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PROGRAMME DE FORMATION

AUX POLITIQUES DE LA FAO


Programme de renforcement des capacités sur les politiques
et les stratégies relatives à l'agriculture et au développement rural Ressources en ligne pour l’élaboration des politiques

MATÉRIELS CONCEPTUELS ET TECHNIQUES Module EASYPol 179

Théorie et pratique de la
négociation
Approche de la littérature
Ressources en ligne pour l’élaboration des politiques

Théorie et pratique de la
négociation
Approche la littérature
Tanya Alfredson, John Hopkins University, Baltimore, Maryland, États-Unis
et
Azeta Cungu, Service du soutien aux politiques agricoles, Division de
l’assistance aux politiques et de la mobilisation des ressources, FAO,
Rome, Italie

pour le compte de

L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE

Le programme de renforcement des capacités relatives aux politiques et aux stratégies agricoles a pour but
de former les responsables de haut niveau de l'élaboration des politiques des pays membres en matière de politiques
et de stratégies de développement agricole et rural. Pour ce faire, il leur fournit des connaissances avancées, facilite
l'échange de savoir et présente des mécanismes pratiques d'application des changements apportés aux politiques

À propos d’EASYPol
EASYPol est un référentiel interactif multilingue en ligne qui propose des ressources téléchargeables visant à renforcer les capacités
en matière d'élaboration de politiques alimentaires, agricoles et de développement rural. L'adresse de sa page d’accueil est
www.fao.org/tc/easypol. Les ressources d'EASYPol sont créées et mises à jour par le Service de soutien aux politiques agricoles de la
FAO.

Les termes employés et la présentation du contenu de ce document d’information ne représentent en aucune manière
l’opinion de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture quant au statut juridique d'un pays,
d’un territoire, d’une ville ou d’une région quelconque ou de ses autorités ou quant à la délimitation de ses frontières
ou limites.

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d’auteur. Il convient d’adresser ces demandes d’autorisation à : copyright@fao.org
Programme de formation aux politiques de la FAO
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

Sommaire

1. Introduction ....................................................................................... 1

2. Négociation et processus d’élaboration des politiques ............................... 2

3. Théorie de la négociation : fondements et approches ............................... 6


3.1. Concepts de base de la négociation........................................................... 6
3.2. Approches de négociation : aperçu ........................................................... 9
3.2.1. Approche structurelle .................................................................... 9
3.2.2. Approche stratégique .................................................................. 10
3.2.3. Approche comportementale .......................................................... 13
3.2.4. Échange de concessions - Approche procédurale ............................. 15
3.2.5. Approche intégrative ................................................................... 15
3.3. Résumé des approches.......................................................................... 17

4. Étapes pratiques de la négociation intégrative : les sept éléments de la


négociation raisonnée........................................................................ 20
4.1. Identification des intérêts ...................................................................... 20
4.2. Personnes ........................................................................................... 21
4.3. Alternatives ......................................................................................... 21
4.4. Options............................................................................................... 22
4.5. Critères/légitimité ................................................................................ 23
4.6. Engagements....................................................................................... 24
4.7. Communication .................................................................................... 25

5. Conclusion ....................................................................................... 27

6. Remarques à l’intention des lecteurs.................................................... 27


6.1. Liens EASYPol ...................................................................................... 27

7. Ouvrages de référence et bibliographie ................................................ 27

Métadonnées du module .......................................................................... 30


Programme de formation aux politiques de la FAO 1
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

« Les politiques publiques majeures résultent d’un cycle complexe de


négociations entre des intérêts, de choix entre des valeurs et de compétition
entre des ressources… Aucun des participants à ce jeu ne dispose de LA
‘meilleure’ option, parce que le ‘meilleur’ résultat dépend des actions d’autres
personnes et des marchés possibles »
(Davis et al., 1993)

1. INTRODUCTION

Comme le notait l’économiste de réputation internationale Thomas Schelling au plus fort de


la guerre froide, les conflits « purs », définis comme l’existence d’intérêts concurrents entre
des parties sans intérêts communs, constituent une anomalie dans les relations
internationales, caractérisées par la dépendance mutuelle entre les États. Au cours des
décennies suivantes, les avancées de la technologie, des communications, des finances et du
commerce qui ont abouti à la mondialisation ont donné naissance à un monde où les
citoyens, les organisations et les gouvernements mènent quotidiennement des millions de
transactions transnationales. Dans le monde moderne, il devient de plus en plus impératif
d’élaborer des mécanismes et d’acquérir des capacités pour gérer les échanges journaliers,
mais aussi de sortir sans heurts des impasses qui surgissent lorsque la satisfaction des
intérêts, des valeurs ou des buts d’une nation dépend des actions ou des intentions d’une
autre. Au niveau national, les politiques doivent traiter et, si possible, résoudre les tensions
entre les intérêts souvent divergents d’un large éventail d’acteurs. Dans la sphère agricole, il
pourra s’agir des producteurs, des consommateurs, des chefs d’entreprise, des ouvriers et
des groupes d’intérêt environnementaux, ainsi que des autorités locales et nationales. Les
gouvernements doivent gérer des préoccupations concurrentes de dégradation
environnementale, de protection culturelle ou d’intérêt économique, tout en respectant les
engagements nationaux relatifs au droit et aux échanges commerciaux internationaux.

Il n’est donc pas surprenant, que depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et encore plus
depuis la fin de la guerre froide, ait émergé un champ d’investigation consacré
exclusivement à la théorie de la négociation. Des penseurs et des praticiens de disciplines
aussi diverses que l’économie, le droit, les relations internationales, la psychologie, les
mathématiques et la gestion de conflits sont à l’origine de toute une littérature visant à aider
les praticiens à comprendre la dynamique de la négociation.

La FAO aide les pays en développement et en transition à développer et moderniser leurs


pratiques agricoles, forestières et piscicoles, ainsi qu’à assurer la bonne nutrition des
populations, sans distinction de nationalité. Pour remplir ce rôle, elle se comporte également
en forum neutre où les nations se retrouvent d'égales à égales pour négocier des accords et
débattre de politiques.

La rédaction du présent document s’inscrit dans le cadre du programme de renforcement des


capacités organisé par la FAO pour traiter des questions stratégiques et des problèmes de
politique majeurs en matière d’agriculture et de développement rural dans les pays en
développement. Ce programme a pour but de renforcer les capacités des hauts
fonctionnaires à apporter des connaissances de pointe, à faciliter les échanges et à passer en
revue les mécanismes pratiques de la mise en oeuvre des changements de politiques dans un
contexte où l’espace de l’action publique est de plus en plus limité par des accords et des
2 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

traités régionaux et internationaux. Compte tenu de l’importance croissante du rôle de la


négociation dans les processus d’élaboration des politiques, les experts en politique sont de
plus en plus conscients de la nécessité de l’inscrire dans l’ordinaire du cycle d’élaboration
des politiques. En réponse à la demande de renforcement des connaissances des participants
en matière de négociation et de compétences associées, l’un des modules du programme
enseigne la pratique de la négociation en combinant théorie et application concrète.

Ce document se veut un ouvrage de référence facile à suivre sur la négociation. Il présente


une vue d’ensemble des points de vue, des concepts et des méthodes théoriques qui
constituent le cœur de la théorie et de la pratique de la négociation.

Sa structure est la suivante : la section 2 explique la pertinence de la négociation dans les


processus d’élaboration des politiques. La section 3 discute des fondements de la théorie de
la négociation, introduit des définitions et des concepts de base et fournit une vue
d’ensemble des principales écoles de pensée à l’origine de la littérature existante sur la
négociation. La section 4 décrit les grandes lignes des éléments essentiels de la négociation
raisonnée et la section 5 constitue la conclusion.

Les lecteurs pourront suivre les liens figurant dans le texte vers d’autres modules EASYPol
ou ouvrages de référence 1 et consulter la liste de liens EASYPol fournie à la fin du présent
module.

2. NEGOCIATION ET PROCESSUS D’ELABORATION DES POLITIQUES


À l’ère de la mondialisation, l’élaboration des politiques est une entreprise d'importance tant
nationale et régionale qu’internationale. Ainsi, on a dit que l’élaboration des politiques
relatives aux accords sur le commerce international devrait tenir compte des questions plus
larges de bien-être public, de gestion des ressources naturelles et d’économies de
subsistance locales pour ne pas menacer les perspectives de développement et de lutte
contre la pauvreté des nations en développement et pour éviter la multiplication des conflits
intérieurs (Hall, 2006, Ramirez, 1999). La négociation constitue un élément central des
processus d’élaboration des politiques nationales, depuis la définition des agendas jusqu’au
choix des questions à traiter par les responsables de leur élaboration, à l’exploration des
différentes possibilités, à la recherche de solutions et à la mobilisation du soutien des acteurs
pertinents afin de s’assurer de la durabilité des politiques planifiées.

Les négociations sont un véhicule de communication et de gestion des parties prenantes. En


ce sens, elles apportent une aide essentielle aux responsables de l’élaboration des politiques
pour mieux comprendre les problèmes complexes, les facteurs et la dynamique humaine qui
sous-tendent les questions de politique importantes. Du fait des liens et des
interdépendances croissants, ainsi que du rythme rapide du changement dans des domaines
affectant les questions agro-alimentaires importantes tels que l’économie, le commerce, la
gouvernance et les relations nationales et internationales, la présence de négociateurs

1
Les liens EASYPol figurent en bleu, comme suit :
a) parcours de formation en gras souligné
b) autres modules EASYPol ou documents EASYPol complémentaires en italique gras souligné
c) liens vers le glossaire en gras et
d) liens externes en italique.
Programme de formation aux politiques de la FAO 3
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

compétents auprès des responsables de l'élaboration des politiques et des experts agricoles
est devenue de plus en plus nécessaire.

Les politiques agricoles et les questions apparentées requièrent souvent des négociations
complexes au niveau national et international. Le processus de création de la Politique
agricole commune (PAC) dans l’Union européenne et ses réformes subséquentes en
constituent un exemple classique, de même que les efforts de réduction des distorsions des
marchés internationaux conséquences du protectionnisme agricole et des pratiques
commerciales non équitables de nombreux pays qui sont apparues pendant les multiples
cycles de négociations internationales du GATT et de l’OMC (encadré 1).

Encadré 1 : La PAC, exemple d’élaboration négociée d’une politique


supranationale

La PAC visait à répondre à la paralysie du secteur agricole et à une pénurie alimentaire


généralisée dans l’ensemble de l’Europe occidentale après la fin de la deuxième guerre
mondiale. Conçue pour atteindre une série d’objectifs définis par les États membres dans le
Traité de Rome de 1957, elle avait pour but de garantir une offre alimentaire à un prix
abordable en Europe occidentale, de dynamiser la productivité agricole et d’assurer un niveau
de vie équitable à la communauté agricole européenne.

Le Traité de Rome avalisait l'idée d'un marché commun et d'une politique agricole commune.
Pour en arriver là, cependant, les six membres fondateurs ont dû réconcilier des intérêts
divergents dans plusieurs domaines et surmonter leurs désaccords sur la marche à suivre
pour atteindre leurs objectifs communs. La PAC est entrée en vigueur cinq ans plus tard,
après des négociations entre les deux principaux pouvoirs, la France et l’Allemagne. Par un
traité signé entre Charles de Gaulle et Konrad Adenauer en 1962, la France acceptait un
marché libre et une union douanière qui permettait à l’industrie allemande d’accéder à ses
marchés intérieurs, tandis que l’Allemagne subventionnait les agriculteurs français par
l’intermédiaire de Bruxelles. C'est ainsi qu’est née la PAC complexe que nous connaissons
tous aujourd'hui.

