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UNIVERSITE BORDEAUX I

Théorie des Groupes

Examen, le 18 décembre 2013 (Corrigé)


Durée 4h. Documents non autorisés

Exercice 1. Le but de cet exercice est de prouver que tout groupe


simple d’ordre 60 est isomorphe à A5 . Soit G un groupe d’ordre 60.
Pour tout nombre premier p divisant 60 on note np le nombre de p-
sous-groupes de Sylow de G. Rappelons que le groupe G agit par
conjugaison sur l’ensemble Sylp (G) des p-sous-groupes de Sylow.

1) Montrer que n2 ∈ {1, 3, 5, 15} et que n5 ∈ {1, 6}.


Solution. On a 60 = 22 · 3 · 5. Par le troisième théorème de Sylow
n2 ≡ 1 (mod 2) et n5 ≡ 1 (mod 5). De plus, n2 divise 60/22 = 15 et
n5 divise 60/5 = 12.

2) Montrer que tout sous-groupe de Sylow de G est abélien.


Solution. On sait que si p est un nombre premier, alors un groupe
d’ordre p est cyclique. Alors les 3-sous-groupes de Sylow et les 5-sous-
groupes de Sylow de G sont cycliques, donc ils sont abéliens. On sait
aussi qu’un groupe d’ordre p2 (p premier) est abélien. Donc les 2-sous-
groupes de Sylow de G sont abéliens.

3) Prouver que si n2 = 1, le groupe G possède un sous-groupe dis-


tingué d’ordre 4.
Solution. Soit G2 l’unique 2-Sylow de G. Pour tout x ∈ G xG2 x−1 est
un 2-Sylow de G. Donc xG2 x−1 = G2 pour tout x ∈ G. On en déduit
que G2 est distingué dans G.

4) Prouver que si n2 = 3, il existe un homomorphisme non-trivial


f : G → S3 . En déduire que dans ce cas G n’est pas un groupe simple.
Solution. L’ensemble Syl3 (G) de 2-sous-groupes de Sylow de G est
de cardinal 3. L’action de G sur Syl3 (G) par conjugaison définit un
homomorphisme G → S(Syl3 (G)) ' S3 . Comme l’action de G sur
Syl3 (G) est transitive (deux 3-sous groupes de Sylow quelconques sont
conjugués), cet homomorphisme n’est pas trivial. Donc sont noyau H
est un sous-groupe distingué de G tel que H 6= G. D’autre part, comme
2

|G| = 60 et |S3 | = 6, on a H 6= {e}.

5) On suppose que n2 = 5 et que G est un groupe simple.


a) Prouver qu’il existe un homomorphisme injectif G → S5 .
Solution. L’action de G sur les 2-sous-groupes de Sylow donne un
homomorphisme non-trivial G → S5 . Son noyau H est un sous-groupe
distingué de G et comme G est simple on a H = {e}.

b) Prouver que A5 est l’unique sous-groupe de S5 d’indice 2. En déduire


que G est isomorphe à A5 .
Solution. Soit H un sous-groupe de S5 d’indice 2. Alors H est un sous-
groupe distingué de S5 . Soit x ∈ S5 . Alors, en considérant la classe de
x modulo H on voit que x2 ∈ H. En particulier, pour tout 3-cycle (ijk)
on a
(ijk) = (ijk)4 = (ikj)2 ∈ H.
Comme A5 est engendré par les 3-cycles, A5 ⊂ H, d’où A5 = H.
Une autre preuve, plus courte, utilise la simplicité de A5 . Comme H
est distingué dans S5 , le groupe H ∩ A5 est un sous-groupe distingué
de A5 . Donc soit H = A5 soit H ∩ A5 = {e}. Dans le dernier cas tous
les éléments 6= e de H sont des permutations impaires. En particulier,
si σ et τ sont deux éléments de H tels que σ, τ 6= e, alors στ −1 ∈ H
est une pérmutation paire d’où σ = τ. Donc H = {e, σ} est un groupe
à deux éléments. Contradiction.
Par la question 5a), G s’injecte dans S5 et comme |G| = 60, l’image
de G dans S5 est un sous-groupe d’indice 2. Donc G est isomorphe à A5 .

