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Préservation et conservation

Gérer le patrimoine

Le programme fondamental PAC de l’Ifla

C
omme son nom l’indique, le Il n’est pas anodin que ce besoin
programme PAC (Préserva- se soit exprimé d’abord en Afrique :
tion et conservation) est dédié des pays économiquement moins fa-
à la préservation et à la conservation vorisés montraient leur inquiétude
du patrimoine des bibliothèques et de voir disparaître leur patrimoine,
Christiane Baryla archives 1. Il est l’une des six activités faute de « soins ». Aujourd’hui, pres-
Bibliothèque nationale de France fondamentales de l’Ifla ; il collabore que vingt ans après, la conservation
christiane.baryla@bnf.fr avec les 46 sections et les 8 divisions demeure un enjeu capital pour toutes
de l’organisation qui représentent pra- les bibliothèques, enjeu qui n’a pas
Christiane Baryla, conservateur général tiquement tous les types de bibliothè- disparu avec l’avènement du numéri-
à la Bibliothèque nationale de France ques et leurs champs d’intérêt 2. que, bien au contraire : les grandes bi-
où elle dirige depuis 2006 le programme
bliothèques numériques en construc-
PAC de l’Ifla, a longtemps travaillé à la
bibliothèque interuniversitaire Sainte-
tion ont pour défi majeur l’accès à des
Geneviève. Elle y fut à l’origine du Historique masses gigantesques d’information.
premier vidéodisque sur les miniatures Qu’il s’agisse de documents anciens,
des manuscrits médiévaux. En 1990, Si l’Ifla a été créée en 1927, le pro- publiés sur papier, sur film ou sur
elle a poursuivi sa carrière à Rome en gramme PAC est né à Nairobi, lors de d’autres supports analogiques, qu’il
tant que chargée de mission à l’École la conférence annuelle, en août 1984. s’agisse de documents numérisés ou
française de Rome pour la réalisation Il s’agissait alors d’affronter un cer- « nés numériques », le point commun
d’une banque d’images des manuscrits tain nombre de problèmes, qui pou- face à une communication souhaitée
de la Bibliothèque vaticane, et a ensuite vaient sembler conjoncturels, dans le pérenne demeure leur bonne conser-
dirigé pendant dix ans la bibliothèque
domaine de la conservation des docu- vation, leur préservation afin d’éviter
de l’école, au palais Farnèse. De retour
à Paris en 2003, elle a pris la direction
ments, en initiant d’abord une coopé- toute disparition irrémédiable.
de la bibliothèque interuniversitaire de ration internationale. Et c’est en 1986, Ainsi, le PAC, né pour être, le cas
pharmacie (université Paris Descartes). à Vienne, lors d’une conférence sur la échéant, temporaire (d’autres pro-
conservation des documents des bi- grammes fondamentaux de l’Ifla ont
bliothèques, sponsorisée par la CDNL aujourd’hui disparu car ils sont deve-
(Conférence des directeurs des biblio- nus obsolètes) a vu son réseau de par-
thèques nationales), l’Ifla et l’Unesco tenaires et de collaborateurs s’étendre
que le programme fut vraiment lancé. depuis vingt ans ; ses initiatives se sont
L’encadré, joint à cet article, présente également accélérées et multipliées.
le programme « Mémoire du monde »,
« frère » de celui de l’Ifla-PAC.
Ce thème de la conservation, né- Missions
gligé depuis les années 1980-1990,
non seulement n’a pas disparu de nos Dès l’origine, le but assigné au
préoccupations professionnelles mais programme était de « s’assurer que tous
il n’a cessé d’irradier, d’infiltrer tous les documents d’archive et de bibliothè-
les secteurs de notre métier. Il y a un que, publiés ou non, quel que soit leur
peu plus de vingt ans, l’objectif était format, soient conservés dans une forme
d’appuyer, de renforcer, voire de créer accessible pour une durée aussi longue
une prise de conscience internationale que possible ».
sur l’importance de la conservation du Les objectifs, fixés alors, demeu-
patrimoine écrit. rent valables aujourd’hui :
• créer une prise de conscience
chez les politiques et le grand public
1. www.ifla.org/VI/4/pac.htm autour de la conservation du patri-
2. www.ifla.org moine écrit ;

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Préservation et conservation :