La PAC a certes relancé et redynamisé l’agriculture européenne, mais au prix d’une multitude
de politiques protectionnistes. Une batterie de mesures douanières et domestiques a été mise
en place, sous forme, entre autre, de subventions de la production, de quotas et de diverses
taxes sur les marchandises importées, afin de garantir les prix et de protéger les producteurs
locaux. Au fil du temps, ces politiques se sont avérées de plus en plus inefficaces, ont
déformé le marché et ont coûté très cher à maintenir. Dans les années 1980, l’UE stockait
d’énormes surplus agricoles et subventionnait massivement les exportations pour s’en
débarrasser à grande échelle. À son apogée, la PAC représentait plus des deux tiers du
budget de l’UE, au bénéfice disproportionné des grosses exploitations riches. Elle commença
alors à susciter des critiques de plus en plus vives de la part des partenaires internationaux,
parce qu’elle déformait le marché et instaurait une concurrence déloyale pour les producteurs
des pays extérieurs au bloc. De plus, les circonscriptions nationales renâclaient de plus en
plus à payer le prix fort pour continuer à soutenir les agriculteurs.

Un mouvement réclamant une réforme de la PAC obtint le soutien de nombreux groupes de


consommateurs et d’écologistes européens, mais suscita une résistance féroce dans les
secteurs agricoles et agro-alimentaires du continent. L’agriculture représente moins de cinq
pour-cent de la main d’œuvre de l’UE, mais un lobby politiquement puissant et bien organisé
lui a permis d’évincer la réforme de la PAC de l’agenda politique national de l’UE pendant de
nombreuses années.

La première réforme sérieuse de la PAC fut celle de MacSharry, en 1992. Les nouvelles
mesures ont procédé en partie par versements directs aux agriculteurs pour soutenir leur
revenu plutôt que les prix. Cette réforme ouvrit la voie au soutien de l’UE à la conclusion des
négociations sur le commerce international du Cycle de l’Uruguay (CU) dans le cadre du GATT
4 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

en 1994. Cet accord marqua le début de la libéralisation du commerce international des


marchandises agricoles par l’intermédiaire de négociations multilatérales. Il fut aussi
l’aboutissement de négociations longues et complexes entre les divers acteurs nationaux, qui
ont façonné le mandat de leurs négociateurs à l'OMC, le processus et, au final, la teneur de
l'accord.

Dans les années qui suivirent, le protectionnisme européen et la violente opposition


internationale à la PAC débouchèrent sur un blocage du cycle de discussions de Doha
organisé par l’Organisation mondiale du commerce. Une fois encore, il s’ensuivit une période
de débat public intense, ainsi que de négociations au sein des États membres et entre eux.
Pendant cette période, la France, premier bénéficiaire de la PAC, prit la tête d’une coalition
d’États membres afin d’exercer des pressions pour conserver des subventions liées à la
production et parvint même à obtenir le soutien de l’Allemagne, principal financeur de la
coûteuse PAC. En 2003, après une décennie de débats et une année de négociations
acharnées, de manœuvres diplomatiques, de manifestations et de lobbying, le Conseil
européen atteignit un accord unanime pour une réforme majeure de la PAC.

La réforme de 2003 constitue un autre exemple d’élaboration négociée d’une politique


supranationale. Une négociation habile de la coalition d’États membres conduite par la France
réussit à préserver les aides à la production dans la plupart des secteurs agricoles et maintint
les niveaux préexistants de dépenses agricoles. Pourtant, la réforme négociée finale assurait
également que la vaste majorité de paiements directs aux agriculteurs prendrait la forme
d’une aide « découplée », qui éviterait la tentation de la surproduction et encouragerait les
agriculteurs à produire en fonction des forces du marché plutôt que du montant des
subventions. Les réformes traitaient également d'autres intérêts négociés en limitant la
pratique du dumping des excédents de production sur le marché mondial et en réorientant les
aides financières vers des projets de développement environnemental et rural.

En résumé, dans les sociétés démocratiques les processus de négociation jouent un rôle
crucial dans l’élaboration des politiques et ont le pouvoir d’en façonner les résultats, ainsi
que d’influer sur leur choix et les modalités de leur mise en œuvre. Ce point a été de plus en
plus largement reconnu ces dernières décennies. Par exemple, aux États-Unis, une série
d’initiatives législatives et de décrets, dont le Negotiated Rulemaking Act de 1990,
demandent aux organes de l’État de définir des règles et des procédures pour « l’élaboration
de règles » négociée.

Cependant, le rôle de la négociation dans le cycle des politiques ne jouit souvent que d’une
reconnaissance implicite. Il serait possible de conceptualiser un modèle reconnaissant
l’importance de la théorie de la négociation et des capacités en négociation au cours des
phases de base du cycle d’élaboration des politiques (définition de l'agenda, analyse des
politiques, formulation, mise en œuvre, suivi et évaluation). Mais de toute évidence, la
négociation pèse surtout dans les consultations relatives à la discussion et à la formulation
des agendas, des options et des instruments des politiques.

La négociation commence à la phase de définition de l’agenda, dans la mesure où les


questions choisies peuvent déterminer le ton et le cadre des résultats à atteindre. La
définition de l’agenda peut informer les responsables de l’élaboration des politiques ou
restreindre leur réflexion à un périmètre délimité par les questions reconnues pertinentes et
par le choix des parties sélectionnées pour donner leur avis, etc. Les parties prenantes
considèrent souvent cette phase comme vitale pour le processus d’élaboration des politiques.
Les enjeux peuvent même être tels que les parties rompent les discussions uniquement en
raison de désaccords sur la définition de l’agenda. À ce stade, des négociateurs habiles
peuvent aider à façonner le processus et à surmonter les problèmes de communication qui
font éventuellement obstacle à un accord.
Programme de formation aux politiques de la FAO 5
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

Pendant la phase d’analyse, les responsables de l’élaboration des politiques doivent


naviguer dans un labyrinthe de problèmes, dont les acteurs sont souvent un mélange de plus
en plus diversifié de parties influentes. De ce fait, la phase de formulation peut parfois
ressembler à ce que Charles Lindblom a appelé « la science de s’en sortir tant bien que
mal » (The Science of muddling through, Lindblom, 1958). Ce processus s’explique par les
interactions entre décideurs, administrations concernées, partis politiques, groupes d’intérêt
et « forces profondes », telles que la morale des affaires, la dynamique de l’inégalité ou les
limites des capacités analytiques. Ces forces profondes structurent et déforment le processus
d’élaboration des politiques et l’éloignent de la prise de décision rationnelle (Parsons, 1995).
C’est à la jonction de ces deux cadres divergents, prise de décision rationnelle ou conflit
d’intérêt, qu’une négociation bien menée peut s’avérer vitale. Des stratégies de négociation
telles que l’adoption du point de vue de l’autre, le brainstorming ou le centrage sur les
intérêts plutôt que sur les positions, peuvent aider utilement les responsables de
l’élaboration des politiques à choisir des solutions plus efficaces et intégratives.

Pendant la formulation de la politique, les négociations intégratives 2 peuvent remplir une


fonction similaire à celle de « l’analyse des parties prenantes » en aidant à :

• découvrir les schémas d’interactions existants grâce à l’observation empirique ;


• améliorer les interventions en appuyant des actions intuitives sur une analyse ;
• mettre à disposition un outil de prédiction et de résolution des conflits. (Hall, 2006)

Pendant l’élaboration de la politique, les bons négociateurs identifient et rassemblent les


parties essentielles à la question traitée, instaurent un forum de partage d’informations,
mettent à jour les intérêts et définissent les options de la politique. Une fois les options
identifiées, la négociation joue un rôle important dans la sélection des solutions disponibles
par les parties prenantes et les responsables de l’élaboration de la politique, ainsi que dans le
débat sur leurs mérites comparés. À ce stade, la théorie de la négociation enseigne que la
recherche d’une formule pour résoudre les préoccupations au cœur du problème peut aider
les responsables de l’élaboration des politiques à organiser leurs options en une sélection
cohérente qui servira de point de départ à la négociation. Une formule gagnante incite les
responsables de l’élaboration des politiques et les parties prenantes à réfléchir aux aspects
clés du problème à résoudre et centre l’attention sur les principes, les normes ou les cadres
sur lesquels la majorité des acteurs majeurs a le plus de chance de tomber d’accord.

Parce que la responsabilité de la mise en œuvre est souvent dispersée entre plusieurs
systèmes de gouvernance modernes (rôle des États membres d’un organe de prise de
décision régional tel que l’UE ou organe central de gouvernement comptant sur ses bras
municipaux pour mettre en œuvre des politiques nationales, par exemple), les responsables
de l’élaboration des politiques qui tirent parti des enseignements des processus de
négociation intégrative sont mieux armés pour livrer un résultat dont la légitimité perçue
garantit la mise en œuvre par les parties concernées.

Des faits récents montrent que des éléments de la négociation peuvent même s’avérer utiles
pour éclairer la phase évaluation du cycle des politiques. Ainsi, Campbell et Mark (2006)

2
Type de négociation impliquant souvent un processus d’aide à l’intégration des besoins et des buts de toutes
les parties concernées grâce à une approche créative et collaborative de la résolution de problèmes. Les
négociations intégratives sont décrites en détail à la section 4 du présent document.
6 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

ont découvert que des facteurs connus pour faciliter la négociation intégrative (savoir que
l’on doit rendre des comptes à la population et structuration du processus de dialogue, par
exemple) pourraient améliorer efficacement la qualité du dialogue sur l’évaluation des
programmes et des politiques entre les parties prenantes.

3. THEORIE DE LA NEGOCIATION : FONDEMENTS ET APPROCHES


Les théories de la négociation peuvent être prescriptives, descriptives ou normatives. Les
théoriciens et les praticiens de diverses disciplines ont en outre élaboré et utilisé diverses
approches ou niveaux d’analyse pour mieux comprendre certains aspects de la négociation.
Il en résulte des théories diversifiées, qui mettent souvent l’accent sur des caractéristiques à
l’image des préoccupations dominantes des disciplines qui leur ont donné le jour. Il n’est
donc pas surprenant que les définitions formelles de la négociation reflètent la diversité
d’origines fonctionnelles, conceptuelles et disciplinaires des théories élaborées pour
l’expliquer.

