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LES POLITIQUES PUBLIQUES DU NUMERIQUE

DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR


Françoise Thibault, Luis Rivera Velez

To cite this version:


Françoise Thibault, Luis Rivera Velez. LES POLITIQUES PUBLIQUES DU NUMERIQUE DANS
L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR : Étude comparative entre l’Espagne, la France, l’Italie et le
Royaume-Uni. [Rapport de recherche] FMSH; FMSH. 2015. �hal-03600682�

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LES POLITIQUES PUBLIQUES DU NUMERIQUE DANS
L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

Etude comparative entre l’Espagne, la


France, l’Italie et le Royaume-Uni

Françoise THIBAULT
Avec la collaboration de Luis M. RIVERA-VELEZ

1
Table des matières
1. L’e-éducation : un objet protéiforme pour les politiques publiques. ..................... 3
1. L’équipement ...................................................................................................................... 3
2. L’informatisation de la gestion universitaire ....................................................................... 4
3. La pédagogie numérique : ressources et dispositifs............................................................. 4
4. La formation au numérique .................................................................................................5

2. La transformation numérique des universités vue d’Europe : une ambition


constante, des objectifs variables. ............................................................................. 7
1. L’échec partiel de la « stratégie de Lisbonne » : une grande ambition et peu de moyens.......... 8
2. La stratégie « Europe 2020 » : le « libre » comme alternative à la crise ................................. 10

3. Quatre pays, quatre trajectoires.......................................................................... 12


1. La France : l’omniprésence de l’Etat face à l’autonomie universitaire................................ 15
L’Etat français : pilote du changement..................................................................................... 16
Tableau synoptique des politiques publiques du numérique en France ................................. 19
L’Italie : l’autonomie relative des universités face à l’Etat. ........................................................ 20
Moderniser en s’appuyant sur la conjonction de fonds publics et de fonds privés ...................... 21
Bilan des politiques publiques du numérique en Italie........................................................... 24
3. L’Espagne : un trio d’acteurs non étatiques .......................................................................... 24
L’action subreptice de l’Etat .................................................................................................... 25
Quelques exemples des politiques publiques et des programmes en faveur de la pédagogie
numérique en Espagne .......................................................................................................... 29
4. Le Royaume-Uni : discontinuité de l’action publique,belles réussites et grands échecs .......... 30
L’action étatique : deux échecs notoires .................................................................................. 30
L’action des institutions spécialisées........................................................................................ 31
Quelques exemples des politiques publiques et des programmes en faveur de la pédagogie
numérique au Royaume-Uni ................................................................................................. 34

Conclusion générale.................................................................................................. 35
Bibliographie ............................................................................................................ 37

2
1. L’e-éducation : un objet protéiforme pour les
politiques publiques.

Depuis les grandes initiatives en faveur des autoroutes de l’information au milieu


des années 1990, l’éducation n’a cessé d’être présentée comme un des piliers du
développement de la société de l’information. De ce fait, les politiques d’intégration et de
développement des TIC dans l’éducation ont été continuellement inscrites sur l’agenda
politique des différents pays. Des grandes organisations internationales sont venues les
conforter faisant du mariage entre éducation et TIC, (e-éducation, TICE…), une des clés
du progrès. L’idée sous-jacente est celle de l’existence d’un cercle vertueux associant le
développement d’une « culture numérique », le développement économique et social et la
diffusion du savoir, le tout produisant une société de la connaissance.

Or, dans ce cercle vertueux, l’e-éducation est un objet complexe. En effet, l’e-éducation
entendue comme un enseignement amélioré technologiquement suppose l’existence d’un
référent sur ce qui est considérée comme une « amélioration ». Est-elle d’ordre économique,
institutionnelle, pédagogique, rationnelle, sociale ? Appliqué à l’enseignement supérieur,
cette question de l’amélioration ne peut être traitée sans que soit établi un lien avec les
stratégies de transformation de l’enseignement supérieur engagée dans le monde et tout
particulièrement en Europe depuis une trentaine d’années, stratégies elles aussi au service
d’une amélioration des performances universitaires.

A observer les actions mises en place dans le cadre de ces politiques, on y trouve pêle-mêle
des investissements en équipements ou en logiciels pour l’informatisation de la gestion
administrative, de la production de ressources numériques, des actions de sensibilisation,
des créations de postes par exemple de « tuteurs », de « médiatiseurs »… L’e-éducation est
ainsi protéiforme, tout comme les politiques qui la guident. Tout travail d’analyse suppose
en conséquence de repérer les « objets » qui sont concernés par la politique du moment.
Nous basant sur le travail de Françoise Thibault (2006, 2009), nous proposons une grille
d’analyse qui distingue, pour la catégorisation des politiques publiques en faveur de
l’éducation, 4 grands objets :

1. L’équipement
L’équipement a été le premier domaine historiquement touché par les politiques du
numérique dans l’enseignement scolaire comme dans l’enseignement supérieur.
Dans les universités, le secteur de la recherche où se sont inventés les réseaux de
communication a été le premier concerné bien avant l’enseignement. Les
investissements en recherche (réseaux, projets de recherche développement…) ont
été très élevés et la participation de l’Etat importante, comme le montre les
exemples des réseaux de partage des données RedIris en Espagne et JANET au

3
Royaume-Uni.

A partir des années 1990, les politiques pour l’équipement ont évolué très vite avec
les avancées technologiques et sont sorties du périmètre de la recherche. On a
équipé l’administration universitaire, les enseignants et les étudiants (avec la
création de salles d’informatique) puis des politiques d’incitation à l’achat
ordinateurs personnels ont été lancées dans de nombreux pays ou établissements.
On a mis à disposition de connexions internet par câble puis en WIFI.

2. L’informatisation de la gestion universitaire


Un des volets les plus importants des politiques pour la société de l’information a
été la modernisation de l’appareil étatique. Les universités, en tant
qu’administrations publiques, ont bénéficié des projets pour l’informatisation de la
gestion universitaire. Désormais, dans la plupart des universités européennes, il est
possible de s’inscrire en ligne, payer les frais de scolarité, consulter les dossiers
étudiants, etc. Ces politiques d’amélioration de la gestion universitaire pour
accroître l’efficacité et l’accessibilité des procédures administratives universitaires
sont relativement peu étudiées pourtant leur réussite est indéniable.

3. La pédagogie numérique : ressources et dispositifs


Dans ce domaine, il convient de ne pas succomber au phénomène de « présentisme
» (Moeglin,Thibault) en laissant imaginer que l’internet est la seule technique
propre à rénover la pédagogie. Dans de nombreux pays, l’université a utilisé la
radio pour « faire cours ». En France, Radio-Sorbonne a été créée dès 1947
(Thibault) avec pour objectifs que l’université sorte de ses murs mais également
que de nouvelles formes d’enseignement soient promues par exemple au travers de
« dialogues organisés » ou d’émissions accessibles à tous les détenteurs de postes
de radio.

Dans de nombreux pays et à partir des années 1960, on a vu s’ouvrir des


départements « d’enseignement à distance » dans des universités publiques ou dans
des universités privées (parfois exclusivement dédiées à cette activité).
Productrices de dispositifs1 de formation associant souvent plusieurs techniques
(courrier, radio, télévision…) pour la diffusion des ressources pédagogiques, ces
universités ont été un des acteurs du développement de la formation continue.
L’apparition de nouvelles techniques de communication y a toujours trouvé un écho
mais le numérique (entendu comme le mariage des technologies logicielles et des
réseaux de communication) les a souvent conduits à opérer de profonds
changements. Ainsi, les MOOC2, derniers avatars de l’enseignement à distance
questionnent frontalement les modèles économiques de la formation.

1
Les dispositifs sont entendus comme des agencements qui combinent l’inscription, la mise à disposition de
ressources, l’évaluation et la certification.
2
Massive Open Online Courses.

4
Dans le cadre universitaire classique, l’attention se porte sur la production de
ressources pour améliorer et/ou faciliter les processus d’apprentissage : ressources
écrites (le polycopié), ressources sonores, ressources audiovisuelles puis fichiers
informatiques figés (texte, audio, vidéo) et, avec le numérique, éléments plus
complexes permettant interactions, consultations des données à grande échelle,
manipulation de documents, auto-évaluations s’adaptant aux besoins de
l’apprenant. Ainsi, un ensemble sans précédent de ressources pédagogiques est
accessible, il s’accompagne de la multiplication des logiciels pour le partage de ces
ressources. Dans ce flot de documents pédagogiques, la question de la qualité et
des usages devient majeure.

L’analyse de nombreux discours de spécialistes (constructeurs d’équipements,


informaticiens, spécialistes des TICE, producteurs de ressources…) présents dans
la pluparts des rapports des grandes organisations internationales, permet de mettre
en lumière, à partir du début des années 2000, dans le domaine de e-learning
l’importance de la doxa du « continuum » qui tend à effacer la distinction entre
l’enseignement en présence et l’enseignement à distance, et avec elle la distinction
entre production de ressources et mise en place de dispositifs de formation.

Figure 1 : Le continuum de l’e-éducation

Source: UNESCO, 2001, p.22.

4. La formation au numérique
Les politiques de formation à l’utilisation des TIC sont souvent oubliées de ces
politiques tout particulièrement dans l’enseignement supérieur. Les idées-reçues
sur la culture numériquetransmettent l’image d’« enfants du numérique » (digital
natives) qui arrivent dans les universités et portent en eux la maitrise des TIC, et
les enseignants-chercheurs, auto-formés parla recherche, sont contraints à être des
autodidactes des nouvelles technologies. Les politiquesde formation au numérique
sont le plus souvent les « impensées » dans les stratégies de développement de l’e-
éducation pourtant des recherches comparées au niveau européen (ELUE) ont pu
faire la preuve que c’était là une des clés de la réussite des politiques de
développement des TICE dans les universités.

5
Le savoir-faire ou littératie numérique (digital literacy), défini comme « l’aptitude
à comprendre et à utiliser le numérique dans la vie courante, à la maison, au travail
et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses
compétences et capacités » (OCDE, 2000 : X) n’est pas un savoir trivial. Au-delà
de la simple utilisation des TIC, le terme de littératie renvoie à l’acquisition et
utilisation de compétences numériques (e-skills) et à une assimilation du numérique
dans leurs structures cognitives. Si l’utilisation des TIC est bien le sujet de certaines
initiatives (comme par exemple le passeport de compétences informatiques
européen, PCIE), la question de l’intériorisation d’un référentiel technologique
reste peu traitée.La littératie numérique (notamment des adultes et spécifiquement
des enseignants) est plus que jamais un enjeu majeur (Bacsich et alii, 2015), c’est
de fait, un des plus grands freins au développement de l’e-éducation. Créer une
ressource pédagogique numérique ou concevoir un dispositif à distance supposent
que les enseignants acquièrent des compétences spécifiques.

Grille de catégorisation des objets de l’e-éducation dans l’enseignement


supérieur

La pédagogie numérique, avec :


L’informatisation
L’équipement en La production de Le développement La formation
de la gestion
TIC ressources des dispositifs de au numérique
universitaire
éducatives formation
Mettre à Dématérialiser les Faciliter l’accès à Offrir des Alphabétiser
disposition des services des contenus formations hybrides les différents
outils adaptés à administratifs pour éducatifs. ou à distance pour acteurs à une
une culture améliorer les une « éducation tout « culture
numérique. services au long de la vie » numérique ».
universitaires.
Source: Thibault.

