Vous êtes sur la page 1sur 73

République Algérienne Démocratique et Populaire

Ministère de L’enseignement Supérieur


Et de la Recherche Scientifique.

Université Larbi Ben M’Hidi, Oum El Bouaghi


Faculté des Lettres et des Langues.
Département De Français.

Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master

Option : Littérature.

Thème :

« Habel » ou la fragmentation de l’union gémellaire à travers la


mort et la folie dans le mythe et le monomythe de Mohammed DIB

Présenté par : Sous la direction de : Mme


Bouchene Karima.
Riad Zerzour.

Devant le jury :

Examinateur : Dr Lalaoui Adel

Maitre de conférences B

Présidente : Mme Baka Fouzia

Maitre-assistant « A »

Rapporteur : Mme Bouchene Karima


Maitre-assistant « A »

Année universitaire : 2018/2019


Remerciements :
Avant tout, je remercie Dieu le tout puissant qui m’a donné la force et le courage
pour réaliser ce modeste travail.

Du fond de mon cœur, j’adresse mes sincères et vifs remerciements à ma directrice


de recherche Mme : BOUCHENE Karima pour son encadrement, ses orientations et
son encouragement.

Je la remercie pour son temps consacré, son soutien moral et surtout l’aide qu’elle
m’a accordé et qui a aplani la voie à la naissance de ce travail.

Merci infiniment Mme, car sans vous ce travail ne saura jamais voir la lumière.

Un grand merci à mes enseignants : Mme Baka Fouzia, Mr Laalaoui Adel, Mr


Saker Norddine et Mme Daoudi Zineb pour leurs précieux conseils scientifiques.

Je tiens aussi à remercier tous mes respectables enseignants du département qui


m’ont suivi tout au long de ma formation.

J’ai l’honneur de remercier les membres de jury pour leurs efforts fournis à lire ce
modeste travail et l’évaluer.

Tout les remerciements et les gratitudes à mes parents, mes deux frères et ma sœur
pour leur attention et soutien et qui m’ont encouragé toujours afin d’élaborer ce
travail.

Je remercie aussi tous mes amis et tous ceux qui m’ont aidé à réaliser ce travail, de
prés ou de loin.

0
Dédicace :

Je dédié ce modeste travail à mes chères parents, Mohamed et Zahia, que Dieu
vous donne une belle et longue vie pleine que de santé, de joie et du bonheur, et
qu’il vous accorde le paradis.

A mes frères : Adel, Ramzi et sa femme, ma sœur : Soumia et son mari :Zerouali
Adel et leurs fis Raiid.

A mes chères enseignantes : Bouchene Karima et Baka Fouzia

A tous mes collègues du Scoute surtout : ZerzourYazid, Ameziane Ibrahim, Lounes


Achache et Fares Abdkader

A mes camarades : Medfouni Lotfi, Omar Ramzi AbdBassit, Barkat Lotfi, Azzab
Abdallah, Hamida Romaissa, Yasaad Ikram , Ouedfel Souad, Maassam Yasmina

1
Introduction générale :
La littérature a été inlassablement présente en tant qu’un champ où se propulse
un voyage, dont le seul itinéraire durable n’est peut-être rien d’autre que cet éclat de
beauté inattendue, issue de cette somme de lettres qui crée un espace de rencontre
entre l’écrivain et ses pensées, afin d’y construire une passerelle ou une traversée
permettant de dévoiler les besoins et les chagrins de leurs producteurs, maintes sont
les littératures qui offrent l’occasions au auteurs pour manifester leurs peines et
désirs, entre autres la littérature chinoise, indienne , anglaise ou française et
maghrébine d’expression française , celle qui se dévoile au Maroc et Tunisie et se
concentre en Algérie , une littérature imposée par l’effet colonial et qui laisse chez
les écrivains un effet d’impuissance et un pouvoir vigoureux de séduction sur leur
imaginaire, un travail d’appropriation et de subversion du langage, chez des
écrivains qui lient les phénomènes naturels et métaphysiques aux phénomènes
textuels, ils mettent en enjeu le visible et l’invisible dans une harmonie de mots, ils
mettent en balance le va et vient entre réel et surnaturel, cela laisse chez eux une
certaine instabilité intérieure manifestée à travers leurs protagonistes.

Si nous évoquions la littérature maghrébine nous serions censés parler de la


littérature algérienne qui n’a pas cessé de bâtir son existence au sein des grands
grâce à ses écrivains dont les œuvres prédisent les noms tels Mouloud Feraoun,
Mouloud Mammeri, Kateb Yacine et Mohamed Dib que nous avons choisi pour
notre travail de recherche.

M.DIB est un écrivain algérien d’expression française, il est né le 21 juillet 1920 à


Telemcen d’une famille Bourjoise. Il y commence ses études sans fréquenter l’école
coranique, ensuite il poursuit ses études à Oujda au Maroc, à l’âge de 11 ans il
devient orphelin de père, à l’âge de 14 à15 il commence à écrire des poèmes et à
réaliser des peintures.

Dib a adopté une diversité d’expressions réaliste et fantastique suivie d’une


remarquable maitrise des techniques narratives, qui attire l’attention du grand
lectorat. Mohammed Dib a commencé une série de roman dans lesquelles il décrit
l’Algérie d’une façon très réaliste, ensuite, vient l’exil où notre écrivain découvre et
adopte un nouveau style d’écriture libéré de toute chaine d’écriture traditionnelle.

2
En1962, l’apparition du roman « Qui se souvient de la mer » qui représente une
rupture de la création réaliste et une porte vers l’écriture Dibienne fantastique.

Dans ce roman Dib apporte un ton totalement différent, ce roman surréaliste de


l’écriture Dibienne ,dans lequel il abandonne l’effet de ressemblance avec le réel, en
envahissant l’univers de fiction auquel ses plus grandes œuvres ont eu lieu, nous
citons essentiellement l’écriture nordique caractérisée par la mixité et
l’enrichissement des thèmes .Mohammed Dib est connu de sa langue
tierce ;l’écriture d’expression française avec la pensée et l’image arabe (Algérienne)
.sa création littéraire demande souvent plusieurs lectures pour pénétrer au sens
surtout sa trilogie Nordique et l’ensemble des œuvres qui traitent l’exil et la quête de
soi à titre d’exemple L’infante maure et Habel, que nous avons pris pour en faire
notre corpus d’étude ; il raconte l’histoire d’ un jeune algérien exilé en France.
Sabine et/ou Lily représentent ses amours qui atténuent l’ardeur de la séparation
avec la terre natale. Habel a tendance à revenir au même point : un carrefour où il est
en position d’attente, Ce roman dresse un portrait intemporel de l'étranger. Inspiré de
la haine fraternelle qu'éprouve Caïn pour Abel, cette fiction met en scène Habel,
poussé sur le chemin de l'émigration, qui appréhende par le regard le monde sans
repères dans lequel il est jeté. Pour affronter la mort de son être que signifie l'exil, il
doit devenir autre, et abandonner à son frère son ancienne peau.

Nous avons décidé de travailler sur Dib car nous avons toujours eu de l’estime et la
déférence pour cet auteur qui nous a profondément marqué enfant avec ses séries :
Dar Sbitar et L’incendie de Djamel Fezzaz avec Omar que nous avons tant aimé
grâce à ses rôles qui pénètrent nos esprits avec une innocence d’enfant bourrée de
sagesse d’adulte, pour ce qui est du choix de l’œuvre se justifie par le simple besoin
de découvrir ce que cache une histoire avec un tel titre si captivant, que nous avons
lu et relu pour se trouver en fin de lecture, attiré par une présence constante d’un
univers mythique voire surnaturel, où la folie règne et se manifeste comme un thème
dominant tout au long de l’histoire, raison pour laquelle nous nous sommes pris pour
chercher dans ce sens et essayer de satisfaire notre curiosité en tentant de répondre
aux différentes interrogations constituant notre problématique qui s’envisage ainsi :

Pour quelle raison DIB a choisi une telle diégèse pour son œuvre, en
l’inscrivant dans une double dimension permettant au lecteur de lire plusieurs
3
histoires en une seule ?autrement dit pourquoi Dib a mis son personnage dans
une position en y créant un sentiment de schizophrénie et de folie à travers ce
mosaïque mythique ?quelle est la cause due être responsable de cette
fragmentation de l’histoire entre soi et l’autre à vrai dire entre ici et
ailleurs ?par voie de conséquence pourrait-on considérer cette double
appartenance présentée à travers la folie et le recours au surnaturel comme un
besoin de révéler une expérience propre à l’auteur même ?sinon par quoi
pouvons-nous expliquer un tel appel aux mythes et ce genre d’états d’âmes ?
Nous avons proposé ce qui suit comme hypothèses :

 Dib choisirait un texte à double dimension diégétique pour révéler son


expérience d’exil entre deux pays qui ne serait que son mythe personnel ?
 La quête d’identité serait d’une manière ou d’une autre à l’origine de sa mise
entre deux univers ?
 Il choisirait la folie et la fragmentation pour montrer au monde à quel point
l’exil est difficile à supporter et pour manifester ses frontières et ses effets sur
la personne et la personnalité ?

Pour pouvoir infirmer ou confirmer ces hypothèses nous allons faire appel aux
approches suivantes :

La psychocritique de Charles Mauron particulièrement pour atteindre son moi créateur


de DIB qui mène vers la détermination des images récurrentes dans son œuvre pour pouvoir
extraire son fantasme (mythe personnel) et connaitre sa source en cherchant dans sa
biographie.

 Etude des personnages de Philippe Hamon


 La mythanalyse ou la mythocritique l’herméneutique pour mentionner le rôle
primordial qu’elles joueront dans l’interprétation des expressions et des
symboles nous nous inspirerons des travaux de Mircea Eliade, Michel
Casenave et Michel Cazeneuve
 L’intertextualité et le dialogisme de Julia Kristeva, Michel Riffaterre,
Nathalie Piegay Gros, et Bruno Hongrepour étudier l’interaction qui existe
entre les différents mythes et la nature de leur présence dans notre roman.
4
Notre travail sera scindé en deux parties :

La première est théorique : elle contient trois chapitres dont le premier est
présentatif, où nous présenterons l’auteur en tant qu’homme ordinaire et homme de
lettres, nous exposerons sa biographie et les différents métiers qu’il a occupés
également les maintes stations de vie par lesquelles il est passé et influencé, dans le
point suivant nous entamerons son style d’écriture.

Le second chapitre consiste à présenter les différentes approches sur lesquelles nous
allons nous fonder pour répondre aux questionnements de notre problématique à
savoir l’étude des personnages de Philippe Hamon et la psychocritique de Charles
Mauron dans le but d’extraire le monomythe de notre auteur, bien sûr après avoir
appliqué les directives de cette théorie, ensuite nous interpellerons l’intertextualité
pour pouvoir détecter et déceler les divers textes voire mythes présents dans Habel et
voir la raison pour laquelle Dib a intégré cette somme considérable de textes
étrangers du texte en question,

Le dernier point sera consacré à l’étude mythocritique ou la mythanalyse où nous


allons présenter cette théorie et exposer ces règles, pour pouvoir décrypter les
images et symboles qui forment notre corpus.

Le troisième chapitre de cette partie est consacré à l’analyse des notions problématiques
quisont en fait l’ensemble des images qui constituent le drame personnel de l’auteur.

La seconde partie est pratique elle est scindée en trois chapitres :

Le premier chapitre est consacré à l’étude des personnages

Le second chapitre porte sur les apports intertextuels et le dialogisme

Le dernier chapitre comprend une étude psychocritique avec l’identification du mythe


personnel de l’auteur, nous achevons notre investigation par une conclusion où nous allons
exposer les différents résultats obtenus.

5
Partie 1 : Théorique

Chapitre premier : Présentatif


Présentation de l’auteur :
Mohammed Dib est un écrivain algérien qui appartient d'abord au courant réaliste de la
première génération d'auteurs maghrébins, il témoigne avec ses écrits contre la situation
coloniale, avant que son œuvre évolue vite et donne une place plus large aux jeux de
l'imaginaire, avant d'aboutir, dans les années 1980 et 1990, à une écriture méditative et
souvent onirique, centrée sur l'exil et la quête du sens et de soi.

Il est né en 1920 à Tlemcen dans « une famille bourgeoise ruinée ». Son père meurt en 1931.
Dib ne fréquente pas l’école coranique, mais, à quelques années de distance, il a pratiquement
deux langues maternelles : l’arabe et le français. Il écrit des poèmes depuis l’âge de quinze
ans.

En 1939-1940, il est instituteur à Zoudj Beghal, près de la frontière marocaine. En 1904-1941,


ilest comptable à Oujda, dans les bureaux de l’armée ; en 1942, il est requis au service civil du
génie et, en 1943-1944, affecté comme interprète anglais –français auprès des armées alliées à
Alger. De retour à Tlemcen en 1945-1947, il gagne sa vie en dessinant des maquettes de tapis.
En 1948, il prend part aux rencontres de Sidi Madani prés de Blida, où il fait la connaissance
d’écrivains français.

Sa vocation de romancier se précise alors. Son premier voyage en France date de cette année-
là. En 1950-1951, il travaille au journal Républicain (en même temps que Kateb Yacine) ; il
écrit aussi dans Liberté, organe du parti communiste. Il se marie en 1951 et voyage en France
en 1952. Son premier roman parait alors. Il travaille comme correspondant commercial de
1956 à1959, date où il est expulsé d’Algérie à cause de ses activités militantes qui ont irrité
les autorités coloniales, en pleine guerre. Il voyage dans les pays de l’est de l’Europe. En
1960, il se rend au Maroc. En 1964, il s’établit dans la région parisienne, à Meudon-la-forêt,
puis à la Celle-Saint –Cloud, où il réside et commence à construire une œuvre extrêmement
fertile et ramifiée en genres multiples : romans, poèmes, nouvelles, théâtre….

« Le français est devenu ma langue adoptive. Je me suis découvert et fait


avec cette langue. Non pas de manière inconsciente et directe, comme ce

6
qui se fait tout seul. C’est une marche, une longue marche. (…) la
traversée d’une longue est une recherche de soi. Je suis toujours en
marche avec cet horizon. Chaque livre est un pas de plus »1

La production littéraire de Dib est subdivisée en trois périodes : discontinuité dans la forme
mais continuité certaine dans la visée profonde qui sous-tend l’œuvre. Du réalisme populiste
en même temps que poétique des premiers romans, il passe à une prose plus dense et plus
évocatrice de symboles.

Mohammed Dib a reçu de nombreux pris, notamment le grand prix de la Francophonie de


l’Académie française, Grand prix du Roman de la ville de paris, le prix Fénéon en 1952, le
prix de l’Union des écrivains algériens en 1966, le prix de l’Académie de poésie en 1971, le
prix de l’Association des écrivains de la langue française en 1978.

Dans Hommages à Mohamed Dib ; Jean Dejeux disait :

« C’est l’écrivain de la précision dans les termes, de la retenue, de la réflexion.


L’air qu’il fait entendre sur son clavecin est une musique intérieure qui parle
au cœur. Ecrivain en français, sans complexe et assumant sa double culture,
l’auteur ne se livre pas purement et simplement aux lecteurs. Sa réaction
littéraire demande souvent plusieurs lectures pour pénétrer jusqu’au sens »2

Il lègue à l’Algérie, à la littérature et à la langue française une œuvre intellectuelle


considérable qu’il clôture avec Laezza deux jours avant sa mort. Avec ce recueil de quatre
textes, Dib apparait une dernière fois comme un auteur drôle et originel, et dans voici un
extrait :

« La vérité en soi n’existe pas, qui se présenterait sous forme d’entité


platonicienne. Etres humains autant qu’inhumains, il nous faut hélas créer nos
vérités puis espérer que quelques-unes parmi elles deviennent celles d’un assez
grand nombre de gens et que, en tant que telles, elles restent et servent de

1
Dib,Mohamed et Bordas,Philipe :Tlemcen ou les lieux de l’écriture ,in Revue Noire ,octobre 1994,Paris.p.57
2
Ibidem.90
7
repères, de points d’appui sur quoi fonder confiance notre marche vers une
plus grande compréhension de notre monde »3

Comme le souligne Nadjet khedda :

« Mohamed Dib manifeste à travers son œuvre une sensibilité et un imaginaire pétri
de culture arabo-musulmane que sa vie d’exilé a sérieusement réactivée. Culture
puisée dans la vie quotidienne de sa cité natale. Capitale intellectuelle et religieuse de
l’Ouest algérien, héritière de l’artisanat, des sciences et des arts qui avaient fleuri en
Andalousie musulmane et l’un des fleurons de la civilisation Maghrébine. La
méditation existentielle que l’auteur mène dans son texte nous ouvre une entrée
privilégiée au grand mythe de cette culture confrontée à ceux de l’occident gréco-latin
et chrétien que lui ont livré l’école et ses lectures »

Habel (1977) est comme l’aboutissement d’un long itinéraire où il faut se quitter soi-même
pour renaitre de nouveau : sorte de roman –bilan de l’écrivain. Ses recueils de poèmes
(Ombre gardienne, 1961 ; Formulaires, 1970 ; Feu beau feu, 1979) évoluent vers un
dépouillement de plus en plus poussé.

