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Mémoire d'Habilitation à Diriger la Recherche (HDR): Les pratiques de


l’agriculture de conservation : un levier d’amélioration de la fertilité des sols
et d’innovation en agricultu...

Thesis · November 2018

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Joséphine Peigné
ISARA-Lyon
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SEE PROFILE

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Mémoire d’Habilitation à Diriger la Recherche (HDR) –
Université Claude Bernard, Lyon 1

Les pratiques de l’agriculture de conservation : un levier


d’amélioration de la fertilité des sols et d’innovation en
agriculture biologique ?

Soutenue le 8 Novembre 2018 par Joséphine Peigné, ISARA


Lyon, Unité Agroécologie et Environnement

Jury :

M. Lionel Alletto, Chargé de mission CRA Occitanie, INRA Toulouse, examinateur


Mme Maria Fernandez, Professeure d’université, Lyon 1, rapporteure
Mme Aurélie Metay, Maître de conférences, Montpellier SupAgro, examinatrice
M. Jean Roger-Estrade, Professeur AgroParisTech, Paris, rapporteur
M. Marc Tchamitchian, Directeur de Recherche, INRA d’Avignon, rapporteur
Remerciements
En tout premier lieu, je tiens à remercier M. Yvan Gautronneau qui m’a énormément appris sur
l’agriculture française, son histoire, l’agronomie et bien sur la fertilité du sol, son travail et le
profil cultural. C’est grâce ou à cause ( !) de lui que j’ai pu mener l’ensemble de ces travaux sur un
sujet si passionnant. Je remercie aussi vivement les autres membre s de l’équipe d’agronomie de
l’ISARA Lyon qui ont travaillé avec moi : Jean-François Vian, mon binôme, Florian Celette, Marion
Casagrande (ITAB aujourd’hui), Thomas Lhuillery et Christophe David. Sans l’ensemble des
connaissances et des compétences des agronomes de l’ISARA je n’aurai jamais pu mener tous ces
travaux de recherche, et surtout prendre autant de plaisir ! Dans l’équipe des agronomes, j’inclus
bien évidemment tous les stagiaires et doctorants qui ont travaillé avec moi depuis 15 ans : Vincent,
Laura, Gwladys, Monica, Jonathan, Daniela, Charlie, Pauline, Valentin, Silvan… en espérant ne pas en
oublier.
L’ISARA Lyon est une école, où nous nous connaissons toutes et tous, je tiens a ussi à remercier
L’ISARA, comme institution, pour m’avoir fait confiance et l’ensemble des mes collègues, dont ceux
du département Agroécologie et Environnement, qui tout au long des 15 années m’ont accompagnée
dans mes travaux et dans les autres moments de la vie, avec une petite dédicace à mes amies . Nous
avons commencé la même année, nous nous sommes serrées les coudes pendant 15 ans : Carole
Chazoule et Séverine Cavret.
Aucun travail de recherche ne se fait sans formation, partenariats et collaborations. Parfois une
discussion rapide avec des enseignants ou des collègues fait le déclic. Comme je le dit plus loin, il est
rare de créer à partir de rien. Je tiens ainsi à remercier dans une premier temps tous les enseignants
et encadrants qui m’ont appris à penser et à travailler comme un chercheuse, tout en me laissant
libre de développer mes compétences et envies propres : Christian Mouchet qui m’a fait tomber
dans la bio dès mes études (ENSA Rennes), M. Bourdais (Encadrant IRSTEA de Bordeaux), Philippe
Leterme (ENSA de Rennes) qui m’a remise sur les rails de l’agronomie et Philippe Girardin (INRA de
Colmar) qui m’a encadrée pendant ma thèse. De nombreux collègues ont œuvré aussi à ma
formation de chercheuse via nos travaux communs et nos échanges. La liste serait très longue donc
je remercie le noyau dur : Mario Cannavvaccuiolo (ESA Angers) qui m’a ouvert la porte du monde des
vers de terre ; Jean Roger Estrade qui m’a introduite au cœur de la structure du sol et m’a souvent
accompagnée dans le suivi de mes doctorants ; Hubert Boizard pour nos travaux sur le profil cultural ;
Laetitia Fourrié (ITAB) avec qui j’ai travaillé sur de nombreux projets en bio. Et pour finir, je voudrais
remercier les agriculteurs avec qui j’ai collaboré et sans qui je n’aurai jamais pu développer mes
recherches : Merci donc à Claude Barbet, Bernard Comte, Joseph Fray, M. Oddos, M. Emperaire,
Denis Valentin et Patrick Vacher.
Je tiens à remercier le jury de mon Habilitation à diriger la recherche, pour le temps et j’espère
l’intérêt accordé à mes travaux de recherche : M. Alletto, Mme Fernandez, Mme Metay, M. Roger-
Estrade et M. Tchamitchian.
Enfin, un remerciement spécial à deux collègues, ami-e-s- et plus, pour leur aide précieuse à la
réalisation de ce mémoire via leurs relectures et leurs conseils : merci à Marion Casagrande et à
Philippe Fleury.

1
Table de matières
Curriculum Vitae 3
L’agriculture de conservation: un levier d’amélioration de la fertilité des sols et d’innovation en
agriculture biologique ?
Introduction ................................................................................................................................11
L’agriculture biologique : ses principes et ses enjeux ..................................................................11
La fertilité des sols en agriculture biologique..............................................................................13
L’agriculture de conservation comme levier pour améliorer la fertilité des sols en AB ?................16
Les questions de recherche .......................................................................................................18
Le plan du mémoire..................................................................................................................19
I. Compréhension des changements de fertilité induits par l’agriculture de conservation sur les
sols en AB....................................................................................................................................21
A. Etat de l’art et questions posées ........................................................................................21
B. Les méthodes d’observation visuelle des états physiques et biologiques des sols..................25
C. Les essais expérimentaux mobilisés....................................................................................35
D. Effets de l’agriculture de conservation sur les composantes physiques et biologiques des sols
39
E. Impacts des modifications de fertilité du sol et du contrôle des adventices sur la production
végétale...................................................................................................................................58
F. Conclusion sur la compréhension des changements de fertilité induites par l’agriculture de
conservation sur les sols en AB..................................................................................................64
II. Conception de nouveau systèmes de culture en AB s’appuyant sur les principes de l’AC ........67
A. Etat de l’art et questions posées ........................................................................................68
B. Explorer la diversité des pratiques des agriculteurs afin d’hybrider leurs connaissances avec
celles des chercheurs................................................................................................................72
C. Concevoir des systèmes de grandes cultures en AB en valorisant à la fois les connaissances
des agriculteurs et les résultats de la recherche .........................................................................77
D. Evaluation au champ de systèmes de culture co-conçus ......................................................89
E. Conclusion sur la conception de nouveaux systèmes de culture en AB s’appuyant sur les
principes de l’AC.......................................................................................................................91
Conclusion générale sur le bilan de mes travaux...........................................................................93
Projet : accompagner les systèmes de culture vers l'Agroécologie
I. La transition agro-écologique ...............................................................................................95
A. Définition(s) de l’agroécologie et de la transition agroécologique en France .........................95
B. Les pratiques agroécologiques ...........................................................................................97
C. La fertilité du sol, base et objectif de pratiques agroécologiques..........................................98
D. Les questions que je souhaite développer ..........................................................................99
II. L’insertion de pratiques agro-écologiques dans les systèmes de culture............................... 100
A. Le semis direct sans herbicide .......................................................................................... 100
B. Concevoir des SdC avec les agriculteurs pour conduire la transition agro-écologique d’un
territoire ................................................................................................................................ 106
III. Les outils mobilisés par les agriculteurs dans la mise en œuvre de pratiques agroécologiques
109
Conclusion et liens entre mes travaux de recherche et l’enseignement ....................................... 112
Références ................................................................................................................................ 114
Liste des tableaux...................................................................................................................... 127
Liste des figures......................................................................................................................... 127

2
Curriculum Vitae
CURSUS PROFESSIONNEL

2003-2018 : Enseignante - chercheure en sciences agronomiques à l’ISARA Lyon


2000-2003 : Doctorante à l’INRA (Colmar, 68), Thèse financée par la société ECOCERT sous la
direction de M. Girardin (Directeur de recherche INRA Colmar)
2000-2003 : Activité d’enseignement : dispense de cours à des élèves ingénieurs (Ecole
d’agriculture de Purpan, Lille, Strasbourg, Lyon, Rennes) et lors de sessions de formation
professionnelle (syndicats agricoles, groupements d’agriculteurs)
DIPLOMES

2000-2003 : Doctorat de sciences agronomiques de l’école doctorale de Rennes : « Méthode


d'évaluation des pratiques agri-biologiques sur la qualité de l'air à l'aide d'indicateurs agri-
environnementaux », soutenue en 2003 sous la direction de M. Girardin (DR INRA de Colmar)
1999-2000 : Spécialisation Agronomie option Production Végétale à l’ENSA (Ecole Nationale
Supérieure d’Agronomie) de Rennes : obtention d’une dérogation de D.E.A.
1996-1999 : Diplôme nationale d’ingénieur agronome de l’ENSA de Rennes. Spécialisation génie
de l’environnement option Système de Production et Développement Rural

ENCADREMENT DE TRAVAUX DE RECHERCHE


Nom et Prénom Formation % d’encadrement Période
Doctorats
Vian, Jean-François Doctorat d’Agronomie (ABIES) J. Peigné : 50 % ; R. Chaussod : 2006-2009
25% ; J. Roger-Estrade : 25%
Lefevre, Vincent Doctorat d’Agronomie (ABIES) J. Peigné : 40% ; M. Capitaine : 2009-2013
40% ; J. Roger-Estrade : 20%
Vincent-Caboud, Laura Doctorat d’Agronomie (ABIES) J Peigné : 70 % ; C David : 30 % 2016-2019
Accueil de doctorants étrangers
Baldivieso-Freitas,Paola Doctorat D’Agronomie, Accueil 3 mois pour traiter données 2016
Université de Barcelone sur les lombrics
Bouhass, Mohammed Doctorat d’Agronomie, Accueil 2 semaines pour traiter 2017
Université Djilali Lliabès données sur la faune du sol
Stages de Master
Vian, Jean-François Master 2, microbiologie J Peigné : 100% 2005
Lyon 1
Lefevre, Vincent Ingénieur ENITA Clermont J Peigné : 100% 2009
Ferrand (éq. Master 2)
Dahmani, Jonathan Master 2 (Ecole de PURPAN) J. Peigné : 100% 2010

Stanica-Negrescu, Master 2 AGROECOS (ISARA J. Peigné : 40 % 2013


Monica Lyon) JF Vian : 60%

Huctin, Gwladys Master 1 AGROECOS J. Peigné : 100% 2014


Vincent-Caboud, Laura Ingénieur (éq. Master 2) J. Peigné : 100% 2016
Sierra, Daniela Master 2 Université de J Peigné : 100% 2018
Bogota, Colombie

3
PRINCIPALES ACTIVITES D’ENSEIGNEMENT
Disciplines Année, niveau Heures/an
Sciences du sol 2° année du cycle d’ingénieur ISARA-Lyon 96
Agronomie végétale 2° année du cycle d’ingénieur ISARA-Lyon 120
Environnement 4° année du cycle d’ingénieur ISARA Lyon 40
Mise en situation professionnelle 4° année du cycle d’ingénieur ISARA Lyon 20
Responsabilité et cours de la 5° année du cycle d’ingénieur ISARA Lyon 180
spécialisation de fin de cursus AGRECINA
(Agroecologie et Innovations
Agronomiques)
Encadrement d’étudiants en mémoire de 5° année du cycle d’ingénieur ISARA Lyon 100
fin d’étude Ingénieur et Master
Agroecology
PRINCIPALES CONFERENCES INVITEES
Valence Tech & Bio, salon national et international sur l’agriculture biologique 2011,
2013, 2015 et 2017
Québec Colloque sur l’agriculture biologique organisé par le CETAB+ (Organisme de recherche et
développement en AB du Quebec) 2015
Madison (USA) Université du Wisconsin – Conférence sur les grandes cultures en France dans le
cadre d’une activité d’enseignement 2016
PRINCIPAUX PROJETS DE RECHERCE
Région Rhône Alpes
Région Rhône Alpes : Projet PEP (Pôles d’expérimentation et de progrès) Coordination de
l’expérimentation sur le travail du sol en AB, de 2003 à 2018 (financement annuel). http://rhone-
alpes.synagri.com/portail/pep-(poles-d-experimentation-et-de-progres
Région Rhône Alpes et Agence de l’eau : Projet CPER L’Agriculture Biologique…. un prototype
d’agriculture pour un développement durable. 2009-2012. Coordination générale du projet (450 000
euros de financement, 15 chercheurs impliqués).
France
CASDAR AP04 n° 226 : Optimisation du travail du sol en agriculture biologique : Maraîchage et
grandes cultures. 2005-2007. En charge du volet Grandes cultures.
CASDAR AP08 n° 8037 : Sol AB: Etude des effets de différents modes innovants de gestion du sol en
AB sur la fertilité et ses méthodes d’évaluation. 2009-2011. En charge du volet Grandes cultures.
CASDAR AP11 n° 1116 : Agrinnov Tester les Indicateurs de l’état biologique des sols en lien avec les
pratiques agricoles. 2012-2015. En charge de l’outil test bèche et des réseaux d’agriculteur grand
quart sud –est.
CASDAR AP17 n°5717 : OUTILLAGE Ressources opérationnelles pour OUTILLer la conception pas à
pas de systèmes de culture AGro-Ecologiques en ferme 2017-2021. En charge de l’action sur les
méthodes et outils d’observation nécessaires à la re-conception de systèmes de cultures innovants.
ADEME : Financement thèse Jean-François Vian sur la microbiologie et la structure du sol en TSL en
AB, et un volet sur les interactions structure et lombrics. 2006-2009.
ADEME : Financement thèse Vincent Lefèvre sur la conception de systèmes de culture innovants en
AB intégrant des pratiques d’agriculture de conservation. 2011-2013.

4
AGENCE de l’eau RMC : ACCR’EAU : Des systèmes en Agriculture de Conservation pour réduire la
dépendance aux intrants et préserver la qualité de la Ressource en eau. Projet 2018-2020.
Coordination de l’action sur la mise en place de semis direct sous couvert sans herbicide.
ANR SYSTERRA 2008 : PEPITES : Processus Ecologiques et Processus d’Innovation Technique Et
Sociale en agriculture de conservation. 2009-2013. Participation aux actions sur les processus
écologiques (lombrics et microorganismes) et participation aux travaux sur les métho des
d’évaluation multicritères de l’Agriculture de Conservation (outil MASC 2.0).
Europe
ERANET CORE Organic 1: AGTEC-Org: Methods to improve quality in organic wheat. Project no.
ERAC-CT-2004-011716. 2007-2011. Coordination de l’action sur l’effet du travail du sol sur le
rendement et la qualité du Blé AB.
ERANET CORE Organic 2: TILMAN-ORG: Reduced TILlage and Green MANures for sustainable
ORGanic Cropping Systems. 2011-2014. https://www.tilman-org.net Coordination de l’action sur la
conception et l’évaluation de prototypes de systèmes de culture innovants en AB, et participation
aux actions sur l’effet des TSL sur les adventices, le sol e t les rendements.
ERANET CORE Organic: FERTILCROP: Fertility building management measures in organic cropping
systems. 2015-2017. https://www.fertilcrop.net/fc-home-news.html. Coordination de l’action sur
l’évaluation des effets de pratiques en AC et AB sur la structure du sol, les lombrics et leurs effets
interactifs. Participation aux actions sur l’effet sur les adventices et sur la conception de systèmes
sans labour en AB.
DESCRIPTION SUCCINCTE D’AUTRES ACTIVITES
Depuis janvier 2015 je suis en charge de l’animation collective de mon unité de recherche sur une
thématique transversale, l’agriculture de conservation. Cette activité me conduit à gérer la
transversalité de nos travaux de recherche autour de cette thématique (5 enseignant-chercheurs
concernés, 1 ingénieur de recherche et un technicien de recherche, une dizaine de projets par an ).
Je fais partie de la commission agronomie de l’Institut Technique de l’Agriculture Biologique (ITAB) et
du comité scientifique d’une plateforme expérimentale régionale (Plateforme TAB à Etoile sur Rhône,
Drôme).
Je suis experte auprès du ministère de l’agriculture Italien ainsi qu’auprès du NERC (UK) pour
l’évaluation de leurs projets de recherche ‘Jeune Chercheur’. Je participe à la CEI EPT (commission
d’évaluation des ingénieurs pour les produits transférables) de l’INRA
Activité de relecture d’articles pour: Soil and Tillage Research, Soil Use and management, Organic
Agriculture, Applied Soil Ecology, Agriculture Ecosystem and Environment, Weed research, European
Journal of Agronomy, Land Use and Degradataion, Plos One.

Publications
Revue rang A de langue Anglaise
Première auteure
PEIGNÉ, J., BALL, B., ROGER‐ESTRADE, J. & DAVID, C. 2007. Is conservation tillage suitable for organic
farming? A review. Soil use and management, 23, 129-144.
PEIGNÉ, J., CANNAVACIUOLO, M., GAUTRONNEAU, Y., AVELINE, A., GITEAU, J.-L. & CLUZEAU, D. 2009.
Earthworm populations under different tillage systems in organic farming. Soil and Tillage Research,
104, 207-214.

5
PEIGNÉ, J., CASAGRANDE, M., PAYET, V., DAVID, C., SANS, F. X., BLANCO-MORENO, J. M., COOPER, J.,
GASCOYNE, K., ANTICHI, D. & BÀRBERI, P. 2016. How organic farmers practice conservation
agriculture in Europe. Renewable Agriculture and Food Systems, 31, 72-85.
PEIGNÉ, J. & GIRARDIN, P. 2004. Environmental impacts of farm-scale composting practices. Water,
Air, & Soil Pollution, 153, 45-68.
PEIGNÉ, J., MESSMER, M., AVELINE, A., BERNER, A., MÄDER, P., CARCEA, M., NARDUCCI, V., SAMSON,
M.-F., THOMSEN, I. K. & CELETTE, F. 2014. Wheat yield and quality as influenced by reduced tillage in
organic farming. Organic Agriculture, 4, 1-13.
PEIGNÉ, J., VIAN, J.-F., CANNAVACCIUOLO, M., BOTTOLLIER, B. & CHAUSSOD, R. 2009. Soil sampling
based on field spatial variability of soil microbial indicators. European Journal of Soil Biology, 45, 488-
495.
PEIGNÉ, J., VIAN, J.-F., CANNAVACCIUOLO, M., LEFEVRE, V., GAUTRONNEAU, Y. & BOIZARD, H. 2013.
Assessment of soil structure in the transition layer between topsoil and subsoil using the profil
cultural method. Soil and Tillage Research, 127, 13-25.
PEIGNÉ, J., VIAN, J.-F., PAYET, V. & SABY, N. P. 2018. Soil fertility after 10 years of conservation tillage
in organic farming. Soil and Tillage Research, 175, 194-204.
Co-auteure
ARMENGOT, L., BLANCO-MORENO, J.M., BÀRBERI, P., BOCCI, G., CARLESI, S., AENDEKERK, R.,
BERNER, A., CELETTE, F., GROSSE, M., HUITING, H., KRANZLER, A., LUIK, A., MÄDER, P., PEIGNÉ, J.,
STOLL, E., DELFOSSE, P., SUKKEL, W., SURBÖCK, A., WESTAWAY, S., SANS, F.X., 2016. Tillage as a
driver of change in weed communities: A functional perspective. Agriculture, ecosystems &
environment, 222, 276-285.
BALDIVIESO-FREITAS, P., BLANCO-MORENO, J. M., GUTIÉRREZ-LÓPEZ, M., PEIGNÉ, J., PÉREZ-FERRER,
A., TRIGO-AZA, D. & SANS, F. X. 2018. Earthworm abundance response to conservation agriculture
practices in organic arable farming under Mediterranean climate. Pedobiologia, 66,58-64
BALL, B., BATEY, T., MUNKHOLM, L. J., GUIMARÃES, R., BOIZARD, H., MCKENZIE, D., PEIGNÉ, J.,
TORMENA, C. & HARGREAVES, P. 2015. The numeric visual evaluation of subsoil structure (SubVESS)
under agricultural production. Soil and Tillage Research, 148, 85-96.
BOIZARD, H., PEIGNÉ, J., SASAL, M. C., DE FÁTIMA GUIMARÃES, M., PIRON, D., TOMIS, V., VIAN, J. -F.,
CADOUX, S., RALISCH, R. & TAVARES FILHO, J. 2017. Developments in the “profil cultural” method for
an improved assessment of soil structure under no-till. Soil and Tillage Research, 173, 92-103.
CASAGRANDE, M., PEIGNÉ, J., PAYET, V., MÄDER, P., SANS, F. X., BLANCO-MORENO, J. M., ANTICHI,
D., BÀRBERI, P., BEECKMAN, A. & BIGONGIALI, F. 2016. Organic farmers’ motivations and challenges
for adopting conservation agriculture in Europe. Organic Agriculture, 6, 281-295.
COOPER, J., BARANSKI, M., STEWART, G., NOBEL-DE LANGE, M., BÀRBERI, P., FLIEßBACH, A., PEIGNÉ,
J., BERNER, A., BROCK, C. & CASAGRANDE, M. 2016. Shallow non-inversion tillage in organic farming
maintains crop yields and increases soil C stocks: a meta-analysis. Agronomy for sustainable
development, 36, 1-20.
LEFÈVRE, V., CAPITAINE, M., PEIGNÉ, J. & ROGER-ESTRADE, J. 2014. Farmers and agronomists design
new biological agricultural practices for organic cropping systems in France. Agronomy for
sustainable development, 3, 623-632.
PELOSI, C., PEY, B., CARO, G., CLUZEAU, D., PEIGNE, J., BERTRAND, M. & HEDDE, M. 2016. Dynamics
of earthworm taxonomic and functional diversity in ploughed and no-tilled cropping systems. Soil
and Tillage Research, 156, 25-32.

6
PELOSI, C., PEY, B., HEDDE, M., CARO, G., CAPOWIEZ, Y., GUERNION, M., PEIGNÉ, J., PIRON, D.,
BERTRAND, M. & CLUZEAU, D. 2014. Reducing tillage in cultivated fields increases earthworm
functional diversity. Applied Soil Ecology, 83, 79-87.
PERVANCHON, F., BOCKSTALLER, C., AMIAUD, B., PEIGNÉ, J., BERNARD, P.-Y., VERTES, F., FIORELLI, J.-
L. & PLANTUREUX, S. 2005. A novel indicator of environmental risks due to nitrogen management on
grasslands. Agriculture, ecosystems & environment, 105, 1-16.
VIAN, J. F., PEIGNÉ, J., CHAUSSOD, R. & ROGER‐ESTRADE, J. 2009. Effects of four tillage systems on
soil structure and soil microbial biomass in organic farming. Soil use and management, 25, 1-10.
VINCENT-CABOUD, L., PEIGNÉ, J., CASAGRANDE, M. & SILVA, E. M. 2017. Overview of Organic Cover
Crop-Based No-Tillage Technique in Europe: Farmers’ Practices and Research Challenges. Agriculture,
7, 42.
WEZEL, A., CASAGRANDE, M., CELETTE, F., VIAN, J.-F., FERRER, A. & PEIGNÉ, J. 2014. Agroecological
practices for sustainable agriculture. A review. Agronomy for sustainable development, 34, 1-20.
Autres revues à comité de lecture
BOIZARD, H., PEIGNÉ, J., CAPOWIEZ, Y. & ROGER-ESTRADE, J. 2012. Ability of the “profil cultural”
method to assess the soil structure of untilled layers. Agrociencia, 16, 221-226.
BRIVES, H., BLANCHART, E., DEVERRE, C., GARNIER, P., PAYET, V., PEIGNÉ, J., RECOUS, S., DE
TOURDONNET, S. & VIAN, J. F. 2015. L'évolution des sciences du sol face à l'émergence de la notion
de service écosystémique: Résultats d'une étude lexicométrique. Etude et Gestion des Sols 1 (22),
101-115.
CANNAVACCIULO, M., CASSAGNE, N., RIOU, V., MULLIEZ, P., CHEMIDLIN, N., DEQUIEDT, S.,
VILLENAVE, C., CÉRÉMONIE, H., CLUZEAU, D. & CYLLY, D. 2017. Validation d’un tableau de bord
d’indicateurs sur un réseau national de fermes en grande culture et en viticulture pour diagnostiquer
la qualité biologique des sols agricoles. Innovations Agronomiques, 55, 41-54.
DAVID, C., ABECASSIS, J., CARCEA, M., CELETTE, F., CORRE-HELLOU, G., FRIEDEL, J., HILTBRUNNER, J.,
MADER, P., MESSMER, M., NARDUCCI, V., PEIGNE, J. & THOMSEN, IK. 2013. Améliorer la qualité
technologique, nutritionnelle et sanitaire du bléiologique. Principaux leviers agronomiques et
technologiques. Innovations Agronomiques, 32, 1-13.
FLEURY, P., CHAZOULE, C. & PEIGNÉ, J. 2014. Ruptures et transversalités entre agriculture biologique
et agriculture de conservation. Économie rurale, 339-340 (1), 95-112.
FOURRIÉ, L., PEIGNÉ, J., VÉDIE, H., GARCIN, A. & GOMA FORTIN, N. 2013. SolAB: Limiter le travail du
sol et évaluer la fertilité des sols en agriculture biologique. Innovations Agronomiques, 30, 125-138.
GERBER, M., ASTIGARRAGA, L., BOCKSTALLER, C., FIORELLI, J.-L., HOSTIOU, N., INGRAND, S., MARIE,
M., SADOK, W., VEYSSET, P., AMBROISE, R., PEIGNE, J., PLANTUREUX, S. & COQUIL, X. 2009. Le
modèle Dexi-SH* pour une évaluation multicritère de la durabilité agro-écologique des systèmes
d’élevage bovins laitiers herbagers. Innovations agronomiques, 4, 249-252.
HELLEC, F., BRIVES, H., BLANCHART, E., DEVERRE, C., GARNIER, P., PAYET, V., PEIGNÉ, J., RECOUS, S.,
DE TOURDONNET, S. & VIAN, J. 2015. L’évolution des sciences du sol face à l’émergence de la notion
de service écosystémique. Étude Gestion Sols, 22, 101-115.
LEFÈVRE, V., CAPITAINE, M., PEIGNE, J. & ROGER-ESTRADE, J. 2013. Co-designing innovative cropping
systems to improve soil functioning in organic farming. Innovations Agronomiques, 32, 47-60.
PEIGNÉ, J., BOCKSTALLER, C., PERVANCHON, F. & GIRARDIN, P. 2004. Evaluation des émissions de
NH3, N2O et CH4 des engrais de ferme à l'aide d'indicateurs agri-environnementaux. Fourrages 177,
93-112.(2004).

7
PEIGNÉ, J. & GIRARDIN, P. 2001. Compostage et environnement. Alter Agri, 49, 6-9.
PEIGNÉ, J., LEFÈVRE, V., CRAHEIX, D., ANGEVIN, F. & CAPITAINE, M. 2015. Évaluation participative de
prototypes de systèmes de culture combinant agriculture de conservation et agriculture biologique.
CAHIERS AGRICULTURES, 24, 134-141.
PEIGNE, J., VEDIE, H., DEMEUSY, J., GERBER, M., VIAN, J., GAUTRONNEAU, Y., CANNAVACCUIOLO, M.,
AVELINE, A., GITEAU, L. & BERRY, D. 2009. Techniques sans labour en agriculture biologique.
Carrefours de l'Innovation Agronomique, 4, 23-32.
VIAN, J. F., PEIGNÉ, J., CHAUSSOD, R. & ROGER-ESTRADE, J. 2009. Effets du mode de travail du sol sur
les microorganismes à l’échelle du profil cultural. Étude et Gestion des Sols, 16, 4.
Colloques
BARBERI, P., AENDEKERK, R., ANTICHI, D., ARMENGOT, L., BERNER, A., BIGONGIALI, F., BLANCO-
MORENO, J. M., CARLESI, S., CELETTE, F. & CHAMORRO, L. 2014. Reduced tillage and cover crops in
organic arable systems preserves weed diversity without jeopardising crop yield. Building Organic
Bridges, 3, 765-768.
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10
Les pratiques de l’agriculture de conservation : un levier
d’amélioration de la fertilité des sols et d’innovation en
agriculture biologique ?

Introduction
La majeure partie de mes travaux de recherche ont concerné la gestion de la fertilité de sols en
agriculture biologique (AB). Ces travaux ont été menés dans le cadre du développement durable de
l’agriculture biologique. Par la production de connaissances nouvelles et d’outils d’aide au diagnostic
et à la décision techniques, ils ont ainsi contribué à l’amélioration des performances productives et
environnementales des exploitations en AB. Une part importante de mes résultats ont une portée
générale dépassant le champ de l’AB et sont aujourd’hui utilisés dans l’accompagnement technique
de l’agriculture conventionnelle, en particulier dans la conception et la mise en place de systèmes de
cultures s’appuyant sur des techniques de travail simplifié du sol.
J’ai commencé mes études d’ingénieur agronome à la fin des années quatre -vingt-dix et j’ai réalisé
ma thèse de 2000 à 2003, période durant laquelle de nombreux problèmes environnementaux ont
été identifiés en Europe. Face à ces problèmes, de nouveaux concepts d’agriculture ont émergés,
comme l’agriculture raisonnée, intégrée ou encore les agricultures qualifiées de durables
(Pervanchon et Blouet, 2002). L’agriculture biologique existait déjà à cette période, avec un cahier
des charges et un système de certification, mais elle restait considérée comme un mouvement
marginal. En effet, bien qu’apparus dans les années 1920 en Europe, les principes de l’AB ont été
introduits en France après la seconde guerre mondiale mais sa première inscription dans les textes
officiels remonte à la loi d’orientation agricole (LOA) de 1980. Au niveau européen, c’est en 1991 que
le premier règlement européen sur les productions végétales biologiques est publié. Il s’impose sur
l’ensemble du territoire européen et apporte une reconnaissance institutionnelle européenne à ce
mode de production (règlement CEE 2092/91 du 24 juin 1991). Le mode de production biologique
m’a semblé être un modèle, ou prototype, d’agriculture durable. Il était suscepti ble de constituer
une réponse aux problèmes environnementaux, mais aussi sociétaux qui émergeaient à cette
période. En effet, son cahier des charges très restrictif incite, voire exige, de chercher des solutions
agronomiques efficaces dans des conditions variables, parfois très difficiles à gérer, en s’interdisant
tout recours aux engrais et phytosanitaires de synthèse. Résoudre ce type de défi technique est
central pour l’AB. Cela peut aussi être très profitable à d’autres agricultures moins exigeantes en
termes de réglementation mais confrontées à des enjeux de réduction des intrants et de mises en
place de pratiques plus agroécologiques. Au début des années 2000, peu de travaux scientifiques
existaient sur l’AB et l y avait donc un fort besoin de recherche pour d’une part préciser et évaluer les
« bienfaits » que l’AB pourrait amener à la société et à l’environnement, et d’autre part améliorer ce
modèle pour le rendre encore plus durable. Convaincue de ces enjeux, je me suis engagée dans une
activité de recherche dans laquelle j’ai associé exigences de qualité scientifique et volonté d’assurer
le transfert des connaissances acquises vers l’accompagnement des agriculteurs et la formation des
étudiants.

L’agriculture biologique : ses principes et ses enjeux


L’AB est un mode de production qui repose sur l’interdiction de l’utilisation de produits de synthèse,
tels que les engrais azotés et les produits phytosanitaires. Le mode de production biologique est un
signe de qualité (« AB » en France) qui respecte un cahier des charges basé sur la réglementation
européenne. Le respect du cahier des charges par les agriculteurs et autres acteurs de l’AB est
soumis à un contrôle par un organisme certificateur agréé par l’état. Dans son introduction, le

11
règlement européen rappelle les fondamentaux de l’AB dont : «La production végétale biologique
devrait contribuer au maintien et à l'amélioration de la fertilité des sols ainsi qu'à prévenir l'érosion
des sols. Les végétaux devraient être nourris de préférence par l'écosystème-sol plutôt que par des
engrais solubles ajoutés au sol. Les principaux éléments du système de gestion de la production
végétale biologique sont les suivants : gestion de la fertilité des sols, choix des espèces et des variétés,
rotation pluriannuelle des cultures, recyclage des matières organiques et techniques culturales. Les
engrais, les amendements du sol et les produits phytopharmaceutiques ne devraient être utilisés que
s'ils sont compatibles avec les objectifs et principes de la production biologique » (règlement CEE
2092/91 du 24 juin 1991).
De nombreuses études ont mis en évidence l’impact positif de l’AB sur des composantes de
l’environnement (Tuomisto et al., 2012). Ce mode de production tend à favoriser la biodiversité,
végétale et animale, la qualité de l’air, de l’eau et du sol (Gomiero et al., 2011 ; Reganold and
Wachter, 2016). Toutefois, l’AB ne fait pas consensus (Reganold and Wachter, 2016) et le frein
principal évoqué pour son développement est son niveau de production. Des méta -analyses ont
démontré qu’il existe un différentiel de rendeme nt entre l’agriculture conventionnelle et l’AB, en
défaveur de cette dernière (de Ponti et al., 2012 ; Ponisio et al., 2015 ; Seufert et al., 2012). Ces
études montrent que ce différentiel est plus ou moins important suivant les régions du monde. Par
exemple le différentiel de productivité est logiquement moins grand dans des pays où peu d’intrants
de synthèse et de mécanisation sont utilisés en agriculture conventionnelle. L’AB, telle que pratiquée
dans les pays industrialisés, pourrait même augmenter la production globale dans différentes régions
du monde (Das et al., 2017). Ces études montrent que l’introduction de pratiques agricoles, telles
que les associations de cultures et l’utilisation de légumineuses en AB, réduit le différentiel de
rendement entre les deux modes de production (Ponisio et al., 2015 ;Seufert et al., 2012). Le
différentiel de rendement observé est dû d’une part à l’absence d’utilisation de produits
phytosanitaires, qui augmente le risque de maladies et de compétition par les adventices (de Ponti et
al., 2012), et d’autre part à une moindre fertilité du milieu, avec une forte limitation de la quantité
d’éléments nutritifs tels que le N et le P, amenés directement sous forme de fertilisants chimiques en
agriculture conventionnelle (Leifeld, 2012). Cette faible productivité impacte aussi l’efficacité
environnementale de l’AB où il semble que par unité de surface l’AB soit moins consommatrice
d’énergie et moins polluante (lessivage et émission de N) mais plus par unité produite (Reganold et
Wachter, 2016).
Ainsi, en complément de ses rendements limités, un enjeu de l’AB est de réduire les risques
environnementaux, pour éviter toute perte d’éléments minéraux du système, et donc limiter les
pollutions mais aussi pour réduire les pertes de fertilité. L’interdiction des engrais de synthèse en AB
induit une forte utilisation de matières organiques pour augmenter la fertilité du milieu. Lors de mes
travaux de thèse, j’ai mis en évidence que la gestion des matières organiques, depuis l’animal jusqu’à
l’épandage dans les champs, pouvait conduire à de nombreuses pertes d’éléments minéraux et
entrainer des pollutions (Peigné and Girardin, 2004; Pervanchon et al., 2005). J’ai développé une
méthode d’évaluation des émissions de gaz, le NH 3, N2O et CH4, ainsi que des pertes dans l’eau sous
forme de NO3-, le long de la chaine de gestion des matières organiques en AB (Peigné et al., 2003).
Pour répondre aux enjeux environnementaux, mais aussi productifs, il m’a semblé nécessaire de
m’intéresser aux problèmes techniques et agronomiques en AB. Ainsi, suite à mes travaux de thèse,
je me suis penchée sur un autre facteur limitant du rendement en AB, la fertilité du sol. En effet, si
l’AB tend à améliorer la qualité du sol (CF. encadré 1), la fertilité est une notion qui renvoie à une
production de biomasse. Or, comme nous l’avons vu cette dernière est souvent plus faible en AB, ce
qui nécessite d’améliorer la qualité du sol et les services de production rendus par les systèmes en
AB. Dans les prochains paragraphes, je vais exposer la définiti on de fertilité du sol retenue dans ce
mémoire, ainsi que l’état de l’art concernant la fertilité des sols en AB et les hypothèses de travail
que j’ai retenu pour l’améliorer.

12
La fertilité des sols en agriculture biologique

1. Définition de la fertilité du sol


Le sol est une composante essentielle de la biosphère continentale : « c’est une zone critique au
contact avec l’atmosphère au sein de laquelle se produisent des interactions complexes impliquant la
roche, ses interactions avec l’eau, l’air et les organismes vivants » (Tessier et al., 2002). Le sol, qui est
une ressource limitée et non renouvelable, assure des services essentiels au fonctionnement des
écosystèmes. Le premier service qu’il rend à l’homme est celui de support de la production agricole,
qu’elle soit alimentaire (destinée à l’homme ou aux animaux d’élevage) ou non-alimentaire (agro-
carburants, production de fibres pour les textiles, etc.). Mais le sol assure aussi des services
environnementaux essentiels. En effet, c’est un milieu qui héberge une fraction très importante de la
biodiversité, qui joue un rôle essentiel dans les cycles du carbone et de l’azote et qui occupe une
position clef dans le cycle de l’eau en assurant un rôle épurateur vis-à-vis de différents polluants
Le concept de fertilité des sols a fait l’objet de nombreux débats et beaucoup de définitions en ont
été données, menant à des conceptions très différentes, voire divergentes lorsqu’elles opposaient les
tenants d’une fertilité naturelle qu’il faut conserver aux partisans d’ une fertilité produite par
l’Homme. Une définition utilisée en agronomie a rapproché la notion de fertilité du sol de celle de
potentialité. La fertilité du sol s’exprime ici négativement par rapport à un potentiel global de
production de biomasse et « le sol le plus fertile est celui qui entraîne le moins de diminution des
potentialités culturales (Sebillotte, 1993) ». Or une même baisse de production pouvant avoir des
causes différentes, il est indispensable de déterminer quels sont précisément les facteu rs du sol qui
limitent la production, de manière à pouvoir agir dessus. Ces composantes de la fertilité sont par
exemple le pH, la réserve en eau du sol, la taille et la diversité des communautés de
microorganismes. Pour Sebillotte (1993), la fertilité « doit s’envisager relativement aux fonctions que
le milieu doit remplir dans le processus de production ». Les composantes de la fertilité du sol sont
donc non seulement les caractéristiques qui conditionnent le niveau de production, mais également
celles qui déterminent les coûts et les conditions d’application des techniques culturales, la souplesse
d’organisation du calendrier cultural ou la sécurité dans l’atteinte de l’objectif de rendement.
Sébillotte (1993) propose d’ailleurs de parler « d’aptitude culturale » plutôt que de fertilité.
Cette vision est très centrée sur un processus de production, et sur les facteurs mis en jeu par
l’agriculteur (engrais, amendements, travail du sol, produits phytosanitaires). Elle est également
centrée sur les composantes physiques et chimiques du sol. Dans une nouvelle perspective, où le
processus de production serait rendu moins dépendant des intrants de synthèse comme en AB, les
critères d’évaluation de la fertilité donnent plus de poids à la composante biologique du sol, qui
détermine les possibilités de mise en œuvre des régulations biologiques (Figure 1). Si la fertilité du
sol correspond encore très généralement à sa capacité à soutenir la fonction de production permise
par le climat, le concept s’élargit aussi à d’autres services rendus par les sols cultivés. On pense ici
aux services écologiques ‘sortants’ (Le Roux et al., 2008) : il s’agit des services hors production
agricole concernant l’eau, la régulation du climat ou encore la préservation de la biodiversité ( Figure
1).
La fertilité du sol est donc un concept multicritère et évolutif. Par conséquent, la notion de fertilité,
sa définition, son appréciation, dépendent beaucoup du contexte technique du processus de
production. S’agissant de l’Agriculture Biologique, il s’agit moins d’apprécier les aptitudes du sol à
se prêter à son artificialisation que d’évaluer quels sont les services qu’il peut rendre en matière de
maintien d’une structure favorable, de fourniture d’éléments minéraux et d’eau, d’efficie nce de
leur prélèvement par les racines pour produire de la biomasse végétale et de s services
écosystémiques sortants.

13
Figure 1 : Schéma de la fertilité du sol en AB : composantes (entourées), processus biologiques
(flèches vertes, interaction entre composantes) et principaux services attendus des sols (flèches
blanches).

2. Les spécificités de la fertilité du sol en AB

L’AB est le seul mode de production qui inclut la préservation de la fertilité du sol et de son
fonctionnement global comme ‘base de production’. (Watson et al, 2002). Ainsi les pratiques
utilisées en AB ont le plus souvent pour objectif de préserver la fe rtilité du sol, et plus
particulièrement la fertilité biologique, moteur des processus biologiques tels que l’alimentation
minérale des plantes. Dans l’encadré 1, je compare, d’après la littérature scientifique et composante
par composante, la fertilité des sols en AB et en ’agriculture conventionnelle. De cette revue de la
littérature, on peut conclure que les apports répétés de matière organiques dans les systèmes AB
tendent à améliorer la teneur en matière organique dans les sols et de ce fait la fertili té biologique
du sol. Les processus d’agrégation et de stabilisation des agrégats sont améliorés. Toutefois, toutes
les composantes et processus biologiques ne sont pas améliorés en AB : des questions se posent sur
la teneur en nutriments, apportés principalement par les matières organiques et la minéralisation,
ce qui peut conduire à des teneurs assez faibles. Le travail du sol intensif pour contrôler les
adventices peut aussi conduire à des problèmes de tassement du sol, perturbant ainsi de nombreux
processus biologiques tels que l’alimentation hydrique des plantes, les conditions d’habitat des
organismes du sol etc. Les impacts positifs ou négatifs de l’AB, comparés à l’agriculture
conventionnelle, dépendent ainsi fortement des pratiques agricoles telles que la fertilisation
organique, le travail du sol et le désherbage mécanique.
Un système de production en AB, le système sans élevage, concentre les problèmes potentiels en
termes de fertilité du sol. En effet, ce système, comme pour les grandes cultures, est basé sur des
rotations plus courtes que dans les systèmes mixtes, avec une présence très faible de cultures
fourragères (non rentable économiquement, sauf si il y a une possibilité locale de débouchés). Ces
systèmes présentent des enjeux majeurs en AB, en raison d’un apport relativement faible de MO
et de problèmes d’autonomie en éléments nutritifs. Ainsi, de nombreuses interrogations demeurent
concernant l’autonomie des systèmes de production sans élevage en AB et leur impact sur la fertilité
des sols : (1) la diminution potentielle des teneurs en éléments minéraux des sols et plus

14
particulièrement en phosphore, (2) des problèmes d’autonomie en azote et une faible augmentation
de la teneur en MO du sol et (3) des effets négatifs sur la structure du sol, eux aussi fortement reliés
aux pratiques agricoles en AB.

