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de la Conférence régionale
sur l’Utilisation pédagogique de l’Histoire
générale de l’Afrique dans les écoles africaines
(Tripoli, 10 – 17 juin 2010)
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INDEX DES ARTICLES
UN NewsCentre Africa: UN Backs Production of New History Syllabus for African Students........................... 14
Centre d’Actualités de l’ONU ‐ Afrique : UNESCO : élaboration d'un nouveau programme d'histoire de
l'Afrique ............................................................................................................................................................. 16
LE SOLEIL ‐ Afrique : Projet pédagogique de l'histoire générale de l'Afrique ‐ Enseigner l'histoire du continent
sans falsification ni manipulation idéologique .................................................................................................. 17
PANAPRESS ‐ Tamsir Niane évoque l'importance de la HGA pour l'avenir de l'Afrique ................................... 23
LE SOLEIL ‐ TROIS QUESTIONS A... DOULAYE KONATE, PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DES HISTORIENS
AFRICAINS : « La Charte du Mandé relève de la mémoire » ............................................................................. 34
PANAPRESS ‐ Un universitaire congolais campe les enjeux de l'Histoire générale de l'Afrique ....................... 39
2
PANAPRESS ‐ Congolese academic sets standards of HGA ............................................................................... 41
LE SOLEIL ‐ Sénégal: Enseignement de l'histoire générale ‐ Quand le Brésil montre la voie au continent....... 43
LE SOLEIL ‐ Pr DJIBRIL TAMSIR NIANE, HISTORIEN : « L’Histoire générale de l’Afrique n’est pas une œuvre
définitive »......................................................................................................................................................... 45
LES DÉPÊCHES DE BRAZZAVILLE ‐ Martin Itoua restitue les conclusions de la conférence sur l'utilisation
pédagogique de l'histoire générale de l'Afrique ............................................................................................... 50
SIDWAYA ‐ Pr Elikia Mbokolo : « Dans 40 ans, nos enfants risquent de penser Macintosh, Coca‐cola, Mac
Donald » ............................................................................................................................................................ 51
MUTATIONS ‐ ÉTATS MEMBRES DE LA CEDEAO : Près de 7 milliards de FCfa pour 45 centres d’enseignement
à distance........................................................................................................................................................... 57
MUTATIONS ‐ Éducation : L’histoire africaine frappe à la porte des établissements scolaires ........................ 59
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L'UNESCO veut développer l'enseignement de l'Histoire
générale de l'Afrique
Présentant samedi à Paris les enjeux d'une conférence internationale sur l'utilisation
pédagogique de l'HGA, prévue du 10 au 17 juin à Tripoli, M. Moussa-Iye a indiqué que
l'UNESCO accorde une attention particulière à la diffusion du travail accompli par des
historiens réputés pour réécrire l'histoire du continent en huit volumes.
"Des contraintes économiques notamment ont rendu l'HGA inaccessible sur le continent.
C'est surtout le cas dans les universités et les différents cycles d'enseignement. En
concertation avec les dirigeants africains, l'UNESCO a obtenu en 2008 un financement
libyen de 2 millions de dollars US pour démarrer le projet sur l'utilisation pédagogique de
l'HGA", a-t-il expliqué.
Près de 150 personnes entameront dans la capitale libyenne des discussions portant sur la
production au profit des écoles africaines des supports pédagogiques standardisés tirés
des huit volumes de l'HGA.
"C'est une rencontre cruciale que nous aurons à Tripoli. Avec ces discussions, nous allons
franchir un cran supérieur décisif dans la mise en oeuvre du projet démarré en 2008. A
Tripoli, nous allons valider, après discussions, les esquisses déjà faites pour l'utilisation
pédagogique de l'HGA", a poursuivi le responsable du Dialogue interculturel de l'UNESCO.
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Il a par ailleurs insisté sur la ferme volonté politique apportée par les chefs d'Etat
africains à ce projet, estimant que son aboutissement serait "une première mondiale".
Selon lui, les résultats de la conférence régionale de Tripoli sur l'utilisation pédagogique
de l'Histoire générale de l'Afrique seront ultérieurement soumis aux ministres africains de
l'Education nationale pour une ultime validation.
"C'est un processus qui va se poursuivre étape par étape. Il sera d'une grande utilité pour
la connaissance et la diffusion de l'HGA, une Histoire différente, écrite par les Africains
eux-mêmes sur une base scientifique, loin du prisme colonial. Il s'agit d'un enjeu
essentiel, sachant le rôle de l'Histoire dans la construction d'une identité", a encore
déclaré le responsable à l'UNESCO.
Dix éminentes personnalités africaines issues des cinq régions géographiques du continent
composent le Comité scientifique pour l'utilisation pédagogique de l'HGA, que préside le
professeur congolais Elikia M'Bokolo.
Huit volumes de l'HGA ont été écrits de 1964 à 1999, sous l'égide d'un Comité scientifique
de 39 membres parmi lesquels d'éminents historiens africains comme Cheikh Anta Diop
(Sénégal), Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso), Hampaté Bâ (Mali), Mohammed El Fasi (Maroc)
et Aklilu Habte (Ethiopie).
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VERSION PORTUGAISE
Perto de 150 pessoas vão iniciar, na capital líbia, discussões relativas à produção em
benefício das escolas africanas dos suportes pedagógicos estandardizados extraídos dos
oito volumes da HGA.
"É uma reunião crucial que teremos em Tripoli. Com estas discussões, vamos atravessar
uma parte superior decisiva na aplicação do projeto iniciado em 2008. Em Tripoli, vamos
validar, depois das discussões, os esboços já feitos para a utilização pedagógica da HGA",
prosseguiu o responsável do Diálogo Intercultural da UNESCO.
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Ele insistiu também na firme vontade política dos chefes de Estado africanos sobre este
projeto, notando que a sua conclusão seria "uma primeira mundial".
"A União Africana apoia inteiramente este projecto. A organização panafricana deseja
basear a integração regional na história comum do continente. É um procedimento único
no mundo que beneficia do apoio sem reserva da UNESCO", sublinhou Moussa-Iye.
"É um procedimento que vai prosseguir etapa por etapa. Será duma grande utilidade para
o conhecimento e a difusão da HGA, uma História diferente, escrita pelos Africanos numa
base científica, longe do prisma colonial. Trata- se duma aposta essencial, sabendo o
papel da História na construção duma identidade", declarou o responsável da UNESCO.
Oito volumes da HGA foram escritos de 1964 a 1999, sob a égide dum Comité Científico
de 39 membros entre os quais emientes historiadores africanos como Cheikh Anta Diop
(Senegal), Joseph Ki-Zerbo (Burkina Faso), Hampaté Bâ (Mali), Mohammed El Fasi
(Marrocos) e Akilu Habte (Etiópia).
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Lundi 7 juin 2010
Aussi, l’objectif de cette conférence, qui réunira 150 personnes dont des historiens,
spécialistes de l’enseignement de l’histoire, didacticiens de l’histoire, archéologues,
anthropologues, spécialistes de la pédagogie, de la psychologie, du développement de
curricula et matériels didactiques, des politiques éducatives, « est de définir le cadre, les
conditions et les modalités de l’élaboration des contenus communs pour les écoles
primaires et secondaires africaines ainsi que les matériels pédagogiques
d’accompagnement », lit-on dans la note conceptuelle rédigée par notre compatriote,
Mamadou Ndoye.
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Il s’agira également d’identifier les défis posés par l’intégration des contenus communs
qui seront développés dans les programmes scolaires des pays africains ; de désigner les
groupes d’auteurs qui seront chargés de la rédaction des contenus communs et de
l’élaboration de l’atlas historique et du DVD éducatif...
Daouda MANE
9
Paris, 11 juin 2010
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primaire et le secondaire, qui intègrent cette histoire panafricaine si peu enseignée dans
les établissements.
En amont de la conférence, un questionnaire a été envoyé aux pays pour faire " l'état des
lieux " de l'enseignement de l'histoire. Un premier exploit : 44 sur 53 pays de l'Union
africaine ont répondu. Un seul indique avoir utilisé l'Histoire générale de l'Afrique dans
ses programmes : l'Afrique du Sud qui, après la suppression de l'apartheid, a éprouvé le
besoin de reconsidérer cet enseignement stratégique à des fins de réconciliation
nationale.
Br. P.
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Conférence régionale sur l'utilisation pédagogique de l'HGA à
Tripoli
Cette rencontre de cinq jours, la première d'une série de trois, vise à définir le cadre, les
conditions et les modalités de l'élaboration des contenus communs pour les écoles
primaires et secondaires africaines ainsi que les matériels pédagogiques
d'accompagnement.
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La conception d'une stratégie pour la production et la diffusion de ces contenus une fois
élaborés, l'identification des défis posés par l'intégration des contenus communs qui
seront développés dans les programmes scolaires des pays africains figurent parmi les
objectifs de cette conférence.
L'objectif visé est d'élaborer trois contenus communs pour les niveaux primaire et
secondaire en Afrique, de produire un atlas historique, un DVD éducatif et des outils
didactiques, ainsi que des guides pédagogiques à l'usage des enseignants d'histoire de
renforcer la formation initiale et continue de ces derniers pour un enseignement rénové
de l'histoire.
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Africa: UN Backs Production of New History Syllabus for
African Students
United Nations (New York) - 10 June 2010- In an effort to ensure that African youth
learn about their common heritage, the United Nations agency responsible for cultural
issues said today it is working with historians, education specialists and government
representatives to develop a history syllabus for African schools.
The new syllabus is to be based on the book entitled General History of Africa, an eight-
volume series written from the African perspective and published by the UN Educational,
Scientific and Cultural Organization (UNESCO). It will be the first such programme
designed for the entire continent.
"UNESCO's publication of the General History of Africa, launched in 1964 and completed
in 1999, marked a revolution in the recognition of Africa's cultural heritage," said Irina
Bokova, UNESCO's Director-General.
"This conference is part of the next phase of the project, which calls for promoting the
General History's use in African schools. Making this scholarly history accessible and
available to students through such educational tools as an atlas and a DVD will ensure
that young people all over the continent are able to learn about their common heritage,"
said Ms. Bokova.
The conference brings together 150 participants to plan the production of standardized
educational materials for use in African schools. Three core components will be
developed for primary and secondary schools - a historical atlas, a DVD and training tools
for history teachers.
The conference will define the framework, terms and conditions for the development of
the educational materials.
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"The GHA pedagogical project reflects the priority given to Africa by UNESCO and is
implemented as part of the Second Decade of Education for Africa (2006-2015), which
stresses the links between education and culture and the quality of educational content,"
the agency said in a statement.
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Afrique : UNESCO : élaboration d'un nouveau programme
d'histoire de l'Afrique
« Cette Conférence s'inscrit dans la deuxième phase du projet qui appelle à la promotion
de l'utilisation de l'Histoire générale dans les écoles africaines. En développant des outils
éducatifs pour rendre cette histoire érudite accessible, nous permettons aux jeunes gens
de tout le continent de mieux connaître leur héritage commun », a-t-elle ajouté.
Le projet pédagogique est supervisé par un comité scientifique composé de dix membres
représentant les cinq sous-régions du continent. Irina Bokova, sera présente lors de la
session de clôture.
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Afrique : Projet pédagogique de l'histoire générale de l'Afrique -
Enseigner l'histoire du continent sans falsification ni
manipulation idéologique
11 juin 2010 –Par Daouda Mane, envoyé spécial
Tripoli - Après plus d'un an de réflexion (le lancement a eu lieu en mars 2009), le projet
pédagogique de l'histoire générale de l'Afrique entre dans sa phase active. Au total, 150
historiens, didacticiens de l'histoire, spécialistes de l'enseignement de l'histoire,
archéologues, anthropologues, spécialistes de la pédagogie de la psychologie, du
développement des curricula et matériels didactiques, des politiques éducatives,
décideurs politiques, éminents spécialistes contributeurs (Djibril Tamsir Niane, par
exemple), représentants des maisons d'édition, la Société civile, journalistes, participent
à ce projet important. « C'est un projet futur pour le continent », soulignent les
organisateurs.
