot, près de Petite-Rivière-de-l'Artibonite, après trois
semaines de combat inégal et sanglant en mars 1802 — se rendent aux Français après d'âpres
combats, si bien que Toussaint Louverture lui-même accepte sa reddition en mai 1802. Il est
autorisé à se retirer sur l'une de ses plantations, à proximité du bourg d'Ennery, dans l'ouest de l'île,
non loin de la côte. Plus tard, en partant pour la France, Toussaint prononcera ces paroles : « En
me renversant on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté des noirs qui
repoussera par ses racines car elles sont profondes et nombreuses. »
Napoléon promulgue la Loi du 20 mai 1802 qui maintient l'esclavage dans les colonies françaises où
il n'avait pu être aboli, ces dernières étant passées sous domination anglaise (Sainte-Lucie, Tobago
et Martinique).
Le 7 juin 1802, Toussaint Louverture est arrêté malgré sa reddition et Jean-Jacques Dessalines,
défait par les Français à la Crête-à-Pierrot, participe à cette arrestation 18. Louverture est déporté en
France, il est interné au fort de Joux, dans le Jura, où il mourra des rigueurs du climat et de
malnutrition le 7 avril 1803, après avoir prophétisé la victoire des Noirs.
Toussaint Louverture neutralisé, Leclerc décide le désarmement de la population et le met en œuvre
à grand renfort d'exécutions sommaires ; alors, les chefs de couleur se détachent peu à peu de
l'expédition de Saint-Domingue et rejoignent les insurgés, prenant conscience que l'expédition de
Saint-Domingue n'avait d'autre but plus important que celui de rétablir l'esclavage à Saint-
Domingue.
C'est en apprenant le rétablissement de l'esclavage à la Guadeloupe qu'Alexandre Pétion donne le
signal de la révolte, le 13 octobre 1802. À la tête de cinq cent cinquante hommes, il marche contre le
principal poste français du Haut-du-Cap, le cerne, le fait désarmer et sauve quatorze canonniers que
les siens voulaient égorger : l'armée des « indépendants » est alors formée. Les généraux Geffrard,
Clervaux et Christophe viennent se joindre à Pétion, qui accepte de céder au dernier le
commandement de l'insurrection.
Dessalines rejoint alors de nouveau les révoltés, dirigés par Pétion, en octobre 1802. Au congrès de
l'Arcahaie (15-18 mai 1803), Dessalines réalise à son profit l'unité de commandement. C'est lors de
ce congrès que naît le premier drapeau haïtien, bicolore bleu et rouge, inspiré du drapeau français
dont la partie blanche — considérée comme symbole de la race blanche et non pas de la royauté —
a été déchirée. Le 19 novembre 1803, à la tête de l'armée des indigènes, avec à ses côtés Henri
Christophe, il impose à Rochambeau — le successeur de Leclerc (mort de la fièvre jaune en
novembre 1802) qui utilisait contre les insurgés des chiens de guerre achetés à Cuba, censés être
entraînés à chasser et manger les Noirs mais qui ne feront pas la différence — la capitulation du
Cap après la défaite des 2 000 rescapés du corps expéditionnaire français décimé par la fièvre
jaune face à plus de 20 000 insurgés à la bataille de Vertières. Rochambeau capitule et négocie
l'évacuation de l'île sous 10 jours.
Après le départ des Français, Dessalines provoque aussitôt le massacre de la population blanche
restante et des métis19 à l'exception des prêtres, médecins, techniciens. Il redonne à Saint-
Domingue son nom indien d'Haïti (Ayiti) et proclame la République le 1er janvier 1804 aux Gonaïves.
La première république noire libre du monde vient alors de naître.

Les caractères fondateurs de la révolution haïtienne[modifier | modifier


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Cet article ne cite pas suffisamment ses sources (janvier 2010).

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Pour Leslie Manigat [réf. nécessaire], la révolution haïtienne est novatrice en dix points spécifiques. Cette
histoire est un point de vue uniquement, elle ne tente pas d’être absolue et universelle. C’est :
Carte de la révolution haïtienne

 une révolution servile violente et, cas rare dans l’Histoire, victorieuse ;
 la première abolition de l'esclavage en Amérique, amorce d'une série d’abolitions se terminant
en 1888 au Brésil ;
 la deuxième indépendance en Amérique après les États-Unis.
 émancipation noire identifiée comme telle ;
 réforme agraire du Nouveau Monde ;
 essai expérimental de la formule de self-government comme étape intermédiaire dans l’histoire
de la colonisation ;
 affirmation du tiers-mondisme avant la lettre ;
 expression de la problématique race-classe résolue par le primat de la race sur la classe pour la
libération nationale ;
 victoire militaire d’un pays extra-européen sur une armée européenne, jamais vue depuis
les Grandes découvertes (il faudrait excepter celle des « Caraïbes noirs » sur les Français, à
Saint-Vincent en 1719) ;
 promotion charismatique d’un chef noir.

