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Université du Québec à Chicoutimi

Les chances d'une méthode d'exégèse


en terrain populaire
L'évangile de Matthieu
lu et goûté
à partir de sa structure de composition

par

Pierre Simard

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures


en vue de l'obtention du grade de
Maître es arts (M.A.)

Novembre 2001

Pierre Simard, 2001


UIUQAC
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Résumé
En révélant, ici et là, des parallélismes courts et longs, et en esquissant un plan
méga-structurel de l'évangile de Matthieu, l'auteur tente de faire la preuve que la
méthode d'analyse structurelle a sa place en terrain populaire et qu'elle peut être
efficace dans un projet de pastorale de la Parole.

Après avoir tracé un portrait de l'apprenant et du formateur aidant, dans une


perspective d'actualisation comparée entre le début et la fin de l'évangile de Matthieu,
l'auteur propose des solutions pédagogiques et andragogiques dans un projet
d'intervention en trois volets.
Avant-propos

À la fois témoignage de foi et de raison, le sujet de ce mémoire s'est imposé de


iui-même.

Dès mon premier contact avec ie premier évangiie, un souffle venant de


iïntérieur m!a ouvert les yeux et m!a mis en appétit, moi qui étais affamé de ia Paroie de
Dieu.

À ce jour, il m'apparaît que l'évangile de Matthieu est une œuvre littéraire


inégalable tant par ia richesse de son contenu que par ia structure de composition sur
iaquelle ii repose. Comme une chrysalide qui attend le bon moment pour se
métamorphoser et laisser voir sa vraie nature, l'évangile de Matthieu, au moyen de ia
méthode d'anaiyse structurelle, laisse apparaître un squelette de composition bipartite.

Une structure de texte qui en dit parfois aussi long que ie lui-même, chacune des
parties, complétant et expliquant la précédente, rendant ainsi possible un processus
d'actualisation des plus efficaces.

Je ressens une grande joie d'avoir pu contribuer, si peu soit-ii, à mettre à jour
quelques structures de sens qui sauront nourrir, en même temps, ia foi et la raison de
ceux et ceiies qui cherchent Dieu dans sa Parole.
Ill

Remerciements

Je tiens à remercier principalement mon directeur de maîtrise, l'abbé Marc


Girard, pour tout le support et l'ouverture dont il a fait part à mon endroit, tout au long de
mon travail de recherche et lors de la rédaction. Sans ses compétences bibliques et
exégétiques, sans son aide et sans la codification de sa méthode d'analyse structurelle,
je n'aurais jamais pu mener à terme ce premier travail de défrichage de l'évangile de
Matthieu.

Je ne peux passer sous silence le travail d'accompagnement de Mme Nicole


Bouchard, responsable des études supérieures en théologie à PUQAC, son écoute, ses
conseils et son ouverture d'esprit m'ont été d'un très grand secours.

Quelques mots de gratitude à M. Jean-François Racine, mon professeur de Bible


et de grec. Il a su comprendre mes préoccupations et me guider efficacement dans mon
choix de lectures. Sans sa collaboration des premiers instants, mon travail n'aurait
jamais vu le jour et ne serait encore, dans ma tête, qu'à l'état d'intuition.

Finalement, un remerciement spécial à Guylaine, ma femme, pour avoir surveillé


de loin toute la rédaction et pour toutes les heures de notre vie commune auxquelles à
elle a dû renoncer. Sans sa compréhension, son écoute, sa collaboration et sa
générosité, il m'aurait été impossible d'aller si loin dans mon travail.
IV

Table des matières

Résumé i
Avant-propos ii
Remerciements iii
Table des matières iv
Introduction 1
1 Auto-observation
Apprentissage d'une méthode d'exégèse dite critique structurelle 3
1.1 Une pratique pédagogique universitaire 3
1.2 Auto-observation 4
1.2.1 La démarche initiale 4
1.2.2 Mon apprentissage de la méthode 6
1.2.3 Le choix d'une méthode 9
2 Problématisation
Stratégies pour susciter et entretenir la motivation pour lire la Bible
en milieu populaire 13
2.1 Du discernement 13
2.2 Des handicaps lourds pour la motivation 13
2.2.1 L'impossibilité d'utiliser les textes de première source 13
2.2.2 L'inadéquation de certaines expressions linguistiques 16
2.2.3 L'insuffisance des méthodes de présentation 17
2.2.4 Le virage informatique que tous n'ont pas pris 18
2.2.5 Le manque d'outils de référence 19
2.2.6 L'utilisation de mots nouveaux 19
2.2.7 L'ère du visuel 20
2.2.8 Le manque de motivation des apprenants 22
2.3 Dynamique: motivation/apprenant 24
2.3.1 Trois types d'apprenants : l'enfant, l'adolescent et l'adulte 24
2.3.2 Le visage du formateur aidant 27
2.4 Vers des solutions pédagogiques et andragogiques 30
2.4.1 Reconnaissance des groupes d'âge 32
2.4.1.1 Les enfants et la quête de sécurité 32
2.4.1.2 Les adolescents et la quête de liberté 33
2.4.1.3 Les adultes et la quête de sens 34
2.4.2 Des formateurs compétents 35
2.5 Conclusion 35
3 Analyse littéraire
Recherche de points de repère structurels dans l'évangile de Matthieu 37
3.1 Une intuition 37
3.2 Quelques structures intermédiaires qui font pressentir une
structuration globale de l'évangile de Matthieu 38
3.2.1 Exemple d'un parallélisme synonymique régulier : Mt 5,44 39
3.2.2 Exemple d'un parallélisme antithétique : Mt 10,39 40
3.2.3 Exemple d'un parallélisme ternaire : Mt 8,20 41
3.3 Les parallélismes courts et longs, un «écho-système» 42
3.3.1 Exemple d'un parallélisme court : Mt 9,32-34 et Mt 12,22-24 43
3.3.2 Exemple d'un lien à distance entre un texte court et un texte long :
Mt 14,3-12 et Mt 26,57-27,61 44
3.4 À la recherche d'un plan méga-structurel 45
3.5 Esquisse d'une autre proposition méga-structurelle 49
3.5.1 L'« écho-système » de l'évangile de Matthieu 49
3.5.2 Esquisse de parallélismes entre le début et la fin 51
3.5.3 Vision de parallélismes plus larges 52
3.5.4 Restriction volontaire d'une vision trop élargie 52
3.5.4.1 Mt2,1b ;2b//Mt27,45 53
3.5.4.2 Mt2,2//Mt27,37. 53
3.5.4.3 Mt 2,10//Mt27,54 54
3.6 À la recherche d'autres points de repères 54
3.6.1 Mt 5,18//Mt 24,35 55
3.6.2 Mt 7,7//Mt21,22 56
VI

3.6.3 Mt 7,12//Mt 22,37-40 56


3.6.4 Mt 7,13-14//Mt 22,14 57
3.6.5 Mt 8,10-12//Mt22,9-13 57
3.6.6 Mt 8,26//Mt 14,31 59
3.6.7 Mt 9,20-22//Mt 17,36 59
3.6.8 Mt 9,22b//Mt 14,27b 60
3.6.9 Mt 10,11a.15//Mt 11,23a.24 61
3.6.10 Essai de récapitulation et de synthèse 62
3.7 À la recherche d'une méga-structure 62
3.8 Conclusion 64
4 Observation sommaire d'un groupe-témoin
Mise à l'essai d'un échantillon sur les 2 extrémités de l'évangile de Matthieu
(Mt 1-2; 27-28) 65
4.1 Le groupe-témoin 65
4.2 Choix d'une pédagogie de présentation 65
4.3 Ordre de la présentation 65
4.4 Confirmation de mon hypothèse de composition structurelle 66
4.5 Le climat 66
4.6 Un accueil favorable 66
4.7 Un piège utile 67
4.8 L'origine de la motivation des participants du groupe-témoin 68
4.9 Un souhait général 68
4.10 Une piste de relecture inattendue 69
4.11 L'efficacité de la méthode à court terme 69
4.12 Conclusion 70
5 Projet d'intervention plus élaboré
Perspective d'actualisation comparée entre le début et la fin de l'évangile
de Matthieu en pratique pastorale de la Parole 72
5.1 Une démarche classique d'intervention 72
5.2 Projet d'intervention en pastorale de la Parole : trois volets 74
5.2.1 Auprès des enfants, Séme année du primaire 74
VII

5.2.2 Auprès des adolescents, secondaire IV 76


5.2.2.1 Une stratégie : l'utilisation de l'ordinateur 76
5.2.2.2 Une première étape d'intervention : une heuristique à
partir de l'expérience du jeune 77
5.2.2.3 Une seconde étape d'intervention : initiation sommaire à
une méthodologie 79

5.2.2.4 Passage de l'état embryonnaire à un projet plus consistant 80


5.2.2.5 Conclusion 83
5.2.3 Auprès des adultes 83
5.2.3.1 Amélioration et rodage de l'expérience déjà tentée à partir
de Matthieu 1-2 et 26-28 84
5.2.3.2 Élargissement de l'échantillonnage à l'intérieur de
l'évangile de Matthieu 86
5.3 Conclusion 88
Conclusion 89
Annexes viii
Bibliographie, volet théologique xx
Bibliographie, volet pédagogique xxiii
Bibliographie, volet animation xxv
Autres références xxvi
Abréviations xxvii
Commentaires xxviii
Introduction

Hors le clergé et les mouvements religieux, la culture catholique n'a jamais


vraiment encouragé la lecture individuelle ou communautaire de la Bible. Or, j'ai l'idée
qu'avec la contribution de la méthode d'analyse structurelle, selon un procédé que
j'entends expliquer, le chercheur de Dieu sera mis en appétit de la Parole, comme d'un
pain de vie.

Je ne prétendrai certainement pas être celui qui va trouver la clé de voûte de la


structure de composition de l'évangile de Matthieu. Maints biblistes et exégètes s'y sont
frottés avant moi en offrant diverses théories que j'entends exposer. Toutefois, je ne
peux non plus sous-estimer la portée de ce que j'entends présenter comme structure et
comme ouverture pédagogique en pastorale de la Parole.

Évidemment, il n'est pas question de faire de mon travail une œuvre exégétique,
car la méthode, dans sa forme originale, ne sera jamais que l'apanage d'une élite, mais
plutôt de proposer un usage populaire de la méthode dans la lecture du premier
évangile.

En tant qu'observateur participant, il m'apparaît impossible de m'extraire du


champ d'observation. Aussi après avoir tracé en détail mon cheminement, ma
démarche initiale, mon apprentissage et mon choix d'une méthode, j'exposerai
l'importance, voire l'obligation, de comparer par soi-même les traductions d'une maison
d'édition par rapport à une autre.

Un tel projet ne peut évidemment pas « décoller » du terrain, il est étroitement lié
aux participants et à leurs spécificités, par groupe d'âges. Aussi, avant d'exposer
certaines stratégies pour susciter et entretenir la motivation pour lire la Bible en milieu
populaire, il conviendra de souligner les handicaps lourds, voire incontournables,
auxquels je devrai faire face dans l'exposition de mon plan d'intervention : l'impossibilité
d'utiliser des textes de première source, l'inadéquation flagrante entre une expression
linguistique et sa traduction dans une langue étrangère, une insuffisance marquée dans
les méthodes de présentation, le virage informatique que tous n'ont pas pris, le manque
flagrant d'outils de référence, l'utilisation fréquente de mots nouveaux et le passage de
l'ère de l'auditif à l'ère du visuel.

Le terrain, ce n'est pas seulement les apprenants, c'est aussi les formateurs. Un
coup d'œil sur la dynamique «formateur-apprenant» nous en apprendra beaucoup sur
les qualités essentielles d'un formateur, à la fois croyant, participant et animateur.

Mes propres observations m'ayant amené à croire que l'évangile de Matthieu est
savamment structuré, en partant à la recherche de points de repère et en les exposant
au lecteur, j'entends bien démontrer mon hypothèse, comme quoi Matthieu a suivi un
plan de composition en deux parties. J'emprunte ici l'expression «écho-système»1 à
Roland Meynet. Évidemment, pour y arriver, j'entends présenter quelques structures de
parallélisme synonymique, antithétique, ternaire, sans parler des parallélismes courts
ou à distance, qui sont une bonne part de mon observation. Ensuite seulement, il me
sera possible de tracer une proposition d'un plan méga-structurel.

Testée sur un groupe-témoin, déjà familier avec la lecture de la Bible, la


méthode d'analyse structurelle a fait ses preuves en soulevant un grand intérêt et une
curiosité chez les participants. Mais il est possible d'aller un peu plus loin encore au
moyen de la méthode. Aussi, lors de l'établissement d'un projet d'intervention plus
élaboré que celui du groupe-témoin, une restriction volontaire de la présentation, se
limitant exclusivement au début et à la fin de l'évangile de Matthieu, démontrera
comment, une double lecture, foi (évangile) et raison (méthode), peut être d'une grande
importance dans une nouvelle approche catéchétique en pastorale de la Parole.

1
MEYNET, Roland, L'analyse rhétorique : une nouvelle méthode pour comprendre la Bible, Paris, Cerf,
1989, 347 p.
Chapitre 1

Auto-observation
Apprentissage d'une méthode d'exégèse dite critique structurelle

1.1 Une pratique pédagogique universitaire

Depuis plusieurs années déjà, l'UQAC offre un vaste choix de cours bibliques.
C'est principalement à l'intérieur de deux de ceux-ci, "Sages et Poètes de la Bible" et
"Théologie Johannique", cours dont la responsabilité revient au professeur Marc Girard,
qu'est offerte une initiation, un peu technique, à la méthode appelée critique
structurelle2.

Au fil des ans, des étudiants de toute catégorie s'y sont frottés, des passionnés
de la Bible, des prêtres, des séminaristes, des chargés de cours, des membres de
groupes charismatiques et même des étudiants inscrits à d'autres concentrations que
les sciences religieuses.

Au départ présenté sur papier acétate en classe seulement, l'essentiel de la


méthode a fait l'objet d'un montage informatique sur Power Point et est disponible par
Internet à tous les étudiants soucieux et désireux d'en prendre connaissance via la
réserve électronique ERES de la bibliothèque de l'Université du Québec à Chicoutimi.

Devenu un outil de présentation fort utile, Power Point offre maints avantages,
ajouts de couleurs, de graphiques, de dessins et de "clip arts", choix de police de
caractères d'une très grande variété, possibilité d'animation automatique ou manuelle
de chacune des diapositives. Sans vouloir anoblir outre mesure la critique structurelle,
je crois que peu de méthodes de recherche en exégèse ont fait l'objet d'une
présentation aussi soignée.

!
Voir une description sommaire de la méthode en ANNEXES : A,B,C,D,E,F,G,H,I,J,K
1.2 Auto-observation

Dès le début de mon projet de maîtrise en théologie pratique, un principe


incontournable s'est imposé à moi, celui de mon propre parcours. Le soin particulier
apporté à noter chacun des points marquants de ma démarche contribue pour
beaucoup à la restitution que j'ai voulue la plus fidèle possible.

1.2.1 La démarche initiale

Avec l'accord bienveillant de la direction du module de Théologie de l'UQAC, j'ai


dû opérer certains choix, parfois déchirants, dans la grille des cours offerts. Aussi
curieux que cela puisse paraître, je n'ai pas été initié à l'apprentissage de la méthode
d'analyse structurelle à l'intérieur d'un cours. C'est pourquoi il me paraît utile et
nécessaire de présenter succinctement mon propre parcours.

Faut-il le mentionner ? Malgré tous mes efforts, je ne suis pas à la hauteur de


certains qui ont reçu, de par leur appartenance religieuse, une instruction particulière
sur la lecture de la Bible. Je me considère donc, sous ce chapitre, comme un néophyte
ambitieux de pouvoir apprendre à lire la Bible, et désireux de saisir la pensée originelle
des auteurs, et cela, par tous les moyens mis à ma disposition.

Ma démarche s'inscrit dans un désir profondément enraciné de devenir un


familier de la Bible, de la mieux connaître, et sans orgueil, j'espère ainsi la mieux
comprendre. Mon intérêt porte tout particulièrement sur les textes evangeliques, qui me
semblent à la fois si simples et si complexes.

Dès ma première session universitaire, je me suis inscrit à un cours d'initiation à


la lecture de la Bible. Dès les débuts de ma formation, certains détails de
ressemblances textuelles et contextuelles ont attiré mon attention. J'ai bien fait part au
titulaire du cours de ma préoccupation et de mon questionnement face à ces
observations, mais comme il semblait que mes questions relevaient d'un autre cours, je
me suis heurté à un mur de non-réponse.

Laissé à ma propre imagination, j'étais convaincu qu'il ne pouvait simplement


s'agir d'un hasard de procédé de composition d'un texte. Sans réponse, j'ai décidé de
plonger plus avant dans ma propre observation de l'évangile de Matthieu. Mal m'en prit,
car plus je tentais de vérifier ou de comparer un texte ou une section de texte avec une
autre édition de la Bible que celle de la Bible de Jérusalem qui jusque là me paraissait
comme la meilleure, plus je me heurtais à des murs érigés par les traducteurs.

Mon intention, très simple au départ, qui était de vérifier, pour mon seul plaisir,
mes propres observations dans divers écrits, ne trouva ni écho, ni répondant. Ce que
j'avais observé au départ et qui me paraissait anodin, se présenta quelques mois plus
tard comme une source intarissable de correspondances, de juxtapositions,
d'oppositions et de sections complémentaires.

Jusque là encore, je ne me doutais pas que certains procédés de lecture et de


relecture me seraient d'une grande utilité pour démontrer, à défaut de pouvoir le
prouver, que l'évangile de Matthieu était un texte savamment construit.

Mes observations successives m'avaient amené à croire que l'évangile en


question était composé d'une suite de textes, mis en rapport selon un ordre précis et
pré-défini. Mais encore fallait-il le démontrer clairement ! C'est ainsi que j'ai décidé de
plonger plus avant dans ce texte magnifique à tous égards.

Même si j'aurais pu élargir ma recherche aux autres évangiles canoniques, j'ai


préféré limiter mon champ d'observation, non sans peine, car j'aurais tout aussi bien pu
me lancer à la découverte des évangiles de Marc, de Luc et de Jean.
6

1.2.2 Mon apprentissage de la méthode

Dans le cadre du premier cours suivi en études bibliques, j'ai fait part de mes
observations à M. Jean-François Racine3. Celui-ci, en plus de me parler en termes très
flatteurs de l'œuvre de Marc Girard au niveau des Psaumes, me propose une lecture
portant sur les structures pressenties par certains exégètes de réputation mondiale.
Force m'est d'admettre que plusieurs personnes ont déjà divisé l'évangile de Matthieu
selon des critères qui me semblent parfois à des kilomètres de mes propres
observations.

Après quelques lectures, insatisfait, j'ai rencontré M. Marc Girard à son bureau
pour lui faire part de mes observations. D'entrée de jeu, M. Girard qui a pris un bon
moment pour jeter un coup d'œil sur mon premier schéma de correspondances, me
répond qu'il s'agit de diptyques, de triptyques, et de parallélismes divers. Enfin, je
trouvais écho à ma demande.

Malgré cet accueil favorable, je sentais bien que mon travail devait prendre une
tournure différente, plus officielle, plus structurée. Je fus généreusement mis en garde
contre certains pièges qui m'attendaient dans ce domaine d'étude et de recherche, et
heureusement !

En autodidacte, j'ai entrepris d'apprendre la méthode d'analyse structurelle en


puisant directement aux sources de la méthode telle que présentée et affinée par Marc
Girard. Une première lecture, rapide, m'a rapidement convaincu qu'une seconde et
même une troisième lecture, plus précises, plus lentes, plus minutieuses me seraient de
la plus grande utilité. Très tôt, alors que je pensais qu'il s'agirait là d'une simple lecture,
je me suis heurté à un mur de mots nouveaux. Des mots parfois inventés pour répondre
au besoin de la méthode. Une lecture qui devait s'accompagner d'un dictionnaire
étymologique.

Professeur invité et responsable du cours d'initiation à la lecture de la Bible à l'UQAC.


Essayant de mener de front l'observation sur le "terrain", c'est-à-dire l'évangile de
Matthieu, et l'apprentissage de la codification des structures, j'allais allègrement de l'une
à l'autre, jusqu'à ce qu'une difficulté particulière survienne.

Très heureux de constater que la méthode propose un assortiment diversifié de


grilles, de symboles et de mots des plus utiles pour noter, classer, comparer et
comprendre, j'aurais cependant aimé y rencontrer des outils pour comparer
efficacement et rapidement des grandes sections de textes, pouvant inclure plusieurs
chapitres, ou encore pour sectionner en sous-sections de longues portions de textes.
Pour pallier à ce manque, j'ai préparé pour mon propre usage des tableaux, d'abord sur
de grands cartons et ensuite sur traitement de texte, format plus malléable et
transformable pour une éventuelle présentation Power Point ou par acétates.

J'en suis convaincu, si ma démarche s'était inscrite dans un programme


d'exégèse proprement dite, j'aurais été mieux armé. Or, il ne s'agit pas ici de devenir un
exégète, mais de tenter de comprendre un texte long à partir d'une méthode d'analyse
et par la suite en d'évaluer la portée pratique sur le terrain.

Bon joueur, je me suis demandé si une autre méthode ne serait pas plus efficace
pour arriver à mes fins. Des recherches bibliographiques fructueuses m'ont amené à lire
certains auteurs. Mon premier choix de lecture se porta sur Frey, qui souligne le point
suivant :

« La tradition orale précède la tradition écrite, organisant le texte de


manière à le moduler pour qu'il soit accessible4.»

Sans m'y attendre, j'avais trouvé chaussures à mon pied. Il devenait évident que
ce que Marc Girard avait réussi à démontrer concernant la composition des psaumes

4
FREY, Louis, Analyse ordinale des évangiles synoptiques. [Mathématiques et sciences de l'homme ;
11], Paris, Mouton, 1972, p. 2-4
8

pouvait se vérifier dans la rédaction de textes subséquents, notamment les évangiles.


Opinion que partage visiblement Meynet :

« La tradition orale a influencé la tradition écrite et inversement. La


mémoire est d'autant plus efficace qu'elle est structurée [...] Un texte
devient plus mémorisable s'il est structuré de manière que le cerveau
enregistre les parallélismes, les divergences et les jeux de mots. Certains
scribes étaient donc les conteurs de l'écriture. Ils jouent avec les rythmes
de la mémoire pour innover5. »

Tour à tour, la consultation des Auffret6, Charpentier7, Léon-Dufour8,


Marchadour9, Patte10, Reboul11 et Tassin12 a tôt fait de me convaincre que la pente est
abrupte, pour un non-initié, dans le domaine de l'exégèse.

À cette étape, j'étais toutefois convaincu de deux choses. D'abord, je n'étais pas
à la hauteur de ces grands noms et je devais en tout premier lieu, avant même de croire
à une carrière en ce domaine, acquérir des compétences supplémentaires dans divers
champs bibliques, linguistiques et exégétiques. De plus, j'étais persuadé, après
plusieurs lectures, qu'il y avait une autre manière de percevoir l'évangile de Matthieu,
structure qui n'avait pas encore, jusqu'à ce jour, été mise à nue, quoique pressentie.

Pour en avoir eu l'intuition avant même d'avoir lu Meynet, je suis d'accord avec
lui sur la portée du phénomène :

5
MEYNET, Roland, L'analyse rhétorique ; p. 9
6
AUFFRET, Pierre, Quatre psaumes et un cinquième. Étude structurelle des psaumes 7- 10 et 35.
Paris, Letourney et Ané, 1992, 273 p.
7
CHARPENTIER, Etienne, Pour lire le nouveau testament. 11lèfne édition, Paris, Éditions du Cerf, 1992,
127 p. ; ill.
8
LÉON-DUFOUR, Xavier, Études d'évangile. [Parole de Dieu], Paris, Éditions du Seuil, 1965, 396 p.
9
MARCHADOUR, Alain, Les évangiles au feu de la critique, Paris, Bayard Éditions/Le Centurion, 1995,
187 p.
10
PATTE, Daniel et Aline, Pour une exégèse structurale. [Parole de Dieu], Paris, Éditions du Seuil, 1978,
251 p.
11
REBOUL, Olivier, Introduction à la rhétorique. Théorie et pratique. 2lème éd. corr. [Premier cycle], Paris,
Presses universitaires de France, 1991, 242 p.
12
TASSIN C, L'évangile de Matthieu. Commentaire pastoral, Paris, Éditions du Centurion, 1992, c1991
Outremont, Québec : Novalis Centurion, 1991, 304 p.
«Ce système d'échos garde toujours, même en prose, une efficacité
poétique, pour diriger toujours le regard vers un sens qui ne peut exister
qu'entre les lignes .»

1.2.3 Le choix d'une méthode

Avant même d'oser proposer une lecture structurelle de l'évangile de Matthieu, il


me fallait maîtriser une méthode. Et puisque j'avais à portée de la main les préambules
terminologique et méthodologique de Marc Girard, autant profiter de l'occasion pour me
perfectionner dans les coutures et les revers de la méthode d'analyse structurelle.

Très attentif à la présentation, ma première question fut la suivante : pourquoi


"analyse structurelle" au lieu de "analyse rhétorique" , "analyse structurale", "analyse
littéraire", ou encore "analyse sémiotique" ?

J'ai trouvé dans l'œuvre de Meynet, plus d'une réponse à cette question. Lui-
même partisan de l'appellation "analyse rhétorique", il fait valoir son fair-play en
mentionnant à priori que :

« En effet, à leur naissance, les réalités nouvelles reçoivent très souvent


des noms différents. Le travail des terminologues est de les enregistrer,
de conseiller l'un plutôt que l'autre, le dernier mot restant toujours à
l'usage, qui seul décide en fin de compte14.»