Encadré 1 : Effets de l’Agriculture biologique sur les composantes de la fertilité des sols (Peigné et
al., 2011)
Le mode de production biologique repose sur l’utilisation de matière organique comme fertilisants et
amendements, et non sur l’utilisation de fertilisants de synthèse comme en agriculture
conventionnelle. Ainsi, la richesse en matière organique (MO) des sols cultivés est plus élevée en
AB qu'en agriculture conventionnelle dans une grande majorité d’études (FAO, 2002 ; Fliesbach et
al., 2007 ; Gomerio et al., 2011 ;Lotter, 2003 ;Pimentel et al., 2005). Les cultures d’engrais verts et
plus généralement les pratiques privilégiant la gestion intégrée des différentes sources de matière
organique (MO) en AB peuvent expliquer cette supériorité quantitative (Lotter, 2003). Toutefois,
d’après Stockdale et al. (2002) et Sheperd et al. (2002), la différence de teneur en MO trouvée dans
la plupart des études s’explique par des comparaisons AB/Conventionnel intégrant des systèmes de
culture peu comparables tels que des systèmes AB avec prairies ou cultures fourrag ères dans la
rotation comparés à des systèmes conventionnels ne comprenant que des cultures annuelles.
L’abondance de macro-organismes et micro-organismes est globalement supérieure en AB par
rapport au Conventionnel (Birkhofer et al, 2008 ; FAO, 2002 ; Fliessbach et al., 2007 ; Lotter 2003 ;
Reganold et al., 1993 ; Siegrist et al., 1998 ; Scullion et al., 2002). Toutes les études ne s’accordent
cependant pas toujours sur ce point en raison de très fortes hétérogénéités dans les dispositifs
étudiés (Bengtsson et al., 2005 ;Shannon et al. 2002). En termes de diversité spécifique, dans une
méta-analyse, Bengtsson et al. (2005) ne trouvent pas d’effet de l’AB comparé à l’agriculture
conventionnelle sur les organismes du sol. Toutefois, en détaillant plus particulièrement les effets de
l’AB (comparaison in situ de fermes AB et conventionnelles) sur certains microorganismes du sol, van
Diepeningen et al. (2006) confirment les résultats de Hartmann et al. (2015) et Mäder et al. (2002):
une plus grande diversité spécifique de bactéries et nématodes du sol en AB. La diversité et l’activité
microbiennes (activités respirométriques et enzymatiques) sont aussi plus élevées dans les sols en AB
(Fauci et Dick, 1994 ; Mäder et al., 2002 ; Reganold et al., 1993). La colonisation des racines par les
mycorhizes vésiculaires et arbusculaires est plus développée en AB (Eason et al., 1999 ; Mäder et al.,
2000 ; Ryan et al., 1994), où ces champignons peuvent être bénéfiques pour la nutrition minérale ou
la protection phytosanitaire des cultures. L’absence d’utilisation de produits phytosanitaires de
synthèse favorise la préservation des organismes du sol. Des doutes subsistent concernant
l’utilisation de cuivre, autorisé en AB. Les traitements phytosanitaires à base de cuivre peuvent
entraîner des problèmes d’accumulation dans les sols, plus particulièrement en viticulture et
arboriculture. Une étude de l’impact du cuivre sur les micro-organismes du sol menée par l’INRA de
Dijon (Chaussod et al., 2003) montre que les doses de cuivre applicables à l’époque dans la
réglementation AB (8 puis 6 kg/ha/an de cuivre métal) ne sont pas néfastes à une activité et à un bon
développement des micro-organismes du sol. Ces derniers sont capables de s’adapter à des taux de
cuivre supérieurs à la « normale » d’autant plus que les autres pratiques culturales des viticulteurs
biologiques sont favorables à leur développement.
Toutefois, quelles que soient les études, tous les auteurs pointent que la biodiversité du sol en AB
dépend d’un ensemble de facteurs très variables d’une parcelle à une autre : quantité et qualité des
apports de MO, diversité des espèces cultivées, topographie, rendement, pratiques agricoles,
rotations des cultures, saisons de prélèvements, conditions pédo-climatiques etc. (Bengtsson et al.
2005 ; van Diepeningen et al. 2006). Il est donc nécessaire d’être très prudent vis-à-vis de toute
généralisation.
D’un point de vue chimique, les résultats sont moins favorables. Pour certains auteurs, les
quantités d’azote total ou potentiellement minéralisable sont globalement plus élevées en AB. Ceci
est principalement la conséquence d’apports de matières organiques répétés dans ces systèmes

15
(Gosling et Sheperd, 2005 ; Lotter, 2003). Toutefois ce résultat est variable suivant les études. A
l’inverse, on retrouve moins de nitrates en sortie d’hiver (forme biodisponible et lessivable) en AB. La
gestion de l’azote est plus compliquée, car dépendante de la minéralisation difficile à anticiper, il est
plus difficile d’apporter au moment idéal l’azote aux cultures, ce qui peut conduire à des pertes
d’azote par lessivage ou voie gazeuse (Gomiero et al., 2011). De même, les quantités de phosphore
(P) varient suivant les études. Dans quelques études de référence, on observe moins de P
assimilable en AB qu’en agriculture conventionnelle (Pellerin et al., 2003 ; Gosling et Sheperd, 2005).
Cela explique le fait que l’AB soit généralement considérée comme un mode de conduite des cultures
qui mène à un appauvrissement des sols en P (selon la nature des produits apportés). Cependant,
Mäder et al. (2002) mettent aussi en évidence une activité de la phosphatase plus importante et
donc un flux de P plus important en AB. Les mycorhizes, plus développés en AB, peuvent aussi jouer
sur l’amélioration de la biodisponibilité du P.
Les sols cultivés en AB présentent généralement de meilleures caractéristiques physiques que les
sols de même nature en agriculture conventionnelle (Shepherd et al., 2002), notamment en ce qui
concerne la stabilité structurale (résistance à la dégradation des agrégats du sol par l’eau).
L’amélioration de la stabilité structurale est la conséquence directe des apports répétés de matière s
organiques dans le sol (Mäder et al., 2002). Ainsi, l’érosion hydrique est généralement plus faible en
AB qu’en agriculture conventionnelle (Gomerio et al., 2011), en accord avec la plus faible érodibilité
des sols en AB (Fleming et al., 1997) liée à une meilleure stabilité des agrégats et à une plus grande
richesse en MO (Lotter, 2003 ; Siegrist et al., 1998). L’existence d’une couverture vivante tout au long
de l’année, comme cela est préconisé en AB, joue aussi un rôle de protection contre l’érosion (Lotter,
2003). Toutefois, certaines pratiques en AB peuvent jouer un rôle négatif : le travail mécanique du
sol répété (dont le contrôle des adventices) et l’écartement des plantes (parfois plus important en
AB) conduisent à augmenter les risques d’érosion (Arnold et al., 2014 ; Sheperd et al. 2002 ; Stolze
2000).
Le tassement du sol, étudié en Nouvelle-Zélande, s'avère plus faible dans la partie supérieure du
sol en AB (Reganold et al., 1993). Cette amélioration est à relier à l’effet bénéfique de l'apport de
MO jeune de type fumier ou résidus de culture, et de l’activité de la micro et macro faunes sur l'état
physique du sol (Sheperd et al., 2002). Ces mesures traduisent des conditions plus favorables pour
l’enracinement des plantes dans les sols en AB (Lotter, 2003). Cependant, d’après Stolze et al. (2000),
les observations comparant l’AB et l’agriculture conventionnelle ne sont pas toujours concluantes, il
est nécessaire d’attendre au moins une dizaine d’années avant de voir une amélioration de la
porosité du sol due à l’AB. A l’inverse, les spécificités de l’AB peuvent aussi conduire à des risques de
dégradation de certaines composantes du sol. Le contrôle mécanique des adventices, uti lisé en
remplacement des produits de synthèse, peut, dans le cas de passages répétés dans des conditions
humides et défavorables, nuire à la structure du sol (Stolze et al., 2000). Ainsi, il est fréquent
d’observer un tassement du sol dans des systèmes céréaliers conduits en agriculture biologique du
fait de l’intensification mécanique subie par les sols (David & Gautronneau 2002).

L’agriculture de conservation comme levier pour améliorer la fertilité


des sols en AB ?
En parallèle de l’AB, un autre mode de production s’est développé pour préserver voire améliorer la
fertilité des sols : l’Agriculture de Conservation des sols (AC). L’AC s’est développée aux Etats-Unis
dans les années 1930 à la suite du ‘Dust Bowl’, ’une catastrophe écologique ayant provoqué
d’importants problèmes d’érosion des sols (Carr et al., 2012 ; Holland, 2004). L’agriculture de
conservation s’est construite autour de la mise en œuvre de trois principes de gestion des
agrosystèmes1. Le sol doit être perturbé le moins possible (arrêt du labour), protégé par une

1
http://www.fao.org/conservation-agriculture/en/

16
couverture végétale permanent (vivante ou non) et la rotation des cultures doit être la plus
diversifiée possible (avec des associations de culture par exemple) (Hobbs et al., 2008).). L’agriculture
de conservation regroupe des systèmes de culture ayant en commun l’abandon du labour – on parle
en France de techniques culturales sans labour (TSL) – et le maintien d’une couverture végétale
composée de résidus de culture et/ou de plantes de couverture insérées dans la rotatio n soit en
culture intermédiaire, soit en culture associée. Dans certains cas, le semis se fait à travers le couvert
sans aucun travail du sol (SCV : semis direct sous couvert végétal).
On prête à ces techniques plusieurs intérêts, d’ordre agronomique (amélioration de la fertilité du sol
et plus particulièrement de la fertilité biologique), environnemental (prévention de l’érosion,
stockage du carbone) et économique (réduction des temps de travaux et de la consommation
énergétique) (Holland, 2004). Du point de vue de la fertilité du sol, l’agriculture de conservation
améliore la stabilité structurale du sol, et ainsi prévient son érosion (Labreuche et al., 2007 ; Soane et
al., 2012). Elle favorise les organismes du sol, en préservant d’une part leur habitat et d’autre part en
apportant régulièrement de la matière organique fraîche (Kladivko, 2001). Le sol présente une
meilleure portance, et ainsi le tassement est normalement réduit. Enfin il semblerait que l’AC
augmente le stockage du C (moins de minéralisation de la matière organique) (Labreuche et al.,
2007). Un des principaux reproches de ces techniques est l’utilisation, souvent accrue, de glyphosate
(molécule herbicide total) pour gérer le développement des adventices, étant donné qu’il n’y a plus
d’enfouissement des graines d’adventices en profondeur par le labour.
Au début des années 2000, les présumés bénéfices de l’AC ont été principalement évalués en
agriculture conventionnelle, et commencent à se diffuser en France avec des communautés
d’agriculteurs qui se regroupent autour de ces pratiques (Fleury et al., 2014 ; Goulet, 2008). En 2003,
à travers des enquêtes que j’ai mené conjointement avec la Chambre d’agriculture de Bretagne et
l’Ecole Supérieure d’Agriculture (ESA) d’Angers dans trois régions Françaises auprès d’agriculteurs
AB, il ressort que très peu d’agriculteurs biologiques expérimentent ce type de pratiques. Mais
beaucoup y voient une piste prometteuse pour lever les problèmes de matière organique et d’azote
ainsi que les problèmes de structure du sol auxquels peuvent être confrontés les systèmes sans
élevage en AB. Parallèlement à ces enquêtes, j’ai réalisé une revue de la littérature sur l’agriculture
de conservation, qui montrait que très peu de travaux avaient été entrepris en AB, et par ailleurs que
de nombreuses questions se posaient sur les bénéfices de l’AC en termes de fertilité des sols et de
performances agronomiques en agriculture conventionnelle (Peigné et al., 2007). Suite à ces travaux
préliminaires, avec mes collègues, nous avons décidé d’explorer si l’agriculture de conservation
pouvait être un levier pour améliorer la fertilité des sols en AB.
Un certain nombre de spécificités de l’AB peuvent limiter la mise en œuvre des principes de l’AC
par les agriculteurs. Le labour est une technique largement utilisée par les agriculteurs AB pour le
contrôle cultural des adventices, l’incorporation et la décompositi on des résidus. La suppression du
labour dans ces systèmes contraints est délicate et peut avoir des inconvénients (Peigné et al., 2007).
L’agriculture de conservation, et surtout le non labour, tendent à augmenter la pression des
mauvaises herbes à un niveau critique où la production des cultures pourrait être compromise. De
plus, la lutte mécanique contre les mauvaises herbes n'est pas bien adaptée à l’agriculture de
conservation en raison des résidus de culture en surface. Elle est aussi antagoniste avec le principe
de l’AC qui est de réduire au maximum le travail du sol. Un autre problème est le risque de
tassement du sol accru, particulièrement durant la première année de transition du labour
conventionnel à l’agriculture de conservation sur des sols humides et sensibles au tassement. Cela
peut conduire à des problèmes de drainage, à une mauvaise émergence des cultures et à un
développement plus faible des racines. Un dernier risque est la disponibilité limitée de l'azote, avec
une minéralisation nette de la matière organique du sol réduite. Or nous avons vu que l’autonomie
en éléments nutritifs est un enjeu majeur en AB en raison du non recours aux engrais de synthèse .

17
Les questions de recherche
L’ISARA-Lyon mène des travaux de recherche-développement en agriculture biologique depuis les
années 1980-90, à travers les travaux d’Yvan Gautronneau et de Christophe David, deux enseignant-
chercheurs précurseurs sur cette thématique en France. J’ai mené mes travaux de recherche au sein
du Département Agroecologie et Environnement de l’ISARA Lyon de 2003 à aujourd’hui. Ils ont été le
fruit d’une longue collaboration avec les collègues agronomes de ce département, et plus
principalement: avec Yvan Gautronneau, spécialiste de l’agriculture biologique, du travail du sol et du
profil cultural, retraité en 2012; ainsi qu’avec Jean-François Vian, spécialiste des effets du travail du
sol sur la biologie du sol, premier doctorant que j’ai co-encadré de 2006 à 2009, puis devenu mon
collègue et Thomas Lhuillery, technicien de recherche. Associés à ces collaborations internes, j’ai
débuté ces travaux avec des collègues de l’ESA d’Angers (Mario Cannavaccuiollo et Anne Aveline) et
de l’AgroParisTech (Jean-Roger Estrade). Au fur et à mesure des années et des projets de recherche,
les collaborations se sont étendues, notamment à l’international, et seront précisées tout au long de
ce mémoire.
Depuis 2003, j’ai donc cherché à savoir si l’agriculture biologique combinée à l’agriculture de
conservation permettait de préserver voire d’améliorer la fertilité des sols en AB. Pour y répondre,
j’ai ouvert plusieurs pistes de recherche. D’après Michel Sebillote (1977), l’agronomie peut être
définie comme : « l’étude menée dans le temps et dans l’espace des relations au sein de l’ensemble
constitué par le peuplement végétal et le milieu physique, chimique et biologique, sur lequel l’homme
agit pour en obtenir une production ». Différents concepts ont été créés pour rendre compte de
l’action de l’homme et de l’organisation qu’il met en place, les concepts de technique culturale,
d’itinéraire techniques et de système de culture (Cf encadré 2).
Encadré 2 : les concepts de techniques culturale, d’itinéraire technique et de système de culture
(Sebillote, 1974 et 78).
Une technique culturale est une partie de la conduite des cultures, du processus de production,
définie par des actions à réaliser sur le champ cultivé (e.g. labour, semis, fertilisation).
Un itinéraire technique est une combinaison logique et ordonnée des techniques culturales mises en
œuvre sur une parcelle agricole en vue d’en obtenir une production.
Un système de culture est l’ensemble des modalités techniques mises en œuvre sur des parcelles
traitées de manière identique. Chaque système de culture se définit par : (1) la nature des cultures et
la rotation définie et (2) les itinéraires techniques appliqués à ces différentes cultures.
Au démarrage de mes travaux à l’ISARA Lyon, pour étudier la combinaison de l’agriculture de
conservation et de l’AB, j’ai centré mes travaux sur les techniques culturales du travail du sol à
l’échelle de l’itinéraire technique pour comprendre les effets de différentes pratiques de travail du
sol, dont des techniques de non labour ou labour rédui t, en AB. Ma première question de recherche
était donc la suivante : « quels sont les effets des pratiques de non labour en AB sur la fertilité du
sol dans ses trois dimensions chimique, et surtout physique et biologique ? Et ainsi quelles sont les
performances agronomiques associées à ces techniques (rendements et qualités des cultures,
gestion des adventices) ? » Cette question de recherche a soulevé un problème méthodologique que
j’ai abordé en référence à la question suivante : « comment étudier la fertilité des sols, quelles sont
les méthodes à mobiliser pour rendre compte des effets des techniques sur ses différentes
composantes et leurs interactions ? » J’ai ainsi développé des travaux sur les méthodes
d’observation de la fertilité des sols en parallèle des travaux sur la compréhension des effets des
techniques.
Après quelques années d’acquisition de connaissances, et suite à mes échanges avec les agriculteurs
AB avec qui je discutais de mes travaux, je me suis intéressée à l’insertion de ces pratique s de non
labour dans les systèmes de culture des agriculteurs en grandes cultures en AB. Ma seconde
question de recherche porte sur la conception de systèmes de culture sans labour en AB et sur leur
évaluation en termes de fertilité des sols et de performances agronomiques. Cette seconde

18
question de recherche étend l’échelle d’étude de mes travaux, du l’itinéraire technique dans le
champ à la compréhension de processus à l’échelle du système de culture dans son ensemble. C’est
une approche complémentaire à celle engagé au début de mes travaux, allant vers plus de
complexité (combinaison de techniques, actions de l’agriculteur) et vers une dimension systémique
croissante.

Le plan du mémoire
Mon mémoire est conçu en deux parties : le bilan de mes recherches passées et le projet que je
souhaite mettre en œuvre pour les années à venir.
Le bilan de mes recherches reviendra sur mes principales questions de recherche. La première
question de recherche, la compréhension des changements de fertilité induits par l’agriculture de
conservation sur les sols en AB présentera les travaux sur les mé thodes d’observation de la fertilité
du sol, la compréhension des modifications physiques et biologiques des sols liées aux techniques de
l’agriculture de conservation en AB, et à l’évaluation de l’impact de ces techniques sur les cultures et
les adventices à l’échelle du champ cultivé. Puis une deuxième section du bilan portera sur ma
deuxième question de recherche : la conception de nouveaux systèmes de culture en AB en
s’appuyant sur l’agriculture de conservation. Dans chaque partie, je rappellerai les e njeux et
questions scientifiques posées, les méthodologies utilisées et les résultats acquis. Je préciserai les
modalités d’encadrement et de collaboration entre chercheurs dans mes projets de recherche.
Soucieuse des usages opérationnels de mes travaux et de mes résultats dans l’action je présenterai
dans la deuxième partie de mon bilan mon travail de co-conception de systèmes de cultures que je
conduis avec des agriculteurs.
Le projet exposera les travaux initiés depuis 2017-18 et que je souhaite développer dans les années à
venir avec mon équipe de recherche. A la fin de ce mémoire, j’exposerai les interactions entre mes
activités de recherche et d’enseignement.

19
20
I. Compréhension des changements de fertilité induits par
l’agriculture de conservation sur les sols en AB

A. Etat de l’art et questions posées


Au démarrage de mes travaux, j’ai réalisé une revue de la littérature sur les effets des pratiques de
l’agriculture de conservation et l’agriculture biologique sur les composantes de la fertilité des sol s
(Peigné et al., 2007). Dans ce chapitre, je vais résumer les connaissances disponibles au démarrage
de mes travaux et les questions posées suite à ce travail bibliographique.

1. Effets de l’agriculture de conservation sur les composantes de la


fertilité des sols
Les principaux effets de l’agriculture de conservation sur la qualité physique du sol s’observent dans
la couche la plus superficielle du sol, à savoir les premiers cm. Par exemple, la porosité des premiers
centimètres du sol est améliorée grâce aux techniques sans labour (TSL) alors que la couche de sol
correspondant à l’ancien fond de labour est peu modifiée , voir tassée au passage d’engins (Guerif,
1994 ; Hakansson et al., 1998 ; Rasmussen, 1999 ; Tebrügge et Düring, 1999). D’un point de vue
chimique et biologique, la matière organique est également répartie sur toute la hauteur travaillée
du sol dans le cas du labour traditionnel alors qu’elle est concentrée dans les premiers cm dans le cas
des TSL (Alvarez et Alvarez, 2000 ; Angers et al., 1993).
Le travail du sol se traduit par des effets directs, via la localisation des apports organiques, et des
effets indirects, via les modifications de propriétés physiques du sol et leurs effets sur les autres
composantes. Tout d’abord, la redistribution des résidus de récolte et d’éventuelles matières
organiques exogènes sur une profondeur de sol plus ou moins importante entraîne une localisation
différente des pools de matière organique. La biomasse microbienne, utilisant ces substrats
organiques comme ressource trophique, se développe principalement dans les horizons où ils sont
enfouis (Chaussod et al., 2001, 2002). L’accroissement de la biomasse microbienne s’accompagne
d’un accroissement du pool labile de la matière organique (Lemaître et al., 1995a, 1995b). Dans les
horizons où la matière organique n’est pas apportée, la biomasse microbienne se développe grâce
aux résidus racinaires et à la matière organique du sol, ce qui permet d’entretenir un niveau
conséquent d’organismes vivants même s’il est inférieur à ce qui est observé dans l’horizon travaillé.
La diminution de la profondeur du travail du sol permet de concentrer les pools actifs de la matière
organique (résidus, biomasse microbienne, métabolites) dans les horizons de surface et de max imiser
les effets attendus sur la structure du sol (Angers and Mehuis, 1989). Enfin, la quantité et la nature
des résidus végétaux (caractéristiques biochimiques) interviennent dans la stabilité des agrégats
(Martens, 2000).
Cependant, de nombreuses interrogations demeurent quant à ces conclusions même si elles sont
très largement admises. Ainsi le constat concernant l’augmentation de biomasse des
microorganismes du sol liée à l’utilisation des TSL est quelquefois remis en cause. Certains auteurs
considèrent que tout dépend de la profondeur d’échantillonnage : si cette augmentation de
biomasse est bien plus importante dans les premiers centimètres du sol pour les parcelles cultivées
en TSL que pour celles cultivées en labour, la quantité totale ne diffère pas forcément entre les deux
techniques si l’ensemble de l’horizon ‘habituellement’ travaillé (de l’ordre de 30-40 cm) est pris en
compte (Petersen, 2002 ; Deen et Kataki, 2003). Bien que généralement considérée comme un
facteur de qualité du sol (Franzluebbers, 2002; Needelman et al., 1999), certains auteurs
s’interrogent sur l’utilité d’une forte concentration en matière organique et de vie microbienne pour
la plante cultivée ou le fonctionnement biologique global du sol (Chaussod et al., 2001).

21
Les techniques de travail du sol ont également un impact important sur la macrofaune lombricienne ,
composante essentielle de sa fertilité biologique. Les lombriciens contribuent par leur activité
fouisseuse à la création de réseaux de galeries dont le nombre et le volume ont un impact sur la
porosité (macroporosité), l’agrégation et la densité du sol. D’autre part, ces réseaux contribuent
fortement, en milieu tempéré, à l’aération et au drainage du sol (Jegou, 1998). Ce sont également
des lieux de colonisation préférentielle pour les racines, contribuant ainsi au bon développement des
plantes. Les lombriciens développent des relations mutualistes avec les microrganismes et sont par la
même des régulateurs importants de l’activité microbienne (Lee , 1985). Ils participent à la
biodisponibilité des nutriments dans le sol comme l’azote (Binet, 1993) et le carbone (Jegou, 1998).
Ainsi, la macrofaune lombricienne joue un double rôle dans le fonctionnement du sol à la fois
comme, révélateur (indicateur) des états et des usages des sols (Cluzeau et al., 1987) et comme
régulateur dans différents processus. Les lombriciens assurent ainsi différentes fonctions :
production de macro-agrégats, création d’une macroporosité via les réseaux de galeries et les
chambres d’estivation, mélange de la matière minérale et de la matière organique dans les
déjections. Ils sont ainsi des acteurs importants dans les processus de structuration, de
fonctionnement hydrodynamique du sol et dans les processus de décomposition et d’humification de
la matière organique. Bohlen et al (1995) montrent que l’arrêt du travail du sol s’accompagne d’une
augmentation des densités lombriciennes. On observe aussi que les biomasses lombriciennes sont
dans certains cas multipliées par cinq lors de la réduction du travail du sol (Granval, 1993). D’après
les auteurs, le labour détruit l’habitat des lombriciens (leurs galeries), enfouit les matières
organiques fraîches (donc amoindrit la ressource alimentaire en surface) et les expose à la prédation
et à la dessication du fait du retournement du sol. En d’autres termes, le labour réduit l’efficacité
bénéfique des lombriciens sur la fertilité du sol.

2. Les premiers travaux initiés sur les TSL en AB


Ces travaux datent du début des années 2000 et ont tout d’abord concerné les effets des TSL sur la
structure du sol. Comme pour l’agriculture conventionnelle, un travail du sol intensif en AB peut
provoquer un tassement du sol en profondeur. Dans ce cas, même l’introduction d’engrais verts dans
la rotation et des apports de matière organique importants, ne parviennent pas à compenser la
détérioration de la structure du sol (Schjonning et al., 2002). Les premiers travaux sur les TSL en AB,
la comparaison des effets du labour par rapport au TSL sur 2 années sur un sol de type limono -
argileux a montré que les TSL rendent le sol moins friable et qu’il y a une amélioration très légère du
fond de labour (Munkholm et al., 2001). Une hypothèse est qu’il faille attendre 3 à 5 ans de travail du
sol en TSL pour commencer à voir une amélioration sur ce type de sol car les apports de MO, même
répétés, restent en surface (Voorhees et Lindstrom (1984) in (Munkholm et al., 2001)). Dans des sols
plus soumis à l’action des variations climatiques, avec des alternances de gel et de dégel par
exemple, l’amélioration peut être visible plus rapidement (Munkholm et al., 2001)..
Les premiers travaux sur les TSL en AB présentent des résultats similaires à ceux obtenus en
conventionnel (Kouwenhoven et al., 2002 ; Munkholm et al., 2001). Toutefois, Munkholm et al.
(2001) postulent que sur le long terme, les conséquences du travail réduit en AB seraient différentes,
et éventuellement plus efficaces, qu’en conventionnel en raison de l’effet conjoint de rotations plus
longues, d’apports plus élevés de matières organiques qui augmenteraient l’impact du non labour.
Cette hypothèse repose principalement sur deux mécanismes :
(1) la matière organique apportée directement ou indirectement via les engrais verts a un effet
améliorant sur la structure du sol ce qui limiterait les effets ‘négatifs’ des TSL sur la structure
(Rhoton, 2000), et, de plus, l’introduction de plantes structurantes via leur développement racinaire
augmenterait les processus de fragmentation donc de régénération de la structure ;
(2) la quantité et l’activité des macro et micro-organismes sont améliorées par l’apport de matière
organique en AB. L’augmentation de la matière organique disponible constitue une ressource
trophique supplémentaire qui devrait stimuler l’activité trophique et fouisseuse des lombriciens

22
(Gerhardt, 1997 ; Glover et al., 2000 ; Shepherd et al., 2002b), d’où un meilleur fonctionnement du
sol et une régénération de la structure de sols à faible activité structurale.
La suppression du labour peut toutefois poser des problèmes d’incorporation des matières
organiques, notamment les quantités importantes de biomasse végétale lors de l’enfouissement d’un
engrais vert ou des résidus de culture.
L’autre thème abordé dans les travaux précurseurs concernant les TSL en AB concerne la maîtrise des
adventices, et se limite pour l’essentiel au constat de difficultés. En l’absence de labour, le problème
du contrôle des adventices est connu depuis longtemps en agriculture conventionnelle. L’utilisation
d’herbicides est souvent présentée comme la solution technique incontournable (Debaeke et
Orlando, 1994). Ainsi, leur interdiction en AB est une contrainte centrale à prendre en compte dans
le raisonnement et le choix des TSL par rapport au labour qui est en AB un des moyens les plus
efficaces pour contrôler les adventices (Rodriguez, 1999). En TSL AB, le contrôle mécanique des
adventices, comme le binage ou le hersage, utilisé à la place des produits de synthèse peut, dans le
cas de passages répétés, modifier la structure du sol. Mais, au début des années 2000, la
bibliographie, ne contient aucune référence sur l’évaluation globale des itinéraires techniques de
travail simplifié du sol prenant en compte à la fois leurs impacts sur la qualité du sol et sur la maîtrise
des adventices. Saisir la question de la maîtrise des adventices en AB suppose de se situer dans une
double perspective : évaluer l’impact des TSL non seulement sur la fertilité du sol mais également sur
la dynamique des adventices d’une part et d’autre part évaluer l’impact des différentes techniques
mécaniques de maîtrise des adventices sur la qualité des sols

3. Les questions scientifiques

Figure 2 : Effets direct et indirect du travail du sol sur les composantes de la fertilité du sol en AB, les
adventices et sur le rendement des cultures. Les numéros entre parenthèses correspondent à mes
objets de recherche
Les effets sur la qualité du sol de différentes modalités techniques, labours plus ou moins profonds et
différentes techniques de TSL, sont de plus en plus connus en production conventionnelle (Saone et
al., 2012). Les recherches concernant l’AB sont plus rares et de nombreuses questions restent sans
réponse précise. Elles sont en particulier liées à deux spécificités de l’AB que j’ai déjà évoqué : la

23
place de la matière organique du sol et l’utilisation du travail du sol comme moyen de maîtrise des
adventices. Sur la figure 2, j’ai résumé comment le travail du sol peut impacter les états organiques,
biologiques et physiques du sol. La modification de ces états entraine une modification des
interactions entre eux, à savoir des processus biologiques tels que la minéralisation et la création de
porosité. En me situant dans cette perspective j’ai développé mes travaux de recherche sur l’analyse
des processus permettant de comprendre les effets des TSL sur la fertilité des sols en AB autour de
trois questions :
(1) Comment les modifications de structure du sol et de localisation de la matière organique liées à
différentes techniques de travail du sol, jouent-elles sur la biomasse microbienne, mais surtout sur
son activité et in fine sur l’alimentation minérale des cultures en AB ?
(2) Comment les modifications de structure du sol et de localisation de la matière organique liées à
différentes techniques de travail du sol jouent-elles sur les populations des lombrics en AB ? Et
Inversement l’activité lombricienne modifie-t-elle les différences de structure obtenue entre les
TSL et le labour ? Si oui dans quelle mesure ?
(3) La maîtrise des adventices en AB peut-elle se passer de labour sans que l’action répétée des
moyens mécaniques de lutte n’altère la qualité du sol ? Et, avec ces techniques à l’efficacité moins
maîtrisée que le labour, quel est le niveau de maîtrise des adventices que l’on peut espérer et pour
quel effet sur le rendement des cultures ?
Pour aborder ces questions à la fois dans une perspective scientifique et d’aide à l’action j’ai
également entrepris des travaux de recherche sur la mise au point de méthodes de terrain
permettant d’évaluer les effets des TSL en AB sur les interactions entre états physiques et
biologiques des sols.

24
B. Les méthodes d’observation visuelle des états physiques et
biologiques des sols
Aborder l’analyse des effets des techniques de travail du sol sur la fertilité des sols en AB, nous a
posé, à moi-même et à mes collègues chercheurs et agents du développement, des questions
méthodologiques. Il nous semblait important de pouvoir qualifier et quantifier les états physiques et
biologiques du sol, mais surtout leurs interactions, induites par les changements de pratiques de
travail du sol. Il s’agissait tout autant de qualifier ces états et ces interactions à un instant donné que
de suivre leurs évolutions dans le temps. Pour ce faire, nous sommes partis de la méthode du profil
cultural, développée conjointement par mon collègue Yvan Gautronneau et Hubert Manichon
(Manichon, 1982). Au fur et à mesure de mes recherches et en collaboration avec d’autres
chercheurs, j’ai contribué à améliorer cette méthode de terrain pour observe r les interactions entre
macroorganismes du sol et composantes physiques. Nous avons aussi mis au point une méthode
simplifiée d’observation s’appuyant sur un test à la bêche sans creusement d’un profil.

1. Le profil cultural : de nouveaux enjeux


En 1960, la méthode du profil cultural est proposée par S. Henin, A Feodoroff, R Gras et G Monnier
(Henin et al., 1960). Elle a pour objectif l’observation de l’état du sol pour comprendre les relations
entre structure du sol, pratiques culturales et développement du couvert. Une originalité est de
réaliser une partition horizontale et verticale du sol en fonction de ses ho rizons de travail et des
passages de roues. Le profil cultural fut ensuite repris dans des travaux de recherche par plusieurs
scientifiques. Ceux-ci ont révélé “l'insuffisance des modalités de caractérisation de l'état structural
proposées à l'origine, pour rendre compte de la variabilité des situations rencontrées et les
comprendre” (Gautronneau et Manichon, 1987). M. Sebillotte et H. Manichon ont entrepris la
révision du profil cultural avec comme principaux apports “des critères de caractérisation de l'é tat
des horizons anthropiques” et la mise en place “d’une grille d'analyse” présentant avec précision les
différents critères à observer pour conduire le diagnostic (Gautronneau et Manichon, 1987). Dans un
premier temps cela a donné lieu à une thèse de H. Manichon (1982), puis à un guide du profil cultural
réalisé par Y. Gautronneau et H. Manichon (1987). Ce guide, normalisé et cadré, est utilisé depuis par
de nombreux agronomes. Il détaille la méthode à suivre pour réaliser un profil cultural au sein d’une
parcelle labourée. Ce guide s’adresse donc à la fois aux agronomes comme un outil d’évaluation des
potentialités agronomiques, aux conseillers comme un outil d’aide à la décision en travail du sol et
aux chercheurs comme un outil d’acquisition de références. De nombreux travaux de recherche ont
utilisés cette méthode (Boizard et al., 2013 ; Coquet et al,. 2005 ; Dorel et al., 2000 ; Guerif et al.,
1994; Richard et al., 1999). La méthode a été mobilisée pour modéliser les changement d’états
structuraux dans les sols cultivés (Roger-Estrade et al., 2000). Des analyses d'images ont été utilisées
pour donner une transcription plus précise de la structure observée du sol (Boizard et al, 2002). Cette
méthode a été également associée à l'observation des racines (Tardieu et al., 1987 ; Vocanson et al.,
2006).
Le guide du profil cultural a été développé dans des parcelles labourées. Lorsque nous avons initié
nos travaux sur l’agriculture de conservation en AB, nous nous sommes rendu compte avec Yvan
Gautronneau qu’il présentait des limites d’utilisation. La création de porosités en non labour repose
principalement sur des processus biotiques (activités des organismes du sol) et abiotiques
(fissurations dues au gonflement et au retrait des argiles). Si le mécanisme de gonflement-retrait des
argiles était pris en compte dans le guide du profil cultural à travers la motte φ (Cf. encadré 3), il n’y
avait pas d’observation de l’activité des organismes du sol. Depuis 2005, nous avons conduit des
travaux avec Mario Cannavaccuiolo (ESA Angers), Hubert Boizard (INRA de Mons) et Jean Roger-
Estrade (AgroParisTech) pour prendre en compte cette dimension. L’encadré 3 résume la méthode
initiale du profil cultural décrite dans le guide de Gautronneau et Manichon (1987) .

25
ENCADRE 3 : Le profil cultural (Gautronneau et Manichon, 1987)
La force et l’originalité de la méthode du profil cultural est ce phénomène de double partition,
latérale et verticale, des sols qui sert de cadre à la description. Le profil cultural est réali sé dans une
fosse de sol, le plus souvent sur une largeur de semoir et à la profondeur maximum d’enracinement
de la culture en place. Sur la face observée de la fosse, on partitionne l’observation suivant les
travaux du sol (partition verticale) et les passages ou non de roues (partition latérale). Puis, on décrit
la structure aux intersections entre passages (ou non-passage) de roue et stratification verticale liée
à l’action des outils (Figure 3). Cela permet de cibler la description et de pouvoir la reli er directement
à une technique/pratique de l’agriculteur.
La double partition (Figure 3) : La stratification latérale du profil de sol est définie en fonction de
l'emplacement des passages de roues des machines agricoles. On étudie l’effet des passages de roue
sur le sol. Trois types de positions latérales peuvent être définis, qui correspondent à des étapes
différentes des interventions culturales : L1 passage de roue visible à la surface du sol, L2 ancien
passage de roues entre les derniers travaux du sol et le semis et L3 aucun passage de roue. Après la
partition latérale, il faut aussi prendre en compte les effets des outils de travail du sol sur sa
stratification verticale. Ceux-ci vont être structurés en fonction des profondeurs et des types d’outils
utilisés. Les horizons sous-jacents vont aussi être repérés pour qualifier le potentiel agronomique du
sol (exploration des racines, réserve utile). La stratification verticale : les horizons anthropiques sont
liés au passage des outils. Ils ont été travaillés ou ancienneme nt travaillés par l’homme. Ils sont notés
H1, H2, etc. Leur nombre varie selon les opérations culturales réalisées, leur profondeur respective et
leur chronologie

Figure 3 : La double partition d’un profil cultural en parcelle labourée 5roger-Estrade et al., 2004)
Une fois partitionné, on décrit l’état structural de chaque unité morphologique (croisement entre les
stratifications latérales et verticales). L’état structural est décrit en deux étapes : le mode
d’assemblages des mottes et de la terre fine, qui correspond à une macroporosité permettant plus
ou moins l’infiltration de l’eau et des racines, et l’état interne des mottes, qui correspond à une
macroporosité permettant l’exploration de tout le volume de sol par les racines et la circulation des
fluides.
Le mode d’assemblage des mottes (Figure 4) : La première étape de la description d’une unité
morphologique consiste à déterminer le mode d’assemblage des mottes et de la terre fine du sol. Le
mode d’assemblage renseigne sur l’état de la macroporosité du sol par laquelle l’eau s’infiltre et les
racines du sol pénètrent en profondeur dans le sol. Il existe 3 grands types de modes d’assemblage :
(1) structure ouverte (O) avec un sol poreux, pas ou peu de tassements, et de la terre fine
abondante, (2) structure continue (C) avec un sol plus ou moins compacté, présentant peu de
discontinuité structurale, et (3) structure de type bloc (B) avec des mottes décimétriques peu
poreuses, séparées par des cavités structurales et un peu de terre fine. On peut rajouter un suffixes
« R » aux modes d’assemblage C lorsque l’on repère une (R) ou plusieurs (2R) fissures ou sous-blocs.
Plus il y a de fissures ou de sous-blocs moins le tassement est important (effet du gel-dégel ou des
activités biologiques).

26
Structure Ouverte Structure Continu avec fissure (R) Structure Bloc
Figure 4 : les 3 grands types d’assemblage de mottes

L’état interne des mottes (Figure 5)


Ensuite, l’état structural est déterminé grâce à l’état interne des mottes. L’état interne des mottes
renseigne sur la macroporosité du sol que les racines vont explorer pour assurer l’alimentation
hydrique et minérale du sol. Il se décompose en plusieurs types : (1) Gamma (Γ) : La face de rupture
est rugueuse avec présence d’une forte porosité. Les agrégats sont arrondis. Les mottes ont une
faible cohésion ; (2) Delta (∆) : Les faces de rupture sont lisses, avec une quasi -absence de porosité
visible à l’œil nu, et (3) les mottes Phi (Φ) : La motte «Φ» est une motte compacte «∆», qui a été
fissurée sous l’effet du « gonflement-retrait » des argiles sous l’action du climat (pluie, gel). Les
fissures sont orientées dans toutes les directions. Contrairement à l’état «Γ» les agrégats sont
anguleux et non arrondis.

Figure 5 : les 3 états internes des mottes

La caractérisation des différents types de mottes de sol permet d’une part de qualifier et quantifier la
structure du sol, par exemple le % de mottes  est souvent utilisé comme indicateur de tassement du
sol (Roger-Estrade et al., 2004). D’autre part, elle permet de comprendre l’évolution passée
(diagnostic) et future de la structure du sol (pronostic). En effet, comme le montre la figure 6, la
structure du sol évolue d’un état à un autre suivant les travaux du sol et l ’action de fissuration due au
climat.

Figure 6 : Evolution de l’état interne des mottes

27
2. Adaptation de la méthode du profil cultural pour évaluer l’effet du non
labour sur la structure du sol

a) Observation d’un nouvel état interne des mottes suite à l’adoption de


l’agriculture de conservation
Sur des systèmes labourés tous les ans, le climat, les outils et le tassement expliquent une grande
part de la dynamique de l’état structural (Roger-Estrade et al., 2000). Au démarrage de nos travaux
sur l’impact des techniques sans labour en plein champ, nous avons réalisé des profils culturaux en
suivant la méthode du guide de 1987. Très vite, Yvan Gautronneau a remarqué que la méthode ne
permettait pas de caractériser l’effet de l’activité des vers de terre, très visibles dans les profils de
sols sans labour. En effet, nous observions des mottes de sol de type  (tassé), mais avec présence de
quelques galeries de vers de terre et parfois de racines les traversant (Figure 7). Yvan Gautronneau
les a baptisées dans un premier 0, le zéro ‘indiquant’ une porosité dans la motte tassée.

Figure 7 : A gauche une motte  et à droite une motte dite initialement 0

Dans le sol, la macrofaune (vers de terre, fourmis, termites) ou la mésofaune (enchytraïdes)


perforent ou ingèrent le sol, et altèrent ainsi sa structure. Ces dernières années de nombreuses
recherches ont été menées sur le rôle de l'activité des vers de te rre sur la formation de la structure
du sol (Blanchard et al., 1997 ; Capowiez et al., 2009 ; Lamandé et al., 2011 ; Le Bayon et al., 2004 ;
Pérès et al., 2010). Capowiez et al. (2012) ont montré que les vers de terre sont capables de créer de
la macroporosité dans les sols tassés et ainsi d’améliorer l'infiltration de l'eau. Les lombriciens
expriment une diversité de comportements fouisseurs que Bouché (1972) a classé en « trois
catégories écologiques » : épigé, endogé et anécique. Deux formes de « biostructures » résultent de
ces comportements fouisseurs : les galeries et les déjections, ces dernières pouvant être émises en
surface ou dans les interstices du sol (Lee et Foster, 1991 ; Oades, 1993). Piron et al. (2012) ont
étudié ces biostructures afin de mieux décrire la structure du sol. La méthode, développée par D.
Piron, repose sur la caractérisation macro-morphologique de l’origine des structures, et ainsi la
description des faciès peut aider à interpréter les propriétés du sol. Avec Mario Cannavacciuolo, nous
avons collaboré avec D. Piron pour vérifier l’importance d’introduire l’activité biologique dans la
caractérisation des profils culturaux dans le cadre d’un projet financé par l’ADEME. Dans un essai en
Pays de la Loire, les chercheurs ont conclu qu’il existe une relation entre la superficie de certaines
biostructures (déjections, galeries) liées aux lombriciens et la proportion de mottes plus ou moins
tassées (Peigné et Cannavacciuolo, 2009). Evaluer cette relation exige donc bien de tenir compte de
l’activité des lombriciens pour caractériser plus finement les processus impliqués dans la
différenciation des états internes des mottes définis par Gautronneau et Manichon (1987).

b) La zone de transition entre le sol cultivé et les horizons pédologiques sous-


jacents
La méthode du profil cultural permet aussi d'examiner les horizons pédologiques sous-jacents
(Gautronneau et Manichon, 1987). L’observation de ces horizons fournit des informations

28
caractérisant le potentiel agronomique du sol, par exemple le volume de sol disponible pour la
croissance des racines ou la réserve utile en eau du sol. L’horizon pédologique sous l’horizon cultivé
peut être perturbé par les travaux du sol et le passage des machines (Akker, 2003). Trautner et al.
(2003) ont montré que certains tassements pouvaient atteindre jusqu'à 70 cm de profondeur en
raison de charges lourdes dans des sols humides. Boizard et al. (2000) ont montré que les propriétés
physiques et hydrauliques peuvent être modifiées à une profondeur de 30 à 40 cm ap rès deux ou
même une seule récolte de betteraves sucrières dans des conditions humides. L’horizon du sol à
l’interface de l’horizon cultivé et des horizons pédologiques non perturbés que l’on appelle horizon
de transition (Spoor et al., 2003), est ainsi sensible au tassement, soit par des roues de machines
agricoles soit par l’action d’outils comme le versoir des charrues. La figure 8 présente différentes
origines de l’horizon de transition. L’action de la charrue conduit à l’apparition de ce qu’on appelle la
semelle de labour qui est une zone tassée par lissage successif des versoirs en conditions humides.
Ce tassement de l’horizon de transition peut se maintenir même si le travail du sol a changé (labour
moins profond, ou non labour), c’est une ancienne semelle de labour. En effet, en France, les
agriculteurs ont souvent labouré jusqu'à une profondeur de 40 cm entre 1970 et 1980 et ont
maintenant réduit cette profondeur à 25 à 30 cm et parfois seulement à 20 cm. Il est alors possible
dans certains types de sol, comme les limons profonds, de retrouver de vieilles semelles de labour
profondes. De même, même avec l’apparition des TSL (du semis direct au travail réduit à 15-20 cm),
l’horizon de transition créé par les anciens travaux du sol reste généralement v isible mais plus
difficile à distinguer.
T
O
P
S
Potential plough pan by smoothing / subsoil compaction
O
I
L Potential old plough pan by smoothing / subsoil
compaction

Transition Clear transition layer (difference of colour, plough pan) ;


Layer

Fuzzy transition layer : with a colour gradient , no clear


difference of soil structure with the topsoil
S
U
B
S Cracks due to swelling-
Anecic earthworm burrow shrinking effects
O
I
L

Ploughed soil profile Shallow tilled soil profile No-tilled soil profile

Figure 8 : Description schématique de différents types d’horizon de transition : du labour au non


labour (Peigné et al., 2013)
Cet horizon de transition n'a pas toujours été examiné en détail dans les études antérieures utilisant
la méthode du profil cultural. La présence ou l'absence d'une semelle de labour, son niveau de
tassement et son impact sur le fonctionnement du sol sont des indicateurs essentiels pour
comprendre la pénétration et le développement des racines dans les horizons profonds. De
nombreux auteurs ont décrit les effets négatifs d’une semelle de labour (Loon et Van Buma ; 1978).
Cependant, la décision de fragmenter cet horizon ne doit être prise qu'après une évaluation
approfondie du cas observé. Selon Spoor et al. (2003), un horizon de transition légèrement tassé qui
peut être traversé par les racines et l'eau, est un atout dans la mesure où il protège les horizons plus
profonds de la propagation du tassement. Le décompactage est une opération difficile à réaliser et
elle est très gourmande en énergie et en temps. De plus, le tassement observé peut également être
fissuré par l’action du climat et par l'activité des organismes du sol, en particulier dans les systèmes
sans labour. Les galeries des vers de terre, la porosité due au développement racinaire et aux fissures
ne sont pas détruits par les labours et, grâce à l'effet accumulé au fil du temps, on doit retrouver plus
de macroporosité biologique dans les sols non labourés (Shipitalo et al., 2000), et ainsi favoriser
l’infiltration de l’eau (McKenzie et al.,2009) et des racines.