• encourager la formation et l’in- • la Bibliothèque nationale de Tri- Toutes ces actions particuliè-
formation de tous : faciliter les for- nité et Tobago à Port d’Espagne, res doivent toutefois s’inscrire dans
mations à la conservation préventive • la Bibliothèque nationale du l’orientation générale donnée au pro-
et à la manipulation des documents. Brésil à Rio de Janeiro, gramme et, pour maintenir cette co-
Informer aussi les usagers des biblio- • la Bibliothèque nationale du hésion internationale, le directeur du
thèques de leur propre responsabilité Chili à Santiago ; PAC réunit au moins une fois par an,
dans la durée de vie des collections ; Asie et Océanie généralement lors du congrès de l’Ifla,
enseigner les théories et les bonnes • la Bibliothèque nationale du tous les directeurs régionaux, afin de
pratiques de conservation à tous ceux Japon à Tokyo, définir avec eux les grands axes de tra-
qui ont en charge le patrimoine ; • la Bibliothèque nationale d’Aus- vail à court terme. Un plan stratégique
• encourager la recherche sur les tralie à Canberra, général est établi aussi, tous les deux
différentes causes de détérioration des • la Bibliothèque nationale de ans, en accord avec l’Ifla. Bien évidem-
collections ; Chine à Pékin, ment, internet et les facilités de com-
• promouvoir le développement • la Bibliothèque nationale du Ka- munication nouvelles sur la Toile ont
de normes et de règles nationales et zakhstan à Almaty ; profondément transformé, ces dix der-
internationales propres à notre sec- Afrique nières années, le travail en réseau.
teur ; • la bibliothèque de l’université Le réseau du programme ce n’est
• enfin, grâce à une bonne coopé- du Cap en Afrique du Sud, pas seulement le réseau de ses diffé-
ration internationale, promouvoir le • la Bibliothèque nationale du rents centres. Pour mener à bien ses
développement d’activités qui appuie- Bénin à Porto-Novo ; activités, le PAC travaille en coopéra-
ront les missions de l’Ifla, notamment Europe tion avec les sections de l’Ifla (et pas
celles de la section Préservation et • la bibliothèque de littératures seulement avec la section Préservation
conservation. étrangères à Moscou en Russie. et conservation), avec les autres activi-
Ces objectifs reposent sur quel- C’est le centre international de tés fondamentales, notamment ALP
ques principes : Paris qui est responsable de l’Europe (Action pour le développement) ; il col-
• la conservation des collections de l’Ouest et du Moyen-Orient. labore aussi avec de grandes organisa-
des bibliothèques et des archives est Si chaque centre régional anime tions non gouvernementales comme
essentielle à la survie et au développe- des projets spécifiques et des forma- l’Unesco et le Conseil international
ment de la culture et du savoir ; tions, s’il sert de relais pour une vaste des archives. Cette coopération s’est
• chaque pays doit se sentir res- zone géographique, s’il est autonome concrétisée par des publications et des
ponsable de la conservation non seu- dans son fonctionnement, il coopère actions communes au sein du Bouclier
lement de ses propres publications, étroitement avec le centre internatio- bleu international. Le directeur du
mais aussi de celles conservées dans nal et les centres voisins. Ainsi, en PAC est membre de la division « Pré-
d’autres bibliothèques étrangères. 2007, le centre de Pékin a-t-il organisé servation » de Liber (Ligue des biblio-
Pour atteindre ces objectifs, l’Ifla une conférence sur les problèmes de thèques européennes de recherche) et
a choisi d’établir un fonctionnement conservation en Asie, en invitant les de l’association DPE (Digital Preserva-
en réseau avec un centre international centres du Japon et d’Australie, ainsi tion Europe). Ce sont aussi ces échan-
qui coordonne des centres régionaux. que d’autres pays concernés par le ges qui enrichissent le programme.
À l’origine accueilli par la biblio- sujet, comme la Corée.
thèque du Congrès à Washington, le Un domaine d’excellence a été at-
centre international du PAC est depuis tribué à chaque centre, une spécialité, Les activités
1992 hébergé par la Bibliothèque na- qui n’exclut en rien la coopération du programme :
tionale de France. Jean-Marie Arnoult avec le reste du réseau. Ce champ d’ex-
fut son premier directeur ; Marie-Thé- pertise s’appuie presque toujours sur
former, informer
rèse Varlamoff lui succéda de 1994 à celui de la bibliothèque nationale hôte.
2006. Toute la force du programme Ainsi, le centre PAC d’Australie est-il Les actions de formation pren-
réside dans le fonctionnement en ré- expert dans le domaine de la conser- nent le plus souvent la forme de sta-
seau : aujourd’hui, le centre interna- vation des données numériques, l’Afri- ges, proposés aux bibliothécaires
tional de Paris anime et coordonne que du Sud dans celui de la forma- et archivistes d’une région donnée.
13 centres régionaux, responsables tion, le Japon pour la conservation du Ainsi Colin Webb, directeur du PAC
chacun d’une zone géographique et papier, le Chili pour la prévention des Australie, organise-t-il régulièrement
hébergés par des bibliothèques na- catastrophes et les plans d’urgence. des formations à la préservation du
tionales réparties sur plusieurs conti- La Bibliothèque nationale d’Australie numérique en Océanie. Ces ateliers
nents : est très impliquée au niveau mondial peuvent aller du contenu le plus élé-
Amérique dans l’archivage électronique pérenne ; mentaire au plus sophistiqué : Colin
• aux États-Unis, la Bibliothèque la Bibliothèque nationale d’Afrique du Webb a pu ainsi proposer des actions
du Congrès à Washington D.C., Sud anime un réseau important de de sensibilisation à la nécessité de
• la Bibliothèque nationale du Ve- formation en Afrique anglophone, et conserver les données numériques
nezuela, à Caracas, ainsi de suite. auprès de petites institutions patrimo-

