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AVANCÉES N° 12

chocs

JUIN
2018
BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES
CHOCS
AVANCÉES
N° 12 - juin 2018

Commissariat à l’énergie atomique


et aux énergies alternatives
Revue chocs avancées n° 12,
Bilan 2017 des publications et de la vie scientifique
de la Direction des applications militaires.
Image de couverture : Profil spatial expérimental
du laser PETAL – © CEA - DAM
Directeur de la publication : Laurence BONNET.
Coordinateur scientifique : Jean-Marc CHEVALIER.
Comité scientifique : Daniel BOUCHE, Serge BOUQUET,
Gilles BOURGÈS, Pierre BRUGUIÈRE, Remo CHIAPPINI,
Jean-François CLOUET, Patrick DAVID, Francis HARDOUIN,
Hervé JOURDREN, Denis JURASZEK, Stéphane LOUBIÈRE,
Pierre-Henri MAIRE, Christophe MOULIN,
Philippe SIMONETTI, Olivier VACUS.
Rédacteur en chef : Jean-Marc LABORIE.
Création et réalisation : EFIL / www.efil.fr.
Impression : Gibert & Clarey.
Diffusion et abonnement : Régis Vizet.

CEA/DAM
Institut supérieur des études nucléaires
de défense (ISENDé)
Bruyères-le-Châtel, F-91297 Arpajon Cedex
Tél. : 33 (0)1 69 26 76 98
Courriel : chocs@cea.fr

Brochure imprimée sur papier écogéré


ISSN 1961-7399

La reproduction totale ou partielle des informations


et illustrations contenues dans ce numéro doit être soumise
à l’accord préalable du CEA.
Le courrier des lecteurs sera transmis aux auteurs
par le secrétariat de la revue.
SOMMAIRE OPTIQUE ET OPTRONIQUE
PETAL, un laser pétawatt de haute énergie :
performances expérimentales et modélisation.................. 32
N. BLANCHOT, H. COÏC, M. SOZET, G. BÉHAR, S. CHARDAVOINE, C. DAMIENS-DUPONT,
32

L. HILSZ, L. LAMAIGNÈRE, F. LANIESSE, E. LAVASTRE, J. NÉAUPORT, S. NOAILLES, C. ROUYER

ÉDITORIAL 02 INSTRUMENTATION,
MÉTROLOGIE ET CONTRÔLE 34
VIE SCIENTIFIQUE 04 Développements expérimentaux
pour la diffraction X sous choc................................................................34
F. ZUCCHINI, C. CHAUVIN, P. COMBES, S. BLAND
INTERACTION RAYONNEMENT-MATIÈRE, Développement de nouveaux scintillateurs
PHYSIQUE DES PLASMAS 10 pour les diagnostics plasma du Laser Mégajoule...................36
A. ROUSSEAU, S. DARBON, M. HAMEL, M. TROCMÉ
Non-localité de l’interaction laser-plasma......................................10
D. BÉNISTI, C. ROUSSEAUX, L. GREMILLET, K. GLIZE, V. DERVIEUX, S. D. BATON, L. LANCIA
Expérience de collimation d’un jet d’électrons
COMPOSANTS ET
relativistes par le carbone vitreux.......................................................... 12 ÉQUIPEMENTS ÉLECTRONIQUES 38
X. VAISSEAU, M. TOUATI, S. HULIN, P. NICOLAÏ, R. NUTER, D. BATANI, J. BREIL, J.-L. FEUGEAS et al.
Nouveaux capteurs d’image en environnement
Qualification d’une plateforme radiatif : compréhension des mécanismes
expérimentale d’hydrodynamique plane de dégradation........................................................................................................38
sur le National Ignition Facility..................................................................14 J.-M. BELLOIR, C. VIRMONTOIS, O. GILARD, P. PAILLET, M. RAINE, V. GOIFFON, C. DURNEZ,
A. CASNER, C. MAILLIET, E. LE BEL, V. T. TIKHONCHUK et al. R. MOLINA, P. MAGNAN
Optimisation d’un faisceau d’électrons
dans un accélérateur laser-plasma........................................................ 16
X. DAVOINE, H. EKERFELT, O. LUNDH SCIENCES DU CLIMAT
ET DE L’ENVIRONNEMENT 40
PHYSIQUE NUCLÉAIRE 18 Inversion jointe de données régionales
et télésismiques pour contraindre la source sismique...... 40
Mesures de haute précision de rendements A. TRILLA, J. LETORT, S. FORD, S. MYERS
de fission nucléaire............................................................................................... 18
E. PELLEREAU, J. TAIEB, A. CHATILLON, G. BÉLIER et al. Vers une estimation en temps réel
de l’amplification côtière au centre national d'alerte
aux tsunamis français........................................................................................42
PHYSIQUE DE LA MATIÈRE CONDENSÉE 20 A. GAILLER, H. HÉBERT, F. SCHINDELÉ, D. REYMOND
Découverte du superhydrure FeH5 : la nouvelle
chimie des hydrures sous très haute pression.......................... 20 CHIMIE 44
C. M. PÉPIN, G. GENESTE, A. DEWAELE, P. LOUBEYRE, M. MEZOUAR
Adsorption des isotopes de l’hydrogène
Une première dans la modélisation dans la zéolithe NaX : données expérimentales
du plutonium à haute température...................................................... 22 et modélisation....................................................................................................... 44
B. DORADO, F. BOTTIN, J. BOUCHET M. MACAUD, C. GAUVIN, J.-M. SALAZAR, S. LECTEZ, J.-P. BELLAT, G. WEBER, I. BEZVERKHYY,
J.-M. SIMON
MATÉRIAUX, PHYSIQUE DU SOLIDE 24 Caractérisation des nanocontacts d’un revêtement
optique du Laser Mégajoule...................................................................... 46
Simulation de l’éjection de matière sous choc J. AVICE, C. BOSCHER, P. BELLEVILLE, H. PIOMBINI et al.
par approches continue et atomistique...........................................24
Application des fragments géométriques au calcul
O. DURAND, S. JAOUEN, L. SOULARD, O. HEUZÉ, L. COLOMBET de la solubilité dans l’octanol.................................................................... 48
D. MATHIEU
MÉCANIQUE DES FLUIDES 26 Interaction du plutonium avec une protéine
du sang, la transferrine.................................................................................... 50
Application du principe de moindre action J. AUPIAIS, S. SAUGE-MERLE, D. LEMAIRE, C. BERTHOMIEU, R. W EVANS
pour la simulation d’écoulements
multiphasiques compressibles..................................................................26
T. VAZQUEZ-GONZALEZ, A. LLOR, C. FOCHESATO MATHÉMATIQUES, INFORMATIQUE
Étude d’un matériau composite en carbone soumis
à un environnement de rentrée atmosphérique......................28
SCIENTIFIQUE, LOGICIEL 52
C. LEVET, J. COUZI, J. MATHIAUD, B. HELBER, J.-B. GOURIET, O. CHAZOT, G. VIGNOLES Taco : compilation et génération de code
d’expressions tensorielles.............................................................................. 52
D. LUGATO, F. KJOLSTAD, S. CHOU, S. AMARASINGHE, S. KAMIL
MÉCANIQUE ET THERMIQUE 30 Composition de polynômes pour l’apprentissage
Modélisation de bétons et de céramiques de blindage : statistique de fonctionnelles complexes.........................................54
complémentarité des essais à l’échelle du matériau G. PERRIN, S. MARQUE-PUCHEU C. SOIZE, J. GARNIER
et de la structure................................................................................................... 30 Interaction fluide-structure sur grille cartésienne...................56
B. ERZAR, C. PONTIROLI, J.-L. ZINSZNER, P. FORQUIN S. JAOUEN, G. DAKIN, B. DESPRÉS

CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 01
Laurence Bonnet
ÉDITO Directrice scientifique
de la Direction des applications militaires du CEA

2017, UNE ANNÉE


EXCEPTIONNELLE POUR LA DAM

L’
année 2017 a été une année exceptionnelle démonstration éclatante de la capacité de la DAM et
à plus d’un titre. de ses équipes à mener des projets complexes et à rele-
Tout d’abord, le président de la Répu- ver des défis techniques majeurs. Les performances du
blique nouvellement élu a confirmé la dis- laser PETAL, tant du point de vue énergie que qua-
suasion comme clef de voûte de la stratégie lité de faisceau (voir photo de couverture) ont pu être
de défense de la France. Il a engagé les programmes atteintes grâce à l’ingéniosité des scientifiques de la
assurant sur le long terme la pérennité des deux com- DAM qui ont imaginé des dispositifs optiques inno-
posantes dont la complémentarité a été réaffirmée vants pour aller au-delà des performances atteintes
et leur modernisation, permettant leur adaptation jusqu’alors. PETAL, financé par la Région Nou-
à la nature des menaces et aux évolutions technolo- velle-Aquitaine, l’État et l’Europe est, couplé au Laser
giques qui pourraient altérer leurs performances. Cela Mégajoule, une installation unique en Europe. Elle
garantit la préservation de la capacité de chacun des offrira, dans les prochaines années et au rythme décidé
systèmes d’armes à remplir ses missions et d’avoir de 20 à 30 % du temps dédié aux expériences de phy-
des performances offrant au chef de l’État une large sique, des opportunités fantastiques à la communauté
gamme d'options face aux menaces. Cette dynamique académique et ainsi permettra des avancées majeures
ouvre des perspectives dans la durée pour l’ensemble dans la compréhension de phénomènes complexes en
des partenaires de l’Œuvre commune, à commencer astrophysique, planétologie, plasmas à haute densité
par la Direction des applications militaires (DAM) du d’énergie, etc.
CEA, dont les programmes à moyen et long termes Dans le domaine du calcul à haute performance, c’est
ainsi que les budgets nécessaires à leur réalisation la barrière énergétique qui a été fortement abaissée,
dans le calendrier décidé, ont ainsi été confirmés. ouvrant ainsi la voie à un coût « raisonnable » à l’exas-
Les équipes de la DAM et tous ceux et celles qui les cale. Le codéveloppement, réalisé entre les équipes du
rejoindront dans les années à venir ont devant eux des CEA – DAM et celles d’Atos-Bull, d’une architecture
défis scientifiques et techniques majeurs et particuliè- de supercalculateurs réduisant la consommation élec-
rement motivants dans de nombreux domaines. trique tout en augmentant d’un facteur 20 la puissance
Dans ce contexte, la crédibilité scientifique et de calcul installée est une prouesse. Tous ces exploits ne
technique de la dissuasion se doit d'être assurée en sont pas très utiles si, dans le même temps, mathémati-
permanence. Elle repose sur la capacité à réaliser les ciens appliqués, numériciens, physiciens et informati-
programmes en respectant le triptyque « performances, ciens ne travaillaient pas ensemble à concevoir de nou-
coût, délai » et sur les différentes avancées et réalisa- velles architectures de logiciels et de codes qui savent
tions scientifiques et techniques dont les équipes de la tirer parti de ces pétaflops désormais disponibles en
DAM peuvent se prévaloir et qu'elles peuvent exposer routine pour chaque équipe de recherche. Gageons que
au grand jour. les grands défis en cours sur la machine JOLIOT-CU-
La réalisation avec succès de la première expérience RIE (IRENE), installée en 2017 au Très grand centre
académique sur l’installation Laser Mégajoule-PETAL de calcul (TGCC) dans le cadre de GENCI et récem-
au CEA – Cesta près de Bordeaux constitue une ment mise en service pour les physiciens, offriront

02 VIE SCIENTIFIQUE
aux chercheurs une moisson de résultats qui, là aussi, enrichissement des connaissances. La DAM consacre
conduiront à de grandes avancées dans la résolution de un budget significatif à la participation aux congrès
problèmes complexes et inaccessibles par le calcul ou scientifiques et veille à ce que ses doctorants et post-
l’expérience jusqu’à présent. doctorants aient l’opportunité d’y présenter leurs tra-
Ce qui caractérise toutes ces réussites, c’est la vaux et ainsi de développer leur notoriété dans leur
capacité à fédérer des équipes pluridisciplinaires qui communauté et leur réseau.
œuvrent ensemble pour élaborer les solutions permet- La DAM est profondément ancrée dans le pay-
tant, malgré les obstacles, de parvenir aux spécifica- sage de la recherche nationale et internationale. Les
tions, même lorsqu’elles dépassent les limites couram- créations régulières de laboratoires de recherche
ment admises. Le meilleur opticien du monde n’est conventionnés (LRC) ou le renouvellement des uni-
rien sans l’ingénieur en procédés qui saura concevoir tés mixtes de recherche existantes matérialisent les
le matériau et les traitements associés qui répon- liens très forts existant avec des laboratoires acadé-
dront, en termes de performances, au besoin, tout en miques de pointe détenant des compétences uniques
garantissant la reproductibilité du processus, sa maî- et précieuses pour le développement de connaissances
trise et le respect des réglementations, notamment fondamentales en amont de nos programmes. Ils
REACH… Un supercalculateur, sans des équipes constituent des lieux privilégiés d’échanges scien-
pluridisciplinaires alliant physiciens, numériciens, tifiques, précieux pour nos chercheurs et vecteurs
experts en maillage ou en visualisation, informati- de ressourcements, tant intellectuel qu’humain via
ciens connaissant parfaitement les caractéristiques de l’attractivité qu’ils exercent sur les jeunes talents.
leurs moyens, ne serait qu’un assemblage d’électro- La tendance va se confirmer dans les années à venir
nique, certes sophistiquée… Le meilleur théoricien a avec la création de nouveaux LRC dans différents
besoin de l’expérimentateur qui va être capable d’ima- domaines. La vitalité des collaborations scientifiques
giner et de concevoir l’expérience permettant d’avoir est manifeste au travers du ratio de copublications
accès, en minimisant les incertitudes expérimentales, qui est proche de 50 %. Parmi toutes les collabora-
à des données précises pour lui permettre de valider tions internationales, une mention particulière doit
la modélisation qu’il a développée, l’expérimentateur être faite pour la collaboration « Basic science » entre
lui-même ayant besoin d’experts en microtechnologies le CEA – DAM et le DOE/NNSA qui, depuis sa
pour concrétiser ses idées de design de cibles, d’ex- mise en place en 2002, est resté active et productive,
perts en électronique et en optique pour développer comme ont pu le constater les participants au Gene-
les dispositifs de mesure, de techniciens pour faire ral meeting organisé en 2017 aux États-Unis.
fonctionner l’installation… En 2018, la DAM fêtera le 60e anniversaire de sa
La liste des réussites récentes, reposant sur des création. À côté des manifestations festives qui mar-
équipes le plus souvent pluridisciplinaires, pourrait queront cet événement, un ouvrage relatif aux
être continuée ainsi pendant plusieurs pages. Vous défis scientifiques et techniques, que les
trouverez dans ce numéro 12 de la revue chocs avancées équipes de la DAM ont relevés pour
quelques exemples de publications qui les ont maté- réussir les avancées nécessaires à la
rialisées dans les revues à comité de lecture. Comme réalisation des programmes qui
vous le constaterez en parcourant les pages de la vie leur sont confiés, sera édité. Je
scientifique, le rythme de publications reste soutenu, vous invite à le feuilleter et à le
à plus de 400 dans les revues en 2017 et près de 110 partager avec tous ceux et toutes
comptes rendus de conférence publiés dans un livre celles qui veulent s’engager au sein
ou une série. Je voudrais souligner ici l’importance des équipes de la DAM et mettre au
des présentations en congrès qui offrent une grande service de la sécurité de notre pays
visibilité aux travaux menés et permettent à nos leurs compétences humaines et pro-
scientifiques d’avoir instantanément l’avis des meil- fessionnelles. Ils trouveront dans cet
leurs experts mondiaux du domaine. Ils sont, comme ouvrage un aperçu des défis du futur
le sont les comités d’évaluation scientifique, menés qui devront être relevés pour
régulièrement depuis plus de 20 ans sur les activités pérenniser la dissuasion
scientifiques et techniques, l’occasion d’une prise de au niveau d’exigence et
hauteur sur les orientations de recherche faites et d’un de performance requis.

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PRIX ET DISTINCTIONS 2017

Le CEA – DAM distingué Prix de l’Union européenne Best Paper Honorable Mention de la
pour sa collaboration avec le DOE Lors de la conférence Science&Technology qui s’est Thermal Spray Society
À Washington, le Directeur des applications déroulée à Vienne (Autriche), la présentation du L’article “Effect of Suspension Plasma-Sprayed YSZ
militaires a reçu des mains du général Klotz, projet SPALAX-Nouvelle Génération a reçu le prix Columnar Microstructure and Bond Coat Surface
Administrateur de la National Nuclear Security de l’Union européenne. Cette conférence est la Preparation on Thermal Barrier Coating Properties”,
Administration (DOE/NNSA), une médaille d’or pour vitrine des activités scientifiques autour du Traité publié notamment par Benjamin BERNARD et
saluer le CEA – DAM pour le remarquable pilotage d’interdiction complète des essais nucléaires. Ce prix Aurélie QUET du CEA – Le Ripault, dans le cadre des
de programmes et la réussite d’une collaboration récompense la conception et la mise au point par le études CEA réalisées en partenariat avec le groupe
scientifique et technique à très haut niveau sur CEA – DAM Île-de-France d’une nouvelle génération Safran, a obtenu le prix Best Paper Honorable
dix années, avec la NNSA. de station de mesure du xénon radioactif dans l’air Mention du volume 26 du Journal of Thermal Spray
qui améliorera nettement la détectabilité des rejets. Technology par la Thermal Spray Society ASM
Prix Édouard Fabre International.
Le prix Édouard Fabre récompense annuellement Nomination au conseil
un jeune chercheur européen pour la qualité de d’administration de PROCORAD Deux doctorants du CEA – Gramat
ses travaux dans le domaine de la physique de la Christophe MOULIN a été nommé au conseil primés à l’ARA
fusion par confinement inertiel et de la physique de d’administration de PROCORAD, association pour la Lors de son workshop annuel qui porte sur la
l’interaction laser-plasma. Le prix 2017 a été décerné Promotion du contrôle de qualité des analyses de technologie des lanceurs de laboratoire, l’ARA
à Alexis CASNER du CEA – Cesta, actuellement biologie médicale en radiotoxicologie. Elle a pour (Aeroballistic Range Association) a récompensé des
directeur adjoint du CELIA (UMR 5107 CNRS – CEA objectif de permettre des échanges scientifiques et innovations en métrologie détonique en décernant un
– Université de Bordeaux). Un autre chercheur du techniques entre les différents partenaires (AREVA, CEA, prix à deux doctorants du CEA – Gramat : Sandra PŒUF
CELIA, le professeur Vladimir TIKHONCHUK, a reçu EDF, etc.), et organise aussi des intercomparaisons afin pour l’étude de la composition des produits de
la prestigieuse médaille Edward Teller, délivrée par de contrôler la qualité des résultats des analyses et de détonation en fin d’expansion, dans le but d’améliorer
l’American Nuclear Society, pour ses travaux sur les promouvoir les bonnes pratiques de laboratoire. les équations d’état de ces produits, et Benoît ROUGIER
instabilités hydrodynamiques. pour la technique de radio-interférométrie à 94 GHz
Distinguished paper award qui permet de traquer en continu la position des
Prix Enseignement et Formation ondes de choc dans la matière condensée.
de la société savante ACM
Le prix Enseignement et Formation 2017 de la Société La conférence OOPSLA, organisée à Vancouver par
française d’énergie nucléaire (SFEN) a été attribué ex la société savante ACM (Association for Computing Prix du meilleur poster
aequo à Rodolphe ANTONI du CEA – Cadarache et à Machinery), a décerné un distinguished paper award de la Société chimique de France
Laurent BOURGOIS du CEA – DAM Île-de-France pour pour l’article “The Tensor Algebra Compiler”. La méthode Lors de son congrès national organisé à Tours, la
leur ouvrage Applied physics of external radiation proposée dans ces travaux, issus d’une collaboration Société chimique de France a décerné le prix du
exposure : dosimetry and radiation protection entre David LUGATO du CEA – Cesta et des chercheurs du meilleur poster à Jean-Louis VICTOR, doctorant
(Springer, Paris, 2016). Massachusetts Institute of Technology, permet de générer au CEA – Le Ripault. Sa thèse porte sur l’étude et
automatiquement du code parallèle performant, pour l’élaboration de dispositifs thermochromes pour
diverses applications (Deep learning, etc.). l’efficacité énergétique.

FAITS MARQUANTS DE L’ANNÉE 2017


Une chaire Otice : le réseau Premiers succès pour Tera 1000-2
pour la métallurgie métallique hydroacoustique est opérationnel La machine Tera 1000-2, réalisée par Atos/Bull, a une
La chaire DIGIMU, pour « Développement d’un dans sa totalité architecture qui préfigure celle de la classe exaflopique
cadre innovant et global pour la modélisation des L’Organisation du traité d’interdiction complète qui doit être mise en service en 2021 au CEA – DAM.
évolutions de microstructures intervenant lors des des essais nucléaires a certifié la station Avec un peu plus d’un tiers de Tera 1000-2 assemblé en
procédés de mise en forme des métaux », a été hydroacoustique de Crozet. Cette certification est le octobre, elle atteint déjà le 23e rang mondial du Top 500
créée. Elle est cofinancée par l’Agence nationale de résultat d’un travail collectif de l’Otice, de la société pour une puissance crête de l’ordre de 10 pétaflops et
la recherche (ANR) et le consortium composé du L3-Maripro, des Terres australes et antarctiques une performance par le test du Linpack de 5 pétaflops
CEA, de Safran, d’Aubert & Duval, d’ArcelorMittal, françaises et du CEA – DAM. Cette station complète (1 million de milliards d’opérations par seconde). Les
de Framatome et d’Ascometal. Pilotée par Mines le réseau hydroacoustique de l’Otice, désormais tests de certains codes de garantie des armes donnent
ParisTech et en association avec l’éditeur de logiciel opérationnel dans sa totalité. Elle est considérée des résultats très satisfaisants, de même que le faible
Transvalor, elle développe une « métallurgie par l’organisation comme « l’Everest » des stations niveau de consommation électrique du calculateur. La
numérique », concrétisée par un outil logiciel hydroacoustiques, compte tenu des conditions totalité de l’assemblage de Tera 1000-2 s’est terminée fin
opérationnel qui aidera les entreprises à innover. hostiles qui y règnent. 2017 pour une puissance crête nominale de 25 petaflops.

04 VIE SCIENTIFIQUE
COLLOQUES ORGANISÉS EN 2017 LIVRES PARUS
EN 2017
Colloque CEA-AWE sur l’éjection 3es journées Matériaux numériques
de matière et les mélanges Les 3es journées Matériaux numériques se sont déroulées
Le CEA – DAM Île-de-France et l’Atomic Weapons à Tours avec plus de 65 participants académiques
Establishment Aldermaston (AWE, Royaume-Uni) ont représentants de laboratoires nationaux (CEA – DAM, La validation
organisé, à Paris, un colloque intitulé « Turbulent Mixing SIMAP, Mines Paristech, etc.). Organisées par le CEA – Le
Ripault, ces journées ont rassemblé les acteurs de la
de méthode en
and Ejecta at Interfaces ». Ce colloque a rassemblé plus
de 35 personnes provenant de ces deux organismes communauté nationale autour des thématiques de spectrométrie
ainsi que de nombreux spécialistes des communautés l’analyse, de la numérisation d’images de microstructures d’émission
académiques française et britannique. Il a permis de de matériaux, de la génération de milieux virtuels, de optique à source
fructueuses discussions sur plusieurs sujets d’intérêt la modélisation de l’endommagement des matériaux, plasma
commun (éjection de matière, instabilités d’interface, des lois de comportement mécanique et thermique de
De l’échantillon au résultat.
modélisation de la turbulence), ainsi que la définition matériaux composites. Compte tenu du succès rencontré, Fabien Pilon (CEA – Le Ripault), A. Labet, Karine Vielle
de nouveaux thèmes de collaboration. une quatrième édition est en préparation. (CEA – Le Ripault), O. Vigneau, G. Granier, P. Bienvenu,
J.-M. Mermet (Sous la direction de)
Séminaire ARA « Rentrée Deuxième conférence Cet ouvrage collectif, piloté par le
atmosphérique : enjeux et perspectives » CBRNE-Research & Innovation CEA – Le Ripault, est consacré à une technique
Avec le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine, du Coorganisée par le CEA – DAM, la DGA, le Service de santé d’analyse élémentaire largement déployée dans
CEA – DAM, d’Arianegroup, de la DGA, des pôles de des armées et la Fédération nationale des sapeurs- les laboratoires de caractérisation. Trente-huit
compétitivité Route des lasers et des hyperfréquences pompiers de France, la deuxième conférence scientifique spécialistes travaillant dans des laboratoires de
et Aerospace Valley, l’Association pour la rentrée internationale contre les risques et menaces nucléaires, recherche de grands organismes (AREVA, CEA,
atmosphérique (ARA) a organisé à l’Institut lasers radiologiques, biologiques, chimiques et explosifs s’est EDF, IRSN, etc.) et d’universités (Pau, Lyon 1) y
et plasmas, aux portes du CEA – Cesta, un séminaire tenue à Lyon. Elle a réuni près de 500 participants venus ont contribué durant plus de dix ans.
sur le thème « Rentrée atmosphérique : enjeu et de plus de 20 pays. Les industriels étaient largement EDP Sciences, Collection CETAMA, 310 pages.
représentés avec 25 sponsors et une vingtaine de ISBN 978-2-7598-2062-7.
perspectives ». La manifestation a permis de réaffirmer
l’importance du domaine au niveau régional et stands. Porté par le CEA, le programme interministériel
national, d’identifier les besoins futurs et de présenter R&D NRBC-E y a été amplement représenté. Langage,
l’offre de compétences en mesure d’y répondre en vérité,
initiant de nombreux contacts. Atelier Quantum@CEA exactitude
Organisé par plusieurs directions du CEA et relatif aux Jean-Luc Feugeas
Workshop Abinit : Abinit hands-on 2017 programmes de recherche en ingénierie quantique,
(CEA – Cesta)
et al. (Collectif)
Organisé au CEA – DAM Île-de-France, le workshop l’atelier Quantum@CEA s’est tenu au CEA – DAM
Abinit a rassemblé trente-cinq participants qui Île-de-France. Quatre-vingt-dix participants, du CEA Ces textes sont issus de colloques et séminaires
ont discuté de l’utilisation du code Abinit pour et des communautés scientifique, industrielle et ayant pour thème la problématique Langage,
la modélisation ab initio des matériaux et de académique ont débattu d’applications innovantes des vérité, exactitude. Parmi les questionnements
l’extension des calculs standard de structure propriétés quantiques singulières de la matière, comme communs des contributeurs sont abordées les
électronique au cas de grands systèmes complexes. l’intrication, la non-localité, la superposition d’états, etc. interrogations sur la dénomination des objets, des
modèles et des théories.
Cahiers art et science, numéro spécial 9, éd.
Confluences, 269 pages. ISBN 978-2-35527-209-7.

Structural Materials
for Generation IV Nuclear Reactors
Réception du laser PETAL et première campagne d’ouverture LMJ-PETAL Patrick David (CEA – Le Ripault), auteur du chapitre “Carbon/
Carbon materials for Generation IV Nuclear Reactors” (p. 471-493)
Le 27 octobre, la Région Nouvelle-Aquitaine, maître d’ouvrage du projet PETAL, a prononcé la réception
du laser PETAL. Cet acte finalise les douze ans de travaux du projet pendant lesquels se sont succédé la Ce livre présente l’état de l’art du
faisabilité, le développement, la réalisation, le montage, la mise en route et la mise en service du laser comportement des matériaux en environnement
PETAL au sein de l’installation Laser Mégajoule (LMJ). Par ailleurs, la première campagne d’ouverture LMJ- neutronique, corrosif et haute température des
PETAL, conduite par une équipe internationale (Royaume-Uni, États-Unis, Suisse, France, Corée du Sud), réacteurs de génération IV. Le chapitre sur les
a été réalisée en décembre. Elle consistait à étudier, à échelle millimétrique, les champs magnétiques Carbon/Carbon décrit les composants envisagés
galactiques générés dans des zones turbulentes de collisions de plasmas. Le principe de l’expérience avec ces matériaux, leurs modes de fabrication
était de créer deux plasmas sur une cible principale éclairée par les 16 faisceaux LMJ, de les rendre ainsi que leurs propriétés et, au travers d’une
turbulents et de les faire se rencontrer. Les champs magnétiques générés dans la zone d’interaction analyse critique, leurs comportements en fonction
étaient sondés par un faisceau de protons produits par l’interaction du faisceau PETAL sur une cible de leurs microstructures.
secondaire métallique. Les conditions de réalisation des expériences sont conformes aux caractéristiques Pascal Yvon (éd.), Woodhead Publishing, Elsevier,
attendues, ainsi qu’à la précision exigée en termes de synchronisation des impulsions LMJ et PETAL sur 684 pages. ISBN 978-0-08-100906-2.
cible. Les images obtenues par les diagnostics plasma sont d’une qualité remarquable.

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ACCORDS DE PARTENARIAT
OU DE COLLABORATION

Laboratoire de recherche conventionné Projet OCEAN-ALM


(LRC) Sage Le projet OCEAN – ALM, pour Optimisation et conception
Le 27 novembre a été officiellement lancé le laboratoire pour une méthodologie avancée pour l’ALM (Additive
de recherche conventionné Sage (Sciences appliquées au Layer Manufacturing), vise, dans un contexte industriel
génie électrique) entre le CEA – Gramat, le CEA – Cesta et (CEA et SEIV) et académique, à définir des outils et
l’université de Pau et des pays de l’Adour ; le laboratoire des méthodes pour : former le concepteur à tirer parti
concerné est le Siame (Sciences pour l’ingénieur en des opportunités offertes par la fabrication additive ;
mécanique et génie électrique). Cette convention donne permettre au concepteur d’intégrer au plus tôt les
de la visibilité et de la pérennité aux collaborations spécificités de fabrication ; minimiser les écarts entre le
scientifiques existantes qui se matérialisent déjà par des modèle théorique et la pièce après fabrication. Il met
projets en commun et des thèses. en œuvre cinq thèses et deux contrats postdoctoraux.
La réunion de lancement du projet OCEAN a rassemblé
l’ensemble des partenaires au CEA – Cesta.

