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Adrien Boniteau Prédication

Église évangélique méthodiste de Strasbourg Culte du 23 octobre 2022

2 Jean : aimer dans la vérité

Nous avons lu au début de notre culte ce commandement que Jésus nous donne :
« demeurez en moi » (Jean 15, 4). Nous avons également rappelé, par la lecture d’Éphésiens 2,
que nous étions loin de Dieu mais que nous avons été approchés en Jésus-Christ. Il est le
fondement de l’Église. C’est sur lui que se fonde notre communion les uns avec les autres.
Malgré nos disparités culturelles ou linguistiques – il y a aujourd’hui dans notre assemblée des
Français, des Albanais, des Angolais… –, malgré nos différences en termes de rang social,
malgré même nos oppositions – par exemple nos divergences politiques –, nous sommes unis
en Jésus. Lui seul nous est commun.

Mais, pour que nous soyons véritablement unis en Christ, encore faut-il que nous
professions le même Sauveur. Le monde se forge des images de Jésus : il y a quelques temps
Jésus hippie1, Jésus révolutionnaire ou « marxiste »2, plus récemment Jésus philosophe3, Jésus
coach en bien-être4, ou Jésus nationaliste5. Ces images que le monde forge peuvent parfois
pénétrer les églises. Comment réagir dans ce cas ? Quel est le Jésus que nous professons ? Paul
nous dit qu’il n’a tenu à annoncer que « Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié »
(1 Corinthiens 2, 2). L’apôtre Jean nous donne des éléments complémentaires. J’aimerais
aborder aujourd’hui un texte qui permet d’y voir plus clair : la deuxième épître de Jean (2 Jean
1-13).
1
De la part de l'ancien à la dame qui a été choisie et à ses enfants que j'aime dans la vérité. Et
ce n'est pas moi seulement qui les aime, mais aussi tous ceux qui ont connu la vérité. 2Nous
vous aimons à cause de la vérité qui demeure en nous et qui sera avec nous pour l'éternité.
3
Oui, la grâce, la compassion et la paix seront avec nous dans la vérité et l'amour. Elles
viennent de Dieu le Père et [du Seigneur] Jésus-Christ, le Fils du Père.
4
J'ai éprouvé une très grande joie à rencontrer quelques-uns de tes enfants qui marchent dans
la vérité, conformément au commandement que nous avons reçu du Père.
5
Et maintenant, voici ce que je te demande, chère dame : c'est que nous nous aimions les uns
les autres. Ce n'est pas un commandement nouveau que je t'écris, mais celui que nous avons
reçu dès le commencement. 6Or l'amour consiste à vivre conformément à ses commandements.
Tel est le commandement dans lequel vous devez marcher, comme vous l'avez appris depuis le
début.
7
En effet, de nombreux imposteurs sont venus dans le monde ; ils ne reconnaissent pas que
Jésus est le Messie venu en homme. Voilà ce qui caractérise l'imposteur et l'Antichrist. 8Faites
attention à vous-mêmes. Ainsi nous ne perdrons pas le fruit de notre travail mais recevrons une
pleine récompense. 9Quiconque s'écarte de ce chemin et ne demeure pas dans l'enseignement
de Christ n'a pas Dieu ; celui qui demeure dans l'enseignement [de Christ] a le Père et le Fils.
10
Si quelqu'un vient chez vous et n'apporte pas cet enseignement, ne le prenez pas chez vous et
ne le saluez pas, 11car celui qui le salue s'associe à ses mauvaises œuvres.
12
J'ai beaucoup de choses à vous écrire, mais je n'ai pas voulu le faire avec le papier et l'encre.
J'espère venir chez vous et vous parler de vive voix afin que notre joie soit complète.

1
Voir le refrain de la chanson Jésus-Christ de Johnny Hallyday (1970) : « Jésus, Jésus-Christ, Jésus-Christ est un
hippie. »
2
Voir le poster « Che Jesus » (1999) ou le discours d’Hugo Chavez de 2010 présentant un Jésus marxiste.
3
Frédéric Lenoir, Le Christ philosophe, Paris, Plon, 2007.
4
Sophie Soria, Un coach nommé Jésus. Épanouissement personnel et Évangile, Paris, InterÉditions, 2021.
5
Comme le montrent les différentes manifestations « trumpistes » aux États-Unis.

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Les enfants de ta sœur, choisie elle aussi, te saluent.