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Le comité scientifique a comme mission « d'élaborer des contenus communs en prenant
en compte les particularités locales et régionales à travers une approche spiralaire des
problématiques de l'Histoire générale de l'Afrique (Hga) (c'est-à-dire prenant comme
point de départ le milieu immédiat pour remonter par étapes vers des niveaux plus larges
et plus abstraits) qui peut être combinée à une approche des contenus en termes de
connaissances, de compétences et de comportements à développer en fonction de choix
épistémologiques, éthiques et pédagogiques », indique notre compatriote Mamadou
Ndoye dans la note conceptuelle. Il reviendra ensuite à la conférence régionale de valider
les orientations.
Ni propagande, ni falsification
Cependant, force est de reconnaître que le projet, explique Mamadou Ndoye, n'a
nullement l'intention de verser dans la manipulation idéologique, la propagande, la
promotion d'antivaleurs humaines et démocratiques (racisme, xénophobie, intolérance,
violences, dénis de droits humains) ; ni d'être un outil de diffusion de falsifications, de
déformations, de ratures et d'omissions de faits historiques au nom d'une cause ou d'un
pouvoir, quels qu'ils soient ; ni d'être encore une source de préjugés et de méfiance,
encore moins de discorde et de haine entre groupes, peuples et Etats africains et surtout
pas un répertoire de savoirs encyclopédiques.
M. Ndoye affirme que l'intégration projetée de ces contenus dans les systèmes éducatifs
africains se veut « circonstanciée » au regard de la diversité et de l'évolution des
contextes, mais également systémique dans la mesure où elle porte aussi bien sur les
intrants matériels, curriculaires et humains que sur les processus d'enseignement-
apprentissage et leurs résultats.
Les 8 tomes de l'Hga feront l'objet d'une analyse. La conférence doit permettre
l'élaboration d'un guide pour l'intégration des contenus communs dans les programmes des
systèmes éducatifs, la conception de manuels et autres supports pédagogiques pour
l'enseignement de l'Hga dans les établissements primaires et secondaires, agir sur la
formation initiale des enseignants ; développer des stratégies pour l'éducation non
scolaire (voir comment inclure les cibles non scolarisées dans une politique éducative qui
vise toutes les catégories) et renforcer l'exploitation et la diffusion de l'Hga dans
l'Enseignement supérieur, tout en y promouvant l'harmonisation et son enseignement.
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Cameroun - 11 juin 2010
Les huit volumes de l’Histoire générale de l’Afrique (Hga) édités par l’Unesco
connaîtront-ils bientôt une nouvelle jeunesse ? La question est au centre d’une
conférence internationale qui s’est ouvert hier à Tripoli en Libye. Une conférence dont
l’objectif principal est «l’élaboration des contenus communs» de l’enseignement de
l’histoire sur le continent.
Un objectif que l’on pense pouvoir atteindre à la fin de cette rencontre qui souhaite aussi
déterminer la nature du matériel pédagogique d’accompagnement à l’usage des écoles
primaires et secondaires d’Afrique.
Hier déjà, le comité scientifique a tenu une session au cours de laquelle il a été question,
entre autres, de répartir les tâches des participants qui viennent d’horizons divers, de
désigner les modérateurs et les rapporteurs des différents ateliers ainsi que les membres
des équipes chargés de la rédaction des contenus et du matériel pédagogique.
Au sortir de cette réunion d’une journée, Elikia Mbokolo, qui préside le comité, a tenu à
faire savoir l’importance que les historiens accordaient à cette conférence. Il a aussi
indiqué que c’était là «une étape cruciale dans un processus qui a commencé depuis
longtemps». Car si le dernier volume des Hga est paru en 1999, il reste que le projet a vu
le jour dans les années 60 «en même temps que le projet du panafricanisme», a ajouté
l’historien et chroniqueur.
19
D’où la présence à Tripoli de représentants des ministères africains de l’éducation, des
experts de l’histoire africaine, de l’enseignement de l’histoire, de la pédagogie, de
l’élaboration de programmes, des politiques éducatives et de la formation des
enseignants, des représentants de l’Union africaine, d’organisations régionales et sous-
régionales, d’associations professionnelles, d’organisations de la société civile, des
médias et de maisons d’édition. Soit quelque 200 participants. Le Cameroun y est
représenté par Michel Biock, un cadre du ministère de l’Education de base.
20
Un responsable libyen plaide pour l'enseignement du HGA
M. Fakhri a soutenu que bien que l'Afrique soit le berceau de l'humanité, elle fut classée
dans l'optique occidentale en dehors de l'histoire tout comme ses réalisations et son
apport réel à la civilisation universelle ont été dans les meilleurs des cas édulcorés ou
ignorés.
Selon lui, l'Europe a commis l'un des plus grands crimes de l'histoire lorsqu'elle a envahi
l'Afrique, exploité ses ressources naturelles, affirmant que les écrivains occidentaux ont
utilisé l'histoire pour déformer le système économique, social, culturel et religieux afin
de ternir et d'effacer l'identité de l'Afrique et ses particularismes.
21
Il a rappelé l'appel du guide Kadhafi pour l'édification des Etats-Unis d'Afrique afin de
réaliser le développement, la stabilité, la prospérité, la dignité au sein d'un seul espace
capable de s'imposer parmi les autres espaces qui composent le monde aujourd'hui.
M. Fakhri a également rappelé l'agrément, signé en 1977 avec l'UNESCO, pour une
révision équitable de l'histoire de l'Afrique, affirmant que le projet d'utilisation
pédagogique de l'Histoire générale de l'Afrique (HGA) dans les écoles africaines a été
entièrement financé par la Libye qui a apporté son soutien intellectuel, administratif et
politique à ce projet.
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Tamsir Niane évoque l'importance de la HGA pour l'avenir de
l'Afrique
Il a salué les 300 contributeurs réunis par l'UNESCO et rendu hommage au guide
Mouammar Kadhafi pour les deux millions de dollars américains de contribution de son
pays qui ont permis de traduire en fait concret le voeu de l'Union africaine (UA) de
réaliser des manuels scolaires permettant aux jeunes africains de connaître le passé de
leur continent pour mieux tracer leur avenir.
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L'auteur de l'Epopée de Soundjata a rendu hommage à titre posthume aux membres du
comité scientifique et aux directeurs de volumes qui ont quitté ce bas monde, les
qualifiant "d'équipe d'hommes de foi qui ont porté l'Histoire générale de l'Afrique sur les
fonts baptismaux".
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Libyan official advocates teaching of General History of Africa
Tripoli, Libya - 12/06/2010 - A Libyan official on Saturday stressed the need for the
review and the teaching of the General History of Africa saying European historians and
writers have shaped an image of Africa based on exclusion, and invented pretexts
scorning anything which is non-European.
The Libyan secretary of the popular general committee for Education and Scientific
Research, Dr Abdelkebir Fakhri said this at the opening of the regional conference on the
"Pedagogic use of the General History of Africa (GHA) in African schools" in Tripoli.
Dr Fakhri stressed that although Africa is the cradle of mankind, its achievements and
real contribution to universal civilization have been in the best of cases toned down or
ignored.
According to him, Europe committed one of the biggest crimes in history when it invaded
Africa and exploited its natural resources.
Dr Fakhri said European writers had used history to distort the economic, social, cultural
and religious system so as to tarnish and to obliterate Africa's identity and
distinctivenesses.
The Libyan official stressed that in accordance with this hard human experience, the
Libyan revolution has since its completion, on 1 September 1969, supported African
movements of liberation and interest for history, considering that the Libyan guide
Moummar Kadhafi has stressed the importance of the common written African history.
This common written history is its liberation from processes which tarnish it compared
with the European model, so as to deepen cultural identity, the sense of belonging and
pride regarding African self-esteem.
25
He recalled the appeal made by the Libyan guide for the United States of Africa in order
to accomplish development, stability, prosperity and dignity in a unique space capable of
imposing itself among the other entities around world.
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Sénégal : Pr ELIKIA MBOKOLO, président du Comité
scientifique du Projet « Utilisation pédagogique de l’Histoire
générale de l’Afrique dans les écoles africaines » : « Nous
voulons transmettre aux jeunes la connaissance, la passion et
la fierté de leur passé »
Entretien réalisé par Daouda MANE (Envoyé spécial)
12 juin 2010
INTERVIEW
Nous sommes réunis à Tripoli pour un gros projet appelé : « Utilisation pédagogique de
l'Histoire générale de l'Afrique (Hga) ». L'Hga est composée de 8 volumes dont la
publication s'est étalée jusqu'en 1999. Elle est la première aventure intellectuelle
collective de la première génération d'historiens scientifiques et universitaires africains.
Ce qui est une chose colossale, parce qu'ils étaient d'anciennes colonies françaises
d'Afrique de l'Ouest, centrale, de Madagascar ou anglaise, ce sont eux qui ont posé, dans
le contexte des indépendances, la question de l'histoire des sociétés africaines montrant
que l'Afrique a une histoire, ont donné les caractéristiques majeures de cette histoire
affirmant qu'elle n'est pas venue de l'extérieur mais bien partie de l'intérieur du
continent. Ils ont expliqué que les indépendances n'étaient pas un cadeau ou une
concession des autorités colossales, mais le résultat des luttes de résistance menées par
les Africains depuis les empiètements extérieurs.
Ce qu'il y a encore de plus remarquable dans leur travail, ils ont convaincu les meilleurs
historiens du moment non-Africains, mais qui avaient des compétences sur l'Afrique à
participer à cette histoire collective. Cela a pris du temps, coûté de l'argent, mais c'est
une entreprise intellectuelle unique, parce que jusqu'à ce jour, ni l'Océanie, ni en Asie,
27
ni le continent américain, encore moins l'Europe, n'ont une histoire générale de cette
envergure.
Mais, cela a été fait dans un contexte particulier. Peut-on rester dans cette optique
car entre-temps trop de choses se sont passées dans le continent ?
C'est vrai que c'était un contexte particulier avec une vision panafricaine.
Malheureusement, le projet panafricain, d'une part, a souffert de l'évolution générale du
panafricanisme dans le cadre de l'Oua et des difficultés des premières décennies des
indépendances et d'autre part, à ce projet panafricain, s'est juxtaposé le projet national.
Des Etats devenus indépendants voulaient se constituer en nations et développer un
enseignement, des programmes historiques, mémoriels et muséaux d'histoire nationale.
Donc, les 8 volumes de l'Hga publiés en Europe font des centaines voire 1.000 pages. Ils
coûtent ainsi chers par rapport au budget européen et à plus forte raison africain.
L'ouvrage est alors resté le compagnon des universitaires, encore que tous les professeurs
n'ont pas ces livres. L'Hga n'a donc pas eu le retentissement qu'elle devait avoir. Un
premier pas a été fait grâce à l'effort de Présence africaine. On a pensé faire une
collection de poche, plus pratique, moins chère. Cependant, même ces volumes n'ont pas
eu le succès escompté. Nous autres historiens sommes restés sur cette vision panafricaine
en ayant créé l'association des historiens africains.
Notre aîné Joseph Ki-Zerbo a assuré la présidence à une époque. Il incarnait l'Hga et
l'association est, aujourd'hui, dirigée par Doulaye Konaté, un historien de la nouvelle
génération. Nous avons défriché des terrains nouveaux, élaboré de nouvelles
problématiques. Lorsque l'Organisation de l'unité africaine (Oua) est devenue Union
africaine (Ua), changement qu'il faut saluer, parallèlement au développement
institutionnel de l'Ua, aux différents projets économiques, il était nécessaire de
reprendre la problématique identitaire, culturelle, mémorielle et historique du continent
parce que toute organisation sociale, pour durer, s'accompagne d'une prise en charge
mémorielle. Les chefs d'Etat africains ont souhaité que ces 8 volumes entrent
effectivement dans les programmes d'enseignement.
Oui. Il lui a été confié la mission de rechercher les nouvelles compétences africaines en
histoire. Elle nous a convoqués. Nous avons entamé, depuis l'année dernière, un gros
travail à Paris. C'est une deuxième aventure intellectuelle collective. Un conseil
scientifique a été monté. Vous savez, le dernier volume a été publié en 1999. Cela veut
dire que le travail a été fini à la fin des années 1970, depuis 1980. Or, depuis cette date,
il s'est passé beaucoup de choses, à commencer par les changements en Afrique australe,
la démocratisation, la nature du pouvoir, toutes les choses que les historiens ont déjà
traitées. Cela nous donne l'occasion de replacer les évolutions actuelles dans une lecture
actuelle et faussement internationale, notamment celle qui consisterait à dire que la
28
démocratisation en Afrique, c'est le discours de La Baule, la chute du Mur de Berlin, que
notre stratégie de décentralisation, c'est le modèle allemand ou américain alors que
l'Empire du Mali, le Royaume songhay, le Congo, sont des exemples de gestion d'espaces
énormes avec des populations, langues et cultures différentes, mais dans un système qui
a su durer plusieurs siècles. Le gouvernement libyen a mis à la disposition de l'Unesco des
moyens. Les travaux techniques ont été faits. Le comité scientifique a défini le cadre
conceptuel. 44 pays ont répondu aux questionnements. Les 9 qui ne l'ont pas fait sont en
crise politico-militaire ou en cours de reconstruction. Les plénières et les ateliers doivent
permettre d'arriver à des résultats.