À ce stade, n'étant pas encore particulièrement partisan d'un terme ou


d'un autre, il me paraît essentiel de citer au long l'explication que Meynet donne de son
choix, puisqu'il se considère lui-même comme étant celui qui est coupable d'avoir
introduit le terme «rhétorique» en français :

« II fut d'abord admettre que "structurel" est bien trouvé. Le terme est
transparent, car ce sont bien des structures que ce genre d'analyse met
au jour, c'est-à-dire des formes qui structurent les textes, structures qui

13
MEYNET, Roland, L'analyse rhétorique, p. 11
14
Ibidem p. 16-17
10

peuvent toutes se ramener à deux formes de base, structures parallèles et


structures concentriques.

Cependant le terme "structurel" présente deux inconvénients majeurs. Il


est trop proche de "structural" et le risque est par conséquent trop grand
de confondre l'analyse structurelle avec l'analyse structurale qui désigne
une méthodologie bien différente. En outre la distinction déjà minime
entre les deux termes français, "structurel" et "structural", ne peut pas être
rendue dans d'autres langues comme l'anglais, l'italien ou l'espagnol.

Moins transparent que "structurel", le terme "rhétorique" permet


cependant d'éviter la confusion entre "structurel" et "structural". Il permet
aussi d'éviter une autre confusion: en effet l'adjectif "littéraire", même
accolé à "structure" dans "structure littéraire de...", peut faire penser à la
"critique littéraire" qui désigne une autre méthode, celle qui cherche à
distinguer dans un texte ses diverses sources.

Certains auraient sans doute préféré au vieux mot galvaudé de


"rhétorique" celui de "stylistique". Mais ce dernier terme risquait de ne
rappeler que les catalogues de "figures de style" auxquels avaient fini par
se limiter les derniers traités de rhétorique.

Par ailleurs, le mot de style évoque trop souvent ce qui est propre à un
auteur. "Rhétorique" rend mieux, semble-t-il, ce qui particularise, non pas
un individu, mais une culture et une tradition. "Rhétorique" a enfin
l'avantage de marquer le lien entre cette méthode "moderne" qu'est
l'analyse rhétorique et la grande tradition classique de la science du
discours qui prend sa source en Grèce il y a vingt-cinq siècles15.»

Dès 198416, Marc Girard introduisait une distinction entre "analyse structurale",
un moyen efficace de dégager les structures profondes d'un texte, et "l'analyse
structurelle" qui cherche à discerner un patron stylistique, sciemment élaboré, pour une
bonne part.

« Dans un texte, les relations sont de trois niveaux verbales, syntaxiques


et thématiques. L'analyse structurelle se réfère au premier niveau,
l'analyse structurale au deuxième le troisième niveau concerne plutôt la
théologie biblique.

15
MEYNET, Roland, L'analyse rhétorique, p. 16-17
16
GIRARD, Marc, Les Psaumes. Analyse structurelle et interprétation. 1-50, Montréal, Bellarmin, 1984,
Paris, Éditions du Cerf, [Recherches, Nouvelle série], 2, 412 pages
11

L'analyse structurale [...] vise à mettre en évidence les structures


profondes d'un texte. On fait abstraction de la préhistoire du texte, du
contexte socioculturel, de l'intention du ou des auteurs. Les procédés
opératoires, une fois mis au point, peuvent s'appliquer à n'importe quelle
sorte de texte mutatis mutandis, ils valent tout aussi bien pour un texte
hébreu vétéro-testamentaire que pour un texte d'auteur français
contemporain.

L'analyse structurelle [...] vise à décrypter un art d'écrire conscient [...] ,


cela suppose à la base une théorie littéraire, c'est-à-dire un apprentissage
de la composition lié à certaines contingences spatio-temporelles, donc
culturelles. [...] tout au long de l'histoire biblique, on a dû enseigner une
méthode, à la fois pour écrire en se servant des procédés de composition
typiquement structurels, et pour repérer lesdits procédés à la lecture d'un
texte déjà écrit. Où et comment enseignait-on cette méthode ? On n'en
sait rien17. »

Quelques années plus tard, en 199618, sous un nouvel éclairage, perfectionnant


et précisant son choix d'appellation, Marc Girard rappelle que :

« Justement, le problème appréhendé ne se pose presque plus ! Les


tenants de l'approche structuraliste de la Bible - en quête des "structures"
langagières "profondes" et non, comme nous, des "structures de surface"
- utilisent tous maintenant le terme "analyse sémiotique". Par conséquent,
en recourant au mot "structurel", on ne risque plus la moindre ambiguïté.

Par ailleurs, l'épithète "rhétorique" ne spécifie pas adéquatement la


méthode que nous préconisons et pratiquons. D'une part, aux États-Unis,
le mouvement coiffé de ce nom inclut peut-être mais déborde largement la
recherche et la "redécouverte" des structures de composition typiquement
sémitiques abondamment utilisés par les auteurs bibliques. D'autre part,
il existe, dans l'éventail des méthodes exégétiques, un champ de
recherche en pleine croissance, que l'on appelle déjà en un sens très
strict "analyse rhétorique" : la démarche consiste à mettre en lumière la
structure argumentative d'un discours, d'une instruction sapientielle ou
d'une épître, soit à partir des canons de la rhétorique grecque classique,
soit à partir des techniques judaïques [rabbiniques] d'exposition, de
développement, de démonstration ou de réfutation d'une idée ou d'un
thème. Le créneau "rhétorique" étant déjà, à notre avis, occupé on ne
peut plus légitimement, force est de nous rabattre sur l'autre appellation
plus spécifique: "méthode structurelle19 ". »
17
GIRARD, Marc, Les Psaumes. Analyse structurelle et interprétation, p. 13-14
18
GIRARD, Marc, Les psaumes redécouverts. De la structure au sens. 2e édition revue et corrigée,
Montréal-Paris, (Bellarmin-Cerf), 1996, 3 vol.
19
Ibidem p. 27-29
12

Devant une telle argumentation, le lecteur comprendra sans peine mon choix de
méthode et d'appellation.
13

Chapitre 2

Problématisation
Stratégies pour susciter et entretenir la motivation
pour lire la Bible en milieu populaire

2.1 Du discernement

Alors que je pensais qu'il suffirait de traduire certains termes techniques, parfois
rébarbatifs aux non-initiés, et de les présenter d'une manière "correcte" pour rendre
accessible à tous l'apprentissage de la méthode d'analyse structurelle, je me suis
rapidement heurté à un mur, et quel mur !

2.2 Des handicaps lourds pour la motivation

Puisque je parle ici de rendre "populaire" une méthode "scientifique" de lecture et


de compréhension de la Parole de Dieu adoptée tout naturellement dans la Bible par
différents auteurs et selon certaines traditions orales ou manuscrites, j'ai dû élargir mon
champ d'observation jusqu'à dégager au moins huit éléments qui semblent causer
problème chez les utilisateurs potentiels : l'impossibilité d'utiliser les textes de première
source, l'inadéquation de certaines expressions linguistiques, l'insuffisance des
méthodes de présentation, le virage informatique que tous n'ont pas pris, le manque
d'outils de référence, l'utilisation de mots nouveaux, l'ère du visuel et finalement le
manque de motivation des apprenants.

2.2.1 L'impossibilité d'utiliser les textes de première source

Le premier élément qui cause problème est de taille : l'impossibilité pratique pour
le commun des mortels de pouvoir mettre la main sur le texte original de la Bible. Nous
ne disposons que de traductions plus ou moins fiables. Déjà, Marc Girard présentait ce
14

point comme primordial pour pouvoir bien appliquer la méthode, car toute traduction
comporte une part de trahison20.

Il s'agit d'un point majeur, car dès le premier contact, le néophyte se butte à des
manques, des nuances ou, pire encore, à des distorsions de sens. Comment est-il
possible de pouvoir saisir tous les sens cachés d'un texte fondateur comme l'évangile
de Matthieu, sans un accès direct à une édition critique du texte grec, ou mieux encore,
pour les spécialistes, à un manuscrit en langue originale ou au moins à une traduction
servile, qui colle au texte grec original ?

Nous le verrons, certains mots, certaines phrases ou certaines parties d'un texte
peuvent être organisés selon des correspondances de nombre, de sens ou de forme.
La moindre erreur de traduction, le moindre ajout, la moindre substitution de mots,
même minime et involontaire, peut entraîner un glissement de sens.

Comment saisir toute la subtilité d'un texte avec, comme seul ouvrage de
référence, une traduction de type "populaire" rédigée et prédigérée qui s'écarte tant soit
peu de l'original ? En effet, les traducteurs ont pris l'habitude d'inclure, dans la Bible,
des indicateurs, des titres et des sous-titres. Pour celui qui ne veut que parcourir un
texte, cela peut être utile, mais déjà le traducteur peut trahir le texte inconsciemment en
raison du type de lecture favorisé.

Parfois résolu à me rabattre sur le texte grec pour y trouver une confirmation à
mon intuition première, j'ai là aussi rencontré une disparité entre un texte grec et un
autre. Pour ne citer qu'un exemple, je me limiterai à citer deux recensions grecques de
Mt 5,44.

20
GIRARD, Marc, Les psaumes redécouverts, p. 105
15

Le premier texte provient de mon propre exemplaire grec du Nouveau


Testament21 :
ey© Se Àey© ou.iv aya7taxe xouç £%Qpovq UUXDV
npoGSuysoQs urcep xoov ÔICOKOVXOOV UUXXÇ

Le second, beaucoup plus large a été trouvé sur un site biblique Internet22

eyeo 8s À,ey© ou,tv ccyowtaxe xooç e^Opouç ouxov


euÀoyeixe xouç Kaxapa>u,evouç ouxxç KaÀcoç îtoisixe xouç u,icxouvxaç uuxxç
Kai 7ipoo8oxsa0s UTiep xœv
sîrnpeaÇovxcov uu,aç Kai
uu.aç

Évidemment, cette dernière proposition inclut des variantes attestées par des
manuscrits que la critique structurelle juge peu ou pas du tout fiable. Il suffit à cet égard
de consulter une bonne édition critique23.

Ou il y a eu un ajout, ou il y a eu suppression. Bien que la critique structurelle ne


soit pas la seule méthode efficace pour travailler sur le sens d'un texte, elle a ses
propres indices, très utiles dans certains cas pour déterminer laquelle des deux
versions est la plus ancienne24. Mais, puisque la structure supporte le sens, elle peut
apporter ses propres lumières concernant le texte originel. Encore faut-il être capable
de reconnaître que la tradition a pu à certaines occasions faire glisser le sens ailleurs
que ce que le texte dit vraiment.

Déjà qu'une traduction courante de la Bible comporte une certaine part de risque
et même de trahison, s'ajoute à cela les ajouts de sous-titre qui relève de l'édition et qui
peuvent dans certains cas, fausser complètement le sens que l'auteur entendait donné
à son travail. À titre d'exemple, jetons un coup d'œil rapide sur Le 15,11-32. Alors que la
Bible de Jérusalerr?5 donne le sous-titre suivant : "Le fils perdu et le fils fidèle: l'enfant

21
The Greek New Testament, Fourth Revised Edition, Germany, Biblia-Druck, 1994, 918 p.
22
http://unbound.biola.edu/index.cfm?lang=English (site consulté e n janvier 2001 )
23
Par exemple : A L A N D , K. et autres, The Greek New Testament, Munster, United Bible Societies, 1983
24
GIRARD, Marc, Les psaumes redécouverts, p. 127-129
25
La Bible de Jérusalem: La sainte Bible. Traduit en français sous la dir. de L'École biblique de
Jérusalem, Paris, Édition du Cerf, (1973) 1996, p. 1505-1506
16

prodigue", la TOB26 propose : "La parabole du fils retrouvé". Alors qu'il est tout aussi
possible que Luc ait voulu mettre l'accent sur l'amour d'un père ou encore sur
l'importance du pardon ou sur le pardon qui suit la repentance juste.

2.2.2 L'inadéquation de certaines expressions linguistiques

Je l'ai déjà dit, je ne suis pas un spécialiste des langues bibliques. Alors il me
paraît essentiel d'avoir sous la main une traduction littérale, une source fiable, une
traduction qui colle au texte. Une langue, ce n'est pas comme une équation
mathématique, ce n'est pas quelque chose qui est donné une fois pour toutes. C'est un
processus en marche, vivant. Une langue baigne dans un contexte culturel. Il y a des
mots qui ne peuvent prendre tout leur sens que dans la langue dans laquelle ils sont
prononcés ou écrits.

Ce qui semble causer problème ici, c'est justement l'inadéquation de certaines


expressions linguistiques. Comment traduire exactement et correctement dans une
autre langue des expressions québécoises comme " il tombe des clous", "il vente à
écorner les bœufs" ou plus simplement "prendre la poudre d'escampette" ?

Il est permis de se demander ce que pouvait vouloir dire l'auteur en écrivant


"marcher sur les eaux" ou bien "tendre l'autre joue". Les expressions sont-elles à
prendre au pied de la lettre, ou veulent-elles signifier une autre réalité ? Dès lors, on le
conçoit facilement, sous un certain éclairage culturel ou cultuel, des expressions si
familières pour nous peuvent prendre un sens tout à fait différent ailleurs. Ainsi en est-il
de bien des expressions contenues dans l'évangile de Matthieu.

Être conscient de ce problème, c'est déjà prendre un certain recul face au texte.
C'est un premier pas qui devrait inciter à la prudence face à une interprétation trop
rapide.

26
La Bible TOB, Paris, Éditions du Cerf, 1972-1975, p. 1461-1462
17

2.2.3 L'insuffisance des méthodes de présentation

Soyons réalistes, il est plus qu'improbable que toute la population croyante se


mette à l'étude des langues bibliques, à l'apprentissage de divers procédés
scientifiques de lecture et d'analyse, pour finalement tenter de comprendre ce que les
auteurs des textes vétéro-testamentaires et néo-testamentaires ont vraiment voulu dire.
Néanmoins, une chose paraît possible : offrir une certaine gamme d'outils exégétiques
sous le couvert de procédés pédagogiques populaires.

Encore faudrait-il que les ténors de la méthode prennent au sérieux le besoin du


peuple de Dieu de mieux comprendre les Écritures par une actualisation de la Parole. Il
n'existe, à ma connaissance, aucun programme de formation en ce sens, peut-être
seulement ici et là quelques essais, mais d'une manière très locale et imparfaite. Avec
un discours exégétique qui n'intéresse que peu de gens parce que ultra-spécialisé, il
existe officiellement fort peu de lieux et de moyens autres que les cours universitaires.

Si efficaces soient-elles pour une classe d'élite, les présentations informatisées


de la méthode d'analyse structurelle ne peuvent rejoindre efficacement tous les
apprenants, encore moins toute la population. Nous n'apprenons pas tous de la même
manière ni à la même vitesse. Certains, de type visuel, ont besoin de voir, de toucher,
de sentir, de tester, de vérifier. D'autres, de type auditif, ont plus besoin d'échanger
leurs idées, de partager leurs intuitions. Combien d'affamés de la Parole de Dieu ne
peuvent ni ne pourront jamais, pour toutes sortes de raison, s'asseoir sur les bancs
universitaires. Pourtant, bien encadrés, désireux et en droit de comprendre la Parole de
Dieu, si l'occasion leur en était donnée, ils pourraient à leur rythme, chez eux ou en
groupe, faire une lecture encore plus profitable de la Bible, du moins au plan de la
compréhension.

Aussi, d'après moi, il importe d'avoir en réserve toute une panoplie de procédés
pédagogiques capables de rejoindre tous les apprenants, ce qui n'est pas le cas
encore.
18

2.2.4 Le virage informatique que tous n'ont pas pris

En milieu universitaire, l'habitude se répand d'utiliser des montages Power Point,


et de plus en plus, une salle Multimédia. Comme il est facile de croire que cette percée
technologique ne fait que des heureux ! Mais il y a du sable dans l'engrenage. Un
problème se présente : à l'heure de la communication mondiale, tous n'ont pas encore
pris le virage informatique. Plusieurs étudiants du milieu universitaire, surtout les moins
jeunes, n'ont jamais utilisé de logiciel de rédaction de texte, et encore moins Internet.

Alors que certains n'ont jamais approché un ordinateur et se montrent d'emblée


allergiques au discours informatique, d'autres, des "vétérans", pour diverses raisons
qu'in ne m'appartient pas de juger, sont devenus réticents et parfois même réfractaires
face aux présentations Power Point. Pourtant, il n'y a pas si longtemps encore, seuls
étaient disponibles les cours magistraux et les présentations par acétates.

Des pas de géants en ce domaine sont effectués. De nouvelles idées, des


versions améliorées de divers logiciels de présentation et des conseils judicieux des
apprenants sur ce qui plaît et déplaît de la présentation, sont autant de moyens de
maximiser l'apprentissage de la méthode.

Cependant, malgré la meilleure volonté du monde, je constate qu'un tel procédé


pédagogique se destine, encore une fois, beaucoup à une certaine "élite" qu'à un usage
de type plus "populaire".

Pour faire école et devenir un outil de lecture et/ou de relecture, il semble que le
choix très limité de procédés de présentation de la méthode d'analyse structurelle fait
problème. Il faudra donc envisager divers scénarios de procédés utiles, plus simples et
plus accessibles.
19

2.2.5 Le manque d'outils de référence

Mis à part les ouvrages de Marc Girard27 et de Roland Meynet28, des livres où
nous pouvons abondamment plonger et retrouver terminologie et méthodologie, il existe
peu ou pas de volume traitant exclusivement de la méthode d'analyse structurelle et de
ses possibilités.

2.2.6 L'utilisation de mots nouveaux

Je conçois très bien qu'à partir du moment où la méthode d'analyse structurelle


était destinée à une classe de spécialistes, l'utilisation et au besoin la création de mots
nouveaux pour indiquer des procédés nouveaux devenait indispensable29. Mais pour le
petit peuple, il m'apparaît essentiel de ne pas alourdir les outils de recherche
inutilement. Il faut être conscient que, pour qui n'a pas le support linguistique d'une
formation classique, certains mots reliés à des concepts indispensables restent
incompréhensibles.

Les érudits ne semblent pas s'embêter avec un usage de mots "difficiles". Au


besoin ils ne se gênent pas pour les inventer de toutes pièces pour leur faire dire ce
que la langue ne dit pas encore.

Je comprends qu'il est beaucoup plus pratique de faire usage de termes comme
homéophonie, ou syntagme, mais pour les gens du peuple, ces expressions peuvent en
laisser plus d'un devant un mur d'incompréhension, et même provoquer un mouvement
de recul.

27
GIRARD, Marc, Les psaumes redécouverts. De la structure au sens. p. 1-136 ; GIRARD, Marc,
L'analyse structurelle ; DUHAIME, J. et MAINVILLE, O. (Éd.) Entendre la voix, du Dieu vivant.
Interprétations et pratiques actuelles de la Bible. Montréal-Paris, Médiaspaul, 1974, p. 149-159.
28
Voir : MEYNET, Roland, L'analyse rhétorique : une nouvelle méthode pour comprendre la Bible, Paris,
Cerf, 1989, 347 p. ; MEYNET, Roland, Initiation à la rhétorique biblique ; qui donc est le plus grand ?
Paris, Éditions du Cerf, [Initiations], 1982, 347 p. + bibliographie ; MEYNET, Roland, Quelle est donc
cette Parole ? ; lecture rhétorique de Luc (1-9, 22-24) Préface d e Georges Mounin, Paris, Éditions d u
Cerf, [Lectio Divina, 99], 1979, 2 vol.
29
Voir des exemples en Annexe K
20

Déjà que la méthode comporte une multitude de symboles et de signes, pour


l'apprenti elle devient encore plus difficile par l'obligation d'apprendre, de comprendre et
de retenir certains termes austères.

2.2.7 L'ère du visuel

II ne faudrait certainement pas passer sous silence l'importance du visuel dans


notre société contemporaine. Délaissant parfois loin derrière les autres sens externes et
la faculté de raisonner, notre société introduit un autre type de hiérarchisation de sens,
imposant presque une vision commerciale et globale du monde, qui donne priorité à la
vue.

Il n'y a pas si longtemps encore, on se contentait de demander au téléphone de


bien remplir sa fonction ; aujourd'hui on lui accole un design conçu par des spécialistes
en marketing, il ne suffit plus à la boîte de petit pois de conserver bien frais son
contenu, pas plus qu'au contenant de plastique d'offrir des formats pratiques ; il faut un
look, une manière d'attirer le regard qui provoquera inévitablement le goût de se les
procurer. Au besoin, un bon usage du marketing visuel va créer un faux besoin auquel
répondront à la traîne une foule de gens qui n'ont même pas conscience d'être
manipulés.

Tout devient visuel : les centres commerciaux, les vitrines illuminées, le papier
d'emballage, les écrans d'ordinateur. Un changement social et communautaire majeur
s'est produit sans attirer l'attention. Pourquoi s'étonner que les gens délaissent les
vieilles bâtisses religieuses, conçues moins pour plaire à l'œil que pour favoriser une
ambiance d'intériorité30 ?

30
Pourtant, avec ses vitraux flamboyants, une iconographie et une statuaire généreuse, elles ont eu leur
période de gloire. Mais, le modernisme et sa remise en question du monde au seul profit de la raison a
eu raison du visuel de sens pour le visuel de forme.
21

II fut un temps, pas si loin non plus, où les fidèles se rendaient en masse aux
offices religieux pour entendre le sermon du dimanche. Cette époque du règne de
l'auditif n'est plus ; à l'oreille s'est substituée la vue.

Le Nouvel Âge apporte avec lui une culture moderne détrempée de marketing.
Les gourous de la spiritualité, aux aguets face aux besoins de sens, offrent un milieu
agréable dans des couleurs à la mode. Fini le temps des vêtements sacrés, en noir et
blanc ! Aujourd'hui tout est flamboyant comme au temps du Moyen Âge31, autre période
visuelle.

Il y a ici, je crois, un point majeur et incontournable, et pourtant négligé parce que


sous-estimé.

Nous savons tous qu'un enfant est un bon miroir de la société. Pour l'avoir moi-
même expérimenté avec mes propres enfants, instinctivement un poupon va courir vers
un livre plein de couleurs et de dessins, délaissant un autre livre qui aurait pu être plus
intéressant mais, faute de savoir se présenter, est resté aux oubliettes.

Pour que passe le contenu, aujourd'hui, il faut que le contenant soit "vendant".
Ce qui n'est malheureusement pas le cas de notre Église catholique et encore moins
des saintes Écritures.

Je demeure convaincu que la foi peut se présenter autrement, d'une manière


plus moderne, plus simple, plus dynamique, plus colorée, sans pour autant délaisser ou
diluer la présence de Jésus Christ en nous.

Il y aura toujours des gens pour acheter telle ou telle vieille marque de produit
devenue presque une antiquité. Mais les autres, ceux qui veulent de la foi, mais
présentée autrement, sont légion. C'est à eux que l'Église doit s'adresser, en offrant une

31
II suffît de se rappeler les costumes d'apparat du clergé et de la royauté, la splendeur des salons et des
salles de bal, les peintres de renom qui rehaussaient les plafonds et les murs, les sculptures, etc.
22

plus vaste gamme de produits. Si ceux-ci sont adaptés à la culture actuelle, on ne


contribue certainement pas à diluer la foi, bien au contraire, il suffit de se faire une alliée
de l'ère visuelle, de la faire travailler pour le Christ vivant de manière à gagner du
terrain, au lieu de se contenter de regarder, impuissant et plaignard, les fidèles devenus
indifférents quitter les rangs de l'Église.

Il suffit de si peu pour rendre un texte attrayant pour l'œil. Par une présentation
soignée, des évangiles entre autres, on peut faire toute la différence entre le départ ou
le retour du fils prodigue. Autrement dit, ce n'est pas le message qui doit changer,
seulement la présentation, qui doit nécessairement s'adapter pour fleurir et donner des
fruits.

Je pose une question à laquelle le lecteur saura répondre de lui-même. Faute


d'une présentation adéquate, comment stimuler, motiver, entretenir et encourager la
lecture des évangiles, lieu central de la présentation du Christ ?

2.2.8 Le manque de motivation des apprenants

Je ne saurais passer sous silence le handicap qui me paraît le plus lourd, le


manque de motivation.

Comme des centaines d'autres, durant plusieurs années, je me suis tenu à l'écart
de toute forme de religiosité, incluant la lecture de la Bible. Ne trouvant plus de goût à
cette nourriture devenue fade, j'ai tout simplement cherché ailleurs nourriture pour ma
foi, mais en vain. Il me manquait ce petit élan personnel qui me soulèverait de ma
chaise et qui me pousserait à m'envoler. Après tout, pourquoi aurais-je fait des efforts
pour m'approprier ce qui ne me plaisait ni dans la présentation, ni dans le contenu ?
Toujours je restais sur ma faim. Déception après déception, j'avais rompu les amarres
et je me laissais voguer au fil des intempéries, essuyant vents et marées de mon mieux.
23

Pendant un long moment, ce qui comptait, ce fut de suivre sans poser de


questions. Le courant social, mû par le souffle ecclésial, ne prêtait pas à tant de
discours. Prêt ou pas, envie ou pas, motivé ou pas, il n'y avait rien à redire, c'était
comme ça, point. Mais avec le pluralisme religieux dans lequel baigne notre nouvelle
société, pluralisme qui remet en cause les fondements de toutes les idéologies,
philosophies ou religions, il faut du discernement, de l'aplomb. L'univers du croyable qui
s'ouvre devant nos yeux oblige à tout relativiser et à tout remettre en question. Plus
question de suivre sans trouver des réponses aux questions qui ne cessent de se
présenter.

Il faut, pour aller de l'avant, être intéressé, interpellé et motivé. Aujourd'hui, ce


n'est plus la vague qui amène les fidèles à la foi, c'est la foi qui amène les gens à
l'Église.