29
Dans le cadre d’un projet ADEME, je me suis intéressée avec mes collègues de l’ISARA e t Mario
Cannavacciuolo de l’ESA, à caractériser au mieux cette zone de transition pour les systèmes sans
labour. Ce travail, présenté lors d’un séminaire au Danemark en 2011 consacré aux méthodes
d’observation des sols, a donné lieu à un article scientifique (Peigné et al., 2013). Nous considérions
que les méthodes d'évaluation sur le terrain devaient encore mieux quantifier les macropores
biologiques et la densité des fissures, et évaluer le degré d'entrave à la pénétration des racines et à
l’infiltration de l’eau causé par un horizon de transition tassé. Dans un premier temps, nous nous
sommes appuyés sur le concept de motte 0 exposé dans le paragraphe 2 a. Pour mieux caractériser
l’activité des lombrics, nous avons décidé d’engager un travail de comptage de galeries de vers de
terre sur un plan horizontal dans l’horizon de transition (Figure 9). L’objectif était d’essayer de relier
le nombre de galeries à différentes caractéristiques de structure du sol et à l’abondance des
populations de vers de terre Ce comptage est issu d’une méthode développée par Yvan Gautronneau
et Léon Fayolle (1998).

Figure 9 : Comptage du nombre de galeries de vers de


terre par m2 dans l’horizon de transition

Cette méthode a été dével oppée pa r L. Fa yol l e (INRA Di jon) et Y.


Ga utronneau (ISARA Lyon) en 1998. L’objecti f i ni ti a l éta i t de l i er l e
prél èvement des vers de terre à la surfa ce du s ol (méthode formol )
a vec l ’obs erva ti on de l eur a cti vi té foui s s eus e da ns l e s ol .
Ori gi nellement, le s ol était découpé en plusieurs plans (fond de l abour
(FL) et FL+ 15 cm) de 1 m X 0.2 m. Sur ces plans, l ’observa teur enl ève
a u couteau des fra gments de sol et compte à chaque fois l e nombre de
ga l eries de vers de terre en différenciant l es diamètres > 3 mm et < 3
mm. L’opéra tion est reproduite s ur toute l a s urfa ce (0.2m 2) pui s l e
compta ge es t tra ns cri t pa r m 2.

Nous avons testé cette méthode de 2005 à 2015, pour voir s’il était possible de relier le nombre de
galeries de vers de terre à : une structure de sol, une population de vers de terre (densité) ou encore
en dernier lieu à un enracinement (densité racinaire). Les résultats obtenus sont mitigés. Nous
n’avons pas trouvé de lien significatif entre les populations de vers de terre et le comptage de
galeries de vers de terre. Cette absence de relation, aussi démontrée par Pérès et al. (2010),
s’explique par la complexité des facteurs qui interfèrent dans cette relation : type de vers de terre,
compétition entre vers de terre et modes d’utilisation des sols (cultures, pratiques). De même, nous
n’avons pas pu relier un nombre de galeries de vers de terre à un degré de tassement (% de mottes
delta et delta 0) de l’horizon de transition. Par contre nous avons mis en évidence un lien entre le
nombre de galeries de vers de terre par m2 et l’enracinement en profondeur pour différents
systèmes de production en AB2 . Ces résultats ont été publiés par Peigné et al. (2013) et une fiche a
été mise en ligne sur le site de l’ITAB (http://www.itab.asso.fr/programmes/solab.php).
En 2015, j’ai coordonné une action dans le projet Européen FERTILCROP sur l’effet de techniques
agricoles dites ‘durables’ (non labour, engrais verts, compost) en AB sur la structure du sol et
l’activité lombricienne. J’ai transféré la méthode de comptage des galeries dans une mini -fosse à mes
collègues Européens pour la tester dans différentes conditions pédoclimatiques. Les résultats
diffèrent peu entre techniques mais surtout la méthode présente trop de biais expérimentaux (effet
observateur, difficulté de mise en œuvre suivant les sols) pour en envisager une utilisation large.

2
Dans le cadre du projet Casdar SOLAB

30
c) La nouvelle méthode du profil cultural
L’observation de nouveaux états structuraux et la progression des connaissances sur le rôle de
l’activité biologique dans la formation de la structure du sol ont été aussi analysés par des collègues
Français et Sud-Américains utilisant le profil cultural. Sasal et al. (2006) ont mis en évidence, dans les
sols limoneux d'Argentine, l'importance d'une structure lamellaire apparaissant près de la surface du
sol et empêchant l'infiltration d'eau dans des sols en semis direct. Comme évoqué précédemment,
de nombreux chercheurs ont souligné l'importance des macropores d’origine biologique dans la
dynamique de la régénération de la structure du sol en labour réduit (Capowiez et al., 2012 ; Peigné
et al., 2013 ; Piron et al., 2012). Au Brésil, Tavares Filho et al. (1999) ont adapté la méthode, mais
spécifiquement pour les sols tropicaux comme les oxisols. L'utilisation de la méthode du profil du sol
en semis direct ou travail réduit a mis en évidence plusieurs problèmes de description du type de
porosité: les critères utilisés dans la méthode original e ne permettent pas une description
suffisamment précise de la dynamique de la structure du sol liée à la fissuration et l'activité
biologique.
Ces préoccupations ont conduit à adapter la méthode originelle et à proposer des amendements
basés sur une série d'observations de terrain et de travaux expérimentaux dans différentes situations
de systèmes de culture, de types de sol et de conditions climatiques. Ainsi, Hubert Boizard de l’INRA
de Mons, a initié un travail collectif dont l'objectif était d'adapter la méthode du profil cultural pour
la rendre plus efficace dans les situations de non-labour. Nous avons organisé conjointement avec
Hubert Boizard un séminaire les 26 et 27 mars 2015 à L’ISARA- Lyon. Il réunissait un panel de neuf
utilisateurs de la méthode en ayant une longue pratique dans un large éventail d'environnements en
France, en Argentine et au Brésil. L’ensemble de nos travaux et de nos réflexions collecti ves a été
publié par Boizard et al. (2017), article présentant une version 2.0 de la méthode du profil cultural
pour l’utiliser dans les sols labourés et non labourés.
Prise en compte de l’activité biologique
La réflexion collective autour de la biologie des sols, nous a conduits à introduire un indice d’activité
biologique (équivalent du 0 introduit par Yvan Gautronneau). Nous sommes partis des travaux de D.
Piron (2012). Pour être un indice facilement opérationnel, nous avons choisi de ne distinguer que
deux niveaux d’activité ou faciès: b1 pour les mottes avec la présence de macropores tubulaires
quelle que soit l'origine (racine ou macrofaune); et b2 lorsque l’on observe des déjections dans les
mottes provenant d'une activité de vers de terre avec des agrégats bien individualisés ou des
déjections plus anciennes avec des agrégats légèrement soudés (Figure 10). Nous avons retenu ces
deux faciès, car l’indice b1 indique des modifications d’infiltration de l’eau et des racines par les
macropores tubulaires, et l’indice b2 montre un processus de bioturbation conduisant à la formation
d’agrégats de sol.

b1 b2

Figure 10 : Indices biologiques b1 et b2 pour décrire l’activité biologique modifiant la structure du sol

31
Une nouvelle structure dans le profil : la structure lamellaire
L’action des conditions climatiques est aussi à bien prendre en compte avec des réseaux de fissures
différents suivant le type de sol et les pratiques culturales. En Argentine, la structure lamellaire,
caractérisée par un réseau dense de fissures horizontales, apparait en surface ou à partir 3 à 5 cm de
profondeur avec une épaisseur qui peut atteindre 10 cm (Figure 11). Sasal et al. (2017) ont montré
qu’elle était en relation avec l’alternance de cycles de dessiccation / humectation au sommet des
volumes compactés, le drainage étant réduit dans cette zone. Cette structure est un obstacle à
l’infiltration, favorisant ainsi le ruissellement et l’érosion (Sasal et al, 2017). Elle est aussi un obstacle
à l’enracinement des plantes. Boizard et al. (2013) ont aussi observé ce type de structure en travail
réduit sur des sols de limon et toujours suite à des tassements sévères.
Figure 11: Structure lamellaire ou platy (notée P)
Cette structure lamellaire doit être distinguée des agrégats
anguleux (mottes φ). Suite à des cycles de dessiccation
/humectation, les volumes tassés sous l’effet du retrait/
gonflement des argiles, se fissurent avec des fissures orientées
dans toutes les directions. En contraste à la structure
lamellaire, les mottes φ favorisent la circulation de l’eau et
l’enracinement dans le sol avec la mise en place de fissures verticales.
Nouveaux processus dans l’évolution des états internes des mottes
La figure 12 reprend la figure 6 d’évolution de l’état interne des mottes initialement pensée par
Gautronneau et Manichon (1987). Nous avons inclus de nouveaux changements d’états internes des
mottes (flèches en pointillés figure 12), où l'action combinée de l'activité biologique avec le climat
modifie la porosité de chaque type (flèche circulaire figure 12) et les transforme graduellement en
sol fin. Il manque encore de nombreuses connaissances pour finaliser ce schéma, ainsi l’activité
biologique est représentée par des flèches en pointillé car nous ne savons pas actuellement si en
situation agricole, les organismes du sol peuvent totalement décompacter les mottes tassées de type
 ou φ en terre fine et sur quelle temporalité. Ces connaissances sont importantes car elles vont
déterminer les préconisations que l’on peut faire suite à l’observation d’un profil de sol : faut-il
décompacter mécaniquement un tassement sévère ou conclure que l’observation d’une activité
biologique est bon signe et qu’elle suffira à faire le travail « gratuitement » à long terme ?

Figure 12 : Nouveau schéma de


l’évolution de l’état interne des
mottes – méthode du profil cultural,
version 2.0 (Boizard et al., 2017)

32
3. Développement de méthodes simplifiées pédagogiques et utilisables à
large échelle
De nombreuses méthodes d'évaluation visuelle de la fertilité et de la structure du sol existent dans le
monde entier pour évaluer la fertilité et la structure du sol. Une réunion à Estrées-Mons (France) en
2005 a été une bonne occasion de présenter et de comparer plusieurs d'entre eux elles (Boizard et
al., 2007). Parmi toutes ces méthodes, deux types principaux peuvent être distingués : (i) l'examen
de l’horizon cultivé avec une bêche et (ii) l’observation d’un profil de sol (Batey et al., 2015).
Les tests bêches ne permettent pas une analyse détaillée des stratifications latérales et verticales
d’un sol. Mais, par rapport au creusement et à l’observation d’un profil, ils ont cependant l’avantage
d’être plus rapides à mettre en œuvre ce qui permet de multiplier les observations dans une même
parcelle ou dans plusieurs. Les méthodes du test bêche ont donc une valeur opérationnelle pour le
conseil aux agriculteurs, mais sont aussi très utiles dans un objectif de prospection pour le chercheur.
Parmi les différentes méthodes d’observation du sol avec une bêche, en Europe du Nord, on retrouve
le test VESS (Visual Evaluation of Soil Structure) issu du test Peerlkamp (Batey et al., 2015). Ce test
VESS permet d’apprécier la qualité de la structure des sols au niveau des premiers horizons. Il est
basé sur un système de notation de 1 (très bonne qualité de structure du sol) à 5 (mauvaise qualité)
tenant compte des agrégats du sol (taille, forme, force, couleur) et d’éléments biologiques (présence
de racines). En Nouvelle-Zélande, le test VSA (Visual Soil Assessment) est pratiqué (Batey et al.,
2015). Tout comme le test VESS, il permet d’évaluer la qualité de la structure des sols au niveau des
premiers horizons mais aussi son impact sur le rendement des cultures.
En France, j’ai développé avec Yvan Gautronneau et Jean-François Vian à partir de 2005 une
méthode de type ‘bêche’ reprenant le mode de caractérisation du profil cultural (Peigné et al., 2016).
Dans un premier temps, nous avons initié cette démarche pour l’enseignement. En effet, les élèves
de l’ISARA Lyon doivent réaliser des profils culturaux lors de leur stage en exploitation agricole en fin
de deuxième année. Or, nous observions d’année en année, une dégradation des résultats obtenus
en raison de la difficulté pratique de réalisation d’un profil. Le test bêche présente l’avantage d’être
simple d’utilisation, peu destructif (petit volume de terre) et facilement exploitable (observation
visuelle et classification de la structure du sol simple). Nous aurions pu utiliser la méthode VESS. Mais
la méthode du profil cultural était déjà largement validée et utilisé e en France et surtout permettait
de faire un pronostic d’évolution d’état de la structure, ce que ne permet pas le test VESS. Nous
avons décidé de mettre au point un test bêche s’appare ntant le plus possible à la méthode de
diagnostic du profil cultural.
L’objectif du test que nous avons développé est de proposer un outil de suivi simplifié de la structure
du sol pouvant être appliqué tout au long du cycle cultural. Cela permet ensuite de juger de l'effet de
la structure du sol sur l'élaboration des performances de la culture. Il est réalisable rapidement,
accessible à tous et peut être répété afin d’apprécier la variabilité au sein d’une parcelle , et d’une
année sur l’autre. Un diagnostic rapide est ainsi établi afin de juger de la nécessité d’analyses plus
approfondies (réalisation d’un profil cultural). Ce test a été développé et validé principalement au
cours de deux projets CASDAR. Il a été déployé dans des stations expérimentales en AB en grandes
cultures, maraîchage, viticulture et arboriculture (CASDAR SOLAB). L’objectif était d’une part de
comparer les résultats obtenus avec des mesures quantitatives (densité apparente, résistance à la
pénétration) et qualitatives (profil cultural) ; et d’autre part de valider les conditions d’utilisation de
ce test dans différents systèmes de production, régions pédoclimatiques et avec de nombreux
observateurs (conseillers AB). Suite à ce travail, nous l’avons déployé avec Jean-François Vian auprès
de 250 agriculteurs en France lors du projet CASDAR AGRINNOV en grandes cultures et viticulture.
Ceci nous a permis de progresser dans la conception de ce test et de valider son utilité auprès des
professionnels. Le test bêche est maintenant répandu et utilisé en France, nous en avons publié un
guide (Peigné et al., 2016).

33
4. Conclusion
Comprendre et évaluer les effets des nouvelles techniques de travail du sol que sont les TSL sur la
fertilité des sols en AB a nécessité de développer des méthodes d’observation du sol adaptées. Ceci
s’est traduit par la formulation d’une version 2.0 du profil cultural prenant en compte en particulier
les effets de l’activité biologique 3 . Dans une optique pédagogique une version simplifiée de cette
méthode de diagnostic a été développée à l’aide d’un test bêche. Ces deux outils permettent
aujourd’hui un diagnostic adapté à une gamme large de situations incluant les techniques sans
labour et les conditions de l’AB. Ces travaux ont été réalisés en s’appuyant sur de nombreux
partenariats. J’ai ainsi travaillé en collaboration avec des chercheurs français et internationaux dans
le cadre de l’ISTRO (International Soil and Tillage Research Organisation), et plus particulièrement
avec un groupe de chercheurs qui se réunissent autour de s méthodes d’observation visuelle des sols.
Cela a donné lieu à un ouvrage collectif dans lequel j’ai co-écrit un chapitre (Batey et al., 2015), à une
publication commune sur une nouvelle méthode d’observation du profil de sol, se rapprochant du
scoring VESS (Ball et al., 2015) et à des issues spéciales du journal ‘Soil and Tillage Research’ où nous
avons exposé nos travaux sur le profil cultural (Boizard et al., 2017 ; Peigné et al., 2013).

3
Le nouveau guide est en cours de finalisation

34
C. Les essais expérimentaux mobilisés
Mes travaux sur la fertilité des sols en AB selon les modalités de travail du sol s’appuient sur deux
dispositifs expérimentaux : le premier est un essai analytique de longue durée et le second est un
réseau de huit parcelles expérimentales déployé dans l’ensemble de l’ancienne région Rhône-Alpes.

4. L’essai analytique de Thil : comparaison de différentes techniques de


travail du sol en AB
Avec Yvan Gautronneau, nous avons implanté un essai à long terme en 2004 (point 0) pour un
démarrage en 2005. Cet essai a pour objectif de comparer 4 techniques de travail du sol en AB et de
mesurer leurs effets sur les composantes du sol, le développement des adventices et la performance
des cultures. Il a été implanté sur la commune de Thil ((45 ° 49'9.44 "N et 5 ° 2'2.62" E), sur
l’exploitation d’un agriculteur, Monsieur Claude Barbet. M. Barbet collabore depuis de nombreuses
années avec l’ISARA et peut être qualifié d’agriculteur-expérimentateur. Les travaux culturaux sur le
site expérimental sont discutés ensemble et toujours réalisés pour le bien de la recherche. Cet essai,
nommé ‘Thil’ est depuis 2005 un des essais européens les plus anciens sur cette thématique en AB, il
fait partie d’un réseau d’essais créé dans le projet de recherche Européen Tilman-org.
Les 4 techniques de travail du sol comparées sont :
- le labour traditionnel (LT), à 30 cm de profondeur, correspondant aux pratiques de l’époque des
agriculteurs en AB ;
- le labour agronomique (LA), à 18 cm de profondeur, et sans rasette dont l’objectif est de réduire la
dilution de la matière organique dans les sols et de laisser quelques résidus en surface tout en
retournant le sol pour contrôler les adventices (Figure 13) ;
- le travail superficiel (TS), à 15 cm de profondeur, avec un outil à dent de type chisel dont l’objectif
est de réduire la profondeur de travail du sol et surtout de ne plus le retourner et de laisser la
matière organique à la surface du sol (Figure 14) ;
- le travail très superficiel (TTS), à 7 cm de profondeur, avec un outil à dent de type chisel dont
l’objectif est proche de celui du TTS mais avec une moindre perturbation du sol. En 2005 et 2008,
nous avons testé sur cette modalité le semis direct sous couvert végétal roulé par un rouleau
cranteur (type FACA) (Figures 15 et 16). Pour des raisons agronomiques et techniques, nous avons
arrêté de tester cette technique sur l’essai de Thil et engagé des travaux en 2017 spécifiquement sur
cette technique (voir partie projet de ce mémoire).
Chaque modalité de travail du sol a été répétée 3 fois sur la parcelle expérimentale. Les douze
parcelles élémentaires font chacune 80 m de long pour 12 m de large, une bande enherbée sépare
chaque parcelle élémentaire (Figure 17). La parcelle est irrigable (deux bornes d’irrigation en
bordure).

Figure 13 : Charrue hors raie Figure 14 : : Chisel

35
Figure 15 : Rouleau cranteur Figure 16 : Semoir direct

Figure 17 : Plan de l’essai de Thil

Le sol est un fluvisol calcaire se développant sur des alluvions récentes du Rhône. La texture du sol
est composée (en moyenne) de 53% de sable, de 32% de limon et de 15% d'argile, ce qui correspond
à un sol sablo-limoneux dont le pH est de 8,2 en 2005. Au-dessous de 60 cm, la texture du sol n'est
pas homogène en raison de l'hétérogénéité des dépôts de sables et de graviers. Le climat est semi -
continental avec des influences méditerranéennes et océaniques dégradées. La température
annuelle moyenne est de 11,4 ° C et les précipitations annuelles moyennes sont de 825 mm.
Le système de culture est un système irrigué avec des cultures de printemps (maïs et soja) et du blé
d'hiver. Il est très représentatif des systèmes de grandes cultures sans él evage en AB de cette région.
La parcelle a été convertie en AB en 1999. La rotation des cultures est basée sur le maïs ( Zea mays L.)
- le soja (Glycine max L.) - le blé d'hiver (Triticum aestivum L.) avec des cultures de couverture de
céréales entre le maïs et le soja, et des associations céréales – légumineuses ou légumineuses pures
entre le blé et maïs. Le soja et le maïs sont irrigués chaque année (environ 300 mm) tandis que le blé
d'hiver est irrigué en fonction des conditions climatiques (de 30 mm à 100 mm). L’essai a commencé
avec une culture de maïs au printemps 2005 qui succédait à 3 ans de luzerne (Medicago sativa, 2002-
2005).
Entre novembre 2004 et mars 2005, nous avons réalisé un état initial du sol (Tableau 1). Nous avons
aussi analysé la variabilité spatiale de la parcelle avec des mesures chimiques et microbiologiques du
sol. La caractérisation de la variabilité spatiale de la parcelle a été faite dans le cadre d’un stage de
Master de recherche que j’ai encadré, stage effectué par Jean-François Vian en Master de
microbiobiologie à Lyon 1. Ce stage avait pour but de comprendre la variabilité de la parcelle d’essai,
d’analyser les liens entre les différents indicateurs de sol, et ainsi en tenir compte dans nos stratégies
d’échantillonnage (Peigné et al., 2009a).

36
Point 0 Mesures
Physique Observation visuelle et méthodique de la structure du sol : profil cultural et
(nov 2004) densité apparente des horizons du sol
Chimique %argiles, %limons, %sables, CEC, pH K2SO4, pHeau
(fev 2005) Corg, Ntot, CaCO3, P, K, Mg, Ca, Na
Macrobiologique Population des vers de terre (méthode formol)
(nov 2004) Observation galeries de verre de terre au sein du profil cultural, comptage
macropores
Microbiologique Quantité et Qualité des MO (fractionnement granulométrique pyrolyse)
(fev 2005) Pools microbiens (Biomasse microbienne), flux (C et N minéralisé)
Les prélèvements de sol ont été effectués pour les horizons 0-5, 5-15, 15-20 et 20-30 cm
Tableau 1 : Mesures des composantes, physiques, biologiques et chimiques du sol au démarrage de
l’essai de Thil (sous luzerne)
De 2005 à 2009, j’ai aussi participé à la mise en place et au suivi d’essais similaires ( avec les quatre
mêmes modalités de travail du sol testées et trois répétitions) dans deux autres régions : Pays de la
Loire (ESA Angers) et Bretagne, station de Kerguehennec (CRA Bretagne). Les travaux sur la micro et
macro biologie présentés ci-après s’appuient aussi pour partie sur les résultats obtenus dans ces
essais. Le tableau 2 présente succinctement ces deux essais, arrêtés aujourd’hui.
Site Expérimentateur Début Type de sol Climat Rotation
de
l’essai
Pays de la ESA Angers 2005 Limoneux 704 mm Maïs – Féverole – Blé
Loire M. (cambisol) 12,1 °C d’hiver – Lupin (2007) –
Cannavaccuiollo, Blé (2008)
A. Aveline
Bretagne CA Bretagne 2003 Limoneux 891 mm Maïs* (2003) – Triticale
Station de D. Heddaj, JL 11,5 °C (2004) – Blé noir (2005) –
Kerguehennec Giteau et A. Pois protéagineux d’hiver
Dupont (2006) – Triticale (2007)
* Pour ces cultures : le travail très superficiel était un semis direct dans un couvert végétal ‘roulé’, soit
un maïs dans un trèfle pour le site Bretagne.
Tableau 2 : Les deux sites d’essais similaires au site de Thil mobilisés dans mes travaux

2. Le réseau de parcelles chez des agriculteurs en Rhône Alpes :


comparaison de deux techniques de travail du sol en AB
Pour extrapoler et évaluer la portée générale des résultats obtenus sur l’essai de Thil, dès 2005, nous
avons mis en place un réseau de parcelles chez des agriculteurs de la région Rhône Alpes. Nous avons
choisi des exploitations agricoles situées dans des zones de production de grandes cultures (Figure
18), dans différents contextes pédoclimatiques et avec des rotations de cultures différentes (Tableau
3). Certaines parcelles ont été suivies sur quelques années, nous en suivions encore 2 en 2017-18
(Nord Isère et Vallée du Rhône Sud). Sur chaque parcelle d’agriculteur, deux bandes ont été suivies :
la pratique de l’agriculteur (le plus souvent un labour à 25-30 cm) et une pratique de travail du sol
‘réduit’ soit un travail superficiel (type chisel) soit un labour agronomique. Les bandes n’ont pas été
répétées, la variabilité mesurée est donc uniquement intra parcellaire.

37
Figure 18 : localisation des 8 parcelles agriculteurs du réseau Rhône Alpes

Sols Cultures Comparais Durée des essais


on ITK
Trièves 1 Argilo-calcaire Blé, Avoine, Luzerne LT vs. TS 3 ans
Trièves 2 Argilo-calcaire Blé, Sarrasin LT vs. TS 9 ans

Nord-Isère Limons Soja, Tournesol, Blé, Maïs LT vs. TS 13 ans

Vallée du Limono-sablo- Blé, Maïs, Soja LT vs. TS 10 ans


Rhône Nord argileux
Vallée du Limons Soja, Blé, Tournesol, Pois pts, LT vs. LA 13 ans
Rhône Sud Sorgho, Blé dur
Diois Argilo-calcaire Maïs, Blé, Tournesol LT vs. TS 6 ans

Dombes Limons Blé, Triticale + pois, Maïs, Blé LT vs. TS 7 ans

Tableau 3 : Descriptif des parcelles des agriculteurs suivies dans le réseau de Rhône-Alpes
LA : labour agronomique ; LT : Labour traditionnel ; TS : Travail superficiel

38
D. Effets de l’agriculture de conservation sur les composantes
physiques et biologiques des sols
Les résultats de l’essai de Thil appuyés de ceux des essais de Kerguehennec et des Pays de Loire ont
permis d’étudier les impact des différentes techniques de travail du sol sur la structure des sols et sur
leur fonctionnement biologique (matière organique et microbiologie , macrobiologie du sol).

1. La matière organique et la microbiologie du sol


Notre première question était de comprendre, si et comment le non labour améliore d’une part le
pool de matière organique dans les sols, et d’autre part la taille, l’activité et la diversité des
microorganismes et ainsi permet d’assurer une meilleure fonction de nutrition des cultures en AB.
Pour y répondre, l’évolution des microorganismes du sol a été suivie en lien avec les modifications de
la structure du sol et de la localisation des matières organiques engendrées par les techniques de
travail du sol. Ce suivi a été effectué sur les sites de Thil et Kerguehennec, en 2006 et en 2007, au
démarrage des expérimentations. Ces travaux ont été réalisés par Jean-François Vian, alors doctorant
(financement ADEME) que j’ai co-encadré avec Rémi Chaussod de l’INRA de Dijon sous la direction de
Jean Roger-Estrade d’AgroParisTech.

a) Les questions de recherche et les méthodes utilisées

Figure 19 : Schéma fonctionnel des effets du travail du sol sur la matière organique, la structure du
sol et les microorganismes du sol. D’après Vian (2009a)
Après une analyse de la littérature, nous avons identifié (figure 19) les processus biologiques
produisant l’azote minéral dans un sol sans apport d’engrais de synthèse, et l’effet du travail du sol
sur les différentes composantes du sol qui vont agir sur ces processus. Ainsi, comme cela a déjà été
mentionné, le travail du sol agit directement sur la localisation des matières organiques (sour ce
d’énergie des organismes du sol) et des micro-organismes du sol, mais aussi indirectement via la

39
modification de la structure du sol (habitat des micro-organismes) par la fragmentation et le
tassement. Jean-François Vian a donc cherché à répondre à trois questions principales :
Question I : Quel sont les impacts des traitements de travail du sol sur la structure du sol au cours
des premières années d'expérimentation ?
Question II : Quelle est l'influence des techniques de travail du sol sur la répartiti on des résidus de
cultures et quelle en est la conséquence sur les teneurs de C et N ainsi que sur les Matières
Organiques Particulaires du Sol (MOP) à court terme en AB (< 5 ans) ?
Question III : Quelles sont les répercussions, à court terme en AB, des modifications de la structure
du sol et de la répartition des résidus de cultures sur la biomasse microbienne, le potentiel de
minéralisation du C et du N et sur la structure des communautés microbiennes ?
Pour répondre à ces questions, nous avons mis en place un dispositif original permettant
d’appréhender au mieux les interactions entre la structure du sol, la matière organique et les
microorganismes du sol. Nous avons utilisé le profil cultural comme plan d’échantillonnage. Dans ce
mémoire, je vais m’arrêter sur les deux principaux apports scientifiques de la thèse de J.-F. Vian :
 l’impact de différentes techniques de travail du sol sur l’évolution de la structure du sol, les
stocks de matières organiques, et la biomasse microbienne et son activité quelque s années
après l’arrêt du travail du sol (court terme),
 les apports méthodologiques du choix du profil cultural comme plan d’échantillonnage pour
analyser les interactions entre la structure du sol et l’activité microbienne et leurs effets
potentiels sur l’alimentation minérale des cultures en AB.
Pour la partie microbiologie des sols, nous avons observé des profils de sol et prélevé des mottes
poreuses () et très tassées () dans les différents horizons de sol, sous et hors passage de roues. Ce
travail a été réalisé en 2006 et 2007 sur les sites de Thil et Kerguehennec. Nous avons mesuré sur ces
mottes : la biomasse microbienne par la méthode de fumigation-extraction (Wu et al., 1990), les
potentiels de minéralisation du C et N (incubation d’échantillons non déstructurés pendant 28 jours à
28°C.) et analyser de la structure des communautés bactériennes et fongiques par la méthode de T-
RFLP (Edel-Herman et al., 2004 ; Liu et al, 1997). Pour la structure du sol, nous avons réalisé des
profils culturaux sur chaque parcelle des dispositifs, et mesuré la densité apparente du sol (et des
mottes) et le taux de saturation de la porosité du sol.
Pour les matières organiques et éléments minéraux, tous les ans, les concentrations ont été
mesurées à plusieurs profondeurs de sol correspondant à l a profondeur de travail des 4 traitements
(0-5 cm, 5-15 cm, 15-20 cm et 20-30 cm de profondeur). Le Carbone Organique (Corg) a été obtenu
par combustion sèche après décarbonatation (NF ISO 10694), l’Azote Total (Ntot) a été obtenu par la
méthode de Kjeldahl (ISO 11261: 1995), et le Phosphore biodisponible a été mesuré selon la
méthode Olsen (P Olsen) (NF ISO 11263). Pour approfondir l’effet des matières organiques, Jean-
François Vian a réalisé un fractionnement de la matière organique en collaboration avec C. Chenu
(UMR ECOSYS, Professeure AgroParisTech), afin de différencier les types de matières organiques
dans le sol et les mottes sur deux traitements, le labour traditionnel (LT) et le travail très superficiel
(TTS)

b) L’effet du travail du sol sur la structure du sol après 2 à 5 ans d’arrêt du


labour en AB
Sur le site de Thil la structure du sol évolue fortement au cours des trois premières années, et
différencient fortement les traitements de travail du sol après une rotation de 3 ans (maïs / soja /
blé). On observe un tassement des horizons qui ne sont plus mécaniquement fragmentés (Figure 20)
soit par la charrue, soit par le chisel. Cette dégradation de la structure du sol pose la question de
l'applicabilité des techniques de travail du sol simplifiées, comme les modalités travail superficiel et
très superficiel, sur des sols à texture sableuse (+ de 50 % de sable). Dans ce type de sol, l'action du

40
climat et les phénomènes de retrait-gonflement sur la structure du sol sont en effet pratiquement
absents.

Labour traditionnel (LT) Profondeur de labour Labour agronomique (LA)

Travail superficiel (TS) Ancien horizon labouré Travail très superficiel (TTS)

Traces de roues

Figure 20: Visualisation du tassement (en noir) dans les profils culturaux réalisés sous les 4
traitements de travail du sol testés sur le site de Thil (2007)
Ces résultats sont différents pour le site de Kerguehennec. Après 5 années d'application des
traitements, les résultats montrent que le travail superficiel présente une structure du sol proche de
celle du labour traditionnel. Le type de sol, le système de culture, le climat sont différents, et la durée
d’expérimentation est plus longue (5 ans). Tous ces facteurs peuvent expliquer cet état de la
structure qualifiée par Guerif (1994) de ‘pseudo équilibre’.

c) L’effet du travail du sol sur la répartition et les stocks des matières


organiques du sol
Sur le site de Thil, la quantité des matières organiques particulaires (MOP > 0,05 mm ; pool labile de
MOS, facteur d’activité microbienne) est supérieure en surface pour le TTS et inférieure en dessous
de 18 cm de profondeur par rapport à la quantité de MOP du LT (Figure 21). Cette augmentation en
surface s’explique en partie par l'accumulation des résidus de cultures en surface en TTS. De même,
la fragmentation de la structure du sol par le chisel est moins intense que celle occasionnée par la
charrue, et doit a priori, garder plus de macro-agrégats du sol au sein desquels les MOP sont
protégés de la dégradation microbienne (Balesdent et al., 2000). Ces mécanismes de protection
physique des MOP augmentent avec la teneur en argile du sol (Six et al., 2002), ils ne sont donc pas
forcément très importants sur le site de Thil dont la teneur en argile est d'environ 15 %.
Nous avons calculé les stocks de C organique et de N total, en tenant compte des concentrations en
Corg et en N total du sol ainsi que de la densité apparente et du volume de sol considéré. Les stocks
de C et N total évoluent progressivement au cours des premières années après le changement de
technique de travail du sol. La MO se répartit progressivement de manière stratifiée pour les
traitements sans labour tandis qu'elle est répartie de façon plus homogène sur la profondeur des
labours. Les différences entre les traitements se manifestent après 3 cultures sur le site de Thil même
si les principales tendances se dessinent déjà dès la première année. Cela est assez logique pour le TS
et TTS car on part de 3 ans de luzerne sans travail du sol, mais montre la rapidité des modifications
dus aux labours. Quand on rapporte les stocks de C et N sur l'ensemble de la couche de sol (0-30 cm)
les traitements ne se différencient pas. Après 5 années de différenciation des traitements sur le site
de Kerguéhennec, il apparaît que la modalité TTS stocke plus de MO que les autres traitements.

41
-1
) 3000

A A
(mg.kg
sol)

2500
des MOPde
-1
MOP (mg.kg

2000 B B
A A A A A A A A
organique

a a
1500
en C des

C
D D
en matière

1000
b b
Teneurs

a a a a a a a a a a
c c c
Teneurs

500
a a a b b
a a a a a c
a a a a d d
0 a a a a a a b b b c c

G DL1 
G DL1 DL3 
G DL1 DL3 
G DL1 
G 
D L1 D  
cL3 DL1L1 DL3
L3
L1 L1 L3 L1 L3 L1 L1 L3
0-7 cm 7-18 cm 18-30 cm 0-7 cm 7-18 cm 18-30 cm

LT TTS
TR
>2 mm 2 mm – 0,2 mm 0,2 mm – 0,05 mm

Figure 21: Comparaison des teneurs en C (mg.kg -1 de sol) des matières organiques particulaires
(MOP) mesurées par traitement, horizon et par zone de prélèvement – site de Thil. a-d: comparaison
des teneurs des horizons par traitement pour une catégorie de MOP; A -D: comparaison des teneurs
des horizons par traitement. (Vian et al., 2009a)

d) Effets du travail du sol sur la biomasse microbienne et sur l’activité de


minéralisation
Quels que soient l'année et le site considérés, la quantité de microorganismes (Biomasse
Microbienne- BM) et les activités potentielles de minéralisation du carbone et de l'azote (Cmin et
Nmin) sont fortement influencées par la profondeur d'enfouissement des résidus de cultures. En
effet, la BM, le Cmin et le Nmin sont répartis de manière homogène sur la profondeur du labour (LT
et LA). En revanche, la BM, le Cmin et le Nmin présentent une stratification verticale pour les
traitements sans labour (TS et TTS). Ils sont plus élevés à la surface du sol, là où les résidus de
cultures sont abondants. Le chisel enfouit partiellement les résidus de cultures sur 0-17 cm de
profondeur et les concentre principalement sur 0-7 cm de profondeur. Ces résultats confirment que
la biomasse microbienne est supérieure dans les premiers cm du sol dans les systèmes sans labour et
diminue en profondeur (Andrade et al., 2003; Meyer et al., 1996) suivant ainsi la répartition des
résidus de culture dans le profil de sol. Pour le site de Thil, il faut aussi rappeler que l’on part de 3 ans
de luzerne sans travail du sol, le point 0 présentait donc déjà une plus forte concentration de matière
organique et biomasse microbienne en surface. Les traitements sans labour maintiennent cette
répartition, et les labours non.
La structure du sol (type de motte) a aussi une influence sur la répartition de la biomasse
microbienne et de ses activités potentielles au sein du profil cultural sur les deux sites
expérimentaux en 2006. Elles diminuent dans les mottes tassées () comparées aux mottes poreuses
(), surtout dans les horizons où la matière organique particulaire s’est accumulée en TTS et TS
(Figure 22). La diminution de la BM et des activités de minéralisation au sein des mottes  sont liées
à la structure des mottes plus qu'à la disponibilité du C (égale entre les différentes mottes). La

42
  L1
800  L3   L1  L3
800
LT LT
diminution
600
dans les mottes tassées s’explique par une
600 masse volumique plus importante, une plus
faible proportion de macropores
a , un risque d'anoxie plus important que a mottes , (Curmi,
les a 1988;
a  ns
Roger-Estrade
400 b
et al., 2004).
 Les microorganismes du sol aub sein des zones
400  compactées
a sont donc
confrontés à des conditions anoxiques qui limiteraient leur croissance, b
diminueraientleur capacité à
oxyder la MO du sol (Aon et al., 2001b;a McGill, 2007), a
200 et ralentiraient aussi la diffusion des substrats
200 b
b
organiques via la solutionc du sol (Balesdent et al., 2000; Ranjard et Richaume,
 L1 ns c 2001). 
0 0
L’effet de la structure du sol, sur la BM n'est pas vérifié statistiquement en 2007 sur le site de Thil,
bien
800
que des différences similaires à 2006 apparaissent.
800 L'observation des profils culturaux et
l'échantillonnage ont été réalisés 4 mois après LA le travail du sol en 2007 sous une culture deLAblé,
contre
600 11 mois en 2006 sur sol nu. Les exsudats racinaires
600 sont une source de croissance importante

Biomasse microbienne (mgC.kg )


Biomasse microbienne (mgC.kg )

-1
pour les microorganismes (Franzluebbers et al., 1994) et ils pourraient donc réduire l'effet de la a
-1

a a a a
structure du sol sur les microorganismes et masquer l'effet b
des traitements étudiés ben 2007
b sous blé
400 b
 b 400
 

(Frey et al., 1999; Kennedy et al., 1999;  Wiedland et al.,2001). 
200 a 200 a a
ab ab b
Biomasse microbienne b b
en0 mg de C. kg-1 0

800   L1
800
 L3
800
LT
PL TSPL
600 600
600 a
a a a a a
  ns

400 b  bb
a
400 b 400 b 
 ac
 c c
200
200 b 200
a cab a  L1ans ab b
b
0 b
0 0
800
800 a a
800 a
a LA SD
SD TTS
600 600
Biomasse microbienne (mgC.kg )

600
-1

a a a
b b b
b
400 400 b b
400
 
 c c c
200
200 ab a  200 a 
a b a a bb
b b
00 0
0-7 cm
0-7 cm 7-18
7-18 cm
cm 18-30
18-30 cm
cm 0-7 cm 0-7
0-7cm cm 7-18
0-7 cm 7-18
7-18cm
cm 7-18 cm
cm 18-30
18-30
18-30 cm cm
18-30
cm cm 0-7
0-7cm
cm 7-1
800
2006 -1
PL 20072006 2
Figure
600
22: Biomasse microbienne (mgC.kg ) des différentes modalités de travail du sol en mars 2006
sur le site ade Thil. a-c: comparaison des horizons par type
a de motte; *: différences significatives entre

400 mottes  et . (Vianbet al., 2009 a).
les b

Sur le site de Kerguéhennec, l'effetcde la structure du sol est moins importantc sur la BM et les
200
potentielsade minéralisation
ab a prélèvements réalisés sur le
(Cmin etbNmin) que sur le site de Thil. Les
b
site
0
de Kerguéhennec ont été effectués sous culture de pois et blé, avec un effet tampon du système
racinaire. Par ailleurs, si l'effet du tassement du sola sur ces composantes microbiennes est moins
800
a ce site, cela peut également être dû aux différences de texture entre ces deux sites, la
intense sur SD
masse
600 volumique apparente des mottes compactées étant moins élevée sur le site de Kerguéhennec
que sur Thil (1,48 contre 1,75 g.cm-3 en moyenne).
400 b
b
Au final, il apparaît que  les techniquesc de travail du sol interagissent sur la biomassec microbienne
et
200la minéralisation via la localisation de  la matière organique et leatassement du sol. Le tassement
a b
du sol diminue la BM et l’activité microbienne
b dans les horizons où la matière organique fraîche est
0
concentrée.
0-7 cm
0-7 cmLes effets observés
7-18
7-18 cm
cm sont
18-30très
18-30 cm
cm dépendant
0-7 du
0-7cm
cm type de sol,
7-18 du
7-18cm
cm système de
18-30 culture,
cm
18-30 cm de l’âge
2006 2007

43
de l’essai et de la présence ou non de systèmes racinaires au moment des prélèvements. Ainsi, la
complexité de ces processus reste encore largement à explorer.

e) Le profil cultural comme plan d’échantillonnage des interactions entre


composantes physiques et biologiques du sol
L'une des principales originalités du travail de thèse de Jean-François Vian est la mise en relation des
modifications de la structure du sol et de la répartition des résidus de culture avec les paramètres
microbiens quantitatifs (biomasse microbienne, potentiel de minéralisation du C et N).
L'échantillonnage stratifié a permis d'extrapoler les mesures microbiennes quantitatives à l'échelle
du profil cultural et de tenir compte de la variabilité spatiale de la structure du sol. La figure 23 est
un exemple de l'organisation spatiale de la structure du sol et des mesures d'activ ité potentielle de
minéralisation du C sur le site de de Thil en 2006 et 2007 pour 4 profils de sol représentatifs des 4
techniques de travail du sol.

2006 2007

TS

TTS

Figure 23: Influence de la structure du sol et de la répartition des résidus de cultures sur la
répartition du potentiel de minéralisation du C (Cmin, mgC.kg-1) au sein du profil cultural (4 m x 30
cm) - de Thil. Les zones compactées sont délimitées en blanc. (Vian et al., 2009b)
A travers l’analyse de la variabilité spatiale dans le profil cultural, on a ainsi pu hiérarchiser l’effet
des techniques de travail du sol sur la biomasse et l’activité microbienne : le premier facteur
limitant l'activité microbienne est la quantité de substrat disponible puis, lorsque les
microorganismes ont à disposition une quantité suffisante de MO, le second facteur limitant est le
niveau de tassement du sol occasionné par les passages d'engins.
La variabilité mise en évidence par les profils culturaux, nous a aussi permis de calculer les stocks
de C organique et de N total mais aussi de Biomasse microbienne, et du C et N potentiellement
minéralisables en tenant compte de leurs concentrations dans le sol ainsi que de la densité
apparente et du volume de sol considéré. La Figure 24 montre que le stock de C potentiellement
minéralisable plus important sur l’horizon 0-7 cm de la modalité travail du sol très superficiel (TTS)
compense un plus faible stock en profondeur (17-30cm). Ainsi, malgré des conditions plus
défavorables pour les microorganismes dans l’horizon 17-30 cm sur le site de Thil, le potentiel de

44
minéralisation total du C de la modalité TTS est supérieur aux autres modalités dès la première
année de différenciation des traitements. Ce résultat est aussi obtenu pour la BM et Nmin.