Les précédentes réflexions permettent de souligner que le développement d’une


pédagogie numérique est un sujet difficile pour les politiques universitaires. En
effet, la mise en œuvre d’une pédagogie numérique dans un établissement suppose
que celui-ci soit en mesure de produire des contenus éducatifs voire de produire de
nouveaux dispositifs de formation (hybrides ou à distance). Le cœur du système de
formation est donc touché, le métier de l’enseignant change pour conjuguer
recherche, cours oraux et production de matériels éducatifs ; le recours à des
informaticiens et à des techniciens spécialistes de la production de contenus
pédagogiques ou ingénieurs de formation, devient indispensable.
L’intérêt pour la pédagogie numérique n’est pas nouveau 3 mais, contrairement à
l’intérêt pour les équipements ou la gestion, celui-ci n’a pas suffi pour que la
pédagogie numérique s’impose. Comme l’écrit Paul Bacsich (2011), la présence

3
Voir par exemple l’étude ELUE, 2006.

6
des TIC dans les universités est une réalité mais la transformation pédagogique n’a
pas encore eu lieu.

L’ambition du projet D-TRANSFORM est bien d’aider les responsables


universitaires à élaborer des stratégies qui favorisent le développement d’une
pédagogie numérique au service de tous les types d’enseignement (présentiels,
mixtes ou à distance). L’hypothèse majeure de ce travail est que ces
« conseils stratégiques », pour avoir des chances d’être pertinents, doivent tenir
compte des évolutions des politiques universitaires à l’échelon européen et
national. Les cadres de ce rapport nous ont conduits à retenir une période de quinze
ans pour échapper aux « sirènes » de la dernière technique, sensée à elle seule,
surmonter tous les obstacles.

Dans un premier temps, nous dresserons un état de l’art des politiques publiques
dans l’enseignement supérieur en rapport avec l’e-éducation au niveau européen.
Nous dégagerons ensuite les grandes lignes des politiques conduites dans les pays
participants au projet D-TRANSFORM, c’est-à-dire la France, l’Italie, l’Espagne
et le Royaume-Uni. Nous qualifierons ces politiques nationales grâce à la grille
d’analyse que nous avons présentée précédemment.

Dans un troisième temps, nous chercherons à savoir s’il existe un noyau commun
aux différents systèmes universitaires qui permettrait aux établissements de mettre
en œuvre une stratégie commune pour une pédagogie numérique ou s’il convient
d’envisager des « conseils stratégiques spécifiques » pour chaque pays concerné.

2. La transformation numérique des universités vue


d’Europe : une ambition constante, des objectifs
variables.

L’Union européenne a joué un rôle majeur dans l’intégration des TIC dans l’enseignement
supérieur. Depuis 1993, l’Europe a défendu l’idée selon laquelle le développement des TIC
et notamment d’internet permettent de « jeter les bases d’un développement soutenable des
économies européennes » (Europe, 1993 : 3) étant « les artères du marché unique et le sang
de la compétitivité européenne » (VEDEL, 1997). Dans ce contexte, l’enseignement
supérieur est devenu une des priorités de la modernisation technologique car il permet, pour
les experts européens, à la fois la généralisation de la culture numérique et le développement

7
des nouvelles TIC pour répondre aux besoins économiques et sociaux.

Ainsi, la transformation technologique des universités est devenue une des ambitions
premières dans les projets de développement au niveau européen, et depuis cette époque,
cette volonté n’est jamais sortiede l’agenda politique. Cependant, alors que les intentions
de transformation ont été constantes, les actions soutenues ont évolué dans le temps. Ce
phénomène n’a pas été sans conséquence sur les changements produits. Plusieurs
phénomènes peuvent expliquer ces changements de cap :

- la conjoncture socio-économique dans laquelle est formulée la stratégie de


développement quiconditionne les objectifs à répondre aux besoins du moment ;
- l’évolution institutionnelle de l’Union européenne avec son élargissement et les
dynamiques degouvernance associées aux différentes échelles de responsabilité,
et ;
- les « modes » technologiques qui s’imposent aux politiques. de proposer des
alternativesdifférentes sur des enjeux similaires.

Nous avons retenu trois grandes initiatives pour comprendre cette évolution européenne :

1- « Apprendre en ligne » (e-learning) de 2001


2- Renouvellement de « Apprendre en ligne » 2005,
3- « Ouvrir l’éducation » (0pening up éducation) de 2013.

Dans le tableau ci-après nous avons dégagé les grands objectifs de ces plans en les mettant
en regard dela stratégie européenne lancée en 2000 dite « Stratégie de Lisbonne».
Principales directives européennes pour la transformation numérique de l’enseignement supérieur

Année Programme Objectif


2000 Stratégie de Lisbonne Incite l’utilisation des TIC dans l’enseignement supérieur
(2000-2010): afin d’améliorer la qualité, l’accès et la collaboration.
→ Apprendre en ligne (2001-2006)
2005 Évaluation de mi-parcours de la Approfondit l’intégration et le développement des TIC à
Stratégie de Lisbonne : travers une politique globale (intégrant les programmes
→ Formation tout au long de la sectoriels tels que Socrates, Da Vinci, et Apprendre en
vie (2007-2013) ligne).

2010 Europe 2020 Encourage l’utilisation des Ressources Educatives Libres


→ Ouvrir l’éducation (2013) (REL) et spécialement des MOOC, afin de répondre :
- aux demandes des étudiants qui cherchent une
éducation flexible et personnalisée,
- aux demandes des entreprises qui cherchent la
suppression des barrières de temps et espace pour
les formations professionnelles.

1. L’échec partiel de la « stratégie de Lisbonne » : une grande ambition et peu de


moyens

C’est dans le cadre de la « stratégie de Lisbonne » que le développement des TIC s’impose
comme un des objectifs majeur pour le développement économique et social de la région.

8
Définie en 2000 pour la période 2000-2010, la « Stratégie de Lisbonne » cherche à faire de
l’Europe « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du
monde »4, à travers six piliers d’actions dont l’éducation5. Alors qu’au sein des institutions
universitaires, l’intérêt (et donc le budget) consacré aux TIC n’évolue pas considérablement
(2004, Europe rapport Virtual Models, XXXV), l’Europe joue un rôle d’incitateur au
changement en inscrivant la transformation numérique sur l’agenda universitaire. Bien
qu’apparemment central, l’enseignement supérieur ne fait pas l’objet d’un volet spécifique,
il est juste intégré dans le volet plus large de l’éducation (Muller- Ravinet, 2009).

Les ambitions de la « stratégie de Lisbonne » sont matérialisées dans le programme «


Apprendre en ligne » (e-learning) qui définit l’e-éducation comme « l’éducation de demain
» (Europe 2001- elearning). Le but de ce programme est de promouvoir « l’utilisation des
nouvelles technologies multimédias et de l’Internet, pour améliorer la qualité de
l’apprentissage en facilitant l’accès à des ressources et des services, ainsi que les échanges
et la collaboration à distance » (Europe 2001- e- learning).
Ainsi, l’ambition d’« Apprendre en ligne » est large et se propose d’agir sur les différents
éléments de l’e-éducation, soit :

- les équipements en infrastructures numériques afin de créer des réseaux de


recherche au niveaurégional ;
- la formation et littératie numérique, notamment des enseignants, dans le but de
créer une culture numérique ;
- la pédagogie numérique en incitant les enseignants à produire des contenus
informatiques dequalité.

L’examen à mi-parcours de l’avancée de la « stratégie de Lisbonne » réalisé en 2005, révèle


un manque de mise en œuvre ou une mise en œuvre trop limitée par rapport aux objectifs
originaux. Les raisons évoquées de l’échec sont multiples. Premièrement, alors que
l’Europe encourage ces transformations, les Etats membres s’engagent peu pour la
réalisation des objectifs définis à l’échelle communautaire 6. Deuxièmement, les universités
ne parviennent pas à répondre aux exigences socio-économiques des pays et leurs effets
sur la croissance, l’emploi et la cohésion social sont considérés très limités, voire nuls7.

La réponse de l’autorité européenne à ce constat est la création d’un programme spécifique


à l’enseignement supérieur. L’idée est de rendre les universités plus attractives, d’améliorer
leur gouvernance, d’accroitre et de diversifier leur financement8. Trois actions sont
proposées :

- L’accroissement des équipements et de la connectivité (notamment Internet à haut


débit présent dans la stratégie « i2010 »)9 ;
- Le développement d’une approche holistique de l’enseignement supérieur avec la
réunion des différents programmes dans un seul, « L’éducation et la formation tout

4
http://www.europarl.europa.eu/summits/lis1_fr.htm
5
Education et formation 2010”: http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:c11086
6
Communication au Conseil européen de printemps du 2 février 2005 intitulée «Travaillons ensemble pour la
croissance et l'emploi. Un nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne» http://eur-lex.europa.eu/legal-
content/FR/TXT/?uri=uriserv:c11325
7
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:c11078
8
ídem http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:c11078
9
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:c11328

9
au long de la vie »10, entre 2007 et 2013 (Il regroupe les anciens programmes
sectoriels comme Socrates, Da Vinci, E-learning11 ;
- L’encouragement au partage et à la diffusion des ressources numériques en libre
accès (comme par exemple « Europeana », lancé en 200812).

Les changements vont rester une fois de plus sur le papier. La crise économique qui
commence en 2008 révèle les faiblesses structurelles du fonctionnement de l’Union :
objectifs trop ambitieux, méthode ouverte de coordination (objectifs fixés mais pas de
contraintes à la réalisation), budget non spécifié d’avance. La « stratégie de Lisbonne » et
son actualisation appliquées aux TICE sont vues comme un échec, et les établissements
d’enseignement supérieur sont stigmatisés pour leur retard dans le développement du
numérique, à tous les niveaux notamment en matière de recherche et de développement
technologique13. En fait c’est le traitement de l’ensemble enseignementsupérieur/recherche
qui tangue. En effet, alors la Stratégie de Lisbonne prévoyait que 3% du PIB devait être
affecté à la recherche, l’Union n’y consacre que 1,9% dans son ensemble (2,2% en France,
et 1,1% en Italie en 2006 par exemple).

Un nouveau plan de développement « Europe 2020 » est lancé en 2014.

2. La stratégie « Europe 2020 » : le « libre » comme alternative à la crise

La stratégie de développement « Europe 2020 » n’apporte pas de modifications


substantielles à la place donnée au numérique dans la transformation économique et sociale
de l’Europe. En revanche, les objectifs de chaque secteur sont redéfinis afin d’encourager
une « croissance intelligente, durable et inclusive » (Europe 2020). Ainsi, l’enseignement
supérieur fait l’objet d’une stratégie spécifique et il est présent dans quatre des sept piliers
de la stratégie globale :

1. Dans l’initiative « Une union pour l’innovation », les universités sont vues comme
des acteurs pour le renforcement des partenariats et de la collaboration entre
l’éducation, la recherche et les entreprises.
2. Dans l’initiative « Jeunesse en mouvement », l’enseignement supérieur est pensé
pour permettre la mobilité des étudiants et des apprentis afin d’améliorer leur
intégration au monde du travail dans un environnement mondialisé.
3. Dans l’initiative « Une stratégie numérique pour l’Europe » les universités sont
vues comme source de culture numérique, pour équiper et former la population à
l’utilisation des TIC.
4. Dans l’initiative « Une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux
emplois » l’enseignement supérieur est censé permettre aux employés de répondre
aux besoins du marché du travail.

