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200

HISTOIRES DRÔLES
p o u r briller
dans les dîners en ville
JEAN CLARENCE

200
HISTOIRES
DRÔLES
pour briller
dans les dîners en ville

ACROPOLE
216, boulevard Saint-Germain
75007 Paris
Avec l'amicale complicité de Pierre Berloquin
Dessins : Jicka

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aux Editions Acropole,
216, bd Saint-Germain, 75007 Paris.
Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec H3N 1W3.
ISBN 2-7357-0118-2

Copyright © Acropole 1989


AVANT-PROPOS

Il est temps de venir au secours des honnêtes gens


pour les aider à faire face à une pratique aujourd'hui
incontournable dans les dîners en ville: l'histoire
drôle.
Combien de fois ne vous êtes-vous trouvé à souper
en compagnie de gens charmants, cultivés et sensi-
bles quand éclate soudain la blague qui fige les sou-
rires des uns et déclenche l'hilarité des autres!
C'est là que se joue votre soirée: tiraillé entre le
désir de briller et la crainte d'être vulgaire, vous ne
devez rien laisser paraître de votre désarroi. La moin-
dre hésitation, la moindre équivoque dans le propos
peuvent vous faire perdre l'estime de votre entourage.
Vous devez carrément, franchement, disons le mot,
rigoler.
Mais ce n'est qu'une étape. Il ne suffit pas de vous
engouffrer dans la mêlée des rires: à votre tour, vous
devrez savoir raconter des histoires qui réjouiront
votre auditoire toutes dents dehors!
Grâce à ce livre, vous pourrez accéder à cet état
bienheureux qui vous semble aujourd'hui hors de
portée. Vous saviez rire, pas toujours à bon escient,
vous saurez désormais faire rire et, partant, vous ose-
rez rire, comme jamais!
Rassurons immédiatement ceux qui doutent de
disposer du talent nécessaire: tout être humain,
quels que soient son passé, son éducation, son héré-
dité et sa personnalité, peut rigoler. Les qualités de
l'humoriste n'apparaissent pas spontanément: elles
sont le fruit d'un long et pénible entraînement.
L'apparente aisance des rigolos patentés cache des
années de souffrances, de travail sur soi et d'une
lente progression à travers bides et flops!
Face à cette cruelle réalité, cet ouvrage n'a pour but
que de vous éviter les chausse-trapes les plus dange-
reuses. Il propose une pluie d'histoires groupées par
thème en fonction des dîners auxquels vous serez
amené à participer.
Sur l'humour, il est vain de théoriser: il s'acquiert
par la pratique.
La rigolade collective est l'huile de foie de morue de
la culture; nous tenterons ici de vous la rendre
moins amère.
Consommez ce recueil d'abord au rythme de quatre
à six pages par séance, puis augmentez la dose
jusqu'à mourir de rire, histoire de revivre!
Il vous faut ensuite «répéter». Seul et à huis clos —
la cuisine, la salle de bains, un isoloir ou un confes-
sionnal feront l'affaire —, vous direz à haute voix les
histoires que vous aurez retenues. Surtout, esclaffez-
vous bruyamment dès le dernier mot sans réfléchir
davantage.
Travaillez chaque jour une blague en public. Choi-
sissez volontairement la plaisanterie la moins facile,
celle qui ne vous arrache pas un sourire. Comme
auditoire, prenez les personnes les plus sombres, les
plus austères de votre entourage, celles qui ne rient
jamais.
Lancez-leur, tout à trac, votre plaisanterie du jour.
Étranglez-vous sur le dernier mot et hurlez de rire
jusqu'à ce que vous en ayez les larmes aux yeux.
L'essentiel, ici, est d'afficher de bout en bout une par-
faite assurance.
L'humour et vous ne faites plus qu'un, ne l'oubliez
pas; vous êtes le juge-arbitre de ce qui est drôle et de
ce qui ne l'est pas. Vous observerez à n'en pas douter
que bien peu de gens sont capables de rester de mar-
bre devant une blague, quel qu'en soit le degré d'inep-
tie. Dès lors, prenez de plus en plus de risques. N'hési-
tez pas à sombrer dans l'absurde, à vous abîmer dans
le lamentable, avec toujours plus de conviction. Vous
serez suivi.
Ne vous découragez jamais car, s'il est vrai qu'il
n'est pas grave d'être malade tant qu'on a la santé
(comme le soulignait Francis Blanche), il est heureux
d'être sinistre tant qu'on est vraiment drôle!
Enfin, ne vous étonnez pas si, au bout de quelques
semaines, les accès de rire apparaissent sans effort: le
traitement aura agi, vous serez réellement devenu
rigolo.
Votre image et votre pouvoir s'en trouveront forti-
fiés. Pourvu d'un rire puissant et communicatif, vous
serez irrésistible.
DINERS BRITISH