Nuttin32, tout en conseillant la plus grande des prudences dans le choix des
formateurs, affirme que la motivation est un processus temporel. La motivation oriente
dans le temps, elle confirme la présence d'une idée dans le passé et sa transformation
d'instant en instant vers le futur, vers une nouvelle composition de sens. Il souligne de
plus que si la réponse est donnée, pour maintenant, la motivation tombe, car une fois la
réponse trouvée, la motivation, processus temporel, tombe nécessairement33. D'où
l'importance de toujours et sans cesse veiller à garder bien vivante la motivation par la
proposition constante de nouveaux défis atteignables à courts, moyens et longs termes.

Nuttin mentionne qu'il faut se rappeler qu'une ancienne vision des choses
ordonnait les choses d'une telle manière. Forcément, une modification en profondeur de
cette vision va entraîner une altération ou une modification significative dans la vie du
chercheur34.

32
NUTTIN, Jozef, Théorie de la motivation humaine : du besoin au projet d'action /Joseph Nuttin. - 2e
édition remaniée et augmentée, Presses universitaires de France, Paris, c1980, [Psychologie
d'aujourd'hui ], 1985, 383 p.
33
Ibidem, p. 9-13
34
Ibidem, p. 14-35
24

Sans une saine motivation de la part du chercheur de vérité, on ne va nulle part.


En fait, celui qui n'a pas en lui la conviction et la motivation de se mettre en route n'ira
nulle part.

Nous sommes coincés dans un double culture, celle qui refuse le changement
parce qu'elle insécurise et celle qui, plus pressée, veut tout détruire pour repartir à zéro
sans avoir pris le temps de regarder à fond ce qu'elle jette. Un modèle de
consommation rapide, où le fast-food est en demande, même dans l'univers religieux,
dans une société de plus en plus à la course.

Or, pour apprendre, il faut du temps. Et pour maintenir un rythme de progression


qui ne soit ni épuisant ni ennuyant, il faut une décision individuelle, de la motivation.

2.3 Dynamique : motivation / apprenant

Après avoir discouru sur les handicaps majeurs qui semblent causer problème, il
m'apparaît essentiel de devoir réfléchir sur ce qui peut stimuler, encourager et maintenir
la motivation de l'apprenant. N'oublions pas que la motivation s'inscrit dans une relation
vivante, dans un contact de personne à personne, dans un mouvement action réaction
mettant en interaction, un apprenant et un formateur aidant.

2.3.1 Trois types d'apprenants : l'enfant, l'adolescent et l'adulte

Unanimement, les auteurs consultés sont d'accord sur un point important, on


n'enseigne pas à des adultes comme à des enfants. L'adulte choisit de fréquenter un
système d'éducation, il le fait librement, par choix, et de ce fait il est généralement plus
motivé dans l'atteinte de ses objectifs personnels. Ici, il ne faut pas parler de pédagogie,
du grec païdigogia, qui signifie enseigner aux enfants, mais d'andragogie, du grec
andros qui signifie homme adulte.
25

Paul-André Giguère35 explique clairement qu'un adulte n'apprend pas comme un


enfant, ses raisons d'apprendre sont très différentes. L'adulte n'apprend pas pour plus
tard, il apprend pour tout de suite.

« L'adulte veut connaître l'utilité de ce qu'il apprend au moment où il


l'apprend. Il désire pouvoir s'en servir le plus immédiatement possible
pour son profit personnel ou pour le service des autres36.»

Selon Giguère, l'adulte compte sur lui-même. Contrairement à l'enfant qui, faute
d'expérience, doit s'en remettre totalement à l'enseignant. L'adulte est capable de
participer à l'élaboration de l'activité éducative. Il y a un contraste frappant entre l'enfant
dont les capacités physiques, en plein développement, l'aident dans ses
apprentissages, alors que du côté de l'adulte, à mesure qu'il avance en âge, il doit gérer
des capacités physiques déclinantes (vue, ouïe, énergie, rapidité de réactions,
attention). Cette diminution rend plus difficile l'apprentissage37.

Il faut se le rappeler, pour l'adulte, ce n'est pas tant le savoir qui compte, mais ce à
quoi ça va servir dans la vie de tous les jours. Il faut que le nouveau savoir soit intégré à
la vie courante38.

Giguère rappelle quelques caractéristiques de l'adulte apprenant : le besoin


d'apprendre pour maintenant, l'engagement volontaire lorsqu'il participe à des activités
éducatives, la capacité de se fixer des objectifs personnels d'apprentissage. Lui seul
sait s'il apprend pour adapter ou pour compléter ce qu'il a déjà appris. Bref, l'adulte

35
GIGUÈRE, Paul-André, BELLEFLEUR-RAYMOND, Denise, T O U P I N , Bruno, Q u a n d un adulte veut
apprendre, Ottawa, Novalis c1985, Montréal, Office d e catéchèse d u Québec, [Dossiers d'andragogie
religieuse ; 9], 4 8 p. : ill. ; GIGUERE, Paul-André ; BELLEFLEUR-RAYMOND, Denise, GRAVELINE,
Roger, TOUPIN, Bruno, Comment stimuler et soutenir la motivation? Ottawa, Novalis, 1982, Montréal,
Office de catéchèse d u Québec ; [Dossiers d'andragogie religieuse; 4], 4 7 p. ; ill. ; GIGUERE, Paul-
André, BELLEFLEUR-RAYMOND, Denise, TOUPIN, Bruno, Éducateurs de la foi: compétences et
convictions, Ottawa, Novalis, 1982, Montréal, Office d e catéchèse d u Québec; [Dossiers d'andragogie
religieuse; 10], 48 p. ; ill.
36
GIGUÈRE, Paul-André, Quand un adulte veut apprendre, p. 9
37
Ibidem p. 10
38
GIGUERE, Paul-André, Éducateurs de la foi: compétences et convictions, p. 34
26

apprenant arrive avec un bagage d'expériences diversifiées et organisées, il sait que le


temps passe vite et il veut percevoir l'utilité de ce qu'il apprend39.

Alors que pour l'enfant, majoritairement, ce sont les parents et les éducateurs de la
foi qui prennent sur eux le fardeau de leur engagement et de leur cheminement de foi,
pour l'adulte, la foi est un choix personnel qui n'engage a priori que soi face à Dieu, une
adhésion libre et volontaire et non une imposition.

Mais il n'y a pas que les enfants et les adultes, il y a aussi les adolescents. Tant au
niveau de la foi que de la société, ce sont eux qui remettent tout en question et qui sont
prêts à tout jeter sans prendre le temps de goûter. Leur soif de liberté s'inscrit très bien
dans un processus de découverte de sens. C'est un terreau idéal pour semer du bon
grain, mais encore faut-il que le semeur puisse tracer des sillons dans la terre avant de
penser à semer. Ce ne sont pas de promesses d'un monde à venir qu'ils veulent, mais
du sens pour maintenant. Pleins de bonne volonté mais sans expérience, pleins d'idées
mais sans moyen, ils sont rêveurs, batailleurs, rebelles et ils osent dire ce à quoi les
plus vieux ont renoncé.

Souvent mis de coté, ils sont pourtant une partie importante de la population. Ne
pas s'en préoccuper, c'est donner l'occasion, à de fins stratèges, lors des inévitables
remises en question propres à l'adolescence, de les embrigader dans des mouvements
révolutionnaires ou sectaires. À cet âge ce n'est pas la réponse qui compte mais d'avoir
une réponse. Il faut mettre un accent majeur sur cette génération, sous peine de se
priver d'un avenir prometteur.

Trois visages de la vie, mais une seule foi, une seule Église, un seul Dieu. Qui
peut encore croire qu'une seule pédagogie puisse rejoindre efficacement tout le monde
là où ils sont dans l'histoire de leur vie ?

39
GIGUÈRE, Paul-André, Quand un adulte veut apprendre, p. 11-14
27

2.3.2 Le visage du formateur aidant

On est pas animateur dans un groupe de foi comme on est animateur d'un
groupe quelconque. L'animateur "est un croyant parmi d'autres croyants, une personne
en recherche de sens au milieu d'autres personnes en recherche de sens40".

Dès le début de son ouvrage, Giguère souligne l'importance pour l'animateur


d'être conscient de ses forces, mais aussi de ses propres limites. Cette ouverture à
l'autre est un plus pour l'établissement d'un lien de confiance, indispensable pour une
lecture de foi. Il devient clair également qu'un animateur ne doit pas copier ce qu'un
autre fait, mais qu'il doit suivre sa propre authenticité. Nulle personne n'est semblable à
une autre, donc personne ne peut animer exactement de la même manière41.

En prenant du temps pour aider les participants à explorer leur propre savoir
d'expérience, l'animateur aide les participants à se rendre compte de la richesse et des
limites de leur expérience, il les aide à faire le point sur leur savoir par rapport à l'objet
de l'activité, il leur donne le goût d'enrichir ou de corriger ce savoir, il leur fournit des
bases pour accueillir un savoir théorique de façon personnelle et critique, il valorise les
personnes en reconnaissant qu'elles possèdent déjà un savoir, il reconnaît que
l'expérience est importante au point qu'on puisse en tirer un savoir et finalement il
favorise leur activité intérieure et personnelle42.

Il faut être prudent dans la manière dont les choses sont amenées. Giguère nous
met en garde d'une manière très adroite. "Et quand la vision de la réalité religieuse se
transforme, les personnes ne peuvent plus se comporter comme avant43". Prudence,
certes, mais construire sa foi est un risque44, personne ne peut croire pour un autre.

40
GIGUERE, Paul-André, Éducateurs de la foi: compétences et convictions, p. 19
41
Ibidem p. 8-9
42
Ibidem p. 26
43
Ibidem p. 37
44
Église catholique. Assemblée des évêques du Québec. Comité de recherche. Institut de pastorale
(Montréal). Risquer l'avenir: bilan d'enquête et prospectives. Montréal : Fides, 1992 [L'Église aux quatre
vents], 227 p.
28

Cette maturation née de l'apprentissage, du partage et de la grâce ne peut être que


bénéfique pour le croyant engagé dans une ouverture.

S'il est une chose entre toutes qui est intime et personnelle, c'est bien la foi, un
cheminement personnel qui ne regarde que la personne elle-même mais qui
immanquablement s'inscrit dans une dimension communautaire. "Plus que tout autre
domaine, il faut réserver du temps pour l'intégration, pour faire le point sur le chemin
parcouru. Il ne s'agit pas de foncer tête baissée. Il n'est pas question dans cette double
lecture biblique, foi et raison, de partir aveuglément à la recherche de mots, de faits ou
de correspondances, mais aussi et surtout de sens45 ".

Le formateur doit tenir compte de plusieurs facteurs dans son approche


pédagogique, notamment de la relation adulte-adulte qui s'établit rapidement, ce qui
n'est pas le cas avec des jeunes où la relation d'autorité parent-enfant peut être prise
en considération dans le maintien d'une atmosphère de travail. Avec l'adulte on parle
d'une relation de confiance réciproque et non d'une relation d'autorité.

Selon Giguère, l'éducateur de la foi, le formateur, est un guide qui aide l'adulte à
apprendre de façon efficace. Habitué à une certaine distance face à l'autorité, l'adulte
apprenant aime garder sa liberté d'expression et d'opinion. Il a un vécu riche
d'expérience personnelle et des valeurs auxquelles il tient mordicus. Contrairement à
l'enfant, il a une idée claire de ce qu'il veut et se retrouve avec des responsabilités
familiales et sociales importantes. Il a une grande soif de connaître, un haut degré
d'exigence, un esprit critique très développé et un sens des responsabilités aiguisé.
Pour lui le temps passe vite, il est empressé de savoir et d'intégrer ses nouvelles
connaissances. Il attache une importance au contact personnel et il a un grand souci du
détail46.

45
GIGUERE, Paul-André, Éducateurs de la foi: compétences et convictions, p.41-43
46
GIGUÈRE, Paul-André, Quand un adulte veut apprendre, p. 10
29

Selon Miller47, pour enseigner aux adultes, le formateur doit tenir compte de trois
facteurs importants : identifier et préciser des besoins de formation souvent mal perçus
ou mal exprimés, traduire des besoins en activités éducatives appropriées et assurer la
préparation adéquate des personnes ressources.

Miller recommande une approche interactive. Le formateur se préoccupe de ses


étudiants, il respecte le rythme de chaque personne et son histoire personnelle, il
s'attache au concret et non seulement à la théorie, il aide à l'intégration personnelle des
nouveaux acquis, il recherche la participation active de chacun à chaque étape, il utilise
toutes les sources de savoir disponibles, il aide à identifier les besoins particuliers, il
encourage, soutient, motive, guide, écoute et partage, il manifeste des attitudes
positives, il crée un climat de confiance, de respect et d'empathie, il est ouvert au
dialogue, il évite d'exprimer ses préjugés, il ne doit pas avoir de projet inatteignable,
enfin il connaît ses étudiants et leur capacité d'apprendre48.

2.4 Vers des solutions pédagogiques et andragogiques

Forcément l'Église devra refaire ses classes, car avec des croyants adultes il ne
suffit plus de raconter des histoires fantastiques déconnectées de la réalité quotidienne,
il faut plus. Il faut être capable de répondre aux attentes, aux demandes et aux
questions d'un peuple en marche, en proposant des moyens pédagogiques et
andragogiques adaptés à un monde en mutation.

L'ignorance ne dure qu'un temps. Tout comme le parent, l'éducateur doit


apprendre à apprendre pour faire des enfants des adultes. Une foi aveugle ne signifie
pas une foi mature, la raison peut servir la foi, mais encore faut-il que le formateur soit
un adulte face à des adultes. La foi est un risque, un pari.

47
MILLER, François, L'enseignement aux adultes, Québec, Éd. Université Laval, 1984, 79 p.
48
Ibidem p. 35-37
30

L'éducation à la foi devrait être un souci constant et non un événement ponctuel


dispensé par des gens de bonne volonté, sans une solide formation personnelle. Il ne
suffit plus de trouver des bénévoles et de leur transmettre un mandat d'éducateur de la
foi. Un animateur doit obligatoirement être porteur d'un savoir, d'un savoir-être et d'un
savoir-faire.

Ma revue de littérature sur le sujet m'a curieusement fait consulter un livre


destiné aux gestionnaires d'entreprise49. La motivation y est abordée comme un outil de
performance. L'auteur affirme que :

"Les gestionnaires qui réussissent à se démarquer des autres dans leur


profession sont ceux et celles qui mobilisent les énergies de leur équipe,
qui gardent une motivation élevé chez leur personnel et savent le faire
contribuer au maximum des ses possibilités en le responsabilisant50".

"Motiver, c'est faire en sorte que les gens trouvent un sens à leur travail
et connaissent les motifs qui les amènent à s'engager dans une action.
Mobiliser le personnel, c'est faire en sorte qu'il se mette en mouvement,
qu'il s'organise pour agir dans le sens des résultats souhaités. Enfin,
responsabiliser les personnes, c'est faciliter la prise en charge de leur
travail; c'est la quête de cette énergie auto-porteuse qui fait que les
gestionnaires se sentent en confiance quant à la qualité du travail, sans
avoir à tout vérifier constamment51".

Il apparaît, chez ce même auteur, qu'il faut savoir reconnaître chez l'être humain
trois niveaux qui conduisent à stimuler et entretenir une saine motivation. Au premier
niveau, l'adulte cherche à donner une orientation, une finalité, une orientation à son
travail. Plus il sera partie prenante de la direction de la recherche et plus il sera motivé.
Au deuxième niveau, il semble qu'il ne puisse développer son plein potentiel
intellectuel (mémoire, pensée, intuition), émotif (joie, passion, dynamisme) et physique
(vitalité), que s'il a été partie prenante au niveau précédent. Au troisième niveau, à

48
PETITPAS, Jean-Guy, GAGNE, Paul-André, BOUCHER, Guy, Régie des assurances agricoles du
Québec. Ministère d e l'agriculture, d e s pêcheries et d e l'alimentation, Comment motiver, mobiliser et
responsabiliser mon personnel, Québec, Éd. La Régie, 1994, Le Ministère, [Profession gestionnaire],
35p.
50
PETITPAS, Jean-Guy, Comment motiver, mobiliser et responsabiliser mon personne, p. 7
51
Ibidem p. 13
31

mesure que la recherche progresse, il se sent interpellé personnellement, il fait ses


propres hypothèses, il fait des projets52. Il semble donc, pour l'adulte, que ce
dynamisme de responsabilisation dans le mouvement est une clé intéressante de
performance.

L'auteur souligne aussi que le climat est un des facteurs essentiels auquel tient la
motivation. Est-ce que les liens tissés ne sont qu'apparents ou profonds, basés sur la
complicité ou la suspicion, la froideur ou la chaleur, le lien d'autorité ou de partage53 ?
Autant de questions auxquelles il faut répondre au premier chef.

Il faut être conscient que nous vivons tous, à titre privé, des situations de
tensions ou de frustrations. Il est impossible à quelqu'un de toujours être en parfaite
situation de contrôle de soi. Les attentes du groupe et de l'animateur ne doivent pas
être irréalistes. La motivation est un phénomène dynamique, donc avec ses hauts et
ses bas, ses pointes et ses creux54.

Plus, individuellement, nous nous sentons propriétaire du projet, responsable, et


plus notre motivation sera grande. Par contre l'inverse est aussi vrai, si le projet arrive
de l'extérieur, anonymement, et que les participants sont contraints d'y prendre part
pour une raison autre que leur désir personnel, il ne faudra pas s'étonner du peu ou du
manque total de motivation. J'y reviens encore, le chercheur doit être partie prenante de
toutes les décisions du groupe pour conserver sa décision55.

Il faut savoir investir là où ça compte (temps, argent et compétence) pour faire


avancer la foi en Dieu par Jésus-Christ dans l'Église, sous peine de continuer de voir
les gens quitter et de les voir se joindre à de multiples mouvement sectaires, qui ont au
moins le mérite de répondre aux questions et de donner sens à la quête spirituelle.

52
PETITPAS, Jean-Guy, Comment motiver, mobiliser et responsabiliser mon personne, p. 14-15
53
Ibidem p. 25-26
54
Ibidem p. 31
55
Ibidem p. 32-33
32

2.4,1 Reconnaissance des groupes d'âge

I! n'y a pas de solutions miracles en pédagogie et en andragogie. Cependant, je


retiens deux détails importants. Le premier, celui de reconnaître que chaque groupe
d'âge est en quête de quelque chose, donc qu'il demande une présentation
pédagogique différente.

2.4.1.1 Les enfants et la quête de sécurité

Encadré à la fois par un système parental qui apporte


affection et sécurité et par le système social qui lui
accorde des droits, des avantages et des privilèges à son
insu, l'enfant reçoit ses connaissances et son savoir par
les autres. Généralement il a tendance à croire ce qu'on
lui dit, il ne se pose pas de questions et il n'en pose pas
aux autres non plus. Il ne possède pas encore de
jugement critique. Très tôt cependant, il apprend œ qui
fait plaisir et ce qui déplaît. Tant que son agir est convenable, la réponse des adultes lui
assure la sécurité. S'il ose contrarier ou mettre en doute, c'est comme si tout son
univers, fusionnel, allait s'écouler. Alors il s'habitue à déranger le moins possible.

Sans porter de jugement sur l'Église, il est clair que beaucoup de croyants en
sont encore à cette étape dans leur cheminement spirituel. La quête de sécurité trouve
écho à l'intérieur du système, des coutumes et de la tradition. Pourquoi douter ?
Pourquoi remettre en question ? Comme un réflexe d'enfant, ce serait risquer de quitter
le noyau sécurisant. La peur, beaucoup plus que la foi, retient maintes personnes à
conquérir la liberté promise par la foi en Dieu.

Il est donc clair, et je le montrerai au chapitre du projet d'intervention, qu'une


pédagogie pour cette clientèle se doit d'être adaptée, car ce groupe peut tout autant
contenir de jeunes d'âge pré-pubertaire que des gens beauœup plus âgés mais dont le
33

système de référence au niveau de la foi en est encore au stade de l'enfant, dans la


quête de la sécurité à tout prix.

2.4.1.2 Les adolescents et la quête de liberté

II est inévitable, qu'après avoir tout


reçu, ou presque, du système
parental et du système social, le
jeune, devenu plus sûr de lui, sera
mis en contact avec d'autres
visions du monde que celle du
vase clos. Ses valeurs, ses
acquis, ses idées, ses croyances,
tout son monde sera mis en contact avec le monde des autres. À cet âge, l'enfant
devenu adolescent, se voit confronté à l'autre. Il découvre d'autres visions du monde. Il
veut savoir, il veut expérimenter, il veut faire ses propres expériences, il veut pouvoir
douter, se libérer. Sa quête de liberté n'a plus de limites, il veut conquérir le monde.

Sans le nier totalement, il rejette le système qui fut le sien et qui l'étouffé. Il part à
la conquête de son "moi". Il rencontre des jeunes de son âge, il forme une gang, il
forme son propre noyau, au lieu de s'en voir imposer un par les autres. Il n'est pas si
différent des autres, mais il le croit.

Dans leur cheminement spirituel, plusieurs aussi sont à cette étape d'éclatement,
de rejet. On ne peut pas asseoir de force quelqu'un qui est en train de partir, on ne peut
pas le retenir, on ne peut qu'être présent, attentif et conscient que cette étape, plus ou
moins difficile, plus ou moins longue, ne dure qu'un temps.

Comment interpeller des gens de cet âge, physique ou spirituel, sans les froisser,
les brusquer ou les éloigner davantage ? C'est un peu à ces questions que s'attardera
mon projet d'intervention vis-à-vis de ce groupe d'âge.
34

2.4.1.3 Les adultes et la quête de sens

Peut-être suis-je plus sensible


à cette étape par ma conviction
profonde -d'en faire partie.
Comme un adolescent rebelle,
ma rupture, d'avec le système
parental, fut violente, longue et
difficile.

Socialement, et les auteurs l'ont abondamment illustré par leurs propos, arrive un
âge où tout est remis en question. Ce n'est plus savoir ou posséder des choses qui
comptent, mais donner un sens à ce qui se passe. Cette quête de sens peut se faire
tout en douceur ou par un coup d'éclat. Pour certains qui cherchent dans l'ancien
système parental et social, votre religieux, des réponses qui tardent à venir, la société
se charge de remplir ce vide par du fast-food spirituel, la surconsommation. Pour
d'autres, ce sont les prédateurs de la foi qui les guettent, comme des loups à l'affût.
Certains mouvements religieux, pseudo-religieux, certaines sectes et gnoses sont là,
prêts à accueillir ces nouveau adultes, en leur promettant réponse à leur quête de sens.

Cette clientèle adulte, qui sort à peine de sa crise d'adolescence, abonde à tous
les coins de rues. Ces nouveaux adultes en quête de sens arrivent avec une histoire de
vie qui ne demande qu'à être racontée, avec des responsabilités, avec de l'expérience,
mais pas encore avec un jugement critique. La quête de sens, faute de réponse
adéquate disponible rapidement, les pousse là où le vent souffle.

Immanquablement, ceux qui cherchent un sens, le trouveront à quelque part. Un


nouveau savoir sera ajouté au savoir d'expérience. Incapable, pour l'instant, de
répondre à cette quête de sens, pour tout de suite et pas pour demain, l'Église regarde
ses rangs se vider. Une fois le nouveau savoir injecté, le nouvel adulte qui aura trouvé
une réponse à sa quête de sens prendra la décision logique de suivre un nouveau
35

chemin, ne manquant pas de critiquer et d'écorcher au passage celle qui n'a pas su le
retenir.

Le drame, c'est qu'en ne retenant pas les adultes prêts à tenir le double discours
"foi et raison", les enfants seront de moins en moins nombreux à grandir dans le
système parental. Une fois partis par les portes de côtés, peu reviendront.

2.4.2 Des formateurs compétents

Une importance primordiale doit être portée à la formation d'animateurs de foi


multidisciplinaires et compétents tant au niveau humain (à l'écoute, emphatiques,
capables de partager, de motiver, de stimuler, d'orienter, de guider), qu'au niveau
théologique (sens des rites, des sacrements) ou encore au niveau des connaissances
bibliques. Je l'ai déjà dit, sur les deux plans, foi et culture, on n'enseigne pas à un
enfant comme à un adulte.

2.5 Conclusion

Ce long parcours, qui a pu paraître un détour, démontre pourtant bien que pour
susciter et entretenir la motivation à lire la Bible en milieu populaire, il faut d'abord et
avant tout redéfinir ce que sont, dans la foi, des enfants, des adolescents et des
adultes.

Il faut faire un triple choix : 1) instruire les enfants dans la foi, même s'ils sont
encore dépendants et impuissants à penser totalement par eux-mêmes, avec tous les
risques cela comporte : 2) stimuler les adolescents en leur proposant des activités
aptes à leur donner le goût de la Parole : 3) accompagner et guider les adultes en quête
de sens vers la lecture de la Bible, vers le Christ, vers l'Église. Trois groupes, trois
pédagogies, mais une même foi.
36

De là ma question spécifique : Comment se servir de l'analyse structurelle,


d'une manière populaire, pour susciter l'intérêt des enfants, développer
l'autonomie didactique de l'adolescent et stimuler les motivations de l'adulte, en
regard des grands mystères de la foi chrétienne : l'incarnation du Fils de Dieu et
sa Passion-Résurrection ?
37

Chapitre 3

Analyse littéraire
Recherche de points de repère structurels dans l'évangile de Matthieu

3.1 Une intuition

Déjà, à mes premières lectures, sans une formation appropriée, comme si cela était
possible, naïvement, je m'étais mis à rêver d'être celui qui découvrirait enfin la vérité sur
la structure de l'évangile de Matthieu56. Un hasard qu'il convient de citer en exemple a
tôt fait de me "rasseoir" et heureusement. Certes, j'avais constaté certaines répétitions
et une apparence de désordre dans la rédaction de l'évangile, mais un coup d'œil sur
une certaine disposition du Psaume 67 dans la tradition juive 57 a vite fait de me
convaincre de la possibilité de divers autres styles d'agencements de textes qui
dépassent largement ma propre intuition et mes compétences.
TABLEAU 1

/
%jr £ s fc 2 h

f3 £ « H t

56
J'insiste sur le mot "na/Vemenf", car aujourd'hui il est clair que l'évangile de Matthieu ne compte pas
une mais plusieurs possibilités de structure, toutes dépendantes de l'angle de lecture.
57
HAKHAM, Amos, Sefer Tehillîm, Mossad Harav Hook, Jérusalem, t.1 p.386
38

Nous le savons tous, Matthieu cite abondamment les Écritures juives. Ainsi, bien
que cette façon de disposer un texte, disons l'utilisation d'une stratégie d'écriture, ne
soit pas utilisée chez nous, il est indéniable, pour peu que l'auteur veuille s'en servir
pour inclure un point culminant, son idée centrale, que le sens peut être organisé selon
une forme prédéterminée.