6) On suppose que n2 = 15 et que G est un groupe simple.


a) Soit X l’union des sous-groupes d’ordre 5 de G. Prouver que
Card(X) = 25.
Solution. Si G est simple, alors n5 6= 1. Donc n5 = 6. Si A et B sont
deux sous-groupes distincts de G d’ordre 5, alors A ∩ B = {e}. Donc G
contient (5 − 1) · 6 = 24 éléments d’ordre 5. Il faut y ajouter l’élément
neutre.

b) Prouver que si H est un 2-sous-groupe de Sylow de G, alors H ∩X =


{e}. En déduire qu’il existe deux 2-sous-groupes de Sylow H1 et H2 de
G tels que H1 ∩ H2 est un sous-groupe d’ordre 2.
Solution. Si x ∈ H ∩X, alors x2 = e et x5 = e. Comme P GCD(2, 5) =
1, on en déduit que x = e. Soit Y l’union des sous-groupes d’ordre 4
de G. Supposons que H1 ∩ H2 = {e} pour tous les 2-sous-groupes de
Sylow distincts de G. Alors Card(Y ) = (4 − 1) · 15 + 1 = 46. Comme
3

X ∩ Y = {e}, on a
Card(X ∪ Y ) = Card(X) + Card(Y ) − 1 = 70 > 60 = |G|.
Contradiction. Donc il existe deux 2-sous-groupes de Sylow H1 et H2
de G tels que H1 ∩ H2 est un sous-groupe d’ordre 2.

c) Soit N le sous-groupe de G engendré par H1 et H2 . Prouver que


l’indice (G : N ) ∈ {1, 3, 5}.
Solution. Comme H1 ⊂ N ⊂ G et H1 6= N, (G : N ) divise (G : H1 ) =
15 et (G : N ) 6= 15.

d) Prouver que G 6= N. En étudiant l’action de G sur les classes à


gauche selon N prouver que (G : N ) = 5. En déduire que G est iso-
morphe à A5 .
Solution. Par le choix des sous-groupes H1 et H2 , H1 ∩ H2 est un
groupe d’ordre 2. Comme |H1 | = |H2 | = 4 = 22 , les groupes H1 et H2
sont abéliens. On en déduit que H1 ∩ H2 est contenu dans le centre de
N = H1 · H2 . Comme G est simple, Z(G) = {e}, d’où N 6= G.
Supposons que (G : N ) = 3. Alors l’action de G sur les classes à
gauche selon N donne un homomorphisme G → S3 . Comme |S3 | =
6 < |G|, cet homomorphisme n’est pas injectif et son noyau est un
groupe distingué non-trivial de G. Contradiction.
Donc (G : N ) = 5. Dans ce cas, l’action de G sur les classes à gauche
selon N donne un homomorphisme injectif G → S5 . On en déduit que
G est isomorphe à A5 (voir la solution de la question 5b)).
√ √
Exercice 2. Soit K = Q[ 2, 3].

1) Prouver que K est une extension de Q de degré 4. Donner une


base de K sur Q. √ √ √
Solution. Soit F = Q[ 2]. Comme 2 6∈ Q et comme √ 2 est une
racine de X 2 − 2, X 2 − 2 est le polynôme minimal
√ de 2 sur Q. Donc
√ : Q] = 2.√On montre par l’absurde que 23 6∈ F.2 Supposons
[F √ que
√3 = a + b 2 ∈ L, a, b ∈ Q.√Alors 3 = a 2 + 2b + 2ab 2, d’où
2 ∈ Q. Contradiction.
√ Donc 3 6∈ L et X − 3 est le polynôme
minimal de 3 sur F. On en déduit que [K : F ] = 2. Par le théorème
de√la base
√ √ télescopique
√ √ [K : Q] = [K : F ][F : Q] = 4 et les éléments
1, 2, 3, 6 = 2 · 3 forment une base de K sur Q.

2) Prouver que l’extension K/Q est normale.