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Commençons par dire un mot sur le contexte. Cette lettre a été écrite à la fin du Ier siècle
après Jésus-Christ. L’Empire romain est alors à son apogée. De nombreuses routes pavées
relient Rome aux provinces et les provinces entre elles. Ce formidable réseau routier facilite les
déplacements et les voyages. Les premiers chrétiens profitent de cette situation pour répandre
la bonne nouvelle dans tout l’Empire. De nombreux prédicateurs et évangélistes itinérants
voyagent de ville en ville pour annoncer l’Évangile.

Nous pourrions prendre exemple sur ces premiers chrétiens. Le désir d’évangéliser et
d’apporter la bonne nouvelle du salut en Jésus est-il la principale motivation de nos voyages,
de nos déplacements et de l’utilisation d’autres outils de communication, plus virtuels, comme
les réseaux sociaux ? Avouons que ce n’est le plus souvent pas le cas. Mais imitons, cette
semaine, les premiers chrétiens missionnaires. Lorsque nous prenons un moyen de transport ou
que nous utilisons les réseaux sociaux, essayons de susciter une occasion pour parler de Jésus-
Christ.

Les prédicateurs itinérants étaient reçus assez naturellement dans les foyers chrétiens.
Ils étaient nourris et logés. On leur donnait parfois même un peu d’argent pour la route. C’est
peut-être en pensant à de tels évangélistes que les apôtres insistent autant, dans différentes
épîtres, sur le devoir d’hospitalité des chrétiens. La recommandation est répétée : « Exercez
l’hospitalité » (Rom. 12, 13 ; 1 P. 4, 9…). Cette parole s’adresse également à nous. Comment,
cette semaine, pourrions-nous exercer l’hospitalité envers nos frères et sœurs ?

Cette situation n’était cependant pas sans susciter certains problèmes. Parmi les
prédicateurs se glissaient des charlatans voire, pire, des faux docteurs, qui abusaient de la
générosité des premiers chrétiens et propageaient de fausses doctrines sur Jésus. C’est en
réaction à une telle dérive que Jean écrit son épître. Il nous enseigne comment faire face aux
faux docteurs.

L’auteur se présente comme « l’ancien » (v. 1). Dans les églises d’Asie mineure, c’est-
à-dire de la Turquie actuelle, on avait coutume de désigner ainsi la « vieille génération », si je
puis dire, qui avait connu Jésus lors de son ministère terrestre. Jean est probablement le dernier
apôtre en vie au moment de la rédaction de cette lettre. Dans sa première épître, il dit qu’il
annonce « ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons
contemplé et que nos mains ont touché concernant la parole de vie » (1 Jn. 1, 1). Jean se
présente donc comme un témoin direct de Jésus-Christ, qu’il a côtoyé de manière très proche,
non seulement en le voyant et en l’entendant mais, bien plus, allant jusqu’à le toucher. Sa parole
et son enseignement sont donc d’autant plus crédibles. L’apôtre est un témoin digne de
confiance.

Jean s’adresse à « la dame qui a été choisie et à ses enfants » (v. 1). Qui est cette « dame
élue » (selon une traduction littérale) et qui sont ses enfants ? Deux interprétations peuvent ici
être données. Il peut s’agir simplement d’une veuve chrétienne et de ses enfants. Mais peut-être
s’agit-il aussi d’une manière métaphorique de parler d’une église locale et de ses membres. Les
salutations à la fin de l’épître pourraient confirmer une telle lecture : « les enfants de ta sœur,
choisie elle aussi, te saluent » (v. 13). Jean transmettrait ici les salutations des membres de
l’église d’Éphèse à laquelle il appartient, présentés comme des enfants de cette église-sœur.
Cette interprétation serait également soutenue par la lecture de la troisième épître, dans laquelle
Jean précise qu’il a « déjà écrit [quelques mots] à l’Église » (3 Jn. 9). Une telle expression

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désignerait la deuxième épître, puisque la première est une « lettre ouverte », qui s’adresse à
tous les croyants plutôt qu’à une église particulière. Enfin, d’autres épîtres emploient des
expressions similaires pour désigner les églises locales. La première épître de Pierre mentionne
ainsi « l’élue de Babylone » pour désigner l’église de Rome (1 P. 5, 13). Il est donc
vraisemblable que Jean s’adresse ici à une église locale d’Asie mineure. Or, si cette lettre est
adressée à une église locale, elle s’adresse aussi par extension à toutes les églises locales, donc
aussi à notre église. Jean nous parle directement. Sommes-nous prêts à l’entendre ?

