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Au Roy.
A la Royne.
(Lettre à part.)
Madame, estant en ce festin, où j'ay esté convyé pour accompaigner
la Royne d'Angleterre, le xxııȷe de ce mois, elle a prins playsir de
deviser l'après dinée, fort longtemps avecques moy; et, entre aultres
choses, elle m'a dict qu'elle estoit résolue de se maryer, non tant
pour ne s'en sçavoir passer, (car elle en avoit assés faict de preuve),
comme pour satisfaire à ses subjectz; et aussi pour obvier, par
l'authorité d'ung mary, ou par la nayssance de quelque lignée, s'il
playsoit à Dieu luy en donner, aux entreprinses qu'elle sentoit bien
qu'on feroit contre elle, et sur son estat, si elle devenoit si vieille qu'il
n'y eust plus lieu de prendre party, ny espérance qu'elle deubt avoir
d'enfans. Il est vray qu'elle craignoit grandement de n'estre bien
aymée de celluy qui la vouldroit espouser, qui luy seroit ung second
inconvénient plus dur que le premier, car elle en mourroit plustost;
et que, pourtant, elle y vouloit bien regarder.
Je luy ay respondu que à si prudentes considérations et si vrayes,
comme celles qu'elle disoit, je n'avois que adjouxter, sinon qu'elle
pouvoit, dans ung an, avoir bien pourveu à tout cella, si, avant les
prochaines Pasques, elle se maryoit à quelque prince royal, dont
l'ellection s'en pourroit aiséement faire; et j'en cognoissoys ung qui
estoit nay à tant de sortes de vertu, qu'il ne failloit doubter qu'elle
n'en fût fort honnorée et singulièrement bien aymée, et dont
j'espèrerois qu'au bout de neuf mois après, elle se trouveroit mère
d'ung beau filz; par ainsy, en se rendant très heureuse de mary et
de lignée, elle amortyroit, par mesmes moyen, toutes les malles
entreprinses qui se pourroient jamais dresser contre elle.
Ce qu'elle a aprouvé bien fort, et à suivy le propos assés longtemps,
avec plusieurs parolles joyeuses et modestes; et estoit Mr le cardinal
de Chatillon au mesmes festin, auquel elle n'a point parlé à part;
mais, le lendemain, il a demandé audience, et a esté quelque temps
avec elle; puys, au retour, il m'est venu dire adieu, parce qu'il partoit
le lendemain pour Canturbery, et m'a compté l'estat où il layssoit
l'affaire, qui luy sembloit estre en termes d'y pouvoir commancer
quelque fondement, mais non qu'il y en vît encores nul pour s'y
debvoir arrester; dont dépescheroit Dupin pour le vous aller
représanter tel qu'il estoit, affin que Vostre Majesté, sellon sa
prudence, nous vollût commander, à luy et à moy, ce que nous
aurions à faire.
Je luy descouvriz quelques choses que j'avois aprinses de sa
négociation, pour luy donner plus grand lumyère comme elle estoit
receue, et avons advisé d'user de bonne intelligence ensemble, mais
secrectement, affin d'obvier aulx soupeçons de ceste court, qui
bientost seroient si grandz en ce faict, que plus ne se peult dire; et
n'ay point faict semblant au dict sieur cardinal que Vostre Majesté
m'en ayt encores faict mencion; mais ceulx qui m'ont donné les
premiers adviz de ce qu'il en a proposé, m'ont adverty qu'à la vérité
il n'a point monstré lettre de Voz Majestez, qui luy en donnast
expresse commission; dont la dicte Dame s'estoit retirée, et avoit
dict que, quant vous y vouldriez entendre, vous m'en commanderiez
quelque chose, comme vous fiant beaucoup de moy. Et ceulx là
mesmes m'ont mandé qu'elle a parlé de ce faict à plusieurs des
siens, à part l'ung de l'aultre, et mesmes a vollu avoir le conseil du
duc de Norfolc, qui a respondu qu'il avoit esté le principal autheur
d'induyre les Estatz de ce royaulme à la suplyer de se maryer, et de
laysser à sa liberté de prendre le party que bon luy sembleroit: dont
ne vouloit changer d'opinion; que quant à Monsieur, toutes choses
estoient grandes en luy, mais qu'il falloit regarder aux condicions, sur
quoi le mariage se pourroit conclurre, qui fussent honnorables pour
sa Mestresse et heurées pour son estat.
D'aultres m'ont mandé que les quatre principaulx, qui guydent les
intentions de la dicte Dame, se sont assemblez pour résouldre qu'est
ce qu'ilz luy en conseilleroient. Je vous manderay bientost leur
conseil, et vous adjouxteray cependant, Madame, cestuy cy du mien,
qu'encor que ceste princesse soit bonne et vertueuse, je ne la tiens
toutesfois esloignée du naturel de celles qui veulent monstrer de
fouyr, lorsque plus elles sont recerchées; et ceste nation a aussi cella
de péculier que, plus on desire quelque chose d'eulx, encor qu'à leur
proffict, plus ilz la souspeçonnent; dont sera bon de ne descouvrir
trop d'affection de vostre costé, Madame, jusques à ce qu'ilz se
soyent layssez clairement entendre du leur. Je vous escripray
bientost d'aultres choses plus importantes de ce propos par le Sr de
Vassal, qui vous pourront assés esclayrer: et sur ce, etc. Ce
e
xxxı jour de janvier 1571.
CLVIIIe DÉPESCHE
e
—du VI jour de febvrier 1571.—
Au Roy.
A la Royne.
(Lettre à part.)