10
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:c11082
11
Pour une évaluation de ces trois programmes: http://eur-lex.europa.eu/legal-
content/FR/TXT/?uri=celex:52009DC0159
12
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:am0001
13
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:52009DC0390

10
Le programme principal de la stratégie consacrée spécifiquement à l’enseignement
supérieur « Ouvrir l’éducation » place l’usage des TIC au centre de l’évolution des
formations universitaires. En effet, suite aux diagnostics des programmes « Repenser
l’éducation » (Europe 2012), et « L’éducation européenne dans le monde » (Europe 2013),
l’enseignement supérieur dans l’UE est vu comme souffrant d’un grand retard que les TIC
seraient propres à combler.
Les insuffisances relevées sont de plusieurs ordres :

- Faible adéquation de l’offre de formation avec la demande en compétences


professionnelles provenant de l’économie ;
- accès encore limité aux formations universitaires ;
- taux de décrochage des étudiants élevé ;
- difficulté à trouver un mode de financement capable de satisfaire les besoins des
universités.

Le programme « Ouvrir l’éducation », lancé en 2013, fonde ses actions sur l’encouragement
à l’utilisation et au développement des TIC. Les actions ont changé, il ne s’agit plus
d’enseignement à distance ou hybride mais il est question de ressources éducatives libres
(REL) et de MOOC. Ainsi, le programme se propose de doter tous les acteurs du système
éducatif de compétences numériques ; il encourage le développement et l’utilisation des
REL ; il incite les institutions éducatives à collaborer avec les acteurs du marché du
numérique dans l’éducation, notamment ceux sans visée commerciale. Aux ambitions de
conquête d’un marché de l’éducation numérique du début des années 2000 succède un
objectif de transformation des universités fondée sur la pédagogie numérique et sur la
formation au numérique.

Ces actions cherchent à répondre aux attentes des étudiants au moyen d’une
individualisation de la formation et d’une recherche de la flexibilité. L’étudiant devrait
avoir le choix de ses formations, des lieux où il apprend et des modalités d’apprentissage
(Europe 2012, Repenser l’éducation). Les MOOC doivent répondre aux besoins des
entreprises car ils suppriment les contraintes de temps et d’espace et rendent ainsi accessible
l’enseignement supérieur (Europe 2013).

S’il n’est pas possible d’évaluer ces derniers programmes, on peut mettre en évidence
l’évolution de l’approche européenne sur ce sujet du changement dans les universités.
Depuis l’introduction des TIC, à la fin des années 1990, comme possible vecteur de
transformation de l’enseignement supérieur, l’Europe a toujours conservé ce rôle de moteur
pour activer les agendas politiques des pays membres en faveur de l’inscription des TIC
dans l’enseignement supérieur. Les formes ont varié et si le mirage de l’eldorado d’un
nouveau marché éducatif a disparu au profit du monde du « libre », la nouvelle orientation
en faveur de la pédagogie numérique n’en constitue pas moins une gageure car, comme
nousl’avons mentionné dans la première partie de ce travail, développer une pédagogie
numérique, c’est toucher au cœur même du fonctionnement institutionnel. Est-ce vraiment
envisageable ? Certains écosystèmes universitaires sont-ils plus aptes que d’autres à opérer
cette transformation ? Quellesévolutions sont observables ?

Nous nous proposons, dans la partie suivante, d’étudier et de caractériser les politiques
du numérique dans les quatre pays partenaires, afin d’ébaucher quelques réponses aux

11
questions précédentes

3. Quatre pays, quatre trajectoires

Nombreuses ont été les politiques de l’enseignement supérieur en faveur du numérique depuis
le début du 21e siècle. Les TIC sont aujourd’hui présentes dans toutes les universités, au moins
sous forme d’accès à des ordinateurs et à des réseaux. Beaucoup de projets, pas toujours
durables, ont été lancés dans de nombreux secteurs et nous sommes aujourd’hui face à un
foisonnement d’initiatives institutionnelles ou individuelles. L’état de l’art, de premier niveau,
que nous entendons réaliser sur les politiques publiques (visibles au niveau national) mises en
place en France, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, repose sur un exercice de
catégorisation. Nous cherchons à comprendre les objets en jeu et s’il existe un noyau
commun de problèmes qui permettrait de rendre possible la déclinaison d’une stratégie
européenne de changement dans les universités des pays partenaires.

Pour réaliser ce travail, nous avons privilégié les sources issues des gouvernements et des
organismes étatiques, et, parce que les politiques en faveur des TICE existent (participent
à) dans une histoire institutionnelle, nous avons, au préalable, dégagé les grandes
caractéristiques des récentes évolutionsdes différents systèmes universitaires étudiés.

Les systèmes universitaires nationaux : la spécificité nationale à l’épreuve de laconvergence

Il est aujourd’hui admis que la plupart des systèmes universitaires du monde ont subi de
fortes pressions liées à la massification de l’enseignement supérieur, à la globalisation qui a
accru la concurrence et à l’explosion des besoins financiers des institutions (rarement suivi
d’un abondement suffisant de l’Etat) qui ont fait naître un marché de l’enseignement
supérieur particulier à bien des égards (Musselin). Un ensemble de réformes a accompagné
ces transformations.
En Europe, le processus de Bologne a constitué un cadre commun propre à la définition des
objectifs de la réforme des systèmes universitaires 14. Il a été lancé à un moment où l’UE
n’avait pas la compétence dans le domaine de l’enseignement supérieur. Cette volonté de
construire un Espace Européen de l’Enseignement Supérieur (EEES) s’est ainsi faite au
départ sans l’UE qui négligeait l’enseignement supérieur. C’est une initiative de quelques
Etats membres qui défendaient la nécessité d’ouvrir les universités à l’international pour
mieux répondre aux besoins d’une économie globalisée : employabilité, mobilité,
compétitivité (Muller- Ravinet, 2008). Ainsi, la plupart des pays européens se sont engagés
à converger sur des sujets clés comme le système de diplôme, le système d’évaluation par
unité, les règles de la mobilité européenne.

14
« Les six objectifs de Bologne sont les suivants : adoption d’un système de diplômes
facilement lisibles et comparables ; adoption d’un système qui se fonde essentiellement sur
deux cursus, avant et après la licence ; mise en place d’un système de crédits – comme celui
du système ECTS ; promotion de la mobilité ; promotion de la coopération européenne en
matière d’évaluation de la qualité ; promotion de la nécessaire dimension européenne de
l’enseignement supérieur. » RAVINET MULLER 2008, p 654.

12
Bien que la plupart de ces objectifs aient été atteints, il est aisé de constater que les
spécificités nationales sont restées prédominantes. En effet, que ce soit en termes de
gouvernance, de financement, de recrutement, de carrière des enseignants, la pression de
l’Europe n’a pas gommé l’identité universitaire nationale. Alors qu’en France et en Italie,
les ministères nationaux sont restés forts, en Espagne et au Royaume-Uni les politiques de
l’enseignement supérieur ont relevé de plus en plus de compétences régionales ou locales.
Les agences d’évaluation et de financement se sont répandues mais elles ont une place ou
une légitimité très variable en fonction des pays. Les gouvernances d’établissement
(organisées collectivement en club ou en « conférences ») sont plus ou moins écoutées par
les responsables politiques, il en va souvent des obédiences politiques de chacun ou du
charisme desprésidents–es d’université. Le paysage universitaire européen est donc loin
d’être unifie. Le tableau ci- après reprend les grandes caractéristiques des systèmes
universitaires concernés par D TRANSFORM.

Acteurs et caractéristiques de l’enseignement supérieur par pays

Organes Taux
Nombre Organes de
gouvernementaux d’inscription Agences
d’institutions rencontré des
responsables de dans d’évaluation et
d’enseignement présidents des
l’enseignement l’enseignement qualification
supérieur universités
supérieur supérieur 15
Royaume- 60% soit 161 Institutions QAA Universities
Uni 2,3 million16 d’enseignement Quality UK
dont : supérieur, dont : Assurance et le Russell
Angleterre : HEFCE 1,9 millions 132 Agency for Group (24
Higher Education Higher universités
Funding Council for Education publiques)
England, dépendant
du BIS (Department
for Busines,
Innovation & Skills)
Pays de HEFCW 129 000 9
Galles : Higher Education
Funding Council for
Wales, dépendant du
gouvernement gallois
Ecosse : SFC 215 000 18
Scottish Further and
Higher Education
Funding Council,
dépendant du
gouvernement
écossais
Irlande du DEL 52 000 2
Nord : Department for
Employment and
Learning

15
Donnée de la Banque Mondiale, 2013, exprimé en pourcentage de la population totale du groupe de
5 ans après la sortie de l’école secondaire.
http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SE.TER.ENRR
16
Higher Education Statistics Agency https://www.hesa.ac.uk/

13
Taux
Organes
d’inscription Nombre Organes de
gouvernementaux Agences
dans d’institutions rencontré des
responsables de d’évaluation et
l’enseignement d’enseignement présidents des
l’enseignement qualification
supérieur supérieur universités
supérieur
(2013)17
France MENESR 60% 75 universités AERES CPU
Ministère de Agence Conférence des
l’Éducation nationale, d’évaluation de Présidents des
de l’enseignement la recherche et de Université
supérieur et de la l’enseignement
recherche supérieur
Italie MIUR 86% 83 universités CNVSU CRUI
Ministero (dont 50 Comitato Conferenza dei
dell’Istruzione, publiques) nazionale per la Rettori delle
dell’Università e della valutazione del Università
Ricerca sistema italiane
universitario
Espagne MECD 62% 94 institutions ANECA CRUE
Ministerio de (2012) d’enseignement Agencia Conferencia de
educación, cultura y supérieur Nacional de Rectores de las
deporte (dont 55 evaluación de la Universidades
universités calidad y españolas
publiques) acreditación

Ces simples distinctions mettent en évidence l’hétérogénéité des systèmes étudiés. Les
degrés d’autonomie ou les modes de financement répondent à des logiques très différentes.
Les évolutions peuvent accentuer ces dissemblances. Ainsi, en 1998, suite aux baisses
progressives du financement public de l’enseignement supérieur au Royaume-Uni,
l’Angleterre a considérablement augmenté lesfrais de scolarité. Le Pays de Galles l’a fait
en 2007. La France a conservé un système universitaire largement financé par l’Etat et
quasiment gratuit.

Autonomie des universités, en pourcentage selon le secteur

Espagne France Italie Royaume-Uni


Autonomie
organisationnelle 55% 59% 56% 100%
Autonomie financière
55% 45% 70% 89%
Autonomie des 48% 43% 49% 96%
ressources humaines
Autonomie
académique 57% 37% 57% 94%
Source : EUA , 2011.

17
Données de la Banque Mondiale, 2013, exprimé en pourcentage de la population totale du groupe de 5 ans
après la sortie de l’école secondaire. http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SE.TER.ENRR

14
Evolution du financement public de l’enseignement supérieur, 2000-2011.

90

80

70

60

50

40

30
2000 2005 2008 2010 2011
France 84,39 83,57 81,66 81,91 80,84
Italy 77,53 73,16 70,65 67,6 66,47
Spain 74,41 77,9 78,86 78,22 77,46
UK 67,67 55 45,69 37,13 30,15

Source : OCDE, Education database.

Aux données précédentes, il convient d’ajouter une référence à quelques hétérogénéités


sociales. Alors qu’avec la crise économique de 2008, la demande de formation dans le
supérieur a cru en Espagne, elle a diminué en Italie. Alors qu’au Royaume-Uni le
désengagement progressif de l’Etat dans le financement des universités a conduit à
différencier un peu plus les établissements universitaires, en France, la recherche de
solutions à l’équation « augmentation des performances des universités » et
« réponses limitées aux besoins financiers des établissements » s’est accompagnée d’une
dynamique de fusion reposant sur les gains supposés de la mutualisation.