Quel est donc le message que Jean nous adresse ? Regardons ensemble les quatre
premiers versets. Deux termes sont répétés à de nombreuses reprises. Lesquels ? L’épître
mentionne l’expression « amour » / « aimer » quatre fois et l’expression « vérité » cinq fois. Le
message de cette épître pourrait donc être présenté ainsi : aimer dans la vérité. Jean emploie
même littéralement cette expression en s’adressant à la dame et à ses enfants « que j’aime dans
la vérité » (v. 1). Il précise en outre que « tous ceux qui ont connu la vérité » les « aiment »
(v. 1), avant de répéter que « nous vous aimons à cause de la vérité qui demeure en nous »
(v. 2). Les salutations « dans la vérité et l’amour » peuvent également être relevées (v. 3). Cette
lettre se donne donc pour objectif de nous enseigner comment aimer en vérité.

Mais quels sont cette vérité et cet amour dont nous parle Jean ? Jean répète à plusieurs
reprises que « Dieu est amour » dans ses autres écrits (1 Jn. 4, 8, 16). L’amour dont il est
question ici se rapporte donc ultimement à Dieu. Et, chez Jean, la vérité peut recouper trois
réalités. La vérité peut désigner tout d’abord la parole de Dieu : « ta parole est la vérité »
(Jn. 17, 17). Il peut s’agir aussi de l’Esprit saint : « l’Esprit est la vérité » (1 Jn. 5, 6). Mais
surtout, la vérité peut renvoyer au Seigneur Jésus-Christ lui-même : Jésus n’affirme-t-il pas,
dans l’évangile de Jean que « Je suis […] la vérité » (Jn. 14, 6) ? Mais, que la vérité désigne la
parole, l’Esprit ou Jésus, il s’agit dans les trois cas de la même réalité. Jésus est en effet la parole
de Dieu (Jn. 1, 1-4), et la Bible parle souvent de « l’Esprit de Jésus-Christ » pour désigner le
Saint-Esprit (Phil. 1, 19 ; cf. Ac. 16, 7 ; Rom. 8, 9 ; Gal. 4, 6 ; 1 P. 1, 11…). Jésus, la parole et
l’Esprit sont donc tous trois la vérité dont parle Jean.

Jean nous donne en tout cas une immense promesse : « la vérité […] demeure en nous
et […] sera avec nous pour l’éternité » (v. 2). Jésus, la parole et l’Esprit demeurent en nous et
demeurerons en nous pour l’éternité si nous recevons Jésus comme Sauveur et comme « Messie
venu en homme » (v. 7). Nous avons rappelé cette promesse au début de ce culte : « demeurez
en moi et je demeurerai en vous », nous dit Jésus (Jn. 15, 4), ajoutant que « mes paroles
demeurent en vous » (Jn. 15, 7). Es-tu prêt à accueillir la vérité ? Peux-tu affirmer avec certitude
que Jésus, la parole et l’Esprit demeurent en toi ? Si tu crois que Jésus est le Messie de Dieu
venu sur terre en chair et en os pour te servir, prendre sur lui ton péché sur la croix et subir la
condamnation de Dieu à ta place, alors la vérité est en toi. Je t’en supplie : ne sors pas de cette
salle sans être certain que la vérité est en toi. Jésus s’offre à toi : l’as-tu accepté ? C’est là le but
de ta vie : viens à lui et il viendra à toi !

L’amour et la vérité se rapportent donc tous les deux à Dieu en Jésus-Christ. Aimer en
vérité : la vérité, Jésus-Christ, est la seule base de notre amour fraternel. La communion avec
Jésus est le fondement de notre propre communion les uns avec les autres. Impossible de nous
aimer véritablement si nous n’aimons pas Jésus. La communion avec Jésus et la communion
fraternelle sont inséparables. Jean le rappelle au début de sa première épître : « Ce que nous
avons vu et entendu, nous vous l’annonçons afin que vous aussi vous soyez en communion avec
nous. Or, c’est avec le Père et son Fils que nous sommes en communion » (1 Jn. 1, 3). On ne

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peut envisager de communion dans notre église sans communion avec Jésus-Christ, la « pierre
angulaire » (Éph. 2, 20 ; 1 P. 2, 6) et le « fondement » (1 Cor. 3, 11) de l’Église.