Lesquels ?
C'est qu'en sortant d'ici, nous seront d'accord qu'il faut introduire l'Hga dans les
programmes, qu'il va falloir trouver des procédures concrètes pour que le contenu soit
disponible et mettre au travail les différents spécialistes. J'étais jeune historien du
travail précédent, je suis maintenant l'aîné. Les historiens retenus, avec la modestie des
chercheurs qui se montrent extrêmement prudents, se montrent passionnés de participer
à cette aventure exceptionnelle.
Certains Etats ont de bons programmes en histoire, notamment les derniers qui se sont
libérés ou du racisme ou de la colonisation en Afrique australe où l'histoire a une place
importante. Dans d'autres, je ne sais pas pour quelle raison, on a pensé avoir besoin de
développement dans un sens étroitement économique, technique et financier et tout ce
qui est historique est laissé un peu de côté. Ainsi, dans beaucoup de disciplines, des gens
ont été formés sans aucune connaissance de l'histoire. Aujourd'hui, il apparaît bien que
toutes les puissances émergentes (Chine, Inde, Brésil) sont celles dans lesquelles la
personnalité nationale est forte, l'histoire nationale très connue et les références pour
aller vers l'avenir tirées de l'histoire du pays. Pour la Chine, par exemple, la chose qui fait
aller de l'avant, c'est la fameuse fable tirée du fin fond de l'histoire chinoise : « Comment
Yu kon déplaça les montagnes ». Donc les Chinois savent qu'ils peuvent déplacer les
montagnes à partir de leur histoire. Si nous faisons cela, nous allons croire que pour se
développer, il faut faire comme l'Europe, que ce dont nous avons besoin, c'est le fameux
Document de stratégie de réduction de la pauvreté comme programme.
Alors que dans notre propre histoire, il n'a jamais été question de réduire la pauvreté
mais de produire des richesses. Si vous ajoutez à cela toute la problématique de la
Mondialisation qui est à la fois financière, économique et culturelle, dans 40 ans, nos
enfants penseront Mac Do, Coca Cola, etc. Et quand vous leur parlerez de Soundjata, de
Kankan Moussa, ils ne le sauront pas. Aujourd'hui, il est vraiment nécessaire de prendre
tout cela en charge, d'autant plus que les Etats commencent à se poser des questions,
29
dans le cadre des festivités des 50 ans. Les historiens diront qu'il faut interroger les 50
ans, mais ne pas aussi oublier que nous avons des millénaires d'histoire derrière nous et
qu'il ne faut pas que les ratés éventuels de ces 50 ans ne fassent pas oublier cette longue
durée de l'histoire africaine.
C'est vrai. Dans la première réunion, nous avons noté que ce n'est pas seulement le
contenu des manuels qui doit changer ni la répartition des matières, mais probablement
les méthodes pédagogiques doivent évoluer, notamment la pédagogie verticale (de haut
en bas) où l'élève reçoit, apprend par coeur et recrache. Il faut des documents et pas
seulement les produits des recherches pour que les élèves et étudiants s'en accaparent,
solliciter aussi les Tic, faire des bandes dessinées afin que l'histoire ne devienne pas
barbante. Lorsque l'on regarde les séries américaines, c'est l'histoire des Usa qui est mise
en scène. Nous devons aussi mettre en scène notre histoire avec une pédagogie
renouvelée. Dans cette réunion, il y aura à la fois des représentants des ministères, des
parents d'élèves, des didacticiens, des spécialistes de la pédagogie, etc. Et je pense que
nous allons vers ce renouveau.
Rassurez-vous. Nos aînés étaient passionnés d'histoire, ils étaient très critiques
notamment à l'égard de l'idéologie issue du colonialisme, de la traite négrière. Nous
restons d'abord dans cette même posture, d'autant plus que dans les pays du Nord, cette
vieille idéologie n'est pas morte. Elle se reproduit, s'énonce constamment dans des
discours de politique (on se rappelle du Discours de Dakar) ou dans certains musées où
l'art africain, c'est du fétichisme, sans histoire là, au mieux, c'est de l'ethnographie. Nous
sommes attentifs à cela. Mais, nous savons aussi que nos propres sociétés africaines
peuvent être confrontées à des dénis, des déformations de cette nature. Tout le monde
cite l'Afrique du Sud qui a fait le choix de garder sur son territoire, les Blancs, Indiens,
Chinois, tous ceux qui sont venus, en ayant en charge comment construire cette nation
dont l'histoire est celle de la fabrication des races et des conflits entre les races. Si nous
prenons d'autres pays, le problème est tout entier.
En Afrique centrale, nous avons des populations qu'on dit pygmée (un mot qui, en soi, est
infamant) dont on ne parle presque jamais dans les livres d'histoire. Les périodes que
nous avons vécues, notamment sous les régimes des partis uniques souvent reposaient sur
la capitalisation de l'histoire et du passé par les pouvoirs. Donc, nous traquons toutes ces
déformations et en même temps, nous ne sommes pas dans une position défensive. Ce
que nous voulons, c'est de transmettre aux jeunes la connaissance, la passion et la fierté
de leur passé. Plutôt que d'être simplement en position de combattre, nous sommes en
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position de création et de stimulation vers l'avant parce que l'Union africaine demande la
formation de citoyens africains et non des citoyens de chacun des 53 Etats.
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Escritor conakry-guineense destaca importância da História
Geral de África
Membro do Comité Científico para a Utilização Pedagógica da HGA, Niane afirmou que a
existência de temas federativos, tais como a cidadania panafricana, se construirá pelo
ensino da história.
Ele saudou os 300 contribuintes reunidos pela UNESCO e rendeu homenagem ao líder
líbio, Muamar Kadafi, pelos dois milhões de dólares americanos de contribuição do seu
país que permitiram traduzir em facto concreto o desejo da União Africana (UA) de
realizar manuais escolares que permitam aos jovens africanos conhecer o passado do seu
continente para melhor traçar o seu futuro.
33
Lundi 14 juin 2010
Président de l’Association des historiens africains, Doulaye Konaté était chargé, par le
comité scientifique, de lire l’œuvre imposante que constitue l’Histoire générale de
l’Afrique (Hga) et de procéder à l’évaluation de l’enseignement et à l’analyse critique
des contenus. Il estime que la Charte du Mandé de Kurunga Fuga relève de la mémoire et
qu’il faut pousser davantage la recherche sur le sujet.
En tant que président de l’Association des historiens africains, vous avez été chargé
d’effectuer une
lecture critique de l’Hga. Quelles sont les lignes-force ?
L’Hga est une œuvre élaborée par des têtes bien faites, avec beaucoup de
professionnalisme et toutes les nuances que les scientifiques apportent dans le
traitement de telles questions. Faire donc le résumé n’est pas chose facile. On nous a
demandé de lire sans prétention cette œuvre tellement imposante de gens engagés. Nous
avons essayé de voir quelles étaient les lignes-force, les actualisations à apporter. Nous
avons accédé à beaucoup de sources nouvelles (archéologie comme Djene Djeno).
L’Hga renouvelle les paradigmes, une certaine façon de raisonner. Et puis il y a les
mythes que nous-mêmes Africains avons nourris et amplifiés. Pour ce travail, nous avons
défini le cadre conceptuel qui montre comment il faut procéder à l’évaluation de
l’enseignement et à l’analyse critique des contenus. Il s’agira, au cours de cette
conférence, d’indiquer les orientations, de choisir les équipes et le travail se poursuivra
avec les didacticiens.
Parlant des faits ignorés, peut-on prendre le cas de la Charte du Mandé qui a existé
bien avant toutes les révolutions connues en Occident ?
Il faut être prudent. On ne peut élaborer des contenus d’enseignement sans tenir compte
de l’autre aspect des choses. L’histoire et la mémoire sont totalement différentes.
L’histoire, c’est le fait que nous essayons d’établir à partir des sources et de méthodes
avérées. La mémoire, c’est la façon dont les gens peuvent s’imaginer que les choses ont
été faites. Il y a donc nuance. Pour moi, Kurungan Fuga relève du domaine de la
mémoire, c’est-à-dire que c’est un évènement sur lequel il faut se donner les moyens et
le temps de l’étudier pour ne pas prêter le flanc à d’autres critiques. Car, l’histoire se
fait à partir de sources, avec une méthode. Mais, il est important qu’on tienne compte du
travail mémoriel. Nous autres historiens savons qu’après Kirina, quelque chose
d’important s’est passée mais que nous ne pouvons pas la reconstituer à partir de ce que
l’on croit. Il nous faut arriver à des sources qui nous permettent d’établir les faits.
Evidemment, il n’y a pas d’histoire sans mémoire. C’est elle qui nourrit l’histoire, mais
celle-ci est une œuvre qui ne peut pas s’accommoder des faits de l’esprit.
Bien sûr. Mais, la question n’est pas de contester. Vous avez des documents oraux sur
Kurangan Fuga. Ce sont les fameuses versions de la Charte. Il y en a sept au total qu’il
faudrait confronter et dater. On n’a pas le droit d’en parler à la légère. Il faut
enseigner des choses sur lesquelles on a des sources écrites comme orales.
35
PROJET PÉDAGOGIQUE DE L’HISTOIRE GÉNÉRALE DE
L’AFRIQUE : Réussir l’intégration à travers l’école
(Tripoli) - Familiariser les Africains avec leur histoire, armer la jeunesse et construire
une citoyenneté panafricaine. Tels sont les objectifs de la conférence sur l’utilisation
pédagogique de l’Histoire générale de l’Afrique (Hga). L’ouverture, qui a lieu ce samedi à
Tripoli, a été présidée par le Secrétaire général du Comité populaire de l’Education et de
la Recherche de la Jamahiriya arabe libyenne, Dr Abdulkabir Alfakhry.
« Privilégions l’image, faisons des reconstitutions (les grandes figures doivent paraître),
des bandes dessinées, des CD, des albums. La réappropriation passera par là », a-t-il
souligné. Surtout qu’a affirmé le Secrétaire général du comité populaire de l’Education et
de la Recherche de la Libye, « l’orgueil, le mépris et une vision oppressive ont été le
soubassement de la pensée occidentale ».
Président du comité scientifique actuel, le Pr Elikia Mbokolo a rappelé que l’Hga est née
dans un « contexte politique (celui des indépendances) et intellectuel et non pas dans
une posture de protestation mais scientifique sur des questions de fond : les sources
(utilisation des sources orales), les méthodes, les caractères philosophiques, voire
idéologiques ». C’est pourquoi, il a qualifié l’aventure collective transnationale et
transcontinentale, « d’œuvre scientifique fondatrice ». Puisque, « 40 ans après, a-t-il
ajouté, elle conserve toute sa validité ». A son avis, l’Hga a montré « l’historicité des
36
sociétés africaines (ce n’était pas des sociétés froides), l’africanité de cette historicité
(elle est propre à nos sociétés et non importée), sa continuité (car malgré les ruptures
dues aux intrusions violentes, les sociétés n’ont pas péri), elles sont entreprenantes,
résistantes avec une capacité de réappropriation et d’invention, etc. ».
En cela l’Hga est la base de la « Renaissance africaine », comme l’a souligné Nnamdi
Azikiwe. Cependant, a-t-il fait remarquer, cette « œuvre gigantesque n’a pas reçu la
transposition pédagogique, même s’il y a eu des efforts d’édition en langues africaines
(arabe, pulaar, swahili, haussa) et l’existence d’une édition de poche ».
