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CASABLANCA
TITRE
Par
Nawal KHOUCHAF
JURY
Introduction
Partie I : Problématique de la définition du concept d’indépendance : notion
complexe et dynamique
Chapitre 1 : Principes et concepts liés à l’indépendance : (Pour une meilleure
compréhension du concept d’indépendance)
1.1 – L’indépendance et les principes d’objectivité et d’intégrité
1.1.1 - Pourquoi être objectif et intègre
1.1.2 - Comment être objectif et intègre
1.2 – L’indépendance et la compétence au service de la qualité de l’audit
1.3 - L’indépendance, corollaire de l’audit en tant que mission d’intérêt public
1.3.1 - Le commissariat aux comptes est une mission d’intérêt public
1.3.2 - Réflexions sur la notion d’intérêt public ou général
1.3.3 - l’intérêt public et la nature de la société auditée
Chapitre 2 : Les différents aspects de l’indépendance
2.1 – L’indépendance en tant que concept éthique :
2.1.1 - Le développement moral et la sensibilité éthique
2.1.1.1 - Le développement moral cognitif comme cadre théorique
d’analyse du niveau de sensibilité éthique de l’auditeur
2.1.1.2 - Les principaux résultats des recherches empiriques sur le
développement moral des auditeurs
2.1.1.3 - Les limites de la théorie du développement moral cognitif
2.1.2 - De la sensibilité éthique au comportement éthique
2.1.3 - L’indépendance de l’auditeur et le niveau de sensibilité éthique
2.2 – L’indépendance dans la littérature comptable et d’audit
2.2.1 - Etre indépendant ou l’indépendance d’esprit (« Independence in fact »
ou « Independence of mind » )
2.2.2 - Paraître indépendant ou l’apparence d’indépendance (« Independence
in appearance »)
2.3 - Le concept d’indépendance dans l’analyse systémique
2.3.1 - Indépendance absolue vs Indépendance relative
2.3.2 - L’indépendance relative appliquée au commissariat aux comptes
Chapitre 3 : Le concept d’indépendance sous l’effet des pressions de
l’environnement et des pratiques professionnelles
3.1 - Les pressions de l’environnement
3.1.1 - Les opportunités et les incitations à la manipulation des comptes
3.1.1.1 - Les sociétés économiques et leurs dirigeants sous la
pression de l’information financière
3.1.1.2 - Les motivations des dirigeants dans le cadre des nouveaux
systèmes de rémunération
3.1.1.3 - Les marges d’interprétation importantes
3.1.2 - Les attentes du public
3.1.2.1 - La mission d’audit sous l’effet des attentes du public
3.1.2.2 - L’indépendance de l’auditeur externe dans le cadre de
l’« expectation gap »
3.2 - Les pratiques professionnelles et l’organisation de la profession d’audit
3.2.1 - La pratique du conseil dans le cadre de l’orientation audit-conseil
3.2.2 - Les pratiques professionnelles des réseaux
3.2.2.1 - La pratique du conseil liée à l’extension du périmètre des
interventions de l’auditeur externe : multidisciplinarité ou conflit
d’intérêts
3.2.2.2 - Autres pratiques
3.2.3 - Organisation et structure du marché de l’audit
3.2.3.1 - La consolidation des cabinets d’audit
3.2.3.2 - Le processus de concentration au sein de la profession
Conclusion Partie I
Conclusion Générale
INTRODUCTION
Une information financière fiable et crédible a depuis longtemps, et à juste titre, été qualifiée
de pierre angulaire de la sécurité financière et plus généralement du fonctionnement de
l’ensemble du système économique. Elle l’est d’autant plus dans le cadre du modèle de
croissance économique actuel ; dominé par le pouvoir des marchés financiers et de leurs
instruments, et marqué par leur intégration.
Aussi, sécuriser le processus de production de cette information financière et partant, donner
confiance dans celle-ci constitue-t-il depuis toujours et maintenant encore plus, la justification
de l'intervention des auditeurs externes, chargés de contrôler ladite information financière.
Il faut souligner toutefois que, l’auditeur externe censé émettre cette opinion, est à plusieurs
égards, dépendant de la société auditée et de ses dirigeants. En effet, la nomination de
l’auditeur externe relève partout des attributs de la société auditée, qui se charge par la
même occasion de le rémunérer en contrepartie de sa prestation. Par ailleurs, malgré les
pouvoirs d’information et d’investigation qui lui sont reconnus, il est dans la pratique
dépendant des dirigeants, pour accéder dans les meilleurs délais et aux moindres coûts, aux
informations et données ; dont il a besoin pour mener à bien sa mission de contrôle.
Cette situation de dépendance est davantage accentuée, lorsque l’auditeur externe
entretient des relations professionnelles en dehors de la mission d’audit externe (prestations
de services autres que l’audit) ou d’autres relations (relations d’emploi, relations financières,
relations commerciales, relations familiales ou personnelles,…) avec la société auditée.
Aussi, pour jouer pleinement son rôle de contrôleur de l’information financière et par là,
contribuer à apporter une plus grande crédibilité aux comptes et états financiers vérifiés,
l’auditeur externe doit éviter que son objectivité et son intégrité ne soient altérées par ces
situations de dépendance.
De ce fait, malgré les disparités susmentionnées dans la conception du rôle de l’auditeur
externe, l’exigence d’indépendance de ce dernier relève des points qui font l’unanimité des
régulateurs, tant elle est considérée comme la seule garantie de son intégrité et de
l’objectivité de son opinion.
Ainsi, il y a plus de deux tiers de siècle, la loi américaine (Securities Act, 1933, et Securities
Exchange Act, 1934)1 a exigé la certification par un auditeur indépendant des états financiers
1
Items 25 and 26 of Schedule A to the Securities Act, 15 U.S.C. §§ 77aa(25) and (26), and Section
17(e) of the Exchange Act, 15 U.S.C. § 78q
1
des sociétés cotées et ceci, suite à l’éclatement de la bulle spéculative relative aux nouvelles
technologies de la radio et de l’automobile dans les années 1930.
En France, suite à l’impact du krach boursier américain sur la bourse et à la situation
politique née de l’escroquerie connue sous l’ « affaire Stavisky », l’obligation d’indépendance
du commissaire aux comptes a été introduite par le décret-loi du 8 août 1935 ; à travers
l’institution des incompatibilités et des interdictions.
Sur le plan Européen, la huitième directive du 10 avril 1984 qui fixe les conditions
d’agrément des personnes chargées du contrôle des comptes par les Etats membres de
l’UE, exige que le contrôleur légal soit indépendant selon le droit de l’Etat membre qui
impose ledit contrôle légal.
Quant au Maroc, il a fallu attendre la loi n° 15-89 réglementant la profession d’expert-
comptable et instituant un ordre des experts comptables2, pour introduire l’obligation légale
d’indépendance de l’expert-comptable (article 16). Le principe de l’indépendance du
commissaire aux comptes a été consacré ensuite par la loi 17-95 relative à la société
anonyme, et ce par l’institution des incompatibilités et interdictions (articles 161 et 162).
Quant à la profession comptable et d’audit, elle a depuis longtemps été consciente de l’enjeu
que constituait le défi de l’indépendance pour sa réputation et par là, la pérennité de sa
mission.
En 1966, Sir Henry BENSON, associé du cabinet ex-Coopers & Lybrand, traitait le défi
d’indépendance devant la Société des Etudiants en Expertise Comptable de la manière qui
suit: « …Vous découvrirez que l’un des plaisirs de votre pratique professionnelle est
l’indépendance. Chérissez celle-ci à tout prix et jouissez-en : par le pouvoir d’énoncer vos
opinions sans crainte, par le refus d’agir pour des personnes que vous méprisez, par votre
capacité à concentrer vos efforts sur les aspects de la pratique professionnelle qui vous
plaisent le tout en servant le public. Tout cela fait partie du droit précieux à l’indépendance
qu’apprécient les professionnels. Enfin, vous vous apercevrez très tôt dans votre carrière
que la plus grande satisfaction que vous puissiez éprouver est que quelqu’un sollicite vos
conseils ; cette personne a besoin de votre compétence ; elle désire que vous lui rendiez
service ; elle vient à votre rencontre parce qu’elle croit que vous, plus que tout autre, pouvez
l’aider à résoudre ses problèmes et ses difficultés… » 3 . La mission d’audit est ainsi décrite
à l’époque dans sa globalité : l’indépendance, le conseil aux clients, le service de l’intérêt
public et les limitations auxquelles elle est confrontée, une description qui, à cette date, reste
toujours valable.
Afin d’assurer leur mission d’intérêt public, les professionnels comptables se sont engagés, à
travers les normes de comportement professionnel et les codes de déontologie ou d’éthique
professionnelle qu’ils ont adoptés, à être et paraître indépendant.
Si le principe de l’indépendance fait l’objet ainsi d’un consensus général, les règles
d’indépendance et les approches adoptées pour les déterminer n’ont cessé d’être un sujet
de débat et de controverses entre les différents régulateurs ; à savoir, les législateurs, les
autorités de surveillance et d’encadrement des marchés financiers, les instances ordinales
de la profession, ainsi que les organismes régionaux et internationaux qui la représentent, et
ce surtout, chaque fois que la crédibilité de l’information financière a été ébranlée par des
faillites retentissantes de sociétés cotées à la bourse.
Sur la base des lois, règlements, recommandations et normes émis par ces régulateurs, on
remarque que deux principales approches de régulation et de normalisation de
l’indépendance, semblent s’opposer. Il s’agit de :
2
Publiée au BO n°4188 du 03/02/1993 et applicable à partir du 04/02/1996
3
Source : Henry BENSON, Accounting for life, Kogan, 1989, page 59
2
L’approche normative ou basée sur les règles détaillées « Rules based approach »,
adoptée notamment, par la Securities Exchange Commission « SEC » et jusqu’à une
date récente par le législateur français ; et
L’approche conceptuelle ou par les principes « Principles-based approach », dont les
fervents partisans sont la Commission Européenne « CE », la Fédération des Experts-
comptables Européens « FEE », l’International Federation of accountants « IFAC » et
l’Independence Standards Board « ISB ».
• aux Etats-Unis, la loi Sarbannes Oxley fut adoptée par le Congrès Américain le
23/01/2002 et un nouveau règlement de la SEC fut émis en janvier 2003 ;
• en France, la loi de sécurité financière fut votée par le parlement en juillet 2003 et un
nouveau code de déontologie a été approuvé par le Haut conseil du commissariat aux
comptes en décembre 2004 ;
• la recommandation européenne relative à l'indépendance du contrôleur légal des
comptes dans l'UE, a été émise en mai 2002 ; et
• le code éthique des professionnels comptables a été amendé en novembre 2001.
Le présent mémoire nous semble être l’occasion de mener une réflexion approfondie sur la
régulation de l’indépendance d’une manière générale et surtout, dans le cas des prestations
de services autres que l’audit, aussi bien celle réalisée par les régulateurs étrangers précités
que celle réalisée par le régulateur marocain. Cette réflexion a pour objectifs :
3
• De mettre en exergue la problématique de la régulation et la normalisation de
l’indépendance de l’auditeur externe et des difficultés spécifiques aux aspects
d’indépendance liées auxdites prestations de services (services autres que l’audit) ;
• De relever les difficultés d’application par le commissaire aux comptes marocain de
l’approche conceptuelle auxdits aspects d’indépendance
• De proposer les mesures permettant de renforcer le dispositif marocain de sauvegarde
de l’indépendance, et ce à la lumière des expériences des régulateurs étrangers
susmentionnés.
4
Partie I : Problématique de la définition du concept
d’indépendance : Notion complexe et dynamique
L’indépendance est définie comme étant «l’état de quelqu’un qui n’est tributaire de personne
sur le plan matériel, moral et intellectuel »4
Si cette définition ne permet pas d’identifier d’une manière générale une personne
indépendante, quid de la personne qui effectue une mission d’audit externe ?
Comment peut-on définir l’indépendance de l’auditeur externe et quand peut-on affirmer
qu’un auditeur externe est indépendant ?
En dehors des situations et relations qui constituent des incompatibilités et des interdictions
pour le commissaire aux comptes, le législateur marocain - notamment la loi n°17-95 relative
aux sociétés anonymes, ne définit nullement la notion d’indépendance.
Il apparaît clairement que le renvoi à des concepts aussi abstraits que l’intégrité et
l’objectivité, sont loin d’éclairer tout intéressé sur la notion d’indépendance et nous amène à,
avancer la thèse de la complexité du thème abordé.
Aussi, allons-nous essayer dans les chapitres qui composent cette première partie, de
cerner ce concept, non seulement à travers ses liens avec des principes fondamentaux ; qui
sont d’ailleurs à l’origine de l’obligation d’indépendance, et d’autres notions toutes aussi
importantes (chapitre 1.1), mais aussi, à travers les différents aspects de sa nature (chapitre
1.2) ainsi que les principaux facteurs qui sont à l’origine de son évolution (chapitre 1.3).
4
Dictionnaire Larousse
5
Chapitre 1 : Principes et concepts liés à l’indépendance : (Pour une
meilleure compréhension du concept d’indépendance)
Le rôle joué par l’auditeur externe justifie l’intérêt que portent les utilisateurs de l’information
financière aux conditions dans lesquelles son activité est exercée et, plus particulièrement le
maintien et la sauvegarde de son intégrité et de son objectivité.
Rappelons-le, le rôle premier de l’auditeur externe consiste à attribuer, par son opinion de
professionnel compétent et expert, qui engage sa propre responsabilité, une plus grande
crédibilité aux états financiers et aux comptes de la société auditée et contribuer par-là,
au maintien et à l’amélioration de la confiance qui, elle même, est un facteur essentiel à la
pérennité des relations économiques.
Il est tenu pour exprimer son opinion, à une obligation de moyens ; en vertu de laquelle il est
censé apporter à sa mission, tout le soin et l’attention d’un professionnel diligent.
A cette fin, le professionnel comptable utilise, de manière exclusive, des connaissances,
théoriques et pratiques spéciales5 et décide seul, de l’usage qu’il en fait.
Par ailleurs, l’exercice de sa mission requiert à tout instant une suite de choix et de
décisions6, aussi bien moraux que techniques, qui sont en grande partie fondés sur son
jugement professionnel.
Il est de surcroît, confronté à plusieurs conflits d’ordre éthique, notamment dans ses relations
avec les clients ou avec ses confrères, ainsi que les conflits entre son intérêt personnel et
l’intérêt public.
Aussi, doit-il assurer sa prestation de service ; à savoir l’audit, au niveau d’exécution le plus
élevé possible, et conformément aux règles de conduite professionnelle susceptibles de
garantir ce niveau de performance, sinon il risque de compromettre la confiance des
différents utilisateurs de l’information comptable et financière dans ladite information et
partant, dans l’utilité de sa mission.
Ces règles de conduite professionnelle sont établies par les organisations professionnelles
et sont regroupées, dans le cadre de normes dites de comportement professionnel ou dans
des codes de conduite professionnelle, appelées codes d’éthique ou code de déontologie ;
qui décrivent l’ensemble des principes ou valeurs morales guidant en général les
professionnels comptables, et plus particulièrement les auditeurs externes, dans leurs choix
et décisions et permettent par là, de fonder la confiance dans la crédibilité de cette
profession.
Selon lesdites normes et lesdits codes, les valeurs éthiques de base sont principalement:
l’objectivité et l’intégrité. Alors, comment peut-on définir ces valeurs éthiques ?
Dans la littérature comptable et d’audit, quand une définition de l’objectivité est avancée, elle
laisse sous-entendre qu’il s’agit de l’état d’esprit d’une personne qui ne subit ni conflits
d’intérêts, ni autres pressions ou influences externes, et parfois même qui n’a pas de
préjugés et ce, par assimilation avec l’impartialité.
5
Notamment les procédures d’audit d’investigation et de corroboration.
6
Notamment, apprécier le caractère significatif de ses constatations en fonction de critères d’importance relative
déterminée au préalable.
6
pressions, ou même de préjugés ; étant donné que la majorité des personnes ont leurs
propres convictions personnelles7.
Cette définition a ainsi l’avantage, de reconnaître l’existence de diverses influences internes
et externes sur l’opinion de l’auditeur externe, et de considérer leur identification comme
étant une étape essentielle dans le processus de sauvegarde de l’objectivité de l’auditeur.
Quant à l’intégrité, elle est en général définie comme étant le respect en toute sincérité des
principes d’honnêteté, de diligence et de responsabilité, ainsi que des lois et des règlements.
Un auditeur intègre est une personne honnête, droite, diligente, responsable ; qui
respecte non seulement la lettre mais l’esprit des normes techniques et des normes
de conduite professionnelle.
En somme, on est en présence d’un principe fondamental et fondateur du comportement
professionnel, qui engage l’auditeur non seulement dans sa vie professionnelle, mais aussi
dans sa vie privée et qui interpelle par la même occasion, toutes les autres valeurs éthiques
que ce professionnel doit respecter. L’intégrité impose ainsi qu’on soit objectif, compétent et
qu’on respecte le secret professionnel.
Les précisions avancées dans la section précédente, appellent de notre part, les remarques
suivantes :
D’une part, les principes d’intégrité et d’objectivité font référence à des concepts moraux
qui sont un aspect de notre code moral en tant qu’être humain; c'est-à-dire, notre
comportement inné, notre disposition intérieure ainsi que l’ensemble des valeurs forgées
depuis notre naissance (famille, religion, école,.. .etc.). Par conséquent, le respect de ces
principes est loin d’être seulement une affaire de législation ou de réglementation : c’est
aussi une affaire de penchant naturel, d’éducation, de culture et de traditions
déontologiques.
D’autre part, les principes d’intégrité et d’objectivité ne peuvent pas être soumis à une
quelconque appréciation uniforme ou vérification externe. Alors que pour fonder la
confiance dans la crédibilité de la profession, il est primordiale que les utilisateurs de
l’information financière soient capables d’évaluer et de juger le comportement
professionnel et sa conformité auxdits principes éthiques.
Aussi, le principal moyen dont dispose l’auditeur pour démontrer à ceux-ci que sa mission
est exécutée conformément à ces principes est d'agir et d'être perçu comme agissant de
manière indépendante ; c'est-à-dire, libre de toutes les pressions et contraintes extérieures
auxquelles il est soumis.
7
Du fait de leur religion, de leur éducation, de leur appartenance à un groupe ethnique donné…
8
Norme 13 Qualité du travail–LES NORMES RELATIVES AU COMPORTEMENT PROFESSIONNEL
7
Ce degré de qualité est fixé en général, au niveau correspondant aux normes techniques
d’audit et au respect des règles éthiques.
La qualité des travaux d’audit est certainement une condition sine qua none pour assurer la
qualité de l’opinion. Elle n’est pas cependant, suffisante en soi pour atteindre cet objectif.
En effet, la qualité de l’opinion dépend de plusieurs éléments, dont notamment :
la capacité de l’auditeur à découvrir des anomalies, voire des infractions dans le système
comptable de l’entité auditée, disons de sa compétence technique ; et
sa volonté d’en rendre compte, qui dépend elle de sa compétence éthique9 ; à savoir sa
capacité à rendre des jugements moraux et qui suppose de ce fait, qu’il soit indépendant
de l’audité.
9
Notion citée par Christian Prat dit Hauret et tirée de l’étude de Fortin J. et Martel L « Enjeux éthiques de la
réalité environnementale dans un contexte d’audit financier : une étude empirique », Comptabilité Contrôle Audit,
Tome 3, 09/1997, volume 2, pp 59-76
10
Manuel des normes- Audit légal et contractuel, OEC
11
Emprisonnement de 1 à 6 mois et amende de 6 000 à 30 000 dirhams (Article 406 de la loi 17-95 relative à la
SA)
8
De même, le personnel affecté à la direction financière et comptable -souvent issu de
cabinets d’audit-, par sa maîtrise du métier de la société et par sa formation spécialisée, peut
consacrer cette dépendance de telle sorte, à rendre la mission de l’auditeur et de ses
collaborateurs plus difficile, sinon impossible.
De ce fait, l’auditeur et ses collaborateurs sont amenés, d’une manière plus ou moins
consciente, à développer une relation de parité : une relation entre des personnes qui se
reconnaissent comme des pairs et qui peut éventuellement dépasser les limites
professionnelles pour devenir une relation personnelle assez étroite.
Ce faisant, l’auditeur met en danger son indépendance : ce qu’il peut gagner en capacité
d’investigation ; autrement dit en compétence, il risque de le perdre en terme
d’indépendance et vice versa.
Par ailleurs, l’étendue et les effets de sa responsabilité envers la société auditée étaient
déterminés selon les règles de droit commun relatives au mandat14. A ce titre, aucune
disposition légale ne traitait explicitement de sa responsabilité envers les tiers. Sur la base
d’une jurisprudence concernant essentiellement le commissaire aux apports15 , on estimait
que le commissaire aux comptes pouvait également engager sa responsabilité envers les
tiers, en cas de dommages occasionnés par sa faute. Dans ce cas, cette responsabilité était
d’ordre délictuel.
Avec l’institution de la loi n° 17-95 relative à la S.A, la mission de commissariat aux comptes
a été redéfinie, et la responsabilité du commissaire aux comptes a été ajustée, en fonction
des prérogatives de sa nouvelle mission.
12
Relative aux sociétés en commandite par actions et aux sociétés anonymes
13
Article 32 de ladite loi.
14
Article 43 de ladite loi.
15
Note 88 relative à l’article 77 du DOC Annoté : le cas d’un commissaire aux apports qui a présenté, dans son
rapport, un immeuble apporté comme franc et quitte de toutes dettes et charges alors qu’il ne l’était point.
9
En effet, le commissariat aux comptes est devenu une mission de certification : une mission
d’audit au terme de laquelle, le commissaire aux comptes émet un rapport où il doit certifier
que les états de synthèse répondent aux qualifications légales de régularité, de sincérité et
d’image fidèle16.
Dans le cadre de cette même mission, le commissaire aux comptes est tenu d’assurer des
missions de vérifications spécifiques et des obligations d’informations spécifiques
(conventions réglementées, actions de garantie, égalité entre actionnaires, rapport de
gestion, documents adressés aux actionnaires et acquisition d’une filiale, prise de
participation et de contrôle), qui ont en général pour objet :
soit de vérifier la sincérité de certaines informations ;
soit de s’assurer du respect de certaines garanties légales particulières.
Par ailleurs, le commissaire aux compte peut effectuer des interventions connexes à la
mission générale et ce, lors de la réalisation de certaines opérations ; notamment à
l’occasion d’une augmentation de capital libéré par compensation de créances, d’une
suppression du droit préférentiel de souscription, d’une émission d’obligations convertibles
en actions, d’une réduction du capital, d’émission de certificats d’investissement ou d’une
création d’actions à dividende prioritaire.
Toujours en qualité de commissaire aux comptes, obligation lui est faite d’informer le conseil
d’administration ou le directoire et le conseil de surveillance des irrégularités, inexactitudes
et faits délictueux qu’il aura constatés durant sa mission de certification (article 169 de la loi
17-95), et qui, à priori, doivent, selon leur importance significative, figurer sur son rapport.
Par ailleurs, Le livre V du Code de commerce traitant « Les difficultés de l’entreprise », lui
reconnaît une mission d’alerte en vertu de laquelle ; il est censé tirer la sonnette d’alarme, s’il
relève des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise17.
En somme, sa mission est une mission d’information, de prévention et de protection.
Son rapport de certification délivré dans le cadre de sa mission générale est -comme le
précise le manuel des normes – d’une diffusion très large : il est conformément à l’article 158
de la loi 17-95 relative à la S.A, déposé au greffe du tribunal et donc accessible au public. Le
commissaire aux comptes engage de ce fait, sa responsabilité sur les informations certifiées,
non seulement à l’égard des actionnaires mais aussi, à l’égard de toutes les personnes qui
fondent leurs décisions d’investissement ou leurs actions, sur la base desdites informations.
Cette responsabilité envers l’intérêt public est désormais d’ordre pénal (article 405 de la loi
1795).
16
Article 175 de la loi 17-95.
17
Procédure de prévention interne : articles 546 et 547 de la loi 15-95 formant code de commerce.
10
1.3.2 - Réflexions sur la notion d’intérêt public ou général
Pour être une expression fréquemment utilisée, l’intérêt public reste une notion très large.
Mais, que veut-on dire exactement par intérêt public ?
Plusieurs définitions peuvent être avancées. Chacun peut comprendre qu’il s’agit de
l’amélioration de la qualité de vie, du bien être de l’homme, de l’investissement dans les
ressources humaines et de la diminution de la pauvreté. En un mot, l’intérêt public ou
général est synonyme d’un développement véritable et réel des nations et des populations.
Mais, quel est cet intérêt général assuré par le commissaire aux comptes ?
Le code de l’IFAC définit l”intérêt général comme étant « le bien-être commun de toutes les
personnes ou groupes de personnes que la profession comptable sert »18.
Il s’agit du bien-être des personnes suivantes :
les actionnaires (« stockholders ») de la société auditée, mais aussi ses dirigeants qui
doivent profiter des remarques, des ajustements proposés, des avis, recommandations
et « conseils » du commissaire aux comptes, pour établir les états financiers
conformément au référentiel comptable en vigueur ; ainsi que
les tierces parties ou parties prenantes (« stakeholders ») ; à savoir les créanciers, l’Etat,
les employeurs, les salariés, les investisseurs individuels ou institutionnels, les
épargnants potentiels et tous les autres groupes économiques qui se fondent sur
l’information comptable certifiée, pour prendre des décisions d’investissement ou autres.
Selon leurs propres motivations, ces personnes là peuvent avoir des intérêts, qui sont
différents, et qui peuvent même être en conflit. L’intérêt général correspond alors à l’intérêt
commun de toutes ces personnes, pour une information fiable et crédible.
Ainsi, le commissaire aux comptes, dans l’exercice de sa mission, doit servir cet intérêt
commun.
Il arrive parfois, que le commissaire aux comptes adhère complètement aux intérêts propres
et exclusifs de son client ou aligne son intérêt sur l’intérêt de ce dernier; à savoir afficher une
bonne performance financière et partant, certifie des états financiers comportant des
malversations comptables ou des anomalies d’importance significative. Dans ce cas, il ne
sert plus l’intérêt du public et s’éloigne de la sorte, de sa mission d’intérêt général.
Par ailleurs, l’intérêt pour ce genre d’information s’accentue avec la mondialisation des
économies et le développement de l’économie de marché. Ainsi, au fur et à mesure que les
économies et les marchés financiers s’ouvrent vers l’extérieur, l’éventail des personnes
intéressées par la fiabilité et la crédibilité de l’information financière - citées auparavant -
s’élargit. Ce faisant, l’intérêt général national se mondialise lui aussi, au même titre que les
économies et ce ; en intégrant l’intérêt général de la communauté internationale, à savoir
l’intérêt des épargnants individuels et des investisseurs institutionnels étrangers tels que, les
fonds de retraite et les fonds de pension.
Ainsi, la mission d’intérêt général assignée au commissaire aux comptes est, au même titre
que le concept de l’intérêt général lui-même, évolutive en fonction des changements opérés
sur les économies nationales, régionales et internationales.
18
« the collective well-being of the community of people and institutions the professional accountant serves »
11
1.3.3 - L’intérêt public et la nature de la société auditée
Il est tentant de chercher à limiter la mission d’intérêt public dans les entités dites « entités
présentant un intérêt public ou entités d’intérêt public» ; en raison de leur domaine
d’activité (banque, ou assurance par exemple), leur taille, leurs effectifs ou dont le statut
juridique fait qu’elles possèdent un large éventail d’actionnaires (sociétés faisant appel à
l’épargne, OPCVM, fonds de pension, sociétés cotées en bourse, etc.…) et pour lesquelles
cette mission paraît légitime.
Certes, les enjeux en matière d’information fiable et crédible sont plus importants dans les
entités présentant un intérêt public, mais cela ne veut pas dire pour autant que, personne
n’est intéressé par la qualité des états financiers fournis par les autres entités.
Les informations financières, qu’elles émanent de grandes, de moyennes ou de petites
entreprises, de sociétés APE ou non, doivent être dignes de confiance pour fonder les
décisions de gestion et d’investissement.
D’autant plus que les récentes réformes législatives, notamment la réforme du marché des
capitaux19 et du droit des sociétés20, entamées par le Maroc dans les années 1990, dans le
but de réaliser son développement économique, visent, entre autres, à dynamiser les
marchés financiers en encourageant notamment, les petites et moyennes entreprises
familiales à recourir à l’épargne public, comme source de financement.
Par ailleurs, un tel clivage de la mission d’intérêt général aux seules entités d’intérêt public,
ne peut que dévaloriser la fonction du commissaire aux comptes auprès des petites et
moyennes entreprises –qui constitue d’ailleurs l’essentiel du tissu économique marocain ;
soit à peu près plus de 90%21 - et conduire à remettre en cause l’utilité d’une telle mission
pour ces dernières et par là, pourrait très probablement contribuer à terme à leur exclusion
du champ de cette mission légale. Une telle perte de marché – si elle se réalisait - serait
préjudiciable pour la profession ; surtout pour les professionnels marocains exerçant
majoritairement dans des petites structures avec un portefeuille composé essentiellement de
PMEs.
Ainsi, la mission de commissariat aux comptes est la même dans toutes les entités ; mission
de certification au service de l‘intérêt général. Seuls les moyens mis en œuvre pour
l’accomplir, différent d’une structure à l’autre. En effet, le commissaire aux comptes doit
adapter son approche, sa démarche et le choix de ses techniques, pour tenir compte des
particularités de chaque type d’entreprises.
Par ailleurs, vu les enjeux liés aux entités d’intérêt public, le commissariat aux comptes des
sociétés faisant appel public l’épargne est soumis à des exigences particulières, notamment,
l’intervention obligatoire de deux commissaires aux comptes 22et l’obligation de certification
d’informations comptables et financières supplémentaires, telles que le chiffre d’affaires
semestriel et la situation semestrielle provisoire23.
De même, pour faire face à leur responsabilité plus importante à l’égard de l’intérêt public,
les commissaires aux comptes de ce type de sociétés doivent être en principe soumises, à
des exigences plus strictes en matière d’obligation d’indépendance.
19
Concernant, la bourse, les sociétés d’investissement, …
20
Notamment la loi 17-95 relative à la S.A, avec ses dispositions concernant les démembrements des titres de
propriété tels que les actions à dividendes prioritaires sans droit de vote, les certificats d’investissement, etc.…
21
Chiffre avancé avec précaution, vu les variations fortes constatées selon l’agrégat retenu et la source
statistique.
22
2ème alinéa de l’article 159 de la loi 17-95
23
Article 154 de ladite loi, qui renvoie à l’article à l’article 17 du dahir portent loi n°1-93-212 relatif au CDVM et
aux informations exigées des personnes morales APE.
12
Chapitre 2 - Les différents aspects de l’indépendance
La théorie du développement moral -fondée sur les travaux du psychologue Jean Piaget24-,
tente d’expliquer le cadre cognitif sous-jacent à la prise de décision individuelle dans le
contexte d’un problème éthique.
Les jugements éthiques sont conceptualisés comme une série de stades de développement
moral cognitif, schématisés dans le tableau qui suit. Les individus évoluent ainsi, à travers
les différents niveaux, selon une progression séquentielle et irréversible.
24
Cette théorie a été développée par d’autres chercheurs, notamment L.Kohlberg
13
La théorie du développement moral appliquée aux auditeurs, prévoit ainsi que les auditeurs
qui sont au stade pré-conventionnel seraient indépendants, si les sanctions potentiellement
prévues pour des comportements non indépendants excédaient les bénéfices potentiels.
Quant aux auditeurs dont le niveau de développement moral est au niveau conventionnel, ils
sont moins sujets aux sanctions possibles, et plus sensibles aux normes de référence du
groupe et au respect des normes d’indépendance définies par la profession ou le cabinet.
Ces auditeurs sont socialisés dans le sens d’une stricte adhésion aux normes
d’indépendance et sont par contre, moins sensibles à la dimension éthique d’un problème
qui ne fait pas partie des normes professionnelles. En fondant leurs décisions uniquement
sur les règles professionnelles pour résoudre des situations difficiles et complexes, ces
auditeurs peuvent manquer de sensibilité pour identifier clairement les dilemmes éthiques
non répertoriés et les conséquences potentielles de leurs décisions25.
A contrario, les auditeurs qui ont développé une aptitude à raisonner au niveau post-
conventionnel seraient moins sensibles aux normes du groupe de référence, mais plus
sensibles à la dimension éthique du problème posé.
Aussi important soit-il, l’apport de la théorie de développement moral pour une meilleure
compréhension de la prise de décision individuelle dans un contexte de dilemme éthique,
elle ne traite cependant, que l’aspect cognitif du processus. En effet, cette théorie et les
recherches empiriques la confirmant s’appuient sur les cognitions seulement, à savoir sur ce
que pensent les individus des dilemmes moraux.
Par contre, elle ne mesure pas les comportements ; qui correspondent à ce que les gens
décident véritablement de faire dans une situation décisionnelle particulière. Autrement dit,
elle ne clarifie pas le lien entre le jugement moral et le comportement.
Le jugement moral est certes, une condition nécessaire, mais non suffisante pour qu’un
comportement moral tel que l’honnêteté, l’intégrité ou l’objectivité soit adopté.
25
Ponemon et Gabhart (1990)
26
Notamment, celle menée par Christian PRAT dit HAURET sur les auditeurs Français (Thèse de doctorat ès
Sciences de Gestion-2000).
27
Defining Issues Test élaboré par J.Rest (1979) au Centre de Développement Humain de l’Université
Minneapolis, “Development In Judging Moral Issues”,1979, “Guide For The Defining Issues Test”, 1986.
14
2.1.2 - De la sensibilité éthique au comportement éthique
La recherche sur les relations entre le jugement moral et l’action morale est intéressante
dans le contexte d’une mission d’audit externe, car de nombreuses décisions à prendre par
les auditeurs, nécessitent une réflexion préalable et doivent être justifiées et documentées.
Ainsi, les membres des équipes d’audit, soumis à des revues de dossiers de la part des
directeurs de mission et associés de cabinet, doivent tenir des dossiers de travail, afin de
rendre compte de leurs travaux de révision et de leurs décisions.
A ce titre, Lampe et Finn (1992) ont proposé un modèle relatif au processus de prise de
décision éthique de l’auditeur financier, qui se présente comme suit :
La première étape du processus consiste pour l’auditeur, une fois qu’il a reconnu un
problème éthique –ou un problème technique nécessitant un jugement éthique-, à obtenir
des informations sur la situation que l’auditeur n’arrive pas apprécier de premier abord (ni
clairement bien, ni clairement mauvais). Cette collecte de données est susceptible d’être
réitérée tout au long du processus.
Au cours de la deuxième étape, l’auditeur doit apprécier l’impact des différentes actions
possibles28, sur lui-même et sur d’autres personnes (un membre de sa famille, un ami
proche, un collègue…).
Au cours de la quatrième phase, les auditeurs vont opposer les jugements moraux et les
autres valeurs. A ce niveau du raisonnement éthique, bien qu’un auditeur puisse porter un
jugement sur une action qui est bonne sur le plan moral, il peut, en raison de son propre
intérêt personnel (gain économique ou rythme d’avancement de sa carrière, …), renoncer à
la réaliser.
28
Ex : certifier avec réserves ou ne pas certifier
15
Au cours de la dernière phase du processus de décision éthique, l’auditeur va prendre la
décision. Elle sera prise, une fois toutes les données disponibles pour comprendre la
situation en question rassemblées, l’impact sur les parties concernées mesuré et le poids
des autres valeurs non morales attachées à la décision apprécié.
Ce niveau de sensibilité éthique serait inné chez toute personne et dépendrait largement de
sa tendance naturelle vers le bien ou le mal, mais il pourrait être aussi acquis et développé,
grâce à la formation à un modèle de comportement moral déterminé, fourni par la famille,
l’école, la Société et la religion…etc.
A ce titre, la formation théorique en matière de normes de comportement professionnel et
l’expérience professionnelle peuvent consolider ces valeurs morales acquises au préalable
et en faire, des valeurs éthiques efficientes face aux dilemmes éthiques.
29
Christian PRAT Dit HAURET, « Présentation de la théorie du développement moral cognitif et de ses apports
possibles dans les études sur l’audit ».
30
« Management des organisations » (titre original : Organization behavior de Hellriegel, Slocum et Woodman)
traduit par M.Truchan-Saporta, Nouvaux Horizons, édition 1992, page 351/693.
16
2.2 - L’indépendance dans la littérature comptable et d’audit
Le concept d’indépendance est appréhendé par les normalisateurs en matière de règles
d’indépendance selon deux approches :
l’approche dite « subjective », qui est fondée sur l’aspect métaphysique de
l’indépendance ; autrement dit sur l’attitude naturelle du professionnel; et
l’approche dite « objective », qui s’appuie sur la perception par les tiers du comportement
apparent de l’auditeur.
Le concept d’indépendance fait référence ainsi, à la fois à l’indépendance d’esprit et à
l’apparence d’indépendance perçue par les tiers. A ce titre, la norme 12 relative à
l’indépendance31 fait obligation au commissaire aux comptes « d’être et de paraître
indépendant ».
Fondamentalement, l’indépendance est une valeur et une qualité morale propre à chaque
individu ; autrement dit une attitude naturelle qui se traduit comme on l’a vu précédemment,
par un comportement objectif et intègre32.
Pour l’I.F.A.C comme pour la C.E et l’A.I.C.P.A, l’indépendance est l’état d’esprit qui permet
à l’auditeur d’agir avec intégrité, d’exercer son objectivité et son scepticisme professionnel.
Cet état d’esprit garantit au jugement professionnel et aux décisions prises, une certaine
immunité contre les influences et pressions externes : seules les considérations en rapport
avec la mission sont prises en compte au moment de la prise de décision.
Dans ce cas, il est clair que la sauvegarde de l’indépendance dépend essentiellement de
l’auditeur lui-même et de son code moral.
Cependant, cet aspect de l’indépendance ne peut être directement vérifié par les
actionnaires de la société auditée et les tiers qui fondent leurs décisions sur l’information
financière certifiée. Ainsi, son appréciation est largement subjective et peut varier d’un
individu à un autre, ou encore en fonction des circonstances.
De même, il ne répond pas à l’engagement des professionnels de « normaliser » le
comportement du praticien vis-à-vis des tiers et ce, dans le but de préserver la confiance
indispensable à la survie de la profession et du métier d’audit en particulier.
31
Manuel des normes -Audit légal et contractuel, page 21/260.
32
Section 1.1 du mémoire.
17
Ce test d’apparence d’indépendance est jugé objectif, dans le sens où il repose sur
l’observation de ces faits et circonstances externes, afin d’évaluer l’indépendance de
l’auditeur.
Cependant, on peut lui reprocher d’être en même temps imprécis, sinon subjectif, dans la
mesure où l’appréciation de l’indépendance se fait par un tiers33. Autrement dit,
l’indépendance de l’auditeur dépend du jugement d’un tiers ; à savoir de sa perception des
faits et circonstances et de l’appréciation de leur impact sur le jugement de ce professionnel,
et est sujette de ce fait, aux aléas liés à la perception et au jugement humain.
L’imprécision de ce test pourrait néanmoins être atténuée par le fait, qu’il ne s’agit nullement
du jugement d’une personne quelconque, mais plutôt de celui d’un « tiers raisonnable et
informé »34 ou d’un « investisseur raisonnable35 » qui détient toutes les informations utiles
et pertinentes sur la situation.
Ce tiers est donc censé s’informer sur, d’un côté les relations qui lient l’auditeur à la société
auditée et d’un autre côté, les mesures de sauvegarde appliquées pour limiter l’influence de
ces relations, ce qui pose clairement la question de la disponibilité et l’accessibilité de ce
genre d’informations aux tiers.
Par ailleurs, cela suppose que ce tiers, une fois informé, est, en fonction de ses
connaissances ou de sa formation, capable de comprendre ces informations (notamment les
mesures de sauvegarde) et d’apprécier leur impact sur le jugement professionnel de
l’auditeur (significatif ou non significatif).
La complexité du concept de l’indépendance se trouve ainsi aggravée par les aléas liés à la
perception et au jugement d’un tiers, eu égard une situation, que le professionnel d’audit lui-
même, a souvent du mal à maîtriser.
L’indépendance -en tant que concept général-, peut être appréhendée de manière absolue
et de manière relative.
On parle d’indépendance absolue pour deux acteurs si, leurs comportements respectifs l’un
par rapport à l’autre sont complètement aléatoires. Autrement dit, il n’existe aucune
possibilité d’expliquer les actions de l’un en fonction des actions de l’autre. Une telle
indépendance implique l’absence totale de relation entre ces deux acteurs.
Quant à l’indépendance relative, elle suppose que les deux acteurs concernés soient
dépendants séparément d’un tiers-acteur. Autrement dit, la relation entre les deux acteurs
principaux peut être aléatoire à condition d’une part, que le comportement de l’un comme de
l’autre obéisse à une ou plusieurs institutions qui leur soient communes, mais
hiérarchiquement supérieures et d’autre part, que des mécanismes automatiques de
régulation soient institués.
33
L’appréciation de l’indépendance par un tiers a été introduite initialement par la SEC puis reprise par les autres
régulateurs.
34
Expression utilisée par l’I.F.A.C, la C.E ainsi que l’A.I.C.PA.
35
Le terme "reasonable investor" couvre une notion issue des lois américaines relatives aux instruments
financiers.
36
Développée par Cohen SCALLI (voir bibliographie).
18
Chaque acteur agit en fonction de ses propres buts, mais trouve sa régulation par ouverture
ou écoute des niveaux supérieurs et inférieurs, qui leur fournissent des limites interdisant un
comportement arbitraire et permet ainsi, à l’ensemble du système de fonctionner et de
perdurer, même dans un environnement changeant.
Il va sans dire que, l’indépendance absolue ne peut s’appliquer à l’auditeur par rapport à la
société auditée et notamment, aux dirigeants qui indirectement sont responsables de sa
nomination et de sa rémunération.
A son niveau le plus élémentaire, la relation entre ces deux acteurs, à savoir auditeurs et
dirigeants seulement, se résume à une relation de rémunération du côté des dirigeants et de
contrôle du côté de l’auditeur externe, et laisse entendre ainsi, que l’indépendance de
l’auditeur est inconcevable.