Cela veut dire que Jésus doit être au centre de toutes nos activités entre chrétiens. Notre
Sauveur est-il le fondement non seulement de nos cultes, mais aussi de nos réunions
administratives et de nos relations dans l’église ? La relation que tu entretiens avec tel ou tel
ami de l’église ne peut être réellement authentique que si Jésus en est le fondement. Comment
donc pourrais-tu plus inclure Jésus dans tes relations amicales avec les membres de l’Église du
Seigneur ?

Inversement, l’amour pour Jésus devrait logiquement nous conduire à nous aimer les
uns les autres. C’est même un commandement de Dieu si l’on en croit Jean, qui avoue avoir
éprouvé « une très grande joie à rencontrer quelques-uns de tes enfants qui marchent dans la
vérité, conformément au commandement que nous avons reçu du Père. Et maintenant, voici ce
que je te demande, chère dame, c’est que nous nous aimions les uns les autres. Ce n’est pas un
commandement nouveau que je t’écris, mais celui que nous avons reçu dès le commencement »
(v. 4-5). Jean relève ici un double commandement du Seigneur : marcher dans la vérité et nous
aimer les uns les autres. Ces deux commandements sont inséparables. Demeurer en Jésus
équivaut à être en communion les uns avec les autres : « Au commandement de croire s’ajoute
le commandement d’aimer. Être chrétien, c’est croire au Christ et s’aimer les uns les autres »,
ainsi que l’affirme un commentateur (John Stott).

Jean avait du reste déjà explicitement mentionné ce double commandement dans sa


première épître : « Et voici quel est son commandement : c’est que nous croyions au nom de
son Fils Jésus-Christ et que nous nous aimions les uns les autres, comme il [nous] l’a ordonné »
(1 Jn. 3, 23). L’amour ne doit pas être perçu comme un vague sentiment, si intense soit-il, mais
comme un acte d’obéissance au commandement de Dieu. L’amour chrétien n’est pas une
passion mais un service désintéressé motivé par un choix délibéré. Aimer, c’est rechercher
volontairement le bien de l’autre. C’est là l’aspect essentiel de la foi chrétienne.

Jérôme, le père de l’Église et le traducteur de la Bible, relate que Jean à la fin de sa vie,
étant très âgé, avait l’habitude d’être porté dans l’assemblée par quelques membres de l’église
d’Éphèse. Il ne pouvait que répéter : « petits enfants, aimez-vous les uns les autres ». Lassés de
l’entendre répéter toujours les mêmes paroles, certains frères lui demandent : « Maître,
pourquoi dis-tu toujours cela ? » Jean leur répond alors : « Parce que c’est le commandement
du Seigneur. Si on accomplit seulement cela, c’est suffisant. »

Et toi ? Comment appliques-tu ce commandement ? Je te propose une mission pour cette


semaine. Va vers un frère ou une sœur avec qui tu ne t’entends pas très bien, avec qui tu n’as
pas forcément d’affinités, de qui tu ne te sens pas proche ou que tu ne connais tout simplement
pas et parle-lui ou, mieux encore, invite-le ou invite-la chez toi. Tu pourras ainsi mettre en
pratique le commandement de l’amour fraternel.

La deuxième épître de Jean nous incite en tout cas à valoriser le commandement de


Dieu. De fait, « l’amour consiste à vivre conformément à ses commandements » (v. 6). Nous
entendons parfois, dans les églises, que nous n’avons plus à obéir à des commandements car
nous vivons sous la grâce. Jean s’oppose catégoriquement à cette conception. La grâce est plus
exigeante que la Loi. Jésus ne nous demande-t-il pas en effet : « Soyez donc parfaits comme
vote Père céleste est parfait » (Mt. 5, 48) ? Le réformateur méthodiste John Wesley avait
l’habitude d’insister fortement sur la perfection chrétienne et sur la nécessité de la

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sanctification. Les nombreuses recommandations du Nouveau Testament sur la sobriété,


l’hospitalité, le refus du mal, la connaissance de la parole en témoignent : la vie chrétienne est
une vie d’obéissance aux commandements de Dieu. Il ne faut certes pas voir ces derniers
comme une contrainte. Lorsqu’un père interdit à ses enfants de manger trop de chocolat ou de
bonbons, le fait-il pour les opprimer, les contraindre ou les embêter ? N’y faut-il pas plutôt y
voir un acte d’amour ? Il en va de même pour Dieu, notre Père. Ses commandements montrent
qu’il se soucie de nous et cherche notre bien en nous donnant de précieuses indications sur la
manière de mener notre vie. Ils sont donc une grâce pour nous.