Stocks de Cmin en t.ha-1

LT LA TS TTS LT LA TS TTS

2006 2007
0-7 cm 7-18 cm 18-30 cm

Figure 24: Stocks de C minéralisables (en t.ha-1) des horizons 0-7, 7-17 et 17-30 cm des 4 techniques
de travail du sol testées sur le site de Thil en 2006 et 2007. (Vian et al., 2009a)
Ces stocks ont été calculés en additionnant les stocks de Cmin par horizon et type de motte, pondérés par la
surface respective occupée par chaque type de motte au sein de l'horizon considéré (en %). Le calcul des stocks
a été fait en masse de terre constante ce qui permet de tenir compte de la réduction de volume due au
tassement du sol entre les traitements et les années. Les lettres a, b, c indiquent les différences significatives
de stocks entre traitements par horizon et par année. Les lettres A, B indiquent les différences significatives de
stocks totaux (0-30 cm) entre traitements par année
L'adoption de techniques de travail du sol de conservation en AB n'entraîne pas une diminution du
potentiel de fourniture des éléments nutritifs pour la culture en place , voire peut l’augmenter.
Toutefois, il faut faire attention à la transposition des résultats issus de mesures de Cmin et Nmin en
laboratoire aux conditions in situ, où les variations d'humidité et le réchauffement plus lent du sol
dans les systèmes sans labour (TS et TTS) peuvent diminuer ce potentiel.
Ces travaux ont été publiés dans deux articles, un en anglais (Vian et al, 2009b) et un autre en
Français (Vian et al., 2009c). En parallèle de l’approche quantitative, Jean-François Vian a initié une
approche qualitative de l’influence du travail du sol sur les microorganismes en étudiant son impact
sur les structures des communautés bactériennes et fongiques. Il a montré dans sa thèse que la
profondeur d'enfouissement des résidus de culture et le tassement du sol modifient également la
structure des communautés bactériennes et fongiques et ce, dès la première année d'application des
traitements. Les communautés bactériennes au sein d'un même horizon diffèrent selon le niveau de
tassement du sol, ce qui n’est pas le cas de la structure des communautés fongiques. Ces travaux,
trop exploratoires, n’ont pas été publiés suite à sa thèse.

f) Poursuite des travaux sur la matière organique des sols et les éléments
minéraux
Jean-François Vian a été recruté dans mon équipe de recherche pour poursuivre les travaux engagés
dans la thèse. Pour ma part, je l’ai accompagné sur ces travaux mais je n’ai plus dirigé de travaux
spécifiques sur l’aspect microbiologique. J’ai axé mes recherche sur l’évolution à long terme du C
organique, du N total et du P biodisponible suivant le changement de techniques de travail du sol.

45
La figure 25 illustre les résultats d’évolution du C org entre 2004 et 2015, dans un blé (Peigné et al.,
2018). Nous démontrons ainsi sur le long terme la stratification de la concentration de Corg dans le
traitement TTS, avec des concentrations de Corg plus élevées dans l’horizon 0 à 15 cm que dans
l’horizon 15 à 30 cm. Cet effet est moins net avec TS (différence principale entre 0-5 cm par rapport à
20-30 cm de profondeur). Les labours ont homogénéisé le Corg sur les 30 cm de sol. Pour le N tot et
le P Olsen, nous avons trouvé les mêmes tendances. Les concentrations de P Olsen dans le sol après
10 ans d'expérience sont très faibles (entre 0,005 et 0,025 g.kg -1). Cela est dû à une augmentation du
pH du sol de 8,2 en 2004 à 8,5 en 2015 (dans tous les traitements) combinée à de faibles apports de
P dans ces systèmes spécialisés, sans source de fumier ou de compost. L’augmentation de pH
pourrait être due à de nombreuses années d'irrigation dans un sol très calcaire. La stratification du
carbone organique dans le sol observée dans les traitements de travail du sol superficiel (TS) et très
superficiel (TTS) correspond aux résultats mis en évidence dans de nombreuses études ( Dimassi et
al., 2013 ; Gadermaier et al., 2011 ; Luo et al., 2011, Soane et al., 2012 ; Virto et al., 2012 ; Zikeli et
al., 2013). L'augmentation apparente de la concentration en carbone organique du sol en non labour
est principalement due à la modification de sa répartition spatiale dans le sol (Pow lson et al., 2014).

LT LA TS TTS

Figure 25: Carbone Organique (Corg) en g.kg-1 au début de l’essai (initial, 2004) et mesuré sur les 4
traitements de travail du sol de 0 à 30 cm en octobre 2015. (Peigné et al., 2018)
Seul le travail du sol très superficiel maintient la concentration de Corg à la surface du sol au même
niveau qu’en 2004 (après 3 ans de luzerne). Les 3 autres traitements ont réduit la concentration de
Corg à la surface du sol. Cette augmentation de Corg à la surface du sol peut empêcher la
formation de battance sur les sols sablo-limoneux. Ainsi, après une luzerne de 3 ans, le labour
pendant 10 ans entraine une perte de près de 27% de Corg (en concentration) dans les 5 premiers
cm.

46
2. Les impacts du travail du sol en AB sur les populations lombriciennes et
leurs effets sur la structure du sol

a) Les questions de recherche et les méthodes utilisées


D’après la littérature (partie I A 1), les TSL tendent à préserver voire à améliorer la biomasse et la
densité lombriciennes comparées aux techniques avec labour. Au-delà d’une simple augmentation
de vie dans le sol, l’accroissement de lombriciens doit prendre le ‘relais de la charrue’ en terme s de
création de porosité dans le sol. Une hypothèse souvent entendue est que l’augmentation de la
communauté lombricienne due à l’arrêt du labour peut permettre de régénérer la porosité du sol du
fait de l’augmentation de leur activité fouisseuse et donc d’une plus grande création de galeries. J’ai
mis en place des travaux pour vérifier ces hypothèses :
• Les techniques sans labour en AB sont des pratiques culturales qui augmentent la population
et la diversité lombricienne et ;
• cette augmentation régénère la porosité du sol par augmentation de l’activité fouisseuse des
lombrics et donc par une plus grande création de galeries dans le sol.
Nous avons comparé l’effet du labour et du non labour sur les populations lombriciennes sur les trois
sites expérimentaux (Thil, Kerguehennec et Pays de la Loire). Dans chaque site, l’évolution de la
population lombricienne en biomasse (g.m-²) et en densité (nombre d’individus.m-²), a été mesurée
pour chaque espèce puis regroupée selon les trois catégories écologiques (Cf encadré 4). Pour
prélever les vers de terre de 2004 à 2009, nous avons utilisé la méthode au formol, préconisée à
l’époque par les spécialistes (Bouché et al., 1972).
Encadré 4 : Quels sont les lombriciens à étudier et pour quels effets attendus sur le sol ?
Les différentes espèces de lombriciens peuvent être classées en trois catégories écologiques : les
épigés, les anéciques et les endogés (Bouché, 1997) :
Les épigés comprennent des espèces vivant à la surface du sol, dans les litières ou débris végétaux.
Ces espèces sont de petite taille (10-30 mm). Elles ne creusent pas de galeries. Par ailleurs, elles sont
très exposées à la prédation (oiseaux, blaireau, renard, insectes prédateurs, …) et aux aléas
climatiques mais présentent un fort taux de reproduction. Elles décomposent les matières
organiques de surface.
Les anéciques sont les espèces de grande taille (10 à 110 cm), creusant des galeries verticales. Elles
se nourrissent des débris végétaux qu’elles trouvent en surface et qu’elles rassemblent en de petits
amas sur le sol pour pouvoir assurer leur altération biophysique avant ingestion. Ces espèces sont
responsables du brassage de la matière organique avec la matière minérale et de son incorporation
en profondeur. Créant des galeries de grand diamètre entre la surface et l’ensemble du profil, les
anéciques jouent un rôle important dans les processus d’infiltration de l’eau de surface et son
transfert dans l’ensemble du sol. Comme les endogés, leur durée de vie est importante mais leur
taux de reproduction est beaucoup plus faible que les épigés.
Les endogés regroupent des espèces vivant en permanence dans le sol, au niveau de la rhizosphère
(espace situé autour des racines) ou plus profondément, et ingérant de la terre plus ou moins
enrichie en matière organique. Ces espèces sont de taille moye nne (1 à 20 cm). Leur action sur la
structure des horizons organo-minéraux (proche de la surface) et de sub-surface (plus profond) est
importante. Elles sont responsables de la plupart des galeries horizontales ou sub -horizontales et
participent à l’humification des matières organiques du sol (MOS).
Dans les systèmes de grandes cultures, les anéciques et les endogés sont le plus souvent rencontrés,
les épigés sont plus rares étant donné leur régime alimentaire et les perturbations qu’ils subissent du
fait des itinéraires techniques agricoles. Les épigés, sont plus fréquents en systèmes prairiaux et
forestiers du fait de la présence de litière.

47
Avec Mario Cannavaccuiolo, nous avons mis au point un protocole original pour concilier la mesure
des populations lombriciennes à l’observation de leur activité sur la structure du sol (Figure 26). Nous
avons prélevé les lombrics dans un premier temps, puis nous avons creusé des fosses sous cette
surface pour évaluer la structure du sol via l’observation de profils culturaux. Afin d’évaluer l’activité
fouisseuse des lombrics, j’ai suivi l’évolution des mottes b, soit les mottes tassées présentant une
régénération de la porosité par l’activité biologique (regroupement des mottes b1et2), et nous avons
aussi dénombré les galeries de vers de terre dans le profil de sol sur un plan horizontal à 30 cm de
profondeur (partie I B 2 b).

Figure 26: Protocole de prélèvement de lombrics et d’observation de leur activité sur la structure du
sol suivi de 2004 à 2009
En raison de la nocivité du formol pour les expérimentateurs et les lombrics, j’ai décidé d’arrêter
cette méthode de prélèvement en 2010. Cela ne correspondait pas à l’éthique de l’AB, et posait des
problèmes pour la certification en AB (bien que les plantes sur la zone formolée soient prélevées). A
partir de 2010, j’ai utilisé sur le site de Thil la méthode préconisé par Yvan Capowiez dans le projet
Casdar SOLAB : une méthode de tri manuel (http://www.itab.asso.fr/downloads/solab/fiche-solab-
vers-de-t.pdf). Cette méthode repose sur un tri manuel d’une bêchée de 30 X 30 X 30 cm de sol. Nous
ramenons le comptage à une surface de 1 m 2. Je vais présenter les résultats sur deux périodes, de
2005 à 2009 où la méthode au formol a été utilisée pour les 3 essais expérimentaux, puis de 2010 à
2016 avec la méthode de tri manuel sur le site de Thil.

b) Evolution de la population lombricienne de 2005 à 2016


Abondance et biomasse lombricienne de 2005 à 2009
L’évolution des populations lombriciennes, année après année, semble être plus corrélée à la
rotation et au couvert végétal qu’au travail du sol (Peigné et al., 2009a). Sur le site de Thil (Figure
27), après une période sans travail du sol due à 3 années de luzerne, les techniques avec labour et le
travail superficiel provoquent une forte chute de biomasse et de densité. Seule l’absence totale de
travail du sol en 2005, première année de mise en place de l’essai, permet d’augmenter la taille de la
population lombricienne. Ce résultat est dû au semis direct sous couvert végétal vivant, qui génère
d’importantes ressources trophiques pour les vers de terre. Après destruction de ce couvert, le TTS a
engendré également une chute de la biomasse et densité en 2006 (Figure 27). L’effet bénéfique des
couverts de légumineuses a aussi été montré par Schmidt et al. (2003) et Riley et al. (2008). Selon
Scullion et al. (2002), la principale différence entre l’AB et le conventionnel en termes de vers de
terre serait due aux légumineuses fourragères dans la rotation en AB, en raison de l'apport de
matière organique fraîche et de l'absence de perturbation du sol durant leur présence souvent de
deux ou trois ans. L’effet bénéfique d’un couvert associé à un semis direct sur les lombrics se
retrouve en 2008, avec un semis de soja dans un seigle pour la modalité TTS.

48
Aucune différence significative de biomasse et de densité de lombrics n'a été observée entre les
techniques avec labour et le travail superficiel (TS) sur les sites de Thil et des Pays de la Loire , et
juste une en 2006, 3 ans après la mise en place de l’essai à Kerguehennec (Peigné et al., 2009a). En
AB, Metzke et al. (2007) n’ont également pas trouvé de différence entre un labour à 30 cm, un labour
à 10 cm et un travail superficiel sans labour.

Figure 27: Biomasse et densité totale de lombriciens sur le site de Thil de 2004 à 2016 pour les 4
traitements de travail du sol (méthode de prélèvement au formol (jusqu’à 2009) puis tris manuel

La diversité lombricienne de 2005 à 2009


En général, 6-7 espèces de vers de terre ont été trouvées sur chaque site, ce qui, en termes de
richesse spécifique des espèces, correspond au niveau mesuré par Binet (1993) dans des systèmes de
grandes cultures conventionnel de l'ouest de la France. Les principales espèces d’endogés, telles que

49
A. caliginosa et A. rosea rosea ne sont pas très sensibles à la perturbation des sols causée par le
labour (Ivask et al., 2007). Cette résistance à la perturbation pourrait expliquer les résultats observés
pour les endogés, avec parfois plus ou autant d’endogés en labours (exemple du site de Thil Figure
28). En effet, A. Caliginosa représente plus de 30 % des espèces d’endogés prélevés sur les sites.
Selon Briones et Bol (2002), A. Caliginosa est plus sensible à la présence de résidus de cultures dans
le sol qu’à la perturbation du sol.
Les espèces anéciques, telles que L. Terrestris, A. Giardi et A. Nocturna, sont plus sensibles à la
perturbation des sols due aux labours (Ivask et al., 2007). Ce qui explique le fait que l’on observe plus
d’anéciques sur le traitement TTS par rapport aux 3 autres techniques (exemple du site de Thil Figure
28). Riley et al. (2008) ont observé la même chose, c’est-à-dire pas de tendance générale en ce qui
concerne les espèces endogés, mais une augmentation des anéciques en l'absence de labour.
Les épigés ne sont pas observés chaque année (exemple du site de Thil Figure 28). L. castaneus
rubellus a été observé ponctuellement sur les 3 sites. Selon Ivask et al. (2007), L. castaneus rubellus
est très sensible à des facteurs écologiques tels que l'humidité du sol . Dans nos essais, cette espèce
est liée à la couverture végétale du sol : la luzerne ou le seigle comme une culture de couverture avec
semis direct de la culture de vente, les cultures de vente développées au moment du prélèvement
(blé) et aussi à de forts niveaux d’infestation d’adventices certaines années.

Figure 28: Densité de lombriciens par catégorie écologique sur le site de Thil de 2004 à 2009 pour les
4 traitements de travail du sol (méthode de prélèvement au formol)
Les données du site de Thil ont été utilisées dans un travail collaboratif mené par Céline Pelosi de
l’INRA de Paris grignon. L’objectif principal était de mieux comprendre l’effet du travail du sol, et plus
particulièrement du non labour, sur la diversité taxonomique 4 et fonctionnelle 5 des vers de terre, en

4
Di versité taxonomique : ri chesse des espèces et abondance des groupes écologiques

50
faisant une moyenne de plusieurs années de résultats par site (Pelosi et al., 2014) et dans un
deuxième temps, année après année pour voir la dynamique temporelle de chaque site (Pelosi et al.,
2016). C. Pelosi a collecté les données de 4 sites expérimentaux français ayant étudié l’impact des
techniques de travail du sol sur l’abondance et la diversité des vers de terre, dont le site de Thil pour
l’AB. Quand on fait la moyenne sur plusieurs années d’essais, on confirme que l'abondance
d’anéciques est positivement corrélée à une diminution du travail du sol, alors qu’aucune influence
du travail du sol n’a été trouvé pour les épigés et endogés. D’un point de vue fonctionnel, une des
principales conclusions est que le travail du sol agit comme un filtre environnemental et la
diminution de son intensité entraîne une plus grande diversité des traits fonctionne ls.
L’analyse année par année, réalisée sur 3 sites et deux traitements (labour profond versus travail très
superficiel/semis direct) a légèrement modifié cette conclusion. Les réponses temporelles de la
diversité des vers de terre étaient plus fortes dans les premières années d’expérimentation (moins
de 6 ans) que dans les plus récentes (plus de 8 ans) révélant des effets transitoires sur la diversité. A
Thil, un effet positif du travail très superficiel a été observé sur les espèces et la richesse
fonctionnelle au cours des 5 premières années de conversion au TSL, mais un effet négatif a été
observé en 6ème année. Ainsi, aucune augmentation continue de la diversité taxonomique et
fonctionnelle n'a été observée. Des différences plus marquées ont été relevées pour les indices
taxonomiques que pour les indices fonctionnels, ce qui suggère que les individus qui ont colonisé les
champs, bien que différents, partageaient une combinaison similaire de traits fonctionnels avec ceux
qui étaient présents auparavant.
Les résultats obtenus de 2010 à 2016 sur le site de Thil avec une nouvelle méthode de prélèvement
A partir de 2010, j’ai changé de méthode de prélèvement et j’ai opté pour le prélèvement manuel,
une méthode moins toxique. Les résultats sont très différents de la première période de prélèvement
(Cf Figure 27). En effet, nous avons collecté en général plus de lombrics avec cette nouvelle méthode,
ce qui nous donne des valeurs de biomasse et de densité supérieures à la première période, quels
que soient les traitements de travail du sol.
Sur cette période, le traitement ‘labour agronomique’ ressort très nettement, avec des valeurs
supérieures aux labours, et au travail du sol superficiel jusqu’en 2015 (excepté sur sol nu en 2013, où
il n’y a aucune différence significative entre traitements). En 2016, sous couvert végétal (de 8 mois),
nous avons observé une biomasse et une densité significativement plus faibles pour le labour
traditionnel comparé aux autres traitements du sol. Là encore, les travaux du sol sans labour
montrent des biomasses et densité supérieures aux labours en général (mais non significatif pour le
labour agronomique).
J’ai publié les résultats obtenus en 2015 sous culture de blé (Peigné et al., 2018), où les lombrics ont
été identifiés au niveau de l’espèce (en collaboration avec le laboratoire ECOBIO de l’université de
Rennes). A cette date de prélèvement (mai 2015), onze espèces ont été identifiées : une espèce
épigé ; quatre espèces anéciques et six espèces endogés. Globalement, la biomasse totale de vers de
terre était plus importante en labour agronomique comparé au travail superficiel , en raison de plus
fortes biomasses d’anéciques (Aporrectodea nocturna) et d’endogés (Allolobophora icterica). En
termes d'abondance, la seule différence significative observée concerne la densité d’endogés, avec à
nouveau plus d'individus dans le labour agronomique que dans les autres traitements.

5
Di versité fonctionnelle : s ept traits fonctionnels, à s a voi r l a l ongueur du corps , l e ra pport ma s s e / l ongueur, l e type
d'épithélium, le diamètre du cocon, le type de typhlosoles (intestin), la préférence en ca rbone et la di s tri buti on verti ca l e,
ont été s électionnés selon leur l ien présupposé avec les mécanismes du tra vail du s ol. Des i ndices de diversité fonctionnelle
ont ens ui te été ca l cul és .

…………………

51
Plusieurs auteurs ont montré que les labours peuvent favoriser les lombrics endogés car ils sont
moins affectés par la destruction de leur réseau de galeries que les espèces anéciques et car
bénéficient également de la matière organique enfouie avec la charrue (Pelosi et al., 2014).
Inversement, le travail sans labour favorise les lombrics anéciques puisque leur habitat n'est pas
perturbé (Pelosi et al., 2014). La méthode de tri manuelle met en évidence les impacts positifs du
labour agronomique sur les espèces endogés (principalement Allolobophora icterica) par rapport aux
données obtenues avec la méthode au formaldéhyde utilisée au début de l'expérience. En effet,
selon Singh et al. (2015), la méthode de tri manuelle tend à favoriser la collecte d’endogés et de
lombrics juvéniles, tandis que la méthode au formaldéhyde tend à favoriser la collecte de gros
lombrics anéciques adultes
Cependant, la méthode de tri manuelle n'expli que pas le nombre plus élevé d’anéciques
(principalement Aporrectodea nocturna) collectés dans le labour agronomique par rapport au labour
traditionnel et au travail superficiel en 2015. Une autre explication pourrait être les effets de la
perturbation du sol et du tassement du sol, ces deux facteurs ayant tendance à avoir un impact
négatif sur la densité et la biomasse de lombrics (Bottinelli et al., 2015, Jégou et al., 2002). Le labour
agronomique offrirait alors le meilleur compromis pour préserver la biomasse de vers de terre, en
perturbant moins le sol que le labour traditionnel, et en le tassant moins que dans les travaux sans
labour (Cf. partie I D 2 c sur la structure du sol).
En conclusion, après dix ans de recherche, je ne peux pas confirmer avec certitude que le travail
sans labour augmente les populations de lombrics. Certes, j’observe plus de lombrics en semis
direct sous couvert, mais cette pratique n’a été testée que très peu de fois, et de même s’il y a une
tendance à avoir plus de lombrics en TTS celle-ci n’est vérifiée que durant les 4 à 5 premières
années d’expérimentation et pas après. En termes de diversité, on observe une sélection des
espèces différente suivant les techniques de travail du sol, mais il semblerait que les espèces
retrouvées en non labour présentent une certaine redondance de traits fonctionnels avec celles du
labour, et donc potentiellement peu de différence en termes de fonctionnement du sol.

c) Effets interactifs entre populations lombriciennes et structure du sol


Comme évoqué précédemment, j’ai évalué en même temps que les populations lombriciennes la
structure du sol, et plus particulièrement la régénération de la porosité du sol par l’activité
fouisseuse des lombrics (CF. Figure 23). Bien que l’hypothèse d’augmentation des populations de
lombrics ne soit pas totalement validée, mes travaux ont montré une modification de la composition
de la population lombricienne suivant les pratiques de travail du sol et, dans une moindre mesure, un
différentiel de biomasse et de densité lombriciennes pour le travail très superficiel (TTS) comparé aux
autres pratiques. Ces différences conjuguées aux modifications de perturbations de l’habitat des
lombrics selon les différentes techniques de travail du sol, ont pu provoquer des modifications de
porosité d’origine lombricienne dans le sol.
La structure du sol entre 2004 et 2015 : analyse du profil cultural et de la résistance à la pénétration
Avec mes collègues, nous avons réalisé des profils culturaux sur l’ensemble des parcelles du dispositif
de Thil sur plusieurs années. La figure 29 synthétise les résultats obtenus sur le point 0 (sous culture
de luzerne) et sous chaque culture de blé (profils effectués à la floraison du blé). Les résultats sont
présentés sous forme de % de mottes  (poreuses),  (tassées) et b (tassées avec présence
d’activité biologique). Ce pourcentage est calculé sur une profondeur de 30 à 35 cm (et ramené en
prorata à 30 cm de profondeur) et une largeur de 4 m (largeur du semoir), en tenant compte des
passages de roues. Les données sont moyennées par traitement, toutefois suivant les années deux à
trois profils étant réalisés je n’ai pas fait de traitement statistique. L’évaluation quantitative du
tassement a été réalisée avec des mesures de densité apparente et de résistance à la pénétration,
ces dernières sont présentées juste après.

52
b

Figure 29: Evolution de la structure du sol (en % de mottes poreuses , tassées  et modérément
tassée b) quantifiée dans les profils culturaux des 4 traitements de travail du sol observés en 2004
(point initial), et sous chaque culture de blé en 2007, 2009, 2012 et 2015.
Sur la figure 29, on remarque qu’après 3 ans de luzerne, les profils de sol présentent environ 80 % de
tassements modérés, de type b. La luzerne était fauchée pour être déshydratée, le passage des
bennes et tracteurs a pu engendrer du tassement. Toutefois, le fait de ne pas perturber le sol a
permis aux organismes du sol (dont les racines) d’explorer les mottes tassées ce qui explique
l’observation d’activité biologique.
Suite à l’application des 4 techniques de travail du sol, le pourcentage de mottes b diminue, avec
une augmentation des mottes  (issue de la fragmentation par les outils et de la formation
d’agrégats) et  (issue de tassement sévère). Les labours, et plus particulièrement le labour
traditionnel, présentent les plus forts pourcentages de mottes , mottes issues de la fragmentation
par les outils. De 2009 à 2012, on observe une augmentation de mottes  dans les profils de sol sous
travail superficiel et très superficiel, il est possible durant cette période que cela soit dû à l’activité
des organismes du sol, non perturbés par un retournement du sol . Mais suite à 2013 et 2014, deux
années climatiques très humides ayant entrainé de nombreux tassements dus aux passages d’engins
agricoles (dont les machines de désherbage), cette amélioration de la structure du sol par les
organismes du sol n’est plus visible. On observe même une augmentation assez importante du % de
mottes  dans les deux techniques sans labour au détriment des mottes  et b en 2015.
Quand on s’intéresse à la variabilité spatiale du tassement (données non présentées), on remarque
que le tassement est logiquement présent d’une part sous les passages de roues récentes (partition
L1), et aussi dans les horizons de sol qui ne sont plus travaillés, soit de 18 à 30 cm pour le labour
agronomique, de 15 à 30 cm pour le travail superficiel et de 8 à 30 cm pour le travail très superficiel.
A l’inverse, l’horizon superficiel du sol présente plus de terre fine, plus ou moins agglomérée en
mottes  en non labour que pour les labours, où des mottes de type b (héritées d’avant labour)
sont présentes.
Les observations visuelles de la structure du sol ont été confirmées par des mesures quantitatives de
la résistance à la pénétration du sol réalisées à la même période que les profils. Sur la figure 30, on

53
peut voir sur l’horizon 15-30 cm, que la résistance à la pénétration est plus faible dans le labour, suivi
du labour agronomique, du travail superficiel et finalement du travail très superficiel. Crittenden et
al. (2015) ont montré le même résultat en comparant des techniques de travail superficiel et le
labour dans 2 essais en AB après 4 ans d'expérience.

LT
LA
TS
TTS

Figure 30: Résistance à la pénétration en MPa pour différents horizons de sol de 0 à 45 cm de


profondeur pour les 4 traitements de travail du sol en mai 2015. Sous culture de blé (Peigné et al.,
2018)
Ainsi, après 10 ans d’essai, nous avons observé dans tous les traitements une augmentation de la
surface occupée par les zones de tassement dans le sol (sans aucune trace d'activité biologique)
par rapport à ce que nous avions observé en 2004 après trois années de luzerne. Cela peut
s’expliquer par l'effet positif d'une culture pérenne comme la luzerne sur la population de lombrics
(Figure 27) et sur la structure du sol grâce à ses caractéristiques d'enracinement par rapport aux
cultures annuelles cultivées après 2004. De plus, la luzerne n'a été coupée que trois fois par an, ce
qui signifie que le champ a été soumis à moins de trafic et à moins de perturbations mécaniques
qu’avec des cultures annuelles. Le maïs, le soja ou le blé ont respectivement été cultivés avec en
moyenne 15, 13 et 12 passages de véhicules par année de culture. Une autre explication pourrait
être l'absence d'augmentation de la biomasse lombricienne au cours de ces 10 années d'expérience.
En effet, nous avons enregistré dans tous les traitements, une légère baisse de celle-ci de 80g.m-2 en
2005 à moins de 70 gm-2 en 2015 (Figure 27). Ces biomasses sont relativement faibles, elles
pourraient être dû à la texture du sol sablo-limoneux, défavorable aux vers de terre (Lapied et al.,
2009).
L'augmentation des zones fortement compactées () dans les profils du sol des traitements
superficiels et très superficiels résulte du grand nombre de passages mécaniques à la fois pour
assurer le travail du sol et le désherbage mécanique des adventices. Cette pression mécanique sur le
sol associée à des conditions exceptionnellement pluvieuses en 2013 et 2014 (968 mm et 1019 mm
respectivement contre 670 mm en 2015) a provoqué un fort tassement du sol aggravé par la texture
sablo-limoneuse du sol, très sensible au tassement et ne présentant pas d’aptitude à la fissuration
par alternance de dessiccations et humectations du sol.

54
J’avais postulé que les lombrics allaient régénérer de la porosité dans les sols conduits avec des
techniques sans labour. En effet, Capowiez et al. (2009) ont montré que les vers de terre sont
capables de le faire. Ils ont compté des macropores de vers de terre dans 30% des zones compactées
dans des parcelles conduites en travail superficiel. Toutefois, ils ont également montré que
l’exploration du sol par les lombrics peut être plus ou moins importante selon le type de tassement
(effet bloc pour le labour, passage de roues ou semelle de labour), la variabilité spatiale du
tassement et les espèces de lombrics. Stovold et al. (2004) ont montré qu’ Aporrectodea Nocturna, la
principale espèce anécique collectée dans mon essai, a tendance à explorer le sol seulement dans
des zones sans tassement. Ainsi, au vu de mes résultats, dans le contexte de sols sablo-limoneux,
l'activité des lombrics dans les TSL semble être moins efficace pour créer de la porosité que l’action
mécanique des labours. Ceci est particulièrement crucial à la suite d’années climatiques humides
favorisant le tassement du sol. Dans ces conditions seuls les labours parviennent à mainteni r la
porosité du sol.
Quantification de la macroporosité d’origine biologique
Afin de quantifier l’effet des populations de lombrics sur la structure du sol en TSL, j’ai mesuré la
macroporosité d’origine biologique. Dans un premier temps, comme évoqué en partie I B 2 c, j’ai
réalisé des comptages de galeries de lombrics à 30 cm de profondeur sur le site expérimental de Thil.
Or je n’ai jamais réussi à lier les populations lombriciennes à la densité de galeries de lombrics en
profondeur. Si j’ai mis en évidence un effet positif de la densité de galeries sur l’enracinement en
profondeur, je n’ai pas démontré l’effet du travail du sol sur l’activité lombricienne et donc sur la
régénération de la structure du sol.
Suite à l’observation des profils de sol et des données de résistance à la pénétration, mon hypothèse
a été modifiée au fur et à mesure des travaux engagés. Ainsi, avec des collègues de WUR (Ron de
Goede et Lijjbert Brussaard) et du Fibl (A. Fliessbach) 6, nous avons posé l’hypothèse que la
macroporosité du sol augmenterait dans l’horizon superficiel du sol avec les TSL où l’ensemble des
résidus de cultures sont localisés contrairement au labour. A l’inverse la macroporosité d’origine
biologique diminue quand l’horizon de sol n’est plus travaillé, et donc les TSL présenteraient moins
de macroporosité en profondeur comparé aux labours.
Pour tester ces hypothèses, nous avons utilisé une méthode de tomographie, soit le prélèvement de
blocs de sol non perturbés suivi d’un scan aux rayons X de la porosité tubulaire (d’origine biologique).
Cette méthode, déjà utilisée par Jégou et al. (2002), permet de mettre en évidence de façon précise
l’effet de l’activité biologique sur la création de porosité dans un sol.
En 2016 après récolte des cultures, nous avons recueilli des colonnes de sol non perturbées (24 cm
de diamètre et 30 cm de profondeur) dans l’essai de Thil (France) et l’essai d’Aesch (Suisse) suivi par
le Fibl. Sur chaque site, un labour agronomique à 18-20 cm de profondeur du sol a été comparé à un
travail du sol très superficiel, à 7 cm de profondeur à Thil et à 8 cm de profondeur à Aesch. Nous
avons prélevé 3 blocs de sol par traitement (un par parcelle élémentaire). Afin d’avoir un témoin,
nous avons également échantillonné une prairie à proximité pour Aesh et des bandes herbeuses non
perturbées depuis 2004 pour Thil (en bordure de l’essai). Les analyses tomographiques à rayons X
avec une résolution de 0,5 mm ont été réalisées par l’Université de Wageningen. Le nombre de
pores par m2, le volume total des pores (%) et la longueur totale des pores (cm par m 2 ) ont été
déterminés par classe de pores du sol et à deux horizons : 1-6 cm (sol travaillé dans les deux cas) et
10-15 cm (sol non travaillé en TTS) . La figure 31 illustre un exemple de résultats obtenus par bloc de
sol pour les trois traitements par site expérimental.
En raison du faible nombre de répétitions, nous observons des différences significatives seulement
pour l’indicateur ‘longueur totale des pores en cm.m-2’. Sur le site de Thil, la réduction de l'intensité

6
Da ns le ca dre du projet Européen Fertilcrop.

55
du travail du sol a entraîné une augmentation significative de la longueur totale des pores de
diamètre < 2 mm et de 2 à 4 mm dans l’horizon 1-6 cm comparé au labour. Nous observons la même
tendance pour le site d’Aesh, mais la différence n’est pas significative. Pour l’horizon 10-15 cm, nous
n’observons pas d’effet significatif, avec une tendance à une longueur de pores plus faible en travail
très superficiel qu’en labour pour les différentes classes de pores. Ces résultats vont dans le sens de
notre hypothèse : une augmentation significative de la porosité en surface pour le TSL et une
tendance non significative, en profondeur, à une réduction de la porosité comparée au labour.
Toutefois, les résultats les plus marquants sont d’une part, la quasi absence de macroporosité
tubulaire à 10-15 cm sur le site de Thil, et d’autre part peu de différence de macroporosité entre les
bandes enherbées ou prairies et les traitements de travail du sol. Ces deux observations montrent
que le pédo-climat semble être prépondérant par rapport aux techniques agricoles (travail du sol,
couverture du sol). Ainsi, on peut noter que la moyenne de lombrics sur le site de Thil est de 46 et 71
g.m-2 respectivement pour le TTS et le LA, alors que sur le site de Aesh, les mesures sont de 150 et
170 g.m-2 respectivement pour le TTS et le LA. Cette différence de populations de vers de terre peut
aussi expliquer la grande disparité entre sites expérimentaux (Figure 31).

Figure 31: Photographies des sols passés au rayon X et représentants la porosité tubulaire dans des
sols non perturbés, en labour agronomique et en travail très superficiel des sites de Thil et d’Aesh
J’ai présenté ces premiers travaux exploratoires à l’assemblée générale de l’union européenne des
géosciences en avril 2018 à Vienne dans la session consacrée à l’AB (de Goede et al., 2018). Avec
l’auteur principal de l’étude, Ron de Goede, nous allons poursuivre ces travaux afin de les pub lier
dans une revue.

56
3. Conclusion

Reichert et al. (2016) proposent un cadre conceptuel pour rendre compte de l'évolution de la
structure du sol en semis direct dans un sol initialement argileux mais très altéré. Nous faisons
l’hypothèse que ce cadre pourrait également être appliqué à des sols plus sableux ou plus limoneux,
comme celui de l’essai de Thil. Selon ces auteurs, 4 phases peuvent être décrites en ce qui concerne
l'évolution des propriétés physiques dans un sol en TSL : initiale (1,5 ans), intermédiaire (1,5 à 3,5
ans), transitionnelle (3,5 à 5 ans) et stabilisée (5 à 14 ans). Durant la période allant de la phase
transitoire à la phase stabilisée, on observe une réagrégation du sol et une diminution du tassement
dans l’horizon superficiel (dans le contexte de l’étude de 0 à 15 cm), et inversement une
augmentation de la densité apparente du sol et du tassement dans les horizons sous -jacents (ici à
partir de 15 cm) (Reichert et al., 2016). Les auteurs ont émis l'hypothèse que la réagrégation du sol
(et donc l’augmentation de porosité) est due à l'activité biologique (micro et macro biologiques). On
passerait ainsi d’agrégats de sol dus à l’action des outils à des agrégats dus à l’activité biologique. Ils
postulent qu'un équilibre dynamique pourrait être atteint après 14 ans.
Les résultats que j’ai obtenu sur l’essai de Thil, que ce soit d’un point de vue microbiologique ou
macrobiologique, présentent également une évolution de ce type. Dans les sols cultivés avec des TSL,
j’ai observé plus de racines (CF partie I E 3) et une majorité de mottes très poreuses () dans
l’horizon 0-10 (TTS) ou 15 cm (TS) comparé aux labours. Et, à l’inverse, j’ai observé plus de mottes 
et b, et moins de racines, en dessous de 10 ou 15 cm de profondeur. La structure du sol ne s'est
toujours pas stabilisée après 10 ans d'expérimentation, ce qui pourrait expliquer pourquoi nous
n'avons pas observé les effets attendus à l’origine de notre étude : un remplacement par l’activité
biologique de la fragmentation assurée par les outils se traduisant par un maintien de la porosité sur
l’ensemble du profil de sol.
Dans le cadre du projet Européen Fertilcrop, j’ai dirigé une action pour vérifier, en AB, l’éventuelle
mise en place d’une stratification de la fertilité du sol avec des TSL. Ce projet a concerné différents
sites européens. Les premiers résultats montrent que cette hypothèse est vérifiée dans différentes
conditions pédoclimatiques et de systèmes de cultures en AB. Nous avons par ailleurs également
montré aussi l’absence de réponse sur les populations lombriciennes en conditions
méditerranéennes des techniques d’agriculture de conservation des sols (non labour et couverts
végétaux) (Baldivieso-Freitas, P. et al. 2017). Ceci qui conforte la conclusion que le sans labour ne
conduit pas systématiquement à une augmentation des lombrics. Le type de sol, le climat et le
système de culture sont des facteurs prépondérants

57
E. Impacts des modifications de fertilité du sol et du contrôle des
adventices sur la production végétale
Par mes travaux sur la fertilité des sols en AB, j’ai mis en évidence que certaines propriétés du sol
étaient avantagées par le non labour (matière organique, micro-organismes) et d’autres moins
(structure et porosité du sol). La principale conclusion est qu’en TSL les composantes de la fertilité du
sol sont améliorées dans l’horizon superficiel, et tendent à être réduites plus en profondeur, dans
l’horizon non travaillé. L’étude des modifications de fertilité du sol a pour objectif final d’amé liorer la
production agricole en AB. J’ai donc suivi conjointement aux travaux sur le sol, l’évolution du système
racinaire des cultures, comme interface entre le sol et la plante, le développement des adventices
comme autre facteur limitant du rendement impacté par le changement de techniques de travail du
sol et in fine le rendement des cultures.
Ces travaux ont été menés dans mes différents programmes de recherche. Ils ont donné lieu à des
publications et à des comparaisons internationales comme une méta-analyse menée par une
collègue anglaise dans une tâche que je co-coordonnai dans le projet Européen Tilman-org. (Cooper
et al., 2016). Du fait de leur caractère opérationnel et finalisé mes travaux ont également bénéficié
de l’appui du Pôle d'expérimentation et de Progrès (PEP) grandes cultures de la région Rhône -Alpes
qui finance des travaux de recherche et d’expérimentation répondant à des besoins exprimés par les
agriculteurs. Cette attente de résultats concrets est une motivation importante pour moi. J e fais en
sorte de la satisfaire par des formes de communication adaptées (journées de visites d’essai,
plaquettes et articles dans la presse agricole régionale) et plus encore par une démarche de
recherche globale, d’où l’importance de ce paragraphe consacré à la production végétale.

1. Rendements et qualité des cultures


Les rendements sont mesurés sur des placettes de 0.25 m 2 répétées sur les différentes parcelles
expérimentales, ce ne sont donc pas des rendements ‘machines’.
Sur les 15 ans d’essais (site de Thil et réseau de parcelles Rhône-Alpes), les TSL diminuent le
rendement des cultures comparé au labour traditionnel (Tableau 4). La baisse de rendement est plus
marquée pour les cultures de printemps, le maïs et le soja que pour le blé. Nous observons une très
forte variabilité des résultats pour les deux TSL par rapport aux labours. C’est un des points négatifs
de ces techniques, la difficulté de stabiliser les rendements d’une année à l’autre. Pour chaque site,
la variabilité peut être expliquée par l’année climatique, la réussite du contrôle des adventices, le
niveau de fertilité des sols et l’effet de la culture précédente. Les résultats obtenus avec la technique
du labour agronomique sont similaires en moyenne à ceux du labour traditionnel, que lles que soient
les cultures. Ce résultat démontre aux agriculteurs en AB, qu’il n’est pas nécessaire de labourer
profondément.
Rendements en % du labour traditionnel (30 cm)
Travail très superficiel Travail superficiel (15 Labour agronomique
(5-7 cm) cm) (18 cm)
Essais Thil Thil, Vallée du Rhône Thil, Vallée du Rhône
Nord, Nord Isère Sud
Maïs -20 % (+/- 37) -11% (+/- 17) +3 % (+/- 7)
Soja -26% (+/- 16) -15% (+/- 17) 0% (+/- 8)
Blé -7% (+/- 31) -2% (+/- 16) +1% (+/- 11)
Tableau 4 : rendements moyens (2005 à 2017) des cultures de maïs, soja et blé en TSL et labour
agronomique comparés au labour traditionnel. Les écart-types s ont entre parenthèses, ils corres pondent à des
effets s i tes et a nnées . Attenti on, l es rota ti ons s ur cha que s i te peuvent être di fférentes .

58
Figure 32a-b : Rendements du travail superficiel (TS) (a) et du travail très superficiel (TTS) (b) en % du
labour traditionnel sur le site de Thil de 2005 à 2017. * veut dire que la différence de rendement est
significative (p-value<0.05), ns non significatif.
La figure 32a-b détaille les résultats obtenus sur le site de Thil pour les TSL. On peut observer la
grande variabilité des rendements selon les années, mais aussi la grande variabilité une année
donnée avec des rendements très inférieurs au labour mais non significat if du au problème de
l’hétérogénéité de développement d’une culture sur une même parcelle en TSL.
Pour chaque année, nous avons mesuré les différentes composantes du rendement pour expliquer
ces résultats, les données sur les blés ont été publiées (Peigné et al., 2014 et Peigné et al., 2018). Les
autres données obtenues jusqu’en 2013 ont été mobilisées dans une méta-analyse que je
présenterai en conclusion (Cooper et al., 2016).

59
2. Adventices
La quantité et la diversité des adventices ont été suivies tout au long de mes travaux, sur le site
d’essai de Thil mais aussi sur le réseau de parcelles chez des agriculteurs. En effet, une de mes
hypothèses était qu’en AB, le contrôle des adventices allait représenter un facteur limitant important
du rendement des cultures en TSL (Cf questions parties I A 3). Nous avons déjà vu que le contrôle
mécanique des adventices a pu jouer un rôle dans les modifications de fertilité du sol, en aggravant
le tassement du sol en TSL en raison de passages répétés d’engins agricoles pour désherber.
La quantité d’adventices a été mesurée, soit en nombre d’adventices par m 2 soit en biomasse de
matière sèche (Matière Sèche en g.m -2) sur des quadrats de 0,25 m2 répétés pour chaque parcelle
expérimentale (8 à 12 répétitions par parcelle élémentaires suivant les cultures) à différents stades
(levée, floraison, maturité et récolte). A chaque date de prélèvement, nous avons déterminé les
différentes espèces d’adventices (soit en nombre, soit en biomasse). Ces travaux ont été valorisés
dans différentes publications concernant mes essais (Peigné et al., 2014 ; Peigné et al., 2018), mais
aussi dans une publication collective sur la sélection de traits de vie des adventices suivant le travail
du sol en AB (Armengot et al., 2016).

a) Aspect quantitatif
Globalement sur l’ensemble des parcelles expérimentales (site d’essai et réseau), nous observons, en
début de cycle des cultures (levée ou tallage), un plus grand nombre d’adventices en TSL qu’en
labour. La figure 33 récapitule l’ensemble des données recueillies sur le site d’essai de 2007 à 2017.
La plupart des années les TSL, et plus particulièrement le travail très superficiel amènent plus
d’adventices au tallage du blé ou à la levée du soja et du maïs. Toutefois, on observe des écarts très
élevés entre années, avec des années où même s’il existe une différence significative, les nombres
d’adventices entre traitements sont proches (2007, 2008, 2012, 2015 et 2017) et des années où les
écarts sont très importants (2009, 2010, 2017, 2016 et surtout 2013). Ces variations sont
principalement dues d’une part à des phénomènes climatiques, avec des années où il était difficile de
désherber mécaniquement. Et d’autre part, les conditions de l’année précédente jouent beaucoup,
une année avec une forte infestation augmente le stock semencier du sol et impacte les années
suivantes. Les valeurs de biomasse d’adventices à la floraison vont dans le même sens, indiquant par
ailleurs que le nombre d’adventices au début du tallage du blé, reste un bon indicateur de la press ion
d’adventices tout au long du cycle comme l’ont démontré Casagrande et al. (2009) sur le blé
biologique. Pour les cultures de maïs et soja, l’effet de nombreux binages successifs parvient dans
certains cas à limiter les biomasses d’adventices sans pour autant parvenir à annuler la différence
avec le labour traditionnel à 30 cm de profondeur, ainsi qu’avec le labour agronomique à 18 cm de
profondeur. Ce sont deux techniques qui permettent de bien contrôler les adventices en AB. Ce
résultat est vérifié à la fois sur l’essai de Thil et sur cinq des huit parcelles du réseau des agriculteurs.

b) Diversité

En 2010, j’ai encadré Fabien Dubuis, un étudiant en Licence de l’université Laval à Québec qui a
synthétisé dans une base de données l’ensemble des résultats quantitatifs et qualitatifs concernant
les adventices sur le réseau de parcelles et le site d’essai de Thil. Ces travaux n’ont pas fait l’objet
d’une publication car dès 2011 le projet Tilman-org a démarré. J’ai pu y collaborer avec des
spécialistes des adventices (Université de Barcelone et Ecole Supérieure Sant’Anna à Pise) qui ont
pris en charge le traitement de la diversité des adventices sur les différents sites d’essai du projet.
La synthèse de 2010 présente cependant des résultats importants. Il ressort en effet de celle-ci qu’il y
a significativement plus d’espèces d’adventices en non labour qu’en labour, mais avec une
surreprésentation d’espèces dominantes. Et, quelles que soient les parcelles observées, le taux de

60
plantes pérennes a tendance à augmenter en non labour. La structure des populations d’adventices
tend à se distinguer entre technique avec et sans labour.
Ces résultats ont été confirmés et approfondis dans le projet Tilman-org. Les collègues de Barcelone
et de Pise ont créé une base de données avec l’ensemble des adventices répertoriées sur les sites
d’essai du projet, dont le site de Thil (données 2012 et 2013). Ils ont analysé les adventices sous
l’angle de leurs traits de vie : durée de cycle (annuelle versus pérenne), surface spécifiq ue de feuilles,
poids des graines, hauteur de plantes, longévité des graines dans le sol (stock semencier), affinités
pour les éléments minéraux du sol, démarrage de la floraison et durée. Les résultats confirment une
différence de communauté d’adventices avec des traits fonctionnels différents (Armengot et al.,
2016). Ainsi, les parcelles avec labour présentent moins d’adventices pérennes, des adventices avec
des graines plus lourdes, plus grandes, une forte affinité avec les éléments minéraux du sol et
fleurissent plus tard qu’en non labour. Toutefois, cette étude montre que dans les deux cas, labour et
non labour, les adventices vont présenter des traits fonctionnels leur permettant de réduire la
compétition avec les cultures en place. Cela est le cas y compris pour les adventices sélectionnées
par le non labour qui se caractérisent par une plus faible hauteur et une moindre affinité avec les
éléments minéraux du sol que les cultures. Une autre conclusion de ce travail est que même si le
travail du sol différencie fortement les communautés d’adventices, le type de cultures lors de la
collecte des données a un impact encore plus fort.