Projet ATIHS
Soutenu par le Cnes et labellisé par le pôle Aerospace
Valley, le projet collaboratif FUI ATIHS (Amélioration de la
Groupement de recherche
tenue des structures satellites aux impacts hypervitesse Recristallisation et croissance des grains
de débris spatiaux) a été officiellement lancé, réunissant Le CEA – Valduc a conclu une convention de
deux industriels et des laboratoires dont deux du participation au Groupement de recherche (GDR)
CEA – Saclay et du CEA – Cesta. Avec pour objectif le 2006 intitulé « Recristallisation et croissance des
développement de technologies pour la protection des grains ». Le GDR vise à regrouper la communauté
satellites soumis à des impacts de débris, il comprend le scientifique française concernée par les mécanismes de
développement de nouveaux moyens d’essai et la mise recristallisation : étude, modélisation et prise en compte
en œuvre de méthodologies numériques permettant dans des problématiques industrielles. La grande
d’augmenter les capacités et la fiabilité des calculs. diversité des partenaires (industriels, académiques) et
le large spectre des matériaux étudiés (métaux, glace,
géomatériaux…) permettent d’élargir et d’associer les
différentes approches.
École universitaire
de recherche LIGHTS&T
Porté par l’université de Bordeaux, le projet d’École
universitaire de recherche (EUR, ou Graduate school) Projet SEIGLE
dans le domaine des Sciences et technologies de la Le projet SEIGLE (Simulation expérimentation de
lumière (LIGHTS&T) a été retenu au titre du Programme l’interaction de gouttes liquides avec un écoulement
d’investissements d’avenir. L’objectif des EUR est de fortement compressible) repose sur un partenariat
renforcer l’impact et l’attractivité internationale de entre le CEA – DAM, l’institut Pprime à Poitiers et
la recherche et de la formation en rassemblant des l’Inria. La réunion de lancement a permis des échanges
formations de Master et de doctorat adossées à des techniques fructueux et une meilleure connaissance
laboratoires de recherche de haut niveau. Le CEA – DAM mutuelle entre les parties, dans les domaines de
est impliqué au travers du CELIA, UMR dont le CEA l’expérimentation, de la modélisation physique et des
est tutelle. méthodes numériques.

06 VIE SCIENTIFIQUE
THÈSES SOUTENUES ET EN PRÉPARATION – POSTDOCTORATS
En 2017, 136 doctorants préparaient une thèse au CEA – DAM ; 34 l’ont soutenue au cours de l’année.
D’autre part, 33 docteurs étaient en contrat postdoctoral.

Répartition des thèses soutenues Répartition des postdoctorats


par domaine scientifique et technique par domaine scientifique et technique

Chimie (9 %) Chimie (18 %)


Sciences du climat et de Composants et équipements
l’environnement (9 %) électroniques (3 %)
Matériaux et physique du solide (18 %) Sciences du climat et de
l’environnement (3 %)
Mathématiques, informatique, logiciel (18 %)
Matériaux et physique
Mécanique et thermique (6 %)
du solide (18 %)
Optique et optronique (9 %)
Mathématiques, informatique,
Physique du noyau, atome, molécule (18 %) logiciel (15 %)
Thermohydraulique et mécanique Mécanique et thermique (6 %)
des fluides (6 %)
Optique et optronique (3 %)
Instrumentation, métrologie et contrôle (6 %)
Physique du noyau, atome,
Électromagnétisme, génie électrique (3 %) molécule (33 %)

Nombre de thèses soutenues 2008-2017 Nombre de thèses en cours 2008-2017

HABILITATIONS
60 170
51
49 49
À DIRIGER LES
50 150 146
42 136 136
132
40
31
34
35
34
130 126
121 124 RECHERCHES
30 110
23 99
20
20
90 83
Gaël Huser
79 CEA – DAM Île-de-France
10
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
70
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Université Pierre-et-Marie-Curie –
Spécialité : Physique des plasmas.
Christophe Rousseaux
CEA – DAM Île-de-France
Université Paris-Sud Orsay –
PUBLICATIONS Spécialité : Physique des plasmas.
SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES Fabien Pointurier
CEA – DAM Île-de-France
En 2017, le CEA – DAM a publié 402 articles et comptes rendus de conférence dans des journaux Université de Pau et des pays de l’Adour –
à comité de lecture, ainsi que 108 comptes rendus de conférence dans un livre ou dans une série. Spécialité : Chimie analytique.

Proportion de publications en collaboration internationale


International
UE-28
Nombre de HDR soutenues 2008-2017
60 % 20

15
50 %
12
10
10 9
40 % 7 7
5 5
5 4
3 3
30 %

0
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
20%
2013 2014 2015 2016 2017

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 07
THÈSES DE DOCTORAT SOUTENUES EN 2017

CHIMIE MATHÉMATIQUES, INFORMATIQUE PHYSIQUE DU NOYAU, ATOME, MOLÉCULE


Julien CELLIER, Amélioration de la durée de vie SCIENTIFIQUE, LOGICIEL Aloïs CLÉMENT, Quantification de radionucléides par
de membranes nanocomposites hybrides pour pile Simon PELUCHON, Approximation numérique approche stochastique globale, Université Clermont-
à combustible du type PEMFC. Étude des relations et modélisation de l’ablation liquide, Université de Auvergne.
structure/propriétés. Comportement hydrique Bordeaux. Emma LLOR AISA, Génération de très hautes
et vieillissement en milieu acide de membranes Gautier DAKIN, Couplage fluide-structure d’ordre pressions d’ablation laser et de chocs forts pour
nanocomposites, Université de Tours. (très) élevé pour des schémas volumes finis 2D l’allumage des réactions de fusion nucléaire, Université
Juliette PIQUARD, Étude des perturbations optiques Lagrange-projection, Université Pierre-et-Marie-Curie. de Bordeaux.
et du crazing dans les cristaux de DKDP, Université Thomas GONÇALVES, Contributions à la Illia THIELE, Theoretical investigations of terahertz
Grenoble-Alpes. parallélisation de méthodes de type transport Monte- generation in laser-induced microplasmas, Université
Christopher CHARTON, Étude des interfaces Carlo, Université Grenoble-Alpes. de Bordeaux.
électrodes/électrolyte de batteries lithium-ion 5 V type Rémi BARAT, Équilibrage de charge pour des Cédric NEUVILLE, Étude expérimentale des effets
graphite/LiNi0,5Mn1,5 O4, Université de Tours. simulations multiphysiques par partitionnement multifaisceaux sur l’instabilité de diffusion Brillouin
multicritères de graphes, Université de Bordeaux. stimulée, Université Paris-Saclay.
Gérome FAURE, Micro-macro coupling for the Marc VERRIÈRE, Description de la dynamique de
SCIENCES DU CLIMAT simulation of shocks and detonation waves, Université fission dans le formalisme de la coordonnée génératrice
ET DE L’ENVIRONNEMENT Paris-Est. dépendante du temps, Université Paris-Saclay.
Julien RIDOUX, Contribution au développement Mathieu BAILLY-GRANDVAUX, Forts champs
Roser HOSTE-COLOMER, Variations latérales de magnétiques et décharges de courants intenses
d’une méthode de calcul rapide de propagation des
sismicité le long du mégachevauchement himalayen ondes de souffle en présence d’obstacles, Université générés par laser : mesures et applications au
au Népal, École normale supérieure de Paris. Pierre-et-Marie-Curie. transport de particules chargées, Université de
Roberto SABATINI, Simulation directe 3D de la Bordeaux.
propagation non linéaire des ondes acoustiques dans
l’atmosphère terrestre, École centrale de Lyon.
Malorie DIERICK, Utilisation des isotopes de MÉCANIQUE ET THERMIQUE
l’oxygène pour la détermination de l’origine et des THERMOHYDRAULIQUE
Jean-Baptiste GASNIER, Étude du comportement
transformations des oxydes d’uranium dans le cycle du thermomécanique et de l’endommagement
ET MÉCANIQUE DES FLUIDES
combustible nucléaire, Institut de physique du globe d’un matériau énergétique granulaire par méthodes Sébastien COURTIAUD, Simulation de la
de Paris. de Fourier, Université de recherche Paris Sciences postcombustion turbulente des produits de détonation
et Lettres. avec l’air, Université Paul-Sabatier Toulouse III.
Pierre PRADEL, Étude de la compaction dynamique Cyril LEVET, Ablation de matériaux carbonés sous
MATÉRIAUX, PHYSIQUE DU SOLIDE de mousses polymères : expériences et modélisation, très haut flux : étude multiphysique et couplage avec
École nationale supérieure de mécanique et l’écoulement, Université de Bordeaux.
Joris VERMUNT, Étude de la fragmentation d’aérothermique
dynamique d’enveloppe métallique accélérée, École
des Mines de Saint-Etienne.
Adrien GILLARD, Caractérisation et modélisation INSTRUMENTATION,
du comportement thermomécanique de composites OPTIQUE ET OPTRONIQUE MÉTROLOGIE ET CONTRÔLE
3D C/C, Université de Bordeaux. Pierre GOURIOU, Fibres microstructurées pour la Laura LE BARBIER, Conception d’un interféromètre
Caroline ROLAND, Formation de microjets depuis mise en forme spatiale : fibres délivrant un mode optoélectronique pour la mesure de vitesses en
des défauts de surface dans des échantillons fondamental aplati, Université Lille 1. dynamique des matériaux, Université Paul-Sabatier
métalliques soumis à des chocs laser, École nationale Mathilde PFIFFER, Amélioration de la tenue au flux Toulouse III.
supérieure de mécanique et d’aérothermique. laser des composants optiques du Laser Mégajoule par Jérémie FOURMANN, Développement d’un système
Adrien MARIZY, Superhydrures sous pression pour traitement chimique, Université de Bordeaux. de mesure de pression dynamique en environnement
le stockage de l’hydrogène et la supraconductivité : Florent SCOL, Amplification et transport fibré extrême, Université Paul-Sabatier Toulouse III.
développement d’outils et résultats sur H3S, CrHx, LiBH4 d’impulsions énergétiques pour les pilotes des
et NaBHx, Université Paris-Saclay. installations laser de puissance, Université Lille 1.
Simon BARDY, Contrôle et optimisation du test
d’adhérence par choc laser sur assemblages collés, ÉLECTROMAGNÉTISME, GÉNIE ÉLECTRIQUE
École nationale supérieure d’arts et métiers. Juliette PIERRON, Développement de modèles de
Alexandre ALLEMAND, Céramiques et composites transport d’électrons à basse énergie (10 eV-2 keV)
pour applications en conditions extrêmes dans le dans différents matériaux, Université Paul-Sabatier
nucléaire et le spatial, Université de Bordeaux. Toulouse III.

08 VIE SCIENTIFIQUE
POSTDOCTORATS EN COURS EN 2017

CHIMIE Aurélien FABAS, Étude de la durabilité de matériaux PHYSIQUE DU NOYAU, ATOME, MOLÉCULE
métalliques obtenus par fabrication additive, CEA – Valduc.
Florian BRULFERT, Étude des complexes formés Luc ANDREA, Détermination, dans un formalisme
dans la transferrine et le plutonium, CEA – DAM Île- Matthieu BRUSSON, Étude de l’influence de la entièrement ab initio, du coefficient de diffusion du
de-France. granulométrie de la poudre de Pd sur les propriétés de xénon dans le dioxyde d’uranium, CEA – DAM Île-de-
stockage du tritium, CEA – Valduc. France.
Alexandre SONETTE, Développement d’un
microspectromètre de masse sur puce silicium. Bertrand BAUBET, Étude in situ des mécanismes Lucas BAGUET, Calcul de spectres Raman
Caractérisation expérimentale des microsystèmes, d’adsorption de molécules gazeuses, d’apparition dans le formalisme Projector Augmented-Wave.
CEA – DAM Île-de-France. de produits de corrosion sur matériaux métalliques Implémentation dans le code Abinit, CEA – DAM Île-
par spectrométrie IR en incidence rasante et de-France.
Angélica BIANCO, Caractérisation de la phase thermogravimétrie et d’évolution des surfaces par
liquide atmosphérique par spectrométrie de masse microscopie AFM, CEA – Valduc. David BOUSQUET, Modélisation des polymères sous
haute résolution et évaluation de l’efficacité de pression, CEA – DAM Île-de-France.
transformation de ce milieu par la photochimie et Witold CAYZAC, Étude du pouvoir d’arrêt de
l’activité biologique, CEA – DAM Île-de-France. particules chargées par un plasma dégénéré,
Nelly RAMEAU, Développement de matériaux MATHÉMATIQUES, INFORMATIQUE CEA – DAM Île-de-France.
organiques pour cibles laser, CEA – Le Ripault. SCIENTIFIQUE, LOGICIEL Asénath ETILE, Étude de la production d’isomères
Thomas AUDICHON, Préparation et caractérisation Aude GIARD, Développement d’outils de dans les fragments de fission (C-BORD), CEA – DAM
électrochimique d’assemblages membrane électrodes simulation, de post-traitement et de visualisation à Île-de-France.
pour électrolyseur PEM, CEA – Le Ripault. l’échelle atomique adaptés aux futurs calculateurs Guillaume HUPIN, Couplage au continuum et
Barthélémy BRUNIER, Comportement en exaflopiques, CEA – DAM Île-de-France. noyaux exotiques, CEA – DAM Île-de-France.
entreposage de produits recyclables contenant Noël MARTIN, Construction et utilisation de Richard RENOU, Simulation de l’endommagement
des actinides : étude des dégagements gazeux, métamodèles, CEA – DAM Île-de-France. des verres sous choc par dynamique moléculaire
CEA – Valduc. classique, CEA – DAM Île-de-France.
Jordan MATHE, Modélisation chimique pour
la rentrée atmosphérique en haute atmosphère, Gaétan SARY, Simulation cinétique de la
CEA – Cesta. physique de l’interaction laser-plasma en fusion par
COMPOSANTS ET ÉQUIPEMENTS Nicolas THERME, Mise au point et développement confinement inertiel, CEA – DAM Île-de-France.
ÉLECTRONIQUES de modèles physiques et de méthodes numériques David BLACKMAN, Description et caractérisation
innovantes dédiés à la simulation numérique de des ondes plasmas possédant un moment angulaire
Jonathan RIFFAUD, Modélisation et simulation des la réponse dynamique de matériaux suite à des orbital, CELIA.
effets induits par irradiation dans les composants et sollicitations intenses, CEA – Cesta.
circuits microélectroniques, CEA – DAM Île-de-France. Milan HOLEC, Modélisation du flux de chaleur non
local par une méthode aux moments, CELIA.
Pedro GONZALEZ DE ALAISA MARTINEZ, Numerical
MÉCANIQUE ET THERMIQUE Modeling of High-Intensity Laser Matter Interaction,
SCIENCES DU CLIMAT CELIA.
ET DE L’ENVIRONNEMENT Émile RENNER, Modélisation 3D de la rupture
des matériaux granulaires fragiles sur un volume
Cécile CLÉMENT, Tsunamis en océan Atlantique NE. représentatif de la microstructure des matériaux
Tests numériques et modélisation de scénario pour céramiques, CEA – Le Ripault.
l’évaluation du risque, CEA – DAM Île-de-France.
Yohann SCARINGELLA-GUERRITAT, Optimisation
thermique et mécanique de la microstructure d’un
isolant, CEA – Le Ripault.
MATÉRIAUX, PHYSIQUE DU SOLIDE
Magali THOMÉ, Caractérisation microstructurale et
comportementale d’isolants architecturés élaborés par OPTIQUE ET OPTRONIQUE
fabrication additive, CEA – Le Ripault.
Pierre ROLIN, Amélioration de la qualité des
Raphaëlle BERNARDIE, Développement de reconstructions 3D en zones urbaines à partir
structures autoportées en superalliages par d’imagerie satellitaire stéréoscopique, CEA – DAM
technologie CSAM (Cold Spray Additive Manufacturing), Île-de-France.
CEA – Le Ripault.
Kevin EHRARDT, Simulation numérique des
Jean-Fabien PETIT, Localisation du liant dans un propriétés optiques de films à structure multiéchelle,
explosif comprimé en utilisant des techniques de CELIA.
résonance magnétique nucléaire, CEA – Le Ripault.

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 09
INTERACTION
RAYONNEMENT-
D. Bénisti, K. Glize, V. Dervieux, S. D. Baton, L. Lancia
MATIÈRE, PHYSIQUE C. Rousseaux, Laboratoire pour l’utilisation des lasers intenses (LULI),
DES PLASMAS L. Gremillet UMR 7605 CNRS – CEA – École polytechnique – Université Pierre-
CEA – DAM Île-de-France et-Marie-Curie, Palaiseau

NON-LOCALITÉ
XXXXX
DE L’INTERACTION
LASER-PLASMA

P
L’interaction laser-plasma, our réaliser la fusion par confi- étant de nature électrostatique, elle peut
étudiée dans le cadre de nement inertiel dans le schéma piéger des électrons dans son potentiel,
la fusion par confinement dit d’attaque indirecte, un rayon- à condition que son amplitude soit suf-
inertiel, révèle bien des nement laser doit traverser une fisamment grande. Lorsque cela arrive,
surprises. L’une d’entre elles cavité remplie d’un gaz tampon f (v) s’en trouve modifiée : les électrons
est la capacité du plasma à qui s’ionise rapidement pour se trans- ne sont plus maxwelliens. À l’aide d’une
se transformer en un miroir former en plasma. Sous l’effet du laser, théorie adiabatique 1 , on montre que la
rétrodiffusant une partie les électrons du plasma engendrent des fonction de distribution des électrons qui
de l’énergie laser incidente. champs électrostatiques collectifs qui se ont été piégés est symétrique par rapport
C’est principalement la propagent de manière cohérente : ce sont à la vitesse de phase de l’onde, v φ . En
conséquence d’un effet des ondes plasma. Par diffusion Raman conséquence, le taux d’amortissement de
physique appelé diffusion stimulée, ces ondes transfèrent une partie Landau, proportionnel à −f ’(v φ), s’annule
Raman stimulée qui, en de l’énergie laser incidente vers une onde et l’onde plasma est excitée beaucoup
entravant la propagation rétrodiffusée : le plasma se comporte alors plus efficacement. Les électrons non
laser, s’avère néfaste pour comme un miroir. maxwelliens peuvent se propager dans
l’atteinte de la fusion. Les ondes plasma possèdent plusieurs tout le plasma et relaxent lentement vers
Cet effet peut être d’une propriétés fascinantes comme celle, mon- l’équilibre thermodynamique. Ainsi,
redoutable efficacité à trée par Landau en 1946, de s’amortir ils réduisent l’amortissement Landau
cause de son caractère même en l’absence de collisions. Pour et donc le seuil en intensité laser de la
non local en espace et en qu’elles puissent être excitées de manière diffusion Raman stimulée, au-delà de
temps, que cet article effective par un champ laser, cet amortis- l’endroit où ils ont été créés et sur des
décrit au travers de sement doit être vaincu, ce qui requiert temps longs à l’échelle de la croissance
résultats théoriques et une intensité suffisante. C’est principale- des ondes. Cela fait de la diffusion
expérimentaux. ment ce qui fixe le seuil en intensité laser Raman stimulée un processus non local,
de la diffusion Raman stimulée. Il dépend en espace et en temps, ce qui accroît son
alors, d’une part, d’une propriété intrin- efficacité.
sèque de l’onde, sa vitesse de phase, et, Cette propriété a été observée expé-
d’autre part, de la façon dont les vitesses rimentalement 2 en étudiant la diffu-
des électrons sont réparties, ce que l’on sion Raman stimulée induite par un laser
quantifie grâce à la fonction de distribu- pico­seconde dont l’intensité est au-des-
tion électronique f (v). À l’équilibre ther- sous du seuil pour un plasma maxwel-
modynamique, f (v) est dite maxwellienne lien. Si ce laser, dit faible, se propage seul
et, dans un plasma de fusion maxwellien, dans un tel plasma, la fraction d’énergie
l’amortissement de Landau est générale- rétrodiffusée, appelée réflectivité Raman,
ment fort. Cependant, une onde plasma est nulle. Or, on mesure expérimentale-

10 INTERACTION RAYONNEMENT-MATIÈRE, PHYSIQUE DES PLASMAS


1

10-1

Figure 1
Réflectivité

Réflectivité Raman mesurée pour un laser de durée


d’impulsion 1,5 ps, dont l’intensité est au-dessous du
seuil de la diffusion Raman stimulée dans un plasma
maxwellien 2 . Ce laser est focalisé dans le plasma après
10-2 un laser de même durée d’impulsion, mais dont l’intensité
est au-dessus du seuil. La réflectivité du laser dit faible est
représentée en fonction du délai Δt entre les instants où
les deux lasers sont envoyés dans le plasma. Les faisceaux
laser, séparés latéralement par une distance supérieure
à la largeur de leur tache focale, ne se recouvrent pas
spectralement. La densité électronique moyenne du plasma
10-3 est proche de 6 × 1019cm−3 et sa température vaut 300 eV.
-5 0 5 10 15 20
Cette expérience, réalisée sur l'installation ELFIE du LULI, a
Δt (ps)
mis en évidence la non-localité en espace et en temps de la
diffusion Raman stimulée.

ment une réflectivité de l’ordre de 10 % Lors des expériences sur le Natio- entre elles, et où les effets non locaux
au niveau du laser faible s’il se propage en nal Ignition Facility, des réflectivités de sont donc potentiellement importants.
même temps qu’un laser fort, dont l’in- plusieurs dizaines de pour cent ont été Les travaux résumés dans cet article
tensité est au-dessus du seuil, bien que les relevées. La diffusion Raman stimu- ont permis d’aboutir à une modélisation
taches focales soient trop éloignées pour lée est donc un effet important qu’on de la diffusion Raman stimulée 3 qui
se recouvrir. Comme le montre la figure 1, souhaite pouvoir estimer a priori pour tient compte de sa non-localité et qui
cette réflectivité ne change guère si l’on chercher à le réduire. Or, la tache focale se veut prédictive. Ce modèle, qui doit
focalise d’abord le fort dans le plasma, puis d’un laser est composée de millions de encore être confronté à l’expérience, est à
le faible après un délai Δt inférieur à 15 ps. zones de surintensité qui communiquent ce jour le plus abouti au monde.
Cela prouve le caractère non local en
espace et en temps de la diffusion Raman
stimulée. Pour les plus grandes valeurs de
Δt, les ondes engendrées par le laser fort
ont depuis longtemps quitté le plasma. La
non-localité est donc due aux électrons RÉFÉRENCES
non maxwelliens, même si leur genèse et 1 D. BÉNISTI, “Nonlocal adiabatic theory. I. The action distribution function”, Phys. Plasmas, 24,
leur rôle peuvent être plus complexes que 092120 (2017).
ce qui a été décrit précédemment. Lorsque
2 K. GLIZE, C. ROUSSEAUX, D. BÉNISTI et al., “Stimulated backward Raman scattering driven
Δt < 3 ps, ces électrons n’ont pas le temps
d’atteindre le laser faible et la non-localité collectively by two picosecond laser pulses in a bi- or multi-speckle configuration”, Phys. Plasmas, 24,
résulte alors des ondes créées par le laser 032708 (2017).
fort. En éclairant le laser faible, ces ondes 3 D. BÉNISTI, “Self-consistent theory for the linear and nonlinear propagation of a sinusoidal
jouent le rôle de germes pour sa diffusion electron plasma wave. Application to stimulated Raman scattering in a non-uniform and non-
Raman stimulée, dont elles abaissent ainsi stationary plasma”, Plasma Phys. Control. Fusion, 60, 014040 (2018).
le seuil.

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 11
X. Vaisseau, M. Touati, S. Hulin, P. Nicolaï, R. Nuter, D. Batani, J. Breil, J.-L. Feugeas,
P. Forestier-Colleoni, C. Fourment, L. Giuffrida, V. T. Tikhonchuk, J. J. Santos
Centre lasers intenses et applications (CELIA), UMR 5107 CNRS – CEA – Université de Bordeaux, Talence

A. Morace, S. Fujioka F. N. Beg M. Nakatsutsumi, S. D. Baton


Institute of Laser University of Laboratoire pour l’utilisation des lasers intenses (LULI),
INTERACTION Engineering, Osaka California, San Diego, UMR 7605 CNRS – CEA – École polytechnique – Université
RAYONNEMENT- University, Japon États-Unis Paris-Saclay, Sorbonne Universités, Palaiseau
MATIÈRE, PHYSIQUE R. Fedosejevs, S. Kerr H. S. Mclean H. Sawada
DES PLASMAS University of Alberta, Lawrence Livermore National University of Nevada,
Canada Laboratory, États-Unis États-Unis

EXPÉRIENCE DE COLLIMATION
D’UN JET D’ÉLECTRONS RELATIVISTES
PAR LE CARBONE VITREUX

L’
La fusion nucléaire est allumage rapide 1 utilise un la surface. Cependant, il est possible
une réaction entre noyaux laser picoseconde pour déposer d’utiliser les électrons comme vecteurs
atomiques légers qui une grande quantité d’éner- du transfert d’énergie entre la surface et
s’associent pour créer un gie dans le cœur dense d’une le cœur. Afin de minimiser la distance
noyau atomique plus lourd bille préalablement compri- que ces électrons auront à parcourir, la
en dégageant de l’énergie. mée. Malheureusement, le laser ne peut bille est pourvue d’un implant conique
Les conditions pour qu’elle pénétrer jusqu’au cœur et il est stoppé à creux qui pointe vers le cœur. Une fois
se réalise sont difficiles à
atteindre, car la température
et la densité doivent être
a
extrêmes. La fusion par ers
confinement inertiel consiste à t las
e Ablateur
utiliser des lasers pour qu’une plastique
e

Carbone
bl
Ci

vitreux
bille de combustible nucléaire
atteigne ces conditions. Laser Laser
picoseconde conde
nanose
Dans la stratégie dite Cô
ne
d’allumage rapide, la phase de Figure 1
compression est découplée (a) Schéma de la cible avec ses
de la phase de chauffage. différents composants, et géométrie
Traceur
L’expérience décrite ici montre d’irradiation par les deux lasers. Le laser
b nanoseconde comprime la cible par
que l’utilisation d’un matériau Im
ag la droite. Le laser picoseconde génère
très spécifique, le carbone Traceur e
un jet d’électrons rapides à la pointe
r ie

vitreux, permet d’améliorer du cône par la gauche. Le cône et le


X

l’efficacité de la phase de Largeur faisceau


traceur sont en cuivre, matériau qui
chauffage. Cela s’explique par d’électrons émet un rayonnement caractéristique
la plus grande résistivité du e au passage d’électrons rapides. (b)
Côn
carbone vitreux, qui améliore Imagerie X du cuivre chauffé par le
passage des électrons. La largeur de la
la collimation du jet d’électrons zone d’émission à la position du traceur
responsable du transfert est comparable à la largeur de la pointe
d’énergie entre le laser et le du cône : ainsi, grâce au carbone vitreux,
combustible comprimé. le jet d’électrons garde sa taille.

12 INTERACTION RAYONNEMENT-MATIÈRE, PHYSIQUE DES PLASMAS


Figure 2
Courbes de résistivité de 10-5
différents matériaux testés dans
les simulations ; la température
indique l’énergie des électrons.
La résistivité du carbone vitreux Carbone
(courbe en rouge), plus élevée vitreux
que celle d’un autre carbone (croix
noires) ou de l’aluminium (courbe
en bleu), explique pourquoi la

Résistivité (Ω . m)
collimation du jet d’électrons
est meilleure qu’avec un autre 10-6 Aluminium
matériau, grâce à un champ
magnétique plus puissant qui
confine mieux les électrons.

