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Théorie de la Mesure

Mathématiques Appliquées

Licence 3

Dr Ténan YEO
yeo.tenan@yahoo.fr
Table des matières

Table des matières 2

1 Tribus 3
1.1 Tribus : définition et propriétés élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 Images et images réciproques de tribus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.3 Tribu borélienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.4 T.D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

2 Applications Mesurables 12
2.1 Mesurabilité de fonction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2 Opérations sur les fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3 Limite de fonctions mesurables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

3 Mesures 20
3.1 Définitions et premiers exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3.2 Propriétés générales d’une mesure positive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
3.3 Mesure extérieure et théorème de Carathéodory . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
3.4 Mesure de Lebesgue sur Rd . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
3.5 Mesure de Stieltjes sur R . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

Bibliography 30

2
Chapitre 1

Tribus

La théorie moderne de l’intégration nécessite tout d’abord de définir des ensembles «mesu-
rables». On verra au chapitre suivant la notion de mesure elle même, définie pour chacun de
ces ensembles mesurables. Pour pouvoir développer cette théorie, on doit pouvoir faire cer-
taines opérations sur les ensembles mesurables. En particulier, la réunion de deux ensembles
mesurables doit être encore mesurable, l’ensemble vide doit être mesurable, et le complémen-
taire (dans l’ensemble de référence) d’un ensemble mesurable doit l’être aussi.

1.1 Tribus : définition et propriétés élémentaires


Soit X un ensemble non vide. P(X) est l’ensemble des parties de X.
Définition 1.1 Une partie A de P(X) est une algèbre de parties de X si :
i) l’ensemble vide appartient à A
ii) si A ∈ A alors X\A ∈ A
n
[
iii) A est stable par réunion finie : si (Ai )1≤i≤n est une famille d’éléments de A, alors Ai ∈ A.
i=1

Remarque 1.1 Si A est une algèbre de partie de A alors X ∈ A, puisque X = X\∅.


Définition 1.2 Une partie A de P(X) est une tribu (σ −algèbre) de parties de X si :
i) ∅ ∈ A ;
ii) si A ∈ A alors X\A ∈ A ;
iii) Si (An )n∈N est une famille d’éléments de A, alors An ∈ A (stabilité par réunion dénom-
S
n∈N
brable).
On remarque qu’une tribu de parties de X est donc une algèbre de parties de X qui est stable
par réunion dénombrable.
Exemple 1.1

• A = {∅, X} est une tribu de parties de X. C’est la plus petite tribu de X. Elle est applée
tribu triviale.

3
1.1. TRIBUS : DÉFINITION ET PROPRIÉTÉS ÉLÉMENTAIRES 4

• A = P(X) est une tribu de parties sur X. C’est la plus grande tribu de X. Elle est appelée
tribu grossière.
• si on fixe E un sous-ensemble de X, alors A = {∅, X, E, X\E} est une tribu de parties de X.
Il s’agit de la plus petite tribu contenant E.
• {E ∈ X : E dénombrable ou X\E dénombrable} est une tribu de parties de X.
Définition 1.3 On appelle espace mesurable tout couple (X, A), où A est une tribu de parties
de X.
Proposition 1.1 Soit (X, A) un espace mesurable.
a) X ∈ A
b) A est stable par réunion et intersection finie.
c) A est stable par différence, i.e si A, B ∈ A alors A\B ∈ A
d) A est stable par différence symétrique : si A, B ∈ A alors A∆ B ∈ A.
\
e) si (An )n∈N est une suite d’éléments de A, alors An ∈ A.
n∈N

Preuve : 
∅∈A
i) =⇒ X = X\∅ ∈ A.
A est stable par complémentaire

ii) On établit la preuve seulement pour la réunion finie l’intersection finie se fait de manière
similaire.
Soit A0 , · · · , An ∈ A. Complétons la famille (Ai )1≤i≤n par Ai = ∅ si i > n. Par stabilité par
n
[ [
réunion dénombrable, on a i∈N Ai ∈ A. Ensuite on se rend compte que Ai ∈
S
Ai =
i=1 i∈N
A.
iii) A\B = X\ [(X\A) ∪ B] ∈ A.
iv) A∆ B = (A\B) ∪ (B\A) ∈ A.
v) Pour tout n ∈ N, An ∈ A. En vertu de stabilité
[par passage au complémentaire X\An ∈ A,
et par stabilité par réunion dénombrable (X\An ) ∈ A. Enfin en utilisant les lois de
n∈N
Morgan, \ [
An = X\[ (X\An )] ∈ A.
n∈N n∈N

Le résultat suivant est parfois utile pour vérifier pratiquement qu’une famille donnée est une
tribu.
Proposition 1.2 Une partie non vide A de P(X) est une tribu sur X si et seulement si elle
satisfait aux trois conditions suivantes
i) stabilité par complémentaire :∀A ∈ A, X\A ∈ A ;
ii) stabilité par intersection finies : ∀A, B ∈ A, A ∩ B ∈ A ;
iii) stabilité par réunion [
dénombrable disjointe : pour toute suite (An )n∈N d’éléments deux à
deux disjoints de A, An ∈ A.
n∈N
1.1. TRIBUS : DÉFINITION ET PROPRIÉTÉS ÉLÉMENTAIRES 5

En raison de l’associativité de l’intersection : (A ∩ B) ∩C = A ∩ B ∩C, la stabilité pour l’intersec-


tion de deux éléments quelconques A et B de A est équivalente à la stabilité pour l’intersection
d’un nombre fini n ≥ 2 quelconques de A. En pratique pour vérifier la stabilité par intersection
finie, il suffit de traiter le cas n = 2.
\
Proposition 1.3 Soit (Ai )i∈I une famille de tribus de parties de X. Alors An est une tribu de
i∈I
parties de X.
Preuve :
• Notons A := i∈I Ai .
T

Puisque pour tout i ∈ I on a ∅ ∈ Ai , alors ∅ ∈ A.


• Soit A ∈ i∈I Ai . Alors pour tout i ∈ I, A ∈ Ai , et puisque chacun des Ai est stable par
T

complémentaire, on a pour tout i ∈ I X\A ∈ Ai . On en déduit que X\A ∈ i∈I Ai


T

• Soit (An )n∈N une suite d’éléments


[ de A. Pour tout i ∈ I, (An )n∈N une suite d’éléments
[ de
Ai . Puisque Ai est une tribu, An ∈ Ai . Ceci étant vrai pour tout i ∈ I alors An ∈ A.
n∈N n∈N

Corollaire 1.1 Soit E un sous-ensemble de P(X). Alors il existe une tribu σ (E) de parties de X
contenant E telle que toute tribu contenant E contient σ (E).
\
Preuve : Notons σ (E) = A.
A tribu de X
A contient E
Alors, il existe une tribu de X contenant E qui est la tribu P(X). La proposition précédente
nous assure donc que σ (E) ainsi défini est une tribu.
Enfin, si une tribu A0 contient E, alors il est clair que
\
A ⊂ A0 .
A tribu de X
A contient E

Donc σ (E) est contenu dans A0 .



Remarque 1.2 Par définition, σ (E) est la plus petite tribu contenant E.
Définition 1.4 Soit E un sous-ensemble de P(X). La tribu σ (E) est appelée tribu engendrée
par E.
Proposition 1.4 Soit E un sous-ensemble de P(X).
1) E = σ (E) si et seulemnt E est une tribu.
2) Si E ⊂ F alors σ (E) ⊂ σ (F).
Preuve :

i) Si E = σ (E) alors E est une tribu (car σ (E) est une tribu). Réciproquement si E est une
tribu alors c’est clairement la plus petite tribu contenant E, i.e. σ (E) par définition.
1.2. IMAGES ET IMAGES RÉCIPROQUES DE TRIBUS 6

ii) Si E ⊂ F alors, par définition σ (F) est la plus petite tribu contenant F et donc en
particulier une tribu contenant E. Puisque σ (E) est la plus petite de ces tribus, alors elle
est contenue dans σ (F).