L’homme d’État et négociateur de renom Henry Kissinger a défini la négociation comme


« un processus visant à fondre des positions contradictoires en une position commune grâce
à une règle de décision à l’unanimité » (Kissinger, 1969). Ailleurs, des théoriciens ont parlé
de la négociation en termes d’art de la diplomatie, de reflets mécaniques du pouvoir relatif,
d’interactions pondérées entre des types de personnalités ou de processus de prise de
décision rationnels. Si les définitions formelles de la négociation varient, les théoriciens
reconnaissent quelques principes de base, dont le principal est l’hypothèse que les parties
qui négocient sont d’accord au moins sur un point fondamental : elles pensent toutes que des
négociations avec l’autre partie serviront mieux leurs buts respectifs. Implicitement donc,
les parties négociatrices sont parvenues à la conclusion, au moins temporaire, qu’elles
pourraient atteindre leurs objectifs ou résoudre leurs préoccupations individuelles plus
favorablement en trouvant une solution commune avec l’autre côté qu’unilatéralement.
Cette perception mutuelle conduit à l’ouverture de négociations et montre la dépendance (à
quelque degré que ce soit) entre les parties qui s’y engagent. Cet intérêt commun à parvenir
à un accord partagé constitue le point de départ de « l’intérêt commun et de la dépendance
mutuelle qui existent entre les participants à un conflit qui fait l’objet d’une négociation »
(Schelling, 1960). 3

3.1. Concepts de base de la négociation

Stratégie et tactique

Avant d’aborder les diverses approches de la négociation dont rend compte la littérature
existante, il est utile de dire un mot de la stratégie et de la tactique et de la place qu’elles
occupent dans les diverses écoles. La stratégie est un « ensemble d’actions coordonnées, de
manœuvres en vue d’un victoire », alors que la tactique est « l’ensemble des moyens

3
Ceci vaut pour la négociation en général. Cependant, il convient de noter que dans certains cas un participant
malhonnête peut engager des négociations, non pour parvenir à un accord, mais pour un autre motif, tel que
gagner du temps ou peut-être tirer un avantage politique du fait d’être vu à la table de négociation (quel que
soit son engagement réel à la réussite des négociations). Mais même dans ce cas, la dynamique enclenchée par
les négociations peut se conclure par des accords.
Programme de formation aux politiques de la FAO 7
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

coordonnés que l’on emploie pour parvenir à un résultat ». 4 Les approches structurelles,
stratégiques et procédurales de la négociation tendent à partager une vision distributive. 5
Elles partent du principe que les négociations sont des transactions à somme nulle. En
d’autres termes, les négociateurs considèrent les négociations comme une compétition pour
une quantité limitée ou fixe d’un avantage souhaité par les parties concernées de manière à
ce que le gain de l’un soit la perte de l’autre. La totalité des bénéfices disponibles est
souvent représentée métaphoriquement sous la forme d’un « gâteau ». Parce que les
négociateurs se battent pour une quantité fixe d’un bien ou d’un bénéfice, ils espèrent en
« gagner » une portion ou « part » au prix de la perte correspondante (de part de gâteau) par
leur adversaire (voir a figure 1a). Cette approche diffère de celles qui se servent des
négociations pour agrandir le gâteau, en d’autres termes, pour multiplier les gains afin que
les deux parties repartent gagnantes (figure 1b).

Ces approches tendent donc à appliquer des stratégies de nature distributive ou prédatrice.
Les stratégies distributives, également dites « à somme nulle », compétitives ou « gagnant-
perdant », voient la négociation comme une compétition. Leur but est qu’un côté accapare la
plus grosse part possible du gâteau proverbial (on parle aussi d’« appropriation de gain ») et
que l’autre ne récolte que des miettes.

Figure 1a : Gâteau fixe Figure 1b : Agrandir le gâteau

Les tactiques utilisées dans les négociations distributives ont donc pour but de s’approprier
un gain tout en se défendant contre les agissements identiques de l’adversaire. Parce que les
stratégies compétitives produisent des résultats gagnant-perdant, de nombreuses personnes
(en particulier les tenants de l’école intégrative) les considèrent comme destructrices.
L’encadré 2 ci-dessous fournit des exemples de tactiques utilisées dans la négociation
distributive.

Encadré 2. Tactiques caractéristiques de la négociation distributive

Coercition : recours à la force, ou menace de recourir à la force, pour arracher


des concessions à un adversaire

Attaquer fort : démarrer la négociation avec une position supérieure à ce que


l’on estime pouvoir obtenir

Tactique du salami : prolonger une négociation à un rythme extrêmement lent,


ne concéder qu’une très faible concession à l’autre côté quand il est devenu
impossible de faire autrement pour le faire patienter un peu plus longtemps

(Saner, 2000)

4
Le Petit Robert, 1987
5
Ces approches seront abordées en détail plus loin dans ce document..
8 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

Point de réserve, minimum absolu et ZAP

Qu’est-ce qui permet d’arriver à une solution négociée ? Pour répondre à cette question,
intéressons-nous brièvement à plusieurs concepts clés des approches distributives et
intégratives. Dans toute négociation, chaque partie se fixe un point de réserve, parfois
appelé « minimum absolu ». Il s’agit du point que la personne ne dépassera pas et auquel
elle préférera interrompre la négociation (Raiffa, 1982). En général, les adversaires
l’ignorent et, pour Raiffa et d'autres, sa valeur doit demeurer secrète.

Les points de réserve des participants à la négociation contribuent à définir la probabilité et


le champ possible de l’accord. Pour comprendre comment, voyons ce qui suit :

Encadré 3 : Un accord en douceur : les points de réserve se chevauchent

Imaginons qu'un transformateur local de sucre et son principal fournisseur de


betteraves négocient un nouveau contrat de 3 ans. Même si le transformateur
espère payer moins, il est prêt à accepter jusqu'à 5 EUR/tonne. Il s’agit de son
point de réserve. Maintenant, imaginons que le fournisseur soit disposé à
vendre son stock de sucre brut au transformateur pour un minimum de
4 EUR/tonne (bien qu’il espère négocier un prix plus élevé). Il s’agit de son prix
de réserve parce qu’il ne conclura pas le marché à moins.

Dans le cas ci-dessus, parce que le prix plafond que l’acheteur est prêt à payer et le prix
plancher que le vendeur est prêt à accepter se chevauchent, on dira qu’il existe entre eux une
zone d’accord (Raiffa, 1982) ou une zone d’accord possible (ZAP) (Fisher, Ury et Patton,
1991). La ZAP correspond à la plage de chevauchement des points de réserve (dans notre
exemple, n’importe quel prix situé entre 4 et 5 EUR la tonne de betterave à sucre). Si les
négociateurs atteignent leur objectif, ils tomberont d’accord dans cette fourchette et feront
tous deux une meilleure affaire que s’ils s’étaient adressés ailleurs. Si, à l’inverse, le prix
d’achat maximal et le prix de vente minimal ne se chevauchent pas, il n’y pas de ZAP. Dans
ce cas, l’accord devient hautement improbable et les parties auront intérêt à trouver une
autre solution. La figure 2 fournit une représentation graphique de la ZAP.

Figure 2 : Représentation graphique de la ZAP

ZAP

A B
Point de réserve Point de réserve
de A de B

L’existence d’une ZAP rend probable (mais non certain) que les parties parviennent à un
arrangement acceptable. Le calcul de la ZAP n’est pas toujours facile en raison d’éventuels
Programme de formation aux politiques de la FAO 9
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

déficits d’informations, de l’incertitude quant aux valeurs réelles et de la nécessité de


procéder par estimations. Il s’agit pourtant d’une étape cruciale pour donner au négociateur
une vue claire de la négociation.

3.2. Approches de négociation : aperçu

Les théoriciens diffèrent sur les modalités de classement des principales écoles de pensée sur
la négociation. Par exemple, Daniel Druckman (1997) les répartit entre quatre approches :
négociation comme résolution d’une énigme, négociation comme jeu de marchandage,
négociation comme gestion organisationnelle et négociation comme politique diplomatique.
Howard Raiffa (1982), quant à lui, avance une typologie d’« approches » autour des
dimensions de symétrie-asymétrie et prescription-description.
L’aperçu des approches ou des écoles de pensée de la négociation présenté ici s’appuie sur
une synthèse proposée par I. William Zartman, théoricien, praticien et chercheur en
négociation, comprenant cinq niveaux d’analyse ou approches de base, à savoir :
structurelle, stratégique, procédurale (que nous appelons « concession-échange »),
comportementale et intégrative. 6 La suite de la présente section résume les hypothèses, les
concepts et les théories de base associés à chacune d’entre elles. Il est néanmoins important
de signaler, qu’en pratique, la plupart des négociateurs combinent plusieurs approches et
puisent dans différentes écoles de pensée.

3.2.1. Approche structurelle


Les approches structurelles de la négociation considèrent que les résultats négociés
dépendent des caractéristiques ou des traits structurels propres à chaque négociation. Ces
caractéristiques peuvent inclure le nombre de parties et de questions abordées dans la
négociation, ainsi que la composition (parties monolithiques ou composées de nombreux
groupes) ou le pouvoir relatif des parties en compétition (Raiffa, 1982, Bacharach et Lawler,
1981). Ces approches trouvent « des explications des résultats dans des schémas relationnels
entre les parties ou leurs buts » (Zartman, 1976). Elles peuvent être déterministes dans la
mesure où elles considèrent souvent les résultats a priori, une fois les facteurs structurels
compris.

Les analystes des approches structurelles de la théorie de la négociation tendent à définir les
négociations comme des scénarios de conflits entre des adversaires aux buts incompatibles
[voir positions]. Ils insistent tous sur les moyens apportés par les parties dans la négociation.
Le rôle central et déterminant du pouvoir constitue l’une des principales contributions
théoriques de l’approche structurelle (Bacharach et Lawler, 1981). De ce point de vue, le
pouvoir relatif de chaque partie influe sur son aptitude à atteindre ses buts par la
négociation. Les théories structurelles proposent diverses définition du pouvoir, telles que la
capacité à gagner ou bien la possession de « force » ou de « ressources ».

La vision du pouvoir comme caractéristique structurelle essentielle de chaque négociation


plonge ses racines intellectuelles dans les traditions de la théorie politique et de la stratégie
militaire, en particulier les écrits de Thucydide, Machiavel et von Clausewitz. L’idée que les
forts gagnent ou, dans le langage du réalisme classique, que « les forts font ce qu’ils peuvent

6
Dans son ouvrage fondateur, The 50% Solution (1976), Zartman identifiait sept « approches ». Il les a
réduites à cinq par la suite (1988).
10 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

et les faibles subissent » (Thucydide) constitue l’une des principales contributions de


l’approche structurelle. Pourtant, même dans les conflits qui opposent des très forts à des
très faibles, l’éventail de résultats demeure large. Pour résoudre cette énigme, les analystes
tenants de l’approche structurelle se sont penchés en détail sur d’autres propriétés telles que
symétrie-asymétrie, existence d’alternatives [voir alternatives] ou rôle de la tactique [voir
tactique] pour s’efforcer de comprendre pourquoi la partie la plus ostensiblement puissante
ne sort pas toujours vainqueur des négociations.

Leurs critiques soulignent que les explications structurelles tendent à mettre l’accent sur le
rôle du pouvoir et plus particulièrement sur ses aspects « durs ». D’autres facteurs, comme
les capacités en négociation, peuvent jouer un rôle clé dans les résultats négociés. Par
exemple, dans leur analyse des négociations entre le Front patriotique rwandais (FPR), le
gouvernement de Habyarimana et les leaders des partis d’opposition avant le génocide de
1994, Zartman et Alfredson (2006) se sont aperçus que ces capacités avaient constitué l’un
des facteurs ayant permis au FPR de conclure l’accord de Arusha, très favorable à ses
intérêts.