Figure 33: Nombre d’adventices par m 2 au tallage (blé) et à la levée (soja et maïs) pour les 4
traitements de travail du sol de 2007 à 2017- site de Thil
Suite à ces travaux sur les adventices, il m’a semblé important de vérifier l’effet limitant des
adventices sur le rendement. En effet, même si la pression d’adventices est plus importante en non
labour elle peut présenter de faibles écarts avec le labour, et d’autre part, les adventices
sélectionnées par le non labour ne sont pas plus compétitives qu’en labour. La figure 34 présente la
corrélation entre les rendements des TSL et du labour agronomique en % du labour traditionnel et la
biomasse d’adventices à maturité des cultures pour les TSL et le LA. Sur le graphique on peut voir un
nuage de points jusqu’aux alentours de 100 g.m -2 de matière sèche d’adventices, puis des points qui
tendent à s’aligner ce qui montre une corrélation entre la biomasse d’adventices à maturité et la
baisse de rendement par rapport au labour traditionnel. J’ai utilisé deux modèles (ruptures continues

61
et discontinues) pour vérifier si il y a avait effectivement une rupture dans les données, faisant
apparaître un ‘seuil’ au-delà duquel la biomasse d’adventices devient limitante du rendement. Le
modèle montre une rupture à 153 g.m -2, avec un intervalle de confiance de 116 à 185 g.m -2. Il semble
donc qu’en dessous d’un certain seuil d’adventices, la variabilité du rendement entre techniques de
travail du sol s’explique par d’autres facteurs comme la fertilité du sol, et qu’au-dessus la pression
d’adventices va constituer le principal effet limitant du rendement. Ce travail demande à être
poursuivi, pour vérifier ce point de rupture ou tester d’autres modèles comme une régression avec
des courbes enveloppes telles que proposées par Casagrande et al. (2010).

Rendements des techniques sans


labour et labour agronomique en
% du labour traditionnel

Matière sèche d’adventices en


g.m-2 des TSL et labour
agronomique

Figure 34: Rendements des techniques sans labour et labour agronomique (en % du labour
traditionnel) en fonction de la biomasse des adventices à maturité des cultures (exprimée en g de
matière sèche par m² ) – site de Thil et réseau Rhône Alpes.
Les droites en bleues ont été tracées par le modèle de rupture pour déterminer le seuil où les données sont
corrélées. Les barres verticales en pointillés délimitent l’intervalle de confiance, la barre verticale en trait plein le
seuil. Le modèle a été appliqué avec les packages breakpoint et Structchange du logiciel R.

3. Le système racinaire

Pour étudier l’interaction entre les modifications de fertilité du sol et les cultures, nous avons mesuré
l’exploration racinaire de différentes cultures sur l’essai de Thil. Nous avons réalisé ces mesures dans
les fosses de sol creusées pour observer les profils culturaux. Pour cela nous y avons placé des grilles
(70 X 70 cm2) avec des mailles de 4 cm2 . Dans chaque maille nous avons compté le nombre de racines
présentes. Le protocole est détaillé dans Peigné et al. (2013). La figure 35 présente, pour 2015 (dix
ans d’essai) et à la floraison du blé, le pourcentage de mailles colonisées par des racines en fonction
de la profondeur de sol pour les 4 traitements de travail.
En 2015, j’ai obtenu des courbes proches de celles de 2009 et de 2007 (Cf Peigné et al., 2013). La
densité de racines est plus importante dans les 6 premiers cm de sol pour les TSL comparées aux
labours. Les résultats sont inverses en dessous de 20 cm de profondeur. La croiss ance racinaire

62
dépend de plusieurs facteurs dans le sol tels que la résistance du sol due à sa densité, sa teneur en
humidité, et son réseau continu de pores (Tracy et al., 2011). Sur l’horizon de 0-45 cm, nous avons
trouvé un coefficient de corrélation de 0,665 entre les valeurs de résistance à la pénétration (Cf.
Figure 30) et la fréquence racinaire, quel que soit le traitement du sol. Ainsi, une résistance à la
pénétration plus élevée de 15 à 40 cm dans les traitements sans labour tend à diminuer la croi ssance
racinaire par rapport aux traitements avec labour. Des résultats similaires ont été trouvés par Ehlers
et al. (1983) pour l'avoine et Qin et al. (2004) pour le blé d'hiver.
Cependant, selon Ehlers et al. (1983) et Zhou et al. (2016), les réseaux de pores pourraient jouer un
rôle majeur en cas d'absence de travail du sol en favorisant la croissance racinaire en profondeur,
précisément parce qu'aucun travail du sol n'a perturbé ces réseaux comme le fait le labour. Cet effet
joue un rôle majeur dans des conditions sèches lorsque les racines peuvent difficilement pénétrer
dans une matrice de sol trop cohérente et préfèrent les pores les plus connectés. Dans ce cas, les
résultats sont à l'opposé de nos résultats, la croissance des racines augmentant en l'absence de
labour par rapport au labour traditionnel (Morell et al., 2011). Dans nos essais, nous n'avons pas
trouvé plus de pores dus aux vers de terre dans les traitements sans labour par rapport aux labours
en profondeur, nous n’avons ainsi pas vu l’effet de ces réseaux de pores sur la croissance racinaire.

Figure 35: pourcentage de mailles colonisées avec des racines de blé en fonction de la profondeur
dans les profils de sol des 4 traitements de travail du sol en 2015 (Peigné et al., 2018)
Les segments de courbes surlignées en gris montrent les valeurs des traitements significativement plus faibles
(TS et TTS majoritairement) que les autres traitements par horizon de sol .
LT : labour traditionnel, LA : labour agronomique, TS : travail superficiel, TTS : travail très superficiel .

4. Conclusion
Les données recueillies sur le site d’essai de Thil ont été intégrées dans une méta-analyse (jusqu’en
2013) réalisées dans le cadre du projet de recherche Européen Tilman-org (Cooper et al., 2016). Ce
travail permet de mettre en perspective mes résultats avec l’ensemble des travaux menés sur ce
même sujet dans différentes zones biogéographiques d’Europe : climats continental humide,
océanique humide et méditerranéen. Nous avons récolté les données de quinze essais et par une
recherche bibliographique complémentaire, ajouté des résultats publiés dans 26 articles scientifiques

63
ou de littérature grise. Nous avons comparé à chaque fois les résultats issus de techniques de travail
du sol qualifiées de techniques de conservation des sols (allant de la fissuration profonde à du semis
direct) avec des techniques soit de labour profond (> 25 cm) soit de labour agronomique (< 25 cm).
Les données analysées sont : le rendement des cultures, la pression adventices et le stock de C
organique sur 30 cm de sol. Nous avons constaté que la réduction de l'intensité du travail du sol dans
les systèmes de culture en AB a réduit les rendements des cultures de 7,6% en moyenne par rapport
au labour profond. Parmi les différentes techniques de travail du sol réduit, le travail superficiel (10-
20 cm) a entraîné des réductions significatives du rendement par rapport au labour profond. Le
labour agronomique (< 25 cm) a entraîné la plus petite réduction de rendement (5,5%), et des stocks
de C du sol significativement plus élevés qu’en labour et un bon contrôle des adventices.
La quantité d’adventices est systématiquement plus élevée (50%) lorsque l'intensité du travail du sol
est réduite, bien que cela n'aboutisse pas toujours à une réduction du rendement dans la méta-
analyse (Cooper et al., 2016). Les corrélations entre rendements et pression d’adventices sont assez
faibles, voire non significatives pour les TSL comparées au labour profond. Nous expliquons cette
faible corrélation par d’autres facteurs, tels que le stock de C organique plus important en non labour
et qui peut ainsi contrebalancer l’effet dépressif des adventices. La méta-analyse a été aussi conduite
suivant le type de sol, où des sols limoneux ont été comparés à des sols sableux. L’analyse des
données montrent bien que les baisses de rendement les plus importantes en TSL (TTS et TS) se
retrouvent dans les sols sableux.

F. Conclusion sur la compréhension des changements de fertilité


induites par l’agriculture de conservation sur les sols en AB

Les techniques de travail du sol sans labour, réellement favorables à l’AB ?


Une grande partie de mes travaux se fonde sur l’amélioration du profil cultural comme outil
permettant d’observer les interactions en propriétés physiques et biologiques des sols. Cette
approche originale a permis d’avoir une vision globale de l’effet de techniques de travail du sol sans
labour sur la fertilité du sol en AB. La fertilité a été mesurée dans le sol, mais aussi à travers le
rendement des cultures en interaction avec les adventices.
Les figures 36, 37 et 38 reprennent la figure 2 (section I A 3) posant mes principales questions de
recherche, respectivement pour le labour agronomique, le travail superficiel et le travail très
superficiel du sol en AB. Le labour agronomique ressort comme le meilleur compromis au labour
profond, avec des niveaux de rendement et d’adventices similaires au labour traditionnel, mais une
amélioration de la teneur en C dans l’horizon cultivé du sol. Le seul point négatif est une
augmentation du tassement de 20 à 30 cm, sans impact sur le développement du système racinaire.
Pour les deux techniques sans labour, les résultats sont très mitigés, avec une très forte variabilité
des rendements et en moyenne une perte par rapport au labour profond. Cela est dû à un
problème de contrôle des adventices, mais aussi à une dégradation de la fertilité du sol dans les
horizons sol non travaillés (plus de tassement, moins de racines). Toutefois, l’horizon superficiel (0-
15/20 cm) présente plus de matières organiques, point positif dans les sols sensibles à l’érosion.
Entre les deux techniques, le travail très superficiel présente le plus de contraste s. D’une part on
observe, un effet très bénéfique sur la microbiologie du sol, entrainant une augmentation des
nutriments dans les 20 premiers cm et une tendance à plus de macroorganismes. Mais d’autre part,
nous observons un plus fort tassement en profondeur, et les plus importantes pertes de rendements.

64
Figure 37: Le labour
agronomique, un bon
compromis au labour
traditionnel
Une légère amélioration
de la fertilité du sol sur
20 cm, pour un contrôle
des adventices et un
rendement similaires au
labour traditionnel.
+, - ou = correspondent
respectivement à
l’augmentation, la baisse
ou à l’équivalence par
rapport au labour
traditionnel

.
Figure 36: Le travail
superficiel, une
pratique risquée en AB
Une légère
amélioration de la
fertilité biologique du
sol sur 15 cm, mais une
baisse du rendement et
des problèmes de
contrôle des
adventices
+, - ou = correspondent
respectivement à
l’augmentation, la baisse
ou à l’équivalence par
rapport au labour
traditionnel

Figure 38: Le travail


très superficiel, une
pratique risquée en AB
mais prometteuse pour
la biologie du sol
Une nette amélioration
de la fertilité biologique
du sol sur 20 cm, mais
une forte variabilité du
rendement et des
problèmes de contrôle
des adventices
+, - ou = correspondent
respectivement à
l’augmentation, la baisse
ou à l’équivalence par
rapport au labour
traditionnel

65
Quelles sont les perspectives de mes travaux analytiques ?

Le site expérimental de Thil avait été prévu pour durer 10 ans, et cela fait déjà 13 ans qu’il existe.
Nous avons décidé d’arrêter les prélèvements de sol en 2018. En effet, la taille limitée des parcelles
ne permet pas de continuer à perturber le sol pour l’observer, sans modifier profondément les
résultats agronomiques. En 2018, pour clôturer ce site, nous avons effectué des prélèvements sur 70
cm de profondeur, afin de mesurer les densités apparentes des horizons du sol, la teneur en C et
ainsi calculer des stocks de C suivant les différentes techniques de travail du sol après 13 ans d’essai.
Ce travail est réalisé en collaboration avec de nombreux chercheurs Européens ayant des essais en
AB, sous la coordination du Fibl. Les résultats seront disponibles fin 2018.
Pour poursuivre l’approche analytique, mes résultats ont conduit à formuler deux nouvelles
hypothèses. La forte variabilité de rendements, la difficulté de contrôle des adventices et les
problèmes de tassement en profondeur des TSL nous interpellent sur l’intérêt éventuel d’appliquer
ces méthodes, en fonction de la situation, certaines années et pas d’autres. Ainsi, une hypothèse est
qu’un labour occasionnel dans la rotation pourrait-être un levier pour remédier à ces problèmes.
Cette pratique est déjà testée dans certains pays, comme l’Australie où le semis direct a été utilisé de
nombreuses années et des problèmes de baisse de rendement sont apparus (Dang et al., 2015). On
l’appelle le ‘labour stratégique’ ou encore « système hybride ». Une des questions posée est de
savoir si introduire un labour dans une rotation de cultures détruit ou ne détruit pas la stratification
de fertilité du sol créée en non labour, et plus particulièrement la teneur en matière organique à la
surface du sol. On pourrait supposer que la réponse est oui, mais les quelques études existantes
montrent des résultats contradictoires (Dang et al., 2015). Ainsi, il serait intéressant de mener des
recherches pour valider ou non l’intérêt du labour occasionnel sur le sol et sur les résultats
agronomiques en AB.
La deuxième hypothèse qui serait intéressante à creuser est celle liée aux résultats du travail du sol
très superficiel. Cette technique montre des résultats encourageants en termes de fertilité du sol,
avec toutefois des problèmes de tassement et de contrôle des adventices. Ces deux problèmes sont
liés, le désherbage mécanique fréquent nécessaire au contrôle des adventices a eu tendance à
aggraver les problèmes de tassement. Le semis direct sous couvert végétal, pratique que nous avons
tenté au début de nos travaux, et depuis développée aux Etats-Unis, pourrait remédier à cela
(Vincent-Caboud et al, 2017). Le couvert végétal servirait de mulch en surface pour contrôler les
adventices, et ainsi diminuerait sensiblement le nombre de passage s mécaniques. Les racines de ce
couvert pourraient préserver le sol du tassement, en améliorant sa portance. Je vais développer
cette nouvelle thématique de recherche dans la partie projet de mon mémoire.
Enfin, j’ai très souvent présenté les résultats de mes travaux, et ce ux de mes collègues français et
européens, à des agriculteurs et à des conseillers agricoles en AB. Ces présentations ont pour but
d’échanger sur des résultats scientifiques, sur une thématique très à la mode ces dernières années.
Ils ne sont pas toujours appréciés, remettant en question l’idéal qu’est l’agriculture de conservation
pour certains conseillers en France et dans le monde. Ainsi, les échanges sont vifs, sur nos choix
expérimentaux, sur les systèmes de culture testés etc. La richesse de ces moments nous a conduits,
mes collègues et moi, à investir un autre champ de recherche, la conception et l’évaluation au champ
de systèmes de cultures intégrant des pratiques l’agriculture de conservation. Activités de
conception et d’évaluation que je même en partenariat avec les agriculteurs.

66
II. Conception de nouveau systèmes de culture en AB
s’appuyant sur les principes de l’AC
En introduction de ce mémoire, j’ai fait l’hypothèse que les principes de l’ AC, comme la réduction de
la perturbation mécanique du sol combinée aux couverts végétaux peuvent améliorer la fertilité des
sols en AB. Nous avons vu que les TSL en AB améliorent certaines propriétés des sols, mais
contribuent surtout à la stratification de cette fertilité et peuvent poser des problèmes dans les
horizons plus profonds de certains sols (sols limoneux et sableux). Cela se traduit, à moyen terme,
par des baisses de rendement, dues au tassement du sol ou à la gestion des adventices avec une
variabilité importante selon les systèmes étudiés : succession des cultures, type de sol, climat et type
de TSL.
Au fur et à mesure des travaux engagés, nous avons porté un regard critique sur les résultats obtenus
afin d’identifier des pistes de recherche pour répondre à l’enjeu de l’amélioration de la fertilité des
sols en AB. Les références sur la réduction du travail du sol et le recours aux couverts végétaux en AB
sont peu nombreuses au regard de la littérature en agriculture conventionnelle, et sont
généralement issues de recherches analytiques mono-factorielles (le travail du sol sans labour), et
plus rarement pluri-factorielles. Il n’existe que quelques études sur les combinaisons entre travail du
sol, fertilisation organique et préparation biodynamique (Berner et al., 2008) ou entre travail du sol,
couvert végétal et fertilisation organique (Baldivieso-Freitas et al.,2018). La compréhension des
effets induits par la complémentarité des 3 principes de l’AC (pas de labour, couverture permanente
du sol et rotation diversifiée) n’est que rarement voire jamais prise en compte. L’adéquation de ces
nouvelles combinaisons de pratiques avec le système de culture (e.g. rotation, date de semis, outils,
variétés) n’est pas non plus étudiée.
Les essais analytiques sont utiles pour appréhender les mécanismes se déroulant dans le sol, et
mieux comprendre l’effet des pratiques culturales. Cependant, les règles d’action d’un essai
analytique sont définies avant sa mise en place et, pour respecter la rigueur expérimentale et éviter
de multiplier les facteurs de variation, il est rarement possible d’insérer de nouveaux leviers en cours
d’étude. De même, le labour traditionnel est souvent une pratique de référence pour juger de la
réussite ou non des résultats mais sans reconsidérer la dimension globale du système afin de pouvoir
interpréter les performances obtenues. Ainsi, les successions culturales, les variétés ou les dates de
semis sont très souvent identiques entre la nouvelle modalité étudiée et la modalité de référence
alors que la nouvelle modalité gagnerait à être abordée dans le contexte d’un système de culture
adapté et cohérent, où la recherche de sa réussite serait l’objectif prioritaire (Carr et al., 2012 :
Mäder and Berner, 2012).
Les contraintes organisationnelles ou socioéconomiques des agriculteurs, ainsi que leurs logiques
décisionnelles, sont peu prises en prises en compte. Nous avons implanté nos essais chez des
agriculteurs, et ils expriment souvent cet aspect « moi, je n’aurai pas fait ça » ou « je ne laisserais
jamais un champ comme ça ». Les connaissances et les expériences des agriculteurs méritent
également d’être mobilisées puisqu’ils conçoivent et pilotent des systèmes de culture, et ils sont les
destinataires de nos recherches. Ils ont développé des compétences dans la gestion des interactions
complexes au sein du système de culture mais aussi au sein de l’exploitation agricole (Baars, 2011).
La deuxième partie de mes travaux a constitué à concevoir des systèmes de cultures AB innovants,
pour améliorer la fertilité du sol, en s’appuyant d’une part sur les connaissances scientifiques
existantes mais surtout sur les connaissances des agriculteurs, tout en intégrant leurs objectifs et
contraintes.

67
A. Etat de l’art et questions posées

1. La notion de système de culture : pourquoi travailler à cette échelle ?


L’approche systémique permet de traiter des sujets complexes en s’intéressant aux composantes
d’un système et à leurs interactions (Darnhofer et al., 2012). Elle permet aussi d’opérer de profonds
changements, souvent en rupture avec l’existant, tout en considérant le système dans son ensemble
(Hill, 1998). A la différence de l’approche analytique, qui repose sur l’isolement des facteurs les uns
des autres pour pouvoir analyser leurs impacts sur des variables d’état, l’approche systémique
permet d’appréhender la complexité du système en le considérant comme un ensemble de
composantes interdépendantes. Ainsi, les performances d’un système dépendent plus de la façon
dont ses composantes interagissent entre elles, que de la mani ère dont elles agissent
indépendamment les unes des autres. L’approche systémique considère les systèmes de production
agricoles comme des systèmes ouverts (en lien avec un environnement extérieur) et dynamiques
(des changements ont lieu régulièrement).
Le système de culture est défini par Sebilotte (1974) comme étant « un ensemble de modalités
techniques appliquées sur une parcelle ou un ensemble de parcelles agricoles traitées de manière
identique dans un contexte pédoclimatique donné ». Chaque système de culture se définit par la
nature des cultures, leur ordre de succession et les itinéraires techniques appliqués à ces différentes
cultures. Le système de culture est aussi défini par le système décisionnel ou la logique de
l’agriculteur, qui guide ses actions pour atteindre ses objectifs. A cette échelle, on ne peut pas
étudier les effets d’une technique culturale indépendamment des autres techniques. Cette approche
globale permet de « (i) prendre en compte les effets non intentionnels des choix techniques, (ii)
considérer les interactions entre techniques, (iii) raisonner en intégrant plusieurs échelles spatio-
temporelles, (iv) considérer la parcelle agricole comme un écosystème qu’il s’agit de piloter au mieux
pour en tirer une production » (Meynard, 2008). Dans l’approche systémique, le rôle l’agriculteur est
fondamental puisqu’il oriente l’évolution du système dans un environnement donné.

2. Un système de culture innovant


Le labour est une technique usuelle en AB puisqu’en plus de maîtriser les adventices, elle intervient
dans l’enfouissement de la matière organique (résidus de cultures, couverts, prairies, amendements),
la stimulation de la minéralisation dans le sol et enfin la préparation d’un lit de semences favorable à
l’implantation des cultures. Ainsi, l’introduction, de manière combinée, des principes de l’AC s’inscrit
en réelle rupture avec les pratiques actuelles des systèmes de culture AB et conduit à concevoir des
systèmes de culture dits innovants.
L’innovation est communément définie comme une création technique ou organisationnelle, qui
introduit un degré de changement par rapport à l’existant. L’innovation est aussi considérée comme
le processus d’inscription de cette nouveauté dans un milieu socio-économique. Ainsi, l’innovation
est vue comme le processus d’appropriation qui va de la nouveauté à son adoption large, c’est-à-dire
de son introduction à son utilisation et à sa diffusion sur le marché (Goulet et al., 2008; Hall et al.,
2003 ; Hall et al., 2005; Klerkx et al., 2010).
Les sciences sociales ont proposé plusieurs modèles de représentation du processus de l’innovation,
de la ‘courbe en S’ de diffusion de l’innovation (Rogers, 2003) aux travaux de Geels et Schot (2007)
sur leur approche « multi-niveaux des transitions » (Figure 39). Ces modèles font l’hypothèse que
pour innover, il faut s’appuyer sur des pionniers (Rogers, 2003) ou des petits réseaux d’acteurs qui
soutiennent une innovation (innovations de niche) via des processus de co -construction, pour
ensuite aller vers la ‘masse’ des agriculteurs et ainsi reconfigurer le régime sociotechnique dominant.
Geels et Schot (2007) expliquent ainsi que le déverrouillage d’un régime sociotechnique est, le plus
souvent, un processus incrémental se faisant plutôt par étapes d’optimisation ou de substitution que
par reconfiguration du régime. Il est ainsi important que des niches d’innovations puissent exister.

68
Ce sont des lieux où des innovations dites de rupture peuvent se créer et ensuite, éventuellement, se
développent pour passer dans le régime dominant. Toutefois, ce passage se fera si le paysage
sociotechnique (institutions, politiques etc.) le favorise (pression sur le régime dominant).
Cette brève analyse de l’innovation, nous a permis de poser deux hypothèses de travail. D’une part
les connaissances et savoirs7 des agriculteurs ‘pionniers’ doivent être mobilisées dans le cadre de la
conception de systèmes innovants, et d’autre part, le contexte socio-technique doit-être favorable
aux niches d’innovation pour initier des processus de transition. Ainsi, nous avons cherché à savoir
si des systèmes de culture, intégrant les principes de l’AC pour améliorer la fertilité de sols, sont
déjà pratiqués par des agriculteurs en AB. Goulet (2008) a notamment montré que les agriculteurs
conventionnels étaient source d’innovations sur des thématiques relatives à la mise en place des
techniques culturales sans labour et nous avons voulu le vérifier auprès des agriculteurs en AB. Le
recueil des connaissances et expériences des agriculteurs a pour vocation à être valorisé dans la
conception de systèmes de cultures innovants.

Figure 39: Les niveaux multiples du processus de transition vers l’innovation (adapted from Geels,
2002 in Geels and Schot 2007).

3. Comment concevoir des systèmes de culture ?


La conception peut être vue comme un processus qui, à partir de la mobilisation de connaissances (K)
et de concepts (C), génère des produits ou des technologies qui n’existent pas (Meynard, 2008;
Beguin et Cerf, 2009). Selon la « théorie C-K », (Hatchuel et Weil, 2003) la conception débute par C
(ex : développer de nouvelles pratiques intégrant AC et AB) puis résulte d’interactions permanentes
entre C et K à partir des connaissances existantes mais aussi produites au cours de la conception . Le
Masson et al. (2006) distinguent deux types de conception. La conception réglée fait référence au

7
Le savoir est ce qui relève d’une communauté qui a statué sur une connaissance érigée alors en savoir. Une
connaissance est intérieure à la personne, nous avons tous des connaissances différentes même si un même
savoir est abordé (https://formation.hypotheses.org/250).

69
suivi d’un cahier des charges strict élaboré afin d’atteindre les résultats attendus. Des rôles distincts
sont assignés aux acteurs de la recherche, du développement et du terrain mobilisant diverses
compétences. Cette démarche standardisée repose principalement sur des connaissances existantes
(Le Masson et Weil, 2010). La conception innovante est en rupture avec les systèmes existants pour
répondre à des enjeux nouveaux et multiples (Meynard et al., 2012), Celle-ci se base sur une logique
d’expansion de K et de C par une approche pluridisciplinaire ou participative (Le Masson et Weil,
2010).
Deux démarches ont été conceptualisées pour concevoir des systèmes innovants. La démarche « pas
à pas » ou de « re-conception » consiste à développer un système de culture en partant de systèmes
existants et en les modifiant pour atteindre des objectifs définis. Cette démarche s’inscrit dans un
processus d’amélioration continue en alternant des phases de conception et d’évaluation (Coquil et
al., 2009). L’agriculteur rentre dans une logique d’apprentissage ( Meynard, 2008 ; Pretty, 1995). La
démarche de novo aboutit à des innovations par rupture aux systèmes de culture existants sans
considérer les contraintes locales. Elle permet « d’ouvrir le champ des possibles » en explorant une
large gamme de solutions (Meynard et al., 2012). Toutefois, l’abstraction de la faisabilité dans un
contexte défini peut conduire à des écarts avec la réalité du terrain et entraîner des difficultés
d’adoption du système par les exploitants (Blazy et al., 2009 ; Sterk et al., 2007). Par ailleurs, la
difficulté des agriculteurs à se détacher de leurs contraintes peut représenter un obstacle à la
créativité d’une démarche de novo (Meynard, 2008).
Il existe plusieurs ‘outils’ ou concepts pour concevoir des systèmes de cultures innovants. Ils sont
utilisés seuls ou combinés (Novak, 2008). La modélisation informatique permet de considérer une
multitude de facteurs (Novak, 2008). Des règles sont définies dans un modèle puis un grand nombre
de solutions est généré. Par exemple, l’outil ROTAT, développé en systèmes maraîchers, propose des
rotations à partir de principes fixés par l’utilisateur (ex : degré de mécanisation, perte de rendement
accepté, effets sur l’environnement etc.) (Dogliotti et al., 2005).
Le prototypage à dire d’experts repose sur le regroupement de plusieurs types d’experts, tels que
des chercheurs, techniciens, conseillers et plus rarement des agriculteurs. Le prototypage se définit
comme la génération d’un système de culture théorique différent de celui piloté par l’agriculteur.
Monnet (2011) distingue le prototype théorique, proposant une nouvelle combinaison de
techniques, du prototype expérimental correspondant à un prototype théorique adapté au contexte
local, et prêt à être testé. La méthode la plus connue est celle formalisée par Vereijken (1997). Lors
des deux premières étapes, les experts définissent et hiérarchisent les objectifs auxquels le prototype
doit répondre avant d’élaborer des indicateurs qui permettront d’évaluer l e niveau d’atteinte de ces
objectifs. Par la suite, ils conçoivent le prototype en décrivant les principales techniques avant de le
tester en conditions réelles et éventuellement de le modifier puis de le diffuser (Loyce and Wery,
2006). Les prototypes peuvent en amont être évalués par des outils de modélisation/évaluation qui
permettent de tester de multiples combinaisons possibles et de simuler leur durabilité ex ante, afin
de choisir les plus performants à tester au champ (Lançon et al., 2008).
L’approche participative a été initiée dans les années 1970 et émane d’une remise en cause du
modèle diffusionniste (Farrington and Martin, 1988). Elle a été mobilisées dans des travaux liés à la
recherche de systèmes agricoles durables (Altieri et al., 2012; Warner, 2006). Elle est définie «
comme une confrontation des savoirs de chacun des acteurs, dont les objectifs, les logiques et les
connaissances diffèrent et sont variables d’un individu à l’autre » (Le Gal, 2009). Il existe différentes
démarches participatives qui peuvent être ordonnées selon l’intensité de la participation des acteurs
(Karl, 2000; Pretty, 1995), ou selon l’étape où la participation intervient (Campbell and Salagrama,
2001). On peut par exemple citer, les démarches contractuelles (décision d’un seul acteur mandaté
au service des autres acteurs), consultatives (demande d’avis au cours du processus), collaboratives
(décision commune) ou collégiales (consensus) (Biggs et al., 1988). Cette diversité conduit à des
interactions variées, soit entre individus, soit entre groupes homogènes ou hétérogènes (Barreteau

70
et al., 2010). Le nombre et le type d’acteurs ainsi que la méthode doivent donc être clairement
définis par rapport aux objectifs de la conception.
Faure et al. (2010) signalent que ces approches ne proposent que rarement des méthodologies
explicites pour l’implication des acteurs dans la recherche et ne pratiquent que très peu une
approche réflexive. D’autres approches prennent en considération ces éléments. C’est le cas de la
recherche-action participative ou en partenariat (Charles and Ward, 2007; Monceau, 2005). En effet,
le participatif peut être vu comme une science pour l’action dans laquelle le chercheur ne se
contente pas uniquement de générer des connaissances mais aussi participe à la résolution de
questions sociales : «la finalité de la recherche ne trouve sa justification qu’au regard des besoins ou
des attentes des non chercheurs » (Béguin and Cerf, 2009). La recherche action combine une volonté
de changement (émanant des acteurs locaux) avec une intention de recherche (Faure et al., 2010 ;
Hazard et al., 2018).
La démarche participative repose sur la valorisation des connaissances dites locales ou empiriques
(celles produites par les agriculteurs dans leurs situations) pour orienter les questions de recherche,
pour mettre en place des solutions et enfin adopter et disséminer les résultats produits (Cerf et al.,
2012; Forster et al., 2013; Girard, 2012). De nombreuses études récentes sur l’intensification
écologique des systèmes agricoles ont mis en avant l’importance de l’intégration de ces
connaissances locales et de la co-production de connaissances les mobilisant (Doré et al., 2011;
Francis et al., 2012; Girard and Navarrette, 2005; Guzmán et al., 2012). Elles permettent l’interaction
entre les acteurs qui s’inscrivent dans une démarche d’apprentissage produisant un grand nombre de
solutions (Mc Crum et al., 2009 ;Pretty, 1995; Van Eijk et al., 2010). Cet échange valorise ainsi la
complémentarité des connaissances locales et encourage la créativité des participants pouvant être
source d’innovations (Girard and Navarette, 2005 ; Le Gal, 2009). La méthode limite ainsi l’écart
entre les solutions conçues et les réalités du terrain et conduit à des décisions plus pertinentes
(Hellin et al., 2008). Les participants sont confrontés à d’autres points de vue qui peuvent faire
évoluer leur perception et favoriser la recherche de consensus (Souchère et al., 2010). L’importance
du lien social est souvent mise en avant grâce à la constitution d’un nouveau réseau où chacun
améliore ses compétences (von Korff et al., 2012). L’utilisation de ces démarches pose toutefois des
problèmes scientifiques. Certains auteurs pensent qu’il ne s’agit pas d’une réelle démarche
scientifique et qu’elle ne génère pas des résultats fiables (Neef and Neubert, 2011). Bos et al. (2009)
évoquent aussi les limites de l’implication de différents acteurs. En effet, la divergence des objectifs
peut conduire à des conflits d’intérêts ou à des relations de pouvoir et freiner la créativité des
participants. Par ailleurs, un manque d’implication des participants peut générer de mauvais
résultats. Le degré de leur participation doit être en adéquation avec leurs attentes. D’autre part, la
gestion du temps entre les étapes est essentielle pour permettre, d’une part une bonne implication
des participants, et d’autre part laisser le temps aux acteurs de s’approprier les prototypes avant de
les utiliser. Neef et Neubert (2010) soulignent que dans ce type d’approche, l’importance de l’intérêt
social et des attentes des participants sont souvent sous-estimés par rapport à la finalité de la
conception.
Nous avons fait l’hypothèse qu’un processus de co-conception basé sur une démarche combinant
le prototypage, jusque-là réalisé par des experts, et une approche collaborative entre agriculteurs
et chercheurs permettrait de créer des systèmes de culture en rupture avec ceux pratiqués en AB
en intégrant des principes de l’agriculture de conservation. L’hybridation des connaissances
empiriques et scientifiques pourrait ainsi favoriser la création de systèmes de culture améliorant la
fertilité des sols en AB. La majorité des travaux pour répondre aux questions posées sur cette
thématique a été réalisée par Vincent Lefèvre (2013) dans le cadre d’une thèse (Pôle estive et
ADEME). J’en étais la co-encadrante avec Mathieu Capitaine de Vetagrosup Clermont Ferrand, e t elle
était dirigée par Jean Roger-Estrade (AgroParisTech). Avec ma collègue Marion Casagrande
(anciennement ISARA-Lyon et maintenant ITAB), nous avons poursuivi ces travaux à l’échelle
européenne dans le cadre du projet Tilman-org.

71
B. Explorer la diversité des pratiques des agriculteurs afin
d’hybrider leurs connaissances avec celles des chercheurs

1. Des travaux d’enquêtes aux échelles française et européenne


Vincent Lefèvre a mené une enquête exploratrice en 2010 avec l’objectif d’identifier des
agriculteurs en AB pratiquant l’agriculture de conservation en France. Ce travail avait pour but de
décrire les systèmes de culture des agriculteurs, de comprendre comment leurs objectifs et
contraintes les déterminent, et de relever les problèmes rencontrés et les clés de réussite.
L’ensemble de ses données a servi d’une part à identifier les connaissances des agriculteurs, et
surtout à les mobiliser dans la co-conception de systèmes innovants (Cf. Partie II C). Il a contacté les
GAB (Groupement d’agriculteurs biologiques), structures locales de développement de l’AB en leur
demandant des listes d’agriculteurs qui mettraient en œuvre des techniques d’agriculture de
conservation. Sur une centaine de contacts, il a appelé 70 agriculteurs présélectionnés pour
connaître leurs systèmes de culture. Seuls 24 agriculteurs mettaient réellement en œuvre des
techniques sans labour et des couverts végétaux. Il a enquêté ces 24 agriculteurs, utilisant une
enquête semi-directive. Chaque enquête (de 2 à 4 heures) a été enregistrée et analysée. En 2011, il a
rappelé l’ensemble des agriculteurs pour vérifier ses données, partager avec eux son analyse et voir
si des changements s’étaient produits. Suite aux enquêtes, il a bâti une typologie d’agriculteurs
suivant deux axes : fréquences (i) de recouvrement de leur sol en interculture et (ii) d’utilisation des
techniques sans labour à l’échelle de la rotation de culture s (Figure 40) (Lefevre, 2013).
Pour poursuivre le travail initié dans la thèse de Vincent Lefèvre, en 2012, avec ma collègue Marion
Casagrande, nous avons mené des enquêtes auprès d’agriculteurs en AB en Europe. Les travaux de
2010 montrant qu’en France, peu d’agriculteurs avaient intégré des pratiques agricoles issues des
principes de l’agriculture de conservation (CF partie II B 2), notre hypothèse était qu’à l’échelle
européenne nous pourrions recueillir plus d’informations sur les expériences de TSL et
d’implantation de couverts végétaux. Nous avons conduit ce travail dans le cadre du projet européen
Tilman-org. Toutefois, nous n’avons pas pu toujours approfondir l’échelle du système de culture, et
nous nous sommes arrêtées à l’échelle des itinéraires techniques pour le recueil de données.
159 agriculteurs dans 10 pays européens ont été enquêtés (Estonie, Allemagne, Royaume Uni,
Irlande, Belgique, France, Suisse, Autriche, Italie et Espagne). Les agriculteurs enquêtés pratiquaient
au moins deux de ces trois techniques : utilisation de couverts végétaux, semis direct et travail du sol
sans labour. L’enquête portait sur : (i) leurs pratiques de non labour et de couverts végétaux, (ii) leurs
motivations pour adopter ces pratiques et (iii) les problèmes qu’ils rencontrent. Les données
recueillies ont été analysées statistiquement afin d’identifier des profils d’agriculteurs en fonction de
: leurs motivations et problèmes, les pratiques agricoles utilisées dans des itinéraires techniques pour
les cultures de printemps et pour des cultures d’hiver.
Tout d’abord, pour chaque technique de conservation (travail du sol réduit, non-labour et engrais
verts) pratiquée, chaque agriculteur a été invité à évaluer ses motivations et les problèmes socio-
économiques, agronomiques et environnementaux en associant une note (échelle de Likert : 1 très
important à 5 pas important du tout), à des items que nous leurs avons proposés. Nous avons
ensuite classé les motivations et les problèmes selon les notes, et effectué une analyse en
composantes principales (ACP), suivie d’une classification hiérarchique (HCPC) pour identifier des
groupes d'agriculteurs. Nous avons joint des variables complémentaires (qui ne déterminent pas les
groupes) comme la localisation géographique, l’altitude, la taille des fermes, etc. pour voi r si il était
possible de corréler ces données aux groupes fournis par l’analyse.
Les principaux objectifs de la suite du questionnaire étaient d’explorer la diversité des techniques
agricoles en AC mises en œuvre en Europe (labour réduit, non-labour et engrais verts) et d’identifier
les principales stratégies des agriculteurs pour la mise en œuvre de ces pratiques, ainsi que les
facteurs agronomiques et environnementaux qui déterminent ces stratégies. Les stratégies ont été

72
identifiées en analysant le type et le degré d'utilisation des pratiques agricoles de conservation et les
effets produits en termes de perturbation et de couverture du sol (faible, moyenne, élevée). Chaque
enquêté devait fournir la description d’un itinéraire technique pour une culture d ’hiver et un pour
une culture de printemps, ainsi que la gestion de l’interculture avant et/ou après la culture
principale.
Le questionnaire a été traduit dans chaque langue des pays concernés puis transmis à des
agriculteurs via des réseaux existants dans chaque pays, des forums internet, des articles dans la
presse spécialisée, et des conseillers spécialisés en AB. Nous souhaitions obtenir au moins 20
enquêtes par pays : l’étude est exploratoire et non exhaustive. Pour harmoniser les réponses et
minimiser l’effet des traductions successives, la majorité des questions étaient de type ‘fermé’, avec
des propositions de notre part où l’enquêté cochait la case qui lui convenait.

2. Les attentes et les systèmes de culture des agriculteurs AB innovants en


France

Figure 40: Typologie des agriculteurs enquêtés en France en 2010 (Lefèvre, 2013)
Chaque N° correspond à un agriculteur, attention l’axe d’abscisse commence à 0,5, et les deux axes
ne se croisent pas à 0,5.
Les 24 agriculteurs AB identifiés comme mettant en œuvre des pratiques de l’AC sont localisés dans
toute la France. Seize agriculteurs sont spécialisés en grandes cultures et huit dans des systèmes
polyculture-élevage. Dans la grande majorité des cas, l’utilisation de techniques issues des principes
de l’agriculture de conservation est due à la volonté de préserver ou d’améliorer la fertilité de leur
sol, de stabiliser leur rendements, d’améliorer l’efficacité de la nutrition azotée et pour certains de
relever des ‘challenges’ techniques (recherche d’innovations).
Dans le premier des trois groupes les agriculteurs ont fortement réduit voire abandonné le labour
mais ils n’utilisent que très peu de couverts végétaux (4 agriculteurs- Figure 40). Ces agriculteurs ne
labourent plus du tout ou très occasionnellement, suivant le plus souvent l’état d’enherbement de
leurs parcelles. Ils ont orienté leurs systèmes vers une utilisation accrue du travail mécanique pour
gérer les adventices comme les faux semis et le désherbage mécanique intensif. Ils utilisent aussi de
grosses quantités de fumier et/ou de fertilisant organique. Le faible pourcentage de couverture du

73
sol est lié à des conditions pédoclimatiques (difficulté d’implantation ou de destruction des couverts)
mais surtout à leur choix de gérer mécaniquement les adventices, les faux semis ne permettant pas
la mise en place de couverts végétaux d’interculture. En utilisant le cadre E (Efficience), S
(Substitution) et R (Reconception) de Hill et MacRae (1996), les pratiques mises en œuvre dans ce
groupe sont de types E et S, visant une amélioration de l’efficience des pratiques et surtout une
substitution du labour par de nombreux travaux mécaniques plus superficiels.
Les 9 agriculteurs du deuxième groupe (Figure 40) ont pour priorité de rechercher l’autonomie de
leurs systèmes de culture via des apports de matière organique fraiche (engrais vert, prairies). Ils
pratiquent encore occasionnellement le labour, la réduction de travail du sol est pragmatique et
n’est pas une fin en soi. Ils considèrent que le recours, le plus souvent possible, à des couverts,
couplés à une réduction du labour dans la rotation est un bon compromis entre une recherche
d’amélioration de la fertilité des sols et des rendements de cultures satisfaisants.
Le troisième groupe de 11 agriculteurs (Figure 40), a comme objectif prioritaire d’arrêter totalement
le labour et de jouer au maximum sur l’intégration de couverts végétaux pour améliorer l’apport de
matière organique au sol et gérer, pour partie, les adventices via le couvert. Ils ont comme point
commun d’avoir des sols sensibles à la battance et à l’érosion, avec de faibles teneurs en matière
organique pour certains. Ces agriculteurs n’envisagent pas un retour de la charrue, mais peuvent
utiliser un travail du sol profond (type sous-solage) si besoin. Ce groupe se rapproche le plus des
principes de l’agriculture de conservation. Ces agriculteurs n’ont pas encore ‘stabilisé’ leurs
systèmes, et au moment de ces enquêtes étaient en train de les reconcevoir. D’ailleurs, un de leurs
objectifs est de repenser leurs systèmes en relevant de nouveaux défis techniques. Par exemple, ils
ont des problèmes de contrôle des adventices et par conséquent de rendements des cultures. Le
groupe 3, et pour partie le groupe 2, tendent à reconcevoir leur systèmes de culture, en modifiant
l’ensemble du système de culture. Ils rendent compte de la complexité de ce travail, et du risque
élevé d’échec.
L’absence de réseaux d’échanges, contrairement à ceux existants en agriculture conventionnelle
(Goulet, 2008), a limité l’obtention de contacts. En effet, la majorité des agriculteurs se sent isolée
dans leur démarche puisque ces innovations sont encore très peu vulgarisées par les acteurs du
développement en raison du manque de références. Seuls trois agriculteurs sont suivis dans leur
démarche par des organismes techniques. Depuis les travaux de thèse, des réseaux se sont
constitués, comme par exemple l’ouverture d’une branche AB du réseau BASE, un des réseaux
précurseurs de diffusion de l’agriculture de conservation dans les systèmes conventionnel s. La
demande de formation s’est accrue depuis quelques années et notre équipe de l’ISARA est très
souvent sollicitée pour exposer nos travaux auprès de groupes d’agriculteurs AB sur toute la France.
Cette enquête a permis de hiérarchiser les objectifs des agriculteurs, de comprendre l es stratégies
innovantes mises en œuvre pour atteindre ces objectifs et l’identification des principales difficultés
rencontrées et des solutions visant à les lever. Ce recueil d’expériences a aussi produit des
connaissances à caractère plus générique pour comprendre les déterminants du changement de
pratiques. Vincent Lefèvre (2012, 2013) a mis en évidence que les innovations sont portées par des
agriculteurs dont les objectifs sont souvent voisins, comme la préservation du sol, la recherche
d’autonomie et le goût pour le défi technique. Les changements ‘en rupture’ sont réalisés par re-
conception du système de culture (Hill et MacRae., 1996). Les expériences d’agriculteurs ont
permis d’identifier les connaissances manquantes, par exemple sur le choix d’espèces de couverts
végétaux (aptitude aux différentes conditions pédoclimatiques, capacité à fournir de l’azote à la
culture suivante, à améliorer la structure du sol…), ou encore sur les outils utilisables en non
labour.