L’approche systémique prévoit par contre, comme le montre le schéma qui suit, une relation
en système - dite par subsomption37- où lesdits acteurs constituent deux structures
différentes qui agissent certes séparément, mais en étant eux-mêmes englobés dans un
système plus large dont les principaux acteurs sont le législateur, les régulateurs
professionnels et les régulateurs boursiers. Et c’est leur ouverture par rapport à ce système
qui, d’une part engendre leur indépendance relative, d’autre part autorise la régulation de
leurs comportements respectifs de manière à permettre normalement d’éviter l’arbitraire
dans l’action de chacun.
APPAREIL INSTITUTIONS
LEGISLATIF D’ENCADREMENT ET DE
Lois ; décrets ; règlements SURVEILLANCE
RELATION
Produire
DIRIGEANTS
l’information
INTERFACE
Contrôler
COMMISSAIRES
AUX COMPTES l’information
37
La subsomption exprime « le fait que chaque acteur indépendant l’un de l’autre est dépendant d’une structure
qui les englobe et contre les intérêts de laquelle ils ne peuvent aller ».
19
Cette organisation dite structurelle par subsomption n’est malheureusement pas suffisante
pour garantir le respect des règles émises par les différents régulateurs, notamment les
règles d’incompatibilités. Les auditeurs peuvent ainsi être tentés de développer des relations
de conseil au détriment de l’audit légal et partant, d’établir des liens plus étroits avec les
dirigeants ; lesquels liens peuvent remettre en cause l’objectivité et le scepticisme, dont ils
sont censés faire preuve dans leur mission de certification.
Les manipulations comptables ne sont pas une invention nouvelle : bien souvent au cours du
siècle passé, des entreprises ont cherché à afficher des revenus qu’elles n’avaient pas, ou à
camoufler des charges d’exploitation en investissements. Mais depuis plus d’une dizaine
d’années, sous l’effet conjugué des mutations économiques et technologiques, les sociétés
économiques qui sont placées en amont de la chaîne de l’information financière, sont
confrontées à des défis inédits pour elles, portant sur les enjeux et la nature même de cette
information. Par ailleurs, sous la pression de cette information et motivés par de nouveaux
systèmes de rémunération, les dirigeants desdites sociétés ont de plus en plus tendance à
utiliser les marges d’interprétation dont ils disposent, pour manipuler leurs comptes et
afficher ainsi les résultats désirés.
20
3.1.1.1 - Les sociétés économiques et leurs dirigeants sous la pression de
l’information financière
Par ailleurs, la généralisation des systèmes de gestion intégrée et les progrès réalisés au
niveau des technologies de communication (Internet, notamment), ont entraîné une montée
en puissance d’une information financière publique, non seulement historique annuelle,
semestrielle et même trimestrielle, mais aussi prévisionnelle et de plus en plus fournie en
temps réel. D’où un enjeu plus important que jamais, pour une information financière fiable et
crédible.
38
En vertu des règles prudentielles, les fonds propres de certains établissements financiers doivent être investis,
selon des proportions définies, dans des actifs disposant d’une note recommandant ou déconseillant leur
acquisition ((investment grade ou below investment grade).
21
En diffusant ce nouveau type d’évaluation de la valeur des sociétés, lesdits fonds ont imposé
ainsi, un nouveau modèle stratégique pour les sociétés (« business model ») ; dans lequel
l’important n’était pas la réalité de la production, de l’innovation et de la valeur créée par le
travail, mais le jugement des marchés sur la création de la valeur pour les actionnaires39.
Dans le cadre dudit modèle, la gestion de l’entreprise se fait au service exclusif de la
création de « la valeur actionnariale »40 : Les dirigeants sont contraints ainsi à réaliser à tout
prix, les résultats qui correspondent à une bonne performance boursière et le cas échéant,
manipuler les comptes et le résultat dans ce sens.
Par ailleurs, cette nouvelle forme d’évaluation financière a encouragé les sociétés à procéder
à des opérations de croissance externe41; jugées les seules à même d’offrir des plus-values
compatibles avec les objectifs financiers anticipés par les opérateurs du marché. Lesquelles
opérations ont été réalisées au prix d’un endettement massif des sociétés et partant, ont
poussé les dirigeants à recourir à des montages d’ingénierie financière de gestion de bilan ;
qui avaient pour objectif non seulement de réduire cet endettement, mais aussi de dissimuler
les pertes et partant, d’afficher un résultat et une situation attractifs pour d’éventuels
apporteurs de capitaux. D’où les tentations de manipulations comptables plus que jamais
grandes, notamment dans le secteur des nouvelles technologies. En effet, comme le précise
la Banque des Règlements Internationaux, dans son rapport de juillet 2002, « le boom lié
aux nouvelles technologies a affaibli les incitations à produire une information fiable…leurs
opérations générant peu de bénéfices, elles devaient s’appuyer largement sur l’émission
d’actions…et pour certaines un cours de bourse élevé était tellement indispensable à leur
survie que le souci de contrôler l’information à cette fin a souvent pris le pas sur celui de ne
pas mettre en jeu leur réputation future. »
Ainsi, les modes de financement en vigueur sur les marchés financiers et les méthodes
d’évaluation qui conditionnent l’accès à ces financements, ont incité à la hausse des cours
des actions et partant, à la manipulation des comptes des sociétés dans ce sens.
3.1.1.1.2 - Dans des économies où l’importance des marchés financiers est nettement
moindre
Au Maroc, malgré les réformes entamées depuis les années 90 pour inscrire notre économie
dans le cadre de la globalisation, l’évolution des marchés financiers est loin de ressembler à
ce qui a été développé précédemment et partant, les sociétés ne sont pas aussi
dépendantes de la performance boursière, à l’exception de celles qui effectuent des
opérations sur des marchés étrangers.
39
Patrick ROTURIER et Claude SERFATI, « Enron, la « communauté » et le capital financier » (voir
bibliographie).
40
Optimisation de la rentabilité des capitaux propres incarnée par la valorisation du cours de bourse.
41
Cessions, fusions, acquisitions, fusions-acquisitions.
42
Article 3 dudit dahir.
22
avait institué parallèlement, le principe d’un droit de communication des états de synthèse43
au profit de certains actionnaires44.
Cependant en l’absence de pénalisation importante en cas de violation de ce droit à
l’information et à la communication -prévu par ce texte ainsi que les textes régissant le droit
des sociétés45-, cette tentative de transparence n’avait pas donné ses fruits.
Il a fallu attendre ainsi, les diverses réformes législatives entreprises dans le cadre de la
libéralisation de l’économie, pour que la transparence de l’information comptable et
financière soit érigée en principe fondamental, indispensable au développement
économique.
A ce titre, les remaniements opérés au niveau du droit des sociétés ; notamment la loi 17-95
relative à la SA et la loi n°5-96 sur la SNC, la SCS, la SCA, la SARL et la société en
participation, ont renforcé le droit à l’information et à la communication, pour en faire un droit
permanent acquis à tous les actionnaires et associés et dont, la violation peut entraîner la
nullité de l’assemblée46et expose les dirigeants à des sanctions pénales plus importantes47.
Les dispositions concernant ce droit à l’information sont, notamment dans le cas de la SARL,
d’ordre public48 et de ce fait, aucune stipulation statutaire ne saurait priver les associées
dudit droit.
Ledit droit à l’information a été par ailleurs étendue, dans le cas des SA et des autres
sociétés commerciales, au profit du public et ce, à travers une obligation de dépôt des états
de synthèse et du rapport du ou des commissaire aux comptes, au greffe du tribunal de
commerce49. Une pénalisation pécuniaire importante50 est à ce titre prévue, en cas
d’infraction à cette obligation.
Face à toutes ces mesures, les dirigeants marocains sont-ils moins enclins à manipuler les
comptes ? Certes, la pression n’est pas la même, si on les compare à leurs homologues
43
Les documents susceptibles d’être communiquées sont plus importants pour les sociétés cotées. En plus des
états de synthèse, le rapport du conseil d’administration, le rapport du commissaire aux comptes et l’inventaire.
44
Les actionnaires des sociétés cotées mais aussi, tout actionnaire dans une société de capitaux dont le total du
bilan est au moins égal à 5 millions de dirhams, ou dont la valeur d’inventaire du portefeuille excède un million de
dirhams (article 4 dudit dahir).
45
Notamment les dahirs du 11/08/1922 et 1/9/1926.
46
Article 152 de la loi 17-95.
47
Une amende de 2000 à 20 000 dirhams pour la SARL (article 117) et 8 000 à 40 000 dirhams pour la SA
(article 392).
48
Selon dernier alinéa de l’article 71 de la loi 5-96.
49
Article 158 de la loi 17-95 et article 95 de la loi n°5-96.
50
SA : une amende de 40 000 à 400 000 dirhams (article 386), les autres sociétés commerciales : amende de
10 000 à 50 000 dirhams (article 109).
51
Article 157 SA, article 82 SARL.
52
Article 384 loi 17-95 et article 107 de la loi 5-96.
53
Article 405 de la loi 17-95 et article 104 de la loi 5-96.
23
américains ou français, cependant, les incitations ne sont pas pour autant, totalement
absentes.
En effet, les dirigeants marocains des PMEs, qui sont souvent actionnaires majoritaires de la
société, sont toujours soucieux de payer moins d’impôt et par là, sont tentés de manipuler
les comptes dans le sens d’une sous-estimation du résultat imposable.
Quant aux dirigeants des grandes firmes qui subissent les pressions de la société mère en
matière de reporting, ils sont contraints d’afficher de bonnes performances financières, pour
réaliser les prévisions de cette dernière, prouver leurs compétences et justifier les salaires,
primes et bonus qu’ils touchent et partant, peuvent être amenés eux aussi, à manipuler les
comptes, mais dans le sens d’une surévaluation de leur résultat.
3.1.1.2 - Les motivations des dirigeants dans le cadre des nouveaux systèmes
de rémunération
Les pratiques de dissimulation de l’information par les décideurs ont été largement étudiées
par les économistes, notamment dans le cadre des problèmes « d’agence » ; c'est-à-dire des
relations entre « un principal » et son « agent », autrement dit les actionnaires et les
dirigeants.
Ainsi, dans le cadre de la théorie de l’agence, les risques dits de « hasard moral » sont bien
définis, lorsqu’un agent (le dirigeant ou le manager), dans son intérêt privé, peut cacher des
informations à son « principal » (le Conseil, l’assemblée des actionnaires) faute de
«contrats» suffisamment précis pour recenser, « observer », vérifier les procédures
d’information54.
Or, vu la complexité de l’information comptable et financière dans le cadre de la nouvelle
économie et du processus de production de cette information, seuls les auteurs de cette
information, à savoir les dirigeants, disposent de tous les éléments d’appréciation et peuvent
en contrôler de ce fait, sa diffusion.
Afin de réduire cette asymétrie d’information, la théorie d’agence a prévu en plus des
mécanismes de contrôle par le marché (« Corporate Control ») -à l’instar de l’audit externe-,
de nouveaux systèmes de rémunération qui sont susceptibles de permettre l’alignement des
intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires ; à savoir « les stock- options » ou « options
de souscription ou d’achat d’actions », et les bonus.
Au Maroc, ces nouvelles pratiques de rémunération ont été introduites depuis quelques
années seulement, par les filiales des sociétés multinationales, d’où l’intervention de l’Etat
pour réglementer d’un côté, les opérations de change et transfert de devises, et d’un autre
côté, l’aspect fiscal desdites pratiques ; notamment à travers la loi de finances de l’année
2001, qui a prévu, à ce titre, le régime fiscal des stock-options.55
Par contre, dans les autres pays, notamment les Etats-Unis56 plus qu’ailleurs, lesdites
pratiques se sont développées d’une manière fulgurante et ce, depuis les années 80. A titre
d’exemple, la rémunération globale des dirigeants de certaines grandes firmes américaines a
été, en 2001, plus de 400 fois plus élevée que le salaire moyen d’un ouvrier.
54
Pierre TABATONI, « 2000-2002 : la crise du modèle d’innovation aux Etats-Unis », page 28/35.
55
Dans le cadre des mesures prises pour la dynamisation du marché des capitaux ; la bourse
notamment.
56
Avec le développement des “start-up” exerçant dans le domaine des nouvelles technologies d’information
57
OCDE, « Etudes Economiques de L’OCDE », Volume 2002/18- Novembre
24
Ce système de rémunération a conduit en outre, certains d’entre eux, et non des moindres, à
se préserver de la baisse des cours par des manœuvres comptables et de communication
frauduleuses sur la déclaration des bénéfices.
Les administrateurs, censés contrôler ces derniers, sont aussi rémunérés selon la même
formule et sont incités de ce fait, à faire « la sourde oreille » et à cautionner ces manœuvres.
Ceci a été le cas du conseil d’administration d’ENRON, que la commission d’enquête du
Sénat américain58 a clairement mis en cause dans le processus qui a abouti à la faillite du
groupe, et qui a relevé que 59« les jetons de présence (touchés par les membres du conseil)
s’élevaient à 550 000 dollars par an-pour l’essentiel sous forme de stock-options-, soit le
double de la rémunération moyenne en usage dans les grandes sociétés américaines ».
Ainsi, le système des stock-options, pratiqué dans cet esprit de gains rapides et non réels,
conjugué avec les pressions susmentionnées, renforcent la volonté des dirigeants de
privilégier le rendement financier à court terme. Aussi, est-il prévisible, que certains
dirigeants malveillants essaient de manipuler les comptes, en utilisant notamment les
marges d’interprétation dont ils disposent.
Alors que les exigences de transparence deviennent de plus en plus contraignantes et les
tentations de manipulation plus fortes, la comptabilité, quant à elle, est de moins en moins
une science exacte. Les faillites retentissantes de ces dernières années sont à ce titre, une
révélation flagrante de ce paradoxe.
Par ailleurs, les nouvelles conditions de la gestion financière des entreprises, les mutations
technologiques et les changements que connaît la normalisation comptable en
conséquence, sont autant de facteurs créant pour les dirigeants des marges d’appréciation
nouvelles -en sus de celles inhérentes à la comptabilité-, que certains ont utilisées à des faits
purement « d’habillages comptables ».
Nous rappelons à ce niveau que l’objectif ultime assigné aux états financiers est de
permettre de donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des
opérations de l’entreprise.
Or, dans la plupart des cas, ces états présentent un certain risque d’être une présentation
moins fidèle que la réalité, sinon la perception des auteurs des comptes de ladite réalité.
Ceci est en principe dû d’un côté, aux difficultés inhérentes à l’identification des transactions
et autres événements à évaluer et d’un autre côté, aux ambiguïtés liées à la conception et à
l’application des techniques d’évaluation et de présentation qui peuvent les traduire. D’où
l’importance du jugement et d’appréciation pour appliquer la technique comptable et
atteindre l’objectif susmentionné.
Comme par ailleurs, certains dirigeants ont un parti pris pour afficher un résultat déterminé,
ils profitent de ces marges d’appréciation et d’interprétation pour manipuler les comptes dans
le sens voulu et présenter ainsi, une image non fidèle, mais sans pour autant, enfreindre les
normes de leur référentiel comptable.
Le jeu des provisions est l’exemple parfait de ces marges d’interprétation. Tout y est affaire
d'appréciation.
Quelle est la valeur d'un immeuble, d'une participation ou d'un actif après une crise
dévastatrice ? Quelle est la valeur d'un stock ? Jamais aucune règle scientifique ou
réglementaire ne pourra le déterminer, et donc fixer le «bon» niveau de provisions. Du coup,
les provisions sont les postes sur lesquelles les dirigeants peuvent jouer le plus facilement
pour noircir ou embellir la situation de leur entreprise. Et si les provisions représentent un -et
58
Dans un rapport publié le 7/07/02.
59
E.Leser, « les administrateurs d’Enron, eux aussi, savaient… », Le Monde, 9/07/2002
25
non des moindres- des risques de manipulation dans les comptes sociaux60, il existe
plusieurs autres aspects comptables dont l’ambiguïté peut être subtilement exploité à
mauvais escient. L’amortissement des actifs et l’activation des charges sont des exemples
d’astuces largement utilisées pour « jongler avec les comptes »61.
Comme on l’a exposé précédemment, la vie financière des entreprises a beaucoup changé.
D’un côté, le développement des opérations de restructuration, notamment les opérations de
fusions-acquisitions, a par le moyen de changement du périmètre, contribué à brouiller la
comparaison des comptes consolidés d’une année à l’autre et, a donné lieu à une gestion
complexe de la valeur des sociétés nouvellement acquises ; à savoir le goodwill. D’ailleurs,
la croissance -ou plutôt la simulation de croissance- associée à ce genre d’opérations n’a
semble-t-il été possible qu’avec le soutien d’un cadre comptable favorable ; qui a permis aux
entreprises d’amortir le goodwill, voire de le faire disparaître par la méthode du « pooling
interest ».
D’un autre côté, le recours aux marchés financiers et plus exactement à des instruments
financiers62 de plus en plus sophistiqués, pour la gestion de leur endettement, de leur
trésorerie ou de leurs risques de change, a posé- et pose toujours- le problème de
l’évaluation comptable desdits instruments, d’où une plus grande marge d’appréciation
laissée aux rédacteurs des comptes.
Enfin, la nouvelle économie s’est caractérisée par l’entrée en force de certaines activités
innovantes et complexes telles que le négoce (« trading ») des produits énergétiques65, la
publicité sur Internet ou encore le e-commerce ; ce qui a soulevé des questions redoutables
de définition de ce qui constitue le chiffre d’affaires (« revenue recognition ») et de la période
de comptabilisation de ce chiffre d’affaires66. En l’absence de réponses précises auxdites
questions, certaines sociétés - telles que la société Enron- ont profité de ce laisser-aller
comptable, pour surestimer massivement le montant de leurs revenus.
Les normes comptables, qui servent à assurer que toutes les sociétés publient leurs
comptes selon des règles identiques, deviennent logiquement de plus en plus complexes, à
60
Selon une étude statistique réalisée sur dix ans en France par le service de recherche de la Caisse des dépôts,
la plupart des entreprises surévaluent leurs provisions en période de croissance de chiffre d'affaires pour
constituer un «matelas» (Citée par Jean-Baptise Jacquin dans un article intitulé « Ces oublis, erreurs et petits
arrangements qui faussent la réalité », L’Expansion, 09/07/2002)
61
Voir supra.
62
Les produits dérivés, notamment.
63
Les malversations comptables ont porté sur au moins 11 milliards de dollars sur la période 1999-2001 et le
premier semestre 2002 (report“RESTORING TRUST”, August 2003, 120 pages).
64
Il s’agit des « line costs » ; à savoir des dépenses engagées pour permettre l’accès de leurs clients aux
réseaux des autres opérateurs.
65
Comme c’est le cas d’Enron avec son activité de courtage du gaz.
66
Voir section 1.1.2.2- Pratiques comptables d’Enron du chapitre 1 de la partie III.
26
mesure que leurs auteurs s’efforcent de les adapter à ces nouveaux facteurs. Leur
formulation elle-même peut être source d’incertitudes et d’importantes marges
d’interprétation.
Aujourd’hui, deux systèmes de normes comptables dominent le monde industrialisé : les
normes américaines dites US GAAP, et les normes « internationales » IFRS (anciennement
appelées IAS). Ces normes, même s’ils présentent des différences fondamentales liées au
type d’approche suivie pour leur établissement; à savoir respectivement, une approche
fondée sur les règles et l’autre reposant sur des principes, se heurtent cependant à des
difficultés –plus ou moins- similaires pour faire face aux évolutions précitées. La question de
l’évaluation et la comptabilisation des instruments financiers ; notamment des produits
dérivés sur la base de la « fair value » ou de la « full fair value »67, fournit un bon exemple de
ces difficultés.
Par ailleurs, lesdites normes, malgré leur évolution, semble être dépassées par certaines
pratiques comptables qui se développent de plus en plus, et qui permettent de maquiller les
comptes selon les motivations des dirigeants. Les affaires frauduleuses largement
médiatisées ces dernières années- telles que l’affaire Enron- confirment l’existence de ces
pratiques et leur adoption par plusieurs sociétés, non seulement aux Etats-Unis où une
société cotée sur trois pourrait manipuler ses résultats financiers68, mais aussi en Europe
comme le confirment les affaires Parmalat et Ahold.
par des normes comptables ; notamment les normes US GAAP, dont les règles sont
susceptibles d’être facilement détournées de leur esprit par une application à la lettre, ou
dont les seuils chiffrés sont facilement contournés au détriment de l’exercice du jugement
des préparateurs ou des contrôleurs des comptes ;
par des référentiels insuffisants, où subsistent encore des secteurs flous (stock-options,
instruments financiers, etc.) ou qui permettent l’utilisation de plusieurs options, dans des
conditions extrêmes69;
par les divergences entre les règles nationales et les règles internationales ; et
par l’ignorance, la complicité négligente ou frauduleuse du conseil d’administration, et
d’une manière générale par la défaillance du contrôle interne.
67
En référence à une évaluation au prix de marché ( marked to market) ou à une évaluation à partir de
modélisations (marked to model).
68
SOPHIE FAY,« Auditeurs et commissaires aux comptes sur la sellette »,L’expansion, 9 Juillet 2002
69
Pratiques comptables agressives « agressive accounting » qui ont été en vogue aux Etats-Unis pendant toute
la période d’euphorie boursière des années 1990.
70
Defeasance, Titrisation, Véhicules ad hoc, etc…
27
qu’une plus grande volonté de résistance aux pressions et tentations auxquelles ils sont
exposés, dans le cadre de cet environnement général.
Les attentes du public à l'égard de la profession comptable découlent d'un phénomène plus
général que les relations directes existant entre le public et la profession. Elles sont
étroitement liées aux attentes du système financier en général et de ses principales
tendances - telles qu’exposées dans la section précédente-.
Plusieurs études et sondages ont révélé ainsi, qu’en raison de ces évolutions, il existe un
décalage entre les attentes des utilisateurs et lecteurs des états financiers publiés par les
sociétés (le public) et celles des professionnels comptables; autrement dit « une différence
de perception » entre ces deux parties. Il s’agit de ce qu’on appelle communément
«l’expectation gap » et qui peut être distingué en deux types :
l’un concerne le rôle, les attributions et les responsabilités de l’auditeur externe, c’est
l’expectation gap à proprement dit ; et
l’autre concerne le rapport de gestion et les comptes annuels, appelé plutôt « Accounting
expectations gap ».
Certes, dans ce dernier type, la mission d’audit n’est pas directement contestée, cependant
toute proposition de réforme du rapport et des comptes entraînerait, au mieux des
changements sur la démarche ou les techniques de l’auditeur, et au pire, une révision
fondamentale de cette mission.
Ces « expectations gap » ont donc un impact plus ou moins direct sur la mission de l’audit et
notamment, sur les conditions d’exercice de ladite mission et plus exactement sur son
indépendance. C’est pourquoi la question d’indépendance est souvent traitée dans le cadre
global du processus visant à réduire l’insatisfaction des attentes concernant la
communication financière en audit, et non pas d’une manière distincte.
Les auditeurs externes en tant que défenseurs de l'intérêt public, sont confrontés au plus
grand décalage par rapport aux attentes du public. Ainsi, certains considèrent l’audit externe
comme une contrainte imposée par le législateur et non comme un service au profit de
l’intérêt public, et encore moins comme un service professionnel à valeur ajoutée et par là,
essaie de s’en acquitter au moindre coût. D'autres contestent même la valeur d'un audit, s'il
ne peut apporter au public d’un côté, une garantie sur des informations financières et non
financières et de l’autre, des garanties supplémentaires sur la santé de l’entreprise et citent à
ce titre, les « échecs d’audits » (« Audits failures ») pour appuyer leurs allégations.
L’insatisfaction des attentes à l’égard des états financiers annuels existe en fait depuis
longtemps : les premières études sur les cadres conceptuels comptables menées dans
plusieurs pays, notamment les Etats-Unis, datent de 1972. Ce sujet reste par ailleurs, à ce
jour, d’une grande actualité71.
Ainsi, la plupart des études et enquêtes72 menées dans ce domaine mettaient l’accent sur
l’élargissement progressif des besoins en informations comptables et financières. En effet,
les exigences en termes de fiabilité, de fidélité et de transparence portaient initialement sur
les états financiers seulement, elles se sont vite étendues à l’ensemble du « reporting
71
“Commission Report On Progress At 30 June 2004 Of The Modernisation Of The Accounting System Of The
European Commission”.
72
Telles que “Making corporate reports valuable”», Research committee, ICAS, KIGAN PAGE, 1988 et “ The
future shape of financial reports “,J. Arnold, P. Boyle, A. Carey, M. Cooper, K. Wild, Research Board of ICAEW,
1991.
28
financier », notamment le rapport de gestion. Ensuite, les attentes ont évolué en direction
d’informations financières fournies en continu et puis des informations moins rétrospectives
et plus orientées vers le futur ; autrement dit des informations prospectives, jugées plus
utiles pour apprécier la viabilité de l’entreprise.
Enfin, ces attentes se sont élargies encore plus, pour réclamer ce qu’on appelle « le
reporting élargi » avec encore plus d’informations à caractère non financier telles que :
Et c’est sous la pression des ces attentes, que la transformation en profondeur des activités
de l’auditeur externe est en cours de se réaliser.
Il ressort de plusieurs enquêtes 73qu’une grande partie du public s’attend à ce que les
fonctions d’audit débouchent sur des garanties –des assurances- concernant :
le respect par l’entreprise de ses obligations légales et contractuelles ;
l’exactitude des bilans ;
l’absence d’irrégularités et de fraude, et
la continuité d’exploitation et la solvabilité de l’entreprise.
En somme, les utilisateurs et les lecteurs des comptes souhaitent que les auditeurs externes
rendent compte des questions susceptibles de porter atteinte à la bonne santé et à la
sécurité de l’entreprise – mais aussi à la Société toute entière – du fait de la mauvaise
gestion des dirigeants.
Certes, la responsabilité de la gestion incombe aux dirigeants et son contrôle au conseil
d’administration, mais il existe une demande croissante pour une communication de la part
de la direction sur les pratiques de gouvernement d’entreprise et une déclaration de
l’auditeur sur la conformité de cette communication à la réalité.
Ainsi, en plus des besoins exprimés pour des informations prospectives que la plupart des
études ont relevés, le public réclame de plus en plus des informations non financières liées à
la gestion de l’entreprise.
Il est évident que la fonction publique assignée à la mission de l’audit externe exerce un effet
d’amplification sur les attentes des tierces parties directement impliquées par l’information
financière, mais aussi de l’opinion publique en général (mass médias, académiciens, les
73
Notamment, « responding to market expectations-An action plan to reduce the expectation gap » ; une étude
menée par le groupe de contact européen des huit grands cabinets comptables internationaux (les big six plus
BDO et GRAND THORTON), pendant la période 1993-1996 et dont les conclusions ont été reprises par le « Livre
vert » de la CE.
74
Mc Innes W M, « Auditing into the Twenty-first Century », Edimbourg, 1993.
29
citoyens en tant qu’épargnants potentiels), aboutissant quelque fois à des attentes
déraisonnables auxquelles ladite mission ne peut répondre, du moins dans le cadre du
modèle traditionnel et partant, auxquelles la profession comptable n’est pas censée y
répondre positivement
Ainsi, la Commission Européenne a bien précisé dans son Livre vert que ces attentes et
besoins des utilisateurs « peuvent être jugés raisonnables si :
- les tâches demandées sont prescrites par la loi;
- il existe des parties intéressées disposées à payer pour ce service (présence d'une
demande effective);
- il existe un professionnel à la fois désireux de fournir ce service (à un prix reflétant
notamment son niveau de qualification, la difficulté des travaux, le nombre d'heures
nécessaires et le risque encouru) et possédant la compétence requise ».
Par ailleurs, c’est cette même fonction publique, qui fait que les différents régulateurs en la
matière, répondent à ces attentes par des prescriptions ou de simples recommandations en
faveur de certains nouveaux services d’assurance.
Les récentes évolutions en termes de législations et de règlementations concernant la
détection des fraudes75 ou en matière de contrôle interne76 confirment bien que ces attentes,
en tant qu’anticipations auto-réalisatrices, affectent bien la mission d’audit externe et le
contenu du rapport émis.
Le dépassement de la mission traditionnelle de certification des comptes est ainsi plus que
probable, notamment avec cette orientation vers des services d’assurance d’informations
prospectives ou non financière liées à la gestion de l’entreprise.
Par conséquent, la complexité du travail des auditeurs externes ne peut que se renforcer et
rendre ainsi leur indépendance plus vulnérable aux pressions et aux incitations. En effet,
l’exécution de ces nouvelles missions exigerait un budget temps et des compétences
multidisciplinaires importantes, dont l’insuffisance ou l’absence peut être compensé par des
relations de parité de plus en plus personnelles et par là, compromettre leur indépendance.
En outre, les services d’assurances des informations non financières précitées pourrait fort
bien les inciter, pour éviter toute friction avec la direction ; avec laquelle ils sont censés
établir une relation de confiance indispensable à l’exercice des investigations, à fournir des
conseils en matière de gestion, voire même s’impliquer davantage dans la prise de décision,
ce qui rendrait leur indépendance, techniquement impossible.
75
Notamment , les normes SAS 82 et ISA240 portant obligation pour l’auditeur, de planifier, d'exécuter et
d'évaluer la mission d'audit d'une manière qui permette légitimement d'espérer détecter toute anomalie sérieuse
dans les comptes, que celle-ci soit liée à des fraudes ou à d'autres irrégularités ou erreurs.
76
Notamment, la loi SOx qui exige de l’auditeur externe de faire une attestation, dans son rapport, sur l’évaluation
du contrôle interne effectuée par la direction (article 404) et la loi SF qui oblige le commissaire aux comptes de
présenter ses observations sur la partie du rapport préparé par le président du CA consacrée aux procédures de
contrôle interne.
30
changer de contrôleur légal. [….] compte tenu de la pression exercée par la concurrence, il
serait naïf de croire que tous les contrôleurs légaux des comptes sont totalement insensibles
à la crainte de perdre des clients. [….] le professionnalisme attaché à la fonction de contrôle
légal des comptes serait en train de perdre du terrain en faveur d'une attitude plus
"commerciale". »77.
Cependant, si ces craintes sont observées et relevées dans plusieurs pays, elles seraient
moins intenses dans certains pays, où notamment, la responsabilité pénale des auditeurs
externes est plus prononcée78.
Par ailleurs, le constat général de l’existence des relations extraprofessionnelles ou
professionnelles autres que l’audit entre auditeurs et audités, ainsi que leur importance
relative, semble donner la touche finale au tableau noir dressé ci-dessus. A ce titre, il est
important de signaler que l’attitude générale varie considérablement et en même temps,
change avec l’évolution de ces relations. En effet, jusqu’aux années 90, elle faisait plus
preuve de rigueur, s’agissant de l’implication financière et des investissement dans la société
auditée, et plus de souplesse en ce qui concerne les services auxiliaires rendus en sus de
l’audit. Cependant, depuis la faillite retentissante de la société Enron, la souplesse
concernant lesdites prestations a cédé la place à une rigueur de plus en plus accentuée79.
Depuis longtemps, la fonction d’audit et de conseil vont de pair. C’est ce que confirme la
pratique de l’audit externe dans un pays comme les Etats-Unis.
L’explication économique est qu’un audit gagne en valeur si les observations qu’il contient
sont utilisées deux fois : non seulement pour communiquer des informations sur l’entreprise
auditée, mais aussi pour prodiguer des conseils sur la manière d’en améliorer l’activité et
d’en accroître la valeur. Une explication professionnelle est que le métier d’auditeur attire les
personnes qui aspirent à remplir ce double rôle80.
Aussi, l’évolution vers l’audit-conseil dans les autres pays tels que la France et le Maroc,
semble être, dans le contexte de la mondialisation et la globalisation, un phénomène tout à
fait prévisible, notamment en réponse aux besoins des sociétés et attentes du public. Cette
évolution est d’autant bien accueillie que l’audit est largement considéré comme étant un
coût significatif ; qui ne trouve sa pleine justification économique que s’il est le point de
départ d’avis, de recommandations et de conseils qui contribuent à améliorer la qualité des
informations produites et les conditions générales de fonctionnement de la société auditée.
Aussi, les régulateurs ont-ils légalisé cette pratique tout en limitant –tant bien que mal- la
nature et la portée de ces conseils, ce qui a donné lieu à une conception nouvelle de la
mission de commissariat aux comptes ; à savoir une mission de « commissariat aux comptes
élargi »
77
Paragraphe 4.9 du livre vert de la Commission Européenne.
78
Jérôme MAATI, « Le gouvernement d’entreprise », éditions DeBock Université, 1999, page 210/293.
79
Pour plus de détails, voir partie III consacrée aux prestations de services autres que l’audit.
80
Pr Dr Arnold SCHILDER, « Indépendance et objectivité : un défi particulier pour qui ? », Atelier 2.7.5 du XVème
Congrès Mondial de la Comptabilité IFAC’1997.
31
Au-delà, de la fonction de contrôle et de certification, on reconnaît ainsi au commissaire aux
comptes une fonction d’avis, de conseils et de recommandations.
Au Maroc, cette fonction se déduit de l’article 169 de loi 17-95 relative à la SA, qui prévoit
que « le ou les commissaires aux comptes portent à la connaissance du conseil
d’administration ou du directoire et du conseil de surveillance, aussi souvent que
nécessaire :
…2) les postes des états de synthèse auxquels des modifications leur paraissent
devoir être apportées, en faisant toutes observations utiles sur les méthodes
d’évaluation utilisées pour l’établissement de ces états ;
3) les irrégularités et inexactitudes qu’ils auraient découvertes ;… »
Elle est d’autant plus possible, au vu de la présence obligatoire du commissaire aux comptes
aux réunions du conseil d’administration ou du directoire (article 170 de la ladite loi).
Elle est par ailleurs, conforme à la conception nouvelle de la mission de commissariat aux
comptes comme étant une mission permanente qui implique ainsi, un contact suivi et régulier
avec les dirigeants et le personnel de la société auditée et donc, des occasions nombreuses
où l’aide du commissaire aux comptes est vivement réclamée.
L’auditeur externe, par sa formation multidisciplinaire et sa bonne connaissance de la société
et de ses systèmes d’information, est bel et bien le professionnel idéal pour fournir ce type
de fonctions et ce, dans le cadre de sa mission générale de certification. En effet, loin d’être
des prestations de services de conseil fournies en dehors et en sus de la mission de base de
l’auditeur externe, ces conseils, avis et recommandations s’inscrivent dans le prolongement
de ladite mission; sous réserve qu’elles n’enfreignent pas bien évidemment, les règles
d’indépendance et de non-immixtion dans la gestion
Le problème est que la limite de son intervention en tant que «conseil », au-delà de laquelle
il est présumé être en infraction avec lesdites règles, n’est pas clairement définie par les
régulateurs et partant, est souvent involontairement , sinon sciemment, dépassée dans la
pratique courante de la profession.
Ce dépassement est fréquent, notamment dans le cadre de l’intervention du commissaire
aux comptes dans les PMEs ; où la faiblesse en matière de moyens financiers et de
compétences justifie le recours croissant à ce professionnel comptable, pour fournir tous
types de prestations sous le couvert de cette obligation de fournir des avis, conseils et
recommandations. Lequel dépassement permet, par la même occasion, à ce dernier
d’augmenter autant que possible la facturation, tout en évitant de faire rentrer dans ces
sociétés un concurrent éventuel.
Les évolutions susmentionnées dans l’environnement général des sociétés économiques ont
eu pour conséquence naturelle, de faire entrer la mission de l’audit externe sur un marché
pleinement concurrentiel, avec toutes les caractéristiques d’un tel marché ; qui se traduisent
notamment, par une restriction des moyens, sous la pression de la concurrence et donc, par
une recherche d’économies d’échelle et quelque fois même, une réduction des contrôles.
En effet, l’intensification croissante de la concurrence dans la profession de l’audit
comptable, notamment pour emporter le marché de l’audit externe des grandes entreprises
dans le cadre des appels d’offre, donne lieu à une réduction importante des honoraires ; qui
va souvent en deçà des coûts supportés pour accomplir ce genre de missions81.
81
Paragraphe 4.11 : CE, « Livre vert sur le rôle, statut et responsabilité du contrôleur légal des comptes dans
l’U.E », 1996,
32
Ainsi, l’audit en tant que produit de base pour les professionnels d’audit et les structures
dans lesquelles ils exercent, subit des pressions importantes au niveau des coûts de telle
sorte qu’il est considéré comme un produit parvenu à maturité82.
Par ailleurs, l’informatisation des sociétés, l’évolution vers des systèmes de gestion intégrés
ainsi que la formation de plus en plus poussée des dirigeants et personnel comptable,
permettent aux clients de réaliser eux-mêmes la majorité des services assurés auparavant
par les professionnels comptables, notamment la tenue des comptes et la paie,
occasionnant ainsi une perte de marché importante.
Aussi, la profession se devait-elle de réagir pour compenser cette perte en recherchant
d’autres sources de revenus. D’où sa décision stratégique de diversifier et d’innover en
matière de son offre de services.
Le besoin de diversifier les sources de revenus a d’ailleurs été fortement souligné par les
experts-comptables marocains lors de leur deuxième congrès annuel83 et le choix du thème
support de cette manifestation; à savoir « L’expert-comptable, Conseil de l’entreprise»
montre bien que cette orientation vers le conseil est la stratégie de croissance adopté par la
profession, pour garantir sa pérennité.
Les mutations qu’a connues la société économique comme expliquées ci-dessus, a donné
lieu à des besoins importants en matière de conseils, jugés indispensables pour soutenir son
expansion, améliorer ses performances et de là, assurer sa viabilité et sa pérennité. Les
professionnels comptables ont en profité pour proposer et développer des missions, dont la
connexité avec la mission d’audit externe est de moins en moins évidente. Ces missions
regroupées sous la dénomination générique de missions de conseils, se déclinent en
plusieurs types d’interventions : du conseil comptable qui constitue le métier de base de
l'expert-comptable, au conseil juridique et fiscal qui est le plus proche du profil de ce dernier,
puis financier ou en montages juridico-financiers « ingénierie financière », ou encore en
systèmes d’information, en matière de sécurité et d’efficience informatique, en stratégie
d’entreprises et politique générale, en organisation, en opérations, processus et ressources
humaines,… et la liste ne fait que s’allonger et ce, au fur et à mesure que les opportunités se
présentent aux professionnels pour élargir leur éventail de services.
Ainsi, des simples services de conseil ou « advisory », on évolue vers des activités de
conseil plus complexes dites de « Consulting »84, menées au niveau mondial par des grands
cabinets, et qui sont davantage liées à « l’implémentation de systèmes ».
82
Notamment, selon une étude menée fin1996, par l’ICCA, l’ICAEW et l’ICPA
83
2 ème Congrès de l’O.E.C, « L’expert-comptable, conseil de l’entreprise », le 11, 12 et 13 novembre 1999 à Fès.
84
Prestations d’assistance à la gestion (« Management consulting services- MCS ») et autres.
33
développer leurs activités de conseil et de ce fait, récupérer le manque à gagner enregistré
sur la mission de base. On assista alors au développement faramineux des activités de
conseil dans le cadre d’une stratégie dite du « guichet unique ».
Par ailleurs, ces diverses activités de conseil sont considérées comme un faire-valoir
indispensable pour attirer les jeunes diplômés dont les grandes firmes d’audit ont besoin, et
qui sont peu incités à faire carrière dans l’audit, à cause de leurs aspirations pour une vie
équilibrée, la faiblesse relative du salaire d’embauche et du prestige social associés à cette
profession85.
Enfin, si ces activités de conseil sont revendiquées en tant que source majeure de revenus
des grandes firmes d’audit, elles sont en même temps revendiquées par toute la profession
comptable comme une source d’informations privilégiée et un moyen de mieux connaître
l’entreprise, et donc d’améliorer la qualité de la mission d’audit externe. A ce titre, la FEE
constate que « la prestation d'autres services auprès d'un même client procure des
avantages pour le client comme pour les utilisateurs des états financiers, car ces
autres services prestés par le contrôleur légal vont lui permettre de mieux
comprendre les affaires de son client et sont susceptibles d'améliorer sa mission
d'audit. »86
Cependant, ces activités ont permis aux auditeurs externes de nourrir une plus grande
promiscuité avec les dirigeants dont ils dépendent à la fois en matière d’information et de
revenu et partant, ont mis leur indépendance, c’est-à-dire leur capacité à résister aux
pressions, à rude épreuve.
Pour éviter que cette multidisciplinarité ne débouche sur des conflits d’intérêts
compromettant l’indépendance, ou simplement par simple logique financière et de marché87,
cette stratégie de croissance –qui, rappelons-le, est basée sur le modèle économique du
guichet unique- a été abandonnée à partir de l’année 2000 par les 4 grandes firmes d’audit ;
à savoir Ernest & Young en premier lieu, puis PwC, KPMG, et enfin Deloitte en 2003/2004 et
ce, au profit d’un recentrage sur les métiers de base de la sécurité et de l’information
financières88, sans pour autant renoncer complètement à certaines activités de conseil, telles
que le conseil en investissements (« Financial Advisory Services – FAS »)89.
Quant à la firme Arthur Andersen, elle a toujours et jusqu’à sa disparition, garder et renforcer
cette stratégie, en maintenant «le cap de la multidisciplinarité » et en développant à outrance
le conseil en faveur des clients audités90.
Le Maroc n’est pas à l’écart de cette évolution, puisqu’il a connu, depuis plus d’une dizaine
d’années, l’implantation de ces grandes firmes, essentiellement à travers des filiales
constituées par rapprochement avec des cabinets d’expertise comptable marocains. Ces
filiales ont ainsi profité du savoir et de l’expérience du réseau, du contact permanent des
commissaires aux comptes marocains avec leurs clients, notamment les multinationales et
de leur maîtrise des activités et des systèmes d’information desdites sociétés, pour
85
Catherine SAUVIAT, « Nouveau pouvoir financier et modèle d’entreprise : une source de fragilité systémique »,
Revue de l'IRES n° 40 - 2002/3, page 21/31
86
Fédération des Experts-Comptables Européens, "Indépendance et Objectivité du Contrôleur Légal des
Comptes – Corps de Principes Essentiels Pour l'Orientation de la Profession Européenne".