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niales. Mais, membre de est consacrée à des thèmes particu-
structures de recherche liers : à ce jour, le numéro 6, écrit par
et développement beau- John McIlwaine et intitulé Prévention
Gérer le patrimoine

coup plus techniques, des catastrophes et plans d’urgence, a été


comme IIPC (Interna- traduit dans de nombreuses langues
tional Internet Preserva- et connaît un grand succès. IPN et IPI
tion Consortium), il fait sont publiées en ligne et sous forme
bénéficier ses collègues papier 4. IPN, dont la maquette s’est
et d’autres publics de beaucoup améliorée grâce au finance-
travaux et d’expériences ment de la BnF, est disponible gratui-
d’un niveau bien plus tement sur demande. Le numéro 44,
complexe et spécialisé. réalisé en mai 2008, avec un dossier
Au Chili, Ximena Cru- sur le développement durable, a sus-
zat, qui fut directrice de cité un grand intérêt.
la Bibliothèque natio- Le programme a aussi publié en
nale et du centre PAC, 2002 avec l’Unesco et le ministère
a mené des actions très français de la Culture un cédérom sur
efficaces de formation la conservation préventive du patri-
aux plans d’urgences, en moine documentaire. En voie d’épui-
travaillant avec le comité sement, ce document nous est très
local du Bouclier bleu souvent demandé et mériterait d’être
et l’Icom (International mis à jour et réimprimé.
Council of Museums).
Au Japon, l’enseigne-
ment à distance a été
International Preservation News, la revue du programme PAC.
Le programme PAC :
utilisé pour des actions quelle évolution ?
de formation dans le
secteur de la conservation du papier. traité à Prague, aux Archives nationa- Le futur du programme dépendra
En janvier 2009, le centre interna- les, en novembre 2009. de l’évolution de son réseau et de sa
tional de Paris s’appuiera sur le centre Notre outil majeur de communica- capacité à affronter les nouveaux pro-
régional du Bénin pour organiser un tion et d’information est le site web de blèmes de la conservation.
stage de formation à la conservation l’Ifla, sur lequel nous disposons d’une Un coup d’œil sur le planisphère
préventive destiné aux bibliothécaires page spécifique. La plupart des centres permet de constater que même si le
et archivistes d’Afrique francophone. régionaux ont également développé réseau s’est agrandi avec la création de
Ce stage est piloté scientifiquement leur propre site sur celui de la biblio- nouveaux centres au Kazakhstan et en
par Jean-Marie Arnoult, premier direc- thèque nationale qui les héberge. Corée du Sud, il est aussi géographi-
teur du PAC ; il bénéficie d’un soutien Dès le printemps 2009, le site de quement déséquilibré. D’abord, cer-
de l’Unesco. l’Ifla devrait connaître de grandes amé- tains continents sont insuffisamment
Les conférences internationales liorations dont nous bénéficierons : représentés. La Chine mériterait l’im-
font aussi partie des actions de forma- plus grande souplesse dans la mise à plantation de centres supplémentai-
tion. Depuis 2006, chaque année, en jour des informations, insertions de res. En Afrique, nous espérons voir se
coopération avec la Bibliothèque na- son et de vidéo. Nous étudions la pos- créer bientôt un centre pour l’Afrique
tionale de France, le centre PAC pro- sibilité d’avoir des cours en ligne pour du Nord (il pourrait être calqué sur la
pose un symposium sur le thème de la certains thèmes et dans plusieurs lan- zone Unesco qui va de la Libye à la
conservation. En 2006, il s’agissait des gues. Mauritanie en passant par la Tunisie,
« 3D de la conservation », l’année sui- Nous avons lancé en janvier 2008 l’Algérie et le Maroc). Le Moyen-Orient
vante de « la conservation à long terme une liste de diffusion spécialisée 3 ; très comme l’Inde n’abritent aucun centre.
des objets numériques ». Nous propo- vite le nombre grandissant des abon- Le second facteur de déséquilibre
serons, les 5 et 6 mars 2009, toujours nés nous a prouvé son utilité. réside dans la fracture économique
avec la BnF, le premier colloque d’un Le programme publie trois fois par Nord/Sud. Le centre PAC de la Biblio-
cycle consacré au thème de la préserva- an une revue, International Preserva- thèque du Congrès est en charge de
tion du patrimoine en relation avec les tion News, et, de manière irrégulière, tout le continent nord-américain, ter-
quatre éléments : l’eau, l’air, la terre, le une petite collection, « International ritoire immense, mais le centre a su
feu. Le premier thème abordé, celui de Preservation Issues », toutes deux s’organiser en un sous-réseau appelé
l’air, le sera d’une façon très large, en sous la direction de Flore Izart, char- NAN (North American Network) dis-
reliant les questions de changement gée des publications. La collection IPI posant de relais dans de nombreuses
climatique à la qualité et à la gestion
de l’air à l’intérieur des bâtiments. Le 4. www.ifla.org/VI/4/ipn.html
deuxième thème, celui de l’eau, sera 3. pac-list@infoserv.inist.fr www.ifla.org/VI/4/ipi.html