Les extraterrestres existent. Il est facile de les ren-


contrer. Un saut d'avion, de train ou de ferry au-des-
sus de la Manche vous met en présence de person-
nages dont toutes les caractéristiques intellectuelles,
mentales et comportementales participent de l'ail-
leurs absolu : les Anglais.
L'effet est d'autant plus saisissant que leur aspect
physique est indéniablement humain. L'illusion est
parfaite, l'apparence stupéfiante, mais, qu'ils bou-
gent ou qu'ils parlent, leur qualité d'extraterrestre
s'affiche totalement. Chaque détail est troublant
d'exotisme et d'étrangeté. Par exemple, n'importe
quel Anglais rencontré dans la rue a la faculté innée
de prononcer les mots les plus simples de façon tota-
lement incompréhensible. Sarah Bernhardt ne s'éton-
nait-elle pas d'entendre les Anglais désigner le pain
par le vocable «bread» — prononcer brède —, alors
qu'il est tellement plus facile de dire «pain »!
La nature des Anglais est subtile et inimitable.
Jamais aucun étranger n'est parvenu à passer pour
un Anglais en Angleterre. En revanche, les traits de
l'Anglais sont bien connus. Singer le Britannique
auprès d'un public français, par exemple, est élémen-
taire. Aussi nous vous recommandons de ne pas seu-
lement dire les histoires anglaises qui suivent, mais
également d'épouser les attitudes ad hoc. L'essentiel,
pour le conteur, est de rester strictement impassible :
aucun muscle de votre visage ne doit tressaillir, et
c'est une contrainte aussi délicate à respecter que les
suggestions clownesques de l'introduction! Dans la
situation anglaise traditionnelle, l'humoriste contem-
ple imperturbablement — et non sans mépris — les
spasmes qui secouent ses victimes sous l'effet de
l'irrésistible plaisanterie qu'il vient de leur infliger.
Si une semblable épreuve paraît insurmontable à
l'humoriste, il est autorisé à se livrer à un pénible
exercice décompressif : passer sa langue entre ses
dents, et gonfler sa joue en exerçant une pression sur
la paroi interne. Mieux vaut s'entraîner au préalable,
mais c'est très efficace. Prenez enfin une pointe
d'accent dit « british » sans oublier que vous portez un
corset et une minerve.
Nourriture et humour d'outre-Manche constituent
un indissociable couple. Si vous êtes invité à un
dîner à l'anglaise, évitez la grimace aux premières
bouchées, ne cherchez pas dans cette gastronomie les
ingrédients habituels, mais comprenez qu'elle a été
conçue pour ne s'accommoder que des épices puis-
santes de l'humour. L'esprit, libéré des tentations de
la gourmandise, peut s'ouvrir aux saveurs de
l'humour.
« Ça va mal, ça va très mal, disait un sujet de Sa
Majesté, mais ça ne va pas encore assez mal pour que
je rie vraiment. »
Le gentleman est un p e r s o n n a g e de g r a n d e distinc-
tion, que l'on ne peut évidemment confondre avec
aucun autre. En tout cas pas avec u n Français.
Un Français qui e n t r e dans une salle de bains où
se trouve une superbe fille nue dira : « Pardon,
m a d a m e », u n g e n t l e m a n dira : « P a r d o n , monsieur. »

Dans un club londonien, trois gentlemen lisent,


confortablement assis dans leur fauteuil. Tout est
silencieux. Soudain, on perçoit le souffle d'une voi-
ture qui passe. Silence.
— Rolls, murmure l'un d'eux.
Silence ; dix minutes passent.
— Bentley, dit le deuxième.
Silence. Au bout d'un quart d'heure, le troisième
plie son journal et quitte la pièce en déclarant :
— J'en ai assez de cette conversation.

Dans ce m ê m e club, u n gentleman, jeune,


s'adresse à un autre gentleman, d ' u n âge certain.
— Voulez-vous g o û t e r à ce champagne, sir ?
— Non, merci, j'ai essayé, une fois, et cela m'a
suffi.
— Alors, voulez-vous accepter u n cigare ?
— Non, j e u n e h o m m e , j'ai essayé, une fois, le j o u r
de mes vingt ans, et je n'ai plus jamais recommencé.
Le j e u n e g e n t l e m a n se plonge dans son journal.
Une demi-heure après, il se risque à d e m a n d e r :
— Voulez-vous m o n journal, sir?
— V r a i m e n t non, merci, j'ai fait, u n e seule fois,
l'expérience de ce genre de lecture, et c'est bien
assez.
Le j e u n e h o m m e se sent h o r r i b l e m e n t gêné, et se
réfugie d a n s le silence. A sa grande surprise,
l ' h o m m e lui adresse la parole.
— Vous semblez être un parfait gentleman, et je
souhaite vivement vous p r é s e n t e r à m a fille.
— J'en serais enchanté, sir. (Et il ajoute: Fille uni-
que, je suppose ?)