Existe-t-il de tels écarts dans les politiques relatives aux TICE ? Le cadre construit par
l’Europe avec sesplans successifs a-t-il exercé une influence plus grande sur ce secteur ?
Peut-on discerner des caractéristiques communes de développement qui seraient propres à
donner vie à une Europe des TICE, du e-learning, de l’e-éducation, des MOOC, des REL ?
Existe-t-il de grands programmes d’e-éducation communs à plusieurs pays européens
inscrits dans la durée ?

1. La France : l’omniprésence de l’Etat face à l’autonomie universitaire

L’Etat est un acteur primordial dans la transformation universitaire en France. Eléments


d’un système universitaire très centralisé, les universités françaises dépendent fortement

15
des directives émanant du gouvernement et du MENESR pour la conception de leurs
stratégies de développement. Ainsi, pour ce qui concerne l’e-éducation, l’Etat a longtemps
été à l’origine des initiatives qu’il s’agisse de politiques d’équipement, d’enseignement à
distance, de développement de réseaux, de production de ressources...

Pourtant, à partir de la fin des années 1990, l’Etat s’est engagé dans une politique en faveur
de la construction d’institutions universitaires plus autonomes (Musselin, 2001). Cette
orientation sera confortée tout au long des années 2000 jusqu’au milieu des années 2000 où
l’Etat s’engage dans une politique volontariste de soutien à des regroupements
universitaires (PRES). Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ont été
créés en 2006 par la loi d'orientation de programme et de recherche. L'essor des PRES est
présenté comme « une accession progressive des universités françaises à l'autonomie ». En
septembre 2012, on dénombre 26 PRES. L’alternance politique de 2012 conduit à revisiter
la loi d’orientation. Une nouvelle loi est promulguée en juillet 2013 qui substitue aux pôles
de recherche et d’enseignement supérieur des regroupements d’établissements qui peuvent
se constituer selon trois modalités : la fusion d’établissements, l’association
d’établissements et la communauté d’universités et d’établissements, dite COMUE. Le nom
a changé mais l’intention est la même qui contraint les universités à se regrouper. La
pression du gouvernement est forte puisqu’il fait dépendre les financements des
établissements de l’appartenance ou non à ces groupements. C’est d’une certaine manière
un retour à l’omniprésence de l’Etat au nom d’une autonomie traduite par un contrat très
“allege” avec l’Etat.

On peut ainsi évoquer pour les universités françaises une « autonomie institutionnelle
théorique » et souligner l’omniprésence d’un Etat qui se trouve toujours à l’origine des
grands changements structurels tenant le cap d’une amélioration de la qualité et d’un
maintien d’un accès presque gratuit à l’université. En est-il de même dans le domaine de
l’e-éducation ?

L’Etat français : pilote du changement


L’inscription de la pédagogie numérique sur l’agenda des politiques universitaires est
précoce comparée aux autres pays européens. Délaissant les plans d’équipement, l’Etat
choisit de soutenir l’enseignementà distance dans le cadre du « service public »18. Ainsi, de
2000 à 2002, des appels à projets dont lancés pour la création formations universitaire en
ligne dans le cadre du programme Campus numérique.
Les objectifs du programme sont décrits en ces termes :

1. « Améliorer l’enseignement supérieur par le développement des usages des TIC.


2. Introduire l’enseignement ouvert et à distance afin d’élargir l’offre des cursus
universitaires àdes populations jusque-là éloignées de l’enseignement supérieur.
3. Améliorer l’attractivité des formations françaises, notamment dans un marché
international ».

18
Discours du Ministre Jack Lang au colloque e-éducation du Salon de l’éducation, le 22 novembre 2000

16
A travers trois appels à projets, 90% des universités françaises se sont impliquées dans au moins
un « campus numérique », avec un soutien financier de 13,5 millions d’euros 19. L’Etat est pilote
pour l’ensemble de territoire. Cette action étatique est redéfinie à partir de 2002, au moment de
l’alternance politique. Au nom d’une évaluation peu scientifique et sur la base d’un manque
d’intérêt pour l’enseignement à distance au profit de l’enseignement sur site, le programme «
Campus Numérique » connait une réorientation. L’Etat privilégie alors la production de ressources
éducatives et revient à une politique d’aide à l’équipement et à des objectifs « nettement moins liés
à la proposition d’une offre de formation en ligne au sens strict » (DECEUNICK, 2007 :173).

Le gouvernement soutient des actions en faveur de la numérisation et de la dématérialisation


des services universitaires dans les Environnements Numériques de Travail (ENT)20,
dans une logique d’accessibilité au service public de l’enseignement supérieur. Ce
programme constitue une pierre du plan global de modernisation de l’administration
publique21. Il est articulé au niveau régional à un programme d’Universités Numériques
Régionales qui comporte également un volet équipement. 17 (UNR) sont créées qui se
présentent sous forme de sites internet destines à offrir des services aux étudiants.

Sous l’angle des dispositifs de formation, la pédagogie numérique devient secondaire à cette
période et, matériels et infrastructures retrouvent une place de choix. En revanche, sous
l’angle de la production de contenus pédagogiques, l’action de l’Etat ne faiblit pas : 7
Universités Numériques Thématiques (UNT) sont créées qui ont pour mission de
produire et de rendre disponibles des ressources éducatives.

Au lieu d’encourager la création de dispositifs de formation comme à l’époque des Campus


numériques, l’Etat choisit donc de mettre l’accent sur les infrastructures et de financer la
production de ressources éducatives sans garantir les usages. Or ce n’est pas parce que les
ressources existent qu’elles sont utilisées. Une étude réalisée en 2011 montre, qu’alors qu’il
existe plus de 20 000 ressources disponibles sur les UNT, peu sont connues et peu sont
utilisées par les étudiants et les enseignants (Boyer 2011).
Pilote du changement, l’Etat montre peu d’appétence pour évaluer (au sens positif du terme)
sa politique sauf quand celle-ci est conçue pour justifier une réorientation (Campus
numériques). N’est-ce pas un problème pour les UNT elles-mêmes d’avoir été reconduites
des années sans qu’une réflexion soit engagée au niveau de l’Etat comme au niveau des
établissements ? Pourquoi ne pas avoir donné les moyens aux établissements de développer
des actions en faveur de la pédagogie numérique garante de l’usage de ces ressources ?

L’autonomie des universités : un objectif souvent oublié des politiques du numérique


La question de l’autonomie est remise à l’ordre du jour à l’occasion de l’alternance
politique de 2007 qui voit la promulgation de la « loi relative aux libertés et responsabilités
des universités »22. Un pas important est franchi puisque, non seulement chaque université
doit établir les grandes lignes de son programme d’orientation sans que l’Etat doive
approuver chacune des actions, mais elle acquiert une plus grande autonomie financière au
travers de la gestion de la masse salariale qui est transférée à l’établissement. Huit grands
objectifs leur sont fixés dont le développement du numérique. Ainsi, chaque université

19
Dont seuls 8M€ viennent du Budget de l’enseignement supérieur stricto sensu (THIBAULT, 2007:2).
20
Les ENT sont intégrés dans les projets de Campus numérique en 2002 mais ils sont généralisés à l’ensemble
desinstitutions avec le Schéma directeur des ENT émanant du ministère en 2004.
21
Plan RE/SO 2007 : Pour une République numérique dans la société de l’information, lancé en 2002.
22
Loi Nº 2007-1199 du 10 aout 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

17
se voit dans l’obligation de définir un Schéma directeur du numérique sur la base d’un
guide méthodologique conçu par le MESR et la Conférence des Présidents d’Université
(guide
« Université numérique 2009 »). Dans cette période, l’Etat centre ses interventions sur la
politique d’équipements23. Il revient alors aux universités de définir une stratégie qui prenne
en compte d’autres dimensions comme le développement de la pédagogie numérique. Avec
ces bouleversements institutionnels importants, et sans l’appui de l’Etat, les universités ne
s’engagent ni massivement ni stratégiquement dans la pédagogie numérique.

En 2013, quelques mois après l’élection présidentielle, l’Etat revient sur la question de la
transformation des universités par le numérique et initie une nouvelle politique volontariste.
Le gouvernement définit une stratégie « France Universités Numérique (FUN) » destinée
à la modernisation de l’enseignement supérieur. Au premier abord, cette initiative
ressemble à celle qui l’a précédée « Campus numérique » treize ans auparavant.

Ainsi, FUN vise à :

- Accélérer les changements par le numérique avec la création des « responsables du


numérique » dans toutes les institutions. Ces responsables sont chargés de
coordonner les actions de l’établissement et de répondre aux demandes de l’Etat en
matière d’évaluation. Ils aident l’État à diffuser les bonnes pratiques 24.
- - Inciter la création des REL et de MOOC par le financement d’une plateforme
nationale pour les MOOC, « FUN-MOOC ». L’Etat finance la plate-forme à la fois
pour alléger les coûts de développement et inciter les institutions à investir sur la
production des ressources. Il est prévu que la gestion25 de la plateforme soit assurée
à terme par un groupement d’établissements.

En fait, beaucoup des caractéristiques distinguent les deux initiatives. Alors que le
programme Campus Numérique avait centré l’essentiel du soutien financier sur la
production de ressources, de dispositifs et sur la formation des personnels, FUN finance
en priorité la production d’une plateforme logicielle destinée à faire concurrence aux
grandes plateformes internationales de MOOC (comme Coursera ou Udacity) pourtant
ne serait-il pas du ressort d’un établissement de choisir sa stratégie de visibilité à
l’international ?

Ainsi, plus encore que dans d’autres secteurs, les universités françaises ne sont que
théoriquement autonomes pour le volet numérique de leur politique, leur dépendance à
l’Etat est forte. Ce constat peut se lire de deux façons : négativement dans la mesure où
la contrainte peut aller contre des stratégies d’établissement (plateforme FUN),
positivement dans la mesure où toutes les universités développent depuis près de 15 ans
maintenant une stratégie de développement des TICE.

23
En 2009, avec les 10 millions d’euros que le gouvernement débloque pour l’installation des bornes wifi dans
lesuniversités publiques.
24
Par exemple, le projet «Campus d’@venir » qui à travers de 10 exemples français et internationaux expose des
amphithéâtres, des salles de cours, des bibliothèques mais aussi des espaces de formation informels (cafétérias)
oùl’utilisation des TIC est améliorée. (2015 campus d’avenir)
25
en 2015 la gestion de FUN-MOOC passe sous la gestion d’un groupe d’établissements.

18
L’écosystème institutionnel de transformation numérique universitaire en
France

La dernière initiative du gouvernement avec la création d’une « Grande école du numérique »


pour la coordination et labellisation des formations en ligne 26, renforce un peu plus le pouvoir
de l’Etat. Un des enjeux de cette Grande Ecole sera d’assurer une bonne coordination avec les
universités qui n’ont, pour l’heure, guère été associées à la réflexion, cette Grande Ecole se
concentrant sur l’enseignement scolaire dans un premier temps.

Tableau synoptique des politiques publiques du numérique en France

Politiques pour la pédagogie


Politiques numérique, avec
Politiques Politiques de
d’informatisation de
d’équipement en La production Le développement formation au
la gestion
TIC de ressources des dispositifs de numérique
universitaire
éducatives formation
Campus Intégrer les TIC Conception des
Numérique dans les cours à distance
2000-2002 formations en ligne.
traditionnelles.
ENT Dématérialisation de
2002 l’ensemble des
services
universitaires :
administratifs,
pédagogiques,
bibliothécaires, de la
vie étudiante.
UNT Rendre
2002 disponibles des
ressources
éducatives par
discipline.
UNR Mise en commun des
2002 informations et
services au niveau
régional.