Les approches structurelles de la négociation présentent une autre limite : leur insistance sur
la prise de positions [voir la section 4], qu’illustre à nouveau l’exemple rwandais. Pendant le
processus d’Arusha, le FPR se cramponnait à la position que le nouveau gouvernement de
coalition devrait exclure le parti extrémiste Hutu, le Comité de défense de la République
(CDR), en dépit de signaux forts pendant le déroulement des discussions qu’un tel accord
serait intenable. Bien que le FPR ait réussi à convaincre les parties présentes à la table de
négociation d’accepter sa position dans l’accord final, il a sans le vouloir joué contre son
camp (protéger la vie de la population Tutsi), quand le refus du CDR de reconnaître la
légitimité de l’accord négocié s’est traduit par un déferlement de violence cataclysmique.

Bien sûr, les conséquences des négociations sur les positions atteignent rarement de telles
extrémités. Cependant, les négociateurs doivent savoir qu’une volonté aveugle de tirer le
maximum d’une négociation sans se soucier de savoir si cela satisfera les autres parties peut
s’avérer une stratégie peu rentable à long terme, en particulier si l’autre côté ne veut plus ou
ne peut plus respecter sa part de l’accord négocié.

3.2.2. Approche stratégique


Le dictionnaire Le Petit Robert définit la stratégie comme « un ensemble d’actions
coordonnées, de manœuvres en vue d’un victoire ». 7 Les approches stratégiques de la
négociation s’enracinent dans les mathématiques, la théorie de la décision et la théorie des
choix rationnels et profitent également de contributions majeures de l’économie, de la
biologie et de l’analyse des conflits. Alors que l’approche structurelle se centre sur le rôle
des moyens (tels que le pouvoir) dans les négociations, les modèles stratégiques insistent sur
le rôle des fins (buts) dans la détermination des résultats. Ils sont également des modèles de
choix rationnel. Ils considèrent les négociateurs comme des décideurs rationnels dotés
d’alternatives connues dont les choix sont guidés par le calcul de l’option susceptible
d’optimiser leurs fins ou leurs « gains ». Les acteurs choisissent dans un éventail d’actions
possibles celles qui devraient leur permettre d’atteindre les résultats désirés. Chacun d’entre
eux possède une « structure de motivation » spécifique composée des coûts associés à

7
Le Petit Robert, 1987
Programme de formation aux politiques de la FAO 11
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

différentes actions et de la probabilité que différentes actions aboutissent aux résultats


désirés. En guise d’illustration, reportez-vous à l’exemple de l’encadré 4 ci-après.

Encadré 4 : Les guerres de la morue : la victoire des faibles - Valeur des


fins

Les conflits entre la Grande-Bretagne et l’Islande sur les droits de pêche


britanniques dans les eaux islandaises ne datent pas d’hier et sont désignés
sous le nom collectif de « guerres de la morue ». La première eut lieu en
1958, quand l’Islande repoussa la limite de ses eaux de pêche côtière de 6,5
à 12 kilomètres, une décision contestée par les Britanniques. En 1972,
l’extension de la limite d’interdiction de pêche dans ses eaux côtières à
80 kilomètres en déclencha une seconde. En dépit de la supériorité écrasante
de la puissance économique et militaire de la Grande-Bretagne, dans les
deux cas les négociations sur le droit de l’Islande de déclarer sa souveraineté
sur ses eaux côtières se sont conclues en sa faveur et ont entraîné des pertes
économiques importantes pour l’industrie de la pêche britannique. Dans son
étude des guerres de la morue, Habeeb (1988) écrit que les acteurs faibles
peuvent parfois triompher dans les négociations asymétriques parce que leur
détermination est plus forte quand ils possèdent une ressource difficile à
trouver ailleurs ou quand ils jugent défendre des principes qui leur tiennent à
cœur tels que la souveraineté ou la défense contre une injustice commise par
un État fort. Du fait de la dépendance quasi exclusive de la population
islandaise sur la pêche comme moyen d’existence, la détermination du
gouvernement islandais concernant la question des droits de pêche dépassait
largement celle du peuple britannique.

Les modèles stratégiques sont souvent de nature normative. Comme ils partent du principe
qu’il existe une unique solution meilleure pour chaque problème, ils s’efforcent de
représenter « ce que des super individus ultra intelligents et parfaitement rationnels
devraient faire dans des situations interactives compétitives [c’est-à-dire de négociation] »
(Raiffa, 1982). Parce qu’elle recherche les « meilleures solutions » sous tous les angles
d’une négociation, cette approche a également été qualifiée de symétriquement prescriptive
(Raiffa, 1982). L’approche stratégique fonde les théories de la négociation du type théorie
du jeu et théorie du risque critique décrites ci-après (Snyder et Diesing, 1977).

Encadré 5 : Exemples de théories stratégiques

La théorie du jeu fait appel à des modèles mathématiques formels pour décrire,
recommander et prédire les actions que les parties doivent mener pour optimiser
leurs gains quand les conséquences d’une action qu’elles choisissent dépendent des
décisions prises par un autre acteur. Elle s’intéresse aux « jeux de ‘stratégie’ et non
à des jeux d’habileté ou de hasard, dans lesquels la meilleure voie à suivre pour
chaque participant dépend de son anticipation des actions des autres participants »
(Schelling, 1960). Les jeux prennent souvent la forme de tableaux ou
d’arborescences (dans leur forme extensive), où chaque joueur doit choisir entre un
nombre fini d’actions possibles, possédant chacune des gains connus.

La théorie du risque critique d’Ellsberg (Ellsberg, 1959) constitue une autre théorie
sur la négociation de crise. Comme la théorie du jeu, elle se sert de nombres
cardinaux d’utilité pour expliquer le comportement de prise de décision, mais
introduit la notion que les parties utilisent des estimations de probabilité quand elles
effectuent le calcul rationnel de faire ou non des concessions dans une négociation de
crise. Ces probabilités dérivent du calcul par chaque acteur de son propre risque
12 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

critique ou du risque maximal de rupture des négociations qu’il est prêt à tolérer pour
rester sur sa position combiné à l’estimation du niveau inhérent de détermination de
son adversaire à maintenir son propre point de vue.

Coopération ou compétition : le dilemme des négociateurs

Le dilemme du prisonnier (DP) constitue l’un des jeux les mieux connus en matière de
négociation. 8 Son scénario est le suivant : deux prisonniers attendent le jugement d’un délit
qu’ils ont commis. Chacun d’entre eux doit choisir entre deux actions : avouer ou se taire. Si
aucun des deux n’avoue, ils coopèrent et devront purger une peine de deux ans de prison
chacun. Si ils dénoncent l’autre, la peine passera à quatre ans pour tous les deux.

Si le jeu s’arrêtait là, la coopération entre les deux prisonniers serait probable, mais la
version classique du DP propose d’autres alternatives. Les prisonniers apprennent que, si
l’un d’entre eux coopère et que l’autre dénonce, ce dernier sera libéré et celui qui aura
refusé de témoigner contre son partenaire écopera de cinq ans de prison. Parce que chaque
joueur s’efforce d’optimiser son propre résultat et ignore ce que l’autre va faire, le jeu du
DP démontre que le joueur rationnel choisira systématiquement la dénonciation parce qu’il
se rend compte qu’ainsi il s’en sortira beaucoup mieux que son opposant, quel que soit le
choix de ce dernier. La figure 3 ci-dessous illustre graphiquement le jeu du DP.

Figure 3 : Dilemme du prisonnier

A
Coopération Dénonciation
Coopération 2 ans/2 ans 5 ans/0 an
B
Dénonciation 0 an/5 ans 4 ans/4 ans

Les négociateurs sont confrontés à un défi similaire dans leur prise de décision parce qu’ils
disposent eux aussi d’informations incomplètes sur les intentions de l’autre négociateur.
Dans les scénarios de négociation, cette formulation suggère que les accords sont
improbables parce que chaque partie possède une bonne raison de dénoncer pour optimiser
ses propres gains. Cependant, un tel résultat est sous optimal parce que les joueurs s’en
sortiraient mieux si ils coopéraient. Dans la vie réelle, la coopération existe. Pour en rendre
compte, Robert Axelrod a utilisé une version itérative du jeu DP pour démontrer que les
individus qui recherchent leur intérêt personnel sont susceptibles de coopérer quand ils
réalisent qu’ils risquent de se rencontrer à nouveau. Par ailleurs, Axelrod s’est servi de
simulations informatiques d’un jeu de DP itératif pour montrer que, même en face d’un
adversaire qui refuse de coopérer, un joueur peut optimiser ses gains en utilisant une
stratégie du type un prêté pour un rendu, où il commence par coopérer puis punit son
adversaire (dénonciation) si il ne coopère pas (Axelrod, 1984). Ou bien, si la seconde partie

8
En janvier 1950, Melvin Dresher et Merrill Flood ont mené à la RAND Corporation l’expérience qui a fait
connaître le jeu baptisé aujourd’hui dilemme du prisonnier (DP). Howard Raiffa a mené ses propres
expériences avec ce jeu.
Programme de formation aux politiques de la FAO 13
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

réagit positivement à une ouverture de coopération de la première partie employant une


stratégie « un prêté pour un rendu » dans un jeu itératif, Axelrod a démontré que la
coopération peut constituer un résultat d’équilibre. Ce cas est illustré par l’exemple ci-
dessous (encadré 6).

Encadré 6 : Coopération découlant de la stratégie Un prêté pour un rendu :


cas de la guerre de tranchées

La description par Robert Axelrod de la guerre des tranchées entre troupes britanniques
et allemandes le long du front occidental pendant la première guerre mondiale constitue
l’un des exemples les plus connus de dilemme du prisonnier itératif où les joueurs se
servent d’une stratégie « un prêté pour un rendu » pour arriver à une coopération
durable. Pendant la guerre, les troupes ont creusé des positions le long des
800 kilomètres de frontière entre la France et la Belgique. Une fois les tranchées
creusées, comme personne ne pouvait gagner et que la seule option était de tenir ses
positions, des petits groupes armés se sont fréquemment aperçus qu’infliger des pertes
à l’autre côté ne faisait que provoquer des représailles sans apporter de gains
supplémentaires. Comme des groupes d’hommes isolés se faisaient face de part et
d’autre de petites bandes de terre pendant de longues périodes, la dynamique du jeu
est souvent passée d’un dilemme du prisonnier à un coup, où la dénonciation constitue
le choix dominant, à une version itérative favorisant la coopération.

Le changement est intervenu de la façon suivante. Des groupes de soldats coupés de


leur autorité centrale commencèrent à réaliser que la victoire était hors de question sur
la bande de terre où les deux camps avaient creusé leurs tranchées. Nombre d’entre
eux en conclurent que la coopération constituerait peut-être la meilleure solution. Il en
émergea un schéma de comportement correspondant à une stratégie « un prêté pour
un rendu » très différente du « tirer et riposter ». Tout commença le jour où un côté
signala son intention de « vivre et laisser vivre », de convenir de ne pas se tirer dessus.
Axelrod a observé qu’alors l’autre côté faisait de même, s’étant également aperçu qu’il
saisissait ainsi l’opportunité d’atteindre un point d’équilibre autour d’une volonté
commune de ne pas combattre. 9
(Axelrod, 1984)

À noter que, dans le cas d’interactions prolongées dans le temps, le résultat des
négociations, c’est-à-dire le choix des parties de coopérer ou de dénoncer, peut dépendre
fortement du degré de confiance existant entre elles.