Je présume bien humblement que chacune des citations n'est pas le fruit du hasard
ou de la chronologie du texte, mais relève plutôt d'une volonté ferme de l'auteur de
souligner ou de compléter son point de vue en prenant appui sur la tradition scripturale
de l'époque. Si tel était le cas, la forme structurelle d'un texte, en occurrence l'évangile
de Matthieu, pourrait signifier des choses par elle-même avant-même que le texte ait
commencé à livrer ses secrets.

Je ne tenterai pas ici de prouver cette deuxième intuition, ce qui me ferait déborder
du cadre de ce travail, quoiqu'elle puisse être des plus utiles dans des études
subséquentes.

3.2 Quelques structures intermédiaires qui font pressentir une structuration


globale de l'évangile de Matthieu

Je l'ai dit, mon intérêt porte sur le premier évangile. Aussi, il me paraît essentiel de
montrer, à défaut de pouvoir le prouver hors de tout doute, que le texte, dans l'état où il
nous est parvenu, suit un plan structurel précis.

Puisque, dans le cadre de ce travail, il serait impensable de présenter en détail


toutes les correspondances de textes entre les diverses sections de l'évangile de
Matthieu, je me limiterai à démontrer comment un usage affiné de la critique structurelle
peut être de la plus grande utilité pour la compréhension du texte par le texte.
39

Pour appuyer mon exposé, j'utiliserai, le plus abondamment possible, les sigles
proposés par Marc Girard. En ce qui concerne le texte grec qui me servira de base pour
l'analyse, j'utiliserai trois sources distinctes58.

J'entends garder pour la dernière partie de mon exposé, les éléments les plus
intéressants dans le cadre de ce travail : les correspondances entre le début et la fin de
l'évangile de Matthieu. Mais avant, puisque, en général, il convient de distinguer au
moins trois niveaux de lecture, c'est-à-dire le mot, les parallélismes courts et les
parallélismes longs, je présenterai dans le même ordre, très brièvement, quelques
points de repères structurels qui semblent s'imposer à l'évidence.

Très simplement, je désire attirer l'attention du lecteur sur les formes structurelles
d'un texte. Je présuppose que la disposition du texte lui-même en dit déjà long sur le
contenu. Parfois même, nous le verrons, l'organisation du texte est de la plus grande
utilité pour mettre à jour un sens dont, trop souvent, les traducteurs et les éditeurs n'ont
pas eu l'heur de découvrir toute la richesse, faute d'appliquer la méthode d'analyse
structurelle.

3.2.1 Exemple d'un parallélisme synonymique régulier : Mt 5,44

J'aurais pu choisir n'importe quel exemple de l'évangile de Matthieu tellement ils


sont légion, mais un seul suffit à illustrer mon propos, celui de Mt 5,44, que j'expose au
tableau 2, et qui fournit un exemple typique d'un parallélisme synonymique. Il s'agit là
de deux phrases parallèles, où le deuxième énoncé vient préciser le premier pour en
étendre la portée.

58
The Greek New Testament, Fourth Revised Edition, 1994, Germany, Biblia-Druck ; CARREZ, Maurice,
Nouveau Testament interlinéaire grec/français, Traduction par Société Biblique française 1992, Swindon,
Angleterre, 1993 ; Ainsi qu'un site Internet : http://unbound.biola.edu/index.cfm?lang=English
40

Pour le Jésus de Matthieu, il ne suffit pas d'aimer béatement les ennemis qui
parfois fauchent des vies, mais de faire un pas dans leur direction et de leur souhaiter
par la prière la conversion plutôt que la mort.

La formule structurelle adéquate est : a b c // a' b' c

TABLEAU 2
aya7iai8 KOU 7ipoaeox£<70s orcsp
a
Aimez et priez pour
b xooç exôpouç XCOV ÔUDKOVTCÛV b1
les ennemis les persécutants
c UHCDV vtxaç c
de vous de vous

3.2.2 Exemple d'un parallélisme antithétique : Mt 10,39

Je l'ai mentionné plus tôt, la méthode d'analyse structurelle distingue les liens de
forme et les liens de sens. Dans le tableau suivant, Mt 10,39 laisse apparaître
clairement ce qu'est un parallélisme antithétique.

TABLEAU 3
o supcov KOU o anoXeaac,
a le trouvant et le perdant
a"
xr\v i|/uxr|v auTOU TT|V \]fV%r\V OCOTOU
b la vie de lui la vie de lui b
SVSK8V S^IOU
à cause de moi c
ooioÀecsi 8upr|crei
a" perdra trouvera a
aorr|v aurr|v
b1 elle elle b1

Ici, chacun des deux bouts de phrases constitue en elle-même une antithèse.
Mis ensemble, les deux mêmes segments constituent aussi une antithèse quant au
41

sens. La forme, elle, est chiastique (trou ver... perdre... perdre... trou ver). L'ajout d'un
complément causal en plein centre du second bout de phrase joue un peu le rôle d'une
pointe émergente. En utilisant les sigles appropriés, nous pouvons décrire ainsi le
procédé dans une formule : a b a"1 b1 // a"1 b / c / a b'

Bien habilement, Matthieu souligne l'inutilité des efforts personnels pour sauver
sa propre vie : ce qui pourrait avoir l'air d'une défaite n'en sera pas une si la raison de la
perte est Jésus Christ. Mais ce petit bout de texte en dit beaucoup plus : il laisse
entendre quelle devrait être la place du Christ dans nos vies, en plein milieu, au cœur
de toutes nos motivations.

3.2.3 Exemple d'un parallélisme ternaire : Mt 8,20

D'une manière fort habile en Mt 8,20 (voir tableau 4), l'évangéliste semble vouloir
exprimer qu'une réalité peut à la fois être prise et comprise entre deux autres, et en
même temps les transcender au point de ne plus avoir de lien avec elles.

Jetons un premier coup d'œil à la présentation de la structure condensée dans la


formule suivante : (a b) a c // (a b)œ // (a c b)'1. Au dire de Jésus, ni les animaux de la
terre, représentés par le renard, ni les oiseaux du ciel, n'ont un lieu pour se reposer. Le
texte, qui exprime une forme de proverbe, situe doublement le Fils de l'homme, d'un
côté en continuité puisqu'à la fois homme "de la terre" et ayant son nid au-dessus de la
terre ; mais surtout, en discontinuité totale avec les renards et les oiseaux, comme le
montre l'antithèse.
42

TABLEAU 4

a i aÀameiceç KOU t a 7i£xsiva TOU oupavou o ôs uioç TOU av9pco7rou


CO
Les renards et les oiseaux du ciel le Fils de l'homme
«jxoÀeouç Koniacncri vcoasiç OUK
1
des tanières des nids c ne pas a
exoocnv 7COU TT|V KS<|)a^TlV KÀ.IVT|
^-1
ont où la tête il pose

On a ici, dans le premier membre du parallélisme, une synthèse bipolaire. Il est


clair que le premier pôle (a) est celui du bas : il concerne les animaux de la terre, qui
ont un lieu de repos. Le deuxième pôle (o), celui du haut, concerne les oiseaux du ciel,
eux-aussi dotés d'un lieu de repos. Mais le premier membre n'existe qu'en fonction du
second qui dit beaucoup plus : le Fils de l'homme n'a ni lieu en haut ni lieu en bas où
poser la tête. Pourquoi ? Le Jésus de Matthieu ne nous donne-t-il pas une réponse
discrète un peu plus loin, en Mt 28,18b : "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la
terre", et en Mt 28,20b : "Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" ? Si
le Christ n'a pas de lieu où poser la tête, c'est qu'il n'en a pas besoin, sa mission est
éternelle, pour maintenant et pour toujours.

3.3 Les parallélismes courts et longs, un «écho-système59»

J'aurais pu m'attarder longtemps à rechercher et à codifier les phrases selon une


terminologie bien technique, les unes après les autres. Mais mon intérêt est plus large.
Déjà à l'analyse des phrases, j'observais que Matthieu utilise une certaine manière
d'écrire. Une manière qui, selon les apparences, donne une couleur particulière au
message.

Une observation attentive et minutieuse du premier évangile me conduit à une


certaine évidence : Matthieu a conçu et suivi un plan pour construire son évangile. Il

59
Expression déjà utilisée par Roland MEYNET dans, L'analyse rhétorique : une nouvelle méthode pour
comprendre la Bible, Paris, Cerf, 1989, 347 p.
43

existe trop de détails de correspondances pour que l'ensemble soit le seul fruit du
hasard. Aussi je vais relever certains parallelismes à distance.

3.3.1 Exemple d'un parallélisme court : Mt 9,32-34 et Mt 12,22-24

Beaucoup plus que deux textes qui se ressemblent, Mt 9,32-34 et Mt 12,22-24


se complètent.
TABLEAU 5
Mt 9,32-34 Mt 12,22-24

A IÔOU 7ipoaTivsyKav a u t o TOTE 7ipoaT|VE5C0T| (XDT© A


av0p<B7tov KÛ)<|)OV ôcanoviÇonsvov 8ai|uovtÇon£voç xo<|>A,oç Kat K©(|)OÇ
voici ils portèrent auprès de lui alors fut porté près de lui
un humain sourd-muet un possédé d'un démon,
possédé d'un démon aveugle et sourd-muet
B Kca 6KPXT|0SVXOÇ XOU ôai^ioviou KOU sGspcwtEUCTEV a u x o v B
EkOLkr]GZV O KG)<|)OÇ coaxE x o v xu(|)A.ov K a i KCO<|)OV

A-aA-ElV KCU PA-E71EIV


et ayant été jeté dehors le démon et il guérit lui
parla le sourd-muet en sorte que l'aveugle et
sourd-muet parler et voir
C KGU sôaofjxxoav o i ox^-oi Àsyovxeç KOU E^lCJXaVXO 7KXVXEÇ OI O / À O l KOU EÀEyOV C
ouÔsnote 8(|)avr| ouxcoç sv TCO loparjÀ ^ir|xi ooxoç saxiv o uioç ôauiô
et s'étonnèrent les foules disant et étaient stupéfiées toutes les foules et
jamais rien n'a paru ainsi en le n'est-ce pas celui-ci est le fils de David elles
Israël disaient
D o i 8s <|)apicaioi eXeyov O l ÔE (jXXpiGOUOl (XKODaaVXEÇ E17IOV D
les Pharisiens disaient les Pharisiens entendant dirent

E EV xa> a p x o v t i xa>v ôai|novicùv ooxoç OUK EK(3(XÀ.À,EI t a S a i ^ o v i a E


eK{3aÀ,À.ei t a ôaijaovia si lit] EV XCÙ PEEÀÇEPOUA, apxovxi
xov 8ainovi©v
par le chef des démons celui-ci ne pas jette dehors les démons
il jette dehors les démons sinon par Beelzéboul chef des démons

Pour peu que nous jetions un coup d'œil attentif, il saute aux yeux que ces deux
sections sont parallèles. La formule structurelle du parallélisme est d'autant plus claire:
ABCDE//ABCDE.
44

Pourquoi Matthieu répéterait-il ainsi la même information dans des contextes


similaires, sinon pour compléter le sens de sa première affirmation ? Ou il n'a pas
conscience de ce qu'il écrit, ou au contraire il sait très bien ce qu'il fait !

Je crois fermement que Matthieu utilise volontairement un « écho-système »,


dont la deuxième partie vient supporter, compléter et préciser la première.

Individuellement, l'un et l'autre de ces deux récits se suffisent à eux-mêmes.


Mais, pour moi, il est clair que Mt 9,32-34 ne peut être totalement compris sans
l'éclairage fourni par Mt 12,22-24. L'écho n'est pas de trop, il est essentiel.

Un regard plus attentif, cette fois, révèle au moins deux autres éléments qui
semblent confirmer cette affirmation. Premièrement, d'un côté on a un sourd-muet
possédé d'un démon. De l'autre il est, en plus, aveugle. Comme si le pouvoir d'ouvrir
les yeux renchérit la surprise des foules et des Pharisiens. Ne paraît-il pas clair que
Matthieu a voulu exprimer que même si un prophète ou un grand Israélite peut guérir un
sourd-muet, seul le messie attendu peut ouvrir les yeux puisqu'il est Fils de David ?

Deuxièmement, les Pharisiens, suite à la guérison du sourd-muet, affirment qu'il


guérit par le secours du chef des démons. Après qu'il eut ouvert les yeux, les mêmes
Pharisiens précisent le nom du chef des démons, Beelzéboul. Un chef face à un chef,
Dieu face au diable. Voilà le goût que me laisse ce parallélisme.

3.3.2 Exemple d'un lien à distance entre un texte court et un texte long :
Mt 14,3-12 et Mt 26,57—27,61

Dès mon premier contact avec l'évangile de Matthieu, je m'étais retrouvé devant
un mur de questions sans réponse. J'avais cru percevoir un parallélisme entre la mort
de Jean le Baptiste et la mort de Jésus le Christ, comme si pour Matthieu, il n'y avait
qu'une seule manière de décrire la mort d'un prophète. Aujourd'hui, grâce à la méthode
d'analyse structurelle, je peux mieux démontrer que mon intuition était fondée.
45

Pour alléger le graphique, au tableau 6, je me limiterai à souligner les idées


parallèles, mentionnant au passage les versets correspondants.

TABLEAU 6
A Arrestation de Jean 14,3 26,57-64 Arrestation de Jésus
A1
B Motif de l'arrestation de Jean 14,4 26,65-66 Motif de l'arrestation de Jésus B1
Jean est pris pour un prophète 14,5 26,67 Jésus est traité comme un
C prophète
C
D La condamnation a lieu lors d'une
fête
14,6 27,15 La condamnation a lieu lors d'une
fête
D1
E Une femme intercède pour la mort
de Jean
14,8 27,19 Une femme intercède en faveur de
la vie de Jésus
E1
F Le roi est contristé et agit contre sa 14,9a 27,20-25 Le roi est contristé et agit contre
volonté sa volonté
F1
G Le roi donne ses ordres pour la mort 14,9b 27,26
de Jean
Le roi donne ses ordres pour la
mort de Jésus
G1
H Jean qui a prêché dans le désert,
meurt seul, écroué dans une prison
14,10 27,32-38 Jésus est envoyé à la mort,
immobilisé sur une croix, entouré
H1
de deux brigands
1 La "TÊTE" de Jean est apportée sur 14,11a 27-33
un plateau
Jésus meurt sur le Golgotha, lieu
du "CRÂNE"
r
J Les disciples de Jean emportent le
cadavre pour l'enterrer
14,12 27,57-61 Un disciple de Jésus prend le
cadavre pour le porter au tombeau
J1

Même tracé à l'état brut, ce parallélisme à distance indique clairement que


Matthieu a suivi un même modèle pour décrire la mort de ses deux prophètes, Jean
d'un côté et Jésus de l'autre. ABCDEFGHIJ // ( ABCDEFGHIJ )'

3.4 À la recherche d'un plan méga-structurel

Avant d'exposer son propre point de vue, Davies60 cite en toile de fond six
hypothèses ou théories sur l'organisation de l'évangile de Matthieu, celles de B.W.
Bacon, C.R. Lohr, J.D. Kingsbury, M.D. Goulderet R.H. Gundry.

1° L'hypothèse pentateutique de B. W. Bacon (voir tableau 7), suggère que le


premier évangile pourrait être une sorte de réplique à la Torah mosaïque. De la même

60
DAVIES, William David, ALLISON, Dale C. Jr., A critical and exegetical Commentary on the Gospel
according to Saint Matthew, Edinburg, ICC, T. & T. Clark, 1988-1997, 3 vol.
46

manière que la Torah consiste en cinq livres contenant chacun une part de narrations et
de discours, ainsi en va-t-il aussi de l'évangile. Pour Bacon, Matthieu a organisé ses
sources dans le but de produire un nouveau Pentateuque61. Hypothèse intéressante
selon moi, mais qui néglige néanmoins toute une série de repères structurels.

TABLEAU 7
Le préambule ou prologue:
1-2: Le récit de la naissance
Livre 1 :
a. 3,1-4,25; Matériel narratif
b. 5,1-7,27 ; Le sermon sur la montagne
c. La formule: 7,28-29: " Et il advint quand Jésus eut achevé ces discours ..."
Livre 2:
a. 8,1—9,35: Matériel narratif
b. 9,36—10,42: Le discours sur la mission et la vie du martyr
c. La formule II, 1 : "Et il advint quand Jésus eut achevé de donner ces consignes ..."
Livre 3:
a. 11,2—12,50: Matériel narratif et débats
b. 13,1-52: L'enseignement sur le Royaume des deux
c. La formule: 13,53: " Et il advint quand Jésus eut achevé ces paraboles ..."
Livre 4:
a. 13,54—17,21 : Matériel narratif et débats
b. 17,22—18,35: Le discours sur l'administration de l'Église
c. La formule: 19,1 : " Et il advint quand Jésus eut achevé ces discours ..."
Livre 5:
a. 19,2—22,46: Matériel narratif et débats
b. 23,1—25,46: Le discours eschatologique et le discours d'adieu
c. La formule: 26.1 : " Et il advint quand Jésus eut achevé ses discours, ..."
Épilogue:
26,3—28,20: À partir du dernier repas jusqu'à la résurrection

2° C. R. Lohr, quant à lui, propose (tableau 8) une méga-structure chiastique, où


s'alternent récits narratifs et discours. Le tableau qui résulte de ses observations est, on
ne peut plus évident62.

61
DAVIES, William D., ALLISON, Dale C. Jr., A critical and exegetical commentary on the Gospel
according to Saint Matthew, p. 59
62
~ Ibidem p. 59
47

TABLEAU 8

1-4 La naissance et les débuts Narration


5-7 Les béatitudes et l'entrée au Royaume Discours
8-9 Autorité et invitation Narration
10 Discours sur la mission Discours
11-12 Le rejet de cette génération Narration
13 Paraboles sur le Royaume Discours
14-17 Reconnaissance des disciples Narration
18 Discours communautaire Discours
19-22 Autorité et invitation Narration
23-25 Les malédictions et la venue du Royaume - Discours
26-28 Mort et résurrection Narration

3° J. D. Kingsbury (tableau 9) prétend trouver une clé pour décoder le plan de


63
Mathieu, le verset répété en 4,17 et 16.21 63 : ""arco toxe o ITJCTOUÇ". Ce qui

conduit à une division en trois parties64 :

TABLEAU 9

1,1—4,16 : la personne de Jésus le Messie


4,17—16,20 : la proclamation de Jésus comme Messie
16,21—28,20: la souffrance, la mort et la résurrection deJésus le Messie

4° Sans toutefois l'illustrer, Davies cite également l'intuition de M. D. Goulder65,


aussi, par souci d'honnêteté intellectuelle et à défaut de pouvoir reproduire, sous la
forme d'un graphique, l'intuition de Goulder lui-même, je citerai, dans une traduction
libre, l'opinion de Davies & Allison sur l'auteur.

63
La Bible de Jérusalem a retenu cette option et la propose dans son édition de 1998, pp. 1669-1670.
64
DAVIES, William D., A L L I S O N , Dale C. Jr., A critical and exegetical commentary on the Gospel
according to Saint Matthew, p. 6 0
65
GOULDER, Michael D., Midrash and Lection in Matthew, LondonSPCK, 1974.
48

«Prenant exemple sur la division du Codex Alexandrinus, et soutenant


audacieusement que Mathieu est un midrash de Marc, M. D. Goulder
prétend que notre évangile a été composé en accord avec le cycle annuel
des jours de la semaine. Plus particulièrement, le calendrier juif fournit le
modèle dont s'est servi l'évangéliste pour mettre son matériel en ordre.
C'est ainsi que la structure de Mathieu est de nature liturgique66.»

5° À l'opposé, R.H. Gundry67 prétend qu'aucune structure ne peut ressortir


clairement de Mathieu.

6° Finalement, Frankemôlle (voir tableau 10) observe des correspondances


entre le début et la finale de Matthieu68.

TABLEAU 10

1,23 la présence divine 28,20


1,2; 2,1 les Gentils 28,19
2,2.8.11 voir et rendre hommage 28,17
1-2 la mission / autorité 28,18
1,20. 24; 2,13. 19 apparition angélique 28,5
2,3 troublé 28,17
2,1.9. 13. 19 les témoins 28,20
1,2-17 généalogie / jusqu'à la fin des jours 28,20
1,18-25 le Père / le Fils / le Saint-Esprit 28,19

À vrai dire, je suis convaincu qu'il s'agit là d'indices très intéressants. Peut-être
que si mon travail avait porté spécifiquement sur la recherche du plan pré-établi de
Matthieu, je me servirais de ces indices, mais, aussi intéressantes soient-elles, ces
observations ne peuvent être vues dans le cadre de ce travail que comme une
démonstration complémentaire du fait que Matthieu a bel et bien suivi un plan de
rédaction très élaboré.

66
DAVIES, William D., ALLISON, Dale C. Jr., A critical and exegetical commentary on the Gospel
according to Saint Matthew, p. 60
67
Ibidem p.61
68
Ibidem p.60
49

3.5 Esquisse d'une autre proposition méga-structurelle

Pour ma part, je ne voudrais pas être en reste. Il me semble que mon intuition
première, qui bien sûr demande à être étoffée, a aussi droit de cité puisqu'aucune des
présentations précédentes n'a su faire la preuve formelle de son invulnérabilité face à la
critique. La mienne, comme les autres, ne saurait tenir la barre devant des biblistes et
des exégètes de haut niveau, mais j'ai l'idée que mon intuition première est à même de
donner un coup de barre vers un nouveau cap.

J'en profite pour exposer ici ma propre hypothèse de travail. L'évangile de Matthieu
semble avoir été composé en deux temps : tout d'abord, les textes ont été préparés
selon le sens et ensuite seulement organisés selon une forme69 prédéterminée. La
méthode d'analyse structurelle, qui s'attarde au niveau d'une lecture de surface, permet
de proposer cette hypothèse comme plausible. Toujours selon moi, l'évangéliste a
délibérément voulu situer le Christ comme étant ni d'ici ni de là, mais à la fois d'ici et de
là, à la fois Dieu et homme.

3.5.1 L'« écho-système » de l'évangile de Matthieu

À mon sens, l'évangile de Matthieu est construit selon un schéma « écho-


systémique », c'est-à-dire que le texte se divise en deux sections se répondant comme
en écho, à la manière d'un chiasme mais en beaucoup plus gros, chacune des deux
parties complétant l'autre. Un système de correspondances par écho repérable tant du
point de vue de la forme que du sens.

69
Je suppose que Matthieu a du dresser un plan d'ensemble du travail qu'il entendait écrire. Par
exemple, le début ouvre sur la généalogie, c'est à dire ce qui vient avant, puis vient la naissance, tandis
qu'à l'autre bout, à la fin, il y a la mort et ce qui a suivi la résurrection. De nombreuses sections parallèles
de Matthieu peuvent avoir ainsi montées comme sur un canevas puis composées par la suite. Avec un tel
canevas, la tâche est simplifiée car elle permet à quelques collaborateurs, des scribes aguerris de se
pencher sur l'écriture de telle ou telle section pour regrouper le tout, toujours selon le sens voulu, en une
forme harmonieuse. Des indices de correspondances inclus dans divers tableaux laissent présager cet
écho-système d'écriture, non comme le fruit du hasard, mais comme un désir clair de l'auteur de faire dire
au texte plus que le texte n'en dit au premier coup d'oeil.
50

Je note avec surprise qu'en regardant avec un haut degré d'attention les
structures de surface révélées au moyen de la méthode, j'en arrive à repérer quelques
structures profondes, et ainsi, à redonner vie et sens à des mots ou expressions qui
pourraient être compris différemment de l'interprétation habituelle. Encore une fois, je
dois me ramener au cadre de mon travail de recherche. Ma formation académique, à ce
stade-ci, ne me permet pas de porter un regard critique suffisamment autorisé sur le
travail de mes prédécesseurs. Je m'attarderai donc ici à noter mes observations, en
tentant d'éviter de jouer à l'insecte qui se prend dans la toile d'araignée.

Sachant que toute comparaison est boiteuse, je me permettrai quand même


celle-ci: un boucher peut découper une pièce de viande de différentes manières, selon
l'idée qu'il a au préalable ; cependant, une coupe différente ne transforme pas un
morceau de bœuf en porc. Malgré toute l'expertise d'exégètes chevronnés, je me
permets, à la manière d'un apprenti-boucher, une coupe transversale en plein centre de
la pièce de viande saignante. La coupe offre au regard deux sections complémentaires,
dont le centre semble se situer autour du chapitre 10, une forme d'inclusion antithétique
dont le Christ joue le rôle bipolaire à lui tout seul (voir tableau 11).

TABLEAU 11
Ayant appelé à lui ses douze 10,1 11,1 Et il advint, quand Jésus et
disciples... achevé de donner ces consignes
à ses douze disciples...

Dès le début, Matthieu nous plonge dans un univers «écho-systémique» sans


pareil. Et puisque, dans le cadre de ce travail, je ne peux explorer en détail toutes les
facettes d'une telle œuvre, je m'attarderai en premier lieu à comparer les sections du
début et de la fin, pour ensuite citer les autres parallélismes à distance qui ont attiré
mon attention et qui méritent aussi d'être exposés d'une manière plus analytique.