Carbone

10-7
100 101 102 103
Température (eV)

la compression atteinte, le faisceau laser verse d’abord le cône puis le traceur. Une (tournant autour du jet) qui tente de le
accélère les électrons de la pointe du image de ce type (figure 1b) montre que collimater. Plus la résistivité du matériau
cône vers le cœur sous forme d’un jet. Il la taille du jet d’électrons ne change pas est élevée, plus ce champ est puissant et
est primordial d’en limiter l’éclatement entre la pointe du cône et le traceur. plus les électrons sont contraints autour de
lors de sa propagation dans la zone de La simulation numérique reproduit l’axe de propagation du jet.
transfert, longue alors d’une centaine de cette expérience et montre que la colli- Cette expérience a démontré que l’ajout
microns. Dans l’expérience réalisée sur mation est directement liée au choix du d’un implant en carbone vitreux au bout
l’installation LULI2000 2 , à Palai- matériau. Elle est forte avec du carbone du cône dans les futures cibles dédiées à
seau, des cibles reproduisant la géomé- vitreux, forme de carbone la plus amorphe, l’allumage rapide permettra d’en amélio-
trie de l’allumeur rapide ont été utilisées par opposition au diamant qui en est la rer les performances. Une confirmation à
(figure 1a). Un cône creux en cuivre a été forme la plus cristalline, parce qu’il pré- pleine échelle pourra être envisagée sur
enfoncé dans un bloc de carbone de telle sente une résistivité électrique très éle- l’installation Laser Mégajoule-PETAL
sorte qu’il reste 50 μm entre la pointe vée 3 (figure 2). Or, un jet d’électrons qui possède les deux types de faisceau
du cône et la face de sortie du carbone. induit un champ magnétique azimutal laser adéquats.
Sur cette face, un traceur de cuivre a
été déposé puis une couche de plastique
qui sert d’ablateur. La cible est irradiée
successivement par deux faisceaux laser
distincts. Un premier faisceau de longue
durée (3 nanosecondes) comprime la cible
du côté du plastique, en direction du RÉFÉRENCES
cône. Un second faisceau de plus courte 1 M. TABAK et al., “Ignition and high gain with ultrapowerful lasers”, Phys. Plasmas, 1, p. 1626 (1994).
durée (1 picoseconde) crée un jet d’élec-
trons de la pointe du cône vers le plas-
2 X. VAISSEAU, A. MORACE, M. TOUATI, M. NAKATSUTSUMI, S. D. BATON, S. HULIN, P. NICOLAÏ, R. NUTER,
tique. Or, le cuivre émet un rayonnement D. BATANI et al., “Collimated Propagation of Fast Electron Beams Accelerated by High-Contrast Laser
X caractéristique lorsqu’il est traversé par Pulses in Highly Resistive Shocked Carbon”, Phys. Rev. Lett., 118, 205001 (2017).
des électrons rapides. Ainsi, la taille du 3 P. MCKENNA et al., “Effect of Lattice Structure on Energetic Electron Transport in Solids Irradiated by
jet d’électrons est mesurée, à l’aide d’un Ultraintense Laser Pulses”, Phys. Rev. Lett., 106, 185004 (2011).
système d’imagerie adapté, lorsqu’il tra-

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INTERACTION A. Casner, C. Mailliet, E. Le Bel, V. T. Tikhonchuk
Centre lasers intenses et applications (CELIA), UMR 5107 CNRS – CEA –Université de Bordeaux, Talence
RAYONNEMENT-
MATIÈRE, PHYSIQUE S. F. Khan, D. A. Martinez, N. Izumi, D. Kalantar, P. Di Nicola, I. Igumenshchev
DES PLASMAS J. M. Di Nicola, B. A. Remington, L. P. Masse, V. A. Smalyuk Laboratory for Laser Energetics,
Lawrence Livermore National Laboratory, États-Unis Rochester, États-Unis

QUALIFICATION D’UNE
PLATEFORME EXPÉRIMENTALE
D’HYDRODYNAMIQUE PLANE SUR
LE NATIONAL IGNITION FACILITY

D
L’avènement des lasers ans le cadre des appels à propo- Alors que les expériences précédentes
de puissance de classe sitions académiques « Discovery avaient permis de mettre en évidence un
mégajoule, comme le Science » sur le NIF, un programme régime de compétition – mélange de bulles
Laser Mégajoule (LMJ) de recherche portant sur le stade bidimensionnelles (2D) pour l’instabilité
en France ou le National fortement non linéaire de l’insta- de Rayleigh-Taylor au front d’ablation en
Ignition Facility (NIF) aux bilité de Rayleigh-Taylor au front d’ablation attaque indirecte 4,5 –, on s’intéresse ici
États-Unis, permet pour la se poursuit depuis 2012 1,2 . L’instabilité au cas de l’attaque directe. La première
première fois de créer en de Rayleigh-Taylor est une instabilité qui se étape de ce travail consiste à qualifier une
laboratoire des écoulements développe à l'interface entre deux fluides, nouvelle plateforme et à en simuler les prin-
de plasmas denses et quand un fluide lourd est accéléré par un cipales observables expérimentales.
turbulents. En effet, ces fluide léger. Dans le cadre de la fusion par
installations autorisent des confinement inertiel (FCI), l’instabilité de GÉOMÉTRIE EXPÉRIMENTALE
durées et des distances Rayleigh-Taylor au front d'ablation est un des Le schéma de l’expérience est représenté
d’accélération d’échantillon facteurs limitant les performances des implo- sur la figure 1. Entre 14 et 24 quadruplets
beaucoup plus importantes sions de cibles cryogéniques. Au-delà de la (300 à 450 kJ d’énergie laser) de l’hémis-
qu’auparavant, favorables FCI, on s’intéresse aussi au problème fonda- phère Sud du NIF sont directement inci-
à l’apparition de régimes mental de la turbulence. En effet, le surcroît dents sur l’échantillon accéléré (d’où la
turbulents intéressants d’énergie et les durées d’impulsion laser plus notion d’attaque directe). L’irradiation a
pour l’astrophysique de longues offertes par les lasers mégajoule per- été optimisée pour créer une irradiation
laboratoire. Cet article mettent de recréer, en laboratoire, des expé- uniforme sur une zone centrale de 2 mm
présente le principe et riences de turbulence qui étaient jusqu’à de diamètre, avec une intensité laser maxi-
les premiers résultats maintenant réalisées uniquement avec des mum de 2 × 1014 W·cm-2. L’impulsion laser
d’une nouvelle plateforme fluides classiques et non des plasmas 3 . totale dure 20 ou 30 ns, en concaténant
en attaque dite directe
sur le NIF, dédiée
à des expériences
Radiographie de côté Radiographie de face
d’hydrodynamique aux 20 kJ 117 kJ
temps longs. Figure 1
Schéma d’irradiation de la
plateforme NIF dévolue aux
études d’hydrodynamique en
attaque directe. Les faisceaux
utilisés pour accélérer
l’échantillon sont en rose,
Faisceaux d'accélération :
300 à 450 kJ
ceux pour irradier les sources
Impulsion 30 ns carrée de radiographie en bleu
Intensité 2 × 1014 W/cm2 (radiographie de face) et vert
(radiographie de profil).

14 INTERACTION RAYONNEMENT-MATIÈRE, PHYSIQUE DES PLASMAS


dans le temps deux ou trois groupes de Strip 3
0,2
a b
quadruplets partageant chacun une impul- 1 000
800 2e expérience
sion de 10 ns. Les mesures reposent sur des 0,16 1re expérience

y (μm)
600
Chic
radiographies X, de face et de côté, résolues 400

Densité optique
200
en temps. Le rayonnement de la source de 0
0,12
0 500 1 000 1 500 2 000
radiographie de côté, en vanadium ou en x (μm)
zinc, est induit par le dépôt de l’énergie laser Pre-imposed, 150 µm, 1 µm PTV
0,2
0,08

(20 kJ) d’un quadruplet. Le rayonnement de 0,1


0,04
la source de radiographie de face en argent

OD
0,0
est engendré par 7 quadruplets, il est dirigé -0,1

vers l’imageur X à images intégrales inséré -0,2 4 8 12 16 20


200 400 600 800
x (μm) t (ns)
dans le pôle Nord de la chambre.
La première étape de la campagne a Figure 3
consisté à s’assurer de la planéité du choc (a) Radiographie de face enregistrée à t = 17,36 ns correspondant à la croissance de modulations préimposées
créé sur une expérience spécifique avec un (λ = 150 μm, 2a0 = 1 μm). Une coupe horizontale (courbe bleue) illustre les modulations mesurées en densité optique après
échantillon épais de plastique (2 mm) pour renormalisation par le profil de la source de radiographie. (b) Évolution des modulations en densité optique pour
visualiser la propagation du choc et du front les deux expériences réalisées : les points expérimentaux et les calculs intégrés CHIC (en trait plein) sont en très bon accord.
d’ablation. La radiographie de côté corres-
pondante enregistrée à t = 28 ns est donnée zones plus ou moins absorbantes aux rayons uniforme. En ce qui concerne l’instabilité de
sur la figure 2a. On constate que le front de X. On en extrait une amplitude de modula- Rayleigh-Taylor ablative, la maîtrise de cette
choc et le front d’ablation sont remarquable- tion en densité optique (figure 3b) qui peut nouvelle plateforme a permis d’étudier la
ment plans : la courbure n’excède pas 150 μm ensuite être comparée aux simulations : l’évo- croissance de défauts 3D multimode. Ces
sur une zone centrale de 2 mm. Ces résultats lution temporelle de l’amplitude des pertur- données permettront d’affiner les théories et
sont bien reproduits par les simulations d’hy- bations de l'instabilité de Rayleigh-Taylor au simulations du stade fortement non linéaire
drodynamique radiative réalisées avec le code front d’ablation est en parfait accord avec les de l'instabilité de Rayleigh-Taylor ablative,
CHIC développé au CELIA 6 , tant pour simulations CHIC et les interprétations réa- facteur limitant les performances d’implo-
la courbure que pour la position absolue des lisées post-campagne. De telles simulations sions de cibles cryogéniques, en attaque
fronts de choc et d’ablation (figure 2b). sur des temps physiques de plus de 20 ns directe ou indirecte.
n’avaient encore jamais été réalisées, car elles
ÉVOLUTION nécessitent un grand nombre de mailles (du
D’UNE PERTURBATION fait de la taille de l’échantillon), de nom- RÉFÉRENCES
BIDIMENSIONNELLE breux tests préliminaires de maillage et un
MONOMODE temps de calcul de près de trois semaines. 1 A. CASNER et al., “Designs for highly
La seconde étape de la campagne a consisté à nonlinear ablative Rayleigh-Taylor
calibrer le code d’hydrodynamique radiative PERSPECTIVES : ÉVOLUTION experiments on the National Ignition
CHIC utilisé au CELIA pour modéliser D’UNE PERTURBATION Facility”, Phys. Plasmas, 19, 082708 (2012).
la croissance de perturbations initiales 2D TRIDIMENSIONNELLE 2 A. CASNER et al., “Expériences
préimposées (longueur d’onde λ = 150 μm, MULTIMODE d’instabilité Rayleigh-Taylor ablative en
amplitude crête à crête 2a0 = 1 μm) sur une Ces résultats 6 ont permis en premier lieu de régime fortement non linéaire sur le
plaque mince de plastique (300 μm d’épais- valider une nouvelle plateforme académique National Ignition Facility”, Revue chocs
seur) accélérée pendant 20 ns. La radiogra- sur le NIF, intéressante pour des expériences avancées 2012, p. 6-7 (2013).
phie de face (figure 3a) montre les alter- d’astrophysique de laboratoire ou d’équations
3 F. DOSS et al., “The Shock/Shear platform
nances, à la longueur d’onde attendue, de d’état nécessitant une large zone d’irradiation
for planar radiation-hydrodynamics
experiments on the National Ignition
a
3 000
b Facility”, Phys. Plasmas, 22, 056303 (2015).
Face arrière de l'échantillon
2 000 4 A. CASNER et al., “Probing the
2 500 Référence spatiale 0,9
deep nonlinear stage of the ablative
0,8
2 000 1 500 Rayleigh-Taylor instability in indirect drive
0,7
experiments on the National Ignition
y (μm)

1 500
y (μm)

0,6
1 000
Facility”, Phys. Plasmas, 22, 056302 (2012).
1 000 0,5
5 D. A. MARTINEZ et al., “Evidence for a
500 0,4
500
Front de choc
Bubble-Competition Regime in Indirectly-Driven
Front d'ablation 0,3
0 0
Ablative Rayleigh-Taylor Instability Experiments
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 -1 500 - 1 000 - 500 0 500 1 000 1 500 on the NIF”, Phys. Rev. Lett., 114, 215004 (2015).
x (μm) x (μm)
6 A. CASNER et al., “Long-duration planar
Figure 2 direct-drive hydrodynamics experiments on
(a) Radiographie X, résolue en temps, enregistrée à t = 28 ns après le début de l’irradiation laser, réalisée pour vérifier la planéité the NIF”, Plasma Phys. Control. Fusion, 60,
des fronts de choc et d’ablation. (b) Radiographie synthétique issue d’un calcul à l’aide du code CHIC 6 ; les positions mesurées du 014012 (2018).
front d’ablation et du front de choc sont respectivement indiquées par les croix bleues et rouges.

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INTERACTION
RAYONNEMENT-
MATIÈRE, PHYSIQUE
DES PLASMAS X. Davoine H. Ekerfelt, O. Lundh
CEA – DAM Île-de-France Université de Lund, Suède

OPTIMISATION D’UN
FAISCEAU D’ÉLECTRONS
DANS UN ACCÉLÉRATEUR
LASER-PLASMA

L
Grâce à leur grande compacité a focalisation d’un faisceau laser trons à de très fortes énergies sur de très
et aux caractéristiques uniques ultra-intense et ultracourt sur un petites distances ; une énergie de 4 GeV
des faisceaux d’électrons qu’ils jet de gaz conduit à la création a aujourd’hui été atteinte expérimentale-
génèrent, les accélérateurs d’un plasma peu dense par ionisa- ment sur moins de 10 cm. Cette compa-
laser-plasma sont envisagés tion du gaz, dans lequel le faisceau cité, ainsi que la taille micrométrique et
pour de nombreuses laser peut se propager. Une onde plasma, la durée femtoseconde (10 -15 s) des fais-
applications, comme la caractérisée par une modulation de la den- ceaux générés représentent les principaux
production de rayons X pour sité électronique et par la génération d’un intérêts de ces accélérateurs laser-plasma.
sonder des phénomènes champ électrique longitudinal de grande La volonté de mieux contrôler la géné-
physiques ultrarapides ou amplitude, est alors générée dans le sillage ration du faisceau d’électrons a conduit
radiographier des objets avec du laser. Ce champ électrique, qui peut à proposer la technique dite d’injection
une très bonne résolution être de trois ordres de grandeur supérieur par gradient 2 , qui a déjà été mise en
spatiale. Cependant, afin à ceux des accélérateurs conventionnels, œuvre dans de nombreuses expériences.
d’ajuster les propriétés des est capable d’accélérer un faisceau d’élec- Les diverses applications envisagées
faisceaux accélérés suivant
l’application envisagée, il est
important de développer et
caractériser des solutions dQ
___
permettant de manipuler et 0 dE
(x) (unité arbitraire)
1
contrôler leur production. Figure 1
À cette fin, une étude 1 a 200
Principe de l’injection
permis de montrer, à l’aide 6
d’électrons par gradient de
n1 densité. Profil de densité
d'une simulation numérique, ∂n
___ électronique ne (courbe
que la simple modification ∂x 150
noire) traversé par le laser et
des propriétés d’un gradient distribution des électrons dQ/dE
ne (1018 cm-3)

E (MeV)

de densité électronique 4,5


n2 (carte de couleur) en fonction de
100
généré dans la cible plasma I la position x du faisceau dans le
permet de régler un grand plasma et de l’énergie cinétique E
nombre de caractéristiques II 50 des électrons. Le gradient
L
descendant entre les régions I et
du faisceau produit, telles 3
II (respectivement de densité
que sa charge, sa durée, n1 et n2) provoque l’injection
0
sa qualité spectrale ou son 0 0,5 1 d’électrons, qui sont ensuite
émittance transverse. x (mm) accélérés à haute énergie lors de
la traversée de la région II.

16 INTERACTION RAYONNEMENT-MATIÈRE, PHYSIQUE DES PLASMAS


Figure 2
(a) Évolution de la charge électronique injectée en fonction du saut de densité n2 /n1, pour deux valeurs
différentes de la pente ∂n/∂x du gradient. (b) Évolution de l’émittance transverse du faisceau en fonction de la
pente ∂n/∂x du gradient, avec ε⎟⎟ et ε⊥ les émittances parallèle et perpendiculaire à la polarisation du laser ;
λp 1 correspond à la longueur d’onde du sillage dans la région I de densité n1 (voir figure 1).

a b 0,8
n1
∂n | = 0,1 ___
200 |___
∂x λp1
n1
∂n | = 0,76 ___ 0,6
|___

εnorm (mm mrad)


∂x λp1
Q (pC)

100 0,4

ε||
0,2 ε⊥

0,6 0,8 1 0 0,2 0,4 0,6 0,8


n2
__ |∂n /∂x| (n1 λ p1-1)
n1

nécessitent de plus de pouvoir optimi- provoquer l’injection. Cependant, dans Cependant, il existe encore peu d’études
ser un nombre croissant de propriétés du l’image du train, si celui-ci ralentit for- sur la conséquence d’une variation des pro-
faisceau. Notre travail a montré 1 que tement, alors il est plus facile d’y monter, priétés du gradient sur les faisceaux accélé-
l’adaptation de cette méthode d’injection même en courant moins vite. L’utilisation rés. Des simulations réalisées avec le code
par gradient est un moyen d’atteindre cet d’un gradient de densité (figure 1) suit ce Calder-Circ ont montré qu’un grand nombre
objectif. principe : faire ralentir l’onde plasma afin de caractéristiques du faisceau pouvaient
La structure plasma accélératrice, c’est- de faciliter l’injection d’électrons en son être ajustées et contrôlées en choisissant
à-dire l’onde de sillage, se propage à la sein. Ce ralentissement est dû à la modi- correctement ces valeurs. En particulier, la
même vitesse que le faisceau laser qui la fication de la longueur d’onde de l’onde charge et la durée du faisceau augmentent
génère. Avant de pouvoir être accéléré de sillage lorsque la densité du plasma avec l’amplitude du saut de densité induit
à haute énergie, un faisceau d’électrons décroît. Il provoque l’injection d’une par le gradient, et son émittance transverse
doit d’abord être injecté dans cette struc- manière localisée et contrôlée, comme on – qui quantifie la qualité de la distribution
ture accélératrice, c’est-à-dire atteindre la peut le vérifier sur la figure 1 : les élec- transverse du faisceau – se dégrade (car elle
vitesse de l’onde afin de rester à l’intérieur trons énergétiques en fin d’accélération augmente) avec la pente, comme le montre
de celle-ci. Ce processus d’injection est (E > 150 MeV) sont issus de la petite zone la figure 2. La qualité spectrale dépend de
similaire à celui qui consiste à prendre un où se trouve le gradient. manière plus complexe des différentes pro-
train en marche : plus le train est rapide et Divers procédés expérimentaux per- priétés du gradient.
plus il est difficile d'y monter. Or, dans les mettent déjà de créer des profils plasma Ces résultats seront très utiles pour la
plasmas peu denses considérés ici, le laser présentant un gradient, tout en en contrô- conception et la compréhension de futures
est ralenti par le plasma, mais il se pro- lant partiellement certaines propriétés, expériences d’accélération d’électrons
page tout de même à une vitesse proche comme la longueur et la pente. par laser.
de celle de la lumière dans le vide. Le
faisceau d’électrons doit donc atteindre
une vitesse relativiste avant de pouvoir
être injecté puis accéléré à haute énergie
par l’onde de sillage. Cette condition n’est
pas triviale à remplir, car c’est une frac- RÉFÉRENCES
tion des électrons du plasma, initialement
au repos, qui doit être ainsi préaccélérée. H. EKERFELT, M. HANSSON, I. GALLARDO GONZÁLEZ, X. DAVOINE, O. LUNDH, “A tunable electron
1

Les électrons du plasma sont naturelle- beam source using trapping of electrons in a density down-ramp in laser wakefield acceleration”,
ment accélérés lors de leur courte interac- Sci. Reports, 7, 12229 (2017).
tion avec le faisceau laser et avec l’avant 2 S. BULANOV et al., “Particle injection into the wave acceleration phase due to nonlinear wake wave
de l’onde de sillage, mais bien souvent, breaking”, Phys. Rev. E, 58, R5257 (1998).
cette accélération n’est pas suffisante pour

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E. Pellereau, J. Taieb, A. Chatillon, En collaboration avec des chercheurs de l’université
G. Bélier, G. Boutoux, A. Ebran, de Saint-Jacques-de-Compostelle et de l’université
PHYSIQUE T. Gorbinet, L. Grente, B. Laurent, de Vigo (Espagne), de l’université technologique
NUCLÉAIRE J.-F. Martin de Chalmers (Suède), du GSI de Darmstadt (Allemagne)
CEA – DAM Île-de-France et du CNRS (IPN Orsay, GANIL, CENBG).

MESURES DE HAUTE
PRÉCISION DE RENDEMENTS
DE FISSION NUCLÉAIRE

L
Le projet SOFIA a pour e projet SOFIA, pour Studies On sion. Le dispositif permet de sélectionner
objectif de mesurer FIssion with Aladin, utilise un ce mécanisme de réaction de fission induite
des données nucléaires dispositif expérimental moderne, par excitation coulombienne, qui présente
d’importance pour développé pour mesurer, en pre- deux avantages majeurs par rapport aux
améliorer la simulation mier lieu, les rendements de fission, méthodes classiques : d’une part, la fission
de systèmes nucléaires c’est-à-dire la proportion de chaque espèce d’un grand nombre d’isotopes peut être
comme les réacteurs de fragments produits par la réaction de fis- étudiée, d’autre part la détermination des
de nouvelle génération, sion. Dans ce contexte, un spectromètre a rendements de fission est très précise car
et donc pour améliorer été spécialement conçu pour s’adapter aux une grande statistique peut être accumulée
leur sécurité. Ces faisceaux d’ions lourds relativistes produits rapidement. De plus, cette méthode per-
données nucléaires sont sur la très grande installation du laboratoire met de s’affranchir de la difficulté, voire de
complexes à mesurer GSI de Darmstadt en Allemagne. Dans l’impossibilité dans certains cas, de fabri-
et SOFIA, avec une cette approche expérimentale du phéno- quer des cibles sans lesquelles les méthodes
importante collaboration mène, le noyau dont on souhaite étudier la classiques sont inopérantes.
internationale (France, fission est accéléré à des vitesses relativistes Une cinquantaine de noyaux, du mer-
Espagne, Allemagne, (environ 80 % de la vitesse de la lumière) et cure au neptunium, ont été étudiés. Un
Suède) et des moyens envoyé sur une cible de plomb ou d’uranium. effort particulier a été fourni pour obtenir
expérimentaux modernes, Le noyau incident acquiert de l’énergie des données de haute précision sur les iso-
a permis d’acquérir un d’excitation dans le champ coulombien du topes de l’uranium. Le dispositif expéri-
grand volume de données noyau cible, conduisant finalement à sa fis- mental est schématisé sur la figure 1. Le
de haute précision.

Cible Twin MUSIC ALA


DIN
active

Figure 1 Pb
Schéma de principe du dispositif expérimental utilisé Al
pour l’identification en charge et en masse des deux U
fragments de fission. Le faisceau de noyaux dont on veut
étudier la fission est conduit sur la cible active. La fission est
induite dans la cible active et les deux fragments produits MWPC 1
sont mesurés par la double chambre à ionisation Twin MWPC 2
MUSIC, par des détecteurs de localisation MWPC avant et Scintillateur Mur ToF
après déflexion par l’aimant de très grande taille ALADIN et
par le dispositif de temps de vol constitué par le scintillateur Base de vol ~ 7,5 m
devant la cible active et le mur ToF.

18 PHYSIQUE NUCLÉAIRE
10 2,5
Nombre de coups (x103)

Nombre de coups (x103)


8 2

6 1,5

4 1

2 0,5

0 0 Figure 2
14 7
Distributions (en haut) et rendements
12 6
Y (en bas) en charge Z (à gauche)
10 5
et en masse A (à droite), mesurés

Y(A) [%]
Y(Z) [%]

8 4 pour la fission de l’uranium 238. Cette


6 3 technique permet d’identifier, de
4 2 manière univoque et pour la première
2 1 fois, la charge Z et la masse A de chaque
0 0 fragment de fission, autrement dit le
30 35 40 45 50 55 60 80 90 100 110 120 130 140 150
Charge nucléaire (Z) Masse (A)
nombre de protons et le nombre de
neutrons.

faisceau interagit avec une cible ; lorsqu’une de vie longue, du flux de neutrons ou de la sition entre deux modes très différents de
réaction de fission se produit, les deux frag- chaleur résiduelle suite à l’arrêt d’un réac- fission, symétrique et asymétrique, est nette-
ments sont émis vers l’avant grâce à la très teur nucléaire. Un exemple est donné sur la ment mise en évidence entre Z = 49 et Z = 50.
grande énergie cinétique incidente. L’en- figure 3 pour les isotopes d’indium (Z = 49) La fission d’autres noyaux a été étudiée
semble des détecteurs est dimensionné pour et d’étain (Z = 50). avec une forte statistique, notamment celle
collecter la quasi-totalité des fragments de Cette figure 3 montre également qu’avec des isotopes 234, 235 et 236 de l’uranium.
fission, ce qui explique la grande statistique ces mesures une compréhension plus pro- L’ensemble des résultats obtenus avec l’ex-
qui peut être accumulée en quelques heures. fonde du phénomène de fission peut éga- périence SOFIA donnera l’évolution des
Ce dispositif permet de mesurer, pour cha- lement être atteinte. En effet, pour les rendements avec la masse du noyau fis-
cun des deux fragments, trois observables : fragments qui ne sont pourtant pas majo- sionnant. De plus, en comparant les résul-
la perte d’énergie, le temps de vol et la tra- ritairement produits, la décomposition en tats avec les mesures classiques de fission
jectoire dans un champ magnétique. Ces différents modes de fission peut être quan- induite par des neutrons de différentes
informations suffisent à obtenir, pour un tifiée. La fission est dite symétrique lorsque énergies, lorsqu’elles existent, une inter-
noyau fissionnant, l’identification isotopique les deux fragments sont produits avec une prétation plus fine de l’effet de l’énergie
des deux fragments, c’est-à-dire la charge masse ou une charge voisine, elle est dite d’excitation sur la fission est accessible, du
nucléaire Z et la masse A de chaque frag- asymétrique dans le cas contraire. La tran- fait de la haute précision des données.
ment, autrement dit son nombre de protons
(Z) et de neutrons (N = A – Z).
Les distributions et rendements en charge
0,4
Y(Z) et en masse Y(A) obtenus pour la fis- Z = 49
Mode SL
sion de l’isotope 238 de l’uranium 1 sont 0,3
Mode ST1 Figure 3
Y(Z,N) [%]

représentés sur la figure 2. Pour la première 0,2 Rendement isotopique


fois, une séparation a été obtenue entre les Y(Z,N) en fonction du nombre
différentes charges nucléaires Z et entre les 0,1 N de neutrons (N = A – Z)
différentes masses A. De ce fait, les rende- pour les fragments de charge
0
Z = 49 (indium) et Z = 50 (zinc).
ments ont pu être obtenus avec de faibles 1,2 Z = 50
Mode SL La précision des rendements
incertitudes (inférieures à l’épaisseur du Mode ST1
isotopiques (rouge) permet de
Y(Z,N) [%]

trait sur la figure 2). Les rendements isoto- 0,8


distinguer les différents modes
piques Y(Z,N) ont également été obtenus de fission : la queue du mode dit
0,4
pour tous les fragments de fission ayant une symétrique en bleu, et le mode
charge nucléaire comprise entre Z = 30 et 0
dit asymétrique en vert, modes
Z = 59 ; ces rendements isotopiques donnent 68 70 72 74 76 78 80 82 84 dont le poids respectif change
Nombre de neutrons des fragments de fission (N) drastiquement au passage de
la probabilité pour qu’un isotope particulier
Z = 49 à Z = 50.
soit produit.
Obtenir cet ensemble de résultats avec
une telle précision a un impact significa-
tif pour les applications. En particulier, la
RÉFÉRENCES
connaissance des rendements de production E. PELLEREAU et al., “Accurate isotopic fission yields of electromagnetically induced fission of 238U
1
permet une amélioration de la prédiction measured in inverse kinematics at relativistic energies”, Phys. Rev. C, 95, 054603 (2017).
de l’accumulation des produits de fission

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PHYSIQUE
DE LA MATIÈRE C. M. Pépin, G. Geneste, M. Mezouar
CONDENSÉE A. Dewaele, P. Loubeyre European Synchrotron Radiation
CEA – DAM Île-de-France Facility (ESRF), Grenoble

DÉCOUVERTE DU
SUPERHYDRURE FeH5 :
LA NOUVELLE CHIMIE DES HYDRURES
SOUS TRÈS HAUTE PRESSION

L’
Au cours de ces dix dernières étude de nouveaux composés moyen de cellules à enclumes de diamant,
années, de nombreux calculs obtenus par l’action de l’hydro- un dispositif expérimental comportant
ont prédit une nouvelle gène sur les métaux sous très deux diamants opposés entre lesquels
chimie de l’hydrogène fortes pressions est un axe de un échantillon micrométrique peut être
avec les métaux. Sous des recherche qui connaît actuelle- soumis à des pressions et températures
pressions d’hydrogène de ment un essor considérable. Jusqu’à présent, extrêmes (P ≤ 400 GPa, T ≤ 7 000 K).
l’ordre de 100 GPa, la plupart la plupart des travaux étaient théoriques, Ces prédictions théoriques ont trouvé
des métaux pourraient mais les premiers résultats expérimentaux une première confirmation remarquable il
former des composés avec récemment obtenus confirment la richesse y a deux ans, lorsqu’une équipe allemande
des stœchiométries en de cette ligne de recherche. La pression a détecté un état supraconducteur dans le
hydrogène très riches, appelés devrait accroître considérablement la solu- composé H 3 S sous pression 3 , avec la
superhydrures. L’étude du bilité de l’hydrogène. Ainsi, des composés température critique la plus élevée jamais
système Fe/H sous pression extrêmement riches en hydrogène devraient mesurée (Tc = 203 K à 150 GPa). Précisons
a permis de découvrir le apparaître sous pression. Ces systèmes sont qu’il s’agit a priori d’une supraconductivité
premier superhydrure ne aujourd’hui dénommés polyhydrures ou conventionnelle, c’est-à-dire dont l’origine
contenant que de l’hydrogène superhydrures, car ils contiennent davan- se trouve dans l’appariement des élec-
atomique, de formule tage d’hydrogène que les règles de valence trons par le biais de leur interaction avec
FeH5. Sa structure, formée ne le laissent présager. De nombreux super­ les phonons. En parallèle, notre équipe a
de couches d'hydrogène hydrures ont ainsi été prédits, tels LiH6 1 , démontré la très forte augmentation de la
atomique, est remarquable. YH6 ou encore LaH10 2 . Sous pression, solubilité de l’hydrogène dans les métaux,
Ces superhydrures pourraient ces systèmes pourraient présenter certaines avec la synthèse de LiH6 4 , ou encore de
permettre d’observer propriétés remarquables attendues dans le FeH3 5 . Dans le travail présenté ici 6 ,
quelques-unes des propriétés cas de l’hydrogène métallique et liées à la le composé FeH 5 a été synthétisé et sa
remarquables de l’hydrogène faible masse du noyau d’hydrogène, comme structure déterminée. Il s’agit d’un record
métallique à des pressions une supraconductivité à haute température de stœchiométrie en hydrogène pour un
qui peuvent être atteintes critique. Un tel comportement n’est cepen- métal de transition, et un record de stœ-
actuellement, comme une dant pas attendu pour l’hydrogène pur en chiométrie en hydrogène atomique pour
supraconductivité à haute dessous d’une pression colossale d’au moins un métal dans le cas général.
température critique. 450 GPa (pression prédite de sa métallisa- Cette découverte fait suite à un précé-
tion), tandis que de nombreux superhydrures dent travail, dans lequel la série des pre-
devraient présenter une supraconductivité miers hydrures de fer sous pression a été
à haute température pour des pressions de étudiée, et l’existence de FeH 2 et FeH3 a
l’ordre de la centaine de gigapascals, donc été démontrée 5 . La synthèse avait été
plus facilement accessibles en laboratoire au réalisée en mettant en contact du fer avec

20 PHYSIQUE DE LA MATIÈRE CONDENSÉE


Étape 1 Étape 2
Synthèse, diffraction Calculs
des rayonx X : ab initio :
Maille, positions Fe Fe Positions Fe Fe
des Fe des H

Hydrogène Fer

Fe Fe

Chauffage laser Figure 1


Synthèse et détermination
Fe Fe de la structure de FeH5. Étape 1 :
Échantillon
Milieu synthèse en cellule à enclumes
transmetteur
de pression de diamant et diffraction des
Rayons X (hydrogène) rayons X permettant l’obtention
de la maille, du groupe d’espace
Cellule à
enclumes de Fe Fe Fe Fe et des positions des atomes
diamant de Fe. Étape 2 : obtention
de la position des atomes
d’hydrogène par calculs ab initio.