87
Il s’agirait de valoriser un savoir-faire et une marque, de réaliser des plus-values au moment où le business du
conseil est « en plein boom ».(Les échos, 15/12/1999, page 22)
88
Audit financier, contrôle interne et sécurité (Enterprise Risk Services), fusions-acquisitions, expertise
comptable,
89
En moyenne, les prestations de conseil en matière de gestion sont passées de 45% du total des revenues des
« Big 5’s» en 1998 à 30% en 2000 (chiffres relatifs aux Etats-Unis seulement).
90
Dominique Mariette et Frédéric Hastings, « NOUS AVONS DE LA MEMOIRE : La faille d’Andersen est
structurelle- » LA TRIBUNE - 08/10/01.
34
développer des activités de conseil ; essentiellement juridique et fiscal et de plus en plus
orienté vers l’ingénierie financière. Le développement de ces activités s’est d’ailleurs traduit,
par la création de pôles de conseil91 qui ont été logés, pour des raisons de déontologie, dans
des structures juridiquement indépendantes de celle de l’audit. Mais, la réalité de la pratique
montre bien une solidarité réciproque entre ces entités dites indépendantes qui, au même
titre que les autres cabinets du réseau, considèrent l’audit comme un produit d’appel pour les
prestations de conseil.
On assiste dans ce cadre, à une évolution non prise en compte à l’origine par les régulateurs
dans leur système de garantie de l’indépendance, et plus ou moins imposée par les
transformations de l’économie : une indépendance financière mise à mal par ces pressions
sur les coûts et dont la compensation se fait, par la mise en place de services nouveaux qui
peuvent placer l’auditeur externe dans une situation de dépendance technique flagrante ;
dans la mesure où il est tenu de valider ses propres travaux ou les travaux d’entités qui lui
sont liées.
Aussi, au fur et à mesure que ces menaces sur l’indépendance des auditeurs se précisaient,
les régulateurs en ont tenu compte pour revoir leur conception de la question, notamment la
portée des règles d’indépendance et édicter à ce titre, des exigences de plus en plus
contraignantes.
Le recours croissant des grandes firmes d’audit aux appels d’offres92 pour emporter le
marché de l’audit externe des entreprises prestigieuses a accentué l’intensité de la
concurrence entre lesdits cabinets, d’où une compression plus importante des honoraires
effectuée dans la logique du moins-disant. Par ailleurs, ces appels d’offres sont parfois
utilisés par les directions d’entreprises pour faire pression sur les auditeurs en place, en
particulier en cas de désaccord sur des points comptables importants (les réserves).
Vu l’étroitesse du marché interne du travail, les firmes d’audit utilisent leurs clients d’audit
comme débouché principal pour leurs salariés, notamment les auditeurs, qui arrivent souvent
à occuper des postes clés au sein de la direction de ces derniers. Ce faisant, ces firmes
s’assurent de la pérennité de leurs relations professionnelles et renforcent leurs relations
extraprofessionnelles avec lesdits clients. Par la même occasion, la présence de ces anciens
auditeurs au sein de la direction peut dans des cas extrêmes, être exploitée, de par et
d’autre, pour influencer les résultats de l’audit externe, notamment, l’opinion finale exprimée.
L’affaire Enron-Andersen le prouve bien, puisque plusieurs comptables, directeurs
opérationnels et contrôleurs de gestion du groupe « Enron » étaient des anciens employés et
dirigeants du cabinet Arthur Andersen. Cependant, il faut signaler que l’ex-vice présidente de
la direction financière d’Enron -« Sherron Watkins »-, qui avait averti le président du conseil
d’administration des pratiques comptables douteuses de son groupe, était elle aussi une
ancienne salarié du cabinet précité.
91
Présentés sous forme de départements “Juridique & Fiscal”, “Consulting” ou “Corporate Finance”.
92
Paragraphes 4.10 et 4.11 du livre vert de la CE
35
3.2.2.2.3 - Evaluation et rémunération des associés-audit
L’évolution des prestations de conseil s’est faite au détriment de l’audit externe et l’a réduit à
n’être qu’un segment parmi une multitude d’activités, jugées plus rémunératrices. Aussi,
l’évaluation et la rémunération des associés audit se font-elles de plus en plus, non plus en
fonction du nombre de leurs clients d’audit ou la qualité de leur travail ; mais plutôt à l’aune
de leur capacité en tant que « rabatteurs d'affaires » pour les autres segments d'activité.
Cette commercialisation de la fonction d’intérêt public que constitue l’audit externe induit
automatiquement des comportements marketing du type « le client est roi » et partant, est
préjudiciable à l’éthique de celui qui assure ladite fonction.
Du fait de cette interaction constante avec une direction dont il dépend, il est presque naturel
d’oublier l’esprit même de l’institution de sa fonction et de considérer mentalement celle-ci
comme étant son client, alors que ce sont précisément les membres de cette direction, qui
font peser la plus lourde menace sur son indépendance.
Dans le cadre de cette nouvelle économie dont les principaux traits ont été développés dans
la section 3.1.1.1 et marquée par la globalisation, la profession d’audit a connu, à l’image de
ses clients ; à savoir les sociétés, des opérations de rapprochements ou de fusions-
acquisitions entre les cabinets d’audit, donnant naissance ainsi à de grandes structures
internationales « les big », dont le nombre s’est réduit progressivement94, conduisant ainsi à
la consolidation des cabinets d’audit. Des 8 grandes firmes internationales « Big 8 » qui
dominaient le marché d’audit et ce, jusqu’au début des années 1970, il n’en reste
actuellement que quatre « Big 4 »95.
93
Et d’une manière générale, les regroupements.
94
« Big 8 » en 1986, « Big 5 » en 1998 puis «Fat 4» ou « Last 4 » en 2002 suite à la dissolution du cabinet Arthur
Andersen.
95
Voir annexe 1 pour plus de détails.
36
Il convient de signaler que ces opérations de rapprochement ont été motivées à l’époque,
par :
le désir d’accompagner les grandes sociétés multinationales dans leur croissance ;
le désir de réaliser plus d’économies d’échelle ;
le besoin d’acquérir et de développer une solide connaissance et maîtrise des secteurs
d’activités de leurs principaux clients (nouvelles technologies, notamment); et enfin
d’acquérir plus de valeur sur le marché et de préserver leur position sur la place.
Cette consolidation soulève ainsi plusieurs questions ; notamment, celle de savoir si elle
permet des conditions normales de concurrence. Compte tenu de la masse de
connaissances microéconomiques et de technique comptable que requiert le métier
d’auditeur dans ce contexte, les petits et moyens cabinets n’ont assurément aucun moyen
de rivaliser avec ces structures et leur réseau. Aussi, est-il permis d’en douter sérieusement,
surtout avec la concentration de plus en plus poussée du marché de l’audit.
En effet, la structure de la profession tant aux Etats-Unis que dans les autres pays comme la
France96 ou le Maroc97, est de plus en plus marquée par la concentration des mandats
d’audit des sociétés, entre les mains d’un petit nombre de cabinets, qui dans la majorité des
cas, sont membres de réseaux internationaux.
Ainsi, en 2002, les « Fat 4 » détenaient aux Etats-Unis, 99% des mandats d’audit98, contre
80% au Japon et en Italie, 90% en Hollande et à peu près 100% au Royaume Uni.
Cette concentration excessive de missions d'audit, entre les mains desdits cabinets, aboutit
à la formation d’un oligopole - et éventuellement un monopole en cas de persistance de ce
processus de consolidation de la profession - et par conséquent, ne peut que soulever des
doutes et des inquiétudes sur le comportement général de ces structures oligopolistiques.
Plus particulièrement, elle est à l’origine des préoccupations déontologiques à l’égard des
grands cabinets, mais aussi à l’égard de leurs « concurrents »; qui sont voués à être
entièrement dépendants d’un nombre limité de mandats d’audit externe et des autres
prestations de services fournies souvent à leurs clients d’audit.
96
La concentration de la profession en France est relevée dans le rapport Le Portz II (07/1996).Voir aussi
l’annexe 3 qui confirme cette situation en 2000 et 2001.
97
Selon L’ECONOMISTE, Vendredi 28 Mai 2003
98
Voir annexe 2 pour plus de détails.
37
Conclusion Partie I
Au terme de cette première partie, il semble évident que le concept de l’indépendance est un
concept qui se prête difficilement au jeu des définitions. Autrement dit, aucune définition
précise et exacte ne peut cerner tous les aspects de l’indépendance des auditeurs externes.
Comme l’approche de régulation d’un problème donné est largement conditionnée par la
conception dudit problème, il est donc important, malgré les difficultés rencontrées, de fournir
des éléments de réponse à la question que nous nous sommes posés au début de cette
partie ; à savoir :
Comment peut-on définir l’indépendance de l’auditeur externe et quand peut-on affirmer
qu’un auditeur externe est indépendant ?
Cependant, l’indépendance n’est pas une norme absolue que les auditeurs externes
doivent atteindre en s'affranchissant de toute relation économique, financière ou autre
qui pourrait sembler impliquer une dépendance quelconque. Un tel état est
manifestement impossible à atteindre étant donné que toute personne entretient dans
une certaine mesure une dépendance ou une relation avec une autre. Il en est de même
pour les auditeurs externes, qui sont indirectement désignés par les dirigeants et
38
rémunérés par ces derniers. Lesquels dirigeants sont dépendants eux-mêmes des
performances financières de leur société.
Aussi, est-il important pour l’auditeur externe, pour être objectif et intègre, que ses relations
de dépendance avec les dirigeants :
9 fassent l’objet d’une régulation de la part du législateur, la profession et les autres
institutions d’encadrement et de surveillance ; et
9 soient modérées par l’intervention d’un organe de médiation (le comité des
comptes ou d’audit, notamment).
Enfin, l’indépendance est un concept ouvert, dont le contenu doit être constamment être
remis à jour du fait :
9 De l’évolution du contexte dans lequel la mission de l’auditeur externe intervient
(les pressions et les attentes) ; et
9 De l’évolution rapide des conditions d’exercice professionnel ; avec notamment,
l’apparition et le développement du phénomène des réseaux ; et des pratiques
professionnelles telles que les prestations de services autres que l’audit.
C’est ainsi que la question de l’indépendance s’en trouve ainsi posée en de termes
nouveaux : Comment être et paraître indépendant avec le dépassement progressif de la
mission traditionnelle de certification des comptes et des états financiers et l’évolution vers
des missions d’assurances d’informations non financières qui sont étroitement liées à la
gestion ? Comment être et paraître indépendant avec cette orientation vers l’audit- conseil ?
Comment être et paraître indépendant dans le cadre d’un réseau pluridisciplinaire, qui fournit
aux clients audités et à « ses sociétés liées » un ensemble de services de conseils ? Qui
doit être indépendant (l’auditeur externe, l’associé audit, les autres associés, les entités
membres du réseau) et de qui doit-il être indépendant dans ce cas (le client audité ou les
sociétés liées)?
39
Partie II - Normalisation et régulation de l’indépendance de
l’auditeur externe – Analyse critique et évolutions
L’obligation d’indépendance pour l’auditeur externe fait l’objet d’un consensus général qui se
comprend à la lumière du rôle joué par ce professionnel dans la crédibilité et la sécurité de
l’information financière. Les différents régulateurs, de par le monde, sont d’accord ainsi sur le
principe de la préservation et le renforcement de cette indépendance sous ses deux aspects.
Qu’en est il pour l’approche à adopter pour s’assurer du respect de ce principe ?
Cette question est traitée de manière différente par les régulateurs de chaque pays, en
fonction de leurs traditions en matière de réglementation et de leurs propres expériences.
Il est important de rappeler à ce titre que les pays de droit romain ou de la « Civil Law » ont
une approche des problèmes radicalement différente des pays anglo-saxons.
Alors que d’une manière générale, le droit romain s’appuie sur des textes, le droit coutumier
des pays anglo-saxons qui relève de la Common Law, s’appuie par contre sur l’expérience
confrontée aux épreuves des jours.
Ainsi, les pays du droit romain ont toujours privilégié l’encadrement des activités et légifèrent
souvent pour régler les problèmes. Quant aux pays de la Common Law, ils règlent leur
problème par la voie contractuelle, en faisant preuve de pragmatisme très poussé. Ceci
explique d’ailleurs les différences en matière de conception des normes comptables et
d’audit.
Par conséquent, la régulation de l’indépendance dans ces pays ne peut que suivre en
principe ce même schéma et adopter l’approche qui correspond à leur tradition en matière
de réglementation : Approche conceptuelle chez les premiers et approche normative chez
les autres. Cette assertion ne se justifie pas toujours ; la complexité liée au concept
d’indépendance et les enjeux qui y sont liés sont autant d’éléments qui expliquent pourquoi
cette tradition n’est pas toujours respectée par les régulateurs de certains pays. De même,
ils expliquent pourquoi pour d’autres, la combinaison des deux approches semble être le
moyen le plus sûr de réguler efficacement cette question.
40
Chapitre 1 : Généralités sur les différentes approches de régulation et
leurs caractéristiques
1.1 - L’approche normative ou basée sur les règles détaillées avec ses
interdictions et limitations
L’approche normative est une approche préventive, qui s’appuie sur une assertion
fondamentale : l’objectivité de l’auditeur externe est impossible, en présence de certains
facteurs externes qui compromettent son indépendance. Ce faisant, la seule solution pour
préserver son objectivité est d’éliminer lesdits facteurs externes. Autrement dit, interdire tout
simplement toutes les relations, situations et activités jugées compromettantes pour son
indépendance.
Ces situations et relations sont identifiées dans la pratique courante des professionnels,
essentiellement en fonction de leur impact sur l’apparence d’indépendance. Elles sont
ensuite répertoriées par les régulateurs, en tant que situations ou relations interdites (les
interdictions), et parfois autorisées, mais sous certaines conditions ; jugées à même
d’annuler leur impact sur l’indépendance (exemptions ou limitations).
On se retrouve ainsi, avec des règles et des normes explicites et détaillées, qui énumèrent
tout ce qui est strictement interdit ; ce qui leur vaut l’appellation de « règles normatives ».
L’approche poursuivie pour établir lesdites règles est qualifiée généralement d’approche
normative («rules-based approach »), et parfois de « cook-book approach » ou approche du
« tout est interdit sauf ».
Ces règles sont par ailleurs, en constante évolution, du fait qu’elles répondent de manière
ponctuelle à chaque situation nouvelle, et partant, constituent en général un corps
volumineux de règles disparates.
Par ces règles précises et détaillées, l’approche normative expose clairement la position
prise par rapport à une activité ou une situation donnée et permet de ce fait, aux auditeurs
externes impliqués dans un litige, de prouver facilement leur indépendance. A ce titre, son
application dans un pays comme les Etats-Unis, se justifie largement, par la pratique
répandue du litige « Litigations » en faveur de la protection des actionnaires ; qui permet à
ces derniers d’intenter des poursuites judiciaires menaçantes contre, aussi bien les
dirigeants que les auditeurs des sociétés ayant fait faillite.
Cependant, force est de constater que les limites des garanties offertes par des règles
clairement définies et largement détaillées pourraient être rapidement atteintes,
principalement par le biais de situations nouvelles ou par des évolutions dans la pratique
professionnelle ; auxquelles les règles en place n’apporteraient pas de réponses précises.
Soulignons par ailleurs, que cette approche a tendance à laisser des échappatoires ; qui
permettent à ceux qui ont intérêt à le faire, à privilégier la lettre sur l’esprit des règles. Ainsi,
aussi précises soient-elles, les règles normatives sont facilement contournées, de telle sorte
à les vider de leur sens. Le recours à des montages juridiques, pour échapper aux
interdictions en matière de prestations de services autres que l’audit, illustre bien cette
défaillance des règles issues de l’approche normative.
41
Par ailleurs, ce cadre théorique est articulé autour de concepts et principes de base, que
nous aurons l’occasion de développer dans les chapitres suivants, et qui sont :
Les menaces et risques pour l’indépendance ; et
Les mesures de sauvegarde.
Ainsi, la mise en œuvre dudit cadre donne lieu à des règles générales et souples ; dont
l’interprétation permet, contrairement aux règles normatives:
D’accompagner l’évolution de l’environnement général et des pratiques
professionnelles ; et
D’empêcher les échappatoires et manœuvres pour ne pas se conformer à l’esprit de
ces règles.
Ce cadre général permet aussi d’asseoir des règles en dehors de tout cadre législatif : ses
règles peuvent s’appliquer facilement à plusieurs pays et s’adapter en fonction des
spécificités de chacun d’eux, contrairement à l’approche normative ; dont les règles sont
fortement imprégnées par l’environnement (économique, commercial, juridique…) et les
pratiques professionnelles d’un pays déterminé, comme c’est le cas notamment des Etats-
Unis et de la France100.
100
Avant l’adoption récente de l’approche conceptuelle.
101
Page 4/9 (document émis en février 2001).
42
peuvent être qualifiées de normatives. Cependant, il faut signaler que, dans le cadre de cette
approche, l’interdiction n’est pas la règle, mais une exception.
Si la conception des règles normatives repose sur un cadre théorique donné, la seule et
réelle différence entre ces règles et les règles « conceptuelles » réside dans le moyen jugé
efficace pour leur application. Autrement dit, le support choisi pour la mise en œuvre des
règles d’indépendance diffère d’une approche à l’autre. Alors que pour les partisans de
l’approche normative, les règles strictes et détaillées sont le meilleur moyen de garantir le
respect de l’obligation d’indépendance et des principes fondamentaux qui lui sont liés, pour
ceux de l’approche conceptuelle, la loi ou les règlements doivent édicter des principes
généraux et laisser leur interprétation aux organisations professionnelles et aux auditeurs.
Aux Etats-Unis, les lois sur les sociétés et sur les valeurs mobilières de la plupart des états
ne prévoient pas l’intervention obligatoire d’un auditeur externe chargé de contrôler les
comptes sociaux. Ce silence des lois étatiques est comblé à la fois, par la pratique –
notamment pour l’octroi de crédits bancaires-, et par les lois fédérales sur les valeurs
mobilières ; qui exigent des sociétés soumises à leur compétence, la vérification de leurs
comptes par un auditeur externe, l’appel à l’épargne publique rendant alors le contrôle
obligatoire.
La mission d’auditeur externe est dans ce cadre, une mission contractuelle, imposée par la
SEC - le régulateur boursier américain – aux sociétés APE.
L’audit externe ne fait pas par ailleurs, l’objet d’un monopole au profit d’une profession.
L’auditeur externe est selon les circonstances, désigné par les termes d’ « auditor », de
« public accountant », d’ « independent public accoutant », de « certified accountant » ou
enfin de « certified public accoutant ». Ce dernier titre est protégé et réservé à ceux qui sont
titulaires d’un diplôme spécifique102 et ont une certaine expérience professionnelle.
Cependant, l’exercice des fonctions d’auditeur externe est conditionné par l’obtention d’une
licence délivrée par l’Etat de résidence qui fixe, à ce titre, les conditions d’attribution. Pour sa
part, la SEC exige que celui qui audite les comptes d’une société soumise à sa
réglementation, telles que les sociétés APE, soit un « certified public accountant » ou un
« public accountant » dûment autorisé (« dully registered »).
Les usages américains ne fixent pas une durée standard pour la mission de l’auditeur
externe. Dans la pratique, elle est d’un an renouvelable à l’infini, mais l’auditeur externe peut
être révoqué à tout moment, selon les clauses du contrat qui le lie à son client.
Sa mission est une mission d’opinion -et non pas une mission de certification-, exclusive de
toutes autres missions spécifiques, telles que le respect de l’égalité des actionnaires,
convocation de l’assemblée générale,…, à l’exception de l’appréciation de l’évaluation du
contrôle interne réalisée par la direction de la société auditée103.
Sa responsabilité est essentiellement régie par les règles jurisprudentielles établies par la
common law et par les dispositions des lois fédérales réglementant les opérations sur les
valeurs mobilières.
102
Uniform CPA Examination.
103
Article (b) de la section 404 de la loi Sarbannes Oxley.
43
Qu’en est-il des règles d’indépendance ?
Il existe aux Etats-Unis plusieurs régulateurs de la question d’indépendance des auditeurs
externes et donc, autant de règles d’indépendance applicables aux auditeurs externes, selon
la nature et l’activité des sociétés auditées :
la « Securities Exchange Commission - SEC » » est chargée de la régulation des
sociétés APE et détermine de ce fait, les règles d’indépendance applicables aux auditeurs
de ces dernières
le « General Accounting Office - GAO », dont les règles sont applicables aux auditeurs
des entités gouvernementales, ou autres non gouvernementales recevant des subventions
ou aides du gouvernement fédéral.
L’« Independence standards Board – ISB »104, qui a été créé en 1998, afin de revoir
l’ensemble des règles d’indépendance en vigueur- jugées très nombreuses et disparates- et
émettre un corps de règles uniforme et homogène. Lequel corps de règles a été approuvé
par la SEC.
les règles d’indépendance de l’organisation professionnelle « American Institute of
Certified Public Accountants - AICPA », quant à elles, s’appliquent à l’ensemble de ses
membres, qui interviennent dans des missions d’attestation.
Depuis 1998, la SEC n’a cessé de rappeler à l’ordre les cabinets d’audit sur la question
d’indépendance, et ce en raison de ses graves inquiétudes devant :
- d’une part, les artifices comptables mis en œuvre par des sociétés cotées en vue
d'améliorer leurs résultats publiés au-delà de leurs performances réelles ; et
- d’autre part, les conflits d’intérêt rencontrés par les auditeurs externes dans le cadre
des rapprochements des cabinets d’audit105.
104
Dissout en juillet 2001, l'Independence Standards Board ("ISB", Etats-Unis) est un organisme privé
indépendant créé en 1997( à la suite de discussions entre l’AICPA, d'autres représentants de la profession et la
SEC), et composé en partie par des membres de la profession et des non professionnels (public members). Ses
règles d’indépendance ont été approuvées par la SEC (Section II of Financial Reporting FR Release No. 50).
105
Au terme d’une enquête menée par la SEC en 1999/2000 auprès des cabinets d’audit, le rapport a recensé
plusieurs infractions aux règles d’indépendance, notamment de la part des associés et des employés de
PWC(8000 infractions), intervenues suite à la fusion de PW et Coopers. Ainsi, 1301 associés, soit pratiquement
la moitié des 2700 associés de PWC-dont 31 des 43 plus hauts responsables de la firme- sont coupables d’avoir
détenu des actions dans les sociétés auditées.
44
Suite aux nombreux scandales qui ont frappé les Etats-Unis en 2001 et au début de l’année
2002 (avec Enron, en tête, mais aussi Adelphia, Xerox, et surtout Worldcom) et qui sont
venus aggraver la crise boursière déjà déclenchée auparavant106, fut adoptée en juillet
2002107, une loi pour pallier aux insuffisances relevées dans la législation fédérale, en
matière d’information financière et de restaurer ainsi, la confiance des investisseurs dans les
marchés financiers.
L’objet premier de ladite loi- appelée communément loi « Sarbannes Oxley Act- SOx »
ressort de son intitulé lui-même : il s’agit « améliorer la protection des investisseurs en
renforçant l’exactitude et la véracité des obligations d’information à la charge des sociétés,
en application des diverses lois relatives aux valeurs mobilières »108.
Elle constitue la plus importante réforme aux Etats-Unis, depuis la crise des années 1930 et
le « Securities Act » de 1934 qui régit encore largement le monde de la finance. Elle est
guidée par trois grands principes : l’exactitude et l’accessibilité de l’information, la
responsabilité des gestionnaires et l’indépendance des organes de contrôle et de
vérification.
Découpée en 11 chapitres, la loi traite plusieurs sujets, au rang desquels on trouve:
en matière de régulation de la profession, la création d’un comité de surveillance des
sociétés cotées « Public Company Accounting Oversight Board - PCAOB », qui est chargé
de surveiller les cabinets d’audit, d’établir les normes d’audit ; notamment les règles
d’indépendance, de mener des enquêtes et de sanctionner en cas de non respect desdites
normes et règles109.
Le système public d’inspection des cabinets d’audit, piloté par le PCAOB, met fin ainsi au
système d’autorégulation adoptée auparavant par les Etats-Unis : il vient remplacer en effet
« la revue par les pairs» ou « l’évaluation réciproque » (“peer review”) des cabinets d’audit,
supervisée par le « Public Oversight Board-POB »110, dont l’efficacité a été mise en doute.
en matière de gouvernance d’entreprise « Corporate Governance », l’institution des
comités d’audit pour superviser le processus d’audit ; notamment choisir, désigner,
rémunérer, superviser les auditeurs et autoriser les missions autres que l’audit externe111.
concernant l’indépendance des auditeurs externes, l’interdiction de certaines
prestations de service autres que l’audit112 et l’obligation de la rotation de l’associé
responsable de l’audit et l’associé en charge de la revue du dossier113, l’interdiction et la
pénalisation des actions entreprises par les dirigeants, pour contraindre les auditeurs à
émettre un avis non correct sur les états financiers ou les corrompre à cette fin114.
La SEC, dont le pouvoir de régulation et de contrôle est renforcé, a été chargée par ladite loi
de prendre les textes d’application nécessaires. Ce faisant, elle a adopté en janvier 2003, un
nouveau règlement en matière d’indépendance « Strenghtening the commission's
requirements regarding auditor independence- Release 33-8183».
Lequel règlement tend notamment, à revoir les anciennes règles relatives aux services
autres que l’audit, définir le rôle du comité d’audit concernant l’attribution des services audit
et autres que l’audit, prévoir des interdictions relatives à la prestation de missions d’audit par
l’associé responsable de l’équipe d’audit au-delà d’une période de cinq ans, interdire à
certains auditeurs externes de rejoindre une société auditée dans un délai d’un an (délai de
106
Depuis le printemps 2000.
107
Adoptée par le Congrès Américain le mercredi 23 janvier 2002 et ratifiée par le Président George W Bush le
30/07/200 (date de mise en vigueur de la loi).
108
An act to protect investors by improving the accuracy and the reliability of corporate disclosure made pursuant
to the securities laws, and for other purposes.
109
Chapitre I : PCAOB (SOx act).
110
Dissout en mars 2002, le POB était un organe émanant du secteur privé aux Etats-Unis. Il surveillait les
programmes d'auto-réglementation de la SEC Practice Section of the AICPA (SECPS) et était chargé d’examiner
les méthodes d’audit –notamment les règles d’indépendance-, afin d’émettre des recommandations.
111
Section 301: Public company audit committees (SOx act).
112
Section 201 : Services outside the scope of practice of auditors.
113
Section 203 : Audit Partner rotation.
114
Section 303 : Improper influence on conduct of audits.
45
carence ou de viduité« cooling-off period ») et prévoir certaines communications entre
l’auditeur externe et le comité d’audit de la société auditée.
Le PCAOB, en vertu des pouvoirs de régulation que lui a conférés la loi SOx, a entériné en
Avril 2003, les règles d’indépendance émises par l’AICPA et l’ISB115 relatives aux sociétés
cotées ainsi que leurs diverses interprétations, existantes à cette date. En outre, il a publié
récemment116 un projet de nouvelles règles d’indépendance.
Au terme de cette évolution, la SEC s’est doté ainsi, d’un ensemble disparate de règles
d’indépendance, que l’on peut classer comme suit :
Des normes officielles, telles que les normes de l’ISB et de l’AICPA;
Des règles fédérales, à savoir « SEC rule 2-01 of Regulation S-X » ;
Les guides et documents portant interprétation des règles susmentionnées117, et
enfin
Des documents et positions non officiels du personnel de la SEC reprenant ses
réponses aux diverses questions posées par les auditeurs.
S’ajoutent à cet ensemble, toutes les règles émises et à émettre par le PCAOB.
Dans le cadre du présent mémoire, nous nous contenterons d’étudier les règles
d’indépendence de la « Regulation S-X, Rule 2-01 of article 2 », qui intègrent les
règlements de la SEC précitées (releases 33-8183/Jan 2003 and 33-7919/Nov 2000).
115
Dissout en juillet 2001, l'Independence Standards Board ("ISB", Etats-Unis) est un organisme privé
indépendant créé en 1997 à la suite de discussions entre l’AICPA, d'autres représentants de la profession et la
SEC. Il avait pour mission d'établir des standards d'indépendance applicables aux audits des sociétés publiques,
aux fins de servir l'intérêt général et de promouvoir et protéger la confiance des investisseurs dans les marchés
de capitaux.
116
Le 13 décembre 2004 (SEC Chief Accountant Welcomes PCAOB Involvement in Independence Standards-
Setting RELEASE 2004-169,Washington, D.C., Dec. 14, 2004)
117
Regroupés dans la Section 600 of the Codification of Financial Reporting Policies ("Codification") entitled
"Matters Relating to Independent Accountants."
118
Voir la section 3.2.1.2 relative aux risques d’atteinte à l’indépendance.
46
un ensemble de règles normatives relatives à des situations et activités
particulières
Lesquelles règles interdisent un certain nombre de situations ou prestations déclarées
incompatibles avec l'indépendance de l'auditeur, et prévoit des exemptions à l’interdiction,
sous les conditions et avec les exceptions précisées dans le règlement.
Il s’agit :
9 Des relations financières, de relations de travail ou commerciales entre l'auditeur et son
client d'audit ; et
9 De la fourniture au client d'audit, par l'auditeur ou une organisation qui lui est affiliée, des
services autres que l’audit.
Le non respect des règles d’indépendance expose les auditeurs à des sanctions qui vont du
blâme à la révocation de l’agrément119. Par ailleurs, le PCAOB peut ordonner, s’il le juge
opportun, de changer d’auditeur et/ou de ré-auditer la société incriminée
Signalons par ailleurs, que l’auditeur engage désormais sa responsabilité pénale en cas de
falsification ou d’altération de documents comptables, dans le but d’entraver une enquête du
PCAOB, ou de non respect de l’obligation de rétention des documents d’audit120.
2.2 - En France
47
profession, dans la mesure où elle prévoit la présence de deux professionnels auprès de
l’entreprise ; à savoir les experts-comptables et les commissaires aux comptes, et isole les
activités des uns de celles des autres. Cette organisation a d’ailleurs un impact déterminant :
D’un côté, sur la régulation générale de l’indépendance ; puisque il existe deux
régimes juridiques différents121, et de ce fait, seul le régime applicable aux
commissaires aux comptes est étudié dans ce mémoire; et
D’un autre côté, sur la régulation des aspects d’indépendance liés aux prestations de
services autres que l’audit, que nous développerons dans la partie consacrée à ces
prestations (Partie III).
Par ailleurs, la profession de commissaire aux comptes est une profession réglementée :
l’exercice de la mission de commissariat aux comptes est subordonné en effet, à l’inscription
de l’expert-comptable auprès de la cour d’appel, par une commission constituée en majorité,
de magistrats et de personnalités extérieures à la profession.
Etant donné les évolutions récentes en matière de régulation, notamment avec l’adoption de
la loi de sécurité financière « LSF » en 2003122, un rappel historique et une analyse
comparative s’imposent.
Les mesures prises à partir de 1969, notamment le décret du 12 Août 1969 relatif à
l'organisation de la profession ; qui a érigé l'indépendance des commissaires aux comptes
au premier rang des devoirs de la profession organisée, ainsi que l’adoption du code des
devoirs professionnels en 1976, ont progressivement renforcé la précision et la force
juridique des textes législatifs, réglementaires et professionnels concernant l'indépendance
des commissaires aux comptes.
Ainsi, jusqu'à l’entrée en vigueur de la LSF, la loi de 1966 et le décret de 1969 précités ont
constitués le fondement des dispositions réglementaires et professionnelles régissant
l'indépendance des commissaires aux comptes, sans faire de distinction légale entre le
contrôle des sociétés cotées et le contrôle des sociétés non cotées.
121
L’indépendance des experts-comptables est régie par l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945
portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable
(article 22) et prévoit un régime d’incompatibilités spécifiques aux experts-comptables.
122Votée par le Parlement le 17 juillet 2003 et en vigueur à partir du 1er Août 2003.
123
L’escroquerie connue sous le nom d'"affaire Stavisky"
124
La chute grave des cours de bourse mondiaux à la suite du krach américain de 1929
48
La loi LSF qui vise à restaurer la confiance sur les marchés financiers, ébranlés par la crise
boursière née des scandales financiers américains125et européens126, s’articule autour de
trois axes :
1- la modernisation des autorités de contrôle avec la création de l’autorité des marchés
financiers « AMF »,
2 - le renforcement de la sécurité des épargnants et
3 - l’amélioration du contrôle des comptes des entreprises.
Dans le présent mémoire, nous nous intéresserons plus particulièrement au troisième axe de
ladite loi, et plus précisément aux règles relatives à l’indépendance du commissaire aux
comptes.
Au terme de l’évolution précitée, la France s’est dotée d’un ensemble de règles légales,
réglementaires et professionnelles visant la garantie et la sauvegarde de l’indépendance du
commissaire aux comptes.
Les incompatibilités sont à ce titre, des impossibilités de contrôler les comptes d’une société,
en raison d’un lien créé entre le commissaire aux comptes et la société contrôlée, et laisse
présumer de manière irréfragable, un défaut d’indépendance128. Elles se fondent sur
l’axiome ; selon lequel ces liens peuvent compromettre l’intégrité et l’impartialité du
commissaire aux comptes.
A ce titre, l’article L225-222 (nouvel article L822-3) du code de commerce relatif aux
incompatibilités générales, prévoit en plus du principe d’indépendance précité, l'interdiction
générale de certaines situations : tout emploi en tant que salarié, sauf exceptions et toute
activité commerciale directe ou indirecte. Il ne précise pas par ailleurs, la nature des activités
portant atteinte à l’indépendance.
Quant à l’article L 225-224 4°du code de commerce129, il prévoyait, au titre des
incompatibilités spéciales, l’exclusion de la mission de commissariat aux comptes, de
certaines personnes physiques et morales (sociétés de commissaires aux comptes) se
trouvant dans certaines situations ou ayant des liens déterminés avec la société auditée, ses
filiales ou sociétés liées. Il convient de préciser que ces incompatibilités ne concernaient pas
le réseau ; le texte datant de 1984 n’ayant pas prévu ce mode d’exercice de la profession.
Des interdictions étaient prévues aussi par les articles L225-225 et L225-226
(respectivement article L822-12 et L822-13) et qui concernaient des fonctions exercées au
sein de la société auditée (ou une de ses sociétés liées), avant et après l’acceptation du
mandat de commissaire aux comptes.
125
Enron, WorlCom et autres
126
l’affaire Ahold (23/02/2003)
127
Emprisonnement de 6 mois et amende de 7 500€
128
Pragraphe 7 de l’ancienne norme 11 « Indépendance » de la CNCC.
129
Abrogé par la loi LSF.
49
Nous aurons l’occasion de développer davantage ces interdictions et incompatibilités au
niveau de cette partie (Section 3.2).
Par ailleurs, le code de commerce prévoit d’autres mesures qui permettent de renforcer
l’indépendance du commissaire aux comptes. Ainsi, les commissaires aux comptes sont
nommés par l’assemblée générale, pour une période de 6 ans renouvelable, et ne
peuvent être révoqués en cours de mandat, que pour juste motif et par décision
judiciaire ; ce qui leur confère un certain pouvoir, face aux entités qu’ils contrôlent, leur
garantissant –contrairement aux auditeurs externes américains- une pérennité de fonction,
en cas de désaccord.
Dans le cas des sociétés APE astreintes à la publication de comptes consolidés, l'exercice
collégial du commissariat aux comptes (le co-commissariat aux comptes) constitue une autre
mesure de garantie et de renforcement de l’indépendance : le contrôle réciproque et la
concertation sur les points techniques délicats permettent aux co-commissaires aux comptes
de consolider leur maîtrise du dossier et leurs « défenses » face aux pressions de la
direction; leur indépendance – notamment, technique - et sa perception par les tiers s’en
trouvent renforcées et les risques de familiarité et de collusion avec la direction amoindris.
Enfin, il est important de signaler que le droit pénal est tellement développé en France, que
le commissaire aux comptes est contraint à respecter les règles d’indépendance, sinon il
engage sa responsabilité civile, mais aussi pénale ; notamment pour non-révélation des faits
délictueux au procureur de la République, confirmation d’informations mensongères ou
encore pour être complice d’une infraction…
L’acceptation, l’exercice ou la conservation des fonctions de commissaire aux comptes,
nonobstant les incompatibilités légales, constitue un délit sanctionné pénalement (art. L. 820-
6 du Code de commerce). Il s’agit également d’une faute civile, pouvant donner lieu à
l’engagement d’une action en responsabilité contre le commissaire aux comptes. Enfin, le
non respect des interdictions et incompatibilités susmentionnées expose les commissaires
aux comptes à des sanctions disciplinaires, qui peuvent aller jusqu’à la radiation.
130
Créé en 1969.
131
A la place du « code des devoirs professionnels des commissaires aux comptes » adoptés en 1976
(21/10/1976),appelé ultérieurement « code d’éthique professionnelle ».
132
Comme l'avait prévu la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques.
50
Par ailleurs, ledit code explicite les incompatibilités en matière de prestations fournies par le
commissaire aux comptes à la société auditée (article 8), ainsi que les incompatibilités
concernant les commissaires aux comptes des sociétés APE, du fait des activités exercées
par les entités du réseau (article 33). Ces incompatibilités ont été déterminées sur la base
des conclusions des groupes de travail Le Portz I (1992)133 et II (1996)134 constitués
conjointement par la CNCC et la COB.
Crée en 1999, suite à un accord cadre entre la COB et la CNCC, le CDI est un organisme
consultatif externe, formé de personnalités indépendantes, qui a pour mission de traiter
toutes les questions touchant à la déontologie et à l’indépendance des commissaires aux
comptes des sociétés APE. Il est à ce titre, responsable du suivi de la mise en œuvre des
textes professionnels relatifs à l'indépendance et à l'objectivité des commissaires aux
comptes de ces sociétés.
Par ses avis sur les situations susceptibles de compromettre l’indépendance du commissaire
aux comptes et sur les sauvegardes, il a contribué à la formation d'une "jurisprudence"
importante135 concernant essentiellement :
- les recommandations, avis et conseils qui font directement partie de la mission de
commissariat aux comptes ou susceptibles d'accompagner ladite mission ;
- les liens financiers, familiaux ou personnels incompatibles avec ladite mission ; et
- les limites des prestations des réseaux compatibles avec le commissariat aux comptes.
En plus du contrôle de qualité interne institué par les commissaires aux comptes eux-mêmes
lors de la gestion de leurs mandats, le contrôle du respect de l’indépendance est effectué à
différents niveaux, notamment :
le contrôle de qualité instauré par la CNCC auprès de ses membres (contrôle d’activité) ;
appelé « contrôles article 66 136» ou « les examens régionaux d’activité - ERA », qui est
effectué par les compagnies régionales ;
le contrôle de qualité par les pairs des commissaires aux comptes des sociétés APE
(contrôle par dossier), effectué par le Comité d’examen national d’activité « CENA »137 et
organisé en collaboration entre la CNCC et la COB, avec le cas échéant, l’intervention de
cette dernière pour revoir le processus de contrôle et donner son avis sur les conclusions
(avec le soutien notamment du CDI) ;
le contrôle qualité des sociétés exerçant leur activité dans des domaines spécifiques
dans le cadre de l’examen plurirégional d’activité « EPRA », effectué par les compagnies
régionales ; et enfin
Dans le cadre d’enquêtes menées éventuellement par la COB auprès des sociétés
contrôlées.
Par ailleurs, le non respect des règles déontologiques expose les commissaires aux comptes
à des sanctions disciplinaires, qui peuvent aller jusqu’à la radiation. Ces sanctions sont
prononcées par les chambres régionaux de discipline, composées essentiellement de non
professionnels.
133
Le Portz I 1992: garantir l’indépendance des réseaux
134
Le Portz II 1996: assurer des mandats APE fiables
135
Voir annexe 5 pour plus de détails
136
En vertu de l’article 66 du décret du 12 août 1969.
137
Ce contrôle appelé « ENA » a été institué en 1985, mais n’a été étendu au respect de la déontologie de
l’indépendance qu’en 1999. Fut introduit ainsi le contrôle dit " des procédures ", permettant l'examen des règles
de fonctionnement des cabinets et la mesure dans lesquelles ces règles assurent, notamment, la juste prise en
compte des impératifs de l'indépendance d'opinion.
51
2.2.3.1.2.4 - Les mesures complémentaires prises par la COB pour renforcer
l’indépendance des commissaires aux comptes des sociétés APE
Suite à l’affaire Enron et à la publication de la loi SOx, la COB a pris l’initiative de deux
textes, afin de mettre en œuvre les recommandations de la Commission Européenne « CE »
concernant le contrôle de qualité138 et l’indépendance des contrôleurs légaux139.
Ainsi, elle a imposé par voie de règlements :
la procédure de rotation des associés signataires des mandats de commissaires aux
comptes, à l'issue d'une période de sept ans;
la publicité des honoraires d’audit et des autres services fournis par les réseaux, dont
sont membres les commissaires aux comptes des sociétés APE140.
Dans le cadre de la modernisation du contrôle légal des comptes pour l’adapter aux
évolutions préconisées par des régulateurs régionaux141 et internationaux142 et faisant écho à
la loi SOx, la LSF du 1er août 2003 a institué un certain nombre de mesures visant
directement ou indirectement la garantie et le renforcement de l’indépendance du
commissaire aux comptes.
La loi LSF institue, auprès du Ministère de la Justice (garde des sceaux), le Haut conseil du
commissariat aux comptes « H3C » ; qui a notamment pour mission :
d’assurer la surveillance de la profession avec le concours de la CNCC ; et
de veiller au respect de la déontologie et de l’indépendance des commissaires aux
comptes143.
Il représente ainsi la décision du régulateur français de renoncer définitivement à l’auto-
régulation de la profession et de passer à une régulation partagée, conformément à
l’évolution préconisée par la CE144.
Ainsi, le H3C est en particulier chargé de :
identifier et de promouvoir les bonnes pratiques professionnelles ; et
émettre un avis sur les normes d’exercice professionnel élaborées par la CNCC avant
leur homologation, notamment le nouveau code de déontologie et la norme concernant
les prestations entrant dans les diligences directement liées à la mission de commissaire
aux comptes.
Il est chargé également d’orienter et de superviser les contrôles périodiques des
commissaires aux comptes et constitue lui-même, l’instance d’appel en matière d’inscription
et de discipline des commissaires aux comptes.