Même si je suis devenu assez à l'aise avec les sigles de la méthode d'analyse
structurelle, je dois cependant avouer une certaine impuissance à codifier tous les
éléments rencontrés, tellement ils sont légion et tellement les formes sont variées.
51

3.5.2 Esquisse de parallélismes entre le début et la fin

Comme l'illustre le tableau 12, mon attention fut attirée par plusieurs détails. Au
tout début de l'évangile, un ange du Seigneur annonce à Joseph (a) que Jésus s'en
vient (vP), alors qu'à la toute fin, un ange annonce aux deux Marie (©), que Jésus est
reparti (<ts), le tout formant un parallélisme de type polaire bidirectionnel, comme le
montre la formule structurelle : a^ + a»1" = S.

Un deuxième détail concerne l'ange lui-même. Au début de l'évangile, l'ange du


Seigneur (a) se manifeste à un seul, de l'intérieur, comme sur un plan horizontal (<-»). À
la fin, il se manifeste à plus d'une personne, il vient du ciel selon un plan vertical
explicite ( t), ainsi : cf + a 1 = 2 .

Un troisième point concerne la "crainte". Au début (a), l'ange rassure Joseph.


Dans la partie qui lui fait écho (co), les gardes tremblent de peur sans que l'ange
n'intervienne ; mais celui-ci exhorte les femmes à chasser leur peur, ce qui donne :

TABLEAU 12
Mt1,20 Mt 28,1b; 2b; 4; 5a
[...] IÔOO (XYYE^OÇ KUplOU [...] r|A.08V uxxpia T] |a<XYÔa?ir|vr|
KOCT ovccp etyavx] aux© Àeyoov Kca r| aXXr] fiapia GecopTjcrai tov xa<|)ov
KOCTTI((> o i o ç 8auiô [...] ayyeÀoç yap Kupiou
KaxaPaç s£ oupavoo m i 7ipooeÀ6cov
[...] owio ÔE TOO <|>O{3OD autou
EasicrGTjaav oi rn,pouvTEç
UT] «froPTlGTlÇ [...] [...] UT) <|>oPexa6e ousiç
[...] alla Marie la Magdalena
et l'autre Marie regarder la tombe
[...] voici un ange du Seigneur [...] un ange, en effet, du Seigneur
en songe apparut à lui disant descendu du ciel et s'étant approché [...]
Joseph fils de David [...] de la crainte de lui
tremblèrent les gardes [...]
ne pas crains [...] [...] ne pas craignez, vous [...]

Voilà pour la correspondance de mots entre Mt 1,20 et 28,1-5 et leur incidence


sémantique.
52

3.5.3 Vision de parallélismes plus larges

Je crois maintenant qu'il est temps d'élargir l'angle de vision (tableau 13), car je
pressens des liens plus larges, moins organisés, mais thématiques et complémentaires,
notamment pour les sections comprises entre 1,18-2,28 et 27,45-28,20.

Voici, très succinctement, ce à quoi peut ressembler ce parallélisme large entre


le début et la fin de Matthieu, après une relecture.

TABLEAU 13
Le début La fin
Un ange du Seigneur apparaît 1,23 28,6 Un ange du Seigneur apparaît
avant la naissance annonçant après la mort annonçant que
la venue de Jésus Jésus est reparti
Le roi s'informe où est le roi 2,4 27,37 Un Romain attache un écriteau
des Juifs mentionnant que celui-ci est le
roi des Juifs
La naissance a lieu la nuit 2,1-11 27,45 La mort a lieu le jour
(présence d'une étoile) (obscurité à midi)

Obéissant à l'ange, les mages 2,12 28,8 Obéissant à l'ange, les femmes
partent sans alerter personne partent en allant annoncer la
nouvelle
Le roi veut faire mourir Jésus 2,13 27,1 Les grands prêtres et les
enfant anciens veulent faire mourir
Jésus adulte

3.5.4 Restriction volontaire d'une vision trop élargie

II me semble que je dois me restreindre dans l'exposition et l'explication des très


nombreux liens structurels. Il serait très facile de perdre de vue l'objectif de mon travail
pour glisser vers une recherche de fond, pour laquelle, je l'ai déjà dit, je n'ai pas l'étoffe.
Toutefois, il m'apparaît essentiel de jeter au moins un coup d'œil rapide aux trois
tableaux suivants.
53

3.5.4.1 Mt 2,1b ;2b // Mt 27,45

Visiblement (tableau 14), il se produit quelque chose lors de la naissance et lors


de la mort de Jésus. Une étoile éclaire lors de la naissance, c'est forcément la nuit. Les
ténèbres couvrent la ville lors de sa mort, c'est forcément le jour. Le pas est mince de
déduire que même lorsqu'il fait nuit, la venue de Jésus Christ est comme une lumière
qui guide les pas, alors que même en pleine lumière, lorsque que Jésus Christ quitte, il
se fait comme des ténèbres dans nos vies. Jésus se révèle, à travers ce parallélisme
simple, comme la lumière du monde.

TABLEAU 14

Mt2,1b;2b Mt 27,45
[...] IÔOO u.ayoi ocrco ocvaxoÀcov îiapeyevovxo cwio 8e EKrriç copaç
[...] eiôou.ev yap auxoo TOV aercepa CTKOTOÇ syevexo em rcaaav xrçv yn.v
8V TT| avaxoÀri KCU r|À0ou.8v [...] ecoç ©paç evvaxriç
Voici des mages d'Orient arrivèrent Depuis la sixième heure
[...] nous vîmes en effet de lui l'étoile en une ténèbre survint sur toute la terre
Orient et nous sommes venus [...] jusqu'à l'heure neuvième

3.5.4.2 Mt 2,2//Mt 27,37

Le tableau 15 montre avec une évidence déconcertante comment la question


lancée au tout début par le roi Hérode, à savoir où est le roi des Juifs, trouve sa
réponse à la fin, lorsqu'un ecriteau est apposé au-dessus de la tête de Jésus.

TABLEAU 15

Mt2,2 Mt 27,37
7tOO SCTTIV OUTOÇ SCTTIV IT)CTOUÇ
o xsyQsiç flaaiXsvç xœv louSaiov o PamXsoç xe>v touSairav
Où est le étant né roi des juifs ? Celui-ci est Jésus le roi des juifs
54

3.5.4.3 Mt 2,10//Mt 27,54

Le tableau 16 fait suite logiquement au tableau 14. Quand le Christ arrive, il


rassure, et il convient de se réjouir (a). Cependant, à l'inverse, ceux dont la main a
causé le départ du Christ ont toutes les raisons du monde de craindre (a'1), avec toute
la force sémantique que prend ce verbe en contexte religieux biblique en matière de
profession de foi. Une formulation structurelle adéquate donne ceci : a + a"1 = S.

TABLEAU 16

Mt2,10 Mt 27,54
IÔOVTEÇ ôe xov acrtspa O 08 EKClTOVTapXOÇ KCU Ol [iZX (XOTOU
E%apiiaav xapav neyaÀriv a<j>oôpa f...l E4>o3T]6T]Gav a<|>oôpa
Ayant vu l'étoile ils se Le centurion et ceux avec lui [...]
réjouirent fortement craignirent fortement

Comme je viens tout juste de le souligner, serait-ce trop forcer la note que de
conclure que Matthieu a voulu souligner que la venue du Christ, en chacun de nous, est
comme une lumière dans la nuit, et que la mort du Christ dans nos vies est comme de
vivre dans les ténèbres en plein jour ? Le positif devient négatif sans le Christ, et le
négatif devient positif avec le Christ.

3.6 À la recherche d'autres points de repères

Je pourrais et peut-être que je devrais disséquer, analyser et interpréter, dans les


moindres recoins, chacun des tableaux suivants, mais je crois sans peine qu'ils parlent
d'eux-mêmes. Mes commentaires seront à chaque fois très brefs, à peine une allusion
expliquant le rapport que j'y vois. Il suffit de se rappeler que chacun des parallélismes
présentés est inscrit selon un rapport de sens qui se traduit par une inscription dans un
système de forme.

Pour paraphraser, je comparerai cette recherche d'indices structurels à une


discipline olympique connue, mais pas très répandue chez nous, le triple saut en
55

longueur. Pour peu que la prise soit ferme et la technique affinée, si le premier élan est
correct, il sert simultanément de point d'arrivée et de support de lancement vers l'élan
suivant, jusqu'à ce que la manœuvre soit complétée et réussie.

Je ferai plus tard la critique de mon premier saut. Pour l'instant, je tiens à
exposer quelques indices structurels supplémentaires. Le lecteur pourra croire qu'il ne
s'agit là que d'une exposition vaine. Pourtant, il n'en est rien. Jamais, sans la critique
structurelle, je n'aurais pu mettre à jour chacun des points qui suivent, et qui, comme
dans un troisième élan, seront regroupés selon un plan de rédaction assez étonnant.

Plus que jamais, je suis convaincu d'une intention préalable de l'auteur


d'organiser son texte, de telle sorte que la structure puisse supporter le sens.

Telle une taupe dans le noir, j'ai glissé d'une intuition à une autre, m'éclairant
sous le fanal de la méthode, me rassurant d'une oreille attentive et m'encourageant à
chaque nouvelle découverte.

En dépoussiérant davantage, il est probable que j'aurais pu découvrir d'autres


indices structurels. Mais pour illustrer mon propos, ceux-ci me semblent amplement
suffisants.

3.6.1 Mt 5,18//Mt 24,35

Le tableau 17 présente Mt 24,35 comme l'écho attendu de Mt 5,18. Alors que


dans chacune des deux sections du parallélisme, il est dit que le ciel et la terre
passeront (A), il est clair cependant que la loi (B) de Mt 5,18 est reprise sous une autre
forme plus précise, plus parfaite, dans les paroles du Christ (B1). Quant à la forme,
puisqu'il s'agit de récurrences, nous obtenons AB // AB'. Quant au sens, nous obtenons
A a + Bw = S ; les paroles du Christ viennent porter la Loi de Moïse à son achèvement.
56

TABLEAU 17

Mt5,18 Mt 24,35
soc av TiapeA.011 o oopavoç Kai T\ yn o oopavoç Kai TI yn rcapeXeoaovxai
icoxa EV T) ^iia Kspaia ou \ir\ o i ôe Xoyoi pou ou JITJ TiapeXBroaiv
napeXQr\ cwto TOO vojiou
scoç av 7KXVTCC ysvîixai
Jusqu'à ce que passe le ciel et la terre Le ciel et la terre passeront
iota un seul ou un seul tiret pas de danger les mais paroles de moi sûrement pas ne
passe de la loi jusqu'à ce que tout soit arrivé passent

3.6.2 Mt 7,7//Mt21,22

Intéressant, le tableau 18 illustre un lien à distance assez évident. Dans Mt 7,7


Jésus dit qu'il suffit de demander (af) pour recevoir (b^), ce qui complète la boucle et
se symbolise par un parallélisme polaire bi-directionnel : a + b = S. Mt 21,22 ajoute
explicitement une pointe émergente, évoquant la condition nécessaire à l'exaucement
de la demande, c'est à dire la foi en un dialogue confiant entre le croyant demandant
(cT) et Dieu {cl).

TABLEAU 18

Mt7,7 Mt 21,22
avreixs Kai ôoG^asTai op.iv 7iavxa oaa av avrnOTITE
8V XT] TtpoaSOXTl 7ri(Xt£UOVT£Ç
A.T)\|/8(T6&
Demandez et il sera donné à vous Tout ce que vous demanderez
dans la prière croyant
vous le recevrez

3.6.3 Mt 7,12 //Mt 22,37-40

Le tableau 19 démontre encore plus le surplus de sens que le second membre


du parallélisme ajoute au premier. D'un côté, un énoncé de morale humaine assez terre
à terre, très proche d'une formule rabbinique (A) connue à l'époque de Jésus, résume
"la loi et les prophètes" (B). De l'autre, le résumé se fonde sur le cœur de la morale tel
57

que Jésus la prélève dans la Bible juive en exprimant dans une synthèse bipolaire
l'essentiel de la relation avec Dieu (a) et avec les humains (ta).

TABLEAU 19

Mt7,12 Mt 22,37-40
aycwrricjeic Kopiov xov Bsov aou [...]
Tiavxa ouv o a a a v BeA-T^xe i v a rcoicoaiv ufiiv
01 av0po)7ioi ayowrnaeic xov 7tÀ,r|aiov aou [...]
OOTOOÇ KOCI ousiç 7CO181TE aoxoiç EV xauxaiç xaiç ôuaiv EVXOÀOUÇ
ouxoç yap eaxiv O VOU.OÇ K<XI ox n p o ^ t a i OÀOÇ o vonoç Kai oi npo^-qxai Kpejiavxai
Tout, donc, ce que vous voulez que fassent Tu aimeras Seigneur le Dieu de toi [...]
pour vous les humains, Tu aimeras le prochain de toi [...]
ainsi aussi vous faites à eux À ces deux commandements
Ceci en effet est la loi et les prophètes toute la loi et les prophètes sont suspendues

3.6.4 Mt 7,13-14 // Mt 22,14

Le tableau 20 ne surprendra pas outre mesure. Malgré la ressemblance


frappante entre les deux versets, le deuxième, en recourant au "passif divin", affirme
une action volontaire de Dieu lui-même, implicite seulement dans le premier terme. On
comprend qu'emprunter le chemin de la vraie vie, avec ses exigences morales,
correspond à un appel et même au Royaume des deux.

TABLEAU 20

Mt 7,13-14 Mt 22,14
710A.A.01 eioiv 01 siaepxonsvoi 5i amriç [...] TIOAAOI yap siaiv KÀr)toi
oXiyoi siaiv 01 EUPIOKOVTSÇ aurnv oÀiyoi Se SKÀ8KTOI
Nombreux sont les entrant par lui [...] Nombreux, en effet, sont appelés
Peu nombreux sont les trouvant lui Peu nombreux mais élus

3.6.5 Mt 8,10-12 // Mt 22,9-13

C'est le tableau 21 qui m'a réservé le plus de surprise. Je pensais au tout début
que le logion sur les «pleurs et les grincements des dents», Mt 8,12 et Mt 22,13, faisait
l'objet d'une simple répétition à distance. Mais quelle fut ma surprise lorsque, grâce à la
58

méthode d'analyse structurelle, j'ai pu comparer les deux textes en incluant le contexte
immédiat. Le jeu en valait la chandelle.
TABLEAU 21

Mt 8,10-12 Mt 22,9-13
[...] o ir|aooç...£i7r8v xoiç CCKOAOUOOUCJIV
wap ooôevi xoaauxTiv TCICTXIV ev xeo lapa-rjA,
eopov

[...] 7IOÀAOI Kai ocrooç eav


a7io avaxoÀ.a>v Kai ôoafiœv eopTixe KaA,saaxe EIÇ XOUÇ ya^iouç
Tj^ouaiv Tcoviipouç xe Kai ayaOouç
Kai avaKAiGiiaovxai jisxa aBpaap. Kai [...] Kai s%Xj\aQr\ o yajioç avaKEijxevœv
iaaaK Kai UXKGOB SV XTI BaoiASia x<ov oupavcov
EICTEAGCOV ÔS O PaaiÀEUç [...] EIÔEV EKSI
oi ÔE u i o i XTIÇ BaaiA.eiaç avGpœitov OUK EV8E5OHEVOV evôujaa ya^iou

XOT8 817CEV O BaaiAEUÇ XOIÇ ÔiaKOVOlÇ [...]


EKBA.Ti9Tiaovxai eiç xo CTKOXOÇ TO e^œxepov SKBaÀexe eiç xo OTCOTOÇ xo E^œxepov

8KSI eaxai o KA.ao0p.oc EKEI Effxai o KÀ,auôp.oç


Kai o 0poyp.oç TG>V oôovxœv Kai o Bpuyjioç xœv oSovxcov
[...] Jésus ...dit [...] aux accompagnants
chez aucun une aussi grande foi en Israël
j'ai trouvé
[...] plusieurs [...] tous ceux
du levant et du couchant que vous trouvez invitez aux noces [...]
viendront... des mauvais et aussi des bons [...]
...et se mettront à table avec Abraham et [...] et fut remplie la noce de convives.
Isaac et Jacob dans le Royaume des cieux,

Mais les fils du Royaume Entrant le roi [...] il vit là un humain


non revêtu d'un vêtement de noce

Alors le roi dit aux serviteurs [...]


seront jetés dans la ténèbre du dehors jetez dehors le dans la ténèbre du dehors

Là sera le pleur et le grincement des dents Là sera le pleur et le grincement des dents

En exposant ainsi la forme comme un parallélisme asymétrique, il devient clair


que les deux textes se complètent.

Notons deux choses. D'abord, l'association à faire entre "du levant et du


couchant" et entre "des mauvais et des bons". L'un et l'autre terme implique une
synthèse bipolaire (a + a>) assez équivalente : l'invitation s'adresse à tout le monde, et
59

du point de vue de l'habitat géographique et du point de vue de la conduite morale


initiale.

Deuxième point d'observation particulier : à ce qu'il semble, le motif de


condamnation, c'est le manque de foi qui, lors du repas au Royaume des deux,
tournera en pleurs et grincement des dents. Aussi, il convient d'interpréter le vêtement
de noce (habituellement blanc) comme un symbole de la personne croyante. Le
manque de foi laisse la personne privée du vêtement requis, et donc indigne de siéger
au repas du Royaume. En effet, il ne suffit pas d'être invité par Dieu lui-même (ou par
le roi) pour être sauvé (ou nourri), il faut plus : la foi envisagée comme dynamisme
d'ouverture et comme réponse.

3.6.6 Mt 8,26//Mt 14,31

Le tableau 22 s'inscrit lui-aussi dans la dynamique de la foi. Dans Mt 8,26, Jésus


s'adresse à plusieurs, alors que dans Mt 14,31, il s'adresse à une personne : la foi est
autant affaire communautaire qu'individuelle. La comparaison des deux petits bouts de
phrases se trouve à associer la peur au doute.

TABLEAU 22

Mt 8,26 Mt 14,31
TI ôeiÀoi saxe oA.iyO7IlCTT£
oA,iyo7iiaxoi sic TI eôiaxaaaç
Pourquoi peureux êtes-vous, Peu croyant
peu croyants ? pourquoi doutas-tu ?

3.6.7 Mt 9,20-22 // Mt 17,36

Si on en croit le tableau 23, Matthieu aime souligner la responsabilité du malade


qui sollicite la guérison. Dans Mt 9,20-22, une femme arrive par derrière et, sans
permission, touche la frange du manteau en croyant que «seulement» par ce geste elle
60

peut se retrouver guérie. Mt 14,36 généralise : tous les malades qu'on amène à Jésus
cherchent «seulement» à toucher la frange du manteau.

TABLEAU 23

Mt 9,20-22 Mt 14,36
Ken. IÔOO yuvr) aijioppoooaa Kai 7ipoaîivEyKav a u t o
ôcoôsKa STT] 7ipoasX6ouaa OTUG9EV Tiavtaç xooç KOCK©Ç E/ovxac
T]\j/axo xou icpaa7C8Ôoo xou i ^ c m o u aoxou
Kai 7iapEKaA.ouv auxov tva
sksyev yap ev saurn eav |iovov
avj/eojiai xou i f m x i o u aoxou
CTCoGridop-ai
\LOVOV
O ÔE IT|OOUÇ S7llOXpa(|)ElÇ avyœvxai xoo Kpaa7teôou xou i^axiou auxoo
Kai iSov auxr|v sircev Kai oaoi TIHKXVXO 8iecco9iiaav
Gapasi Guyaxep
TJ 7UCTTIÇ OOUCTeaOKEVCTEK a i
EafflOîi i l ywvîi a7ro xr\q ©paç EKEIVTJÇ
Et voici une femme perdant du sang depuis [...] et portèrent auprès de lui tous les ayant
douze ans venant auprès par derrière mal
toucha la frange du vêtement de lui
Elle disait en effet en elle-même si seulement et ils invitaient lui pour que seulement

je touche le vêtement de lui, je serai sauvé ils touchent la frange du vêtement de lui
celui-ci Jésus se tournant et voyant elle dit
la foi de toi a sauvé toi et
fut sauvée la femme à partir de l'heure celle-là et tous ceux qui touchèrent furent sauvés

3.6.8 Mt 9,22b //Mt 14,27b

Dans le même environnement textuel (Mt 9 et 14), deux brèves paroles de Jésus
appellent au courage. La première, Mt 9,22b, est un appel individuel, alors que la
seconde, Mt 14,27b, sonne un appel communautaire (tableau 24).

TABLEAU 24

Mt 9,22b Mt 14,27b
OapGEi Buyaxep TI maxiç aouCTEGCOKEVCE Bapaetxe eyco EIJU J*n ^OPEIOOE
Aie courage, fille, la foi de toi a sauvé toi Ayez courage, moi je suis, ne pas craignez
61

3.6.9 Mt10,11a.15//Mt11,23a.24

Dernier exemple (tableau 25) : on passe, cette fois, du général au particulier.


Dans Mt 10,11a, Jésus parle vaguement de "ville et village ", alors qu'en Mt 11,23a, il
s'adresse spécifiquement à Capharnaùm. Le contexte théologique de part et d'autre est
le même : l'annonce du jugement.

TABLEAU 25

Mt 10,11a.15 Mt11,23a.24
sic r|v 8 a v 7ioA.iv r\ KODJITIV Eias>i,0r|TS [...] KouCTOKowtepvaouu.

a|ariv keyed u^iv OTiyT]


avEKTOTEpov Eaxcu yrj <ro5op.a>v avEKTOTEpov Etrcai
ao5o\i(ov Kai yojioppcov EV Tifiepa Kpiaeax;
EV ruispa Kpiaecoç r\ a o i
Tl TT1 ÎIOÀ.EI EKEIVT1 f...]
Dans laquelle ville ou village vous entriez [...] Et toi Capharnaùm

Amen je dis à vous Mais je dis à vous


plus tolerable sera pour le pays de que pour le pays de
Sodome et Gomorrhe Sodome plus tolerable sera
lors du jour du jugement au jour du jugement
que pour la ville celle-là [... ] que pour toi
62

3.6.10 Essai de récapitulation et de synthèse

Si on met ensemble tous ces indices de liens à distance, on obtient, au tableau


26, l'étonnante figure suivante :
TABLEAU 26

Tableau 12 Mt 1,20 Mt 28,1b; 2b; 4; 5a


Tableau 14 Mt2,1b;2b Mt 27,45
Tableau 15 Mt2,2 Mt 27,37
Tableau 16 Mt2,10 Mt 27,54
Tableau 17 Mt5,18 Mt 24,35
Tableau 18 Mt7,7 Mt21,22
Tableau 19 Mt7,12 Mt 22,37-40
Tableau 20 Mt 7,13-14 Mt 22,14
Tableau 21 Mt8,12 Mt22,13
Tableau 22 Mt 8,26 Mt 14,31
Tableau 23 Mt 9,20-22 Mt 14,36
Tableau 24 Mt 9,22b Mt 14,27b
Tableau 25 Mt 10,11a; 15 Mt 11,23a; 24

3.7 À la recherche d'une méga-structure

Des propositions méga-structurelles faites par différents auteurs et résumées plus


haut70, je retiens surtout un indice utile : la répétition de la phrase "Et il arriva, quand
Jésus eut achevé... " en 7,28; 11,1; 13,53; 19,1; 26,1. B.W. Bacon, je l'ai dit, se sert de
cet indice pour suggérer un plan de l'évangile en cinq parties, toutefois, contrairement à
lui, j'expose que la phrase clef ne termine pas les sections mais les introduit71.

70
Voir le point 3.4
71
Au tableau 27, j'illustre assez clairement mon hypothèse sur le sujet. Selon ma lecture guidée par les
principes de l'analyse structurelle, il semble que chacune des sections débute par une mise en route
soulignée par l'expression "Et il advint que...", à chaque fois, par la suite, l'expression est suivie d'un
discours, pour finalement se terminer par une recommandation.
63

Malgré les risques, on me permettra d'exposer (voir tableau 27), mon intuition en
espérant que quelqu'un d'autre, quelque part, poussera la roue un peu plus loin. J'en
arrive à sept troncs, construits autour d'un thème central.

TABLEAU 27
SECTION 1 MT 1,1-2,23 SIGLES
Mt1,1 Genèse de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham
THÈME LA GENÈSE et LA NAISSANCE
Mt 2,22-23 Jésus arrive au point de départ de sa mission
SECTION 2 Mt 3-7,27
Mt 3,1-4,25 En ces jours là, arrive de Jean le Baptiste suivi de Jésus,
tous les deux disant :
« Repentez-vous le Royaume des Cieux est proche »
THEME LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Mt 7,21—27 Recommandation pour entrer au Royaume des Cieux
SECTION 3 CH. 7,28-10
Mt 7,28 : Et il advint quand Jésus eut achevé ...
THÈME LE DISCOURS DE LA MISSION (extraverti ) C->
Mt 10,37-42 Recommandation pour être un vrai disciple
SECTION 4 CH. 11,2—13,52
Mt11,1 Et il advint quand Jésus eut achevé ...
THÈME LE DISCOURS DES PARABOLES
Mt 13,1—52: Recommandation pour entrer au Royaume des Cieux
SECTION 5 CH. 13,53—18,35
Mt 13,1-52 Et il advint quand Jésus eut achevé ...
THÈME LE DISCOURS COMMUNAUTAIRE (introverti ) C<-
Mt 18,1-35 Recommandation pour entrer au Royaume des Cieux
SECTION 6 CH. 19—25
Mt 19,1 : Et il advint quand Jésus eut achevé ...
THÈME LE DISCOURS ESCHATOLOGIQUE Bt
Mt 25,1—46 : Recommandation pour entrer au Royaume des Cieux
SECTION 7 CH. 26—28
Mt26,1 : Et il advint quand Jésus eut achevé ...
THÈME LA PASSION ET LA RESURRECTION At
Mt 28,18b—420: Recommandation aux disciples pour faire entrer le peuple
dans le Royaume des Cieux
64

3.8 Conclusion

Peut-on croire qu'une telle structure d'ensemble soit le fruit du hasard ?