de l’hydrogène en excès, dans une cellule nique, notamment par l’existence d’un gap pérature critique autour de 40-50 K 8,9 .
à enclumes de diamant chauffée par laser sur quasiment toute la zone de Brillouin, et Cette étude constitue une preuve
infra­rouge. Les produits de réaction avaient qui ne se referme qu’en certains points, en indiscutable de l’existence des superhy-
été caractérisés in situ par diffraction de bord de zone, une caractéristique qui rap- drures. L’étape suivante, sur laquelle
rayons X sur synchrotron. En utilisant les pelle des composés de Van der Waals 2D notre équipe travaille, est de caractériser
mêmes techniques, une autre phase a été comme le graphite. Notons que la structure les propriétés de supraconductivité de ces
obtenue à 130 GPa, dont une partie de la de FeH 5 a ensuite été confirmée par une systèmes. La mise en place d’une straté-
structure (groupe d’espace, positions des autre étude 8 . gie de recherche basée sur des hydrures
atomes de fer, paramètres de maille) a pu Par ailleurs, les hydrures sous pression ternaires (deux métaux + l’hydrogène),
être déterminée grâce à la diffraction des présentent des stœchiométries « magiques » : que l’on essaierait de ramener à pression
rayons X (figure 1). Les atomes d’hydro- certaines apparaissent, d’autres non. Ainsi, ambiante sous une forme métastable,
gène, quant à eux, sont quasiment invisibles FeH4 n’est jamais stable et n’apparaît pas. La pourrait ouvrir la voie à des supraconduc-
aux rayons X, mais le volume mesuré laissait découverte de FeH5 a immédiatement sus- teurs à haute température critique à des
à penser que le composé pouvait être de stœ- cité des travaux de la part d’autres équipes. pressions proches de l’ambiante, ou à la
chiométrie FeH5. Afin de trouver le nombre La supraconductivité dans ce composé a synthèse de matériaux prometteurs pour
d’atomes d’hydrogène dans la maille, ainsi ainsi été calculée, et prédite avec une tem- le stockage de l’hydrogène.
que leurs positions, des calculs ab initio ont
été effectués avec le code Abinit 7 , ce qui
a permis d’élucider totalement la structure RÉFÉRENCES
et de confirmer qu’il s’agissait bien de FeH5.
1 E. ZUREK et al., “A little bit of lithium does a lot for hydrogen”, P. Natl. Acad. Sci. USA, 106,
La structure de cet hydrure n’était pas
prédite auparavant. Elle est remarquable :
p. 17640-17643 (2009).
c’est une structure en couches, qui contient 2 H. LIU et al., “Potential high-Tc superconducting lanthanum and yttrium hydrides at high
une très grande quantité d’hydrogène pressure”, P. Natl. Acad. Sci. USA, 114, p. 6990-6995 (2017).
dans les interstices séparant deux couches 3 A. P. DROZDOV et al., “Conventional superconductivity at 203 kelvin at high pressures in the sulfur
consécutives. Ces couches – dont la struc- hydride system”, Nature, 525, p. 73-76 (2015).
ture est analogue à celle de FeH3 – ne sont 4 C. M. PÉPIN et al., “Synthesis of lithium polyhydrides above 130 GPa at 300 K”, P. Natl. Acad. Sci.
pas liées chimiquement entre elles : c’est la
pression qui maintient la cohésion du sys-
USA, 112, p. 7673-7676 (2015).
tème dans la direction perpendiculaire. De 5 C. M. PÉPIN et al., “New iron hydrides under high pressure”, Phys. Rev. Lett., 113, 265504 (2014).
plus, l’hydrogène est sous forme atomique, 6 C. M. PÉPIN et al., “Synthesis of FeH5: A layered structure with atomic hydrogen slabs”, Science,
alors qu’à cette pression, l’hydrogène pur 357, p. 382-385 (2017).
est sous forme moléculaire (H 2), laissant 7 X. GONZE et al., “Recent developments in the ABINIT software package”, Comput. Phys. Commun.,
suggérer des similarités avec l’hydrogène
205, p. 106-131 (2016).
métallique, qui possède une structure ato-
mique. Chaque atome de fer est entouré de 8 A. G. KVASHNIN et al., “Iron superhydrides FeH5 and FeH6: Stability, electronic properties and
13 atomes d’hydrogène. Par ailleurs, FeH5 superconductivity”, J. Phys. Chem. C, 122, p. 4731-4736 (2018).
présente les caractères d’un système bidi- 9 A. MAJUMDAR et al., “Superconductivity in FeH5”, Phys. Rev. B, 96, 201107(R) (2017).
mensionnel quant à sa structure électro-

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 21
PHYSIQUE
DE LA MATIÈRE B. Dorado, F. Bottin,
CONDENSÉE J. Bouchet
CEA – DAM Île-de-France

UNE PREMIÈRE
DANS LA MODÉLISATION
DU PLUTONIUM À HAUTE
TEMPÉRATURE

L
Des simulations de e plutonium est un élément de la pérature, il est nécessaire de déterminer
dynamique moléculaire série des actinides dont la radio­ les propriétés vibrationnelles du matériau
ab initio ont été effectuées activité rend les expériences à haute via un spectre de phonons qui indique les
afin d’étudier la stabilité température difficiles à réaliser. Par fréquences de vibration des atomes en dif-
des phases delta et epsilon conséquent, la modélisation ato- férents points de l’espace. L’analyse de ces
du plutonium à haute mistique apparaît comme un outil pertinent fréquences donne en retour les informa-
température. Pour cela, pour étudier les phénomènes dépendant de tions quantitatives nécessaires à la réali-
plusieurs simulations ont la température, en particulier la description sation du diagramme de phase.
été réalisées entre 300 K et du diagramme de phase. Cependant, d’un Afin de calculer les fréquences de
1 200 K, et les fréquences point de vue théorique, la modélisation du vibration, le code de structure élec-
de vibration des atomes diagramme de phase du plutonium par les tronique Abinit 2 , codéveloppé au
de plutonium ont été méthodes dites ab initio représente encore CEA – DAM Île-de-France, a été utilisé
analysées dans les deux aujourd’hui un important défi. D’une part, sur le supercalculateur Tera 1000, fournis-
phases cristallines. Il a ainsi le plutonium cristallise sous six différentes sant ainsi la puissance de calcul nécessaire
été montré que la phase phases allotropiques à pression ambiante ; à de telles simulations, dans lesquelles les
epsilon peut être stabilisée d’autre part, chacune de ces phases consti- deux effets physiques les plus importants
à condition de prendre en tue un défi pour les méthodes ab initio, la ont été pris en compte : (i) la température
compte simultanément la phase delta (cubique face centrée) étant une dans l’approche dite TDEP (Temperature
température et le caractère parfaite illustration des difficultés que les Dependent Effective Potential), dévelop-
corrélé des électrons des scientifiques ont rencontrées. Il aura en pée par O. Hellman 3 , et (ii) le fait que
atomes de plutonium. effet fallu plus de quarante années de tra- les électrons des atomes de plutonium
Les calculs montrent par vaux théoriques, couplés à des recherches sont fortement localisés autour des noyaux
ailleurs que les fréquences expérimentales, pour révéler les méca- atomiques, leur valant la qualification
de vibration des atomes nismes électroniques opérant dans cette d’électrons corrélés, qui nécessite des
dans la phase epsilon varient phase du plutonium 1 . méthodes de résolution adaptées 4, 5 .
significativement avec la Bien que le paramètre clé pour la modé- Dans l’approche TDEP, les fréquences de
température, contrairement lisation du diagramme de phase du pluto- vibration sont calculées en diagonalisant
à la phase delta. nium soit la température, toutes les études la matrice dynamique qui relie les forces
ab initio internationales qui se sont pen- et les positions atomiques acquises au
chées sur la description du plutonium ont, cours d’une simulation.
jusqu’à ce jour, été effectuées à des tem- Sur la figure 1 sont respectivement
pératures nulles, principalement en raison représentés les spectres de phonons des
des limitations liées aux ressources infor- phases delta, stable entre 580 et 730 K, et
matiques. Pour inclure les effets de tem- epsilon, stable entre 730 K et 900 K, pour

22 PHYSIQUE DE LA MATIÈRE CONDENSÉE


trois températures. Les axes des abscisses stabilité des phases – la phase étant main- En revanche, en ce qui concerne la phase
et des ordonnées représentent respective- tenue – dans le but de mieux appréhender epsilon (figure 1b), certaines fréquences
ment les directions spatiales dans le cris- la variation des spectres de phonons. Plu- de vibration sont négatives dans la direc-
tal et les fréquences de vibration associées sieurs points sont en effet nécessaires pour tion Γ-N à 600 K : la phase n’est pas stable
en térahertz (1 THz = 1012 Hz). Pour une caractériser ces évolutions. dynamiquement. Cependant, la stabilisa-
phase et une température données, les dif- La figure 1a indique ainsi que le spectre tion est progressive lorsque la température
férentes courbes sont appelées modes de de la phase delta ne change pas de manière augmente : à 900 K puis à 1 200 K, la fré-
vibration du cristal : à l’instar du son et de significative en fonction de la tempé- quence du mode augmente jusqu’à devenir
la lumière, les vibrations du cristal sont une rature : le cristal est dit harmonique, et positive. Ce spectre de phonons de la phase
superposition d’ondes de différentes fré- ce, jusqu’à des températures d’au moins epsilon est le premier jamais obtenu, que
quences (ou longueurs d’onde). On notera 1 000 K. On constate aussi que toutes les ce soit par des approches théoriques ou
que certaines des simulations ont été effec- fréquences de la phase delta sont positives, expérimentales.
tuées à des températures hors de la zone de traduisant la stabilité dynamique du cristal. Ces résultats montrent ainsi que la
phase epsilon peut être stabilisée dans
une simulation de dynamique moléculaire
ab initio, à condition de prendre en compte
conjointement les effets de température et
a 3,5
les fortes corrélations électroniques. Une
telle stabilisation théorique avait jusqu’à ce
100 K
3 650 K jour échappé à toutes les études ab initio.
1 000 K
De plus, il a été possible de quantifier la
2,5 dépendance en température des fréquences
de vibration des deux phases : si la phase
Fréquence (THz)

2
delta est harmonique jusqu’à des tempéra-
tures de 1 000 K, les fréquences de vibra-
1,5
tion de la phase epsilon sont, en revanche,
1 significativement impactées par les effets
de température.
0,5

0
Γ X W X Γ L

2,5
b
600 K RÉFÉRENCES
900 K
2 1 200 K 1 M. JANOSCHECK et al., “The valence-
fluctuating ground state of plutonium”, Sci.
1,5
Adv., 1, e1500188 (2015).
Fréquence (THz)

2 X. GONZE et al., “Recent developments in


1
the Abinit software package”, Comput. Phys.
0,5
Commun., 205, p. 106-131 (2016).
3 O. HELLMAN et al., “Temperature
0 dependent effective potential method for
accurate free energy calculations of solids”,
-0,5 Phys. Rev. B, 87, 104111 (2013).
Γ H P Γ N
4 B. DORADO et al., “Advances in first-
principles modelling of point defects in UO2:
Figure 1 f electron correlations and the issue of local
Spectres de phonons (a) de la phase delta et (b) de la phase epsilon du plutonium, obtenus par energy minima”, J. Phys.: Condens. Matter,
calcul ab initio avec le code Abinit 2 sur le supercalculateur Tera 1000. L’axe des abscisses représente
les directions spatiales dans le cristal et l’axe des ordonnées les fréquences de vibration en THz. Pour
25, 333201 (2013).
une température et une phase données, les différentes courbes représentent les modes de vibration du 5 B. DORADO et al., “Phonon spectra of
cristal. Le spectre de la phase delta indique une phase stable (pas de fréquences négatives) et n’évolue plutonium at high temperatures”, Phys. Rev.
pas significativement en fonction de la température, contrairement à celui de la phase epsilon, dont la B, 95, 104303 (2017).
stabilisation est progressive dans la direction Γ-N.

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O. Durand, S. Jaouen,
MATÉRIAUX, L. Soulard, O. Heuzé,
PHYSIQUE DU SOLIDE L. Colombet
CEA – DAM Île-de-France

SIMULATION DE L’ÉJECTION
DE MATIÈRE SOUS CHOC
PAR APPROCHES CONTINUE
ET ATOMISTIQUE

L
L’éjection de matière produite orsqu’une onde de choc traverse un culaire est une approche originale, égale-
par l’interaction d’une onde de matériau métallique et interagit avec ment développée depuis quelques années
choc avec les défauts de surface les défauts géométriques de sa sur- au CEA – DAM et qui a montré sa capa-
d’un métal est un phénomène face, des instabilités de matière, dites cité à capter à la fois les aspects continus
difficile à simuler pour les de Richtmyer-Meshkov, peuvent se et les mécanismes de fragmentation des
codes hydrodynamiques développer. Dans le cas particulier où le instabilités de Richtmyer-Meshkov 4 .
(approche continue), car les matériau fond directement sous choc ou en Son principal avantage réside dans le fait
effets mis en jeu (tension de détente, les instabilités finissent par se frag- que les effets de tension de surface et de
surface, viscosité, mécanisme menter pour former un nuage de particules viscosité sont pris en compte de manière
de fragmentation, etc.) sont de différentes tailles, éjectées à très grandes intrinsèque par le potentiel utilisé pour
rarement tous pris en compte vitesses. Ce phénomène peut être une source décrire les inter­actions entre atomes ; elle
dans la modélisation. Le défi d’inhibition pour des applications comme la permet aussi de s’affranchir de tout effet de
a été relevé par le CEA – DAM, fusion par confinement inertiel. maillage. Ainsi, la dynamique moléculaire
qui a réalisé très récemment La fragmentation des instabilités de contient toute la physique nécessaire à la
un développement majeur Richtmyer-Meshkov est un processus dif-
du code hydrodynamique ficile à simuler pour les codes hydrodyna-
Hera. Cet outil a été testé miques traitant la physique des chocs (fluides 166,5 n
m

et validé en comparant, à la compressibles), car il fait intervenir la ten-


même échelle, des simulations sion de surface qui a une grande influence
d’éjection issues de Hera à des sur la courbure des fluides, et donc sur le λ = 150,2 nm

simulations par dynamique calcul du positionnement relatif des inter-


Choc
moléculaire effectuées avec faces. Récemment, un modèle de calcul de 25 nm

le code ExaStamp (approche tension de surface basé sur la méthode dite


atomistique). Ces dernières, CSF 1 , pour Continuum surface force, a été
qui décrivent les mouvements implanté dans le code d’hydrodynamique Oz 203
,5 n
relatifs d’atomes en interaction eulérienne multimatériaux Hera développé m
Oy
mutuelle, fournissent des au CEA – DAM. Ce code repose sur une Ox
solutions de référence. Les plateforme basée sur un raffinement adapta-
simulations issues des deux tif de maillage adapté aux supercalculateurs
Figure 1
approches sont en très bon de la DAM 2 .
Exemple de géométrie testée pour simuler l’éjection de
accord ; elles bénéficient Afin de tester ce code, des simulations
matière avec les codes hydrodynamique Hera et de dynamique
pleinement des capacités d’éjection de matière réalisées avec Hera ont moléculaire ExaStamp. L’étain sous choc est représenté en
des supercalculateurs été comparées à des simulations par dyna- rouge et l’étain non choqué en bleu. Le choc, d’environ 65 GPa,
du CEA – DAM. mique moléculaire 3 . L’étude de l’éjection se propage de la gauche vers la droite selon l’axe Ox et l’étain
de matière sous choc par dynamique molé- est au contact du vide.

24 MATÉRIAUX, PHYSIQUE DU SOLIDE


description de l’éjection, et les simulations
fournissent des solutions de référence pour a
un code hydrodynamique. L’inconvénient Figure 2
majeur provient du fait que les simulations (a) Comparaison et (b) superposition des
sont limitées à des tailles d’échantillon de nappes de métal liquide éjectées issues des
ExaStamp
dimensions nanométriques. Un code tel que simulations numériques, réalisées avec le
code de dynamique moléculaire ExaStamp
Hera est donc nécessaire pour passer à plus et avec le code hydrodynamique Hera,
grande échelle. 900 ps après le début de l’éjection. Sur la
Les simulations par dynamique molé- figure 2b, la simulation obtenue avec Hera
culaire sont réalisées au moyen du code est représentée avec le maillage visible (en
ExaStamp, développé au CEA – DAM, qui noir) afin de la distinguer des simulations
répond aux exigences des nouveaux super- par dynamique moléculaire (en bleu). Les
calculateurs de la DAM. Il est capable d’ef- formes de la tête de nappe calculées avec
Hera
Hera et ExaStamp coïncident parfaitement.
fectuer des simulations avec des potentiels L’évolution des nappes à des instants
coûteux sur des systèmes contenant plusieurs ultérieurs montre une phénoménologie
centaines de millions d’atomes. Il bénéficie de fragmentation similaire dans les deux
d’une programmation orientée objet lui per- cas : nucléation aléatoire puis croissance
b
mettant de masquer la complexité introduite et coalescence de trous dans les nappes.
par de multiples niveaux de parallélisme. Cependant, les germes de fragmentation
Afin de rendre cohérentes les comparai- sont différents : avec Hera, la fragmentation
est d’origine numérique, alors qu’avec
sons entre codes, l’équation d’état du métal ExaStamp elle a une origine physique
considéré ainsi que les valeurs de tension de (agitation thermique des atomes), ce qui
Hera ExaStamp
surface et de viscosité utilisées dans Hera explique la différence visible à cet instant à
ont été obtenues à partir du potentiel inter­ l’arrière de la tête de nappe.
atomique utilisé dans ExaStamp. Ce dernier
a lui-même été calé sur des données ther-
modynamiques expérimentales pertinentes. faisant, car cette forme dépend très fortement physique (agitation thermique des atomes).
Par ailleurs, les simulations ont été réalisées de la tension de surface du métal. Cette phénoménologie est identique à celle
sur des échantillons de mêmes dimensions. Une étude détaillée du processus de frag- observée dans les expériences 5 malgré les
Un exemple d’échantillon testé est décrit mentation des nappes 3 montre également différences d’échelles mises en jeu.
sur la figure 1. Un cristal d’étain, de dimen- que les deux codes décrivent une phénomé- Le CEA – DAM dispose désormais
sions 203,5 nm × 166,5 nm × 150,2 nm nologie de fragmentation similaire bien que d’outils de simulation performants basés sur
est mis au contact du vide. Il présente une les germes de fragmentation soient différents : une description continue et atomistique de
rugosité de surface sinusoïdale de longueur nucléation aléatoire puis croissance et coales- la matière et permettant de traiter les effets
d’onde λ = 150,2 nm et de profondeur cence de trous dans les nappes. Avec Hera, de tension de surface dans la physique des
25 nm. Il est soumis à un choc d’environ la fragmentation est d’origine numérique, chocs. Peu de laboratoires dans le monde
65 GPa se propageant selon la direction Ox alors qu’avec Exa­Stamp, elle a une origine peuvent les maîtriser.
et faisant passer l’étain directement d’un
état solide à un état liquide sous choc. Pour
les simulations par dynamique molécu- RÉFÉRENCES
laire, ce cristal contient environ 200 mil-
1 J. U. BRACKBILL, D. B. KOTHE, C. ZEMACH, “A Continuum Method for Modeling Surface Tension”,
lions d’atomes, et pour les simulations avec
Hera, l’étain est discrétisé au niveau le plus J. Comput. Phys., 100, p. 335-354 (1992).
fin avec 160 mailles par longueur d’onde λ, 2 P. BALLEREAU, P. CARRIBAULT, F. DUBOC, D. DUREAU, C. ENAUX, H. JOURDREN, M. PÉRACHE,
le vide étant plus grossièrement maillé (20 « Méthodes de raffinement adaptatif de maillage et modèles avancés de programmation pour le
mailles/λ). calcul haute performance », Revue chocs, 41, p. 81-87 (2012).
La figure 2a compare, sur des vues obliques, 3 O. DURAND, S. JAOUEN, L. SOULARD, O. HEUZÉ, L. COLOMBET, “Comparative simulations of
environ 900 ps après le début de l’éjec­tion, microjetting using atomistic and continuous approaches in the presence of viscosity and surface
les instabilités de ­R ichtmyer-Meshkov, ici tension”, J. Appl. Phys., 122, 135107 (2017).
sous forme de nappes de métal bidimensi-
4 O. DURAND, L. SOULARD, “Mass-velocity and size-velocity distributions of ejecta cloud from shock-
onnelles, simulées avec Hera et ExaStamp.
Ces vues sont ensuite superposées en coupe loaded tin surface using atomistic simulations”, J. Appl. Phys., 117, 165903 (2015).
sur la figure 2b. La tête de nappe de forme 5 D. S. SORENSON et al., “Ejecta Particle-Size Measurements from the Break-Up of Micro-Jets in
cylindrique, simulée par Hera, coïncide par- Vacuum and Helium Gas Using Ultraviolet In-Line Fraunhofer Holography”, Los Alamos National
faitement avec celle de la référence calculée en Laboratory, Technical Report No. LA-UR-15-25993 (2015).
dynamique moléculaire, ce qui est très satis-

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 25
MÉCANIQUE
DES FLUIDES T. Vazquez-Gonzalez, A. Llor C. Fochesato
CEA – DAM Île-de-France CEA – Cadarache

APPLICATION DU PRINCIPE
DE MOINDRE ACTION POUR
LA SIMULATION D’ÉCOULEMENTS
MULTIPHASIQUES COMPRESSIBLES

D
En dépit des progrès ès les premières études d’armes à résolution des maillages. Pour autant,
accumulés depuis plus Los Alamos en 1944, il est apparu l’ordre et la résolution finie ne per-
de soixante ans dans que l’hydrodynamique des maté- mettent pas de garantir un comporte-
le domaine, les schémas riaux sous haute pression et haute ment isentrope stable et rendent ardu le
numériques pour température était un élément traitement des écoulements multifluides.
la simulation d’écoulements critique : il a fallu toute la perspicacité de Dans des travaux antérieurs du CEA –
hydrodynamiques présentent von Neumann et Richtmyer pour mettre DAM 4 , l’analyse d’un cas test élémen-
des limites : au CEA – DAM, au point les premières simulations à l’aide taire mais strictement isentrope, appelé
les erreurs numériques d’un schéma numérique publié en 1950 2 . robinet de Ransom, a montré les fragilités
sur l’entropie ont été Aujourd’hui, les calculs d’hydrodynamique de plusieurs de ces schémas usuels.
identifiées comme étant présentent encore des difficultés. Celles-ci Cette situation et les évolutions pré-
l’une des sources premières concernent essentiellement l’intégration vues des codes de calcul ont donc motivé
du manque de robustesse. simultanée de chocs souvent forts et du une réanalyse des schémas numériques
L’entropie étant une transport, sur de grandes distances, de sur la base des principes premiers. L’élé-
grandeur thermodynamique fluides d’équations d’état contrastées qui ment central qui a été dégagé est que le
qui illustre le caractère subissent des phases d’évolution isentrope, comportement isentrope est géomé-
irréversible des phénomènes c’est-à-dire à entropie constante. La trique : l’énergie interne d’un système
physiques, cela a conduit contrainte d’isentropie est sans doute l’une isentrope ne dépend que de la densité
à réanalyser les schémas des plus fortes, car elle représente l’hori- qui, elle-même, ne dépend que de la
historiques encore employés, zon physiquement admissible qu’impose le position géométrique des constituants
en particulier ici à la lumière second principe de la thermodynamique : des fluides. Dans ce cas, les équations
du principe de moindre en l’absence de tout phénomène dissipatif, d’évolution peuvent être construites
action 1 . Les résultats, très un système peut être ramené à son état ini- selon un principe variationnel, dit prin-
encourageants, conduisent tial sans dépense d’énergie. Une simulation cipe de moindre action. Ce dernier sti-
parfois à des algorithmes isentrope revient à suivre cet horizon au plus pule que, pour tout système physique
contre-intuitifs. près, mais les erreurs numériques, toujours non dissipatif, il existe une fonction-
présentes, conduisent à le franchir parfois, nelle de sa trajectoire, appelée action,
avec des conséquences d’instabilité et de dont le minimum fournit la trajectoire
manque de robustesse des calculs. physique effective. Ce principe se traduit
Dans la plupart des schémas de calcul directement de façon numérique par une
modernes 3 , la contrainte isentrope n’est simple discrétisation de l’intégrale d’ac-
qu’approximativement vérifiée ; cependant, tion. Un des avantages majeurs est qu’on
elle l'est d'autant mieux que l’on augmente ne travaille plus sur des équations diffé-
la précision du schéma (son ordre) et la rentielles mais sur une forme algébrique,

26 MÉCANIQUE DES FLUIDES


4
a b c

1 1 1
ρ

2
y

y
½ ½ ½

0 0 0 0
0 ½ 1 0 ½ 1 0 ½ 1
x x x

Figure 1
Cartes de densités ρ pour le schéma numérique GEECS (Geometry, Energy, and Entropy Compatible Scheme) sur le test de l’explosion de Sedov : un dépôt initial d’énergie interne dans la première
maille (x = y = 0) crée une onde de choc divergente qui se propage dans un gaz parfait à pression initiale nulle. Trois stratégies de maillage sont représentées : (a) eulérienne, (b) lagrangienne et
(c) ALE, pour Arbitrary Lagrangian-Eulerian. L’erreur numérique eulérienne est élevée et conduit à employer des maillages fins. Les distorsions de mailles lagrangiennes (à l’origine, c’est-à-dire en
bas à gauche) peuvent fragiliser le calcul. La méthode ALE présente donc un compromis satisfaisant entre robustesse et coût de calcul du schéma numérique.

l’intégrale d’action. Ce principe variation- Le GEECS se comporte de manière Le GEECS permet d’obtenir un résultat
nel n’a pas été souvent appliqué à l’hydro- satisfaisante et robuste sur l’ensemble stable et robuste, sans déformation critique
dynamique, continue ou discrète, mais il des cas tests habituels de la littérature. du maillage, tout en réduisant les erreurs
a fait par ailleurs l’objet de très nombreux La figure 1 montre l’explosion de Sedov entropiques et en étant moins coûteux en
travaux sur lesquels ce travail s’est appuyé. simulée avec trois stratégies différentes de temps de calcul.
Ce travail s’inscrit donc dans une veine maillage : Euler, Lagrange et un maillage Cette nouvelle approche, déjà appliquée
plus large où le principe variationnel discret ALE. Dans ce test, un dépôt initial d’éner- aux écoulements multifluides 6 et par-
est complété par des contraintes de conser- gie interne dans la première maille crée une ticules-gaz, sera étendue à d’autres types
vation d’énergie et de positivité des termes onde de choc divergente qui se propage d’écoulements en collaboration avec des
dissipatifs : cela constitue la méthode dans un gaz parfait à pression initiale nulle. partenaires académiques.
dite GEEC, pour Geometry, Energy, and
Entropy Compatible. Après une étude préli-
minaire sur le schéma historique 5 de type
lagrangien où le maillage suit la matière,
ce travail aborde le cas ALE, pour Arbi-
trary Lagrangian-Eulerian, où le maillage RÉFÉRENCES
évolue librement selon les prescriptions de 1T. VAZQUEZ-GONZALEZ, A. LLOR, C. FOCHESATO, “A novel GEEC (Geometry, Energy, and Entropy
l’utilisateur. Compatible) procedure applied to a staggered direct-ALE scheme for hydrodynamics”, Eur. J. Mech.
Pour notre schéma GEECS, pour B-Fluids, 65, p. 494-515 (2017).
GEEC Scheme, l’intégrale d’action com-
2 J. VON NEUMANN, R. D. RICHTMYER, “A method for the numerical calculation of hydrodynamic
porte les termes d’énergie cinétique et
interne à l’ordre deux, et un terme de trans- shocks”, J. Appl. Phys., 21, p. 232-237 (1950).
port par rapport à la grille à l’ordre un. Ce 3 B. DESPRÉS, Numerical Methods for Eulerian and Lagrangian Conservation Laws, Springer (2017).
choix est motivé par un besoin de simpli- 4 T. VAZQUEZ-GONZALEZ, A. LLOR, C. FOCHESATO, “Ransom test results from various two-fluid
cité pour une preuve de concept qui reste schemes: Is enforcing hyperbolicity a thermodynamically consistent option?”, Int. J. Multiphase Flow,
néanmoins utilisable lorsque le transport 81, p. 104-112 (2016).
de fluide par rapport au maillage est faible.
5 A. LLOR, A. CLAISSE, C. FOCHESATO, “Energy preservation and entropy in Lagrangian space- and
Il en résulte un algorithme économique et
simple, mais comportant une discrétisation time-staggered hydrodynamic schemes”, J. Comput. Phys., 309, p. 324-349 (2016).
du gradient de pression contre-intuitive. 6 T. VAZQUEZ-GONZALEZ, Schémas numériques mimétiques et conservatifs pour la simulation
Cet élément est crucial pour assurer les d’écoulements multiphasiques compressibles, Thèse de doctorat de l’université Paris-Saclay, Centrale-
bonnes propriétés entropiques du schéma Supélec, soutenue le 17 juin 2016.
vérifiées dans des cas tests isentropes.