Définition 1.5 Soit B un sous-ensemble de X et A une tribu sur X. On appelle tribu trace ou
tribu induite par A sur B la tribu

AB = {A ∩ B, A ∈ A}

1.2 Images et images réciproques de tribus


Proposition 1.5 Soit f : X −→ Y , A ⊂ P(X) et B ⊂ P(Y ).
a) Si B est une tribu de parties de Y , alors f −1 (B) est une tribu de parties de X.
b) Si A est une tribu de parties de X, alors f (A) est une tribu de parties de Y .
Preuve :
i) Supposons que B est une tribu de parties de Y . f −1 (B) = { f −1 (B) : B ∈ B}.
• ∅ = f −1 (∅) ∈ f −1 (B).
• Soit A un élément de f −1 (B). Il existe B ∈ B tel que A = f −1 (B).
B ∈ B =⇒ Y \B ∈ B =⇒ X\A = X\ f −1 (B) = f −1 (Y \B) ∈ f −1 (B).
• Soit (An )n∈N une suite d’éléments de f −1 (B).
∀n ∈ N il existe Bn ∈ B tel que An = f −1 (Bn ).
!
f −1 (Bn ) = f −1 ∈ f −1 (B).
[ [ [ [
∀n ∈ N Bn ∈ B =⇒ Bn ∈ B =⇒ An = Bn
n∈N n∈N n∈N n∈N
ii) Supposons que A est une tribu de parties de X. f (A) = {B ⊂ Y : f −1 (B) ∈ A}
• f −1 (∅) = ∅ ∈ A.
• Soit B un élément de f (A)
f −1 (B) ∈ A =⇒ f −1 (Y \B) = X\ f −1 (B) ∈ A =⇒ Y \B ∈ f (A).
• Soit (Bn )n∈N une suite d’éléments de f (A).
!
∀n ∈ N, f −1 (Bn ) ∈ A =⇒ f −1 f −1 (Bn ) ∈ A =⇒
[ [ [
Bn = Bn ∈ f (A).
n∈N n∈N n∈N

Définition 1.6 Soit f : X −→ Y , A une tribu de parties de X et B une tribu de parties de Y .
1) La tribu f −1 (B) est appelée tribu-image-réciproque de B par f .
2) La tribu f (A) est appelée tribu image de A par f .
Lemme 1.1 [de transport] Soit f : X −→ Y et E une famille de parties de Y . Alors

σ f −1 (E) = f −1 (σ (E)) .

1.3. TRIBU BORÉLIENNE 7

Preuve : Montrons d’abord que σ f −1 (E) ⊂ f −1 (σ (E)) .




Si A ∈ f −1 (E), alors par définition A = f −1 (B) avec B ∈ E. Puisque B ∈ E, B ∈ σ (E) et donc


A = f −1 (B) est bien contenu dans f −1 (σ (E)).
Montrons maintenant que f −1 (σ(E)) ⊂ σ f −1 (E) .


Notons S l’image de σ f −1 (E) par f , autrement dit S ∈ S si et seulement si f −1 (S) ∈


σ f −1 (E) . Il est clair que E est contenu dans S. Ainsi σ (E) est contenue  dans σ (S) = S.
−1
Ainsi f (σ (E)) est contenue dans −1 −1
−1 −1
 f (S) qui est contenue dans σ f (E) par définition de
S. D’où f (σ (E)) ⊂ σ f (E) .

Définition 1.7 Soit A une tribu sur X et B une tribu sur Y . On appelle tribu produit, et l’on
note A ⊗ B, la tribu sur X ×Y engendrée par l’ensemble des parties de X ×Y qui s’écrivent sous
la forme A × B avec A ∈ A et B ∈ B, i.e.

A ⊗ B = {A × B ⊂ X ×Y : (A, B) ∈ A × B}.

1.3 Tribu borélienne


Une tribu dite borélienne est l’exemple fondamental de tribu engendrée. Cette notion fait le
lien entre la théorie de la mesure et la topologie.

Rappel du cours de topologie : Un espace topologique est un ensemble X muni d’une to-
pologie O, qui est un ensemble de parties de X appelées ouverts. Axiomes définissant une
topologie :
a) ∅ ∈ O et X ∈ O ;
[
b) pour toute famille (Oi )i∈I d’éléments de O, on a Oi ∈ O ;
i∈I
n
\
c) pour toute famille finie (Oi )1≤i≤n d’éléments de O, on a Oi ∈ O.
i=1
Une topologie vérifie donc d’après a) et b), les axiomes i) et iii) d’une tribu. Mais pas ii). En
effet les complementaires des ouverts sont des fermés par définition, et ils ne sont pas ouverts
en général, même s’ils le sont pour
• la topologie grossière O = {∅, X},
• la topologie discrète O = P(X).
Définition 1.8 Soit (X, O) un espace topologique. On appelle tribu borélienne sur cet espace
la tribu engendrée par O. Les éléments d’une tribu borélienne sont appelés des boréliens.
On note B(X) la tribu borélienne sur (X, O).
Il s’agit de la plus petite tribu contenant tous les ouverts de X.
Proposition 1.6 La tribu borélienne d’un espace topologique contient
• tous les ouverts,
• touts les fermés,
1.3. TRIBU BORÉLIENNE 8

• toutes les intersections dénombrables d’ouverts,


• toutes les réunions dénombrables de fermés.
Preuve : Elle contient les ouverts par définition, et donc aussi les fermés par passage au
complémentaire, et par suite aussi les réunions dénombrables de fermés et finalement les in-
tersections dénombrables d’ouverts, qui sont les complémentaires des réunions dénombrables
de fermés.


Boréliens réels
Dans cette ce paragraphe, on considère X = R (ou Rd , d ≥ 1) muni de sa topologie usuelle
(topologie qui coïncide avec la topologie engendrée par la distance usuelle |.|). On considère
alors sur R la tribu borélienne B(R) engendrée par les ouverts de sa topologie usuelle. On rap-
pelle que les ouverts de R sont des réunions dénombrables d’intervalles ouverts n≥1 ]an , bn [.
S

Typiquement, les boréliens de R sont


— tout intervalle ouvert, fermé, semi-fermé, fini, infini,
— tout singleton {x}, x ∈ R,
— tout ensemble dénombrable {xi : i ∈ I}, I ⊂ N, xi ∈ R.
En effet , ]a, b[∈ B(R) car est ouvert.

\ \
[a, b] = ]a − 1/n, b + 1/n[∈ B(R), [a, b[= ]a − 1/n, b[∈ B(R),
n∈N∗ n∈N∗
[
]−∞, b[= ]−∞, b−1/n] ∈ B(R), [a, +∞[= R\]−∞, a[∈ B(R), ]a, +∞[= R\]−∞, a] ∈ B(R).

S n∈N
{x} = n∈N ]x − 1/n, x] ∈ B(R).
Un ensemble dénombrable est une union disjointe de singletons donc est dans B(R).
Proposition 1.7 La tribu B(R) des boréliens de R est engendrée par chacune des parties sui-
vantes :
• les ouverts,
• les fermés,
• les intervalles ouverts ]a, b[,
• les intervalles fermés [a, b],
• les intervalles semi-ouverts [a, b[ , ]a, b],
• les demi-droites ouvertes ] − ∞, b[ ou ]a, +∞[,
• les demi-droites fermées ] − ∞, b] ou [a, +∞[.
Preuve :
• Posons J = { ]a, b[ : a, b ∈ R, a < b }.
Comme J est incluse dans la famille des ouverts de R, elle est aussi incluse dans la tribu
1.3. TRIBU BORÉLIENNE 9

B(R), donc σ (J ) ⊂ B(R). Dans l’autre sens l’ensemble des ouverts de R est inclus dans la
tribu σ (J ), puisque tout ouvert de R est réunion dénombrable d’intervalles ouverts ]ak , bk [.
Donc B(R) ⊂ σ (J ). Ainsi B(R) = σ (J ).
• Posons F = { [a, b[ : a, b ∈ R, a ≤ b }. Soit [a, b[∈ F.

]a − 1/n, b[
T
[a, b[= 
∗ n∈N
=⇒ [a, b[∈ B(R).
∀n ∈ N∗ ]a − 1/n, b[∈ B(R)

Donc F ⊂ B(R) et par suite σ (F) ⊂ B(R).