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Préservation et conservation :

Le programme simche yojeol (pour la République de Corée),


également appelé Jikji, sont inscrites au Re-
gistre « Mémoire du monde ». En 2007, la

« Mémoire du monde » tapisserie de Bayeux – broderie – dite de la


reine Mathilde (pour la France), la Mappa
mundi de Hereford (pour le Royaume-Uni),

de l’Unesco ou encore le Corpo Cronologico, collection de


manuscrits des découvertes (pour le Portugal)
ont été inscrits au Registre.

prix Unesco/Jikji–mémoire du monde


Le patrimoine documentaire est le reflet de organisation En 2004, le conseil exécutif a approuvé la
la diversité des langues, des peuples et des Le programme « Mémoire du monde » réa- création du prix « Mémoire du monde » pour
cultures. Il est le miroir du monde et sa mé- lise ses objectifs en stimulant les projets et contribuer à promouvoir les objectifs du pro-
moire. Mais cette mémoire est fragile. activités non seulement dans une perspec- gramme et commémorer l’inscription au Re-
L’Unesco* a lancé le programme « Mémoire tive mondiale, mais également dans le cadre gistre de la « Mémoire du monde » du Buljo
du monde » en 1992 afin d’éviter l’amnésie d’une approche régionale, nationale et lo- jikji simche yojeol, le plus vieux livre réalisé
collective et de promouvoir la conservation cale. Les comités régionaux et nationaux de à l’aide de caractères métalliques mobiles
des collections d’archives et de bibliothèque la « Mémoire du monde » constituent une connu au monde.
partout dans le monde en en assurant la plus composante essentielle de l’organisation du Le prix, consistant en une somme de
large diffusion. Cette mise en œuvre est née programme. 30 000 dollars, est décerné tous les deux ans
de la prise de conscience de l’état de préser- Ils sont invités à adopter les cinq stratégies aux institutions ou individus ayant contribué
vation alarmant du patrimoine documentaire clés : identification du patrimoine documen- de manière significative à la préservation du
et de la précarité de son accès dans différen- taire, sensibilisation, préservation, accès, patrimoine documentaire et à l’accès à ce
tes régions du monde. structures, statuts et relation. La réussite du patrimoine. Le prix est intégralement pris en
La vision du programme « Mémoire du programme est subordonnée, dans une large charge par la République de Corée.
monde » part du principe que le patrimoine mesure, au dynamisme, au sens de l’initiative
documentaire du monde appartient à tous, et à l’enthousiasme des comités régionaux et Charte de l’Unesco
et qu’il devrait être entièrement préservé et nationaux. sur la conservation du patrimoine
protégé pour le bénéfice de tout un chacun La constitution d’un comité national « Mé- numérique
et étant accessible à tous, de manière perma- moire du monde » est encouragée dans tous Les ressources culturelles et éducatives du
nente, sans obstacle aucun, compte étant dû- les pays où elle est possible, et constitue un monde entier sont de plus en plus produi-
ment tenu des spécificités et pratiques cultu- objectif stratégique. Les comités nationaux tes, distribuées et consultées sous forme nu-