Ce que j'ai tenté de faire en petit dans les pages précédentes, il faudrait sans
doute que je le démontre en long et en large, pour mieux expliquer comment cet
agencement global supporte et révèle le sens. Mais comme il s'agirait là d'une tâche
titanesque, compte tenu des proportions de ce mémoire, on me permettra de limiter
mon échantillonnage au début et à la fin de l'évangile (A>1 et At), en vue d'une
application pédagogique et pastorale.
65

CHAPITRE 4

Observation sommaire d'un groupe-témoin


Mise à l'essai d'un échantillon :
les deux extrémités de l'évangile ( Matthieu 1-2; 27-28 )

4.1 Le groupe-témoin

Le groupe-témoin sélectionné pour la mise à l'essai d'un échantillon, c'est à dire les
deux extrémités de l'évangile de Matthieu, est un groupe de lecture biblique existant
depuis plus de sept années dans la paroisse Saint-Philippe de Jonquière72.

4.2 Choix d'une pédagogie de présentation

J'ai arrêté mon choix d'une pédagogie de présentation sur une combinaison de
cinq procédés, en alternance : de brefs exposés magistraux, utilisation du tableau noir,
présentation par acétates, interaction avec les membres et, enfin, mise à l'essai d'une
participation plus créatrice.

4.3 Ordre de la présentation

Pour la moitié du groupe, il s'agissait là d'une première approche de la méthode


d'analyse structurelle, pour les autres, un rappel des principes de base s'imposait.

Progressivement, avec l'utilisation de nombreuses acétates et l'alternance


soutenue d'exposés et de périodes de questions-réponses, les participants ont dû
admettre que Matthieu n'a certainement pas écrit son évangile d'un premier jet, mais
plutôt que le texte est richement structuré. L'architecture même du texte en dit aussi
long que le texte lui-même et parfois plus encore. Unanimement les participants ont

72
Sous la responsabilité de Mme Anne-Marie Chapleau, les membres se réunissent au moins une fois
par mois pour étudier et partager ensemble. L'âge moyen des participants se situe autour de quarante-
cinq ans. Bien que le groupe compte deux hommes, un seul assistait à la rencontre.
66

compris que Matthieu a utilisé un procédé d'écriture dont la clé reste encore à
découvrir.

4.4 Confirmation de mon hypothèse de composition structurelle

Mon hypothèse de composition structurelle est la suivante ; l'évangile est écrit


comme en deux tableaux dont les éléments se correspondent à distance et se
complètent quant au sens. L'expression « écho-système », déjà utilisée par Roland
Meynet, reflète très bien cette idée.

Il suffit de penser au rapport entre la naissance de Jésus en pleine nuit et à sa


mort en plein jour, ou encore entre la guérison d'une femme qui approche Jésus de dos
et de celle de nombreux malades qui approchent Jésus de face.

4.5 Le climat

Plusieurs échanges intéressants, nourrissants et fructueux ont eu lieu. Cela a


évidemment conduit à une ouverture des participants vis-à-vis mon projet de mémoire.
Utilement, un climat de confiance s'est développé.

4.6 Un accueil favorable

Les commentaires des participants méritent une attention particulière. J'en ai


retenu douze :
1. " Beaucoup de recherche."
2. "Très intéressant, mais pourquoi écrire comme ça ? "
3. " Pour parler de Jésus, il faut savoir..."
4. " L'important, c'est d'être des témoins de Jésus par nos comportements."
5. " On doit s'attacher à la Bible, mais il n'y a pas que ça, l'Esprit est là."
6. " II faut donner le goût de l'Église et de la Bible."
7. " Le besoin de rencontres en dehors de la messe est très important."
67

8. " Pour beaucoup, après la messe, c'est fini, il faut faire plus."
9. " Dieu me dépasse, il est au-delà de ce que je peux imaginer."
10." Dieu est le Tout-Autre."
11. " II faut faire des liens entre la Bible et notre vie de tous les jours."
12." C'est important de nourrir sa foi."

Surpris, mais plus motivés que jamais à lire différemment la Bible, en tout cas
l'évangile de Matthieu, les participants ont été littéralement fascinés par la structure de
composition de Matthieu, telle que présentée du moins. Ils se sont dit empressés de
pouvoir mettre la main sur un "futur livre" qui étalerait au grand jour toutes les
correspondances de mots et de sens dans l'évangile de Matthieu. Déjà, cette simple
demande montre bien le réel intérêt pour une relecture contemporaine et renouvelée
des évangiles. Peut-être, après tout, n'y a-t-il pas une si grande différence entre ce que
les gens vivaient comme questionnement au temps d'Hérode et ce que nous vivons
aujourd'hui ! Seules les expressions et la façon de les exprimer changent, le fond reste
le même.

4.7 Un piège utile

Au fil de la rencontre, j'ai eu une l'idée de leur tendre un piège pour vérifier leur
degré de motivation. Presque tous avaient sous la main une copie de la Bible, la leur ou
une fournie par Mme Chapleau. À mesure que je leur parlais de l'ange de Dieu au début
et à la fin de l'évangile, ils vérifiaient si ce que je disais était conforme à la Bible.

Quand je leur ai proposé de trouver l'écho qui, plus loin dans l'évangile, correspond
à la fuite en Egypte de Joseph, Marie et Jésus, l'exercice a ressemblé un peu à une
course contre la montre, les Bibles se sont ouvertes et durant quelques minutes, tous
les yeux étaient partis à la recherche du parallélisme manquant. Encore plus que la
curiosité, ils étaient mus par le goût de la nourriture biblique. Ils n'ont pas trouvé le
parallèle, mais la motivation à continuer à chercher la réponse était visible sur leur
visage.
68

4.8 L'origine de la motivation des participants du groupe-témoin

Pourquoi, alors que la coutume catholique n'encourage pas encore tellement une
lecture personnelle ou communautaire de la Bible, certaines personnes font-elles
soudain une démarche de lecture à l'intérieur de groupes restreints comme celui de
Mme Chapleau ? Qu'est-ce qui les pousse à se joindre à ces groupes, à participer, à y
rester ou à en partir ? Voilà aussi quelques questions sous-jacentes à mon travail
d'observation sur le terrain et auxquelles je devais tenter de répondre.

Une réponse semble avoir l'assentiment des participants : celle du besoin de


nourriture spirituelle. Comme si, malgré la richesse de la pratique sacramentelle, la vie
chrétienne manquait de "corps". On sent le besoin de retrouver une nourriture de base
oubliée ou tout au moins négligée, puisque personne n'échappe à la quête de sens.

Alors que plusieurs délaissent l'Église catholique pour se tourner vers des
Églises protestantes, évangéliques, ou encore vers un des nombreux mouvements
religieux plus ou moins sectaires, certains font un autre choix, celui de retourner à la vie
de Jésus Christ racontée dans la Bible. En fait, on y vient pour se nourrir, pour savoir et
pour connaître.

Il est clair que les participants à ces soirées d'études bibliques veulent
profondément comprendre et entrer dans une relation personnelle avec le Christ. Selon
les mots d'une participante, avant de se sentir "catholique", il faut se sentir "chrétien"
dans le sens le plus pur du terme. Le retour aux sources et aux petites communautés
de base, de foi et de partage devient donc la réponse à la quête d'une source de
nourriture spirituelle à partager.

4.9 Un souhait général

Conscients de l'importance de la démarche des groupes de lecture biblique, les


participants se sont montrés, encore une fois, unanimes sur l'importance de promouvoir
69

les groupes de lecture biblique, mais pas n'importe comment et encore moins sous la
direction de n'importe qui. Il y a un manque flagrant d'animateurs dans ce domaine, des
gens de foi capables de faire une double lecture de la Bible, une lecture de foi et une
autre plus technique, voire plus structurelle.

Un autre souhait général a été exprimé. Par delà les correspondances binaires à
l'intérieur de l'évangile, celui de réussir à ajouter un troisième élément parallèle : le vécu
d'aujourd'hui. Sans être des spécialistes de la Bible, mais ayant au moins le mérite de
répondre sincèrement et avec cœur à l'appel de l'Esprit de comprendre la Parole de
Dieu, tous sont d'accord sur l'importance d'actualiser la Parole par des exemples, tirés
des différents livres de la Bible, qui collent à la peau. Un écho-système qui met en
relation trois personnages, Dieu, l'auteur (l'évangéliste) et le lecteur. Sorte de trinité qui
rend possible une relecture de la Parole vivante.

4.10 Une piste de relecture inattendue

En présentant et en commentant certains des tableaux du chapitre précédent,


une piste de relecture inattendue, intéressante et prometteuse s'est imposée d'elle
même.

Après avoir prudemment délimité, selon le jargon exégétique, la première grande


inclusion de type A...A, c'est à dire la généalogie de Jésus : "Livre de la genèse de
Jésus Christ" (Mt 1,1) et "Or, telle fut la genèse de Jésus Christ" (Mt 1,18a), nous
somme mis en face d'une réalité incontournable, celle de la place de Marie qui devient
bien plus qu'une génitrice. Elle est celle par qui le Christ arrive au monde : "Marie, sa
mère, était fiancée Joseph" (Mt 1,18b).

4.11 L'efficacité de la méthode à court terme

II ne faut pas sous-estimer l'impact de la méthode d'analyse structurelle sur un


groupe de personnes non spécialisées. L'exemple le plus marquant a été lorsqu'une
70

des participantes m'a demandé quel pouvait bien être la partie qui répond, comme en
écho, à Jésus apaisant la tempête (Mt 8,23-27). Un autre participant, s'attardant à
l'ordre dans lequel j'avais présenté les premiers parallélismes, répondait qu'il s'agissait
peut-être de la section où Jésus marche sur les eaux alors que la barque est secouée
par les vents (Mt 14,22-33).

De son propre chef, une des participantes mentionna le symbolisme de la mer


agitée, comme représentant le mal. Un autre remarqua que, dans un premier temps, il a
simplement fallu que Jésus menace le vent pour que le calme revienne (8,26), alors
que dans la deuxième partie, c'est lorsque Jésus monta dans la barque que le vent se
calma (14,32). Plus encore, la première partie se termine par une question : "Qui est
celui-ci ?" (8,27), alors que la deuxième partie lui répond comme en écho : "Vraiment tu
es Fils de Dieu" (14,33).

Il n'aura fallu pas plus de quelques minutes pour qu'un groupe de lecteurs
bibliques réussisse à comprendre un peu comment fonctionne l'écho-système de
l'évangile de Matthieu.

Une piste de relecture a été proposée par les participants eux-mêmes : Jésus a
plein contrôle sur le mal, à tel point qu'il le foule au pied. Jésus, Fils de Dieu, réussit par
sa seule présence à calmer les angoisses et à chasser le mal (8,26), il est capable de
sortir du mal celui qui s'y enfonce par manque de foi (14,31).

4.12 Conclusion

Bien que cette observation, sur le terrain, ait été très brève, elle n'en demeure
pas moins significative. Il suffit de peu pour stimuler le désir de chercher le sens du
message chrétien dans les évangiles. Mais il faut avant tout tracer des paramètres de
recherche et de lecture, pour ensuite faire confiance aux participants, à leur maturité, à
leur motivation, pour qu'ils trouvent d'eux-mêmes des pistes de relecture qui collent à la
peau de la réalité contemporaine.
71

Dans les jours qui ont suivi la présentation, la responsable du groupe-témoin,


Mme Chapleau, au nom des participants, enthousiasmés et motivés, m'a demandé la
possibilité de leur remettre une copie des parallélismes présentés pour que le groupe
puisse approfondir par eux-mêmes les structures et le sens dévoilé au moyen de la
méthode d'analyse structurelle.

Comme cette courte expérience le démontre, il suffit d'un bon guide-animateur et


d'un groupe sérieux pour faire avancer à grands pas ce qui ne peut être fait qu'à petits
pas présentement. Si je peux parler de réussite dans mon petit projet d'intervention, je
le dois à cette combinaison miracle.
72

Chapitre 5
Projet d'intervention plus élaboré
Perspective d'actualisation comparée entre le début et la fin
de l'évangile de Matthieu dans la pratique pastorale de la Parole

Je retiens une seule règle de base, à partir de mon expérience d'intervention : la


simplicité, seule porte d'ouverture à tous. Nous l'avons vu, tous n'ont pas les
connaissances méthodologiques de l'exégèse, la possibilité de travailler avec un
ordinateur, ou encore plus simplement, tous n'ont pas conscience qu'ils sont affamés de
sens. Il ne faut pas viser trop haut ni trop loin, mais bien tenter de rejoindre les
croyants, tous les croyants, là où ils sont. Il faut leur proposer un outil de travail simple
et accessible, accompagné d'une méthode de lecture. C'est ce à quoi je vais m'attarder
ici.

Connaître à fond la méthode d'analyse structurelle, avec tous ses termes


techniques, ne sera jamais que l'apanage d'une élite. Toutefois, je crois qu'une initiation
sommaire à l'analyse structurelle pourrait être retenue et proposée pour ceux et celles
qui auront, à moyen et à long terme, l'intention d'animer des groupes de lecture
biblique, dans le but d'aider les gens à mieux décoder le message évangélique.

Il apparaît évident que pour faire école, la méthode doit descendre dans la rue,
au ras du sol, en se simplifiant au maximum.

5.1 Une démarche classique d'intervention

Dans un souci d'efficacité, je crois utile de tenir compte de la thèse de doctorat de


Thomas H. Groome73. Il propose six pôles d'analyse complémentaires : qui ? quoi ?
pourquoi ? où ? comment ? et quand ? Sous peine de rendre ma démarche stérile, il
convient d'ajouter : avec qui ? et au moyen de quoi ?

73
GROOME, Thomas H., Christian Religious Education Sharing our Story and Vision; Dove
Communications, Melbourne, Australia, 296 p.
73

Mon projet, apparemment innovateur, aurait pu être réalisé depuis vingt siècles
déjà. La foi chrétienne repose sur la réalité de la résurrection du Christ, sur la Pâque,
sur le passage. Mais qui est donc ce Christ en croix ? d'où vient-il ? comment sait-on
qui il est ?

Il y a que deux manières de répondre. La première, qu'il n'appartient pas de


discuter ici, est sans aucun doute de vivre l'expérience d'une relation particulière et
personnelle avec Jésus-Christ. La seconde, plus terre à terre, aide à saisir toute la
réalité de ce personnage à la fois homme et Dieu. C'est la lecture des écrits relatant son
origine, sa vie, sa mission, sa mort et finalement sa résurrection : les évangiles
canoniques et le livre des Actes des apôtres.

Après avoir balancé le bébé avec l'eau du bain, nous sommes, socialement, en
pleine "crise de foi", en pleine course de recherche de sens. La multiplication des
mouvements sectaires est un signe apparent que quelque chose de profond, d'invisible
presque, se produit quotidiennement chez nous. Il faut savoir répondre à cette
demande de sens, en présentant efficacement, avec les moyens les plus actuels, le
message du Christ. Nous l'avons vu plus tôt, alors qu'on cherche le Christ comme des
aveugles dans le noir, une petite lumière guide vers lui. Pour que les gens la voient, il
faut trouver la mèche, l'allumer, l'entretenir, mais surtout il faut garder le goût de la
lumière du monde. En pleine nuit, même pour les étrangers, pour peu qu'on y soit
attentif, la lumière devient buisson et source de vie éternelle.

C'est ce procédé que je propose comme plan d'intervention : celui de proposer


une nouvelle catéchèse permettant d'éclairer l'un par l'autre les deux points forts du
christianisme, la Nativité et la Résurrection, Noël et Pâques. Deux passages, l'un dans
l'autre, l'un avec l'autre, l'un par l'autre. Deux passages indissociables, unis comme
deux demi-cercles.
74

5.2 Projet d'intervention en pastorale de la Parole : trois volets

Une fois la démarche de préparation terminée, les groupes déterminés, les


formateurs multidisciplinaires en place, il ne reste plus qu'à mettre de l'avant, non pas
un projet unique, mais plutôt une triade. Chacun visant une clientèle bien particulière.

5.2.1 Auprès des enfante, S**"1* année du primaire

!Moi-même parent de quelques enfants74, j'ai cherché la façon la plus commode


de savoir ce qui pourrait intéresser les jeunes de 10 à 12 ans dans une nouvelle
pastorale de la Parole. Pour le savoir, j'ai réuni autour d'une table cinq jeunes, deux
garçons et trois filles de 5ieme année du primaire.

Le plus simplement du monde, je leur ai exposé le sujet de mon travail de


recherche et au moyen de crayons à colorier, sur du papier construction, j'ai esquissé
quelques croquis. D'un côté, sur une feuille noire, au crayon blanc, j'ai tracé très
sommairement un ange, une étoile au-dessus d'une crèche et les personnages, c'est-à-
dire Jésus entouré de ses parents, Marie et Joseph. Sur une feuille blanche, au crayon
noir, j'ai tracé un ange, un nuage noir au-dessus d'un monticule et Jésus en croix entre
deux larrons. Je leur ai ensuite demandé s'ils voyaient des ressemblances et des
différences. De leurs réponses, j'ai retenu quelques remarques dont une qui me semble
très intéressante : "Jésus est entouré de gens qui l'aiment et qui veulent qu'il vive ; de
l'autre côté, il est entre des voleurs et des gens qui veulent le tuer".

N'ayant aucun talent particulier en dessin d'animation, le fait d'exposer devant


des jeunes de cet âge des croquis faits à la main peut toujours aller, mais dans le cadre
de ce travail, le lecteur comprendra facilement que je m'en tiendrai à l'explication
sommaire que je viens d'en faire.

74
Six (6) enfants, en incluant ceux de ma conjointe, dont l'âge varie de 2 à 23 ans.
75

Les enfants ont vite remarqué la différence de couleurs entre les cartons : le
cadre du premier acte se déroule la nuit, à cause de l'étoile, et le deuxième acte se
déroule le jour, avec des nuages qui obscurcissent le ciel.

Ils n'ont pas été plus loin que cela dans leur observation et je n'ai pas voulu
insister non plus. Alors je leur ai demandé comment ils aimeraient que ce projet leur soit
présenté, si je devais rencontrer toute leur classe.

La réponse a été très intéressante : organiser un rallye découverte avec des


indices cachés, faire des charades, faire des sketchs ou encore présenter des grands
tableaux en couleurs avec tous les détails. Ce qui a semblé le plus intéressant pour
eux, c'est l'idée de leur trouver des activités à la fois créatrices et participatives, pour
qu'ils puissent, tout en s'amusant, découvrir les liens de parenté existant entre Noël et
Pâques.

Mon projet pour ce groupe se résume à ceci : les mettre au travail par des jeux
éducatifs, instructifs (foi et raison), et créatifs. Il y a toute une réflexion pédagogique à
faire ici sur ce domaine particulier. Je ne suis pas un spécialiste en pédagogie. Alors
beaucoup d'aspects de ce domaine m'échappent, mais il semble clair qu'il sont tout à
fait prêts et disposés à apprendre par le jeu éducatif.

Mon avis est qu'en intéressant ainsi les plus jeunes à la découverte des
évangiles, par des tableaux, des casse-tête, des coloriages et autres activités, ils
développeront à la fois un esprit d'analyse textuelle et leur connaissance du premier
fondement de la foi, les Écritures. En agissant de la sorte, une graine de désir et de
connaissance sera semée. Restera à bien soigner la moisson.
76

5.2.2 Auprès des adolescents, secondaire IV

Je l'ai exprimé plus tôt75, les adolescents sont à un âge où la quête de liberté les
amène à tout jeter par-dessus bord. Malgré tout, avec des préoccupations bien à eux,
ils ne sont pas coupé du monde, ils sont tantôt des témoins, tantôt des acteurs.

Lorsqu'ils ont l'occasion de se montrer sous leur meilleur jour, ils n'hésitent pas à
soulever des montagnes, mais encore faut-il que la motivation viennent d'eux-mêmes et
non qu'elle leur soit imposée.

Un projet d'action-intervention doit nécessairement faire appel à leur volonté, à


leur intelligence créatrice en plein essor et à leur sens de l'observation. Il faut les
rejoindre là où ils sont, dans leur monde, dans ce qui les touche, les frappe et les
interpelle. Il ne faut ni les forcer ni les brusquer mais savoir être signifiant. N'oublions
pas la gang, car si timide ou anxieux soit-il, un adolescent devient plus secure et plus
entreprenant en compagnie de ses pairs.

Mettre des ados en appétit de la Parole n'est pas une mince affaire. Mais nous
pouvons compter sur un allié de taille, l'ordinateur.

5.2.2.1 Une stratégie : l'utilisation de l'ordinateur

Comment rejoindre les adolescents et leur donner le goût de la Parole ?


Justement en les mettant en appétit. Et pourquoi pas avec la méthode d'analyse
structurelle ? Rappelons-nous que nous sommes dans une ère visuelle et à une époque
où fleurit l'informatique. Certes, les moyens pédagogiques sont nombreux. Mais
spécialement quand on a affaire à cette tranche d'âge, il faut miser sur les techniques
toujours plus accessibles d'une culture des télécommunications pour leur présenter un
Christ attrayant, moderne si l'on peut dire. Ce pourrait être, pour eux, une façon de se
démarquer de leurs parents, pour qui, en général, l'utilisation de la technologie est

75
Voir au point 2.4.1
77

moins naturelle ou plus immédiatement utilitaire. De plus, l'utilisation de l'informatique et


de procédés graphiques nouveaux peut donner aux ados une certaine conscience
d'autonomie dans l'approfondissement des sources de la foi chrétienne. N'est-ce pas là
un excellent moyen d'allier héritage de toujours et culture d'aujourd'hui ?

5.2.2.2 Une première étape d'intervention : une heuristique à partir de l'expérience du


jeune

Dans une première étape, je propose d'utiliser un groupe-témoin, soit une classe
d'informatique, soit une classe régulière, et de leur demander de préparer, au moyen du
procédé Power Point, une présentation sur les ressemblances, les différences, les
correspondances, les antithèses ou les parallélismes entre le début et la fin de la vie
d'un humain.

Pour vérifier ma démarche, avant de la proposer, j'ai rencontré un petit groupe de


sept jeunes76 avec qui je suis en contact régulier77. Au fil de quelques discussions, je
leur ai demandé de m'expliquer selon eux, aujourd'hui: "Quelles sont les ressemblances
entre la naissance et la mort dans l'expérience humaine ?" La réponse a été très claire.
Les deux extrémités de la vie sont riches de symbolisme et de sens.

Très simplement, je me permets de présenter, par ordre alphabétique et non par


ordre d'importance, les mots clés suivis des thèmes principaux qui ont attiré mon
attention lors de cette conversation.

Entourage : Alors que l'enfant naissant a besoin d'être entouré de ses parents, le
mourant a besoin d'être entouré de ses enfants.

76
En fait, 5 garçons et 2 filles âgés de 18 et 19 ans qui fréquentent l'école St-Michel de la Commission
Scolaire de la Jonquière, aussi nommée le Centre d'éducation aux adultes.
77
Comme instructeur en art martial et eux comme mes étudiants.
78

Foi : Les parents ont tendance à transmettre à leurs enfants leurs valeurs
spirituelles qui s'expriment à la naissance par le baptême et lors de la mort
à travers le sacrement des malades et la célébration des funérailles.
Hôpital : Chez nous, généralement, autant la naissance que la mort survient en
milieu hospitalier.
Héritage : Lors de la naissance, le bébé hérite des caractéristiques génétiques, mais
aussi des biens matériels, alors que celui qui meurt transmet ce qu'il a et
ce qu'il est.
Intimité : La naissance et la mort sont deux événements qui se vivent dans l'intimité
mais qui ont des répercussions pour toute la famille.
Loi : Lors de la naissance et de la mort, il y a toujours au moins un témoin
officiel qui signer un constat, généralement le médecin.
Nourriture : Le bébé a besoin de nourriture physique pour grandir sainement et le
mourant a besoin de nourriture spirituelle pour mourir sereinement.
Partage : Tout le monde se rassemble autour du nouveau-né pour célébrer et
partager des paroles d'espoir, alors que les mêmes gens se rassemblent
autour du mourant pour se soutenir et partager des souvenirs.
Sécurité : Aux deux bouts de la vie, le passant a besoin de sécurité, il a besoin de se
sentir entouré, réconforté, emmailloté. Car il semble que le passage soit
douloureux.
Solitude : On naît seul et on meurt seul. Personne ne demande à naître et personne
ne devrait à avoir à demander de mourir.
Témoignage : À la naissance, la famille témoigne de sa joie et, lors du décès, elle
témoigne de son chagrin.

Comme il est facile de le constater, les jeunes en ont long à dire sur les deux
extrémités de la vie. Comment maintenant continuer ma démarche d'intervention ? Par
une deuxième étape, une initiation sommaire à une méthodologie.
79

5.2.2.3 Une seconde étape d'intervention : initiation sommaire à une méthodologie

Passons à la deuxième étape du projet. Lors de la même rencontre, j'ai esquissé


très brièvement sur un tableau quelques sigles de base. Après avoir expliqué aux
jeunes le but de mon travail de maîtrise, c'est-à-dire vérifier les chances d'une méthode
d'exégèse en terrain populaire, nous avons ensemble, craie à la main, esquissé des
dessins illustrant les termes dont je viens de faire mention au point précédent.

Un premier essai sommaire qui n'aura même pas duré une heure ne peut pas
prétendre déboucher sur une recette-miracle. Mais l'intérêt a été suffisamment marqué
pour que des efforts mis dans cette direction soient prometteurs. Inutile d'exposer
toutes les possibilités de structures puisque la présentation sommaire ne comportait
que l'utilisation de flèches et de deux lettres grecques, a et a>. La méthode, même
simplifiée au maximum, est riche et susceptible de capter l'intérêt des jeunes chez qui la
familiarité avec l'informatique rend plus facile l'intégration de certaines notions
mathématiques.