Lord et Lady Ashley sont en vacances. En pleine


nuit, Lord Ashley téléphone à la réception de l'hôtel.
— Pouvez-vous faire porter une bouteille de
whisky? Ma femme vient de se trouver mal.
Quelques instants plus tard, la femme de chambre
arrive.
— Voici votre whisky. Et pour Madame, vous
n'avez besoin de rien ?
Un lord, veuf depuis peu, se rend à une réception
donnée par un ami. Un domestique passe avec un
plateau de toasts.
— Non, pas de saumon. Apportez-moi plutôt du
caviar, je porte le deuil.

Un gentleman rencontre une ancienne amie.


— Oh ! Lady Robertson, je ne vous avais pas recon-
nue: depuis tout ce temps, j'ai beaucoup changé,
vous savez.

Pendant la guerre, le château d'un lord est bom-


bardé. Celui-ci sort des décombres, repousse quel-
ques débris, s'essuie, et, pensif :
— Voyons, où en étais-je ? Ah ! oui, c'est ça ! A
l'aide !

Un Français est en week-end à Londres. Il passe


une soirée dans un pub assez chic en compagnie de
deux gentlemen, auxquels il raconte qu'il connaît
très bien Londres, où il se trouvait pendant la
guerre.
— Et où habitiez-vous ? demande l'un deux.
— A Oxford Street.
— Je n'ai pas bien entendu, dit l'autre, un peu dur
d'oreille.
— Il dit qu'il habitait tout près d'ici. Comme c'est
amusant, dit-il au Français, vous avez peut-être
connu les Thorbury?
— Hélène Thorbury, si je l'ai connue? Oh oui!
quelle fille ! Un corps ! Et avec ça, un chaud tempéra-
ment !
— Qu'est-ce qu'il dit? Je n'entends rien.
— Père, hurle l'Anglais, il dit qu'il a connu Mère.

Tous les Anglais sont des écologistes dons l'âme. Ils


aiment la nature. Même les Londoniens ne conçoi-
vent pas de vivre sans espace vert.

Mme Madigan a organisé un pique-nique. Au cours


de l'après-midi, son mari disparaît. Les invités le
cherchent, l'appellent. Tout à coup, sa femme le
découvre en bonne compagnie dans un buisson.
— Éda ! s'exclame son mari, enfin je te retrouve,
voilà une heure que je te cherche !

Un Italien rend visite à son ami lord Marlowe.


— Très cher, je me demande quel est votre secret
pour obtenir un si beau gazon.
— C'est surtout le jardinier qui s'en occupe. Mais
c'est très simple. Il suffit de rouler et tondre, et
encore rouler, tondre, pendant deux cents ans.

Les Anglais sont zoophiles à leurs heures et aiment


vivre entourés d'une invraisemblable ménagerie.
Un homme vient chaque soir dans le même pub
avec ses deux singes, qui sont très bien élevés, et
tous les trois boivent une bière. Un soir, les deux
singes viennent seuls au pub. Le barman, qui les
connaît bien, leur sert une bière. Le lendemain,
l'homme vient avec ses animaux et appelle le bar-
man.
— Je vous remercie pour hier soir, vous avez été
très chic avec mes singes; je vous dois donc deux
bières. Et puisque vous aimez les bêtes, je vous ai
apporté une langouste.
— Merci, monsieur, je vais l'emporter pour le
dîner, ma femme sera ravie.
— Oh ! savez-vous, il ne faut pas trop la nourrir, je
lui ai déjà donné à manger. Vous n'aurez qu'à la cou-
cher.
Deux scientifiques anglais sont sur la banquise
pour observer les animaux. Ils sont cachés derrière
un bloc de glace. Un ours blanc passe. Une heure
après, un ours gris passe. Deux heures après, un ours
brun passe. Au bout de quatre heures, un des deux
Anglais se lève et, le regard perdu sur l'horizon, pro-
clame :
— Les ours passent, mais ne se ressemblent pas.

Dans le salon d'un club londonien, deux amis


bavardent :
— Edward, que devient ton cousin Mortimer?
— Mortimer est parfaitement heureux; il vit
actuellement en Afrique avec les singes.
— En compagnie d'une femelle ou d'un mâle ?
— D'une femelle, naturellement.
— Mais alors, il est furieusement normal !