Dieu nous appelle donc à être irréprochables en amour et en comportement, mais


également en doctrine. Jean met l’accent sur l’irréprochabilité de la doctrine. Il dénonce les
« nombreux imposteurs » qui « ne reconnaissent pas que Jésus est le Messie venu en homme »,
littéralement « Jésus-Christ venant en chair » (v. 7). L’apôtre vise ici certaines hérésies,
notamment un courant gnostique, qui affirmait que Dieu était descendu sur Jésus seulement de
manière temporaire, lors de son baptême, et qu’il se serait retiré de lui peu avant sa mort. Cela
impliquait que la mort de Jésus était celle d’un simple homme et que Jésus crucifié n’était plus
Dieu.

Contre de telles idées, Jean affirme que Jésus est à la fois homme et Dieu. Il se montre
très ferme. Il emploie des expressions qui choqueraient de nos jours. Il va jusqu’à affirmer que
le refus d’une telle doctrine est la marque de l’« Antichrist » (v. 7). Il avait d’ailleurs déjà
employé la formule dans sa première lettre : « Qui est menteur ? N’est-ce pas celui qui nie que
Jésus est le Messie ? Tel est l’Antichrist, celui qui nie le Père et le Fils » (1 Jn. 2, 22). L’apôtre
de l’amour fait paradoxalement preuve d’une très grande fermeté ! L’amour n’est pas une
tolérance bienveillante qui occulterait la question de la vérité. L’amour ne peut être que selon
la vérité, autrement il s’agirait d’une caricature d’amour, d’un faux amour. Si nous nous disons
chrétiens, nous devons confesser Jésus-Christ comme le « Messie venu en homme » (1 Jn. 4, 2,
3) et comme « le vrai Dieu » (1 Jn. 5, 20). Autrement, nous nous ferions « menteurs ».
Proclamons donc que Jésus est homme et Dieu !

L’avertissement de Jean est très actuel. Lorsque je suis arrivé à Strasbourg, j’ai été assez
émerveillé de la grande visibilité du christianisme dans cette ville. Il est vrai que peu d’autres
villes en France se montrent aussi protestantes, voire généralement chrétiennes. Il y a cependant
un revers à cette médaille. Le christianisme strasbourgeois est parfois très loin du christianisme
authentique. J’ai entendu qu’une pasteure avait affirmé, lors d’un enterrement, que la
résurrection n’existait pas, alors que Paul nous dit que si tel est le cas, notre foi est « vaine » ou
« inutile » (1 Cor. 15, 14, 17). J’ai discuté avec des étudiants en théologie qui prétendaient
« déconstruire » le Jésus traditionnel pour en faire un Jésus LGBTQ+ et qui remettaient en
cause les versets condamnant de telles pratiques (Rm. 1, 26-28 ; 1 Cor. 6, 9 ; 1 Tim. 1, 10…).
Une paroisse strasbourgeoise a proposé de célébrer des cultes interreligieux avec une
communauté musulmane, leur distribuant même la sainte cène. Mais n’y a-t-il pas absurdité à
vouloir offrir aux non-chrétiens le signe de communion par excellence avec Jésus-Christ
(1 Cor. 10, 16) ? N’est-ce pas un criminel manque d’amour du prochain que de faire manger et
boire aux incroyants un jugement contre eux-mêmes (1 Cor. 11, 27, 29) ? Des professeurs de
théologie renommés à l’université de Strasbourg n’hésitent pas à affirmer que la Bible « n’est
pas la Parole de Dieu » contre les affirmations de la Bible elle-même (2 Tim. 3, 16). Plusieurs
pasteurs rejettent la trinité ou la divinité de Jésus. Il y quelques années, un pasteur néerlandais
avait publié un ouvrage au titre explicite : Croire en un Dieu qui n’existe pas. Manifeste d’un

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pasteur athée6. Face à de telles dérives, il nous faut être fermes. Le dialogue œcuménique, si
précieux qu’il soit, ne doit pas conduire à occulter la vérité biblique.