Il n’était plus retourné en Algérie depuis 1983, date à laquelle il s’est rendu à l’enterrement de
sa mère.

Depuis Habel, Dib déplace la scène romanesque hors d’Algérie : à Paris d’abord puis dans les
neiges et les mers des pays nordiques (Les terrasses d’Orsol, 1985, le Sommeil d’Eve, 1989 ;
Neiges de marbre, 1990) où il tresse mythes et écritures divers en une extrême élégance et où
il continue à traquer, selon un parcours orphéon, derrière l’apparence trompeuse des choses,
leurs sens profonds postulant une sorte d’entéropathie entre les êtres et le monde.

En 1994, Mohammed Dib écrit L’Infante maure, un roman dans lequel il incarne un nouveau
genre capable de dire la diversité des visions. C’est ainsi que les discours narratifs et
poétiques se disputent l’espace textuel et entrainer de manière ostentatoire l’éclatement de la
forme ; ceci dit c’est une écriture fragmentée.

3
Dib Mohamed et Bordas,Philipe :Tlemcen ou les lieux de l’écriture ,in Revue Noire ,octobre 1994,Paris.p.34

8
De plus en plus intériorisée et réfléchie, elle se veut une investigation toujours plus
approfondie de l’homme, de sa destinée, de l’au-delà, du couple, du bonheur (ou ce qu’on
croit être le bonheur), de la liberté.

Mohamed Dib est mort vendredi à la Celle-Saint-Cloud (Yvelines) en France à l’âge de 82


ans, le 02mai 2003, trois mois après la publication de son dernier livre Simorgh qui marquait
le retour de l’inspiration du pays natal, 50 ans après La Grande Maison.

Le décès de ce géant de littérature a fait parler plusieurs journaux à l’échelle nationale et


mondiale. Le soir de son départ, en Algérie, on commenta à la une du JT la disparition brutale
de Dib en présence d’une écrivaine qui commença son intervention par cette phrase juste et
forte

« Ce n’est pas la maladie qui a eu raison de Dib. Dib est mort de l’oubli.
De l’amour d’une terre absente »4.

Dib est parti sans laisser de recommandations concernant son enterrement. Une liberté
totale à sa famille. Ce qui était sûr, c’est qu’il voulait être prêt de ses filles et de sa petite
famille qui a vécu cet isolement avec lui dans la solitude sans fin.

4
Dib,Mohamed et Bordas,Philipe :Tlemcen ou les lieux de l’écriture ,in Revue Noire ,octobre 1994,Paris.p.22

9
Présentation de son écriture :
L’écriture pour M. Dib est issue de son désir et besoin de se libérer, cette envie selon Dib
est née d’une manière inconsciente pour fuir les contraintes imposées par le monde réel
L’écrivain (…) vient à l’écriture avec le désir, inconscient de créer un espace de liberté dans
l’espace imposé tous des contraintes »5 dans ses écrits il s’inspire de ses propres expériences
et références avec l’impression de venir de « l’autre côté du monde »6

Le style de Dib est un peu particulier car il effleure des univers étrangers et mystérieux
bourrés de jeux et d’allégories qui défendent une densité d’appartenance culturelle et de vie
chargées d’embarras et d’énigmes…

Comprenant également beaucoup de contradictions qui ont offert une beauté assez spéciale et
différente à ses écrits...et lui permettant ainsi de jouer le rôle d’un conciliateur entre la langue
maternelle et l’écriture.

Avant sa mort, M.D expliqua au journal français Le Monde, lors de la sortie de son roman
Simorgh

« Mes images mentales se sont élaborées à travers l’arabe parlé qui est ma
langue maternelle. Mais cet héritage appartient à un fond mythique commun.
Le français peut être considéré comme une langue extérieure –bien que ce soit
en français que j’ai appris à lire-mais j’ai créé ma langue d’écrivain à
l’intérieur de la langue apprise …je garde ainsi la distance ironique qui a
facilité l’investigation de passion »7

Penser dans la langue maternelle tout en écrivant dans une langue qu’il a définie si joliment
comme langue « extérieure » et non étrangère était une manière de dire cet attachement
viscéral…cette alliance éternelle …et cet amour immortel du pays.

Cet écrivain témoin de son temps a été à l’encontre de ses contemporains le reflet pure de sa
société..un écrivain prolifique,. Un miroir clair d’un peuple qui a beaucoup souffert de la
colonisation française. Durant toute sa vie Mohamed Dib a été un de ces porteurs de la
flamme inextinguible qui animait une poignée d’hommes de culture algériens qui outre porter

5
Dib,Mohamed et Bordas,Philipe :Tlemcen ou les lieux de l’écriture ,in Revue Noire ,octobre 1994,Paris.p.22

10
le combat libérateur du pays, parler avec les mots du cœur des algériens, que le colonialisme
opprimait et parquait dans des ghettos

Présentation de l’œuvre :

Résumé :
Habel est un roman qui raconte l’histoire d’un jeune algérien exilé en France, séparé de sa
terre natale, cette séparation est reflétée ardemment à travers ses amours Sabine /Lily,

Habel est toujours pris par l’envie et le besoin de revenir au même point, un carrefour où il est
toujours en position d’attente, la première impression qui envahit l’esprit de tout lecteur de ce
roman est celle du désordre, une appréhension ardue de sens problématique cas de la majorité
de ses écrits singulièrement ses œuvres nordiques.

Habel est un récit hallucinatoire où s’entremêle le surnaturel et la réalité banale, dans lequel
les voix, les visions et les délires s’amalgament et ne cessent tout au long de l’histoire
d’harceler le personnage et à la fois le lecteur.

Habel est entêté à retourner au carrefour et attendre la mort qui a failli l’emporter à cause
d’une voiture qui a manqué de le faire écraser.

Ce roman est une mosaïque qui comprend plusieurs mythes au sein de ses faits ce qui a créé
de Habel (le roman) une œuvre qui illustre à merveille ce qu’on appelle « le dialogisme
littéraire » par la présence équivoque du Vieux alias la Dame de Merci, les paroles aux frères
et le mythe de Abel et Caïn, les rencontres avec Sabine, les appels à Lily avec laquelle il
s’enferme dans un hôpital psychiatrique.

11
Chapitre deuxième : Approches et démarches
Etude des personnages :
Le dictionnaire littéraire définie le mot personnage par : Le terme de « personnage »,
apparu en français au XVème siècle, dérive du latin, persona. C’est une création concertée par
le romancier, dans la logique de l'univers qu'il fait naître et du regard qu'il est décidé à porter
sur le monde et qui signifie : « masque que les acteurs portaient sur scène, rôle ». Il hérite
donc d'une figure, d'une visibilité et d'une lisibilité qui sont sa marque et conditionnent son
existence sociale sur la scène publique. Un personnage est un « être de papier », la
représentation d'une personne dans une fiction, une personne fictive dans une œuvre littéraire,
picturale, cinématographique, ou théâtrale. Lorsque le nom du personnage principal devient le
titre de l’œuvre, on parle alors de personnage éponyme Philipe Hamon affirme :

« Le personnage est une unité diffuse de signification construite


progressivement par le récit, support des conservations et des transformations
sémantiques du récit, il est constitué de la somme des informations données sur
ce qu'il est et sur ce qu'il fait »6

Philippe HAMON a élaboré une approche de type sémiologique Dans son article « Pour un
statut sémiologique du personnage »7 tout en considérant le personnage non plus comme étant
une personne mais un signe du récit, qu’il se prête à la même qualification que les signes de la
langue, pour ensuite distinguer plusieurs domaines et niveaux d’analyse.

Pour HAMON, il faut d’abord classer le signe en conformité aux catégories suivantes :

On peut distinguer trois types de signes : référentiels, déictiques (comme les embrayeurs) et
anaphoriques (ceux qui renvoient à l'énoncé, au texte même)

1-Catégorie des personnages référentiels :

Signes référentiels qui renvoient à une réalité extérieure) / personnages référentiels


(historiques, mythologiques, etc).

Personnages historiques (Emir Abdelkader dans Nedjma de KATEB Yacine, Napoléon III
dans les Rougon Macquart…) mythologiques (Venus, Zens …), allégoriques (l’amour, la
haine…), au sociaux (L’ouvrier, le syndicaliste, le paysan…), ils renvoient à un sens culturel,

12
et ils produisent un « effet de réel » quand ils sont reconnus, cependant ces personnages sont
compréhensibles surtout aux lecteurs qui partagent la même culture.

2-Catégorie des personnages embrayeurs :

Ils dessinent la place de l’auteur, du lecteur ou de leurs délégués (personnage " porte-
parole") dans le texte, conteurs et auteurs intervenant, personnages de peintres, d’écrivains,
d’artistes, de bavards, de narrateurs- témoins, d’observateurs, etc. Parfois, le problème de leur
détermination sera difficile elle peut également perturber le décodage direct du "sens" de tels
personnages (il est nécessaire de connaitre les présupposés, le contexte prioritairement)

3-Catégorie des personnages anaphores :

Selon HAMON ces personnages « tissent dans l’énoncé du réseau d’appels et de rappels à
des segments d’énoncés disjoints et de longueurs variables (un syntagme, un mot, une
paraphrase…) »8.

Ils rappellent donc des données importantes (fonction cohésive) ou préparent la suite du récit
(fonction organisatrice).

« Ils sont en quelque sorte les signes mnémotechniques du lecteur (qui aide à la
mémorisation) personnages de historiens, personnages d’enquêteurs, de
biographes, personnages qui sèment ou interprètent aident à comprendre des
indices, etc. »9

HAMON souligne qu’un même personnage peut faire partie simultanément, ou en alternance
de plus d’une de ces catégories. Il précise dans son ouvrage :

« En tant que concept sémiologique, le personnage peut en une première


approche, se définir comme une sorte de morphème, doublement articulé,
morphème migratoire manifeste par un signifiant discontinu (un certain
nombre de marques) renvoyant à un signifié discontinu (le "sens" ou la "
valeur" du personnage). Il sera donc défini par un faisceau de relation de
ressemblance, d’opposition, de hiérarchie et d’ordonnancement (sa
distribution) qu’il contracte, sur le plan du signifiant et du signifié,
successivement Ou/et simultanément avec les autres personnages et éléments
13
de l’œuvre, cela en contexte proche (les autres personnages du même roman,
de la même œuvre) ou en contexte lointain (in absentia : les autres
personnages du même genre). » 10

Un personnage est « un être », et « un faire ». Selon Philippe Hamon, le personnage peut être
conçu comme : Le résultat d'un faire passer » ou « un état permettant un faire ultérieur »11.

Un « être » par l’ensemble des caractéristiques, et de diverses qualités qu’un romancier prête
à un de ses personnages comme (un portrait physique, un nom, un métier, un sexe…etc).

« Etudier un personnage c'est pouvoir le nommer. Agir pour le


personnage c'est aussi et d'abord pouvoir épeler, interpeller, appeler et
nommer les autres personnages du récit. Lire, c'est pouvoir fixer son attention
et sa mémoire sur des points stables du texte, les noms propres. »12

On peut également saisir le personnage à partir de son portrait. Pour lui,

« Le portrait qui est expansion, qui se présente sous la forme d'une description,
joue également un rôle important dans la construction de l'effet personnage »13

En effet, Philippe HAMON retient trois champs d’analyse :

1. L’être : L’être du personnage est l’ensemble de ses propriétés c’est-à-dire son portrait
physique et les différentes qualités que lui prête l’auteur (le romancier), cependant son
être est très attaché aux autres aspects du personnage : de son faire, de son dire, ou de
son rapport aux lois morales.

2. Le faire :

Un « faire » lorsqu’il représente l’ensemble d’actions accomplies par lui, Cependant à


travers son faire, le personnage se définit par rapport aux normes sociales en vigueur qu'il
peut accepter ou refuser, ou par rapport à autrui, ce qui fait du personnage, un acteur social.
Ce dernier (le personnage) joue un rôle effectif dans le récit, il remplit un nombre de
fonctions, donc il passe de l’être au faire

14
Apports intertextuels et dialogisme :

Historique et genèse de la notion « Dialogisme » :


Nous avons fait appel à cette approche dans l’objectif de décortiquer le roman en question,
et cela se fera à partir des différents textes qui sont intervenus dans la composition de notre
corpus, autrement dit en lisant et analysant le roman Habel nous avons remarqué la présence
intense de plusieurs autres textes voire mythes dans l’histoire ; ce qui nous mène vers
l’intertextualité comme l’une des approches fondamentales dans notre investigation, où nous
allons faire appel à d’autres notions, outils, ou théories ;ces dernières vont être évoquées et à
la fois analysées au fur et au mesure de l’étude. Mais l’intertextualité et le dialogisme restent
les supports théoriques adoptés, et les axes fondamentaux qui tracent les différentes directions
de ce travail, qui nécessitent une mise en place d’un champ conceptuel et théorique. Avant de
passer à l’intertextualité,

Le texte littéraire est le carrefour, le lieu de rencontre de plusieurs codes qui subissent une
transgression par l’écriture. Cette dernière étant une perversion, met en avant un éclatement
de tous les codes, exprimé selon Barthes et Julia Kristeva par l’intertextualité qui a cassé les
normes les plus solides, en exprimant une pluralité discursive qui se traduit par la polyphonie
du texte. Barthes propose la notion de ''texte'' et ''intertexte'' : « (…) mais écrire c’est se placer
dans ce qu’on appelle maintenant un immense intertexte, c’est-à-dire placer son propre
langage, sa propre production de langage dans l’infini même du langage »8 .

Pour une définition générale, l’intertextualité est une référence à un texte antérieur. Mais en
réalité, cette notion est plus compliquée, voire étendue, elle connaît diverses formes qui
rendent sa définition définitive et restreinte, presque impossible. Le dictionnaire du littéraire
définit l’intertextualité comme suit :

« Au sens strict, on appelle intertextualité le processus constant et peut être infini de


transfert de matériaux textuels à l’intérieur de l’ensemble des discours. Dans cette
perspective, tout texte peut se lire comme étant à la jonction d’autres énoncés, dans
des liens que la lecture et l’analyse peuvent construire ou déconstruire à l’envi. En un

8
- Mikhaïl Bakhtine, La poétique de Dostoïevski. Paris, Seuil, 1970, p. 127
15
sens plus usuel, intertextualité désigne les cas manifestes de liaison d’un texte avec
d’autre »9.

. Nathalie Piégay-Gros l’intertextualité est un acte qui permet de forger un texte à partir d’un
autre texte par l’intervention de ce dernier dans sa création d’une manière voulue ou
irréfléchie a vrai dire avec une intention de s’y inspirer ou d’une manière involontaire :

« L’intertextualité est donc le mouvement par lequel un texte récrit un autre texte, et
l’intertexte l’ensemble des textes qu’une œuvre répercute, qu’il se réfère à lui in
absentia (par exemple s’il s’agit d’une allusion) ou l’inscrive in presentia (c’est le cas
de la citation) »10

Pour Julia Kristeva, l’intertextualité se réalise lorsque deux textes interagissent au sein d’un
seul texte, pour sa part, propose la définition suivante : « L’intertextualité est l’interaction
textuelle qui se produit à l’intérieur d’un seul texte »11. Elle affirme aussi que l’intertextualité
s’accomplit au moment où un système de signe transpose en un autre et servir à la
productivité littéraire« l’intertextualité est la transposition d’un ou plusieurs systèmes de
signes en un autre »12, et le texte devient ainsi « productivité », terme faisant le lien entre
Kristeva et Barthes. Ce dernier déclare :

« Le texte est une productivité (…). Il déconstruit la langue de communication, de


représentation, ou d’expression (là où le sujet individuel ou collectif peut avoir
l’illusion qu’il imite ou s’exprime) et reconstruit une autre langue »13.

Avec Michaël Riffaterre, la notion d’intertextualité connaît un déplacement du côté du lecteur


autrement dit la découverte de l’intertextualité ou la présence d’un texte au sein d’un autre ne
se fait que par le lecteur qui perçoit la présence des liens entre les œuvres. Selon lui,
l’intertexte est « la perception, par le lecteur, de rapports entre une œuvre et d’autres qui
l’ont précédées ou suivie ».14

9
Roland Barthes, Maurice Nadeau, Sur la littérature, Presses universitaires de Grenoble, 1980, p. 15-16 32
10
Julia Kristeva, Sémiotiké. Recherche pour une sémanalyse, Seuil, coll. Points, Paris, 1969, p.841
11
- Nathalie Piégay-Gros, Introduction à l’intertextualité, Paris, Dunod, 1996
12
Ibidem
13
Julia Kristeva, Sémiotiké. Recherche pour une sémanalyse, Seuil, coll. Points, Paris, 1969, p.841
14
Gérard Genette, Palimpsestes, Paris, Seuils, 1982, p. 9 35
16
Pour cette raison T. Samoyault aborde aussi l’intertextualité du côté du lecteur qui est
censéêtre attentif et pas oublieux et muni d’une bonne mémoire qui lui permet de détecter le
lien entre le texte présents et les textes déjà lus,un lecteur érudit qui sait se mobiliser avec ses
connaissances au bon moment et bonne organisation : « L’intertextualité exige un lecteur qui
n’est pas « oublieux », comme le définissait Montaigne, qui sache mobiliser ses
connaissances au bon moment et en bon ordre »15.