Dans une penderie, une mite prend son repas. Elle


essaie d'avaler une bouchée de veste de tweed, mais
recrache aussitôt :
— Pfou... je n'arriverai jamais à m'habituer à la
cuisine anglaise.

La scène se passe à Londres. Dans un parc, en fin


d'après-midi, un gentleman court dans tous les sens
en faisant de grands gestes ; il s'arrête puis repart, et
s'immobilise soudain près d'un bosquet. Il enlève
son chapeau melon et le jette vivement sur le sol.
Intrigué, un bobby observe l'homme et l'interpelle :
— My lord, puis-je savoir ce qui vous amène si
tard dans ce parc ?
— Oh ! c'est une catastrophe ! Le petit canari de
ma femme s'était échappé de sa cage, et je n'arrivais
pas à le rattraper. Heureusement, je viens de l'aper-
cevoir sous ce buisson, et pour qu'il ne se sauve pas,
j'ai posé mon chapeau dessus. Mais pouvez-vous me
rendre un service ?
— Volontiers, my lord.
— Voudriez-vous surveiller le chapeau pendant
que je vais chez moi chercher la cage ?
— Je vous attends, my lord.
Une demi-heure après, le supérieur du bobby
arrive.
— John, pourquoi restez-vous bêtement planté là?
— Le canari d'un monsieur s'est échappé, il l'a
cherché partout, et a fini par le rattraper. Il a mis
son chapeau dessus, et m'a demandé de le surveiller
pendant qu'il allait chercher la cage.
Le supérieur passe délicatement la main sous le
chapeau, mais la consistance suspecte de sa décou-
verte lui indique qu'il s'agit d'un excrément. Il enlève
sa main, la dissimule derrière son dos, et, très natu-
rellement, regarde le bobby dans les yeux.
— John, depuis combien de temps êtes-vous dans
la police ?
— Vingt ans.
— Vingt ans !
Il approche alors sa main souillée de l'épaule du bob-
by, et s'essuie en traçant des chevrons imaginaires.
— Vingt ans, et pas le moindre petit galon !
Une dame se rend chez un éleveur pour acheter un
chien.
— Monsieur, pouvez-vous me garantir que ce
lévrier est de pure race ?
— Soyez tranquille, madame, ici même les para-
sites de nos animaux ont un pedigree.

La terrible expérience de la cuisine anglaise est —


of course — accommodée à toutes les sauces :

Dans un pub, un petit employé explique à un collè-


gue de bureau sa vision du système politique qui pré-
vaut en Grande-Bretagne. Travailliste ou conserva-
teur, le gouvernement, c'est un peu comme les plats
que prépare sa femme. « Le lundi, elle fait toujours
du bœuf bouilli à la menthe, et, le mardi, je me préci-
pite sur le thon à la menthe en pensant que ça sera
meilleur. »

Un Londonien entre dans un restaurant et


demande à être servi très rapidement. Deux minutes
après, le serveur apporte en toute hâte les filets de
poisson à la confiture que le client vient de comman-
der. Il se presse tellement qu'il se prend les pieds
dans une chaise ; le plat de poisson s'envole, et atter-
rit sur la jambe gauche du client. Très flegmatique, il
demande au serveur en montrant sa jambe droite:
— Et la confiture ?
Pendant le dîner, un mari dit à son épouse :
— Ton haddock à la gelée de framboise ressemble
tout à fait à celui que faisait ma mère.
— Quel compliment, darling. Ta mère cuisinait si
bien.
— Dommage que ce soit le seul plat qu'elle ait tou-
jours raté!

Une mère donne à sa fille quelques conseils.


— Si ton mari a des doutes sur ce que tu lui pré-
pares, fais comme moi, rassure-le. Si c'est chaud, dis-
lui que c'est de la soupe; si c'est froid, dis-lui que
c'est de la bière.

Deux Anglais discutent autour d'une chope.


— Je ne me sens pas très bien en ce moment, j'ai
mal à l'estomac.
— Moi, j'ai résolu le problème depuis longtemps.
— Ah ! oui, quel est ton remède ?
— Je bois un bol d'eau chaude tous les matins.
— Moi aussi je bois de l'eau chaude, mais ma
femme appelle ça du café !

Les pratiques culinaires de nos voisins britanni-


ques sont peut-être barbares, mais elles permettent
aux multiples spécialistes de la médecine privée de se
faire des revenus confortables.
M. Waldman consulte un spécialiste de l'appareil
digestif.
— Je suis désolé, je ne peux rien faire pour vous.
— C'est donc si grave ?
— Oui, je n'opère pas en dessous de 2500 livres.