Les acteurs auront donc à renouveler les problématiques, s’interroger sur les sources,
méthodes, paradigmes, les questions sensibles et incontournables (nationalisme
territorial, race, groupes humains marginalisés ...) Autrement dit, « il existe un besoin
d’actualisation et d’infléchissements ponctuels », a affirmé le Pr Mbokolo. Insistant sur le
travail qui attend les participants dont des historiens, pédagogues, enseignants,
planificateurs de l’éducation et décideurs politiques, il a précisé que le propre du savant
est de produire des savoirs et connaissances scientifiques, celui du pédagogue est de les
transmettre. Les deux vont de pair. Mais, « le pédagogue ne saurait oublier l’état des
connaissances qui ont évolué depuis lors », a-t-il averti. D’où la nécessité de
réactualisation des contenus.
Une idée largement partagée par le sous-directeur général de l’Unesco pour l’Afrique,
Noureini Tidjani-Serpos.
« Jusqu’ici, les décideurs ont pensé que c’est par la politique et l’économie que se fera
l’intégration. Vous allez leur montrer que c’est par l’école qu’elle se réalisera », dit-il.
Saluant l’engagement de la Libye, M. Tidjani-Serpos a noté que le projet, « processus
participatif, évolutif et de longue haleine » est une « étape importante vers
l’harmonisation des curricula afin de répondre aux attentes d’intégration des Etats
membres de l’Ua qui l’ont initié ».
Daouda MANE
38
Un universitaire congolais campe les enjeux de l'Histoire
générale de l'Afrique
Selon lui, le projet d'utilisation pédagogique de l'HGA vise aussi à aider à la création d'une
citoyenneté intégrée africaine qui a besoin d'un socle historique.
Il a indiqué que ce projet a pour objectif de montrer aux enfants africains que l'Afrique
est le berceau de l'humanité et le fondement de tout depuis l'élément biologique jusqu'à
l'élément technologique, affirmant que tout a commencé sur le continent africain et que
l'Afrique s'est faite d'abord comme un tout et ensuite dans une diversité progressive.
39
Le Pr Mabeko-Tali a souligné que les supports pédagogiques qui sortiront de cette
conférence veilleront à ne pas privilégier une partie de l'histoire du continent par rapport
à une autre ou une région vis-à-vis d'une autre, autrement on retomberait dans le
discours colonial qui a crée des divisions très artificielles.
"L'objectif est de montrer l'Afrique dans sa diversité mais aussi en même temps dans son
unité", a déclaré le Pr Mabeko-Tali.
40
Congolese academic sets standards of HGA
Tripoli, Libya - 15/06/2010 - The tools used in the teaching of the General History of
Africa (HGA) in African schools will be the means to give African children the instruments
likely to help them assimilate the historical elements shaping their open-minded spirit
and curiosity about African history, a Congolese academic, Jean-Michel Mabeko-Tali, said
Tuesday in Tripoli.
Speaking in a PANA interview, he said the recommendations from the Conference on the
pedagogical use of HGA in African schools stressed the need to take into consideration
the various African contexts, the various age brackets so much so that each programme is
adapted to each age group and to find the elements that would enable children, in their
early childhood, to assimilate African history.
Mabeko-Tali, who is a member of the scientific committee for the pedagogical use of
HGA, teaches History of Africa at Howard university in Washington, USA.
According to him, the project on the pedagogical use of HGA also aims at helping to
establish an African integrated citizenship that needs historic basis .
Mabeko-Tali stressed the importance to use all information collected in the eight volumes
of HGA to try to make them didactic products and backup materials by taking into
consideration the advanced teaching techniques used in the world.
He said the project aims at showing children that Africa is the cradle of humanity and the
basis of everything from the biological element to the technological one, adding that
everything begins with the African continent and that Africa first made itself into a single
thing before becoming progressive diversity.
Mabeko-Tali said the pedagogical backup materials that will come out from the
conference will see to it that half of the continent's history will not have priority over
41
another or a region compared to another, otherwise one would return to colonial speech
which created very arbitrary divisions.
By way of examples, he cited those between North Africa and sub-Saharan Africa as if
none of these regions had had contacts with the other, while Sahara had ever been
neither an obstacle nor absolute barrier between their societies.
This will consist in showing that contacts had always existed between the various African
regions and that the continent had never been absolutely isolated from the outside
world.
“The objective is to show Africa through both its diversity and unity,” Mabeko-Tali said.
42
Sénégal: Enseignement de l'histoire générale - Quand le Brésil
montre la voie au continent
Alors que les Africains cherchent à enseigner l'imposante collection Histoire générale de
l'Afrique (Hga), le Brésil a bien montré que le projet est bien possible. Le pays l'a déjà
entamé depuis novembre 2007.
Il s'agit donc, à travers un tel projet, ont poursuivi Mmes Rincon et Ragattieri, « de
reconnaître l'identité du Noir Brésilien qui vient d'un continent qui a bel et bien une
histoire, contrairement à ce qui a été véhiculé. Il est bien un acteur de l'histoire »,
précisant que l'enseignement est « effectif inégalement ».
43
elles souligné. Car, en plus de la Loi et du Règlement, un plan national d'application du
règlement de l'éducation des relations ethno-raciales et de la mise en place de la loi a
été adopté en 2009. « Nous essayons aussi de donner du matériel et d'établir des
indicateurs pour savoir comment l'appliquer », ont-elles ajouté. Déjà, « le projet a
traduit, en portugais, la collection Hga tout en actualisant la cartographie. Le projet
prévoit aussi la publication de 10.000 collections de la traduction portugaise de l'Hga, la
publication du livre de synthèse et s'engage à livrer le contenu du matériel didactique.
Tout cela en novembre 2010 », ont commenté Mariana Blanco Rincon et Marilza Machado
Gomes Regattieri. Pour elles, les enfants ont accueilli le projet « positivement »,
affirmant que les principales difficultés du projet sont la grande superficie du pays, la
complexité de l'administration brésilienne et le coût.
44
Lundi 16 juin 2010GA
LAIS
Vous avez été l’un des membres actifs de la première aventure de l’Histoire générale
de l’Afrique (Hga) que l’Union africaine décide d’enseigner, aujourd’hui, dans nos
écoles. Que vous inspire une telle démarche ?
La rédaction de l’Hga sous l’égide de l’Unesco a été une grande entreprise. Elle a été
faite par des historiens africains appuyés par des chercheurs d’autres pays. Les
professeurs Cheikh Anta Diop, Joseph Ki-Zerbo, entre autre, avaient fait partie du comité
scientifique international. Par ce travail monumental, l’Afrique cherche à se réapproprier
son histoire. Cependant, c’est un ouvrage d’un niveau scientifique très élevé qui a certes
comblé le monde scientifique et culturel africain et international. Mais, il n’était pas à la
portée de tout le monde. La deuxième phase de cette entreprise, c’est de passer à la
rédaction de manuels scolaires à partir de cette Hga pour que les jeunes se l’approprient.
Ce qui est important à souligner ici, c’est que ce projet est celui de l’Union africaine (Ua)
qui a pour objectif de faire l’intégration du continent, la constitution d’une union
politique véritable. Or, un tel processus, pour être bien assis dans l’esprit des gens, doit
passer par l’enseignement de l’Hga. C’est tout le sens de cette rencontre de Tripoli. Il
s’agira de faire des manuels scolaires à caractères régionaux. Cela est important parce
qu’il y aura une unification de l’enseignement de l’histoire pour les différentes sous-
régions du continent. C’est déjà formateur, un thème intégrateur.
Est-ce à dire qu’il faut rénover les contenus de nos enseignements, puisque depuis
lors beaucoup d’eau a coulé sous les ponts ?
Bien sûr. C’est pour dire que l’Hga est une grande œuvre certes, mais ce n’est pas une
histoire définitive. Chaque génération écrit et réécrit l’histoire. Il y a 40-50 ans, bien des
points d’histoire ont été mieux éclairés. Mais, cette histoire est appelée à être révisée,
45
enrichie. Il est certain que beaucoup de découvertes ont été faites dans le domaine
archéologique. On a ouvert des chantiers archéologiques, trouvé des restes, constitué et
reconstitué des palais, retrouvé d’anciennes villes. Ne serait-ce que pour la préhistoire,
au Tchad, on a découvert des restes plus anciens que ceux, jusque-là, trouvés en Afrique
de l’Est. C’est dire que la science historique est en devenir permanent.
Non. Je veux souligner ici que si l’on parle d’histoire régionale ou continentale, cela ne
nie pas l’histoire de chaque pays. L’Hga n’est pas une histoire des nations, elle est celle
des peuples. Elle est continentale, sous-régionale.
Mais l’histoire de nos peuples est souvent pleine de mythes et de falsifications. Elle est
plus celle des dominateurs que des dominés !
Tout cela sera pris en compte. Il faut souligner que l’Hga est avant tout une entreprise de
réhabilitation du passé africain. Et dans ce travail, des éléments nouveaux ont été pris en
compte par les Africains, ce sont les traditions orales. Jusqu’avant la rédaction de l’Hga,
l’Europe n’accordait aucune importance à la tradition orale africaine. Les Africains ont
montré que la tradition orale est une véritable science structurée.
L’histoire de l’Afrique n’est pas faite que de simples racontars des griots. C’est une
histoire construite, élaborée qui se transmet avec ses méthodes pédagogiques.
Vous avez semblé dire dans l’Hga que ce qu’elle a accepté pour elle, elle l’a refusé à
l’Afrique à propos de la tradition orale ?
Avant que les hommes n’écrivent, ils ont parlé. Et ce sont les propos qui ont été transmis
de génération en génération. Qu’est-ce que la Bible, sinon une transmission orale
transmise de génération en génération jusqu’au moment où on a fixé les textes sur papier
ou sur pierre. C’est la même chose pour les grandes épopées que nous connaissons. C’est
une tradition orale transmise de génération en génération jusqu’au moment où on l’a
fixée. Donc, la parole n’est pas cette chose qui s’envole, comme on le dit en Occident.
Elle est organisée et se traduit avec beaucoup de fidélité.
Et le respect des droits de l’Homme. Je vous citerai un article. Quand la Charte dit que :
« tout homme a droit à son intégrité physique », on croirait entendre un législateur
moderne parler. Et pourtant, ceci a été énoncé par Soundjata en 1236.
47
Conference on General History of Africa ends
Tripoli, Libya - 16/06/2010 - The regional conference on “The pedagogical use of the
General History of Africa (GHA) in African schools” ended on Wednesday in Tripoli, the
Libyan capital, with the adoption by the scientific committee of the pedagogical use of
GHA of the content, pedagogical tools and didactic backup materials for the teaching of
African history.
The closing ceremony was attended by the secretary of the Libyan general people's
committee for Education and Scientific research, Dr Abdelkebir Al-Fakhri and the
Director-General of the UN Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO),
Irina Bokova.
The participants at the meeting, which focused on the project implemented by UNESCO
with a Libyan financing, re-examined the GHA in view of updating it and analysed the
situation regarding the teaching of history and the African educational systems.
They also studied the conceptual framework that outline the major directions, purposes,
goals and objectives, as well as the pedagogical principles for the choice of content.
48
Fin de la conférence sur l'Histoire générale de l'Afrique à Tripoli
Les participants à cette rencontre axée sur ce projet exécuté par l'UNESCO avec le
financement de la Libye, ont fait une relecture de l'Histoire générale de l'Afrique en vue
de son actualisation, procédé à une analyse de la situation de l'enseignement de l'histoire
et des systèmes éducatifs africains et étudié le cadre conceptuel esquissant les
orientations et finalités, les buts et objectifs généraux, ainsi que les principes
pédagogiques pour le choix des contenus.
49
Flash-Education
Jeudi 17 juin 2010 à 13:00:00
(Congo-Brazza, Libye)
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Burkina Faso - Jeudi 17 juin 2010
E.M. : L’Histoire générale de l’Afrique (HGA) est une collection de huit volumes dont la
publication s’est étalée jusqu’en 1999. C’est la première aventure intellectuelle
collective de la première génération des historiens, scientifiques et universitaires
africains qui visait à montrer que l’Afrique a une histoire et que cette histoire n’est pas
venue d’ailleurs.
Ils ont expliqué également que l’indépendance n’était pas un cadeau, une concession
mais le résultat de luttes menées par les Africains depuis les empiétements extérieurs.
51
Ce qui est encore plus remarquable, et pour éviter des discussions à l’avenir, ils ont
convaincu les meilleurs historiens non africains du moment qui avaient des compétences
sur l’Afrique à participer au projet.