Quant à l’AMF 145, la loi LSF lui reconnaît d’une manière générale, un rôle de contrôle du
dispositif de régulation de l’information financière délivrée par les sociétés APE. En ce qui
concerne plus particulièrement le commissariat aux comptes, cette nouvelle autorité hérite
138
Recommandation du 15 novembre 2000 relative aux exigences minimales en matière de contrôle qualité
139
Recommandation du 16 mai 2002 relative à l’indépendance des contrôleurs légaux.
140
Cette exigence résulte d'un règlement de la Commission des opérations de bourse publié au Journal officiel du
20 décembre 2002
141
Notamment, les recommandations européennes susmentionnées.
142
Notamment, les rapports de l’OICV sur: « le renforcement des principes relatifs à l’audit ou à l’organisation de
la profession » et « les principes gouvernant l’indépendance des auditeurs » (10 /2002)/
143
Article 100 de la LSF
144
Communication de la CE en mai 2003 intitulée « Renforcer le contrôle légal des comptes dans l’UE ».
145
Résultat de la fusion de la COB, du Conseil des marchés financiers (CMF) et du Conseil de discipline de la
gestion financière(CDGF).
52
des attributions de la COB et dispose d'un droit d'intervention dans la nomination des
commissaires. En effet, informée des propositions de nomination ou de renouvellement des
commissaires des sociétés faisant appel public à l'épargne, l'AMF peut saisir la société de
ses observations, qui doivent être communiquées à l'assemblée générale.
De même, comme c’était le cas pour le CDI146, l’AMF peut être consultée par les
commissaires aux comptes des sociétés précitées, sur toute question rencontrée dans
l'exercice de leur mission et, susceptible d'avoir un effet sur l'information financière de la
personne qu'ils contrôlent.
L’inscription sur la liste des commissaires aux comptes n’est plus suffisante en soi pour
exercer des missions de certification. Ainsi, les commissaires aux comptes n’ayant pas
exercé pendant 3 ans, sont tenus de suivre une formation continue particulière, avant
d’accepter une mission de certification.
Concernant la désignation des commissaires aux comptes, la LSF n’a pas entendu
bouleverser le système traditionnel qui prévoit leur désignation par l’assemblée générale
ordinaire. Elle a toutefois fait un pas dans le sens d’une plus grande indépendance des
commissaires aux comptes ; en précisant que ni le directeur général, ni le directeur général
adjoint de la société, s’ils sont membres du conseil d’administration, ne participent au vote
du conseil sur le projet de résolution proposant leur désignation à l’assemblée générale147.
Par ailleurs, le mandat des commissaires aux comptes individuels ou signataires des
sociétés de commissariat aux comptes (associées en charge du dossier) est limité à 6
ans148. Rappelons que cette rotation des commissaires aux comptes signataires était
appliquée bien avant la publication de la LSF, en vertu des recommandations du code de
déontologie et d’un règlement de la COB149.
Cette rotation n’est pas obligatoire par contre, pour les sociétés de commissaires aux
comptes, dont le mandat peut être renouvelé indéfiniment comme dans le passé.
La LSF maintient les incompatibilités générales précitées150 et réaffirme les interdictions des
anciens articles L822-225 et L822-226 avec quelques modifications151, que nous aborderons
dans le détail dans le chapitre qui suit.
146
La création de ces deux organes a entraîné la disparition du CDI.
147
Article L225-228 du code de commerce.
148
Article 822-14 du code de commerce.
149
Une rotation tous les 7 ans conformément à la recommandation européenne relative à l’indépendance (mai
2002)
150
Nouvel article L225-222 [Ancien article L822-3 ].
151
Voir annexe 4
53
2.2.3.2.3.1 - La nouvelle formulation des incompatibilités et interdictions de la nouvelle
loi
L’article L225-224 étant abrogé par la LSF, le nouvel article L822-11 du code de commerce
régit dorénavant les incompatibilités spéciales.
II- Il est interdit au commissaire aux compte de fournir à la personne qui l’a chargé de certifier ses
comptes, ou aux personnes qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par celle-ci au sens des I et II du
même article, tout conseil ou tout autre prestation de services n’entrant pas dans les diligences
directement liées à la mission de commissaire aux comptes, telles qu’elles sont définies par les
normes d’exercice professionnel mentionnées au sixième alinéa de l’article L 821-1.
Lorsqu'un commissaire aux comptes est affilié à un réseau national ou international, dont les
membres ont un intérêt économique commun et qui n'a pas pour activité exclusive le contrôle légal
des comptes, il ne peut certifier les comptes d'une personne qui, en vertu d'un contrat conclu avec ce
réseau ou un membre de ce réseau, bénéficie d'une prestation de services, qui n'est pas directement
liée à la mission du commissaire aux comptes selon l'appréciation faite par le Haut Conseil du
commissariat aux comptes en application du troisième alinéa de l'article L. 821-1. »
d’un autre côté, renoncer aux règles normatives et d’asseoir les bases d’une approche
conceptuelle de la question de l’indépendance ; en énonçant en termes de principes
généraux et sans les définir:
9 les incompatibilités applicables aux commissaires aux comptes, au titre des
autres liens qui les lient à la société auditée ;et
9 les incompatibilités liées aux prestations du réseau fournies à la société auditée
par le commissaire aux comptes, membre dudit réseau, ainsi qu’à certaines
sociétés qui lui sont liées (« contrôlées » et « contrôlantes »).
Une marge d’appréciation importante est laissée de ce fait, aux autorités de régulation pour
l’interprétation et la définition des modalités pratiques d’application de ces incompatibilités.
Par ailleurs, cet article a le mérite de poser la question de la période pendant laquelle les
règles d’indépendance doivent être respectées, sans pour autant définir clairement ladite
période. A priori, cette définition pourra être apportée, à l’instar des incompatibilités
précitées, par la CNCC et le H3C.
54
2.2.3.2.3.2 - Interprétation et modalités d’application des incompatibilités et
interdictions
- le projet de norme relative aux prestations entrant dans les diligences directement
liées à la mission de commissaire aux comptes, dite « norme périmètre »
Afin d’expliciter les dispositions de l’article L822-11 du code de commerce, et notamment les
diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes, la CNCC a émis un
projet de norme, dite « norme périmètre ». Soumis à l’approbation du H3C, ladite norme a
reçu en juillet 2004, un avis défavorable.
La CNCC doit à ce titre revoir la méthodologie adoptée et le contenu de ladite norme, pour
tenir compte aussi bien, des diligences directement liées au commissariat aux comptes, que
celles entrant dans le cadre de la mission elle-même.
Ainsi, dans le cadre des développements qui suivent, nous tiendrons compte conjointement,
des dispositions du projet de nouveau code de déontologie, et chaque fois que cela semble
nécessaire, de celles de l’ancien code de déontologie et ses interprétations.
Dans le cadre de sa stratégie globale pour l’émergence d’un marché unique des services, et
consciente du rôle important que peut jouer l’auditeur externe dans la fiabilité et la crédibilité
de l’information financière, la CE a élaboré un plan d’action pour l’harmonisation du contrôle
des comptes.
Ainsi, les 4ème et 7ème directives154 prévoient respectivement que les comptes annuels et
consolidés sont contrôlés par un ou plusieurs personnes habilitées à effectuer de tels
contrôles.
152
Article 6 du projet de code de déontologie
153
Article 7 dudit projet.
154
Quatrième Directive du Conseil 78/660/EEC du 25/07/1978 relative aux comptes annuels de certains types de
sociétés. Septième Directive du Conseil 83/349/EEC du 13/06/1983 relative aux comptes consolidés.
55
La 8ième directive155 qui, de par son titre, consacre le caractère légal de la mission du contrôle
des comptes, fixe quant à elle, les conditions d’agrément des personnes chargées du
contrôle des comptes par les Etats membres. En sus des qualifications professionnelles, elle
stipule que « les Etats membres prescrivent que les personnes [physiques ou morales
chargées d’effectuer le contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés des
ensembles d’entreprises] ne peuvent effectuer un contrôle légal lorsqu’elles ne sont pas
indépendantes selon le droit de l’état membre qui l’impose »156.
Si le principe d’indépendance est clairement énoncé, aucune définition de l’indépendance
n’est par contre, avancée. Par ailleurs, liberté est laissée aux Etats membres de fixer les
règles d’application et les sanctions applicables en cas d’infraction ; ce qui a débouché sur
autant d’approches différentes que de pays membres.
Devant cette diversité dans les approches de régulation de la question de l’indépendance ;
qui ne peut qu’entraver la réalisation de son objectif d’harmonisation du statut du contrôleur
légal, la CE - et plus précisément son comité consultatif de l'audit157- a lancé durant la
décennie 1990, un large programme de concertation et de consultation avec la profession
comptable, notamment la Fédération européenne des experts comptables « FEE » et le
Groupe de contact européen des principales firmes internationales d'audit. Ce processus qui
a démarré effectivement avec la publication du « Livre vert sur le rôle, le statut et la
responsabilité du contrôleur légal des comptes » (24 Juillet 1996), a aboutit en premier
lieu, à la publication d’un document consultatif158 en décembre 2000, puis à l’adoption, le 16
mai 2002, d’une recommandation intitulée «Indépendance du contrôleur légal des
comptes dans l'UE: principes fondamentaux ». Il convient de noter que le choix de ce
support ; à savoir une recommandation au lieu d’une directive, s’inscrit dans le cadre d’une
autorégulation fortement souhaitée par la profession comptable et jugée par les régulateurs,
comme étant le moyen le plus efficace, pour favoriser l’émergence d’un corps de règles
d’indépendance européen. Ce faisant, la CE, se réserve le droit d’imposer une législation
plus contraignante (par une directive notamment), si elle estime cela nécessaire pour réaliser
l’objectif susmentionné159.
155
Huitième Directive du Conseil 84/253/CEE du 10 avril 1984 concernant l'agrément des personnes chargées du
contrôle légal des documents comptables
156
Article 24.
157
Constitué de délégations nationales des régulateurs et professionnels.
158
A Consultative Paper on Statutory Auditor’s Independence in the EU: A Set of Fundamental Principles,
12/2000.
159
Notamment, suite à l’enquête qu’elle est censée mener après trois ans, cad en 2005, sur l’efficacité de cette
recommandation.
56
2.3.2.2 - Comment est présentée l’approche conceptuelle dans le cadre de la
recommandation européenne relative à l’indépendance (mai 2002)
une première partie « A- Cadre général », dans laquelle la CE expose les concepts et
principes de base de son approche.
Ainsi, elle énonce dans un premier temps, l’obligation pour le contrôleur légal d’agir et d’être
perçu comme agissant de manière indépendante, afin de démontrer son objectivité et son
intégrité.
Elle avance par la suite, le test d’indépendance par référence au jugement, que peut
effectuer un tiers raisonnable et informé, sur les procédures et les actions entreprises par un
contrôleur légal des comptes, pour éviter ou pour remédier aux faits et circonstances, qui
constituent une menace pour son objectivité160.
Enfin, elle identifie les principes sur lesquels repose l’approche conceptuelle, à savoir :
9 l’identification des personnes soumises aux règles d’indépendance et des personnes
responsables de leur application ;
9 l’identification des menaces pour l’indépendance du contrôleur légal des comptes ;
9 l’évaluation du risque d’atteinte à l’indépendance, en tenant compte le cas échéant, des
mesures de sauvegarde établies pour annuler ou réduire ledit risque (mesures de
sauvegarde internes à l’entité contrôlée - Paragraphe A 4.1-, le contrôle qualité -
Paragraphe A 4.2- et les mesures de sauvegarde générales - Paragraphe A 4.3 -) ; et
9 la mise en place de mesures de sauvegarde complémentaires (interdiction, obligations
d’information et autres mesures).
Une deuxième partie « B- Circonstances particulières », est consacrée à l’application
de l’approche conceptuelle, à certaines situations, relations et activités, susceptibles de
compromettre l’indépendance du contrôleur légal.
Des commentaires sont fournis en annexe, afin de faciliter l'interprétation des dispositions de
ces deux parties. L’analyse par les risques et les mesures de sauvegarde est, à ce titre,
explicitée.
Ainsi, le contrôleur légal est tenu de porter sur toute situation ou prestation susceptible de
porter atteinte à son indépendance ou à l'apparence de son indépendance, deux séries de
jugements :
9 Un premier jugement sur ladite situation ou prestation et son impact sur son
indépendance, en se basant notamment, sur la grille d’analyse technique qui identifie les
principales menaces pour l’indépendance du contrôleur légal ; et
9 Un second jugement sur les mesures de sauvegarde qui pourraient réduire le risque à un
niveau acceptable.
Il faut rappeler à ce titre, que la recommandation a été publiée après la faillite retentissante
d’Enron, et qu’elle a de ce fait, tenu compte dans l’élaboration des règles d’indépendance
des questions clés d'indépendance soulevées par ladite faillite161, sans pour autant remettre
en cause son approche générale ; adoptée auparavant, dans le cadre du document
consultatif162.
160
Article 1-3) de la recommandation européenne.
161
A savoir, la fourniture de services autres que l’audit par le contrôleur et le fait qu'il soit employé par son client.
162
Le document consultatif date d’avant la faillite d’Enron.
57
Suite aux scandales qui ont ébranlé récemment des sociétés européennes (Parmalat et
Ahold, notamment), et en réponse aux dispositions de la loi SOx concernant l’inscription des
cabinets d’audit européens auprès du PCAOB, la CE a continué son processus de
concertation et de consultation sur les mesures supplémentaires devant être prises, pour
améliorer la qualité des audits et la prévention des conflits d’intérêts.
Des propositions de plan d’actions163 ont été émises sur ce sujet, mais aussi sur la nécessité
de moderniser le droit des sociétés et la gouvernance d’entreprises164.
Depuis mars 2004, une proposition d’une nouvelle directive pour combattre la fraude et les
irrégularités165 est soumise au conseil des ministres de l’UE et au parlement européen. Cette
directive ne remet pas en cause les règles d’indépendance de la recommandation
susmentionnée, elle prévoit surtout des mesures complémentaires ; pour aider les
contrôleurs légaux à résister aux pressions inappropriées des gestionnaires, notamment par
l’institution des comités d’audit, l’institution et le renforcement du contrôle public de la
profession. Elle donne en outre, aux dispositions de la recommandation relative au contrôle
qualité166 un caractère juridique plus contraignant.
L’IFAC qui est une fédération groupant au niveau mondial les organisations représentant les
professionnels comptables, a pour mission générale de représenter la profession sur le plan
international, de jouer un rôle actif dans les réflexions sur les thèmes d’actualité et les
préoccupations de celle-ci et enfin, de promouvoir le développement de la profession.
Consciente de l’importance de l’éthique pour l’intérêt général assigné à la profession, elle a
publié en juillet 1996 un code éthique dont la vocation est de servir de fondements aux
règles éthiques nationales des pays membres.
Dans son code, l’IFAC distingue les principes d’intégrité et d’objectivité qui s’appliquent à
l’ensemble des professionnels et l’obligation d’indépendance, qui est spécifique aux
professionnels libéraux.
58
2.4.2 - La révision des règles d’indépendance du code d’éthique
En effet, l’IFAC, largement inspirée par les travaux de la FEE169, a opté pour une approche
conceptuelle et renonce de ce fait, à ses anciennes règles établies selon une approche
prescriptive et normative. Laquelle approche conceptuelle est, sur le plan du fond, similaire à
celle adoptée par la CE dans sa recommandation de mai 2002. Elle repose également sur
un cadre conceptuel qui :
permet l’application des principes généraux, tels que l’objectivité et l’intégrité ;
fait appel à des concepts tels que l’indépendance d’esprit et l’indépendance en
apparence ; et
tient compte des menaces à l’indépendance ainsi que des mesures de sauvegarde.
Sur le plan de la forme, les menaces générales sont d’abord énoncées et explicitées et ce,
afin de permettre et de faciliter l’analyse des situations et leur impact sur l’indépendance
(paragraphes 8.28 à 8.33). Ensuite, les mesures de sauvegarde sont analysées
(paragraphes 8.34 à 8.47). Enfin, sont fournis à titre non exhaustif, des exemples illustrant
les modalités d’application de l’approche conceptuelle, à des circonstances et des relations
professionnelles spécifiques (paragraphes 8.100à 8.211).
Dans le cadre de cette approche, les cabinets d’audit sont tenus ainsi, d’un côté d’identifier
et d’évaluer les risques d’atteinte à l’indépendance, que comportent certaines relations et
activités, et d’un autre côté, de mettre en place les mesures de sauvegarde susceptibles de
les éliminer ou de les réduire à un niveau acceptable (Paragraphes 8.11 et 8.12). Dans le
cas où ces mesures de sauvegarde ne permettent pas de réduire ce ou ces risques, ces
cabinets sont tenus de :
soit refuser les activités ou renoncer aux relations qui porteraient atteinte à leur
indépendance,
soit renoncer à la mission d’audit externe (Paragraphe 8.20).
Ainsi présentée, l’approche de régulation adoptée par l’IFAC concorde bel et bien avec celle
de la CE. Cependant, il n’en demeure pas moins que sa formulation dans un cadre plus
large ; qu’est celui de l’éthique professionnel, lui accorde certaines particularités :
les règles d’indépendance sont prévues non seulement dans le cadre d’un audit externe,
mais aussi dans le cadre des autres missions d’expression d’opinion « Assurance
engagements ». La nature et la portée de ces missions sont déterminantes pour
l’identification des personnes couvertes par les règles d’indépendance et sur l’évaluation des
risques et des mesures de sauvegarde. Notons qu’à ce titre, seules les règles liées aux
missions d’audit seront étudiées dans ce mémoire.
l’approche de l’IFAC souligne plus clairement l’importance de l’intérêt public en tant que
principe fondamental du cadre conceptuel (paragraphe 8.11), ainsi que son impact sur
l’évaluation des risques et mesures de sauvegarde (paragraphe 8.23). L’intérêt public
59
associé aux sociétés cotées justifie de ce fait, des dispositions spécifiques, notamment en
matière de personnes soumises aux règles d’indépendance. La démarche de la
recommandation européenne, est par contre, à ce niveau là, plus globale, puisqu’elle traite
d’une manière générale des entités d’intérêt public , y compris les sociétés cotées, et prévoit
des exigences supplémentaires dans le cas d’un contrôle légal de ces entités.
2.5 - Au Maroc
Dans la mesure où sous l’égide de l’ancienne loi régissant le commissariat aux comptes des
sociétés en commandite par actions et des sociétés anonymes173, le « commissaire » était
investi d’une simple fonction de surveillance, dont les contours174 n’étaient point précisés,
nous ne pouvons nous étonner de l’absence de toute disposition concernant son
indépendance, ni d’ailleurs ses compétences. Ainsi, le commissaire pouvait être choisi
librement par l’assemblée générale, notamment, parmi les actionnaires, les membres de leur
famille, ou leurs amis….
Le commissaire des sociétés d’investissement, par contre, devait remplir un certain nombre
de conditions, qui garantissait son indépendance. En effet, le décret royal portant loi n°195-
66 du 22 octobre 1966, en édictant dans son article 13 les conditions pour la désignation du
commissaire des sociétés d’investissement (notamment être choisi parmi les experts agréés
170
La section 8 relative à l’indépendance devient la section 290.
171
IAASB, « International framework for assurance engagements »
172
“Quality Control for Firms that Perform Audits and Reviews of Historical Financial Information, and Other
Assurance Related Services Engagements” (ISQC1), mars 2004.
173
la loi annexée au dahir du 11 août 1922 relative aux sociétés en commandite par actions et aux sociétés
anonymes.
174
Notamment, la finalité de la mission, diligences minima nécessaires, type de rapport
60
prés des tribunaux), a prévu pour la 1ère fois dans l’histoire de la législation marocaine sur les
sociétés, un certain nombre d’incompatibilités ; à savoir :
- ne pas être administrateur de la société, ni son conjoint ;
- ni parent, ni alliée jusqu’au 5ème degré inclusivement des administrateurs ou des directeurs ;
- ni recevoir, ni lui ni son conjoint, une rémunération des administrateurs de la société ou de
leur conjoint.
Cependant, la sanction prévue en cas de non respect de ces prescriptions était tellement
faible175, qu’elle vidait l’article 13 de son sens et retirait de ce fait, toute force contraignante à
ces incompatibilités, et donc à l’obligation d’indépendance du commissaire.
- tout emploi salarié, sauf les cas prévus expressément par ladite loi177 ;
- tout acte de commerce ou d’intermédiaire, autre que ceux qui sont directement liés à
l’exercice de la profession ;
- tout mandat de dirigeant de société à objet commercial ; et
- tout mandat commercial.
La loi 17-95 relative aux sociétés anonymes, qui confère au commissaire aux comptes une
nouvelle mission de certification au profit de l’intérêt public, institue par ailleurs, un nouveau
système d’incompatibilités et interdictions, assorti de sanctions civiles et pénales, qui vise la
garantie de l’application de ce principe d’indépendance. En outre, plusieurs autres
dispositions de ladite loi concourent indirectement à renforcer ce système de garantie de
l’indépendance.
Par ailleurs, le manuel des normes relatives à l’audit légal et contractuel, élaboré par le
conseil de l’Ordre des Experts-Comptables « OEC », a réaffirmé l’obligation d’indépendance
des commissaires aux comptes178, au même titre que les autres règles de comportement (la
compétence et le secret professionnel) et a essayé d’éclaircir, dans le cadre des
commentaires de la norme d’indépendance, quelques questions liées à l’application de cette
obligation.
175
Une peine allant de 100 à 500 dirhams.
176
Article 16 de ladite loi.
177
Les experts comptables salariés ne peuvent exercer leur profession qu’en vertu d’un contrat les liant à un
expert comptable indépendant ou à une société d’experts comptables ; lequel contrat doit respecter
l’indépendance professionnelle de l’expert comptable salarié.
178
Norme 12: Indépendance.
179
Tenu à Marrakech en 1997
180
Tenu à Fès en 1999
61
2.5.2 - Le dispositif légal de garantie et de sauvegarde de l’indépendance
Afin d’éviter tout doute et toute suspicion sur leur indépendance, les commissaires aux
comptes sont soumis à des règles d’incompatibilité, basées sur l’axiome selon lequel leur
dépendance économique, financière ou personnelle envers certaines personnes peut
compromettre leur objectivité et leur intégrité.
Ainsi, l’article 161 de la loi 17-95 stipule que « Ne peuvent être désignés comme
commissaires aux comptes :
1) les fondateurs, apporteurs en nature, bénéficiaires d’avantages particuliers ainsi que les
administrateurs, les membres du conseil de surveillance ou du directoire de la société ou
de l’une de ses filiales ;
2) les conjoints, parents et alliés jusqu’au 2ème degré inclusivement des personnes visées au
paragraphe précédent ;
3) ceux qui reçoivent des personnes visées au paragraphe 1 ci-dessus, de la société ou de
ses filiales, une rémunération quelconque à raison de fonctions susceptibles de porter
atteinte à leur indépendance ;
4) les sociétés d’experts-comptables dont l’un des associés se trouve dans l’une des
situations prévues aux paragraphes précédents ».
Il convient de signaler que ces incompatibilités s’appliquent non seulement aux sociétés
anonymes régies par ladite loi, mais aussi aux autres sociétés dont les comptes sont
contrôlés par un commissaire aux comptes ( SARL et SNC,notamment).
Remarquons par ailleurs, que le commissaire aux comptes d’une OPCVM, est, en vertu de la
circulaire n° 03/01181, tenu de respecter des règles d’incompatibilités, qui sont différentes de
celles applicables aux sociétés anonymes. En effet, l’article 3 a) de cette circulaire précise
que pour assurer son indépendance, le commissaire aux comptes ne doit pas, entre autres,
percevoir de l’OPCVM aucune rémunération quelconque pour une activité autre que celle du
commissariat aux comptes.
Cette rédaction s’inspire ainsi du principe fondamental d’indépendance de la loi française ;
qui interdit au commissaire aux comptes tout autre activité au bénéfice de la société auditée
et par là, affirme le caractère exclusif de la mission du commissariat aux comptes des ces
sociétés.
Cependant, contrairement à l’ancien article L225-224 4 du code de commerce, cette
formulation semble limiter cette interdiction aux rémunérations versées par l’OPCVM
seulement. Une interprétation à la lettre de cette disposition pourrait nous conduire à prévoir
la possibilité pour le commissaire aux comptes de recevoir une telle rémunération des autres
personnes physiques ou morales liées à l’OPCVM, telles que les administrateurs, leurs
membres de famille ou une entité liée.
De même, la circulaire 03/01 élargit le champ des incompatibilités en raison des liens
familiaux; en précisant que le commissaire aux comptes ne peut avoir, « aucun lien de
parenté avec les conjoints, parents et alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement » des
fondateurs, apporteurs en nature et administrateurs de la SICAV ou de l’établissement de
gestion du FCP.
Cette régulation plus restrictive de la question de l’indépendance du commissaire aux
comptes des OPCVM est certainement motivée, par l’important intérêt public associé à ce
genre d’entités.
181
Circulaire relative au commissariat aux comptes des organismes de placement collectif en valeurs mobilières
62
2.5.2.1.2 - Les sanctions liées aux incompatibilités
Le commissaire aux comptes qui se trouve en cours de son mandat dans une situation
d’incompatibilité, doit d’ailleurs cesser immédiatement ses fonctions et informer le conseil
d’administration, et le cas échéant le conseil de surveillance182. A défaut, il pourra être relevé
de ces fonctions par le président du tribunal statuant en référé, du fait qu’il y a empêchement
au sens de l’article 179 de ladite loi ; et même une faute de sa part s’il laisse se prolonger
une situation irrégulière.
Par ailleurs, sont frappées de nullité, les délibérations des assemblées générales183 prises
sur la base du rapport du ou des commissaires aux comptes nommés ou demeurés en
fonction contrairement aux incompatibilités susmentionnées (Art 178 de la loi 17/95).
L’action en nullité n’est éteinte que si, ces délibérations sont expressément confirmées par
une assemblée générale, sur le rapport d’un ou des commissaires aux comptes
régulièrement désignés.
Enfin, les commissaires aux comptes qui ont délibérément accepté, exercé ou conservé
leurs fonctions, nonobstant les incompatibilités légales, s’exposent quant à eux, aux peines
suivantes :
Une amende de 8 000 à 40 000 dirhams ; et/ou
Un emprisonnement de un à six mois184.
Ils s’exposent également en vertu de l’article 66 de la loi 15-89, à des sanctions
disciplinaires, qui peuvent aller de l’avertissement à la radiation du tableau de l’ordre des
experts-comptables.
182
Au plus tard 15 jours après la survenance de cette incompatibilité et non pas de la date de sa connaissance
des faits.
183
L’article 178 ne précise pas la nature de ces délibérations (délibérations de l’assemblée générale ou du
conseil d’administration), mais la mention par la suite de la possibilité de couvrir l’action en nullité par une
délibération de l’assemblée générale sur le rapport du ou des commissaires aux comptes régulièrement
désignés, semble confirmer qu’il s’agit bien de ce genre de délibérations.
184
En vertu de l’article 404 de la loi 17/95 et article 104 de la loi n°5-96 sur la SNC, la SCS, la SCA, la SARL et la
société en participation.
185
Sociétés détenant 10% ou plus du capital de la société
63
fonctions de dirigeant ou d’administrateur dans la société auditée ou une société qui lui est
liée, une fois son mandat expiré. Elle ne prévoit pas cependant, le cas où cette offre
concerne un emploi salarié ou les fonctions d’un membre du conseil de surveillance.
Les articles 178 et 404 de la loi 17-95 relatifs respectivement à la nullité des délibérations et
à la responsabilité pénale des commissaires aux comptes, ne semblent pas viser
expressément les interdictions de l’article 162 de ladite loi. Alors que l’article 383 de la même
loi, prévoit des sanctions pénales pour le commissaire aux apports qui enfreint non
seulement les incompatibilités, mais aussi les interdictions légales.
Par ailleurs, la récusation et le relèvement du commissaire aux comptes sont toujours
possibles, dans la mesure où on se réfère à des notions qui sont sujettes à interprétation,
telles que les justes motifs, l’empêchement ou la faute.
Les sanctions disciplinaires sont aussi envisageables, puisqu’il est question, aux termes de
l’article 66 de la loi 15-89, de non respect des règles légales (interdictions) et violation des
normes et règlements professionnels (indépendance).
- Commentaire
En somme, toutes ces dispositions concernant la nomination du commissaire aux comptes
doivent en principe garantir son indépendance des dirigeants de la société, dont les comptes
sont contrôlés.
186
Soit en personne, soit par mandataire justifiant d’un pouvoir spécial
64
2.5.2.2.2 - Durée du mandat : la stabilité de fonction, facteur d'indépendance
- Commentaire
Toutes ces mesures qui assurent la pérennité et la stabilité du mandat, tendent à éviter qu’il
soit sanctionné- à travers sa révocation ou le non renouvellement de son mandat- pour les
positions qu’il aura été amené à prendre au cours de son mandat (certification avec
réserves, détection d’irrégularités ou fraudes), et constituent de ce fait, un important outil de
renforcement de l’indépendance des commissaires aux comptes, vis-à-vis des actionnaires
majoritaires et des administrateurs nommés par ces derniers.
Alors que sous l’égide de l’ancienne loi régissant les sociétés anonymes189, le commissaire
aux comptes n’avait droit à la communication des livres et l’examen des opérations de la
société vérifiée que pendant le trimestre précédant la date de l’assemblée générale annuelle,
la loi 17-95 reconnaît aux commissaires aux comptes, le droit d’intervenir tout au long de
l’exercice social, pour procéder aux investigations nécessaires à l’accomplissement de la
mission, non seulement dans la société dont les comptes sont certifiés, mais aussi dans ses
filiales et sociétés mères (article 166 et 167). Toute contravention à ses nouveaux droits à
l’information et à la communication est dorénavant lourdement sanctionnée190.
- Commentaire
La formulation adoptée par l’article 32 de la loi de 1922 –identique à celle de la loi française
du 23 mai 1863 art 15-(« …chargés de faire un rapport à l’assemblée générale de l’année
suivante sur la situation de la société, sur le bilan et sur les comptes présentés par les
187
L’article 163 de la loi 17-95
188
L’article 170 précise bien qu’il faut qu’il y ait faute ou empêchement.
189
Loi de 1922
190
Traité dans la première partie, pour rappel, emprisonnement de 1 à 6 mois et une amende de 6 000 à 30 000
dhs (article 406).
191
Notion utilisée dans la section 1.2 de la partie I
65
administrateurs… »), avait prolongé pendant plusieurs années l’ambiguïté associée à la
nature de la mission du commissaire aux comptes, quant à l’obligation de donner son avis
sur la gestion192 , et sur la possibilité pour ce dernier d’intervenir dans la gestion.
En France, la jurisprudence interpréta pendant longtemps d’une manière restrictive
l’imprécision de la loi et ce, jusqu’à l’avènement du décret-loi du 8 août 1935 qui a posé le
principe de l’interdiction de l’immixtion.
Au Maroc, c’est la loi 17-95 193qui a tranché en faveur d’une interdiction de l’immixtion dans la
gestion et ce, pour confirmer la séparation entre d’un côté, les fonctions et donc les
responsabilités des dirigeants et, d’un autre côté, celles du commissaire aux comptes et
supprimer de ce fait, toute confusion sur la nature de l’intervention de ce dernier.
Cette obligation de non-immixtion permet par la même occasion, de consacrer le principe
d’indépendance du commissaire aux comptes par rapport aux dirigeants: ce dernier ne doit
non seulement pas donner son avis sur la gestion, mais aussi ne pas y participer.
Cependant, si le principe de non-immixtion est posé d’une manière claire par la loi, il n’en
demeure pas moins que d’un côté, le concept d’immixtion dans la gestion reste imprécis et
d’un autre côté, la loi prévoit explicitement ou implicitement des dérogations qui en limitent la
portée.
En effet, le commissaire aux comptes est tenu de porter un jugement sur certaines
opérations, actes ou faits, et d’en apprécier les motifs, le contenu, les résultats, en fonction
de qualifications, de critères que la loi a précisés au préalable. Il s’agit entre autres :
Du caractère délictueux de certains faits;
Du caractère normal de certaines conventions ; et
De faits susceptibles de mettre en cause la continuité de l’exploitation et les mesures
propres à y remédier.
D’autre part, d’un point de vue strictement technique, il est tenu pour réaliser sa mission de
certification, d’adopter une démarche d’audit des comptes ; telle que reconnue par la
profession sur le plan international , et donc apprécier le système de contrôle interne, afin
d’identifier :
D’une part, les contrôles internes sur lesquels il peut s’appuyer pour limiter l’étendue de
ces contrôles; et
D’autre part, les erreurs et irrégularités pouvant se produire.
-Concernant le concept
192
On ne savait pas au juste si le rapport sur la situation comprenait ou non une appréciation de la gestion des
administrateurs
193
Article 166.
194
Manuel des normes- audit légal et contractuel.
66
De même, si il est clair que le commissaire aux comptes ne constitue pas un organe de
contrôle de la gestion des dirigeants ou du directoire, rôle dévolu respectivement au
conseil d’administration et au conseil de surveillance et ne doit donc apprécier les
opérations sociales qu’à travers leurs écritures, doit-il pour autant se limiter à juger de la
régularité et la sincérité des états de synthèses et des comptes ou étendre son
appréciation à l’opportunité des choix des méthodes et principes comptables ?.
Le manuel des normes d’audit qui s’applique non seulement aux auditeurs légaux – cad les
commissaires aux comptes, pour reprendre l’appellation légale- mais aussi, les auditeurs
contractuels, consacre sa première partie aux normes relatives au comportement
professionnel, et notamment l’indépendance. C’est dire l’importance de ces règles de
conduite dans le cadre de l’exercice de la mission d’audit.
Si on peut reprocher à ladite norme l’absence d’éclairages sur l’aspect multidimensionnel de
la notion d’indépendance tel que présenté dans la première partie, elle a le mérite
cependant, d’introduire l’obligation de l’apparence d’indépendance, au même titre que
l’indépendance d’esprit.
195
Article 159 de la loi 17-95.
67
Ainsi, elle précise que le commissaire aux comptes « doit non seulement conserver une
attitude d’esprit indépendante lui permettant d’effectuer sa mission avec intégrité et
objectivité, mais aussi être libre de tout réel qui pourrait être interprété comme constituant
une entrave à cette intégrité et objectivité » et ajoute dans le cadre de ses commentaires,
que « Au-delà des incompatibilités et interdictions légales qui constituent des présomptions
irréfragables de dépendance, l’indépendance du commissaire aux comptes s’apprécie à la
fois par rapport à un comportement et à un état d’esprit ; la mise en cause de l’indépendance
d’un commissaire aux comptes ne peut, de ce fait être systématique.
Cependant, le commissaire aux comptes ne peut se trouver dans une position susceptible :
• Soit d’altérer sa liberté de jugement qui doit rester pleine et entière,
• Soit de faire obstacle à l’accomplissement de sa mission,
• Soit d’être perçue comme compromettant son objectivité ou son intégrité. »
La norme ainsi que sa directive peut dans une certaine mesure, être considérée comme
étant une circulaire d’interprétation et d’application des règles d’incompatibilités de la loi 17-
95.
En effet, ces dernières sont énoncées en des termes généraux ; qui laissent notamment, une
marge d’appréciation assez importante aux professionnels (les commissaires aux comptes,
mais aussi les instances disciplinaires ordinales), mais aussi aux juges éventuellement saisis
pour des affaires d’infractions auxdites règles. La norme avec ses 5 articles et sa directive
d’application se fixe de ce fait, pour objectif « de clarifier certaines règles et d’arrêter des
solutions pour mieux garantir l’indépendance du commissaire aux comptes ».
Elle traite à ce titre, les principales questions liées aux incompatibilités et d’une manière
générale, à l’indépendance du commissaire aux comptes, et qui sont d’actualité depuis la
faillite d’Enron ; à savoir, les prestations de services autres que l’audit fournies par le
commissaire aux comptes à la société auditée et à des entités qui lui sont liées, ainsi que
celles fournies par les entités du réseau.
Nous aurons l’occasion dans les sections qui suivent de revoir dans les détails, les
principales dispositions de cette norme et sa directive d’application.
Cependant, nous tenons à souligner dans cette section, les principaux apports de ces
nouvelles règles d’indépendance, que nous résumons comme suit :
la définition de l’indépendance par renvoi aux principes d’objectivité et intégrité ;
la réaffirmation des deux aspects de l’indépendance, à savoir l’indépendance d’esprit
et l’apparence d’indépendance ;
l’introduction de l’approche par les principes ;
l’élargissement des personnes soumises auxdites règles ;
la définition de la notion du réseau (dans le cadre de la présentation de la norme et
non pas dans un article de la norme) et du groupe (dans le cadre de la directive) ;
68
l’introduction du test de perception de dépendance du commissaire aux comptes par
un tiers raisonnable et informé.
Par ailleurs, signalons que la directive d’application expose les principales situations
d’application des principes d’indépendance dans le cadre de deux paragraphes distincts, à
savoir :
dans un premier paragraphe intitulé « Conseils et prestations autres que l’audit », qui
regroupe –comme l’indique son titre- quelques cas particuliers de prestations de services
autres que l’audit (conseils, avis et recommandations, tenue de la comptabilité et
établissement des états financiers, conception et mise ne œuvre de systèmes
technologiques d’information financière et enfin ingénierie financière)
dans un second paragraphe intitulé « Situations particulières », qui traite
successivement les liens financiers excessifs, l’intérêt financier, les relations d’affaires et
l’occupation d’un emploi chez le client.
Nous relevons cependant qu’elle ne précise pas clairement la manière dont l’approche par
les principes s’applique à ces situations, et notamment l’analyse par les risques et mesures
de sauvegarde.
Lequel code regroupe l’ensemble des règles professionnelles applicables à tous les
professionnels, quel que soit leur mode d’exercice (exercice indépendant de la profession ou
dans le cadre d’une société).
Ainsi, après une partie consacrée aux dispositions générales (Titre I) qui expose entre autres
les qualités essentielles de l’expert- comptable, le code aborde successivement les points
suivants :
Les devoirs particuliers qui s’imposent aux membres de l’Ordre ; dans l’exercice de la
profession, dans leurs rapports avec la clientèle, avec leurs confrères, avec l’Ordre,
entre maîtres de stage et stagiaires et avec les administrations, ainsi que la publicité
personnelle (Titre II) ;
Les devoirs propres aux sociétés reconnues par l’Ordre (Titre III) ;
La responsabilité propre des membres de l’Ordre (Titre IV) ; et
Autres dispositions diverses ; concernant notamment, les associations
professionnelles et les sanctions (Titre V).
Le code ne consacre pas une section distincte pour les règles de l’indépendance des
professionnels comptables. Ce faisant, plusieurs articles du premier et second titre évoquent
l’obligation de l’indépendance et ses manifestations dans le cadre de l’exercice de la
profession.
En vertu de l’article premier, l’indépendance d’esprit est considérée, comme une des qualités
essentielles de l’expert-comptable, qui doit selon les termes de l’article second:
69
donner son avis sans égard au désir de celui qui le consulte et de se prononcer avec
sincérité ; et
ne pas se placer dans une situation qui puisse diminuer son libre arbitre ou faire obstacle
à l’accomplissement de son devoir (article 2).
Les conditions d’application de cette qualité sont commentées ensuite, notamment dans le
cadre de la partie réservée aux rapports du professionnel avec sa clientèle. Le code
mentionne ainsi, un certain nombre de situations que le professionnel doit éviter, pour ne pas
compromettre son indépendance, notamment :
la dépendance par rapport à un seul client, un seul groupe financier ou communauté
d’intérêt (article 26) ;
les situations qui le mettent dans un état de subordination (article 6) ;
la dépendance de la société d’expertise comptable par rapport à un actionnaire
(article 17) ; et
l’intervention dans le cadre de litiges dans lesquels un client est impliqué (articles 20).
Nous allons examiner dans cette section le champ d’application des règles d’indépendance;
à savoir :
les personnes soumises à ces règles –dites personnes couvertes- ;
la période pendant laquelle ces règles sont applicables ;
les entités dont les personnes couvertes doivent être indépendantes ; et enfin
les situations pouvant remettre en cause l’indépendance des auditeurs externes.
L’éventail des personnes soumises aux règles d’indépendance varie d’une approche à une
autre et d’un régulateur à un autre, et quelquefois pour un même régulateur d’une situation
porteuse de risque d’atteinte à l’indépendance, à une autre.
D’une manière synoptique, il se présente ainsi :
NB :
-Dans certaines relations ou situations compromettantes pour l’indépendance de
l’auditeur externe197, toutes les personnes proches de la famille (i.e. les membres de
la famille directe ainsi que, les parents198, les enfants non dépendants ainsi que les
enfants de la mère ou du père).
Synthèse de la section définitions du SEC Regulation S-X rule 2-01 of article 2
196
Y compris les enfants adoptés et beaux-fils et belles-filles
197
Exemple, quand ces personnes exercent un « accounting role or financial reporting oversight role » dans la
société cliente, ou détiennent plus de 5% du capital du client ou a le contrôle de ce dernier.
198
Parents biologiques, adoptifs ou beau-père et belle-mère.
70
Selon le code de commerce, il s’agit principalement :
Le cabinet “firm” ;
L’équipe d’audit “assurance team” ; et
IFAC
Le réseau
Synthèse de la section définitions f (7),(8) et (11°du SEC Regulation S-X rule 2-01 of
article 2
Les personnes soumises aux règles varient en fonction de la nature des liens (liens
personnels, liens financiers, liens professionnels, les prestations de services autres
que l’audit)
D’une manière générale, il s’agit essentiellement :
des membres de l’équipe de contrôle légal, y compris les personnes ayant un
rôle de consultation ou d’expertise sur les travaux de contrôle légal ;
des membres de la direction de la société de commissaires aux comptes ;
France
autrement dit toute personne ayant une influence sur l’opinion exprimée, ou qui
dispose d’un pouvoir décisionnel concernant la gestion, la rémunération, la promotion
ou la supervision des membres de l’équipe d’audit ;
des associés du bureau auquel appartient le signataire (personnes non prévues
pour les liens professionnels),
tout associé de cette société ayant une influence sur l’opinion émise par le
commissaire aux comptes à l'égard de la personne dont les comptes sont certifiés
(non prévu pour les liens personnels).