Conclusion[modifier | modifier le code]


Le bilan de l'expédition de Saint-Domingue est particulièrement lourd en vies humaines. À la veille
de la révolution, la population de l'île compte environ 550 000 âmes. En 1804, elle est réduite à
300 000.
Selon Claudia E. Sutherland, de l'Université de Washington, 100 000 Noirs sur une population de
500 000 et 24 000 Blancs, sur une population de 40 000, sont morts au terme du conflit20.
Il faut attendre 1825 pour que la France de Charles X « concède » l'indépendance à Haïti,
moyennant le paiement d'une indemnité de 150 millions de francs or pour « dédommager les
anciens colons ». Renégociée en 1838 à 90 millions (17 milliards d'euros en 2012), cette dette
d'indépendance a été entièrement honorée par versements successifs jusqu'en 1883. Cependant, le
versement des agios de l'emprunt généré par cette dette s'étalera jusqu'au milieu du XXe siècle.
Selon Louis-Philippe Dalembert, cette dette aura contribué à la grande pauvreté qui touche encore
le pays21.
L'indépendance d'Haïti marque la fin du colonialisme, mais installe au pouvoir l'élite de l'armée
haïtienne, surtout constituée d'anciens affranchis. Cette élite se divise bientôt en deux factions : les
défenseurs d'Alexandre Pétion, principalement mulâtres, et ceux d'Henri Christophe, largement
noirs. Ces deux factions, constituant une classe citadine occidentalisée, se disputent le pouvoir tout
au long du siècle, sans laisser de véritable place aux descendants des esclaves à culture rurale et
vaudoue, relégués dans ce que le sociologue Gérard Barthélemy appelle « le pays en dehors ».
Les conséquences dans la Caraïbe[modifier | modifier le code]
Dans le monde atlantique, toute rumeur d’esclaves en révolte ou menace d’agitation politique
s’accompagnait de la référence à Haïti22. Près de 20 000 réfugiés français de Saint-
Domingue vinrent s'installer dans la région de Santiago de Cuba, qui restera un bastion de
l'opposition à la nouvelle république d'Haïti, qui était géographiquement toute proche, à seulement
60 kilomètres en bateau. Après les émeutes anti-françaises de mars 1809 à Cuba, la plupart durent
fuir à La Nouvelle-Orléans, pour grossir les rangs des réfugiés français de Saint-Domingue en
Amérique.
La révolution haïtienne est en particulier montrée du doigt, tout en suscitant des espoirs,
lorsque Pétion en fit une base de repli pour les mouvements révolutionnaires d'Amérique latine.
Lorsque Simón Bolívar revint en Haïti en septembre 1816, après avoir été battu en juillet à Ocumare
et avoir perdu son armée, le gouverneur Escudero installé à Santiago de Cuba fut le premier à
informer le général espagnol Pablo Morillo, chef de l'expédition pacificatrice à destination
du Venezuela et de la Nouvelle-Grenade du risque couru23.

Notes et références[modifier | modifier le code]