Soit O un sous-ensemble ouvert de non vide de R. Il existe une suite disjointe (Ik )k∈K d’inter-
valles ouverts non vides de R telle que O = Ik .
S
k∈K
[
∀k ∈ K, Ik =]ak , bk [ avec ak , bk ∈ R =⇒ Ik = [ak + 1/n, bk [
[ n∈N∗
Ik =]ak , +∞[ avec ak ∈ R =⇒ Ik = [ak + 1/n, ak + n[
n∈N ∗
[
Ik =] − ∞, bk [ avec bk ∈ R =⇒ Ik = [bk − n, bk [.
n∈N∗ [
Donc k ∈ K Ik ∈ σ (F). K étant dénombrable, O = Ik ∈ σ (R).
k∈K
Cela étant vrai pour tout ouvert non vide de R, alors B(R) ⊂ σ (F). En définitive B(R) = σ (F).
• Posons D = { ]a, +∞[ : a ∈ R }.
Chaque élément de D étant un sous-ensemble ouvert de R ; nous avons donc D ⊂ B(R) et par
suite σ (D) ⊂ B(R). Montrons maintenant l’inclusion inverse.
Soit [a, b[∈ F. On a [a, b[= [a, +∞[\[b, +∞[.

[a, +∞[∈ D ⊂ σ (D) 
=⇒ [a, +∞[\[b, +∞[∈ σ (D).
[b, +∞[∈ D ⊂ σ (D) 

Donc tout élément [a, b[ de F appartient à σ (D). Par suite σ (F) ⊂ σ (D). Ainsi σ (D) = σ (F) =
B(R).
Les autres cas se traitent façons analogues en remarquant que tout ouvert O de R s’écrit
comme une réunion dénombrable d’intervalles ouverts ]ak , bk [ :
[
O = ]ak , bk [; (1.1)
k∈K

et en utilisant des expressions du type


[
]a + 1/n, b − 1/n],
S
]a, b[= ]a, b[= n≥1 ]a + 1/n, b[,
n∈N∗
 
]a, b − 1/n], ]a, b[= R\] − ∞, a[ ∩] − ∞, b[
S
]a, b[= n∈N∗

pour montrer que les familles énoncées permettent de retrouver tous les intervalles ouverts
]a, b[ et donc par (1.1) les ouverts de R. Les tribus engendrées par ces familles contiennent
donc B(R). Comme en plus elles sont incluses dans B(R), il y a égalité entre toutes ces tribus.
1.4. T.D 10


Proposition 1.8 La tribu borélienne de Rd est engendrée par chacune des familles suivantes :
— les pavés ouverts ∏di=1 ]ai , bi [, ai , bi ∈ R ;
— les pavés fermés ∏di=1 [ai , bi ], ai , bi ∈ R ;
— les pavés de la forme ∏di=1 ]ai , bi ], ai , bi ∈ R ;
— les hyperquadrants ∏di=1 ] − ∞, ai ], ai ∈ R.
Preuve : Le cas des pavés ouverts se traite exactement comme celui des intervalles ouverts
à la Proposition 1.7. Laissant au lecteur les cas des pavés fermés et hyperquadrants, nous
traiterons seulement le cas de la famille C des pavés ∏di=1 ]ai , bi ]. On vérifie d’abord que tout
pavé ouvert est élément de σ (C), en écrivant par exemple

d [ d
Q =: ∏]ai, bi[= ∏]ai, bi − 1/n]. (1.2)
i=1 n∈N∗ i=1

Noter que si pour un i, bi ≤ ai , les deux intervalles ]ai , bi [ et ]ai , bi − 1/n[ se réduisent à l’en-
semble vide et Q est lui même vide. On déduit de (1.2) l’inclusion

B(Rd ) = σ (P) ⊂ σ (C). (1.3)

Dans l’autre cas, l’écriture de Q comme intrsection dénombrable de pavés ouverts


d \ d
Q =: ∏]ai, bi] = ∏]ai, bi − 1/n[, (1.4)
i=1 n∈N∗ i=1

nous donnes l’inclusion C ⊂ σ (P), d’où

σ (C) ⊂ σ (P) = B(Rd ). (1.5)

Au vu de (1.3) et (1.5), on a bien σ (C) = B(Rd ).




1.4 T.D
Exercice 1
Soit A, B et C des parties d’un ensemble Ω.

1. Montrer que :
(a) 1A∩B = 1A × 1B
(b) 1A∪B = 1A + 1B − 1A × 1B
(c) 1A = 1 − 1A
(d) 1A∆B = 1A + 1B − 21A × 1B .
2. Exprimer 1A∪B∪C en fonction de 1A , 1B et 1C .
1.4. T.D 11

Exercice 2 (Tribu trace)


Soit T une tribu sur un ensemble E et F ⊂ E.
On pose TF := {T ∩ F, T ∈ T }

1. Montrer que pour tout B ∈ T tel que A = B ∩ F, on a F\A = (E\B) ∩ F.


2. Montrer que TF est une tribu sur F (elle est appelée la tribu trace de T sur F).

Exercice 3
Chapitre 2

Applications Mesurables

2.1 Mesurabilité de fonction


Définition 2.1 Soient (X, A) et (Y, B) deux espaces mesurables.
Une fonction f : X −→ Y est dite (A, B)−mesurable si :

∀B ∈ B f −1 (B) ∈ A.

Remarque 2.1
1) f est (A, B)−mesurable ⇐⇒ f −1 (B) ⊂ A ⇐⇒ B ⊂ f (A).
2) S’il n’y a pas d’ambiguïté sur les tribus concernées, on pourra se contenter de dire "mesu-
rable" au lieu de "(A, B)-mesurable".
3) Si Y = R (ou R ou C) muni de la tribu borélienne, on dira simplement que f est A-
mesurable.
4) Quand Y est un espace topologique et que rien n’est précisé, on prendra la tribu borélienne
B(Y ) de Y .
5) Dans le contexte probabiliste, les fonctions mesurables s’appellent les variables aléatoires ;
dans ce cas, on note traditionnellement (X, A, µ) = (Ω, F, P) et une fonction X : (Ω, F, P) −→
R s’appelle une variable aléatoire.
Définition 2.2 Soient (X, U) et (Y, V) deux espaces topologiques.
Une fonction f : X −→ Y est dite borélienne si elle est mesurable lorsque X et Y sont munis de
leurs tribus boréliennes respectives.
Exemple 2.1
i) Soit (Y, B) un espace mesurable. Toute application f : X −→ Y est (P(X), B)−mesurable.
ii) Soit (X, A) un espace mesurable. A une partie non vide de X. On muni R de sa tribu
borélienne.
La fonction indicatrice 1A : X −→ R

1 si x ∈ A
x 7−→ est mesurable si et seulement A ∈ A. En effet,
0 sinon
A = 1−1
A ({1}) et {1} est un fermé dans B(R). Donc A ∈ A.

12
2.2. OPÉRATIONS SUR LES FONCTIONS MESURABLES 13

Supposons maintenant que A ∈ A.


Pour toute partie B de R, on a 1A−1 (B) = {x ∈ X : 1A (x) ∈ B}. Donc


 ∅ si 0 ∈ / B et 1 ∈
/B

 A si 0 ∈

/ B et 1 ∈ B est un élément de A.
−1
1A (B) =


 X\A si 0 ∈ B et 1 ∈ /B

Xsi 0 ∈ B et 1 ∈ B

Par suite, 1A est mesurable.


Proposition 2.1 Soient (X, A) et (Y, B) deux espaces mesurables et ξ une partie de Y engendrant
B. f : X −→ Y est (A, B)-mesurable si et seulement si f −1 (ξ ) ⊂ A.
Preuve :
• Supposons que f est (A, B)-mesurable.

f −1 (B) ⊂ A

=⇒ f −1 (ξ ) ⊂ A.
ξ ⊂B

• f −1 (ξ ) ⊂ A =⇒ ξ ⊂ f (A) tribu =⇒ B = σ (ξ ) ⊂ f (A) =⇒ f est (A, B)-mesurable.



Corollaire 2.1 Soient (X, OX ) et (Y, OY ) deux espaces topologiques munis de leurs tribus boré-
liennes respectives. Toute application f : X −→ Y continue est borélienne.
Preuve : Soient OX (resp. OY ) la classe des ouverts de X (resp. de Y ). Par définition de la
continuité de f , on a f −1 (OY ) ⊂ OX . La tribu borélienne de X contient donc σ ( f −1 (OY )) =
f −1 (σ (OY )) ; par suite f est borélienne.