M. Waldman va donc consulter un autre spécia-


liste. Le médecin l'ausculte.
— Eh bien, ce n'est pas si grave que vous le pen-
siez. Cessez seulement de fumer, de manger ce qui
est sucré, de boire, ne faites plus de sport, éloignez-
vous des femmes, et vous pourrez vivre encore deux
ou trois jours.

Comme il veut s'assurer que les médecins ont fait


un bon diagnostic, il va consulter un autre spécia-
liste.
— Si vous faites un régime, si vous ne buvez plus,
ne fumez plus, et arrêtez tout rapport sexuel, je peux
vous assurer que vous ne vivrez pas plus vieux, mais,
en revanche, la vie vous paraîtra plus longue.

Quelques scènes londoniennes:

Il pleut sur Londres, ce qui n'a rien de remarqua-


ble, mais, aujourd'hui, le vent souffle en fortes bour-
rasques. La robe d'une jeune femme se soulève. Un
homme, qui croise son chemin, regarde en souriant
ce joli spectacle. La femme est très choquée.
— Votre attitude inconvenante me dit que vous
n'êtes pas un gentleman !
Avec le même sourire, l'homme répond :
— J'ai été ravi que vous n'en soyez pas un non
plus!

Un paysan anglais est venu visiter Londres. Mal-


heureusement, il arrive en plein brouillard. Il est
perdu. Soudain, il voit surgir devant lui une vague
silhouette grise, avec un chapeau melon.
— My lord, sauriez-vous me dire où se trouve la
Tamise ?
— Mais bien sûr. Elle est à droite.
— Je ne vois rien, vous en êtes certain ?
— Écoutez, mon brave, j'en sors à l'instant.

La scène se passe à Londres en février. Il fait très


froid et les trottoirs sont gelés. Une vieille dame
glisse sur une plaque de verglas. Elle essaie de se
relever, mais s'étale de nouveau sur le sol. Un bobby
se précipite pour l'aider.
— Vous avez glissé, madame ?
La vieille dame, affligée de cette question stupide,
prend un air décidé :
— Évidemment non. Je suis sélectionnée pour le
championnat du monde de patinage artistique, et je
profite de cette belle journée pour m'entraîner.
Dans un quartier populaire de Londres, l'entraî-
neur d'une équipe de football discute avec un copain.
— Pour la rencontre amicale de ce week-end, il
pleuvait tellement qu'on se serait cru à un match de
water-polo.
— Et comment a réagi le public ?
— Oh! le public... ma femme avait apporté son
parapluie.

Un employé d'une grande entreprise confie à une


nouvelle secrétaire :
— Vous n'avez jamais vu Sir Caldwell? C'est un
bon directeur, mais il est terriblement snob.
— Je ne l'avais pas remarqué.
— Il est tellement snob qu'il a toujours refusé de
monter dans la même voiture que son chauffeur.

Dans leur vie quotidienne aussi les Anglais savent


apporter une touche de surréalisme.

Un Anglais fait une partie de tennis avec un ami


borgne qui reçoit la balle dans l'œil qui lui reste. Il
avance tranquillement vers son ami, lui tapote
l'épaule, et lui dit :
— Oh ! sorry ! and good night !
Dans un pub, Peter discute avec un ami devant
une pinte de Guinness.
— Pourquoi n'es-tu pas encore marié ?
— Je n'y tiens pas vraiment. Le mariage, c'est
comme les « Fish and Chips » : quand c'est bon, ce
n'est pas fameux, et quand c'est mauvais, c'est tout à
fait détestable.

Un Anglais, marié depuis quinze jours, s'acquitte


de son devoir conjugal.
— Peggy, vous êtes souffrante ?
— Non.
— Mais alors, pourquoi bougez-vous ?

Le directeur d'une banque de la City rentre chez


lui. En l'accueillant, sa femme regarde attentivement
sa veste.
— Andrew, ou bien vous avez changé de secrétaire,
ou Miss Callway s'est fait teindre en blond.

Lady Walker vérifie le travail de ses domestiques.


— Jim, n'essuyez pas l'argenterie avec votre mou-
choir.
— Oh ! ce n'est pas grave, madame, je m'en suis
déjà servi !
On offre bien plus facilement son b r a s à u n e
demoiselle que sa main.

Mais q u a n d cela est arrivé, et q u ' i m m a n q u a b l e -


m e n t on est devenu n o n s e u l e m e n t m a r i m a i s père
(et tout cela à la fois ou d a n s l'ordre q u ' o n veut), alors
voici encore quelques conseils :

On n'insistera j a m a i s assez s u r les inconvénients


que présente l'abus d u cyanure de p o t a s s i u m d a n s
l'alimentation des nouveau-nés.

Il y a des j o u r s où l'absence d'ogre se fait cruelle-


m e n t sentir !

