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Giuseppe Verdi

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Giuseppe Verdi
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Giuseppe Verdi photographié par Giacomo Brogi.
Données clés
Surnom Le cygne de Busseto
Nom de naissance Joseph Fortunin François Verdi
Naissance 10 octobre 1813
Roncole, Taro,
Drapeau de l'Empire français Empire français
Décès 27 janvier 1901 (à 87 ans)
Milan, Drapeau du Royaume d'Italie Royaume d'Italie
Activité principale Compositeur, dramaturge
Style Opéra
Période romantique
Activités annexes Propriétaire terrien, député (1861–1865), sénateur (1874)
Lieux d'activité Busseto, Roncole, Sant'Agata
Drapeau du Duché de Parme Duché de Parme,
Milan
Drapeau du Royaume de Lombardie-Vénétie Royaume de Lombardie-Vénétie puis
Drapeau du Royaume d'Italie Royaume d'Italie,
Paris, Drapeau de l'Empire français Empire français
Années d'activité 1835 – 1901
Collaborations Temistocle Solera, Salvatore Cammarano, Francesco Maria Piave,
Arrigo Boito (librettistes)
Éditeurs Giovanni et Giulio Ricordi
Maîtres Ferdinando Provesi,
Vincenzo Lavigna
Élèves Emanuele Muzio
Conjoint Margherita Barezzi,
Giuseppina Strepponi
Distinctions honorifiques Ordre de Saint-Stanislas
Légion d'honneur
Signature de Giuseppe Verdi
Signature de Giuseppe Verdi.
Œuvres principales

Nabucco (1842)
Rigoletto (1851)
Il trovatore (1853)
La traviata (1853)
Un ballo in maschera (1859)
La forza del destino (1862)
Don Carlos (1867)
Aida (1871)
Messa da requiem (1874)
Otello (1887)
Falstaff (1893)
Œuvres complètes par année de création
Œuvres complètes par genre musical
Interprètes et lieux des créations
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Giuseppe Fortunino Francesco Verdi (/dʒuˈzɛppe fortuˈniːno franˈt͡ ʃesko ˈverdi/1),


né Joseph Fortunin François Verdi le 10 octobre 1813 à Roncole et mort le 27
janvier 1901 à Milan, est un compositeur romantique italien. Son œuvre, composée
essentiellement d’opéras, unissant le pouvoir mélodique à la profondeur
psychologique et légendaire, est l'une des plus importantes de toute l'histoire du
théâtre musical.

Verdi est l'un des compositeurs d'opéras italiens les plus influents du xixe
siècle, son influence comparable à celle de Gioachino Rossini, Vincenzo Bellini,
Gaetano Donizetti et Giacomo Puccini. Ses œuvres sont fréquemment jouées dans les
opéras du monde entier et, dépassant les frontières du genre, certains de ses
thèmes sont depuis longtemps inscrits dans la culture populaire comme « La donna è
mobile » de Rigoletto, le « Brindisi » de La traviata, le « Va, pensiero » de
Nabucco ou la « Marche triomphale » d'Aida. Les opéras de Verdi dominent encore le
répertoire de l'art lyrique un siècle et demi après leur création.

Peu engagé politiquement, il a cependant autorisé l'utilisation de son image et de


ses œuvres dans le processus de réunification de la péninsule italienne et demeure
de ce fait, aux côtés de Giuseppe Garibaldi et de Camillo Cavour, une figure
emblématique du Risorgimento.

Biographie
Article détaillé : Maison natale de Giuseppe Verdi.

Les départements français d’Italie : en haut, en rose, le département du Taro


Lorsque Verdi naît, le 10 octobre 1813, dans le hameau de Roncole Verdi, proche de
Busseto en Bassa parmense, la région de Parme est alors sous domination
napoléonienne et est appelée le département français du Taro.

