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Kery James

LE
POÈTE
NOIR
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LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS

“Les rappeurs et les

slammeurs écrivent
m e rv e i l l e u s e m e n t
notre langue. Je dois
dire que le leader
de tout cela, celui qui
émerge en tête, c’est
Kery James.”
Charles Aznavour
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LE POÈTE NOIR
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Actes Sud – Papiers

Éditorial : Claire David

Photographie de couverture : © Stéphane Davi

© ACTES SUD, 2022

pour la présente édition Également disponible en livre numérique
ISBN 978-2-330-17277-0
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Kery James

LE POÈTE NOIR
1992-2022

Préface de MC Solaar
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PRÉFACE

Les paroles s’en vont, les écrits restent, Kery en a toujours été la preuve.

Comme beaucoup, j’ai dansé sur les albums de Kery James. Comme
beaucoup, j’ai pensé sur ses lyrics et, comme beaucoup, j’ai médité sur
l’art total de cet auteur.

J’ai rencontré Kery au début des années 1990 (OK boomer !) lors d’un
atelier d’écriture à Orly. La musique urbaine était naissante et ceux qui
s’essayaient au rap faisaient partie de cette confrérie que l’on nommait
alors le moove. Bien sûr, il y avait plusieurs écoles. Mais c’est en rencon-
trant le jeune Alix que j’ai découvert le meilleur flow francophone. C’est
lors de cet atelier d’écriture que j’ai appris mes premières leçons.

Nous avons collaboré sur le titre Ragga Jam, sur mon premier album,
Qui sème le vent récolte le tempo, une improvisation ragga contre la guerre
et le service militaire. Il n’a alors que treize ans. Kery James rap et lance
des missiles sol-sol relatant les aspirations et les luttes qui inspireront les
jeunes de mon âge.

Jeune, conscient, radical, danseur, charismatique, beat-boxeur et rê-

veur réaliste, il a, sans le savoir, suscité les jalousies de tous les écrivains
en herbe de cette période lointaine. Aujourd’hui, je me rends compte
que sa pertinence, sa persuasion et sa poésie étaient basées sur quelque
chose de plus grand que le simple flow. Alix est avant tout un auteur.

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Ses albums n’étaient pas des sorties de disques mais des rentrées litté-
raires. Il nous préparait des œuvres d’une autre dimension, une litté-
rature du sentiment, des films d’auteur et d’action. Chaque chanson
comme un récit. C’est ce que ce recueil donne à lire et non plus seule-
ment à entendre.

Lire et fermer les yeux.

It was written… C’était écrit.

MC Solaar
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SOMMAIRE

28 décembre 1977, in Si c’était à refaire (2001)..................................... 9

Le goût de vivre, in Le Poète noir (2021)......................................... 15
La Mort qui va avec, in Dernier MC (2013).................................... 17
La Vie en rêve, in Dernier MC (2013).............................................. 21
Pleure en silence, in À l’ombre du show-business (2008).................... 23
Qui on est, Texte inédit................................................................. 27
Quatre Saisons, in Dernier MC (2013)............................................ 29
Constat amer, in Dernier MC (2013).............................................. 33
Sans moi, in J’RAP encore (2018)..................................................... 37
Banlieusards, in À l’ombre du show-business (2008)........................... 39
Lettre à la République, in 92.2012 (2012).................................... 45
J’RAP ENCORE, in J’RAP encore (2018)........................................... 49
Épargnez-moi vos applaudissements..................................... 53
Ne grandissez pas trop vite, Texte inédit................................... 55
Vent d’État, in Dernier MC (2013).................................................. 57
Vivre ou mourir ensemble, in MouHammad Alix (2016)................. 61
Douleur ébène, in MouHammad Alix (2016).................................... 65
Y a pas de couleur, in Si c’était à refaire (2001)................................ 69
Le Mystère féminin, in Dernier MC (2013).................................... 71
Amal, in J’RAP encore (2018)........................................................... 73
Le Jour où j’arrêterai le rap, in J’RAP encore (2018).................. 77
Le Poète noir, in Le Poète noir (2022)............................................. 81
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28 DÉCEMBRE 1977

28 décembre 77, aux Abymes je suis né

D’une famille plus proche d’être pauvre que d’être fortunée
Mes parents sont originaires de Haïti
Terre indépendante que mon cœur a choisie pour pays
La plupart de mon enfance, je l’ai passée auprès de ma mère
Je ne peux pas ne pas mentionner qu’elle surmonta beaucoup de galères
Et elle continue à ramer, trimer, jusqu’à cette heure
Sur une main, je peux compter le nombre de fois où je l’ai vue vue en pleurs
On nous fit venir en France au prix de nombreux sacrifices
Pensant que la France était terre de réussite
Octobre 85, dans ce pays j’atterrissais
Le temps était gris et j’ignorais ce qui m’attendait
Souvent les parents ont pour leurs gosses de l’ambition
Ainsi ma sœur et moi, on s’est retrouvés en pension
Loin de ma mère, j’ai mené une enfance amère
Loin de ses enfants, pour une mère, vie amère
Éloignés d’elle, le temps qu’elle construise ses repères
Jusqu’à ce qu’elle nous récupère
Puis on a quitté la pension pour venir vivre à Orly
Et ce que j’ai vu ce jour-là a sûrement changé ma vie
Dans un pavillon, ma mère louait une seule pièce
Qu’un rideau séparait, trente mètres carrés au plus
Dans ce truc-là, on était cinq, vivant dans la promiscuité
Ouvrir un frigidaire vide, ne me demande pas si je sais ce que c’est

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Mais maman ne nous a jamais laissés crever de faim
Maman a toujours subvenu à nos besoins
Pour notre bonheur, elle a sacrifié le sien
Étonnant ce que l’on peut faire par amour pour des gosses
Avant je ne portais pas de Nike Air, mais plutôt des Jokers*1
Mon style vestimentaire provoquait des sourires moqueurs
Ce qui développa en moi, très vite, la rage de vaincre
La rage d’exister, l’envie de réussir
Influencé par les Orcas, Little Jay et Manu Key
Avec Teddy et Harry, Ideal J on a formé
À l’âge de quatorze ans est sorti notre premier disque
On voulait vivre de la musique
Mais j’étais trop sincère, dur, franc
Trop choquant pour leur France

Si nos vies souvent se ressemblent

Le destin parfois nous sépare
Nos erreurs ont des conséquences
Qui font s’envoler nos espoirs
Si nos vies souvent se ressemblent
Le destin parfois nous sépare
Nos erreurs ont des conséquences
Qui font s’envoler nos espoirs

Puis l’école contre la rue, peu à peu j’ai échangé

Sont arrivés les premiers joints
Du lycée, j’ai pris congé
J’étais de ces gosses qui auraient pu réussir

* Tous les mots suivis d’un astérisque à leur première occurrence sont définis dans le
glossaire, p. 83-84.

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