Pour Bruno Hongre l’intertextualité n’est pas uniquement la présence des traces écrites d’un
texte issu d’une lecture antérieure ou précédente mais aussi c’est se servir de ces lectures qui
ont été déjà faites dans l’interprétation et le décryptage du texte nouveau en partant des textes
précédents :

« Ainsi, l’intertextualité, ce n’est pas seulement le fait pour l’auteur d’inscrire des
éléments issus de sa culture dans ce qu’il écrit ; c’est aussi le fait, pour le lecteur,
d’introduire ou projeter dans le texte même qu’il croit seulement décrypter, des
éléments inscrits en lui par ses autres lectures. Chacun dans sa relation au texte,
investit en quelque sorte son « capital textuel » et sa capacité d’analyse »16

A partir de ces définitions multiples nous disons que l’intertextualité peut se manifester dans
le texte littéraire sous plusieurs formes, pour ce qui est notre corpus nous en y avons
également trouvé, Dib n’a pas manqué cette stratégie pour évoquer tas de messages à
transmettre aux lecteurs chose que nous expliquerons dans la partie pratique.

15
- Tiphaine Samoyault, L’Intertextualité, mémoire de la littérature, Nathan, 2001, p. 70
16
. - Bruno Hongre, L’intelligence de l’explication de texte, Ellipses Edition Marketing S.A., 2005, p. 23 36
17
Dialogisme :
Le dialogisme est présenté à travers la présence effective d’un ensemble d’œuvres au sein
d’une œuvre, à travers une réactualisation des formes du passé. Elle puise dans les travaux de
Michel Bakhtine et la notion de dialogisme. Pour Bakhtine, dans une œuvre littéraire, la
référence d’un écrivain n’est pas seulement la réalité, mais aussi la littérature précédente, qu’il
considère comme « un dialogue constant avec elle, comme une compétition de l’écrivain avec
les formes littéraires existantes »17, car il considère, « la vie intellectuelle du monde comme
un échange d’idées entre les consciences humaines »18 .

L’idée selon lui « vit en une interaction continue avec d’autres idées »19 , et la relation entre
le mot et l’idée est dialogique « par nature ». Le dialogisme de Bakhtine consiste à mettre en
exergue une hétérogénéité de la parole au détriment de son homogénéité et son unicité, il
entend par dialogisme, la présence ou la situation de tout énoncé de tout type de discours au
carrefour, au point de rencontre ou au centre d’enchevêtrement d’autres énoncés qui le
construisent. A ce propos, Philippe Sollers affirme que : « (…) tout texte se situe à la jonction
de plusieurs textes dont il est à la fois la relecture, l’accentuation, la condensation, le
déplacement et la profondeur»20.

Le dialogisme règne et prend sa place beaucoup plus dans l’énonciation romanesque. Par
conséquent, on assiste à un éclatement et une multiplicité des voix et des types de discours qui
traversent le texte sans pouvoir établir des frontières entre elles : la voix de l’auteur, du
narrateur, et du personnage se confondent pour offrir une polyphonie.

Julia Kristeva remplace la notion de « dialogisme » par celle de « l’intertextualité » qu’elle


introduit dans le champ de la critique littéraire française, autour du groupe Tel Quel par le
biais de leurs publications : Théorie d’ensemble (ouvrage collectif signé par plusieurs noms
tels : Foucault, Barthes, Derrida, Sollers et Kristeva). Dans son ouvrage : Sémiotiké,
Recherche pour une sémanalyse, Kristeva compare entre le statut du mot (énoncé) dialogique
et celui des textes :

17
-Vladimir Siline, Doctorat nouveau régime, Dialogisme dans le roman algérien de langue française, Paris 13,
Charles Bonn, 1999 (http://www.limag.com)
18
Ibidem
19
Mikhaïl Bakhtine. Questions de littérature et d’esthétique. Moscou, Khoud. lit., 1975, p. 6-71 3
20
Paul Aron, Dennis Saint-Jacques, Alain Viala, Le Dictionnaire du Littéraire, Paris, Quadrige, 2004, p. 318
18
« Tout texte se construit comme une mosaïque de citations, tout texte est absorption et
transformation d’un autre texte. A la place de la notion d’intersubjectivité s’installe
celle d’intertextualité, et le langage poétique se lit, au moins, comme double »21.

Le dialogisme de Bakhtine a été considéré par les lecteurs comme « imprécis », alors qu’ils
ont vite reconnu « l’intertextualité » pour éviter cette imprécision du concept bakhtinien.

21
- Julia Kristeva, Sémiotiké. Recherche pour une sémanalyse, Seuil, coll. Points, Paris, 1969, p. 84- 85 34
19
La mythanalyse / Mythocrithique
L’approche mythocritique partage avec l’approche thématique une même inscription dans
l’imaginaire. Reposant sur le rapport entre le texte et le système culturel, cette approche met
en œuvre une reconnaissance, dans le texte considéré comme production culturelle, d’un
discours mythique et de ses figures ou de ses marques.

L’approche mythocritique établit plusieurs paliers de lecture auxquels correspondent des


signes de nature différente.

« Le premier niveau d’une approche mythocritique d’un texte consistant à


repérer les thèmes, les figures ou les éléments figuratifs, ce premier niveau, qui
prend en compte les mots du texte, définit les signes mobilisés isolément
comme des « signes ». Certains de ces signes seront ensuite perçus comme des
signes plus fortement significatifs, soit comme des symboles, soit comme des
figures mythiques, soit comme des indices ou des traits de figures mythiques à
valeur symbolique. Le deuxième niveau de l’approche mythocritique repose sur
le rapport entre le texte et ses signes d’une part et le système culturel et ses
mythes d’autre part. »22

Les symboles seront ici valorisés, étant généralement reconnus, dans leurs rapports à leur
objet, comme des signes culturels. Les figures du mythe seront également mises en évidence
comme la référence culturelle d’un mythe considéré comme modèle antérieur au texte. Mais
l’identification du mythe ou même des symboles fondamentaux du texte passe par
l’identification de certains indices. La reconnaissance des figures du mythe passe par
l’identification de traits ressemblants entre les figures du texte et celles du mythe de référence
et passe donc par la reconnaissance d’un rapport au moins partiellement iconique entre ces
figures.

« Pour qu’une figure ou qu’un élément figuratif soit considéré comme symbole, il faut
que s’y attachent une valeur et un sens en lui-même et dans la relation qui le lie à une
situation ou à d’autres symboles. Pour qu’une figure soit reconnue comme relevant

22
MIRCEA .Eliade :Aspects du mythe, Paris, Gallimard,1963,P ,15.
20
d’un mythe, il faut que s’y attachent certains traits conventionnellement reconnus à la
figure du mythe et symboliquement significatifs de ce mythe »23.

Ces différents signes fondamentaux qui désignent le texte comme une production culturelle
reproduisant consciemment ou inconsciemment les modèles mythiques fondateurs d’une
culture acquise par immersion et grâce à d’autres textes écrits, oraux ou autres, peuvent être
considérés comme des signes symboliques au sens plein du terme. Mais il va de soi qu’un tel
étagement des niveaux de lecture a quelque chose d’idéal et que certains signes, tel qu’une
figure ou qu’un symbole même fondamental peuvent n’apparaître qu’après
approfondissement de l’approche mythocritique du texte et à partir de la trace identifiée des
références culturelles du mythe lui-même, tant il est vrai que comme l’affirme G. Durand,
dans son ouvrage Figures mythiques et visages de l’œuvre.

23
JEAN Cazeneuve : Les mythologies à travers le monde, Paris, Hachette,1966.P.97
21
Psychocritique
Dans cette partie de travail nous allons présenter une des approches les plus importantes,
voire indispensables pour notre problématique, « la psychocritique »qui vise à retracer
l’œuvre à partir de la personnalité de son œuvre, à vrai dire la personnalité inconsciente qui
s’illustre au niveau de sa langue et ses propos.

« Elle consiste à étudier une œuvre ou un texte pour relever des faits et des
relations issus de la personnalité inconsciente de l’écrivain ou du personnage. En
d’autres termes, la psychocritique a pour but de découvrir les motivations
psychologiques inconscientes de l’individu, à travers ses écrits ou ses propos. »24

C’est une méthode d’analyse est inspirée de la psychanalyse de Freud et ses disciples, elle est
illustrée par Charles Mauron, à partir des thèses de Roger Fry. C’est aussi une méthode
d’analyse qui consiste à étudier une œuvre ou un texte pour relever des faits et des relations
issus de la personnalité inconsciente de l'écrivain ou du personnage, elle se présente à la fois
comme une théorie de la création littéraire et une méthode d’analyse littéraire et scientifique,

« La psychocritique se veut une critique littéraire et scientifique, partielle, non


réductrice. Littéraire, car ses recherches sont fondées essentiellement sur les textes ;
scientifique, de par son point de départ (les théories de Freud et de ses disciples) et
par sa méthode empirique (Mauron se réclame de la méthode expérimentale ;
partielle, puisqu’elle se limite à chercher la structure phantasme inconsciente, non
réductrice, car Mauron attribue au mythe personnel une valeur architecturale, il le
compare à une crypte sous une église romane ».25

Sur le plan théorique, Mauron tout en soulignant la liberté de l’artiste, appréhende la création
littéraire comme la résultante de trois variables : le milieu social, la personnalité de l’écrivain,
le langage. S’il n’est pas possible d’expliquer intégralement le geste créateur, La
psychocritique s’intéresse à la seconde variable _ la personnalité du créateur – en tenant, à
partir des théories freudiennes, de mettre au jour la part d’inconscient à sa source, selon
Mauron. , le moi de l’auteur est scindé entre « un Moi social » et un « Moi créateur » qui,
selon les cas et les périodes de la vie, peuvent coexister harmonieusement ou entrer en
conflit.
24
Léandre SAHIRI, À propos de « Deuxième épitre à Laurent Gbagbo » de Tiburce Koffi : les mots utilisés par
Tiburce Koffi sont à la limite de l’injure proférée à l’égard de M. Laurent Gbagbo
25
Ibidem
22
Donc la psychocritique s’intéresse à étudier l’interaction entre la personnalité de l’auteur avec
les trois éléments intervenant dans la rédaction du texte littéraire à savoir : le moi créateur, le
moi social, et le langage de l’auteur, elle est composée de quatre étapes complémentaires.

1-la superposition des textes :

Il s’agit de faire apparaître des représentations qu’on ne voit pas à la première lecture, cette
pratique fait apparaitre un réseau d’images et de structures communes aux différents textes du
même auteur, qui a une forme obsédante, qui se présente inconsciemment dans toutes les
œuvres étudiées, Plus précisément, cette première étape permet de dégager des réseaux
d’association ou des groupements d’images, obsédants et probablement involontairesLes
textes de Duras, par exemple, associent les motifs du « cri » et du « bal », ou encore, ceux du
« vide » , de « blancheur » et du « manque ».

Ces motifs qui se répandent dans plusieurs récits d’un même auteur sont des
« métaphores obsédantes » elles s’arrangent et s’entrecroisent, or elles sont liées à des affects
qui transmettent des indications très importantes sur le désir ou le conflit inconscient de
l’auteur « Le phantasme le plus fréquent chez un écrivain ou mieux encore l’image qui résiste
26
à la superposition de ses œuvres » en d’autres termes la superposition des textes nous
permettent de connaitre le phantasme de l’auteur qui se présente d’une façon fréquente.

2-L’identification des images récurrentes :

Elle consiste à chercher comment se répètent et se combinent ces images « récurrentes » à


travers ces œuvres du même écrivain, ce groupement des images répétées dessinent des
« figures », l’identification de ces figures permet de mettre en évidence des situations
dramatiques que l’on retrouve, sous différentes déclinaisons, en comparant les réseaux et les
groupements de ces phantasmes récurrents, les figures mythiques et les situations
dramatiques. La « figure » est reconstruite par le commentateur à partir de traits récurrents
qui, dans les textes, peuvent être distribués entre différents personnages.

26
Charles Mauron, Des métaphores obsédantes au Mythes personnel, ibid. 211-212
23
3-L’identification du mythe personnel « Monomythe » de l’auteur :

La troisième étape consiste à repérer, à travers la façon dont s’ordonnent les diverses
conditions dramatiques, le mythe personnel de l’écrivain.

« Le mythe personnel est l’image que l’écrivain se construit de façon inconsciente


dans son œuvre ou dans son texte, et qui permet de saisir sa personnalité (qui
laisse transparaître la nature de sa personne) »27

Autrement dit le mythe personnel est une expression de la personnalité inconsciente de


l’écrivain qui se manifeste sous l’image d’une catégorie à priori de l’imagination ou d’un
ensemble de scènes constituées à partir des thèmes traités, qui apparaissent dans le texte d’une
manière consciente ou irréfléchie formant ce qu’on appelle un phantasme persistant et
persévérant, pour C. Mauron :

« L’œuvre s’expliquerait ainsi par un phantasme originel commun à la vie et à


l’écriture. Mais, alors que la psychobiographie partait de la vie pour aboutir au
texte, la psychocritique part du texte pour aboutir à la vie »28

Un mythe personnel est une structure poétique ou une histoire poétique, qui dit de manière
symbolique une vérité profonde, et il est personnel, propre à chaque écrivain. Chez Charles
Mauron, ce mythe est appelé Mythe Personnel. Nous disons de ce mythe qu’il « est l’image
que l’écrivain se construit de façon inconsciente dans son œuvre ou dans son texte, et qui
permet de saisir sa personnalité (qui laisse transparaître la nature de sa personne) »29

4-La vérification à travers l’étude biographique :

Cette dernière opération vient justifier les résultats acquis par l’étude de l’œuvre, c’est une
sorte de comparaison avec la vie de l’écrivain Il s’agit de confronter le texte de l’écrivain à sa
biographie, , c’est l’opération qui met à l’épreuve et légitimer l’ensemble des analyses
acquises, C’est-à-dire on cherche, à travers l’œuvre du même écrivain, comment se répètent et

27
Adou BOUATENIN, La poétique de la Francophonie dans deux poèmes de Senghor : ‘’ Que m’accompagnent
Koras et Balafong’’ et ‘’Chaka’’, Mémoire de Master 2, p.78
28
JOUVE, Vincent : Poétique du Roman, Armand : colin ,2007,p133
29
Adou BOUATENIN, La poétique de la Francophonie dans deux poèmes de Senghor : ‘’ Que m’accompagnent
Koras et Balafong’’ et ‘’Chaka’’, Mémoire de Master 2, p. 78, op.cit.
24
se modifient les réseaux, groupements ou d’un mot en général, les structures révélées par la
première opération de la superposition de ses œuvres.

Donc la psychocritique a pour but de découvrir les motivations psychologiques inconscientes


d’un individu, à travers ses écrits ou ses propos. Notons à cet effet que l’œuvre n’est ni un
produit purement conscient ni une pensée totalement inconsciente. Elle se situe entre ces deux
aspects. Sa grandeur inconsciente vaut autant que le texte fidèlement élaboré et exposé, même
s’il faut admettre, cependant, que l’inconscient de l’œuvre littéraire est le socle de l’écriture.

25
Chapitre Troisième : Présentation des notions problématiques
Après avoir exposé les diverses approches sur lesquelles nous allons fonder notre travail, y
compris l’étude des personnages, la mythocritique et la psychocritique nous allons analyser
les différentes notions problématiques dans notre recherche, autrement dit nous analyserons
les concepts fondamentaux déjà évoqués dans l’intitulé et la problématique dans l’intérêt de
garder l’harmonie entre les éléments de notre mémoire, à savoir la fragmentation, le
dialogisme, le mythe et le monomythe.

Nous commençons par la fragmentation puis nous passerons aux autres concepts en suivant
l’ordre de parution de chacun d’eux dans notre intitulé.

Fragmentation: nous avons jugé utile de chercher l’origine de cette notion de fragmentation
en littérature, car notre épreuve vise à expliquer comment ce phénomène d’origine
psychologique, s’est transformé, en une manœuvre littéraire maitrisée à merveille par Dib,
cette dernière consiste à subdiviser le personnage en tant qu’entité, en deux existences
opposées l’une par rapport à l’autre, et voir comment cette stratégie de disparité est appliquée
surtout au niveau de la narration en créant un enjeu entre le « je » et « l’autre » également une
fragmentation au niveau du texte même

Historique de la notion :

La fragmentation ou le déchirement en deux apparait pour la première fois avec le


mythe du célèbre couple des Dioscures, Castor et Pollux, nés dans le même œuf de l’union de
Zeus avec la mortelle Léda, en même temps que dans un autre œuf, apparaissait le couple des
sœurs fatidiques, Hélène et Clytemnestre. Les premiers finiront par se partager l’immortalité,
la constellation zodiacale des Gémeaux de la protection de Rome, par Romulus et Remus
interposés, qui sont eux-mêmes des jumeaux, tandis que les secondes seront porteuses de la
mort et de la destruction ; Hélène provoque l’affrontement de deux peuples dans la guerre de
Troie, tandis que Clymnestre déclenche les meurtres en séries de la famille des Atrides. On
mesure là toute la complexité du thème du double : l’origine en même temps divine et
humaine de la « double naissance » crée à la fois des demi-dieux (Achille ou Siegfried) mais
permet aussi d’expliquer l’antagonisme irréductible du Bien et du Mal.