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 27
C. Levet, B. Helber, G. Vignoles
MÉCANIQUE J.-B. Gouriet, O. Chazot Laboratoire des composites thermostructuraux
J. Couzi,
DES FLUIDES J. Mathiaud Von Karman (LCTS), UMR 5801 CNRS – CEA – Université
CEA – Cesta Institute, Belgique de Bordeaux – Safran Ceramics, Pessac

ÉTUDE D’UN MATÉRIAU


COMPOSITE EN CARBONE
SOUMIS À UN ENVIRONNEMENT
DE RENTRÉE ATMOSPHÉRIQUE

L
Les composites 3D carbone/ a sélection des matériaux de pro- chaleur de plus d’un facteur trois 1 . La
carbone ont une excellente tection thermique et la définition compréhension de l’interaction fine entre
tenue thermostructurale de leur épaisseur sont des para- le matériau et son environnement proche
qui leur permet mètres clés pour la conception des nécessite ainsi des avancées ; elle s’appuie
d’être utilisés comme corps de rentrée atmosphérique. pour cela sur des essais au sol.
protection thermique En conséquence, des efforts d’optimisation Dans cette étude, des éprouvettes de
dans l’environnement le sont toujours nécessaires, notamment pour matériau 3D carbone/carbone ont été sou-
plus sévère des rentrées les matériaux les plus performants que sont mises à l’écoulement, représentatif d’une
atmosphériques, où ils les composites 3D carbone/carbone, dont rentrée atmosphérique, produit par une
sont soumis au phénomène le comportement complexe n’est pas encore torche à plasma du moyen Plasmatron de
d’ablation. Les essais en totalement modélisé. L’ablation de ce type de l'Institut von Karman 2 . Le matériau est
vol étant rares et très composite conduit notamment à l’apparition composé de torons de fibres de carbone, tis-
coûteux, des essais au sol d’une rugosité de surface, contribuant à la sés suivant les trois directions de l’espace, et
relativement représentatifs, transition laminaire-turbulent, elle-même d’une matrice graphitée comblant les inters-
avec des torches à plasma, induisant une multiplication des flux de tices. Le plasma est produit par chauffage
sont un bon compromis
pour comprendre le
comportement du matériau, Figure 1
et notamment l’évolution de Schéma de principe des essais soumettant
son état de surface. Celui- une éprouvette de carbone à l’écoulement de la
Caméra rapide
ci pilote en effet l’évolution torche à plasma du moyen Plasmatron (Institut
drastique des flux de chaleur von Karman) 2 .
en favorisant le passage Pyromètre L’expérience se déroule à l’intérieur d’un
caisson dépressurisé. Le plasma est produit
d’un écoulement laminaire grâce à l’échauffement par induction
à la turbulence. L’étude électromagnétique d’un jet d’air, qui, une fois
menée a permis de tester porté à très haute température (12 000 K),
un composite 3D carbone/ Éprouvette impacte l’éprouvette. Celle-ci va fortement
carbone au Plasmatron s’échauffer et s’ablater. L’évolution de forme et
Jet de plasma la température de paroi sont respectivement
de l'Institut von Karman
et d’analyser finement sa mesurées par une caméra rapide (plusieurs
centaines d’images par seconde) et un
microstructure de surface pyromètre. Deux autres éprouvettes, de forme
afin de comprendre identique à l’éprouvette de matériau ablatif
son interaction avec mais constituées de cuivre, servent à mesurer
l’écoulement. la pression et le flux de chaleur.

28 MÉCANIQUE DES FLUIDES


magnéto-inductif (puissance de 1,2 MW),
induisant, autour des éprouvettes de quelques Figure 3
centimètres de diamètre, un environnement Comparaison entre (a) la simulation
de 0,7 à 3 MW/m2 pour des pressions variant numérique permettant d’interpréter l’aspect
entre 1,5 et 20 kPa (figure 1). La température topologique des fibres et (b) l’observation au
atteinte par le carbone varie entre 2 100 et microscope électronique de la morphologie à
l’échelle des fibres du matériau 3D carbone/
2 800 K, mesurée par pyromètre, l’écoule- carbone après ablation sous air. Lors de la
ment étant lui-même sondé par des sondes phase transitoire (en haut) où la morphologie
Pitot et des fluxmètres. Le gaz utilisé est de surface n’a pas atteint son état d’équilibre,
de l’air, suscitant les réactions d’oxydation seul le matériau entourant la fibre a été
du carbone. Les conditions expérimentales particulièrement ablaté, dénudant le bord
produisent une ablation faible du matériau de fibre (flèche bleue) ; la fibre elle-même
(moins d’un millimètre en plusieurs minutes), (flèche jaune) comporte un cœur plus
résistant (flèche rouge). À l’état stationnaire
suffisante cependant pour faire apparaître un d’équilibre (en bas), seul le cœur de fibre
état de surface représentatif. résiste, amenant un faciès en pointe ; le
Parallèlement aux essais, des simulations a b feuillet interfibres est lui-même plus ablaté
numériques ont été menées, à l’échelle de (flèche mauve).
l’écoulement où la température atteint les
12 000 K et à l’échelle microscopique des
structures de la surface 4 . complexe de la fibre comprenant un cœur En conclusion, les résultats de cette
Après les essais, une caractérisation résistant, une zone intermédiaire plus faible étude 3 aussi bien expérimentale que de
morphologique a été effectuée à l’aide d’un et une fine peau résistante. L’apport de la simulation numérique ont permis de préciser
microscope électronique à balayage et par simulation numérique réside dans l’expli- l’origine de la rugosité apparente du matériau
microscopie optique confocale et 3D, per- cation de la différence de comportement due, d’une part, aux différences de réactivité
mettant de reconstruire la rugosité de surface entre éprouvettes par la différence de durée des constituants en phase d’oxydation sous
à l’échelle mésoscopique (dixième de milli- des tests. En effet, la configuration initiale air, d’autre part à l’influence plus ou moins
mètre) et microscopique (micron). Il apparaît de paroi lisse après usinage se modifie pro- importante suivant l’échelle considérée du
des crevasses élargies sur 100 μm environ, gressivement sous l’action de l’ablation pour transfert convectif dû à l’écoulement.
situées entre les torons de fibres et la matrice atteindre un état d’équilibre stationnaire
(figure 2). L’explication réside dans l’ablation après une ablation de quelques fractions de
différentielle des bords de la crevasse, repro- millimètre. Cette configuration d’équilibre
duite par la simulation numérique, due à la n’a été atteinte que pour les essais suffisam-
consommation accrue de carbone par l’oxy- ment longs. À l’échelle des fibres, le trans-
gène transporté de manière convective par port de l’oxygène qui induit l’ablation se fait RÉFÉRENCES
l’écoulement. La réactivité est ainsi dépen- uniquement par diffusion dans l’écoulement. 1 G. DUFFA, Ablative Thermal Protection
dante de l’orientation des fibres. Les résultats de la simulation numérique
Systems Modeling, American Institute
En augmentant le grossissement, l’aspect à l’échelle microscopique de la fibre sont pré-
même des fibres apparaît (figure 3). Il en sentés sur la figure 3. L’accord obtenu entre
of Aeronautics and Astronautics (AIAA)
ressort qu’au niveau microscopique, l’abla- la simulation de l’état de surface et l’expé- Education Series (2013).
tion sur les éprouvettes révèle une structure rience est très satisfaisant. 2 B. BOTTIN et al., “Predicted and
measured capability of the VKI 1.2 MW
Plasmatron regarding re-entry simulation”,
Proceedings of the 3rd European Symposium
on Aerothermodynamics for Space Vehicles,
November 24-26, 1998, Noordwijk, The
Netherlands, Vol. SP-426 of ESA Conf. Procs.,
Figure 2
ESA Publications, R. H. Harris editor, p. 553-
Morphologie de surface du 560 (1998).
Crevasses matériau 3D carbone/carbone après 3 C. LEVET et al., “Microstructure and gas-
ablation sous air. Cette morphologie surface interaction studies of a 3D carbon/
comprend des torons en direction
Matrice Toron de fibres en Z X en bas, un toron de fibres en
carbon composite in atmospheric entry
Z à droite. La structure carrée plasma”, Carbon, 114, p. 84-97 (2017).
complémentaire est constituée par 4 C. LEVET, Ablation de matériaux
la matrice graphitée comblant les carbonés sous très haut flux : étude multi-
interstices. Les crevasses, inexistantes
à l’état initial, sont dues à l’ablation
physique et couplage avec l’écoulement,
Toron de fibres en X différentielle, conséquence d’une Thèse de l’université de Bordeaux soutenue
réactivité différente des orientations le 5 avril 2017.
de fibres.

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MÉCANIQUE B. Erzar, C. Pontiroli, P. Forquin
ET THERMIQUE J.-L. Zinszner Laboratoire Sols, solides, structures, risques (S3R), UMR 5521
CEA – Gramat CNRS – Université Grenoble-Alpes – Grenoble INP

MODÉLISATION DE BÉTONS
ET DE CÉRAMIQUES DE BLINDAGE :
COMPLÉMENTARITÉ DES ESSAIS
À L’ÉCHELLE DU MATÉRIAU
ET DE LA STRUCTURE

L
Le besoin de disposer de capacités a prédictibilité de la simulation maîtrisée. L’étape suivante consiste à
prédictives pour répondre aux numérique de phénomènes dyna- entreprendre la validation de ces modèles
missions d’évaluation de la miques intenses comme des explo- à plus grande échelle, en menant par
vulnérabilité des infrastructures sions proches d’infrastructures ou exemple des essais d’impact en laboratoire,
ou des effets des armes des impacts dépend fortement de pour lesquels une instrumentation impor-
conventionnelles nécessite la la précision des modèles de comportement tante est mobilisée : jauges pour mesurer la
mise en place d’une démarche utilisés pour tous les matériaux impliqués. déformation ou la pression, interféromètre
de simulation alliant modélisation Le développement et l’identification de ces laser pour des mesures locales de vitesse,
physique, expérimentations et modèles s’appuient souvent sur la mise en accéléromètre embarqué permettant d’en-
outils numériques. La maîtrise place d’essais de caractérisation dans lesquels registrer la décélération du projectile qui
du comportement des matériaux il s’agit d’étudier spécifiquement la réponse pénètre la cible, mesures de champs, etc.
constitutifs de l’arme (missile, dynamique du matériau à une sollicitation Lors de ces essais, les matériaux subissent
charge explosive, etc.) et de la
cible (structure en béton, aéronef,
etc.) est de ce fait primordiale. a b 800
Les exemples présentés dans 750
Ufs(t)
cet article concernent, d’une
Résistance en traction (MPa)

Court- 700
part, l’amélioration d’un modèle circuit
650 SiC - SPS
d’endommagement dédié aux Électrode 1 Éprouvette céramique 600
Pmag
bétons à ultrahaute performance B 550
i(t) isolant
renforcés par des fibres métalliques 500
et, d’autre part, les étapes Électrode 2 450 SiC - PS
d’identification des paramètres 400
d’un modèle micromécanique URef(t)
350
décrivant la fragmentation 103 104
Vitesse de déformation (s-1)
des céramiques de blindage.
Dans les deux cas, les modèles
Figure 1
développés sont alimentés par
(a) Principe de l’essai d’écaillage pour l’étude de la fragmentation des céramiques : la décharge rapide d’un courant i intense se
des essais de caractérisation à
propageant sur la surface interne des électrodes induit un champ magnétique B ; leur combinaison se traduit par l’apparition d’une
l’échelle du matériau. La validation pression Pmag appliquée à l’électrode et transmise à l’éprouvette à tester. Une mesure de vitesse par interférométrie laser est réalisée
des capacités de simulation est sur la surface libre de l’échantillon Ufs et une mesure de référence est réalisée sur l’électrode opposée URef. (b) Résultats obtenus pour
ensuite obtenue grâce à des essais deux carbures de silicium SiC obtenus par des procédés différents (PS ou SPS) : la résistance dynamique et la sensibilité à la vitesse
d’impact à l’échelle de la structure. de déformation sont intimement liées aux caractéristiques microstructurales.

30 MÉCANIQUE ET THERMIQUE
a Endommagement b 30
Figure 2

Profondeur de pénétration (cm)


0 1 25 Simulations numériques de l’impact
Sans fibre Avec fibres
d’un pénétrateur sur une cible en
20
béton à ultrahaute performance avec
15
et sans fibres. La prise en compte des
fibres métalliques dans le modèle
10 Expérience avec fibres Pontiroli-Rouquand-Mazars (a) réduit
Modèle PRM - sans fibre l’étendue des dommages causés à la
Modèle PRM - avec fibres
5 cible et le diamètre du cratère formé
sur la face impactée (flèches) et permet
0
0 0,25 0,5 0,75 1 1,25 1,5 de mieux restituer la décélération du
Temps (ms) projectile ainsi que (b) sa profondeur
de pénétration dans la cible.

des chargements dynamiques complexes tage naturel, SPS : frittage flash). Les essais pour un BUHP fibré en s’appuyant sur un
plus proches de l’application finale. En com- réalisés sur ces deux microstructures grâce ensemble de résultats d’essais de caractérisa-
parant les résultats expérimentaux avec les au Gepi ont permis de constater des écarts tion menés sur ce matériau 5 . Outre la vali-
prévisions obtenues par simulation numé- notables en matière de résistance dynamique dation à l’échelle du matériau, le modèle a
rique, il est possible de valider les lois de et de sensibilité à la vitesse de déformation pu être confronté à des résultats expérimen-
comportement et d’endommagement des (figure 1b), et de faire le lien avec le niveau de taux à l’échelle de la structure puisqu’une
matériaux. Deux exemples illustrent cette densification (> 99 % pour le SiC-SPS contre campagne d’essais d’impact a été conduite
démarche. 98,5 % pour le SiC-PS) qui apparaît comme au CEA – Gramat sur le BUHP fibré. Les
Le premier exemple est l’identifica- le paramètre microstructural le plus influent. confrontations entre résultats expérimentaux
tion d’un modèle permettant de traiter la Ces essais de caractérisation à l’échelle du et prévisions numériques illustrent le béné-
fragmentation dynamique des céramiques matériau ont permis d’identifier et d’éva- fice apporté par la nouvelle formulation du
provoquée par un impact (figure 1a) 1 . luer la pertinence d’un modèle d’endomma- modèle (figure 2) 6 .
Les céramiques entrent souvent dans la gement décrivant les mécanismes activés au
conception de blindages de haut niveau cours de la fragmentation dynamique 3 . Ce
de protection, qu’ils soient destinés aux modèle peut ensuite être exploité pour mieux RÉFÉRENCES
combattants, ou qu'ils équipent des véhi- comprendre l’influence de la microstructure
cules terrestres ou des aéronefs. Ces maté- sur le comportement balistique de blindages 1 J.-L. ZINSZNER, Identification des
riaux présentent une très haute résistance utilisant du SiC. paramètres matériau gouvernant les
dynamique en compression associée à une Le second exemple concerne l’extension performances de céramiques de blindage,
densité relativement faible. Toutefois, leur d’un modèle dédié aux bétons. Ce modèle Thèse de doctorat de l’université de Lorraine,
résistance en traction, généralement un est utilisé pour simuler des agressions soutenue le 19 décembre 2014.
ordre de grandeur inférieure à leur résis- intenses comme une explosion au contact 2 B. ERZAR, E. BUZAUD, “Shockless spalling
tance dynamique en compression, et leur d’une structure ou l’impact d’un pénétrateur damage of alumina ceramic”, Eur. Phys. J.
faible ténacité (quelques MPa ∙ m½) mènent à sur un bâtiment (figure 2a). Le modèle Pon- Special Topics, 206, p. 71-77 (2012).
une fragmentation intense lors d’un impact. tiroli-Rouquand-Mazars (PRM) a été mis
3 J.-L. ZINSZNER et al., “Strain rate
Pour pouvoir simuler un impact balistique au point dès le milieu des années 1990. Il a
sur un blindage céramique, il faut nécessai- ensuite été étendu pour prendre en compte sensitivity of the tensile strength of two
rement être capable de modéliser finement le comportement plastique et la densifica- silicon carbides: Experimental evidence and
l’endommagement dynamique provoqué tion (compaction) constatée sous les fortes micromechanical modelling”, Phil. Trans. R.
dans la céramique. pressions de confinement 5 . Soc. A, 375, 20160167 (2017).
Bien que les céramiques soient utilisées Les bétons à ultrahaute performance 4 F. LASSALLE et al., « Hautes puissances
dans les blindages depuis de nombreuses (BUHP) présentent des résistances quatre pulsées pour l’étude des environnements
années (principalement des alumines, des à six fois supérieures aux bétons standards. sévères », Revue chocs, 47, p. 57-63 (2016).
carbures de silicium et des carbures de bore), Ils sont de plus en plus utilisés pour des 5 C. PONTIROLI et al., “Predicting concrete
les liens entre la microstructure et le compor- ouvrages d’art ou des façades impossibles
behaviour from quasi-static loading to
tement dynamique sont mal maîtrisés. Dans à concevoir avec un béton standard, mais
hypervelocity impact: An overview of the
l’étude 3 menée grâce au générateur élec- ils peuvent aussi permettre d’augmenter le
trique de pression intense (Gepi) du CEA niveau de protection d’infrastructures sen-
PRM model”, Eur. J. Environ. Civil Eng., 14,
– Gramat exploitant les principes des hautes sibles. Les BUHP, comme le Ductal-FM®, p. 703-727 (2010).
puissances pulsées 4 , des essais d’écaillage sont souvent renforcés par des fibres métal- 6 B. ERZAR et al., “Ultra-high performance
ont été menés sur une gamme de vitesses de liques. Ces fibres contribuent à résister à fibre-reinforced concrete under impact:
déformation allant de 103 à 104 s-1 2 . Les l’ouverture des fissures lors d’une sollicita- Experimental analysis of the mechanical
matériaux étudiés dans 3 sont deux carbures tion dynamique par des mécanismes de pon- response in extreme conditions and
de silicium (SiC) mis au point par Saint-Go- tage, limitant ainsi l’étendue des dommages. modelling using the PRM model”, Phil. Trans.
bain à partir d’une unique poudre de SiC Les travaux récents ont eu pour objectif R. Soc. A, 375, 20160173 (2017).
et de deux procédés de frittage (PS : frit- de proposer une extension du modèle PRM

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 31
N. Blanchot, H. Coïc, M. Sozet, G. Béhar,
S. Chardavoine, C. Damiens-Dupont, L. Hilsz,
OPTIQUE ET L. Lamaignère, F. Laniesse, E. Lavastre,
OPTRONIQUE J. Néauport, S. Noailles, C. Rouyer
CEA – Cesta

PETAL, UN LASER PÉTAWATT


DE HAUTE ÉNERGIE : PERFORMANCES
EXPÉRIMENTALES ET MODÉLISATION

L
PETAL est un laser dédié e laser PETAL (PETawatt Aqui- MISE EN ŒUVRE
aux expériences laser- taine Laser) est caractérisé par ET MODÉLISATION
plasma menées au centre de l’énergie produite, de la classe DU LASER PETAL
la chambre expérimentale kilo­joule, et par la durée de ses La mise en route de PETAL s’est dérou-
du Laser Mégajoule (LMJ) impulsions, dix mille fois plus lée en différentes étapes. Tout d’abord,
pour la communauté courte que celle du Laser Mégajoule les points de fonctionnement des étages
académique. Il a déjà produit (LMJ). L’architecture de sa section d’amplification ont été recherchés avec
une impulsion de plus de amplificatrice est ainsi proche de celle une source monochromatique, de type
1 pétawatt (PW), soit 1015 W, en d’un faisceau du LMJ afin de pouvoir LMJ, puis avec des impulsions courtes à
700 femtosecondes (fs), soit délivrer une énergie de plusieurs kilo- spectre large. Ensuite, un nouveau schéma
0,7 × 10-12 s. La caractérisation joules. La mise en œuvre du principe de de compression a été déployé et validé.
du faisceau à un tel niveau l’amplification dite à dérive de fréquence Son originalité repose sur la subdivision
de puissance a nécessité le (figure 1), avec l’étirement de la durée du faisceau laser en quatre sous-pupilles
développement de diagnostics de l’impulsion avant amplification puis sa dont les impulsions sont comprimées par
spécifiques, mais aussi le compression après amplification, permet quatre compresseurs indépendants 1 . Ce
recours à des codes de de véhiculer une telle énergie sur cible schéma a nécessité une méthode d’aligne-
simulation. L’énergie produite dans une impulsion de durée aussi courte. ment et des outils de réglage spécifiques
est aujourd’hui limitée par la Le laser PETAL a été conçu et réalisé afin de synchroniser à mieux que 50 fs
résistance au flux laser des par le CEA, maître d’œuvre, pour le (millionièmes de milliardième de seconde)
miroirs de fin de chaîne. Une compte de la Région Nouvelle-Aquitaine, les impulsions en sortie des quatre com-
démarche expérimentale et de maître d’ouvrage, avec le soutien finan- presseurs. Il s’agit également d’assurer
modélisation de ce processus cier de l’État et de l’Union européenne. un déphasage du faisceau, sous-pupille à
a été engagée. Elle constitue
le fondement d’une nouvelle
solution technologique qui
doit repousser cette limite a b c d
de performance.

Figure 1 I I I I
Principe de l’amplification à dérive de fréquence 2 :
(a) l’impulsion courte multi-longueurs d’onde est (b) t t t t
étirée temporellement (répartition dans le temps de ses
longueurs d’onde) (c) pour permettre son amplification Oscillateur
Étireur (quelques Amplification
Compression
sans dommage. Puis, après amplification, elle est (d) impulsion courte (quelques centaines
nanosecondes) (quelques kilojoules)
(100 femtosecondes) de femtosecondes)
comprimée à une durée proche de sa durée initiale pour
produire le maximum de puissance sur la cible.

32 OPTIQUE ET OPTRONIQUE
sous-pupille, qui reste inférieur à l’équiva-
lent de 100 nm. Des diagnostics adaptés (de
mise en phase, d’interférométrie spectrale,

PETAL
de spectrométrie 2D, de corrélation croisée
Figure 3
monocoup, etc.) ont été développés pour
Comparaison de
mener les réglages et la caractérisation de l’endommagement
l’impulsion comprimée. observé sur un miroir
Les diagnostics ne donnent cepen- Dommage initial Expérience 1 Expérience 2 Expérience 3 testé sur PETAL avec
dant pas accès à l’ensemble des grandeurs la croissance d’un

LABORATOIRE
physiques du faisceau, en particulier au dommage réalisée
couplage des dépendances spatio-tempo- et observée en
relles, c’est-à-dire au fait qu’en différents laboratoire sur un
échantillon. Des
points du faisceau la forme temporelle est structures semblables
différente. L’utilisation de codes de calcul, sont observées.
en particulier du code Miró, acronyme de
Mathématiques et Informatique pour la
Résolution des problèmes d’Optique, code MESURE ET MODÉLISATION par des essais conduits sur des dom-
3D développé au CEA – DAM 3 , donne DE L’ENDOMMAGEMENT mages-types à géométrie simple (figure 3),
accès à une vision plus complète du faisceau. DES MIROIRS a mis en évidence la dépendance de ce
Le faisceau peut ainsi être modélisé depuis Lors des premiers transports du faisceau phénomène aux variations du champ élec-
la source jusqu’à la tache focale avec un accès laser dans la chambre d’expériences, en trique en surface des miroirs diélectriques.
aux grandeurs physiques en tout point du 2015, les miroirs situés après le compres- Une comparaison de ces résultats avec des
laser. Toutes les informations disponibles seur ont subi des endommagements. Lors observations d’un miroir endommagé de
sont intégrées dans ce modèle : profils de des campagnes expérimentales suivantes, PETAL (figure 3) prouve le bien-fondé de
gain des amplificateurs, cartographies de l’énergie du faisceau a donc été limitée cette démarche et démontre le bon accord
transmission et de front d’onde des compo- à 400 J (équivalente à une puissance de entre la simulation et les expériences 5 .
sants, etc. Pour la partie compresseur, tous 0,5 PW), pour éviter la croissance des Ils servent aujourd’hui de point de départ
les paramètres nécessaires sont ajoutés afin dommages sur ces composants optiques. au développement de nouvelles techno-
de reproduire la procédure de réglage expé- Les ajustements réa­lisés en 2015-2016 sur logies de traitement à haute réflectivité
rimentale. Pour comparaison aux résultats les traitements des miroirs permettent à plus résistant au flux laser. Cela devrait
de mesure de chaque expérience, les dia- ceux-ci de résister à des énergies de l’ordre permettre de repousser la limite de la
gnostics laser sont aussi modélisés. du kilojoule au voisinage de la picoseconde : puissance délivrée sur cible à plusieurs
La modélisation du fonctionnement des miroirs de ce type remplaceront ceux pétawatts.
des voies de mesure sous Miró a permis de actuellement sur chaîne lors d’une pro-
finaliser les réglages du laser et d’aboutir à chaine maintenance.
un faible écart entre les mesures effectuées La valeur seuil de 400 J pour les miroirs
et les prévisions du calcul (figure 2) 4 . actuellement utilisés a été évaluée à l’issue
Ainsi, un faisceau véhiculant une puissance d’expériences d’amorçage et de croissance RÉFÉRENCES
de 1,15 PW 1 , en 700 fs en sortie de com- de dommages en laboratoire, menées sur 1N. BLANCHOT et al., “1.15 PW-850 J
pression, a été produit en 2015 ; la même des échantillons représentatifs des miroirs compressed beam demonstration using
année, le kilojoule à 1 ps a été dépassé à plu- de transport PETAL dans un régime d’im-
the PETAL facility”, Opt. Express, 25,
sieurs reprises. Le dernier trimestre 2017 a pulsion similaire.
p. 16957-16970 (2017).
été consacré à la réalisation des premières Une modélisation du phénomène de
campagnes expérimentales. croissance des dommages, confortée 2 N. BLANCHOT, C. ROUYER, « Laser de
puissance à impulsions ultrabrèves »,
Revue chocs n° 22, p. 43-52 (1999).
3 O. MORICE et al., “Miró: Complete
a b modeling and software for pulse
Y Y amplification and propagation in high-
power laser systems”, Opt. Eng., 42,
Figure 2 p. 1530-1541 (2003).
Comparaison entre des profils
4 H. COÏC et al., “Modeling of the
spatiaux (a) expérimental et (b)
simulé d’un faisceau qui subit une petawatt PETAL laser chain using Miró
propagation non linéaire dans code”, Appl. Opt., 56, p. 9491-9501 (2017).
les voies de mesure. Les calculs 5 M. SOZET et al., “Sub-picosecond laser
sont faits avec le code Miró 3 ;
une quasi-concordance des profils damage growth on high reflective coatings
X X spatiaux mesuré et calculé est for high power applications”, Opt. Express,
observée. 25, p. 25767-25781 (2017).

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 33
INSTRUMENTATION,
MÉTROLOGIE ET F. Zucchini, C. Chauvin, S. Bland
CONTRÔLE P. Combes Imperial College of London,
CEA – Gramat Royaume-Uni

DÉVELOPPEMENTS EXPÉRIMENTAUX
POUR LA DIFFRACTION X SOUS CHOC

D
Analyser et modéliser es données expérimentales sont matière vers une transition solide-solide
le comportement d’un nécessaires pour comprendre les ou solide-liquide. La mesure dynamique
matériau sous choc en changements de phase sous sollici- sous choc, dont la configuration est pré-
identifiant notamment tation dynamique des matériaux et sentée en figure 1, doit préciser la phase
ses changements de mettre au point des équations d’état cristalline en présence, par analyse de la
phase cristalline est à plusieurs phases. Jusqu’ici, les mesures de figure de diffraction obtenue. Ces mesures
actuellement un défi. Dans vitesse et de température ont permis une seront exploitées pour déterminer les début
ce but, le CEA – Gramat description macroscopique de l’état de la et fin de transformation dans le diagramme
a développé un banc de matière. Accéder à la structure cristallogra- de pression et de température du matériau
diffraction X sous choc phique du matériau permettrait d’améliorer étudié.
original 1 associant un la compréhension des mécanismes de chan-
lanceur à gaz et une source gement de phase et de leur cinétique. Ces SOURCE X-PINCH
X impulsionnelle de type vingt dernières années, un grand nombre Une charge X-pinch (figure 2) est généra-
X-pinch. Cette source, d’expériences de diffraction X sous choc ont lement constituée de 2 à 4 fils métalliques
alimentée par un générateur vu le jour. Les sources X étaient générées de quelques dizaines de micromètres de
de courant impulsionnel très soit sur de grandes installations laser ou sur diamètre que l’on croise pour former une
compact, a été étudiée dans synchrotron, soit à l’aide de générateurs de croix X entre les électrodes sous vide d’un
le but de caractériser son haute tension 2 . générateur impulsionnel à fort courant
intérêt pour la diffraction X. Au CEA – Gramat, un générateur de (> 100 kA). La décharge du courant dans
Des essais de diffraction X hautes puissances pulsées très compact le X-pinch provoque l’explosion des fils
en statique ont ensuite (encombrement < 0,3 m3) a été développé puis la formation d’un plasma dense et
été réalisés avant de pour alimenter une source X-pinch, ren- chaud, comprimé par la pression magné-
définir la configuration dant possibles, pour la première fois avec ce tique au point de croisement des fils. Ce
des essais sur lanceur. La type de générateur, des essais de diffraction plasma émet un rayonnement X thermal
géométrie de diffraction, X en laboratoire. Un lanceur à gaz permet de quelques nanosecondes avec un spectre
la synchronisation du la génération d’un choc pour amener la en énergie inférieur à 10 keV. Le processus
générateur X avec la
propagation du choc et la
protection du détecteur 2D Figure 1
Plaque Fenêtre
Échantillon Configuration expérimentale
ont été mises au point sur de transfert enclume
des essais de diffraction X sous
des premières expériences choc. L’impacteur est mis en vitesse
dynamiques. Lanceur à gaz Source X par un lanceur à gaz. Les sondes
Collimation piézoélectriques, déclenchées par
source
le débouché du choc à l’arrière de
Impacteur la plaque de transfert, permettent
le déclenchement du générateur X.
La source X est collimatée et sonde
Sondes la face arrière de l’échantillon
piézoélectriques maintenu sous choc par une
fenêtre enclume. Un détecteur
Détecteur d’imagerie X d’imagerie X permet la détection
des points de diffraction.