1. ↑ a et b Thomas Madiou, Histoire d'Haïti, Tome I, p. 313.
2. ↑ http://lencrenoir.com/23-aout-1791-revolte-des-esclaves-a-saint-domingue-haiti-une-rememoration-dune-
lutte-pour-la-liberte/ [archive].
3. ↑ Florence Gauthier, " Julien Raimond dans la formation du nouveau peuple de Saint_Domingue 1789-
1793" Marcel DORIGNY (dir), Esclavage, résistances, abolitions ; Paris, Ed. du C.T.H.S., 1999, p.223-233
4. ↑ Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs dans la révolution française 1789-1795, Paris, Karthala,
2002, chapitres 2 et 3.
5. ↑ Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs dans la révolution française 1789-1795, Paris, Karthala,
2002, p. 109-120
6. ↑ Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs dans la révolution française 1789-1795, Paris, Karthala,
2002 p. 163-166
7. ↑ a et b Jeremy D. Popkin, « Colonies françaises », dans Jean-Clément Martin (dir.), Dictionnaire de la Contre-
Révolution, Perrin, 2011, p. 185.
8. ↑ Yves Benot, La Révolution française et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1987-2004, p.150
9. ↑ Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs dans la Révolution française 1789-1795 Paris, Karthala,
2002 pour les détails du plan de Mathieu Blanc-Gilli voir Jean Jaurès, Histoire socialiste de la révolution
française tome 2, La législative
10. ↑ Yves Benot, La Révolution française et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1987-2004, p.135-156
11. ↑ Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs dans la révolution française 1789-1795, Paris, Karthala,
2002, p. 174-179
12. ↑ Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs dans la révolution française 1789-1795, Paris, Karthala,
2002, p. 155
13. ↑ Olympe de Gouges, Zamor et Mirza, Paris, Edition Côtes femmes, 1989, préfacée par Eleni Varikas.
14. ↑ Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs..., p. 139.
15. ↑ Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en révolution 1789-1795-1802, Paris PUF, 1992
16. ↑ Dans ces villes les deux représentants en mission fêtèrent le décret dabolition de l'esclavage les 18 février
et 10 mars
17. ↑ Marcel Dorigny, Bernard Gainot, La Société des Amis des Noirs (1788-1799), Contribution à l’histoire de
l’abolition de l’esclavage, Ed. Unesco, 1998
18. ↑ Victor Schœlcher, Vie de Toussaint Louverture, P. Ollendorff, 1889, p. 348.
19. ↑ Jean-Marcel Champion, notice biographique consacrée à « Jean-Jacques Dessalines » dans
le Dictionnaire Napoléon, op. cit., p. 599.
20. ↑ Claudia E. Sutherland, Haitian Revolution (1791-1804) [archive], blackpast.org.
21. ↑ France Info, Haïti: le poids d'une dette vieille de 200 ans [archive], 11/06/2016
22. ↑ http://www.cairn.be/article.php?ID_ARTICLE=ANNA_582_0333&AJOUTBIBLIO=ANNA_582_0333
[archive].
23. ↑ Alain Yacou, Essor des plantations et subversion antiesclavagiste à Cuba, 1791-1845, KARTHALA
Editions, 2010, 396 p. (ISBN 9782811104016, lire en ligne [archive])

Voir aussi[modifier | modifier le code]


Sources[modifier | modifier le code]

 Thomas Madiou, Histoire d'Haïti, Tome I, 1847 [lire en ligne [archive]].


 Victor Schœlcher, Vie de Toussaint Louverture, Éditions Karthala, 1889 (réimpr. 1982).
 Lucien-René Abenon, Jacques de Cauna, Liliane Chauleau, Antilles 1789 - La Révolution aux
Caraïbes, Paris, Nathan, 1989.
 Gérard Barthélémy, L'Univers rural haïtien : le pays en dehors, Paris, L'Harmattan, 1991 (ISBN 2-
7384-0840-0).
 Yves Benot, La révolution française et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1987-2004
 François Blancpain, La Colonie française de Saint-Domingue, Paris, Karthala, 2004 (ISBN 2-84586-
590-2).
 Justin Chrysostome Dorsainvil, Manuel d'Histoire d'Haïti, Port-au-Prince, 1929.
 Laurent Dubois, Les Vengeurs du Nouveau Monde. Histoire de la Révolution haïtienne, Rennes,
Les Perséides, 2005 (ISBN 978-2-915596-13-7).
 Carolyn Fick, Haïti, naissance d'une nation. La Révolution haïtienne vue d'en bas, Rennes, Les
Perséides, 2013.
 Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en révolution 1789-1795-1802, Paris PUF,
1992
 Philippe R. Girard, Ces esclaves qui ont vaincu Napoléon. Toussaint Louverture et la guerre
d’indépendance haïtienne (1801-1804), Rennes, Les Perséides, 2013.
 Alejandro E. Gómez, Le Spectre de la révolution noire. L'impact de la révolution haïtienne dans
le monde atlantique, 1790-1886, Rennes, PUR, 2013.
 Jean Jaurès, Histoire socialiste de la révolution française, tome 2, Editions sociales, 1968 La
Législative.
 Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs dans la révolution française 1789-1795, Paris,
Karthala, 2002.
Œuvres de fiction[modifier | modifier le code]

 Romans :
o Alejo Carpentier, El reino de este mundo, 1949, en français Le Royaume de ce monde.
o Jean-Baptiste Picquenard, Adonis, ou le bon nègre, anecdote coloniale, 1798.
o Victor Hugo, Bug-Jargal, 1819 et 1826. Ce premier roman de l'auteur est inspiré en partie
de Adonis, ou le bon nègre.
o Madison Smartt Bell, Le soulèvement des âmes [« All Souls' Rising », 1995], trad. de Pierre
Girard, Arles, France, Actes Sud, 1999, 597 p.
o Isabel Allende, L'Ile sous la mer, 2011.
 Film : Gillo Pontecorvo, (en) Burn!, en français Queimada, 1969.
 Théâtre : Heiner Müller, La Mission, souvenir d'une révolution, 1979.
Articles connexes[modifier | modifier le code]
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 Expédition de Saint-Domingue
 Décolonisation des Amériques
 Histoire d'Haïti
 Saint-Domingue (colonie française)
 Chronologie de l'esclavage

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