Les familles, l'été venu, se dirigent vers la m e r en y


e m m e n a n t leurs enfants. Dans l'espoir, souvent
déçu, d'y noyer les plus laids.

Quelques «Irish Bulls» ou paradoxes importés


d'outre-Manche compléteront u t i l e m e n t vos réfé-
rences :
Il était héréditaire dans cette famille de n'avoir
jamais d'enfants.

L'adultère est bien meilleur lorsqu'il est pratiqué


entre célibataires !

Et cette petite chanson de Raymond Devos, sur les


derniers moments d'une de ses chères et tendres:

Elle était si discrète,


Qu'après avoir rendu
Son tout dernier soupir : Rhah !
Elle en rendit un autre...
Que personne n'entendit.

Sur la société en général, retenons tout d'abord


cette maxime désabusée de Pierre Dac qui remettra
les choses à leur place et leur rendra leurs justes pro-
portions :

Rien n'est nouveau sous le soleil... même quand il


n'y a pas de soleil.

Remarque non moins désabusée de George Ber-


nard Shaw:
La civilisation est une maladie produite par l'habi-
tude de bâtir des sociétés avec des matériaux pour-
ris.

Quant à la compagnie d'autrui, Pierre Dac ne la


trouve pas nécessairement consolante, même s'il y
met quelques nuances :

J'aime mieux les méchants que les imbéciles parce


que, au moins, parfois ils se reposent.

Est-ce d'ailleurs leur faute s'ils sont stupides ?

Comment se fait-il que, les enfants étant si intelli-


gents, la plupart des hommes soient bêtes ?

De toute façon, et toutes choses égales p a r ailleurs,


comme disait Commerson:

Il vaut mieux être perdu de vue que de réputation.

Et, ajoute Pierre Dac (décidément, celui-ci, on ne


peut pas s'en passer...):

Celui qui dans la vie est parti de zéro pour n'arri-


ver à rien dans l'existence n'a de merci à dire à per-
sonne.

Il y a des gens du beau monde qui sont laids et


réciproquement.

Quand les grands de ce monde commettent une


faute, ce sont souvent les petits qui la paient.

Tout cela finit par nous mener à la politique:

Le corps d'un gouvernement qui tombe éparpille


ses membres dans sa chute.

Quand un gouvernement est renversé, il est rare


que sa chute soit amortie par la Caisse Autonome
d'Amortissement parlementaire.
La politique des partis fatigue les organes génitaux
de la République.

La politique de prestige n'est vraiment presti-


gieuse que si le carré de sa surface est égal à celui de
sa profondeur.

Il n'y a pas que des protestants qui descendent


dans la rue pour protester contre les injustices
sociales ; il y a aussi des catholiques, des juifs, des
musulmans, des athées, des agnostiques, et même
des apoplectiques.

Alphonse Allais lui aussi a proposé le fruit de ses


réflexions sur notre société:

La misère a cela de bon qu'elle supprime la crainte


des voleurs.

L'argent est plus utile que la pauvreté, ne serait-ce


que p o u r des raisons financières.
Il est toujours avantageux de p o r t e r un titre nobi-
liaire: être « d e quelque chose», ça pose un homme,
c o m m e «être de garenne», ça pose u n lapin.

Les statistiques ont démontré que la mortalité


dans l'armée augmente sensiblement en temps de
guerre.

Plus les galets ont roulé, plus ils sont polis. Pour
les cochers (là, vous pourriez moderniser), c'est le
contraire.

Si vous sortez dans la rue en scaphandre, ne pre-


nez pas de parapluie, vous pourriez vous faire remar-
quer.

Ajoutons cette exclamation d'Erik Satie, qui a


l'immense mérite de n'avoir à peu près aucun rap-
port avec ce qui précède:
Finis, les cheveux courts : arrachez-les !

A table! Commençons par saluer la mémoire de


Chaval, en rappelant sa maxime culinaire dévoyée:

Quand le pain est mouillé, il faut le boire.

Mais là encore — à tout seigneur tout honneur —


c'est Pierre Dac qui tient la palme:

C'est quand les veaux ont un succès bœuf que les


bœufs jaloux font une tête de veau.

Il n'est pas nécessaire de se mettre à poil pour


manipuler une poêle à frire.

En cuisine fine, les nourritures terrestres peuvent


également être spirituelles.

G a s t r o n o m i q u e m e n t parlant et géographiquement
étant, il est culinairement s u r p r e n a n t q u ' e n t r e le
d é p a r t e m e n t de la Côte-d'Or et celui des Côtes-du-
N o r d il n'y ait pas le d é p a r t e m e n t des côtes de porc.

Les escargots de Bourgogne n'ont j a m a i s empêché


le cassoulet d'être toulousain.