La parole de Paul est très appropriée dans un temps comme le nôtre : « Faites attention :
que personne ne vous prenne au piège par la philosophie, par des tromperies sans fondement
qui s’appuient sur la tradition des hommes, sur les principes élémentaires qui régissent le
monde, et non sur Christ » (Col. 2, 8). Jean nous donne la même recommandation : « Faites
attention à vous-mêmes » (v. 8). Il nous faut rester attachés à « l’enseignement du Christ »
(v. 9). L’apôtre est catégorique : si nous nous écartons de cette doctrine, nous n’avons « pas
Dieu » ; si en revanche nous persévérons dans cet enseignement, nous avons « le Père et le
Fils » (v. 9). De tels textes montrent qu’il ne faut pas tout tolérer en église. Nous devons
éprouver les esprits pour voir s’ils sont de Dieu (1 Jn. 4, 1). Il ne s’agit certes pas de tomber
dans la paranoïa et de rejeter toute interprétation de tel verset qui diffèrerait de la nôtre. Il ne
s’agit pas non plus de croire que le christianisme n’a jamais été aussi corrompu que de nos
jours. Si Jean donne de tels avertissements, c’est que le christianisme de son époque était tout
autant menacé que le nôtre. Mais Jean nous invite à faire preuve de discernement vis-à-vis des
enseignements que nous pouvons recevoir.

Que faire face aux faux enseignants qui ne croient pas que Jésus soit Dieu venu en
homme ? La solution de Jean paraît radicale : « Si quelqu’un vient chez vous et n’apporte pas
cet enseignement, ne le prenez pas chez vous et ne le saluez pas » (v. 10). L’apôtre nous invite
à refuser toute compromission avec le mal et l’esprit de l’« Antichrist » (v. 7). Trois éléments
peuvent être relevés.

Tout d’abord, Jean se réfère à ceux qui enseignent de fausses doctrines. Il convient de
ne pas recevoir les faux enseignants, mais une personne qui ne croirait pas ou croirait à de
fausses doctrines sans les enseigner n’est vraisemblablement pas concernée. Dans ce cas, il vaut
mieux l’évangéliser plutôt que la rejeter.

Ensuite, il nous faut refuser toute bienvenue officielle, mais l’hospitalité individuelle
n’est peut-être pas impliquée. La lettre est possiblement adressée à l’église, ainsi que nous
l’avons vu, plutôt qu’à une personne singulière. De plus, Jean nous dit « ne le prenez pas chez
vous », littéralement « dans la maison ». Cette expression désigne sans doute la maison où se
réunissait l’église, à une époque où les réunions chrétiennes avaient lieu dans des habitations
privées.

Enfin, Jean désigne comme « imposteurs » ceux qui enseignent de fausses doctrines sur
l’incarnation, qui nient que Jésus est homme ou qu’il est Dieu. Il ne s’agit donc pas d’interdire
l’accès à l’église à ceux qui auraient simplement une interprétation différente des nôtres sur des
points mineurs.

Dans l’ensemble, il convient autant d’éviter une attitude sécessionniste et séparatiste,


comme le montre Jean dans sa troisième épître (3 Jn. 9-10), qu’un laxisme théologique et une
tolérance absolue. Aimer dans la vérité : tel est le programme que Jean nous propose. Nous
pouvons aimer authentiquement nos frères seulement si nous professons Jésus-Christ avec
fermeté. Nous pouvons aimer en vérité seulement si la vérité demeure en nous. À l’inverse,

6
Klaas Hendrikse, Croire en un Dieu qui n’existe pas. Manifeste d’un pasteur athée, Genève, Labor et Fides,
2011. Une enquête réalisée à la suite de cette publication montrait qu’un pasteur néerlandais sur six affirmait ne
pas croire ou ne pas être certain de croire en Dieu.

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nous ne sommes dans la vérité que si nous aimons nos frères et sœurs. Jean se plait à le rappeler :
« Si quelqu’un dit “j’aime Dieu” alors qu’il déteste son frère, c’est un menteur » (1 Jn. 4, 20).
Ne prétends pas aimer la vérité si tu n’aimes pas en vérité. Tu n’aimes pas Dieu, tu mens, si tu
n’aimes pas ton frère.

Que cet enseignement nous encourage à nous aimer les uns les autres.

Que nous soyons enracinés et fondés dans la vérité, afin de nous aimer les uns les autres.

Que Dieu nous aide à aimer dans la vérité.

Telle est notre prière. Amen.

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