Selon le dictionnaire LAROUSSE ; c’est l’action de se diviser, de dédoubler, de partager ou


d’être partagé en deux, la dichotomie ou le dédoublement en littérature représente le mythe

26
universel du double qui tire toute sa complication des mutations des « Même »et de
l’« Autre », issu du principe d’identité, le double évolue vers l’altérité, où le « je » n’est plus
« je » mais un « autre ». Définissant à l’origine deux éléments similaires qui constituent en
fait un tout inséparable (un être et sa réplique conforme, son jumeau) , le double peut donner
lieu à d’étranges fissures , et se glisser peu à peu dans toutes les formes de dissociation :
partant de la duplicité légère du « double sens » , jouant sur l’équivoque entre « la double
vue » et le fait d’y voir double par affaiblissement des sens, il peut entrer dans les terrains plus
accidentés du « double jeu » , voire de la « double vie », et aboutir en fin de course à
l’aliénation la plus totale. Surgit alors la figure de « celui qui marche à côté »,
ce Doppelganger qui hante les romantiques allemands, dérèglement total du double qui
devient un corps étranger, un « Autre » inquiétant, le plus souvent maléfique et conduit à la
schizophrénie, à la folie et à dans la plupart des cas à la mort, La première image visible du
double, « le jumeau », sorti de l’unité du même « œuf », se retrouve dans nombre de
cosmogonies pour expliquer les phénomènes les plus profonds de dualité physique (comme la
dualité homme /femme) ou éthique (le combat du mal et du bien), cette dualité gémellaire
produit le plus souvent des couples incestueux, ainsi que le rappelle Claude Lévi-Strauss,
couples dont l’union donne naissance à la première humanité ; dans le Rig-Veda
Yama et Yami naissent d’une jumelle elle-même épouse du Soleil, et l’un récite les strophes
paires du texte sacré, tandis que l’autre en dit les impaires. Le Scénario est à peu près
identique chez les Dogons, dans la relation entre Ogo, le renard pâle, et sa jumelle, Yasigui.
Avec trois autres couples gémellaires, ils créent la totalité du monde dans ses implications à la
fois cosmiques, sociales et religieuses.

Quand le double n’est pas incarné par un jumeau, il peut être l’invisible enveloppé du corps
physique : l’aura le corps vital, le double éthérique, le Cas des Égyptiens. Pour qui sait les
voir, les maladies apparaissent d’abord dans ce corps éthérique avant de gagner le corps
matériel. « Passer à son Ka » signifie mourir. Le double peut être également une
matérialisation subtile de l’âme, « le corps astral » des occultistes, toujours invisible et
enveloppant, mais susceptible de mener une existence indépendante. On peut alors quitter son
« corps terrestre » et voyager dans son « corps astral », à travers le temps et l’espace _, mais
c’est là d’habitude une entreprise risquée. Ce corps astral survit, dit-on trois jours au corps
physique, demeurant auprès du tombeau comme une image du défunt, avant de disparaitre à

27
son tour. C’est pourquoi la rencontre avec son double apparait néfaste, car elle signifie
souvent la mort.

Les pratiques des chamans font de même très souvent appel à un double animal ou végétal,
dont le sorcier tire sa force, et dans le corps duquel il peut s’incarner pendant longtemps grâce
à des rituels souvent hallucinogènes. Les multiples extensions visibles et invisibles du double
laissent imaginer sans peine sa nécessité vitale pour l’être et, de ce fait même, comme il
devient l’objet d’une quête fascinée ou au contraire d’une intime répulsion. Apparaissant
comme une ombre, le double assure encore la fécondité de l’être_ la femme sans ombre du
livret d’Hofmannsthal est stérile. Il devient l’objet d’une recherche inlassable quand il figure
le complément indispensable, l’alter ego de la personne humaine, duquel tout homme ou toute
femme devraient être réunis selon l’unité originelle de l’androgyne évoqué par Aristophane
dans le Banquet de Platon.

À partir du XIXe siècle dès que l’étude de la subjectivité devient triomphante et que l’on
s’aventure dans les terres inconnues de l’imaginaire, « l’épanchement de songe dans la vie
réelle » fait surgir des doubles autrement inquiétants. Déjà Faust disait « deux âmes habitent
en moi : l’une se cramponne à la terre, l’autre s’envole vers les cieux ».

Le mythe du double est en tout cas l’une des réponses les plus saisissantes de l’humanité au
problème de l’existence du Mal.

28
Mythe/Monomythe :
Les dernières analyses et études qui ont été faites sur la psychologie de l’homme ont fourni
des révélations surprenantes, singulièrement celles qui sont fournies par les hôpitaux
psychiatriques concernant la mythologie qui intervient et devient indispensable dans le
traitement de plusieurs cas souffrant de troubles psychologiques compliqués. « Les écrits
audacieux des psychanalystes, dont les découvertes ont véritablement marqué notre époque,
sont indispensables pour l’étude de la mythologie »30

Freud, Jung et leurs disciples ont démontré incontestablement que la logique du mythe, ses
héros et leurs exploits survivent de nos jours, pour eux chacun de nous a un mythe personnel
dans lequel il se réfugie en créant son décor et faits propres à lui. « En l'absence d'une
mythologie collective efficace, chacun de nous possède son propre panthéon onirique,
insoupçonné, rudimentaire et cependant secrètement agissant »31.

Pour confirmer ces propos nous nous sommes fondés sur un exemple extrait d’un mémoire de
magister qui traite les thèmes et les symboles dans L’infante Maure de Mohamed Dib
emprunté à J. Biermel32, où il montre que tous les prisonniers d’un dortoir ont réussi à
survivre et échapper à la mort, alors que dans les autres chambrées ils en décéderaient chaque
semaine 10 à12 hommes ; parce qu’ils écoutaient chaque soir, une vieille femme raconter des
contes à partir de cet exemple nous concevons que l’homme renferme dans son inconscient un
besoin existentiel de façonner la réalité et créer un univers où il se trouve libre et seul avec ses
désirs et délires ce que confirme Eliade Mircéa dans son livre L’imagination littéraire :

« …le sens de ses expériences est selon moi, claire : elle confirme le besoin
organique de l’homme de rêver autrement dit, le besoin de mythologie ; au
niveau onirique , la mythologie veut dire surtout narration ,consistant dans la
représentation d’une suite d’épisode épique ou dramatique ; c’est ainsi que
l’homme, soit en état de veille , soit en état de rêve (dans la modalité diurne ou
nocturne de l’esprit) prouve le besoin d’assister à des aventures et a des
événements dépassant les limites du possible ».33

30
CAMPBELL Joseph :Le héros aux mille et un visages ,Oxus,1957,P.26.
31
Ibidem
32
J. BIERMEL. La condition humaine dans le camp de la concentration.1997.P.56
33
Eliade MIRCEA: L’imagination littéraire, Ed, Romanesque.1987. p.65.
29
Définition du Mythe :
Pour pouvoir en définir nous avons eu recours aux travaux d’Eliade Mircea, qui considère
le mythe comme une histoire sacrée qui relate un événement qui a eu lieu dans les temps
primordiaux, le mythe pour Mircea raconte comment grâce aux exploits des êtres surnaturels
une réalité a pu exister « le mythe ne parle que de ce qui est arrivé réellement, de ce qui s’est
manifesté »34

Pour Eliade Mircea la répétition des mythes -à plusieurs reprises- justifient les actes humains,
car ils servent de modèles offerts par l’homme qui vivait au commencement.

« Étant réel et sacré, le mythe devient exemplaire, et par conséquent répétable


car il sert de modèle, et conjointement de justification à tous les actes humains,
en d’autres termes un mythe est une histoire vraie qui s’est passée au
commencement du temps, et qui sert de modèle aux comportements
humains »35

Le mythe se représente alors comme moyen de ravissement et satisfaction, et de bien-être,


offert à l’homme mis par les contraintes de la vie dans des situations, dues aux états
d’aliénation et d’errance, produites par son quotidien qui lui impose un besoin de
compensation, qui se réalise sur le plan fictif, par ce que l’homme ne peut guère vivre que
dans une seule dimension où il se trouve toujours rationnel

« Le mythe est objectif par ce qu’il n’est pas un reflet d’une existence
donnée et qu’il est une manière de construire qui permet à la
conscience d’échapper et de s’opposer à la simple réceptivité des
impressions sensibles. »36

34
MIRCEA .Eliade :Aspects du mythe, Paris, Gallimard,1963,P ,15.
35
MIRCEA..Eliade, Mythes, rêves et mysteres,Paris,Gallimard 1957 ,P.18.
36
Ernest CASSIRER : La philosophie des formes symboliques. Minuit. Paris.1983. p. 31.
30
Pour Jean Cazeneuve le mythe est un système d’images où se trouvent les tendances les plus
profondes des peuples, présentées sous ses formes éternelles. « Le mythe constitue un système
d’images où se retrouvent les tendances les plus profondes d’un peuple »37

Donc le mythe est une somme d’images qui se manifestent sous formes de thèmes eternels
issus des histoires anciennes des populations primordiales.« Le mythe est donc un système
dynamique de symboles et d’archétypes qui se réalise dans un récit. »38 c’est une somme de
symboles exigeant une relecture symbolique, qui exige à son tour une épreuve de transcription
et de décryptage, des divers éléments mythiques du produit littéraire, ces derniers se
présentent sous forme de symboles qui dissimulent plusieurs sens cachés et besoins
incorporés

« La lecture symbolique suppose un essai de décodage des éléments mythiques


de la création littéraire, par l’interprétation des images littéraires qui
signifient autres choses si on les rapporte à ce qu’elles sont en apparence dans
le tissu du texte littéraire, le mythe a une préexistence sacrée c’est là
qu’interviennent les éléments d’un symbolisme ontologique. Étant polyvalent,
le mythe peut se rapporter à l’idée de modèle du monde, au niveau symbolique,
le mythe est inclus dans l’art, ses structures sont incorporées dans la légende,
le conte, la ballade, il acquiert un nouveau sens en tant que forme de « redire »
il offre des nouvelles significations et devient un acte de culture »39

37
JEAN Cazeneuve : Les mythologies à travers le monde, Paris, Hachette,1966.P.9
38
Gilbert DURAND. Structures anthropologiques de l’imaginaire. Ed. Univers. Paris. 1977. p. 75.
1Eliade MIRCEA :Soliloques, Ed, Humanistas, Bucuresti, 1991. p.49.
2 Ibidem .p.102.

31
Parties 2 : partiePratique

Chapitre premier : Etude des personnages


L’étude des personnages dans notre travail sera cette fois si un peu particulière car nous
allons en faire d’une manière différente, nous allons analyser les personnages en couple.

Habel :
Habel est le personnage principal du roman en dépit qu’ il n’a pas régi l’histoire d’une
manière ordinaire , celle qu’on a l’habitude de rencontrer où le personnage principal n’est pas
considéré comme tel par la fréquence de son apparition et de sa prise de parole mais par le
rôle qu’il tient et qui lui permet de donner sens au récit, Son état d’esprit change
continuellement et de manière aventurière, il est hanté par la prétention de ne pas être « Un
parmi d’autres c’est Le personnage et ses compagnons inventés sont ses subordonnés. Le
pouvoir d’Habel dépasse celui de la parole, il ne parle pratiquement pas dans le roman, tout
est dans sa tête, l’usage de la parole chez Habel est très limitééquilibré par son habilité à faire
de ceux qui l’entourent des images n’ayant d’autres utilités que celle de servir sonêtre.

Habel est une énigme pour les autres personnages par exemple, Sabine elle n’arrive pas à le
comprendre elle le considère comme une bête qui ne comprend rien et qui n’est pas comprise
aussi : « Je suis folle de toi : tu es tout mon bien et tout mon mal, je… » Habel. p.2.

« Tu ne comprends jamais rien ! T’es là comme une bête qui ne comprend


jamais rien à ce qui se passe autour d’elle. C’est quelque chose ! Répond !
Défends-toi ! Ne reste pas muet comme ça. On dirait un mur ! »

Son existence déroutante est moins difficile à vivre au souvenir de Lily, l’unique personne
qui le rend moins évasif, qui arrive à capter son attention. Elle-même personnage complexe,
elle croise le chemin d’Habel quand perdu, il prend ses repères avec elle. Ils vivent une
histoire d’amour fusionnel. Habel ponctue sa vie à celle de Lily ; au souvenir de Lily. Il ne
formule de vœux que celui de la retrouver.

« Oh ! Lily, continue à me préserver de leur appel, de leur fatalité, qu’à mon


tour, je ne sois plus pour elles, pour eux tous qu’un souvenir lointain, une
image brouillée. Tu as dompté mon secret, tu as bâillonné sa voix de sang.
Continue à me guider comme tu l’as fait jusqu’à présent » Habel. p.50

32
Etude du personnage : Habel/Sabine :
Ils se rencontrent pour la première fois au chapitre XVI, quand Habel lui reproche de
l’avoir fait attendre pendant dix jours, depuis le soir de l’accident, où il croyait qu’il a
retrouvé Lily en ce moment Sabine se met en colère et lui reproche les blagues racontées :

« Donc tu ne l’as pas bouffée, tu m’as racontée des blagues »Habel .P.80

Habel se prend à aimer Sabine comme s’il s’apprête à trahir une femme, ils connaitront au
moins deux autre rencontres, l’une au troquet,l’autre dans la chambre de Sabine avant qu’il la
quitte, dans cette partie de l’histoire la scène débauche sur le personnage de Lily.

« Qu’on débauche ensuite des enfants, initie tant qu’on veut d’innocentes
jeunes filles ou d’innocents garçons à des plaisirs des plaisirs qui ne leur
laisseraient qu’une insatisfaction dont ils peuvent toujours chercher la cause,
qu’on se prostitue soi-même et contemple ça d’un œil surpris, peut être fasciné
même, pourquoi pas ? Jubilant ! on entend aucune voix intérieure se récrier,
jeter l’anathème …il n’y a pas de honte il n’y a pas de remord »Habel. P.90.

Etude du personnage Habel/Lily :


Leur rencontre s’est effectuée au moment des trois fugues de Lily lors des quêtes de Habel,
la première quête mène Habel vers le pont où il rencontre Lily dans un rêve mais qui donne
l’impression d’une réalité, « le canevas du rêve porte en surimpression la réalité » mais
finalement rêve et réalité se confondent dans une rétrospection

« Et ce serait elle, et c’était effectivement elle » Habel P.103.

Lors de la seconde quête, il rencontre une femme qui est à son tour en quête d’une autre
personne qu’elle confond avec Habel, à ce moment Habel est devenu objet de quête au lieu
d’être un quêteur ce qui fait de cette scène une réduplication d’une même situation.

Habel finit par retrouver Lily déguisée en prostituée et prise à partie pour une autre prostituée,
à ce moment-là, elle lui apparait comme la plus grande séduction du monde mais aussi
comme sa mort « Lily est ma mort » Habel.109.

« Ce rapt premier, resté le seul en réalité se répétait encore, se répétait toujours. Le


meme.et que fut néanmoins, l’attitude de Lily à l’instant où elle le perpétra ? ce
33
qu’elle avait tout le temps été, celle ni plus ni moins d’une jeune fille qui s’était mise
tout entière entre les mains d’Habel » Habel.113.

A partir de cette nuit de rapt, dans laquelle Habel est un don fait à Lily, dans un temps et une
contrée indéterminée ainsi qu’il le dit lui-même, Habel fut pris comme on dit, peut-etre de
quelqu’un qui est possédé, car Habel par la racine HABALA veut dire devenir fou, pourrait se
situer dans la frange des personnes telles que « Mahboul » fou.

La troisième rencontre de Lily, s’achève sur une quête qui aboutit à la découverte de Lily
déguisé en Pierrot, Habel la perçoit, cette fois telle un ange.

Une nouvelle rétrospective, après un parallèle entre Sabine et Lily, permet de connaitre Lily,
enfin au cours des visites à Lily, Habel désemparé et redécouvrecommeil est rassuré il est.
Combien nu combien solitaire en exil mais auprès de sa Lily il n’est plus solitaire, il n’est plus
en exil au contraire il se sent entouré de tout le monde

« Redécouvre… combien désarmé il est, combien nu, solitaire en exil, auprès


de sa Lily plus désarmé encore, plus nu, plus solitaire, plus en exil »Habel.
P.129

Face à cette ressemblance flagrante, nous serons devant l’obligation de se poser la question
suivante : Lily ne serait –elle pas Habel lui-même ?