C'est dans les hospices de Beaune que les vieux


crus sont les mieux traités et présentés sous les meil-
leurs auspices.

Ce n'est pas parce que l'astronomie est la science


des astres que la g a s t r o n o m i e n'est pas celle de
l'estomac.

Q u a n d u n e fondue est préparée p a r une cuisinière


c o m p l è t e m e n t fondue, ça d o n n e une fondue complè-
t e m e n t tordue.
Les rognons sautés, en brochette ou a u madère,
ainsi que les bananes, les oranges et les figues éroti-
q u e m e n t disposés et astucieusement juxtaposés font
rêver les n y m p h o m a n e s et d o n n e n t à penser.

Le barbecue est à la grillade ce que la b a r b e est à


papa. Et réciproquement.

Quand u n civet de lièvre ne vaut pas u n pet de


lapin, c'est que la ventilation de celui ou celle qui l'a
préparé est défectueuse.

Il est toujours dangereux de provoquer un court-


circuit dans un court-bouillon. Et réciproquement.

Le g a s t r o n o m e avisé et circonspect qui s'y connaît


en art culinaire est celui qui sait ce qu'il dit q u a n d il
parle de ce qu'il mange.
Tout gastronome digne de ce n o m sait faire la dif-
férence entre du b œ u f qu'on a fait cuire et du cuir
qu'on a fait bœuf.

La goinfrerie est à la gastronomie ce que la mufle-


rie est à la courtoisie.

Rien n'est plus louche qu'une louche dont le


contenu douteux est versé dans votre tasse par un
loufiat qui louche.

Les aliments mal revenus font les repas mal par-


tis.

Dans un mess d'officiers, le menu militari est de


rigueur.
Le gratin dauphinois fait partie de l'aristocratie
gastronomique dauphinoise.

Les soupapes, même grillées au feu rouge, ne sont


pas comestibles.

Les bons crus font les bonnes cuites.

Il vaut mieux s'en jeter un derrière la cravate que


de se jeter une cravate dans le derrière.

Seul le foie de veau de luxe est doré sur tranches.

Le gros qui tache est au Mouton-Rothschild ce que


la brebis galeuse est à l'agneau pascal.
Le sandwich au bouillon gras ou de légumes, ce
n'est pas mauvais, mais c'est mou, ça coule, ça tache
et, de surcroît, c'est complètement con.

Il est bien évident que cette liste de remarques culi-


naires et gastronomiques en tout genre n'est pas
exhaustive et que le lecteur un tant soit peu imagina-
tif pourra la compléter à son gré...
Mais un détour p a r Alphonse Allais s'impose:

Le café est un breuvage qui fait dormir... quand on


n'en prend pas.

Les pommes de terre cuites sont plus faciles à


digérer que les pommes en terre cuite.

Ou encore par Erik Satie :

Je ne voudrais pas faire rougir un homard ou un


œuf.

Et souvenons-nous, pour clore provisoirement ce


chapitre des propos de table, que:
L'abstinence est une bonne chose, pourvu qu'on la
pratique avec modération.

Si vous désirez briller dans les conversations ayant


trait aux sciences, voici le fruit des réflexions de cer-
tains de vos plus illustres prédécesseurs.
Ionesco, tout d'abord, qui nous rappelle que, même
en bonne géométrie euclidienne :

Prenez un cercle, caressez-le : il deviendra vicieux.

Queneau, quant à lui, signale fort justement que:

Dans toutes les tentatives pour démontrer que


2 + 2 = 4, il n'a jamais été tenu compte de la vitesse
du vent.

Ou encore Pierre Dac (hé oui! toujours lui...):

L'angle droit bout à 90 degrés.

Rien de ce qui est fini n'est complètement achevé


tant que tout ce qui est entrepris n'est pas totale-
ment terminé.
D'après la théorie de l'évaluation des distances
astrales, de Schpotzermann et Schpotzermann, expo-
sée dans les colonnes du grave journal Le Monde, il
est incontestable qu'il y a plus loin de la Terre à la
Lune que de Dunkerque à Tamanrasset, et récipro-
quement.

Dac vous rendra intarissable également sur la mer


et des marins:

En intimité maritime, le lagon est à la lagune ce


que chacun est à sa chacune.

Les 18 trous du golfe du Mexique sont célèbres


mais dangereux.

La matelote est un mets de poissons coupés en


morceaux et accommodés avec du vin rouge et des
oignons, et non la femme d'un matelot, plate comme
une limande et qui file comme une anguille.
Alexandre Dumas de Misaine est le fils d'Alexan-
dre Dumas d'Artimon qui en est le père.

La marée haute est une marée condescendante et


la marée basse est une marée déférente.

Une marée vicieuse, c'est une marée salope.