Solution. K est le corps de décomposition de (X 2 − 2)(X 2 − 3).
4
√ √
3) Soit
√ σ un √ automorphisme de K/Q. Prouver que σ( 2) = ± 2
et σ( 3) = ± 3. Soit µ2 = {−1, 1} le groupe multiplicatif des racines
carrées de l’unité. Prouver que l’application
Gal(K/Q) → µ2 × µ2
√ √ !
σ( 2) σ( 3)
qui a tout σ ∈ Gal(K/Q) associe √ , √ est un isomor-
2 3
phisme.
√ 2 √ 2
Solution. Soit σ √un automorphisme
√ de K/Q.√Alors (σ(
√ 2)) = σ( 2 )=
σ(2) = 2, d’où σ( 2) = ± 2. De même, σ( 3) = ± 3. Soit
ϕ : Gal(K/Q) → µ2 × µ2
√ √ !
σ( 2) σ( 3)
l’application qui a tout σ ∈ Gal(K/Q) associe √ , √ . Om
2 3
montre que ϕ est un homomorphisme. Soient σ, τ ∈ Gal(K/Q). Alors
√ √ √ √ ! √ √ √
στ ( 2) στ ( 2) σ( 2) τ ( 2) σ( 2) τ ( 2) σ( 2)
√ = √ · √ =σ √ · √ = √ · √
2 σ( 2) 2 2 2 2 2
et √ √ √
στ ( 3) σ( 3) τ ( 3)
√ = √ · √
3 3 3
 √  √ √
τ ( 2)
(remarquons que σ √2 τ ( 2)
= √2 puisque τ (√22) = ±1 ∈ Q). On
en déduit que ϕ(στ ) = ϕ(σ)ϕ(τ ).√Donc √ ϕ est un√ homomorphisme.

Supposons
√ √que σ ∈ ker(ϕ). Alors σ( 2) = 2 et σ( 3) = 3. Comme
K = Q[ 2, 3), on en déduit que σ = idK . Donc ϕ est injectif. Comme
|Gal(K/Q)| = [K : Q] = 4 = |µ2 × µ2 |,
l’homomorphisme ϕ est surjectif. Donc ϕ est un isomorphisme.
√ √
4) Déterminer les groupes Gal(K/Q[ 2]) et Gal(K/Q[ 3]).
Solution. Par la corréspondance de Galois

Gal(K/Q[ 2]) = {e, g1 },
√ √ √ √
où g1 ( 2) = 2 et g1 ( 3) = − 3 et

Gal(K/Q[ 3]) = {e, g2 },
√ √ √ √
où g2 ( 2) = − 2 et g2 ( 3) = 3.
√ √
5) Soit α = (2 + 2)(3 + 6). Calculer σ(α) pour tout σ ∈ Gal(K/Q).
5

En déduire que K = Q[α].


Solution. On a Gal(K/Q) = {e, g1 , g2 , g3 }, où g3 = g1 g2 . Alors
√ √ √
e(α) = α = 6 + 3 2 + 2 3 + 2 6,
√ √ √ √ √
g1 (α) = (2 + 2)(3 − 6) = 6 + 3 2 − 2 3 − 2 6,
√ √ √ √ √
g2 (α) = (2 − 2)(3 − 6) = 6 − 3 2 − 2 3 − 2 6
√ √ √ √ √
g3 (α) = (2 − 2)(3 + 6) = 6 − 3 2 − 2 3 + 2 6.
√ √ √ √ √
Comme 1, 2, 3, 6 = 2 · 3 forment une base de K sur Q, on
voit que α, g1 (α), g2 (α) et g3 (α) sont deux à deux distincts. Donc
Q[α] ⊂ K est une sous-extension de K/Q telle que [Q[α] : Q] > 4.
Comme [K : Q] = 4, on en déduit que Q[α] = K.

6) Prouver que pour tout σ ∈ Gal(K/Q) l’élément σ(α)/α est un


carré dans K, c’est-à-dire que pour tout σ il existe a ∈ K tel que
σ(α)/α = a2 .
Solution. On a
√ √ 2 √ !2
g1 (α) 3− 6 (3 − 6) 3− 6
= √ = = √ ,
α 3+ 6 3 3
√ √ √ √ √ √ !2
g2 (α) (2 − 2)(3 − 6) (2 − 2)2 (3 − 6)2 (2 − 2) · (3 − 6)
= √ √ = = √ ,
α (2 + 2)(3 + 6) 2·3 6
√ √ √ !2
g3 (α) 2− 2 (2 − 2)2 2− 2
= √ = = √ .
α 2+ 2 2 2

7) Soit β une racine du polynôme X 2 − α ∈ K[X]. On veut prouver



/ K. Supposons que β ∈ K.
par l’absurde que β √ √
a) Soit Gal(K/Q[ 2]) = {idK , τ }. Prouver que βτ (β) ∈ Q[ 2].
Solution. On a τ = g1 .
τ (βτ (β)) = τ (β)τ 2 (β) = τ (β)β.
√ √
Donc βτ (β) ∈ K Gal(K/Q[ 2]) = Q[ 2].
√ √
b) Calculer ατ (α) et en déduire que βτ (β) = ±(2 + 2) 3.
Solution. On a
√ √ √ √ √
ατ (α) = (2 + 2)(3 + 6)(2 + 2)(3 − 6) = 3 · (2 + 2)2 .
Comme (βτ (β))2 = ατ (α), on a
p √ √
βτ (β) = ατ (α) = 3(2 + 2).
6

c) Trouver une contradiction


√ √et conclure.
Solution. Comme 3 6∈ Q[ 2], on a
√ √ √
βτ (β) = 3(2 + 2) 6∈ Q[ 2].