Les troupes autrichiennes reprennent le duché de Parme et Plaisance à peine


quelques mois plus tard, en février 1814. La région restera sous le règne de
l’archiduchesse Marie-Louise d'Autriche, l’ex-impératrice des Français, jusqu’à la
mort de celle-ci en 1847. Verdi aura été français durant les quatre premiers mois
de sa vie, ce que semble avoir voulu dissimuler sa mère. Peut-être qu'elle trouvait
humiliant qu'il fût né français ou plus probablement pour des motifs stratégiques
de carrière future, elle a constamment déclaré à son fils qu’il était né le 9
octobre 18142. Verdi a d’ailleurs tout au long de sa vie fêté son anniversaire les
9 octobre. Il est baptisé le 11 octobre dans l'église paroissiale de San Michele
Arcangelo à Roncole sous le nom latin de Joseph Fortuninus Franciscus, son registre
de baptême précisant qu'il est « né hier soir » (natum heri vespere). Son acte de
naissance porté le 12 octobre à l’état civil de la commune de Busseto est ainsi
rédigé en français :

Acte de naissance de Verdi du 12 octobre 1813 à Busseto dans l'état civil


napoléonien de l'Empire français
« L'an mil huit cent treize, le jour douze d’octobre, à neuf heures du matin, par
devant nous, adjoint au maire de Busseto, officier de l'état civil de la Commune de
Busseto susdite, département du Taro, est comparu Verdi Charles, âgé de vingt huit
ans, aubergiste, domicilié à Roncole, lequel nous a présenté un enfant du sexe
masculin, né le jour dix courant, à huit heures du soir, de lui déclarant et de la
Louise Uttini, fileuse, domiciliée aux Roncole, son épouse, et auquel il a déclaré
vouloir donner les prénoms de Joseph Fortunin François3. »
La mention de l'acte de baptême « né hier soir » a suscité un doute sur sa date
exacte de naissance. À cette époque, les jours étaient en effet comptabilisés à
partir du coucher du soleil, cette mention pouvant évoquer le samedi 9 octobre mais
il est traditionnellement admis qu'il est né le dimanche 10 octobre4.

Les origines socio-familiales


La branche paternelle
Depuis trois cents ans, la famille paternelle de Verdi vit sur le territoire de
Sant’Agata, un hameau de la commune de Villanova sull'Arda dans la province de
Plaisance, en Bassa padana, à peu de distance de Busseto. Giuseppe Antonio, le
grand-père du musicien, et son épouse, Francesca Bianchi, originaire de Villanova
sull’Arda, ont douze enfants. Dans les années 1780, sans doute poussés par
l'insuffisance des revenus d’un domaine trop modeste pour une si grande famille,
les Verdi émigrent aux Roncole où naissent les cinq derniers enfants. Ils y
tiennent une ferme-auberge, l’Osteria vecchia et exploitent dans le même temps
quelques arpents de terre. À la mort de Giuseppe Antonio, Carlo, le père du
compositeur, alors âgé de dix-neuf ans, seconde sa mère à l'auberge. Il épouse en
1805 Luigia Uttini, fileuse de son état dans un coin de l'auberge familiale de
Busseto5. Le couple est installé à l’Osteria vecchia depuis huit ans lorsque naît
leur premier enfant, Giuseppe.

La branche maternelle
La famille de Luigia Uttini, originaire du Val d'Ossola, émigre au xviie siècle,
pour partir à Bologne où ses membres sont forgeron, boulanger, aubergiste… Une
seconde branche s'installe dans la région de Plaisance. On trouve parmi ceux-ci des
régisseurs, des professeurs, des hommes d'église… Luigia naît en 1787 à Saliceto di
Cadeo où ses parents, Carlo et Angela Villa, tiennent une auberge-épicerie, comme
celle qu’ils ouvriront une quinzaine d’années plus tard à Busseto et où viendra
s'approvisionner Carlo Verdi, ce qui occasionnera sa rencontre avec sa future jeune
épouse.

Contrairement à la légende qu'il a lui-même contribué à forger, les origines de


Verdi, même si sa mère ne sait ni lire ni écrire, ne sont pas celles d'un enfant du
popolo minuto6. Les deux branches de sa famille appartiennent à la petite
bourgeoisie de campagne, relativement aisée.