La dernière visite à l’hôpital, constitue une scène étrange, dans laquelle Habel tandis qu’il
parcourt le halle de l’hôpital éprouve d’étranges sensations de douleur comme si c’était un
crochet lui transperce les cotes droites ou la main droite de peur équivoque, prohibé,
inopportune, sensation qui le guident vers un groupe de malades d’entre lesquelles surgit Lily
pour la première fois depuis ses fugues.

34
Etude du personnage Lily/Sabine :
Ce couple est nettement placé sous le signe de l’opposition (chose qui nous a permis de
l’assimiler à l’opposition orient/occident) elles sont perçues toutes les deux par Habel de
façon étroite, mais elle s’oppose, en ce que Lily porte en elle tous les signes de la candeur et
l’innocence à savoir la chasteté

« il revoit par exemple comment ils firent l’amour pour la première fois , une
aventure, une chose qui arrivait aussi Lily pour la première fois …elle
continua toujours s’y prit comme on affronterait un fauve en nourrissant
seulement l’espoir de sortir, sinon indemne de ses griffes de moins
vivante »Habel. P.100

Lily comme Sabine elles sont blanches d’une blancheur qui dévêtit le cœur « une blancheur
qui sitôt dévêtue vous fait défaillir le cœur… »Habel.93

Le vert de ses yeux rappelle le paradis :

« Ces yeux qui ayant rarement l’occasion d’entrevoir le vrai ciel en portent
nostalgiquement le bleu et en font une lumière verte… » Habel P.94

Pour Dib Lily est femme paradisiaque selon ses propos c’est la femme édenienne qui jaillit à
la fois la sensualité et l’innocence.

« Lily couchée c’est la neige des origines endormie dans une fourrure de sommeil
roux. »Habel. P94.

En ce qui concerne Sabine on trouve qu’elle a des cheveux d’une maure à force d’être noirs
ils paraissent comme diluviens, un noir qui était la couleur du mal et malheur,

« Sescheveux qui sont à même de l’habiller toute entière, y parviendraient,


cette ténébreuse lisière où couchée, tout ce qu’elle n’invente pas, tout ce
qu’elle n’exige pas. » Habel. P.86.

Avec le noir de ses cheveux, le noir du mal et du malheur Habel apprendra que l’homme désir
l’enfer, Lily est la déesse enchainée par des génies vindicatifs tandis que Sabine est le monstre
un peu moins enchainé.Ce qui nous pousse à se poser une seconde fois la même question qui
concernait Habel et Lily : Lilyserait-elle elle-même Sabine ?

35
En guise de conclusion partielle pour ce chapitre nous disons que tous ces personnages qui
ont été traitée de cette manière particulière par rapport à la méthode ordinaire, forment un seul
personnage qui est Habel, ce qui nous fait revenir sur notre thème d’étude ou la fragmentation
pour avouer encore une fois que tous ces personnages ne sont que des fragments de la
personnalité de Habel qui pourrait être Dib.

36
Chapitre second : Apports intertextuels et dialogisme :
Dans ce chapitre nous essayerons de dégager la majorité des mythes présents dans ce
roman et analyser la relation existante entre le texte et les différentes images qui le
constituent. Habel est considéré comme un texte carrefour qui englobe les cultures et
civilisation à travers ce dialogisme et intertextualité arabo-musulmane, gréco-latine et judéo-
chrétiennes.

Dans son texte Habel l’auteur s’est appuyé sur les métaphores et les symboles pour entretenir
des liens textuels et extratextuels en formant son mythe.

Ce que nous envisagerons dans ce chapitre sera bien dans l’objectif d’extraire la majorité de
ces mythes et l’interprétation de ses symboles.

-Mythes en interférence :

Mythedes frères ennemis où le crime originel


Ce roman dresse un portrait intemporel de l'étranger. Inspirée de la haine fraternelle
qu'éprouve Caïn pour Abel, cette fiction met en scène Habel, poussé sur le chemin de
l'émigration, qui appréhende par le regard le monde sans repères dans lequel il est jeté. Pour
affronter la mort de son être que signifie l'exil, il doit devenir autre et abandonner à son frère
son ancienne peau.

Ce mythe raconte l’histoire de ces deux frères Caïn cultivateur, Abel berger, au bout d’un
certain temps, Caïn apporta des fruits du sol comme offrande à l’éternel, Abel lui aussi
apporta les premiers nés de son bétail avec leur graisse, l’éternel porta un regard favorable sur
Abel et son offrande ; mais ne le porta pas sur Caïn ni sur son offrande, ce qui irrita Caïn et
son visage qui fut abattu,

L’éternel demanda à Caïn la cause de cette irritation et pourquoi son visage est abattu, il lui
dit si tu agis bien tu relèveras la tête, mais si tu n’agis pas bien, le pèche est sur ta porte, ses
désirs se portent vers toi, cependant Caïn adressa la parole à son frère Abel et comme ils
étaient dans les champs Caïn se dressa contre son frère et le tua. L’éternel dit à Caïn : où est
ton frère Abel ? il répondit : je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? moi ? Alors Dieu
dit : Qu’as-tu fais ? La voix du sang de ton frère cris du sol jusqu'à moi.

37
« Une chose à laquelle il ne s’attendait pas, l’image de son frère se présenta
encore à son esprit, il pensa, il se dit, comme si ce dernier était dans la pièce et
pouvait vraiment l’entendre : alors, il faut le tuer ? » p171

Caïn a été maudit et éloigné de son sol qui a ouvert sa bouche pour recevoir de sa main, le
sang de son frère, il lui dit quand il cultivera le sol il ne lui donnera plus sa richesse, et qu’il
sera errant et tremblant sur terre, Caïn disait à l’éternel que le poids de sa faute est trop grand
pour être supporté, tu me chasses aujourd’hui loin du sol arable, je devrai me cacher loin de ta
face, je serai errant et tremblant sur la terre et si quelqu’un me trouvera il me tuera,

« Habel se dit encore, et en lui s’éleva un immense cri, une clameur qui monta
jusqu’au ciel : je peux ! Je peux le tuer sur place comme un chien ! J’aurai
pour moi l’avantage de la surprise ! Avec cette boule de cristal justement. »
p171

En ce moment-là, l’éternel lui dit que si quelqu’un le tue on le vengera sept fois, et mit un
signe sur Caïn pour que ceux qui le trouvent ne les frappent pas ce qui a aidé Caïn à sortir de
la présence de l’éternel et habitat la terre de Nord à l’Est d’Eden40

Le mythe de Majnun Layla :


Cette légende de Majnun Layla fait partie de la mémoire collective de la civilisation arabo-
musulmane, elle est sans doute l'une des histoires d'amour les plus connues d'Orient, elle
raconte l’histoire de Majnun Leïla, ou Quaïs, un poète bédouin fou amoureux de sa cousine
Layla. Mais on lui refuse la main de la jeune fille à plusieurs reprises. Inconsolable, il termina
sa vie dans le désert, dans le plus grand dénuement. C’est l’une des histoires d'amour les plus
populaires du monde islamique, de l'Asie centrale à l'Afrique du Nord, en passant par l'Inde,
la Perse et l'Arabie. Quaïs, un poète issu d'une grande famille de Bédouins tombe fou
amoureux de sa cousine Layla, qu'il compte conquérir grâce à son talent de plume. Mais les
Bédouins, dont la tradition veut que les pères organisent les mariages, ne l'entendent pas de
cette oreille. Quaïs ne peut épouser Leïla ! Fou de chagrin, le poète utilise alors son art pour
combattre le régime, C'en est trop pour la famille de son amoureuse, qui obtient du calife
l'autorisation de tuer l'impétrant contrarié. Avant d'en arriver à cette fatale extrémité, le calife
exige toutefois de rencontrer Leïla. Surprise : il découvre une créature qu'il juge sans intérêt,
en raison de sa maigreur notamment. Encore plus intrigué, il convoque Quaïs pour l'interroger

40
Bible : Genèse 4,2-16
38
sur l'amour qu'il porte à cette femme. "C'est parce que vous n'avez pas mes yeux. Je vois sa
beauté et mon amour pour elle est infini", rétorque l'amoureux transi. Le père du jeune
homme, ému par le désarroi de son fils, propose alors 50 chamelles en échange de Leïla. La
famille de celle-ci rejette l'offre. Quaïs en devient fou ("Majnun" en arabe). Même un
pèlerinage à La Mecque ne peut le ramener à la raison.

Leïla finit par se marier avec un autre homme et quitte la région. "Majnun" se réfugie dans le
désert au milieu des animaux sauvages où, pour se nourrir, il dispute l'herbe aux gazelles... Un
jour, il est découvert mort, son corps recouvrant un dernier poème adressé à sa belle.

« Son amour dans sa poitrine comme un feu qui s’attise de sa propre volonté,
Habel galopait à l’aveuglette, s’acharnait à courir, alors que ce n’est plus utile. »
p109

Dans notre roman le protagoniste semble aussi condamné à l’errance et la recherche de Lily
Anna, dans un portrait dessiné par Dib, qui met en valeur la survalorisation de l’objet perdu,
et de l’absence à l’encontre des valeurs et normes imposées par la société qui considère
l’amour de Majnun comme une valeur en soi une qu’elle mène à l’errance et
« L’ensauvagement » et le désespoir voire la perte.

Dans Habel ce n’est pas question d’une femme perdue ou un sentiment d’amour qu’on quête,
mais plutôt c’est la quête d’un besoin non accompli, c’est l’aventure d’une âme à la recherche
d’un désir perdu, un désir divin,autrement dit Habel cherche la lumière de Dieu ce que
confirme Mostefa Kara41 dans sa Revue de l’occident musulman à travers sa déclaration qui
confirme que l’œuvre de Dib est inscrite dans la théosophie de la lumière ou ce qu’on appelle
en arabe L’Ishraq ; cette théorie de vie suppose qu’une parcelle de la lumière de Dieu est
présente dans l’homme , cette lumière peut être retrouvée âpres avoir mené une quête saine
fondée sur l’amour de la femme qui a pris dans notre roman le rôle de la folle après cette
déformation de la légende originale , car c’est Lily qui est folle et non plus Habel pourtant il
porte le nom « Habel » ce que nous avons déjà évoqué dans le chapitre consacré à l’étude des
personnages « analyse du nom propre »

41
Mostefa Kara : Revue de l’occident musulman et de la méditerranée N22 citée par J.Aarnaud in Littérature
maghrébine de langue française.
39
« Pour les amants la nuit à la clarté du jour : le temps de la rencontre, à tout
prendre, est bien la geôle est le paradis si nous y sommes deux Mon enfer avec
Elle illumine le feu ; » Habelp.65

Le mythe Fils d’Ismaël :


C’est l’histoire d’Ismaël le fils d’Abraham et de la servante égyptienne Agar esclave de
Sarai, l’épouse d’Abraham ; Sarai n’a pas pu avoir d’enfants, elle demanda à sa servante de
donner un enfant à Abraham, ainsi Ismaël naquit, mais par la suite, Sarai eu un fils nommé
Isaac, elle demande à Abraham de chasser l’esclave et son fils , ce que fit ce dernier sur
l’ordre du seigneur qui lui dit : « de plus j’ai entendu ta demande en faveur d’Ismaël .je le
bénirai, je le rendrai fécond, je lui donnerai un très grand nombre de descendants. Il sera le
père de douze princes et l’ancêtre d’un très grand peuple. »42

Ainsi Ismaël est le père de tous les arabes, ce qui motive le choix de ce prénom par Habel
dans l’objectif de marquer son opposition à La Dame de la Merci, qui subsiste une
dénomination à déchiffrer, cette opposition se manifeste dans le dialogue qui s’est déroulé
entre Habel et La Dama DE la Merci :

« Habel se dit alors : mon nom à moi est Ismaël. »(Habel p50

« Il avait dit que son nom était Ismaël et il est effondré dans la pisse. » p134

« Mais je ne suis pas trèssûre de bien me rappeler dit-il.

Vous rappelez quoi ?

Il nous avait parlé de quelques choses où il était question aussi d’une Dame de La
Merci, un ordre institué autrefois pour racheter les captifs tombés aux mains des
infidèles. »43

Nous entendons par l’ordre de La Merci L'Ordre des Mercédaires, encore appelé Ordre de
Notre-Dame-de-la-Merci (en latin : Ordo Beatæ Mariæ Virginis de Redemptione
Captivorum), est un ordre religieux catholique fondé par le languedocien Pierre Nolasque
pour racheter les chrétiens captifs des pirates maures ou les infidèles (les arabes)et réduits en

42
La Bible Ancien et Nouveau Testament : Alliance biblique universelle, Paris 1982.

40
esclavage ;C'est l'un des deux ordres rédempteurs dont la mission principale était de délivrer
des mains des pirates barbaresques les chrétiens en captivité. Le premier, chronologiquement,
est l'Ordre des Trinitaires ou Ordre de la Très-Sainte-Trinité pour la Rédemption des captifs.
Quelques années plus tard, en 1218 à Barcelone, Pierre Nolasque, encouragé par son
confesseur, le dominicain Raymond de Penyafort, avec l'appui du roi Jacques Ier d'Aragon,
fonda l'Ordre des Mercédaires ou Ordre de Notre-Dame-de-la-Merci.

Dans notre roman il s’agit d’une situation inversée car c’est la Dame de La Merci qui se
propose de délivrer Habel/Ismaël tombés aux mains des infidèles, mais la question qui se pose
ici, qui sont ces infidèles sont-ils les arabes ou les chrétiens ?avoir répondu à cette question ne
doit pas dévier notre raisonnement de notre objectif qui est la présence de cette opposition
entre Habel et la Dame.

Nous avons remarqué après avoir être arrivé à ce mythe que ce roman englobe plusieurs
personnages faisant partie de la bible. À titre d’exemple nous évoquons l’histoire d’Agar, qui
fut affolé en cherchant l’eau au désert, l’ange lui dit « ton fils sera comme un âne sauvage. Il
combattra contre tous et tous combattront contre lui .il vivra seul à l’écart de tous ses
semblables »44

C’est le cas de Habel qui vit à son tour tout seul parmi ses semblables, les jeunes du carrefour
qu’il ne côtoie guère, au contraire là où ils sont présents il change de place, il n’a plus de
compagnons.

« Il n’aimerait pas frayer avec eux, une chose qu’il ne fera pas, jamais…S’il en voit,
de ses compagnons ou de ses compagnes d’esclavage, qui commencent à l’avoir à la
bonne, ou juste à en avoir l’air, il plaque, il va se chercher une autre place
ailleurs. »(Habel P.28-29)

44
Bible Ancien et nouveau Testament, P9.op. Cit
41
Le mythe gréco-romain :
Ce mythe est présent à travers le personnage Sabine qui raconte la légende de Romulus qui
fonde Rome puis tue son frère Rémus lors d'une querelle et devient le roi de la cité. Des
hommes le rejoignent. Mais pour agrandir une ville, il faut à la fois des hommes et des
femmes et les Romains n'inspirent pas confiance aux rois des cités voisines. Alors Romulus et
ses compagnons ont une idée. Ils organisent une fête en l'honneur du dieu Consus et invitent
les peuples voisins. Les Sabins viennent avec leurs filles. Au signal de Romulus, qui
consistait à s'envelopper dans les pans de sa cape, les Romains capturent les jeunes filles et
écartent leurs pères. Puis ils prennent les Sabines comme épouses. Titus Tatius, roi des
Sabins, déclare alors la guerre aux Romains. La guerre dure jusqu'à ce que les Sabines
s'interposent entre leurs pères et les Romains. Titus Tatius et Romulus partageront alors la
royauté pendant cinq années. À la mort de Titus Tatius, celui-ci est enterré solennellement sur
le mont Aventin.

Ainsi par le double jeu des connotations mythologiques (le mythe de Caïn est évoqué une
seconde fois à travers le crime et la relation entre les frères qui est mise en relief par Dibqui
décide enfin du roman de donner les raisons de cette haine et rancune envers le frère)

« Mais vous m’avez chassé.

Est-ce encore une de ces accusations comme j’en ai toujours porté contre vous ?

Pour fonder la cité nouvelle, vous ne pouviez faire autrement que sacrifier le frère
cadet. Pour que votre étoile brille sur elle de tout son éclat, celle du jeune frère
devait s’éteindre. Pour vous approprier le sceptre et régner sur cette cité, votre
tâche était de déclarer le plus jeune indigne, d’en appeler au témoignage public,
puis de le vendre comme esclave » Habel. P.160

Pour ce qui est de la légende de Sabine elle se manifeste dans notre roman à travers la
tragédie de Corneille, Horace, dans laquelle le personnage Sabine se trouve pris entre les trois
Horaces et les trois Curiaces « En est ce fait, Julie, et que m’apportez-vous ? Est-ce la mort
d’un frère, ou celle d’un époux ? »45

A la fin de ce chapitre nous pouvons conclure en disant que chaque mythe est un
fragment dans lequel s’illustre l’une des stations de la vie de Dib, chaque ce roman

45
Corneille :Théâtre complet Horace. P810
42
offre l’occasion aux lecteurs pour qu’ils aient une idée sur sa biographie à travers la
rencontre des civilisation et origines au sein d’un seul texte où ils interagissent et
dialoguent en tant qu’une seule unité.