26
http://rue89.nouvelobs.com/2015/03/05/grande-ecole-numerique-hollande-prevue-septembre-258055).

19
C2i Donner aux
2004 étudiants et aux
enseignants les
compétences
nécessaires pour
l’utilisation des
TIC.
Plan Equipement en Numérisation
RE/SO ordinateurs. des cours
2007 présentielles de
2002 manière libre.
France Equipement en
Numérique connexion
2012 internet sans fil.
2008

Schéma Guide méthodologique


directeur pour la conception
du d’une gouvernance
numérique numérique par
2007 institution.
FUN Guide « Campus Obligation de création Construction Incitation à la
2013 d’@venir » pour d’un poste de chargé d’une plate- création des
la rénovation des du numérique par forme MOOC MOOC.
espaces de établissement ou au niveau
formation. communauté national.
d’universités.

L’Italie : l’autonomie relative des universités face à l’Etat.

Depuis 1999, les universités italiennes bénéficient d’une autonomie théorique forte 27. Ceci
implique uneliberté quant à la définition des stratégies de développement, où à la recherche
de capitaux privés et à l’insertion dans des réseaux internationaux. Cependant, dans la
pratique, l’action publique reste déterminante dans de nombreux domaines notamment dans
celui du développement des TIC dans l’enseignement supérieur.

Cet engagement est relativement tardif au regard des accélérations actuelles. Au début du
21e siècle, lesTIC ne sont pas à l’ordre du jour pour la grande majorité des responsables
universitaires italiens, et il faut attendre l’intervention de l’Etat des années 2001 et 2002
pour que la question des TICE soit inscrite sur les agendas des institutions. L’Etat a joué
ainsi un rôle de déclencheur mais sous quelle forme ? A-t-il, comme en France, lancé des
grands programmes ?

A y regarder d’un peu plus près, les actions sont bien différentes et les investissements
également. Les initiatives en faveur des TICE ne sont pas parties du ministère en charge
de l’enseignement supérieur.La question universitaire a été incluse dans les programmes
de modernisation de l’administration publique (avec une focalisation sur les équipements
et la gestion universitaire). L’Etat s’est limité à la définition d’un cadre légal pour permettre

27
Décret Nº 509 du 3 novembre 1999 sur les « règlements relatifs à l’autonomie éducative des universités, publié
dans la Gazzetta Ufficiale Nº 2 du 4 juin 2000. Disponible sur:
http://www.miur.it/0006Menu_C/0012Docume/0098Normat/2088Regola.htm

20
l’entrée des investissements et des acteurs privés dans le secteur de l’enseignement en ligne.

Moderniser en s’appuyant sur la conjonction de fonds publics et de fonds privés


En 2001, le nouveau gouvernement accorde un grand intérêt à la modernisation
technologique du pays. Reprenant le slogan d’une « société de l’information » inscrit dans
la « Stratégie de Lisbonne », le gouvernement italien promeut la Reforme numérique
(Riforma Digitale) qui touche tous les secteursde la société (doc 2002), et centre ses actions
sur les équipements et l’informatisation de l’administration publique. Avec une enveloppe
d’environ 3,5 milliards d’euros pour l’ensemble du programme, de nombreuses actions
sont lancées entre 2001 et 2006 (Riforma Digitale, 2006) :

-­­ Incitations à l’achat d’ordinateurs par les citoyens avec des programmes centrés sur
les familles,les enseignants et les étudiants, sous forme de prêts bancaires à faible
taux et autres caractéristiques attractives. Pour les étudiants, le programme « Un
c@ppuccino per un PC » facilite un prêt bancaire pour l’achat d’un ordinateur
portable sous la condition de remboursement d’un euro par jour (même slogan en
France où le « cappucino » a été remplacé par le « café »).

-­­ Actions de modernisation de l’administration publique, y compris des universités


publiques, par l’utilisation des technologies dans les procédures administratives.
L’accès aux documents, le paiement et la communication, deviennent un « droit»
pour les citoyens28.
-­­ Incitation à la coopération public-privée au travers des «Grands systèmes
nationaux en réseau » (Grandi Sistemi Nazionali in Rete) qui lie l’administration
centrale, l’administration locale et le secteur privé. Cette directive encourage une
plus grande participation des capitaux privés dans le système universitaire,
notamment pour les formations à distance.

Dans le cadre de la Reforme numérique, les partenariats publics-privés dans le système de


l’enseignement supérieur vont reposer sur des acteurs très divers. Deux initiatives ont retenu
notre attention, le programme CampusOne conduit par la CRUI, et la création des «
Universités télématiques ».

Le projet CampusOne se veut être la matérialisation d’un engagement fort de l’Etat en


faveur de la transformation des universités par les TIC supposé être en accord avec les
transformations économiques et sociales de la « société de la connaissance et de
l’information » (presidenza del Consiglio deiMinistri, 28 mars 2001). Le projet cherche à
combiner modernisation administrative, achatd’équipements et utilisation massive des TIC
dans la formation, soit comme support à l’enseignement présentiel, soit en promouvant
l’enseignement à distance (CRUI, 2003, p. 96-98). Il s’agit d’inciter le développement de
méthodes pédagogiques innovantes et attractives pour attirer à la fois les étudiants et les
entreprises.

Lancé en 2001 et reconduit jusqu’en 2006, ce programme bénéficie d’un financement

28
(code « Codice dell’Amministrazione Digitale » en vigueur à partir du 1 janvier 2006 (Doc RIFORMA
DIGITALE, 2006, p. 12).

21
gouvernemental de plus de 100 millions d’euros, il touche 70 universités, 270 formations
de premier cycle (500formations au total), 50.000 étudiants et 9.000 professeurs. C’est un
projet très ambitieux pour l’innovation pédagogique. CampusOne entend que ses
expériences se généralisent au niveau national (CRUI, 2003. P. 108) et la Fondazione
CRUI, bras opérationnel de la Conférence des Recteurs des Universités italiennes (CRUI),
chargée de la conduite du projet, doit servir de relais.

Parallèlement, le gouvernement crée en 2003 des « universités télématiques », chargées


de la formation à distance en ligne29. Il confère à ces institutions un statut équivalent aux
universités traditionnelles, se réservant de les évaluer sans les avoir financées 30 initialement.
Entre 2004 et 2006, sont créées 11 universités télématiques, dont certaines sont liées à des
consortiums d’enseignement à distance existants en Italie depuis les années 1990. Ces
universités bénéficient d’une autonomie financière forte en raison de leur caractère privé
mais pourront prétendre rapidement à l’aide publique.
Ainsi, les premières universités télématiques bénéficient de financements publics à partir
de 2010, suivant le même système que les universités présentielles.

Dénoncées par certains comme le cheval de Troie de la privatisation de l’enseignement


supérieur, les technologies d’information et de communication sont souvent utilisées à de
nombreuses fins comme nous avons pu le constater. Le cas italien constitue un bon exemple
de cette privatisation en marche.

Les défis du mariage public-privé


L’alliance entre le public et le privé en Italie n’est pas sans poser problèmes. Deux voies
parallèles sont suivies par les politiques publiques. D’un côté, les politiques de
modernisation de l’appareil étatique embarquent les universités dans les stratégies de
modernisation. En 2009, la stratégie « e-Gov 2012 », dote les universités des connexions
wifi, opérant un rééquilibrage entre les universités du nord et celles du sud du pays31 ; La
gestion universitaire fait l’objet d’un grand programme32. En 2012, le programme
« Agenda digitale » vise l’augmentation du débit Internet des universités (BandaUltralarga
2014).

Les questions de pédagogie universitaire sont laissées aux universités. D’un établissement
à l’autre, les stratégies en matière de numérique peuvent être très différentes et les choix
peuvent porter différemment sur :

-­­ L’inclusion dans les réseaux internationaux d’enseignement supérieur à la recherche


de reconnaissance et prestige. Seules quelques universités reconnues, comme
l’université Sapienza de Rome ou l’Ecole polytechnique de Milan, ont cette
ambition qui s’accompagne en général d’une volonté de développer la « pédagogie

29
les ministres de l’éducation, l’université et la recherche (Moratti) et le ministre de l’Innovation et la
technologie (Stanca) à travers du décret ministériel du 17 avril 2003.
30
(Loi No 289, du 27 décembre 2002 dite loi de finances de 2003, art. 26, par. 5 ; déclare « sans
charges supplémentaires pour le budget de l’Etat »).
31
Ce projet aborde environ 50% des universités du nord (sous le volet Campus Digitali) et 100% des
universités du sud (sous WiFi Sud). De plus, ce projet réserve un espace aux institutions de haute formation
artistique et musicale (AFAM, alta formatione artisitica e musicale) sous le nom de « AFAM WiFI » qui apporte
internet à environ 50% des étudiants.
32
« Digitalisation administrative des universités » (MIUR)

22
numérique » au nom d’une plus grande attraction à l’international.
-­­ La recherche de financements alternatifs à l’Etat, comme ceux donnés par l’Europe,
pour le développement de projets spécifiques. C’est le cas, par exemple, de la plate-
forme de partage de REL de l’université de Naples Frédéric II, « Federica »,
développée grâce au Fonds européende développement régional, FEDER (article
2001 Federica).
-­­ La volonté de s’imposer dans le paysage institutionnel. On pense là au recours en
justice des 7 universités télématiques qui ont refusé, en 2013, la non-certification
par l’agence d’évaluation étatique (ANVUR) de leurs cursus en ligne.
En somme, le mariage entre le public et le privé est houleux et ne permet pas du tout de
résoudre les inégalités. Le système universitaire italien reste très contrasté entre les
universités du nord du pays, plus insérées dans les réseaux internationaux, et celles du sud,
souffrant d’un manque de moyens. Le numérique n’a pas constitué un moyen de
rééquilibrage. Les financements spécifiques, comme celui du FEDER, n’ont remédié que
marginalement le problème car sans une stabilité de long terme, la surviedes projets ne
peut pas assurée.

Le développement des « universités télématiques » dans un environnement privé a renforcé


le clivage entre enseignement présentiel et enseignement en ligne, accentuant les
différences et stigmatisantl’enseignement à distance comme par le passé (Thibault, 2007).
Les « universités télématiques », sans lien organique avec la recherche, sont
fondamentalement éloignées des universités traditionnelles (RAGONE 2008). En retour,
certaines universités traditionnelles ont exclu de leur agenda un mode de formation qui est
perçu comme contraire à leurs principes.

En conclusion, prises entre des investisseurs privés qui développent un nouveau marché de
l’enseignement supérieur et l’Etat qui soutient surtout des programmes d’équipement, les
universités traditionnelles ne sont pas généralement enclines à développer les TICE.
Quelques exceptions existent qui ont développé des niches dans lesquelles les TIC sont
utilisées à des fins pédagogiques. De plus, quelques universités prestigieuses, à l’image de
grandes universités américaines, plaident pour le renouvellement de la pédagogie par le
numérique et la production de MOOC à grandes échelles.