71
Le conjoint du commissaire aux comptes, la personne qui lui est liée par un pacte
civil de solidarité, son concubin ainsi que toute personne fiscalement à sa charge
(dans le cas des liens financiers seulement)
France Tout collaborateur de la société de commissaires aux comptes amené à
intervenir de manière significative auprès de la personne dont les comptes sont
certifiés (dans le cas des liens financiers seulement)
Projet de code de déontologie articles 27 à 30
mission ;
9 Ceux qui fournissent des consultations techniques ou effectuent le contrôle
qualité ; et
9 Ceux qui encadrent les associés participant à la mission.
Extrait de la section définitions du code d’éthique
Les personnes qui sont en mesure d’influencer les résultats du contrôle :
toutes les personnes directement impliquées dans le contrôle légal ou contractuel
(les associés responsables du travail d’audit, l’équipe chargée de la mission ou les
MAROC
Avant de commenter ces tableaux, il est important de définir certaines notions, telles que la
chaîne des responsabilités, le bureau et le réseau.
• La chaîne des responsabilités « chain of command »
Alors que la norme marocaine « incompatibilité et indépendance » ne fournit aucune
précision sur cette notion, les règles de la SEC comme celles de la CE, la définissent de
manière assez similaire. Cette notion regroupe ainsi toutes les personnes200 qui :
9 supervisent l’audit ou exercent une responsabilité directe en tant que dirigeants
du cabinet d’audit ;
9 évaluent les performances ou émettent un avis sur les rémunérations de l’associé
responsable de l’audit ;
9 effectuent un contrôle qualité ou tout autre type de surveillance sur l’audit
199
A savoir toutes les personnes qui sont directement impliquées dans le contrôle légal
200
Partners, associés et dirigeants
72
Pour le projet de code de déontologie français, toutes ces personnes font partie de la
direction d’une société de commissaire aux comptes (article 27).
• Le bureau ou « office »
Selon la SEC et l’IFAC201, le bureau correspond à un sous-groupe organisé
géographiquement ou par activité202.
Pour le projet de code de déontologie français (article 28-1) ainsi que pour la CE203, il s’agit
plutôt, d’un sous-groupe distinct (du cabinet d’audit et du réseau) défini sur la base de
critères géographiques ou d’organisation.
• Le réseau
D’après les règles de la SEC, la notion de réseau- qui n’est pas citée en tant que telle- est
incluse dans la définition du cabinet d’audit lui-même. Cependant, à la place du terme
« réseau », est utilisée une notion plus large, que sont les cabinets apparentés « Associated
firms »
Un cabinet d’audit est en effet défini comme étant « tout type d’organisation amenée à
déposer un rapport à la SEC, ainsi que l’ensemble des divisions, départements, sociétés
mères, filiales et entités apparentées, y compris celles qui sont à l’extérieur des Etats-Unis ».
La SEC n’a pas fourni par ailleurs, de définition exacte pour ce type d’entités et a opté plutôt,
pour une approche dite flexible204 ; qui permet de tenir compte des évolutions en matière de
structures non traditionnelles « Alternative Practice Structure APS », ainsi que des
innovations des accords commerciaux conclus par les cabinets d’audit. Laquelle approche
consiste à analyser chaque situation à part, à la lumière de tous les faits jugés importants.
Par ailleurs, le PCAOB dispose en vertu de l’article (a) (2) de la section 106 de la loi SOx, du
pouvoir d’étendre les règles d’indépendance de la SEC aux cabinets étrangers qui jouent un
rôle « substantiel »205 dans la fourniture d’un rapport d’audit d’une société cotée aux Etats-
Unis.
201
Même si cette notion n’est pas citée dans la définition des personnes couvertes, elle est utilisée dans le cadre
des règles d’indépendance liées à certaines situations (notamment les relations financières).
202
Extraite de la section définitions f (15) SEC Regulation S-X rule 2-01 of article 2 et du glossaire du code
d’éthique.
203
Même si cette notion n’est pas citée dans la définition des personnes couvertes, elle est utilisée dans le cadre
des règles d’indépendance liées à certaines situations (notamment les liens personnels et les relations
financières).
204
SEC, Final Rule "Revision of the Commission's Auditor Independence Requirements", 21 novembre 2000.
205
Aucune précision n’est avancée pour expliciter le caractère substantiel du rôle joué par le cabinet d’audit.
73
Pour la CE, en plus des critères précités retenus par l’IFAC et à l’exception de l’apparence
d’appartenance, le réseau peut être identifié sur la base des autres formes d’affiliation ou
d’association avec le contrôleur légal ; notamment l’usage d’une raison sociale commune ou
la mise en commun de ressources professionnelles importantes.
Pour la France, si la notion de réseau a été toujours associée aux seules sociétés APE, ceci
n’est plus le cas avec la loi LSF. Cependant, les règles d’indépendance ne s’étendent au
réseau que, comme pour l’ancienne réglementation, dans le cadre de la fourniture des
prestations liées ou non à l’audit. Le H3C a éliminé du projet de code de déontologie la
définition générale proposé par la CNCC206 ; qui selon lui est contraire à l’esprit de
l’approche par les risques et mesures de sauvegarde et ne peut tenir compte des évolutions
de la pratique professionnelle. Il a opté ainsi, pour l’énumération d’un certain nombre
d’indices, qui permettront au commissaire aux compte d’apprécier s’il se trouve ou non placé
dans une situation de réseau et partant, recommande à ce dernier de documenter sa
position et, en cas de doute, de le saisir.
L’article 23 dudit code présente ainsi une liste non exhaustive de ces indices, tels qu’une
dénomination ou un signe distinctif commune, une direction ou une coordination commune…
3.1.1.2 - Commentaire
Il ressort de cette synthèse des personnes couvertes selon les différents régulateurs qu’il
existe, en somme, un accord sur l’application des règles d’indépendance aux personnes
répondants à certains critères tels que :
206
Le réseau était défini selon le critère de la communauté d’intérêt économique significative et durable.
207
La norme régissant les règles d’incompatibilité et d’indépendance du contrôleur légal et contractuel des
comptes du 12/09/2002, page 6.
74
- Concernant l’influence sur le résultat de l’audit
Si la définition des personnes répondant à ce dernier critère varie plus ou moins d’un
régulateur à un autre, on se retrouve en fin de compte, avec presque les mêmes personnes
couvertes. En résumé, cette influence peut résulter :
des relations de supervision ou de direction dans les étapes successives de la fonction
d'audit, dans chaque endroit où des membres de l'équipe d'audit sont employés ;
des relations directes avec les membres de l’équipe d’audit ; et
des contacts directs et significatifs avec le client audité.
Ainsi, selon la CE, l’identification des personnes couvertes doit se baser sur les faits et
circonstances ; en tenant compte notamment, de la structure du cabinet dans lequel il exerce
et de l’environnement dans lequel l’audit est effectué, et exige de ce fait, du contrôleur légal
d’exercer un jugement professionnel et de documenter sa position. Elle requiert par ailleurs,
l’existence d’un organe de consultation, qui permet par ses avis, d’orienter et de guider le
contrôleur légal dans ses choix.
La période pendant laquelle l’auditeur doit être indépendant (« Audit and professional
engagement period » inclut :
9 la période auditée « Audit period »
SEC
208
Paragraphe B 2 de l’annexe (recommandation européenne).
75
Fr
Non explicitement définie
Tel qu’il ressort du tableau ci-dessus, pour la SEC et l’IFAC, l’auditeur externe doit être
indépendant, non seulement à partir de la date de l’engagement, mais aussi pendant la
période auditée. Dans le cas où cette dernière période intervient avant l’acceptation de la
mission, l’auditeur est tenu ainsi d’appliquer les règles d’indépendance par anticipation,
sinon, refuser la mission. C’est le cas d’un auditeur d’une société cliente qui devient soumis
aux règles d’indépendance, du fait de sa cotation sur un marché américain relevant de la
compétence de la SEC, ou suite à une opération de restructuration qui en fait une entité liée
à une société déjà soumise aux règles de la SEC. Ceci illustre bien les difficultés résultant
conjointement de l’extraterritorialité des règles d’indépendance et de la mise en oeuvre de
cette période couverte.
Quant à la CE, si elle ne définit pas clairement la période couverte, elle n’omet pas de
préciser pour autant, que l’évaluation du risque qui pèse sur l’indépendance du contrôleur
légal, doit tenir compte, non seulement :
Des services fournis au client dans les récentes années et des relations entretenues
avec lui avant sa désignation en tant que contrôleur légal des comptes ; mais aussi
Des services fournis au client, et des relations entretenues avec lui, durant la période du
contrôle légal209.
Le code de commerce français prévoit également de tenir compte dans la détermination des
incompatibilités, aussi bien des liens personnels, financiers et professionnels concomitants à
la mission de commissariat aux comptes, que des liens antérieurs à cette mission210.
Quant au projet de code déontologie, il n’évoque le cas des liens antérieurs à la mission que
dans le cas des liens professionnels211.
En particulier, il impose d’observer un délai de viduité (de carence) de 3 ans entre
certaines missions ; à savoir, les missions d’évaluation comptable, financière, prévisionnelle
ou missions de réalisation de montages financiers212, et l’acceptation du mandat de
commissariat aux comptes par le prestataire de ces missions, qu’il soit le commissaire aux
compte en personne, la société de commissaires aux comptes ou un membre du réseau213.
209
Paragraphe A 3 (3) de la recommandation.
210
Article L822-11 du code de commerce.
211
Article 21 du projet de code de déontologie.
212
Prestations interdites.
213
Article 30-1 du projet de code de déontologie.
76
3.1.3 - Les entités couvertes
Les entités couvertes sont celles auxquelles s’appliquent les règles d’indépendance. Il s’agit
essentiellement de la société auditée, ainsi que les entités qui lui sont liées.
Le client d’audit (« Audit client ») comprend en plus de la société auditée, les sociétés
liées suivantes (« affiliate of the audit client ») :
9 Sociétés contrôlant la société auditée ou la contrôlant de manière conjointe
(société mère);
9 Sociétés contrôlées ou sous contrôle conjoint de la société auditée (filiale);
9 Toute société faisant partie d’une société d’investissement (« investment
SEC
¾ D’une manière générale, toute société qui, quelle que soit sa forme juridique,
est liée au client contrôlé par une propriété, une gestion ou un contrôle
communs.
Extrait du glossaire annexé à la recommandation
9 La société auditée « Audit client » (en général, « Assurance client »), quand la
société n’est pas une société cotée ; sinon
9 La société auditée et ses sociétés liées « Related entities », à savoir:
¾ société contrôlant, directement ou indirectement, la société auditée, laquelle
est considérée comme significative ;
¾ société ayant un intérêt direct dans la société auditée, à condition que cette
entité exerce une influence sur la société auditée et que l’intérêt soit
IFAC
9 Les filiales ; à savoir, toute société dans laquelle la société certifiée (société mère),
possède plus de la moitié du capital.
article 161de la loi 17-95
214 A
u sens de l’article L233-16, cad celles qui font l’objet d’un contrôle exclusif, d’un contrôle conjoint ou d’une
influence notable au sens des règles gouvernant la consolidation des comptes.
215
Conformément à la septième directive «droit des sociétés» (83/349/CEE).
77
La loi marocaine216 élargit dans certains cas, le champ d’application des règles
d’indépendance à d’autres sociétés, que celles figurant sur le tableau 5.
Ainsi, les interdictions prévues par l’article 162 de ladite loi, concernant aussi les sociétés
détenant plus de 10% de la société auditée, ainsi que celles détenues à plus de 10% par
ladite société.
Les autres règles, par contre, fournissent des définitions –plus ou moins- précises des
entités liées, qui laissent entendre qu’il s’agit en général, des entités appartenant au
périmètre de consolidation.
Ainsi, trois critères sont retenus pour identifier lesdites entités :
le contrôle (contrôle exclusif ou conjoint) ;
l’influence notable ; et
le caractère significatif d’une société par rapport à une autre.
A ce titre, Il convient de rappeler que l’influence notable est définie communément comme
étant, le pouvoir de participer aux politiques financière et opérationnelle d’une entité, sans en
détenir le contrôle. L’influence notable peut notamment résulter d’une représentation dans
les organes de direction ou de surveillance, de la participation aux décisions stratégiques, de
l’existence d’opérations inter entreprises importantes, de l’échange de personnel de direction
ou de liens de dépendance technique.
Elle est présumée quand une société dispose, directement ou indirectement, d’une fraction
au moins égale à 20% des droits de vote218.
Quant au caractère significatif « materiality » d’une société par rapport à une autre, il n’est
point défini par les différents régulateurs. Il est signalé par contre, qu’il s’agit plus d’une
question d’appréciation et de jugement professionnel des caractéristiques, aussi bien
qualitatifs que quantitatifs, de la ou les relations qui lient la société auditée à d’autres
sociétés.
Par ailleurs, dans le cadre de son approche conceptuelle, l’IFAC prévoit que, même si la
société auditée n’est point cotée à la bourse, ses règles d’indépendance doivent être
étendues aux entités liées et ce, dans la mesure où ces entités sont significatives pour ladite
société219.
216
Loi 17-95 relative aux sociétés anonymes.
217
La notion du groupe s’entend d’un ensemble de sociétés juridiquement autonomes, dépendant d’une société
mère ou des actionnaires qui en assurent le contrôle.
218
CRC n°99-02 §1004 Entreprise sous influence- Norme IAS 28(§3 – APB 18.
219
Paragraphe 8.17 du code de l’IFAC
78
3.2 - Les situations susceptibles de compromettre l’indépendance
Il convient de noter que ces risques doivent être rapprochées aux définitions du périmètre
des règles d’indépendance : en effet, les menaces susmentionnées résultent non seulement
des relations entretenues par l’auditeur externe avec la société auditée, mais aussi celles
liant les personnes couvertes à la société auditée et à ses entités couvertes.
Par ailleurs, malgré leur option pour l’approche conceptuelle, ni le régulateur marocain ni le
régulateur français n’évoquent clairement ces catégories générales de menaces pour
l’indépendance du commissaire aux comptes.
La directive d’application de la norme « incompatibilité et d’indépendance », en exposant les
situations dans lesquelles l’indépendance des commissaires aux comptes et des auditeurs
contractuels peut être compromise, cite sans les définir, deux types de menaces :
1- l’auto-révision (tenue de la comptabilité et établissement des états financiers); et
2- la menace liée à l’intérêt personnel (intérêt financier).
220
Voir annexe 7 pour plus de détails.
221
Appelé aussi menace de prise de position.
79
3.2.1.2 - Dans le cadre de l’approche normative
Quant à la SEC, comme on l’a précédemment mentionné, elle identifie dans le cadre de sa
norme générale d'indépendance de l'auditeur, des principes généraux applicables
exclusivement par elle seule, pour l’examen des situations non spécifiquement traitées dans
son règlement222 et que l’on peut assimiler à des risques généraux.
En effet, la commission précise que, dans le cas de situations et activités qui ne sont pas
déclarées comme incompatibles avec l'audit, elle recherchera en premier lieu si la situation
ou l'activité en cause :
1/ crée un intérêt mutuel ou un conflit d'intérêts, entre l'auditeur et le client d'audit, ce qui
est l’équivalent du risque lié à l’intérêt personnel (self-interest threats) ;
2/ ou conduit l'auditeur à auditer son propre travail, ce qui revient à parler du risque
d'auto révision (self-review threats)
3/ ou a pour résultat de faire agir l'auditeur comme un dirigeant ou comme un employé
de son client d'audit, qu’on peut associer aux deux risques précités (self-review et/ou
self-interest threats)
4/ ou place l'auditeur dans la position d'avoir à prendre parti pour son client, qui est
l’équivalent du risque lié à la représentation (advocacy threats).
Dans l’exercice de sa mission, l’auditeur externe peut rencontrer plusieurs situations, réaliser
des activités ou entretenir des relations, qui sont susceptibles de créer une des menaces
précitées, et partant compromettre son indépendance.
Les régulateurs étudiés dans le présent mémoire, classent lesdites situations, relations et
activités, en fonction de leur nature générale223, et établit les règles d’indépendance y
afférentes.
Les situations traitées dans cette section sont celles les plus communément considérées,
comme pouvant représenter un risque d’atteinte à l’indépendance et aussi les plus
fréquentes ; à savoir :
Les relations familiales et personnelles ;
Les fonctions de direction ou de supervision et autres fonctions ;
Les relations commerciales ; et enfin
Les relations financières.
Aux termes de l’article 161 de la loi 17-95, ne peuvent être désignés comme commissaire
aux comptes, les conjoints, parents et alliés jusqu’au 2ème degré inclusivement, des
personnes suivantes :
Le texte vise ainsi, les conjoints, les parents en ligne directe (parents, grands-parents,
enfants…), les parents en ligne collatérale (frères et sœurs, oncles et tantes…), les alliés
222
Preliminary note to § 210.2-01 : Qualifications of accountants (SEC regulation S-X, rule 2-01 of article 2).
223
Voir annexe 8 : le tableau comparatif de toutes ces situations porteuses de risques d’atteinte à
l’indépendance.
80
(conjoint des parents jusqu’au 2ème degré : gendre, belle-fille, beau-frère ou belle-sœur), des
personnes susvisées.
Ainsi, les liens de famille avec les dirigeants- autres que ceux cités expressément- ou un
membre du personnel de la société auditée, ne sont pas visés par cette interdiction.
Cependant, le manuel des normes recommande la vigilance, quand ce genre de liens est
établi entre d’un côté, un dirigeant, un membre du personnel ou un conseil de l’entreprise, et
d’un autre côté, les intervenants. Lesquels intervenants ne sont pas par ailleurs, identifiés :
s’agit-il seulement des auditeurs et leurs collaborateurs, ou plutôt de toutes les personnes
couvertes par les règles marocaines d’indépendance.
81
9 L’interdiction est étendue à tout associé d'un «bureau» :
- dans lequel le contrôleur légal ou un membre de l'équipe chargée de la mission ou
de la chaîne des responsabilités visés ci-dessus, travaille ou ;
- dans lequel un autre associé a un membre de la famille proche remplissant les
critères ci-dessous (paragraphe B 6 (2)).
9 L’appréciation des relations personnelles étroites224 entretenues par les
personnes visées susmentionnées ainsi que toute autre personne employée dans
CE
Relations financières
9 Interdiction de détenir des intérêts directs et les intérêts indirects significatifs
pour la famille immédiate des personnes visées(8.104) et des associées
« partners »exerçant dans le bureau dans lequel exerce l’associé audit
(8.115) ;
9 Appréciation du risque lié à la détention d’intérêts directs et d’intérêts indirects
significatifs pour les associés et managers qui fournissent des prestations de
services autres que l’audit au client d’audit (8.117).
Relations d’affaires
9 Appréciation du risque lié à possession d’un intérêt dans une entité commune
à, d’une part, la famille immédiate des personnes susvisées et d’autre part, le
client d’audit, un de ses administrateurs ou directeurs (8.131)
Les risques d’atteinte à l’indépendance liés aux relations familiales ne sont pas traités
d’une manière distincte par les règles de la SEC, ils sont insérés dans presque toutes les
parties réservées aux autres relations portant atteinte à l’indépendance (notamment,
relations financières, relations d’emploi). Les règles de la de la CE et de l’IFAC, même si elle
prévoit une partie distincte pour ce type de relations, elle les traite aussi, comme c’est le cas
pour la SEC, dans le cadre des autres parties réservées, notamment aux relations
financières et relations d’emploi.
224
« les liens étroits autres que familiaux pourraient inclure toute relation impliquant des contacts non
professionnels fréquents ou réguliers avec une personne autre qu'un membre de la famille » recommandation
européenne.
82
Exception faite des règles marocaines et françaises, les autres règles d’indépendance
font usage d'un même vocabulaire en ce qui concerne la nature des liens familiaux à prendre
en considération et établissent ainsi une distinction entre :
9 Les liens de famille proche (membre de la famille immédiate –frère, sœur, demi-
frère, demi-sœur),
9 Les liens de famille immédiate ou directe (conjoints ou assimilés et personnes
dépendantes.
En général, deux facteurs sont pris en compte pour évaluer l’impact des relations
familiales sur l’indépendance des personnes concernées :
9 la nature du lien de famille ; et
9 le poste (ou la fonction) occupé par le membre de la famille dans la société auditée.
Ainsi, les règles sont plus restrictives pour liens de famille immédiate, que pour les liens de
famille proche.
De même, les incompatibilités ou les interdictions concernent certaines fonctions précises,
permettant une influence sur les comptes et les états financiers. Il s’agit ainsi :
9 des fonctions sensibles pour les règles françaises ;
9 des fonctions comportant des responsabilités en matière comptable ou financière
pour les règles de la SEC ;
9 des fonctions permettant une influence directe sur la préparation des livres
comptables ou des états financiers du client contrôlé, pour les règles de la CE ;
9 en plus de la fonction d’administrateur et de directeur, toute fonction exercée par un
employé de la société et permettant d’influencer les données et informations
comprises dans les états financiers, pour les règles de l’IFAC.
Par « fonctions sensibles », le projet de code de déontologie français entend les fonctions
exercées par :
- toute personne ayant la qualité de mandataire social ;
- tout préposé de la personne, chargé de tenir les comptes ou d'élaborer les états financiers
et les documents de gestion ;
- tout cadre dirigeant pouvant exercer une influence sur l'établissement de ces états et
documents.
Par « fonctions comportant des responsabilités en matière comptable ou financière »,
on entend toute fonction entraînant une influence sur les comptes et les états financiers ainsi
que sur leurs préparateurs (ex : administrateur, directeur financier, contrôleur de gestion…).
Il convient de noter par ailleurs, que l’ISB a adopté une approche plus restrictive en
considérant que l’indépendance d’un membre de l’équipe de l’audit est compromise, si un
membre de sa famille immédiate occupe une quelconque fonction chez le client d’audit.
Les règles de l’IFAC se distinguent par le fait qu’elle reste fidèle à l’esprit de l’approche
conceptuelle. En effet, elles recommandent d’une manière générale, d’analyser les risques
en tenant compte de la position ou la fonction de chacune des personnes impliquées et leur
interaction et partant, proposent des axes de réflexion pour limiter lesdits risques. Les
mesures de sauvegarde dépendent du résultat de cette analyse et sont de ce fait,
graduelles ; l’interdiction étant à envisager en dernier ressort.
Contrairement aux autres régulateurs, l’IFAC et la CE traitent des cas de violations
involontaires des règles d’indépendance relatives aux liens familiaux et personnelles.
Ainsi, la recommandation européenne prévoit que ces violations ne portent pas atteinte à
l'indépendance du contrôleur légal par rapport au client, pour autant que le contrôleur légal :
9 ait mis en place des procédures exigeant de tout le personnel professionnel qu'il l'informe
promptement de toute atteinte aux règles d'indépendance du fait des relations familiales ou
personnelles susvisées ;
9 veille à exclure rapidement la personne en cause :
¾ de l'équipe chargée de la mission, ou
¾ si elle n'est pas membre de cette équipe, des décisions d'importance significative
concernant le contrôle légal du client en question, ou
83
¾ dans le cas d’intérêts financiers substantiels, à demander à cette personne, dès que
possible, après la constatation de la violation involontaire, de céder ces intérêts
financiers, et
9 prenne un soin particulier à la révision des travaux d'audit de cette personne.
Le code de l’IFAC adopte également la même position, la seule différence se situe au niveau
des mesures de sauvegarde : le code ne prévoit le recours à l’exclusion de la personne
impliquée, que si l’affectation des tâches et responsabilités entre les membres de l’équipe ne
permet pas d’éviter, que ladite personne traite des questions, qui sont du ressort de l’autre
personne qui lui est liée par un lien familial ou personnel.
225
La directive ne s’est pas exprimée clairement sur cette question concernant les fonctions de direction ou de
surveillance, contrairement au cas d’occupation simultanée d’un emploi.
226
Paragraphe 2.4.2
84
les interdictions résultant d'activités antérieures à la candidature au mandat de
commissaire aux comptes, notamment avoir exercé des fonctions de direction
dans la société auditée depuis moins de cinq ans ou d’activités ultérieures au
mandat de commissaire aux comptes.
En effet, l’article 162 de la loi 17/95 précise que :
« Les commissaires aux comptes ne peuvent être désignés comme administrateurs,
directeurs généraux ou membres du directoire des sociétés qu’ils contrôlent qu’après un
délai minimum de 5 ans à compter de la fin de leurs fonctions. Ils ne peuvent, dans ce
même délai, exercer lesdites fonctions dans une société détenant 10% ou plus du capital
de la société dont ils contrôlent les comptes ».
Cette disposition vise à éviter que le commissaire aux comptes ne soit tenté de prendre
une position favorable en faveur de la société auditée, en contrepartie d’une promesse
de sa désignation en qualité de dirigeant de ladite société, et ce immédiatement après la
fin de son mandat de commissariat aux comptes.
Cet article ne vise ainsi, que les fonctions constitutives d’organes sociaux de la société et
non pas les directeurs généraux salariés (par exemples, directeur financier), ce qui
semble être une importante lacune de la loi ; puisque qu’il est plus tentant pour un ex
commissaire aux comptes de devenir un cadre salarié de la société auditée
antérieurement, au lieu d’un administrateur ou président révocable « ad nutum »227et le
risque d’atteinte à l’indépendance, dans ce cas, est bien plus important.
Par ailleurs, la formulation générale de cet article laisse entendre que l’obligation de
respecter un délai de carence concerne non seulement les membres signataires, mais
tous les associés de la société d’experts comptables.
Reste à savoir aussi, pourquoi le législateur a étendu cette interdiction aux sociétés
détenant une participation de 10% dans la société dont les comptes sont vérifiés et les
sociétés dans lesquelles cette dernière détient ladite participation, et ne l’a pas limité par
contre, aux sociétés « contrôlantes » ou contrôlées.
227
La décision respectivement de l’AG ou du CA n’a pas à être justifié par un motif quelconque (articles 48 et 63
de la loi 17-95).
85
3.2.2.2.2 - Les autres règles
228 Comme ce paragraphe C 2 (iii) a été modifié par l’article 1er de la section 206 ; intitulé « conflits d’intérêts »
de la loi SOx, il concerne l’émetteur de titres placés sur un marché organisé, qui sont sous le contrôle de la SEC
et non pas le client d’audit (société auditée plus les entités liées).
229
La définition de l’équipe d’audit est, à ce niveau, un peu différente de celle avancée dans la section
précédente. il s’agit notamment, des membres de l’équipe d’audit, exclusion faite des associés, qui ont passé
moins de 10 heures de travail sur la mission, des personnes qui se trouvent employées par la société émettrice
des états financiers à la suite d’une fusion, .etc.
86
Interdictions en termes de fonctions exercées avant le mandat :
Personnes visées : les dirigeants ou salariés d’une personne morale
Fonctions visées : commissaires aux comptes, associés, actionnaires ou dirigeants d’une
société de commissaires aux comptes :
9 de ladite personne morale,
9 des personnes morales qui détiennent au moins 10% du capital de cette dernière
France
9 pour toutes les personnes susvisées, l’occupation simultanément d’un emploi dans
le cabinet d’audit et chez le client contrôlé ou ses sociétés liées constitue un risque
élevé d’atteinte à l’indépendance. Seule mesure de sauvegarde est l’interdiction.
Le risque lié au détachement temporaire du personnel est à apprécier, en fonction
des mesures de sauvegarde appliquées231 (B (3) (1))
9 l’interdiction est la seule mesure de sauvegarde prévue dans le cas où ces
personnes précitées désirent occuper des fonctions de direction ou de surveillance
(ex : comité d’audit) ou autre organe équivalent chez le client contrôlé ou dans une
entité qui détiendrait directement ou indirectement plus de 20 % des droits de vote
dans le client, ou dans laquelle le client détiendrait directement ou indirectement
CE
230
Contrairement, à la formulation de l’ancien article 225-224 du code commerce.
231
La personne en question ne doit pas occuper pas une situation dans laquelle elle peut influer sur le résultat du
contrôle légal. Après l’expiration de son contrat de détachement, elle peut être affectée à l'équipe chargée de la
mission, sous condition de ne pas se voir confier la responsabilité du contrôle légal de quelque fonction ou
activité qu'elle a été amenée à exercer ou superviser durant la durée de ce détachement.
87
Du cabinet à la société auditée
9 Un associé d’audit principal quittant le cabinet d’audit pour occuper une fonction-
clé de direction chez un client présente un risque élevé inacceptable en matière
d’indépendance et doit, par conséquent respecter un délai de viduité de 2 ans et
CE
la société doit mettre en place les mesures de sauvegarde qui s’imposent B (3) 4
9 Pour toutes les autres personnes couvertes susvisées, possibilité d’occuper des
fonctions directoriales ou de surveillance dans la société auditée, sous réserve de
l’application des mesures de sauvegarde appropriées B (4) 2
Du client au cabinet :
9 pour un ancien directeur, administrateur ou employé du client audité qui exerce
une influence directe et significative sur les éléments faisant l’objet de l’audit ; qui
veut faire partie de l’équipe d’audit d’une période donnée :
¾ la période couverte par l’audit est la période pendant laquelle il était en
fonction chez le client ; la seule mesure de sauvegarde appropriée est de
ne pas affecter la personne concernée à cette mission ;
- Commentaire
Les différents régulateurs sont d’accord sur l’importance du risque lié aux relations
d’emploi, notamment quand il s’agit de fonction de direction ou, au général de toute autre
fonction permettant d’influencer significativement les résultats de l’audit.
Ainsi, la SEC interdit par principe, toute relation d’emploi et les situations exposées ci-dessus
sont de simples exemples cités à titre non exhaustif.
Les règles de la SEC englobent contrairement aux autres règles les sociétés liées, celles
de l’IFAC et la CE ne les mentionnent pas de manière explicite, ce qui peut être expliqué par
le fait que, l’approche poursuivie adopte d’une manière générale « l’analyse cas par cas » et
donc envisage implicitement la possibilité d’étendre toutes les règles d’indépendance à
toutes les entités liées.
232
Sauf, si ces fonctions se limitent à certaines formalités de nature routinière.
88
L’approche conceptuelle adoptée par l’IFAC et la CE se distingue, par la proposition de
certains axes de réflexion pour l’évaluation du risque d’atteinte à l’indépendance et pour
l’identification et l’application des mesures de sauvegarde appropriées.
Ainsi, l’évaluation des risques liées à ce genre de relations dépend de certains facteurs,
dont :
L’ancien poste occupé et les anciennes fonctions exercées par celui qui veut
quitter le cabinet pour intégrer la société cliente, et vice versa ;
le poste et les fonctions à exercer chez le nouvel employeur ;
la période pendant laquelle il a occupé ses anciennes fonctions,
la période qui a coulé entre le départ du cabinet (ou la société auditée) et
l’embauche par la société auditée (ou le cabinet) ;
l’influence sur les résultats de l’audit, en raison :
9 des interactions toujours possibles même après avoir quitté son ancien poste,
avec les membres de l’équipe d’audit, et
9 sa maîtrise des procédures d’audit ou des activités de la société auditée.
A ce titre, les différents régulateurs sont unanimes sur l’importance du risque d’atteinte à
l’indépendance lié à l’exercice de fonctions de direction chez la société cliente, et notamment
celles qui permettent d’exercer une influence sur les politiques comptables et la préparation
des états financiers du client ; à l’instar :
9 des fonctions comportant des responsabilités en matière comptable ou
financière pour la SEC ; et
9 des fonctions clés pour la CE233.
Par ailleurs, les mesures de sauvegarde sont choisies, en général, pour leur efficacité à
limiter l’influence de ces personnes sur les résultats de l’audit.
Ainsi, il est question de :
9 procéder à des revues interne des travaux effectués par les personnes concernées ;
9 discuter avec le comité d’audit ;
9 les exclure des missions d’audit de leur ex ou futur employeur ou renoncer à la
mission d’audit.
Ces mesures de sauvegardes sont également appliquées, à titre préventif, et ce dans la
perspective d’une offre d’emploi à un des membres de l’équipe de l’audit. Ainsi, le système
de procédures internes doit prévoir l'obligation, pour les personnes impliquées d’informer
immédiatement le cabinet d'audit de toute situation susceptible d'entraîner leur embauche
potentielle par le client et le cas échéant, leur exclusion de la mission d’audit du client
concerné.
Par ailleurs, tous les régulateurs, à l’exception de l’IFAC, recourent à l’institution des
délais de carence, pour atténuer, sinon annuler le risque d’atteinte à l’indépendance,
notamment dans le cas où des anciens associés veulent occuper des fonctions de direction.
Cependant, ces délais de carence varient d’un régulateur et d’un autre : 5 ans pour le Maroc
et la France, 2 ans pour la CE et 1 an pour la SEC. Le choix de ces périodes précises n’est
d’ailleurs point expliqué. Apparemment, ces régulateurs semble admettre que plus aucun
problème d'indépendance ne saurait se poser après ce délai...
233
Toute fonction à laquelle se trouve attachée la responsabilité de prendre des décisions fondamentales en
matière de direction chez le client, telles que celles de directeur-général ou directeur financier. Cette
responsabilité en matière de direction devrait aussi permettre d'exercer une influence sur les politiques
comptables et la préparation des états financiers du client. Par fonction-clé de direction, on entend également les
relations contractuelles ou de fait qui mettent un individu en situation de participer à la direction d'une société
d'une autre manière, par exemple dans le cadre d'un contrat de conseil.
89
3.2.2.3 - Relations commerciales
L’exercice de la mission de commissariat aux comptes est incompatible avec l’exercice d’une
activité commerciale, non seulement avec la société auditée mais toute autre société. Cette
incompatibilité résulte non pas des dispositions du code de commerce, mais plutôt de la
réglementation propre aux professions libérales. L’article 16 de la loi 15/89 stipule ainsi que
« l’exercice de la profession d’expert comptable est incompatible avec […] tout acte de
commerce ou d’intermédiaire autre que ceux qui sont directement liés à l’exercice de la
profession… ».
Il convient de souligner à ce titre que les sociétés d’experts-comptables qui peuvent être
constituées sous forme de société par actions ou SARL234, doivent avoir pour objet exclusif
l’exercice de la profession d’expert-comptable (Article 8 de la loi15-89).
Ainsi, le commissaire aux comptes ne peut exercer les fonctions de président, directeur ou
gérant de toute société commerciale et non seulement les sociétés vérifiées, et ce dans la
mesure où ces fonctions comportent la réalisation d’actes de commerce.
Cette interdiction peut être largement expliquée par l’impact négatif de tels actes sur la
qualité de ses travaux : en effet, l’exercice des actes de commerce empêcherait
certainement le commissaire aux comptes de consacrer le temps indispensable pour
exécuter sa mission avec tout le soin, que l’on est en droit d’attendre d’un professionnel
diligent.
En vertu de l’article précité, il est par ailleurs interdit au commissaire aux comptes (en tant
qu’expert-comptable) d’exercer tout mandat commercial.
La directive d’application de ladite norme précise que « les relations d’affaires s’entendent
des relations qui supposent l’existence d’un intérêt commercial ou financier commun entre le
contrôleur, le cabinet d’audit ou tout autre personne susceptible d’influencer les résultats du
contrôle, d’une part, et le client, une entreprise affiliée du client ou ses dirigeants, d’autre
part. »
La directive qui donne des exemples de ce genre de relations, présente quelques axes de
réflexion pour s’assurer qu’une relation commerciale ne menace pas l’indépendance du
contrôleur légal. Pour évaluer le risque d’atteinte à l’indépendance, le contrôleur légal doit
ainsi vérifier si :
- la relation est, ou n’est pas, nouée dans le cadre de la pratique normale des affaires
(conditions non favorables à moins que l’avantage retiré soit négligeable) ; et
- la relation est ou n’est pas importante pour le contrôleur légal.
234
Société commerciale par sa forme
90
3.2.2.3.2 - Les autres règles
Risques généraux : NA
Personnes visées : cabinet d’audit et les personnes couvertes
Position/Situation : pendant la période couverte
9 Interdiction des relations directes ou relations indirectes significatives avec
le client d’audit ou toute personne ayant un pouvoir de décision au sein de
SEC
235
Non défini.
91
Risques généraux : menace liée à l’intérêt personnel et à l’intimidation
Personnes visées : les personnes concernées ainsi que la famille directe
« immédiate » des membres de l’équipe d’audit
Position/Situation :
9 une relation étroite d’affaires entre d’un côté, le cabinet, un membre de
l’équipe et d’un autre côté, le client d’audit ou sa direction, ou entre le
cabinet, le réseau et le client d’audit, présente un risque élevé qui ne peut
être réduit à un niveau acceptable.
9 les seules mesures de sauvegarde possibles :
¾ mettre un terme à cette relation ;
¾ réduire l’importance de cette relation et les intérêts financiers qu’elle
implique ;
IFAC
Le code de déontologie français traite les relations d’affaires et les prestations de services
autres que l’audit dans le cadre d’une seule partie intitulée « liens professionnels ».
Tous les régulateurs dont les règles sont étudiées dans le cadre de ce mémoire,
s’accordent sur le fait que les relations d’affaires compromettent par principe
l’indépendance de l’auditeur et du cabinet d’audit. Lesquelles relations sont définies
d’une manière semblable 236 –des exemples à l’appui- comme étant des relations qui
supposent l’existence d’un intérêt commercial ou financier commun entre d’une manière
générale les personnes couvertes et les entités couvertes.
La SEC, fidèle à son approche normative, traite la question de ces relations, en termes
d’interdiction et d’exemptions. Quant à la CE et l’IFAC, et dans une moindre mesure le
régulateur marocain237, proposent des axes de réflexion pour guider l’auditeur (contrôleur
légal) dans l’évaluation du risque d’atteinte à l’indépendance lié à ce genre de relations.
Les aspects à prendre en compte dans cette évaluation sont, à ce titre :
9 la relation est-elle nouée dans le cadre de la pratique normale des affaires, à savoir,
est-elle conclue à des conditions non favorables pour les personnes couvertes et le cas
échéant, l’avantage retiré est-il négligeable ;
9 Et même si la relation s’inscrit dans le cadre de la pratique normale des affaires,
l’IFAC comme la CE exigent que l’auditeur soupèse la menace liée à l’intérêt personnel,
en tenant compte notamment, de la nature de cette relation et des liens de dépendance
financière qu’elle crée, que ceux-ci soient réels ou seulement perçus comme tels.
L’auditeur (contrôleur légal) doit ainsi, vérifier si la relation et les intérêts financiers qui en
découlent, ne sont-ils pas significatifs pour les personnes concernées. A ce titre, la CE
236
Sauf, pour la SEC qui n’a avancée aucune définition.
237
Dans le cadre de la directive d’application de la norme « incompatibilité et indépendance »
92
propose un test d’évaluation qui se base sur le jugement qu’un tiers extérieur,
raisonnable et informé, est censé prononcer sur leur caractère significatif, et ce en tenant
compte de l’influence que permet cette relation sur d’un côté, les décisions du client
d’audit, et d’un autre côté, sur les résultats du contrôle légal, dans les faits comme en
apparence. Ce test doit être matérialisé par un écrit, et la consultation de l’organe de
gouvernance est recommandée dans le cas des entités présentant un intérêt public.
L’alinéa 1 de l’article 161 de la loi 17-95 stipule que « ne peuvent être désignés comme
commissaires aux comptes :1) les fondateurs, apporteurs en nature, bénéficiaires
d’avantages particuliers ainsi que les administrateurs, les membres du conseil de
surveillance ou du directoire de la société ou de l’une de ses filiales ;… ».
Il n’est nullement mentionné par ailleurs d’interdiction pour les actionnaires de ladite société
ou de ses filiales.
Ainsi, on est en droit d’affirmer que le commissaire aux comptes peut en principe, détenir
des actions dans la société auditée ou ses filiales ; à l’exception des actions d’apport et des
actions dites de priorité ou privilégiées (à la différence des actions ordinaires) ;dont les
porteurs jouissent de certains avantages.
L’alinéa 2 de l’article 24 de ladite loi précise, à ce titre, que « au sens de la présente loi, on
entend par avantage particulier un droit préférentiel sur les bénéfices et le boni de
liquidation.»
Cette définition semble de ce fait, exclure les actions qui attribuent à leurs porteurs des
avantages quant au nombre de voix ou quant à la composition du conseil d’administration
(division des actions entre divers groupes pour la répartition des sièges d’administrateurs).
Si la détention d’actions dans la société auditée est permise238, le manuel des normes239
précise par ailleurs, que « le professionnel titulaire du mandat de commissaire aux comptes,
ou celui qui en assume la responsabilité dans une société de commissaires aux comptes, ne
devrait pas détenir une fraction autre que symbolique du capital de l’entreprise
contrôlée », sans pour autant définir le sens de cette détention symbolique.
La directive d’application de la norme « incompatibilité et indépendance », par contre,
considère que d’une manière générale, « le risque d’intérêt personnel lié à la détention
d’intérêts financiers dans la société contrôlée ou une de ses sociétés liées, est trop élevé
pour que des mesures de sauvegarde soient à même de le réduire à un niveau acceptable,
238
Le commissaire aux comptes d’un OPCVM est aussi autorisé à détenir des actions ou des parts de celui-ci,
sous réserve d’informer, sans délai, le CDVM (article 10 de la circulaire du CDVM n°3/01 relative au
commissariat aux comptes des OPCVM).
239
Commentaires de la norme relative à l’indépendance
93
exception faite des intérêts détenus par l’intermédiaire de certaines structures
d’investissement, telles que les OPCVM ou les fonds de placement240 ».
Pas de définition générale. Seuls des exemples sont fournis pour illustrer les
situations visées par les interdictions
Il s’agit :
créances…) ; et
- d’autres relations financières (emprunts, comptes bancaires, contrats
d’assurance, crédits immobiliers ou automobile, comptes de courtage…)
public à l’épargne ;
9 la détention, directe ou indirecte, de titres de créance ou de tous autres
instruments financiers émis par la personne ;
9 tout dépôt de fonds, sous quelque forme que ce soit, auprès de la
personne ;
9 l'obtention d'un prêt ou d'une avance, sous quelque forme que ce soit, de
la part de la personne ;
9 la souscription d'un contrat d'assurance auprès de la personne.
1er alinéa de l’article 29-1 du code de déontologie
240
Paragraphe 2.2 Intérêt financier, page 4/6.
94
L'expression «intérêt financier» englobe généralement toute la gamme des
intérêts financiers que les personnes couvertes peuvent posséder dans un client
contrôlé ou une de ses sociétés liées.