Corollaire 2.2 Soit f une application de (X, A) à valeurs dans R muni de sa tribu borélienne.
Alors f est mesurable si et seulement si l’une des conditions suivantes est vérifiée :
i) ∀a ∈ R, {x ∈ X : f (x) < a} ∈ A,
ii) ∀a ∈ R, {x ∈ X : f (x) ≤ a} ∈ A,
iii) ∀a ∈ R, {x ∈ X : f (x) > a} ∈ A,
iv) ∀a ∈ R, {x ∈ X : f (x) ≥ a} ∈ A.
Preuve : En effet, l’une quelconque des classes suivantes de parties de R
{ ] − ∞, a[, a ∈ R }, { ] − ∞, a], a ∈ R }, { ]a, +∞[, a ∈ R }, { [a, +∞[, a ∈ R } engendre la
tribu borélienne de R.


2.2 Opérations sur les fonctions mesurables


La mesurabilité des fonctions est une propriété stable pour certaines les opérations usuelles
sur les fonctions
2.2. OPÉRATIONS SUR LES FONCTIONS MESURABLES 14

Proposition 2.2 Soient (X, A), (Y, B) et (Z, T ) trois espaces mesurables. Si f : X −→ Y est
(A, B)-mesurable et g : Y −→ Z est (B, T )-mesurable alors g ◦ f : X −→ Z est (A, T )-mesurable.
Preuve :

g−1 (T ) ⊂ B
 
g est (B, T ) − mesurable
=⇒ −1 =⇒ (g ◦ f )−1 (T ) = f −1 (g−1 (T )) ⊂ A
f est (A, B) − mesurable f (B) ⊂ A

Proposition 2.3 Soient (X, A), (Y1 , B1 ), (Y2 , B2 ) trois espaces mesurables, Y = Y1 ×Y2 , B = B1 ⊗
B2 et pi : Y −→ Yi la projection canonique de Y sur Yi (i = 1, 2).
1) les projections p1 et p2 sont mesurables ;
2) f : X −→ Y est (A, B)-mesurable si et seulement si, pour tout élément i = 1, 2, fi = pi ◦ f est
(A, Bi )-mesurable.
Preuve :
• Pour tout B1 ∈ B1 , on a p−1
1 (B1 ) = B1 ×Y2 ∈ B1 ⊗ B2 . Donc p1 est mesurable. On procède de
même pour p2 .
• Si f est mesurable, il est clair que p1 ◦ f et p2 ◦ f le sont d’après la proposition précédente.
Réciproquement, supposons que p1 ◦ f et p2 ◦ f sont mesurables. Alors, pour tout B1 ∈ B1 ,
l’ensemble f −1 (B1 ×Y2 ) n’est autre que (p1 ◦ f )−1 (B1 ) qui appartient à A. De même, pour tout
B2 ∈ B2 , on a (p2 ◦ f )−1 (B2 ) qui appartient à A. Il en résulte que
f −1 (B1 × B2 ) = f −1 ((B1 ×Y2 ) ∩ (Y1 × B2 )) = f −1 ((B1 ×Y2 )) ∩ f −1 ((Y1 × B2 )) ∈ A.
Comme B1 ⊗ B2 est la tribu engenndrée par les parties de la foorme B1 × B2 , avec B1 ∈ B1 , et
B2 ∈ B2 , la Proposition 2.1 permet de conclure que f est mesurable.

F : X −→ Y × Z
Proposition 2.4 Soient (X, A), (Y, B) et (Z, T ) trois espaces mesurables. Soit .
x 7−→ ( f (x), g(x))
Alors F est mesurable si et seulement si f et g le sont.
Preuve : Si f et g sont mesurables, quels que soient B ∈ B et T ∈ T , F −1 (B × T ) = f −1 (B) ∩
g−1 (T ) ∈ A. Donc F est mesurable. Réciproquement, si F est mesurable alors f et g le sont
par composition avec les projections canoniques.

Proposition 2.5 Soient (X, A) un espace mesurable et (Y, V) un espace topologique. Si f : X −→
R et g : X −→ R sont mesurables et Φ : R2 −→ Y est continue, alors
h : X −→ Y
est mesurable.
x 7−→ Φ ( f (x), g(x))
Preuve : Φ est mesurable puisque continue, et
F : X −→ R2
est mesurable car il suffit de vérifier que F −1 (I × J) = f −1 (I) ∩
x 7−→ F(x) = ( f (x), g(x))
g−1 (J) ∈ A pour tous I, J ouverts de R pour en déduire que F est mesurable. Donc h = Φ ◦ F
est mesurable.
2.2. OPÉRATIONS SUR LES FONCTIONS MESURABLES 15


Corollaire 2.3 Si f : X −→ R et g : X −→ R sont mesurables alors f + g , f g, min( f , g), max( f , g)
sont mesurables. En particulier, f + = max( f , 0), f − = max(− f , 0) et | f | = f + + f − sont mesu-
1
rables. Si f ne s’annule pas, alors est mesurable.
f
Preuve : Il suffit d’appliquer la proposition précédente avec Φ : (u, v) 7−→ u + v, ou (u, v) 7−→ uv,
u + v − |v − u| u + v + |v − u|
ou (u, v) 7−→ min(u, v) = , ou (u, v) 7−→ max(u, v) = .
2 2

g : R −→ R
Pour 1/ f , on utilise la Proposition 2.2 avec qui est continue donc mesurable.
y 7−→ 1/y

On identifie C à R2 muni de sa tribu borélienne.
Proposition 2.6 Soit (X, A) un espace mesurable. Soit f : X −→ C.
• Alors f est mesurable si et seulement si Re f et Im f le sont.
• Si g : X −→ C est mesurable et f l’est aussi, alors f + g et f g le sont.
• Si f est mesurable alors | f | l’est aussi et il existe α : X −→ S, (S le cercle unité) telle que
f = α| f | et α est mesurable (comme fonction à valeurs dans C).
Preuve : • Re f et Im f sont les composées de f avec les projections canoniques. Si f est
mesurable, elle le sont donc aussi. Inversement, si Re f et Im f sont mesurables alors f =
Re f + iIm f l’est aussi, comme somme de fonctions mesurables.
• La somme de fonctions mesurables est en effet mesurable par composition de (u, v) 7−→ u + v
avec x 7−→ ( f (x), g(x)).
• De même pour le produit, avec (u, v) 7−→ uv.

• Si f est mesurable alors | f | est aussi mesurable par compsition avec u2 + v2 , qui est conti-
nue donc mesurable.
De plus A = f −1 ({0}) est mesurable. Si on pose

 1 si x ∈ A,
α(x) = f (x)
si x ∈
/ A,
| f (x)|

f˜ : X\A −→ C\{0} ϕ : C\{0} −→ C


on a α = 1A + (ϕ ◦ f˜)1Ac , où et
x 7−→ f (x) z 7−→ z/|z|.
ϕ est continue donc mesurable. f˜ est mesurable, car tpour tout ouvert U de C\{0}, f˜−1 (U) =
f −1 (U) est mesurable et est inclus dans X\A. Donc α est mesurable.