Madame, j'ay sceu que des quatre seigneurs que je vous escripviz,
par ma précédante petite lettre, qui s'estoit assemblez pour
dellibérer de ce qu'ilz avoient à conseiller à leur Mestresse touchant
le party de Monseigneur vostre filz, le premier l'a plainement
aprouvé comme très bon et très honnorable; le second l'a
entièrement contradict, comme suspect à la religion protestante,
plein de jalouzie aulx aultres princes, et très dangereux pour ce
royaume; le tiers a assez suyvy ceste seconde opinion; et le
quatriesme s'est joinct au premier, mais avec ung conseil assés
dangereux: c'est qu'il a dict qu'il falloit, en toutes sortes, suyvre le
propos, car si leur Mestresse estoit résolue de se marier et de ne
vouloir point des siens, il n'y avoit nul prince si commode au monde
pour elle que Monsieur, et qu'il ne falloit doubter que le mariage ne
s'en ensuyvyst, avec l'honneur et advantaige d'elle et de son
royaume: si, d'advanture, elle n'en avoit nul desir, encores sçavoit il
le moyen comme, avecques le mesmes honneur et advantaige, après
qu'on se seroit servy du propos, l'on le pourroit rompre sans offancer
Monsieur, qui n'en demeureroit que bien affectionné à la dicte Dame,
mais que tout le mal gré en tumberoit sur le Roy, par ce qu'il n'auroit
vollu accomplyr les condicions; et s'en engendreroit une division
entre les deux frères, qui ne seroit que utille à l'Angleterre. Ce n'est
pourtant, Madame, que celluy, qui a donné ce conseil, n'ayt bonne
affection au party, mais il est anglois, et possible il a proposé cella,
affin qu'il se trouve tant moins de contradisans au présent desir de
la dicte Dame, laquelle monstre cercher bien fort qui le luy veuille
aprouver; et c'est cependant un adviz à Vostre Majesté pour divertyr
que tel inconveniant n'adviegne.
J'ay cerché de sçavoir qu'est ce qui avoit réussy du dict conseil, et
aulcuns de ceulx, qui ne sont encores bien résoluz s'ilz debvoient
trouver le dict party bon ou mauvais, m'ont mandé que toutes les
parolles et démonstrations de la dicte Dame et des siens ne sont que
simulation, affin de pouvoir bientost tenir ung parlement là dessus,
et tirer de l'argent des subjectz, et se meintenir en quelque
réputation vers eulx et vers les princes estrangiers; et que pourtant
l'on ne se doibt haster d'en parler plus avant, jusques à ce que l'on y
voye quelque meilleur fondement; et que mesmes le comte de
Lestre s'estoit de nouveau faict proposer à sa Mestresse par aulcuns
des principaulx du conseil, qui avoit fort réfroydy le propos. D'aultres
m'ont mandé que la dicte Dame persévéroit, et à bon esciant, et
pour causes nécessaires, à se vouloir marier; et que, sur le
partement de milord Boucard, entendant les diverses opinions que
ceulx de son conseil avoient là dessus, elle les avoit assemblez pour
leur dire, la larme à l'œil, que, si nul mal venoit à elle, à sa couronne
et à ses subjectz, pour n'avoir espousé l'archiduc Charles, il debvoit
estre imputé à eulx et non à elle; qui aussi estoient cause que le Roy
d'Espaigne avoit esté offancé, et que le royaulme d'Escosse estoit en
armes contre le sien, et qu'il n'avoit tenu aussi à eulx que le Roy
n'eust esté beaucoup provoqué davantaige par leurs déportemens
en faveur de ceulx de la Rochelle, si elle ne les eust empeschez;
dont les prioit très toutz de luy ayder meintenant à rabiller toutz les
maulx par ung seul moyen, qui estoit de bien conduyre ce party de
Monsieur; et qu'elle tiendroit pour mauvais subject, et ennemy de ce
royaulme et très déloyal à son service, qui aulcunement le luy
traverseroit. Dont me vouloient bien asseurer que nulz, à présent,
n'y ozoient plus contradire.
Je n'ay layssé, pour cella, de tenir fort suspect le comte de Lestre, à
cause de l'adviz précédant, jusques à ce que luy mesmes, lundy
dernier, s'est convyé à dyner en mon logis avec le marquis de
Norampthon, le comte de Sussex, le comte de Betfort, milord
Chamberlan, et aultres seigneurs de ceste court, tout exprès pour
me venir compter comme les partisans d'Espaigne, qui craignent
infinyement le mariage de Monsieur, et aussi le secrétaire-Cecille qui
ne veult en façon du monde que sa Mestresse ayt ny luy, ny nul
aultre mary que soy mesmes, qui est roy plus qu'elle, l'avoient fort
instantment sollicitée de vouloir accepter le dict comte de Lestre
comme celluy qui seroit de très grande satisfaction à tout le
royaulme, et qu'elle mesmes l'avoit pryé de les en remercyer; mais il
luy avoit respondu que, quant le temps luy estoit bon, ils luy avoient
esté contraires, et meintenant que le temps ne luy servoit plus ilz
monstroient de luy ayder, et qu'ilz ne faisoient cella, ny comme bons
serviteurs d'elle, ny comme vrays amys à luy, ains pour interrompre
le propos de Monsieur; par ainsy, qu'elle l'excusât s'il ne leur en
sçavoit nul gré, ny leur en randoit nul mercys. Et a adjouxté qu'il
espéroit que les amys pourroient plus en cecy que les adversayres.
J'ay donné instruction, Madame, d'aulcunes aultres particullaritez là
dessus au Sr de Vassal, comme à ung gentilhomme, que je tiens fort
secrect et fidelle, qui vous en rendra bon compte; et sur ce, etc.