« Les Verdi avaient leur banc à l'église des Roncole et le chef du clan (…) était
membre de la confraternité de la Sainte Conception à laquelle les Verdi firent des
dons importants7. »

Les origines de la vocation musicale

Le petit Giuseppe grandit au contact des musiciens ambulants qui font halte à
l’auberge
De même, bien que Verdi l'ait certainement ignoré, musicalement, « l’enfant n’était
pas né de rien8 » comme il se plaisait à le laisser penser. On trouve en effet au
xviiie siècle, dans la branche bolonaise de la famille Uttini, deux cantatrices, un
ténor, contemporain et connu de Mozart et un compositeur, Francesco Antonio Uttini
(1723-1795). Ce dernier, marié à une nièce d’Alessandro Scarlatti, est l’auteur
d’une vingtaine d’opere serie, de chœurs pour les tragédies de Racine9 et de la
messe de couronnement de Gustave III de Suède dont l’assassinat sera le thème de
l'opéra Un bal masqué (Un ballo in maschera) en 1859.

C'est cependant plus en direction de l'environnement social que directement


familial qu'il convient de rechercher les origines de cette vocation. L’Italie du
xviiie siècle s’enthousiasme pour l'art lyrique et bien sûr, ni le duché de Parme
et Plaisance ni la ville de Busseto ne sont exempts de cette passion. Le petit
Giuseppe est dès sa prime enfance au contact des musiciens ambulants qui font halte
à l’auberge des Roncole. L’enfant essaie les instruments, chante avec les chœurs,
engrange les souvenirs qui nourriront plus tard l’inspiration populaire de ses
opéras.

Mais tout « plongé dans l’extase10 » qu'il ait pu être à l'écoute des orgues de
Barbarie de passage, cette vocation n’aurait pas eu de suite sans la tendre
attention que Carlo et Luigia pouvaient accorder à Peppino au sein d’une cellule
familiale inhabituellement réduite pour l’époque11. Le jeune Verdi aurait peut-être
aussi évolué dans l’échelle sociale sans nécessairement devenir musicien si don
Pietro Baistrocchi, le maître d’école, organiste de l’église des Roncole et ami de
la famille, n’avait pris conscience du caractère exceptionnel de cet attrait de
l’enfant pour la musique. Attrait qu’il avait pu remarquer lorsque Peppino restait
des heures à l’écouter jouer le répertoire tant sacré que profane.

La formation
Roncole

Son père lui achète une vieille épinette sur laquelle Peppino va pouvoir faire ses
gammes
Ainsi, le jeune Verdi bénéficie-t-il dès l’âge de quatre ans des rudiments de latin
et d’italien12 dispensés par Baistrocchi avant de rentrer, à six ans, à l’école du
village. Selon les témoignages rapportés par ses biographes, il est un élève
attentif au caractère paisible, plutôt solitaire sans toutefois refuser de se mêler
aux jeux des autres enfants, exécutant par ailleurs sans se faire prier les tâches
qui lui sont confiées à l’osteria.

Caractère paisible mais affirmé : on ne dérange pas impunément Peppino dans son
écoute de la musique d’orgue. Don Masini en fait les frais, qui s’entend menacé
dans un parfait dialecte d’un furieux : « Dio t’manda ’na sajetta » (« que Dieu te
foudroie ») pour avoir envoyé rouler le garçon en bas de l’autel parce que les
burettes n’arrivaient pas. Huit ans plus tard, le prêtre est effectivement foudroyé
: Verdi, à sept ans, s'est déjà approprié le thème de la maledizione13.