Cela a pris du temps et coûté de l’argent. C’est une entreprise intellectuelle unique en
son genre. Le travail a été fait dans un contexte particulier avec une vision panafricaine.
Malheureusement, le projet africain a souffert de l’évolution générale du panafricanisme
dans le cadre de l’OUA et des difficultés des premiers moments de l’indépendance.
D’autre part, à ce projet africain se sont greffés les projets nationaux. Tous les Etats
devenus indépendants ambitionnaient de se constituer en nations et de développer leurs
systèmes éducatifs avec des programmes historiques, mémoriels, muséaux, etc.
E.M. : Ces livres ont été publiés en Europe, coûtent donc cher et sont très volumineux.
Donc l’ouvrage est resté le compagnon des universitaires, encore que tous les professeurs
d’université n’en disposent pas. Donc le projet n’a pas connu le retentissement espéré.
Cependant, Présence africaine a fait un pas en publiant une collection de poche. Ces
volumes n’ont pas non plus reçu le succès escompté. Mais les historiens sont restés dans
la vision panafricaine du projet : ils ont créé l’Association des historiens d’Afrique qui a
pendant longtemps été dirigé par le Pr Joseph Ki-Zerbo.
E.M. : Le défi lancé par nos aînés nous obligeait à avancer dans la voie de l’histoire, sans
quoi nous aurions manqué notre vocation d’historiens. Le défi pour nous était : qu’est-ce
que nous pouvons dire de plus que nos aînés ? Sans vouloir rivaliser avec eux, nous avons
défriché des terrains nouveaux, élaboré des problématiques nouvelles. Aujourd’hui, nous
sommes allés un peu plus loin et nous avons ouvert des chemins plus nombreux.
E.M. : Quand l’OUA est devenue l’Union africaine, parallèlement aux différents projets
économiques, il était nécessaire de reprendre la question identitaire, culturelle,
mémorielle et historique du continent. Ainsi, les chefs d’Etat ont souhaité que les huit
volumes de l’HGA entrent effectivement dans les programmes scolaires.
L’Union africaine a saisi pour cela l’Unesco qui, à son tour, a réuni les historiens autour
de ce projet. C’est ainsi qu’après la rencontre de Paris, nous avons mis en place un
comité scientifique et avons demandé à l’Association des historiens d’Afrique de faire
une revue critique des huit volumes : des problèmes de mise à jour, des reformulations
des méthodes, des contenus, des approches.
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Nous sommes conscients que nous n’allons pas réinventer la roue. Le dernier volume date
de 1999, ce qui suppose que ce travail a été effectué dans les années 70-80. Beaucoup de
choses se sont passées entre-temps, à savoir les changements en Afrique australe, la
démocratie, etc. Nous avions là, l’occasion de placer les évolutions actuelles dans une
lecture africaine et non une lecture forcément internationale.
Lecture qui consisterait à dire, par exemple, que la démocratisation de l’Afrique vient du
discours de la Baule, de la chute du mur de Berlin ou encore que notre stratégie de
décentralisation est inspirée du modèle allemand ou américain, alors que nos anciens
empires (Mali, Kongo, Loango, etc.) sont des exemples de gestion des espaces énormes
avec des populations différentes, parfois des langues et cultures différentes, mais qui ont
tenu sur plusieurs siècles.
E.M. : 44 pays ont répondu au questionnaire que nous avons élaboré. Les neuf autres
Etats qui n’ont pas répondu sont ceux qui sont dans des situations de coup d’Etat ou de
crise politico-militaire ou en cours de reconstruction.
S. : Quelle stratégie comptez-vous développer afin que notre histoire soit enseignée
dans nos écoles ?
E.M. : Certains Etats ont de bons programmes en histoire. Je pense notamment aux
derniers Etats qui se sont libérés soit du racisme, soit de la colonisation en Afrique
centrale et pour qui l’histoire a une place importante. D’autres pensent que le
développement est purement économique. Ils ont alors mis de côté tout ce qui est
historique, ce qui a d’ailleurs fait penser à certains que l’Afrique était contre le
développement. Aussi, nous avons vu des générations formées à la médecine,
architecture, aux sciences sans aucune connaissance de l’histoire.
53
E.M. : Aujourd’hui, toutes les puissantes émergentes (Chine, Inde, Brésil) sont des Etats
dans lesquels la personnalité nationale est fortement ancrée, l’histoire nationale très
bien connue et les références pour aller vers l’avenir sont tirées du passé. En Chine par
exemple, la fable « Comment You Kong déplaça la montagne » tirée du fin fond de
l’histoire a montré aux Chinois qu’ils peuvent déplacer des montagnes ! Si nous ne
parvenons pas à ce genre de réalité en Afrique, nous allons penser que pour se
développer, il faut singer l’Europe. Nous risquons de croire que ce dont nous avons besoin
c’est le fameux document de stratégie de la réduction de la pauvreté comme programme
de développement, alors que dans notre histoire, il n’a jamais été question de réduire la
pauvreté, mais de créer des richesses. Si nous n’y parvenons pas, dans 40 ans, nos
enfants penseront Macintosh, Coca-cola, Mac Donald et ne saurons rien de Soundiata
Keita, de Chaka, etc.
E.M. : Nous sommes convaincus que ce ne sont pas seulement les contenus des manuels
qui doivent changer, ni la répartition des matières, mais surtout les méthodes
pédagogiques. La pédagogie verticale qui consiste à apprendre par cœur et à recracher
doit être revue. L’histoire est une discipline passionnante dont l’enseignement va
désormais s’appuyer sur les bandes dessinées, les technologies de l’information et de la
communication, etc. Les gens ne se rendent pas compte par exemple en regardant un
film western que c’est l’histoire des Etats-Unis qui est racontée. Nous devons nous aussi
mettre en scène notre histoire avec une pédagogie renouvelée. Il nous faut à très moyen
terme, des citoyens africains.
E.M. : Rassurez-vous ! Nos aînés étaient très passionnés de l’histoire mais étaient très
critiques à l’égard de l’idéologie issue du colonialisme, de la traite négrière. Nous restons
dans la même posture. Nous traquons toutes les déformations car notre souhait est de
transmettre aux jeunes la connaissance, la passion et la fierté de leur passé. Nous ne
sommes pas en position de combattre, mais de création et de stimulation vers l’avenir.
54
UNESCO : élaboration d'un nouveau programme d'histoire de
l'Afrique
17-06- 2010 - L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture
(UNESCO) s'est entourée d'historiens et de spécialistes de l'éducation pour développer un
programme d'histoire destiné aux écoles africaines. Ce programme scolaire s'appuie sur
l'Histoire générale de l'Afrique (HGA), une série de huit volumes qui retrace l'histoire du
continent de la préhistoire à l'Afrique contemporaine.
« Cette Conférence s'inscrit dans la deuxième phase du projet qui appelle à la promotion
de l'utilisation de l'Histoire générale dans les écoles africaines. En développant des outils
éducatifs pour rendre cette histoire érudite accessible, nous permettons aux jeunes gens
de tout le continent de mieux connaître leur héritage commun », a-t-elle ajouté.
55
Le projet pédagogique est supervisé par un comité scientifique composé de dix membres
représentant les cinq sous-régions du continent. Irina Bokova, sera présente lors de la
session de clôture.
56
ÉTATS MEMBRES DE LA CEDEAO : Près de 7 milliards de FCfa
pour 45 centres d’enseignement à distance
M. Miloudi faisait une présentation sur l’utilisation des Tic dans l’Education. M. Miloudi a
rappelé que le Cva cherche à améliorer l’enseignement et l’apprentissage des étudiants
par la mise en place d’outils pédagogiques. Il a déjà créé 14 centres opérationnels en
Méditerranée, 4 en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Côte d’Ivoire, Bénin et Cap-Vert) et 3 en
Irak, soit 21 au total.
Projet inclusif, le Cva a permis à 1.500 handicapés visuels (non voyants) de bénéficier
d’une formation. En outre, pour protéger les cours, il a développé un contrat de droit
d’auteur pour les enseignants, a expliqué M. Miloudi, précisant que tout cours, avant
qu’il ne soit mis en ligne, est validé par le conseil scientifique.
Le centre de Dakar a été qualifié de très actif. Selon Abdou Sow, ancien doyen de la
Fastef, il est d’un apport « inestimable » dans la formation des enseignants vacataires.
« A la Fastef, on ne recrutait que 700, toutes sections confondues. Or, 8.000 à 9.000
vacataires, sans diplôme pédagogique, sont dans l’enseignement. Nous sommes chargés
57
de les former en 3 ans. Au départ, on utilisait le papier ou le Cd qui n’étaient pas
accessibles à tous. Et comme pratiquement tous les lycées et collèges du pays sont dotés
de salle informatique, nous assurons, à présent, la formation, à distance. Dans les
établissements qui n’ont pas encore bénéficié de salle informatique, nous utilisons
toujours le papier et le Cd », a expliqué Abdou Sow.
Projet Afreestory
58
Enquête
12 juillet 2010
C’est sur une note de satisfaction et d’espoir que s’est achevée à la conférence de Tripoli
mercredi 16 juin dernier. Une conférence organisée à la demande de l’Union africaine et
qui avait pour but d’étudier la possibilité de l’utilisation pédagogique des huit volumes de
l’Histoire générale de l’Afrique dans les écoles et universités africaines. S’il est trop tôt
pour dire si ce moment rentrera dans les annales de l’histoire du continent, il demeure
que les cinq jours de travaux des chercheurs, enseignants, pédagogues et acteurs de la
société civile africaine dans la capitale libyenne sonnent comme un temps fort de la vie
africaine de ces cinquante dernière années. Surtout en cette période de célébration de la
libération officielle du joug colonial qui longtemps dénia aux Africains quelque histoire
que ce soit.
Ce qui s’est passé à Tripoli, comme l’a rappelé le chercheur congolais Elikia Mbokolo, le
président du comité scientifique des travaux, n’est que la continuité d’un travail dont la
première phase remonte à 1964 c’est-à-dire au lendemain de la naissance de
l’Organisation de l’unité africaine (Oua) intervenue l’année d’avant. En ces années-là, et
59
après d’âpres luttes pour la reconnaissance de son existence, l’Africain avait le challenge
de relever un autre défi non moins important : faire savoir à l’humanité qu’elle fait
partie de l’histoire. Car jusqu’à cette date là, l’histoire africaine, comme l’a rappelé le
chercheur zimbabwéen Bhebe, n’était que présentation «des vies et des activités des
explorateurs, commerçants, missionnaires et soldats conquérants européens ainsi que des
administrateurs et autres gouverneurs coloniaux».
Un projet donc d’écriture de l’histoire de l’Afrique que l’Oua confia à l’Unesco qui
rapidement se mit à l’ouvrage en invitant la première génération d’historiens africains à
faire montre de leur savoir-faire.
Ce qu’ils firent avec d’autant plus d’entrain que, et comme le relevait l’un d’eux (le
Burkinabé Joseph Ki-Zerbo), «sauf à vivre dans un état d’inconscience et d’aliénation, nul
ne saurait vivre sans mémoire ou avec une mémoire qui appartient à quelqu’un d’autre».
Un point de vue que n’aurait pas renié son compère Cheik Anta Diop pour qui «la
conscience d’une histoire commune est le plus solide rempart qu’un peuple puisse
construire contre les agressions culturelles ou autres venant de l’extérieur».
L’autre enjeu était à cette époque la question d’identité africaine que la colonisation
avait plus que malmenée comme on avait pu le voir en filigrane des revendications
d’indépendance. Une identité qui passait alors selon le Pr. Bhebe par la connaissance de
sa propre histoire. Il fallait donc «une histoire de l’intérieur, qui donne toute sa
dimension et sa place à l’Afrique dans l’histoire mondiale» ; une histoire dépouillée en
somme des scories chauvines de la version coloniale triomphante.