34 INSTRUMENTATION, MÉTROLOGIE ET CONTRÔLE


tallographique de la matière, le spectre X
a b c d
d’intérêt se situe entre 10 et 30 keV. Ce
spectre, peu pénétrant, est en partie absorbé
par la fenêtre enclume nécessaire au main-
tien sous pression de l’échantillon et par les
protections mises en œuvre devant l’ERLM.
1 mm

La configuration expérimentale a donc été


optimisée pour maximiser le flux reçu par
l’ERLM.
Des expériences préliminaires ont été
menées sur le lanceur pour, d’une part, vali-
Figure 2 der la synchronisation du flash X avec le
Imagerie laser (ombroscopie) du processus de fonctionnement d’une charge X-pinch. (a) Avant essai – t = 0 ns : la charge débouché du choc à l’interface échantillon/
est constituée de deux fils métalliques micrométriques croisés entre les électrodes du générateur. (b) t = 85 ns : la décharge de fenêtre enclume et, d’autre part, définir une
courant provoque l’explosion des fils et génère un plasma (en noir). (c) t = 165 ns : au point de croisement, ce plasma, comprimé cible limitant l’expansion radiale de la gerbe
magnétiquement et chauffé par effet Joule, émet un rayonnement X thermal (< 10 keV). (d) t = 205 ns : en fin de compression, la d’éclats en direction de l’ERLM.
colonne de plasma se rompt, des électrons libres sont accélérés et freinés au travers d’une diode plasma, entraînant l’émission Par la suite, des figures de diffraction X
d’un rayonnement X de freinage (10-100 keV).
ont été obtenues sur du chlorure de potas-
sium (KCl) sous choc et sous changement
du X-pinch se poursuit par une rupture de la générateur X et le détecteur d’imagerie X, un de phase solide-solide. Les premiers résul-
colonne de plasma et par la formation d’une écran radioluminescent à mémoire (ERLM), tats sont prometteurs et des études sont en
diode plasma. L’augmentation de la tension soient en dehors de la gerbe d’éclats. Dans cours pour améliorer la détection et la réso-
à ses bornes provoque l’accélération puis le ces conditions, pour satisfaire la loi de Bragg lution des points de diffraction : évaluation
freinage d’électrons libres dans le plasma et mettre en valeur des points de diffraction de détecteurs d’imagerie numériques et de
des fils : un rayonnement X de plusieurs utiles pour renseigner sur la structure cris- charges X-pinch hybrides 3 .
dizaines de nanosecondes est alors émis
avec un spectre en énergie compris entre 10
et 100 keV. C’est ce rayonnement de frei- a b
nage, plus énergétique, qui est exploité pour
les expériences de diffraction X.
Pour valider cette source X-pinch, des
essais de diffraction X ont été réalisés en sta-
tique, en mode transmission sur des échan-
tillons d’aluminium et de fluorure de lithium
(figure 3). Les points des figures de diffrac-
tion obtenues sont parfaitement reproduits
par un logiciel de cristallographie reprenant
les conditions expérimentales initiales :
chaque point correspond à un plan cristal-
lin bien identifié suivant la loi de Bragg.
L’analyse des figures de diffraction montre Figure 3
non seulement les raies d’émission caracté- Résultats de diffraction X en transmission d’un échantillon LiF d’épaisseur 1 mm avec une source X-pinch en molybdène.
ristiques du matériau des fils (ici en molyb- (a) Points diffractés par les raies K du molybdène (17 à 20 keV). (b) Points diffractés par les raies K du molybdène et par le
continuum couvrant un spectre de 15 à 35 keV. Les points de diffraction prédits par la cristallographie (en couleur, la couleur
dène), mais aussi le continuum du spectre, dépendant de l’intensité diffractée et les chiffres correspondant au plan cristallin) sont superposés à l’image expérimentale :
qui ont contribué à la formation de points l’analyse cristallographique permet d’identifier le cristal en présence. Le X-pinch est potentiellement exploitable en diffraction X
de diffraction. Potentiellement, le X-pinch monochromatique et large bande.
peut donc être exploité pour la diffraction X
en mode monochromatique (raie caractéris-
tique) ou large bande, offrant ainsi plus de
possibilités d’expérimentations. RÉFÉRENCES
1 F. ZUCCHINI, C. CHAUVIN, S. N. BLAND et al., “A novel setup for time-resolved X-ray diffraction
PREMIERS ESSAIS on gas gun experiments”, Proceedings of the Shock Compression of Condensed Matter Conference,
DYNAMIQUES
Tampa Bay, USA, June 14-19, 2015, AIP Conference Proceedings, 1793, 060001 (2017).
L’expérience sous sollicitation dynamique
intègre cette source X-pinch sur un lanceur 2 T. D’ALMEIDA, Y. M. GUPTA, “Real-Time X-Ray Diffraction Measurements of the Phase Transition in
à gaz. La géométrie de diffraction se fait à KCl Shocked along [100]”, Phys. Rev. Lett., 85, p. 330-333 (2000).
faible incidence par rapport à la surface de 3 T. A. SHELKOVENKO et al., “Hybrid X-pinch with conical electrodes”, Phys. Plasmas, 17, 112707 (2010).
l’échantillon choqué, de manière à ce que le

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 35
INSTRUMENTATION,
MÉTROLOGIE ET
CONTRÔLE A. Rousseau, S. Darbon M. Hamel, M. Trocmé
CEA – DAM Île-de-France CEA – Saclay

DÉVELOPPEMENT
DE NOUVEAUX SCINTILLATEURS
POUR LES DIAGNOSTICS PLASMA
DU LASER MÉGAJOULE

L
Dans le cadre du projet Laser ors de l’implosion d’une cible de partir du rayonnement UV initial jusqu’à
Mégajoule, la cible de fusion fusion par confinement inertiel est la longueur d’onde retenue pour effectuer
par confinement inertiel, émis un rayonnement X, caractéris- les mesures. On y trouve également une
remplie d’un mélange de tique de son échauffement et donc molécule dont le rôle est d’accélérer la
deuterium-tritium, libérera important à mesurer, ainsi que des fluorescence des fluorophores selon des
une grande variété de rayonnements gamma et neutrons, carac- processus photochimiques complexes. La
rayonnements, comme des téristiques des réactions nucléaires en jeu. nature de chaque molécule et sa concen-
rayons X et gamma ainsi que Un tel environnement radiatif impose tration relative sont des critères à étudier
des neutrons. Les premiers d’installer les instruments de mesure loin pour optimiser le rendement lumineux du
étant rapidement suivis par de la cible et nécessite de convertir ce scintillateur.
les seconds, les détecteurs rayonnement X en lumière visible, plus La difficulté première dans l’optimisa-
chargés d’enregistrer les facile à transporter. Cette étude porte tion d’un scintillateur vient du fait qu’une
signaux expérimentaux sur la création d’un composant capable amélioration de la réponse temporelle va
devront avoir une résolution d’assurer cette conversion et sur son para- de pair avec une diminution du rende-
temporelle de l’ordre de la métrage en termes de longueur d’onde ment lumineux, c’est-à-dire de sa capacité
nanoseconde. Les systèmes d’émission spectrale maximale (λ max em ), à convertir l’énergie des particules inci-
de détection basés sur la de temps de décroissance (τ) et de rende- dentes 1 . Des performances acceptables
conversion du rayonnement X ment lumineux (R). ont été atteintes sur des scintillateurs
vers le visible doivent éviter La conversion du rayonnement X en liquides 2 mais pas plastiques 3 . Un
le rayonnement parasite lumière visible (380-780 nm) est rendue scintillateur répondant à notre cahier des
Cerenkov induit par le passage possible par l’utilisation de scintillateurs, charges n’existant pas dans le commerce,
des particules chargées au matériaux fluorescents liquides ou plas- il est donc nécessaire d’en développer un
sein même du détecteur ; en tiques présentant la capacité d’émettre par nos propres moyens.
effet, ce rayonnement émet de la lumière lorsqu’ils sont soumis à un Le nouveau scintillateur doit opé-
dans le bleu et rend impossible rayonnement ionisant. Ils sont consti- rer dans un domaine spectral éloigné
l’utilisation d’instruments tués d’une matrice, généralement un sol- du bleu, caractéristique de l ’émis-
dans cette gamme spectrale. vant organique pour les liquides ou un sion parasite Cerenkov ; aussi un
D’où le besoin de nouveaux polymère comme le polystyrène pour les composant émettant dans la partie
scintillateurs plastiques à plastiques, dont le rôle est d’absorber le rouge du spectre (λ max em ~ 600-650 nm)
temps de réponse rapide, rayonnement X et de le réémettre dans semble-t-il adéquat. Concernant les
émettant dans le rouge avec un l’UV. Cette matrice contient plusieurs paramètres τ et R, le scintillateur du
rendement lumineux suffisant. molécules fluorescentes spécifiques, les commerce BC-422Q a été pris comme
fluorophores, capables d’assurer une cas- référence, l’objectif retenu pour le nou-
cade de processus d’absorption-émission à veau scintillateur étant d’atteindre la

36 INSTRUMENTATION, MÉTROLOGIE ET CONTRÔLE


12

10,82
Figure 1
10
Comportement de la
Constante de décroissance (ns)

constante de décroissance et d’épaisseur 10 mm (figure 2). Une


8
7,33
de photoluminescence, en matrice de polystyrène a ainsi été choisie,
nanosecondes, de la molécule de avec le 2,5-diphényloxazole et le rouge de
6 2,5-diphényloxazole (représentée Nil comme molécules fluorescentes, et la
5,56
en bas à droite) dans un solvant
di-isopropyléthylamine comme molécule
organique liquide (ici, le toluène),
4 3,92 O
en fonction de sa concentration accélératrice de la fluorescence.
3,34
2,70
N
exprimée en pourcentage massique. Le tableau 1 donne les résultats obte-
2 2,5-diphényloxazole nus pour quatre échantillons du nouveau
L’influence de la concentration sur
la réponse temporelle de la lumière scintillateur plastique (figure 2). Les quatre
0 est clairement visible : moins la échantillons émettent bien dans le rouge
0% 5% 10 % 15 % 20 % 25 % 30 % 35 % quantité de 2,5-diphényloxazole
Pourcentage massique de 2,5-diphényloxazole
et un rendement lumineux satisfaisant, de
est importante, plus la réponse
300 photons par MeV, a été obtenu pour
du scintillateur est rapide.
l’échantillon 3 ; en même temps, le temps
de décroissance a été mesuré comme étant
moitié de son rendement lumineux et un molécule accélératrice de la fluorescence inférieur à 7 ns pour chacun des échan-
temps de décroissance compris entre 1 ns, et de leur concentration. L’influence de la tillons. Cette étude de faisabilité constitue
valeur affichée pour le BC-422Q , et 7 ns, concentration de la molécule accélératrice une première étape nécessaire à la réalisa-
valeur classique pour un scintillateur plas- sur la réponse temporelle de la lumière a été tion d’un prototype d’instrument suscep-
tique. Enfin, sa densité et ses dimensions mesurée et est visible sur la figure 1. tible d’être intégré aux diagnostics du Laser
doivent être choisies judicieusement pour Lorsque le choix de la concentration Mégajoule.
qu’il soit plus sensible au rayonnement X est validé en phase liquide, il est réajusté La possibilité d’obtenir des scintilla-
qu’aux rayons gamma et aux neutrons. en phase plastique, l’analogie entre les teurs plastiques émettant dans le rouge
Dans le cadre de cette étude, des scin- deux phases n’étant pas totale 4 . Pour (λ max
em ~ 610-620 nm), rapides (τ < 7 ns) et
tillateurs liquides (plus faciles à préparer), les plastiques, après chauffage du mono- avec un rendement lumineux satisfaisant
puis plastiques ont été synthétisés. C’est en mère contenant les molécules adéquates (300 photons/MeV) a ainsi été démontrée.
phase liquide que les paramètres génériques et sa polymérisation complète, le maté- Ces travaux seront poursuivis, en particu-
sont déterminés dans un premier temps : riau brut est découpé et poli jusqu’à obte- lier pour que le temps de décroissance soit
choix des molécules fluorescentes, de la nir un scintillateur de diamètre 49 mm plus proche de la nanoseconde.

Échantillon λ max
em (nm) R (ph/MeV)
RÉFÉRENCES
BC-422Q 2 % 406 760 Tableau 1 1 B. BENGTSON et al., “Study of primary
Longueur d’onde maximum d’émission energy transfer process in ultrafast plastic
#1 620 160
λ max
em et rendement lumineux R des échantillons
#2 610 70 1 à 4 (figure 2) comparés à ceux du scintillateur
scintillators”, Nucl. Instr. Methods, 155, p. 221-
plastique du commerce BC-422Q. Le temps de 231 (1978).
#3 618 300
décroissance a été mesuré à moins de 7 ns pour 2 J.-M. FLOURNOY et al., “New Red-
#4 616 80
chacun d’eux. Emitting Liquid Scintillators with Decay
Times Near One Nanosecond”, Proc. of the
International Conference on New Trends in
Liquid Scintillation Counting and Organic
Scintillators, Gatlinburg, USA, October 2-5,
1989, H. Ross, J. E. Noakes, J. D. Spaulding
(Eds), Lewis Publishers, p. 83-91 (1991).
3 I. B. BERLMAN et al., “A fast red-emitting
Figure 2 plastic scintillator”, Nucl. Instr. Methods, 178,
Photographie de quatre p. 411-413 (1980).
échantillons d’un nouveau
4 M. HAMEL et al., “Red-emitting liquid
scintillateur plastique émettant dans
le rouge développé par le CEA. Les and plastic scintillators with nanosecond time
bonnes performances obtenues sont response”, J. Lumin., 190, p. 511-517 (2017).
données dans le tableau 1.

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 37
COMPOSANTS
J.-M. Belloir, P. Paillet,
ET ÉQUIPEMENTS C. Virmontois, O. Gilard M. Raine V. Goiffon, C. Durnez, R. Molina, P. Magnan
ÉLECTRONIQUES Centre national d’études CEA – DAM Institut supérieur de l’aéronautique et
spatiales (CNES), Toulouse Île-de-France de l’espace (ISAE-SUPAERO), Toulouse

NOUVEAUX CAPTEURS
D’IMAGE EN ENVIRONNEMENT
RADIATIF : COMPRÉHENSION
DES MÉCANISMES DE
DÉGRADATION

L
Les capteurs d’images CMOS es protons, électrons et ions pré- introduisent des niveaux d’énergie dans la
(Complementary Metal Oxide sents dans l’espace ainsi que les bande interdite du silicium, entre la bande
Semiconductor) sont des neutrons émis lors des expériences de valence où les électrons sont bloqués et
composants électroniques utilisés de fusion nucléaire peuvent dépla- la bande de conduction où les électrons
pour de nombreuses applications cer des atomes dans la structure sont libres. Ces états facilitent le passage
scientifiques, telles que l’observation interne d’un capteur d’images, au cœur du des électrons de valence vers la bande de
spatiale ou les expériences de cristal de silicium formant la zone photo­ conduction lorsque leur énergie thermique
fusion nucléaire. Ces capteurs sensible des pixels (figure 1). Ces effets de est suffisante. Ce processus de génération
d’images ont vu leurs performances déplacement atomique peuvent conduire à thermique engendre l’apparition d’un
démultipliées ces dernières années la formation de défauts stables, c’est-à-dire courant parasite appelé courant d’obscu-
grâce aux avancées incessantes de la d’irrégularités permanentes dans la struc- rité. Il correspond au courant mesuré en
microélectronique, et présentent des ture cristalline normalement continue du l’absence de lumière et vient s’ajouter au
avantages indéniables (polyvalence, silicium. Certains de ces défauts stables signal utile. Le signal utile est le courant
mise en œuvre simplifiée,
consommation réduite, etc.) qui a b
les destinent à remplacer les CCD
SiO2 Particule Si dopé N+
(Coupled Charge Devices). Certains incidente
PKA

instruments d’observation spatiale,


comme le futur rover d’exploration
martienne qui sera lancé en 2020,
en sont déjà équipés. Toutefois, en
environnement spatial ou nucléaire,
ces imageurs sont soumis à des flux
de particules pouvant rapidement
dégrader leurs performances PKA
électro-optiques. Ce travail cherche Atomes déplacés

à comprendre la nature des défauts Sous-cascade

cristallins formés dans les capteurs Substrat SiO2


d’images CMOS lorsqu’ils sont
exposés à des neutrons de fusion Figure 1
nucléaire sur les installations Laser (a) Physiologie de la cascade ramifiée de déplacements atomiques produite par un premier atome déplacé
Mégajoule ou ITER, ou à des protons de forte énergie (PKA, pour Primary Knocked-on Atom). (b) Détail de la sous-cascade élémentaire correspondant
de haute énergie dans l’espace. aux déplacements induits dans le réseau cristallin du silicium par un second atome déplacé de faible énergie.

38 COMPOSANTS ET ÉQUIPEMENTS ÉLECTRONIQUES


et donc de déduire l’impact des radiations
V2 2V2 3V2
sur les performances du capteur (figure 3).
Avant recuit Figure 2
10-2 Recuit à 160 °C En effet, en plus de calculer l’augmentation
Histogramme du courant
Recuit à 180 °C moyenne du courant parasite dans le cap-
Recuit à 200 °C d’obscurité dans un capteur
Nombre de pixels normalisé

d’images irradié par une


teur d’images, ce modèle permet d’estimer la
particule de faible énergie non-uniformité de cette augmentation entre
10-3
(proton de 110 keV) et à faible les différents pixels, qui peut avoir un impact
fluence (3,2 × 1010 p/cm2). très négatif sur les performances.
Des pics correspondant à des
10-4 défauts ponctuels particuliers CONCLUSION
Faible énergie
apparaissent, telle la bi-lacune Ces travaux ont permis d’avancer dans la
Faible fluence du silicium V2, et sont de
plus en plus visibles lorsque
compréhension scientifique des défauts
10-5
la température de recuit responsables de l’augmentation du courant
0 100 200 300 400 500 600
Augmentation du courant d’obscurité à 22 °C (e- /s) augmente et fait disparaître les d’obscurité dans les capteurs d’images
défauts les moins stables. d’avenir en environnement radiatif, et de
développer un modèle empirique de pré-
diction de cette augmentation dans le cas
d’électrons libres généré par l’absorption de que de nombreux défauts sont créés simul- d’environnements avec des particules très
la lumière ; les électrons excités par les pho- tanément. La spectroscopie atteint alors ses énergétiques tels des protons spatiaux ou
tons sont dans ce cas directement émis vers limites et, faute d’identifier les défauts, il est des neutrons de fusion. Grâce à l’identi-
la bande de conduction. Les particules très possible de développer un modèle empirique fication de certains défauts ponctuels, ces
énergétiques sont capables de créer simul- de prédiction de l’histogramme du courant résultats ouvrent la voie à la compréhension
tanément de nombreux défauts complexes d’obscurité 2 . Pour un capteur d’images des défauts plus complexes générés par les
dans le pixel frappé, ce qui conduit à une donné et pour un environnement dont la particules plus énergétiques, et donc au
augmentation très importante du courant composition en particules (type, f lux et développement de modèles de prédiction
d’obscurité du pixel touché et donc à une énergie) est connue, ce modèle permet d’es- plus précis, voire de techniques permettant
forte diminution de sa sensibilité et de sa timer la distribution de l’augmentation du d’éviter la formation de ces défauts dans les
dynamique. courant parasite du capteur d’images irradié, futurs capteurs d’images CMOS.
D’autre part, les capteurs d’images
CMOS sont idéaux d’un point de vue sta-
tistique pour caractériser les défauts for-
més : chaque pixel correspond en effet à
un microvolume de silicium dans lequel le 4,5 µm
7 µm
104
courant parasite peut être mesuré indépen- 9 µm
14 µm
damment. Ainsi, avec les milliers ou mil- Figure 3
lions de pixels disponibles, il est possible de 103
Comparaison de
Nombre de pixels

tracer un histogramme des augmentations l’augmentation du courant


du courant d’obscurité après irradiation : à 102
d’obscurité prédite (traits
faible fluence, cet histogramme contient des pleins) dans des pixels de
pics qui traduisent la présence de défauts différentes tailles (4,5, 7, 9
bien particuliers dans de nombreux pixels 101 et 14 μm), aux résultats
Forte énergie expérimentaux (symboles)
(figure 2). Un recuit à température crois-
Forte fluence pour une irradiation aux
sante permet d’accélérer la disparition des 100
neutrons à forte fluence. La
défauts les moins stables, et fait ainsi appa- 0 1 2 3 4 5 6
Augmentation du courant d’obscurité (e- /s) × 105 non-uniformité des réponses
raître des pics correspondant à des défauts est parfaitement reproduite.
ponctuels particuliers (ici la bi-lacune de
silicium, V2), représentant une dégradation
permanente.
Cette technique de caractérisation, RÉFÉRENCES
appelée spectroscopie du courant d’obscu-
1 J.-M. BELLOIR, V. GOIFFON, C. VIRMONTOIS, P. PAILLET, M. RAINE et al., “Dark Current Spectroscopy
rité, a permis d’identifier plusieurs types
de défauts ponctuels induits par des parti- in Neutron, Proton and Ion Irradiated CMOS Image Sensors: From Point Defects to Clusters”, IEEE
cules, tels que la bi-lacune ou le complexe Transactions on Nuclear Science, 64, p.27-37 (2017).
lacune-phosphore 1 . 2 J.-M. BELLOIR, Spectroscopie du courant d’obscurité induit par les effets de déplacement atomique
Pour une particule très énergétique des des radiations spatiales et nucléaires dans les capteurs d’images CMOS à photodiode pincée, Thèse
environnements spatial et nucléaire, les de doctorat de l’université Paul-Sabatier Toulouse III, soutenue le 18 novembre 2016.
dégâts induits sont tellement importants

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 39
SCIENCES
DU CLIMAT ET DE A. Trilla J. Letort S. Ford, S. Myers
L’ENVIRONNEMENT CEA – DAM Institut des sciences de la Terre, Lawrence Livermore National Laboratory,
Île-de-France Université de Grenoble États-Unis

INVERSION JOINTE
DE DONNÉES RÉGIONALES
ET TÉLÉSISMIQUES
POUR CONTRAINDRE
LA SOURCE SISMIQUE

L
L’étude des séismes de a compréhension d’un événement est nécessaire de proposer des méthodes
magnitude modérée, soit entre 4 sismique se base sur plusieurs automatiques pour sélectionner et inver-
et 6, est une mission essentielle paramètres importants tels que sa ser celles de meilleure qualité. Plusieurs
du Centre national de données, localisation (latitude, longitude et critères de sélection sont définis en se
hébergé au CEA – DAM Île-de- profondeur), sa magnitude et son basant sur des analyses du rapport signal
France. La détermination des mécanisme à la source. L’inversion des à bruit, sur des méthodes de traitement du
caractéristiques principales formes d’ondes sismiques permet de définir signal dites aveugles et sur des comparai-
d’un événement, notamment une partie ou l’ensemble de ces paramètres sons avec des signaux modélisés à l’aide
celles visant à estimer et essentiels. Celle-ci utilise habituellement de modèles de Terre. Ils permettent de
à contraindre son origine, soit des données à distance régionale ne conserver qu’un ensemble restreint de
naturelle ou anthropique, et (< 2 000 km), soit des données à distance données de qualité et, ainsi, d’assurer la
son énergie, se fait grâce à télésismique (> 3 000 km) impliquant des fiabilité des inversions.
l’inversion des formes d’ondes types d’ondes, des fréquences et des modes L’inversion jointe est ensuite menée
sismiques enregistrées. On parle de propagation très différents. Les données en deux temps. Une recherche en grille
alors d’inversion de la source télésismiques sont particulièrement utili- des paramètres de la source (magnitude,
sismique. La réduction des sées pour des séismes de forte magnitude. profondeur et orientation des plans de la
incertitudes dans l’estimation Pour les séismes de magnitude modérée, faille) est d’abord effectuée, et les données
des paramètres de la source entre 4 et 6, les données régionales offrent régionales et télésismiques sont inversées
concentre ainsi les efforts la possibilité d’étudier la source de ces évé- séparément. Les ondes télésismiques sont
et pousse à l’utilisation nements en détail. Néanmoins, le nombre très sensibles à la profondeur des événe-
de méthodes optimisées de stations sismiques à l’échelle régionale, ments, mais contraignent difficilement
d’inversion prenant en compte et/ou l’accès aux données, peut être insuf- le mécanisme de la faille. À l’inverse, les
l’ensemble des jeux de données fisant pour permettre une bonne caracté- données régionales, principalement com-
disponibles. Le séisme de risation des paramètres de la source, d’où posées des ondes de surface de longues
magnitude 5,3 en Corée du l’intérêt de combiner les deux jeux de don- périodes, ne permettent pas de caracté-
Sud du 12 septembre 2016 a nées. Cela conduit à proposer une optimi- riser la profondeur aussi finement, mais
servi de cas d’étude dans le sation de l’inversion exploitant l’ensemble déterminent des mécanismes très stables,
développement d’une nouvelle des données régionales et télésismiques : on quelle que soit la profondeur testée. Deux
approche d’inversion de la parle alors d’inversion jointe. fonctions d’optimisation sont déterminées
source qui apporte des résultats Compte tenu du grand nombre de sta- à partir de la comparaison des accords
satisfaisants même dans des tions sismiques disponibles et de leur dis- entre les données sismiques observées
régions peu instrumentées. tribution spatiale hétérogène (figure 1), il et celles modélisées à l’aide de modèles

40 SCIENCES DU CLIMAT ET DE L’ENVIRONNEMENT


Figure 1
Carte des stations sismiques
régionales (en rouge) et
télésismiques (en jaune) qui
ont enregistré le séisme du
12 septembre 2016 en Corée du
Sud (étoile blanche). Les stations
Séisme de Corée du Sud Station régionale Station télésismique sont distribuées de façon très
hétérogène sur la planète.

de Terre. Plus la fonction d’optimisation Corée du Sud a ainsi été identifié comme méthode fournit de très bonnes estimations
est forte, plus les signaux enregistrés aux un événement tectonique de magni- des sources 2 . Une application annexe a
stations sont correctement représentés par tude 5,3 sur une faille décrochante 2 . été réalisée sur des tremblements de terre
les signaux modélisés. La réunion de ces Ce résultat est en accord avec les résultats au Botswana 3 , un pays où l’origine de
deux fonctions d’optimisation dessine le publiés par des instituts étrangers. Il est la sismicité est toujours débattue. Cette
front de Pareto 1 qui permet de mettre également cohérent avec l’orientation du application a démontré l’intérêt de l’ana-
en évidence les solutions satisfaisant les système de failles dans cette région. lyse jointe des données disponibles dans des
deux types de données (figure 2). La L’approche de l’inversion jointe utilisant régions où le nombre de stations à distance
courbure de ce front identifie un ensemble le front de Pareto est prometteuse, car elle régionale est très faible et où il existe un
de résultats cohérents à la fois dans l’esti- permet de diminuer les incertitudes épis- besoin de mieux caractériser les mouve-
mation de la profondeur et dans celle du témiques liées aux deux types de données ments tectoniques en jeu.
mécanisme du séisme. La combinaison de tout en apportant une meilleure contrainte
ces solutions fournit la solution dite opti- de la source sismique. Des tests supplé-
male de l’inversion jointe (figure 2). Cette mentaires sur un événement précurseur et RÉFÉRENCES
approche apporte des informations sur la une réplique du séisme de Corée du Sud,
stabilité des inversions et sur l’incertitude de magnitudes inférieures, respectivement 1 D. NEWBERY, J. E. STIGLITZ, “Pareto
des paramètres des sources. Le séisme de 4,8 et 4,3, ont montré que cette nouvelle inferior trade”, Rev. Econ. Stud., 51, p. 1-12
(1984).
2 J. LETORT, A. GUILHEM TRILLA, S. FORD,
S. MYERS, “Multiobjective optimization of
regional and teleseismic data to constrain
Figure 2 the source of the 12 September 2016 Mw
12 km Solution Résultat de l’inversion jointe 5.4 earthquake in South Korea”, Bulletin of
0,54 optimale obtenue grâce à la combinaison
0,52 des fonctions d’optimisation
the Seismological Society of America, 108,
0,5 des données télésismiques et p. 175-187 (2017).
Fonction d’optimisation
Données télésismiques

0,48 régionales. Le front de Pareto 3 J. LETORT, A. GUILHEM TRILLA, S. FORD,


0,46 11 km (ligne rose) marque les meilleures O. SÈBE, M. CAUSSE, F. COTTON, M. CAMPILLO,
solutions (en couleur) en fonction
0,44
Front de de la qualité des résultats sur G. LETORT, “Teleseismic and regional data
0,42 Pareto les données télésismiques et analysis for estimating depth, mechanism
0,4 10 km
13 km
régionales. Les meilleures solutions and rupture process of the 3 April 2017 Mw
0,38 Ensemble des solutions
sources testées
se situent à la courbure du front 6.5 Botswana earthquake and its aftershock
0,36 15 km et forment la solution optimale.
0,34
(5 April 2017, Mw 4.5)”, Abstract S44B-08
Certaines sources testées de
0,4 0,45 0,5 0,55 0,6 moindre qualité, sous le front de
presented at 2017 Fall Meeting, American
Fonction d’optimisation Pareto, sont représentées dans la Geophysical Union, New Orleans, LA,
Données régionales
zone en jaune qui montre l’étendue 11-15 December 2017.
des solutions sources testées.

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 41
SCIENCES
DU CLIMAT ET DE A. Gailler, H. Hébert, D. Reymond
L’ENVIRONNEMENT F. Schindelé CEA, Laboratoire de géophysique,
CEA – DAM Île-de-France Pamatai, Polynésie française

VERS UNE ESTIMATION


EN TEMPS RÉEL DE L’AMPLIFICATION
CÔTIÈRE AU CENTRE NATIONAL
D'ALERTE AUX TSUNAMIS FRANÇAIS

D
Les outils opérationnels de ans le cadre du Centre d’alerte soit à l’aide d’une base de données de plus
modélisation des tsunamis aux tsunamis français (Cenalt), les de 2 000 scénarios de tsunamis précal-
fournissent des niveaux hauteurs de vagues côtières sont culés, soit par un outil de modélisation
d’alerte à l’échelle des aujourd’hui exclusivement mesu- temps réel. Ces deux systèmes fournissent
bassins. Une méthode de rées à partir des données maré- les hauteurs au large et ne prennent pas
calcul rapide, basée sur des graphiques temps réel 1 , donc a posteriori, en compte la réponse côtière à l’arrivée
lois d’amplification côtière mais ne sont pas prédites par le calcul. En du tsunami.
des tsunamis, a été testée effet le système de prévision actuel fournit Une modélisation détaillée à la côte
pour quantifier les effets uniquement des résultats en océan profond, nécessite l’utilisation de grilles imbri-
attendus sur chaque site.
Elle fournit les hauteurs de
tsunami à la côte, calculées a
à partir de la simulation du Séismes tsunamigènes
5,0 ≤ Mw < 6,0
tsunami en océan profond, 6,0 ≤ Mw < 6,5
6,5 ≤ Mw < 7,0
et en utilisant à la côte une 7,0 ≤ Mw < 7,5

fonction de transfert dérivée Amplitude < 1m


Amplitude ≥ 1m
d’une loi non linéaire (loi
de Green). Les résultats
préliminaires sur la zone
de Nice montrent que
l’approximation est obtenue
en une minute en général, un
laps de temps compatible
Figure 1
avec les exigences b
(a) Localisations des
opérationnelles. Bien que les Hauteur maximale de vague
Tsunami reportée (m) séismes tsunamigènes
effets de résonance dans les historiques dans le bassin
ports et baies ne soient pas méditerranéen occidental avec
reproduits, les amplitudes leur magnitude Mw (cercle),
hmax < 0,5
0,5 ≤ hmax < 1
1 ≤ hmax < 2
2 ≤ hmax < 4
4 ≤ hmax < 6
6 ≤ hmax < 10
10 ≤ hmax < 16

sont estimées rapidement et amplitudes observées du


et sont du même ordre de tsunami associé (couleur).
grandeur que la modélisation Les cercles en trait noir épais
marquent les événements
haute résolution au temps de
historiques utilisés dans ce
calcul bien plus long. travail. (b) Hauteurs maximales
hmax de tsunami observées
pour tous les événements
historiques ci-dessus.