Parallèlement à sa scolarité, il reçoit ses premières leçons de musique de son


maître organiste et va pouvoir faire ses premières gammes, alors qu’il a atteint sa
septième année, sur une vieille épinette que lui achète son père. L’instrument,
déjà ancien et très sollicité par un Peppino plus qu’assidu, devra être réparé.
Carlo fait appel à Stefano Cavalletti, facteur d’orgues réputé dans la région, qui
rédigera ainsi sa facture14 :

« Ces sautereaux ont été refaits et empennés de cuir par moi, Stefano Cavalletti,
et j’ai adapté le pédalier dont je vous ai fait cadeau ; de même j’ai refait
gratuitement lesdits sautereaux, voyant les bonnes dispositions du jeune Giuseppe
Verdi pour apprendre à jouer cet instrument, ce qui me suffit pour m’estimer
totalement réglé.
Anno Domini (1821) »

Pendant encore deux ans, le jeune garçon complète sa formation musicale par la
pratique en assurant le remplacement de don Baistrocchi à l’orgue de l’église. À
dix ans, Peppino a déjà acquis tout ce que l’organiste et le curé des Roncole
pouvaient lui apporter.

Busseto

Le jeune garçon tient l’orgue de San Bartolomeo et celui de San Michele Arcangelo
aux Roncole
Grâce à l’intérêt du négociant Antonio Barezzi, amateur de musique, membre de la
Società Filarmonica locale et ami de Carlo Verdi, le jeune Giuseppe est admis au
Ginnasio, le lycée de Busseto à l’automne 1823. Il y suit brillamment la classe de
don Pietro Seletti, directeur de l’école, intellectuel provincial sans doute mais
savant linguiste, astronome amateur et musicien, qui envisageait peut-être pour le
garçon une carrière professorale ou le sacerdoce. Le père franciscain Lorenzo da
Terzorio, chez lequel il loge, l’entend jouer inlassablement après les leçons de
latin. Il conseille à Carlo Verdi d’inscrire son fils à l’école de musique de
Ferdinando Provesi, directeur de la Société philharmonique de la ville, où il entre
en 1825. Le jeune Verdi mène alors de front ses études classiques et musicales à
Busseto et ses fonctions d’organiste aux Roncole où il finit par remplacer son
vieux maître à l’âge de douze ans. Il termine ses humanités avec une mention très
bien en 1827 et pendant encore deux ans complète sa formation musicale avec
l’harmonie et la composition auprès de Provesi15.

Don Seletti a abandonné son projet en entendant Verdi lui répondre, alors qu’il lui
demandait quelle musique il venait de jouer lorsqu’il avait remplacé au pied levé
un organiste défaillant : « Mais la mienne, maître, je n’ai fait que suivre mon
inspiration16 ». Provesi le considère dès lors comme son égal et Barezzi
l’introduit dans les salons des notables bussetans, membres de la Società
Filarmonica. Là, il donne ses premiers concerts en soliste (le piano à queue de
Barezzi a remplacé sa chère épinette) ou dirige l’orchestre des Filarmonici. En
1828, il a tout juste quinze ans lorsqu’il compose une symphonie à partir de
l’ouverture du Barbiere di Siviglia de Gioachino Rossini, suivie d’une cantate
(perdue) pour baryton et orchestre en huit mouvements, I Deliri di Saul, d’après la
célèbre tragédie de Vittorio Alfieri, d’un Stabat Mater, d’un Domine ad adjuvandum
pour orchestre, flûte et ténor et d’autres compositions profanes ou sacrées.

Durant les années qui suivent, il poursuit sa formation littéraire (Virgile,


Cicéron, Alfieri17, Manzoni, et bientôt Shakespeare) et continue à composer de
nombreuses pièces18 destinées à la Société philharmonique ou au théâtre de Busseto,
maigrement rémunérées par la ville ; il remplace de plus en plus souvent Provesi à
la classe ou au pupitre ; il tient l’orgue de San Bartolomeo et celui de San
Michele Arcangelo aux Roncole. Les difficultés financières importantes auxquelles
Carlo doit faire face ne lui permettent plus de pourvoir à l’entretien de son fils.
Giuseppe qui donne également des leçons de piano à sa fille Margherita est
finalement accueilli dans sa maison par Barezzi qui le considère un peu comme son
propre fils.