Les limandes-soles sont des poissons de mer indé-


cis qui ne savent pas ce qu'ils veulent.

Ces réflexions seront complétées par celles


d'Alphonse Allais, dans le domaine de l'histoire et de
la géographie:

Si le nez de Cléopâtre avait été plus long... sa face


en aurait été changée.
Shakespeare n'a jamais existé. Toutes ses pièces
ont été écrites par un inconnu, qui portait le même
nom que lui.

«Chexpire »... Quel vilain nom ! On croirait enten-


dre mourir un Auvergnat.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais


j'adore l'Angleterre : je lâcherais tout, même la proie,
pour Londres.

Je ne comprends pas les Anglais ! Tandis qu'en


France nous donnons à nos rues des noms de vic-
toires : Wagram, Austerlitz... là-bas, on leur colle des
noms de défaites: Trafalgar Square, Waterloo Sta-
tion...

L'Angleterre est une ancienne colonie n o r m a n d e


qui a mal tourné.
Au cours d'un voyage en Belgique, il envoie u n
bouchon à u n ami avec ces m o t s :
« Souvenir de Liège. »

Un conseil d'Erik Satie, a u p a s s a g e :

Ne respirez pas s a n s avoir, a u préalable, fait bouil-


lir votre air.

Et surtout cette maxime, que devrait toujours pro-


n o n c e r tout scientifique digne de ce n o m :

Bien que nos renseignements soient faux, n o u s ne


les garantissons pas.

Si vous voulez p i q u e r la curiosité ou éprouver la


sagacité de vos voisins de table, voici quelques ques-
tions proposées p a r Jean Tardieu :

Prolongez une ligne droite j u s q u ' à l'infini :


qu'est-ce que vous trouvez au bout ?

É t a n t d o n n é un mur, que se passe-t-il derrière ?


Étant donné deux points A et B, situés à égale dis-
tance l'un de l'autre, comment faire pour déplacer A
sans que B s'en aperçoive ?

Étant donné qu'il va se passer je ne sais quoi je ne


sais quand, quelles dispositions prenez-vous ?

Où la Seine se jetterait-elle si elle prenait sa source


d a n s les Pyrénées ?

Observez attentivement votre main gauche, et


dites à qui elle appartient.

On dit communément que le temps, c'est de


l'argent : faites le calcul, au cours du dollar.
Voici, en vrac et pour meubler les trous de la
conversation...
Tout d'abord quelques combles:

Celui de la politesse : s'asseoir sur son derrière et


lui demander pardon.

Celui de l'erreur géographique : confondre les sui-


cidés et les habitants de la Suisse.

Celui de l'habileté: arriver à lire l'heure sur un


cadran de baromètre.

Celui de la ressemblance : pouvoir se faire la barbe


devant son portrait.

Celui de l'optimisme : entrer dans un grand restau-


rant et compter sur la perle qu'on trouvera dans une
huître pour régler l'addition.
Celui du dermatologue : manquer de peau !

Etc.
Quelques proverbes légèrement modifiés etpervertis :

Qui dort d'un œil dîne de l'autre.


Comme on fait sa couche on se lit.

Le jeu n'en vaut ni la chandelle ni les deux bouts.

C'est la goutte qui a mis le feu aux poudres (ou:


C'est l'étincelle qui a fait déborder le vase).

Enfin, dans la mesure où le problème du chômage


ne peut pas ne pas être abordé lors d'un dîner en ville,
voici quelques petites annonces du défuntOs à moelle :

Pour emploi subalterne, directeur fabrique


gommes cherche collaborateur très effacé.

Monsieur à qui on ne la fait pas cherche dame à


qui on ne l'a pas fait.

Berger martiniquais vend ses patins à houlettes.


Réparations de locomotives à domicile.

Vends papier glacé p o u r lettres de rupture.

Monsieur manquant d'amour-propre cherche


bonne lascive.

Dame cherche nourrice aveugle pour enfant qui


braille.

Président-directeur général engagerait comme


adjoint président-directeur colonel ; présidents-direc-
teurs caporaux s'abstenir.

Comptable cherche assistant sur qui il pourrait


compter.
Scieur de long s'associerait avec scieur de large
pour fabrication pavés de bois rectangulaires.

Clown sans emploi cherche vieille dame coquette


pour la dérider.

Armée du Salut recherche individu louche pour


servir soupe populaire.

En guise d'au revoir:

Si je bâille ostensiblement, ne croyez pas que ce


soit impolitesse de ma part ; c'est simplement que je
m'emmerde.

Mais vous pouvez aussi partir en paraphrasant la


célèbre formule de Groucho Marx:

J'ai passé une excellente soirée... mais ce n'était


pas celle-ci.

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