L’écosystème institutionnel de transformation numérique universitaire


en Italie

23
Bilan des politiques publiques du numérique en Italie
Politiques pour la pédagogie
Politiques numérique, avec Politiques de
Politiques
d’informatisation Le formation au
d’équipemen La production de
de la gestion développement numérique
ten TIC ressources
universitaire des dispositifs
éducatives
de formation
Riforma Prêts pour Alphabétisation
Digitale l’achat Promeut numérique pour
2000-2006; d’ordinateurs l’utilisation des toute la population.
dont tout aux étudiants.
particulièrement :
TIC pour la
CampusOne : gestion et la Incite le Formation et
2001-2006 gouvernance des développement capacitation au
universités. des pédagogies Passeport de
innovantes dans compétences
l’utilisation des informatique
TIC. européen (ECDL).
Università Certifications
Telematiche des formations
2003 en ligne à
distance.
e-Gov 2012 Equipement Dématérialisation
2009 en connexion des services
internet sans universitaires.
fil.
Agenda Equipement Encourage les
Digitale en connexion formations en TIC
Italiana internet à haut pour la
2012 débit. transformation
économique.
Talent Italy Concours pour
2014 l’incitation à la
création des
MOOC.

3. L’Espagne : un trio d’acteurs non étatiques

Le développement des TIC dans l’enseignement supérieur espagnol a connu une histoire
particulièrement chaotique. Ce pays est un « early adopter » des TIC avec, par exemple,
la création d’un réseau inter-universités par le partage des données (RedIRIS) en 1985, ou
la production massive deMOOC qui le place, ces dernières années, à la tête des premiers
créateurs de cours en ligne en Europe33.

Ce n’est pas uniquement à l’Etat que les universités doivent cette position. En effet, la
compétence de l’enseignement supérieur revient aux communautés autonomes et, de fait,

33
Selon le MOOC scoreboard in openeducationeuropa.eu

24
l’Etat est venu compléter, parfois de façon décisive, des actions en faveur des TICE. Ainsi,
la transformation numérique trouve souvent son origine dans les instituions elles-mêmes et
dans leur capacité à interagir avec différents acteurs présents sur le secteur, comme des
entreprises privées.

L’action subreptice de l’Etat


Malgré l’absence de compétence en matière d’enseignement supérieur, l’Etat espagnol a
joué un rôle dans l’introduction des TIC dans les universités. En effet, le gouvernement
espagnol a apporté un soutien financier important pour équiper les universités publiques et
les étudiants. De plus, dans le cadre de l’Université nationale d’enseignement à distance
(UNED) qu’il a financé, l’Etat avait l’ambition de mettre à disposition une offre de
formation à distance sur tout le territoire. Ceci n’est pas anodin dans un contexte où le
territoire constitue la cadre de référence.

En matière d’équipement des universités et des étudiants, ce n’est pas l’Etat espagnol qui a
investi le premier mais c’est lui qui a investi le plus. Après l’échec du premier projet «
Société de l’information » INFO XXI (2000-2005), qui ne parvient pas à atteindre ni le
secteur privé ni les familles, l’Etat reconsidère son action et met à disposition, entre 2006
et 2009, près de 4,5 millions d’euros pour les étudiants et développe un programme de
modernisation des universités 34. Le Plan Avanza prône ainsi l’achat d’ordinateur par les
étudiants au travers de prêts (3000 euros remboursables au bout de 5 ans) et, et lance le
projet « Campus en réseau» (Campus en red) pour doter les universités publiques d’une
connexion internet wifi. Au total, 44 campus universitaires vont bénéficier de financements
entre juin 2006 et 2008, soit 100 % des universités inscrites au projet (sur 50 universités
publiques), bénéficiant ainsi 1'200.000 étudiants.

Les budgets sont conséquents au regard des compétences étatiques mais ils traduisent
surtout unengagement en faveur d’une informatisation de la société. Ainsi, l’enseignement
supérieur ne sera plus prioritaire dans les plans modernisation qui suivent (Plan Avanza 2,
2009-2012 ; Agenda Digital, depuis 2013). Le seul engagement permanent de l’Etat en
faveur d’une pédagogie numérique et d’un enseignement à distance restera l’UNED.

L’UNED : retour sur une grande initiative nationale

Dès le début des années 1970, l’Etat espagnol soutient que l’enseignement à distance peut
constituer uneforme d’enseignement adaptée à la promotion sociale (Ref loi 1970) 35. En
1972, l’UNED est créée qui repose sur un dispositif pédagogique médiatisé
(correspondance et radio dès l’origine) puis télévision (à partir de 1991) puis Internet.
Parallèlement, l’UNED déploie des activités de recherche sur l’enseignement à distance et
sur les usages des TIC dans l’enseignement (GARCIA, 2006 : 40-42). De nombreuses

34
Source : entre 2006 et 2009 : 114.000 pour prêts étudiants (Agenda digital= line)et 4,3 millions d’euros pour
Campus en red. (carte p.44 Campus en Red) Mhttp://www.agendadigital.gob.es/agenda-digital/planes-
anteriores/DescargasPlan%20Avanza2/2.%20Material%20complementario/ListadoActuaciones.pdf ).
35
Cette université n’est pas une université ouverte (comme l’Open University UK) car les obligations nécessaires
pour accéder aux cours sont les mêmes que ceux demandés dans les universités présentielles.

25
expérimentations sont lancées dans ce cadre : utilisation du vidéotex pour la transmission
d’information et les échanges entre tuteurs et étudiants au début des années 1990, diffusion
des premiers cours par visioconférence (1993), utilisation d’internet comme moyen de
transmission et de communication privilégié au sein de l’université. Ainsi, en 1998 tous les
employés de l’UNED, académiques et administratifs, sont dotés d’ordinateurs connectés.
Un réseau de communication interne est déployé. Quelques années plus tard, le Plan de
numérisation (plan de virtualización) permet de numériser de nombreux contenus et de
préparer des supports pour des cours online. Un ensemble de service est généralisé (mails
personnels et forums de discussion). Le rôle du Centre d’innovation et développement
technologique est resté majeur dans l’ensemble de ces évolutions.

L’UNED est devenue de cette manière un pôle d’expertise incontournable en matière de


pédagogie numérique, étendant son influence sur l’ensemble du territoire espagnol et sur
de nombreux pays de langue espagnole. Sa spécialisation dans le secteur de l’enseignement
à distance et l’unicité de son caractère public en ont fait plus une concurrente des autres
universités publiques qu’un appui à la transformation pédagogique.

Les acteurs du changement


Au milieu des années 1990, de nombreuses universités espagnoles prônent l’utilisation des
TIC dans au moins un des secteurs suivants : gestion, enseignement, recherche (rapport
BRICALL, p. 456). A l’époque, l’engagement de l’Etat est faible étatique mais plusieurs
communautés autonomes et entreprises se déclarent intéressées à investir dans le secteur.
Le cas le plus emblématique est celui de la communauté de Catalogne qui finance la création
de l’Universitat Oberta de Catalunya (UOC)36.

Créée en 1994 comme réponse à une absence d’enseignement en langue catalane au sein de
l’UNED, l’UOC développe l’éducation à distance comme un complément aux universités
présentielles de la région dans le but d’améliorer l’insertion sociale (Duart et al., 2006).
C’est une des premières universités à être pensée dès l’origine comme étant complétement
en ligne pour rendre les enseignements plus flexibles et faciliter les interactions entre
étudiants, enseignants et tuteurs et améliorer la communication au sein de l’institution.
L’UOC se déclare comme construite sur lespréoccupations d’un étudiant-client (« client-
oriented » education). Les applications et les environnements de travail virtuels sont conçus
pour reproduire les schémas de socialisation traditionnels, et l’innovation est recherchée
dans les manières « d’étudier virtuellement » (SANGRA, 2006).

D’autres initiatives sont prises localement comme celle de la mise en commun de ressources
éducatives entre les universités d’une même région ou d’une même agglomération :
Catalogne (Intercampus), Andalousie (Campus Anadaluz Virtual37, de 2007-2014), Madrid
(Aula a Distancia Abierta, ADA Madrid). Elles sont l’occasion de créer des consortiums,
de mettre en place des « campus virtuels » 38 et de mutualiser la production de ressources.

La conférence des présidents des universités espagnoles (CRUE) accompagne ce


mouvement. En 2003, la CRUE ouvre une antenne consacrée aux TIC (CRUE-TIC) qui est

36
L’UOC a un statut de fondation à but non lucratif, sa source principale de financement est la région de
Catalogne.
37
http://www.campusandaluzvirtual.es/node/12
38
De 23 en 2002 à 44 en 2003, sur un total de 67 universités, selon UNIVERSITIC 2004 : 33.

26
chargée de conseiller les institutions en matière de stratégie numérique. « Le but principal
de l’initiative est de combler le vide entre les plans TIC au niveau national et transnational
et les plans stratégiques de certaines universités » (UNIVERSITIC 2009, p. 13). Pour ce
faire, la CRUE-TIC réalise tous les ans depuis 2007 le rapport UNIVERSITIC où est dressé
un état de l’art de l’intégration des TIC dans les universités espagnoles. Ce rapport a servi
de référence pour la création d’un modèle stratégique de développement des TIC dans les
universités, appelé GTI4U, qui cherche à instaurer une gouvernance de qualité dans les
universités suivant des règles ISO.

A la différence des autres pays étudiés, l’Espagne a pu compter sur des investissements
d’acteurs privés à but non lucratif qui ont soutenu le développement d’une pédagogie
numérique. Il s’agit notamment de la Fondation Universia dépendante du Banco Santander
et (dans une moindre mesure) de la Fondation sur l’éducation numérique de Telefónica
(Telefónica educación digital) qui soutiennent la formation en ligne en direction des pays
latino-américains.

Créée en 2000, Universia est un consortium destiné à la mise en commun de ressources


éducatives entreles universités. Toutes les universités du pays sont aujourd’hui membres de
ce consortium qui œuvre à l’international. Ainsi, en 2003, Universia a signé un accord avec
le MIT pour la traduction et la publication de ressources éducatives du MIT OCW en
portugais en en espagnol, avant de lancer sa propre plate-forme en 2007 : Universia OCW.
Grâce à Universia et à Telefónica Educación Digital l’Espagne dispose, depuis 2013, d’une
plate-forme nationale destinée au monde hispanophone et lusophone qui concurrence un
outil comme Coursera.

L’intervention des acteurs privés en Espagne n’a pas entrainé pour les universités une
allégeance à telou tel dispositif technique, à tel ou tel modèle pédagogique. Elle a permis
de produire des ressources pédagogiques en nombre, chaque université se concentrant sur
sa stratégie propre (Oliver et alii, 2014 :17). L’UNED par exemple a développé en 2007
son propre OCW avec l’aide d’Universia ; en 2012, elle a ouvert un site pour les REL
(UNED ABIERTA) et en 2013, un portail pour les MOOC (UNED COMA), sachant que
c’est la principale institution productrice de REL et de MOOC enEspagne.

La Loi Organique sur les Universités de 2001 n’a pas laissé de côté la question du
numérique pour l’enseignement supérieur. Elle a mis à l’agenda la création d’un centre
supérieur pour l’enseignement numérique (Centro Superior para la Enseñanza Virtual,
CSEV) qui n’a vu le jour qu’en 2010 grâce aux financements privés de Telefónica,
Santander et Hispasat. Le CSEV a été placé sous le contrôle de l’UNED avec pour objectif
de coordonner des recherches et les productions d’un enseignement à distance en ligne et
de qualité. Il est intéressant de noter que le premier projet développé par ce centreest
consacré à la définition d’indicateurs de qualité pour la pédagogie numérique, en
collaboration avec ANECA.