Le 14 mai 1831, encore une fois sur l’insistance de Barezzi qui s’investira
personnellement et de manière importante en doublant ses subsides, Carlo Verdi
demande au Monte di Pietà (Mont de Piété) de Busseto une bourse destinée au
financement des études de son fils au conservatoire de Milan. La réponse,
favorable, n’arrivera que le 14 janvier 1832, après l’intercession de
l’archiduchesse Marie-Louise sollicitée par une seconde lettre de Carlo. Le départ
à Milan de Verdi dont la prime jeunesse s’achève ici, s’il permet de résoudre le
problème posé par les convenances qui n’autorisent plus Giuseppe et Margherita
d’habiter sous le même toit du fait de leur idylle naissante, va surtout être la
boîte de Pandore d’où émergera l’un des plus grands compositeurs d’opéras de tous
les temps19.

Milan

En 1832, Milan est la capitale du royaume lombard-vénitien sous domination


autrichienne
« Haute stature, cheveux châtains, front élevé, sourcils noirs, yeux gris, nez
aquilin, bouche petite, barbe sombre, menton ovale, visage maigre, teint pâle.
Profession : étudiant en musique20 »

Sujet de la Duchesse de Parme (et ex-impératrice des Français), Verdi doit remettre
son passeport pour accéder à la capitale du royaume lombard-vénitien où la présence
autrichienne est autrement perceptible qu’à Parme.
L’examen d’entrée au conservatoire de Milan, qui porte aujourd’hui son nom, se
déroule à la fin du mois de juin. Le jury est composé de Francesco Basily, le
censeur de l’établissement, Gaetano Piantanida et Antonio Angeleri, professeurs de
piano et de contrepoint et d’Alessandro Rolla, compositeur et professeur de violon.

Alors que la fugue à quatre voix qu’il présente pour l’épreuve de composition est
appréciée par le jury, il est refusé à cause de l’épreuve qu’il redoutait le
moins : lors de son exécution au piano du Capriccio en la d’Heinrich Herz la
position de ses mains est considérée comme irrémédiablement mauvaise. La position
des mains, l’âge, de quatre ans supérieur à l’âge habituel d’admission, le peu de
places de l’établissement, le statut d’étranger, toutes ces raisons cumulées ne
pouvaient rendre que rédhibitoire la décision du comte de Hartig, gouverneur de
Milan. De cette décision sans appel du 22 juin, Verdi, habitué à être adulé dans le
petit cercle des mélomanes de Busseto, conservera durablement une profonde
amertume, comme l'atteste l'enveloppe rappelant le refus de son admission qu'il
conservera toujours à portée de main21.

En outre, il dépend désormais encore plus de son attentionné bienfaiteur pour payer
les leçons particulières qu’il va devoir prendre. Même si la participation de
Barezzi à tous ces frais est parfaitement désintéressée, la fierté du jeune homme
ne peut qu’en être affectée.

Sur les conseils d’Alessandro Rolla, Verdi suit les cours du claveciniste de la
Scala, Vincenzo Lavigna. L’ancien professeur de solfège de l’établissement milanais
est offusqué de voir que ses collègues ont pu refuser l’accès du conservatoire à un
jeune homme au talent aussi confirmé. Le cycle d’études dure trois années pendant
lesquelles Verdi se prépare à réaliser son ambition : devenir maître de chapelle à
Busseto. Trois années pendant lesquelles il écrit : « Des canons et des fugues, des
fugues et des canons à toutes les sauces… ». Mais aussi trois années pendant
lesquelles il fréquente assidûment la Scala développant un goût de plus en plus
affirmé pour la tragédie lyrique et le milieu de l’opéra.

En avril 1834, il donne son premier concert public lors duquel il dirige
brillamment La Création de Joseph Haydn, au Teatro dei Filodrammatici, en présence
du comte Pompeo Belgioioso, bientôt suivie par La Cenerentola de Rossini, jouée
devant l’archiduc Ranieri. Il écrit, sur commande du comte Borromeo, une cantate en
l’honneur de l’empereur d’Autriche22, un Tantum ergo pour la philharmonie de
Busseto et commence à composer un opéra sur un livret écrit par un journaliste
milanais, Antonio Piazza. La dernière année d’études lui pèse de plus en plus, tant
il baigne déjà dans le monde du lyrique. En juillet 1835, Verdi reçoit enfin de
Lavigna le certificat de fin d’études qui lui permet de prétendre à l’emploi de
maestro di cappella.