74
3. Les attentes et pratiques des agriculteurs AB innovants en Europe
(2012)
La première partie de l’enquête a été publiée par Casagrande et al. (2016). Indépendamment des
pratiques de conservation, les motivations les plus importantes sont liées à la préservation de la
fertilité des sols et les problèmes sont principalement liés à la gestion des adventices, aux outils de
travail du sol et aux rendements. Un résultat intéressant est que les motivations économiques ou
sociales (par exemple le temps de travail) ne ressortent pas de l’étude, alors que ces dernières sont
souvent citées en agriculture de conservation conventionnelle. A l’aide d’une classification
hiérarchique (HCPC), nous avons identifié, à l’échelle européenne, trois groupes d'agriculteurs selon
le type de motivations et de problèmes : les «conversationnistes des sols», les «agriculteurs
techniques» et les «agriculteurs indifférents». Les agriculteurs «conversationnistes du sol» sont
fortement motivés par la préservation du sol et la minimisation des impacts environnementaux, ils
mentionnent très peu de problèmes associés à ces pratiques (peu important sur l’échelle de Lickert).
Les agriculteurs «techniques» ont principalement exprimé des problèmes et des défis agronomiques
qu’ils souhaitent relever, inversement au premier groupe les motivations sont peu mises en avant. Le
groupe ‘indifférent’ ne fait ressortir aucuns des items proposés comme motivations ou comme
problèmes. Le plus souvent les agriculteurs utilisent une des techniques d’agriculture de
conservation en lien avec un problème très spécifique de leur ferme (par exemple, forte charge en
cailloux et impossibilité de travailler le sol). Il n'y a pas d'effet statistique de la localisation
géographique ou des caractéristiques des fermes expliquant ces attitudes, elles dépendent des
préoccupations et des croyances environnementales des agriculteurs.
La deuxième partie de l’enquête a été publiée par Peigné et al. (2016). Parmi les pratiques
d'agriculture de conservation, le labour réduit a été utilisé par 89%, le non -labour par 27% et
l’utilisation d’engrais vert en interculture par 74% des 159 agriculteurs interrogés. Les engrais verts
étaient plus fréquemment utilisés dans le nord de l'Europe que dans le sud (en dessous de 45 ° de
latitude Nord). La durée moyenne de leur rotation est de six ans. Une grande diversité de pratiques
d'agriculture de conservation a été observée, les agriculteurs utilisant rarement les trois techniques
(semis direct, travail du sol réduit et engrais verts) dans un système. L'éventail des pratiques a été
regroupé par analyse en composante multiple (ACM), suivi d’une classification hiérarchique (HCPC).
Nous avons obtenu cinq stratégies d’itinéraires techniques allant du travail du sol intensif sans
retournement et sans couverture du sol à des techniques très innovantes avec travail sans labour et
maximisation de la couverture du sol (associations de cultures, culture relais et intercultures longues)
(Figure 41). Les cinq stratégies ont été regroupées en deux grandes catégories basées sur le contrôle
des adventices : (1) l'intensification du travail mécanique sans inversion du sol (stratégies 1 et 2), et
(2) la régulation biologique des adventices avec des couverts (stratégies 3, 4 et 5). La diversité des
stratégies identifiées dans cette étude montre que les agriculteurs utilisent des approches
innovantes pour mettre en œuvre une agriculture de conservation en AB.

75
Figure 41: Distribution des 5 stratégies pour conduire des céréales d’hiver mises en œuvre par les agriculteurs
sur le premier plan de l’ACM (Peigné et al., 2016)
L’enquête européenne a permis de différencier les agriculteurs en fonction de leurs motivations.
Certains agriculteurs veulent préserver la fertilité de leurs sols et sont prêts à accepter plus de
salissement dans leurs champs, voire des baisses de rendements. D’autres, bien que souhaitant une
préservation de la fertilité de leur sol, vont être à la recherche de solutions techniques pour contrôler
les adventices et maintenir les rendements. Les stratégies mises en œuvre sont donc différentes,
ainsi que le choix des outils et potentiellement le recours au labour de tem ps en temps. Ceci
confirme les résultats obtenus par Vincent Lefèvre sur l’échantillon français précédent. Ces précisions
sont intéressantes pour mobiliser les innovations des agriculteurs dans la conception de systèmes, où
les objectifs attendus des systèmes de culture vont conditionner leur conception. Cela implique de
bien les préciser dès le démarrage du travail de conception. Cette enquête a aussi permis de recenser
la diversité des pratiques possibles, les couverts végétaux utilisés dans les différents pays Européens
et constitue une base de données du « champ des possibles » à mobiliser dans le travail de
conception de systèmes innovants.
La diversité de localisations géographiques des agriculteurs AB montre aussi que certaines pratiques
ne sont que très peu adaptées dans certains contextes pédoclimatique. En effet, dans les pays du sud
qui souffrent de manque d’eau, les agriculteurs ont tendance à pratiquer le non labour, voire le
semis direct, mais utilisent très peu les couverts végétaux pour limiter leur effet sur les stocks d’eau
disponible pour les cultures principales (Peigné et al., 2016). Dans certains cas, il est même très
difficile de faire pousser un couvert en période estivale. Inversement, dans les pays du Nord de
l’Europe, le semis direct n’est pas utilisé, et le travail superficiel ne l’est que de temps en temps. Ces
techniques présentent le désavantage de refroidir les sols au démarrage des cultures, et surtout ne
favorisent pas le drainage de l’eau des champs. Ces contraintes sont à intégrer dans le travail de
conception, et impliquent de bien préciser le cadre de contraintes des systèmes à concevoir.

4. Mobilisation des enquêtes dans le processus de conception de systèmes


de culture innovants
En agronomie, la prise en compte des connaissances et savoirs des agriculteurs dans les recherches
menées sur la conception de nouvelles pratiques agricoles, et leurs effets sur différentes variables,
reste faible voire absente (Doré et al., 2011). Les enquêtes auprès d’agriculteurs sont souvent mises
en œuvre pour évaluer la validité des connaissances produites par les chercheurs (Grossman, 2003),

76
étudier l’adaptation locale de solutions plus génériques (Affholder et al., 2010) et identifier les
conditions de leurs mise en œuvre dans les exploitations agricoles (Casagrande et al., 2017) .
Pourtant, dans un contexte de recherche de nouveaux systèmes de culture, la contribution de telles
expériences d’agriculteurs mérite d’être étudiée. Depuis la thèse de Vincent Lefèvre, les chercheurs
investissent de plus en plus l’identification de systèmes de culture innovants par les agriculteurs afin
de les mobiliser dans des processus de conception de nouveaux systèmes. Salembier et al. (2016)
parlent de ‘traque d’innovation’ auprès des praticiens pour qualifier cette pratique de recherche.
A travers ces enquêtes, nous avons mis en évidence que des systèmes mis en œuvre par les
agriculteurs intègrent des pratiques d’agriculture de conservation et font preuve d’innovation. Les
réussites et problèmes rencontrés par ces agriculteurs peuvent être mobilisés par d’autres pour
réfléchir à leurs systèmes de culture. Ainsi, les enseignements, issus de ces enquêtes d’agriculteurs,
ont été mobilisés dans le travail de co-conception de nouveaux systèmes de culture (Cf. Partie II C 1)
réalisé par Vincent Lefèvre dans sa thèse avec un groupe d’agriculteurs, ainsi que dans le travail de
conception que j’ai réalisé dans le projet Tilman-org avec Marion Casagrande auprès de chercheurs
européens (Cf Partie II C 3 a).

C. Concevoir des systèmes de grandes cultures en AB en valorisant à


la fois les connaissances des agriculteurs et les résultats de la
recherche

1. Formalisation d’une méthode de co-conception de systèmes de culture


innovants avec des agriculteurs AB
Nous avons développé une méthode de conception de novo avec des agriculteurs pour essayer de
favoriser l’intégration de pratiques de l’agriculture de conservation en AB. Pour cela, un double
objectif a été poursuivi : concevoir de nouveaux systèmes de culture capables d’améliorer la fertilité
des sols, et intégrer ces nouveaux systèmes de culture dans les conditions réelles des agriculteurs.
L’originalité de notre méthode repose sur une implication des agriculteurs comme concepteurs des
systèmes de culture, et sur des appuis scientifiques et méthodologiques de chercheurs pour favoriser
la créativité et les apprentissages croisés. De mars 2011 à juin 2012, la méthode a été formalisée et
mise en œuvre en parallèle en Rhône-Alpes et en Auvergne, avec respectivement 7 et 6 agriculteurs
biologiques volontaires (Tableau 5).
Agriculteurs impliqués dans la co-conception Rhône Alpes Auvergne
Mode de production En conversion AB 3 3
En AB entre 5 et 10 ans 3 3
En AB depuis plus de 20 ans 0 1
Age < 35 ans 3 0
35-45 ans 2 1
45-55 ans 1 3
> 55 ans 0 3
Systèmes de production Grandes cultures (Paysan boulanger) 5 (1) 4
Polyculture Elevage 1 3
SAU < 50 ha 2 3
50-100 ha 3 4
> 100 ha 1 0
Expériences en non labour Pas ou très peu d’expérience 3 3
ou implantation de Quelques essais 2 3
couverts végétaux Expérimentés 1 1
Tableau 5 : Le profil des agriculteurs concepteurs en Rhône Alpes et en Auvergne

77
Les prototypes de systèmes de culture ont été proposés par les agriculteurs lors de plusieurs ateliers
de conception. Nous avons cherché des agriculteurs intéressés par les thématiques de préservation
des sols, mais non enquêtés préalablement. L’objectif est de recueillir une diversité de profils
d’agriculteurs (en conversion vs. agriculteurs biologiques « historiques », expérience en pratiques de
non labour ou non…) pour construire un groupe hétérogène, ayant des connaissances et
compétences diverses et complémentaires (Tableau 4). Les contacts d’agriculteurs nous ont été
transmis par des agents locaux du développement de l’AB. Après une discussion téléphonique et
l’envoi d’une brochure synthétique, une rencontre individuelle a été réalisée pour initier un premier
contact et échanger sur le projet.
Trois chercheurs (M. Capitaine, J. Peigné et J. Roger-Estrade), spécialisés en AB, en sciences du sol et
en agronomie des systèmes, ont accompagné le travail de conception. Le doctorant était le
facilitateur, préparant les ateliers, les animant et recueillant les productions (sous forme
d’enregistrements, de documents produits en réunion et d’observations des co-encadrants
présents). .

Figure 42 : Méthode développée pour co-concevoir des systèmes de culture innovants avec des
agriculteurs (Lefèvre, 2013)
La méthode repose sur deux phases principales (Figure 42) : une phase d’abstraction de l’existant et
une phase de contextualisation des prototypes conçus.
La phase d’abstraction de l’existant (phase A) a pour objectif que les agriculteurs conçoivent avec
les chercheurs des systèmes de culture en se dégageant de toutes les contraintes liées à leur
exploitation agricole (milieu naturel, organisation, outils disponibles…). Pour finaliser la constitution
des groupes, une première réunion est organisée (étape 1 ‘Institutionnalisation’). Le but est de
clarifier le fonctionnement du partenariat (rôle de chacun, charges de travail et périodes disponibles)
et apprendre à se connaitre. Suite à cette réunion, l’ense mble des participants prend le temps de
réfléchir avant de s’engager dans la suite. Ensuite, chaque groupe se réunit (un en Rhône-Alpes et un
en Auvergne) pour identifier un ensemble d’objectifs que souhaitent atteindre les participants vis à
vis des futurs prototypes de systèmes de culture (étape 2). La méthode des post-it a été mobilisée

78
pour identifier, mettre en commun, sélectionner et prioriser les objectifs. Cette étape est très
importante, car les objectifs retenus serviront de base tout au long de la conception.
Lors de l’étape 3, les agriculteurs conçoivent en binôme les premiers prototypes de systèmes de
culture innovants. Ceux-ci sont très exploratoires et se focalisent uniquement sur les objectifs
recherchés. Un accompagnement méthodologique spécifique encourageant la prise de risque a été
réalisé afin de permettre aux participants de prendre de la distance avec leurs propres activités et
ainsi de favoriser leur créativité. Ce premier atelier de conception a été mis en place dans une
situation « idéale » où les facteurs techniques, pédoclimatiques et socio-économiques étaient
favorables. Les agriculteurs, par binôme, ont conçu ces prototypes exploratoires en remplissant un
tableau (choix des cultures, des itinéraires techniques et argumentation sur les choix réalisés). Les
prototypes exploratoires co-conçus sont évalués oralement par le collectif (étape 4) pour permettre
de les améliorer ou de les valider directement. Le but est de vérifier si les prototypes co-conçus sont,
a priori, en adéquation avec les objectifs recherchés. Pour cela, chaque binôme a présenté son
prototype au groupe et les forces et faiblesses en ont été discutées. Une synthèse collective a ensuite
été produite pour identifier les principales contraintes techniques à la mise en place des prototypes
et les questions à approfondir dans la suite du processus de conception. L’intervention des
chercheurs commence à cette étape, pour présenter des résultats de recherches ou d’expériences
d’agriculteurs extérieurs aux groupes et qui pourraient être des solutions aux questions posées et
aux contraintes techniques identifiées. Les chercheurs ont mobilisé la bibliographie scientifique
internationale, l’analyse de données expérimentales existantes et un recueil d’expériences
d’agriculteurs biologiques considérés comme « pionniers » et repérés dans le travail d’enquête
(Lefèvre et al., 2012). Pour partager ces connaissances, de nombreux supports papiers ont été
réalisés. Deux journées techniques ont été organisées combinant thé orie (interventions de
chercheurs) et pratique (visites d’essais, interventions d’agriculteurs pionniers). Les agriculteurs et
chercheurs échangent et partagent leurs connaissances au milieu et non au démarrage de cette
méthode de co-conception afin de ne pas influencer, voire verrouiller, les débats entre agriculteurs
et freiner leur créativité.
La deuxième phase de la méthode est fondée sur la contextualisation (phase B) des prototypes co-
conçus (étape 5), d’un point de vue scientifique (ce que l’on sait) et d’un point de vue pratique (ce
que l’on peut faire, par exemple dans un contexte local spécifique). L’idée conductrice reste toujours
de répondre aux objectifs définis au démarrage. Deux ateliers de conception ont été mis en œuvre.
Le premier a été réalisé collectivement sous forme d’un jeu, inspiré de celui du cadavre exquis. Le
cadavre exquis est un jeu d'écriture collectif inventé par les surréalistes. Le principe est que chaque
participant écrive à tour de rôle un mot d'une phrase, dans l'ordre suj et–verbe–complément, sans
connaître le mot précédent. La première phrase qui en résulta et qui donna le nom à ce jeu fut « Le
cadavre exquis boira le vin nouveau ». Dans notre cas, tout d’abord, chaque agriculteur a présenté à
ses pairs son contexte pédoclimatique, son cadre de contraintes et rappelé les objectifs poursuivis.
Ensuite, chaque prototype de système de culture a été construit successivement par l’ensemble des
agriculteurs de façon à ce que chaque campagne culturale soit pilotée par un agriculte ur différent.
Enfin, chaque agriculteur devait faire une analyse critique du prototype proposé par ses pairs. Ce
travail a pour objectif de créer une logique collective à partir de pilotages individuels et de favoriser
le croisement des réflexions (« se mettre à la place de son voisin »). Le second atelier de conception a
été réalisé par les agriculteurs individuellement. L’objectif est d’obtenir un prototype final détaillé,
incluant l’ensemble des modalités techniques et des choix décisionnels, que chaque agriculteur serait
prêt à mettre en place dans ses propres conditions.
Les dernières étapes (6-7-8) évaluent et ajustent les prototypes finaux. Les chercheurs ont mobilisé
l’outil d’évaluation multicritères MASC2.0 (Craheix et al., 2012 ; Sadok et al., 2009). Cet outil permet
d’évaluer qualitativement des prototypes de systèmes de culture innovants au regard de la
durabilité. Dans notre étude, nous avons utilisé une partie des fonctions de l’outil MASC2.0 puisqu’il
est principalement utilisé pour faire un tri entre les système de culture évalués (identifier les plus

79
prometteurs grâce à l’arborescence DEXI (Bohanec et al., 2008)). Nous avons mobilisé les critères
d’évaluation de MASC2.0 capables d’évaluer nos objectifs. Ces indicateurs sont calculés par de s
modèles existants, des variables quantitatives, de l’expertise ou des arbres satellites. Cette méthode
a été développée par des chercheurs de l’INRA en se fondant sur la littérature scientifique et sur
l’expertise de nombreux chercheurs. Elle présente ai nsi les avantages d’être validée
scientifiquement, y compris en AB, publiée, d’évaluer des systèmes de culture et d’être utilisée en
évaluation ex-ante. Les résultats ont été présentés aux agriculteurs pour favoriser les échanges et
améliorer les prototypes.
Dans le travail de thèse de Vincent Lefèvre, nous nous sommes arrêtés à l’étape 7 c’est à dire
l’évaluation ex-ante. La formalisation de la méthode et les résultats obtenus ont été publiés par
Lefèvre et al. (2013 ; 2014) et le processus d’évaluation des prototypes par Peigné et al (2015a).

2. Les prototypes de systèmes de culture innovants

a) Les objectifs et critères d’évaluation associés


Quatre objectifs généraux partagés par les participants de chaque groupe ont été assignés aux
prototypes : améliorer la fertilité des sols, maîtriser la production, garantir l’autonomie financière et
optimiser le temps de travail (Tableau 6). De nombreux sous-objectifs ont été identifiés (améliorer le
taux de matière organique, favoriser l’activité biologique, maîtriser les adventices, obtenir des
marges suffisantes…). Les sous-objectifs relatifs à l’amélioration de la fertilité des sols ont été
priorisés. En effet, une intervention technique proposée lors de la conception peut répondre à un
objectif mais inversement impacter négativement un autre. La hiérarchie des objectifs permet de
prendre des décisions en favorisant le plus important.
Critères de
Objectifs Sous-objectifs
MASC 2.0® retenus
1 : matière organique Maîtrise du statut organique
2 : fertilité P et K Maîtrise de la fertilité P-K
3 : Activité biologique Macrofaune du sol
Améliorer la fertilité des sols
3 : Activité biologique Micro-organismes
4 : Structure du sol Maîtrise de l'état structural
5 : Erosion des sols Maîtrise de l'érosion
Maîtriser la production 6 : Adventices Maîtrise des adventices
7 : Marges Rentabilité
Ne pas impacter les marges
7 : Marges Surcoût en matériels
économiques
8 : Energie Consommation en énergie
Optimiser le temps de travail 9 : Temps de travail (Contribution à l’emploi)
Tableau 6 : Les objectifs et sous-objectifs assignés par les chercheurs et agriculteurs aux prototypes
de systèmes de culture, et les 11 critères de MASC 2.0 pour les évaluer. D’après Peigné et al., 2015a
Tous les critères sont évaluées suivant 4 classes : ‘‘très faible’ ; ‘faible à moyen’ ; ‘moyen à élevé’ ; ++
note ‘très élevé’.

b) Les prototypes de systèmes de culture co-conçus


En tout, 28 prototypes de systèmes de culture ont été créés : 7 prototypes par binôme lors du
premier atelier de conception, 7 prototypes collectivement lors du second atelier, et 14 prototypes
finaux ont été développés individuellement par les agriculteurs (un agriculteur a conçu deux
prototypes) lors du dernier atelier. Les 14 prototypes finaux ont été publiés par Lefèvre et al., (2014).
Je vais présenter 7 prototypes issus des 14 prototypes finaux. Ces 7 prototypes ont pu être comparés
à des systèmes de culture de référence conduit jusqu’alors par les agriculteurs des groupes (Tableau

80
7). Dans ces prototypes, les agriculteurs envisagent de modifier profondément leur système : ajout
de nouvelles cultures (comme le chanvre (prototype 2) et le haricot (prototype 6)), abandon de
cultures à haute valeur ajoutée au profit de cultures plus rustiques (prototype 7), ou mise en œuvre
de pratiques très innovantes telles que le maintien d’un couvert vivant tout au long du système de
culture (prototypes 4 et 7). En moyenne sur l’ensemble des prototypes, la fréquence du labour pour
implanter chaque culture sur la succession culturale a chuté de 48% à 5%. L’utilisation du désherbage
mécanique a aussi été largement réduite de 75% à 37%. Le taux de couverture du sol par les couverts
végétaux en intercultures est passé de 25% à 85%. La proportion des exportations de fourrages issus
de prairies temporaires est passée de 78% à 50%.
% %
Succession culturale du système de culture % % Exp.
Prototypes Couverts Dés.
actuel et du prototype Labour P t.
Végétaux méca.
Actuel : 2a LU-BT-EP-(SE+PO)-TO-EP-VE-BT-OH 10 60 80 100
1
2a LU-BT-EP-TO-EP-(SE+VE)-BT-OH 60 15 75 75
Actuel : 4a (LU+DA)-BT-TR-SE-OP 30 80 80 100
2
5a (LU-DA)-BT-TR-(FE+SE)-CH-BT-(TR+PO)-OP 70 25 25 100
Actuel: 3a LU-BT-SO-TR-AV-FE-TO-BT-PO-OH 30 0 90 100
3
3a LU-MA-OH-(OP+PO)-BT-TR-SO-AV-EP 60 0 65 100
Actuel : 2a LU-BT-TO-SO-BT-MA 20 70 80 75
4
TB-TB+(BT-MA-BT-TO) 100 0 80 0
Actuel :4a (LU+DA)-MA-MA-OH-(TR+AV+PO)
10 60 80 100
5 4a (LU+DA)-(MA+TB)-(TR+AV+PO+TB)-
100 0 10 75
(MA+TB)-(SE+PO)
Actuel : 3a LU-EP-AV-TO-FE-EP-AV 50 0 40 0
6
3a LU-(EP+LU)-LI-TO-EP-HA-EP-AV 100 0 10 0
Actuel : 2a LU-BT-TO-SO-BT-MA 20 70 80 75
7
LU-LU+(BT*-TR-SE-BT*) 100 0 0 0
Tableau 7 : Caractéristiques de 7 prototypes finaux conçus par rapport aux systèmes de culture
pratiqués actuellement d’après Lefèvre et al. (2013).
% Couverts végétaux : taux de recouvrement du sol par des couverts végétaux en interculture ; % Labour :
fréquence d’utilisation du labour sur la succession culturale ; % Des. mécan : fréquence d’utilisation du
désherbage mécanique sur la succes sion culturale ; % Exp. P t. : fréquence d’exportation des fauches de prairies
temporaires (en nombre) a : année ; AV : avoine ; BT : blé tendre d’hiver ; BT* : variétés anciennes de blé
tendre d’hiver ; CH : chanvre ; DA : dactyle ; EP : épeautre ; FE : féverole ; HA : haricot ; LI : lin ; LU : luzerne ;
MA : maïs ; OH : orge d’hiver ; OP : orge de printemps ; PO : pois ; SE : seigle ; SO : soja ; TB : trèfle blanc ; TO :
tournesol ; TR : triticale ; VE : vesce.
Les prototypes 1 à 3 ressemblent aux stratégies basées sur le travail mécanique que nous avions
identifiées dans l’enquête auprès d’agriculteurs français (Cf enquête II B 2 page 71). Ils s’appuient sur
un travail du sol sans retournement profond et sur l’utilisation fréquente de couverts végétaux en
interculture longue. Le labour est mobilisé une seule fois (sauf pour le prototype 3) pour implanter
une culture en fin de rotation. Les prototypes 4 à 7 relèvent des stratégies basées sur les régulations
biologiques. Ils intègrent des changements plus importants en maintenant systématiquement une
couverture végétale à la surface du sol, réduisant ainsi fortement le travail du sol (avec abandon du
labour et réduction du désherbage mécanique) et en restituant de nombreuses coupes de prairies
temporaires au sol. Les pratiques mobilisées sont assez hétérogènes entre ces quatre prototypes. Le
prototype 4 a recours au strip-till 8 pour implanter l’ensemble des cultures dans un couvert
permanent de trèfle blanc. Les prototypes 5 et 6 mobilisent majoritairement le semis direct dans un

8
Le strip till est un outil de travail du sol constitué d’une dent ou un disque qui ne travaille que sous la ligne de
semis à 10-20 cm de profondeur, sans retournement du sol.

81
couvert végétal gélif. Le prototype 7 consiste à semer à la volée les cultures rustiques (variétés
anciennes de blé notamment) dans un couvert de luzerne pure.
Les agriculteurs ont identifié deux problèmes techniques suite à la première phase de la co-
conception : la gestion des adventices et la compétition entre culture et couverts végétaux (ou
repousses). Dans la suite du processus (phase B), les agriculteurs ont recherché des leviers pour
contourner ces contraintes. Pour maîtriser les adventices, les agriculteurs concepteurs des
prototypes 1 à 3, ont eu recours au travail du sol (faux-semis, désherbage mécanique, labour
occasionnel) et aux prairies temporaires. Les prototypes 4 à 7 ont intégrés quasi -exclusivement des
régulations biologiques (maintien d’un couvert vivant, choix de cultures ou couvert à pouvoir
concurrentiel fort, retour des prairies temporaires plus fréquent) excepté le prototype 4 qui mobilise
aussi du désherbage mécanique. Concernant la gestion des compétitions, les prototypes 1 à 3
détruisent les couverts végétaux avant implantation de la culture de vente. Les prototypes 4 à 7 ont
recours à un travail du sol localisé (strip-till), à des couverts végétaux gélifs, à des couverts peu
concurrentiels en interculture (trèfle blanc nain) ou à des cultures plus vigoureuses et rustiques
(variétés anciennes, triticale, seigle) (Tableau 6).
Les agriculteurs ont aussi soulevé le problème des conditions pédoclimatiques. Ils ont relevé le
problème de sécheresse en été pour assurer la levée des couverts végétaux et, inversement, du
risque de tassement des sols lors de la destruction de couvert ou la récolte de cultures en période
d’excès d’eau dans les sols sensibles au tassement. Les solutions proposées pour lever ces
contraintes reposent sur des semis de couverts à des périodes plus clémentes (semis en relais dans
les céréales au printemps), le choix de cultures et de variétés adaptées à la région agricole, le recours
occasionnel à un travail du sol profond et/ou à des systèmes racinaires pivotants (luzerne par
exemple). L’encadré 5 détaille pour un prototype l’apport de chaque étape de la méthode dans sa
conception.
Encadré 5 : illustration de l’apport de chaque étape de la méthode de co-conception à la
construction d’un prototype
La figure 43 détaille le prototype 5, pour illustrer l’apport de chaque étape du processus de
conception dans les prototypes co-conçus finaux, et leur adéquation avec les objectifs visés. Le
prototype est contextualisé chez un polyculteur-éleveur dans les Alpes. La partie A de la figure
illustre son système de culture actuel, et la partie B le prototype co-conçu avec les autres participants
et adapté à sa ferme. Sur chaque système, les successions de culture, la gestion du couvert végétal et
les principales pratiques agricoles (fertilisation, travail du sol, semis, désherbage) sont indiquées,
ainsi que les objectifs poursuivis. La phase exploratoire (Phase A) a introduit le remplacement du
labour, par du travail réduit ou du semis direct, et l’introduction en semis à la volée d’un couvert de
trèfle dans le premier maïs à un stade 6-8 feuilles. Cette pratique provient des apports de la
recherche sur l’insertion de légumineuses dans un blé, les agriculteurs l’ont adapté au maïs. Les
modifications de pratiques visent à répondre à l’objectif de fertilité du sol, et à réduire le temps de
travail en désherbage mécanique (gestion des adventices par le couvert).
La contextualisation collective du prototype exploratoire (Phase B) a introduit l’utilisation du strip till
pour semer le maïs, technique plus adaptée pour semer un maïs sans travail du sol dans un couvert,
et du semis direct pour le mélange triticale + avoine + pois dans le couvert de trèfle. Ces pratiques
représentent des leviers techniques pour assurer une bonne levée des cultures dans un couvert.
Enfin, l’agriculteur a repris individuellement son prototype et l’a confronté à son milieu. Il a ainsi
modifié la place des cultures, en intercalant le mélange entre deux maïs. Ce choix est lié aux cultivars
précoces utilisés par l’agriculteur du fait du climat montagnard. C’est une adaptation à une
contrainte de son milieu. Il a gardé le trèfle blanc, car l’eau n’étant pas limitante dans sa région, il
n’entrera pas en compétition avec le maïs. Enfin, une première évaluation du prototype par MASC
2.0 l’a conduit à ajouter du fumier sur le couvert, pour préserver la fertilité du sol en maintenant la
teneur en phosphore dans ses sols.

82
A. Current cropping systems of M.C. Expected objectives

Ensure production
4y. Lucerne Winter TR+Rye
Crop sequence Maize Maize Fodder autonomy
/ O. Grass barley + Pea
Optimize work time

B. Final prototype of cropping system of M.C.

1 2 2 1

Enhance soil fertility


4y. Lucerne 3Maize TR+Oat 3 Maize Rye + Ensure production
Crop sequence
/ O. Grass Early C. + Pea Early C. Pea Fodder autonomy
Optimize work time
Cover crops White clover 2

1 3

Figure 43 : Illustration des systèmes de culture actuel et co-conçus d’un agriculteur concepteur
D’après Lefèvre et al. (2014).
O. Grass: Orchard Grass (dactyle), MC: mixed cover crops, TR: Triticale, y: year

c) L’évaluation ex-ante des prototypes


La figure 44 présente les résultats de l’évaluation ex ante des 7 prototypes de systèmes de culture du
tableau 6, réalisée avec l’outil MASC2.0 pour 6 sous-objectifs. Les prototypes sont regroupés suivant
les deux stratégies, travail mécanique et régulations biologiques.

A Prot 1 Prot 2 Prot 3


Statut organique
++
+ Conservation
Temps de travail
- macrofaune

--

Rentabilité Etat structural

Maîtrise des
adventices

Figure 44: Evaluation des prototypes 1 à 3 (A – stratégie travail mécanique) et 4 à 7 (B – stratégie


régulations biologiques) sur : le statut organique, la conservation de la macrofaune, l’état structural,
la maitrise des adventices, la rentabilité et le temps de travail. D’après Lefèvre et al. (2013)
Plus l’aire est grande, meilleure est la performance du système de culture.
-- note “très faible” ; - note “faible à moyenne” ; + note “moyenne à élevée” ; ++ note “très élevée ”.
Les prototypes 1 à 3 présentent des performances moyennes à élevées. Les critères ‘matière
organique’ et ‘conservation de la macrofaune’ ont des notes « très faibles » à « faibles à moyennes »
en raison d’un bilan humique négatif (les apports organiques ne compensent pas les exportations des
cultures et prairies temporaires) et de l’utilisation d’un labour. Cette stratégie est exigeante en temps
de travail, avec de nombreux désherbages mécaniques, travaux du sol pour préparer les semis et
travaux de fenaison. Ces systèmes ont des notes « élevées » à « très élevées » pour la maîtrise des

83
adventices (périodes de semis diversifiées, présence du labour et du désherbage mécanique), l’état
structural du sol (sol peu sensible au tassement, présence du labour ou du travail du sol profond) et
la rentabilité (rendements estimés comparables, voire légèrement inférieurs, à ceux obtenus en
labour).
Les prototypes 4 à 7 ont des résultats plus hétérogènes mais globalement plus élevés que les trois
précédents prototypes sur les indicateurs de la fertilité des sols. Cela s’explique en grande partie par
la réduction de la perturbation des sols et la restitution de matière organique fraîche au sol.
L’ensemble de la biomasse végétale produite est restituée. Le prototype 4, basé sur l’utilisation
systématique du strip-till, combinée à de nombreux désherbages mécaniques au plus proche du
rang, demande beaucoup de temps de travail. Les prototypes 5 et 6, fondés sur la quasi-absence de
travail du sol, affichent des faiblesses sur le « contrôle des adventices » et la « structure des sols ».
Enfin, le prototype 7, basé sur l’absence systématique de travail du sol et le maintien d’un couvert
pluriannuel, impacte fortement la « rentabilité économique ». Même si ce système dégage les plus
faibles charges opérationnelles, les très faibles rendements estimés de s cultures, combinés à
l’absence de vente de foin et à la faible valeur ajoutée des cultures (céréales secondaires), entraînent
une très faible marge semi-nette.
Les résultats de l’évaluation ex ante ont été présentés aux membres du groupe en atelier collectif.
Les résultats ont globalement confortés les avis des agriculteurs à quelques exceptions près. C’est le
cas de l’impact des exportations fréquentes des fauches de prairies temporaires sur la qualité
biochimique des sols (dont la teneur en phosphore) qui avait été sous-estimé par les agriculteurs.
Ainsi, certains agriculteurs ont proposé de réduire les exportations de prairies temporaires ou de les
compenser par des apports supplémentaires de matière organique fraîche (Peigné et al., 2015a).

3. Les apports et les limites du travail de co-conception

a) Une méthode qui favorise la créativité et les échanges


Notre travail a favorisé l’exploration de nouveautés en mettant les agriculteurs dans des conditions
propices à la créativité collective et individuelle, et en hybridant leurs connaissances avec celles de
chercheurs ou d’agriculteurs pionniers. Le premier atelier de conception réalisé dans une situation de
rupture et consacré à la formulation d’objectifs est rarement utilisé dans les méthodes de conception
participative. Celles-ci reposent essentiellement sur une étape initiale de diagnostic des systèmes de
culture pratiqués par les agriculteurs (Le Bellec et al., 2012). Dans notre dispositif, chaque agriculteur
a pu confronter ses connaissances et expériences, voire ses intuitions, avec ses pairs ou avec les
chercheurs. Dans ces processus d’émulation, un rôle essentiel a été joué par des agriculteurs perçus
comme des « meneurs du changement » (Reau et al., 2012). Ces agriculteurs ont apporté des idées
nouvelles et ont aidé les autres à explorer davantage de possibles.
La figure 45 positionne les prototypes co-conçus par les agriculteurs et les systèmes de culture mis en
place par les agriculteurs ‘pionniers’ vis-à-vis de la perturbation minimale du sol et de l’apport de
matière organique fraîche (Lefèvre et al., 2013). Les systèmes co-conçus intègrent autant voire plus
de techniques issues de l’AC que ceux des pionniers. Cela ne veut pas dire que ces systèmes sont plus
innovants in fine, car les systèmes co-conçus ne sont pas testés en vrai à la différence de ceux des
agriculteurs pionniers et leur mise en place pourrait déboucher sur une adaptation et une
simplification suivant les résultats obtenus.

84
Figure 45: Le positionnement des systèmes de culture co-conçus par les agriculteurs (en vert, noté P)
et ceux mis en place par les agriculteurs pionniers (en jaune, noté S) vis-à-vis des principes de l’AC
(Lefevre, 2013)
Avec Marion Casagrande, nous avons adapté puis utilisé cette méthode avec des chercheurs
européens dans le cadre du projet Tilman-Org mais sans agriculteur (Figure 46). L’objectif était de
concevoir des systèmes de culture dans différentes conditions pédoclimatiques d’Europe en
associant les connaissances acquises par ces chercheurs aux résultats des enquêtes auprès des
agriculteurs AB. De la même façon que pour la figure 45, nous avons comparé les prototypes de
systèmes de culture issus de cette méthode et de la méthode développée dans la thèse de V Lefevre
pour voir ce que chaque processus pouvait apporter en termes d’ innovation (Casagrande et al.,
2015). Nous avons mis en évidence, que les chercheurs ont mobilisé des techniques de travail du sol
et de désherbage mécanique assez intensifs, et que la biomasse végétale produite par les prairies
temporaires dans les prototypes n’est jamais entièrement restituée. Les prototypes conçus par les
agriculteurs sont plus diversifiés, avec des prototypes perturbants très peu le sol, et restituant toute
la biomasse végétale des prairies. Les prototypes conçus par les agriculteurs intègrent plus de
pratiques issues de l’AC que les prototypes des chercheurs.

85
Figure 46: Schématisation de deux méthodes de co-conception de prototypes de systèmes de
culture : la méthode de Lefevre (2013) et la méthode mise en œuvre dans Tilman-org
La méthode de conception avec les agriculteurs comprend plus d'étapes (neuf rencontres sur
quatorze mois) que celles avec les chercheurs (2 rencontres espacée s d’un an) (Figure 46). Dans le
projet européen, les chercheurs ont dû faire des compromis, venant de différents pays et disciplines
pour concevoir des systèmes de culture ‘génériques’ adaptés à une zone pédoclimatique par rapport
aux prototypes sur mesure conçus par les agriculteurs. Leurs disciplines (science du sol,
malherbologie, etc.) peuvent avoir des intérêts et des objectifs divergents. Les chercheurs ont
hiérarchisé les objectifs de leurs prototypes sur la base de la présentation des résultats d’enquête
auprès d’agriculteurs. Toutefois, comme les chercheurs visaient à concevoir les prototypes qui
seraient applicables par des agriculteurs, ils ont classé les objectifs économiques parmi les premiers
objectifs de chaque prototype bien que les agriculteurs ne les aient pas mentionnés en priorité. Cela
a conduit à des prototypes appliquant un travail intensif du sol et une forte lutte contre les
adventices pour éviter une gestion à risque. Dans le cas des agriculteurs, la description des règles de
décision pour la gestion des cultures les a conduits à identifier les phases de risque, proposer des
solutions et in fine prendre plus de risques que les chercheurs.
L’intégration des agriculteurs au processus de conception a ainsi favorisé la créativité, et ils ont
proposé des prototypes finaux, très détaillés qui apparaissent « prêts à être testés ». Certains
agriculteurs ont spontanément mis en place des essais. Toutefois, ils n’ont pas souhaité être suivi en
évaluation ex-post. La démarche a été appréciée des agriculteurs, mais l’investissement demandé les
a incité à faire une ‘pause’. Le groupe Auvergne a ensuite embauché un jeune ingénieur pour
continuer le travail.

b) L’hybridation de connaissances pour créer de l’innovation


Les résultats obtenus par la méthode de conception reposent sur de nombreuses connaissances
individuelles. Les agriculteurs ont mobilisé plusieurs ‘classes’ de connaissances lors de l’élaboration
des prototypes de systèmes de culture. Tout d’abord, les deux premières, relèvent de connaissances
« établies » : les connaissances empiriques établies issues d’expériences maîtrisées des agriculteurs,
et les connaissances scientifiques établies, principalement issues de la littérature ou de travaux de
recherche. Vincent Lefèvre a identifié une troisième classe de connaissances dites « exploratoires ».
Celles-ci reposent sur certains fondements hypothétiques ou théoriques qui n’ont pas encore été
validés ni par les chercheurs ni par les agriculteurs.

86
Les connaissances empiriques correspondent aux connaissances qui sont construites dans l’action
par les agriculteurs. Les agriculteurs développent la majorité de leurs connaissances en accumulant
les expériences et les observations, puis en les conceptualisant (Kolb, 1984, cité dans Girard and
Navarrette, 2005). Ces connaissances recouvrent des domaines variés tels que le choix des cultures,
l’élaboration des successions culturales, le pilotage d’interventions culturales et la prise en compte
du milieu naturel, technique et socio-économique des agriculteurs.
Les connaissances scientifiques, apportées par les chercheurs, sont propres à leurs activités de
recherche ou sont issues de la littérature scientifique. Celles mobilisées dans notre activité de
conception, concernent la fertilité des sols, la production végétale en AC et AB, et l’insertion de
légumineuses fourragères en relais au printemps dans les céréales biologiques. Toutefois, il est
réducteur de considérer que seuls les chercheurs portent ces connaissances, et que seuls les
agriculteurs portent des connaissances empiriques (Girard et Navarette, 2005). Les connaissances
scientifiques peuvent intégrer une part d’empirisme et, inversement, les agriculteurs utilisent des
connaissances d’origine scientifique. Dans notre démarche, nous avons observé cela dans les
discours des agriculteurs lorsqu’ils abordent des processus comme la dynamique de l’azote : « là je
mets un couvert de légumineuses pour apporter l’azote dans le sol avant ma prochaine céréale ».
Les connaissances exploratoires sont définies comme les connaissances susceptibles de répondre à
de nouveaux enjeux, permettant de renouveler les concepts actuels (Reau et al., 2012). Ces
connaissances sont partiellement validées par les chercheurs ou par les agriculteurs. Les agriculteurs
constituent leurs connaissances via leurs lectures (journaux, revues, internet), les échanges avec
leurs pairs, leurs conseillers et enfin dans l’observation (Soulignac et al., 2010). Ces connaissances se
retrouvent fréquemment dans les discours des agriculteurs en faisant référence à l’origine de
l’information : « j’ai vu dans je ne sais plus quelle revue que le port des variétés de blé pouvait avoir
un impact sur le développement des adventices ». Ces connaissances exploratoires sont souvent
formulées comme des hypothèses. Dans le discours des agriculteurs, cela se traduit par l’usage du
conditionnel : « Dans l’idée, je garderais un couvert vivant sur 5 ans pour maîtriser les vivaces sur le
long terme et fixer l’azote ». Les chercheurs mobilisent aussi des connaissances exploratoires lorsque
le travail scientifique est en cours et les résultats souvent peu consolidés. Ils ont aussi traduit les
connaissances exploratoires issues des expériences d’agriculteurs pionniers, enquêtés au démarrage
de la conception. Ces connaissances exploratoires recouvrent des domaines relatifs aux nouvelles
combinaisons de techniques (semis direct, strip-till, couverts permanents…), au fonctionnement
biologique des sols et aux effets des techniques sur les performances socio-économiques.
L’hybridation des connaissances s’est déroulée tout au long de la conception. La Figure 47 présente
schématiquement le prototype final de système de culture conçu par un polyculteur-éleveur en
Rhône-Alpes. Dans l’illustration proposée, les connaissances empiriques de l’agriculteur sont
mobilisées dans le choix des cultures (Classe A). Toutes les cultures sont connues et maîtrisées par
l’agriculteur dans ses propres conditions (« je pratique déjà beaucoup cette association »). Elles sont
en cohérence avec son système de production et ses objectifs économiques (« c’est principalement
pour alimenter le troupeau »). Les connaissances scientifiques, partagées lors des journées
techniques, sont mobilisées de manière plus implicite. Les interventions culturales proposées
reposent à la fois sur des connaissances empiriques et scientifiques. C’est notamment le cas de la
succession des cultures, des associations, de la fertilisation, de la fixation de l’azote par les
légumineuses, des variétés précoces pour limiter les risques de récolte des cultures d’été en
mauvaises conditions. Une seule intervention culturale du prototype de l’agriculteur mobilise
uniquement des connaissances scientifiques : le semis de couverts relais de légumineuses (Classe B).
Ces connaissances ont été présentées par un chercheur lors des ateliers techniques sur l’insertion de
légumineuses en relais dans des blés. L’agriculteur a adapté ces connaissances à sa situation en
proposant le semis d’un couvert relais de trèfle blanc dans le maïs , transformant ainsi la
connaissance scientifique en connaissance exploratoire car aucune référence ne lui a été apportée
pour le maïs. Les connaissances exploratoires mobilisées par l’agriculteur sont nombreuses. Elles

87
concernent des domaines de connaissance plus en rupture tels que le semis direct, le strip-till ou le
maintien d’un couvert pluriannuel (Classe C). Elles ont été planifiées pour proposer des interventions
culturales qui semblent, a priori, avoir un intérêt vis-à-vis des objectifs recherchés. Dans le discours
de l’agriculteur cela donne : « c’est la concurrence de la graminée à l’automne qui pousse en même
temps que la céréale qui me fait peur. Et c’est pour cela que je mettrais un trèfle blanc dans le
premier maïs au dernier sarclage. ».