43
Chapitre troisième : Etude psychocritique :
Après avoir présenté la psychocritique comme approche dans la partie théorique nous
allons l’appliquer dans notre corpus avec ses quatre étapes :

La première étape consiste à superposer plusieurs œuvres du même auteur pour dégager les
images récurrentes ou comme il a été déjà expliqué les phantasmes obsédants, nous avons
décidé de superposer Habel avec les œuvres de la trilogie Nordique que nous avons lues et
relus, ce choix a été effectué suite à la découverte de plusieurs points de similitude entre ces
œuvres, nous allons présenter leurs synopsis :

Lasuperposition des œuvres


Les Terrasses d’Orsol
« Les terrasses D’Orsol » raconte l’histoire d’ED, le narrateur principal de l’histoire
marquée et dominée par la dissolution de son mariage avec Eida, Ed quitte à la fois Orsol, sa
ville natale, sa femme et son unique fille Elma, il est enseignant à l’université, on lui attribue
une mission de longue durée à Jarbher. Une ville lointaine d’Orsol, ED exilé et envoyé en
cette mission pour découvrir le mystère de cette ville, semble condamné à vivre dans le chaos,
il se retrouve soumis à l’obligation de retourner sans cesse à la fosse, pris par un besoin de
trouver des réponses à ses énigmes, et l’identification des créatures qui y vivent. Hélas, sa
quête est sans fin, les habitants sont complices et indifférents, les rapports qu’il envoie sont
sans espoir d’être lus, dans un gouvernement lointain, aussi indifférent que les habitants de
Jarbher, donc ED décide de rentrer à Jarbher après avoir quitté son amour Aelle, pour se
retrouver enfin dans un hôpital psychiatrique suite à une amnésie qui lui a fait gommer tout ce
qui lui est arrivé et même son amour.

Le Sommeil D’Eve :
Dans « Le sommeil D’Eve » se résume l’histoire de Faina et Solh, emblème de l’amour
impossible entre une femme européenne mariée et un Maghrébin, Faina (âgée de 40 ans une
blonde aux yeux verts), elle est enseignante à l’université, combat avec sa parole l’absence et
le vide de Solh, qui l’a mise graduellement sur le chemin de la folie, surtout dans un moment
où les moyens de communication ordinaires sont insuffisants et incapables d’emplir ce vide.
Faina manie d’autres moyens pour rétablir le contact avec Solh voire avec le loup qui est en
Solh, elle soliloque, instaure des dialogues chimériques, elle recourt à des discussions

44
anciennes pour promouvoir des palabres fictives, perdues, dispersées qui luttent contre le vide
et n’atteignent plus Solh.

Neiges de Marbre :
Neiges de Marbrece roman a comme décor le climat neigeux des pays d’Europe du Nord.
Le narrateur est un traducteur exilé de son pays sableux, marié et séparé avec sa femme russe
(une blonde aux yeux verts âgée de 40 ans). Sa relation avec sa petite fille Lyly est
particulière. Père et fille parlent leur propre langage, mais ils ne sont pas capables de se
comprendre et alimenter une conversation significative ; ce texte est d’ailleurs traversé par des
méditations sur le langage et la quête de communiquer la finesse des émotions humaines. Au
même moment que le père développe son habileté à communiquer avec sa fille qui est partie
chercher la mort, sa relation avec sa femme s’étiole, les deux époux se retranchent dans le
mutisme et il devient impossible de trouver les mots pour sauver le couple.

L’infante Maure :
Le dernier volet de cette trilogie est « L’infante Maure » qui raconte l’histoire de Lyyli
Belle, la petite fille d’une mère nordique Mamouchka (une blonde aux yeux verts), et d’un
père maghrébin (un homme au teint brun et des yeux de loup). Elle vit dans un pays nordique,
au bord d’une forêt. Elle se sent écartelée entre deux cultures qu’elle constate différentes. Ses
problèmes de repérage sont d’autant plus difficiles à résoudre que son papa présente la
fâcheuse habitude de partir à un désert, pour compenser ce vide qui règne sur leurs vies, la
fillette a fait d’un arbre son havre, elle y vit pour échapper à la réalité, elle s’oriente vers le
monde virtuel où elle cherche sa véritable appartenance.

Et bien sûr en dernier lieu le roman en question Habel que nous avons déjà présenté,
cependant pour accomplir la superposition d’une manière correcte nous allons en évoquer une
seconde fois (résumé)

Habel :
Habel est un roman qui raconte l’histoire d’un jeune algérien exilé en France, séparé de sa
terre natale, cette séparation est reflétée ardemment à travers ses amours Sabine /Lily, Habel
est toujours pris par l’envie et le besoin de revenir au même point, un carrefour où il est
toujours en position d’attente, la première impression qui envahit l’esprit de tout lecteur de ce

45
roman est celle du désordre, une appréhension ardue de sens problématique cas de la majorité
de ses écrits singulièrement ses œuvres nordiques.

Habel est un récit hallucinatoire où s’entremêle le surnaturel et la réalité banale, dans lequel
les voix, les visions et les délires s’amalgament et ne cessent tout au long de l’histoire
d’harceler le personnage et à la fois le lecteur.

Habel est entêté à retourner au carrefour et attendre la mort qui a failli l’emporter à cause
d’une voiture qui a manqué de le faire écraser.

Ce roman est une mosaïque qui comprend plusieurs mythes au sein de ses faits ce qui a créé
de Habel (le roman) une œuvre qui illustre à merveille ce qu’on appelle « le dialogisme
littéraire » par la présence équivoque du Vieux alias la Dame de Merci, les paroles aux frères
et le mythe de Abel et Caïn, les rencontres avec Sabine, les appels à Lily avec laquelle il
s’enferme dans un hôpital psychiatrique.

Après avoir superposé les œuvres et connaitre l’histoire de chacune d’elle nous allons passer à
la seconde étape qui consiste à dégager les images récurrentes autrement dit les images
obsédantes, les thèmes qui se répandent dans toutes les œuvres d’une manière répétée

Classement des images récurrentes :

Œuvre Les images récurrentes


L’errance, la folie, la fragmentation,
Habel le mythe, l’exil, l’attente, le
surnaturel
L’exil, l’attente, l’oubli, l’errance,
Les Terrasses D’Orsol La fragmentation,
La folie, la mort, la fragmentation,
Neiges de Marbre l’errance, les rêveries
La folie, l’exil, la fragmentation,
L’infante Maure : l’errance, quête de soi, le surnaturel

Le Sommeil D’Eve : L’errance, la fragmentation,la folie,


46
la mort, l’amour, les rêveries

Partant de ce tableau où nous avons essayé de classer les thèmes et les images
répandues dans chaque œuvre, nous concevons que les thèmes qui sont présents
dans la totalité des œuvres prises sont : la fragmentation, l’errance, la folie, les
rêveries à savoir le mythe ou le surnaturel.

Identification du drame Personnel :


La fragmentation :
Ce motif est presque omniprésent dans toutes les œuvres de Dib, ou comme nous l’avons
déjà expliqué le dédoublement de l’unité en deux ou plusieurs fragments, dans l’intérêt
d’illustrer et accentuer sa mise entre deux et son exil à soi-même et à sa patrie.

Cet aspect de fragmentation à toucher la totalité de notre roman y compris la forme et le fond,
autrement dit le texte Habel élabore une signifiance toujours plus riche qui offre une écriture
doublement stratifiée fondé sur un contenu intérieur/extérieur.

Nous allons commencer par les éléments du système et de la typographie textuelle.

Fragmentation des voix narratives :


Habel se dédouble en deux textes que la typographie distingue le premier texte majeur est
un récit construit au passé et pris en charge par un narrateur omniscient qui déroule l’histoire
du protagoniste selon son point de vue, voire sa vision, le second texte est narré au présent en
utilisant le pronom « je », il confie une pensée intime en un monologue intérieur qui par
« intermittences, harangue le frère (faux) mandateur de la quête et initiateur de l’exil »46

Le deuxième texte à vrai dire le second fragment est un texte exposé comme une voix secrète
trébuchante appliquée à décrypter l’énigme qui règne le roman,

Il parle de sa personne comme si c’était une autre, il utilise le pronom « il » en se considérant


une deuxième présence d’en face.

46
LOGBI Farida : Etude structurale de l’œuvre dibienne, Les formes du mythes, 1987, P 41
47
« Lui ne savait pas encore. A cette heure il ne savait même pas son nom, ne savait
même pas que ça pourrait exister, un nom pareil. Mais ces choses-là c’est peut-être
leur manière d’arriver. » p97

Au point de Dire Habel au lieu de dire moi

« Habel s’interrogeait. Cette aventure. Le tour inattendu qu’elle prenait d’un coup :
pourquoi ? Y avait-il une raison pour ça ? Quelle raison ? Il n’avait pas la moindre envie de
tomber dans le panneau, de faire les frais d’une mauvaise plaisanterie. Il voulait savoir où il
allait, ce qu’il y avait derrière tout ça, quelque nom qu’on lui donne_ s’il avait un nom »
(Habel p.98.)

Tellement le protagoniste se sent divisé en deux il n’arrive même pas à se reconnaitre au sein
de soi.

« Quelque chose aussi tournait dedans, quelque chose. Mais quoi ? Habel ne sut pas.
Non, il ne sut pas encore (mais il avait un savoir). » p99

Il avoue en parlant de Habel -comme s’il ‘était un autre – en disant qu’il porte en lui deux
âmes jumelles l’une est perdue, la seconde est perdue voire égarée.

« Non sans raison sans doute, Habel se demandait alors si des deux, le plus perdu,
le plus seul, ce n’était pas lui. » p111

Habel est pris par ce sentiment de dédoublement au point de vouloir se détacher de soi pour
comprendre ce qui lui arrive. « Il en était arrivé là, il avait le sentiment de se quitter soi-
même » p 111

Il se sent couvert par une peau ou une autre présence qu’il connaissait déjà, mais il n’arrive
pas la côtoyer de nouveau « … il reste sur l’impression presque aussi déplaisante d’être
emballé dans une peau qui aurait été déjà pontée par d’autre. » p118

Il se sent hanté par un autre qui le gère de l’extérieur, et sort de lui sans aucune raison justifiée
« Habel ne sais pas. Il ne peut pas expliquer non plus comment ils sont passée, et à quoi. Il
est de nouveau dehors. » p129

48
Il lui adresse la parole comme si c’était un destinataire ordinaire « il Cherche, se dit le jeune
homme. Cherche- le, lui aussi. Trouve-le, rends-le à sa vérité. Fait preuve de courage, ne lui
dois-tu pas cette réparation ? » p164

« Aussitôt quelque chose en lui, une autre voix, répondit : Non, avec eux, ce n’est pas la
même chose. » p180

« Il se sentait plus paumé, plus dans le pétrin encore que quand il avait commencé. » p183

En lisant Habel on n’arrivera jamais à savoir le point d’émission, le locuteur est absent alors
que parfois il est confondu avec l’allocutaire ainsi que dans l’exemple suivant extrait de la
narration de l’accident où les voix viennent interrompre le cours du récit : « si cette têt avait
seulement pu s’évader de sa cage de verre. Si elle avait seulement pu en sortir armée de sa
seule aile, une aile de corbeau déplumé, et me bouffer avec ses seuls yeux, des yeux de
ventouses »

Et puis il change d’allocutaire dans le même paragraphe en disant : « ils ont acquis l’erreur au
prix de la vérité et les tourments au prix du pardon » Habel P.24.

On se demande à qui ou à quoi renvoie ce « ILS » et qui parle chose que nous n’allons pas
découvrir car Habel s’est désengagé de cette phrase

« Ces simples paroles. Même si attendant quelque part, planqué quelque part, il en
existait d’autres, il n’avait trouvé que ces mots et il ne savait pas encore d’où ils
sortaient » (Habel P24)

Puis il revient sur une autre voix narrative :

« Mais l’autre parole parlant toute seule, poursuivait, égale sure de soi ; Il n’y
a pas de cauchemar non plus, Tu n’y as peut-être que trop vécu, trop marché,
trop parlé (ces voitures, ce raffut, cette foule… » (Habel P.25)

Dans cet exemple l’autre parole est adressée à Habel dans un « tu » sans équivoque et se
différenciant de la première parole parles signes formels des citations, les guillemets par
opposition à l’emploi des caractères italiques semble pourtant provenir encore une fois
d’Habel.

49
« Jusqu’entre les bras de Sabine il est relancé par cette parole qui ne prend
plus naissance qu’en elle –même, sans visage, qui attend toujours l’occasion et
la trouve, cherche toujours sa cible et la trouve, et c’est Habel, le harcelant
depuis sa source inéclaircie, sa véritable origine : une énigme » Habel P.89

La narration est répartie tantôt attribuée au vieux, tantôt sans autre origine qu’elle-même,
mène toujours vers Habel différenciée par les déterminatifs « L’autre parole » celle d’avant
toutes ses paroles se confondent en Habel où elles se rejoignent, rendant du coup,
problématique l’existence du vieux. Ce dernier qui n’existe pas en réalité ce n’est qu’un
personnage chimérique créé par Habel, chose déclarée par lui-même.

 Nous avons aussi la fragmentation des personnages que nous avons déjà vue dans le
chapitre consacré à l’étude des personnages.

La folie :
La folie devient une tendance dans l’écriture moderne. Nous entendons par tendance une
caractéristique nouvellement introduite dans la création littéraire évoquée par Michel Foucault
qui a ajouté -à propos de la notion de la folie dans la littérature- dans son article « Histoire de
la folie de l’âge classique »47

La difficulté due au fait de parler de la folie, subsiste paradoxalement dans l’usage du langage
qui est pour lui exclu ou étouffé, Ainsi parler de formes de folie dans les œuvres littéraires, ils
ont présenté la folie comme un être de langage, mais dont le langage fonctionne selon des
règles singulières que le lecteur doit décoder autrement dit sous forme de comportements et
paroles,attitudes cryptées qui demandent littérairement et indirectement aux lecteurs de les
décrypter.

Le héros classique de l’écriture romanesque avec sa description de l’être doué d’une


intelligence hors pair s’efface devant la personnalité intrigante du personnage principal au
comportement ambigu de la nouvelle écriture. L’existence même d’Habel est une
interrogation, pas seulement pour le lecteur mais pour le personnage lui-même. Habel frôle la
folie, la touche et espère en échapper

. « Il regretta alors que cette auto ne lui soit pas passée sur le corps. Parce qu’il
accepterait maintenant. Et pas seulement elle : toutes. Il était disposé à se coucher
47
FOUCAULT M. Histoire de la folie a l’âge classique, Paris, Gallimard, 1990.
50
par terre, et qu’elles lui roulent aussi sur la question, sur toutes les questions, qu’il
n’y ait plus de questions »Habel. P.67

Habel est attaqué par ses propres esprits, des pensées qui rendent déraisonnable sa conduite. Il
réfléchit beaucoup, il ne cesse de réfléchir, il se perd même dans ses réflexions jusqu’à les
rendre incompréhensibles.

« …Ne disant rien, ne pensant rien, il avait en outre cessé d’entrevoir un sens à
tout ça et même d’en vouloir découvrir un, même de vouloir connaître l’issue de cette
aventure si elle en avait une »Habel. P.68

La folie d’Habel diffère de celle de Lily. Nous parlons de folie sévère pour Habel parce qu’il
souffre d’aliénation comportementale, une forme de schizophrénie. Cette souffrance est jugée
plus dure car le personnage chevauche entre la perte de contrôle et la lucidité exprimée en
prise de conscience momentanée mais suffisante pour le plonger dans l’incertitude. Tout au
long du roman, Habel est une pensée exprimée par l’acte de réflexion mais dont la parole est
latente de mots formulés.