La naissance a pour sigle a, et la mort co. Le rapport de l'un à l'autre exprime la


durée totale de l'existence : a + œ = 2. L'enfant reçoit l'héritage de ses parents ( a"" ) et
le mourant transmet l'héritage aux survivants ( œ"* ). Le bébé a faim de nourriture
matérielle ( a} ) et le mourant qui a besoin d'une nourriture spirituelle qui l'élève ( co ).

Une autre formule structurelle intéressante concerne la notion de partage. Les


gens (a) se rassemblent (b) autour du nouveau-né (ca) pour célébrer (d) et partager (e);
les mêmes gens (a) se rassemblent (b) autour du mourant (d°) pour se soutenir dans la
peine (d1) et partager (e).

Après un brin d'explication, la formule structurelle [ (abcde)" // (abcd^e)10 ] a été


saisie et retenue par le groupe.
80

5.2.2.4 Passage de l'état embryonnaire à un projet plus consistant

En conjuguant, pédagogie et technologie, nous avons réussi un pas dans la


bonne direction. Reste l'élément manquant, l'évangile.

D'une part, nous savons que la méthode peut être simplifiée et garder toute sa
saveur pour mettre en appétit. D'autre part, nous savons aussi qu'en rejoignant ces
jeunes au cœur de leurs préoccupations, ils sont prêts à faire des grands efforts
d'apprentissage, d'analyse et de compréhension. J'en veux comme preuve les efforts
que les membres de mon groupe-témoin78 ont mis à trouver des parallélismes entre la
vie et la mort. Ainsi, s'il est bien mené, mon projet à toutes les chances de conduire à
une certaine renaissance de l'intérêt pour l'évangile.

Mon projet, pour prendre racine, doit s'inscrire dans un cadre plus structuré, à
l'intérieur même des murs de l'école. Je propose une démarche en deux étapes,
initiation et mise en rapport, mais plus précisément en six temps à la fois distincts et
interreliés. Une démarche qui présuppose une alliance entre deux départements, celui
de l'informatique79 et celui de l'enseignement religieux80.

Avec un investissement de plus ou moins une heure par semaine, mon projet
s'échelonne sur une année scolaire et ce, dès le début du niveau secondaire.

1° temps : Initiation à la lecture de l'évangile de Matthieu. Dans un espace temps


réservé à cet effet, lors d'un cours d'initiation à la lecture de la Bible par
exemple, sans tenir compte de la méthode, une insistance particulière
devra être apportée sur le début et la fin de l'évangile de Matthieu de
manière à laisser entrevoir une structure de composition81. Cette lecture

78
Voir les points 5.2.2.2 et 5.2.2.3
79
Lieu d'expression de la raison.
80
Lieu d'expression de la foi.
81
Tel que je le suggère au chapitre 3
81

de surface, ne fournissant pas toutes les réponses aux inévitables


questions, suffira, d'après moi, à mettre en appétit.

2° temps : Initiation à Power Point. Nous l'avons vu82, nous sommes dans une ère
visuelle, les jeunes grandissent dans une culture des communications, ils
en sont à la fois le produit et les producteurs. Pour les rejoindre
efficacement, un exposé magistral ou la lecture d'un livre en noir et blanc a
beaucoup moins de chance de captiver leur attention, alors c'est de ce
côté que nous devrons mettre des efforts. Power Point, comme support
d'approfondissement de la Parole, a toutes les chances de réussir puisque
la démarche d'apprentissage suppose un investissement personnel,
conformément aux principes pédagogiques mis de l'avant dans mon
chapitre de problématisation.

3° temps : Collecte de données à partir des préoccupations quotidiennes des


jeunes. Librement et dans un contexte non structuré, j'ai déjà tracé
l'esquisse d'une démarche en ce sens83. Cette étape, quoiqu'elle puisse
paraître anodine, s'avère, au contraire, être la plaque tournante vers une
application pastorale.

4° temps : Initiation à la méthode d'analyse structurelle. Grâce à une présentation


Power Point84, riche en couleurs, en dessins et en animations, les jeunes
seront amenés à apprendre et à se familiariser avec la méthode. Déjà, au
deuxième temps, ils ont reçu une formation de base qui les rend plus
critiques à Power Point. Aussi, pour rendre la participation plus
intéressante et des plus fructueuses, il faudra prévoir un climat interactif
avec des échanges verbaux fréquents. Il ne faut pas commettre l'impair de

82
Voir le point 2.2.7
83
Voir les points 5.2.2.2 et 5.2.2.3
84
Évidemment, le lecteur aura compris qu'il n e s'agit pas de faire des adolescents des apprenti-exégètes,
mais plutôt, progressivement, d e les amener à comprendre le langage de la méthode et comment, dans
une autre culture, cette manière d'écrire pouvait donner d u sens a u texte. Une méthode simplifiée et
adaptée à cette clientèle serait sans doute préférable.
82

les prendre pour des enfants, ils n'en sont plus, ils veulent avoir droit au
chapitre et il faut leur en donner l'occasion. En s'appropriant la méthode,
déjà ils seront plus autonomes, donc plus aptes à l'appliquer. Il ne reste
évidemment qu'à leur fournir de quoi aiguiser leur bec, un texte choisi,
celui de l'évangile de Matthieu.

5° temps : Mise en rapport de l'informatique, de la méthode et de la collecte de


données existentielles (naissance <-> mort). Une fois les rudiments de
la méthode acquis et les mots clés tirés de la collecte de données85, je
propose une mise en rapport de la méthode et de la collecte. Il convient de
le rappeler, avec les adolescents, il ne faut pas aller trop vite ni leur mettre
trop de pression, sous peine de les voir tourner les talons. La structure
supportant le sens, il convient, avant de plonger dans les évangiles, de
vérifier les acquis par une mise en rapport préalable, une étape essentielle
pour permettre de se familiariser avec toute la complexité de la méthode.

6° temps : Mise en rapport de l'informatique, de la méthode et de l'évangile. Les


jeux sont faits, désormais les adolescents ont entre les mains tout ce qu'il
leur faut pour entreprendre une lecture de l'évangile de Matthieu selon les
règles de la méthode. Lentement mais sûrement, les étapes successives
ont permis jusqu'ici un rapprochement des trois pôles de la mise en
rapport, informatique, méthode et évangile, avec le cœur de la foi, le
chercheur humain en quête d'un pain de vie. Ce dernier temps, tout en
servant à découvrir la richesse des évangiles, fera apparaître clairement
que Matthieu a rédigé son texte sciemment.

J'ai exposé un peu plus tôt certains mots clés86 : l'entourage, le lieu de la
naissance, l'intimité, la nourriture, le témoignage et d'autres, ces mêmes mots ne
sauront faire autrement que d'être soulevés dans un travail sur les deux extrémités de

85
Voir le point 5.2.2.2
86
Ibidem
83

l'évangile de Matthieu. Parti prenante de nos vies, Jésus Christ a inscrit avant nous son
histoire dans le grand livre de Dieu. Les parallèles avec la vie contemporaine sont
légion. L'ange qui annonce la venue et le départ, c'est le corps médical. L'enfant qui naît
pour sa mission, c'est chacun de nous dans le plan de Dieu. La présence de quelques
personnes seulement lors de la naissance et de la mort de Jésus est suffisante pour
rendre témoignage du "passage".

5.2.2.5 Conclusion

À cet âge, et puisque la démarche n'est pas encore un choix personnel, faire plus
m'apparaît difficile. Mais avant qu'ils ne soient détournés du chemin du Christ par toutes
sortes de mouvements parasitaires, de grands efforts devraient être investis dans une
nouvelle approche catéchistique de la Parole, notamment en utilisant au maximum les
procédés visuels, dont l'informatique. Tout n'a pas été découvert et encore moins dit sur
le sens des évangiles.

L'informatique au service de la pédagogie pastorale de la Parole, la raison au


service de la foi, et pourquoi pas ? Pour les adolescents, immanquablement de futurs
adultes, les possibilités de relecture et d'actualisation de la Parole sont illimitées.

5.2.3 Auprès des adultes

À contre-courant presque, alors que semble s'installer un vague à l'âme,


mystérieusement, par petits groupes, le Christ renaît. Ici, le chercheur de Dieu prend un
chemin complémentaire à la pratique dominicale, un chemin qui fait sens, celui du corps
de la Parole.

La démarche de tous ces groupes de lecture de la Bible est une solution à la


portée de toutes les paroisses, une solution qui peut être bonifiée par un usage juste de
la méthode structurelle. Rappelons simplement que l'adulte est en quête de sens, il n'a
pas besoin de se faire pousser dans le dos. Son besoin de sens est le moteur de sa
84

motivation. Un projet aussi inattendu que celui de vérifier les chances d'une méthode
d'exégèse en terrain populaire doit absolument tenir compte des caractéristiques de
l'adulte.

Nous savons que, malgré leur grand appétit de la Parole, ces adultes ne sont
pas tous prêts et disposés, socialement ou monétairement, à investir dans
l'informatique. Qu'à cela ne tienne, l'essentiel n'est pas le plat dans lequel on mange,
mais le repas lui-même. Aussi, je propose, pour les adultes, un repas santé, un repas
minceur qui permet d'enlever un peu de gras pour ne laisser que la bonne viande.

Power Point peut abondamment être utilisé par les adolescents, mais face à de
nouveaux outils, certains parmi les plus âgés se sentiront tellement diminués de ne pas
être à la hauteur qu'ils feront volte-face. Ce qui vaut pour les jeunes vaut aussi, mutatis
mutandis, pour les adultes. À chacun sa méthode.

L'évangile de Matthieu peut être lu et goûté à partir de sa structure de


composition, j'en suis convaincu. L'informatique, bien que très utile, n'a pas encore le
monopole des procédés pédagogiques. Elle ne remplacera jamais la main sur l'épaule,
la petite tape dans le dos, le coup d'œil en coin, le sourire, ou une bonne discussion de
groupe. Ici, un projet d'intervention en deux étapes me paraît souhaitable.

5.2.3.1 Amélioration et rodage de l'expérience déjà tentée à partir de Matthieu 1-2 et


26-28

Le sentiment favorable, qui a suivi la présentation faite au groupe-témoin dirigé


par Mme Chapleau87, ne peut pas tomber dans le silence et l'oubli. La parole des
participants, répondant en écho à celle de l'évangéliste Matthieu, oblige à un effort de
plus, un autre cri, celui de la Parole. Bien que l'échantillonnage ait été très restreint,
l'expérience a été positive, elle peut et elle doit avoir une suite.

87
Voir à ce sujet le chapitre 4
85

Sur une période de plusieurs mois, je propose donc de perfectionner la


présentation de la méthode simplifiée, par une succession de petites séances, devant
diverses cellules de lecteurs et lectrices d'Évangile, des groupes déjà formés ou encore
des petites communautés de religieux ou de religieuses, jusqu'à ce que la présentation
soit bien rodée.

Il ne s'agit pas de prendre toute la place à l'intérieur des réunions durant


quelques semaines consécutives : cela ne répondrait pas au besoin "pour tout de suite"
des adultes. Une seule présentation sommaire suffit pour amener les lecteurs à
incorporer à leur démarche une méthode de lecture "structurée et structurante".

Ce n'est qu'après cette première présentation, qui doit être vue comme une
occasion de relecture actuelle, que peuvent être intégrés, point par point, les sigles de
la méthode, si utiles pour visualiser ce que l'auteur entendait dire par ses écrits
organisés.

Après que le discours de la raison ait écarté de la main ce qui lui échappait, la
méthode (raison) au service de la Parole (foi) m'apparaît comme un juste retour des
choses.

Et puisque les adultes sont capables d'autonomie, je propose donc, une fois les
rudiments acquis, et non la méthode sous sa forme originale, de mettre en œuvre des
comités de liturgie signifiants, qui préparent Noël durant l'Avent ou Pâques durant le
Carême et qui mettent de l'avant des activités ou des lectures pour les assemblées
réunies pour partager le pain de vie.

Pour compléter le projet, peut-être aurait-il lieu de mettre de l'avant, un peu


partout dans le diocèse et même ailleurs dans d'autres, des groupes de lecture du
même genre. Comme les mages venus apporter trois présents, de l'or (cadeau pour les
yeux), de l'encens (cadeau pour l'odorat) et de la myrrhe (cadeau pour le palais), une
86

juste utilisation de la méthode révèle et rehausse trois trésors, la structure, le sens et la


motivation. ^

5.2.3.2 Élargissement de l'échantillonnage à l'intérieur de l'évangile de Matthieu

L'évangile de Mathieu, ce n'est pas que le début et la fin, c'est aussi tout le reste,
l'histoire, le contexte, les paroles, les guérisons et les voyages. Tout est sujet à
relecture au moyen de la méthode d'analyse structurelle, il convient de ne pas l'oublier.

Plus que jamais, le formateur, l'animateur participant dont nous avons tracé le
profil un peu plus tôt88, doit être à la hauteur de sa tâche pour en arriver à une relecture
qui colle à la peau, qui nourrit le vécu, qui transforme un étang en un ruisseau limpide,
pour finalement relancer la vie ailleurs, un peu plus loin.

Une chose est claire, le postulat "vérifier les chances de la méthode structurelle
en terrain populaire" contient les pistes de solution recherchée. Après des efforts de
synthèse et de simplification de la méthode d'analyse structurelle, après la planification
et l'amélioration d'une pédagogie d'enseignement adaptée à une clientèle adulte en
quête de sens89, après avoir acquis la sécurité et la maturité propre à toute nouvelle
approche, il faut aller un peu plus loin et ouvrir les bras, non pas pour prendre mais
pour donner à pleine main.

Avant toute chose, il faut oublier le mot performance pour le remplacer par
l'expression "prise de sens". Pour les adultes, ce qui compte, c'est de connaître pour
maintenant. Chaque rencontre doit apporter des réponses. Pas question de planifier
une formation de type académique comme je l'ai proposé pour les adolescents90, mais
plutôt d'offrir un mode de fonctionnement pouvant s'insérer sans heurt dans une
assemblée déjà constituée.

88
Voir le point 2.3.2
89
Voir le point 2.3.1 et le point 2.4.1.3
90
Voir le point 5.2.2
87

Pour réussir, mon projet d'intervention élargi a besoin d'un plan de travail bien
élaboré et d'objectifs clairs. Je propose dans un plan d'ensemble, une lecture des divers
parallélismes exposés plus tôt91, tableau par tableau.

Je ne crois pas utile de devoir exposer toute l'argumentation qui suivait chacun
des tableaux proposés. Toutefois dans le cadre de ses présentations, l'animateur
pourra s'en inspirer pour mettre en appétit et même, c'est souhaitable, y aller de ses
propres intuitions. Il ne manque aux adultes qu'un petit coup de pouce pour les mettre
en route. Ils n'ont pas besoin de se faire prendre par la main. Après l'élan initial, pour
eux, la roue tourne toute seule.

Soigneusement préparée, chacune des présentations doit tenir compte de


révolution des membres de chacun des groupes concernés. Il ne s'agit pas de faire
démarrer tout d'un coup, au son de la trompette, cinquante groupes différents, mais de
s'attarder, cas par cas, aux intérêts particuliers des membres et du groupe.

Bien que je sois un ardent promoteur du procédé informatique Power Point, je


sais très bien également que les lieux de rencontre de lecture biblique sont souvent mal
équipés en informatique, sinon pas équipés du tout.

Pour susciter l'intérêt et développer l'autonomie des personnes rencontrées,


l'utilisation d'un projecteur pour acétates me paraît la solution la plus envisageable.
Choix qui repose sur quelques observations rapides : présence quasi assurée d'un
projecteur dans toutes les paroisses, facilité de fonctionnement d'un appareil plus
accessible que l'informatique, possibilité pour les participants de monter chez eux leurs
propres acétates, modifications ou ajouts en cours de présentation sans complication,
reproductions des originaux à peu de frais, sans parler du classement et du transport
facile des acétates qui peuvent, après avoir passé le test du groupe, prendre le chemin
de nos églises pour illustrer certaines homélies, ou encore certains temps forts
liturgiques, notamment les rites de passage.

91
Voir le chapitre 3
88

5.3 Conclusion

II faut être réaliste, la méthode d'analyse structurelle a toutes les chances de


faire sa place en terrain populaire en se simplifiant volontairement pour pénétrer les
couches auxquelles elles entend s'attaquer.

Très simplement, dans les mains d'un animateur compétent et motivé, une
lecture de surface peut faire surgir des liens de sens branchés aux préoccupations
quotidiennes. La méthode d'analyse structurelle peut nourrir la foi par la raison.
89

Conclusion

Comme l'indique le titre de mon mémoire, c'est ici que se jouent les chances
d'une méthode d'exégèse en terrain populaire. Si on ne peut coudre une pièce de
vêtement neuf sur du vieux sans risquer une déchirure92, on peut certainement
s'acheter un pantalon neuf et le porter avec fierté et dignité sans nécessairement jeter
le vieux.

En révélant le sens caché, ici et là, entre les deux extrémités de l'évangile de
Matthieu, la méthode structurelle a, d'après moi, fait la preuve qu'elle a sa place en
terrain populaire et non plus seulement dans le giron exégétique.

Je ne prétends pas avoir couvert d'une manière exhaustive toute la panoplie de


possibilités pédagogiques possibles. Lors d'une retraite aux évêques du Québec93, déjà
Marc Girard s'était longuement et magnifiquement penché sur le dossier «Bible et
mission de l'Église».

Dans Matthieu 4,1-4, Jésus s'adresse à tous, individuellement et collectivement


en répondant au tentateur : "Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute
parole qui sort de la bouche de Dieu." Mais encore faut-il que la nourriture soit attirante
par la présentation, par l'odeur et par le goût. Si les plus jeunes raffolent de la poutine,
les aînés aiment encore mieux certains mets traditionnels. Il y a de la place pour les
deux, dans le respect et dans l'amour du Christ. Il faut éviter de foncer tête baissée.
Tout n'est pas bon à jeter. Il se fait de belles choses.

Comme le soulignait Marc Girard, la méthode est rendue à l'âge d'un jeune
adulte. Jeter les bases d'une école94 suppose la conception, la naissance, la survie, la
compréhension et la diffusion. En joignant évangiles (foi) et méthode (raison), tous les

92
Cf. Mt 9,16.
93
G I R A R D , Marc, La mission de l'Église au tournant de l'an 2000 : un chemin de discernement basé sur
la Parole de Dieu : retraite aux évêques du Québec, Montréal, Médiaspaul, 1997, c1998, 311 p.
94
GIRARD, Marc, Les psaumes redécouverts, p. 29-30
90

ingrédients sont réunis pour le banquet. Il ne manque que les convives, alors : "Allez au
départ des chemins, et conviez aux noces tous ceux que vous pouvez trouver95".

95
Cf. Mt 22,9
VIII

Annexe A
LES SIGLES UTILISÉS...

...pour l'énumération simple


a,b,c,d,e... chaque lettre désigne un terme différent
...pour la répétition
a+a+a+a = a la même lettre est reprise
...pour la synonymie
a+a'+a"+a'"= a (') prime, (") seconde et ('") tierce, sont des accents
utilisés après chacun des termes d'une enumeration pour
désigner chacun des synonymes
Exemple : Formule structurelle :
« la terre, le monde, l'univers et le cosmos » a + a'+ a"+ a"'= a

...pour l'antithèse
a désigne l'ensemble
-a négation d'une affirmation est rarement utilisé
(a)"1 exprime l'idée d'antithèse
Exemple : Formule structurelle :
« le visible et l'invisible » a + (a)"1
« le ciel et la terre »
« la lumière et les ténèbres »

...pour une inclusion


A, B chacune des lettres majuscules représente un pôle de l'inclusion
le pointillé indique la présence d'une section inter-polaire
Exemple : Formule structurelle :
« Dieu, c'est le créateur, la main du potier, A...A
c'est Dieu »
IX

Annexe B
LES SIGLES UTILISÉS...

...pour la synthèse de type polaire :


a alpha, indique le premier pôle extrême
co oméga, indique l'autre pôle extrême
li mu, indique le pôle médian si besoin
I sigma majuscule, indique la s o m m e , la totalité, l'idée du tout d'une
réalité totale
<-> indique le plan horizontal
t indique le plan vertical

Exemple : Formule structurelle :


« le ciel et la terre » a + co = S
« d u levant et du couchant »
« le ciel, la mer et la terre » a + (i + co = 2
« Et toute créature, (a co ) î + (a co )** = 2
dans le ciel et sur la terre,
et sous la terre et sur la mer,
l'univers entier »
Annexe C
LES SIGLES UTILISÉS...

...pour la synthèse de type bidirectionnel :


î exprime la montée
i exprime la descente
-» exprime l'idée d'aller
<- exprime l'idée de retour
t+4r exprime le mouvement montée/descente
exprime le mouvement aller/retour
indique la totalité du mouvement

Exemple : Formule structurelle :


« monter au ciel î +l = S
et descendre sur terre »
« regarder le ciel
à l'aller et au retour »
XI

Annexe D
LES SIGLES UTILISÉS...

...pour la synthèse de type sommatif :


a désigne l'ensemble
(p)a désigne l'ensemble-puissance qui contient tous les sous-ensembles
I indique la totalité

Exemple : Formule structurelle :


« la terre et tout ce qu'elle contient » a + (p)a = S
XII

Annexe E
LES SIGLES UTILISÉS...

...pour la synthèse de type partitif :


a désigne l'ensemble

(p)a ou atout Pensemble-puissance qui contient tous les sous-


ensembles

<(p)a ou apartie désigne un sous-ensemble restreint de l'ensemble

£ indique la totalité

Exemple : Formule structurelle :


« la terre et les humains » a + <(p)a = S
a tout + gpartie _ 2
XIII

Annexe F
LES LETTRES UTILISÉS
minuscules, majuscules, italiques, grasses
Les lettres minuscules maigres ordinaires
S'appliquent au niveau des syntagmes et des phrases [parallélismes courts].
Bien entendu, nous prenons les minuscules régulières comme caractère de base,
c'est-à-dire neutre, structurellement parlant.

Les lettres majuscules maigres ordinaires


• Composent la formule au niveau des ensembles ou des sous-ensembles plus
développés.
• Elles sont utilisées pour mettre en évidence certains mots-liens : les récurrences
et les liens de mots synonymes

Les lettres majuscules maigres italiques


Dans un texte bref, elles indiquent les principaux éléments de la maxi-structure.
Dans un texte long, elles signalent les liens de mots à l'intérieur de chaque section.
Elles aident le lecteur à repérer tout de suite, et les concaténations, et les indices de
mini-structures

Les lettres majuscules en gras ordinaires


Elles indiquent les liens maxi-structurels les plus importants.
Dans un texte court, formant par exemple un grand diptyque, nous réservons ce type
de caractères aux indices d'inclusion.
Dans un texte long, elles signaleront la grande inclusion, tous les liens inter-
sectionnels et ceux qui tissent la maxi-structure.

Pour les grandes structures


Les lettres du début de l'alphabet, ABCD..

Pour les mini-structures


Les lettres finales de l'alphabet .. .XYZ

Pour les structures de deuxième niveau


Les majuscules italiques ABCD...

Pour une micro-unité qui ne se réduit pas à un simple parallélisme de phrases


Nous puisons au milieu de l'alphabet les signes conventionnels requis, MNO...
XIV

Annexe G
LES SORTES DE TABLEAUX UTILISÉS

Figure 1 Figure 5 Figure 6


diptyque à séquence régulière diptyque à séquence diptyque à séquence
A A chiastique chiastique avec
B B A pointe émergente
C C A
^ B
D D

D
Figure 2 D
diptyque à séquence régulière
avec pointe émergente
A A
B B \l / D
D
C C
D D
E \J, B \J, B
A A
Figure 3
diptyque à séquence chiastique Figure 7
r
i A A /h triptyque
i
i
B L B i A A A
i C C i B B B
i
Ni/ D D C C C
D D D
Figure 4
diptyque à séquence chiastique
avec pointe émergente Figure 8
A A tétraptyque
B B A A A A
C C B B B B
D D C C C C
E D D D D

Figure 9 Figure 10
parallélisme climactique parallélisme climactique
en triangle rectangle en palier

a b a b
a b c1 b c
a b c d c d
XV

Annexe H
Au 1 ier niveau : Le syntagme ( le mot )
[lexemes consécutifs coordonnés, formant une unité]

Au 2 lème niveau : Les phrases ( les parallélismes courts )


[phrases consécutives coordonnées, formant une unité];

Au 3 lème niveau : Les ensembles ( les parallélismes longs )


[portions de textes consécutifs constitués en système et formant une unité].

LES NOMBRES DE RAPPORTS

Au 1 ier niveau : l'hendiadys


l'hendiatris
l'hendiatetris

Au 2ième niveau : parallélisme binaire


parallélisme ternaire
parallélisme quaternaire

Au 3ieme niveau : diptyque


triptyque
tétraptyque
XVI

Annexe I
LES RAPPORTS DE SENS

Au 1 ier niveau : répétition


synonymie
antithèse
expression holistique
" " de type polaire
" de type bidirectionnel
" " de type sommatif
de type partitif

Au 2lème niveau : parallélisme répétitif


parallélisme synonymique
parallélisme antithétique
parallélisme synthétique de type polaire
" " de type bidirectionnel
" " de type sommatif
de type partitif

Au 3ième niveau :
Tableau à récurrences : Tableau à rapports synonymiques :
diptyque diptyque
triptyque triptyque
tétraptyque tétraptyque

Diptyques à rapports antithétiques. Inclusion par mode :


de récurrence
Tableau à rapports synthétiques : de synonymie
de type polaire d'antithèse
de type bidirectionnel de synthèse
de type partitif de jeu de mots

Concaténation par mode : de récurrence


de synonymie
d'antithèse
de synthèse
de jeu de mots
d'assonance
XVII

Annexe J
LES RAPPORTS DE FORME

Au 1 niveau : simple coordination de répétition


de synonymie
d'antithèse
de synthèse
de jeu de mots

Au 2ième niveau et au 3lème niveau :

Parallélisme régulier abc//abc ABC//ABC


Parallélisme régulier à pointe émergente abc/d/abc ABC/D/ABC
Parallélisme chiastique abc//cba ABC//CBA
Parallélisme chiastique à pointe émergente abc /d / cba ABC /D/CBA
Parallélisme climactique en triangle ab//abc//abcd ab//abc//abcd
Parallélisme climactique en palier abc//bcd//cde abc//bcd//cd
Parallélisme asymétrique ab //acb abc//acb
XVIII

Annexe K
EXEMPLES DE MOTS DIFFICILES

1. Analyse structurelle : Procédé d'analyse du texte à partir de la structure qui


permet de passer de la structure au sens.