3.2.3. Approche comportementale

Les approches comportementales insistent sur le rôle de la personnalité des négociateurs ou


de leur caractéristiques personnelles dans la détermination du cours et du résultat des
accords négociés. Les théories comportementales peuvent expliquer les négociations comme
des interactions entre « types » de personnalités qui prennent souvent la forme de

9
Traduction dans le langage de la théorie des jeux : les troupes se sont aperçues (au grand dam du
commandement central) que, même si la défection unilatérale (DU) présentait une valeur supérieure à la
coopération unilatérale (CU) ou à la défaite (D), la condition de réciprocité excluait la possibilité d’une
défection unilatérale et que, sur les options restantes, la coopération mutuelle (CM) était préférable à la
défection mutuelle (DM). Par conséquent : DU>MC>DM>D et CM > (CM+D/2).
14 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

dichotomies, telles que boutiquiers et soldats ou « faucons » et « colombes », où les


négociateurs sont représentés, soit comme se battant jusqu’au bout pour la collectivité, soit
comme cédant diplomatiquement aux exigences de l’autre partie afin de préserver la paix
(Nicholson, 1964).

La tension que fait naître ces deux approches crée le paradoxe suivant, baptisé « Toughness
Dilemma » (dilemme du dur à cuire ») ou « dilemme du négociateur » (Zartman, 1978, Lax
et Sebenius, 1986) : les négociateurs « durs » ont davantage de chance d’aboutir à une
solution négociée très favorable pour eux, mais au risque d’une probabilité plus forte
d’échec de la négociation.

L’approche comportementale est issue de traditions psychologiques et expérimentales, mais


aussi de traités diplomatiques séculaires. Elle considère toutes les négociations entre
nations, employeurs et syndicats ou entre voisins avant tout comme une affaire de
personnes. Alors que la théorie du jeu part du principe que les participants à une « partie »
de négociation sont des entités impersonnelles et uniformément rationnelles cherchant à
optimiser leurs gains, l’approche comportementale met l’accent sur les tendances, les
émotions et les compétences humaines, mais aussi sur le rôle joué par l’« art » de la
persuasion, les attitudes, la confiance, la perception (ou les perceptions erronées), la
motivation individuelle et la personnalité dans les résultats négociés. D’autres chercheurs de
l’école comportementale se sont plus particulièrement intéressés à des facteurs tels que les
relations, la culture, les normes, l’habileté, les attitudes, les attentes et la confiance.

Les premières contributions des diplomates à la théorie de la négociation comprennent


celles du diplomate et homme de lettres François de Callières, qui avançait que le Bon
négociateur possédait les « qualités qui font un esprit attentif et appliqué, qui ne se laisse
point distraire par les plaisirs et par les amusements frivoles, un sens droit qui conçoive
nettement les choses comme elles sont et qui aille au but par les voies les plus courtes et les
plus naturelles », mais qui possède aussi « présence d’esprit », « manières aisées » et
« pouvoir sur lui-même » (de Callières, 1716).

Les contributions ultérieures de la littérature psychosociale consacrée à la négociation


comprennent des travaux théoriques et expérimentaux sur l’influence des « orientations
motivationnelles » sur le comportement des négociateurs. Par exemple, des chercheurs
comme Deutsch (1958), ainsi que Messick et McClintock (1968) ont formulé quatre
« types » distincts de motivation personnelle liés à la place de l’individu dans deux
dimensions : degré d’intérêt dans les relations interpersonnelles et degré d’intérêt dans les
résultats. Il en résulte des typologies d’orientation motivationnelle représentées sous forme
de continuum : individualiste, altruiste, coopérative et compétitive. Une personne dotée
d’une orientation individualiste est motivée uniquement par les résultats pour elle-même.
Une personne altruiste affiche une orientation caractérisée par une préoccupation exclusive
pour le bien-être (résultats) d’autres parties. Une personne de style motivationnel coopératif
se préoccupe du bien-être (résultats) des deux parties. Tandis que la personne plutôt
compétitive est motivée par le désir de faire mieux que son adversaire.

Une autre contribution importante de l’approche comportementale (également traitée par les
théoriciens d’autres écoles) concerne le cadrage. On appelle cadre la manière dont un
problème est décrit ou perçu. Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? La manière
dont la question est posée peut rendre certains objectifs évaluatifs importants et donc influer
sur le résultat (Raiffa, 1982). Elle peut jouer sur la réaction émotionnelle d’un individu face
Programme de formation aux politiques de la FAO 15
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

à l’énoncé factuel d’un problème. Les discussions du cycle de Doha de l’Organisation


mondiale du commerce cherchaient-elles à assurer des gains maximaux ou à limiter les
pertes découlant du commerce international des produits agricoles et industriels ? Dans des
négociations, Neale et Bazerman (1985) et Bazerman et al., (1985) se sont aperçus que la
nature du cadrage ou de la présentation d’un conflit aux négociateurs agissait sur la
perception de leur tâche (optimiser les gains ou limiter les pertes), ainsi que sur la
probabilité de parvenir à un règlement négocié.

3.2.4. Échange de concessions - Approche procédurale


En dépit de points communs avec l’approche structurelle (pouvoir) et l’approche stratégique
(résultats), les théories de l’échange de concessions décrivent un mécanisme différent centré
sur l’apprentissage. Selon Zartman, cette approche (qu’il qualifie de procédurale) considère
la négociation « comme un processus d’apprentissage où les parties réagissent au
comportement de concession de l’autre » (Zartman, 1978). Vues sous cet angle, les
négociations consistent en une série de concessions, qui marquent des étapes. Les deux
parties s’en servent pour signaler leurs intentions et inciter leur adversaire à faire bouger sa
position. Elles « utilisent leurs propositions à la fois pour répondre à la contre-proposition
précédente et pour influer sur la suivante. Les propositions deviennent elles-mêmes un
exercice de pouvoir » (Zartman, 1978).

Cette approche présente un risque inhérent : les participants engagés dans un échange de
concessions risquent de laisser passer des occasions de trouver de nouvelles solutions
profitables pour leur dilemme commun et finissent par se retrouver dans un processus
purement régressif qui laisse les deux côtés avec moins de gains que si ils avaient choisi une
approche plus créative [voir la section sur la négociation intégrative].

3.2.5. Approche intégrative


Contrairement aux approches distributives, les approches intégratives cadrent les
négociations comme des interactions possédant un potentiel gagnant-gagnant. Alors que la
vision à somme nulle considère qu’elles ont pour but de réclamer sa part d’un « gâteau à
taille fixe », les théories et les stratégies intégratives cherchent des manières de créer de la
valeur ou « d’agrandir le gâteau » [voir la figure 1b] afin que la négociation laisse davantage
à partager entre les parties. Les approches intégratives font appel à des critères objectifs,
s’efforcent de créer des conditions de gain mutuel et insistent sur l’importance de l’échange
d’informations entre les parties et de résolution collective des problèmes (Lewicki et al.,
2003). Du fait de l’importance accordée à la résolution de problèmes, à la coopération, à la
prise de décision conjointe et aux gains mutuels, les stratégies intégratives demandent aux
participants de travailler ensemble à trouver des solutions gagnant-gagnant. Elles consistent
à faire apparaître les intérêts, à générer des options et à rechercher des points communs
entre les parties. 10 Les négociateurs pourront chercher des méthodes de création de valeur et
élaborer des principes communs pour décider des modalités d’appropriation des résultats (et
de qui se les appropriera).

L’approche intégrative de la négociation plonge ses racines dans les relations


internationales, la théorie politique, la recherche sur les conflits sociaux et la prise de
décision sociale. En 1965, Richard Walton et Robert McKersie, qui étudiaient les

10
Ces concepts sont traités à la section 5.
16 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

négociations entre syndicats et patronat, publièrent un cadre théorique de compréhension du


processus de négociation, qu’ils appliquèrent également aux échanges dans les relations
internationales et aux conflits relatifs aux droits civils. Ils décrivirent les négociations
intégratives comme des situations où les négociateurs adoptent un comportement de
résolution de problèmes (Walton et McKersie, 1965).

Les théories de la négociation par « phases », qui considèrent les périodes de transition
pendant les négociations comme des étapes d’un processus de prise de décision collective,
constituent une contribution notable à l’école intégrative. Alors que les théories
procédurales s’intéressent à la manière dont le comportement de concessions fait avancer
une négociation, les théories de l’école intégrative mettant en avant les phases se penchent
sur des sous-processus qualitativement distincts (phases) qui définissent la texture, la
dynamique et le potentiel des négociations elles-mêmes. Ils peuvent fournir une feuille de
route opérationnelle aux négociateurs. Par exemple, Zartman et Berman (1982)
maintiennent que les négociateurs peuvent se préparer plus efficacement à la négociation et
se doter d’une probabilité plus grande de la traverser avec succès si ils tiennent compte dans
leurs préparatifs qu’elle passe par trois étapes : une phase Diagnostic, une phase Formule et
une phase Détails.

Dans cette théorie, la phase Diagnostic décrit les événements et les comportements
antérieurs au début des négociations. Les parties évaluent le problème, s’assurent que la
négociation constitue la bonne approche pour le résoudre, manifestent leur volonté de
négocier et testent la volonté de l’autre partie à s’engager avec sincérité dans une
négociation. Dans la phase Formule, les parties recherchent, consciemment ou non, un cadre
ou un ensemble de principes convenus mutuellement sur lesquels baser un accord potentiel.
Les chances de trouver une formule gagnante augmentent si les parties partagent les
informations ouvertement, tiennent compte de leur point de vue respectif et s’appuient sur
des principes ou des valeurs communs pour avancer. Enfin, dans la phase Détails, elles
passent des grands principes à l’élaboration des détails de l’accord. Dans la réalité, les trois
phases ne se déroulent pas nécessairement dans cet ordre et souvent les négociateurs
naviguent de l’une à l’autre si les événements d’une phase contraignent à revenir à une
phase antérieure.

Mais avant tout, les auteurs insistent sur le fait que la négociation est un processus. La
planification et la négociation du processus lui-même sont donc autant cruciales pour le
résultat que la négociation des questions importantes. Les parties doivent prendre le temps
de répondre à des questions telles que : Qui va négocier ? Quelles questions vont être
discutées ? Comment seront-elles discutées ? Quels devraient être l’ordre et la valeur des
questions ? Et comment les engagements seront-ils décidés ? Prendre le temps de négocier
le processus avant d’entamer les discussions profite à toutes les parties concernées. Cela
peut prendre du temps, mais au final, « [négocier le processus] non seulement fera gagner
du temps, mais permettra de conclure des marchés plus sages, plus solides et plus utiles »
(Wondwosen, 2006).

Le moment est considéré comme un autre facteur important des négociations. Selon
Zartman, les parties ont peu de chance d’entamer des discussions tant que la situation n’est
pas « mure pour une solution », c’est-à-dire tant que les parties ne comprennent pas que le
statu quo constitue une « solution perdant-perdant et non gagnant-perdant ». Pourtant les
auteurs affirment que la maturité est une condition nécessaire, mais non suffisante, à la
réussite des négociations. Celle-ci nécessite aussi l’existence d’une impasse douloureuse
Programme de formation aux politiques de la FAO 17
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

pour les parties concernées, d’une situation de « souffrance » ou de perte mutuelle


intolérable (Zartman et Berman, 1982). Ce type de blocage vient de la souffrance née de
l’échec des parties à résoudre un problème important. En général, elles entament des
négociations pour échapper à une situation désagréable, quand elles pensent qu’elles
présentent davantage de chance que d’autres moyens d’aboutir à un résultat favorable.