Or βτ (β) ∈ Q[ 2] par 7a).

8) Soit L = K[β]. Prouver que L/Q est une extension normale de


degré 8.
Solution. On a
[L : Q] = [L : K][K : Q] = 2 · 4 = 8.
Soit σ : L/Q → E/Q un homomorphisme à valeurs dans une extension
E de L. Alors σ(β)2 = σ(α). La restriction de σ sur K coı̈ncide avec
un élément g de Gal(K/Q). Par 6), g(α) = a2 α pour un certain a ∈ K,
d’où on a
σ(β)2 = αa2 . (∗)
Donc σ(α) = ±βa ∈ L et on a prouvé que σ(L) ⊂ L. On en déduit que
L/Q est normale.

9) Définir des automorphismes de L/Q qui prolongent les éléments


de Gal(K/Q).
Solution. Comme β 2 = α, on a L = Q[β]. Donc tout élément
σ ∈ Gal(L/Q) est complètement défini par σ(β). On utilise la formule
(*) pour déterminer σ(β).
Les prolongements de l’automorphisme trivial e ∈ Gal(K/Q) vérifient
σ(β)2 = α. On obtient, donc l’automorphisme trivial σ00 de L/Q qui
vérifie σ00 (β) = β et l’automorphisme σ01 défini par σ01 (β) = −β.
Les prolongements de l’automorphisme g1 ∈√Gal(K/Q) vérifient
σ(β)2 = αa21 , où (voir la question 6)) a1 = 3−√3 6 . On obtient donc
les automorphismes σ10 et σ11 définis par
√ √
3− 6 3− 6
σ10 (β) = β √ , σ11 (β) = −β √ .
3 3
Les même raisonnement donne les prolongements de g2 :
√ √ √ √
(2 − 2) · (3 − 6) (2 − 2) · (3 − 6)
σ20 (β) = β √ , σ21 (β) = −β √
6 6
et de g3 :
√ √
2− 2 2− 2
σ30 (β) = β √ , σ31 (β) = −β √ .
2 2
7

Remarquons que σ11 = σ10 σ01 , σ21 = σ20 σ01 et σ31 = σ30 σ01 .

10) Soit
        
1 0 i 0 0 1 0 i
H8 = ± ,± ,± ,± ,
0 1 0 −i −1 0 i 0
où i2 = −1. Vérifier que H8 est un groupe pour le produit matriciel.
Est-il abélien?
Solution. On vérifie facilement que H8 est un groupe. Comme
    
i 0 0 1 0 i
= ,
0 −i −1 0 i 0
et     
0 1 i 0 0 i
=−
−1 0 0 −i i 0
H8 n’est pas abélien.
  
1 0
11) Prouver que A = ± est un sous-groupe distingué de
0 1
H8 est que H8 /A est isomorphe à µ 2 × µ2.
1 0
Solution. Comme les matrices ± commutent avec toutes les
0 1
matrices, A est un sous-groupe distingué de H8 . Le quotient H8 /A est
un groupe d’ordre 4 = 22 . Donc H8 /A est abélien. Un groupe abélien
d’ordre 4 est soit cyclique, soit produit direct de deux groupes d’ordre
2. On vérifie facilement que x2 = e pour tout x ∈ H8 /A. Donc H8 /A
est isomorphe à µ2 × µ2 .

12) Prouver que Gal(L/Q) est isomorphe à H8 .


2
Solution. En utilisant la question 9) il est facile de voir que σ01 = e,
2 2 2
σ11 = σ21 = σ31 = σ01 et σ11 σ21 = σ31 , σ21 σ11 = σ01 σ31 . On en déduit
facilement
  que l’application
 f : Gal(L/Q)  → H8définie par f(σ01 )=
1 0 i 0 0 1 0 i
− , f (σ11 ) = , f (σ21 ) = , f (σ31 ) = ,
0 1 0 −i −1 0 i 0
est un isomorphisme.

FIN

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