C’est la mort dans l’âme que Giuseppe retourne cet été-là à Busseto. Margherita
Barezzi l’a bien compris qui déclare à Ferdinando Galuzzi, le nouveau maire : «
Verdi ne se fixera jamais, pour rien au monde à Busseto. Il a décidé de se
consacrer à la musique lyrique et c’est dans ce domaine-là qu’il réussira, non dans
celui de la musique religieuse23 ».

La carrière
Maître de musique à Busseto

Les prénoms de Virginia et Icilio Romano sont choisis en l’honneur du dramaturge


piémontais Vittorio Alfieri et en référence aux sentiments républicains et
patriotiques clairement affichés du couple Verdi.
Provesi, le vieux maître de Verdi à Busseto, est mort depuis deux ans24. Dès lors
s’est ouverte entre libéraux laïques et conservateurs cléricaux, entre Coccardini
et Codini, une guerre de succession clochemerlesque25, chaque faction cherchant à
placer son champion.

L’enjeu en est le double poste, indissociable, de maître de musique et dirigeant de


la Filarmonica, rémunéré par les premiers, et de maître de chapelle et organiste
payé par les seconds. Bien que le gouvernement ducal ait pris la décision d’ouvrir
le concours en juin 1835, l’annonce n’en est rendue publique qu’en février 1836.
Entretemps, Verdi a repris en main la Filarmonica et donne des concerts avec
l’orchestre et des récitals d’orgue. Le 27 février, il se présente à l’examen
devant Giuseppe Alvinovi, maître de chapelle de la cour du duché de Parme et ami du
grand Niccolò Paganini. Satisfaction sans réserve du maître qui aurait même déclaré
que Verdi était le « Paganini du piano »26, offrant à Giuseppe une belle revanche
sur son échec milanais. Le 5 mars, Verdi est officiellement maître de musique de
Busseto. Le 20 avril, il signe avec la commune, représentée par Antonio Accarini,
président du monte di pietà, un contrat léonin : salaire on ne peut plus modeste
contre résidence obligatoire à Busseto, cinq leçons hebdomadaires à chaque élève en
clavecin, piano, orgue, chant, contrepoint et composition, procurer les instruments
nécessaires, direction de la société philharmonique pour tous les concerts et
toutes les répétitions, pendant neuf ans, résiliable à trois ou six ans sous
condition de dédit. Verdi, qui a pu parler d’esclavage dans une lettre à Lavigna,
paye cher le soutien des Filarmonici.

Le 4 mai 1836, c’est un contrat nettement plus heureux que signe Peppino27 : il
épouse « Ghita » Barezzi après les brèves fiançailles qui ont suivi le si long
innamoramento. Le jeune couple, aidé là encore par Barezzi, s’installe au palais
Tebaldi où naissent, Virginia, le 27 mars 1837, et Icilio Romano, le 11 juillet
1838, dont les prénoms, qui manifestent les sentiments politiques et patriotiques
du jeune compositeur, sont inspirés par le théâtre de Vittorio Alfieri, auteur
d'une Virginia.

Malgré le peu de temps dont il dispose en dehors de ses activités de maître de


musique et des concerts avec la Filarmonica ou à l’orgue des églises de la région28
auxquels se presse un public enthousiaste, Verdi compose. De la musique
religieuse : un Tantum Ergo en fa majeur pour ténor et orchestre (1836), une Messa
di Gloria jouée le 8 octobre 1837 en l’Église Croix Saint Esprit de Plaisance. De
la musique profane : sur des poèmes de Vittorelli, Bianchi, Angiolini et Goethe
traduits par le docteur Luigi Ballestra, il écrit Sei romanze pour voix et piano
publiées cette même année par l’éditeur milanais Giovanni Canti. En 1838, deux
sinfonie sont créées par la Philharmonie.