La négociation raisonnée constitue une autre théorie de la négociation par phases de l’école
intégrative. Dans leur ouvrage Getting to Yes: Negotiating Agreement Without Giving In,
Roger Fisher et William Ury démontraient les mérites de la résolution de problèmes
« gagnant-gagnant » en tant qu’approche de la négociation (Fisher et Ury, 1981). La
négociation raisonnée, affirment-ils, va au-delà des choix stratégiques limités de la
négociation distributive. Ils la considèrent comme un processus en trois phases dont
l’efficacité dépend de la manière dont les négociateurs traitent quatre éléments essentiels :
intérêts, personnes, options et critères. Dans un ouvrage ultérieur, ces quatre piliers sont
devenus les « sept éléments » de la négociation, à savoir : intérêts, relations, options,
légitimité, alternatives, engagements et communication. Dans le modèle de la négociation
raisonnée, les « éléments essentiels » (décrits ci-dessous) servent de composants prescriptifs
des négociations intégratives. Ces éléments seront discutés en détail à la section 5.

3.3. Résumé des approches


Bien que les descriptions de la section 4 visent à fournir une synthèse large des principales
traditions analytiques de la théorie de la négociation, la catégorisation précise des cadres
théoriques existants diffère. De nombreux théoriciens ont également souligné l’intérêt de
faire appel à d’autres intuitions et le flou de l’espace entre les diverses approches (sauf peut-
être dans leur application idéale). Le tableau ci-dessous résume les principaux points
abordés jusqu’ici. Il s’efforce de systématiser les informations présentées, encore que les
lecteurs doivent garder à l’esprit que les catégorisations tranchées sont difficiles et qu’il
existe souvent des chevauchements importants entre les approches concernant les
hypothèses, mais aussi l’usage des stratégies et des tactiques.
18 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

Approche Caractéristiques Hypothèses Limites


de base

• Le verrouillage sur des


positions risque de
Centrage sur les laisser passer des
moyens, les opportunités d’accord
Structurelle Gagnant-perdant
positions et le profitable pour toutes
pouvoir les parties
• Place excessive du
pouvoir

• Exclut l’usage du
Gagnant-perdant.
pouvoir, acteurs
Stratégique (par Centrage sur les Existence de
indifférenciés (en
exemple, théorie du fins, la rationalité, solutions optimales
dehors de différences
jeu) les positions et d’acteurs
de qualité des options
rationnels
ouvertes à chacun)
Comportementale Centrage sur les
(par exemple, traités Gagnant-perdant,
traits de
diplomatiques, types rôle des perceptions • Accent sur les positions
personnalité
de personnalités) et des attentes

Centrage sur le Gagnant-perdant,


Échange de comportement de avance en fonction • Accent sur les positions
concessions concessions, des réponses • Manque de prédictibilité
(procédurale) positions apprises (réactivité)

• Les parties doivent


Intégrative (par Centrage sur la
toujours savoir qu’ils
exemple, théories résolution de
vont rencontrer des
des phases, modèles problèmes, la
Potentiel gagnant- négociateurs non
de processus, création de valeur,
gagnant intégratifs et s’y
négociation la communication,
préparer
raisonnée) les solutions
• Prend beaucoup de
gagnant-gagnant
temps

La figure 4 ci-après fournit une représentation graphique simplifiée du contenu du tableau.


Programme de formation aux politiques de la FAO 19
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

Figure 4 : Synthèse des approches de la négociation

Préparation Relation Options

Processus Valeurs
Intégrative

Alternatives Communication Structurelle


Information

Intérêts Moyens/usage du pouvoir

Distributive
Positions Résultats Stratégique
Négociation

Personnalité

Concessions Comportementale

Procédurale

En pratique, les négociateurs invoquent souvent des stratégies basées sur leur
compréhension consciente ou inconsciente du processus de négociation. Mais les théories de
la négociation nous aident à réfléchir de manière analytique. Leurs intuitions nous aident à
façonner la manière dont nous négocions et, de ce fait, contribuent à influer sur le résultat
que nous obtenons. Par exemple, utilisés délibérément, les enseignements et les techniques
théoriques que nous employons peuvent nous aider à transformer la théorie de la
négociation en savoir-faire technique.

Les sections suivantes de ce document s’intéressent à des étapes pratiques d’application des
approches intégratives élaborées par Fisher et Ury dans leur travail fondateur sur la
négociation raisonnée de 1981.
20 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

4. ÉTAPES PRATIQUES DE LA NEGOCIATION INTEGRATIVE : LES SEPT ELEMENTS


DE LA NEGOCIATION RAISONNEE

Leur travail d’intégration et d’élargissement de la littérature antérieure sur la négociation


intégrative a conduit Fisher et Ury à synthétiser leur vision de cette approche en ce qu’ils
nomment « les sept éléments essentiels » de la négociation raisonnée : intérêts, personnes,
alternatives, options, critères/légitimité, engagements et communication (Fisher et Ury,
1981). Ces éléments sont abordés successivement ci-après.

4.1. Identification des intérêts


Selon Fisher et Ury, la première étape de la négociation raisonnée consiste à identifier les
intérêts qu’impliquent un problème et non les positions des parties. Cette distinction est
importante dans l’école intégrative. Les positions, qui sont les attitudes et les objectifs
affirmés des parties, constituent le point focal de la négociation distributive, alors que les
intérêts sont les raisons sous-jacentes expliquant les positions. Les approches intégratives
affirment que pour négocier efficacement, les négociateurs doivent dépasser les positions et
s’adresser aux véritables intérêts sous-jacents. Ce faisant, ils peuvent aborder les
préoccupations communes avec davantage de créativité, de compréhension et de flexibilité.
Les intérêts peuvent être plus difficiles à identifier que les positions et risquent de demeurer
tus ou même cachés derrière la demande ou la position affirmée d’une partie. Souvent les
parties ne les ont peut-être même pas définis avec suffisamment de précision pour elles-
mêmes. Afin de mieux comprendre la différence entre intérêts et positions, intéressons-nous
à l'exemple de l'encadré 7.

Encadré 7 : Distinction entre intérêts et positions

Un frère et une sœur se querellent pour s’approprier une unique orange. Chacun
affirme qu’elle lui revient (situation à somme nulle), mais le problème apparaît
plus facile à résoudre quand on l’exprime en termes d’intérêt. Ainsi, les raisons
pour lesquelles ils veulent l’orange diffèrent. L’un d’entre eux veut la chair pour
presser un jus. L’autre veut l’écorce pour parfumer un gâteau. Vu sous cet
angle, c’est-à-dire en termes d’intérêts et non de positions déclarées, le
problème trouve une solution à somme positive ou gagnant-gagnant. Les
enfants s’aperçoivent qu’ils peuvent obtenir ce qu’ils souhaitent de l’orange sans
léser l’autre.

Il n’est pas toujours aussi simple de comprendre les intérêts de l’autre partie. Celle-ci pourra
masquer intentionnellement son intérêt sous-jacent dans un sujet donné ou bien ses intérêts
seront difficiles à décrypter parce qu’ils sont nombreux. Quand les parties ne sont pas des
individus, mais des groupes d'individus, la situation devient encore plus complexe. Dans ce
cas, elles doivent deviner, non seulement les intérêts des groupes, mais aussi ceux de leurs
membres.
Programme de formation aux politiques de la FAO 21
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

4.2. Personnes
Les personnes constituent un autre élément des stratégies intégratives. Dans leur ouvrage
Getting to Yes, Fisher et Ury avancent que les parties d’un différend oublient souvent que
l’autre côté est constitué de personnes qui, tout comme elles, sont sujettes à des faiblesses
humaines telles que des émotions, le risque de malentendu et les idées fausses. Une autre
règle du négociateur raisonné est donc de séparer les personnes du problème. En d’autres
termes, trouver une solution sans se laisser distraire par des éléments personnels et parvenir
à un accord qui protège la relation.

Plus la relation est bonne, plus chaque côté est prêt à coopérer, plus il est possible de
partager les informations sans tensions, plus les chances de parvenir à une solution gagnant-
gagnant sont élevées. Pour faciliter la composante relationnelle, Fisher et Ury conseillent de
recourir à des tactiques susceptibles d’aider les négociateurs à mieux connaître leurs
adversaires, telles que trouver des occasions de rencontres informelles, arriver en avance
pour bavarder ou s’attarder après la fin des discussions officielles [voir émotions
négatives]. Les négociateurs doivent également garder à l’esprit des tactiques et des
considérations importantes qui leur donnent le sentiment de pouvoir sortir de la négociation
la tête haute et sans ternir leur image. Il faudra peut-être prendre des mesures pour éviter
que l’une des parties soit contrainte de perdre la face ou apparaisse personnellement
compromise parce qu'elle a cédé aux demandes de l'autre. Sauver la face peut débloquer des
négociations arrivées dans une impasse ou fournir la clé à des situations antérieures aux
négociations. Il faudra peut-être faire des gestes permettant à l’adversaire de justifier son
changement de position, éventuellement devant le public concerné.

D’un autre côté, les négociateurs doivent garder à l’esprit que ne pas perdre la face ne doit
pas prendre une importance exagérée dans le processus, au point de noyer l’importance des
questions ou de générer des conflits intenses susceptibles de retarder la conclusion d’un
accord ou d’empêcher d’avancer sur cette voie.

Honnêteté et confiance. Les négociateurs ne doivent jamais sous-estimer l’importance de


l’honnêteté et de la confiance dans les négociations. Elles y jouent un rôle crucial. La
perception qu’ont les négociateurs des uns des autres constitue un facteur essentiel de la
fluidité des négociations. Il est essentiel de faire preuve de respect et de diplomatie et de
conserver sa crédibilité pour nouer une relation personnelle positive et prévenir des
émotions négatives susceptibles d’entraîner un retour à des tactiques distributives. Cela est
souvent plus facile à dire qu’à faire. La confiance se construit lentement et se détruit
aisément. Le respect des engagements, qui constitue l’une des manières d’y parvenir,
constitue donc un autre élément essentiel des négociations (Fisher et Ertel, 1995).

4.3. Alternatives
Pour fixer des buts réalistes, les négociateurs doivent tenir compte de certaines questions
fondamentales : dans quelle situation se retrouvera chaque côté si aucun accord n’est
atteint ? Quelles autres solutions existe-t-il pour atteindre les objectifs s’il est impossible de
compter sur la coopération de l’autre côté ? Comme vu plus haut, le souci d’alternatives
constitue une caractéristique importante des approches distributives et intégratives.
Cependant, au lieu de mettre l’accent sur des concepts des approches positionnelles de la
négociation tels que les points de réserve et les minima absolus, les approches intégratives
22 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

tendent à adopter une vue légèrement plus nuancée du rôle des alternatives. Fisher et Ury
avancent qu’il est crucial pour les deux parties de connaître leur meilleure alternative à un
accord négocié (BATNA) avant et pendant toutes les étapes de la négociation. Ils affirment
qu’un minimum absolu peut coûter cher. Par nature rigide et onéreux, il peut bloquer la
réflexion créative et verrouiller les parties sur des positions susceptibles de les empêcher de
trouver une solution favorable.