Remarque 2.2 Si f et g sont deux applications A-mesurables de X dans C , c un nombre com-
plexe et p un nombre réel strictement positif alors les applications c f , | f | p sont A-mesurables.
2.3. LIMITE DE FONCTIONS MESURABLES 16

2.3 Limite de fonctions mesurables


Avant d’étudier la stabilité de la notion de mesurabilité par passage à la limite, rappelons
quelques définitions concernant les suites à valeurs dans R.
Définition 2.3 Soit (u)n∈N une suite à valeurs dans R. On définit ses limites supérieure et infé-
rieure par
lim sup un := lim sup uk = inf sup uk ,
n n→∞ k≥n n∈N k≥n

lim inf un := lim inf uk = sup inf uk ,


n n→∞ k≥n n∈N k≥n

La limite supérieure (resp. inférieure) se note aussi lim un ( resp. lim un ).


n→+∞ n→+∞
Ce sont les plus petites et plus grandes valeurs d’adhérence de la suite(u)n∈N ; elles existent tou-
jours.
On rappelle que si la suite (un )n∈N est convergente alors lim sup un = lim inf un
n n

Proposition 2.7 Soit ( fn )n∈N une suite d’applications A-mesurables de X dans R. Les applica-
tions sup fn , inf fn , lim sup fn et lim inf fn sont A-mesurables.
n∈N n∈N n n
[
Preuve : i) ∀a ∈ R { x ∈ X : sup fn > a } = { x ∈ X : fn (x) > a } ∈ A (d’après le Corol-
n∈N n∈N
laire 2.2).
−1  
Donc sup fn est A-mesurable, puisque sup fn ]a, +∞[ ∈ A pour tout a ∈ R.
n∈N n∈N
h i h i
ii) ∀ ∈ N, fn A-mesurable =⇒ ∀ ∈ N,− fn −A-mesurable =⇒ inf fn = −sup (− fn )
n∈N n∈N
est A-mesurable.
iii) ∀n ∈ N ∀k ≥ n fk est A-mesurable. Donc
∀n ∈ N sup fk et inf fk sont A-mesurables. Par suite
k≥n k≥n
!  
lim sup fn = inf sup fk et lim inf fn = sup inf fk sont A-mesurables.
n n∈N k≥n n n∈N k≥n


Proposition 2.8 Soit ( fn )n∈N est une suite de fonctions mesurables sur de (X, A) dans un espace
métrique (Y, d). Si cette suite de fonctions converge simplement vers f (i.e. pour tout x ∈ X,
lim fn (x) = f (x)), alors f est mesurable.
n→+∞

C’est un résultat très agréable si on le compare avec le résultat analogue pour la continuité
où on a besoin de la convergence uniforme pour que la continuité se conserve à la limite. Une
fonction obtenue comme limite simple de fonctions mesurables est donc mesurable.
Preuve : D’après la Proposition 2.1, il suffit de montrer que si O est un ouvert de Y alors
f −1 (O) ∈ A. Pour cela, on pose

Or = {x ∈ O : d(x,Y \O) > 1/r}, r ≥ 1.


2.3. LIMITE DE FONCTIONS MESURABLES 17

Comme la distance d est continue et Y \O est fermé, l’application g(x) = d(x,Y \O) est continue
−1

et donc Or = g ]1/r, +∞[ est ouvert ( continuité de g). L’ensemble Or est donc un borélien
de Y et [
Or = {x ∈ O : d(x,Y \O) > 0} = O.
r≥1

Noter que d(x,Y \O) = 0 ssi x ∈ Y \O i.e. x ∈/ O. On a

f −1 (O) =
 
x ∈ X : f (x) ∈ O = x ∈ X : lim fn (x) ∈ O
n→+∞
 [
= x ∈ X : lim fn (x) ∈ Or
n→+∞
r≥1

= x ∈ X : ∃ r ≥ 1, ∃ m ≥ 1, ∀n ≥ m : fn (x) ∈ Or
fn−1 (Or )
[ \
= (2.1)
r,m∈N∗ n≥m

est ensemble mesurable de A.



Définition 2.4 On dit qu’une application f : X −→ R est une fonction étagée si l’ensemble f (X)
de ses valeurs est fini. En notant {α1 , α2 , · · · , αn } ( les αi étant tous distincts) et Ai = f −1 ({αi }),
on a la décompsition canonique
n
f = ∑ α i 1A i
i=1
et {Ai , 1 ≤ i ≤ n} est une partition de X.
Remarque 2.3 Cela ressemble à une fonction en escalier mais c’est plus général car pour une
fonction en escalier les ensembles Ai doivent être des intervalles de R, alors qu’ici, il s’agit d’en-
sembles mesurables quelconques sur X quelconque. En fait quand X = R, les fonctions en escalier
sont des cas particuliers de fonctions étagées (avec des Ai égaux à des intervalles disjoints, plutôt
qu’à des ensembles mesurables généraux).
Proposition 2.9 Soient (X, A) un espace mesurable et f : X −→ R une fonction étagée, de dé-
n
composition canonique f = ∑ αi1Ai . Alors f est A-mesurable si et seulement si tous les Ai sont
i=1
dans A.
Preuve : Si tous les Ai sont dans A, f est mesurable comme combinaison linéaire d’indicatrices
d’éléments de A (cf. Exemple 2.1 et Corollaire 2.3).
Réciproquement, si la fonction étagée f est mesurable, comme la tribu borélienne de R
contient tous les singletons, chaque Ai = f −1 ({αi }) est dans A.

Proposition 2.10 Soit (X, A) un ensemble mesurable. Soit f : X −→ R, R ou C mesurable. Alors
il existe une suite ( fn )nN de fonctions étagées convergeant simplement vers f . De plus
i) si f est à valeurs dans R+ , on peut choisir les fonctions étagées positives telles que 0 ≤ fn ≤
fn+1 ,
2.3. LIMITE DE FONCTIONS MESURABLES 18

ii) si f est bornée alors on peut choisir les fonctions étagées fn de telle sorte que ( fn )n∈N
converge uniformément vers f .
Preuve : La démonstration va se faire en plusieurs étapes. On va tout d’abord montrer que
pour f à valeurs dans R+ , on peut trouver ( fn )n∈N une suite croissante de fonctions étagées
convergeant simplement vers f . Dans une seconde étape, on montrera que sous l’hypothèse
0 ≤ f ≤ M, la convergence est uniforme. Dans une troisième étape, on montre le résultat pour
f à valeurs dans R. Dans une quatrième et dernière étape, on montre que le résultat est vrai
dans le cas complexe.
1) Supposons que f ≥ 0. L’idée de base est de décomposer f selon les valeurs possibles. Soit
n ≥ 1 et 0 ≤ k ≤ n2n − 1, alors on pose
 
k k+1
Xn,k := ≤f< n .
2n 2

On pose également :
Xn,∞ := { f ≥ n} .
On commence par remarquer que
n −1
n2[
X = { f ≥ 0} = Xn,k ∪ Xn,∞ .
k=0

Finalement, on note pour tout n,


n2n −1
k
fn = ∑ 1X + n1Xn,∞ .
k=0 2n n,k

Ce sont ces fonctions là qui vont convenir pour faire une approximation de f
Si n ≥ 1 et 0 ≤ k ≤ n2n − 1 alors
k 2k k + 1 2k + 2
n
= n+1 et n = n+1
2 2 2 2
et donc Xn,k = Xn+1,2k ∪ Xn+1,2k+1 . On en déduit que pour x ∈ Xn,k ,

si x ∈ Xn+1,2k
(
k fn+1 (x)
fn (x) = n = 1
2 fn+1 (x) − si x ∈ Xn+1,2k+1 .
2n+1
En particulier, on a fn (x) ≤ fn+1 (x). On remarquera également que 0 ≤ fn+1 (x) − fn (x) ≤ 2n+1
si f (x) ≤ n.
De plus
2n+1
[−1
Xn,∞ = Xn+1,n2n+1 +` ∪ Xn+1,∞ .
`=0
Alors on a pour tout x ∈ Xn,∞

`
(
fn+1 (x) − si x ∈ Xn+1,n2n+1 +` avec 0 ≤ ` ≤ 2n+1 − 1
fn (x) = n = 2n+1
fn+1 (x) − 1 si x ∈ Xn+1,∞ .
2.3. LIMITE DE FONCTIONS MESURABLES 19

Là encore, on remarque que fn (x) ≤ fn+1 (x). Ainsi, pour tout x ∈ X, 0 ≤ fn (x) ≤ fn+1 (x).
Montrons maintenant que cette suite de fonctions converge simplement vers f .
Soit x ∈ X. On suppose que f (x) ≤ n0 pour un n0 fixé. Alors pour tout n ≥ n0 , on a f (x) ≤ n. Il
k k+1 1
existe donc k tel que x ∈ Xn,k et donc fn (x) = n ≤ f (x) < n . Par suite, 0 ≤ f (x) − fn (x) ≤ n .
2 2 2
En particulier, le théorème des gendarmes implique que ( fn (x))n∈N converge vers f (x).
Soit x ∈ X tel que f (x) = +∞. Alors pour tout n, f (x) ≥ n et donc x ∈ Xn,∞ pour tout n. Or
fn (x) = n dans ce cas. Donc ( fn (x))n∈N tend vers +∞ = f (x). On a donc bien la convergence
simple.
2) Si de plus f est bornée par M > 0, alors pour n > M, on a f (x) ≤ n et donc pour tout x ∈ X,
1
0 ≤ f (x) − fn (x) ≤ n . En particulier,
2
1
sup f (x) − fn (x) ≤
x∈X 2n

qui converge vers 0 quand n tend vers +∞ ; d’où la convergence uniforme.