2. Le balisage : Opération structurelle qui consiste à unifier un texte ou une portion


de texte par des signaux aisément repérables, posés d'un bout à l'autre ou en
position stratégique.

• L'anaphore : Procédé qui consiste à répéter un même mot en tête de


plusieurs phrases consécutives.
• Le refrain : Suite de mots revenant deux ou plusieurs fois dans un texte,
à intervalles plus ou moins réguliers.
• L'acrostiche alphabétique : Procédé qui consiste à répartir tout le texte
selon l'ordre des lettres de l'alphabet.

3. Chiasme, et son adjectif chiastique : du grec (chiasmos), croisement.


Désignent un arrangement en diagonale, d'une manière transversale, qui s'écrit
comme un X.

4. Climactique : du grec (klimax), échelle, escalier. Désigne un arrangement en


forme de palier.

5. Concaténation : du latin (catena), chaîne, enchaînement. Il s'agit ni plus ni


moins de points de suture intentionnels qui cousent ensemble deux portions d'un
texte court ou long.

6. Diptyque : (di = 2, tri = 3, tetra = 4) du grec (diptuchos), plié en deux. Œuvre


littéraire composée de deux parties qui s'opposent ou se mettent en valeur par
contraste.

7. Hendiadys : (dys = 2, tris = 3, tetris = 4) du grec (hendiadis), un au moyen de


deux. Figure de rhétorique consistant à remplacer un nom déterminé par un
adjectif ou un complément par deux noms coordonnés.

8. Holistique : du grec (holos), tout entier. Procédé qui consiste à décrire une
totalité par enumeration, par la mention de ses composantes ou par l'utilisation
de symboles numériques.

9. Homographie : du grec (homo-), même, et (grapho), écrire. Il s'agit de deux


termes qui s'écrivent de la même manière mais qui peuvent être sans aucun lien
de sens.
XIX

lO.Homophonie : du grec (homo-), même, et (grapho), écrire. Il s'agit d'un rapport


entre deux mots qui ont une prononciation respectivement identique

11. Homéographie : du grec (homoio-), semblable, et (grapho), écrire. Il s'agit d'un


rapport entre deux mots dont la graphie est respectivement voisine, sans qu'il y
ait le moindre lien sémique.

12.Homéophonie : du grec (homoio-), semblable, et (grapho), écrire. Rapport entre


deux mots qui ont une prononciation ressemblante.

13. Homosémie : du grec (homo-), même, (semantikos), relatif au sens. C'est-à-dire


une quasi-équivalence de sens.

14. Lexeme : du grec (lexis), mot. Élément significatif appartenant au lexique et non
à la grammaire.

15. Sémantique : du grec (sèmeïon) sens, et (tikto), produire, ce qui est relatif et
qui donne du sens.

16. Syntagme: du grec (suntagma), constitution, élément ou groupe d'éléments


formant une unité.

17.Syntaxe: du grec (syntaksis), ordre, ce qui a trait à la forme, les règles de


l'écriture.
XX

Bibliographie : volet théologique

AUFFRET, Pierre, Quatre psaumes et un cinquième. Étude structurelle des psaumes 7-


10 et 35, Paris, Letourney et Ané, 1992, 273 p.

CARREZ, Maurice, Nouveau Testament interlinéaire grec/français, Traduction par


Société Biblique française 1992, Swindon, Angleterre, 1993, 1187 p.

CHARPENTIER, Etienne, Pour lire le nouveau testament, 11 ième édition, Paris, Éditions
du Cerf, 1992, 127 p. ; ill.

DAVIES, William David, ALLISON, Dale C. Jr., A critical and exegetical Commentary on
the Gospel according to Saint Matthew, Edinburg, ICC, T. & T. Clark, 1988-1997, 3 vol.

DUCROT, Oswald, Le structuralisme en linguistique, Paris, Éditions du Seuil, 1968,


[Points, Sciences Humaines, 44], 123 p.

DUSSALUT, Louis, Synopse structurelle de l'Épître aux Hébreux; approche structurelle,


Préface de Maurice Carrez Paris, Éditions du Cerf, 1981, 202 p.

DUHAIME, J. et MAINVILLE, O. éd., Entendre la voix du Dieu vivant. Interprétations et


pratiques actuelles de la Bible, Montréal-Paris, Médiaspaul, [Lectures Bibliques, 41],
1994,367 p.

EBAF, Les quatre évangiles à l'usage du peuple chrétien : traduction de la Bible de


Jérusalem et tables nouvelles des textes évangéliques selon l'ordre de l'enseignement
chrétien, Paris, Éditions du Cerf, 1960, 382 p.

ÉGLISE CATHOLIQUE. ASSEMBLÉE DES ÉVÊQUES DU QUÉBEC. Comité de


recherche. Institut de pastorale (Montréal). Risquer l'avenir: bilan d'enquête et
prospectives, Montréal, Fides, [L'Église aux quatre vents], 1992, 227 p.

FATTAL, Michel, Pour un nouveau langage de la raison : convergences entre l'Orient


et l'Occident, Préface de Pierre Aubenque, Bibliothèque des archives de philosophie,
[Nouvelle série ; 50], Paris, Beauchesne, 1987, 112 p.

FREY, Louis, Analyse ordinale des évangiles synoptiques, [Mathématiques et sciences


de l'homme ; 11], Paris, Mouton, 1972, 383 p.

GIRARD, Marc, Les psaumes redécouverts. De la structure au sens. 2e édition revue et


corrigée, Montréal-Paris, (Bélarmin-Cerf), 1996, 3 vol.

GIRARD, Marc, Les psaumes. Analyse structurelle et interprétation (Ps 1-50), Montréal-
Paris, (Bélarmin-Cerf), 1984
XX!

GIRARD, Marc, La mission de l'Église au tournant de l'an 2000 : un chemin de


discernement basé sur la Parole de Dieu : retraite aux évêques du Québec. Montréal,
Médiaspaul, 1997, c1998, 311 p.

GOULDER, Michael D., Midrash and Lection in Matthew, London:SPCK, 1974.

HAKHAM, Amos, Sefer Tehillîm, Mossad Harav Hook, Jérusalem, 1.1

HARRINGTON, Wilfrid J., Nouvelle introduction à la bible, Traduit de l'anglais par


Jacques Winandy. Préface de Roland de Vaux, Paris, Éditions du Seuil, 1971, 1125 p.

JEREMIAS, Joachim, Théologie du Nouveau Testament 1. La prédication de Jésus,


Traduit de l'allemand par J. Alzin et A. Liefooghe, [Lectio Divina, 76], Paris, Cerf, 1973,
420 p.

LA BIBLE DE JÉRUSALEM, La sainte Bible. Traduit en français sous la dir. de L'École


biblique de Jérusalem. Paris, Éd. du Cerf, 1996, 1844 p.

LÉON-DUFOUR, Xavier, Dictionnaire du Nouveau Testament. 2e édition revue [Parole


de Dieu], Paris, Éditions du Seuil, 1975, 569 p., cartes.

LÉON-DUFOUR, Xavier, Dictionnaire du Nouveau Testament. Nouvelle édition revue et


corrigée [Livre de vie], Paris, Éditions du Seuil, 1996, 570 p., cartes

LÉON-DUFOUR, Xavier, Études d'évangile. [Parole de Dieu], Paris, Éditions du Seuil,


1965,396 p.

MARCHADOUR, Alain, Les évangiles au feu de la critique, Paris, Bayard Éditions/Le


Centurion, 1995, 187 p.

MELLO, Alberto, Évangile selon saint Matthieu : commentaire midrashique et narratif /


Alberto Mello ; traduit de l'italien par Aimée Chevillon. Evangeleo secondo Matteo,
Paris, Cerf, [Lectio Divina; 179], 1999, 508 p.

MEYNET, Roland, L'analyse rhétorique : une nouvelle méthode pour comprendre la


Bible, Paris, Cerf, 1989, 347 p.

MEYNET, Roland, Initiation à la rhétorique biblique ; qui donc est le plus grand ? Paris,
Éditions du Cerf, [Initiations], 1982, 347 p. + bibliographie

MEYNET, Roland, Quelle est donc cette Parole ?; lecture rhétorique de Luc (1-9, 22-
24), Préface de Georges Mounin, Paris, Éditions du Cerf, [Lectio Divina, 99], 1979, 2vol.

PATTE, Daniel et Aline, Pour une exégèse structurale, Paris, Éditions du Seuil, [Parole
de Dieu], 1978,251 p.
XXII

STANTON, Graham, The origin and purpose of Matthew's Gospel : Matthean


scholarship from 1945-1980, Aufstieg und Niedergang der romischen Welt 11.25.3 :
1889-1951.

TASSIN, Charles, L'évangile de Matthieu, Commentaire pastoral, Paris, Éditions du


Centurion, 1992, c1991, Outremont, Québec ; Novalis Centurion, 1991, 304 p.

TOB, La bible, Paris, Éditions du Cerf, 1977, 1731 p. ; ill.

The Greek New Testament, Fourth Revised Edition, Germany, Biblia-Druck, D-


Stuttgart, 1994, 918 p. ; ill.
XXIII

Bibliographie : volet pédagogique


ALBERICH, Emilio, BINZ, Ambroise, Adultes et catéchèse, Éléments de méthodologie
catéchétique de l'âge adulte, Montréal-Paris-Bruxelles, Novalis-Cerf-Lumen Vitae 2000,
253 p.

BASTIEN, Hermas, La motivation et l'apprentissage, Montréal, Institut Pédagogique


Saint-Georges, 1964, 311 p.

BINZ, Ambroise, Pour une didactique des adultes dans le champ ecclésial: références
théoriques, axes, réalisations, Paris, Desclée 1990, [Personne, société et formation],
(Cahiers de l'Institut supérieur de pastorale catéchétique 5)

CARRÉ, Philippe éd., CASPAR, Pierre éd., Traité des sciences et des techniques de la
formation /sous la dir. de Philippe Carré et Pierre Caspar, Paris, Édition Dunod, c1999,
512 p.

Colloque international «obstacle épistémologique et conflit socio-cognitif», BEDNARZ,


Nadine, GARNIER Catherine, Construction des savoirs : obstacles et conflits, sous la
direction de Nadine Bednarz et Catherine Gamier, Montréal, Agence d'Arc, C1989,
Montréal, Université du Québec à Montréal, Centre interdisciplinaire de recherches sur
l'apprentissage et le développement en éducation, 398 p. ; ill.

DEGUIRE, Carole, Intégration des adultes aux études à temps plein / Carole Deguire ;
avec la collaboration de Hélène Duval, Maurice Lévesque, Salah Zaabat, Montréal,
Édition Collège de Rosemont, 1996, 200 p. ; ill.

FLYNN, Jean-Marc, L'adaptation d'adultes aux études universitaires : une étude des
forces en présence chez des étudiants inscrits a un enseignement en histoire de l'art à
l'Université du Québec à Chicoutimi / par Jean-Marc Flynn ; Chicoutimi : Éd. Université
du Québec à Chicoutimi, 1993 ; [Université du Québec a Chicoutimi. Mémoire de
maîtrise; 441]

GIGUERE, Paul-André, BËLLEFLËUR-RAYMOND, Denise, TOUPIN, Bruno, Quand un


adulte veut apprendre, Ottawa, Novalis C1985, Montréal, Office de catéchèse du
Québec, [Dossiers d'andragogie religieuse ; 9], 48 p. : ill.

GIGUERE, Paul-André, BELLEFLEUR-RAYMOND, Denise, GRAVELINE, Roger,


TOUPIN, Bruno, Comment stimuler et soutenir la motivation?, Ottawa, Novalis, 1982,
Montréal, Office de catéchèse du Québec, [Dossiers d'andragogie religieuse; 4], 47 p. ;

GIGUERE, Paul-André, BELLEFLEUR-RAYMOND, Denise, TOUPIN, Bruno,


Éducateurs de la foi: compétences et convictions?, Ottawa, Novalis, 1982, Montréal,
Office de catéchèse du Québec, [Dossiers d'andragogie religieuse; 10], 48 p. ; ill.
XXIV

GLASSER, William, Choisir d'apprendre : la psychologie du choix en classe. Control


theory in the classroom, Montréal, Éditions Logiques, [Réalisation], 1998, 160 p.

LABELLE, Jean-Marie, Université et éducation des adultes, Préface de Bertrand


Schwartz, Paris, Éditions d'Organisation, 1977, 212 p.

LAFORTUNE, Louise, Collège André-Laurendeau, Adultes, attitudes et apprentissage


des mathématiques, LaSalle, Édition Cégep André-Laurendeau, 1990, 153 p.

LAFORTUNE, Louise, Dimension affective en mathématiques : recherche-action et


matériel didactique /Louise Lafortune, Mont-Royal, Édition Modulo, C1992, [Spirale ; 1],
170 p.

LOSONCY, Lewis E., L'art de motiver les gens. Autre titre: Turning people on, Saint-
Hubert, Québec, Éditions un Monde Différent, [Motivation et épanouissement
personnel], 1984, 200 p.

MARCHAND, Louise, L'apprentissage à vie. La pratique de l'éducation des adultes et


de l'andragogie, Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 1997, 183 p.

MILLER, Francois, L'enseignement aux adultes, Québec, Édition Université Laval,


1984,79 p.

NUTTIN, Jozef, Théorie de la motivation humaine : du besoin au projet d'action /Joseph


Nuttin.. - 2e édition remaniée et augmentée, Presses universitaires de France, Paris,
c1980, [Psychologie d'aujourd'hui ], 1985, 383 p.

PETITPAS, Jean-Guy, GAGNE, Paul-André, BOUCHER, Guy, Régie des assurances


agricoles du Québec, Ministère de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.
Comment motiver, mobiliser et responsabiliser mon personnel, Québec, Édition La
Régie, Le Ministère, [Profession gestionnaire], 1994, 35 p.

REBOUL, Olivier, Introduction à la rhétorique. Théorie et pratique. 2e édition corrigée,


Paris, Presses universitaires de France, [Premier cycle], 1991, 242 p.
XXV

Bibliographie : volet animation


RICHARD, Bruno, Psychologie des groupes restreints, Cap-Rouge, Québec, Presses
Inter Universitaires, 1996, 138 p. ill.

ST-ARNAUD, Yves, Les petits groupes, participation et communication. Montréal,


Québec, Éditions du CIM, 1989, 176 p. ill.
XXVI

Autres références

http://unbound.biola.edu/index.cfm?lanq=Enqlish

hht://www.ukv.edu/cqi-bin/cqiwrap/~scaife/anrw?stanton
XXVII

Abréviations

EBAF : ÉCOLE BIBLIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE FRANÇAISE,


TOB : TRADUCTION ŒCUMÉNIQUE DE LA BIBLE
UQAC : UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À CHICOUTIMI
XXVIII

Commentaires

Introduction

En ouvrant une brèche dans l'évangile de Matthieu au moyen de l'analyse


structurelle, j'ai tenté de comprendre un peu plus en profondeur le sens de la Parole. Le
point qui ressort principalement, c'est que La Bible n'est pas un livre desséché, elle est
vivante.

Porteur de très nombreuses questions et en quête de sens, je me suis attaqué à


l'évangile de Matthieu avec ma raison. À mesure que je découvrais un plan de rédaction
probable1, l'analyse structurelle, devenu un outil de lecture indispensable, apportait des
réponses, mais aussi, elle soulevait de la poussière et relançait la recherche.

Je garde la sensation d'avoir défriché un terrain2 avec un outil tranchant3 dont je ne


mesure pas encore toute l'efficacité. Il est vrai que je m'attendais à certaines réponses,
mais certainement pas à contribuer à l'avancement des connaissances sur le premier
évangile. Je ne cherchais pas pour les autres mais pour moi. J'avais faim d'un pain de
vie qui me nourrirait, et ce que j'ai découvert contient suffisamment de levain pour
nourrir ma raison et ma foi.

Que l'évangile de Matthieu est été le fait d'un seul homme, ou d'un travail collectif,
ne change pas grand chose pour moi, là où j'en suis. En fait, je garde au moins une
conviction, que le sens de certains parallélismes demeure à découvrir et à actualiser.

Pour peu que des formateurs compétents et responsables4 osent risquer de prendre
un nouveau chemin, celui de l'actualisation de la Parole au cœur de nos vies, la raison

1
Le lecteur comprendra ma prudence, car il semble que mon hypothèse n'est pas quelque chose qui fait
l'unanimité parmi les exégètes et les biblistes.
2
L'évangile de Matthieu
3
L'analyse structurelle
4
Un pain est un pain, et pourtant il se trouve toujours à quelque part un boulanger qui se démarque par
l'arôme ou la qualité du goût qu'il a su développer.
XXIX

deviendra la servante de la foi et non son ennemie. Le peuple de Dieu, mis en appétit
de la Parole, trouvera pitance dans la Bible.

1. Si c'était à refaire ?

Les écueils furent si nombreux, que si c'était à refaire, il est fort probable que je
m'y prendrais différemment pour aborder un sujet aussi difficile que celui d'allier le
double discours de la raison et de la foi dans un objectif commun, celui de nourrir la
quête de sens du chercheur de Dieu par la Parole. Proposer de mettre la raison au
service de la foi me semble encore un sujet tabou, comme si la raison ne pouvait
cautionner la foi mais plutôt la limiter, la restreindre ou même l'annihiler.

Je retiens quelques éléments intéressants, le besoin de rigueur, d'humilité, de


patience et de courage, ainsi que la pertinence de la recherche.

1.1 De la rigueur

La rigueur est sans doute l'élément le plus important de tout le processus, de la


collecte de données, à la remise du mémoire.

1.1.1 La rigueur intellectuelle

II était parfois tentant de sortir du sujet principal de mon travail de recherche pour
explorer de nouvelles avenues, tellement le champ des possibilités était vaste.

La seule manière possible pour moi d'atteindre un objectif précis ou pour le moins
acceptable, a été de m'imposer une rigueur intellectuelle. C'est ainsi que j'ai dû à
plusieurs reprises, restreindre mon champ d'intérêt qui allait en s'elargissant au lieu de
se diriger vers le goulot de l'entonnoir. Comme un enfant qui découvrait le monde, mon
premier plongeon dans les univers de l'exégèse, des études bibliques, de l'analyse
structurelle, de l'animation de groupes, de la pédagogie et de l'andragogie me donnait
XXXI

intellectuelle me ramène à l'ordre, et que le ton scientifique, sec, que devrait prendre un
tel travail ne cadre pas avec le style que j'ai voulu lui donné. Impossible aussi, parce
que mon travail n'en est pas celui d'un d'exégète ou d'un bibliste mais celui d'un croyant
qui cherche un outil pour comprendre et pour savoir.

1.1.4 La rigueur dans les termes

Comment s'imposer un travail d'une rigueur de tous les instants sans se plier à
l'obligation de suivre et d'utiliser un vocabulaire créé pour rendre adéquatement le sens
désiré par telle ou telle expression ?

À quelques reprises, mon directeur de maîtrise, M. Marc Girard, m'a ramené à


l'ordre en corrigeant un mot ou une expression qui me semblaient claires et qui, de fait,
auraient été incompréhensibles, pour un lecteur néophyte.

1.2 De l'humilité

Je sors de cet exercice de mémoire plus humble que jamais face aux praticiens
d'une science que j'ai pu, à une certaine époque, regarder de haut. Je parle ici, des
théologiens de tous acabits.

Ce faisant, je jette un coup d'œil différent sur le monde de la théologie, un discours


sur Dieu. J'aurai au moins acquis la certitude que la foi est pour plusieurs une
expérience vivante, autant qu'elle peut être pour d'autres un choix, une théorie ou une
révélation. Après tout, la foi est quelque chose qui engage, qui met en marche. Elle
peut tout aussi bien être abordée par la raison, que par l'expérimentation, que par les
deux à la fois, car selon mon propre cheminement, la foi ne se dissipe pas sous les pas
du chercheur de vérité, du Christ, de Dieu. Devant la prise de sens qu'elle apporte, et
dans le respect du cheminement de chacun, j'accepte mieux le choix des autres, tout en
demeurant convaincu de la justesse de ma propre position.
XXXII

Sur le sujet de l'humilité, je retiens également qu'il ne faut pas craindre d'avouer son
erreur, ses faiblesses ou son ignorance, car nul ne peut tout savoir. Ainsi, à quelques
reprises, alors que je croyais faire une découverte extraordinaire, je devais baisser la
tête devant la somme de textes publiés sur le sujet et jusque là inconnus de moi.

1.3 De la patience et du courage

La rédaction d'un mémoire n'est pas l'ouvrage de quelques mois, c'est un travail de
longue haleine qui doit finir un jour.

Rédiger, c'est vivre dans un univers de paradoxe. C'est comme de nager entre deux
eaux, entre ce que je veux dire et ce que je peux dire, c'est prendre tout le temps qu'il
faut mais dans un laps de temps restreint. C'est aussi une occasion unique de jouir de
la liberté de parole dans un cadre pourtant rigide. C'est finalement un lieu où il faut
choisir entre deux mots ou deux idées.

Il en faut de la patience pour se rendre jusqu'au terme de la remise, mais encore


plus, il faut du courage pour avancer une position qui ne correspond peut-être pas tout
à fait à celle que l'on attendait du rédacteur.

Je retiens, qu'il faut dans certains cas une bonne dose de courage pour sortir un
peu de la tradition et oser proposer une mise en route différente.

1.4 De la pertinence

J'ai cru dénoter un piège au sujet de la pertinence de la recherche, car ce qui peut
apparaître pertinent pour un ne l'est peut-être pas pour tous.

Mon travail m'a amené à comprendre que la rigueur doit s'étendre jusque dans le
choix du sujet. Sans cette rigueur extrême, ne peut régner que le chaos et le floue.
XXXIII

Impossible d'étayer une argumentation saine sans une pertinence de niveau


primaire5 et secondaire6.

2. Des précisions

Avant de répondre aux commentaires des correcteurs, je crois utile de devoir


rappeler un fait important. Mon travail n'avait pas pour objectif premier de démontrer
que l'évangile de Matthieu était construit d'une manière concentrique ou d'une toute
manière prédéterminée, mais plutôt de vérifier si la méthode d'analyse structurelle
pouvait aider à actualiser la Parole de Dieu pour le peuple des croyants en quête de
sens.

J'aurais pu, comme d'autres, m'attaquer aux psaumes, mais le terrain a déjà été très
largement défriché par des mains de maîtres. Ma contribution, si cela était encore
possible, n'aurait pu être que d'ajouter une goutte d'eau à la mer des connaissances.

3.1 Un centre mouvant

Si j'avais eu à prendre une position ferme quant au centre possible de l'évangile de


Matthieu, en supposant cela possible, j'aurais sans doute proposé un centre se situant
quelque part entre Mt 11,2 et Mt 11,5.

Puisque en Mt 11,2-3, Jean (A) envoie (->) ses disciples (A1) vers (->) Jésus (B) et
demande une confirmation (C) s'il est celui qui est attendu (i). À l'inverse Mt 11,4-5
nous présente Jésus (B) retournant (-*) les disciples de Jean (A1) vers (->) lui (A) pour
lui confirmer (C) que la Bonne Nouvelle est annoncée (t). L'un et l'autre se répondant
par les disciples de Jean. Une possibilité de centre encore plus flagrante lorsque les
deux segments sont présentés sous la forme d'un parallélisme.
(A A1 B)^ & II (B A1 A)* CT

5
Le sujet de la recherche
6
Les exemples choisis
XXXV

Conclusion

Alors qu'au niveau du baccalauréat, je ne portais pas une grande importance à la


rigueur de la présentation, aujourd'hui, il m'est quasi impossible de présenter un travail
sans une référence précise ou une note de bas de page. À tel point que je suis devenu
une ressource pour certains travaux d'étudiants7 de premier cycle.

J'ai déjà commencer une vaste revue de littérature dans le cadre de mon projet de
doctorat, et ici encore, la formation reçu m'est du plus grand secours pour annoter,
classer ou ficher une idée, un paragraphe ou simplement un livre.

Plus confiant que jamais en mes connaissances et en mes compétences, je ne me


sens plus obligé de partir en guerre. J'ai appris à relativiser mes connaissances, à faire
preuve de modestie et à toujours opérer un retour critique face à ma propre opinion.

La somme des efforts déployés pour mener à terme mon mémoire, me force à
encore mieux me positionner, quant aux études de doctorat que j'entends entreprendre
dans les mois qui suivent.

Force m'est d'admettre que pour faire ma place dans l'univers de la théologie8, je
dois montrer patte blanche. Aussi, le peu que je pouvais apporter, je crois l'avoir fait.
D'autres auront peut-être l'ardeur qui me manque, pour défricher un peu plus, le riche
terrain des évangiles.

Ce qui compte maintenant, c'est de mettre à profit mes aspirations profondes. Je


n'ai nul doute qu'avec les compétences acquises, par un enseignement de grande
qualité, je saurai mener ma barque à quai.

7
En fait, quelques étudiants de premier cycle du baccalauréat en enseignement m'ont demandé de
vérifier si la présentation de leurs travaux correspondait aux attentes de l'UQAC.
8
Un monde bien particulier où la foi chrétienne a déjà été raisonnée et dogmatisée.

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