Une BATNA confère aux négociateurs la flexibilité qui manque au minimum absolu. En
effet, elle change quand les négociateurs perçoivent une évolution de leurs alternatives. La
négociation envisagée en termes de BATNA, et non de positions ou de minima absolus, peut
se poursuivre même en cas de refus des chiffres parce que les négociateurs sont plus libres
de continuer à explorer d'autres solutions. Par ailleurs, parce que l’approche intégrative
conçoit la négociation comme un processus de prise de décision conjoint, les deux côtés
conservent toujours la possibilité de revoir leur position en plein milieu et de choisir une
autre voie que celle prévue à l’origine. Les négociateurs qui n’évaluent pas (et ne réévaluent
pas) leurs alternatives avant et pendant le processus risquent donc d’accepter
précipitamment un accord sans avoir totalement pesé leurs alternatives ou celles de l’autre
partie et donc d’accepter un marché qu'ils auraient dû refuser.

Les BATNA peuvent constituer une source de pouvoir ou de force importante dans une
négociation. Une partie « puissante », mais avec une BATNA faible, aura davantage besoin
de parvenir à un accord négocié que sa rivale. C’est pourquoi Fisher et Ury affirment que
l’élaboration d’une BATNA peut s’avérer le meilleur outil face à des négociateurs puissants.
Dans les négociations sur le commerce agricole, pouvoir se tourner vers d’autres partenaires
commerciaux, par exemple, plusieurs acheteurs potentiels d’un stock de blé peut-être prêts à
incorporer des contrats latéraux au contrat d’achat principal, renforce la BATNA du vendeur
par rapport à d’autres acheteurs potentiels.

Les négociateurs doivent évaluer et élaborer leurs BATNA avant et pendant la négociation.
Pour ce faire, ils commencent par établir la liste des alternatives à l’échec d’un accord. Ils
doivent aussi prendre le temps de comprendre et d'anticiper les BATNA de l'autre côté, de
peser les options disponibles compte tenu des deux ensembles de BATNA, d'élaborer un
plan de mise en œuvre pour elles, puis de choisir la meilleure des alternatives élaborées.

Connaître sa BATNA constitue un « indicateur pour éviter d’accepter un accord qu’il faut
refuser et de refuser un accord qu’il faut accepter » (Fisher et Ury, 1981 p. 99). En bref, il
est avisé de réfléchir à ses limites à l’avance, mais un bon négociateur ne les laisse pas
brider son imagination et son aptitude à reconnaître les opportunités fructueuses.

4.4. Options
Une fois que les parties ont commencé à nouer des relations et à échanger des informations
afin de comprendre clairement les intérêts en jeu, elles doivent passer à la génération
d’options. En matière de négociation, les options sont des solutions possibles à un problème
convenant à au moins deux parties. Dans la négociation intégrative, il s’agit de manières
susceptibles de satisfaire le plus grand nombre possible d’intérêts des deux parties. Comme
le révèle l’exemple de l’orange, quand deux personnes (ou deux entreprises ou deux nations)
s’enferment dans des solutions ou des modes de pensée routiniers, elles finissent facilement
par ne plus voir les possibilités qu’un soupçon de créativité permettrait de révéler. Parce que
le processus d’identification des options ou des solutions possibles à un problème favorise la
Programme de formation aux politiques de la FAO 23
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

pensée créative et élargit la capacité à résoudre les problèmes, il est aussi crucial pour le
processus de négociation que l’identification des intérêts sous-jacents. La génération
d’options à l’aide de techniques telles que le brainstorming, qui consiste à inviter les parties
à noter toutes les idées qui leur viennent à l’esprit sans les critiquer, ni les rejeter, favorise la
réflexion créative sur un problème et augmente les chances de formulation de solutions
« gagnant-gagnant » par les parties concernées.

4.5. Critères/légitimité
Les négociateurs qui se cantonnent à des positions font une condition sine qua non de la
réussite des négociations la renonciation par l’une des parties à sa prétention d’origine. La
négociation positionnelle verrouille les deux côtés sur des positions incompatibles. Selon
Fisher et Ury, cela peut entraîner un affrontement de volontés, de l'amertume et un blocage.
Ils assurent que les négociations abordées de cette manière peuvent coûter cher, même si
elles débouchent sur un accord. Par exemple, les négociateurs risquent de parvenir à une
solution qui semble « diviser la différence » entre les deux positions, alors qu’une solution
composée plus rationnellement aurait mieux répondu aux intérêts des deux parties. Enfin,
les accords conclus de cette manière peuvent s'avérer difficiles à mettre en œuvre si les
parties concluent ultérieurement que la solution trouvée n’a pas de légitimité. Les auteurs
insistent sur une meilleure manière d'approcher le processus de négociation : invoquer des
critères objectifs.

Prenons l’exemple suivant. Un pays intéressé par l’importation d’un engrais sans risque
pour l’environnement fabriqué dans un autre pays se cramponne au refus de payer plus de
5 euros par livre. Pendant ce temps, le fabricant se cramponne avec autant de fermeté à la
position qu’il doit l’exporter à 10 euros la livre. Comment résoudre cette différence de
positions ? Si la position de chaque partie semble claire, la base de leur exigence respective
reste floue. Pendant les négociations, les arguments auront davantage de poids et les
solutions seront plus acceptables si ils n’apparaissent pas arbitraires.

Où trouver ces critères ? Au minimum, ils doivent être indépendants de la volonté de l’autre
partie. L’une des méthodes consiste à faire appel à des normes équitables pertinentes pour
la question concernée. Les normes équitables sont des marqueurs sans liens avec les parties
du conflit, qui affectent une valeur ou servent de base à la solution d’un problème. L’affaire
n’est pas toujours simple, car il peut exister de multiples normes potentiellement
acceptables. Par exemple, dans notre exemple ci-dessus, faut-il baser les prix sur les prix du
marché de produits similaires ou sur les coûts de la production domestique ? Une partie
affirmera que le prix du marché mondial constitue une norme équitable de calcul du prix des
marchandises exportées. Une autre soutiendra que c’est le prix domestique de la
marchandise exportée. Quels autres critères peuvent venir étayer une norme équitable
acceptable par toutes les parties ? Il en existe beaucoup. Dans les négociations de ce type,
les parties choisissent souvent comme critères plausibles de prise de décision un jugement
scientifique antérieur, des normes professionnelles, le rendement, les coûts, des normes
morales, l'égalité de traitement, la tradition ou la réciprocité, par exemple. Ainsi, le pays
importateur pourra-t-il convaincre le producteur d'abaisser le coût de son engrais sans risque
pour l'environnement parce qu’il servira à produire des cultures qui, à leur tour, seront
réexportées dans le pays fabricant l’engrais qui les fait pousser ?
24 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

Les parties auront davantage de chance d’influer favorablement sur les négociations et
augmenteront la probabilité de déboucher sur une solution rationnelle à valeur ajoutée si les
principes qui président à leur déroulement sont mutuellement acceptables. En outre, les
accords négociés risquent davantage de durer et d’être acceptés par les circonscriptions des
deux bords si les solutions qu’ils proposent sont perçues comme légitimes.

On peut également aborder la création d’une base d’accord légitime en invoquant ce que les
deux parties reconnaissent comme une procédure équitable pour trancher la question.
L’encadré 8 ci-dessous en fournit une illustration simple.

Encadré 7. Mangeons du gâteau !

Deux enfants se disputent le dernier morceau de gâteau. Leur père


pourrait diviser la part et attribuer les deux portions arbitrairement,
mais il risquerait de les mécontenter tous les deux. Une autre
manière d’aborder le problème consiste à invoquer un processus
équitable. Le père dit aux enfants que l’un d’entre eux coupera le
gâteau et que l’autre choisira le destinataire de chaque portion.
Parce que le processus lui-même paraît légitime, la légitimité du
résultat est incontestable.

Dans les négociations, la prise de décision conjointe augmente l’équité perçue des
négociations, améliore la satisfaction à l’égard du résultat, favorise des relations positives
entre les parties, accroît la légitimité perçue des accords et contribue à renforcer la volonté
de respecter les engagements pris. Le fait de cadrer les négociations comme un processus de
prise de décision basé sur des critères objectifs libère les négociateurs et leurs adversaires de
la nécessité de s’accrocher à une position pour ne pas apparaître (ou se sentir) faibles ou
sournois. Que les négociateurs choisissent des normes ou des procédures équitables, le point
essentiel pour la théorie de la négociation raisonnée est de cadrer conjointement une base
saine de prise de décision logique qui ajoute de la valeur au processus et assoit la légitimité
de la solution négociée aux yeux des parties. Par ailleurs, les négociations conduites de cette
manière gagnent en efficacité. Plutôt que de passer leur temps à attaquer leurs positions
respectives, les négociateurs peuvent centrer leurs énergies sur l’analyse et la résolution des
problèmes et augmenter les chances de concevoir des accords que les parties finiront par
juger légitimes.

4.6. Engagements

Un accord négocié n’a de chances de durer que si toutes les parties respectent leurs
engagements. Bien sûr, ceux qui ne tiennent pas leurs promesses risquent de perdre leur
intégrité, de susciter le ressentiment de la partie adverse et de se heurter au refus de leur
partenaire dans les négociations (et peut-être d’autres personnes extérieures à l’accord
également si leur réputation filtre à l’extérieur) de traiter avec eux dans l’avenir. Aucun
participant à une négociation ne doit intentionnellement prendre des engagements qu’il n’a
pas l’intention de tenir. Fisher et Ertel (1995) soulignent que, pendant le processus de
négociation, les parties doivent réfléchir avec soin au type d’engagements qu’elles sont
prêtes à prendre. Sont-elles capables de les respecter ? Les engagements doivent-ils être
Programme de formation aux politiques de la FAO 25
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

généraux ou spécifiques ? Quand chaque partie devra-t-elle tenir ses promesses ? La mise en
œuvre progressive d’une structure d’engagement constitue l’une des manières de créer la
confiance. Les parties sont mieux disposées à conclure un marché avec un adversaire qui a
apporté la preuve au fil du temps de sa capacité à respecter ses engagements. Une fois la
confiance rompue, comment les parties peuvent-elles recoller les morceaux ? Les gestes de
bonne volonté, entre autre, permettent à la partie dont la mauvaise foi a sapé la fiabilité aux
yeux de l’autre de commencer à compenser les griefs antérieurs. Par exemple, une partie qui
n’a pas versé un montant contractuel pourra proposer un paiement anticipé sur un nouveau
contrat pour convaincre le partenaire commercial lésé qu’elle mérite que l’on traite avec elle
dans l’avenir.