42 SCIENCES DU CLIMAT ET DE L’ENVIRONNEMENT


quées de résolution croissante 2 , faisant
4
intervenir un code trop lent en contexte
3 Promenade
opérationnel. En outre les côtes françaises
1,2
méditerranéennes peuvent être frappées
par un tsunami de source généralement 1 St Laurent- 2 Aéroport
1,0

assez proche, et le Cenalt ne dispose que du-Var de Nice


0,8

Facteur β
de 70 minutes pour publier les messages
d’alerte. Une méthode simple d’estimation 0,6

aux côtes repose sur une loi d’amplifica- 0,4


tion non linéaire classique nommée loi de
Green 3 , qui reste une approximation ne 0,2

tenant pas compte des variations complexes


des géométries littorales. La réponse côtière
précise peut être approchée en utilisant un
facteur de correction empirique, fonction de Figure 3
la configuration locale (facteur β), qui per- Valeurs du coefficient de correction des amplifications beta (β), régionalisé le long de la Côte d’Azur, déterminées
dans cette étude (isocontour bathymétrique 100 m). Les valeurs plus fortes de β soulignent une amplification plus
met ensuite de caractériser rapidement, en
importante (par exemple pour la zone Aéroport de Nice).
1 minute environ, l’amplification site par site
à partir de modèles peu détaillés 4 .
La limitation de cette méthode est qu’elle calculs révèlent un site d'amplification faible tion des prévisions à la côte. La fonction de
exige de nombreuses données historiques (Saint-Laurent-du-Var, β = 0,2), un domaine transfert utilisée pourrait encore compor-
pour chaque littoral, afin de paramétriser fortement amplificateur (aéroport de Nice, ter des facteurs correctifs supplémentaires
la correction localement. En Méditerranée, β = 1,2), puis à nouveau une zone de faible pour améliorer les estimations à différentes
plusieurs séismes tsunamigènes historiques amplification (promenade des Anglais). Pour magnitudes. Cette méthode, implantée au
sont répertoriés (figure 1). Cependant, les le site le plus à l’est (Villefranche-sur-Mer), sein des outils du Cenalt, devrait permettre,
tsunamis produits, modérés, sont mal docu- la réponse complexe conduit à régionaliser à terme, de fournir aux autorités de protec-
mentés. Les paramètres d’amplification sont les facteurs d’amplification au sein même du tion civile des estimations côtières rapides à
donc définis au regard de données synthé- domaine (figure 3). Ces différents facteurs différentes échelles (par exemple départe-
tiques issues de simulations haute résolution. d’amplification sont le reflet de la variabilité mentale, portuaire).
Neuf séismes historiques et synthétiques des pentes sous-marines, de la géométrie des
ont été considérés (marge algérienne et mer ports et des baies, et des interférences avec
Ligure, figure 2). Les hauteurs de tsunami des infrastructures maritimes (digues, rem-
basées sur une fonction de transfert ampli- blais sur la mer). RÉFÉRENCES
ficatrice tirée de la loi de Green empiri- Ce travail montre que la loi de Green pure 1 A. GAILLER, H. HÉBERT, F. SCHINDELÉ,
quement modifiée ont alors été calculées et ne peut pas fournir d’estimations satisfai-
D. REYMOND, “Coastal Amplification Laws
comparées aux simulations fines. santes pour tous les points côtiers : des zones
for the French Tsunami Warning Center:
À la côte, les premiers résultats montrent fortement amplificatrices peuvent jouxter des
que l’approximation linéaire fournit des esti- sites à amplification faible ou nulle. Inclure
Numerical Modeling and Fast Estimate of
mations du même ordre de grandeur que un facteur d’amplification dépendant du site Tsunami Wave Heights Along the French
les modèles détaillés 1 . D’ouest en est, les permet d’obtenir une meilleure approxima- Riviera”, Pure Appl. Geophys., p. 1-16 (2017),
https://doi.org/10.1007/s00024-017-1713-9.
2 H. HÉBERT, A. SLADEN, F. SCHINDELÉ,

France
“Numerical modeling of the great
1887 Ita
lie 2003 2004 Indian Ocean tsunami: Focus on
Mw 6,5 Mw 7,1
Figure 2 the Mascarene Islands”, Bulletin of the
ne
Es
pag
Tu
Hauteurs d’eau maximales Seismological Society of America, 97,
ni
représentées au large pour 6
Algérie sie
0,5 scénarios (parmi les 9 utilisés
p. S208-S222 (2007).
dans l’étude). Les valeurs sont 3 G. GREEN, “On the motion of waves in a
0,4
hmax (m) au large

2003 1856 obtenues au large, sur une variable canal of small depth and width”,
Mw 7,5 Mw 7,1 grille de résolution 2’ (3,7 km),
0,3
Transactions of the Cambridge Philosophical
après 3 h de propagation. Les
0,2
cercles blancs représentent
Society, 6, p. 457-462 (1838).
0,1 l'épicentre des séismes 4 A. JAMELOT, D. REYMOND, “New

0,0
considérés. Les scénarios tsunami forecast tools for the French
Scénario 413 1856 se réfèrent soit à des
Mw 7,5 Mw 7,8
Polynesia tsunami warning system Part II:
épicentres historiques réels
Glissement
(dates indiquées), avec une
Numerical modelling and tsunami height
fort
variation paramétrique sur estimation”, Pure Appl. Geophys., 172,
la magnitude Mw, soit à des p. 805-819 (2015).
épicentres fictifs réalistes.

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M. Macaud, J.-M. Salazar, S. Lectez, J.-P. Bellat, G. Weber, I. Bezverkhyy, J.-M. Simon
CHIMIE C. Gauvin Laboratoire interdisciplinaire Carnot de Bourgogne, UMR 6303 CNRS –
CEA – Valduc Université de Bourgogne-Franche-Comté

ADSORPTION DES ISOTOPES


DE L’HYDROGÈNE DANS LA ZÉOLITHE
NaX : DONNÉES EXPÉRIMENTALES
ET MODÉLISATION

L
Dans le cadre du traitement a mise en œuvre des différents iso- que dans des conditions cryogéniques, des
d’effluents tritiés, la topes de l’hydrogène sous forme matériaux inorganiques nanostructurés
séparation des isotopes gazeuse (hydrogène, deutérium, tels que les zéolithes 1 possèdent la par-
de l’hydrogène peut être tritium) au CEA – Valduc implique ticularité d’adsorber préférentiellement
réalisée par adsorption l’exploitation de divers procédés. les isotopes lourds de l’hydrogène. Leurs
de type physique, dite Cette exploitation génère des eff luents capacités d’adsorption, leurs propriétés
physisorption, sur des résiduels contenant des espèces tritiées. Le de séparation ainsi que leur stabilité sous
matériaux adsorbants. Les développement d’un procédé de déconta- rayonnement en font d’excellents candi-
zéolithes font partie des mination poussée doit permettre de rendre dats pour le développement d’un procédé
matériaux présentant les possible le rejet de ces effluents dans le res- de séparation de type chromatographique.
capacités d’adsorption et les pect des autorisations réglementaires. Afin de développer de nouvelles zéo-
propriétés de séparation les Parmi les techniques de séparation des lithes pour la séparation des isotopes de
plus intéressantes. L’étude isotopes de l’hydrogène disponibles, la phy- l’hydrogène, il est nécessaire d’approfon-
expérimentale du processus sisorption par un matériau poreux apparaît dir notre compréhension du processus
d’adsorption couplée à la comme une alternative prometteuse. Plu- d’adsorption et d’en identifier les para-
modélisation par dynamique sieurs études expérimentales montrent ainsi mètres les plus importants. La combi-
moléculaire des interactions
gaz-solide permet dès
maintenant de démontrer Figure 1
l’hétérogénéité du processus 8 Évolution de la chaleur d’adsorption –ΔH de
d’adsorption sur la zéolithe H2 et D2, en fonction du nombre Nads de molécules
7 adsorbées par unité cristallographique, au cours du
dite NaX, et de mettre
6 remplissage d’une zéolithe NaX. L’hétérogénéité du
en évidence deux types
–ΔH ads. iso / kJ.mol-1

processus d’adsorption est mise en évidence avec


d’adsorbats différemment 5
H2 l’existence de sites d’adsorption dits forts, localisés
liés à la structure zéolithique. 4 au niveau des cations sodium. Deux domaines de
3
remplissage apparaissent : un premier domaine,
D2 pour Nads < 20, qui correspond à l’adsorption des
2 premières molécules qui interagissent directement
1 avec la surface et plus particulièrement avec
les cations sodium (Na+) présents au sein de la
0
0 20 40 60 80 100 120 140 structure zéolithique ; un second domaine, pour
Nads Nads > 20, correspond à l’adsorption de composés
avec une interaction qui devient énergétiquement
plus faible.

44 CHIMIE
naison de mesures expérimentales sur une
zéolithe de référence NaX et de la modé- Sodalite
lisation moléculaire doit notamment per-
mettre d’avoir accès aux paramètres clés des
interactions hydrogène-zéolithe.
Pour caractériser le processus de physi-
sorption d’un point de vue énergétique, des
isothermes d’adsorption du dihydrogène Figure 3
H 2 et du dideutérium D2 sur une zéolithe État de la boîte de
NaX ont été réalisées à différentes tempé- simulation à l’équilibre
ratures comprises entre 30 K et 150 K. Une d’adsorption : les molécules
Supercage
d’hydrogène n’accèdent
analyse thermodynamique 2 de ces résul-
pas aux petites cages de
tats expérimentaux a conduit à déterminer sodalite et s’agglomèrent
la variation des enthalpies d’adsorption de progressivement dans les
H 2 et D2 au cours du remplissage du maté- supercages.
riau, c’est-à-dire en fonction du nombre
de molécules adsorbées (figure 1). Deux
domaines de remplissage sont clairement et ses isotopes, ainsi que les interactions permet de mettre en évidence l’existence
mis en évidence. Un premier domaine, H 2 -NaX ou D2 -NaX 4 . Afin de repro- de deux types d’interaction de l’hydro-
compris entre 0 et 20 molécules adsorbées duire le processus d’adsorption, les simu- gène adsorbé au sein de la zéolithe NaX.
par unité cristallographique, où l’enthalpie lations sont réalisées en exposant une La nature des cations représente un des
d’adsorption est de l’ordre de – 6 kJ·mol-1 membrane semi-infinie de zéolithe vide à paramètres essentiels pour la définition
(valeur caractéristique des processus de un « réservoir de molécules » contenant les d’une zéolithe sélective et répondant spéci-
physisorption). Ce domaine correspond à isotopes de l’hydrogène (figure 2). Dans fiquement à nos besoins d’exploitation. De
l’adsorption des premières molécules, qui un premier temps, les molécules atteignent récents travaux montrent que le remplace-
interagissent plus particulièrement avec les la surface externe de la membrane et sont ment des cations Na+ par des cations Li+,
cations sodium (Na+) présents au sein de la ensuite adsorbées au sein du matériau. K+, Mg2+, Mn 2+ ou Ba 2+ peut, dans certains
structure zéolithique. Un second domaine, L’analyse de la distribution des molécules cas, améliorer significativement les perfor-
au-delà de 20 molécules adsorbées par unité au sein du matériau adsorbant montre mances de séparation (facteur de séparation
cristallographique, correspond à l’adsorp- qu’au cours du remplissage les molécules D2 /H 2 multiplié par 2 à faible remplissage).
tion de composés avec une interaction qui hydrogénées ont tendance à s’agglomérer
devient énergétiquement plus faible. au voisinage des cations compensateurs
La simulation numérique du processus de charges Na+ dans les supercages de la
d’adsorption a été réalisée par un code de zéolithe (figure 3). Lorsque le matériau est
dynamique moléculaire, développé en col- saturé, il apparaît que la phase adsorbée RÉFÉRENCES
laboration avec le laboratoire interdiscipli- s’organise de telle sorte que la formation
naire Carnot de Bourgogne, qui permet d’une structure caractéristique d’une phase 1 D. BASMADJIAN et al., “Adsorption
de modéliser simultanément les équilibres liquide est mise en évidence 2 . equilibria of hydrogen, deuterium, and their
et les cinétiques d’adsorption. Le phé- La combinaison des données expéri- mixtures”, Can. J. Chem., 38, p. 141-148 (1960).
nomène d’adsorption est décrit à travers mentales et de la modélisation, au travers 2 J.-M. SALAZAR, S. LECTEZ, C. GAUVIN,
l’expression d’un ensemble de potentiels de la variation de l’enthalpie d’adsorption M. MACAUD et al., “Adsorption of hydrogen
d’interactions intra- et intermoléculaires (figure 1) et de la localisation des espèces isotopes in the zeolite NaX: Experiments and
décrivant la zéolithe NaX 3 , l’hydrogène hydrogénées dans les supercages (figure 3), simulations”, Int. J. Hydrogen Energy, 42,
p. 13099-13110 (2017).
3 M. JEFFROY et al., “Molecular simulation
of zeolite flexibility”, Mol. Simul., 40, p. 6-15
(2014).
4 E. PANTATOSAKI et al., “Combined
atomistic simulation and quasielastic
H2, D2 gaz Zéolithe (NaX) H2, D2 gaz neutron scattering study of the low-
temperature dynamics of hydrogen and
Figure 2 deuterium confined in NaX zeolite”, J. Phys.
Configuration initiale de la boîte de simulation numérique représentant une membrane de zéolithe NaX en équilibre Chem. B, 112, p. 11708-11715 (2008).
avec une phase gaz composée d’isotopes de l’hydrogène.

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J. Avice, G. Vaudel, G. Brotons, V. Gusev
C. Boscher, P. Belleville, V. Juvé, M. Edely, P. Ruello Laboratoire d’acoustique,
H. Piombini Institut des molécules et des matériaux du Mans, UMR 6613 CNRS –
CEA – Le Ripault UMR 6283 CNRS – Le Mans Université Le Mans Université

C. Sanchez C. Méthivier
CHIMIE Laboratoire de chimie de la matière Laboratoire de réactivité de surface,
condensée, Collège de France, Paris UMR 7197 CNRS – Sorbonne Université, Paris

CARACTÉRISATION
DES NANOCONTACTS
D’UN REVÊTEMENT OPTIQUE
DU LASER MÉGAJOULE

L
Les revêtements antireflet es composants optiques du Laser des composants optiques en utilisant la
des composants optiques du Mégajoule sont nombreux et variés : technique du dip-coating (trempage-retrait
Laser Mégajoule sont réalisés lentilles, hublots, lames, miroirs, d’un substrat dans la solution de silice col-
en utilisant le procédé sol- cristaux, etc. Afin de limiter les loïdale). La tenue mécanique du film est
gel. Ces revêtements sont pertes optiques par réf lexion de améliorée par un post-traitement à l'am-
constitués d’un empilement chaque composant travaillant en trans- moniaque qui permet de créer une inter-
aléatoire de nanoparticules mission et, ainsi, optimiser l’énergie laser connexion entre nanoparticules de silice
de silice d’environ 10 nm de incidente dans la chambre d'expérience, il par liaisons covalentes.
diamètre. L’article 1 décrit le est indispensable de déposer sur les faces La transformation des nanocontacts
suivi des propriétés physico- de ces optiques un film antireflet, constitué d’interaction faible en contacts covalents
chimiques de ces revêtements de nanoparticules de silice, qui annule les a été suivie et contrôlée grâce à diffé-
grâce à un ensemble de réflexions parasites. La préparation des films rentes méthodes lors du procédé. Tout
caractérisations allant de la de nanoparticules de silice est schématisée d’abord, la spectroscopie infrarouge a été
solution sol-gel initiale jusqu’à sur la figure 1. Ces films sont déposés sur utilisée pour montrer l’évolution de la
la mesure des « forces de
contact » entre nanoparticules
dans la couche. Cette étude
fondamentale d’un procédé H
O
O

très robuste permet d’avoir un Si


H
Si
contrôle total de l’ensemble H2O + NH3
SiO2 Si O Si SiO2

du processus en termes de Catalyseur


Si
H
Si
O
O

propriétés physiques et de H

CH3CH2OH
reproductibilité, et de minimiser CH3CH2OH H2O
à terme les coûts de production
et de maintenance des optiques
du Laser Mégajoule.

Figure 1
Schéma du procédé de fabrication d’une couche mince
à base de nanoparticules incluant les étapes de séchage
et de durcissement à base d’ammoniaque contrôlant Transformation de liaison Van der Waals
Dip-Coating Évaporation
la transformation des nanocontacts Van der Waals en liaison hydrogène/covalente
en nanocontacts covalents.

46 CHIMIE
Figure 2
(a) Évolution du module élastique du film colloïdal en fonction du temps de durcissement et pour trois épaisseurs différentes : un temps long de durcissement
permet de renforcer les propriétés mécaniques jusqu'à un facteur 5. (b) Visualisation à trois dimensions par microscopie à force atomique de nanofissures (sections 1, 2
et 3) ; les nanofissures sont plus présentes dans les films épais dont le module élastique est plus faible comme indiqué sur la figure 2a.

a 7 b 75 nm

70
6
65
5 1
Module élastique (GPa)

60

4 55

2 50
3
3 45

2 40
70 nm 35
1 210 nm
280 nm
30
0 1 µm 25
0 4 8 12 16 20
Temps de durcissement (heures) 20

nature des liaisons qui régissent l’énergie après un temps de durcissement à l’am- nombre de méthodes spectroscopiques
de surface des nanostructures. Le passage moniaque de 2 à 8 h selon l’épaisseur du et analytiques, les propriétés mécaniques
de liaisons faibles à des liaisons hydrogène, film considérée (de 70 nm à 280 nm dans (augmentation d’un facteur 5) et les pro-
voire covalentes, a été mis en évidence et cette étude). Il apparaît également que les priétés optiques des couches antireflet ont
s’accompagne de variations de la balance films épais possèdent un module plus faible été optimisées et les mécanismes physi-
hydrophile/hydrophobe du film optique, que ceux des couches fines. Cette propriété co-chimiques responsables de telles amé-
induisant une modification de surface. Une s’explique par l’existence de défauts dans liorations ont été analysés en détail. Le
autre technique non destructive d’optoa- les empilements épais de nanoparticules processus de traitement à l'ammoniaque
coustique ultrarapide (laser pompe-sonde qui ont pu être visualisés en microscopie entraîne une réticulation efficace entre les
femtoseconde) a été employée afin d’évaluer à force atomique (figure 2b), mais ont été particules de nanosilice formant la couche
de manière quantitative l’importance de la aussi quantifiés par analyse de la diffusion poreuse qui s’en trouve ainsi fortement
nature des nanocontacts (Van der Waals optique en spectroscopie visible. consolidée. Cette connaissance permet
versus covalents) et les conséquences à Au-delà de la combinaison de plusieurs non seulement d’avoir un contrôle total
l’échelle macroscopique sur les propriétés techniques qui offre un regard tout à fait de l’ensemble du processus en termes de
mécaniques des films (renforcement méca- complet et original sur les propriétés phy- propriétés physiques et de reproductibilité
nique). Cette technique repose sur la géné- sico-chimiques de ces nanostructures, (indice, épaisseur, temps de durcissement,
ration et la détection d’ondes acoustiques cette étude a permis également de démon- etc.), mais aussi de minimiser à terme les
ayant des fréquences de quelques gigahertz trer qu’au niveau industriel il est possible coûts de production et de maintenance
qui viennent exciter les modes propres de de raccourcir de plusieurs heures l’étape des optiques du Laser Mégajoule, grâce à
vibration du film. On mesure la vitesse du de post-traitement des optiques du Laser l'optimisation de la durée de durcissement
son dans le film et, connaissant son épais- Mégajoule. (figure 2b). Ainsi, cette stratégie peut être
seur mécanique et sa densité, on en déduit Cette étude fondamentale d’une pro- efficacement transférée à un grand nombre
le module élastique de la couche. Un point cédure très robuste démontre qu’il existe de revêtements constitués de nanoparti-
important dans ces travaux a été d’éva- beaucoup de physique et de chimie derrière cules d’oxydes métalliques (ZrO2 , TiO2 ,
luer ce module tout au long du procédé de l’ingénierie de préparation de telles couches Al 2O3, etc.) afin d’améliorer leur robustesse
post-traitement chimique à l’ammoniaque, minces colloïdales. En utilisant un grand et leur qualité optique.
c’est-à-dire de la transition Van der Waals/
covalence. La valeur du module élastique
passe ainsi de 1 GPa pour des contacts de
type Van der Waals à 5-6 GPa pour des
contacts covalents entre nanoparticules RÉFÉRENCES
(figure 2a). Un régime asymptotique de 1J. AVICE et al., “Controlling the Nanocontact Nature and the Mechanical Properties of a Silica
ces interconnexions tridimensionnelles Nanoparticle Assembly”, J. Phys. Chem. C., 121, p. 23769-23776 (2017).
du réseau de nanoparticules intervient

RETOUR SOMMAIRE CHOCS AVANCÉES N° 12 - JUIN 2018 | BILAN 2017 DES PUBLICATIONS ET DE LA VIE SCIENTIFIQUE DE LA DIRECTION DES APPLICATIONS MILITAIRES 47
CHIMIE D. Mathieu
CEA – Le Ripault

APPLICATION DES
FRAGMENTS GÉOMÉTRIQUES
AU CALCUL DE LA SOLUBILITÉ
DANS L’OCTANOL

C
La méthode des onnaître les propriétés des subs- priété, consiste à la relier de manière
fragments géométriques tances chimiques aide à se prému- empirique à des grandeurs appelées des-
est une procédure nir contre les risques éventuels liés cripteurs, directement déduites des for-
générale pour évaluer les à leur utilisation ou à choisir les mules des molécules. Si l’approche QSPR
propriétés des liquides et composés les plus adaptés pour une est souvent considérée comme supérieure
des solides moléculaires application donnée. Les études expérimen- aux méthodes additives, un examen appro-
à partir des formules tales étant coûteuses et souvent difficiles, on fondi de la littérature révèle que cette idée
chimiques des espèces manque de données pour la grande majorité résulte de l’utilisation erronée du principe
dont ils sont constitués. des composés commercialisés, sans compter d’additivité, certains auteurs négligeant
Elle s’applique plus le fait qu’il serait également très utile pour la nécessité de modéliser des grandeurs
particulièrement aux les chimistes de connaître les propriétés de intermédiaires ou de prendre en compte
quantités déterminées composés encore inconnus, afin de savoir sur la molécule dans sa totalité.
par les interactions quelles cibles concentrer les efforts de syn- De plus, ce principe n’est pas exploité de
entre molécules. Elle a thèse. Des simulations moléculaires peuvent manière optimale par les deux principaux
par exemple permis des dans certains cas pallier cette carence. types de méthode additive, qui reposent
progrès récents dans le Cependant, elles nécessitent des moyens sur des termes associés respectivement aux
calcul d’une grandeur inaccessibles à la majorité des ingénieurs en atomes et aux groupes fonctionnels. L’addi-
d’intérêt pratique manque de données. De plus, la fiabilité des tivité atomique est d’un intérêt très limité,
considérable : la solubilité résultats est limitée, du fait par exemple des car elle ignore l’environnement des atomes.
des composés organiques incertitudes sur les forces interatomiques ou En revanche, l’additivité des groupes pose
dans l’octanol. de configurations atomistiques non repré- un problème inverse : le nombre de groupes
sentatives. Il serait préférable de pouvoir cal- fonctionnels est si élevé qu’il est difficile
culer les propriétés d’une phase condensée de déterminer les contributions de chacun
sur la base d’un minimum de données, si d’eux. De plus, il est paradoxal de modé-
possible uniquement à partir des formules liser des propriétés physiques déterminées
développées des molécules. par les forces entre molécules à partir de
En vue d’aboutir à de tels outils prédic- la notion de groupe fonctionnel, destinée
tifs, deux approches sont couramment uti- plutôt à rendre compte de leur réactivité.
lisées. La première, dite additive, consiste à Le CEA – Le Ripault a développé une
représenter la propriété considérée à l’aide de approche additive basée sur des considéra-
contributions associées aux différentes par- tions purement géométriques. Plus préci-
ties qui constituent la molécule. La seconde, sément, cette méthode, dite des fragments
désignée par le sigle anglais QSPR, signi- géométriques, suppose que la contribu-
fiant relation quantitative structure-pro- tion aux forces intermoléculaires d’un

48 CHIMIE
atome dépend de sa nature chimique et de
son accessibilité, elle-même fonction du
1
nombre de voisins auxquels l’atome est lié
et de leurs rayons 1 . Elle est conçue pour
les propriétés déterminées par les forces 0

Valeurs calculées de log(Soct)


intermoléculaires, comme la densité ou
l’enthalpie de sublimation, pour lesquelles -1
elle fournit les méthodes de calcul les plus Figure 2
fiables disponibles à ce jour 1,2 . Elle paraît -2 Logarithme de la solubilité
donc prometteuse pour des propriétés d’in- Soct exprimée en moles/litre :
térêt pratique majeur, comme la solubilité les valeurs en ordonnée ont été
-3
calculées par la méthode des
des substances dans les liquides, nécessaire fragments géométriques, après
aussi bien pour concevoir les procédés de -4 ajustement de ses paramètres.
fabrication de l’industrie chimique que Les valeurs en abscisse sont
pour comprendre le devenir des molécules -5
issues de mesures. L’accord entre
ingérées par l’organisme ou rejetées dans les valeurs prédites et mesurées
-5 -4 -3 -2 -1 0 1
l’environnement. est satisfaisant comparé aux
Valeurs mesurées de log(Soct) écarts observés avec les autres
La solubilité dans l’octanol à température
méthodes d’estimation.
ambiante, notée Soct, est particulièrement
importante pour ces dernières applications.
Différentes méthodes ont été publiées de dissolution 4 . Un avantage notable par aussi précis que les données déduites de
pour l’évaluer, notamment une méthode rapport à l’approche QSPR réside dans le mesures indirectes 4 .
de groupes ainsi qu’une large gamme de fait que la cohérence des paramètres est Ces résultats confirment la pertinence
modèles QSPR. Les meilleurs résultats ont aisément vérifiable. Par exemple, on peut et la généralité de la notion de fragment
été obtenus par une technique dite Random vérifier (figure 1) que la contribution à la géométrique pour la modélisation des pro-
Forest (RF). Ce modèle, qui s’apparente à solubilité d’un atome de carbone augmente priétés des phases condensées. Diverses
une boîte noire du fait de la complexité des lorsqu’on remplace un de ses voisins par améliorations sont envisageables, en intro-
relations mathématiques sous-jacentes, met un atome d’hydrogène, comme attendu duisant par exemple des charges atomiques
en jeu 86 descripteurs et un nombre encore théoriquement. pour prendre en compte de manière plus
plus élevé de paramètres empiriques 3 . Par ailleurs, pour les solides, la solubi- explicite la distribution électronique, ou
Par rapport à ces précédents modèles, lité dans l’octanol Soct dépend de l’entropie une fonction d’écrantage commune à tous
la technique des fragments géométriques associée à la transition solide-liquide, sou- les atomes, en vue de réduire le nombre de
présente une fiabilité comparable ou supé- vent supposée constante (règle de Walden). paramètres empiriques.
rieure. De plus, le modèle associé est plus Les fragments géométriques permettent
simple et transparent, avec 19 paramètres et de s’affranchir de cette hypothèse. Com-
18 variables représentant les contributions binés au point de fusion expérimental, ils
des différents fragments à l’enthalpie libre conduisent à d’excellents résultats (figure 2) RÉFÉRENCES
D. MATHIEU et al., “Reliable and Versatile
1
Model for the Density of Liquids Based on
Additive Volume Increments”, Ind. Eng.
Chem. Res., 55, p. 12970-12980 (2017).
0,2 2 D. MATHIEU, “Simple Alternative to
Contribution atomique à log(Soct)

Neural Networks for Predicting Sublimation


Figure 1
Enthalpies from Fragment Contributions”,
0,0 Contributions d’un atome de Ind. Eng. Chem. Res., 51, p. 2814-2819 (2012).
carbone saturé (relié seulement 3 M. A. BUONAIUTO et al., “Prediction of
par des liaisons simples) au 1-Octanol Solubilities Using Data From the
logarithme de la solubilité dans
l’octanol Soct d’une molécule. Ces
Open Notebook Science Challenge”, Chem.
-0,2
valeurs constituent les paramètres Cent. J., 9, 50 (2015).
ajustables de la méthode des 4 D. MATHIEU, “Solubility of Organic
fragments géométriques. Compounds in Octanol: Improved
Le fait qu’elles augmentent
-0,4
régulièrement avec le nombre
Predictions Based on the Geometrical
0 1 2 3 d’atomes d’hydrogène attachés à Fragment Approach”, Chemosphere, 182,
Nombre d’atomes d’hydrogène sur le carbone l’atome conforte leur validité ainsi p. 399-405 (2017).
que la pertinence du modèle.