En somme, l’absence de plan national pour la transformation numérique des universités en


Espagne n’a pas été un frein au développement d’une pédagogie numérique. Les bonnes
relations qu’entretiennent l’Etat (central et local au niveau des communautés autonomes)
et les universités avec le secteur privé ont permis de faire avancer de nombreuses actions

27
de productions de ressources pédagogiques ou de dispositifs d’enseignement à distance, ces
derniers étant largement concentrés dans deux établissements : l’UNED et l’UOC. Ainsi,
l’augmentation de la demande de formation à distance liée à la crise économique de 2008
(+33,4% pour l’EAD à la rentrée 2009, contre +5,7% pour les formations présentielles), a
bénéficié en premier à l’UNED qui accapare à elle seule deux tiers des inscriptions, malgré
la présence de nouvelles institutions reconnues dans le secteur 39 (CRUE, 2015 : 12- uni en
cifras2014)40. En somme, le domaine de la pédagogie numérique en Espagne est caractérisé
par l’existence d’un triptyque d’acteurs : public (communautés autonomes), privé (à travers
les fondations à but non lucratif), « institutions phares », comme l’UNED et l’UOC. Le
recul actuel du budget public au niveau national et des communautés autonomes
s’accompagne d’un allégement de la procédure de création, reconnaissance et accréditation
des universités (Decreto 2015) qui risque à terme de fragiliser les universités et les «
institutions phares » publiques au profit d’établissements privés, provoquant des effets sur
les coûts de l’éducation et la qualité des enseignements41.

L’écosystème institutionnel de transformation numérique universitaire


en Espagne

39
Entre 2008 et 2009 se créent 4 universités privées à distance en ligne : L’Université Internationale de la Rioja,
l’Université à distance de Madrid, l’Université Isabel I de Castilla, et l’Universitat Internacional Valenciana.
40
Ainsi, pour la rentrée 2009, la demande pour des universités non présentielles augmente de 33,4% (contre 5,7%
pour les formations présentielles). Ceci est relativement important dans le cas de la seule université publique
UNED qui voit 20.000 nouveaux étudiants en 2009 (+37,7%) contre une augmentation de 8,3% dans les
universités privées (sachant que l’UNED accapare 88% des étudiants non présentiels à elle seule) (REF :
http://www.mecd.gob.es/educacion-mecd/dms/mecd/educacion-mecd/areas-
educacion/universidades/estadisticas- informes/informes/2010-estudio-oferta-matricula-curso-2009-2010-
pdf.pdf)
41
Cette législation va s’accompagner de la définition d’un ratio enseignant-élève d’entre 1/50 et 1/100 selon
le degré de présence de la formation.

28
Quelques exemples des politiques publiques et des programmes en faveur de la
pédagogienumérique en Espagne

Politiques pour la pédagogie


Politiques numérique, avec Politiques de
Politiques
d’informatisatio Le formation au
d’équipement La production de
n de la gestion développement numérique
en TIC ressources
universitaire des dispositifs
éducatives
de formation
RedIRIS Réseau
1985 universitaire
national pour le
partage de
données.
En Création de
Catalogne :UOC formations en
1994 ligne à distance.
UNED : Plan de Dématérialiser les Adapter les cours à Conception des
virtualización services l’usage des TIC. cours à distance
2001 administratifs de en ligne.
l’université.
Consortiums Mise à disposition
régionaux pour des cours en ligne
l’éducation à sur une plate-forme
distance partagée.
Plan Avanza Prêts étudiants
2005-2009 pour l’achat
d’ordinateurs et
dotation des
campus en
connexions
internet sans fil.
Universia : OCW Incitation à la
2007 production des REL
et création des
dépositoires.
UNED: OCW Diffusion gratuite
2007 des contenus de
l’UNED.
GIT4U par le Méthode de
CRUE gouvernance de la
2009 transformation
numérique
Plan Avanza 2 Incitation à la
2009-2012 formation pour la
création des contenus
numériques.
CSEV Développement
2010 d’une
pédagogique
numérique.
MiriadaX Création d’une Incitation à la
2013 plate-forme de production des
diffusion des MOOC.
MOOC.
UNED MOOC Engagement pour
2013 production des
MOOC de
l’UNED.

29
4. Le Royaume-Uni : discontinuité de l’action publique,belles réussites et grands
échecs

L’enseignement supérieur au Royaume-Uni a investi tôt dans l’informatique. Les


universités britanniques ont été très impliquées dans la création d’équipements et de réseau
de partage de données (premier ordinateur à Cambridge, réseau JANET pour les données
universitaires). Dans le champ de l’enseignement à distance, les investissements ont été
aussi conséquents. Ainsi, dans une période de raréfaction des investissements de l’Etat, un
financement important a été attribué à un projet d’université en ligne. Comme en Espagne,
l’Etat intervient alors que l’enseignement supérieur relève de la compétence de chacune des
« régions » qui compose le pays et qu’il n’existe pas d’instance de coordination des
stratégies régionales. La présence d’acteurs spécialisés dans le domaine de l’e- éducation
et leur action sur l’ensemble du territoire a des effets indubitables sur la cohérence des
actionsau niveau national.

L’action étatique : deux échecs notoires


En 1996, l’agenda en faveur de la « société de l’information » met, à l’instar de la stratégie
américaine en faveur « des autoroutes de l’information », l’éducation au centre de la
modernisation du pays42 et, en 1997, le rapport Dearing argumente le besoin de moderniser
l’université pour améliorer l’accès et l’efficacité de l’apprentissage (Dearing,1997). Ces
orientations donnent lieu à deux grands projets conduits sous le contrôle de l’Etat :
University for Industry et UK eUniversity.

University for Industry (UfI) est une organisation créée en 1998 43 dont l’objectif est de
faire le lien entre la demande du secteur économique du pays et l’offre de formation. Ainsi,
UfI est chargé de créer des nouvelles ressources et dispositifs éducatifs basés sur les TIC
pour développer la formation tout au long de la vie. Le but de cette institution est d’innover
dans le domaine de l’e-éducation, notamment au travers de partenariats publics-privés.
Trois ans après le lancement du programme, peu de cursus de formation sont développés
intégralement et l’innovation pédagogique est rare (OCDE 2001 :59). En 2005-2006, une
évaluation du parlement pointe l’importance du financement public d’UfI : 930 millions de
livres sterling pour 4 millions d’utilisateurs, la diversité des problèmes : pas
d’investissements du secteur privé contrairement aux prévisions, coûts de marketing élevés,
faible taux de cursus complets (autour de 65%) (Ufl by commons, 2006). Suite à ces
évaluations, l’Etat se désengage et cède l’institution à des investisseurs privés (Lloyds
Development capital).
Très similaire est le cas de l’UK eUniversity (UKeU). Créée en 2000, son but est de
développer un enseignement supérieur complétement en ligne. UKeU cherche à collaborer
avec les universités du pays pour leur proposer d’entrer sur le marché international de l’e-
éducation. Elle entend donner, par l’agrégation des ressources, plus de visibilité aux
universités britanniques et les promouvoir face aux
« concurrents nord-américains ». Dans le projet initial, il est prévu un engagement croissant
du privé. En2003, malgré un investissement public de 50 millions des livres sterling, seuls

42
http://www.parliament.the-stationery-office.co.uk/pa/ld199596/ldselect/inforsoc/inforsoc.htm
43
En 2000 un programme particulier est créé en Ecosse: Scottish University for Industry.

30
900 étudiants sont inscrits(contre les 5.600 attendus) et aucune entreprise privée ne s’est
lancée dans l’aventure. Une grande partie du financement a été utilisée pour la conception
d’outils de diffusion (notamment une plate-formeen ligne) ; les investissements au profit
d’une pédagogie numérique nouvelle ont été très faibles (Chabert, 2006). Le gouvernement
met fin à UKeU en 2004 après l’évaluation du Parlement qui fait état d’une gestion
déficiente, d’un projet conçu sur l’offre et non sur la demande, et d’une recherche
technologique et pédagogique anecdotiques (Parliement, 2004). Dans ce rapport, il est
reproché au gouvernement son manque d’expertise qui serait lié à :

-­­ Une définition de l’enseignement à distance restreinte à l’enseignement en ligne. Par


conséquent, le Parlement prône une inclusion raisonnée des TIC selon les
formations (apprentissages mixtes/blended) construite à partir de la demande des
étudiants (Parliement, 2004 p.13).
-­­ L’absence de coopération d’UKeU avec les structures déjà existantes sur le
secteur, tel leBritish Council ou l’Open University qui possèdent une expertise en
matière de partenariats et de pédagogie.

UfI et UKeU sont des échecs qui ne sont pas sans conséquences pour l’action de l’Etat. Ils
participent clairement d’un désengagement de l’Etat sur la question universitaire et du
renforcement des prérogatives de chacune des nations constitutives du Royaume-Uni qui
peut donner lieu à de fortes divergences stratégiques. Ils participent également au
renforcement du soutien à l’autonomie des établissements universitaires. Ils sonnent la fin
du temps des initiatives nationales au profit des initiatives locales supposées mieux
répondre aux besoins des usagers. C’est le retour des institutions spécialisées.

L’action des institutions spécialisées


A la suite des échecs décrits précédemment, trois institutions reviennent sur le devant de la
scène du numérique universitaire : l’Open University, la Higher Education Academy
(HEA) et la Joint Information System Comitee (JISC). Financées majoritairement par des
fonds publics et bénéficient d’une grande autonomie d’action. Elles arrivent à un moment
où, dans le prolongement de ces grands projets calamiteux, les gouvernances des universités
commencent à afficher les TIC comme une priorité de la stratégie en matière pédagogique
ce qui n’était pas le cas même au début des années 2000 (2003, HEFCE, p 2)

Open University JISC HEA


Ouverte en 1971, cette université lance Le JISC est une des seules Organisation issue de la conférence
l’enseignement à distance dans le pays organisations dans le monde des présidents des universités UUK
avec un grand succès. Le but de chargée de coordonner l’adoption et qui met la focale sur la qualité de
l’université est d’ouvrir l’enseignement le développement des TIC dans l’enseignement supérieur. L’HEA
supérieur au plus grand nombre en l’enseignement supérieur. Créé remplit les rôles de conseillère et
supprimant les obligations de niveau officiellement en 1993, son objectif conductrice des projets et en matière
ou de diplôme à l’admission. Comme est de mutualiser les expériences de de pédagogie numérique, elle
lesautres institutions à distance, elle transformation, et de conseiller et travaille très en lien avec JISC, ce
prône précocement l’utilisation desTIC financer des projets propres aux qui lui a permis de gagner un
et intègre l’innovation pédagogique universités. Grâce au JISC les prestige au niveau international en
numérique au centre de sa stratégie. universités britanniques disposent matière de transformation éducative.
C’est la seule institution à avoir une d’un véritable lieu d’expertise.
couverture
nationale.

31
A la même époque, les différents gouvernements du Royaume-Uni sont d’accord sur deux
points stratégiques : le besoin d’intégrer les TIC dans l’enseignement supérieur de manière
durable, la priorité portée aux initiatives individuelles des universités (Hefce 2003 et 2005
; Gales 2002). Les institutions spécialisées sont encouragées à faire du sur mesure pour les
différentes universités44. Très nombreux et divers sont les projets qui voient le jour à cette
époque. Tous les domaines de l’e-éducation sont explorés.

Mais, trois projets marquent plus particulièrement le paysage national britannique des TICE :

1. E-Learning Benchmarking and Pathfinder Programme (2005-2008)


Mis en œuvre par le HEA et le JISC, ce programme de Benchmarking cherche à
collecter de façon systématique les besoins des universités en matière de TICE.
Financé à hauteur de 8 millions des livres, le programme concerne 77 institutions
dans tout le pays. Son déploiement permet de publiciser le potentiel transformateur
de l’e-éducation dans l’enseignement supérieur. Dans une deuxième étape, l’étape
« pathfinder », 37 universités sont accompagnées pour qu’elles définissent une
stratégie propre, notamment en ce qui concerne l’innovation pédagogique en lien
avec le numérique. En fait, plus que la collecte de données et l’accompagnement
des établissements, la force du programme est d’intégrer les TIC dans les agendas
des universités.