3) On ne suppose plus f ≥ 0. Si (gn ) et (hn ) sont des suites de fonctions étagées convergeant
simplement vers f + et f − , respectivement, alors fn := gn − hn définit une suite de fonctions
étagées convergeant simplement vers f . Puisque | f (x)| = f + (x) si f (x) ≥ 0 et | f (x)| = f − (x)
si f (x) ≤ 0, on en déduit que si f est bornée alors f + et f − sont bornées. On peut alors
choisir (gn ) et (hn ) convergenant uniformément vers f + et f − . Dans de cas, (gn − hn ) converge
uniformément vers f
4) Dans le cas où f est à valeurs complexes, il suffit d’appliquer le résultat à Re f et Im f (on
remarquera simplement que f est bornée ssi Re f et Im f sont bornées).

Chapitre 3

Mesures

3.1 Définitions et premiers exemples


Définition 3.1 Soit (X, A) un espace mesurable. On appelle mesure positive sur (X, A) une
application µ de A dans R+ telle que
a) µ(∅) = 0,
b) si (Ai )i∈N est une suite d’éléments de A deux à deux disjoints
!
[ +∞
µ Ai = ∑ µ(Ai )
i∈N i=0

[µ est dénombrablement additive ou σ -additive].


Si µ : A −→ R+ est une mesure positive alors (X, A, µ) est appelé espace mesuré.
Exemple 3.1
µ : P(X) −→ R+
µ : P(X) −→ R+ 
1) et 0 si A = ∅ sont des mesures
A 7−→ µ(A) = 0 A 7−→ µ(A) =
+∞ sinon
ppositives sur (X, P(X)).

2) Soit x un élément de X.

δx : P(X) −→ R+ 
1 si x ∈ A
A 7−→ δx (A) =
0 sinon

est une mesure positive sur (X, P(X)) appelée la mesure de Dirac au point x.
3)
c : P(X) −→ R+ 
nombre d’éléments de A si A est fini
A 7−→ c(A) =
+∞ sinon
est une mesure positive sur (X, P(X)) appelée la mesure de comptage.

20
3.2. PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES D’UNE MESURE POSITIVE 21

4) Soit f : X −→ R+ .
µ : P(X) −→ R+ 
 0
 si A = ∅
A 7−→ µ(A) =

 ∑ f (x) sinon
x∈A

est une mesure positive sur (X, P(X)) appelée mesure discrète.
Définition 3.2 Soit (X, A, µ) un espace mesuré.
i) µ est dite bornée si kµk := sup{µ(A) : A ∈ A} < +∞.
ii) µ est finie si ∀A ∈ A, µ(A) < ∞.
[
iv) µ est σ -finie si ∀A ∈ A, ∃(An ) ∈ AN avec A ⊂ An et ∀n ∈ N µ(An ) < +∞.
n∈N
iv) Si µ(X) = 1, alors la mesure µ est dite de probabilité. Dans ce cas on dit que (X, A, µ) est
un espace probabilisé.

3.2 Propriétés générales d’une mesure positive


Proposition 3.1 Considérons un espace mesuré (X, A, µ). Alors
a) µ est additive : pour toute suite disjointe (Ai )1≤i≤n de A :
!
n
[ n
µ Ai = ∑ µ(Ai )
i=1 i=1

b) µ est croissante : ∀A, B ∈ A A ⊂ B =⇒ µ(A) ≤ µ(B).


Si de plus µ(A) < +∞ alors µ(B\A) = µ(B) − µ(A).
c) Pour toute suite croissante (An )n∈N d’éléments de A :
!
[
lim µ(An ) = µ An
n→+∞
n∈N

d) Pour toute suite décroissante (An )n∈N d’éléments de A telle que µ(A0 ) < +∞ :
!
\
lim µ(An ) = µ An .
n→+∞
n∈N

e) µ est sous-additive : pour toute suite (Ai )0≤i≤n d’éléments de A


!
n
[ n
µ Ai ≤ ∑ µ(Ai )
i=0 i=0

f) µ est σ -sous-additive : ∀(An )n∈N ∈ AN


!
[ +∞
µ Ai ≤ ∑ µ(Ai ).
i∈N i=0
3.2. PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES D’UNE MESURE POSITIVE 22

Preuve : a) Soit (Ai )1≤i≤n ∈ An deux à deux disjoints. Pour k > n , posons Ak = ∅. Ainsi (Ai )i≥1
est une suite infinie d’éléments de A deux à deux disjoints. En vertu de la σ -additivité, on
obtient : ! !
n
[ [ +∞ n +∞
µ Ai =µ Ai = ∑ µ(Ai ) = ∑ µ(Ai ) + ∑ µ(Ai ).
i=1 i∈N∗ i=1 i=1 i=n+1
+∞
Comme µ(∅) = 0 pour tout i ≥ n + 1, alors ∑ µ(Ai ) = 0.
i=n+1

b) Si A ⊂ B, alors B = A ∪ (B ∩ Ac ) et cette réunion est disjointe. Donc µ(B) = µ(A) + µ(B ∩ Ac ).


Comme µ(B ∩ Ac ) ≥ 0, on déduit que µ(B) ≥ µ(A).
[
c) Soit (An )n∈N une suite croissante d’éléments de A convergeant vers An . Posons B0 = A0
n∈N
et Bn = An \An−1 pour tout i ≥ 1. On remarque que les Bn sont deux à deux disjoints et
[ [ n
[
An = Bn . De plus An = Bi .
n∈N n∈N i=0
En utilisant la σ -additivité de µ on a
!
n
[ n n−1
µ(An ) = µ Bi = µ(B0 ) + ∑ µ(Bi ) = µ(A0 ) + ∑ µ (Ai \Ai−1 )
i=0 i=1 i=1

et ! !
[ [ +∞ +∞
µ An =µ Bn = µ(B0 ) + ∑ µ(Bi ) = µ(A0 ) + ∑ µ (Ai \Ai−1 )
n∈N n∈N i=1 i=1

Comme cette suite converge, sa somme est la limite de la suite de ses sommes partielles de
rang n, ce qui s’écrit :
!
[ n n−1 o
µ An = lim µ(A0 ) + ∑ µ (Ai \Ai−1 ) = lim µ(An ).
n→∞ n→∞
n∈N i=1

\
d) Soit (An )n∈N une suite décroissante d’éléments de A convergeant vers An .
n∈N
Posons Cn = A0 \An . Comme An ⊂ A0 , on a une réunion disjointe A0 = Par additivité An ∪ Cn .
finie, on a µ(A0 ) = µ(An ) + µ(Cn ). Comme Cn ⊂ A0 , µ(Cn ) < +∞. On peut donc écrire

µ(An ) = µ(A0 ) − µ(Cn ).


\
La suite (Cn )n∈N est croissante de réunion A0 \ An , car Cn = A0 ∩ Acn d’où
n∈N
! !c
[ [ \ \
Cn = A0 ∩ Acn = A0 ∩ An = A0 \ An .
n∈N n∈N n∈N n∈N
! ! !
x \ \ \
Par c) µ(Cn )µ A0 \ An , donc µ(An ) converge vers µ(A0 )− µ A0 \ An = µ An .
n∈N n∈N n∈N
3.2. PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES D’UNE MESURE POSITIVE 23

n−1
∀n ∈ N∗ ,
[
e) Posons B0 = A0 , et Bn = An \ Ai .
i=1
On remarque que (Bn ) est une suite disjointe et
n
[ n
[
Ai = Bi ∀n ≥ 1.
i=0 i=0

Par additivité, on a ! !
n
[ n
[ n
µ Ai =µ Bi = ∑ µ(Bi )
i=0 i=0 i=0

Par construction Bi ⊂ Ai pour tout i ∈ N, d’où µ(Bi ) ≤ µ(Ai ). Par suite


!
n
[ n n
µ Ai = ∑ µ(Bi ) ≤ ∑ µ(Ai ).
i=0 i=0 i=0

f) Posons pour tout n ≥ 0 ;


n
[ [ [
Dn = Ai , D= Dn = An .
i=0 n∈N n∈N
x
La suite (Dn )n∈N est croissante et a pour limite D. Donc d’après c) µ(Dn )µ(D). D’après e) on
a
n
∀n ∈ N µ(Dn ) ≤ ∑ µ(Ai ).
i=0
Les deux membres de cette inégalité étant les termes générax de suites croissantes de termes
positifs, on obtient en passant à la limite quand n → +∞ :
!
[ +∞
µ Ai = µ(D) ≤ ∑ µ(Ai ).
i∈N i=0


Proposition 3.2 Soient (X, A) et (Y, B) deux espaces mesurables, f : X −→ Y (A, B)-mesurable
et µ une mesure positve sur (X, A). Alors

µ f : B −→ R+
B 7−→ µ f −1 (B)


est une mesure positive sur (Y, B) appelée la mesure image de µ par f .
Preuve :
f −1 (B) ∈ A
 
B∈B
=⇒ µ f (B) = µ f −1 (B) ∈ R+
 
• =⇒
f (A, B) − mesurable µ est une mesure positive sur (X, A)

• µ f (∅) = µ f −1 (∅) = µ(∅) = 0.