Elle inclut les intérêts financiers «directs» et «indirects» comme :
- les participations directes ou indirectes au capital du client contrôlé ou de ses
sociétés liées,
- la conservation ou la gestion de valeurs mobilières du client ou de ses
sociétés liées,
CE
D’une manière générale, les définitions des liens financiers sont presque identiques, même
si elles sont formulées de manière différentes d’un régulateur à un autre. Les règles de la
SEC sont par ailleurs, marquées par les spécificités de l’économie américaine, et font de ce
fait, souvent référence à des produits bancaires et financiers qui lui sont spécifiques241.
Nous avons choisi dans le présent document de n’étudier que les règles liées à la première
rubrique, qui sont plus développées par les différents régulateurs et qui sont moins
marquées par les spécificités de l’économie de chaque pays.
Les différentes règles distinguent les intérêts financiers directs, des intérêts indirects et les
définissent comme suit :
241
Notamment, participations à travers les « mutual funds, qui sont l’équivalent de nos FCP et SICAV, ou à
travers les « Diversified Management Investment Companies ».
95
Tableau n° 10 : Intérêts directs et indirects
de l’entité intermédiaire ; et
9 les intérêts directs détenus par l’entité intermédiaire242 dans le client
d’audit représente 20% ou plus de l’ensemble de ses placements.
Sinon, il s’agit d’un intérêt indirect.
extrait de la section relative aux intérêts financiers c 1 du règlement de la SEC
FR
L'expression «intérêt financier indirect» s'applique aux situations dans lesquelles, par
exemple, une personne couverte a effectué des placements dans des entités non
clientes qui ont elles-mêmes investi dans le client, ou dans des sociétés dans lesquelles
CE
Un intérêt est considéré comme direct, lorsqu’il est détenu directement ou indirectement,
sous réserve que le détenteur exerce un contrôle sur l’entité détenue ou sur l’entité
intermédiaire.
IFAC
Il est indirect, lorsqu’il est détenu à travers un intermédiaire, sans pour autant q’un
contrôle soit exercé sur ledit intermédiaire.
Les approches sont différentes en matière de définition de ces deux catégories d’intérêts :
alors que la CE propose une définition simple- pour ne pas dire simpliste-en se limitant
strictement à la nature de la détention, l’IFAC privilégie le critère du contrôle pour classer les
intérêts dans une ou l’autre catégorie.
Quant à la SEC, elle tient compte, pour qualifier un intérêt comme étant un intérêt direct,
aussi bien du critère du contrôle, que d’autres critères supplémentaires ; à savoir, la
participation aux décisions et l’importance de l’entité détenue pour l’intermédiaire.
Cette qualification par la SEC et l’IFAC des intérêts détenus indirectement comme étant des
intérêts directs, tend ainsi, à pallier à toute tentative d’échapper aux règles d’indépendance
restrictives liées aux intérêts directs ; notamment, à travers des entités intermédiaires.
242
Autre que une « Diversified Management Investment Companies ».
96
3.2.2.4.2.2 - Les règles d’indépendance liées à la détention d’intérêts financiers
Risques généraux : NA
Personnes visées : le cabinet, les personnes couvertes et leur famille directe
Position/Situations :
9 interdiction de détenir des intérêts directs dans le client d’audit
9 interdiction de détenir des intérêts indirects significatifs dans le client audité
9 interdiction de détenir des intérêts dans une entité « A » (entité intermédiaire)
qui détient des intérêts dans le client d’audit 243 :
¾ 1) les personnes couvertes détiennent des intérêts directs ou des intérêts
indirects significatifs dans « A » ; qui elle-même détient des intérêts significatifs
(directs et indirects) dans le client d’audit et exerce une influence notable sur
ledit client ; ou
¾ 2) les personnes susvisées exercent une influence notable sur « A » ; laquelle
exerce à son tour une influence notable sur le client d’audit.
9 interdiction de détenir des intérêts dans une entité « B » (entité commune) dans
laquelle le client d’audit détient des intérêts244
¾ 1) les personnes susvisées détiennent des intérêts directs ou des intérêts
indirects significatifs dans cette entité, dans laquelle le client d’audit détient des
SEC
243
Voir annexe 9 : invest in entities that invest in audit clients : intermediary investors.
244
Voir annexe 10:invest in entities in which audit clients invest :common investees.
245
Voir section 3.1.3: les entités couvertes.
97
Les risques généraux : menace liée à l’intérêt personnel
Personnes visées : en général toutes les personnes couvertes
Position/Situation :
9 détention par le contrôleur légal, le cabinet d'audit, une personne de l'équipe chargée
de la mission ou appartenant à la chaîne des responsabilités, ou tout associé du
cabinet d'audit ou de son réseau qui travaille dans un «bureau» en charge d’une part
significative de la mission d’audit concernée, des intérêts suivants :
¾ un intérêt financier direct dans le client contrôlé, ou
¾ un intérêt financier indirect dans le client contrôlé, qui est substantiel pour l'une
ou l'autre des parties, ou
¾ un intérêt financier (direct ou indirect) dans les sociétés liées du client contrôlé,
CE
98
Mesures de sauvegarde :
9 exclure la personne concernée de l’équipe,
IFAC 9 dans le cas de détention d’intérêts directs, céder la totalité des titres ;
9 dans le cas de détention d’intérêts indirects significatifs, céder en partie les titres
de telle sorte à rendre les intérêts restant non significatifs ; ou
9 refuser la mission.
Les règles de la France sont quant à elles, encore plus circoncises, dans la mesure où, en
dehors des interdictions concernant le commissaire aux comptes prévues par le code
commerce (article L822-11), l’incompatibilité des liens financiers est énoncée en terme de
principe général (articles 29-1 et 29-2).
Les titres interdits ne concernent pas seulement la société auditée et varient d’un
régulateur à un autre, comme le montre le tableau suivant :
IFAC intérêts dans le client, les sociétés affiliées n’étant pas évoquées.
Ainsi, les règles de la France semblent être les plus restrictives, dans la mesure où tous les
titres détenus directement ou indirectement sont visés, quelque soit leur matérialité par
rapport au détenteur. Les règles de la SEC viennent après, dans la mesure où n’importe quel
intérêt direct dans les sociétés affiliées est interdit, contrairement aux règles de la CE, qui
interdisent les intérêts directs significatifs dans les sociétés liées.
246
Traitée aussi par l’IFAC, mais seulement dans le cas où l’entité A contrôle le client d’audit
247
Les règles de l’IFAC sont relativement plus détaillées que celles de la CE.
99
Des événements extérieurs nouveaux tels que la fusion, héritage ou don, peuvent amener
une personne soumise aux règles d’indépendance, à détenir des intérêts financiers interdits.
De même, il arrive que le cabinet ou l’auditeur externe s’aperçoivent q’un membre de son
cabinet détient sans le savoir des titres interdits.
De telles violations des règles d’indépendance peuvent selon les différents régulateurs -à
l’exclusion du régulateur marocain248-, ne pas compromettre l’indépendance de l’auditeur par
rapport aux entités couvertes, dans la mesure où certaines conditions sont remplies.
D’une manière générale, une violation des règles d’indépendance ne remet pas en cause
l’indépendance du cabinet si un contrôle qualité des procédures d’indépendance a été mis
en place.
Paragraphe d de la régulation
Par ailleurs, des violations précises des règles liées à la détention d’intérêts financiers
sont considérées comme ne compromettant pas l’indépendance de l’auditeur, dans
certains cas :
9 héritage ou don non sollicité : si le bénéficiaire s’en dessaisit le plus tôt possible,
sans dépasser 30 jours suivant la date où il acquiert le droit d’en disposer.
la suite d’un changement d’un commissaire aux comptes ou d’une fusion) et exige d’une
manière générale, d’y mettre fin sans délai.
Article 29-1 dernier alinéa
Événements extérieurs
Actions requises : cession dans des délais aussi brefs que possible, et au plus tard un
mois après que la personne concernée ait appris l'existence de ces intérêts et a le droit
d'en disposer.
CE
248
Il ne traite pas les violations involontaires.
100
Violations involontaires
Mesures de sauvegarde :
Les violations involontaires ne portent pas atteinte à l'indépendance du contrôleur légal
par rapport au client, pour autant que le contrôleur légal :
9 établisse des procédures imposant à tout le personnel professionnel de
l'informer rapidement de toute violation des règles d'indépendance qui
résulterait de l'achat, de l'héritage ou de toute autre forme d'acquisition d'un
CE
Quelque que soit la désignation de ces cas de violation ou la formulation des règles
d’indépendance, il est évident que tous les régulateurs cherchent par des mesures de
sauvegarde (CE et IFAC), ou par conjointement le contrôle qualité et certaines actions, à
respectivement réduire ou annuler le risque d’atteinte à l’indépendance.
Par ailleurs, la SEC est la seule à évoquer le cas d’une nouvelle mission d’audit comme
pouvant donner lieu à une exception à la règle de l’interdiction de détention de certains
intérêts, qui compromettent l’indépendance de l’auditeur. Cette exception est justifiée par la
nature de la période couverte prévue par les règles de la SEC : l’auditeur doit être
indépendant non seulement durant la période d’engagement, mais aussi durant la période
couverte par les états financiers audités. Ainsi, sans cette exception, les auditeurs pourraient
souvent ne pas être éligibles pour mener une nouvelle mission d’audit, du fait des liens
financiers antérieurs.
L’IFAC, qui adopte la même définition de la période couverte, ne prévoit pas explicitement ce
cas de figure, ce qui ne peut être qualifié de lacune grave, étant donné que son approche
général par les risques et les mesures de sauvegarde, permet de couvrir tous les cas de
figure possibles.
101
Dans le cadre de leur approche conceptuelle, la CE et l’IFAC proposent, à travers les
principes généraux exposés ainsi que les situations spécifiques traitées, des axes de
réflexions pour évaluer le risque lié à la détention d’intérêts financiers dans les entités
couvertes.
Ainsi, en dehors des interdictions explicitement énoncées, l’auditeur doit évaluer le risque
d’atteinte à l’indépendance, en tenant compte des éléments suivants :
9 Concernant la personne bénéficiaire de l’intérêt :
¾ Fait-elle partie des personnes couvertes ?;
¾ Le poste occupé et les fonctions exercées par ladite personne ;
¾ L’influence qu’elle peut exercer sur les résultats de l’audit ou sur la conduite de la
mission ;
¾ Le lien familial qui la lie aux personnes couvertes (famille immédiate ou proche).
9 Concernant l’intérêt financier détenu :
¾ Sa nature (direct ou indirect) ;
¾ L’influence qu’il permet sur la société auditée ; notamment à travers les droits qu’il
confère à son détenteur sur le capital de la société auditée, sur sa gestion
(participation au capital, droits de vote,…) ;
¾ Son importance pour le détenteur (significatif ou non) ;
¾ Si détenu à travers un intermédiaire,
o la nature de cet intermédiaire : un fonds de placement, un fonds de retraite, un
OPCVM ou une structure d'investissement équivalente ;
o le degré du contrôle ou influence exercé sur l’intermédiaire ou l’implication dans
ses décisions de gestion.
9 Concernant les mesures de sauvegarde existantes : elles doivent permettre
¾ l’identification de ces situations de détention d’intérêts ; notamment à travers le
recensement des titres interdits, l’obligation d’information de l’associé audit
responsable de la mission,…
¾ la réduction du risque à un niveau acceptable, notamment l’exclusion du détenteur de
la mission d’audit et de toute prise de décision substantielle concernant la ladite
mission ; et
¾ d’obliger le détenteur de se dessaisir de cet intérêt, notamment, en prévoyant une
clause dans ce sens dans sa lettre d’engagement ou contrat de travail et la
souscription à une déclaration d’indépendance.
102
CONCLUSION PARTIE II
Il ressort de l’étude comparative menée dans cette deuxième partie, que les deux principales
approches de régulation de l’indépendance des auditeurs externes ; à savoir l’approche
normative adoptée par la SEC et l’approche conceptuelle adoptée par la CE et l’IFAC et les
régulateurs français et marocains, présentent aussi bien des points de convergences que
des points de divergences.
Ils définissent d’une manière plus ou moins similaire le périmètre des règles
d’indépendance :
9 Pour les personnes couvertes : ils adoptent tous, les mêmes critères pour définir
les personnes soumises aux règles d’indépendance, notamment, l’appartenance
à l’équipe d’audit (« engagement team approach »).
9 Pour les entités couvertes : il s’agit d’une manière générale de la société auditée
et des sociétés qui lui sont liées (contrôle, influence notable et caractère
significatif d’une société par rapport à une autre).
Ils prennent en compte les principales menaces que créent certaines situations ou
activités, pour l’indépendance des auditeurs externes :
Ils traitent d’une manière générale les mêmes situations susceptibles de porter atteinte à
l’indépendance (notamment, les relations familiales ou personnelles, relations de
direction ou de supervision et autres fonctions, les relations commerciales, les relations
financières et les prestations de services autres que l’audit).
103
Quant à la CE et l’IFAC, et dans une moindre mesure, les régulateurs français et
marocains, l’approche de régulation consiste dans la mise en œuvre d’un cadre conceptuel
qui :
L’approche conceptuelle fournit ainsi des lignes directrices, pour guider l’auditeur externe
dans l’analyse des situations et relations compromettantes pour son indépendance, mais il
revient à ce dernier, d’apprécier lesdites situations et relations pour évaluer l’impact de ces
dernières sur son indépendance et de choisir les mesures de sauvegarde appropriées.
Le cas des prestations de services autres que l’audit illustre bien lesdites difficultés de
normalisation et d’appréciation.
104
Partie III : Régulation des aspects d’indépendance liés aux
prestations de services autres que l’audit et Conséquences
pratiques
Ayant procédé dans la deuxième partie à l’étude comparative des deux principales
approches en matière de régulation de la question d’indépendance ; à savoir l’approche
normative et l’approche conceptuelle, nous allons traiter dans le cadre de cette partie, de la
régulation des prestations de services autres que l’audit fournies aux sociétés auditées.
Lesquelles prestations constituent un des aspects d’indépendance les plus problématiques,
vu les enjeux et les incertitudes qu’elles posent, aussi bien aux professionnels qu’aux
régulateurs.
Leur développement par les cabinets d’audit, notamment ceux qui appartiennent à des
réseaux, a d’ailleurs largement contribué à l’évolution des règles d’indépendance, aussi
bien aux Etats-Unis que dans un pays comme la France, où leur régulation est plus
restrictive.
Ainsi, dans un premier chapitre, nous allons procéder à l’analyse de cette évolution de la
régulation des aspects complexes des prestations de services autres que l’audit. Dans un
deuxième chapitre, nous allons développer les conséquences pratiques de l’application de
l’approche conceptuelle , aux services autres que l’audit, autrement dit, la mise en œuvre
par les commissaires aux comptes de l’analyse par les risques et les mesures de
sauvegarde, pour apprécier les risques d’atteinte à l’indépendance créés par lesdits
services. Dans un dernier chapitre, seront exposées les principales mesures de
sauvegarde et de renforcement du système existant de garantie de l’indépendance du
commissaire aux comptes, que nous avons largement décrit dans le cadre de la première
partie.
Les services de conseil aux sociétés auditées ne sont pas une invention nouvelle de cette
ère ; il s’agit plutôt d’une activité qui a toujours co-existée avec les services d’audit, mais
certainement, dans des proportions différentes.
En effet, dans un numéro du magazine Haskins & Sells datant de 1958, un associé en
charge d’un cabinet d’audit américain rappelait aux personnes impliquées dans ce qu’il
appelle « les prestations de conseil aux gestionnaires », que ces services de conseil
« existent pour aider les dirigeants de [nos] entreprises clientes à prendre des décisions plus
efficaces –plus rentables- en appliquant des techniques de gestion moderne appropriées,
[Nous faisons office de consultants].…Cette approche est tout à fait respectueuse de
l’indépendance de notre cabinet ».
Ainsi, les services de conseil ont depuis toujours été réalisés par les professionnels
comptables, pour le compte de leurs clients d’audit, sans pour autant remette en cause leur
indépendance. Pourquoi donc c’est le cas maintenant ?
105
1.1.1 - A l’origine, une affaire de présomption de dépendance non justifiée
1.1.1.1 - Le développement des services autres que l’audit en parallèle avec l’audit :
Depuis toujours, source de préoccupations et d’inquiétudes pour l’indépendance de
l’auditeur externe
En 1994, la SEC émit un rapport dans lequel, elle recommandait la vigilance concernant les
aspects de l’indépendance liés à la fourniture des services autres que l’audit, tout en
précisant qu’aucune régulation n’était indispensable à ce moment.
En parallèle, en Europe, les avis étaient départagés sur les prestations de service autres que
l’audit. Ainsi, la CE dans son Livre vert250 constatait que « la question de savoir si le
contrôleur légal doit être autorisé à effectuer chez un client d'autres missions que le contrôle
légal des comptes a fait l'objet de nombreuses discussions. Selon certains, la prestation de
services autres que la mission d'audit comptable chez un client dont il assure le contrôle
légal des comptes permet au contrôleur légal d'approfondir sa compréhension de l'entreprise
et des activités de son client et donc de mieux s'acquitter de sa mission d'audit. Il a
également été avancé que rien ne prouve que l'importance des autres honoraires par rapport
aux honoraires liés à la mission de contrôle légal constitue une menace pour l'objectivité du
contrôleur. Toutefois, il existe aussi une conviction bien ancrée selon laquelle la prestation
d'une gamme importante de services autres que l'audit comptable à un client donné peut
nuire à l'objectivité du contrôleur légal à l'égard de ce client. Ces problèmes potentiels
exigent la mise en place de sauvegardes. »251.
1.1.1.2 - L’évolution en terme absolu et relatif des services autres que l’audit : facteur
amplificateur des préoccupations
1.1.1.2.1 - En France
249
La traduction exacte serait « la capacité à rendre compte ».
250
Voir supra
251
Paragraphe 4.12 du livre vert
252
Traité dans la section 3.2.2
253
Avec la participation de la CNCC
106
entreprises au bénéfice des sociétés vérifiées, soit par le commissaire aux comptes, soit
par les cabinets membres de son réseau et introduisit de ce fait, la déontologie des
réseaux ; et
un deuxième rapport Le Portz en juillet 1996, qui confirmait les préoccupations
grandissantes concernant les services d’assistance à la gestion et leur développement et
réaffirmait l’obligation de mettre en œuvre les recommandations du premier rapport et
l’application d’autres mesures de sauvegarde complémentaires ; notamment, la création
du CDI.
A cet égard, il faut signaler que même si les inquiétudes sont ressenties en France comme
aux Etats-Unis, le CDI précise dans son rapport relatif à la période 1999-2003254, que « la
rémunération des prestations de services autres que l'audit légal fournies par les
commissaires aux comptes et les entités de leur réseau au bénéfice des sociétés vérifiées
notamment est, autant que l'on puisse le mesurer, demeuré faible par rapport aux
honoraires d'audit, alors que les honoraires rémunérant des missions autres que l'audit
légal ont été aux Etats-Unis constamment très supérieurs aux honoraires d'audit ; En France,
ces services sont majoritairement des prestations juridiques, et le plus souvent semble-t-il,
des prestations fiscales ».
Les prestations de services autres que l’audit ont connu une évolution importante, et ce au
détriment de l’audit, entraînant ainsi, d’un côté, une baisse considérable des honoraires
d’audit, et d’un autre côté, une hausse des honoraires des autres services.
En effet, alors qu’en 1976, les honoraires d’audit représentaient 70% du chiffre d’affaires de
l’ensemble des firmes américaines du secteur, cette proportion est tombée à 31% en 1998.
Cette évolution concernait surtout les grands cabinets : « en 1988, 55% des revenus des 5
grands cabinets américains provenaient des services comptables et d’audit et 22% des
services de conseils, en 1999, ces chiffres s’élevaient respectivement à 31 et 50%255 ».
Ces chiffres montrent certes l’importance qu’ont pris les services autres que l’audit dans le
chiffre d’affaires global des cabinets d’audit, mais ne prouvent pas automatiquement que
lesdits services sont fournis aux clients d’audit.
La SEC, dans la présentation de son règlement portant révision des règles
d’indépendance256, précise que pour 4,6% des clients d’audit des « Big five », les honoraires
relatifs aux services de conseil en gestion « MAS » dépassent ceux relatifs aux services
d’audit, soit une évolution de 200% en deux ans.
Tableau n 14 : Evolution des services autres que l’audit fournis aux clients audités
Cette évolution montre clairement cette tendance des principaux acteurs du marché de
l’audit à offrir leurs services autres que l’audit à leurs propres clients d’audit.
Aussi, plusieurs études et enquêtes ont-elles été réalisées afin de déterminer l’impact de
cette pratique professionnelle sur l’indépendance des professionnels d’audit.
Ainsi, le POB dans son rapport « O’Malley Panel on audit effectiveness » du 09/09/2000, a
déclaré que les enquêteurs n’ont pas pu identifier des cas assortis d’effets négatifs sur
254
Page 29/190 rapport CDI 2003.
255
Péréon (2003) Après Enron. Wall Street et le gouvernement d'entreprise
256
Révision des règles de la commission relatives à l’indépendance de l’auditeur, page11/198.
107
l’efficacité de l’audit, suite à la fourniture de prestations de services autres que l’audit. Il a
confirmé par ailleurs que :
pour le ¼ des missions analysées257, les prestations de services autres que l’audit
ont eu un effet positif sur l’efficacité de l’audit ; et
pour les 3/4 des missions analysées, ces prestations ne produisent aucun effet sur la
qualité de l’audit (ni effet positif, ni négatif)258.
L’ISB a également abordé la question des services autres que l’audit et leur impact sur
l’indépendance des auditeurs et ce, dans le cadre de l’étude qu’elle a menée en deux
phases, sur la qualité de l’audit.
Dans la première phase de cette étude259, l’ISB a constaté que ces prestations constituaient
un grand défi pour l’indépendance des auditeurs, qui exerçaient dans des cabinets
multidisciplinaires, aussi bien l’indépendance d’esprit que l’apparence d’indépendance,
notamment quand il s’agissait de la tenue de la comptabilité, ou quand les honoraires liés
auxdites prestations dépassaient ceux de l’audit. Cependant, il n’était point question de
procéder à une régulation plus contraignante de cette question.
Dans la deuxième phase260, l’ISB a relevé que les inquiétudes concernant l’indépendance
des auditeurs étaient essentiellement dues à la fourniture des services autres que l’audit et
que, pour les personnes consultées autres que les auditeurs externes, la perception
défavorable de l’indépendance de ces derniers ne peut que croître si, des mesures
complémentaires ne sont pas prises (notamment l’interdiction de certaines activités et
l’obligation de déclaration des autres activités permises).
Par contre, la majorité des auditeurs consultés ne partageaient pas cet avis, dans la mesure
où la perception est matière à forte subjectivité et que, par ailleurs, aucune preuve empirique
n’a révélé le lien entre les défaillances de l’audit et la fourniture de ces services.
1.1.2 - Les échecs des audits (« audit failures »), notamment le cas d’Enron-
A.Andersen : une preuve d’incompatibilité entre les services autres que l’audit
et l’audit
Il y a lieu de préciser que par échecs ou défaillances d’audits, on entend généralement les
cas, où les états financiers d’un client audité sont entachés d’irrégularités et d’erreurs
d’importance significative ; lesquelles irrégularités ou erreurs :
Soient, n’ont pas été découvertes par l’auditeur, malgré le fait qu’il ait exercé les
contrôles auxquels est tenu un professionnel diligent ;
Soient, ont été volontairement non révélées par ce dernier, faisant preuve ainsi d’une
connivence avec les préparateurs desdits états.
Les rapports de complaisance et de dépendance entretenues par les auditeurs avec leurs
clients d’audit, en raison notamment, des enjeux financiers liés à la fourniture des services
autres que l’audit, inciteraient, à cette connivence et partant, contribueraient largement à la
défaillance de leurs missions d’audit.
L’affaire Enron- Arthur Andersen semble constituer à ce titre une preuve flagrante de cette
relation suspicieuse entre d’une part, ces prestations de services et d’autre part, l’intégrité de
257
Sur un total de 126 missions d’audit réalisées par les “Big 8” sur une période de 2ans.
258
Journal of accountancy(jofa),“Head of Audit Effectiveness Panel Speaks Out”, dec 2000.
259
Report by Earnscliffe Research and Communications to ISB, “ Research into Perceptions of Auditor
Independence and Objectivity – Phase I”, November 1999
260
Report by Earnscliffe Research and Communications to ISB, “Research into Perceptions of Auditor
Independence and Objectivity – Phase II”, July 2000
108
l’audit et la qualité de l’opinion émise. En effet, la faillite d'Enron a été largement médiatisée
comme étant un cas typique de défaillance du plus important mécanisme de contrôle du
capitalisme contemporain ; à savoir l’audit externe
Il n’est pas de notre propos d’étudier tous les dysfonctionnements qui ont provoqué la chute
d’Enron, nous nous contenterons de rappeler sommairement les faits et de jeter la lumière
sur la nature des relations liant cette dernière à son cabinet d’audit.
Enron est une société extraordinairement complexe : ceci tient aussi bien à la diversité des
métiers exercés (transport, production d’électricité, fibres optiques, eau,
télécommunications…) ; qu’à la multiplication des opérations dans de nombreux pays
(commerce en Europe, transport de gaz en Amérique latine, production d’électricité au Brésil
et en Inde…), ainsi qu’aux différents montages financiers et aux partenariats qu’elle a
développés.
ENRON naquit de la fusion en 1985 de deux compagnies texanes exploitant des gazoducs, la
Houston Natural Gas et l’Internorth. A ses débuts, la compagnie, n’intervenait que très
marginalement sur les marchés de l’électricité. La libéralisation de l’énergie américaine (1985 pour
les infrastructures gazières) permit à l’entreprise de sortir progressivement de son activité initiale,
pour se positionner sur les activités de transports inter-étatiques de gaz et d’électricité. A partir de
juin 1994, elle développa une activité de trading en matière énergétique, en s’appuyant initialement
sur le développement de produits dérivés (futures, forwards et options). En 1997, elle étendit cette
activité de trading, aux dérivés permettant une couverture contre les aléas liés au climat et à
l’ensemble des risques liés aux matières premières ou aux productions intensives en énergie.
De cette politique naquit une diversification notable des activités de la firme, allant d’activités de
négoce (électricité, gaz, bois, charbon, papier, métaux), à la commercialisation de services
financiers (2100 produits financiers offerts en 15 devises), en passant par des prises de
participations dans des infrastructures de télécommunications.
Ainsi, en l’espace d’une décennie, Enron est passée du statut des entreprises domestiques,
à celui des groupes multinationaux opérant dans plusieurs dizaines de pays à la fois, et a
acquis une position leader dans les différents secteurs, où elle intervenait par voie de
fusions-acquisitions.
L’évolution qu’a connue Enron a globalement rendu la détection des fraudes plus complexe
et incita les dirigeants bénéficiaires de stocks options, à « jongler » avec les chiffres et les
règles comptables, dans un contexte où les marchés exigeaient d’eux des résultats toujours
plus performants
Tout au long de la section 3.1.1 de la 1ère partie, nous avons abordé indirectement le cas
d’Enron, à travers notamment l’exposé du modèle de gestion des sociétés dépendantes des
marchés financiers et des techniques de créativité comptable, auxquelles elles ont recours
pour améliorer leur rendement financier.
Enron est en effet l’illustration presque parfaite, de cette gestion de l’entreprise au service
exclusif de la performance boursière.
Ce modèle de gestion l’a incité notamment, à adopter une politique dite d’« asset lite » ;
visant à alléger ses comptes des immobilisations corporelles très lourdes propres au secteur.
En effet, la firme était très endettée depuis sa fusion et la mauvaise structure de son bilan
pénalisait sa rentabilité et de ce fait, rendait difficile de nouvelles levées de fonds sur les
marchés financiers. Aussi, Enron essaya-t-elle d’adapter sa structure comptable à sa
stratégie ; reposant essentiellement sur la levée de fonds et ce, en recourant à diverses
techniques comptables axées sur la génération de rentabilité financière factice, et sur la
délocalisation de certains actifs lourds et/ou risqués hors des comptes sociaux, donnant ainsi
109
à travers ses états financiers, une image non fidèle de la réalité économique, juridique et
financière de la société.
Les différentes enquêtes et auditions réalisées par le Congrès ont mis en lumière les principaux
aspects des pratiques comptables frauduleuses d’Enron :
- les chiffres d’affaires avaient été artificiellement gonflés, en prenant comme base les contrats
conclus, voire en cours de négociation et non, comme c’est l’usage pour un courtier, les seules
commissions encaissées ou acquises. Calculé sur cette dernière base, le chiffre d’affaires effectif était
ramené à 6 milliards de dollars ;
- le groupe avait créé 4000 sociétés contrôlées, soit par la société Enron (des filiales), soit, à titre
personnel, par ses cadres dirigeants ; à savoir des entités ad’hoc (« Special purpose entities,
SPE »).Cette prolifération d’entités ad’hoc correspondait à plusieurs objectifs, notamment :
9 Cantonner les risques liés à certains actifs, tout en garantissant une remontée des retours sur
investissements vers la société mère ;
9 faire circuler des éléments d’actifs entre ces entités « SPE », afin de créer des plus-values
fictives ;
9 déconsolider des dettes ; en les transférant au sein desdites entités « SPE », et enfin
9 délocaliser les profits afin d’échapper à l’impôt (la plupart de ces entités261 créées l’avaient été
dans des paradis fiscaux).
En recourant à ces pratiques, les dirigeants d’Enron ont ainsi sous-évalué, voire dissimulé le
passif de la société et comptabilisé des profits fictifs considérables262.
La faillite d’Enron septième capitalisation boursière américaine, fut ainsi déclarée effective le
2 décembre 2001263, après une suite d’événements et de signes précurseurs.
16 octobre 2001 : Enron, annonce une perte nette de 618 millions de dollars et une charge
inattendue de plus de 1 milliard sont annoncées pour le troisième trimestre (liée à des pertes sur des
sociétés parallèles ayant servi à lever des capitaux). La réaction de la bourse à cette mauvaise
nouvelle entraîne la chute de l’action.
Dès le mois d’octobre : la SEC ouvre une enquête interne.
8 novembre : Enron publie le rapport (8-K) qui dévoile l’intention de corriger les résultats des 4
dernières années et des 3 trimestres de l’année 2001
28 novembre : échec d’une opération de fusion avec Dynegy, censée permettre à Enron de survivre
à ses problèmes, suite à quoi, l’agence de notation Moody’s dégrade l’action Enron ; provoquant
ainsi la chute de l’action à moins d’un dollars (26 cents)264.
A la fin du mois de novembre : l’enquête de la SEC est élargi au cabinet Arthur Andersen LLP
2 décembre 2001 : Enron se place sous la protection de la loi sur les faillites (l'équivalent d'un
redressement judiciaire).
La faillite d’Enron provoqua ainsi la perte de plus de 4500 emplois, la perte pour les salariés
de plus un milliards de dollars au titre de leur retraite, la ruine de plusieurs actionnaires et
créanciers, ainsi que la déstabilisation des marchés financiers, notamment, après les
scandales financiers et boursiers qui s’en suivirent.
Elle entraîna également dans son sillage, la dissolution du cabinet d’audit Arthur Andersen.
Quel rôle a joué le cabinet Arthur Andersen dans cette affaire ?
261
A peu près 900.
262
Voir l’annexe 11 relatif aux redressements déclarés
263
Date à laquelle elle s’est placée sous la protection du chapitre 11 (« bankruptcy chapter ») l'équivalent d'un
redressement judiciaire).
264
Voir annexe 12 : Evolution du cours de l’action Enron
110
1.1.2.3 - La faillite d’Enron et la défaillance des audits menés par le cabinet
A.Andersen
Les enquêtes menées et les auditions effectuées auprès du Congrès américain ont fait
apparaître, que le cabinet Andersen, qui avait été l’auditeur d’Enron depuis 1984, non
seulement avait couvert les différentes manipulations comptables, en validant les états
financiers largement entachés par les irrégularités susmentionnées , mais avait contribué à
les monter ; en apportant le savoir-faire de ses experts sous la forme de conseils ou en
encourageant leur embauche en tant que hauts cadres du groupe Enron. Cette complicité
avérée et la tentative pour enrayer la justice, à travers la destruction volontaire ou par
négligence de documents comptables et autres documents liés à l’audit d’Enron265 (courriers,
mails électroniques…) ont transformé l’affaire Enron en « une affaire Enron-Andersen »,
ouvrant droit ainsi, à l’inculpation de ce prestigieux cabinet d’audit pour obstruction à la
justice en juin 2002266, puis à sa disparition au premier semestre 2002.
En effet, si la révélation des irrégularités comptables frauduleuses d’Enron sur les derniers
états financiers audités par Anderson a suscité de graves doutes sur les méthodes
comptables dite « agressives » des sociétés américaines, elle a aussi jeté le discrédit sur le
cabinet Andersen, et d’une manière générale, sur tous les auditeurs qui, en raison des
services autres que l’audit développés en parallèle avec l’audit, entretenaient des relations
de complaisance, voire même des relations de connivence et de collusion, avec les audités.
Le cabinet Arthur Andersen, à l’instar des autres cabinets d’audit267, pratiquait également le
conseil au profit d’Enron, qui constituait à cet égard son second plus grand client et réalisait
lui-même son audit interne.
Ainsi, en 2000, les services autres que l’audit268 fournis par ledit cabinet à Enron ont généré
des honoraires de 27 millions de dollars, contre 25 millions pour l’audit externe des états
financiers.
L’importance des intérêts financiers mis en jeu, conjuguée avec d’une part, une relation
professionnelle de longue durée ; voire même, une association269, et d’autre part, l’existence
au sein de cette direction d’anciens employés du cabinet, ont abouti à compromettre
l’indépendance des auditeurs, sinon la perception par le public de cette indépendance, et par
là, à remettre en cause l’intégrité et la qualité des audits effectués.
Les différentes affaires comptables qui se sont succédées en 2001-2002270 ont montré que
le cas d’Enron n’était pas isolé et que d’autres cabinets d’audit étaient compromis, la plupart
dans des proportions beaucoup moins graves et avec des motivations différentes, mais avec
une même philosophie : agir sur l’information financière, quitte à la manipuler, pour, d’une
part, présenter des performances sans cesse améliorées et, d’autre part, camoufler
d’éventuelles difficultés.
265
Durant la période allant d’octobre 2001 à janvier 2002.
266
15/06/2002
267
selon une analyse du Wall Street Journal auprès de 30 sociétés de l’indice Dow Jones,73 % des honoraires
perçus en 2001 sont la contrepartie de services autres que l’audit.
268
Essentiellement, les honoraires des conseils en matière d’IT, à savoir en matière des nouvelles technologies
d’information.
269
Risque de familiarité et de confiance excessive.
270
WorldCom, Adelphia com, Merck,…
111
1.2 - Evolution des approches de régulation en matière de services
autres que l’audit suite à l’affaire Enron-A.Andersen
Sauf le cas de la France où l’incompatibilité de l’audit avec les autres services est clairement
affirmée par la loi, la position des régulateurs concernant les services autres que l’audit s’est
partout caractérisée par plus de souplesse, par comparaison aux relations financières ou
d’emploi. La défaillance de l’audit d’Enron a provoqué une grande méfiance envers la
fourniture de ces services et à pousser de ce fait, les régulateurs à procéder à une réforme
plus ou moins radicale de leur régulation de cette question.
1.2.1 - Aux Etats-Unis : La loi SOx et les prestations de services autres que
l’audit
1.2.1.1 - Présentation des nouvelles mesures de la loi SOx en relation avec les
services autres que l’audit
Dans le cadre des mesures tendant à restaurer la confiance du public, la loi SOx272 a dressé
une liste de services interdits ; que l’auditeur ne peut pas fournir parallèlement à l’audit.
Les autres services273, notamment les services fiscaux « Tax services » sont permis, sous
réserve de l’approbation spécifique et préalable du comité d’audit274. Lequel comité est –
dorénavant- directement responsable, en plus de l’appréciation de la compatibilité de ces
services avec l’audit externe, de la désignation des auditeurs, de leur rémunération et de la
supervision de leurs travaux.
271
En 1970, tentative par le Congrès puis par la SEC durant la présidence d’Arthur Lewitt.
272
Dans le cadre de la section 201 du titre II relatif à l’indépendance de l’auditeur : « Services outside the scope
of practice of auditors
273
Tels que l’audit des fonds de pension du personnel, prestations de "due diligence" relative aux fusions et
acquisitions, consultations comptables et audits liés aux acquisitions, services d'attestation contractuels ou
consultation sur les normes de comptabilité et d'information financière
274
Sauf exception prévue par la loi Sox.
112
La loi autorise par ailleurs, le PCAOB à compléter la liste des activités interdites et à
accorder des exemptions pour certaines activités, s’il juge cela nécessaire (l’intérêt public).
Dans le cadre de son règlement de janvier 2003 pris en application des dispositions du titre
II275 de la loi SOx, la SEC précise d’un côté, les nouveaux services interdits et d’un autre
côté, renforce les interdictions prévues par l’ancien règlement.
En effet, tous les services interdits par la loi SOx, à l’exception des services d’expertise non
liés à l’audit, ont été déjà prévus par le règlement portant révision des règles
d’indépendance, datant du 15 novembre 2000, soit avant la faillite d’Enron.
Cependant, les interdictions de cet ancien règlement étaient modérées, voire même vidées
de leur sens ; dans la mesure où une exemption était prévue pour la plupart de ces services,
ce qui donnait lieu à des limitations ou restrictions plutôt qu’à des interdictions absolues.
En effet, d’une manière générale, la plupart des services dits interdits pouvaient être
réalisés, à condition que la direction en assumait la responsabilité entière et prenait en
charge certaines actions et décisions. C’est le cas notamment des services de « conception
et mise en œuvre des systèmes d'information financière » qui sont en principe interdits,
cependant, la SEC autorise les auditeurs à prester ces services de consultance dans le
domaine des nouvelles technologies de l'information « IT » au profit des clients d’audit, sous
réserve du respect des conditions suivantes :
9 la direction précise, à l'égard de l'auditeur et du comité d'audit, sa responsabilité quant à
la décision d'établir et de maintenir un système de contrôle d'audit interne;
9 elle désigne des employés compétents pour toute prise de décision concernant la
conception et la mise en œuvre des systèmes de hardware ou de software;
9 elle prend toutes les décisions significatives relatives au projet de IT;
9 elle évalue la pertinence et les résultats du projet IT; et
9 elle ne se base pas sur le travail de l'auditeur pour déterminer l'acceptabilité de son
système de « reporting financier ».
Les nouvelles règles sont plus restrictives, du fait que la plupart des exemptions ont été
écartées sinon modérées. Ainsi, les exemptions liées aux services de « conception et mise
en œuvre des systèmes d'information financière », d’ « estimations ou évaluations ou
attestations d'équité », de « services actuariels » et aux « services d’externalisation de l'audit
interne », sont désormais formulées comme suit : Ces services sont interdits, « à moins
qu’on conclut raisonnablement que le résultat de ces services ne fera pas l’objet d’une
procédure d’audit dans le cadre de l’audit des états financiers du client ».
Par cette formulation générale, la SEC entend restreindre les possibilités de contournement
des règles précises permettant l’exemption et partant, étendre le champ de l’interdiction à
toute situation d’auto-révision. En effet, l’indépendance des auditeurs est compromise,
même si la direction déclare assumer la responsabilité du service fourni et… ; et ce dans la
mesure où, dans le cadre de l’exercice de leur mission d’audit externe, ils se trouvent par la
suite, dans une situation d’auto révision « self-review ».
Le critère pour bénéficier de l’exemption se réfère ainsi, à un des principes retenus par la
SEC pour vérifier si l’auditeur est indépendant ou non276. Alors que dans le cadre de l’ancien
règlement, la SEC avait précisé qu’elle était la seule habilitée à appliquer ces principes aux
situations non visées par les règles d’indépendance, elle reconnaît désormais à l’auditeur, le
droit d’appréciation du risque d’atteinte à l’indépendance sur la base de ce principe ; ce qui
pourrait être interprété dans un sens, comme un rapprochement vers l’esprit de l’approche
conceptuelle.
275
Title II :« Auditor independence »
276
Il s’agit des risques généraux, cités dans la section de la partie II.
113
1.2.1.2.2 - Par rapport au rôle du comité d’audit
Les nouvelles fonctions reconnues au comité d’audit, notamment, l’approbation des services
autres que l’audit, constituent une réforme radicale des anciennes règles. Certes, dans la
pratique, ces comités existaient bien avant la promulgation de la loi SOx, mais ils ne jouaient
pas, faute de pouvoirs légitimes et de moyens humains et financiers, un rôle effectif dans la
garantie et le renforcement de l’indépendance des auditeurs externes.
1.2.1.2.3 - Par rapport aux obligations de transparence des activités autres que l’audit
Si la loi SOx se limite à exiger des sociétés auditées la déclaration des activités pré
approuvées277, les nouvelles règles de la SEC278 renforcent les obligations de transparence
prévues par le règlement de novembre 2000.
Ainsi, les sociétés auditées sont tenues de publier les honoraires versés à l’auditeur
principal, durant les deux dernières années, selon la décomposition suivante :
1- les honoraires d’audit ;
2- les honoraires des services liés à l’audit ;
3- les honoraires des services fiscaux ; et enfin
4- les honoraires des autres services.
Les honoraires publiés dans le cadre de la deuxième et quatrième rubrique doivent être
détaillés selon la nature du service fourni.
Ainsi, les nouvelles obligations de publicité sont plus importantes dans la mesure où :
la période couverte est de deux ans au lieu d’une seule année ; et
les honoraires sont plus détaillés par nature de service fourni279.
Par ailleurs, si, sous l’égide des anciennes règles de la SEC, la société auditée était tenue
de mentionner, si la compatibilité des services autres que l’audit avec l’audit a été vérifiée
par le comité d’audit, dans le cadre des nouvelles règles, où l’approbation par le comité
d’audit est devenue obligatoire, ces sociétés sont tenues de publier :
les procédures appliquées par le comité d’audit pour approuver lesdits services; et
le pourcentage des services bénéficiant de l’exemption de l’approbation préalable.
L’objectif poursuivi par ces obligations de transparence est de permettre aux actionnaires et
au public d’apprécier eux-mêmes l’indépendance de l’auditeur.