« Des pensée excentriques, inquiètes, qui en valent d’autre, ni plus ni moins, et n’ont
des pensées que le nom. Des toquades, des imaginations, mais vrais élans, et tout
aussi extravagants, tout aussi fous que n’importe quoi de fou et d’extravagant capable
d’unir deux personnes. » p19

51
L’errance :
Etymologiquement, l’errance ou verbe « errer » du latin « errare », ce qui veut dire celui ou
celle qui voyage sans cesse, c’est aussi aller au hasard, à l’aventure aller là et là. Au sens
figuré, une imagination errante, c'est-à-dire qui se laisse aller librement sans but.48

Le verbe "errer" signifie aussi se tromper, avoir une opinion fausse, s’écarter de la vérité. On
parlera aussi d’errements. D’après DominiqueBerthet, si l’exil est varié par ces formes,
l’errance l’est aussi. Il n'y a pas que le corps qui se déplace, l'esprit erre au même titre que la
pensée, l'imagination, la réflexion, la recherche et surtout l'écriture qui erre à son tour.49

Selon Dominique Berthet :

« L’errance peut s’envisager au moins sous deux aspects : d’ordinaire, elle est
associée au mouvement, souvent à la marche, à l’idée d’égarement, à l’absence de
but. On la décrit comme une obligation à laquelle on succombe sans trop savoir
pourquoi, qui nous jette hors de nous-même et qui ne mène nulle part. Elle est
échec pour ne pas dire danger. L’errance toujours vue sous cet angle
s’accompagne d’incertitude, d’inquiétude de mystère, d’angoisse, de peur. C’est
une épreuve. »50

En ce qui parait l’errant est égaré dans la nulle part, sans avoir aucune destination ni objectif,
mais en fait réel, l’errance a été toujours une quête que mène l’errant derrière la certitude pour
se détendre avec soi ou autrui voire pour s’enfuir et se retrouver ; ce que confirme Dominique
Berthet :« Dans cette errance, l’objectif n’est pas de se perdre, mais au contraire de se
trouver. »51

Ce thème est tellement présent dans la majorité des œuvres de Dib qu’il devient un mythe
personnel, que notre corpus n’a pas manqué, l’errance se manifeste au moment où Habel a
décidé de quitter le carrefour, son aventure d’errance a commencé dans les rues de la ville,
c’est une errance qui le conduit à se trouver face à des rencontres singulières , d’abord une
prostituée l’aborde, un ivrogne manque de le renverser , Habel tente de l’aider enfin entré
dans une brasserie, Habel assiste à la scène de violence à l’égard d’un homme drogué. Il n’a
pas pu convaincre le garçon du café à l’aider pour porter secours à l’homme, Habel à ce
48
Dictionnaire littéraire p.182
49
ibidem
50
BERTHET Dominique, Figures de l’errance, Paris, Le Harmattan, 2007, p. 9.
51
ibidem
52
moment il était pris par une nausée, il est à noter que tous les personnages rencontrés par le
protagoniste sont des êtres marginaux, rejetés par la société comme l’est Habel lui-même dans
un délire, qui fait percevoir au personnage principal « la ville comme une vaste et solitaire
ruée de méduses, des méduses traçant leur route sanglante ». Habel. P.71.

Arrivé devant un pont Habel se souvient d’un rêve, dans lequel figure un pont identique et au
bout duquel se trouve Lily qu’il tente de rejoindre, mais qui disparait au bras de La Dame de
la Merci, dans une brasserie. Sabine également va y entrer à son tour, et lorsque Habel se
décide à pénétrer lui aussi dans la brasserie, le rêve prend fin, Habel se retrouve dans un
chantier.

« Il franchit l’accès du pont.il va poursuivre son chemin, et là, il stoppe met une
porte de verre contre laquelle on se tape le front, il éprouve la même impression, et
cette porte, c’est un rêve. Ça lui rappelle son rêve, le rêve qu’il a fait l’avant-
veille .il se trouvait ici.sur le même pont, c’était par une nuit pareille…une nuit
pouvant s’ajouter aux autres, et venant pourtant d’ailleurs. Une nuit enfantée par
sa propre nuit en quelques sorte et précédant l’attente d’Habel, le cherchant déjà »
(Habel P.71.72)

53
La mort et la fin du monde :
Errant dans les rues Habel souhaitait la fin du monde car il voit dans la mort une
échappatoire de son enfer :

« Ne faisant que contempler la même foule…et attendant sa place Habel


s’interroge à leur sujet comme il l’a déjà fait plus d’une fois…Les cohortes du
jugement, la réunion des temps » Habel P.35.36)

Dans la tradition chrétienne la fin du monde précédera la deuxième venue du Christ et le


jugement dernier, les prophètes proclament que le cosmos sera renouvelé, il y aura un
nouveau ciel et une nouvelle terre, Habel se persuade tant de l’imminence de cette fin du
monde qu’a l’apparition d’Azraïll’ ange de la mort, il pense à Israfil, l’ange gardien de la
trompette céleste devant retenir à la fin des siècles pour le jugement dernier

« Bientôt de retour-stop annoncez mon arrivée ; stop Jésus» Habel P.66.

En tant que symbole, elle désigne la fin absolue de quelque chose de positif, c’est l’aspect
hasardeux et corruptible de l’existence elle se rapporte au fictif de la terre ; mais elle est
aussi l’introduction et le début dans les mondes dissimulés des paradis et des enfers

« Elle est révélation et introduction » toutes les initiations traversent une


phase de la mort avant d’ouvrir l’accès à une vie nouvelle « …si elle est par
elle-même fille de la nuit et sœur du sommeil, elle possède comme sa mère et
son frère le pouvoir de régénérer »52

Le thème de la morte est toujours accompagné dans les écrits de Dib par le blanc comme
couleur et le loup comme animal salvateur, pour cette raison nous allons en évoquer et
interpréter ; Pour ce qui est de l’analyse de ces deux symboles, nous en avons emprunté avec
leur interprétation on à Mme Bouchene Karima de son mémoire de Magister qui porte sur
l’étude des thèmes et symboles dans L’Infante Maure de Med Dib

52
Chevalier et Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Laffont Jupiter, 1988, p.437
54
Le blanc :
On peut aussi le définir à travers sa contre –couleur, il peut se mettre aux deux bouts de la
série chromatique, il signifie tantôt l’absence tantôt la somme parfaite des couleurs, « il
renvoie ainsi à dialectique de l’un et du tout »53, il désigne aussi bien l’unité principale qui
prévient « l’apparition de la multiplicité des choses »54.

Il symbolise l’innocence du paradis initial, il désigne le départ comme il peut indiquer,


l’aboutissement de la vie diurne et du monde réel, ce qui lui attribue une valeur
asymptomatique ; l’aboutissement de la vie (la mort) est aussi un moment transitoire, à la
charnière du visible et de l’invisible ; donc un autre départ. D’après Chevalier & Gheerbrant :
le blanc ou le candidus55 est la couleur de candidat, c'est-à-dire : celui qui va changer de
condition ; c’est la couleur de passage au sens selon lequel il s’agit de rite de passage, c’est la
couleur de transformations de l’être. Il signifie également le retour : c’est le blanc de l’aube
où la courbure céleste réapparaît, vide encore de couleurs, mais riche de puissance de
manifestation.

Il est primitivement la couleur de la mort et du deuil, sous son aspect néfaste le blanc livide
est opposé au rouge, la couleur du vampire, qui cherche le sang qui s’est retiré de lui, c’est la
couleur des revenants, et l’entrée dans l’invisible, il représente la couleur des premiers pas de
l’âme.

Le blanc est la couleur qui met l’être sur une double épreuve, à la fois patente et latente, qui
nous met face à la position de Habel autant qu’élément médiateur entre deux globes, ses deux
femmes Sabine et Lily et surtout entre sa maturité et son innocence.

Le loup :
Dans la majorité des œuvres de Dib le loup est présent, dès La trilogie Algérie jusqu'à La
trilogie Nordique raison pour laquelle nous nous sommes trouvés face à l’obligation d’en
analyser en tant que symbole.

Le loup est Un animal qui a toujours occupé un espace considérable dans les mythes et les
légendes des anciens, il est valorisé positivement autant que négativement .positif apparaît le
symbolisme du loup dans sa capacité de voir la nuit, c’est le symbole du soleil levé, où il

53
Michel CASENAVE, Encyclopédie des symboles, Pochothèque, 2007, p.82.
54
Ibidem
55
Chevalier et Cheerbrant, Dictionnaire des symboles, Laffont Jupiter, 1988, p.124.
55
devient symbole de la lumière, héros guerrier… cette signification abordée surtout par les
nordiques :le loup Fenris56qui a fini par détruire ses liens et avaler le soleil, jusqu’ à sa mort,
lors du duel où il affronte Odin le père universel ,

Pour les grecs il a été attribué à Belon ou à Apollon ; sa force et son ardeur font une allusion,
que des peuples turcs perpétueront jusque dans l’histoire moderne, puisque -comme l’écrit
Chevalier et Gheerbrant –Mustapha Kemal, qui s’était nommé lui-même Atatürk, c’est-à-dire
père des turcs, avait reçu de ses partisans le surnom de loups gris57.

Le peuple turc qui se rassemble, autour de lui et conduit la bataille, pour rattraper son identité
mutilée par la déchéance de l’empire Ottoman, pareillement l’image du loup de l’ancêtre
mythique de Gengis khan, loup bleu « cratophanie de la lumière ouranienne »58

Pour les chinois le loup était le symbole de (l’étoile Sirius) qui est le gardien du château divin,
où on invoque l’aspect de la férocité de cet animal.

Pour quelques régions japonaises : le loup est déterminé à travers son rôle de protecteur
contre les autres animaux sauvages, en évoquant l’idée de la force mal contenue59.

Chez les romains le loup était le symbole de la victoire et à la fois un animal fantôme qui
rendait l’homme muet par la seule vue de ses yeux. D’autre part il est approprié à l’agrégat
Cronos -Chronos60, qui dévore à la fois ses enfants, et le temps qui passe.

À travers toutes ces interprétations nous pouvons découvrir la nécessité du rôle accordé
à Habel. Et Lily que voit en lui le loup afin de montrer qu’il peut l’aider et la protéger comme
il peut la nuire, c’est un animal connu par sa tendresse celle qui est vue à travers les
comportements des louves, qui allaitent et élèvent leurs petits l’allaitement qui demeure un
symbole permanent de tendresse et de passion féminine.

Dans les légendes chrétiennes le loup a pris le symbole des puissances sataniques, qui
effrayent les gens honnêtes ; ces puissances ont été détruites seulement par les saints, à la
faveur de la vigueur de l’amour, sur lequel ils s’appuient, pour transformer la sauvagerie et
l’atrocité en sérénité.

56
.Michel CASENAVE, Encyclopédie des symboles, Pochothèque, 2007. 581.
57
. Chevalier et Cheerbrant, Dictionnaire des symboles : 1988, Laffont Jupiter 582.
58
ibidem: p. 582.
59
Michel CASENAVE, Encyclopédie des symboles, Pochothèque, 2007, p.374.
60
Ibidem.
56
Nous partageons le point de vue avec Charles Bonn : « le loup » peut être bien le nom de
notre auteur en arabe dialectal « Dib ».

« Autre motif obsédant, élément mythique archétypal que l'auteur se réapproprie


sur un mode très personnel (mais quand on s'appelle Dib – en arabe dialectal = le
loup –, comment y échapper ?), celui du fauve, tapi en l'homme »61

En plus de toutes ces caractéristiques qui décrivent le loup comme un animal et symbole le
loup est également le nom de notre auteur, autrement dit Dib nous incite à ne pas partir
ailleurs loinde ses œuvres pour chercher le sens de ses mots, il avoue et le déclare d’une
manière trèsfranche mon histoire existe au sein de mes écrits et entre mes pages.

61
Charles BONN cité par Martine MATHIEU: Université de Michel de Montaigne, Bordeaux 3.la trace
archaïque. Disponible sur Internet à l’adresse : http//www. Charles BonnSMohammed Dib.htm
57
Conclusion Générale :
En guise de conclusion nous disons que Habel est l’œuvre qui illustre à merveille
ce qu’on appelle l’œuvre trahie, car Habel est l’écrivain, Lily est son écriture ils sont
tous les deux liés par un passion d’un amour fou, c’est un roman où l’un et l’autre
apprennent à faire l’apprentissage de la déraison voire la folie et la mort ; à la fin de
notre travail nous avons constaté que la mort et la folie impliquent un nouvel espoir
et une nouvelle vie en partant de l’hôpital psychiatrique où il a décidé de rejoindre
Lily et d’y perdre avec elle la raison .

Habel est un roman où s’exprime la reconnaissance et la gratitude qui lie Dib à son
écriture, découverte peut être dans ce roman, avec lequel il a noué des nouveaux
rapports, ces derniers qui y sont exprimés grâce à cette langue née de l’errance et la
quête d’appartenance,

A travers ce roman nos avons compris également que l’aventure de Habel dans la ville
étrangère l’a exposé à toutes sortes de rencontres, au cours desquelles il peut perdre son âme
ou au contraire la sauver , la symbolique de tous ces drames présent au sein de cette histoire,
comme un arrière fond mythique surlequel se développe l’aventure moderne du héros dont le
nom est inscrit dans deux systèmes phonologiques celui de l’arabe et celui du
français(Habel/Abel) pour révéler son expérience d’exil entre l’occident /l’orient.

Habel exploite la thématique du frère sacrifié d’après la Genèse et celle du culte érotique et
mystique de Majnun Leila (le fou de Leila) et nous avons (le fou de Lily) Lily qui est en fait
son écriture -comme nous l’avons déjà signalé- qui lui est son unique arme contre les
énigmes qui envahissent son existence,

Le contenu mythique qui constitue le monomythe de Dib est porté à la fusion du


vraisemblable et du et du réel , le monde diégétique est présenté autour d’une somme de
mythes en dialogisme qui s’exprime à travers la confrontation de ces mythes et symboles, que
par la personnification des idées fragmentées entre des voix narratives celle du personnage et
celle du narrateur anonyme,qui ouvre par le biais du dialogisme d’extraordinaires potentialités
en superposition en créant une poétique à partir des pôles de l’univers culturels et les rendre
semblables, pour montrer à l’Univers comment les visions du monde distinctes et divergentes
trouvent leur parenté dans les paroles originelles,.

58
L’union gémellaire qui est fragmentée est donc celle du mythe littéraire et du mythe poétique,
cette fragmentation a donné ce qu’on appelle les mythèmes qui deviennent porteurs de sa
vision du monde, en confirmant que toute singularité est universelle, il invite l’homme à se
chercher au sein de soi et se mettre chacun devant son carrefour

A la fin de ce mémoire nous avons constaté que Dib a choisi la mort et la fin du monde
comme rite et mythe afin de dévoiler les sens cachés des choses de la vie entre autres la mort
qui est en apparence le symbole de la fin ,or elle peut être aussi la source du renouvellement et
renaissance tel qu’elle est vue par Joseph Campbell, dans son ouvrage Le Héros au mille et un
visages où il soutient l'idée que le passage du seuil magique autrement dit l’appel au mythe de
la mort, permet l'accès à une sphère de renaissance est représentée par l'image symbolique du
ventre de la baleine parce qu’il est vaste comme le monde, où il est englouti dans l'inconnu et
semble avoir succombé à la mort et le départ vers l’inconscient qui est nommé par Dib Le
temple intérieur et par Young la contrée céleste qui dépasse l’au-delà, l’au-dessus et l’au-
dessous des frontières du monde, qui sont en réalité un et identiques. Chose que Dib n’a pas
manqué en écrivant Habel et l’exposant à travers ce portrait où se dialoguent ces mythèmes
voire c’est fragments de l’histoire, ces fragments de l’auteur qui partent chacun dans sa
trajectoire vers une destinée dessinée par un désir de retrouver et se retrouver au sein des
querelles des âmes peu importe homme ou femme.

Habel est le premier roman qui évoque l’éclatement de son union gémellaire et sa
fragmentation qui n’est que son besoin de s’attribuer à un homme ordinaire qui possède un
nom et une nation loin d’être éparpillée et déguisée derrière ces visages tantôt édeniens
tantôt démoniaques, qui pourraient cacher eux aussi des secrets autres que ceux qu’on a
l’habitude de lire et voir autrement dit la mort pour Dib dissimule dans ses entrailles des
graines d’espoir ; pourrait-on donc considérer la naissance comme un moment de disparition
où se déchire ce lien sacré entre les émoi du moi ?

59
Références Bibliographiques
I. Œuvre étudiée :
DIB, Mohammed. Habel, Paris : Seuil, 1977.

II. Ouvrages théoriques :

ADRIAN, Marino. Hermeneutica lui Mircea Eliade : Ed : Dacia –Cluj-Napoca,


1978, trad. en français, 1981.

ARON, Paul Denis SAINT-JACQUES. Dictionnaire de la littéraire, Paris :


Quadrige, 2006.

BAKHTINE, Mikhaïl. La Poétique de Dostoïevski, Paris : Seuil, 1970.

BAKHTINE, Mikhaïl. Questions de Littérature et d’esthétique, Moscou, 1975.

BARTHES, Roland. Introduction à l’analyse structurale des récits, Paris : Seuil,


1966.

BARTHES, Roland. Recherche de Proust, Editions du Seuil, 1980.

BARTHES, Roland. Analyses Textuelle d’un Conte d’E. Poe dans l’aventure
sémiologique, Paris : Seuil, 1985.

BERTHET, Dominique. Figures de l’errance, Paris : L’Harmattan, 2007.

BIERMEL, J. La condition humaine dans le camp de la concentration, Paris :


Seuils, 1978.

CAMPBELL, Joseph. LE HEROS aux mille et un visages, Oxus, 1957.

CASSIRER, Ernest. La philosophie des formes symboliques, Paris : Minuit,


1983.

60
CAZENEUVE, Jean. Les Mythologies à travers le Monde, Paris : Hachette,
1966.

CHEVALIER, Jean & GHEERBRANT, Alain. Dictionnaire des symboles,


Robert Laffont/Jupiter, 1988.

CREUSER, S. Dictionnaire des symboles, Paris : Laffont, 1969.

DE MIJOLLA, Alain. Dictionnaire International de la psychanalyse, Paris :


Hachette, 2002.

DUCHET, Claude. Une écriture de la socialité, in Poétique10, 1973.

DURAND, Gilbert. Structures anthropologiques de l’imaginaire. Ed. Univers :


Paris. 1977.