Unesco
Des fils d’Afrique comme Joseph Ki-Zerbo, El Fasi ou Djibril Tamsir Niane travailleront
donc 35 ans durant à écrire une histoire «de l’intérieur» qui tiendra en huit volumes de
ce qu’ils ont appelé «L’histoire générale de l’Afrique» (Hga). Un travail titanesque qui
révéla au passage la place importante que le continent joua sur la place mondiale à
travers des millénaires ; travail qui permis aussi de découvrir comme l’a dit Irina Bokova,
la directrice générale de l’Unesco, à la clôture des travaux de Tripoli que «l’Afrique est
le berceau de l’humanité». Comme quoi l’histoire avait naturellement commencé en
Afrique, puisque c’est là-bas que le premier homme a vu le jour. Un travail qui prit aussi
bien en compte l’histoire des idées, les traditions orales et toute la richesse artistique du
continent. Ce faisant, et toujours selon Mme Bokova, cette histoire a démontré que
l’Afrique était une, richement diversifiée, loin des stéréotypes qui avaient établi une
dichotomie entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne.
Car comment expliquer que près de cinq décennies après son commencement, et plus de
dix ans après la sortie du dernier volume, beaucoup en Afrique ne sachent pas
l’existence, encore moins le contenu de cette Hga ? Y compris les enseignants d’histoire !
Une situation pour le moins gravissime si l’on prend en compte que cette Hga avait
«clairement démontré la participation active de l’Afrique dans la marche de la
civilisation humaine depuis la capacité technologique de cette humanité à assurer une vie
décente à partir de son environnement naturel» pour reprendre le Pr. Behbe.
Deuxième phase
La note d’espoir allait venir de l’évolution même de l’Oua qui, dans sa mutation en Union
africaine au tournant de l’actuel siècle, allait une fois de plus penser à son histoire. Pour
s’en remettre encore à l’Unesco. Non plus pour mieux connaître son passé, mais pour
«contribuer à la réappropriation par l’Afrique de son histoire tout en assurant une
meilleure compréhension de l’apport du continent au progrès de l’humanité», selon le
mot de l’historien sénégalais Mamadou Ndoye. Qui au passage insiste pour faire savoir
que les huit volumes de l’Hga ont permis entre autres de rétablir certaines vérités sur le
passé du continent comme celle qui veut que «l’histoire peut être écrite non seulement à
partir des sources écrites, mais aussi en faisant appel aux traditions orales» ; ou encore
que «l’Afrique a non seulement une histoire, mais une histoire qui est même plus longue
que celle des autres continents car elle porte sur plus de trois millions d’années» ; ou
enfin que «les civilisations les plus anciennes, y compris celle de l’Egypte ancienne, ont
trouvé leurs origines et leur inspiration dans les peuples africains eux-mêmes et ont été
les fruits de leur évolution face aux défis de leur existence».
Dans sa mutation en Union africaine, le rassemblement des nations africaines allait aussi
lancer la seconde décennie de l’éducation en Afrique. Une initiative qui puisait sa source
dans les conclusions et recommandations de plusieurs réunions d’experts (Dakar 1986,
Nairobi 1989, Tripoli 1989, Dakar 2001) et de différentes études dont celles de Dramane
Issifou ou de Pierre Kipré. Dans cette nouvelle orientation de rénovation de
l’enseignement de l’histoire africaine dans les écoles et universités africaines, l’Unesco
va reconduire le même attelage qu’en 1964.
C’est ainsi qu’un deuxième comité scientifique de dix membres choisis pour leur
expertise et leur expérience dans les domaines de l’histoire africaine, des politiques
éducatives, de l’enseignement de l’histoire, de l’élaboration des curricula et de la
formation des enseignants a été constitué avec à sa tête l’historien congolais Elikia
Mbokolo que l’on ne présente plus. Avec son équipe, il va entamer une deuxième phase
qui a connu trois principales étapes. Mamadou Ndoye en dévoile les grandes lignes : «il y
61
a d’abord eu la relecture des huit volumes de l’Hga en vue de leur actualisation rendue
nécessaire par de nouvelles découvertes ; s’est ensuivie l’analyse de la situation de
l’enseignement de l’histoire et des systèmes éducatifs africains dans leur diversité pour
diagnostiquer les contraintes, les besoins et les ressources qui vont influencer
l’intégration de l’Hga ; et enfin le cadre conceptuel esquissant les orientations et
finalités, les buts et objectifs généraux ainsi que les principes pédagogiques qui doivent
guider le choix des contenus et la transformation didactique du savoir académique en
apprentissage des élèves aux différents niveaux des systèmes éducatifs».
Durant les travaux de Tripoli, nombreux sont ceux qui se sont demandé quelles étaient
les vraies intentions libyennes en apportant un support financier et logistique aux travaux
? Question d’autant plus justifiée que l’Etat libyen a dépensé pas moins de deux millions
de dollars Us pour l’organisation des travaux en plus de loger et de nourrir la forte
délégation présente à Tripoli durant la semaine entière de la conférence. Une délégation
de près de deux cents personnes constituées de chercheurs, pédagogues, société civile,
etc. venu de 46 pays africains et de sa diaspora (Brésil, Etats-Unis, France).
Pour sa part, l’Unesco a été «d’un grand apport dans l’accomplissement des phases du
projet de rédaction de l’Hga et de son utilisation dans les programmes scolaires
africains», comme n’a pas manqué de le mentionner Mamadou Ndoye, le vice-président
du comité scientifique. Qui dans son allocution à la clôture de la conférence de Tripoli a
une fois de plus jeté son regard vers l’organisation des Nations unies pour ce qui est du
suivi des résolutions des travaux. Et cela pourrait commencer par le sommet des chefs
d’Etat de l’Union africaine prévu en juillet prochain à Kampala où les chercheurs
espèrent que la présence de Mme Bokova permettra de «rendre compte aux chefs d’Etat
de l’avancement du projet à la lumière des résultats de cette conférence et pour leur
demander de prendre les décisions politiques nécessaires à sa mise en œuvre».
Un souhait qui a toutes les chances d’aboutir, tant l’Unesco a depuis le départ fait partie
du projet de l’Hga. C’est en effet vers elle que s’est tournée l’Oua au moment de la mise
62
en route technique du projet qui visait selon Mme Bokova la réappropriation «de
l’interprétation et de l’écriture de leur histoire et de démontrer la contribution des
cultures africaines au passé et au présent». C’est l’Unesco qui réunira les experts qui
formeront le comité scientifique de l’Hga.
Son effort ne s’arrêtera cependant pas avec le dernier volume de l’Hga paru en 1999. Car
l’Unesco sera appelée «une fois encore à collaborer avec les pays africains dans la
promotion de l’utilisation pédagogique de cette collection» selon Mme Bokova. Ce qui va
permettre à l’organisation de mettre sur pied la seconde phase dont Tripoli constitue le
deuxième temps fort après la réunion du nouveau comité scientifique de Paris en mars
2009. Une phase dont le but selon Mme Bokova est «d’élaborer de nouveaux programmes
d’histoire et des matériels d’apprentissage pour les établissements primaires et
secondaires en soulignant le patrimoine commun aux peuples d’Afrique.»
Projet pour lequel la formation des enseignants, la recherche et les avancées les plus
récentes dans le domaine de l’enseignement de l’histoire sont indépassables. Toutes
choses qui tiennent à cœur la directrice génale de l’Unesco dont le penchant pour
l’Afrique est connu depuis son arrivée à la tête de l’organisation. Mais au sortir de
Tripoli, elle a tenu à faire savoir que son organisation ne fera pas tout, car d’autres
maillons comme le comité scientifique, les points focaux au sein des ministères en charge
de l’éducation ou encore les experts et autres érudits doivent chacun jouer sa partition.
Non sans indiquer que l’action de l’Unesco doit être accompagnée d’une volonté
politique forte de la part des Africains.
A l’issue des travaux, le vice-président du comité scientifique Mamadou Ndoye n’est pas
allé par quatre chemins pour indiquer le sillon à creuser pour la réussite du projet de
l’utilisation pédagogique de l’Hga dans les écoles du continent.
C’est ainsi que «Pour les moins de 10 ans, les fondations de l’enseignement de l’Hga
seront bâties à travers des activités d’éveil, de développement et d’éducation de la
petite enfance. Dans les premières années du primaire, cette phase d’initiation sera
poursuivie et développée pour promouvoir l’identité individuelle et collective, les valeurs
sociales, les droits et responsabilités. Cette approche de l’histoire sera basée sur
63
l’observation et l’étude de l’environnement proche et tiendra compte des modes
instructifs d’appréhension des faits historiques à travers les images, les récits vivants et
l’alimentation de l’imaginaire de l’enfant.
Concernant les 10-12 ans, le choix des huit thèmes retenus s’articule aux huit volumes de
l’Hga. Il s’agit d’offrir aux élèves qui quittent l’enseignement primaire un aperçu global
de l’Hga qu’ils pourront plus tard approfondir par eux-mêmes ou avec la poursuite des
études. Cet aperçu part des origines de l’humanité en Afrique jusqu’aux relations
actuelles de l’Afrique avec le reste du monde. Il y est particulièrement souligné d’abord
le génie créateur des peuples africains et les objets civilisationnels qu’ils ont produits
dans divers environnements et époques ; ensuite la réalité et les enjeux de la liberté et
de l’alimentation ; et enfin les fondements du panafricanisme et de la citoyenneté
africaine.
Pour les 13-16 ans, l’approche de l’histoire de l’Afrique s’approfondit en devenant plus
analytique dans une perspective diachronique. L’aperçu général est maintenu mais part
cette fois-ci des méthodologies, de la préhistoire et des civilisations anciennes pour
déboucher sur des organisations régionales africaines et internationales. Les fondements
historiques de l’unité et de la diversité des cultures, langues et objets civilisationnels de
l’Afrique seront mis en exergue.
Pour les 17-19 ans, l’approche des complexifie en croisant la perspective diachronique et
la perspective thématique dans l’étude de l’Hga du volume I jusqu’à la décolonisation, la
construction nationale et le panafricanisme.
Les travaux sur l’élaboration des guides pédagogiques correspondants aux étapes
considérées ont défini les principes et les repères qui doivent présider à leur écriture. Les
guides doivent être faciles d’utilisation ; définir les principes didactiques de
l’enseignement de l’histoire en relation avec des pédagogies actives, participatives,
coopératives et qui mettent l’élève au centre de l’apprentissage.
Les guides doivent recommander une entrée prenant en compte les connaissances, les
compétences, les valeurs et les comportements à promouvoir ; offrir un condensé des
nécessaires savoirs historiques aux enseignants en même temps que des références
bibliographiques pertinentes, voire un glossaire des concepts-clefs de l’Hga ; fournir des
indications pédagogiques sur la construction et la mise en œuvre de séquences
d’enseignement-apprentissage mettant le principe d’apprentissage actif avec quelques
exemples illustratifs ; orienter vers des outils techniques et exercices d’évaluation pour à
la fois mesure les pré requis et les acquis des apprentissages historiques au regard des
différents domaines et niveaux taxonomiques».
Par ailleurs, les participants ont tenu à souligner la nécessité d’une continuation du
travail d’actualisation de l’Hga ; du travail de «décolonisation» linguistique et
64
conceptuelle à travers «une analyse critique des présupposés idéologiques et des
paradigmes épistémologiques qui alimentent des regards aliénants sur l’Afrique» ; ou
encore le «développement d’une stratégie éditoriale qui renforce toute la chaîne
éditoriale tout en offrant un marché captif aux éditeurs africains».
65
Interview
15 juillet 2010
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reste en mémoire au sortir de ces travaux.
Quelles sont les principales résolutions et recommandations qui ont été prises à
l’issue de cette conférence d’une semaine ?
Une des recommandations fortes c’est la question politique. J’entends par là la question
de la volonté politique. J’ai senti, toujours chez nos jeunes collègues, une espèce de
scepticisme quant à l’application dans les faits des résolutions prises ici. Je crois
d’ailleurs qu’en Afrique, pour dire les choses telles qu’elles sont, les gens sont un peu
désabusées face à l’institutionnel. Et tout ce qu’on fait, elles se demandent si après un si
dur labeur, les politiques vont tenir parole. Je me dois à ce niveau, pour rendre à César
ce qui est à lui, de dire que ce projet n’est pas celui de l’Unesco qui n’est qu’un
facilitateur. C’est en effet à la demande expresse de l’Union africaine, c’est-à-dire nos
chefs d’Etat, que ce projet est à l’œuvre pour favoriser l’intégration africaine. C’est
donc la question de l’unité africaine qui est en jeu ; une unité par l’entrée culturelle. Ce
faisant, je crois que les chefs d’Etats ont vu juste, car ailleurs, et même avant en
Afrique, on est souvent entré dans la question de l’intégration régionale par le biais
économique. Ce qui a donné des résultats mitigés. Nos dirigeants ont décidé de mettre à
profit cette entrée culturelle, celle de faire de l’histoire un des leviers de l’intégration
dans la mesure où sans conscience collective, sans conscience d’appartenance, il est
difficile de mener à bon port le projet de l’intégration africaine.