Figure 47: Les différentes connaissances mobilisées par les agriculteurs pour concevoir un prototype
de SdC – exemple d’un polyculteur-éleveur dans les Alpes (Lefèvre, 2013)
Si le travail de co-conception avec les agriculteurs a produit 14 prototypes finaux et celui avec des
chercheurs seulement 5, il n’est pas possible de conclure que l’hybridation des connaissances
produit en soi et systématiquement plus d’innovations. Néanmoins, l’hybridation de
connaissances, de préoccupations mais aussi l’emploi de méthodes d’animation adaptées à une
mise en perspective de connaissances de nature et de statut social différents (il y a souvent une
hiérarchie sociale entre connaissances empiriques et scientifiques) sont bien des conditions
importantes de l’innovation collective. Cela permet comme je l’ai déjà évoqué d’élargir le champ
des solutions possibles.

c) Limites de la méthode de co-conception


La co-conception demande un fort investissement aux participants tout au long du travail. A deux
reprises, seule une moitié des agriculteurs était présente, ce qui a perturbé la dynamique de groupe
et a nécessité de remobiliser les participants. Les chercheurs doivent endosser de multiples rôles,
utiliser différents méthodes et outils qui font appel à des compétences très variées, ce qui complique
l’exercice de réflexivité et de prise de recul nécessaire au travail scientifique et à sa valorisation
académique.
Comme évoqué dans l’état de l’art, les systèmes de culture co-conçus ne sont pas généralisables à
d’autres situations, car ils sont très spécifiques aux agriculteurs concepteurs (milieu naturel et socio-
économique, valeurs, perceptions et expériences passées de l’agriculteur). Par exemple, le prototype
7 a été conçu par un agriculteur ayant un sol sensible à l’érosion sur des parcelles situées en coteaux
et qui de plus s’engage dans une activité complémentaire. De ce fait, il recherche avant tout une
réduction de son temps de travail. Mais le descriptif des systèmes, le schéma décisionnel et donc les
leviers considérés par les agriculteurs pour atteindre leurs objectifs sont valorisables dans d’autres
situations.

88
La diversité des pratiques mobilisées par les agriculteurs repose souvent sur des mécanismes
biologiques qui ne sont pas ou peu connus, par exemple le semis dans des couverts permanents
(phénomènes de compétition et/ou de facilitation entre cultures). L’évaluation ex -ante, donne une
première idée de la performance de ces systèmes mais ne permet pas d’évaluer ces mécanismes
complexes. En effet, tant que les connaissances ne sont pas consolidées, elles ne sont pas intégrées
dans les outils d’analyse multicritères comme MACS 2.0. Des modèles plus complexes auraient pu
être utilisés, mais d’une part faute de connaissances aucun modèle ne perm ettait à l’époque
d’évaluer ces combinaisons de pratiques, et d’autre part ces modèles nécessitent souvent des
données de terrain et sont peu utilisables en évaluation ex -ante. Ainsi, la dernière étape d’évaluation
ex-post est nécessaire pour valider les performances des systèmes co-conçus. Avec mes collègues
agronomes, nous avons mis en place en 2014 un essai système mobilisant les travaux de thèse de
Vincent Lefèvre (Cf partie II D). Pour comprendre les processus mis en jeu et les performances de ces
systèmes, il semble aussi nécessaire de mettre en place des essais analytiques sur des combinaisons
très innovantes de techniques, comme le semis direct sous couvert (Cf partie projet). Il aurait été très
intéressant de suivre les essais chez les agriculteurs concepteurs, mais suite à leur désir de continuer
seuls je n’ai pas investi ce type de dispositif. Ainsi, nous avons conçu et mis en place des systèmes de
culture innovants en AC avec et chez des agriculteurs dans un autre projet de recherche (Cf projet).

D. Evaluation au champ de systèmes de culture co-conçus


Avec Jean-François Vian et Florian Celette qui en est le coordinateur, nous avons mis en place un
essai système pour évaluer sur le terrain des prototypes de système de culture. L’objectif de cet essai
est de concevoir et d’évaluer des systèmes céréaliers en AB plus autonomes en intrants, préservant
la fertilité des sols et stables en performances agronomiques. Pour cela nous nous appuyons sur les
principes de l’AC et sur l’introduction de diversité végétale sous différentes formes (associations de
cultures, couverts végétaux diversifiés, cultures de vente diversifiées). L’introduction de la diversité
végétale a notamment pour objectif d’augmenter l’autonomie azotée du système avec plus de
cultures de légumineuses et de protéagineux, de réduire le travail mécanique de désherbage via
l’introduction de plantes ‘étouffant’ les adventices (lutte par compétition), de diversifier la rotation
pour jouer sur les cycles des adventices, de l’azote et du carbone.
La conception de 2 prototypes de systèmes de cultures a été réalisée lors de plusieurs ateliers avec
l’ensemble des enseignants-chercheurs en agronomie de l’ISARA Lyon et des 2 agriculteurs AB chez
qui nous avons installé le dispositif expérimental. Nous nous sommes appuyés sur la méthodologie
développée dans la thèse de Vincent Lefèvre, avec une phase exploratoire puis nous avons intégré
les contraintes des agriculteurs avec qui nous travaillons. Cela a abouti à deux prototypes de
systèmes de culture, présentant des objectifs différents, et donc des rotations de culture et des
pratiques agricoles différentes.
Le premier prototype, le système ‘Diversité’ vise à introduire de la diversité végétale cultivée
(couverts végétaux, association de culture, mélanges variétaux, rotation diversifiée) dans une
rotation longue (8 ans). Ses objectifs principaux sont d’augmenter l’autonomie du système de culture
en intrants et d’améliorer la stabilité des performances agronomiques et économiques. Le système
‘Fertilité’ vise à réduire le travail du sol et à maximiser sa couverture, la rotation de culture est de 4
ans avec le souci d’assurer un maximum de couverture du sol . Ses objectifs principaux sont
d’améliorer la fertilité du sol et de diminuer le temps et la pénibilité du travail pour l’agriculteur
(moins de passages mécaniques). Pour répondre à ces objectifs, des techniques de non labour,
associées à des couverts végétaux sont testées.
Pour évaluer ces prototypes de systèmes de culture, un essai a été mis en place en 2014 (Figure 48).
Cet essai se situe sur la commune de CORBAS (69) chez des céréaliers en AB, sur un sol limoneux
profond. Les principales contraintes assignées aux deux systèmes sont : (1) l’intégration dans les

89
filières existantes et (2) l’irrigation des deux systèmes en même temps pour une même année de la
rotation.

Figure 48: Plan de l’essai de Corbas : les systèmes de culture testés


L’essai comprend 4 parcelles expérimentales de24*200 m2. Quatre zones de prélèvements sont
déterminées sur une parcelle expérimentale afin de réaliser des répétitions intra-parcellaires. Deux
parcelles ont été assignées au système diversité et les deux autres au système fertilité. Toutefois les
deux parcelles ne sont pas des répétitions, car nous avons mis sur une parcelle n, une culture de
rotation n, et sur une parcelle n+1, une culture de la rotation n+1. Ainsi, deux cultures successives de
la rotation sont présentes en même temps pour chacun des systèmes, afin de minimiser l’effet année
climatique dans les résultats obtenus.
L’objectif d’un essai système n’est pas de comprendre les mécanismes associés aux techniques
testées et de comparer point par point les différents systèmes. En effet, la combinaison de pratiques
mises en œuvre ne permet pas de mettre en évidence l’effet d’une pratique donnée sur le sol ou les
cultures. Ce que l’on cherche ici, c’est de voir si les systèmes remplissent l es objectifs assignés, et
sinon sur quel levier il faut jouer pour y remédier. L’évaluation de la prise de décision et de ses effets
est tout aussi importante que les résultats finaux en termes de rendements ou de fertilité du sol.
Pour évaluer les systèmes, nous avons suivi les résultats agronomiques (rendement et ses
composantes) chaque année, ceux de fertilité du sol après 4 ans d’expérimentation, et nous allons
faire un bilan technique, économique et environnemental en 2019 à la fin de la rotation du sy stème
diversité.
Les premiers résultats n’ont pas encore été publiés. Comme dans les essais analytiques, les résultats
sont très évolutifs, et il nous semble préférable d’avoir les résultats sur une rotation entière pour les
deux systèmes. Cet essai système fait partie d’un réseau d’essai en AB, appelé ROTAB. Il a été
valorisé régionalement auprès des agriculteurs (Financement PEP région AURA), à l’échelle nationale
dans le Casdar ROTAB puis INNOVAB, et à l’échelle internationale dans le projet Européen Fertilcrop.
L’ITAB est en train d’élargir le réseau ROTAB en Europe pour constituer un réseau d’essais à long
terme en AB, cet essai de Corbas en fera partie.

90
E. Conclusion sur la conception de nouveaux systèmes de culture en
AB s’appuyant sur les principes de l’AC
Comme l’expliquent Prost et al. (2018), l’innovation en agronomie telle que nous l’avons travaillée
relève plus de l’invention de systèmes de culture que de l’innovation à proprement parler. Souvent
l’invention est vue comme quelque chose de totalement révolutionnaire. Mais Knitell (2009) 9
rappelle dans son ouvrage « Agronomie et innovation, le cas Mathieu de Dombasle (1777-1843) »,
que «l’esprit humain n’invente rien ex-nihilo, « invention », « naissance » signifient en réalité
recombinaison d’éléments qui aboutissent à du « nouveau », à de l’ « original », non pas surgi du
vide, mais résultat d’un faisceau de facteurs longuement préparés et d’un entrelacs d’actes et de
réflexions… » (D’après les citations de A.G. Haudricourt et M.Jean-Brunhes Delamare cités par
l’auteur). Nous avons finalement cherché à « créer » de l’invention, en partant de faisceaux de
connaissances disparates. Alter (2000), un théoricien de l’innovation dans les organisations, rappelle
que l’innovation est un processus, qu’elle part d’une invention dont le corps social doit s’emparer.
Notre objectif initial était bien d’inventer puis de tester des systèmes de culture préservant la fertilité
des sols en AB.
Lacombe et al. (2018) ont analysé 39 publications portant sur la conception de systèmes en agro -
écologie, dont celle que nous avons écrite avec Vincent Lefèvre et al. (2014). Ils concluent que
l’objectif final du travail de conception de-novo a pour objectif de servir aux chercheurs et que les
désirs et objectifs des agriculteurs sont peu pris en compte, ou peu documentés, dans les
publications décrivant ces méthodes. Je ne partage que partiellement cette conclusion en ce qui me
concerne. Bien sûr, j’ai tout au long de mon itinéraire fais mon travail de chercheure, en échangeant
avec mes pairs, en essayant de me situer dans des fronts de recherche et en publiant mais, pour
autant, je suis toujours partie des questions des agriculteurs et depuis quelques années je m’appuie
aussi sur leurs connaissances. Pour ces raisons je pense que mes travaux renvoient, au moins en
partie, à des préoccupations d’agriculteurs et qu’il leurs sont utiles. En effet, durant les 15 dernières
années, j’ai très souvent présenté mes travaux dans le cadre de colloques ou de formations pour les
agriculteurs et les conseillers agricoles. Ceci suscite de nombreux questions et témoignages, voire de
controverses sur les choix que nous avons effectués et sur les résultats obtenus. Ces échanges
m’incitent à continuer et à progresser dans ces partenariats (voir partie projet).
Sur le plan technique, les travaux que j’ai engagé dans ces différents collectifs ont permis d’inventer
des systèmes de culture pour améliorer la fertilité du sol en prenant en compte la complexité des
interactions entre les pratiques agricoles et les contraintes du milieu. L’essai système qui démarre
permettra d’apporter de nouvelles connaissances scientifiques pour améliorer la fertilité des sols en
AB. Au vu des faibles connaissances existantes au début de mes travaux, il n’était pas possible de
travailler sur l’ensemble du processus d’innovation et aujourd’hui j’en suis essentiellement à la fin
d’une phase de co-conception. Je débute le test in situ de systèmes de culture co-construits. Toute la
phase de mise en œuvre, d’évaluation et d’adaptation de ceux -ci dans des essais systèmes mais aussi
directement par des agriculteurs s’ouvre à moi.
Tout au long de ce chapitre j’ai pu parler d’innovation, comme si cela était un but en soi. Mais mes
préoccupations opérationnelles m’amènent aussi à m’interroger sur l’utilité et la nécessité sociales
de celle-ci. Comme le rappelle Petit (2015) la question est de savoir « s’il faut absolument innover ? ».
Alter (2000) indique qu’il y a des innovations dogmatiques, qui ne font pas l’objet d’une
appropriation mais qui sont imposées au corps social. Cela semble être difficilement le cas pour les
systèmes de culture, toutefois il faut faire attention à cette notion de dogmatisme. Les pratiques de
non labour en agriculture conventionnelle sont des innovations, dont les processus d’appropriation
ont été étudiées (Goulet, 2008). Leur intérêt pour les agriculteurs et l’environnement est de plus en

9
Notes de lecture par Georges Carantino https://journals.openedition.org/dht/1846

91
plus discuté et même controversé en raison de l’utilisation accrue de glyphosate pour gérer les
adventices. Ce processus d’innovation est par ailleurs fondé sur des croyances sur l’effet positif des
techniques de l’AC sur la fertilité des sols alors qu’il n’est pas toujours démontré. Alter (2000) dit par
ailleurs que les croyances sont plus souvent mobilisées dans le processus d’innovation que les
connaissances. Je cherche à garder une dimension critique et une posture réflexive dans ma
recherche tant sur l’injonction sociale actuelle à l’innovation que sur les techniques de l’AC souvent
présentées dans la presse agricole comme une panacée universelle capable de résoudre à la fois les
problèmes des agriculteurs et ceux de la planète.
C’est en partie pour cela que dans mes travaux j’ai au départ privilégié la product ion de
connaissances. J’ai ainsi commencé par vérifier les effets supposés positifs sur les sols des systèmes
sans labour en AB. J’ai privilégié la mise à l’épreuve de cette hypothèse de travail à la conception et à
la mise en œuvre d’innovations chez les agriculteurs. Lorsque je me suis lancée dans cette dimension
de l’innovation j’ai veillé à garder en tête que comme chercheurs nous ne sommes pas prescripteur
d’innovations, mais que nous pouvons cependant accompagner les agriculteurs vers plus de
durabilité de leur système. Nous pouvons les aider d’un point de vue méthodologique, comme en
apportant des ‘gardes fous’ scientifiques. Je développerai ce point dans la partie projet de ce
mémoire.

92
Conclusion générale sur le bilan de mes travaux
Mes travaux ont apporté des connaissances sur l’effet des pratiques de non labour en AB sur
l’évolution de la fertilité des sols. Par la notion de fertilité des sols, je fais référence à la définition
donnée en introduction de ce mémoire : j’envisage ainsi la fertilité comme les services que le sol peut
rendre pour maintenir une structure du sol favorable, pour fournir des éléments minéraux, améliorer
l’efficience de leur prélèvement par les racines pour produire de la biomasse , et assurer des services
écosystémiques sortants. En mobilisant une diversité de dispositifs expérimentaux et en utilisant le
profil cultural, mon travail a contribué à mieux comprendre les interactions entre activité biologique
et structure du sol. Je montre que si les TSL maintiennent une fertilité du sol favorable (matière
organique, microorganismes, structure du sol) c’est seulement sur les premiers centimètres de sol et
qu’elles peuvent la dégrader plus en profondeur en particulier dans les sols sableux et limoneux. Ceci
impacte l’efficience des racines à puiser des éléments minéraux et de l’eau.
Pour dépasser les biais agronomiques des essais expérimentaux analytiques, tels que de ne pas
adapter la date de semis de la culture au type de travail du sol, j’ai développé des recherches sur les
pratiques de non labour mais à l’échelle des systèmes de culture. Cela m’a conduit à travailler avec
des agriculteurs pour concevoir des systèmes à mettre en œuvre. Ces systèmes de culture co-conçus
ont ‘sur le papier’ mais aussi, selon les résultats des modèles d’évaluation actuels, plus de chances
d’améliorer la fertilité des sols en AB que les systèmes actuels. L’enjeu d’évaluations en conditions
réelles de ces systèmes co-conçus est fort et je poursuis dans cette voie à travers le suivi d’essais
systèmes de longue durée.
Mes travaux ont été pensés dans une perspective de contribution technique au développement de
l’AB, toutefois leur portée est plus large. Les processus étudiés, comme l’effet de l’activité fouisseuse
des lombrics sur la création de porosité, sont mobilisables au-delà de l’AB. Les outils que j’ai
contribué à développer ou à faire évoluer comme le profil cultural et le test bêche ont également un
spectre plus large : ils permettent aujourd’hui un diagnostic fin des effets de l’activité biologique sur
la structure et la fertilité des sols, préoccupation qui ne concerne pas, et de loin, que l’AB. Le fait de
mieux comprendre un processus écologique et de pouvoir jouer dessus pour remplacer in fine une
technique agricole, s’appuie sur un nouveau paradigme : l’agro-écologie. L’agro-écologie est définie
comme “ l’étude intégrative de l’écologie du système alimentaire, englobant les dimensions
écologiques, économiques et sociales » (Francis et al. 2003), ou encore « une science s’appuyant sur
des concepts et principes écologiques pour concevoir et gérer les systèmes alimentaires durables »
(Gliesssman 2007). L’agroécologie s’est développée en France, tout d’abord comme un mouvement
social avec des pionniers tels que Pierre Rabhi, puis ces dernières années dans les milieux
scientifique, technique et politique (Wezel et al., 2009). Sous l’impulsion de mon collègue Alexander
Wezel, depuis une dizaine d’années, nous avons initié des travaux sur l’agro-écologie à l’ISARA-Lyon
et plus particulièrement sur la définition et l’identification de pratiques agro-écologiques dans les
exploitations agricoles (Wezel et al., 2014). Mes travaux ont contribué au développement de cette
thématique, plus particulièrement sur les pratiques agro-écologiques basées sur la fertilité des sols.
Je vais exposer dans mon projet, comment je souhaite orienter ma recherche pour accompagner la
transition des exploitations agricoles vers le projet agro-écologique pour la France qui a été adopté
dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de septembre 2014 10.

10
http://agriculture.gouv.fr/le-parlement-adopte-le-projet-de-loi-davenir-pour-lagriculture-
lalimentation-et-la-foret

93
94
Mon projet : accompagner les systèmes de culture vers
l’agro-écologie

I. La transition agro-écologique

A. Définition(s) de l’agroécologie et de la transition agroécologique


en France
Il existe de nombreuses définitions de l’agroécologie . Les plus anciennes, dont celle d’Altieri (1983)
sont fondées sur une intégration des concepts et connaissances de l’écologie en agronomie pour
ainsi aller vers une ’application de principes de l’écologie dans la production agricole’. L’échelle
d’analyse est l’agroécosystème, de la parcelle à la ferme. Puis, Francis et al. (2003) intègrent d’une
part les sciences économiques et sociales, et d’autre part étendent la définition de l’agroécologie à
l’ensemble du système alimentaire : « l’étude intégrative de l’écologie du système alimentaire,
englobant les dimensions écologiques, économiques et sociales ». Gliessman (2007) reprend cette
définition en insistant sur la composante scientifique de l’agroécologie, tout en introduisant l’idée de
sa nécessaire contribution à la transformation des systèmes actuels. La notion de conception de
système alimentaire durable prend pour Gliessman une place importante dans sa définition de
l’agroécologie : « une science s’appuyant sur des concepts et principes écologiques pour concevoir et
gérer les systèmes alimentaires durables ». Toutefois, comme le rappellent Wezel et al. (2009),
l’agroécologie ne se réduit pas à une science, mais comporte également des dimensions politiques et
techniques.
A la différence d’autres pays plus précurseurs comme l’Allemagne ( années 30) ou les Etats Unis
(années 60 à 80), le mot « agroécologie » a été utilisé assez tardivement dans le monde scientifique
français. L’agronomie est restée, jusque dans les années 2000, la discipline centrale traitant de la
conduite et de l’amélioration des cultures dans les institutions scientifiques. Cette discipline ne
travaille pas seule, mais elle est souvent un pivot s’entourant de partenariats avec la biologie et la
physiologie végétale, les sciences du sol et plus tardivement avec les sciences économiques et
sociales et l’écologie. Pour désigner cet ensemble on parle d’agronomie ou de sciences
agronomiques « senso lato » termes qui réunit l’ensemble des connaissances économiques, sociales,
techniques ou biologiques ayant rapport avec l’agriculture (Deffontaines, 1991 ; Doré et al., 2006). Il
y a aussi en France une histoire spécifique de l’agronomie. Très brièvement, tout d’abord, elle a été
marquée par Hénin (1967) qui définit l’agronomie comme : « une écologie appliquée à la production
des peuplements des plantes cultivées et à l’aménagement des terrains agricoles ». Il s’agit d’une
conception rappelant celle de l’agroécologie à ses origines et l’on peut dire que l’agronomie française
porte de fait des intentions agroécologiques. Ensuite, parmi les penseurs de l’agronomie française il
est nécessaire d’insister sur le rôle de Michel Sebillotte qui a marqué son histoire sur plus d’une
trentaine d’années. Michel Sebillotte a tout d’abord introduit une dimension systémique prenant en
compte l'ensemble de l'agroécosystème, y compris l'attention portée aux techniques agricoles et à
leurs performances économiques et environnementales. Ainsi Sebillotte (1974) insiste dans la
définition qu’il propose sur la dimension systémique de l’agronomie, conception qui ouvre la voie au
concept de système de culture : « l’agronomie peut se définir, pour reprendre les termes de la
linguistique, comme une approche diachronique et synchronique simultanée des relations au sein de
l’ensemble constitué par le peuplement végétal, le climat et le sol et soumis à l’action de l’homme en
vue d’une production » (Sebillotte, 1974). Bien que le champ cultivé, ou la parcelle, reste considéré
comme le premier niveau d’étude, sous les impulsions de Michel Sebillotte et de Jean-Pierre
Deffontaines, entre autres, l’agronomie française élargit ses préoccupations à l’agriculteur et à son

95
exploitation puis au territoire et au paysage (Deffontaines 1998 et 2001 ; Sebillotte, 2005). De
même, au fur et à mesure que les questions sociétales et environnementales prenaient de
l’importance, les agronomes ont étendu l’analyse de ces systèmes à d’autres préoccupations comme
la fertilité du sol, la qualité des produits agricoles et les conséquences environnementales des
pratiques agricoles telles que la pollution par les nitrates ou l es phosphates (Papy 2001 et 2006).
Dans cette trajectoire, l'agronomie française s'est enrichie de connaissances et de concepts issus
d'autres disciplines, notamment des sciences sociales. Malgré la définition portée par Hénin, la prise
en compte des concepts et principes de l’écologie, et donc le travail interdisciplinaire avec les
écologues est plus tardif. L’’intégration de l’échelle du système alimentaire est encore plus récente
avec la notion de transition agro-écologique des systèmes alimentaires territorialisés (Duru et al.,
2014). Enfin, l’INRA a introduit l’agroécologie comme une de ses priorités scientifiques pour la
période 2010-2020.
Si la France s’est saisie tardivement du concept agroécologique d’un point de vue scientifique, le
terme a cependant été utilisé plus tôt pour qualifier certaines s pratiques agricoles et désigner un
mouvement militant (Wezel et al., 2009). Par exemple, Arron en 1987 (in Wezel et al., 2009) ne
donne pas de définition précise de l'agroécologie, mais il décrit des techniques « agroécologiques »
plus adaptées à l'agriculture dans les zones arides et subhumides. Diverses institutions ont développé
le concept en définissant l'agroécologie comme une approche permettant d'intégrer des aspects plus
écologiques dans les pratiques agricoles. Elles insistent particulièrement sur l'échelle du champ en
évoquant par exemple la conservation de la fertilité des sols, la gestion de l'eau ou la gestion des
nutriments. Ainsi, le Cirad (2007), axé sur l'agriculture tropicale et subtropicale ou l'Organisation Non
Gouvernementale Agronomes & Vétérinaires Sans Frontières (2007) ont mis en œuvre le concept
dans leurs programmes de recherche et développement agricole. Le Cirad a définit ainsi l’agro-
écologie comme une pratique, principalement pour l’agriculture de conservation, qui rapproche
l'agriculture des écosystèmes naturels et utilise également dans ce contexte le terme d'ingénierie
écologique (Capillon, 2006 in Wezel et al., 2009). Le Cirad a développé l’étude des pratiques
agroécologiques en dehors de la France, au Brésil puis en Asie du Sud-Est et en Afrique, pour les
réimporter en France.
En parallèle, Pierre Rabhi 11 , un paysan ardéchois, a défini des pratiques agroécologiques comme le
recyclage de la matière organique et l'utilisation d'organismes naturels pour contrôler les ravageurs
et les maladies. Pour cet auteur, l’agroécologie va plus loin que des pratiques, c’est une éthique de
vie avec le respect de la «terre mère» et de ses processus naturels, ainsi que de l’Homme qui la
travaille et l’habite. Pierre Rabhi a lancé un mouvement militant ‘agroécologique’ avec son
association ‘le Colibri’, où l’agroécologie, à la fois comme pratique agricole et comme philosophie,
est mise en œuvre.
Ces dix dernières années, l’agroécologie s’est donc développée en France tant d’un point de vue
scientifique que politique et technique. De nombreux chercheurs, de différentes disciplines, mènent
des travaux en se réclamant d’une nécessaire transition agroécologique des systèmes alimentaires.
Cette impulsion a aussi été donnée par les politiques, avec en 2012 le Plan Agroécologique pour la
France initié par Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture du gouvernement de François Hollande
(http://agriculture.gouv.fr/le-projet-agro-ecologique-pour-la-france). Ce plan est inscrit dans la Loi
d’avenir de l’agriculture de 2014 qui fait une large place à la transition agroécologique. Ce plan
repose sur 3 axes : produire des connaissances et capitaliser, enseigner et disséminer, et animer
l’agroécologie en France. Tous les professionnels de l’agriculture, des chercheurs, en passant par
l’enseignement agricole, jusqu’aux agriculteurs, sont invités, voire enjoints de se saisir de ce concept
pour contribuer à la transformation des systèmes agricoles français.

11
Rabhi P. (2007) Agroécologie. https://www.pierrerabhi.org/node/14

96
Dans le champ scientifique et de l’enseignement supérieur, l’ISARA-Lyon a été un des précurseurs de
cette dynamique agroécologique. Elle a débuté ses travaux sur le concept dès 2006 avec l’arrivée
d’Alexender Wezel, chercheur allemand spécialiste de l’agroécologie. Cela s’est traduit, dès 2007, par
l’ouverture d’un master ‘Grandes écoles’ en agroécologie avec des unive rsités européennes, et
l’implication de chercheurs de différentes disciplines de l’ISARA sur cette thématique, devenu
domaine d’excellence de notre école. Les agronomes, dont je fais partie, ont ainsi commencé à poser
les questions de recherche sur lesquels ils allaient travailler en se situant sous l’égide de la transition
agro-écologique. Très logiquement, comme agronomes, nous nous sommes intéressés à la notion de
pratiques agro-écologiques, et à leur place dans la transition agroécologique des systèmes de culture
des agriculteurs.

B. Les pratiques agroécologiques


En 2014, nous avons publié une revue de la littérature pour définir ce qu’est une pratique
agroécologique. Au-delà de cette définition, il s’agissait surtout de progresser sur les enjeux
scientifiques et techniques liés à leur insertion dans les systèmes de culture et les fermes des
agriculteurs (Wezel et al., 2014). Les pratiques agroécologiques visent à produire des quantités
significatives de produits agricoles en valorisant au mieux les processus écologiques et les services
écosystémiques. Processus écologiques et services écosystémiques sont vus comme les éléments
fondamentaux sur lesquels réfléchir le développement des pratiques. C’est un changement profond
par rapport à une autre conception, dans laquelle les pratiques sont raisonnées en priorité avec
l’utilisation de produits de synthèse comme l'application d'engrais et de pesticides synthétiques, ou
de solutions technologiques telles que les organismes génétiquement modifiés (Wezel et al., 2014).
L’hypothèse sous-jacente en agroécologie est qu’une gestion adaptée des processus écologiques
serait capable de remplacer, au moins partiellement, les intrants chimiques et physiques, ou
d'interagir favorablement avec eux. Ceci se traduirait par une réduction des coûts externes, en
particulier des coûts environnementaux. Les pratiques agroécologiques contribue raient ainsi à
améliorer la durabilité des agroécosystèmes en s'appuyant plus que par le passé sur divers processus
écologiques tels que le cycle des nutriments, la fixation biologique de l'azote, la régulation naturelle
des ravageurs et des maladies, la fertilité des sols, la régulation de la consommation d’eau, la
conservation et la fonctionnalité de la biodiversité et la séquestration du carbone.
Certaines de ces pratiques sont déjà utilisées à des degrés divers dans différentes parties du monde
depuis des années ou des décennies, tandis que d'autres ont été mises au point plus récemment et
ont encore un taux d'application limité. Dans cette revue bibliographique, nous avons listé les
pratiques agroécologiques puis nous les avons regroupées selon la typologie des transitions vers la
durabilité de l’agriculture conventionnelle proposée par Hill et MacRae (1996) : des pratiques basées
sur une meilleure Efficience ou une Substitution (S), et des pratiques basés sur une Reconception du
système (R). L’amélioration de l’efficience des pratiques repose sur la réduction d’intrants en
recherchant un même niveau de production (voire plus).Il s’agit par exemple d’une gestion fine de
l’usage des phytosanitaires en adaptant les doses et les périodes de traitement à la pression des
bioagresseurs des cultures. La substitution concerne le remplacement d’un intrant ou d’une pratique
par d’autres en intégrant des processus écologiques. L’utilisation de pesticides naturels à la place de
produits de synthèse est un exemple de substitution. La reconception implique un changement des
systèmes de culture (ou de l’organisation de l’exploitation agricole) pour partie ou dans son
ensemble. En nous appuyant sur la littérature, pour chaque pratique, nous avons aussi défini leurs
principaux avantages et contraintes, leur niveau d’utilisation actuelle et leur potentiel de
développement dans les pays au climat tempéré. La figure 49 synthétise cette analyse, elle
positionne les pratiques recensées suivant leur degré d’intégration dans l’agriculture en 2014, et
selon leur potentiel de développement au vu des recherches menées et de la difficulté à les intégrer
dans les systèmes de culture des agriculteurs.

97
Figure 49: Positionnement de pratiques agroécologiques dans l’agriculture d’aujourd’hui et selon leur
potentiel d’intégration dans les systèmes de culture (Wezel et al., 2014).

C. La fertilité du sol, base et objectif de pratiques agroécologiques


De nombreuses pratiques agroécologiques listées et analysées dans la publication de Wezel et al.
(2014) mobilisent des processus écologiques du sol, et in fine sont mises en œuvre pour les
améliorer. Avec Matt Ryan de l’université de Cornell, nous avons co-écrit un chapitre d’ouvrage
(Ryan et Peigné, 2018) où nous présentons comment le sol est un pil ier de l’agroécologie et
comment mobiliser des pratiques agroécologiques pour valoriser et préserver le sol nécessaire à la
production agricole. Plusieurs principes clés peuvent guider les agriculteurs lorsqu'ils adoptent une
approche agroécologique pour gérer la fertilité de leur sol. Ces principes sont basés sur l'observation
et sur les recherches menées dans les écosystèmes naturels et les systèmes agricoles traditionnels,
où ils peuvent être mis en œuvre durablement par des populations locales. Plusieurs études sont
ainsi parvenues à identifier différents principes agroécologiques (Altieri 2000, Magdoff 2007,
Gliessman et Rosemeyer 2009, Snapp 2011, Vandermeer et Perfecto 2013). La plupart d’entre eux
reposent sur l’idée que les agriculteurs peuvent gérer leurs sols et leurs cultures de façon à imiter au
mieux les écosystèmes naturels.
Un des premiers principes est donc l’utilisation de processus biologiques et écologiques des sols,
plutôt que l’utilisation d’intrants de synthèse. Il s’agit aussi d’intégrer de la diversité dans le temps et
dans l’espace. On parle de diversité de plantes comme de pratiques qui créent la biodiversité des sols
et régulent les processus écologiques stimulant la productivité des agroécosystèmes (comme la
régulation de pathogènes et ravageurs). L’enjeu est de boucler au maximum le cycle des nutriments,
pour réduire les pertes d’éléments du système et ainsi favoriser l’acquisition d’éléments nutritifs par
les plantes et les organismes du sol. Pour cela, il est nécessaire d’incorporer des plantes pérennes
dans les agroécosystèmes. Elles nourrissent les organismes du sol tout au long de l'année, utilisent
efficacement les ressources et stabilisent l'agroécosystème. Les plantes pérennes à l'intérieur et à

98
proximité des champs cultivés peuvent améliorer certains processus écologiques tels que la lutte
biologique et ainsi contribuer à protéger les cultures annuelles (par exemple en réduisant le vent et
le débit des eaux de surface). La combinaison des productions végétales et animales, principe de
référence de l’AB depuis plus d’un siècle, reste très structurante. L’interaction entre les cultures et le
bétail dans une même zone peut régénérer la santé du sol. L'intégration du bétail dans les cultures
permet non seulement d’introduire des nutriments au sol et de réduire les ravageurs, mais aussi de
faciliter le renouvellement des racines et de nourrir les microorganismes du sol responsables des
processus écologiques qui soutiennent la production. Enfin, il faut considérer le sol comme une
entité vivante. Un sol sain nécessite de la nourriture, de l'eau et de l'air. Les pesticides sont des
toxines qui ont un impact négatif sur la biologie du sol. Celle-ci est complexe avec de nombreux
niveaux trophiques qui affectent tous les processus écologiques qui soutiennent la production.
L’ensemble de ces principes, associé aux connaissances empiriques et scientifiques, peuvent guider
les agriculteurs vers des systèmes agricoles plus robustes et productifs. Leur traduction en pratiques
agro-écologiques dépendra des objectifs des agriculteurs, des atouts et contraintes de leurs milieux
naturels et socio-économiques.

D. Les questions que je souhaite développer


Les questions que je souhaite aborder dans la suite de mes travaux sont d’une part (1) comment
insérer des pratiques s’appuyant sur des principes agroécologiques dans les systèmes de culture et,
d’autre part (2) comment aider les agriculteurs à mobiliser ces principes dans la transformation de
leurs systèmes de culture.
Pour la première question, j’ai ainsi entrepris des travaux exploratoires en 2016 sur une des
pratiques de la figure 49 : le semis direct sous couvert végétal sans utilisation de pesticides. Sur ce
sujet j’encadre actuellement une thèse et je souhaite mettre en place dans les années à venir un
nouveau projet de recherche. Parallèlement, j’ai développé avec Jean-François Vian, un projet sur
la conception de systèmes de cultures mobilisant les principes agroécologiques à l’échelle d’un
territoire dans lequel les agriculteurs souhaitent s’engager dans une transition agroécologique.
Pour la deuxième question, j‘ai pour projet d’étudier les méthodes et outils que les agriculteurs
mobilisent pour changer et piloter leurs systèmes de culture dans une perspective agroécologique.
Il s’agit de regarder comment ils adaptent les outils existants et d’identifier ceux qui manquent ou
qui doivent être reconçus.

99
II. L’insertion de pratiques agro-écologiques dans les
systèmes de culture

A. Le semis direct sans herbicide

1. Etat de l’art
Avec l’augmentation des coûts de production et l’évolution du contexte environnemental et
climatique, l’agriculture se doit de proposer des systèmes plus autonomes, plus résilients et plus
durables. Beaucoup d’agriculteurs ont pleinement conscience de ces enjeux et se tournent vers des
techniques agroécologiques. Ainsi, les méthodes d’implantation de cultures dans des couverts
végétaux sans travail du sol font l’objet d’un intérêt croissant pour améliorer la fertilité des sols,
réduire les risques d’érosion, maîtriser les adventices, diminuer l’utilisation d’énergies fossiles (fuel,
paillages plastiques d’origine pétrolière en maraîchage) et les coûts de production. Dans le projet
européen Tilman-org, nous avons montré que les agriculteurs s’interrogent sur la préservation de la
fertilité de leur sol et considèrent que les techniques d’implantation des cultures en semis direct (SD)
sont des solutions techniques intéressantes (Casagrande et al., 2016). Cependant, ils soulignent des
difficultés dans leur mise en œuvre, notamment pour gérer les adventices et pour détruire des
couverts végétaux sans labour et sans herbicide. Lors des différentes présentations des résultats de
Tilman-Org, les agriculteurs m’ont interpellé pour les aider à mettre en place ces pratiques dans leur
exploitations agricole, autant en AB qu’en agriculture conventionnelle.

Figure 50: La technique de semis direct de cultures de printemps dans un couvert végétal roulé
(D’après Vincent-Caboud, 2007)
Les techniques de semis direct sous couvert végétal sont basées sur la destruction mécanique des
couverts par roulage (Figure 50), broyage ou fauchage, pour laisser un mulch en surface et implanter
les cultures sans travail du sol. Elles permettent ainsi de couvrir le sol sur l’année, le mulch de surface
servant d’écran physique à la levée des adventices. Les auteurs rapportent souvent les bénéfices du

100
semis direct pour protéger et améliorer la fertilité du sol (Baker et Saxon, 2007). Le semis direct
réduit les effets des aléas climatiques, limite l’érosion et les risques de lessivage des nitrates (Soane
et al., 2012). De plus, le couvert végétal associé aux techniques de semis direct stimule la vie
biologique grâce à une ressource trophique conséquente et contribue à la rétention de l’humidité du
sol (Pelosi et al., 2009 ). L’implantation de cultures sans labour semble être bénéfique à la qualité des
sols, à la biodiversité et à la préservation des ressources naturelles (Triplett et Dick, 2008). Le sol
séquestrerait plus de carbone et sa structure serait améliorée (Thomazini et al., 2015). L’un des
principaux freins à ces pratiques est la gestion des adventices en AB (Peigné et al., 2007) et
l’utilisation systématique d’herbicides de type glyphosate en agriculture conventionnelle. Dans le
bilan de mes travaux, j’ai déjà largement évoqué ce sujet comme les limites et les difficultés de mise
en œuvre des techniques de type TSL. Le semis direct sous couvert renouvelle les questions et je vais
m’y intéresser dans les prochaines années.
En effet, le semis direct sous couvert roulé est un moyen de gérer les adventices grâce à la barrière
physique créée par le couvert (Carr et al., 2013). La présence d’une forte quantité de résidus sur la
surface du sol permet de retarder l’émergence des adventices (Teasdale et al., 2007) et de favoriser
le développement d’espères animales granivores capables de limiter la pression des adventices
(Ward et al. 2011). Toutefois, comme je l’ai mis en évidence dans mes précédents travaux, des
interrogations demeurent sur l‘impact de ces pratiques au niveau agronomique et économique et
leur évaluation à long terme reste très incertaine (Vincent-Caboud et al, 2017). Par exemple les
adventices pérennes constituent un enjeu majeur à l’échelle de la rotation car elles tendent à se
développer avec la diminution du travail du sol et à affecter les rendements (Halde et al., 2015). De
même, des chercheurs s’interrogent sur les conséquences de la compaction des sols (Soane et al.,
2012). Cette compaction a été observée après plusieurs années de pratique du SD dans des sols
sensibles au tassement et soumis à des passages d’engins de récolte et/ou d’épandage en conditions
humides. A l’inverse des techniques précédemment étudiées, le semis direct sous couvert devrait
mieux préserver la fertilité des sols car d’une part le sol est couvert de façon permanente, avec un
effet pérenne du système racinaire sur la porosité, et d’autre part, car il n’y a plus de passages
fréquents d’outils de désherbage mécanique.
Certaines études conduites dans des systèmes maraîchers montrent que l’implantation de cultures
sur un couvert couché par un rouleau cranteur permet de limiter le développement des adventices et
ainsi de réduire les opérations de désherbage mécanique ou manuel, ou encore le recours aux
paillages plastiques (Canali et al., 2013 ; Feeser et al,. 2014). Bien que les rendements obtenus
restent en moyenne inférieurs à une implantation sans couvert , certains systèmes basés sur cette
technique ont permis d’obtenir une meilleure marge brute (Feeser et al., 2014). Ceci souligne
également l’importance de ne pas étudier uniquement la performance agronomique mais également
de regarder les performances sociales et économiques de ces systèmes.
Les défis agronomiques et techniques du semis direct sans herbicide sont : 1) la production d’une
biomasse végétale suffisante pour couvrir le sol et limiter le développement des adventices ; 2) la
maîtrise des risques de repousse du couvert dans la culture ; 3) la possible immobilisation de l’azote
par le mulch végétal entraînant une faim d’azote pour la culture, 4) la dégradation éventuelle du lit
d’implantation de la culture par rapport à des techniques de préparation classiques, (5) l’insertion de
ces techniques au sein des successions de cultures, et (6) son effet durable sur la fertilité du sol qui
reste méconnu (Altieri et al., 2011 ; Luna et al., 2012). La majorité des références bibliographiques
sur cette technique sont issues de travaux menés en Amérique du Nord, donnant certes des pistes de
réflexion pour les insérer dans le contexte français mais nécessitant d’acquérir des connaissances
locales (Vincent-Caboud et al., 2017).

101
2. Les recherches à court terme (trois ans) : thèse de Laura Vincent-
Caboud
Suite à un stage de fin d’étude, Laura Vincent Caboud a débuté une thèse sur le semis direct sous
couvert végétal (SDCV) à l’ISARA Lyon fin 2016. J’en suis l’encadrante et Christophe David (ISARA-
Lyon, HDR en agronomie) le directeur. La thèse a deux objectifs : (1) identifier les connaissances
scientifiques et empiriques existantes en France sur cette technique et (2) co-concevoir en Rhône-
Alpes avec des agriculteurs en AB et en conventionnel des itinéraires techniques à l’échelle du champ
cultivé et évaluer leurs performances agronomiques. Derrière la co-conception d’itinéraires
techniques, Laura Vincent-Caboud place son travail dans un processus de recherche partenariale et
participative, où l’expérimentation agronomique se fait de concert avec les agriculteurs. Une des
finalités est d’approfondir comment les connaissances s’hybrident entre acteurs pour produire de
nouvelles connaissances scientifiques et techniques. La figure 51 illustre la démarche de Laura
Vincent-Caboud. Chaque étape est analysée pour comprendre comment les connaissances se
construisent, et comment le dispositif mis en place favorise l’émergence de nouvelles connaissances.