2. UKOER (2008-2012)
Dans la lignée d’une série des projets en faveur des REL 45, le JISC et le HEA sont
chargés de généraliser l’utilisation des REL dans l’enseignement supérieur. Avec
16 millions de livres, le projet cherche à (1) définir la meilleure manière de diffuser
des REL, (2) se questionne sur la forme d’encourager la production dans les
institutions et (3) essaie d’établir un lien entre REL et cadres économiques de la
société. A l’issue du projet la capacité des enseignants a utilisé les TIC est mise en
cause (bilan OKOER, 2012).

3. Future Learn
Développée par l’Open University, FutureLearn est la plate-forme britannique pour la
diffusion des MOOC. Inscrite dans la lignée del’éducation ouverte de l’institution
(OpenLearn), la plate- forme réussit à attirer 72 partenaires en 2015 et permet le
développement des MOOC dans de nombreux établissements ce qui permet d’afficher que
le Royaume-Uni est le pays européen le plus actif dans la production des MOOC.

44
Quelques exemples : en Ecosse, en 2005, le SFC donne 6 M de livres au JISC afin de produire du matériel
éducatif innovant (NOTE 54) ; au Pays de Galles, HEFCW donne 1 M de livres supplémentaires au JISC et au
HEA (stratégie Gales 2007).
45
Exchange for Learning (X4L) (entre 2002 et 2006), centré sur la création de ressources éducatives
réutilisables. Dans le cadre de ce programme est créé JorumOpen, qui donne un accès gratuit aux
matériels éducatifs produits par des institutions d’enseignement supérieur et facilite (techniquement leur
production et gestion) /RePRODUCE, entre 2008 et 2009, centré sur la réutilisation et réadaptation des
contenus universitaires numériques. Ce programme facilite le transfert des ressources entre institutions/2
programmes qui donnent une infrastructure technique dans le secteur de l’enseignement supérieur pour
l’ouverture des ressources, soit pour la déposition des ressources (« Digital Repositories », 2005-2007) et
les programmes de préservation (« Repositories Preservation », 2006-2009).

32
Malgré quelques résultats positifs dans le domaine du développement des TICE dans les
universités, le JISC comme l’HEA sont peu à peu lâchés par le gouvernement anglais qui
reprend le plaidoyer en faveur de l’autonomie des établissements. Du premier rapport
stratégique (HEFCE 2009) aux plus récents (HEFCE 2011, HEFCE 2014), le tournant est
pris qui confirme les conclusions d’un groupe de travail sur l’enseignement en ligne (Online
Learning Task Force). La pédagogie numérique n’est plus sur l’agenda de l’Etat, on lui
préfère l’investissement dans les infrastructures (2010 UK HEFCE, p. 2). Par conséquent,
le gouvernement anglais continue à baisser les financements du JISC et, à l’occasion d’un
vote en 2017, la contribution des universites au JISC cesse d’être obligatoire (Livre JISC
2014).

Le Pays de Galles et l’Ecosse ne sont pas sur la mêle ligne, ils voient dans les actions
du JISC, de l’HEA et de l’Open University, un appui considérable pour transformer
l’université (stratégie Galles 2014 ; Learners at the center Scotland ,2011) et continuent à
encourager les actions de ces institutions. Par exemple, en 2014, l’Ecosse donne 1,3
millions de livres à l’Open University pour le développement des REL à travers le pays
(rapport OEPS 2015).

Le modèle économique du JISC explique en partie cette divergence. L’Angleterre est le


pays qui contribue le plus au financement du JISC (environ 50%) et le « retour sur
l’investissement » par l’impact dans les universités anglaises est loin de faire l’unanimité.
Ainsi, la conclusion de l’évaluation du JISC en 2011, fait état du grand potentiel du JISC
mais de son incapacité à répondre à toutes les demandes des universités (2011, évalution
JISC). Pour le gouvernement anglais, le modèle de référence consiste bien à soutenir les
actions de chaque institution sans référence à une organisation experte.

Pour le JISC et l’HEA, cette position gouvernementale est peu convaincante (livre JISC
2014 ; acedemyevaluation on hefce, 2014) car elle ne résout aucunement la grande question
du comment on peut transformer les établissements par l’usage des TICE dans l’acte
d’enseigner. La « grande révolution de l’enseignement supérieur » est-elle vraiment
possible ? (Academy evaluation on HEFCE 2014p.16). Sous condition, répondent ces
organisations expertes qui mettent l’accent sur la complexité du phénomène pédagogique.

L’écosystème institutionnel de transformation numérique universitaire au Royaume-


Uni

En conclusion, l’étude de la situation des TICE dans les universités britanniques permet de
mettre en évidence plusieurs phénomènes : la politique britannique dans le domaine des
TICE à l’université a connu divers revirements ces vingt dernières années ; il n’existe pas
d’accord total entre les gouvernements anglais, écossais et gallois ; la place des
organisations spécialisées a connu un affaiblissement ces derniers temps même si elles

33
restent des références ; c’est au nom de l’autonomie que le gouvernement anglais souhaite
que la question de la pédagogie universitaire soit transférée au niveau des établissements et
ne soit plus une préoccupation de l’Etat.

Quelques exemples des politiques publiques et des programmes en faveur de la


pédagogienumérique au Royaume-Uni
Politiques pour la pédagogie
Politiques Politiques Politiques de
numérique, avec
d’équipement d’informatisation formation au
de la gestion La production de Le développementdes numérique
en TIC ressources dispositifs de
universitaire
éducatives formation
JANET Réseau
1984 universitaire
national pour
le partage de
données.
UfI Création des
1998-2009 formations
professionnelles
basées sur les TIC.
UKeU Création des
2000-2004 formations à
distance en ligne.
JISC-HEA: Conseiller et
Benchmarking formuler des
& Pathfinder stratégies e-
2005-2008 learning par
institution.
OU: Incitation à
OpenLearn produire et partager
2006 des REL.
JISC-HEA: Incitation à la Incitation à
UKOER production des l’inclusion des
2009-2012 REL. REL dans les
processus
éducatifs.
England : Programme de
Changing the conseil pour la
Learning conception d’une
Landscap stratégie
e 2012- numérique propre
2014
à chaque
institution.
Northern Inciter et valoriser
Ireland: l’utilisation des
E-learning TIC dans
awards l’enseignement.
2012
OU: Plate-forme
FutureLearn nationale pour la
2013 diffusion des
MOOC.
Ecosse: Améliorer la
Opening diffusion des REL
Educational en Ecosse.
Parctices in
Scotland 2014

34
Conclusion générale

Le projet D-TRANSFORM qui se propose d’aider les responsables des universités


européennes à repenser la stratégie de transformation institutionnelle grâce au numérique a
posé comme principe de base qu’il était indispensable de réaliser une analyse comparative
des politiques publiques inscrites dans la durée pour ne pas retomber dans les travers d’un
« prêt à porter informatique » si courant dans ce type de projet. La conduite de cet exercice,
qui a exigé un important travail de collecte de données (méritant toujours d’être complété),
a permis de montrer l’importance des environnements institutionnels où ces stratégies
doivent prendre place.

Ainsi, l’étude a révélé qu’une action qui touche au cœur d’un système (l’enseignement dans
lesuniversités) ne peut être traduite de la même manière dans des pays où les systèmes
universitaires demeurent très différents. Nombreuses ont été les politiques mises en place
dans les pays depuis l’adoption du référentiel de développement en faveur de la « société
de l’information », mais leurs objectifs, leurs moyens et leurs agendas ont été décalés voire
très dissemblables. Quelques constantes en revanche sont observables : alors que les
investissements sur les équipements et sur l’informatisation de la gestion universitaire ont
abondants, plus rares et plus instables ont été les politiques qui s’attaquent à la formation
d’une culture numérique et à l’introduction du numérique dans le processus pédagogique.
Alors que les ordinateurs et Internet sont omniprésents dans les universités, il semble que
s’impose l’idée d’étudiants «digital natives » qui n’auraient nul besoin de recevoir une
éducation à ce nouveau média et d’enseignants éternellement retors (à l’exception de
quelques pionniers) à l’usage des TIC. Ils sont rendus coupables de ne pas produire des
ressources numériques éducatives en grand nombre et de ne pas concevoir suffisamment de
dispositifs de formation basés sur les TIC.

D’un Etat étudié à l’autre, les configurations d’acteurs diffèrent (place des acteurs locaux
ou régionaux, intervention d’acteurs ou de capitaux privés, recours ou non à des institutions
spécialisées dans les domaines de l’enseignement à distance ou des TICE…), les secteurs
prioritaires diffèrent également toutcomme les stratégies de transformation institutionnelle.

Un projet tel D-TRANSFORM doit, pour réussir, construire un dispositif d’aide à la


transformation dela pédagogie universitaire qui tienne compte des réalités observées. S’il
semble inopportun de concevoirune « leadership school » commune aux présidents-es des
universités des différents pays concernés, une
« culture commune » peut être dispensée à tous (et mise en débat) sur un temps court (1
journée). Elle devra être complétée par des « leadership schools » spécifiquement organisés
dans chaque pays. Ces dernières prendront en considération un certain nombre de
caractéristiques.

-­­ Pour la France, il conviendra d’associer le ministère en charge de l’enseignement


supérieur et de la recherche, la Conférence des Présidents d’Université, les
responsables TICE des universités, et les personnes identifiées par les COMUE. Le
dialogue inter-établissement doit être privilégié.

35
-­­ Pour l’Italie, il s’agira d’associer la CRUI et, avec elle, quelques « grandes universités
», des universités de taille moyenne intéressées par le sujet et quelques universités
à distance. Par ailleurs, il semble nécessaire d’encourager des partenariats publics-
privés.

-­­ Pour l’Espagne, il est indispensable d’associer des acteurs du secteur privé (sous
forme de fondations à but non lucratif), quelques instituions phare (comme l’UNED
et l’OUC) et la conférence des présidents.

-­­ Pour le Royaume-Uni, il conviendrait de profiter de l’expertise issue institutions


spécialisées,tels l’Open University, l’JISC et l’HEA. Il serait indispensable d’avoir
des représentants anglais, écossais et gallois des autorités ministérielles en charge des
universités.

Ces conclusions défendent l’idée que, malgré un certain degré « d’européanisation » des
systèmes universitaires, l’enseignement supérieur reste partiellement imperméable aux
logiques de convergence (Radaelli, 2004). Ainsi, alors qu’au niveau des discours politiques
généraux, le référentiel sur l’importance de transformation de la pédagogie universitaire
avec les TIC est bien partagé, l’observation des politiques mises en œuvre témoigne de
nettes divergences.

Appliquées aux ressources pédagogiques, il n’y a donc pas de bon ou de mauvais modèle
de production et d’utilisation qui serait valable pour toutes les universités européennes mais
une nécessité de formaliser, pour chaque pays, un modèle économico-institutionnel inscrit
dans la durée et susceptible d’emporter l’adhésion du plus grand nombre. Le
questionnement du modèle économique et des nouvelles formes de pédagogie numérique
(REL et MOOC), développé dans la partie suivante, doit permettre de préciser, par pays,
les cadres des modèles économiques et les grandes lignes de cette pédagogie numérique.

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