Oui. Je pense que par rapport à cela, nos jeunes collègues, comme beaucoup de citoyens
de nos pays, sont souvent habitués à des résolutions tout à fait lumineuses mais qui
posent presque toujours problème dans leur mise en œuvre. J’ai bien perçu cette
inquiétude chez nos jeunes collègues. Comme vous avez dû le constater, la rencontre a
fait beaucoup de recommandations à l’endroit de l’Unesco. Mais ce n’est pas à cette
dernière qu’il faut les faire ; c’est plutôt en direction des Etats qu’il faille les faire, ce
d’autant plus que c’est eux qui ont commandé le travail, l’Unesco n’étant qu’un
facilitateur.
L’un des points forts de cette rencontre aura été l’expérience brésilienne qui semble
avoir devancé le continent dans l’enseignement des huit volumes de l’Hga dans leurs
écoles. Comment mesurez-vous en tant qu’historien cette avance brésilienne ?
Tout d’abord, je dois dire que j’ai trouvé cette expérience brésilienne formidable. C’est
un peu l’ironie de l’histoire tout en étant un peu logique. Car la question qui se pose est
celle de l’identité, et je pense que nos parents de la diaspora la ressentent plus
vivement. Pour le cas du Brésil, et puisque je parlais de volonté politique tout à l’heure,
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il y a là bas une loi qui rend obligatoire l’enseignement de l’histoire de l’Afrique à l’école
et pas n’importe quel enseignement ! Ils ont un projet structuré qui nous paraît
exemplaire. Ce qui a aussi été intéressant au cours de cette conférence était de voir que
nos parents de la diaspora nous apportait leur expérience pour nous permettre de nous
réapproprier notre histoire.
En avez-vous alors profité pour jeter les bases d’une synergie pouvant déboucher à
terme sur une relation irriguée et bénéfique pour les deux parties ?
Oui ! Je dois d’ailleurs dire que la première phase de leur projet d’utilisation
pédagogique de l’Hga voudrait que nous fassions le déplacement du Brésil. Leur présence
ici leur a aussi permis de mettre à jour leurs connaissances. Il y a une attente de leur
part par rapport au contenu de l’Hga. Vous êtes sans ignorer que cette histoire de
l’Afrique n’est pas perçue de la même manière à l’intérieur du continent et dans sa
diaspora, ce qui est tout à fait normal. Nos expériences respectives sont appelées à se
mutualiser. J’en profite pour revenir une fois de plus à la question de la volonté
politique. Il serait malheureux que tout s’arrête au niveau de la déclaration. Les
ministères en charge de l’éducation de nos différents pays doivent se donner les moyens
légaux de la traduire dans les faits.
On va l’entamer par le recrutement des compétences nécessaires. Pour être plus précis,
je dirais qu’aujourd’hui, le plus immédiat c’est de trouver les procédures les plus
objectives d’identification de ces ressources humaines là. Pour la suite, il va falloir
planifier les autres activités, car on ne peut pas tout faire en même temps. Il faut donc
s’organiser pour voir la question des contenus et en tirer les leçons pour les guides qui
sont très importants, car beaucoup de choses se jouent au niveau de ces guides. Il ne
suffit pas de faire un programme, encore faut-il accompagner, expliquer à l’enseignant
comment il va animer sa classe. Il faut donc lui indiquer des orientations claires assorties
de maté riels pédagogiques adaptées aux différentes leçons. Sans cela, l’enseignant
navigue à vue. Bien sûr qu’il faudra lui laisser une marge de manœuvre.
Oui. Vous savez sans doute que dans nombre de nos pays, beaucoup d’enseignants sont
recrutés sans formation d’enseignant. Ils ont tous des diplômes de faculté, mais cela ne
suffit pas. Entre connaître quelque chose et la transmettre, il y a une différence.
D’ailleurs, nombre de collègues chercheurs ont rappelé ici qu’ils n’étaient pas les mieux
indiqués pour la transmission des savoirs. On a souvent tendance à oublier que parmi les
enseignants du supérieur, il y a d’excellents pédagogues certes, mais, et pour rester dans
le système Cames, en dehors des médecins et juristes, nous en sciences sociales ne
sommes pas évalués sur la pédagogie , mais sur la qualité de nos publications. Donc n’est
pas forcément pédagogue tout chercheur brillant.
Vous soulevez là un vrai débat qui n’est pas nouveau à savoir le rapport de l’histoire à
d’autres disciplines. Au cours de la conférence de Tripoli, on a beaucoup débattu de la
régionalisation, du découpage régional et cela a suscité beaucoup de débats et de
commentaires, surtout avec des cas comme le Tchad ou la Mauritanie qui sont à cheval
sur plusieurs régions. On voit là la nécessité pour l’historien d’avoir le sens de la
géographie ; j’entends par là la nécessité pour lui de comprendre les usages qu’on peut
faire de la géographie. C’est un peu comme avec la statistique, il en existe plusieurs
usages. Au cours des débats, le géographe français Cocquery nous a rappelé qu’il fallait
faire attention à ces dérapages cardinaux qui peuvent entraîner beaucoup de problèmes.
L’histoire ne peut pas être une discipline autonome. Je ne sais pas ce que vous entendez
par discipline autonome, mais l’histoire est au carrefour de plusieurs disciplines. Je ne
peux donc imaginer un seul instants l’histoire en train d’être enseignée comme discipline
isolée. Et l’un des points forts justement de l’Hga c’est l’interdisciplinarité. Et oui ! Dans
le premier volume par exemple, le Pr. Joseph Ki-Zerbo a consacré de longs
développements sur l’interdisciplinarité qui va au-delà de la pluridisciplinarité, car quand
on parle d’interdisciplinarité, il s’agit pour un chercheur d’une discipline donnée de sortir
de sa perspective pour tenir compte de celle de l’autre. C’est comme avec cette histoire
de la tolérance. Il ne suffit pas de dire «je vous tolère» et basta ! Il faut en plus faire
l’effort de sortir de sa propre perspective pour essayer de comprendre l’autre.
L’historien doit cet effort sans pour autant qu’il devienne spécialiste d’une autre
discipline. Quand on entreprend cette démarche là, on voit bien qu’on a, tort de traiter
la même matière de façon isolée. L’histoire est un tout. Chacune de ses spécialités
l’aborde sous cet angle.
L’actualité sur le continent à côté de la coupe du monde de la Fifa est constituée par
cette célébration du cinquantenaire des indépendances, qui s’adosse au passage sur
des phantasmes politiques. Dans ce brouhaha festif, on n’a pas beaucoup entendu les
historiens. Et du coup, on se demande s’ils ont voix au chapitre dans les projets de
développement du continent. Quelle place l’histoire occupe-t-elle dans le
développement de l’Afrique ?
70
(Il soupire) Je crois qu’il y a un vrai problème là. En parlant de phantasme, vous n’avez
guère tort. Je crois que nos devanciers dans le champ de l’histoire avaient posé
clairement ce problème. Quand vous lisez par exemple la préface d’Amadou Mahtar
Mbow dans l’un des volumes de l’Hga, l’histoire y est prise comme levier. La question qui
se pose est celle de la conscience historique qu’il est important de bien comprendre.
Question sans laquelle il est difficile pour un individu, a fortiori pour une collectivité, de
bouger. Depuis 1960, on a épuisé tout un lexique dans l’optique du développement sans
toutefois avancer ou obtenir des résultats probants. Il me semble que le temps est venu
de réfléchir profondément à comment pourrait-on donner aux Africains les ressources, les
ressorts nécessaires pour affronter l’avenir. On voit bien que les politiques sont en panne
à ce niveau.
Devant un projet comme les Etats-Unis d’Afrique, cette panne saute aux yeux. Nos Etats
ne sont pas encore rendus au point de s’accorder sur la bonne formule. Je ne reviendrai
pas ici sur les différentes chapelles de pensées sur la question. Face à cette panne, c’est
bien la société civile qui va imposer, et j’insiste sur le mot imposer, la voie à suivre. Cela
ne peut pas se faire en dehors de l’histoire. C’est la conscience historique des Africains,
le fait de se dire «nous ne sommes pas là par hasard, nous avons par le passé fait des
choses ensemble jusqu’à ce qu’une certaine rupture intervienne dans notre histoire
comme la traite atlantique ou la colonisation.»
C’est cette conscience là qui est impérative. Elle peut parfois être brouillée par certains
facteurs, mais le rôle de l’histoire c’est de restituer cette conscience. Quand vous
regardez la façon dont les peuples vivent, notamment dans les zones frontalières, vous
voyez que cette conscience existe bel et bien chez les Africains. C’est à partir de ce
sentiment d’appartenance là que nous pouvons aussi dire «mais c’est pas possible !»
Regardez la géopolitique et vous verrez que presque partout, de grands ensembles
existent sauf en Afrique ! Comment se fait-il que notre continent soit le seul où pour aller
d’un pays à un autre, dans un espace qui est le même, il faut d’abord prendre un visa ? Il
faut arrêter cela. Cela ne se fera pas spontanément, mais sur la base d’une prise de
conscience. Pour tous ceux qui travaillent aujourd’hui à renforcer le projet des Etats-Unis
d’Afrique, la question de la conscience historique, c’est-à-dire amener les Africains à
articuler les trois catégories du temps, est l’un des moyens les plus efficaces.
«Nous avons été ensemble, nous sommes toujours ensemble et nous devons
construire un avenir commun» doit constituer un leitmotiv chez tous les Africains
alors ?
Oui. Car si on n’arrive pas à articuler ces trois catégories du temps, il deviendra difficile
de se réaliser. Une projection, même individuelle suppose que vous sachiez d’où vous
venez, où est-ce que vous en êtes aujourd’hui et où est-ce que vous voulez aller. Si vous
ne vous inscrivez pas dans cette progression là, alors il devient difficile de fonctionner.
Je crois que notre problème actuellement en Afrique est celui-là. Regardez les Asiatiques
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par exemple. Il y a 50 ans, nous étions au même niveau de développement. Le ressort qui
leur a permis de rebondir c’est cette conscience historique. C’est pourquoi la question
actuelle de l’apprentissage de l’histoire est essentielle. Aux Etats-Unis, l’histoire est
intégrée à l’enseignement de l’instruction civique. Un individu qui n’a pas la conscience
historique ne peut pas être un acteur de développement.
Vous êtes depuis 2001 le président de l’Association des historiens africains. Qu’est-ce
que c’est ?
L’Association des historiens africains (Asha) qui a été créé en 1972 à Dakar participait de
la même dynamique que l’Histoire générale de l’Afrique. C’était la même idée à savoir
mettre les historiens africains en synergie, éviter l’isolement parce qu’il n’y a pas plus
terrible que l’isolement pour un chercheur. Car figurez-vous que même aujourd’hui, en
cette heure d’Internet, il est très difficile de communiquer. Pour tout vous dire, cette
étude que j’ai coordonnée sur l’Hga n’a pas été simple. J’ai travaillé avec votre
compatriote Issa Saïbou de l’Université de Maroua et il pouvait arriver que, lorsque
j’attendais un texte de lui, il y ait des problèmes de connexion. Tout ça pour dire que nos
devanciers avaient pris conscience de ce danger-là en mettant sur pied cette espèce de
réseau non seulement de solidarité entre les historiens, mais aussi pour mettre en
congruence leurs travaux. Et ce faisant, ils restaient dans la perspective panafricaine, de
l’histoire africaine et non pas de l’histoire tribale.
Il nous est revenu que le Cameroun a joué un rôle de premier plan au sein de votre
association. Est-ce vrai ?
Tout à fait ! Et je tiens à le souligner puisque vous m’en donnez l’occasion. Je salue et
rends hommages aux autorités camerounaises de l’époque. Parce que votre pays a
accueilli le deuxième congrès de l’association en 1978. Ce fut d’ailleurs un événement de
très grande ampleur à l’époque.