Figure 51: Schéma représentant les principales étapes de la démarche de recherche participative
menée par Laura Vincent-Caboud (2018)

a) Identification des connaissances scientifiques et techniques sur le SDCV

Afin de bien comprendre le processus d’hybridation de connaissances, la thèse s’attache tout


d’abord à caractériser les connaissances existantes. Celles issues de la recherche sont identifiées par
un état de l’art de la littérature et par une enquête auprès de chercheurs européens. Celles des
agriculteurs et des conseillers agricoles sont recensées par une enquête exhaustive en ligne et par
des entretiens complémentaires. Nous avons ainsi réalisé une étude bibliographique des publications
en Europe et aux Etats-Unis. Laura Vincent-Caboud a écrit deux revues de littérature, une sur les
enjeux et connaissances sur cette thématique en Europe (Vincent-Caboud et al., 2017) et une sur
l’état de l’art des connaissances aux Etats-Unis, pays où la technique est la plus développée et où la
majorité des connaissances scientifiques ont été produites (Vincent-Caboud et al ; en correction). Ces
deux publications ont été écrites en collaboration avec des chercheurs Américains (Erin Silva et Matt
Ryan) avec qui nous avons initié des collaborations. Peu de références existant en Europe, nous
avons décidé de contacter directement les chercheurs afin de repérer les essais en cours ou passés et

102
non publiés dans une revue en langue anglaise. Un premier contact est fait par mail auprès des
réseaux de chercheurs européens travaillant sur des questions de recherche en lien avec l’AC et/ou
l’AB. Un questionnaire plus détaillé est ensuite envoyé afin de comprendre les motivations ayant
encouragé les scientifiques à expérimenter le SDSC, comprendre les questions de recherche à
l’origine des essais (objectifs recherchés etc.) et décrire en détail les expériences menées en
explicitant les différents traitements comparés, les modalités techniques (cultures, couverts
végétaux, variétés, densités de semis, inter rangs, matériels, fertilisation, irrigation, calendrier
cultural) et les performances des essais. Ce travail de recensement est en cours d’analyse.
Pour identifier et comprendre les connaissances des agriculteurs et cons eillers agricoles, Laura
Vincent-Caboud a initié une enquête qui relève d’une démarche de « traque à l’innovation »
(Salembier et al., 2016). Dans un premier temps, elle a pris contact avec un grand nombre de
professionnels pour repérer les agriculteurs innovants sur la technique (enquête en ligne, sollicitation
de différents réseaux : Agence Bio, ADABIO, chambres d’agriculture, associations de producteurs,
ITAB, réseaux de chaque agriculteur rencontré, réseaux sociaux, etc.). L’enquête en ligne dure 10
minutes et permet de caractériser le profil de l’agriculteur, son mode de production, sa vision, ses
motivations et ses essais et pratiques autour du SD. L’objectif est de comprendre les raisons, les
appuis et les connaissances utilisés pour tester du SD. Il s’agit d’identifier les facteurs facilitant la
mobilisation d’une telle innovation par les agriculteurs. Puis, l’enquête est approfondie par
téléphone avec les agriculteurs repérés comme potentiellement pertinents pour nous aider à
inventorier les connaissances actuelles : agriculteurs qui pratiquent ou expérimentent du SD sans
herbicide ou qui l’ont déjà fait par le passé. Avec ces agriculteurs Laura Vincent-Caboud va conduire
un entretien pour comprendre le fonctionnement général de l’exploitation agricole (EA) et les
objectifs recherchés selon le modèle d’organisation proposé par Aubry et al. (1998) : type d’EA, main
d’œuvre, matériels, cultures, principaux débouchés, cultures, rotations types, principales stratégies
de fertilisation, travail du sol. Nous cherchons aussi à comprendre les motivations qui les ont
encouragés à pratiquer ou à tester du SD, décrire les expériences et/ou pratiques actuelles ou
passées, et ainsi caractériser les connaissances de ces agriculteurs.
En mars 2018, Laura Vincent-Caboud a déjà reçu plus de 470 réponses d’agriculteurs. La moitié
avait déjà réalisé des essais sur une année et l’autre était très intéressée pour avoir accès à des
références. Pratiquement aucun agriculteur de l’enquête n’utilise en routine ces techniqu es, seuls 15
d’entre eux les ont adoptées sur leur ferme. Les répondants sont le plus souvent en AB, et souhaitent
évoluer vers des systèmes sans travail du sol pour protéger la fertilité de leur sol. Des agriculteurs
conventionnels pratiquent déjà le semis direct et souhaitent arrêter les herbicides voire passer en
AB, mais en continuant le semis direct pour préserver leur sol. Tous les enquêtés se disent très
intéressés par le sujet et demandent à disposer de davantage de références et de conseils. La
question de l’accessibilité à du matériel adapté revient aussi souvent dans l’enquête, les agriculteurs
soulignant le coût élevé des outils. Laura Vincent-Caboud poursuit actuellement l’analyse des
connaissances issues de ce travail d’enquête. Il a par ailleurs permis de repérer les agriculteurs
pionniers, dont les connaissances peuvent être mobilisées dans la co -conception d’itinéraires
techniques avec des agriculteurs-expérimentateurs.

b) Les essais sur le SDCV en recherche partenariale et participative

Nous avons mis en place un dispositif pour co-concevoir des essais chez des agriculteurs
expérimentateurs à l’échelle annuelle (Itinéraire technique) et à l’échelle pluriannuelle (système de
culture). La figure 52 illustre comment ces deux dispositifs ont été construits et s’autoalimentent.
Toutefois, dans la thèse de Laura Vincent-Caboud, seuls les essais à l’échelle annuelle seront pris en
compte, la partie à l’échelle du système de culture sera utilisée pour poursuivre les travaux après la
thèse.

103
Comme l’illustre la figure 52, le dispositif de conception impliquant les agriculteurs locaux combine
deux approches : (1) à l'échelle de la parcelle et de l’itinéraire technique avec des essais au champ et
(2) à l'échelle du système de culture avec des ateliers de conception. Les deux dispositifs sont
organisés en parallèle avec un processus itératif combinant, avec des agriculteurs, des visites, des
ateliers de conception puis d’évaluation de systèmes de culture incluant la technique du SDCV sans
herbicide et enfin la mise en place de ces essais. Les évaluations des performances agronomiques,
économiques et sociales comme la phase de conception associent donc étroitement chercheurs et
agriculteurs. En plus des chercheurs et de conseillers agricoles les participants sont (1) des
agriculteurs locaux en AB et en agriculture conventionnelle sans expérience sur le SDCV, (2) des
agriculteurs expérimentateurs de SDCV (3) des agriculteurs innovants en SDCV (issus des enquêtes)
et (4) des chercheurs et conseillers.
Durant les visites sur le terrain les agriculteurs et les conseillers sont incités à mener d'autres essais
et à s’impliquer dans les ateliers de co-conception de systèmes de culture (étape 3). Ceci s’est traduit
par une multiplication des essais en ferme comme en station expérimentale. Une dynamique de
recherche partenariale se développe dans laquelle les agriculteurs sont tout à la fois porteurs de
questionnements et d’hypothèses d’explication et de solutions, expérimentateurs et évaluateurs.
C’est une démarche qui par de nombreux aspects rentre dans le champ des sciences citoyennes
(Charvolin, 2009 ; Couvet et al., 2008) encore peu pratiquées en agronomie mais en plein essor sur
de nombreuses thématiques environnementales (inventaires de la biodiversité, observations du
changement climatique). Progresser des points de vue méthodologiques et opérationnels dans ce
type d’approche en agronomie sera au cœur de mes travaux des prochaines années.

Figure 52: Les deux approches utilisées pour concevoir un dispositif de recherche conjointe entre
chercheurs, agriculteurs et conseillers sur le SDCV sans herbicide.
Actuellement, nous sommes à la fin du processus de recherche à l ’échelle de la parcelle et de
l’itinéraire technique. Laura Vincent-Caboud doit analyser les résultats obtenus. Pour le processus à
l’échelle du système de culture, il sera poursuivi dans les années à venir. De façon synthétique, l es
premiers résultats démontrent une réelle demande des agriculteurs pour la thématique. Plus de
quarante acteurs (agriculteurs, chercheurs, conseillers) ont visité les deux essais réalisés la première
année, ce qui a conduit à l’implantation, la deuxième année, de sept essais à la ferme et de 3 essais
dans des stations expérimentales locales. Les premiers ateliers de conception ont impliqué trente
participants (étape 5). La conception des essais avec les agriculteurs expérimentateurs et les
discussions avec les agriculteurs locaux lors des visites de terrain ont soulevé des problèmes peu

104
documentés dans la littérature. Par exemple, selon les agriculteurs, l'espacement entre les rangs
devrait être réduit dans le cadre du SDCV pour améliorer la couverture du sol des cultures. Pour
répondre aux préoccupations identifiées par les agriculteurs (l'espacement des rangs, l'orientation
des couverts, les espèces et les variétés des couverts), de nouveaux essais ont été réalisés la
deuxième année. À l'échelle du système de culture, les agriculteurs et les chercheurs impliqués dans
les ateliers ont conçu six systèmes de culture intégrant du SDCV en AB. Les participants ont discuté
d'une diversité d'aspects pour réaliser le SDCV comme la gestion des adventices, la température du
sol, sa qualité et les résidus restants laissés à sa surface. L'implication des agriculteurs a permis de
repérer de nouveaux défis pour concevoir des systèmes de culture pertinents intégrant le SDCV. Par
exemple, les agriculteurs ont suggéré des modifications de stratégies de fertilisation axées sur le
couvert végétal plutôt que sur la culture de vente.
Le tableau 8 regroupe les différents essais à l’échelle de l’itinéraire technique mis en place dans le
cadre de ces travaux, et les facteurs testés. Ces facteurs testés proviennent, dans un premier temps,
des chercheurs et conseillers suite à leurs lectures, puis des agriculteurs suite aux observations et
connaissances qu’ils ont acquis au fur et à mesure du processus de recherche.

Années culturales Essais mis en Facteurs testés par Facteurs testés par
place chercheurs/conseillers agriculteurs
2016-2017 2 en AB (soja) Date de semis du couvert soja
1 en conv (soja) Couverts soja : seigle,
triticale, mixte
Nombre de roulage
2017-2018 6 essais en AB (5 Couverts soja : seigle, Couverts soja Variétés de
sojas et 1 Maïs) triticale, mixte seigle (fourrager, forestier)
4 en conv (3 sojas Couvert maïs : pois fourrager Ecartement soja
et 1 Maïs) (chercheur), féverole
(conseiller)
Nombre de roulage
2018-2019 2 essais en AB (1 Couverts soja : seigle, Couverts soja : fertilisation
soja et 1 maïs) triticale, mixte des couverts
2 en conv (1 soja Couvert maïs : féverole Couvert maïs : féverole ou
et 1 maïs) (conseiller) pois d’hiver
Nombre de roulage Fertilisation localisée du maïs
Tableau 8 : Les essais annuels mis en place dans le cadre de la thèse de Laura Vincent-Caboud

3. Les recherches à moyen terme (cinq à dix ans)


Dans la poursuite des travaux à court terme pour les trois années à venir, j’envisage de mettre en
place des essais systèmes chez des agriculteurs expérimentateurs pour étudier le SDCV, à l’échelle du
système de culture, comme modèle de pratique agro-écologique. Cette échelle permet d’une part
d’analyser les modifications induites par cette pratique sur l’organisation du travail de l’agriculteur,
sur les résultats économiques et sur les changements opérationnels et structurels de l’exploitation
agricole. D’autre part, il sera possible de suivre l’effet de cette pratique sur la fertilité du sol à une
échelle pluriannuelle et de voir si les modifications de fertilité de sol engendrées améliorent les
résultats agronomiques des agriculteurs. Actuellement, très peu d’études se sont attachées à
l’échelle du système de culture. La figure 53 représente un système de culture mis en place dans une
ferme expérimentale, précurseur du SDCV aux Etats Unis, le « Rodale Institut ». Il y a toujours un
travail du sol, pour préparer les couverts végétaux. Le maïs est un maïs ensilage, donc récolté plus tôt
que le maïs grain, ce qui permet ensuite une meilleure implantation du couvert végétal.

105
Figure 53: Exemple d’une
rotation culturale intégrant
du SDSC proposée aux
Etats-Unis en Pennsylvanie
(d’après Moyer, 2011)

Le dispositif initié dans les ateliers de conception lors de la thèse de Laura Vincent-Caboud sera donc
poursuivi pour mettre au point des prototypes de systèmes de culture adaptés aux agriculteurs
expérimentateurs. Il s’agira bien de les mettre en place avec eux et chez eux et de les suivre sur le
long terme. Je souhaite poursuivre une recherche conjointe et dans la pratique et la maîtrise d’une
recherche citoyenne, où l’agriculteur pilotera ‘seul’ son système de culture et où le chercheur
étudiera avec lui les résultats obtenus et la démarche suivie.

B. Concevoir des SdC avec les agriculteurs pour conduire la


transition agro-écologique d’un territoire
Ce projet de recherche s’insère dans un projet interdisciplinaire mené par les chercheurs de l’ISARA
Lyon depuis 5 ans, nommé Transition Agroécologique des Territoires (TERRAE)
(https://www.terraisara.fr/project/terrae/). C’est un dispositif expérimental de recherche
participative dont l’objectif est d’étudier et d’accompagner la transition vers des systèmes agricoles
et alimentaires territorialisés et durables. Via des enquêtes et des ateliers participatifs, la première
phase du projet (2013-2015) a permis de consolider un réseau d’acteurs et de chercheurs dans trois
territoires Rhône-alpins contrastés et de répertorier les initiatives agroécologiques. Le projet TERRAE
a permis d’identifier des leviers d’action concrets pour la transition agroécologique déclinée au sein
des exploitations, de collectifs réunissant acteurs professionnels et représentants de la société civile
et de certaines filières. La deuxième phase du projet a pour objectif de créer des liens entre les
diverses initiatives agroécologiques de ces territoires, d’expérimenter des transitions
agroécologiques au travers de partenariats de recherche-action, d’évaluer la pertinence de ces
initiatives agroécologiques par rapport aux besoins des habitants et enfin de diffuser les acquis du
projet dans les territoires et dans la communauté scientifique. Une des expérimentations de
transition agroécologique porte sur le développement des pratiques agroécologiques dans le
territoire de ‘La boucle du Rhône’ en Isère. Jean-François Vian dirige cette expérimentation, et j’en
suis partie prenante avec Hélène Brives, sociologue à l’ISARA Lyon.

1. La conception de systèmes de culture basés sur un état de la fertilité du


sol
Suite au premier volet du projet TERRAE, le comité de territoire de la boucle du Rhône, composé
d’agriculteurs et d’élus locaux, a rapporté le besoin de modifier les systèmes de culture locaux pour
aller vers plus de durabilité. Cette demande fait aussi suite à un travail que nous avons initié avec

106
Jean-François Vian, la mise au point d’une méthode de diagnostic de la fertilité du sol dans le
CASDAR AGRINNOV. Un groupe d’agriculteurs de l’Isère, dont certains étaient dans la boucle du
Rhône, ont participé à ce projet comme groupe ‘test’ du diagnostic de la fertilité des sols que nous
avons créé avec les collègues du projet. A l’issue de ce projet, chaque agriculteur du groupe disposait
d’un diagnostic de la fertilité d’une parcelle de son exploitation. Ce diagnostic regroupait des
indicateurs biologiques (microorganismes, nématodes et lombrics), physiq ues (test bèche) et
chimiques (analyses physico-chimique). A travers ces diagnostics, les agriculteurs avaient un aperçu
des problèmes de fertilité de leurs champs et inversement des atouts de leur sol. Nous sommes donc
repartis du groupe initial d’agriculteurs du projet Agrinnov de la Boucle du Rhône et avec la Chambre
d’agriculture de l’Isère nous l’avons élargi aux agriculteurs souhaitant faire évoluer leurs systèmes de
culture. Ainsi, un groupe de 15 agriculteurs associés à des agronomes de l’ISARA et de la Chambre
d’agriculture de l’Isère a identifié de nouveaux systèmes de culture propices à une amélioration de la
fertilité biologique des sols et basés sur des principes agroécologiques (voir section I C). Nous avons
baptisé ce travail : l’expérimentation SOL du projet TERRAE.
A la différence du travail de thèse de Vincent Lefèvre, les chercheurs n’ont pas l’objectif de
construire des prototypes à tester, ce sont ici les agriculteurs qui ont souhaité les construire puis les
expérimenter. Les chercheurs de l’ISARA sont là pour les accompagner dans la démarche et
capitaliser les connaissances issues de cette expérimentation à la fois d’un point de vue agronomique
et social.
La figure 54 illustre la démarche mise en place, démarche qui part d’un territoire. Au démarrage, des
réunions ont été initiées pour construire le groupe et discuter collectivement des problématiques des
exploitations du territoire, de leurs principales contraintes et pour préciser les objectifs de durabilité
poursuivis par le groupe. Suite à ces réunions, nous avons défini des zones avec des contraintes et
objectifs similaires, et un agriculteur expérimentateur « représentatif » de chaque zone s’est
proposé. Pour concevoir les prototypes de systèmes à tester et réfléchir collectivement aux objectifs
que souhaitent atteindre les agriculteurs en termes de fertilité du sol , le groupe s’est appuyé sur les
diagnostics de fertilité des sols réalisés dans Agrinnov. Pour cela, des ateliers de conception ont été
réalisés avec les agriculteurs. Les agriculteurs ont conçu des systèmes de culture à tester pour
chaque zone pré-identifiée. Les chercheurs et les conseillers de la Chambre d’agriculture étaient
animateurs, mais n’ont pas amené de connaissances scientifiques autres que, à la demande des
agriculteurs, l’explication de processus écologiques dans les sols.
Depuis 2016, 4 essais ont été mis en place sur 4 zones différentes : un essai chez un producteur de
semences, un essai chez un polyculteur-éleveur, un essai en grandes cultures dans des terres
profondes et un essai en grandes cultures dans des terres superficielles. Nous avons organisé des
réunions en sous-groupes avec les agriculteurs d’une même zone pour décrire les prototypes à
suivre, hiérarchiser les objectifs à atteindre pour chaque prototype et préciser les règles de décision
pour les atteindre. Chaque essai est constitué de trois bandes : une bande conduite selon les
pratiques classiques de l’agriculteur, une bande pour le prototype de systèmes de culture avec la
culture de l’année n, et une bande pour ce même prototype mais avec la culture de l’année n+1.
Nous avons fait ce choix pour obtenir des résultats plus rapidement et effacer pour partie l’effet
climatique.

107
Figure 54: Démarche de l’expérimentation SOL du projet TERRAE

La figure 55 présente l’essai mis en place en grandes cultures en terres superficielles. On peut voir
sur cette figure que l’amélioration de la fertilité du sol arrive en second objectif, après celui
économique de stabilité des rendements.

Figure 55: Essais mis en place dans l’expérimentation SOL dans une exploitation céréalière en terres
superficielles (40 à 50 cm de profondeur de sol).

108
2. Recherche dans les années à venir
Nous sommes en train d’acquérir les premiers résultats de ces essais dont les résultats de
performances de ces systèmes vis-à-vis des objectifs assignés à chacun d’entre eux. Le suivi se fait
par les chercheurs mais avec des interactions très fréquentes avec les agriculteurs et les conseillers
pour prendre les décisions de pilotage des systèmes. Ceci se fait en lien avec les règles de décision
initialement écrites et l’observation des essais (par les chercheurs et les agriculteurs, de façon
conjointe). Tous les ans, les résultats sont présentés à l’ensemble des agriculteurs du groupe, pour
comprendre les résultats obtenus et si besoin reconcevoir les prototypes. Avec Jean-François Vian,
nous souhaitons poursuivre cette expérimentation sur au moins une rotation pour chaque essai.
Nous attendons trois types de résultats :
- des résultats de performances agronomiques, techniques et économiques de systèmes de culture
pouvant être mis en œuvre par des agriculteurs dans un territoire en transition agroécologique ;
- des résultats sur l’utilisation d’indicateurs de la fertilité des sols comme outils de pilotage de
systèmes de culture : ces indicateurs aident-ils à prendre des décisions techniques ? Si oui
lesquelles ? Existe-il des antagonismes ou des diagnostics contradictoires selon les indicateurs qui
rendraient compte d’éventuelles impasses techniques ? A quel pas de temps sont-ils utilisés ? Sont-ils
facilement mobilisables par les agriculteurs ou faut-il des conseillers pour les recueillir et les
interpréter ?
- des résultats sur l’utilité de ces démarches en termes de création et de diffusion d’innovations
contribuant à la transition agro-écologique.
D’une façon générale, je fais le constat que les enjeux de l’innovation en matière de conception de
système de culture se sont traduits dans ma pratique de la recherche, comme dans celles de
nombreux collectifs de recherche, par des innovations méthodologiques. Ces innovations
méthodologiques sont nombreuses et récentes. Leur développement me paraît croissant et renvoi à
des pratiques de recherche plus interdisciplinaires, à des relations différentes et sans doute plus
égalitaires avec les agriculteurs et à une attention plus forte aux enjeux portés par la société vis-à-vis
de l’agriculture.

III. Les outils mobilisés par les agriculteurs dans la mise en


œuvre de pratiques agroécologiques
Lors des enquêtes que j’ai menées ou encadrées ces dernières années, j’ai souvent ressenti le besoin
de mieux comprendre la différence de nature entre nos observations et celle des agriculteurs . Par
exemple, Vincent Lefèvre (2013) soulignait la difficulté d’objectiver, selon nos critères, la réussite
d’une technique agricole d’après les dires des agriculteurs. Au-delà de recueillir leur niveau de
satisfaction, le doctorant pointait le manque de connaissances que nous avions des observations ou
mesures qu’ils mobilisent pour juger des performances de leurs pratiques. Une autre question qui
revient souvent quand l’on s‘intéresse aux règles de décision et donc à la compréhension des
décisions prises par les agriculteurs est celle du ‘seuil’ : sur quels seuils les agriculteurs s’appuient-ils
pour évaluer de la réussite d’une pratique (par exemple, quand jugent-ils que la parcelle est trop
‘sale’ ?) ou si cela ne va pas, des actions correctrices à entreprendre. Enfin, en prenant l’exemple de
l’AB, on voit que des agriculteurs peuvent changer de critères d’évaluation au fur à et mesure qu’ils
progressent dans de nouvelles pratiques. Il en est ainsi, comme je l’ai observé, des agriculteurs en AB
qui avec le temps et l’évolution des connaissances acquises sur la production biologique évaluent
différemment la gravité du développement d’adventices dans leurs parcelles.
Toffolini et al. (2016) ont analysé les indicateurs (ou outils) utilisés par les agriculteurs dans divers
processus de reconception de leurs systèmes de culture. Il ressort de leur étude le besoin de
nouveaux types d’indicateurs, permettant non seulement de vérifier et de diagnostiquer les effets

109
directs de pratiques agroécologiques mais aussi d'adapter les pratiques. Au-delà de la seule
évaluation de l’impact des pratiques il devient nécessaire de comprendre et de réinterpréter le
fonctionnement des processus naturels connexes et d’évaluer en quoi les nouvelles pratiques les
affectent. Ces auteurs montrent aussi la nécessité de développer des indicateurs plus qualitati fs et
visuels, tels que ceux souvent utilisés par les agriculteurs.
A travers ces questions de seuils, de critères et de modes d’observations, je me pose ainsi celle des
outils, méthodes ou indicateurs utilisés et utilisables par les agriculteurs. Pour plus de simplicité, je
parlerai d’outils dans la suite de ce paragraphe, mais ce terme regroupe aussi bien des méthodes
comme le diagnostic agronomique, le test bêche, que des indicateurs comme la teneur en azote du
sol. Je n’utilise pas non plus le terme outil en le détachant de tout ce qui pour moi lui est lié par
essence, à savoir les connaissances et savoirs empiriques comme scientifiques qui sont essentiels à la
structuration d’outils. Il existe de nombreux outils utilisables et/ou utilisés par les agriculteurs. Ils
sont soit proposés par la recherche et le conseil, soit issus des agriculteurs eux -mêmes. Pour initier la
mise en route de mon projet sur ce point, je propose de les classer en 3 catégories :
1. les outils d’évaluation des services attendus par les agriculteurs. Il s’agit le plus souvent
d’outils permettant d’évaluer les performances agronomiques du système de culture, mais
cela peut aussi concerner les services environnementaux comme le contrôle de l’érosion etc.
2. les outils de compréhension et de diagnostic, qui permettent d’analyser les résultats
obtenus et d’évaluer les facteurs qui en sont à l’origine. Ces outils sont souvent mobilisés en
expérimentation pour pouvoir in fine mettre en relation résultats et déterminants de ceux-ci.
Les agriculteurs mobilisent également des outils de ce type.
3. les outils d’aide à la prise de décision pour le déclenchement d’interventions, par exemple
une mesure d’azote dans le sol à la sortie hiver pour calculer la fertilisation à apporter.
Bien entendu, un même outil peut être classé dans différentes catégories selon la façon et les
finalités pour lequel on le mobilise.
Pour aider les expérimentateurs et les agriculteurs à mettre au point des systèmes de culture
innovants contribuant à la transition agroécologique, il me paraît important d’une part d’identifier
les outils disponibles et d’autre part d’identifier les manques et les adaptations qui seraient utiles
pour certains outils existants. Sur cette thématique, je vais m’appuyer d’une part sur les essais
systèmes mis en place chez les agriculteurs de la Boucle du Rhône, mais aussi sur un nouveau
projet CASDAR, nommé OUTILLAGES, qui a démarré en janvier 2018.
Le Casdar OUTILLAGES est piloté par Stéphane Cadoux de Terresinnovia et est basé sur le dispositif
SYPPRES (http://www.terresinovia.fr/terres-inovia/actions-phares/syppre/), mis en place par
plusieurs instituts techniques. L’objectif final est que les agriculteurs, fédérés dans le dispositif
SYPPRES, disposent d’outils et d’accompagnements permettant de tester et d’adapter en continu les
innovations en ferme. Ainsi OUTILLAGES vise à mettre au point des outils favorisant les
apprentissages puis à accompagner des agriculteurs dans leur mise en œuvre avant de valoriser à
grande échelle les outils et les connaissances générées. Sur la figure 56, on peut voir les trois terrains
de SYPPRES et les réseaux d’agriculteurs mobilisés autour de cette plateforme portées par les
instituts techniques.

110
Figure 56: les
réseaux
d’agriculteurs
mobilisés dans le
projet OUTILLAGES
dans trois régions en
France.

Dans ce projet, je suis en charge de l’action 2, qui s’intéresse spécifiquement aux outils utilisés par les
agriculteurs et les expérimentateurs pour reconcevoir les systèmes de culture. Les travaux que je vais
mener et qui seront complétés par l’expérimentation SOL du projet Terrae, concernent un inventaire
des méthodes mobilisées par les agriculteurs/expérimentateurs dans le suivi de leurs systèmes de
culture. La finalité sera de classer ces outils par catégorie d’utilité et de détailler la façon dans ils sont
utilisés. Je porterai ainsi un regard particulier sur la façon dont les usagers s’approprient et même
déforment ces outils. Ainsi M. Akrich (1998) distingue différentes formes d’intervention des acteurs
sur des outils et des innovations déjà constitués :
 le déplacement c'est-à-dire l’élargissement des usages. C’est le cas de certains outils de
diagnostic à l’origine uniquement prévus pour le conseil individuel mais qui sont également
utilisés en formations initiale et continue des agriculteurs par certains conseillers agricoles ;
 l’adaptation du dispositif qui est légèrement modifié pour assurer une meilleure réponse aux
besoins ;
 l’extension lorsque l’innovation est conservée dans sa forme initiale mais avec adjonction
d’éléments qui enrichissent ses fonctions. Cela est souvent le cas de logiciels spécialisés qui
sont par la suite intégrés dans des logiciels plus globaux d’aide à la gestion de l’exploitation ;
 le détournement d’usage lorsque une innovation est utilisée à une toute autre fin que celle
prévue par son concepteur.
Suite à ce travail d’analyse des outils utilisés, je les confronterai aux besoins identifiés par mes
collègues dans les autres actions du projet OUTILLAGES pour mettre en évidence les manquescomme
les besoins d’adaptation des outils dans une perspective de transition agroécologique. Bien entendu
ce travail sera mené avec des agriculteurs et la finalité est bien de les accompagner dans la
reconception et le pilotage de leurs systèmes de culture.

111
Conclusion et liens entre mes travaux de recherche et
l’enseignement
Même si le terme est aujourd’hui peu employé et que nombre de chercheurs se revendiquent plus
volontiers de la recherche participative je pense que mes travaux s’inscrivent dans une démarche de
recherche appliquée du fait de leur lien fort au terrain et aux agriculteurs. Pierre Joliot soulignait la
nécessité de ne plus opposer, et surtout de ne plus hiérarchiser, recherche fondamentale et
recherche appliquée (2011). Faisant le constat d’une fragmentation progressive, mais non achevée,
de la barrière idéologique entre ces deux mondes Pierre Joliot insiste sur une différence qu’il
considère comme centrale entre ces deux activités. Pour lui il n’est pas possible de programmer la
recherche fondamentale, car la programmation ne peut « s’appuyer que sur ce qui est déjà connu, et
ne représente donc qu’un témoignage du passé ». Par opposition la recherche appliquée s’appuie sur
des concepts « qui ont été établis au préalable par la recherche fondamentale, la notion de
programmation étant alors recevable et même nécessaire ». Mais ma réflexion actuelle sur mes
activités m’amène à m’interroger. Mon itinéraire, mes résultats, mes avancées qui se sont faites
étape par étape, les horizons théoriques et opérationnels qui se découvrent à moi peu à peu me font
douter du fait que la recherche appliquée serait forcément programmable. Elle peut être aussi
ouverte à l’imprévu, l’inconnu et l’improbable.
Ainsi, de mes premiers travaux à mon projet, le travail avec et pour les agriculteurs s’est accru, avec
la volonté de mobiliser l’ensemble des connaissances disponibles pour faire avancer les questions de
recherche que je portais. C’est pourquoi aujourd’hui je souhaite investir davantage le domaine des
sciences citoyennes, toujours en lien avec le terrain et la construction de connaissances issues de
l’expérimentation, mais avec les agriculteurs. De même mes travaux ont débuté avec l’ AB pour
s’élargir à l’agroécologie. Cette évolution est logique, l’AB, au-delà de sa dynamique propre, peut
aussi être vue comme un prototype d’agriculture durable intéressant à étudier pour valoriser les
connaissances acquises en AB dans d’autres formes d’agriculture. Bien qu’ayant ouvert mes travaux
aux pratiques agroécologiques quel que soit le mode d’agriculture, je souhaite cependant garder une
part importante de mes travaux autour de l’AB pour continuer, comme chercheure, à contribuer à
son développement.
J’ai beaucoup évoqué dans ce mémoire mes collaborations de recherche avec des chercheurs et des
agriculteurs. Il me semble important de conclure sur le lien que j’ai forgé entre mes activités de
recherche et d’enseignement et donc de parler de mes relations avec les étudiants.
J’ai impliqué des étudiants dans l’ensemble de mes travaux de recherche et ceci à plusieurs niveaux :
des doctorants, pour participer à leur formation au métier de chercheur et des stagiaires de master
(niveau 1 ou 2), pour les initier au travail de recherche et leur permettre de poursuivre dans un
travail de thèse. Ainsi, les trois étudiants que j’ai co-encadrés en thèse, ont tout d’abord effectué leur
stage de master de recherche avec moi. Suivant leurs envies, motivations et suivant les opportunités,
nous avons poursuivi cette formation par un doctorat. Afin de former par les méthodes de la
recherche les étudiants ingénieurs j’ai aussi souvent mobilisé mes travaux de recherche comme cas
d’étude pour des groupes d’étudiants ingénieurs qui devaient conduire des projets. L’objectif était ,
d’une part, de leur montrer ce qu’est l’expérimentation, domaine qui intéresse beaucou p
d’ingénieurs mais reste méconnu, et d’autre part, de les initier à la démarche scientifique même s’ils
ne se destinent pas à une carrière de chercheurs. En toute honnêteté, l’implication de ces groupes
d’étudiants apporte moins qu’un stage de master aux chercheurs, le travail d’encadrement étant très
important et la qualité des données à vérifier plusieurs fois ! Mais l’intérêt est de valoriser le travail
de recherche au-delà du domaine académique, par exemple en aidant les étudiants à développer des
compétences telles que la rigueur, la veille bibliographique ou la rédaction de rapport. Ces
compétences sont celles attendues de tout bon ingénieur. De la même manière, j’ai souvent mobilisé

112
des travaux de recherche dans mes enseignements, que ce soit dans me s cours ou comme cas
d’étude dans des travaux dirigés ou pratiques.
Depuis l’avènement des technologies de l’information dans l’enseignement, de nouveaux outils
pédagogiques sont créés pour transmettre compétences et connaissances à un grand nombre
d’apprenants via le numérique. J’ai mobilisé plusieurs fois mes travaux de recherche pour contribuer
à créer des modules d’enseignement numérique à distance. Ainsi, j’ai participé avec mon collègue
Jean-François Vian, au module Services Ecosystémiques et processus écologiques de sols édité par
l’UVED (Université Virtuelle Environnement et Développement durable) sous la direction de S. de
Tourdonnet, de Supagro Montpellier (http://www.supagro.fr/ress-pepites/uved/html/index.html).
L'objectif principal de ce module est de développer les connaissances sur les processus écologiques
des sols et de montrer comment ceux-ci peuvent être mobilisés pour fournir des services
écosystémiques. A la fin du module, nous avons conçu des exercices d’application, dont certains
proviennent du site expérimental de Thil. En 2018, j’ai mobilisé toutes les connaissances que j’ai
acquises depuis presque 20 ans sur les systèmes de production en AB dans la conception d’un MOOC
(Massive Open Online Course) sur l’AB. Ce MOOC Bio (https://www.fun-mooc.fr/courses/course-
v1:vetagrosup+132001+session01/about) est coordonné par VETAGROSUP Clermont, et j’ai conçu
deux semaines de formation autour de la diversité de l’AB avec K. Morel (UCL Louvain) et S. Bellon
(INRA Avignon). Bien que leur conception soit très chronophage, ces nouveaux outils pédagogiques
sont de très bons leviers pour mobiliser les travaux de recherche dans l’enseignement et toucher un
public d’apprenants plus large que les étudiants de nos écoles. Aujourd’hui dans mon travail au
quotidien comme dans mon projet je relie très fortement activités de recherche, d ’appui au
développement et d’enseignement.

113
Références
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Liste des tableaux


Tableau 1 : Mesures des composantes, physiques, biologiques et chimiques du sol au démarrage de
l’essai de Thil (sous luzerne)..........................................................................................................37
Tableau 2 : Les deux sites d’essais similaires au site de Thil mobilisés dans mes travaux ...................37
Tableau 3 : Descriptif des parcelles des agriculteurs suivies dans le réseau de Rhône -Alpes..............38
Tableau 4 : rendements moyens (2005 à 2017) des cultures de maïs, soja et blé en TSL et labour
agronomique comparés au labour traditionnel. Les écart-types sont entre parenthèses, ils
correspondent à des effets sites et années. Attention, les rotations sur chaque site peuvent être
différentes...................................................................................................................................58
Tableau 5 : Le profil des agriculteurs concepteurs en Rhône Alpes et en Auvergne...........................77
Tableau 6 : Les objectifs et sous-objectifs assignés par les chercheurs et agriculteurs aux prototypes
de systèmes de culture, et les 11 critères de MASC 2.0 pour les évaluer. D’après Peigné et al., 2015a
...................................................................................................................................................80
Tableau 7 : Caractéristiques de 7 prototypes finaux conçus par rapport aux systèmes de culture
pratiqués actuellement d’après Lefèvre et al. (2013). .....................................................................81
Tableau 8 : Les essais annuels mis en place dans le cadre de la thèse de Laura Vincent-Caboud...... 105

Liste des figures


Figure 1 : Schéma de la fertilité du sol en AB : composantes (entourées), processus biologiques
(flèches vertes, interaction entre composantes) et principaux services attendus des sols (flèches
blanches).....................................................................................................................................14
Figure 2 : Effets direct et indirect du travail du sol sur les composantes de la fertilité du sol en AB, les
adventices et sur le rendement des cultures. Les numéros entre parenthèses correspondent à mes
objets de recherche .....................................................................................................................23
Figure 3 : La double partition d’un profil cultural en parcelle labourée 5roger-Estrade et al., 2004)...26
Figure 4 : les 3 grands types d’assemblage de mottes .....................................................................27
Figure 5 : les 3 états internes des mottes .......................................................................................27
Figure 6 : Evolution de l’état interne des mottes ............................................................................27
Figure 7 : A gauche une motte  et à droite une motte dite initialement 0....................................28
Figure 8 : Description schématique de différents types d’horizon de transition : du labour au non
labour (Peigné et al., 2013) ...........................................................................................................29
Figure 9 : Comptage du nombre de galeries de vers de terre par m2 dans l’horizon de transition ......30
Figure 10 : Indices biologiques b1 et b2 pour décrire l’activité biologique modifiant la structure du sol
...................................................................................................................................................31
Figure 11: Structure lamellaire ou platy (notée P)...........................................................................32

127
Figure 12 : Nouveau schéma de l’évolution de l’état interne des mottes – méthode du profil cultural,
version 2.0 (Boizard et al., 2017) ...................................................................................................32
Figure 13 : Charrue hors raie Figure 14 : : Chisel ........................................................................35
Figure 15 : Rouleau cranteur Figure 16 : Semoir direct ..............................................................36
Figure 17 : Plan de l’essai de Thil ...................................................................................................36
Figure 18 : localisation des 8 parcelles agriculteurs du réseau Rhône Alpes......................................38
Figure 19 : Schéma fonctionnel des effets du travail du sol sur la matière organique, la structure du
sol et les microorganismes du sol. D’après Vian (2009a) .................................................................39
Figure 20: Visualisation du tassement (en noir) dans les profils culturaux réalisés sous les 4
traitements de travail du sol testés sur le site de Thil (2007) ...........................................................41
Figure 21: Comparaison des teneurs en C (mg.kg -1 de sol) des matières organiques particulaires
(MOP) mesurées par traitement, horizon et par zone de prélèvement – site de Thil. a-d: comparaison
des teneurs des horizons par traitement pour une catégorie de MOP; A -D: comparaison des teneurs
des horizons par traitement. (Vian et al., 2009a) ............................................................................42
Figure 22: Biomasse microbienne (mgC.kg -1 ) des différentes modalités de travail du sol en mars 2006
sur le site de Thil. a-c: comparaison des horizons par type de motte; *: différences significatives entre
les mottes  et . (Vian et al., 2009 a). ..........................................................................................43
Figure 23: Influence de la structure du sol et de la répartition des résidus de cultures sur la
répartition du potentiel de minéralisation du C (Cmin, mgC.kg-1) au sein du profil cultural (4 m x 30
cm) - de Thil. Les zones compactées sont délimitées en blanc. (Vian et al., 2009b) ..........................44
Figure 24: Stocks de C minéralisables (en t.ha -1) des horizons 0-7, 7-17 et 17-30 cm des 4 techniques
de travail du sol testées sur le site de Thil en 2006 et 2007. (Vian et al., 2009a) ...............................45
Figure 25: Carbone Organique (Corg) en g.kg -1 au début de l’essai (initial, 2004) et mesuré sur les 4
traitements de travail du sol de 0 à 30 cm en octobre 2015. (Peigné et al., 2018).............................46
Figure 26: Protocole de prélèvement de lombrics et d’observation de leur activité sur la structure du
sol suivi de 2004 à 2009................................................................................................................48
Figure 27: Biomasse et densité totale de lombriciens sur le site de Thil de 2004 à 2016 pour les 4
traitements de travail du sol (méthode de prélèvement au formol (jusqu’à 2009) puis tris manuel ...49
Figure 28: Densité de lombriciens par catégorie écologique sur le site de Thil de 2004 à 2009 pour les
4 traitements de travail du sol (méthode de prélèvement au formol) ..............................................50
Figure 29: Evolution de la structure du sol (en % de mottes poreuses , tassées  et modérément
tassée b) quantifiée dans les profils culturaux des 4 traitements de travail du sol observés en 2004
(point initial), et sous chaque culture de blé en 2007, 2009, 2012 et 2015. ......................................53
Figure 30: Résistance à la pénétration en MPa pour différents horizons de sol de 0 à 45 cm de
profondeur pour les 4 traitements de travail du sol en mai 2015. Sous culture de blé (Peigné et al.,
2018)...........................................................................................................................................54
Figure 31: Photographies des sols passés au rayon X et représentants la porosité tubulaire dans des
sols non perturbés, en labour agronomique et en travail très superficiel des sites de Thil et d’Aesh ..56
Figure 32a-b : Rendements du travail superficiel (TS) (a) et du travail très superfi ciel (TTS) (b) en % du
labour traditionnel sur le site de Thil de 2005 à 2017. * veut dire que la différence de rendement est
significative (p-value<0.05), ns non significatif. ..............................................................................59
Figure 33: Nombre d’adventices par m 2 au tallage (blé) et à la levée (soja et maïs) pour les 4
traitements de travail du sol de 2007 à 2017- site de Thil ...............................................................61
Figure 34: Rendements des techniques sans labour et labour agronomique (en % du labour
traditionnel) en fonction de la biomasse des adventices à maturité des cultures (exprimée en g de
matière sèche par m² ) – site de Thil et réseau Rhône Alpes............................................................62
Figure 35: pourcentage de mailles colonisées avec des racines de blé en fonction de la profondeur
dans les profils de sol des 4 traitements de travail du sol en 2015 (Peigné et al., 2018) ....................63
Figure 36: Le travail superficiel, une pratique risquée en AB ...........................................................65
Figure 37: Le labour agronomique, un bon compromis au labour traditionnel..................................65
Figure 38: Le travail très superficiel, une pratique risquée en AB mais prometteuse pour la biologie du
sol ...............................................................................................................................................65

128
Figure 39: Les niveaux multiples du processus de transition vers l’innovation (adapted from Geels,
2002 in Geels and Schot 2007). .....................................................................................................69
Figure 40: Typologie des agriculteurs enquêtés en France en 2010 (Lefèvre, 2013) ..........................73
Figure 41: Distribution des 5 stratégies pour conduire des céréales d’hiver mises en œuvre p ar les
agriculteurs sur le premier plan de l’ACM (Peigné et al., 2016)........................................................76
Figure 42 : Méthode développée pour co-concevoir des systèmes de culture innovants avec des
agriculteurs (Lefèvre, 2013) ..........................................................................................................78
Figure 43 : Illustration des systèmes de culture actuel et co-conçus d’un agriculteur concepteur
D’après Lefèvre et al. (2014). ........................................................................................................83
Figure 44: Evaluation des prototypes 1 à 3 (A – stratégie travail mécanique) et 4 à 7 (B – stratégie
régulations biologiques) sur : le statut organique, la conservation de la macrofaune, l’état structural,
la maitrise des adventices, la rentabilité et le temps de travail. D’après Lefèvre et al. (2013) ............83
Figure 45: Le positionnement des systèmes de culture co-conçus par les agriculteurs (en vert, noté P)
et ceux mis en place par les agriculteurs pionniers (en jaune, noté S) vis-à-vis des principes de l’AC
(Lefevre, 2013) .............................................................................................................................85
Figure 46: Schématisation de deux méthodes de co-conception de prototypes de systèmes de
culture : la méthode de Lefevre (2013) et la méthode mise en œuvre dans Tilman-org ....................86
Figure 47: Les différentes connaissances mobilisées par les agriculteurs pour concevoir un prototype
de SdC – exemple d’un polyculteur-éleveur dans les Alpes (Lefèvre, 2013) ......................................88
Figure 48: Plan de l’essai de Corbas : les systèmes de culture testés ................................................90
Figure 49: Positionnement de pratiques agroécologiques dans l’agriculture d’aujourd’hui et selon leur
potentiel d’intégration dans les systèmes de culture (Wezel et al., 2014). .......................................98
Figure 50: La technique de semis direct de cultures de printemps dans un couvert végétal roulé
(D’après Vincent-Caboud, 2007).................................................................................................. 100
Figure 51: Schéma représentant les principales étapes de la démarche de recherche participative
menée par Laura Vincent-Caboud (2018)..................................................................................... 102
Figure 52: Les deux approches utilisées pour concevoir un dispositif de recherche conjointe entre
chercheurs, agriculteurs et conseillers sur le SDCV sans herbicide. ................................................ 104
Figure 53: Exemple d’une rotation culturale intégrant du SDSC proposée aux Etats-Unis en
Pennsylvanie (d’après Moyer, 2011)............................................................................................ 106
Figure 54: Démarche de l’expérimentation SOL du projet TERRAE................................................. 108
Figure 55: Essais mis en place dans l’expérimentation SOL dans une exploitation céréalière en terres
superficielles (40 à 50 cm de profondeur de sol). ......................................................................... 108
Figure 56: les réseaux d’agriculteurs mobilisés dans le projet OUTILLAGES dans trois régions en
France. ...................................................................................................................................... 111

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