4.7. Communication
La négociation n’est possible que s’il y a communication. Fisher et Ury assurent que se
sentir entendu constitue un intérêt clé pour les deux bords d’une négociation. Une bonne
communication peut changer les attitudes, empêcher ou prévenir les blocages et les
malentendus et améliorer les relations. Par ailleurs, de bonnes capacités en communication
sont essentielles pour faire passer son message de manière convaincante et comprendre
parfaitement celui de ses interlocuteurs (Wondwosen, 2006). En outre, les approches
intégratives soulignent l’importance du partage d’informations pour mettre au jour les
intérêts et aider les parties à explorer des menaces ou des problèmes communs. Pourtant, les
négociateurs sont fréquemment gênés dans leur rôle par des erreurs de communication ou
des inefficacités courantes. Par exemple, ils se concentrent sur leurs propres réponses et
oublient d’écouter leurs interlocuteurs. L’écoute fournit des informations importantes sur
votre adversaire et montre que vous vous intéressez à ce qu’il pense et respectez ses
préoccupations.

Pour améliorer les compétences en communication, Fisher et Ury conseillent de pratiquer


l’écoute active, c’est-à-dire écouter « non pour formuler une réponse, mais pour voir [l’autre
partie] comme elle se voit elle-même » (Fisher et Ury, 1981). Poser des questions,
paraphraser, sans être nécessairement d’accord, et montrer constamment que l’on prend
bonne note de ce qui est exprimé ou tu montre efficacement que l’on écoute activement
(Wondwosen, 2006).

Pour garantir la qualité de la communication, CMG-Mercy Corps conseille de


respecter quatre règles :

1. Être activement à l’écoute des indices verbaux et non verbaux


2. Sonder - Poser des questions pour apprendre
3. Décrire vos « données »
4. Se renseigner, ne pas chercher à convaincre

(Mercy Corps, 2006)

Les spécificités linguistiques et culturelles sont souvent source de nombreux malentendus.


Fisher et Ury fournissent un exemple du type de problèmes qui peut survenir dans les
rencontres polyglottes :
26 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

« … En Persan, le mot ‘compromis’ ne possède apparemment pas sa


connotation positive en Anglais de ‘moyen terme acceptable par les deux
parties’, mais uniquement la connotation négative de remise en cause de
l’honnêteté. De la même manière, le mot ‘médiateur’ en Persan évoque
une personne qui se mêle de ce qui ne la regarde pas, qui n’a pas été
invitée. Au début des années 1980, le secrétaire général des Nations
Unies, M. Waldheim, s’est rendu en Iran pour négocier la libération
d’otages américains. Ses efforts ont subi un grave revers quand la radio
nationale iranienne et une émission de télévision en Persan ont rendu
compte d’une remarque qu’il avait supposément faite à son arrivée à
Téhéran : ‘Je suis venu en médiateur pour trouver un compromis’. Une
heure plus tard, des Iraniens en colère attaquaient son véhicule à coup de
pierres ».
(Fisher et Ury, 1981, p. 33-34).

Des problèmes sont possibles même avec de bonnes capacités en communication. Des
émotions négatives peuvent émousser l’aptitude du négociateur à communiquer
efficacement. De plus, la présence d’un public aux négociations, qu’il s’agisse d’une
circonscription, d’un supérieur ou d’un médiateur, peut influer sur le style et l’efficacité de
la communication.

De nombreux théoriciens de l’approche intégrative ont souligné le rôle du cadrage dans une
bonne communication. En tant qu’outils de communication, les cadres aident l’autre partie à
comprendre vos préoccupations et à faire preuve d’empathie. Par ailleurs, Fisher et Ury
avancent qu’un bon cadrage du sujet augmente les chances d'aboutir à une définition
partagée du problème et du processus de résolution du différend. Ils assurent qu’en
présentant les négociations comme un problème partagé à résoudre ensemble, les
négociateurs contribuent à créer une ambiance de détente, de « camaraderie » et
d’ouverture. Dans les approches intégratives, le cadrage constitue donc à la fois une capacité
en communication et un outil d’amélioration des canaux de communication.

Enfin, les négociateurs doivent savoir qu’il faut apprendre à gérer habilement les émotions
difficiles, qui se manifestent souvent au cours des discussions. Fisher et Ury soulignent
que, dans une négociation difficile, il est important de laisser son interlocuteur exprimer ses
émotions, quelles qu’elles soient. Autoriser l’autre négociateur à exprimer ses sentiments
constitue une tactique efficace pour hausser la qualité de la conversation, car cela évacue
les émotions indésirables et remet la discussion en selle plutôt qu’elle soit entravée par des
sentiments négatifs. Ils recommandent donc de donner l’occasion à l’autre côté de « lâcher
la vapeur » quand cela est nécessaire. Si les sentiments de l’autre partie s’expriment sous
forme d’attaques verbales ou de discours longs et polémiques, ils conseillent d’écouter et
de faire preuve de patience. Les théoriciens intégratifs soulignent souvent l’importance de
confronter les émotions difficiles quand elles se manifestent et de les rendre explicites afin
de souligner la gravité du problème, de reconnaître leur légitimité et de rendre les
négociations plus proactives. Pour mieux reconnaître et comprendre les émotions, Fisher et
Ury (1981) conseillent également aux négociateurs d’examiner et d’identifier les leurs. Ils
doivent se demander ce qu’ils aimeraient ressentir, puis se poser la même question en se
mettant à la place de leur interlocuteur.
Programme de formation aux politiques de la FAO 27
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

5. CONCLUSION
Au final, la négociation est un processus que l’on peut aborder de multiples manières.
Quelle que soit la stratégie choisie, sa réussite dépend de la qualité de la préparation. La clé
pour négocier un résultat profitable tient à l’aptitude des négociateurs à envisager tous les
éléments de la situation avec soin, à identifier les options et à les peser. Ils doivent aussi
pouvoir mettre les événements en perspective et se montrer aussi équitables et honnêtes que
les circonstances le permettent. Le négociateur pourra s’efforcer de profiter du terrain
d’entente ou de l’intérêt commun qui a amené les parties à la table de négociation. En
considérant l’autre bord comme un partenaire plutôt que comme un adversaire et en
collaborant, les négociateurs pourront parvenir à une solution bénéfique pour tout le monde.

6. REMARQUES A L’INTENTION DES LECTEURS

6.1. LIENS EASYPOL

Cette présentation fait partie d’un ensemble de modules qui appartient au parcours de
formation EASYPol: Programme de formation aux politiques, Module 4 :
Formulation des politiques et des stratégies, Session 5 « Rice trek « Jeu de
simulation

Module 4 : Formulation des politiques et des stratégies

Session 1 : Comprendre les processus d’élaboration des politiques


Session 2 : Deux études de cas : comprendre les processus d’élaboration
des politiques
Session 3 Facteurs clés de la synergie État-
citoyens
Session 4 : Logiciel EXTRAPOLATE
Session 5 : « Rice trek » – Jeu de simulation
Session 6 : Négociation de prêt ministériel – Jeu de simulation
Session 7 : Reconstitution du puzzle

7. OUVRAGES DE REFERENCE ET BIBLIOGRAPHIE

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In.:Penguin Books. New York, USA.

(Base de l’approche Négociation raisonnée)

Fisher, R. and Ertel, D., 1995. Getting Ready to Negotiate, A Companion Workbook to
Fisher, Ury and Patton's Classic Getting to YES.

(Outil d’aide à la conception de la stratégie de négociation la mieux adaptée à une


situation donnée).

Paulson, D.D. and Chamberlin, K.M., 1998. Guidelines and issues to consider in planning a
collaborative process. Institute for Environment and Natural Resources, USA

(Consignes basées sur 29 études de cas)

Zartman, W. I., 1978. The Negotiation Process: Theories and Applications. Sage
Publications Beverly Hills, California, USA.

Ouvrages de référence pour les participants aux négociations internationales :

Chomitz, K., 2007. At loggerheads? Agricultural Expansion, Poverty Reduction and


Environment in Tropical Forests. The World Bank, Washington DC, USA.

Hall, R., 2006. Trade Liberalization, Natural Resources and Poverty, Development, 49: 49-
55.

Pielke, R., Prins, G., Rayner, S. and Sarewitz, D., 2007. Lifting the Taboo on Adaptation”,
Nature, 445: 597-598.

Autres ouvrages conseillés :

Berton, P., Kimura, H. and I. Zartman, W.I., 1999. International Negotiation: Actors,
Struture/Process, Values. St. Martin’s Press. New York, USA.
Programme de formation aux politiques de la FAO 31
Théorie et pratique de la négociation : approche de la littérature

Everett, S., 2003. The Policy Cycle: Democratic Process or Rational Paradigm Revisited?
Australian Journal of Public Administration. 62(2): 65-70.

Kremenyuk, V., Sjostedt, G. and Zartman. W.I., 2000. International Economic Negotiation:
Research Tasks and Approaches. International Economic Negotiation: Models Versus
Reality. Kremenyuk, V. and Sjostedt, G. (eds.) Cheltenham, U.K. and Northampton,
Mass.Elgar in association with the International Institute for Applied Systems
Analysis; distributed by American International Distribution Corporation, Williston,
Vt, 5-28.

Landau, A. and Pfetsch, F.R., 2000. Symmetry and Asymmetry in International


Negotiations. International Negotiations, 5: 21-42.

Lindblom, C. E. and Woodhouse, E. J., 1993. The Policy Making Process, 3rd ed.

Odell, J.S., 2006. Writing Negotiating Trade: Developing Countries in the WTO and
NAFTA. Cambridge University Press, New York, USA.

Raiffa, H., 2002. Negotiation Analysis. The Belknap Press of Harvard University Press.
Cambridge & London, UK.

Sebenius, J. K., 1992. Negotiation Analyis: A Characterization and Review, Management


Science, 38: 18-38.

Shapiro, D.L., 2006. Teaching Students How to Use Emotions as They Negotiate,
Negotiation Journal, Jan. 2006:105-109.

Zartman, I. W., 1974. The Political Analysis of Negotiation: How Who Gets What and
When. World Politics, 26: 385-99.
32 Module EASYPol 179
Matériels conceptuels et techniques

METADONNEES DU MODULE

1. Module EASYPol 179

2. Titre dans la langue d’origine


Anglais FAO Policy Learning Programme
Français Programme de formation aux politiques de la FAO
Espagnol Programa de aprendizaje sobre políticas de la FAO
Autre langue

3. Sous-titre dans la langue d’origine


Anglais Negotiation Theory and Practice: A Review of Literature
Français Théorie et pratique de la négociation : Approche de la littérature
Espagnol Teoría y práctica de la negociación : Una revisión de la literatura
Autre langue

4. Résumé

5. Date
Janvier 2008

6. Auteur(s)
Tanya Alfredson, John Hopkins University, Baltimore, Maryland, États-Unis
et
Azeta Cungu, Service du soutien aux politiques agricoles, Division de l’assistance aux
politiques et de la mobilisation des ressources, FAO, Rome, Italie

7. Type de module Présentation thématique générale


Matériels conceptuels et techniques
Outils analytiques
Études de cas et rapports
Ressources complémentaires

8. Sujets principaux L’agriculture dans le contexte macroéconomique


abordés dans ce Politiques agricoles et sous-sectorielles
module Politiques agro-alimentaires et chaîne alimentaire
Environnement et durabilité
Développement institutionnel et organisationnel
Planification des investissements et politiques apparentées
Pauvreté et sécurité alimentaire
Intégration régionale et commerce international
Développement rural

9. Sujets secondaires
abordés dans ce
module

10. Parcours de Programme de formation aux politiques de la FAO


formation

11. Mots clés Négociation et élaboration des politiques, littérature sur la


négociation, approches de la négociation, stratégie, tactique

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