Les nouvelles règles de la SEC maintiennent l’interdiction pour les auditeurs de percevoir
des honoraires « dits subordonnées », aussi bien au titre des missions d’audit que les autres
services. Par honoraires subordonnés, on entend les honoraires dont le montant est
subordonné à la réalisation d’objectifs chiffrés fixés par le client ou aux résultats de l’audit.
Les règles d’indépendance relatives aux prestations de service autres que l’audit sont
nettement marquées d’un côté, par les spécificités de la profession comptable (experts-
comptables et commissaires aux comptes), et d’un autre côté, par le principe général
d’interdiction de percevoir une rémunération à raison d’une autre activité, que celle de
commissaire aux comptes, au profit du client audité.
Lequel principe n’est pas appliqué d’une manière uniforme entre les services fournis par le
commissaire aux comptes et ceux fournis par son réseau
277
Section 202 : Preapproval requirements (Title II : Auditor independence).
278
Règlement n° 33“Strengthening the Commission's Requirements Regarding Auditor Independence”, 23 janvier
2003 (Release 33-8183).
279
Anciennes rubriques étaient : • honoraires d'audit, honoraires de fourniture et mise en place de systèmes
informatiques de comptabilité ou d'information financière, autres honoraires versés à l'auditeur.
114
1.2.2.1 - Les règles d’indépendance avant la LSF
Comme nous l’avons signalé auparavant, la dualité de la profession comptable fait que :
Les commissaire aux comptes qui sont inscrits à la CNCC, ont pour unique mission la
révision légale des comptes ; et
Les experts-comptables inscrits au tableau de l’ordre des experts-comptables, peuvent
réaliser des missions d’audit contractuel, de tenue et d’organisation de la comptabilité, de
conseil en matière comptable, fiscale, sociale, économique, financière ou de gestion280.
Un même professionnel peut toutefois appartenir aux deux institutions susmentionnées, mais
ne peut pas être en même temps l’expert-comptable et le commissaire aux comptes d’une
même société.
Quoique la question de la frontière entre les missions d’expertise-comptable et de
commissariat aux comptes a toujours donnée matière à réflexion, il n’est pas de notre propos
d’en débattre dans le cadre de ce mémoire.
Quels étaient donc les services que pouvaient fournir le commissaire aux comptes ou les
membres de son réseau aux clients d’audit ?
Le principe sur lequel repose la déontologie professionnelle des commissaires aux comptes
est la limitation de leur activité vis-à-vis de la société vérifiée, à leur mandat de commissariat
aux comptes (incompatibilités spéciales). Cette incompatibilité ne s’applique par ailleurs :
Les commissaires aux comptes peuvent en outre recevoir des rémunérations de la société
auditée, pour des missions temporaires, d’objet limité, et entrant dans le cadre de leurs
fonctions, dès lors que ces missions leur sont confiées par la société à la demande d’une
autorité publique.
Le code de déontologie prévoit une liste des prestations de services interdits, issue
notamment des recommandations du premier rapport Le Portz. Lesquelles recommandations
sont motivées par le besoin de combler le vide juridique en matière de prestations de
services autres que l’audit, fournies par les réseaux, dont l’évolution a suscité de grandes
préoccupations concernant la déontologie des structures multidisciplinaires.
Les règles d’indépendance concernant les prestations interdites se présentent comme suit :
280
Article 2 de l’ordonnance n°45-2138 du 19/09/1945 portant institution de l’ordre des experts-comptables et
réglementant le titre et la profession d’expert-comptable modifiée par l’article 5 de l’ordonnance n°2004-279 du
25/03/2004.
115
Tableau n° 15 : les prestations interdites selon les règles du code de
déontologie
d'avoir à se prononcer sur des documents, évaluations ou prises de positions qu'il aurait
contribué à élaborer (risque d’auto-révision) ; notamment :
Exception faite : des cas où le commissaire aux compte arrive à prouver nettement que
son indépendance n’est pas affectée ou qu’il s’agit pour le réseau d’un simple rappel de
position déjà prise
Tout autre service ou conseil comportant des risques significatifs ou pouvant conduire
à des liens personnels excessifs tels que les missions de recrutement.
Les prestations des réseaux autres que celles susvisées, conduisant à des liens
financiers excessifs
Article 33 du code de déontologie et texte d’application
116
Par liens financiers excessifs, le code de déontologie281 entend :
De sociétés étrangères du groupe sous réserve qu’elle soit permise pas les règles
locales ; ou
De sociétés françaises sous contrôle conjoint ou influence notable.
Par ailleurs, il y a lieu de signaler que les dispositions de l’article 8 et 33 relatives aux
prestations interdites sont à rapprocher avec la doctrine importante constituée par les avis du
CDI282.
Si la réglementation française concernant les prestations de services autres que l’audit est
considérée comme étant des plus sévères et n’appelle pas donc, de réforme radicale
comparable à celle qu’a constituée la loi SOx, il n’en demeure pas moins que la crise de
confiance engendrée par les défaillances d’audit aux Etats-Unis, ainsi que les scandales
comptables européens, a incité le régulateur français à prendre des nouvelles mesures, pour
renforcer le contrôle légal des comptes ; en précisant notamment, les garanties
d’indépendance des commissaires aux comptes.
Alors que l’approche générale de régulation suivie par la nouvelle loi est –comme exposée
précédemment- différente de l’ancienne ; dans la mesure où elle privilégie les principes aux
règles normatives détaillées, concernant la question des services autres que l’audit, les
nouvelles règles s’inscrivent plutôt dans la continuité des anciennes incompatibilités et
interdictions.
Par comparaison avec les anciennes règles, les nouvelles incompatibilités et interdictions se
présentent comme suit :
281
Texte d’application de l’article 33 commentaire 06.
282
Voir annexe 5 : Liste des avis et recommandations du CDI.
117
Quant au projet de code de déontologie, il réaffirme ledit principe dans son article 10 283 et
adopte par ailleurs, une approche restrictive des situations interdites, en prévoyant une liste
non exhaustive de services interdits.
- de réaliser toute prestation de nature à le mettre dans la position d’avoir à se prononcer sur des
documents, des évaluations ou des prises de positions qu’il aurait contribué à élaborer ;
- d’accomplir des actes de gestion ou d’administration, directement ou par substitution aux dirigeants ;
- de procéder à des recrutements de personnel ;
- de rédiger des actes ou d’assurer le secrétariat juridique ;
- de procéder à un maniement ou séquestre de fonds ;
- de tenir la comptabilité, de préparer et établir les comptes, d’élaborer une information financière ou
une communication financière ;
- d’effectuer une mission de commissariat aux apports et à la fusion ;
- de mettre en place des mesures de contrôle interne ;
- d’effectuer, en dehors de sa mission légale, des évaluations, actuarielles ou non, d’éléments
destinés à faire partie des comptes ou de l’information financière ;
- de participer à un processus de prise de décision, au travers de missions de conception ou de mise
en place de systèmes d’informations financières ;
- d’élaborer des montages juridiques, financiers ou fiscaux ou des modalités de financement,
notamment dans le cadre d’opérations d’ingénierie financière ;
- de prendre en charge totalement ou partiellement une prestation d’externalisation ;
- de défendre les intérêts des dirigeants ou d’agir pour leur compte dans le cadre de négociation ou de
recherche de partenaires pour des opérations sur le capital ou de recherche de financement ;
- de représenter les personnes mentionnées à l’alinéa premier et leurs dirigeants devant une
juridiction judiciaire, administrative ou financière, ou de participer, en tant qu’expert, à une situation
contentieuse dans laquelle ces personnes seraient impliquées.
Par ailleurs, cette interdiction pour les commissaires aux comptes de fournir toute prestation
autre que l’audit à la société vérifiée concerne désormais, seulement les personnes morales
« contrôlée » ou « contrôlantes » (au lieu des personnes dans lesquelles la société vérifié
détient une participation de 20% ou qui détiennent 20% de la société vérifiée).
283
Article 10 : Situations interdites, de la section 1 Interdictions (Titre II : Interdictions- Risques et mesures de
sauvegarde).
284
Seuls les services listés sont interdits.
285 ème
2 alinéa.
286
Article 24 du projet du code.
118
Par ailleurs, si la certification des comptes d’une société, dont les entités contrôlées ou
« contrôlantes » bénéficient de prestations de services, n’est pas interdite, en vertu de
l’article 25 du projet du code287, le risque d’atteinte à l’indépendance doit être, cependant,
apprécié par le commissaire aux comptes.
L’indépendance du commissaire aux comptes est, à ce titre, affectée dans le cas où le
réseau fournit auxdites personnes, des prestations qui :
9 mettraient le commissaire aux comptes dans la position d'avoir à se prononcer sur
des documents, évaluations, solutions ou prises de positions élaborés par ledit
réseau ;
9 consistent à prendre position ou défendre lesdites personnes ; ou
9 constituent de sa part une immixtion dans la gestion desdites personnes (risques
d’auto révision, de prise de position ou de représentation ou de participation à la
gestion).
287
Article 25- Fourniture de prestations de services par un membre du réseau à une personne contrôlée ou qui
contrôle la personne dont les comptes sont certifiés.
288
Dernier alinéa de l’article 25.
119
au client vérifié289 n’est pas par contre, prise en compte comme critère d’appréciation d’une
situation affectant l’indépendance du commissaire aux comptes.
Enfin, il convient de signaler que toutes ces mesures concernant le réseau, oblige les
commissaires aux comptes à adopter une organisation ; qui leur permettent de tenir compte
des opérations effectuées par des entités faisant partie du réseau international, ouvrant ainsi
la possibilité pour les commissaires de demander à titre déontologique aux entités
étrangères appartenant à leur réseau, de s'interdire toute transaction pouvant affecter leur
indépendance ou leur « apparence d'indépendance ».
289
Il s’agit des « honoraires audit et conseil de tout le réseau/total des honoraires du réseau ». Par contre, les
« honoraires d’audit légal/total honoraires du cabinet » sont pris en compte comme critère de dépendance
financière (article 34 dudit code).
290
Article 35 du projet du code.
291
CE« Renforcer le contrôle légal des comptes dans l'Union européenne», 2/10/2003
IFAC, “Project History: Independence”, updated Sep. 29, 2004.
120
leurs opérations commerciales et financières, ainsi que leur traduction comptable. Des
connaissances en matière informatique, de communication électronique,
d'environnement, d'actuariat, de techniques financières, de fiscalité,…, semblent être
nécessaires pour améliorer les techniques de contrôle.
A cet égard, la fourniture des prestations de services autres que l’audit est l’occasion
pour acquérir et approfondir ces connaissances.
Certaines prestations de services autres que l’audit permettent à l’auditeur de renforcer
sa compréhension des activités, des opérations de la société auditée, ainsi que son
système d’information de gestion, ce qui ne peut qu’améliorer la qualité de son audit.
Elles lui permettent par la même occasion, de vérifier la correspondance des comptes et
états financiers de ladite société avec sa réalité économique, commerciale et financière.
la fourniture des services autres que l’audit par les cabinets d’audit semble augmenter
les possibilités pour ces derniers, de recruter des professionnels de qualité, qui pour des
raisons diverses (notamment, les aspirations à un équilibre entre la vie personnelle et
professionnelle), préfèrent le « consulting » à l’audit.
Enfin, ces prestations sont dans la majeure partie, sollicitées par les clients d’audit eux-
mêmes, qui préfèrent recourir à leurs auditeurs, estimant que l’intervention des ces
derniers serait plus efficace et moins coûteuse que celle d’un autre professionnel, moins
averti de leurs spécificités.
Sur la base de ces assertions, il est clair que toute approche tendant à interdire ces
prestations au nom de la sauvegarde de l’indépendance, ne peut que nuire ou affaiblir la
qualité de l’audit, et ce en diminuant les possibilités de renforcement des compétences des
commissaires aux comptes et d’accès à plus d’informations sur la gestion de la société
auditée.
Comme nous l’avons développé précédemment, d’un côté, l’objectivité recherchée à travers
l’obligation d’indépendance est requise afin de garantir cette qualité à l’audit, d’un autre côté,
la compétence comme l’indépendance sont deux variables clés de la qualité d’audit. Aussi,
est-il important de renforcer les compétences de l’auditeur, sans pour autant affecter son
indépendance, et partant, d’autoriser la fourniture des services autres que l’audit, sous
réserve du respect de cette condition.
Ainsi, les services qui peuvent nuire à l’indépendance doivent être écartées, la qualité de
l’audit pouvant toujours être assurée par la fourniture de ces mêmes services au profit de
clients autres que les sociétés auditées.
Quels sont les services qui peuvent être fournies à la société auditée ? Et quels sont les
services qui doivent être interdits ?
121
Dans le cas où il est significatif, appliquer les mesures de sauvegarde
complémentaires susceptibles de réduire le risque à un niveau acceptable ; et le cas
échéant, renoncer à la mission.
Auparavant, il y a lieu de délimiter le périmètre des règles d’indépendance.
Notons par ailleurs, que le commissaire aux comptes doit aussi vérifier si son indépendance
opérationnelle n’est pas compromise ; autrement dit, si la mission est (ou n’est pas)
réalisable compte tenu des possibilités de personnel, des délais et des compétences
techniques particulières requises par la nature de la mission.
Au-delà des personnes directement impliquées dans le contrôle légal du client, il y a lieu de
déterminer l’ensemble des personnes pouvant influencer la conduite et le résultat de la
mission (à travers notamment l’influence sur l’équipe d’audit), et ce en tenant compte d’un
certain nombre de facteurs ; notamment :
La taille et la structure organisationnelle et juridique du client ;
La taille, la structure et l’organisation interne du cabinet ; ainsi que
Le volume, la nature des services fournis au client par le cabinet, le poste occupé par
les personnes impliquées dans la fourniture de ces services et leur interaction avec
l’équipe d’audit.
Nous rappelons à ce titre que l’influence sur la conduite et le résultat de l’audit peut résulter
de plusieurs types de relations, notamment, les relations de supervision ou de direction dans
les étapes successives de la fonction d’audit et dans chaque endroit où des membres de
l’équipe d’audit sont employés292.
Dans le cas où le commissaire aux comptes est membre d’un réseau, il doit étendre son
appréciation des personnes susceptibles d’influencer l’audit, aux personnes appartenant
audit réseau, et tenir compte, notamment dans le cas des prestations de services autres que
l’audit, de :
La nature, la taille et la structure et l’organisation interne du réseau ; et
Le volume et la nature des services fournis au client par le réseau.
Par ailleurs, le commissaire aux comptes doit vérifier si des personnes extérieures au
cabinet et au réseau peuvent, à travers les relations293 qui les lient à ce cabinet et/ou réseau
ou avec les membres de l’équipe d’audit ou de la chaîne des responsabilités294, influencer
l’audit légal.
Dans la mesure où il ne peut pas imposer ses propres règles d’indépendance auxdites
personnes, il doit identifier les personnes du cabinet ou du réseau participant à la mission,
dont l’indépendance pourrait être affectée, effectivement ou en apparence, par cette
influence externe.
En principe, la période couverte pour les règles d’indépendance marocaines est la période
du mandat ; qui court à partir de l’acceptation de la mission jusqu’à l’expiration du mandat. A
notre avis, cette période doit couvrir aussi la période allant jusqu’à l’émission du rapport de
commissariat aux comptes.
Par ailleurs, étant donné les menaces que peuvent constituer certaines relations antérieures
à l’acceptation du mandat, telles que la fourniture des prestations de services autres que
l’audit, sur l’indépendance du commissaire aux comptes et des autres personnes couvertes,
il est recommandé d’en tenir compte dans l’évaluation du risque d’atteinte à l’indépendance.
292
Voir la section 3.1.1.2 de la partie II, pour les autres types de relations.
293
Liens financiers, commerciaux ou personnels
294
Notamment, liens de famille ou personnels
122
Les relations et situations compromettantes pour l’indépendance, ayant existé pendant la
période couverte par l’audit (autrement dit l’exercice social audité), doivent faire à ce titre,
l’objet d’un examen particulier.
En l’absence d’une définition des entités liées à la société auditée et à la lumière des travaux
des régulateurs étudiés dans le cadre de ce mémoire, il y a lieu, à notre sens, de tenir
compte principalement, du critère de contrôle (contrôle exclusif et conjoint)295, et
accessoirement, de l’influence notable et du caractère significatif de l’entité par rapport à la
société auditée.
Ces deux derniers critères devraient être pris en compte, surtout dans le cas des prestations
de services autres que l’audit et les liens financiers.
Cependant, il y a lieu de souligner que ces entités liées ne peuvent être prises en comptes,
que dans le mesure où le cabinet est doté des procédures qui lui permettent de les identifier
et d’identifier les relations entretenues entre toutes les personnes couvertes et lesdites
entités, ce qui semble être –il faut le dire- une besogne très compliquée, et quelque fois
même, impossible.
Le commissaire aux comptes doit identifier les menaces à l’indépendance qui sont créées
par des circonstances, relations ou activités particulières, puis évaluer leur importance pour
déterminer le niveau du risque qui compromet son indépendance (et l’indépendance des
personnes couvertes de même).
Les circonstances, relations et activités qui peuvent compromettre l’indépendance du
commissaire aux comptes sont nombreuses et diverses. Les règles d’indépendance étudiées
dans la partie II296 en fournissent des exemples, à titre illustratif et non exhaustif.
295
Par référence aux règles de consolidation.
296
Section 3.2: Situations susceptibles de compromettre l’indépendance.
123
Pour évaluer l’importance d’une menace, le commissaire aux comptes doit tenir compte d’un
certain nombre de facteurs (quantifiables ou non), notamment :
La nature de la situation ou la relation constituant la menace et son intensité ;
La fonction et le statut de la ou des personne(s) impliquée(s) (du côté du cabinet
d’audit et du côté du client) ;
Le degré d’intégrité de la ou les personne(s) membre(s) du cabinet ; impliquée(s)
dans cette relation ou activité ; et
L’environnement de contrôle global.
La commission européenne considère que la menace est grave si, compte tenu de tous ses
aspects qualitatifs et quantitatifs, elle accroît, à la fois individuellement et en combinaison
avec les autres menaces, le risque qui pèse sur l’indépendance du contrôleur légal et le
porte à un niveau inacceptable.297
L’IFAC considère que la menace est non significative si, elle est jugée, à la fois, insignifiante
et sans conséquence298.
L’AICPA, quant à elle, considère que la menace est à un niveau acceptable, lorsqu’elle est
raisonnablement jugée ne pas compromettre le jugement professionnel299.
Une fois le risque d’atteinte à l’indépendance estimé significatif, le commissaire aux comptes
doit :
Procéder à une analyse des mesures de sauvegarde existantes, afin de s’assurer
qu’elles permettent de neutraliser le risque ou de le ramener à un niveau acceptable ;
et
justifier en la documentant que cette analyse a bien été faite.
297
Paragraphe A 3 de l’annexe de la recommandation européenne (page 16/36)
298
Article 8.19 du code d’éthique (page 29/98).
299
AICPA,“Conceptual Framework for AICPA Independence Standards”, January 22, 2004.
124
Nous avons développé dans la partie II le système marocain de sauvegarde et de
préservation de l’indépendance du commissaire aux comptes ; à savoir, toutes les règles qui
concourent à garantir son indépendance300. Par ailleurs, nous aurons l’occasion dans le
chapitre 3 d’étudier les principales mesures de sauvegarde à instituer, pour renforcer les
garanties d’indépendance.
Une fois qu’il a identifié les mesures de sauvegarde existantes, le commissaire aux comptes
doit apprécier leur impact sur les menaces relevées ; autrement dit, il doit évaluer leur
efficacité. Laquelle efficacité dépend d’un certain nombre de conditions qu’il doit vérifier,
notamment :
les menaces ont été bien identifiées ;
les mesures de sauvegarde sont correctement conçues pour réaliser leur objectif (i.e, la
neutralisation ou la réduction de l’impact des menaces sur l’indépendance); et
elles sont convenablement appliquées.
300
Section 2.5 de la partie II.
301
Paragraphe A 4 de l’annexe de la recommandation européenne.
302
ISB, “Staff Report :A Conceptual Framework for Auditor Independence”, July 2001, paragraphe 27.
125
Plus précisément, il doit vérifier si cette prestation comporte une menace d’auto révision ou
une menace liée à l’intérêt personnel, et donc une fois fournie, pourrait affecter
respectivement son indépendance technique ou financière (ainsi que celle des personnes
couvertes).
La mission de commissariat aux comptes est définie par la loi 17-95, aussi bien en fonction
des objectifs qui lui sont assignés (émission d’un rapport de certification), que par son
contenu (les contrôles auxquels il procèdent) ainsi que sa nature (mission permanente).
Laquelle loi prévoit également des missions annexes (vérifications spécifiques) et connexes,
qui doivent être réalisées par le commissaire aux comptes.
Ainsi, les diligences du commissaire aux comptes doivent être appréciées par rapport à cette
définition légale de la mission de base et celle des autres missions que le commissaire aux
comptes est tenu de par la loi, de réaliser au profit de la société vérifiée, ainsi que par
rapport aux compléments de définition fournis par le manuel des normes.
Par ailleurs, comme nous l’avons signalé précédemment (chapitre 2 de la partie I), il s’avère
que dans la pratique professionnel, il est parfois très difficile de situer certaines activités de
conseil, par rapport à la mission de base, ce qui est le cas notamment des avis,
recommandations et conseils fournis par un commissaire aux comptes à la société auditée.
303
Article 169 de la loi 17-95.
304
Définition tirée du texte d’application de l’article 9 de l’ancien code de déontologie français.
126
Quelle est la frontière entre d’une part les avis, recommandations et conseils qui
peuvent être fournis par le commissaire aux comptes, et, d’autre part, les avis et
conseils qui compromettraient son indépendance ?
C’est une difficulté qu’apparemment aucun texte de loi, ni aucune norme ne peut résoudre
d’une manière claire. Ce qui signifie que dans la réponse à apporter à cette question, il est
nécessaire de réserver une grand part à l’éthique du commissaire aux comptes.
Cependant, nous pouvons fournir les indices suivants qui peuvent guider dans l’appréciation
de la limite, de ce qui est permis et de ce qui est interdit.
2- Par ailleurs, les avis, conseils et recommandations qui contribuent à la fiabilité des
comptes et/ou à l’efficacité de l’audit font également partie de la mission du commissaire
aux comptes. Ils concernent notamment, ceux qui concourent à l’élaboration :
9 Du manuel des principes et méthodes comptables ;
9 Des systèmes et organisations comptables ; et
9 Des procédures comptables, ainsi que toutes les procédures de contrôle interne.
127
2.2.2 - Identification de la personne qui fournit la prestation de service autre
que l’audit
128
2.2.3 - Identifier la nature du client bénéficiaire de la prestation et apprécier son
importance
La nature du client
Il y a lieu de distinguer entre des prestations fournies à une entité d’intérêt public et celles
fournies aux autres entités.
L’importance de l’intérêt public associé au commissariat aux comptes de ces premières
entités nécessite de tenir compte d’une manière plus importante, des risques d’atteinte à
l’apparence de l’indépendance. Aussi, les services fournis par le commissaire aux comptes
ou un membre de son réseau305 à ces entités ou à des entités qui lui sont liées, devraient
être traités d’une manière similaire, notamment dans le cas de services qui comportent un
risque inhérent important.
Le risque d’atteinte à l’indépendance inhérent à la nature de ces activités est jugé tellement
élevé, qu’aucune mesure de sauvegarde autre que l’interdiction, ne peut le ramener à un
niveau acceptable.
305
Réseau intégré.
129
2.2.5 - Apprécier l’indépendance financière
Des liens financiers excessifs entre d’une part le commissaire aux comptes et/ou son réseau
et, d’autre part, la société auditée et/ou les entités qui lui sont liées, implique un risque
d’intérêt propre élevé et sont de nature à engendrer une dépendance financière des
premiers par rapport aux seconds, et ce quelle que soit la nature des services fournis.
Aussi, le commissaire aux comptes doit veiller à éviter que son indépendance financière ne
soit compromise, dans les faits comme en apparence.
La norme « incompatibilité et indépendance » précise bien les raisons pour lesquelles un
soin particulier doit être accordé à cette question ; à savoir :
« […] -éviter que l’importance des honoraires perçus d’une même société vérifiée ne soit
telle que la perte de ce client compromette l’équilibre financier du cabinet d’audit. La crainte
d’un tel risque peut altérer la liberté de jugement de l’auditeur ;
-éviter que la mission d’audit, mission prioritaire, ne soit reléguée au second plan, au risque
d’être compromise, par des prestations engendrant pour le cabinet des rémunérations
répétitives excessives par comparaison avec celles de l’audit. »
Plusieurs critères peuvent être pris en compte pour apprécier cette dépendance. Il s’agit
notamment :
la dépendance par rapport à un client : la part des honoraires perçus ou attendus d’un
client ou un groupe de clients liés par rapport au total des honoraires du commissaire aux
comptes et/ou du réseau
La dépendance par rapport aux honoraires liés aux services autres que l’audit : la
part des honoraires de ces services perçus ou attendus du client ou groupe de clients par
rapport au total des honoraires perçus ou attendus de ces derniers.
Le seuil critique au-delà duquel, cette part est censée compromettre raisonnablement
l’indépendance du commissaire aux comptes, dépend de divers éléments propres à
l’environnement du commissaire aux comptes, tels que la taille du cabinet dans le cadre
duquel il exerce ou du réseau auquel il appartient, le fait qu’il soit bien établi ou nouvellement
créé, l’échelle géographique de ses activités, ou encore la situation économique du marché
du commissariat aux comptes.
En deçà de ce seuil, le commissaire aux comptes doit apprécier l’opportunité de mettre en
œuvre des mesures de sauvegarde complémentaires, telles que la revue indépendante des
travaux du commissaire aux comptes ou de l’associé en charge de la mission.
Nous allons s’intéresser plus à la nature de la prestation elle-même, qu’aux autres éléments,
qui doivent normalement être pris en compte, dans le cadre de l’approche par les risques et
mesures de sauvegarde (personnes impliquées et leur influence sur la mission de
commissariat aux comptes, l’appartenance à un réseau et la nature de ce dernier,…).
130
2.3.1 - Prestations relatives à la comptabilité (Tenue, supervision de la
comptabilité, élaboration des états financiers)
Dans la pratique, les prestations en relation avec la comptabilité varie en fonction du degré
d’implication dans le processus d’établissement des comptes et des états financiers : elles
peuvent aller de la tenue des comptes, à l’assistance dans l’élaboration des états financiers.
Vu la nature de la mission du commissaire aux comptes qui consiste entre autres, à contrôler
les comptes de la société auditée, il ne peut donc établir lui-même ses comptes. La menace
d’auto-révision est à ce niveau là, évidente.
De même, toute prestation qui consiste à préparer les documents comptables de base ou
fournir les données originales ; telles que les décisions sur les hypothèses d’évaluation,
présente un risque d’auto-révision élevé, qu’aucune mesure de sauvegarde ne peut le
réduire à un niveau acceptable.
Ainsi, ne portent pas atteinte à son indépendance les prestations d’assistance suivantes :
La réalisation de tâches comptables standardisées et mécaniques, comme par
exemple, enregistrer des opérations pour lesquelles la société auditée (personnel
comptable) a déjà déterminé la classification appropriée ;
La proposition d’écritures de régularisations, suite à la détection d’erreurs dans le
cadre de la mission de commissariat aux comptes, ou toute autre prestation
d’assistance qui s’inscrit dans le cadre des avis, conseils et recommandations306 que
le commissaire aux comptes est censé fournir à la société auditée (ex : information
sur les méthodes d’évaluation possibles).
Dans le cas des entités d’intérêt public, les prestations d’assistance et de conseils peuvent
affecter l’apparence d’indépendance, d’autant plus si l’environnement global est défavorable
à la fourniture de cette prestation.
306
Voir section 2.2.1.2 de cette partie.
131
Nous rappelons, à ce titre, que dans le cas des OPCVM, la circulaire n° 03/01 interdit toute
autre rémunération que la mission de commissariat aux comptes.
Il existe un certain consensus parmi les régulateurs étudiés dans le cadre de ce mémoire307,
sur la possibilité pour le commissaire aux comptes (auditeur externe ou contrôleur légal) de
participer au processus de préparation des comptes, dans le cadre d’une situation d’urgence
ou exceptionnelle.
A notre avis, il faut être très vigilant sur la définition de ce qui constitue une situation
d’urgence ou exceptionnelle, étant donnée la standardisation des logiciels de traitement de
la comptabilité. A moins que la nature de l’activité exercée par la société auditée nécessite
des compétences particulières et dans la mesure où ces compétences ne sont pas
disponibles chez les autres professionnels comptables, ces prestations peuvent être
réalisées par le commissaire aux comptes, sous réserve du respect des conditions
suivantes :
Le commissaire aux comptes ne prend pas et ne participe pas aux décisions de gestion ;
Le client assume explicitement la responsabilité du résultat de ces prestations (par écrit) ;
et
Les personnes impliquées dans ces prestations ne font pas partie de l’équipe d’audit et
n’exercent pas une influence substantielle sur l’audit du client en question.
Plusieurs types de services d’assistance juridique sont généralement fournis par les
commissaires aux comptes à leurs sociétés auditées. Pour apprécier les risques liés à ces
services d’assistance juridique, il y a lieu de distinguer entre :
les services qui font partie de la mission de commissariat aux comptes ; et
les autres services d’assistance juridique.
Le commissaire aux comptes doit pour apprécier le risques d’atteinte à l’indépendance liés
aux services d’assistance juridique – à proprement dits- procéder à une analyse cas par cas.
D’une manière générale, il doit tenir compte de :
leur nature exacte et la nature des diligences qu’ils nécessitent ;
Le degré d’implication du commissaire aux comptes ou du personnel du cabinet dans
lequel il exerce ; et
307
Sauf le cas du Maroc qui ne se prononce par sur la question (la directive d’application de la norme
« incompatibilité et indépendance » paragraphe 1.2, page 2)
132
Les honoraires relatifs à ces services.
Voyons de près les services les plus fréquemment fournis par les cabinets d’expertise
comptable pour leurs clients d’audit légal.
Deux positions sont possibles, selon que l’on privilégie un des deux critères suivants :
La prise de décision ou la participation à la prise de décision ; ou
L’apparence d’indépendance.
Ainsi, si on ne tient compte que du premier critère, les prestations de secrétariat juridique ne
portent pas atteinte à l’indépendance du commissaire aux comptes dans la mesure où, ce
dernier se limite à transcrire les décisions courantes des dirigeants ou des actionnaires ou à
effectuer des formalités de publicité, et ce sous réserve que, le montant des honoraires ne
crée pas des liens financiers excessifs.
Cependant, la nature de la prestation qui implique un contact régulier avec les dirigeants de
la société auditée, pourrait être perçue comme compromettant l’apparence d’indépendance
du commissaire aux comptes.
133
Ces prestations portent atteinte à l’indépendance du commissaire aux comptes, si elles sont
réalisées par ce dernier (ou un membre du réseau) au profit du client d’audit légal et ce,
dans la mesure où :
d’un côté, la menace d’auto-révision est jugée élevée ; et
d’un autre côté, le devoir du commissaire aux comptes est contradictoire avec
l’intérêt de la société à faire ressortir une situation financière aussi favorable que
possible.
Comme dans le cas des prestations d’assistance juridique, il y a lieu de distinguer entre :
Les services d’assistance fiscale faisant partie de la mission de commissariat aux
comptes ; à savoir, les opérations de contrôle et de vérification de l’application
correcte des règles fiscales et les avis, conseils et recommandations fournis dans le
cadre de ladite mission ; et
Les autres missions d’assistance fiscale.
Voyons de près les services les plus fréquemment fournis par les cabinets d’expertise
comptable pour leurs clients d’audit légal.
• Abonnement fiscal : il s’agit en général d’un abonnement forfaitaire pour la fourniture
d’informations et de conseils fiscaux, qui ne couvre pas par ailleurs, les missions
exceptionnelles par leur nature ou leur importance, telles que :
9 l’assistance lors des contrôles fiscaux;
9 l’assistance dans le cadre de contentieux ; et
9 l’étude des aspects fiscaux concernant les changements de structure de
l’entreprise (cession, transformation, fusion,…).
Cet abonnement fiscal ne porte pas atteinte à l’indépendance du commissaire aux comptes,
dans la mesure où :
il ne conduit pas le cabinet à s’impliquer dans les décisions de gestion fiscale de la
société ;
il ne comporte pas la poursuite d’objectifs fiscaux entraînant pour la société auditée une
prise de risque significatif sur le résultat ;
134
il ne crée pas liens excessifs financiers308 ;
sont établies les mesures de sauvegarde qui permettent de s’assurer que :
9 les prestations exclues du champ de la convention d’abonnement, ne sont pas
réalisées par les membres du cabinet (consultants) ;
9 les décisions sont entièrement prises par les dirigeants de la société ; et
9 les membres de l’équipe d’audit n’interviennent pas dans la fourniture de cette
prestation.
• Assistance fiscale dans le cadre d’un contrôle ou d’un contentieux fiscal
- Un commissaire aux comptes qui assiste la société auditée à l’occasion d’un contrôle fiscal,
par la préparation des réponses aux lettres de notification des redressements, est
généralement perçu comme ayant un rôle de représentation, qui est incompatible avec sa
mission de certification.
Cette prestation peut également créer une menace d’auto-révision, dans la mesure où il
participe à l’estimation de la provision pour risques et charges.
Dans le cadre de l’approche conceptuelle, le commissaire aux comptes doit tenir compte des
mesures de sauvegarde existantes, pour évaluer les risque d’atteinte à l’indépendance liés
aux prestations de services autres que l’audit, ainsi que les autres situations et relations
pouvant compromettre cette indépendance.
Il doit à ce titre s’assurer et justifier en les documentant que des mesures de sauvegarde
appropriées ; permettant de neutraliser ou de ramener ces risques à un niveau acceptable,
ont été correctement appliquées. Lesquelles mesures correspondent aussi bien à la
structure dans laquelle il exerce, qu’aux autres composantes de son environnement global, à
savoir :
Les instances de régulation ; à savoir le législateur et la profession ; et
Les sociétés auditées.
308
Ajouté aux autres prestations de services autres que l’audit légal ou les services qui lui sont liés.
135
D’une manière générale, ce système doit comporter :
- Un code de conduite interne ou code de déontologie interne
- Des procédures de contrôle interne spécifiques à la gestion des risques d’atteinte à
l’indépendance.
Dans le cas de cabinets d’audit de grande taille, la désignation d’un associé responsable des
questions liées à l’indépendance (des questions éthiques) est recommandée.
3.1.1 - Nomination d’un associé responsable des questions éthiques dans les
grands cabinets
Au service et à l’écoute des autres associés et des collaborateurs du cabinet, il devra traiter
les problèmes liés à la question d’indépendance (de la déontologie en général),
conformément aux règles d’indépendance en vigueur et à la politique d’indépendance
adopté par le cabinet.
En d’autres termes, il devra assurer des consultations et répondre aux demandes de conseil
sur des situations spécifiques. Ainsi, l’associé responsable d’une mission de commissariat
aux comptes qui est tenu d’évaluer le risque d’indépendance, peut le solliciter pour l’aider
dans son analyse de la situation conflictuelle, dans l’interprétation d’une règle déterminée, ou
l’application de la politique d’indépendance du cabinet dans une situation déterminée.
La nomination de cet associé répond d’ailleurs aux exigences de la plupart des régulateurs
passés sous revue dans la partie précédente :
la commission européenne310 et l’IFAC 311 prévoient respectivement la nomination
d’un « professionnel d’audit de haut niveau » ou d’ « un haut responsable » (« a
member of senior management »), chargé du suivi et du contrôle du système de
sauvegarde interne.
La SEC312 considère la désignation d’un haut responsable chargé du suivi et respect
des règles d’indépendance, comme composante indispensable du contrôle qualité
des cabinets, qui assurent des missions d’audit, de revue ou autres services
d’assurance pour plus de 500 clients.
Par ailleurs, l’organisation de cette fonction dans le cadre d’un département de consultation
animé par un associé et des collaborateurs peut s’avérer indispensable ; en fonction de la
taille du cabinet, de ses activités, de sa structure et l’importance de ses besoins en matière
d’indépendance.
309
Qui peuvent s’appliquer vu l’extraterritorialité de certaines règles ou en raison de la nature du portefeuille
clients (clients étrangers)
310
Paragraphe A 4.3.2)
311
Paragraphe 8.41 (j)
312
Paragraphe (d) 4 vi
136
Quelque soit le mode d’organisation choisi, la centralisation des questions liées à
l’indépendance par une seule personne, présente l’avantage de homogénéiser l’approche
adoptée pour résoudre les situations conflictuelles, de capitaliser les recherches et efforts
fournis lors du traitement des questions soulevées par lesdites situations et de développer
les compétences du personnel du cabinet en la matière, au profit d’une meilleure
performance du système de sauvegarde interne.
A ce titre, il faut noter que l’intervention de ce spécialiste des questions éthiques est
doublement bénéfique au cabinet :
- d’un côté, les avis de l’associé responsable des questions éthiques permettent, en plus de
la résolution ponctuelle du problème posé, la formation des associés et collaborateurs en
matière de règles d’indépendance et contribuent de ce fait, à accroître leur sensibilité
éthique par rapport à ces questions ; et
- d’un autre côté, les informations fournies par les associés responsables des missions
d’audit sur le terrain permettent au spécialiste des questions éthiques, de se tenir informé
des évolutions de la pratique313 et partant, d’en tenir compte dans la mise à jour de la
politique d’indépendance.
Néanmoins, il faut faire en sorte que ce mode d’organisation n’aboutisse pas à favoriser
certaines pratiques ; qui tendent à inciter les associés responsables des missions d’audit à
renoncer à l’exercice de leur jugement professionnel, qualité essentielle de notre profession,
et à recourir avec excès et sans efforts d’analyse fournis au préalable, ni discernement, aux
avis des spécialistes.
De même, si l’accès à ces consultations est ouvert à tout le personnel, afin de généraliser le
bénéfice de la formation aux questions éthiques, il est important de souligner que seuls les
associés responsables des missions d’audit en tiennent compte dans leur évaluation du
risque d’atteinte à l’indépendance, et que les collaborateurs doivent informer ces derniers, de
toute situation conflictuelle et s’abstenir par conséquent, de juger par eux-mêmes, de
l’importance significative des risques encourus.
Par ailleurs, si le mode d’organisation exposé ci-dessus convient certainement plus aux
grands cabinets, les petits et moyens cabinets dans lesquels, généralement, seul un nombre
limité d’associés exerce, peuvent se contenter de confier cette tâche à un associé, qui ne fait
pas partie de l’équipe chargée de la mission d’audit en question.
En l’absence de cet associé, le recours aux instances ordinales de l’ordre (OEC) ou à un
professionnel externe, est vivement recommandé.
Le code de conduite interne peut se limiter à traiter, que les questions liées à
l’indépendance, comme il peut s’étendre à toutes les questions éthiques, auxquelles est
confronté le professionnel dans l’exercice de ses différentes missions (un code de
déontologie interne).
Concernant les questions liées à l’indépendance, le code de conduite doit exposer :
D’un côté, la politique d’indépendance définie et mise en place par le cabinet314 afin ;
9 d'assurer l’application correcte et le maintien des dispositions de sauvegarde de
l'indépendance ; et
9 de favoriser leur amélioration continue.
313
Ces évolutions influencent la conception des questions liées à l’indépendance et partant, l’approche de
régulation (Chapitre 3 de la partie I).
314
Notamment, l’associé responsable des questions éthiques.
137
D’un autre côté, les sanctions applicables en cas de violation de cette politique.
Autrement dit, ce code écrit doit permettre de guider les membres du cabinet –notamment
l’associé responsable de la mission d’audit- à résoudre les problèmes liés à l’indépendance,
et ce conformément aux règles légales, réglementaires et professionnelles en vigueur et aux
choix stratégiques de la direction du cabinet.
Le code peut ainsi, s’articuler autour de deux parties distinctes :
Dans la première partie, le code doit rappeler d’une manière synthétique, le cadre
législatif et réglementaire national, dans lequel le commissaire aux comptes intervient et
les règles d’indépendances en vigueur (les règles d’incompatibilités et interdictions, les
normes professionnelles d’audit, le code des devoirs professionnels, la norme régissant
les règles d’incompatibilité et d’indépendance du contrôleur légal et contractuel des
comptes et sa directive d’application), en renvoyant tout lecteur, pour plus de détails, aux
sources légales et réglementaires.
Si le portefeuille des clients le justifie, un exposé sommaire des règles étrangères et des
conditions de leur application doit figurer, à côté des règles nationales.
Par ailleurs, un rappel de la nature de l’approche de régulation de l’indépendance ; à
savoir, l’approche conceptuelle, est indispensable, afin de justifier l’application de la
démarche d’analyse par les risques et mesures de sauvegarde, qui sera exposée dans le
cadre de la deuxième partie.
La deuxième partie sera consacrée ainsi, à l’exposé de l’analyse par les risques et
mesures de sauvegarde, que l’associé en charge de la mission d’audit doit adopter, pour
identifier et évaluer les risques d’atteinte à l’indépendance, et partant, décider si la
mission d’audit légal (ou la prestation de services autres que cet audit), peut être réalisée
par le cabinet (ou un membre de son réseau).
315
Notamment, les règles tirées de la recommandation européenne et du code éthique de l’IFAC, qui
adoptent la même approche de régulation que la norme précitée.
316
Pour tenir compte des contraintes d’application de la période couverte.
138
9 Expliciter certaines notions clés des règles d’indépendance ; qui ne sont pas
clairement définies ou sont marquées par une grande subjectivité, telles que le
périmètre des règles d’indépendance, les liens financiers excessifs, l’importance
significative d’un client.
Par ailleurs, comme le code de conduite est la réponse personnalisée donnée par la
direction du cabinet aux questions liées à l’indépendance, sous forme d’une politique
d’indépendance, il est évident que cette réponse doit être à la mesure et en fonction des
besoins en la matière et des moyens (humains et autres) dont il dispose. Aussi, alors que les
grands cabinets peuvent adopter une approche générale et préventive pour régler les
questions liées à l’indépendance, les cabinets de taille moindre peuvent décider de traiter les
différentes situations porteuses de risque d’atteinte à l’indépendance, cas par cas et après
leur survenance.