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J. Aupiais S. Sauge-Merle, D. Lemaire, R. W. Evans
CHIMIE CEA – DAM C. Berthomieu Brunel University,
Île-de-France CEA – Cadarache Royaume-Uni

INTERACTION
DU PLUTONIUM AVEC
UNE PROTÉINE DU SANG,
LA TRANSFERRINE

L
La transferrine humaine est e plutonium est un des actinides les cellules cibles du fer (III) possèdent des
responsable du transport plus radiotoxiques qui soient. Bien récepteurs membranaires spécifiques (TR)
du fer dans l’organisme. qu’il ne possède aucune fonction du complexe Fe2Tf qui, à pH physiolo-
Elle possède aussi une physiologique connue, il peut être gique, reconnaissent uniquement la forme
très grande affinité pour le retenu par l'organisme et induire complètement fermée de la protéine. Le
plutonium tétravalent. La des effets nocifs. En particulier, il s’accu- complexe TR-Fe2Tf ainsi formé est inter-
mesure de cette affinité, mule dans les os et le foie avant d’être par- nalisé dans la cellule par un phénomène
appelée constante de tiellement excrété par les urines et les fèces. d’endocytose. Après relargage du fer, la
complexation, n’avait Il est aussi transporté dans le sang par une transferrine regagne le sérum par un phé-
pas été revue depuis une protéine abondante : la transferrine sérique. nomène d’exocytose. La durée d’un cycle
détermination unique La transferrine sérique (Tf) est une gly- est d’environ 4 minutes. La concentration
en 1991. À l’époque, il avait coprotéine caractérisée par une masse de de la transferrine dans le sérum (30 μM)
été conclu que l’affinité du 80 000 daltons et constituée d’une unique est en excès par rapport au fer, de sorte que
plutonium était identique chaîne polypeptidique de 679 acides ami- seul 30 % de la protéine est saturé en fer. La
à celle du fer. Mais cette nés repliée en deux lobes, dits lobe N et molécule de transferrine a une durée de vie
première détermination lobe C. Ils sont chacun constitués de deux moyenne de huit jours et peut participer à
devait être validée en domaines distincts capables de se rappro- 100 cycles environ.
raison de l’adoption de cher et de s’éloigner l’un de l’autre. Chaque Bien que la fonction physiologique prin-
plusieurs hypothèses lobe de la transferrine possède un site de cipale de la transferrine soit de véhiculer le
difficiles à vérifier. Pour complexation du fer (III), situé à la char- fer vers les cellules, cette dernière possède
cela, le couplage entre une nière entre les deux domaines du lobe. La hélas des affinités pour d’autres métaux,
électrophorèse capillaire et complexation du fer par la transferrine est plus ou moins toxiques, comme le chrome,
un spectromètre de masse particulière : elle requiert obligatoirement un le cuivre, le titane, le vanadium, le ruthé-
(ICPMS) a été utilisé au anion additionnel appelé anion synergique. nium, l’aluminium, le gallium, les lantha-
CEA – DAM Île-de-France. Cet anion est le bicarbonate HCO3 –, il per- nides, les actinides, etc.
Il apparaît de façon univoque met aux atomes de fer d’entrer dans les deux Des résultats récents ont montré que le
que la constante est en cavités de la protéine avec une meilleure effi- plutonium utilisait le même mécanisme
réalité 10 000 fois supérieure cacité (d’autres anions peuvent jouer ce rôle d’internalisation du fer dans une confi-
à celle du fer. comme l’anion nitrilotriacétate NTA). En guration où un atome de plutonium est
l’absence de fer, la transferrine a ses deux localisé sur le lobe C et un atome de fer
lobes ouverts. En présence de fer, les deux sur le lobe N 1 . Cette configuration par-
lobes se rapprochent alors l’un de l’autre. ticulière est topologiquement très proche
Le complexe Fe2Tf ainsi formé présente du complexe Fe2Tf. Néanmoins, l’inter-
donc une configuration dite fermée. Les nalisation du plutonium est conditionnée

50 CHIMIE
Pu(NTA)2
1,0
Concentration (unité arbitraire)

Figure 1
0,8
Électrophorégrammes
d’espèces de plutonium. L’acide
0,6 nitrilotriacétique (NTA) est
utilisé ici pour protéger Pu4+ de
l’hydrolyse. En augmentant la
0,4 concentration en transferrine (Tf),
Pu-Tf la surface des deux pics va évoluer
(augmentation de la surface
0,2
du pic Pu-Tf et diminution de la
surface du pic Pu(NTA)2. Cette
0,0 variation des surfaces des pics
600 700 800 900 1 000 1 100 1 200 1 300 permet de calculer la constante de
Temps de migration (s) complexation entre le plutonium
et la transferrine.

par la complexation effective et préalable (figure 2). Cette différence peut paraître La précision de la valeur obtenue permet
par la transferrine et dépend de la présence grande mais elle traduit simplement les maintenant d’étudier de nouvelles ­protéines
d’autres métaux qui peuvent entrer en com- évolutions technologiques qui ont permis et de comparer leurs affinités relatives.
pétition. Or, nous avons remarqué que la de lever les difficultés rencontrées en 1991. D’ores et déjà engagées avec des protéines
force de la constante de complexation entre Ces résultats ont fait l’objet de la page de comme la calmoduline et la fétuine, ces
le plutonium et la transferrine, déterminée couverture dans le journal spécialisé Dalton études permettront de comprendre la phy-
par L. Yule en 1991 2 et utilisée par plu- Transactions 3 . siologie du plutonium.
sieurs auteurs pour fabriquer des complexes
Pu-Tf, n’avait jamais été validée par d’autres
techniques. Figure 2
Extrapolation à pH 7,4
Pour la première fois, une technique 25 Pu4+ Corrélation linéaire entre la constante de
log K *1 (complexation métal - transferrine)

couplant l’électrophorèse capillaire (Capil- Fe3+ (pH 6,0) complexation K*1 métal-transferrine à pH
lary electrophoresis ou CE) avec un spectro- 20
In3+
Ga3+
Bi3+ physiologique (pH 7,4) et la constante de première
mètre de masse (ICPMS, pour Inductively (pH 6,7) hydrolyse du métal. La corrélation linéaire a été
Valeur
coupled plasma mass spectrometry) a été utilisée 15 Sc3+ expérimentale observée par Sun et al. avec un nombre important
Al3+ obtenue par de métaux 4 . Cette corrélation permet de prédire
pour déterminer la constante de complexa- Cu2+
CE-ICPMS
que la constante de complexation plutonium-
10
tion entre la transferrine et le plutonium. Fe2+ Sm3+ transferrine, à pH physiologique, sera log K*1 = 25,0,
La technique CE-ICPMS est une tech- Nd3+ Gd
3+
Cd2+
5 Zn2+
soit environ 10 000 fois supérieure à celle du
Mn2+
nique à très haute sensibilité qui préserve Ni2+ fer (log K*1 = 20,4). En raison des difficultés à
les espèces chimiques (spéciation) et permet 0
stabiliser le plutonium contre l’hydrolyse, la valeur
de quantifier l’affinité d’un ligand pour un expérimentale par CE-ICPMS a été obtenue pour
métal. Par exemple, l’électrophorégramme Pu-Tf à pH 6,0. Elle est cohérente avec la valeur
-5
0 2 4 6 8 10 12 14 extrapolée, car il est connu que la constante K*1
de la figure 1 montre que l’électrophorèse augmente avec le pH, comme on peut le constater
log K1 (hydrolyse du métal)
capillaire est capable de séparer deux espèces sur cette figure pour le fer à pH 6,7 et 7,4.
chimiques distinctes contenant toutes les
deux un atome de plutonium. Cette sépa-
ration physique des espèces est rendue pos-
sible, car les complexes formés sont assez
stables pour ne pas se dissocier pendant la
séparation électrophorétique.
En réalisant les expérimentations à un
RÉFÉRENCES
pH proche du pH physiologique, la valeur 1 M. P. JENSEN et al., “An iron-dependent and transferrin-mediated cellular uptake pathway for
de cette constante a pu être déterminée. plutonium”, Nat. Chem. Biol., 7, p. 560-565 (2011).
Contrairement à ce qu’amenait à penser 2 L. YULE, A comparison of the binding of plutonium and iron to transferrin and citrate, Thèse de
l’unique valeur disponible depuis 1991, le
doctorat soutenue le 29 octobre 1991, University of Wales, Cardiff.
CEA – DAM Île-de-France a montré de
manière univoque que, à pH physiologique, 3 S. SAUGE-MERLE et al., “Revisiting binding of plutonium to transferrin by CE-ICP-MS”, Dalton Trans.,
le plutonium n’est pas identique au fer, mais 46, p. 1389-1396 (2017).
que la transferrine a 10 000 fois plus d’af- 4 H. SUN, H. LI, P. J. SADLER, “Transferrin as a metal ion mediator”, Chem. Rev., 99, p. 2817-2842 (1999).
finité pour le plutonium que pour le fer

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MATHÉMATIQUES,
INFORMATIQUE
SCIENTIFIQUE,
LOGICIEL D. Lugato F. Kjolstad, S. Chou, S. Amarasinghe S. Kamil
CEA – Cesta Massachusetts Institute of Technology, Boston Adobe Research, New York

TACO : COMPILATION
ET GÉNÉRATION DE CODE
D’EXPRESSIONS TENSORIELLES

L
L’algèbre tensorielle est un es expressions d’algèbre linéaire
puissant outil de modélisation sont au cœur des performances (bi × ci)   + di ai
avec des applications dans des logiciels de simulation du
le machine learning, l’analyse CEA – DAM. Les tenseurs sont (b1 × c1) + d1
de données, l’ingénierie et une généralisation des vecteurs et d3
la simulation numérique. matrices à tout nombre de dimensions, ils (b4 × c4)
Les tenseurs sont souvent permettent d’effectuer des calculs multi-
creux (avec de nombreuses linéaires 1 . De nombreuses applications d6
composantes nulles) et les concernent des tenseurs creux, par exemple
expressions de calcul complexes le Amazon Reviews Tensor (3 dimen-
doivent être implémentées dans sions : utilisateurs × produits × avis) peut
un noyau unique pour des raisons potentiellement contenir 107 exaoctets Figure 1
de performance et de gestion (1018 octets) composantes, dont seulement Calcul creux de ai = bi*ci + di. Les couleurs dans le
vecteur résultat montrent quelles opérations et valeurs
mémoire. Les développeurs 13 gigaoctets (109 octets) sont non nuls.
des opérandes sont combinées pour chaque valeur
doivent alors optimiser La figure 1 illustre, sur une expression résultat non nulle.
manuellement des noyaux simple, la complexité d’itération sur des
pour chacune des expressions indices creux pour optimiser le nombre
d’intérêt avec des tenseurs d’opérations nécessaires à l’obtention du les graphes d’itérations sont la repré-
associant des dimensions résultat. sentation intermédiaire du compilateur
denses et creuses. L’explosion Le nombre infini d’expressions tenso- décrivant les espaces d’itération sur
combinatoire du nombre rielles simples ou composées ainsi que les les valeurs non nulles d’un tenseur. Ce
d’expressions potentielles rend différences entre les architectures maté- concept générique permet de représenter
difficiles l’implémentation et rielles cibles sont les raisons du choix aussi bien des expressions simples telles
l’optimisation de chacune. d’une approche par compilation retenue qu’un SpMV (Sparse matrix-vector mul-
L’approche générative proposée dans taco, acronyme de tensor algebra com- tiplication) que des expressions composées
dans le compilateur taco, piler 2 . Son implémentation nécessite les complexes comme le MTTKRP (Matri-
acronyme de tensor trois techniques suivantes : cized tensor times Khatri-Rao product) ;
algebra compiler (voir la définition du stockage des tenseurs les treillis de fusion relient les opéra-
http://tensor-compiler.org) se fait en spécifiant pour chacune de ses tions avec les espaces d’itération. Si deux
permet de générer dimensions si elle est pleine (D-dense) ou tenseurs sont multipliés (resp. additionnés)
automatiquement du code creuse (S-sparse) et en choisissant l’ordre de alors la fusion est une conjonction (∧) (resp.
parallèle compétitif avec les ses dimensions. Ainsi le format CSR (Com- disjonction V), car il faut que les deux opé-
meilleurs noyaux optimisés pressed sparse row) usuel pour les matrices randes (resp. une seule) soient non nulles
manuellement et surtout creuses est assimilable à DS (Dense-Sparse). pour que le résultat le soit aussi (figure 2).
pour un nombre infini Un tenseur de dimension 4 tel que DSDD À partir d’une expression écrite en nota-
d’expressions tensorielles. permet de stocker des matrices par blocs ; tion tensorielle 1 , le compilateur taco s’ap-

52 MATHÉMATIQUES, INFORMATIQUE SCIENTIFIQUE, LOGICIEL


a = b + c Dimensions fusionnées
Expression
bi ∧ ci
ai = bi + ci
terminée
bi ci
ci bi
ai = ci ai = bi
terminée
ci bi
Figure 2
0
Exemple d’une addition de
vecteurs creux (ai = bi + ci). La
partie centrale montre le treillis
de fusion de cette expression.
La partie droite montre le code
généré automatiquement par
taco pour cette expression.

puie sur ces trois concepts pour générer du de performance obtenus avec taco contre les mances des noyaux de code générés, d’étu-
code optimisé parallèle. L’algorithme two- librairies qui implémentent cette expression. dier l’impact du choix des formats et d’op-
way merge 3 est utilisé pour optimiser les Le parallélisme pour des architectures à timiser interactivement le code généré 4 .
parcours des indices des dimensions creuses mémoire partagée est assuré par l’ajout de Le compilateur taco propose une
fusionnées (figure 2). directives d’interfaces de programmation approche générative dédiée à l’algèbre
L’évaluation des performances du code parallèle (telles que OpenMP ou Cilk) au tensorielle et pour une infinité de formats
généré démontre l’efficacité de cette approche niveau des boucles externes. Les travaux de de stockage. En s’appuyant sur ce compi-
tant sur des expressions simples comme recherche en cours portent sur la prise en lateur, on peut construire des langages, des
un SpMV de forme bi = A ij × xj (figure 3a) compte de nouveaux formats de stockage et bibliothèques et des logiciels de simulation
que sur des expressions complexes impli- d’un niveau de parallélisme distribué. manipulant des tenseurs denses et creux
quant des tenseurs d’ordre élevé comme un La suite logicielle taco est composée sans écrire manuellement le code ni sacri-
MTTKRP de forme A ij = Bikl × Ckj × Dlj. de trois couches logicielles successives et fier les performances.
Elle permet surtout d’éliminer le compro- utilisables indépendamment : une librai-
mis entre performance et exhaustivité des rie C++, un outil en ligne de commande
librairies existantes. La figure 3b montre et une interface web. L’outil en ligne de
pour l’expression A ij = Bij + Cij + Dij les gains commande permet de comparer les perfor- RÉFÉRENCES
1 G. RICCI-CURBASTRO, T. LEVI-CIVITA,
« Méthodes de calcul différentiel absolu et
a
taco OSKI MKL b leurs applications », Math. Ann., 54, p. 125-201
5,55 14,85 9,16 4,88 14,21
Eigen
taco-par
uBLAS
pOSKI-par
Gmm++
MKL-par
(1901).
2 F. KJOLSTAD, S. KAMIL, S. CHOU, D.
Temps d’exécution normalisé à taco

1,2
LUGATO, S. AMARASINGHE, “The Tensor
1,0 Algebra Compiler”, Proc. ACM Program.
0,8 Lang., Vancouver, Canada, Oct. 22-27, 2017, 1,
0,6
Issue OOPSLA, Article 77 (2017).
3 D. KNUTH, The art of computer
0,4
programming: sorting and searching,
0,2 Pearson Education (1973).
0,0
cant scircuit pwtk cant scircuit pwtk
4 F. KJOLSTAD, S. CHOU, D. LUGATO, S.
KAMIL, S. AMARASINGHE, “taco: A Tool to
Generate Tensor Algebra Kernels”, Proc.
Figure 3
32nd IEEE/ACM International Conference on
(a) Temps d’exécution normalisés par rapport à taco d’un SpMV de forme bi = Aij × xj, obtenus avec des librairies d’algèbre
linéaire pour un ensemble de matrices ; –par indique des temps d’exécution parallèle. Les temps d’exécution du code généré
Automated Software Engineering (ASE 2017),
automatiquement par taco sur un ensemble de matrices (cant, scircuit, pwtk) sont comparables à ceux obtenus avec les codes Urbana-Champaign, USA, Oct. 30-Nov. 3,
optimisés manuellement des meilleures librairies (MKL, OSKI, Eigen). (b) Comparaison de performances pour l’expression 2017, p. 943-948 (2017).
Aij = Bij + Cij + Dij, démontrant l’efficacité de taco sur des expressions tensorielles plus complexes.

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MATHÉMATIQUES,
INFORMATIQUE
SCIENTIFIQUE, G. Perrin, C. Soize J. Garnier
LOGICIEL S. Marque-Pucheu Université Paris-Est, École polytechnique,
CEA – DAM Île-de-France Marne-la-Vallée Palaiseau

COMPOSITION
DE POLYNÔMES
POUR L’APPRENTISSAGE
STATISTIQUE
DE FONCTIONNELLES
COMPLEXES

L
La simulation numérique joue a conception et la garantie de sys- En particulier, on constate que la pro-
un rôle primordial pour la tèmes physiques par la simulation jection de la fonction moyenne sur un
compréhension des phénomènes nécessitent le développement de ensemble réduit de polynômes bien choi-
physiques complexes. Des codes prédictifs qu’il faut généra- sis peut fortement améliorer les capaci-
codes numériques sophistiqués lement exécuter en un très grand tés prédictives du métamodèle final 3 .
sont développés, dont les nombre de points. Lorsque le coût numé- Notre travail a consisté à proposer une
temps d’exécution peuvent rique d’un appel au code est important, il approche alternative qui revient à écrire
s’avérer extrêmement longs est nécessaire d’approcher les sorties du cette fonction sous la forme d’une com-
malgré des puissances de calcul code par un métamodèle. Dans cet objec- position de deux polynômes. Ainsi, au
toujours plus importantes. Leur tif, la régression par processus gaussien lieu de rechercher une base de projection
utilisation pour la conception est une technique d’apprentissage statis- polynomiale de taille réduite, dont les
et la garantie de nouveaux tique très utilisée en raison du compromis coefficients seraient correctement iden-
systèmes physiques nécessite qu’elle permet en matière de complexité, tifiés, l’idée est maintenant de projeter
ainsi d’associer à chaque sortie d’efficacité et de contrôle des erreurs de la fonction moyenne sur un très grand
du code un métamodèle, c’est- prédiction 1,2 . Cette technique est basée nombre de polynômes. En effet, en com-
à-dire une approximation sur l’hypothèse que chaque sortie du code posant deux polynômes, on obtient un
mathématique rapide à évaluer, peut être vue comme une réalisation par- nouveau polynôme, dont le degré peut
permettant d’en prédire la valeur ticulière d’un processus gaussien. Condi- être beaucoup plus élevé, mais dont le
en tout point du domaine des tionner ce processus par les évaluations nombre de grandeurs indépendantes le
entrées. Ce travail propose de disponibles du code permet la construc- caractérisant reste limité.
considérer la composition de tion de prédicteurs souvent très efficaces. La principale difficulté d’une telle
polynômes pour la construction Sans surprise, les capacités prédictives représentation concerne l’identification
de tels métamodèles, de ces prédicteurs dépendent fortement des paramètres associés aux deux poly-
cela pouvant s’avérer très des propriétés statistiques du proces- nômes composés. En effet, l’évolution du
efficace pour l’apprentissage sus considéré. Bien choisir sa fonction polynôme composé peut être très sensible
statistique de fonctionnelles moyenne et sa fonction de covariance est à ces paramètres. Par ailleurs, des valeurs
fortement non linéaires à partir ainsi le point clé d’une telle technique distinctes de ces paramètres peuvent
d’information réduite. d’apprentissage. conduire à la même représentation poly-

54 MATHÉMATIQUES, INFORMATIQUE SCIENTIFIQUE, LOGICIEL


Figure 1
a g(x1,x2) = (1 − x1²) (1 − x2²) cos(7x1) sin(5x2), -1 < x1,x2 < 1 Pour trois fonctions tests, notées g(x),
10 0 comparaison des capacités prédictives de
deux métamodèles en fonction du nombre
d’appels au code utilisé pour l’apprentissage
10-1 et noté N. La fonction d’erreur représentée
Fonction d’erreur

est la moyenne de l’intégrale du carré de la


différence entre les valeurs de g et les valeurs
10-2 prédites par chaque métamodèle. Noir continu :
la fonction moyenne est directement projetée
10-3
sur des polynômes bien choisis. Rouge pointillé :
la fonction moyenne est approchée par une
composition de deux polynômes. L’approche
10-4 par composition de deux polynômes conduit à
40 60 80 100 120 140 une réduction des erreurs de prédiction jusqu’à
N plusieurs ordres de grandeur.
b g(x1,x2,x3) = sin(x1) + 7sin(x2)² + 0,1 x34 sin(x1), -3,14 < x1,x2,x3 < 3,14

10-1
Fonction d’erreur

10-2

10-3

50 100 150 200


N

c g(x) = g1(g2(x)), g1(x) = 0,1 cos(x1 +… +x6) + x1² +… + x6²,


g2(x) = (cos(πx1 + 1), cos(πx2 + 2)... cos(πx6 + 6)), -1 < x1… x6 < 1

100

10-2
Fonction d’erreur

RÉFÉRENCES
10-4
1 T. J. SANTNER, B. J. WILLIAMS,

10-6
W. I. NOTZ, The Design and Analysis of
Computer Experiments, New York, Springer
(2003).
10-8
30 40 50 60 70 80 90 100 2 C. CANNAMELA, L. LE GRATIET, J. GARNIER,
N “Construction d’un métamodèle pour des
codes à plusieurs niveaux de fidélité”, Revue
chocs, 48, p. 5-14 (2017).
nomiale finale, ce qui ne facilite pas leur des erreurs de prédiction pouvant aller 3 P. KERSAUDY, B. SUDRET, N. VARSIER,
identification. Pour surmonter ces difficul- jusqu’à plusieurs ordres de grandeur. O. PICON, “A new surrogate modeling
tés, plusieurs algorithmes spécifiques ont été Finalement, l’objectif de ce travail est
technique combining kriging and
proposés, dont on peut trouver les détails de proposer une nouvelle forme de méta-
polynomial chaos expansions – Application
dans la référence 4 . Les possibilités d’une modèle, basée sur la composition de poly-
telle approche ont ensuite été étudiées sur nômes. Une telle structure permet en effet
to uncertainty analysis in computational
une série de fonctions classiques, dont une d’engendrer un espace polynomial de très
dosimetry”, J. Comput. Phys., 286,
partie des résultats peut être visualisée sur grande dimension, à partir d’un nombre p. 103-117 (2015).
la figure 1. Sur cette figure, on constate que réduit de paramètres. Cela peut conduire 4 G. PERRIN, C. SOIZE, S. MARQUE-PUCHEU,
la forme proposée pour la fonction moyenne à des métamodèles aux propriétés prédic- J. GARNIER, “Nested polynomial trends for
permet une très nette amélioration des capa- tives renforcées par rapport à ceux clas- the improvement of Gaussian process-based
cités prédictives des métamodèles. En effet, siquement utilisés dans la littérature, en predictors”, J. Comput. Phys., 346,
en se basant sur la même information pour particulier lorsque le nombre d’appels au p. 389-402 (2017).
l’apprentissage, on observe une réduction code doit être limité.

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MATHÉMATIQUES,
INFORMATIQUE
SCIENTIFIQUE,
LOGICIEL S. Jaouen, G. Dakin B. Després
CEA – DAM Île-de-France Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris

INTERACTION
FLUIDE-STRUCTURE
SUR GRILLE CARTÉSIENNE

L
La résolution des e s problème s d ’ i nter ac t ion En revisitant leurs travaux et en adap-
phénomènes d’interaction fluide-structure interviennent dans tant cette procédure à nos souches de
fluide-structure est cruciale de nombreux domaines abordés au schéma numérique (en particulier au
pour de nombreuses CEA – DAM. Une des applications formalisme Lagrange-projection : pour
applications. Deux matériaux qui a motivé cette étude concerne la chaque pas en temps, les équations sont
— ici un fluide compressible simulation des effets à courte et longue dis- d’abord discrétisées sur un maillage sui-
et un corps rigide — de tance d’ondes de souffle, couvrant à la fois vant la matière avant d’être projetées sur
lois de comportement très les champs proches (réponse de structures la grille eulérienne), l’algèbre se trouve
différentes, interagissent aux ondes de choc) et les champs lointains grandement simplifiée et les coûts de calcul
entre eux : l’écoulement du (infrasons et signature aéroacoustique). deviennent raisonnables. La question de
fluide est conditionné par Notre laboratoire a développé un réel la stabilité des opérateurs discrets qui sont
la forme et le déplacement savoir-faire sur les schémas d’ordre très construits aux bords étant cruciale et fort
de la structure, tandis que élevé sur grille cartésienne 2 , permettant à complexe à étudier analytiquement, des
le mouvement du solide moindre coût de calcul de suivre l’évolution outils numériques d’analyse de stabilité
est régi par les forces des ondes aéroacoustiques sur de longues sont développés et validés, en partant de
et moments de pression distances. Il restait néanmoins à trouver cas d’école (advection linéaire puis sys-
exercés à sa surface par le une façon de les appliquer au voisinage tèmes linéaires 1D) pour aller vers les
fluide. C’est un problème d’obstacles à géométrie complexe (l’in- problèmes d’intérêt (systèmes non linéaires
fortement couplé dont la terface ne coïncide pas avec le maillage). 2D du type équations d’Euler).
résolution numérique à haut Il s’agit d’un problème de couplage avec Dans ce travail, la partie fluide est
degré de précision demeure conditions aux bords réputé difficile sur le résolue par les schémas hydrodynamiques
un défi, la précision allant plan de l’analyse numérique, surtout lors- GoHy d’ordre très élevé 2 . Afin d’appli-
souvent à l’encontre de la qu’il s’agit de concilier stabilité et précision, quer ces schémas aux bords, il faut impo-
stabilité. Tirant parti du la montée en ordre s’accompagnant irrémé- ser différents champs dans les mailles
savoir-faire développé au diablement d’oscillations parasites dont il dites fantômes (recouvrant une partie de
CEA – DAM sur les schémas faut absolument pouvoir contrôler l’ampli- la structure) afin de respecter la condition
d’ordre arbitrairement élevé tude. Si de nombreuses méthodes ont été limite physique (vitesse normale nulle
sur grille cartésienne, une proposées (voir 3 pour un état de l’art sur dans le cas des équations d’Euler). On
méthode stable, robuste cette thématique), elles n’excédaient géné- définit donc des opérateurs de reconstruc-
et précise permettant ce ralement pas l’ordre deux, jusqu’aux travaux tion via des développements de Taylor en
couplage est proposée de Tan et al. 4 : à partir d’une procédure espace sur l’interface fluide-structure qui
en même temps que sont dite de Lax-Wendroff inverse, les condi- est discrétisée par un collier de perles.
développés des outils tions aux bords sont satisfaites à l’ordre Sur chaque perle, les coefficients de ces
numériques pour l’analyse arbitrairement élevé mais l’algèbre impli- développements sont déterminés en utili-
de la stabilité des conditions quée est extrêmement lourde et devient vite sant les données dans la partie fluide ainsi
aux bords 1 . prépondérante en matière de coût de calcul. que la condition au bord et un certain

56 MATHÉMATIQUES, INFORMATIQUE SCIENTIFIQUE, LOGICIEL


a 0,02 Solution de référence b 0,02 Solution de référence
Ordre 3/2 Ordre 3/3
Ordre 4/2 Ordre 4/4
Ordre 6/2 Ordre 6/6

0,01
Vitesse du fluide

Vitesse du fluide
0 0

-0,01

-0,02 -0,02
0 2 4 6 0 2 4 6
Position Position

Figure 1
Profils en vitesse de l’air à un instant donné. Un piston situé à la gauche du domaine et dont le mouvement s’amplifie au cours du temps oscille horizontalement et lance un train
d’ondes se propageant dans l’air ambiant. La solution exacte de ce problème est représentée en noir. Les schémas intérieurs sont d’ordres 3, 4 et 6. (a) Discrétisation de la condition au bord
à l’ordre 2 (cas usuel). (b) Discrétisation de la condition au bord aux ordres 3, 4 et 6 avec notre méthode. Le traitement proposé offre une bien meilleure restitution des profils, mettant en
évidence l’intérêt de cette approche pour des problèmes d’aéroacoustique ou d’aéroélasticité.

nombre de ses dérivées temporelles (déri- un fluide compressible et un corps rigide Une meilleure précision avec un nombre
vées en espace et en temps sont liées par le indéformable de masse infinie. La figure 1 de mailles moindre étant atteinte, l’apport
jeu d’équations). Pour un ordre donné, on montre l’apport de la montée en ordre sur de l’ordre élevé pour les problèmes d’inter­
peut donc construire plusieurs opérateurs la discrétisation des conditions aux bords action fluide-structure (champ proche) a
suivant le nombre de dérivées temporelles pour ce type de problème. donc été prouvé, ouvrant ainsi la voie aux
considéré. Tous ne sont pas stables : les Notre méthode fournissant une éva- simulations complètes sur les effets des
outils numériques d’analyse de stabilité luation à l’ordre élevé de la pression et du ondes de souffle. La méthode proposée
développés montrent sur un exemple qu’à champ de vitesse sur chaque perle de l’in- s’étend naturellement en trois dimensions
l’ordre quatre il est nécessaire de considérer terface, les intégrales des forces et moments d’espace, dès lors que la surface de la struc-
au moins deux dérivées temporelles. À la appliqués au solide sont aisément calculées ture est discrétisée par un nuage de perles.
faveur de ces enseignements, la méthode sans perte d’ordre. Le couplage à l’ordre
est étendue aux équations d’Euler 1D (puis élevé en espace et en temps entre un fluide
2D par balayages directionnels) pour une compressible et un corps rigide de masse
condition limite de type vitesse normale finie – donc mobile – est alors naturel et
imposée, permettant ainsi le couplage entre immédiat (figure 2). RÉFÉRENCES
1 G. DAKIN, B. DESPRÉS, S. JAOUEN,
“Inverse Lax-Wendroff boundary treatment
for compressible Lagrange-remap
hydrodynamics on Cartesian grids”,
t1
J. Comput. Phys., 353, p. 228-257 (2018).
2 O. HEUZÉ, S. JAOUEN, H. JOURDREN,
“Dissipative issue of high-order shock-
capturing schemes with non-convex
equations of state”, J. Comput. Phys., 228,
p. 833-860 (2009).
t2 3 G. DAKIN, “Couplage fluide-structure
d’ordre (très) élevé pour des schémas
volumes finis 2D Lagrange-projection”,
Thèse de doctorat de l’université Pierre-et-
Marie-Curie, soutenue le 9 novembre 2017.
Figure 2
4 S. TAN, C. W. SHU, “Inverse Lax-
Interaction fluide-corps rigide mobile (problème adimensionné). Un choc à Mach 3 venant de la gauche vient impacter un cylindre
indéformable de masse finie initialement au repos sur le bord bas d’un canal. Les forces de pression qui s’exercent sur le cylindre (disque
Wendroff procedure for numerical boundary
noir) vont le soulever et le déplacer au sein du canal. Les isovaleurs de densité du gaz, représentées à deux instants différents (t2 > t1), conditions of conservation laws”, J. Comput.
permettent d’appréhender la complexité du système d’ondes qui se met en place (chocs transmis et réfléchis, multiples réflexions sur les Phys., 229, p. 8144-8166 (2010).
bords du canal, vortex se développant sous le cylindre, etc.).

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CHOCS
AVANCÉES
N° 12 - juin 2018

CEA – DAM
Institut supérieur des études nucléaires
de défense (ISENDé)
Courriel : chocs@cea.fr

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