 
3.2. PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES D’UNE MESURE POSITIVE 24

• Soit (Bn )n∈N une suite disjointe d’éléments de B.


f −1 (Bn ) n∈N est une suite disjointe d’éléments de A. Donc
! " !# " #
= µ f −1 f −1 (Bn )
[ [ [
µf Bn Bn =µ
n∈N n∈N n∈N

f −1 (Bn ) = ∑ µ f (Bn).
 
= ∑µ
n∈N n∈N

Par conséquent µf est bien une mesure positive sur (Y, B).

Définition 3.3 Une classe P de parties de X est appelée un π-système si elle est stable par
intersection finie.
Définition 3.4 Une classe L de parties de X est appelée un λ -système si elle vérifie :
i) X ∈ L,
ii) A, B ∈ L et B ⊂ A =⇒ A\B ∈ L,
∗ [
iii) (An )n∈N∗ ∈ LN avec An ⊂ An+1 et A = An =⇒ A ∈ L.
n∈N∗

Théorème 3.1 Soit P un π-système et L un λ -système tels que P ⊂ L. Alors σ (P) ⊂ L.


Corollaire 3.1 Soit P un π-système stable par intersection. La plus petite classe contenant P et
X, stable par différence et limite croissante, est σ (P).
Théorème 3.2 (d’unicité) Soient µ1 et µ2 deux mesures positives définies sur une tribu A =
σ (P), où P est une π-système. On suppose :
i) µ1 et µ2 sont σ -finies le long de P,
ii) µ1 (A) = µ2 (A), pour tout A ∈ P.
Alors µ1 = µ2 .
Preuve :
a) Soit A ∈ P tel que µ1 (A) = µ2 (A) < +∞. Posons
LA = {B ∈ σ (P) : µ1 (A ∩ B) = µ2 (A ∩ B)}
Il est assez facile de voir que LA est un λ -système, et il contient P. Donc, par le Théorème 3.1,
σ (P) ⊂ LA , d’où LA = σ (P), puisque par définition, LA ⊂ σ (P). Finalement µ1 (A∩B) = µ2 (A∩
B), pour tout B ∈ A, et pour tout A ∈ P telle que µ1 (A)[ = µ2 (A) < +∞.
b) Soit (An )n≥1 une suite d’éléments de P, telle que An = X et µi (An ) < +∞, ( i=1, 2), pour
n≥1
tout n ≥ 1. Soit B ∈ A. Comme P est un π-système qui contient les Ai , il contient les Ai ∩ A j . Il
résulte alors que pour tout n ≥ 1,
! !
n
[ n
[
µ1 (B ∩ Ai ) = µ2 (B ∩ Ai ) .
i=1 i=1
En faisant tendre n vers l’infini, on obtient
µ1 (B) = µ2 (B).

3.3. MESURE EXTÉRIEURE ET THÉORÈME DE CARATHÉODORY 25

3.3 Mesure extérieure et théorème de Carathéodory


Définition 3.5 Une mesure extérieure sur X est une application µ ∗ : P(X) −→ R+ , telle que
i) µ ∗ (∅) = 0 ;
ii) µ ∗ est croissante : si A ⊂ B ⊂ X, µ ∗ (A) ≤ µ ∗ (B) ;
iii) µ ∗ est σ -sous-additive : pour toute suite (Ai )i∈N de parties de X,
!
µ∗ ∑ µ ∗(Ai)
[
Ai ≤
n∈N i∈N

Remarque 3.1
1) On remarque que toute mesure positive sur (X, P(X)) est une mesure extérieure.
2) Si µ ∗ est une mseure extérieure sur X alors

∀A, E ∈ P(X), µ ∗ (E) ≤ µ ∗ (E ∩ A) + µ ∗ (E\A).

Les mesures extérieures servent notamment à construire des mesures positives par restriction
à une sous-tribu de P(X).
Définition 3.6 Soit µ ∗ une mesure extérieure sur X. Un sous-ensemble A de X est dit µ ∗ -mesurable
si
∀E ⊂ X, µ ∗ (E) = µ ∗ (E ∩ A) + µ ∗ (E\A).
On note Mµ ∗ l’ensemble des parties µ ∗ -mesurables de X.
Lemme 3.1 Soit µ ∗ une mesure extérieure sur X. Pour tout E ∈ P(X), pour toute suite finie
(Ai )1≤i≤n d’éléments de Mµ ∗ deux à deux disjoints :
!
[ n  n
µ∗ E ∩ Ai = ∑ µ ∗ (E ∩ Ai ). (3.1)
i=1 i=1

! n et soit An+1 ∈ Mµ ,
Preuve : L’égalité (3.1) est vraie pour n = 1. Supposons la vérifiée au rang ∗
n+1
0
Ai . Comme An+1 ∈ Mµ ∗ ,
[
les Ai , 1 ≤ i ≤ n + 1 étant deux à deux disjoints. Posons E = E ∩
i=1
on a

µ ∗ (E 0 ) = µ ∗ (E 0 ∩ An+1 ) + µ ∗ (E 0 \An+1 ). (3.2)

Comme les Ai sont disjoints, on a


!
n+1 n+1
E 0 ∩ An+1 = E ∩
[ [
Ai ∩ An+1 = (E ∩ Ai ∩ An+1 ) = E ∩ An+1 (3.3)
i=1 i=1

et comme tous les Ai , 1 ≤ i ≤ n sont inclus dans Acn+1 , donc aussi leur réunion,
" ! # !
n n
E 0 ∩ Acn+1 =
[ [
E∩ Ai ∩ Acn+1 = E ∩ Ai . (3.4)
i=1 i=1
3.3. MESURE EXTÉRIEURE ET THÉORÈME DE CARATHÉODORY 26

En reportant (3.3) et (3.4) dans (3.2), on obtient


! !
 n+1
[  n
[ 
µ∗ E ∩ Ai = µ ∗ (E ∩ An+1 ) + µ ∗ E ∩ Ai ,
i=1 i=1

ce qui permet d’achever le récurrence.



Proposition 3.3 Soit µ ∗ une mesure extérieure sur X. Mµ ∗ est une tribu de parties de X et la
restriction de µ ∗ à Mµ ∗ est une mesure positive.
Preuve : a) Pour montrer que Mµ ∗ est une tribu, nous allons utiliser la Proposition 1.2.
• Il est facile de voir que ∅ ∈ Mµ ∗ .
• La stabilité par complémentaire est évidente.
• Soient A et B dans Mµ ∗ et E ⊂ X. On a

µ ∗ (E) = µ ∗ (E ∩ A) + µ ∗ (E ∩ Ac )

µ ∗ (A ∩ E) = µ ∗ (B ∩ A ∩ E) + µ ∗ (Bc ∩ A ∩ E)
µ ∗ (Ac ∩ E) = µ ∗ (B ∩ Ac ∩ E) + µ ∗ (Bc ∩ Ac ∩ E)
En remarquant que (B ∩ Ac ∩ E) ∪ (Bc ∩ A ∩ E) ∪ (Bc ∩ Ac ∩ E) = (Ac ∪ Bc ) ∩ E, on obtient par
sous-σ -additivité de µ ∗ ,

µ ∗ [(Ac ∪ Bc ) ∩ E] ≤ µ ∗ (B ∩ Ac ∩ E) + µ ∗ (Bc ∩ A ∩ E) + µ ∗ (Bc ∩ Ac ∩ E),

d’où découle finalement

µ ∗ (E) ≥ µ ∗ (E ∩ (A ∩ B)) + µ ∗ (E ∩ (A ∪ B)c ) ,

ce qui prouve que A ∩ B est dans Mµ ∗ .