ERASME, de Rotterdam. L’Eloge à la Folie, Paris : Flammarion, 1987.

EDMOND, Marc. Psychologie de l’identité soi et le groupe, Belgique :

DUNOD, 2005.

FOUCAULT, M. Histoire de la folie a l’âge classique, Paris : Gallimard,1990.

GENETTE, Gérard. Palimpsestes, cité par DELACROIX, In Méthodes du


texte : introduction aux Etudes littéraires, Bruxelles : Editions de Boeck
Supérieur, 1987.

GENETTE, Gérard. Seuils, Paris : Seuils, 1987.

HAMON, Philippe. Pour un statut sémiologique du personnage, Poétique du


récit, Paris : Seuil, 1977.

61
HAMON, Philippe. Pour un statut sémiologique du personnage in Poétique du
récit de Roland BARTHES, Paris : Seuil, 1977.

HONGRE, Bruno. L’intelligence de l’explication de texte, Ellipses Marketing,


2005.
JOSEPH, Campbell : le Héros aux mille et un visages, OXUS, 1949.

JOUVE, Vincent. Poétique du roman, Armand Colin ,2007.

KRISTEVA, Julia. Sèméiotikè. Recherches pour une sémanalyse. Paris : Le


Seuil, coll. ‘Tel Quel’, 1969.

LAHENS, Yanick. Quand l’exil devient errance Conjonction, N°169, avril –


juin 1986.

LOGBI, Farida. Etude Structurale de l’œuvre Dibienne, Les Formes du Mythes,


1987.

MARCHAL, Bertrand. LeSymbolisme, Armand Colin, 2011.

MARCHEREY, Pierre. Pour une théorie de la production littéraire, cité par


HOEK, In La Marque du Titre : Disposition sémiotique d’une pratique textuelle,
La Haye : Mouton, Paris, 1981.

MAURRON, Charles. Des Métaphores Obsédantes au Mythe Personnel, Paris :


José Corti, 1964.

MENOUD, Lorenzo. Qu’est-ce que la fiction ? Paris : Librairie Philosophique,


2005.
62
MIRCEA, Eliade. L’Aspects du Mythe, Paris : Gallimard, 1963.

MIRCEA, Eliade. L’imagination littéraire, Ed, Romanesque, 1987.

MIRCEA, Eliade. Images et symboles, Paris : Gallimard, 1952.

MIRCEA, Eliade. Soliloques, Ed, Humanisas, Bucuresti, 1991.

PIEGAY-GROS, Nathalie. Introduction à l’intertextualité, Paris : Duodi, 1996.

RICARDEAU, Jean. Problèmes du nouveau roman, Paris : Seuil, 1964.

SAMOYAULT, Tiphaine. L’intertextualité : Mémoire de la Littérature, Paris :


Nathan, 2001.

VIERNE, Simon. La littérature sous les lumières des mythes. Cahiers de


l’Herne.1978.

III. Mémoires et thèses consultés :

BOUATENIN, Adou. La poétique de la Francophonie dans deux poèmes de


Senghor : ‘‘Que m’accompagnent Koras et Balafong’’ et ‘‘Chaka’’, Mémoire
de Master, Université FÉLIX HOUPHOUËT BOIGNY, 2015.

VLADIMIR, Siline. Le Dialogisme dans le Roman Algérien de Langue


Française, Thèse de Doctorat Nouveau Régime, Université de Paris13, 1999.

63
IV. Articles / Revues :

BISHOP, Neil. Breton. Anne Hébert, Son œuvre, Leurs Exils, Presse Univ de
Bordeaux, 1993.

DUCHET, Claude. Une écriture de la socialité, in Poétique10, 1973.

KLIMKIEWISCZ Aurélia, Le brouillon de l’exilé, in Les nouvelles figures


de l’exil de Salah BASALAMAH,
http://www.poexil.umontreal.ca/events/colloqfiguresexilsynop.htm.

KARA, Mostefa. Revue de l’Occident Musulman et de la Méditerranée N22


citée par J. ARNAUD in Littérature maghrébine de langue française, 1976.
http://www.limag.refer.org/new/index.php?inc=dspper&per=00003579

A propos de « Deuxième épitre à Laurent Gbagbo » de Tiburce Koffi


"Contradictions et dérives » : "Les mots utilisés par Tiburce Koffi sont à la
limite de l'injure proférée à l'égard de M. Laurent Gbagbo"

https://www.ivoirebusiness.net/articles/propos-de-«-deuxième-épitre-à-laurent-
gbagbo-»-de-tiburce-koffi-contradictions-et-dérives

V. Siteographie :

http://www.theatreclassique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/CORNEILLEP_HORA
CE.xml

VI. Dictionnaire :

Dictionnaire Larousse de français.

64
Table des matières
Introduction générale : .......................................................................................................................... 0
Partie 1 : Théorique .............................................................................................................................. 6
Chapitre premier : Présentatif ............................................................................................................. 6
Présentation de l’auteur : ..................................................................................................................... 6
Présentation de son écriture :........................................................................................................ 10
Présentation de l’œuvre : ................................................................................................................... 11
Résumé : ........................................................................................................................................ 11
Chapitre deuxième: Approches et démarches ....................................................................................... 12
Etude des personnages : .................................................................................................................... 12
Apports intertextuels et dialogisme : ................................................................................................. 15
Historique et genèse de la notion « Dialogisme » : ....................................................................... 15
Dialogisme : .................................................................................................................................. 18
La mythanalyse / Mythocrithique...................................................................................................... 20
Psychocritique ................................................................................................................................... 22
Chapitre Troisième : Présentation des notions problématiques ..................................................... 26
Fragmentation:................................................................................................................................... 26
Historique de la notion .................................................................................................................. 26
Mythe/Monomythe : .......................................................................................................................... 29
Définition du Mythe : ........................................................................................................................ 30
Parties 2 : partie Pratique................................................................................................................... 32
Chapitre premier : Etude des personnages ....................................................................................... 32
Habel : ........................................................................................................................................... 32
Etude du personnage : Habel/Sabine : ........................................................................................... 33
Etude du personnage Habel/Lily: ................................................................................................. 33
Etude du personnage Lily/Sabine : ................................................................................................ 35
Chapitre second : Apports intertextuels et dialogisme : .................................................................. 37
Mythe des frères ennemis où le crime originel.............................................................................. 37
Le mythe de Majnun Layla : ......................................................................................................... 38
Le mythe Fils d’ Ismaël : .............................................................................................................. 40
Le mythe gréco-romain : ............................................................................................................... 42
Chapitre troisième: Etude psychocritique : ...................................................................................... 44
La superposition des œuvres ............................................................................................................. 44
Les Terrasses d’Orsol .................................................................................................................... 44
Le Sommeil D’Eve : ...................................................................................................................... 44
65
Neiges de Marbre : ........................................................................................................................ 45
L’infante Maure :........................................................................................................................... 45
Habel : ........................................................................................................................................... 45
I-2 Classement des images réccurentes : ....................................................................................... 46
Identification du drame Personnel :............................................................................................... 47
La fragmentation : ......................................................................................................................... 47
La folie : ........................................................................................................................................ 50
L’errance : ..................................................................................................................................... 52
La mort et la fin du monde : .......................................................................................................... 54
Conclusion Générale : ..................................................................................................................... 58
Références Bibliographiques .......................................................................................................... 60
Annexe .............................................................................................................................................. 67
Résumés ............................................................................................................................................ 70

66
Annexe
« La dernière interview de Mohammed DIB »

M. Zaoui : que voulez-vous mettre exactement en relief à travers l’histoire d’une


rencontre entre un homme du sud et une femme du Nord, d’une part, et l’histoire de
leur enfant d’autre part ?

Dib : le mode d’emploi d’un livre se trouve dans le produit lui-même, ainsi que toutes ses
explications. Là, il s’agit d’un roman. On ne peut pas donner d’explication didactiques,
celles-ci y sont suggérées et le lecteur devrait avoir à cœur de trouver seul ces explications.
Cela fait partie des plaisirs de la lecture. Un livre ne s’écrit pas comme une démonstration
mathématique : on pose un problème et on essaie de le résoudre. Il vient comme une sorte
d’inspiration, et à ce moment –là, le livre s’invente au fur et à mesure qu’il s’écrit.

L’auteur ne sait pas forcément ce qui va se produire, donc ce qu’il va lui-même dire .il est
vrai que toute œuvre littéraire, une fois achevée, à un sens mais ce sens n’est pas vraiment
prévu au départ.

Un écrivain se découvre, et découvre son œuvre en écrivant ….

M. Zaoui : L’infante maure, c’est tout de même un titre qui suggère tant de choses.

Dib : ce que j’ai voulu montrer, c’est tout simplement un enfant comment il vit, comment voit
le monde et comment il réagit. Il m’importe peu que cet enfant soit d’un couple mixte ou qu’il
vive dans un pays ou dans un autre. C’est d’abord l’enfant qui m’intéresse

Aujourd’hui, les voyages et les échanges se sont multipliés et font que les gens se rapprochent
de plus en plus. Il y a des gens qui voyagent énormément, qui se rencontrent, qui se plaisent et
parfois s’épousent.

Il y a de plus en plus d’enfants dont l’un des parents appartient à un pays différent, à une
langue différente et à une culture différente de l’autre. Je dirai même que le monde va de plus
en plus dans ce sens, et l’idéal serait que le monde ne soit constitué que d’enfants issus de
couples qui appartiennent à des cultures différentes. Dans mon livre, nous nous retrouvons
d’une manière plus précise devant un couple dont l’homme est censé être un maghrébin. Il
peut être Algérien, marocain ou tunisien. La femme vient d’un pays nordique. Cela pourrait
être Suède, Norvège ou Finlande. Un enfant naît de cette union. Les enfants qui sont riches de

67
deux cultures sont également riches d’un imaginaire et même de deux imaginaires qui se
confondent. Un imaginaire qui fait leur marque essentielle, qui fait leur identité.

C’est pour cela aussi qu’un enfant issu d’un mariage mixte –le mot « mixte » ne me plait pas
beaucoup –est un enfant qui a un monde de rêve beaucoup plus grand, beaucoup plus étendue
que celui qui a pour origine un seul pays, une seule culture, qui se trouve bien enracinée, bien
ancrée quelque part. L’enfant a un espace pour son imaginaire, il est un peu le roi de son
domaine imaginaire. Une fille est en quelque sorte la reine d’où « l’infante »

M. Zaoui : justement pourquoi « l’infante » ?

Dib : Non, c’est un préjugé. Un adulte qui, pour certaines raisons, est obligé de s’expatrier
vit dans ce cas un déchirement, mais pas l’enfant. Sauf bien sûr s’il existe au sein du couple
un antagonisme irréconciliable qui entraînerait le déchirement de l’enfant. Cela peut exister
chez les couples qui partagent la même langue. Des parents qui ne s’entendent pas font des
enfants malheureux. Ceux –là existent partout, ils n’ont pas besoin de venir pays différents
pour ne pas s’entendre. à mon sens , il n’ y a donc pas de déchirement mais une curiosité
profonde .D’ailleurs, j’ai posé des questions à des personnages adultes , issus de couples de
ce genre qui m’ont confirmé que , enfant, ils avaient ce rêve très vaste qui embrasse au moins
deux pays .L’idée surtout que le pays qu’ils ne connaissent pas leur apparaissent comme un
royaume féerique .Et si l’un des parents est absent , il est souvent imaginé comme un grand
personnage, dans son pays bien sûr. L’enfant rêve de cela. Une fois adulte, il se rendra
compte que ce n’est pas toujours vrai.

M. Zaoui : vos derniers romans apparaissent comme le point de départ d’une réflexion
sur l’exil. Mais on considère aussi que vous revenez à une écriture plus intériorisée

Dib :étant jeune, c’est l’action qui prime ; avec l’âge la réflexion s’y substitue. Un écrivain
relativement jeune se pose des problèmes d’esthétique et d’efficacité, mais avec l’âge, on pose
de plus des questions de plus en plus d’éthique, car dans la vie il y a des étapes qui font qu’on
passe d’un stade à un autre.

M. Zaoui : que ressentez-vous au moment d’écrire un roman ?

Dib : j’ai l’impression que ce n’est pas moi qui écris et qui invente, que les choses se
présentent toutes seules, et que je n’ai qu’à écouter et voir. Concernant les dialogues et les
discours, je n’ai même pas besoin de chercher. Je les entends et je les rédige. J’ai fait cette
68
constatation depuis longtemps, c’est la partie de mes manuscrits que je corrige le moins. Les
dialogues dans leur état premier restent inchangés, exactement comme d’autre personnes, en
parlant en ma présence, me demandant de transcrire leurs paroles en les maintenant telles
quelles.

M. Zaoui : vous avez dit un jour ; « Quand on prend le chemin de l’exil, le retour est
impossible ». Le pensez-vous toujours ?

Dib : à vrai dire, on ne revient jamais. Pas seulement de l’exil. Quand on part on ne revient
pas, c’est sûr.

Même s’il y a retour, ce n’est pas la même personne qui revient…

69
Résumé :
Ce travail traite l’une des œuvres les plus marquantes de Mohammed Dib, il
porte sur l’analyse des mythes et légendes antérieurs et leur présence dans Habel
–le roman corpus- en tant que constituants fondamentaux dans l’histoire.
Cependant ils ne sont en réalité que des textes inspirés des civilisations
anciennes pour interagir dans notre texte, notre problématique consiste à
découvrir la raison pour laquelle Dib a choisi une telle stratégie pour révéler son
expérience d’exil, et d’amour fou avec les lettres présentée dans l’histoire à
travers Lily.

Dans notre investigation nous avons essayé de disséquer le drame personnel de


l’auteur à partir d’une analyse psychocritique fondée sur l’analyse des différents
thèmes qui règnent l’histoire que nous avons superposée avec d’autres œuvres
lues du même auteur.

Nous avons pu constater que cette fragmentation qui affecte le roman en


question y compris : les personnages, le discours, la narration et même les
comportements n’est qu’une seconde sorte adoptée par Dib afin d’accentuer son
expérience et moments de confusion et mise entre deux.

En achevant notre travail nous nous sommes trouvés face à une réalité qui parait
un peu étrange car ce roman a réussi à nous convaincre pour voir les choses
autrement, et chercher au sein des vérités qui paraissent sombres d’autres vérités
qui dissimulent l’espoir et le renouvellement spirituelle et physique.

:‫الملخص‬

‫يعالج هذا العمل واحدا من أهم األعمال الخالدة لمحمد ذيب اذ يعتمد على تحليل الخرافات واألساطير‬
‫السابقة ووجودها في رواية هابل الرواية السند كمركب أساسي في القصة‬

70
.‫وبالرغم من ذلك ليسوا حقيقة إال مجرد نصوص مستوحاة من الحضارات القديمة لتتفاعل مع نصنا‬
.‫إشكاليتنا تتضمن البحث عن السبب الذي جعل ذيب يختار هذه اإلستراتيجية ليبين تجربته في المنفى‬
‫وتجربته في الحب المجنون عن طريق الرسائل المعروضة في القصة من خالل ليلي‬

‫لقد حاولنا في تحقيقنا هذا أن نشرح المعاناة الشخصية للكاتب من خالل النقد النفسي المؤسس على تحليل‬
.‫المواضيع المختلفة التي تحكم القصة والتي طابقناها مع أعمال أخرى مقروءة لنفس الكاتب‬

‫ الرواية‬،‫ الخطاب‬،‫لقد الحظنا أن هذا االنقسام الذي مس الرواية المقصودة من بين ذلك الشخصيات‬
‫ لحظات االضطراب وما‬،‫وحتى التصرفات ليست إال طريقة ثانية تبناها محمد ذيب ليركز على تجربته‬
‫بين اثنين‬

‫ الن هذه الرواية نجحت في‬،‫ففي نهاية هذا العمل وجدنا أنفسنا أمام حقيقة تبدو غريبة بعض الشيء‬
‫إقناعنا برؤية األمور بطريقة مختلفة والبحث في صميم الحقائق التي تبدو غامضة عن اخرى تبعث‬
.‫األمل والتجدد الروحي والذاتي‬

Summary :

That work treats one of the remarkable works of M.DIB. It is based on the
analysis of previous legends and myths and their existence in the novel of
“Habel” - the corpus novel - as a fundamental component in the story.

Although, they are just texts inspired from the ancient civilizations to play a
hand in our story. Our problematic is about looking for the reason behind why
M.DIB had chosen such a strategy in order to reveal his experience in the exile
as well as in mad love; via the use of letters presented in the story through Lily.

In our investigation, we have tried to dissect the personal drama of the author;
depending on a psychocritical analysis based on different analyzed themes that
control the story, and in which they were superposed with other read works of
the same author.

We have seen that this fragmentation that affects the novel touches : the
characters, the speech, the storytelling and even behaviors ; which is just a
second way that M.DIB adopted to accentuate his experience and moments of
confusionand being put between two

At the end of the work, we found ourselves facing a reality that seems strange, a
little, because this novel managed to convince us in considering things
differently ; and searching within truths that appear dark to find others that
conceal hope and both spiritual and physical renewal.

71

Vous aimerez peut-être aussi