Enfin, le code peut aussi formaliser, dans cette deuxième partie, la position du cabinet
concernant certains points, qui impactent directement ou indirectement sa politique
d’indépendance, notamment:
- l’importance de l’activité audit dans le chiffre d’affaires à réaliser avec certains clients ou
groupe de clients ; et
- la manière dont le cabinet et son réseau entend concilier entre la complémentarité des
prestations offertes (la pluridisciplinarité) et l’indépendance des associés audit et leurs
collaborateurs ;
Dans une dernière partie, le code doit définir les procédures de contrôle interne qui
permettent la mise en place, le suivi et le contrôle de l’application de la politique
d’indépendance susmentionnée.
Le code doit être actualisé chaque fois que les circonstances l’exigent ; notamment, en
raison des changements que peuvent connaître les normes ou la pratique professionnelle,
ou dans le cas de détection d’une défaillance dans la conception ou l’application d’une
procédure de contrôle interne.
Ces mises à jour doivent être rapidement communiquées, en premier lieu aux personnes
tenues d’appliquer ledit code (les associés), et par la suite, au reste du personnel du cabinet.
La mise en place et l’utilisation d’un code interne tend à favoriser la création de valeurs
communes, auxquelles peuvent se référer les membres de l’équipe, pour une solution
uniforme aux problèmes soulevés et participer ainsi, à la création d’une culture de cabinet
sensible aux questions éthiques.
Le code doit être aussi l’occasion pour la direction du cabinet317, de souligner fortement son
engagement moral pour traiter les questions liées au principe d’indépendance d’une manière
éthique, mais aussi l’intérêt qu’elle porte pour :
- l’audit en tant que fonction principale assurée par la profession dans l’intérêt du public ; et
- la qualité des prestations offertes, en ce compris l’audit et ce, en tant que choix
stratégique du cabinet.
Enfin, au-delà d’un simple écrit, le code doit être la formalisation du comportement éthique
du commissaire aux comptes et des dirigeants du cabinet, que les collaborateurs sont
censés reproduire dans leurs relations sociales et dans leurs rapports professionnels318.
317
ou l’expert-comptable dans le cas d’un exercice indépendant de la profession .
318
Voir la section 2.1.3 de la première partie (le rôle de la socialisation dans le développement de la sensibilité
éthique).
139
3.1.3 - Les procédures de contrôle interne
D’une manière générale, les procédures de contrôle interne instaurées par le cabinet,
doivent avoir pour objectif de permettre la mise en place, le suivi et le contrôle de
l’application de la politique d’indépendance adoptée par le cabinet.
Ces procédures de contrôle interne doivent ainsi être adaptées à ladite politique, laquelle -
rappelons le- dépend de la taille et la structure du cabinet. En effet, si un petit cabinet peut
éventuellement considérer le problème de l’indépendance cas par cas seulement, et décider
ponctuellement des mesures à prendre pour atténuer le risque d’atteinte à l’indépendance
constaté, un grand cabinet devra sans doute mettre en place d’une manière préventive, des
procédures de routine ; afin de détecter les menaces –mêmes hypothétiques- pour
l’indépendance du commissaire aux comptes et d’adopter les mesures de sauvegarde qui
s’imposent.
Avant d'accepter un mandat ou lors de l’examen régulier des conditions de maintien dudit
mandat, le commissaire aux comptes doit apprécier la possibilité d'effectuer la mission
auprès de son client et procéder entre autres, à l’examen de son indépendance.
Cet examen vise à identifier toute situation, qui peut porter atteinte à son indépendance et à
l’indépendance des personnes couvertes, notamment, les prestations de services autres que
l’audit.
140
Une fois la menace identifiée et le risque d’atteinte à l’indépendance évalué, la procédure de
contrôle interne doit prévoir l’application des mesures de sauvegarde appropriées,
notamment :
9 La revue par un second associé ; ou/et
9 L’exclusion des personnes participant à la réalisation de ces services de l’équipe
d’audit.
Ce faisant, un cabinet marocain appartenant à un réseau est censé, avant d’accepter une
mission de services autres que l’audit au profit d’un client donné, consulter cette base de
données, pour identifier l’associé responsable de l’audit dudit client ou de l’entité qui lui est
liée, et partant, le contacter pour vérifier avec lui, la compatibilité de cette prestation avec la
mission d’audit. Ledit associé audit doit ainsi procéder à l’évaluation du risque d’atteinte à
l’indépendance pouvant être créé :
- en vérifiant, en premier lieu, si cette prestation est, de par sa nature, compatible avec
la mission d’audit externe319 ; et le cas échéant,
- en appréciant les liens financiers engendrés par les prestations fournies par les
entités du réseau320. Ce qui implique un inventaire des prestations fournies et les
honoraires correspondants.
Cette procédure, si elle est exposée d’une manière simple, est dans la réalité plus complexe,
du fait qu’il s’agit de respecter des règles d’indépendance de plusieurs juridictions, dont les
notions clés (ex, entités liées ou période couverte) n’ont pas toujours le même sens. Pour
qu’elle soit efficace, une uniformisation des règles d’indépendance, ou au moins des notions
clés, semble être indispensable.
Par ailleurs, cette procédure ne permet pas à l’associé responsable de la mission d’audit de
s’assurer, avant l’acceptation d’une nouvelle mission, de l’absence de prestations de
services autres que l’audit, réalisées ou en cours de réalisation par les entités du réseau, à
la société devant être auditée ou une de ses sociétés liées, qui pourraient compromettre son
indépendance. Ceci dit, il est presque inconcevable, sinon coûteux, de demander au réseau
de centraliser toutes les prestations de services autres que l’audit fournies, à chaque société
ou groupe de sociétés liées.
319
Par référence aux règles d’indépendance en vigueur.
320
Par référence aux règles d’indépendance en vigueur.
141
Procédure de contrôle interne exigeant la formalisation de l’évaluation des risques
déontologiques liés aux prestations de services autres que l’audit légal
Le commissaire aux comptes (ou l’associé responsable de la mission d’audit) doit établir un
compte rendu de l’évaluation de l’indépendance par rapport à un client audité et l’inclure
dans le dossier d’audit. Ce compte rendu vise à formaliser la procédure susmentionnée et
par là, à donner la preuve qu’elle a été effectivement et correctement réalisée.
Ce compte rendu doit inclure ainsi, le raisonnement permettant d'aboutir à la conclusion
finale ; à savoir, l’acceptation de la mission.
Si des menaces significatives sont identifiées, le compte rendu devrait inclure un résumé des
mesures qui ont été prises ou qui seront prises, pour éviter ou neutraliser le risque qui en
résulte pour l'indépendance ou, au moins, le ramener à un niveau acceptable.
Procédure exigeant la consultation en cas de difficultés d’appréciation du risque
d’atteinte à l’indépendance
Le cabinet d’audit doit établir une procédure interne, pour qu’une consultation s’engage en
son sein, ou dans le cadre du réseau, en cas de doute sur l’importance du risque représenté
par un client donné. Peuvent participer à cette consultation interne, les associés
expérimentés qui ne sont pas impliqués dans les affaires du client et qui ne sont pas
exposés au risque en question, ou le cas échéant, l’associé responsable des questions
déontologiques.
Une consultation externe peut être également prévue, si cela est jugé indispensable.
Procédure imposant une déclaration périodique de l’indépendance
En général, cette déclaration est souscrite au début de chaque mission d’audit ou chaque
année, par les personnes couvertes par les règles d’indépendance, notamment les membres
de l’équipe d’audit. Elle comporte généralement :
9 La liste des clients audités et de leurs entités liées; et
9 La liste des situations pouvant compromettre l’indépendance des personnes
couvertes
L’associé responsable des questions éthiques peut, à ce titre, être chargé de la coordination
et du contrôle de ces déclarations.
Comme nous l’avons exposé précédemment (section 2.5 de la partie II), le dispositif légal
marocain s’est doté depuis quelques années d’un système de garantie de l’indépendance,
qui n’a pas été remis en cause, à cette date, par aucun scandale comptable de la même
grandeur qu’Enron.
Aussi, il n’est pas de notre intention de proposer une réforme radicale ou fondamentale de
ce système, mais plutôt des amendements, qui s’inscrivent dans le prolongement de la
142
régulation actuelle et qui peuvent par ailleurs, renforcer les garanties de l’indépendance que
comporte cette dernière.
L’indépendance de ce commissaire aux comptes, étant conditionnée dans une large mesure
par ses compétences (et celles de ses collaborateurs aussi)321, il nous semble indispensable
pour renforcer la qualité de sa mission, de prévoir des mesures qui permettent de garantir la
pérennité des compétences acquises durant sa formation initiale et complétées par son
expérience professionnelle dans le domaine de l’audit.
La loi pourrait prévoir ainsi :
- l’obligation de s’inscrire sur une liste de commissaires aux comptes, tenue éventuellement
par l’OEC ; et
- l’obligation aux experts-comptables qui n’ont pas exercé de fonctions de commissaire aux
comptes pendant une période déterminée de suivre une formation auprès dudit ordre,
- et si cette période dépasse une certaine limite, l’obligation de passer un examen d’aptitude
professionnelle.
La surveillance du respect de ces obligations peut être effectuée, par l’OEC sur la base
notamment, de la déclaration des mandats.
L’article 161 prévoit l’incompatibilité de la mission de commissariat aux comptes avec « une
rémunération quelconque à raison de fonctions susceptibles de porter atteinte à leur
indépendance ».
Cet article présente ainsi l’avantage de formuler l’incompatibilité liée aux prestations de
services autres que le commissariat aux comptes en terme de principe général et permet de
ce fait, l’adoption d’une approche par les risques et mesures de sauvegarde, pour apprécier
le risque d’atteinte à l’indépendance lié auxdites prestations.
Cependant, comme nous l’avons expliqué auparavant, au titre des inconvénients de
l’approche conceptuelle, cette formulation générale ne permet pas au commissaire aux
comptes de prouver facilement son indépendance, en cas de litige porté devant le juge.
Elle ne permet pas également au juge saisi par cette affaire, de fixer les limites de la
« transgression punissable », à savoir la violation de la règle de l’incompatibilité. Aussi, il
nous semble important de faire dans le cadre de cet article, un renvoi aux normes d’exercice
professionnel, pour la détermination des prestations de service qui peuvent compromettre
l’indépendance du commissaire aux comptes. Ce renvoi pourrait permettre de réduire les
incertitudes liées à l’appréciation du risque d’atteinte à l’indépendance dans ce cas précis.
Dans le cadre de la section 2.5.2.1.3 relative aux interdictions, nous avons relevé certaines
situations, qui ne sont pas couvertes par l’article 162 de la loi 17-95 et qui peuvent fortement
compromettre l’objectivité de l’opinion exprimée.
321
Section 1.2 de la première partie.
143
Nous préconisons de ce fait, que les interdictions au titre des fonctions antérieures à
l’acceptation du mandat de commissaire aux comptes, visent, au-delà des fonctions
constitutives d’organes sociaux, toute fonction de dirigeant et tout emploi salarié.
Par ailleurs, il y a lieu à notre avis, de préciser, que seuls les associés en charge sont visés
par les interdictions au titre des fonctions postérieurs au mandat.
Aussi, à la lumière des réformes entreprises par d’autres pays, notamment la France, nous
proposons de restreindre ce pouvoir de la direction, en stipulant que, ni le directeur général,
autrement dit le Président directeur général, ni le directeur général adjoint, s’il est membre
du conseil d’administration, ne prennent part au vote, sur le projet de résolution qui propose
la désignation de ce candidat.
Par ailleurs, il y a lieu d’étudier l’intérêt de limiter cette réforme aux seules entités APE ou
aux sociétés cotées. L’intérêt public associé à ce genre d’entités est certes important, mais,
comme nous l’avons signalé auparavant, l’intérêt des autres parties prenantes, notamment,
les actionnaires minoritaires, les salariés, les fournisseurs, l’Etat et les autres créditeurs,
constitue un enjeu très important, pour qu’il soit occulté dans le cadre des entités non APE.
Le risque de familiarité ou de confiance excessive est un des risques les plus endémique qui
est créé dans le cadre de la relation qui lie en général, l’auditeur externe à la société
contrôlée, et encore plus dans le cas du commissaire aux comptes marocain ; dont le
mandat est renouvelable à l’infini.
Le renouvellement du mandat est certes, une –et non des moindres- des garanties de
l’indépendance du commissaire aux comptes par rapport à la société auditée (dirigeants et
actionnaires majoritaires), cependant, cette possibilité de renouvellement est en général
saisie par, aussi bien la société auditée que le commissaire aux comptes, pour « éterniser »
cette relation qui les lie et partant, débouche souvent sur une association d’intérêts
communs, qui ne peut qu’être nuisible à l’esprit et à l’apparence de l’indépendance dudit
commissaire aux comptes.
Aussi, limiter les possibilités de renouvellement semble être le moyen adéquat, pour réduire
le risque de familiarité et en même temps, ne pas renoncer complètement à une garantie
importante de l’indépendance du commissaire aux comptes, que représente le
renouvellement.
Les régulateurs sont unanimes sur ce point, cependant, le vrai débat actuel se situe au
niveau du choix de la mesure permettant de concilier efficacement entre les deux objectifs
susmentionnés.
Deux mesures sont envisageables :
exiger la rotation du commissaire aux comptes ou de l’associé principal chargé
d’effectuer la mission de commissariat aux comptes ; ou
exiger la rotation du cabinet d’audit, autrement dit de la société d’expertise
comptable.
144
Les régulateurs sont loin d’être unanimes sur cette question précise322. La plupart prévoient
la rotation de l’auditeur externe ou de l’associé principal chargé d’effectuer la mission de
l’audit externe. Cependant, depuis l’affaire Enron, certains régulateurs ont augmenté la
fréquence de cette rotation, alors que d’autres étudient la question de l’efficacité de la
rotation du cabinet d’audit.
Nous notons à ce titre, que les études qui traitent cette question, relèvent à la fois des
avantages et des inconvénients :
Avantages Inconvénients
•
risque de familiarité neutralisé • Diminuer les compétences
•
perception de l’indépendance de techniques de l’auditeur
l’auditeur renforcée • Perte de la synergie des savoirs
• nouveau regard sur la mission • Entrave à la spécialisation dans
• plus de rigueur dans l’exercice de la certains secteurs d’activités des
mission sociétés
• compétitivité entre cabinets d’audit • Augmenter le coût de l’audit
améliorée
une meilleure qualité de l’audit Une moindre qualité de l’audit
Dans la mesure où ces inconvénients et avantages ne sont pas vérifiables, nous ne pouvons
conclure sur l’efficacité ou non d’une telle mesure. Cependant, nous nous permettons de
faire les réflexions suivantes :
L’obligation de la rotation des cabinets d’audit est préjudiciable aux grands cabinets
d’audit et notamment, les réseaux ;
L’obligation de la rotation du commissaire aux comptes, qui s’assimile à une rotation
du cabinet d’audit pour ce dernier, est également préjudiciable à l’exercice
professionnel de l’expertise comptable;
la rotation de l’associé en charge est plus difficilement réalisable dans les petits
cabinets que dans les grands cabinets ;
Ainsi, pour tenir compte aussi bien de la qualité de l’audit que des intérêts des
professionnels, quel que soit leur mode d’exercice, il y a lieu à notre avis, de prévoir :
une rotation du commissaire aux comptes ou de l’associé principal chargé d’effectuer
le commissariat aux comptes au bout de deux mandats ;
une rotation du cabinet d’audit au terme de 3 mandats ; et
une période de carence de 2 à 3 ans pendant laquelle le commissaire aux comptes
ou l’associé en charge ou cabinet n’interviennent pas dans le commissariat aux
comptes du client en question.
Enfin, il y a lieu de vérifier dans quelle mesure on peut appliquer cette mesure aux seules
entités APE, ou l’étendre aux autres entités.
322
Voir annexe 13: La rotation du cabinet d’audit selon les différents régulateurs
145
Sur le plan du fond
9 Précisions sur la notion complexe de l’indépendance : la définition exacte de
l’indépendance étant impossible, adopter une approche multidimensionnelle pour
souligner les principaux aspects de cette notion :
¾ La nature de la mission de commissariat aux comptes (mission d’intérêt public) ;
¾ Les liens et interactions qui existent entre l’indépendance et les principes d’objectivité
et d’intégrité : l’indépendance est le principal moyen dont dispose le commissaire aux
comptes pour démontrer qu’en exerçant son jugement professionnel, il agit
conformément aux principes d’objectivité et d’intégrité, et non une fin en soi.
¾ Les liens et interactions qui existent entre d’un côté la qualité d’audit, et d’un autre
côté, l’indépendance et la compétence : l’indépendance et la compétence sont deux
variables interdépendantes de la qualité de l’audit.
¾ La définition de l’apparence de l’indépendance : le fait d’éviter les situations, activités
ou relations, qui de par leur nature, leur importance ou leur impact, pourraient être
raisonnablement perçues comme de nature, à compromettre l’intégrité, l’objectivité et
le scepticisme du commissaire aux comptes.
¾ L’indépendance absolue est inconcevable, vu la nature des liens qui lient le
commissaire aux comptes à la société auditée (notamment, les dirigeants et les
actionnaires majoritaires). L’indépendance relative est possible, si des mesures sont
établies par l’environnement global du commissaire aux comptes pour préserver son
indépendance.
9 Affirmer les difficultés d’appréciation de l’indépendance et renoncer de ce fait, au
test de la perception de l’indépendance par un tiers raisonnable et informé. Lequel test
aggrave par sa forte subjectivité, la complexité de la notion de l’indépendance.
9 Exposer les objectifs ultimes des exigences relatives à l’indépendance : les règles
d’indépendance doivent assurer la qualité de l’audit, afin de garantir et renforcer la
crédibilité de l’information comptable et financière, et partant, de préserver l’intérêt public.
Aussi, les règles de l’indépendance doivent-elles concourir à favoriser la qualité de
l’audit, autrement dit non seulement garantir l’indépendance des commissaires aux
comptes, mais également renforcer leurs compétences.
9 Préciser le champ d’application de l’approche conceptuelle : application de cette
approche en dehors des activités et situations strictement interdites au commissaire aux
comptes par la loi (actes de commerce, mandat commercial, emploi salarié,…).
9 Préciser le cadre théorique de l’approche conceptuelle
¾ Les concepts de base :
• Les menaces à l’indépendance (menace liée à l’intérêt personnel, menace d’auto-
révision, menace liée à la familiarité et la confiance excessive, menace de
représentation et de prise de position et la menace d’intimidation) ;
• Les mesures de sauvegarde ; et
• Le risque d’atteinte à l’indépendance (avant et après application des mesures de
sauvegarde)
¾ Les principes de base :
• Identification des menaces à l’indépendance
• Identification des mesures de sauvegarde et évaluation de leur efficacité
• Evaluation du niveau du risque d’atteinte à l’indépendance
• Application des mesures de sauvegarde complémentaires
146
Au-delà de simples définitions, énoncer le principe de l’appréciation par le commissaire aux
comptes du périmètre des règles d’indépendance, en fonction de la structure du cabinet
dans lequel il exerce et de l’environnement global dans lequel l’audit est effectué.
La codification des règles éthiques, notamment, celles relatives à l’indépendance est certes
indispensable pour les raisons que nous avons évoquées auparavant, cependant, elle
323
Section 1.2.1 de la partie I.
147
pourrait être inutile, en l’absence de mécanismes qui permettent de contrôler l’application
effective desdites règles par les professionnels de l’audit.
Aussi, l’institution récente d’un contrôle qualité ou contrôle de l’activité professionnelle324 par
les instances ordinales de l’Ordre des experts –comptables constitue-t-elle, et à plusieurs
égards, une mesure favorable à l’indépendance des commissaires aux comptes :
Outre le contrôle des diligences et des procédures qui permet de garantir le respect des
normes d’audit, et partant, la qualité des travaux réalisés et de l’opinion fournie, le contrôle
de l’activité a pour objectif de s’assurer du respect des normes de comportement
professionnel et donc, constitue un moyen de faire respecter l'exigence d'indépendance. Par
ailleurs, l’existence d’un tel contrôle permet d’une manière générale de restaurer la confiance
du public et des régulateurs dans la qualité des missions d’audit externe et améliore leur
perception de l’intégrité et l’objectivité, et donc de l’indépendance de ceux qui mènent ces
missions (l’apparence de l’indépendance).
Cependant, il y a lieu de signaler que l’institution d’un tel contrôle constitue seulement
l’aspect visible de l’approche professionnelle de la question de la qualité et de l’éthique, et
seule l’efficacité de ce contrôle peut assurer les objectifs susmentionnés.
Aussi, il est important de veiller :
L’exigence d’une formation d’expertise comptable pour les commissaires aux comptes,
constitue une condition importante, mais non suffisante, pour la sauvegarde de leur
indépendance par rapport à la direction des sociétés auditées.
En effet, la consolidation de cette formation initiale par l’expérience professionnelle et par
une formation continue de qualité, assure l’efficience des compétences techniques du
commissaire aux comptes, face à un environnement global en perpétuelle évolution, et
partant, garantit la pérennité de son indépendance.
Aussi, l’obligation d’une formation continue instituée en 2004 par « la norme sur la formation
continue obligatoire des membres de l’OEC » est-elle une mesure importante, qui ne peut
que renforcer le système de sauvegarde de l’indépendance des commissaires aux comptes.
Encore faut-il, comme pour le cas du contrôle de l’activité, assurer une efficacité extrême à
cette mesure ; en veillant à instituer les mécanismes appropriés, à même de contrôler le
respect de cette norme et de sanctionner tout contrevenant.
324
Norme sur le contrôle de l’activité professionnelle des membres de l’ordre.
325
Sans désigner nommément aucun cabinet d’audit.
326
Section 1.3.1 de la première partie.
148
contrôlées »327, autrement dit l’ensemble des mécanismes qui encadrent la gestion de
l’entreprise, notamment l’acte essentiel que constitue l’élaboration et l’approbation des
comptes.
Le contrôle des comptes effectué dans le but d’assurer la sécurité et la crédibilité de
l’information financière, constitue un- et non des moindres- de ces mécanismes. Aussi, est-il
toujours important de situer toute réflexion sur celui qui exerce ce contrôle légal, à savoir, le
commissaire aux comptes, dans le cadre général de la gouvernance d’entreprise.
Il n’est pas de notre intention dans cette section, d’aborder dans le détail tous les aspects
théoriques et pratiques de la gouvernance d’entreprise, mais seulement de traiter ceux qui
peuvent impacter directement le commissaire aux comptes, et notamment, les structures et
pratiques qui permettent de garantir l’indépendance de ce dernier.
Les propositions de modifications aussi bien dans le droit applicable que dans la pratique,
que nous allons développer ci-dessous, ont ainsi pour objectif de renforcer les garanties
d’indépendance que peut fournir la société auditée.
Si la loi 17-95 est fortement marquée par les mesures de pénalisation des dirigeants de la
société anonyme, il n’en demeure pas moins qu’elle présente un apport important en matière
de gouvernance d’entreprise, qui tend à protéger les actionnaires majoritaires, mais aussi les
actionnaires minoritaires.
L’introduction des administrateurs externes, la création des comités techniques,
l’approbation des conventions réglementées, le droit des minoritaires à une contre-
expertise…sont autant de mesures qui permettent un meilleur équilibre des pouvoirs au sein
de cette entité.
Quelles sont donc les autres mesures légales qui peuvent renforcer se système
d’équilibre ?
Quant aux grandes sociétés, elles sont dans la majorité des cas, à actionnariat concentré.
Un actionnaire majoritaire exerce ainsi un contrôle absolu sur la gestion -sans pour autant y
participer directement- et ce à travers, la nomination des membres du conseil
d’administration ou du directoire
La cotation à la bourse permet par ailleurs, l’ouverture du capital de ces sociétés et se traduit
par la présence d’actionnaires minoritaires, qui peuvent rarement supporter le coût d’une
implication plus active dans la vie de ces sociétés.
327
« Rapport Cadbury » et «Principes de gouvernement d’entreprise » de l’OCDE.
149
Ainsi, les structures et pratiques de gouvernance d’entreprise doivent dans le cas marocain,
résoudre les conflits d’intérêts entre actionnaires minoritaires et actionnaires majoritaires, et
dans une moindre mesure, les conflits entre ces derniers et les managers.
Si la transposition des règles étrangères dans notre droit des sociétés, doit être écartée, vu
les spécificités de l’actionnariat marocain, il n’en demeure pas moins que certains
aménagements de notre cadre juridique pourrait être réalisés, pour garantir les intérêts, non
seulement des actionnaires –aussi bien majoritaires que minoritaires-, mais aussi des autres
parties-prenantes « Stakeholders ».
Ces aménagements portent essentiellement sur la réglementation du conseil
d’administration, qui constitue à plusieurs égards, le maillon faible de la chaîne des
responsabilités au sein des sociétés anonymes. Pour qu’il exerce efficacement son rôle de
contrôle, certains amendements doivent être portés à cette réglementation, pour permettre
une meilleure répartition des responsabilités entre ses différents organes.
Alors que dans le cadre de la forme duale, il y a une distinction claire entre les fonctions de
gestion assurées par le directoire, et les fonction de contrôle, assurées par le conseil de
surveillance, dans le cadre de la société à conseil d’administration, ce dernier assure à la
fois les deux fonctions.
Cette confusion des rôles est accentuée par la formulation adoptée par la loi pour définir les
pouvoirs de cet organe : l’article 69 de la loi 17-95 stipule que « le conseil d’administration
est investi des pouvoirs les plus étendus pour prendre en toutes circonstances toutes
décisions à la réalisation de son objet social au nom de la société ».
Dans la pratique, le conseil d’administration en tant qu’organe collégial, n’exerce pas ce
pouvoir étendu, qui est plutôt délégué au président du conseil, lui aussi doté de la même
compétence générale. En effet, le 2ème alinéa de l’article 74 prévoit que « sous réserve des
pouvoirs que la loi attribue expressément aux assemblées d’actionnaires, ainsi que des
pouvoirs qu’elle réserve de façon spéciale au conseil d’administration,…le président est
investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la
société. ».
Ce recoupement dans la délimitation des compétences ne favorise pas une perception claire
du rôle du conseil d’administration et encourage ce dernier, à ne pas remplir correctement
son rôle de contrôle interne de la gestion de la société.
Aussi, nous semble-t-il important d’adopter une formulation qui clarifie les missions
assignées à cet organe, tout en lui reconnaissant un rôle prépondérant dans la conduite des
affaires sociales.
Le conseil d’administration devrait ainsi, être chargé principalement de la détermination des
orientations de la société et du contrôle de leur mise en œuvre.
Déchargé de sa compétence générale, le conseil d’administration devrait pouvoir exercer un
contrôle efficace sur la direction générale ; notamment, à travers la supervision des
systèmes de contrôle interne.
Dans le cadre de cette répartition des responsabilités, quel est le rôle du président du
conseil d’administration ?
328
Le rapport Cadbury(1992), Principles of corporate governance (1993), rapport Viénot (1999)
150
surveillance n’est plus garantie329, du fait de la confusion des compétences et des
responsabilités. D’autre part, ce cumul empêche la détermination des responsabilités
respectives, dans les actes réalisés par le directeur général. Comment dissocier entre les
actes réalisés en tant que directeur général de ceux qui le sont en qualité de président du
conseil d’administration, notamment lorsqu’ils concourent à réaliser une opération dans
laquelle il a un intérêt personnel ?
Par ailleurs, dans le cadre général d’un actionnariat concentré marqué par l’existence d’un
actionnaire majoritaire, ce cumul ne peut que renforcer le pouvoir de ce dernier sur la
société, et partant, à privilégier son intérêt sur l’intérêt des actionnaires minoritaires et des
autres parties prenantes.
Il nous semble donc indispensable, dans la logique d’une répartition équilibrée des pouvoirs
au sein du conseil d’administration, de dissocier ces deux fonctions, en laissant par ailleurs
le choix de l’option pour le cumul, aux actionnaires330.
Loin d’être une simple fonction honorifique, la présidence du conseil d’administration doit
être considérée comme une fonction à part entière. Le nouveau président devrait être chargé
d’une mission générale, qui est de garantir le bon fonctionnement des organes de la société,
la direction générale et le pouvoir d’engager la société reviendraient de ce fait, au directeur
général. A ce titre, il est tenu de :
- représenter le conseil d’administration ; dans le sens d’assurer toute
communication interne ou externe émanant de ce dernier ;
- organiser et diriger ses travaux ;
- rendre compte aux assemblées générales ; et
- s’assurer que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission.
Afin d’assurer efficacement leur rôle, les administrateurs doivent participer de manière active
et éclairée aux discussions et délibérations du conseil d’administration. Par conséquent,
toute revalorisation de leurs fonctions doit être accompagnée nécessairement par des
mesures qui:
- D’un côté, leur reconnaissent explicitement un droit individuel à l’information ;
- D’un autre côté, pénalisent toutes actions tendant à les priver de ce droit.
329
Alors que le conseil est censé, selon les principes directeurs de l’OCDE, de porter un jugement objectif sur la
conduite des affaires de la société, en toute indépendance.
330
Ils peuvent juger que ce cumul assure leurs intérêts. Cependant, il faut conditionner ce choix par une décision
à l’unanimité de l’assemblée générale, pour ne pas léser les actionnaires minoritaires.
151
Ce droit individuel à l’information sera d’autant utile, pour éviter qu’un président de conseil
fortement dépendant d’un actionnaire majoritaire, n’entrave l’exercice de leurs obligations, en
les privant ou en retardant l’accès aux informations indispensables.
L’article 157 de la loi 17-95 prévoit la possibilité pour au moins le dixième des détenteurs du
capital de la société de demander, par devant le président du tribunal, une contre-expertise
(notamment comptable) concernant une opération ou plusieurs opérations de gestion.
Etant donné la récente et faible ouverture du capital des sociétés marocaines, il nous semble
indispensable pour renforcer les droits des minoritaires de réduire ce seuil à 5%.
Institués initialement dans l’esprit de permettre aux dirigeants des pays à haut risque de
contentieux, de se prémunir contre les risques de mise en cause de leurs responsabilités332,
les comités techniques représentent une des pratiques de gouvernance d’entreprise, les plus
en vogue.
Comme nous l’avons signalé dans la section 2.1 de cette partie, le commissaire aux comptes
peut s’appuyer sur l’existence d’un organe de gouvernance tel que le comité des comptes ou
le conseil de surveillance pour limiter l’impact de certaines menaces sur son indépendance.
En effet, la présence d’un comité des comptes dans le cadre des sociétés anonymes à
conseil d’administration (formule classique) constitue, d’un côté, une garantie de l’efficacité
du rôle joué par le conseil d’administration, et d’un autre côté, de la transparence de la
relation entre le commissaire aux comptes, le conseil d’administration et les dirigeants.
L’arrêté des comptes constitue l’acte par lequel le conseil d’administration exerce par
excellence sa mission de contrôle de la gestion de la société. Aussi, est-il tenu d’y apporter
tout le soin qu’il faut ; notamment, en exerçant sa fonction de discussion et de contre-
expertise des propositions de la direction. Dans la pratique, il est souvent relevé que cette
331
FEE, “A Conceptual Approach to Safeguarding Integrity, Objectivity and Independence throughout the
Financial Reporting Chain”, November 2003, pages 17
332
Notamment, dans les pays anglophones.
152
fonction est occultée, en raison notamment, de la dominance du président-directeur général
et de cette ambiguïté dans les compétences du conseil d’administration (gestion et contrôle).
Ce faisant, le conseil d’administration se limite à jouer le rôle d’une « chambre
d’enregistrement », voire même, une instance destinée à instaurer l’harmonie et dégager un
consensus sur les décisions et les actes du président, qui s’en sert à son tour, pour
consolider son pouvoir au sein de cet organe.
Les codes de gouvernance d’entreprise recommandent en plus de la dissociation des
fonctions de président et de directeur général, la création d’un comité des comptes pour
réaliser, au profit du conseil d’administration, toutes les diligences en matière d’information
financière et de contrôle des comptes. La nature et l’étendue des missions qui lui sont
assignées, sont ainsi fixées par ledit conseil, en fonction de ses besoins en ce domaine, et
de la complexité des opérations financières et comptables de la société.
Dans la pratique, même s’il existe une diversité dans les attributions du comité, un fort
consensus autour des missions fondamentales relatives à l’information comptable et
financière, est relevé. Il s’agit essentiellement de :
- la révision des comptes annuels, et le cas échéant, semestriels ou trimestriels ;
- s’assurer de la pertinence et la permanence des méthodes comptables ; et
- l’évaluation des procédures de contrôle interne relatives à l‘information financière.
Ainsi, grâce à ce comité, le conseil peut effectuer une instruction périodique et approfondie
des éléments majeurs susceptibles d’affecter la structure des comptes et la validité des
données, ce qui contribue à la fiabilité des états financiers et à la transparence des
procédures comptables et financières.
Dans le cadre de l’analyse systémique développée dans la section 1.2.3333, nous avons
abordé la question de la nécessité de l’instance de médiation pour atténuer la relation trop
directe qui lie le commissaire aux comptes aux dirigeants de la société auditée, et renforcer
ainsi, son indépendance334. Laquelle relation peut créer, en l’absence de mesures de
sauvegarde appropriées, un rapport de force, qui souvent est en défaveur du commissaire
aux comptes. Dans les pires des cas, elle peut conduire à la pratique de l’audit légal, pour le
compte de ces dirigeants (« management approach »335.
Le comité des comptes peut, sous certaines conditions, jouer ce rôle de médiation, et
partant, assainir la relation qui lie le commissaire aux comptes aux dirigeants, et par la
même occasion, renforcer sa relation avec le conseil d’administration.
En fonction des attributions qui lui seront assignées et des moyens d’investigations qui lui
seront accordés, ce comité pourra être l’interlocuteur privilégié du commissaire aux comptes;
avec lequel notamment, il discutera des points suivants :
L’avis du comité des comptes pourra ainsi, conforter la position des commissaires aux
comptes, par rapport aux dirigeants.
Par ailleurs, l’intervention de ce comité dans la proposition de la désignation du commissaire
aux comptes, permettra de consolider la position de ce dernier dans le rapport de force qui le
lie aux dirigeants.
333
Première partie.
334
Section 2.3.2 de la partie I
335
Section 3.2.2.2.4 de la partie I
153
Enfin, dans le cadre de sa démarche d’analyse par les risques et les mesures de
sauvegarde, le commissaire aux comptes pourra profiter des discussions et communications
régulières entre lui et cet organe de gouvernance, pour rapprocher ses propres mesures de
sauvegarde de celles de la société auditée. Ainsi, le rôle attribué à cet organe en matière de
suivi, de contrôle des prestations de services autres que l’audit (nature et honoraires), voire
même d’approbation préalable, constitue une mesure de sauvegarde interne à la société
auditée, dont le commissaire aux comptes doit en tenir compte pour évaluer le risque
d’atteinte à son indépendance. De même, la présence de cet organe en tant que garant de la
fiabilité des comptes et des procédures de contrôle interne et la possibilité offerte au
commissaire aux comptes de consultation et de concertation sur ces prestations peuvent, en
présence des autres mesures internes de sauvegarde, réduire de beaucoup ledit risque.
Cependant, la seule présence d’un organe tel que le comité des comptes dans une société
auditée ne suffit pas en tant que telle, pour garantir un rôle actif dans le renforcement du rôle
de contrôle du conseil d’administration, et encore moins, dans le renforcement de
l’indépendance du commissaire aux comptes. Les scandales financiers et comptables des
sociétés américaines, notamment, Enron et WorldCom ; qui disposaient bel et bien de
comité d’audit336, confirment largement nos réserves, à ce sujet.
Que faut-il donc pour que ces comités de comptes assurent efficacement les missions
susmentionnées ?
L’article 51 de la loi 17-95 prévoit que « le conseil d’administration peut constituer en son
sein, et avec le concours, s’il estime nécessaire, de tiers, actionnaires ou non, des comités
techniques chargés d’étudier les questions qu’il leur soumet pour avis. »
Le cadre juridique marocain permettant ainsi la création des comités techniques, il est donc
possible pour les conseils d’administration des sociétés marocaines de créer un comité des
comptes.
Il n’est donc pas juridiquement délié du secret professionnel à l’égard du comité ; qui est une
émanation du conseil d’administration. Aussi, est-il indispensable de lever cette restriction,
afin de donner audit comité un pouvoir d’investigation sur les aspects comptables et de
permettre au commissaire aux comptes de communiquer avec ce dernier.
Par ailleurs, il faut noter que, dans la mesure où c’est le conseil qui fixe la composition et les
attributions du comité, ce dernier ne peut jouer son rôle que si, la distinction entre la gestion
et le contrôle est assurée au sein même du conseil. Sinon, le comité d’audit sera toujours
sous la dépendance du président-directeur général, et ne peut donc apporter un avis objectif
sur les points de désaccord entre le commissaire aux comptes et la direction.
336
Jeffrey A. Sonnenfeld, “What makes great boards great”, Harvard Business Review, 09/2002, pages 106-113.
337
Article 177 de la loi 17-95
338
Article 169 de ladite loi.
154
3.3.2.3.2 - Composition du comité des comptes : indépendance et compétence
Indépendance
Pour garantir l’efficacité du comité des comptes, les administrateurs indépendants devraient
constituer une part importante des membres dudit comité339. Les critères d’indépendance
sont cités ci-dessus (section 3.3.1.5.2). A ce titre, la FEE recommande l’application de
l’approche conceptuelle pour apprécier les risques d’atteinte à l’indépendance des
administrateurs, mais aussi tous les autres risques d’atteinte à la déontologie des divers
acteurs de la chaîne de l’information financière.
Compétence
Vu la nature des missions qui sont attribuées au comité, les administrateurs qui y sont
membres doivent avoir un minimum de connaissances en matière comptable. Par ailleurs, il
est généralement recommandé qu’au moins le président du comité soit un professionnel
financier expérimenté.
Par ailleurs, si le recours à des experts en la matière est recommandé dans le cas des
PMEs, quand il s’agit d’une grande société, le concours d’un service d’audit interne est
indispensable.
339
Généralement, plus d’un 1/3.
155
CONCLUSION GENERALE
La régulation des aspects d’indépendance liés aux prestations de services autres que
l’audit est loin d’être une tâche facile, aussi bien pour les régulateurs que les
professionnels.
En effet, l’incompatibilité de l’audit avec d’autres services, affirmée après la faillite d’Enron et
la défaillance des audits menés par Arthur Andersen, semble être plus une décision
«politique », prise pour restaurer la confiance des marchés financiers, qu’une conséquence
logique d’une réflexion et analyse approfondie de l’impact réel de ces services sur l’intégrité
et l’objectivité des auditeurs externes (commissaires aux comptes).
Cette analyse doit être faite notamment, par rapprochement de cet impact avec le risque
inhérent à la mission d’audit, en tant que prestation de service fournie par un professionnel
du secteur privé (menace liée à l’intérêt personnel en raison du désir du maintien des
honoraires d’audit et de la crainte de la perte du mandat).
Cependant, il faut souligner, que l’impact de ces services sur l’indépendance de l’auditeur
externe et donc, sur la qualité de l’audit ne peut être vérifié empiriquement, dans la mesure
où il s’agit, avant tout, d’un état d’esprit.
Quant à l’impact sur l’apparence de l’indépendance, il est évident que cette apparence ne
peut qu’être compromise, en présence de toute relation liant l’auditeur à l’audité, en dehors
de la mission d’audit, et encore plus, si une prestation de service est réalisée au profit de ce
dernier, vu la forte médiatisation de l’affaire Enron en tant qu’une affaire de défaillance de
l’audit mené par le cabinet Arthur Andersen (Affaire Enron-A.Andersen).
Par ailleurs, les enjeux financiers liés à ces services sont importants pour la survie de la
profession, notamment pour :
En effet, la diversité des prestations de services rend impossible l’uniformisation des axes de
réflexions, qui permettent de guider l’auditeur externe dans la conduite de l’analyse par les
risques et les mesures de sauvegarde et entraîne de ce fait, des difficultés supplémentaires
d’appréciation du risque d’atteinte à l’indépendance.
Ces difficultés d’appréciation sont accentuées davantage, avec les imprécisions relevées au
niveau des concepts clés de l’analyse susmentionnée, notamment :
156
9 Le seuil de signification applicable aux prestations comportant des risques pour le
résultat, la situation financière ou le patrimoine de la société vérifiée, ou aux opérations
susceptibles d’affecter l’égalité entre les actionnaires ; et enfin
9 L’évaluation de l’efficacité des mesures de sauvegarde appropriées (ex ; rotation de
l’associé responsable de la mission ou rotation du cabinet, règles légales ou normes
professionnelles, pratiques de gouvernance d’entreprises instituées par des lois ou des
recommandations, contrôle externe de qualité diligenté par la profession ou par un
organe public de tutelle).
L’indépendance du commissaire aux comptes n’est pas qu’une affaire de respect de règles
d’indépendance, elle peut être menacée même lorsqu’il n’y a pas atteinte à ces règles
écrites.
Certes, les règles d’indépendance existantes et les mesures de sauvegarde proposées pour
les renforcer sont utiles, cependant, leur efficacité dépend largement des personnes qui les
appliquent et notamment, de leur intégrité.
En effet, si la rotation des cabinets est instaurée afin de neutraliser la menace de la
familiarité, des ententes pourraient naître entre les cabinets pour assurer « un commissariat
aux comptes alterné ». Lesquelles ententes ne seraient-elles pas aussi compromettantes
pour l’intégrité de l’audit que la menace de la familiarité? Dans quelle mesure la rotation de
l’associé responsable de la mission d’audit d’un client déterminé permet-elle de garantir
l’objectivité de l’opinion émise, si le cabinet d’audit dans lequel il exerce, est dépendant
financièrement de ce client ?
Par ailleurs, si des comités des comptes (comités d’audit) sont instaurés pour équilibrer la
relation qui lie les dirigeants aux commissaires aux comptes :
En parallèle, une réflexion stratégique sur le futur de la profession devrait être menée afin de
garantir les moyens d’assurer sa pérennité sans compromettre son intégrité.
Par ailleurs, les autres acteurs de la chaîne de l’information financière, notamment, les
dirigeants et le conseil d’administration, devraient conforter les commissaires aux comptes
dans leur comportement objectif, en appliquant les pratiques de bonne gouvernance
d’entreprise qui favorisent la transparence de cette information financière.
157
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3 - Ouvrages
4 - Mémoires