relles qui s’y rattachent. sont invités à constituer leur propre Registre mérique, au détriment du support papier. Le
L’élaboration des principes directeurs du pro- national de la « Mémoire du monde ». Ce sont patrimoine sur support numérique original,
gramme s’est faite dans le cadre d’un contrat des entités autonomes investies d’un mandat qu’il s’agisse d’un journal en ligne, d’une
signé avec l’Ifla et l’ICA (Conseil international qui leur est propre, et dotées d’un règlement page web ou d’une base de données en ligne,
des archives), parallèlement à la compilation spécifique en matière d’adhésion et de suc- fait donc partie intégrante du patrimoine de
de listes de collections de bibliothèques et de cession. Pour être habilités à utiliser le nom l’humanité. Cependant, du point de vue tech-
fonds d’archives endommagés de manière et le logo de la « Mémoire du monde », ils nique, l’information numérique risque d’être
irréparable. Par l’intermédiaire de ses com- doivent être accrédités par leur commission rapidement obsolète ou de se dégrader. L’ins-
missions nationales, l’Unesco a dressé une nationale pour l’Unesco. tabilité d’internet présente des risques sup-
liste des collections de bibliothèques et de Les actions du programme portent principa- plémentaires. La nécessité de préserver cette
fonds d’archives en péril, ainsi qu’une liste lement sur l’élaboration des Registres de la nouvelle forme de savoir indexé plaide pour
mondiale des patrimoines cinématographi- « Mémoire du monde », le prix Jikji–Mémoire la recherche d’un accord international sur les
ques nationaux. La mission du programme du monde et le patrimoine numérique. questions d’archivage, de préservation et de
consiste à : diffusion du dit patrimoine, qui se manifeste
• faciliter la conservation du patrimoine do- Le registre par l’adoption de la Charte de l’Unesco sur la
cumentaire mondial ; de la « mémoire du monde » conservation du patrimoine numérique. Des
• aider à assurer un accès universel au patri- C’est l’aspect du programme le plus connu principes directeurs, qui accompagnent la
moine documentaire ; du public. il s’agit de la liste de toutes les Charte, visent à l’adaptation et à l’élargisse-
• mieux faire prendre conscience, partout collections du patrimoine documentaire qui ment des mesures existantes en ce domaine,
dans le monde, de l’existence et de l’intérêt ont été identifiées par le comité consultatif des procédures ainsi que des instruments lé-
du patrimoine documentaire. international comme répondant aux critères gaux et des méthodes d’archivage.
de sélection d’intérêt universel, et approu- C.B.
vées par le directeur général de l’Unesco.
* http://portal.unesco.org À ce jour, 158 collections, dont le Buljo jikji

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grandes bibliothèques américaines. dant une courte période, a pu laisser jets, la construction de bâtiments HQE
Ce type de structure, même s’il est un croire à certains que les problèmes de (haute qualité environnementale) et
modèle, n’est pas facile à mettre en conservation « des originaux » étaient surtout leur maintenance nécessitent
Gérer le patrimoine