• Soit (Ai )i∈N une suite d’éléments deux à deux disjoints de Mµ ∗ . Montrons que A :=
[
Ai ∈
i∈N
Mµ ∗ .
La stabilité par complémentaire et par intersection finie de Mµ ∗ entraînent sa stabilité par
n
Ai ∈ Mµ ∗ et l’on a pour tout E ⊂ X,
[
union finie. Ainsi pour tout n ≥ 0, Bn :=
i=0

µ ∗ (E) = µ ∗ (E ∩ Bn ) + µ ∗ (E ∩ Bcn ).

Comme Bn ⊂ A, Ac ⊂ Bcn , et par croissance de la mesure extérieure Mµ ∗ , on en déduit

µ ∗ (E) ≥ µ ∗ (E ∩ Bn ) + µ ∗ (E ∩ Ac ). (3.5)

Par le Lemme 3.1,


n
µ ∗ (E ∩ Bn ) = ∑ µ ∗ (E ∩ Ai ). (3.6)
i=0
3.3. MESURE EXTÉRIEURE ET THÉORÈME DE CARATHÉODORY 27

En reportant (3.6) dans (3.5), on a


n
µ (E) ≥ ∑ µ ∗ (E ∩ Ai ) + µ ∗ (E ∩ Ac ).

i=0

Ceci étant vrai pour tout n, on en déduit


+∞
µ ∗ (E) ≥ ∑ µ ∗ (E ∩ Ai ) + µ ∗ (E ∩ Ac ). (3.7)
i=0

(A ∩ Ai ) ; d’où par sous-σ -additivité de µ ∗ ,


[
Or E ∩ A =
i∈N

µ ∗ (E) ≥ µ ∗ (E ∩ A) + µ ∗ (E ∩ Ac ),

ce qui prouve bien que A ∈ A. Ainsi µ ∗ est stable par union dénombrable disjointe et est bien
une tribu.
b) Montrons que µ ∗ restreinte à Mµ ∗ est bien une mesure positive.
• On sait déjà que µ ∗ (∅) = 0.
• Soit (Ai )i≥1 une suite d’éléments deux à deux disjoints de Mµ ∗ et A sa réunion. En prenant
E = A dans (3.7), on a
+∞
µ ∗ (A) ≥ ∑ µ ∗ (Ai ). (3.8)
i=1

La sous-σ -additivité de µ ∗ fournit par l’inégalité inverse, de sorte qu’on a l’égalité dans (3.8),
ce qui exprime la σ -additivité de µ ∗ restreinte à Mµ ∗ .

Théorème 3.3 [d’extension de Carathéodory] Soit µ0 une mesure définie une algèbre F0 de
partie de X, qui est supposée σ - finie le long de F0 . Il existe une unique mesure µ sur F = σ (F0 ),
telle que µ|F0 = µ0 . On dit que µ prolonge µ0 à F.
Preuve : L’unité résulte du Théorème 3.2. Il suffit de montrer l’existence.
Commençons par définir l’application suivante de P(X) à valeurs de R+ : pour tout A ⊂ X,

µ ∗ (A) = inf ∑ µ0 (An ),


n
[
où l’infinimum est pris sur toutes les suites dénombrables (An )n telles que An ∈ F0 et A ⊂ An .
n
On vérifie aisément que µ ∗ est une mesure extérieure qui coïncide avec µ0 sur F0 .
D’parès la Proposition 3.3 , Mµ ∗ est une tribu et la restruction de µ ∗ à Mµ ∗ est une mesure
positive. Le résultat d’existence du Théorème est donc une conséquence du Lemme 3.2 ci-
dessous.

Lemme 3.2 Mµ ∗ contient l’algèbre F0 .
3.4. MESURE DE LEBESGUE SUR RD 28

[ : Soit A ∈ F0 , E ⊂ X et ε > 0. Il existe une suite (An )n d’éléments de F0 telle que


Preuve
E ⊂ An et µ ∗ (E) ≥ ∑ µ0 (An ) − ε. Pour tout n ≥ 1, Bn = An ∩ A et Cn = An ∩ Ac sont dans
n n
l’algèbre F0 . Donc par la définition de µ ∗ et l’additivité de µ0 ,

µ ∗ (E ∩ A) + µ ∗ (E ∩ Ac ) ≤ ∑ µ0(Bn) + ∑ µ0(Cn)
n n
= ∑ µ0(An)
n

≤ µ (E) + ε.

En prenant la limite quand ε → 0 dans l’inégalité précédente, on obtient que A ∈ Mµ ∗ .




3.4 Mesure de Lebesgue sur Rd


Une application du Théorème 3.3 permet de construire sur Rd (d ∈ N∗ ) une mesure appelée
"mesure de Lebesgue". On a donc le théorème suivant.
  d
Théorème 3.4 Il existe une unique mesure µ sur Rd , B(Rd ) telle que pour tout pavé ∏ ]ai , bi ]
i=1
(avec ai < bi pour tout i = 1, · · · , d),
!
d d
µ ∏ ]ai, bi] = ∏(bi − ai ).
i=1 i=1

On l’appelle mesure de Lebesgue sur Rd et on la note λd . Lorsque d = 1, on la note simplement λ .

3.5 Mesure de Stieltjes sur R


Une application importante du Théorème 3.3 est aussi la construction d’une mesure sur
(R, Bor(R)) à partir d’une fonction croissante.
On admettra le théorème suivant.
Théorème 3.5 Soit F : R −→ R une fonction croissante et continue à droite en tout point.
Définissons sur C := {]a, b] ; a, b ∈ R} la fonction d’ensembles µ par µ(∅) = 0 et µ(]a, b]) =
F(b) − F(a) si a < b. Alors µ se prolonge de manière unique en une mesure sur la tribu boré-
lienne de R. Cette mesure est appelée mesure de Stieltjes associée à F. En particulier lorsque
F : x 7→ x est l’identité sur R, on obtient ainsi la mesure de Lebesgue λ (ou λ1 ) qui prolonge à
Bor(R) la fonction longueur des intervalles de C (λ (]a, b]) = b − a, si a < b)
Proposition 3.4 Une mesure µ sur (R, Bor(R)) est de Stieltjes si et seulement si elle est finie sur
les intervalles bornés de R.
Exemple Pour illustrer simplement la Proposition 3.4, considérons les deux mesures ponc-
tuelles
µ := ∑ δk , ν := ∑ δ1/k
k∈N∗ k∈N∗
3.5. MESURE DE STIELTJES SUR R 29

µ est de Stieltjes car un intervalle borné ne contient qu’un ensemble fini d’entiers. Par contre
ν n’est pas de Stieltjes puisque ν(]0, 1]) = +∞ .
Bibliography

[1] Charles Suquet, Intégration Analyse de Fourier Probabilités (Réédition 2 septembre


2010), Université des Sciences et Technologies de Lille U.F.R. de Mathématiques Pures et
Appliquées Bât. M2, F-59655 Villeneuve d’Ascq Cedex, Licence de Mathématiques, 2003-
2004 (Notes de cours).
[2] KANGNI Kinvi, Mesure et Intégration, Licence de Mathématiques, UFHB (Notes de
cours).
[3] Jean-Christophe Breton, Intégrale de Lebesgue, L3 Mathématiques Université de Rennes
1, Septembre-Décembre 2016 (Notes de cours).
[4] T. Deheuvels, Intégrale de Lebesgue (Notes de cours).
[5] Michael E. Taylor (en), Measure Theory and Integration, AMS, 2006

[6] Michel Loève, Probability Theory, vol. I, New York/Heidelberg/Berlin, Springer, 1977,
4e éd., 425 p. (ISBN 0-387-90210-4), chap. 8.2, p. 135-137

[7] Paul Halmos, Measure theory, New York/Heidelberg/Berlin, Springer, 1974, 304 p. (ISBN
0-387-90088-8), chap. 35, p. 143-145

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