Oui. Il avait fait une conférence mémorable à Yaoundé. Pour en revenir aux autorités
camerounaises, elles nous ont soutenu dans nos moments difficiles car entre 1972 et le
congrès de la renaissance en 2001, l’Asha a connu une léthargie pour des raisons que je
ne peux pas évoquer ici. Vos autorités ont donc donné asile à Afrika Zamani, notre revue
qui est en fait l’âme de l’association. J’en profite pour rendre hommage appuyé à des
collègues de chez vous comme Thierno Bah ou Emmanuel Nghomsi. Parce que pendant les
20 ans de traversée du désert, cette revue a continué de paraître grâce aux subsides du
gouvernement camerounais.
Aujourd’hui, la communication est la base de tous. Les gens ne se sentent plus seuls dans
leur coin. Votre compatriote Issa Saïbou par exemple, nous sommes en communication
presque tout le temps. Nous venons par exemple de perdre l’un de nos doyens, votre
compatriote Zachary Njeuma qui était l’un des acteurs de l’association. Lors de mon
élection à Bamako en 2001 à l’issue du congrès de refondation, il est venu me féliciter en
me disant «Konaté, nous te faisons confiance, nous tenons beaucoup à l’association».
C’est un propos qui m’a ému et m’est resté en mémoire.
A chaque fois, nous nous adressons aux Etats pour ce qui est du financement, et
malheureusement ces derniers ont beaucoup de problèmes. Nous essayons d’avoir des
subsides là où c’est possibles comme avec l’Unesco qui elle-même est plus facilitateur
que financeur. On s’efforce néanmoins de mener nos à bien nos activités. Nous avons un
certain nombre de projets phares. Nous sommes par exemple très attaché à la question
de l’intégration et avons un projet qui a pour but de faire le point au niveau de chaque
région et de voir comment l’historien peut apporter sa contribution à la question.
C’est un peu pour éviter toute sorte de confusion que nous avons insisté pour que les
médias soient présents ici à Tripoli. Vous avez pu interroger qui vous vouliez, fréquenter
toutes les sessions, accéder à tous les débats et vous avez vu que nous avons invité des
collègues non africains. Je peux donc vous donner des assurances à ce niveau. Je pense
aussi qu’il faut rendre justice à nos hôtes qui ont financé l’œuvre elle-même, car c’est
eux qui ont financé la publication des volumes, ce que les gens ne savent peut-être pas.
C’est toujours ici que nos devanciers sont venus fêter la fin de la première phase avec la
publication du 8è volume en 1999. Il ne faut pas toujours chercher le mal là où il n’est
pas. Bien plus, la composition du comité scientifique est une indication que la science ne
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cèdera pas. Les enjeux ici sont simplement d’ordre scientifiques. Il faut simplement que
nous puissions tous en être à la hauteur. On ne pourra jamais faire fi des soupçons
idéologiques, mais il reste aux scientifiques de tenir bon. L’équipe du comité scientifique
est inflexible et vous ne voyez pas son président Elikia Mbokolo tergiverser ou faire des
compromis sur des questions scientifiques, car ce n’est pas son style. On est décidé à
maintenir le cap de ce qui est l’indépendance scientifique de cette opération. Vous
pouvez nous faire confiance.
C’est difficile à dire, car c’est l’Unesco qui est le maître d’œuvre de cette affaire. C’est
elle qui établit l’agenda sous les indications du comité scientifique. Mais tout dépendra
de la volonté politique qui va se manifester. Il faut que nos dirigeants aillent au-delà de
la commande et prennent la décision que nous souhaitons tous. La Libye a une fois encore
mis la main à la poche cette fois, mais d’autres Etats du continent doivent faire de même
car il s’agit là d’une opération très lourde. Il est donc difficile aujourd’hui de donner des
délais. Plus tôt on financera les différentes étapes, plus vite ça ira. Le volontarisme a ses
limites. Quand vous demandez à des collègues de rédiger les manuels, quelque soit leur
engagement, il piochent sur leur temps de travail, sacrifient d’autres choses à faire et
doivent pour cela être motivés. Il y a ensuite la formation qui nécessite des fonds pour
payer les formateurs. Etc. Toutes ces opérations nécessitent de l’argent. Le comité
scientifique fera son travail.
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22 Jul 2010
A eux, comme à d’autres, elle ne manquera pas de dévoiler son amour pour l’Afrique, du moins son histoire.
Car cette dame d’un certain âge -qui a arpenté durant les cinq jours les couloirs de conférence de Tripoli avec
son sac d’écolier en bandoulière- en connaît un rayon sur une histoire qui au lendemain des indépendances
n’emballait pas ses collègues français, à l’exception sans doute de Yves Coppens qui «fut l’un des tout
premiers, sinon le premier à faire découvrir au monde que l’histoire de l’Afrique n’était pas une Afrique
première, mais bien la première histoire du monde, à tout le moins chronologiquement, et donc aussi la plus
longue du monde - même s’il ne s’agit que de quelques millions d’années de plus que les autres.»
En ces années-là, celle qui était prof au lycée de Chartres ne se doutait pas qu’elle prendrait bientôt le
chemin de ce continent. Et ce bien qu’elle ait toujours su «depuis 10 ou 11 ans» qu’elle serait historienne. Et
pour avoir grandi dans une famille où les sciences dures étaient la chose la mieux partagée, ce ne fût pas
mince comme vocation. Mais en ce début de 1960, c’est sa thèse sur l’histoire médiévale française qui la
préoccupe. Jusqu’à ce que son mari, géographe, soit envoyé en service militaire à Oran en Algérie où la
France fait face à une résistance farouche d’indépendantistes prêts à en découdre pour retrouver leur dignité
bafouée par une colonisation dure agrémentée de massacres comme celles de Sétif. Elle se rend donc aux
côtés de son chéri pour lui apporter cette chaleur manquante à tout combattant.
Une fois sur place, elle décide de se consacrer à l’histoire de l’Algérie. Sans doute du fait de la souffrance
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qu’enduraient les populations et qui lui rappelaient son histoire. Une histoire personnelle des plus cruelles, car
la deuxième guerre lui a arraché son père et ses deux grands-pères dont l’un fut «gazé à Auschwitz», un
camp nazi. Car durant l’occupation, elle fût considérée comme étrangère en France, son pays. Cela du fait
d’un délit de faciès parce que sa famille d’ascendance juive venait de la Russie.
Mais à Oran, la vie n’est pas facile pour la chercheure. Qui doit faire aux Oas qui sabotent le peu d’archives
existantes. Alors, elle se débrouille sans toutefois aboutir à quelque résultat, car déjà, les accords d’Evian
sonnent l’hallali d’une guerre qui n’avait que trop duré.
Le couple Coquery retourne donc au bercail où le destin va lui envoyer un signal. Signal qui prendra le visage
de Henri Brunschwig alors directeur d’études à l’Ecole pratiques des hautes études -qui deviendra l’Ecole des
hautes études en sciences sociales (Ehess) en 1975. «Il cherchait un assistant. Je me suis dit pourquoi pas
moi ?». Elle quittera donc Chartres pour aller s’abreuver à cette nouvelle source qu’elle n’a plus quittée
depuis.
Passion africaine
A Tripoli durant la conférence, elle ne manquait pas d’aller au contact, découvrant toujours avec beaucoup de
plaisir ceux des rares confrères du continent qu’elle ne connaissait pas jusqu’ici. Comme le Camerounais
Michel Biok qui, bien que l’ayant lue et appréciée, n’avait pas jusqu’ici croisé sa route et découvert toute «la
simplicité» d’une dame qui arpente pourtant le continent sans discontinuer depuis son premier voyage
d’Alger.
Une passion qui lui a permis de découvrir que «l’homme - enfin disons l’être humain, car Lucy était une fille -,
a commencé à penser par les pieds, puisque c’est en descendant de son arbre qu’il a dû se dresser de toute
sa hauteur pour chasser, ce qui lui a fait découvrir l’horizon, et donc se poser des questions existentielles sur
ce qu’il ne comprenait pas». A Tripoli aussi, elle continuait de donner corps à une idée qui ne l’a plus quitté
depuis 1962 et qui veut que «on a beau lire sur un pays, mais si on ne le visite pas, on ne le connaîtra pas
vraiment».
C’est pourquoi elle ne rechigne jamais à faire un tour en Afrique. Et depuis 1972, elle y vient pratiquement
tous les ans. Avant cela, elle venait par à coups. Comme en 1965 quand elle fit son premier voyage en
Afrique noire. Après un premier séjour à Niamey, elle passa quatre mois entre Libreville et Brazzaville dans le
cadre de sa thèse sur «Le Congo au temps des grandes compagnies concessionnaires 1899-1930» qu’elle
allait achever en 1970. Un travail de terrain qui allait aussi l’amener aux Archives nationales de Yaoundé en
1967 pour son premier voyage au Cameroun.
Même les événements de mai 1968 ne l’arrêteront pas puisque après l’éclatement de l’université, elle
prendra, avec d’autres collègues, le chemin de Paris VII qui avait pris l’option de la pluridisciplinarité avec
cette section «Géographie, Histoire et Sciences de la société» qui donna l’occasion à «une conjonction
exceptionnelle de spécialistes des pays du Sud, qui nous a permis, et qui m’a permis en première ligne de
lutter pour ce que nous voulions faire et qui n’était reconnu alors ni par les disciplines ni par le Cnrs :
l’interdisciplinarité et le comparatisme», explique-t-elle. Profitant de cette embellie, elle mettra d’ailleurs sur
pied le fameux laboratoire dénommé «Sciences en développement études transdisciplinaires» (Sedet). Une
approche qui ne plaît pas aux autorités administratives, mais qui va favoriser le rapprochement avec les
départements d’histoire des universités africaines avec la naissance des conventions directes.
Des conventions qui ouvriront la voie à la formation d’une nouvelle race d’historiens africains dont les
universités du continent noir avaient le plus grand besoin. Une race avec laquelle elle restera en contact et
dont elle a rencontré une partie à Tripoli. En cette décennie 70, elle multiplie des écrits aussi bien sous la
forme d’articles pour des revues comme le Cahier des études africaines. Une occupation qui ne passe pas
inaperçu aux yeux de confrères outre-atlantique comme Immanuel Wallerstein qui lui offrira l’occasion, à partir
de 1981, de séjourner six semaines par an à la New York State university (Nysu) pour les 27 années
suivantes. Endroit où elle donnera sa contribution dans les études en cours là-bas sur les pays du Sud.
Souffrances
Dans le même temps en France, une ségrégation fait rage. Eclairage : «j’ai eu pendant peut-être les ? de ma
carrière le sentiment, peut-être exagéré, de faire partie d’une minorité apparemment négligeable, et
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assurément négligée. Mes collègues et moi étions, et nous sommes encore pour beaucoup restés
collectivement minoritaires dans la conception de notre discipline et de nos recherches». Ce à quoi il faut
ajouter le fait qu’elles n’étaient pas nombreuses les femmes intéressées par la recherche. Déjà, au lendemain
de l’éclatement de la Sorbonne, elle avait été qualifiée avec les collègues de Paris VII de «Rouge» pour son
franc parler et son choix durant la guerre d’Algérie. «Cette réputation plutôt incendiaire et, à mon avis, surfaite
m’a poursuivie longtemps.
Comme m’en a informée gentiment un jour un membre du Comité scientifique de l’Université de l’époque, je
le cite : je «traînais une casserole», en l’occurrence en m’étant positionnée contre le recrutement de Bernard
Lugan, historien africaniste révisionniste (pour ne pas dire plus) pourtant bien connu dans la profession»,
explique-t-elle aujourd’hui. Si elle n’a pas foulé le sol du Cameroun depuis quelques années, il reste que le
pays l’intéresse. «Je me suis souvent demandé comment les intellectuels camerounais pouvaient être si
percutants en vivant et en travaillant dans des conditions aussi difficiles. Leur qualité d’historien me marque».
Sur l’Afrique, elle pense que le salut viendra du panafricanisme. Quoiqu’il en soit, «le 21è siècle ne sera pas
européen, sauf s’ils reçoivent plein d’étrangers. Ce siècle a toutes les chances d’être africain, surtout avec
des potentialités non négligeables comme la démographie, la créativité. Dans le court terme, c’est difficile,
mais sur le long terme tout est possible. Ce siècle va être très intéressant en Afrique, ça peut aller très vite».
Un pari insensé ?
Repères
Parfait Tabapsi
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Diplomatie Hors Série 12
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