place si la région ne dispose pas d’un réglés (en laissant entendre que ce qui des plans stratégiques chiffrés. Ce do-
bon réseau de télécommunication ni est numérisé n’a pas toujours vocation maine économique, le PAC ne peut
d’un budget conséquent. Le centre à être conservé), aujourd’hui, ces ques- l’ignorer.
d’Afrique francophone, au Bénin, est tions sont posées d’une manière un
en charge de 26 pays de l’Ouest afri- peu moins simpliste. On s’aperçoit no- La convergence est le mot à la
cain et il est difficile, voire impossible, tamment qu’il nous faut décider de ce mode aujourd’hui. C’est sans doute en
pour des raisons politiques et budgé- qui a vocation à être conservé. Ensuite travaillant en convergence institution-
taires d’y créer l’équivalent du NAN. la numérisation a accentué la fracture nelle sur l’ensemble du patrimoine,
Claudia Lux, présidente de l’Ifla, économique entre les institutions « ri- qu’il appartienne aux musées, aux bi-
a parfaitement raison de militer pour ches » et les autres. Il est des cas où bliothèques ou aux archives, que l’on
une inscription des bibliothèques sur l’on choisit d’investir dans la numéri- pourra répondre aux défis de la conser-
l’agenda des politiques. Si les gouver- sation plutôt que dans la conservation vation. Les bâtiments et les magasins,
nements ne sont pas impliqués, la faute d’un budget pour tout accomplir. les entrepôts numériques, les plans
tâche de faire fonctionner un réseau d’urgence, la recherche sur les sup-
pour le patrimoine restera très déli- ports de l’information, peuvent être
cate. L’architecture « durable » appréhendés et étudiés en commun.
La lecture des sommaires d’Inter- Le PAC, jusqu’à ce jour, a su montrer
national Preservation News permet de Autre objet de réflexion, tout ce qui tout l’intérêt qu’il y avait à travailler en
constater la permanence des sujets entoure la construction des bâtiments, réseau et à cultiver l’interdisciplinarité.
traités : les économies d’énergie et le dévelop- C’est en élargissant davantage ce pre-
• le papier, sa conservation, la dé- pement durable. De nouvelles études, mier réseau qu’il poursuivra positive-
sacidification, les techniques de res-
tauration ;
des projets architecturaux remettent
en question nos certitudes, par exem-
ment son action. • Novembre 2008
• la prise en compte grandissante ple sur les normes en matière de
de tout l’audiovisuel, depuis les « ar- conservation des documents. Le pro-
chives orales africaines jusqu’aux ar- gramme PAC et son réseau internatio-
chives radio et TV » ; nal jouent un rôle essentiel en faisant
• les plans d’urgence et la préven- circuler de l’information sur des réali-
tion des catastrophes (guerres ou/et sations et des approches architectura- Références en ligne
catastrophes naturelles) ; les nouvelles et souvent lointaines.
• la conservation préventive. • Vous trouverez toutes les informations
Ces thèmes apparaissent réguliè- concernant l’Ifla sur : www.ifla.org
rement, ils ont fait l’objet d’ateliers de Les questions économiques
formation, ils sont encore d’actualité • Vous les trouverez en français sur le site
et ont suscité la création de nouvelles Les traitements de masse sont de- du CFI (Comité français Ifla) :
associations. venus la règle : masse des catalogues et www.cfifla.asso.fr
Depuis une dizaine d’années, des des données à convertir puis à numéri-
changements majeurs sont intervenus ser, masse de l’information à conserver • Le programme PAC est à l’adresse sui-
dans la gestion du patrimoine culturel et à communiquer. Le programme doit vante : www.ifla.org/VI/4/pac.htm
et de nouveaux thèmes ont émergé ; prendre en compte ces effets de masse Il se trouve aussi sur le site de la Bibliothè-
j’en retiendrai trois : la numérisation, et s’intéresser à l’industrialisation des que nationale de France :
l’architecture « durable » et les ques- méthodes et des traitements, et aux www.bnf.fr/pages/zNavigat/frameinfopro.
tions économiques. résultats produits. Le programme PAC htm?ancre=conservation/conservation.htm
doit évoluer et s’adapter à tous ces
• IPN (International Preservation News)
changements extrêmement rapides
et IPI (International Preservation Issues)
La numérisation survenus dans le monde de la conser-
sont consultables en ligne :
vation. Si tel n’est pas le cas, il risque
www.ifla.org/VI/corepubs.htm
La numérisation du patrimoine la sclérose et une forme de repli.
Vous pouvez demander un exemplaire pa-
a modifié les priorités et créé de nou- Ce qui caractérise cette évolu-
pier en écrivant à :
veaux sujets d’étude. D’abord, parce tion, c’est l’augmentation exponen-
flore.izart@bnf.fr
qu’avec la production en masse d’ar- tielle des coûts. Pas de conservation
christiane.baryla@bnf.fr
chives numériques nous avons de aujourd’hui sans « business plan ».
nouveaux « objets » à conserver et la La conservation des données numé- • Pour vous inscrire à la liste de diffusion :
préservation à long terme de ces res- riques, à l’échelle d’une bibliothèque http://infoserv.inist.fr/wsympa.fcgi/info/
sources électroniques devient une nationale, les traitements de masse, pac-list
priorité. Si la numérisation, pen- les choix et la programmation des pro-

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