Et il poursuit l’écriture de l’opéra rapporté de Milan.

Article détaillé : Liste des œuvres de Giuseppe Verdi#Liste par date de création.

Walter Scott, auteur de Lord Hamilton l’œuvre à l’origine du premier opéra de Verdi
En octobre 1837, Lord Hamilton dont le livret est inspiré d’un ouvrage de Walter
Scott consacré au Comte d’Arran, est terminé. Giuseppe Demaldè, cousin d’Antonio
Barezzi, secrétaire de la Filarmonica, trésorier du monte di pietà, ami et premier
biographe de Verdi, lui suggère de présenter son ouvrage à Parme. Mais, pour
l’impresario du Teatro Regio, « il est hors de question de prendre le moindre
risque pour un musicien dont la renommée ne s’étend guère qu’à quelques bourgades
du plat pays parmesan »29. Nul n’est prophète en son pays.

Même échec à Milan où l’influence de Pietro Massini, qui lui avait confié la
direction de l’orchestre des Filodrammatici à la fin de ses études et était devenu
son ami, le mettant en relation avec Antonio Piazza, le librettiste de son Lord
Hamilton, ne suffit pas à persuader Bartolomeo Merelli l’impresario de la Scala. La
recommandation du Comte Opprandino Arrivebene n’a pas plus d’effet lors du
déplacement du jeune compositeur à Milan au mois de mai 1838.
Verdi devra-t-il dès lors se résoudre à poursuivre cette carrière de maître de
musique à Busseto si éloignée de ses ambitions ?

Le 12 août 1838 la vie du jeune couple est affectée par la perte de la petite
Virginia. Une période de vacances leur permet cependant de trouver un dérivatif à
leur douleur en réalisant un nouveau voyage à Milan. Cette fois, le compositeur
trouve une écoute favorable auprès du Comte Borromeo auquel il est présenté par
Massini : son opéra sera donné lors de la soirée annuelle de bienfaisance du Pio
Istituto teatrale. Le triste événement et la reprise tant espérée de contact avec
la capitale de l’art lyrique conduisent Verdi, avec l’accord de Ghita, à prendre
une décision radicale. Le 28 octobre 1838, il écrit au maire de Busseto :

« Monsieur le Maire,
Je m’aperçois, hélas, que je ne puis rendre à ma malheureuse patrie les services
dont j’aurais voulu m’acquitter envers elle. Je regrette que les circonstances ne
me permettent pas de donner une preuve effective de mon attachement à la cité qui,
la première, m’a donné le moyen de progresser dans l’art que je professe.
La nécessité où je suis de me procurer les moyens suffisants pour nourrir ma
famille me pousse à chercher ailleurs ce que je ne peux obtenir dans ma patrie.
C’est pour cela que, me conformant aux dispositions de l’article 8 du contrat passé
entre la mairie et moi-même le 20 avril 1836, j’annonce à Votre Excellence, avant
que n’expirent les six mois de préavis, que je ne continuerai plus à servir en
qualité de maître de musique après le 10 mai 1839.
Je conserverai dans mon cœur la plus vive affection pour ma patrie et une
reconnaissante estime pour ceux qui m’y ont aimé, encouragé et assisté […]30 »

Compositeur d’opéras à Milan


De Lord Hamilton à Oberto, en passant par Rocester
Article détaillé : Oberto, Conte di San Bonifacio (1839, Milan).
Verdi revient le 6 février 1839 s’installer à Milan avec Margherita et Icilio
Romano. Les répétitions d’Oberto débutent au printemps avec une distribution de
rêve, dont Giuseppina Strepponi, mais sont interrompues du fait des défections
successives. Contre toute attente, Merelli accepte finalement de monter l’opéra qui
serait donné à la Scala après la première prévue au Pio Istituto et après quelques
retouches apportées au livret par Temistocle Solera et à la partition par l’ajout
d’un quatuor vocal.

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